(Onze heures vingt-trois minutes)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci
beaucoup d'être ici ce matin. Alors,
ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je vous souhaite la bienvenue.
Je demande, bien sûr,
à toutes les personnes dans la salle de bien éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques.
Rappel du mandat : la commission est réunie
afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques
sur le projet de loi n° 32, Loi visant principalement à favoriser
l'efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d'intervention de
la Cour du Québec dans un pourvoi en appel.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par M. Tremblay (Dubuc); M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est
remplacé par M. Nadeau-Dubois (Gouin); et M. LeBel (Rimouski) est
remplacé par Mme Hivon (Joliette).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons deux groupes, dont la
clinique droit de santé, mais,
d'abord, nous allons débuter avec le représentant de l'Association québécoise
des avocats et avocates de la défense.
Alors,
bienvenue. Je vous rappelle, vous avez 10 minutes de présentation. Par
après, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Alors,
la parole est à vous.
Association québécoise des
avocats et avocates de la défense (AQAAD)
M. Lebrun (Michel) : Merci, M.
le Président. Alors, permettez-moi, au nom de l'association des avocates et avocats de la défense du Québec,
l'AQAAD... en fait, c'est l'Association
québécoise des avocats et avocates de la défense, de remercier la commission d'avoir bien voulu
nous inviter à faire part de nos observations sur le projet de loi n° 32 visant à favoriser l'efficacité de la
justice pénale et à établir les modalités d'intervention de la Cour du Québec
dans un pourvoi en appel.
Notre association, qui célèbre, cette année, ses 25 ans d'existence, regroupe plus
de 600 avocats oeuvrant à la défense d'individus provenant de toutes les sphères de la société
en matière d'infractions alléguées tant en matière criminelle, ce qu'on... de juridiction fédérale, qu'en matière
pénale, principalement de juridiction québécoise. Nous vivons, au quotidien, les défis que
pose la répression des infractions toujours plus nombreuses et plus lourdes de
conséquences. Notre action a pour but de rendre la justice, certes, plus
efficace, mais aussi plus respectueuse des droits des personnes.
Ayant eu la
chance de prendre connaissance du projet
de loi ainsi que des commentaires de
certains intervenants, je tiens d'abord, et de façon globale, à appuyer
l'intervention ainsi que le mémoire produit par le Barreau du Québec. Nous tenons donc à ajouter notre voix à celle du
Barreau et d'autres intervenants afin de saluer les mesures visant à faciliter
les règlements et les solutions alternatives, notamment
la possibilité offerte aux prévenus de renoncer à la
prescription et la mise en place de programmes d'adaptabilité
qui sont inspirés d'initiatives similaires déjà entreprises en matière
criminelle.
Cette volonté de donner aux acteurs de première
ligne du système judiciaire plus de flexibilité est une heureuse conséquence de
la récente prise de conscience de la nécessité d'utiliser de façon judicieuse
les ressources judiciaires, notamment suite
à l'arrêt Jordan, rendu en 2016 par la Cour
suprême du Canada. Il en va de même
de l'augmentation prévue des
effectifs des juges de la Cour du
Québec et leur présence accrue dans
le nord du Québec. L'AQAAD partage également l'ensemble des commentaires constructifs exprimés par le Barreau afin
d'améliorer le projet à la lumière de l'expérience collective des avocats. Par exemple, notre soutien
à l'adoption de mesures d'adaptabilité et d'alternatives à l'emprisonnement
au moyen de travaux d'intérêt général ne peut être dissocié de notre inquiétude
vis-à-vis l'absence de limite quant au nombre
potentiel d'heures effectuées par un justiciable. L'AQAAD a de la difficulté à
concevoir que le maximum actuel de
1 500 heures, qui représente 50 semaines de travail à
30 heures-semaine, puisse être dépassé, à titre de punition pour
des infractions à caractère essentiellement réglementaire.
L'AQAAD
désire ajouter à l'intervention du Barreau sur deux aspects du projet de loi
qui soulèvent particulièrement l'intérêt de ses membres. Premièrement,
les pouvoirs d'intervention du Procureur général, que j'appellerai PGQ, et du
Directeur des poursuites criminelles et pénales, que j'appellerai DPCP.
L'AQAAD fait
siennes les réserves exprimées par le Barreau dans son mémoire sur les pouvoirs
d'interventions du PGQ et du DPCP dans une poursuite pénale en plus du
pouvoir déjà existant de se substituer au poursuivant original. En effet, le pouvoir absolu de s'ajouter, comme
partie, à toute poursuite, à tout moment de celle-ci, a pour effet de placer
sur les épaules du seul justiciable d'avoir
à affronter non pas une mais deux ou même trois parties, aux ressources
illimitées, et d'avoir à répondre à deux ou même trois points de vue qui
n'auront même pas l'obligation d'être au même effet. Ce faisant,
c'est la capacité même de se défendre et la mobilisation de ressources hors de
portée du justiciable qui est en cause ici.
Si de tels
pouvoirs devaient être envisagés, ils devraient, à tout le moins, être encadrés
par des exigences équivalentes à celles qui sont requises des organismes tels
que l'AQAAD lorsqu'ils demandent exceptionnellement le statut
d'intervenant, généralement devant la Cour d'appel du Québec ou la Cour
suprême du Canada. L'ajout de ce
pouvoir d'intervention absolu et sans limites est d'ailleurs surprenant,
compte tenu de la position fréquemment plaidée par les mêmes PGQ et DPCP,
notamment la semaine dernière dans l'affaire Bissonnette, actuellement pendante
en Cour d'appel, à l'effet que de s'opposer
à l'intervention de l'Association des avocats de la défense de Montréal,
l'AADM, en invoquant, entre autres, que cette intervention mobiliserait trop de ressources. Il est important de
noter que les règles actuelles en vigueur d'attribution de l'aide juridique
rendent pratiquement impossible l'accès à un avocat à un inculpé dans les
matières couvertes par le code de
procédure pénale. Même dans le cas exceptionnel où certains services pourraient
être couverts, par exemple dans les cas où les accusations présentent,
pour l'accusé, un risque réel d'incarcération, l'AQAAD rappelle sa position,
partagée par toutes les associations locales
d'avocats, à l'effet que le mode de rémunération actuellement prévu par le
tarif d'aide juridique doit être revu de façon urgente afin d'être
adapté à la réalité d'aujourd'hui, aux nouvelles exigences des tribunaux et à
la complexification des questions en litige. Dans ce contexte, l'AQAAD soumet
que le nouveau pouvoir d'intervention ne devrait pas être accordé aux
représentants de l'état de la manière proposée.
Deuxièmement, l'obligation d'avoir en sa possession une pièce d'identité. L'AQAAD
désire, tout comme le Barreau, manifester son opposition à la nouvelle
formulation des articles 72 à 74 du Code de procédure pénale. Sans
reprendre ce qui a déjà été dit et
écrit à ce sujet, nous estimons que l'obligation faite à toute personne d'avoir
en sa possession en tout temps une pièce d'identité ne correspond à
aucune préoccupation valable et constitue une contrainte importante à
l'autonomie de la personne qui risque d'être
adoptée sans le nécessaire dialogue social préalable. La seule préoccupation
invoquée semble être le besoin d'identifier adéquatement la personne
soupçonnée d'avoir commis une infraction.
Or, le libellé
actuel des articles en question répond adéquatement à cette préoccupation en
permettant aux agents de la paix de détenir toute personne à qui il veut
remettre un constat jusqu'à ce qu'il soit satisfait de son identité. Le nouveau libellé, qui justifie la détention non
seulement pour refus de s'identifier mais aussi pour l'omission de fournir une
pièce d'identité, va trop loin. Il place en
situation de détention des personnes dont l'identification ne pose pas de
problème, et, à ce titre, il ouvre la
porte à des situations qui vont assurément générer, sinon des abus, des
perceptions d'abus chez de nombreux citoyens.
• (11 h 30) •
L'expérience
des membres de l'AQAAD ne nous permet pas de constater le moindre avantage ni
quelque fléau ou problème réel que
permettra de résoudre cette nouvelle option offerte aux agents de la paix en
plus des pouvoirs qui leur sont déjà
reconnus afin d'identifier un contrevenant. Bien plus, l'évolution des moyens
technologiques, notamment l'accès aux
bases de données gouvernementales rend l'identification d'un individu beaucoup
plus facile sans avoir besoin de produire quelque document que ce soit.
L'évolution
des perceptions des actions policières, quant à elle, évolue. En mai dernier,
la Cour suprême du Canada, dans la
décision de R. contre Le, L-e, affirmait : «Les tribunaux doivent tenir compte du fait que
les membres de certaines collectivités
peuvent vivre des expériences particulières et avoir des rapports différents
avec la police, qui influeront sur leur perception raisonnable quant à
savoir si et quand ils font l'objet d'une détention.»
Voir également les travaux de la commission
Viens, sur les rapports entre les autorités et les communautés autochtones et
les études rendues publiques récemment sur les allégations de profilage au
SPVM. Le nouveau pouvoir de détention prévu aux articles 72 et suivants
est exactement le type d'interventions qui vont assurément générer ce genre de
perception d'abus chez nos clients.
Qui dit
pouvoir de détention dit pouvoir de fouille, par palpation ou de façon encore
plus intrusive, source fréquente de frustration et de violence
potentielle chez le sujet visé.
S'il est vrai
que les infractions couvertes par le Code de procédure pénale sont en général
moins graves que celles prévues par le Code criminel, nombre d'accusations
criminelles ont leur origine dans des interventions pour des infractions à de
multiples lois qui sont appliquées avec un zèle qui varie beaucoup d'un agent à
l'autre, et d'un suspect à l'autre.
L'ajout
artificiel d'un motif de détention pour obtention d'une pièce d'identité alors
que les moyens de procéder à une identification positive n'ont jamais été aussi
importants devrait donc être abandonné car contraire à tous les objectifs
de sécurité publique et aux démarches de réflexion entreprises à tous les
niveaux de l'appareil judiciaire.
Le recours généralisé à la procédure de
télémandat. Cette volonté exprimée par le législateur dès le préambule du
projet de loi n'a pas fait l'objet de débat ou de remarques de la part des
intervenants, à notre connaissance du moins. L'article 96, tel que
proposé, abolit l'exigence faite à l'agent de la paix de se présenter en
personne devant le juge de paix pour obtenir
un mandat de perquisition. Traditionnellement, notamment en matière criminelle,
la possibilité d'obtenir une
autorisation judiciaire à distance était exceptionnelle et nécessitait une
certaine démonstration, peu onéreuse pour le demandeur.
L'AQAAD
craint qu'en éliminant toute contrainte à l'obtention d'autorisation judiciaire
par des moyens technologiques, le
processus ne devienne centralisé avec des décideurs affectés à cette seule
tâche confinés géographiquement dans des endroits de plus en plus
éloignés des lieux visés.
L'AQAAD tient
à rappeler que le processus d'autorisation d'un mandat est beaucoup plus
complexe que la seule constatation, par le décideur, de l'allégation de
motifs suffisants.
Notre Cour
suprême rappelait, en 1993, ceci dans l'arrêt
Baron c. Canada : «L'exercice d'un pouvoir discrétionnaire
judiciaire de décider d'accorder ou de refuser l'autorisation d'un mandat de
perquisition était essentiel au régime d'autorisation préalable qui
constitue une condition indispensable du respect de l'article 8 — l'article 8,
c'est l'article qui protège les citoyens contre les fouilles abusives. La décision d'accorder ou de
refuser le mandat exige de soupeser deux droits : celui du particulier d'être libre de toute ingérence de
l'État et celui de l'État de s'immiscer dans la vie privée du particulier en
vue d'appliquer la loi.
«Les
circonstances dans lesquelles ces droits opposés doivent être soupesés varient
beaucoup. Des questions comme la
nature de l'infraction alléguée, la nature de l'ingérence demandée y compris
l'endroit devant faire l'objet de la perquisition, le moment de la perquisition et la ou les
personnes visées par la perquisition influeront sur la force de ces droits.
Pour tenir compte des divers facteurs
qui influent sur l'appréciation des deux droits, le juge qui donne l'autorisation
doit être habilité à examiner toutes
les circonstances. Aucune série de critères ne sera toujours déterminante ou
suffisante pour l'emporter sur le droit d'un particulier à la protection
de sa vie privée.
«Il
est donc impérieux que l'officier qui donne l'autorisation jouisse d'une
latitude suffisante pour que justice soit rendue à l'égard des droits respectifs visés. L'exigence que l'officier
qui autorise la saisie soit indépendant et ait la capacité d'agir judiciairement est incompatible avec la
notion que l'État peut lui dicter les circonstances précises dans lesquelles le
droit du particulier peut être ignoré.»
L'AQAAD tient donc à
rappeler...
Le
Président (M. Bachand) : Me Lebrun, je vous demanderais de
conclure, s'il vous plaît, Me Lebrun. Merci beaucoup.
M. Lebrun
(Michel) : J'étais à la conclusion, justement.
L'AQAAD
tient donc à rappeler à l'état que le système judiciaire devrait avoir à
l'esprit de conserver la plus grande proximité
entre le décideur et la communauté locale concernée, particulièrement dans les
situations d'autorisation obtenues en
l'absence des personnes visées — ce qui est le cas d'un mandat de
perquisition — et ayant
pour objet l'intrusion par des agents de l'État dans les sphères
bénéficiant de la plus haute expectative de la vie privée.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, maître. Je me tourne maintenant
vers le gouvernement pour une période de 16 min 30 s, Mme
la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M.
le Président. Merci de votre témoignage.
Je suis désolée, je sais que vous avez déposé un document ce matin, mais je n'ai pas eu l'occasion d'en prendre
connaissance, donc j'apprends, en
même temps que votre témoignage, les points que vous soulevez. Mais je
vais prendre soin de relire attentivement tout ça pour être sûre de bien comprendre toutes vos préoccupations. Et, je peux vous rassurer, quand on parle de respect de la jurisprudence et respect de la charte, on
va s'assurer que les mesures qu'on met en place pour fournir des outils
respectent bien ces balises-là qui ont été édictées, entre autres, par
la Cour suprême.
Ceci étant dit, peut-être quelques petits points de précision, comme ça, pour fins
de discussion, et approfondir. Je pense que je veux
prendre l'occasion de bien souligner qu'il n'est pas question d'introduire dans
le, Code de procédure pénale, une infraction de refus de s'identifier ou une
infraction de ne pas posséder ses papiers d'identification. Donc, a contrario, si je peux le dire de façon positive,
on n'introduit pas une obligation, pour le citoyen, de se promener avec ses papiers d'identité sur lui en tout temps, alors
que c'est quelque chose qui existe déjà, dans le Code de la sécurité routière, à titre d'exemple, où, quand on est au volant d'un véhicule, on doit
avoir nos papiers d'immatriculation et le permis de conduire, ce qui est une forme d'obligation
et qui aide, d'ailleurs, beaucoup, dans ces matières-là, les policiers à identifier
le citoyen pour des fins d'émission du constat. Ceci étant dit, je pense que c'est important de le clarifier, parce que je veux
rassurer les gens que ce n'est pas la direction du tout dans laquelle on s'en
va et ce n'est pas les conséquences qui vont découler de cette action-là.
Maintenant, dans
l'état actuel des choses, le policier qui veut identifier une personne à qui il
remet un constat d'infraction... autre qu'en
matière de sécurité routière, naturellement, parce que la loi sur la sécurité routière
commande déjà d'avoir une certaine identification sur nous, donc
ça se fait d'entrée de jeu. C'est rare, en tout cas, à moins de ne pas
avoir ses papiers sur soi, ce qui peut arriver, mais ça constitue une autre
infraction, mais ça, c'est le Code de
la sécurité routière. Mais je
veux vous préciser que ce n'est pas ce genre de régime là qu'on introduit.
Maintenant,
le policier qui, en matière pénale, pour une autre infraction pénale, qui veut
émettre un constat, doit quand même identifier la personne. Présentement, et vous me corrigerez si je me trompe, le policier ne peut que
demander le nom et l'adresse de la personne et se fier aux renseignements
qu'il nous donne. C'est exact?
M. Lebrun
(Michel) : Ce n'est pas ma compréhension du libellé actuel.
Mme LeBel :
Non, dans la loi actuelle. Oui, c'est ça. La loi actuelle.
M. Lebrun
(Michel) : La loi actuelle, l'article 72 prévoit que...
Mme LeBel :
Du Code de procédure civile, c'est ça... pénale? On va parler des bonnes
affaires.
M. Lebrun (Michel) : ...du Code
de procédure pénale dit ceci :
«L'agent qui a des motifs raisonnables de croire que cette personne ne lui a pas déclaré ses véritables nom et adresse
peut, en outre, exiger qu'elle lui fournisse des renseignements permettant d'en
confirmer l'exactitude.» Donc, le pouvoir de pousser l'enquête
existe déjà, et puis, bon, le pouvoir légitime, en fait, ce qu'on reconnaît dans notre présentation,
est déjà prévu dans un contexte où le policier a des raisons
de croire que la personne n'est pas la bonne personne.
Puis je faisais référence, dans ma
présentation, par exemple, aux bases de données qui existent déjà. Aujourd'hui, on voit... l'expérience
qu'on en a, dans notre pratique quotidienne, c'est que, maintenant,
les véhicules de police sont munis d'ordinateurs.
La façon dont on identifie quelqu'un aujourd'hui, souvent, c'est par l'obtention des photos qui
existent déjà, soit au permis de conduire, ou carte
d'assurance sociale, ou à toutes ces choses-là, qui sont accessibles à un
policier.
Donc,
cet accès-là, qui est de plus en plus facile, je vous dirais, bien, par la technologie, pour les policiers, devient... nous amène dans une situation
où un policier pourrait avoir la bonne information, mais le nouveau libellé de l'article 72
dit qu'il pourrait continuer de détenir la personne parce qu'elle refuse de lui
fournir une pièce d'identité.
C'est
un peu ce qu'on considère comme superflu dans les nouveaux pouvoirs, l'espèce
de carte blanche qui semble être donnée aux policiers d'avoir cette
option-là d'exiger qu'on lui produise un document.
• (11 h 40) •
Mme LeBel : O.K. Ce que nous, on se propose de faire, juste pour
qu'on parle des mêmes choses quand on discute, c'est d'ajouter, à l'article 72, finalement, après les nom et
adresse, qu'on puisse demander également la date de naissance et demander des
papiers d'identification. C'est ce qui est proposé au projet de loi.
Présentement, la raison pour laquelle on peut le faire... on demande de le faire,
c'est qu'il y a beaucoup trop de moments où des constats
d'infraction ont été émis au mauvais nom, à la mauvaise adresse, où le policier
n'avait pas nécessairement des motifs raisonnables et probables de
croire sur place que c'était une fausse identification, mais n'avait pas
non plus de façon d'identifier de façon positive parce qu'il n'avait pas le
droit d'exiger ces papiers-là.
