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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 23 janvier 2020 - Vol. 45 N° 65

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin


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Table des matières

Auditions (suite)

Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM)

L'Union des producteurs agricoles (UPA)

M. André Blais

Nouveau Parti démocratique du Québec (NPDQ)

Parti conservateur du Québec (PCQ)

Autres intervenants

M. André Bachand, président

Mme Sonia LeBel

M. Marc Tanguay

Mme Paule Robitaille

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Harold LeBel

Mme Catherine Fournier

*          Mme Linda Crevier, Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec

*          Mme Marie-Andrée Gauthier, idem

*          Mme Audrey Gosselin Pellerin, idem

*          Mme Sonia Éthier, CSQ

*          M. Mario Beauchemin, idem

*          M. Matthieu Pelard, idem

*          M. Alain Marois, FAE

*          Mme Alice Lepetit, idem

*          M. Jacques Demers, FQM

*          Mme Claire Bolduc, idem

*          M. Sylvain Lepage, idem

*          M. Maxime Laporte, SSJBM

*          M. Marcel Groleau, UPA

*          M. Guy Des Rosiers, idem

*          M. Raphaël Fortin, NPDQ

*          Mme Mona Belleau, idem

*          M. Guy Morissette, PCQ

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin à tous et à toutes.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite la bienvenue, et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la petite sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Allaire (Maskinongé) remplace M. Lafrenière (Vachon); M. Lemay (Masson) remplace M. Lamothe (Ungava); M. Poulin (Beauce-Sud) remplace Mme Lecours (Les Plaines); Mme Jeannotte (Labelle) remplace M. Lévesque (Chapleau); M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs) remplace M. Martel (Nicolet-Bécancour); et M. Nadeau-Dubois (Gouin) remplace M. Fontecilla (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Également, j'aurais besoin du consentement pour que la députée de Marie-Victorin puisse assister à la séance d'aujourd'hui. Consentement?

Des voix : Consentement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bachand) : Consentement. Merci beaucoup.

Donc, ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires puis nous entendrons les groupes suivants... Non, il n'y a pas de remarques préliminaires, ce matin, désolé, c'est les groupes. On l'a fait hier, on ne répétera pas ça ce matin, vous serez d'accord. Donc, nous allons avoir quatre groupes ce matin : le Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec, la Centrale des syndicats du Québec, la Fédération autonome de l'enseignement ainsi que la Fédération québécoise des municipalités.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentantes du Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes de présentation, après ça on a un échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous. Merci beaucoup.

Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec

Mme Crevier (Linda) : Oui. Bonjour, mesdames et messieurs. Nous sommes heureuses d'être ici afin de participer aux consultations sur le projet de loi n° 39.

Le Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec est un regroupement féministe de défense collective des droits constitué en 1997. Chacune des 17 tables régionales de groupes de femmes du Québec sont membres actives du réseau et représentent ensemble 426 groupes membres qui rejoignent au quotidien des centaines de milliers de femmes d'âges, de religions, d'orientations sexuelles et d'origines diverses. Il est le plus gros regroupement féministe multisectoriel au Québec. Porte-voix des régions, il favorise la prise de parole collective des tables régionales tout en respectant les particularités régionales. De plus, le réseau travaille en complémentarité et en collaboration avec l'ensemble des groupes et des regroupements nationaux du mouvement des femmes ainsi qu'avec différents partenaires partageant les mêmes valeurs.

Le présent mémoire est le fruit d'une réflexion collective faite par le réseau en collaboration avec les tables de groupes de femmes membres de ce réseau. Il vise à bonifier ce projet de loi à l'aide de mesures structurelles pour une représentation paritaire diversifiée et équitable pour les régions.

En premier lieu, le réseau souhaite rappeler que les femmes du Québec font toujours face à une discrimination systémique et qu'il demeure des inégalités persistantes, notamment en ce qui a trait à l'accès des femmes au pouvoir. Nous voulons une égalité différenciée, pluraliste et inclusive, notamment des femmes autochtones, des femmes racisées, immigrantes, des femmes de la diversité sexuelle, des jeunes femmes et des femmes vivant avec un handicap. Nous défendons que la sous-représentation des femmes dans les lieux de pouvoir est une tendance qui ne saurait être démentie par les résultats d'une seule élection, celle de 2018. Nous constatons que le gouvernement a manqué l'occasion d'envoyer un signal fort en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, car le projet de loi à l'étude ne comporte aucune mesure permettant véritablement de corriger le déficit démocratique de la sous-représentation politique des femmes.

Nous croyons fermement qu'il faut enchâsser la parité dans le projet de loi sur la réforme du mode de scrutin pour que des mesures structurelles en découlent et qu'ainsi une société égalitaire soit réellement prônée et mise en valeur au Québec. C'est pourquoi le Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec propose que la parité soit inscrite dans la Loi électorale du Québec afin de lancer un message politique clair à la société.

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : Afin de réellement favoriser la représentation paritaire et diversifiée des femmes, la mise en place d'un nouveau mode de scrutin doit être complétée par des mesures structurelles contraignantes et incitatives qui donnent des résultats tangibles. Pour cette raison, nous proposons que les partis soient tenus de présenter un minimum de 40 % de candidates aux sièges de circonscription et qu'ils poursuivent des efforts pour atteindre 50 % de candidates, que les listes régionales des partis comportent une alternance obligatoire de candidatures féminines et masculines, en commençant par une femme, que les partis soient tenus, dans chaque région, de présenter un nombre de candidatures de personnes issues des minorités ethnoculturelles équivalant à la composition sociodémographique de la région, et ce, tant pour les sièges de circonscription qu'au sein des listes régionales, où ces candidats et candidates devraient être positionnés en premier tiers de liste, que des données sur l'origine ethnoculturelle des candidates et des candidats et des élus soient intégrées aux différentes statistiques existantes lors d'élections. En plus de ces mesures, les partis devraient veiller au recrutement de candidates d'horizons divers, notamment des femmes de la diversité sexuelle, des jeunes femmes, des femmes monoparentales ou des femmes vivant avec un handicap.

Par ailleurs, la proposition gouvernementale interdit la double candidature, alors que cette mesure pourrait pallier certains des obstacles systémiques que doivent surmonter les candidates aux sièges de circonscription. Rappelons qu'il a été démontré qu'aux élections de 2018 les femmes étaient plus nombreuses que les hommes dans les circonscriptions dites casse-gueule. La double candidature permettrait à des candidates défaites au sein de circonscriptions quasi perdues d'avance d'accéder à l'Assemblée nationale si leur parti remporte des sièges de compensation. Par ailleurs, la double candidature permet d'augmenter l'impact des mesures d'alternance femmes-hommes et d'inclusion des minorités ethnoculturelles, puisqu'elle se répercute au niveau des circonscriptions.

Enfin, les partis politiques sont des acteurs centraux de la démocratie représentative au Québec. Il importe que les partis soient tenus à une obligation de moyens, mais également de résultats. Ainsi, nous proposons : que les partis soient tenus de se doter de deux plans d'action à l'interne et faire rapport annuellement au DGEQ — donc, il y aurait un premier plan d'action qui prévoit des mesures concrètes pour atteindre la parité et l'égalité entre les femmes et les hommes au sein du parti et un deuxième plan d'action pour atteindre une représentation équitable des minorités ethnoculturelles; de plus, qu'à compter de 40 % d'élues au sein d'un parti des bonifications financières au fonctionnement des partis soient octroyées et versées dans un fonds dédié à la réalisation du plan d'action en matière de parité et d'égalité; que, lorsque le pourcentage des personnes élues issues des minorités ethnoculturelles reflète la composition sociodémographique du Québec, des bonifications financières au fonctionnement des partis seraient octroyées — le travail de notre regroupement en soutien aux femmes souhaitant accéder aux postes de pouvoir nous a permis de constater que les ressources financières insuffisantes constituent un obstacle, rappelons que les femmes ont toujours un revenu inférieur aux hommes, l'écart étant encore plus marqué entre les femmes racisées et les hommes blancs; afin de pallier à cette discrimination systémique qui pose un frein à la représentation des femmes, qu'à compter de 40 % de candidatures féminines au sein d'un parti les candidates et les élus reçoivent un remboursement majoré de leurs dépenses électorales.

• (9 h 40) •

Mme Gosselin Pellerin (Audrey) : En deuxième lieu, le Réseau des tables partage la préoccupation gouvernementale quant à la représentation adéquate des régions à l'Assemblée nationale. Cela dit, nous constatons que, selon les règles de répartition des sièges de région proposées dans le projet de loi, quatre régions, soit l'Abitibi-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent, la Côte-Nord et la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, n'auraient qu'un seul siège de compensation et la région du Nord-du-Québec n'en aurait aucun. Le nombre de sièges de compensation pour ces régions nous apparaît insuffisant pour permettre de corriger les distorsions du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour. De même, elles sont insuffisantes, là, pour assurer, là, une réelle expression de la volonté populaire. Ces cinq régions n'auront donc pas véritablement accès à un système électoral proportionnel mixte. De fait, le modèle proposé instaurera une proportionnelle à deux vitesses, au détriment des régions peu densément peuplées.

De plus, la proposition gouvernementale instaure un système rendant impossible pour ces régions la mise en place de mesures structurelles permettant de favoriser une représentation juste des femmes dans toute leur diversité. En effet, avec des listes régionales de partis ne comportant qu'une seule personne, l'alternance femmes-hommes des candidatures est tout simplement irréalisable. Dès lors, le Réseau des tables propose que chaque région administrative dispose d'un minimum de deux sièges de compensation.

De surcroît, puisque notre regroupement documente depuis maintes années les obstacles auxquels se heurtent les femmes en politique, nous savons que plusieurs d'entre elles affirment vouloir faire de la politique autrement. Cette autre politique s'incarne notamment dans des partis émergents qui, à toutes fins pratiques, seraient exclus de l'Assemblée nationale en raison du seuil de 10 % proposé dans le projet de loi. Ces femmes se présentant sous la bannière de ces partis se retrouveraient donc elles aussi exclues de cette instance. C'est pourquoi le Réseau des tables propose que le seuil minimal d'attribution des sièges de compensation soit fixé à 3 % des votes valides exprimés à l'échelle du Québec.

En troisième lieu, nous rappelons que la société québécoise s'est maintes fois positionnée en faveur d'un changement du système électoral. De ce fait, nous affirmons qu'un référendum portant sur un nouveau mode de scrutin ne nous apparaît pas nécessaire. En outre, nous croyons que l'échéancier référendaire mis de l'avant ne favorisera pas un exercice de réflexion démocratique éclairé sur le mode de scrutin.

Mme Crevier (Linda) : En conclusion, le gouvernement a toutes les données et les analyses en main pour mettre en place un mode de scrutin respectueux des principes de reflet de la volonté populaire de représentation paritaire et diversifiée, de pluralisme politique et de représentation adéquate des régions. Il a l'occasion de démontrer qu'au contraire des gouvernements qui l'ont précédé il priorise l'intérêt de l'ensemble de la population québécoise à celui de son parti et qu'il n'a pas peur d'effectuer une réforme ambitieuse et vitale pour la santé démocratique au Québec. En définitive, cette réforme se doit d'être égalitaire et équitable pour toutes les femmes, sinon elle ne fera que réaffirmer un déni de justice historique. C'est pourquoi il est crucial de bonifier la proposition gouvernementale avec les mesures susmentionnées, basé sur l'expertise de notre regroupement en condition féminine et en soutien à l'action des femmes au pouvoir.

À la suite de la mise en oeuvre de cette réforme, le Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec soutient qu'il importerait de recourir à l'analyse différenciée selon les sexes afin d'effectuer l'évaluation du mode de scrutin. Nous invitons d'ailleurs le gouvernement à bonifier cet instrument de gouvernance reconnu depuis 1995 en y intégrant une perspective intersectionnelle afin d'évaluer les répercussions du mode de scrutin sur les femmes et les hommes d'horizons divers en tenant compte du genre et d'autres facteurs identitaires tels que l'âge, les handicaps, l'orientation sexuelle, l'orientation ethnique et le revenu.

Nous vous remercions pour cette opportunité de porter les voix des femmes des régions. Il est maintenant le temps de passer à l'action pour réellement affirmer qu'au Québec nous voulons une société égalitaire.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment de votre présentation. Période d'échange qui va débuter, maintenant, avec Mme la ministre, pour une période de 15 min 15 s. Mme la ministre.

Mme LeBel : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci de votre présence, merci de votre témoignage et merci, surtout, de votre mémoire, qui est quand même très bien étoffé, assez complet, surtout sur les enjeux qui vous préoccupent le plus. Vous avez abordé pas mal tous les sujets dans votre mémoire, mais peut-être que je vais en mettre en lumière quelques-uns pour fins de compléter un peu votre argumentaire et nous éclairer davantage.

Votre regroupement regroupe 17 tables régionales, si je ne me trompe pas, donc je comprends que... une table par région administrative actuelle? Parfait. Vous avez également indiqué, dans votre mémoire, que, bien que ce ne soit pas la position traditionnelle ou historique de la CSQ, la répartition de 80 sièges de circonscription et de 40 sièges régionaux vous apparaissait quand même...

Une voix : ...

Mme LeBel : Je ne suis pas à la bonne page? Non, je ne suis pas à la bonne page, pantoute, excusez-moi. Oui, non, j'étais dans la... J'ai passé... Qu'est-ce que vous pensez de la... Ma question, je l'avais... Mais qu'est-ce que vous pensez de la répartition? Parce que vous mentionnez que, pour des questions de proportionnalité... Je comprends parfaitement bien l'argumentaire de la proportionnalité et de la représentation, c'est-à-dire que l'objectif d'un nouveau mode de scrutin est d'avoir, naturellement, une représentation plus proportionnelle à l'Assemblée nationale. Effectivement, compte tenu de certains choix qui ont été faits de garder l'identité régionale, de préserver l'identité régionale, qui est très chère aux gens puis qui doit sûrement vous être véhiculée par vos 17 tables régionales, on a choisi de garder les 17 régions administratives. Il y a nécessairement... On l'a dit d'entrée de jeu et on ne s'en cache pas, chaque élément où on fait des choix, où on fait le choix de mettre de l'avant un principe plutôt qu'un autre a nécessairement un effet sur les autres principes. Ce sont tous des vases communicants. Vous prônez la diminution des régions administratives pour avoir une meilleure représentativité à l'intérieur des régions ou d'avoir moins de régions? Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?

Mme Gosselin Pellerin (Audrey) : En fait, on ne propose pas... notre proposition ne va pas dans le sens de réduire le nombre de régions. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on croit que chaque région administrative doit avoir un minimum de deux sièges de compensation pour que chaque région puisse avoir accès à la proportionnalité, à ce que soit exprimé le pluralisme politique des électeurs et des électrices de chacune de ces régions.

Mme LeBel : ...nécessairement soit une diminution du nombre de régions administratives ou une augmentation du nombre d'élus à l'Assemblée nationale. Je veux dire, avez-vous anticipé l'effet de ça? Parce que nous, on garantit des sièges, dans le projet de loi, on garantit un siège de circonscription et un minimum d'un siège de région par circonscription, à l'exception d'Ungava. Donc, on a une certaine garantie. Cette garantie-là a des conséquences sur d'autres aspects, c'est-à-dire que, on l'a vu dans les journaux, ça fait en sorte que certaines régions perdent des sièges. Donc, avez-vous envisagé les conséquences? Parce que ce sont des vases communicants. Nous essayons de trouver le mode de scrutin qui va rallier le consensus le plus large possible, parce que l'objectif est qu'il soit accepté et qu'il passe, ultimement, tous les tests, donc celui de l'Assemblée et, plus tard, celui du référendum. Il y a des choix à faire. Il y a des choix à faire. Naturellement, certains choix affectent l'indice de proportionnalité, nous en sommes conscients, et c'est pour ça qu'on discute avec les groupes. On est en consultations pour trouver la meilleure zone possible mais acceptable aussi par le plus grand nombre de gens possible pour se donner la chance de franchir ce pas historique, je pense, pour la société québécoise. Alors, avez-vous anticipé l'effet que ça aurait? Et avez-vous discuté avec vos 17 tables régionales de l'effet que ça aurait? Parce qu'il va y avoir un effet. Le principe que vous mettez de l'avant est fort louable et théoriquement vrai, mais on ne vit pas juste dans la théorie, on vit dans la pratique. Donc, je voulais voir si vous aviez discuté des effets et anticipé les effets de ça et quelle était la réaction de vos membres, surtout.

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : Bien, ça a donné lieu à une discussion très riche, chacune avait son mot à dire sur la question. On est conscientes des conséquences qu'il pourrait y avoir pour certaines régions. On est surtout conscientes qu'il pourrait y avoir des conséquences positives ou des gains pour d'autres régions puis qu'au Québec, oui, l'objectif d'une réforme du mode de scrutin est d'être plus proportionnel, mais c'est aussi, pour nous, une occasion d'être plus égalitaire, plus diversifié, et donc d'atteindre un pluralisme politique. Et, sur ce, nos 17 membres des 17 régions administratives étaient d'accord que l'objectif qu'on poursuivait avec nos propositions était d'avoir une société plus égalitaire, plus diversifiée. Donc, pour nous, le fait d'avoir plus... d'avoir deux sièges de compensation par région venait à assurer un pluralisme politique qui convenait à l'ensemble de nos membres.

Mme LeBel : O.K. Ce qui m'amène au seuil de 3 %, qui est un peu interrelié avec cette même notion de pluralisme politique, vous l'avez dit, on en a discuté, quand même, avec plusieurs groupes, hier, qui nous... Bon, le seuil, présentement, de discussion est fixé à 10 %, mais une discussion est ouverte sur ce sujet-là. Certains nous ont proposé des seuils, bon, de 5 %, d'autres de 2 %. Alors, pourquoi vous avez fixé à 3 %? Et qu'est-ce qui fait que... La majorité ont dit 5 %, même, d'ailleurs, hier, pour diverses raisons. Mais qu'est-ce qui fait que vous avez choisi le nombre de 3 %? Pourquoi 3 %, dans votre cas?

Mme Gosselin Pellerin (Audrey) : Bien, je pense qu'on partage avec toutes ces organisations-là que le seuil de 10 % nous apparaît trop élevé, est un trop grand frein au pluralisme politique. On a choisi 3 %, c'est le cas du Mouvement Démocratie nouvelle aussi, on estime que c'est un seuil adéquat pour vraiment permettre...

Mme LeBel : 5 % serait également adéquat, selon votre évaluation.

 (9 h 50)

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : En fait, le plus important pour nous, c'est que plus le seuil est élevé, moins les résultats sont proportionnels, puis ça, c'est le DGEQ qui l'a dit dans un rapport en 2007. Donc, pour nous, 3 %, ça nous amène à atteindre notre objectif de pluralisme politique puis de refléter la volonté populaire. Si le seuil est un frein, on n'aura pas le pluralisme politique. Donc, 10 %, pour nous, c'est trop; 3 %, c'est notre idéal, ça nous apparaît plus adéquat; 5 %, c'est la mesure mitoyenne.

Mme LeBel : Merci. Parlons de la double candidature un peu. Vous l'avez mentionné au passage, mais, même si ce n'est pas un élément qui est central à la notion de proportionnalité, on s'entend que ça n'a pas d'effet sur la proportionnalité nécessairement. Qu'est-ce que vous avez... Peut-être nous en dire un peu plus. Et pourquoi vous favorisez la double candidature?

Je dois vous dire que, dans mes consultations préalables — parce que j'ai rencontré beaucoup de personnes, et, dans certains mémoires, d'ailleurs, c'est soulevé — ressort la notion de cohabitation d'élus, comment on va organiser les gens qui sont élus par le mode de scrutin traditionnel, c'est-à-dire à travers la porte de la circonscription, et ceux qui accèdent à l'Assemblée nationale à travers la porte des listes, pour le dire comme ça. Une fois assis à l'Assemblée nationale, ce sont tous des députés dûment élus et légitimement élus, avec la même légitimité — moi, j'y crois — avec les mêmes fonctions, avec la même autorité. Mais certains craignent la cohabitation et, entre autres, je m'explique, le fait qu'un député de circonscription qui se retrouverait à la fois sur la liste pourrait théoriquement avoir été battu dans la circonscription, c'est-à-dire ne pas avoir été choisi par les gens, et se retrouver, par le biais de la redistribution, du calcul de redistribution, peu importe qu'on la prenne nationale, régionale — peu importe, là, ce n'est pas ça, mon propos — se retrouver à siéger dans la même région que l'adversaire contre qui il a fait campagne, qu'ils se retrouvent donc à travailler ensemble pour la même région, mais un ayant été battu et l'autre ayant accédé par la liste. Donc, est-ce que vous y voyez, vous, peut-être, un enjeu? Et pourquoi vous préconisez tout de même la double candidature malgré ces arguments-là?

Mme Gosselin Pellerin (Audrey) : En fait, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on veut éviter qu'il y ait une hiérarchie entre les deux types de députés que ce système créerait. Selon nous, le fait, là, de permettre la double candidature, on l'a mentionné, c'est inscrit dans notre mémoire, ça permettrait à des femmes qui... on l'a vu en 2018, ça a été démontré, là, dans un article de Noémi Mercier, qu'elles sont plus nombreuses dans les circonscriptions casse-gueule. Ça leur permettrait, disons, de... ça nous permettrait de pallier à cet obstacle systémique auquel elles sont confrontées.

Il y a aussi le fait que les personnes, donc, qui seraient dans les... candidates, candidats dans les sièges de région pourraient donc faire campagne, puisqu'ils se présenteraient également pour des sièges de circonscription, donc feraient campagne, se feraient connaître par la population, ce qui pourrait éviter, là, l'aspect où les gens disent que les députés de sièges de région ne seraient pas connectés avec la population. Donc, on estime que, pour ça, ça viendrait bonifier notre démocratie. Et puis on estime que la population souhaite que les députés collaborent, et donc, dans ce sens-là, on veut... même si des candidats s'opposent, bien, par la suite, ils doivent, pour représenter la population, travailler ensemble.

Mme LeBel : D'où le changement de culture qui sera nécessaire, par contre.

Mme Gosselin Pellerin (Audrey) : Voilà. D'où faire la politique autrement.

Mme LeBel : Je pense que c'est un des éléments clés d'une réforme du mode de scrutin tel qu'on le propose, c'est d'avoir une mentalité, une façon de faire différente dans le futur. Merci.

Parlons, bon, de la parité, naturellement, qui est un des éléments qui vous tient le plus à coeur... pas le plus, mais un des éléments qui vous tient très à coeur. Vous nous suggérez... Bon, on parle des listes, de l'alternance sur les listes, ça revient dans plusieurs discussions qu'on a eues dans la journée d'hier. Vous introduisez, par contre, un seuil minimal de 40 % de candidatures au niveau des sièges de circonscription. Par rapport aux listes, on l'a vu hier, on avait, bon, le rejet de la liste, qui pourrait être la conséquence ultime, c'est-à-dire, tant qu'elle n'est pas conforme, naturellement, on permettrait aux partis politiques, théoriquement, dans la discussion qu'on a eue hier... et je mets ça sur la table pour fins de réflexion, on verra ce qu'on fera avec ça plus tard, mais on pourrait permettre aux partis d'adapter leurs listes jusqu'à ce qu'elles soient jugées conformes. Naturellement, il y a toujours une date limite à tout ça.

Mais, en matière de circonscriptions, députés de circonscription, on le sait, la plupart ou la majorité des collègues sont dans des partis politiques où on fonctionne avec un autre palier de démocratie, qui est l'investiture. Donc, comment peut-on leur permettre de garantir ça? Et quelle serait la conséquence de ne pas respecter 40 %? Parce qu'à toute obligation prend une conséquence. Donc, quelle serait la conséquence? Et comment vous proposez que ça ne devienne pas un obstacle? Parce qu'il faut quand même... Je suis pour des mesures les plus incitatives possible, mais, encore une fois, je me dis, on ne vit pas dans la théorie, on vit dans le vrai monde, là. Il faut les recruter, ces femmes-là, et les difficultés de recrutement ne sont pas quelque chose qu'il faut ignorer, non plus, malgré la bonne volonté de tout le monde.

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : Tout à fait. Bien, deux choses. La première, c'est pour ça qu'on prévoit... on propose, dans notre mémoire, qu'il y ait des plans d'action qui soient associés à chacune des mesures. Donc, via un plan d'action, il y aurait des mesures, avec le soutien financier adéquat, pour réfléchir à ces questions. Puis on pense aussi que le DGEQ a une part de travail à faire ou de réflexion pour alimenter la prochaine loi qu'on va avoir. On peut imaginer une période, entre le projet de loi puis l'adoption de la loi, où le DGEQ pourrait contribuer aux réflexions.

Chose certaine, pour nous, l'alternance femmes-hommes dans les listes régionales est une mesure positive pour corriger une discrimination historique, une discrimination systémique historique. Après, il faut trouver les bonnes mesures pour pallier à cette tendance. Est-ce que le rejet de la liste est une option, pourrait être une option envisagée? On n'a pas poussé nos réflexions plus loin sur le rejet.

Mme LeBel : ...liste, ça me va, parce qu'il y a plusieurs options qui nous viennent en tête, et, sur la liste, bon... théoriquement, au moment où on se parle, sur la liste, les partis politiques risquent d'avoir plus de latitude. On verra les statuts de chacun, puis je ne veux pas me mêler de ça, mais théoriquement. Mais, en matière de circonscriptions, je voulais voir, qu'est-ce que vous... Est-ce que c'est le rejet de la candidature? Et de quelle candidature? Parce que, s'ils atteignent 30%, 70 % des hommes, quelles candidatures, quelles circonscriptions, quels rejets, qui on rejette? Je veux dire... Et là on entre tous dans le droit de se présenter, le droit d'association. Je veux juste qu'on... Je veux qu'on soit clairs, je suis pour la parité, naturellement, je veux dire, et c'est une des raisons, probablement, pour lesquelles je suis assise ici, mais il faut que ce soit faisable. Donc, je voulais juste voir par rapport aux circonscriptions, mais je comprends que la réflexion est à pousser puis je respecte ça.

C'est parce que je veux juste vous amener, peut-être, sur un autre point, où vous, vous parlez qu'à compter de 40 % d'élues il y ait une bonification financière accordée aux partis politiques. Là, on entre dans un domaine beaucoup plus délicat, parce que l'élection d'un candidat, c'est le choix des citoyens. Et j'y vois une certaine... même si c'est noble, et je trouve ça extrêmement louable, j'y vois une certaine forme d'iniquité pour les partis qui auront fait tous les efforts, auront présenté votre 40 % de candidatures, auront fait l'alternance sur les listes mais n'auront pas atteint, pour toutes sortes de raisons, le 40 % d'élues que vous préconisez. N'y voyez-vous pas une forme d'iniquité pour les partis qui auront fait l'exercice et...

• (10 heures) •

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : Non, nous, on n'y voit pas une forme d'iniquité, c'est plutôt une façon de renforcer les efforts vers l'égalité. Puis on pense que, quand le système va être inclusif, quand le système va être à la lumière... à l'image des citoyennes du Québec, on pense qu'il va... on émet l'hypothèse qu'il va y avoir plus de candidates qui vont se présenter au sein des partis. L'idée est de changer le système. Le système, actuellement, ne permet pas d'assurer une représentativité, une parité. On ne s'y retrouve pas, en tant que citoyennes. Il n'y a pas de femmes en situation de handicap visible, ou peu, ou très peu, il y a peu de femmes racisées, il y a peu de femmes... Il y a peu de mesures, aussi, pour conciliation famille-implication parlementaire. Toutes ces mesures... L'absence de ces mesures-là fait en sorte qu'il n'y a pas... on n'atteint... Comment on peut s'assurer qu'à long terme on va atteindre une zone de parité au Québec? L'idée est de changer systématiquement la Loi électorale pour corriger ces inégalités qui sont historiques.

Donc, pour nous, les bonifications financières viseraient à renforcer les efforts des partis, et, des femmes, comme je le répète, on émet l'hypothèse qu'il y en aura, au sein des partis. L'idée est de... Puis on peut, encore là, imaginer une période où il y aurait ces bonifications financières là, puis après elles pourraient s'estomper au fur et à mesure du temps avec une évaluation, d'où l'idée d'un plan d'action qui a des mesures, du soutien financier, une évaluation qui est prévue. C'est quelque chose de majeur que vous proposez comme projet de loi. L'idée, c'est aussi de se donner les moyens de le mener à terme et à long terme.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je me tourne maintenant vers l'opposition officielle pour une période de 10 min 10 s. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue. Bon matin, mesdames. Merci de participer à la discussion dans le contexte du projet de loi n° 39.

Je vais aborder deux sujets puis je voudrai absolument laisser du temps à ma collègue, M. le Président, avec votre permission, pour poursuivre sur les mesures de parité et comment on peut atteindre ces objectifs extrêmement importants. Mes deux points seront, d'abord, sur le référendum et, le second, sur la proportionnelle à deux vitesses qui est initiée par ce projet de loi là tel que rédigé.

Référendum. L'entente signée par le premier ministre en mai 2018 ne parlait pas de référendum. L'entente — puis je vous vois acquiescer — prévoyait que la dernière élection, c'était l'esprit. Certains vont vous dire : Ah! on va vous plaider la lettre, mais l'esprit était clairement que l'engagement qui avait été signé par le premier ministre était à l'effet que les dernières élections sous l'actuel système électoral, c'étaient celles de 2018, puis, en 2022, ce serait sur le nouveau proportionnel mixte, en ce sens-là. Donc, il y a eu volte-face du premier ministre et il y aura un référendum. C'est ce qui est prévu.

Donc, de un, vous le déplorez, vous dites : Il n'y a pas besoin de référendum, qu'on respecte l'entente. Ce n'est pas la situation, ça ne sera pas le cas. Deuxième élément aussi, et je vous cite, page 18 : «...la tenue d'élections générales et référendaires simultanées ne favorisant pas un exercice de réflexion démocratique éclairée sur le mode de scrutin.» J'aimerais vous entendre là-dessus pour que... Et ça, là, à l'heure actuelle, là, c'est unanime, là. On me détrompera, là, mais vous êtes le 10e groupe qu'on entend, c'est unanime à l'effet qu'on ne peut pas tenir un référendum en même temps qu'une élection. J'aimerais vous entendre là-dessus. Pourquoi ça ne tient pas la route?

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : Ça ne tient pas la route parce que ça fait 50 ans que la société québécoise réfléchit puis s'est positionnée en faveur d'un changement du système électoral. Depuis 1970, il y a eu sept consultations parlementaires ou paragouvernementales qui ont eu lieu. De tous ces processus-là, il est ressorti six rapports officiels, donc incluant celui de 2008 du DGEQ, qui, tous, concluaient à la nécessité de remplacement du mode actuel. Donc, on ne voit pas pourquoi il faudrait encore une fois aller en... bien, encore une fois aller en référendum, mais tenir un référendum sur cette question-là, alors que la société québécoise s'est déjà penchée sur la question.

Puis aussi les provinces qui ont tenu des référendums n'avaient pas emprunté tout le parcours qu'on a là, actuellement, ni ne disposaient d'un historique aussi long. Pour nous, il est important de respecter les processus citoyens démocratiques qui ont déjà eu lieu par le passé, donc depuis 1970, et auxquels ont largement participé la population, la société civile, les groupes de femmes. Donc, pour nous, il n'est plus question de répéter des choses qui ont déjà été faites, il faut maintenant passer à l'action.

M. Tanguay : Sur l'aspect de tenir une campagne électorale en même temps qu'un référendum, vous dites que ce n'est pas une bonne réflexion démocratique. En quoi ce n'est pas un bon exercice démocratique de faire les deux en même temps?

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : Bien, parce qu'il y aura... il y a plusieurs enjeux qui sont traités dans le cadre d'une élection, donc d'ajouter en plus un référendum avec autant d'articles, autant de dispositions, il y aurait là toute une éducation populaire à faire qui, un, a déjà été faite puis, deux, les gens... ça pourrait apporter de la confusion. Et donc on aurait une réforme du mode de scrutin qui n'aurait pas lieu, et donc on n'aurait pas la parité non plus... qui serait pour les prochaines élections. Pour nous aussi, la parité n'est pas un enjeu à mettre dans un référendum.

M. Tanguay : Ah! tout à fait. Et ça, ça a déjà été dit, effectivement. Ça a déjà été dit, vous y faites écho. Effectivement, il y aurait moyen... Ça a même été proposé hier par le groupe femmes et démocratie, à l'effet de dire : Bien, faites en sorte qu'à tout le moins il y ait un plan A, c'est que l'on fasse des mesures impératives pour la parité pour ce qui est des candidatures et, le cas échéant, des femmes élues, mais sortez ça de la réforme du mode de scrutin et faites en sorte, puisqu'on travaille sur la Loi électorale qui est ouverte devant nous, que ça soit mis en place indépendamment du mode de scrutin et indépendamment du référendum. S'il devait... Donc, je veux... Vous ne l'abordez pas directement, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Si d'aventure il y a un référendum, évidemment, vous dites : Ne le faites pas en même temps que l'élection. Vous n'avez peut-être pas verbalisé cette approche-là, mais je prends pour acquis que, vous, s'il y a un référendum, à ce moment-là, vous le voudriez avant l'élection générale et non pas après, l'autre bord des élections, parce que, là, il est clair que, là, on retarderait le processus de mise en place, là. C'est ce que je comprends, même si ce n'est pas rédigé dans votre mémoire.

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : Bien, dans le fond, notre proposition qui irait dans ce sens-là, c'est que la campagne du scrutin référendaire ne chevauche pas une élection générale, donc idéalement avant, surtout dans le cadre d'un mandat du gouvernement actuel.

M. Tanguay : Et le scénario où ce serait après, là, vous, là, c'est le pire des scénarios. Je veux dire, après le référendum, pour la mise en application après les élections de 2022, pour vous, ce serait le pire des scénarios. J'en déduis cela, là.

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : Parce que le pire des scénarios, ça serait de rester avec le système qu'on a actuellement, et donc après, ça ne serait vraiment pas souhaitable, considérant tous les efforts qu'on a mis, à court terme, pour participer à cette consultation, notamment.

M. Tanguay : Merci beaucoup. Page 16 de votre mémoire, vous dites : «...quatre régions n'auraient qu'un seul siège de compensation et une région n'en aurait aucun.» C'est ce qui vous fait dire qu'il s'agit d'une proportionnelle... le projet de loi n° 39, c'est une «proportionnelle à deux vitesses», cinq régions n'auront pas véritablement accès à un système électoral proportionnel mixte. Et là j'aimerais vous entendre là-dessus. Donc, il y aura 17 régions administratives. Vous soulevez qu'il y a des régions qui vont être pénalisées en termes de poids représentatif. Deux choses l'une, est-ce qu'on diminue le nombre de régions ou est-ce qu'on augmente le nombre de députés? Et ça, vous allez me permettre... Puis je veux laisser du temps à ma collègue, là. Ça, là, on touche au coeur d'un grief fondamental qui fait en sorte que, pour nous, nous disons que ça ne tient pas la route. Il faut avoir la politique et les systèmes électoraux de sa géographie.

On va souvent citer l'Écosse, l'Écosse qui rentre 20 fois dans le Québec et qui a 129 députés. Une fois qu'on a dit ça, ça peut marcher en Écosse, mais ça marche difficilement au Québec, où on est 20 fois plus gros que l'Écosse et on a moins de députés. Une fois que j'ai dit ça, ça, c'est mon argument, ce n'est pas le vôtre, je ne mets pas des mots dans la bouche, mais vous avez ciblé là une proportionnelle à deux vitesses, vous le verbalisez en ce sens-là, où vous dites : Bien, ça ne tient pas la route, là, il faut faire quelque chose, là.

Mme Gosselin Pellerin (Audrey) : Donc, effectivement, on estime que, pour l'instant, dans les mesures proposées, ce n'est pas toutes les régions, là, qui ont le même accès à la proportionnalité. Cela dit, nous, on souhaite qu'il y ait l'élément proportionnel et qu'il soit implanté dans chaque région, puis on estime qu'avec au moins un minimum de deux sièges de compensation par région on peut exprimer le pluralisme politique. Mais rappelons-nous, nous voulons également que chaque région ait accès aux mesures qui permettent, là, d'accéder à la parité femmes-hommes, donc que chaque région puisse avoir l'alternance femmes-hommes sur les listes régionales de parti.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, pour 2 min 40 s.

Mme Robitaille : 2 min 40 s, O.K. Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci, mesdames, d'être ici aujourd'hui.

Écoutez, je veux juste faire un petit «wrap-up», justement, sur la parité. Quand on regarde le projet de loi, en fait, on parle de parité, grosso modo, à deux endroits, puis on répète la même chose à l'avant-dernier paragraphe du préambule et puis à l'article 259.0.4, qui, en fait, dit que les partis politiques devraient se donner des objectifs de parité et les énoncer au Directeur général des élections mais sans devoir prendre aucun engagement.

Vous, vous regardez ça puis vous nous dites : Bien, est-ce que ce n'est pas juste cosmétique? On l'a entendu plus tôt, d'autres groupes de femmes nous ont dit : C'est très, très timide. Vous, vous allez plus loin, vous nous dites : «Or, nous constatons que le gouvernement a manqué l'occasion d'envoyer un signal fort en faveur de l'égalité entre les [hommes] et les [femmes].» Vous êtes déçues de ce projet de loi là en termes de parité?

Mme Crevier (Linda) : Bien sûr, parce que ça fait... comme on expliquait, l'historique démontre que la parité n'est pas là. En 2018, quelque chose est arrivé, donc c'est 42 %, on le félicite, mais est-ce qu'on va maintenir ça? Le fait que ça a fonctionné... Il faut assurer qu'on ne fait pas de recul, qu'on avance, qu'on aille vraiment pour une vraie égalité. Dans la société, quand on travaille, on doit, justement, rendre compte. Il y a des façons de faire, d'avoir des plans d'action et des façons de suivre l'évolution de ça. Il y a d'autres pays qui sont dans ce processus-là, qui ont fait des réussites, justement, à copier, donc c'est possible. C'est sûr qu'on voudrait vraiment avoir quelque chose de plus dans la loi.

• (10 h 10) •

Mme Robitaille : Vous nous dites : Plus structurant, incitatif, hein, pour avoir entre 40 % et 60 %, très important, mais vous allez encore plus loin. On en a parlé hier, le Conseil du statut de la femme avait des positions un peu différentes là-dessus, mais vous nous dites : On devrait carrément donner... vous en parliez à la ministre tout à l'heure, aller... en tout cas, inciter, donner certain... En tout cas, comment vous disiez ça, bonifier financièrement les partis qui ont 40 % de plus d'élues, de femmes? Pourquoi aller aussi loin? Pourquoi aller plus loin que l'exercice démocratique, en fait, serrer la vis, d'une certaine façon?

Le Président (M. Bachand) : Malheureusement, tout le temps a été fait, est passé. Là, le député de Gouin a la parole. M. le député de Gouin, pour 2 min 32 s.

M. Nadeau-Dubois : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames, merci d'être ici avec nous aujourd'hui. J'ai peu de temps, je vais aller directement à ma question. Vous proposez des mesures d'alternance pour les listes — on est bien d'accord avec vous là-dessus — des mesures incitatives et aussi des mesures punitives pour ce qui est des candidatures en circonscription. Mais votre première proposition, c'est d'inscrire la parité dans la Loi électorale pour lancer un message politique. J'aimerais que vous nous parliez de cette première recommandation là. Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Puis surtout quelle forme ça pourrait prendre, concrètement, dans le projet de loi?

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : Bien, en fait, concrètement, ça sera des mesures structurelles contraignantes, incitatives, parce que, si... On veut inscrire la parité dans la loi parce qu'au Québec les femmes font toujours face à des discriminations systémiques : il y a des inégalités persistantes qui demeurent, il y a des obstacles systémiques, par exemple la socialisation sexiste, le poids inégal des responsabilités domestiques, familiales ou de proche aidance, il y a un financement d'investiture inaccessible pour plusieurs, il y a des difficultés d'accès à des circonscriptions gagnables, il y a des traitements médiatiques inégaux, il y a des réseaux sociaux insuffisants. Donc, voilà tous des exemples de discrimination systémique. Donc, quand il y a un système qu'il faut changer, il faut qu'on ait une loi, il faut qu'on ait des mesures qui nous permettent d'aller à la source du problème et, pour ce faire, il faut que la parité soit inscrite dûment dans la loi.

M. Nadeau-Dubois : Votre 12e recommandation, c'est de s'assurer qu'il y ait un minimum de deux sièges de compensation par région. Si pour atteindre... si pour remplir cette recommandation-là, si pour la satisfaire, il fallait augmenter le nombre de députés, disons, au total, à l'Assemblée nationale du Québec, est-ce que, pour vous, il y aura un problème? Est-ce que vous avez un problème avec ça ou est-ce que... En fait, est-ce que vous en avez parlé avec vos membres? Est-ce que c'est quelque chose que vous êtes prêtes à envisager?

Mme Crevier (Linda) : Les discussions, ce que je me souviens, c'est qu'on est à l'aise avec ça si on était, justement, pour être capables de répondre aux besoins de la population puis atteindre la parité.

M. Nadeau-Dubois : Donc, pour vous, ce n'est pas un problème qu'il y ait, disons, 127, 128, 129 élus plutôt que 125?

Mme Crevier (Linda) : Non.

M. Nadeau-Dubois : Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.

M. LeBel : Bonjour. C'était un peu ma question, parce qu'effectivement — moi, je viens du Bas-du-Fleuve — si on rajoute un député de plus, même chose en Gaspésie, au bout de la ligne, c'est certain que ça va augmenter le nombre de députés. Il ne faudrait pas aller chercher des députés de liste ailleurs pour les amener dans le Bas-Saint-Laurent. Ce n'était pas ça, votre idée?

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : L'idée qu'on promeut, c'est le pluralisme politique. L'idée, c'est que les régions aient accès à la proportionnelle.

M. LeBel : Non, je comprends, mais, si... Je m'excuse, mais parce que, si on demeure à 125 députés, c'est sûr que, si je veux avoir un député de plus dans le Bas-du-Fleuve, il faut que j'aille le chercher ailleurs. Et l'idée, ce n'est pas d'enlever ailleurs, c'est de s'assurer qu'il y ait un pluralisme, et, pour ça, il faudra augmenter le nombre de députés. On ne sera pas capables de passer à travers autrement.

Le référendum, je veux juste revenir là-dessus. C'est certain que tout ça, c'est un changement de culture énorme, là. Les circonscriptions vont être beaucoup plus grandes, les citoyens vont vouloir savoir comment ça fonctionne. Tu sais, moi, chez nous, je le dis souvent, là, moi, je suis à Rimouski, j'ai le Haut-Pays de la Neigette, mais là je vais rajouter toute la région des Basques, Trois-Pistoles, la région du Témiscouata à ma circonscription. Les gens vont vouloir savoir comment ça fonctionne. Une campagne référendaire pourrait servir à ça, à expliquer comme il faut puis faire en sorte que le Oui l'emporte. Et, pour ça, moi, comme député, j'ai un rôle à jouer, il va falloir que j'y aille. Et là ce qu'on nous propose, c'est que les députés ne seraient pas... ne feraient pas... ne pourraient pas faire partie d'une campagne référendaire. Moi, il me semble qu'il faudrait un référendum, puis le chef du Oui devrait être le premier ministre du Québec. À votre avis?

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : On n'a pas d'avis sur la question que le premier ministre devrait... quel rôle le premier ministre devrait avoir. Toutefois, ce qu'on sait, c'est qu'une campagne référendaire en même temps qu'une campagne électorale, ça va mener à de la confusion, puis on ne va pas atteindre notre objectif de proportionnalité et de parité, de société égalitaire diversifiée, donc, pour nous, il faut que ce soit distinct.

M. LeBel : Merci. Je pense la même chose.

Le Président (M. Bachand) : Ça va, M. le député, oui? Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Fournier : Merci beaucoup, mesdames. Votre présentation et votre mémoire sont très complets mais aussi très clairs.

Je vais revenir sur la question de la double candidature, parce que, présentement, ce n'est pas dans le projet de loi, comme vous l'avez bien mentionné. Je considère que ça peut peut-être être intéressant, justement, de l'étudier, voir si on peut l'ajouter. Toutefois, vous avez spécifié que vous étiez en faveur de la double candidature, notamment, bon, parce que ça va inciter davantage de femmes à se présenter, notamment en limitant les barrières systémiques, et vous avez également évoqué la question de la hiérarchisation des candidats. Mais, dans ce cas-là, est-ce que vous croyez que ça devrait être une disposition obligatoire? Parce que, dès lors qu'on le permet mais que ce n'est pas obligatoire, il demeure une certaine possibilité de hiérarchiser les candidats. Est-ce que vous avez une position à cet effet?

Mme Gosselin Pellerin (Audrey) : Bien, je m'avancerais pour dire que non, on n'a pas de position. On croit que la double candidature doit être permise.

Mme Fournier : Mais, si ce n'est pas obligatoire, vous ne pensez pas que ça peut entraîner les mêmes effets que vous craignez?

Mme Gauthier (Marie-Andrée) : Ça pourrait. Tu sais, il y a là des réflexions, je pense, qu'on pourrait... que le DGEQ pourrait mener. Je pense que... Mais est-ce que... Si elle était obligatoire, je pense qu'on ne serait pas opposées à cette option.

Mme Fournier : O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup de votre présence ce matin. C'est très apprécié.

Je vais suspendre les travaux quelques instants pour demander au prochain groupe de prendre place. Et, avec l'expérience qu'on a eue hier, parce que la commission est très populaire, je vous demanderais de faire ça rapidement et, si possible, dans la plus grande discipline et le silence, s'il vous plaît. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 10 h 17)

(Reprise à 10 h 19)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup. La commission reprend ses travaux.

Il me fait plaisir, maintenant, d'accueillir les représentants de la Centrale des syndicats du Québec. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et après ça on aura un échange avec les membres de la commission. Encore une fois, bienvenue, et la parole est à vous.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Éthier (Sonia) : Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission. Alors, la CSQ est fière de participer à ce rendez-vous historique que constitue cette commission parlementaire. Alors, à ma droite, je suis accompagnée de M. Mario Beauchemin, qui est vice-président à la Centrale des syndicats du Québec, à ma gauche, M. Matthieu Pelard, qui est conseiller à l'action professionnelle, et moi-même, présidente de la Centrale des syndicats du Québec.

 (10 h 20)

Et, pour vous situer, la Centrale des syndicats du Québec comporte 200 000 membres, dont 125 000 proviennent du secteur de l'éducation et de l'enseignement supérieur. Et ce qui est important de vous dire, c'est que nous représentons quand même 75 % de femmes.

Alors, tout d'abord, on tient à souligner cette démarche qui vise à modifier le mode de scrutin actuel. Puis ce qu'il est important de dire, c'est que c'est pour... La raison fondamentale, c'est pour que chaque voix compte. Ce n'est pas la première fois que la CSQ réfléchit à cette question. À trois reprises, on a préparé des mémoires — le premier, c'est quand même en 1980 — et, à plusieurs reprises, on a consulté nos membres, et, à chaque fois, les principes qui étaient importants pour les gens, nos membres, sont les suivants, puis je pense que c'est important que je vous les dise : instaurer un principe de votation simple, réfléchir le plus possible... refléter la volonté populaire, viser la parité entre les femmes et les hommes, favoriser l'équité de représentation pour les minorités ethniques, accorder une voix politique aux Premières Nations, traduire le pluralisme politique de la société québécoise et exprimer l'importance des régions dans la réalité québécoise.

Donc, à la lumière de ces principes, vous pouvez constater que le projet de loi ne répond que partiellement aux principes que nous soutenons comme organisation. Et, en ce sens, on a 10 propositions à soumettre au gouvernement pour modifier le projet de loi. Et la première des choses, c'est qu'on veut vous exprimer notre déception à l'effet que le gouvernement ait renié sa promesse concernant l'échéance de mise en vigueur du nouveau mode de scrutin en 2022, et, pour nous, c'est un recul et c'est une déception. Et, pour nous, ça serait important quand même que le gouvernement regarde s'il y a toujours possibilité de tenir ce nouveau mode de scrutin en 2022 et à condition, évidemment, que le DGEQ puisse organiser le tout. Sinon, on comprend que ce sera en 2026, mais c'est vraiment très loin.

Donc, sur la première question du projet de loi qui nous soumet, comme idée, les 125 sièges répartis dans... et 96 sièges de circonscription, la position historique de la centrale, ça a toujours été 127 sièges et ça constitue une proportion de 60 %-40 % entre les sièges de circonscription et les sièges de compensation. Donc, c'est légèrement différent et ça pose peut-être quelques problèmes, comme on nous a... qu'on a entendus, là, lors des interventions précédentes.

Et, sur la question de la parité, prévue aux articles 259.0.4 et aussi dans les considérants du projet de loi, ça ne permet pas d'avancer sur la voie de l'égalité de représentation à l'Assemblée nationale. Et, pour nous, là, ce sont des voeux pieux, et ça n'oblige en rien les partis d'assurer la parité entre les femmes et les hommes, et, pour nous, c'est cosmétique. Donc, on a deux recommandations, que vous trouvez aux pages 6 et 7 et qu'on a entendues des différents intervenantes et intervenants précédents : la parité, donc l'alternance entre les femmes et les hommes, que ce soit obligatoire et d'avoir un plan d'action obligatoire pour mettre en oeuvre des mesures concrètes.

