(Dix heures)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Merci beaucoup. Très content de vous retrouver en ce beau mardi
matin.
Alors,
ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande, bien sûr, à toutes les personnes présentes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est
réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 32,
Loi visant principalement à favoriser
l'efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d'intervention de
la Cour du Québec dans un pourvoi en appel.
Avant de débuter, Mme
la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui. Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne) est remplacée par Mme David (Marguerite-Bourgeoys);
Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé) est remplacée par M. Fortin (Pontiac);
Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), par
M. Kelley (Jacques-Cartier); M. Fontecilla (Laurier-Dorion), par M. Nadeau-Dubois
(Gouin); M. LeBel (Rimouski), par Mme Hivon (Joliette).
Le Président (M. Bachand) : Également, j'aurais besoin de votre consentement
pour un remplacement ce soir, donc,
seulement de 19 h 30 à 21 h 30. Donc, le député de
Beauce-Nord remplacerait le député de Vachon pour la séance de soirée.
Est-ce qu'il y a consentement?
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le député, merci beaucoup,
avec beaucoup d'enthousiasme.
Mémoires
déposés
Avant de débuter les
remarques préliminaires, je dépose les documents reçus depuis la fin des
consultations particulières, et que vous
avez reçus par courriel, donc le mémoire de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse ainsi que le mémoire de la Chambre
des huissiers de justice du Québec.
Remarques
préliminaires
Nous
allons donc débuter les remarques
préliminaires avec, d'abord, Mme la ministre. Vous disposez de 20 minutes. Mme la ministre.
Mme Sonia LeBel
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Merci à tout le monde puis merci à mes collègues. On
débute, là, l'étude détaillée du projet
de loi n° 32,
un projet de loi qui vise principalement à favoriser l'efficacité de la justice
pénale et à établir les modalités d'intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi d'appel, mais principalement favoriser l'efficacité de la justice
pénale, et surtout de permettre des mesures d'adaptabilité... d'ouverture pour
des programmes d'adaptabilité au niveau de la cour municipale, particulièrement, en justice
pénale.
Donc, je suis extrêmement
heureuse ce matin de débuter ça et je suis contente de constater la forte
présence de mes collègues
de l'opposition officielle et leur intérêt pour ce dossier qui, peut-être,
pour les gens moins initiés, peut avoir l'air anodin, mais qui va faire
une différence en matière d'accessibilité à la justice, une différence certaine.
Alors,
je rappelle que ce projet de loi, M. le
Président, a été présenté, pour les
fins de l'histoire récente, à l'Assemblée
nationale le 13 juin 2019 et que son principe a été adopté le
6 novembre 2019. Par ailleurs, avec mes collègues de la banquette ministérielle et de l'opposition,
nous avons, les 29 et 30 octobre dernier, tenu des consultations particulières avec plusieurs groupes directement concernés par
les modifications qui sont proposées.
Au premier chef,
d'ailleurs, on a entendu l'association des avocats, dont le Barreau, et des intervenants
agissant auprès de la clientèle la plus vulnérable. On a entendu, je pense, un
bel échantillonnage, en consultations particulières, de gens qui sont soit touchés par le projet ou par les modifications soit qui sont amenés à les utiliser, à les appliquer ou à travailler
avec ces différents outils que le p.l. n° 32 va mettre de
l'avant. Et je pense qu'on a eu un tour d'horizon qui va nous permettre,
lors de l'étude détaillée, de pouvoir avancer rondement et même apporter les améliorations
nécessaires pour s'assurer, tous autant que chacun, parce que c'est notre responsabilité
à tous autour de la table, en tant qu'élus de l'Assemblée nationale, que les projets de loi qui sont finalement adoptés par cette Assemblée
sont les meilleurs possibles pour les objectifs qu'ils visent.
Donc, on est heureux
d'avoir pu compter sur leur apport pour bonifier notre projet de loi afin qu'il
réponde effectivement le mieux possible aux réalités du terrain, mais toujours
eu égard à l'objectif qui est poursuivi par ce projet de loi là, qui est l'efficacité
de la justice pénale.
Je remercie donc également tous ceux qui se sont
présentés. Puis plusieurs ont témoigné, on les a entendus, mais aussi plusieurs
ont témoigné par le biais de dépôt de mémoires qu'on a examinés, lus et
analysés avec beaucoup d'attention. Je veux aussi remercier, je le fais à
nouveau, mes collègues de l'opposition et leurs équipes respectives, les gens qui les accompagnent — il
ne faut jamais oublier les gens qui travaillent avec nous — qui
ont permis... et leur ont permis d'avoir des interventions qui étaient,
ma foi, fort ciblées et pertinentes.
Donc, au cours de l'étude détaillée, bon,
j'aurai l'occasion, d'entrée de jeu, je l'annonce, de présenter plusieurs amendements,
notamment des amendements qui répondent aux commentaires et préoccupations qui ont été formulés lors de
ces échanges, des préoccupations qui ont mis en lumière, effectivement, peut-être certains angles morts qu'on n'avait pas l'occasion de voir au départ. On a l'objectif,
des fois, qui est tout à fait louable, mais, quand on consulte les gens du
terrain, on est capables de mettre en
lumière, des fois, je dirais, les détails d'application pratique. La théorie et
la pratique, je suis bien placée pour
le savoir, ce sont deux choses souvent fort différentes. Donc, c'était très important
d'avoir leur apport.
Donc, on a pris compte de ces commentaires-là, M.
le Président, et on déposera effectivement différents amendements, au fil de l'étude
détaillée, pour répondre à ces
commentaires. Je pense que ce qui ressort des consultations, des commentaires de mes collègues de l'opposition
lors des adoptions de principe, c'est qu'essentiellement le projet de
loi n° 32 est un projet qui fait l'unanimité, un certain consensus, dans
son principe, dans son objectif, et que c'est essentiellement
un bon projet de loi. Mais effectivement, je le réitère à nouveau, il y a eu
des commentaires, on va en discuter ensemble, et il y aura des
bonifications qui pourront être apportées.
À titre
d'exemple, on nous a parlé du fait que le programme d'adaptabilité pourrait
peut-être être plus flexible, plus équitable
et rejoindre une clientèle plus large. On va tenter d'en tenir compte dans
l'ouverture qu'on en fera, toujours en réitérant
que le projet de loi n° 32 ne crée pas les programmes, fournit l'ouverture
nécessaire, hein, pour ce faire, mais on va tenir compte des
commentaires dans nos réflexions et nos discussions.
Donc, on va
proposer, en ce sens, une plus grande autonomie pour les municipalités dans la
création de ces programmes, la
reconnaissance des démarches du défendeur, entre autres, avant son entrée au
programme, et mettre un terme à
l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes. Donc, ce sont des commentaires
qui sont revenus et qui étaient partagés par plusieurs intervenants.
On va
d'ailleurs profiter de nos travaux pour effectuer certains travaux de
concordance nécessaires suite à l'adoption du projet fédéral, le C-75, qui a supprimé l'exigence des règles de cour
en matière criminelle par le gouvernement provincial. Donc, on devra
faire les ajustements.
Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) : 14 minutes. Vous avez du temps amplement.
Mme LeBel : Ah! parfait. Mon
Dieu! J'ai en masse de temps pour continuer ce qu'il me reste à faire pour mes
remarques préliminaires.
Mon intention, donc, en déposant le projet de
loi n° 32, M. le Président, est de mettre de l'avant des solutions innovantes, le tout pour permettre de réduire les
délais judiciaires et d'offrir une alternative aux tribunaux pour certaines
clientèles plus vulnérables.
Je l'ai dit
au départ de mon allocution, il y a plusieurs petites mesures, plusieurs
mesures, plusieurs outils qui sont fournis
également à nos intervenants du système de justice. Mais ce que je veux mettre
en lumière, l'objet principal, c'est vraiment
l'offre d'alternatives aux tribunaux pour certaines clientèles plus vulnérables
grâce à des mesures d'adaptabilité. Pour moi, c'est un pas en avant dans
notre volonté, au ministère de la Justice, d'apporter des solutions innovantes.
La transformation de la justice, M. le
Président, ce n'est pas qu'une affaire de virage technologique. C'est une
affaire de virage de mentalité, d'ouverture vers, entre autres, des pratiques
innovantes. Et le projet de loi n° 32... Les mesures d'adaptabilité
s'inscrivent dans cet objectif et dans cette vision globale de la
transformation de la justice.
Donc, on
ajuste notre système à ceux qui en ont le plus besoin pour répondre aux besoins
du citoyen. Le citoyen au coeur du
système de justice, c'est une autre priorité, dans ce cas-ci, les personnes,
entre autres, en situation d'itinérance qui vivent avec des problèmes de santé
mentale ou de toxicomanie. Notre objectif, M. le Président, est de réduire le
phénomène de portes tournantes qu'on
voit trop souvent, qu'on pratiquait, comme moi, ou qu'on pratique encore dans
les palais de justice, le système de
portes tournantes où le système judiciaire n'est pas adapté pour répondre aux
besoins de ces citoyens-là, est
outillé avec des mesures plutôt punitives, coercitives. Il y a des mesures de
réhabilitation, mais l'accent est mis sur la réhabilitation, la
réinsertion et l'aide aux citoyens dans ces mesures d'adaptabilité.
Le projet vise également à bonifier le régime
d'aide juridique pour permettre aux avocats de prendre en charge leurs clients dans le début des procédures
judiciaires afin de leur offrir les meilleurs conseils possibles, toujours dans
un contexte de déjudiciarisation du
parcours. C'est ce qu'on appelle ouvrir le panier de services. Donc, on ajoute
au panier de services l'aide
juridique... pour l'accompagnement, dans ces mesures de rechange là, qui n'était
pas nécessairement prévu au moment où on se parle.
En matière
d'aide juridique, on a été sensibilisés par les différents groupes sur le
besoin d'utiliser un langage clair dans l'interprétation, de faciliter aussi
l'accès non seulement par les seuils, mais par le processus administratif, et
on va mettre des mesures dans le
projet de loi dans ce sens-là, et j'espère qu'elles seront appuyées par mes
collègues de l'opposition.
De façon
générale, les mesures qui sont proposées par ce projet de loi serviront
notamment à la mise en oeuvre de notre plan pour transformer et
moderniser la justice afin d'en améliorer l'efficacité. On ne peut pas trop le
répéter, donc je pense
que c'est important de le dire, c'est la vision globale. On veut faciliter le
travail des intervenants judiciaires, améliorer la rapidité des procédures,
toujours avec le même objectif, s'assurer que la justice soit rendue dans les
meilleurs délais possibles, de la meilleure
manière possible. Ce qu'on doit favoriser en matière de justice, c'est que les
causes voient leur aboutissement naturel et ne soient pas interrompues
pour des questions de délai et que la conclusion ne soit pas rendue, peu
importe cette conclusion.
On
a entendu plusieurs commentaires sur la justice en région. Le projet de loi
modifie donc la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de passer de 306
à 308 le nombre de postes de juges qui composent la Cour du Québec afin de
mieux répondre à la demande de certains districts judiciaires. Donc, ce sera
l'occasion de réaliser une des recommandations du juge
Pigeon de changer le district de
résidence de certains juges de la Cour
supérieure dans certaines régions également, qui était une demande et un
besoin sur le terrain.
Comme
vous pouvez le constater, M. le Président, ce projet de loi vise donc à
améliorer le fonctionnement de notre système
de justice de nombreuses manières. C'est une des façons de le faire, une des
pièces de ce grand échiquier. J'espère donc
qu'on va pouvoir compter sur la collaboration de mes collègues des autres
formations afin d'en procéder à l'étude le plus rapidement possible, naturellement avec diligence. Je n'en doute
pas de la part de mes collègues, mais plus rapidement on pourra mettre ces mesures en place, plus
rapidement on pourra adresser les problèmes au sein de notre système de
justice, M. le Président. Merci.
• (10 h 10) •
Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Je cède maintenant la parole au
porte-parole de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine,
s'il vous plaît.
Motion
d'ajournement des travaux
M. Tanguay :
M. le Président, vous me cédez la parole, mais je ne vais pas commencer mes
remarques préliminaires. Que ce soit
clair, mon bloc remarques préliminaires, si d'aventure j'ai l'occasion de le
faire ce matin, je le ferai dans un deuxième temps. Donc, vous me cédez
la parole pour que je puisse faire... Dans un premier temps, conformément à
l'article 165 de notre règlement, je fais motion pour ajourner nos
travaux.
Le
Président (M. Bachand) : Je vais suspendre quelques instants,
s'il vous plaît. Merci.
(Suspension de la séance à
10 h 11)
(Reprise à 10 h 17)
Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Nous sommes maintenant sur
la motion qui a été présentée par le député de LaFontaine. M. le député de
LaFontaine, vous avez 10 minutes pour le groupe parlementaire.
M. Marc
Tanguay
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, nous avons devant nous une motion
d'ajournement qui est importante pour
nous, pour le groupe parlementaire que nous représentons, soit l'opposition
officielle à l'Assemblée nationale.
Mais,
d'abord, vous me permettrez de saluer Mme la ministre, vous saluer, M. le
Président, de saluer mes collègues qui
représentent l'opposition officielle, la collègue de Marguerite-Bourgeoys,
collègue de Pontiac et collègue de Jacques-Cartier, de même que le
collègue député indépendant de Chomedey, qui est avec nous ce matin. Et vous me
permettrez aussi de saluer mes collègues de
la banquette ministérielle. Et, en tout respect pour mes collègues tout autour
de la table, puis particulièrement pour mes collègues de la banquette
ministérielle, je vais expliquer pourquoi la motion d'ajournement et j'ai eu l'occasion d'en glisser mot brièvement à Mme la
ministre, par respect pour elle, pour lui dire ce qui s'en venait.
Alors,
M. le Président, dans le contexte de la motion d'ajournement, on ne me fera pas
un 211 sur la non-pertinence si je
vous dis le contexte qui fait en sorte que cette motion est pleinement
justifiée. Lors de la dernière élection générale, les Québécoises et Québécois ont envoyé à l'Assemblée
nationale les 125 députés... ont été élus, et de cela découle quatre
groupes parlementaires : le
groupe formant le gouvernement, le groupe formant l'opposition officielle, la
deuxième opposition et la troisième
opposition. Plus que, je vous dirais, dans l'histoire récente et moderne de
l'Assemblée nationale, sur la 42e législature,
ce qui doit être la clé de voûte, c'est la collaboration, la coopération, de se
parler pour qu'on se comprenne puis
de faire en sorte qu'on puisse notamment organiser ensemble nos travaux pour
qu'on puisse être efficaces là-dedans.
Il
est clair, M. le Président, qu'au terme de notre règlement de l'Assemblée
nationale celui qui aura toujours le dernier mot, c'est le leader du
gouvernement. C'est lui qui peut dire : Écoutez, ma patience est à bout,
je juge que les échanges se terminent là,
voici comment on va se gouverner. Et ça, ça a toujours été, M. le Président, la
lettre du règlement de l'Assemblée
nationale. Sous la 42e législature, ce qui doit être également mis en
application, c'est non seulement la lettre
du règlement, mais l'esprit du règlement de l'Assemblée nationale, et,
là-dessus, M. le Président, il y a même une disposition qui fait écho
des us et coutumes, dans notre Parlement, qui font en sorte que l'on doit
considérer les us et coutumes lorsque l'on fonctionne.
Alors, lorsque le leader du gouvernement, par
exemple, dans un projet de loi, là, c'est le projet de loi n° 32, nous
dit : Bien, écoutez, envoyez-nous, par exemple, notre liste de groupes, on
envoie une liste de groupes qui, tantôt, peut avoir 10,
15, 20, 30 groupes. Il doit y avoir une nécessaire négociation. Lorsque le
gouvernement nous dit : Bien, écoutez, moi, ce sera ces huit groupes-là,
puis il faut toujours couper la liste, M. le Président, en deux, en trois puis
en quatre, et qu'après certains échanges,
finalement, on passe de huit à 10, alors qu'au début on était 30, bien, force
est de constater que ce que dit le leader du gouvernement, c'est comme
ça qu'on va marcher.
• (10 h 20) •
Puis, si on
se rebiffe et si les trois oppositions font front commun, on a ce qu'on a vécu
jeudi dernier, on a une motion, et
j'y vais de mémoire, en vertu de l'article 146, qui fait en sorte que le
leader du gouvernement... Ce n'est pas 146... fait en sorte que le leader du gouvernement... Oui,
c'est 146, en commission, que le leader du gouvernement peut statuer et
dire : Bien, c'est ces groupes-là que nous allons entendre.
Exemple, dans le contexte... Et j'utilise
l'analogie pour expliquer pourquoi ma motion d'ajournement, c'est ça, la pertinence, sous 211. L'analogie, c'est ce qui
s'est passé en matière de renseignements personnels. On a passé tout le reste... la plus grande moitié de notre journée de
jeudi pour débattre d'une motion qui nous imposait la consultation non
pas de neuf, mais de six groupes, M. le
Président, en ce qui a trait aux renseignements personnels, pour entendre
Desjardins, la fuite. Et ça, c'est une motion, sous 146, qui nous a
imposé... et, jeudi, pas neuf groupes, mais six groupes seront entendus — puis je ferme bientôt l'analogie et la
parenthèse — parce
que le gouvernement a décidé d'utiliser une motion pour l'imposer, ce
qui ne s'était pas fait depuis 16 ans, M. le Président, excusez du peu, ce
qui ne s'était pas fait depuis 16 ans,
plaidé et voté, et ça avait été... M. le Président, depuis la dernière année,
depuis le 1er octobre dernier, c'était la quatrième fois que le leader du gouvernement nous déposait une telle
motion. Jeudi, il s'est rendu jusqu'au bout de son idée, brisant ainsi, depuis 16 ans, pas la lettre,
l'esprit du règlement, parce qu'en vertu de la lettre du règlement il a
parfaitement le droit, mais on ne peut pas fonctionner comme ça.
Donc, il a été décrété, malgré les
représentations que nous avons faites... Moi, cet avant-midi, je devrai, M. le Président, m'absenter entre
10 heures et midi, et ça a été clairement dit au leader du gouvernement.
Notre porte-parole officiel... Parce
que j'ai de valeureux collègues qui sont avec moi, les collègues de
Marguerite-Bourgeoys, Pontiac et de Jacques-Cartier, et le député
indépendant qui est là lui aussi. On est les seuls cinq à matin représentant
les oppositions, M. le Président. Il a été
décrété que, nonobstant le fait que moi, le porte-parole, j'étais absent ce
matin, nous allions siéger. Je serai,
M. le Président, totalement présent cet après-midi. Nous sommes prévus pour...
de 3 h 15 à 18 heures et, ce soir, de 19 h 30 à
21 h 30, et le reste de la semaine aussi.
Autrement
dit, pourquoi la motion d'ajournement? Pourquoi il fait ça, le député de
LaFontaine? C'est parce que ça ne se
fait pas, M. le Président, ça ne se fait pas, décréter, comme leader du
gouvernement : Bien, je ne prends pas en compte le fait que votre porte-parole est absent ce matin, et moi, je
fais en sorte que vous allez siéger, qu'il soit là, qu'il ne soit pas là. Ça, ça ne se fait pas. Et c'est à
regret, M. le Président, parce que je respecte mes collègues puis moi, là, je
suis ici pour travailler. Puis, vous allez
voir, cet après-midi, là, nos amendements, là, sont déjà prêts article par
article. On a travaillé très fort
avec Sophie Chateauvert à la recherche, et je la salue pour le travail qu'elle
a fait. Moi, ça me passionne.
Et la ministre pourrait témoigner, M. le
Président, qu'on a déjà adopté, elle et moi, deux projets de loi. On a déjà contribué à adopter, parce qu'on n'aurait pas
pu le faire seuls, avec les autres collègues, le projet de loi n° 6, qui
faisait en sorte d'orchestrer une mise à jour du registre du Commissaire
au lobbyisme. Ça a très bien été. Le Commissaire au lobbyisme était là. Il répondait à nos questions. On a déposé des
amendements. La ministre de la Justice avait l'esprit ouvert, et a fait
écho à plusieurs de nos amendements, et je la salue pour ça. Ça a été
rondement, M. le Président.
On a adopté
un projet de loi un peu plus technique en deux séances, sur le projet de loi
n° 20, M. le Président, et vous
avez présidé nos travaux. Vous avez vu que c'étaient des questions éminemment
techniques. Une chance qu'on avait le
secours, moi et Mme la ministre, de deux représentantes du ministère de la
Justice et également des régimes de rentes gouvernementaux pour répondre
à nos questions éminemment techniques. On a fait un beau travail, sans
amendement, mais avec une compréhension de
ce qu'on votait, projet de loi n° 20 qui faisait en sorte de mettre à jour
les régimes de retraite pour une certaine catégorie de juges de la Cour
du Québec.
Donc, des
exemples qui plaident... le passé est garant de l'avenir. On est capables de
travailler. Moi, cet après-midi,
là... Ce matin, je devrai m'absenter. Bien, je devrai m'absenter, mais force
est de constater, et j'en suis désolé pour
la ministre puis pour mes collègues, ce matin, là, ce matin, on n'aura pas
l'occasion d'aborder la lecture, M. le Président,
de l'article 1, et ça, c'est malheureux. On peut, comme Assemblée
nationale, respecter tous les collègues qui, ici, auraient eu plein
d'autres choses à faire, M. le Président.
Chose certaine, on ne perdra pas notre temps,
parce que mes collègues feront des remarques préliminaires. Mes collègues de Marguerite-Bourgeoys, Pontiac et
Jacques-Cartier sont ici pour faire des remarques préliminaires et ils
vont nous parler, de façon tout à fait pertinente, et intéressante, et
valeureuse, pour le débat que nous allons faire, en quoi le projet de loi n° 32, entre autres, notamment, quant au
programme d'adaptabilité, celles et ceux les plus vulnérables de notre société... en quoi, eux, ça se répercute,
notamment, ils vont aborder cette question-là, chez leurs concitoyens et
concitoyennes. Alors, on va les entendre et on va les écouter.
Mais, pour ce qui est de travailler sur l'article 1,
M. le Président, force est de constater que ça ne sera clairement pas avant 3 heures cet après-midi, ce qui
aurait peut-être pu être possible ce matin, mais ce qui ne sera clairement pas
possible, parce que, voyez-vous,
déjà, là, en partant, il n'y aurait pas eu de motion d'ajournement si,
d'aventure, le leader de l'opposition avait pu faire en sorte de
considérer la non-disponibilité du porte-parole, de moi-même en l'instance.
Alors, moi, M. le Président... Il revient à mes collègues de donner suite à cette motion d'ajournement, en tout respect pour mes collègues, motion d'ajournement qui
ferait en sorte, oui, de reporter à cet après-midi la séance qui est prévue jusqu'à midi aujourd'hui, de faire en sorte de considérer, lorsqu'un porte-parole ne peut pas, pour des raisons majeures, ce
n'est pas un caprice... bien, de faire en sorte qu'ils ont le loisir, les collègues de la banquette ministérielle, de voter en faveur de cette
motion.
Et,
si, d'aventure, M. le Président, il ne leur est pas loisible de voter en faveur
de cette motion d'ajournement qui ferait en
sorte qu'on continuerait cet après-midi, bien, chose certaine, ce matin sera
une preuve évidente et patente quand il
n'y a pas de collaboration, quand il n'y a pas de coopération, quand le leader
met son pied à terre puis dit : C'est ça puis oubliez la non-disponibilité de votre porte-parole
seulement pour les deux heures de l'avant-midi. Bien, ça se fait, ça, quand
on est au gouvernement, puis, je peux vous dire, sans trahir de secrets de caucus,
M. le Président, ça se faisait sous les législatures
précédentes. Quand le caucus des députés disait à notre leader : Écoute,
tu nous fais siéger à des moments où ils
sont non productifs, ça, ça se dit, puis le leader s'ajuste et les ministres
également. Ça, ça se dit, puis le leader s'ajuste.
Alors, c'est en ce
sens-là, M. le Président, de façon tout à fait respectueuse... Les collègues en
face ont assez d'expérience pour voir que
l'on fait ce que l'on a à faire. Nous, notre motion d'ajournement, c'est notre
seule arme, notre seule réponse que l'on peut offrir. Et voilà pourquoi, en
tout respect, on dépose cette motion d'ajournement ce matin.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de
LaFontaine. Je me tourne vers la banquette gouvernementale. Intervention, Mme
la ministre?
Mme Sonia
LeBel
Mme LeBel :
Je serai très brève, M. le Président. Je comprends. Je ne commenterai pas,
parce que je ne suis pas partie à ces
discussions, ce que mon collègue vient de dire. Tout ce que je peux vous dire,
M. le Président, c'est que nous sommes prêts. Ce matin, nous sommes
prêts à travailler sur le projet de loi n° 32. Mes collègues sont prêts à
travailler sur le projet de loi n° 32. Et je vais limiter mes remarques à
celles-ci.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Dans le règlement, ce sont les groupes parlementaires... ont droit
de parole, mais la commission est souveraine. Alors, si la commission
donne son consentement, je reconnaîtrais le député de Chomedey. Est-ce qu'il y a un consentement?
Consentement. Merci. M. le député de Chomedey, s'il vous plaît.
M. Guy
Ouellette
M. Ouellette : Merci, M. le Président. J'ai bien entendu les commentaires de mon collègue de LaFontaine, mais, pour les gens qui nous écoutent et puis
les gens qui sont ici ce matin, qui se demandent un peu, bon, qu'est-ce qui se passe, je dois malheureusement confirmer les... parce que je suis
partie, comme député indépendant, à tous les échanges entre les groupes
reconnus à l'Assemblée nationale, et, effectivement, M. le Président, il y a, à
plusieurs occasions, très peu de collaboration de la part du bureau du
leader du gouvernement dans certains projets de loi.
Et
je pense que les explications de mon collègue de LaFontaine sont assez claires,
ce n'est pas des absences futiles et sans raison. Il est porte-parole et
il prend très à coeur son travail, sa fonction. Il adore toutes les questions
de justice. Pour siéger avec le député de
LaFontaine depuis déjà plusieurs années, il est dans son élément. Et je trouve
ça déplorable qu'on en soit obligés à
faire une motion d'ajournement et que, par la suite, bien, que tous et chacun
des députés des oppositions devront,
en l'absence du député de LaFontaine, exploiter la période de remarques préliminaires
qui leur sont disponible ou octroyée, parce que, définitivement, ce
matin, et même à plus qu'une reprise, malgré les explications...
• (10 h 30) •
Ça
fait une semaine qu'il y a des échanges de part et d'autre et il y a totalement
absence de collaboration de la part du
bureau du leader du gouvernement. Ce n'est pas la faute de la ministre. Et je
comprends et je pense que ça a été très clair, M. le député de LaFontaine, que vous informiez la ministre des
procédures que vous vouliez utiliser ce matin. Je pense que ça se fait en toute transparence. On est tous là
pour faire avancer... on est tous là pour travailler le projet de loi. Je veux
dire, j'étais très heureux ce matin,
puis j'y reviendrai dans mes remarques préliminaires, de voir deux cahiers
d'amendements, le tome I et le
tome II. Honnêtement, si la motion d'ajournement est disponible, j'ai
énormément hâte d'aller voir, parce qu'avec
l'ensemble des recommandations qui nous ont été faites par les groupes que nous
avons entendus, par l'ensemble des
commentaires qu'on a entendus... Mais je pense que tout le monde est dans des
bonnes dispositions. Il faudra peut-être rappeler.
Puis
pour avoir été du côté ministériel pendant plusieurs années, de voir les deux
côtés de la Chambre, tu réalises qu'à certains moments tu peux, comme
député ministériel, te poser énormément de questions, comment ça se fait que puis comment ça se fait que. Mais, quand tu es
partie aux échanges puis que tu vois de quelle façon est-ce que ça s'oriente,
ou de quelle façon est-ce que ça répond, ou quel genre de discussion on a pour
débuter un projet de loi... Et je le donne à Mme la ministre, là,
161 articles, 63 recommandations des groupes, c'est un projet de loi
qui est important. C'est un projet de loi
qui va nécessiter, puis Mme la ministre a été très ouverte, beaucoup
d'explications, parce que la confiance du public, présentement, est au plus bas dans... Face à certaines
institutions, les gens se posent beaucoup de questions. Il n'y a pas d'article
facile dans le projet de loi, et je pense que ça doit être fait
consciencieusement.
Je
pense aussi qu'à tous les niveaux... comme je l'ai mentionné, pour être très
près de tous les échanges qu'il y a, je le déplore très sincèrement, ce manque de collaboration. Ce n'est pas la
première fois. M. le député de LaFontaine, vous avez fait état que la motion de jeudi dernier pour les données
personnelles, c'était la quatrième fois. Il avait été utilisé la même
motion pour la commission de l'exploitation sexuelle des mineurs.
Et
il y a plusieurs choses qui changent. On se sent, les parlementaires, on se
sent pressés, on se sent bousculés, on se sent... Je vous dirai, là, le respect
de notre travail, on ne semble pas avoir, au bureau du leader du gouvernement,
la même compréhension du respect du
travail des parlementaires à l'intérieur des commissions parlementaires. Vous
l'avez dit tantôt, M. le Président,
les commissions sont souveraines. Je voudrais bien... Je voudrais bien en être
convaincu. À tout moment, ça devrait être comme ça.
Mais il y a tellement d'éléments
extérieurs, M. le Président, qui influencent sur le déroulement du travail
législatif qu'on a à faire, qui n'ont pas rapport et qui ne sont pas
assis dans la salle avec nous, parce que je pense que tous les parlementaires qui sont assis, qui sont avec nous
ce matin, on est là pour faire le meilleur projet de loi, on est là pour être
à l'écoute de la population parce que le
produit fini influence le quotidien des citoyens du Québec, d'où toute la
notion de professionnalisme qu'on avance puis qu'on met de l'avant dans
nos travaux.
Mais je pense qu'il
faut que tout le monde y mette du sien puis je pense qu'il faut que tout le
monde nous aide à avoir les meilleures
dispositions possible, au niveau de la Commission des institutions, pour être
en mesure de faire notre travail de législateurs. Et, dans le cas
particulier pour débuter l'étude du projet de loi n° 32, les conditions
gagnantes, comme dirait quelqu'un que j'ai
déjà entendu, les conditions gagnantes n'y sont pas, et il y a du sable dans
l'engrenage. Et je suis de tout coeur avec la motion d'ajournement
demandée par le député de LaFontaine. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de Chomedey. Ceci
met fin à la période d'échange.
Nous allons
maintenant mettre la motion à la mise aux voix. Est-ce que la motion du
député...
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : Vote par appel nominal.
Mme LeBel :
Est-ce que... Je ne sais pas, ce n'est pas de mon ressort nécessairement, M. le
Président, je m'en excuse. Vous allez
me corriger si c'est le cas. Est-ce qu'on peut vous demander une légère
suspension? On aimerait pouvoir se parler. Est-ce que c'est possible?
Est-ce que moi, je peux le demander?
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : Parfait. Est-ce qu'il y a
consentement? On va prendre quelques instants. Merci. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
10 h 35)
(Reprise à 10 h 46)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous étions sur la motion d'ajournement du député de LaFontaine.
J'étais prêt à mettre la motion... la mettre aux voix. Ça va là-dessus? Alors,
est-ce que le... Puis, M. le député de LaFontaine, vous aviez demandé un appel
nominal.
M. Tanguay :
Vote nominal, s'il vous plaît.
Mise aux voix
Le
Président (M. Bachand) : Alors, ceux qui sont pour la motion, s'il
vous plaît.
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. M. Tanguay (LaFontaine)?
M. Tanguay :
Pour.
La Secrétaire :
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Pour.
La Secrétaire :
M. Fortin (Pontiac)?
M. Fortin :
Pour.
La Secrétaire :
M. Kelley (Jacques-Cartier)?
M. Kelley :
Pour.
La Secrétaire :
Mme LeBel (Champlain)?
Mme LeBel :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) :
Contre.
La
Secrétaire : Mme Lecours (Les Plaines)?
Mme Lecours
(Les Plaines) : Contre.
La Secrétaire :
Mme Lachance (Bellechasse)?
Mme Lachance :
Contre.
La Secrétaire :
M. Martel (Nicolet-Bécancour)?
M. Martel :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lafrenière (Vachon)?
M. Lafrenière :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lamothe (Ungava)?
M. Lamothe :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux :
Contre.
La Secrétaire :
M. Ouellette (Chomedey)?
M. Ouellette :
Pour.
La Secrétaire :
M. Bachand (Richmond)?
Le
Président (M. Bachand) : Abstention. La motion est rejetée.
Merci.
Remarques préliminaires
(suite)
On retourne
maintenant aux remarques préliminaires. M. le député de LaFontaine, s'il vous
plaît.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, projet de loi n° 32, projet de loi n° 32, projet de loi qui est important. Projet de loi qui contient de bonnes mesures, des
objectifs louables, M. le Président. Projet de loi qui vise à mieux adapter le système judiciaire aux
clientèles vulnérables puis favoriser le recours aux nouvelles technologies
de l'information et optimiser la justice pénale.
Projet de loi qui
reprend beaucoup, mais pas toutes, des dispositions qui étaient déposées, qui
étaient incluses dans le projet de loi n° 168, qui avait été déposé dans le contexte de la 41e législature.
Projet de loi n° 168 déposé par la précédente ministre de la Justice, Mme Stéphanie Vallée,
comportait, entre autres, plusieurs dispositions en matière civile qui... puis
ça, ça participe peut-être d'une déception constructive, là, qui n'ont pas été
reprises pour l'essence dans le projet
de loi n° 32. Les dispositions civiles du 168 de la
41e législature n'ont pas été, dans leur ensemble, reprises dans le
projet de loi n° 32.
On aura l'occasion, peut-être, d'effleurer le sujet et peut-être, qui sait, de
déposer des amendements, le cas échéant.
Mais, lorsqu'on
dit «objectifs», donc, «louables» du projet de loi n° 168,
on parle ici, puis mes collègues auront l'occasion, dans le 20 minutes qui
leur sont tous allouées, de parler des objectifs louables quand on parle de
clientèles vulnérables. Alors, oui, faire en
sorte qu'il y ait de plus grandes disponibilités de programmes d'adaptabilité.
Programmes d'adaptabilité, clientèles
vulnérables, on parle, entre autres, d'une clientèle de femmes et d'hommes qui
sont itinérants, donc dans la rue, qui n'ont pas, évidemment, accès aux
ressources de la majorité des Québécoises et des Québécois. Donc, avoir
des programmes lorsqu'ils enfreignent la loi, lorsqu'un constat d'infraction
leur est émis.
• (10 h 50) •
Parce
qu'ici on parle de justice pénale. On parle donc de quoi? On parle des lois
provinciales. Dans certains cas, on
va parler de lois fédérales qui sont soumises à la procédure du Code de
procédure pénale, mais très, très majoritairement de lois provinciales
et de règlements municipaux.
Alors,
lois provinciales, on pense tout de suite au Code de la sécurité routière.
Celles et ceux, je vous donne un exemple, un exemple, celles et ceux qui
lavent les parebrises. On voit ça souvent, M. le Président, à Montréal, celles et ceux qui lavent le parebrise, qui sont
itinérants et qui, techniquement, en vertu du Code de la sécurité routière,
n'ont pas le droit, n'ont pas le
droit, à une lumière rouge, de circuler entre les véhicules, de laver le
parebrise et de demander un don. Ça,
la réaction policière, à l'occasion, bien, ce sera d'émettre un ticket,
d'émettre un billet, une contravention, contravention de plusieurs
dizaines de dollars.
Et un des groupes qui est venu nous voir, la Clinique droits devant, ça
a été, M. le Président, pour tous les collègues autour de la table, je crois, en tout cas, je parle en mon nom
personnel, et à l'époque la collègue de Notre-Dame-de-Grâce m'accompagnait, ça a été, là, notre coup de coeur,
la Clinique droits devant. Puis j'aurai l'occasion de citer... Et je vais déjà,
pour les collègues qui ont le bénéfice de ce
mémoire-là, j'aurai l'occasion de citer un extrait à la page 8, en haut de
la page 8 de leur mémoire. Ça a été un témoignage réellement, je
vous dirais, bouleversant dans le sens positif de l'expression d'une personne
qui a pu obtenir l'avantage, je dirais, d'un programme d'adaptabilité, qui en a
été le premier surpris.
On lui donnait un nom fictif, Michel. Il
s'appelait Michel, nom fictif, mais il racontait, la citation est tout à fait exacte, où il a pu bénéficier d'un programme
d'adaptabilité. Et il voyait, d'entrée de jeu, le procureur et voyait le juge
d'un oeil très, très inquisiteur, très inquiet, et jugeait gravement, je vous
dirais, ces deux intervenants de la justice. Et à la fin, lorsque le
programme d'adaptabilité lui a été octroyé, lorsqu'on lui a dit : Bien,
écoute, prends en main ta vie, sera considéré pas des heures au cachot ou pas
des heures de bonne conduite, strictement, mais prends en main ta vie... Peux-tu faire des démarches pour trouver un
appartement? Peux-tu faire des démarches pour trouver un emploi? Et on ne lui
demandait pas : Trouve un emploi, puis trouve un appartement, puis
ramène-nous le bail signé puis le contrat d'emploi. On lui demandait de
faire des démarches, de reprendre de façon...
Pour certains
d'entre nous, M. le Président, c'est l'évidence, ce sont des gestes, pas
quotidiens, mais qui arrivent dans une vie, de dire : Bien oui, il
faut que je me trouve un emploi. Je vais le faire, puis il n'y a pas personne
qui va m'applaudir parce que j'ai mis à jour
mon C.V., et que je l'ai soumis, puis que j'ai assisté... j'ai sollicité des
entrevues. Mais, pour des personnes
vulnérables, des personnes qui sont, entre autres, pas toutes, mais, entre
autres, sont dans la rue, sont des
itinérants, ont collecté des centaines, même, dans des cas, des milliers de
dollars d'amende, infractions au Code de la sécurité routière, circulent entre les voitures, «squeegees», c'est
l'expression consacrée, lavent le parebrise, demandent l'aumône, ça lui est, la
plupart du temps, refusé et que, là, des policiers ne savent pas trop comment
gérer ça, vont lui donner une première contravention, une deuxième, une
troisième, ça, M. le Président, ça ne vient pas du tout, du tout aider la personne. Ça n'aide pas, je vous dirais, au-delà
de la justice, ça n'aide pas la réinsertion, ça ne fait pas cheminer dans le
sens positif la personne.
Et, en bout
de piste, l'organisme qui est venu nous témoigner de cela, Clinique droits
devant, on avait Mme Fortin, M. St-Jacques. Puis M. St-Jacques,
il n'était pas prédestiné à ça, mais il nous a affirmé qu'il avait un bac, je
pense, en sciences politiques, il avait
étudié en sciences politiques, mais une personne réellement de coeur, tout
comme Mme Fortin, dédiée à la cause des itinérants qui font face à
la justice.
Imaginez donc
une personne qui n'a pas d'emploi, qui n'a pas de logement, de domicile fixe,
une personne, donc, qui est seule
dans la rue. Imaginez cette personne devant une juge et un procureur. Imaginez
la détresse de cette personne et
imaginez de se faire taper sur la tête au sortir de cette audience-là :
Bien, écoutez, mon cher ami, vous avez 4 000 $ de billets d'infraction, vous avez fait du «squeegee».
4 000 $. Payez maintenant, sinon vous allez en prison. Imaginez
comment on vient de renfoncer cette
personne-là. Et ils ont témoigné de l'impact très négatif de l'ostracisation
qui est ajoutée à cette personne-là lorsqu'on lui dit : Bien, tu
vas aller faire un séjour en prison. Imaginez le passage en prison ou de faire face à une peine, à une sanction pénale. Ils ont
dit : Ça, non seulement ce n'est pas anodin, ça peut être, dans certains
cas, déterminant dans un sens très négatif sur la suite des choses pour
cette personne-là.
