(Neuf
heures trente-trois minutes)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Bon matin à tous et à toutes.
Des voix :
...
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre! Donc, ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Je vous souhaite la bienvenue, et je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
petite sonnerie de leurs appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et
aux auditions publiques sur le projet
de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de
scrutin.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Allaire
(Maskinongé) remplace M. Lafrenière (Vachon); M. Lemay
(Masson) remplace M. Lamothe (Ungava); M. Poulin
(Beauce-Sud) remplace Mme Lecours (Les Plaines); Mme Jeannotte
(Labelle) remplace M. Lévesque (Chapleau); M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs) remplace M. Martel
(Nicolet-Bécancour); et M. Nadeau-Dubois
(Gouin) remplace M. Fontecilla (Laurier-Dorion).
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Également, j'aurais besoin du
consentement pour que la députée de Marie-Victorin puisse assister à la
séance d'aujourd'hui. Consentement?
Des voix :
Consentement.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bachand) : Consentement. Merci beaucoup.
Donc, ce matin, nous
débuterons par les remarques préliminaires puis nous entendrons les groupes
suivants... Non, il n'y a pas de remarques
préliminaires, ce matin, désolé, c'est les groupes. On l'a fait hier, on ne
répétera pas ça ce matin, vous serez
d'accord. Donc, nous allons avoir quatre groupes ce matin : le Réseau des
tables régionales de groupes de
femmes du Québec, la Centrale des syndicats du Québec, la Fédération autonome
de l'enseignement ainsi que la Fédération québécoise des municipalités.
Je
souhaite donc la bienvenue aux représentantes du Réseau des tables régionales
de groupes de femmes du Québec. Je
vous rappelle que vous avez 10 minutes de présentation, après ça on a un
échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.
Merci beaucoup.
Réseau des tables régionales
de groupes de femmes du Québec
Mme Crevier (Linda) : Oui. Bonjour, mesdames et messieurs. Nous sommes
heureuses d'être ici afin de participer aux consultations sur le projet
de loi n° 39.
Le Réseau des tables
régionales de groupes de femmes du Québec est un regroupement féministe de
défense collective des droits constitué en
1997. Chacune des 17 tables régionales de groupes de femmes du Québec sont
membres actives du réseau et
représentent ensemble 426 groupes membres qui rejoignent au quotidien des
centaines de milliers de femmes
d'âges, de religions, d'orientations sexuelles et d'origines diverses. Il est
le plus gros regroupement féministe multisectoriel
au Québec. Porte-voix des régions, il favorise la prise de parole collective
des tables régionales tout en respectant les particularités régionales. De plus, le réseau travaille en
complémentarité et en collaboration avec l'ensemble des groupes et des regroupements nationaux du mouvement des
femmes ainsi qu'avec différents partenaires partageant les mêmes valeurs.
Le présent mémoire
est le fruit d'une réflexion collective faite par le réseau en collaboration
avec les tables de groupes de femmes membres de ce réseau. Il vise à bonifier
ce projet de loi à l'aide de mesures structurelles pour une représentation
paritaire diversifiée et équitable pour les régions.
En premier lieu, le réseau souhaite rappeler que
les femmes du Québec font toujours face à une discrimination systémique
et qu'il demeure des inégalités persistantes, notamment en ce qui a trait à
l'accès des femmes au pouvoir. Nous voulons
une égalité différenciée, pluraliste et inclusive, notamment des femmes
autochtones, des femmes racisées, immigrantes,
des femmes de la diversité sexuelle, des jeunes femmes et des femmes vivant
avec un handicap. Nous défendons que
la sous-représentation des femmes dans les lieux de pouvoir est une tendance
qui ne saurait être démentie par les résultats d'une seule élection, celle de 2018. Nous constatons que le gouvernement
a manqué l'occasion d'envoyer un signal fort en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, car le projet de
loi à l'étude ne comporte aucune mesure permettant véritablement de
corriger le déficit démocratique de la sous-représentation politique des
femmes.
Nous
croyons fermement qu'il faut enchâsser la parité dans le projet de loi sur la
réforme du mode de scrutin pour que des
mesures structurelles en découlent et qu'ainsi une société égalitaire soit
réellement prônée et mise en valeur au
Québec. C'est pourquoi le Réseau des tables régionales de groupes de femmes du
Québec propose que la parité soit inscrite dans la Loi électorale du
Québec afin de lancer un message politique clair à la société.
Mme Gauthier (Marie-Andrée) : Afin de réellement favoriser la représentation
paritaire et diversifiée des femmes, la
mise en place d'un nouveau mode de scrutin doit être complétée par des mesures
structurelles contraignantes et incitatives qui donnent des résultats tangibles. Pour cette raison, nous proposons
que les partis soient tenus de présenter un minimum de 40 % de candidates aux sièges de circonscription et qu'ils poursuivent des efforts pour atteindre
50 % de candidates, que les
listes régionales des partis comportent une alternance obligatoire de
candidatures féminines et masculines, en commençant par une femme, que les partis soient tenus, dans
chaque région, de présenter un nombre de candidatures de personnes issues
des minorités ethnoculturelles équivalant à
la composition sociodémographique de
la région, et ce, tant pour les sièges de
circonscription qu'au sein des listes régionales, où ces candidats et
candidates devraient être positionnés en premier tiers de liste, que des
données sur l'origine ethnoculturelle des candidates et des candidats et des
élus soient intégrées aux différentes
statistiques existantes lors d'élections. En plus de ces mesures, les partis
devraient veiller au recrutement de candidates d'horizons divers,
notamment des femmes de la diversité sexuelle, des jeunes femmes, des femmes
monoparentales ou des femmes vivant avec un handicap.
Par
ailleurs, la proposition gouvernementale interdit la double candidature, alors
que cette mesure pourrait pallier certains des obstacles systémiques que
doivent surmonter les candidates aux sièges de circonscription. Rappelons qu'il a été démontré qu'aux élections de 2018 les
femmes étaient plus nombreuses que les hommes dans les circonscriptions dites casse-gueule. La double candidature
permettrait à des candidates défaites au sein de circonscriptions quasi perdues
d'avance d'accéder à l'Assemblée nationale si leur parti remporte des sièges de
compensation. Par ailleurs, la double candidature permet d'augmenter l'impact
des mesures d'alternance femmes-hommes et d'inclusion des minorités
ethnoculturelles, puisqu'elle se répercute au niveau des circonscriptions.
Enfin, les partis
politiques sont des acteurs centraux de la démocratie représentative au Québec.
Il importe que les partis soient tenus à une
obligation de moyens, mais également de résultats. Ainsi, nous proposons :
que les partis soient tenus de se doter de deux plans d'action à
l'interne et faire rapport annuellement au DGEQ — donc, il y aurait un premier plan d'action qui prévoit des mesures
concrètes pour atteindre la parité et l'égalité entre les femmes et les hommes
au sein du parti et un deuxième plan
d'action pour atteindre une représentation équitable des minorités
ethnoculturelles; de plus, qu'à
compter de 40 % d'élues au sein d'un parti des bonifications financières
au fonctionnement des partis soient octroyées et versées dans un fonds
dédié à la réalisation du plan d'action en matière de parité et d'égalité; que,
lorsque le pourcentage des personnes élues issues des minorités
ethnoculturelles reflète la composition sociodémographique
du Québec, des bonifications financières au fonctionnement des partis seraient
octroyées — le
travail de notre regroupement en soutien aux femmes souhaitant accéder
aux postes de pouvoir nous a permis de constater que les ressources financières
insuffisantes constituent un obstacle, rappelons que les femmes ont toujours un
revenu inférieur aux hommes, l'écart étant
encore plus marqué entre les femmes racisées et les hommes blancs; afin de
pallier à cette discrimination
systémique qui pose un frein à la représentation des femmes, qu'à compter de
40 % de candidatures féminines
au sein d'un parti les candidates et les élus reçoivent un remboursement majoré
de leurs dépenses électorales.
• (9 h 40) •
Mme Gosselin
Pellerin (Audrey) : En deuxième lieu, le Réseau des tables partage la
préoccupation gouvernementale quant à la
représentation adéquate des régions à l'Assemblée nationale. Cela dit, nous
constatons que, selon les règles de
répartition des sièges de région proposées dans le projet de loi, quatre
régions, soit l'Abitibi-Témiscamingue, le
Bas-Saint-Laurent, la Côte-Nord et la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine,
n'auraient qu'un seul siège de compensation et la région du Nord-du-Québec n'en aurait aucun. Le nombre de sièges de
compensation pour ces régions nous apparaît insuffisant pour permettre
de corriger les distorsions du mode de scrutin majoritaire uninominal à un
tour. De même, elles sont insuffisantes, là,
pour assurer, là, une réelle expression de la volonté populaire. Ces cinq
régions n'auront donc pas véritablement
accès à un système électoral proportionnel mixte. De fait, le modèle proposé
instaurera une proportionnelle à deux vitesses, au détriment des régions
peu densément peuplées.
De
plus, la proposition gouvernementale instaure un système rendant impossible
pour ces régions la mise en place de
mesures structurelles permettant de favoriser une représentation juste des
femmes dans toute leur diversité. En effet, avec des listes régionales de partis ne comportant qu'une seule
personne, l'alternance femmes-hommes des candidatures est tout simplement irréalisable. Dès lors, le Réseau
des tables propose que chaque région administrative dispose d'un minimum
de deux sièges de compensation.
De surcroît, puisque
notre regroupement documente depuis maintes années les obstacles auxquels se
heurtent les femmes en politique, nous savons que plusieurs d'entre elles
affirment vouloir faire de la politique autrement. Cette autre politique s'incarne notamment dans des partis émergents qui,
à toutes fins pratiques, seraient exclus de l'Assemblée nationale en raison du seuil de 10 % proposé
dans le projet de loi. Ces femmes se présentant sous la bannière de ces partis
se retrouveraient donc elles aussi exclues
de cette instance. C'est pourquoi le Réseau des tables propose que le seuil
minimal d'attribution des sièges de compensation soit fixé à 3 %
des votes valides exprimés à l'échelle du Québec.
En troisième lieu, nous rappelons que la société
québécoise s'est maintes fois positionnée en faveur d'un changement du système électoral. De ce fait, nous affirmons
qu'un référendum portant sur un nouveau mode de scrutin ne nous apparaît
pas nécessaire. En outre, nous croyons que
l'échéancier référendaire mis de l'avant ne favorisera pas un exercice de
réflexion démocratique éclairé sur le mode de scrutin.
Mme Crevier (Linda) : En conclusion, le gouvernement a toutes les
données et les analyses en main pour mettre en place un mode de scrutin
respectueux des principes de reflet de la volonté populaire de représentation
paritaire et diversifiée, de pluralisme
politique et de représentation adéquate des régions. Il a l'occasion de
démontrer qu'au contraire des
gouvernements qui l'ont précédé il priorise l'intérêt de l'ensemble de la
population québécoise à celui de son parti et qu'il n'a pas peur d'effectuer une réforme ambitieuse et vitale pour
la santé démocratique au Québec. En définitive, cette réforme se doit d'être égalitaire et équitable pour toutes les
femmes, sinon elle ne fera que réaffirmer un déni de justice historique.
C'est pourquoi il est crucial de bonifier la proposition gouvernementale avec
les mesures susmentionnées, basé sur l'expertise de notre regroupement en
condition féminine et en soutien à l'action des femmes au pouvoir.
À
la suite de la mise en oeuvre de cette réforme, le Réseau des tables régionales
de groupes de femmes du Québec soutient
qu'il importerait de recourir à l'analyse différenciée selon les sexes afin
d'effectuer l'évaluation du mode de scrutin. Nous invitons d'ailleurs le gouvernement à bonifier cet instrument de
gouvernance reconnu depuis 1995 en y intégrant une perspective
intersectionnelle afin d'évaluer les répercussions du mode de scrutin sur les
femmes et les hommes d'horizons divers en tenant compte du genre et d'autres
facteurs identitaires tels que l'âge, les handicaps, l'orientation sexuelle,
l'orientation ethnique et le revenu.
Nous
vous remercions pour cette opportunité de porter les voix des femmes des
régions. Il est maintenant le temps de passer à l'action pour réellement
affirmer qu'au Québec nous voulons une société égalitaire.
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment de votre
présentation. Période d'échange qui va débuter, maintenant, avec Mme la
ministre, pour une période de 15 min 15 s. Mme la ministre.
Mme LeBel :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci de votre
présence, merci de votre témoignage et merci, surtout, de votre mémoire,
qui est quand même très bien étoffé, assez complet, surtout sur les enjeux qui vous préoccupent le plus. Vous avez
abordé pas mal tous les sujets dans votre mémoire, mais peut-être que
je vais en mettre en lumière quelques-uns pour fins de compléter un peu votre
argumentaire et nous éclairer davantage.
Votre
regroupement regroupe 17 tables régionales, si je ne me trompe
pas, donc je comprends que... une table par région administrative
actuelle? Parfait. Vous avez également indiqué, dans votre mémoire, que, bien
que ce ne soit pas la position
traditionnelle ou historique de la CSQ, la répartition de 80 sièges de
circonscription et de 40 sièges régionaux vous apparaissait quand
même...
Une voix :
...
Mme LeBel :
Je ne suis pas à la bonne page? Non, je ne suis pas à la bonne page, pantoute,
excusez-moi. Oui, non, j'étais dans
la... J'ai passé... Qu'est-ce que vous pensez de la... Ma question, je
l'avais... Mais qu'est-ce que vous pensez de la répartition? Parce que vous mentionnez que, pour des questions de
proportionnalité... Je comprends parfaitement bien l'argumentaire de la proportionnalité et de la
représentation, c'est-à-dire que l'objectif d'un nouveau mode de scrutin est
d'avoir, naturellement, une représentation
plus proportionnelle à l'Assemblée nationale. Effectivement, compte tenu de
certains choix qui ont été faits de
garder l'identité régionale, de préserver l'identité régionale, qui est très
chère aux gens puis qui doit sûrement vous être véhiculée par vos 17
tables régionales, on a choisi de garder les 17 régions administratives. Il y a
nécessairement... On l'a dit d'entrée de jeu
et on ne s'en cache pas, chaque élément où on fait des choix, où on fait le
choix de mettre de l'avant un
principe plutôt qu'un autre a nécessairement un effet sur les autres principes.
Ce sont tous des vases communicants.
Vous prônez la diminution des régions administratives pour avoir une meilleure
représentativité à l'intérieur des régions ou d'avoir moins de régions?
Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) : En fait, on ne propose pas... notre proposition ne va pas dans le sens de réduire le nombre de régions. Nous, ce
qu'on dit, c'est qu'on croit que chaque région administrative doit avoir un
minimum de deux sièges de compensation pour
que chaque région puisse avoir accès à la proportionnalité, à ce que soit
exprimé le pluralisme politique des électeurs et des électrices de
chacune de ces régions.
Mme LeBel : ...nécessairement soit une diminution du nombre de régions administratives ou une augmentation du
nombre d'élus à l'Assemblée nationale. Je veux dire, avez-vous anticipé l'effet
de ça? Parce que nous, on garantit des
sièges, dans le projet de loi, on garantit un siège de circonscription et un
minimum d'un siège de région par circonscription, à l'exception
d'Ungava. Donc, on a une certaine garantie. Cette garantie-là a des
conséquences sur d'autres aspects, c'est-à-dire
que, on l'a vu dans les journaux, ça fait en sorte que certaines régions
perdent des sièges. Donc, avez-vous envisagé
les conséquences? Parce que ce sont des vases communicants. Nous essayons de
trouver le mode de scrutin qui va rallier
le consensus le plus large possible, parce que l'objectif est qu'il soit
accepté et qu'il passe, ultimement, tous les tests, donc celui de
l'Assemblée et, plus tard, celui du référendum. Il y a des choix à faire. Il y
a des choix à faire. Naturellement, certains
choix affectent l'indice de proportionnalité, nous en sommes conscients, et
c'est pour ça qu'on discute avec les
groupes. On est en consultations pour trouver la meilleure zone possible mais
acceptable aussi par le plus grand nombre de gens possible pour se
donner la chance de franchir ce pas historique, je pense, pour la société
québécoise. Alors, avez-vous anticipé
l'effet que ça aurait? Et avez-vous discuté avec vos 17 tables régionales de
l'effet que ça aurait? Parce qu'il va
y avoir un effet. Le principe que vous mettez de l'avant est fort louable et
théoriquement vrai, mais on ne vit pas
juste dans la théorie, on vit dans la pratique. Donc, je voulais voir si vous
aviez discuté des effets et anticipé les effets de ça et quelle était la
réaction de vos membres, surtout.
Mme Gauthier
(Marie-Andrée) : Bien, ça a donné lieu à une discussion très riche,
chacune avait son mot à dire sur la
question. On est conscientes des conséquences qu'il pourrait y avoir pour
certaines régions. On est surtout conscientes qu'il pourrait y avoir des conséquences positives ou des gains pour
d'autres régions puis qu'au Québec, oui, l'objectif d'une réforme du mode de scrutin est d'être plus
proportionnel, mais c'est aussi, pour nous, une occasion d'être plus
égalitaire, plus diversifié, et donc
d'atteindre un pluralisme politique. Et, sur ce, nos 17 membres des 17 régions
administratives étaient d'accord que
l'objectif qu'on poursuivait avec nos propositions était d'avoir une société
plus égalitaire, plus diversifiée. Donc, pour nous, le fait d'avoir plus...
d'avoir deux sièges de compensation par région venait à assurer un pluralisme
politique qui convenait à l'ensemble de nos membres.
Mme LeBel :
O.K. Ce qui m'amène au seuil de 3 %, qui est un peu interrelié avec cette
même notion de pluralisme politique,
vous l'avez dit, on en a discuté, quand même, avec plusieurs groupes, hier, qui
nous... Bon, le seuil, présentement, de
discussion est fixé à 10 %, mais une discussion est ouverte sur ce
sujet-là. Certains nous ont proposé des seuils, bon, de 5 %, d'autres de 2 %. Alors, pourquoi
vous avez fixé à 3 %? Et qu'est-ce qui fait que... La majorité ont dit
5 %, même, d'ailleurs, hier, pour diverses raisons. Mais qu'est-ce
qui fait que vous avez choisi le nombre de 3 %? Pourquoi 3 %, dans
votre cas?
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) : Bien, je pense qu'on partage avec toutes ces
organisations-là que le seuil de 10 % nous apparaît trop élevé, est
un trop grand frein au pluralisme politique. On a choisi 3 %, c'est le cas
du Mouvement Démocratie nouvelle aussi, on estime que c'est un seuil adéquat
pour vraiment permettre...
Mme LeBel :
5 % serait également adéquat, selon votre évaluation.
• (9 h 50) •
Mme Gauthier
(Marie-Andrée) : En fait, le plus important pour nous, c'est que plus
le seuil est élevé, moins les
résultats sont proportionnels, puis ça, c'est le DGEQ qui l'a dit dans un
rapport en 2007. Donc, pour nous, 3 %,
ça nous amène à atteindre notre objectif de pluralisme politique puis de
refléter la volonté populaire. Si le seuil est un frein, on n'aura pas le pluralisme politique. Donc,
10 %, pour nous, c'est trop; 3 %, c'est notre idéal, ça nous apparaît
plus adéquat; 5 %, c'est la mesure mitoyenne.
Mme LeBel :
Merci. Parlons de la double candidature un peu. Vous l'avez mentionné au
passage, mais, même si ce n'est pas
un élément qui est central à la notion de proportionnalité, on s'entend que ça n'a
pas d'effet sur la proportionnalité nécessairement. Qu'est-ce que vous
avez... Peut-être nous en dire un peu plus. Et pourquoi vous favorisez la
double candidature?
Je
dois vous dire que, dans mes consultations préalables — parce que j'ai rencontré beaucoup de
personnes, et, dans certains
mémoires, d'ailleurs, c'est soulevé — ressort la notion de cohabitation d'élus,
comment on va organiser les gens qui sont élus par le mode de scrutin
traditionnel, c'est-à-dire à travers la porte de la circonscription, et ceux qui accèdent à l'Assemblée nationale à travers la
porte des listes, pour le dire comme ça. Une fois assis à l'Assemblée nationale, ce sont tous des députés dûment élus et
légitimement élus, avec la même légitimité — moi, j'y crois — avec les mêmes fonctions, avec la même autorité. Mais certains craignent la
cohabitation et, entre autres, je m'explique, le fait qu'un député de circonscription qui se
retrouverait à la fois sur la liste pourrait théoriquement avoir été battu dans
la circonscription, c'est-à-dire ne
pas avoir été choisi par les gens, et se retrouver, par le biais de la
redistribution, du calcul de redistribution, peu importe qu'on la prenne nationale, régionale — peu importe, là, ce n'est pas ça, mon
propos — se
retrouver à siéger dans la même région que l'adversaire contre qui il a
fait campagne, qu'ils se retrouvent donc à travailler ensemble pour la même région, mais un ayant été battu et
l'autre ayant accédé par la liste. Donc, est-ce que vous y voyez, vous,
peut-être, un enjeu? Et pourquoi vous préconisez tout de même la double
candidature malgré ces arguments-là?
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) : En fait, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on veut
éviter qu'il y ait une hiérarchie entre
les deux types de députés que ce système créerait. Selon nous, le fait, là, de
permettre la double candidature, on l'a mentionné, c'est inscrit dans notre mémoire, ça permettrait à des femmes
qui... on l'a vu en 2018, ça a été démontré, là, dans un article de Noémi Mercier, qu'elles sont plus nombreuses dans les
circonscriptions casse-gueule. Ça leur permettrait, disons, de... ça
nous permettrait de pallier à cet obstacle systémique auquel elles sont
confrontées.
Il
y a aussi le fait que les personnes, donc, qui seraient dans les... candidates,
candidats dans les sièges de région pourraient
donc faire campagne, puisqu'ils se présenteraient également pour des sièges de
circonscription, donc feraient campagne,
se feraient connaître par la population, ce qui pourrait éviter, là, l'aspect
où les gens disent que les députés de sièges de région ne seraient pas
connectés avec la population. Donc, on estime que, pour ça, ça viendrait
bonifier notre démocratie. Et puis on estime
que la population souhaite que les députés collaborent, et donc, dans ce
sens-là, on veut... même si des candidats s'opposent, bien, par la
suite, ils doivent, pour représenter la population, travailler ensemble.
Mme LeBel :
D'où le changement de culture qui sera nécessaire, par contre.
Mme Gosselin
Pellerin (Audrey) : Voilà. D'où faire la politique autrement.
Mme LeBel :
Je pense que c'est un des éléments clés d'une réforme du mode de scrutin tel
qu'on le propose, c'est d'avoir une mentalité, une façon de faire différente
dans le futur. Merci.
Parlons,
bon, de la parité, naturellement, qui est un des éléments qui vous tient le
plus à coeur... pas le plus, mais un des éléments qui vous tient très à
coeur. Vous nous suggérez... Bon, on parle des listes, de l'alternance sur les
listes, ça revient
dans plusieurs discussions qu'on a eues dans la journée d'hier. Vous
introduisez, par contre, un seuil minimal de 40 % de candidatures au niveau des sièges de circonscription. Par
rapport aux listes, on l'a vu hier,
on avait, bon, le rejet de la liste,
qui pourrait être la conséquence ultime, c'est-à-dire, tant qu'elle
n'est pas conforme, naturellement, on permettrait aux partis politiques, théoriquement, dans la discussion qu'on a eue hier... et je mets ça sur la table
pour fins de réflexion, on verra ce qu'on fera avec ça plus tard, mais
on pourrait permettre aux partis d'adapter leurs listes jusqu'à ce qu'elles
soient jugées conformes. Naturellement, il y a toujours une date limite à tout
ça.
Mais, en
matière de circonscriptions, députés de circonscription, on le sait,
la plupart ou la majorité des collègues sont
dans des partis politiques où on fonctionne avec un autre palier de démocratie,
qui est l'investiture. Donc, comment peut-on
leur permettre de garantir ça? Et quelle serait la conséquence de ne pas
respecter 40 %? Parce qu'à toute obligation
prend une conséquence. Donc, quelle serait
la conséquence? Et comment vous proposez que ça ne devienne pas un obstacle?
Parce qu'il faut quand même... Je suis pour des mesures les plus incitatives
possible, mais, encore une fois, je me dis, on
ne vit pas dans la théorie, on vit dans le vrai monde, là. Il faut les
recruter, ces femmes-là, et les difficultés de recrutement ne sont pas quelque chose
qu'il faut ignorer, non plus, malgré la bonne volonté de tout le monde.
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Tout à fait. Bien, deux choses. La première, c'est pour ça qu'on prévoit... on propose, dans notre mémoire, qu'il y ait des
plans d'action qui soient associés à chacune des mesures. Donc, via un plan
d'action, il y aurait des mesures, avec le soutien financier adéquat, pour
réfléchir à ces questions. Puis on pense aussi que le DGEQ a une part de travail à faire ou de réflexion pour alimenter
la prochaine loi qu'on va avoir. On peut imaginer une période, entre le
projet de loi puis l'adoption de la loi, où le DGEQ pourrait contribuer aux
réflexions.
Chose certaine, pour nous, l'alternance
femmes-hommes dans les listes régionales est une mesure positive pour corriger une discrimination historique, une
discrimination systémique historique. Après, il faut trouver les bonnes mesures pour pallier à cette tendance. Est-ce que
le rejet de la liste est une option, pourrait être une option envisagée?
On n'a pas poussé nos réflexions plus loin sur le rejet.
Mme LeBel :
...liste, ça me va, parce qu'il y a plusieurs options qui nous viennent en
tête, et, sur la liste, bon... théoriquement,
au moment où on se parle, sur la liste, les partis politiques risquent d'avoir
plus de latitude. On verra les statuts de
chacun, puis je ne veux pas me mêler de ça, mais théoriquement. Mais, en
matière de circonscriptions, je voulais voir, qu'est-ce que vous... Est-ce que c'est le rejet de la candidature? Et de
quelle candidature? Parce que, s'ils atteignent 30%, 70 %
des hommes, quelles candidatures, quelles circonscriptions, quels
rejets, qui on rejette? Je veux dire... Et là on entre tous dans le droit de se présenter, le droit d'association. Je veux juste qu'on... Je veux qu'on soit clairs, je suis pour la
parité, naturellement, je veux dire, et c'est une des raisons, probablement, pour lesquelles je suis assise ici, mais il faut que ce soit faisable. Donc, je voulais juste voir par rapport aux circonscriptions, mais je comprends que la réflexion est à
pousser puis je respecte ça.
C'est parce
que je veux juste vous amener, peut-être, sur un autre point, où vous, vous parlez qu'à
compter de 40 % d'élues il y ait
une bonification financière accordée aux partis politiques. Là, on entre dans un domaine beaucoup plus délicat, parce que l'élection d'un
candidat, c'est le choix des citoyens. Et j'y vois une certaine... même si
c'est noble, et je trouve ça extrêmement louable, j'y vois une certaine forme d'iniquité pour les partis qui
auront fait tous les efforts, auront
présenté votre 40 % de candidatures, auront fait l'alternance sur les
listes mais n'auront pas atteint, pour toutes sortes de raisons, le 40 % d'élues que vous
préconisez. N'y voyez-vous pas une forme d'iniquité pour les partis qui auront
fait l'exercice et...
• (10 heures) •
Mme Gauthier
(Marie-Andrée) : Non, nous,
on n'y voit pas une forme d'iniquité, c'est plutôt une façon de renforcer
les efforts vers l'égalité. Puis on pense que, quand le système va être
inclusif, quand le système va être à la lumière... à l'image des citoyennes du Québec, on pense qu'il va... on émet l'hypothèse
qu'il va y avoir plus de candidates qui vont se présenter au sein des
partis. L'idée est de changer le système. Le système, actuellement, ne permet
pas d'assurer une représentativité, une parité. On ne s'y retrouve
pas, en tant que citoyennes. Il n'y a pas de femmes en situation de handicap
visible, ou peu, ou très peu, il y a peu de
femmes racisées, il y a peu de femmes... Il y a peu de mesures, aussi, pour
conciliation famille-implication parlementaire. Toutes ces mesures... L'absence
de ces mesures-là fait en sorte qu'il n'y a
pas... on n'atteint... Comment on peut s'assurer qu'à long terme on va
atteindre une zone de parité au Québec? L'idée est de changer
systématiquement la Loi électorale pour corriger ces inégalités qui sont
historiques.
Donc, pour nous, les bonifications financières
viseraient à renforcer les efforts des partis, et, des femmes, comme je le
répète, on émet l'hypothèse qu'il y en aura, au sein des partis. L'idée est
de... Puis on peut, encore là, imaginer une
période où il y aurait ces bonifications financières là, puis après elles
pourraient s'estomper au fur et à mesure du temps avec une évaluation,
d'où l'idée d'un plan d'action qui a des mesures, du soutien financier, une
évaluation qui est prévue. C'est quelque chose de majeur que vous proposez comme projet de loi. L'idée, c'est
aussi de se donner les moyens de le mener à terme et à long terme.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je me tourne maintenant vers l'opposition officielle pour une période de
10 min 10 s. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci
beaucoup, M. le Président. Bienvenue. Bon matin, mesdames. Merci de participer à la discussion
dans le contexte du projet de loi n° 39.
Je vais aborder deux sujets puis je voudrai absolument
laisser du temps à ma collègue, M. le Président, avec votre permission, pour
poursuivre sur les mesures de parité et comment on peut atteindre ces objectifs
extrêmement importants. Mes deux points seront, d'abord,
sur le référendum et, le second, sur la proportionnelle à deux vitesses qui est
initiée par ce projet de loi là tel que rédigé.
Référendum.
L'entente signée par le premier
ministre en mai 2018 ne parlait pas
de référendum. L'entente — puis
je vous vois acquiescer — prévoyait que la dernière élection, c'était l'esprit. Certains
vont vous dire : Ah! on va vous plaider la lettre, mais l'esprit était clairement que l'engagement qui avait été
signé par le premier ministre était à l'effet que les dernières élections sous l'actuel système électoral,
c'étaient celles de 2018, puis, en 2022, ce serait sur le nouveau proportionnel
mixte, en ce sens-là. Donc, il y a eu volte-face du premier ministre et il y
aura un référendum. C'est ce qui est prévu.
Donc, de un,
vous le déplorez, vous dites : Il n'y a pas besoin de référendum, qu'on
respecte l'entente. Ce n'est pas la situation, ça ne sera pas le cas.
Deuxième élément aussi, et je vous cite, page 18 : «...la tenue
d'élections générales et référendaires simultanées ne favorisant pas un
exercice de réflexion démocratique éclairée sur le mode de scrutin.» J'aimerais vous entendre là-dessus pour que... Et
ça, là, à l'heure actuelle, là, c'est unanime, là. On me détrompera, là,
mais vous êtes le 10e groupe qu'on
entend, c'est unanime à l'effet qu'on ne peut pas tenir un référendum en même
temps qu'une élection. J'aimerais vous entendre là-dessus. Pourquoi ça
ne tient pas la route?
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Ça ne tient pas la route parce que ça fait 50 ans que la société
québécoise réfléchit puis s'est positionnée
en faveur d'un changement du système électoral. Depuis 1970, il y a eu sept
consultations parlementaires ou
paragouvernementales qui ont eu lieu. De tous ces processus-là, il est ressorti
six rapports officiels, donc incluant celui de 2008 du DGEQ, qui, tous,
concluaient à la nécessité de remplacement du mode actuel. Donc, on ne voit pas pourquoi il faudrait encore une
fois aller en... bien, encore une fois aller en référendum, mais tenir un
référendum sur cette question-là, alors que la société québécoise s'est
déjà penchée sur la question.
Puis aussi les provinces qui ont tenu des
référendums n'avaient pas emprunté tout le parcours qu'on a là, actuellement, ni ne disposaient d'un historique
aussi long. Pour nous, il est important de respecter les processus citoyens
démocratiques qui ont déjà eu lieu par le passé, donc depuis 1970, et auxquels
ont largement participé la population, la société
civile, les groupes de femmes. Donc, pour nous, il n'est plus question de
répéter des choses qui ont déjà été faites, il faut maintenant passer à
l'action.
M. Tanguay : Sur
l'aspect de tenir une campagne électorale en même temps qu'un référendum, vous
dites que ce n'est pas une bonne réflexion
démocratique. En quoi ce n'est pas un bon exercice démocratique de faire les
deux en même temps?
Mme Gauthier
(Marie-Andrée) : Bien, parce qu'il y aura... il y a plusieurs enjeux
qui sont traités dans le cadre d'une élection, donc d'ajouter en plus un
référendum avec autant d'articles, autant de dispositions, il y aurait là toute
une éducation populaire à faire qui, un, a
déjà été faite puis, deux, les gens... ça pourrait apporter de la confusion. Et
donc on aurait une réforme du mode de scrutin qui n'aurait pas lieu, et
donc on n'aurait pas la parité non plus... qui serait pour les prochaines
élections. Pour nous aussi, la parité n'est pas un enjeu à mettre dans un
référendum.
M. Tanguay : Ah! tout à
fait. Et ça, ça a déjà été dit, effectivement. Ça a déjà été dit, vous y faites
écho. Effectivement, il y aurait moyen... Ça a même été proposé hier par le
groupe femmes et démocratie, à l'effet de dire : Bien, faites en sorte
qu'à tout le moins il y ait un plan A, c'est que l'on fasse des mesures
impératives pour la parité pour ce qui est des candidatures et, le cas échéant,
des femmes élues, mais sortez ça de la réforme du mode de scrutin et faites en
sorte, puisqu'on travaille sur la Loi électorale qui est ouverte devant nous,
que ça soit mis en place indépendamment du
mode de scrutin et indépendamment du référendum. S'il devait... Donc, je veux... Vous ne l'abordez pas directement, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.
Si d'aventure il y a un référendum, évidemment, vous dites :
Ne le faites pas en même temps que l'élection. Vous n'avez peut-être pas
verbalisé cette approche-là, mais je prends pour
acquis que, vous, s'il y a un référendum, à ce moment-là, vous le voudriez
avant l'élection générale et non pas
après, l'autre bord des élections, parce que, là, il est clair que, là,
on retarderait le processus de mise en place, là. C'est ce que je comprends,
même si ce n'est pas rédigé dans votre mémoire.
Mme Gauthier
(Marie-Andrée) : Bien, dans le fond, notre proposition qui irait dans
ce sens-là, c'est que la campagne du
scrutin référendaire ne chevauche pas une élection générale, donc idéalement
avant, surtout dans le cadre d'un mandat du gouvernement actuel.
M. Tanguay : Et le scénario où ce serait après,
là, vous, là, c'est le pire des scénarios. Je veux dire, après le référendum, pour la mise en application après
les élections de 2022, pour vous, ce serait le pire des scénarios. J'en déduis
cela, là.
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Parce que le pire des scénarios, ça serait de rester avec le système qu'on a actuellement, et donc après, ça ne serait vraiment
pas souhaitable, considérant tous les efforts qu'on a mis, à court terme,
pour participer à cette consultation, notamment.
M. Tanguay :
Merci beaucoup. Page 16 de votre mémoire, vous
dites : «...quatre régions n'auraient qu'un seul siège de compensation et une région n'en aurait
aucun.» C'est ce qui vous fait dire qu'il s'agit d'une proportionnelle...
le projet de loi n° 39, c'est une
«proportionnelle à deux vitesses», cinq régions n'auront pas véritablement
accès à un système électoral proportionnel mixte. Et là j'aimerais vous
entendre là-dessus. Donc, il y aura 17 régions administratives. Vous soulevez qu'il y a
des régions qui vont être pénalisées en termes de poids représentatif. Deux
choses l'une, est-ce qu'on diminue le
nombre de régions ou est-ce qu'on augmente le nombre de députés? Et ça, vous
allez me permettre... Puis je veux laisser du temps à ma collègue, là.
Ça, là, on touche au coeur d'un grief fondamental qui fait en sorte que, pour
nous, nous disons que ça ne tient pas la route. Il faut avoir la politique et
les systèmes électoraux de sa géographie.
On
va souvent citer l'Écosse, l'Écosse qui rentre 20 fois dans le Québec et
qui a 129 députés. Une fois qu'on a dit ça, ça peut marcher en Écosse, mais ça marche difficilement au Québec,
où on est 20 fois plus gros que l'Écosse et on a moins de députés. Une fois que j'ai dit
ça, ça, c'est mon argument, ce n'est pas le vôtre, je ne mets pas des mots
dans la bouche, mais vous avez ciblé
là une proportionnelle à deux vitesses, vous le verbalisez en ce sens-là, où
vous dites : Bien, ça ne tient pas la route, là, il faut faire
quelque chose, là.
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) : Donc, effectivement, on estime que, pour
l'instant, dans les mesures proposées, ce
n'est pas toutes les régions, là, qui ont le même accès à la proportionnalité.
Cela dit, nous, on souhaite qu'il y ait l'élément proportionnel et qu'il soit implanté dans chaque
région, puis on estime qu'avec au moins un minimum de deux sièges de
compensation par région on peut exprimer le pluralisme politique. Mais
rappelons-nous, nous voulons également que
chaque région ait accès aux mesures qui permettent, là, d'accéder à la parité
femmes-hommes, donc que chaque région puisse avoir l'alternance
femmes-hommes sur les listes régionales de parti.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, pour 2 min 40 s.
Mme Robitaille :
2 min 40 s, O.K. Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci,
mesdames, d'être ici aujourd'hui.
Écoutez,
je veux juste faire un petit «wrap-up», justement, sur la parité. Quand
on regarde le projet de loi, en fait, on parle de parité, grosso modo, à deux endroits, puis on répète la même chose à l'avant-dernier paragraphe du préambule et puis à l'article 259.0.4, qui, en fait, dit que les partis politiques devraient se donner des objectifs de parité et les énoncer au Directeur
général des élections mais sans devoir prendre aucun engagement.
Vous,
vous regardez ça puis vous nous dites : Bien, est-ce que
ce n'est pas juste cosmétique? On l'a entendu plus tôt, d'autres groupes de femmes nous ont dit :
C'est très, très timide. Vous, vous allez plus loin, vous nous dites :
«Or, nous constatons que le gouvernement a manqué l'occasion d'envoyer un signal fort en faveur de l'égalité
entre les [hommes] et les [femmes].» Vous êtes déçues de ce projet de
loi là en termes de parité?
Mme Crevier (Linda) : Bien
sûr, parce que ça fait... comme on
expliquait, l'historique démontre que la parité n'est pas là. En 2018, quelque chose est arrivé, donc c'est 42 %, on le félicite, mais est-ce qu'on va maintenir ça? Le fait que
ça a fonctionné... Il faut assurer qu'on ne fait pas de recul, qu'on avance,
qu'on aille vraiment pour une vraie égalité. Dans
la société, quand on travaille, on doit, justement, rendre compte. Il y a des façons
de faire, d'avoir des plans d'action et des façons de suivre l'évolution
de ça. Il y a d'autres pays qui sont dans ce processus-là, qui ont fait des
réussites, justement, à copier, donc c'est possible. C'est sûr qu'on voudrait
vraiment avoir quelque chose de plus dans la loi.
• (10 h 10) •
Mme Robitaille :
Vous nous dites : Plus structurant, incitatif, hein, pour avoir entre
40 % et 60 %, très important, mais vous allez encore plus loin.
On en a parlé hier, le Conseil du statut de la femme avait des positions un peu
différentes là-dessus, mais vous nous
dites : On devrait carrément donner... vous en parliez à la ministre tout
à l'heure, aller... en tout cas, inciter,
donner certain... En tout cas, comment vous disiez ça, bonifier financièrement
les partis qui ont 40 % de plus d'élues, de femmes? Pourquoi aller
aussi loin? Pourquoi aller plus loin que l'exercice démocratique, en fait,
serrer la vis, d'une certaine façon?
Le Président (M. Bachand) : Malheureusement, tout le temps a été fait, est
passé. Là, le député de Gouin a la parole. M. le député de Gouin, pour
2 min 32 s.
M. Nadeau-Dubois :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames, merci d'être ici avec
nous aujourd'hui. J'ai peu de temps, je vais aller directement à ma question.
Vous proposez des mesures d'alternance pour les
listes — on est
bien d'accord avec vous là-dessus — des mesures incitatives et aussi des mesures
punitives pour ce qui est des
candidatures en circonscription. Mais votre première proposition, c'est
d'inscrire la parité dans la Loi électorale pour lancer un message politique. J'aimerais que vous nous parliez de
cette première recommandation là. Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
Puis surtout quelle forme ça pourrait prendre, concrètement, dans le projet de
loi?
Mme Gauthier
(Marie-Andrée) : Bien, en
fait, concrètement, ça sera des
mesures structurelles contraignantes, incitatives, parce que, si... On
veut inscrire la parité dans la loi parce qu'au Québec les femmes font toujours
face à des discriminations systémiques : il y a des inégalités
persistantes qui demeurent, il y a des obstacles systémiques, par exemple la
socialisation sexiste, le poids inégal des responsabilités domestiques,
familiales ou de proche aidance, il y a un
financement d'investiture inaccessible pour plusieurs, il y a des difficultés
d'accès à des circonscriptions gagnables, il y a des traitements médiatiques inégaux, il y a des réseaux sociaux
insuffisants. Donc, voilà tous des exemples de discrimination systémique. Donc, quand il y a un système qu'il
faut changer, il faut qu'on ait une loi, il faut qu'on ait des mesures qui nous
permettent d'aller à la source du problème et, pour ce faire, il faut que la
parité soit inscrite dûment dans la loi.
M. Nadeau-Dubois :
Votre 12e recommandation, c'est de s'assurer qu'il y ait un minimum de
deux sièges de compensation par région. Si
pour atteindre... si pour remplir cette recommandation-là, si pour la
satisfaire, il fallait augmenter le nombre de
députés, disons, au total, à l'Assemblée nationale du Québec, est-ce que, pour
vous, il y aura un problème? Est-ce que vous avez un problème avec ça ou est-ce
que... En fait, est-ce que vous en avez parlé avec vos membres? Est-ce que
c'est quelque chose que vous êtes prêtes à envisager?
Mme Crevier (Linda) : Les
discussions, ce que je me souviens, c'est qu'on est à l'aise avec ça si on
était, justement, pour être capables de répondre aux besoins de la population
puis atteindre la parité.
M. Nadeau-Dubois :
Donc, pour vous, ce n'est pas un problème qu'il y ait, disons, 127, 128,
129 élus plutôt que 125?
Mme Crevier (Linda) : Non.
M. Nadeau-Dubois : Parfait.
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel :
Bonjour. C'était un peu ma question, parce qu'effectivement — moi, je viens du Bas-du-Fleuve — si on rajoute un député de plus, même
chose en Gaspésie, au bout de la ligne, c'est certain que ça va augmenter le
nombre de députés. Il ne faudrait pas aller chercher des députés de liste
ailleurs pour les amener dans le Bas-Saint-Laurent. Ce n'était pas ça, votre
idée?
Mme Gauthier
(Marie-Andrée) : L'idée
qu'on promeut, c'est le pluralisme politique. L'idée, c'est que les régions
aient accès à la proportionnelle.
M. LeBel : Non, je
comprends, mais, si... Je m'excuse,
mais parce que, si on demeure à 125 députés, c'est sûr que, si je
veux avoir un député de plus dans le Bas-du-Fleuve, il faut que j'aille le
chercher ailleurs. Et l'idée, ce n'est pas d'enlever ailleurs, c'est de
s'assurer qu'il y ait un pluralisme, et, pour ça, il faudra augmenter le nombre
de députés. On ne sera pas capables de passer à travers autrement.
Le référendum,
je veux juste revenir là-dessus. C'est certain que tout ça, c'est un changement
de culture énorme, là. Les circonscriptions vont être beaucoup plus grandes, les citoyens vont vouloir savoir
comment ça fonctionne. Tu sais, moi, chez
nous, je le dis souvent, là, moi, je suis à Rimouski,
j'ai le Haut-Pays de la Neigette, mais là je vais rajouter toute la région
des Basques, Trois-Pistoles, la région du Témiscouata à ma circonscription. Les
gens vont vouloir savoir comment ça
fonctionne. Une campagne référendaire pourrait servir à ça, à expliquer comme
il faut puis faire en sorte que le
Oui l'emporte. Et, pour ça, moi, comme député, j'ai un rôle à jouer, il
va falloir que j'y aille. Et là ce qu'on nous propose, c'est que les députés ne seraient pas... ne feraient pas... ne
pourraient pas faire partie d'une campagne référendaire. Moi, il me semble qu'il faudrait un référendum, puis le
chef du Oui devrait être le premier ministre du Québec. À votre avis?
Mme Gauthier
(Marie-Andrée) : On n'a pas d'avis sur la question que le premier
ministre devrait... quel rôle le premier ministre devrait avoir.
Toutefois, ce qu'on sait, c'est qu'une campagne référendaire en même temps qu'une campagne électorale, ça va mener à de la
confusion, puis on ne va pas atteindre notre objectif de proportionnalité
et de parité, de société égalitaire diversifiée, donc, pour nous, il faut que
ce soit distinct.
M. LeBel : Merci. Je pense la
même chose.
Le Président (M.
Bachand) : Ça va, M. le député, oui? Mme la députée de
Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier :
Merci beaucoup, mesdames. Votre présentation et votre mémoire sont très
complets mais aussi très clairs.
Je vais revenir
sur la question de la double candidature, parce que, présentement, ce n'est pas
dans le projet de loi, comme vous
l'avez bien mentionné. Je considère que ça peut peut-être être intéressant,
justement, de l'étudier, voir si on peut l'ajouter. Toutefois, vous avez
spécifié que vous étiez en faveur de la double candidature, notamment, bon, parce que ça va inciter davantage de femmes à se
présenter, notamment en limitant les barrières systémiques, et vous avez
également évoqué la question de la hiérarchisation
des candidats. Mais, dans ce cas-là, est-ce que vous croyez que ça devrait
être une disposition obligatoire? Parce que,
dès lors qu'on le permet mais que ce n'est pas obligatoire, il demeure une
certaine possibilité de hiérarchiser les candidats. Est-ce que vous avez
une position à cet effet?
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) :
Bien, je m'avancerais pour dire que non, on n'a pas de position. On croit que
la double candidature doit être permise.
Mme Fournier : Mais, si ce
n'est pas obligatoire, vous ne pensez pas que ça peut entraîner les mêmes
effets que vous craignez?
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Ça pourrait. Tu sais, il y a là des réflexions, je pense, qu'on pourrait... que
le DGEQ pourrait mener. Je pense que... Mais est-ce que... Si elle était
obligatoire, je pense qu'on ne serait pas opposées à cette option.
Mme Fournier :
O.K. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup de votre présence ce
matin. C'est très apprécié.
Je vais suspendre les travaux quelques instants
pour demander au prochain groupe de prendre place. Et, avec l'expérience
qu'on a eue hier, parce que la commission
est très populaire, je vous demanderais de faire ça rapidement et, si possible,
dans la plus grande discipline et le silence, s'il vous plaît. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
10 h 17)
(Reprise à 10 h 19)
Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup. La
commission reprend ses travaux.
Il
me fait plaisir, maintenant, d'accueillir les représentants de la Centrale des
syndicats du Québec. Comme vous savez, vous
avez 10 minutes de présentation, et après ça on aura un échange avec les
membres de la commission. Encore une fois, bienvenue, et la parole est à
vous.
Centrale des syndicats du Québec
(CSQ)
Mme Éthier
(Sonia) : Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre,
membres de la commission. Alors, la CSQ est
fière de participer à ce rendez-vous historique que constitue cette commission
parlementaire. Alors, à ma droite, je
suis accompagnée de M. Mario Beauchemin, qui est vice-président à la
Centrale des syndicats du Québec, à ma gauche, M. Matthieu Pelard, qui est conseiller à l'action professionnelle,
et moi-même, présidente de la Centrale des syndicats du Québec.
• (10 h 20) •
Et, pour vous situer, la Centrale des syndicats du
Québec comporte 200 000 membres,
dont 125 000 proviennent du secteur de l'éducation et de l'enseignement
supérieur. Et ce qui est important de vous dire, c'est que nous représentons
quand même 75 % de femmes.
Alors,
tout d'abord, on tient à souligner cette démarche qui vise à modifier le mode
de scrutin actuel. Puis ce qu'il est important
de dire, c'est que c'est pour... La raison fondamentale, c'est pour que chaque
voix compte. Ce n'est pas la première fois
que la CSQ réfléchit à cette question.
À trois reprises, on a préparé des mémoires — le premier, c'est quand même en 1980 — et, à plusieurs reprises, on a consulté
nos membres, et, à chaque fois, les principes qui étaient importants pour les gens, nos membres, sont les suivants,
puis je pense que c'est important que je vous les dise : instaurer un
principe de votation simple,
réfléchir le plus possible... refléter la volonté populaire, viser la parité
entre les femmes et les hommes, favoriser l'équité de représentation
pour les minorités ethniques, accorder une voix politique aux Premières Nations,
traduire le pluralisme politique
de la société québécoise
et exprimer l'importance des régions dans la réalité québécoise.
Donc, à la lumière de
ces principes, vous pouvez constater que le projet de loi ne répond que
partiellement aux principes que nous
soutenons comme organisation. Et, en ce sens, on a 10 propositions à
soumettre au gouvernement pour modifier le projet de loi. Et la première
des choses, c'est qu'on veut vous exprimer notre déception à l'effet que le gouvernement ait renié sa promesse concernant
l'échéance de mise en vigueur du nouveau mode de scrutin en 2022, et, pour nous, c'est un recul et c'est une
déception. Et, pour nous, ça serait important quand même que le gouvernement
regarde s'il y a toujours possibilité de
tenir ce nouveau mode de scrutin en 2022 et à condition, évidemment, que le
DGEQ puisse organiser le tout. Sinon, on comprend que ce sera en 2026,
mais c'est vraiment très loin.
Donc, sur la première
question du projet de loi qui nous soumet, comme idée, les 125 sièges
répartis dans... et 96 sièges de
circonscription, la position historique de la centrale, ça a toujours
été 127 sièges et ça constitue une proportion de 60 %-40 % entre les sièges de
circonscription et les sièges de compensation. Donc, c'est légèrement différent
et ça pose peut-être quelques problèmes, comme on nous a... qu'on a
entendus, là, lors des interventions précédentes.
Et,
sur la question de la parité, prévue aux articles 259.0.4 et aussi dans
les considérants du projet de loi, ça ne permet pas d'avancer sur la voie de l'égalité de représentation à l'Assemblée
nationale. Et, pour nous, là, ce sont des voeux pieux, et ça n'oblige en
rien les partis d'assurer la parité entre les femmes et les hommes, et, pour
nous, c'est cosmétique. Donc, on a deux
recommandations, que vous trouvez aux pages 6 et 7 et qu'on a entendues
des différents intervenantes et
intervenants précédents : la parité, donc l'alternance entre les femmes et
les hommes, que ce soit obligatoire et d'avoir un plan d'action
obligatoire pour mettre en oeuvre des mesures concrètes.
Et
un autre principe important pour nous, c'est celui de la représentation des
peuples autochtones. Mais on croit que cette
question devrait être soulevée dans le projet de loi et qu'en ce sens il leur
revient de faire leurs propres propositions, et vous retrouvez une
recommandation dans notre mémoire.