Et un autre principe important pour nous, c'est celui de la représentation des peuples autochtones. Mais on croit que cette question devrait être soulevée dans le projet de loi et qu'en ce sens il leur revient de faire leurs propres propositions, et vous retrouvez une recommandation dans notre mémoire.

Et, pour l'article 14, qui divise... la question du territoire en 17 régions électorales, bien, pour nous, comme pour les autres intervenants qui se sont exprimés sur cette question, à notre avis, ça crée des distorsions au profit des partis les plus forts, donc, en plus du deuxième bulletin qui aurait un effet moindre dans plusieurs régions. Pour corriger cette lacune, comme bien d'autres intervenants, nous pensons qu'il faudrait avoir un minimum de deux députés de compensation de liste par région et de réduire le nombre de régions électorales à 14. Et je passe la parole à mon collègue.

M. Beauchemin (Mario) : Merci. Bonjour, tout le monde.

Selon nous, la méthode utilisée dans le projet de loi n° 39 ne produit pas une pleine compensation. La méthode du gouvernement du Québec exclut la moitié des sièges de circonscription obtenus. Le projet de loi restreint ainsi la pluralité des représentations parlementaires des régions en limitant la compensation pour les partis n'ayant pas remporté de circonscription, favorisant ainsi, selon nous, les partis établis. C'est pourquoi nous recommandons que soient abolies les primes aux vainqueurs régionaux et que le calcul de la compensation dans chaque région se fasse en tenant compte de toutes les circonscriptions locales emportées.

Par ailleurs, nous ne croyons pas non plus que le seuil de 10 % soit nécessaire pour assurer plus de stabilité gouvernementale. La plupart des pays ont un seuil variant entre 3 % et 5 %. Ce niveau permet l'établissement d'un compromis entre les objectifs de pluralisme politique tout en limitant l'émiettement de la représentation en de trop nombreuses formations politiques. Dans sa forme actuelle, la proposition gouvernementale bloque l'accès à la représentation parlementaire à des partis qui pourraient avoir un niveau d'appui populaire national important. Donc, on exclurait des partis qui pourraient atteindre, là, sur le plan national, des taux de 8 % et même 9 %, ce qui commence à être assez important. Par ailleurs, nous croyons que le gouvernement a toute la... Donc, évidemment, on propose — j'oubliais la recommandation — de fixer un seuil national d'accès à la représentation parlementaire entre 2 % et 5 %.

Nous croyons par ailleurs que le gouvernement a toute la légitimité nécessaire pour adopter cette loi sans la tenue d'un référendum. En 2002, par exemple, pendant sept mois, le Comité directeur des états généraux, sous le leadership de M. Claude Béland, a rencontré plusieurs centaines de citoyens et de citoyennes un peu partout au Québec. En 2003, le grand sommet des états généraux, qui a eu lieu au Centre des congrès de Québec, a accueilli plus de 1 000 citoyens et citoyennes. Et, à la fin de cette conférence, un verdict est tombé : ça prend un scrutin de type proportionnel. Entre autres, en 2008, la direction générale des élections du Québec concluait aussi à la nécessité de remplacer le mode de scrutin actuel.

Comme d'autres intervenants et intervenantes l'ont aussi dit, lors des dernières élections, 70 % des suffrages exprimés sont issus des partis politiques signataires de l'entente transpartisane pour la réforme du mode de scrutin. Et en 2019, un sondage réalisé par Léger Marketing conclut que près de 70 % des Québécois et des Québécoises tiennent à ce que le gouvernement respecte son engagement à réformer le mode de scrutin.

Toutefois, si le gouvernement devait tout de même tenir un référendum, nous recommandons que celui-ci ne se tienne pas pendant la campagne électorale de 2022 et que le référendum se tienne à l'intérieur d'une période de 12 mois après l'adoption de la loi à l'Assemblée nationale. En tenant un référendum en même temps que les élections générales, les citoyens et les citoyennes seront davantage préoccupés par les choix électoraux qu'ils auront à faire, et, entre autres, les journalistes seront davantage accaparés par la campagne électorale, parce que suivre deux campagnes avec des enjeux très, très, très importants, c'est difficile, donc, à la fois pour les citoyens et pour la couverture journalistique. Et je pense qu'il faut prendre le temps de bien faire les choses et faire oeuvre de pédagogie. Je prendrais l'exemple de la Colombie-Britannique, en 2005, où ils ont obtenu un résultat positif, même si le seuil était établi à 60 %. Pendant un an, la population de cette province a pu suivre, dans les médias et en direct, les travaux de l'assemblée citoyenne, s'éduquer avec elle sur les différents modes de scrutin, soupeser les options et se forger une opinion réellement informée. Nous pensons aussi que, dans ce cadre-là, il faut permettre aux élus de l'Assemblée nationale d'exercer un leadership pendant cette campagne référendaire.

À cet égard, nous recommandons que les membres de l'Assemblée nationale, y compris les chefs de partis politiques, puissent s'engager dans la campagne, et que le Directeur général des élections du Québec fournisse à la population québécoise les informations et les outils nécessaires à la compréhension de la loi sur la réforme du mode de scrutin dans le cadre du référendum, et qu'il s'assure que la question soit formulée dans un langage accessible. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la ministre, s'il vous plaît.

• (10 h 30) •

Mme LeBel : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci de votre présentation. Encore une fois, comme tous les autres groupes précédents, je dois dire, c'est des présentations très bien étoffées. On voit que chacun d'entre vous, y compris vous, avez bien étudié les possibilités, les différentes modalités, ce qui a sûrement dû vous amener à constater que, quand on parle d'un système de scrutin mixte compensatoire, comme on préconise de le faire, chaque modalité influence une autre, donc ce sont des vases communicants. On peut jouer dans le nombre de régions, on peut jouer dans le nombre de compensations, on peut jouer dans la formule, donc, on peut aller sur... on peut jouer dans le seuil. Quand je dis «jouer», ce n'est pas de façon péjorative, je veux dire, on peut ajuster ou augmenter, diminuer, on peut... bon, et à chaque fois il va y avoir un effet sur plusieurs principes qui sont mis de l'avant dans ce système-là.

Et je veux le répéter parce que je veux que ce soit très clair que ce qu'on recherche de la partie gouvernementale, et avec certains de mes collègues qui sont plus particulièrement en faveur, c'est-à-dire Québec solidaire et le Parti québécois, sur le mode de scrutin, et ma collègue, aussi, qui est ici, c'est de trouver un équilibre, un équilibre entre tout ça. La représentativité régionale est extrêmement sensible et importante. La stabilité gouvernementale n'est pas un principe non plus qu'il faut négliger. On procède avec ce mode de scrutin là depuis de nombreuses années, hein? Le mode de scrutin actuel, il est, je pense... il n'est pas le champion, c'est peu dire, de la proportionnalité, mais il a, à tout le moins, la qualité d'avoir... d'assurer des gouvernements majoritaires dans la grande partie des élections, ce qui, à mon sens, va être amené à changer parce qu'on a déjà plusieurs partis politiques qui sont représentés à l'Assemblée nationale, outre le fait qu'on est dans un mode traditionnel, un scrutin plus traditionnel.

Mais, si je dis ça d'entrée de jeu, c'est parce qu'il y a des effets sur chacun des choix que, au final, on va être amenés à faire, et chacun de ces choix-là sont faits en fonction d'un principe particulier. La décision de franchir le Rubicon et de se diriger vers un mode de scrutin compensatoire mixte, c'est d'avoir nécessairement l'objectif d'avoir plus de proportionnalité. On n'atteindra pas la proportionnalité pure, je pense que tout le monde en convient, mais c'est d'avoir plus de proportionnalité. Dans les choix actuels qui ont été faits, on coupe de moitié la distorsion. Bon, d'aucuns diront que ce n'est pas suffisant, mais nous coupons quand même de moitié la distorsion.

Ça m'amène à vous amener sur un de vos points sur... Mais je comprends aussi le principe de la pluralité politique. Je comprends aussi le principe de l'équité interrégionale et de la proportionnalité. Je le comprends. Certaines régions avec qui je discutais... certains représentants de certaines régions étaient prêts, au nom de l'identité régionale, de sacrifier un peu de proportionnalité, je peux vous le dire. Donc, c'est ça, les principes s'affrontent constamment dans les choix, c'est ce que je veux vous dire.

Si on veut atteindre une meilleure proportionnalité ou une meilleure chance de pluralité politique pour les régions, tel que vous le prônez, ce n'est pas sorcier, il y a trois possibilités. Bien, peut-être pas juste trois, mais il y en a trois grandes qui me viennent en tête : celle que vous préconisez, c'est-à-dire de diminuer le nombre de régions à 14, il y a aussi l'augmentation du nombre de sièges à l'Assemblée nationale, avec tout ce qui en découle, les budgets, l'argent public, mettre en place... donc avec tout ce qui en découle, ou il y a une redistribution du nombre de sièges différente, donc il risque d'y avoir des régions telles que Montréal, la Montérégie, la Capitale-Nationale, entre autres, des régions plus vastes ou plus nombreuses qui pourraient perdre des sièges. Et déjà on le voit dans les calculs qui ont été faits avec les faits, bien, Montréal, entre autres, pourrait perdre des sièges, la Montérégie aussi, mais c'est le minimum, si on veut. On est allés, nous, au minimum de la redistribution pour avoir un effet proportionnel, donc, tout étant une question d'équilibre.

Vous préconisez, vous, dans ce que... j'allais dire «dans ces trois solutions-là», la diminution du nombre de régions. Parfait. Je fonctionne comment et quelle région je sacrifie en termes d'identité régionale?

Mme Éthier (Sonia) : Bien, écoutez, dans un premier temps, on n'a pas réfléchi à l'idée de dire quelle région... bon, dans quelle région, là, ça, on n'est pas allés jusque-là. Mais l'idée, c'est vraiment de dire, comme on l'a bien indiqué dans notre mémoire : Pour essayer d'avoir le moins de disproportionnalité, on pense que ce serait la meilleure solution.

Vous avez donné l'idée... les trois possibilités, 14 régions, augmenter le nombre de sièges, le budget, l'argent, oui, mais, écoutez, je pense que les gens, les citoyennes, les citoyens, ce qu'ils veulent, c'est du changement. Je pense que c'est important. On a eu des sondages qui démontrent que, le mode de scrutin actuel, les gens en sont insatisfaits, et je pense qu'il faut procéder à des changements. Et la question de diminuer le nombre de régions est une avenue pour nous qui est correcte, là.

M. Pelard (Matthieu) : J'ajouterais aussi qu'on comprend bien l'aspect «compromis» de manière à ne pas rater le virage historique que le projet de loi que vous amenez, Mme la ministre. Cependant, il est important que le compromis soit réalisé, et c'est pour ça que, dans notre mémoire, on précisait qu'on était en accord avec la répartition des 80 sièges de circonscription et des 45 sièges régionaux. Cependant, le nombre de régions doit refléter le nombre d'électrices et d'électeurs de manière à avoir une meilleure représentation à l'Assemblée nationale et de représenter la diversité des opinions à l'intérieur du Québec.

La méthode de calcul que vous amenez... certes, on a des effets de levier qui sont soit le nombre de régions ou la compensation. Cependant, la méthode de calcul est difficilement compréhensible, et de la clarté, de la facilité de compréhension est nécessaire pour croire dans les institutions. C'est pour ça qu'on demande aussi une révision de la méthode de calcul pour l'attribution des sièges compensatoires.

Mme LeBel : Parfait. Je vous amène sur la question du référendum. Je sais que mon collègue d'en face va le faire aussi, mais j'en profite quand même pour le faire. Outre le fait que, pour vous, le référendum était une surprise, effectivement, et qu'on ne prône... Vous ne prônez pas la tenue d'un référendum, pour moi, c'est bien compris. Mais, dans l'éventualité où il y en aurait un, vous nous proposez de ne pas le faire en même temps que la période électorale. Peut-être juste élaborer sur les raisons pour lesquelles vous pensez qu'il ne devrait pas se tenir en même temps que la période électorale, nous donner un peu plus de... Quelles sont vos craintes ou quelles sont vos...

Parce que, dans plusieurs cas, je vais vous le dire, hein, au Canada, ailleurs aussi, même en Nouvelle-Zélande, ça s'est fait le... sur le mode de scrutin s'est fait pendant une période électorale. Et les craintes qu'on ne remporte pas ou que les gens n'aient pas une compréhension nécessaire pour voter correctement, bien, ça ne fut pas le cas, là. En Nouvelle-Zélande, ils ont approuvé le changement de mode de scrutin en même temps qu'une élection, et ça s'est fait aussi ailleurs. Donc, ce n'est pas... Je veux juste être sûre. Quelles sont vos craintes? Et comment on peut y répondre, le cas échéant, si c'est possible de le faire?

M. Beauchemin (Mario) : J'ai avancé quelques arguments tout à l'heure, mais moi, je pense qu'il faut se donner quand même, même si c'est arrivé en Nouvelle-Zélande... mais, tu sais, si on regarde ailleurs au Canada, je pense que, si je ne me trompe pas, là, les deux dernières fois, en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick, ils ne se sont pas donné les conditions gagnantes pour que le Oui l'emporte.

Mme LeBel : Il ne faudrait pas inférer du fait qu'un référendum est perdant, de notre point de vue, que c'est parce que les citoyens n'ont pas compris, là. Je ne voudrais pas qu'on...

M. Beauchemin (Mario) : Non, ce n'est pas ça que je dis. Je dis qu'en même temps qu'une campagne électorale il y a beaucoup d'enjeux. L'enjeu de la réforme du mode de scrutin, c'est fondamental, évidemment, dans notre démocratie, mais il y a à peu près, quoi, une centaine d'autres enjeux qui sont en jeu, justement, pendant une campagne électorale. Alors, les journalistes, pour informer la population, ils vont couvrir quoi, davantage la campagne référendaire ou la campagne électorale?

En plus, qui va mener la barque du camp du Oui ou du camp du Non pendant la campagne électorale? Normalement, lorsqu'on propose un projet de loi, les élus qui le proposent s'impliquent, exercent un certain leadership, et là ce qu'on comprend, c'est que ça ne sera pas le cas.

Donc, pour nous, il faut se donner les conditions gagnantes, il faut faire les choses correctement et prendre le temps. Et, pendant la campagne électorale... La campagne électorale, c'est quand même assez court pour faire oeuvre de pédagogie sur une question aussi fondamentale.

Mme LeBel : Donc, c'est le manque d'espace, dans le fond, que vous craignez.

M. Beauchemin (Mario) : Entre autres choses, le manque d'espace et le fait que ça ajoute beaucoup d'enjeux.

Mme LeBel : O.K. Peut-être une autre des... bon, des notions que vous abordez, c'est la notion de parité. Vous choisissez de nous suggérer de le faire par le biais des listes, des listes qui sont les listes régionales. Vous nous suggérez également de le faire par l'alternance. Vous suggérez, donc, d'en faire une obligation. Quelle serait la conséquence du non-respect de cette obligation? Peut-être que c'est mentionné dans votre mémoire, je m'en excuse, là, mais peut-être nous le mentionner à haute voix, comment vous envisagez ça. Parce que, si on y met une obligation, naturellement... j'ai l'air de me répéter depuis ce matin, mais c'est une réalité, si on met une obligation, encore faut-il une conséquence ou un incitatif. Donc, lequel voyez-vous?

Mme Éthier (Sonia) : Bien, dans un premier temps, je pense que, quand on suppose, là, présentement, que les partis n'y arriveraient pas... je pense que les partis auraient le temps de se préparer et de trouver des candidates pour se présenter aux élections. Ce n'est pas comme si les gens se mettraient à... les partis commenceraient à mettre en oeuvre cette obligation la veille des élections, là, ou la veille de la présentation des candidates et candidats. Je pense qu'effectivement c'est un changement de culture, et, pour nous, les partis peuvent y arriver. Et je pense qu'avec les propositions qu'on fait, les deux propositions, que l'alternance femme-homme soit obligatoire et aussi que les partis politiques... on oblige les partis politiques à fournir un plan d'action qui prévoit la mise en oeuvre des mesures concrètes pour l'atteinte de l'équité de représentation, ce sont des mesures qui feront en sorte qu'on atteindra la parité.

• (10 h 40) •

Mme LeBel : Bien, je suis d'accord avec vous sur votre argumentaire, mais, puis avec beaucoup de respect, ce n'était pas le fondement de ma question. C'est-à-dire que vous imposez... bien, vous nous demandez de mettre des mesures beaucoup plus fortes dans le projet de loi que celles qui sont proposées dans le projet de loi actuel. Donc, vous demandez une obligation d'alternance hommes-femmes sur les listes. Je ne sais pas si vous demandez aussi qu'elles... que quelques-unes... que 50 % d'entre elles commencent par des femmes, je ne l'ai pas vu, mais, en tout cas, allons-y sur la... Donc, ça, vous ne le demandez pas, mais vous demandez une alternance hommes-femmes sur les listes. Vous nous demandez d'en faire une obligation, donc qu'est-ce qui se passe si un parti politique ne le fait pas? Et comment on... Et, dans la loi, si j'impose une obligation dans une loi, il doit y avoir une conséquence. Ça peut être une incitation financière, ça peut être une récompense s'ils le font, ça peut être une punition, mais laquelle aviez-vous envisagée?

M. Pelard (Matthieu) : On n'a pas envisagé de sanction financière ou de pénalité directement étant donné qu'on laisse au Directeur général des élections l'applicabilité d'une telle mesure. Cependant, ce qu'on peut affirmer, c'est que, sans mesure structurelle à l'intérieur d'un projet de loi pour garantir la parité femmes-hommes, on a bien vu, dans les autres pays de la famille proportionnelle où des mesures structurelles ont été mises en place, la bonification de femmes élues à l'Assemblée nationale a été marquée par une augmentation de plus de 10 % par rapport aux pays ayant un mode de scrutin différent de la proportionnelle mixte. Donc, c'est pour ça que cette mesure-là va avec l'esprit de la loi sur l'alternance des listes fermées qui obligerait à avoir une présence paritaire sur les listes en plus de respecter l'aspect fermé.

Donc, dans cette notion de parité, c'est sûr qu'il faut discuter des conséquences, comme vous l'amenez, on est bien d'accord. Cependant, il y a assez d'experts qui se sont exprimés sur le sujet, qui ont, bien entendu, formulé des recommandations sur le type de conséquence, les modalités d'application et la proportionnalité vis-à-vis des compensations financières. Donc, vous avez assez de recommandations pour aller de l'avant par rapport aux autres groupes qui sont intervenus un petit peu tôt.

Mme LeBel : Merci. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Merci d'être avec nous pour discuter du projet de loi n° 39.

Je vais laisser du temps, évidemment, à ma collègue de poser quelques questions. Je vais y aller sur le référendum. Vous le dites très clairement dans votre mémoire et dans votre déclaration, et je vous cite, votre mémoire, à la page 4 : «...le gouvernement du Québec a finalement renié sa promesse concernant l'échéance de la mise en vigueur du nouveau mode de scrutin pour octobre 2022.» Fin de la citation à la page 4.

Vous dites également que mener une campagne référendaire en même temps qu'une élection... Puis ce n'est pas sur le point de Mme la ministre, qui disait : Bien là, est-ce à dire qu'on laisserait entendre que les électeurs n'auraient pas compris? Ce n'est pas ça. Le point, c'est de dire : Est-ce que le débat démocratique est optimal? Est-ce qu'on a les garanties d'avoir les pour et les contre? Et, dans une démocratie, le quatrième pouvoir, médiatique, on doit faire en sorte que ça percole chez les gens, que les gens vont faire un choix éclairé, et pour ça — on a tous des vies extrêmement occupées — ils doivent avoir le temps nécessaire pour capter ça tantôt à la radio, tantôt à la télévision, tantôt dans les journaux, sur les réseaux sociaux puis se faire une opinion. Il y a un certain moment dans la journée, dans la semaine où l'action citoyenne se fait. Et ce n'est pas anodin que de dire... bien, de mettre une élection, donc, mon député, mes candidats, candidates locaux, quel gouvernement je veux, sur quel enjeu on en débat, et rajouter à ça une autre campagne référendaire. Le temps citoyen de se questionner, bien entendu, n'est pas illimité.

Et j'ai trouvé un point intéressant. Lorsque vous aviez votre échange avec Mme la ministre, vous avez dit que les enjeux n'étaient pas les mêmes. Pensez à une période d'à peu près 34, 35 jours où vous aurez des porte-parole tantôt du camp du Oui, tantôt du camp du Non qui seront, pour la très, très grande majorité, nécessairement des candidats, candidates pour leurs élections. Bien, moi, comme candidat, je vous le dis, je ne me ferai pas, je crois, élire sur une position où est-ce que je suis d'accord ou pas avec le mode de scrutin. Les enjeux qui vont me permettre, comme candidat, de me distinguer dans ma circonscription ne sont pas... s'ils le sont, ça ne sera pas uniquement, mais ça ne sera pas un élément prioritaire... ce sera sur la santé, l'éducation, et ainsi de suite. Alors, même les porte-parole vont de facto prioriser d'autres sujets que celui-là, et c'est ce que je trouvais intéressant dans ce que vous apportiez comme réflexion au niveau du référendum.

De ce que je comprends, donc, également, puis corrigez-moi si j'ai tort, c'est que, vous, référendum, s'il y en a un, ce sera avant, et le scénario qu'il y en ait un après, pour vous, ne devrait pas être envisagé si on pense à un référendum. Est-ce que je vous ai bien compris?

Mme Éthier (Sonia) : Je vais partager la réponse avec mon collègue.

M. Tanguay : Oui, je vous en prie.

Mme Éthier (Sonia) : Mais, en octobre 2018, nous avions, les organisations syndicales, rencontré la ministre, et un point qui était très, très important, M. le Président, c'était d'avoir un exercice pédagogique pour faire en sorte que les citoyennes et citoyens comprennent bien qu'est-ce que sera la réforme du mode de scrutin et à quoi ils vont être mis devant, on va dire ça comme ça. Alors, je pense qu'il faut séparer les affaires. Ce n'est pas au moment d'un référendum où la population va comprendre qu'est-ce que la réforme du mode de scrutin et qu'est-ce que ça implique, c'est avant. Dès que le projet de loi est adopté, il faut que le gouvernement donne les moyens au Directeur général des élections et que le gouvernement fasse en sorte que les gens comprennent bien les changements. C'est un changement de culture, c'est un changement, et, en ce sens-là, je pense qu'il ne faut pas mélanger les affaires. Un référendum, là, c'est oui ou non et avec une question, qu'on vous a... mon collègue vous a dit tout à l'heure, qui était fort complexe, là. Alors, il faut vraiment, vraiment distinguer l'exercice de pédagogie qu'on va devoir faire au préalable.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Donc, si je comprends bien, vous dites : Oui, on est déçus que le gouvernement veuille faire un référendum, ce n'est pas nécessaire. Mais, si on doit faire un référendum, faisons-le bien, pas en même temps qu'une campagne électorale. Il ne faudrait pas noyer la campagne référendaire dans la campagne électorale. Et donc, pour bien faire les choses, vous nous dites : Bien, il ne faudrait pas que les députés, il ne faudrait pas que les chefs de parti s'assoient sur la clôture, on a un camp du Oui, un camp du Non. Et là vous nous dites : Il faut s'assurer que les membres de l'Assemblée nationale, y compris les chefs de parti politique, donc y compris le chef du gouvernement, hein, puissent s'engager dans la campagne électorale. Pourquoi c'est important pour vous?

M. Beauchemin (Mario) : Bien, c'est tellement un changement fondamental à la fois dans notre culture et dans notre processus démocratique qu'on voit mal comment des personnes élues se tiennent sur les lignes de côté pendant qu'on décide de l'avenir du mode de scrutin au Québec. Pour nous, c'est fondamental que les personnes élues, qui vont représenter la population, puissent prendre position et défendre un camp ou l'autre.

Mme Robitaille : ...l'importance de ne pas faire ça dans une campagne électorale. Parce que, comme mon collègue le disait, il y aura d'autres enjeux.

M. Beauchemin (Mario) : Exact. Oui.

Mme Robitaille : Donc, le chef du gouvernement, les chefs de parti, bien, d'abord, eux doivent choisir leur camp. Ils doivent dire à la population pourquoi ils sont pour, pourquoi ils sont contre, et clairement. C'est ça. C'est ce que vous dites.

M. Pelard (Matthieu) : Pour nous, le pire scénario, c'est de ne pas avoir une réforme du mode de scrutin de manière à garantir l'ensemble des principes qu'on a revendiqués. Si le référendum n'est pas défendu avec le minimum de conditions nécessaires, avec l'éducation, la pédagogie auprès de la population et que l'ensemble des élus ne participent pas pour l'adoption de ce référendum, la réforme du mode de scrutin tombera à l'eau. Et c'est pour ça qu'on justifie l'importance que l'ensemble de la population, personnes élues, et personnes citoyennes, et citoyens, s'implique dans la compréhension de l'importance de cette méthode de scrutin.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine, oui.

• (10 h 50) •

M. Tanguay : Merci beaucoup. Et, oui... Et, je vous dirais, nous, vous savez, vous commencez à connaître, là, là où on loge, puis ça participe de notre démocratie. Et moi, très clairement, comme candidat, je n'aimerais pas devoir écourter le débat auquel j'aimerais participer, moi, dans un camp, pour dire : Bien, écoutez, cette réforme-là, voici pourquoi nous croyons qu'il y a des écueils majeurs. Et moi, comme personnalité qui veut me positionner publiquement, moi le premier... comme vous l'avez dit, pour le camp du Oui, le camp du Non, on veut avoir le temps de faire le débat. Les gens décideront, c'est la démocratie, on est démocrates. Mais moi, je ne voudrais pas, et sur le point de ma collègue, que tous agissent visière levée. Ce n'est pas anodin. On ne peut pas s'en laver les mains puis dire : Bien, moi, je vais être neutre là-dedans. Vous pouvez le faire, mais l'on ne peut pas le faire de façon systématique et avoir une formation politique qui s'en laverait les mains. Alors, il faut réellement embarquer dans le débat puis dire pourquoi on est pour puis pourquoi on est contre, puis la population jugera. Et ça, bravo pour cet éclaircissement-là.

Vous dites, en page 6 de votre mémoire, dans le haut, 3.2 : «À défaut d'une bonification de ces derniers — vous parlez des éléments à l'égard desquels vous êtes critiques — la CSQ croit que le projet de loi n° 39 ne permettra pas de corriger les distorsions du modèle actuel...» Fin de la citation.

Vous référiez, un peu plus avant, au fait... et je veux bien vous comprendre, pour vous, il y a une difficulté accrue due au nombre de députés, vous augmenteriez le nombre de députés de 125 à 127. Et j'aimerais vous entendre là-dessus, par rapport à la diminution du nombre de régions. Et ça, c'est un argument qui revient, encore une fois, l'immensité du territoire québécois est un fait géographique et la densité de la population, là où sont les citoyens et la représentativité effective. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, quant aux raisons nécessaires qui vous font dire : Bien, si vous ne faites pas ces changements-là, on va passer à côté de la représentation effective, et vous nous demandez donc de considérer d'augmenter le nombre de députés et de diminuer le nombre de régions. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Éthier (Sonia) : Bien, je vais réexpliquer un petit peu. C'était rapidement... la présentation, on a peu de temps. Mais, dans le fond, ce que je disais, à la page 5, c'est qu'historiquement nous, on soutient que le territoire du Québec, c'est 77 circonscriptions, 50 sièges compensatoires régionaux pour 127 sièges. Ça, c'est la position qu'on a toujours maintenue. Et on sait que les experts s'entendent pour dire que le ratio 60-40 entre les sièges, ça, je l'ai dit rapidement, là, c'est l'idéal, on va dire ça comme ça. Mais la proposition que le gouvernement fait dans le projet de loi, qui est de 125 sièges, 80-45, là, bien, ça change un peu le ratio 64-36, là. Mais nous, on se dit, bon, ça peut être un compromis qui soit acceptable, là, c'était quand même près du 60-40, et c'est un peu ça qu'on vous exprime à la page 5.

Et, quand on dit, à la page 6, qu'on croit que le projet de loi ne permettrait pas de corriger les distorsions, bon, on appuie la réforme du mode de scrutin, mais avec ce que ça veut dire, c'est avec les modifications, les propositions, les 10 propositions qu'on vous a faites, notamment sur la parité, la question du 10 %, etc., là.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Merci à vous d'être ici aujourd'hui. Merci de votre présentation, de votre mémoire. J'ai peu de temps, j'ai deux questions pour vous. Je vais essayer d'être bref, puis j'espère que vous allez collaborer avec moi pour qu'on soit capables de répondre aux deux questions.

D'abord, sur la question du référendum, la ministre a donné, tout à l'heure, l'exemple de la Nouvelle-Zélande, où il y avait eu un référendum en même temps qu'une élection et que ça avait été un résultat en faveur d'une réforme du mode de scrutin. La ministre n'a pas précisé, par contre, que ce référendum-là avait eu lieu après le changement du mode de scrutin. Il y a eu plusieurs élections menées sous le nouveau mode de scrutin avant qu'un référendum soit gagné. Est-ce que ce genre de référendum de validation pourrait être intéressant, selon vous, si jamais le gouvernement, là, gardait le cap puis exigeait la tenue d'un référendum?

M. Beauchemin (Mario) : Oui, nous, ça faisait partie de nos alternatives de favoriser un référendum de validation.

M. Nadeau-Dubois : Si le gouvernement maintient son intention d'avoir 17 régions électorales, vous souhaitez que ce soit diminué à 14. Nous aussi, c'est une position qu'on a. Si par contre le gouvernement maintenait le cap avec 17 régions électorales afin qu'il y ait un minimum de deux députés dans chaque région, seriez-vous prêts? Est-ce que l'augmentation du nombre global de députés au Québec au-dessus de 125 serait un compromis intéressant, selon vous?

M. Pelard (Matthieu) : Je crois que le principe fondamental, c'est de respecter la proportionnalité et d'avoir un meilleur jeu de compensation par rapport à l'obtention des circonscriptions via le vote majoritaire. Donc, le compromis qu'on avait réalisé, c'était de manière à ne pas louper le virage historique de la réforme, de faire un compromis sur le nombre de sièges de manière à avancer notre argumentaire sur le nombre de régions. Si, bien entendu, il y a une augmentation du nombre de députés, bien entendu, on a un jeu de compensation naturel qui va se faire vers les régions. Donc, c'est sûr que, si des modifications majeures sont apportées au projet de loi, on devra réexaminer à la fois le jeu de compensation et de regarder si l'indice de Gallagher n'est pas disproportionné par rapport au 60-40, comme Sonia Éthier l'a présenté.

Ce qui est important, je pense, de mentionner, c'est... il ne faut pas oublier de rappeler les besoins des électrices et des électeurs des régions. Et, pour cela, il ne faut pas diviser le nombre de sièges de compensation de manière à ce que les intérêts des électrices et des électeurs des régions ne soient plus représentés à l'Assemblée nationale. Et avec un trop grand nombre de régions, c'est exactement ce processus-là qui se déroule, et donc on vient diluer l'aspect proportionnel de la représentation de la diversité des idées à l'intérieur de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Bachand) : ...s'il vous plaît.

M. LeBel : Bonjour. Là-dessus, les intérêts des citoyens, c'est aussi d'avoir accès à leur député, les intérêts des gens de la Côte-Nord qui auraient une circonscription pour l'ensemble de la Côte-Nord. Les intérêts aussi, c'est que leur député de liste soit présent aussi dans leur région, qu'ils y aient accès, qu'ils peuvent lui parler, qu'ils peuvent aller le rencontrer. C'est pour ça que, moi, les 17 régions, je trouve ça important.

Mettons qu'on jumelle la Côte-Nord puis le Saguenay, on va se ramasser, éventuellement, avec trois députés de liste pour l'ensemble de la région Saguenay et la Côte-Nord. Mettons que, là-dedans, dans les trois, il y a deux... il y a des partis différents, la personne va vouloir... comment elle va faire pour couvrir ça? Le citoyen, comment il va faire pour avoir accès à son député de liste? Ce qui pourrait arriver, c'est que le député de liste va dire : Moi, mon rôle, ce n'est pas d'être proche des citoyens, mon rôle, c'est de légiférer. Et moi, je me tiens à l'Assemblée nationale, s'il veut me parler, il appellera à Québec. Et là le député de circonscription, lui, c'est lui, là, ou elle, la députée proche des citoyens, avec un comté qui va couvrir toute la Côte-Nord. Vous voyez le problème? C'est pour ça que les 17 régions, pour moi, c'est important qu'il y ait un député de liste qui soit très clairement, au moins — ce serait un compromis — au moins, lié à sa région puis qu'on parle des régions administratives actuelles.

M. Pelard (Matthieu) : Je comprends très bien l'argumentaire, l'important... du principe qu'on a mentionné dans notre mémoire, à la page 3, de maintenir le lien entre la députée ou le député dans sa circonscription est essentiel. Et c'est pour ça que le jeu compensatoire permet d'avoir à la fois une représentation par l'obtention de la circonscription, mais aussi de donner une variété de partis politiques et d'idéaux à l'intérieur même d'une région. Et donc l'obtention de sièges compensatoires régionaux vient apporter une nuance de couleurs à l'intérieur même d'une région. Donc, certains avantages de ce mode de scrutin sont mentionnés comme étant la pluralité politique, et donc en ayant plusieurs députés élus, cela permet d'avoir une variété de diversité d'idées présentées à l'Assemblée nationale.

M. LeBel : ...mais mon citoyen de Blanc-Sablon, il va avoir accès quand à son député vert de Jonquière? Tu sais, à un moment donné, c'est un problème. C'est pour ça qu'à mon avis il faut garder les 17 régions et tranquillement aller vers l'idée qu'il faudra augmenter le nombre de députés. Dans nos régions, il faut assurer qu'il y ait une proximité, sinon on va avoir deux genres de députés.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Fournier : Oui, merci. Dans votre présentation, vous avez soumis, en fait, que le projet de loi ne permet pas d'atteindre une pleine compensation, notamment en référence, je crois, à la prime au vainqueur qui est instaurée dans le projet de loi. Le gouvernement soutient qu'il a ajouté cette disposition dans le projet de loi pour assurer ou, du moins, pour répondre à l'argument d'une plus grande instabilité à la suite d'une réforme du mode de scrutin. Toutefois, il y a plusieurs groupes qui sont venus nous voir et qui nous ont soumis que ce serait intéressant, au lieu d'avoir cette espèce de prime au vainqueur qui favorise plus de gouvernements majoritaires, d'avoir un encadrement plus serré, en fait, des motions de censure, donc, qui permet de répondre directement à l'argument de l'instabilité tout en conservant les côtés positifs de la réforme du mode de scrutin avec plus de gouvernements minoritaires, plus de collaboration entre les partis politiques. Donc, est-ce que vous pensez que c'est une alternative à la prime au vainqueur, le fait de pouvoir encadrer les motions de censure?

M. Beauchemin (Mario) : Oui, tout à fait.

Mme Fournier : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Cela dit, je vous remercie beaucoup de votre présentation ce matin.

Je vais suspendre les travaux quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 10 h 59)

( Reprise à 11 h 04)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre siège, la commission va reprendre ses travaux.

Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux deux représentants de la Fédération autonome de l'enseignement. Comme vous savez maintenant, vous avez 10 minutes de présentation, après ça on aura un échange avec les membres de la commission. Merci beaucoup de votre présence ce matin, et la parole est à vous.

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

M. Marois (Alain) : Merci. Donc, bonjour, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Alain Marois, je suis enseignant en adaptation scolaire et vice-président à la vie politique à la Fédération autonome de l'enseignement. Je vous présente, à ma gauche, Mme Alice Lepetit, conseillère syndicale à la vie politique.

La FAE représente plus de 45 000 enseignantes et enseignants de tous les secteurs d'enseignement en commission scolaire ainsi que près de 1 700 membres de l'Association de personnes retraitées de la FAE et elle est présente dans sept régions du Québec, dont celles dans lesquelles se trouvent les quatre plus grands pôles urbains du Québec.

François Legault promettait, en septembre 2018, que les Québécoises et Québécois iraient aux urnes en 2022...

Le Président (M. Bachand) : ...vous rappeler qu'on ne peut pas utiliser le nom de la personne, il faut utiliser son titre. Alors, juste vous rappeler, pour ne pas...

M. Marois (Alain) : Ah! très bien.

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît. Merci. Merci infiniment.

M. Marois (Alain) : Merci. Donc, l'actuel premier ministre promettait, en septembre 2018, que les Québécoises et Québécois iraient aux urnes en 2022 avec un tout nouveau mode de scrutin proportionnel si la CAQ était élue. Je peux nommer les partis politiques, oui? Le 25 septembre dernier, le gouvernement a fait un bout de chemin en déposant le projet de loi n° 39.

La FAE reconnaît que la proposition d'un système électoral mixte compensatoire constitue une avancée sans précédent et qu'elle répond en partie à la très grande volonté de ses membres, qui souhaitent que la composition de nos institutions démocratiques reflète l'ensemble des votes exprimés par la population en tenant compte de la diversité des courants politiques. Même si ce projet de loi va dans la bonne direction, des améliorations doivent y être apportées afin d'en renforcer la proportionnalité, de favoriser le pluralisme politique et de mettre en place de véritables mesures en faveur de la parité et de la diversité. De plus, le fait de conditionner la mise en oeuvre du projet de loi à un référendum en même temps que les prochaines élections générales préoccupe grandement la FAE, qui y voit un risque important de faire tomber une réforme pourtant essentielle.

Dans un système mixte compensatoire, l'objectif premier des sièges de compensation doit être d'introduire une plus grande proportionnalité. Pour ce faire, il doit disposer de suffisamment de sièges de liste pour corriger les distorsions issues de circonscriptions uninominales. Avec seulement 36 % de sièges de liste et leur répartition dans un nombre important de régions électorales, la capacité de contribuer à une réelle compensation est limitée. En tenant compte que des régions n'auront qu'un seul siège de liste, nous pouvons affirmer que cela donnera lieu à une proportionnalité à plusieurs vitesses dans les différentes régions du Québec. Nous proposons donc d'ajouter au minimum quatre sièges régionaux aux 45 actuellement proposés afin d'assurer un minimum de sièges de compensation par région, tout en maintenant le nombre de régions à 17.

Le projet de loi instaure par ailleurs une modalité totalement nouvelle au regard des systèmes mis en place dans d'autres pays. Celle-ci consiste à ne tenir compte que de la moitié des sièges de circonscription remportés par un parti pour calculer le nombre de sièges de région auxquels il aura droit. Il s'agit littéralement d'une prime au vainqueur qui favorise les grands partis et réduit la capacité des sièges de région à corriger la distorsion créée par le scrutin majoritaire. Il faut abolir cette prime au vainqueur en retirant l'article 156 pour tenir compte de tous les sièges de circonscription obtenus par un parti politique.

Le seuil minimal de 10 % défini à l'échelle nationale pour pouvoir se qualifier à la compensation constitue un autre obstacle important à l'expression du pluralisme politique et à l'accès à la représentation pour des tiers partis. Il faut tenir compte qu'il existe déjà un seuil minimal implicite dans chacune des régions pour pouvoir se qualifier à la compensation, seuil qui sera encore plus élevé à cause du nombre restreint de députés par région. Ainsi, nous proposons de réduire le seuil national minimal à 3 %.

Mme Lepetit (Alice) : Pour la FAE, qui représente 73 % de femmes, l'égalité de genre et la lutte contre toutes les formes de discrimination sont des valeurs fondamentales. Ainsi, un mode de scrutin juste et équitable, pour nous, doit assurer la représentation non seulement de la diversité des idées politiques, mais aussi la diversité de la population.

Au Québec, les femmes et plusieurs groupes de personnes demeurent sous-représentés au sein de la députation actuelle. Pour corriger ces inégalités qui sont systémiques, des mesures doivent être mises en place afin de favoriser une plus grande représentation des groupes qui sont historiquement marginalisés. Or, le projet de loi n° 39 manque complètement la cible à cet égard. Du côté de la parité femmes-hommes, le gouvernement propose un exercice de déclaration d'intention de la part des partis politiques, mais aucun mécanisme pour les inciter ou les contraindre à atteindre de véritables résultats en matière de parité.

Or, que nous montrent les expériences qui ont été mises en place dans d'autres pays? C'est que l'égalité avance lorsque des mesures sont mises en place. Celles qui semblent avoir le plus d'impact sont les mesures structurelles qui sont intégrées à même le système électoral. C'est ce que nous proposons dans notre recommandation 5, à savoir l'obligation pour chaque parti politique de présenter des listes régionales paritaires avec une alternance femmes-hommes et l'obligation de présenter une femme en tête pour la moitié de ces listes.

Par ailleurs, il est essentiel de favoriser la parité parmi les sièges de circonscription, et c'est pourquoi la FAE propose de mettre en place des mesures incitatives également afin de favoriser activement la parité femmes-hommes parmi l'ensemble des candidatures présentées par les partis, que ce soit en circonscription ou dans leurs listes régionales.

Du côté de la diversité, c'est l'absence totale de mécanismes qui ressort de la proposition actuelle du gouvernement. Pour la FAE, la réforme du mode de scrutin doit pourtant prévoir des mécanismes visant une plus grande représentation des personnes racisées et des personnes issues de l'immigration récente. Notre recommandation 7 va dans ce sens-là.

• (11 h 10) •

M. Marois (Alain) : Le consensus en faveur d'un changement de mode de scrutin a déjà été maintes fois constaté au Québec. D'ailleurs, un document officiel mentionnait ce qui suit : «L'appui à une réforme du mode de scrutin s'exprime de manière croissante au Québec, se traduisant de différentes façons à travers des états généraux, des sondages favorables, des rapports et des auditions en commission parlementaire.» Ce document, c'est le cahier de résolutions adopté par la CAQ en novembre 2015, dont la première résolution est qu'un gouvernement de la CAQ modifiera la Loi électorale afin de passer au mode de scrutin proportionnel mixte. L'entente transpartisane de mai 2018, dont les partis signataires représentent 72 % des votes obtenus lors des dernières élections, est venue confirmer cette volonté de changement.

La FAE soutient qu'un référendum d'adoption n'est pas nécessaire. À la place, la FAE propose la tenue d'un référendum de validation après trois élections avec le nouveau mode de scrutin. Après avoir expérimenté les deux modes de scrutin, l'électorat québécois serait en meilleure position pour faire un choix éclairé. Il pourrait se prononcer sur un système qu'il connaît et dont il a pu évaluer les impacts en matière de représentation et de gouvernance.

Par ailleurs, la FAE s'oppose fermement à la tenue d'un référendum en même temps que les prochaines élections générales. Cela poserait un problème majeur en créant des conditions qui risquent de favoriser le statu quo. Un référendum requiert un travail important d'information, d'éducation et de mobilisation auprès de la population afin de favoriser la participation du plus grand nombre et la prise d'une décision éclairée. Pour la FAE, si elle doit avoir lieu, une campagne référendaire doit se tenir dans la continuité de l'adoption du projet de loi, soit au plus tard un an après l'adoption de la loi.

Mme Lepetit (Alice) : Le 5 décembre dernier, le gouvernement a déposé pas moins de 161 amendements à son projet de loi pour préciser les conditions dans lesquelles se tiendrait ce fameux référendum d'adoption. Ces amendements suggèrent des modifications majeures à la loi référendaire et posent un problème non seulement pour le référendum en question, mais, plus largement, pourraient avoir des conséquences importantes pour de futures consultations. Nous ciblerons, ici, deux aspects qui nous semblent particulièrement préoccupants.

Premièrement, l'enjeu du non-positionnement des partis politiques et du gouvernement lui-même dans le cadre de la campagne référendaire. L'article 225.8, en effet, du projet de loi stipule qu'aucun membre de l'Assemblée nationale ne pourra occuper un poste de direction au sein des camps référendaires, incluant les chefs de parti et le premier ministre lui-même. Pour la FAE, il est au contraire essentiel que les personnes élues puissent s'impliquer dans ce débat en siégeant au comité directeur de l'un ou l'autre camp. Les partis doivent pouvoir mettre leurs ressources organisationnelles et politiques à contribution dans ce grand débat, et l'attention médiatique et publique envers le référendum n'en sera que renforcée. Quant au premier ministre, comme principal artisan de la réforme, il doit exercer un rôle de leadership en faveur de son adoption en siégeant au comité directeur du Oui.

Deuxièmement, le gouvernement propose de limiter considérablement les moyens attribués aux camps référendaires. Dans son article 225.114, le projet de loi stipule que les dépenses des camps référendaires ne pourront avoir pour effet de favoriser ou de défavoriser l'élection d'une candidate ou d'un candidat, ce qui signifie qu'à partir du moment où la campagne référendaire débutera, les camps ne pourront référer à aucun parti, ministre ou membre de l'Assemblée nationale. Pour la FAE, cela constitue une entrave importante à la liberté d'expression.

Dans la même logique, la subvention publique prévue pour chacun des camps référendaires et la limite des dépenses autorisées représentent environ un tiers des montants accordés lors du référendum de 1995. Comment considérer que ces montants seront suffisants pour mener une campagne d'envergure sur un enjeu aussi complexe que celui de la réforme du mode de scrutin? En privant ainsi les camps référendaires de nombreuses ressources à la fois financières, organisationnelles et politiques, ces règles référendaires risquent de favoriser les porteurs du statu quo au détriment d'un débat véritablement équitable et de qualité.

M. Marois (Alain) : En conclusion, la FAE voit dans ce projet de loi une occasion historique d'améliorer nos institutions démocratiques et de s'attaquer au cynisme d'une grande partie de la population envers celles-ci. Nous souhaitons travailler en faveur de ce changement, mais le gouvernement et les oppositions doivent faire preuve d'ouverture pour apporter les correctifs nécessaires pour que chaque vote compte, tout en renonçant à la tenue d'un référendum en même temps que les prochaines élections.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Merci de votre présentation. C'est extrêmement intéressant. Vous abordez plusieurs points, qui ont déjà été abordés, mais avec des angles... mais c'est tout à fait correct, parce que, souvent, chacun apporte un argumentaire ou un angle différent pour certains des points.

Je vais brièvement aborder la question du référendum, parce qu'il y a d'autres points avec lesquels je veux discuter avec vous, puis c'est quand même très bien étoffé sur diverses choses, mais je veux en profiter pour peut-être... ça ne venait pas de vos propos, mais démystifier ce qui semble se dégager de certaines conversations depuis le début, c'est-à-dire que les élus ne pourraient pas se positionner pour un camp ou l'autre. Ce n'est pas ce que le projet de loi dit, présentement, les élus pourront se positionner. D'ailleurs, le premier ministre s'est déjà positionné en disant qu'il allait voter en faveur, à une question, je pense, d'un de vos collègues, M. le député de Gouin, à l'Assemblée nationale, ou de la vôtre.

M. Nadeau-Dubois : ...

Mme LeBel : C'est votre collègue? Donc, je savais que ça venait de votre côté. Mais donc c'est déjà positionné. Ce qu'on interdit, c'est qu'il fasse partie du conseil d'administration, naturellement. C'est une des conséquences potentielles, pas la seule, mais une des raisons, c'est qu'on ne veut pas qu'il y ait de confusion de dépenses entre le système électoral et le système... Et nécessairement, comme la période électorale sera, à un certain moment donné, en même temps, bon, ça faisait partie de... Mais je veux juste démystifier le fait que les députés, les élus pourront se positionner en faveur d'un camp ou de l'autre. Ce n'est pas empêché, c'est de faire partie du conseil d'administration. Donc, je veux juste que ça soit clair.

Ceci étant dit, je comprends très bien votre argumentaire de l'espace pour discuter de la question. Encore une fois, même si ça... je comprends que ça ne nous apparaît pas suffisant, mais il y a quand même quatre mois où le référendum existera par lui-même avant que la campagne électorale arrive, je veux juste aussi le mentionner. Je ne suis pas... Vous pouvez être en désaccord, mais j'aime bien qu'on discute sur des bases qui ne sont pas... qui sont celles qui sont dans le projet de loi. Mais, comme je dis, ça, ce n'est pas votre discours, mais, comme ça découlait des discussions précédentes, je pense qu'il fallait repositionner le débat.

Donc, si je comprends bien, vous considérez qu'on devrait le faire un an avant les élections pour avoir... Juste, peut-être, élaborer un peu plus, mais brièvement, parce que j'aurais beaucoup d'autres points à aborder avec vous, mais je sais que mon collègue va le faire aussi, donc...