Est-ce que vous
pensez que c'est déraisonnable de le faire? Parce qu'il y a eu beaucoup de
constats d'infraction, moi, je l'ai vu dans
ma pratique, comme procureur de la couronne, qui s'avèrent être délivrés aux
mauvaises personnes, aux mauvais
noms, mauvaises adresses, des mandats d'arrestation, par la suite, qui sont
émis aux mauvaises personnes, parce qu'ils
ne se présentent pas. Donc, il y a, a contrario, des gens qui subissent aussi
le contrecoup de ça parce que l'identification
de base n'était pas la bonne.
Est-ce que
vous pensez que c'est déraisonnable de permettre, à tout le moins, de demander?
On ne créera pas un refus, on ne crée pas... Et on évite peut-être,
dans la majorité des cas, justement, de passer à l'étape suivante, c'est-à-dire d'amener en détention pour identifier de façon positive parce
qu'on n'a pas les papiers. Donc, on va, potentiellement, justement,
être capable d'identifier sur place plutôt que de détenir parce qu'on n'est pas capable d'identifier, parce que la personne,
on a des motifs raisonnables de croire, parce qu'elle n'a pas de
papiers, parce qu'on ne peut pas les demander... pas parce
qu'elle n'a pas de papiers, parce qu'on ne peut pas les demander.
M. Lebrun (Michel) : Bien, il me semble... je l'ai déjà dit, mais il
me semble que l'accès aux banques de données déjà réduit de beaucoup ce
problème-là dans la situation qu'on vit actuellement en 2019. Et la façon dont
le nouveau libellé est inscrit, on...
Mme LeBel :
...dire par l'accès banques de données? Si moi, je fournis mon nom et mon
adresse, qui est un faux nom et une
fausse adresse, qui existe, par ailleurs, mais qui n'est pas le mien, aux
policiers, en quoi le fait d'aller au CRPQ, qui est au Centre de renseignements
policiers du Québec, qui est dans les véhicules policiers, d'aller taper ledit
nom et ladite adresse, si je n'ai pas
d'antécédent judiciaire ou je n'ai pas de chose... de photo, va faire en sorte
qu'on va s'assurer que j'ai fourni le bon nom, la bonne adresse?
M. Lebrun
(Michel) : Les photos...
Mme LeBel :
Si ça existe, ce que j'ai donné, naturellement. Je ne pense pas que ma photo
est au CRPQ, en tout cas, j'espère que non, là, mais...
M. Lebrun (Michel) : Bien, elle est dans la banque de données de la
SAAQ, ça, j'en suis convaincu, et dans celle de la RAMQ également.
Mme LeBel :
Mais, à ma connaissance, les policiers n'ont pas ça dans leur véhicule, donc ça
oblige de détenir la personne et de l'amener au poste de police.
M. Lebrun
(Michel) : Les postes de police ont accès à ça. Je pense qu'on...
Mme LeBel :
Les postes de police.
M. Lebrun (Michel) : On le fait souvent au poste de police.
Aujourd'hui, les policiers ont des ordinateurs dans leur véhicule de police. Donc, ils sont en
communication par e-mail, j'ai découvert ça, d'ailleurs, cette année dans
certains dossiers où j'ai eu à occuper... mais cet accès-là est, de
beaucoup, facilité maintenant.
Le
problème que vous soulevez, il peut exister aussi par des gens qui ont la
carte, qui ont, par exemple, le permis de conduire du beau-frère qui
leur ressemble ou...
Mme LeBel :
On n'éliminera pas tous les cas de figure, ça, c'est clair.
M. Lebrun
(Michel) : On ne peut pas... Exactement, on ne peut pas éliminer tous
les cas de figure.
Mme LeBel : On peut les
réduire.
M. Lebrun (Michel) : On peut les réduire, mais le coût de la
réduction, qui ne m'apparaît pas significative en termes de volume,
actuellement, il me semble que...
L'exemple
que vous avez sûrement vécu et que moi aussi, j'ai vécu régulièrement, des
personnes qui conduisent un véhicule,
qui sont sous le coup d'une suspension et qui se font passer pour leur
beau-frère ou, bon, pour quelqu'un qui leur ressemble, donc il pourrait
y avoir certaines caractéristiques, les policiers sont quand même assez, je
dirais, entre guillemets, allumés pour voir
que, quand le véhicule est immatriculé à un nom d'une personne qui fait l'objet
d'une sanction... Quand j'ai commencé ma pratique, j'ai vu des gens
passer à travers les mailles du système un peu de cette façon-là. Mais il me semble que les pratiques policières ont
évolué de ce côté-là. Et on exige généralement de voir une photo de la personne et de confirmer son identité d'une façon
ou d'une autre. Puis, il me semble, ça fonctionne assez bien, très bien.
Mme LeBel :
Mais vous avez très raison, mais, en matière de sécurité routière, le régime
est particulier, parce que la personne a des
pièces d'identité. Mais, dans le fond, ce que vous faites, c'est que vous nous
mettez en garde, donc, de faire en
sorte de ne pas faire une mesure qui, pour des raisons positives, des raisons
valables, pourrait créer des effets pervers qui sont plus grands que le
bénéfice. C'est ça que vous nous dites, dans le fond.
M. Lebrun
(Michel) : Exactement. Je pense que c'est sûr que les citoyens vont
toujours vouloir s'identifier avec des
cartes. Les policiers vont peut-être se méfier de personnes qui n'ont pas, en
leur possession, des cartes. Mais la possibilité de détenir pour refus
de produire une carte, la façon dont c'est écrit...
Mme LeBel :
Mais ce n'est pas l'intention. Ça, je vous le dis. Puis ce n'est pas ça qui est
dans le libellé.
M. Lebrun
(Michel) : Exactement. Mais nous, on s'en est tenus à ça dans notre
exposé.
Mme LeBel :
Parfait. Donc, vous nous mettez en garde surtout de ne pas créer d'infraction
pour refus, là. Ça, j'entends bien ce que vous nous dites, là.
M. Lebrun (Michel) : Plus que ça, des détentions prolongées pour le
prétexte du refus. Les personnes vulnérables, les personnes qui, pour une
raison... à tort ou à raison, se sentent un peu harcelées, ou, en tout cas, qui
ont une opinion négative de la
police, bien, ils sont très sensibles à ces situations-là. Et ça dégénère
régulièrement dans des escalades, je vous dirais, de violence, qui peuvent
aller jusqu'à des situations tragiques. Donc, cette... la façon dont c'est
formulé là, ça mérite à être reconsidéré, à tout le moins.
Mme LeBel :
Parfait, c'est bien compris. Je voulais juste comprendre, là, où étaient les
aspects qui vous préoccupaient.
Surtout, comme je vous disais, que je n'avais pas eu l'occasion de lire votre
document au préalable, donc c'est plus...
M. Lebrun
(Michel) : Je m'en excuse...
Mme LeBel :
Non, non, non, mais ça...
M. Lebrun
(Michel) : On n'a pas les moyens du Barreau.
Mme LeBel :
Ça explique, pour lesquelles... Ça explique les raisons pour lesquelles je
pousse peut-être un peu plus l'argumentaire que d'habitude, là. C'est
pour être sûre de bien comprendre votre point de vue.
M. Lebrun
(Michel) : J'apprécie.
Mme LeBel :
Maintenant, peut-être, pour aller de façon plus macro, je m'intéresse, moi,
beaucoup au programme d'adaptabilité.
C'est une des portions, je dois dire, du projet de loi, qui me tiennent
beaucoup à coeur. Parmi vos membres, on a eu l'occasion d'en parler avec
l'Association des procureurs des cours municipales, on a eu l'occasion d'en
parler avec le Service de police de la ville
de Québec et la ville de Québec, qui appliquent ces programmes-là. Parmi vos membres, vous avez sûrement des gens qui
ont eu à appliquer ces programmes-là pour leurs clients.
M. Lebrun (Michel) : Oui. Je vous dirais, mon expérience à moi puis
dans les gens... dans mon réseau à moi, c'est plutôt en matière criminelle. Le nouveau programme de mesures de
rechange, notamment en Mauricie, où je pratique, fait l'objet
d'un projet pilote.
J'ai
eu connaissance que nos membres, particulièrement dans la région de Montréal
et Québec, ont des programmes au niveau
d'infractions réglementaires couvertes par le Code de procédure pénale, et, évidemment,
on est tout à fait en accord avec ces initiatives-là, qui ont
pour but non seulement de désengorger les tribunaux, mais de permettre à des personnes qui se retrouvent... Et je pense que ça
a été déjà mentionné. Il y a des personnes en situation
d'itinérance ou des choses... qui se retrouvent avec des fortunes, là,
des montants d'amende.
On
a tendance à sous-estimer aussi l'ampleur des amendes qui peuvent être imposées
à des citoyens. Quand on parle, par exemple, en matière de revenus, toutes les infractions en
matière de cigarettes de contrebande, et tout ça, la possibilité de pouvoir, de façon positive, en faisant des
travaux communautaires, de pouvoir, entre guillemets, payer sa dette à la
société et, en même temps, être un membre actif de la société, on la
salue, cette... évidemment.
Mme LeBel : Bien, je vous remercie de le préciser, parce que
c'est sûr que la notion de droit pénal ou de constat d'infraction, pour la majorité des gens et la
majorité du quotidien des gens, ça se limite au Code de sécurité routière dans
la plupart des matières, mais, effectivement, il y a des infractions très sérieuses qui sont même plus
sérieuses que certaines infractions
hybrides de nature criminelle, de façon objective, qui sont en matière pénale.
Vous avez parlé de... effectivement, en matière de déversements en environnement,
entre autres, en matière de revenus. Donc, il y a des infractions pénales
qui peuvent avoir un sérieux certain.
Je
vous pose la question pour savoir si vous en aviez une, expérience, si vous
aviez fait, peut-être, un sondage auprès de vos membres, parce que vous relevez la notion du fait... Bon, on parle
du 1 500 heures de travaux communautaires. Je pense que c'est important de préciser que l'objectif
n'est pas de compenser une sentence mais plutôt de faire en sorte d'avoir
une réhabilitation, je vais le dire de cette
façon-là, mais ce n'est pas le terme juridique que j'emploie, c'est plutôt ce
terme social, c'est-à-dire de donner à ces gens-là une voie alternative au système de justice et
éviter qu'ils s'enfoncent dans un tourbillon sans fin qui les écrase et qui
fait qu'ils n'ont plus d'issue. Et vous craignez, donc, que, des fois, le temps
du programme, le nombre d'heures d'investies pourrait être plus grand que
celui, objectivement, qu'il aurait eu en travaux compensatoires.
Je
veux vous entendre là-dessus, parce que... Une des raisons, c'est que, si on
parle d'un programme de retourner aux études ou un programme de
formation, il pourrait y arriver que le nombre d'heures à consacrer dans le
programme d'adaptabilité, pour des raisons
tout à fait objectives et acceptées par le contrevenant au départ, dans le
contrat qu'il fait avec la société,
si on veut, soit effectivement potentiellement plus grand que le nombre
d'heures de travaux compensatoires qu'il
aurait pu faire. Est-ce que vous pensez que c'est vraiment un problème, ou il
faut juste se mettre en garde là-dessus, ou...
M. Lebrun (Michel) : Bien, écoutez, je n'avais pas pensé à l'exemple
que vous venez de soumettre, à l'effet d'un retour aux études. Par
contre...
Mme LeBel :
C'est un exemple parmi tant d'autres, là, mais...
• (11 h 50) •
M. Lebrun
(Michel) : Oui. Et, quand j'ai mentionné le 1 500 heures, je
faisais à la fois référence au nouveau programme
d'adaptabilité et à la façon de payer des amendes par le biais de travaux
compensatoires. Et là il y a des méthodes de calcul. D'une façon comme
d'une autre, il m'apparaissait, et c'est une impression, que, si on dépasse le
chiffre de 1 500 heures, on parle
d'années, en termes d'années de... Ça serait caricaturé de dire des travaux
forcés, mais on parle de... Je
disais, bon, 50 semaines à 30 heures-semaine, c'est quand même un
impact important pour des infractions qui, en général, peu importe la
façon dont... le nombre d'amendes qu'une personne peut avoir ou le nombre
d'infractions qu'elle a pu commettre, nécessitera... justifiera rarement une
sentence de plus de deux ans, une sentence de pénitencier pour le type
d'infraction auquel on fait référence.
La situation actuelle
permet à un juge de libérer quelqu'un, peu importe le montant, lorsqu'il aura
effectué une quantité d'heures qui ne
dépassera pas 1 500 heures. C'est ma compréhension de la situation
actuelle. Ça m'apparaît une vision,
je dirais, intelligente, qui permet à un juge d'apprécier la situation de
l'accusé, le projet, et tout ça, et c'est quelque chose qui peut être importé, à mon avis, d'une
certaine façon, toutes choses étant... avec les adaptations nécessaires, dans
le programme d'adaptabilité dont on a encore à découvrir la façon dont il va être
appliqué. Mais cette impression-là, le peu
de commentaires que j'ai pu avoir de mes collègues, semblent... on
semble tous partager, un peu, cette difficulté de concevoir ce qui
pourrait justifier plus de 1500 heures de travaux.
Notamment,
vous donner l'exemple de s'engager à faire une formation ou faire des... Évidemment,
si on s'engage à faire un bac
universitaire puis à faire trois ans d'école... à 30 heures-semaine, je pense que ce serait un cours assez lourd, assez intense... mais, si on s'engage pour des... Il ne faut pas être
sous joug ou sous le couvert de ces programmes-là pour une période non
plus trop longue.
Je
ne veux pas minimiser, là, le bénéfice que ça peut générer, mais, par exemple, l'exemple du droit criminel dans lequel on ne peut pas dépasser les périodes d'approbation de trois ans,
il me semble une indication du genre de... un ratio qui devrait peut-être
nous guider, là, clairement.
Mme LeBel : ...ne sont pas les mêmes. On parle de punir, de
donner l'exemple par rapport à aider puis... Et la personne s'engage en
connaissance de cause dans ce programme-là. Est-ce que vous avez noté que ça
prend le consentement quand même...
M. Lebrun
(Michel) : Exactement, exactement.
Mme LeBel :
Parfait.
Le
Président (M. Bachand) : Merci.
Mme LeBel :
Je suis désolée...
Le
Président (M. Bachand) : Excusez-moi, Me Lebrun, je dois
passer... Merci beaucoup, Mme la ministre. Je
dois céder la parole au député de LaFontaine pour une période de 11 minutes. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay : Merci
beaucoup, M. le Président. Bien, Me Lebrun, merci beaucoup pour votre apport à
notre réflexion, à nos débats. Merci pour vos documents. Nous avions reçu un
tableau, je pense que vous aviez confectionné, au niveau
des modifications de certains articles et des commentaires. Je vais y revenir.
On a 11 minutes. Ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce aura également des
questions pour vous.
Hier, je
crois comprendre que vous avez écouté, donc, le témoignage des gens du Barreau.
Vous avez sûrement, par la suite, entendu les représentants du SPVQ, Service
de police de la ville de Québec.
M. Lebrun (Michel) :
Exactement.
M. Tanguay : Vous, vous représentez les prévenus, les accusés,
dans les avocats, avocates de la défense. Comment recevez-vous le commentaire... Puis c'est correct,
là, je veux dire, je ne pointe pas du doigt, là, puis tout le monde est de bonne foi là-dedans,
mais, des fois, c'est une question d'approche et de philosophie où le SPVQ, il
voyait, dans le projet de loi, une
occasion d'harmoniser ce qui se fait en
matière de procédures, que ce soient
des infractions de nature criminelle, pénale, provinciale, droit
provincial ou règlements municipaux.
Vous, cette
harmonisation-là, ou ce mur-à-mur-là, comment vous le recevez, quand ça se
décline, de dire : Bon, si bien on fait ça pour des occasions
criminelles, on devrait le faire également pour des infractions au code municipal?
M. Lebrun
(Michel) : Je ne suis pas
fermé à cette vision-là des choses. L'association que je représente non plus.
Notamment, vous prenez l'exemple des... je n'en ai pas parlé dans mon document
ou dans mon intervention... mais les mandats
d'entrée, bon, toute la notion de mandat général, et tout ça, je pense que la
demande des policiers est légitime, de vouloir,
s'il y a un mandat général qui existe au niveau du Code criminel, que les
règles soient les mêmes ou soient sensiblement les mêmes en matière d'infractions couvertes par le Code de procédure
pénale. C'est vrai pour les mandats de perquisition, ça peut être vrai pour les
mesures alternatives comme le programme de mesures de rechange qui existe au
niveau criminel.
Je pense que
les policiers sont légitimes, sont justifiés à avoir cette demande-là. Et ce
n'est pas des juristes. Ils doivent obtenir
des mandats dans leur quotidien pour des infractions provinciales, pour des
infractions fédérales, pour des infractions criminelles, parfois même au coeur d'une même enquête ou d'une même
intervention. Et d'avoir des critères différents ou d'avoir des
approches différentes pour l'obtention d'un droit d'entrée ou un droit de
perquisitionner, je pense que c'est légitime
de la part des policiers de vouloir qu'il y ait une certaine harmonie dans les
règles ou dans la façon dont eux, ils peuvent s'y retrouver.
Là-dessus, je sais que le Barreau a fait
certaines remarques concernant les mandats d'entrée, là, et faisait, justement — et on est d'accord avec le Barreau
là-dessus — que les
critères ne devraient jamais être... que ça ne devrait jamais être plus facile d'obtenir un mandat de
perquisition ou un mandat d'entrée en vertu d'une loi provinciale qu'en vertu
du Code criminel. Parce qu'on parle
d'intrusions qui sont de la même nature dans la vie privée des gens pour des
infractions qui sont, généralement,
par définition, considérées comme étant moins graves, comme n'étant pas des
crimes contre la personne, et tout ça.
Donc, il y a
un gain au niveau de la clarté pour le policier, de s'y retrouver. Si on parle
de motifs raisonnables et probables d'un côté et de raisons de
soupçonner pour un autre type de mandat, et même un mandat identique au niveau provincial, et qu'on donne des pouvoirs plus
larges aux policiers, je pense que ce n'est pas souhaitable, ni de notre point
de vue ni du point de vue des policiers.
M. Tanguay :
Et donc votre lecture est à l'effet que, tel que proposé dans le projet de loi
n° 32, il y aurait une facilité accrue en ces matières
comparativement au droit criminel.
M. Lebrun
(Michel) : C'est ce que
semble... C'est ce que l'intervention du Barreau semble souligner. Et je suis
d'accord avec leur vision de la chose, et, dans la mesure où... je prends un
peu au mot les corps de police de ce côté-là, si on constate de telles choses, où les pouvoirs sont plus larges aux
policiers, puis ce que j'ai dit précédemment au niveau des pouvoirs, de demander des cartes d'identité ou des
choses... des pièces d'identité, c'est un peu la même chose, je pense qu'on
ne devrait pas accorder plus de pouvoirs aux policiers ou des pouvoirs
sensiblement différents en vertu du Code de procédure pénale.
M. Tanguay : De façon
plus précise, l'article 94.1, et vous l'avez commenté, qui serait de droit
nouveau, «une arrestation dans une maison
d'habitation en application d'un mandat d'amener, d'un mandat d'emprisonnement
ou d'un mandat d'arrestation doit être autorisée au moyen d'un mandat ou
d'un télémandat d'entrée délivré par un juge.