Et, pour
l'article 14, qui divise... la question du territoire en 17 régions
électorales, bien, pour nous, comme pour les
autres intervenants qui se sont exprimés sur cette question, à notre avis, ça
crée des distorsions au profit des partis les plus forts, donc, en plus du deuxième bulletin qui aurait un effet
moindre dans plusieurs régions. Pour corriger cette lacune, comme bien d'autres intervenants, nous pensons
qu'il faudrait avoir un minimum de deux députés de compensation de liste
par région et de réduire le nombre de régions électorales à 14. Et je passe la
parole à mon collègue.
M. Beauchemin
(Mario) : Merci. Bonjour, tout le monde.
Selon
nous, la méthode utilisée dans le projet
de loi n° 39 ne produit pas une
pleine compensation. La méthode du gouvernement du Québec exclut la moitié des sièges
de circonscription obtenus. Le projet de loi restreint ainsi la pluralité
des représentations parlementaires des régions en
limitant la compensation pour les partis n'ayant pas remporté de
circonscription, favorisant ainsi, selon nous, les partis établis. C'est
pourquoi nous recommandons que soient abolies les
primes aux vainqueurs régionaux et que le calcul de la compensation dans chaque
région se fasse en tenant compte de toutes les circonscriptions locales
emportées.
Par ailleurs, nous ne croyons pas non plus que
le seuil de 10 % soit nécessaire pour assurer plus de stabilité gouvernementale. La plupart des pays ont un seuil
variant entre 3 % et 5 %. Ce niveau permet l'établissement d'un
compromis entre les objectifs de pluralisme politique tout en limitant
l'émiettement de la représentation en de trop nombreuses formations politiques.
Dans sa forme actuelle, la proposition gouvernementale bloque l'accès à la
représentation parlementaire à des partis
qui pourraient avoir un niveau d'appui populaire national important. Donc, on
exclurait des partis qui pourraient
atteindre, là, sur le plan national, des taux de 8 % et même 9 %, ce
qui commence à être assez important. Par
ailleurs, nous croyons que le gouvernement a toute la... Donc, évidemment, on
propose — j'oubliais la
recommandation — de fixer
un seuil national d'accès à la représentation parlementaire entre 2 % et
5 %.
Nous croyons
par ailleurs que le gouvernement a toute la légitimité nécessaire pour adopter
cette loi sans la tenue d'un
référendum. En 2002, par exemple, pendant sept mois, le Comité directeur des
états généraux, sous le leadership de
M. Claude Béland, a rencontré plusieurs centaines de citoyens et de
citoyennes un peu partout au Québec. En 2003, le grand sommet des états
généraux, qui a eu lieu au Centre des congrès de Québec, a accueilli plus de 1 000 citoyens et citoyennes. Et, à la fin de cette conférence,
un verdict est tombé : ça prend un scrutin de type proportionnel. Entre
autres, en 2008, la direction
générale des élections du Québec concluait aussi à la nécessité de remplacer le
mode de scrutin actuel.
Comme d'autres intervenants et intervenantes
l'ont aussi dit, lors des dernières élections, 70 % des suffrages exprimés
sont issus des partis politiques signataires de l'entente transpartisane pour
la réforme du mode de scrutin. Et en 2019,
un sondage réalisé par Léger Marketing conclut que près de 70 % des
Québécois et des Québécoises tiennent à ce que le gouvernement respecte
son engagement à réformer le mode de scrutin.
Toutefois,
si le gouvernement devait tout de même tenir un référendum, nous
recommandons que celui-ci ne se tienne pas pendant la campagne
électorale de 2022 et que le référendum se tienne à l'intérieur d'une période
de 12 mois après l'adoption
de la loi à l'Assemblée nationale. En tenant un référendum en même temps que les élections générales, les
citoyens et les citoyennes seront davantage préoccupés par les
choix électoraux qu'ils auront à faire, et, entre autres, les journalistes seront davantage
accaparés par la campagne électorale, parce
que suivre deux campagnes avec des
enjeux très, très, très importants, c'est difficile, donc, à la fois pour
les citoyens et pour la couverture journalistique. Et je pense
qu'il faut prendre le temps de bien faire les choses et faire oeuvre de
pédagogie. Je prendrais l'exemple de la Colombie-Britannique,
en 2005, où ils ont obtenu un résultat positif, même si le seuil était établi à
60 %. Pendant un an, la population de cette province a pu suivre, dans les
médias et en direct, les travaux de l'assemblée citoyenne, s'éduquer avec elle
sur les différents modes de scrutin,
soupeser les options et se forger une opinion réellement informée. Nous pensons
aussi que, dans ce cadre-là, il faut permettre aux élus de l'Assemblée
nationale d'exercer un leadership pendant cette campagne référendaire.
À cet
égard, nous recommandons que les membres de l'Assemblée nationale, y compris
les chefs de partis politiques, puissent s'engager dans la campagne, et
que le Directeur général des élections du Québec fournisse à la population
québécoise les informations et les outils nécessaires à la compréhension de la
loi sur la réforme du mode de scrutin dans le cadre du référendum, et qu'il
s'assure que la question soit formulée dans un langage accessible. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la ministre, s'il vous plaît.
• (10 h 30) •
Mme LeBel :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci de votre présentation. Encore une
fois, comme tous les autres groupes précédents, je dois dire, c'est des
présentations très bien étoffées. On voit que chacun d'entre vous, y compris vous, avez bien étudié les possibilités,
les différentes modalités, ce qui a sûrement dû vous amener à constater que,
quand on parle d'un système de scrutin mixte
compensatoire, comme on préconise de le faire, chaque modalité influence
une autre, donc ce sont des vases
communicants. On peut jouer dans le nombre de régions, on peut jouer dans le
nombre de compensations, on peut
jouer dans la formule, donc, on peut aller sur... on peut jouer dans le seuil.
Quand je dis «jouer», ce n'est pas de façon péjorative, je veux
dire, on peut ajuster ou augmenter, diminuer, on peut... bon, et à chaque fois
il va y avoir un effet sur plusieurs principes qui sont mis de l'avant dans ce
système-là.
Et je veux le
répéter parce que je veux que ce soit très clair que ce qu'on recherche de la
partie gouvernementale, et avec
certains de mes collègues qui sont plus particulièrement en faveur,
c'est-à-dire Québec solidaire et le Parti québécois, sur le mode de scrutin, et ma collègue, aussi, qui
est ici, c'est de trouver un équilibre, un équilibre entre tout ça. La
représentativité régionale est
extrêmement sensible et importante. La stabilité gouvernementale n'est pas un
principe non plus qu'il faut négliger.
On procède avec ce mode de scrutin là depuis de nombreuses années, hein? Le
mode de scrutin actuel, il est, je
pense... il n'est pas le champion, c'est peu dire, de la proportionnalité, mais
il a, à tout le moins, la qualité d'avoir... d'assurer des gouvernements majoritaires dans la grande partie des
élections, ce qui, à mon sens, va être amené à changer parce qu'on a
déjà plusieurs partis politiques qui sont représentés à l'Assemblée nationale,
outre le fait qu'on est dans un mode traditionnel, un scrutin plus
traditionnel.
Mais, si je
dis ça d'entrée de jeu, c'est parce qu'il y a des effets sur chacun des choix
que, au final, on va être amenés à
faire, et chacun de ces choix-là sont faits en fonction d'un principe
particulier. La décision de franchir le Rubicon et de se diriger vers un
mode de scrutin compensatoire mixte, c'est d'avoir nécessairement l'objectif
d'avoir plus de proportionnalité. On
n'atteindra pas la proportionnalité pure, je pense que tout le monde en
convient, mais c'est d'avoir plus de
proportionnalité. Dans les choix actuels qui ont été faits, on coupe de moitié
la distorsion. Bon, d'aucuns diront que ce n'est pas suffisant, mais
nous coupons quand même de moitié la distorsion.
Ça m'amène à vous amener sur un de vos points
sur... Mais je comprends aussi le principe de la pluralité politique. Je comprends aussi le principe de l'équité
interrégionale et de la proportionnalité. Je le comprends. Certaines régions
avec qui je discutais... certains
représentants de certaines régions étaient prêts, au nom de l'identité
régionale, de sacrifier un peu de
proportionnalité, je peux vous le dire. Donc, c'est ça, les principes
s'affrontent constamment dans les choix, c'est ce que je veux vous dire.
Si
on veut atteindre une meilleure proportionnalité ou une meilleure chance de
pluralité politique pour les régions, tel
que vous le prônez, ce n'est pas sorcier, il y a trois possibilités. Bien,
peut-être pas juste trois, mais il y en a trois grandes qui me viennent
en tête : celle que vous préconisez, c'est-à-dire de diminuer le nombre de
régions à 14, il y a aussi l'augmentation du
nombre de sièges à l'Assemblée nationale, avec tout ce qui en découle, les
budgets, l'argent public, mettre en
place... donc avec tout ce qui en découle, ou il y a une redistribution du
nombre de sièges différente, donc il risque d'y avoir des régions telles
que Montréal, la Montérégie, la Capitale-Nationale, entre autres, des régions
plus vastes ou plus nombreuses qui
pourraient perdre des sièges. Et déjà on le voit dans les calculs qui ont été
faits avec les faits, bien, Montréal,
entre autres, pourrait perdre des sièges, la Montérégie aussi, mais c'est le
minimum, si on veut. On est allés, nous, au minimum de la redistribution
pour avoir un effet proportionnel, donc, tout étant une question d'équilibre.
Vous
préconisez, vous, dans ce que... j'allais dire «dans ces trois solutions-là»,
la diminution du nombre de régions. Parfait. Je fonctionne comment et
quelle région je sacrifie en termes d'identité régionale?
Mme Éthier (Sonia) : Bien, écoutez, dans un premier temps, on n'a pas
réfléchi à l'idée de dire quelle région... bon, dans quelle région, là, ça, on n'est pas allés jusque-là. Mais
l'idée, c'est vraiment de dire, comme on l'a bien indiqué dans notre mémoire : Pour essayer d'avoir le
moins de disproportionnalité, on pense que ce serait la meilleure solution.
Vous avez donné l'idée... les trois possibilités, 14 régions, augmenter le nombre de sièges, le budget,
l'argent, oui, mais, écoutez, je
pense que les gens, les citoyennes, les citoyens, ce qu'ils veulent, c'est du changement. Je
pense que c'est important. On a eu
des sondages qui démontrent que, le mode
de scrutin actuel, les gens en sont
insatisfaits, et je pense qu'il faut
procéder à des changements. Et la question de diminuer le nombre de régions est
une avenue pour nous qui est correcte, là.
M. Pelard (Matthieu) : J'ajouterais aussi qu'on comprend bien l'aspect
«compromis» de manière à ne pas rater le
virage historique que le projet de
loi que vous amenez, Mme la ministre. Cependant, il est important que le compromis soit réalisé, et c'est pour ça que, dans notre
mémoire, on précisait qu'on était en accord avec la répartition des
80 sièges de circonscription et des 45 sièges régionaux.
Cependant, le nombre de régions doit refléter le nombre d'électrices et d'électeurs de manière à avoir une meilleure représentation à l'Assemblée nationale et de
représenter la diversité des opinions à l'intérieur du Québec.
La méthode de calcul
que vous amenez... certes, on a des effets de levier qui sont soit le nombre de
régions ou la compensation. Cependant, la méthode de calcul est difficilement
compréhensible, et de la clarté, de la facilité de compréhension est nécessaire pour croire dans les institutions. C'est
pour ça qu'on demande aussi une révision de la méthode de calcul pour
l'attribution des sièges compensatoires.
Mme LeBel : Parfait. Je vous amène sur la question du référendum.
Je sais que mon collègue d'en face va le faire aussi, mais j'en
profite quand même pour le faire. Outre le fait que, pour vous, le référendum
était une surprise, effectivement, et qu'on ne prône... Vous ne prônez pas la
tenue d'un référendum, pour moi, c'est bien compris. Mais, dans l'éventualité où il y en aurait un, vous nous
proposez de ne pas le faire en même
temps que la période électorale.
Peut-être juste élaborer sur les raisons pour lesquelles vous pensez qu'il ne
devrait pas se tenir en même temps que la période électorale, nous donner un
peu plus de... Quelles sont vos craintes ou quelles sont vos...
Parce que,
dans plusieurs cas, je vais vous le dire, hein, au Canada, ailleurs
aussi, même en Nouvelle-Zélande, ça s'est fait le... sur le mode de
scrutin s'est fait pendant une période électorale. Et les craintes qu'on ne
remporte pas ou que les gens n'aient pas une compréhension nécessaire pour voter correctement,
bien, ça ne fut pas le cas, là. En
Nouvelle-Zélande, ils ont approuvé le changement de mode de scrutin en même temps
qu'une élection, et ça s'est fait aussi ailleurs. Donc, ce n'est pas...
Je veux juste être sûre. Quelles sont vos craintes? Et comment on peut y
répondre, le cas échéant, si c'est possible de le faire?
M.
Beauchemin (Mario) : J'ai avancé quelques arguments tout à l'heure,
mais moi, je pense qu'il faut se donner quand même, même si c'est arrivé en Nouvelle-Zélande... mais, tu sais,
si on regarde ailleurs au Canada, je pense que, si je ne me trompe pas, là, les deux dernières fois, en Colombie-Britannique
et au Nouveau-Brunswick, ils ne se sont pas donné les conditions
gagnantes pour que le Oui l'emporte.
Mme LeBel :
Il ne faudrait pas inférer du fait qu'un référendum est perdant, de notre point
de vue, que c'est parce que les citoyens n'ont pas compris, là. Je ne voudrais
pas qu'on...
M. Beauchemin
(Mario) : Non, ce n'est pas ça que je dis. Je dis qu'en même temps
qu'une campagne électorale il y a
beaucoup d'enjeux. L'enjeu de la réforme du mode de scrutin, c'est fondamental,
évidemment, dans notre démocratie, mais
il y a à peu près, quoi, une centaine d'autres enjeux qui sont en jeu,
justement, pendant une campagne électorale. Alors, les journalistes, pour informer la population, ils vont couvrir
quoi, davantage la campagne référendaire ou la campagne électorale?
En
plus, qui va mener la barque du camp du Oui ou du camp du Non pendant la
campagne électorale? Normalement, lorsqu'on
propose un projet de loi, les élus qui le proposent s'impliquent, exercent un
certain leadership, et là ce qu'on comprend, c'est que ça ne sera pas le
cas.
Donc,
pour nous, il faut se donner les conditions gagnantes, il faut faire les choses
correctement et prendre le temps. Et,
pendant la campagne électorale... La campagne électorale, c'est quand même
assez court pour faire oeuvre de pédagogie sur une question aussi
fondamentale.
Mme LeBel :
Donc, c'est le manque d'espace, dans le fond, que vous craignez.
M. Beauchemin
(Mario) : Entre autres choses, le manque d'espace et le fait que ça
ajoute beaucoup d'enjeux.
Mme LeBel :
O.K. Peut-être une autre des... bon, des notions que vous abordez, c'est la
notion de parité. Vous choisissez de nous
suggérer de le faire par le biais des listes, des listes qui sont les listes
régionales. Vous nous suggérez également de le faire par l'alternance.
Vous suggérez, donc, d'en faire une obligation. Quelle serait la conséquence du non-respect de cette obligation? Peut-être que
c'est mentionné dans votre mémoire, je m'en excuse, là, mais peut-être
nous le mentionner à haute voix, comment vous envisagez ça. Parce que, si on y
met une obligation, naturellement... j'ai
l'air de me répéter depuis ce matin, mais c'est une réalité, si on met une
obligation, encore faut-il une conséquence ou un incitatif. Donc, lequel
voyez-vous?
Mme Éthier (Sonia) : Bien, dans un premier temps, je pense que, quand on suppose, là, présentement, que les partis n'y arriveraient pas... je
pense que les partis auraient le
temps de se préparer et de trouver des candidates
pour se présenter aux élections. Ce
n'est pas comme si les gens se mettraient à... les partis commenceraient à
mettre en oeuvre cette obligation la
veille des élections, là, ou la veille de la présentation des candidates et
candidats. Je pense qu'effectivement c'est un changement de culture, et, pour nous, les partis peuvent y
arriver. Et je pense qu'avec les propositions qu'on fait, les deux
propositions, que l'alternance
femme-homme soit obligatoire et aussi que les partis politiques... on oblige
les partis politiques à fournir un
plan d'action qui prévoit la mise en oeuvre des mesures concrètes pour
l'atteinte de l'équité de représentation, ce sont des mesures qui feront
en sorte qu'on atteindra la parité.
• (10 h 40) •
Mme LeBel :
Bien, je suis d'accord avec vous sur votre argumentaire, mais, puis avec
beaucoup de respect, ce n'était pas le
fondement de ma question. C'est-à-dire que vous imposez... bien, vous nous
demandez de mettre des mesures beaucoup
plus fortes dans le projet de loi que celles qui sont proposées dans le projet
de loi actuel. Donc, vous demandez une
obligation d'alternance hommes-femmes sur les listes. Je ne sais pas si vous
demandez aussi qu'elles... que quelques-unes... que 50 % d'entre
elles commencent par des femmes, je ne l'ai pas vu, mais, en tout cas, allons-y
sur la... Donc, ça, vous ne le demandez pas,
mais vous demandez une alternance hommes-femmes sur les listes. Vous nous
demandez d'en faire une obligation,
donc qu'est-ce qui se passe si un parti politique ne le fait pas? Et comment
on... Et, dans la loi, si j'impose une
obligation dans une loi, il doit y avoir une conséquence. Ça peut être une
incitation financière, ça peut être une récompense s'ils le font, ça
peut être une punition, mais laquelle aviez-vous envisagée?
M. Pelard (Matthieu) : On n'a pas envisagé de sanction financière ou de
pénalité directement étant donné qu'on laisse au Directeur général
des élections l'applicabilité d'une
telle mesure. Cependant, ce qu'on peut affirmer, c'est que, sans mesure structurelle à l'intérieur d'un projet de loi pour garantir la parité femmes-hommes, on a bien vu, dans les autres
pays de la famille proportionnelle où des
mesures structurelles ont été mises en place, la bonification de femmes élues à
l'Assemblée nationale a été marquée par une augmentation de plus de 10 % par
rapport aux pays ayant un mode de scrutin différent de la proportionnelle mixte. Donc, c'est pour ça que cette
mesure-là va avec l'esprit de la loi sur l'alternance des listes fermées
qui obligerait à avoir une présence paritaire sur les listes en plus de
respecter l'aspect fermé.
Donc, dans cette notion de parité, c'est sûr qu'il
faut discuter des conséquences, comme vous l'amenez, on est bien d'accord. Cependant, il y a assez d'experts qui se
sont exprimés sur le sujet, qui ont, bien entendu, formulé des recommandations
sur le type de conséquence, les modalités
d'application et la proportionnalité vis-à-vis des compensations financières.
Donc, vous avez assez de recommandations
pour aller de l'avant par rapport aux autres groupes qui sont intervenus un
petit peu tôt.
Mme LeBel :
Merci. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à votre Assemblée
nationale. Merci d'être avec nous pour discuter du projet de loi
n° 39.
Je vais laisser du temps, évidemment, à ma
collègue de poser quelques questions. Je vais y aller sur le référendum.
Vous le dites très clairement dans votre
mémoire et dans votre déclaration, et je vous cite, votre mémoire, à la page
4 : «...le gouvernement du
Québec a finalement renié sa promesse concernant l'échéance de la mise en
vigueur du nouveau mode de scrutin pour octobre 2022.» Fin de la
citation à la page 4.
Vous
dites également que mener une campagne référendaire en même temps qu'une
élection... Puis ce n'est pas sur le
point de Mme la ministre, qui disait : Bien là, est-ce à dire qu'on
laisserait entendre que les électeurs n'auraient pas compris? Ce n'est pas ça. Le point, c'est de
dire : Est-ce que le débat démocratique est optimal? Est-ce qu'on a les
garanties d'avoir les pour et les
contre? Et, dans une démocratie, le quatrième pouvoir, médiatique, on doit
faire en sorte que ça percole chez les gens, que les gens vont faire un choix
éclairé, et pour ça — on a
tous des vies extrêmement occupées — ils doivent avoir le temps nécessaire pour capter ça tantôt à la radio, tantôt à la
télévision, tantôt dans les journaux, sur les réseaux sociaux puis se faire une opinion. Il y a un
certain moment dans la journée, dans la semaine où l'action citoyenne se fait.
Et ce n'est pas anodin que de dire... bien,
de mettre une élection, donc, mon député, mes candidats, candidates locaux,
quel gouvernement je veux, sur quel enjeu on
en débat, et rajouter à ça une autre campagne référendaire. Le temps citoyen
de se questionner, bien entendu, n'est pas illimité.
Et
j'ai trouvé un point intéressant. Lorsque vous aviez votre échange avec Mme la
ministre, vous avez dit que les
enjeux n'étaient pas les mêmes. Pensez à une période d'à peu près 34, 35 jours
où vous aurez des porte-parole tantôt du camp du Oui, tantôt du camp du
Non qui seront, pour la très, très grande majorité, nécessairement des
candidats, candidates pour leurs élections.
Bien, moi, comme candidat, je vous le dis, je ne me ferai pas, je crois, élire
sur une position où est-ce que je
suis d'accord ou pas avec le mode de scrutin. Les enjeux qui vont me permettre,
comme candidat, de me distinguer dans
ma circonscription ne sont pas... s'ils le sont, ça ne sera pas uniquement,
mais ça ne sera pas un élément prioritaire...
ce sera sur la santé, l'éducation, et ainsi de suite. Alors, même les
porte-parole vont de facto prioriser d'autres sujets que celui-là, et c'est ce que je trouvais intéressant dans ce que
vous apportiez comme réflexion au niveau du référendum.
De
ce que je comprends, donc, également, puis corrigez-moi si j'ai tort, c'est
que, vous, référendum, s'il y en a un, ce
sera avant, et le scénario qu'il y en ait un après, pour vous, ne devrait pas
être envisagé si on pense à un référendum. Est-ce que je vous ai bien
compris?
Mme Éthier
(Sonia) : Je vais partager la réponse avec mon collègue.
M. Tanguay :
Oui, je vous en prie.
Mme Éthier (Sonia) : Mais, en octobre 2018, nous avions, les organisations syndicales, rencontré la ministre,
et un point qui était très, très
important, M. le
Président, c'était d'avoir un
exercice pédagogique pour faire en sorte que les citoyennes et citoyens comprennent bien qu'est-ce que sera la réforme
du mode de scrutin et à quoi ils vont être mis devant, on va dire ça comme ça. Alors, je pense qu'il faut séparer les
affaires. Ce n'est pas au moment d'un référendum où la population va comprendre qu'est-ce que la réforme du mode de
scrutin et qu'est-ce que ça implique, c'est avant. Dès que le projet de
loi est adopté, il faut que le gouvernement donne les moyens au Directeur
général des élections et que le gouvernement fasse en sorte que les gens comprennent bien les changements. C'est un
changement de culture, c'est un
changement, et, en ce sens-là, je pense qu'il ne faut pas mélanger les
affaires. Un référendum, là, c'est oui ou non et avec une question, qu'on vous a... mon collègue vous a dit tout à l'heure, qui était fort complexe, là. Alors, il faut vraiment,
vraiment distinguer l'exercice de pédagogie qu'on va devoir faire au préalable.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Donc, si je comprends bien, vous dites :
Oui, on est déçus que le gouvernement veuille faire un référendum, ce n'est pas nécessaire.
Mais, si on doit faire un référendum, faisons-le bien, pas en même temps qu'une
campagne électorale. Il ne faudrait pas noyer la campagne référendaire dans la
campagne électorale. Et donc, pour bien
faire les choses, vous nous dites : Bien, il ne faudrait pas que les
députés, il ne faudrait pas que les chefs de parti s'assoient sur la clôture, on a un camp du Oui, un
camp du Non. Et là vous nous dites : Il faut s'assurer que les membres
de l'Assemblée
nationale, y compris les chefs de parti politique, donc y compris le chef du gouvernement, hein, puissent s'engager dans la campagne
électorale. Pourquoi c'est important pour vous?
M. Beauchemin
(Mario) : Bien, c'est tellement un changement fondamental à la fois
dans notre culture et dans notre processus
démocratique qu'on voit mal comment des personnes élues se tiennent sur les
lignes de côté pendant qu'on décide
de l'avenir du mode de scrutin au Québec. Pour nous, c'est fondamental que les personnes
élues, qui vont représenter la population, puissent prendre position et
défendre un camp ou l'autre.
Mme Robitaille : ...l'importance de ne pas faire ça dans une
campagne électorale. Parce que, comme mon collègue le disait, il y aura
d'autres enjeux.
M. Beauchemin
(Mario) : Exact. Oui.
Mme Robitaille : Donc, le chef du gouvernement, les chefs de
parti, bien, d'abord, eux doivent choisir leur camp. Ils doivent dire à la population
pourquoi ils sont pour, pourquoi ils sont contre, et clairement. C'est ça.
C'est ce que vous dites.
M. Pelard (Matthieu) : Pour nous, le pire scénario, c'est de ne pas avoir
une réforme du mode de scrutin de
manière à garantir l'ensemble des principes qu'on a revendiqués. Si le
référendum n'est pas défendu avec le minimum de conditions nécessaires, avec l'éducation, la pédagogie auprès de la population
et que l'ensemble des élus ne participent pas pour l'adoption de ce
référendum, la réforme du mode de scrutin tombera à l'eau. Et c'est pour ça
qu'on justifie l'importance que l'ensemble de la population, personnes élues,
et personnes citoyennes, et citoyens, s'implique dans la compréhension de
l'importance de cette méthode de scrutin.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine,
oui.
• (10 h 50) •
M. Tanguay : Merci
beaucoup. Et, oui... Et, je vous
dirais, nous, vous savez, vous commencez à connaître, là, là où on loge, puis ça participe de notre
démocratie. Et moi, très clairement, comme candidat, je n'aimerais pas devoir
écourter le débat auquel j'aimerais
participer, moi, dans un camp, pour dire : Bien, écoutez,
cette réforme-là, voici pourquoi nous
croyons qu'il y a des écueils majeurs. Et moi, comme personnalité
qui veut me positionner publiquement, moi le premier... comme vous l'avez dit, pour le camp du Oui, le
camp du Non, on veut avoir le temps de faire le débat. Les gens décideront,
c'est la démocratie, on est démocrates. Mais
moi, je ne voudrais pas, et sur le point de ma collègue, que tous agissent
visière levée. Ce n'est pas anodin. On ne peut pas s'en laver les mains
puis dire : Bien, moi, je vais être neutre là-dedans. Vous pouvez le faire, mais l'on ne peut pas le
faire de façon systématique et avoir une formation politique
qui s'en laverait les mains. Alors,
il faut réellement embarquer dans le débat puis dire pourquoi on est pour puis
pourquoi on est contre, puis la population jugera. Et ça, bravo pour cet
éclaircissement-là.
Vous
dites, en page 6 de votre mémoire, dans
le haut, 3.2 : «À défaut d'une bonification de ces derniers — vous parlez des éléments à l'égard
desquels vous êtes critiques — la CSQ croit que le projet de loi n° 39 ne permettra pas de corriger les distorsions du
modèle actuel...» Fin de la citation.
Vous
référiez, un peu plus avant, au fait... et je veux bien vous comprendre, pour
vous, il y a une difficulté accrue due
au nombre de députés, vous augmenteriez le nombre de députés de 125 à 127. Et
j'aimerais vous entendre là-dessus, par rapport à la diminution du
nombre de régions. Et ça, c'est un argument qui revient, encore une fois,
l'immensité du territoire québécois est un
fait géographique et la densité de la population, là où sont les citoyens et la
représentativité effective. Alors,
j'aimerais vous entendre là-dessus, quant aux raisons nécessaires qui vous font
dire : Bien, si vous ne faites pas ces changements-là, on va passer
à côté de la représentation effective, et vous nous demandez donc de considérer
d'augmenter le nombre de députés et de diminuer le nombre de régions.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Éthier (Sonia) : Bien, je vais réexpliquer un petit peu. C'était rapidement... la présentation, on a peu de temps. Mais, dans le fond, ce que je disais, à la page 5, c'est
qu'historiquement nous, on soutient que le territoire du Québec,
c'est 77 circonscriptions, 50 sièges
compensatoires régionaux pour 127 sièges. Ça, c'est la position qu'on a toujours
maintenue. Et on sait que les experts
s'entendent pour dire que le ratio 60-40 entre les sièges, ça, je l'ai dit rapidement,
là, c'est l'idéal, on va dire ça
comme ça. Mais la proposition que le gouvernement fait dans le projet de loi, qui est de 125
sièges, 80-45, là, bien, ça change un peu le ratio 64-36, là. Mais nous,
on se dit, bon, ça peut être un compromis qui soit acceptable, là, c'était quand
même près du 60-40, et c'est un peu ça qu'on vous exprime à la page 5.
Et,
quand on dit, à la page 6, qu'on croit que le projet de loi ne permettrait
pas de corriger les distorsions, bon, on
appuie la réforme du mode de scrutin, mais avec ce que ça veut dire, c'est avec les modifications, les propositions, les 10 propositions qu'on vous a faites,
notamment sur la parité, la question du 10 %, etc., là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin,
s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Merci à vous d'être ici
aujourd'hui. Merci de votre présentation, de votre mémoire. J'ai peu de temps, j'ai deux questions pour vous. Je
vais essayer d'être bref, puis j'espère que vous allez collaborer avec
moi pour qu'on soit capables de répondre aux deux questions.
D'abord,
sur la question du référendum, la ministre a donné, tout à l'heure, l'exemple
de la Nouvelle-Zélande, où il y avait
eu un référendum en même temps qu'une élection et que ça avait été un résultat
en faveur d'une réforme du mode de scrutin. La ministre n'a pas précisé,
par contre, que ce référendum-là avait eu lieu après le changement du mode de
scrutin. Il y a eu plusieurs élections menées sous le nouveau mode de scrutin avant
qu'un référendum soit gagné. Est-ce que ce genre de référendum de validation
pourrait être intéressant, selon vous, si jamais le gouvernement, là, gardait
le cap puis exigeait la tenue d'un référendum?
M. Beauchemin
(Mario) : Oui, nous, ça
faisait partie de nos alternatives de favoriser un référendum
de validation.
M. Nadeau-Dubois : Si le gouvernement maintient son intention d'avoir 17 régions
électorales, vous souhaitez que ce soit diminué à 14. Nous aussi, c'est
une position qu'on a. Si par contre le gouvernement maintenait le cap avec 17 régions électorales afin qu'il y ait
un minimum de deux députés dans chaque région, seriez-vous prêts? Est-ce que
l'augmentation du nombre global de députés au Québec au-dessus
de 125 serait un compromis intéressant, selon vous?
M. Pelard
(Matthieu) : Je crois que le principe fondamental, c'est de respecter
la proportionnalité et d'avoir un meilleur
jeu de compensation par rapport à l'obtention des circonscriptions via le vote
majoritaire. Donc, le compromis qu'on
avait réalisé, c'était de manière à ne pas louper le virage historique de la
réforme, de faire un compromis sur le nombre de sièges de manière à avancer notre argumentaire sur le nombre de
régions. Si, bien entendu, il y a une augmentation du nombre de députés, bien entendu, on a un jeu de
compensation naturel qui va se faire vers les régions. Donc, c'est sûr que,
si des modifications majeures sont apportées
au projet de loi, on devra réexaminer à la fois le jeu de compensation et de
regarder si l'indice de Gallagher n'est pas disproportionné par rapport
au 60-40, comme Sonia Éthier l'a présenté.
Ce qui est important, je pense, de mentionner,
c'est... il ne faut pas oublier de rappeler les besoins des électrices et des électeurs des régions. Et, pour cela, il ne
faut pas diviser le nombre de sièges
de compensation de manière à ce que les
intérêts des électrices et des électeurs des régions ne soient plus représentés à l'Assemblée nationale. Et avec un
trop grand nombre de régions, c'est
exactement ce processus-là qui se déroule, et donc on vient diluer l'aspect
proportionnel de la représentation de la diversité des idées à
l'intérieur de l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Bachand) : ...s'il vous
plaît.
M. LeBel :
Bonjour. Là-dessus, les intérêts des citoyens, c'est aussi d'avoir accès à leur
député, les intérêts des gens de la
Côte-Nord qui auraient une circonscription pour l'ensemble de la Côte-Nord. Les
intérêts aussi, c'est que leur député de
liste soit présent aussi dans leur région, qu'ils y aient accès, qu'ils peuvent
lui parler, qu'ils peuvent aller le rencontrer. C'est pour ça que, moi,
les 17 régions, je trouve ça important.
Mettons
qu'on jumelle la Côte-Nord puis le Saguenay, on va se ramasser, éventuellement,
avec trois députés de liste pour
l'ensemble de la région Saguenay et la Côte-Nord. Mettons que, là-dedans, dans
les trois, il y a deux... il y a des partis différents, la personne va vouloir... comment elle va faire pour couvrir
ça? Le citoyen, comment il va faire pour avoir accès à son député de liste? Ce qui pourrait arriver,
c'est que le député de liste va dire : Moi, mon rôle, ce n'est pas d'être
proche des citoyens, mon rôle, c'est
de légiférer. Et moi, je me tiens à l'Assemblée nationale, s'il veut me parler,
il appellera à Québec. Et là le
député de circonscription, lui, c'est lui, là, ou elle, la députée proche des
citoyens, avec un comté qui va couvrir toute la Côte-Nord. Vous voyez le
problème? C'est pour ça que les 17 régions, pour moi, c'est important
qu'il y ait un député de liste qui soit très
clairement, au moins — ce serait un compromis — au moins, lié à sa région puis qu'on parle
des régions administratives actuelles.
M. Pelard
(Matthieu) : Je comprends très bien l'argumentaire, l'important... du
principe qu'on a mentionné dans notre
mémoire, à la page 3, de maintenir le lien entre la députée ou le député
dans sa circonscription est essentiel. Et
c'est pour ça que le jeu compensatoire permet d'avoir à la fois une représentation
par l'obtention de la circonscription, mais
aussi de donner une variété de partis politiques et d'idéaux à l'intérieur même
d'une région. Et donc l'obtention de sièges compensatoires régionaux vient apporter une nuance de couleurs à
l'intérieur même d'une région. Donc, certains avantages de ce mode de
scrutin sont mentionnés comme étant la pluralité politique, et donc en ayant
plusieurs députés élus, cela permet d'avoir une variété de diversité d'idées
présentées à l'Assemblée nationale.
M. LeBel :
...mais mon citoyen de Blanc-Sablon, il va avoir accès quand à son député vert
de Jonquière? Tu sais, à un moment
donné, c'est un problème. C'est pour ça qu'à mon avis il faut garder les
17 régions et tranquillement aller vers l'idée qu'il faudra augmenter le nombre de députés. Dans nos régions, il
faut assurer qu'il y ait une proximité, sinon on va avoir deux genres de
députés.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier : Oui, merci. Dans votre présentation, vous avez
soumis, en fait, que le projet de loi ne permet pas d'atteindre une pleine compensation, notamment en
référence, je crois, à la prime au vainqueur qui est instaurée dans le projet
de loi. Le gouvernement soutient qu'il a
ajouté cette disposition dans le projet de loi pour assurer ou, du moins, pour répondre à l'argument d'une plus grande
instabilité à la suite d'une réforme du mode de scrutin. Toutefois, il y a
plusieurs groupes qui sont venus nous voir
et qui nous ont soumis que ce serait intéressant, au lieu d'avoir cette espèce
de prime au vainqueur qui favorise plus de gouvernements majoritaires, d'avoir
un encadrement plus serré, en fait, des
motions de censure, donc, qui permet de répondre directement à l'argument de
l'instabilité tout en conservant les côtés positifs de la réforme du mode de scrutin avec plus de gouvernements
minoritaires, plus de collaboration entre les partis politiques. Donc, est-ce que vous pensez que c'est
une alternative à la prime au vainqueur, le fait de pouvoir encadrer les
motions de censure?
M. Beauchemin
(Mario) : Oui, tout à fait.
Mme Fournier :
Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Cela dit, je vous remercie
beaucoup de votre présentation ce matin.
Je vais suspendre les
travaux quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
10 h 59)
(
Reprise à 11 h 04)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Veuillez prendre siège, la commission va reprendre ses travaux.
Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux
deux représentants de la Fédération
autonome de l'enseignement. Comme
vous savez maintenant, vous avez 10 minutes de présentation, après ça on
aura un échange avec les membres de la commission. Merci beaucoup de
votre présence ce matin, et la parole est à vous.
Fédération autonome de
l'enseignement (FAE)
M. Marois
(Alain) : Merci. Donc, bonjour, M. le Président. Mme la ministre, Mmes
et MM. les députés, mon nom est Alain
Marois, je suis enseignant en adaptation scolaire et vice-président à la vie
politique à la Fédération autonome de
l'enseignement. Je vous présente, à ma gauche, Mme Alice Lepetit,
conseillère syndicale à la vie politique.
La FAE représente plus de 45 000 enseignantes et enseignants
de tous les secteurs d'enseignement en commission scolaire ainsi que
près de 1 700 membres de l'Association de personnes retraitées de la
FAE et elle est présente dans sept régions du Québec, dont celles dans
lesquelles se trouvent les quatre plus grands pôles urbains du Québec.
François
Legault promettait, en septembre 2018, que les Québécoises et Québécois iraient
aux urnes en 2022...
Le
Président (M. Bachand) :
...vous rappeler qu'on ne peut pas utiliser le nom de la personne, il faut
utiliser son titre. Alors, juste vous rappeler, pour ne pas...
M. Marois (Alain) : Ah! très
bien.
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît. Merci. Merci
infiniment.
M. Marois
(Alain) : Merci. Donc,
l'actuel premier ministre promettait, en septembre 2018, que les Québécoises
et Québécois iraient aux urnes en 2022 avec
un tout nouveau mode de scrutin proportionnel si la CAQ était élue. Je peux
nommer les partis politiques, oui? Le 25
septembre dernier, le gouvernement a fait un bout de chemin en déposant le
projet de loi n° 39.
La FAE
reconnaît que la proposition d'un système électoral mixte compensatoire
constitue une avancée sans précédent et
qu'elle répond en partie à la très grande volonté de ses membres, qui
souhaitent que la composition de nos institutions démocratiques reflète
l'ensemble des votes exprimés par la population en tenant compte de la
diversité des courants politiques. Même si
ce projet de loi va dans la bonne direction, des améliorations doivent y être
apportées afin d'en renforcer la
proportionnalité, de favoriser le pluralisme politique et de mettre en place de
véritables mesures en faveur de la parité et de la diversité. De plus,
le fait de conditionner la mise en oeuvre du projet de loi à un référendum en
même temps que les prochaines élections générales préoccupe grandement la FAE,
qui y voit un risque important de faire tomber une réforme pourtant essentielle.
Dans un
système mixte compensatoire, l'objectif premier des sièges de compensation doit
être d'introduire une plus grande
proportionnalité. Pour ce faire, il doit disposer de suffisamment de sièges de
liste pour corriger les distorsions issues de circonscriptions uninominales. Avec seulement 36 % de sièges de
liste et leur répartition dans un nombre important de régions électorales, la capacité de contribuer
à une réelle compensation est limitée. En tenant compte que des régions n'auront qu'un seul siège de liste, nous pouvons
affirmer que cela donnera lieu à une proportionnalité à plusieurs vitesses
dans les différentes régions du Québec. Nous
proposons donc d'ajouter au minimum quatre sièges régionaux aux 45 actuellement
proposés afin d'assurer un minimum de sièges
de compensation par région, tout en maintenant le nombre de régions à 17.
Le projet de loi instaure par ailleurs une
modalité totalement nouvelle au regard des systèmes mis en place dans d'autres pays. Celle-ci consiste à ne tenir
compte que de la moitié des sièges de circonscription remportés par un parti
pour calculer le nombre de sièges de région auxquels il aura droit. Il s'agit
littéralement d'une prime au vainqueur qui
favorise les grands partis et réduit la capacité des sièges de région à
corriger la distorsion créée par le scrutin majoritaire. Il faut abolir cette prime au vainqueur en
retirant l'article 156 pour tenir compte de tous les sièges de
circonscription obtenus par un parti politique.
Le seuil
minimal de 10 % défini à l'échelle nationale pour pouvoir se qualifier à
la compensation constitue un autre obstacle
important à l'expression du pluralisme politique et à l'accès à la
représentation pour des tiers partis. Il faut tenir compte qu'il existe déjà un seuil minimal implicite
dans chacune des régions pour pouvoir se qualifier à la compensation, seuil qui sera encore plus élevé à cause du nombre
restreint de députés par région. Ainsi, nous proposons de réduire le seuil
national minimal à 3 %.
Mme Lepetit (Alice) : Pour la
FAE, qui représente 73 % de femmes, l'égalité de genre et la lutte contre toutes les formes de discrimination sont des
valeurs fondamentales. Ainsi, un mode de scrutin juste et équitable, pour nous,
doit assurer la représentation non seulement
de la diversité des idées politiques, mais aussi la diversité de la population.
Au Québec,
les femmes et plusieurs groupes de personnes demeurent sous-représentés au sein
de la députation actuelle. Pour
corriger ces inégalités qui sont systémiques, des mesures doivent être mises en
place afin de favoriser une plus
grande représentation des groupes qui sont historiquement marginalisés. Or, le
projet de loi n° 39 manque complètement la cible à cet égard. Du côté de la parité
femmes-hommes, le gouvernement propose un exercice de déclaration d'intention
de la part des partis politiques, mais aucun
mécanisme pour les inciter ou les contraindre à atteindre de véritables
résultats en matière de parité.
Or, que nous
montrent les expériences qui ont été mises en place dans d'autres pays? C'est
que l'égalité avance lorsque des
mesures sont mises en place. Celles qui semblent avoir le plus d'impact sont
les mesures structurelles qui sont intégrées
à même le système électoral. C'est ce que nous proposons dans notre
recommandation 5, à savoir l'obligation pour chaque parti politique de présenter des listes régionales
paritaires avec une alternance femmes-hommes et l'obligation de
présenter une femme en tête pour la moitié de ces listes.
Par ailleurs,
il est essentiel de favoriser la parité parmi les sièges de circonscription, et
c'est pourquoi la FAE propose de mettre en place des mesures incitatives
également afin de favoriser activement la parité femmes-hommes parmi l'ensemble
des candidatures présentées par les partis, que ce soit en circonscription ou
dans leurs listes régionales.
Du côté de la
diversité, c'est l'absence totale de mécanismes qui ressort de la proposition
actuelle du gouvernement. Pour la
FAE, la réforme du mode de scrutin doit pourtant prévoir des mécanismes visant
une plus grande représentation des personnes racisées et des personnes
issues de l'immigration récente. Notre recommandation 7 va dans ce
sens-là.
• (11 h 10) •
M. Marois
(Alain) : Le consensus en faveur d'un changement de mode de scrutin a
déjà été maintes fois constaté au
Québec. D'ailleurs, un document officiel mentionnait ce qui suit :
«L'appui à une réforme du mode de scrutin s'exprime de manière croissante au Québec, se traduisant de
différentes façons à travers des états généraux, des sondages favorables,
des rapports et des auditions en commission
parlementaire.» Ce document, c'est le cahier de résolutions adopté par la CAQ
en novembre 2015, dont la première
résolution est qu'un gouvernement de
la CAQ modifiera la Loi électorale afin de passer au mode de scrutin
proportionnel mixte. L'entente transpartisane de mai 2018, dont les partis
signataires représentent 72 % des votes obtenus lors des dernières
élections, est venue confirmer cette volonté de changement.
La FAE
soutient qu'un référendum d'adoption n'est pas nécessaire. À la place, la FAE propose la tenue d'un référendum de validation après trois élections avec le
nouveau mode de scrutin. Après avoir expérimenté les deux modes de scrutin,
l'électorat québécois serait en meilleure position pour faire un choix éclairé.
Il pourrait se prononcer sur un système qu'il connaît et dont il a pu évaluer
les impacts en matière de représentation et de gouvernance.
Par ailleurs,
la FAE s'oppose fermement à la tenue d'un référendum en même temps que les
prochaines élections générales. Cela
poserait un problème majeur en créant des conditions qui risquent de favoriser
le statu quo. Un référendum requiert un travail important d'information,
d'éducation et de mobilisation auprès de la population afin de favoriser la participation du plus grand nombre et la prise
d'une décision éclairée. Pour la FAE, si elle doit avoir lieu, une campagne
référendaire doit se tenir dans la
continuité de l'adoption du projet de loi, soit au plus tard un an après
l'adoption de la loi.
Mme Lepetit
(Alice) : Le 5 décembre
dernier, le gouvernement a déposé pas moins de 161 amendements à son projet de loi pour préciser les conditions
dans lesquelles se tiendrait ce fameux référendum d'adoption. Ces amendements
suggèrent des modifications majeures à la loi référendaire et posent un problème
non seulement pour le référendum en question, mais, plus largement, pourraient
avoir des conséquences importantes pour de futures consultations. Nous ciblerons,
ici, deux aspects qui nous semblent particulièrement préoccupants.
Premièrement, l'enjeu du non-positionnement des partis politiques
et du gouvernement lui-même dans le cadre de la campagne référendaire. L'article 225.8, en effet, du projet de loi stipule qu'aucun membre de l'Assemblée
nationale ne pourra occuper un poste
de direction au sein des camps référendaires, incluant les chefs de parti et le
premier ministre lui-même.
Pour la FAE, il est au contraire essentiel que les personnes élues puissent s'impliquer
dans ce débat en siégeant au comité
directeur de l'un ou l'autre camp. Les partis doivent pouvoir mettre leurs
ressources organisationnelles et politiques à contribution dans ce grand débat, et
l'attention médiatique et publique envers le référendum n'en sera que
renforcée. Quant au premier ministre, comme principal artisan de la réforme, il
doit exercer un rôle de leadership en faveur de son adoption en siégeant au
comité directeur du Oui.
Deuxièmement, le gouvernement propose de limiter
considérablement les moyens attribués aux camps référendaires. Dans son article 225.114, le projet de loi stipule que les
dépenses des camps référendaires ne pourront avoir pour effet de favoriser ou de défavoriser l'élection
d'une candidate ou d'un candidat, ce qui signifie qu'à partir du moment où la campagne référendaire débutera, les camps ne
pourront référer à aucun parti, ministre ou membre de l'Assemblée nationale. Pour la FAE, cela constitue une entrave
importante à la liberté d'expression.
Dans la même
logique, la subvention publique prévue pour chacun des camps
référendaires et la limite des dépenses autorisées représentent environ un tiers des montants accordés lors du référendum
de 1995. Comment considérer que ces montants seront suffisants pour mener une campagne d'envergure sur un enjeu aussi
complexe que celui de la réforme du mode de scrutin? En privant ainsi les camps référendaires de nombreuses
ressources à la fois financières, organisationnelles et politiques, ces règles référendaires risquent de favoriser
les porteurs du statu quo au détriment d'un débat véritablement équitable et de qualité.
M. Marois (Alain) : En
conclusion, la FAE voit dans ce projet de loi une occasion historique
d'améliorer nos institutions démocratiques et de s'attaquer au cynisme d'une
grande partie de la population envers celles-ci. Nous souhaitons travailler en
faveur de ce changement, mais le gouvernement et les oppositions doivent faire
preuve d'ouverture pour apporter les
correctifs nécessaires pour que chaque vote compte, tout en renonçant à la
tenue d'un référendum en même
temps que les prochaines élections.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la ministre,
s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci. Merci
beaucoup, M. le Président. Merci de votre présentation. C'est extrêmement intéressant. Vous
abordez plusieurs points, qui ont déjà été abordés, mais avec
des angles... mais c'est tout à fait correct, parce
que, souvent, chacun apporte un argumentaire ou un angle différent pour
certains des points.
Je vais brièvement
aborder la question du référendum, parce
qu'il y a d'autres points avec
lesquels je veux discuter avec vous,
puis c'est quand même très
bien étoffé sur diverses choses, mais
je veux en profiter pour peut-être... ça ne venait pas de vos propos, mais démystifier ce qui semble se dégager de
certaines conversations depuis le début, c'est-à-dire que les élus ne pourraient pas se positionner pour un
camp ou l'autre. Ce n'est pas ce que le projet de loi dit, présentement, les élus pourront se
positionner. D'ailleurs, le premier
ministre s'est déjà
positionné en disant qu'il allait voter en faveur, à une question,
je pense, d'un de vos collègues, M. le député de Gouin, à l'Assemblée
nationale, ou de la vôtre.
M. Nadeau-Dubois : ...
Mme LeBel : C'est votre collègue? Donc, je savais que
ça venait de votre côté. Mais donc c'est déjà positionné. Ce qu'on interdit, c'est qu'il fasse partie du conseil d'administration, naturellement. C'est une des conséquences potentielles,
pas la seule, mais une
des raisons, c'est qu'on ne veut pas qu'il
y ait de confusion de dépenses entre
le système électoral
et le système... Et nécessairement, comme la période électorale sera, à
un certain moment donné, en même temps, bon, ça faisait partie de... Mais je
veux juste démystifier le fait que les députés, les élus pourront se
positionner en faveur d'un camp ou de
l'autre. Ce n'est pas empêché, c'est de faire partie du conseil
d'administration. Donc, je veux juste que ça soit clair.
Ceci étant
dit, je comprends très bien votre
argumentaire de l'espace pour discuter de la question. Encore une fois, même si ça... je comprends que ça ne nous apparaît
pas suffisant, mais il y a quand même quatre mois où le référendum
existera par lui-même avant que la campagne électorale arrive, je veux juste
aussi le mentionner. Je ne suis pas... Vous
pouvez être en désaccord, mais j'aime bien qu'on discute sur des bases qui ne
sont pas... qui sont celles qui sont dans le projet de loi. Mais, comme
je dis, ça, ce n'est pas votre discours, mais, comme ça découlait des
discussions précédentes, je pense qu'il fallait repositionner le débat.
Donc, si je comprends bien, vous considérez
qu'on devrait le faire un an avant les élections pour avoir... Juste, peut-être, élaborer un peu plus, mais
brièvement, parce que j'aurais beaucoup d'autres points à aborder avec vous,
mais je sais que mon collègue va le faire aussi, donc...
M. Marois
(Alain) : On dit qu'il doit être au plus tard un an après l'adoption
du projet de loi, s'il doit avoir lieu, mais nous, on considère d'entrée de jeu qu'il ne devrait même pas avoir
lieu, le référendum. On a tout en main, puis on doit se poser la question. Moi, je suis un peu étonné
d'entendre à quel point certaines personnes — puis je ne pense pas que c'est si généralisé que ça — tiennent à un référendum, parce qu'il y a
plein d'autres questions fort importantes, dans notre société, qui sont votées par les députés à tous les jours.