M. Marois (Alain) : On dit qu'il doit être au plus tard un an après l'adoption du projet de loi, s'il doit avoir lieu, mais nous, on considère d'entrée de jeu qu'il ne devrait même pas avoir lieu, le référendum. On a tout en main, puis on doit se poser la question. Moi, je suis un peu étonné d'entendre à quel point certaines personnes — puis je ne pense pas que c'est si généralisé que ça — tiennent à un référendum, parce qu'il y a plein d'autres questions fort importantes, dans notre société, qui sont votées par les députés à tous les jours. On n'a rien qu'à penser, présentement, à un débat qui continue de faire rage sur mourir dans la dignité, où il y a des amendements qui doivent être apportés en lien avec des décisions de cour, et on n'a jamais consulté la population sur des enjeux de ce type-là, qui sont des enjeux moraux pour lesquels la population est grandement touchée dans son quotidien à tous les jours. Alors, pourquoi on parle de référendum pour une question de structure démocratique, alors qu'il y a plusieurs commissions de... commissions parlementaires, des auditions publiques qui ont lieu depuis des années et des années autour de la question et il y a un énorme consensus, chez la population, de dire : Écoutez, on veut que nos votes comptent? C'est assez clair, là, de manière simple, là, on s'est donné des grands principes. Vous essayez, par ce projet de loi, dans le fond, de rallier l'ensemble des principes. Puis je comprends l'équilibre, vous l'avez expliqué dans la présentation précédente, là, que c'est délicat. Mais en même temps le consensus autour de ces principes-là est très, très large, 72 % des gens qui ont voté à la dernière élection ont voté pour des partis politiques qui endossaient ces principes-là. Alors, pour nous, dès le départ, il ne devrait pas y avoir de référendum.

Maintenant, quand vous dites que quatre mois avant... il y aura eu quatre mois avant l'élection, il n'en reste pas moins qu'au moment où la campagne électorale va commencer, bien là, il va y avoir une brisure. Puis il y a aussi toute la période de l'été, parce que, on sait, notre campagne électorale va commencer à la fin de l'été, vers le mois d'août, parce que les élections sont à date fixe au mois d'octobre, donc on va avoir une période creuse où, pas plus que pour l'élection, les gens vont s'intéresser à la question. Donc, il va avoir une espèce de vide, tout à coup, qui va se créer, puis on veut avoir du temps nécessaire puis que ça soit l'enjeu primordial.

Je pense, ça a été beaucoup évoqué que, quand on fait un... si on veut faire un référendum sur cette question-là... il y en a qui disent que c'est très compliqué, là, ça ne l'est pas tant, mais il faut quand même prendre le temps d'expliquer à la population quels seront les impacts des changements, comment ça va se faire, la question des députés de liste versus un député de circonscription, etc. Donc, ça prend quand même un certain temps, là, pour expliquer tout ça, puis surtout, je vous dirais, éduquer de manière neutre, là, ce qu'on demanderait au DGE de faire, la population, plutôt que de subir les campagnes de peur, là, de certaines personnes qui sont pour le statu quo.

• (11 h 20) •

Mme LeBel : Certains de vos... ceux qui vous ont précédé, dans la livraison de leur présentation, bon, nous ont présenté, naturellement, plusieurs propositions d'améliorations du projet de loi selon leurs points de vue. C'est toujours accueilli avec beaucoup d'ouverture, je vous le garantis, toujours dans l'optique où je dois trouver le point d'équilibre. Je n'aspire pas à plaire à tout le monde dans ce dossier parce que ça sera difficile, mais à déplaire le moins possible, disons que c'est mon objectif. Donc, disons-le de cette façon-là, parce que j'y crois, et je pense qu'il faut franchir ce pas historique, et je ne voudrais pas que certaines des propositions de certains groupes soient des «deal breakers», en bon français, et qu'ils fassent en sorte qu'on perde le consensus nécessaire pour traverser et franchir le Rubicon.

Certains ont dit : Nous sommes fermes sur les objectifs. Vous avez raison, les objectifs sont connus. Les gens sont majoritairement en faveur de la transformation de notre système électoral pour les raisons qu'on a mentionnées précédemment. Mais le diable étant dans les détails, on n'est pas sur le principe de franchir le pas, présentement, parce que le projet de loi a quand même été présenté par notre gouvernement, et, vous l'avez mentionné, c'est quand même une avancée historique. Donc, si on a l'occasion de s'en parler aujourd'hui, c'est qu'il y a quelque chose de positif qui a été fait, une action positive.

Je suis rarement dans cet état-là, mais des fois je ressens le besoin de le repréciser, parce que, quand on s'enlise dans les détails, des fois on perd de point de vue, un peu, l'élément principal, c'est-à-dire que la grande majorité d'entre nous, ici, autour de la table, sommes en faveur de franchir ce pas historique. On cherche comment. On cherche comment le faire de la meilleure façon.

Vous nous proposez plusieurs points, je vais dire, dans les modalités, les technicalités, là, qui ne sont pas sur les principes, nécessairement, mais que les principes influencent. Est-ce qu'il y a des points, dans ce que vous nous mentionnez — le seuil, la double candidature, la parité, les quatre sièges régionaux, la meilleure proportionnalité, la plus grande pluralité — des choses sur lesquelles vous êtes plus souples pour rallier tout le monde? Est-ce qu'il y a des endroits où vous pourriez me dire : Bien, écoutez, on y tient, on pense que c'est l'idéal, mais, si ça pouvait mettre... si ça met en danger le fait que je perde mon consensus — et le consensus n'est pas juste ici, autour de la table, là — est-ce que vous avez des éléments où vous êtes plus souples, où je pourrais avoir plus de jeu, si vous me permettez?

M. Marois (Alain) : J'aurais préféré la question «est-ce qu'il y a des éléments qui sont des incontournables?» que les éléments sur lesquels on a de la souplesse. Mais, je vous dirais, d'entrée de jeu, on a maintenu la question des 17 régions. On sait très bien, ça fait longtemps qu'on travaille sur ces enjeux-là, on a collaboré à des travaux avec le MDN, avec différents politicologues... politologues, plutôt, et on sait très bien que la proportionnalité serait grandement améliorée par un plus petit nombre de régions. D'ailleurs, le DGE, dans un rapport, arrivait à la même conclusion.

Par contre, on est conscients qu'au Québec, depuis que le système des régions a été instauré en 1966 — ça ne date pas d'hier, là, c'est d'ailleurs la date de ma naissance, donc je peux en témoigner — la question des régions, c'est devenu quelque chose d'un peu viscéral pour les gens, on l'entend régulièrement. Alors, nous, on a dit : Bon, bien oui, ce serait une bonne solution, de diminuer le nombre de régions, mais on s'est plutôt ralliés sur le fait, entre autres, d'augmenter le nombre de sièges de compensation dans les régions où il n'y en avait seulement qu'un. Nous, on pense que c'est une solution. C'est sûr que ça va donner, d'une certaine façon, plus de poids, en plus, à ces régions-là, mais on considère que les grands centres ont un poids déjà important, puis ce n'est pas parce qu'il y aurait un siège de plus, là, dans certaines régions qui sont plus éloignées, avec moins de population, ça changerait. Donc, là-dessus, on a une souplesse. Mais en même temps on pense que, puisqu'on instaure un projet de loi pour modifier un régime... un mode de scrutin, il faut en profiter pour essayer qu'il soit le meilleur possible, puis la proportionnalité, pour nous, c'est un élément fort important.

Puis l'élément qui, pour nous, devrait être retiré à tout prix, c'est la question de la fameuse prime au vainqueur. Écoutez, dans aucun système, au monde, qu'on a établi de mixte compensatoire, ça n'existe, une telle... je vais employer le terme d'un article du Devoir cette semaine, «une telle astuce», là. Donc, ça, pour nous, là, ça, c'est clair que ça doit être retiré.

Maintenant, pour le reste, par rapport à la proportionnalité, bien, il y a différentes modalités. Vous l'avez expliqué tantôt, là, qu'il y avait trois façons de voir ça. Nous, on a une flexibilité là-dessus, puis vous avez raison qu'on coupe quand même de moitié l'indice de distorsion, mais, s'il y a moyen de faire mieux, faisons-le maintenant.

Maintenant, au sujet de la parité aussi, c'est fort important pour nous, on représente une grande majorité de femmes puis on... Pourquoi ne pas prendre la chance, pendant qu'on modifie notre système de mode de scrutin, pour, avec un système de listes, créer une alternance hommes-femmes? Pour nous, là, c'est un minimum. Je ne peux pas croire que les gens ici, là, de la commission, ne pourront pas s'entendre sur cet élément-là, qu'au moins, minimalement, les listes soient en alternance femmes-hommes, là, à 50-50. Ça, pour nous, c'est une évidence, là. Alors, voilà des éléments de réponse, je dirais.

Mme LeBel : Parlons du seuil, du seuil. Vous le fixez... vous le préconisez à 3 %. Il est à 10 %. Je comprends que, pour vous, 10 %, ce n'est pas une option, mais certains, beaucoup, ont même dit 5 %. Est-ce que, pour vous, ça, il y a de la souplesse, entre 3 % et 5 %? Est-ce que vous pensez que vos objectifs, qui ont fait en sorte que vous avez choisi 3 %, pourraient être quand même rencontrés, à tout le moins pas heurtés trop, par un seuil à 5 % ou un peu plus élevé? Mais j'ai compris que c'était en bas de 10 %, ça, j'ai très bien compris.

M. Marois (Alain) : Dans notre mémoire, on écrit que c'est de 3 % à 5 %. Donc, nous, on a choisi 3 %. On est un syndicat, on est habitués de négocier, donc on est partis à 3 %. Mais on sait que, dans le monde, dans les systèmes comparables, on se situe, généralement, là... je pense que le chiffre exact, c'est quatre virgule quelque chose, quand on fait une moyenne générale, là, donc entre 3 % et 5 %, là, pour nous, c'est raisonnable.

Mme LeBel : O.K. La double candidature, on n'a pas eu le temps d'en discuter beaucoup, pouvez-vous nous donner un petit peu plus de détails sur votre position?

M. Marois (Alain) : Bien, pour nous, la double candidature, ça a beaucoup d'impacts, entre autres, pour respecter le pluralisme politique. On sait que, pour un plus petit parti, de les obliger à la fois à présenter des députés de circonscription et des députés de liste, ça devient très exigeant. Et on ne souscrit pas du tout à l'idée, parce qu'on a perdu une élection au niveau d'une circonscription, qu'on ne vaut pas la peine. On le sait, là, les choix des électeurs, là, en termes d'une élection, se font sur un paquet de facteurs, puis un excellent candidat peut perdre, pour son parti, dans une circonscription, mais il ne devrait pas pour autant être rejeté au niveau d'une liste régionale. Donc, on devrait le permettre, mais ce serait au libre choix. Il n'y a pas d'obligation, évidemment. Donc, les partis, en fonction de leurs capacités à avoir des représentants tant au niveau des circonscriptions qu'au niveau des listes régionales, feraient le choix ou non de présenter puis... voilà.

Mme LeBel : Bien, merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Avant de passer la parole au député de LaFontaine, j'aimerais qu'on fasse attention, peut-être, aux mots. Vous avez utilisé le mot «astuce», alors, donc... «campagne de peur», juste faire attention à l'utilisation des mots. Et on ne peut pas citer un tiers pour des propos qui pourraient porter à débat. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Mais, M. le Président, sur votre point, est-ce que je peux dire que le premier ministre, dans ce dossier-là, a été astucieux?

Le Président (M. Bachand) : Il faut juste faire attention, M. le député de...

M. Tanguay : C'est une qualité, l'astuce.

Le Président (M. Bachand) : Ça dépend de qui le dit puis de quelle façon qu'on le dit, alors faites attention, s'il vous plaît, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Ah! là, je suis en train d'éconduire Mme la ministre. Je vais m'arrêter parce que je ne veux surtout pas l'éconduire. Mais je pense que c'est une belle qualité de notre premier ministre, ça, d'être astucieux, et en politique...

Et on a entendu la ministre dire, un peu plus tôt, que le premier ministre a confirmé qu'il allait voter oui, et, publiquement, il a dit qu'il allait voter oui. Elle a dit que l'un des éléments qui faisaient en sorte, dans les amendements déposés la veille du congé des fêtes, 160 articles, excusez du peu, les amendements concernant le référendum... qu'il ne pouvait pas être membre du C.A., mais on peut ajouter aussi qu'il ne peut pas être un dirigeant, il ne peut pas présider le camp du Oui, et c'est ce que lui interdirait la loi dans une campagne électorale où il y aurait un référendum. Et, comme l'on sait que le... Et elle ne pourrait pas le faire, et un des arguments qu'elle a dits, c'est parce qu'il y aurait peut-être confusion dans les dépenses, dépenses référendaires. Si le premier ministre était président du camp du Oui et en même temps candidat dans son comté et chef de son parti, il pourrait y avoir des problèmes quant à départager, bon, bien, qu'est-ce qui relève d'une dépense référendaire puis qu'est-ce qui relève d'une dépense électorale.

Bien, je pense que la solution toute trouvée pour lui éviter cet écueil-là, c'est de séparer les deux campagnes. Si le premier ministre trépigne, a hâte d'en découdre, a hâte d'être le chef du camp du Oui, donnons-lui l'occasion d'ouvrir sa plénitude et ses arguments qui vont rallier la population derrière lui, parce qu'il en ferait un cheval de bataille et on pourrait le libérer, donc, d'écueils administratifs qui, malheureusement, écueils administratifs, l'empêcheraient d'être président du camp du Oui. Alors, je pense qu'on répondrait, en toute bonne foi, à cette préoccupation légitime là du premier ministre.

Vous dites donc très clairement : Pas en même temps que les élections parce que ce n'est pas une bonne idée. Et qu'on soit pour ou qu'on soit contre, on s'entend là-dessus. En même temps qu'une élection, on n'aura pas l'occasion de débattre pleinement et de faire en sorte que la population, après les débats, puisse se faire une idée puis voter dans le sens qu'elle l'entend. Vous dites donc : Un référendum, nécessairement... Vous dites : Un an, dans l'année suivant l'adoption du projet de loi. Pour vous, il serait, j'imagine... puis je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais corrigez-moi si j'ai tort, mais il serait non envisageable qu'il y ait un référendum l'autre bord des élections générales de 2022.

M. Marois (Alain) : Non, tout à fait, c'est clair, parce que, là, on vient... on est en pleine commission, on fait les débats là-dessus, l'attention de la population est attirée sur le sujet. Un coup que la loi est adoptée, moi, je pense qu'il faut donner le temps, entre autres, au DGE de mettre en place des modalités d'éducation populaire par rapport au contenu, que chaque camp se mette en place et qu'on amorce, je vais le dire comme ça, là, les hostilités, là, pour qu'il y ait vraiment un débat au Québec autour de la question, si c'est le choix, évidemment, de l'Assemblée nationale de procéder par un référendum.

• (11 h 30) •

M. Tanguay : Oui. Et, en passant, puis je vous fais un clin d'oeil, vous avez dit «les campagnes de peur de ceux qui seraient contre». Bien, d'un autre côté, je ne vous dirais pas «les campagnes d'angélisme de ceux qui seraient pour», aussi. Ça, ça se participerait d'un débat référendaire. Mais ce n'est pas parce qu'on serait contre qu'on serait forcément de mauvaise foi. On aurait des choses à dire, puis le peuple décidera dans son âme et conscience.

Si important, d'ailleurs, que vous verbalisez une autre proposition qu'un débat, vous dites même : On devrait avoir... augmenté les ressources des deux camps. Vous dites qu'il y a déjà, prévus dans la loi, des montants... recommandation 13 : «Que les fonds publics affectés à chacun des deux camps ainsi que la limite des dépenses autorisées soient augmentés [pour qu'on ait] une véritable campagne...» J'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'effectivement ce n'est pas anodin et, on va se l'avouer, là, c'est assez complexe, et il va falloir, durant une campagne référendaire, être particulièrement efficaces pour aller rejoindre les gens puis s'assurer que l'on ait les moyens d'expliquer les tenants et aboutissants.

Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur, même, non seulement : N'allez pas noyer ça dans une campagne électorale, sortez-le, et même... et accordez-lui une importance accrue dans la pédagogie de la chose, en augmentant les ressources financières. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Lepetit (Alice) : Oui, bien, tout à fait. En fait, ce qu'on nomme, c'est que, si le gouvernement décide d'aller de l'avant avec un référendum, autant qu'il mette toutes les conditions possibles pour que la place, en termes d'espace... donc qu'il n'y ait pas de chevauchement avec la campagne électorale, comme vous l'avez nommé, donc qu'il n'y ait pas de problème de confusion dans les dépenses, que tous les partis puissent prendre leur place dans ce débat-là également, que les militants, militantes des partis puissent s'investir aussi dans la campagne référendaire, ce qui sera beaucoup plus compliqué si elle chevauche une campagne électorale, et qu'on donne effectivement aux camps du Oui et du Non les ressources nécessaires au niveau financier. Parce que, comme on le nommait dans notre présentation, on est à peu près à un tiers, là, en termes de fonds publics, ce qui est prévu pour la campagne référendaire, par rapport à ce qui avait été confié aux camps du Oui et du Non lors du référendum de 1995. Donc, on a divisé par trois, à peu près, et, au niveau des limites des dépenses permises aussi, on a divisé à peu près par trois.

D'autres modalités, là, dans les fonds... Par exemple, ce que prévoient les amendements, c'est que les fonds publics soient versés en trois fois aux camps référendaires, alors qu'en 1995 ça avait été versé en début de campagne, juste une seule fois. Dans un contexte, aussi, où il y aurait un référendum en même temps que les élections, où les ressources des partis seraient beaucoup moins en appui à la campagne référendaire, cette réduction des ressources aux camps référendaires nous semble être un autre élément qui va défavoriser un peu les campagnes.

Puis je voudrais juste revenir sur un élément. Au niveau du camp du Oui et du Non, ce qu'on sait, souvent, dans ce genre de campagne, c'est que ça demande quand même plus de ressources, peu importent les arguments et les intentions des camps, de démontrer, de faire la démonstration qu'il faut un changement versus de défendre un statu quo parce que, par nature, l'être humain a peur du changement, et c'est plus difficile de convaincre les gens qu'ils vont gagner au changement que de leur persuader que la situation actuelle n'est pas si pire. Donc, c'est pour ça qu'on dit aussi que la réduction des ressources pour les camps référendaires risque de défavoriser le camp du Oui davantage que le camp du Non, parce que le camp du Oui aura plus de travail à faire que le camp du Non.

M. Tanguay : ...les deux camps, il va sans dire, aient les mêmes ressources.

Mme Lepetit (Alice) : Absolument.

M. Tanguay : Et, sur le point de la ministre... puis, honnêtement, je ne l'avais pas vu avant qu'elle le dise, mais là je le vois, sur le point de la ministre, elle dit : Bien non, le premier ministre ne pourrait pas être dirigeant du camp du Oui dans une campagne et électorale et référendaire parce qu'il risquerait d'avoir imbroglio sur les dépenses d'un camp, camp du Oui versus électorales. Mais, si c'est le cas pour le premier ministre, ça serait le cas de tous les candidats. Moi, je vois mon collègue de Québec solidaire, moi, je pense qu'il va être dans le camp du Oui et je pense qu'il va être extrêmement...

Une voix : ...

M. Tanguay : ... — ça dépend du projet de loi? Je ne veux pas présumer, pas lui prêter des intentions — puis je pense qu'il va être extrêmement actif. Je ne voudrais pas être son agent financier, hein? Je veux dire, il fait une publicité qui participe de son élection : Votez pour Québec solidaire parce que nous sommes notamment contre ça, contre ça, pour ça, pour ça puis pour le mode de scrutin. Comment allons-nous séparer? On va dire : Bien, 1/5 de la publicité est relié au camp du Oui. La dépense de 500 $, vous allez attribuer 100 $ au camp du Oui comme dépense électorale. Si c'est bon pour le premier ministre, c'est bon pour mon collègue de Québec solidaire puis ça va être bon pour moi, si d'aventure on est dans le camp du Non.

Alors, c'est un bon argument de Mme la ministre. Je ne l'avais pas vu avant. Là, je le vois. Si c'est bon pour un, c'est bon pour l'autre. Ce seraient des rapports de dépenses excessivement complexes. Et on a hâte d'entendre le DGEQ là-dessus, par rapport... Puis vous savez que les dépenses électorales, c'est excessivement important, c'est le nerf de la guerre. On ne peut pas se tromper là-dessus. Et ce serait, même en toute bonne foi, très difficile de dire qu'est-ce qui relève de la campagne référendaire puis qu'est-ce qui ne relève pas.

Mettons ça de côté. J'aimerais vous entendre sur, donc, l'importance pour vous d'augmenter le nombre de députés. Vous proposez... Vous avez dit un peu plus tôt... bon, le nombre des régions, vous avez dit que c'est un élément excessivement sensible et important. Nous en sommes, la représentativité des régions. Vous dites — je vous paraphrase, là : La proportionnalité aurait été meilleure si on avait diminué le nombre de régions, mais on n'y va pas, là, on garde ça à 17, mais augmentons le nombre de députés. J'aimerais vous entendre sur l'importance d'augmenter de 125 à 129 le nombre de députés.

M. Marois (Alain) : Bien, c'est toujours dans l'optique d'avoir une meilleure proportionnalité. Comme on a expliqué dans notre mémoire, avec ce qui est sur la table, il y aurait, dans le fond, une correction des distorsions à géométrie variable selon les régions, puis ça, bien... Si, déjà, un de nos principes, c'est de maintenir le poids politique des régions, bien, il ne faut pas aussi que, dans le cadre d'une réforme, on avantage des régions par rapport à l'autre en termes de correction d'indice de distorsion. Avec ce qui est sur la table pour l'instant, c'est clair que, dans des régions plus populeuses, on aurait plus de proportionnalité, alors que, dans des régions où il y a moins de population, il y aurait moins de proportionnalité. Ce n'est pas plus acceptable. Il n'y a pas nécessairement de perte de poids politique, mais il y a quand même une perte aussi à ce niveau-là. C'est pour ça qu'on dit : Bien, minimalement, en ajoutant un siège pour s'assurer que chaque région ait au moins deux sièges de compensation, ça fait en sorte que tout le monde est plus sur un pied d'égalité, là. Alors, c'est vraiment dans ce sens-là qu'on fait cette suggestion.

M. Tanguay : Et comment croyez-vous que l'on pourrait justifier qu'il y aurait, donc, une augmentation des dépenses, des frais de notre démocratie? Clairement, là, les gens qui seraient contre cela vous diraient : Bien, écoutez... on comparerait à l'Ontario. Là, j'y vais... j'arrondis, là, on me détrompera si j'ai tort, je crois, en Ontario, ils sont plus de 13 millions, je crois qu'ils sont 107, 110 députés, là, ou 103, en bas de 110, et au Québec, on est 8,4 millions et on passerait de 125 à 129. Comment pourrions-nous justifier cela?

Le Président (M. Bachand) : ...au député de Gouin. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être là. J'aimerais vous entendre sur la question, disons, de votre première recommandation. Vous faites partie des gens — puis ils sont assez peu nombreux dans la catégorie des gens en faveur d'une réforme du mode de scrutin — qui, d'emblée, dites : Bon, conservons les 17 régions. Parce que, pour augmenter la proportionnalité, une recommandation qui nous a souvent été faite depuis le début de nos audiences, hier, c'est de diminuer le nombre de régions. Vous faites partie des gens qui disent : Non, conservons 17 régions et, par contre, augmentons le nombre total de députés. J'imagine que, cette recommandation-là, vous nous la présentez au terme d'une discussion dans vos instances avec vos membres. Qu'est-ce qui vous a fait opter pour ça plutôt que pour la solution qui nous a été davantage présentée, c'est-à-dire diminuer le nombre de régions?

M. Marois (Alain) : Bien, nous, au fil des discussions avec différentes organisations, dans le cadre de nos échanges, entre autres, aussi avec le Mouvement Démocratie nouvelle puis des rencontres qui ont pu avoir lieu, entre autres, avec des gens du cabinet de la ministre, on a compris que ça serait très difficile de toucher au nombre de régions au Québec, qu'il y avait une très grande sensibilité autour de ça, et on pense que c'est un élément qui pourrait faire dérailler... la ministre disait, tantôt... elle parlait de «deal breaker», mais on pense que, si on touche aux régions au Québec en ce moment, ça risque d'être un «deal breaker» pour certains organismes ou peut-être même pour certains partis politiques, je vais le dire comme ça. Donc, on pense que c'était plus sage d'y aller en ce sens-là.

Et, bon, oui, plus de députés, ça occasionne plus de dépenses, là, mais, en même temps, il faut tenir compte de la particularité du territoire au Québec, là. Le Grand Nord... il y a plusieurs régions qui ont beaucoup... une grande superficie avec très peu d'électeurs, on ne peut pas nécessairement se comparer. On parlait... Quelqu'un d'autre parlait de l'Ontario, là, mais il faut faire attention, aussi, en termes de territoire, là. Donc, pour nous, c'est la meilleure solution, si on veut augmenter la proportionnalité.

M. Nadeau-Dubois : Parlons de parité, il me reste seulement une vingtaine de secondes. Sur une échelle de 1 à 10... Vous faites des recommandations en matière de parité, au moins trois. Jusqu'à quel point est-ce que ces recommandations-là sont importantes pour vous, mettons, sur une échelle de 1 à 10?

Mme Lepetit (Alice) : Bien, pour nous, ces recommandations-là, c'est le minimum. On parlait, tantôt, de négociation. On fait une combinaison de mesures structurelles et incitatives. On pourrait être plus offensifs en termes de demande de parité. Il y a des pays qui mettent en place des mesures contraignantes de bout en bout. Nous, ce qu'on propose, c'est un mixte de mesures structurelles avec le scrutin de liste puis quelque chose de plus incitatif pour l'ensemble des candidatures. Donc, de 1 à 10, c'est le minimum, ce qu'on propose, en termes de parité et de diversité en 2020, là.

M. Nadeau-Dubois : Donc, ce qu'il y a actuellement, c'est en deçà du minimum, selon vous?

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Rimouski. Désolé.

Mme Lepetit (Alice) : Oui. Oui, oui. Absolument, oui.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.

• (11 h 40) •

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour. Votre réflexion sur les régions est parfaite, gardez-la comme ça.

Moi, c'est par rapport au référendum. Regardez, si... mettons qu'on adopte le projet de loi en juin, on met ça sur la glace, on n'en parle plus, personne ne fait campagne ni pour ni contre, et là on attend en mai 2022, puis là, woups! on se réveille, là on en parle, mai, juin, juillet, à travers les barbecues, au mois d'août, puis là, woups! on arrête, il faut parler de la campagne, il faut parler de la route 20 puis des problèmes de toutes sortes d'affaires, puis là, après un mois, on pose la question, moi, je ne pense pas que c'est la bonne façon de faire ça, puis les gens vont... Est-ce qu'on pourrait se rallier à la proposition du MDN, qui dit : On devrait faire un référendum dans un an après l'adoption de la loi, gros maximum, se préparer puis se concentrer sur la vraie question, puis qu'il y ait des camps du Oui, puis que le premier ministre s'en mêle, puis qu'on fasse ça comme du monde, puis qu'on pose la question? Est-ce que ça devrait être ça, la façon de faire?

M. Marois (Alain) : C'est tout à fait notre point de vue, s'il doit y avoir référendum, je le répète.

M. LeBel : Oui, oui, je comprends.

M. Marois (Alain) : Et en même temps, en même temps, avec un référendum de validation, ça nous sauverait peut-être aussi beaucoup de temps d'éducation parce que les gens l'auraient expérimenté. Donc, on pourrait tout simplement... Vous avez le pouvoir de le mettre en place, comme députés. Votons la loi, expérimentons-le, après on verra comment les gens réagissent. Puis là on pourrait peut-être sauver beaucoup d'argent, parce qu'il y en a qui parlent juste d'argent, quand il est question de référendum.

M. LeBel : Puis, moi, l'élément, aussi... le fait que juin 2020 jusqu'à mai 2022... on ne me fera pas accroire que personne ne va faire de la campagne, là, puis personne ne va... tu sais, ça fait que, là, ça milite pour qu'il y ait quelque chose qui se fasse le plus vite possible. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Fournier : Oui, merci beaucoup. Puis vous faites bien de faire référence à la superficie du territoire du Québec. En fait, le Québec est 1,5 fois plus grand que l'Ontario, et l'Ontario compte 124 députés, donc c'est-à-dire qu'ils représentent un territoire plus petit que ceux du Québec.

Ceci étant dit, vous avez fait référence à la prime au vainqueur. Vous savez que le gouvernement évoque cet argument d'instabilité provoquée par la réforme du mode de scrutin pour dire : Bon, ce serait bon d'avoir cette prime au vainqueur pour assurer une plus grande stabilité puis répondre à ceux qui prétendent le contraire. Croyez-vous que d'instaurer plutôt un encadrement des motions de censure à l'Assemblée nationale pourrait permettre d'arriver au même objectif, tout en ne compromettant pas la pleine compensation induite par le mode de scrutin?

M. Marois (Alain) : On est tout à fait d'accord avec l'instauration d'encadrement des motions de censure. D'ailleurs, c'est un des principes de l'entente transpartisane, et on est assez étonnés de voir que ce n'est pas le projet de loi. Donc, c'est la meilleure solution. Ça existe déjà dans des pays qui ont des systèmes comparables. Donc, oui, c'est ça qui devrait être fait pour régler la situation plutôt que la question de la prime au vainqueur.

Mme Fournier : Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Cela dit, merci beaucoup de votre présentation, c'est très apprécié.

On va suspendre les travaux quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

(Reprise à 11 h 44)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux.

Il me fait plaisir, maintenant, d'accueillir les représentants de la Fédération québécoise des municipalités. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et après ça on a un échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé. Merci beaucoup.

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Demers (Jacques) : Parfait, merci. Bonjour. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je me présente, Jacques Demers, maire de Sainte-Catherine-de-Hatley, préfet de la MRC Memphrémagog et président de la Fédération québécoise des municipalités. Je suis accompagné de Mme Claire Bolduc, préfète de la MRC de Témiscamingue, administratrice à la FQM et présidente de la commission permanente en développement social, institutions et démocratie. J'ai aussi, à ma droite, M. Pierre Châteauvert, directeur des politiques à la fédération, et notre directeur général, M. Sylvain Lepage. Merci de nous accueillir.

La Fédération québécoise des municipalités, dans le cadre de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 39, la Loi établissant un nouveau mode de scrutin... c'est en tant que porte-parole des régions que la FQM est ici aujourd'hui. La FQM existe depuis 1944. On regroupe 1 000 municipalités et MRC au Québec. Il y en a 1 108, municipalités, une centaine de MRC. On est vraiment le représentant des régions. Le plus gros regroupement au niveau municipal qui peut y exister au Québec, c'est la FQM. C'est pour ça qu'on se présente ici, devant vous. Le mémoire sera lu par ma collègue, Mme Claire Bolduc.

Mme Bolduc (Claire) : Merci. Merci de nous accueillir. Bonjour à tous. D'entrée de jeu, la réforme du mode de scrutin, c'est un sujet qui nous a beaucoup préoccupés dans le milieu municipal. Et, à la FQM, il importe de dire qu'on a pris le temps qu'il faut pour analyser très sérieusement la question dès que ça a été annoncé, en fait, en 2018, et bien avant le dépôt du projet de loi. Nous avons donc discuté avec les différentes commissions, avec nos instances d'assemblée des MRC et également avec le conseil d'administration avant de se présenter en assemblée générale annuelle. C'est le fruit de ces discussions-là qu'on vous livre aujourd'hui.

On a retenu, à même ces discussions-là, des principes fondamentaux auxquels tout projet de réforme électorale se doit de répondre. Nous avons aussi analysé ce que le présent projet de loi fait à la lumière des principes et des orientations que nos membres ont adoptées. Ainsi, cinq principes font consensus. Vous en reconnaîtrez certainement quelques-uns à partir de l'entente qui avait été signée entre quatre partis politiques.

Le premier des principes est qu'en raison de ses implications pour la société québécoise et considérant que cette réforme touchera l'ensemble des citoyens et citoyennes, toute modification au mode de scrutin devra être approuvée par référendum. Pour la Fédération québécoise des municipalités, il appartient à la population de décider d'un tel changement. Chaque organisation a la liberté de s'exprimer sur le présent projet de loi, comme nous le faisons. Cependant, pour les membres de la fédération, la décision ultime d'un changement aussi fondamental de notre édifice démocratique, ça appartient aux électeurs, les citoyens et les citoyennes.

Le deuxième principe est que le poids politique des régions doit être protégé par rapport à celui des centres. C'est également un principe qui avait été partie prenante de l'entente. Ce principe doit être évalué non seulement à l'occasion de l'adoption du projet de loi, mais également en faisant une analyse prospective de ses effets. En effet, par définition, la révision du mode de scrutin est un exercice exceptionnel, et il serait curieux de penser qu'on va le refaire à tous les 10 ans. Donc, s'il y a des effets pervers, on doit les prévoir maintenant, les anticiper maintenant et on doit s'assurer de ne pas les conforter. Nous allons d'ailleurs revenir sur ce point-là dans quelques instants.

Le troisième principe, et il est précieux, particulièrement pour tous les élus et les citoyens et citoyennes de région : la proximité entre la députation et les électeurs. Ce principe-là est majeur pour nous. La proximité entre le citoyen, entre l'élu municipal et les députés doit être garantie. C'est également un sujet sur lequel nous allons élaborer un peu plus.

Le quatrième principe concerne le respect des limites territoriales des MRC. Pour nous, à la Fédération québécoise des municipalités, pour nos membres, il est primordial que le découpage des circonscriptions tienne compte des autres paliers de représentation démocratique et, plus spécifiquement, qu'il tienne compte des limites territoriales des MRC. Il faut s'assurer que le territoire de MRC ne soit pas découpé en plus d'une circonscription.

Finalement, la Fédération québécoise des municipalités demande que toute modification au système électoral québécois et à son mode de scrutin comprenne des mesures qui favoriseront l'atteinte d'une représentation paritaire.

• (11 h 50) •

À la lumière de ces principes, la fédération et ses membres ont procédé à l'analyse du projet de loi n° 39. Ainsi, en ce qui concerne le poids politique des régions et au-delà du fait que le nombre de sièges reste inchangé, l'introduction d'une nouvelle carte électorale comprenant des sièges de circonscription et des sièges de région change complètement la donne de l'appareil démocratique des Québécois et des Québécoises. Deux aspects nous préoccupent de façon particulière : l'évolution démographique des régions du Québec et l'étendue prévue des territoires. Le projet de loi détermine une méthode de calcul de la... par méthode de calcul la répartition des sièges. Selon la méthode annoncée, la répartition du nombre de députés par région reste relativement inchangée, à quelques exceptions près. Toutefois, nous attirons votre attention sur le fait que, cette analyse étant produite à partir des données populationnelles actuelles, tout nous porte à croire que l'équilibre présenté maintenant changera à moyen terme. Puisque la loi sur les élections oblige la révision de la carte des circonscriptions électorales après la deuxième élection générale suivant la dernière délimitation, le poids politique des régions qu'on dit vouloir garantir à travers le projet de loi ne pourra être garanti. La FQM demande donc que le projet de loi assure la pérennité du poids politique des régions.

La nouvelle carte électorale comporterait également 45 sièges de région sur les 125 actuels et maintenus. Ce nouveau découpage ajoute un ou des députés par territoire de région selon le calcul de répartition tel qu'inscrit au projet de loi. C'est un nouveau type de député qu'on voit apparaître, le député de région versus le député de circonscription, et ça amène tout un lot de questionnements et de préoccupations aussi quant à la représentation régionale par rapport à celle du député de circonscription. Par exemple, vers quel député la population, dont les élus municipaux, devront-ils se tourner pour faire avancer leurs dossiers? De quelle façon le travail sera-t-il réparti entre les députés? De quelle façon les députés de formations politiques différentes parviendront-ils à travailler sur les dossiers prioritaires d'une région? Ces questions-là, ça nous préoccupe énormément. Je vous rappelle qu'un député en région, dans les grandes régions du Québec, c'est précieux, autant pour les citoyens que pour les élus, et sans compter que la proposition actuelle fait en sorte qu'il existerait désormais deux classes de députés, ceux de circonscription, ceux de région. Devant toutes ces interrogations, nous demandons que soit clarifié le rôle des députés de région.

Et parlons de proximité, maintenant. Je l'ai mentionné, la proximité avec le député ou les députés, qu'ils soient issus de listes ou élus dans une circonscription, ça nous préoccupe. Ça a été longuement discuté par les membres de la FQM. Le projet de loi annonce un nouveau découpage de la carte électorale pour avoir 80 députés de circonscription, et chaque circonscription... seront regroupées en 17 territoires de régions électorales. À notre avis, un tel redécoupage défavoriserait les électeurs des régions moins populeuses.

Je vous invite à réfléchir au fait qu'on ne peut pas réaliser à 80 circonscriptions ce qui a été déjà très difficile à accomplir à 125. Pour le citoyen qui est loin de la Capitale-Nationale, qui est loin de la métropole, le député, je le répète, c'est précieux. C'est souvent le seul lien avec le gouvernement, et l'État, et avec tout l'appareil gouvernemental. Il en va de même pour l'élu municipal. Il apparaît clair pour la fédération que la proximité entre le citoyen et son député sera grandement affectée.

Et que dire de l'étendue des territoires des députés issus des listes régionales? Je vais vous parler de ma région. Le député qui serait élu pour représenter à titre de député régional la région de l'Abitibi-Témiscamingue aurait à couvrir un territoire de plus de 65 000 kilomètres carrés, deux fois la superficie du Vermont. Le député de la Côte-Nord aurait, quant à lui, 1 300 kilomètres de côte à parcourir, en réfléchissant aussi au fait que la route 138 arrête à Natashquan. On peut parler des régions du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, ce sont aussi des régions qui ne compteraient qu'un seul député de région. De quelle manière on pourrait, à ce moment-là, garantir la proximité entre les citoyens et le député de région? On croit que ce serait quasi impossible à établir. Ainsi, pour la Fédération québécoise des municipalités, l'éventuelle adoption de ce projet de loi dans sa forme actuelle constituerait assurément un recul important pour la population et les élus municipaux des régions, qui doivent faire appel aux députés de l'Assemblée nationale pour faire avancer leurs dossiers et collaborer au développement de leur territoire.

Concernant les délimitations des circonscriptions et régions, nous demandons encore que les limites territoriales des MRC soient respectées afin de faciliter et consolider le travail et les échanges entre les élus des différents ordres de gouvernement. D'ailleurs, la reconnaissance des municipalités et des MRC en tant que gouvernements de proximité doit également se refléter dans le projet de loi, qui établit de nouveaux territoires électoraux.

Le projet de loi prévoit enfin l'imposition aux partis politiques de se doter d'un énoncé relatif aux objectifs que se fixe son parti en ce qui concerne la parité entre les hommes et les femmes. Pour nous...

Le Président (M. Bachand) : ...à conclure, par exemple. Le temps est déjà dépassé. Merci.

Mme Bolduc (Claire) : Parfait. Alors, pour nous, cette imposition est insuffisante. Nous recommandons que toute réforme inclue l'obligation de déposer des listes paritaires pour les candidatures régionales.

Alors, je conclus. Pour nous, la décision de changer le mode de scrutin actuel appartient ultimement à la population. Alors, on demande que toutes les conditions soient assurées afin que la population puisse faire un choix éclairé. La FQM demande que le gouvernement réponde aux interrogations présentées dans son mémoire, qui reflète les préoccupations de ses membres, dont en particulier la clarification du rôle des députés de région et le respect des délimitations de territoires des MRC.

La FQM rappelle les inquiétudes quant à la perte de proximité avec la population, les élus municipaux et leur députation due à l'étendue des territoires des nouvelles circonscriptions et des territoires de régions, particulièrement...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je dois vous arrêter parce qu'on a dépassé le temps de quelques minutes. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Je vais vous laisser peut-être le temps de finir votre phrase, puis après ça je pourrai vous poser quelques questions, si vous me permettez.

Mme Bolduc (Claire) : Nous sommes ouverts à des propositions et des changements qui visent à améliorer notre mode de scrutin, tout à fait ouverts. Mais, après une analyse qui a associé des centaines d'élus de toutes les régions du Québec, force est de constater que le projet de loi actuel ne répond pas à ces conditions. Merci de votre attention.

Mme LeBel : Bien. Alors, j'ai bien fait de vous laisser terminer. Au moins, le mot «ouverture» est entré dans votre discours. Donc, merci pour cette dernière phrase, mais j'ai très bien compris. D'ailleurs, on a eu l'occasion de se rencontrer.

Je vais peut-être commencer par clarifier quelque chose, deux petits points qui m'ont un peu titillée dans ce que vous avez dit. Clarifier le rôle du député. Le député, qu'il entre par la porte de la circonscription ou par la porte de la liste, pour moi, c'est un moyen d'accéder à l'Assemblée nationale et pas une fin en soi. Et je pense que c'est les gens du MDN qui l'ont bien dit, les députés auront le même rôle sur le territoire. Donc, ça sera, après ça, effectivement, un changement de culture, une réorganisation.

Je vais prendre l'exemple de la Mauricie, parce que j'en proviens, et pas parce que... mais j'ai constamment des gens qui viennent me voir qui ne sont pas dans ma circonscription comme telle et qui viennent de la grandeur du territoire. Je m'occupe également, aussi, de dossiers avec mes trois autres collègues, dont un est ici présent aujourd'hui, le député de Maskinongé, que je salue, de dossiers qui sont régionaux. Donc, il y aura effectivement, vous avez raison, une organisation qui devra se faire entre les élus, un apprentissage. Il faudra réapprendre à travailler, c'est exact. Mais je veux juste vous rassurer, je pense que le rôle... le rôle est le même, et, en tout respect, je me vois mal, dans une loi électorale, dire que le député de région va faire telle affaire puis le député de liste va faire telle affaire. Je pense que ce n'est pas judicieux de le faire. Mais c'est ma position, je verrai si d'autres la partagent.

Autre chose que je voulais clarifier aussi, parce que mon collègue député de LaFontaine emploie aussi — «astuce» me venait en tête, mais je pense que je ne peux pas — cet argument en disant : Le député de région aura 1 000 kilomètres... je veux dire, en tout cas, les chiffres que vous avez dits. Bien, il n'est pas le seul sur le territoire, là. Là, quand on discute de ça, c'est comme si le député de région allait être tout seul en Gaspésie, là. Ce n'est pas le cas, puis il ne sera pas tout seul sur la Côte-Nord non plus. Et, vous l'avez mentionné d'entrée de jeu, un des efforts qui est fait à travers le projet de loi, c'est de maintenir à peu de choses près le même nombre de députés par région. Donc, je pense que c'était important de le mettre sur la table avant de continuer nos discussions, mais c'est important aussi de bien le comprendre. Mais, oui, il y a un changement de rôle, dans le sens de partage et de façon de travailler, mais ce sont des députés qui sont équivalents, qui ont la même légitimité. Ce sont juste deux façons différentes d'accéder à un poste à l'Assemblée nationale. Puis je sentais le besoin de le dire, ça fait que ça fait partie de ça.

• (12 heures) •

Maintenant, je partage vos préoccupations, M. Demers, que vous avez exprimées dans une lettre ouverte au nom de vos membres. J'ai eu l'occasion de rencontrer vos membres. Vos membres sont mes... Je travaille avec vos membres. J'ai quand même... j'ai 19 municipalités, dont deux préfets, sur mon territoire et des MRC scindées, donc je comprends exactement les préoccupations de vos membres, et ils ont eu l'occasion de me les véhiculer à maintes reprises. Vous avez mentionné, dans une lettre ouverte, le 2 avril 2019, la chose suivante : «...toute proposition de réforme du mode de scrutin ne pourra pas s'appuyer uniquement sur le principe de la représentation proportionnelle du vote, puisque cela ne fera qu'accentuer la perte d'influence des régions et le sentiment, déjà largement répandu à l'extérieur de Montréal et de Québec, de ne pas être entendus par nos gouvernements.

«Plusieurs sociétés démocratiques ont compris cela en adoptant un système reconnaissant non seulement le vote populaire, mais également les régions qui composent leur territoire.»

C'est le point d'équilibre qu'on a tenté d'obtenir et d'atteindre dans le projet de loi qui est présenté, c'est-à-dire le point d'équilibre entre divers principes, et j'en ai discuté précédemment, si vous avez eu l'occasion d'entendre mes propos, dans le fait que des fois il faut choisir entre l'effet proportionnel, des fois il faut choisir entre le poids des régions, des fois il faut choisir entre la stabilité gouvernementale.

Plusieurs principes ont motivé les différents choix, puis c'est pour ça que je vais vous parler peut-être plus particulièrement des modalités. Vous parlez d'assurer ou de maintenir le poids politique des régions à l'Assemblée nationale. J'imagine que vous êtes en faveur du maintien des 17 régions administratives. Parce qu'on a parlé, et certains ont dit : Bien, ça sacrifie de la proportionnalité. Bien, c'est un peu le choix qu'on a fait. Donc, j'imagine que vous êtes en faveur du maintien des 17 régions administratives?

M. Demers (Jacques) : Absolument, oui. Sur le principe des 17, on n'a pas de problème. Mais j'ai besoin de répondre quand même à vos deux affirmations d'avant, où est-ce que vous avez parlé des deux députés. On comprend qu'au niveau de l'Assemblée nationale ça ne change rien, il y a 25 sièges, ils restent à 25. La problématique, on la voit sur le terrain, on la voit quand... nous, en tant que maires ou de préfets, à qui on pose nos questions, avec qui on travaille? On va avoir deux, maintenant, députés. Les rôles, dans ce sens-là, pour moi, ils ne sont pas clairs. Est-ce que, maintenant, je dois expliquer à deux députés, chez nous, comment que ça se passe?

Puis la question pourquoi qu'on dit que c'est différent en région, c'est que les ministères se trouvent rarement au niveau des régions. Sur ces grands territoires là, quand on veut faire affaire avec un ministère, on a énormément de kilomètres à faire, ça fait que, la plupart du temps, on fait affaire avec notre député. C'est de là où on se dit : Le rôle est quand même différent que quand on se retrouve dans une grande ville, où est-ce que, si on veut cogner dans un des ministères, bien souvent, on va trouver la porte assez près ou on peut s'y rendre facilement. C'est de là où on dit qu'il y a une distinction.

Mme LeBel : ...peut-être un avantage de vous trouver un peu comme dans la situation de la mairesse de Montréal ou d'avoir plusieurs députés à qui vous adresser, alors que, dans la plupart des cas, vous n'avez qu'un député en région, effectivement. Moi, je pense que c'est une ouverture, mais vous avez raison, il y aura de l'adaptation à faire dans ce poids-là. Donc, 17 régions, ça va.

Nous avons aussi fait le choix, dans le projet de loi, qui, nécessairement, affecte d'autres régions, entre autres la ville... pas la ville de Montréal, mais l'île de Montréal, de garantir des sièges à toutes les régions, donc toutes les régions, dans le projet de loi, ce qui n'existe pas dans le mode de scrutin actuel. Et, vous avez raison, en fonction des mouvements démographiques, dans le mode de scrutin actuel, il y a des régions qui sont en danger potentiel de perdre des circonscriptions. Nous garantissons présentement, dans le projet de loi, un député de circonscription, un député de liste. Donc, deux députés sont garantis à toutes les régions, présentement, ce qui n'était pas le cas avant, nonobstant les mouvements démocratiques. Et, qui plus est, compte tenu que l'Île-de-la-Madeleine devient une circonscription d'exception, trois députés sont garantis en Gaspésie. Donc, je comprends qu'il y aura toujours les mouvements démographiques, mais ils ne sont pas... ils ne découlent pas du mode de scrutin que l'on propose, ils découlent de la réalité de la vie. Et, pour être en région, je comprends aussi qu'il faut garder les gens dans nos régions, et ça, ce sont des stratégies qu'il faut faire. Il faut tous travailler dans ce sens-là, je suis d'accord, mais ça ne découle pas du mode de scrutin actuel.

Donc, est-ce que vous aviez noté le fait qu'on garantissait des sièges? Et c'est quand même en vertu du principe de maintenir le poids des régions. Et, naturellement, ce faisant, bien, on... pour donner... tu sais, pour habiller Paul, il faut déshabiller Pierre. Malheureusement, Pierre, dans ce cas-ci, on l'a vu, risque d'être l'île de Montréal, qui pourrait perdre trois députés, selon la démographie de 2018, je tiens à le souligner. Donc, dans ce cas-là, on a fait primer l'argumentaire du poids politique des régions sur la proportionnalité. Donc, est-ce que vous l'aviez noté? Et est-ce que vous êtes d'accord avec cette mesure-là?

M. Demers (Jacques) : Oui, on l'avait vraiment noté, puis surtout qu'on a vu aussi l'impact que ça peut avoir. Mais en même temps on s'aperçoit que, présentement, on parle beaucoup d'étalement urbain, on parle de toutes sortes de choses qui pourraient accentuer la vague qu'on vit présentement, quand on voit certaines régions se vider. Mais en même temps qu'on dit qu'on ne veut pas d'étalement urbain, mais on veut, par exemple, que le territoire du Québec nourrisse le Québec, que les fruits, les produits, que l'agriculture fonctionnent, bien, si on ne pense pas à nos territoires... Là où est-ce que ça se produit, bien, il faut garder des services, il faut garder des choses. De là où, quand on parle de poids politique, si on n'a pas ces services-là... On va demander à des gens de se déplacer dans les régions pour nourrir l'ensemble du Québec, mais là où est-ce qu'il n'y aura plus de services de proximité, où est-ce qu'on n'aura plus de banque, de caisse, on n'aura plus de dépanneur. Oui, c'est ce qui va causer... L'étalement urbain, là, il faut faire attention où est-ce que ça se produit... Puis de nourrir le Québec, c'est deux choses qui, présentement, se confrontent puis qui peut avoir une grande importance dans le mouvement de population. On le vit déjà, ça fait que faisons attention pour ne pas l'accentuer, puis gardons un pouvoir, au niveau des régions, de pouvoir s'exprimer puis d'avoir leurs besoins, tout simplement.