«Cette autorisation n'est pas nécessaire», deux
points, puis là il y a trois éléments:
«1° lorsqu'une personne se réfugie dans une
maison d'habitation alors qu'elle s'enfuit pour s'échapper à son arrestation;
«2° lorsque le responsable des lieux consent...»
3°, là, on parle d'un critère d'urgence de la
situation difficilement réalisable.
Le
commentaire que vous faites, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, le
questionnement que vous soulevez, ne devrait-on
pas prévoir l'obligation des policiers d'informer qu'il n'est pas obligé de
consentir? Et là vous ajoutez «nécessité d'aller se chercher un mandat».
Dans quel contexte faites-vous référence ici?
M. Lebrun (Michel) : C'est le
contexte de la renonciation à un droit. La jurisprudence abonde de situations de cette nature-là, où des policiers disent à
quelqu'un, par exemple, pour un mandat de perquisition, là, on parle de mandat
d'entrée, mais c'est un peu la même
chose : Écoute, là, on va aller chercher... il faut qu'on aille voir un
juge. Donc, ils vont expliquer à un citoyen : Veux-tu vraiment nous
forcer à aller au poste de police ou aller au palais de justice obtenir un mandat de perquisition? Et ces situations-là, il faut les
limiter, je vous dirais, au minimum... ou les limiter au maximum, qu'il y en ait le moins possible, parce que je
pense que ce n'est pas non plus dans l'intérêt des policiers, parce que souvent
on remet en cause le niveau d'information
qui a été donné au citoyen pour que son consentement soit éclairé. Et ça génère
beaucoup, beaucoup de litiges à la grandeur du Canada, pas seulement au Québec.
M. Tanguay :
Vous, votre métier, c'est parfois de la faire casser, ces mandats-là, parce
que, justement, il y a eu des carences. Alors, en amont, assurons-nous
que la procédure soit claire et simple à appliquer.
M. Lebrun (Michel) : Oui. La
notion de mandat d'entrée découle d'un arrêt de la Cour suprême qui s'appelle l'arrêt Feeney, et que Mme la ministre connaît
sûrement très bien. Et il y a eu une évolution de... Il y a toute une
expérience législative au fédéral suite à cette décision-là de l'arrêt Feeney.
Et on semble vouloir s'en inspirer dans les nouvelles dispositions. Pour nous, je pense que la clarté
est... Ça serait dans l'intérêt, je l'ai mentionné et je le répète, de tout le
monde, de tous les intervenants, que
les pouvoirs soient, à tout le moins, pas supérieurs ou pas différents en
substance de ceux qui sont déjà prévus et qui ont déjà été traités par
les tribunaux dans le cadre du Code criminel.
M. Tanguay :
Et, dans ce... Je fais du... En prolongement de notre discussion sur cet
aspect-là, vous dites, dans le document que vous avez remis ce matin,
que votre association craint qu'en «éliminant toute contrainte à l'obtention d'autorisations judiciaires par des moyens
technologiques — ça,
c'est un autre aspect, mais qui découle entre autres de ce qu'on dit — le processus ne devienne centralisé avec des
décideurs affectés à cette seule tâche, confinés géographiquement dans des endroits de plus en plus éloignés des
lieux visés». Alors, ici, vous faites référence à quelles conséquences que l'on
pourrait craindre?
• (12 heures) •
M. Lebrun (Michel) : C'est le
concept du télémandat. Écoutez, cette remarque-là, on est à peu près les seuls
à l'avoir faite. Je ne dis pas que le fait d'avoir à des moyens technologiques...
Parce qu'un télémandat, il faut bien comprendre
ce que c'est, c'est que, soit pour un mandat d'entrée ou pour un mandat de
perquisition, la tradition veut que le policier
se présente en personne devant un juge de paix pour expliquer ses motifs et
obtenir le mandat. Donc, il y a cette présence-là, là, qu'on a permise
au niveau fédéral au début et maintenant au niveau provincial également.
C'était déjà prévu au Code de procédure
pénale. Lorsque c'est peu commode, peu pratique pour le
policier, il peut y avoir des situations d'urgence, ça peut être la nuit, ça peut être la fin de semaine, bon, il
y a toutes sortes de situations qui font qu'il n'y aura pas de juge de paix disponible pour rencontrer le
policier, donc, à ce moment-là, on va procéder par un moyen de télécommunication, soit par téléphone, par fax ou
d'autres moyens technologiques. Nous, il y a toujours eu cette exigence-là,
de ne pas y recourir de façon absolue et de
justifier le recours à ces moyens-là par un certain problème pratique, et de
devoir l'expliquer au juge de paix, ce problème pratique là.
Aujourd'hui, on abolit cette exigence-là et on prévoit qu'on pourra soit fonctionner par télémandat soit fonctionner
par mandat réel... par une rencontre réelle avec un juge de paix. Est-ce
que ça va nous conduire... C'est la crainte
que nous avons manifestée. Est-ce que ça va conduire à centraliser, dans
certains lieux... ça pourrait être
Québec, Montréal, où il y a des... actuellement des services de juges de paix
qui fonctionnent de nuit et la fin de
semaine et qui peuvent être en Gaspésie pour émettre un mandat de perquisition
à Montréal, dépendant de quel...
Le
Président (M. Bachand) :
Excusez-moi, Me Lebrun. Parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps, j'aimerais
céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
Pour une minute, Mme la députée, désolé.
Mme Weil :
Oui, oui. Eh bien, c'est pour aller directement sur cette question des pouvoirs
d'intervention, donc, du procureur
général, directeur, DPCP — d'autres ont fait ce commentaire — et d'aller sur votre point, votre inquiétude
par rapport à ce pouvoir, mais aussi les
contraintes quand même l'association, votre association, souhaite intervenir,
qu'il y ait les mêmes critères. Peut-être dans les 50 secondes que
vous avez.
M. Lebrun
(Michel) : Bien, on a cette
habitude-là, on a développé, récemment, cette habitude-là d'intervenir, de
vouloir intervenir. Et les tribunaux accueillent favorablement,
particulièrement la Cour suprême et la Cour d'appel, la présence des associations pour donner un certain point de vue dans des
dossiers dans lesquels le justiciable se retrouve tout seul à défendre un point qui est d'importance, je
dirais, nationale ou, en tout cas, suffisamment grande. C'est quand même
un pouvoir qui est exercé de façon
exceptionnelle, qui est soumis à une demande au tribunal, qui est souvent
contestée par le DPCP ou le Procureur
général du Québec, et pour les motifs... notamment les motifs d'utilisation des
ressources judiciaires. Et on
dit : Bien là, on va perdre notre temps, dans le fond, ou ça va générer
des dépenses inutiles. Maintenant, le projet de loi propose un pouvoir
absolu d'intervention à tous niveaux pour le procureur général et pour le DPCP.
Nous soumettons que c'est imposé au justiciable, à ce moment-là, un fardeau qui
risque d'être très lourd. Et puis il faudrait... ce type d'intervention là
devrait être adapté, il devrait être soumis au même filtre celui que les
tribunaux ont déjà quand nous demandons la permission d'intervention.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Gouin pour une
période de 2 min 45 s. M. le député, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le
Président. Bonjour, maître, merci d'être là, avec nous, ce matin. Dans votre présentation, vous vous êtes inscrits dans la
continuité de ce que les gens du Barreau nous ont dit hier concernant la
question de l'identification, l'article 19 du projet de loi. Puis ce que
j'ai trouvé intéressant, vous nous avez dit, et vous me reprenez, bien sûr, si je vous mets
des mots dans la bouche : Mais c'est, au mieux, ambigu, mais c'est, au pire,
un pouvoir supplémentaire conféré aux
policiers, qui peut occasionner des dérapages, notamment en matière de
profilage social et racial. Vous avez vous-même
évoqué le rapport Vien puis le rapport récent au SPVM. Et c'est des
commentaires similaires que nous ont faits les gens du Barreau hier. Je
les trouve très intéressants.
Mais
il y a quand même un écart, je pense, en fait, je pressens, entre votre
interprétation de ce qui est écrit, et celle du Barreau, et celle que la
ministre semble avoir. Puis j'aimerais vous entendre sur cette
compréhension-là.
Ce
que vous semblez nous dire, c'est qu'actuellement, puis c'est ce que dit
actuellement le Code de procédure pénale, si un policier a un doute sur
l'identité de quelqu'un — il est en train de donner un constat d'infraction — il y a une possibilité, à ce
moment-là, de demander plus d'informations à la personne, notamment une carte,
une carte d'identité. Puis, s'il y a un refus, à ce moment-là, il peut procéder
à une arrestation.
Avec la nouvelle
mouture, telle que proposée par le projet de loi, c'est dès le début de
l'interaction que le policier a un droit
d'exiger une carte d'identité contenant l'ensemble des informations écrit à
l'article 19. Et, s'il y a un refus
ou une impossibilité, genre : je suis en train de faire du jogging,
ou : je suis un itinérant, je n'ai pas d'adresse, donc, je n'ai pas de permis de conduire avec adresse, dès
le début de l'interaction, il y a une possibilité d'exiger. Et, s'il y a un
refus, il y a une possibilité d'arrêter sans mandat. Est-ce qu'on
partage la même compréhension de l'article?
M. Lebrun (Michel) : Oui, et, je vous dirais, si on constate, au
minimum, une ambiguïté, je pense que c'est un domaine qui est tellement
sensible qu'il ne devrait pas souffrir d'ambiguïté, O.K.?
Deuxièmement,
ce qui m'apparaît comme étant le problème du libellé proposé, c'est qu'on dévie
de la... la détention n'est
justifiée, actuellement, que pour fins d'identification. Mais maintenant il y
aura une détention pour fins de refus de fournir une pièce d'identité qui semble être adoptée en parallèle avec
le pouvoir d'identifier une personne. Donc, il s'agit d'une nouvelle
carte dans le jeu, je dirais, de l'agent de la paix qui interagit avec les
citoyens dans une multitude de circonstances.
M. Nadeau-Dubois :
Et seriez-vous d'accord avec moi de dire que, dans une situation comme celle-là
où on vient donner un outil de plus aux
forces policières, puis c'est un outil qui vient empiéter potentiellement sur
les droits des citoyens, citoyennes,
êtes-vous d'accord avec moi pour dire que, dans ces situations-là, c'est au
législateur de démontrer que c'est nécessaire et non pas l'inverse?
M. Lebrun
(Michel) : Bien, c'est un peu ce que je vous ai dit dans ma
présentation. Il me semble que ce problème-là est de mieux en mieux
circonscrit, là, je vous dirais, par les ressources policières. Moi, j'ai parlé
de banque de données, personnellement, il me
semble que j'en vois moins, de ces situations-là, de supposition de personne,
et le... vu que le problème me
semble, à tout le moins, sinon résolu, sinon pas un problème particulièrement
important... Puis on parle, encore une fois, d'infraction. Je ne veux pas
minimiser la gravité des infractions qui sont là, mais des infractions en
matière de revenu ou en matière
d'environnement ne posent pas beaucoup de problèmes d'identification,
d'habitude, quand une entreprise fait un déversement ou...bon...
M. Nadeau-Dubois :
Êtes-vous d'accord avec moi si je dis qu'une disposition comme celle-là va
avoir un effet disproportionné sur les gens qui sont dans des situations de
marginalité et qui sont, donc, plus à même de ne pas avoir, en tout
temps, avec eux, une pièce d'identité contenant l'ensemble des informations
inscrites au projet de loi?
Le
Président (M. Bachand) : 10 secondes, Me Lebrun, s'il vous
plaît.
M. Lebrun
(Michel) : C'est exactement... ça rejoint pas mal ce que... le sens...
M. Nadeau-Dubois :
...profilage social et racial.
M. Lebrun
(Michel) : Exactement, on a parlé des problèmes que...
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci, M. le député. Merci, Me
Lebrun. Maintenant, la parole est à la députée de Joliette pour une
période de 2 min 45 s, Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Oui, merci beaucoup de votre présentation. J'aimerais vous entendre sur quelque
chose sur quoi vous ne vous prononcez pas comme tel : la question
des programmes d'adaptabilité. Certains groupes demandent qu'en fait il n'y ait pas une discrétion totale pour la mise
en place des ces programmes-là, parce qu'il peut y avoir des communautés
qui souhaitent avoir ces programmes-là, mais il y a une discrétion dans le
projet de loi, de dire : On les reconnaît, mais il n'y a pas d'imposition de ces programmes-là. Est-ce que vous pensez
que ces programmes-là devraient être généralisés?
M. Lebrun (Michel) : Bien, je pense qu'il faut voir chaque programme,
qu'est-ce qu'il implique. Je vois mal une communauté ou un groupe
d'individus se positionner d'emblée contre des programmes d'adaptabilité qui
auraient pour effet de judiciariser plus de
personnes, de leurs membres, peu importe le groupe auquel on peut penser.
Maintenant, je fais l'effort de...
Est-ce qu'on peut s'objecter à des modalités, à des façons d'implanter...
Est-ce que le dialogue qui va conduire à
l'implantation de ces programmes-là doit être encadré ou balisé d'une certaine
façon? Je pense que c'est peut-être de là que peuvent surgir des
objections à l'implantation de certains programmes, et je pense que, là, c'est
au cas par cas, là. Il va falloir...
Mme Hivon :
La flexibilité dans les modalités, je pense que ça va de soi selon ce qu'on
vise, mais la possibilité, je dirais, de mettre en place et que ce soit
moins discrétionnaire, est-ce que vous pensez que ça devrait être envisagé?
M. Lebrun
(Michel) : Oui. Bien,
écoutez, il va falloir commencer en quelque part. Je me prononce sur des choses
hypothétiques. L'expérience que j'en ai
personnellement ou que nos membres en ont personnellement vient beaucoup de
ce qu'il s'est passé au niveau du Code criminel. Par exemple, il y a des
interventions en matière de violence conjugale, violence domestique qui sont d'une certaine façon et qui sont très
différentes de celles qu'on pourrait faire, par exemple, pour des
problèmes de cleptomanie ou d'alcoolisme. Et donc je peux concevoir que les
groupes visés auront des représentations à faire et pourront soulever, en tout
cas, de façon spécifique, certains problèmes.
Mme Hivon :
S'il me reste quelques secondes... Quand vous parlez du télémandat, là, vous
dites, je pense, c'est la page 6
que j'ai numérotée moi-même, en bas, vous dites : «Il faut conserver la
plus grande proximité entre le décideur et la communauté locale
concernée.» Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
• (12 h 10) •
M. Lebrun
(Michel) : Vous savez, un
juge de paix, là, qui émet un mandat
de perquisition peut refuser de l'émettre, même si toutes les conditions sont réunies. C'est un pouvoir
discrétionnaire qui est considéré... la décision que je cite dans mon
document l'établissait, c'est une condition essentielle à l'exercice de ces
pouvoirs-là, d'émettre des mandats de perquisition,
le pouvoir de les refuser purement et simplement, même si les conditions
d'émission sont réunies. Qu'est-ce qui
permet d'exercer cette discrétion-là? C'est d'avoir des certaines racines dans
une région donnée. Si la personne est à des centaines de kilomètres du lieu, ne connaît pas la réalité locale qui
peut être vécue, selon moi, on entache ou on rend difficile l'exercice de cette discrétion-là d'émettre ou de
ne pas émettre un mandat, de considérer abusive une intervention, même si,
à sa face même, elle semble rencontrer les critères.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, Me Lebrun, pour votre participation à la
commission, c'est très apprécié.
Cela dit, je vais suspendre quelques instants
pour que le groupe prenne place. Merci infiniment. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 11)
(Reprise à 12 h 13)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir, maintenant, de souhaiter la
bienvenue au représentant de la clinique Droit de cité. Alors, je vous
rappelle que vous avez 10 minutes
de présentation et, par après, nous aurons un échange avec les membres de la
commission. Alors, M. Couillard, bienvenue, la parole est à vous.
Clinique d'accompagnement juridique Droit de cité
M. Couillard
(Maxime) : Donc, bien,
bonjour, M. le Président, Mme la
ministre et Mmes et MM. les commissaires.
Donc, je m'appelle Maxime Couillard, je suis
le coordonnateur de la clinique Droit de cité à Québec. Merci de nous offrir
l'occasion de vous rencontrer afin de nous permettre de commenter le projet de
loi n° 32.
D'abord, la
clinique Droit de cité est un organisme communautaire de Québec qui vient en aide aux
personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale en leur
offrant un soutien moral et un accompagnement dans l'ensemble de leurs démarches de régularisation de leur situation
judiciaire, mais également dans la défense individuelle et collective
de leurs droits. Depuis la fondation de l'organisme
en septembre 2015, c'est 468 personnes qui ont été accompagnées par
notre intervenante sociale dans une
multitude de démarches, notamment au sein du programme IMPAC de la ville de
Québec.
Pour la clinique Droit de cité, le projet de loi
n° 32 représente une opportunité extraordinaire de
contribuer à l'amélioration de notre système
de justice québécois et, par le fait même, de le rendre plus juste à l'égard
des personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale. Cependant, plusieurs
éléments suscitent, dans notre organisation, des inquiétudes qui méritent, à notre avis, d'être soulevées. Je tiens à mentionner que
l'ensemble des recommandations qu'on a apportées portent sur la section du projet
de loi n° 32,
qui s'intéresse aux programmes d'adaptabilité des règles relatives à la
poursuite.
En premier
lieu, l'absence d'une définition
claire et d'un encadrement minimal des programmes d'adaptabilité des règles relatives à la poursuite ainsi que d'un
déploiement de ces programmes sur l'ensemble du territoire québécois
nous préoccupe grandement, d'abord parce
que l'ensemble des propositions qui
concernent ces programmes ne seront effectives que dans les villes où un tel programme
existera. Rien n'oblige une ville à se doter d'un tel programme
afin d'offrir à des personnes en situation
de pauvreté des mesures alternatives aux travaux compensatoires, et ce, même si
plusieurs citoyens en
exprimaient le besoin. De ce fait, il est fort probable que ces propositions ne
soient effectives que dans quelques villes seulement, au Québec, puisque plusieurs
municipalités pourraient décider de ne pas mettre sur pied un tel programme. Ainsi, plusieurs des propositions du projet de loi n° 32 portant sur ces programmes ne seraient donc
profitables qu'à une minorité de citoyens, pourtant visés par ces modifications.
Ensuite, nous
considérons que la discrétion qui est accordée aux acteurs chargés de la
gestion, voire de la mise sur pied de
programmes visés peut être bénéfique, parce qu'ils pourront adapter leurs programmes aux réalités propres à la communauté dans la communauté dans laquelle ils
opèrent. Cependant, nous nous questionnons à savoir si cette discrétion permet également l'application des propositions du projet de loi en fonction d'une philosophie propre à chaque programme.