Puis,
socialement, M. le Président, socialement, ça participe, ces dernières, je
dirais, ces dernières années, peut-être même 10, 20 dernières
années, d'une justice qui se veut plus humaine, moins répressive, plus aidante
dans le sens de : On va cheminer avec
ces personnes-là et faire en sorte, donc, de les faire cheminer sur la bonne
voie. Pas la bonne voie parce que
nous, socialement, on dit : Bien, il y a une seule façon seulement de
vivre sa vie, puis la bonne façon de vivre sa vie, c'est ça, non, mais de les
aider en leur donnant des outils, en identifiant
de l'aide. Puis, quand on met quelqu'un
en prison ou qu'on lui impose une pénalité ou un billet d'infraction, ce n'est
pas une main tendue, ce n'est pas de l'aide.
Donc, justice
plus humaine. Ça, j'aurai l'occasion, si le temps alloué m'est permis, de reprendre la
citation, en fin de mes remarques préliminaires à la page 8 de ce mémoire, qui avait été le
dernier groupe que nous avons entendu en fin de journée. M. le Président, vous étiez là, la ministre et les collègues
autour de la table étaient là. Ça a été... Honnêtement, ça nous a permis
de finir sur une note extrêmement, je vous dirais, d'espoir et positive, je dirais,
positive dans des contextes où la justice pénale peut être... et ne doit
pas être inhumaine mais doit être là pour aider.
Et ça, je
vous dirais aussi, j'ouvre une parenthèse, ça participe également
d'une prise de conscience et ça... On vient de voir le dépôt, il y a quelques semaines, du rapport de la commission
Viens par rapport à notre relation de nation à nation, mais d'individu à individu aussi, parce que les
nations, c'est important, mais d'individu à individu et de système
judiciaire, du système pénal, système correctionnel, judiciaire, donc
santé, et ainsi de suite, comment, nous, individuellement, certains d'entre
nous représentent l'État, comment ils interagissent avec, entre autres, les
femmes et les hommes qui participent des nations autochtones. Ça, cette
nouvelle approche humaine là, pour beaucoup, il faut le reconnaître.
Puis, encore une fois, j'espère, et j'en suis
convaincu, que c'est plus qu'hier, moins que demain, une justice plus ouverte,
plus sociale, plus humaine. Oui, il peut y avoir, dans certains cas, M. le
Président... qui, à l'époque, là, remettons-nous
il y a 50 ans, il y a 100 ans, là, la demande de pardon, la
justice n'en avait que faire de la demande de pardon. Mais on se rend
compte que, dans un processus de réhabilitation, non seulement on doit aussi
s'assurer que la personne qui a commis une
faute reconnaisse, puisse faire amende honorable et puisse également,
dans certains cas, pas dans tous les cas, puis ce n'est pas applicable,
là, copier-coller dans tous les cas, mais également demander pardon, parce
qu'on oublie souvent aussi, de l'autre côté, la
victime, la victime qui veut reprendre, dans certains cas, le contrôle de sa
vie, qui veut participer à la
réhabilitation, et ça, sur une base volontaire, comment nous, nous étant le
législateur, on peut faire écho de c'est quoi.
Ce que je
viens de vous dire, M. le Président, c'est les programmes d'adaptabilité, de
s'adapter. On s'adapte. Ça, ça veut dire qu'on y va au cas par cas. Ce n'est pas vrai
qu'on va dire, dans tous les cas de figure : Bien, qu'il se trouve un
emploi, qu'il se
trouve un logement, qu'il demande pardon, puis merci, bonsoir, au suivant, là.
Non. On va y aller de façon très tangible, au cas par cas, pour dire :
Dans ce cas-ci, considérant l'historique, considérant les agissements de la
personne que l'on dit aujourd'hui... qui ont été fautifs et qui participent de peine soit en matière du
droit civil, soit relevant de la loi provinciale, de la loi fédérale et,
à la limite, du Code criminel, lorsque l'on tient compte, donc, de l'historique
de la personne, de la faute qui a été
commise, du contexte de la faute, de la victime également, du contexte, de
l'ouverture de la victime de participer également, éventuellement, par son témoignage dans le contexte de l'imposition d'un programme...
ou de l'offre, devrais-je dire, d'un programme
d'adaptabilité, lorsqu'on considère tout ça dans un contexte bien précis, bien,
on vient, M. le Président, rendre une
justice beaucoup plus humaine au moment même où on la rend plus
humaine, au moment même où les... ce qui est demandé à la personne de
faire.
Je vous ai
donné l'exemple d'une personne : Bien, pourrais-tu commencer à travailler,
puis on va t'aider sur ta consommation?
On n'en parle pas beaucoup, hein, mais il y a souvent de la
consommation, alcool, drogues. Si ça s'applique à ce cas-là, il faudrait
travailler là-dessus : Qu'est-ce que tu peux faire?
Et les petits
progrès. Pour celles et ceux qui n'ont pas, M. le Président... qui ne font
pas face à de la dépendance aux alcools,
aux drogues, écoutez, d'être sobre pendant 24 heures, pendant
quelques jours, je veux dire, il coule de source, ça ne demande aucun
effort. Mais, pour des personnes qui, dans certains cas, pas dans tous les cas,
bien évidemment... Puis ce n'est pas juste
les personnes en cas d'itinérance. Des personnes qui ont un toit, un bon
emploi, peuvent avoir des défis de
consommation d'alcool, de drogues. Mais de dire : Écoute, peux-tu, programme
d'adaptabilité, travailler sur ça? Peux-tu travailler sur un programme
qui ferait en sorte de te sortir de ta dépendance à ces substances-là? Est-ce
que tu pourrais remettre un peu d'ordre, entre guillemets, dans ta vie, reprendre ta vie en main pour ne pas non seulement
qu'on se retrouve dans le système
judiciaire dans un mois, six mois, un an, mais pour faire en sorte de t'aider? Et ça, il faut épauler les gens.
• (11 heures) •
Donc, ce qui
a été dit, M. le Président... puis je reviendrai au mémoire de l'association
des groupes intervenant en défense
des droits de la santé mentale, qui, eux, ont dit, M. le Président, et je vais les citer : «...avant toute mise en place [de] nouveau programme d'adaptabilité des
règles relatives à la poursuite», est-ce
qu'on pourrait faire un état des
lieux? On a entendu un représentant, deux représentants de la police municipale de Québec,
qui ont dit... qui sont venus nous dire, eux, qu'ils avaient un programme
mis en place, justement, qui était un programme d'adaptabilité et qui faisait
en sorte, M. le Président, avec des résultats très, très
tangibles, de souligner leur succès, mais également de souligner les
défis. Le programme s'appelle le programme IMPAC, c'est la ville de Québec, M. Robert Pigeon, qui est président de l'association aussi, qui est, par ailleurs, président de l'Association des directeurs de
police du Québec, qui est venu nous dire : Bien, nous,
dans la ville de Québec, on a un programme
qui s'appelle IMPAC. Et le programme IMPAC a pour but de faire en sorte de, M. le Président... C'est : Intervention multisectorielle programmes d'accompagnement à la cour municipale. Intervention
multisectorielle. Pas juste la police qui
dit : Voici ton billet d'infraction, puis on se retrouvera devant le juge.
C'est un peu court. C'est aller beaucoup plus loin que cela : multisectorielle d'accompagnement à la cour
municipale, d'accompagnement. Vous
voyez que, là, M. le Président, la justice prend un tout nouveau regard. Avant,
là, encore une fois, il y a 30 ans, 50 ans, il n'était pas question d'accompagner,
c'était, pour vous, contrevenant : Vous allez subir. Là, est-ce qu'on peut accompagner? Donc, eux
sont venus nous dire ça, que dans leur coin de pays, dans la ville de Québec, ça fonctionnait et que, sur le terrain, ils avaient pu développer une certaine expertise, ils étaient prêts à la
partager, ils étaient prêts à mettre ça en commun avec d'autres programmes
d'adaptabilité qui se font un peu partout au Québec.
Ce qu'est
venu nous dire l'organisme l'Association des groupes d'intervention en défense des
droits en santé mentale du Québec... sont venus nous dire : Bravo
aux programmes d'adaptabilité, mais est-ce qu'on pourrait faire un état des lieux? Est-ce
qu'on pourrait se réunir et aller
chercher les meilleures pratiques à gauche et à droite et est-ce qu'on ne pourrait pas permettre aux
corps municipaux, notamment, de multiplier ça? Parce que, vous savez, M. le Président, l'objectif, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait pas
une justesse... une justice, pardon... pour qu'elle soit juste, pour qu'il n'y
ait pas une justice à deux, trois, quatre,
10 vitesses. Donc, tout dépendamment, bien, moi, je suis dans la ville de
Gatineau, je suis dans la ville de Québec, je suis à Saint-Ferréol-les-Neiges, ou je suis en Beauce, ou je suis
aux Îles-de-la-Madeleine, bien, écoutez,
je ne suis pas chanceux, je ne suis pas sur le bon territoire puis je n'ai pas
de programme d'adaptabilité. Comment on pourrait,
de façon intelligente, coordonnée et surtout concertée... Il faut s'adapter au
cas par cas, puis ce n'est pas vrai que l'on doit donner un formulaire
standard pour dire : Bien, vous avez un cas a, b, c, d. L'adaptabilité est
réfractaire à la catégorisation et aux
cases. Comment donner, donc, toute la souplesse, mais comment donner une
culture de nouvelle justice, de savoir-faire?
Ville de
Québec avait un beau programme en place, et l'organisme, donc, Association des groupes d'intervention de défense des
droits en santé mentale du Québec
nous a dit essentiellement, en conclusion de leur mémoire, deux choses :
Pouvons-nous faire un état des lieux, de un, et, de deux, lorsque l'on parle de
concertation, pouvons-nous mettre dans le
coup le système judiciaire, la Sécurité publique et le système de santé et
services sociaux? Il y a deux volets, on a une ministre de la Santé et un ministre délégué aux Services sociaux. Moi,
quand je regarde ça, M. le Président, je vois déjà là quatre ministères, quatre ministres interpellés.
La ministre de la Justice, la ministre de la Sécurité publique, la ministre de
la Santé et le ministre responsable des Services sociaux. Dans un contexte...
Et je crois
comprendre que mes collègues auront l'occasion, le collègue de Pontiac, entre
autres, de revenir sur le projet de
loi n° 2, et il va parler de ce qui n'est pas banal, à
savoir la consommation de cannabis. Ça, ça interpelle directement le ministre délégué à la Santé et aux Services
sociaux. Et donc faire en sorte aussi, M. le Président, que le système de
justice puisse bénéficier, et c'est ce qui était proposé par le groupe,
inviter, donc, les ministères d'adaptabilité, et tout ça en mettant des tribunaux spéciaux sur place. Est-ce
qu'on pourrait développer une certaine expertise en matière... relativement...
découlant de la magistrature, d'avoir des
tribunaux spéciaux en la matière, tribunaux spéciaux en matière d'adaptabilité?
Parce que, là, M. le Président, ça prend un
minimum de cohésion et, je vous dirais, de comparables. Oui, adaptabilité au
cas par cas,
mais il ne faudrait pas que ce soit de façon excessivement disparate que les
programmes puissent être acceptés. Donc, pourquoi des tribunaux spéciaux
en la matière, il y aurait une pertinence? Parce qu'on pourrait développer, pas
pour être encarcanés, mais pour avoir des
guides d'une certaine jurisprudence en la matière, certaines jurisprudences qui vont venir aiguiller, aider, suggérer les juges, femmes et hommes, qui auront
à justement décider si, en la matière, ça tient la
route ou pas.
Et la jurisprudence, M. le Président, lorsqu'on la lit, la jurisprudence, c'est un
chapitre dans la vie d'une personne. Lorsque vous lisez un jugement, vous pouvez le prendre de
deux façons : Bien, c'est froid, c'est la justice qui parle, puis les conclusions, c'est «condamné» et quelle est la
peine, ou «libéré» parce que, non, pas de condamnation, mais il y a
une histoire humaine derrière ça. La jurisprudence est excessivement également, il ne faut pas le sous-estimer, enrichissante en termes
d'expérience humaine. Et ça, peut-être qu'il y aurait lieu d'avoir des
tribunaux spéciaux, on aura l'occasion de faire le débat.
Je salue la ministre, qui a dit : Bien, on
a pris le temps de la pause pour travailler sur des amendements. Je la remercie. Et je crois comprendre qu'on aura accès
aux amendements, le cas échéant, pour pouvoir déjà nous faire une tête
là-dessus.
Mais il y a une chose excessivement importante,
M. le Président, je ne vous ai pas parlé, puis, si plus de temps m'avait été dévolu... On aura l'occasion de le
faire en article par article. J'aurais pu vous parler des éléments très
techniques, mais, quand on parle
d'éléments techniques, il ne faut pas les sous-estimer. Quand je vous disais
que les objectifs du projet de loi
étaient louables, qu'ils reprenaient, pour beaucoup, le projet de loi déposé
par Stéphanie Vallée, la ministre de la de la Justice de la législature précédente... étaient louables parce que,
dans un premier cas, elle... le projet de loi n° 32 vise à mieux adapter le système judiciaire aux
clientèles vulnérables. Mais, du même souffle, on vient dire : favorise le
recours aux nouvelles technologies
puis optimise la justice pénale. Il ne faudra pas que la recherche de ces
deuxième et troisième objectifs là,
nouvelles technologies... optimiser la justice, viennent desservir le premier
objectif, qui est de dire : Bien, on doit travailler avec une
clientèle vulnérable.
Et vous me permettrez de souligner une
expression qui est ressortie. Le premier groupe qui est venu nous parler, il s'agit de l'association des groupes
d'intervention... santé mentale, nous est dit : Il existe au Québec ce que
nous considérons être la fracture numérique. Alors, vous êtes une
personne vulnérable, on veut de meilleures, par ailleurs... l'usage de
technologies et optimiser la justice, il ne faudra pas que ça se fasse sur le
dos des personnes plus vulnérables. Et je
laisserai mes collègues citer, en haut de page 8, le magnifique extrait de
la Clinique droits devant. C'est tout le temps qui m'est imparti, merci,
M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le député de LaFontaine. M. le député
de Chomedey, s'il vous plaît.
M. Guy Ouellette
M. Ouellette : Ah oui? Déjà?
Le Président (M.
Bachand) : Eh oui!
• (11 h 10) •
M. Ouellette : Eh bien! C'est bien. Bien, ça va me faire plaisir,
M. le Président, d'intervenir au niveau des remarques préliminaires. Le projet de loi n° 32, c'est
un projet de loi qui est important. Et, d'entrée de jeu, j'assure la ministre
de ma collaboration sur les différentes étapes de ce projet de loi là. C'est
161 articles, M. le Président. C'est important, c'est un projet de loi qui est quand même assez costaud,
qui change beaucoup de lois, particulièrement dans un contexte où nos institutions sont questionnées. On remet en
question les interventions policières, on remet en question les interventions
du Directeur des poursuites
criminelles et pénales, où les gens se questionnent beaucoup sur l'utilisation
ou la non-utilisation... où, dans certains cas où... je ne veux pas inventer un
nouveau mot à matin pour me retrouver dans le journal, là, mais où il y a des gens qui semblent outrepasser leur pouvoir
ou ne pas les utiliser de la bonne façon. On est dans cette période-là.
Je comprends, et, pour avoir échangé brièvement
là-dessus avec Mme la ministre et en avoir parlé avec mes collègues, on est en Code de procédure pénale.
Mais, dans les notes explicatives du projet de loi, M. le Président, on touche
à des choses qui sont passablement
importantes. On touche à des choses qui sont déjà dans nos institutions, sont
déjà inscrites au niveau du Code criminel et devraient normalement être
appliquées selon les règles de l'art par autant les agences policières du Québec que le bureau des poursuites...
le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Mais il
y a, je pense, M. le Président, beaucoup de questionnement dans la population.
Chaque jour, on nous rapporte d'autres situations où il semble que les différentes lois ne sont pas
appliquées comme elles devraient l'être ou qui... qu'on a outrepassées à
différents endroits, puis j'y reviendrai tantôt.
Je me permettrai un commentaire dans mes remarques
préliminaires, parce que plusieurs des membres de la commission sont membres de la commission de l'exploitation sexuelle chez des
mineurs, et on se retrouve avec beaucoup de plaisir, parce qu'on a
l'impression c'est une commission qui est apolitique, qui va probablement
permettre d'inscrire ou qui va probablement
permettre d'amener une réflexion sur une nouvelle façon de faire des
interventions des députés qui sont membres d'une commission. Le temps de
parole n'est pas déterminé en fonction des votes de la population, mais en fonction des questions qui viennent à l'esprit
des différents membres de la commission, et je pense qu'à la lumière des
travaux qui ont été faits jusqu'à maintenant... je pense qu'on réussit à
atteindre nos objectifs.
Il y a
beaucoup d'attentes, et plusieurs personnes viennent nous souligner certaines
sphères d'activités ou certains endroits
où on devrait intervenir pour déjà faciliter certaines choses, autant au niveau
des survivantes, autant au niveau des différents
organismes qu'on a entendus. Et, dans les commentaires qu'on s'est permis de
faire, les membres de la commission, M. le Président, c'est de dire : Oups!
Pourquoi est-ce qu'on n'introduirait pas un papillon dans le projet de loi
n° 32? On est en justice, et ça
pourrait être quelque chose qu'on pourrait amener à l'attention de la ministre
et de ses légistes. Ça se fait. Ça fait 12 ans que je suis à
l'Assemblée nationale, ça s'est fait dans les législatures antérieures, ça
s'est fait dans des commissions antérieures,
et je pense que ça sera des choses qu'on pourra amener à l'attention de la
ministre. Mais, déjà, je mets la
table et je me fais un peu le porte-parole de différents points de vue qu'on a
exprimés au cours de la commission.
Un des items,
c'est la liste des crimes admissibles à l'IVAC qui n'a pas été révisée depuis
1985 et qui est laissée au bon
vouloir du fonctionnaire qui reçoit le cas. Donc, s'il est dans une bonne
journée, bien, ça va être couvert. S'il est dans une moins bonne journée et qu'il applique textuellement ce qui est
écrit à l'annexe de la liste des crimes admissibles, bien, ça ne sera pas
couvert, et là il va falloir... ça va amener une deuxième ronde qui va faire
décortiquer, et là ça va mêler nos
statistiques parce que la raison pour laquelle on va intervenir, ça ne sera pas
la raison majeure. Ça fait qu'on en a parlé
en commission, et c'est quelque chose, je l'annonce à la ministre, c'est
quelque chose qu'on va, en cours d'étude de notre projet de loi,
regarder pour un papillon.
Je sais que
la ministre avait mentionné qu'elle était en train de regarder une refonte
potentielle ou elle est en train de regarder, là, pour la loi de l'IVAC,
différentes choses. Mais j'étais un peu surpris parce qu'en réponse à une
question des oppositions, je pense
que c'est la semaine dernière ou il y a deux semaines au salon bleu, ce n'était pas aussi catégorique, dans le sens qu'elle ne le regardait pas, là... ce
n'était pas quelque chose qui était sur sa table à dessin à court terme. La
réponse qui a été donnée par le ministre des Finances puis le président
du Conseil du trésor, bien, c'était quelque chose qui était là, mais ce n'était
pas quelque chose qu'on regarderait à court terme, alors que c'est
des choses qui sont portées à notre
attention par tous les intervenants, c'est des choses qui sont portées à notre
attention par tous les intervenants ou la majorité des intervenants qui viennent déposer devant les membres de la commission
sur l'exploitation sexuelle des mineurs.
Un autre élément qu'on va apporter, sûrement, à
l'attention de la ministre et de ses légistes, c'est les mesures d'adaptabilité. On en parle beaucoup. On va en parler dans ce projet de loi là, mais il y aurait peut-être une réflexion à faire dans certaines des mesures d'adaptabilité qui pourraient être utilisées et qui pourraient être adaptées — c'est
probablement le terme qu'on va utiliser — à
tout le milieu ou à toute la notion des crimes des gens qui sont impliqués dans
le dossier de l'exploitation sexuelle des mineurs. Donc, d'entrée de jeu,
même si c'est dans nos remarques préliminaires, mais c'est quelque chose qu'on va parler, c'est définitivement
quelque chose qu'on va apporter à l'attention de la ministre dans l'étude
de notre projet de loi. On a 161 articles, on va avoir du temps pour en
parler.
Sans prendre
les deux tomes qui nous ont été remis ce matin, je suis heureux d'entendre, de
la part de la ministre, d'entrée de
jeu dans ses remarques, qu'elle aura des amendements à déposer, parce que, dans
les 10 organismes qui sont venus déposer devant nous, M. le
Président, 63 recommandations qui nous ont été faites par les différents
organismes, d'éléments à préciser, ou de
choses à changer, ou de points à éclaircir qui nous ont été apportés par les
organismes qu'on a pu entendre. C'est
10 organismes qu'on a entendus, c'est 13 mémoires qu'on a eus, et il
y a eu effectivement plusieurs points qui étaient intéressants.
Dans les
notes explicatives, je me suis demandé... C'est sûr que 90 % des articles
du projet de loi sont à être mis en application quand le gouvernement le
décidera et non pas à la sanction. Il y a 10 % des articles qui vont entrer
en vigueur, environ 10 % des articles
qui vont entrer en vigueur à la sanction, quand on aura terminé notre étude
détaillée, mais plus de 90 %, c'est dans le temps. Là aussi, je
reprends certains commentaires qu'on a eus de projets de loi qui ont été adoptés et de certains articles qui ne sont pas en
vigueur. Donc, c'est des... il y a des clarifications qu'on aura besoin de la
part de la ministre et de la part de ses
légistes sur le... dans le temps, avoir un échéancier de la mise en vigueur de
certains des articles qui seront adoptés.
Si vous
voyiez mon cahier, M. le Président, oui, j'ai plein de notes, effectivement,
parce que j'aurai besoin, de la part
de la ministre, de plusieurs explications pour m'assurer, quand on va parler
d'introduire le mandat d'entrée dans le Code de procédure pénale, bien, le cadre et surtout la reddition de
comptes qui vont être faits. Je comprends que ça se fait au criminel, mais,
avec tous les dérapages qu'on observe, avec certains dérapages qu'on observe
régulièrement dans les activités, on
va avoir besoin de plus d'information. Puisque c'est nous, les législateurs,
bien, on aura besoin d'être plus rassurés puis d'avoir plus de... être
certains qu'on prend les bonnes décisions.
• (11 h 20) •
On a beaucoup parlé de permettre aux agents de
la paix d'exiger une pièce d'identité. On a eu plusieurs commentaires sur l'identification. Et je comprends
qu'on est dans le Code de procédure pénale. Et plusieurs d'entre nous
alentour de la table, on sait exactement de quoi on parle, et on sait
exactement où ça dérape, puis on sait exactement comment ça doit être balisé,
mais on va vouloir que ça le soit pour justement se sécuriser et faire en sorte
que ça sera appliqué de la meilleure façon
possible. J'ai mis le mot «balisé» dans plusieurs des notes explicatives
d'entrée du projet de loi. On se questionne aussi beaucoup sur les ordonnances
de communication. On aura besoin de ces balises et puis de nous assurer
qu'on a les bonnes choses.
À chaque fois
qu'on fait un projet de loi, M. le Président, on a toujours peur de ne pas en
oublier. Et je me souviens du projet de loi n° 1
sur les nominations, on pensait qu'on avait tout prévu, sauf que, quand il est
arrivé le temps des comités de
députés, on s'est aperçu qu'on n'avait pas prévu le rapport, on n'avait pas
prévu qui était membre, on n'avait pas prévu plein de choses et, à chaque fois que ce genre de situation là nous
touche, bien, le projet de loi qui vient après, bien, on est encore plus
prévenant ou on est encore plus précautionneux, particulièrement sur les
détails.
Moderniser
les règles de signification des actes de procédure, bien, j'aurai des exemples
à donner à Mme la ministre sur...
en partant du moment où ça va être signifié ou qu'un rapport est fait et les
façons de signification. Dans plusieurs cas, ça peut sembler des détails. Il y
a plusieurs personnes qui sont venues nous voir en commission, pour eux, c'est
plus que des détails au niveau de la
signification. Et ce qui, des fois, peut paraître très simple sera peut-être...
amènera, dans certains cas, des situations qui sont définitivement plus
compliquées.
Donc, comme je le mentionnais, M. le
Président, je vous en avais glissé un mot tantôt dans la motion d'ajournement,
la ministre aura, de la part du député de
Chomedey, toute sa collaboration. Il y aura effectivement beaucoup de
questionnements du député de
Chomedey. Ce n'est pas parce que certaines des dispositions, on les a déjà dans
le Code criminel, qu'il faut faire un
copier-coller, l'amener dans le Code de procédure pénale. Et comme je l'ai
mentionné, et sans crainte de me répéter, à tous les jours, on a, on voit, on réalise et on s'aperçoit de
dérapages dans certains des articles du Code criminel. Donc, ça ne sera
pas parce que c'est là, on va faire un copier-coller puis on le mettra dans le
Code de procédure pénale.
Ça fait que ce sera
mes remarques préliminaires, M. le Président, à ce stade-ci, et je répète à Mme
la ministre : Je suis tout ouïe et j'ai
hâte de commencer l'étude du projet de loi, et qui va sûrement amener des
améliorations. Je lui aurais, si on
avait pu le faire... Sans y apporter une motion de scission, là, mon collègue
d'Ungava a fait un plaidoyer extraordinaire quand les gens du DPCP sont venus à la commission d'exploitation
sexuelle sur les mineurs, sur la justice, dans son comté. Bon, avoir voulu allonger la procédure, j'aurais
fait une motion de scission. J'aurais voté son article sur les deux juges de
plus qu'elle va avoir, que le projet de loi
y prévoie de façon à ce qu'elle puisse nommer ces deux juges, parce qu'ils
sont, selon les informations qu'on a eues, de 306 à 308, mais ces
deux-là s'en vont dans le Grand-Nord ou s'en vont dans son territoire à lui. Donc, ils vont... on va être obligés d'attendre
après toutes les étapes. Je lui aurais donné tout de suite, ça, ce petit bout là, parce que le plaidoyer que
notre collègue d'Ungava nous a fait la semaine dernière était très éloquent,
et je pense que les gens du DPCP en ont pris
très bonne note, et il sera rapporté à qui de droit. Et sûrement que ces
commentaires-là vont parvenir aux oreilles de la ministre. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de Chomedey.
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît, pour 20 minutes.
Merci.
Mme Hélène David
Mme David :
Merci beaucoup. Je vais partir mon
chronomètre parce que, des fois, on dépasse, hein, ou on projette
mal le temps qu'il nous reste.
Alors, je suis
particulièrement heureuse d'intervenir dans ce projet de loi là, parce qu'il y
a beaucoup de choses, dans le projet de loi,
qui me font plaisir. Il y a beaucoup de choses qui traitent, et mon collègue de
LaFontaine l'a bien dit, de justice sociale. Et, quand on parle de justice
sociale, c'est sûr que j'ai un intérêt particulier et je suis contente que tout
le monde ici, je pense, semble avoir — je n'étais pas aux consultations
particulières — mais
tout le monde semble avoir une sensibilité, une humanité qui me réjouit.
Première
raison de réjouissance... Mais là je vais peut-être aller là où vous ne vous y
attendez pas, mais c'est une de mes
nombreuses anciennes vies. Un des mémoires qui m'a particulièrement intéressée
est celui de Marie-Ève Sylvestre, qui
est doyenne de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Or, d'une part,
une femme doyenne en droit, c'est toujours très sympathique et ça montre
un progrès de société dans le cher milieu juridique.
Deuxièmement, son
sujet de recherche n'est pas tout à fait habituel pour une doyenne, mais c'est
une femme. Souvent, les femmes s'intéressent
à des sujets humains, on le sait, sociaux. Mais qu'elle soit doyenne avec des
travaux de recherche qui portent sur
la pénalisation de la pauvreté, la judiciarisation de la pauvreté, les conflits
sociaux liés à l'itinérance, le travail du sexe, l'usage d'alcool et de
drogues et la dissidence politique, bravo, Université d'Ottawa!
Alors,
ça, ce n'était pas tout à fait pertinent à notre propos, mais quand même. Si je
comprends bien... Je ne sais pas si elle est venue présenter, si elle faisait
partie des consultations. On me dit que oui. Et donc j'ai lu avec beaucoup
d'attention et de satisfaction ce mémoire qu'elle a présenté avec sa collègue
qui est d'une autre université, que je connais bien, Céline Bellot. Alors, voilà deux femmes qui osent s'attaquer à des
sujets pas nécessairement les plus populaires, les plus rentables au
niveau des organismes de recherche, mais ô combien importants au niveau,
évidemment, de notre justice.
Les
gens comme moi, comme d'autres, qui ne proviennent pas du milieu juridique ont
souvent une impression, ma foi, assez, j'oserais dire, entrepreneuriale, ou
bureau privé, ou image d'avocat qui... avec beaucoup, beaucoup, là, de règles
de procédure puis de code pénal, criminel, etc., des gros livres, là, pour les
procédures pénales, et tout ça. C'est un peu ésotérique pour les non-juristes.
Mais,
dans ce projet de loi ci, c'est comme si le côté humain ressortait beaucoup
plus, qui n'est pas un dossier facile, parce que... Parlons d'itinérance, et ce
n'est pas le seul, je le sais que ce n'est pas la seule clientèle qui est visée
par le projet de loi. Je me suis
écrit quelque part, là, l'acronyme, parce qu'évidemment il faut toujours se
sensibiliser à tous les acronymes. Les
amendes non payées, là, c'est PNE ou MENP... NPA, NPA, non-paiement d'amende,
et ENPA, là, je disais que c'était peut-être
«e» quelque chose, là, comme e-mail, e... bien non, c'est «emprisonnement pour
non-paiement d'amende». Alors, les ENPA puis les NPA, ceux qui nous
écoutent, vous savez maintenant ce que ça veut dire. Ce n'est pas seulement la clientèle itinérante, mais c'est quand même une
clientèle qui est particulièrement, j'oserais dire, visée par ce sujet. Et moi,
j'ai appris beaucoup de choses en lisant les
mémoires. Je ne savais pas que la ville de Montréal, Québec, Val-d'Or ont des
mesures vraiment de programmes qu'on appelle d'adaptabilité.
Je
parlerai tout à l'heure de Droits devant, qui est aussi une clinique que j'ai
découverte. Je n'étais pas ici quand... Si je comprends bien, les gens l'ont
découverte, cette clinique qui n'est pas une clinique juridique. Ce n'est pas
une clinique avec des juristes, c'est
bien écrit. C'est une clinique d'accompagnement juridique, mais ce n'est pas
une clinique qui offre des services juridiques. Bravo! Bravo! C'est formidable.
Et bravo qu'elle soit reconnue à sa juste valeur par le milieu
juridique!
• (11 h 30) •
Mon collègue
de LaFontaine a dit tout à l'heure : C'est quelqu'un diplômé en science politique. Bon, alors, ce sont
des gens qui ont vraiment le coeur, je pourrais dire, à la bonne place, comme
on dit communément, et qui s'occupent des clientèles littéralement les plus vulnérables
de la société.
On n'en parle pas assez
souvent. On n'en parle pas assez souvent à l'Assemblée nationale. On n'en parle
pas assez souvent dans la société en général. Ce n'est pas une clientèle qui...
On essaie qu'elle nous rejoigne le moins possible,
au sens où on met le «eux» et le «nous», c'est-à-dire eux qui passent leur vie
dans la rue, pour qui, pour la plupart... Et je m'inclus là-dedans, M.
le Président. C'est presque incompréhensible de se dire : La nuit
dernière, la nuit d'avant, depuis trois, quatre nuits, on gèle. Il fait froid.
Et là il y a, vous avez entendu, là, plein de mesures qui se prennent pour accélérer et aller de façon beaucoup plus hâtive
dans l'ouverture de places pour que des gens puissent coucher quelque part.
Mais on essaie de s'imaginer, chacun dans
notre vie, notre famille immédiate, nos enfants, notre famille élargie, cousins,
cousines, voisins, quelqu'un qui arriverait dans sa vie en situation
d'itinérance...
Et je suis
toujours frappée quand je lis, j'écoute, j'entends des témoignages. Il n'y a
pas «eux» et «nous». Ce eux-là étaient
nous très souvent dans la vie, quelqu'un qui est vraiment... s'est enfoncé dans
un problème d'alcool, s'est enfoncé dans la toxicomanie, a perdu tous
ses avoirs pour une question de jeu pathologique. Ce sont toutes les faiblesses
de... j'oserais dire de la nature humaine,
et personne n'est à l'abri. On parle beaucoup de problèmes de santé mentale, on
en parle plus qu'avant. C'est un progrès de société qu'on en parle plus
qu'avant.
Mais, quelque
part, quand il y a — et mon
collègue de LaFontaine a employé le mot «squeegee» tout à l'heure — quelqu'un qui vient nettoyer notre fenêtre,
qui d'entre nous ne s'est pas dit à un coin de rue : J'espère que la
lumière va devenir verte avant qu'il arrive à ma fenêtre? Moi-même, je l'ai
déjà pensé. Et qui ne s'est pas dit : Mes portes sont-elles barrées? Qui ne s'est pas dit : Ah
non! Je n'ai pas d'argent puis je n'ai pas le goût de lui en donner? Ça nous
dérange. Combien de gens disent : Moi, dans la voiture, c'est ma
bulle, c'est mon endroit où je suis bien?
Et un «squeegee», un itinérant... Puis, de ce
temps-ci, j'entends pas mal d'histoires de jeunes qui ont eu des vies, là, que personne ne souhaiterait à ses
propres enfants, personne. Et ces gens-là aboutissent dans la rue et viennent
cogner à notre fenêtre, j'oserais
dire, de voiture, et on se dit : Non. On baisse les yeux, comme on baisse
les yeux sur la rue et comme on baisse les yeux dans le froid parce que
nous, on a froid, puis on se dépêche d'entrer dans notre SAQ, ou dans notre
boutique, ou dans notre pharmacie, puis on ferme les yeux, littéralement.
Et je
m'inclus là-dedans, je le répète, M. le Président, c'est un réflexe humain.
C'est un réflexe de : la société va prendre en charge. Et, quelque
part, ce projet de loi ci répond à un besoin de la société.
Alors, je me
sens particulièrement fière de faire partie d'une société qui... Je ne dis pas
que le projet de loi est parfait. Puis
mon Dieu que je vais laisser les juristes regarder tous les détails, l'étude
détaillée, tout ça! La ministre annonce des amendements. Bravo! C'est
formidable. Mais je suis quand même fière de dire : On a au moins ça à se
mettre sous la main. Et le «ça» à se mettre sous la main, c'est quelque
chose qui est progressiste, j'ose le dire.
J'ai même vu
qu'il y avait une association des juristes progressistes. J'ai dit : Mon
Dieu Seigneur! Je ne connaissais pas
ça. Ce n'est pas pire. Depuis hier, on a un sénat progressiste. Avez-vous
remarqué, les sénateurs progressistes du Québec, les anciens sénateurs libéraux? Le mot «progressiste»,
bon, bien, c'est plutôt sympathique d'entendre ça pour faire progresser
notre société.
Et je pense
que ce projet de loi ci fait progresser notre société. Il faut absolument... Je
ne dis pas que rien n'existait avant.
La ministre ne part pas de zéro. Mais elle aura le bénéfice de pouvoir dire,
quand le projet de loi sera adopté, parce que ça semble être quand même... tout
le monde le dit, je n'étais pas là, je le répète, aux consultations
particulières, mais ça semble quand même être intéressant, la
perspective de dire : On va améliorer notre système de justice.
Ça n'a juste
pas de bon sens de mettre en prison des gens dont la principale infraction, je
le répète, et ça, c'est la page 15
du mémoire Droits devant, ils disent bien, ce sont les constats d'infraction
qu'eux ont recensés par les clients qui sont venus chez eux, c'est 19 %, c'est : piéton traitant
avec l'occupant d'un véhicule. C'est une belle phrase pour dire un «squeegee» d'habitude ou quelqu'un qui demande
avec son verre de carton comme ça : Pouvez-vous me donner de l'argent?
Le problème aussi, c'est qu'on n'en a plus,
de monnaie dans nos poches, là. Vraiment, il faut vouloir pour donner
maintenant sur la rue et donner dans
les voitures, parce que la monnaie est de moins en moins présente. Alors là,
ça, je ne sais pas ce qui va arriver avec cet aspect-là de la situation
d'itinérance.
Mais quand 19 %, c'est : piéton
traitant avec l'occupant d'un véhicule ou, 7 %, gésir ou flâner ivre sur
la voie ou dans une place publique... Il n'y
a pas grand monde qui se lève le matin en disant : Moi, je rêve de devenir
un itinérant qui quête sur le coin de la rue à moins 15° dehors après avoir
passé la nuit, s'il est chanceux, dans un gîte. Parce qu'on sait que la situation d'itinérance fait en sorte
que ce n'est pas tout le monde qui peut être admis dans un gîte parce qu'il n'y
a pas assez de place. On est dans une
société, et mon collègue de LaFontaine l'a dit tout à l'heure, il a parlé de
fracture numérique, moi, je vais parler de fracture tout court, de
fracture sociale.
Au Québec, on
est dans une situation, disons-le, actuellement exceptionnelle. Exceptionnelle
pour les gens qui sont dans la
société civile, j'oserais dire, productive, dans la société civile qui
travaille. Je me souviens des années 80, ma première hypothèque était
à 18 %, de mon petit condo. Bien là, nos jeunes, là, de 30 ans, je
vais vous dire une affaire, ils ne connaissent
pas ça, les hypothèques élevées, ils ne connaissent pas ça, le taux d'intérêt
élevé, ils ne connaissent pas ça, être en chômage puis se dire :
Aïe, aïe, aïe! Il y a eu une récession en 1984, en 1988.
On est en ce
moment, là, dans une société, je dirais, au Québec, hyperprivilégiée avec les
goussets du gouvernement, pour toutes sortes de bonnes raisons, toutes
sortes de bonnes raisons, très garnis, mais on est plus que jamais à risque d'une très grande fracture sociale, parce que plus
on s'en va vers le bien-être, le plein emploi, etc., plus ceux qui ne peuvent
pas suivre vont être laissés loin derrière. Et il faut absolument tenir compte
de ces fractures-là, parce que, regardons dans d'autres pays...
Puis, on ne
sait pas lire l'avenir, on ne peut pas lire l'avenir, mais ce qu'on vit
actuellement, c'est comme... Moi, je
me disais toujours quand j'étais ministre : Regarde, c'est un privilège,
c'est un siège emprunté, tu es locataire puis, dans deux ans, tu ne sais pas où tu vas être. Bien,
c'est la même chose pour l'économie, c'est la même chose pour le bien-être.
On est en santé peut-être en ce moment, tous, ici demain matin, on peut ne plus
être en santé.
Mais
les gens qui n'ont pas eu cette chance dans la vie... On ne devient pas
itinérant parce que c'est un choix, je le répète. La nature humaine est faite en sorte qu'elle a des
vulnérabilités, et, quand ce sont des enfants qui ont pu être placés,
abandonnés, qui ont pu vivre de la violence sexuelle, de la violence physique,
qui sont complètement acculturés, qui sont
déracinés, bien, ils sont... Et écoutez des témoignages d'itinérants. Écoutez
leur vie passée, ceux qui s'en sortent, parce qu'il y en a qui s'en sortent. Et ce projet de loi ci fait en sorte
qu'il y en a qui vont s'en sortir. Il y en a qui ne s'en sortent pas mais, pendant qu'ils essaient de s'en sortir,
il faut absolument les accompagner là-dedans. Est-ce que c'est facile? Non.