Mme LeBel : Tout à fait. Deux autres points, peut-être, rapidement, dans le six minutes, à peu près, qu'il me reste, que j'aimerais aborder avec vous, et je vais y aller tout de suite sur le 10 %. Vous êtes les seuls, jusqu'à présent — on verra pour la suite — qui êtes d'accord avec la proposition gouvernementale, présentement, de mettre le seuil... je vais appeler «le seuil d'accessibilité», parce que c'est le seuil qui donne le droit de participer à la distribution des députés de liste ou des compensations, pour le dire de cette façon-là. Alors, pourquoi est-ce que vous êtes en faveur du 10 %? Et pourquoi vous pensez que c'est correct et suffisant, là?

M. Demers (Jacques) : Bien, d'après moi, pour le même sens que pourquoi qu'il y a eu un 10 % admis, puis qu'il y a un 5 %, puis on n'est pas à 1 % : il fallait choisir. Ça a été mis là, mais, que quelqu'un me dirait : On serait mieux à 9 %, à 8 % ou à 7 %, on n'est pas dans le... vraiment, là, à définir ça de façon très précise. On a vu le 10 %. Ce qui est sûr, ça prend un certain seuil. On ne veut pas non plus se retrouver dans... Quand on veut écouter les citoyens, on veut savoir ce qui se passe puis qu'il y ait des vagues, que ça ne soit pas seulement que la saveur de ce moment-là, mais vraiment un sentiment des Québécois, puis je pense que c'est pour ça qu'il faut mettre un seuil à ça. On ne l'a pas déterminé, puis on ne s'est surtout pas accrochés dans le chiffre de 10 %, à ce moment-ci, là.

Mme LeBel : O.K., parfait. Bien, merci de le préciser. D'ailleurs, je vais peut-être vous pousser un peu plus dans ce sens-là, parce que vous dites que le seuil de 10 %... Bon, la notion de seuil, je pense qu'elle est bien comprise et elle fait consensus, à mon sens, mais ce que vous dites, c'est que, le «seuil est raisonnable et peut constituer une sorte de protection face à la fragilisation des gouvernements par une limitation des formations politiques siégeant à l'Assemblée nationale». C'est la raison d'être d'un seuil comme tel, mais est-ce que vous pensez que le seuil de 2 %, ou de 3 %, ou même de 5 %, tel qu'il a été discuté, pourrait remplir cet objectif-là de limiter pour éviter une... fragilisation, pardon, où certains ont parlé, même, de courants marginaux de pensée qui pourraient accéder à l'Assemblée nationale, avec un seuil trop bas?

M. Demers (Jacques) : Bien, je pense qu'on parle encore de 125 députés pour l'Assemblée nationale. Si on veut avoir 125 députés, ça prend quand même des gens qui représentent la population. Puis, sur cette base-là, on ne peut pas avoir non plus 100 députés de partis différents. À un moment donné, il faut avoir des lignes, il faut quand même avoir... il faut un seuil. Le seuil, comme je vous disais, que quelqu'un me dise que c'est exagéré, à 10 %, qu'il faudrait avoir un 8 % ou un 9 %, bien, je pense qu'il faut trouver ce chiffre-là puis on va vivre avec cet élément-là, mais on ne pense pas qu'il faut être à 0 % ou à 1 %, là, tu sais. Il faut absolument déterminer ce chiffre-là. Puis, les calculs, comme je vous dis, il y a des éléments, pour les régions, pour nous, encore plus importants que celui-là.

Mme LeBel : Donc, tant que le seuil qui sera proposé ou mis de l'avant, éventuellement, qu'il reste à 10 % ou à un autre chiffre, rencontre le principe d'une certaine stabilité gouvernementale, dans le sens de ne pas multiplier les gens qui seront à l'Assemblée, vous serez derrière ça.

M. Demers (Jacques) : Absolument.

Mme LeBel : Parfait. Double candidature, qu'en pensez-vous? Vous représentez la majorité des... bien, pas la majorité, vous représentez des élus. Peut-être que vous ne vous êtes pas penchés sur la question parce que ce n'est effectivement pas un élément qui est central au projet de loi, peut l'être pour certains adeptes, mais n'est pas nécessairement pour d'autres.

Mais une des préoccupations qui peut être légitime ou contrée par d'autres arguments, c'est justement d'avoir deux classes. Celle des deux classes de députés, vous l'avez, comme préoccupation, vous l'exprimez autrement, mais d'avoir, exemple, des députés qui pourraient accéder à l'Assemblée nationale en ayant été battus en circonscription, donc, n'aurait peut-être pas la même... Je ne dirais pas qu'ils ne sont pas légitimes, ce n'est pas ça que je dis, parce que des gens auront voté pour eux, nécessairement, s'ils se retrouvent à entrer par la porte de la liste, mais peut-être pas la même légitimité aux yeux des gens. C'est un argument, je n'y adhère peut-être pas, mais je le mets de l'avant pour avoir votre opinion et... ou bien... Bien, c'était pas mal ça.

M. Demers (Jacques) : Claire, si tu veux...

Mme LeBel : Ça m'arrive, moi-même, des fois, de me perdre dans mon dédale.

Mme Bolduc (Claire) : En fait, la question a été évoquée, et les gens, autant nos membres qu'à l'assemblée des MRC, ne semblaient pas très à l'aise avec le fait qu'une personne qui n'ait pas été élue dans sa circonscription revienne par une autre porte, qui est celle des députés de liste. Mais il n'y a pas eu de prise de position formelle, dans nos principes, à cet égard-là.

Mme LeBel : Vous sentiez un malaise, mais il n'y a pas eu de levée de boucliers.

• (12 h 10) •

Mme Bolduc (Claire) : C'est ça. Le malaise était clair, les gens avaient... ils exprimaient vraiment de quelle façon quelqu'un qui n'est pas élu, qui se retrouve quand même élu, face à la personne qui, elle, a été dûment élue par ses concitoyens... les gens ont exprimé ce malaise-là. Par contre, ça n'a pas fait partie des principes sur lesquels on nous demandait de représenter la volonté des élus.

Mme LeBel : Merci. Merci beaucoup de votre apport.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup. Alors, on va aller au coeur du débat, ça fait que je ne vous parlerai pas de double candidature puis je ne vous parlerai pas du seuil de 10 %, parce que je pense que ça, c'est périphérique au cri du coeur que vous venez de nous lancer.

Alors, premier élément qu'on va pouvoir mettre de côté assez rapidement dans nos échanges, vous dites que c'est un bouleversement — je le qualifie, et ça, c'est le mot que j'utilise — le projet de loi n° 39, c'est fondamental. Les citoyens devront faire, le cas échéant, dans un référendum, un choix éclairé. Êtes-vous d'accord avec l'affirmation que ce choix éclairé là ne serait pas optimal si c'était en même temps qu'une campagne électorale?

M. Demers (Jacques) : Non. J'oserais même quasi dire : Au contraire, je pense que les Québécois n'ont pas de difficulté à répondre à deux questions dans une même journée. Non, on ne s'accroche pas sur cet élément-là. Ce qui est important, c'est qu'il y ait des gens qui aillent voter et qu'il y ait un taux de votation significatif. C'est-à-dire que, si on le divise, ma crainte, c'est qu'on n'attire peut-être pas autant de gens qui vont s'impliquer.

Puis, dans chacun des partis, vous avez toujours des programmes électoraux avec plein de points, puis pourtant, une fois qu'un parti est élu, dire : On a été élus là-dessus... Je ne suis pas sûr que, chacun des points qui est mis dans vos plateformes électorales, les gens les ont nécessairement tous analysés, tandis que, celui-là, je suis convaincu que, si on le met en place puis que les gens ont la chance de voter là-dessus, bien, il devrait y avoir les discussions.

Puis ce qu'on amène aujourd'hui, plusieurs choses, on n'a pas de réponse, on a beaucoup de questionnements encore, puis pourtant ça fait longtemps qu'on travaille là-dessus. Je pense que les gens auraient la chance de vous entendre, d'un côté comme de l'autre.

M. Tanguay : Mais diriez-vous également qu'une campagne référendaire distincte pourrait obtenir ce résultat-là également, pas de façon moindre non plus? Qu'il y ait une campagne référendaire exclusivement sur cette question-là, qu'on se penche sur tous les tenants et aboutissants, exclusivement là-dessus, ce ne serait pas moins bon, autrement dit?

M. Demers (Jacques) : ...on pourrait se questionner. Déjà, au Québec, on a une année qu'il y a des élections au provincial, une année qu'il y a des élections au municipal, une année qu'il y a des élections au fédéral, ça fait qu'il faudrait être sûrs qu'on tombe sur l'année qu'un gouvernement minoritaire ne fera pas... et qu'il y aura encore une élection à ce moment-là. Parce que, de toute façon, on va croiser une élection. Il n'y a en pas... Vous n'avez pas d'espace à dire : On va avoir plus d'un an entre des élections, nulle part. Ça fait que je ne le sais pas, à quel endroit vous pensiez qu'on pouvait faire un référendum qui laisse absolument suffisamment de temps pour avoir cette discussion-là.

M. Tanguay : Vous dites : Deux classes de députés, puis j'en suis, également, députés de région, 45, et députés de comté. Plusieurs aspects. Premier aspect, le rôle qui n'est pas pareil. Il y a l'aspect du rôle, des dossiers, la nature des dossiers. Après ça, on va parler de l'accès à son député pour le citoyen puis pour vous, donc en termes de populationnel, puis après ça on va parler du territoire que vous avez dit qu'il doit couvrir.

Alors, je veux vous laisser pleinement, là, parce que je n'ai pas beaucoup de minutes, il m'en reste sept, là... Il y aura définitivement deux classes de députés, on ne se le cachera pas. Moi, si je suis député de la Montérégie, j'aurai à desservir 1 151 000 citoyens. Mon collègue, hier, de Québec solidaire a dit : Oui, mais tu ne seras pas tout seul, vous seriez huit. Bien, c'est bien de valeur, première des choses, on va diviser 1,1 million par huit, ça fait 144 000 électeurs. Mettez ça en termes de population, ça fait bientôt un quart de million de population à desservir. Mais aussi, si moi, je suis député de région puis qu'un des commettants des 1,1 million veut me voir, moi, là, pensez-vous que je vais lui dire : Bien, moi, ma journée est faite, va voir l'un des sept autres? Non, il va falloir que je lui donne accès.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, quant aux bouleversements que ça impliquerait sur ces trois aspects-là, puis je veux vous laisser le plus de temps possible. Sur la nature des dossiers, ça ne sera pas pareil, moi, si j'ai mon comté, j'ai mes dossiers de comté, versus la grande région. Sur l'aspect populationnel, desservir une population énorme et d'avoir moins accès à mon député, comme citoyen puis comme élu, puis, deuxième élément, donc, le territoire qui est à parcourir, qui est énorme, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur les drapeaux rouges, très, très clairement, que vous soulevez ce matin, là.

Mme Bolduc (Claire) : Bien, ça me fait plaisir de répondre à la question. D'abord, Mme la ministre, tout à l'heure, a dit que les députés auront le même rôle. Je pense que oui. À partir du moment où la personne siège à l'Assemblée nationale, le rôle d'un député en est un de législatif, de réglementaire et de faire... de générer les équilibres nécessaires au fonctionnement d'une société. La demande qu'on exprime, l'inquiétude qu'on a manifestée, c'est de quelle manière ces rôles-là, une fois en région et dans chacune des régions, ça va s'articuler.

Dans ce contexte-là, on a besoin d'avoir des précisions sur, par exemple, la portée de représentation des députés. Si deux députés de circonscription — je prends l'Abitibi-Témiscamingue — un député de région sont dûment élus par la population — parce que, de toute façon, on va voter aussi pour le député de région — et qu'il y en a deux qui portent un certain programme politique, alors que l'autre en porte un autre, de quelle manière l'écoute auprès des citoyens va se faire? De quelle manière ces députés-là, qui sont élus... La base de l'édifice démocratique, c'est d'avoir la lecture des réalités des citoyens dans chacun des territoires pour légiférer et réglementer de la meilleure façon possible. Cette précision-là, on a besoin de la connaître. Vous nous posez la question, on vous retourne le travail. C'est un travail de législateur de définir ça, mais on a besoin d'avoir cette réponse-là.

Deuxième élément, le député de région, qui aura certainement un plus grand territoire, il aura le même devoir de représentation de la population, malgré... peu importe la manière dont il va arriver. Alors, nous, ce qu'on pose, comme question, c'est : De quelle façon on va légitimer auprès de la population la représentativité des élus les uns par rapport aux autres? Et, encore une fois, on ne vous dit pas comment le faire, on vous manifeste les inquiétudes et les préoccupations que nous avons relevées, autant chez nos citoyens que parmi les élus qui ont eu l'opportunité de discuter de ce sujet-là. Est-ce que...

M. Tanguay : Et donc, effectivement, il faut voir ça également. Quand on dit qu'il y aura désormais 80 comtés, parce qu'on prend 45 députés puis on dit : Vous, les députés, là... on change fondamentalement le rôle du député. Moi, si je suis député de région de la Montérégie, je reviens avec cet exemple-là, ou de Montréal, ou de Québec, ou de la Gaspésie—Les Îles, si je représente toute cette région-là, je devrai avoir un rôle qui, nécessairement, sera différent par rapport au territoire que j'ai à couvrir. Et les gens, mes élus municipaux, vous, vous devez beaucoup travailler. Moi, je le sais. Moi, je représente LaFontaine, qui est Rivière-des-Prairies. Rivière-des-Prairies, à Montréal... c'est une autre réalité, Montréal, c'est la moitié d'un arrondissement, et j'ai des élus municipaux. Oui, j'ai la mairesse Plante, mais je travaille beaucoup avec mes élus d'arrondissement, la mairesse Caroline Bourgeois et mes élus municipaux. On se voit, c'est du un pour un, je dois travailler avec cinq élus municipaux dans une même moitié d'arrondissement de la grande ville de Montréal. Mais en région, vous, les élus, vous allez vouloir parler à votre élu régional puis probablement aussi surtout à votre élu de comté. Bien, eux, si on passe de 125 comtés à 80, ça va faire 80 grands, grands, grands comtés, de un. De deux... Autrement dit, c'est comme une redistribution des tâches de façon à alourdir la tâche de tout le monde. Si on vous dit : On est 125, on prend chacun 1/125 du Québec, ça tient la route. Si on vous dit : Bien là, on va agrandir vos comtés, vous allez être 80 pour couvrir le Québec entièrement, on augmente le nombre d'élus, on augmente le territoire, puis les autres, bien, vous allez représenter les 17 régions, ces 45 là, bien, on augmente également. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur le fait que c'est une réorganisation de travail qui pénalise les députés puis qui diminue l'accès à son député.

Mme Bolduc (Claire) : Alors, pour revenir... On l'a rappelé, le député dans une région, Abitibi-Témiscamingue, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, c'est une personne-ressource précieuse. Quand on est à Montréal ou Québec, quand on est dans l'axe Québec-Montréal, c'est facile d'avoir accès aux directeurs de ministères, c'est facile d'avoir accès aux dirigeants, c'est facile d'avoir accès aux sous-ministres. Chez nous, même les lignes téléphoniques qui nous amènent à Québec ou à Montréal, c'est très difficile de parler à quelqu'un. On a des belles boîtes vocales. Alors, la personne à qui on peut parler, celle qui va nous aider à faire cheminer un dossier, c'est le député, souvent, et cette personne-là, elle est précieuse. Ce qu'on vous demande... On ne vous dit pas que ce n'est pas faisable. Actuellement, il y a 70 députés au fédéral. On aurait...

Une voix : ...

• (12 h 20) •

Mme Bolduc (Claire) : ... — 78, oui, vous avez raison — on aurait 80 députés au provincial, parce qu'on a choisi deux circonscriptions d'exception. Quand on regarde ça, ça peut se vivre. La question qu'on a, nous, c'est : Quelle sera la dynamique sur les territoires entre les différents députés? C'est cette question-là qui nous préoccupe. Une fois rendu à Québec, une fois rendu à l'Assemblée nationale, le rôle des députés devient le même : légiférer, réglementer et générer les équilibres nécessaires au fonctionnement de la société.

M. Tanguay : Bonne distinction. Avant, les quelques secondes qu'il me reste, page 9, vous dites, puis j'aimerais vous entendre là-dessus à la lumière des précisions que vous avez apportées, il y a peut-être d'autres aspects : «...l'adoption de ce projet de loi provoquera à moyen terme une baisse réelle du poids politique des régions malgré les préoccupations prises par le gouvernement.» Pouvez-vous me l'expliciter, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bachand) : Très rapidement, par exemple, le temps est... Très rapidement.

Mme Bolduc (Claire) : En fonction du redécoupage des cartes électorales qui sont prescrites... L'actuelle Loi électorale oblige le redécoupage des cartes électorales à toutes les deux élections générales.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Bonjour. Merci d'être ici aujourd'hui. Vous avez des recommandations qui sont intéressantes, mais qui sont générales... d'aller dans le spécifique avec vous, parce que vous exprimez une inquiétude, des préoccupations que tout le monde partage ici, c'est-à-dire comment s'assurer d'une pérennité du poids politique des régions, comment s'assurer d'une proximité, d'une relation forte, solide, entre le député et ses électeurs, ses électrices.

Et vous invoquez une inquiétude, celle du déclin démographique de certaines régions, une inquiétude, encore une fois, qu'on partage, et vous dites : Ça, ça peut avoir comme conséquence une diminution du poids politique des régions. Or, ça, c'est une inquiétude que vous avez, actuellement, dans le mode de scrutin actuel, hein, et il y a des régions qui pourraient être appelées à perdre des circonscriptions, qu'on change le mode de scrutin ou non. Mais, en tout cas, c'est sûr que ça va arriver si on ne change pas le mode de scrutin, si la tendance se maintient.

Or, l'avantage, justement, d'avoir des députés de région, d'avoir un minimum de fixé par la loi, un certain minimum de députés régionaux, c'est justement de venir verrouiller la présence de ces députés-là, quel que soit le déclin démographique, en introduisant par exemple une disposition qui dirait : Il y a un minimum de deux députés de région par région, quel que soit le nombre de circonscriptions, qui, lui, en effet, pourrait varier selon l'évolution démographique.

Est-ce que, donc, en venant augmenter le nombre général de députés au Québec et en s'assurant qu'il y ait plus de députés régionaux par région, on ne viendrait pas non seulement répondre à votre préoccupation liée au mode de scrutin mixte, mais même augmenter le poids politique des régions par rapport à la situation actuelle? Donc, est-ce que, de ce point de vue là, la réforme du mode de scrutin ne pourrait pas être une avancée en matière de poids politique pour les régions du Québec?

M. Lepage (Sylvain) : Si vous me permettez, avec égards, la préoccupation actuelle des régions, ce n'est pas la proportionnelle. La préoccupation des régions, c'est d'être de moins en moins représentées et être de plus en plus représentées ou dirigées par la Capitale-Nationale et par...

M. Nadeau-Dubois : Mais ce que je vous dis, c'est qu'on pourrait augmenter par rapport au statu quo, qu'il y ait plus d'élus par région.

M. Lepage (Sylvain) : Bon, alors, je vais vous poser la question : Quelle est la principale critique que font les gens en région eu égard aux députés fédéraux, qui ont déjà de très grands territoires? C'est de ne... ils ne sont jamais là, ils ne sont pas présents. Et là, ce que vous nous proposez, c'est...

Une voix : ...

M. Lepage (Sylvain) : Non, on va dire : Il y a 125 députés, on va agrandir les territoires des députés actuels, ils vont tomber à 80, puis les autres députés qu'on va ajouter, on va leur donner encore des plus grands territoires. Et là vous dites à ces gens-là : Vous allez être mieux représentés, même si vous allez voir moins souvent votre député de région parce qu'il va devoir couvrir des territoires...

M. Nadeau-Dubois : Mais, si on en ajoutait? Si on mettait plus de députés régionaux par territoire?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Merci. Alors, je vais passer la parole au député de Rimouski, s'il vous plaît.

M. LeBel : Merci. Bien, bonjour. Moi, je repense toujours à ma dame, chez nous, qui disait : Moi, Harold, j'ai voté pour toi, mais j'aurais aimé ça aussi voter libéral. Parce qu'elle a voté pour moi, en fin du compte, les libéraux n'ont pas eu le vote, mais je voudrais que son vote compte. Puis ce qu'on veut faire là, c'est de faire en sorte que son vote compte, qu'elle va pouvoir voter pour moi puis voter aussi sur une liste libérale si elle veut voter. Il faut revenir à ça, hein? C'est ça, l'essentiel qu'on voulait faire.

Moi, j'ai étudié ça puis je me disais : Il fallait conserver le poids politique des régions. Je suis un député de région puis je sais ce que c'est, ma circonscription est grande. Puis ce qu'on nous amène là, il va y avoir... On est trois députés dans le Bas-Saint-Laurent. Ce qu'on a dans la proposition, il va y avoir trois députés dans le Bas-Saint-Laurent. Il y a même des amendements qui fait qu'on pourrait peut-être en avoir un quatrième, un deuxième de liste. Ça ferait qu'on gagnerait, on aurait plus de députés.

Ce que ça change, c'est que les députés vont travailler sur le même territoire, et là les gens, les élus, donc, pourront aller à un ou à l'autre, mais ils vont travailler sur le même territoire. Mais il va y en avoir plus ou au moins le même nombre, ça fait que ce n'est pas là qu'il y a un danger. Ce qui est un danger, par exemple, c'est que, moi, ma circonscription, on va rajouter deux MRC de plus. C'est sûr que, là, je veux avoir des outils, je veux être capable... avoir un bureau dans chacune puis avoir du personnel pour vous parler, et ça, dans le projet de loi, il n'y a rien qui le prévoit. Le MDN nous propose, là, quelque chose pour prévoir des outils.

Ça fait que, vous voyez, le poids des régions, il est plutôt conservé. C'est la culture qu'il faudra changer, et ça, ce n'est pas évident. On travaille d'une même façon depuis très longtemps. Est-ce qu'on peut changer cette culture-là? Les députés pourraient travailler plus ensemble. C'est là-dessus que... c'est ça, l'enjeu. C'est ça, le défi qu'on propose, dans le fond.

M. Demers (Jacques) : O.K. Je pense que ça me permet un peu de répondre aussi à la question d'avant. On comprend qu'en frais de nombre il n'y a pas une variation si importante. Ce qui nous interroge beaucoup là-dessus... On revient à la question des deux députés. Dans mon comté, là, du jour au lendemain, vous allez dire : Tu as autant de députés que tu en avais précédemment. Maintenant, j'ai deux personnes au lieu d'une à rencontrer, puis qui sont probablement dans deux partis différents. Comment qu'on fait ces rencontres-là? On est déjà dans des cédules très serrées. Il va falloir nous expliquer réellement ce qu'est le rôle de ces deux députés-là. En frais de nombre, c'est vrai qu'il n'y a pas de différence, mais l'important, c'est que leur territoire est maintenant plus grand. Ça fait que, là, il faut parler, maintenant, à deux personnes quand on veut expliquer qu'est-ce qu'eux devront porter à l'Assemblée nationale. Rendu ici, je comprends qu'ils représentent... Puis vous allez dire : Les proportions sont correctes, mais c'est à la base que le fonctionnement, pour nous, accroche.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mais juste passer... Parce que le temps file, et je dois passer la parole à la députée de Marie-Victorin. Désolé, M. Châteauvert.

Mme Fournier : Merci pour votre présentation. Corrigez-moi si je me trompe, mais, généralement, lorsqu'il y a des enjeux qui sont débattus dans la société québécoise par certains groupes, par exemple, ou certaines municipalités, c'est assez commun que le groupe en question va rencontrer autant des représentants du gouvernement que de l'opposition. Puis je vous donne l'exemple, pour faire référence directement au changement du mode de scrutin, moi, je représente une circonscription urbaine dans l'agglomération de Longueuil. On est six députés à couvrir ce territoire-là et on représente trois allégeances différentes, et en fait ça donne, je trouve, beaucoup d'outils aux représentants municipaux, parce qu'ils peuvent aller nous contacter, chacun d'entre nous, et ainsi avoir plus de poids politique. Je crois que ce pluralisme, en fait, fait en sorte que les dossiers avancent plus facilement, parce qu'ils peuvent être, disons, défendus de part et d'autre, et j'ai l'impression que ça assure une meilleure représentativité. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Demers (Jacques) : Bien, probablement que, dans votre cas, vous avez raison. Dans un milieu urbain densifié où est-ce que tout le monde est là, peut-être que ça marche. Mais, si, nos deux députés, j'ai trois heures d'un côté et trois heures de l'autre pour aller les rencontrer, je me dis : Je ne peux probablement pas les rencontrer la même journée. Puis c'est ça qu'on vit sur le territoire, puis c'est là toute la différence. Parce que, si les bureaux sont un à côté de l'autre puis qu'on peut les rencontrer, du moins, ensemble, qu'on pourrait débattre de nos points pour qu'après ça, à la porte, il y a peut-être quelque chose d'intéressant... Mais de là où est-ce qu'on va avoir un lien avec un des députés... Et j'ai de la misère à penser que, localement, on aura deux députés qui, maintenant, portent... Minimalement, il faut expliquer nos dossiers, maintenant, à deux personnes, ça serait la base.

Mme Fournier : Mais je reviens au concept gouvernement-opposition. Parfois, si vous voulez faire avancer un dossier, vous allez, par exemple, devoir vous déplacer à Québec, rencontrer un ministre ou rencontrer l'opposition. Avec la réforme du mode de scrutin, ça assure qu'il y a autant des gens du gouvernement que de l'opposition sur un même territoire puis ça peut éviter, justement, peut-être, des déplacements ou des contacts avec le gouvernement du Québec.

M. Demers (Jacques) : Si j'ai bien compris, ce qui nous est présenté aujourd'hui, ça ne nous garantit pas qu'on a quelqu'un qui est au pouvoir et quelqu'un dans l'opposition, et pas la troisième ou la quatrième opposition qui est sur mon territoire à représenter. Or donc, j'ai quand même à rencontrer ces personnes-là. Je ne viens pas de diminuer mon rôle de représentation, là.

Mme Fournier : Oui, mais, avec la compensation, ce serait très étonnant qu'une région soit représentée par 100 % du même parti. En fait, c'est, je trouve, l'avantage de la réforme.

M. Demers (Jacques) : Mais il y a beaucoup de chances qu'il y ait beaucoup plus de partis, par exemple, à qui on aura à faire ces représentations-là.

Mme Fournier : Oui. Au moins des deux côtés.

Le Président (M. Bachand) : Parfait. Sur ce, je vous remercie infiniment de votre présentation.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

(Reprise à 14 h 01)

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande, bien sûr, comme vous le savez, à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Petit rappel du mandat, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le cahier de consultation sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.

Cet après-midi, la commission va recevoir, entre autres, la Société Saint-Jean-Baptiste, L'Union des producteurs agricoles, M. André Blais, professeur, le Nouveau Parti démocratique du Québec et le Parti conservateur du Québec.

Cela dit, je vous informe que, pour la présentation du Pr Blais, ça sera par visioconférence, donc il y aura des petites notes d'ajustement à faire pour la présentation de M. Blais.

Cela dit, il me fait plaisir d'accueillir les gens de la Socété Saint-Jean-Baptiste. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes de présentation, après on aura un échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous, M. le président. Bienvenue.

Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM)

M. Laporte (Maxime) : Merci, M. le Président. Mes salutations aux membres de cette Assemblée. C'est toujours un honneur de prendre la parole en cette noble institution.

Ce n'est pas d'hier que la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal privilégie l'adoption d'un mode de scrutin mixte compensatoire pour le Québec. Depuis les débuts de la Révolution tranquille, la société aura même joué un rôle d'avant-garde en ce domaine, comme en témoigne, par exemple, cet extrait d'un procès-verbal de 1972 où il est dit, et je cite : «Le mode actuel de scrutin majoritaire à un tour fausse le sens du vote dès qu'il y a plus de deux partis en lice. Quant au système à deux tours, il n'est pas jugé vraiment démocratique.

«La [société] de Montréal doit réitérer sa recommandation d'un système électoral mixte s'inspirant du modèle allemand, qui juxtapose le système majoritaire uninominal actuellement en vigueur et celui de la représentation proportionnelle. Cette formule a le grand avantage de retenir à la fois la stabilité gouvernementale du scrutin majoritaire à un tour et l'élément d'équité et de justice de la proportionnelle.» Fin de la citation. Ça aurait pu être écrit hier.

Tout d'abord, en tant que mouvement prônant l'agir par soi-même de la nation québécoise, je ne saurais manquer de souligner, à titre liminaire, vous savez, que le meilleur régime démocratique auquel un peuple puisse aspirer réside naturellement dans son indépendance politique. Ainsi, tout au long de ces travaux, puissions-nous ne jamais perdre de vue le caractère terriblement partiel du présent exercice, sachant que c'est encore un autre Parlement dominé par des représentants d'une autre nation qui continuera demain à exercer les plus importants pouvoirs de l'État. Or, si le mot «démocratie» revêt toujours un sens, le parachèvement de la nôtre exige que l'ensemble de ces pouvoirs échoient, oui, à nous, le peuple du Québec, par l'entremise des institutions qui nous appartiennent en propre et à l'exclusion de toute autorité tierce.

Cela étant dit, outre nos commentaires généraux sur le projet de loi dans son ensemble, nous nous sentions le devoir d'attirer plus spécifiquement l'attention du public et des membres de cette Assemblée sur ce qui constitue à nos yeux un angle mort de la réforme souhaitée, et c'est là notre contribution particulière. Et, je sais, on m'a dit que vous avez entendu quelque chose comme une répétition d'arguments du même type. Au moins, ce mémoire a l'avantage de présenter quelque chose d'original. En l'occurrence, il s'agit de l'absence, jusqu'ici, de toute discussion relative au mode de désignation du chef du gouvernement, c'est-à-dire du premier ministre du Québec, enfin, à quelques rares exceptions. Nous soumettons que les mesures visant à l'amélioration de notre démocratie représentative, telles que portées, notamment, par le Mouvement Démocratie nouvelle, ne sauraient être complètes sans un examen sérieux de cette question. En omettant d'aborder ce qui se veut pourtant l'aboutissement naturel, si ce n'est le but véritable, au fond, de toute élection législative en régime parlementaire, soit la formation d'un gouvernement, la proposition actuelle ne satisfait que partiellement à sa propre ambition, qui, à juste titre, consiste à accroître la représentativité de la gouvernance de nos institutions publiques.

Alors qu'à la faveur d'un mode de scrutin mixte la composition de l'Assemblée nationale, quant aux forces politiques en présence, en vienne à mieux refléter la volonté du peuple, fort bien, mais, en toute cohérence, cet esprit de représentativité ne devrait-il pas se retrouver tout autant lors de la formation du Conseil exécutif et, a fortiori, dans le mode de désignation de son président? Alors, concrètement, le premier ministre du Québec ne devrait-il pas être investi, en premier lieu, par un vote de nos élus plutôt que par le chef de l'État, comme cela se voit dans tant et tant de démocraties parlementaires?

Alors, de l'avis de notre conseil général et des experts que nous avons consultés, la désignation parlementaire du chef du gouvernement constitue, dans le contexte québécois, une véritable clé pour garantir le progrès de notre système de représentation politique tel qu'espéré par les tenants du projet de loi. Autrement, les distorsions propres à nos conventions constitutionnelles héritées de l'âge féodal, en l'occurrence la nomination a priori du premier ministre par le lieutenant-gouverneur, le tout assorti de notre culture politique si réfractaire à la gouvernance non monopolistique, tout cela risquerait d'altérer la mise en oeuvre des principes invoqués en faveur de la réforme attendue.

Et de plus il y a lieu de mieux encadrer les pouvoirs de l'Exécutif afin de rendre nos institutions plus propices à accueillir le style de joute politique qui va résulter de l'adoption d'un mode de scrutin mixte de sorte que les questions capitales relatives au pouvoir de prorogation, par exemple, à la nomination des ministres, au vote de non-confiance ou à la dissolution de l'Assemblée nationale... Tout cela mérite réflexion, et c'est ce dont nous parlons dans notre mémoire.

Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Bachand) : Cinq minutes.

M. Laporte (Maxime) : Très bien. Sans tout régler, un vote d'investiture parlementaire du premier ministre, donc un vote par l'Assemblée nationale de l'un de ses membres à la fonction de premier ministre, permettrait d'éviter bien des écueils, cela en institutionnalisant de manière formelle la possibilité, pour les différents partis, ou bien de négocier la constitution d'un gouvernement de coalition ou bien d'accorder leur confiance à un gouvernement minoritaire de leur choix. Il n'y aurait plus de prime à la nomination royale, pour ainsi dire.

Par ailleurs, cette façon de faire favoriserait la concertation des forces politiques autour de différents enjeux fondamentaux, constitutionnels, notamment, et compte tenu de l'intérêt national, au-delà des tiraillements ordinaires des lignes partisanes. Les meneurs seraient davantage jugés en fonction de leur aptitude à s'unir, à faire cause commune qu'à écraser la concurrence. Et l'excuse de la tradition politique ou encore les appels à ne pas bousculer le premier gouvernement arrivé, ça ne tiendrait plus.

Alors, pour citer Hugo Cyr, doyen de la Faculté de droit de l'UQAM, l'investiture parlementaire du premier ministre «permet de savoir clairement qui possède la confiance de la Chambre et qui [...] peut former un gouvernement; [elle] assure une plus grande transparence dans la formation du gouvernement et [elle] est de nature à renforcer la confiance du public dans ses institutions[...]; [elle] permet de mettre en évidence que le gouvernement tire sa légitimité de la confiance que lui [accordent les membres de l'Assemblée nationale] — lui, dans son cas, il parlait de la Chambre des communes. [Et elle] permet de mieux faire comprendre que ce sont les députés qui sont élus et non les membres de l'Exécutif. [Alors,] le vote d'investiture a [...] une fonction [aussi] pédagogique [qui est] importante.»

La mise en place d'un vote de désignation du chef du gouvernement à la suite d'une élection ou de la démission d'un premier ministre sortant améliorerait assurément la dynamique politique et parlementaire. Par définition, ce vote se voudrait positif. C'est du parlementarisme positif, à savoir qu'un candidat au poste de premier ministre devrait obtenir a priori l'appui explicite d'une majorité en Chambre, alors que, dans le système actuel, les députés, mis devant le fait accompli de la nomination du premier ministre par le représentant du monarque, se retrouvent réduits ou bien à le tolérer ou bien à voter contre son discours inaugural, le cas échéant. Alors, il s'agit d'une conception nettement plus négative des rapports Parlement-gouvernement qui est typique du caractère binaire et contradictoire du système de Westminster.

Alors, c'est une chose de gouverner en tablant sur l'acceptation résignée des autres partis, et d'autant lorsque le rapport des forces ne joue pas tellement en leur faveur, c'en est une autre de solliciter leur appui formel dans le but d'accéder au pouvoir et de nommer des ministres. Alors, puissions-nous donc saisir l'occasion qui nous est donnée afin de faire du Parlement la véritable instance chargée d'installer le chef du gouvernement dans ses fonctions et, en même temps, puissions-nous éloigner davantage le lieutenant-gouverneur de nos affaires démocratiques en endiguant de facto l'exercice de sa discrétion quant à la nomination du premier ministre, risque qui s'accroît, évidemment, en contexte de représentation proportionnelle.

Bien sûr, les négociations qui devront mener à la formation de gouvernements dans ce système n'en seront pas moins ardues, mais, encore une fois, la joute se révélera plus constructive que destructive. Le pouvoir exécutif reposera sur une volonté plus explicite et moins tacite de la part de nos élus, elle résultera d'un processus parlementaire plus proactif, moins passif, de nature à favoriser la concertation, et aussi plus républicain au sens large. Le tout rendra le gouvernement du Québec plus responsable et plus imputable vis-à-vis de l'Assemblée nationale, laquelle s'en verra renforcée, l'idée étant que l'autorité de celui ou celle qui préside le Conseil exécutif chez nous relève du peuple par le truchement du Parlement, non de la reine du Canada. Surtout, on rendra plus effectifs les bienfaits sur notre vie démocratique qu'entend générer le projet de réforme électorale sachant que l'actuel mode de désignation du premier ministre s'avère autrement impropre à offrir tel degré de garantie. Voilà.

• (14 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Vous apportez un angle totalement nouveau, d'ailleurs, qui ne fait pas partie ni des discussions ni des consultations au préalable que nous avons faites. Je comprends tout à fait votre argumentaire, d'ailleurs, il est très bien détaillé. Je dois dire que la majorité... je ne veux pas qualifier, mais la grande majorité de votre mémoire porte, naturellement, sur cette option-là, et vous ne vous en cachez pas, c'est parfait, sauf que ce que vous nous rapportez comme option, c'est l'idéal, c'est un monde idéal.

Mais en Nouvelle-Zélande, vous le dites vous-même, en Nouvelle-Zélande, où le scrutin mixte compensatoire est en usage depuis 1996, le premier ministre est encore désigné, a priori, par le gouverneur général, comme ici. Donc, bien que ce ne soit pas nécessairement l'idéal, comme vous le prônez, ça existe, ça fonctionne. Par contre, vous semblez dire que les gens de l'Australie étaient plus mûrs que nous pour en arriver là et que ce que vous craignez, dans le fond, c'est qu'on n'ait pas le cheminement, là — j'allais dire «maturité», mais je sais que ce n'est pas vos termes, donc je vais trouver quelque chose de mieux — le cheminement nécessaire, parce qu'on ne part pas du même endroit, c'est ce que vous expliquez, pour se rendre où on se rend, là, aujourd'hui, pour être capables de fonctionner.

Ceci étant dit, je comprends votre argumentaire, que ce serait l'idéal, comme vous le dites. En toute candeur, je me vois mal de proposer que le premier ministre soit élu par l'Assemblée nationale à ce stade-ci de l'évolution générale vers un nouveau mode de scrutin. Mon objectif est qu'on passe à un nouveau mode de scrutin et qu'on obtienne plus de proportionnalité pour le citoyen. Donc, tout ça est une question de compromis, mais ça fonctionne en Nouvelle-Zélande, par contre.

M. Laporte (Maxime) : Mme la ministre ou, enfin, M. le Président, le cas de la Nouvelle-Zélande est en réalité à peu près le seul contre-exemple que nous avons trouvé, du moins dans le système de Westminster, dans le Commonwealth. Évidemment, dans le Commonwealth, traditionnellement, c'est le représentant du monarque qui nomme le premier ministre, a priori. Néanmoins, même dans le Commonwealth, et c'est indiqué dans le mémoire, on a des exemples assez éloquents de systèmes parlementaires où, en effet, c'est le Parlement qui investit, a priori, le premier ministre, et on se fonde surtout, dans notre exposé, sur l'exemple écossais, qui est très inspirant. Alors, au moment où on a, en Écosse et au Royaume-Uni, discuté du projet de dévolution, à la fin des années 90, on ne s'est pas ménagé le devoir de réfléchir aux conséquences d'une réforme électorale, puisque l'Écosse a adopté le mode de scrutin mixte, donc des conséquences d'une telle réforme sur l'exercice du pouvoir exécutif et la formation du pouvoir exécutif. Alors, nous regrettons que ces considérations n'aient pas été abordées, ou à peu près pas, dans les discussions, à l'exception notable de l'exposé, bon, du doyen de la Faculté de droit de l'UQAM, M. Cyr. Et donc je pense que — et peut-être que... c'est quand même assez bien explicité dans ce mémoire — si on veut vraiment parachever les buts de la réforme attendue et si l'on veut éviter les écueils, en tout cas, un maximum d'écueils, compte tenu de notre culture politique qui est réfractaire, qui ne se compare pas en tous points à celle de la Nouvelle-Zélande, il faut procéder... il faut adopter ce genre de mesure.

Mme LeBel : Ceci étant dit, je pense que je vais y aller quand même, si vous le permettez, sur les questions plus particulières des modalités du mode de scrutin dans le but d'essayer de bonifier, là, ce qu'on présente et de voir si c'est possible de le faire.

En 2006, vous étiez donc en faveur d'un référendum. En plus, aujourd'hui, en 2020, bon, votre position n'est pas connue, en tout cas, elle ne fait pas partie du mémoire. Qu'est-ce que vous en pensez, aujourd'hui?

M. Laporte (Maxime) : Bien, on n'est pas nécessairement opposés au référendum, même qu'on peut arguer que, dans un tel cas où, quand même, ce sont des dimensions fondamentales, organiques de notre vie politique qui sont en jeu, la tenue d'un référendum peut s'expliquer.

Bon, un autre point de vue qui a été exprimé, bon, dans nos instances, c'est qu'en effet ça fait longtemps. On était là en 2006, on était là aussi bien avant, depuis des décennies, lors des discussions sur des projets de réforme successifs, et donc une autre approche consiste à dire : Bien, écoutez, ça fait longtemps qu'on en parle, le Parlement, justement, jouit de toutes les prérogatives nécessaires pour adopter ce changement de système et ce changement de paradigme.

Donc, du reste, s'il doit y avoir un référendum... Et, d'une certaine manière, ce n'est pas mauvais, un référendum, c'est un recours parfaitement légitime où on se trouve à consulter le peuple, hein? Nul ne devrait craindre des référendums. Alors, s'il doit y avoir un référendum, on prône, à l'instar du Mouvement Démocratie nouvelle, que ce référendum fasse l'objet d'une campagne distincte.

Mme LeBel : Merci de votre précision. Autre point, naturellement, la Société Saint-Jean-Baptiste est très au fait de l'identité, surtout l'identité, bon, du Québécois, donc vous devez également être très sensibles à la notion d'identité régionale, parce que, même à travers le Québec, les gens sont aussi attachés au Québec à l'intérieur du Canada qu'on peut l'être qu'à notre région particulière à l'intérieur du Québec. D'ailleurs, vous étiez en faveur, également en 2006, de respecter les régions administratives telles qu'elles apparaissent maintenant, puis maintenant, en 2020, vous prônez 14 régions. Pour un organisme qui est très au fait de la sensibilité d'une identité, je vais vous avouer, puis ce n'est pas un reproche, que je trouve ça quand même assez étonnant. Et comment vous nous proposez de le faire? Et quelles régions vous nous proposez de fusionner?

M. Laporte (Maxime) : Bien, ça, c'est une question qui est très, très vaste, hein? Mais en effet, quant au nombre de régions, là, c'est parce qu'il y a un dilemme. Il y a la question de la représentativité et la question de la limitation des distorsions démocratiques, qui, je pense, méritent toute notre attention, hein? Donc, je pense que... Vous savez, 14 régions électorales, en l'occurrence, ça nous apparaît, à la suite... après avoir entendu tous les intervenants, ça nous paraît un chiffre raisonnable. D'autres proposent moins de régions électorales encore. Alors, je pense qu'il y a là un équilibre entre l'intérêt, la représentativité et le poids des régions et, d'autre part, les objectifs démocratiques que se fixe cette réforme.

Mme LeBel : Vous avez raison de mentionner que c'est un problème qui est vaste, mais c'est non moins un problème qui est tout à fait réel et tangible. À partir du moment où on déciderait, ici, comme parlementaires, d'aller vers le chiffre de 14, il faut y avoir conscience, comme représentants des citoyens, qu'il va y avoir un impact sur des régions. Donc, oui, il faut se poser la question : Quelles sont les régions qui seraient impactées par cela? Mais je comprends donc que ce que vous nous dites, c'est qu'entre deux principes qui sont tout aussi importants, c'est-à-dire le meilleur... je vais dire «la meilleure représentation de la volonté du citoyen», en termes de... et je vais appeler ça la proportionnalité, et l'identité régionale, ou la préservation de l'identité régionale, ou du respect de l'identité régionale, dans ce cas-ci, pour vous, le principe de la proportionnalité prime.

M. Laporte (Maxime) : ...de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a été fondée, vous savez, par une loi de cette Assemblée afin de rappeler et de veiller à la poursuite de notre intérêt national. Alors, en l'occurrence, l'intérêt national ne se réduit pas aux intérêts particuliers des régions, d'où l'idée qu'il y ait un équilibre entre l'intérêt national, bon, d'assurer l'instauration d'un système proprement démocratique avec le moins de distorsions possible et l'intérêt des régions, d'autre part, un équilibre, je pense... c'est un équilibre qui m'apparaît juste.

Mme LeBel : Je pense que vous parlez aussi d'interdire la double candidature. Est-ce que vous avez une position sur la double candidature? C'est exact?

M. Laporte (Maxime) : Oui, tout à fait.

Mme LeBel : Donc, peut-être juste l'élaborer, parce que je pense qu'elle n'est pas... elle est présente dans votre mémoire, mais elle n'est pas très élaborée, alors... Donc, c'est ce que nous proposons. Vous êtes pour le fait qu'on interdise la double candidature, est-ce que je me trompe?

M. Laporte (Maxime) : Oui, tout à fait. On s'est inspirés d'un texte qui a été publié par le Pr Denis Monière dans la revue L'Action nationale il y a quelque temps.

Mme LeBel : Je voulais être sûre de ne pas dénigrer votre position.

M. Laporte (Maxime) : Non, c'est bien ça.

Mme LeBel : Donc, vous êtes pour la proposition du projet de loi, à toutes fins pratiques. Parfait.

• (14 h 20) •

M. Laporte (Maxime) : C'est bien ça. Je pense, dans plusieurs pays, la double candidature est interdite, et je pense que... Vous savez, ça peut poser un problème d'avoir un nombre considérable d'élus, par hypothèse, qui, au fond, sont des élus par consolation. C'est-à-dire que... quelle sera la légitimité réelle ou perçue d'un élu de liste qui vient juste de perdre son élection dans sa circonscription? Quelle sera la manière dont la population, l'électorat va recevoir une telle situation? Alors, je pense que c'est problématique, et c'est la raison pour laquelle on ne va pas en ce sens-là. Ça, c'est un des éléments qui nous distinguent du MDN, mais, en principe, on appuie l'essentiel des propositions et orientations du MDN.

Mme LeBel : Parfait. Parlons, peut-être, également du seuil, du seuil national d'accès, je vais dire, pour accéder à la distribution des sièges de compensation. Vous êtes en faveur de 3 %. Est-ce que le 3 % est un chiffre absolu pour vous? Est-ce qu'il y a de la marge? Et quelles sont les raisons pour lesquelles vous pensez qu'un seuil de 3 % au lieu de 10 %, naturellement, qui est proposé dans le projet de loi est plus adapté?

M. Laporte (Maxime) : Bien, manifestement, le seuil de 10 % proposé a priori par le gouvernement n'était pas non plus un absolu. Je pense que c'était peut-être de bonne guerre que de se donner une sorte de levier négociationnel. Mais je pense qu'il faut, encore là, trouver un équilibre qui est juste. 3 %, 5 %, ça m'apparaît adéquat, surtout considérant les planchers, de fait, que génère, évidemment, le système de compensation.

Alors, il ne faudrait quand même pas se retrouver dans une situation où... par exemple, lors de l'élection de 1994, on a le chef de l'ancienne Action démocratique du Québec qui s'est fait élire avec, quand même, un pourcentage de voix assez faible. Pourrait-il être réélu dans le système proposé, actuellement, par le gouvernement avec un plancher à 10 %? J'en doute. Il ne faudrait quand même pas empirer la situation ou, enfin, se doter de configurations, au fond, qui posent problème.

Mme LeBel : O.K. Quand on parle de l'obligation de présenter les listes paritaires avec une alternance femmes-hommes et que la moitié de ces listes aient une femme en tête, c'est une... Bon, vous l'exprimez, parce que vous faites la liste des positions que vous adoptez, qui sont en partie celles du MDN, comme vous le mentionnez dans votre mémoire. Par contre, vous ne mentionnez pas quels sont les mécanismes qu'on pourrait y inclure également pour s'assurer du respect de cette obligation-là. Je veux savoir comment... quelle est votre vision, parce qu'on doit quand même... Si on impose une obligation aux partis politiques, il doit y avoir, quand même, une contrepartie ou une conséquence à ne pas respecter l'obligation, sinon ce n'est qu'une profession de foi qui a un prix politique à payer, peut-être, mais qui n'a pas d'autre conséquence. Alors, quels sont les mécanismes que vous pensez les meilleurs, en termes de conséquences ou d'incitatifs — ça peut être dans les deux sens — et avez-vous des exemples en tête? Parce que je vois que vous avez fait quand même un travail assez remarquable d'étude de ce qui se fait ailleurs. Donc, est-ce que vous avez des idées ou des mécanismes de choses qui se font ailleurs qui dépassent la pénalité ou le rejet de la liste?