Autrement dit, qu'est-ce qui nous garantit qu'un citoyen d'une certaine ville
pourra bénéficier des mêmes mesures ou adaptabilités offertes par son programme
qu'un citoyen se trouvant dans la même situation mais qui réside dans une autre ville? Un programme qui vise spécifiquement à
retirer la dette judiciaire d'une personne afin de favoriser son rétablissement et la soutenir dans ses démarches
ne fonctionnera certainement pas de la même manière qu'un programme qui,
lui, vise plutôt à recouvrer une dette judiciaire. Cette disparité de
philosophie s'observe déjà à l'heure actuelle au Québec. En effet, nous accompagnons des personnes, à la clinique Droit
de cité, qui ont reçu des constats d'infraction dans plusieurs villes du Québec, et force est de
constater que les mesures offertes pour régulariser une dette judiciaire sont
plus adaptées et plus facilement réalisables pour les personnes qui ont
des contraventions à la ville de Montréal.
De plus,
l'article 37 du projet de loi n° 32 stipule que la participation d'un
défendeur à un programme prend fin sur décision
du poursuivant lorsque les conditions du programme ne sont plus observées par
le défendeur. Mentionnons que la fin
de la participation d'un défendeur à un tel programme peut avoir des
conséquences importantes, voire désastreuses. Dans certains cas, comme on l'a observé par le passé, une expulsion d'un
programme peut mener directement à la réactivation d'un mandat d'emprisonnement pour non-paiement
d'amende. Or, le projet de loi n° 32 n'identifie pas quelles sont ces
conditions, mais leur accorde de conséquences importantes en cas de
non-respect. Ainsi, qu'est-ce qui empêcherait un programme d'expulser une personne uniquement parce qu'elle n'a pu être
présente à une des rencontres exigées, tel que pourraient le stipuler ses conditions, et ce, indépendamment du
cheminement réalisé au sein dudit programme? Il en va de même avec l'obligation d'être en mesure de faire
des travaux compensatoires, qui, parfois, est une chose impossible pour
les personnes que nous accompagnons.
Au Québec, il
existe déjà des programmes qui visent à offrir des mesures alternatives aux
travaux compensatoires aux personnes en situation de pauvreté ou
d'exclusion sociale. La plupart de ces programmes ont déjà été analysés et
évalués, notamment par le milieu communautaire et celui de la recherche. De ce
fait, nous considérons qu'il est déjà possible
de tracer un portrait clair de ce que devrait faire un programme d'adaptabilité
des règles relatives à la poursuite.
Nous sommes également d'avis que le projet de
loi n° 32 devrait s'inspirer du Programme d'accompagnement justice itinérance à la cour, mieux connu sous son
acronyme, le PAJIC, de la cour municipale de Montréal afin de définir ce
que devrait être au programme et de fournir un encadrement minimal. Évidemment,
je le réitère, nous considérons également
que les acteurs chargés de la gestion des programmes doivent conserver un
certain pouvoir discrétionnaire afin d'adapter leur programme aux
réalités de la communauté dans laquelle il s'inscrit.
En deuxième
lieu, nous jugeons primordial qu'une souplesse soit accordée à la définition
ainsi qu'à l'application des mesures
alternatives que permettra le projet de loi n° 32. Par exemple, nous
croyons que les démarches d'amélioration des conditions de vie qui ont
été réalisées avant l'intégration d'un programme doivent pouvoir être
considérées comme étant des mesures
alternatives entamées, voire complétées. L'exemple réel de Jonathan, qui est
illustré dans notre mémoire, démontre en quoi cette considération est
importante. En effet, Jonathan est un jeune homme dans la vingtaine qui a
accumulé plus d'une centaine de contraventions à sa sortie d'un centre jeunesse
suite à des périodes d'itinérance et qui détenait
une dette judiciaire d'environ 26 000 $, dont plus ou moins
10 000 $ étaient reliés à différents frais. Il a finalement pu reprendre le contrôle sur sa vie et est parvenu
à cesser de consommer des drogues, s'est trouvé un logement, a entamé un programme de formation professionnelle, et ce,
avant l'intégration à un programme d'adaptabilité. Afin de maximiser les
succès de son rétablissement et réduire les risques qu'il soit davantage
judiciarisé, ces démarches auraient dû être considérées comme des mesures
alternatives entamées ou complétées et donc être traitées comme des mesures
réalisées au sein du programme, ce qui n'a
pas été fait. D'ailleurs, aux dernières nouvelles, Jonathan terminera le
programme avec une réduction de 7 826 $ de sa dette judiciaire
de 26 000 $, qu'il devra quand même payer par la suite. À la clinique
Droit de cité, nous sommes d'avis qu'une
démarche ou un effort réalisé à l'extérieur d'un programme n'ont pas une valeur
moindre que ceux réalisés au sein d'un programme.
• (12 h 20) •
En troisième
lieu, nous sommes d'avis que l'utilisation de la rétractation de jugement doit
être utilisée lorsque les mesures
alternatives sont complétées, afin de favoriser le retrait massif des chefs
d'accusation qui pèsent contre les participants des programmes. Ainsi, on
actualise véritablement le processus de déjudiciarisation de ces personnes
en leur retirant le fardeau que représente leur dette judiciaire et en les
soutenant dans leurs démarches d'amélioration de leurs conditions de vie.
Nous croyons que le projet de loi n° 32 devrait, donc, baliser cette
mesure en clarifiant que les retraits massifs de chefs d'accusation doivent
être fortement privilégiés.
En dernier
lieu, la clinique Droit de cité tient à saluer la volonté qui transparaît, à
travers le projet de loi, de vouloir s'attarder
à la question de l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes. Bien que le
projet de loi n° 32 permet une avancée important en la matière, et
ce, en proposant de baliser cette pratique, nous nous questionnons sur
l'encadrement qui est privilégié. En effet, le projet de loi n° 32
propose d'établir une liste d'infractions ou de catégories d'infractions par règlement qui ne pourront plus mener à des mesures
d'emprisonnement pour non-paiement d'amendes inscrites dans le Code de
procédure pénale.
D'abord, nous
nous demandons à quel point nous pouvons avoir la garantie que cette liste sera
exhaustive. En effet, chaque ville
adopte ses propres règlements avec ses propres formulations et il est donc
difficile d'imaginer que l'ensemble des infractions pour lesquelles sont
le plus souvent pénalisées les personnes en situation de pauvreté ou
d'exclusion sociale au Québec puissent être
toutes inscrites dans cette liste. De plus, même si, lors de son élaboration,
cette liste était véritablement
exhaustive, quelles garanties auront les citoyens qu'elle sera mise à jour
continuellement? Également, un gouvernement
futur pourrait modifier cette liste afin qu'elle concorde avec leur conception
des infractions qui devraient s'y
trouver. Ainsi, on augmente considérablement le risque d'exclure des
infractions qui touchent significativement les personnes en situation de
pauvreté.
À
Québec, il y a environ un an, la ville annonçait que les personnes en situation
d'itinérance ou avec problèmes de santé mentale n'iraient plus en prison pour
le non-paiement de contraventions en lien avec des infractions ciblées et
inscrites sur une liste. À ce jour,
nous sommes confrontés à ces mêmes inquiétudes que je viens d'énumérer en plus
de ne pas savoir comment s'actualise réellement cette mesure.
Donc, à la
clinique Droit de cité, en fait, nous considérons qu'il est préférable de faire
en sorte que l'emprisonnement pour
non-paiement d'amendes, au Québec, fasse partie du passé. À cet effet, les
propos du juge Grenier de la Cour supérieure du Québec vont dans le
même sens lorsqu'il mentionne : «Si une société incarcère des personnes
pour non-paiement d'amendes, ça ressemble
quasiment au Moyen Âge quand on emprisonnait des gens pour dettes.» Nous
pensons, donc, que le Code de
procédure pénale devrait, donc, être modifié pour ne plus permettre cette
pratique, qui est inefficace et extrêmement coûteuse pour la société.
Nous
comprenons que l'objectif derrière l'élaboration d'une liste d'infractions ou
de catégories d'infractions ne pouvant
plus mener à un emprisonnement pour non-paiement d'amendes pourrait être de
s'assurer que seules les personnes en
situation de pauvreté ou d'exclusion sociale ne puissent plus se retrouver en
prison par manque de moyens financiers. Or, nous tenons à rappeler que certains mécanismes sont déjà mis en
place pour le recouvrement d'une dette judiciaire d'une personne qui a
la capacité financière de la payer. La saisie par huissier en est un exemple.
Finalement, et je vais conclure, le projet de
loi n° 32 représente un beau projet en soi mais qui soulève plusieurs inquiétudes. Il ne fait aucun doute qu'un travail
important de la part d'une multitude d'acteurs devra s'amorcer à la suite
de son adoption et que la portée ainsi que
l'efficience de ce travail reposeront en grande partie sur la qualité de leur
collaboration. Donc, merci de m'avoir accordé votre attention.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. Couillard. Je me tourne maintenant vers le parti
gouvernemental. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. C'est très apprécié,
surtout que vous avez une expérience
pratique. Je pense que vous participez au programme IMPAC, entre autres. Vous
avez des participations, donc une expérience pratique sur ces programmes-là.
Mais peut-être que... quelques petits points, votre mémoire est quand
même assez, assez bien étoffé, merci beaucoup, sur les différents enjeux que
vous avez soulevés.
Vous
soulevez, entre autres, l'enjeu de la discrétion, de la souplesse et de
l'uniformité, et d'avoir un certain équilibre. Présentement, naturellement,
l'objectif du projet de loi n° 32 est de permettre une implantation le
plus large possible à travers le
Québec, à travers les municipalités, les villes, de ce type de programmes
d'adaptabilité là. Ce n'est pas le cas partout présentement.
Je voudrais
vous entendre : Comment vous pensez qu'on peut solutionner la
problématique de ne pas imposer de tels
programmes, parce que c'est difficile, il y a des communautés qui n'ont pas les
moyens d'avoir ces programmes-là pour
différentes raisons, je ne parle pas juste des moyens financiers, mais des
ressources, de s'assurer que les programmes sont bien adaptés aux besoins d'une communauté, parce qu'on nous a aussi
fait la remarque, hier, que d'établir une liste, qu'elle soit par règlement ou dans la loi, peut faire en... d'admissibilité,
peut faire en sorte que, dans certaines communautés, une infraction ne soit pas couverte parce qu'elle
n'est pas apparue dans l'écran radar au départ, tout en assurant, justement,
une équité, de faire en sorte qu'une
infraction donnée dans une municipalité
donnée puisse donner ouverture à un programme, et non pas... et pas dans une... Donc, il y a des enjeux de souplesse
pour permettre que les programmes soient bien adaptés aux situations
particulières des gens dans des communautés particulières. Il y a le problème d'uniformité,
et s'assurer qu'un contrevenant qui est dans la ville X puisse recevoir, pour
une infraction y et une situation donnée, un service similaire, qu'il soit dans une ville ou dans une autre, le plus
possible. Il y a le problème des moyens, c'est-à-dire que d'imposer un
programme... parce que ce n'est pas ce que le projet de loi n° 32 fait, le projet de loi n° 32 permet la mise en place
de programmes, mais n'impose pas.
Alors,
comment on peut jongler avec toutes ces réalités-là et ces enjeux-là? Je
comprends que... Une grosse partie de
la solution, je pense, est dans votre conclusion de la fin, c'est-à-dire les
suites du projet de loi n° 32 feraient en sorte que tous les acteurs concernés soient bien impliqués
dans l'élaboration des suites, et peut-être pas dans les mesures du projet
de loi n° 32 comme telles. Mais je veux juste
m'assurer, là, de voir comment on peut solutionner toutes ces balises-là, finalement, entre l'équilibre, l'équité,
l'adaptabilité, la souplesse. Ce sont toutes des notions très louables dans ce
type de situation là, mais qui, des fois, sont... mettent une contrainte
les unes envers les autres, là.
M. Couillard (Maxime) : Bien,
tout d'abord, je dois spécifier que je ne suis pas juriste, donc je ne pourrai
pas arriver avec des propositions pour...
Mme LeBel : Pas juridiquement,
mais pratico-pratique, comment on peut...
M. Couillard
(Maxime) : Pratico-pratique,
bien, comme on l'explique, dans notre mémoire, je pense qu'une manière de faire serait d'élaborer une certaine base, donc
certaines directives qui pourraient, donc, être déployées dans l'ensemble
des régions. Comme, en ce moment, actuellement, on a quelques programmes d'adaptabilité à l'échelle du Québec,
et qui, pourtant, fonctionnent de manières parfois totalement
différentes. Je pense, entre autres, à celui à Québec versus celui à Montréal. Donc, de prime abord, on devrait faire en sorte
que, dans le projet de loi, ça soit mieux spécifié, comment ça
devrait s'actualiser.
Vous avez parlé
de comment... des listes d'infractions, tu sais, qui peuvent servir comme
critère d'admissibilité. Comme on le
présente dans le mémoire, on considère qu'on devrait davantage
se baser sur la capacité de payer que sur une liste d'infractions. Donc, déjà là,
ça règle la question de savoir quand est-ce qu'une personne va être admissible ou pas en fonction de la région. À partir du moment où
est-ce que que la personne est considérée en situation de pauvreté ou
d'exclusion sociale, donc incapable de payer une dette judiciaire qu'elle a
contractée, ça devrait être un critère suffisant, à notre avis, pour pouvoir intégrer un tel
programme. Là, je ne sais plus si j'ai répondu à l'ensemble de vos questions,
il y en avait plusieurs, mais essentiellement c'est ça.
Mme LeBel : Bien, est-ce qu'on
devrait imposer de tels programmes par le biais du projet de loi?
M. Couillard
(Maxime) : Je ne sais pas
comment cette imposition devrait avoir lieu, mais on devrait s'assurer que, dans l'ensemble des régions, ce que... les
citoyens ont un besoin, puissent avoir accès à un tel programme. Parce que, là,
en ce moment, comme c'est parti à l'heure
actuelle, il n'y en a pas tant que ça, des programmes. Pourtant, nous, on
accompagne les gens qui ont des
tickets, des contraventions dans d'autres villes et qui devraient bénéficier
d'un tel programme. Mais, évidemment,
le pouvoir discrétionnaire fait en sorte... des acteurs... qui est alloué dans
le projet de loi fait en sorte que certaines cours, certaines villes pourraient
décider de ne pas en avoir. Donc, en quelque sorte, nous, on considère
qu'effectivement ça devrait être déployé à l'ensemble du territoire
québécois, là.
Mme LeBel :
Pour des raisons, puis je ne suis pas en train de... Je ne veux pas partir un
argumentaire avec vous, mais je vous donne un peu ma pensée pour un peu comment
vous réagissez. Pour des raisons peut-être plus juridiques, il est potentiellement nécessaire d'établir, quand
même, des catégories qui donnent une admissibilité à certains programmes
pour, bon... Le choix de ne pas le faire
dans la loi, parce qu'une loi est plus difficile à modifier, est plus lourde à
modifier qu'un règlement, et de le
faire plutôt par règlement, est un choix qui est justifié, justement, par cette
notion de souplesse là. Il y a quand même une certaine rigidité
réglementaire, si on veut. Est-ce que vous pensez que, si on partait plutôt par
catégories d'infractions, par... ou qu'on ajoutait peut-être, à même le
règlement, une possibilité, selon certains critères balisés, d'introduire des... Je ne sais pas, je réfléchis à voix haute,
et on pourra voir si ça se traduit bien de façon juridique, mais plutôt
que de passer par la capacité de payer... qu'il pourrait y avoir certains
enjeux constitutionnels, parce que certaines personnes pourraient avoir des
problèmes, une capacité de payer, mais des problèmes qui sont quand même sérieux, et pouvoir quand même bénéficier d'un
programme d'adaptabilité, là. Est-ce que vous pensez que ça pourrait, peut-être,
résoudre cette préoccupation?
• (12 h 30) •
M. Couillard
(Maxime) : Ça pourrait être
possible dans la mesure où est-ce
qu'on s'assure continuellement que ces listes-là sont exhaustives. Puis,
tu sais, il faut faire attention, parce qu'on parle souvent d'infractions aux
règlements municipaux, mais les personnes qu'on accompagne reçoivent également
beaucoup de contraventions en lien avec le Code
de la sécurité routière, souvent, qui découlent, bon, d'un traitement
différentiel, de profilage social, et ainsi de suite. Donc, c'est de
voir aussi comment ça pourrait être inclus à l'intérieur de ça.
Puis, comme
je le mentionnais plus tôt, une fois que cette liste-là est élaborée, comment
on fait pour s'assurer que ça concerne l'ensemble des situations? Comment on
fait pour s'assurer que ça va suivre l'évolution dans le temps? Ça arrive, des fois, qu'une personne va recevoir un
constat d'infraction en lien... en fait, c'est possible que cette personne-là reçoive un constat en lien avec une infraction qui
ne sera pas nécessairement dans cette liste-là. Est-ce que cette infraction-là
va pouvoir être prise en compte dans son
cheminement au sein d'un programme? À notre avis, ça fait partie du problème
puis c'est ça qui devrait mériter une attention particulière.
Mme LeBel : O.K., parfait. Donc, dans un ensemble
d'infractions, il devrait y avoir une qui n'est pas admissible, et là, si on n'est pas capable de retirer celle-là
pour x, y, z raison, on pourrait y avoir... Parfait. Je comprends bien votre point de
vue. Merci.
Je pense
que je vais vous demander, pour les dernières minutes qui nous restent, de nous
parler... Parce que c'est important d'illustrer les effets positifs
de ces programmes-là. C'est tout à
fait normal que vous nous... tout est
perfectible, de nous demander
d'améliorer ce qu'on essaie... l'ouverture qu'on essaie de créer par le p.l. n° 32. Mais vous parlez de Julie
dans votre mémoire. Peut-être,
si vous pourriez nous parler de
Julie, l'exemple de Julie, qu'est-ce... et nous illustrer
qu'est-ce qu'un tel programme peut apporter, justement, à ces personnes-là de... et j'imagine... c'est un
succès, là, donc, un...
M. Couillard (Maxime) : Bien,
Julie, ce n'était un succès, en fait...
Mme LeBel : Non, bien, ce
n'était pas tout un succès, mais c'est quelque chose qui aurait pu être...
M. Couillard (Maxime) : Qui
aurait pu être un succès, en fait.
Mme LeBel : C'est ça.
M. Couillard
(Maxime) : Bien, un programme,
les bénéfices que ça peut apporter aux personnes que nous accompagnons, en fait, c'est d'offrir vraiment...
bien, d'être adapté, en fait, à leur réalité, de répondre à leurs besoins puis
de considérer les causes intrinsèques qui les ont menées à commettre ces
infractions-là.
Parce que, dans la très grande majorité des cas, si ce n'est pas dans tous les cas, les
personnes que nous accompagnons, leur
dette judiciaire est directement reliée à leur condition sociale. Donc, un programme,
c'est bénéfique, dans la mesure où est-ce que
ça considère cet élément-là dans la manière que ça va traiter son dossier, et
non de rester dans cette simple logique-là d'une personne contrevenante qui a
commis une infraction puis qui doit payer sa dette à la société.
C'est vraiment... La base de tout, c'est de considérer la
condition sociale de la personne.
Dans le cas
de Julie, effectivement, bien, il
y a eu quand même des bénéfices dans
son cheminement au sein de son programme.