On n'a rien qu'à penser, présentement, à un débat qui continue de faire rage
sur mourir dans la dignité, où il y a des
amendements qui doivent être apportés en lien avec des décisions de cour, et on
n'a jamais consulté la population sur des enjeux de ce type-là, qui sont
des enjeux moraux pour lesquels la population est grandement touchée dans son
quotidien à tous les jours. Alors, pourquoi on parle de référendum pour une
question de structure démocratique, alors
qu'il y a plusieurs commissions de... commissions parlementaires, des auditions
publiques qui ont lieu depuis des
années et des années autour de la question et il y a un énorme consensus, chez
la population, de dire : Écoutez,
on veut que nos votes comptent? C'est assez clair, là, de manière simple, là,
on s'est donné des grands principes. Vous essayez, par ce projet de loi,
dans le fond, de rallier l'ensemble des principes. Puis je comprends
l'équilibre, vous l'avez expliqué dans la présentation précédente, là, que
c'est délicat. Mais en même temps le consensus autour de ces principes-là est très, très large, 72 % des gens qui ont
voté à la dernière élection ont voté pour des partis politiques qui
endossaient ces principes-là. Alors, pour nous, dès le départ, il ne devrait
pas y avoir de référendum.
Maintenant,
quand vous dites que quatre mois avant... il y aura eu quatre mois avant
l'élection, il n'en reste pas moins
qu'au moment où la campagne électorale va commencer, bien là, il va y avoir une
brisure. Puis il y a aussi toute la période de l'été, parce que, on
sait, notre campagne électorale va commencer à la fin de l'été, vers le mois
d'août, parce que les élections sont à date
fixe au mois d'octobre, donc on va avoir une période creuse où, pas plus que
pour l'élection, les gens vont
s'intéresser à la question. Donc, il va avoir une espèce de vide, tout à coup,
qui va se créer, puis on veut avoir du temps nécessaire puis que ça soit
l'enjeu primordial.
Je pense, ça
a été beaucoup évoqué que, quand on fait un... si on veut faire un référendum
sur cette question-là... il y en a qui
disent que c'est très compliqué, là, ça ne l'est pas tant, mais il faut quand
même prendre le temps d'expliquer à la population quels seront les
impacts des changements, comment ça va se faire, la question des députés de
liste versus un député de circonscription,
etc. Donc, ça prend quand même un certain temps, là, pour expliquer tout ça,
puis surtout, je vous dirais, éduquer
de manière neutre, là, ce qu'on demanderait au DGE de faire, la population,
plutôt que de subir les campagnes de peur, là, de certaines personnes
qui sont pour le statu quo.
• (11 h 20) •
Mme LeBel :
Certains de vos... ceux qui vous ont précédé, dans la livraison de leur
présentation, bon, nous ont présenté,
naturellement, plusieurs propositions d'améliorations du projet de loi selon
leurs points de vue. C'est toujours accueilli
avec beaucoup d'ouverture, je vous le garantis, toujours dans l'optique où je
dois trouver le point d'équilibre. Je n'aspire pas à plaire à tout le monde
dans ce dossier parce que ça sera difficile, mais à déplaire le moins possible,
disons que c'est mon objectif. Donc,
disons-le de cette façon-là, parce que j'y crois, et je pense qu'il faut
franchir ce pas historique, et je ne
voudrais pas que certaines des propositions de certains groupes soient des
«deal breakers», en bon français, et qu'ils fassent en sorte qu'on perde
le consensus nécessaire pour traverser et franchir le Rubicon.
Certains ont
dit : Nous sommes fermes sur les objectifs. Vous avez raison, les
objectifs sont connus. Les gens sont majoritairement en faveur de la
transformation de notre système électoral pour les raisons qu'on a mentionnées
précédemment. Mais le diable étant dans les détails, on n'est pas sur le
principe de franchir le pas, présentement, parce
que le projet de loi a quand même été présenté par notre gouvernement, et, vous
l'avez mentionné, c'est quand même une
avancée historique. Donc, si on a l'occasion de s'en parler aujourd'hui, c'est
qu'il y a quelque chose de positif qui a été fait, une action positive.
Je suis
rarement dans cet état-là, mais des fois je ressens le besoin de le repréciser,
parce que, quand on s'enlise dans les
détails, des fois on perd de point de vue,
un peu, l'élément principal, c'est-à-dire que la grande majorité d'entre nous, ici, autour de la table, sommes en faveur de franchir ce pas historique.
On cherche comment. On cherche comment le faire de la meilleure façon.
Vous nous proposez plusieurs points, je vais
dire, dans les modalités, les technicalités, là, qui ne sont pas sur les
principes, nécessairement, mais que les principes influencent. Est-ce qu'il y a
des points, dans ce que vous nous mentionnez — le
seuil, la double candidature, la parité, les quatre sièges régionaux, la
meilleure proportionnalité, la plus grande
pluralité — des
choses sur lesquelles vous êtes plus souples pour rallier tout le monde? Est-ce qu'il y a des endroits où vous
pourriez me dire : Bien, écoutez, on y tient, on pense que c'est l'idéal,
mais, si ça pouvait mettre... si ça met en danger le fait que je perde mon consensus — et le
consensus n'est pas juste ici, autour de la table, là — est-ce
que vous avez des éléments où vous êtes plus souples, où je pourrais avoir plus
de jeu, si vous me permettez?
M. Marois
(Alain) : J'aurais préféré
la question «est-ce qu'il
y a des éléments qui sont des
incontournables?» que les éléments sur
lesquels on a de la souplesse. Mais, je vous dirais, d'entrée de jeu, on a maintenu la question des 17 régions. On sait très bien, ça fait
longtemps qu'on travaille sur ces enjeux-là, on a collaboré à des travaux avec
le MDN, avec différents politicologues... politologues, plutôt, et on sait très
bien que la proportionnalité serait grandement
améliorée par un plus petit nombre de régions. D'ailleurs, le DGE, dans un
rapport, arrivait à la même conclusion.
Par contre,
on est conscients qu'au Québec, depuis que le système des régions a été
instauré en 1966 — ça
ne date pas d'hier, là, c'est
d'ailleurs la date de ma naissance, donc je peux en témoigner — la
question des régions, c'est devenu quelque chose d'un peu viscéral pour les gens, on l'entend régulièrement. Alors, nous, on a dit : Bon, bien oui, ce serait une bonne solution, de diminuer le nombre de
régions, mais on s'est plutôt ralliés sur le fait, entre autres, d'augmenter le nombre de
sièges de compensation dans les régions où il n'y en avait seulement
qu'un. Nous, on pense que c'est une solution. C'est sûr que ça va donner, d'une certaine façon, plus de poids, en
plus, à ces régions-là, mais on considère que les grands centres ont un
poids déjà important, puis ce n'est pas parce qu'il y aurait un siège de plus,
là, dans certaines régions qui sont plus
éloignées, avec moins de population, ça changerait. Donc, là-dessus, on a une
souplesse. Mais en même temps
on pense que, puisqu'on instaure un projet de loi pour modifier un régime... un
mode de scrutin, il faut en profiter pour essayer qu'il soit le meilleur
possible, puis la proportionnalité, pour nous, c'est un élément fort important.
Puis
l'élément qui, pour nous, devrait être retiré à tout prix, c'est la question
de la fameuse prime au vainqueur. Écoutez, dans aucun système, au monde, qu'on a
établi de mixte compensatoire, ça n'existe, une telle... je vais employer
le terme d'un article du Devoir
cette semaine, «une telle astuce», là. Donc, ça, pour nous, là, ça, c'est clair
que ça doit être retiré.
Maintenant, pour le reste, par rapport à la
proportionnalité, bien, il y a différentes modalités. Vous l'avez expliqué
tantôt, là, qu'il y avait trois façons de voir ça. Nous, on a une flexibilité
là-dessus, puis vous avez raison qu'on coupe quand même de moitié l'indice de
distorsion, mais, s'il y a moyen de faire mieux, faisons-le maintenant.
Maintenant, au sujet de la parité aussi, c'est fort important
pour nous, on représente une grande majorité de femmes puis on... Pourquoi ne pas prendre la chance, pendant qu'on modifie
notre système de mode de scrutin, pour, avec un système de listes, créer une alternance hommes-femmes? Pour
nous, là, c'est un minimum. Je ne peux pas croire que les gens ici, là, de la commission, ne pourront pas s'entendre sur cet élément-là,
qu'au moins, minimalement, les listes soient en alternance
femmes-hommes, là, à 50-50. Ça, pour nous, c'est une évidence, là. Alors, voilà
des éléments de réponse, je dirais.
Mme LeBel : Parlons du seuil, du seuil. Vous le fixez... vous
le préconisez à 3 %. Il est à 10 %. Je comprends que, pour
vous, 10 %, ce n'est pas une option, mais certains, beaucoup, ont même dit
5 %. Est-ce que, pour vous, ça, il y a de
la souplesse, entre 3 % et 5 %? Est-ce que vous pensez que vos objectifs,
qui ont fait en sorte que vous avez choisi 3 %, pourraient être quand
même rencontrés, à tout le moins pas heurtés trop, par un seuil à 5 % ou
un peu plus élevé? Mais j'ai compris que c'était en bas de 10 %, ça, j'ai très
bien compris.
M. Marois
(Alain) : Dans notre
mémoire, on écrit que c'est de 3 % à 5 %. Donc, nous, on a choisi
3 %. On est un syndicat, on est habitués de négocier, donc on est
partis à 3 %. Mais on sait que, dans le monde, dans les systèmes comparables, on se situe, généralement, là... je pense que le chiffre exact, c'est quatre virgule quelque
chose, quand on fait une moyenne générale, là, donc entre 3 % et
5 %, là, pour nous, c'est raisonnable.
Mme LeBel : O.K. La double candidature, on n'a pas eu le temps
d'en discuter beaucoup, pouvez-vous nous donner un petit peu plus
de détails sur votre position?
M. Marois
(Alain) : Bien, pour nous,
la double candidature, ça a beaucoup d'impacts, entre autres, pour respecter
le pluralisme politique. On sait que, pour
un plus petit parti, de les obliger à la fois à présenter des députés de
circonscription et des députés de
liste, ça devient très exigeant. Et on ne souscrit pas du tout à l'idée, parce
qu'on a perdu une élection au niveau
d'une circonscription, qu'on ne vaut pas la peine. On le sait, là, les choix
des électeurs, là, en termes d'une élection, se font sur un paquet de
facteurs, puis un excellent candidat peut perdre, pour son parti, dans une circonscription,
mais il ne devrait pas pour autant être rejeté au niveau d'une liste régionale.
Donc, on devrait le permettre, mais ce serait au
libre choix. Il n'y a pas d'obligation, évidemment. Donc, les partis,
en fonction de leurs capacités à avoir des représentants tant au niveau des circonscriptions qu'au niveau des listes régionales, feraient le choix ou
non de présenter puis... voilà.
Mme LeBel : Bien, merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Avant de passer la parole au député de LaFontaine, j'aimerais
qu'on fasse attention, peut-être, aux mots.
Vous avez utilisé le mot «astuce», alors, donc... «campagne de peur», juste
faire attention à l'utilisation des
mots. Et on ne peut pas citer un tiers pour des propos qui pourraient porter à
débat. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Mais, M. le Président, sur votre point, est-ce que je peux dire que le premier
ministre, dans ce dossier-là, a été astucieux?
Le Président (M. Bachand) : Il faut
juste faire attention, M. le député de...
M. Tanguay :
C'est une qualité, l'astuce.
Le
Président (M. Bachand) : Ça dépend de qui le dit puis de quelle
façon qu'on le dit, alors faites attention, s'il vous plaît, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Ah! là, je suis en train d'éconduire Mme la
ministre. Je vais m'arrêter parce que je ne veux surtout pas l'éconduire. Mais je pense que c'est une belle
qualité de notre premier ministre, ça, d'être astucieux, et en politique...
Et on a entendu la ministre
dire, un peu plus tôt, que le premier ministre a confirmé qu'il allait voter
oui, et, publiquement, il a dit qu'il allait
voter oui. Elle a dit que l'un des éléments qui faisaient en sorte, dans les amendements
déposés la veille du congé des fêtes, 160 articles, excusez du peu, les amendements
concernant le référendum... qu'il ne pouvait
pas être membre du C.A., mais on peut
ajouter aussi qu'il ne peut pas être un dirigeant, il ne peut pas présider
le camp du Oui, et c'est ce que lui interdirait la loi dans une campagne
électorale où il y aurait un référendum. Et, comme
l'on sait que le... Et elle ne pourrait pas le faire, et un des arguments
qu'elle a dits, c'est parce qu'il y aurait peut-être confusion dans les dépenses, dépenses
référendaires. Si le premier ministre était président du camp du Oui et en même
temps candidat dans son comté et chef
de son parti, il pourrait y avoir des problèmes quant à départager, bon, bien,
qu'est-ce qui relève d'une dépense référendaire puis qu'est-ce qui
relève d'une dépense électorale.
Bien, je pense que la
solution toute trouvée pour lui éviter cet écueil-là, c'est de séparer les deux
campagnes. Si le premier ministre trépigne,
a hâte d'en découdre, a hâte d'être le chef du camp du Oui, donnons-lui
l'occasion d'ouvrir sa plénitude et ses arguments qui vont rallier la
population derrière lui, parce qu'il en ferait un cheval de bataille et on pourrait le libérer, donc, d'écueils
administratifs qui, malheureusement, écueils administratifs, l'empêcheraient
d'être président du camp du Oui.
Alors, je pense qu'on répondrait, en toute bonne foi, à cette préoccupation
légitime là du premier ministre.
Vous dites donc très
clairement : Pas en même temps que les élections parce que ce n'est pas
une bonne idée. Et qu'on soit pour ou qu'on
soit contre, on s'entend là-dessus. En même temps qu'une élection, on n'aura
pas l'occasion de débattre pleinement
et de faire en sorte que la population, après les débats, puisse se faire une
idée puis voter dans le sens qu'elle
l'entend. Vous dites donc : Un référendum,
nécessairement... Vous dites : Un an, dans l'année suivant l'adoption
du projet de loi. Pour vous, il serait,
j'imagine... puis je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais
corrigez-moi si j'ai tort, mais il serait non envisageable qu'il y ait
un référendum l'autre bord des élections générales de 2022.
M. Marois
(Alain) : Non, tout à fait, c'est clair, parce que, là, on vient... on
est en pleine commission, on fait les débats là-dessus, l'attention de la population est attirée sur le sujet. Un
coup que la loi est adoptée, moi, je pense qu'il faut donner le temps,
entre autres, au DGE de mettre en place des modalités d'éducation populaire par
rapport au contenu, que chaque camp se mette
en place et qu'on amorce, je vais le dire comme ça, là, les hostilités, là,
pour qu'il y ait vraiment un débat au Québec autour de la question, si
c'est le choix, évidemment, de l'Assemblée nationale de procéder par un
référendum.
• (11 h 30) •
M. Tanguay :
Oui. Et, en passant, puis je vous fais un clin d'oeil, vous avez dit «les
campagnes de peur de ceux qui
seraient contre». Bien, d'un autre côté, je ne vous dirais pas «les campagnes
d'angélisme de ceux qui seraient pour», aussi. Ça, ça se participerait d'un débat référendaire. Mais ce n'est
pas parce qu'on serait contre qu'on serait forcément de mauvaise foi. On
aurait des choses à dire, puis le peuple décidera dans son âme et conscience.
Si
important, d'ailleurs, que vous verbalisez une autre proposition qu'un débat,
vous dites même : On devrait avoir... augmenté les ressources des
deux camps. Vous dites qu'il y a déjà, prévus dans la loi, des montants... recommandation 13 : «Que les fonds
publics affectés à chacun des deux camps ainsi que la limite des dépenses
autorisées soient augmentés [pour
qu'on ait] une véritable campagne...» J'aimerais vous entendre là-dessus,
parce qu'effectivement ce
n'est pas anodin et, on va se l'avouer, là, c'est assez complexe, et il va
falloir, durant une campagne référendaire, être
particulièrement efficaces pour aller rejoindre les gens puis s'assurer que
l'on ait les moyens d'expliquer les tenants et aboutissants.
Donc,
j'aimerais vous entendre là-dessus, sur, même, non seulement : N'allez pas
noyer ça dans une campagne électorale, sortez-le, et même... et
accordez-lui une importance accrue dans la pédagogie de la chose, en augmentant
les ressources financières. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Lepetit
(Alice) : Oui, bien, tout à fait. En fait, ce qu'on nomme, c'est que,
si le gouvernement décide d'aller de
l'avant avec un référendum, autant qu'il mette toutes les conditions possibles
pour que la place, en termes d'espace... donc qu'il n'y ait pas de chevauchement avec la campagne électorale,
comme vous l'avez nommé, donc qu'il n'y ait pas de problème de confusion dans les dépenses, que tous les partis puissent
prendre leur place dans ce débat-là également, que les militants, militantes des partis puissent s'investir aussi dans
la campagne référendaire, ce qui sera beaucoup plus compliqué si elle chevauche une campagne
électorale, et qu'on donne effectivement aux camps du Oui et du Non les
ressources nécessaires au niveau
financier. Parce que, comme on le nommait dans notre présentation, on est à peu
près à un tiers, là, en termes de
fonds publics, ce qui est prévu pour la campagne référendaire, par rapport à ce
qui avait été confié aux camps du Oui
et du Non lors du référendum de 1995. Donc, on a divisé par trois, à peu près,
et, au niveau des limites des dépenses permises aussi, on a divisé à peu
près par trois.
D'autres
modalités, là, dans les fonds... Par exemple, ce que prévoient les amendements,
c'est que les fonds publics soient
versés en trois fois aux camps référendaires, alors qu'en 1995 ça avait été
versé en début de campagne, juste une seule fois. Dans un contexte, aussi, où il y aurait un
référendum en même temps que les élections, où les ressources des partis
seraient beaucoup moins en appui à la
campagne référendaire, cette réduction des ressources aux camps référendaires
nous semble être un autre élément qui va défavoriser un peu les campagnes.
Puis je voudrais juste revenir sur un élément.
Au niveau du camp du Oui et du Non, ce qu'on sait, souvent, dans ce genre de
campagne, c'est que ça demande quand même plus de ressources, peu importent les
arguments et les intentions des camps, de
démontrer, de faire la démonstration qu'il faut un changement versus de
défendre un statu quo parce que, par
nature, l'être humain a peur du changement, et c'est plus difficile de
convaincre les gens qu'ils vont gagner au changement que de leur
persuader que la situation actuelle n'est pas si pire. Donc, c'est pour ça
qu'on dit aussi que la réduction des
ressources pour les camps référendaires risque de défavoriser le camp du Oui
davantage que le camp du Non, parce que le camp du Oui aura plus de
travail à faire que le camp du Non.
M. Tanguay : ...les deux
camps, il va sans dire, aient les mêmes ressources.
Mme Lepetit (Alice) :
Absolument.
M. Tanguay : Et, sur le point
de la ministre... puis, honnêtement, je ne l'avais pas vu avant qu'elle le
dise, mais là je le vois, sur le point de la
ministre, elle dit : Bien non, le premier ministre ne pourrait pas être
dirigeant du camp du Oui dans une
campagne et électorale et référendaire parce qu'il risquerait d'avoir imbroglio
sur les dépenses d'un camp, camp du Oui versus électorales. Mais, si
c'est le cas pour le premier ministre, ça serait le cas de tous les candidats. Moi, je vois mon collègue de Québec solidaire,
moi, je pense qu'il va être dans le camp du Oui et je pense qu'il va être
extrêmement...
Une voix : ...
M. Tanguay :
... — ça
dépend du projet de loi? Je ne veux pas présumer, pas lui prêter des
intentions — puis
je pense qu'il va être extrêmement actif. Je
ne voudrais pas être son agent financier, hein? Je veux dire, il fait une
publicité qui participe de son
élection : Votez pour Québec solidaire parce que nous sommes notamment
contre ça, contre ça, pour ça, pour
ça puis pour le mode de scrutin. Comment allons-nous séparer? On va dire :
Bien, 1/5 de la publicité est relié au camp du Oui. La dépense de 500 $, vous allez attribuer 100 $ au
camp du Oui comme dépense électorale. Si c'est bon pour le premier ministre, c'est bon pour mon collègue de Québec
solidaire puis ça va être bon pour moi, si d'aventure on est dans le camp
du Non.
Alors, c'est
un bon argument de Mme la ministre. Je ne l'avais pas vu avant. Là, je le vois.
Si c'est bon pour un, c'est bon pour
l'autre. Ce seraient des rapports de dépenses excessivement complexes. Et on a
hâte d'entendre le DGEQ là-dessus,
par rapport... Puis vous savez que les dépenses électorales, c'est
excessivement important, c'est le nerf de la guerre. On ne peut pas se
tromper là-dessus. Et ce serait, même en toute bonne foi, très difficile de
dire qu'est-ce qui relève de la campagne référendaire puis qu'est-ce qui ne
relève pas.
Mettons ça de
côté. J'aimerais vous entendre sur, donc, l'importance pour vous d'augmenter le
nombre de députés. Vous proposez... Vous avez dit un peu plus tôt...
bon, le nombre des régions, vous avez dit que c'est un élément excessivement sensible et important. Nous en
sommes, la représentativité des régions. Vous dites — je vous paraphrase, là : La proportionnalité aurait été meilleure
si on avait diminué le nombre de régions, mais on n'y va pas, là, on garde ça à
17, mais augmentons le nombre de
députés. J'aimerais vous entendre sur l'importance d'augmenter de 125 à 129 le
nombre de députés.
M. Marois
(Alain) : Bien, c'est
toujours dans l'optique d'avoir une meilleure proportionnalité. Comme on a
expliqué dans notre mémoire, avec ce
qui est sur la table, il y aurait, dans le fond, une correction des distorsions
à géométrie variable selon les régions, puis ça, bien... Si, déjà, un de
nos principes, c'est de maintenir le poids politique des régions, bien, il ne faut pas aussi que, dans le cadre d'une
réforme, on avantage des régions par rapport à l'autre en termes de correction d'indice de distorsion. Avec ce qui est sur la table pour l'instant,
c'est clair que, dans des régions plus populeuses, on aurait plus de proportionnalité, alors que, dans des
régions où il y a moins de population, il y
aurait moins de proportionnalité.
Ce n'est pas plus acceptable. Il n'y a
pas nécessairement de perte de poids
politique, mais il y a quand même une perte aussi à ce niveau-là. C'est pour ça qu'on dit : Bien, minimalement,
en ajoutant un siège pour s'assurer que chaque région ait au moins deux
sièges de compensation, ça fait en sorte que tout le monde est plus sur un pied
d'égalité, là. Alors, c'est vraiment dans ce sens-là qu'on fait cette
suggestion.
M. Tanguay :
Et comment croyez-vous que l'on pourrait justifier qu'il y aurait, donc, une
augmentation des dépenses, des frais
de notre démocratie? Clairement, là, les gens qui seraient contre cela vous
diraient : Bien, écoutez... on comparerait à l'Ontario. Là, j'y vais... j'arrondis, là, on me détrompera si j'ai
tort, je crois, en Ontario, ils sont plus de 13 millions, je crois qu'ils sont 107, 110 députés, là, ou
103, en bas de 110, et au Québec, on est 8,4 millions et on passerait de
125 à 129. Comment pourrions-nous justifier cela?
Le Président (M.
Bachand) : ...au député de Gouin. M. le député de Gouin, s'il
vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être là. J'aimerais vous entendre sur
la question, disons, de votre
première recommandation. Vous faites partie des gens — puis ils sont assez peu nombreux dans la
catégorie des
gens en faveur d'une réforme du mode de scrutin — qui, d'emblée, dites : Bon, conservons
les 17 régions. Parce que, pour
augmenter la proportionnalité, une recommandation qui nous a souvent été faite
depuis le début de nos audiences, hier, c'est de diminuer le nombre de régions. Vous faites partie des gens qui
disent : Non, conservons 17 régions et, par contre, augmentons
le nombre total de députés. J'imagine que, cette recommandation-là, vous nous
la présentez au terme d'une discussion dans
vos instances avec vos membres. Qu'est-ce qui vous a fait opter pour ça plutôt
que pour la solution qui nous a été davantage présentée, c'est-à-dire
diminuer le nombre de régions?
M. Marois (Alain) : Bien, nous, au fil des discussions avec
différentes organisations, dans le cadre de nos échanges, entre autres,
aussi avec le Mouvement Démocratie nouvelle puis des rencontres qui ont pu
avoir lieu, entre autres, avec des gens du
cabinet de la ministre, on a compris que ça serait très difficile de toucher au
nombre de régions au Québec, qu'il y
avait une très grande sensibilité autour de ça, et on pense que c'est un
élément qui pourrait faire dérailler... la ministre disait, tantôt... elle parlait de «deal breaker»,
mais on pense que, si on touche aux régions au Québec en ce moment, ça risque
d'être un «deal breaker» pour certains organismes ou peut-être même pour
certains partis politiques, je vais le dire comme ça. Donc, on pense que
c'était plus sage d'y aller en ce sens-là.
Et, bon, oui, plus de
députés, ça occasionne plus de dépenses, là, mais, en même temps, il faut tenir
compte de la particularité du territoire au Québec, là. Le Grand Nord... il y a
plusieurs régions qui ont beaucoup... une grande superficie avec très peu d'électeurs, on ne peut pas nécessairement se
comparer. On parlait... Quelqu'un d'autre parlait de l'Ontario, là, mais il faut faire attention,
aussi, en termes de territoire, là. Donc, pour nous, c'est la meilleure
solution, si on veut augmenter la proportionnalité.
M. Nadeau-Dubois :
Parlons de parité, il me reste seulement une vingtaine de secondes. Sur une
échelle de 1 à 10... Vous faites des
recommandations en matière de parité, au moins trois. Jusqu'à quel point est-ce
que ces recommandations-là sont importantes pour vous, mettons, sur une
échelle de 1 à 10?
Mme Lepetit (Alice) : Bien, pour nous, ces recommandations-là, c'est le
minimum. On parlait, tantôt, de négociation. On fait une combinaison de
mesures structurelles et incitatives. On pourrait être plus offensifs en termes
de demande de parité. Il y a des pays qui mettent en place des mesures
contraignantes de bout en bout. Nous, ce qu'on propose, c'est un mixte de
mesures structurelles avec le scrutin de liste puis quelque chose de plus
incitatif pour l'ensemble des candidatures.
Donc, de 1 à 10, c'est le minimum, ce qu'on propose, en termes de parité et de
diversité en 2020, là.
M. Nadeau-Dubois :
Donc, ce qu'il y a actuellement, c'est en deçà du minimum, selon vous?
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Rimouski. Désolé.
Mme Lepetit
(Alice) : Oui. Oui, oui. Absolument, oui.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Rimouski, s'il vous
plaît.
• (11 h 40) •
M. LeBel :
Merci, M. le Président. Bonjour. Votre réflexion sur les régions est parfaite,
gardez-la comme ça.
Moi, c'est par
rapport au référendum. Regardez, si... mettons qu'on adopte le projet de loi en
juin, on met ça sur la glace, on n'en parle
plus, personne ne fait campagne ni pour ni contre, et là on attend en
mai 2022, puis là, woups! on se
réveille, là on en parle, mai, juin, juillet, à travers les barbecues, au mois
d'août, puis là, woups! on arrête, il faut parler de la campagne, il faut parler de la route 20
puis des problèmes de toutes sortes d'affaires, puis là, après un mois, on pose
la question, moi, je ne pense pas que c'est
la bonne façon de faire ça, puis les gens vont... Est-ce qu'on pourrait se
rallier à la proposition du MDN, qui
dit : On devrait faire un référendum dans un an après l'adoption de la
loi, gros maximum, se préparer puis
se concentrer sur la vraie question, puis qu'il y ait des camps du Oui, puis que le premier ministre s'en mêle, puis qu'on fasse ça comme du monde, puis qu'on pose
la question? Est-ce que ça devrait être ça, la façon de faire?
M. Marois
(Alain) : C'est tout à fait notre point de vue, s'il doit y avoir référendum,
je le répète.
M. LeBel :
Oui, oui, je comprends.
M. Marois (Alain) : Et en
même temps, en même temps, avec un référendum de validation, ça nous sauverait peut-être
aussi beaucoup de temps d'éducation parce que les gens l'auraient expérimenté. Donc,
on pourrait tout simplement... Vous
avez le pouvoir de le mettre en place, comme députés. Votons la loi,
expérimentons-le, après on verra comment les gens réagissent. Puis là on pourrait peut-être sauver beaucoup
d'argent, parce qu'il y en a qui parlent juste d'argent, quand il est question
de référendum.
M. LeBel :
Puis, moi, l'élément, aussi... le fait que juin 2020 jusqu'à mai 2022... on ne
me fera pas accroire que personne ne va
faire de la campagne, là, puis personne ne va... tu sais, ça fait que, là, ça
milite pour qu'il y ait quelque
chose qui se fasse le plus vite possible. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme
la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier : Oui, merci
beaucoup. Puis vous faites bien de
faire référence à la superficie du territoire du Québec. En
fait, le Québec est 1,5 fois plus grand que l'Ontario, et l'Ontario compte 124 députés, donc c'est-à-dire qu'ils représentent un territoire plus petit que ceux du Québec.
Ceci étant
dit, vous avez fait référence à la prime au vainqueur. Vous savez que le gouvernement évoque cet argument d'instabilité
provoquée par la réforme du mode de
scrutin pour dire : Bon, ce
serait bon d'avoir cette prime au vainqueur pour assurer une plus grande stabilité puis répondre à ceux qui
prétendent le contraire. Croyez-vous que d'instaurer plutôt un
encadrement des motions de censure à l'Assemblée nationale pourrait permettre d'arriver au même objectif,
tout en ne compromettant pas la pleine compensation induite par le mode
de scrutin?
M. Marois (Alain) : On est tout
à fait d'accord avec l'instauration d'encadrement des motions de censure. D'ailleurs,
c'est un des principes de l'entente transpartisane, et on est assez étonnés de
voir que ce n'est pas le projet de
loi. Donc, c'est la meilleure
solution. Ça existe déjà dans des pays qui ont des systèmes comparables. Donc,
oui, c'est ça qui devrait être fait pour régler la situation plutôt que la
question de la prime au vainqueur.
Mme Fournier : Parfait. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Cela dit, merci beaucoup de votre présentation, c'est
très apprécié.
On va suspendre les travaux quelques instants. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 42)
(Reprise à 11 h 44)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Merci. La commission reprend ses travaux.
Il me fait plaisir, maintenant, d'accueillir les
représentants de la Fédération québécoise des municipalités. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de
présentation, et après ça on a un échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous présenter et
à débuter votre exposé. Merci beaucoup.
Fédération québécoise des municipalités (FQM)
M. Demers
(Jacques) : Parfait, merci.
Bonjour. M. le Président, Mme la
ministre, Mmes et MM. les députés,
je me présente, Jacques Demers, maire de
Sainte-Catherine-de-Hatley, préfet de la MRC Memphrémagog et président de la Fédération
québécoise des municipalités. Je suis
accompagné de Mme Claire Bolduc, préfète de la MRC de Témiscamingue,
administratrice à la FQM et présidente de la
commission permanente en développement social, institutions et démocratie.
J'ai aussi, à ma droite, M. Pierre Châteauvert, directeur des politiques à
la fédération, et notre directeur général, M. Sylvain Lepage. Merci de
nous accueillir.
La Fédération
québécoise des municipalités, dans le cadre de la commission parlementaire sur
le projet de loi n° 39, la Loi
établissant un nouveau mode de scrutin... c'est en tant que porte-parole des
régions que la FQM est ici aujourd'hui. La FQM existe depuis 1944. On regroupe 1 000 municipalités et MRC
au Québec. Il y en a 1 108, municipalités, une centaine de MRC. On est vraiment le représentant des
régions. Le plus gros regroupement au niveau municipal qui peut y exister
au Québec, c'est la FQM. C'est pour ça qu'on se présente ici, devant vous. Le
mémoire sera lu par ma collègue, Mme Claire Bolduc.
Mme Bolduc
(Claire) : Merci. Merci de
nous accueillir. Bonjour à tous. D'entrée de jeu, la réforme du mode de scrutin, c'est un sujet qui nous a beaucoup
préoccupés dans le milieu municipal. Et, à la FQM, il importe de dire qu'on a
pris le temps qu'il faut pour analyser très
sérieusement la question dès que ça a été annoncé, en fait, en 2018, et bien
avant le dépôt du projet de loi. Nous avons donc discuté avec les
différentes commissions, avec nos instances d'assemblée des MRC et également avec le conseil d'administration avant de se
présenter en assemblée générale annuelle. C'est le fruit de ces
discussions-là qu'on vous livre aujourd'hui.
On a retenu,
à même ces discussions-là, des principes fondamentaux auxquels tout projet de
réforme électorale se doit de
répondre. Nous avons aussi analysé ce que le présent projet de loi fait à la
lumière des principes et des orientations que nos membres ont adoptées. Ainsi, cinq principes font consensus. Vous
en reconnaîtrez certainement quelques-uns à partir de l'entente qui
avait été signée entre quatre partis politiques.
Le premier des principes est qu'en raison de ses
implications pour la société québécoise et considérant que cette réforme touchera l'ensemble des citoyens et
citoyennes, toute modification au mode de scrutin devra être approuvée par référendum. Pour la Fédération québécoise des
municipalités, il appartient à la population de décider d'un tel changement.
Chaque organisation a la liberté de s'exprimer
sur le présent projet de loi, comme nous le faisons. Cependant, pour les
membres de la fédération, la décision ultime d'un changement aussi
fondamental de notre édifice démocratique, ça appartient aux électeurs, les
citoyens et les citoyennes.
Le deuxième principe
est que le poids politique des régions doit être protégé par rapport à celui
des centres. C'est également un principe qui
avait été partie prenante de l'entente. Ce principe doit être évalué non
seulement à l'occasion de l'adoption
du projet de loi, mais également en faisant une analyse prospective de ses
effets. En effet, par définition, la
révision du mode de scrutin est un exercice exceptionnel, et il serait curieux
de penser qu'on va le refaire à tous les 10 ans. Donc, s'il y a des effets pervers, on doit les
prévoir maintenant, les anticiper maintenant et on doit s'assurer de ne pas
les conforter. Nous allons d'ailleurs revenir sur ce point-là dans quelques
instants.
Le
troisième principe, et il est précieux, particulièrement pour tous les élus et
les citoyens et citoyennes de région : la proximité entre la
députation et les électeurs. Ce principe-là est majeur pour nous. La proximité
entre le citoyen, entre l'élu municipal et
les députés doit être garantie. C'est également un sujet sur lequel nous allons
élaborer un peu plus.
Le quatrième principe concerne le respect des
limites territoriales des MRC. Pour nous, à la Fédération québécoise des municipalités, pour nos membres, il est
primordial que le découpage des circonscriptions tienne compte des autres
paliers de représentation démocratique et, plus spécifiquement, qu'il tienne
compte des limites territoriales des MRC. Il faut s'assurer que le territoire
de MRC ne soit pas découpé en plus d'une circonscription.
Finalement, la Fédération
québécoise des municipalités demande que toute modification au système
électoral québécois et à son mode de scrutin comprenne des mesures qui
favoriseront l'atteinte d'une représentation paritaire.
• (11 h 50) •
À la lumière de ces
principes, la fédération et ses membres ont procédé à l'analyse du projet de
loi n° 39. Ainsi, en ce qui concerne le poids politique des régions et
au-delà du fait que le nombre de sièges reste inchangé, l'introduction d'une nouvelle carte électorale comprenant des sièges de
circonscription et des sièges de région change complètement la donne de l'appareil démocratique des Québécois et des
Québécoises. Deux aspects nous préoccupent de façon particulière : l'évolution démographique des régions du
Québec et l'étendue prévue des territoires. Le projet de loi
détermine une méthode de calcul de la... par méthode de calcul la répartition
des sièges. Selon la méthode annoncée, la répartition du nombre de députés par
région reste relativement inchangée, à quelques exceptions près. Toutefois, nous attirons votre attention sur le fait que,
cette analyse étant produite à partir des données populationnelles
actuelles, tout nous porte à croire
que l'équilibre présenté maintenant changera à moyen terme. Puisque
la loi sur les élections oblige la
révision de la carte des circonscriptions électorales après la deuxième élection
générale suivant la dernière délimitation, le poids politique des régions qu'on dit vouloir garantir à travers
le projet de loi ne pourra être garanti. La FQM demande
donc que le projet de loi assure la pérennité du poids politique des régions.
La nouvelle carte électorale comporterait également
45 sièges de région sur les 125 actuels et maintenus. Ce nouveau découpage ajoute un ou des députés par territoire
de région selon le calcul de répartition tel qu'inscrit au projet de
loi. C'est un nouveau type de député
qu'on voit apparaître, le député de région versus le député de circonscription, et ça amène tout un lot de questionnements et de préoccupations aussi quant à la représentation régionale par rapport à celle du député de circonscription. Par exemple, vers quel député la population,
dont les élus municipaux, devront-ils
se tourner pour faire avancer leurs
dossiers? De quelle façon le travail sera-t-il réparti entre les députés? De
quelle façon les députés de
formations politiques différentes parviendront-ils à travailler sur les
dossiers prioritaires d'une région? Ces questions-là, ça nous préoccupe
énormément. Je vous rappelle qu'un député en région, dans les grandes régions
du Québec, c'est précieux, autant pour les
citoyens que pour les élus, et sans compter que la proposition actuelle fait en
sorte qu'il existerait désormais deux
classes de députés, ceux de circonscription, ceux de région. Devant toutes ces
interrogations, nous demandons que soit clarifié le rôle des députés de
région.
Et parlons de proximité, maintenant. Je l'ai
mentionné, la proximité avec le député ou les députés, qu'ils soient issus
de listes ou élus dans une circonscription,
ça nous préoccupe. Ça a été longuement discuté par les membres de la FQM.
Le projet de loi annonce un nouveau
découpage de la carte électorale pour avoir 80 députés de circonscription,
et chaque circonscription... seront
regroupées en 17 territoires de régions électorales. À notre avis, un tel
redécoupage défavoriserait les électeurs des régions moins populeuses.
Je vous invite à
réfléchir au fait qu'on ne peut pas réaliser à 80 circonscriptions ce qui
a été déjà très difficile à accomplir à 125.
Pour le citoyen qui est loin de la Capitale-Nationale, qui est loin de la
métropole, le député, je le répète, c'est
précieux. C'est souvent le seul lien avec le gouvernement, et l'État, et avec
tout l'appareil gouvernemental. Il en va de même pour l'élu municipal.
Il apparaît clair pour la fédération que la proximité entre le citoyen et son
député sera grandement affectée.
Et que dire de l'étendue des territoires des
députés issus des listes régionales? Je vais vous parler de ma région. Le député qui serait élu pour représenter à titre
de député régional la région de l'Abitibi-Témiscamingue aurait à couvrir
un territoire de plus de
65 000 kilomètres carrés, deux fois la superficie du Vermont. Le
député de la Côte-Nord aurait, quant à lui, 1 300 kilomètres
de côte à parcourir, en réfléchissant aussi au fait que la route 138
arrête à Natashquan. On peut parler des
régions du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, ce sont aussi des régions qui ne
compteraient qu'un seul député de région. De quelle manière on pourrait,
à ce moment-là, garantir la proximité entre les citoyens et le député de
région? On croit que ce serait quasi impossible à établir. Ainsi, pour la
Fédération québécoise des municipalités, l'éventuelle
adoption de ce projet de loi dans sa forme actuelle constituerait assurément un
recul important pour la population et les élus municipaux des régions,
qui doivent faire appel aux députés de l'Assemblée nationale pour faire avancer
leurs dossiers et collaborer au développement de leur territoire.
Concernant les délimitations des circonscriptions
et régions, nous demandons encore que les limites territoriales des MRC
soient respectées afin de faciliter et consolider le travail et les échanges
entre les élus des différents ordres de
gouvernement. D'ailleurs, la reconnaissance des municipalités et des MRC en
tant que gouvernements de proximité doit également se refléter dans le
projet de loi, qui établit de nouveaux territoires électoraux.
Le projet de loi
prévoit enfin l'imposition aux partis politiques de se doter d'un énoncé
relatif aux objectifs que se fixe son parti en ce qui concerne la parité entre
les hommes et les femmes. Pour nous...
Le
Président (M. Bachand) : ...à conclure, par exemple. Le
temps est déjà dépassé. Merci.
Mme Bolduc (Claire) : Parfait. Alors, pour nous, cette imposition est
insuffisante. Nous recommandons que toute réforme inclue l'obligation de
déposer des listes paritaires pour les candidatures régionales.
Alors, je conclus. Pour nous, la décision de changer
le mode de scrutin actuel appartient ultimement à la population. Alors, on demande que toutes les conditions soient assurées afin que la population
puisse faire un choix éclairé. La FQM demande
que le gouvernement réponde aux interrogations présentées dans son mémoire,
qui reflète les préoccupations de ses
membres, dont en particulier la clarification du rôle des députés de région et le
respect des délimitations de
territoires des MRC.
La FQM rappelle les inquiétudes quant à la perte
de proximité avec la population, les élus municipaux et leur députation
due à l'étendue des territoires des nouvelles circonscriptions et des
territoires de régions, particulièrement...
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je dois vous arrêter parce qu'on
a dépassé le temps de quelques minutes. Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme LeBel :
Je vais vous laisser peut-être le temps de finir votre phrase, puis après ça je
pourrai vous poser quelques questions, si vous me permettez.
Mme Bolduc
(Claire) : Nous sommes ouverts à des propositions et des changements
qui visent à améliorer notre mode de
scrutin, tout à fait ouverts. Mais, après une analyse qui a associé des
centaines d'élus de toutes les régions du Québec, force est de constater
que le projet de loi actuel ne répond pas à ces conditions. Merci de votre
attention.
Mme LeBel :
Bien. Alors, j'ai bien fait de vous laisser terminer. Au moins, le mot
«ouverture» est entré dans votre discours. Donc, merci pour cette dernière
phrase, mais j'ai très bien compris. D'ailleurs, on a eu l'occasion de se
rencontrer.
Je
vais peut-être commencer par clarifier quelque chose, deux petits points qui
m'ont un peu titillée dans ce que vous
avez dit. Clarifier le rôle du député. Le député, qu'il entre par la porte de
la circonscription ou par la porte de la liste, pour moi, c'est un moyen d'accéder à l'Assemblée nationale et pas une
fin en soi. Et je pense que c'est les gens du MDN qui l'ont bien dit, les députés auront le même
rôle sur le territoire. Donc, ça sera, après ça, effectivement, un changement
de culture, une réorganisation.
Je vais prendre l'exemple de la Mauricie, parce
que j'en proviens, et pas parce que... mais j'ai constamment des gens
qui viennent me voir qui ne sont pas dans ma circonscription comme telle et qui
viennent de la grandeur du territoire. Je
m'occupe également, aussi, de dossiers avec mes trois autres collègues, dont un
est ici présent aujourd'hui, le député de
Maskinongé, que je salue, de dossiers qui sont régionaux. Donc, il y aura
effectivement, vous avez raison, une organisation qui devra se faire
entre les élus, un apprentissage. Il faudra réapprendre à travailler, c'est
exact. Mais je veux juste vous rassurer, je
pense que le rôle... le rôle est le même, et, en tout respect, je me vois mal,
dans une loi électorale, dire que le
député de région va faire telle affaire puis le député de liste va faire telle
affaire. Je pense que ce n'est pas judicieux de le faire. Mais c'est ma
position, je verrai si d'autres la partagent.
Autre
chose que je voulais clarifier aussi, parce que mon collègue député de
LaFontaine emploie aussi — «astuce» me venait en tête, mais je pense que je ne peux
pas — cet
argument en disant : Le député de région aura 1 000 kilomètres... je veux dire, en tout cas, les chiffres
que vous avez dits. Bien, il n'est pas le seul sur le territoire, là. Là, quand on discute de ça, c'est comme si le
député de région allait être tout seul en Gaspésie, là. Ce n'est pas le cas,
puis il ne sera pas tout seul sur la
Côte-Nord non plus. Et, vous l'avez mentionné d'entrée de jeu, un des efforts
qui est fait à travers le projet de
loi, c'est de maintenir à peu de choses près le même nombre de députés par
région. Donc, je pense que c'était
important de le mettre sur la table avant de continuer nos discussions, mais
c'est important aussi de bien le comprendre. Mais, oui, il y a un changement de rôle, dans le sens de partage et de
façon de travailler, mais ce sont des députés qui sont équivalents, qui ont la même légitimité. Ce sont
juste deux façons différentes d'accéder à un poste à l'Assemblée nationale.
Puis je sentais le besoin de le dire, ça fait que ça fait partie de ça.
• (12 heures) •
Maintenant,
je partage vos préoccupations, M. Demers, que vous avez exprimées dans une
lettre ouverte au nom de vos membres.
J'ai eu l'occasion de rencontrer vos membres. Vos membres sont mes... Je
travaille avec vos membres. J'ai
quand même... j'ai 19 municipalités, dont deux préfets, sur mon territoire
et des MRC scindées, donc je comprends exactement
les préoccupations de vos membres, et ils ont eu l'occasion de me les véhiculer à maintes reprises. Vous avez mentionné, dans une lettre ouverte, le
2 avril 2019, la chose suivante : «...toute proposition de réforme du
mode de scrutin ne pourra pas
s'appuyer uniquement sur le principe de la représentation proportionnelle du
vote, puisque cela ne fera
qu'accentuer la perte d'influence des régions et le sentiment, déjà largement répandu à l'extérieur de Montréal et de
Québec, de ne pas être entendus par nos gouvernements.
«Plusieurs
sociétés démocratiques ont compris cela en adoptant un système reconnaissant
non seulement le vote populaire, mais également les régions qui
composent leur territoire.»
C'est
le point d'équilibre qu'on a tenté d'obtenir et d'atteindre dans le projet de
loi qui est présenté, c'est-à-dire le point d'équilibre entre divers
principes, et j'en ai discuté précédemment, si vous avez eu l'occasion
d'entendre mes propos, dans le fait que des fois il faut choisir entre l'effet
proportionnel, des fois il faut choisir entre le poids des régions, des fois il
faut choisir entre la stabilité gouvernementale.
Plusieurs principes
ont motivé les différents choix, puis c'est pour ça que je vais vous parler
peut-être plus particulièrement des
modalités. Vous parlez d'assurer ou de maintenir le poids politique des régions
à l'Assemblée nationale. J'imagine que vous êtes en faveur du maintien des 17 régions
administratives. Parce qu'on a parlé, et certains ont dit : Bien, ça sacrifie de la proportionnalité. Bien,
c'est un peu le choix qu'on a fait. Donc, j'imagine que vous êtes en faveur
du maintien des 17 régions administratives?
M. Demers (Jacques) : Absolument, oui. Sur le principe des 17, on n'a
pas de problème. Mais j'ai besoin de répondre quand même à vos deux affirmations d'avant, où est-ce que vous avez
parlé des deux députés. On comprend qu'au niveau de l'Assemblée
nationale ça ne change rien, il y a 25 sièges, ils restent à 25. La
problématique, on la voit sur le terrain, on
la voit quand... nous, en tant que maires ou de préfets, à qui on pose nos questions,
avec qui on travaille? On va avoir deux, maintenant, députés. Les rôles,
dans ce sens-là, pour moi, ils ne sont pas clairs. Est-ce que, maintenant, je
dois expliquer à deux députés, chez nous, comment que ça se passe?
Puis la question pourquoi qu'on dit que c'est
différent en région, c'est que les ministères se trouvent rarement au
niveau des régions. Sur ces grands territoires là, quand on veut faire affaire
avec un ministère, on a énormément de
kilomètres à faire, ça fait que, la plupart du temps, on fait affaire avec
notre député. C'est de là où on se dit : Le rôle est quand même différent que quand on se retrouve dans
une grande ville, où est-ce que, si on veut cogner dans un des ministères,
bien souvent, on va trouver la porte assez
près ou on peut s'y rendre facilement. C'est de là où on dit qu'il y a une
distinction.
Mme LeBel : ...peut-être un avantage de vous trouver un peu
comme dans la situation de la mairesse de Montréal ou d'avoir plusieurs députés à qui vous adresser,
alors que, dans la plupart des cas, vous n'avez qu'un député en région, effectivement. Moi, je pense que c'est une
ouverture, mais vous avez raison, il y aura de l'adaptation à faire dans ce
poids-là. Donc, 17 régions, ça va.
Nous avons aussi fait
le choix, dans le projet de loi, qui, nécessairement, affecte d'autres régions,
entre autres la ville... pas la ville de
Montréal, mais l'île de Montréal, de garantir des sièges à toutes les régions,
donc toutes les régions, dans le
projet de loi, ce qui n'existe pas dans le mode de scrutin actuel. Et, vous
avez raison, en fonction des mouvements démographiques, dans le mode de scrutin actuel, il y a des régions qui
sont en danger potentiel de perdre des circonscriptions. Nous garantissons présentement, dans le projet de loi,
un député de circonscription, un député de liste. Donc, deux députés sont garantis à toutes les régions, présentement,
ce qui n'était pas le cas avant, nonobstant les mouvements démocratiques.
Et, qui plus est, compte tenu que
l'Île-de-la-Madeleine devient une circonscription d'exception, trois députés
sont garantis en Gaspésie. Donc, je
comprends qu'il y aura toujours les mouvements démographiques, mais ils ne sont
pas... ils ne découlent pas du mode
de scrutin que l'on propose, ils découlent de la réalité de la vie. Et, pour
être en région, je comprends aussi qu'il faut garder les gens dans nos régions, et ça, ce sont des stratégies
qu'il faut faire. Il faut tous travailler dans ce sens-là, je suis
d'accord, mais ça ne découle pas du mode de scrutin actuel.
Donc, est-ce que vous aviez noté le fait qu'on
garantissait des sièges? Et c'est quand même en vertu du principe de maintenir le poids des régions. Et,
naturellement, ce faisant, bien, on... pour donner... tu sais, pour habiller
Paul, il faut déshabiller Pierre.
Malheureusement, Pierre, dans ce cas-ci, on l'a vu, risque d'être l'île de
Montréal, qui pourrait perdre trois
députés, selon la démographie de 2018, je tiens à le souligner. Donc, dans ce
cas-là, on a fait primer l'argumentaire du poids politique des régions sur la proportionnalité. Donc, est-ce que
vous l'aviez noté? Et est-ce que vous êtes d'accord avec cette
mesure-là?
M. Demers (Jacques) : Oui, on l'avait vraiment noté, puis surtout
qu'on a vu aussi l'impact que ça peut avoir. Mais en même temps on s'aperçoit que, présentement, on parle beaucoup
d'étalement urbain, on parle de toutes sortes de choses qui pourraient
accentuer la vague qu'on vit présentement, quand on voit certaines régions se
vider. Mais en même temps qu'on dit qu'on ne
veut pas d'étalement urbain, mais on veut, par exemple, que le territoire
du Québec nourrisse le Québec, que les fruits, les
produits, que l'agriculture fonctionnent, bien, si on ne pense pas à nos
territoires... Là où est-ce que ça se
produit, bien, il faut garder des services, il faut garder des choses. De là
où, quand on parle de poids politique,
si on n'a pas ces services-là... On va demander à des gens de se déplacer dans
les régions pour nourrir l'ensemble du
Québec, mais là où est-ce qu'il n'y aura plus de services de proximité, où
est-ce qu'on n'aura plus de banque, de caisse, on n'aura plus de
dépanneur. Oui, c'est ce qui va causer... L'étalement urbain, là, il faut faire
attention où est-ce que ça se produit...