Est-ce que c'est simple? Non.
• (11 h 40) •
Et vos gens qui sont venus parler de la Clinique
droits devant ou le mémoire de Marie-Ève Sylvestre le dit très bien, ce sont des gens qui ont souvent de lourds
passés. Il y en a que c'est un passé lourd beaucoup plus récent et qui peuvent
s'en sortir plus rapidement. Mais on n'a pas
le droit, comme société, de les abandonner. On n'a pas le droit de les juger. On n'a pas le droit de les juger, parce qu'on a tous quelqu'un quelque
part dans notre environnement immédiat qui a des problèmes soit de santé mentale, de consommation, qui en arrache. Il n'y
a personne qui a dit qu'en naissant, qu'en venant au monde, la vie allait être belle. Il n'y a
personne qui a dit ça, puis on ne peut pas promettre ça à personne. Mais il y en a qui
l'ont eue plus dure que d'autres, puis, pour entendre beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses en ce moment sur nos enfants,
sur nos enfants qui sont malheureusement trop maltraités, trop ballottés, trop
victimes de toutes sortes de choses, on peut imaginer que ceux qui sont
élevés avec beaucoup plus de privilèges et de chances, comme la grande majorité
des enfants du Québec... Et, Dieu merci, je
le répète, on est une société privilégiée. L'école est gratuite, l'école est
accessible, les CPE... on est une
société qui aidons beaucoup nos familles, nos enfants, qui essayons de mettre
un filet social. Mais on en échappe. Ce n'est pas pour rien que le mot «filet»,
là... Il y a des trous dans le filet, puis, quand on va à la pêche puis qu'on ramasse des poissons, il y en a qui
retombent. Eux, ils sont chanceux, ils ne seront pas pêchés, c'est la bonne
chose. Mais, dans le filet social, ceux qu'on échappe, c'est ceux qui
sont effectivement, pour toutes sortes de raisons sociales, personnelles, des
raisons de maladies mentales qui peuvent être génétiques, qui peuvent être
acquises... Il y a toutes sortes de raisons
de pauvreté, de consommation, d'alcoolisme, de... enfin, il y a tellement de
raisons pour devenir fragile et vulnérable, de divorce. On voit encore des
homicides intrafamiliaux épouvantables, encore un en fin de semaine.
C'est inimaginable! Vous allez dire : Oui, mais c'est une minorité. Mais
c'est une minorité de trop.
Alors, je le répète, des projets de loi comme
celui-ci font en sorte qu'on puisse au moins apporter notre touche d'humanité dans une façon de dire : On va
accompagner ces gens-là. Mais ça ne sera pas simple, là. Les procureurs sont
peut-être plus habitués... le modèle prison, le modèle «tu vas passer tant de
temps», mais essayez d'imaginer ces gens si vulnérables en prison. Bien, on les imagine, puisqu'ils y vont, mais on
n'est pas plus avancés dans la justice, comme on dit, plus les programmes d'adaptation, d'adaptabilité.
Justement, il faut s'adapter à chaque individu devant nous, et l'objectif
pour un peut être d'être sobre pendant trois
semaines, et c'est un grand succès, puis, s'il a réussi trois semaines — mais il faut qu'il soit
accompagné — bien,
imaginer un autre trois semaines puis un autre trois semaines, puis là tu
adaptes. Mais l'autre, ça peut être... et je lisais quelque part, c'était
touchant de dire : Le succès pour un itinérant dans un programme d'adaptabilité — puis c'est dans le mémoire, je pense, droits
devant — c'est de
dormir 20 jours au même endroit. Bien, nous, là, on trouve qu'on découche trop souvent pour venir à Québec.
Nous, on aimerait ça, dormir 20 jours au même endroit. Mais, dans une situation d'itinérance quand le
détachement est tellement grand et que, dans le fond, la rue, et on l'entend
malheureusement trop souvent, c'est devenu leur famille, on se dit que la
marche est très haute.
Alors, quand
l'objectif du programme d'adaptabilité, c'est de stabiliser... On dit souvent
en médecine : On va mettre le patient aux soins intensifs, il faut le
stabiliser. Mais, en médecine, c'est super accepté, puis on a besoin de nos
médecins spécialistes, puis on a besoin... C'est notre vie. Mais stabiliser
un itinérant, ça devrait être aussi l'équivalent des soins intensifs pour notre société, puis les soins
intensifs pour notre société, bien, c'est les gens les plus en besoin, et les
plus en besoin, ça prend des moyens.
Prenez des patients en soins intensifs branchés de partout, ça coûte des
milliards à l'État chaque année. Des
programmes d'adaptabilité, je suis sûre... je n'ai pas les chiffres, Mme la
ministre, mais je suis sûre que ce n'est pas tant d'argent que ça. Et,
oui, c'est du cas par cas.
Et, dans le projet, et je vais devoir terminer
là-dessus... C'est toujours triste d'arrêter en pleine lancée, alors je vais essayer d'atterrir. Dans les programmes
d'adaptabilité... Ça ne va pas être facile, de un, et, des mémoires nous
mettent en garde, si on veut les
mettre à la grandeur du Québec, ça va en prendre, d'autres cliniques droits
devant, ça va en prendre, des gens
partout qui accompagnent ces gens-là. Alors, j'ai lu quelque part, M. le
Président : Quand la loi sera adoptée — bravo, bravo! — ce ne
sera que le début, le travail restera à faire. Et là je vais terminer en disant
que je souhaite du fond du coeur que
non seulement la loi, avec les amendements, et tout, soit adoptée
éventuellement, mais que le reste suive. Puis le reste, la ministre, elle ne peut pas faire ça toute seule. Il va falloir
l'aide de ses collègues, la Santé, les Services sociaux, l'argent au rendez-vous.
C'est ce que je nous souhaite collectivement, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée.
M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Gabriel Nadeau-Dubois
M. Nadeau-Dubois : Merci,
M. le Président. Bonjour à tous et
toutes. Très content d'être parmi vous cet avant-midi. Le projet de loi que nous avons devant les yeux est un projet de loi... c'est un peu
un mini-omnibus en justice. Il y a toutes sortes de choses différentes, ça touche une diversité d'enjeux, parfois
des enjeux techniques, notamment la comparution à distance, ce genre de choses. De notre côté, à la
deuxième opposition, il y a deux enjeux qui vont nous préoccuper en
particulier. Puis la plupart de nos
interventions en commission... bien, lors de l'étude détaillée, la plupart
de nos interventions, donc, vont se concentrer sur ces deux enjeux-là.
Le premier, c'est la question
d'aide juridique. Je ne surprendrai personne en disant que, pour nous, la question
de l'accès à la justice, c'est un
enjeu très important. La justice, c'est un service public, hein? On l'oublie
souvent. On parle des services publics,
on dit souvent : L'éducation, la santé, c'est ce qui nous coûte le plus
cher collectivement. Mais la justice
aussi, c'est un service public, et l'accès à la justice, c'est extrêmement
important. Puis, dans une société de droit, le fait qu'il y ait une iniquité dans l'accès à la justice, bien, c'est un
problème de fond, puisque ça fait en sorte que, dans les faits, les citoyens,
citoyennes ne sont pas égaux et égales devant la loi s'ils n'ont pas tous et
toutes accès à la justice. Donc c'est extrêmement important, puis il y a des
dispositions du projet de loi qui portent sur l'aide juridique, dispositions
qu'on va vouloir bonifier pour une raison simple : quand on n'a pas les
moyens de faire valoir nos droits, bien, c'est comme si on n'avait pas
ces droits-là.
Le deuxième enjeu qui
va nous intéresser beaucoup, et je ne surprendrai pas la ministre parce que je
pense que j'ai eu des questions assez
claires sur le sujet lors des consultations particulières, c'est la question
de l'identification, une disposition du projet de loi qui est tout sauf
banale au sujet des cartes d'identité. Ce projet de loi là, s'il est adopté
dans son état actuel, permettrait à un agent
de la paix qui veut décerner un constat d'infraction d'exiger une pièce
d'identité, alors qu'aujourd'hui il doit y avoir, si le Code
de procédure pénale était gardé dans son état actuel, il doit avoir des motifs
pour le faire. Le projet de loi
donnerait le pouvoir à un policier d'exiger, dès le début de son interaction
avec le citoyen et la citoyenne, une pièce d'identité.
Cette disposition-là
du projet de loi a été dénoncée par le Barreau du Québec, a été dénoncée
également par les différents organismes
communautaires qui sont venus témoigner lors des consultations. Ça a été
dénoncé également par les experts,
les universitaires qui sont venus témoigner. Ça a été dénoncé aussi par
l'association des avocats de la défense. Tout le monde y a vu, M. le Président, ce qu'on y avait vu à Québec
solidaire, c'est-à-dire une disposition supplémentaire pour... qui va, disons, augmenter les risques de
profilage social et de profilage racial pour une raison très simple : les
parties de la population qui ont des
chances de ne pas avoir de carte d'identité sur eux et sur elles, c'est des
gens en situation de précarité, des gens en situation de vulnérabilité. Le
collègue de l'opposition officielle, le député de LaFontaine, parlait des gens qui font du jogging. Ça, c'est un exemple
amusant. Je ne sais pas si notre leader du gouvernement avait ses cartes
sur lui quand il est allé faire du jogging,
au printemps dernier, mais ce qui est plus inquiétant, c'est le fait qu'on va
donner un outil supplémentaire pour faire du profilage.
• (11 h 50) •
Et
le mémoire du Barreau, sur cette disposition du projet de loi là, est très,
très dur, hein? Le Barreau, c'est lui qui l'a dit, ce n'est pas nous, parle de
ça comme d'une porte ouverte pour des dérives de la part des forces policières.
Et ça, c'est le Barreau du Québec qui
le dit, ce n'est même pas Québec solidaire. Puis j'ai envie de dire : Dans
le contexte du dépôt du rapport Viens
il y a quelque temps, dans le contexte du dépôt du rapport du SPVM sur le
profilage racial, on ne devrait pas aller dans ce sens-là. On devrait
être en train d'aller dans le sens inverse. Et, dans une espèce de coïncidence
absolument exceptionnelle, hier, même la ville de Montréal a interpelé les élus
québécois à ce sujet-là, au sujet des interpellations
policières sans fondement, en disant justement qu'il fallait faire quelque
chose sur la question, et nous sommes en train d'étudier un projet de
loi qui pourrait aggraver le problème.
Donc, vous
comprendrez, M. le Président, que, pour nous, ce n'est pas... c'est n'est tout
simplement pas envisageable, là, d'adopter
le projet de loi tel qu'il est et de ne pas l'amender sur cette question-là
parce qu'en permettant d'exiger sans motif raisonnable une pièce
d'identité ce qu'on fait indirectement, c'est créer une infraction du simple fait de ne pas avoir de pièce d'identité. J'ai
bien entendu la ministre dire que ce n'était pas son intention, je le crois.
Par contre, c'est l'effet de la disposition qui est dans le projet de
loi. Ça va créer par la bande, indirectement, une infraction du simple fait de ne pas avoir de pièce d'identité
puisque le projet de loi le dit clairement : Si on refuse ou on n'est pas
en mesure de donner une pièce
d'identité, ça devient possible, pour un policier, d'arrêter sans mandat. Donc,
c'est la création, par la bande, d'une infraction pour ne pas avoir de carte
d'identité. Or, dans une société de droit, dans une société de type
libéral, on ne devrait pas exiger des gens qu'ils aient une pièce d'identité en
tout temps.
Et je me permettrais
un commentaire éditorial, M. le Président. Les régimes politiques qui,
historiquement, ont exigé que les gens aient
des cartes d'identité en tout temps, ce n'étaient pas des régimes politiques
libéraux, ce n'étaient pas des régimes politiques démocratiques. Et ça, ce
n'est pas un détail et ce n'est pas une technicalité. C'est un enjeu de
principe pour nous, et on va travailler très
fort, je vous le dis d'emblée, à convaincre la ministre qu'il faut revoir cette
disposition-là.
Puis,
pour illustrer pourquoi, j'ai envie d'utiliser un exemple tiré de l'actualité
récente, un article qui est paru le 17 novembre
dernier, un Montréalais d'origine haïtienne qui poursuit la ville de Montréal
parce qu'il estime d'avoir été victime de profilage racial de la part d'un
policier qui s'était montré très insistant pour que le monsieur lui montre une
carte d'identité suite à une infraction
banale... bien, banale, une infraction au Code de la route, là. Il n'avait pas
respecté une signalisation piétonne.
Toutes les infractions sont des infractions, mais ce n'était pas une infraction
criminelle, personne n'a été blessé. Le policier avait demandé une pièce
d'identité, le ton est monté, et le Montréalais, donc, en question, qui était un gardien de sécurité au cégep
Ahuntsic, bien, porte maintenant plainte, donc, et poursuit la ville pour
15 000 $ en dommages moraux et 3 000 $ en dommages
punitifs.
Et
cet exemple-là, donc, on a un agent de sécurité qui reçoit un constat
d'infraction parce qu'il a traversé la rue à un autre endroit qu'au passage piéton, ce qui est certes une infraction,
mais une infraction, disons, fréquente et qui ne... comment dire... qui ne blesse personne, on est dans une
infraction relativement banale, si vous me permettez l'expression. Donc, le
monsieur ne traverse pas la rue au passage
piéton, il est interpelé et il reçoit un constat d'infraction, le ton monte,
l'agent en... l'agent... bien, en fait, l'homme a refusé de donner une pièce
d'identité, comme c'est son droit à l'heure actuelle.
Une voix :
...
M. Nadeau-Dubois : En
fait, non, on me dit qu'il n'en avait pas sur lui, puisque ça peut arriver.
D'ailleurs, moi, M. le Président, si,
en ce moment, on m'en demandait une... En ce moment, je n'en ai pas sur moi.
Donc, c'est bien la preuve que ça peut arriver dans la vie.
Donc,
le monsieur, donc, n'avait pas sa pièce d'identité, l'agent est même allé
jusqu'à entrer dans le cégep pour interpeler le patron du gardien de
sécurité en question pour informer le patron de ce qui venait de se passer et
puis faire des réprimandes, on présume, là, sur le comportement de l'agent de
sécurité en question. Le patron n'était pas au cégep à ce moment-là. Il est revenu le lendemain, le même agent de police,
pour être sûr de bien parler au patron et dire que ça n'avait pas d'allure parce que son employé avait
été impoli. Bon, on comprendra que le monsieur en question, l'homme en question, le citoyen en question porte plainte,
maintenant, pour profilage racial. Et tout ça part d'où, M. le Président? Tout ça
part du fait que l'homme n'avait pas sur lui cette pièce d'identité.
Peut-être
que des collègues me diront : Oui, mais ça part, en fait, de l'infraction,
ça part, en fait, du fait qu'il a traversé la rue au mauvais endroit, certes, mais il n'avait pas de pièce
d'identité sur lui, et c'est pour ça que la situation a dégénéré dans son interaction avec le policier. Donc, ça,
c'est un exemple que je vous donne, M. le Président. Il y en
aurait beaucoup d'autres, mais
ce genre d'interaction là, entre des forces policières puis les citoyens,
citoyennes, surtout des gens issus des
minorités, c'est ce qui fait mal à la confiance entre les forces policières et
la population. Et donner un outil de plus qui, potentiellement, pourrait être utilisé dans des pratiques de profilage
social et racial, ce n'est pas la bonne voie, bien au contraire.
Je parlais de la
résolution de la ville de Montréal, hier, qui demandait la fin des
interpellations policières sans fondement.
Je parlais du rapport Viens, du rapport du SPVM. On ne peut pas aller dans
cette direction-là. Ce n'est juste pas possible. C'est très inquiétant.
On va travailler très fort pour convaincre la ministre de ça.
Je
voulais prendre le temps d'expliquer notre position. La ministre... Puis, en
fait, avant de passer à mon prochain sujet,
je veux quand même revenir sur une interaction que j'ai eue lors des
consultations avec le président du... bien, le directeur général du Service de police de la ville de
Québec, qui est aussi à la tête de l'association des directions de police au
Québec. Et j'ai demandé, donc, à cet
intervenant, je lui ai parlé des critiques que le Barreau faisait sur cette
disposition du projet de loi. J'ai demandé : Qu'est-ce que vous pensez de
ça? Puis, en fait, je lui ai posé une question très simple. J'ai dit :
Est-ce que, selon vous, ça existe, le
profilage social et le profilage racial dans les corps de police au Québec? Il
m'a donné une réponse longue et un
peu ambiguë. Je l'ai relancé. J'ai dit : Bien, vous savez que la ministre
de la Sécurité publique elle-même a reconnu que ça existait, et il y a même un groupe de travail sur la question. On
ne doit pas faire un groupe de travail sur un enjeu qui n'existe pas.
Et, dans une deuxième relance, donc, il ne m'a pas non plus répondu sur
l'existence ou pas de profilage social et racial au Québec.
J'ai
trouvé ça surprenant qu'on ne puisse pas admettre quelque chose d'aussi simple
et d'aussi documenté, que c'est une pratique qui existe. C'est un défi
pour les corps de police en Amérique du Nord en général. Ce n'est pas un procès
des policiers d'ici, c'est juste un défi des
corps policiers partout, notamment au Québec. Et l'intervenant en question, qui
est quand même à la tête de l'association
des directions de corps de police, n'a même pas été capable de me dire que ça
existait.
Je
l'ai relancé, je lui ai dit : Bien, qu'est-ce que vous répondez aux
critiques du Barreau, là, qui disent que, dans le projet de loi, il y a des dispositions qui vont
ajouter un outil potentiel de profilage social et racial? Et la réponse, M. le
Président, ne m'a pas rassuré. Il m'a
répondu, je paraphrase, là, qu'il était bien content du projet de loi parce que
ça allait rendre les interventions
policières plus rapides et plus efficaces. Ce n'est pas une réponse rassurante
quand la question est : Rassurez-nous,
quand, moi, ma question c'était... je demandais à être rassuré sur l'effet des
dispositions dans le projet de loi, et
la réponse a été : Ça va rendre les interventions policières plus rapides
et plus efficaces. Ce n'était pas du tout rassurant comme réponse. J'ai
relancé en disant : Bien là, vous ne me rassurez pas. Et la deuxième
réponse a été de me dire qu'il y avait des
mesures de déontologie possibles si jamais des gens se sentaient lésés. Donc,
on me disait : Après coup, si ça se passe mal, les gens ont des recours. Certes, mais l'idéal, ce serait
qu'on ne se rende pas là et l'idéal... en fait, pas l'idéal, mais ce qui serait raisonnable, c'est de ne pas
adopter la disposition du projet de loi qui va donner un outil de plus pour
aggraver le problème.
Donc,
je vous vois me faire signe, M. le Président. Je vais m'arrêter ici. J'aurai
d'autres remarques par la suite sur d'autres dispositions du projet de loi
parce qu'il y a aussi du bon dans ce projet de loi puis je m'en voudrais
beaucoup de ne pas le mentionner.
Mais ça fait le tour pour ce qui est de cette question spécifique des cartes
d'identité. Puis j'ai grand espoir de poursuivre les discussions avec la
ministre plus tard.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député.
Alors,
ceci dit, bien, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux
jusqu'après les affaires courantes. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
12 heures)
(Reprise à 15 h 37)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux. Bienvenue.
Lors de la suspension
de nos travaux cet avant-midi, le député de Gouin n'avait pas terminé ses
remarques préliminaires. M. le député, je
vous cède donc la parole pour une durée de 5 min 45 s. M. le
député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup. Je ne serai pas très long. Je pense que j'ai expliqué en détail plus
tôt aujourd'hui nos inquiétudes au sujet de la question des cartes d'identité,
cette disposition-là du projet de loi. Mais j'avais promis de dire également quelques mots sur
des aspects qui nous réjouissent puis je ne voudrais pas manquer à ma
parole.
Alors,
oui, bien sûr, un projet de loi qui va dans le bon sens sur le plan des mesures
d'adaptabilité. Ça va permettre de
déjudiciariser, espérons-le, des situations qui, en fait, n'auraient jamais dû
être judiciarisées. Ce n'est pas par le bâton de la loi qu'on sort les gens ni de la pauvreté, ni de la précarité, ni
de la marginalité. Donc, ça, c'est un projet de loi qui va dans le bon sens à ce niveau-là. C'est
d'ailleurs pour ça qu'on a voté en faveur du principe du projet de loi plus tôt
durant la session parlementaire.
Il
y a quand même néanmoins quelques éléments à regarder. Je vais notamment avoir
des questions... C'est parce que je
pense qu'il y a un dilemme... en tout cas, dilemme, il y a un équilibre à
trouver dans le projet de loi entre, oui, une préoccupation de
flexibilité pour les cours de justice, mais aussi il y a une préoccupation
d'équité puis d'une certaine uniformité. Il
va y avoir un équilibre à trouver entre ces deux principes-là. On va avoir des
questions sur le sujet, que ce soit
sur les infractions couvertes, que ce soit sur les... En fait, sur les
infractions, est-ce qu'il faut en instaurer un minimum? Est-ce qu'il
faut exclure certaines infractions? C'est des questions qu'on va avoir pour la
ministre.
Également, on pense à
des améliorations qui peuvent être apportées notamment sur les démarches qui
ont été effectuées antérieurement au programme. Un des intervenants en
commission parlementaire nous a sensibilisés à ça. On a trouvé ça bien intéressant. Et, bien sûr, il y a la question de
l'emprisonnement pour dettes qui découlent de constats d'infraction. Les représentations qui nous ont été
faites en commission parlementaire sont assez intéressantes puis assez convaincantes sur l'inutilité de ces mesures
d'emprisonnement là, et on aura certainement des questions et peut-être des
amendements sur le sujet.
Alors, je m'arrête
ici, et au plaisir de discuter des différents enjeux dans les prochains jours.
• (15 h 40) •
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Dans mon empressement d'entendre
le député de Gouin, j'ai oublié de vous rappeler le mandat de la commission.
Alors donc, je vous rappelle que la commission...
Une voix :
...
Le Président (M. Bachand) : Oui. Je vous rappelle que la commission
est réunie afin de poursuivre l'étude
détaillée du projet de loi n° 32, Loi visant principalement à
favoriser l'efficacité de la justice pénale et à établir les modalités
d'intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel.
Sur ce, je laisse la
parole à Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît. Merci.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, je suis heureuse à mon tour de faire mes remarques préliminaires à l'étape, donc, du début de l'étude détaillée du projet de loi n° 32, un projet
de loi très important
sur la voie de la déjudiciarisation et d'une offre élargie de solutions en
matière de justice pénale.
Je
veux, bien sûr, en profiter pour vous saluer, M. le Président, saluer la ministre, toute son équipe, mes collègues
de la partie ministérielle et mes collègues
porte-parole des oppositions en
matière de justice. Je suis désolée
de ne pas avoir été avec vous ce
matin, mais je vous ai suivis en partie à distance. Donc, j'ai pu constater la
pertinence de tous ces discours de remarques préliminaires. Donc, je suis heureuse de pouvoir prendre la
parole à mon tour. Je dis ça sans ironie. Il y avait des discours intéressants, beaucoup de points qui ont
été soulevés.
Donc,
je vais faire des remarques relativement brèves simplement pour dire que je pense qu'il va falloir apporter beaucoup de soins à l'étude de ce
projet de loi là qui embrasse quand même très large, parce qu'il se veut un
omnibus. Donc, il touche beaucoup de
sujets sur lesquels on ne pourra pas faire l'économie, quand même, d'une étude
approfondie, parce qu'il y a des enjeux très, très importants.
On
est ravis de voir, donc, toute la question des programmes d'adaptabilité qui
vont être prévus noir sur blanc dans le projet de loi, bien entendu. Je pense
que, de plus en plus, il faut être conscient que la justice n'apporte pas
toujours des réponses adéquates à des
problématiques sociales et qu'il faut, donc, faire un meilleur arrimage entre
des enjeux et des problèmes sociaux
qui ont des répercussions dans le milieu juridique et judiciaire, mais
justement il faut faire cet arrimage-là entre ces deux niveaux de
problèmes qui, parfois, nous amènent à ne pas apporter le bon remède ou, je
dirais, la bonne manière de s'occuper de ces problèmes-là.
Donc,
évidemment, on pense à toute la question de l'itinérance, des enjeux aussi de
santé mentale, de toxicomanie qui
font en sorte qu'il y a des gens qui se retrouvent avec beaucoup d'infractions
et qui se retrouvent devant les tribunaux, alors que ce n'est pas leur
place. Et je trouve ça important, avant d'aborder aussi la question spécifique
de la réponse judiciaire, de se questionner
aussi, comme société, sur tout le travail qu'on devrait faire en amont, en
prévention de ces problèmes sociaux là qui sont très importants.
Ce
matin, j'entendais encore, avec l'hiver hâtif, que des refuges débordent déjà
pour les personnes qui sont itinérantes. Il y a quelques années, j'ai eu la chance de piloter la première
politique nationale de lutte contre l'itinérance. Et il est important, une fois qu'on a des bonnes assises et une bonne
politique, d'avoir des plans d'action très concrets qui viennent apporter
des bonnes réponses. Et donc ces réponses-là sont multiples, mais un des
enjeux, bien sûr, c'est toute la question de la judiciarisation.
Et donc, au
moins, avec ce projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, le projet de loi
n° 32, on tente d'apporter des réponses,
et je pense qu'il faut, oui, amener ces réponses-là, mais il ne faut jamais
oublier que c'est en amont et en prévenant l'arrivée même de ces problèmes-là d'itinérance, de ces problèmes
sociaux là, de la judiciarisation aussi à l'origine de la remise des constats d'infraction. Il y a des
endroits, au Québec, où on essaie de plus en plus de s'éloigner même de
constats d'infraction
puis on essaie de travailler beaucoup plus dans une approche de proximité, avec
une police de proximité, pour essayer justement de ne pas judiciariser à
outrance.
Bref,
on comprend, quand même, qu'il va demeurer des enjeux et qu'il faut essayer
d'amener la réponse la plus adéquate possible. Et, à cet égard-là, on se
réjouit nous aussi de voir qu'on consacre ces programmes-là noir sur blanc
dans le projet de loi, mais il va falloir
s'assurer qu'on le fait le mieux possible, parce que, si c'est une avancée, et
je pense qu'on le reconnaît tous et toutes, il va falloir qu'il y ait
une préoccupation pour l'accessibilité à ces programmes-là.
Donc,
c'est une chose de permettre une grande marge de manoeuvre aux municipalités,
notamment aux villes, dans la mise en
place de ces programmes-là, mais c'en est une autre aussi de
partir de la perspective du contrevenant, entre guillemets, ou, enfin, de la personne qui pourrait bénéficier de ce programme-là,
et de se dire que, selon l'endroit géographique où elle se trouve au Québec,
elle pourra ou ne pourra pas bénéficier d'une approche judiciaire plus adaptée
à sa réalité.
C'est
certain qu'on est conscients, que le gros de ces problèmes-là peut se vivre davantage
en ville, en milieu très urbain, dans les grandes villes, mais il ne faut pas
minimiser la réalité aussi des petites villes, des régions plus éloignées.
Moi, je peux vous dire, à Joliette, qu'il y a
de ces enjeux-là, et on ne voudrait pas qu'il y ait des citoyens
qui puissent avoir accès à ces programmes-là et d'autres non juste de
par l'endroit où ils vivent, où on leur a remis un constat d'infraction. Donc, ça, je pense que c'est vraiment une
préoccupation qu'on doit conserver. Je pense que le gouvernement peut aussi
être un vrai leader, dans un partenariat avec les villes, avec les
municipalités, pour faire en sorte que ces programmes-là voient le jour de la meilleure des manières possibles et que
ces programmes-là sont les plus efficaces et les plus adaptés possible.
Alors, on va avoir
l'occasion d'y revenir. Je pense que ça va être une discussion très
intéressante comme c'est toujours intéressant quand on crée un peu des nouveaux
modèles de justice ou qu'on généralise des modèles de justice émergents. Alors, j'ai bien hâte qu'on puisse
entrer dans le vif de ce sujet-là. Donc, bien sûr, on est d'accord avec cette
idée-là, mais on pense qu'on doit
s'assurer de la plus grande accessibilité possible, et tout en gardant une
certaine forme, oui, de flexibilité.
Mais, en même temps, en partant du point de vue du citoyen, ça doit nous
encourager à aller plus loin. Aussi, des fois, le mieux peut devenir
l'ennemi du bien.
Donc,
il va falloir s'assurer que l'encadrement qu'on prévoit de ces programmes-là ne
fera pas en sorte qu'on pourrait se
retrouver, au bout du compte, avec des sentences plus sévères ou avec un nombre
d'heures, comme certains groupes nous l'ont dit, qui n'aurait pas de
limite par rapport à des travaux compensatoires qui connaissent une limite. Et
ce n'est pas parce qu'on devrait arriver,
donc, dans un programme plus formel, un programme d'adaptabilité, qu'on devrait
s'éloigner d'un plafond d'heures. Je
pense que c'est un véritable enjeu sur lequel il va falloir s'arrêter. Donc,
bien sûr, tout cela est très positif, mais le diable se cache souvent
dans les détails. Donc, on va avoir beaucoup de questions.
Deux autres éléments
sur lesquels je veux dire quelques mots en remarques préliminaires.
Bien
sûr, tout le volet de l'aide juridique, les mots ont un poids, ont une
importance. Donc, j'ai entendu ce matin que la ministre se disait ouverte à
apporter certains amendements. J'espère qu'un de ces amendements-là va être de
ne pas changer le vocabulaire néfaste, grave, de... Quand on part de
l'idée que le législateur ne parle pas pour ne rien dire, bien, évidemment, quand on change des mots, c'est
que ça doit avoir une portée. Et je dois vous dire que, comme plusieurs intervenants qui sont venus, on ne comprend pas la
portée, ce qui est recherché par le changement de ce vocabulaire-là en
lien avec l'aide juridique.
Même chose, comme le
souligne la commission des droits de la personne, qui a déposé son mémoire ce
matin, dont on a reçu le mémoire ce matin,
je pense qu'il va falloir aussi s'assurer qu'il n'y aura pas de restrictions
dans l'accès à l'aide juridique, à
des services qui sont présentement couverts et qui ne le seraient plus. Il faut
aussi se questionner si on ne doit
pas élargir pour pouvoir mieux accompagner, avec l'aide juridique, des
personnes qui vont éventuellement pouvoir bénéficier des programmes
d'adaptabilité. Donc, il va y avoir aussi un bon débat à faire à cet égard-là
pour s'assurer que l'aide juridique
ne va pas être restreinte et que l'accès à l'aide juridique, pour lequel on se
bat tellement, ne va pas être restreint de par des modifications qui
sont apportées par le projet de loi.
Et,
bien sûr, en terminant, il y a toute la question du volet des droits
fondamentaux. Il y a des enjeux très, très sérieux. Encore une fois, on se questionne sur les
intentions de la ministre, du gouvernement, notamment sur le fait de créer une
infraction lorsqu'une personne n'aurait pas
sur elle une carte d'identité. C'est très inquiétant d'un point de vue de
profilage social et racial. Le
Barreau du Québec, notamment, l'a fait ressortir, plusieurs autres groupes
qu'on a eu la chance d'entendre. Je pense qu'on ne peut pas prendre ces
éléments-là à la légère. Je m'explique mal le fondement de cette volonté-là.
Donc,
j'imagine que la ministre va nous éclairer. Mais je pense qu'on ne peut pas
avoir en tête qu'une question de pouvoirs
accrus des forces policières au nom
de l'efficacité parce qu'on risque de se retrouver avec des problèmes beaucoup plus
grands sur les bras que ceux que, peut-être, je présume, on souhaiterait éviter. Donc, ça,
c'est une très grande préoccupation
qui nous habite.
Donc,
je vous remercie de votre attention, M.
le Président, puis j'offre toute
notre collaboration à la ministre. Notre objectif, c'est qu'à travers ce projet de loi là on en arrive à faire de réelles avancées, pour les personnes qui
doivent être directement concernées, pour l'efficacité de notre justice
pénale, mais aussi pour l'équité de notre justice pénale. Et on est tous conscients de l'électrochoc que l'arrêt
Jordan a créé dans notre système de justice, et je pense qu'il y a du positif
dans le sens où ça force à l'action,
mais encore faut-il que ça nous force à poser les bons gestes et les bonnes
actions. Merci beaucoup.
• (15 h 50) •
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Alors, M. le député de Jacques-Cartier, s'il vous plaît.
M. Gregory Kelley
M. Kelley : Merci
beaucoup, M. le Président. Je veux juste ajouter des commentaires... parce que
je suis pas mal d'accord avec tous les propos de mes collègues de l'opposition
ici. Je pense qu'il y a des éléments dans le projet de loi qui sont très
intéressants, des avances pour la société.
Je
pense vraiment... de la question d'encadrer les systèmes informatiques. Je me
souviens... Et je sais que, Mme la ministre, vous avez participé à des sessions à The Lord
Reading Society à Montréal. Et, je me souviens, une fois, quand c'était le vice-président d'Air Canada... a
présenté, sur l'intelligence artificielle qui est utilisée présentement par Air Canada... il a
dit : Il y a peut-être des façons d'appliquer ça au système de justice pour
être plus efficace... de peut-être
réduire les coûts pour les personnes,
d'ajouter un plus grand accès à la justice, et c'était très, très
intéressant. Certains
avocats dans la salle ont eu une
certaine crainte que, peut-être, ça va réduire leur nombre d'heures qu'ils
peuvent facturer le client, et tout ça, mais, quand même, beaucoup de
personnes ont dit : Oui, c'est une avance, c'est sûr.
Mais,
jeudi dernier, l'ancien président des États-Unis, Barack Obama, était à
Montréal, puis c'était intéressant, parce qu'il n'a parlé pas nécessairement de l'intelligence artificielle dans
le système de justice, mais juste une mise en garde en général, que c'est important pour les
gouvernements de commencer de regarder la question, et on est un petit peu en
arrière, l'encadrement de tout ça. Alors, quand même, je pense, c'est un
gain, pour nous, qu'on est ici aujourd'hui... de regarder comment on peut améliorer le système, mais aussi
encadrer ça correctement. Je pense, ça, c'est très important pour le Québec
et pour notre société. Je pense que tout le monde a pas mal...
Et
je veux juste continuer un petit peu sur la thématique de l'accès à la justice,
parce que, je pense, tout le monde, à un
certain moment dans leur vie, va probablement utiliser le système de justice.
Quand même, le processus de mariage, c'est géré par le ministère de la Justice. Alors, on regarde, dans notre vie
quotidienne, on est touchés par le système de justice. Quand même, si
c'est une infraction de stationnement, il y a une chicane, des fois, avec une
ville, n'importe quoi, ça, peut-être, peut prendre un avocat, puis accès à la
cour, et tout ça.
Alors,
c'est juste important de toujours rappeler que c'est quelque chose qui est
utilisé par beaucoup de Québécois, mais ce n'est pas nécessairement un système
qui est toujours accessible ou une accessibilité vraiment universelle. 55 %
des Québécois qui sont... poursuites ou
partie d'un... poursuivis ou... une poursuite civile sont... bien, ils décident
d'autoreprésente, une majorité de ces personnes-là, à cause du fait que
ça coûte trop d'argent d'avoir un avocat.
Et
c'est vrai, parce que je peux juste penser, quand même, d'un ami qui a acheté
une maison. Deux ans après ça, il a reçu une offre d'une entreprise à
l'extérieur pour travailler avec un contrat d'un an. Il a décidé de louer sa
maison à quelqu'un. Grosso modo, c'était une
mauvaise expérience. La personne a arrêté de payer son loyer chaque mois. Il a
aussi commencé de faire vraiment des dommages à la maison.
Mais,
tout ça, de forcer cette personne-là de payer pour des rénovations, de repayer
tout le loyer, là, c'était tout un processus. Et, pour un jeune homme qui a eu
un bon emploi, mais, quand même, ce n'était pas une personne qui était partie de la classe riche... Ça a coûté beaucoup
d'argent pour une jeune personne. Et ça, c'est quelqu'un qui a un emploi,
comme je dis, qui était vraiment, je dis,
dans la classe moyenne, un bon emploi, un bon avenir, mais il y a beaucoup des
personnes de notre société qui n'ont pas ces moyens-là.
Alors, je pense,
c'est important qu'on continue de discuter l'enjeu de l'accessibilité à la
justice partout sur le territoire du Québec. Et je
pense qu'on a vraiment
une opportunité ici, avec le projet
de loi n° 32,
de regarder le rapport de la commission
Viens pour s'assurer que, oui, on... J'ai lu, dans les notes — je
n'étais pas ici pour les audiences
publiques, les consultations
publiques, je sais que le député d'Ungava a beaucoup d'expérience dans ces
questions-là — qu'on va
ajouter deux juges pour le Grand Nord.
Ça, c'est sûr que ça, c'est un ajout, pour le Grand Nord, pour les peuples
autochtones. Mais, dans le rapport de
la commission Viens, il y a beaucoup des éléments qui parlent de la
réalité autochtone puis comment on peut s'assurer que le système est
mieux encadré pour eux autres aussi.
Je
regarde la réalité dans le Grand Nord. Est-ce que c'est important de
s'assurer que les juges qu'on va ajouter ne vont avoir pas juste une connaissance des enjeux puis les réalités dans
le Grand Nord, mais peut-être aussi sont des personnes qui viennent de la... qui ont été autochtones
quand même? Est-ce que c'est une opportunité pour le Québec de faire une
avance pour les peuples autochtones du Québec? Est-ce que c'est aussi une
occasion de poser des questions? Ajouter deux
juges, c'est excellent, mais, pour le Nord et pour nos peuples autochtones,
est-ce que, maintenant, c'est peut-être le moment de regarder si c'est nécessaire d'ajouter plus de juges? Je pense
qu'on a une opportunité aujourd'hui de vraiment... pas juste aujourd'hui, mais dans les semaines...
d'avoir une excellente discussion sur comment on peut rendre la justice plus
accessible pour les peuples autochtones et
les personnes plus vulnérables dans notre société, parce que c'est la réalité
sur le terrain.
Et, quand même, à
Montréal, je sais que certains de mes collègues de l'autre côté, de
l'opposition, ont été bien impliqués dans le
dossier de Cabot Square. Or, quelqu'un qui habile le centre-ville de
Montréal, qui utilise la station de métro
d'Atwater souvent, la situation à Cabot Square, c'est... Il y a beaucoup
de personnes dans des situations très difficiles. Je suis très content
qu'on aura à faire une annonce importante avec la ville de Montréal là-dessus.
Mais,
quand même, juste pour les personnes qui sont là, il y a beaucoup des
étudiants, il y a beaucoup des jeunes familles,
il y a beaucoup des personnes qui circulent à la station de métro d'Atwater. Ce
n'est pas toujours évident pour les
forces policières sur le terrain. Mais, quand même, je sais qu'il y a beaucoup
de travail qui a été fait. Mais, quand on regarde la surarrestation, je
comprends que, des fois, les policiers sont dans une situation difficile, mais
en même temps il faut avoir des politiques en place pour aider les
personnes qui sont dans une situation... qui rentrent dans la ville, des peuples autochtones. C'est des personnes inuites.
Il faut s'assurer que les policiers sont bien encadrés, mais aussi que ces
personnes-là, dans cette situation, sont bien entourées aussi.