M. Laporte (Maxime) : Bien, je pense que, déjà, la pénalité, quant au financement, m'apparaît une solution juste. Évidemment, on ne s'est pas penchés outre mesure là-dessus, mais en principe... Évidemment, la société, en passant, qui a été à l'origine du premier mouvement féministe francophone, la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, au début du XXe siècle, et donc qui a joué un rôle important dans toute la lutte pour l'obtention du droit de vote des femmes, a une sensibilité particulière à cet égard-là.

J'ai entendu quelques commentaires, à savoir que peut-être que de telles mesures pourraient être contestées judiciairement, peut-être qu'elles, bon, seraient jugées invalides, eu égard à la Constitution, ça reste à voir. Le droit, vous le savez, je pense... ma consoeur sait par ailleurs que le droit n'est pas une science, d'une part, et, s'il en est une, ce n'est pas une science exacte. Mais je pense qu'en tout cas, que ce soit politiquement, législativement, en vertu de politiques, en tout cas, il faut absolument se donner des objectifs pour assurer une parité, en tout cas, l'atteinte d'une zone paritaire et que ces objectifs-là soient atteints. Quant aux modalités, je n'ai pas de procédé technique en particulier à vous proposer. Je pense que d'autres sont plus habilités que moi à le faire.

Mme LeBel : Et, peut-être en concluant, comme je l'ai dit précédemment, l'essentiel de votre mémoire se concentre sur la mode de nomination du premier ministre. Si on ne va pas dans le sens que vous le préconisez, est-ce que, pour vous, c'est une fin de non-recevoir? Est-ce qu'on ne devrait pas faire la réforme, dans ce cas-là?

M. Laporte (Maxime) : C'est une question très pertinente. Je pense que, dans un tel cas, il va falloir se poser la question à nouveau. C'est-à-dire que nous, on estime vraiment que les mesures d'encadrement de la formation et de l'exercice du pouvoir exécutif doivent assortir... enfin, la réforme électorale doit absolument être assortie de ce genre de mesure là, parce qu'autrement on ne réussira pas à, si vous voulez, opérer le nécessaire dépassement de notre culture politique, dont on explique un peu les origines, hein, de cet esprit fiduciaire monarchique du Statut de Westminster, d'une part, mais aussi de l'influence historique des régimes coloniaux du passé et l'influence, aussi, du pouvoir clérical, qui font qu'on est pris avec ce qu'on a appelé une sorte de culte des deux mains sur le volant. Alors, pour se défaire de ce culte des deux mains sur le volant et vraiment embrasser un parlementarisme positif, il faut des mesures afin de réformer le parlementarisme. Je ne dis pas qu'au fond nous n'arriverions pas à nos fins à défaut d'adopter une telle mesure, mais c'est hasardeux. Ça pourrait prendre beaucoup de temps. Ce parlementarisme positif, je regrette, n'est pas ancré dans nos habitudes, dans nos traditions politiques, donc il faut s'y pencher.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Laporte. Merci de vous joindre à nous. Connaissant la Société Saint-Jean-Baptiste et vos positions sur le lieutenant-gouverneur et la monarchie, je tiens à vous rassurer, je n'aurai pas de question sur la saga Meghan et Harry à vous poser aujourd'hui.

On va plutôt... Ce qui ressort de votre mémoire, j'y vois une réforme parlementaire comme étant l'écho nécessaire d'une modification au mode de scrutin. Donc, là-dessus, vous... Je le vois comme un écho nécessaire, pas uniquement pour aller plus loin, mais pour rendre la chose, je dirais, plus viable et fonctionnelle. Donc, lorsque l'on parle, par exemple... Ça pourrait être un peu moins fondamental, le vote qui désignerait le premier ministre, le chef du gouvernement, et les votes qui désigneraient les ministres, un peu moins fondamental, dans la logique que vous articulez, là, que, probablement, ce que vous avancez et que d'autres ont avancé, le vote de non-confiance constructif. Parce que j'imagine que ce faisant, vous voulez, entre autres, répondre à des points soulevés, notamment par Christian Dufour, lorsqu'on dit : Bien, il y aura davantage de gouvernements minoritaires. Et ça, ça percole, ça... on le déduit à la lecture de votre mémoire, les hypothèses que vous avancez. Et vous avez beaucoup réfléchi dans un contexte où il y aura nécessairement beaucoup plus de gouvernements minoritaires. On parle beaucoup de l'Écosse. Dans les cinq dernières élections, quatre ont donné... ont résulté en des gouvernements minoritaires. Alors, ça, c'est un fait de la vie.

Et j'aimerais donc vous entendre là-dessus, sur cet aspect-là. Peut-être expliquer, en même temps, le vote de non-confiance constructif, qui n'appellerait pas nécessairement de retomber en élection et qui permettrait à l'Assemblée nationale et à son gouvernement qui en découle de fonctionner. Et j'aimerais donc vous entendre sur, un peu, deux volets. Le premier, nous expliquer un peu, et celles et ceux qui nous écoutent à la maison, la mécanique du vote de confiance non constructif et en quoi ce serait important de l'avoir, parce qu'effectivement vous n'êtes pas de ceux qui voulez des élections à répétition non plus, là.

• (14 h 30) •

M. Laporte (Maxime) : Oui, c'est bien vu. Quand on parle d'un meilleur contrôle parlementaire, de la formation et de l'exercice du pouvoir exécutif dans un contexte de scrutin mixte, évidemment, on parle du même coup d'une limitation des possibilités d'abus des mécanismes parlementaires, phénomène qu'on a déjà vu par le passé, en fait, fréquemment au Canada, et qui sont hérités, ces abus, du système de Westminster.

Parmi ces possibilités d'abus primoministériels, il y a ce recours à la dissolution, au fond, du Parlement, au fond, ce qui revient à préparer, planifier sa propre chute, peut-être lorsqu'un sondage semble plus favorable. Donc, à ce moment-là, un gouvernement minoritaire peut espérer, facilement ou pas, en tout cas, atteindre un... enfin, obtenir un mandat majoritaire.

Et c'est là certainement... enfin, régler cette affaire-là, c'est une des clés de voûte, à mon avis, pour assurer une certaine stabilité. Ça fait partie des propositions du MDN. Ça fait partie des recommandations qui avaient été formulées dans un mémoire présenté à Ottawa par le Pr Hugo Cyr. Et en effet le vote de défiance constructive consiste... Bien, il y a différentes formules. Nous, on le présente comme une alternative possible à une motion de censure. C'est-à-dire, au-delà de la motion de censure menant à une dissolution du Parlement, eh bien, au fond, le député qui propose telle motion de censure doit aussi proposer une alternative, qui est la nomination... enfin, la recommandation d'une autre personne pour agir à titre de premier ministre.

M. Tanguay : On pourrait faire la liste, qui serait très longue, des choses, les points sur lesquels nous ne serions pas d'accord, mais un point sur lequel nous serions d'accord — et ça participe d'un même point de départ — vous et moi, c'est de ne pas jeter complètement du revers de la main l'argument, notamment, de Christian Dufour, de dire : Bien, ça prend une Assemblée nationale, au Québec, forte, ça prend un gouvernement fort. «Fort», ça veut dire être capable de débattre, oui, mais de trancher, de décider puis de faire avancer le Québec. Et on pourrait se poser la question, mais là ce serait faire un peu, beaucoup d'hypothèses, de dire : Est-ce que telle réforme dans les années 60, telle autre réforme dans les années 70-80, et ainsi de suite... auraient-elles eu lieu sous des gouvernements minoritaires? Poser la question, déjà là, c'est soulever un drapeau rouge, ce ne serait pas une évidence. Alors, on part tous les deux de cette prémisse-là, de dire : Bien, ce n'est pas totalement dénudé de tout sens.

Moi, je vais même plus loin en disant que c'est un argument tout à fait sérieux et important, que ça prend une Assemblée nationale, un gouvernement qui puisse trancher. On est dans l'opposition, les libéraux, on ne forme plus le gouvernement, mais, quand même, le gouvernement caquiste, ils sont 75 députés, prennent des décisions. On veut évidemment que ça se fasse dans le respect du débat parlementaire, mais ça prend une Assemblée nationale qui puisse faire avancer le Québec, faire écho du résultat électoral.

Et là où vous nous amenez, c'est justement sur la conséquence nécessaire de dire : Bien, ce n'est pas vrai que, s'il y a des gouvernements minoritaires, par la joute partisane parlementaire, on va repartir en élection aux six, huit, 10 mois, parce que, là, on ne pourra pas avancer, comme société. Puis, encore une fois, là, l'État québécois a un contexte tout à fait particulier qui n'est pas le contexte d'un État américain ou d'une autre province. On est une société distincte, au Québec, on a des enjeux, des débats. Qu'on ne vienne pas me dire : Ah! bien là, ça fonctionne très bien sous plusieurs gouvernements minoritaires dans d'autres contextes. Le contexte québécois est tout à fait particulier en ce sens-là.

Et ça, force est de constater que, donc, ces motions de censure constructives, en voulant dire... ce n'est pas vrai que, si elle est adoptée, on repart de facto en élection, mais, si vous voulez la présenter, arrivez avec un plan B qui sera mis en place. Ça, force est de constater que ce n'est pas prévu. Alors, vous voyez, sur la réforme du mode de scrutin, ce n'est pas prévu dans l'actuelle mouture à nulle part. La réforme du mode de scrutin, on a des raisons d'être contre, telle, telle, telle raison, mais, si l'on veut aller au bout de la logique, il faudrait que la ministre le prévoie pour ne pas... ou pour répondre à cette préoccupation-là, qui est tout à fait légitime, d'affaiblir l'Assemblée nationale et son gouvernement qui a des décisions à prendre.

J'aimerais vous entendre là-dessus, sur... Et on m'indique... corrigez-moi si j'ai tort, excusez-moi, on m'indique que c'est un... On le voit ailleurs, là où il y a des proportionnelles, dans d'autres pays, c'est un corollaire. Tu as ça, parfait, bravo, mais tu as ça pour que ça puisse tenir la route.

M. Laporte (Maxime) : Alors, dans le contexte de la réforme électorale, au fond, en résumé, le point sur lequel nous insistons, c'est la nécessité de renforcer les prérogatives de l'Assemblée nationale, puisque l'expérience historique a démontré que l'institution par excellence au Québec, le coeur, au fond, de la nation, son instance suprême, c'est l'Assemblée nationale avant d'être le gouvernement, puisque, vous savez, avoir des gouvernements majoritaires monopolistiques, monopartites, on dira que, bon, ça nous a parfois conféré un plus haut degré de stabilité, je pense que ça a surtout conféré un plus haut degré de stabilité, bon, aux différentes formations politiques qui ont pu gouverner en étant majoritaires, mais ça ne veut pas dire pour autant que le Québec y gagne, du point de vue national, puisqu'on peut se retrouver, et on l'a vu dans le passé, avec des gouvernements majoritaires mais qui sont parfaitement inféodés aux intérêts canadiens, hein, et puis, bon, aux visées du gouvernement fédéral. Donc, pour moi, la meilleure caution démocratique, c'est de remettre plus de pouvoirs entre les mains de l'Assemblée nationale et, partant, lui donner l'occasion de mieux encadrer, de mieux déterminer l'exercice du pouvoir exécutif. Et, ce faisant, aussi, ça va nous permettre, bon... Vous savez, parce qu'avec la réforme on va avoir une belle Assemblée nationale, bon, qui va plus ou moins représenter en proportion les différentes forces politiques au Québec, mais, quand on va former le Conseil exécutif, forts de notre culte des deux mains sur le volant, on risque de se retrouver avec des gouvernements minoritaires qui ne vont pas vouloir collaborer, qui vont vouloir se maintenir au pouvoir le plus vite possible ou dissoudre l'Assemblée en vue d'obtenir un mandat majoritaire, et, au fond, donc, ce gouvernement, peut-être, ne sera pas... c'est un gouvernement dont 70 % des gens, peut-être, ne voudront pas. Donc, il y a un problème, là. C'est-à-dire qu'au fond, la réforme, en omettant de se pencher sur les dimensions exécutives... enfin, liées au pouvoir exécutif, risque de nous apporter de fâcheuses surprises.

M. Tanguay : ...qu'il me reste. Il y a donc cet aspect-là, vote de non-confiance constructif, arriver avec un plan B, et on continue, comme Assemblée nationale, à fonctionner, et il y a également l'encadrement. Vous avez fait écho, un peu plus tôt, du recours à la prorogation, qu'un gouvernement dise : Ah! il y a un bon sondage, je me fais harakiri, on part en élection.

À ce moment-là, pour être tout à fait complet, je pense, et ça, là-dessus, c'est important de le souligner, il faudrait qu'il y ait un chapitre du projet de loi qui touche à ces importants éléments-là, qui ne sont pas du détail et qui y vont du fonctionnement même d'une Assemblée qui serait, par définition, beaucoup plus souvent minoritaire mais qui pourrait être appelée à fonctionner de façon autre et efficace. Ça, je fais écho à cette préoccupation-là, là.

M. Laporte (Maxime) : Dans la majorité des démocraties... Ah! désolé.

Le Président (M. Bachand) : Excusez-moi, je dois céder la parole au député de Gouin. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. Laporte. Merci de nous faire réfléchir à des enjeux importants puis plus généraux, plus larges. On a eu beaucoup de discussions sur des enjeux techniques qui sont, par ailleurs, superimportants puis déterminants, mais vous nous amenez sur d'autres dimensions, puis je pense que les commissions parlementaires peuvent servir à ça aussi. Donc, merci de nous forcer à le faire puis même de nous bousculer un peu, c'est apprécié.

Vous proposez de modifier la Loi sur l'Assemblée nationale pour que le premier ministre du Québec soit nommé par les parlementaires. Pour des gens qui sont moins habitués à discuter de ces enjeux-là, comme vous, peut-être, ou moi, expliquez-nous en quoi, pour un citoyen du Québec, ça représente un gain démocratique du point de vue des gens, pas du point de vue de la théorie constitutionnelle, du point de vue des citoyens, des citoyennes au Québec. En quoi ils ont accès à une meilleure démocratie si on va dans le sens de votre proposition? Et vous avez 1 min 30 s.

M. Laporte (Maxime) : Ah!

M. Nadeau-Dubois : Ce n'est pas moi qui décide des règles.

M. Laporte (Maxime) : Bien, d'abord, peut-être je ne l'ai pas déjà dit, mais je tiens à rappeler que, dans une majorité de démocraties parlementaires dans le monde, c'est comme ça qu'on fonctionne. Alors, je pense que, si notre président du Conseil exécutif, au fond, se voit mandaté par l'Assemblée nationale, bon, ça va consolider sa légitimité, d'une part, et l'Assemblée nationale va avoir, évidemment, un meilleur contrôle sur son action, là où souvent, bon, dans le passé, bien, on a eu des premiers ministres dont on a été souvent très déçus, dont l'Assemblée nationale a été souvent très déçue, et qui, au fond, ont généré leur lot de cynisme. Alors, je pense que c'est une des mesures, du point de vue du citoyen, qui peut être très constructive, outre le fait de réduire les pouvoirs de Sa Majesté.

M. Nadeau-Dubois : Est-ce que vous diriez que ça contribue à valoriser le rôle du député?

M. Laporte (Maxime) : Absolument, bien entendu. Et à rappeler que... Vous savez, même si, dans notre système de Westminster, le premier ministre — enfin, depuis les grandes révolutions anglaises — agit un peu comme un monarque élu, eh bien, à ce moment-ci, c'est plutôt l'Assemblée nationale qui va consolider, enfin, son emprise sur ledit monarque.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour.

M. Laporte (Maxime) : Bonjour.

M. LeBel : Une parenthèse. Moi, je crois, comme la ministre, qu'on ne pourra pas... Si on veut faire avancer la réforme, il faudra parler de 17 régions, sinon ça va rebondir à quelque part, puis on s'éloigne du résultat. Mais il faudra trouver le compromis pour arriver aux 17 régions.

Mais ma question, moi, c'est plus... J'aimerais ça que vous répondiez à ceux qui pensent que... qui disent qu'on... que cette réforme-là va affaiblir l'Assemblée nationale puis va rendre encore plus difficile — parce qu'on est indépendantistes, vous et moi — notre marche vers l'indépendance du Québec. Qu'est-ce que vous répondez à ça?

• (14 h 40) •

M. Laporte (Maxime) : Alors, évidemment, cette proposition ne se fonde pas sur une position idéologique en particulier, même si... cela dit, en précisant quand même que la démocratie, normalement... enfin, dans un pays normal, est intimement liée à l'indépendance. La démocratie exige l'indépendance. La république au sens large n'existe pas sans l'indépendance, puisque le peuple souverain ne doit pas être gouverné par une autorité tierce, qu'elle soit cléricale, qu'elle soit un autre peuple, qu'elle soit un autre gouvernement, etc.

Mais, cela dit, il s'agit juste d'une proposition démocratique. Et, pour répondre précisément à la question, disons, de l'intérêt national et constitutionnel du Québec, les négociations que forcerait formellement ce mode de fonctionnement amèneraient nécessairement une prise en compte du statut constitutionnel du Québec, compte tenu, bon, des positions respectives des partis à l'Assemblée nationale. On peut imaginer un Parti libéral qui aurait plus de difficultés, évidemment, dans un système mixte, à former, là, un gouvernement majoritaire, pour se hisser au pouvoir, probablement, ou pour participer à un gouvernement, devrait négocier avec d'autres partis, par exemple, afin de tenir compte davantage qu'il ne le fait, avec tout le respect, de l'intérêt national et constitutionnel du Québec.

M. LeBel : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Fournier : Merci beaucoup. Vous avez dit que la réforme proposée n'était, en fait, que partielle par rapport au système, au régime politique dans lequel évolue le Québec, même si on avait un gouvernement majoritaire fort à l'Assemblée nationale, que les intérêts du Québec allaient nécessairement être, d'une façon ou d'une autre, inféodés au choix du gouvernement fédéral. Donc, en ce sens-là, au bénéfice de tous les membres de la commission, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ce serait bénéfique que le Québec puisse se disposer de l'ensemble de ses pouvoirs?

M. Laporte (Maxime) : Mais, bien sûr. Tu sais, le mot «démocratie», ça vient du grec «dêmos kratos», le pouvoir au peuple, hein? Donc, je mentionnais, en début d'exposé, qu'il ne faut pas perdre de vue le caractère terriblement partiel, du point de vue du peuple québécois, de cette réforme. Un peuple québécois qui, en vertu de la loi n° 99, qui est en ce moment contestée devant les tribunaux par le Canada lui-même... peuple québécois, évidemment, qui est titulaire des droits démocratiques des peuples. Alors, évidemment, à titre d'indépendantisme, même si ce n'est pas l'objet, ici, du débat, il va sans dire que... disons, comme le disait, en présence de l'ancien premier ministre Philippe Couillard, le représentant... enfin, le chef islandais : «L'indépendance [...] ne peut jamais être négative [en soi].» Et évidemment que c'est un aboutissement démocratique auquel on aurait intérêt... dans le contexte actuel, vu la crise environnementale, vu les prérogatives que s'arroge le fédéral, ce serait une perspective que, tout un chacun, ici, on aurait intérêt à entrevoir davantage. Et peut-être qu'en adoptant des mesures de parlementarisme positif, du moins, la question nationale, la question constitutionnelle reviendra davantage à l'ordre du jour, ce dont le peuple québécois ne pourra que bénéficier.

Mme Fournier : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Laporte.

M. Laporte (Maxime) : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Cela dit, on va suspendre les travaux quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 14 h 43)

(Reprise à 14 h 45)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Et il me fait plaisir, maintenant, d'accueillir les représentants de L'Union des producteurs agricoles du Québec. Je vous rappelle, comme vous le savez, vous avez 10 minutes de présentation, par après nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, M. le président, bienvenue. Je vous invite à présenter ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît. Merci.

L'Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Groleau (Marcel) : Alors, merci beaucoup, M. le Président. MM., Mmes les députés, merci de nous permettre de s'exprimer devant vous lors de cette commission. Je suis accompagné de Gabriela Quiroz et de Guy Des Rosiers, qui travaillent aux affaires publiques et syndicales de L'Union des producteurs agricoles.

Alors, bon, je ne m'éterniserai pas à vous présenter qui est l'UPA, je crois que la plupart d'entre vous le savez, mais ce qui est important de dire, c'est que l'UPA est ancrée, vraiment ancrée, depuis bientôt 100 ans, dans toutes les régions du Québec.

La consultation à laquelle nous participons aujourd'hui est importante, puisque le projet de loi propose l'instauration d'un nouveau mode de scrutin qui pourrait avoir des incidences sur la relation unissant les députés aux populations qu'ils représentent, l'adéquation entre les voix exprimées par les électeurs et la députation élue, le poids politique des régions à l'Assemblée nationale et le dynamisme qui anime les relations entre parlementaires.

Par le passé, et à toutes les fois où nous avons eu à nous prononcer sur une révision du mode de scrutin, nous nous y sommes opposés. En fait, on ne s'opposait pas nécessairement au mode de scrutin proposé en soi, on réagissait plutôt aux impacts qu'il allait avoir sur l'établissement de la carte électorale et le poids des régions à l'Assemblée nationale. On s'y opposait quand il en résultait des circonscriptions électorales si grandes qu'elles ne permettaient plus aux citoyens des régions rurales d'avoir un lien effectif, j'irais même dire jusqu'à affectif, avec leurs députés.

Cette fois, l'UPA ne s'oppose pas au projet de loi n° 39, pour deux raisons principales. D'abord, il y a une volonté de la population pour un mode de scrutin qui permet une meilleure représentativité des différentes options politiques à l'Assemblée nationale, et c'est vrai dans les régions urbaines mais également dans les régions rurales, et aussi parce que le projet de loi a une préoccupation particulière à maintenir le poids politique des régions.

Puisque le projet de loi prévoit que la population aura à se prononcer sur l'adoption d'un nouveau mode de scrutin dans le cadre d'un éventuel référendum, l'UPA consacrera ses énergies à informer les producteurs agricoles et forestiers des avantages et des inconvénients du mode de scrutin proposé par rapport au mode de scrutin actuel. Je tiens à souligner aux membres de la commission que nous n'avons pas tenu de consultation large auprès de nos membres jusqu'à maintenant, mais que nous n'excluons pas la possibilité d'en tenir une sur la base des résultats de vos travaux.

Pour notre exposé, aujourd'hui, nous voulons partager avec vous nos observations sur le projet en l'articulant autour de quatre axes : le premier, le poids politique des régions à l'Assemblée nationale; deuxièmement, le maintien d'un lien étroit entre les citoyens et leurs députés; troisièmement, le désir de la population d'avoir une meilleure représentation des différents courants politiques représentés au Parlement du Québec; et finalement la question de la cohérence territoriale.

Donc, tout d'abord, le poids des régions à l'Assemblée. À nos yeux, le Québec se caractérise par l'étendue de son territoire. Il tire une partie de sa richesse de la diversité des réalités territoriales. Trop souvent, certains limitent le rôle des députés à la représentation de leurs citoyens, négligeant le rapport au travail législatif de l'Assemblée grâce à leur connaissance fine de la réalité territoriale de leur population. Malheureusement, au fil des années, à mesure que le poids démographique s'effritait, les régions ont vu leur poids politique s'éroder à l'Assemblée nationale, principalement dans les territoires moins densément peuplés.

Il y a une opportunité, avec le projet de loi n° 39, d'introduire des mesures qui permettraient de freiner ce phénomène à long terme. Votre commission pourrait s'inspirer du projet de loi n° 78, qui date de 2009, en établissant... qui établissait un nombre minimal de circonscriptions pour chaque région administrative. Vous pourriez également déterminer un nombre minimal de sièges de liste pour chacune des régions. Pour ce faire, il faut, bien entendu, éliminer la limite de 125 sièges à l'Assemblée nationale.

• (14 h 50) •

Sur l'importance du lien entre les citoyens et leurs représentants à l'Assemblée nationale, la plus grande crainte que nous ayons par rapport au projet de loi, c'est la taille des circonscriptions qui va en résulter. Nous sommes inquiets de l'impact que cela va avoir sur la relation citoyens-députés et sur la possibilité pour un député d'exercer adéquatement son devoir sur le territoire. Dans l'arrêt Carter de 1991, la juge en chef de la Cour suprême, Mme McLachlin, disait pertinemment qu'il est plus difficile de représenter des populations rurales que des populations urbaines. Elle ajoutait que les électeurs ruraux font plus appel à leurs représentants élus à cause de l'absence des ressources plus diversifiées dont disposent les centres urbains. Il faut également garder en tête que la réalité, selon nous, territoriale des comtés des grands centres urbains, comme les territoires sont beaucoup plus petits dans un espace comme Montréal, ces territoires-là sont plus homogènes que ceux des comtés ruraux avec les grands territoires dont ils sont composés. Cela amène un défi supplémentaire aux députés ruraux.

Les simulations que nous avons faites nous inquiètent quant aux impacts du projet de loi sur la relation citoyens-députés dans certaines régions. Je vous donne l'exemple de... je prends l'exemple de l'Abitibi-Témiscamingue. Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, cette région n'aurait plus que deux circonscriptions électorales et un seul député de liste pour l'ensemble de la région. Donc, oui, trois députés avant la réforme, mais trois après la réforme. D'un point de vue mathématique, pas d'inquiétude. Par contre, pour saisir l'impact possible de la relation citoyens-députés, il faut pousser un peu plus loin l'analyse de la réalité sociale et territoriale de la région. Lors de la dernière révision de la carte électorale, la Commission de la représentation électorale avait fait l'exercice parce qu'elle envisageait d'y retrancher une circonscription. Sa conclusion : le retrait d'une circonscription dans la région produirait deux circonscriptions de superficie trop grande. C'est ce qui nous amène à dire que, pour certaines régions, il serait nécessaire de laisser à la Commission de la représentation électorale le soin de déterminer le nombre de circonscriptions et de députés pour s'assurer de garantir une véritable relation entre les citoyens et leurs élus.

Le désir de la population d'avoir une meilleure représentation des différentes options politiques à l'Assemblée nationale est réel. Les courants politiques se multiplient. On n'est plus à l'époque du bipartisme, et cette représentation-là des courants politiques à l'Assemblée est nécessaire à l'exercice ou au fonctionnement d'une bonne démocratie, nous le croyons.

Finalement, nous croyons que le projet de loi n° 39 est sur la bonne voie quant au choix d'avoir une compensation et une redistribution régionale des sièges de liste, ainsi que d'avoir choisi 17 régions électorales, lesquelles correspondent principalement ou presque... exactement aux régions administratives du Québec, pardon. Nous saluons particulièrement cette volonté de s'attacher aux régions administratives, puisque nous l'avons proposé à maintes reprises.

Les gens s'identifient à leur ville, à leur MRC, à leur région administrative. C'est normal, puisque c'est à cette échelle qu'ils ont accès à la plupart des services qui leur sont offerts par l'État québécois. Ils y retrouvent également la plupart des directions régionales des différents ministères. Dans le même sens, le fait d'arrimer les circonscriptions aux régions administratives devrait faciliter la collaboration entre les députés de liste et ceux des circonscriptions dans une même région, et ce, peu importe leur parti. Cependant, la collaboration entre les députés demeurera toujours sous-jacente aux intérêts des partis politiques desquels ils relèvent et en fonction du prochain rendez-vous électoral, on n'y échappera pas. Il est toujours plus difficile... plus facile, pardon, de prêcher la vertu que de la pratiquer.

Je m'arrête ici en faisant un dernier commentaire. Nous sommes conscients que le rôle des députés, qu'il soit de circonscription ou de région, n'a pas à être défini dans le projet de loi n° 39. Cependant, compte tenu du grand nombre de questions que soulève le fait d'avoir deux catégories de députés, nous sommes d'avis, même si tout le monde ne partage pas ce point de vue là... que ça soit deux catégories de députés, nous sommes d'avis que des éléments de réponse devront y être apportés assez rapidement pour faciliter le débat sur le projet de loi et répondre aux nombreuses questions que se poseront les citoyens sur ce volet particulier de la réforme.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le président. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci de votre présence, surtout de votre présentation. Et je dois vous dire que je suis très contente de voir que, compte tenu des discussions qu'on a eues dans le passé ensemble et compte tenu de ce qu'on a apporté dans le projet de loi, on a réussi à... bien qu'elle soit... à avoir une position plus nuancée de l'UPA, que, maintenant, l'UPA ne s'oppose plus à la réforme. Je pense qu'on peut... On a... C'est ce que je disais dans les jours... hier et aujourd'hui, entre autres, que ce que nous avions tenté de faire, c'est de rallier le plus grand nombre de monde possible autour de cette idée et que, pour ce faire, bien, il faut faire des choix, il faut faire des compromis et on ne peut pas atteindre l'idéal ou la perfection sur tous les principes. Donc, si on avait un idéal de proportionnalité, bien, il y aurait nécessairement des compromis à faire sur le poids des régions ou le nombre de régions administratives, entre autres. Donc, vous illustrez bien, par votre adhésion aujourd'hui... bien, avec des propositions, naturellement, puis des discussions, mais votre adhésion générale à ce projet de loi là, le fait que... l'exercice que nous avons fait et que nous avons réussi quand même à faire adhérer — puis on l'a vu dans les autres groupes qui sont venus témoigner — des groupes qui avaient traditionnellement des positions qu'ils étaient contre, maintenant, bien, ils sont pour, naturellement, avec des ajouts et des modifications, mais on a réussi à fédérer plusieurs groupes avec des intérêts qui sont chacun les leurs. Et, entre autres, quand on parle de l'UPA, effectivement, votre défense des régions est très bien ancrée, parce que vous êtes présents partout dans les régions.

Donc, c'était, d'entrée de jeu, mon commentaire, et merci, parce qu'on part, à ce moment-là, sur une... On parlait de parlementarisme positif, tantôt. Donc, on part sur des discussions d'un point de vue positif, donc on est dans une optique d'améliorer les choses plutôt que de s'y opposer, et je trouve ça extrêmement... j'allais dire «le fun», mais c'est bien, finalement. Merci beaucoup.

Donc, ceci étant dit, on peut quand même discuter de certaines de vos positions, effectivement. Donc, vous l'avez bien mentionné, 17 régions administratives, je pense que c'est... pour l'avoir bien senti, moi aussi, dans ma tournée... pas ma tournée des régions comme telle, mais dans ma tournée de rencontres avec plusieurs intervenants, c'était un élément extrêmement sensible. Qu'on parle aux maires, qu'on parle aux MRC, qu'on parle à l'UPA, entre autres, mais à bien d'autres citoyens, c'est un élément sensible.

Par contre, vous me parlez du nombre de circonscriptions. Est-ce qu'on peut, en autant que... pour l'instant, on va prendre pour acquis que le nombre reste à 125, pour fins de discussion. On a tenté également de trouver un équilibre dans le nombre de circonscriptions et le nombre de députés de liste. Si on parle d'un régime mixte avec compensation, nécessairement, il doit y avoir des députés de liste, donc, nécessairement, il y aura moins de circonscriptions qu'actuellement. D'aucuns disaient qu'on aurait dû faire du 75-50, d'autres ont déjà prôné, dans les discussions — pas ici, jusqu'à présent, mais dans les discussions — qu'on se rende jusqu'à 100-25. Il y a des difficultés d'un spectre à l'autre. Entre autres, le 125 fait en sorte que, quant à moi, ça ne vaut pas la peine de faire la réforme du mode de scrutin, parce que l'effet proportionnel est presque nul, donc on transforme pour ne pas avoir de résultat. Donc, ce que j'appelle souvent le point de friction ou le point d'équilibre qu'on a été capables de trouver, c'est-à-dire de maintenir un maximum de circonscriptions, pour les raisons que vous prônez, tout en ayant un effet proportionnel, c'était 80-45. Qu'est-ce que vous pensez de ce chiffre-là, en autant qu'on ne touche pas aux 125, naturellement? Puis on ira dans votre autre argument par la suite.

• (15 heures) •

M. Groleau (Marcel) : Bien, c'est là où nous, on donnait l'exemple de l'Abitibi-Témiscamingue, là. C'est sûr qu'il y aura trois députés. Comment vont-ils se partager le travail? Ça reste à voir, là, mais prenons l'Abitibi-Témiscamingue, c'est un territoire immense. Il y a deux pôles importants : Val-d'Or, Rouyn-Noranda. C'est sûr que, déjà, les populations rurales sont... Les préoccupations des populations rurales dans les régions sont déjà difficiles à faire reconnaître parce que les députés, pour des raisons simples de déplacements et d'enjeux, vont se consacrer... se consacrent beaucoup aux pôles urbains des régions rurales, des régions. Alors, si on ramène ça à deux régions, nous, on a vraiment une préoccupation pour la représentativité territoriale d'un territoire aussi grand que l'Abitibi-Témiscamingue. Je sais que la solution n'est pas simple, là, dans cette réforme-là. Le Québec, c'est très grand puis c'est peu peuplé, c'est une évidence, mais il reste qu'il ne faudrait pas que ces populations-là se sentent délaissées par la réforme et qu'ils sentent qu'ils n'ont plus leur mot à dire dans la démocratie du Québec. Ce n'est pas ce qu'on souhaite puis ce n'est pas ce que vous souhaitez, mais nous, on a peur que ça provoque ce sentiment-là. Déjà que ces régions-là... Si je ne me trompe pas, l'Abitibi-Témiscamingue, ils ont déjà eu quatre circonscriptions, on est à trois maintenant, on passerait à deux. Pour avoir... Si vous avez déjà circulé en Abitibi-Témiscamingue, là, franchi la région d'un point à l'autre de ses extrémités, pour un député, c'est quasi impossible de bien couvrir un territoire aussi grand.

Mme LeBel : Même si nous étions, pour fins de discussion, ouverts à l'idée d'augmenter la députation, le nombre de députés, le fait est qu'on ne restera pas à 125 circonscriptions. Parce que ça nous prendrait combien de députés de liste pour avoir la proportionnalité? Peut-être une cinquantaine, donc on se retrouverait à un nombre assez élevé si on maintenait le même nombre de circonscriptions. Donc, il faut y avoir... C'est pour ça que je vous disais, tantôt : Nécessairement, il y aura une perte, pas pour le citoyen, moi, ce n'est pas ce à quoi j'aspire, mais de nombre de circonscriptions.

Vous parlez de maintenir le poids politique des régions ou, à tout le moins, limiter l'érosion. C'est en ayant ces objectifs-là en tête, bien sincèrement, que nous avons instauré, dans le projet de loi, des garanties en termes de nombre de députés de circonscription. Donc, on garantit un député de circonscription par région et un député de région par région, donc deux députés par région. C'est une des mesures qui a été mise en place pour faire en sorte que l'érosion démographique, si on veut, ou les mouvements démographiques ne viennent pas procéder à l'érosion — le moins possible, à tout le moins — des régions. Mais vous avez tout à fait raison de la mentionner, la réalité de notre territoire et la distance entre les populations, bien, ça sera toujours une réalité de notre territoire.

Par contre, vous parlez, à la page 13 de votre mémoire... un autre élément important, c'était «l'allocation, à chacune des régions administratives[...], d'un nombre minimal de circonscriptions électorales». Bien, dans un certain sens, on le fait en disant «un député de circonscription». Je comprends que ce n'est pas suffisant, mais c'est un peu ce qu'on fait. «Ce faisant, elle garantit aux régions, et même à Montréal, que, si la croissance démographique nécessite de créer de nouvelles circonscriptions ailleurs, cela pourra être fait sans qu'on les ampute du nombre équivalent de circonscriptions.»

Bon, présentement, la Loi électorale actuelle ne permet pas d'avoir un mouvement de circonscriptions sur 125, c'est exact. Mais ce que vous proposez, finalement, c'est de faire tomber, faire sauter le plafond maximal, ce qui pourrait entraîner, théoriquement, de législature en législature, un nombre variable de députés. Donc, on pourrait avoir certaines législatures, en fonction des mouvements, à 129, une autre fonction... Parce qu'il faut toujours garder le ratio avec la proportionnalité. On le voit ailleurs, je ne suis pas certaine que ce soit souhaitable. Mais comment... Est-ce que je comprends bien votre proposition? Je veux d'abord être certaine que je la comprends bien, là.

M. Groleau (Marcel) : Disons, sans aller sur le détail de notre proposition, peut-être sur les principes, bon, la démocratie, c'est d'abord de s'assurer que les citoyens soient le mieux représentés possible ou puissent s'exprimer le mieux possible au sein de leur Parlement. Lorsqu'on regarde la concentration de la population ou le phénomène de concentration de la population, on se retrouve que Montréal et Québec vont représenter, si je prends les régions périurbaines de ces deux agglomérations-là, 75 % de la population du Québec bientôt. Est-ce que c'est nécessaire... puis là peut-être que je vais faire friser des oreilles, là, mais est-ce que c'est nécessaire d'avoir autant de députés dans des régions aux enjeux quand même assez similaires d'une circonscription à l'autre pour établir une forme d'équation ou d'adéquation entre la population et le nombre de députés? Est-ce qu'il y a une réflexion à faire sur cette question-là?

Mme LeBel : Merci d'avoir le courage de mettre de l'avant ces choses-là, puis je pense qu'on peut le faire de façon très respectueuse, même si on n'est pas... mais ça fait partie des réflexions, et c'est un peu, aussi... ça fait partie, aussi, des éléments qu'il faut considérer quand on fait la réforme.

M. Groleau (Marcel) : ...une différence notable entre le nombre de citoyens dans chacune des circonscriptions. Il y a déjà cette différence-là. Est-ce que ça fait que les citoyens plus nombreux dans une circonscription sont moins bien représentés ou ont moins de pouvoir que d'autres? Je ne crois pas, moi. Je crois qu'il faut arriver à un niveau et maintenir un niveau de circonscriptions pour que le territoire soit représenté, pas uniquement les gens par le nombre qu'ils sont sur le territoire.

Mme LeBel : Vous illustrez, par votre propos, un peu la troisième option dont je parlais avec d'autres personnes qui sont venues présenter avant vous. Si on ne touche... Si on veut avoir une... Si on veut ajouter de la représentation dans les régions ou garantir plus de représentation dans les régions, il y a, grosso modo... bon, sans aller vers un nombre variable de députés, il y a, grosso modo, trois leviers... il y en a probablement d'autres, mais trois leviers principaux : la diminution du nombre de régions, ce qui n'est pas acceptable, selon votre point de vue, il y a également l'augmentation du nombre de députés, pas nécessairement variable, mais un nombre x d'augmentation du nombre de députés, et il y a aussi le déplacement des députés actuels, un peu comme vous le suggérez ou entendez nous parler de la réflexion, c'est-à-dire d'avoir peut-être un ratio plus élevé de citoyens par député, encore plus élevé qu'il est maintenant, dans les milieux urbains plutôt que dans les milieux ruraux.

M. Groleau (Marcel) : C'est ça.

Mme LeBel : Je ne suis pas en train de dire que je prône l'une ou l'autre des solutions, mais c'est à peu près ça.

M. Groleau (Marcel) : Ah! je croyais que vous reteniez la dernière solution.

Mme LeBel : Mais ce que je veux dire, c'est que ce sont les trois leviers. Nous avons tenté, à travers le... à l'intérieur du projet de loi, de jongler avec ces trois leviers, c'est-à-dire qu'on a gardé les 17 régions administratives, on a garanti un minimum de deux sièges par région, et on a... ce qui a eu comme conséquence de faire un déplacement de quelques députés — on l'a vu dans les calculs, trois pour Montréal, et, en Estrie, quelques-uns — vers, justement, les régions, donc, ce qui fait que ça change le ratio, effectivement. On n'a pas été ni dans un extrême des trois, mais on a tenté. Mais nécessairement, quand on parle de proportionnalité, de meilleure représentation, un de ces trois leviers-là sera affecté dans une proportion x, y ou z.

Rapidement, parce qu'il nous reste peu de temps, puis mes autres collègues vont sûrement aller dans d'autres sujets, de toute façon, vous considérez que le seuil de 10 % proposé est trop élevé. Est-ce que vous avez une alternative en tête ou c'est simplement le fait brut qu'il soit trop élevé?

M. Groleau (Marcel) : Non, bien, nous, on a eu plusieurs discussions sur le sujet avec différents groupes, puis 10 %, c'est quand même élevé. À partir de 5 %, je crois qu'il y aurait... ça pourrait être intéressant, là, de reconnaître une représentativité à l'Assemblée nationale.

Mme LeBel : Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la ministre. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Bien, merci beaucoup à vous d'être présents, M. Groleau, M. Des Rosiers et Mme Quiroz. Merci d'être avec nous aujourd'hui pour débattre du projet de loi sur la modification du mode de scrutin.

Plusieurs éléments intéressants. Je veux juste... Vous avez dit : Je ne voudrais pas faire retrousser des oreilles, mais c'est ce qui est arrivé dans mon cas, les oreilles m'ont retroussé, M. Groleau, quand vous avez dit que peut-être que le facteur du nombre d'électeurs par député ne devrait pas être sacro-saint, strictement au sens, là, puis c'est ce que j'ai compris... Là-dessus, je pense qu'on ne pourrait pas, vous et moi, être plus en désaccord que ça, parce que l'effectivité, c'est au coeur de notre démocratie. On ne peut pas, je pense, aborder le projet de loi, c'est mon humble opinion, autrement qu'en s'entendant sur ce principe-là qu'il faut, autant que possible... Ce n'est pas parfait, là. Vous n'aurez pas exactement le même nombre d'électeurs pour un député ou une députée, mais ça doit demeurer la préoccupation centrale, je crois, tout en sachant qu'effectivement la représentation des régions et du territoire, je pense, c'est davantage ce à quoi vous faisiez référence, c'est important.

Vous parlez... et je trouve ça extrêmement intéressant, puis vous n'êtes pas légion à le faire, dans votre mémoire, vous dites : «[Prenons] en compte la spécificité du Québec.» Et c'est bien beau, se comparer à la Nouvelle-Zélande, à l'Écosse et l'Allemagne — je suis à la page 17 de votre mémoire — mais vous y allez... et je cite l'extrait que vous faites du DGEQ : «...un système électoral donné ne fonctionnera pas nécessairement de la même façon dans deux pays différents. Ses effets dépendent, pour une large part, du contexte sociopolitique qui prévaut dans un État ou un pays.» Puis là vous dites : Bien, au Québec, il y a en moyenne, par kilomètre carré, 5,5 habitants, puis en Écosse — je vais prendre ce seul exemple là — bien, c'est 70, si on arrondit au kilomètre carré. Donc, 5,5 puis 70 au kilomètre carré, ce n'est pas pantoute la même réalité.

Et je vous dirais même que — poursuivons cette analogie-là, M. Groleau — l'Écosse entre 20 fois dans le Québec, l'Écosse rentre 20 fois dans le Québec, et l'Écosse a 129 députés, et, en ce sens-là... avec une population de 4 millions de moins que le Québec. Alors, vous voyez, l'étendue immense du territoire, la densité, et la population, et le nombre de députés, quand le Québec se compare à l'Écosse, on est défavorisés sous les trois critères quand on veut importer, copier-coller, le même système politique.

Une fois que j'ai dit ça, je viens de vous résumer, à peu près, l'écueil central que nous, nous avons avec le mode de scrutin proposé, et vous y faites écho. Je sais que ma collègue aura des questions plus spécifiques, mais vous dites, donc... et vous ne vous avancez pas à un nombre, puis c'est bien correct, mais vous établissez le principe que, ce faisant, sous les trois critères, là, population, immensité du territoire et nombre de députés... vous dites : Bien, on ne pourra pas jouer sur le territoire puis sur le nombre de la population, on ne changera pas ça, mais vous nous dites : Jouez donc sur le nombre de députés. Corrigez-moi si j'ai tort, mais je vois ça, pour vous, comme étant un élément fondamental de votre position. On ne pourrait pas aborder ça sans avoir l'ouverture d'esprit de dire : Bien, si, si, si... bien, augmentez le nombre de députés, sinon ça ne tiendra pas la route, là.

• (15 h 10) •

M. Groleau (Marcel) : Bien, c'est ce que je disais dans mon court résumé également, là, que, nous, la limite de 125 députés, ce n'est pas un frein pour nous... faire une réforme dans laquelle la population va se sentir mieux représentée.

Par rapport à votre point de vue sur les villes versus les régions, prenons Montréal, par exemple, si tu enlèves deux députés à Montréal... c'est ma perception, je n'ai pas fait d'étude là-dessus, là, mais, à mon avis, c'est plus facile pour la ville de Montréal de se priver de deux députés que pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue de se priver d'un député.

M. Tanguay : Je vous dirais, là-dessus, je ne veux pas partir une polémique.

M. Groleau (Marcel) : Là, c'est une question de...

M. Tanguay : Non, mais on va se respecter là-dedans. Il y a...

M. Groleau (Marcel) : Parce que le député, à Montréal, je veux dire, il n'a pas 200 kilomètres à faire pour aller rencontrer ses gens, il a rarement deux bureaux à visiter. Les réalités économiques sont... Oui, je reconnais qu'il peut y avoir des différences, mais les réalités économiques dans une région aussi grande sont très différentes. Alors, c'est pour ça que je vous dis, moi : Il ne faut pas se freiner dans cette réforme-là, qui nous semble sur la bonne voie, sur des principes mathématiques qui feraient que les gens des régions se sentiraient abandonnés ou moins bien représentés.

M. Tanguay : Je vous dirais, M. Groleau, que, là-dessus, évidemment, on ne sera pas d'accord, mais, en tout respect, je vous dirais qu'à Montréal le rôle du député, puis c'est la même chose en région, c'est que, si le citoyen veut le rencontrer puis il veut passer une heure avec vous, vous allez devoir vous asseoir, puis c'est votre rôle, puis vous devrez le faire avec toute la compétence que vous avez à offrir comme élu, vous asseoir une heure avec le citoyen. Et, oui, on a beaucoup moins... à Montréal, on n'a pas l'aspect de délai de transport, et ça, il faut y pallier — dans certains comtés, ils ont deux et trois bureaux de comté, moi, j'en ai un — mais sachez que les citoyens qui veulent rencontrer leur député, je m'assois avec eux, et c'est ça qui est le coeur, les gens d'abord, avant que de penser à l'aspect territorial ou physique. Et c'est pour ça qu'on est élus puis c'est pour ça qu'on a un droit de vote, une personne, un vote.

J'aimerais maintenant, évidemment... Et vous faites écho du fait qu'il y aurait... Puis je vais passer, avec la permission du président, la parole... M. le Président, vous allez passer la parole à ma collègue, mais elle va faire écho au fait que l'on passerait de 125 comtés, comtés, à 80 comtés — donc, déjà là, ça deviendrait des comtés excessivement grands — et, ce faisant, nous aurions 45 députés de région. Autrement dit, si je pousse l'analogie... l'analogie, par essence, là, est imparfaite, mais, si je pousse l'analogie, on pourrait dire : Ah! on va faire un nouveau système électoral, on va garder 125 députés, mais les 125 députés seront élus directement au suffrage universel puis ils vont représenter tout le Québec. Là, je vais dire : Bien, voyons donc, on a exactement le même nombre de députés, ils sont 125, puis chaque député, son comté, c'est tout le Québec, puis il représente le 8,4 millions d'habitants.

Là, vous allez dire : Bien, vous êtes de mauvaise foi dans votre analogie. Non, mais c'est juste pour illustrer que ce n'est pas parce que... ce n'est pas en gardant le même nombre de députés mais en disant : Les 125 députés, je vais tous leur augmenter leur zone, leur territoire, qui est un élément central à ce que vous articulez, et on va augmenter aussi le nombre de population, bien, ce faisant, on vient de nuire aux 125 députés. Pourquoi on vient de nuire aux 125 députés? Vous êtes encore le même nombre, séparez-vous le travail. Mais, séparez-vous le travail, moi, je vais devoir couvrir ma région ou je devrai couvrir mon territoire, qui va être 1/80 plus 1/125 du Québec. C'est là où il y a un écueil fondamental, puis j'aimerais ça, donc, vous entendre là-dessus. Mais, avec votre permission, je céderais, M. le Président, la parole à ma collègue, qui va enchaîner sur la suite.

Mme Robitaille : Je continue?

M. Tanguay : Vas-y, continue avec ta question.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, oui.

Mme Robitaille : Oui, bien, justement, dans la même veine, donc, vous parliez, tout à l'heure, de l'Abitibi. On a, en ce moment, trois députés de circonscription. Dans le nouveau... dans le projet de loi, on dit qu'on aurait, bon, dans un contexte comme l'Abitibi, deux députés de circonscription, un député de liste, puis vous dites : Bien, c'est trois-trois, mais ce n'est pas pareil, finalement, parce qu'on va avoir le député de liste qui va couvrir un immense territoire, puis, bien, ça ne se fera pas d'une façon pratico-pratique, ça va être difficile de représenter tout le monde et puis d'entendre tout le monde.

Alors, je ne sais pas, comment vous voyez la tâche du député de liste puis la tâche du député de circonscription à la lumière de ce que vous avez lu. Est-ce que vous trouvez que ça va être... on ne pourra pas... En fait, le député de circonscription ne sera pas peut-être pas appelé à faire la même chose que le député de liste, puis est-ce que ça cause un problème?