Puis de nourrir le Québec, c'est deux choses qui, présentement, se confrontent
puis qui peut avoir une grande importance dans le mouvement de
population. On le vit déjà, ça fait que faisons attention pour ne pas
l'accentuer, puis gardons un pouvoir, au niveau des régions, de pouvoir s'exprimer
puis d'avoir leurs besoins, tout simplement.
Mme LeBel :
Tout à fait. Deux autres points, peut-être, rapidement, dans le six minutes, à
peu près, qu'il me reste, que
j'aimerais aborder avec vous, et je vais y aller tout de suite sur le
10 %. Vous êtes les seuls, jusqu'à présent — on verra pour la suite — qui êtes d'accord avec la proposition gouvernementale,
présentement, de mettre le seuil... je vais appeler «le seuil
d'accessibilité», parce que c'est le seuil qui donne le droit de participer à
la distribution des députés de liste ou des
compensations, pour le dire de cette façon-là. Alors, pourquoi est-ce que vous
êtes en faveur du 10 %? Et pourquoi vous pensez que c'est correct
et suffisant, là?
M. Demers
(Jacques) : Bien, d'après moi, pour le même sens que pourquoi
qu'il y a eu un 10 % admis, puis qu'il
y a un 5 %, puis on n'est pas à 1 % : il fallait choisir. Ça a
été mis là, mais, que quelqu'un me dirait : On serait mieux à 9 %, à 8 % ou à 7 %, on n'est pas
dans le... vraiment, là, à définir ça de façon très précise. On a vu le
10 %. Ce qui est sûr, ça prend
un certain seuil. On ne veut pas non plus se retrouver dans... Quand on veut
écouter les citoyens, on veut savoir ce
qui se passe puis qu'il y ait des vagues, que ça ne soit pas seulement que la
saveur de ce moment-là, mais vraiment un sentiment des Québécois, puis
je pense que c'est pour ça qu'il faut mettre un seuil à ça. On ne l'a pas
déterminé, puis on ne s'est surtout pas accrochés dans le chiffre de 10 %,
à ce moment-ci, là.
Mme LeBel :
O.K., parfait. Bien, merci de le préciser. D'ailleurs, je vais peut-être vous
pousser un peu plus dans ce sens-là, parce
que vous dites que le seuil de 10 %... Bon, la notion de seuil, je pense
qu'elle est bien comprise et elle fait consensus, à mon sens, mais ce
que vous dites, c'est que, le «seuil est raisonnable et peut constituer une
sorte de protection face à la fragilisation
des gouvernements par une limitation des formations politiques siégeant à
l'Assemblée nationale». C'est la raison d'être d'un seuil comme tel,
mais est-ce que vous pensez que le seuil de 2 %, ou de 3 %, ou même de 5 %, tel qu'il a été discuté,
pourrait remplir cet objectif-là de limiter pour éviter une... fragilisation,
pardon, où certains ont parlé, même,
de courants marginaux de pensée qui pourraient accéder à l'Assemblée nationale,
avec un seuil trop bas?
M. Demers
(Jacques) : Bien, je pense
qu'on parle encore de 125 députés pour l'Assemblée nationale. Si on veut
avoir 125 députés, ça prend quand même des
gens qui représentent la population. Puis, sur cette base-là, on ne peut pas
avoir non plus 100 députés de partis
différents. À un moment donné, il faut avoir des lignes, il faut quand même
avoir... il faut un seuil. Le seuil,
comme je vous disais, que quelqu'un me dise que c'est exagéré, à 10 %,
qu'il faudrait avoir un 8 % ou
un 9 %, bien, je pense qu'il faut trouver ce chiffre-là puis on va vivre
avec cet élément-là, mais on ne pense pas qu'il faut être à 0 % ou
à 1 %, là, tu sais. Il faut absolument déterminer ce chiffre-là. Puis, les
calculs, comme je vous dis, il y a des éléments, pour les régions, pour nous,
encore plus importants que celui-là.
Mme LeBel : Donc, tant que le
seuil qui sera proposé ou mis de l'avant, éventuellement, qu'il reste à 10 %
ou à un autre chiffre, rencontre le principe
d'une certaine stabilité gouvernementale, dans le sens de ne pas multiplier les
gens qui seront à l'Assemblée, vous serez derrière ça.
M. Demers (Jacques) :
Absolument.
Mme LeBel : Parfait. Double candidature, qu'en pensez-vous?
Vous représentez la majorité des... bien, pas la majorité, vous représentez des élus. Peut-être que vous ne
vous êtes pas penchés sur la question parce que ce n'est effectivement pas
un élément qui est central au projet de loi,
peut l'être pour certains adeptes, mais n'est pas nécessairement pour d'autres.
Mais une des
préoccupations qui peut être légitime ou contrée par d'autres arguments, c'est
justement d'avoir deux classes. Celle des deux classes de députés, vous
l'avez, comme préoccupation, vous l'exprimez autrement, mais d'avoir, exemple, des députés qui pourraient
accéder à l'Assemblée nationale en ayant été battus en circonscription, donc,
n'aurait peut-être pas la même... Je ne
dirais pas qu'ils ne sont pas légitimes, ce n'est pas ça que je dis, parce que
des gens auront voté pour eux,
nécessairement, s'ils se retrouvent à entrer par la porte de la liste, mais
peut-être pas la même légitimité aux
yeux des gens. C'est un argument, je n'y adhère peut-être pas, mais je le mets
de l'avant pour avoir votre opinion et... ou bien... Bien, c'était pas
mal ça.
M. Demers (Jacques) :
Claire, si tu veux...
Mme LeBel : Ça m'arrive,
moi-même, des fois, de me perdre dans mon dédale.
Mme Bolduc (Claire) : En fait,
la question a été évoquée, et les gens, autant nos membres qu'à l'assemblée des MRC, ne semblaient pas très à l'aise avec le
fait qu'une personne qui n'ait pas été élue dans sa circonscription revienne
par une autre porte, qui est celle des
députés de liste. Mais il n'y a pas eu de prise de position formelle, dans nos
principes, à cet égard-là.
Mme LeBel : Vous sentiez un
malaise, mais il n'y a pas eu de levée de boucliers.
• (12 h 10) •
Mme Bolduc
(Claire) : C'est ça. Le malaise était clair, les gens avaient... ils
exprimaient vraiment de quelle façon quelqu'un qui n'est pas élu, qui se retrouve quand même
élu, face à la personne qui, elle, a été dûment élue par ses concitoyens...
les gens ont exprimé ce malaise-là. Par contre, ça n'a pas fait partie des
principes sur lesquels on nous demandait de représenter la volonté des élus.
Mme LeBel : Merci. Merci
beaucoup de votre apport.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci
beaucoup. Alors, on va aller au coeur
du débat, ça fait que je ne vous parlerai pas de double candidature puis je ne vous parlerai pas du seuil
de 10 %, parce que je pense que
ça, c'est périphérique au cri du coeur que vous venez de nous lancer.
Alors,
premier élément qu'on va pouvoir mettre de côté assez rapidement dans nos
échanges, vous dites que c'est un
bouleversement — je le
qualifie, et ça, c'est le mot que j'utilise — le projet de loi n° 39, c'est fondamental.
Les citoyens devront faire, le cas
échéant, dans un référendum, un choix éclairé. Êtes-vous d'accord avec
l'affirmation que ce choix éclairé là ne serait pas optimal si c'était
en même temps qu'une campagne électorale?
M. Demers
(Jacques) : Non. J'oserais même quasi dire : Au contraire,
je pense que les Québécois n'ont pas de difficulté
à répondre à deux questions dans une même journée. Non, on ne s'accroche pas sur cet
élément-là. Ce qui est important, c'est qu'il y ait
des gens qui aillent voter et qu'il y ait un taux de votation significatif. C'est-à-dire que, si on le divise, ma crainte, c'est qu'on n'attire peut-être
pas autant de gens qui vont s'impliquer.
Puis, dans chacun des partis, vous avez toujours
des programmes électoraux avec plein de points, puis pourtant, une fois
qu'un parti est élu, dire : On a été élus là-dessus... Je ne suis pas sûr
que, chacun des points qui est mis dans vos
plateformes électorales, les gens les ont nécessairement tous analysés,
tandis que, celui-là, je suis convaincu que, si on le met en place puis
que les gens ont la chance de voter là-dessus, bien, il devrait y avoir les
discussions.
Puis ce qu'on amène aujourd'hui, plusieurs choses,
on n'a pas de réponse, on a beaucoup de questionnements encore, puis pourtant ça fait longtemps qu'on travaille là-dessus. Je pense que les
gens auraient la chance de vous entendre, d'un côté comme de l'autre.
M. Tanguay : Mais
diriez-vous également qu'une campagne référendaire distincte pourrait
obtenir ce résultat-là également, pas de façon moindre non plus? Qu'il y ait une
campagne référendaire exclusivement sur cette question-là, qu'on se penche sur tous les tenants et
aboutissants, exclusivement là-dessus, ce ne serait pas moins bon, autrement dit?
M. Demers
(Jacques) : ...on pourrait se questionner.
Déjà, au Québec, on a une année qu'il y a des élections au provincial, une année qu'il
y a des élections au municipal, une
année qu'il y a des élections au fédéral, ça fait qu'il faudrait
être sûrs qu'on tombe sur l'année qu'un gouvernement minoritaire ne fera pas... et qu'il y aura encore une élection à ce moment-là. Parce que, de toute façon, on
va croiser une élection. Il n'y a en pas... Vous n'avez pas d'espace à
dire : On va avoir plus d'un an entre des élections, nulle part. Ça
fait que je ne le sais pas, à quel endroit vous pensiez qu'on pouvait faire un
référendum qui laisse absolument suffisamment de temps pour avoir cette
discussion-là.
M. Tanguay : Vous dites : Deux classes de députés, puis
j'en suis, également, députés de région, 45, et députés de
comté. Plusieurs aspects. Premier aspect, le rôle qui n'est pas pareil. Il y a
l'aspect du rôle, des dossiers, la nature des
dossiers. Après ça, on va parler de l'accès à son député pour le citoyen
puis pour vous, donc en termes de populationnel, puis après ça on va
parler du territoire que vous avez dit qu'il doit couvrir.
Alors, je veux vous
laisser pleinement, là, parce que je n'ai pas beaucoup de minutes, il m'en
reste sept, là... Il y aura définitivement deux classes de députés, on ne se le
cachera pas. Moi, si je suis député de la Montérégie, j'aurai à desservir 1 151 000 citoyens. Mon collègue, hier,
de Québec solidaire a dit : Oui, mais tu ne seras pas tout seul,
vous seriez huit. Bien, c'est bien de
valeur, première des choses, on va diviser 1,1 million par huit, ça
fait 144 000 électeurs. Mettez
ça en termes de population, ça fait bientôt un quart de million de population
à desservir. Mais aussi, si moi, je suis député de région puis qu'un des
commettants des 1,1 million veut me voir, moi, là, pensez-vous que je vais
lui dire : Bien, moi, ma journée est faite, va voir l'un des sept autres?
Non, il va falloir que je lui donne accès.
Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus,
quant aux bouleversements que ça impliquerait sur ces trois aspects-là, puis je veux vous laisser le plus de temps
possible. Sur la nature des dossiers,
ça ne sera pas pareil, moi, si j'ai
mon comté, j'ai mes dossiers de
comté, versus la grande région. Sur l'aspect populationnel, desservir une
population énorme et d'avoir moins
accès à mon député, comme citoyen puis comme élu, puis, deuxième élément, donc,
le territoire qui est à parcourir, qui
est énorme, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur les drapeaux rouges, très, très
clairement, que vous soulevez ce matin, là.
Mme Bolduc (Claire) : Bien, ça me fait plaisir de répondre à la
question. D'abord, Mme la
ministre, tout à l'heure, a dit que les députés auront le même rôle. Je pense que oui. À
partir du moment où la personne siège à l'Assemblée nationale, le rôle d'un député
en est un de législatif, de réglementaire
et de faire... de générer les équilibres nécessaires au fonctionnement d'une société. La demande qu'on
exprime, l'inquiétude qu'on a manifestée, c'est de quelle manière ces
rôles-là, une fois en région et dans chacune des régions, ça va s'articuler.
Dans ce contexte-là, on a besoin d'avoir des
précisions sur, par exemple, la portée de représentation des députés. Si
deux députés de circonscription — je prends l'Abitibi-Témiscamingue — un
député de région sont dûment élus par la
population — parce
que, de toute façon, on va voter aussi pour le député de région — et qu'il y en a deux qui portent un certain programme politique, alors que l'autre
en porte un autre, de quelle manière l'écoute auprès des citoyens va se faire?
De quelle manière ces députés-là, qui sont
élus... La base de l'édifice démocratique, c'est d'avoir la lecture des
réalités des citoyens dans chacun des
territoires pour légiférer et réglementer de la meilleure façon possible. Cette
précision-là, on a besoin de la connaître. Vous nous posez la question,
on vous retourne le travail. C'est un travail de législateur de définir ça,
mais on a besoin d'avoir cette réponse-là.
Deuxième élément, le
député de région, qui aura certainement un plus grand territoire, il aura le
même devoir de représentation de la population, malgré... peu importe la
manière dont il va arriver. Alors, nous, ce qu'on pose, comme question,
c'est : De quelle façon on va légitimer auprès de la population la
représentativité des élus les uns par rapport aux autres? Et, encore une fois,
on ne vous dit pas comment le faire, on vous manifeste les inquiétudes et les préoccupations que nous avons relevées, autant
chez nos citoyens que parmi les élus qui ont eu l'opportunité de discuter
de ce sujet-là. Est-ce que...
M. Tanguay :
Et donc, effectivement, il faut voir ça également. Quand on dit qu'il y aura
désormais 80 comtés, parce qu'on prend 45 députés puis on dit :
Vous, les députés, là... on change fondamentalement le rôle du député. Moi, si
je suis député de région de la Montérégie, je reviens avec cet exemple-là, ou
de Montréal, ou de Québec, ou de la Gaspésie—Les Îles, si je représente toute cette région-là,
je devrai avoir un rôle qui, nécessairement, sera différent par rapport
au territoire que j'ai à couvrir. Et les gens, mes élus municipaux, vous, vous
devez beaucoup travailler. Moi, je le sais.
Moi, je représente LaFontaine, qui est Rivière-des-Prairies.
Rivière-des-Prairies, à Montréal... c'est une autre réalité, Montréal, c'est la moitié d'un
arrondissement, et j'ai des élus municipaux. Oui, j'ai la mairesse Plante, mais
je travaille beaucoup avec mes élus
d'arrondissement, la mairesse Caroline Bourgeois et mes élus municipaux. On se
voit, c'est du un pour un, je dois
travailler avec cinq élus municipaux dans une même moitié d'arrondissement de
la grande ville de Montréal. Mais en
région, vous, les élus, vous allez vouloir parler à votre élu régional puis
probablement aussi surtout à votre élu de comté. Bien, eux, si on passe
de 125 comtés à 80, ça va faire 80 grands, grands, grands comtés, de un. De
deux... Autrement dit, c'est comme une
redistribution des tâches de façon à alourdir la tâche de tout le monde. Si on
vous dit : On est 125, on prend chacun 1/125 du Québec, ça tient la
route. Si on vous dit : Bien là, on va agrandir vos comtés, vous allez être 80 pour couvrir le Québec entièrement,
on augmente le nombre d'élus, on augmente le territoire, puis les autres,
bien, vous allez représenter les 17 régions,
ces 45 là, bien, on augmente également. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur le fait que c'est une réorganisation
de travail qui pénalise les députés puis qui diminue l'accès à son député.
Mme Bolduc (Claire) : Alors, pour revenir... On l'a rappelé, le député
dans une région, Abitibi-Témiscamingue, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, c'est une personne-ressource
précieuse. Quand on est à Montréal ou Québec, quand on est dans l'axe Québec-Montréal, c'est facile d'avoir accès aux directeurs de ministères, c'est facile d'avoir accès aux
dirigeants, c'est facile d'avoir accès aux sous-ministres. Chez nous,
même les lignes téléphoniques qui nous amènent à Québec ou à Montréal, c'est très difficile de parler à quelqu'un. On a des
belles boîtes vocales. Alors, la
personne à qui on peut parler, celle
qui va nous aider à faire cheminer un dossier, c'est le député, souvent, et
cette personne-là, elle est précieuse. Ce qu'on vous demande... On ne
vous dit pas que ce n'est pas faisable. Actuellement, il y a 70 députés au
fédéral. On aurait...
Une voix :
...
• (12 h 20) •
Mme Bolduc (Claire) : ... — 78,
oui, vous avez raison — on
aurait 80 députés au provincial, parce
qu'on a choisi deux circonscriptions
d'exception. Quand on regarde ça, ça peut se vivre. La question qu'on a, nous,
c'est : Quelle sera la dynamique
sur les territoires entre les
différents députés? C'est cette question-là qui nous préoccupe. Une fois rendu
à Québec, une fois rendu à l'Assemblée nationale, le rôle des députés devient le même : légiférer, réglementer et
générer les équilibres nécessaires au fonctionnement de la société.
M. Tanguay : Bonne
distinction. Avant, les quelques secondes qu'il me reste, page 9, vous dites,
puis j'aimerais vous entendre là-dessus
à la lumière des précisions que vous avez apportées, il y a peut-être
d'autres aspects : «...l'adoption
de ce projet de loi provoquera à
moyen terme une baisse réelle du poids politique des régions malgré les préoccupations prises par le gouvernement.» Pouvez-vous me l'expliciter, s'il
vous plaît?
Le
Président (M. Bachand) : Très rapidement, par exemple, le temps
est... Très rapidement.
Mme Bolduc (Claire) : En
fonction du redécoupage des cartes électorales qui sont prescrites...
L'actuelle Loi électorale oblige le redécoupage des cartes électorales à
toutes les deux élections générales.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Bonjour. Merci d'être ici aujourd'hui. Vous avez
des recommandations qui sont intéressantes, mais qui sont générales... d'aller dans le spécifique avec vous, parce
que vous exprimez une inquiétude, des préoccupations que tout le monde
partage ici, c'est-à-dire comment s'assurer d'une pérennité du poids politique
des régions, comment s'assurer d'une proximité, d'une relation forte, solide,
entre le député et ses électeurs, ses électrices.
Et vous invoquez une inquiétude, celle du déclin
démographique de certaines régions, une inquiétude, encore une fois,
qu'on partage, et vous dites : Ça, ça peut avoir comme conséquence une
diminution du poids politique des régions. Or, ça, c'est une inquiétude que vous
avez, actuellement, dans le mode de scrutin actuel, hein, et il y a des régions
qui pourraient être appelées à perdre des circonscriptions, qu'on change le
mode de scrutin ou non. Mais, en tout cas, c'est sûr que ça va arriver si on ne
change pas le mode de scrutin, si la tendance se maintient.
Or, l'avantage, justement, d'avoir des députés de
région, d'avoir un minimum de fixé par la loi, un certain minimum de
députés régionaux, c'est justement de venir verrouiller la présence de ces
députés-là, quel que soit le déclin démographique,
en introduisant par exemple une disposition qui dirait : Il y a un minimum
de deux députés de région par région,
quel que soit le nombre de circonscriptions, qui, lui, en effet, pourrait
varier selon l'évolution démographique.
Est-ce
que, donc, en venant augmenter le nombre général de députés au Québec et en
s'assurant qu'il y ait plus de
députés régionaux par région, on ne viendrait pas non seulement répondre à
votre préoccupation liée au mode de scrutin mixte, mais même augmenter le poids politique des régions par rapport à
la situation actuelle? Donc, est-ce que, de ce point de vue là, la réforme du mode de scrutin ne
pourrait pas être une avancée en matière de poids politique pour les régions
du Québec?
M. Lepage
(Sylvain) : Si vous me permettez, avec égards, la préoccupation
actuelle des régions, ce n'est pas la proportionnelle. La préoccupation des
régions, c'est d'être de moins en moins représentées et être de plus en plus
représentées ou dirigées par la Capitale-Nationale et par...
M. Nadeau-Dubois :
Mais ce que je vous dis, c'est qu'on pourrait augmenter par rapport au statu
quo, qu'il y ait plus d'élus par région.
M. Lepage (Sylvain) : Bon, alors, je vais vous poser la question : Quelle est la
principale critique que font les gens en
région eu égard aux députés fédéraux, qui ont déjà de très grands territoires?
C'est de ne... ils ne sont jamais là, ils ne sont pas présents. Et là,
ce que vous nous proposez, c'est...
Une voix : ...
M. Lepage (Sylvain) : Non, on
va dire : Il y a 125 députés, on va agrandir les territoires des députés
actuels, ils vont tomber à 80, puis les
autres députés qu'on va ajouter, on va leur donner encore des plus grands
territoires. Et là vous dites à ces
gens-là : Vous allez être mieux représentés, même si vous allez voir moins
souvent votre député de région parce qu'il va devoir couvrir des
territoires...
M. Nadeau-Dubois : Mais, si on
en ajoutait? Si on mettait plus de députés régionaux par territoire?
Le
Président (M. Bachand) :
Merci. Merci. Alors, je vais passer la parole au député de Rimouski, s'il vous
plaît.
M. LeBel :
Merci. Bien, bonjour. Moi, je repense toujours à ma dame, chez nous, qui
disait : Moi, Harold, j'ai voté pour toi, mais j'aurais aimé ça
aussi voter libéral. Parce qu'elle a voté pour moi, en fin du compte, les
libéraux n'ont pas eu le vote, mais je voudrais
que son vote compte. Puis ce qu'on veut faire là, c'est de faire en sorte que
son vote compte, qu'elle va pouvoir voter pour moi puis voter aussi sur
une liste libérale si elle veut voter. Il faut revenir à ça, hein? C'est ça,
l'essentiel qu'on voulait faire.
Moi, j'ai
étudié ça puis je me disais : Il fallait conserver le poids politique des
régions. Je suis un député de région puis
je sais ce que c'est, ma circonscription est grande. Puis ce qu'on nous amène
là, il va y avoir... On est trois députés dans le Bas-Saint-Laurent. Ce qu'on a dans la proposition, il va y avoir
trois députés dans le Bas-Saint-Laurent. Il y a même des amendements qui fait qu'on pourrait peut-être
en avoir un quatrième, un deuxième de liste. Ça ferait qu'on gagnerait,
on aurait plus de députés.
Ce que ça
change, c'est que les députés vont travailler sur le même territoire, et là les
gens, les élus, donc, pourront aller
à un ou à l'autre, mais ils vont travailler sur le même territoire. Mais il va
y en avoir plus ou au moins le même nombre, ça fait que ce n'est pas là qu'il y a un danger. Ce qui est un danger,
par exemple, c'est que, moi, ma circonscription, on va rajouter deux MRC de plus. C'est sûr que, là, je
veux avoir des outils, je veux être capable... avoir un bureau dans chacune
puis avoir du personnel pour vous parler, et
ça, dans le projet de loi, il n'y a rien qui le prévoit. Le MDN nous propose,
là, quelque chose pour prévoir des outils.
Ça fait que,
vous voyez, le poids des régions, il est plutôt conservé. C'est la culture
qu'il faudra changer, et ça, ce n'est
pas évident. On travaille d'une même façon depuis très longtemps. Est-ce qu'on
peut changer cette culture-là? Les
députés pourraient travailler plus
ensemble. C'est là-dessus que... c'est ça, l'enjeu. C'est ça, le défi qu'on
propose, dans le fond.
M. Demers (Jacques) : O.K. Je pense que ça me permet un peu de répondre aussi
à la question d'avant. On
comprend qu'en frais de nombre il n'y a
pas une variation si importante. Ce qui nous interroge beaucoup
là-dessus... On revient à la question des deux
députés. Dans mon comté, là, du jour au lendemain, vous allez dire : Tu as
autant de députés que tu en avais précédemment. Maintenant, j'ai deux personnes
au lieu d'une à rencontrer, puis qui sont probablement dans deux partis différents. Comment qu'on fait
ces rencontres-là? On est déjà dans des cédules très serrées. Il va falloir nous expliquer réellement
ce qu'est le rôle de ces deux députés-là. En frais de nombre, c'est vrai qu'il
n'y a pas de différence, mais l'important, c'est que leur territoire est
maintenant plus grand. Ça fait que, là, il faut parler, maintenant, à deux
personnes quand on veut expliquer qu'est-ce qu'eux devront porter à l'Assemblée
nationale. Rendu ici, je comprends qu'ils
représentent... Puis vous allez dire : Les proportions sont correctes,
mais c'est à la base que le fonctionnement, pour nous, accroche.
Une voix : ...
Le
Président (M. Bachand) :
Merci. Mais juste passer... Parce que le temps file, et je dois passer la
parole à la députée de Marie-Victorin. Désolé, M. Châteauvert.
Mme Fournier :
Merci pour votre présentation. Corrigez-moi si je me trompe, mais,
généralement, lorsqu'il y a des enjeux qui sont débattus dans la société
québécoise par certains groupes, par exemple, ou certaines municipalités, c'est assez commun que le groupe en question va
rencontrer autant des représentants du gouvernement que de l'opposition.
Puis je vous donne l'exemple, pour faire référence directement au changement du
mode de scrutin, moi, je représente une
circonscription urbaine dans l'agglomération de Longueuil. On est six députés à
couvrir ce territoire-là et on représente trois allégeances différentes,
et en fait ça donne, je trouve, beaucoup d'outils aux représentants municipaux,
parce qu'ils peuvent aller nous contacter,
chacun d'entre nous, et ainsi avoir plus de poids politique. Je crois que ce
pluralisme, en fait, fait en sorte
que les dossiers avancent plus facilement, parce qu'ils peuvent être, disons,
défendus de part et d'autre, et j'ai l'impression que ça assure une
meilleure représentativité. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
M. Demers
(Jacques) : Bien,
probablement que, dans votre cas, vous avez raison. Dans un milieu urbain
densifié où est-ce que tout le monde
est là, peut-être que ça marche. Mais, si, nos deux députés, j'ai trois heures
d'un côté et trois heures de l'autre pour aller les rencontrer, je me dis : Je ne peux
probablement pas les rencontrer la même journée. Puis c'est ça qu'on vit sur le territoire, puis c'est là toute
la différence. Parce que, si les bureaux sont un à côté de l'autre puis qu'on
peut les rencontrer, du moins,
ensemble, qu'on pourrait débattre de nos points pour qu'après ça, à la porte,
il y a peut-être quelque chose
d'intéressant... Mais de là où est-ce qu'on va avoir un lien avec un des
députés... Et j'ai de la misère à penser que, localement, on aura deux députés qui, maintenant, portent...
Minimalement, il faut expliquer nos dossiers, maintenant, à deux
personnes, ça serait la base.
Mme Fournier :
Mais je reviens au concept gouvernement-opposition. Parfois, si vous voulez
faire avancer un dossier, vous allez,
par exemple, devoir vous déplacer à Québec, rencontrer un ministre ou
rencontrer l'opposition. Avec la réforme du mode de scrutin, ça assure qu'il y a autant des gens du gouvernement
que de l'opposition sur un même territoire puis ça peut éviter,
justement, peut-être, des déplacements ou des contacts avec le gouvernement du
Québec.
M. Demers (Jacques) : Si j'ai bien compris, ce qui nous est présenté aujourd'hui, ça ne nous garantit pas qu'on a quelqu'un qui est au pouvoir et
quelqu'un dans l'opposition, et pas la troisième ou la quatrième opposition qui
est sur mon territoire à représenter. Or donc, j'ai quand même à rencontrer ces
personnes-là. Je ne viens pas de diminuer mon rôle de représentation, là.
Mme Fournier :
Oui, mais, avec la compensation, ce serait très étonnant qu'une région soit
représentée par 100 % du même parti. En fait, c'est, je trouve,
l'avantage de la réforme.
M. Demers
(Jacques) : Mais il y a
beaucoup de chances qu'il y ait beaucoup plus de partis, par exemple, à qui on
aura à faire ces représentations-là.
Mme Fournier : Oui. Au moins
des deux côtés.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait. Sur ce, je vous remercie infiniment de
votre présentation.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
14 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 29)
(Reprise à 14 h 01)
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. La Commission
des institutions reprend ses travaux.
Je demande, bien sûr, comme vous le savez, à toutes les personnes présentes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Petit rappel
du mandat, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le cahier de consultation
sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.
Cet
après-midi, la commission va recevoir, entre autres, la Société
Saint-Jean-Baptiste, L'Union des producteurs agricoles, M. André
Blais, professeur, le Nouveau Parti démocratique du Québec et le Parti
conservateur du Québec.
Cela dit, je
vous informe que, pour la présentation du Pr Blais, ça sera par
visioconférence, donc il y aura des petites notes d'ajustement à faire
pour la présentation de M. Blais.
Cela dit, il
me fait plaisir d'accueillir les gens de la Socété Saint-Jean-Baptiste. Je vous
rappelle que vous avez 10 minutes
de présentation, après on aura un échange avec les membres de la commission.
Alors, la parole est à vous, M. le président. Bienvenue.
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM)
M. Laporte
(Maxime) : Merci, M. le
Président. Mes salutations aux membres de cette Assemblée. C'est toujours
un honneur de prendre la parole en cette noble institution.
Ce n'est pas
d'hier que la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal privilégie l'adoption
d'un mode de scrutin mixte compensatoire
pour le Québec. Depuis les débuts de la Révolution tranquille, la société aura même joué un rôle d'avant-garde
en ce domaine, comme en témoigne, par
exemple, cet extrait d'un procès-verbal de 1972 où il est dit, et je
cite : «Le mode actuel de
scrutin majoritaire à un tour fausse le sens du vote dès qu'il y a plus de deux
partis en lice. Quant au système à deux tours, il n'est pas jugé
vraiment démocratique.
«La [société]
de Montréal doit réitérer sa recommandation d'un système électoral mixte
s'inspirant du modèle allemand, qui juxtapose le système majoritaire
uninominal actuellement en vigueur et celui de la représentation
proportionnelle. Cette formule a le grand avantage de retenir à la fois la
stabilité gouvernementale du scrutin majoritaire
à un tour et l'élément d'équité et de justice de la proportionnelle.» Fin de la
citation. Ça aurait pu être écrit hier.
Tout d'abord, en tant que mouvement prônant l'agir
par soi-même de la nation québécoise, je ne saurais manquer de souligner, à titre liminaire, vous savez, que
le meilleur régime démocratique auquel un peuple puisse aspirer réside naturellement dans son indépendance politique.
Ainsi, tout au long de ces travaux, puissions-nous ne jamais perdre de vue
le caractère terriblement partiel du présent
exercice, sachant que c'est encore un autre Parlement dominé par des
représentants d'une
autre nation qui continuera demain à exercer les plus importants pouvoirs de
l'État. Or, si le mot «démocratie» revêt toujours un sens, le
parachèvement de la nôtre exige que l'ensemble de ces pouvoirs échoient, oui, à
nous, le peuple du Québec, par l'entremise des institutions qui nous
appartiennent en propre et à l'exclusion de toute autorité tierce.
Cela
étant dit, outre nos commentaires généraux sur le projet de loi dans son
ensemble, nous nous sentions le devoir d'attirer plus spécifiquement
l'attention du public et des membres de cette Assemblée sur ce qui constitue à
nos yeux un angle mort de la réforme
souhaitée, et c'est là notre contribution particulière. Et, je sais, on m'a dit
que vous avez entendu quelque chose comme une répétition d'arguments du
même type. Au moins, ce mémoire a l'avantage de présenter quelque chose
d'original. En l'occurrence, il s'agit de l'absence, jusqu'ici, de toute
discussion relative au mode de désignation
du chef du gouvernement, c'est-à-dire du premier ministre du Québec, enfin, à
quelques rares exceptions. Nous soumettons que les mesures visant à
l'amélioration de notre démocratie représentative, telles que portées, notamment, par le Mouvement Démocratie nouvelle,
ne sauraient être complètes sans un examen sérieux de cette question. En omettant d'aborder ce qui se veut pourtant
l'aboutissement naturel, si ce n'est le but véritable, au fond, de toute
élection législative en régime
parlementaire, soit la formation d'un gouvernement, la proposition actuelle ne
satisfait que partiellement à sa
propre ambition, qui, à juste titre, consiste à accroître la représentativité
de la gouvernance de nos institutions publiques.
Alors qu'à la faveur
d'un mode de scrutin mixte la composition de l'Assemblée nationale, quant aux
forces politiques en présence, en vienne à mieux refléter la volonté du peuple,
fort bien, mais, en toute cohérence, cet esprit de représentativité ne
devrait-il pas se retrouver tout autant lors de la formation du Conseil
exécutif et, a fortiori, dans le mode de désignation de son président? Alors,
concrètement, le premier ministre du Québec ne devrait-il pas être investi, en
premier lieu, par un vote de nos élus plutôt que par le chef de l'État, comme
cela se voit dans tant et tant de démocraties parlementaires?
Alors,
de l'avis de notre conseil général et des experts que nous avons consultés, la
désignation parlementaire du chef du
gouvernement constitue, dans le contexte québécois, une véritable clé pour
garantir le progrès de notre système de
représentation politique tel qu'espéré par les tenants du projet de loi.
Autrement, les distorsions propres à nos conventions constitutionnelles héritées de l'âge féodal, en
l'occurrence la nomination a priori du premier ministre par le lieutenant-gouverneur, le tout assorti de notre culture
politique si réfractaire à la gouvernance non monopolistique, tout cela risquerait
d'altérer la mise en oeuvre des principes invoqués en faveur de la réforme
attendue.
Et
de plus il y a lieu de mieux encadrer les pouvoirs de l'Exécutif afin de rendre
nos institutions plus propices à accueillir
le style de joute politique qui va résulter de l'adoption d'un mode de scrutin
mixte de sorte que les questions capitales relatives au pouvoir de
prorogation, par exemple, à la nomination des ministres, au vote de
non-confiance ou à la dissolution de
l'Assemblée nationale... Tout cela mérite réflexion, et c'est ce dont nous
parlons dans notre mémoire.
Il me reste combien
de temps?
Le
Président (M. Bachand) : Cinq minutes.
M. Laporte
(Maxime) : Très bien. Sans tout régler, un vote d'investiture
parlementaire du premier ministre, donc un
vote par l'Assemblée nationale de l'un de ses membres à la fonction de premier
ministre, permettrait d'éviter bien des
écueils, cela en institutionnalisant de manière formelle la possibilité, pour
les différents partis, ou bien de négocier la constitution d'un gouvernement de coalition ou bien d'accorder leur
confiance à un gouvernement minoritaire de leur choix. Il n'y aurait
plus de prime à la nomination royale, pour ainsi dire.
Par ailleurs, cette
façon de faire favoriserait la concertation des forces politiques autour de
différents enjeux fondamentaux, constitutionnels, notamment, et compte tenu de
l'intérêt national, au-delà des tiraillements ordinaires des lignes partisanes. Les meneurs seraient
davantage jugés en fonction de leur aptitude à s'unir, à faire cause commune
qu'à écraser la concurrence. Et l'excuse de la tradition politique ou encore
les appels à ne pas bousculer le premier gouvernement arrivé, ça ne tiendrait
plus.
Alors, pour citer Hugo Cyr, doyen de la
Faculté de droit de l'UQAM, l'investiture parlementaire du premier ministre
«permet de savoir clairement qui possède la
confiance de la Chambre et qui [...] peut former un gouvernement; [elle] assure
une plus grande transparence dans la
formation du gouvernement et [elle] est de nature à renforcer la confiance du
public dans ses institutions[...]; [elle] permet de mettre en évidence
que le gouvernement tire sa légitimité de la confiance que lui [accordent les membres de l'Assemblée nationale] — lui, dans son cas, il parlait de la Chambre
des communes. [Et elle] permet de mieux faire comprendre que ce sont les
députés qui sont élus et non les membres de l'Exécutif. [Alors,] le vote
d'investiture a [...] une fonction [aussi] pédagogique [qui est] importante.»
La mise en place d'un vote de désignation du chef
du gouvernement à la suite d'une élection ou de la démission d'un premier ministre sortant améliorerait
assurément la dynamique politique et parlementaire. Par définition, ce vote
se voudrait positif. C'est du parlementarisme positif, à savoir qu'un candidat
au poste de premier ministre devrait obtenir
a priori l'appui explicite d'une majorité en Chambre, alors que, dans le
système actuel, les députés, mis devant le fait accompli de la nomination du premier ministre par le
représentant du monarque, se retrouvent réduits ou bien à le tolérer ou
bien à voter contre son discours inaugural, le cas échéant. Alors, il s'agit
d'une conception nettement plus négative des rapports Parlement-gouvernement
qui est typique du caractère binaire et contradictoire du système de
Westminster.
Alors, c'est une
chose de gouverner en tablant sur l'acceptation résignée des autres partis, et
d'autant lorsque le rapport des forces ne joue pas tellement en leur faveur,
c'en est une autre de solliciter leur appui formel dans le but d'accéder au
pouvoir et de nommer des ministres. Alors, puissions-nous donc saisir
l'occasion qui nous est donnée afin de faire
du Parlement la véritable instance chargée d'installer le chef du gouvernement
dans ses fonctions et, en même temps, puissions-nous éloigner davantage le
lieutenant-gouverneur de nos affaires démocratiques en endiguant de facto l'exercice de sa discrétion quant à la
nomination du premier ministre, risque qui s'accroît, évidemment, en contexte
de représentation proportionnelle.
Bien
sûr, les négociations qui devront mener à la formation de gouvernements dans ce
système n'en seront pas moins ardues,
mais, encore une fois, la joute se révélera plus constructive que destructive.
Le pouvoir exécutif reposera sur une
volonté plus explicite et moins tacite de la part de nos élus, elle résultera
d'un processus parlementaire plus proactif, moins passif, de nature à favoriser la concertation, et aussi plus
républicain au sens large. Le tout rendra le gouvernement du Québec plus responsable et plus imputable vis-à-vis
de l'Assemblée nationale, laquelle s'en verra renforcée, l'idée étant que l'autorité de celui ou celle qui
préside le Conseil exécutif chez nous relève du peuple par le truchement
du Parlement, non de la reine du Canada.
Surtout, on rendra plus effectifs les bienfaits sur notre vie démocratique
qu'entend générer le projet de
réforme électorale sachant que l'actuel mode de désignation du premier ministre s'avère autrement impropre à offrir tel degré de garantie.
Voilà.
• (14 h 10) •
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il
vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M.
le Président. Merci de votre
présentation. Vous apportez un angle totalement nouveau, d'ailleurs,
qui ne fait pas partie ni des discussions ni des consultations au préalable que
nous avons faites. Je comprends tout
à fait votre argumentaire, d'ailleurs, il est très bien détaillé. Je dois dire
que la majorité... je ne veux pas qualifier, mais la grande majorité de
votre mémoire porte, naturellement, sur cette option-là, et vous ne vous en
cachez pas, c'est parfait, sauf que ce que vous nous rapportez comme option,
c'est l'idéal, c'est un monde idéal.
Mais en Nouvelle-Zélande, vous le dites vous-même,
en Nouvelle-Zélande, où le scrutin mixte compensatoire est en usage
depuis 1996, le premier ministre est encore désigné, a priori, par le
gouverneur général, comme ici. Donc, bien que ce ne soit pas nécessairement
l'idéal, comme vous le prônez, ça existe, ça fonctionne. Par contre, vous semblez dire que les gens de l'Australie
étaient plus mûrs que nous pour en arriver là et que ce que vous craignez,
dans le fond, c'est qu'on n'ait pas le
cheminement, là — j'allais
dire «maturité», mais je sais que ce n'est pas vos termes, donc je vais trouver quelque chose de mieux — le cheminement nécessaire, parce qu'on ne
part pas du même endroit, c'est ce que vous expliquez, pour se rendre où
on se rend, là, aujourd'hui, pour être capables de fonctionner.
Ceci étant dit, je
comprends votre argumentaire, que ce serait l'idéal, comme vous le dites. En
toute candeur, je me vois mal de proposer
que le premier ministre soit élu par l'Assemblée nationale à ce stade-ci de
l'évolution générale vers un nouveau mode de scrutin. Mon objectif est
qu'on passe à un nouveau mode de scrutin et qu'on obtienne plus de proportionnalité pour le citoyen. Donc, tout ça
est une question de compromis, mais ça fonctionne en Nouvelle-Zélande,
par contre.
M. Laporte (Maxime) : Mme la ministre ou, enfin, M. le Président, le
cas de la Nouvelle-Zélande est en réalité à peu près le seul contre-exemple que nous avons trouvé, du moins dans le système de Westminster, dans
le Commonwealth. Évidemment, dans le
Commonwealth, traditionnellement, c'est le représentant du monarque qui nomme
le premier ministre, a priori.
Néanmoins, même dans le Commonwealth, et c'est indiqué dans le mémoire, on a
des exemples assez éloquents de
systèmes parlementaires où, en effet, c'est le Parlement qui investit, a
priori, le premier ministre, et on se fonde surtout, dans notre exposé, sur l'exemple écossais, qui est
très inspirant. Alors, au moment où on a, en Écosse et au Royaume-Uni, discuté du projet de dévolution, à la fin des
années 90, on ne s'est pas ménagé le devoir de réfléchir aux conséquences
d'une réforme électorale, puisque l'Écosse a
adopté le mode de scrutin mixte, donc des conséquences d'une telle réforme
sur l'exercice du pouvoir exécutif et la
formation du pouvoir exécutif. Alors, nous regrettons que ces considérations
n'aient pas été abordées, ou à peu
près pas, dans les discussions, à l'exception notable de l'exposé, bon, du
doyen de la Faculté de droit de l'UQAM, M. Cyr. Et donc je pense
que — et
peut-être que... c'est quand même assez bien explicité dans ce mémoire — si on veut vraiment parachever les buts de
la réforme attendue et si l'on veut éviter les écueils, en tout cas, un maximum d'écueils, compte tenu de notre culture
politique qui est réfractaire, qui ne se compare pas en tous points à
celle de la Nouvelle-Zélande, il faut procéder... il faut adopter ce genre de
mesure.
Mme LeBel :
Ceci étant dit, je pense que je vais y aller quand même, si vous le permettez,
sur les questions plus particulières des modalités du mode de scrutin
dans le but d'essayer de bonifier, là, ce qu'on présente et de voir si c'est
possible de le faire.
En
2006, vous étiez donc en faveur d'un référendum. En plus, aujourd'hui, en 2020, bon, votre position n'est pas
connue, en tout cas, elle ne fait pas partie du mémoire. Qu'est-ce que vous en
pensez, aujourd'hui?
M. Laporte (Maxime) : Bien, on n'est pas nécessairement opposés au
référendum, même qu'on peut arguer que, dans un tel cas où, quand
même, ce sont des dimensions
fondamentales, organiques de notre vie politique qui sont en jeu, la tenue d'un référendum
peut s'expliquer.
Bon,
un autre point de vue qui a été exprimé, bon, dans nos instances, c'est
qu'en effet ça fait longtemps. On était là en 2006, on était là aussi
bien avant, depuis des décennies, lors des discussions sur des projets de
réforme successifs, et donc une autre approche consiste à dire : Bien, écoutez,
ça fait longtemps qu'on en parle, le Parlement, justement, jouit de toutes les
prérogatives nécessaires pour adopter ce changement de système et ce changement
de paradigme.
Donc, du reste, s'il doit y avoir un référendum...
Et, d'une certaine manière, ce n'est pas mauvais, un référendum, c'est un recours parfaitement légitime où on se
trouve à consulter le peuple, hein? Nul ne devrait craindre des référendums.
Alors, s'il doit y avoir un référendum, on
prône, à l'instar du Mouvement Démocratie nouvelle, que ce référendum fasse
l'objet d'une campagne distincte.
Mme LeBel : Merci de votre précision. Autre point, naturellement, la Société
Saint-Jean-Baptiste est très au fait de
l'identité, surtout l'identité, bon, du Québécois, donc vous devez également
être très sensibles à la notion d'identité régionale, parce que, même à travers le Québec, les gens sont aussi
attachés au Québec à l'intérieur du Canada qu'on peut l'être qu'à notre région particulière à
l'intérieur du Québec. D'ailleurs, vous étiez en faveur, également en 2006, de
respecter les régions administratives telles qu'elles apparaissent
maintenant, puis maintenant, en 2020, vous prônez 14 régions. Pour un organisme qui est très au fait de la
sensibilité d'une identité, je vais vous avouer, puis ce n'est pas un reproche,
que je trouve ça quand même assez étonnant.
Et comment vous nous proposez de le faire? Et quelles régions vous nous
proposez de fusionner?
M. Laporte
(Maxime) : Bien, ça, c'est
une question qui est très, très vaste, hein? Mais en effet, quant au nombre
de régions, là, c'est parce qu'il y a un dilemme. Il y a la question de la
représentativité et la question de la limitation des distorsions démocratiques,
qui, je pense, méritent toute notre attention, hein? Donc, je pense que... Vous
savez, 14 régions électorales, en
l'occurrence, ça nous apparaît, à la suite... après avoir entendu tous les
intervenants, ça nous paraît un
chiffre raisonnable. D'autres proposent moins de régions électorales encore.
Alors, je pense qu'il y a là un équilibre entre l'intérêt, la représentativité et le poids des régions et, d'autre
part, les objectifs démocratiques que se fixe cette réforme.
Mme LeBel :
Vous avez raison de mentionner que c'est un problème qui est vaste, mais c'est
non moins un problème qui est tout à
fait réel et tangible. À partir du moment où on déciderait, ici, comme
parlementaires, d'aller vers le chiffre de 14, il faut y avoir conscience, comme représentants des citoyens,
qu'il va y avoir un impact sur des régions. Donc, oui, il faut se poser la question : Quelles sont
les régions qui seraient impactées par cela? Mais je comprends donc que ce que
vous nous dites, c'est qu'entre deux
principes qui sont tout aussi importants, c'est-à-dire le meilleur... je vais
dire «la meilleure représentation
de la volonté du citoyen», en termes de... et je vais appeler ça la proportionnalité,
et l'identité régionale, ou la préservation de l'identité régionale, ou
du respect de l'identité régionale, dans ce cas-ci, pour vous, le principe de
la proportionnalité prime.
M. Laporte
(Maxime) : ...de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal a été fondée, vous savez, par une loi de
cette Assemblée afin de rappeler et de veiller à la poursuite de notre intérêt
national. Alors, en l'occurrence, l'intérêt
national ne se réduit pas aux intérêts particuliers des régions, d'où l'idée
qu'il y ait un équilibre entre l'intérêt national, bon, d'assurer
l'instauration d'un système proprement démocratique avec le moins de
distorsions possible et l'intérêt des régions, d'autre part, un équilibre, je
pense... c'est un équilibre qui m'apparaît juste.
Mme LeBel :
Je pense que vous parlez aussi d'interdire la double candidature. Est-ce que
vous avez une position sur la double candidature? C'est exact?
M. Laporte (Maxime) : Oui, tout
à fait.
Mme LeBel : Donc, peut-être juste
l'élaborer, parce que je pense qu'elle n'est pas... elle est présente dans
votre mémoire, mais elle n'est pas très élaborée, alors... Donc, c'est ce que
nous proposons. Vous êtes pour le fait qu'on interdise la double candidature, est-ce
que je me trompe?
M. Laporte (Maxime) : Oui, tout
à fait. On s'est inspirés d'un texte qui a été publié par le Pr Denis
Monière dans la revue L'Action nationale il y a quelque temps.
Mme LeBel : Je voulais être
sûre de ne pas dénigrer votre position.
M. Laporte (Maxime) : Non,
c'est bien ça.
Mme LeBel : Donc, vous êtes
pour la proposition du projet de loi, à toutes fins pratiques. Parfait.
• (14 h 20) •
M. Laporte
(Maxime) : C'est bien ça. Je
pense, dans plusieurs pays, la double candidature est interdite, et je pense
que... Vous savez, ça peut poser un problème d'avoir un nombre considérable
d'élus, par hypothèse, qui, au fond, sont
des élus par consolation. C'est-à-dire que... quelle sera la légitimité réelle
ou perçue d'un élu de liste qui vient juste de perdre son élection dans sa circonscription? Quelle sera la manière
dont la population, l'électorat va
recevoir une telle situation? Alors, je pense que c'est problématique, et c'est
la raison pour laquelle on ne va pas en
ce sens-là. Ça, c'est un des
éléments qui nous distinguent du MDN, mais, en principe, on appuie l'essentiel
des propositions et orientations du MDN.
Mme LeBel : Parfait. Parlons, peut-être, également du seuil, du seuil national d'accès, je vais dire,
pour accéder à la distribution des
sièges de compensation. Vous êtes en faveur de 3 %. Est-ce que le 3 %
est un chiffre absolu pour vous? Est-ce
qu'il y a de la marge? Et quelles sont les raisons pour lesquelles vous pensez
qu'un seuil de 3 % au lieu de 10 %, naturellement, qui est
proposé dans le projet de loi est plus adapté?
M. Laporte (Maxime) : Bien, manifestement, le seuil de 10 % proposé a priori par le gouvernement
n'était pas non plus un absolu. Je
pense que c'était peut-être de bonne guerre que de se donner une sorte de
levier négociationnel. Mais je pense qu'il faut, encore là, trouver un équilibre qui est juste.
3 %, 5 %, ça m'apparaît adéquat, surtout considérant les
planchers, de fait, que génère, évidemment, le système de compensation.
Alors,
il ne faudrait quand même pas se retrouver dans une situation où... par
exemple, lors de l'élection de 1994, on
a le chef de l'ancienne Action démocratique du Québec qui s'est fait élire
avec, quand même, un pourcentage de voix assez faible. Pourrait-il être réélu dans le système proposé,
actuellement, par le gouvernement avec un plancher à 10 %? J'en doute. Il ne faudrait quand même pas empirer
la situation ou, enfin, se doter de configurations, au fond, qui posent
problème.
Mme LeBel :
O.K. Quand on parle de l'obligation de présenter les listes paritaires avec une
alternance femmes-hommes et que la moitié de
ces listes aient une femme en tête, c'est une... Bon, vous l'exprimez, parce
que vous faites la liste des positions que vous adoptez, qui sont en
partie celles du MDN, comme vous le mentionnez dans votre mémoire. Par contre,
vous ne mentionnez pas quels sont les mécanismes qu'on pourrait y inclure
également pour s'assurer du respect de cette obligation-là. Je veux savoir
comment... quelle est votre vision, parce qu'on doit quand même... Si on impose
une obligation aux partis politiques, il doit y avoir, quand même, une
contrepartie ou une conséquence à ne pas
respecter l'obligation, sinon ce n'est qu'une profession de foi qui a un
prix politique à payer, peut-être, mais qui n'a pas d'autre conséquence. Alors,
quels sont les mécanismes que vous pensez les meilleurs, en termes de conséquences ou d'incitatifs — ça
peut être dans les deux sens — et
avez-vous des exemples en tête? Parce que je vois que vous avez fait quand même un travail assez
remarquable d'étude de ce qui se fait ailleurs. Donc, est-ce que vous avez
des idées ou des mécanismes de choses qui se font ailleurs qui dépassent la
pénalité ou le rejet de la liste?