Alors, comme je dis,
je pense qu'on a beaucoup... Il y a vraiment une opportunité de parler de ces
enjeux très importants pour notre société. Alors, c'est tout pour moi, M. le
Président. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de
Jacques-Cartier. M. le député de Pontiac, s'il vous plaît.
M. André
Fortin
M. Fortin :
Bonjour. Bonjour à vous, M. le Président. Merci de m'accueillir à la Commission
des institutions. Honnêtement, je pense que
c'est la première fois que j'y siège en cinq ans, mais je devrais le faire plus
souvent, parce que c'est intéressant, ce qu'on étudie ici. Je salue mes
collègues, bien évidemment, l'ensemble des collègues qui sont ici. Je leur reconnais une certaine expertise. Je vois
des anciens policiers. J'entendais le député de Chomedey ce matin également,
ses remarques d'ouverture qui reflètent bien
une certaine vision du système de justice, une certaine expérience, une
certaine proximité au système de justice.
Je vous fais une
autre confidence, M. le Président. Je n'ai jamais mis les pieds dans une cour
du Québec dans l'ensemble des palais de
justice du Québec; dans les palais de justice, oui, mais, dans la salle, pour y
être comme défendant, pour y être, en fait, d'un côté ou de l'autre, je
n'ai jamais eu cette, disons, opportunité. Parce qu'on en parlait comme service public, la justice, tantôt, mais je pense
qu'il y a beaucoup de monde qui aimerait se passer de cette opportunité-là,
dans la vie, de se présenter en cour. Alors,
souvent, le plus loin on peut le tenir, le système de justice, ce n'est pas toujours une mauvaise
chose dans la tête des gens, et je peux les comprendre jusqu'à un certain
point.
• (16 heures) •
D'entrée
de jeu, par exemple, je veux dire... M. le Président, je tiens à saluer notre
ancienne collègue, Stéphanie Vallée, parce que, quand j'ai commencé à
regarder le projet de loi, je me suis rendu aux notes explicatives et je me
disais : Mon Dieu! Il me semble qu'il y a
des choses que je reconnais là-dedans. Il me
semble qu'il y a des... même des mots
qui ressemblaient beaucoup à ce qu'il y avait dans le projet de loi
n° 168.
Quand
je regarde, le projet de loi vise à : «...introduire le mandat d'entrée,
lequel permettra à celui qui est chargé de l'exécution du mandat d'amener, d'emprisonnement ou d'arrestation de
pénétrer dans une maison d'habitation pour procéder à une arrestation.»
Je suis pas mal sûr que c'était dans le projet de loi n° 168, qui avait
été présenté en 2017.
Quand
je regarde la question de la justice communautaire ou du programme
d'adaptabilité, de prévoir des mesures qui permettent de tenir compte de la situation
sociale de certains défendeurs, notamment pour favoriser leur réhabilitation, je me
souviens que c'était dans le texte du projet de loi n° 168, qui avait été
déposé par ma collègue à l'époque.
Alors, il y a beaucoup
de choses qui se ressemblent dans le projet de loi. Il y a des choses qui n'y
sont pas, cependant. Et ça, je sais que le Barreau du Québec était venu le dire lors des consultations
particulières, qu'il était déçu de
voir qu'il n'y avait pas beaucoup de mesures en matière civile, contrairement
au projet de loi n° 168, qui, lui, en avait davantage à l'époque. Alors, je profite de l'occasion pour saluer
Mme Vallée, qui, je l'espère, je l'espère, suivra l'évolution de
nos travaux.
Le
député de LaFontaine, dans ses remarques d'ouverture un peu plus tôt, y a fait
référence, quand on a étudié le projet de loi sur le cannabis... et je
sais que certains collègues étaient là. Je pense au député de Nicolet, je ne
sais pas s'il était là à ce moment-là. Le
député de Chapleau y était. Le député de Vachon y était aussi. Et ma collègue
de Marguerite-Bourgeoys y était, que
je suis très heureux de retrouver aujourd'hui. Et son intervention, un peu plus
tôt, m'a rappelé à quel point elle nous a manqué au cours des dernières
semaines, alors qu'elle participait à la commission Laurent. En fait, je ne devrais pas dire la commission
Laurent, parce que je trouve ça un peu réducteur pour les autres membres de la
commission qui siègent sur cette question importante qui est la direction de la
protection de la jeunesse.
Mais
j'étais content de la retrouver, puis elle a participé, avec d'autres membres,
aux travaux de la Commission de la santé et des services sociaux sur le projet
de loi cannabis. Et on avait passé beaucoup de temps à ce moment-là à débattre,
et «débattre», ce n'est peut-être pas
le bon mot, mais à vouloir comprendre ce que le ministre délégué à la Santé
avait en tête quand lui-même nous
parlait de ce concept-là de justice communautaire. Et on est passés à... Disons
que le ministre a commencé en étant
plutôt volubile, en tentant de nous expliquer où il voulait en venir, et qu'à
la fin on l'était un peu moins. Et on
disait : Bien, attendez, la ministre de la Justice va nous préciser ce qui
s'en vient, elle a quelque chose qu'elle va déposer, on va pouvoir
savoir le portrait global.
Alors
là, aujourd'hui, on a une meilleure idée, on a une meilleure idée d'où le
gouvernement veut aller avec ces choses-là,
parce qu'à ce moment-là, M. le Président, ce n'était vraiment pas clair. On
nous avait dit, par la voix du ministre délégué à la Santé, qu'un policier
pourrait décider, en regardant une personne, si cette personne-là méritait un
ticket ou non, si le ticket devrait
être diminué. Et on parlait à ce moment-là de la nouvelle amende de 100 $
pour possession de cannabis pour les 18-21 ans.
Et on nous avait
parlé du concept de justice communautaire, mais la façon que c'était expliqué,
ça nous était apparu, à l'époque, plutôt
brouillon, plutôt mal ficelé, plutôt mal réfléchi. Alors, je pense qu'il y a
beaucoup de gens qui vont vouloir
comprendre les détails de la chose. Et je pense que ce sera fort probablement
une des parties importantes de toute l'étude qui suivra nos remarques
d'introduction.
Évidemment, on va
avoir des questions très pointues sur certains enjeux. Et j'entendais le député
de Gouin, plus tôt, y faire référence, et il
avait raison de le faire, toute la question de l'article 19.
L'article 19, M. le Président, du projet de loi fait en sorte qu'un policier qui a raison de croire qu'il y
aurait infraction pourrait demander, pourrait exiger une pièce d'identification. Et le député de Gouin a fait, un
peu plus tôt dans son allocution, référence à un cas bien particulier d'une
personne qui avait traversé la rue peut-être
pas au bon endroit, disons, au bon moment, au bon endroit, et le policier lui
avait exigé une pièce d'identification. Mais l'exemple, aussi valide soit-il,
ce n'est pas le cas qui est nécessairement problématique.
C'est un des cas qui peut être problématique, mais on peut aller plus loin que
ça, le policier peut aller plus loin
que ça. Dans ce cas-là, le policier, fort probablement, a vu de ses yeux la
personne commettre une infraction. Il était pas mal certain qu'il avait commis une infraction. Il l'a vu traverser
la rue au mauvais endroit, et je ne pense pas que ça ait même été remis
en question par le garde de sécurité à ce moment-là.
Mais ce que
l'article 19 vient dire essentiellement, c'est que, si le policier croit,
ou suspecte, ou pense qu'il y aurait infraction, a raison de croire qu'il y
aurait infraction, pas quand c'est un cas évident, documenté, quand il y a
infraction, mais
quand on pense qu'il pourrait y avoir infraction, quand un policier vous voit
d'un côté de la rue et dit : Bien, comment vous vous êtes rendu là?, je pense que vous avez traversé au mauvais
endroit, là, il peut vous demander une pièce d'identification. Alors, on est très loin, très loin de ce qui
est le cas en ce moment. On est très loin de traiter les gens de façon
équitable, disons, parce que quand on parle de toute la question du profilage,
quand on parle de toute la question... et je
ne prête aucune mauvaise intention aux policiers de façon générale, mais quand
on parle de profilage, quand on parle de mesures qui font en sorte que
certaines tranches de la population plus vulnérables peuvent être éprouvées de
façon disproportionnée, bien, en voilà une.
Ce n'est pas
pour rien, et la députée de Marguerite-Bourgeoys y a fait référence en long
puis en large, à la question de
l'itinérance, mais ce n'est pas pour rien que les itinérants, au Québec,
reçoivent beaucoup plus de constats pour avoir traversé une rue au mauvais endroit, ce qu'on appelle, je n'ai pas
trouvé de terme en français pour ça, là, mais le fameux «jaywalking», là, ils traversent... reçoivent
beaucoup plus de constats, ils sont plus propices à ça, ils sont plus
vulnérables à se trouver dans cette
situation-là. Et il ne faudrait surtout pas, pour un projet de loi qui met de
l'avant, et il y a des bonnes choses dans le projet de loi, là, mais qui
met de l'avant un concept de justice communautaire... Quand la ministre de la Justice nous dit, elle-même, qu'une des choses
qu'elle veut, c'est mettre fin au phénomène des portes tournantes, bien,
les portes tournantes, c'est quand on fait référence à l'itinérance, souvent,
le concept des portes tournantes en justice, c'est
à eux qu'on fait référence, les gens qui sont incapables de payer leur amende
puis les gens qui reviennent constamment dans le système, qui reviennent constamment en cour, que les amendes
s'accumulent, les pénalités sont de plus en plus sévères.
Alors, pour
un projet de loi qui devrait vouloir mieux traiter ces gens-là, s'assurer
qu'ils sont respectés davantage, bien,
malheureusement, il y a des mesures comme celle-là, comme l'article 19.
Les itinérants, souvent, n'ont pas de pièce d'identité sur eux. Les itinérants, souvent, se retrouvent dans une
position plus vulnérable où ils peuvent recevoir des constats que vous, moi et
quelqu'un d'autre ne recevrait peut-être pas, M. le Président. Le projet de loi
se doit de corriger certains des articles qu'il avance.
M. le
Président, je ne sais pas si vous avez vu ce matin, mais, ce matin, il y avait
un article de La Presse pendant qu'on siégeait, pendant que je regardais
les remarques que je pourrais utiliser en après-midi, que j'étais en train
de me préparer, que j'écoutais, en même temps, le plaidoyer du député de LaFontaine,
il y a un article qui a dit qu'un jeune sur
cinq, un jeune sur cinq, connaît un épisode d'itinérance après la fin de sa
prise en charge à la DPJ. Un jeune sur cinq. Alors, si on a un projet de
loi qui, malheureusement, et je pense que ça va contre les intentions du
gouvernement, je ne crois pas que c'était ce
qu'il voulait faire, mais si on a un projet de loi qui, malheureusement, peut
faire en sorte de cibler ou, disons, de mener à ce que des itinérants soient en
position encore plus vulnérable face au système de justice et qu'on sait que,
peut-être, ces gens-là se retrouvent en situation d'itinérance parce qu'on n'en
a pas fait assez comme État, parce que, comme protection de la jeunesse,
on n'en a pas fait assez...
• (16 h 10) •
C'est
vraiment à nous, M. le Président, à corriger le projet de loi. Et je suis
content qu'il y a beaucoup d'amendements qui ont été présentés parce que les
groupes qui sont venus en commission parlementaire ont mené à ces amendements-là,
les commentaires qu'ils ont faits ont mené à
ces amendements-là. Et ça, c'est une très bonne chose que la ministre soit
ouverte à faire des amendements, à faire des changements, à faire des
modifications pour améliorer le projet de loi, mais on espère très sincèrement que cette question-là va être
adressée lors des travaux de la commission, parce que la question des portes
tournantes, effectivement, on doit s'y
attarder, on doit s'y attaquer, on doit en faire davantage et on doit s'inspirer de ce qui se fait de mieux,
un peu comme le programme IMPAC du Service
de police de la ville de Québec. Je
pense que c'est l'intention de tout le monde, je pense que c'est l'objectif du projet
de loi, mais il faut juste s'assurer
qu'on aille tous dans cette direction-là et que, pour certaines populations
qui sont les plus vulnérables, on ne prenne pas un pas de recul. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
S'il n'y a
pas d'autre intervention, nous sommes maintenant à l'étape des motions préliminaires. Y a-t-il
des motions préliminaires? Pas d'autre motion préliminaire.
Étude détaillée
Donc nous
allons prendre en considération maintenant l'article 1 du projet de loi. Oui, M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : ...préciser, à moins d'indication contraire,
donc, conformément à l'article 245 de notre règlement, nous
demanderons donc que nous procédions à article par article, alinéa par alinéa et
paragraphe par paragraphe.
Le
Président (M. Bachand) :
Parfait. C'est bien noté. Merci infiniment. Donc, Mme la ministre, la parole
est à vous, je vous laisse donc lire et expliquer l'article 1.
Mme LeBel : Ça ne change pas la
façon dont je fais la lecture, j'imagine.
Le Président (M.
Bachand) : Non, non, absolument pas.
Mme LeBel : Parfait. Merci. La
tête en bas ou... Bon, on commence. Merci, M. le Président.
Article 1 :
Le Code de procédure pénale (chapitre C-25.1) est modifié par l'insertion,
après l'article 2.1, du suivant :
«2.2. Dans l'application
du présent code, il y a lieu de privilégier l'utilisation de tout moyen
technologique approprié qui est disponible
tant pour les parties que pour le tribunal en tenant compte, pour ce dernier,
de l'environnement technologique qui soutient l'activité des tribunaux.
«Sous réserve de l'article 61, un juge peut
utiliser un tel moyen ou ordonner qu'il le soit par les parties, même d'office,
notamment dans la gestion de l'instance.»
Commentaire : L'article proposé est
similaire à l'article 26 du Code de procédure civile. Il marque
l'intégration des technologies de l'information à la procédure pénale.
L'utilisation de ces technologies peut permettre d'accroître l'efficacité de la justice, d'augmenter la qualité
des services offerts, de diminuer les délais ainsi que les coûts afférents. La
responsabilité du juge dans la gestion de
l'instance justifie le fait qu'il doit pouvoir ordonner l'utilisation de ces
techniques malgré un refus de l'une
ou des deux parties. Cependant, il doit agir dans les limites des technologies
qui sont disponibles, tant pour les
parties que pour le tribunal, compte tenu des contraintes d'utilisation, dont
les coûts qui leur sont associés. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Oui, merci,
M. le Président. Alors, je suis heureux que nous débutions donc, cet après-midi,
nos travaux. On débute nos travaux de façon plus formelle à l'article par
article cet après-midi, et j'ai dû mettre de côté, donc, mes requêtes
préliminaires qui étaient prêtes pour ce matin, mais que d'autres auraient
plaidées à ma place.
L'article 1,
des questions... Puis je salue, pour avoir déjà travaillé avec Mme la ministre,
puis les autres collègues également
en matière de justice... Je référerais au p.l. n° 6, p.l. n° 20 ce matin, puis on a
souvent des questions très, très pointues, et on veut faire un arrimage. Puis, quand on dit, dans un code
de procédure civile ou code de procédure pénale, que les termes doivent avoir un sens non équivoque, univoque et faire en
sorte qu'il y ait donc un seul terme pour une même réalité...
Premier
élément. Quand on fait le parallèle, et il est exact, entre le nouvel
article 2.1 qui est proposé, dont l'insertion est proposée ici, on fait le parallèle avec
l'article 26 du Code de procédure civile, l'article 26 du Code de
procédure civile, dans son premier
alinéa, est, à toutes fins pratiques, copié-collé avec le premier alinéa du 2.2
proposé. Quand on regarde le deuxième
alinéa de l'article 26 du Code de procédure civile, on constate une
uniformité de termes que l'on ne retrouve pas dans le 2.2. Je
m'explique.
Ce
n'est pas moi qui vais apprendre à la ministre que, dans les codes de
procédure, les définitions changent. Lorsque vous parlez d'un juge ou du tribunal, les
définitions, les compréhensions vont souvent changer, et ce sera en lien avec
les compétences, ce que peut faire un
juge. Je me rappelle, moi... Mme la ministre est davantage du point de vue
pénal, moi, je suis davantage du
point de vue civil, mais là-dessus il y a une similitude, là : la
compétence du juge dans son bureau, la compétence
du juge en chambre d'audience, la compétence du juge en procès, compétence du
tribunal également. Il y a, dans
l'article 26 du Code de procédure civile, une compétence qui est donnée,
un moyen qui peut être ordonné ou permis par le tribunal dans le premier
alinéa et par le tribunal dans le deuxième alinéa. Or, l'analogie cesse
lorsqu'on regarde le 2.2. Dans le 26 du Code
de procédure civile, on dit «le tribunal peut» puis, dans le 2.1, «le tribunal
peut». Dans le 2.2, on dit «le
tribunal en tenant compte,
[...]de l'environnement» approprié qui est disponible tant pour les parties que
pour le tribunal, «en tenant compte».
Donc, il y a moyen d'utiliser tout moyen technologique, mais, dans le 2.2, on
dit «un juge peut utiliser un tel
moyen ou ordonner qu'il le soit par les parties», alors que, selon moi, c'est
un questionnement, puis la ministre pourra me détromper, n'aurait-on pas dû lire «le
tribunal peut utiliser un tel moyen ou ordonner qu'il le soit par les
parties»?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel : Dans presque... je ne dirais pas l'entièreté,
parce que, quand on fait des englobants comme ça, des fois on se trompe,
mais partout dans le Code de procédure pénale, on emploie le mot «juge», dans
le Code de procédure civile, on emploie le mot «tribunal» de façon générale. Comme
vous l'avez bien noté, on n'introduit pas ici une mesure qui n'a pas déjà été testée devant les tribunaux.
Je pense que la mesure du Code de
procédure civile, si je ne me trompe
pas, date de 2014, donc elle a déjà
été testée et élaborée devant les tribunaux. À travers le Code de procédure civile, on emploie beaucoup plus le mot
«tribunal». À travers le Code de procédure pénale, on emploie le mot «juge».
Dans le
premier alinéa de 2.2, naturellement, on dit que «tant pour les parties que pour le
tribunal» parce que, là, on ne parle pas du juge lui-même,
on parle de l'environnement dans lequel... le tribunal au sens plus large,
dans lequel les parties devront évoluer.
Je pense que ce qui est très important de comprendre, parce que les commentaires qui ont été faits en consultations
particulières étaient la crainte qu'on force des parties à utiliser des
technologies qu'elles n'avaient pas à leur disposition ou que l'on force peut-être des... que certains juges
forcent des municipalités à se prévaloir d'un environnement technologique.
Ce qu'il est important de dire, c'est «qui est disponible — hein,
donc — tant
pour les parties que pour le tribunal», et c'est
important de le dire également, parce que
l'article 29 de la loi, qui concerne le cadre
juridique des technologies de l'information, prévoit qu'on ne peut pas
exiger de quelqu'un qu'il se procure une technologie.
Donc, ce que
j'essaie d'expliquer par là, c'est que, si les parties n'ont pas de façon personnelle
cette technologie-là de disponible, le juge ne peut pas
forcer l'utilisation d'une technologie qui n'est pas disponible.
Je prends un
peu les devants sur certaines de vos remarques, cher collègue, mais je suis
convaincue, parce que ça faisait
partie de ce qu'on appelait... il y avait d'autres éléments, mais la fameuse
possibilité de fracture technologique, là. Mais je veux que ça soit
clair qu'il faut que la technologie soit disponible avant l'ordonnance du juge,
si je peux m'exprimer ainsi.
Si
vous n'êtes pas assez... ma réponse n'est peut-être pas assez technique à votre
goût. Je peux peut-être passer la parole au légiste qui s'est occupé de
cet article-là pour vous répondre de façon plus pointue, cher collègue.
M. Tanguay : Pas de
problème. Juste...
Le Président (M.
Bachand) : M. le député, oui, allez-y.
M. Tanguay :
...peut-être, avant de permettre... Donc, si je comprends bien qu'à
l'article 3 du Code de procédure pénale l'on définit la compétence
du juge, qui est en lien avec Cour du Québec, cours municipales, et leurs
compétences respectives prévues en vertu de la loi...
Si l'on dit
que, par cohérence interne au Code de procédure civile, qui est bien rédigé,
là, article 26 est bien rédigé, jusqu'à preuve du contraire, où on
dit c'est davantage, Code de procédure civile, «tribunal» qui est utilisé et
davantage, Code de procédure pénale, «juge»,
qui est utilisé, il y a une cohérence, donc, interne au Code de procédure
civile, à l'article 26, lorsqu'on dit «tribunal», «tribunal»,
n'aurions-nous pas dû lire «juge» et «juge» dans le Code de procédure pénale?
Et pourquoi?
Mme LeBel : Bien, parce qu'au
premier alinéa ce n'est pas qui est disponible pour le juge lui-même, c'est vraiment disponible pour le tribunal, qui implique
la greffière aussi puis l'environnement technologique dans lequel on évolue. Donc, «le tribunal», si je ne me trompe
pas, au premier alinéa, a le sens plus large de l'environnement, le lieu où on va procéder. Le tribunal peut aussi, comme vous le
savez, vous l'avez souligné, cher collègue, avoir le sens du juge lui-même
dans le Code de procédure civile. Dans le
premier alinéa, on va prendre l'environnement technologique du tribunal, et pas
celui du juge lui-même à titre d'individu.
M. Tanguay :
Vous comprenez, M. le Président, que ce qu'on fait là, c'est toujours important
parce qu'évidemment ça, c'est un terreau qui est une... quasi une chasse
gardée, sauf ceux qui se représentent seuls, des avocates et des
avocats, savoir le code de procédure, tantôt civile, tantôt pénale. Alors, ce
que nous disons, là, souvent est utilisé lors des débats d'interprétation : Qu'a voulu dire le
législateur? Alors, c'est pour ça que l'échange que l'on a ici est important.
Et, qui sait, peut-être qu'un jour,
s'il y a un débat de compétences, on pourra s'y référer, à ce que l'on dit.
Alors, ce qu'on fait là est important en termes de législateur.
Question,
donc, miroir, puis j'entends bien ce que dit Mme la ministre : Y a-t-il
eu, à sa connaissance... je sais qu'on n'amende
pas l'article 26 du Code de procédure civile, mais y a-t-il eu, à sa
connaissance, donc, pour le deuxième alinéa, auquel on fait référence,
de l'article 26 du Code de procédure civile, un débat juridictionnel?
Parce que,
vous me voyez venir, lorsqu'on est en matière civile, vous avez raison, il y a
le tribunal, il y a le juge dans son
bureau, il y a le juge lors de l'audition, au fond, il y a le... et il y avait
plusieurs compétences qui, tout dépendamment du chapeau que portait la
ou le juge, en découlaient.
Y a-t-il eu,
donc, en matière civile, des débats de compétence? Autrement dit, un juge dans
son bureau pouvait-il, parce que c'est marqué «tribunal», demander le
recours à un moyen technologique ou l'on pouvait plaider... bien, pas
compétence, parce que c'est le juge dans son bureau, or, 26 dit : C'est le
tribunal. Comprenez-vous? On peut peut-être demander au...
• (16 h 20) •
Le
Président (M. Bachand) :
Est-ce qu'il y a consentement pour que le légiste... Oui. Avant de débuter,
peut-être vous identifier, s'il vous plaît. Merci beaucoup.
M. Robitaille
(Jean-Félix) : Jean-Félix
Robitaille, du ministère de la Justice. Écoutez, je n'ai pas pu,
malheureusement, lire toutes les
décisions qui ont pu avoir lieu, là, en vertu de l'article 26 du Code de
procédure civile, mais celles que j'ai pu
lire, c'était vraiment... la demande avait été faite à un juge d'utiliser...
d'ordonner l'utilisation d'un moyen technologique, là, et donc je dirais
que, dans les cas que j'ai pu voir, il s'agissait d'un juge. Donc, voilà.
M. Tanguay : O.K. Alors, parfait. Il n'y a pas
de problème, puis on pourra clore le débat ici, M. le Président, juste pour que
l'on précise l'intention du législateur. Et je crois donc dénoter de cela, puis
tant mieux si c'est ça, puis on aura
eu l'avantage de le préciser, que, tel que nous devons interpréter... pas
l'article 26, parce que ce n'est pas l'objet du débat, le nouvel article 2.2, lorsque l'on
parle dans l'alinéa un du tribunal et, dans l'alinéa deux, le juge,
l'approche qui est l'intention du législateur est de dire : En somme, dans
tous les cas d'espèce où il y a audition, que ce soit techniquement sous
un chapeau, peut-être que l'analogie est imparfaite en matière civile, sous un
chapeau de juge en son bureau, de demande de
sauvegarde ou de toute procédure, ou à toute étape d'un dossier, ou dans tout
contexte de procédure, lorsque nous sommes devant un juge, nous pouvons
soulever et requérir un moyen technologique, et, bien plus important, le ou la juge peut proposer et requérir des moyens
technologiques et qu'en aucun cas une avocate ou un avocat ne serait justifié
de dire : Bien, vous n'avez pas compétence et d'ainsi initier un débat sur
les termes «juge» et «tribunaux».
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. Robitaille, peut-être rajouter.
M. Tanguay : C'est un
«call» qui est assez lourd.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre, ça convient?
M. Tanguay :
C'est l'intention du législateur?
Mme LeBel :
Bien, c'est l'intention de ne pas susciter de débat sur cette question, mais je
pense que, là, le coeur du débat
était en consultation, puis je vais y revenir, sur la disponibilité de la
technologie. Donc, il faut s'attendre que, pour ce faire, il faut que la technologie soit disponible déjà, donc on ne
peut pas forcer l'usage d'une technologie qui n'est pas disponible, je pense que c'est important de le
dire, parce que, quand on parlait de la fracture technologique, on n'était pas
sur la compétence, là, on était sur la disponibilité d'une telle technologie,
je veux que ce soit clair.
M. Tanguay : Juste pour...
c'est correct, mais que la ministre me gratifie d'aller au-delà et pas
uniquement de ce qui a été entendu en
consultation. Vous avez raison, inquiétez-vous pas, mon amendement est prêt
pour ce qui est venu nous dire les procureurs des cours municipales,
puis mon amendement est prêt pour ceux qui sont venus nous dire, de l'Association des juristes progressistes. Ça, je
les ai, elle a sûrement... il n'y a pas de problème. Mais je suis, à titre de
législateur, sur l'aspect... parce
que, là, juste pour le bénéfice de tout le monde autour de la table, un juge
peut ordonner qu'il le soit par les parties.
Alors, mon point et ma question à Mme la
ministre, puis c'est correct, on peut fermer la porte dès maintenant, il serait...
et c'est ce que je comprends, puis qu'elle me corrige si j'ai tort, sinon
qu'elle me dise oui, c'est ça qu'il faut comprendre, je comprends qu'en tout
cas d'espèce lorsqu'on est devant un juge ou une juge, peu importe qu'elle soit
dans son bureau, en audience, au fond d'un
procès, requête préliminaire, lorsqu'on est devant un juge, il ou elle a
compétence dans tous les cas d'espèce
pour ordonner que l'on utilise des moyens technologiques. Est-ce que j'ai
raison de croire ça?
Mme LeBel : C'est l'intention.
M. Tanguay : Parfait.
C'est ça qu'on veut avoir, M. le Président. Là, on vient de fermer une porte de
débat de compétence que peut-être des confrères, consoeurs auraient eu
intention de soulever.
M. le
Président, on parle «sous réserve de l'article 61» au deuxième alinéa,
«sous réserve de l'article 61», et, lorsqu'on va voir le Code de procédure civile, j'aimerais ça
qu'on nous donne plus ample explication... le Code de procédure pénale,
pardon, on dit «sous réserve ce l'article 61». En quoi était-il nécessaire
de soulever cette réserve de l'article 61?
Mme LeBel : Avec votre
permission.
Le Président (M.
Bachand) : Me Robitaille, oui.
M. Robitaille (Jean-Félix) :
Jean-Félix Robitaille, ministère de la Justice. L'idée étant de... comme 61 est
une disposition générale, on voulait s'assurer qu'il n'y ait pas de conflit potentiel entre les deux et de s'assurer que 61 puisse
garder tout son effet, là, dans l'esprit des praticiens. Et c'était ça... Là,
était l'intention.
M. Tanguay : Et à
l'intérieur de l'article... Je pense que vous aviez terminé.
Une voix : ...
M. Tanguay : À l'intérieur de l'article 61, c'est-à-dire à l'article 61, évidemment, on parle des règles de preuve en matière
criminelle, dont la Loi sur la preuve au Canada. On parle évidemment de
s'appliquer de façon à ce que les adaptations nécessaires soient tenues compte.
Donc, si je comprends bien, M. le Président, on ne voulait pas limiter d'aucune
façon les autres moyens d'utiliser des outils technologiques qui sont par
ailleurs prévus dans de telles lois, à l'article 61, sans plus, là, sans
plus.
M. Robitaille (Jean-Félix) :
Exact.
Mme LeBel : Mais...
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre, pardon.
Mme LeBel : Bien, l'objectif, dans
le fond, c'est de faire en sorte que, s'il y avait le conflit potentiel, qu'on n'envisage pas aujourd'hui, parce qu'on peut, hein... Vous savez,
le droit, c'est vivant, donc en 2.2, paragraphe... deuxième alinéa,
entre l'article 61 et ce qu'on édicte à
2.2, bien, c'est l'article 61 qui pourra... l'article 61 aura quand
même son plein effet et ne sera pas limité par l'article 2.2.
M. Tanguay :
Et ce qui est intéressant, M. le Président, quand on regarde... et j'ai eu le
bénéfice de me procurer le Code de
procédure pénale annoté, édition 2019, qui est préparé par... directeur...
DPCP, direction des poursuites criminelles et pénales. Et là c'est intéressant,
parce qu'on toute la jurisprudence et les références intéressantes.
De ce que,
donc, je comprends, c'est que 2.2 fait miroir à l'article 26 du Code de
procédure civile, mais, ce faisant, il
y avait déjà un corpus quand même assez étayé dans toutes les lois qui sont
mentionnées à l'article 61 et qui par ailleurs permettaient... donc, règles de preuve en matière
criminelle, Loi sur la preuve au Canada, Loi concernant le cadre juridique
des technologies de l'information, Code
criminel, et ainsi de suite. Dans ces mêmes lois-là, M. le Président,
ce n'est pas de
droit nouveau que vient créer 2.2, mais on vient en quelque sorte, oui, le
préciser dans le Code de procédure pénale, mais on voyait déjà, avec la jurisprudence à l'appui, que beaucoup de choses
se faisaient déjà en cette matière-là. Donc, je pense que c'était
l'objectif, de récupérer l'entièreté de ces possibilités-là, point
d'interrogation?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre, ça va?
Mme LeBel : Oui. Pas de
commentaire.
M. Tanguay : Oui, non?
Mme LeBel :
Bien, j'ai dit ce que... non, bien, j'ai dit ce que j'avais à dire. Donc,
c'était pour s'assurer que l'article 61, puis tout le corpus qui va
avec ça, ait son plein effet, là, il ne soit pas en conflit.
M. Tanguay :
L'article 61, M. le Président, fait référence, et dans sa jurisprudence,
fait directement référence à la Loi
concernant le cadre juridique des technologies de l'information. Et il y a même
de la jurisprudence à cet effet-là, une loi québécoise qui de mémoire a
été adoptée en 2001. Je crois que Mme la ministre a demandé... j'ai vu passer
un article... a demandé à un professeur de
droit de faire une analyse quant à l'à-propos, l'applicabilité de la Loi
concernant le cadre juridique des technologies de l'information.
J'aimerais savoir si sa réflexion est avancée là-dessus. Sinon, je vais sortir
le...
Mme LeBel : Je n'ai pas de
commentaire à ce sujet-là.
M. Tanguay : Pouvez-vous
confirmer que c'est le cas ou non? Vous ne le savez pas?
Mme LeBel : Honnêtement, là, si
je suis très honnête à ce moment-ci, je n'ai aucune idée à quoi vous faites référence. Peut-être que j'ai dit quelque chose
qui ressemble à ça, je ne le nie pas, là, mais ce n'est pas à ma mémoire, là.
M. Tanguay :
O.K., donc... O.K. Il n'y a pas de problème. Je vais faire sortir la référence.
Si tu peux faire la... Loi concernant le cadre juridique des
technologies de l'information, chapitre I.1, il n'y a pas, Mme la
ministre, une analyse présentement faite par un mandat donné... faite à un
professeur d'université?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel : Pardon,
excusez-moi, j'essayais de vérifier, effectivement si...
M. Tanguay : Est-ce
qu'on peut suspendre?
Mme LeBel : Oui, ce serait
apprécié.
Le Président (M.
Bachand) : On va suspendre quelques instants. Parfait, merci.
(Suspension de la séance à 16 h 29)
(Reprise à 16 h 34)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Oui, M.
le Président. Donc, le 3 juillet
2019, dans Droit-Inc, nous apprenions, Nouveau mandat du
ministère de la Justice pour un prof de l'UdM :
«Le
professeur de l'Université de Montréal
Vincent Gautrais, titulaire de la Chaire L.R. Wilson, est mandaté
par le ministère de la Justice du Québec pour évaluer si
la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, [...]C-1.1, est pleinement conforme à la réalité
du XXIe siècle. Cette loi a été adoptée par l'Assemblée nationale en 2001.
L'étude du professeur Gautrais évaluera si des pans de la réglementation
devraient être revus pour mieux refléter l'évolution
du secteur des technologies de l'information au XXIe siècle, qui est en
perpétuel changement.» Fin de la citation de l'article.
Donc,
il appert effectivement que ce n'est pas Mme la ministre qui l'a déclaré, mais c'est un mandat sous sa gouverne
au sein du ministère de la
Justice. Puis je lui
demanderais, s'il était possible pour elle, de nous donner, si ce n'est pas aujourd'hui,
ultérieurement, des précisions quant à ce mandat parce que vous comprendrez que, pour nous, on est en plein
au coeur de ce qui est discuté.
Puis pourquoi j'ai accroché là-dessus?
C'est que, dans le contexte de l'article 61 auquel fait référence le nouvel article 2.2, il y a de la jurisprudence qui cite, dans plusieurs cas d'application, ladite Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information. Et ça, si d'aventure le ministère de la Justice fait déjà une évaluation sur le bien-fondé ou
pas au XXIe siècle de cette loi-là, bien, ça pourrait, le cas échéant,
être pertinent, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme
la ministre.
Mme LeBel :
On y reviendra.
M. Tanguay : Parce que, M. le Président, je dois vous
dire que je pratiquais à l'époque, en 2001, quand cette loi-là est sortie, et, honnêtement, pour avoir pratiqué
jusqu'en 2007, même 2009, cette loi-là, et je le dis en tout respect, n'avait
pas d'application régulièrement dans nos cours de justice.
Lorsque
l'on parlait de l'intégrité des documents, sur quel support, sur quel outil technologique
pouvons-nous faire la preuve, jusqu'à
quel point pouvons-nous ou pas contester la validité en matière de preuve d'une
clé USB, d'un DVD, présomption
d'intégrité, et autres, cette loi-là
avait d'autres aspects. On est en plein dans le coeur de ce que l'on veut faire
ici par le Code de procédure pénale, qui
relève du droit québécois, et une loi québécoise qui est en plein sous ce
secteur-là.
Alors,
le cas échéant, si on confirme le mandat donné par le ministère de la Justice à
M. Gautrais, le cas échéant, il s'agirait
de savoir, M. le Président, via Mme la ministre de la Justice, l'échéancier, la
teneur du mandat, et donc avoir un peu plus de détails par rapport à
cela. C'est ce qui est demandé.
M.
le Président, il y avait effectivement, proposé par... Donc, je poursuis sur
l'article 2.1. Dans le mémoire et l'audition de l'Association des procureurs de cours
municipales du Québec, leur premier élément était de faire écho à une réalité
qu'en matière de technologie les cours municipales sont réellement
précurseurs en la matière. Cour municipale de Laval est un premier de classe parce qu'elle est déjà une cour sans papier. Et eux
disaient : Bien, il faut tenir compte du fait que ce ne sont pas
toutes les cours municipales qui sont au même niveau, bien évidemment, donc
voulaient introduire dans la rédaction de
l'article 1 qui introduirait le nouvel article 2.2, après «sous
réserve de l'article 61», d'ajouter les termes «et des limites des
moyens que la cour dispose», d'ajouter ces termes-là.
Alors,
ça, c'est la suggestion de l'Association des procureurs de cours municipales.
J'y fais écho. J'aimerais savoir : Comment la ministre de la
Justice reçoit-elle cette proposition?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Bien, on était très sensibles à cette préoccupation-là.
Toutefois, nous, on considère qu'à ce
stade-ci, puis j'ai eu l'occasion de le dire tantôt, d'entrée de jeu, que les
termes «de tout moyen technologique approprié
qui est disponible tant pour les parties que pour le tribunal» répondent à
cette préoccupation-là et que l'amendement n'est donc pas nécessaire, M.
le Président.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député.
M. Tanguay :
Ne croit-elle pas, «dans l'application du présent code — 2.2 — il y a lieu de privilégier l'utilisation
de tout moyen technologique approprié qui
est disponible tant pour les parties que pour le tribunal», qu'il y aurait
lieu, au deuxième alinéa, «sous réserve de l'article 61 et des limites des
moyens que la cour»... «des moyens dont la cour dispose» plutôt que «que la cour dispose», qu'il y aurait
lieu quand même, quand on dit, il va sans dire... mais, comme législateur,
que de le rajouter là, ce serait tout à fait
pertinent de le préciser? Parce que, dans la même phrase, on dit que le juge
peut l'ordonner.
Alors,
dans la phrase qui est le deuxième alinéa, «sous réserve de l'article 61,
un juge peut utiliser un tel moyen ou ordonner qu'il [...] soit par les
parties», il s'agit là d'un pouvoir qui est donné au juge de l'ordonner. Bien,
dans le contexte de ce pouvoir-là qui est
dévolu au juge de l'ordonner, qu'on dit au juge : Vous devez, par contre,
considérer les limites des moyens dont la cour dispose, qu'il y aurait lieu de
le préciser là parce que ça ne participe pas du même alinéa.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Bien, je pense qu'il est bon de réitérer, à ce stade-ci, M. le Président, que
l'article est similaire à l'article 26
du Code de procédure civile. On en a parlé tantôt. Ça ne pose pas de problème.
2014, le Code de procédure civile. Et
nous considérons, bien qu'on partage les préoccupations qui ont été soulevées
lors de la consultation particulière... on partage les préoccupations, mais on
considère que la rédaction telle que proposée, le juge peut l'ordonner, mais
dans les limites du moyen
technologique approprié qui est disponible tant pour les parties que pour le
tribunal. Alors, on considère que...
On partage les objectifs, on partage les préoccupations, mais on considère que
la rédaction, telle que proposée, rencontre ces objectifs-là.
M. Tanguay :
Moi, ça me va, M. le Président. Puis je ne déposerai pas l'amendement pour
qu'on puisse en débattre. Par contre,
j'aimerais que l'on puisse dire durant nos audiences, que ce soit donc consigné
dans les transcriptions de nos débats,
qu'il est de l'intention du législateur que le pouvoir octroyé au juge par le
deuxième alinéa du nouvel article 2.2 doit nécessairement tenir compte des
limites des moyens dont la cour dispose, doit donc s'exercer en ayant en tête
le premier alinéa qui y fait écho et que ça, ce soit très clair. Donc,
pour moi, ce serait important qu'on le dise à ce stade-ci, là.
Mme LeBel :
Donc, je peux confirmer que c'est l'intention du législateur que l'article se
lise dans son ensemble et qu'on tienne compte des moyens technologiques
appropriés qui sont disponibles pour les parties et pour le tribunal.
M.