M. Groleau (Marcel) : Bien, c'est là la... c'est la grande question qu'on soulève à la fin de notre mémoire, aussi, et on aimerait que le projet de loi n° 39 soit plus précis sur ce rôle-là de l'un et l'autre, parce que...

M. Des Rosiers (Guy) : ...

M. Groleau (Marcel) : Pardon?

M. Des Rosiers (Guy) : Pas dans le projet de loi, mais...

M. Groleau (Marcel) : Oui, oui, c'est ça, soit plus précis à ce niveau-là. L'Abitibi-Témiscamingue sera un beau laboratoire pour ça, si jamais ça se fait, là, parce qu'il y a deux députés de circonscription, donc le territoire est vraiment séparé, puis il y a un troisième député qui arrive là-dedans puis qui devra s'insérer dans cette relation-là, là. Est-ce que ça sera... Et il ne sera peut-être pas du même parti, alors ça sera un beau défi, pour les trois, de trouver un modus vivendi, là, pour... Est-ce qu'ensemble ils vont s'entendre de dire : Bon, bien, toi, prends la région plus nordique, puis laisse-nous les deux régions plus au sud, puis, de temps en temps, on fera un conciliabule à trois pour voir qu'est-ce qu'on fait avec certains dossiers? Je ne sais pas comment ça va fonctionner, mais, moi, ça me pose beaucoup de questions.

Mme Robitaille : Mais il va certainement y avoir... Il y a certainement une inquiétude par rapport à la proximité de la relation entre le citoyen puis son député, évidemment.

M. Groleau (Marcel) : À quel endroit son bureau sera situé sur ce territoire-là? Je ne sais pas. Moi, si vous avez des réponses... J'ai plus de questions que j'ai de réponses à cette situation-là qui va arriver, peut-être. Puis on parle de l'Abitibi-Témiscamingue, mais ça sera comme ça ailleurs aussi, là. Alors, on n'est pas habitués à ce système-là. On ne l'a pas vécu. Il n'a pas été développé chez nous. Ça sera à voir.

Mme Robitaille : Oui. Merci. Merci beaucoup.

M. Tanguay : Et, juste pour terminer, avec les 10, 15 secondes qu'il reste, et d'où, M. Groleau, beaucoup, beaucoup, beaucoup de questionnements, puis vous avez eu l'occasion, dans notre échange — vous allez les poursuivre — de les soulever, puis vous disiez qu'il y a et il y aura toujours de nombreuses questions des citoyens, d'où l'importance de répondre de façon très précise à tous ces questionnements-là puis l'importance d'avoir un débat qui soit complet dans un contexte référendaire qui soit distinct aussi.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là puis merci... je vais reprendre un des éléments que la ministre a nommés, de nous présenter une réflexion où vous faites le pari d'aller vers une réforme du mode de scrutin tout en essayant d'y ajouter vos préoccupations puis les préoccupations de vos membres. C'est une attitude qui est constructive, et je trouve ça intéressant parce qu'on a eu un échange avec la FQM un peu plus tôt aujourd'hui, et je proposais moi-même... en tout cas, je donnais comme hypothèse l'idée d'augmenter le nombre minimal de circonscriptions de région à l'intérieur de chaque région pour pallier à certaines craintes, et je trouve ça intéressant de voir que, vous-mêmes, vous arrivez à ce type de piste de réflexion là dans votre mémoire.

Puis vous avez posé une question qui est dérangeante, mais qui est très pertinente, c'est-à-dire celle de la concurrence entre deux principes de représentation, principe de représentation territoriale puis un plus populationnel. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que c'est pour ça que, dans plusieurs régimes parlementaires, il y a deux Chambres, hein? Il y a plusieurs pays où il y a du bicaméralisme, et on est capables, donc, de faire exprimer ces deux principes démocratiques là. Et là on essaie de faire entrer deux principes démocratiques au sein d'une seule assemblée représentative, et c'est là qu'on se crée un casse-tête. C'est sûr que l'indépendantiste en moi réfléchit en vous... en se disant : Bien, on pourrait régler ce problème-là si on faisait des changements constitutionnels puis on avait deux corps représentatifs différents. Fermeture de la parenthèse, parce que je veux quand même vous poser une question.

Que répondez-vous aux gens qui disent qu'en faisant ce que vous proposez, c'est-à-dire en faisant sauter la limite de 125 députés à l'Assemblée nationale, ça va causer une variation du nombre d'élus, des fonds publics vont être engagés là-dedans, et on ne devrait pas aller dans ce sens-là? Qu'est-ce que vous avez à dire pour les rassurer?

• (15 h 20) •

M. Groleau (Marcel) : Bien, je ne crois pas, là... On ne parle pas de doubler le nombre de députés non plus, là. Alors, si tu ajoutes trois députés au Québec, quatre députés au Québec, je ne crois pas que, d'un point de vue fonds publics, là, ça soit extravagant, les coûts que ça peut engendrer par rapport à une représentation mieux... une meilleure représentation citoyenne. Je crois que personne ne va s'opposer à ça. C'était la question, principalement.

L'autre volet, bien, nous, on le dit, maintenir un nombre minimal de comtés ou de circonscriptions dans les régions nous apparaît essentiel. Vous le faites, là. On est à deux, mais ce n'est pas garanti que l'Abitibi-Témiscamingue va rester à deux, là. Là, on commence à deux, mais ce n'est pas une garantie.

M. Nadeau-Dubois : Les sièges régionaux, on pourrait le garantir.

M. Groleau (Marcel) : Oui. Alors, voilà.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.

M. LeBel : Merci. En 1994, je travaillais au cabinet de M. Parizeau, puis M. Parizeau avait mis en place des délégués régionaux. Ils étaient députés dans une circonscription, mais ils avaient un mandat régional. Là, on ne parle pas de ça, avec un député de liste. Le mandat du député de liste... son territoire est régional, mais il n'a pas un mandat régional. Il est comme les autres députés. Il faut qu'il rencontre les citoyens, et tout ça.

Mais c'est vrai que c'est nouveau. C'est une culture nouvelle, et, à mon avis, une vraie campagne référendaire, où qu'on aura du temps pour expliquer ça, est nécessaire. Puis ça ne sera pas mêlé à travers d'autres enjeux parce que c'est nécessaire.

Puis c'est vrai, ce que vous dites par rapport aux comtés de ruralité, c'est très... pour le savoir un peu, là — puis mon collègue de Matane, Pascal, il a 42 municipalités — je vais vous dire, ça en fait, des clubs de l'âge d'or, puis des maires, puis du cipaille à manger. Mais c'est important qu'on ait des outils. Le Mouvement Démocratie nouvelle, dans son mémoire, explique... dit que, dans le projet de loi, il devrait peut-être y avoir quelque chose qui nous assure de meilleurs moyens, que, dans nos circonscriptions plus larges, bien, on ait plus de bureaux de circonscription, plus de personnel avec nous autres, plus de gens qui peuvent accueillir les gens. Est-ce que vous pensez que ce serait nécessaire que ça soit très précisé dans le projet de loi?

M. Groleau (Marcel) : Oui, oui. C'est sûr que plus les circonscriptions seront grandes, si c'est le cas, plus ces députés-là devront avoir de soutien logistique et financier pour pouvoir faire le travail adéquat dans leur comté.

Moi, j'ai vécu, personnellement, un changement dans mon comté. Nous, c'était Lotbinière, puis on est devenus... c'est-à-dire que c'était Frontenac, puis là, maintenant, c'est Lotbinière-Frontenac. Puis, pour avoir vu M. Lessard, qui était député à l'époque, s'adapter à cette nouvelle circonscription là, deux réalités totalement différentes, deux économies différentes aussi, moi, je peux vous dire que ça a été extrêmement ardu de s'adapter à cette nouvelle réalité-là. Puis, encore aujourd'hui, ce comté-là, il n'y a pas vraiment d'atomes crochus entre ces deux régions-là dans un même comté.

Alors, c'est sûr que, lorsqu'on va créer des comtés immenses, bien, on va multiplier ces situations-là. Et les gens ne veulent pas avoir juste un bureau de comté avec un représentant régional, les gens veulent avoir accès à leur député. Alors, tu peux avoir deux ou trois bureaux, mais tu ne peux pas être dans ces trois bureaux-là en même temps. Alors, c'est... Bien, s'il y a du personnel, c'est mieux, mais on veut quand même pouvoir rencontrer le député, vous le savez mieux que moi, là, alors... oui.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Fournier : Oui. Merci beaucoup pour la présentation. Je pense que c'est bien que vous évoquiez l'espèce de tabou qu'il y a autour du 125 députés absolument, parce que... Tout à l'heure, le collègue de LaFontaine faisait référence à l'Ontario, par exemple. Quand on regarde la superficie du Québec, en fait, l'Ontario a 124 députés, puis l'équivalent pour le Québec en termes de superficie, ce serait 186. Donc, on s'entend que, si on parle d'ajouter quelques députés, on est encore loin de ça.

Ceci étant, le gouvernement a l'air quand même de tenir mordicus à son nombre de 125, puis ça m'amène à dire que, dans les différentes régions, avec la réforme du mode de scrutin, en fait, ça va devenir presque automatique qu'il va y avoir autant des représentants du gouvernement que de l'opposition à l'intérieur d'une même région, donc ça serait maintenant très difficile, en fait, d'avoir des gens du même parti. Donc, ne trouvez-vous pas, en fait, que ça donne des outils supplémentaires aux citoyens, quand on veut faire valoir, justement, des dossiers, de pouvoir avoir différents leviers qui font, au final, avancer plus rapidement les enjeux et donc assurer une meilleure représentativité, puisque, de toute façon, si on avait un dossier, par exemple, puis qu'on a des députés seulement de l'opposition ou seulement au gouvernement, puis que ça n'avance pas, il faudrait, de toute manière, avoir recours à des représentants de l'opposition qui se trouvent dans d'autres régions et donc se déplacer?

M. Groleau (Marcel) : Bien, cette relation-là, comme vous dites, là... Oui, la représentation, s'il y a plus de positions politiques qui représentent le choix des électeurs de cette circonscription-là, de... représentée via un député qui les représente sur le territoire et à l'Assemblée nationale, ça, on adhère à ça puis on trouve que c'est bien. Mais cette relation-là d'un député de liste, disons, qui a un territoire beaucoup plus grand... un ancrage territorial ou de circonscription beaucoup plus faible, puisqu'il est nommé de liste, nous, on ne sait pas comment les citoyens vont l'aborder. Est-ce qu'ils vont aller le voir quand ils n'auront pas eu l'aval du député de circonscription? Est-ce qu'ils vont vouloir le mettre en opposition des positions qui ont été prises parce que... Il va y avoir une joute, on le sait, soyons honnêtes, là. Il va nécessairement y avoir une joute politique qui va se poursuivre dans le comté, soyons honnêtes, là. C'est la vie, là. C'est la nature humaine également, là.

Mme Fournier : ...

Le Président (M. Bachand) : Merci. C'est tout le temps qu'on a.

M. Groleau (Marcel) : Comme... Oui, c'est ça, je ne peux pas répondre à ça.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup d'avoir été présents aujourd'hui.

On suspend les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 26)

(Reprise à 15 h 28)

Le Président (M. Bachand) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Alors, je souhaite maintenant la bienvenue à M. André Blais, professeur titulaire du Département de science politique de l'Université de Montréal. Je vous rappelle, M. Blais, que vous avez 10 minutes de présentation, et par après nous aurons un échange avec les membres de la commission. Alors, je vous cède la parole, et j'apprécie beaucoup votre présence aujourd'hui, M. Blais.

M. André Blais

(Visioconférence)

M. Blais (André) : Merci beaucoup. Je remercie donc la commission pour l'invitation à présenter un mémoire. Je vais d'abord mentionner les aspects du projet de loi que je trouve particulièrement intéressants pour ensuite souligner les aspects qui me semblent problématiques, et je vais terminer en proposant une réforme de la réforme proposée. Je soulève, en dernier, certains points techniques.

Donc, je relève d'abord quatre aspects particulièrement intéressants du projet de loi. Un, le gouvernement reconnaît qu'il est opportun de réformer le mode de scrutin. Le mode de scrutin actuel a ses avantages et ses désavantages. Il serait très surprenant toutefois que, parmi tous les modes de scrutin envisageables, celui qui a été adopté il y a très longtemps dans un contexte social et politique très différent, soit la meilleure option. C'est le temps de moderniser la façon d'élire nos représentants, et je remercie le gouvernement d'en prendre acte.

 (15 h 30)

Deux, c'est au peuple de décider quel mode de scrutin est le plus approprié. J'applaudis la décision du gouvernement de soumettre le projet de réforme du mode de scrutin à un référendum. C'est l'ensemble des citoyens, et non les experts, les partis ou les élus, qui doit décider quel mode de scrutin devrait être utilisé pour élire les députés. On ne doit pas imposer aux citoyens un mode de scrutin qu'ils ne veulent pas.

Trois, il me semble justifié d'avoir une dose modeste de proportionnalité. Le mode de scrutin actuel avantage les grands partis aux dépens des petits. Cela est injuste. Par contre, un système parfaitement proportionnel, dans lequel toutes les tendances sont également représentées, est aussi problématique. Un Parlement trop fragmenté fait en sorte que les citoyens n'ont plus de contrôle sur les coalitions gouvernementales qui doivent être formées. Une dose modeste de proportionnalité me semble un bon compromis.

Quatre, il me semble justifié d'appliquer le critère de proportionnalité au niveau régional. Ce point découle du précédent. Ceux qui veulent une forte proportionnalité réclament, de façon cohérente, d'appliquer ce critère au niveau de l'ensemble de la province. Si on accepte l'idée d'une proportionnalité modeste, il est approprié d'appliquer le critère de proportionnalité au niveau régional.

Voici maintenant les aspects du projet qui me semblent problématiques. Un, un seuil provincial de 10 % est inacceptable. Un tel seuil n'existe qu'en Turquie, et je ne vois pas comment ou pourquoi on devrait s'inspirer de ce pays. Ou on croit à une certaine dose de proportionnalité, ou on n'y croit pas.

Deux, il faut que toutes les régions soient traitées de façon équitable. Le nombre total de circonscriptions dans chaque région doit être proportionnel à la population et à la population seulement. La proposition actuelle d'enlever trois sièges à l'île de Montréal est tout à fait inacceptable, et je parle ici en partie comme citoyen montréalais.

Trois, il faut que le nombre de circonscriptions varie peu d'une région à l'autre. Le nombre proposé varie de trois à 24. Ce qu'il faut comprendre, c'est que les petits partis ont de bonnes chances de remporter au moins un siège compensatoire dans les grandes régions et pratiquement aucune chance dans les petites régions. Cela est injuste. Il y a deux façons de corriger cette injustice. La première est de fusionner les petites régions. La seconde est de fractionner les grandes régions. Comme la première solution ne me semble pas réaliste sur le plan politique, comme on l'a vu dans la séance précédente, je propose la seconde approche. Je propose donc que toutes les régions aient entre trois et six sièges, et ainsi l'île de Montréal serait divisée probablement en cinq régions et la Montérégie en quatre.

Quatre, il faut un mode de scrutin simple et transparent. Le gouvernement propose un mode de scrutin mixte compensatoire. Ce mode de scrutin a un avantage important, c'est qu'il maintient les circonscriptions avec un élu tout en ajoutant une dose de proportionnalité. Il a cependant le désavantage d'être plus compliqué, de créer deux types de sièges et de députés et de se prêter à des calculs et des trucs qui nuisent à la transparence du système. J'estime qu'un scrutin proportionnel modéré régional avec liste ouverte est préférable, parce que plus simple et transparent. Les électeurs auraient toujours la possibilité de voter pour un parti et pour un candidat préféré, il n'y aurait qu'un type de siège et de député, le degré de proportionnalité serait similaire, et on n'aurait pas besoin de permettre ou interdire la double candidature.

Cinquième et dernier point,il faut un référendum ouvert, avec plusieurs options. Si on veut laisser la population décider, il faut lui permettre de choisir entre plusieurs options. Je ne vois aucune raison de limiter le choix à une seule proposition de réforme versus le statu quo. Pourquoi ne pas offrir quatre options : le mode de scrutin actuel, le vote préférentiel ou alternatif, un scrutin proportionnel et un scrutin mixte compensatoire? La population a très rarement l'occasion de se prononcer sur la façon d'élire ses représentants. Pourquoi ne pas lui offrir davantage de choix?

En somme, je suis favorable à l'orientation générale de la réforme proposée, qui va dans le sens d'une dose modérée de proportionnalité au niveau régional, ainsi qu'au principe de laisser le dernier mot à la population via un référendum. Par contre, j'insiste sur la nécessité de traiter toutes les régions de façon équitable, de faire en sorte que le nombre de sièges alloués à chaque région soit proportionnel à la population et que ce nombre varie peu d'une région à l'autre. J'estime qu'un mode de scrutin proportionnel modéré permettrait mieux d'atteindre les mêmes objectifs, avec plus de simplicité et de transparence. Finalement, je propose un référendum dans le cadre duquel les Québécois pourraient choisir entre plusieurs modes de scrutin.

Je termine avec de brefs commentaires sur trois points techniques. Premièrement, la double candidature. Je ne vois aucune bonne raison d'interdire la double candidature. Cette double candidature permet aux candidats-vedettes des petits partis de se faire élire sur la liste régionale, et son interdiction force les candidats à faire des choix stratégiques compliqués dans un climat de grande incertitude. Pourquoi compliquer inutilement la vie de ceux qui acceptent le beau défi de se faire élire?

Deuxième point technique, le remplacement des députés de région. Je ne vois aucune raison de ne pas permettre plus de candidats de liste qu'il n'y a de sièges à pourvoir. Des candidats additionnels pourraient éventuellement combler des vacances, ce qui me semble plus démocratique que de laisser le parti nommer le successeur.

Troisième et dernier point, l'astuce de la moitié. Le gouvernement propose une astuce pour le calcul des sièges régionaux. Cette astuce consiste à attribuer un siège de liste en fonction non pas du nombre de sièges de circonscription remportés par un parti, comme c'est partout le cas, mais de la moitié de ce nombre. L'objectif est manifestement de favoriser les grands partis. Cette astuce est inéquitable, étant donné que le mode de scrutin proposé n'est que modestement proportionnel et que les grands partis sont déjà favorisés, puisque les régions sont de petite taille. Cette astuce jette un doute sur les intentions véritables du gouvernement. Ce serait un très beau geste d'y renoncer. Je note que ces trois questions techniques ne se poseraient pas dans un scrutin régional modérément proportionnel.

Finalement, une dernière suggestion. Je crois que la démocratie québécoise gagnerait à expérimenter d'autres façons de voter. Cette expérimentation peut se faire au niveau québécois, mais elle peut également se faire au niveau local. Pourquoi ne pas permettre aux municipalités qui le désirent d'avoir recours à d'autres modes de scrutin pour les élections municipales? Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Pr Blais. Je cède maintenant la parole à la ministre. Mme la ministre, s'il vous plaît.

• (15 h 40) •

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci, Pr Blais, de votre présentation. Vous apportez encore un angle nouveau sur certaines réflexions. Je pense qu'on part du même point de vue, nécessairement, c'est-à-dire qu'il est temps de moderniser notre façon d'élire nos représentants puis que c'est à la population de décider, malgré le fait que certains puissent prétendre... Puis je pense qu'on a effectivement, je l'ai dit dans le passé, la légitimité politique nécessaire de le faire en tant que représentants élus et parce qu'on est... on représente une grande majorité, ceux qui adhèrent à la réforme des élus de l'Assemblée nationale, donc de la population, mais je crois que c'est quand même un changement qui est majeur pour la population et que ça doit se faire sous la forme d'un référendum.

Ceci étant dit, depuis beaucoup... plusieurs années... et, comme je n'ai pas des vertus de me souvenir des dates et d'être historienne, je ne m'avancerai pas dans les détails... le MDN a fait, d'ailleurs, un très bel historique, dans son mémoire, qui est très intéressant, mais je pense que je peux m'avancer en disant que, depuis plus de 40 ans, on parle, on discute, au Québec, d'une réforme de mode du scrutin, mais on discute également, depuis de nombreuses années, d'un mode proportionnel mixte. Ce que vous nous proposez, c'est de repartir à zéro, si je peux me permettre de le dire de cette façon-là, et de consulter la population sur quatre modes de scrutin. Bon, naturellement, quatre modes de scrutin ou trois nouveaux, parce que ça inclut le nôtre, qu'on connaît très bien. On aime le critiquer, mais on le connaît très bien.

Donc, d'entrée de jeu, je vous dirais que ce qui a été soulevé sur la question du référendum, pour plusieurs raisons, c'est le besoin de bien faire comprendre à la population ce qu'on leur propose. Donc, présentement, on leur propose de passer d'un mode de scrutin, c'est-à-dire le mode de scrutin actuel, à un autre, et déjà nous nous sommes fait dire et mettre en garde que c'était... moi, je ne pense pas que ce soit complexe, mais qu'il faut prendre le temps de l'expliquer. Je pense que c'est à la portée de compréhension de tous, mais il faut quand même l'expliquer parce que c'est très technique. Vous proposez d'en proposer trois nouveaux. Est-ce que vous pensez que c'est vraiment une bonne façon de le faire, par référendum, parce que... par consultation, peut-être, mais par référendum, d'avoir quatre options? Puis, quand on a quatre options, comme ça, comment on détermine l'option gagnante qui nous rend légitimes d'aller de l'avant par la suite, là?

M. Blais (André) : Ça a été fait à l'Île-du-Prince-Édouard en 2016, il y a eu un référendum avec cinq options et il y a eu une commission qui a donné toutes sortes d'informations sur les cinq options qui étaient présentées. C'est sûr que c'est plus ambitieux, peut-être, que, quand on a déjà travaillé sur une proposition, on n'a peut-être pas autant le goût d'en ajouter d'autres, mais c'est essentiellement audacieux, intéressant, et c'est parce que je crois qu'il y a toutes sortes d'autres propositions qui peuvent être utiles, et peut-être que ça serait une autre proposition.

Pour ce qui est du mode de scrutin à utiliser dans une telle consultation, il y aurait différentes formules : il y a le vote alternatif ou ça pourrait être un système de points, etc. Si vous êtes intéressée, je serais prêt à une rencontre de discussion sur les différentes possibilités.

Mme LeBel : Oui. Et, si je ne m'abuse... Puis, encore là, je ne veux pas me... je vais quand même me donner le droit de me tromper sur ce que j'affirme, là, parce que je ne le fais pas avec beaucoup de force, mais, si je ne m'abuse, en Colombie-Britannique, le taux de participation avait été quand même peu élevé, et ils sont demeurés au mode de scrutin actuel. Je comprends que, dans un référendum, l'objectif n'est pas... bien, l'objectif n'est pas nécessairement de le gagner, dans le sens où, quand on soumet à la population, l'objectif, c'est d'avoir l'opinion de la population, mais il faut que cette opinion-là soit éclairée. On pourrait spéculer sur les raisons pour lesquelles ils n'ont pas atteint ces taux de participation là. Entre autres, ça se faisait en dehors d'une élection, c'est peut-être une raison. Mais je pense que d'expliquer trois nouveaux modes de scrutin peut quand même rendre l'exercice beaucoup plus périlleux, disons-le, ou complexe en soi. Mais on retient bien votre commentaire sur ce sujet. Mais je comprends que, que l'on propose trois modes de scrutin nouveaux ou qu'on en propose un seul, la notion de consulter la population via un référendum est primordiale pour vous.

M. Blais (André) : Exactement.

Mme LeBel : Est-ce que vous avez une opinion? Parce que... Je vous la pose... Elle n'est pas dans votre mémoire, mais elle a été débattue dans les derniers jours avec plusieurs groupes. Présentement, ce que nous proposons de faire, comme gouvernement, c'est de faire... de poser la question du référendum en même temps que l'élection générale de 2022. Bon, plusieurs facteurs militent, pour nous, en faveur de cette option-là, entre autres le taux de participation, qui n'est pas le seul, mais qui en est un qui se vaut, naturellement. Qu'est-ce que vous avez comme opinion, donc? Vous proposez donc, dans votre... Votre proposition, c'est d'avoir une pluralité de modes de scrutin, donc une pluralité d'options et de discussions. Le débat est de dire qu'on ne peut pas avoir une pluralité de débats, donc pas d'élection en même temps que le référendum, parce que, là, il va y avoir trop de sujets qui circulent. Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Blais (André) : J'ai confiance à la compétence des citoyens, surtout s'il y a vraiment une campagne d'information qui est bien menée pour renseigner les citoyens sur ces différentes options là.

Par ailleurs, j'appuie entièrement la position du gouvernement, qui est de tenir ce référendum au moment d'une élection. Je pense que c'est essentiel d'avoir un taux de participation élevé pour que la décision soit légitime, et c'est seulement lors d'une élection qu'on aura un taux de participation élevé. Donc, je suis complètement d'accord avec vous sur ce point-là.

Mme LeBel : Merci. Si on vient, peut-être, à des modalités plus précises du mode de scrutin qu'on propose, le seuil de 10 %, pour vous, bon, est inacceptable, ce sont vos mots, et vous n'êtes pas le seul, de toute façon, qui est venu témoigner, jusqu'à présent, en toute transparence... qui a critiqué ce seuil, en tout cas, ou, à tout le moins, l'a commenté. Vous dites qu'un tel seuil n'existe pas ailleurs, à une seule exception, et qu'on devrait... si on croit à une certaine dose de proportionnalité, on devrait ne pas avoir un seuil de 10 %.

Première question : Est-ce que vous... Vous adhérez, par contre, je pense, au principe qu'il y ait un seuil, que ce ne soit pas une proportionnalité pure, là, dans le sens où...

M. Blais (André) : Il va y avoir un seuil implicite au niveau régional. Si, au total, dans une région, il y a, disons, cinq circonscriptions, ça va probablement prendre à peu près 15 % des votes pour avoir un siège. 15 % des votes dans une région, c'est déjà une bonne légitimité. Donc, quant à moi, je ne suis pas convaincu de la nécessité d'un seuil national, mais je ne suis pas complètement opposé non plus. Un seuil, disons, de 3 %, par exemple, serait tout à fait acceptable, mais, personnellement, je propose que ça soit au niveau régional seulement et qu'il n'y ait pas de seuil national.

Mme LeBel : Donc, si on tient à y introduire un seuil pour d'autres raisons, là — il peut y avoir d'autres motivations à introduire un seuil — vous préconisez le seuil le plus bas possible, c'est ça?

M. Blais (André) : Oui, et je ne vois pas quelles seraient ces bonnes raisons.

Mme LeBel : Bon, on pourra en discuter dans une autre conversation, compte tenu que j'ai peu de temps puis j'ai d'autres points.

M. Blais (André) : D'accord.

Mme LeBel : Mais plusieurs éléments ont été amenés en faveur d'un seuil. Maintenant, le taux est à discuter et à moduler, là.

M. Blais (André) : Il y a un seuil régional implicite, déjà, de 15 % au niveau régional, hein? C'est déjà très élevé.

Mme LeBel : O.K. Vous parlez du nombre, j'avoue que, avec beaucoup d'humilité, j'ai un peu de misère à suivre votre argumentaire sur un point et je vais vous demander, probablement, de le développer pour que je comprenne mieux. Bon, au point 3 des aspects du projet de loi qui vous semblent problématiques, sous ce chapitre, au point 3, vous parlez du nombre de circonscriptions, donc, doit varier peu d'une région à l'autre. Entre autres, vous parlez que «le nombre proposé varie essentiellement de trois à 24» — bon, ce qu'il faut comprendre, c'est que les partis ont de bonnes chances de remporter moins d'un siège, etc. — et vous parlez de fractionner les régions. C'est plutôt sur ce point-là que j'en suis. Une des raisons, et vous avez eu l'opportunité de l'entendre, je pense, dans les interventions précédentes, pour lesquelles nous en sommes arrivés au chiffre de 17, bien, c'est parce qu'il y a 17 régions administratives au Québec, 17 identités régionales très bien définies et auxquelles les gens tiennent beaucoup. Donc, vous dites, vous l'avez dit dans votre présentation, dans ce sens : On ne devrait pas diminuer, parce que vous parliez de diminuer ou d'augmenter. Maintenant, vous parlez d'augmenter des régions. Je dois dire que c'est une proposition qui a déjà été faite par les gouvernements précédents et qui avait le même effet que de fractionner l'identité régionale. Donc, la fusionner ou la fractionner en diminuant le nombre de régions ou en augmentant le nombre de régions, en 2004, entre autres, je pense, et dans les dernières discussions que j'ai eues, ne semblait pas une option. L'identité régionale, elle est entière et complète, et c'est pour cette raison qu'on a décidé des 17 régions. Qu'est-ce que vous avez à nous dire à ce sujet-là ou à m'expliquer un peu mieux, là? Votre calcul entre les circonscriptions variables, pas variables, je vais vous avouer que, ce point-là, je manque d'information.

M. Blais (André) : En fait, il faut voir, le problème de départ, c'est que cette inégalité dans la taille des régions existe en Espagne et au Portugal, par exemple, et les implications, c'est que le parti de droite réussit à obtenir quelques sièges à Madrid et à Barcelone, par exemple, parce qu'il y a 30 circonscriptions, et donc, avec 5 % des votes, ils vont chercher un siège, mais que les partis de gauche, eux, dans les régions où il y a seulement trois sièges, ils n'ont pas assez de votes pour aller chercher des sièges, et donc le système défavorise le parti urbain aux dépens du parti rural.

Et ici, concrètement, on a la région de Montréal. Et ce que ça veut dire, c'est qu'un parti qui n'a que 10 % des sièges à Montréal pourrait avoir des sièges, un siège compensatoire, alors qu'un parti qui aurait 10 % des votes en Abitibi ne pourra pas avoir un siège compensatoire, et donc on défavorise les partis qui ont plus de votes dans les milieux avec des grandes régions. Et ce que je propose, concrètement, c'est de garder les régions actuelles, mais que... par exemple, pour Montréal, de faire cinq régions. Parce que moi, je suis de la région de Côte-des-Neiges, vous savez, je m'identifie à Côte-des-Neiges, c'est très différent d'Outremont, qui est à côté. Et donc je crois qu'on devrait faire cinq circonscriptions régionales sur l'île de Montréal. C'est ça, ma proposition.

Mme LeBel : Et, à l'intérieur de ces régions, pour les nommer comme vous les nommez, vous verriez des circonscriptions, également, ou ce seraient des circonscriptions régionales?

M. Blais (André) : Absolument. Oui, oui.

Mme LeBel : Et là on se retrouve...

M. Blais (André) : Tout à fait.

Mme LeBel : Je m'excuse, M. Blais, puis je veux vraiment comprendre votre proposition.

M. Blais (André) : Trois à deux, trois à deux.

Mme LeBel : Et on se retrouve, à ce moment-là...

M. Blais (André) : Oui. Non, non. Oui.

Mme LeBel : Oui, je m'excuse, c'est moi qui ne vais pas avec le décalage, là. Petite pause.

Et on se retrouverait avec combien de circonscriptions et combien de députés à l'Assemblée nationale? J'ai peut-être du mal à...

M. Blais (André) : Exactement le même nombre. Exactement le même nombre.

Mme LeBel : O.K. Je vous pose la question, parce que c'est intéressant, puis j'aurais dû le faire tantôt quand j'abordais la question du référendum, mais, je le disais, le mode de scrutin qui est proposé, présentement, par le MDN et qui fait partie de l'entente qui a été signée par, à tout le moins, quatre partis, trois qui se retrouvent maintenant à l'Assemblée nationale, le mode de scrutin mixte proportionnel, qui était un compromis entre le mode actuel, on le sait bien, puis un mode proportionnel pur, fait partie des discussions depuis longtemps, est accepté par la population. Pourquoi vous jugez qu'il est nécessaire de proposer d'autres alternatives à la population? Et, moi, ce que je considère être un recul dans le travail déjà fait, là, mais c'est mon point de vue.

• (15 h 50) •

M. Blais (André) : Je sais que, traditionnellement, c'est le mode de scrutin qui est jugé comme étant le plus acceptable par la population. C'est peut-être le cas, je n'en suis pas absolument certain, parce qu'il n'y a pas vraiment de débat impliquant toute la population. Je veux maximiser les chances de moderniser le mode de scrutin et d'avoir, donc, plusieurs options. Parce que, par exemple, si j'ai bien compris que... le Parti libéral pouvait peut-être être intéressé par le vote alternatif, le vote préférentiel, et donc il y aurait peut-être d'autres options qui pourraient ressortir et qui seraient différentes de celles qui sont proposées. Mais je dois quand même dire que je suis favorable au mode de scrutin mixte compensatoire, ce serait mon deuxième choix. Et, si c'est le seul choix qui me sera soumis, bien, je l'appuierai, même si ça ne sera pas l'idéal.

Mme LeBel : Merci de cette précision, c'est gentil. Donc, pour la double candidature, j'aimerais peut-être juste qu'on débatte un petit peu, pour le peu de temps qu'il me reste, là, sur ce sujet-là. Il y a des pour et des contre qui ont été soulevés. Vous ne voyez aucune bonne raison d'interdire la double candidature. Pourtant, vous êtes pour le respect de l'expression du citoyen, et une des objections, effectivement, qui a été soulevée, entre autres, à la double candidature, c'est le fait qu'un député qui a été battu, c'est-à-dire, qui n'a pas remporté le scrutin sous la forme de la circonscription, se voit attribué un siège par le biais de la liste, de la compensation, dans la même région, finalement, où la population ne l'a pas choisi. Naturellement, on pense souvent au deuxième candidat, mais ça pourrait être le troisième, aussi, qui a eu, en pourcentage, la faveur populaire en troisième lieu, qui pourrait entrer, théoriquement, également, par la voie d'un siège de liste. C'est une des objections à la double candidature. Maintenant, qu'est-ce que... Et, d'un même souffle, le respect du vote de la population. Donc, est-ce que vous y voyez une difficulté?

M. Blais (André) : Je suis d'accord que c'est le meilleur argument, et peut-être le seul, en faveur d'interdire la double candidature. Moi, je dirais qu'un candidat qui arrive deuxième n'a pas été battu, il a eu un peu moins de votes que le premier, et que, si son parti a suffisamment d'appuis dans l'ensemble de la région, peut-être que c'est tout à fait légitime qu'il ait un siège.

Mme LeBel : Merci pour cet apport à notre réflexion, c'est grandement apprécié, M. Blais.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Blais, pour votre participation à nos travaux. J'ai plusieurs petits points que j'aimerais vérifier avec vous, M. Blais. D'abord, vous dites... J'aimerais vous entendre, là, rapidement, dans votre présentation, vous dites : «La proposition actuelle d'enlever trois sièges à l'île de Montréal est tout à fait inacceptable.» J'aimerais ça, vous entendre sur la philosophie derrière cette affirmation-là, au-delà du fait que vous êtes résident de l'île de Montréal, donc, vous et moi, en conflit d'intérêts, à titre de député de LaFontaine. J'aimerais vous entendre, pourquoi c'est inacceptable, sur les raisons philosophiques et fondamentales.

M. Blais (André) : Je ne suis pas seulement citoyen de la ville de Montréal, je suis démocrate, et je pense que chaque personne a droit à la même représentation, et qu'en principe il faut respecter le principe de la proportionnalité, et que, si une région représente 30 % de la population, elle devrait avoir 30 % des sièges.

M. Tanguay : Si la réforme de mode de scrutin... si d'aventure elle était adoptée, adoptée législativement et par référendum, et mise en application, si elle créait une telle distorsion, seriez-vous contre la réforme du mode de scrutin?

M. Blais (André) : Donc, s'il y aurait trois sièges de moins à l'île de Montréal?

M. Tanguay : Oui.

M. Blais (André) : J'aurais à réfléchir un peu plus. Ma première réaction serait probablement oui, et ensuite appuyer tout parti qui me promettrait de changer cela dès qu'il serait élu au pouvoir.

M. Tanguay : Ah! O.K. Alors, on est rendus à la deuxième réforme, O.K. Mais on voit réellement que c'est une... l'expression, un «deal breaker», c'est une pierre d'achoppement, réellement, là, un écueil.

M. Blais (André) : En tout cas, j'appuierais quand même le... oui.

M. Tanguay : Pardon?

M. Blais (André) : Oui et non. Oui et non, puisque je voterais quand même... j'appuierais quand même la proposition dans un référendum, au départ.

M. Tanguay : Mais en espérant faire le ménage après, là, et revenir sur cet important écueil.

M. Blais (André) : Oh oui!

M. Tanguay : Deuxième élément, M. Blais, je veux comprendre, puis vous avez eu un échange avec la ministre un peu plus tôt, donc, pour vous, il n'y aurait pas... le système idéal que vous aimeriez voir mis en place ne serait pas mixte. Si je comprends, il y aurait plusieurs régions, et, distribué à l'intérieur des régions... il y aurait plusieurs régions, en ce que Montréal, par exemple, pourrait être subdivisée en trois, en cinq régions, par exemple, mais, pour vous, il n'y aurait pas deux types de députés, il n'y aurait pas des députés de régions et des députés de circonscription. Il y aurait, à l'intérieur de ces mêmes régions-là, des circonscriptions, mais qui feraient en sorte que, d'une région à l'autre, il y aurait à peu près, bon an, mal an, le même nombre de circonscriptions, c'est cela?

M. Blais (André) : C'est que, non, il y aurait seulement un type de circonscription et, dans chaque circonscription, il y aurait, disons, cinq députés à élire.

M. Tanguay : Donc, la circonscription serait la région, autrement dit, le territoire de votation.

M. Blais (André) : Exactement, oui.

M. Tanguay : Alors, Montréal... on divise Montréal en cinq. Et moi, étant député de l'est, donc, l'est de Montréal, on pourrait appeler ça la circonscription de l'est de Montréal, il y aurait, par exemple... ce serait le territoire électoral, et là il y aurait trois postes à pourvoir, par exemple. À ce moment-là, il y aurait des listes, ça serait sous forme de listes.

M. Blais (André) : Mais listes ouvertes, listes ouvertes, donc, dans le sens où, s'il y a cinq députés à élire et si un parti a 20 % des votes, il a droit à un siège et que ce sera le candidat dans la liste qui obtient le plus de votes personnels qui est élu. On vote pour le parti et aussi, à l'intérieur du parti, on indique quel est le candidat qu'on préfère.

M. Tanguay : O.K. Pouvez-vous me l'expliquer? Parce que, là, vous m'avez perdu, là-dessus. Donc, il y aurait le territoire électoral avec, exemple, cinq postes à pourvoir pour ce territoire électoral là. Il n'est pas subdivisé en circonscriptions. Mais les gens voteraient deux fois?

M. Blais (André) : Non. Ils votent d'abord pour le parti qu'ils préfèrent.

M. Tanguay : Le parti, oui, c'est ça.

M. Blais (André) : Et ensuite le parti a établi une liste de cinq candidats. L'électeur indique lequel des cinq candidats du parti il préfère. Et, si le parti a droit à un siège, c'est le candidat de la liste qui a eu le plus de votes personnels qui est élu. Comme ça se fait en Finlande, en passant. Si vous voulez un exemple, là, il me semble que ça se fait en Finlande.

M. Tanguay : Et donc il n'y a pas de système de redistribution des candidats élus, comme on le voit, là. Puis tantôt, là... On ne peut pas utiliser le terme «astuce», M. Blais, alors on va utiliser un synonyme, parce que vous dites que le gouvernement use d'une astuce, alors on va dire une «habileté», c'est positif, une habileté transversale.

M. Blais (André) : Une compétence.

M. Tanguay : Alors, il n'y aurait pas lieu de mettre en place l'habileté du gouvernement par la répartition des élus régionaux, là. Ça ne serait pas ça qui serait mis en place. Comment ça se ferait, de façon tangible?

M. Blais (André) : Écoutez, c'est très simple, là, chaque électeur...

M. Tanguay : C'est simple, mais j'ai de la misère à comprendre.

M. Blais (André) : Donc, je vais essayer d'être meilleur en expliquant.

M. Tanguay : Je vais essayer d'être plus vite.

M. Blais (André) : Donc, vous avez cinq personnes à élire dans une circonscription. Des partis se présentent. Chaque parti présente une liste de cinq candidats. Supposons que le parti a 20 % des votes, il a droit à 20 % des sièges, c'est-à-dire un siège. Et quelle est la personne parmi les cinq candidats qui va être élue? Ça va être le candidat parmi les cinq qui a obtenu le plus de votes personnels, parce que les gens votent pour la liste et ensuite pour le candidat.

M. Tanguay : Je comprends. Alors, on élimine l'habileté. On élimine l'astuce à laquelle vous faites référence. Et est-ce que vous avez évalué il y aurait combien de régions ainsi, au Québec, là, selon vos calculs?

M. Blais (André) : Ah non, je n'ai pas regardé dans le détail, là. On part avec les régions actuelles, mais elles seraient... les plus grandes régions seulement seraient fractionnées.

M. Tanguay : Et cette nouvelle approche là... Donc, on parlait de l'écueil de faire perdre, par exemple, à Montréal trois sièges. Vous êtes en désaccord de cela. Vous parlez... On parlait de l'habileté, présentée dans le projet de loi, de diviser par la moitié plutôt que de diviser par le nombre de comtés qui ont été octroyés par l'élection à un parti donné. Donc, ça, ce seraient des éléments, notamment, là, qui viendraient répondre à une autre affirmation forte que vous faites. Vous dites que l'actuel mode de scrutin proposé par le gouvernement est trois choses : est compliqué, crée deux types de sièges et de députés et se prête à des calculs et des trucs. Ça, ce serait de nature, donc, à vous réconcilier par rapport au grief que vous soulevez de la proposition faite par le gouvernement.

M. Blais (André) : Oui. Je dois dire que je suis très confiant que le gouvernement va renoncer à ce que j'ai appelé l'astuce. Donc, je suis très confiant qu'ils vont le faire. Je suis peut-être naïf, mais je suis très confiant. Et donc ça, c'est quand même...

M. Tanguay : M. Blais, je regarde Mme la ministre, là, puis rien ne transpire de ses gestes.

M. Blais (André) : Ah! moi, je suis très confiant qu'en réfléchissant elle va arriver à la bonne conclusion.

• (16 heures) •

M. Tanguay : Vous misez sur votre victoire. O.K. M. Blais, de ce que je vous ai compris, vous proposeriez plus d'un modèle. Vous avez... Puis effectivement, au sein du Parti libéral du Québec, il y a une réflexion, il y a un comité ad hoc qui réfléchit, notamment — et puis là ça circule dans les instances, là, on va voir les militants dans les circonscriptions, dans les régions — sur le vote préférentiel. Vous, vous l'avez mis dans ce qui pourrait éventuellement, dans un référendum, être proposé à la population. On verra, le travail militant du laboratoire d'idées que représente le Parti libéral du Québec, si l'on va de l'avant avec ça.

Mais le vote préférentiel... Vous faites écho également... Vous avez lu les travaux de Jean-Pierre Derriennic, qui a beaucoup étayé cette façon de faire. Quels avantages y voyez-vous, vous, M. Blais?

M. Blais (André) : Il faut d'abord mentionner qu'avec cela on garde toutes les circonscriptions actuelles, un élu par circonscription, et je crois que c'est un avantage important relatif à la proposition actuelle. C'est un système qui est beaucoup moins proportionnel, en fait, et donc ça, c'est un désavantage important.

L'autre avantage, c'est que ça permet de tenir compte des préférences des électeurs. Donc, on peut... Moi, si j'ai un deuxième choix, je peux espérer que mon deuxième choix va pouvoir rentrer... d'exprimer d'abord mon premier choix, même s'il n'a aucune chance de gagner, et ensuite mon deuxième choix. Et c'est un... En passant, c'est le mode de scrutin qui a une certaine ferveur aux États-Unis, présentement. Il y a une vingtaine de municipalités qui ont adopté ce qu'on appelle le «right ballot», et l'État du Maine l'a adopté pour les prochaines élections présidentielles.

M. Tanguay : O.K. Et diriez-vous également qu'il y aurait lieu de faire miroir avec le financement des partis politiques aujourd'hui, qui, entre autres, est calqué sur le nombre de votes qu'un parti politique a reçus? Diriez-vous qu'on pourrait même, par extension, considérer, le cas échéant... pour un parti qui n'aurait pas été élu mais qui aurait eu, obtenu des votes de deuxième choix, de troisième choix, qu'on pourrait peut-être même faire miroir avec un mode de financement? Et ça, ça pourrait peut-être permettre l'émergence de tiers partis via le support financier qu'ils recevraient. Donc, vous n'avez pas été élus... votre candidat n'a pas été élu, votre candidate, mais vous avez obtenu un nombre x de votes de premier, deuxième, troisième tour, et on pourrait y faire écho, également, sur le financement. Que pensez-vous de cela?

M. Blais (André) : Oui, ça me semblerait possible, mais je ne suis pas convaincu que ce serait nécessairement mieux qu'un scrutin proportionnel modéré régional, mais c'est un... ça serait intéressant.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. Blais.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Je cède maintenant la parole au député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci. Merci, M. le Président. Merci, M. Blais, d'être parmi nous virtuellement.

Bon, vous nous parlez d'un système qui est tout autre, là, qui n'est pas, en fait, un système compensatoire. C'est une autre proposition qui serait bien intéressante, mais j'ai 2 min 30 s et j'ai signé de mes blanches mains une entente qui m'engageait à élaborer un système électoral mixte compensatoire, ça fait que je vais me restreindre à ça.

Vous faites des propositions pour améliorer ce système-là. Vous parlez de cette fameuse astuce, certains ont parlé de prime au vainqueur, et vous dites, dans votre mémoire, je vous cite : «Cette astuce jette un doute sur les intentions véritables du gouvernement.» Quelles sont ces intentions-là, selon vous, ou, en tout cas, quel est l'effet de cette astuce sur d'éventuels résultats électoraux?

M. Blais (André) : Bien, clairement, ça donne une prime aux plus grands partis aux dépens des petits, hein? C'est ça, la conséquence. Moi, je suppose que le gouvernement a introduit cette réforme-là pour faire en sorte que le système soit plus proportionnel que présentement, et donc cette astuce-là me semble aller à l'encontre de l'objectif premier du gouvernement.

M. Nadeau-Dubois : Autrement dit, on vient diminuer la proportionnalité sans avoir de gain sur le plan, par exemple, de la représentation des régions. On vient tout simplement favoriser le plus gros joueur dans le jeu politique.

M. Blais (André) : Exactement.

M. Nadeau-Dubois : Vous avez des réponses courtes et précises. C'est surprenant, mais c'est agréable. Vous parlez de double candidature, puis vous êtes... Quand même, il y a peu de gens qui se sont présentés ici pour présenter des arguments aussi étoffés en faveur de la double candidature. On entend souvent que la double candidature, ça viendrait, comment dire, donner la chance à des gens que les... ça viendrait donner un siège à des députés que la population n'a pas choisis directement. Qu'est-ce que vous répondez à ça?

M. Blais (André) : La population vote d'abord pour un parti plutôt que pour un candidat, vote aussi pour le candidat, mais d'abord pour le parti, donc ce que le vote reflète, c'est beaucoup de choses, d'une part.

Et moi, j'ai beaucoup, beaucoup de respect pour tous ceux qui se présentent aux élections, et d'arriver deuxième, c'est très bien. Je ne vois pas pourquoi on caractériserait cette personne comme étant... comme elle a été battue ou n'ayant pas le droit de représenter les électeurs.

Et c'est surtout qu'il faut comprendre que les sièges régionaux vont aller essentiellement aux petits partis. Et donc le dilemme, pour les petits partis et pour les vedettes des petits partis, ça va être : Est-ce que je me présente dans la circonscription ou au niveau régional? Et, dépendant de ce que les sondages me disent, je peux avoir intérêt à faire l'un ou l'autre, et tout ça est très compliqué. Et je ne vois pas pourquoi on veut empêcher quelqu'un qui, manifestement et probablement, est un candidat important de tenter sa chance dans les deux votes.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Rimouski, s'il vous plaît. Merci.

M. LeBel : Merci. Bonjour, M. Blais. Je suis arrivé deux fois deuxième, ça fait que ça me plaît, ce que vous dites. Dans le fond, je n'avais pas perdu.

Je suis un député de région. Pour moi, l'accès au député, c'est important. Quand vous parlez de traiter les régions de façon équitable, vous parlez de proportionnelle à la population seulement. J'aimerais ça savoir votre opinion par rapport à l'élément «accès au député», entre autres en milieu rural, comment on en prend compte. Et, en ce sens-là, vous voyez, la Côte-Nord devient une circonscription au complet, la Péninsule gaspésienne, une circonscription au complet, mais on a... pour les Îles-de-la-Madeleine, on dit : Ça, c'est O.K.; pour Ungava : Ça, c'est O.K., des circonscriptions d'exception. Ça fait que ma question, c'est : Comment on prend en compte l'accès au député? Et est-ce que vous êtes d'accord avec les circonscriptions d'exception qu'on nomme dans le projet de loi?