M. Laporte (Maxime) : Bien, je
pense que, déjà, la
pénalité, quant au financement, m'apparaît une solution juste.
Évidemment, on ne s'est pas penchés outre mesure là-dessus, mais en principe...
Évidemment, la société, en passant, qui a
été à l'origine du premier mouvement féministe francophone, la Fédération
nationale Saint-Jean-Baptiste, au début du XXe siècle, et donc qui
a joué un rôle important dans toute la lutte pour l'obtention du droit de vote
des femmes, a une sensibilité particulière à cet égard-là.
J'ai entendu quelques
commentaires, à savoir que peut-être que de telles mesures pourraient être
contestées judiciairement, peut-être qu'elles, bon, seraient jugées invalides,
eu égard à la Constitution, ça reste à voir. Le droit, vous le savez, je pense... ma consoeur sait par ailleurs que le droit n'est pas une science, d'une part, et, s'il en est une,
ce n'est pas une science exacte. Mais je pense qu'en tout cas, que ce soit politiquement,
législativement, en vertu de politiques, en
tout cas, il faut absolument se donner des objectifs pour assurer une parité,
en tout cas, l'atteinte d'une zone paritaire
et que ces objectifs-là soient atteints.
Quant aux modalités, je n'ai pas de procédé technique en particulier à vous
proposer. Je pense que d'autres sont plus habilités que moi à le faire.
Mme LeBel : Et, peut-être en concluant, comme je l'ai dit précédemment,
l'essentiel de votre mémoire se concentre sur la mode de nomination du premier
ministre. Si on ne va pas dans le
sens que vous le préconisez, est-ce que, pour vous, c'est une fin de
non-recevoir? Est-ce qu'on ne devrait pas faire la réforme, dans ce cas-là?
M. Laporte (Maxime) : C'est une question très pertinente. Je pense
que, dans un tel cas, il va falloir se poser la question à nouveau. C'est-à-dire
que nous, on estime vraiment que les mesures d'encadrement de la formation et de l'exercice du pouvoir exécutif doivent
assortir... enfin, la réforme électorale doit absolument être assortie de ce
genre de mesure là, parce
qu'autrement on ne réussira pas à, si vous voulez, opérer le nécessaire
dépassement de notre culture
politique, dont on explique un peu les origines, hein, de cet esprit fiduciaire
monarchique du Statut de Westminster, d'une
part, mais aussi de l'influence historique des régimes coloniaux du passé et
l'influence, aussi, du pouvoir clérical, qui font qu'on est pris avec ce
qu'on a appelé une sorte de culte des deux mains sur le volant. Alors, pour se
défaire de ce culte des deux mains sur le volant et vraiment embrasser un
parlementarisme positif, il faut des mesures afin de réformer le parlementarisme. Je ne dis pas qu'au fond nous n'arriverions
pas à nos fins à défaut d'adopter une telle mesure, mais c'est
hasardeux. Ça pourrait prendre beaucoup de temps. Ce parlementarisme positif,
je regrette, n'est pas ancré dans nos habitudes, dans nos traditions
politiques, donc il faut s'y pencher.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine, s'il vous
plaît.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Laporte. Merci de vous
joindre à nous. Connaissant la Société
Saint-Jean-Baptiste et vos positions sur le lieutenant-gouverneur et la
monarchie, je tiens à vous rassurer, je n'aurai pas de question sur la
saga Meghan et Harry à vous poser aujourd'hui.
On va plutôt... Ce qui ressort de votre mémoire,
j'y vois une réforme parlementaire comme étant l'écho nécessaire d'une modification au mode de scrutin. Donc,
là-dessus, vous... Je le vois comme un écho nécessaire, pas uniquement pour aller plus loin, mais pour rendre la chose,
je dirais, plus viable et fonctionnelle. Donc, lorsque l'on parle, par
exemple... Ça pourrait être un peu
moins fondamental, le vote qui désignerait le premier ministre, le chef du
gouvernement, et les votes qui désigneraient les ministres, un peu moins
fondamental, dans la logique que vous articulez, là, que, probablement, ce que vous avancez et que d'autres ont avancé, le
vote de non-confiance constructif. Parce que j'imagine que ce faisant, vous voulez, entre autres, répondre à des points
soulevés, notamment par Christian Dufour, lorsqu'on dit : Bien, il y aura
davantage de gouvernements minoritaires. Et
ça, ça percole, ça... on le déduit à la lecture de votre mémoire, les
hypothèses que vous avancez. Et vous avez beaucoup réfléchi dans un
contexte où il y aura nécessairement beaucoup plus de gouvernements
minoritaires. On parle beaucoup de l'Écosse. Dans les cinq dernières élections,
quatre ont donné... ont résulté en des gouvernements minoritaires. Alors, ça,
c'est un fait de la vie.
Et j'aimerais donc vous
entendre là-dessus, sur cet aspect-là. Peut-être expliquer, en même temps, le
vote de non-confiance constructif, qui
n'appellerait pas nécessairement de retomber en élection et qui permettrait à
l'Assemblée nationale et à son
gouvernement qui en découle de fonctionner. Et j'aimerais donc vous entendre
sur, un peu, deux volets. Le premier,
nous expliquer un peu, et celles et ceux qui nous écoutent à la maison, la
mécanique du vote de confiance non constructif et en quoi ce serait
important de l'avoir, parce qu'effectivement vous n'êtes pas de ceux qui voulez
des élections à répétition non plus, là.
• (14 h 30) •
M. Laporte
(Maxime) : Oui, c'est bien
vu. Quand on parle d'un meilleur contrôle parlementaire, de la formation
et de l'exercice du pouvoir exécutif dans un
contexte de scrutin mixte, évidemment, on parle du même coup d'une limitation
des possibilités d'abus des mécanismes parlementaires,
phénomène qu'on a déjà vu par le passé, en fait, fréquemment au Canada,
et qui sont hérités, ces abus, du système de Westminster.
Parmi ces
possibilités d'abus primoministériels, il y a ce recours à la dissolution, au
fond, du Parlement, au fond, ce qui
revient à préparer, planifier sa propre chute, peut-être lorsqu'un sondage
semble plus favorable. Donc, à ce moment-là, un gouvernement minoritaire peut espérer, facilement ou pas, en tout
cas, atteindre un... enfin, obtenir un mandat majoritaire.
Et c'est là certainement... enfin, régler cette
affaire-là, c'est une des clés de voûte, à mon avis, pour assurer une certaine stabilité. Ça fait partie des
propositions du MDN. Ça fait partie des recommandations qui avaient été
formulées dans un mémoire présenté à
Ottawa par le Pr Hugo Cyr. Et en effet le vote de défiance constructive
consiste... Bien, il y a différentes
formules. Nous, on le présente comme une alternative possible à une motion de
censure. C'est-à-dire, au-delà de la motion de censure menant à une
dissolution du Parlement, eh bien, au fond, le député qui propose telle motion de censure
doit aussi proposer une alternative, qui est la nomination... enfin, la recommandation d'une autre personne pour agir à titre de premier ministre.
M. Tanguay : On pourrait faire la liste, qui serait très
longue, des choses, les points sur lesquels nous ne serions pas d'accord, mais un point sur lequel nous serions
d'accord — et
ça participe d'un même point de départ — vous
et moi, c'est de ne pas jeter complètement du revers de la main l'argument, notamment, de Christian
Dufour, de dire : Bien, ça prend une
Assemblée nationale, au Québec, forte, ça prend un gouvernement fort. «Fort», ça veut dire être capable de débattre, oui, mais de trancher, de décider puis de faire avancer
le Québec. Et on pourrait se poser la question,
mais là ce serait faire un peu, beaucoup
d'hypothèses, de dire : Est-ce que telle réforme dans
les années 60, telle autre réforme dans les années 70-80, et ainsi de suite... auraient-elles eu lieu sous
des gouvernements minoritaires? Poser la question,
déjà là, c'est soulever un drapeau
rouge, ce ne serait pas une évidence. Alors, on part tous les deux de cette
prémisse-là, de dire : Bien, ce n'est pas totalement dénudé de tout
sens.
Moi, je vais
même plus loin en disant que c'est un argument tout à fait sérieux et important,
que ça prend une Assemblée nationale,
un gouvernement qui puisse trancher. On est dans l'opposition,
les libéraux, on ne forme plus le gouvernement, mais, quand même,
le gouvernement caquiste, ils sont 75 députés, prennent des
décisions. On veut évidemment que ça se
fasse dans le respect du débat parlementaire, mais ça prend une Assemblée nationale qui puisse
faire avancer le Québec, faire écho du résultat électoral.
Et là où vous
nous amenez, c'est justement sur la conséquence nécessaire de dire :
Bien, ce n'est pas vrai que, s'il y a
des gouvernements minoritaires, par la joute partisane parlementaire, on va repartir en élection aux six, huit, 10 mois, parce que, là, on ne pourra pas avancer, comme société.
Puis, encore une fois, là, l'État québécois a un contexte tout à fait particulier qui n'est pas le contexte d'un État américain ou d'une autre
province. On est une société distincte, au Québec, on a des enjeux, des débats. Qu'on ne vienne pas
me dire : Ah! bien là, ça fonctionne très bien sous plusieurs
gouvernements minoritaires dans d'autres contextes. Le
contexte québécois est tout à fait particulier en ce sens-là.
Et ça, force
est de constater que, donc, ces motions de censure constructives, en voulant
dire... ce n'est pas vrai que, si
elle est adoptée, on repart de facto en élection, mais, si vous voulez la
présenter, arrivez avec un plan B qui sera mis en place. Ça, force est de constater que ce n'est pas prévu. Alors, vous
voyez, sur la réforme du mode de scrutin, ce n'est pas prévu dans
l'actuelle mouture à nulle part. La réforme du mode de scrutin, on a des
raisons d'être contre, telle, telle, telle
raison, mais, si l'on veut aller au bout de la logique, il faudrait que la ministre
le prévoie pour ne pas... ou pour répondre à cette préoccupation-là, qui est tout à fait légitime,
d'affaiblir l'Assemblée nationale et son gouvernement qui a des décisions à prendre.
J'aimerais
vous entendre là-dessus, sur... Et on m'indique... corrigez-moi si j'ai tort,
excusez-moi, on m'indique que c'est un... On le voit ailleurs, là où il y a
des proportionnelles, dans d'autres pays, c'est un corollaire. Tu as ça,
parfait, bravo, mais tu as ça pour que ça puisse tenir la route.
M. Laporte (Maxime) : Alors, dans le contexte de la réforme électorale,
au fond, en résumé, le point sur lequel nous insistons, c'est la nécessité de renforcer les prérogatives de l'Assemblée nationale, puisque l'expérience historique a démontré que l'institution par excellence au Québec, le coeur, au fond, de
la nation, son instance suprême, c'est l'Assemblée nationale avant d'être le gouvernement, puisque, vous
savez, avoir des gouvernements majoritaires monopolistiques, monopartites, on dira que, bon, ça nous a parfois
conféré un plus haut degré de stabilité, je pense que ça a surtout conféré
un plus haut degré de stabilité, bon, aux différentes formations politiques qui
ont pu gouverner en étant majoritaires, mais
ça ne veut pas dire pour autant que le Québec y gagne, du point de vue national,
puisqu'on peut se retrouver, et on l'a vu dans le passé, avec des gouvernements
majoritaires mais qui sont parfaitement inféodés aux intérêts canadiens, hein, et puis, bon, aux visées du gouvernement fédéral. Donc, pour moi, la meilleure caution démocratique, c'est de
remettre plus de pouvoirs entre les
mains de l'Assemblée nationale et, partant, lui donner l'occasion de mieux
encadrer, de mieux déterminer
l'exercice du pouvoir exécutif. Et, ce faisant, aussi, ça va nous permettre,
bon... Vous savez, parce qu'avec la réforme on va avoir une belle Assemblée
nationale, bon, qui va plus ou moins représenter en proportion les différentes
forces politiques au Québec, mais, quand on
va former le Conseil exécutif, forts
de notre culte des deux mains sur le volant, on risque de se retrouver avec des gouvernements minoritaires qui ne
vont pas vouloir collaborer, qui vont vouloir se maintenir au pouvoir le
plus vite possible ou dissoudre l'Assemblée en vue d'obtenir un mandat
majoritaire, et, au fond, donc, ce gouvernement, peut-être, ne sera pas...
c'est un gouvernement dont 70 % des gens, peut-être, ne voudront pas. Donc, il y a un problème, là. C'est-à-dire qu'au
fond, la réforme, en omettant de se pencher sur les dimensions exécutives...
enfin, liées au pouvoir exécutif, risque de nous apporter de fâcheuses
surprises.
M. Tanguay :
...qu'il me reste. Il y a donc cet aspect-là, vote de non-confiance
constructif, arriver avec un plan B, et on continue, comme Assemblée
nationale, à fonctionner, et il y a également l'encadrement. Vous avez fait
écho, un peu plus tôt, du recours à la prorogation, qu'un gouvernement
dise : Ah! il y a un bon sondage, je me fais harakiri, on part en élection.
À
ce moment-là, pour être tout à fait complet, je pense, et ça, là-dessus, c'est
important de le souligner, il faudrait qu'il y ait un chapitre du projet
de loi qui touche à ces importants éléments-là, qui ne sont pas du détail et
qui y vont du fonctionnement même d'une
Assemblée qui serait, par définition, beaucoup plus souvent minoritaire mais
qui pourrait être appelée à fonctionner de façon autre et efficace. Ça,
je fais écho à cette préoccupation-là, là.
M. Laporte
(Maxime) : Dans la majorité des démocraties... Ah! désolé.
Le Président (M. Bachand) : Excusez-moi, je dois céder la parole au député de
Gouin. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci, M. Laporte. Merci de nous faire
réfléchir à des enjeux importants puis plus généraux, plus larges. On a eu beaucoup de discussions sur
des enjeux techniques qui sont, par ailleurs, superimportants puis
déterminants, mais vous nous amenez
sur d'autres dimensions, puis je pense que les commissions parlementaires
peuvent servir à ça aussi. Donc, merci de nous forcer à le faire puis
même de nous bousculer un peu, c'est apprécié.
Vous
proposez de modifier la Loi sur l'Assemblée nationale pour que le premier
ministre du Québec soit nommé par les
parlementaires. Pour des gens qui sont moins habitués à discuter de ces
enjeux-là, comme vous, peut-être, ou moi, expliquez-nous en quoi, pour
un citoyen du Québec, ça représente un gain démocratique du point de vue des
gens, pas du point de vue de la théorie constitutionnelle,
du point de vue des citoyens, des citoyennes au Québec. En quoi ils ont
accès à une meilleure démocratie si on va dans le sens de votre proposition? Et
vous avez 1 min 30 s.
M. Laporte
(Maxime) : Ah!
M. Nadeau-Dubois :
Ce n'est pas moi qui décide des règles.
M. Laporte (Maxime) : Bien, d'abord, peut-être je ne l'ai pas déjà dit,
mais je tiens à rappeler que, dans une majorité de démocraties parlementaires dans le monde, c'est comme ça qu'on
fonctionne. Alors, je pense que, si notre président du Conseil exécutif, au fond, se voit mandaté par
l'Assemblée nationale, bon, ça va consolider sa légitimité, d'une part, et l'Assemblée nationale va avoir, évidemment, un
meilleur contrôle sur son action, là où souvent, bon, dans le passé, bien,
on a eu des premiers ministres dont on a été souvent très déçus, dont
l'Assemblée nationale a été souvent très déçue, et qui, au fond, ont généré
leur lot de cynisme. Alors, je pense que c'est une des mesures, du point de vue
du citoyen, qui peut être très constructive, outre le fait de réduire les
pouvoirs de Sa Majesté.
M. Nadeau-Dubois :
Est-ce que vous diriez que ça contribue à valoriser le rôle du député?
M. Laporte (Maxime) : Absolument, bien entendu. Et à rappeler que...
Vous savez, même si, dans notre système de Westminster, le premier ministre — enfin, depuis les grandes révolutions
anglaises — agit un
peu comme un monarque élu, eh bien, à
ce moment-ci, c'est plutôt l'Assemblée nationale qui va consolider, enfin, son
emprise sur ledit monarque.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel :
Merci, M. le Président. Bonjour.
M. Laporte
(Maxime) : Bonjour.
M. LeBel :
Une parenthèse. Moi, je crois, comme la ministre, qu'on ne pourra pas... Si on
veut faire avancer la réforme, il faudra
parler de 17 régions, sinon ça va rebondir à quelque part, puis on
s'éloigne du résultat. Mais il faudra trouver le compromis pour arriver
aux 17 régions.
Mais
ma question, moi, c'est plus... J'aimerais ça que vous répondiez à ceux qui
pensent que... qui disent qu'on... que cette réforme-là va affaiblir
l'Assemblée nationale puis va rendre encore plus difficile — parce
qu'on est indépendantistes, vous et moi — notre marche vers l'indépendance
du Québec. Qu'est-ce que vous répondez à ça?
• (14 h 40) •
M. Laporte (Maxime) : Alors, évidemment, cette proposition ne se fonde
pas sur une position idéologique en
particulier, même si... cela dit, en précisant quand même que la démocratie,
normalement... enfin, dans un pays normal, est intimement
liée à l'indépendance. La démocratie exige l'indépendance. La république au
sens large n'existe pas sans l'indépendance, puisque le peuple souverain
ne doit pas être gouverné par une autorité tierce, qu'elle soit cléricale,
qu'elle soit un autre peuple, qu'elle soit un autre gouvernement, etc.
Mais, cela
dit, il s'agit juste d'une proposition démocratique. Et, pour répondre précisément à la question, disons, de l'intérêt national et constitutionnel du
Québec, les négociations que forcerait formellement ce mode de fonctionnement
amèneraient nécessairement une prise en
compte du statut constitutionnel du Québec, compte tenu, bon, des positions
respectives des partis à l'Assemblée
nationale. On peut imaginer un Parti libéral qui aurait plus de difficultés,
évidemment, dans un système mixte, à
former, là, un gouvernement majoritaire, pour se hisser au pouvoir,
probablement, ou pour participer à un gouvernement, devrait négocier
avec d'autres partis, par exemple, afin de tenir compte davantage qu'il ne le
fait, avec tout le respect, de l'intérêt national et constitutionnel du Québec.
M. LeBel : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous
plaît.
Mme Fournier :
Merci beaucoup. Vous avez dit que la réforme proposée n'était, en fait, que
partielle par rapport au système, au régime politique dans lequel évolue
le Québec, même si on avait un gouvernement majoritaire fort à l'Assemblée nationale, que les intérêts du Québec
allaient nécessairement être, d'une façon ou d'une autre, inféodés au choix
du gouvernement fédéral. Donc, en ce
sens-là, au bénéfice de tous les membres de la commission, pouvez-vous nous
expliquer pourquoi ce serait bénéfique que le Québec puisse se disposer
de l'ensemble de ses pouvoirs?
M. Laporte
(Maxime) : Mais, bien sûr.
Tu sais, le mot «démocratie», ça vient du grec «dêmos kratos», le pouvoir
au peuple, hein? Donc, je mentionnais, en
début d'exposé, qu'il ne faut pas perdre de vue le caractère terriblement
partiel, du point de vue du peuple québécois, de cette réforme. Un
peuple québécois qui, en vertu de la loi n° 99, qui
est en ce moment contestée devant les tribunaux par le Canada lui-même...
peuple québécois, évidemment, qui est titulaire des droits démocratiques des peuples. Alors, évidemment, à titre
d'indépendantisme, même si ce n'est pas l'objet, ici, du débat, il va
sans dire que... disons, comme le disait, en présence de l'ancien premier
ministre Philippe Couillard, le
représentant... enfin, le chef islandais : «L'indépendance [...] ne peut
jamais être négative [en soi].» Et évidemment que c'est un aboutissement démocratique auquel on aurait intérêt... dans
le contexte actuel, vu la crise environnementale, vu les prérogatives que s'arroge le fédéral, ce
serait une perspective que, tout un chacun, ici, on aurait intérêt à entrevoir
davantage. Et peut-être qu'en adoptant des
mesures de parlementarisme positif, du moins, la question nationale, la
question constitutionnelle reviendra davantage à l'ordre du jour, ce
dont le peuple québécois ne pourra que bénéficier.
Mme Fournier : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Laporte.
M. Laporte (Maxime) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Cela dit, on va suspendre les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 14 h 43)
(Reprise à 14 h 45)
Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Et il me fait
plaisir, maintenant, d'accueillir les représentants de L'Union des
producteurs agricoles du Québec. Je
vous rappelle, comme vous le savez, vous avez 10 minutes de présentation,
par après nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission.
Alors, M. le président, bienvenue. Je vous invite à présenter ceux qui vous
accompagnent, s'il vous plaît. Merci.
L'Union des producteurs agricoles (UPA)
M. Groleau
(Marcel) : Alors, merci beaucoup, M. le Président. MM., Mmes les
députés, merci de nous permettre de s'exprimer devant vous lors de cette
commission. Je suis accompagné de Gabriela Quiroz et de Guy Des Rosiers,
qui travaillent aux affaires publiques et syndicales de L'Union des producteurs
agricoles.
Alors, bon,
je ne m'éterniserai pas à vous présenter qui est l'UPA, je crois que la plupart
d'entre vous le savez, mais ce qui
est important de dire, c'est que l'UPA est ancrée, vraiment ancrée, depuis
bientôt 100 ans, dans toutes les régions du Québec.
La
consultation à laquelle nous participons aujourd'hui est importante, puisque le
projet de loi propose l'instauration d'un nouveau mode de scrutin qui
pourrait avoir des incidences sur la relation unissant les députés aux
populations qu'ils représentent,
l'adéquation entre les voix exprimées par les électeurs et la députation élue,
le poids politique des régions à l'Assemblée nationale et le dynamisme
qui anime les relations entre parlementaires.
Par le passé, et à toutes les fois où
nous avons eu à nous prononcer sur une révision du mode de scrutin, nous nous y sommes opposés. En fait, on ne
s'opposait pas nécessairement au mode de scrutin proposé en soi, on réagissait
plutôt aux impacts qu'il allait avoir sur
l'établissement de la carte électorale et le poids des régions à l'Assemblée
nationale. On s'y opposait quand il
en résultait des circonscriptions électorales si grandes qu'elles ne
permettaient plus aux citoyens des régions rurales d'avoir un lien effectif,
j'irais même dire jusqu'à affectif, avec leurs députés.
Cette fois, l'UPA ne s'oppose pas au projet de loi
n° 39, pour deux raisons principales. D'abord, il y a une volonté
de la population pour un mode de scrutin qui permet une meilleure représentativité
des différentes options politiques à
l'Assemblée nationale, et c'est vrai dans les régions urbaines mais également
dans les régions rurales, et aussi parce que le projet de loi a une
préoccupation particulière à maintenir le poids politique des régions.
Puisque
le projet de loi prévoit que la population aura à se prononcer sur l'adoption
d'un nouveau mode de scrutin dans le
cadre d'un éventuel référendum, l'UPA consacrera ses énergies à informer les
producteurs agricoles et forestiers des
avantages et des inconvénients du mode de scrutin proposé par rapport au mode
de scrutin actuel. Je tiens à souligner aux membres de la commission que nous n'avons pas tenu de consultation
large auprès de nos membres jusqu'à maintenant, mais que nous n'excluons
pas la possibilité d'en tenir une sur la base des résultats de vos travaux.
Pour
notre exposé, aujourd'hui, nous voulons partager avec vous nos observations sur
le projet en l'articulant autour de
quatre axes : le premier, le poids politique des régions à l'Assemblée
nationale; deuxièmement, le maintien d'un lien étroit entre les citoyens et leurs députés;
troisièmement, le désir de la population d'avoir une meilleure représentation
des différents courants politiques représentés au Parlement du Québec;
et finalement la question de la cohérence territoriale.
Donc, tout d'abord,
le poids des régions à l'Assemblée. À nos yeux, le Québec se caractérise par
l'étendue de son territoire. Il tire une
partie de sa richesse de la diversité des réalités territoriales. Trop souvent,
certains limitent le rôle des députés à la représentation de leurs
citoyens, négligeant le rapport au travail législatif de l'Assemblée grâce à
leur connaissance fine de la réalité territoriale de leur population.
Malheureusement, au fil des années, à mesure que le poids démographique s'effritait, les régions ont vu leur poids
politique s'éroder à l'Assemblée nationale, principalement dans les
territoires moins densément peuplés.
Il y a une opportunité, avec le projet de loi
n° 39, d'introduire des mesures qui permettraient de freiner ce phénomène
à long terme. Votre commission
pourrait s'inspirer du projet de loi n° 78, qui date de 2009, en
établissant... qui établissait un
nombre minimal de circonscriptions pour chaque région administrative. Vous
pourriez également déterminer un nombre minimal de sièges de liste pour chacune des régions. Pour ce faire, il
faut, bien entendu, éliminer la limite de 125 sièges à l'Assemblée
nationale.
• (14 h 50) •
Sur
l'importance du lien entre les citoyens et leurs représentants à l'Assemblée nationale, la plus grande crainte
que nous ayons par rapport au projet de loi, c'est la taille des circonscriptions qui va en résulter. Nous sommes inquiets de l'impact que cela va avoir sur la relation citoyens-députés
et sur la possibilité pour un député d'exercer adéquatement son devoir sur le territoire.
Dans l'arrêt Carter de 1991, la juge en chef de la Cour suprême,
Mme McLachlin, disait pertinemment qu'il est plus difficile de représenter
des populations rurales que des populations urbaines. Elle ajoutait que les électeurs ruraux font plus appel à leurs
représentants élus à cause de l'absence des ressources plus diversifiées
dont disposent les centres urbains. Il faut également garder en tête que la
réalité, selon nous, territoriale des comtés des
grands centres urbains, comme les territoires sont beaucoup plus petits dans un
espace comme Montréal, ces territoires-là sont plus homogènes que ceux des comtés ruraux avec les grands
territoires dont ils sont composés. Cela amène un défi supplémentaire
aux députés ruraux.
Les simulations que
nous avons faites nous inquiètent quant aux impacts du projet de loi sur la
relation citoyens-députés dans certaines
régions. Je vous donne l'exemple de... je prends l'exemple de l'Abitibi-Témiscamingue.
Si le projet de loi est adopté dans sa forme
actuelle, cette région n'aurait plus que deux circonscriptions électorales et
un seul député de liste pour l'ensemble
de la région. Donc, oui, trois députés avant la réforme, mais trois après la
réforme. D'un point de vue
mathématique, pas d'inquiétude. Par contre, pour saisir l'impact possible de la
relation citoyens-députés, il faut
pousser un peu plus loin l'analyse de la réalité sociale et territoriale de la
région. Lors de la dernière révision de la carte électorale, la
Commission de la représentation électorale avait fait l'exercice parce qu'elle
envisageait d'y retrancher une
circonscription. Sa conclusion : le retrait d'une circonscription dans la
région produirait deux circonscriptions de superficie trop grande. C'est ce qui nous amène à dire que,
pour certaines régions, il serait nécessaire de laisser à la Commission de la représentation électorale le soin de
déterminer le nombre de circonscriptions et de députés pour s'assurer de garantir
une véritable relation entre les citoyens et leurs élus.
Le désir de la population d'avoir une meilleure
représentation des différentes options politiques à l'Assemblée nationale est réel. Les courants politiques se
multiplient. On n'est plus à l'époque du bipartisme, et cette représentation-là
des courants politiques à l'Assemblée est nécessaire à l'exercice ou au
fonctionnement d'une bonne démocratie, nous le croyons.
Finalement, nous croyons que le projet de loi
n° 39 est sur la bonne voie quant au choix d'avoir une compensation
et une redistribution régionale des sièges
de liste, ainsi que d'avoir choisi 17 régions électorales, lesquelles
correspondent principalement ou
presque... exactement aux régions administratives du Québec, pardon. Nous
saluons particulièrement cette volonté de s'attacher aux régions
administratives, puisque nous l'avons proposé à maintes reprises.
Les gens s'identifient à leur ville, à leur MRC, à
leur région administrative. C'est normal, puisque c'est à cette échelle qu'ils ont accès à la plupart des services qui
leur sont offerts par l'État québécois. Ils y retrouvent également la plupart
des directions régionales des différents
ministères. Dans le même sens, le fait d'arrimer les circonscriptions aux
régions administratives devrait
faciliter la collaboration entre les députés de liste et ceux des
circonscriptions dans une même région, et ce, peu importe leur parti. Cependant, la
collaboration entre les députés demeurera toujours sous-jacente aux intérêts
des partis politiques desquels ils relèvent
et en fonction du prochain rendez-vous électoral, on n'y échappera pas. Il est
toujours plus difficile... plus facile, pardon, de prêcher la vertu que de la
pratiquer.
Je m'arrête ici en
faisant un dernier commentaire. Nous sommes conscients que le rôle des députés,
qu'il soit de circonscription ou de région,
n'a pas à être défini dans le projet de loi n° 39. Cependant, compte tenu
du grand nombre de questions que
soulève le fait d'avoir deux catégories de députés, nous sommes d'avis, même si
tout le monde ne partage pas ce point
de vue là... que ça soit deux catégories de députés, nous sommes d'avis que des
éléments de réponse devront y être apportés
assez rapidement pour faciliter le débat sur le projet de loi et répondre aux
nombreuses questions que se poseront les citoyens sur ce volet
particulier de la réforme.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le président. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci de
votre présence, surtout de votre présentation. Et je dois vous dire que je suis très contente de voir que, compte tenu
des discussions qu'on a eues dans le passé ensemble et
compte tenu de ce qu'on a apporté dans le projet de loi, on a réussi à... bien
qu'elle soit... à avoir une position plus nuancée de l'UPA, que,
maintenant, l'UPA ne s'oppose plus à la réforme. Je pense qu'on peut... On a...
C'est ce que je disais dans les jours...
hier et aujourd'hui, entre autres, que ce que nous avions tenté de faire, c'est
de rallier le plus grand nombre de monde possible autour de cette idée
et que, pour ce faire, bien, il faut faire des choix, il faut faire des
compromis et on ne peut pas atteindre
l'idéal ou la perfection sur tous les principes. Donc, si on avait un idéal de
proportionnalité, bien, il y aurait
nécessairement des compromis à faire sur le poids des régions ou le nombre de
régions administratives, entre autres. Donc, vous illustrez bien, par
votre adhésion aujourd'hui... bien, avec des propositions, naturellement, puis
des discussions, mais votre adhésion générale à ce projet de loi là, le fait
que... l'exercice que nous avons fait et que nous avons réussi quand même à
faire adhérer — puis
on l'a vu dans les autres groupes qui sont venus témoigner — des groupes
qui avaient traditionnellement des positions qu'ils étaient contre, maintenant,
bien, ils sont pour, naturellement,
avec des ajouts et des modifications, mais on a réussi à fédérer plusieurs
groupes avec des intérêts qui sont chacun
les leurs. Et, entre autres, quand on parle de l'UPA, effectivement, votre
défense des régions est très bien ancrée, parce que vous êtes présents
partout dans les régions.
Donc,
c'était, d'entrée de jeu, mon commentaire, et merci, parce qu'on part, à ce
moment-là, sur une... On parlait de
parlementarisme positif, tantôt. Donc, on part sur des discussions d'un point
de vue positif, donc on est dans une optique d'améliorer les choses
plutôt que de s'y opposer, et je trouve ça extrêmement... j'allais dire «le
fun», mais c'est bien, finalement. Merci beaucoup.
Donc,
ceci étant dit, on peut quand même discuter de certaines de vos positions,
effectivement. Donc, vous l'avez bien mentionné, 17 régions
administratives, je pense que c'est... pour l'avoir bien senti, moi aussi, dans
ma tournée... pas ma tournée des régions
comme telle, mais dans ma tournée de rencontres avec plusieurs intervenants,
c'était un élément extrêmement sensible. Qu'on parle aux maires, qu'on
parle aux MRC, qu'on parle à l'UPA, entre autres, mais à bien d'autres
citoyens, c'est un élément sensible.
Par
contre, vous me parlez du nombre de circonscriptions. Est-ce qu'on peut, en
autant que... pour l'instant, on va prendre pour acquis que le nombre
reste à 125, pour fins de discussion. On a tenté également de trouver un
équilibre dans le nombre de circonscriptions
et le nombre de députés de liste. Si on parle d'un régime mixte avec
compensation, nécessairement, il doit y avoir des députés de liste,
donc, nécessairement, il y aura moins de circonscriptions qu'actuellement. D'aucuns disaient qu'on aurait dû
faire du 75-50, d'autres ont déjà prôné, dans les discussions — pas ici, jusqu'à présent, mais dans les discussions — qu'on se rende jusqu'à 100-25. Il y a des
difficultés d'un spectre à l'autre. Entre autres, le 125 fait en sorte
que, quant à moi, ça ne vaut pas la peine de faire la réforme du mode de
scrutin, parce que l'effet proportionnel est
presque nul, donc on transforme pour ne pas avoir de résultat. Donc, ce que
j'appelle souvent le point de
friction ou le point d'équilibre qu'on a été capables de trouver, c'est-à-dire
de maintenir un maximum de
circonscriptions, pour les raisons que vous prônez, tout en ayant un effet
proportionnel, c'était 80-45. Qu'est-ce que vous pensez de ce
chiffre-là, en autant qu'on ne touche pas aux 125, naturellement? Puis on ira
dans votre autre argument par la suite.
• (15 heures) •
M. Groleau (Marcel) : Bien, c'est là où nous, on donnait l'exemple de
l'Abitibi-Témiscamingue, là. C'est sûr qu'il
y aura trois députés. Comment vont-ils se partager le travail? Ça reste à voir,
là, mais prenons l'Abitibi-Témiscamingue, c'est un territoire immense. Il y a deux pôles importants : Val-d'Or,
Rouyn-Noranda. C'est sûr que, déjà, les populations rurales sont... Les préoccupations des populations
rurales dans les régions sont déjà difficiles à faire reconnaître parce que
les députés, pour des raisons simples de
déplacements et d'enjeux, vont se consacrer... se consacrent beaucoup aux pôles
urbains des régions rurales, des régions.
Alors, si on ramène ça à deux régions, nous, on a vraiment une préoccupation
pour la représentativité territoriale d'un
territoire aussi grand que l'Abitibi-Témiscamingue. Je sais que la solution
n'est pas simple, là, dans cette réforme-là. Le Québec, c'est très grand
puis c'est peu peuplé, c'est une évidence, mais il reste qu'il ne faudrait pas que ces populations-là se
sentent délaissées par la réforme et qu'ils sentent qu'ils n'ont plus leur mot
à dire dans la démocratie du Québec. Ce
n'est pas ce qu'on souhaite puis ce n'est pas ce que vous souhaitez, mais nous, on a peur que ça provoque ce sentiment-là. Déjà que
ces régions-là... Si je ne me trompe pas, l'Abitibi-Témiscamingue,
ils ont déjà eu quatre circonscriptions, on est à trois maintenant, on passerait à deux. Pour avoir... Si vous avez déjà
circulé en Abitibi-Témiscamingue, là, franchi la région d'un point à l'autre de
ses extrémités, pour un député, c'est quasi impossible de bien couvrir
un territoire aussi grand.
Mme LeBel : Même si nous étions, pour fins de discussion,
ouverts à l'idée d'augmenter la députation, le nombre de députés, le fait est qu'on ne restera pas à
125 circonscriptions. Parce
que ça nous prendrait combien de
députés de liste pour avoir la
proportionnalité? Peut-être une cinquantaine, donc on se retrouverait à un
nombre assez élevé si on maintenait le même nombre de circonscriptions.
Donc, il faut y avoir... C'est pour ça que je vous disais, tantôt : Nécessairement,
il y aura une perte, pas pour le citoyen, moi, ce n'est pas ce à quoi j'aspire,
mais de nombre de circonscriptions.
Vous parlez de
maintenir le poids politique des régions ou, à tout le moins, limiter
l'érosion. C'est en ayant ces objectifs-là
en tête, bien sincèrement, que nous avons instauré, dans le projet de loi, des
garanties en termes de nombre de
députés de circonscription. Donc, on garantit un député de circonscription par
région et un député de région par région, donc deux députés par région.
C'est une des mesures qui a été mise en place pour faire en sorte que l'érosion
démographique, si on veut, ou les mouvements démographiques ne viennent pas
procéder à l'érosion — le
moins possible, à tout le moins — des régions. Mais vous avez tout à fait
raison de la mentionner, la réalité de notre territoire et la distance
entre les populations, bien, ça sera toujours une réalité de notre territoire.
Par
contre, vous parlez, à la page 13 de votre mémoire... un autre élément
important, c'était «l'allocation, à chacune des régions administratives[...], d'un nombre minimal de
circonscriptions électorales». Bien, dans un certain sens, on le fait en
disant «un député de circonscription». Je comprends que ce n'est pas suffisant,
mais c'est un peu ce qu'on fait. «Ce
faisant, elle garantit aux régions, et même à Montréal, que, si la croissance
démographique nécessite de créer de nouvelles circonscriptions ailleurs,
cela pourra être fait sans qu'on les ampute du nombre équivalent de circonscriptions.»
Bon,
présentement, la Loi électorale actuelle ne permet pas d'avoir un mouvement de
circonscriptions sur 125, c'est
exact. Mais ce que vous proposez, finalement, c'est de faire tomber, faire
sauter le plafond maximal, ce qui pourrait entraîner, théoriquement, de législature en législature, un nombre
variable de députés. Donc, on pourrait avoir certaines législatures, en fonction des mouvements, à 129,
une autre fonction... Parce qu'il faut toujours garder le ratio avec la proportionnalité. On le voit ailleurs, je ne
suis pas certaine que ce soit souhaitable. Mais comment... Est-ce que je
comprends bien votre proposition? Je veux d'abord être certaine que je
la comprends bien, là.
M. Groleau
(Marcel) : Disons, sans aller sur le détail de notre proposition,
peut-être sur les principes, bon, la démocratie, c'est d'abord de s'assurer que
les citoyens soient le mieux représentés possible ou puissent s'exprimer le mieux possible au sein de leur Parlement.
Lorsqu'on regarde la concentration de la population ou le phénomène de
concentration de la population, on se retrouve que Montréal et Québec vont
représenter, si je prends les régions périurbaines de ces deux
agglomérations-là, 75 % de la population du Québec bientôt. Est-ce que
c'est nécessaire... puis là peut-être que je
vais faire friser des oreilles, là, mais est-ce que c'est nécessaire d'avoir
autant de députés dans des régions
aux enjeux quand même assez similaires d'une circonscription à l'autre pour
établir une forme d'équation ou
d'adéquation entre la population et le nombre de députés? Est-ce qu'il y a une
réflexion à faire sur cette question-là?
Mme LeBel :
Merci d'avoir le courage de mettre de l'avant ces choses-là, puis je pense
qu'on peut le faire de façon très
respectueuse, même si on n'est pas... mais ça fait partie des réflexions, et
c'est un peu, aussi... ça fait partie, aussi, des éléments qu'il faut
considérer quand on fait la réforme.
M. Groleau
(Marcel) : ...une différence notable entre le nombre de citoyens dans
chacune des circonscriptions. Il y a déjà
cette différence-là. Est-ce que ça fait que les citoyens plus nombreux dans une
circonscription sont moins bien
représentés ou ont moins de pouvoir que d'autres? Je ne crois pas, moi. Je
crois qu'il faut arriver à un niveau et
maintenir un niveau de circonscriptions
pour que le territoire soit représenté, pas uniquement
les gens par le nombre qu'ils sont sur le territoire.
Mme LeBel : Vous illustrez, par votre propos, un peu
la troisième option dont je parlais avec d'autres personnes qui sont
venues présenter avant vous. Si on ne touche... Si on veut avoir une... Si on
veut ajouter de la représentation dans les
régions ou garantir plus de représentation dans les régions, il y a, grosso modo... bon,
sans aller vers un nombre variable de députés, il y a, grosso modo,
trois leviers... il y en a probablement d'autres, mais trois leviers
principaux : la diminution du nombre de
régions, ce qui n'est pas acceptable, selon votre point de vue, il y a également l'augmentation
du nombre de députés, pas nécessairement variable, mais un nombre x d'augmentation du nombre de députés, et il y a
aussi le déplacement des députés
actuels, un peu comme vous le suggérez ou entendez nous parler de
la réflexion, c'est-à-dire d'avoir peut-être un ratio plus élevé de citoyens par député,
encore plus élevé qu'il est maintenant, dans les milieux urbains plutôt que dans
les milieux ruraux.
M. Groleau
(Marcel) : C'est ça.
Mme LeBel : Je ne suis pas en train de dire que je prône l'une
ou l'autre des solutions, mais c'est à
peu près ça.
M. Groleau
(Marcel) : Ah! je croyais que vous reteniez la dernière solution.
Mme LeBel : Mais ce que je veux dire, c'est que ce sont les
trois leviers. Nous avons tenté, à travers le... à l'intérieur du projet de loi, de jongler avec ces trois leviers, c'est-à-dire qu'on a gardé les
17 régions administratives, on a
garanti un minimum de deux sièges par
région, et on a... ce qui a eu comme conséquence de faire un déplacement de
quelques députés — on l'a vu dans les calculs, trois pour
Montréal, et, en Estrie, quelques-uns — vers, justement, les régions, donc, ce qui fait que ça change
le ratio, effectivement. On n'a pas été ni dans un extrême des trois, mais on a
tenté. Mais nécessairement, quand on
parle de proportionnalité, de meilleure représentation, un de ces trois
leviers-là sera affecté dans une proportion x, y ou z.
Rapidement,
parce qu'il nous reste peu de temps, puis mes autres collègues vont sûrement
aller dans d'autres sujets, de toute
façon, vous considérez que le seuil de 10 % proposé est trop élevé. Est-ce
que vous avez une alternative en tête ou c'est simplement le fait brut
qu'il soit trop élevé?
M. Groleau (Marcel) : Non,
bien, nous, on a eu plusieurs discussions sur le sujet avec différents groupes,
puis 10 %, c'est quand même élevé. À
partir de 5 %, je crois qu'il y aurait... ça pourrait être intéressant,
là, de reconnaître une représentativité à l'Assemblée nationale.
Mme LeBel : Merci. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Mme la ministre. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay : Merci
beaucoup, M. le Président. Bien, merci beaucoup à vous d'être présents,
M. Groleau, M. Des Rosiers et Mme Quiroz. Merci d'être avec nous aujourd'hui
pour débattre du projet de loi sur la modification du mode de scrutin.
Plusieurs
éléments intéressants. Je veux juste... Vous avez dit : Je ne voudrais pas
faire retrousser des oreilles, mais c'est ce qui est arrivé dans mon
cas, les oreilles m'ont retroussé, M. Groleau, quand vous avez dit que peut-être
que le facteur du nombre d'électeurs par député ne devrait pas être
sacro-saint, strictement au sens, là, puis c'est ce que j'ai compris...
Là-dessus, je pense qu'on ne pourrait pas, vous et moi, être plus en désaccord
que ça, parce que l'effectivité, c'est au
coeur de notre démocratie. On ne peut pas, je pense, aborder le projet de loi,
c'est mon humble opinion, autrement
qu'en s'entendant sur ce principe-là qu'il faut, autant que possible... Ce
n'est pas parfait, là. Vous n'aurez pas exactement le même nombre d'électeurs pour un député ou une députée,
mais ça doit demeurer la préoccupation centrale, je crois, tout en sachant qu'effectivement la représentation des régions
et du territoire, je pense, c'est davantage ce à quoi vous faisiez
référence, c'est important.
Vous
parlez... et je trouve ça extrêmement intéressant, puis vous n'êtes pas légion
à le faire, dans votre mémoire, vous dites : «[Prenons] en compte
la spécificité du Québec.» Et c'est bien beau, se comparer à la
Nouvelle-Zélande, à l'Écosse et
l'Allemagne — je suis
à la page 17 de votre mémoire — mais vous y allez... et je cite l'extrait
que vous faites du DGEQ : «...un
système électoral donné ne fonctionnera pas nécessairement de la même façon
dans deux pays différents. Ses effets
dépendent, pour une large part, du contexte sociopolitique qui prévaut dans un
État ou un pays.» Puis là vous dites : Bien, au Québec, il y a en
moyenne, par kilomètre carré, 5,5 habitants, puis en Écosse — je
vais prendre ce seul exemple là — bien, c'est 70, si on arrondit au kilomètre
carré. Donc, 5,5 puis 70 au kilomètre carré, ce n'est pas pantoute la
même réalité.
Et je vous
dirais même que — poursuivons
cette analogie-là, M. Groleau — l'Écosse entre 20 fois dans le Québec,
l'Écosse rentre 20 fois dans le Québec,
et l'Écosse a 129 députés, et, en ce sens-là... avec une population de
4 millions de moins que le Québec.
Alors, vous voyez, l'étendue immense du territoire, la densité, et la
population, et le nombre de députés, quand
le Québec se compare à l'Écosse, on est défavorisés sous les trois critères
quand on veut importer, copier-coller, le même système politique.
Une fois que
j'ai dit ça, je viens de vous résumer, à peu près, l'écueil central que nous,
nous avons avec le mode de scrutin
proposé, et vous y faites écho. Je sais que ma collègue aura des questions plus
spécifiques, mais vous dites, donc... et vous ne vous avancez pas à un
nombre, puis c'est bien correct, mais vous établissez le principe que, ce
faisant, sous les trois critères, là,
population, immensité du territoire et nombre de députés... vous dites :
Bien, on ne pourra pas jouer sur le territoire puis sur le nombre de la
population, on ne changera pas ça, mais vous nous dites : Jouez donc sur
le nombre de députés. Corrigez-moi si j'ai tort, mais je vois ça, pour vous,
comme étant un élément fondamental de votre position. On ne pourrait pas aborder
ça sans avoir l'ouverture d'esprit de dire : Bien, si, si, si... bien,
augmentez le nombre de députés, sinon ça ne tiendra pas la route, là.
• (15 h 10) •
M. Groleau (Marcel) : Bien,
c'est ce que je disais dans mon court résumé également, là, que, nous, la
limite de 125 députés, ce n'est pas un frein
pour nous... faire une réforme dans laquelle la population va se sentir mieux
représentée.
Par rapport à votre point de vue sur les villes
versus les régions, prenons Montréal, par exemple, si tu enlèves deux députés à Montréal... c'est ma
perception, je n'ai pas fait d'étude là-dessus, là, mais, à mon avis,
c'est plus facile pour la ville de Montréal de se priver de deux députés
que pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue de se priver d'un député.
M. Tanguay : Je vous
dirais, là-dessus, je ne veux pas partir une polémique.
M. Groleau (Marcel) : Là, c'est
une question de...
M. Tanguay : Non, mais
on va se respecter là-dedans. Il y a...
M. Groleau
(Marcel) : Parce que le député,
à Montréal, je veux dire, il n'a pas 200 kilomètres
à faire pour aller rencontrer ses
gens, il a rarement deux bureaux à visiter. Les réalités économiques
sont... Oui, je reconnais qu'il peut y avoir des
différences, mais les réalités économiques dans une région aussi grande sont
très différentes. Alors, c'est pour ça que
je vous dis, moi : Il ne faut pas se freiner dans cette réforme-là, qui
nous semble sur la bonne voie, sur des principes mathématiques qui
feraient que les gens des régions se sentiraient abandonnés ou moins bien
représentés.
M. Tanguay : Je vous dirais, M. Groleau, que, là-dessus, évidemment,
on ne sera pas d'accord, mais, en tout respect, je vous dirais qu'à Montréal le rôle du député, puis c'est la même chose en
région, c'est que, si le citoyen veut le rencontrer puis il veut passer une heure avec vous, vous allez devoir vous asseoir,
puis c'est votre rôle, puis vous devrez le faire avec toute la
compétence que vous avez à offrir comme élu, vous asseoir une heure avec le citoyen.
Et, oui, on a beaucoup moins... à Montréal,
on n'a pas l'aspect de délai de transport, et ça, il faut y pallier — dans
certains comtés, ils ont deux et
trois bureaux de comté, moi, j'en ai un — mais
sachez que les citoyens qui veulent rencontrer leur député, je m'assois
avec eux, et c'est ça qui est le coeur, les
gens d'abord, avant que de penser à l'aspect territorial ou physique. Et c'est
pour ça qu'on est élus puis c'est pour ça qu'on a un droit de vote, une
personne, un vote.
J'aimerais maintenant, évidemment... Et vous faites écho du fait qu'il y aurait...
Puis je vais passer, avec la permission du président, la parole... M.
le Président, vous allez passer la
parole à ma collègue, mais elle va faire écho au fait que l'on passerait de 125 comtés, comtés, à 80
comtés — donc,
déjà là, ça deviendrait des comtés excessivement grands — et,
ce faisant, nous aurions 45 députés de
région. Autrement dit, si je pousse l'analogie... l'analogie, par
essence, là, est imparfaite, mais, si
je pousse l'analogie, on pourrait dire : Ah! on va faire un nouveau système
électoral, on va garder 125 députés, mais
les 125 députés seront élus directement au suffrage universel puis ils vont représenter
tout le Québec. Là, je vais dire : Bien, voyons donc, on a exactement
le même nombre de députés, ils sont 125, puis chaque député, son comté, c'est
tout le Québec, puis il représente le 8,4 millions d'habitants.
Là, vous allez dire : Bien, vous êtes de
mauvaise foi dans votre analogie. Non, mais c'est juste pour illustrer que ce n'est pas parce que... ce n'est pas en
gardant le même nombre de députés mais en disant : Les 125 députés, je
vais tous leur augmenter leur zone,
leur territoire, qui est un élément central à ce que vous
articulez, et on va augmenter aussi le
nombre de population, bien, ce faisant, on vient de nuire aux 125
députés. Pourquoi on vient de nuire aux 125 députés? Vous êtes encore le
même nombre, séparez-vous le travail. Mais, séparez-vous le travail, moi, je
vais devoir couvrir ma région ou je devrai
couvrir mon territoire, qui va être 1/80 plus 1/125 du Québec.
C'est là où il y a un écueil fondamental, puis j'aimerais ça,
donc, vous entendre là-dessus. Mais, avec votre permission, je céderais, M. le
Président, la parole à ma collègue, qui va enchaîner sur la suite.
Mme Robitaille : Je continue?
M. Tanguay : Vas-y,
continue avec ta question.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée, oui.
Mme Robitaille :
Oui, bien, justement, dans la même veine, donc, vous parliez, tout à l'heure,
de l'Abitibi. On a, en ce moment, trois députés de circonscription. Dans
le nouveau... dans le projet de loi, on dit qu'on aurait, bon, dans un contexte
comme l'Abitibi, deux députés de circonscription, un député de liste, puis vous
dites : Bien, c'est trois-trois, mais
ce n'est pas pareil, finalement, parce qu'on va avoir le député de liste qui va
couvrir un immense territoire, puis, bien,
ça ne se fera pas d'une façon pratico-pratique, ça va être difficile de
représenter tout le monde et puis d'entendre tout le monde.