Tanguay : M. le Président, nous avons aussi entendu
l'Association des juristes progressistes. Je ne sais pas s'il y a
d'autres collègues qui veulent s'inscrire dans le débat. Moi, je suis prêt à
leur laisser...
Le Président (M. Bachand) : Si quelqu'un
veut intervenir, juste à me faire signe. Ça va?
M. Tanguay :
Si vous avez des commentaires à l'article 1, peut-être?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Joliette, oui.
Mme Hivon :
Oui. Moi, je veux revenir plus sur le fondement de l'article. Donc, un des
changements... Évidemment, on
comprend que c'est le pendant de l'article du Code de procédure civile, mais,
en matière pénale, ça peut être plus lourd de conséquences parce qu'on est face à des contrevenants. Donc, on veut
s'assurer qu'ils ont le sentiment qu'ils reçoivent un procès juste et
équitable.
Donc,
ma question, c'est de savoir, lorsque... Peut-être que c'est là que s'en va mon
collègue aussi, là, mais, lorsqu'on parle
que le juge peut ordonner, même d'office, l'utilisation d'un tel moyen
technologique, on va le voir plus loin, on va le voir notamment à l'article 25 pour la visioconférence, mais ça veut
dire que, par rapport à la situation actuelle, le juge va avoir des pouvoirs
plus importants de, par exemple, ordonner qu'un contrevenant puisse comparaître
par visioconférence, alors que, dans
l'état actuel des choses, il pourrait exiger que ça se fasse en personne.
J'aimerais juste ça, que la ministre nous explique l'objectif sur le fond des choses, qu'il puisse y avoir
vraiment une ordonnance et que d'office le juge puisse forcer les parties à utiliser les moyens technologiques,
par rapport à la situation actuelle, du point de vue du contrevenant, de
l'accusé, du respect de ses droits.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre.
Mme LeBel :
Bien, le fait pour le tribunal de pouvoir, M. le Président, l'ordonner
d'office, naturellement, c'est de ne
pas avoir à attendre qu'une des deux parties en fasse la demande. Et c'est
simplement dans un souci d'efficacité de l'instance, de gestion de l'instance. Le juge étant maître de
la gestion de l'instance, naturellement, il doit tenir compte, et je le répète,
de l'environnement technologique déjà disponible.
Et
ça marque, dans le Code de procédure pénale, l'entrée du virage technologique.
On espère que, de plus en plus, les tribunaux seront équipés de ces
mêmes moyens technologiques. C'est l'objectif. On parle ici, bon,
principalement des cours municipales, ça
peut effectivement rejoindre d'autres tribunaux, d'autres types de cour, j'en
suis tout à fait consciente, mais
c'est pour marquer l'entrée des technologies dans le Code de procédure pénale,
l'efficacité de l'instance, la gestion d'instance,
mais tout ça, naturellement, en tenant compte de la disponibilité de cette
technologie-là par le tribunal et par les parties. C'est important de le
préciser.
Mme Hivon :
Je pense que tout le monde est d'accord qu'il faut faire le virage
technologique, mais les questions qui
se posent, je vous dirais, moi, en tout cas, en ce qui me concerne, sont de
deux ordres. Un, qu'est-ce qui, en ce moment, est impossible de faire, et qui pourrait être utile, et qu'on n'a pas le loisir de faire parce qu'on n'a pas cette disposition-là dans notre Code de
procédure pénale?
Et
par ailleurs on sait qu'il y a des situations où on a des contrevenants qui
sont plus fragiles, qui peuvent avoir des problématiques. On va en
parler amplement dans le cadre de ce projet-là. La ministre n'est pas sans
ignorer ça, c'est quelque chose qui revient souvent de la part, là, de certains
défenseurs des droits de la personne. Donc, des personnes qui ont des problématiques particulières,
problèmes de santé mentale, problèmes d'itinérance, de toxicomanie et qui vont...
ça va être en sorte qu'ils estiment que de
comparaître, par exemple, par visioconférence peut porter atteinte à leur
pleine défense ou le moyen de se représenter.
Donc,
j'aimerais juste... C'est ça, ma question est un peu à deux volets. Un,
qu'est-ce qu'il est impossible de faire en ce moment et qui serait
maintenant possible de faire avec cette disposition-là? Quelles sont les
limites dans le cadre juridique actuel? Et, deux, qu'est-ce qu'elle a à
répondre à ceux qui s'objectent un peu? Les juristes progressistes vont un peu vers ça, mais de dire qu'il y a certaines
personnes plus vulnérables qui peuvent, donc, avoir plus de difficultés avec
ces moyens-là technologiques, il y a aussi l'argument qu'on entend parfois en
région, qu'on pourrait se diriger... je ne vous
dis pas que je fais mien, nécessairement, cet argument-là, mais c'est quelque
chose qu'on entend, une justice un peu à rabais pour ne pas avoir à
nécessairement déplacer les contrevenants et procéder par visioconférence.
Donc, je voulais juste savoir ce que le ministre répondait à ces
arguments-là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci.
• (16 h 40) •
Mme LeBel :
Oui. Difficile pour moi, à ce stade-ci, de donner des exemples de ce qui est
impossible de faire dans l'état l'actuel des
choses parce que, dans l'état actuel des choses, peu ou pas du tout de
tribunaux sont informatisés de façon
technologique. Donc, l'idée, c'est vraiment de permettre ce virage
technologique là et de ne pas faire en sorte qu'il y ait des
empêchements dans le futur si on n'introduit pas une telle disposition dans le
Code de procédure pénale.
Pour
ce qui est de vos préoccupations et celles des groupes qui sont venus par
rapport aux personnes plus vulnérables, il faut quand même... Le juge devra rendre cette ordonnance, prendre
cette décision-là, s'il le fait d'office, en considérant les moyens des parties. Donc, ce sera partie de la
considération du juge non seulement la disponibilité, la technologie, mais
la capacité, pour la personne, de l'utiliser
aussi ou d'être rejointe par technologie. Je pense qu'on peut faire confiance
aux tribunaux pour être capable de juger
en la matière de l'opportunité quand une personne n'a pas accès ou n'est pas
capable, de façon effective, là, de travailler avec cette technologie
pour différentes raisons.
Peut-être
pour faire un aparté, l'objectif de la comparution par visioconférence, c'est
dans l'intérêt du défendeur aussi,
pour éviter, souvent, qu'il soit détenu trop longtemps. On le voit pour la
justice dans le Nord, on parle d'une comparution par
visioconférence. En matière pénale souvent, dans plusieurs cas, le contrevenant
n'a même pas besoin d'être présent à la
cour. Souvent, on peut le faire en son absence, on peut procéder en son
absence. Donc, on n'est pas dans la même matière qu'en matière
criminelle où on pourrait peut-être avoir plus de réticences.
Mais tout ça est fait pour non pas, j'allais
dire, bousculer les contrevenants, mais plutôt faciliter beaucoup de procédures puis... ou donner aussi une ouverture
en accès. Ce n'est pas l'idéal, un accès par technologie partout tout le temps,
mais, souvent, c'est mieux que de ne pas avoir d'accès du tout. Donc, je pense
qu'il faut favoriser l'emploi de ces technologies.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Interventions? M. le député de LaFontaine? M.
le député de Gouin?
M. Nadeau-Dubois : Je trouve
les questions de ma collègue de Joliette intéressantes, et ça me fait
réfléchir. On nous a beaucoup parlé, lors
des consultations, de la question de la fracture numérique. On nous a parlé
aussi des gens qui ont des problèmes
de santé mentale. Faisons une situation hypothétique, là, fictive, où une
personne préfère faire ça en présentiel,
là, sous... Un contrevenant ne souhaiterait pas utiliser un moyen technologique
parce qu'il a des problèmes de santé
mentale, par exemple. Moi, quand je lis l'article, j'ai l'impression que ça
donnerait la possibilité au juge de dire : Bien, pour des raisons logistiques, pragmatiques,
j'ordonne quand même qu'on procède par un moyen technologique. Est-ce que cette... Et donc, dans une telle situation,
est-ce que j'ai raison de dire qu'il n'y a rien dans l'article qui empêcherait
un juge d'ordonner qu'on procède par
moyen technologique même si le contrevenant, par exemple, pour une raison de
santé mentale, préférait que ça ne soit pas le cas?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel : J'ai du mal à voir,
honnêtement, là, dans quelle situation de cas de figure un tribunal ou un juge,
peu importe le terme qu'on emploie, aurait
intérêt à ordonner l'utilisation d'un moyen technologique, alors que la
personne concernée n'est pas en mesure de suivre. Ce n'est pas
l'objectif ici.
Puis, quand on parlait de fracture
technologique, si je me souviens bien, on parlait beaucoup aussi des moyens de signification, dont on va parler à un autre
article, de favoriser, encore une fois, l'usage de la technologie dans les
moyens de signification. Puis on nous
parlait de gens qui, surtout en situation d'itinérance ou n'ont pas de
courriel, n'ont pas d'adresse, donc qu'il fallait être conscients de ça.
Mais ici le tribunal, quand il va le faire, doit
tenir compte du moyen technologique approprié qui est disponible tant pour les parties que pour le tribunal. Donc,
il y a une évaluation de tout ça qui devrait être faite par le tribunal. Il
faut, à ce stade...
Et je vois
mal, honnêtement, là... je n'ai pas de cas de figure en tête et, même, j'essaie
de me reporter à mon ancienne vie où
je pourrais penser qu'un juge aurait forcé un moyen technologique disponible au
détriment d'une partie, ça ne sera jamais
l'objectif. Et une partie pourra toujours le contester à ce moment-là. Il ne
faut pas que ça aille au détriment des droits des parties, là. Tout ça
est dans l'objectif d'un accès à la justice facilité pour tous, pour tous.
M. Nadeau-Dubois : Est-ce que,
donc, je comprends que la notion de moyen technologique approprié, il faut comprendre la notion d'«approprié» comme incluant
cette préoccupation-là? C'est-à-dire, si une des deux personnes, si une des deux parties, disons, le contrevenant, a un
profond malaise ou un profond inconfort avec le moyen technologique en question, est-ce que je comprends bien les propos de la ministre si je
dis que, dans la notion d'«approprié», c'est inclus, ça, le confort des
parties à utiliser un moyen technologique?
• (16 h 50) •
Mme LeBel : Très certainement
un critère dont le tribunal devra tenir compte ou pourra tenir compte dans son
évaluation. Mais par contre il faut permettre aussi au juge de pouvoir d'office,
c'est-à-dire ne pas attendre qu'une des deux parties le soulève — c'est
ce que ça veut dire quand un tribunal peut soulever de lui-même la question de
la technologie — de
pouvoir le faire.
À titre d'exemple, on va prendre la transmission
de procédure à la cour. Si tout le monde a un courriel en 2019 et qu'une partie insiste pour produire ses
documents papier par les moyens traditionnels, je pense que, dans ce cas-là,
c'est approprié, c'est disponible,
c'est d'un usage connu par les parties, bien, il serait peut-être approprié par
le juge de forcer la transmission par un moyen électronique d'une
procédure.
Mais il faut
comprendre, dans le terme «approprié», qu'il y aura une évaluation faite par le
tribunal de l'opportunité, si je peux
le dire comme ça, de l'utiliser dépendamment des circonstances. Et il y a
probablement plusieurs cas de figure qui pourront se décliner, autant de
cas de figure que de lieux où on se retrouvera et de parties qui seront
concernées.
M. Nadeau-Dubois :
C'est parce que je me demande justement : Si c'est fait d'office, comment
est-ce que le juge peut savoir? Le
juge ne peut pas deviner le niveau de confort d'un contrevenant avec une
technologie donnée. Donc, si on lui donne le pouvoir de le faire
d'office, comment on protège le contrevenant puis ses droits là-dedans si on
lui annonce que, d'office, le juge a décidé
que ce serait par un moyen technologique x? Lui reçoit cette information-là.
Comment on le protège dans le processus?
Mme LeBel :
Vous soulevez quelque chose. D'office, pour le tribunal, c'est à la différence
de le faire à la demande d'une des parties. Donc, ça ne dispense pas le
tribunal, parce qu'il soulève la question lui-même, de faire l'évaluation
appropriée, mais il n'a pas besoin d'attendre qu'une des parties lui demande.
M. Nadeau-Dubois :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? M. le
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Oui. M. le Président, on a parlé un peu plus tôt de la Loi concernant le cadre
juridique des technologies de
l'information. Dans la jurisprudence qui est répertoriée dans le
volume 2019 produit par le DPCP, Code de procédure pénale annoté,
on fait référence à cette loi quant aux nouvelles technologies à deux articles,
à l'article 61, on vient d'en parler,
et l'article 2.2 proposé réfère directement à l'article 61. On réfère
également par jurisprudence citée à l'article 24 lorsque l'on considère en matière de procédure
pénale : «Un mode de signification différent de ceux prévus dans la
présente section peut être autorisé par un juge si les circonstances
l'exigent.»
La
ministre a-t-elle, ou son ministère, et/ou son ministère, des commentaires à
faire quant à la possibilité, avec le nouvel article 2.2, que plus
facilement... et là c'est ex parte. on a vu, la semaine passée, au salon bleu,
la signification d'ex parte. Lorsqu'il y a
demande de signification par des moyens technologiques, avons-nous l'assurance
que le juge ou la juge ne sera pas
tenté plus facilement d'autoriser de tels modes de signification
technologiques? Moi, ma préoccupation, c'est
qu'avec le nouvel article 2.2... Est-ce qu'on va élargir notre
jurisprudence quant à des modes autres de signification à
l'article 24?
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre.
Mme LeBel :
M. le Président, on va parler de l'article 24, justement, et des
modifications proposées à l'article 9 du projet de loi. Je pense
qu'on pourra faire ces remarques-là à ce moment-là.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : M. le
Président, la ministre,
c'est correct, elle peut décider de refuser de répondre, mais là on est
à l'article 2.2 et on fait une référence... on fait une référence.
Puis
l'article 9, M.
le Président, on va y être, là, mais l'article 9 :
L'article 24 de ce code est modifié par le remplacement de «Le» par «Lorsque l'autorisation [du] juge est requise
en vertu [du] présente section», point, là. L'article 9, en tout respect pour Mme la ministre, on ne va pas du tout, du tout, du tout toucher à cette question-là.
Là, j'en suis à des possibilités d'autorisation par des juges, de façon beaucoup
plus libérale, d'utilisation de moyens technologiques.
Ma
question : Avec 2.2, est-ce qu'on ne va pas, ce faisant, élargir davantage
les possibilités en vertu de l'article 24?
Le
Président (M. Bachand) : Merci.
Mme LeBel :
Juste, si vous me permettez, vérifier quelque chose, s'il vous plaît.
Le
Président (M. Bachand) : Est-ce que vous avez... On va
suspendre quelques instants?
Mme LeBel :
...
Le
Président (M. Bachand) : On va suspendre quelques instants.
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
16 h 55)
(Reprise à 16 h 58)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Oui, merci,
M. le Président. Donc, pour revenir
sur la question de mon collègue, ce n'est pas parce que je ne suis pas intéressée ou je ne veux pas lui répondre, mais c'est parce qu'on va...
Toutes les balises auxquelles il fait
référence — on
parle, entre autres, de moyens technologiques de signification, de transmission d'actes de procédure,
etc. — on
va y répondre, on va les baliser par
d'autres articles. Entre autres, à l'article 6 du projet de loi, on va
introduire 20.2. À l'article 9,
on va s'adresser à l'article 24, qui, présentement, est un des articles,
dans le Code de procédure pénale, qui parle de moyens technologiques.
L'article 2.2,
dans le fond, est le cadre général, l'environnement général pour introduire, à
l'intérieur du Code de procédure pénale, des notions de technologies. Mais
toutes les préoccupations que vous avez, cher collègue, on va les baliser au fur et à mesure dans les autres
articles qu'on a introduits. Donc, je pense qu'on pourra faire les discussions
quand les articles concernés
arriveront. Mais ça va être plus facile pour moi de vous répondre de façon plus
précise à ce moment-là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de
LaFontaine.
M. Tanguay : M. le
Président, effectivement, on aura l'occasion de toucher au mode de
signification dans les articles 4 et suivants. On verra jusqu'à quel point
il y aura lieu, à ce moment-là, de baliser.
Et
j'entends... Et là, je fais une lecture en diagonale pendant que je vous parle.
Est-ce qu'on aura le loisir — et c'est la
représentation de Mme la ministre, M.
le Président — dans les
articles 4 et suivants du projet de loi, de baliser et d'encadrer ce qui se fera en termes d'autorisation de
signification par moyens
technologiques? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre? Et j'aimerais, donc, que la ministre, le cas
échéant... Puis on ne fera pas le débat sur les articles 7, 8 et suivants,
4 et suivants, mais à quel endroit pourrions-nous faire ce débat-là? Je
ne le vois pas.
• (17 heures) •
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel : Oui. Donc, si vous regardez l'article 6, notamment, notamment parce que je n'ai pas... on a d'autres endroits dans le... — voyons! — dans
le projet de loi où on pourra en parler, ou en discuter, notamment l'article 20.2, le deuxième alinéa, où on introduit :
«Cependant, la signification par un tel moyen n'est admise à l'égard de la
partie non représentée que si celle-ci
consent ou qu'un juge l'autorise.» Donc, ça veut dire quand il n'y a pas
d'avocat. Donc, ça veut dire probablement, justement, les personnes qui
sont peut-être plus vulnérables.
Mais je pense
qu'on aura l'occasion d'en discuter. Ces notions-là seront introduites. Et ce
n'est pas dans le cadre de
l'article 2.2, en tout respect, avec tout le respect que je vous dois,
cher collègue, ce n'est pas dans le cadre de l'article 2.2
qu'on peut baliser ça. Mais je comprends vos préoccupations, et on les
entend.
M. Tanguay : Et, M.
le Président, pour la réflexion...
Parce que je tiens toujours à souligner le fait que, dans le 2.2, on met toujours le principe de base. Dans la loi, on établit les
principes et on fait référence, entre
autres à l'article 61, en
disant que 2.2, qui est le principe de
base... donc on privilégie l'utilisation des moyens technologiques. Mais, sous
réserve de 61, je crois qu'il aurait
été de bon aloi d'identifier, dès l'article 2.2, l'article 24 où on
parle de «mode de signification différent de ceux prévus dans la présente section peut être autorisé par [le]
juge» ou la juge. Ça, c'est l'article 24, premier alinéa.
Je crois qu'il aurait été de bon aloi, mais j'entends Mme la ministre
qui dit qu'on ne fera pas ça. Et je ne déposerai pas d'amendement, mais je le souligne. Puis on pourra, le cas échéant, lorsqu'on sera rendus plus loin, notamment à l'article 6,
peut-être consentir à revenir à l'article 2. Mais il faut, je pense... dans
les premiers articles, lorsqu'on dit : Oui, privilégier l'utilisation davantage
de moyens technologiques, il faudra s'assurer qu'en matière de signification ça
ne se fasse pas au détriment des
parties qui ne sont pas représentées, parce qu'ici je suis dans le contexte de
requête introductive d'instance ou de la signification d'un constat
d'infraction.
Et, M. le Président, à ce stade-ci, vous me permettrez de faire référence à la
décision Rivière-Beaudette, municipalité
de Rivière-Beaudette contre Sabourin, qui,
moi, honnêtement, a été une révélation pour moi, et j'ai des
sentiments partagés par rapport à ça. Alors, c'est dans le contexte de
l'article 24. Imaginez-vous la chose suivante, M. le Président — et
on fait un résumé, c'est
J.E. 2015-719, cour municipale,
municipalité de Rivière-Beaudette contre Sabourin, je lis le résumé du
Code de procédure pénale annoté :
«...la
poursuivante [étant] dans l'impossibilité de localiser utilement le défendeur
autrement que par l'utilisation du réseau social Facebook, [elle]
demande l'autorisation de procéder à la signification du constat d'infraction
par voie électronique, soit par [ce] réseau social[...].
«Le défendeur
a été identifié par sa carte d'assurance maladie, mais des tentatives pour
signifier le constat par la poste
certifiée et par huissier ont échoué, et des recherches auprès de la SAAQ ont
également été infructueuses. Deux jugements ont déjà permis la signification par Facebook en matière civile. L'étude
de ces jugements ainsi que les articles 28 et 74 de la loi concernant le
cadre juridique des technologies de l'information convainquent le tribunal que
ce type de signification est juridiquement possible.» Fin de la
citation.
Alors, M. le
Président, moi, quand on me dit : On a signifié un constat d'infraction
par Facebook, comme législateur, puis en tout respect pour nos
tribunaux, moi, ça me préoccupe, puis je vais... mes commentaires à ce
niveau-là, surtout quand, dans la décision
qui suit, on cite R. contre Ahmed, en 1992... J.E. 92-849. Et j'ai ensuite
juste un aspect du jugement, je n'en
suis pas sur le fond. On dit, je le cite : «Le défendeur bénéficie d'une
protection à l'égard d'une signification inefficace par le recours à la rétractation de jugement.» Fin
de la citation. Ça, avec égard, M. le Président, je ne pourrai
jamais, comme législateur, concevoir que la rétractation de jugement est, le
cas échéant, une avenue pour une signification qui aurait été autorisée
de façon trop généreuse, trop permissive ou, peut-être, dans certains cas,
déraisonnable. En tout respect pour nos
tribunaux, là on ne peut pas dire : Bien, si jamais on s'est trompé, on a
permis, exemple, une signification Facebook puis qu'il y a eu jugement
par défaut, bien, la personne, lorsqu'on lui signifiera le jugement pour
l'exécuter sur ses biens, saisir les biens
ou la mettre sous le coup de la justice, bien, elle pourra toujours faire une
demande de rétractation de jugement.
Le moyen de
signification, oui ou non, Facebook est tout à fait disproportionné, s'il n'est
pas justifié en l'instance, lorsqu'on vous dit : Bien, vous irez en
rétractation de jugement, parce qu'une rétractation de jugement, c'est lourd,
ça prend une preuve en soi. C'est des
avocats, c'est des procédures et c'est une audience en soi pour faire rétracter un jugement. Puis, M. le
Président, vous avez besoin de vous lever de bonne heure pour faire rétracter
un jugement.
Alors, considérant cela, puis je prends acte du
fait que la ministre dit : Non, on ne fera pas ça à 2.2, à
l'article 1, je veux juste lui souligner
ça, mes préoccupations. Lorsqu'on sera d'accord, je l'entends, est-ce que d'ici
à ce qu'on se rende aux
articles 4 et suivants, notamment 6... si Mme
la ministre peut peut-être
réfléchir sur des amendements, on pourra, le cas échéant, suspendre ces articles-là qui pourront nous permettre
d'encadrer ça? Parce qu'honnêtement, me faire dire, moi : Oui, on va pouvoir signifier par Facebook, puis, si jamais on
l'échappe, bien, il fera une rétractation de jugement, moi, je ne peux
pas applaudir en disant que c'est un meilleur accès à la justice, M. le
Président.
Alors, ça,
quand j'ai vu cette jurisprudence-là de 2015, je suis un peu tombé en bas de ma
chaise, mais je me suis dit : Bon, il y a du bon là-dedans. Oui, à
l'article 6 auquel réfère Mme la
ministre, quand les parties y
consentent : Bien oui, vous pourrez me signifier entre nous, moi,
je suis la partie adverse, par courriel, je l'accepterai, il n'y a pas de
problème. Mais,
lorsqu'on parle d'une... pas d'une requête introductive d'instance, mais un premier
coup de semonce, qui est la signification du constat d'infraction, s'il
y a jugement par défaut, il faut faire très, très attention de ne pas
l'échapper.
Et ici, M. le Président, les collègues en ont fait référence, mais, de façon plus précise, je l'ai
dit dans mes remarques préliminaires, on a entendu l'Association des groupes
d'intervenants en défense de droits en santé mentale du Québec qui sont venus nous parler de la fracture numérique.
Puis la fracture numérique, M. le
Président, vous pouvez être aujourd'hui numériquement présent, mais,
dans six mois, vous pouvez faire face à une fracture numérique. La vie change.
Vous pouvez passer de domicile fixe à
domicile non fixe. Et, lorsque les cours ont dit à 2.2 : Bien, on va
privilégier les nouvelles technologies,
bien, il faut, je crois, à ce
stade-là... J'entends Mme la ministre qui dit : Non, on ne le fera pas.
C'est correct. On ne fera pas
d'amendement formel, là. Mais, quand même, moi, j'ai ma préoccupation, puis je
sais que Mme la ministre ne le prend pas à la légère non plus, pour ne
pas qu'il y ait aussi, à l'inverse, de dérives.
Un autre
élément, puis je ne ferai pas l'amendement formel, mais les collègues y ont
fait référence aussi, l'Association des
juristes progressistes nous proposait de changer le mot à 2.2, je ne ferai pas
l'amendement, où l'on dit... À 2.2 du projet de loi, on dit, M. le Président : «Dans l'application du présent
code, il y a lieu de privilégier l'utilisation de tout moyen technologique...» Eux,
l'Association des juristes progressistes, disaient : On peut-tu dire,
plutôt que «privilégier» — privilégier, ça participe de donner
préséance à — à
«considérer»? Considérer, ça veut dire : Pouvez-vous le considérer?
Et ça donnait
encore plus de latitude, moins de pression, je vous dirais, pour les femmes et
hommes qui sont juges, dans chaque cas d'espèce, lorsque le législateur lui
dit : Tu dois le privilégier, «il y a lieu de privilégier», c'est en
quelque sorte : Tu dois le
privilégier. C'est que, dans le doute, à la limite, tu dois l'autoriser, tu
dois le permettre, tu dois le privilégier si tu n'as pas, dans ton âme et conscience, de doute suffisamment
qualifié. Mais de le considérer aurait permis, je crois, une meilleure latitude pour justement nous éviter, dans
le cas de l'article 24, la signification de procédure des dérives. Parce
qu'honnêtement, M. le Président, là, quand
que notre justice est rendue sur Facebook, j'ai un gros drapeau jaune. Il n'est
pas rouge, le drapeau, mais il est jaune. Et
je veux juste m'assurer que... Parce qu'il y a des semaines où on n'ouvrira pas
le Code de procédure pénale pour parler de significations, de nouvelles
technologies et de l'article 2.2, que ça reste.
Et je voulais faire cette intervention-là, M. le
Président. Dans la tête de Mme la ministre, il y a des personnes qui sont autour d'elle, peut-être, pour
dire : Bien, O.K., peut-être que, plus loin, on pourrait l'encadrer plus
avant. Parce que force est de constater que c'est déjà développé, c'est
déjà développé avec le Code de procédure pénale actuel, cette jurisprudence dite de Facebook. Imaginez si on
ajoute 2.2 puis qu'on dit : Vous allez privilégier. Je vais dire :
Là, on risque d'occasionner une pousse de jurisprudence qui va aller non
seulement dans ce sens-là, mais peut-être aller plus loin. Drapeau jaune.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Interventions? M. le député de Gouin, s'il
vous plaît.
• (17 h 10) •
M. Nadeau-Dubois :
J'allais justement... J'ai été pris de court, mais c'est tant mieux. J'allais
justement faire allusion à la
recommandation de l'Association des juristes progressistes au sujet du mot
«privilégier», qui signifie «favoriser» puis qui peut même être interprété comme : Dès que c'est possible, c'est
ce qu'on devrait faire, là. Il me semble que le fait de faire les choses en présence devrait être la norme
et que l'utilisation par moyens technologiques devrait être un outil puis,
quant à nous, un outil d'exception.
Or, je
constate que, dans le Code de
procédure civile, c'est déjà écrit
aussi «privilégier». D'abord, je crois, on n'est pas obligés de faire un miroir exact, on pourrait
changer. D'autre part, depuis que ça a été introduit dans le Code de procédure civile, est-ce que la ministre
peut nous donner, peut-être, des informations sur à quelle fréquence ça a été
utilisé pour comprendre, dans le fond, la mesure... pour prendre la mesure de
la modification qu'on va faire?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre, oui.
Mme LeBel :
Non. Écoutez, non, je ne peux pas vous dire à quelle fréquence ça a été
utilisé. Aucun problème n'a été
nécessairement soulevé par rapport au terme «privilégier». Vous l'avez bien
dit, il faut privilégier dans la mesure du possible, mais on revient toujours
au terme «approprié» et quand c'est disponible, donc, parce que l'article doit
se lire dans son ensemble.
Non, on n'est pas obligés de faire miroir, mais,
quand on parle d'un environnement d'instance et de gestion de l'instance, je pense qu'il est de bon aloi que,
dans la plupart des cas, quand on peut le faire, que ce soit une instance pour le citoyen, que les questions de gestion
d'instance, peu importe le domaine du droit dans lequel on se trouve, soient le
plus arrimées possible.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois :
Parfait. J'entends la réponse. Je veux faire un pas en arrière et revenir sur
un échange qu'on a eu plus tôt parce que je ne suis pas sûr d'être
pleinement... en fait, d'avoir pleinement compris les intentions de la
ministre sur la question que j'ai posée tout
à l'heure sur la situation hypothétique dans laquelle une personne ne serait
pas à l'aise ou pas confortable avec
un moyen technologique. La ministre m'a répondu tantôt que le fait de le faire
d'office, ça signifie qu'il n'y avait
pas besoin d'avoir une demande de la part d'une des deux parties. Je conçois et
j'entends bien ça. Elle m'a dit : Et ça n'empêche pas en rien le juge de
s'assurer que les parties en question soient confortables. En effet, ça ne l'empêche
pas de le faire, mais ma lecture de
l'article me porte à croire qu'il n'y a pas non plus ni une obligation ni même
une incitation auprès du juge pour
qu'il le fasse. On laisse un peu ça au bon vouloir... Puis je n'ai pas de doute
à l'effet que la plupart des juges ont cette
préoccupation-là. Par contre, je reviens sur la situation dans laquelle ce
serait quelqu'un qui a, par exemple, des
problèmes de santé mentale, ce n'est pas des cas si fréquents que ça, ce n'est
pas tous les juges qui ont toute la formation, peut-être, pour
considérer ces enjeux-là.
Pourquoi
ne pas, dans le cadre de cet article-là, inscrire quelque chose dans l'article
qui viendrait inciter au moins le juge à prendre ça en considération? Parce que
ça pourrait être un empiètement sur les droits fondamentaux, dans certaines
circonstances. Et donc il me semble qu'il
n'y a pas, dans ces situations, quelque chose comme un excès de prudence, bien
au contraire.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Bien, le juge devra toujours, qu'il le fasse d'office ou à la demande d'une
partie, se conformer à ce que le premier
alinéa dit, donc que ça doit privilégier l'utilisation d'un moyen approprié qui
est disponible tant pour le tribunal que pour les parties. Donc, il ne
peut pas faire fi du premier alinéa parce qu'il soulève ça d'office.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député.
M. Nadeau-Dubois :
Bon, c'est vraiment le mot «approprié» qui, pour la ministre, est la réponse à
cette inquiétude-là, c'est ce que je
comprends bien. Pour elle, ça signifie : Est un moyen approprié un moyen
avec lequel les parties sont
confortables puis un moyen pour lequel le contrevenant, par exemple, est à
l'aise. Est-ce que je comprends bien les intentions de la ministre?
Mme LeBel :
Bien, dans son cadre d'évolution du moyen approprié, le juge va tenir compte de
tous ces facteurs-là.
M. Nadeau-Dubois :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine,
s'il vous plaît.
M.
Tanguay : Suite au collègue, aux propos du collègue de
Gouin — puis
c'est bon, ce qu'on fait là, je veux dire, à l'article par article — qu'on me dise, moi, qu'au Code de procédure
civile, c'est marqué «privilégier» puis qu'il n'y a pas de problème, c'est une chose. Mais là on parle de
quoi? Code de procédure pénale. En matière pénale, on a eu des organismes
qui travaillent avec des gens qui sont dans la rue, pour plusieurs, des
organismes qui travaillent avec des itinérants. Lorsqu'on parle de procédure pénale, on ne parle pas d'un litige civil
entre actionnaires, on ne parle pas d'un litige civil pour un bornage de clôture, on ne parle pas d'un
litige civil pour des droits de succession, on parle de gens, M. le Président,
qui, dans beaucoup de cas, malheureusement
trop élevés, sont vulnérables face à la justice. Qu'on me dise qu'on applique
en matière civile le même standard qu'en
matière pénale, M. le Président... moi, je le souligne à doubles traits, on
n'est pas dans le même univers.
On
a eu des organismes qui sont venus nous parler de leurs membres, de
celles et ceux qu'ils représentent puis qui ont des défis de santé mentale. On
a eu l'organisme, M. le
Président, Clinique droits devant qui
est venu nous dire... faire état des infractions auxquelles on parle. Et ça, il y a beaucoup
plus d'infractions qu'on ne voit pas en matière civile : piéton traitant avec l'occupant d'un véhicule, c'est
les «squeegees», giser ou flâner ivre sur la voie ou sur une place
publique, se coucher ou s'étendre sur un banc, ou sur un siège, ou sur
le sol, s'asseoir sur le sol ou occuper la place de plus d'une personne, on
parlait de «jaywalking», traverser ailleurs qu'à une intersection. Ça, M. le Président, c'est le quotidien des infractions
pénales.
Alors, lorsqu'on nous
dit : On applique le même standard qu'en matière de bornage, en matière de
succession, en matière civile, bref, en
matière pénale, moi, M. le Président, je trouve qu'il y a là un drapeau rouge
qui doit être agité. Et c'est pour ça
qu'à la réflexion je pense même que, par sa nature même, on ne devrait pas
avoir le même terme, «privilégier», dans
le Code de procédure pénale qu'on retrouve dans le Code de procédure civile. On
devrait donc, à la face même de la nature des personnes qui font face à
la justice, avoir «considérer».
Ajoutez
à ça qu'à la fin qu'on vous dise : Vous avez été signifié par Facebook.
Bon, c'est correct. Demandez une rétractation de jugement. Personnes
vulnérables dans beaucoup de cas, beaucoup plus que dans le cas de matière
civile.
Et,
de deux, M. le Président, on parle de quoi? On ne parle pas de dire :
Votre clôture va être deux pieds en dedans, deux pieds à l'extérieur, on
ne parle pas que vous aurez droit à tel montant pour la succession, on ne parle
pas de telle division d'actif pour chicane
d'actionnaires. On parle de votre liberté. On parle de mettre en péril, mettre
sous condamnation votre liberté de circuler.
Alors, on parle de
deux univers totalement différents. Puis, ne serait-ce que pour ça, M. le
Président, sous ces deux approches-là, je
pense qu'il y aurait lieu, puis j'en suis d'autant plus convaincu depuis le
début de la conversation que l'on a, on ne devrait pas avoir
«privilégier». En matière pénale, ça devrait être «considérer».
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme LeBel :
M. le Président, quand on parle des personnes vulnérables, j'en suis, il faut
faire attention. D'ailleurs, on va
adresser les moyens de signification. La plupart du temps, quand on parle de
matière pénale, la procédure introductive d'instance, c'est le constat
d'infraction.
Mon collègue parle de
Facebook. Je pense qu'il faut remettre les choses en perspective. Dans la
jurisprudence, quand on en est venus, dans
le passé, à signifier des procédures introductives d'instance par un moyen
comme Facebook, quand
on lit la jurisprudence et qu'on lit l'article avec attention, c'est quand...
le poursuivant doit faire la preuve que tous les autres moyens utiles, appropriés, connus n'ont pas été utiles. Même,
à une certaine époque, on publiait dans les journaux. Donc, Facebook est un média social. Donc, il y a
une preuve, par contre, à faire devant les tribunaux. Ce n'est pas le
poursuivant qui, d'entrée de jeu,
décide qu'aujourd'hui je me lève, ça me tente de publier tous mes constats
d'infraction du Facebook. Doit
démontrer que les autres moyens ne sont pas nécessaires. Et, à une certaine
époque, on publiait même dans les journaux. Et c'est une procédure
exceptionnelle.
Ceci étant dit,
effectivement, les constats en matière pénale touchent les gens qui sont
vulnérables. Qu'on parle d'itinérance, ou de
toxicomanie, ou de problèmes de santé mentale, j'en suis. C'est pour cette
raison qu'on va introduire dans le p.l. n° 32
ce qu'on appelle des voies parallèles avec des mesures de rechange ou plutôt
des procédures d'adaptabilité.
Le
Code de procédure pénale s'adresse aussi à la loi sur l'environnement, aux
infractions à la Loi électorale, à toutes sortes de types d'infractions aussi, qui ont une certaine similitude
avec ce qu'on voit devant les tribunaux civils, où ce sont peut-être des compagnies ou ça peut être des gens
qui n'ont pas de problèmes de vulnérabilité comme on soulève. Donc, on
doit permettre l'ouverture des moyens technologiques.
Maintenant,
«privilégier» ne veut pas dire... veut dire «privilégier», c'est-à-dire de
préférer à tout autre moyen dans la mesure où c'est approprié, où c'est
disponible. Et, quand on parle des personnes qui sont vulnérables, on va
parler, à l'article 6, on va parler des
moyens de signification, qui est souvent, je ne dis pas toujours, mais dans la
majorité des cas en matière pénale, à
peu près le seul acte de procédure qu'il va y avoir, c'est-à-dire le constat
d'infraction. Il y a des moyens de le
faire. On va baliser ça pour s'assurer que les personnes vulnérables sont
rejointes de façon adéquate, surtout quand elles ne sont pas
représentées par avocat.
Donc,
je partage les préoccupations de mes collègues. Ceci étant dit, le droit pénal,
le corpus pénal, de façon générale, ne s'adresse pas juste à ça. Donc,
le Code de procédure pénale est là pour toutes les lois de nature pénale.
Je
veux ramener aussi les pendules. Les lois pénales imposent des amendes.
L'emprisonnement est quand on est en
non-paiement d'amende. Puis, quand on est rendus à avoir une amende, un
non-paiement d'amende puis des dispositions
de... où on n'est plus dans les travaux
compensatoires, mais on est rendus dans l'emprisonnement, c'est parce qu'on a dépassé le stade de signification, puis tout le monde est
convaincu que la personne a reçu sa procédure.
Donc,
il faut... Je suis très consciente de ce qu'on dit, je suis très soucieuse de
ce qu'on dit, mais il faut quand
même penser aussi qu'on place... On
veut faire un virage technologique, on en est, la transformation de la justice.
Il faut placer les balises à travers le corpus législatif. C'est une des
étapes de faire.
En
matière civile aussi, il y a des personnes vulnérables quand on parle de droit
de la famille, quand on parle de garde
des enfants, et cette... où on parle de gens qui sont d'autre nature, là. Ça ne
me vient pas à l'esprit, mais il y a aussi des
personnes vulnérables en matière civile qui vont être poursuivies en matière
civile. Ce corpus existe déjà, et on en tient compte.
Maintenant, on va,
dans le reste des articles quand on va parler de transmission de procédure, de
signification de procédure, s'assurer qu'on
ne commet pas d'abus. Encore une fois, des exemples comme Facebook, il faut revenir à ce que c'est, c'est-à-dire que ce sont les
moyens ultimes quand il n'y a plus
d'autres moyens. Et là il y a une démonstration devant un juge qui doit être faite par le poursuivant que
c'est ça ou je ne peux pas le signifier, mon constat. Et, à un moment donné,
il faut aussi avoir des moyens de rejoindre les gens qui ont commis des
infractions.
• (17 h 20) •
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine, s'il vous
plaît.
M. Tanguay :
C'est correct. Je veux dire, on peut disconvenir de points de vue. Et au début
je vous avais dit que je n'avais pas
l'intention de le déposer, mais, à la réflexion puis en entendant les collègues
autour de la table, je pense que plus que jamais il faut formellement
déposer cet amendement-là.