Ça ne s'est vraiment pas bien fini pour elle... en tout cas, en termes de son programme. Cependant, un programme comme ça qui serait, par
exemple, mieux adapté, aurait des bénéfices énormes.
Donc, c'est vraiment...
l'idée, c'est d'accompagner la personne à son rythme, d'accepter sa réalité et de lui
offrir les moyens de se sortir de ce cercle-là qu'est la judiciarisation,
en fait, de la pauvreté, là.
Mme
LeBel : Mais pouvez-vous
nous donner un exemple concret... parce que tout ce dont vous
nous parlez, on le comprend, nous, on l'intellectualise, mais d'une personne...
peut-être pas le cas de Julie, là, je l'illustrais, mais...
il est dans votre mémoire,
puis, effectivement, bon, ce n'est... tout n'est pas rose, mais il y a
eu quand même certains bénéfices, puis elle aurait peut-être
pu en avoir de plus grands dans une autre situation.
Mais nous
donner un exemple d'une mère, d'une jeune mère de famille, exemple,
comme elle, qui est monoparentale, puis
nous expliquer, un peu peut-être, des succès ou ce qui aurait pu être... en vertu de l'ouverture qu'on fait, encore... un plus grand succès encore? Parce
que, dans le fond, l'objectif est d'aider ces personnes-là.
M. Couillard (Maxime) : On a
fait un suivi avec une personne qui avait des constats d'infraction avec la
ville de Montréal. Donc, cette personne-là
a intégré finalement le PAJIC. Et, avant de l'intégrer, elle avait
réussi à stabiliser sa situation. Donc, un
peu comme l'histoire de Jonathan,
elle s'était trouvé un logement, elle avait commencé une thérapie de désintox, en fait, là, à la méthadone, et ainsi de suite. Et, une fois qu'elle a intégré le programme du PAJIC, ses
démarches ont été reconnues, elle a
été appuyée dans ses démarches. Et ça, ça a eu comme résultat, en fait, qu'on
lui a retiré son fardeau judiciaire pour qu'elle puisse poursuivre, en
fait, ses démarches, sans nécessairement avoir le stress d'être notamment emprisonnée pour non-paiement d'amende. Je sais
qu'à Montréal, ça n'a plus vraiment lieu d'être, mais il y a quand même ce stress-là qui peut être
présent.
Donc, ça,
c'est un exemple, en fait, qui a permis à une personne
de continuer son cheminement de rétablissement, d'amélioration de ses
conditions de vie grâce à un programme d'adaptabilité qui a, bien, c'est ça,
donc, considéré ces démarches-là.
Mme LeBel : ...le programme a servi, dans son cas particulier, à écarter
l'épée de Damoclès, si on veut, que cette personne-là avait au-dessus de
la tête et lui permettre d'avoir, peut-être, une ouverture d'esprit plus... «sereine» étant un
mot que j'emploie avec beaucoup
de parcimonie dans un type de situation comme ça, mais avec un esprit plus serein pour
plutôt se concentrer sur ses démarches, et travailler sur soi, et travailler
sur sa situation.
M. Couillard (Maxime) : Absolument.
Puis, tu sais, je tiens... je pense que c'est important de le mentionner, ça favorise aussi une reprise de confiance envers
le système de justice quand une personne
passe à travers l'ensemble d'un processus comme ça.
Parce que,
bon, ces gens-là sont judiciarisés, ils considèrent qu'ils vivent, souvent
avec raison, des injustices, du profilage,
bon, tout l'argumentaire a déjà été étalé, et là on leur offre une possibilité de passer à autre chose et on leur offre les moyens de passer à autre chose en prenant en compte leurs besoins et
leur réalité. Donc, ça, ça fait partie d'un des avantages, de ravoir
confiance envers le système de justice puis de sortir de cette judiciarisation-là.
Mme LeBel : Vous avez mentionné... Peut-être
pour revenir peut-être de façon plus pointue sur vos commentaires,
vous avez parlé de... ça fait référence à l'article 159.4,
pas du projet de loi, l'article 37, je
pense, du projet de loi, mais... ce sera l'article 159.4 du Code de procédure civile, qui
dit que le retrait du consentement du défendant met fin à sa participation au programme. Naturellement,
c'est une décision... où il en est de même sur décision du poursuivant, alors
c'est cette discrétion-là, pardon, que vous avez mentionnée. Naturellement,
c'est balisé en disant que lorsque les conditions du programme ne sont plus observées par le défendeur... Vous avez une
crainte, donc, qu'il y ait peut-être un peu d'arbitraire. Ou qu'est-ce que vous suggérez? Parce qu'il faut quand même avoir une
possibilité... Le poursuivant, au départ, offre un programme, il y a une espèce... je vais prendre
ses termes, de contrat qui se crée entre la poursuite, c'est-à-dire le
ministère public et le défendeur,
d'entrer dans une voie alternative. Il doit y avoir, quand même, un moyen, si
on constate que ça ne fonctionne pas,
de mettre fin à tout ça et de reprendre la voie judiciaire si tel est le cas.
Donc, comment vous suggérez de baliser ou d'encadrer cette
possibilité-là?
M. Couillard
(Maxime) : Bien, ça rejoint
notre souci d'uniformité, en fait, là, d'établir certaines conditions pour
l'ensemble des programmes pour qu'ils soient
déployés ainsi. Je n'ai pas de liste de conditions qui devraient être
considérées, mais, comme on
l'explique dans le mémoire, quand une personne ne peut pas ou ne parvient plus
à respecter une ou quelque condition,
c'est davantage au programme de s'adapter pour voir : Est-ce qu'on peut la
maintenir au sein du programme? Qu'est-ce qu'on peut faire?
Évidemment,
là, si on prend un exemple extrême : la personne, elle disparaît
carrément, on ne peut pas lui offrir grand-chose, elle n'est plus là.
Mais, à partir du moment où est-ce que la personne vit des difficultés... parce
que c'est souvent ça qu'on constate sur le
terrain, hein, quand une personne qu'on accompagne sur un programme ne parvient
plus à respecter une ou plusieurs
conditions, c'est parce qu'il y a des
enjeux dans sa vie personnelle qui font en sorte qu'elle a de la
difficulté à les respecter.
Dans le
mémoire, je parlais, justement, de l'obligation d'être présent à une rencontre,
bien, des fois, c'est difficile, notamment quand on est
une mère monoparentale, là, qui s'occupe de l'enfant toute seule, là, donc
voilà. Donc, c'est toujours d'avoir une grande souplesse dans
l'application des mesures et des conditions des programmes.
Dans le mémoire, entre autres, je parlais de
l'idée d'offrir, quand c'est nécessaire, des ententes de paiement à cinq dollars par mois, le temps que la
situation de la personne se stabilise pour être certain de maximiser ses
chances et qu'on ne l'expulse pas
parce que, par exemple, elle a manqué une rencontre ou elle a dû mettre sur
pause ses études, là, et ainsi de suite.
Mme LeBel :
...la clé, dans le fond, de votre intervention puis la clé du succès, si je
peux le prendre comme ça, est dans la façon dont les programmes vont
être construits par la suite, là, dans le fond.
M. Couillard
(Maxime) : Oui, dans la
souplesse comment ils vont... exécuter, mais aussi comment nous, en tant
que société, on va pouvoir les baliser, ces programmes-là.
Mme LeBel : Et le fait, aussi, que
le procureur pourrait — puis
c'est toutes des remarques qui nous ont été faites — pourrait avoir, aussi, la possibilité
peut-être de mettre fin parce que les conditions le demandent, il n'y a pas de
participation, peu importe, et, par contre, de
prendre en compte le parcours qui est déjà... Une réduction de la peine, à
titre d'exemple, ou une réduction des
travaux compensatoires en fonction d'un cheminement parcouru, même s'il a pris
fin avant son aboutissement.
M. Couillard
(Maxime) : Oui, ça, on
partage ça, là, on partage cet avis-là, là, à l'idée que, supposons que, dans
une entente, la personne n'est pas en mesure de réaliser tout ce qui était
inscrit, mais qu'elle en a quand même réalisé quelques-unes,
oui, en effet, on considère que ça serait important qu'ils puissent être
considérés puis qu'elle puisse avoir des bénéfices associés à ça, de la
même manière que ceux entamés avant l'intégration à un programme devraient être
considérés aussi, là.
Mme LeBel : Bien, je vous
remercie de votre intervention, merci beaucoup. Je n'ai pas d'autre question,
M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Je
me tourne maintenant vers l'opposition officielle. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce,
s'il vous plaît.
Mme Weil :
Merci, M. le Président. Merci de votre présence, c'est fort stimulant, puis on
a l'occasion de vous poser des questions, vous êtes sur le terrain.
Donc, moi, je
suis de Montréal, j'ai été ministre de la Justice, j'ai vu le tout début du
programme à Montréal et je comprends
qu'ils se sont inspirés de Toronto, qu'ils s'étaient inspirés de New York,
donc, comme vous dites, il y a des différents projets, puis chacun
développe son programme qui se ressemble, les grands principes sont là.
Et vous, vous
dites, dans votre introduction : On peut aller chercher des données, on
peut regarder ce qui fonctionne, on peut adapter des programmes.
Pensez-vous que ce serait intéressant et utile de peut-être inscrire quelque
chose dans la loi qui fait en sorte que ça soit comme en constance, ça fasse
partie du système de justice, d'amélioration continue, comme on fait dans le
système de santé, comme on fait dans beaucoup d'autres systèmes, pour apprendre
les uns des autres, et il y a une certaine
adaptation, aussi, aux réalités de chaque ville ou chaque région. Mais la
ministre a déjà dit : En même temps, c'est sûr que le système de
justice doit être quand même équitable envers tout le monde, les problèmes sont quand même pareils, mais les organismes
communautaires qui vont émerger ou qui émergent développent des pratiques.
Donc, cette
notion d'étude, de connaissance, comment vous voyez ça, qu'on puisse, en
continu, connaître, apprendre, appliquer?
• (12 h 40) •
M. Couillard (Maxime) : Bien,
on n'en a pas particulièrement parlé, mais, effectivement, ça pourrait être un élément très intéressant à ajouter. Par contre, on
considère que ça ne devrait pas faire en sorte qu'on enlève l'idée d'une
uniformité des programmes ou, du moins, de balises claires et d'un encadrement
minimal. Mais ça serait intéressant, effectivement, que ça soit un complément à ces éléments-là afin
de s'assurer d'un suivi, afin de s'assurer que c'est efficace, qu'ils
sont efficients.
Mme Weil : Dans votre
expérience... Parce qu'au coeur d'un système de justice il y a aussi, comme
dans tout, de bien vivre en société, cette
notion de responsabilisation. Et c'est sûr, quand on a des cas de santé
mentale, c'est très, très difficile, hein, et... Donc, vous, dans votre
pratique... Parce que, pour que la personne puisse bien comprendre qu'ils doivent répondre aux exigences... Je ne sais pas
si vous êtes capable de le dire en pourcentage ou si vous faites la part des
choses, dans le sens de certains qui ont
vraiment de la misère et de la difficulté, puis que le système de justice...
Comment est-ce que le système de justice répond à cette faille, si on
veut?
Dans votre
pratique, est-ce que vous voyez que les gens comprennent cet élément-là de
responsabilisation puis sont... bien, il y a capacité d'aller jusqu'au
bout — ça,
c'est une chose, vous l'avez mentionné — mais compréhension de ce
facteur-là?
M. Couillard (Maxime) : Sur les
plus de 400 personnes qu'on a... En fait, les plus de 400 personnes
qu'on a accompagnées viennent nous voir pour, justement, gérer leur dossier
judiciaire, la régulariser. Donc, en partant de cette idée-là, il y a une prise de conscience de... bien,
il y a une responsabilisation, parce qu'il n'y a personne qui fait les
démarches à leur place. On ne fait pas les démarches à leur place, nous.
On les accompagne, on facilite leurs démarches. Donc, j'aurais... Oui, ils sont conscients de ça. Par contre, il ne faut pas
occulter le fait qu'ils considèrent que, dans la plupart des cas, ils ont reçu ces constats-là de manière injuste,
parce que, des fois, ils n'avaient pas le choix de commettre ces
infractions-là.
Mme Weil :
Donc, c'est très encourageant. Donc, il se pourrait que ceux qui sont vraiment
dans des situations graves sont déjà
pris en charge par le réseau de la santé, à quelque part, parce qu'ils ne
seraient pas autonomes. Vous, vous voyez, peut-être, des itinérants, des gens qui... bon, la drogue, etc., puis
des parcours de vie difficiles, mais, comme vous dites, le jugement
reste là, si je comprends bien.
Rétractation
de jugement, vous dites que c'est important. Est-ce que vous pourriez,
peut-être, en parler? Pourquoi vous considérez ça un élément important
du programme d'adaptabilité?
M. Couillard (Maxime) : Oui. Bien, ça rejoint un peu ce que je viens de
dire, à l'idée que les personnes reçoivent des constats d'infraction souvent en lien avec leur condition sociale.
Les constats vont passer à travers l'ensemble du processus pénal et vont, dans la plupart des cas, être jugés
par défaut. Donc, les gens vont accumuler de... judiciaire, par exemple, pour
avoir mendié, sollicité, tu sais, avoir utilisé des stratégies de survie, avoir
adopté des comportements qui sont souvent inévitables, par exemple, dormir à l'extérieur quand les refuges
débordent, comme c'est le cas, en ce moment, à Québec.
Donc, la rétractation
de jugement est importante pour pouvoir favoriser le retrait de ces constats-là,
parce que ces personnes-là les ont reçus en
grande partie à cause de leur condition sociale. Et la rétractation de jugement
ne veut pas dire que le constat est
nécessairement retiré. Donc, ça doit être suivi, justement, d'un retrait des
chefs d'accusation, comme on le voit, notamment, à Montréal en ce
moment, là.
Mme Weil :
Si vous comparez votre expérience... Bien, vous connaissez, donc, d'autres
systèmes de réadaptation... ou réadaptabilité, d'autres villes.
Actuellement, vous regardez tout ça.
M. Couillard
(Maxime) : Bien, notre pratique, en fait, c'est surtout sur le
programme IMPAC à Québec, mais on a accompagné des gens aussi sur le PAJIC et
on est évidemment en lien très étroit avec la Clinique droits devant de
Montréal, avec lesquels on partage nos expériences aussi, là.
Mme Weil :
Très bien. Merci.
Le Président (M. Bachand) : Autres questions du côté de l'opposition? Ça va?
M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être là aujourd'hui. Très intéressant
de vous entendre, parce que, depuis deux jours, là, on nous a beaucoup
parlé des programmes qui existent en ce moment, des programmes d'adaptabilité,
comme étant superbes, magnifiques. Et là vous nous faites... vous nous
permettez d'amener la réflexion plus loin pour voir peut-être aussi les limites
de certains programmes existants, puis les améliorations qui doivent être apportées. Puis, jusqu'à maintenant, vous êtes
probablement le seul intervenant qui nous amène à cette réflexion sur :
c'est bien qu'il y en ait, mais ils ne sont pas parfaits, il faut les
améliorer. Puis je trouve ça... Je pense que votre contribution, là-dessus,
elle est essentielle.
Et vous nous
sensibilisez à l'importance de deux choses, hein? Vous dites... Puis je partage
l'avis de la ministre là-dessus. Vous nous
dites qu'il faut certaine uniformité, un certain cadre général, mais il faut
aussi de la souplesse, qui, quand on
écrit des lois, peut être un défi, hein? Comment on met un cadre, comment on
fait des balises puis comment on laisse aussi de la souplesse?
Et
donc ce que je comprends de votre intervention, c'est aussi... l'enjeu, c'est
moins est-ce qu'il devrait y avoir des programmes
ou pas, mais c'est plutôt quels programmes, comment fonctionnent-ils, puis
comment on les applique. Bref, le diable est dans les détails. Et là ça,
ce n'est pas facile, quand on écrit des lois, de tenir ça en compte.
Ça
fait que vous nous avez parlé... Quand vous avez parlé de balises générales
puis de cadre général, vous nous avez parlé
de... peut-être, au niveau des infractions, de mettre certaines balises sur
quelles infractions pourraient être concernées par ces programmes-là.
Pouvez-vous nous donner des pistes de réflexion sur quelles autres balises,
quel autre encadrement général, quel autre cadre on pourrait écrire dans un
texte de loi, et non pas dans un règlement, dans un texte de loi, pour
orienter les différents programmes dans le bon sens?
M. Couillard (Maxime) : Oui, mais je ne pourrai pas le faire d'un point
de vue juridique, mais ils sont quand même présentés dans notre mémoire, là, mais, instinctivement, comme ça...
Oui. Bien, en fait, on suggère fortement de s'inspirer de ce qui se fait à
Montréal pour, justement, proposer des balises. Donc, notamment, considérer les
démarches, les mesures qui ont été
faites avant l'intégration d'un programme, permettre à une personne, justement,
de prendre des mesures qui sont vraiment adaptées à sa réalité, donc, de
ne pas avoir une liste claire et définie de qu'est-ce que peut être une mesure alternative, mais de plutôt considérer ce que la
personne fait ou peut faire comme mesure alternative. Par exemple, sans écrire dans une liste, un retour aux études est
une mesure alternative, mais, si une personne intègre un programme puis qu'elle
soumet son envie d'un retour aux études,
bien, ça, ça peut devenir une mesure alternative. Pour certaines personnes, le
simple fait de se présenter à des
rendez-vous, à cause de leur condition, est un défi important. Ça pourrait être
aussi considéré comme une mesure alternative. Donc, les mesures avant
l'intégration devraient être considérées.
On considère
aussi que la rétractation de jugement doit être fortement favorisée lorsque les
mesures sont considérées comme étant complétées, notamment pour,
justement, retirer les chefs d'accusation.
Je ne sais pas comment ça pourrait
être écrit dans un projet de loi, mais, chose certaine, on considère que tous les
programmes, au Québec, devraient maximiser cette utilisation-là, donc, de ce
mécanisme-là.
M. Nadeau-Dubois :
Une des discussions qu'on a eues hier, c'était sur le projet de loi. Est-ce
qu'on devrait à l'article 159.5 que, lorsqu'il y
a complétion du programme, lorsque le programme est complété, que le poursuivant... Est-ce que... En ce moment c'est écrit «peut
retirer les chefs d'accusation». Certains intervenants nous ont dit, notamment
le Barreau, ça devrait être écrit «doit retirer les chefs d'accusation». Dans
ce débat-là, où vous situez-vous?
M. Couillard (Maxime) : «Doit». Absolument, absolument. Normalement, on aurait dû l'écrire dans notre mémoire,
mais ça nous est échappé. Mais effectivement...
Une voix :
...
M. Couillard
(Maxime) : Oui, effectivement.