M. Blais (André) : D'abord, je voudrais dire que moi aussi, je suis citoyen de région. Côte-des-Neiges, c'est ma région, très diversifiée, très, très diversifiée. Par ailleurs, sur ce plan-là, je pense que je suis d'accord avec les exceptions qui sont proposées dans le projet de loi. Je reconnais que les députés qui représentent des régions plus étendues ont des défis plus importants et je suis d'accord pour qu'on leur donne des ressources plus importantes. Je ne suis pas d'accord pour qu'un citoyen de quelque région que ce soit ait un vote plus important que le mien. Je suis complètement en désaccord avec cela.

M. LeBel : Mais vous compensez ça par le fait qu'on pourrait donner plus d'outils, plus de moyens?

M. Blais (André) : Exactement.

M. LeBel : Mais vous comprenez que c'est quand même un peu compliqué pour, je ne sais pas, moi, le citoyen de Gaspé, qui est dans la même circonscription que le citoyen de Bonaventure ou de Carleton, d'avoir accès à son député. C'est vrai que, par rapport au vote, je vous comprends, mais par rapport à l'accessibilité puis au service à donner au citoyen, ce n'est pas juste le député qui donne le service, c'est le citoyen qui doit avoir accès.

M. Blais (André) : Je suis complètement d'accord, et c'est pour ça qu'il faut tenter de pallier, mais le principe démocratique que chaque vote vaut la même chose est primordial.

M. LeBel : Et je posais la question aux gens de l'UPA ce matin, je disais : Il y a moyen... un peu comme vous, là, je disais... si on a plus d'outils, j'ai trois ou quatre bureaux de circonscription, j'ai du personnel dans chacun des bureaux, puis je leur disais : Est-ce que c'est une façon de répondre?, et ils me disaient : Oui et non, parce que ce que le citoyen ou la citoyenne veut, c'est de voir le député ou la députée, ça fait que j'ai beau avoir plus de personnel, plus de bureaux, si je ne suis pas capable de me déplacer et être présent, il y a un problème. Puis je ne voudrais pas que nos régions se transforment en régions de visioconférence.

M. Blais (André) : Mais, si je comprends bien la proposition actuelle, le nombre de députés dans chaque région va demeurer le même, sauf pour ma région de Montréal.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. Blais. Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Fournier : Merci, M. Blais, c'est fort intéressant, tout ça. J'ai bien aimé que vous mentionniez que la compensation était, en fait, injuste entre les régions, vous êtes le premier à le mentionner. En fait, il y a comme un seuil moyen qui est implicite, qui s'installe, là, d'environ 15 %, en fait, sauf pour les régions plus populeuses, comme la Montérégie, Montréal, qui auraient le droit à huit sièges de compensation. En fait, je crois que c'est les deux seules régions qui pourraient espérer avoir un député d'un plus petit parti grâce aux listes régionales. Donc, ces régions-là vont pouvoir, les autres régions ne pourront pas.

Cela dit, vous proposez de fractionner les régions, ce qui rendrait, à toutes fins pratiques, impossible le fait qu'un plus petit parti puisse avoir accès à un siège régional. Puis, en ce sens-là, est-ce que ça ne vient pas brimer, d'une certaine façon, le pluralisme des idées qu'on tente d'instaurer avec la réforme du mode de scrutin? Parce que, oui, c'est sûr qu'il y a un lien entre le député, les citoyens, sa circonscription, mais il y a aussi le fait que les citoyens apprécient, même s'ils ne vivent pas dans la même circonscription qu'un député x ou y, de pouvoir avoir quelqu'un à l'Assemblée nationale qui reflète leurs idées, leurs idéaux. Donc, en ce sens-là, ça pourrait venir nuire à ce qui est, à mon sens, un avantage de la réforme du mode de scrutin.

• (16 h 10) •

M. Blais (André) : Vous avez raison qu'il y a une tension dans mes propositions, peut-être pas une contradiction, mais une tension, parce que c'est vrai que ce que je propose, finalement, ça réduirait le degré de proportionnalité.

Moi, je préférerais qu'il y ait moins de régions. J'ai l'impression que ce n'est pas possible de diminuer le nombre de régions, et je suis même presque convaincu, en fait. Et donc, de façon pragmatique, c'est mon deuxième choix, de faire en sorte que la situation soit la même dans les différentes régions et que la région de Montréal ne sera pas désavantagée par rapport aux autres, c'est-à-dire que les partis qui sont plus forts à Montréal ne soient pas désavantagés par rapport aux autres.

Mme Fournier : Très bien. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Pr Blais, c'est tout le temps que nos avons. Je tiens à vous remercier au nom de la commission. Ça a été très agréable et très constructif. Et, encore une fois, merci beaucoup de votre collaboration. Merci.

Je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

(Reprise à 16 h 15)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux.

Il me fait plaisir, maintenant, de souhaiter la bienvenue aux représentants du Nouveau Parti démocratique du Québec. Je vous rappelle, comme vous savez, que vous avez 10 minutes de présentation, et par après nous allons avoir un échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous, et, encore une fois, bienvenue.

Nouveau Parti démocratique du Québec (NPDQ)

M. Fortin (Raphaël) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, pour commencer, je vous remercie pour l'accueil à cette commission parlementaire se penchant sur le projet de loi modifiant le mode de scrutin. Je m'appelle Raphaël Fortin et je suis le chef du Nouveau Parti démocratique du Québec, le NPDQ. Aujourd'hui, je suis accompagné par Mme Mona Belleau, première femme inuite, voire peut-être même d'origine autochtone aussi, à occuper le poste de présidente d'un parti politique au Québec; à ma droite, Geneviève Morency, qui est la présidente du comité communications du NPDQ.

D'emblée, le NPDQ salue le processus actuel et félicite le gouvernement pour avoir déposé un projet de loi visant à modifier le mode de scrutin uninominal actuel. Le NPDQ adhère entièrement au principe qu'une plus grande pluralité de voix, et surtout une meilleure représentativité de la population et de l'expression démocratique des Québécoises et des Québécois devra être mise de l'avant via un système électoral permettant tous ces critères. Le NPDQ appuiera un tel projet de loi.

Cependant, le projet déposé par le gouvernement, tel que proposé, ne peut recevoir notre appui. En effet, ce projet de loi ne reflète pas entièrement la lettre et l'esprit de l'entente historique signée le 9 mai 2018 et appuyée par le Mouvement Démocratie nouvelle, qui, d'ailleurs, a débuté les présentations à cette commission hier. Dans cette entente historique, les partis signataires s'engageaient à travailler ensemble sur la base des six principes suivants : un, «refléter le plus possible le vote populaire de l'ensemble des Québécoises et des Québécois»; deux, «assurer un lien significatif entre les [électeurs et les électrices] et les élu-e-s»; trois, «viser le respect du poids politique des régions; quatre, «favoriser la stabilité du gouvernement par des mesures encadrant les motions de censure; cinq, «offrir un système accessible dans son exercice et sa compréhension; et, six, «contribuer à une meilleure représentation des femmes, des jeunes et des communautés ethnoculturelles».

Les partis signataires en étant également arrivés à la conclusion que les députés de l'Assemblée nationale du Québec devraient être élus dès la 43e législature selon un mode de scrutin semblable à celui étudié et avalisé par le Directeur général des élections du Québec dans son avis de décembre 2007, reprenons les points qui, dans cette entente du 9 mai 2018, font assurément défaut dans ce projet de loi.

Un, «refléter le plus possible le vote populaire de l'ensemble des Québécoises et des Québécois». Dans le projet actuel, avec un seuil à 10 % à l'échelle nationale, seuil pour être en mesure d'avoir droit à des sièges compensatoires, basé sur 17 régions administratives et avec la méthode de calcul créée par le gouvernement pour le nombre de sièges de compensation obtenus, la simulation sur les résultats électoraux de 2018 donne un indice de distorsion, le fameux indice Gallagher, de 11,47 comparativement à 17,7 dans la réforme proposée... sans la réforme proposée. Alors, oui, une forme de proportionnalité, mais une proportionnalité faible. En comparaison, l'indice en Allemagne, en 2017, était de 1,9. On est très loin du compte, admettons.

Pour en arriver le plus possible à refléter adéquatement le vote populaire, le NPDQ propose : un, un seuil de 2 % à l'échelle nationale; deux, une proportionnelle mixte compensatoire avec listes régionales plutôt qu'un mode mixte à compensation régionale; trois, huit à 10 régions sur lesquelles baser lesdites listes plutôt que les 17 régions comme proposé; quatre, de choisir la méthode Hare pour le calcul du nombre de sièges de compensation plutôt que la formule créée par le gouvernement.

En effet, en 2007, le DGEQ, dans son rapport sur les modalités d'un mode de scrutin mixte compensatoire, a présenté ceci, j'ouvre les guillemets : «Le choix d'une méthode de calcul est lié aux résultats que souhaitent obtenir les architectes d'un système électoral. S'ils privilégient la proportionnalité des résultats et la pluralité politique, ils opteront pour la méthode Hare...» Fermez les guillemets.

Déjà que les grands partis jouissent de plusieurs avantages sur les tiers partis comme le nôtre, comme la couverture médiatique, un financement beaucoup plus grand, etc., il faut impérativement choisir une méthode de calcul qui n'accentuera pas cette barrière à l'entrée. Cependant, la méthode de calcul créé par le gouvernement va exactement faire le contraire, vu qu'elle favorise les partis qui remportent des sièges de circonscription, donc des grands partis déjà représentés à l'Assemblée nationale.

• (16 h 20) •

En ce qui a trait aux autres points contenus dans l'entente signée par trois des quatre partis représentés à l'Assemblée nationale, il y a certainement des bonifications à faire, entre autres en encadrant les motions de censure, ce qui est absent dans ce projet. Pour ce qui est d'une meilleure représentation des femmes, des jeunes et des communautés ethnoculturelles, j'ajouterais : des communautés LGBTQ2+, et des nations autochtones, et du peuple inuit.

Le NPDQ n'est pas contre que des mesures plus contraignantes soient dans le projet de loi à être adopté, mais il serait judicieux que vous, députés des partis déjà bien établis, vous vous mettiez dans la peau de celles et de ceux qui cherchent à développer de nouvelles voies. Avec la précédente réforme modifiant le financement des partis politiques, une grande barrière à l'entrée a été instaurée. Bien que louable dans l'objectif de rendre encore moins corruptible le système, il a eu comme effet pervers de rendre la tâche autrement plus difficile pour les nouveaux partis politiques de s'établir.

Dans l'optique d'aider les partis émergents à atteindre certaines cibles en ce qui a trait aux candidatures des femmes, des jeunes, des communautés ethnoculturelles en termes de nombre, etc., le NPDQ propose que la double candidature soit permise. Une femme, un jeune, une personne issue des communautés racisées, une personne des communautés LGBTQ2+ pourrait faciliter l'atteinte des objectifs si, pour compléter nos listes de candidatures, nous pouvions présenter la même personne dans une circonscription et sur une liste régionale. Cela serait un obstacle de moins pour l'entrée dans l'arène politique de voix émergentes.

Enfin, avec l'entente signée par trois des quatre partis de l'Assemblée nationale qui représentent 70 % des voix obtenues aux dernières élections dans laquelle ils se mettaient d'accord à l'effet que la prochaine législature devait être choisie par un nouveau mode de scrutin, le NPDQ juge tout à fait légitime le gouvernement d'aller de l'avant avec une réforme modifiant la façon avec laquelle les Québécoises et Québécois éliront leurs représentants et représentantes. Si d'autant l'obsession du référendum tenait, il ne devrait en aucun temps se tenir en même temps que les prochaines élections. Plusieurs points de ce référendum annoncé sont très problématiques et préoccupants. En effet, tenir un référendum en même temps que la période électorale tout en empêchant les députés et les candidats et candidates de participer aux débats en s'affichant pour un des deux camps, que le premier ministre et sa ministre qui dépose le projet de loi ne soient pas les porteurs de ce dernier, donne l'impression bizarre de vouloir s'assurer que ledit référendum n'ait aucune chance de passer. J'ai également lu sur des technicalités qui rendent extrêmement complexe la formation des camps du Oui et du Non, qui limitent les budgets attribués et la diffusion d'informations neutres des changements possibles apportés par la transformation du mode de scrutin, bref, de faire de l'éducation populaire.

La question référendaire en soi est également problématique : «Êtes-vous en accord avec le remplacement du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour par le mode de scrutin mixte avec compensation régionale prévu par la Loi établissant un nouveau mode de scrutin?» Premièrement, depuis deux jours, nous parlons de proportionnalité et, dans cette question, nulle part le mot «proportionnel» n'est mentionné. Deuxièmement, dans l'entente signée en mai 2018, à notre avis, cette question ne répond pas au principe d'offrir un système accessible dans son exercice et sa compréhension. Vouloir faire une blague, je dirais que cette question ne passerait pas le test de la clarté référendaire. S'en tenir au référendum, c'est briser la promesse électorale de notre premier ministre, qui s'était engagé, en campagne électorale et même par la suite, à ce que les dernières élections soient les dernières avec le mode de scrutin actuel.

En conclusion, le NPDQ va supporter tout projet de loi qui vise à instaurer une véritable proportionnalité, qui respectera le poids politique des régions et une meilleure représentativité des femmes, des jeunes, des communautés racisées et des diverses communautés LGBTQ2+. Comme le disait le premier ministre actuel lorsqu'il a signé l'entente en mai 2018, et je le cite, le mode de scrutin proportionnel mixte «aide à ce qu'on travaille davantage ensemble, pour qu'il n'y ait pas un gouvernement élu par une minorité qui prenne des décisions pour une majorité».

Donc, le NPDQ invite les députés du gouvernement, qui, lorsqu'ils se sont présentés, se sont portés candidats et candidates pour la CAQ, savaient que cela faisait partie des promesses de leur parti, d'aller de l'avant avec ce que leur chef a promis à la population à plusieurs reprises. Nous voulons un changement de mode scrutin véritablement proportionnel. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. Fortin. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci. Merci beaucoup, M. Fortin, de votre présentation. À moins que je ne m'abuse, vous n'avez pas soumis de document ou de mémoire à l'Assemblée nationale.

M. Fortin (Raphaël) : ...

Mme LeBel : Parfait. Je voulais juste être sûre que ce n'est pas moi qui l'avais raté. Donc, vous m'excuserez si je pose des questions pour lesquelles vous avez déjà donné une présentation, mais, si... J'essaie de prendre des notes en même temps sur des choses que je voulais vous faire préciser tout en étant attentive, là, puis ce n'est pas souvent...

M. Fortin (Raphaël) : Je voudrais m'excuser pour ne pas avoir déposé de mémoire, mais c'est la réalité des petits partis politiques, on n'a pas de personnel de recherche, et tout ça. Alors, évidemment, on n'est pas équipés pour déposer un mémoire d'une grande... pour pouvoir échanger avec vous en avance... vous ayez la documentation en avance.

Mme LeBel : Mais simplement, là, comme je disais, j'essayais d'écouter en même temps que je prenais des notes, donc c'est possible que je vous fasse répéter ce que vous avez déjà dit, là.

Donc, naturellement, bien, vous êtes en faveur, naturellement, de la transformation de notre mode de scrutin, d'un mode compensatoire mixte, proportionnel mixte, comme on le propose. Je comprends qu'il y a des modalités à l'intérieur de ce mode de scrutin là que vous voulez discuter ou, à tout le moins, que vous mettez de l'avant.

Peut-être pour y aller sur des... Bon, il y a quelques-unes de vos propositions qu'on pourra discuter, là, s'il me reste du temps, comme la question du seuil, la question du nombre de régions, la question de la méthode de calcul, la question de la double candidature, que vous abordez, même celle du référendum, qui a déjà été abordée par d'autres groupes avant vous puis, pour des raisons diverses, là, que certains étaient sur vos positions, d'autres non. Donc, on a eu l'occasion d'en parler.

Mais je vais vous amener sur, peut-être, deux aspects que vous apportez qui sont peut-être nouveaux dans la discussion qu'on aborde. Le premier qui me vient en tête, c'est celui de la question, la question référendaire. Donc, quelle question nous proposez-vous pour être clairs?

M. Fortin (Raphaël) : Bien, si on parle de réformer dans le but d'amener plus de proportionnelle, peut-être que ce serait plus simple de simplement parler du mode de scrutin qu'on change. Là, actuellement, si vous parlez de la loi établissant le changement de mode de scrutin, je me mets dans la peau du citoyen lambda — ici, en plus, je fais en adéquation que le projet référendaire se ferait en même temps qu'une campagne électorale, où il y a des difficultés à créer le clan du Oui et du Non — il y a vraiment beaucoup d'obstacles à l'éducation populaire, en plus d'une question qui n'est pas directement simple. Voulez-vous simplement changer le mode actuel pour un mode... si... le mode qui sera déterminé, qui sera voté par l'Assemblée au niveau de proportionnalité, ce qui est proposé actuellement par le MDN, entre autres, et d'autres acteurs, comme on a parlé, nous, la proportionnelle mixte régionale, là?

Mme LeBel : O.K. D'entrée de jeu, je pense que je veux rectifier une de vos prémisses de départ que vous avez mentionnée dans votre chose. Vous avez dit que les députés, par la proposition qu'on fait là, seraient empêchés de se positionner pour un camp ou un autre. C'est inexact.

M. Fortin (Raphaël) : ...moi, je me suis fié à la recherche de Mme Mercédez Roberge, qui a étudié le projet référendaire et toutes les technicalités de complications, et plusieurs de vos collègues...

Le Président (M. Bachand) : ...Mme la ministre posait une question, juste qu'elle puisse terminer.

M. Fortin (Raphaël) : O.K., allez-y.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. J'apprécie, M. Fortin.

Mme LeBel : Je ne veux pas vous contredire, mais les députés ne sont pas empêchés de militer pour un camp ou un autre, les députés sont empêchés de faire partie du conseil d'administration d'un camp, ce qui est bien différent. Donc, ça n'empêcherait pas un député de militer en faveur du camp du Oui, ou de militer en faveur du camp du Non, ou de se positionner dans un camp ou dans un autre, mais il ne peut pas faire partie du conseil d'administration des camps référendaires qui recevront l'argent, seront... ceux qui sont, entre autres, chargés d'administrer le budget référendaire. Donc, je veux juste être sûre de le clarifier parce que, pour moi, c'est une nuance importante. D'ailleurs, le premier ministre, à une question, je pense, de la collègue de Sainte-Marie...

Une voix : ...Saint-Jacques.

Mme LeBel : ...Saint-Jacques — Mon Dieu! Je l'ai presque eu par moi-même — Sainte-Marie—Saint-Jacques, à l'Assemblée nationale, lui a demandé est-ce qu'il allait militer ou se positionner en faveur du Oui... référendum, il a dit : Absolument. Mais il ne sera pas le chef officiel, selon ce qu'on propose, parce qu'il ne pourrait pas être sur le conseil d'administration ou être à la tête de. Donc, je veux juste être... je pense que c'est une nuance importante.

Et, à ce moment-là, est-ce que votre position est un peu modifiée par rapport au référendum ou ce que vous avez amené tantôt? Parce que vous avez dit : Bon, on est... on pense que ça ne devrait pas avoir lieu, mais, si le gouvernement y tient, une des lacunes est le fait que les députés ne pourraient pas s'exprimer pour un camp ou un autre. Je vous dis que ce n'est pas le cas. Donc, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Fortin (Raphaël) : Je ne pense pas que c'est la... Quand on regarde les technicalités, c'est quand même compliqué, former le camp du Oui et du Non, les budgets. En période électorale, je ne pense pas que c'est le meilleur... S'il y a lieu, comme j'ai dit, s'il y avait l'obsession de tenir absolument un référendum, bien, comme plusieurs ont dit hier et probablement aujourd'hui — parce que j'étais en préparation plutôt qu'à l'écoute de tous ceux qui sont passés aujourd'hui — il faudrait que ce soit avant la période électorale, pas pendant. Le financement, aussi, des camps du Oui et du Non rend compliqué de pouvoir faire, pendant cinq mois, comme vous le proposez, une campagne.

Il y a également... De ce que j'ai pu lire concernant les technicalités, le DGEQ ne peut pas faire de... il peut informer qu'il y a un référendum, mais ne peut pas faire d'éducation populaire dans ce que vous proposez. Le principe même d'un référendum, c'est de faire l'éducation populaire sur le projet qui est déposé. Donc, pour moi, c'est problématique. Maintenant, que vous dites que le premier ministre n'est pas le chef du camp du Oui alors que c'est lui qui dépose un projet majeur, je trouve que c'est un peu singulier.

• (16 h 30) •

Mme LeBel : Bien, je vous dirais que, encore une fois, à moins que je ne m'abuse, puis là ça peut être perfectible, là, dans la loi sur les consultations populaires actuelle, le DGEQ ne fait pas d'éducation plus populaire pour un camp ou un autre, il transmet les informations que les camps lui amènent. Et, dans le cas que vous amenez, le DGEQ devrait transmettre de l'information sur le nouveau mode de scrutin mais également sur le mode de scrutin actuel, qui serait fournie par les camps référendaires. Donc, ça n'empêche pas les camps référendaires de transmettre... Parce que la loi s'applique encore sur cette... de transmettre de l'information que le DGEQ, lui, véhiculera, mais ce n'est pas le rôle du DGEQ de faire de l'éducation populaire, en tout cas, selon nos discussions qu'on a eues avec lui, surtout, là.

Mais je veux juste vous dire que ça n'empêche pas les camps, mais il faudrait y avoir de l'information... S'il y a des informations transmises par le camp du Non, il doit les véhiculer autant que les informations transmises par le camp du Oui, donc ceux en faveur de la réforme et ceux en faveur du maintien, là.

M. Fortin (Raphaël) : Moi, je vous dis juste qu'est-ce que j'ai lu. Maintenant, vous me rectifiez quelque chose. Mais ce n'est pas toutes ces petites technicalités-là qui font que le référendum est problématique, c'est la période, le temps, le budget. Il y a quand même... Vous avez...

Vous savez, le premier ministre a signé une entente, le 9 mai 2018, où il s'engageait, justement, à ce que ça soit la dernière législature. Il l'a répété à quelques reprises, que c'était la dernière. Et, tout à coup, un revirement de bord, il dit : Il y a un référendum. Maintenant, si l'obsession est telle, du référendum, ça ne doit pas être en même temps qu'une période électorale, c'est clair, surtout pas en période d'été et ensuite en période électorale.

Mme LeBel : Merci, c'est bien compris. Je vais vous amener peut-être sur un autre aspect qui faisait partie, entre autres, d'un article paru dans Le Devoir en mai 2019, que vous n'avez pas abordé dans votre présentation, mais que je trouve intéressant parce que vous le mentionnez également en fonction de la réforme du mode de scrutin, vous faisiez, à ce moment-là, état, avec deux autres partis politiques, soit le Parti vert du Québec puis le Parti conservateur du Québec, que... afin de réclamer qu'un chef de parti politique qui a recueilli au moins 2 % des voix mais qui n'a pas réussi à faire élire de député de circonscription ou de liste obtienne tout de même un siège à l'Assemblée nationale. O.K., mais on le prend où, ce siège-là, une fois que les circonscriptions, et les listes, et les députés de compensation sont distribués?

M. Fortin (Raphaël) : Ce que je me rappelle, c'est que cet article-là a paru sur ce qu'on vous avait envoyé, parce qu'on cherchait à vous rencontrer pour discuter des modalités, parce qu'on voyait bien qu'il n'y avait pas beaucoup de proportionnalité dans votre calcul, alors on cherchait à trouver un moyen pour aider les tiers partis, au moins, à pouvoir rentrer à l'Assemblée nationale.

Comme vous voyez, je n'en ai pas parlé, puisque ce n'est pas quelque chose qu'on a poursuivi. Je pense que le Parti vert et le Parti conservateur vont dire la même chose, c'était une approche qu'on avait, à l'époque, d'essayer de trouver un moyen d'aider les tiers partis à faire leur entrée à l'Assemblée nationale. Étant donné qu'il y avait l'impossibilité d'avoir une rencontre avec vous, on vous avait envoyé cette demande-là par le biais de vos attachés.

Mme LeBel : Bien, n'y voyez pas d'offense dans ce que je vais dire, mais le fait que vous n'ayez pas, justement, soumis de mémoire nous a obligés, un petit peu, à aller voir ce que vous aviez fait comme propositions dans le passé. C'est une proposition qui avait été faite. Alors, vous me confirmez que, maintenant, ce n'est plus une proposition à laquelle vous tenez?

M. Fortin (Raphaël) : Non, ce n'est pas... On cherche à avoir de la proportionnalité, aider à ce qu'une pluralité des voix se fasse entendre. Que ça soit nous, les verts, les conservateurs ou tout autre parti à venir, il devrait... la société civile devrait être en mesure de former des partis émergents et sans que ça soit perçu comme le risque d'instabilité, de partis extrémistes. Je pense qu'il faut faire confiance à la population québécoise. Et, si on est démocrates, on doit faire confiance que la population va choisir les gens pour lesquels ils s'attendent à avoir une voix à l'Assemblée nationale.

Mme LeBel : Bien, ça, peut-être que ça a plus... eu égard à vos propositions, c'est peut-être plus relié au seuil de 10 %. Mais je ne suis pas sûre que vous répondez à ma question, là, parce que le principe de dire qu'on essaie d'introduire plus de proportionnalité, j'en suis, sinon on ne serait... je n'aurais pas présenté, avec mon gouvernement, un nouveau mode de scrutin qui, nécessairement, même s'il n'est pas parfait aux yeux de certains, introduit plus de proportionnalité que le mode actuel. Je pense qu'on peut partir de cette... de s'entendre sur cette prémisse de base là. La proposition gouvernementale actuelle est plus proportionnelle dans ses résultats ou dans ses effets que le mode de scrutin actuel, je pense qu'on peut le dire.

Mais est-ce que vous tenez encore à cette proposition-là, du fait qu'un chef de parti politique qui a recueilli 2 % des voix mais qui n'a pas réussi à entrer par la voie de la circonscription ou par la liste obtienne tout de même un siège à l'Assemblée nationale? Si vous n'y tenez plus, c'est une chose, si vous tenez encore, c'est correct, c'est tout à fait légitime, c'est une réflexion que vous avez. Et je ne suis pas en train de la rejeter du revers de la main, mais je vous demande de quelle façon est-ce qu'on la met en application une fois que les circonscriptions sont comblées et que les députés de liste sont comblés.

M. Fortin (Raphaël) : Parce qu'on n'y tient pas, on n'en a pas revenu de... sur ce sujet-là.

Mme LeBel : Parfait. Merci. Bien, vous répondez à ma question, c'est très clair. Merci.

M. Fortin (Raphaël) : Ça fait plaisir.

Mme LeBel : Huit, 10 régions, beaucoup... c'est correct, vous n'êtes pas les seuls à avoir cette position-là. Cette position-là, elle est tout à fait cohérente quand on met de l'avant le principe de la proportionnalité et de la pluralité, qui, pour moi... la pluralité n'est pas un objectif, est une conséquence positive, mais pas un objectif, parce que la proportionnalité est l'objectif. Si la proportionnalité des voix exprime... si les citoyens ont une expression de pluralité, elle va se refléter s'il y a plus de proportionnalité. Donc, pour moi, l'objectif ultime est la proportionnalité, la pluralité politique étant une conséquence heureuse de cette proportionnalité-là, on peut le dire comme ça. Si on choisit huit à 10 régions, c'est parce qu'on met de l'avant le principe de la proportionnalité. J'imagine que, comme parti politique, vous êtes très sensibles à toutes les opinions et toutes les sensibilités du Québec. Vous avez sûrement dû faire la tournée des régions — puis, quand je dis ça, ne sentez aucune ironie dans ma voix — vous aspirez certainement à prendre une place plus grande au sein de l'espace politique. Qu'est-ce que vous pensez de la sensibilité régionale des 17 régions? Qu'est-ce que vous en faites, dans votre réflexion, de ce facteur-là, qui n'est pas à négliger — on en a discuté pendant les deux derniers jours — et qui demande, nécessairement, un deuil d'un certain degré de proportionnalité, disons-le comme ça?

M. Fortin (Raphaël) : Je ne crois pas que le deuil de la proportionnalité nuise, justement, aux sensibilités régionales. Mes deux parents sont originaires du Lac-Saint-Jean, ma famille est au Lac-Saint-Jean, je connais donc les sensibilités des bleuets, entre autres.

Je pense qu'il y a beaucoup à expliquer. Le fait de réduire le nombre de régions ne diminue pas le nombre de députés des gens en région. Jusqu'à présent, ce que j'ai entendu souvent, c'est toujours avec le même prisme du système actuel. Si on diminue le nombre de régions, on augmente la proportionnalité même en région. Ils ne perdent pas de sièges pour autant, c'est juste que le député n'est plus de circonscription. Ils ont plus de députés qui sont de liste régionale. Ça demeure des gens qui sont de liste de la région.

Et, je comprends, d'autres de vos collègues vont sûrement me parler que c'est beaucoup de territoire, tout ça, mais la réalité, c'est que, si on prend le prisme avec les moyens actuels, c'est clair que ça vient compliquer le travail des gens, des députés qui sont en région. Mais, si on ajuste en conséquence les moyens financiers à leur disposition, le moyen aussi en termes de main-d'oeuvre auprès de ces députés-là, je ne pense pas que quelqu'un en région serait déçu, au contraire. Il y a des gens en région qui, finalement, ne votent jamais pour le bon parti, comme on dit, ils sont toujours déçus, alors que ramener une proportionnalité leur donnerait la chance, peut-être, de faire affaire avec un député qui est plus en concordance avec leurs valeurs et leurs opinions politiques.

Alors, je comprends les sensibilités régionales, mes parents sont issus de région, mais, comme le dit M. Blais, il y a des gens à Montréal qui sont très attachés à la région montréalaise ou encore en banlieue aussi. Je ne veux pas mettre en opposition la proportionnalité, les gens des régions et les gens des régions plus urbaines.

Mme LeBel : Bien, merci de votre réponse. Merci.

M. Fortin (Raphaël) : Merci à vous.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bien...

M. Fortin (Raphaël) : Chef. La présidente du parti, c'est...

M. Tanguay : Non, ce n'est pas à vous que je m'adressais.

M. Fortin (Raphaël) : Ah! O.K. Excusez-moi, mon erreur.

M. Tanguay : Mais là je m'adresse à vous, M. le chef.

M. Fortin (Raphaël) : Non, bien...

Des voix : Ha, ha, ha!

• (16 h 40) •

M. Tanguay : Non, mais... Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là. Honnêtement, c'est important de vous entendre. Puis vous n'étiez pas là en 2014, je crois, formation nouvelle. En 2018, je crois que c'était votre première occasion. Puis j'ai demandé de vérifier, parce que, par rapport à la règle du 10 %, 5 % ou 2 %, j'ai dit : Bon, bien, quel pourcentage de vote ils avaient obtenu? Puis je pense que c'est 0,57 %. Puis, je veux dire, il faut toujours partir à quelque part. Puis moi, là, honnêtement, je salue votre implication. Je trouve ça noble, je trouve ça beau. Vous avez un apport à notre démocratie tout à fait tangible, intéressant. Et c'est vrai qu'il faut multiplier ces voix-là. Et je salue... votre implication est d'autant plus, je vous dirais, méritoire, et désintéressée, et noble, particulièrement dans le sens où vous créez, vous partez de zéro et vous... tout ce que vous bâtissez, bien, ce sera le fruit de vos efforts, le fruit de vos idées puis de votre militantisme désintéressé, puis ça, je le salue.

Et il est clair que, quand on regarde la règle, bon, du 10 %, du 5 % ou du 2 %, là c'est établi à 10 %. Pour pouvoir prétendre à la proportionnalité, vous devez avoir, au niveau national, pas au niveau régional, au niveau national, un 10 %. Quand on regarde 2018, ce n'est pas vous, ce n'est pas le Parti vert, c'est les quatre partis ici, autour de la table. Est-ce que vous avez réfléchi à ce qu'il pourrait y avoir un pourcentage considéré au niveau régional? Si vous êtes forts dans une région donnée, est-ce que ça pourrait être envisageable pour vous de dire : Bien, on aimerait avoir un 2 %, mais un 2 % à l'intérieur des régions, donc que l'on puisse y prétendre, si ça se fait à l'intérieur d'une région donnée plutôt qu'au niveau national?

M. Fortin (Raphaël) : Écoutez, je ne suis pas un spécialiste de la chose, bien honnêtement. Comme je l'ai expliqué à Mme la ministre, nous n'avons pas, disons, du personnel pour nous aider à faire les recherches, à comprendre tout le système. Moi, je me suis fié à ce que j'ai lu sur diverses études.

Je crois que la compensation nationale avec listes régionales, comme l'expliquait Mme Roberge, est assez intéressante. Et je tiens à expliquer que les seuils à 10 %, c'est quand même... c'est comme si on essayait de faire une proportionnalité mais seulement avec les quatre, comme vous avez dit, partis. On prend les dés, on shake puis on fait juste repasser un petit peu, les disperser.

La réalité, c'est que 2 %, ça semble petit, mais c'est déjà beaucoup. Prenez tous les tiers partis, les trois partis suivants, les quatre suivants qui ont été élus à l'Assemblée nationale, et on dépasse d'à peine un peu plus 3 %. Et c'est sûr que, quand les gens, ils se disent... bien, plus on augmente le seuil, plus ils vont dire : Bien, je vous aime bien, mais vous n'avez aucune chance. Puis c'est souvent ça qu'on entend.

Donc, moi, je crois que, le NPDQ, ce qu'on désire, c'est plutôt un seuil national avec compensation de... bien, de listes régionales pour refléter aussi les candidatures dans les régions et, en même temps, pallier aux sensibilités régionales, de s'assurer que ça soit des gens dans les régions qui les représentent, qui sont issus de leur région.

M. Tanguay : Tout à fait. Et vous avez établi de façon... très clairement le point que... le référendum, pas en même temps que l'élection parce que ce n'est évidemment pas accorder suffisamment d'importance, de temps et d'intérêt à deux importantes questions. On va élire nos députés puis notre gouvernement ultimement, de un, donc campagne électorale, et un référendum. Est-ce qu'on modifie le mode de scrutin, tout ça dans une campagne où les gens vont s'y intéresser davantage dans les derniers 34, 35 jours de la campagne électorale pour aller voter le jour J, le jour du vote? Alors, ça, très clairement, un référendum, oui, mais avant le mode de scrutin... avant, pardon, le scrutin de 2022. Pour vous, un référendum après 2022, si d'aventure on dit, du point de vue du gouvernement : On vous a entendus, c'est correct, il va y avoir un référendum, mais pas durant la campagne électorale, mais il va avoir lieu après la campagne de 2022, pour vous, ce scénario-là ne peut pas être plus envisageable. Il faut que ça soit séparé, mais avant, pas après.

M. Fortin (Raphaël) : Le premier ministre actuel s'était engagé à ne pas faire de référendum. Il l'a même dit à deux reprises et il s'en est même, je vous dirais... Ce qui est quand même, pour moi, particulier, c'est qu'en décembre 2018, à la revue de fin d'année Infoman, il avait même parié un vin à 100 $ comme quoi ça serait la dernière. Cette année, il a remis une bouteille à 50 $ pour une promesse demi-réussie, puisqu'il a déposé le projet de loi.

Moi et le NPDQ, nous croyons qu'il n'y a pas besoin de référendum, puisque, pour beaucoup d'autres projets de loi, on peut aller de l'avant quand on a une majorité — on parle bien «claire», pas juste une majorité de députés, mais une majorité claire — de voix, puisque 70 % des voix sont en accord avec ce projet de loi là.

J'ai dit : S'il y avait à avoir un référendum, il doit être avant, et, si c'est après, ça serait seulement si on avait appliqué le changement et que les gens ne faisaient que dire : Oui, on est d'accord; finalement, on n'aime pas, on voudrait revenir. Mais pas après la prochaine, 2022, ça irait à l'encontre de l'entente qui a été signée par trois des quatre partis le 9 mai 2018.

M. Tanguay : Vous avez mentionné, puis ça, je trouve ça important... Encore une fois, on n'est pas d'accord, vous et moi, sur l'approche quant au projet de loi. Vous y êtes évidemment favorables, pour le réaliser. Nous, on a beaucoup de drapeaux rouges que l'on soulève. Mais il y a un... Puis j'avais eu une conversation... on a eu une conversation avec le représentant de la Société Saint-Jean-Baptiste, un peu avant vous, cet après-midi, sur l'importance... le corollaire de cela, c'est d'encadrer les motions de censure. Autrement dit, l'écueil qui est soulevé, c'est que, si vous déposez un tel projet de loi, si vous êtes conséquents et si vous voulez éviter des gouvernements qui tombent en élection aux six, huit, 10, 12 mois, bien, vous devez permettre des modifications, penser et faire adopter des modifications à la procédure parlementaire, et vous soulevez donc les motions de censure.

Autrement dit, le nouveau mode de scrutin va nécessairement créer plus de gouvernements minoritaires. Un gouvernement minoritaire, on le sait, on en a un au fédéral, on ne peut pas se fier que ça va durer quatre ans. On se dit que c'est à peu près 18 mois, bon an, mal an, un gouvernement minoritaire. Et, lorsque la majorité des autres députés qui ne sont pas du parti qui forme le gouvernement décident que la confiance n'est plus là, bien, on tombe en élection. Vous dites : Oui, ils pourraient retirer la confiance, mais la motion de censure ferait en sorte qu'ils devraient déjà proposer et avoir un engagement qu'ils pourront former une certaine majorité pour remplacer le gouvernement pour ne pas, autrement dit, qu'on tombe toujours en élection, ce qui est un grief, je vous dirais, de celles et ceux qui sont contre cela en disant : Bien, on va affaiblir l'Assemblée nationale et son gouvernement parce qu'il y aura l'épée de Damoclès de les chasser du pouvoir, puis là ça veut dire qu'on retombe en élection. Ce que personne, je pense, ne veut, c'est de faire des élections à répétition. Je le vois, si d'aventure on allait là, comme étant un corollaire nécessaire. J'aimerais vous entendre, donc, sur l'importance de ça pour garder une certaine crédibilité. Puis, en passant, ça nous a été confirmé, ça se fait dans bien d'autres pays ailleurs, de telles motions d'encadrement où il y a, justement, proportionnalité, donc risque plus élevé d'élection à répétition.

M. Fortin (Raphaël) : Bien, on l'a mentionné, bien sûr, il faudrait qu'il y ait des motions de censure qui soient intégrées dans le projet. Mais j'aimerais apporter aussi à tous les députés qui sont ici présents que, si on change le mode de scrutin avec un mode de proportionnalité qui est réel, ça veut dire aussi qu'il va y avoir une mentalité qui va devoir changer à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire beaucoup moins... Dans le système parlementaire actuel, c'est un système où on doit, disons, mettre de l'avant les erreurs de l'opposant plutôt que de travailler à former des coalitions entre les partis et travailler sur ce qui les rassemble et non les divise. Alors, nécessairement, si on change le mode de scrutin, et comme le disait le premier ministre, je l'ai cité tout à l'heure, ça va forcer les partis à travailler ensemble. Et, statistiquement, là je n'ai pas les chiffres devant moi, mais partout où est installée la proportionnalité du type qu'on veut implanter ici, et non la pure comme en Israël, évidemment, les gouvernements ne sont pas si instables que ça. Au contraire, au niveau statistique, ça dure en moyenne à peu près le même temps que nos législatures à nous autres dans l'histoire du Québec.

M. Tanguay : Et, pour vous relancer au niveau des citations, mais sous un autre point — donc, j'ai pris bonne note de votre réponse — quand on parlait que vous trouviez incongru le fait que le premier ministre, dans la mouture du projet de loi, ne pourrait pas être chef du camp du Oui parce qu'il ne pourrait pas être membre du C.A., mais membre du C.A., ce serait être président du C.A., président du camp du Oui, ça, c'est un écueil, puis vous dites qu'il devrait normalement assumer le projet de loi qu'il a déposé et le défendre lors de la campagne référendaire. Donc, ça, vous l'avez soulevé à regret, à votre grand regret.

J'aimerais vous citer l'extrait suivant, et, en vous le citant, je le lance dans l'univers, puis peut-être que la ministre pourra répondre à cela et corriger le tir. Michel David, fin de la session parlementaire, dans Le Devoir, le 10 décembre dernier, a fait un article sur le sujet, et je cite, en changeant les noms propres : «Au bureau de Mme [la ministre de la Justice], on a indiqué qu'il appartiendra au premier ministre [...] de décider si des membres du caucus caquiste pourront prendre parti. Bref, le gouvernement pourrait ne pas défendre sa propre loi.» Fin de la citation. Donc, pas uniquement au niveau du chef, du premier ministre du Québec, président... chef de la CAQ, mais également on est dans le limbo au niveau du caucus et des députés, des collègues caquistes, où là... Je vais laisser l'occasion de la ministre, à vous et à moi, de nous détromper, mais c'est ce que disait Michel David le 10 décembre. Je pense que, là aussi, on en rajouterait une couche si en plus les députés ne pourraient pas se prononcer comme caucus, là, oui ou non.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Merci, M. Fortin, d'être avec nous aujourd'hui. Je vais vous poser une question, je vais jouer l'avocat du diable, parce qu'il y a quelque chose qu'on a beaucoup entendu depuis le début de nos travaux concernant le fameux seuil. Un argument qu'on a beaucoup entendu de la part de différents acteurs qui défendent la présence d'un seuil, puis la présence d'un seuil assez élevé, c'est qu'un tel seuil est nécessaire pour protéger la démocratie québécoise contre des options politiques qui seraient... des fois on dit «marginales», des fois on dit «dangereuses», des fois on dit «extrémistes». Le qualificatif change, mais la structure de l'argument est toujours sensiblement la même, c'est-à-dire qu'il faut protéger la démocratie de l'arrivée de voix qui sont, en ce moment, minoritaires, et c'est pour ça qu'il faut mettre un seuil élevé. Quand on parle de ces voix-là, j'imagine que vous devez vous sentir un peu visé. Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là qui disent qu'il faut protéger la démocratie québécoise de l'arrivée de voix... moi, je les qualifierais de différentes?

• (16 h 50) •

M. Fortin (Raphaël) : Quand j'entends qu'on dit qu'il faut protéger la démocratie québécoise de voix extrémistes, comme vous dites, c'est comme si on disait : Il faut protéger les Québécois de leurs propres mentalités, de leurs propres réflexions. Je pense que, s'il y avait, un jour, à y avoir vraiment un parti extrémiste qui réussissait à faire une percée au Québec, ce qui n'est pas le cas quand on regarde... Même dans ceux qu'on nomme souvent d'extrémistes, on est loin de l'extrême ailleurs dans le monde. Les Québécois sont des gens posés, je pense, intelligents, et je fais confiance à l'intelligence.

Quand on regarde ça, à mon avis, la montée de l'extrémisme répond à des députés qui sont déconnectés de la réalité. Le jour où la députation, les élus, les représentants ne représentent plus la population, c'est là qu'il y a des voix qui sont extrêmes qui arrivent, et ce n'est pas le cas au Québec, actuellement. On peut ne pas partager les opinions politiques des autres partis politiques, mais je crois sincèrement que nos représentants et les partis qui veulent d'autres... nouveaux qui veulent les représenter ont une voix intelligente et ont des idées intéressantes à dire. On peut ne pas être d'accord, ça ne fait pas de nous des extrémistes, quand on n'est pas d'accord avec les idées des autres ou vice versa.

Donc, moi, je réponds que, les seuils, la meilleure protection, c'est... Vous savez, quand vous dites des inepties, je pense, les gens ne voteront jamais pour vous, et c'est la meilleure protection. Comme je l'ai expliqué, quand on combine les trois tiers partis, on n'arrive même pas à 4 %, pratiquement. Alors, de mettre un seuil à 5 %, c'est aussi bien dire qu'on continue à bloquer l'Assemblée nationale aux quatre partis qui sont présents actuellement, et ça, pour moi, c'est désolant.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.

M. LeBel : Merci. En 2007, le Parti québécois a fait élire un premier député... un jeune autochtone, Alexis Wawanoloath. C'était intéressant de l'entendre dans nos caucus puis d'entendre ses réalités.

J'aimerais ça vous poser la question : Comment on fait? Parce que les nations autochtones et inuites ont déjà leurs instances démocratiques. Comment on fait pour les faire participer à notre Parlement national? C'est quoi, votre point de vue là-dessus?

Mme Belleau (Mona) : O.K. Bien, merci de votre question. Je suis vraiment très heureuse de pouvoir répondre à cette question à cette plateforme-ci.

Bien, comme vous savez, la plupart des peuples autochtones au Québec, ils sont de juridiction fédérale, donc c'est sûr qu'il y a beaucoup de gens qui ont la perception que la politique provinciale, ça les regarde un peu moins. Même s'ils bénéficient de services de santé, tu sais, ils vont dans les hôpitaux, dans les CLSC, et tout ça, dans le système québécois... mais il y a beaucoup de gens, des autochtones, qui ne se sentent pas interpelés, vraiment, par la politique provinciale.

C'est sûr qu'il n'y a pas de solution miracle pour aller chercher des peuples autochtones et augmenter la représentativité au sein des députés. On est... Il y a 10 nations autochtones plus un peuple, qui est le peuple inuit, qui est mon peuple. On a une grande diversité. On essaie souvent, dans d'autres sphères, de mettre les autochtones dans un moule puis dans... de voir que... ou de penser qu'il peut exister une solution qui puisse être bonne pour toutes nos nations, mais ça, c'est loin d'être le cas.

Moi, je me suis portée candidate pour le Nouveau Parti démocratique du Québec en 2018, et c'était justement... un de mes objectifs, c'était de vraiment tendre vers la réconciliation des peuples autochtones avec le peuple non autochtone parce qu'on vit souvent dans deux mondes complètement différents. Il y a vraiment une planète autochtone au Québec, il y a une planète non autochtone. Je crois que, si les autochtones avaient l'impression que les députés et la politique s'intéressaient vraiment à améliorer leurs conditions de vie et leur bien-être dans leur communauté... je pense que, les gens, ils seraient déjà plus intéressés.

Il y avait vraiment... J'ai vraiment parlé avec beaucoup de gens, justement, pour essayer de les convaincre à voter aux prochaines élections... bien, qui étaient les élections de 2018. Et c'est vraiment important pour moi de m'être présentée parce que je voulais vraiment qu'on... je veux vraiment que nous, les autochtones, on prenne notre place dans la sphère politique et dans la sphère publique pour qu'on puisse entamer vraiment un réel dialogue entre nos différentes nations, et je crois que c'est vraiment de montrer qu'on a vraiment notre place au Québec. Puis, étant les premiers habitants du territoire, je pense qu'on a été vraiment mis de côté par les instances et les institutions coloniales qui ont été mises sur place sur le territoire, ici, du Québec et ailleurs. Et donc c'est vraiment important qu'on augmente la représentativité chez les peuples autochtones parce que plus que les gens vont voir qu'il y a des autochtones qui s'impliquent, bien, ça va faire effet boule de neige. Justement, Alexis Wawanoloath, il a été une grande fierté pour nous. Puis, avant lui, il y avait eu un monsieur qui s'appelait Bernard... Là, je ne m'en rappelle plus du nom.

Une voix : ...

Mme Belleau (Mona) : Pardon?

Une voix : ...

Mme Belleau (Mona) : Non, mais en tout cas. En fait, il y a eu deux élus au...

Une voix : ...

Mme Belleau (Mona) : Bernard Cleary, exactement. En plus, je le connais, je ne me rappelais plus de son nom, bon, Bernard Cleary, qui avait été le premier, et il y avait Alexis aussi qui avait été élu. Donc, c'est sûr que, si on regarde ça sur toute l'histoire du Québec, c'est vraiment très peu.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je dois céder la parole à la députée de Marie-Victorin. Merci.

M. LeBel : Merci pour votre implication.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Fournier : Oui, merci beaucoup. Merci. Moi, évidemment, je suis favorable à la réforme du mode de scrutin, notamment parce que ça augmente la proportionnalité du vote, mais également pour les conséquences dont parlait la ministre, notamment d'induire plus de pluralité, d'idées dans nos institutions démocratiques. Donc, moi aussi, je salue vraiment votre rapport.

Ceci dit, il y a des gens qui s'opposent, là, avec véhémence à la réforme du mode de scrutin en disant que ça va créer, là, une grande instabilité dans nos systèmes politiques. Mais il y a des moyens qui nous permettent, disons, de peut-être atténuer certaines craintes de voir le gouvernement tomber avec des mandats très courts, notamment, justement, l'encadrement des motions de censure, vous y avez fait référence dans votre présentation. Est-ce que vous trouveriez ça intéressant, plutôt que d'avoir des primes au vainqueur qui donnent moins de chances aux petits partis comme les vôtres de faire leur place à l'Assemblée nationale, d'avoir des mécanismes d'encadrement des motions de censure?

M. Fortin (Raphaël) : Pour reprendre ce que j'ai dit tout à l'heure, clairement, le calcul qui est instauré dans ce projet de loi là, qui est vraiment une prime au vainqueur... c'est quand même spécial qu'on donne davantage de sièges à celui qui a déjà des sièges. Donc, au lieu d'atténuer la distorsion, on la maintient.