Alors, avec votre
permission, je déposerais l'amendement suivant :
L'article 2.2
du Code de procédure pénale proposé par l'article 1 du projet de loi est
modifié par le remplacement, dans le premier l'alinéa, du mot
«privilégier» par «considérer».
On pourrait faire des
photocopies, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Alors, on va suspendre quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 22)
(Reprise à 17 h 27)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission
reprend ses travaux. M. le député
de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Oui, M. le Président...
Des voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : S'il vous plaît!
Chut, s'il vous plaît! M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
Merci, M. le Président, de ramener l'ordre dans nos délibérations. Et nous
soutiendrons toujours votre autorité pour ce faire.
Alors,
je n'ai pas l'intention, M. le
Président, de redire ce que j'ai
exprimé. Mon intention, en déposant formellement l'amendement, c'est donc d'en faire justement
formellement la demande, qu'il y ait
un vote là-dessus. Le cas échéant, je vous
demanderais un vote par appel nominal. Je ne veux pas empêcher les collègues de
dire ce qu'ils ont à dire là-dessus. Moi, je pense...
Puis
la ministre a raison, je veux dire, quand elle dit que, oui, il y a des gens
vulnérables en matière civile, j'en suis. Mon point, c'est qu'en matière pénale, là, on a davantage d'écho qu'il y
a davantage de récurrences de personnes qui ont des défis particuliers
de santé mentale, des défis en matière d'itinérance, où on parlait, entre
autres, de profilage. Puis ça a été abordé avec, entre autres, les policiers
qui sont venus nous voir. Il y a un enjeu, puis la ministre de la Sécurité publique l'a identifié, il y a un enjeu de
profilage. Alors, que ce soit par profilage ou autre, je ne pense pas qu'on
parle d'un aussi grand enjeu de profilage en matière de procédure
civile. Mais, en matière de procédure pénale, la résultante d'un profilage
pourrait être, le cas échéant, la signification d'un constat d'infraction.
C'est juste ça, mon point.
Oui,
il y a des cliniques d'aide et de soutien en matière civile, mais, en matière
pénale, il y en a, je crois, bien davantage et dans des cas, M. le Président, où, notamment en matière d'itinérance,
Clinique droits devant, matière de santé mentale également, un peu plus tard, un peu plus haut avec d'autres
intervenants, on parle de gens qui... piéton traitant avec l'occupant du véhicule, gisant ou flânant ivre sur la voie,
se coucher... ça, ça a occasionné... Et les chiffres sont là. Les chiffres sont
là. On parlait de 737 constats
d'infraction remis à 272 personnes, qui ont été compilés par la Clinique droits
devant, qui, eux, M. le Président,
parmi les services, aident gratuitement les personnes à connaître leur
situation judiciaire et à régulariser leur situation dans les grandes
villes de Montréal... et faciliter la régularisation de leur situation
judiciaire pour les personnes itinérantes, notamment.
Alors, moi, j'ai dit
ce que j'avais à dire là-dessus. Je pense que, oui, en matière de procédure
civile, jusqu'à maintenant, il n'y aurait
pas d'écart qui nous a été signifié, mais, en matière de procédure pénale ou... Et, je le répète, en matière de procédure civile, là, on ne vous
emprisonne pas pour dettes. C'est fini, ça, en matière de procédure civile.
Mais, lorsqu'il y a justice pénale,
il peut y avoir des conséquences sur votre liberté. On va vous imposer des
peines aussi parce que ce n'est pas toujours des mesures d'adaptabilité.
Et ça, en ce sens-là, je pense que ça doit être un deuxième élément, par rapport à l'épée de Damoclès, lorsque vous
faites affaire avec... lorsque vous faites face à des accusations de nature
pénale. Oui, je le sais que la nature
pénale, ça peut être aussi des grandes corporations en matière
environnementale, mais, moi, ce qui m'intéresse, là, c'est les plus
vulnérables, M. le Président.
Et je pense qu'en
conclusion avant de permettre... avant même d'indiquer aux juges, hommes et
femmes, que vous pouvez et vous devez
privilégier les nouveaux moyens technologiques en matière pénale, je ferais
différemment, oui, je ferais différemment qu'en matière civile. Et
là — et
c'est le but de mon amendement, de notre amendement — plutôt
que dire «privilégier»... «privilégier», ça
veut dire vous le faites passer devant, je dirais : Pouvez-vous le
«considérer»? Et, en ce sens-là, ça
laisserait, je pense... ça donnerait le bon ton, d'entrée de jeu, avec ce
nouvel article 2.2. Alors, c'est ça, M. le Président, et j'aurai l'occasion, le cas échéant, de vous demander
un vote par appel nominal sur cet amendement-là.
• (17 h 30) •
Le Président (M. Bachand) : Interventions sur l'amendement du député de
LaFontaine? M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : C'est un amendement très intéressant.
S'il y a un vote, on va voter pour.
J'invite la ministre à le
considérer, l'amendement.
Une voix :
...
M. Nadeau-Dubois :
Et même, en fait... non...
Des voix :
...
M. Nadeau-Dubois :
Non pas à le considérer, mais à le privilégier, puisque c'est beaucoup plus
fort, comme terme, «privilégier», que
«considérer», et c'est la pertinence de l'amendement en question de venir
modérer le propos de l'article pour
que ce soit, oui, un outil dans le coffre à outils des tribunaux, mais que ce
ne soit pas... que ça ne devienne pas la norme, parce que, bien que les
moyens technologiques puissent être utiles, ils le sont certainement dans
plusieurs occasions, on est d'avis que la
justice est mieux servie, règle générale, lorsque les gens sont en chair et en
os les uns devant les autres. Alors, j'invite la ministre à considérer
l'amendement, ça démarrerait nos travaux sur un bon pied.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? S'il n'y a
pas d'autre intervention, nous allons mettre l'amendement aux voix. Est-ce que
l'amendement à l'article 1 est adopté?
M. Tanguay :
Appel nominal, s'il vous plaît.
Le
Président (M. Bachand) : Vote par appel nominal. Mme la
secrétaire, s'il vous plaît.
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. M. Tanguay (LaFontaine)?
M. Tanguay : Pour.
La Secrétaire :
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
La Secrétaire :
M. Kelley (Jacques-Cartier)?
M. Kelley : Pour.
La Secrétaire :
Mme LeBel (Champlain)?
Mme LeBel : Contre.
La Secrétaire :
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Lecours (Les Plaines)?
Mme Lecours (Les Plaines) :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Lachance (Bellechasse)?
Mme Lachance : Contre.
La Secrétaire :
M. Martel (Nicolet-Bécancour)?
M. Martel :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lamothe (Ungava)?
M. Lamothe : Contre.
La Secrétaire :
M. Lafrenière (Vachon)?
M. Lafrenière : Contre.
La Secrétaire :
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire :
M. Nadeau-Dubois (Gouin)?
M. Nadeau-Dubois : Pour.
La Secrétaire :
M. Bachand (Richmond)?
Le Président
(M. Bachand) : Abstention. Donc, l'amendement est rejeté.
Nous retournons donc à l'article 1.
Interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention sur l'article 1, je
mettrais l'article 1 aux voix. Est-ce que l'article 1 est adopté?
M. Tanguay : Sur
division, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Sur division. Merci beaucoup.
Article 2. Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme LeBel : Oui. Alors, je vais
lire l'article principal et j'aurai un amendement à proposer, M. le Président.
Donc, article 2 : L'article 11 de
ce code est remplacé par les suivants :
«11. Le procureur général ou le directeur des
poursuites criminelles et pénales peut :
«1°
intervenir comme partie en première instance pour se substituer ou non à la
partie qui a intenté une poursuite;
«2°
intervenir comme partie en appel pour se substituer ou non à la partie qui
était poursuivante en première instance;
«3° ordonner
l'arrêt d'une poursuite, avant que jugement ne soit rendu en première instance,
qu'elle ait été intentée par lui ou par tout autre poursuivant;
«4° permettre la continuation d'une poursuite
dans les six mois de l'arrêt de celle-ci, qu'elle ait été intentée par lui ou
par tout autre poursuivant.
«L'intervention,
l'arrêt ou la continuation a lieu, sans avis ni formalité et sans avoir à
démontrer un intérêt, dès que le
représentant du procureur général ou du directeur des poursuites criminelles et
pénales en informe le greffier. Celui-ci en informe sans délai les
parties.
«Lorsque le
procureur général ou le directeur des poursuites criminelles et pénales
intervient comme partie dans une instance, il devient partie à toute
instance subséquente.
«L'intervention
de l'un de ceux-ci comme partie en première instance pour se substituer à la
partie qui a intenté une poursuite a pour effet de modifier la
désignation du poursuivant sur le constat d'infraction.
«11.1. Dans
une instance mettant en cause une question d'intérêt public, le juge peut, même d'office, ordonner au
poursuivant d'inviter le procureur général ou le directeur des poursuites
criminelles et pénales à intervenir.»
Excusez-moi, M. le Président. Commentaire sur
cet article : L'article proposé modifie l'article 11 du Code de
procédure pénale afin que son libellé reflète mieux les prérogatives
historiquement reconnues par la common law au Procureur
général et au Directeur des
poursuites criminelles et pénales et
les fonctions conférées au Directeur
des poursuites criminelles et pénales, notamment par les articles 1
et 13 de la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales.
L'article
précise que, lorsque le Procureur général ou le Directeur des poursuites criminelles et pénales intervient comme partie dans une instance,
il est réputé être partie à toute instance subséquente.
Enfin, il
précise que l'intervention du Procureur général ou du Directeur des poursuites criminelles et pénales comme partie
en première instance pour se substituer à la partie qui a intenté une poursuite
aura pour effet de modifier la désignation du poursuivant sur le constat
d'infraction.
Est-ce que j'introduis mon amendement à ce
stade?
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît.
Mme LeBel : Parfait. Amendement, article 2, l'article 11 du Code de procédure pénale :
Insérer, à la fin de ce qui précède
le paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 11 du Code de
procédure pénale, dont le remplacement est proposé par l'article 2
du projet de loi, «lorsqu'à son avis, l'intérêt public l'exige».
L'amendement proposé donne suite à un commentaire
du Barreau du Québec, entendu en consultations particulières, M. le
Président, qui est d'avis que le pouvoir conféré au Procureur général ou au
DPCP ne devrait être exercé que très exceptionnellement,
lorsqu'ils estiment que la décision originale est contraire à l'intérêt de la
justice et à l'intérêt public ou qu'elle est susceptible de déconsidérer
l'administration de la justice.
En d'autres
termes, on doit permettre au DPCP ou au PG d'intervenir comme intervenant sans nécessairement
se substituer, mais on doit baliser
cette intervention, d'où la proposition d'amendement où on indique que
l'intérêt public doit l'exiger, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Nous allons suspendre quelques instants, s'il vous
plaît. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 37)
(Reprise à 17 h 39)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. Nous sommes maintenant
sur l'amendement proposé par la ministre à l'article 2. Interventions? M.
le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Oui, M.
le Président. Premier questionnement,
donc, lorsque... juste pour le mettre dans les transcriptions, là, donc dans les micros. L'amendement, soyons d'abord
sur l'amendement proposé par Mme la ministre, le
nouvel article 11, qui remplacerait, donc, l'article 11 actuel du Code
de procédure pénale, l'amendement aurait pour effet
de modifier ce nouvel article 11 de manière à ce que soit lue la première
ligne : «11. Le procureur général ou le directeur des
poursuites criminelles et pénales
peut lorsqu'à son avis, l'intérêt public l'exige», après ça, les deux-points, et on
y va avec le reste de l'énumération. Alors, c'est notre compréhension
de... et je vois que c'est effectivement le cas.
Là, M. le Président... Puis ça fait effectivement écho de ce que le Barreau est venu nous dire. Le Barreau du Québec était d'avis que «le pouvoir ainsi conféré au PG et au DPCP ne devrait
être exercé que très exceptionnellement, lorsqu'ils estiment que la
décision originale est contraire à l'intérêt de la justice et à l'intérêt
public ou qu'elle est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice».
Premier
questionnement : Pourquoi la ministre a-t-elle conservé... Là, je n'ai pas le verbatim du
mémoire du Barreau, mais les notes
que j'en avais prises à l'époque, c'est qu'il y avait trois
considérants, pas seulement l'intérêt public, qui est l'un deux, mais il y avait
l'intérêt de la justice, qui est un concept tout à fait reconnu, l'intérêt de
la justice, et il y avait l'aspect
susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Alors, pourquoi
ne pas avoir repris et l'intérêt de la justice, qu'on retrouve, mais aussi l'intérêt public et la déconsidération, le cas échéant, de
l'administration de la justice? Pourquoi
faire ce choix de l'un sur les trois?
• (17 h 40) •
Mme LeBel : Je vais peut-être
vous répondre en prenant un détour, si vous le permettez, de la façon
suivante : L'article 11, présentement, qu'on se propose de remplacer dans le Code de procédure pénale, existe déjà, donne déjà la possibilité au poursuivant de se substituer. Le problème
qu'on a, dans l'état actuel des choses, c'est que le poursuivant, le DPCP ou le Procureur général du Québec — parce que le poursuivant, souvent, peut être un poursuivant municipal, on le comprend, ou un autre type de poursuivant — ne pouvait pas intervenir pour faire valoir
un point de droit précis sans être obligé de prendre la cause, l'enlever
au... de se substituer dans tous les cas.
Donc, la première étape — puis
je le fais comme ça, parce que je pense que c'est important — c'était
de permettre, donc, d'intervenir comme
partie pour se substituer ou non. Donc, c'est le «ou non», finalement, qu'on
est venu ajouter pour permettre au PG
ou au DPCP, dans ces cas-là, de pouvoir venir faire valoir un point de droit
sur une question qui est d'intérêt
public, donc d'intérêt qui n'est pas nécessairement sur les faits de la cause,
naturellement, mais on peut penser à
des types de dossiers, et je vais vous ramener... probablement pas dans des cas
de contravention, là, mais on parle de
lois en environnement ou de types de dossiers pénaux avec une importance, je
vais dire... je n'allais pas dire supérieure, parce que tout est dans l'oeil du
contrevenant, mais d'une gravité objective peut-être plus grande, permettre au
PG ou au DPCP d'intervenir.
Maintenant,
la crainte du Barreau était que, dans l'état actuel de l'article 11, comme
on le proposait, c'est que le poursuivant
puisse intervenir à tout moment sans justifier son intervention. Donc, nous
décidons d'introduire l'amendement pour
justement baliser l'intervention, mais il ne faut pas limiter l'intervention du
poursuivant, parce qu'elle existait déjà, cette possibilité-là. Le
problème, c'est qu'il devait se substituer, ce qui n'est pas nécessairement ni
dans l'intérêt du contrevenant ni dans l'intérêt du poursuivant d'origine.
Maintenant,
pour ce qui est de baliser l'intervention, le critère d'intérêt public est un
critère qui est une notion qui est largement utilisée lorsqu'il est question du
rôle et des responsabilités du poursuivant public. Alors, c'est un critère
qui est dans les interventions de la
couronne, en règle générale, ou du Procureur général. L'intérêt public est le
critère, souvent, qui est utilisé
pour baliser les interventions du Procureur général. C'est pour cette
question-là qu'on a privilégié cette notion-là, et on considère, à ce
stade-ci, que ça va répondre aux préoccupations du Barreau, tout en notant que,
dans l'état actuel des choses, le PG puis le DPCP pouvaient faire la même
chose. Tout ce qu'ils avaient à faire, c'est à se substituer. On y ajoute la
possibilité de le faire sans se substituer, et on balise cette possibilité-là
pour répondre aux préoccupations.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député.
M. Tanguay : Oui.
Là-dessus, M. le Président, je soumets à Mme la ministre, premier élément, je
soumets à Mme la ministre que, dans
l'économie... tel que rédigé, le Code de procédure pénale, dans l'économie du
texte du Code de procédure pénale,
l'on ne retrouve pas «intérêt public», mais on retrouve «intérêt de la
justice». Donc, premier élément. On
m'indique, puis qu'on me corrige si j'ai tort, mais, dans le Code de procédure
pénale, le concept qui revient, ce n'est pas l'intérêt public mais
l'intérêt de la justice. Alors, pourquoi ne pas avoir privilégié les trois?
Puis, après ça, je vais revenir, M. le
Président, sur l'utilisation nécessaire, quant à moi, des trois. Pourquoi ne
pas avoir, dans l'amendement, précisé, comme ailleurs dans le Code de
procédure pénale, l'intérêt de la justice plutôt que l'intérêt public?
Mme LeBel :
Alors, je reviens à ce que je vous ai dit, dans l'origine, l'intérêt public est
le concept qui s'intéresse uniquement à l'appréciation qui est faite par le
Procureur général ou le DPCP quant aux interventions qu'ils doivent
faire. Donc, c'est un concept qui se
rattache aux actions du DPCP et du Procureur général. C'est pour ça que, dans
ce cas-ci... L'intérêt de la justice, c'est un concept qui est plus
large, qui va couvrir un ensemble de situations plus multiples. On le retrouve aussi, mais ce n'est pas... on ne
parle pas, à ce moment-là, des interventions du DPCP ou de la justification de
l'intervention du DPCP ou du Procureur
général. Donc, on a repris le concept qui, habituellement, balise les
interventions dans d'autres endroits
où c'est demandé, qui balise les interventions soit du DPCP soit du Procureur
général. Et, dans ces cas de figure là, quand on parle de baliser
l'intervention du PG ou du DPCP, on parle d'intérêt public.
M. Tanguay :
Et donc, si je comprends bien, Mme la ministre, parce que, dans des cas d'espèce, ça va
être plus permissif, et, dans
d'autres cas d'espèce, selon l'expression, là, intérêt de la justice, intérêt
public ou susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, selon le cas d'espèce, si le Procureur général ou le DPCP avait une porte
ouverte autre que seulement l'intérêt
public, s'il pouvait, donc, intervenir comme partie en première instance,
intervenir comme partie en appel ou
ordonner l'arrêt d'une poursuite, si on lui dit : Tu pourras le
faire — puis
j'arrête là, là — si on
lui dit : Tu pourras le faire uniquement dans l'intérêt public, il
ne pourra prendre que cette porte-là.
Si d'aventure — puis là je réfléchis tout
haut avec Mme la ministre — on
donnait suite à ce que le Barreau suggère en
page 2 de leur mémoire et que l'on ajoute deux autres portes : Tu
pourras le faire si c'est dans l'intérêt de la justice ou — puis ça
me parle beaucoup plus, ça me parle beaucoup plus, M. le Président — tu pourras le faire si, en ne le
faisant pas, on est susceptible de déconsidérer l'administration de la
justice...
Ça me parle
plus parce que, moi, quand on me dit : On ouvrirait une autre porte,
exemple, l'arrêt d'une poursuite, j'aimerais
ça, moi, que le Procureur général et le DPCP puissent justifier l'arrêt d'une
poursuite pas uniquement par le porte
de l'intérêt public, qui est une porte extrêmement importante, mais par
d'autres considérants que l'intérêt public, qui pourraient être aussi : Écoutez, si on continue là-dedans, si nous
n'arrêtons pas la poursuite, on va peut-être, je ne sais pas, le justifier en
intérêt public, mais, chose très certaine, nous sommes, si nous ne le faisons
pas, susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice.
C'est juste
ça, mon point, de permettre au PG, le Procureur général, ou au DPCP trois
portes plutôt qu'une pour, dans le cas d'espèce là, ordonner l'arrêt de
poursuite. Ça me semble moins limitatif. Voilà.
Mme LeBel :
Le fait de pouvoir ordonner l'arrêt d'une poursuite avant que le jugement ait
été rendu existe déjà dans le Code de
procédure pénale. Cet aspect-là, on ne l'ajoute pas. Là où le Barreau soulevait
une préoccupation, c'était dans le
fait qu'on pouvait permettre au PG ou au DPCP, dans le nouvel amendement,
d'intervenir sans avoir à se substituer. Et ce qu'il craignait, c'était qu'il y ait une
multiplication... multiplicité, que je cherchais à dire, là, des poursuivants
contre lui. Alors, on ne peut pas... Il faut permettre au PG ou au DPCP
d'intervenir sur un point de droit particulier, dans l'intérêt public, mais sans nécessairement avoir besoin de
se substituer. Le fait d'ordonner l'arrêt d'une poursuite, là, on le balise,
mais il existait déjà dans le code de... ce n'est pas cette notion-là qu'on
introduit, qui est nouvelle, là.
Ceci
étant dit, quand on parle de l'intérêt de la justice, je vais vous donner un
exemple, je n'ai pas un cas de figure particulier,
mais, quand c'est un contrevenant ou un défendeur, dépendamment, qui veut
soulever une question, il ne soulève pas l'intérêt public, il va
soulever l'intérêt de la justice parce que, dans son cas à lui, l'intérêt
public, bien, souvent, ce n'est pas
l'intérêt qu'il veut soulever. Mais on est vraiment dans... là, on vient
vraiment ajouter une balise pour répondre aux préoccupations du Barreau. Et moi, je suis, respectueusement soumis, convaincue que ça va venir baliser effectivement les interventions du procureur, ce qui ne l'empêche
pas de faire comme avant, de se substituer. À ce moment-là, il doit assumer la
poursuite jusqu'au bout.
M. Tanguay : C'est bon. Et, moi, M. le Président, on pourrait même m'opposer, en toute honnêteté intellectuelle,
on pourrait même m'opposer que le Barreau avait la préoccupation de limiter le
pouvoir du Procureur général et du DPCP et
que le Barreau demandait à ce que ce soit balisé sous trois portes. Que la
ministre décide de le baliser en ne lui permettant qu'une seule porte, l'intérêt public, ça
va davantage, même,
dans le sens de ce que proposait le Barreau, parce qu'à un seul titre, considère juste l'intérêt de
la justice, ton pouvoir sera balisé par ça, et tu n'auras pas l'usage des deux
autres portes.
Alors, moi, j'entends
Mme la ministre, M. le Président, puis je suis conscient aussi des concepts en
matière de Procureur général, DPCP, en
matière de ce qu'ils ont à gérer en vertu de l'article 11. Que l'intérêt public soit la grille d'analyse qui couvre les cas d'espèce,
bien, moi, ça me va, M. le Président, quant à cet amendement-là.
Dernier point, par
contre, dernier point, par contre. Quelle serait... puis là je ne veux pas
présumer d'un débat constitutionnel, là.
Quelle serait la justifiabilité... Je vais poser ma question comme ça : Ne
serait-il pas trop facile pour le Procureur
général et le DPCP, pour lesquels on veut qu'ils limitent leur pouvoir
d'intervention, de dire, lorsqu'on écrit : À ton avis, est-ce que
l'intérêt public l'exige? Si on enlevait «à ton avis» et qu'on disait :
Ils peuvent le faire lorsque l'intérêt
public l'exige, on introduit là un débat purement objectif — je ne sais pas si la ministre me suit
là-dessus — en
disant : Lorsque l'intérêt du
public l'exige, donc, démontre l'intérêt public. Si on vous dit : À votre
avis, l'intérêt public l'exige, je vais vous dire : Démontre qu'à
ton avis c'est l'intérêt public. Je ne sais pas si vous me comprenez. Au niveau
de mon fardeau de preuve, il est différent. Si je vous dis : Faites-moi la
preuve que c'est votre avis ou faites-moi la preuve que c'est l'intérêt public
qui l'exige, ce n'est pas le même fardeau. Je veux juste m'assurer qu'on a une
réflexion là-dessus.
• (17 h 50) •
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Bien, je dois dire que, d'entrée de jeu, là, j'étais très sensible aux
arguments du Barreau puis je voulais quand
même apaiser certaines craintes, mais la jurisprudence en matière
d'intervention du DPCP ou du Procureur général... L'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, parce que
ça devient un pouvoir discrétionnaire, vous l'avez dit, d'intervenir, est
extrêmement bien balisé par la jurisprudence. Le code de déontologie des
avocats aussi. Puis je peux vous dire que, d'entrée
de jeu, on n'était pas, nous... et je ne suis même pas convaincue que c'était
nécessaire de le baliser parce que je pense que le poursuivant, de toute façon, quand il fait une intervention, elle
peut être contestée, il doit toujours démontrer qu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon
adéquate. On vient ajouter un critère que le juge devra évaluer dans l'exercice
du pouvoir discrétionnaire, c'est-à-dire l'intérêt public de façon...
extrêmement précis. Je pense que ça devrait, en tout respect, suffire à apaiser les craintes sur ce doute-là. Mais la
jurisprudence en matière d'intervention du PG ou du DPCP, dans ce type d'intervention là, est extrêmement
bien balisée au niveau du pouvoir discrétionnaire. Je peux vous rassurer
là-dessus.
M. Tanguay :
Non, je trouve ça éclairant, ce que nous soumet Mme la ministre. Autrement dit,
le débat, le cas échéant, dans nos
cours quant à l'exercice, ce serait... le débat, ce serait : Est-ce qu'il
a ou elle a bien exercé son pouvoir discrétionnaire? A-t-il bien exercé son pouvoir? Donc, le débat
qu'il y aurait, ce ne serait pas tant de dire : Montre-moi, par a plus b,
que l'intérêt public l'exige, mais ce serait : A-t-il bien exercé
son pouvoir discrétionnaire? A-t-il fait toutes les analyses, la rigueur et les standards? Je sais que c'est assez
étayé. Donc, ce à quoi la ministre nous fait référence, c'est à ce niveau-là.
Est-ce que — puis
on pourrait faire une légis citée — la ministre a l'information
sous la main ou quelqu'un qui travaille avec elle? Est-ce que, dans de pareils
cas de l'exercice d'une discrétion, Procureur général ou DPCP, dans d'autres loi, il est dit, en l'absence de «lorsqu'à
son avis», il est dit «lorsque l'exige l'intérêt public»? Est-ce qu'il y a de
tels cas ou peut-elle affirmer que, non, il
n'y en a pas, dans tous les cas d'espèce, on l'a toujours rédigé... pas
«l'intérêt public l'exige, seul», ça a toujours été «lorsqu'à son avis»?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
C'est extrêmement difficile, honnêtement, de répondre de façon exhaustive. Ce
que je peux vous dire, c'est que, quand on
parle de baliser le pouvoir discrétionnaire du poursuivant et que la
jurisprudence le fait, bien, c'est ce
critère-là d'intérêt public qui est étudié dans la jurisprudence. Mais est-ce
que ça apparaît dans une loi particulière? On n'a pas fait le
recensement, on n'est pas en mesure de vous répondre, non.
M. Tanguay : Et c'est sûr que, là, il s'agit... Loi sur
l'administration fiscale, pas besoin d'aller chercher, là, puis c'est un
autre contexte, ce n'est pas la même affaire, je le sais, mais : «Le ministre
peut, lorsque l'intérêt public l'exige, notamment [...] préserver...» Alors, je le sais que
l'analyse qui serait faite quant à l'exercice discrétionnaire, dans le contexte
de cette loi-là, du ministre,
probablement, des Finances, lorsque l'intérêt
public l'exige, il devra faire une analyse : Est-ce que
l'intérêt public l'exige, oui ou non?, ma lecture, beaucoup
plus axer, donc, le débat sur : Y
a-t-il intérêt public, démonstration
d'intérêt public ou pas?
Là,
je comprends puis je comprends la nature discrétionnaire du DPCP qui dit :
Dans tel dossier, on poursuit ou on ne poursuit pas, puis il y a
des balises, il y a une grille d'analyse. Lorsqu'à son avis, autrement dit, on doit, s'il n'a pas outrepassé
l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, on ne peut pas substituer sa propre
discrétion à la discrétion du DPCP. Ça, j'en suis.
Mais
ma question était juste de nous assurer que l'on a bien pesé,
«lorsqu'à son avis», l'introduction de ces mots-là, et que l'on ne va pas, puis c'est ça ma seule
préoccupation, M. le Président, que l'on ne va pas changer ce qui,
historiquement, a toujours été le débat lorsqu'il y avait contestation
de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, là.
Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention sur
l'amendement de la ministre, je mets l'amendement aux voix. Est-ce que
l'amendement est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le
Président (M. Bachand) : Adopté. C'était l'amendement à
l'article 2, pardon. Merci.
On revient sur
l'article 2. Interventions? M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Oui, M. le Président. Nous avons, si vous me permettez... l'Association
québécoise des avocats et des
avocates de la défense nous soulevait, quant à l'article 2... les notes
que j'ai prises sont les suivantes : «...c'est la capacité même de se défendre et la mobilisation de
ressources hors de portée du justiciable qui est en cause ici. Si de tels
pouvoirs devaient être envisagés, ils
devraient à tout le moins être encadrés par des exigences équivalentes à celles
qui sont requises des organismes tels
que l'Association [...] des avocats et avocates de la défense lorsqu'ils
demandent, exceptionnellement, le
statut d'intervenant, généralement devant la Cour d'appel du Québec ou la Cour
suprême du Canada.» Je ne sais pas si Mme la ministre a eu l'occasion de
faire une réflexion quant à ce point soulevé par l'association.
Mme LeBel :
Bien, on vient y répondre, encore une fois, par le biais de l'amendement puis
par le biais de la façon dont c'est
procédé. À l'époque ou plutôt... pas à l'époque, mais dans l'état actuel du
droit, le DPCP ou le PG a tout le loisir d'intervenir et de... mais il doit se substituer. Maintenant, on balise
cette intervention-là, on l'encadre dans le cas où l'intérêt public l'exige, à son avis, et ça va être sur...
souvent, ça va être sur... à ce moment-là, si le DPCP ou le PG ne décide pas
ou ne juge pas opportun de se substituer,
parce qu'il a toujours l'opportunité de le faire, selon l'article, bien, c'est
parce qu'il va intervenir sur un point précis.
Donc,
l'association n'était pas contre, mais demandait à ce qu'on balise ce pouvoir
d'intervention. Donc, l'idée n'est pas que le DPCP va intervenir sur des
questions factuelles, mais on parle encore de l'intérêt public qui l'exige, et,
habituellement, ce sont des questions
de droit très pointues ou de cohérence des interventions, j'imagine, là. C'est
difficile d'imaginer des cas de
figure, mais on vient, je pense, répondre également à cette préoccupation-là de
baliser l'intervention et de
s'assurer qu'on n'a pas la pleine force du PG ou du DPCP contre un
contrevenant. Ce n'est pas l'objectif. D'ailleurs, c'était déjà possible, le DPCP pouvait déjà se
substituer. Maintenant, on lui permet juste de faire une intervention plus
ciblée, plus pointue, s'il le juge approprié, quand l'intérêt public
l'exige, tel que l'amendement proposé.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député.
M. Tanguay :
Oui. Merci, M. le Président. Quel est — j'aimerais entendre la ministre de façon plus
particulière — l'à-propos, donc, d'ajouter un 11.2 qui
vient, de façon spécifique... «Dans une instance mettant en cause une question d'intérêt public, le juge peut, même
d'office, ordonner au poursuivant d'inviter le procureur général ou le
directeur des poursuites criminelles
et pénales à intervenir.» Puis, si elle peut éclairer ma lanterne, est-ce de
droit nouveau? Est-ce que c'était déjà écrit à quelque part? Et pourquoi
le prévoir à 11.1?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Encore une fois, c'est une question de donner aux tribunaux des outils et
d'harmoniser le plus possible, quand c'est
utile de le faire, parce que ce n'est pas à n'importe quel prix, j'en suis
d'accord, avec l'article 79 du Code
de procédure civile qui va permettre au tribunal de demander l'intervention du
Procureur général ou du Directeur des poursuites — de demander, d'ailleurs, et non pas
ordonner — l'intervention
du DPCP ou du PG quand, à son avis aussi, une question d'intérêt public
devrait être débattue en sa présence. Donc, le juge peut aussi trouver qu'il y
a une question d'intérêt public qui dépasse
la poursuite comme telle, qui devrait être débattue devant lui, et demander que
ce soit le PG ou le DPCP,
dépendamment de la nature ou du type de procédure, là, qui intervienne. Mais la
question d'intérêt public demeure à ce moment-là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Écoutez,
je sais que vous aimeriez continuer encore, mais, compte tenu de l'heure, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 59)
(Reprise à 19 h 32)
Le Président (M.
Bachand) : O.K., à l'ordre, s'il vous
plaît! Merci beaucoup et bonsoir.
Lors de la suspension
de nos travaux cet après-midi, nous discutions de l'article 2
amendé du projet de loi. Interventions? M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Oui, merci
beaucoup, M. le Président, de me passer la parole dans ce contexte. Le projet de loi... J'en étais... Vous me mettez au défi, et je relève le défi
avec brio, M. le Président. 11.1, pourquoi on a ça?
Mme LeBel : J'avais répondu.
Relevez à nouveau.
M. Tanguay : Pas sûr,
pas sûr, M. le Président. J'aimerais que Mme la ministre étaye sa réponse.
Mme LeBel : Alors, je vais... ma réponse précédente.
Non, mais, sans blague, j'avais répondu. Ce que je vous disais, c'est que, c'est ça, ça permet... c'est l'article
qui dit que le juge peut lui aussi demander au PG ou au DPCP d'intervenir, mais
ce sont selon les mêmes critères, c'est-à-dire dans une question d'intérêt public. Donc, c'est simplement
que le juge, lui, proprio motu,
alors, d'office, décide ou voit, dans une instance, une question
qui mériterait que le Procureur
général ou le DPCP intervienne, il peut le faire, demander l'intervention, mais la notion d'intérêt public s'applique aussi, comme pour la première phase où c'est le Procureur général ou le DPCP qui décideraient de le faire, tel qu'on l'a discuté
précédemment.
M. Tanguay : Et ma question, M. le
Président, est peut-être
davantage... pas peut-être, elle est davantage... 11.1 vient
écrire, vient préciser que «le juge peut,
même d'office, ordonner au poursuivant d'inviter le PG ou le DPCP à
intervenir». Ma question,
de compréhension seulement, là, la ministre saura éclairer ma lanterne : Est-ce que
ça, ce n'est pas... Deux choses l'une.
Ce n'est pas déjà prévu, par
ailleurs? J'imagine que non, puisqu'on
l'inscrit là. Et de quelle autre source ça découlait, à ce moment-là, ce pouvoir au juge d'ordonner ça? Parce que je suis certain que
l'on ne fait qu'écho, peut-être, de jurisprudence...
Mme LeBel : Ce n'était pas dans le Code de procédure pénale. Naturellement, il ordonne au poursuivant de le faire, parce qu'on s'entend que le DPCP n'est pas encore... n'est pas partie devant lui,
donc il doit passer par le poursuivant actuel. Et ça s'inspire de l'article 79 du Code de procédure civile, qui
prévoit que «dans une instance [qui met] en cause une question d'intérêt public, les tribunaux
peuvent, même d'office, ordonner aux parties d'inviter le Procureur général du
Québec à intervenir comme partie». Donc,
c'est simplement, encore une fois, une question
d'arrimage avec ce qui existe déjà dans la
procédure civile, parce que l'article 11 n'était peut-être pas, à ce niveau-là, complet et ne permettait pas au tribunal de le faire d'une façon
officielle, donc, mais la notion d'intérêt public demeure la clé de cette intervention.
M. Tanguay : Merci. Est-ce
que l'article 79 dans le Code de procédure civile, qui est un
peu notre pendant auquel on
fait miroir, était de droit nouveau ou il existait déjà avant le
1er janvier 2016?
Mme LeBel : Il faudrait regarder. Je vais regarder, parce que,
tantôt, j'étais dans le Code de
procédure civile, j'avais les
années d'adoption, là, mais... 79, c'est ça?
M. Tanguay : Oui.
Des voix : ...
Mme LeBel : 2014.
Une voix : ...
Mme LeBel : Bien,
l'article 79, tel qu'il apparaît dans le Code de procédure civile actuel,
est adopté en 2014. Maintenant, quelles étaient les modifications qui ont été
faites en 2014, difficile de le savoir, là.
M. Tanguay :
Mais je vous soumettrais que le Code de procédure civile, pour avoir participé
à l'époque aux débats, probablement que tous les articles sont de 2014,
parce qu'il y a eu une mouture... il a été revisité...
Mme LeBel : Bien, ça se peut,
mais, moi, c'est la seule indication que je peux vous donner vite de même.
M. Tanguay : Là, je
vois, M. le Président, que vous vous impatientez.
Le
Président (M. Bachand) :
Non, non, non, c'est juste pour la suite des choses. Alors donc, laissez peut-être
un petit temps entre vos interventions pour qu'on puisse vous écouter et
vous entendre.
Mme LeBel : Sinon, je devrai
aller m'asseoir à côté de vous.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, M. le député, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
M. le Président, alors, mon point, c'est qu'à 11.1, oui, on fait miroir avec
79, mouture mise en vigueur le
1er janvier 2016 du Code de procédure civile, de la loi de 2014, oui. Mon
point est que... Est-ce que ça, c'est un pouvoir qui existait avant?
Mme LeBel :
Je serais bien embêtée de vous le dire. Moi, ce que je sais, c'est qu'il existe
de façon actuelle dans le Code de
procédure civile. Le pouvoir n'existait pas comme tel dans le Code de procédure
pénale. L'article 11 actuel ne permettait pas, à moins que je me trompe,
au tribunal... C'est pour ça qu'on a introduit 11.1. Mais la modification qui
a eu lieu en 2014 sur l'article 79... Est-ce que vous me...
M. Tanguay :
Ah! à 97, ça, ça me dit de quoi. Moi, je suis de l'ancien régime.
Mme LeBel :
Oui, peut-être que c'est dans la refonte. Laissez-moi juste regarder deux
secondes, si vous me permettez.
M. Tanguay :
Oui, on peut suspendre...
Le
Président (M. Bachand) : Je pense qu'on va suspendre, parce que
ça semble... c'est un élément important.
Alors, on suspend
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
19 h 37)
(Reprise à 19 h 43)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Alors, Mme la ministre.
Mme LeBel : Oui. Alors, pour être certaine, M. le député, de bien répondre à votre question, si vous permettez, on peut peut-être
continuer à faire les vérifications nécessaires. On a déjà une idée de réponse, mais
on veut être certains de vous donner la réponse la plus exacte possible.
On peut suspendre, si vous voulez, l'étude de cet article-là et passer à l'article 3. Et, par la suite, on pourra,
avec le consentement de tout le monde... Naturellement, moi, je le
propose, là, mais...
Le
Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y a consentement pour
suspendre l'article 2?
M. Tanguay :
Consentement.
Le
Président (M. Bachand) : Consentement. Merci beaucoup.
Article 3. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le Président. Article 3 :
L'article 14 de ce code est modifié par l'ajout, à la fin, de l'alinéa
suivant :
«Un
défendeur peut, avec le consentement du poursuivant, renoncer à la prescription
acquise à l'égard de la poursuite.»
Commentaire :
L'article proposé modifie l'article 14 du Code de procédure pénale afin de
permettre à un défendeur, avec le consentement du poursuivant, de
renoncer à la prescription acquise à l'égard d'une poursuite pénale.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Merci, M. le Président. Donc, un défendeur peut... Donc, il s'agit
d'ajouter : «Un défendeur peut, avec
le consentement du poursuivant, renoncer à la prescription acquise à l'égard de
la poursuite.» Oui, dans quel cas d'espèce...
Avez-vous... Je ne sais pas si la ministre pourrait nous illustrer ce qu'on
veut faire ici. Dans quel cas d'espèce il y aurait renonciation à la
prescription acquise à l'égard de la poursuite?