Alors, je ne
sais pas, comment vous voyez la tâche du député de liste puis la tâche du
député de circonscription à la
lumière de ce que vous avez lu. Est-ce que vous trouvez que ça va être... on ne
pourra pas... En fait, le député de circonscription ne sera pas
peut-être pas appelé à faire la même chose que le député de liste, puis est-ce
que ça cause un problème?
M. Groleau
(Marcel) : Bien, c'est là
la... c'est la grande question qu'on soulève à la fin de notre mémoire, aussi,
et on aimerait que le projet de loi n° 39 soit plus précis sur ce rôle-là
de l'un et l'autre, parce que...
M. Des Rosiers (Guy) : ...
M. Groleau (Marcel) : Pardon?
M. Des Rosiers (Guy) : Pas dans le projet
de loi, mais...
M. Groleau
(Marcel) : Oui, oui, c'est ça,
soit plus précis à ce niveau-là. L'Abitibi-Témiscamingue sera un beau laboratoire pour ça, si jamais ça se fait, là, parce qu'il y a deux députés de circonscription,
donc le territoire est vraiment séparé,
puis il y a un troisième député qui arrive là-dedans puis qui devra s'insérer
dans cette relation-là, là. Est-ce que ça
sera... Et il ne sera peut-être pas du même parti, alors ça sera un beau défi,
pour les trois, de trouver un modus vivendi, là, pour... Est-ce qu'ensemble ils vont s'entendre de dire : Bon,
bien, toi, prends la région plus nordique, puis laisse-nous les deux
régions plus au sud, puis, de temps en temps, on fera un conciliabule à trois
pour voir qu'est-ce qu'on fait avec certains dossiers? Je ne sais pas comment
ça va fonctionner, mais, moi, ça me pose beaucoup de questions.
Mme Robitaille :
Mais il va certainement y avoir... Il y a certainement une inquiétude par
rapport à la proximité de la relation entre le citoyen puis son député,
évidemment.
M. Groleau (Marcel) : À quel endroit son bureau sera situé sur ce
territoire-là? Je ne sais pas. Moi, si vous avez des réponses... J'ai
plus de questions que j'ai de réponses à cette situation-là qui va arriver,
peut-être. Puis on parle de l'Abitibi-Témiscamingue, mais ça sera comme ça
ailleurs aussi, là. Alors, on n'est pas habitués à ce système-là. On ne l'a pas
vécu. Il n'a pas été développé chez nous. Ça sera à voir.
Mme Robitaille :
Oui. Merci. Merci beaucoup.
M. Tanguay :
Et, juste pour terminer, avec les 10, 15 secondes qu'il reste, et d'où, M.
Groleau, beaucoup, beaucoup, beaucoup de
questionnements, puis vous avez eu l'occasion, dans notre échange — vous allez les poursuivre — de les soulever, puis vous disiez
qu'il y a et il y aura toujours de nombreuses questions des citoyens, d'où
l'importance de répondre de façon très précise à tous ces questionnements-là
puis l'importance d'avoir un débat qui soit complet dans un contexte
référendaire qui soit distinct aussi.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin,
s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là
puis merci... je vais reprendre un des éléments que la ministre a nommés, de nous présenter une réflexion où vous faites
le pari d'aller vers une réforme du mode de scrutin tout en essayant d'y ajouter vos préoccupations
puis les préoccupations de vos membres. C'est une attitude qui est
constructive, et je trouve ça
intéressant parce qu'on a eu un échange avec la FQM un peu plus tôt
aujourd'hui, et je proposais moi-même... en tout cas, je donnais comme hypothèse l'idée d'augmenter le nombre
minimal de circonscriptions de région à l'intérieur de chaque région pour pallier à certaines
craintes, et je trouve ça intéressant de voir que, vous-mêmes, vous arrivez à
ce type de piste de réflexion là dans votre mémoire.
Puis vous avez posé une question qui est
dérangeante, mais qui est très pertinente, c'est-à-dire celle de la concurrence
entre deux principes de représentation,
principe de représentation territoriale puis un plus populationnel. Je n'ai pas
pu m'empêcher de penser que c'est
pour ça que, dans plusieurs régimes parlementaires, il y a deux Chambres, hein?
Il y a plusieurs pays où il y a du
bicaméralisme, et on est capables, donc, de faire exprimer ces deux principes
démocratiques là. Et là on essaie de
faire entrer deux principes démocratiques au sein d'une seule assemblée
représentative, et c'est là qu'on se crée un casse-tête. C'est sûr que
l'indépendantiste en moi réfléchit en vous... en se disant : Bien, on
pourrait régler ce problème-là si on faisait des changements constitutionnels
puis on avait deux corps représentatifs différents. Fermeture de la parenthèse,
parce que je veux quand même vous poser une question.
Que
répondez-vous aux gens qui disent qu'en faisant ce que vous proposez,
c'est-à-dire en faisant sauter la limite de 125 députés à l'Assemblée nationale, ça va causer une variation du nombre
d'élus, des fonds publics vont être engagés là-dedans, et on ne devrait
pas aller dans ce sens-là? Qu'est-ce que vous avez à dire pour les rassurer?
• (15 h 20) •
M. Groleau (Marcel) : Bien, je ne crois pas, là... On ne parle pas de
doubler le nombre de députés non plus, là. Alors, si tu ajoutes trois députés au Québec, quatre députés au Québec,
je ne crois pas que, d'un point de vue fonds publics, là, ça soit extravagant, les coûts que ça peut
engendrer par rapport à une représentation mieux... une meilleure
représentation citoyenne. Je crois que personne ne va s'opposer à ça.
C'était la question, principalement.
L'autre
volet, bien, nous, on le dit, maintenir un nombre minimal de comtés ou de circonscriptions dans les régions nous apparaît essentiel. Vous le faites, là.
On est à deux, mais ce n'est pas garanti que l'Abitibi-Témiscamingue va rester
à deux, là. Là, on commence à deux, mais ce n'est pas une garantie.
M. Nadeau-Dubois :
Les sièges régionaux, on pourrait le garantir.
M. Groleau
(Marcel) : Oui. Alors, voilà.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M.
le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Merci. En 1994, je travaillais au cabinet de
M. Parizeau, puis M. Parizeau avait mis en place des délégués régionaux. Ils étaient députés dans une circonscription, mais ils avaient un mandat régional. Là, on ne parle pas de ça,
avec un député de liste. Le mandat du député de liste... son territoire est
régional, mais il n'a pas un mandat régional. Il est comme les autres députés.
Il faut qu'il rencontre les citoyens, et tout ça.
Mais c'est vrai que c'est nouveau. C'est une
culture nouvelle, et, à mon avis, une vraie campagne référendaire, où qu'on aura du temps pour expliquer ça, est nécessaire.
Puis ça ne sera pas mêlé à travers d'autres enjeux parce que c'est nécessaire.
Puis
c'est vrai, ce que vous dites par
rapport aux comtés de ruralité, c'est
très... pour le savoir un peu, là — puis
mon collègue de Matane, Pascal, il a 42 municipalités — je vais vous dire, ça en fait, des clubs de
l'âge d'or, puis des maires, puis du
cipaille à manger. Mais c'est important qu'on ait des outils. Le Mouvement
Démocratie nouvelle, dans son mémoire, explique...
dit que, dans le projet de loi, il devrait peut-être y avoir quelque chose qui
nous assure de meilleurs moyens, que, dans
nos circonscriptions plus larges, bien, on ait plus de bureaux de
circonscription, plus de personnel avec nous autres, plus de gens qui
peuvent accueillir les gens. Est-ce que vous pensez que ce serait nécessaire
que ça soit très précisé dans le projet de loi?
M. Groleau
(Marcel) : Oui, oui. C'est sûr que plus les circonscriptions seront
grandes, si c'est le cas, plus ces députés-là devront avoir de soutien
logistique et financier pour pouvoir faire le travail adéquat dans leur comté.
Moi, j'ai vécu, personnellement, un changement dans mon comté. Nous,
c'était Lotbinière, puis on est devenus... c'est-à-dire que c'était
Frontenac, puis là, maintenant, c'est Lotbinière-Frontenac. Puis, pour avoir vu
M. Lessard, qui était
député à l'époque, s'adapter à cette nouvelle circonscription là, deux réalités
totalement différentes, deux économies différentes aussi, moi, je peux
vous dire que ça a été extrêmement ardu de s'adapter à cette nouvelle
réalité-là. Puis, encore aujourd'hui, ce
comté-là, il n'y a pas vraiment d'atomes crochus entre ces deux régions-là dans
un même comté.
Alors,
c'est sûr que, lorsqu'on va créer des comtés immenses, bien, on va multiplier
ces situations-là. Et les gens ne veulent pas avoir juste un bureau de comté avec un représentant
régional, les gens veulent avoir accès à leur député. Alors, tu peux avoir deux ou trois bureaux, mais
tu ne peux pas être dans ces trois bureaux-là en même temps. Alors, c'est...
Bien, s'il y a du personnel, c'est mieux, mais on veut quand même pouvoir
rencontrer le député, vous le savez mieux que moi, là, alors... oui.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée
de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier : Oui. Merci
beaucoup pour la présentation. Je
pense que c'est bien que vous évoquiez l'espèce de tabou qu'il y a autour du 125 députés absolument, parce que... Tout à
l'heure, le collègue de LaFontaine
faisait référence à l'Ontario, par exemple. Quand on regarde la superficie
du Québec, en fait, l'Ontario a 124 députés, puis l'équivalent pour le Québec en termes de superficie, ce serait
186. Donc, on s'entend que, si on parle d'ajouter quelques députés, on est
encore loin de ça.
Ceci étant,
le gouvernement a l'air quand même de tenir mordicus à son nombre de 125, puis
ça m'amène à dire que, dans les
différentes régions, avec la réforme du mode de scrutin, en fait, ça va devenir
presque automatique qu'il va y avoir autant
des représentants du gouvernement que de l'opposition à l'intérieur d'une même
région, donc ça serait maintenant très difficile, en fait, d'avoir des
gens du même parti. Donc, ne trouvez-vous pas, en fait, que ça donne des outils
supplémentaires aux citoyens, quand on veut
faire valoir, justement, des dossiers, de pouvoir avoir différents leviers qui
font, au final, avancer plus
rapidement les enjeux et donc assurer une meilleure représentativité, puisque,
de toute façon, si on avait un
dossier, par exemple, puis qu'on a des députés seulement de l'opposition ou
seulement au gouvernement, puis que ça
n'avance pas, il faudrait, de toute manière, avoir recours à des représentants
de l'opposition qui se trouvent dans d'autres régions et donc se
déplacer?
M. Groleau
(Marcel) : Bien, cette
relation-là, comme vous dites, là... Oui, la représentation, s'il y a plus de
positions politiques qui représentent
le choix des électeurs de cette circonscription-là, de... représentée via un
député qui les représente sur le territoire et à l'Assemblée nationale,
ça, on adhère à ça puis on trouve que c'est bien. Mais cette relation-là d'un député de liste, disons, qui a un territoire beaucoup plus grand... un
ancrage territorial ou de circonscription beaucoup
plus faible, puisqu'il est nommé de liste,
nous, on ne sait pas comment les citoyens vont l'aborder. Est-ce qu'ils vont aller le voir quand ils n'auront pas eu l'aval du député
de circonscription? Est-ce qu'ils vont vouloir le mettre en
opposition des positions qui ont été prises parce que... Il va y avoir
une joute, on le sait, soyons honnêtes, là. Il va nécessairement y avoir une
joute politique qui va se poursuivre dans le comté, soyons honnêtes, là. C'est
la vie, là. C'est la nature humaine également, là.
Mme Fournier : ...
Le Président (M.
Bachand) : Merci. C'est tout le temps qu'on a.
M. Groleau (Marcel) : Comme...
Oui, c'est ça, je ne peux pas répondre à ça.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup d'avoir été présents aujourd'hui.
On suspend les travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 26)
(Reprise à 15 h 28)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux.
Alors, je
souhaite maintenant la bienvenue à M. André Blais, professeur titulaire du
Département de science politique de
l'Université de Montréal. Je vous rappelle, M. Blais, que vous avez
10 minutes de présentation, et par après nous aurons un échange
avec les membres de la commission. Alors, je vous cède la parole, et j'apprécie
beaucoup votre présence aujourd'hui, M. Blais.
M. André Blais
(Visioconférence)
M. Blais (André) : Merci beaucoup. Je remercie donc la commission pour l'invitation
à présenter un mémoire. Je vais
d'abord mentionner les aspects du projet
de loi que je trouve particulièrement intéressants pour ensuite souligner les aspects qui me semblent problématiques, et je
vais terminer en proposant une réforme de la réforme proposée. Je soulève,
en dernier, certains points techniques.
Donc, je relève d'abord quatre aspects particulièrement intéressants du projet de loi. Un, le gouvernement reconnaît qu'il est opportun de réformer le mode de scrutin. Le mode de scrutin actuel a ses avantages et ses désavantages. Il serait très surprenant toutefois que, parmi tous les modes de scrutin envisageables, celui qui a été adopté il y a très longtemps dans
un contexte social et politique très différent, soit la meilleure option. C'est
le temps de moderniser la façon d'élire nos représentants, et je remercie
le gouvernement d'en prendre acte.
• (15 h 30) •
Deux, c'est au peuple de décider quel mode de
scrutin est le plus approprié. J'applaudis la décision du gouvernement de soumettre le projet de réforme du mode de
scrutin à un référendum. C'est l'ensemble des citoyens, et non les experts,
les partis ou les élus, qui doit décider
quel mode de scrutin devrait être utilisé pour élire les députés. On ne doit
pas imposer aux citoyens un mode de scrutin qu'ils ne veulent pas.
Trois, il me semble
justifié d'avoir une dose modeste de proportionnalité. Le mode de scrutin
actuel avantage les grands partis aux dépens
des petits. Cela est injuste. Par contre, un système parfaitement
proportionnel, dans lequel toutes les tendances sont également
représentées, est aussi problématique. Un Parlement trop fragmenté fait en
sorte que les citoyens n'ont plus de
contrôle sur les coalitions gouvernementales qui doivent être formées. Une dose
modeste de proportionnalité me semble un bon compromis.
Quatre, il me semble
justifié d'appliquer le critère de proportionnalité au niveau régional. Ce
point découle du précédent. Ceux qui veulent
une forte proportionnalité réclament, de façon cohérente, d'appliquer ce
critère au niveau de l'ensemble de la
province. Si on accepte l'idée d'une proportionnalité modeste, il est approprié
d'appliquer le critère de proportionnalité au niveau régional.
Voici maintenant les
aspects du projet qui me semblent problématiques. Un, un seuil provincial de
10 % est inacceptable. Un tel seuil n'existe qu'en Turquie, et je ne
vois pas comment ou pourquoi on devrait s'inspirer de ce pays. Ou on
croit à une certaine dose de proportionnalité, ou on n'y croit pas.
Deux, il faut
que toutes les régions soient traitées de façon équitable. Le nombre total de
circonscriptions dans chaque région doit
être proportionnel à la population et à la population seulement.
La proposition actuelle d'enlever trois sièges à l'île de Montréal est
tout à fait inacceptable, et je parle ici en partie comme citoyen montréalais.
Trois,
il faut que le nombre de circonscriptions varie peu d'une région à l'autre. Le
nombre proposé varie de trois à 24. Ce qu'il faut comprendre, c'est que
les petits partis ont de bonnes chances de remporter au moins un siège compensatoire dans les grandes régions et
pratiquement aucune chance dans les petites régions. Cela est injuste. Il y a
deux façons de corriger cette injustice. La première est de fusionner les
petites régions. La seconde est de fractionner les grandes régions. Comme la
première solution ne me semble pas réaliste sur le plan politique, comme on l'a
vu dans la séance précédente, je propose la
seconde approche. Je propose donc que toutes les régions aient entre trois et
six sièges, et ainsi l'île de Montréal serait divisée probablement en
cinq régions et la Montérégie en quatre.
Quatre, il faut un
mode de scrutin simple et transparent. Le gouvernement propose un mode de
scrutin mixte compensatoire. Ce mode de scrutin a un avantage important, c'est
qu'il maintient les circonscriptions avec un élu tout en ajoutant une dose de proportionnalité. Il a cependant le
désavantage d'être plus compliqué, de créer deux types de sièges et de
députés et de se prêter à des calculs et des trucs qui nuisent à la transparence
du système. J'estime qu'un scrutin proportionnel modéré régional avec liste
ouverte est préférable, parce que plus simple et transparent. Les électeurs auraient toujours la possibilité de
voter pour un parti et pour un candidat préféré, il n'y aurait qu'un type
de siège et de député, le degré de proportionnalité serait similaire, et on
n'aurait pas besoin de permettre ou interdire la double candidature.
Cinquième et dernier point,il faut un référendum ouvert,
avec plusieurs options. Si on veut
laisser la population décider, il
faut lui permettre de choisir entre plusieurs options. Je ne vois aucune raison
de limiter le choix à une seule proposition de réforme versus le statu
quo. Pourquoi ne pas offrir quatre options : le mode de scrutin actuel, le
vote préférentiel ou alternatif, un scrutin proportionnel et un scrutin mixte
compensatoire? La population a très rarement l'occasion de se prononcer sur la
façon d'élire ses représentants. Pourquoi ne pas lui offrir davantage de choix?
En somme, je suis favorable à l'orientation
générale de la réforme proposée, qui va dans le sens d'une dose modérée de proportionnalité au niveau régional, ainsi
qu'au principe de laisser le dernier mot à la population via un référendum.
Par contre, j'insiste sur la nécessité de
traiter toutes les régions de façon équitable, de faire en sorte que le nombre
de sièges alloués à chaque région soit proportionnel à la population et
que ce nombre varie peu d'une région à l'autre. J'estime qu'un mode de scrutin proportionnel modéré
permettrait mieux d'atteindre les mêmes objectifs, avec plus de simplicité
et de transparence. Finalement, je propose un référendum dans le cadre duquel
les Québécois pourraient choisir entre plusieurs modes de scrutin.
Je
termine avec de brefs commentaires sur trois points techniques. Premièrement,
la double candidature. Je ne vois aucune
bonne raison d'interdire la double candidature. Cette double candidature permet
aux candidats-vedettes des petits partis
de se faire élire sur la liste régionale, et son interdiction force les
candidats à faire des choix stratégiques compliqués dans un climat de grande incertitude. Pourquoi
compliquer inutilement la vie de ceux qui acceptent le beau défi de se faire
élire?
Deuxième point technique, le remplacement des
députés de région. Je ne vois aucune raison de ne pas permettre plus de candidats de liste qu'il n'y a de sièges à
pourvoir. Des candidats additionnels pourraient éventuellement combler
des vacances, ce qui me semble plus démocratique que de laisser le parti nommer
le successeur.
Troisième
et dernier point, l'astuce de la moitié. Le gouvernement propose une astuce
pour le calcul des sièges régionaux.
Cette astuce consiste à attribuer un siège de liste en fonction non pas du
nombre de sièges de circonscription remportés
par un parti, comme c'est partout le cas, mais de la moitié de ce nombre.
L'objectif est manifestement de favoriser les grands partis. Cette
astuce est inéquitable, étant donné que le mode de scrutin proposé n'est que
modestement proportionnel
et que les grands partis sont déjà favorisés, puisque les régions sont de
petite taille. Cette astuce jette un doute sur les intentions véritables du gouvernement. Ce serait un très beau
geste d'y renoncer. Je note que ces trois questions techniques ne se
poseraient pas dans un scrutin régional modérément proportionnel.
Finalement,
une dernière suggestion. Je crois que la démocratie québécoise gagnerait à
expérimenter d'autres façons de voter. Cette expérimentation peut se
faire au niveau québécois, mais elle peut également se faire au niveau local. Pourquoi ne pas permettre aux municipalités qui le
désirent d'avoir recours à d'autres modes de scrutin pour les élections
municipales? Je vous remercie de votre attention.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Pr Blais. Je cède maintenant la parole à la ministre. Mme
la ministre, s'il vous plaît.
• (15 h 40) •
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Merci, Pr Blais, de votre présentation. Vous apportez
encore un angle nouveau sur certaines
réflexions. Je pense qu'on part du même point de vue, nécessairement,
c'est-à-dire qu'il est temps de moderniser notre façon d'élire nos représentants puis que c'est à la population de
décider, malgré le fait que certains puissent prétendre... Puis je pense
qu'on a effectivement, je l'ai dit dans le passé, la légitimité politique
nécessaire de le faire en tant que représentants élus et parce qu'on est... on
représente une grande majorité, ceux qui adhèrent à la réforme des élus de
l'Assemblée nationale, donc de la population, mais je crois que c'est quand
même un changement qui est majeur pour la population et que ça doit se faire
sous la forme d'un référendum.
Ceci étant
dit, depuis beaucoup... plusieurs années... et, comme je n'ai pas des vertus de
me souvenir des dates et d'être
historienne, je ne m'avancerai pas dans les détails... le MDN a fait,
d'ailleurs, un très bel historique, dans son mémoire, qui est très intéressant, mais je pense que je
peux m'avancer en disant que, depuis plus de 40 ans, on parle, on discute,
au Québec, d'une réforme de mode du scrutin, mais on discute également, depuis
de nombreuses années, d'un mode proportionnel
mixte. Ce que vous nous proposez, c'est de repartir à zéro, si je peux me
permettre de le dire de cette façon-là, et de consulter la population sur quatre modes de scrutin. Bon,
naturellement, quatre modes de scrutin ou trois nouveaux, parce que ça
inclut le nôtre, qu'on connaît très bien. On aime le critiquer, mais on le
connaît très bien.
Donc,
d'entrée de jeu, je vous dirais que ce qui a été soulevé sur la question du
référendum, pour plusieurs raisons, c'est
le besoin de bien faire comprendre à la population ce qu'on leur propose. Donc,
présentement, on leur propose de passer d'un mode de scrutin, c'est-à-dire le mode de scrutin actuel, à un
autre, et déjà nous nous sommes fait dire et mettre en garde que
c'était... moi, je ne pense pas que ce soit complexe, mais qu'il faut prendre
le temps de l'expliquer. Je pense que c'est
à la portée de compréhension de tous, mais il faut quand même l'expliquer parce
que c'est très technique. Vous proposez d'en proposer trois nouveaux. Est-ce que vous pensez que c'est vraiment
une bonne façon de le faire, par référendum, parce que... par
consultation, peut-être, mais par référendum, d'avoir quatre options? Puis,
quand on a quatre options, comme ça, comment on détermine l'option gagnante qui
nous rend légitimes d'aller de l'avant par la suite, là?
M. Blais
(André) : Ça a été
fait à l'Île-du-Prince-Édouard en 2016, il
y a eu un référendum
avec cinq options et il y a eu une
commission qui a donné toutes sortes d'informations sur les cinq options qui
étaient présentées. C'est sûr que c'est plus ambitieux, peut-être, que,
quand on a déjà travaillé sur une proposition, on n'a peut-être pas autant le
goût d'en ajouter d'autres, mais c'est essentiellement audacieux, intéressant, et c'est parce que je crois qu'il y a
toutes sortes d'autres propositions qui peuvent être utiles, et peut-être
que ça serait une autre proposition.
Pour ce qui est du mode de scrutin à utiliser dans une telle consultation, il y aurait différentes formules : il y a
le vote alternatif ou ça pourrait
être un système de points, etc. Si vous êtes intéressée, je
serais prêt à une rencontre de discussion sur les différentes possibilités.
Mme LeBel : Oui. Et, si je ne m'abuse... Puis,
encore là, je ne veux pas me... je vais quand même me donner le droit
de me tromper sur ce que j'affirme, là, parce que
je ne le fais pas avec beaucoup de force, mais, si je ne m'abuse, en Colombie-Britannique, le taux de participation avait été quand même peu élevé, et ils sont demeurés au
mode de scrutin actuel. Je comprends
que, dans un référendum, l'objectif n'est pas... bien, l'objectif n'est pas nécessairement
de le gagner, dans le sens où, quand on soumet à la population,
l'objectif, c'est d'avoir l'opinion de la population, mais il faut que cette opinion-là soit éclairée. On pourrait
spéculer sur les raisons pour lesquelles ils n'ont pas atteint ces taux de
participation là. Entre autres, ça se
faisait en dehors d'une élection, c'est peut-être une raison. Mais je pense que
d'expliquer trois nouveaux modes de
scrutin peut quand même rendre l'exercice beaucoup plus périlleux, disons-le,
ou complexe en soi. Mais on retient bien votre commentaire sur ce sujet.
Mais je comprends que, que l'on propose trois modes de scrutin nouveaux ou
qu'on en propose un seul, la notion de consulter la population via un
référendum est primordiale pour vous.
M. Blais (André) : Exactement.
Mme LeBel :
Est-ce que vous avez une opinion? Parce que... Je vous la pose... Elle n'est
pas dans votre mémoire, mais elle a été débattue dans les derniers jours
avec plusieurs groupes. Présentement, ce que nous proposons de faire, comme gouvernement, c'est de faire... de poser la
question du référendum en même temps que l'élection générale de 2022. Bon, plusieurs facteurs militent, pour nous, en
faveur de cette option-là, entre autres le taux de participation, qui n'est pas
le seul, mais qui en est un qui se vaut,
naturellement. Qu'est-ce que vous avez comme opinion, donc? Vous proposez donc,
dans votre... Votre proposition, c'est
d'avoir une pluralité de modes de scrutin, donc une pluralité d'options et de
discussions. Le débat est de dire
qu'on ne peut pas avoir une pluralité de débats, donc pas d'élection en même
temps que le référendum, parce que, là, il va y avoir trop de sujets qui
circulent. Avez-vous une opinion là-dessus?
M. Blais
(André) : J'ai confiance à la compétence des citoyens, surtout s'il y
a vraiment une campagne d'information qui est bien menée pour renseigner les
citoyens sur ces différentes options là.
Par ailleurs,
j'appuie entièrement la position du gouvernement, qui est de tenir ce
référendum au moment d'une élection. Je pense que c'est essentiel d'avoir un
taux de participation élevé pour que la décision soit légitime, et c'est
seulement lors d'une élection qu'on aura un taux de participation élevé. Donc,
je suis complètement d'accord avec vous sur ce point-là.
Mme LeBel :
Merci. Si on vient, peut-être, à des modalités plus précises du mode de scrutin
qu'on propose, le seuil de 10 %,
pour vous, bon, est inacceptable, ce sont vos mots, et vous n'êtes pas le seul,
de toute façon, qui est venu témoigner, jusqu'à présent, en toute transparence... qui a critiqué ce seuil, en
tout cas, ou, à tout le moins, l'a commenté. Vous dites qu'un tel seuil
n'existe pas ailleurs, à une seule exception, et qu'on devrait... si on croit à
une certaine dose de proportionnalité, on devrait ne pas avoir un seuil de
10 %.
Première
question : Est-ce que vous... Vous adhérez, par contre, je pense, au
principe qu'il y ait un seuil, que ce ne soit pas une proportionnalité
pure, là, dans le sens où...
M. Blais (André) : Il va y avoir un seuil implicite au niveau
régional. Si, au total, dans une région, il y a, disons, cinq
circonscriptions, ça va probablement prendre à peu près 15 % des votes
pour avoir un siège. 15 % des votes dans
une région, c'est déjà une bonne légitimité. Donc, quant à moi, je ne suis pas
convaincu de la nécessité d'un seuil national, mais je ne suis pas
complètement opposé non plus. Un seuil, disons, de 3 %, par exemple,
serait tout à fait acceptable, mais,
personnellement, je propose que ça soit au niveau régional seulement et qu'il
n'y ait pas de seuil national.
Mme LeBel : Donc, si on tient à y introduire un seuil pour
d'autres raisons, là — il peut y avoir d'autres motivations à introduire un
seuil — vous
préconisez le seuil le plus bas possible, c'est ça?
M. Blais
(André) : Oui, et je ne vois pas quelles seraient ces bonnes raisons.
Mme LeBel :
Bon, on pourra en discuter dans une autre conversation, compte tenu que j'ai
peu de temps puis j'ai d'autres points.
M. Blais
(André) : D'accord.
Mme LeBel :
Mais plusieurs éléments ont été amenés en faveur d'un seuil. Maintenant, le
taux est à discuter et à moduler, là.
M. Blais (André) : Il y a un seuil régional implicite, déjà, de
15 % au niveau régional, hein?
C'est déjà très élevé.
Mme LeBel :
O.K. Vous parlez du nombre, j'avoue que, avec beaucoup d'humilité, j'ai un peu
de misère à suivre votre argumentaire
sur un point et je vais vous demander, probablement, de le développer pour que
je comprenne mieux. Bon, au point 3
des aspects du projet de loi qui vous semblent problématiques, sous ce
chapitre, au point 3, vous parlez du
nombre de circonscriptions, donc, doit varier peu d'une région à l'autre. Entre
autres, vous parlez que «le nombre proposé varie essentiellement de trois à 24» — bon, ce qu'il faut comprendre, c'est que les
partis ont de bonnes chances de remporter moins d'un siège, etc. — et vous parlez de fractionner les régions.
C'est plutôt sur ce point-là que j'en suis. Une des raisons, et vous avez eu l'opportunité de l'entendre, je
pense, dans les interventions précédentes, pour lesquelles nous en sommes
arrivés au chiffre de 17, bien, c'est parce
qu'il y a 17 régions administratives au Québec, 17 identités régionales très
bien définies et auxquelles les gens
tiennent beaucoup. Donc, vous dites, vous l'avez dit dans votre présentation,
dans ce sens : On ne devrait pas
diminuer, parce que vous parliez de diminuer ou d'augmenter. Maintenant, vous
parlez d'augmenter des régions. Je
dois dire que c'est une proposition qui a déjà été faite par les gouvernements
précédents et qui avait le même effet
que de fractionner l'identité régionale. Donc, la fusionner ou la fractionner
en diminuant le nombre de régions ou
en augmentant le nombre de régions, en 2004, entre autres, je pense, et dans
les dernières discussions que j'ai eues, ne semblait pas une option.
L'identité régionale, elle est entière et complète, et c'est pour cette raison
qu'on a décidé des 17 régions. Qu'est-ce que
vous avez à nous dire à ce sujet-là ou
à m'expliquer un peu mieux, là? Votre calcul entre les circonscriptions
variables, pas variables, je vais vous avouer que, ce point-là, je manque d'information.
M. Blais (André) : En fait, il faut voir, le problème
de départ, c'est que cette inégalité dans la taille des régions existe en Espagne et au Portugal, par exemple, et les implications, c'est que le parti de droite réussit à obtenir
quelques sièges à Madrid et à Barcelone, par exemple, parce qu'il y a 30
circonscriptions, et donc, avec 5 % des votes, ils vont chercher un siège, mais que les partis de gauche,
eux, dans les régions où il y a seulement trois sièges, ils n'ont pas assez
de votes pour aller chercher des sièges, et donc le système défavorise le parti
urbain aux dépens du parti rural.
Et
ici, concrètement, on a la région de Montréal. Et ce que ça veut dire, c'est
qu'un parti qui n'a que 10 % des sièges à Montréal pourrait avoir
des sièges, un siège compensatoire, alors qu'un parti qui aurait 10 % des
votes en Abitibi ne pourra pas avoir un
siège compensatoire, et donc on défavorise les partis qui ont plus de votes
dans les milieux avec des grandes régions.
Et ce que je propose, concrètement, c'est de garder les régions actuelles, mais
que... par exemple, pour Montréal, de
faire cinq régions. Parce que moi, je suis de la région de Côte-des-Neiges,
vous savez, je m'identifie à
Côte-des-Neiges, c'est très différent d'Outremont, qui est à côté. Et donc je
crois qu'on devrait faire cinq circonscriptions régionales sur l'île de
Montréal. C'est ça, ma proposition.
Mme LeBel :
Et, à l'intérieur de ces régions, pour les nommer comme vous les nommez, vous
verriez des circonscriptions, également, ou ce seraient des circonscriptions
régionales?
M. Blais
(André) : Absolument. Oui, oui.
Mme LeBel :
Et là on se retrouve...
M. Blais
(André) : Tout à fait.
Mme LeBel :
Je m'excuse, M. Blais, puis je veux vraiment comprendre votre proposition.
M. Blais
(André) : Trois à deux, trois à deux.
Mme LeBel :
Et on se retrouve, à ce moment-là...
M. Blais
(André) : Oui. Non, non. Oui.
Mme LeBel :
Oui, je m'excuse, c'est moi qui ne vais pas avec le décalage, là. Petite pause.
Et
on se retrouverait avec combien de circonscriptions et combien de députés à
l'Assemblée nationale? J'ai peut-être du mal à...
M. Blais
(André) : Exactement le même nombre. Exactement le même nombre.
Mme LeBel : O.K. Je vous pose la question, parce que c'est intéressant, puis j'aurais dû le faire tantôt quand j'abordais la question du référendum, mais, je le disais, le mode de scrutin qui est proposé, présentement, par le MDN et qui fait partie de l'entente qui a été signée par, à tout le moins, quatre partis, trois qui se retrouvent maintenant à l'Assemblée nationale, le mode de scrutin mixte proportionnel,
qui était un compromis entre le mode actuel, on le sait bien, puis un mode proportionnel pur, fait partie des discussions
depuis longtemps, est accepté par la population. Pourquoi vous jugez qu'il est
nécessaire de proposer d'autres alternatives
à la population? Et, moi, ce que je considère être un recul dans le travail
déjà fait, là, mais c'est mon point de vue.
• (15 h 50) •
M. Blais
(André) : Je sais que, traditionnellement, c'est le mode de scrutin
qui est jugé comme étant le plus acceptable
par la population. C'est peut-être le cas, je n'en suis pas absolument certain,
parce qu'il n'y a pas vraiment de
débat impliquant toute la population. Je veux maximiser les chances de
moderniser le mode de scrutin et d'avoir, donc, plusieurs options. Parce
que, par exemple, si j'ai bien compris que... le Parti libéral pouvait
peut-être être intéressé par le vote
alternatif, le vote préférentiel, et donc il y aurait peut-être d'autres
options qui pourraient ressortir et qui seraient différentes de celles qui sont proposées. Mais je dois quand même dire
que je suis favorable au mode de scrutin mixte compensatoire, ce serait mon deuxième choix. Et, si c'est le seul choix
qui me sera soumis, bien, je l'appuierai, même si ça ne sera pas
l'idéal.
Mme LeBel :
Merci de cette précision, c'est gentil. Donc, pour la double candidature,
j'aimerais peut-être juste qu'on débatte un petit peu, pour le peu de
temps qu'il me reste, là, sur ce sujet-là. Il y a des pour et des contre qui
ont été soulevés. Vous ne voyez aucune bonne
raison d'interdire la double candidature. Pourtant, vous êtes pour le respect
de l'expression du citoyen, et une des
objections, effectivement, qui a été soulevée, entre autres, à la double
candidature, c'est le fait qu'un
député qui a été battu, c'est-à-dire, qui n'a pas remporté le scrutin sous la
forme de la circonscription, se voit
attribué un siège par le biais de la liste, de la compensation, dans la même
région, finalement, où la population ne
l'a pas choisi. Naturellement, on pense souvent au deuxième candidat, mais ça
pourrait être le troisième, aussi, qui a eu, en pourcentage, la faveur populaire en troisième lieu, qui pourrait
entrer, théoriquement, également, par la voie d'un siège de liste. C'est une des objections à la double
candidature. Maintenant, qu'est-ce que... Et, d'un même souffle, le respect
du vote de la population. Donc, est-ce que vous y voyez une difficulté?
M. Blais
(André) : Je suis d'accord que c'est le meilleur argument, et
peut-être le seul, en faveur d'interdire la
double candidature. Moi, je dirais qu'un candidat qui arrive deuxième n'a pas
été battu, il a eu un peu moins de votes que le premier, et que, si son parti a suffisamment d'appuis dans
l'ensemble de la région, peut-être que c'est tout à fait légitime qu'il
ait un siège.
Mme LeBel :
Merci pour cet apport à notre réflexion, c'est grandement apprécié,
M. Blais.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Blais, pour votre participation à nos
travaux. J'ai plusieurs
petits points que j'aimerais vérifier avec vous, M. Blais. D'abord, vous
dites... J'aimerais vous entendre, là, rapidement, dans votre présentation, vous dites : «La
proposition actuelle d'enlever trois sièges à l'île de Montréal
est tout à fait inacceptable.» J'aimerais ça, vous entendre sur la
philosophie derrière cette affirmation-là, au-delà du fait que
vous êtes résident de l'île de Montréal, donc, vous et moi, en conflit
d'intérêts, à titre de député de LaFontaine. J'aimerais vous entendre, pourquoi
c'est inacceptable, sur les raisons philosophiques et fondamentales.
M. Blais
(André) : Je ne suis pas seulement citoyen de la ville de Montréal, je
suis démocrate, et je pense que chaque
personne a droit à la même représentation, et qu'en principe il faut respecter
le principe de la proportionnalité, et que, si une région représente
30 % de la population, elle devrait avoir 30 % des sièges.
M. Tanguay :
Si la réforme de mode de scrutin... si d'aventure elle était adoptée, adoptée
législativement et par référendum, et mise
en application, si elle créait une telle distorsion, seriez-vous contre la
réforme du mode de scrutin?
M. Blais
(André) : Donc, s'il y aurait trois sièges de moins à l'île de
Montréal?
M. Tanguay :
Oui.
M. Blais (André) : J'aurais à réfléchir un peu plus. Ma première
réaction serait probablement oui, et ensuite appuyer tout parti qui me
promettrait de changer cela dès qu'il serait élu au pouvoir.
M. Tanguay :
Ah! O.K. Alors, on est rendus à la deuxième réforme, O.K. Mais on voit
réellement que c'est une... l'expression, un «deal breaker», c'est une
pierre d'achoppement, réellement, là, un écueil.
M. Blais
(André) : En tout cas, j'appuierais quand même le... oui.
M. Tanguay :
Pardon?
M. Blais (André) : Oui et non. Oui et non, puisque je voterais quand même... j'appuierais
quand même la proposition dans un référendum, au départ.
M. Tanguay :
Mais en espérant faire le ménage après, là, et revenir sur cet important
écueil.
M. Blais
(André) : Oh oui!
M. Tanguay :
Deuxième élément, M. Blais, je veux comprendre, puis vous avez eu un
échange avec la ministre un peu plus
tôt, donc, pour vous, il n'y aurait pas... le système idéal que vous aimeriez
voir mis en place ne serait pas mixte. Si
je comprends, il y aurait plusieurs régions, et, distribué à l'intérieur des
régions... il y aurait plusieurs régions, en ce que Montréal, par exemple, pourrait être subdivisée en
trois, en cinq régions, par exemple, mais, pour vous, il n'y aurait pas deux types de députés, il n'y aurait pas des
députés de régions et des députés de circonscription. Il y aurait, à
l'intérieur de ces mêmes régions-là,
des circonscriptions, mais qui feraient en sorte que, d'une région à l'autre,
il y aurait à peu près, bon
an, mal an, le même nombre de circonscriptions, c'est cela?
M. Blais (André) : C'est que, non, il y aurait seulement
un type de circonscription et, dans chaque circonscription, il y
aurait, disons, cinq députés à élire.
M. Tanguay :
Donc, la circonscription serait la région, autrement dit, le territoire de
votation.
M. Blais
(André) : Exactement, oui.
M. Tanguay : Alors, Montréal... on divise Montréal en cinq. Et moi,
étant député de l'est, donc, l'est de Montréal,
on pourrait appeler ça la circonscription de l'est de Montréal, il y aurait, par
exemple... ce serait le territoire électoral, et
là il y aurait trois postes à pourvoir, par exemple. À ce moment-là, il y
aurait des listes, ça serait sous
forme de listes.
M. Blais
(André) : Mais listes ouvertes, listes ouvertes, donc, dans le sens
où, s'il y a cinq députés à élire et si un
parti a 20 % des votes, il a
droit à un siège et que ce sera le candidat dans la liste qui obtient le plus
de votes personnels qui est élu. On vote pour le parti et aussi, à
l'intérieur du parti, on indique quel est le candidat qu'on préfère.
M. Tanguay :
O.K. Pouvez-vous me l'expliquer? Parce que, là, vous m'avez perdu, là-dessus.
Donc, il y aurait le territoire
électoral avec, exemple, cinq postes à pourvoir pour ce territoire électoral
là. Il n'est pas subdivisé en circonscriptions. Mais les gens voteraient
deux fois?
M. Blais
(André) : Non. Ils votent d'abord pour le parti qu'ils préfèrent.
M. Tanguay :
Le parti, oui, c'est ça.
M. Blais (André) : Et ensuite le parti a établi une liste de cinq
candidats. L'électeur indique lequel des cinq candidats du parti il préfère. Et, si le parti a droit à un
siège, c'est le candidat de la liste qui a eu le plus de votes personnels qui
est élu. Comme ça se fait en Finlande, en passant. Si vous voulez un
exemple, là, il me semble que ça se fait en Finlande.
M. Tanguay :
Et donc il n'y a pas de système de redistribution des candidats élus, comme on
le voit, là. Puis tantôt, là... On ne
peut pas utiliser le terme «astuce», M. Blais, alors on va utiliser un
synonyme, parce que vous dites que le gouvernement use d'une astuce,
alors on va dire une «habileté», c'est positif, une habileté transversale.
M. Blais (André) : Une
compétence.
M. Tanguay :
Alors, il n'y aurait pas lieu de mettre en place l'habileté du gouvernement par
la répartition des élus régionaux, là. Ça ne serait pas ça qui serait
mis en place. Comment ça se ferait, de façon tangible?
M. Blais (André) : Écoutez,
c'est très simple, là, chaque électeur...
M. Tanguay : C'est
simple, mais j'ai de la misère à comprendre.
M. Blais (André) : Donc, je
vais essayer d'être meilleur en expliquant.
M. Tanguay : Je vais
essayer d'être plus vite.
M. Blais
(André) : Donc, vous avez
cinq personnes à élire dans une circonscription. Des partis se présentent.
Chaque parti présente une liste de cinq
candidats. Supposons que le parti a 20 % des votes, il a droit à 20 %
des sièges, c'est-à-dire un siège. Et
quelle est la personne parmi les cinq candidats qui va être élue? Ça va être le
candidat parmi les cinq qui a obtenu le plus de votes personnels, parce
que les gens votent pour la liste et ensuite pour le candidat.
M. Tanguay : Je comprends. Alors, on élimine
l'habileté. On élimine l'astuce à laquelle vous faites référence. Et
est-ce que vous avez évalué il y aurait combien de régions ainsi, au Québec,
là, selon vos calculs?
M. Blais (André) : Ah non, je
n'ai pas regardé dans le détail, là. On part avec les régions actuelles, mais
elles seraient... les plus grandes régions seulement seraient fractionnées.
M. Tanguay :
Et cette nouvelle approche là... Donc, on parlait de l'écueil de faire perdre,
par exemple, à Montréal trois sièges.
Vous êtes en désaccord de cela. Vous parlez... On parlait de l'habileté,
présentée dans le projet de loi, de diviser par la moitié plutôt que de diviser par le nombre de comtés qui ont été
octroyés par l'élection à un parti donné. Donc, ça, ce seraient des éléments, notamment, là, qui
viendraient répondre à une autre affirmation forte que vous faites. Vous dites
que l'actuel mode de scrutin proposé par le gouvernement est trois
choses : est compliqué, crée deux types de sièges et de députés et se prête à des calculs et des trucs. Ça, ce serait de
nature, donc, à vous réconcilier par rapport au grief que vous soulevez
de la proposition faite par le gouvernement.
M. Blais
(André) : Oui. Je dois dire
que je suis très confiant que le gouvernement va renoncer à ce que j'ai appelé
l'astuce. Donc, je suis très confiant qu'ils vont le faire. Je suis peut-être
naïf, mais je suis très confiant. Et donc ça, c'est quand même...
M. Tanguay :
M. Blais, je regarde Mme la ministre, là, puis rien ne transpire de ses
gestes.
M. Blais (André) : Ah! moi, je
suis très confiant qu'en réfléchissant elle va arriver à la bonne conclusion.
• (16 heures) •
M. Tanguay :
Vous misez sur votre victoire. O.K. M. Blais, de ce que je vous ai
compris, vous proposeriez plus d'un
modèle. Vous avez... Puis effectivement, au sein du Parti libéral du Québec, il
y a une réflexion, il y a un comité ad hoc qui réfléchit, notamment — et puis là ça circule dans les instances,
là, on va voir les militants dans les circonscriptions, dans les
régions — sur le
vote préférentiel. Vous, vous l'avez mis dans ce qui pourrait éventuellement,
dans un référendum, être
proposé à la population. On verra, le travail militant du laboratoire
d'idées que représente le Parti
libéral du Québec, si l'on va de l'avant avec ça.
Mais le vote
préférentiel... Vous faites écho également... Vous avez lu les travaux de Jean-Pierre
Derriennic, qui a beaucoup
étayé cette façon de faire. Quels avantages y voyez-vous, vous, M. Blais?
M. Blais
(André) : Il faut d'abord
mentionner qu'avec cela on garde toutes les circonscriptions actuelles, un élu
par circonscription, et je crois que c'est
un avantage important relatif à la proposition actuelle. C'est un système qui
est beaucoup moins proportionnel, en fait, et donc ça, c'est un
désavantage important.
L'autre
avantage, c'est que ça permet de tenir compte des préférences des électeurs.
Donc, on peut... Moi, si j'ai un
deuxième choix, je peux espérer que mon deuxième choix va pouvoir rentrer...
d'exprimer d'abord mon premier choix, même
s'il n'a aucune chance de gagner, et ensuite mon deuxième choix. Et c'est un...
En passant, c'est le mode de scrutin qui
a une certaine ferveur aux États-Unis, présentement. Il y a une vingtaine de
municipalités qui ont adopté ce qu'on appelle le «right ballot», et
l'État du Maine l'a adopté pour les prochaines élections présidentielles.
M. Tanguay : O.K. Et
diriez-vous également qu'il y aurait lieu de faire miroir avec le financement
des partis politiques aujourd'hui, qui,
entre autres, est calqué sur le nombre de votes qu'un parti politique a reçus?
Diriez-vous qu'on pourrait même, par extension,
considérer, le cas échéant... pour un parti qui n'aurait pas été élu mais qui
aurait eu, obtenu des votes de deuxième choix, de troisième choix, qu'on pourrait
peut-être même faire miroir avec un mode de financement?
Et ça, ça pourrait peut-être permettre l'émergence de tiers partis via le
support financier qu'ils recevraient. Donc,
vous n'avez pas été élus... votre candidat n'a pas été élu, votre candidate, mais
vous avez obtenu un nombre x de votes de
premier, deuxième, troisième tour, et on pourrait y faire écho, également, sur
le financement. Que pensez-vous de cela?
M. Blais (André) : Oui, ça me semblerait possible, mais je ne suis
pas convaincu que ce serait nécessairement mieux qu'un scrutin
proportionnel modéré régional, mais c'est un... ça serait intéressant.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. Blais.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Je
cède maintenant la parole au député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Merci. Merci, M. le Président. Merci, M. Blais, d'être parmi nous
virtuellement.
Bon, vous nous parlez
d'un système qui est tout autre, là, qui n'est pas, en fait, un système
compensatoire. C'est une autre proposition
qui serait bien intéressante, mais j'ai 2 min 30 s et j'ai signé
de mes blanches mains une entente qui m'engageait à élaborer un système
électoral mixte compensatoire, ça fait que je vais me restreindre à ça.
Vous
faites des propositions pour améliorer ce système-là. Vous parlez de cette
fameuse astuce, certains ont parlé de prime au vainqueur, et vous dites,
dans votre mémoire, je vous cite : «Cette astuce jette un doute sur les
intentions véritables du gouvernement.»
Quelles sont ces intentions-là, selon vous, ou, en tout cas, quel est l'effet
de cette astuce sur d'éventuels résultats électoraux?
M. Blais
(André) : Bien, clairement, ça donne une prime aux plus grands partis
aux dépens des petits, hein? C'est ça, la
conséquence. Moi, je suppose que le gouvernement a introduit cette réforme-là
pour faire en sorte que le système soit plus proportionnel que
présentement, et donc cette astuce-là me semble aller à l'encontre de
l'objectif premier du gouvernement.
M. Nadeau-Dubois : Autrement dit, on vient diminuer la
proportionnalité sans avoir de gain sur le plan, par exemple, de la
représentation des régions. On vient tout simplement favoriser le plus gros
joueur dans le jeu politique.
M. Blais
(André) : Exactement.
M. Nadeau-Dubois : Vous avez des réponses courtes et précises. C'est
surprenant, mais c'est agréable. Vous parlez de double candidature, puis vous êtes... Quand même, il y a peu de gens
qui se sont présentés ici pour présenter des arguments aussi étoffés en faveur de la double candidature.
On entend souvent que la double candidature, ça viendrait, comment dire,
donner la chance à des gens que les... ça viendrait donner un siège à des
députés que la population n'a pas choisis directement. Qu'est-ce que vous
répondez à ça?
M. Blais (André) : La population vote d'abord pour un parti plutôt
que pour un candidat, vote aussi pour le candidat, mais d'abord pour le
parti, donc ce que le vote reflète, c'est beaucoup de choses, d'une part.
Et moi, j'ai beaucoup, beaucoup de respect pour
tous ceux qui se présentent aux élections, et d'arriver deuxième, c'est très bien. Je ne vois pas pourquoi on
caractériserait cette personne comme étant... comme elle a été battue ou
n'ayant pas le droit de représenter les électeurs.
Et
c'est surtout qu'il faut comprendre que les sièges régionaux vont aller
essentiellement aux petits partis. Et donc le dilemme, pour les petits
partis et pour les vedettes des petits partis, ça va être : Est-ce que je
me présente dans la circonscription ou au niveau régional? Et, dépendant de ce
que les sondages me disent, je peux avoir intérêt à faire l'un ou l'autre, et
tout ça est très compliqué. Et je ne vois pas pourquoi on veut empêcher quelqu'un
qui, manifestement et probablement, est un candidat important de tenter sa
chance dans les deux votes.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant
la parole au député de Rimouski, s'il
vous plaît. Merci.
M. LeBel : Merci. Bonjour, M. Blais. Je suis arrivé deux fois deuxième, ça
fait que ça me plaît, ce que vous dites. Dans le fond, je n'avais pas
perdu.
Je suis un
député de région. Pour moi, l'accès au député, c'est important.
Quand vous parlez de traiter les régions de façon équitable, vous parlez de proportionnelle à la population
seulement. J'aimerais ça savoir votre opinion par rapport à l'élément «accès au
député», entre autres en milieu rural, comment on en prend compte. Et,
en ce sens-là, vous voyez, la Côte-Nord
devient une circonscription au complet, la Péninsule gaspésienne, une circonscription au complet, mais on a... pour les Îles-de-la-Madeleine, on
dit : Ça, c'est O.K.; pour Ungava : Ça, c'est O.K., des circonscriptions
d'exception. Ça fait que ma question, c'est : Comment on prend en compte
l'accès au député? Et est-ce que vous êtes d'accord avec les circonscriptions
d'exception qu'on nomme dans le projet de loi?