Le
Président (M. Bachand) : Parfait. Merci infiniment. Merci. Mme
la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Oui, merci beaucoup. Donc, sur la même voie de la question des programmes
d'adaptabilité, donc, vous dites qu'il faudrait les généraliser. Moi, je
suis d'avis que les Québécois devraient avoir les mêmes droits. Donc, évidemment, s'il y a des endroits où on les offre
puis des endroits où on ne les offre pas parce qu'il n'y a pas la même
sensibilité ou la même ouverture, je pense que c'est un enjeu. Ça ne
veut pas dire qu'on ne garde pas de la flexibilité dans le programme en lui-même dans ses modalités. Mais,
vous, je comprends que... Je veux juste être sûre parce que vous le dites.
Vous dites qu'ils devraient permettre
l'imposition de la mise sur pied d'un programme d'adaptabilité. Vous ne dites
pas nécessairement: Ils devraient
imposer les programmes d'adaptabilité. Ça fait que je veux juste comprendre,
quand vous dites: On devrait pouvoir
les généraliser, vous trouvez qu'il y a peut-être trop de latitude qui est
laissée dans le projet de loi. Ce que vous voudriez, dans un monde
idéal, c'est qu'il soit disponible partout et qu'on l'inscrive dans la loi.
M. Couillard (Maxime) : Oui, qu'il soit disponible partout puis que les
personnes puissent bénéficier des mêmes mesures.
Mme Hivon :
Exact. Parce que ce qui vous inquiète en ce moment, c'est que, dans une
communauté donnée, s'il y a moins de sensibilité et moins d'ouverture, on ne le
mettra tout simplement pas sur pied.
M. Couillard
(Maxime) : Absolument. On accompagne les personnes qui ont des
tickets, par exemple, des contraventions à
Québec, à Montréal et à Trois-Rivières. Ils ne comprennent pas pourquoi à
Québec c'est beaucoup plus difficile
qu'à Montréal pour régulariser leur situation judiciaire, pourquoi le programme
est à ce point-là différent. Et ils ne comprennent pas pourquoi, à
Trois-Rivières, il n'y a absolument rien. Donc, c'est un peu ça, l'idée.
Mme Hivon :
C'est ça. Il y a des modalités qui... Les programmes peuvent être très
différents, mais il y a aussi des endroits où il n'y a juste pas de
programme.
Vous avec peut-être
vu que j'avais lu votre mémoire. Puis j'ai demandé à l'association des avocats
de la défense avant. Puis ils semblaient
nous dire : Oui. Mais là est-ce que... En tout cas, ce n'était pas clair.
Mais est-ce que c'est vraiment réaliste? Puis, dans le fond, est-ce que
tout le monde a les mêmes besoins? Puis il y a tellement de différences, parce qu'il peut avoir des personnes où c'est plus la
santé mentale, d'autres, c'est plus la pauvreté, l'itinérance, la toxicomanie.
Pour vous, est-ce que ça, c'est un argument
pour dire : C'est impossible, pour nous, comme législateurs, dans le
projet de loi, de mettre que ça doit être disponible partout?
M. Couillard
(Maxime) : Non, pas du tout, de la même manière que ce n'est pas
impossible, en ce moment d'instaurer, des
nouveaux programmes ou de permettre le développement de nouveaux programmes. Le
programme à Québec s'est développé
plus tard après le programme de Montréal. Je ne pense pas qu'ils ont été confrontés
à ces questionnements-là nécessairement et à ces enjeux-là, là.
Mme Hivon :
Parfait. Puis, vous, le modèle de base, en quelque sorte, qui pourrait nous
inspirer si on voulait aller plus loin dans le projet de loi puis mettre
un certain cadre, c'est vraiment le PAJIC.
M. Couillard
(Maxime) : Oui.
Mme Hivon :
Donc, lui, il fonctionne bien. Vous, vous trouvez qu'il n'a pas de lacune
énorme.
M. Couillard
(Maxime) : Il y a toujours place à l'amélioration.
Mme Hivon :
Il n'y a rien de parfait.
• (12 h 50) •
M. Couillard
(Maxime) : Mais c'est une
avancée... On considère que ce serait une avancée extraordinaire, pour la justice québécoise, de se doter de ce programme-là un peu partout, parce qu'à notre avis c'est vraiment un programme qui considère
véritablement les causes intrinsèques qui ont mené la personne à commettre les
infractions et qui va vraiment favoriser
son rétablissement et la sortir du processus de déjudiciarisation. Et je trouve
ça important de dire qu'un programme comme ça doit aller de pair avec
l'absence d'un emprisonnement pour non-paiement d'amende.
Et
c'est ça qui est intéressant à Montréal. En général, les personnes ont une
chance pour intégrer ce programme-là. Et
ils vont le faire quand ils vont être prêts à gérer leur dossier judiciaire.
Ils ne sentiront pas la pression que peut créer, par exemple, l'émission d'un mandat d'emprisonnement
pour non-paiement d'amende, ce qu'on a vécu par le passé à Québec. Les gens intègrent un programme le plus rapidement
possible parce qu'ils ont peur d'être emprisonnés pour non-paiement d'amende, mais ils ne sont pas nécessairement
prêts encore à gérer leur dossier judiciaire, parce qu'il y a des besoins de
base qui peuvent être davantage prioritaires que gérer des
contraventions.
Mme Hivon :
Exact, O.K. Donc, là-bas, c'est plus une démarche où vous sentez que la
personne est impliquée davantage, plus volontaire dans la philosophie du
programme.
M. Couillard
(Maxime) : Elle est vraiment au centre du programme.
Mme Hivon :
Oui. O.K. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Couillard,
de votre intervention, participation, c'est très apprécié.
Cela dit, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à
12 h 51)
(Reprise
à 15 h 03)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Bon après-midi. La Commission des institutions
repend ses travaux. Donc, je demande, bien
sûr, aux personnes dans la salle de
bien vouloir fermer la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Rappel du
mandat : la commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et aux audiences publiques sur
le projet de loi n° 32, la Loi
visant principalement à favoriser l'efficacité de la justice pénale et à
établir les modalités d'intervention de la Cour du Québec dans un
pourvoi en appel.
Cet
après-midi, nous allons entendre, entre
autres, l'Association des juristes
progressistes, Me Marie-Eve
Sylvestre, l'Association des greffiers des cours municipales du Québec
et la Clinique droits devant.
Cela
dit, je souhaite, donc, la bienvenue aux représentants de l'association des juristes
du Québec... juristes progressistes, pardon. Je vous rappelle, vous avez 10 minutes de
présentation. Par après, nous aurons un échange avec les membres de la commission.
Encore une fois, bienvenue. La parole est à vous. Merci.
Association des juristes
progressistes (AJP)
M. Fugazza (Léo) : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Je me présente, Léo Fugazza, je suis avocat membre du conseil d'administration de l'Association des juristes progressistes. Je suis également accompagnée de Greg Sadetsky, également membre du conseil
d'administration de l'AJP. Je sais que le temps de la commission est précieux,
il va également m'assister, là, à sortir des références précises pour assister
nos représentations aujourd'hui.
Description
rapide de l'AJP pour celles et ceux qui ne nous connaissent pas : elle a
été fondée en 2010, on est une association des juristes, de personnes
qui s'identifient comme juristes, donc, avocat, notaire, mais également
étudiants en droit, les personnes qui s'y
intéressent, chercheurs, professeurs et autres, qui, essentiellement, se rejoignent sur une vision progressiste
du droit, donc une transformation sociale par le droit et dans une perspective
d'égalité et de bonification des droits en considérant, là, que la société
et le droit qu'elle forme est un produit de rapports de forces. Donc, on a
une perspective plus critique du droit que certains autres. La raison
d'être de l'AJP est justement d'avoir une force un peu plus politique et juridique en
appui à des revendications sociales, ce qui est la raison de notre présence
ici. On a un mandat plus large et à
la fois plus restreint que d'autres intervenants, qui nous permet, pour celles
et ceux qui ont pu consulter le mémoire que nous avons produit, de traiter, là,
de presque l'ensemble du projet de
loi n° 32, qui est présenté
aujourd'hui.
Bon,
pour les points, rapidement, sur les lesquels l'AJP va revenir, on s'est
concentrés principalement sur les premier et troisième chapitres. Nous ne traiterons pas des questions de l'appel
à la Cour du Québec, uniquement sur
les questions concernant le Code de procédure pénale et également l'aide
juridique.
Tout d'abord, on va
commencer par une remarque rapide sur la surjudiciarisation des personnes en
situation d'itinérance, qui nous semble être
le point manquant du projet de loi, suivant, par la suite, de critiques plus
constructives, donc, tout d'abord sur le programme d'adaptabilité des
règles relatives à la poursuite avec certaines recommandations d'amélioration
de certaines failles que nous identifions.
Également,
au niveau de l'aide juridique, une recommandation à faire, suite à cette
adoption de programme, pour que
l'aide juridique soit plus précise dans sa couverture de ce type de programme.
Également, on va vous faire part des craintes de l'AJP face à deux
modifications par rapport aux droits, donc, tout d'abord la nouvelle provision
pour la vérification d'identité en cas d'arrestation en matière pénale, également
pour le mandat d'entrée proposé.
Et, enfin, on aura des
remarques rapides sur l'usage des moyens technologiques et sur une question
linguistique au niveau de la signification
et de la notification, pour terminer avec quelques remarques diverses, des points
d'appui et des points de critique sur
des dispositions plus diverses qui n'ont pas nécessairement été traités par
d'autres intervenants, donc, qui nous semblaient importants de traiter
aujourd'hui.
Pour
commencer par le point principal de l'AJP, on a accueilli très favorablement le
projet lorsqu'il a été annoncé. On a, par la suite, fait l'étude et on a
réalisé qu'il y avait certaines lacunes. Une des premières, c'est qu'on pensait
que le projet allait aller plus loin qu'il ne va effectivement, qu'il
allait s'attaquer vraiment aux problèmes sous-jacents de la surjudiciarisation
des personnes en situation d'itinérance.
Tout
simplement, là, on se ramasse à régler les problèmes qu'on voit, donc, les
amendes qui s'accumulent, le fait qu'ils
doivent retourner à la cour régulièrement, les portes tournantes, plutôt que
régler les problèmes sous-jacents, notamment la capacité des villes à créer des infractions qui ciblent, en général,
spécifiquement les personnes en situation d'itinérance. Vous indiquez certaines infractions régulières
mais, par exemple, les infractions qui sont liées, là, à des piétons, qui vont
traiter des occupants de véhicules, les
personnes qui utilisent les transports en commun sans payer les frais, les
différentes infractions sur flânage,
ce type de choses là, il n'y a pas de traitement qui est fait par rapport à:
Est-ce que ces infractions-là, même, devraient exister. Est-ce qu'elles
devraient être permises? Et comment, par la suite, les services policiers
traitent ce genre d'infraction, notamment la
lutte aux incivilités et la théorie du «broken windows». C'étaient des choses
qu'on aurait aimé voir dans le projet.
Cependant, on
comprend le rôle limité de la commission. Donc, après avoir fait cette
remarque, on va tout de même être plus constructifs dans nos
représentations et parler des points, là, qui sont dans le projet et qui, tout
de même, sont bénéfiques et devraient être adoptés avec certaines modifications
selon l'AJP.
Le premier et
non le moindre est l'ajout par l'article 37 du projet de loi sur le
programme d'adaptabilité des règles relatives
à la poursuite. D'entrée de jeu, l'AJP est favorable à cette mesure. Elle
permet de reconnaître officiellement les programmes qui existent déjà, notamment à la cour municipale de Montréal,
à Québec, à Val-d'Or. Il est important que le code de procédure pénale
puisse permettre d'autres municipalités d'emboîter le pas et de prévoir des
programmes d'adaptabilité pour, justement,
éviter certains des problèmes qui sont liés avec la judiciarisation des
personnes en situation d'itinérance et également d'autres marginalités
en santé mentale, toxicomanie notamment.
Cependant, il y a certaines améliorations qui
pourraient être faites. Trois points principalement. Tout d'abord, la portée du programme. Le point a été fait
également par d'autres intervenants. Je pense, notamment, au Service de police
de la ville de Québec, à l'Association des procureurs de cours municipales du
Québec. Le projet manque possiblement de
flexibilité en prévoyant des infractions spécifiques qui pourraient être
visées. L'AJP vous suggère tout simplement de ne pas prévoir d'infractions spécifiques, mais de permettre à tous les
programmes de s'adapter avec souplesse à la réalité des personnes en
situation d'itinérance.
Les personnes
itinérantes ou qui vivent en situation de rue peuvent commettre une multitude
d'infractions et pas nécessairement celles qu'on associe régulièrement à
l'itinérance, peut-être pas, là, des infractions liées à l'AMF par exemple, mais on pourrait penser à des infractions
liées à la faune. L'imagination est la limite. On pense que c'est vraiment
aux procureurs et aux tribunaux de pouvoir établir les limites de ce
programme-là pour en traiter adéquatement.
Le mécanisme
de restriction, si jamais la commission allait dans ce sens, on vous soumet que
le règlement n'est peut-être pas la solution optimale pour ça. Et il y a
d'autres présentations qui vous ont été faites sur ce point. Possiblement,
plutôt que de prévoir une liste d'inclusions
de certaines infractions, prévoir une liste d'exclusions avec certaines
infractions qui ne devraient pas faire l'objet de ce genre de programme
pourrait être plus souhaitable.
• (15 h 10) •
Mais, dans
tous les cas, ce qu'on invite la commission à faire et le gouvernement, par la suite, par réglementation
est de consulter les intervenants sur le
terrain et les personnes impliquées pour bien monter la réglementation, qu'elle
soit faite de manière adéquate, et
pour... également pour que le programme ne soit pas plus punitif que les
problèmes qu'il tente d'éviter.
Et, enfin, un
point qui a également été soulevé par l'Association des procureurs des cours
municipales du Québec, l'exigence de
reconnaître les faits qui est prévue au paragraphe 3° de l'alinéa deux du
nouvel article 159.2. Essentiellement, on
a une liste de conditions pour participer au programme d'adaptabilité. Une des
conditions suggérées est «que le défendeur reconnaît les faits à l'origine de l'infraction et qu'il souhaite
participer au programme.» On suggère à la commission de tout simplement rayer «reconnaît les faits à
l'origine de l'infraction» et qu'il... donc, tout simplement, exiger une
participation volontaire,
essentiellement pour prévoir les cas des personnes qui soit ne se souviennent
pas des faits ou qui maintiennent leur
innocence mais qui pourraient tout de même bénéficier du programme. Donc, la
société y gagnerait, même si la personne aurait peut-être choisi de tenir un procès... que la personne participe
tout de même au programme d'adaptabilité et se sorte d'une situation
d'itinérance ou de toxicomanie ou règle les problèmes en santé mentale, ait un
traitement plus suivi et qu'ultimement l'intérêt public à retirer les
accusations dans ce cas-là demeure tout aussi important que si la personne avait reconnu, là, sa responsabilité, et donc que
c'est une limite qui n'est pas nécessaire en l'espèce. Ce sont nos
représentations quant au programme d'adaptabilité.
Simplement pour dire qu'au niveau du régime
d'aide juridique on inviterait également la commission à prévoir spécifiquement
que ce genre de service devrait être nommément couvert, qu'il soit inclus, là,
à 4.5 de la Loi sur l'aide juridique ou dans
le Règlement sur l'aide juridique. De spécifiquement prévoir que, quand un
tribunal ou un poursuivant prévoit un
programme particulier et qu'une personne est admissible en matière criminelle
ou pénale, qu'elle puisse être admissible à l'aide juridique, pour
éviter certains écueils qu'on voit en pratique. Nos membres nous disent parfois
que leurs clients ou leurs clientes qui
tentent d'obtenir l'aide juridique avec un service qui n'est pas nommément
couvert mais qui est discrétionnaire,
l'intérêt de la justice... souvent on va considérer la participation au
programme comme un intérêt de la justice, mais pas tout le temps. On invite la commission à
considérer, là, que les règles soient claires pour les techniciennes et techniciens qui l'appliquent, pour les avocats
des bureaux permanents, également, que toute personne qui est admissible
à un tel programme, qui souhaite y
participer, puisse bénéficier de l'aide juridique, pourrait être appuyée par un
procureur. Le système est ainsi fait
que les procureurs, là, sont généralement essentiels au bon fonctionnement. On
voit le problème des personnes qui se représentent de plus en plus
seules, ça serait une solution assez facile pour les personnes qui sont
financièrement admissibles à l'aide juridique d'être au moins accompagnées dans
ces processus, qui aident beaucoup, notamment, dans les cours municipales.
Dans nos
points plus critiques, on soulève deux points. D'abord, les questions
d'identification. Le Barreau du Québec et également l'Association québécoise
des avocats et avocates de la défense a traité, en long et en large, de
l'identification par carte
d'identité. On partage le même genre de craintes. Simplement, mentionner
également, puisque ça ne semble pas avoir été le cas, que permettre d'exiger les cartes d'identité va plus loin
que simplement obtenir les informations qui sont prévues par le
règlement. Les cartes d'identité prévoient une multitude d'autres informations
que le nom, la date de naissance et
l'adresse, ce que le projet propose. On invite la commission, là, à faire
preuve de prudence par rapport à ça. Les cartes d'identité sont liées, généralement, à des programmes qui donneraient
accès à plus d'informations que ce que le projet semble vouloir donner.
Mais, tout de
même, on s'oppose également à l'exigence de fournir une date de naissance. Ça
va à l'encontre des principes
généralement reconnus depuis la création, là, au Canada, du droit pénal.
L'identification s'est toujours faite par le nom et l'adresse uniquement, en
common law, également, même dans les sources anglaises par... avant, là,
l'adoption au Québec de mesures
similaires. Le nom et l'adresse suffisent. On comprend qu'il y a des problèmes,
parfois, d'identité, on estime, là,
que la disposition actuelle, avec les pouvoirs de l'agent de la paix de faire
des vérifications additionnelles, s'il a des motifs raisonnables de croire que les noms et adresse qui lui sont
fournis sont inexacts, permettent de couvrir ce genre de choses, mais que permettre, là, la demande de
l'identité causerait des problèmes, là, au niveau constitutionnel au niveau
de cette disposition.
Enfin, quant
à la question du mandat d'entrée, on a certaines critiques liées à
l'élargissement qu'on estime être le cas du mandat d'entrée proposé,
comparativement au Code criminel, qui prévoit des limites beaucoup plus
strictes. On inviterait la commission à
adopter des mesures similaires pour que les dispositions criminelles et pénales
soient arrimées les unes aux autres,
éviter qu'il y ait de l'abus qui soit fait, par exemple, en contournant le
processus criminel en passant par le
droit pénal. On ne voudrait pas permettre, là, des perquisitions
essentiellement criminelles en raison de dispositions pénales, profiter du prétexte, là, d'une traversée
sur un feu rouge ou d'une infraction mineure pour, par la suite, entrer dans
le domicile de quelqu'un, constater, de
pleine vue, certains éléments d'un crime ou d'une autre infraction et, à ce
moment-là, là, entrer dans le processus criminel. On inviterait la
commission à prendre des mesures par rapport à ça.
«17859 Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup,
maître. Si vous êtes d'accord, on va débuter avec la période d'échange.
M. Fugazza (Léo) : Absolument.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, Mme la ministre, vous avez la parole, s'il
vous plaît.