Les motions de censure sont beaucoup plus simples et, en même temps, iraient plus dans... je rappelle la signature que les partis ont signée, excepté le Parti libéral, où le but était de «favoriser la stabilité du gouvernement par des mesures encadrant les motions de censure», c'est clairement dit, «refléter le plus possible le vote populaire de l'ensemble des Québécoises et des Québécois», donc de proportionnalité, «assurer un lien significatif entre les [électeurs, les électrices] et les élu-e-s», bien, ça, je veux dire, c'est déjà le cas, et je ne vois pas en quoi ça serait moins avec la proportionnalité. Le poids politique des régions demeure avec le projet de loi, avec une vraie proportionnalité également.

Maintenant, je pense qu'il y a eu des... ils ont fait des propositions, dans le projet de loi, pour une meilleure représentation des femmes, des jeunes, des communautés culturelles, sans restriction. Comme on a dit, on n'est pas contre, mais il faut penser aussi que c'est beaucoup plus compliqué, quand on est un petit parti, d'obtenir tous ces seuils-là pour avoir le droit de se présenter. Ce n'est pas qu'on est contre, c'est juste plus compliqué, ayant moins de moyens.

Mais je ne vois pas en quoi... et, statistiquement, ce n'est pas le cas, à travers le monde où il y a une proportionnelle mixte, qu'il y a une instabilité plus grandissante, puisque des motions de censure sont introduites avant et permettent de protéger les gouvernements ou du moins de maintenir... au lieu de tomber en élection, amener une nouvelle coalition au pouvoir. Mais ça force, et je le répète, les députés à revoir la prémisse du travail parlementaire en étant plus collaboratifs au lieu d'être des adversaires politiques.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a. Merci, encore une fois, d'avoir été présents en commission cet après-midi.

Et je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

(Reprise à 17 heures)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Merci. Alors, il me fait plaisir d'accueillir les représentants du Parti conservateur du Québec. Vous connaissez les règles, 10 minutes de présentation, et par après nous avons les échanges avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous. Merci beaucoup.

Parti conservateur du Québec (PCQ)

M. Morissette (Guy) : Mme la ministre, M. le Président, membres de la Commission des institutions, je vais commencer par me présenter. Mon nom est Guy Morissette, je suis président de la commission politique du Parti conservateur du Québec, au sein duquel je m'implique de différentes façons depuis 2012. À côté de moi, M. Samuel Fillion Doiron, c'est le président par intérim du parti.

Comme nous le savons déjà, l'introduction d'une composante proportionnelle dans le mode de scrutin utilisé au Québec doit viser principalement l'atteinte de deux objectifs : réduire autant que possible l'écart entre le pourcentage des votes qu'un parti a obtenu lors des élections et le pourcentage de sièges qu'il a obtenus à l'Assemblée nationale et, deuxièmement, réduire autant que possible le nombre de votes perdus — c'est une expression que j'emprunte au MDN — soit les votes qui ne servent à élire aucun député. Aux cinq dernières élections générales québécoises, le pourcentage de votes perdus a varié de 52 % à 57 %; dans dix régions administratives, il a même atteint 60 % ou plus. Le Parti conservateur du Québec vise à démontrer que, sous sa forme actuelle, le projet de loi n° 39 n'atteint pas ces deux cibles. Cependant, il n'a pas besoin d'être revu de fond en comble, car il suffirait de peu pour qu'il les atteigne avec aplomb.

Nous vous proposons d'y apporter trois modifications à cette fin : la première, abaisser le seuil de 10 % pour l'attribution des sièges régionaux; la deuxième, diminuer le nombre de régions pour la distribution des sièges régionaux; et la troisième, éliminer la prime au vainqueur dans le calcul de l'attribution des sièges régionaux. Sans ces trois changements essentiels à la réussite de cette réforme, ce projet de loi et le référendum qu'il déclenchera risquent d'augmenter le cynisme et la désillusion des électeurs par rapport à la classe politique et à la démocratie au Québec, car il produira des résultats électoraux trop similaires à ceux que produit notre mode de scrutin actuel.

Alors, le point n° 1, soit le seuil de 10 %. Tout d'abord, le seuil pour l'attribution des sièges régionaux devrait être abaissé. Un gouvernement qui dit vouloir être un bon gestionnaire de l'État québécois devrait faire de son mieux pour s'inspirer des meilleures pratiques dans un domaine donné. Or, si on regarde partout ailleurs dans le monde, les seuils pour l'attribution des sièges proportionnels ne dépassent presque jamais 5 %. Les pays scandinaves, tant admirés par bon nombre de personnalités politiques québécoises, ont même des seuils encore plus bas, n'allant que de 4 % en Norvège et en Suède qu'à 2 % au Danemark et même aucun seuil officiel en Finlande. Il y a un seuil fonctionnel, là, que le Pr Blais avait expliqué, tout à l'heure, mais il n'y a pas de seuil officiel pour la répartition des sièges régionaux. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, une organisation internationale qui exerce une forte influence sur les pays membres de l'Union européenne, recommande même un seuil de 3 %, et je lis la citation : «Dans les démocraties bien établies, il ne devrait pas y avoir de seuils supérieurs à 3 % dans les élections législatives. Ainsi, le plus grand nombre d'opinions devrait pouvoir s'exprimer. Exclure des groupes importants de personnes du droit d'être représentées va à l'encontre d'un système démocratique. Dans les démocraties bien établies, il convient de trouver un équilibre entre une représentation équitable des opinions de la société et l'efficacité du Parlement et du gouvernement.»

De plus, les deux seuls pays qui ont un seuil supérieur à 5 % que nous avons pu trouver dans nos recherches, soit la Turquie avec 10 % et le Kazakhstan avec 7 %, sont loin d'être des exemples à suivre pour le Québec. En effet, le Kazakhstan est un pays avec un système politique autoritaire, et la Turquie est malheureusement un système autoritaire en devenir, est lentement à la dérive, là, vers l'autoritarisme, et son système électoral a été qualifié de plus injuste au monde par le journal The Guardian. Donc, à cause de ce seuil, lors des élections générales turques de 2002, 46,3 % des électeurs ont voté pour des partis qui n'ont obtenu aucun siège au Parlement turc, donc 100 % des sièges ont donc été remplis par seulement 53,7 % des électeurs turcs. C'est quelque chose, là. Bien entendu, ce genre de scénario peut aussi se produire avec des seuils plus bas, par exemple en Russie, en 1995, avec un seuil de 5 %. Sauf qu'en élevant le seuil, plus le seuil est élevé, plus des injustices électorales comme celle que je viens de nommer ont des chances de se produire.

Bien sûr, tel que mentionné précédemment dans la citation de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, un bon système électoral doit faire un compromis entre représenter la diversité des opinions de l'électorat et permettre la formation de gouvernements solides et efficaces. Par exemple, en Israël, le seuil a même été augmenté à trois reprises, de 1 % à 3,25 %, entre 1949 et 2014 pour faciliter la formation de coalitions en diminuant le nombre de très petits partis.

Enfin, tout comme une taxe trop élevée peut encourager l'évasion fiscale, un seuil aussi élevé que 10 % pourrait encourager les partis politiques à trouver des stratagèmes ou des astuces — je ne sais pas si j'ai le droit de le dire — pour faciliter... excusez-moi, des stratagèmes pour contourner le seuil de 10 %. Par exemple, et ça s'est produit en Turquie, des candidats pourraient se présenter en tant qu'indépendants pour ensuite se rallier à un parti politique au lendemain des élections. Ça s'est produit en Turquie, bon, donc, le seul pays qui avait un seuil de 10 %. Et, du côté de l'électorat, un électeur qui appuie un parti qui récolte moins de 10 % des appuis dans les sondages aura moins de chances de vouloir se déplacer pour aller voter le jour du scrutin. Il y a donc un point d'équilibre à atteindre, mais 10 % n'est certainement pas ce point d'équilibre. Nous croyons que le juste milieu se situe plutôt à 3 % et qu'il ne devrait pas dépasser 5 % dans le pire des cas. 5 %, ce n'est pas un juste milieu, 5 %, c'est vraiment un maximum.

Donc, le point n° 2, le nombre de régions puis la répartition des sièges régionaux. Le deuxième point qui devrait être corrigé dans le projet de loi est le nombre de régions qui a été retenu pour la répartition des sièges régionaux. Nous comprenons parfaitement les raisons pour lesquelles la ministre responsable des Institutions démocratiques, de la Réforme électorale et de l'Accès à l'information a voulu rattacher les députés de liste à une région plutôt qu'à la province dans son ensemble : afin de les rapprocher de leurs électeurs et donc les rendre plus imputables et redevables envers ceux-ci. Cependant, en retenant toutes les régions administratives du Québec, qui sont au nombre de 17, pour la répartition des sièges régionaux, on se trouve à réduire énormément la proportionnalité du mode de scrutin qui en ressortirait, à un point tel que certaines régions risqueraient de ne rien y gagner, puisqu'on n'y verrait qu'une nouvelle répartition des sièges entre les mêmes partis qui y sont déjà représentés. Après tout, le but de faire appel à la proportionnelle mixte est justement de combiner les avantages de notre mode de scrutin actuel avec ceux de la proportionnelle afin d'atteindre une sorte de compromis qui corrigerait en partie les défauts de notre mode de scrutin actuel.

Le projet de loi n° 39 sous sa présente forme combine notre mode de scrutin actuel à une proportionnelle dénaturée au point d'en perdre presque tous ses avantages. Ainsi, ce projet de loi propose d'éliminer la disproportionnalité entre le pourcentage des suffrages obtenus et le pourcentage de sièges obtenus lors des élections pour ensuite en créer des nouvelles avec un nombre de régions électorales et un seuil électoral trop élevé. Bref, vous me pardonnerez l'expression, mais on serait en train de changer quatre trente-sous pour une piastre. Afin de corriger cette iniquité, le MDN proposait de passer de 17 à 14 régions électorales, mais le Parti conservateur du Québec est plutôt d'avis que ce ne serait qu'un correctif minime pour les électeurs de nos régions, qui méritent de jouir de la pleine... d'une proportionnalité aussi grande que possible, eux aussi. C'est pourquoi nous croyons que la meilleure proposition à cet égard — ce n'était pas une recommandation, c'était une proposition, elle est venue du DGEQ, donc d'Élections Québec, en 2007 — c'était de regrouper les 17 régions administratives en neuf régions électorales pour les candidats de liste.

Donc là, je vais conclure... Non, excusez-moi, c'était le point trois, excusez-moi, pour la prime au vainqueur. Donc, je passe à la prime au vainqueur. En ne retenant que la moitié du nombre de candidats et non la totalité, cette mesure favorise le parti qui a déjà gagné le plus de sièges de circonscription, diminuant encore une fois la proportionnalité, la composante proportionnelle de ce nouveau mode de scrutin. En fait, cette prime au vainqueur, pour répéter l'expression employée par le MDN, va à l'encontre de l'objectif même de la réforme du mode de scrutin, qui est de représenter plus fidèlement la volonté des électeurs. Notre mode de scrutin actuel a déjà une telle prime. À titre d'exemple, en 2018, la CAQ a obtenu 59,2 % des sièges avec seulement 37,4 % des voix lors des dernières élections générales. La réforme contenue dans le projet de loi n° 39 devrait corriger et non ramener sous une autre forme cette prime au vainqueur.

Le Parti conservateur du Québec est ainsi d'avis que de garder la prime au vainqueur va à l'encontre des intérêts de tous les partis, même les plus grands comme la CAQ. Si le Oui l'emporte dans le référendum prévu en 2022 dans le projet de loi, la CAQ pourrait regretter amèrement sa décision en 2026. En effet, tous les gouvernements, peu importe leur couleur politique, finissent par perdre la faveur des électeurs en accumulant les mécontents au fil du temps, c'est ce qu'on appelle l'usure du pouvoir. En conservant la prime au vainqueur dans son projet de loi, celle-ci amplifiera le mécontentement ou l'insatisfaction des électeurs et réduira encore plus la députation de la CAQ en 2026 que ne l'aurait fait une véritable proportionnelle. Vous comprenez ce que je veux dire, c'est que ça amplifie les mouvements de balancier, l'humeur de l'électorat. La prime au vainqueur se trouve à amplifier ces mouvements-là.

• (17 h 10) •

Donc, en conclusion, le but déclaré du gouvernement en optant pour un mode de scrutin proportionnel mixte avec compensation régionale est de conserver les avantages de notre mode de scrutin actuel, soit une représentation irréprochable de toutes les régions du Québec, tout en y ajoutant une composante proportionnelle qui viendrait corriger le pire défaut de notre système actuel, soit un écart trop grand entre le pourcentage des voix obtenues par les partis et le pourcentage de sièges gagnés. Or, avec le projet de loi n° 39 sous sa forme actuelle, la composante proportionnelle est tellement affaiblie qu'elle perd trop de son efficacité pour corriger le principal défaut de notre mode de scrutin actuel. Pourtant, il en suffirait de peu afin que le projet de loi n° 39 atteigne réellement ses objectifs. Le Parti conservateur du Québec vous suggère ces trois modifications — donc je reviens à liste des trois défauts et là je suggère trois modifications pour chacun de ces défauts : numéro 1, abaisser le seuil pour l'attribution des sièges régionaux de 10 % à 3 % des voix obtenues; numéro 2, réduire le nombre de régions pour la répartition des sièges régionaux de 17 à neuf, comme je l'ai déjà mentionné précédemment; et, troisièmement, éliminer la prime au vainqueur en utilisant la totalité et non seulement la moitié du nombre de candidats élus par un parti pour la répartition des sièges régionaux.

Donc là, je termine. Vous croirez sans doute qu'au Parti conservateur du Québec nous souhaitons ces changements parce qu'ils avantageront les partis émergents comme le nôtre. Cependant, comme nous l'avons déjà souligné précédemment, ces changements pourraient aussi profiter aux grands partis comme la CAQ, et le Parti libéral du Québec, et le Parti québécois aussi. Comme vous le savez peut-être déjà, le Parti conservateur du Québec partage un ancêtre commun avec la Coalition avenir Québec, soit l'Action démocratique du Québec. Or, les élections générales de 2007 et...

Le Président (M. Bachand) : Parce qu'on dépasse le temps, je vais vous demander de vraiment conclure, là, en quelques secondes.

M. Morissette (Guy) : Oui, O.K., il me reste deux phrases. Or, lors des élections générales de 2007 et 2008, l'ADQ a perdu 34 de ses sièges, passant ainsi de 41 à seulement sept. Pourtant, avec le 16 % des voix qu'elle avait obtenu en 2008, un mode de scrutin plus proportionnel lui aurait accordé jusqu'à 20 sièges. La morale de l'histoire, c'est que les modestes changements que nous demandons vont aussi avantager les plus grands partis en assurant que leurs défaites ne deviennent pas des raclées électorales. Je vous remercie pour votre attention.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. Morissette. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Merci de nous avoir fourni, également, un document, c'est très apprécié, ça va nous permettre d'y revenir un peu plus tard.

Je vais peut-être me permettre, d'entrée de jeu, d'aborder... Vous abordez trois points, donc, qui est la question du seuil, la question du nombre de régions et la question du mode de calcul qui a été privilégié dans le projet de loi qu'on a présenté. Mais quelques points que vous n'abordez pas... donc je vais peut-être vous donner l'occasion... Je comprends que vous avez probablement mis l'accent sur ces points-là, mais je vais vous donner, peut-être, l'occasion de nous entretenir sur d'autres points que vous n'avez pas abordés, si vous permettez. Ça m'intéresse d'avoir votre opinion, entre autres, sur la double candidature.

Dans le projet de loi, on se propose d'interdire la double candidature, c'est-à-dire qu'on ne pourrait pas, à une élection... je sais que vous le savez, mais je fais une mise en place quand même... ne pourriez pas, à une élection, vous présenter à la fois comme un député de circonscription ou un député de liste, pour simplifier, ce qui fait en sorte que vous devez faire un choix, comme candidat ou, en tout cas, comme membre d'un parti, dépendamment, il y a plusieurs considérants. Qu'est-ce que vous pensez de cette notion-là? Plusieurs... quelques-uns ont dit que c'était une bonne idée ou que c'était peut-être judicieux de le faire, parce qu'effectivement, quand on veut respecter, bon, la faveur démocratique, le fait, peut-être, surtout dans un premier pas vers un nouveau mode de scrutin où on change les habitudes et on brasse un peu la façon de voir des gens, de permettre que quelqu'un qui n'aurait pas été élu... je n'emprunterai plus le terme «battu», là, mais qui n'aurait pas remporté la circonscription se retrouve à y siéger dans la circonscription et dans la région élargie, naturellement, par le biais de la compensation... Et ça, ça semble heurter certaines personnes au niveau du principe de l'élection, si on veut, le fait que cette personne n'a pas été élue. Êtes-vous en faveur? Êtes-vous en défaveur? Que pensez-vous de mon argument? Et si non, si oui, pourquoi? Et toutes ces...

M. Morissette (Guy) : On n'a pas cru bon d'en parler dans le discours parce que, justement, bon, on atteignait déjà la limite de temps, mais nous, on serait pour la double candidature, parce que ce qui arrive, c'est qu'un parti émergent comme le nôtre... Bien sûr, on a augmenté notre pourcentage des voix obtenues, là, à chaque élection, mais on reste quand même environ à 1,5 %. En 2018, on a réussi à avoir 101 candidats sur les 125 circonscriptions. Mais on appuierait... nous, on serait plutôt pour la double candidature parce que, justement, c'est difficile de trouver des candidats, et parfois, dans certaines régions, c'est plus un... certaines régions constituent un plus grand défi que d'autres, et c'est la raison pour laquelle nous, on appuierait... on serait plutôt pour les doubles candidatures, parce que parfois ça nous permettrait, justement, là, de... ça nous permettrait, là, de participer, là, évidemment, autant à la répartition des sièges régionaux qu'aux sièges de circonscription.

Mme LeBel : Donc, vous pensez qu'entre autres... Il y a d'autres raisons pour favoriser la double candidature, effectivement, mais le fait de favoriser l'émergence de partis comme le vôtre, qui ont peut-être plus de difficultés à atteindre certains niveaux ou à présenter des candidats partout... ça pourrait être une bonne idée de laisser tomber la double candidature?

M. Morissette (Guy) : De laisser tomber l'opposition.

Mme LeBel : De laisser tomber l'interdiction de le faire.

M. Morissette (Guy) : Oui, c'est ça, exactement, exactement.

Mme LeBel : Oui, je me suis mal... j'ai pris un raccourci, là, mais laisser tomber l'option qui est dans le projet de loi, pour être sûre qu'on est clairs.

M. Morissette (Guy) : Il y a ça et puis il y a aussi le fait que l'argument qu'on présente pour s'opposer à la double candidature, je crois que le Pr Blais l'avait dit, tout ça, je ne trouve pas que c'est un argument vraiment solide, de dire qu'il serait appelé à travailler en collaboration avec quelqu'un qui l'a vaincu au niveau de la circonscription, il serait obligé de collaborer avec ces gens-là. Je veux dire, vous êtes tous, ici présents, de différentes familles politiques, vous arrivez à travailler ensemble, parfois avec plus d'acrimonie et parfois avec plus d'harmonie, mais, bon, je veux dire, je ne pense pas que c'est un argument très solide.

Et il en va de même aussi au niveau fédéral. Parfois, il peut y avoir des gens de familles politiques, bon, souverainistes versus fédéralistes, ainsi de suite, gauche versus droite, et qui travaillent quand même très bien avec... des députés provinciaux qui travaillent très bien avec des députés fédéraux qui ne sont pas de la même famille, idéologiquement parlant. Alors, on pense que, non, ce n'est pas... on pense que cet argument-là n'est pas vraiment solide, là, pour interdire la double participation.

Mme LeBel : Parfait. Merci. Je vous amène à un autre aspect qui n'a pas été discuté puis, encore une fois, je vous offre du temps pour pouvoir élaborer, compte tenu que vous aviez un temps limité pour votre présentation — d'ailleurs, le Nouveau Parti démocratique du Québec en a fait état précédemment — les questions de parité, d'introduction de notions de parité, diversité. Je comprends... je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, bon, j'imagine que... Êtes-vous pour le fait d'introduire des notions de parité hommes-femmes dans le projet de loi? Êtes-vous pour le fait d'introduire des notions de diversité? Et, si oui, comment? Donc, je suis confiante qu'on va se rendre au comment, là, mais, si oui, comment? Et est-ce que vous partagez également la même... Bien, je vais voir, allez-y sur le comment, puis ça va peut-être m'amener à une autre question.

M. Morissette (Guy) : Vous allez être contente de notre réponse, à cause, bon, déjà, des résolutions qu'on a déjà dans notre programme, et tout, et aussi pour le projet de loi n° 39 en particulier, je crois qu'on va être peut-être les seuls, parmi tous les intervenants que vous avez entendus à date, à dire que les mesures déjà prévues dans le projet de loi n° 39 sont satisfaisantes, là. Au niveau du Parti conservateur du Québec, on les trouve satisfaisantes, et je vais vous expliquer pourquoi. C'est parce que, s'il y avait des mesures plus contraignantes, comme celles qui avaient été proposées par d'autres groupes qui ont parlé aujourd'hui et hier, ce serait, encore une fois, une barrière à l'entrée... tout comme interdire la double candidature, ce serait une barrière à l'entrée pour les partis émergents ou tiers partis, partis en croissance, appelez ça comme vous voulez, partis en voie de développement, peu importe, les partis émergents comme le nôtre. Ce serait encore une barrière à l'entrée. Donc, ce serait encore une barrière à l'entrée, donc ça nous compliquerait les choses.

Vous comprendrez que, pour atteindre, justement, 101 candidats sur 125, on ne pouvait pas toujours faire la fine bouche, on ne peut pas toujours dire : Ah! bien, vous, on doit refuser votre candidature parce qu'on a besoin de quelqu'un... tu sais, il nous manque de femmes, tout ça. C'est que, si cette contrainte-là devient... bon, la contrainte devient plus contraignante, là, je ne sais pas comment le dire, là, mais, je veux dire, si on va plus loin que ce que vous proposez, ça risque de constituer une barrière à l'entrée pour les partis émergents comme le nôtre.

Et il y a autre chose aussi, c'est que je crois que les autres intervenants sous-estiment la puissance de ce que vous proposez dans le projet de loi, tout simplement, de faire rapport au niveau du nombre de candidatures féminines qu'un parti propose. Ça veut dire que, si un parti ne propose que des vieux hommes blancs, là, tu sais, là, à l'extrême limite, là, tu sais, «angry old white men», là, en anglais, puis, bon, bien, il va avoir à subir les foudres du tribunal de l'opinion publique, puis ça, c'est le tribunal le plus impitoyable qui soit, je suis sûr que je ne vous apprends aucune leçon, à l'heure des réseaux sociaux, et tout. Alors, il n'y a aucune... tu sais, je veux dire, il y a très peu de sanctions que vous pourriez imposer aux partis qui vont être aussi impitoyables que... Ça va courir sur les réseaux sociaux que votre parti est macho, misogyne, ou sexiste, ou quoi que ce soit, là, je veux dire, ou raciste, ou xénophobe, ou quoi que ce soit, je veux dire, on ne peut pas imaginer, là, de pire punition que des choses comme ça qui deviennent virales et qui entachent, là, l'image d'un parti. Alors, on trouve que les mesures déjà prévues au projet de loi sont suffisantes à ce niveau-là.

• (17 h 20) •

Mme LeBel : Oui, surtout qu'avec 52 % de candidatures féminines ces notions-là ont quand même circulé, donc imaginez avec moins. Donc, je comprends que votre argumentaire est le même, un peu, que pour favoriser la double candidature, c'est-à-dire que... Et là je pense que vous mettez bien en lumière, par cette discussion-là, le fait qu'il y a plusieurs principes qui s'affrontent quand on pense à changer un mode de scrutin : il y a la proportionnalité, qui est... si on était, ultimement, juste en faveur de la proportionnalité, on irait avec un mode de scrutin de proportionnalité pure, là, si on veut dire, il y a l'émergence, favoriser la pluralité politique ou l'émergence de nouveaux courants de pensée, si on peut dire comme ça, il y a le poids des régions, la stabilité gouvernementale. Donc, plusieurs principes s'affrontent et, nécessairement, ce sont tous des principes importants, et, quand ils s'affrontent, nécessairement, il y a des choix et des compromis à faire, et, nécessairement, on n'atteindra pas 100 % de satisfaction dans chacun des items. Donc, vous le mettez en... Donc, si on voulait atteindre 100 % de satisfaction au niveau des modalités de parité, vous nous dites qu'à ce moment-là on atteindrait de façon trop grande, à votre sens, le principe de l'émergence des nouveaux courants de pensée — c'est ça? — de favoriser l'émergence ou de permettre l'émergence.

M. Morissette (Guy) : Bien, c'est ça, c'est que ça constitue des barrières à l'entrée, c'est une expression empruntée, là, justement, là, au domaine, là, de la gestion, du marketing, là. Et puis, c'est ça, effectivement, parfois, je veux dire, on a des gens pleins de bonne volonté qui veulent se présenter pour nous, puis, au début, quand un parti est en construction, bien, on ne peut pas toujours... on n'a pas toujours le luxe, là, de refuser les gens qui veulent se présenter. Alors, c'est ça, alors, si on rajoute des contraintes, bien là, les 101 candidats qu'on a eus en 2018, 101 sur 125, ça aurait peut-être été plus faible que ça, là. On a quand même réussi à avoir des femmes, des gens de minorités ethnoculturelles. On a quand même réussi à en avoir en 2018 et on met toujours des efforts pour en avoir. Mais, si on rajoute une contrainte, combinée à des amendes, là, comme le proposaient certains autres intervenants, ça va compliquer considérablement les choses pour les partis émergents comme le nôtre, et le NPDQ, et le Parti vert, là, que vous allez voir au début de février, là.

Mme LeBel : ...autre lumière, là, sur ces aspects-là, merci beaucoup.

Nombre de régions, point sensible s'il en est un, vous proposez, naturellement, et je le comprends... Le DGEQ ne favorisait pas aucune option, présentait toutes les options, puis c'est bien de le dire, parce que...

M. Morissette (Guy) : ...

Mme LeBel : Oui, il est neutre, donc ce qu'il a fait, c'est l'analyse de plusieurs scénarios, et il donnait les effets positifs et négatifs des différents scénarios. Donc, vous avez raison de dire que, dans le scénario des régions, le plus... celui qui avait l'effet le plus... d'avoir un impact plus positif sur la proportionnalité, c'est le scénario de neuf régions administratives, effectivement.

Celui de 17 régions a peut-être un effet moindre sur la proportionnalité, moins positif, on pourrait le dire de même, mais a, à tout le moins, l'effet de préserver l'identité régionale, qui est un autre principe que je n'ai pas nommé tantôt... qui est également un principe que nous, comme gouvernement, nous devons tenir en compte dans l'élaboration d'un nouveau mode de scrutin qui sera acceptable par tous. Parce que je vous dis qu'une des grandes formes... Et vous l'avez dit, je pense, dans votre présentation, le consensus est important. Nous recherchons un consensus.

Donc, neuf régions, parmi vos membres, les gens qui sont de votre allégeance politique, avec qui vous discutez, n'est-ce pas un problème? Est-ce que ça ne heurte pas certaines sensibilités?

M. Morissette (Guy) : Ça ne constitue pas un problème. Bien sûr, bon, moi, je suis Montréalais, mon collègue est de Québec, je ne suis pas né en région, je n'ai pas eu le plaisir d'y grandir non plus, mais, quand même, on a sillonné le Québec en long et en large, justement, pour notre engagement politique, on l'a fait, et le ressentiment, l'insatisfaction, l'amertume, pour ne pas dire l'écoeurantite, là, de certains électeurs de nos régions, c'est surtout dirigé vers la métropole et la capitale, ou plus précisément vers l'impression qu'ils ont, bonne ou mauvaise, les habitants de nos régions, que le gouvernement... que Montréal et Québec monopolisent l'attention de nos dirigeants, de notre classe politique. C'est surtout ça qui cause le ressentiment chez les électeurs en région. Donc, bon, le député de Rimouski, qui en a parlé aujourd'hui et hier, tout ça, je comprends parfaitement ses arguments, mais, quand on entend les doléances, les plaintes qu'on entend des habitants en région, on n'entend pas les gens du Bas-du-Fleuve se plaindre que la Gaspésie a trop d'attention du gouvernement, on les entend se plaindre que Montréal et Québec ont trop l'attention du gouvernement.

Alors, on pense qu'en combinant les régions les moins peuplées entre elles... bon, puis ça adonne que c'est nos régions ressources, nos régions plus éloignées, celles qui sont moins densément peuplées, en les combinant entre elles, on ne pense pas que ça va créer une colère. On pense que ce qui pourrait créer une colère, c'est le fait d'accorder encore un avantage aux électeurs montréalais, aux électeurs de la capitale, que les gens de région ne jouiront pas... soit d'avoir une plus grande proportionnalité. Les électeurs de Montréal, eux, ils vont jouir d'une plus grande proportionnalité que les électeurs du Bas-du-Fleuve, les électeurs de Gaspésie, de la Côte-Nord, et ainsi de suite, alors, c'est ça. Donc, si on dit : Bon, O.K., on garde ça, 17 régions, bien là, faites attention au voeu que vous faites, car il pourrait être exaucé, là. Je veux dire, là, les habitants des régions vont dire : Bien, c'est ça, moi, je n'ai pas de chance de faire élire un député d'un tiers parti, d'un petit parti, je n'ai pas la chance de faire ça, alors que les gens de Montréal, de Québec puis peut-être, dans une moindre mesure, de la Montérégie, eux, ils l'ont, cette opportunité-là.

Alors, ça pourrait aussi créer du ressentiment dans les régions, de garder 17 circonscriptions régionales... 17 régions électorales, excusez-moi.

Mme LeBel : Parfait. Dernière question dans le peu de temps qu'il me reste. Vous avez été cosignataire de l'article du Devoir également, en mai 2019, c'est quand même un passé récent, où vous faisiez état du fait qu'afin de réclamer que, bon... afin de réclamer qu'un chef de parti politique qui a reçu 2 % des voix mais n'ayant pas réussi à faire élire des députés de circonscriptions de liste obtienne tout de même un siège à l'Assemblée nationale. Vos collègues prédécesseurs de l'autre parti ont dit : Bien, nous, on a abandonné cette idée-là, c'était pour attirer votre attention, grosso modo, à toutes fins pratiques, là... étant la mienne. Mais est-ce que cette idée-là, pour vous, est encore une bonne idée? J'imagine que, si vous l'avez mise de l'avant en mai 2019, qui est dans un passé très récent, vous considériez que c'était une bonne idée. Si oui, comment ça s'articule, là, dans tout ça?

M. Morissette (Guy) : Oui, non... O.K. On est toujours pour cette idée-là, on ne va pas la renier. L'affaire c'est que, justement, l'article est sorti en mai 2019, c'était avant que vous déposiez votre projet de loi. Et là on considère que, bien, les trois points que j'ai soulevés aujourd'hui sont plus importants que cela, donc, sont plus importants, là, que cette revendication-là.

Mme LeBel : ...

M. Morissette (Guy) : Ça fait plaisir.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Très intéressant, merci, une approche intéressante.

Vous avez cité les cas de... vous avez cité plusieurs pays, plusieurs situations, et tout ça. Moi, je veux que vous me rassuriez. On parle d'instabilité possible quand on a un système comme celui-là, ça serait plus instable que le système qu'on a en ce moment. On cite souvent l'Allemagne comme exemple de mode de scrutin qui pourrait être appliqué chez nous. Les dernières élections en Allemagne, en septembre 2018... on a eu les élections en septembre 2018, et puis là ça a pris des mois avant d'avoir la formation d'un gouvernement qui pouvait fonctionner. Alors, je me dis : Bien, voyons, tout à coup qu'on est dans une situation comme ça, une situation de crise, et que ça prend six mois avant de former un gouvernement de coalition, comment on peut... Comment vous pouvez me rassurer là-dedans? Comment, dans un système comme on propose, comme le projet de loi n° 39, on pourrait éviter, justement, des situations comme ça où ça prend du temps à former une coalition stable qui peut travailler, qui peut faire avancer les choses?

M. Morissette (Guy) : Avec les trois changements qu'on propose aujourd'hui, ça risque peu d'arriver, parce que les coalitions auront peu de chances de nécessiter l'entente de plus de deux partis, là. Quand même, avec les trois changements qu'on demande aujourd'hui... Parce que la formule, bon, même sans la prime au vainqueur... même si Mme la ministre enlève la prime au vainqueur de la formule, ça demeure... c'est la formule D'Hondt, là, d'-h-o-n-d-t, là. Justement, Mme Roberge, qui était là, hier, pourrait vous en parler plus en détail que moi, mais cette formule-là, déjà, elle favorise les grands partis. C'est déjà une formule qui favorise les grands partis. Même sans prime au vainqueur, c'est une formule qui a tendance à favoriser les grands partis, alors il y aurait peu de chances à se retrouver dans une situation où on aurait des coalitions de plus de deux partis à former.

Et aussi, au niveau de l'instabilité, la crainte de l'instabilité — c'est quelque chose qui est revenu souvent aujourd'hui et hier, la crainte de l'instabilité — nous, on croit qu'elle est injustifiée dans le contexte québécois, parce que... bien, il y a principalement deux raisons. La première, encore une fois, je ne vous apprends rien, c'est l'argent, hein, c'est l'argent. Depuis 2013, depuis que le financement public des partis a été réformé par le ministre Drainville, à l'époque, tout ça, les partis ne nagent pas dans l'argent. Un parti qui déclenche des élections à répétition, qui... bien, qui provoque le déclenchement d'élections à répétition, bien, à un moment donné, sa caisse électorale serait vide et puis il n'aurait rien pour aller en campagne, il n'aurait pas un sou pour aller en campagne, alors donc... Et c'est quelque chose qu'on peut voir, en ce moment, sur la scène fédérale, ils disent que, justement, le gouvernement Trudeau pourrait durer plus longtemps que le gouvernement minoritaire précédent parce que, justement, le Bloc puis le NPD, au fédéral, ont des fonds limités pour se relancer en élection, alors, évidemment, ils vont être plus tentés d'appuyer le gouvernement en attendant, donc...

Et la deuxième chose aussi, et ça, on l'a vu dans notre système actuel, c'est que, souvent, les partis... on dirait qu'aucun parti ne veut porter l'odieux... je ne sais pas si j'ai le droit de... bien, tant que je ne le prête pas à une personne, là, aucun parti n'a envie de porter l'odieux d'avoir déclenché une élection dont la population ne voulait pas, hein? Si ça fait, par exemple, moins de deux ans que la population, que l'électorat... qu'il y a eu des élections générales, bien, l'électorat pourrait très bien décider de punir le parti qui a provoqué le déclenchement des élections. Alors, il n'y a pas un parti qui veut porter l'odieux de cela.

Alors, on pense que ces deux choses-là, donc l'argent et ne pas vouloir être le parti qui déclenche les élections dont les électeurs ne veulent pas, ça devrait être assez pour dissuader des comportements qui amèneraient une instabilité au niveau de la formation des gouvernements et le maintien en place des gouvernements.

• (17 h 30) •

Mme Robitaille : J'entends ce que vous dites, mais on l'a vu à plusieurs endroits dans le monde, il y a... quand on a des systèmes comme ça, proportionnels, on a moins de contrôle sur le fait qu'un gouvernement se défait, ou quoi que ce soit, donc, nécessairement, on a un gouvernement minoritaire fragilisé et, bon, donc, à partir de là, tout est possible. Et donc...

M. Morissette (Guy) : Donc, vous parliez de la nécessité, peut-être, d'introduire des...

Mme Robitaille : D'encadrer les motions de censure, oui.

M. Morissette (Guy) : Voilà, encadrer les motions de censure.

Mme Robitaille : Est-ce que vous avez des propositions à cet effet-là?

M. Morissette (Guy) : O.K. On ne s'est pas penchés sur ce thème-là en particulier, mais ce n'est pas une chose à laquelle on s'opposerait. On ne pense pas que c'est essentiel, par contre. Ce n'est pas une condition pour qu'on appuie le projet de loi n° 39, ce n'est pas une condition sine qua non, mais ce n'est pas une chose à laquelle on s'opposerait non plus. Si un parti de l'opposition, là, proposait ça comme amendement, on ne s'y opposerait pas non plus, mais on ne croit pas que c'est nécessaire à cause des deux raisons que je viens de vous mentionner.

Mme Robitaille : Pour ce qui est d'un référendum, j'aimerais vous entendre là-dessus. Évidemment, vous êtes pour un référendum sur le projet de loi.

M. Morissette (Guy) : Non, on pense que le premier ministre avait le mandat et... bon, a fait la promesse et qu'il avait le mandat pour procéder à une réforme du mode de scrutin sans passer par un référendum, parce que non seulement... bon, le premier ministre l'a promis, mais également il ne faut pas oublier que la majorité des électeurs, y compris certains électeurs de petits partis, appuient... de petits partis, donc, appuient une proportionnelle mixte ou une proportionnelle tout court. Et donc pas seulement les électeurs qui ont élu le premier ministre et son parti, mais également les électeurs qui ont voté, bon, pour tous les partis... bon, sauf le vôtre, mais les électeurs qui ont voté pour d'autres partis appuient une réforme du mode de scrutin et le premier ministre l'avait promis. Donc, on pense qu'il y avait suffisamment de légitimité pour procéder à une réforme du mode de scrutin sans passer par un référendum, et donc que le mode de scrutin pourrait entrer en fonction pour 2022, pour les élections générales de 2022.

Mme Robitaille : Mais c'est quoi, votre position sur... bon, parce que, là, on veut un référendum, nécessairement, c'est dans le projet de loi aussi. On dit : On va faire un référendum en même temps que la campagne électorale. C'est quoi, votre position là-dessus?

M. Morissette (Guy) : O.K. Bien, s'il faut qu'il y ait un référendum, on préférerait qu'il soit avant la campagne électorale autant que possible, pour les arguments qui ont déjà été mentionnés à maintes reprises, pour que les électeurs se concentrent là-dessus. C'est sûr que ce n'est pas un référendum comme ceux de 1980 et 1995, où il y a énormément de choses à aborder quand on parle de fédéralisme versus indépendance, là. Il n'y a pas autant de thèmes à aborder, de choses à expliquer que ça, mais c'est quand même un enjeu important dont il faut que la population puisse parler de cela.

Et aussi il y a une autre raison qui n'a pas encore... je ne pense pas que ça a été mentionné par d'autres intervenants, il y a une autre raison aussi, c'est qu'on ne veut pas que la réforme du mode de scrutin soit liée à la popularité ou l'impopularité du gouvernement ou des partis de l'opposition. Bon, là, présentement, évidemment, notre parti au pouvoir est en... le parti qui est au pouvoir à l'Assemblée nationale est en tête dans les sondages. Le premier ministre est, je crois encore, le premier ministre provincial le plus populaire au pays, tout ça, bon, ça pourrait changer. Et aussi, bon, évidemment, il y a deux partis de l'opposition qui sont en course à la chefferie. On ne veut pas que la victoire du camp du Oui ou du Non soit liée à la popularité ou à l'impopularité d'un des nouveaux chefs de l'opposition ou du chef du gouvernement. On veut vraiment que ça soit quelque chose de traité séparément, là, et que les... bien, c'est ça, que les électeurs se penchent uniquement là-dessus et que ça soit fait avant 2022 s'il faut qu'il y ait un référendum.

Mme Robitaille : Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Bachand) : 2 min 20 s.

Mme Robitaille : Et donc on ne fait pas le référendum en même temps que les élections, de toute évidence.

M. Morissette (Guy) : Avant les élections, s'il faut qu'il y en ait un.

Mme Robitaille : Oui. Et l'idée que le chef du parti ne puisse pas mener la campagne du Oui ou du Non, est-ce que ça, ça vous dérange? Quel rôle vous pensez que les chefs de parti devraient avoir s'il y a un camp du Oui ou du Non, s'il y a un référendum?

M. Morissette (Guy) : Bien, Mme la ministre avait dit : Ils ont quand même le droit d'avoir une opinion là-dessus, là. Ce n'est pas... ils ne sont pas tenus d'avoir la bouche cousue à ce sujet-là, donc.

Mme Robitaille : Oui, donc, vous n'êtes pas mal à l'aise avec ça, là. Même si le chef du gouvernement n'est pas le chef de la campagne du Oui, ça ne vous dérange pas?

M. Morissette (Guy) : Non, ce n'est pas quelque chose qui... C'est sûr qu'on pourrait croire... On peut comprendre que certains partis de l'opposition... et on peut voir aussi pourquoi... bon, peut-être pourquoi Mme la ministre a balisé ça dans le projet de loi n° 39. On peut voir pourquoi certaines personnes diraient, au fond : Il pourrait y avoir un conflit d'intérêts. C'est comme si... Imaginez-vous que vous allez à une entrevue pour un emploi puis que vous dites à votre futur employeur exactement les questions qu'il a le droit de vous poser dans l'entrevue qu'il va vous faire, les sujets qu'il a le droit d'aborder, les sujets qu'il n'a pas le droit d'aborder, tout ça, alors que c'est vous qui... C'est la même chose, au fond. C'est la façon qu'on choisit nos dirigeants, donc la façon qu'un patron choisit ses employés. Les patrons, c'est les électeurs. Et donc c'est sûr qu'on peut voir qu'il y aurait peut-être un petit conflit d'intérêts à ce que les mêmes gens qui s'adressent aux électeurs leur disent comment voter pour le même système qui va les reporter ou non au pouvoir. Il pourrait y avoir un petit conflit d'intérêts là-dedans, mais... Le député de Rimouski l'a dit maintes fois, là, c'est certain que les électeurs vont vous poser la question, puis de ne pas avoir le droit d'y répondre, de ne pas... tu sais, de vous censurer à ce sujet-là.

Mme Robitaille : Merci. Je n'ai pas d'autre...

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.

M. LeBel : Moi, ce que j'ai compris, j'aurais le droit de répondre, mais je ne pourrais pas être porte-parole, je ne pourrais pas faire partie du camp du Oui, mais je pourrais parler.

Ce que les gens des régions veulent, ce n'est pas de dire qu'il y en a tout pour Québec ou pour Montréal, c'est le fait que les pouvoirs sont centralisés à Québec puis que, quand on veut avoir des choses en région, bien, il faut toujours passer par Dieu le Père, qui est à Québec puis qui décide pour nous autres. On aimerait bien ça pouvoir prendre nos décisions, puis c'est pour ça que le poids politique est important, que nos députés sont importants, parce que c'est eux autres qui font le lien avec Québec, avec les ministères. Ça fait que la présence des députés est importante en région, puis l'accès aux députés est important.

Ça fait que je comprends ce que vous dites par rapport à la proportionnalité, avoir le droit de voter pour un député, mais pouvoir donner au moins ton point de vue sur un parti, mais, comme on parlait un peu ce matin... je disais : Le monsieur de Blanc-Sablon qui est content qu'il y ait élu un député de conservateur sur la liste, mais que le député conservateur est basé à Jonquière, bien, il ne le verra pas bien, bien souvent. Ça fait que c'est pour ça que...

M. Morissette (Guy) : En personne, non, mais on est quand même en 2020, là.

M. LeBel : Oui, oui, mais...

M. Morissette (Guy) : Je comprends que vous n'aimez pas les visioconférences ou Skype, tout ça, là, mais, je veux dire, ça peut régler quand même un certain nombre d'enjeux, là.

M. LeBel : Oui, mais, regarde, si c'est des députés de visioconférences que vous visez, ça ne marchera pas, ça ne passe pas.

Ça fait que, là, ce que je dis, la façon de régler ça, d'arriver à ce qu'on nous propose, c'est de garder les 17 régions, mais d'ajouter quatre députés, qu'on pourrait arriver, par ça, à trouver la façon de garder le poids politique des régions, avoir accès à des députés et de permettre à des gens de faire valoir leur position. Quatre députés, est-ce que vous seriez d'accord... ou vous dire : Est-ce qu'on est bloqués à 125? Est-ce qu'on pourrait parler de quatre députés nouveaux, qui nous permettraient... permettraient à la ministre de passer à travers son projet de loi? Parce que, si on ramène ça à 10 régions, je vais vous dire, il va y avoir une levée de boucliers, puis on n'y arrivera pas. Ça fait qu'il faut garder les 17 régions, quatre députés, pour passer le projet de loi.

M. Morissette (Guy) : Je ne suis pas convaincu à 100 % qu'il y aurait une telle levée de boucliers. Je veux dire, c'est pour la proportionnalité. Tu sais, je veux dire, on ne leur demande pas de se sacrifier pour ne rien obtenir en retour, on leur demande : Écoutez, acceptez, par exemple... bon, Bas-du-Fleuve et Gaspésie, acceptez d'être une seule région au niveau électoral, pas au niveau des centres intégrés de santé et services sociaux, puis des choses comme ça, là, purement au niveau électoral, pour avoir la même proportionnalité que les électeurs de Montréal et Québec ou une proportionnalité comparable aux électeurs des centres urbains. Alors, on ne leur demande pas de sacrifier leur identité régionale. Bien, premièrement, justement, je ne pense pas que ça va faire disparaître l'identité régionale, le simple fait d'être regroupés dans une région électorale.

M. LeBel : Je vous invite à venir dire ça aux Gaspésiens. Vous allez voir, vous allez avoir du plaisir.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

M. LeBel : Je vais aller assister à votre...

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

• (17 h 40) •

Mme Fournier : Oui, merci beaucoup. Bien, merci pour votre présentation. Pas de langue de bois, je pense qu'on aime ça. Si je peux renchérir sur les questions de la collègue de Bourassa-Sauvé, qui évoquait, justement, tous ceux qui ont l'argument de l'instabilité que la réforme du mode de scrutin pourrait induire à l'Assemblée nationale, je pense que vous y avez bien répondu. Moi non plus, ça ne m'inquiète pas, parce que je n'ai effectivement pas l'impression qu'avec le système de financement public que nous avons ni la... disons, l'épée de Damoclès où la perception publique peut peser sur les épaules des partis politiques qui déclenchent des élections alors que le mandat a été très court. Je pense que ça, ce sont des freins très importants pour, disons... qui assurent, en contrepartie, une meilleure stabilité.

Ceci dit, il y a cette perception-là quand même, là, dans la population. On le voit, on l'entend, notamment dans les médias. Donc, en ce sens-là, où ce n'est peut-être pas obligatoire, ce n'est peut-être pas... mais ce serait intéressant quand même d'avoir, justement, l'encadrement des motions de censure pour, du moins, rassurer la population. Est-ce que vous êtes d'accord?

M. Morissette (Guy) : Oui, c'est ça. Ce n'est pas une mesure à laquelle on s'oppose, mais c'est comme j'avais dit à propos, justement, de la parité... non, pas à propos de la parité, mais plutôt, comme j'avais dit... ah oui, c'est ça, c'est l'entrée des chefs à l'Assemblée nationale, des chefs de tiers partis, tout ça, c'est que ce n'est pas quelque chose qu'on considérait comme étant d'importance aussi capitale, là, que les trois points qu'on a soulevés aujourd'hui. Mais, effectivement, encadrer les motions de censure, comme ça se fait en Allemagne et peut-être ailleurs, ce n'est pas une chose à laquelle on s'opposerait, mais ce n'est pas non plus une condition sine qua non pour qu'on appuie le projet de loi n° 39.

Mme Fournier : Je comprends, ce n'est peut-être pas capital pour changer le projet de loi qu'on a devant les yeux, mais c'est peut-être capital pour que ce soit accepté par la majorité la population. Puis je pense qu'autant... je pense que vous êtes favorables à la réforme du mode de scrutin peu importe, peut-être, les changements qui sont adoptés dans le projet de loi, mais je pense que ça, c'est important à être considéré.

M. Morissette (Guy) : Les craintes d'instabilité sont... je crois qu'elles sont tout simplement injustifiées, là. La formule... va quand même favoriser les grands partis, on ne se retrouvera pas avec 20 partis à l'Assemblée nationale du Québec. On va peut-être en avoir, tu sais, à la limite, trois plus... peut-être le mien, celui de M. Fortin, celui de M. Tyrrell, mais on ne se retrouvera pas avec 10 partis de plus à l'Assemblée nationale, puis je ne pense pas qu'on va avoir besoin de coalitions de trois, quatre, cinq partis pour gouverner, là. Et puis, encore une fois, au risque de me répéter, je veux dire, les partis ne nagent pas dans l'argent, alors, s'ils déclenchent des élections, il faut qu'ils aient une caisse électorale, il faut qu'ils soient prêts à les financer, ces élections-là, alors... puis c'est ça.

Et il y a aussi la foudre des électeurs. On l'a vu ici même, dans le système actuel, on l'a vu au fédéral, on l'a vu au provincial, des partis être pénalisés, être punis par les électeurs pour avoir déclenché trop tôt des élections.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Merci beaucoup de votre contribution aux travaux.

La commission ajourne ses travaux, justement, jusqu'au mardi 4 février, après les affaires courantes, où elle va poursuivre son mandat. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 42)

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