M. Blais (André) : D'abord, je voudrais dire que moi aussi, je suis citoyen
de région. Côte-des-Neiges, c'est ma
région, très diversifiée, très, très
diversifiée. Par ailleurs, sur ce plan-là, je pense que je suis d'accord avec
les exceptions qui sont proposées dans le projet de loi. Je reconnais que les députés qui
représentent des régions plus étendues ont des défis plus importants et je suis d'accord pour qu'on leur
donne des ressources plus importantes. Je ne suis pas d'accord pour qu'un
citoyen de quelque région que ce soit ait un vote plus important que le
mien. Je suis complètement en désaccord avec cela.
M. LeBel :
Mais vous compensez ça par le fait qu'on pourrait donner plus d'outils, plus de
moyens?
M. Blais (André) :
Exactement.
M. LeBel : Mais vous comprenez que c'est quand même un peu compliqué pour, je ne
sais pas, moi, le citoyen de Gaspé,
qui est dans la même circonscription que le citoyen de Bonaventure ou de
Carleton, d'avoir accès à son député. C'est
vrai que, par rapport au vote, je vous comprends, mais par rapport à
l'accessibilité puis au service à donner au citoyen, ce n'est pas juste
le député qui donne le service, c'est le citoyen qui doit avoir accès.
M. Blais (André) : Je suis complètement d'accord, et c'est pour ça
qu'il faut tenter de pallier, mais le principe démocratique que chaque
vote vaut la même chose est primordial.
M. LeBel :
Et je posais la question aux gens de l'UPA ce matin, je disais : Il y a
moyen... un peu comme vous, là, je
disais... si on a plus d'outils, j'ai trois ou quatre bureaux de
circonscription, j'ai du personnel dans chacun des bureaux, puis je leur disais : Est-ce que c'est une
façon de répondre?, et ils me disaient : Oui et non, parce que ce que le
citoyen ou la citoyenne veut, c'est
de voir le député ou la députée, ça fait que j'ai beau avoir plus de personnel,
plus de bureaux, si je ne suis pas
capable de me déplacer et être présent, il y a un problème. Puis je ne voudrais
pas que nos régions se transforment en régions de visioconférence.
M. Blais (André) : Mais, si je comprends bien la proposition
actuelle, le nombre de députés dans chaque région va demeurer le même,
sauf pour ma région de Montréal.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. Blais. Je cède maintenant
la parole à la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier : Merci, M. Blais, c'est fort intéressant, tout ça. J'ai bien aimé que vous mentionniez que la compensation
était, en fait, injuste entre les régions,
vous êtes le premier à le mentionner. En fait, il y a comme un seuil moyen
qui est implicite, qui s'installe,
là, d'environ 15 %, en fait, sauf pour les régions plus
populeuses, comme la Montérégie, Montréal,
qui auraient le droit à huit sièges de
compensation. En fait, je crois que c'est les deux seules régions qui
pourraient espérer avoir un député d'un plus petit parti grâce aux
listes régionales. Donc, ces régions-là vont pouvoir, les autres régions ne
pourront pas.
Cela dit, vous
proposez de fractionner les régions, ce qui rendrait, à toutes fins pratiques,
impossible le fait qu'un plus petit parti puisse avoir accès à un siège
régional. Puis, en ce sens-là, est-ce que ça ne vient pas brimer, d'une certaine façon, le pluralisme des idées
qu'on tente d'instaurer avec la réforme du mode de scrutin? Parce que, oui,
c'est sûr qu'il y a un lien entre le député,
les citoyens, sa circonscription, mais il
y a aussi le fait que les citoyens
apprécient, même s'ils ne vivent pas
dans la même circonscription qu'un député x ou y, de pouvoir avoir quelqu'un
à l'Assemblée nationale
qui reflète leurs idées, leurs idéaux. Donc, en ce sens-là, ça pourrait
venir nuire à ce qui est, à mon sens, un avantage de la réforme du mode
de scrutin.
• (16 h 10) •
M. Blais (André) : Vous avez raison qu'il y a
une tension dans mes propositions, peut-être pas une contradiction, mais une tension,
parce que c'est vrai que ce que je propose, finalement, ça réduirait le degré
de proportionnalité.
Moi, je préférerais qu'il y ait moins de régions.
J'ai l'impression que ce n'est pas possible de diminuer le nombre de régions, et je suis même presque convaincu, en
fait. Et donc, de façon pragmatique, c'est mon deuxième choix, de faire
en sorte
que la situation soit la même dans
les différentes régions et que la région de Montréal ne sera pas désavantagée par rapport aux autres,
c'est-à-dire que les partis qui sont plus forts à Montréal ne soient pas
désavantagés par rapport aux autres.
Mme Fournier :
Très bien. Merci.
Le Président (M. Bachand) : Pr Blais, c'est tout le temps que nos avons.
Je tiens à vous remercier au nom de
la commission. Ça a été très agréable
et très constructif. Et, encore une fois, merci beaucoup de votre collaboration.
Merci.
Je suspends les
travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 11)
(Reprise à 16 h 15)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La
commission reprend ses travaux.
Il
me fait plaisir, maintenant, de souhaiter la bienvenue aux représentants du Nouveau
Parti démocratique du Québec. Je vous
rappelle, comme vous savez, que vous avez 10 minutes de présentation, et
par après nous allons avoir un échange avec les membres de la
commission. Donc, la parole est à vous, et, encore une fois, bienvenue.
Nouveau Parti démocratique du
Québec (NPDQ)
M. Fortin
(Raphaël) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, pour commencer, je vous
remercie pour l'accueil à cette commission parlementaire se penchant sur le projet de loi modifiant le mode de scrutin. Je m'appelle Raphaël Fortin
et je suis le chef du Nouveau Parti
démocratique du Québec, le NPDQ. Aujourd'hui, je suis accompagné par Mme Mona Belleau, première
femme inuite, voire peut-être même d'origine autochtone aussi, à occuper
le poste de présidente d'un parti politique
au Québec; à ma droite, Geneviève Morency, qui est la présidente du comité
communications du NPDQ.
D'emblée, le
NPDQ salue le processus actuel et félicite le gouvernement pour avoir déposé un
projet de loi visant à modifier le
mode de scrutin uninominal actuel. Le NPDQ adhère entièrement au principe
qu'une plus grande pluralité de voix, et surtout une meilleure représentativité
de la population et de l'expression démocratique des Québécoises et des Québécois devra être mise de l'avant via un
système électoral permettant tous ces critères. Le NPDQ appuiera un tel
projet de loi.
Cependant, le
projet déposé par le gouvernement, tel que proposé, ne peut recevoir notre
appui. En effet, ce projet de loi ne
reflète pas entièrement la lettre et l'esprit de l'entente historique signée le
9 mai 2018 et appuyée par le Mouvement Démocratie nouvelle, qui, d'ailleurs, a débuté les présentations à cette
commission hier. Dans cette entente historique, les partis signataires s'engageaient à travailler ensemble sur la base
des six principes suivants : un, «refléter le plus possible le vote populaire de l'ensemble des Québécoises et
des Québécois»; deux, «assurer un lien significatif entre les [électeurs
et les électrices] et les élu-e-s»; trois, «viser le respect du poids politique
des régions; quatre, «favoriser la stabilité du
gouvernement par des mesures encadrant les motions de censure; cinq, «offrir un
système accessible dans son exercice et sa compréhension; et, six,
«contribuer à une meilleure représentation des femmes, des jeunes et des
communautés ethnoculturelles».
Les partis
signataires en étant également arrivés à la conclusion que les députés de
l'Assemblée nationale du Québec devraient
être élus dès la 43e législature selon un mode de scrutin semblable à
celui étudié et avalisé par le Directeur général des élections du Québec
dans son avis de décembre 2007, reprenons les points qui, dans cette entente du
9 mai 2018, font assurément défaut dans ce projet de loi.
Un, «refléter
le plus possible le vote populaire de l'ensemble des Québécoises et des
Québécois». Dans le projet actuel, avec un seuil à 10 % à l'échelle
nationale, seuil pour être en mesure d'avoir droit à des sièges compensatoires,
basé sur 17 régions administratives et avec la méthode de calcul créée par
le gouvernement pour le nombre de sièges de compensation obtenus, la simulation
sur les résultats électoraux de 2018 donne un indice de distorsion, le fameux
indice Gallagher, de 11,47 comparativement à 17,7 dans la réforme proposée...
sans la réforme proposée. Alors, oui, une forme de proportionnalité, mais une
proportionnalité faible. En comparaison, l'indice en Allemagne, en 2017, était
de 1,9. On est très loin du compte, admettons.
Pour en arriver le plus possible à refléter
adéquatement le vote populaire, le NPDQ propose : un, un seuil de 2 % à l'échelle nationale; deux, une
proportionnelle mixte compensatoire avec listes régionales plutôt qu'un mode
mixte à compensation régionale;
trois, huit à 10 régions sur lesquelles baser lesdites listes plutôt que
les 17 régions comme proposé; quatre, de choisir la méthode Hare
pour le calcul du nombre de sièges de compensation plutôt que la formule créée
par le gouvernement.
En effet, en
2007, le DGEQ, dans son rapport sur les modalités d'un mode de scrutin mixte
compensatoire, a présenté ceci, j'ouvre les guillemets : «Le choix
d'une méthode de calcul est lié aux résultats que souhaitent obtenir les architectes d'un système électoral. S'ils
privilégient la proportionnalité des résultats et la pluralité politique, ils
opteront pour la méthode Hare...» Fermez les guillemets.
Déjà que les
grands partis jouissent de plusieurs avantages sur les tiers partis comme le
nôtre, comme la couverture médiatique,
un financement beaucoup plus grand, etc., il faut impérativement choisir une
méthode de calcul qui n'accentuera pas
cette barrière à l'entrée. Cependant, la méthode de calcul créé par le
gouvernement va exactement faire le contraire, vu qu'elle favorise les partis qui remportent des sièges de
circonscription, donc des grands partis déjà représentés à l'Assemblée
nationale.
• (16 h 20) •
En ce qui a
trait aux autres points contenus dans l'entente signée par trois des quatre
partis représentés à l'Assemblée
nationale, il y a certainement des bonifications à faire, entre autres en encadrant les motions de censure, ce qui est absent dans ce projet. Pour ce qui est d'une meilleure représentation des femmes, des jeunes et des
communautés ethnoculturelles,
j'ajouterais : des communautés LGBTQ2+, et des nations autochtones,
et du peuple inuit.
Le NPDQ n'est pas contre que des mesures plus
contraignantes soient dans le projet de loi à être adopté, mais il serait
judicieux que vous, députés des partis déjà bien établis, vous vous mettiez
dans la peau de celles et de ceux qui cherchent à développer de nouvelles
voies. Avec la précédente réforme modifiant le financement des partis politiques,
une grande barrière à l'entrée a été instaurée. Bien que louable dans l'objectif
de rendre encore moins corruptible le système, il a eu comme effet
pervers de rendre la tâche autrement plus difficile pour les nouveaux partis
politiques de s'établir.
Dans
l'optique d'aider les partis émergents à atteindre certaines cibles en ce qui a
trait aux candidatures des femmes,
des jeunes, des communautés ethnoculturelles en termes de nombre, etc., le
NPDQ propose que la double candidature soit
permise. Une femme, un jeune, une
personne issue des communautés
racisées, une personne des communautés LGBTQ2+ pourrait faciliter l'atteinte des objectifs si, pour compléter nos
listes de candidatures, nous pouvions présenter la même personne dans une circonscription et sur une
liste régionale. Cela serait un obstacle de moins pour l'entrée dans l'arène
politique de voix émergentes.
Enfin, avec l'entente signée par trois
des quatre partis de l'Assemblée
nationale qui représentent 70 % des voix obtenues aux dernières élections dans laquelle ils se mettaient d'accord
à l'effet que la prochaine législature devait être choisie par un nouveau mode de scrutin, le NPDQ
juge tout à fait légitime le gouvernement d'aller de l'avant avec une réforme
modifiant la façon avec laquelle les
Québécoises et Québécois éliront leurs représentants et représentantes. Si
d'autant l'obsession du référendum tenait, il ne devrait en aucun temps
se tenir en même temps que les prochaines élections. Plusieurs points de ce
référendum annoncé sont très problématiques et préoccupants. En effet, tenir un
référendum en même temps que la période électorale tout en empêchant les
députés et les candidats et candidates de participer aux débats en s'affichant pour un des deux camps, que le premier
ministre et sa ministre qui dépose le projet de loi ne soient pas les porteurs de ce dernier, donne l'impression
bizarre de vouloir s'assurer que ledit référendum n'ait aucune chance de
passer. J'ai également lu sur des technicalités qui rendent extrêmement
complexe la formation des camps du Oui et du
Non, qui limitent les budgets attribués et la diffusion d'informations neutres
des changements possibles apportés par la transformation du mode de
scrutin, bref, de faire de l'éducation populaire.
La
question référendaire en soi est également problématique : «Êtes-vous en
accord avec le remplacement du mode de
scrutin majoritaire uninominal à un tour par le mode de scrutin mixte avec
compensation régionale prévu par la Loi établissant un nouveau mode de scrutin?» Premièrement, depuis
deux jours, nous parlons de proportionnalité et, dans cette question,
nulle part le mot «proportionnel» n'est mentionné. Deuxièmement, dans l'entente
signée en mai 2018, à notre avis, cette question ne répond pas au principe
d'offrir un système accessible dans son exercice et sa compréhension. Vouloir faire une blague, je dirais que cette
question ne passerait pas le test de la clarté référendaire. S'en tenir au
référendum, c'est briser la promesse
électorale de notre premier ministre, qui s'était engagé, en campagne
électorale et même par la suite, à ce que les dernières élections soient
les dernières avec le mode de scrutin actuel.
En conclusion, le NPDQ va supporter tout projet de
loi qui vise à instaurer une véritable proportionnalité, qui respectera
le poids politique des régions et une meilleure représentativité des femmes,
des jeunes, des communautés racisées et des
diverses communautés LGBTQ2+. Comme le disait le premier ministre actuel lorsqu'il a signé l'entente en mai 2018, et je le cite, le mode de scrutin proportionnel mixte «aide à ce
qu'on travaille davantage ensemble, pour qu'il n'y ait pas un gouvernement élu par une minorité qui prenne des décisions pour une majorité».
Donc,
le NPDQ invite les députés du gouvernement, qui, lorsqu'ils se sont présentés, se sont portés candidats et candidates pour la CAQ, savaient que cela
faisait partie des promesses de leur parti, d'aller de l'avant avec ce que leur
chef a promis à la population à plusieurs reprises. Nous voulons un changement
de mode scrutin véritablement proportionnel.
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup,
M. Fortin. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci. Merci
beaucoup, M. Fortin, de votre présentation. À moins que je ne m'abuse, vous
n'avez pas soumis de document ou de mémoire à l'Assemblée nationale.
M. Fortin
(Raphaël) : ...
Mme LeBel :
Parfait. Je voulais juste être sûre que ce n'est pas moi qui l'avais raté.
Donc, vous m'excuserez si je pose des
questions pour lesquelles vous avez déjà donné une présentation, mais, si...
J'essaie de prendre des notes en même
temps sur des choses que je voulais vous faire préciser tout en étant
attentive, là, puis ce n'est pas souvent...
M. Fortin (Raphaël) : Je voudrais m'excuser pour ne pas avoir déposé de
mémoire, mais c'est la réalité des petits partis politiques, on n'a pas
de personnel de recherche, et tout ça. Alors, évidemment, on n'est pas équipés
pour déposer un mémoire d'une grande... pour pouvoir échanger avec vous
en avance... vous ayez la documentation en avance.
Mme LeBel :
Mais simplement, là, comme je disais, j'essayais d'écouter en même temps que je
prenais des notes, donc c'est possible que je vous fasse répéter ce que
vous avez déjà dit, là.
Donc, naturellement,
bien, vous êtes en faveur, naturellement, de la transformation de notre mode de
scrutin, d'un mode compensatoire mixte,
proportionnel mixte, comme on le propose. Je comprends qu'il y a des modalités
à l'intérieur de ce mode de scrutin là que vous voulez discuter ou, à
tout le moins, que vous mettez de l'avant.
Peut-être
pour y aller sur des... Bon, il y a quelques-unes de vos propositions qu'on
pourra discuter, là, s'il me reste du
temps, comme la question du seuil, la question du nombre de régions, la
question de la méthode de calcul, la question de la double candidature,
que vous abordez, même celle du référendum, qui a déjà été abordée par d'autres
groupes avant vous puis, pour des raisons
diverses, là, que certains étaient sur vos positions, d'autres non. Donc, on a
eu l'occasion d'en parler.
Mais je vais vous amener sur, peut-être, deux
aspects que vous apportez qui sont peut-être nouveaux dans la discussion
qu'on aborde. Le premier qui me vient en
tête, c'est celui de la question, la question référendaire. Donc, quelle
question nous proposez-vous pour être clairs?
M. Fortin
(Raphaël) : Bien, si on parle de réformer dans le but d'amener plus de
proportionnelle, peut-être que ce serait
plus simple de simplement parler du mode de scrutin qu'on change. Là,
actuellement, si vous parlez de la loi établissant
le changement de mode de scrutin, je me mets dans la peau du citoyen
lambda — ici, en
plus, je fais en adéquation que le
projet référendaire se ferait en même temps qu'une campagne électorale, où il y
a des difficultés à créer le clan du
Oui et du Non — il y a
vraiment beaucoup d'obstacles à l'éducation populaire, en plus d'une question
qui n'est pas directement simple.
Voulez-vous simplement changer le mode actuel pour un mode... si... le mode qui
sera déterminé, qui
sera voté par l'Assemblée au niveau de proportionnalité, ce qui est proposé
actuellement par le MDN, entre autres, et d'autres acteurs, comme on a
parlé, nous, la proportionnelle mixte régionale, là?
Mme LeBel :
O.K. D'entrée de jeu, je pense que je veux rectifier une de vos prémisses de
départ que vous avez mentionnée dans
votre chose. Vous avez dit que les députés, par la proposition qu'on fait là,
seraient empêchés de se positionner pour un camp ou un autre. C'est
inexact.
M. Fortin
(Raphaël) : ...moi, je me suis fié à la recherche de Mme Mercédez
Roberge, qui a étudié le projet référendaire et toutes les technicalités de
complications, et plusieurs de vos collègues...
Le
Président (M. Bachand) : ...Mme la
ministre posait une question, juste qu'elle puisse terminer.
M. Fortin
(Raphaël) : O.K., allez-y.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. J'apprécie,
M. Fortin.
Mme LeBel :
Je ne veux pas vous contredire, mais les députés ne sont pas empêchés de
militer pour un camp ou un autre, les
députés sont empêchés de faire partie du conseil d'administration d'un camp, ce
qui est bien différent. Donc, ça n'empêcherait pas un député de militer
en faveur du camp du Oui, ou de militer en faveur du camp du Non, ou de se positionner dans un camp ou dans un
autre, mais il ne peut pas faire partie du conseil d'administration des camps
référendaires qui recevront l'argent, seront...
ceux qui sont, entre autres, chargés d'administrer le budget référendaire.
Donc, je veux juste être sûre de le
clarifier parce que, pour moi, c'est une nuance importante. D'ailleurs, le
premier ministre, à une question, je pense, de la collègue de
Sainte-Marie...
Une voix :
...Saint-Jacques.
Mme LeBel :
...Saint-Jacques — Mon
Dieu! Je l'ai presque eu par moi-même — Sainte-Marie—Saint-Jacques, à l'Assemblée nationale, lui a demandé est-ce qu'il allait militer ou
se positionner en faveur du Oui... référendum, il a dit :
Absolument. Mais il ne sera pas le chef officiel, selon ce qu'on propose, parce
qu'il ne pourrait pas être sur le conseil d'administration ou être à la tête
de. Donc, je veux juste être... je pense que c'est une nuance importante.
Et,
à ce moment-là, est-ce que votre position est un peu modifiée par rapport au
référendum ou ce que vous avez amené
tantôt? Parce que vous avez dit : Bon, on est... on pense que ça ne
devrait pas avoir lieu, mais, si le gouvernement y tient, une des lacunes est le fait que les députés ne
pourraient pas s'exprimer pour un camp ou un autre. Je vous dis que ce n'est
pas le cas. Donc, qu'est-ce que vous en pensez?
M. Fortin
(Raphaël) : Je ne pense pas que c'est la... Quand on regarde les
technicalités, c'est quand même compliqué,
former le camp du Oui et du Non, les budgets. En période électorale, je ne
pense pas que c'est le meilleur... S'il
y a lieu, comme j'ai dit, s'il y avait l'obsession de tenir absolument un
référendum, bien, comme plusieurs ont dit hier et probablement
aujourd'hui — parce
que j'étais en préparation plutôt qu'à l'écoute de tous ceux qui sont passés aujourd'hui — il faudrait que ce soit avant la période
électorale, pas pendant. Le financement, aussi, des camps du Oui et du
Non rend compliqué de pouvoir faire, pendant cinq mois, comme vous le proposez,
une campagne.
Il y a également... De ce que j'ai pu lire
concernant les technicalités, le DGEQ ne peut pas faire de... il peut informer
qu'il y a un référendum, mais ne peut pas faire d'éducation populaire dans ce
que vous proposez. Le principe même d'un
référendum, c'est de faire l'éducation populaire sur le projet qui est déposé.
Donc, pour moi, c'est problématique. Maintenant,
que vous dites que le premier ministre n'est pas le chef du camp du Oui alors
que c'est lui qui dépose un projet majeur, je trouve que c'est un peu
singulier.
• (16 h 30) •
Mme LeBel : Bien, je vous dirais que, encore une fois, à
moins que je ne m'abuse, puis là ça peut être perfectible, là, dans la
loi sur les consultations populaires actuelle, le DGEQ ne fait pas d'éducation
plus populaire pour un camp ou un autre, il
transmet les informations que les camps lui amènent. Et, dans le cas que vous
amenez, le DGEQ devrait transmettre
de l'information sur le nouveau mode de scrutin mais également sur le mode de
scrutin actuel, qui serait fournie par
les camps référendaires. Donc, ça n'empêche pas les camps référendaires de
transmettre... Parce que la loi s'applique encore sur cette... de transmettre de l'information que le DGEQ, lui,
véhiculera, mais ce n'est pas le rôle du DGEQ de faire de l'éducation
populaire, en tout cas, selon nos discussions qu'on a eues avec lui, surtout,
là.
Mais
je veux juste vous dire que ça n'empêche pas les camps, mais il faudrait y
avoir de l'information... S'il y a des
informations transmises par le camp du Non, il doit les véhiculer autant que
les informations transmises par le camp du Oui, donc ceux en faveur de
la réforme et ceux en faveur du maintien, là.
M. Fortin (Raphaël) : Moi, je vous dis juste qu'est-ce que j'ai lu. Maintenant, vous me rectifiez quelque chose. Mais ce n'est pas toutes ces petites technicalités-là
qui font que le référendum est problématique, c'est la période, le
temps, le budget. Il y a quand même... Vous avez...
Vous
savez, le premier ministre a signé une entente, le 9 mai 2018, où il
s'engageait, justement, à ce que ça soit la dernière législature.
Il l'a répété à quelques reprises, que c'était la dernière. Et, tout à coup, un
revirement de bord, il dit : Il y a un référendum. Maintenant, si
l'obsession est telle, du référendum, ça ne doit pas être en même temps qu'une
période électorale, c'est clair, surtout pas en période d'été et ensuite en
période électorale.
Mme LeBel :
Merci, c'est bien compris. Je vais vous amener peut-être sur un autre aspect
qui faisait partie, entre autres, d'un article paru dans Le Devoir
en mai 2019, que vous n'avez pas abordé dans votre présentation, mais que je trouve intéressant parce que
vous le mentionnez également en fonction de la réforme du mode de scrutin,
vous faisiez, à ce moment-là, état, avec deux autres partis politiques, soit
le Parti vert du Québec puis le Parti conservateur du Québec, que... afin de réclamer qu'un chef de parti
politique qui a recueilli au moins 2 %
des voix mais qui n'a pas réussi à faire élire de député de circonscription ou de liste obtienne tout de même un
siège à l'Assemblée nationale. O.K., mais on le prend où, ce siège-là,
une fois que les circonscriptions, et les listes, et les députés de
compensation sont distribués?
M. Fortin
(Raphaël) : Ce que je me rappelle, c'est que cet article-là a paru sur
ce qu'on vous avait envoyé, parce qu'on cherchait à vous rencontrer pour discuter des
modalités, parce qu'on voyait bien qu'il n'y avait pas beaucoup de
proportionnalité dans votre calcul, alors on cherchait à trouver un moyen pour
aider les tiers partis, au moins, à pouvoir rentrer à l'Assemblée
nationale.
Comme vous voyez, je
n'en ai pas parlé, puisque ce n'est pas quelque chose qu'on a poursuivi. Je
pense que le Parti vert et le Parti conservateur vont dire la même chose,
c'était une approche qu'on avait, à l'époque, d'essayer de trouver un moyen
d'aider les tiers partis à faire leur entrée à l'Assemblée nationale. Étant
donné qu'il y avait l'impossibilité d'avoir une rencontre avec vous, on vous
avait envoyé cette demande-là par le biais de vos attachés.
Mme LeBel :
Bien, n'y voyez pas d'offense dans ce que je vais dire, mais le fait que vous
n'ayez pas, justement, soumis de mémoire nous a obligés, un petit peu, à
aller voir ce que vous aviez fait comme propositions dans le passé. C'est une
proposition qui avait été faite. Alors, vous me confirmez que, maintenant, ce
n'est plus une proposition à laquelle vous
tenez?
M. Fortin (Raphaël) : Non, ce n'est pas... On cherche à avoir de la
proportionnalité, aider à ce qu'une pluralité des voix se fasse entendre. Que ça soit nous, les verts, les
conservateurs ou tout autre parti à venir, il devrait... la société
civile devrait être en mesure de former des partis émergents et sans que ça
soit perçu comme le risque d'instabilité, de
partis extrémistes. Je pense qu'il faut faire confiance à la population
québécoise. Et, si on est démocrates, on doit faire confiance que la
population va choisir les gens pour lesquels ils s'attendent à avoir une voix à
l'Assemblée nationale.
Mme LeBel :
Bien, ça, peut-être que ça a plus... eu égard à vos propositions, c'est
peut-être plus relié au seuil de
10 %. Mais je ne suis pas sûre que vous répondez à ma question, là, parce
que le principe de dire qu'on essaie d'introduire plus de proportionnalité, j'en suis, sinon on ne
serait... je n'aurais pas présenté, avec mon gouvernement, un nouveau mode
de scrutin qui, nécessairement, même s'il n'est pas parfait aux yeux de
certains, introduit plus de proportionnalité que le mode actuel. Je pense qu'on
peut partir de cette... de s'entendre sur cette prémisse de base là. La
proposition gouvernementale actuelle est plus proportionnelle dans ses
résultats ou dans ses effets que le mode de scrutin actuel, je pense qu'on peut
le dire.
Mais est-ce que vous
tenez encore à cette proposition-là, du fait qu'un chef de parti politique qui
a recueilli 2 % des voix mais qui n'a pas réussi à entrer par la voie de
la circonscription ou par la liste obtienne tout de même un siège à l'Assemblée nationale? Si vous n'y
tenez plus, c'est une chose, si vous tenez encore, c'est correct, c'est tout
à fait légitime, c'est une réflexion que
vous avez. Et je ne suis pas en train de la rejeter du revers de la main, mais
je vous demande de quelle façon
est-ce qu'on la met en application une fois que les circonscriptions sont
comblées et que les députés de liste sont comblés.
M. Fortin (Raphaël) :
Parce qu'on n'y tient pas, on n'en a pas revenu de... sur ce sujet-là.
Mme LeBel :
Parfait. Merci. Bien, vous répondez à ma question, c'est très clair. Merci.
M. Fortin
(Raphaël) : Ça fait plaisir.
Mme LeBel :
Huit, 10 régions, beaucoup... c'est correct, vous n'êtes pas les seuls à avoir
cette position-là. Cette position-là, elle
est tout à fait cohérente quand on met de l'avant le principe de la proportionnalité et de la pluralité, qui, pour moi... la pluralité n'est pas un objectif,
est une conséquence positive, mais pas un objectif, parce que la
proportionnalité est l'objectif.
Si la proportionnalité des voix exprime... si les citoyens
ont une expression de pluralité, elle va se refléter s'il y a plus de
proportionnalité. Donc, pour moi, l'objectif ultime est la proportionnalité, la
pluralité politique étant une conséquence heureuse de cette
proportionnalité-là, on peut le dire comme ça. Si on choisit huit à 10 régions,
c'est parce qu'on met de l'avant le principe
de la proportionnalité. J'imagine que, comme parti politique, vous êtes
très sensibles à toutes les opinions
et toutes les sensibilités du Québec. Vous avez sûrement dû faire la tournée
des régions — puis,
quand je dis ça, ne sentez aucune ironie
dans ma voix — vous
aspirez certainement à prendre une place plus grande au sein de l'espace politique. Qu'est-ce que vous
pensez de la sensibilité régionale des 17 régions? Qu'est-ce que vous en
faites, dans votre réflexion, de ce
facteur-là, qui n'est pas à négliger — on
en a discuté pendant les deux derniers jours — et qui demande, nécessairement, un deuil
d'un certain degré de proportionnalité, disons-le comme ça?
M. Fortin (Raphaël) : Je ne crois pas que le deuil de la
proportionnalité nuise, justement, aux sensibilités régionales. Mes deux parents sont originaires du Lac-Saint-Jean, ma famille est au Lac-Saint-Jean, je connais donc les sensibilités des
bleuets, entre autres.
Je pense qu'il y a beaucoup
à expliquer. Le fait de réduire le nombre de régions ne diminue pas le nombre
de députés des gens en région.
Jusqu'à présent, ce que j'ai entendu souvent, c'est toujours
avec le même prisme du système actuel. Si on diminue le nombre de
régions, on augmente la proportionnalité même en région. Ils ne perdent pas de
sièges pour autant, c'est juste que le député n'est plus de circonscription.
Ils ont plus de députés qui sont de liste régionale. Ça demeure des gens qui
sont de liste de la région.
Et, je comprends,
d'autres de vos collègues vont sûrement me parler que c'est beaucoup de territoire,
tout ça, mais la réalité, c'est que, si on
prend le prisme avec les moyens actuels, c'est clair que ça vient compliquer le
travail des gens, des députés qui
sont en région. Mais, si on ajuste en conséquence les moyens financiers à leur disposition, le moyen aussi en termes de main-d'oeuvre auprès de ces députés-là, je ne pense pas que quelqu'un
en région serait déçu, au contraire. Il y a des gens en région qui,
finalement, ne votent jamais pour le bon parti, comme on dit, ils sont toujours
déçus, alors que ramener une proportionnalité leur donnerait la chance, peut-être,
de faire affaire avec un député qui est plus en concordance avec leurs valeurs
et leurs opinions politiques.
Alors, je comprends
les sensibilités régionales, mes parents sont issus de région, mais, comme le
dit M. Blais, il y a
des gens à Montréal qui sont très attachés à la région montréalaise
ou encore en banlieue aussi. Je ne veux pas mettre en opposition la
proportionnalité, les gens des régions et les gens des régions plus urbaines.
Mme LeBel :
Bien, merci de votre réponse. Merci.
M. Fortin
(Raphaël) : Merci à vous.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M.
le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bien...
M. Fortin
(Raphaël) : Chef. La présidente du parti, c'est...
M. Tanguay :
Non, ce n'est pas à vous que je m'adressais.
M. Fortin
(Raphaël) : Ah! O.K. Excusez-moi, mon erreur.
M. Tanguay :
Mais là je m'adresse à vous, M. le chef.
M. Fortin
(Raphaël) : Non, bien...
Des voix :
Ha, ha, ha!
• (16 h 40) •
M. Tanguay : Non, mais... Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là. Honnêtement,
c'est important de vous entendre.
Puis vous n'étiez pas là en 2014, je crois, formation nouvelle. En 2018, je
crois que c'était votre première occasion. Puis j'ai demandé de vérifier, parce que, par rapport à la règle du
10 %, 5 % ou 2 %, j'ai dit : Bon, bien, quel pourcentage
de vote ils avaient obtenu? Puis je pense que c'est 0,57 %. Puis, je veux
dire, il faut toujours partir à quelque part. Puis moi, là, honnêtement, je
salue votre implication. Je trouve ça noble, je trouve ça beau. Vous avez un
apport à notre démocratie tout à fait
tangible, intéressant. Et c'est vrai qu'il faut multiplier ces voix-là. Et je
salue... votre implication est d'autant plus, je vous dirais, méritoire,
et désintéressée, et noble, particulièrement dans le sens où vous créez, vous
partez de zéro et vous... tout ce que vous bâtissez, bien, ce sera le fruit de
vos efforts, le fruit de vos idées puis de votre militantisme désintéressé, puis
ça, je le salue.
Et il est clair que, quand on regarde la règle,
bon, du 10 %, du 5 % ou du 2 %, là c'est établi à 10 %.
Pour pouvoir prétendre à la
proportionnalité, vous devez avoir, au niveau national, pas au niveau régional,
au niveau national, un 10 %. Quand
on regarde 2018, ce n'est pas vous, ce n'est pas le Parti vert, c'est les
quatre partis ici, autour de la table. Est-ce que vous avez réfléchi à ce qu'il pourrait y avoir un
pourcentage considéré au niveau régional? Si vous êtes forts dans une région
donnée, est-ce que ça pourrait être
envisageable pour vous de dire : Bien, on aimerait avoir un 2 %, mais
un 2 % à l'intérieur des
régions, donc que l'on puisse y prétendre, si ça se fait à l'intérieur d'une
région donnée plutôt qu'au niveau national?
M. Fortin (Raphaël) : Écoutez, je ne suis pas un spécialiste de la chose, bien
honnêtement. Comme je l'ai expliqué à Mme la ministre, nous n'avons pas,
disons, du personnel pour nous aider à faire les recherches, à comprendre tout
le système. Moi, je me suis fié à ce que j'ai lu sur diverses études.
Je
crois que la compensation nationale avec listes régionales, comme l'expliquait
Mme Roberge, est assez intéressante. Et je tiens à expliquer que les seuils à 10 %, c'est quand même...
c'est comme si on essayait de faire une proportionnalité mais seulement avec les quatre, comme vous avez
dit, partis. On prend les dés, on shake puis on fait juste repasser un petit
peu, les disperser.
La réalité, c'est que 2 %, ça semble petit,
mais c'est déjà beaucoup. Prenez tous les tiers partis, les trois partis
suivants, les quatre suivants qui ont
été élus à l'Assemblée nationale, et on dépasse d'à peine un peu plus 3 %. Et
c'est sûr que, quand les gens, ils se
disent... bien, plus on augmente le seuil, plus ils vont dire : Bien, je
vous aime bien, mais vous n'avez aucune chance. Puis c'est souvent ça
qu'on entend.
Donc, moi, je crois que,
le NPDQ, ce qu'on désire, c'est plutôt un seuil national avec compensation
de... bien, de listes régionales pour
refléter aussi les candidatures dans les régions et, en même temps, pallier aux
sensibilités régionales, de s'assurer que ça soit des gens dans les
régions qui les représentent, qui sont issus de leur région.
M. Tanguay :
Tout à fait. Et vous avez établi de façon... très clairement le point que... le
référendum, pas en même temps que
l'élection parce que ce n'est évidemment pas accorder suffisamment
d'importance, de temps et d'intérêt à deux importantes questions. On va
élire nos députés puis notre gouvernement ultimement, de un, donc campagne
électorale, et un référendum. Est-ce qu'on modifie le mode de scrutin, tout ça
dans une campagne où les gens vont s'y
intéresser davantage dans les derniers 34, 35 jours de la campagne
électorale pour aller voter le jour J, le jour du vote? Alors, ça, très
clairement, un référendum, oui, mais avant le mode de scrutin... avant, pardon,
le scrutin de 2022. Pour vous, un référendum après 2022, si d'aventure on dit,
du point de vue du gouvernement : On vous a entendus, c'est correct, il va y avoir un référendum, mais
pas durant la campagne électorale, mais il va avoir lieu après la campagne
de 2022, pour vous, ce scénario-là ne peut
pas être plus envisageable. Il faut que ça soit séparé, mais avant, pas après.
M. Fortin
(Raphaël) : Le premier
ministre actuel s'était engagé à ne pas faire de référendum. Il l'a même dit à
deux reprises et il s'en est même, je vous
dirais... Ce qui est quand même, pour moi, particulier, c'est qu'en décembre
2018, à la revue de fin d'année Infoman, il avait même parié un
vin à 100 $ comme quoi ça serait la dernière. Cette année, il a remis une
bouteille à 50 $ pour une promesse demi-réussie, puisqu'il a déposé le
projet de loi.
Moi et le
NPDQ, nous croyons qu'il n'y a pas besoin de référendum, puisque, pour beaucoup
d'autres projets de loi, on peut aller de l'avant quand on a une
majorité — on
parle bien «claire», pas juste une majorité de députés, mais une majorité
claire — de
voix, puisque 70 % des voix sont en accord avec ce projet de loi là.
J'ai
dit : S'il y avait à avoir un référendum, il doit être avant, et, si c'est
après, ça serait seulement si on avait appliqué le changement et que les gens ne faisaient que dire : Oui, on est
d'accord; finalement, on n'aime pas, on voudrait revenir. Mais pas après la prochaine, 2022, ça irait à
l'encontre de l'entente qui a été signée par trois des quatre partis le
9 mai 2018.
M. Tanguay :
Vous avez mentionné, puis ça, je trouve ça important... Encore une fois, on
n'est pas d'accord, vous et moi, sur
l'approche quant au projet de loi. Vous y êtes évidemment favorables, pour le
réaliser. Nous, on a beaucoup de drapeaux rouges que l'on soulève. Mais
il y a un... Puis j'avais eu une conversation... on a eu une conversation avec le représentant de la Société Saint-Jean-Baptiste, un peu avant vous,
cet après-midi, sur l'importance... le corollaire de cela, c'est d'encadrer les motions de censure.
Autrement dit, l'écueil qui est soulevé, c'est que, si vous déposez un tel
projet de loi, si vous êtes conséquents et
si vous voulez éviter des gouvernements qui tombent en élection aux six, huit,
10, 12 mois, bien, vous devez
permettre des modifications, penser et faire adopter des modifications à la
procédure parlementaire, et vous soulevez donc les motions de censure.
Autrement dit,
le nouveau mode de scrutin va nécessairement créer plus de gouvernements
minoritaires. Un gouvernement
minoritaire, on le sait, on en a un au fédéral, on ne peut pas se fier que ça
va durer quatre ans. On se dit que c'est à peu près 18 mois, bon an, mal
an, un gouvernement minoritaire. Et, lorsque la majorité des autres députés qui ne sont pas du parti qui forme le gouvernement
décident que la confiance n'est plus là, bien, on tombe en élection. Vous dites : Oui, ils pourraient retirer la confiance, mais la motion de censure ferait en
sorte qu'ils devraient déjà proposer et avoir un engagement qu'ils
pourront former une certaine majorité pour remplacer le gouvernement pour ne
pas, autrement dit, qu'on tombe toujours en élection, ce qui est un grief, je
vous dirais, de celles et ceux qui sont contre cela en disant : Bien, on va affaiblir l'Assemblée nationale et son gouvernement parce qu'il y aura l'épée de Damoclès de les chasser du pouvoir, puis là ça veut dire
qu'on retombe en élection. Ce que personne, je pense, ne veut, c'est de
faire des élections à répétition. Je
le vois, si d'aventure on allait là, comme étant un corollaire nécessaire. J'aimerais vous entendre, donc, sur l'importance de ça pour
garder une certaine crédibilité. Puis, en passant, ça nous a été confirmé, ça
se fait dans bien d'autres pays ailleurs, de
telles motions d'encadrement où il y
a, justement, proportionnalité, donc risque plus élevé
d'élection à répétition.
M. Fortin
(Raphaël) : Bien, on l'a
mentionné, bien sûr, il faudrait qu'il y ait des motions de
censure qui soient intégrées dans le
projet. Mais j'aimerais apporter aussi à tous les députés qui sont ici présents
que, si on change le mode de scrutin
avec un mode de proportionnalité qui
est réel, ça veut dire aussi qu'il va y avoir une mentalité qui va devoir
changer à l'Assemblée nationale,
c'est-à-dire beaucoup moins... Dans le système parlementaire actuel, c'est un
système où on doit, disons, mettre de
l'avant les erreurs de l'opposant plutôt que de travailler à former des
coalitions entre les partis et travailler
sur ce qui les rassemble et non les divise. Alors, nécessairement, si on change
le mode de scrutin, et comme le disait le
premier ministre, je l'ai cité tout à l'heure, ça va forcer les partis à
travailler ensemble. Et, statistiquement, là je n'ai pas les chiffres devant moi, mais partout où est
installée la proportionnalité du type qu'on veut implanter ici, et non la pure
comme en Israël, évidemment, les gouvernements ne sont pas si instables que ça.
Au contraire, au niveau statistique, ça dure en moyenne à peu près le même
temps que nos législatures à nous autres dans l'histoire du Québec.
M. Tanguay : Et, pour vous relancer au niveau des citations, mais sous
un autre point — donc,
j'ai pris bonne note de votre
réponse — quand on
parlait que vous trouviez incongru le fait que le premier ministre, dans la
mouture du projet de loi, ne pourrait
pas être chef du camp du Oui parce qu'il ne pourrait pas être membre du C.A.,
mais membre du C.A., ce serait être
président du C.A., président du camp du Oui, ça, c'est un écueil, puis vous
dites qu'il devrait normalement assumer
le projet de loi qu'il a déposé et le défendre lors de la campagne
référendaire. Donc, ça, vous l'avez soulevé à regret, à votre grand
regret.
J'aimerais vous citer l'extrait
suivant, et, en vous le citant, je le lance dans l'univers, puis peut-être que
la ministre pourra répondre à cela et
corriger le tir. Michel David, fin de la session parlementaire, dans Le Devoir,
le 10 décembre dernier, a fait
un article sur le sujet, et je cite, en changeant les noms propres : «Au
bureau de Mme [la ministre de la Justice], on a indiqué qu'il appartiendra au premier ministre [...] de décider si
des membres du caucus caquiste pourront prendre parti. Bref, le gouvernement pourrait ne pas défendre sa
propre loi.» Fin de la citation. Donc, pas uniquement au niveau du chef,
du premier ministre du Québec, président...
chef de la CAQ, mais également on est dans le limbo au niveau du caucus et des députés, des collègues caquistes, où là...
Je vais laisser l'occasion de la ministre, à vous et à moi, de nous détromper,
mais c'est ce que disait Michel David le 10 décembre. Je pense que, là aussi,
on en rajouterait une couche si en plus les députés ne pourraient pas se
prononcer comme caucus, là, oui ou non.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Gouin, s'il vous
plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Merci, M. le Président. Merci, M. Fortin, d'être avec nous aujourd'hui. Je
vais vous poser une question, je vais
jouer l'avocat du diable, parce qu'il y a quelque chose qu'on a beaucoup
entendu depuis le début de nos travaux concernant le fameux seuil. Un
argument qu'on a beaucoup entendu de la part de différents acteurs qui défendent la présence d'un seuil, puis la
présence d'un seuil assez élevé, c'est qu'un tel seuil est nécessaire pour
protéger la démocratie québécoise
contre des options politiques qui seraient... des fois on dit «marginales», des
fois on dit «dangereuses», des fois
on dit «extrémistes». Le qualificatif change, mais la structure de l'argument
est toujours sensiblement la même, c'est-à-dire qu'il faut protéger la
démocratie de l'arrivée de voix qui sont, en ce moment, minoritaires, et c'est
pour ça qu'il faut mettre un seuil élevé. Quand on parle de ces voix-là,
j'imagine que vous devez vous sentir un peu visé. Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là qui disent qu'il faut protéger
la démocratie québécoise de l'arrivée de voix... moi, je les
qualifierais de différentes?
• (16 h 50) •
M. Fortin (Raphaël) : Quand j'entends qu'on dit qu'il faut
protéger la démocratie québécoise de
voix extrémistes, comme vous dites,
c'est comme si on disait : Il faut protéger les Québécois de leurs propres
mentalités, de leurs propres réflexions.
Je pense que, s'il y avait, un jour, à y avoir vraiment un parti extrémiste qui réussissait à faire une
percée au Québec, ce qui n'est pas le
cas quand on regarde... Même dans ceux qu'on nomme souvent
d'extrémistes, on est loin de l'extrême ailleurs dans le monde. Les Québécois
sont des gens posés, je pense, intelligents, et je fais confiance à
l'intelligence.
Quand on regarde ça, à mon avis,
la montée de l'extrémisme répond à des députés qui sont déconnectés de la
réalité. Le jour où la députation,
les élus, les représentants ne représentent plus la population,
c'est là qu'il y a des voix qui sont extrêmes qui arrivent,
et ce n'est pas le cas au Québec, actuellement. On peut ne pas partager les
opinions politiques des autres partis politiques, mais je crois sincèrement que
nos représentants et les partis qui veulent d'autres... nouveaux qui veulent les représenter ont une voix intelligente et ont
des idées intéressantes à dire. On peut ne pas être d'accord, ça ne fait
pas de nous des extrémistes, quand on n'est pas d'accord avec les idées des
autres ou vice versa.
Donc, moi, je réponds que, les seuils, la
meilleure protection, c'est... Vous savez, quand vous dites des
inepties, je pense, les gens ne voteront jamais
pour vous, et c'est la meilleure protection. Comme je l'ai expliqué, quand on combine les trois tiers partis, on n'arrive même pas à 4 %, pratiquement. Alors, de mettre un seuil à
5 %, c'est aussi bien dire qu'on continue
à bloquer l'Assemblée nationale aux quatre partis qui sont présents
actuellement, et ça, pour moi, c'est désolant.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Merci. En 2007, le Parti québécois a fait élire
un premier député... un jeune autochtone, Alexis Wawanoloath. C'était intéressant
de l'entendre dans nos caucus puis d'entendre ses réalités.
J'aimerais ça vous
poser la question : Comment on fait? Parce que les nations autochtones et
inuites ont déjà leurs instances démocratiques. Comment on fait pour les faire
participer à notre Parlement national? C'est quoi, votre point de vue là-dessus?
Mme Belleau (Mona) : O.K. Bien, merci de votre question.
Je suis vraiment très heureuse de pouvoir répondre à cette question
à cette plateforme-ci.
Bien,
comme vous savez, la plupart des peuples autochtones au Québec, ils
sont de juridiction fédérale, donc c'est sûr qu'il y a beaucoup
de gens qui ont la perception que la politique provinciale, ça les regarde un peu
moins. Même s'ils bénéficient de
services de santé, tu sais, ils vont dans les hôpitaux, dans les CLSC, et tout ça, dans le système québécois...
mais il y a beaucoup de gens, des autochtones, qui ne se sentent pas
interpelés, vraiment, par la politique provinciale.
C'est sûr qu'il n'y a pas de solution miracle pour
aller chercher des peuples autochtones et augmenter la représentativité au sein des députés. On est... Il y a 10 nations
autochtones plus un peuple, qui est le peuple inuit, qui est mon peuple.
On a une grande diversité. On essaie souvent, dans d'autres sphères, de
mettre les autochtones dans un moule puis dans... de voir que...
ou de penser qu'il peut exister une solution qui puisse être bonne pour toutes
nos nations, mais ça, c'est loin d'être le cas.
Moi, je me suis portée candidate pour le Nouveau
Parti démocratique du Québec en 2018, et c'était justement... un de mes objectifs, c'était de vraiment tendre
vers la réconciliation des peuples autochtones avec le peuple non autochtone
parce qu'on vit souvent dans deux mondes
complètement différents. Il y a vraiment une planète autochtone au Québec,
il y a une planète non autochtone. Je crois que, si les autochtones avaient
l'impression que les députés et la politique s'intéressaient
vraiment à améliorer leurs conditions de vie et leur bien-être dans leur
communauté... je pense que, les gens, ils seraient déjà plus intéressés.
Il y avait
vraiment... J'ai vraiment parlé avec beaucoup de gens, justement, pour essayer
de les convaincre à voter aux
prochaines élections... bien, qui étaient les élections de 2018. Et c'est
vraiment important pour moi de m'être présentée parce que je voulais vraiment qu'on... je veux
vraiment que nous, les autochtones, on prenne notre place dans la sphère
politique et dans la sphère publique pour
qu'on puisse entamer vraiment un réel dialogue entre nos différentes nations,
et je crois que c'est vraiment de montrer qu'on a vraiment notre place au
Québec. Puis, étant les premiers habitants du territoire, je pense qu'on a été
vraiment mis de côté par les instances et les institutions coloniales qui ont
été mises sur place sur le territoire, ici,
du Québec et ailleurs. Et donc c'est vraiment important qu'on augmente la
représentativité chez les peuples
autochtones parce que plus que les gens vont voir qu'il y a des autochtones qui
s'impliquent, bien, ça va faire effet
boule de neige. Justement, Alexis Wawanoloath, il a été une grande fierté pour
nous. Puis, avant lui, il y avait eu un monsieur qui s'appelait
Bernard... Là, je ne m'en rappelle plus du nom.
Une voix : ...
Mme Belleau (Mona) : Pardon?
Une voix : ...
Mme Belleau (Mona) : Non, mais
en tout cas. En fait, il y a eu deux élus au...
Une voix : ...
Mme Belleau
(Mona) : Bernard Cleary,
exactement. En plus, je le connais, je ne me rappelais plus de son nom, bon, Bernard Cleary, qui avait été le premier, et
il y avait Alexis aussi qui avait été élu. Donc, c'est sûr que, si on regarde
ça sur toute l'histoire du Québec, c'est vraiment très peu.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Je dois céder la parole
à la députée de Marie-Victorin. Merci.
M. LeBel : Merci pour votre
implication.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Fournier : Oui, merci
beaucoup. Merci. Moi, évidemment,
je suis favorable à la réforme du mode de scrutin, notamment
parce que ça augmente la proportionnalité du vote, mais également
pour les conséquences dont parlait la ministre, notamment d'induire plus de pluralité, d'idées dans nos institutions démocratiques. Donc, moi aussi, je salue vraiment votre rapport.
Ceci dit,
il y a des gens qui s'opposent, là, avec véhémence à la réforme du mode de
scrutin en disant que ça va créer, là,
une grande instabilité dans nos systèmes politiques. Mais il
y a des moyens qui nous permettent,
disons, de peut-être atténuer
certaines craintes de voir le gouvernement tomber avec des mandats très courts,
notamment, justement, l'encadrement des
motions de censure, vous y avez fait référence dans votre présentation. Est-ce
que vous trouveriez ça intéressant, plutôt que d'avoir des primes au
vainqueur qui donnent moins de chances aux petits partis comme les vôtres de
faire leur place à l'Assemblée nationale, d'avoir des mécanismes d'encadrement
des motions de censure?
M. Fortin (Raphaël) : Pour
reprendre ce que j'ai dit tout à l'heure, clairement, le calcul qui est
instauré dans ce projet de loi là, qui est vraiment une prime au vainqueur... c'est quand même
spécial qu'on donne davantage de sièges à celui qui a déjà des sièges.