Mme
LeBel : Oui, merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. J'aimerais peut-être,
juste pour me permettre de situer le
contexte, me situer un peu votre association et qui en sont les membres. Je vois que c'est des
juristes, naturellement, des gens qui travaillent dans le domaine du
droit. Mais, habituellement, vos membres travaillent dans quels
domaines?
M. Fugazza
(Léo) : Nos membres
proviennent de différents domaines, généralement en droit plus social, donc, avec des personnes
plus vulnérables. Je vous avouerais candidement, là, qu'on a moins de membres
qui sont, par exemple, membres de grands
cabinets en droit des affaires. Donc, généralement, droit du travail, droit du
logement, droit criminel sont les principaux enjeux. Mais nos membres ne
sont pas limités. Donc, on a une ouverture assez large. On n'a pas un recensement parfait, là, de qui, exactement,
est où, mais ça pourrait également inclure des bibliothécaires juridiques, des
techniciens juridiques, des assistants de recherche, ce genre de choses là,
beaucoup d'étudiants également, donc, qui ont
encore un potentiel ouverture sur la pratique du droit. Et donc, simplement,
vraiment plus relié, au niveau plus idéologique, de croire que le droit
a un rôle à jouer pour l'avancement social.
Mme
LeBel : Bien, la raison de ma question est fort simple. Quand je
m'adresse à l'Association des avocats de la défense, je sais dans quel domaine
ils pratiquent, et c'était pour juste vous demander, à titre d'expérience, vos
membres, est-ce qu'ils ont eu à
traiter avec ces programmes-là, avec des contrevenants ou des clients, si je
peux dire comme ça, des gens qui ont
du passé à travers ces programmes-là? Donc, est-ce que vos membres ont testé ou
ont... ce type de programme là, est-ce que vos membres en ont une
connaissance pratique?
M. Fugazza (Léo) : Oui, Mme la
ministre. Je peux peut-être parler de mon expérience personnelle. Je pratique personnellement en droit criminel, donc moins en
droit pénal, mais je fréquente régulièrement la Cour municipale, et une bonne partie de ma clientèle est en situation
d'itinérance. Je travaille avec un organisme communautaire, là, qui me réfère
beaucoup de clients dans ce domaine-là, donc je suis assez familier avec les
programmes de la Cour municipale en matière criminelle, notamment le Programme
EVE, qui vise les personnes qui commettent... les personnes qui s'identifient,
là, de manière, au genre féminin, qui commettent des infractions liées
aux finances, donc, par exemple, des vols à l'étalage. Également, le programme Point Final, qui est
plutôt, là, en matière de conduite, mais je vois régulièrement des clients qui
participent également au PAJIC de la Cour
municipale, un programme que d'autres intervenants vont vous décrire en plus
grands détails, mais c'est quelque chose qu'on voit régulièrement dans la
pratique de nos membres, effectivement.
Mme
LeBel : O.K. Superbe. Alors, ça va me permettre de pouvoir vous
demander des exemples, peut-être, un peu pratiques et de ce que vos
clients ont vécu et qui peut être positif. D'entrée de jeu, je pense qu'il faut
préciser que le projet de loi, bon,
s'attaque à une réalité. C'est qu'il y aura... malheureusement, il y a
effectivement des personnes en état de vulnérabilité,
d'itinérance, toxicomanie. On a nommé déjà les catégories de gens qui peuvent
être visés, qui vont se retrouver, malheureusement, quelques fois devant
les tribunaux. Et ce qu'on veut faire, c'est créer une voie alternative. Donc,
je comprends votre point de vue sur le fait
qu'on devrait s'attaquer à la racine du problème. Je suis pour la prévention,
je suis pour aussi le fait de voir qu'on puisse fournir d'autres
alternatives. Et ces gens-là, avant même qu'on en arrive à une judiciarisation...
mais même si on limite le nombre d'infractions, même si on ne pourra pas tout
éliminer les infractions municipales qui
s'adressent à l'ensemble du vivre-ensemble d'un citoyen, donc est-ce que... Je
comprends, donc, qu'il y a un certain succès. Est-ce que vous constatez
qu'il y a un certain succès, quand même, pour ces programmes-là?
M. Fugazza
(Léo) : Absolument, et je ne
veux pas laisser transparaître, là. Le mieux est souvent l'ennemi du bien.
Ici, on parle quand même de mesures qui sont
souhaitables. Et, je tiens à souligner, l'AJP est en faveur des mesures, avec
les quelques modifications proposées, là. Les programmes d'adaptabilité sont
largement souhaitables. Les expériences à
Québec, à Montréal, démontrent leur succès, quand ils sont bien balisés, que
les intervenants participent, que les personnes impliquées ont leur mot
à dire, et qu'il y a de la collaboration entre la poursuite et la défense.
Généralement, on arrive à éviter des
problèmes et à travailler positivement dans la vie des personnes concernées.
Mais il s'agit de bien le faire. Donc, c'est la raison de notre
présence, notamment, c'est de s'assurer que les balises qui sont posées, pour
que, par la suite, les cours municipales
développent leurs programmes officiellement reconnus par le Code de procédure
pénale, soit fait, là, de manière plus conforme aux droits des personnes
visées et de la manière la plus efficace pour les aider par la suite.
• (15 h 20) •
Mme
LeBel : O.K. Je vais vous avouer que je suis un peu perplexe sur une
de vos positions, puis vais peut-être vous demander, peut-être d'élaborer,
parce que vous avez une expérience différente de la mienne en matière
criminelle ou en matière pénale.
C'est sur le fait que vous recommandez, à la page 4 de votre mémoire, de
rayer le critère de reconnaître les faits. Souvent, dans plusieurs
matières...
D'ailleurs,
il faut préciser que le fait de reconnaître les faits n'est pas une admission
de culpabilité. Ça ne pourra pas
servir d'admission de culpabilité, donc ce n'est pas un piège pour la personne
qui va s'orienter vers le problème alternatif. Mais, dans beaucoup de cas, le fait de reconnaître les faits est une
première étape, habituellement, vers une prise de conscience, je dirais, et vers... dans un cheminement, pour
plusieurs, dans plusieurs cas. Peut-être pas tous les cas, dans plusieurs cas.
Donc, je comprends mal votre réticence, et
surtout si vous nous dites que la personne ne reconnaît pas avoir connu
l'infraction.
Comme avocat de la défense, mon premier réflexe
serait de dire à mon client : Bien, je vais te faire acquitter, et non pas
je vais te mettre dans un programme alternatif où tu vas te retrouver à avoir un
parcours alternatif à une sentence, où
tu vas, peut-être, avoir à faire des heures, un programme
de formation, ou quoi que ce soit, d'ailleurs. Plusieurs intervenants nous ont dit qu'il ne
faudrait pas que le programme alternatif soit plus lourd que la sentence
potentielle à laquelle il aurait fait face.
Donc, à
partir du moment où la personne se dit innocente, ne reconnaît pas les faits,
j'ai du mal à voir comment on peut suggérer qu'elle rentre dans un programme
alternatif à la justice, pas un programme social qui va l'aider, mais un programme
alternatif au système judiciaire. Et, de l'autre côté, j'ai du mal à
comprendre quel est le préjudice, compte
tenu que les garanties constitutionnelles sont bien établies dans le programme, c'est-à-dire que ça ne servira pas d'aveu, on ne pourra pas se servir de cette reconnaissance-là
contre la personne. Et, si, un jour, malheureusement, le programme
n'est pas complété, ou il arrive quoi
que ce soit qui fait qu'on doit, en bon français, tirer la plug, la
couronne n'a pas... ne sera pas déchargée de faire son fardeau de la
preuve de la manière qu'elle aurait dû le faire dès le début si on n'avait pas pris cette voie de service là. Alors, peut-être
juste élaborer sur cette question-là, parce que j'avoue que je ne comprends pas
très bien votre position.
M. Fugazza
(Léo) : Absolument. Il y a deux aspects principaux. Il y a
les personnes qui nient les faits, qui disent s'en souvenir et qui disent que ce n'est pas arrivé, et les personnes
qui ne s'en souviennent pas, notamment des personnes qui
pouvaient être intoxiquées au moment des faits. Je pense, le mémoire de l'association des procureurs le rend assez clair, le cas des personnes qui ne sont pas en mesure de reconnaître parce
qu'elles ne se souviennent pas devrait clairement, là, à
mon avis, être modifié. Notre position va un peu plus loin, dans le sens où on
va aussi aux personnes qui nieraient spécifiquement. Il faut se rappeler que les personnes en situation
d'itinérance souvent viennent avec plusieurs infractions. Elles peuvent en nier certaines, en admettre d'autres. L'important,
c'est surtout qu'elles reconnaissent qu'elles aient un problème. Et les personnes qui font face à des
infractions font des choix pour différentes raisons, parfois, pour régler leurs
problèmes différemment. Elles peuvent reconnaître que la force de la preuve est
assez importante contre elles, même... si jamais elles
nient l'infraction, qui, dans certains cas, là, va tout de même les motiver à
faire le programme.
Et il faut se rappeler que la société a quand
même un bénéfice à en tirer. Donc, autant la personne qui fait face aux infractions y gagne, si on veut, à participer
au programme, en évitant le risque d'être trouvée coupable,
par la suite, avec le retrait de
l'accusation, mais elle en bénéficie également sur le travail sur elle, elle est accompagnée,
elle a une structure en place pour
retourner aux études, arrêter la consommation, travailler sur des problèmes,
trouver un logement. Il y a beaucoup
de raisons qui pourraient mener une personne qui ne reconnaît pas certaines
parties d'une infraction ou l'ensemble de certaines infractions dont on allègue qu'elles ont
commises à tout de même participer au programme. Donc, à
notre avis, la condition dans la loi ne devrait pas le faire. Le
pouvoir discrétionnaire des procureurs, là, va pouvoir, là, dans certains cas,
éliminer les personnes qui n'ont absolument
aucun début de cheminement, sans un faire une exigence législative
stricte.
Mme
LeBel : O.K.
Cette mesure-là faisait partie du projet
de loi n° 168
au départ. Au départ, on parlait, dans les conditions d'admissibilité du programme, du fait que le contrevenant devait reconnaître
sa responsabilité, ce qui est très différent de reconnaître les faits. C'est-à-dire que, bon,
reconnaître les faits, ça peut être très large. Vous le dites, il y a
des gens qui ne s'en souviennent pas mais qui ne nieront pas l'avoir commis, compte tenu de leur degré d'intoxication, à titre d'exemple, pourraient avoir une notion vague de ce qu'il
est arrivé. Donc, est-ce que vous pensez que c'est déjà un
pas en avant ou est-ce que
vous êtes complètement contre le fait qu'il y ait tout type de
reconnaissance de la situation, ou est-ce
qu'on pourrait la moduler autrement?
Parce qu'il
faut quand même qu'il y
ait, à mon sens, à mon humble avis,
et on part de ce point de vue là pour discuter, qu'il y ait une certaine
étape où on reconnaît qu'on est... Parce qu'à partir du moment où les gens ne
reconnaissent pas les faits ou nient avoir
même une participation à l'infraction, pour moi, je trouve ça très difficile,
parce qu'à ce moment-là je les force dans un processus
qui est quand même judiciaire, alors qu'ils ne devraient pas du tout
y être, ils devraient être acquittés,
on va le dire de cette façon-là, et ne devraient pas avoir le stigma même, ou
ne devraient pas être forcés à prendre un programme s'ils n'ont rien
fait. On s'entend, là? Donc, est-ce
que vous pensez qu'il y aurait
une façon de moduler ça encore plus? Parce qu'on a déjà assoupli le
critère entre reconnaître la responsabilité... qui est bien différent, hein?
M. Fugazza
(Léo) : Absolument. Et il s'agit d'un continuum entre la
reconnaissance de... essentiellement, là, de la responsabilité de
l'infraction, qui est peut-être à l'extrême sur lequel l'AJP s'opposerait le
plus, jusqu'à ne pas prévoir d'exigence.
Il y a un juste milieu, et ça va être le travail de la commission
d'arriver à un équilibre entre les droits de la personne visée et également l'intérêt de la société. On vous soumet que le point milieu qui a été
avancé par l'association des procureurs, d'au moins ne pas nier, qui est
différent, tout de même, là, que de reconnaître, serait un nouveau pas dans la
bonne direction. On vous demande
d'aller un peu plus loin, mais, ultimement, ce sera aux membres de la commission de trancher, là, jusqu'où ils veulent
aller dans cette direction-là.
Mme
LeBel : Donc, il
pourrait y avoir... selon votre point
de vue, le critère pourrait être de
ne pas renier les faits, déjà, c'est ce que vous suggérez.
M. Fugazza (Léo) : Si jamais la question
se termine devant la commission entre entre «reconnaisse» et «ne nie pas», on
favoriserait «ne nie pas», absolument.
Mme
LeBel : O.K., parfait. Pour ce qui est des outils... des outils, je
vais dire, les outils d'enquête à la disposition
des policiers qui apparaissent déjà
dans le Code criminel, que ça soit le mandat d'entrée ou le télémandat,
je vais m'adresser à ces deux-là parce que vous en faites une remarque
particulière.
Je comprends que vous êtes... D'entrée de jeu,
vous n'êtes pas contre le fait que les policiers, en matière pénale, puissent... qu'il y ait une certaine harmonisation
des outils à la portée des policiers. Parce qu'on sait qu'en matière pénale,
bon, souvent on parle des infractions de flânage et de Code de la sécurité
routière, c'est ce qui vient à l'esprit des gens, mais il y a des
infractions qui peuvent être quand même assez sérieuses dans différentes lois
qui ont une portée provinciale, qui créent des infractions, donc, ça entre dans
le corpus législatif du droit pénal.
Je comprends
que vous n'êtes pas contre le fait qu'on intègre les outils, mais ce que vous
voulez, c'est qu'il y ait un arrimage parfait. Et, si je comprends bien
votre mémoire, c'est qu'on prenne le critère le plus contraignant, si on veut, qu'on n'allège pas le critère entre le Code
criminel et le Code de procédure pénale. Est-ce que je comprends bien votre
point?
M. Fugazza (Léo) : Tout d'abord,
on n'est pas nécessairement en faveur de l'adoption d'un mandat tel quel dans le Code
de procédure pénale. On reconnaît tout à fait qu'il y a des cas qui sont justifiés. Le droit pénal couvre
une multitude d'infractions, dans les cas... puis, notamment, à l'AMF,
c'est le genre de cas qui serait tout à fait justifié.
Possiblement...
La commission pourra se pencher sur la question,
ça n'a pas été mis dans notre mémoire, possiblement que c'est peut-être le genre de disposition qui se situerait
mieux dans des lois particulières plutôt que, dans le code général, qui s'appliquerait à l'ensemble
des infractions de cette nature-là, ou prévoir des limites, là, à ce niveau-là.
On a soulevé la question liée à certaines infractions, mais on comprend
que c'est quand même un travail législatif difficile.
Donc, partant
du principe, tout de même, qu'il y a une volonté de donner certains pouvoirs, qui,
dans de nombreux cas, vont être justifiés, aux policiers, tout de même, il faut que ces pouvoirs-là soient adéquats et également,
là, respectueux des chartes. L'arrêt Feeney, qu'on cite notamment dans
le mémoire, est le point de départ au niveau de la Cour suprême. Par la suite, le législateur fédéral est intervenu, a adopté
des dispositions. Nous, ce qui nous inquiète énormément, c'est: si le critère est plus bas en matière pénale, est-ce qu'un policier pourrait être tenté de passer par le pénal pour éviter les
démarches en matière criminelle? C'est une
énorme crainte, et ça pourrait avoir un impact majeur sur les différentes
infractions qui seraient alléguées
par la suite. Une fois qu'un policier est entré légalement, que ce soit en matière pénale ou criminelle, tout ce
qui est trouvé est de bonne guerre.
Donc, le
critère pour entrer, à ce moment-là, doit être très restreint, doit être bien défini,
et c'est pour cette raison qu'on vous propose des modifications spécifiques pour reprendre notamment les limites uniquement liées aux lésions corporelles et à la mort dans les cas d'urgence plutôt
que la santé, la sécurité et la vie, qui est le terme plus large qui est
utilisé dans le projet. Et également prévoir, dans les deux autres exceptions
qui sont proposées dans le projet, là, lorsqu'une personne se réfugie dans une maison
suite à une poursuite, de la préciser un petit peu, mais que, dans tous les
cas, ces éléments-là soient lorsqu'un mandat ou un télémandat n'est pas
obtenable, alors que, dans la réaction actuelle de l'article, il ne semblait que s'appliquer à
l'exception liée à la santé, sécurité. On inviterait, là, la commission à
appliquer ce critère-là à l'ensemble des exceptions liées à l'entrée par
mandat dans une maison d'habitation.
Mme LeBel :
O.K. Donc, dans le fond, votre crainte, si je la résume, c'est, bon, vous
n'êtes pas nécessairement pour qu'on les... mais, si on juge que c'est opportun
de le faire, et que ça peut être opportun, effectivement, dans quelques cas du corpus législatif pénal, il faut, à tout le
moins, s'assurer que les critères sont aussi contraignables ou aussi sérieux
que ceux qu'on retrouve au Code criminel pour éviter que ça ne devienne une
brèche ou une porte d'entrée.
M. Fugazza
(Léo) : Pour éviter mais
également pour que les pouvoirs prévus soient constitutionnels. Ultimement,
il va y a voir une évaluation qui est est
faite entre la proportionnalité du raisonnement de l'État de vouloir entrer
dans la maison d'habitation de la
personne concernée et l'objectif. Si jamais on parle d'une personne qui aurait,
par exemple, eu une lumière brûlée
sur sa voiture et qui se réfugie chez elle, on peut se questionner sur si
jamais la balance constitutionnelle pencherait vers la validité de cette
loi contrairement à des infractions pénales plus graves. Donc, à notre avis,
là, des restrictions plus sévères permettraient d'assurer une meilleure
constitutionnalité au niveau de ces dispositions.
Mme LeBel :
Peut-être, en terminant, en ce qui concerne plus particulièrement le
télémandat, on se propose de le rendre plus accessible pour des fins,
bon, d'utiliser... de maximiser la technologie, si on veut, puis éviter, des
fois, des déplacements inutiles. Est-ce que
vous avez des craintes par rapport à ça? Il y a des craintes qui ont été
exprimées par rapport par des gens
qui ont précédé en disant : On pense que le fait de peut-être permettre de
façon plus large le télémandat et non
pas quand c'est nécessaire ou en cas d'urgence, qu'on pourrait faire en sorte
qu'on va s'adresser à des juges qui sont peut-être centralisés à Montréal ou à Québec et faire en sorte que les
juges qui vont, finalement, autoriser des mandats de perquisition ou tout autre type de mandat qui
pourraient être faits par télémandat, finiront par être déconnectés du milieu
dans lequel le mandat est exécuté, si on veut. Je ne sais pas si vous avez
entendu cette intervention-là. Est-ce que vous avez une crainte, vous partagez la même crainte ou vous vous pensez
qu'on peut... vous avez... ça sera toujours un juge, naturellement. Les mêmes critères vont
s'appliquer. On s'entend que le télémandat n'est pas allégé au niveau des
critères. C'est plutôt au niveau de
la façon de l'obtenir, c'est-à-dire qu'on ne se déplace plus dans un bureau, on le
fait par un moyen électronique, on
envoie la demande, les motifs par moyen électronique, les échanges... se fait
par téléphone, souvent, avec le juge. Donc, est-ce que vous avez une
crainte similaire?