Mme LeBel :
Oui, absolument. D'ailleurs, c'est un des articles qui a fait l'objet de bons
commentaires et non pas de mauvais
commentaires pendant la consultation. Naturellement, on s'entend que c'est une
prérogative du défendeur de renoncer à la prescription, et non pas du
poursuivant, ce qui est tout à fait normal. C'est pour permettre une meilleure négociation. Quelquefois, il arrivait au
procureur... Le poursuivant voulait négocier un autre article du Code de la
sécurité routière, à titre d'exemple,
et, au moment des négociations, une infraction moindre, qui n'est pas
nécessairement moins... et on ne pouvait pas faire la négociation parce
qu'il y avait prescription et personne n'avait moyen d'y renoncer.
Donc,
à ce moment-là, naturellement, si on désire faire une telle négociation que la
prescription serait un obstacle à
cette négociation-là pour substituer une infraction plutôt qu'une autre, bien, le défendeur peut le faire
avec le consentement de poursuivant, naturellement, pour permettre de réactiver, si je peux le dire de cette façon-là, ce
n'est peut-être pas le bon terme, un article qui était
déchu, là, une infraction qui était déchue par la prescription.
M. Tanguay :
Oui, tout à fait.
Mme LeBel :
C'est à l'avantage du défendeur, si vous me permettez, d'y ajouter...
M. Tanguay : Bien oui, tout
à fait, tout à fait, je le reconnais. Il y avait l'Association des procureurs
de la cour municipale qui avait le commentaire suivant au deuxième alinéa de
l'article 14. Je sais que vous ajoutez un troisième alinéa.
Donc, on n'est pas là, mais eux en profitaient pour parler, quant à
l'article 14... devrait être modifié par l'insertion, à la suite de
«disposition spécifique» de «à une loi ou un règlement municipal».
Ainsi,
ils croyaient qu'il était important que l'exception du deuxième alinéa de
l'article 14 puisse s'appliquer aux poursuivants municipaux. «Il serait injuste — donc, c'est leurs dires — dans l'exemple de coupe d'arbres, la
responsabilité pénale [du
contrevenant] soit écartée par simple erreur procédurale. Nous rappelons qu'il
appartient toujours à la poursuite de prouver l'identité du responsable
de l'infraction lors de la présentation de la preuve.»
Donc,
eux, je ne sais pas si la ministre a eu l'occasion de faire une réflexion quant
à ce qui était proposé par l'Association des procureurs de cours
municipales.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Non, je n'ai pas de commentaire à cet égard. Mais je peux peut-être juste vous
préciser... tantôt, dans mon exemple,
là, c'est, naturellement, quand il s'agit de passer d'une infraction criminelle
surtout à une infraction pénale, les infractions pénales se prescrivant
toujours par le même délai, là. Donc, je voulais juste le préciser au niveau de
la prescription. Mais j'avoue que non, M. le député, je m'excuse, là, mais ce
n'est pas quelque chose qui m'a accroché, honnêtement.
M. Tanguay :
Donc, eux disaient : «Toutefois, à l'égard d'une disposition
spécifique...»
Mme LeBel :
Oui, c'est le deuxième alinéa de 14.
M. Tanguay :
Eux disaient d'ajouter «à une loi ou un règlement municipal». Autrement dit,
ils voulaient élargir la possibilité aux règlements municipaux.
Mme LeBel :
Ce n'est pas quelque chose qu'on a considéré. Puis je ne pense pas, en tout
cas, à tous égards, que c'est pertinent de le faire à ce stade-ci, là,
mais...
M. Tanguay : Est-ce
qu'on peut suspendre, le cas échéant, là, l'article puis revenir... Moi, mon point, M. le Président, ce n'est pas de suspendre pour faire du temps
puis retarder l'adoption, mais, si l'on souligne un élément qui, peut-être,
mériterait une réponse à l'Association des procureurs de cours municipales, qui
le soulevait, et qu'il resterait, et qu'il demeurerait
une analyse à faire, moi, je suis bien disposé à le suspendre sur ce seul
aspect-là, qui, lorsqu'il sera comblé... Bon, après ça, moi, sur le fond, je n'ai pas de problème avec
l'article 3, là. On pourrait l'adopter tout de suite, mais on pourrait peut-être
se donner le loisir de nous revenir avec une analyse spécifique par rapport à
ça.
Le Président (M. Bachand) : Si vous êtes d'accord, on va suspendre quelques
instants les travaux pour pouvoir voir si on doit suspendre l'article ou
pas.
Alors, on va
suspendre les travaux. Merci.
(Suspension de la séance à
19 h 48)
(Reprise à 19 h 52)
Le Président (M. Bachand) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Et on a trouvé un cellulaire ici. Alors donc, Mme la ministre, s'il
vous plaît.
Mme LeBel : Oui, alors, on peut peut-être...
Pour bien répondre à la préoccupation
de mon collègue, qui est soulevée dans le mémoire, et s'assurer d'y
répondre adéquatement, je vais vous demander de suspendre l'article 3. Par
contre...
Le Président (M. Bachand) : On va avoir besoin du consentement. Alors, c'est
juste pour, tout le monde, qu'on soit attentifs à la ministre, s'il vous
plaît. Mme la ministre.
Mme LeBel :
Donc, je vous demanderais de suspendre l'article 3. Ça va?
Le Président (M. Bachand) : S'il y a consentement pour ça,
l'article 3... Le but, la procédure, la démarche qui vous est
suggérée, c'est : On suspend 3 pour pouvoir mieux revenir à 2 avec les
explications de la ministre.
Mme LeBel :
Revenir à 2, oui.
Le Président (M. Bachand) : Donc, un premier consentement pour suspendre
l'article 3? Ça va. Et consentement pour revenir à 2? Merci
beaucoup.
Mme LeBel :
Et, sur ça, avec votre permission, on pourra donner la réponse ici, à ma
gauche.
Le Président
(M. Bachand) : Oui...
Mme Pomerleau
(Kathye) : Bonjour, Kathye Pomerleau, du ministère de la Justice.
Donc, cet article s'inspire, comme disait Mme la
ministre, de l'article 79 du Code de procédure civile et des articles 1 et 13 de la Loi sur le Directeur
des poursuites criminelles et pénales.
On vient clarifier les pouvoirs du PG et du DPCP avec cette disposition.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député.
M. Tanguay : Question
à Mme la spécialiste. Donc, il découlait de ces articles-là ce que nous
formalisons à 11.1.
Mme Pomerleau (Kathye) : Oui.
M. Tanguay : O.K., pas
d'autre question.
Le
Président (M. Bachand) :
...interventions sur l'article 2? S'il n'y a pas d'autre intervention,
est-ce que l'article 2, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président
(M. Bachand) : Adopté. On revient à l'article 3. Mme
la ministre.
Mme LeBel : Donc, on pourra
peut-être passer à l'article 4, si vous permettez.
Le
Président (M. Bachand) :
Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on puisse aller à l'article 4? On
attend encore la réponse sur l'article 3. Ça va? Consentement.
L'article 4, s'il vous plaît, Mme la ministre.
Mme LeBel :
Oui, article 4, j'aurai l'article original, j'aurai également un
amendement à proposer. Alors, je procède de la même façon que tantôt.
Article 4 : Les articles 19 et 20
de ce code sont remplacés par les suivants :
«19. La
signification d'un acte de procédure prescrite dans le présent code ou dans les
règlements du tribunal peut être
faite par tout mode approprié qui permet à celui qui signifie de constituer une
preuve de la remise, de l'envoi, de la transmission ou de la publication
de l'acte de procédure.
«La signification peut notamment être faite par
poste recommandée, par un service de messagerie ou un autre porteur, par un
moyen technologique, par un agent de la paix, par un huissier ou par avis public.
«Quel que
soit le mode de signification utilisé, le destinataire qui accuse réception de
l'acte de procédure ou qui reconnaît l'avoir reçu est réputé avoir reçu
signification de cet acte.
«19.1. Un
acte de procédure, autre qu'un constat d'infraction, une demande de
rétractation de jugement, un avis d'appel ou une demande de permission
d'appeler, peut être signifié uniquement au procureur du défendeur s'il est
ainsi représenté.
«20. La
signification au moyen de la poste recommandée, d'un service de messagerie ou
d'un [...] porteur se fait par
l'envoi de l'acte de procédure à la résidence ou à l'établissement d'entreprise
du destinataire ou, s'il s'agit d'une personne morale, à son siège, à l'un de ses établissements ou à l'établissement
d'un de ses agents. L'envoi postal est considéré un envoi recommandé
lorsque la réception ou la livraison est attestée.
«L'acte peut
également être envoyé à la personne désignée par le destinataire ou à son
domicile élu inscrit au registre des
entreprises. Si le destinataire n'a ni résidence, ni siège, ni établissement,
ni agent ayant un établissement au Québec, l'acte, y compris ceux
mentionnés à l'article 19.1, peut être envoyé au procureur qui le
représente.
«Lorsque la
réception de l'acte est attestée, la signification est réputée faite à la date
où l'avis de réception est signifié par
le destinataire ou par toute autre personne à qui l'acte peut être remis en
vertu de l'article 21. Lorsque la livraison de l'acte est attestée, la signification est réputée
être faite à la date de l'avis de livraison, sauf si une peine d'emprisonnement
est réclamée pour la perpétration d'une infraction.»
Commentaire : Cette disposition indique les
principaux modes pouvant être utilisés pour signifier un acte de procédure en matière pénale. En utilisant
l'expression «par tout mode approprié qui permet à celui qui notifie de
constituer une preuve de la remise de
l'envoi, de la transmission ou de la publication de l'acte de procédure» et le
terme «notamment», la disposition
n'exclut pas la possibilité que la signification puisse éventuellement prendre
d'autres formes. Ces autres formes devront être autorisées par un juge,
à moins d'être prévues par la loi.
L'article
établit également une présomption que le destinataire qui accuse
réception d'un acte de procédure ou qui reconnaît l'avoir reçu est
réputé avoir reçu signification de cet acte. Cette présomption est inspirée de
celle prévue au troisième alinéa de l'article 110 du Code de procédure
civile.
C'était le commentaire pour l'article 19.
Article 19.1 :
Cette disposition précise qu'un acte de procédure autre qu'un constat
d'infraction, une demande de rétractation d'un jugement, un avis d'appel
ou une demande de permission d'appeler peut être signifié uniquement au
procureur du défendeur s'il en est ainsi représenté.
Les actes de
procédure mentionnés dans cette disposition devront être signifiés au
défendeur. Vu les conséquences qu'ils
peuvent avoir sur le défendeur, il est préférable qu'il en reçoive une copie
directement, d'autant plus qu'il pourrait ne pas être représenté par un
procureur à ce moment.
Commentaire concernant
l'article 20 : Cette disposition reprend essentiellement
l'article 20 actuel. Toutefois, il est
proposé d'y clarifier la notion de poste recommandée de façon à y inclure la
poste prioritaire qui est actuellement traitée comme un mode distinct de signification. De plus, cette disposition
introduit la possibilité de signifier un acte de procédure au moyen d'un
service de messagerie ou d'un autre porteur.
Cette disposition précise également à quel
endroit un acte de procédure peut-être signifié et à qui il peut être remis
de façon à faciliter la signification.
Enfin, cette disposition précise à quel moment
la signification est réputée avoir eu lieu — avoir eu lieu, c'est ça — dans le cas où la livraison de l'acte est
attestée. La présomption ne s'applique pas si une peine d'emprisonnement est
réclamée pour la perpétration d'une infraction.
Quant à l'amendement,
si vous permettez, article 4, pour l'article 20, amendement
pour l'article 20 du Code de procédure pénale :
Dans le texte anglais du troisième alinéa de
l'article 20 du Code de procédure pénale proposé par l'article 4 du
projet de loi :
1° remplacer «receipt of the
proceeding is recorded» par «attestation is made of receipt of the proceeding»;
2° remplacer «delivery of the
proceeding is recorded» par «attestation is made of delivery of the
proceeding».
Donc, l'amendement est
pour la version anglaise ou anglophone.
Une voix : ...
Mme LeBel : Anglophone, merci.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, on va suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 20 heures)
(Reprise à 20 h 02)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux.
Alors, nous
sommes sur l'amendement proposé par la ministre. Alors, interventions? M. le député de LaFontaine,
s'il vous plaît.
M. Tanguay : M. le
Président, je... Puis ce n'est pas la
première fois, puis c'est correct, là, puis je ne veux pas mettre la ministre en boîte ou sur la défensive parce que
ça relève de bien avant elle et moi. Au Québec, on travaille sur les
textes de loi en français. On débat
sur des mots, des termes, on veut trouver le mot exact. Vous vous rappelez,
«considérer» et «privilégier»,
comment, en français, ça faisait, selon nous, de l'opposition officielle et des
autres oppositions également,
toute la différence du monde, qui justifiait
un article. Ça, c'était dans le débat français dans la
langue française, qui est la langue... une des deux langues de législation.
Moi, encore une fois, puis je ne vais pas prendre énormément de temps sur l'amendement... L'amendement,
on va l'adopter, là. Je veux dire...
Mais je trouve ça assez déconcertant, je vais le dire de même,
puis ce n'est pas moi qui vais régler ça aujourd'hui, là, le Canada a
152 ans, mais, comme législateur québécois... et je sais qu'il y avait un
litige, à l'époque, qui avait été soulevé
par le Barreau du Québec quant à l'adoption dans les deux langues officielles,
au Québec, de notre législation, et
la version anglophone a force de loi au même titre que la version française,
francophone... Mais force est de
constater que, si nous n'avons pas à adopter, au final, par notre procédure
parlementaire le texte de loi en anglais, force est de constater que nous devons, semble-t-il, adopter des amendements
au texte de loi en anglais. Alors, je veux dire, c'est correct, mais...
Et on doit se rabattre sur la bonne analyse du service de traduction de
l'Assemblée nationale.
C'est juste
ça. Je profite de cette occasion-là pour resouligner, M. le Président, mon
inconfort et le fait que je trouve ça assez particulier que l'on nous
dise : Bien, il y a un article 20 qui existe en anglais, et voici des
erreurs de traduction, et nous, on n'aura pas loisir, sauf aujourd'hui,
d'apprendre qu'il y avait cet article-là en anglais. Donc, j'apprends que l'article 20 en anglais se lit comme suit et
j'apprends aussi qu'il serait de bon aloi de modifier la traduction de cette
façon-là. Je trouve qu'il est tout à fait particulier et peut-être
questionnable... pas questionnable en ce qu'il faudrait remettre en question la façon de procéder, mais questionnable
en ce que, M. le Président, moi, comme législateur, j'ai l'impression d'être
pris dans un sac quand on arrive avec ça.
Puis je ne
vise pas la ministre, ça s'est fait bien avant la 42e législature,
quoique, depuis la 42e, on en voit de plus en plus, de cela. Et je relance mon invitation, peut-être, à l'Assemblée
nationale, à la présidence de l'Assemblée nationale, de nous aiguiller quant à l'adoption des textes en
anglais, parce que, de temps en temps, peu importe le projet de loi, il
nous arrive, pouf! des amendements dans la version anglophone de nos textes de
loi.
Alors, je
sais qu'il y a eu des débats
constitutionnels dans l'histoire récente du Québec et du Canada,
puis je ne veux pas ouvrir une boîte
de Pandore, mais c'est juste qu'à toutes les fois moi, je... On va le voter, l'amendement, là, mais, à toutes les fois...
Honnêtement, je ne peux pas attester de la valeur ajoutée que
j'aurai lorsque je voterai en faveur de cet amendement-là parce que
première fois que je lis l'article 20 en anglais, et là on nous dit :
Bien, la traduction nous demande de
modifier cela. Quand on sait la valeur des mots, l'importance des mots, surtout
en matière juridique et encore plus en légistique... Puis je faisais
référence aux mots «privilégier» et «considérer». On a passé quand même plusieurs
minutes là-dessus.
Voilà,
moi, ça ne sera pas sur le fond, parce
que, sur le fond, M. le Président, que voulez-vous, d'accord, «it sounds good».
If you prefer, I can express
myself in English and do it in English, but, at the end of the day...
«It sounds good», mais il faudrait peut-être
pour nous, législateurs, nous aiguiller davantage par rapport cela. Puis je pense que c'est
un point qui n'est pas anodin, parce
que c'est important au Québec. Oui, on légifère en français
et en anglais, ce n'est pas anodin,
mais il faudrait juste, nous, législateurs, peut-être nous parfaire notre
approche par rapport aux textes
législatifs des projets de loi en anglais, chose que l'on ne peut pas attester
présentement. Je pense que c'est important de légiférer également dans les deux langues, mais force est de
constater qu'on va passer ce chemin-là aujourd'hui de cette façon-là.
Alors, voilà,
ce n'est pas sur le fond, c'est sur la forme, puis je nous invite, nous, les
125 députés, à peut-être avoir cet examen de conscience là,
peut-être. Voilà.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci. Interventions sur l'amendement de la ministre? S'il n'y a pas
d'intervention, je vais procéder à la mise aux voix. Est-ce que
l'amendement à l'article 4 est adopté?
Des voix : Adopté.
Le
Président (M. Bachand) :
Adopté. Merci. Nous retournons maintenant à l'étude de l'article 4.
Interventions? M. le député de Gouin. Excusez-moi. M. le député de
Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
J'ai trouvé les remarques de l'opposition officielle assez intéressantes tantôt
sur l'utilisation de médias sociaux
pour communiquer avec les gens et je pense que l'article 4 porte notamment
sur ça. J'aimerais entendre la ministre sur cette question-là parce qu'il me
semble qu'en ouvrant la porte à une signification par un moyen technologique...
C'est une
formulation qui est très générale. On peut imaginer plusieurs moyens
technologiques, différents médias sociaux,
différentes applications. Cette formulation-là est, par définition, très, très
large, ouvre la porte à toutes sortes de choses, et on pourrait imaginer que ce serait communiqué par des
applications ou des médias sociaux dont le contenu est utilisé après ça
par les entreprises en question. C'est connu que, par exemple, le contenu des
messageries privées sur Facebook est ensuite commercialisé, en tout cas, ça
peut faire partie de types de données qui sont commercialisées par Facebook
comme entreprise.
Est-ce qu'il
n'y a pas des dérives potentielles à ce que des moyens comme ceux-là soient
utilisés pour signifier des actes de
procédure? C'est quand même des informations sensibles. Qu'est-ce que la
ministre pense du fait que des entreprises privées pourraient devenir propriétaires de ces données-là si c'est
signifié par des applications ou des médias sociaux qu'on connaît qui ont ces pratiques-là, dans le fond,
tout simplement? Est-ce qu'il n'y a pas place à des dérives? J'aimerais que
la ministre, peut-être, nous rassure là-dessus.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.
• (20 h 10) •
Mme LeBel :
Non, je ne pense pas. Il faut... La méthode Facebook, pour ne pas l'appeler
comme ça, va être encadrée par
l'article 6, qui propose l'article 20.2, de la signification par des
moyens technologiques. Et, encore une fois, c'est toujours un moyen...
quand on en est à publier sur un Facebook tel que la jurisprudence le
mentionnait, c'est quand on est arrivé à
avoir épuisé tous les autres moyens et c'est l'équivalent de la publication
dans les journaux de l'époque pour signifier et tenter de rejoindre quelqu'un. Et, comme vous pourrez le voir à
l'article 6, qui propose 20.2, cette signification par un tel moyen est admise à l'égard de la partie non
représentée que si elle y consent ou que c'est autorisé par un juge. Donc, il
doit y avoir une démonstration.
L'article 19
vient ouvrir les façons de signifier et qui étaient... pour ne pas les limiter
à la poste et à l'huissier, parce qu'il y a plusieurs autres façons de
signifier. Mais ce qui demeure et demeurera toujours important, c'est qu'on
puisse faire la preuve de la signification, et c'est ce que l'article 19
dit. Donc, dans le présent... dans les règlements du tribunal, bon :
«...peut être faite par tout mode approprié qui permet à celui qui signifie de
constituer une preuve de la remise...» Donc, il va toujours demeurer une preuve de signification à y être
faite, sinon, si on ne peut pas prouver la signification, on ne peut
enclencher les procédures.
Donc, c'est simplement pour sortir du carcan,
qui était très rigide, du Code de procédure pénale qui permettait à l'époque... je pense que c'était la poste et
l'huissier, là, par moyen... faite au moyen de la poste, ou par un agent de la
paix, ou un huissier. Donc, c'était
très, très encarcané comme procédure de signification. Maintenant, on ouvre,
mais on garde... La finalité d'une
signification, c'est de pouvoir en prouver l'existence, c'est-à-dire qu'on a
bien remis le document en question. Donc, il devra y avoir une preuve
qui est constituée de la remise de la signification.
Pour ce qui
est des moyens technologiques de signifier, c'est 20.2 ou 6, là, qui va pouvoir
encadrer ça. On est vraiment dans
l'article de nature générale qui vient décloisonner, si on veut, les modes
potentiels de signification. On va avoir... et, bon, encadrer la poste recommandée d'une autre façon... ouvrir un peu
avec des pratiques plus modernes de façons de rejoindre les gens. Et,
quand on parle des moyens technologiques, ça sera à 6 pour 20.2, si je ne me
trompe pas.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Interventions? M. le député de Gouin,
allez-y, oui, oui.
M. Nadeau-Dubois :
C'est sûr que ça nous amène à parler des autres articles. J'imagine que le
président va faire preuve de flexibilité puis nous laisser changer, là.
Ça fait que je comprends que la porte qui est ici grand ouverte va être, disons,
entrebâillée un peu plus loin dans le projet de loi. Et ce que je comprends de
ce que la ministre me dit, c'est que ça devra être autorisé par un juge ou ça
devra être consenti d'emblée par la partie. Est-ce que je comprends bien?
Mme LeBel : Bien, dans le cas
de la signification par un moyen technologique, qui va être...
M. Nadeau-Dubois : Dans le cas
de la signification par moyen technologique.
Mme
LeBel : ...oui, qui va être... qui serait visée par 20.2, quand... le
cas échéant, quand le... quand ici le projet de loi est adopté.
M. Nadeau-Dubois : Donc, si
quelqu'un dit : Moi, je ne veux pas que ça passe par un moyen
technologique x, mettons par Facebook,
parce que, justement, je ne veux pas que ça soit des données qui circulent dans
cette entreprise-là, si la personne
ne consent pas, ça ne sera pas possible, à moins qu'un juge, dans un cas de
dernier recours, l'autorise. Est-ce que je comprends bien?
Mme LeBel :
Puis on s'entend que, de façon générale, si on est capable de rejoindre
quelqu'un par Facebook, l'idée, ce
n'est pas de publier sur son mur qu'il a une contravention, là, c'est peut-être
de le rejoindre par la messagerie Facebook, qui demeure un moyen quand même privé de communiquer, malgré tout, on le...
bien, privé, plus privé que son mur Facebook.
Mais il faut y aller par le système de, je
dirais, l'entonnoir élargi, c'est-à-dire qu'on va toujours privilégier la
signification la plus directe possible. Mais, à un moment donné, il vient des
temps où on n'est pas capable de rejoindre les
gens, où les seules façons de les rejoindre, ce sont les divers médias sociaux
que l'on connaît maintenant. Mais ça devra se faire dans l'encadrement
prévu dans l'article 20.2, dont on parlera à l'article 6 du projet de
loi.
Le Président (M.
Bachand) : Oui, Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Oui, merci beaucoup. Je suis désolée pour... Il y a un autre débat... Je fais
juste le dire, je pense que je peux
invoquer ma propre absence. Donc, il y a un autre débat sur le projet de loi
n° 40 au salon bleu, ce qui explique mes entrées et sorties.
Au 19,
troisième alinéa, «le destinataire qui accuse réception de l'acte de
procédure», pour qu'il soit réputé avoir accusé réception, est-ce que ça doit se faire de manière positive :
J'accuse réception? Donc, de voir que le message a été lu avec une
notification demandée, «le message a été lu», n'est pas suffisant pour juger
qu'il y a eu accusé de réception?
Mme LeBel :
Non, il doit accuser de manière positive. L'idée, c'est que, souvent, on ne
peut pas... On ne pourrait pas
invoquer quand on admet avoir reçu la signification ou, entre autres... bien, à
titre d'exemple, quand on a payé l'amende.
Mme Hivon : Ça,
ça va. Oui.
Mme LeBel :
Payer l'amende est une façon d'accuser réception ou de contester le constat est
une façon d'accuser réception. Mais
on aurait pu, probablement, en vertu des articles précédents... on pouvait
invoquer le vice de signification, même si on l'avait réellement reçu.
Donc là, on
ne pourra plus invoquer un vice de signification en disant : Bien,
écoutez, il n'a pas été signifié par le moyen de la poste, ou de l'huissier, ou par un moyen approprié. Je
demande au poursuivant de faire la preuve de la signification, alors que, de façon évidente, il l'a reçue parce
qu'il l'a soit payée puis il demande une rétractation, peu importe, ou soit
qu'il conteste. Donc, à partir du moment où
il accuse réception d'une façon positive, de cette façon-là, bien, il est
réputé avoir été dûment signifié pour les fins des procédures. Donc, c'est de
privilégier le fond et d'évacuer les vices de forme.
Mme Hivon : O.K.
Ça, ça va de soi, je comprends bien. Mais le destinataire qui accuse réception
de l'acte de procédure quand... par exemple, par un moyen technologique, quand...
je veux dire, pour qu'on... qu'il soit vu comme ayant accusé réception... s'il n'a pas payé son constat, par exemple,
qu'il ne l'a pas contesté et qu'il dit : Écoutez, moi, je n'ai
jamais reçu ça, est-ce que le fait de voir que le message a été lu, par
exemple, est suffisant pour dire qu'on pourra y
opposer ça : Voyez, votre message... on a une notification que votre
message a été lu? Messenger, courriel, ce qui ne veut pas dire que ce
serait nécessairement la personne elle-même, là, on peut imaginer...
Mme LeBel :
Non, bien, il va toujours bien falloir que quelqu'un fasse la preuve, pour que
la présomption fonctionne, qu'il a
accusé réception. À partir du moment où le poursuivant veut invoquer que le
message marqué comme lu est une accusation de réception et que le
défendeur la conteste, ça prendra une appréciation du tribunal, j'imagine.
Mme Hivon : Je veux juste
être sûre que ça, ce n'est pas réputé être un accusé de réception. On se
comprend que la ministre ne pense pas que cela vaut accuser réception.
Mme LeBel : Ça prend un geste
plus positif de la personne, à mon sens, pour être capable de faire une preuve
satisfaisante à ce niveau-là, surtout s'il conteste ne pas l'avoir reçue.
Mme Hivon : O.K.
Mme LeBel :
Malgré la mention «lu».
Mme Hivon : Oui,
c'est ça.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? M. le député de LaFontaine, s'il vous
plaît.
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. L'Association des juristes progressistes
sont venus nous dire, faire référence
à... lorsque l'Assemblée nationale a adopté la Loi instituant le nouveau Code
de procédure civile, loi adoptée en
2014, mise en application le 1er janvier 2016, elle a simplifié les termes
utilisés en matière civile quant à la signification et notification.
Alors, pour
la ministre, question : on se réfère beaucoup au Code de procédure civile,
or, au Code de procédure civile, il y
a comme deux paliers, si vous me permettez l'expression, de communication, il y
a la signification et la notification. En quoi, dans le contexte de Code de procédure pénale, n'aurions-nous pas
pu considérer la notification pour certaines procédures?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Oui. Bien là, on part de deux traditions, si... bien, pas des traditions, parce
que c'est codifié, mais, quand même,
qui... de deux traditions distinctes. Quand on parle du... Le Code de procédure
civile fait une distinction entre la
notification puis la signification, ce que le Code de procédure pénale ne fait
pas. La notification comprend l'ensemble, dans le Code de procédure civile, dont vous avez probablement une
meilleure connaissance que moi pour l'avoir appliqué plus que moi dans votre
pratique, pour porter... C'est l'ensemble des moyens qui sont prévus pour
porter un document à la connaissance
des intéressés. C'est la notification. Alors que la signification se rapporte à
la signification comme telle par huissier, de façon traditionnelle. Le
Code de procédure pénale ne fait pas cette distinction-là.
Donc, on a
voulu garder... ne pas introduire une distinction au Code de procédure pénale,
qui n'existait pas, puis on parle beaucoup plus de signification, en
matière pénale, plutôt que de notification de document, là, qui est un niveau peut-être... je ne veux pas le dire de cette...
bien, peut-être un niveau de différent ou moindre de prise de connaissance qui
n'implique pas aussi un calcul de délais ou
un calcul de... alors que la signification, souvent, est le point de départ de
calculs.
M. Tanguay :
Je vous soumettrais que la notification aussi peut être le point de départ de
calculs, de délais. Par contre, c'est
au niveau du rigorisme qui est exigé quant à la preuve, quant au procédé même
d'informer une partie ou un tiers. N'aurait-il
pas été lieu... Puis j'aimerais savoir si les gens qui travaillent avec Mme la
ministre se sont posé cette question-là dans un contexte de procédure pénale, parce que, dans un contexte de
procédure pénale, il arrive de multitudes de requêtes incidentes en cours d'instance, et qui peut
appeler des tiers, également, on vient de le voir, à 11 puis à 11.1, appeler
des tiers. N'aurait-il pas été
pertinent aussi, par effet miroir, d'analyser la possibilité de faire de la
notification? Puis, M. le Président, je le dis avec le sourire au coin
des lèvres, il y a un petit piège dans ma question, puis je vais y arriver dans
quelques instants.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait.
Mme LeBel : Si on peut
permettre de répondre...
Le Président (M. Bachand) :
Alors, si vous êtes d'accord, on va permettre à M. Roy...
M. Tanguay : Le piège
est pour vous.
Le Président (M.
Bachand) : Premièrement, vous identifier et répondre à la
question, s'il vous plaît. Merci.
M. Roy (Vincent) : Vincent Roy,
avocat au ministère de la Justice.
En fait, il
faut garder à l'esprit que c'est vraiment deux régimes complètement distincts,
signification, en matière pénale,
notification, en matière civile. Quand le corpus a été révisé, en 2016, on a
bien fait attention de vraiment distinguer les deux régimes. Ce qu'il y a de particulier, surtout en matière
pénale, c'est que la signification peut se faire vraiment par tous les modes, y compris, dans certains cas, en
laissant l'acte... le constat d'infraction sur une voiture. Donc, si on se
reportait en civil, ce serait en fait
la notification. Donc, toute la logique au complet serait à revoir si on
voulait modifier les textes.
• (20 h 20) •
M. Tanguay :
Lorsque vous faites référence à deux régimes distincts, à quoi faites-vous
référence lorsque vous dites «régimes»?
M. Roy
(Vincent) : C'est l'ensemble des règles de notification qui sont
prévues au Code de procédure civile versus les règles de signification
au Code de procédure pénale.
M. Tanguay :
Et pourquoi ce serait plus permissible ou justifiable en matière civile et non
pas en matière pénale?
M. Roy
(Vincent) : Ce n'est pas tant une question de permissibilité que
vraiment une distinction dans les définitions utilisées dans les deux
régimes.
M. Tanguay :
Et en quoi c'est applicable en matière civile et pas en matière pénale? Je veux
comprendre. Là, vous dites : Au niveau de... Ça se fait dans un, ça ne se
fait pas dans l'autre. Mais en quoi ça peut bien se faire dans l'un et mal
se faire dans l'autre? En quoi l'opportunité est-elle saluée en matière civile
et plus questionnable en matière pénale?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Bien, je pense que c'est de changer toute une façon de... Et, comme il vient de
le mentionner, entre autres dans le
Code de la sécurité routière, la signification du constat sur le parebrise est
acceptée, ce qui équivaut, finalement, à
la notion de notification en civil. C'est juste une question de... C'est comme
s'il fallait arrimer et introduire la notion de notification dans le Code de procédure pénale. Là, on viendrait changer
toute une tradition ou un régime qui n'est pas nécessaire de faire, là.
M. Roy (Vincent) : C'est un
petit peu comme juge et tribunal tantôt.
Mme LeBel :
Oui, c'est un peu comme la notion de juge et de tribunal de tantôt, là, en
matière... Dans le Code de procédure
civile, dans le Code civil, on parle de notion de tribunal. Dans le Code de
procédure pénale, on parle de la notion de juge. C'est pour être sûr de garder les mêmes notions, là. Mais, dans
les faits, la notification se retrouve en pénal, mais elle s'appelle...
c'est un moyen de signification particulier.
M. Tanguay :
La lourdeur de la notification, je vous le soumets, est moindre que la
signification. Et, dans le Code de
procédure civile, on ne parle pas de requête introductive d'instance ou de
signification de jugement, c'est souvent des demandes en cours d'instance. Alors, pourquoi, dans les demandes en
cours d'instance — ça se
passe dans les deux régimes, là, pénal ou civil, les demandes en cours
d'instance, il peut y en avoir — pourquoi ça serait plus permissible, et plus
justifié, et plus de la nature même du Code
de la procédure civile de faire par notification à l'occasion et non pas en
matière pénale?
Mme LeBel :
De facto, ce n'est pas plus permissible. C'est une question de définition et de
vocabulaire. Ici, on introduit, dans le Code de procédure pénale, des
nouveaux modes de signification, mais on ne fait pas toute la révision de tout le Code de procédure pénale ou de toutes
les lois de nature pénale, à titre d'exemple, le Code de la sécurité routière,
qui permet une signification via parebrise qui, dans les faits, équivaut, si on
veut faire une équivalence, à un type de notification
en civil. Donc, on ne veut pas refaire tout le vocabulaire du régime pénal au
grand complet dans toutes les lois pénales.
Dans le
régime pénal, «signification» a une portée plus large que juste par huissier,
donc inclut ou comprend des notifications,
si on veut, et qui se retrouvent en civil, alors qu'en civil, pour une raison
que j'ignore, à une certaine époque, on
a choisi de parler de notification pour toutes les façons de signifier des
procédures qui sont autres que par huissier et de signification quand on parle
du huissier. On a choisi de faire cette distinction-là en civil, qui n'a pas
été faite en pénal. Mais, de facto,
il y a des choses en pénal qui se signifient, qui équivalent à une notification
puis l'acte de... Donc, ce n'est pas plus permissif, c'est une question
de vocabulaire et de façon dont les deux régimes ont été construits.
Mais ici, là,
l'objectif n'est pas de revoir toutes les façons de signifier puis de l'arrimer
avec le Code de procédure civile.
Entre autres, je vous remets, à titre d'exemple, le Code de la sécurité
routière, qui n'est pas l'objet de notre projet de loi, qu'on n'adresse pas dans le projet de loi, où la signification
par parebrise est permise, qui n'est pas une signification par huissier
qui vaudrait une notification en civil, si on veut faire une équivalence.
Donc, il n'y
a pas de dommage, il n'y a pas de préjudice pour personne, c'est une question
de termes et de vocabulaire dans deux régimes différents.
M. Tanguay :
Par contre, lorsque l'on vise, comme c'est l'objectif du projet de loi n° 32, de rendre plus efficace, de
simplifier, de rendre une justice plus accessible, ce faisant, je vous
soumettrai qu'avant 2014 il est vrai de dire que la notification, ça existait, mais ça n'a jamais été
poussé au point où la loi de 2014 a réellement fondé et multiplié les régimes
et les possibilités de notification en
matière de procédure civile. Ce qui fait en sorte que le Code de procédure
civile, mis en application le
1er janvier 2016, avait réellement un régime beaucoup plus bonifié de
possibilités de notifications, là.
Alors, mon
point, et je reviens à la question : Pourquoi ne pas, et c'est de façon
contemporaine, on parle de quelques années,
pourquoi ne pas avoir, si l'on veut simplifier et rendre moins rigoristes les
demandes, puis je ne parle pas d'un constat d'infraction dans le parebrise, là, qui est un peu la requête
introductive d'instance, la signification du constat d'infraction, mais les demandes en cours d'instance, pourquoi n'avoir pas permis ce régime-là également
qui vise à simplifier sans perdre d'efficacité par la notification, mais
en matière pénale?
Mme LeBel : Je ne suis pas vraiment certaine de bien
comprendre votre question puis je vais y répondre comme suit. Présentement, outre la question de vocabulaire, dans le Code de procédure
pénale, on introduit des modes de
signification qui sont de la nature
d'une notification, on ne fait juste pas de distinction de vocabulaire, ce sont
toutes des significations. La différence, c'est que, dans le régime civil du Code de procédure civile, le terme «signification», dans la définition,
signifie par huissier uniquement,
alors que «notification» donne tous les autres moyens qui sont aussi permis
dans le Code de procédure pénale.
Et, comme je vous dis, on s'adresse... là, on n'est pas dans la révision
complète de toutes les lois pénales et du terme «signification», on permet simplement d'ajouter quelques
moyens d'ouvrir.
Parce que, déjà, la
signification dans le Code de
procédure pénale, avant même l'amendement qu'on vous propose, était par la poste, par agent de la paix ou par
huissier. C'est déjà une différence avec le Code de procédure civile, qui, pour lui, c'est juste l'huissier, la signification.
Donc, déjà, la signification avait une portée plus large en pénal et de la
nature de la notification pour certains aspects, si on
peut le dire comme ça. Mais ça ne donne pas plus de droits, ça ne donne pas plus
de moyens, ça n'enlève pas de moyens, c'est simplement d'avoir, dans le régime
pénal, la même cohérence. La signification a une portée plus large, et on la précise dans le Code de procédure
pénale ou dans les lois qui sont concernées. À titre d'exemple, le Code
de la sécurité routière, qui permet la signification sur le parebrise.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député.
M. Tanguay :
L'opportunité de le faire, M. le Président, ici, lorsqu'on lit
l'article 19 : «La signification d'un acte de procédure prescrite dans le présent code ou
dans les règlements du tribunal peut être faite par tout mode approprié qui
permet à celui qui signifie de constituer
une preuve de la remise, de l'envoi, de la transmission ou de la publication de
l'acte de procédure.
«La
signification peut notamment être faite par poste recommandée, par un service
de messagerie ou un autre porteur, par un moyen technologique, par un
agent de la paix, [ou] par huissier ou par avis public.
«Quel que soit le mode de signification utilisé,
le destinataire qui accuse réception [...] reconnaît [...] avoir reçu
signification...»
Toute la
nomenclature, si je comprends bien la ministre, M. le Président, parce que ce
n'est pas uniquement... ce n'est pas
le fait de dire qu'il s'agit
uniquement de la même réalité appelée sous deux vocables différents, ce n'est
pas la même réalité. Dans le Code de procédure civile, on parle, à
l'article 110 : «La notification peut être faite par tout mode approprié qui permet à celui qui notifie de
constituer une preuve», et là on reprend le même vocabulaire de
l'article 110, Code de procédure civile, on le reprend à
l'article 19 de la notification.
Alors, vous
voyez, je viens de vous lire 19, je vais vous lire 110, Code de procédure
civile : «La notification peut être
faite par tout moyen approprié qui permet à celui qui notifie de constituer une
preuve de la remise, de l'envoi, de la transmission ou de la
publication[...]. Elle l'est notamment par l'huissier de justice, par
l'entremise de [...] poste, [...]de document, [...]moyen technologique...»
Alors, en
quoi, l'aspect de notification, qui avait été galvanisé et confirmé par la
réforme de 2014, appliqué en 2016, n'aurait pas pu trouver écho ici.
Mme LeBel : Oui, je dois dire
aussi qu'en droit criminel non plus, la notion de notification n'existe pas,
O.K.? Il y a peut-être l'explication suivante : en civil, il peut y avoir
une gradation dans l'importance des documents, puis, habituellement en matière
civile, les documents les plus importants sont signifiés, alors que les autres
sont notifiés. Cette gradation-là, cette
distinction-là n'existe pas non plus en pénal ou en criminel, habituellement,
c'est le constat, c'est l'acte, bon,
il y a certaines requêtes également. Mais en criminel comme en pénal, la notion
de notification n'existe pas. S'il
fallait l'introduire à l'article 19, ça viendrait changer le régime, et il
faudrait ajuster toutes les autres lois pénales. Et le Code criminel
fait aussi référence au Code de procédure pénale dans certaines instances.