Donc, au lieu d'atténuer la distorsion, on la maintient.
Les motions de
censure sont beaucoup plus simples et, en même temps, iraient plus
dans... je rappelle la signature que
les partis ont signée, excepté le Parti
libéral, où le but était de
«favoriser la stabilité du gouvernement par des mesures encadrant les motions de censure», c'est clairement
dit, «refléter le plus possible le
vote populaire de l'ensemble des Québécoises et des Québécois», donc de proportionnalité, «assurer un lien
significatif entre les [électeurs, les électrices] et les élu-e-s», bien, ça, je veux dire, c'est déjà le cas, et je
ne vois pas en quoi ça serait moins avec la proportionnalité. Le poids
politique des régions demeure avec le projet de loi, avec une vraie
proportionnalité également.
Maintenant, je pense qu'il y a eu des... ils ont
fait des propositions, dans le projet de loi, pour une meilleure représentation des femmes, des jeunes, des
communautés culturelles, sans restriction. Comme on a dit, on n'est pas contre,
mais il faut penser aussi que c'est beaucoup plus compliqué, quand on est un petit
parti, d'obtenir tous ces seuils-là pour avoir le droit de se présenter. Ce
n'est pas qu'on est contre, c'est juste plus compliqué, ayant moins de moyens.
Mais je ne
vois pas en quoi... et, statistiquement, ce n'est pas le cas, à travers le
monde où il y a une proportionnelle mixte,
qu'il y a une instabilité plus grandissante, puisque des motions de censure
sont introduites avant et permettent de protéger les gouvernements ou du moins de maintenir... au lieu de tomber en
élection, amener une nouvelle coalition au pouvoir. Mais ça force, et je le répète, les députés à
revoir la prémisse du travail parlementaire en étant plus collaboratifs au lieu
d'être des adversaires politiques.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a. Merci, encore une fois, d'avoir
été présents en commission cet après-midi.
Et je suspends les travaux quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 58)
(Reprise à 17 heures)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît!
La commission reprend ses travaux. Merci. Alors, il me fait plaisir d'accueillir les représentants du Parti
conservateur du Québec. Vous connaissez les règles, 10 minutes de
présentation, et par après nous avons
les échanges avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.
Merci beaucoup.
Parti conservateur du Québec (PCQ)
M. Morissette (Guy) : Mme la
ministre, M. le Président, membres de la Commission des institutions, je vais commencer par me présenter. Mon nom est Guy
Morissette, je suis président de la commission politique du Parti conservateur
du Québec, au sein duquel je m'implique de
différentes façons depuis 2012. À côté de moi, M. Samuel Fillion Doiron,
c'est le président par intérim du parti.
Comme nous le
savons déjà, l'introduction d'une composante proportionnelle dans le mode de
scrutin utilisé au Québec doit viser
principalement l'atteinte de deux objectifs : réduire autant que possible
l'écart entre le pourcentage des votes qu'un
parti a obtenu lors des élections et le pourcentage de sièges qu'il a obtenus à
l'Assemblée nationale et, deuxièmement, réduire autant que possible le nombre de votes perdus — c'est une expression que j'emprunte au
MDN — soit les
votes qui ne servent à élire aucun
député. Aux cinq dernières élections générales québécoises, le pourcentage de
votes perdus a varié de 52 % à
57 %; dans dix régions administratives, il a même atteint 60 % ou
plus. Le Parti conservateur du Québec vise
à démontrer que, sous sa forme actuelle, le projet de loi n° 39
n'atteint pas ces deux cibles. Cependant, il n'a pas besoin d'être revu
de fond en comble, car il suffirait de peu pour qu'il les atteigne avec aplomb.
Nous vous
proposons d'y apporter trois modifications à cette fin : la première,
abaisser le seuil de 10 % pour l'attribution des sièges régionaux; la deuxième, diminuer le
nombre de régions pour la distribution des sièges régionaux; et la troisième,
éliminer la prime au vainqueur dans le
calcul de l'attribution des sièges régionaux. Sans ces trois changements
essentiels à la réussite de cette
réforme, ce projet de loi et le référendum qu'il déclenchera risquent
d'augmenter le cynisme et la désillusion des électeurs par rapport à la
classe politique et à la démocratie au Québec, car il produira des résultats
électoraux trop similaires à ceux que produit notre mode de scrutin actuel.
Alors, le
point n° 1, soit le seuil de 10 %. Tout d'abord, le seuil pour
l'attribution des sièges régionaux devrait être abaissé. Un gouvernement
qui dit vouloir être un bon gestionnaire de l'État québécois devrait faire de
son mieux pour s'inspirer des meilleures
pratiques dans un domaine donné. Or, si on regarde partout ailleurs dans le
monde, les seuils pour l'attribution
des sièges proportionnels ne dépassent presque jamais 5 %. Les pays
scandinaves, tant admirés par bon nombre
de personnalités politiques québécoises, ont même des seuils encore plus bas,
n'allant que de 4 % en Norvège et
en Suède qu'à 2 % au Danemark et même aucun seuil officiel en Finlande. Il
y a un seuil fonctionnel, là, que le Pr Blais avait expliqué, tout à l'heure, mais il n'y a pas
de seuil officiel pour la répartition des sièges régionaux. L'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe,
une organisation internationale qui exerce une forte influence sur les pays
membres de l'Union européenne,
recommande même un seuil de 3 %, et je lis la citation : «Dans les
démocraties bien établies, il ne devrait pas y avoir de seuils supérieurs à 3 % dans les élections
législatives. Ainsi, le plus grand nombre d'opinions devrait pouvoir s'exprimer. Exclure des groupes importants de
personnes du droit d'être représentées va à l'encontre d'un système
démocratique. Dans les démocraties bien établies, il convient de trouver
un équilibre entre une représentation équitable des opinions de la société et
l'efficacité du Parlement et du gouvernement.»
De plus, les deux seuls pays qui ont un seuil
supérieur à 5 % que nous avons pu trouver dans nos recherches, soit la
Turquie avec 10 % et le Kazakhstan avec 7 %, sont loin d'être des
exemples à suivre pour le Québec. En effet, le
Kazakhstan est un pays avec un système politique autoritaire, et la Turquie est
malheureusement un système autoritaire en
devenir, est lentement à la dérive, là, vers l'autoritarisme, et son système
électoral a été qualifié de plus injuste au monde par le journal The Guardian. Donc, à cause
de ce seuil, lors des élections générales turques de 2002, 46,3 % des
électeurs ont voté pour des partis qui n'ont obtenu aucun siège au
Parlement turc, donc 100 % des sièges ont donc été remplis par seulement 53,7 % des électeurs turcs. C'est
quelque chose, là. Bien entendu, ce genre de scénario peut aussi se produire
avec des seuils plus bas, par exemple en
Russie, en 1995, avec un seuil de 5 %. Sauf qu'en élevant le seuil, plus
le seuil est élevé, plus des injustices électorales comme celle que je
viens de nommer ont des chances de se produire.
Bien sûr, tel
que mentionné précédemment dans la citation de l'Assemblée parlementaire du Conseil
de l'Europe, un bon système électoral
doit faire un compromis entre représenter la diversité des opinions de
l'électorat et permettre la formation
de gouvernements solides et efficaces. Par exemple, en Israël, le seuil a même
été augmenté à trois reprises, de
1 % à 3,25 %, entre 1949 et 2014 pour faciliter la formation de
coalitions en diminuant le nombre de très petits partis.
Enfin, tout
comme une taxe trop élevée peut encourager l'évasion fiscale, un seuil aussi
élevé que 10 % pourrait encourager
les partis politiques à trouver des stratagèmes ou des astuces — je ne sais pas si j'ai le droit de le dire — pour faciliter... excusez-moi, des stratagèmes pour contourner le seuil de
10 %. Par exemple, et ça s'est produit en Turquie, des candidats pourraient se présenter en tant
qu'indépendants pour ensuite se rallier à un parti politique au lendemain des élections. Ça s'est produit en Turquie, bon,
donc, le seul pays qui avait un seuil de 10 %. Et, du côté de l'électorat,
un électeur qui appuie un parti qui récolte
moins de 10 % des appuis dans les sondages aura moins de chances de
vouloir se déplacer pour aller voter
le jour du scrutin. Il y a donc un point d'équilibre à atteindre, mais
10 % n'est certainement pas ce point d'équilibre. Nous croyons que
le juste milieu se situe plutôt à 3 % et qu'il ne devrait pas dépasser
5 % dans le pire des cas. 5 %, ce n'est pas un juste milieu,
5 %, c'est vraiment un maximum.
Donc, le
point n° 2, le nombre de régions puis la répartition des
sièges régionaux. Le deuxième point qui devrait être corrigé dans le
projet de loi est le nombre de régions qui a été retenu pour la répartition des
sièges régionaux. Nous comprenons parfaitement les raisons pour lesquelles la
ministre responsable des Institutions démocratiques, de la Réforme électorale et
de l'Accès à l'information a voulu rattacher les députés de liste à une région
plutôt qu'à la province dans son
ensemble : afin de les rapprocher de leurs électeurs et donc les rendre
plus imputables et redevables envers ceux-ci. Cependant, en retenant toutes les régions administratives du Québec, qui
sont au nombre de 17, pour la répartition des sièges régionaux, on se trouve à réduire énormément la
proportionnalité du mode de scrutin qui en ressortirait, à un point tel que
certaines régions risqueraient de ne rien y gagner, puisqu'on n'y verrait
qu'une nouvelle répartition des sièges entre les mêmes partis qui y sont déjà
représentés. Après tout, le but de faire appel à la proportionnelle mixte est
justement de combiner les avantages de notre mode de scrutin actuel avec ceux
de la proportionnelle afin d'atteindre une sorte de compromis qui corrigerait
en partie les défauts de notre mode de scrutin actuel.
Le projet de loi n° 39 sous sa présente forme
combine notre mode de scrutin actuel à une proportionnelle dénaturée au
point d'en perdre presque tous ses avantages. Ainsi, ce projet de loi propose
d'éliminer la disproportionnalité entre le
pourcentage des suffrages obtenus et le pourcentage de sièges obtenus lors des
élections pour ensuite en créer des
nouvelles avec un nombre de régions électorales et un seuil électoral trop
élevé. Bref, vous me pardonnerez l'expression, mais on serait en train de changer quatre trente-sous pour une piastre. Afin de corriger cette
iniquité, le MDN proposait de passer
de 17 à 14 régions électorales, mais le Parti conservateur du Québec est
plutôt d'avis que ce ne serait qu'un correctif minime pour les électeurs de nos régions, qui méritent de jouir de la
pleine... d'une proportionnalité aussi grande que possible, eux aussi. C'est pourquoi nous croyons
que la meilleure proposition à cet égard — ce n'était pas une recommandation, c'était une proposition, elle est venue du DGEQ,
donc d'Élections Québec, en 2007 — c'était de regrouper les 17 régions
administratives en neuf régions électorales pour les candidats de liste.
Donc là, je vais
conclure... Non, excusez-moi, c'était le point trois, excusez-moi, pour la
prime au vainqueur. Donc, je passe à la
prime au vainqueur. En ne retenant que la moitié du nombre de candidats et non
la totalité, cette mesure favorise le parti qui a déjà gagné le plus de
sièges de circonscription, diminuant encore une fois la proportionnalité, la composante proportionnelle de ce nouveau mode
de scrutin. En fait, cette prime au vainqueur, pour répéter l'expression
employée par le MDN, va à l'encontre de l'objectif même de la réforme du mode
de scrutin, qui est de représenter plus
fidèlement la volonté des électeurs. Notre mode de scrutin actuel a déjà une
telle prime. À titre d'exemple, en 2018, la CAQ a obtenu 59,2 % des sièges avec seulement 37,4 % des
voix lors des dernières élections générales. La réforme contenue dans le
projet de loi n° 39 devrait corriger et non ramener sous une autre forme
cette prime au vainqueur.
Le Parti conservateur du Québec est ainsi d'avis
que de garder la prime au vainqueur va à l'encontre des intérêts de tous les partis, même les plus grands comme la
CAQ. Si le Oui l'emporte dans le référendum prévu en 2022 dans le projet
de loi, la CAQ pourrait regretter amèrement
sa décision en 2026. En effet, tous les gouvernements, peu importe leur couleur
politique, finissent par perdre la faveur
des électeurs en accumulant les mécontents au fil du temps, c'est ce qu'on
appelle l'usure du pouvoir. En
conservant la prime au vainqueur dans son projet de loi, celle-ci amplifiera le
mécontentement ou l'insatisfaction
des électeurs et réduira encore plus la députation de la CAQ en 2026 que ne
l'aurait fait une véritable proportionnelle. Vous comprenez ce que je
veux dire, c'est que ça amplifie les mouvements de balancier, l'humeur de
l'électorat. La prime au vainqueur se trouve à amplifier ces mouvements-là.
• (17 h 10) •
Donc, en conclusion,
le but déclaré du gouvernement en optant pour un mode de scrutin proportionnel
mixte avec compensation régionale est de conserver les avantages de notre mode
de scrutin actuel, soit une représentation irréprochable
de toutes les régions du Québec, tout en y ajoutant une composante
proportionnelle qui viendrait corriger le pire défaut de notre système
actuel, soit un écart trop grand entre le pourcentage des voix obtenues par les
partis et le pourcentage de sièges gagnés.
Or, avec le projet de loi n° 39 sous sa forme actuelle, la composante
proportionnelle est tellement
affaiblie qu'elle perd trop de son efficacité pour corriger le principal défaut
de notre mode de scrutin actuel. Pourtant,
il en suffirait de peu afin que le projet de loi n° 39 atteigne réellement
ses objectifs. Le Parti conservateur du Québec vous suggère ces trois
modifications — donc
je reviens à liste des trois défauts et là je suggère trois modifications pour chacun de ces défauts : numéro 1, abaisser le seuil pour l'attribution des sièges régionaux de 10 % à 3 % des voix obtenues; numéro 2, réduire le nombre de
régions pour la répartition des sièges régionaux de 17 à neuf, comme je l'ai
déjà mentionné précédemment; et,
troisièmement, éliminer la prime au vainqueur en utilisant la totalité et non
seulement la moitié du nombre de candidats élus par un parti pour la
répartition des sièges régionaux.
Donc là, je termine. Vous croirez sans doute qu'au
Parti conservateur du Québec nous souhaitons ces changements parce
qu'ils avantageront les partis émergents comme le nôtre. Cependant, comme nous
l'avons déjà souligné précédemment, ces
changements pourraient aussi profiter aux grands partis comme la CAQ, et le
Parti libéral du Québec, et le Parti
québécois aussi. Comme vous le savez peut-être déjà, le Parti conservateur du
Québec partage un ancêtre commun avec la Coalition avenir Québec, soit
l'Action démocratique du Québec. Or, les élections générales de 2007 et...
Le
Président (M. Bachand) : Parce qu'on dépasse le temps, je vais
vous demander de vraiment conclure, là, en quelques secondes.
M. Morissette
(Guy) : Oui, O.K., il me reste deux phrases. Or, lors des élections
générales de 2007 et 2008, l'ADQ a perdu 34
de ses sièges, passant ainsi de 41 à seulement sept. Pourtant, avec le
16 % des voix qu'elle avait obtenu en 2008, un mode de scrutin plus proportionnel lui aurait accordé
jusqu'à 20 sièges. La morale de l'histoire, c'est que les modestes changements que nous demandons vont
aussi avantager les plus grands partis en assurant que leurs défaites ne
deviennent pas des raclées électorales. Je vous remercie pour votre attention.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Morissette. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Merci de nous avoir
fourni, également, un document, c'est très apprécié, ça va nous
permettre d'y revenir un peu plus tard.
Je vais
peut-être me permettre, d'entrée de jeu, d'aborder... Vous abordez trois
points, donc, qui est la question du
seuil, la question du nombre de régions et la question du mode de calcul qui a
été privilégié dans le projet de loi qu'on a présenté. Mais quelques points que vous n'abordez pas... donc je vais
peut-être vous donner l'occasion... Je comprends que vous avez probablement mis l'accent sur ces
points-là, mais je vais vous donner, peut-être, l'occasion de nous entretenir
sur d'autres points que vous n'avez pas
abordés, si vous permettez. Ça m'intéresse d'avoir votre opinion, entre autres,
sur la double candidature.
Dans le
projet de loi, on se propose d'interdire la double candidature, c'est-à-dire
qu'on ne pourrait pas, à une élection... je sais que vous le savez, mais je fais une mise en place quand même...
ne pourriez pas, à une élection, vous présenter à la fois comme un député de circonscription ou un
député de liste, pour simplifier, ce qui fait en sorte que vous devez faire
un choix, comme candidat ou, en tout cas, comme membre d'un parti,
dépendamment, il y a plusieurs considérants. Qu'est-ce
que vous pensez de cette notion-là? Plusieurs... quelques-uns ont dit que
c'était une bonne idée ou que c'était peut-être judicieux de le faire,
parce qu'effectivement, quand on veut respecter, bon, la faveur démocratique,
le fait, peut-être, surtout dans un premier
pas vers un nouveau mode de scrutin où on change les habitudes et on brasse un
peu la façon de voir des gens, de
permettre que quelqu'un qui n'aurait pas été élu... je n'emprunterai plus le
terme «battu», là, mais qui n'aurait
pas remporté la circonscription se retrouve à y siéger dans la circonscription
et dans la région élargie, naturellement, par le biais de la
compensation... Et ça, ça semble heurter certaines personnes au niveau du
principe de l'élection, si on veut, le fait
que cette personne n'a pas été élue. Êtes-vous en faveur? Êtes-vous en
défaveur? Que pensez-vous de mon argument? Et si non, si oui, pourquoi?
Et toutes ces...
M. Morissette
(Guy) : On n'a pas cru bon
d'en parler dans le discours parce que, justement, bon, on atteignait déjà la limite de temps, mais nous, on serait pour
la double candidature, parce que ce qui arrive, c'est qu'un parti émergent
comme le nôtre... Bien sûr, on a augmenté notre pourcentage des voix obtenues,
là, à chaque élection, mais on reste quand
même environ à 1,5 %. En 2018, on a réussi à avoir 101 candidats sur les
125 circonscriptions. Mais on appuierait... nous, on serait plutôt pour la double candidature parce que, justement,
c'est difficile de trouver des candidats, et parfois, dans certaines
régions, c'est plus un... certaines régions constituent un plus grand défi que
d'autres, et c'est la raison pour laquelle
nous, on appuierait... on serait plutôt pour les doubles candidatures, parce
que parfois ça nous permettrait, justement, là, de... ça nous
permettrait, là, de participer, là, évidemment, autant à la répartition des
sièges régionaux qu'aux sièges de circonscription.
Mme LeBel : Donc, vous pensez qu'entre autres... Il y a
d'autres raisons pour favoriser la double candidature, effectivement, mais le fait de favoriser
l'émergence de partis comme le vôtre, qui ont peut-être plus de difficultés à
atteindre certains niveaux ou à
présenter des candidats partout... ça pourrait être une bonne idée de laisser
tomber la double candidature?
M. Morissette (Guy) : De
laisser tomber l'opposition.
Mme LeBel : De laisser tomber
l'interdiction de le faire.
M. Morissette (Guy) : Oui,
c'est ça, exactement, exactement.
Mme LeBel :
Oui, je me suis mal... j'ai pris un raccourci, là, mais laisser tomber l'option
qui est dans le projet de loi, pour être sûre qu'on est clairs.
M. Morissette
(Guy) : Il y a ça et puis il y a aussi le fait que l'argument qu'on
présente pour s'opposer à la double candidature,
je crois que le Pr Blais l'avait dit, tout ça, je ne trouve pas que c'est
un argument vraiment solide, de dire qu'il
serait appelé à travailler en collaboration avec quelqu'un qui l'a vaincu au niveau de la circonscription, il serait obligé de collaborer
avec ces gens-là. Je veux dire, vous êtes tous, ici présents, de différentes
familles politiques, vous arrivez à travailler ensemble, parfois avec plus d'acrimonie et parfois avec
plus d'harmonie, mais, bon, je veux dire, je ne pense pas que c'est un
argument très solide.
Et il en va de même aussi au niveau fédéral.
Parfois, il peut y avoir des gens de familles politiques, bon, souverainistes
versus fédéralistes, ainsi de suite, gauche versus droite, et qui travaillent quand
même très bien avec... des députés provinciaux qui travaillent très bien avec
des députés fédéraux qui ne sont pas de la même famille, idéologiquement parlant. Alors, on pense que, non,
ce n'est pas... on pense que cet argument-là n'est pas vraiment solide, là,
pour interdire la double participation.
Mme LeBel :
Parfait. Merci. Je vous amène à un autre aspect qui n'a pas été discuté puis,
encore une fois, je vous offre du
temps pour pouvoir élaborer, compte tenu que vous aviez un temps limité pour
votre présentation — d'ailleurs,
le Nouveau Parti démocratique du Québec en a
fait état précédemment — les questions de parité, d'introduction de notions de parité, diversité. Je comprends... je ne veux
pas vous mettre des mots dans la bouche, bon, j'imagine que... Êtes-vous
pour le fait d'introduire des notions de
parité hommes-femmes dans le projet de loi? Êtes-vous pour le fait d'introduire
des notions de diversité? Et, si oui,
comment? Donc, je suis confiante qu'on va se rendre au comment, là, mais, si
oui, comment? Et est-ce que vous
partagez également la même... Bien, je vais voir, allez-y sur le comment, puis
ça va peut-être m'amener à une autre question.
M. Morissette (Guy) :
Vous allez être contente de notre réponse, à cause, bon, déjà, des résolutions
qu'on a déjà dans notre programme, et
tout, et aussi pour le projet de loi n° 39 en particulier, je crois qu'on
va être peut-être les seuls, parmi
tous les intervenants que vous avez entendus à date, à dire que les mesures
déjà prévues dans le projet de loi n° 39 sont satisfaisantes, là. Au niveau du Parti
conservateur du Québec, on les trouve satisfaisantes, et je vais vous expliquer
pourquoi. C'est parce que, s'il y
avait des mesures plus contraignantes, comme celles qui avaient été proposées
par d'autres groupes qui ont parlé aujourd'hui et hier, ce serait,
encore une fois, une barrière à l'entrée... tout comme interdire la double
candidature, ce serait une barrière à l'entrée pour les partis émergents ou
tiers partis, partis en croissance, appelez ça comme vous voulez, partis en voie de développement, peu importe, les
partis émergents comme le nôtre. Ce serait encore une barrière à
l'entrée. Donc, ce serait encore une barrière à l'entrée, donc ça nous
compliquerait les choses.
Vous
comprendrez que, pour atteindre, justement, 101 candidats sur 125, on ne
pouvait pas toujours faire la fine bouche,
on ne peut pas toujours dire : Ah! bien, vous, on doit refuser votre
candidature parce qu'on a besoin de quelqu'un... tu sais, il nous manque
de femmes, tout ça. C'est que, si cette contrainte-là devient... bon, la
contrainte devient plus contraignante, là,
je ne sais pas comment le dire, là, mais, je veux dire, si on va plus loin que
ce que vous proposez, ça risque de constituer une barrière à l'entrée
pour les partis émergents comme le nôtre.
Et il y a autre chose
aussi, c'est que je crois que les autres intervenants sous-estiment la
puissance de ce que vous proposez dans le projet de loi, tout simplement, de
faire rapport au niveau du nombre de candidatures féminines qu'un parti propose. Ça veut dire que, si un parti
ne propose que des vieux hommes blancs, là, tu sais, là, à l'extrême limite,
là, tu sais, «angry old white men», là, en
anglais, puis, bon, bien, il va avoir à subir les foudres du tribunal de
l'opinion publique, puis ça, c'est le
tribunal le plus impitoyable qui soit, je suis sûr que je ne vous apprends
aucune leçon, à l'heure des réseaux
sociaux, et tout. Alors, il n'y a aucune... tu sais, je veux dire, il y a très
peu de sanctions que vous pourriez imposer
aux partis qui vont être aussi impitoyables que... Ça va courir sur les réseaux
sociaux que votre parti est macho, misogyne, ou sexiste, ou quoi que ce
soit, là, je veux dire, ou raciste, ou xénophobe, ou quoi que ce soit, je veux
dire, on ne peut pas imaginer, là, de pire
punition que des choses comme ça qui deviennent virales et qui entachent, là,
l'image d'un parti. Alors, on trouve que les mesures déjà prévues au projet
de loi sont suffisantes à ce niveau-là.
• (17 h 20) •
Mme LeBel :
Oui, surtout qu'avec 52 % de candidatures féminines ces notions-là ont
quand même circulé, donc imaginez avec
moins. Donc, je comprends que votre argumentaire est le même, un peu, que pour
favoriser la double candidature,
c'est-à-dire que... Et là je pense que vous mettez bien en lumière, par cette
discussion-là, le fait qu'il y a plusieurs principes qui s'affrontent quand on pense à changer un mode de
scrutin : il y a la proportionnalité, qui est... si on était,
ultimement, juste en faveur de la proportionnalité, on irait avec un mode de
scrutin de proportionnalité pure, là, si on veut
dire, il y a l'émergence, favoriser la pluralité politique ou l'émergence de
nouveaux courants de pensée, si on peut dire comme ça, il y a le poids des régions, la stabilité gouvernementale.
Donc, plusieurs principes s'affrontent et, nécessairement, ce sont tous des principes importants, et, quand
ils s'affrontent, nécessairement, il y a des choix et des compromis à faire,
et, nécessairement, on n'atteindra
pas 100 % de satisfaction dans
chacun des items. Donc, vous le mettez en... Donc, si on voulait atteindre 100 % de satisfaction au niveau
des modalités de parité, vous nous dites qu'à ce moment-là on atteindrait
de façon trop grande, à votre sens, le
principe de l'émergence des nouveaux courants de pensée — c'est
ça? — de
favoriser l'émergence ou de permettre l'émergence.
M. Morissette
(Guy) : Bien, c'est ça,
c'est que ça constitue des barrières à l'entrée, c'est une expression
empruntée, là, justement,
là, au domaine, là, de la gestion, du marketing, là. Et puis, c'est ça, effectivement, parfois, je veux dire, on a des
gens pleins de bonne volonté qui veulent se présenter pour nous, puis, au
début, quand un parti est en construction, bien, on ne peut pas toujours... on n'a pas toujours le luxe, là, de
refuser les gens qui veulent se présenter. Alors, c'est ça, alors, si on
rajoute des contraintes, bien là, les 101 candidats qu'on a eus en 2018, 101
sur 125, ça aurait peut-être été plus faible que ça, là. On a quand même réussi
à avoir des femmes, des gens de minorités ethnoculturelles. On a quand même
réussi à en avoir en 2018 et on met toujours des efforts pour en avoir. Mais, si on rajoute
une contrainte, combinée à des amendes, là, comme le proposaient
certains autres intervenants, ça va compliquer considérablement les choses pour les partis émergents comme le
nôtre, et le NPDQ, et le Parti vert, là, que vous allez voir au début de
février, là.
Mme LeBel :
...autre lumière, là, sur ces aspects-là, merci beaucoup.
Nombre
de régions, point sensible s'il en est un, vous proposez, naturellement, et je le comprends... Le DGEQ ne favorisait pas aucune option,
présentait toutes les options, puis c'est bien de le dire, parce que...
M. Morissette
(Guy) : ...
Mme LeBel : Oui, il est neutre, donc ce qu'il a fait, c'est
l'analyse de plusieurs scénarios, et il donnait les effets positifs et négatifs des différents scénarios.
Donc, vous avez raison de dire que, dans le scénario des régions, le plus...
celui qui avait l'effet le plus... d'avoir un impact plus positif sur la
proportionnalité, c'est le scénario de neuf régions administratives, effectivement.
Celui de 17
régions a peut-être un effet moindre sur la proportionnalité, moins
positif, on pourrait le dire de même, mais
a, à tout le moins, l'effet de préserver l'identité régionale, qui est un autre
principe que je n'ai pas nommé tantôt... qui est également un principe que nous, comme gouvernement, nous devons tenir en compte dans l'élaboration d'un nouveau mode de scrutin qui sera acceptable par tous. Parce que
je vous dis qu'une des grandes formes... Et vous l'avez dit, je pense,
dans votre présentation, le consensus est important. Nous recherchons un
consensus.
Donc, neuf
régions, parmi vos membres, les gens qui sont de votre allégeance politique,
avec qui vous discutez, n'est-ce pas un problème? Est-ce que ça ne
heurte pas certaines sensibilités?
M. Morissette (Guy) : Ça ne constitue pas un problème. Bien sûr, bon, moi, je suis
Montréalais, mon collègue est de Québec, je ne suis pas né en région, je
n'ai pas eu le plaisir d'y grandir non plus, mais, quand même, on a sillonné le Québec en long et en large, justement,
pour notre engagement politique, on l'a fait, et le ressentiment,
l'insatisfaction, l'amertume, pour ne
pas dire l'écoeurantite, là, de certains électeurs de nos régions, c'est
surtout dirigé vers la métropole et la capitale, ou plus précisément
vers l'impression qu'ils ont, bonne ou mauvaise, les habitants de nos régions,
que le gouvernement... que Montréal et Québec monopolisent l'attention de nos
dirigeants, de notre classe politique. C'est
surtout ça qui cause le ressentiment chez les électeurs en région. Donc, bon,
le député de Rimouski, qui en a parlé aujourd'hui et hier, tout ça,
je comprends parfaitement ses arguments, mais, quand on entend les doléances,
les plaintes qu'on entend des habitants en région, on n'entend pas les
gens du Bas-du-Fleuve se plaindre que la Gaspésie a trop d'attention du gouvernement, on les entend se
plaindre que Montréal et Québec ont trop l'attention du gouvernement.
Alors, on pense qu'en combinant les régions les
moins peuplées entre elles... bon, puis ça adonne que c'est nos régions ressources, nos régions plus
éloignées, celles qui sont moins densément peuplées, en les combinant entre
elles, on ne pense pas que ça va
créer une colère. On pense que ce qui pourrait créer une colère, c'est le fait
d'accorder encore un avantage aux
électeurs montréalais, aux électeurs de la capitale, que les gens de région ne
jouiront pas... soit d'avoir une plus grande proportionnalité. Les
électeurs de Montréal, eux, ils vont jouir d'une plus grande proportionnalité
que les électeurs du Bas-du-Fleuve, les électeurs de Gaspésie, de la Côte-Nord,
et ainsi de suite, alors, c'est ça. Donc, si on dit : Bon, O.K., on garde
ça, 17 régions, bien là, faites attention au voeu que vous faites, car il
pourrait être exaucé, là. Je veux dire, là,
les habitants des régions vont dire : Bien, c'est ça, moi, je n'ai pas de
chance de faire élire un député d'un tiers parti, d'un petit parti, je
n'ai pas la chance de faire ça, alors que les gens de Montréal, de Québec puis
peut-être, dans une moindre mesure, de la Montérégie, eux, ils l'ont, cette
opportunité-là.
Alors, ça
pourrait aussi créer du ressentiment dans les régions, de garder 17 circonscriptions régionales... 17 régions électorales, excusez-moi.
Mme LeBel : Parfait.
Dernière question dans le peu de temps qu'il me reste. Vous avez été
cosignataire de l'article du Devoir
également, en mai 2019, c'est quand même un passé récent, où vous faisiez
état du fait qu'afin de réclamer que, bon...
afin de réclamer qu'un chef de parti politique qui a reçu 2 % des voix
mais n'ayant pas réussi à faire élire des députés de circonscriptions de liste obtienne tout de même
un siège à l'Assemblée nationale. Vos collègues prédécesseurs de l'autre
parti ont dit : Bien, nous, on a
abandonné cette idée-là, c'était pour attirer votre attention, grosso modo, à
toutes fins pratiques, là... étant la
mienne. Mais est-ce que cette idée-là, pour vous, est encore une bonne idée?
J'imagine que, si vous l'avez mise de l'avant en mai 2019, qui est dans
un passé très récent, vous considériez que c'était une bonne idée. Si oui,
comment ça s'articule, là, dans tout ça?
M. Morissette
(Guy) : Oui, non... O.K. On
est toujours pour cette idée-là, on ne va pas la renier. L'affaire c'est que,
justement, l'article est sorti en mai 2019,
c'était avant que vous déposiez votre projet de loi. Et là on considère que,
bien, les trois points que j'ai
soulevés aujourd'hui sont plus importants que cela, donc, sont plus importants,
là, que cette revendication-là.
Mme LeBel : ...
M. Morissette (Guy) : Ça fait
plaisir.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Oui, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Très intéressant, merci, une
approche intéressante.
Vous avez cité les cas de... vous avez cité
plusieurs pays, plusieurs situations, et tout ça. Moi, je veux que vous me rassuriez. On parle d'instabilité possible
quand on a un système comme celui-là, ça serait plus instable que le système
qu'on a en ce moment. On cite souvent l'Allemagne comme exemple de mode de
scrutin qui pourrait être appliqué chez
nous. Les dernières élections en Allemagne, en septembre 2018... on a eu les
élections en septembre 2018, et puis là ça a pris des mois avant d'avoir la formation d'un gouvernement qui
pouvait fonctionner. Alors, je me dis : Bien, voyons, tout à coup
qu'on est dans une situation comme ça, une situation de crise, et que ça prend
six mois avant de former un gouvernement de
coalition, comment on peut... Comment vous pouvez me rassurer là-dedans?
Comment, dans un système comme on
propose, comme le projet de loi n° 39, on pourrait éviter, justement, des
situations comme ça où ça prend du temps à former une coalition stable
qui peut travailler, qui peut faire avancer les choses?
M. Morissette
(Guy) : Avec les trois changements qu'on propose aujourd'hui, ça
risque peu d'arriver, parce que les coalitions
auront peu de chances de nécessiter l'entente de plus de deux partis, là. Quand
même, avec les trois changements qu'on
demande aujourd'hui... Parce que la formule, bon, même sans la prime au
vainqueur... même si Mme la ministre enlève la prime au vainqueur de la
formule, ça demeure... c'est la formule D'Hondt, là, d'-h-o-n-d-t, là.
Justement, Mme Roberge, qui était là,
hier, pourrait vous en parler plus en détail que moi, mais cette formule-là,
déjà, elle favorise les grands
partis. C'est déjà une formule qui favorise les grands partis. Même sans prime
au vainqueur, c'est une formule qui a
tendance à favoriser les grands partis, alors il y aurait peu de chances à se
retrouver dans une situation où on aurait des coalitions de plus de deux
partis à former.
Et aussi, au niveau de l'instabilité, la crainte
de l'instabilité — c'est
quelque chose qui est revenu souvent aujourd'hui
et hier, la crainte de l'instabilité — nous, on croit qu'elle est injustifiée dans
le contexte québécois, parce que... bien, il y a
principalement deux raisons. La première, encore une fois, je ne vous apprends
rien, c'est l'argent, hein, c'est l'argent.
Depuis 2013, depuis que le financement public des partis a été réformé par le
ministre Drainville, à l'époque, tout
ça, les partis ne nagent pas dans l'argent. Un parti qui déclenche des
élections à répétition, qui... bien, qui provoque le déclenchement d'élections à répétition, bien, à
un moment donné, sa caisse électorale serait vide et puis il n'aurait rien
pour aller en campagne, il n'aurait pas un
sou pour aller en campagne, alors donc... Et c'est quelque chose qu'on peut
voir, en ce moment, sur la scène
fédérale, ils disent que, justement, le gouvernement Trudeau pourrait durer
plus longtemps que le gouvernement
minoritaire précédent parce que, justement, le Bloc puis le NPD, au fédéral,
ont des fonds limités pour se
relancer en élection, alors, évidemment, ils vont être plus tentés d'appuyer le
gouvernement en attendant, donc...
Et la deuxième chose aussi, et ça, on l'a vu
dans notre système actuel, c'est que, souvent, les partis... on dirait qu'aucun parti ne veut porter l'odieux... je ne
sais pas si j'ai le droit de... bien, tant que je ne le prête pas à une
personne, là, aucun parti n'a envie
de porter l'odieux d'avoir déclenché une élection dont la population ne voulait
pas, hein? Si ça fait, par exemple,
moins de deux ans que la population, que l'électorat... qu'il y a eu des
élections générales, bien, l'électorat pourrait très bien décider de
punir le parti qui a provoqué le déclenchement des élections. Alors, il n'y a
pas un parti qui veut porter l'odieux de cela.
Alors, on
pense que ces deux choses-là, donc l'argent et ne pas vouloir être le parti qui
déclenche les élections dont les électeurs ne veulent pas, ça devrait être
assez pour dissuader des comportements qui amèneraient une instabilité
au niveau de la formation des gouvernements et le maintien en place des gouvernements.
• (17 h 30) •
Mme Robitaille : J'entends ce
que vous dites, mais on l'a vu à plusieurs endroits dans le monde, il y a... quand on a des systèmes comme ça, proportionnels,
on a moins de contrôle sur le fait qu'un gouvernement se défait, ou
quoi que ce soit, donc, nécessairement, on a un gouvernement minoritaire fragilisé et, bon, donc, à partir de
là, tout est possible. Et donc...
M. Morissette (Guy) : Donc,
vous parliez de la nécessité, peut-être, d'introduire des...
Mme Robitaille : D'encadrer les
motions de censure, oui.
M. Morissette (Guy) : Voilà,
encadrer les motions de censure.
Mme Robitaille : Est-ce que
vous avez des propositions à cet effet-là?
M. Morissette
(Guy) : O.K. On
ne s'est pas penchés sur ce thème-là en particulier, mais ce n'est pas une
chose à laquelle on s'opposerait. On
ne pense pas que c'est essentiel, par contre. Ce n'est pas une condition pour
qu'on appuie le projet de loi n° 39, ce n'est pas une condition sine qua non, mais ce n'est pas une chose
à laquelle on s'opposerait non plus. Si un parti de
l'opposition, là, proposait ça comme amendement, on ne s'y opposerait pas non plus, mais on ne croit pas que c'est
nécessaire à cause des deux raisons que je viens de vous mentionner.
Mme Robitaille : Pour ce qui est d'un référendum, j'aimerais vous entendre là-dessus. Évidemment, vous êtes pour un référendum sur le projet de
loi.
M. Morissette (Guy) :
Non, on pense que le premier ministre avait le mandat et... bon, a fait la
promesse et qu'il avait le mandat pour
procéder à une réforme du mode de scrutin sans passer par un référendum, parce
que non seulement... bon, le premier ministre l'a promis, mais également
il ne faut pas oublier que la majorité des électeurs, y compris certains électeurs de petits partis, appuient...
de petits partis, donc, appuient une proportionnelle mixte ou une
proportionnelle tout court. Et donc
pas seulement les électeurs qui ont élu le premier ministre et son parti, mais
également les électeurs qui ont voté,
bon, pour tous les partis... bon, sauf le vôtre, mais les électeurs qui ont
voté pour d'autres partis appuient une
réforme du mode de scrutin et le premier ministre l'avait promis. Donc, on
pense qu'il y avait suffisamment de légitimité pour procéder à une réforme du mode de scrutin sans passer par un
référendum, et donc que le mode de scrutin pourrait entrer en fonction
pour 2022, pour les élections générales de 2022.
Mme Robitaille :
Mais c'est quoi, votre position sur... bon, parce que, là, on veut un
référendum, nécessairement, c'est
dans le projet de loi aussi. On dit : On va faire un référendum en même
temps que la campagne électorale. C'est quoi, votre position là-dessus?
M. Morissette
(Guy) : O.K. Bien, s'il faut qu'il y ait un référendum, on
préférerait qu'il soit avant la campagne électorale autant que possible, pour les arguments qui
ont déjà été mentionnés à maintes reprises, pour que les électeurs se concentrent là-dessus. C'est sûr
que ce n'est pas un référendum comme ceux de 1980 et 1995, où il y a énormément de choses
à aborder quand on parle de fédéralisme versus indépendance, là. Il n'y a pas
autant de thèmes à aborder, de choses à
expliquer que ça, mais c'est quand même un enjeu
important dont il faut que la population puisse parler de cela.
Et
aussi il y a une autre raison qui n'a pas encore... je ne pense pas que ça a
été mentionné par d'autres intervenants, il y a une autre raison aussi, c'est qu'on ne veut
pas que la réforme du mode
de scrutin soit liée à la
popularité ou l'impopularité du gouvernement ou des partis de l'opposition. Bon, là, présentement, évidemment, notre parti au pouvoir est en... le
parti qui est au
pouvoir à l'Assemblée
nationale est en tête dans
les sondages. Le premier
ministre est, je crois
encore, le premier ministre provincial le plus populaire au pays,
tout ça, bon, ça pourrait changer. Et aussi, bon, évidemment, il y a deux partis de
l'opposition qui sont en course à la chefferie. On ne veut pas que la victoire
du camp du Oui ou du Non soit liée à la
popularité ou à l'impopularité d'un des nouveaux chefs de l'opposition ou du
chef du gouvernement. On veut vraiment que ça soit quelque chose de traité séparément,
là, et que les... bien, c'est ça, que les électeurs se penchent uniquement
là-dessus et que ça soit fait avant 2022 s'il faut qu'il y ait un référendum.
Mme Robitaille : Il me reste combien de temps?
Le Président (M.
Bachand) : 2 min 20 s.
Mme Robitaille : Et donc on ne fait pas le référendum en même temps que les élections, de toute évidence.
M. Morissette (Guy) : Avant les élections, s'il faut qu'il y en ait un.
Mme Robitaille : Oui. Et l'idée que le chef du parti ne
puisse pas mener la campagne du Oui ou du Non, est-ce que
ça, ça vous dérange? Quel rôle vous pensez que les chefs de parti devraient
avoir s'il y a un camp du Oui ou du Non, s'il y a un référendum?
M. Morissette
(Guy) : Bien, Mme la ministre avait dit : Ils ont quand même le droit d'avoir une opinion là-dessus, là. Ce
n'est pas... ils ne sont pas tenus d'avoir la bouche cousue à ce sujet-là,
donc.
Mme Robitaille :
Oui, donc, vous n'êtes pas mal à l'aise avec ça, là. Même si le chef du
gouvernement n'est pas le chef de la campagne du Oui, ça ne vous dérange
pas?
M. Morissette (Guy) : Non, ce
n'est pas quelque chose qui... C'est sûr qu'on pourrait croire... On peut
comprendre que certains partis de
l'opposition... et on peut voir aussi
pourquoi... bon, peut-être pourquoi Mme la ministre a balisé ça dans le
projet de loi n° 39. On peut voir pourquoi certaines
personnes diraient, au fond : Il pourrait y avoir un conflit d'intérêts. C'est comme si... Imaginez-vous que
vous allez à une entrevue pour un emploi puis que vous dites à votre futur
employeur exactement les questions qu'il a
le droit de vous poser dans l'entrevue qu'il va vous faire, les sujets qu'il a
le droit d'aborder, les sujets qu'il n'a pas le droit d'aborder, tout ça, alors
que c'est vous qui... C'est la même chose, au fond. C'est la façon qu'on
choisit nos dirigeants, donc la façon qu'un patron choisit ses employés. Les
patrons, c'est les électeurs. Et donc c'est
sûr qu'on peut voir qu'il y aurait peut-être un petit conflit d'intérêts à ce
que les mêmes gens qui s'adressent
aux électeurs leur disent comment voter pour le même système qui va les
reporter ou non au pouvoir. Il
pourrait y avoir un petit conflit d'intérêts là-dedans, mais... Le député de
Rimouski l'a dit maintes fois, là, c'est certain que les électeurs vont vous poser la question, puis de ne pas avoir le
droit d'y répondre, de ne pas... tu sais, de vous censurer à ce
sujet-là.
Mme Robitaille : Merci. Je n'ai
pas d'autre...
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Moi, ce que j'ai
compris, j'aurais le droit de répondre, mais je ne pourrais pas être
porte-parole, je ne pourrais pas faire partie du camp du Oui, mais je pourrais
parler.
Ce que les gens des régions veulent, ce n'est
pas de dire qu'il y en a tout pour Québec ou pour Montréal, c'est le fait que les pouvoirs sont centralisés à
Québec puis que, quand on veut avoir des choses en région, bien, il faut
toujours passer par Dieu le Père, qui est à
Québec puis qui décide pour nous autres. On aimerait bien ça pouvoir prendre
nos décisions, puis c'est pour ça que le poids politique est important, que nos
députés sont importants, parce que c'est eux autres qui font le lien avec
Québec, avec les ministères. Ça fait que la présence des députés est importante
en région, puis l'accès aux députés est important.
Ça fait que
je comprends ce que vous dites par rapport à la proportionnalité, avoir le
droit de voter pour un député, mais
pouvoir donner au moins ton point de vue sur un parti, mais, comme on parlait
un peu ce matin... je disais : Le monsieur de Blanc-Sablon qui est content qu'il y ait élu un député de
conservateur sur la liste, mais que le député conservateur est basé à
Jonquière, bien, il ne le verra pas bien, bien souvent. Ça fait que c'est pour
ça que...
M. Morissette (Guy) : En
personne, non, mais on est quand même en 2020, là.
M. LeBel : Oui, oui, mais...
M. Morissette (Guy) : Je
comprends que vous n'aimez pas les visioconférences ou Skype, tout ça, là,
mais, je veux dire, ça peut régler quand même un certain nombre d'enjeux, là.
M. LeBel : Oui, mais, regarde,
si c'est des députés de visioconférences que vous visez, ça ne marchera pas, ça
ne passe pas.
Ça fait que,
là, ce que je dis, la façon de régler ça, d'arriver à ce qu'on nous propose,
c'est de garder les 17 régions, mais
d'ajouter quatre députés, qu'on pourrait arriver, par ça, à trouver la façon de
garder le poids politique des régions, avoir
accès à des députés et de permettre à des gens de faire valoir leur position.
Quatre députés, est-ce que vous seriez d'accord...
ou vous dire : Est-ce qu'on est bloqués à 125? Est-ce qu'on pourrait
parler de quatre députés nouveaux, qui nous
permettraient... permettraient à la ministre de passer à travers son projet de
loi? Parce que, si on ramène ça à 10 régions, je vais vous dire, il
va y avoir une levée de boucliers, puis on n'y arrivera pas. Ça fait qu'il faut
garder les 17 régions, quatre députés, pour passer le projet de loi.
M. Morissette
(Guy) : Je ne suis pas convaincu à 100 % qu'il y aurait une telle
levée de boucliers. Je veux dire, c'est
pour la proportionnalité. Tu sais, je veux dire, on ne leur demande pas de se
sacrifier pour ne rien obtenir en retour, on leur demande : Écoutez, acceptez, par exemple... bon,
Bas-du-Fleuve et Gaspésie, acceptez d'être une seule région au niveau électoral, pas au niveau des centres
intégrés de santé et services sociaux, puis des choses comme ça, là, purement
au niveau électoral, pour avoir la même
proportionnalité que les électeurs de Montréal et Québec ou une
proportionnalité comparable aux électeurs des centres urbains. Alors, on
ne leur demande pas de sacrifier leur identité régionale. Bien, premièrement,
justement, je ne pense pas que ça va faire disparaître l'identité régionale, le
simple fait d'être regroupés dans une région électorale.
M. LeBel : Je vous invite à
venir dire ça aux Gaspésiens. Vous allez voir, vous allez avoir du plaisir.
Le Président (M.
Bachand) : Merci.
M. LeBel : Je vais aller
assister à votre...
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous
plaît.
• (17 h 40) •
Mme Fournier : Oui,
merci beaucoup. Bien, merci pour votre présentation. Pas de langue de bois, je
pense qu'on aime ça. Si je peux renchérir
sur les questions de la collègue de Bourassa-Sauvé, qui évoquait, justement,
tous ceux qui ont l'argument de
l'instabilité que la réforme du mode de scrutin pourrait induire à l'Assemblée
nationale, je pense que vous y avez
bien répondu. Moi non plus, ça ne m'inquiète pas, parce que je n'ai
effectivement pas l'impression qu'avec le
système de financement public que nous avons ni la... disons, l'épée de
Damoclès où la perception publique peut peser sur les épaules des partis politiques qui déclenchent des élections
alors que le mandat a été très court. Je pense que ça, ce sont des
freins très importants pour, disons... qui assurent, en contrepartie, une
meilleure stabilité.
Ceci dit, il y a cette perception-là quand même,
là, dans la population. On le voit, on l'entend, notamment dans les médias. Donc, en ce sens-là, où ce n'est
peut-être pas obligatoire, ce n'est peut-être pas... mais ce serait intéressant
quand même d'avoir, justement, l'encadrement
des motions de censure pour, du moins, rassurer la population.
Est-ce que vous êtes d'accord?
M. Morissette (Guy) : Oui, c'est
ça. Ce n'est pas une mesure à laquelle on s'oppose, mais c'est comme j'avais dit à propos, justement,
de la parité... non, pas à propos de la parité, mais plutôt,
comme j'avais dit... ah oui, c'est ça, c'est l'entrée des chefs à l'Assemblée
nationale, des chefs de tiers partis, tout ça, c'est que ce n'est pas quelque
chose qu'on considérait comme étant d'importance aussi capitale, là, que les
trois points qu'on a soulevés aujourd'hui. Mais,
effectivement, encadrer les motions de censure, comme ça se fait
en Allemagne et peut-être ailleurs, ce n'est pas une chose à laquelle on s'opposerait, mais ce
n'est pas non plus une condition sine qua non pour qu'on appuie le projet de loi n° 39.
Mme Fournier : Je comprends, ce n'est peut-être
pas capital pour changer le projet de
loi qu'on a devant les yeux,
mais c'est peut-être capital pour que ce soit accepté par la majorité la population.
Puis je pense qu'autant... je pense que vous êtes favorables à la réforme du
mode de scrutin peu importe, peut-être, les changements qui sont adoptés dans
le projet de loi, mais je pense que ça, c'est important à être considéré.
M. Morissette (Guy) : Les
craintes d'instabilité sont... je crois qu'elles sont tout simplement
injustifiées, là. La formule... va quand même
favoriser les grands partis, on ne se retrouvera pas avec 20 partis à l'Assemblée nationale du Québec. On va peut-être en avoir, tu sais, à la limite, trois plus... peut-être
le mien, celui de M. Fortin, celui de M. Tyrrell, mais on ne se retrouvera pas avec 10 partis
de plus à l'Assemblée nationale, puis je ne pense pas qu'on va avoir besoin
de coalitions de trois, quatre, cinq partis
pour gouverner, là. Et puis, encore
une fois, au risque de me répéter, je
veux dire, les partis ne nagent pas
dans l'argent, alors, s'ils déclenchent des élections, il faut qu'ils aient une
caisse électorale, il faut qu'ils soient prêts à les financer, ces élections-là,
alors... puis c'est ça.
Et il y a
aussi la foudre des électeurs. On l'a vu ici même, dans le système
actuel, on l'a vu au fédéral, on l'a vu au provincial, des partis être
pénalisés, être punis par les électeurs pour avoir déclenché trop tôt des
élections.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci beaucoup de votre contribution aux
travaux.
La commission
ajourne ses travaux, justement, jusqu'au mardi 4 février, après les
affaires courantes, où elle va poursuivre son mandat. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 42)