Je le répète,
ça ne change pas le fait que les moyens qui seront à la disposition ne sont pas
les mêmes, mais ils peuvent être
similaires dans les deux cas. Et, à ce stade-ci, on ne juge pas opportun
d'introduire la notion de notification dans le Code de procédure pénale.
M. Tanguay :
Puis c'est correct, je comprends qu'on n'a pas la même vision là-dessus, mais
ce sur quoi on se rejoint, M. le
Président, très clairement, puis je ne veux pas rouvrir le débat de l'article 2.2,
puisque l'on vient de vivre, M. le Président, les dernières minutes sont à l'effet que procédure civile et procédure
pénale ont leurs limites en termes de comparaison entre les deux régimes. Ça, on vient de le vivre, dans
les dernières minutes, M. le Président, un débat qui nous a démontré que
l'on ne peut pas tout simplement dire, quand ça fait notre affaire, puis je ne
vise pas personne, puis ce n'est pas dit méchamment :
Bien, ça se passe de même puis c'est dit comme ça dans le Code de procédure
civile, copier-coller, on le met. Je
ne veux pas rouvrir le débat sur l'amendement à l'article 2.2 qui faisait
en sorte qu'en matière pénale... Ce que je disais depuis tantôt : Ce n'est pas la même chose en
matière pénale que c'est en matière civile. On peut-tu, plutôt que de
privilégier, en matière civile, la
notification ou la signification, on vient de le voir, par moyen
technologique... On peut-tu le considérer?
Ça, on aurait
eu une belle occasion, M. le Président, de faire écho à tout ce débat-là, puis
c'est le point que je voulais démontrer.
On ne parle pas, tout le temps, toujours de la même affaire. On devrait
peut-être le dire en des mots qui soient plus appropriés. Je pourrais vous proposer de rouvrir
l'article 2.2. Je demanderais le consentement pour rouvrir
l'article 2.2, M. le Président.
• (20 h 30) •
Le
Président (M. Bachand) :
Est-ce qu'il y a consentement pour rouvrir 2.2? Pas de consentement. M. le député.
M. Tanguay :
Ceci dit, tout n'a pas été dit sur l'article 4. M. le Président, nous
avons aussi, par ailleurs, noté... C'est celui-là ici.
Une voix : ...
M. Tanguay :
Oui, ici, pardon. Alors, l'Association des procureurs de cours
municipales : «L'article 4 du projet de loi devrait être amendé par l'insertion à la suite de
l'article 19.1...» Je reprends. L'Association des procureurs de cours
municipales nous dit que «l'article 4 du projet de loi devrait être amendé
par l'insertion à la suite de [...] 19.1 du code proposé, de l'alinéa suivant : "Tout acte de
procédure doit être signifié uniquement au procureur du poursuivant s'il est
ainsi représenté"». Je ne sais pas si la ministre a une réflexion à cet
effet.
Le Président (M. Bachand) : Mme la
ministre.
Mme LeBel :
Oui, j'ai une réflexion à cet effet. Présentement, c'est signifié à la ville
qui est le poursuivant principal. Je
pense qu'il faut laisser ça comme ça. Dans certains endroits, il y a des
procureurs municipaux qui sont au service de la ville, d'autres endroits, c'est des bureaux qui sont ad hoc. Ça
deviendrait extrêmement compliqué pour le défendeur de savoir où il doit signifier. Je pense que c'est
une question de dire que, les greffes, il y avait une procédure supplémentaire.
Mais je pense que c'est le poursuivant qui
doit l'assumer, cette difficulté supplémentaire là, pour permettre au défendeur
d'avoir un endroit unique, clair où signifier, c'est-à-dire la ville, qui est,
dans les faits, le poursuivant, donc.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député.
M. Tanguay :
Ce qu'on nous soumettait, à l'association des procureurs, à l'intérieur de leur
mémoire, page 7, c'est que, ce
faisant, ça augmentait les délais de traitement des demandes, en plus
d'augmenter les risques d'erreurs et de pertes. C'est ce qu'eux ont soulevé, et eux, plus que moi, ont à vivre
quotidiennement avec cela. Alors, sans faire nécessairement mien ce point de vue là, je pense que
j'aimerais peut-être entendre de façon plus spécifique la ministre. Est-ce
qu'elle a des indications à l'effet que leur prétention est non
justifiée?
Mme LeBel :
Je n'ai pas aucune indication à l'effet qu'elle est justifiée ou non justifiée,
à part le témoignage qu'ils en ont
rendu. Ceci étant dit, pour des raisons de cohérence, de faciliter, pour le
défendeur qui, lui, doit signifier, de trouver qui est le bureau qui
représente la ville, où est-ce qu'il doit signifier, je pense que c'est
beaucoup plus simple. Oui, on pourrait
décider que ça pourrait améliorer les choses et faciliter, mais je pense que ce
serait un risque, pour le défendeur, que moi, je ne suis pas prête à
courir.
M. Tanguay :
Sur 19.1, M. le Président... Puis je ne veux pas empêcher d'autres collègues
d'intervenir. On ajoute 19.1. On voit
que l'ancienne mouture, la future, ancienne mouture pour encore quelques
semaines, ou, sinon, mois, ou années, on
ne sait jamais, à l'article 19, 20, on ajoute 19.1 : «Un acte de
procédure, autre qu'un constat d'infraction — on a déjà l'image du parebrise de tantôt — une demande de rétractation de jugement, un
avis d'appel ou une demande de permission d'appeler, peut être signifié
uniquement au procureur du défendeur s'il est ainsi représenté.»
Donc, déjà, il y a
une distinction, basée sur, je dirais, l'importance des procédures ou les
conséquences d'une procédure, qui n'aurait
pas, par ailleurs, été mise à la connaissance de la partie intimée ou
défenderesse. Mais, «peut être signifié
uniquement au procureur du défendeur s'il est ainsi représenté», j'aimerais
donc entendre la ministre sur cet aspect
nouveau. Puis elle me corrigera si j'ai
tort, mais on ajoute... Là, à 19.1, probablement qu'on fait écho à de la jurisprudence?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la
ministre.
Mme LeBel :
Oui, donnez-moi peut-être une petite seconde, s'il vous plaît, ça ne sera pas long.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, Mme la ministre.
Mme LeBel : Oui, merci. Naturellement, c'est à partir
du moment où le défendeur est représenté par un procureur. On s'entend là-dessus,
c'est pour favoriser la communication entre les avocats. Et, habituellement, quand il est représenté par un
avocat, le défendeur préfère que l'avocat reçoive les actes de signification,
les actes de procédure signifiés. Je pense que c'est à l'avantage du défendeur.
S'il n'est pas représenté par avocat, naturellement, ça lui sera signifié personnellement,
mais j'ai du mal à voir, effectivement, le préjudice.
Le
Président (M. Bachand) : Si vous êtes d'accord, Mme la députée
de Joliette, je crois, hein?
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : Ça va? O.K.,
parfait, désolé. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Sur ce point-là, j'aurais terminé. Mais, si la
collègue de Joliette veut embarquer, j'aurais d'autres
commentaires sur l'article 19, mais je la laisserais s'inscrire dans le
débat.
Le
Président (M. Bachand) : Non, ça va?
Mme Hivon :
Je n'avais pas levé ma main.
Le
Président (M. Bachand) : O.K., désolé,
merci. M. le député.
M. Tanguay : M. le
Président, de ce que je comprends,
question courte, l'article 19 et les autres articles
aussi, 19.1 et 20, tant qu'à y être,
ne requièrent pas d'autorisation du tribunal. Suis-je bien fondé de le voir
ainsi? Ils peuvent se faire sans autorisation du tribunal?
Mme LeBel : Effectivement, ce
sont les modes de signification réguliers, si on veut.
M. Tanguay : Bon, voilà, quand, à 19, on introduit, parce que
c'est nouveau, par un moyen technologique, une signification, on peut le
faire sans autorisation du tribunal.
Une voix : ...
M. Tanguay : On me
dit : Non, ça fait référence à...
Mme LeBel : Là, vous parlez de
19, là?
M. Tanguay : Oui, à 19. À 19, autrement dit, par rapport à l'actuel, futur, ancien 19, il n'y avait pas «par moyen
technologique». Là, on propose «par moyen technologique», sans autorisation du
tribunal.
Mme LeBel : Oui, exactement, c'est le moyen technologique. Mais, après ça, la
façon de le faire par moyen technologique
est encadrée dans 20.2, à l'article 6. C'est-à-dire, regardez, ça commence, 20.2, qu'on propose
d'introduire : «La signification par un moyen technologique se fait
par», blablabla. Donc, oui, on vient donner, dans les modes de signification générale, le fait qu'on peut le
faire par moyen technologique. Mais, à 20.2, 6 du projet de loi, on vient encadrer la façon
dont on peut le faire quand il s'agit d'un moyen technologique. Donc, on part
du moyen large puis, après ça, on vient,
par l'article suivant, circonscrire la façon dont on peut le faire quand il s'agit d'un
moyen technologique, mais c'est le principe général qui est dans 19.
M. Tanguay :
O.K., oui. Puis on va revenir à 6 plus tard, mais je reviens sur mon fameux
«signification Facebook», là, la
signification par un moyen technologique. À 20.2, introduit par 6 : «La
signification par un moyen technologique se fait par la transmission de l'acte de procédure à l'adresse que le
destinataire indique être l'emplacement...» Là, on ne parle pas de
constat d'infraction, là.
Mme LeBel : On ne parle pas de
Facebook non plus.
M. Tanguay : Mais,
c'est-à-dire, O.K., bonne question, Facebook est-il un moyen technologique?
Mme LeBel :
Non. Et «à l'adresse que le destinataire indique être l'emplacement où il
accepte de le recevoir», bien, s'il
dit : Moi, je le veux par mon Facebook, là, je veux dire, ce sera son
choix, mais c'est vraiment l'adresse. Donc, on peut penser à une adresse courriel, à ce moment-ci, là,
ou un télécopieur, ou autre. Peut-être qu'il n'y aura plus de télécopieur
rendu là, là, on l'espère, mais un courriel. Mais c'est vraiment l'emplacement
où il accepte de le recevoir.
M. Tanguay : Est-ce que
Facebook est un moyen technologique?
Mme LeBel : Bien, je pense que
oui.
M. Tanguay :
O.K., parce que, là, on me dit : Retenez vos chevaux parce qu'à 19, «moyen
technologique», on en parle à 20.2.
Mais, 20.2, on dit que ce n'est pas Facebook. Donc, «moyen technologique» va
au-delà de 20.2. Où est mon Facebook?
Mme LeBel : Si le défendeur
nous dit : Je veux être signifié par Facebook...
M. Tanguay : C'est 20.2.
Mme LeBel : ...c'est 20.2,
O.K.?
M. Tanguay :
Mais mon juriste qui m'a signifié à mon défendeur son constat d'infraction par
Facebook, il n'a jamais levé la main puis dire : Aïe! Contactez-moi
sur Facebook.
Mme LeBel : Si on n'est pas capables de rejoindre le... Parce
que, dans le cas qui nous occupe, la jurisprudence est mentionnée. Il n'y avait
pas d'autre moyen de rejoindre, et le poursuivant avait demandé l'autorisation
au tribunal de le signifier par Facebook
parce que c'était ce qu'on avait pu retracer, j'imagine, dans nos recherches
comme étant une adresse connue. Ça
demeure le cas. Si le défendeur n'a pas d'adresse connue, il ne nous donne pas
d'adresse, de consentement, on ne sait pas où signifier, on fait des
recherches puis on retrace un Facebook pour lui, mais il va falloir que ce soit
autorisé par le tribunal pour le faire parce qu'il n'y aura pas
consenti.
M. Tanguay : Ça, je vous
suis, puis je ne veux pas... je suis de bonne foi, là.
Mme LeBel : Mais on pourrait en
rediscuter à l'article 6 de façon plus attentive.
• (20 h 40) •
M. Tanguay : Mais, à 6, non. À 6, ce n'est pas Facebook, mais,
à 6, c'est mon constat d'infraction. Je vous suis puis je veux juste comprendre, parce que peut-être
qu'on conte une histoire qui est mal rédigée, peut-être, je ne le sais pas, mais, si on me dit que Facebook, c'est un moyen
technologique tel que stipulé dans 19... Si on dit que Facebook, c'est un moyen technologique, tel que stipulé dans l'article 19, et qu'on
dit que, par ailleurs, l'article 19 ne requiert pas d'autorisation
du tribunal, donc Facebook peut être un moyen technologique qui ne requiert pas
l'autorisation du tribunal.
Mme LeBel : Non, ça dit que
c'est... On peut le faire si elle y consent ou si c'est autorisé par le
tribunal.
M. Tanguay : Je ne suis
pas à l'article 6.
Mme LeBel :
Non, mais c'est ça que ça dit, 20.2 : «...la signification par un tel
moyen n'est admise à l'égard de la partie non représentée que si [elle]
y consent ou [si] un juge l'autorise.» Donc, on ne pourra pas le faire de
nous-mêmes s'il n'y a pas de consentement de la partie ou si le juge ne
l'autorise pas.
M. Tanguay :
Je revire ça de bord. C'est peut-être la porte d'entrée. Comment pourrais-je...
Par quel article dois-je demander l'autorisation à un juge de signifier
le constat d'infraction par Facebook? Quel article m'exige...
Mme LeBel : Oui, ce serait
20.2, c'est un moyen technologique. Donc, il faut demander l'autorisation du
juge, à moins que la personne y ait consenti et lui ait dit... Si la personne
dit : Prends mon Facebook, ça va bien, il a consenti. Sinon... Mais le poursuivant ne pourrait pas
décider par lui-même, sans consentement de la personne ou l'autorisation d'un
juge, de passer par un moyen technologique,
y incluant, notamment, Facebook. Donc, le poursuivant ne peut pas le faire
de lui-même, deux façons de le faire : consentement, autorisation du juge,
20.2.
M. Tanguay :
Je vous suis, mais ma lecture de 20.2... Puis c'est correct, là, qu'on a ça là.
On n'est pas devant la cour, là, mais
mon autorisation de... C'est que, si la personne, de mauvaise foi ou de façon
déraisonnable, ne l'autorise pas en
vertu de 20.2, là, je peux demander au juge de l'imposer. C'est ça, le sens de
20.2, le juge l'autorise ou l'ordonne. Si, de façon déraisonnable, moi, je n'y consens pas, le juge va me dire :
Non, tu vas consentir, je te l'ordonne, une fois que je suis déjà
embarqué dans la procédure.
Mais je suis
ab initio, je suis chez moi, quelqu'un veut me signifier un acte de procédure,
je n'ai pas de consentement, je ne suis pas devant le juge, je ne refuse pas de
façon déraisonnable puis on ne me l'impose pas, je suis chez moi, on
veut me signifier par un moyen
technologique — ce qui
est, en matière civile, une requête introductive d'instance, ça ne s'appelle
plus de même, mais c'est mon constat
d'infraction — on me
dit, à 19 : Tu peux le signifier en vertu d'un moyen technologique,
à qui dois-je demander... Deux choses l'une. Moi, je suis le poursuivant, je
veux le signifier par Facebook, son constat d'infraction,
je me fie sur 19 puis je le lui envoie, parce que c'est un moyen technologique,
ou, en vertu d'un autre article, je demande la permission?
Mme LeBel :
C'est votre lecture de l'article, avec beaucoup de respect, ça ne dit pas, dans
l'article, qu'à défaut de consentement le poursuivant doit s'adresser...
Ça donne juste deux façons de pouvoir utiliser un moyen technologique, avec le consentement ou sur autorisation.
Maintenant, le juge décidera, en vertu des arguments du poursuivant, s'il
autorise ou non la signification, le juge devant privilégier
habituellement les moyens les plus simples de...
M. Tanguay :
O.K. Si, vous et moi, on va au restaurant puis on se demande ce qu'on va
commander, il va falloir qu'on se rencontre d'abord au restaurant avant
de se poser la question de ce qu'on va commander. Donc, 20.2 : «La signification par [...] moyen technologique se
fait par la transmission de l'acte de procédure à l'adresse que le destinataire
indique être l'emplacement où il accepte...»
Il faut qu'il soit déjà au restaurant, là, moi... il n'est pas au restaurant,
il n'a pas été convoqué.
Moi, je suis ab initio, il n'y a aucune
procédure, puis je n'ai pas eu... Moi, là, on veut me signifier un constat d'infraction, je suis chez moi, je ne sais même
pas qu'il y a un constat d'infraction qui est pendant au-dessus de ma tête, il est clair que je n'aurai pas exprimé un choix de
dire : Bien, savez-vous quoi, si vous voulez me signifier un constat
d'infraction, là, appel à la Terre, vous pourrez le faire à
marctanguay.hotmail.com. Ce n'est pas ce que 20.2 dit et prévoit, c'est
lorsque la signification par un moyen
technologique — 20.2 — se fait par la transmission à l'adresse que
le destinataire indique être l'emplacement.
Mme LeBel : Oui, c'est vrai
quand vous parlez de la première procédure.
M. Tanguay : C'est ça,
je suis d'accord.
Mme LeBel :
Oui, mais cet article-là s'adresse à toutes les significations, même des
procédures en cours de route, quand
la procédure est déjà initiée. Maintenant, si on est au départ, c'est sûr qu'on
va aller... on ira, à ce moment-là, à celle qui est connue publiquement comme
étant l'adresse où il a accepté. Il faudra faire une preuve que c'est cette
adresse, et, sinon, demander une
autorisation du tribunal pour passer par Facebook, à titre d'exemple, pour ne
pas le nommer. Donc, il ne faut pas
oublier que cet article-là, de signification par des moyens technologiques,
peut s'appliquer à beaucoup de moments de la procédure. Et, dépendamment
du moment où on se trouve, bien, il faudra entrer par une des portes qui permet
d'entrer...
M. Tanguay :
O.K., on chemine.
Mme LeBel :
Mais, si on parle du constat d'origine, vous avez raison, si je ne sais même
pas qu'il y a un constat contre moi, je ne peux pas consentir à la
signification.
M. Tanguay : C'est ça.
Mme LeBel :
Mais, une fois que le constat a été émis, il y a d'autres procédures où
j'aurais pu dire au tribunal : Bien, à partir de maintenant, si vous avez d'autres procédures à me signifier,
c'est là que vous allez le faire. Là, j'aurais donc consenti.
M. Tanguay :
Je n'en suis pas là, j'en suis au premier coup, effectivement. Je ne suis pas
au deuxième, troisième...
Mme LeBel :
Bien, il devra rentrer par une autre porte que celle-là, c'est-à-dire celle qui
est connue publiquement ou, ultimement,
j'imagine, demander l'autorisation du juge pour procéder par... encore une fois, ne parlons pas de Facebook en
le nommant, mais, à titre d'exemple, parler de Facebook, parce qu'on pourrait faire une preuve... le
poursuivant pourrait faire une preuve
de dire : Je n'ai pas d'adresse connue, j'ai cherché dans les registres,
j'ai envoyé par la poste, il n'y avait personne, la lettre est revenue,
elle est connue à cette adresse. Peu importe, là, vous connaissez comme moi
toutes les procédures qu'on peut essayer de
faire en signification. Et, à ce moment-là, bien, on pourrait avoir une
recherche qui est faite. Le
poursuivant fera une preuve, disant : Bien, moi, j'ai trouvé un Facebook
pour lui, je vous demande l'autorisation, en dernier recours, de le
faire. Et là on ira par... le juge l'autorise. C'est un cas de figure. Il
pourrait y en avoir d'autres.
M. Tanguay : Donc, si je
comprends bien, l'article 19,
qui prévoit, par signification... qui prévoit toute signification par moyen technologique...
l'article 19 établit le principe : Tu peux signifier par moyen
technologique. Aussitôt que je dis :
Aïe! ça me tente de signifier par moyen technologique, à ce moment-là, je dois
me rabattre sur 20.2 et j'en suis à l'étape...
pas de l'adresse qu'il m'a donnée, il n'existe même pas, il ne sait même pas
qu'il va être en relation bientôt avec moi
par rapport à ce litige-là, mais où il accepte de recevoir. Je ferai la preuve
devant un juge que, par Facebook, il a reçu des documents, il accepte des documents, et on peut lui communiquer...
Il accuse réception ou envoie des messages : Oui, bien reçu, puis tout ça. Et, à ce moment-là, je
pourrai me faire autoriser par le juge une signification par un moyen
technologique.
Autrement
dit, puis je pense qu'on chemine là-dedans, dans notre compréhension, parce que
ce n'était pas clair dans ma tête,
là, l'article 19, on dit que tu peux signifier par moyen technologique.
Parfait. J'en suis à l'exemple très simple de dire : La première
étape, j'envoie le constat d'infraction. Il n'existe même pas, le litige. À ce
moment-là, je me rabats sur 20.2. Première
étape : constat à l'infraction, moyen technologique, il faut que j'aille à
20.2. Et, si je veux y aller par Facebook, je ferai la preuve devant un juge
que, de façon usuelle, on voit qu'il le reçoit, puis je suis capable de faire
la preuve qu'il le reçoit et qu'il accuse
réception par un «reply» ou peu importe. À ce moment-là, le juge pourrait
m'autoriser à lui signifier par Facebook mon constat d'infraction. Ma
lecture est-elle...
Mme LeBel : C'est un des cas de
figure possibles.
M. Tanguay : C'est
possible de faire ça de même.
Mme LeBel : Un des cas de
figure.
M. Tanguay :
Pourrions-nous faire la signification d'un constat d'infraction par un moyen
technologique sans passer par 20.2? Je pense, la seule réponse, c'est
non?
Mme LeBel :
Normalement, non, parce que 20.2 signifie... Ça va? Est-ce qu'on revient à 4?
Parce qu'on a passé beaucoup de temps sur 6.
Le Président (M.
Bachand) : J'ai entendu votre soupir, M. le député de
LaFontaine.
M. Tanguay : Non, c'est
bon. Merci beaucoup.
Mme LeBel : On revient à 4?
Le Président (M.
Bachand) : Interventions sur 4? M. le député de Gouin, s'il
vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
...de compréhension. En fait, non, je suis désolé. On a tellement parlé de
l'article 20.2 que j'étais dans l'article 20.2. Je poserai ma
question quand on y arrivera, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) :
O.K., merci. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'article 4 tel
qu'amendé? S'il n'y a pas d'autre intervenant, est-ce que
l'article 4, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M.
Bachand) : Adopté. Merci beaucoup.
Article 5. Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme LeBel :
L'article 5, M. le Président, merci. L'article 5, donc, du projet de
loi se lit comme suit :
L'article 20.1
de ce code est modifié :
1°
par la suppression de «ou, lorsque le témoin peut être ainsi rejoint, par
télécopieur ou par un procédé électronique»;
2° par l'insertion,
après «paix», de «ou une personne chargée de l'application d'une loi»;
3° par l'insertion, à
la fin, de «ou cette personne».
La modification
apportée par le premier paragraphe de cette disposition découle de
l'introduction, en vertu de l'article 6
du présent projet de loi, de règles spécifiques portant sur la signification
par un moyen technologique. Il n'est plus nécessaire de faire référence ici à
l'utilisation d'un télécopieur ou d'un procédé électronique parce que ça
devient inclus dans un moyen technologique.
La
modification apportée par les deuxième et troisième paragraphes de cette
disposition facilitera l'assignation de personnes chargées de
l'application de la loi.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? Est-ce qu'on a
besoin de plus de temps pour l'article? On est corrects? S'il n'y a pas d'autre intervention sur
l'article 5, je vais mettre l'article 5 aux voix. Est-ce que
l'article 5 est adopté?
Des voix :
Adopté.
• (20 h 50) •
Le
Président (M. Bachand) : Adopté. Merci beaucoup.
Article 6. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Oui, alors, nous allons maintenant lire l'article 6 de façon officielle,
M. le Président :
Ce code est modifié
par l'insertion, après l'article 20.1, du suivant :
«20.2.
La signification par un moyen technologique se fait par la transmission de
l'acte de procédure à l'adresse que le
destinataire indique être l'emplacement où il accepte de le recevoir ou à celle
qui est connue publiquement comme étant l'adresse où il accepte de recevoir les documents qui lui sont destinés,
dans la mesure où cette adresse est active au moment de l'envoi.
«Cependant, la
signification par un tel moyen n'est admise à l'égard de la partie non
représentée que si [elle] y consent ou qu'un juge [l'y] autorise.
«La
signification est réputée faite le jour de la transmission. Si l'acte de
procédure est transmis après 17 heures, le samedi ou un jour férié,
la signification est réputée faite le jour ouvrable qui suit.»
Commentaire :
Cette disposition vise à permettre une utilisation plus large des technologies
pour la signification d'actes de
procédures en matière pénale. Elle s'inspire des principes prévus par la Loi
concernant le cadre juridique des technologies de l'information,
notamment en demeurant neutre par rapport aux moyens pouvant être utilisés.
La signification par
un moyen technologique se fait par la transmission de l'acte de procédure à
l'adresse que le destinataire indique être
l'emplacement où il accepte de le recevoir ou à celle qui est connue
publiquement comme étant l'adresse où
il accepte de recevoir les documents qui lui sont destinés, dans la mesure où
cette adresse est active au moment de l'envoi.
Il
est important de souligner que ce mode de signification ne peut être utilisé à
l'égard de la partie non représentée par avocat que si celle-ci y
consent ou qu'un juge l'autorise.
Enfin,
cette disposition précise à quel moment la signification par un moyen
technologique est réputée avoir eu lieu pour tenir compte du fait qu'un document envoyé par un tel moyen est
reçu dans les secondes ou les minutes qui suivent, mais que le
destinataire n'en prend pas nécessairement connaissance à ce moment.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. J'avais le député
de Gouin sur l'article 20.2. M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : D'abord, une question de clarification
pour bien comprendre ce que nous avons devant les yeux. On parle d'adresse ici et on dit :
«...l'adresse [...] qui est connue publiquement comme étant l'adresse où il accepte de recevoir les documents qui lui
sont destinés...» J'aimerais avoir des explications sur le... Est-ce que
c'est... Par exemple, moi, j'ai un profil... On va reprendre les
exemples des dernières minutes. Moi,
j'ai un profil Facebook personnel, j'ai une page Facebook de député.
Est-ce que ça, c'est une adresse publiquement... Qu'est-ce qui fait qu'une
adresse devient publiquement connue comme étant celle où on accepte de recevoir
des documents?
Mme LeBel :
Bien, à titre d'exemple, il y avait
un dossier précédent dans lequel il a accepté une adresse électronique ou une adresse quelconque où il a accepté de se
servir... d'être signifié. On a cette adresse-là au dossier, et il avait déjà
accepté d'être signifié à cette
adresse-là. Par contre, il
faut que cette adresse soit toujours
active au moment où on s'en sert. Donc, si elle date de deux ou trois ans dans les
archives, on peut parler de gens qui avaient des dossiers précédents, bien là il va falloir s'assurer que l'adresse est toujours
active, mais il avait déjà accepté précédemment de recevoir des significations
à cette adresse-là. Ça peut être un exemple.
M. Nadeau-Dubois :
Donc, une fois qu'on consent à un moyen technologique une fois, on est réputé
avoir consenti pour toutes les fois qui
s'ensuivent. Si moi, une fois, je dis : Contactez-moi par courriel sur un
dossier x, est-ce que, donc,
dorénavant, ça devient une adresse publiquement connue comme étant celle où
j'accepte de recevoir des documents, et
donc, à partir de ce moment-là, je n'ai plus besoin de consentir, plus jamais,
puis je peux toujours recevoir ça par courriel? C'est parce qu'on pourrait penser que la personne, par exemple, n'est
pas au pays, cette semaine-là, et dit : Envoyez-moi-le par courriel. Mais est-ce que ça veut dire
qu'après ça, pour toujours, il y a comme un consentement qui est irrévocable et
on va toujours pouvoir dorénavant lui signifier...
Mme LeBel : Bien, on
ne sera jamais dispensé de faire la preuve de la réception, par contre, là,
même si on l'a envoyé par un moyen
électronique. Mais, ceci étant dit, ça peut être aussi une adresse ou, je ne
sais pas, moi, une entreprise qui dit
que les documents... elle peut recevoir des documents par cette adresse. Il y a
plusieurs cas de figure. Mais il faut, à tout le moins, être capable d'établir, de toute manière, pour que ce
mode de signification là soit accepté, que cette adresse-là était une
adresse... remplit le critère de «connue publiquement comme étant [une] adresse
où il accepte de recevoir les documents». On ne s'en dispense pas, là,
d'établir ce critère-là au départ.
M. Nadeau-Dubois : Mais ma question, c'est : Est-ce qu'on le remplit, ce critère-là, pour toujours dès que l'on
consent une fois à l'utilisation d'un moyen
technologique donné? Est-ce que ça ouvre une porte qu'après ça on ne peut plus
refermer parce qu'on a consenti une fois en
disant : Notifiez-le-moi par ce... signifiez-le-moi par ce moyen x? À
partir de ce moment-là, ça devient une adresse reconnue, et donc ça devient un
modus operandi pour le poursuivant dans toutes les autres affaires
possibles?
Mme LeBel :
Ce n'est pas un consentement éternel. Il faut que l'adresse demeure active. Mais c'est parce qu'on va faire l'analogie
avec une adresse physique de votre domicile. Quand ça devient une adresse
officielle sur un permis de conduire ou dans
les documents officiels, c'est une adresse qu'on admet que
l'adresse est un endroit où on peut nous rejoindre. Ça peut être le cas
d'une adresse électronique également où on dit, à un certain moment donné, de
façon publique : Ceci est une adresse
électronique — parce
qu'on va parler plus d'adresse électronique ici — où je
peux être rejoint. Maintenant, dans
tous ces cas de figure là, même dans une adresse, ça ne dispense pas de prouver
que la signification a été reçue, là, que ça a été signifié.
M. Nadeau-Dubois :
La raison pour laquelle on demande un consentement dans le cas d'un moyen
technologique puis pas dans le cas des autres moyens, c'est parce qu'il
y a une réalité particulière aux moyens technologiques. Donc, pourquoi est-ce que, dans ce cas-là, un
consentement une fois serait valide? Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen
d'introduire ici une disposition où
on dirait : Bien, ce consentement-là, il doit être réitéré à chaque fois,
là? Et le fait de consentir une fois
au moyen technologique ne peut pas nous... Ça ne peut pas devenir le critère
qui justifie... Ça ne peut pas faire de ce moyen technologique, donc, une adresse où on accepte de recevoir le
document, parce qu'il me semble que, sinon, ça veut dire qu'on donne un
consentement une fois, et il n'est plus révocable jamais, alors que la notion
de consentement, habituellement, implique qu'on peut le retirer.
Mme LeBel :
Bien, la notion de consentement ici fait référence aussi à la notion de
confirmation que c'est une adresse où
on peut être rejoint. Il n'est pas... Il est beaucoup plus facile de confirmer
une adresse physique, le domicile de quelqu'un, qu'une adresse e-mail qui,
nécessairement, on le sait, hein, ne porte pas nécessairement le nom de
quelqu'un, on s'entend, et de reconnaître...
Donc, ce consentement-là est une façon de valider que l'adresse appartient bien
à la personne, mais ça ne dispensera
jamais de prouver que la signification a bel et bien été reçue, là. Ce n'est
pas parce qu'on l'envoie à une adresse électronique qui a été identifiée comme
étant une adresse qui nous rejoint que ça va me dispenser de faire la preuve
que je l'ai bien reçue.
M. Nadeau-Dubois :
Je comprends.
Mme LeBel :
Oui, et on pourrait aussi refuser de les recevoir à l'avenir à cette
adresse-là.
M. Nadeau-Dubois :
Comment...
Mme LeBel :
Oui, mais l'idée, là...
M. Nadeau-Dubois : Si
c'est un nouveau constat d'infraction,
ils vont vous écrire : Bonjour, on a un deuxième constat,
finalement? Est-ce que c'est encore correct si on...
Mme LeBel : Bien là, on ne peut pas se soustraire à une
signification. Si l'adresse est valide puis elle vous rejoint, je pense qu'un poursuivant ou le ministère
public, dans le cas... peut vous signifier à cette adresse-là. À
partir du moment où vous allez dire : Bien, écoutez, à partir de maintenant,
je ne veux plus que vous utilisiez cette adresse, bien, je veux dire, la première signification va quand même
être valide. On ne peut pas en faire une façon d'éviter la signification. Si
cette adresse-là avait été valide
dans un dossier particulier, on signifie là. Si la personne
dit : Je n'ai jamais été signifié parce que cette adresse-là n'est plus valide, on n'a pas de
preuve de signification. Là, on parle de signification d'acte de procédure,
là, je veux dire.
M. Nadeau-Dubois : Bien, il ne s'agit pas d'éviter la signification.
Au contraire, là, on est en train d'adopter des articles qui donnent plein, plein, plein de nouvelles manières pour
signifier. Ça fait qu'on n'est pas dans une logique de restreindre. On
est, au contraire, en ce moment, puis c'est une bonne chose, de moderniser,
puis d'élargir, puis d'ouvrir une
multiplicité possible de manières de signifier. Ça fait qu'il n'y a personne,
je pense, ici, qui souhaite donner aux gens des moyens d'éviter. Bien au contraire, on est en train de donner plein
de nouveaux moyens de signification. Ça fait qu'il ne s'agit pas
d'éviter, mais il s'agit de respecter la notion de consentement, qui implique
qu'on peut le retirer.
Or, ce que
moi, j'entends, en ce moment, de la ministre, c'est qu'elle me dit : Si, dans une affaire
donnée, la personne a donné son
consentement pour être rejointe par un moyen technologique, disons, une adresse courriel, un profil Facebook, la messagerie privée sur Twitter, je ne sais pas, il
y a plein de cas de figure, bien, qu'à partir de ce moment-là, ça, ça devient une adresse connue publiquement où il
accepte de recevoir les documents qui lui sont destinés. C'est la réponse que
la ministre m'a faite. Donc, le
consentement, il n'est plus... dans les faits, là, il ne peut pas être retiré
puisque l'adresse va être connue
publiquement, puis, une fois qu'on a donné le consentement, c'est fini, puis il
faudra attendre d'être signifié une seconde fois pour pouvoir retirer le
consentement. Or, le mal sera fait.
Mme LeBel : Quel mal?
M. Nadeau-Dubois : Bien, le
mal...
Mme LeBel : Le mal d'avoir été
signifié à une procédure que tu dois être signifié?
M. Nadeau-Dubois :
Ce n'était pas le meilleur choix de mots. Ce n'est pas, en effet, un mal, mais,
disons, le bris de consentement aura été fait puisque je l'avais donné
seulement pour une première fois. Je me demande...
Mme LeBel : Quel est le
préjudice?
• (21 heures) •
M. Nadeau-Dubois :
Un consentement, c'est censé être révocable. Et là il me semble que, quand je
lis ça, je vois un consentement qui
n'est plus révocable, parce qu'une fois qu'on l'a fait on ne peut plus revenir
sur la décision, parce que, par
exemple, on n'est plus confortable, parce qu'on a changé d'idée, parce qu'il y
a eu une brèche de sécurité sur un réseau social qu'on utilise. On avait
dit oui. Il y a une brèche de sécurité. Deux mois plus tard, on dit :
Finalement, il y a une brèche de sécurité
sur Facebook, par exemple, c'est des choses qui arrivent, on le sait, et donc j'aimerais, moi,
comme citoyen, changer de mode de communication. Là, je ne peux
plus le faire. En fait, je vais pouvoir le faire, mais a posteriori. Donc,
est-ce qu'il n'y a pas là un enjeu?
Mme LeBel : Oui, mais, première des choses, là, dans le cas
de figure, il faut s'assurer que l'adresse est toujours active. Bon, ça
pourrait être une façon de vérifier le consentement, si elle est active ou non. Mais, d'une autre
façon, je veux dire, il n'y
a pas de brèche de sécurité, là. On
parle d'un acte de signification. Et
quel est le préjudice? Maintenant, à partir du moment où on reçoit une adresse valide puis on dit : Je ne suis
plus d'accord, bon, on vient... on a été signifié, il n'y a pas de préjudice, il n'y a pas de mal. Et on
pourra retirer le consentement pour le futur, mais on parle de signifier un
acte de procédure, là. Au niveau de l'envahissement de la vie privée, on
n'est pas dans ce domaine-là.
M. Nadeau-Dubois : Mais je sais
qu'on parle de...
Mme LeBel : Je veux juste qu'on
remette les choses en perspective. On parle de la signification d'un acte de
procédure par une adresse électronique.
M. Nadeau-Dubois :
Oui, je comprends, mais la raison pour laquelle il y a la notion... Je vais y
aller par la... Pourquoi est-ce qu'on demande le consentement des gens
avant d'utiliser un moyen technologique?
Mme LeBel :
C'est une notion de validation de l'adresse, d'accepter, parce que ça vient
valider que l'adresse est valide pour cette personne-là. Je veux dire,
j'essaie de trouver...
M. Nadeau-Dubois :
Mais pourquoi on n'aurait pas à le faire une seconde fois pour signifier un
second acte de procédure ou un acte
de procédure dans une tout autre affaire? Je demande... C'est parce que, là, il
y a une contradiction entre dire : Il faut demander le
consentement, mais qu'une fois que ce consentement-là est donné il n'est plus
révocable.
Mme LeBel :
Non, mais c'est aussi une façon surtout de s'assurer que la personne est à
l'aise si elle n'est pas représentée par avocat. Peut-être qu'elle va
dire : Bien, j'ai une adresse e-mail, mais je n'ai jamais accès à mon
ordinateur, je n'ai pas de téléphone
cellulaire, oui, mon adresse est valide, mais ça ne m'arrange pas que vous me
signifiez les procédures par ce
moyen-là parce que je ne les aurai pas en temps opportun, j'aimerais mieux les
avoir d'une autre façon. Il y a ça aussi, là, il y a une question de
facilitation de moyens, s'assurer que la personne est à l'aise avec ça.
Mais après
ça, une fois qu'une adresse est connue, puis la personne est à l'aise avec ça,
puis qu'on signifie une autre procédure dans une autre... Bon, il est
malchanceux, il a un autre constat d'infraction qui arrive un jour, O.K., et on
avait au dossier une adresse valide,
bien, tu sais, c'est sûr qu'on va signifier le premier constat si on considère
qu'elle est encore active. Puis, par
la suite, si la personne redit : Bien, maintenant, cette adresse-là, bien,
je n'y vais plus souvent puis ça ne me convient pas, procédez par un
autre moyen, on ne le fera plus, là. Il faut comprendre qu'on parle de...
(Interruption)
Mme LeBel :
Il faut aller voter? Il faut comprendre qu'on parle de signifier des actes de
procédure, là, et de faciliter la transmission puis la communication.
Le Président (M.
Bachand) : O.K., je suspends les travaux parce que les cloches
nous appellent. Oui?
M. Martel :
Je proposerais peut-être d'ajourner les travaux, compte tenu qu'on va aller
voter puis qu'on va revenir ici peut-être vers 9 h 20,
9 h 25. Peut-être que ça...
Le Président (M.
Bachand) : O.K., est-ce qu'il y a consentement pour que la...
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît!
M. Martel : J'ai
fait des vérifications, quand même, un peu avant.
Le
Président (M. Bachand) :
S'il vous plaît! C'est important, là. Est-ce qu'il y a consentement pour que,
dû au vote, la séance soit ajournée? On ajourne?
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 03)