• (15 h 30) •
M. Fugazza (Léo) : Ce n'est pas
un élément qui a été traité dans notre mémoire et sur lequel on s'est penché particulièrement. Le télémandat est quand même une réalité bien ancrée. Il y a
d'autres intervenants qui pourront peut-être vous donner des
meilleures réponses que nous. L'Association québécoise des avocats et avocates
de la défense a donné une interprétation. Je ne voudrais pas m'avancer
non plus sans avoir fait l'analyse complète. Mais on n'est pas opposé au
télémandat par principe. Reste à bien le faire dans la suite des choses.
Mme LeBel : Bien, je vous
remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour votre temps, le temps de
la réflexion — vous
représentez l'Association des juristes progressistes — le temps de la réflexion, et de répondre à
nos questions aujourd'hui. Je vais vouloir, évidemment, comme toujours,
laisser du temps à ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce.
J'ai
peut-être quatre éléments un peu plus ponctuels sur lesquels j'aimerais vous
entendre. D'abord, à la page 6 de votre
mémoire, le point 4 : «Le Code de procédure pénale ne devrait pas
servir d'outil de contrôle d'identité.» Vous avez abordé, avec Mme la ministre, la question. Vous
dites, en substance que — toujours l'histoire du micro — vous dites, en substance — ils sont à veille de me le mettre
cravate — votre
association «estime que les modifications proposées vont trop loin et ne sont pas nécessaires pour réaliser la
fin visée par la disposition, soit la remise d'un constat d'infraction». Et là vous avez parlé, bon, de la common law, Code
civil, vous avez fait une... Et vous dites en somme, là, la sentence tombe, là,
vous le dites, qu'à la fin ce serait
constitutionnellement suspect : «...sans avoir de motifs raisonnables de
croire que la personne a fourni de
faux renseignements. Elle apparaît comme offrant simplement un outil de
contrôle de l'identité, une pratique policière dénoncée et d'application
discriminatoire.»
On a entendu
le Barreau, qui, de mémoire, faisait référence à l'arrêt R. contre Bain, où,
quand on a des pouvoirs très, très
étendus, bien, sans cibler les personnes, les gens sont de bonne foi, bien,
certain pourraient avoir tendance à en abuser dans certaines circonstances. J'aimerais vous entendre là-dessus. Je
pense que vous partagez, en ce sens-là, là, la finalité du Barreau où
vous y voyez un gros drapeau rouge quant à l'aspect intrusif de la vie privée,
surtout dans le contexte d'infractions qui seraient en vertu, notamment, du
droit municipal.
M. Fugazza
(Léo) : Absolument. Et un
élément qu'il faut tenir en compte, c'est que les infractions pénales sont
multiples, facilement identifiables et,
donc, donnent énormément de pouvoir aux policiers pour intervenir s'ils le
souhaitent. Si jamais, par exemple une personne est d'intérêt pour un
policier, qu'on souhaite contrôler son identité, la cour... les différents tribunaux et une étude récente, là, au
niveau de la Nouvelle-Écosse démontrent assez clairement que, simplement
approcher la personne pour contrôler son
identité contrevient à la loi et aux protections constitutionnelles. Si jamais,
par exemple, je trouve un prétexte et qu'il vient de
commettre une mineure infraction pénale, bien, à ce moment-là, je peux en profiter pour lui demander son identité, lui
remettre un constat et constituer un contrôle de l'identité de cette
personne-là, avec un prétexte légal tout à fait valide. C'est une de nos
inquiétudes.
À notre avis, le policier devrait exercer son
pouvoir discrétionnaire de ne pas intervenir dans certains cas d'infractions pénales mineures, et, à notre avis,
lui donner un pouvoir de contrôle d'identité aussi large serait beaucoup trop
tentant. On peut s'attendre à ce qu'il y ait
des abus qui soient faits particulièrement dans les cas de discrimination
sociale et raciale, qui sont des
réalités bien documentées. Malheureusement, on doit tenir compte de cette
réalité quand on prévoit un nouveau
pouvoir policier et également, là, au niveau des droits constitutionnels, on ne
pense pas que l'État a une bonne justification d'obtenir ce genre
d'informations dans un contexte pénal.
M. Tanguay : Exact. Et
la perspective du drapeau rouge est d'autant plus marquante face au tableau qui
a été brossé notamment... vous avez dit documenté pour le SPVM?
M. Fugazza (Léo) :
Effectivement.
M. Tanguay :
Et, pour commission Viens, les membres des nations autochtones. Alors, c'est le
contexte dans lequel on est, alors c'est important de le souligner.
Autre point,
la portée du mandat d'entrée. Votre association estime qu'il devrait à tout le
moins avoir les mêmes restrictions
qu'en matière criminelle, voire même plus. Alors, ce matin, et on commence à
étayer la réflexion de dire : Bon, bien on pourrait avoir mandat d'entrée qui soit similaire à ce qu'il se
fait en matière criminelle. Et vous dites, vous, «voire même plus». Vous
estimez que «les dispositions en matière pénale ne devraient pas permettre
l'entrée dans une maison d'habitation plus
aisément qu'en matière criminelle, sous peine de créer un risque de
contournement abusif des dispositions criminelles».
C'est juste votre «voire même plus»... Ces trois mots, là, qu'est-ce qu'on doit en déduire de cela, comment
ils se déclineraient de façon tangible?
M. Fugazza
(Léo) : Il y a deux
distinctions à faire. D'abord, il y a les mandats d'entrée qui seront accordés
par un juge et il y a les exceptions
à l'exigence du mandat d'entrée, là, qui sont prévues par la loi. À notre avis,
il n'y a aucun juge qui accorder un mandat d'entrée pour des infractions
très mineures.
Par contre,
si on prévoit des pouvoirs d'exception à même la loi pour les entrées sans
mandat, il serait très possible, là...
Pour prendre un exemple d'une personne qui traverse sur une lumière rouge
au coin de chez elle, le policier l'interpelle, la personne ne l'entend
pas ou alors veut s'éloigner, quitte, est donc en situation de fuite et se fait
pourchasser, entre chez elle, le policier la
suivrait. C'est le genre de cas, où la personne connaît déjà l'adresse où la
personne est réfugiée, où un mandat
serait souhaitable si jamais un mandat doit avoir lieu d'être. Mais, dans
certains cas, pourquoi entrer tout
simplement? On parle, tout
de même, d'une personne qui a
traversé sur un feu rouge, qui ne justifie pas nécessairement, là, que l'État
entre dans la maison d'habitation d'une
personne, qui est le lieu le plus privé que la personne peut avoir et qui est
le plus protégé, mis à part, là, sa personne même, par la loi.
M. Tanguay : Merci. Deux derniers points en rafale avant de
céder la parole à ma collègue. On a pris bonne note de votre changement de
termes, qui n'est pas anodin et qui aurait un impact à l'article premier du projet de loi, où l'on dit : «Dans
l'application du présent code, il y a lieu de — tel que proposé le projet de loi — privilégier
l'utilisation de tout moyen technologique...» Vous, vous dites : On
devrait plutôt le considérer. Et vous dites, et j'aimerais vous entendre là-dessus, vous dites, je vous cite : «Il
arrive parfois que ceux-ci — on parle des moyens technologiques — viennent nuire plus qu'aider cette
fin.» Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire cela?
M. Fugazza
(Léo) : Il faut se rappeler,
on est des juristes, on aime jouer sur les mots souvent. «Privilégier» est
considéré un impact majeur. Ce ne sont pas toutes les personnes qui sont
équipées au niveau technologique qui sont à l'aise avec les réalités technologiques. On pense, notamment,
là, aux personnes plus âgées ou à des personnes qui proviennent de l'extérieur du Québec, qui viennent
s'installer ici. Il faut tenir compte, tout de même, des réalités de l'ensemble
des judiciables. Ce n'est pas tout le monde qui est né avec un écran et
un accès Internet dans la main. Dans certains cas, la technologie en salle de cour peut poser des problèmes au
niveau de la défense pleine et entière, notamment la divulgation de
preuves en version électronique. Et
une personne qui est habituée au papier, il serait peut-être
souhaitable, plutôt que de lui remettre une copie papier des documents, plutôt que lui donner une clé USB ou un CD...
C'est le genre d'exemple qu'on donnerait.
M. Tanguay : Et, dernier point, rapidement, à la page 13,
certaines mauvaises langues diraient qu'à ma lecture de... ah! détail qu'il
convient de critiquer, ç'aurait été de la musique à mes oreilles, mais ne vous
en faites pas, on est là pour bonifier le projet de loi, pas uniquement
le critiquer. Page 14, vous faites référence à l'article 41 et plus
précisément à l'article 41 du projet de loi qui introduit un
nouvel article 192.2, qui permet de forcer la présence d'un
défendeur à son procès. Et ça,
j'aimerais que vous éclairiez ma lanterne quant à cette réalité-là et ce qui
est le cadre juridique actuel. Et le bien-fondé ou le non fondé, là, de cette mesure-là, votre association «ne voit aucun fondement raisonnable justifiant cette disposition considérant que la présence d'un défendeur est un droit et non un
devoir». Vous l'avez mis dans les détails qu'il convient de critiquer,
mais, tel que rédigé, je ne vois pas ça comme un détail à vos yeux.
M. Fugazza
(Léo) : Naturellement, les mémoires sont limités. Là, on concentre sur certains
éléments principaux et on met les autres pour permettre à la commission
de continuer sa réflexion.
M. Tanguay :
Ce n'était pas un reproche.
M. Fugazza
(Léo) : Mais on rejoindrait essentiellement les propos du Barreau sur ce point-là également. À notre lecture du projet, on ne comprend pas, là, d'où
provient l'article. Pourquoi, dans certains cas, on exigerait que la personne
soit présente? La personne qui souhaite être présente le sera régulièrement. Les personnes qui ne souhaitent pas
l'être ou alors ne peuvent pas
l'être, par exemple si elles sont à l'étranger ou autrement, là, malades ou
avec des contraintes, on se demande
dans quelle situation un juge ordonnerait la présence. Et, si jamais il n'y a
pas de situation où une telle présence serait ordonnée, pourquoi le
prévoir dans la loi? C'est le genre de réflexion qu'on se fait.
M. Tanguay : Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, il vous reste
2 min 40 s.
Mme Weil :
Merci. J'aimerais revenir... Bonjour, merci pour votre présentation.
L'article 159.1, vous, vous dites, il ne faudrait pas vraiment qu'on énumère les infractions,
essentiellement parce que vous dites : Il y a tellement de profils différents. Il y en a, c'est des itinérants. Il y
a la toxicomanie, une période de fragilité, pauvreté, itinérance, toutes sortes
de possibilités. Donc, c'est ça qui
détermine, finalement, l'issue d'est-ce qu'il y aura un programme ou non
d'adaptivité et, peut-être même sur
10, non, non, c'était vraiment intentionnel puis tout va bien dans sa vie,
etc., donc, vous, vous dites... la logique
de votre recommandation, c'est plus ça. C'est que ce n'est pas la nature de
l'infraction qui va vous permettre de voir
si on doit avoir un parcours différent, genre de... mais, réadaptation, là, ce
n'est pas ça qui est l'enjeu, si je comprends bien.
M. Fugazza (Léo) :
Effectivement, et je pense...
Mme Weil : La logique,
c'est ça.
• (15 h 40) •
M. Fugazza (Léo) : La logique
du programme est assez bien décrite dans les nouveaux articles, de viser des personnes qui ont des difficultés et travailler
sur ces difficultés-là, peu importe le type de difficulté. Peu importe le type
de réalité, cet article-là permet de créer
des programmes. Par la suite, les programmes seront créés de manière adéquate
par les différents tribunaux, mais que ce soit une personne qui vit avec
des problèmes d'itinérance, ce qui est le cas le plus fréquent, mais on pourrait penser à d'autres cas : quelqu'un qui a
des problèmes d'alcoolisme et qui conduit, des personnes qui, comme à Montréal, dans le Programme
EVE, ont un problème de cleptomanie et vol à l'étalage. On parle de personnes
qui sont tout aussi bien nanties qu'en
situation de pauvreté. Le programme devrait pouvoir, là, couvrir l'ensemble de
ces situations-là, et, à ce
moment-là, prévoir des infractions spécifiques vient limiter beaucoup plus. On
espère que l'imagination sera la
limite de ce genre de programme là. Si jamais les tribunaux et les poursuivants
estiment justifié de mettre sur pied un bon programme, qu'il ne soit pas
limité par une infraction.
Mme Weil : Donc, si on va dans la logique du projet de loi, tel qu'il est conçu actuellement, vous dites : Bon, pour s'assurer de bien limiter, peut-être,
faire en sorte qu'il soit optimal comme programme, c'est d'avoir la
participation publique la plus large possible. Peut-être aller là-dessus
dans...
Je ne sais pas le temps qu'il reste. J'aurais
voulu aussi vous entendre sur l'aide juridique. C'est un enjeu bien important, bien important. Et, d'ailleurs, un groupe qui est venu nous voir dit : C'est surtout les femmes
qui ont besoin des recours d'aide
juridique dont la restriction est plus difficile, a des conséquences plus
difficiles sur les femmes. Peut-être
sur cette question. Je ne sais pas s'il reste du temps.
Le
Président (M. Bachand) :
...il n'y a plus de temps. Alors, je vais céder la parole au député de Gouin, s'il vous plaît. Désolé.
M. Nadeau-Dubois : Oui.
Bonjour. Merci d'être ici aujourd'hui. Question, d'abord, pour reprendre la
balle au bond de la collègue sur l'aide
juridique, et le fait que vous souhaitez que les services offerts aux personnes
qui participent à un programme d'adaptabilité... puis que ces
services-là soient couverts par l'aide juridique. Vous qui avez travaillé avec ces gens-là, pouvez-vous nous expliquer
brièvement qu'est-ce que ça peut changer, concrètement, pour quelqu'un, d'avoir accès à l'aide juridique
quand il s'engage dans un de ces programmes-là?
M. Fugazza
(Léo) : Ce qu'il faut
comprendre, c'est que, souvent, une personne qui se retrouve devant les
tribunaux, la seule personne qui est
de son côté et qui croit en elle, c'est son avocat. Il n'y a personne d'autre
qui n'a jamais pris le temps de
l'écouter, qui l'assiste, qui prend son bord. Et ça coûte cher, un avocat, au
privé. L'aide juridique permet, justement,
d'avoir cet accompagnement-là, à travers un
milieu qui n'est pas familier, qui est étranger, qui fait généralement peur,
pour des personnes qui, souvent, pour les personnes qu'on souhaite viser
avec ce programme, vivent déjà une situation de marginalisation et de crainte par
rapport au système.
Donc, avoir quelqu'un de leur côté, où ils
n'ont pas à se soucier, là, de l'argent qui va être dépensé pour eux, est un
atout essentiel pour bien participer
à ces programmes-là. On peut les faire seuls, mais, si jamais on peut les
assister, autant le faire.
M. Nadeau-Dubois : Merci. Vous avez dit vous-même que les juristes
aimaient jouer sur les mots, ça fait que je vais vous prendre au mot. Puis
j'aimerais que vous me partagiez votre analyse de l'article 20
du projet de loi, qui remplace... en fait,
qui instaure un nouvel article 74, où on peut lire : «L'agent de la
paix peut arrêter sans mandat la personne informée de l'infraction alléguée contre elle qui,
lorsqu'il l'exige, ne lui déclare pas ou refuse de lui déclarer son nom...» Je
me pose une question sur ce libellé-là. Quelle est la différence entre
ne pas déclarer et refuser de déclarer?
M. Fugazza (Léo) : Naturellement, on suggère de ne pas adopter cette modification
si on n'adopte pas la modification principale
à 72 du Code de procédure pénale. Les deux sont liées. Une des difficultés de
cette rédaction-là, c'est que c'est assez
flou. Ça sera aux tribunaux d'interpréter exactement ce que ça veut
dire. Est-ce que c'est : une personne qui n'en a pas
sur elle refuserait ou est-ce qu'il faut également démontrer que la personne a
une carte d'identité?
C'est
un libellé qui est suffisamment ouvert pour porter à interprétation et, en
matière criminelle ou pénale, c'est toujours un élément de crainte quand un texte, là, est
susceptible d'être soit très pénalisant ou peu. Si jamais la commission était en mesure de clarifier qu'on ne crée pas une
infraction de ne pas avoir de carte d'identité sur soi, ça serait souhaitable,
pour ne pas que ça tombe, non plus, là, dans l'infraction plus large d'entrave,
que ce soit criminel ou pénal, ne pas respecter leur obligation de
fournir la carte qui leur a été demandée, là. C'est une des craintes de l'AJP.
M. Nadeau-Dubois : Et, en terminant, rapidement, vous avez parlé de
votre volonté de ne pas vouloir mettre un frein à la possibilité d'imagination ou d'innovation pour les programmes
d'adaptabilité, en disant : Il ne faudrait pas, en amont, dans un texte législatif, dire déjà :
On n'ira pas plus loin que ça. Je comprends. En même temps, est-ce que
vous n'avez pas, à l'inverse, des
craintes sur l'uniformité? Est-ce que l'idée de mettre, au moins, un minimum
d'infractions ne pourrait pas
permettre au moins... puis la collègue de Joliette le disait plus tôt,
qu'il y ait au moins une base minimale d'accès à ces
programmes-là qui soit partagée par l'ensemble des citoyens et citoyennes?
Le
Président (M. Bachand) : Très rapidement, s'il vous plaît,
maître.
M. Fugazza (Léo) : Si jamais la commission imposait le programme à
l'ensemble des municipalités, oui, il faudrait des infractions
minimales. Mais, tel que le projet est libellé présentement, ça donne la
possibilité, ça ne force pas les municipalités. Donc, on doit dépendre de leur
bonne volonté, là, des différentes villes à travers le Québec.
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la députée
de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Merci. Merci de votre présentation. Je vais poursuivre sur la même voie. Est-ce
que vous pensez qu'on devrait faire en sorte que ces programmes soient
disponibles, que ce ne soit pas discrétionnaire?
M. Fugazza
(Léo) : Absolument, dans les villes qui peuvent se le permettre. Il y
a tout de même des réalités particulières,
certaines municipalités qui pourraient ne pas être en mesure de le faire,
simplement, là, parce qu'ils n'ont pas les
services, là, sociaux; un programme qui est sur papier uniquement mais qui n'a
pas d'intervenant pour aider ne serait pas
très utile. Mais, si jamais le gouvernement et la commission allaient plus loin
et fournissaient également les services à ces municipalités-là, ça serait quelque chose, à long terme, de
souhaitable. Mais on revient toujours à la question, il faut mettre les
ressources adéquates pour lutter contre l'itinérance, contre les autres
problèmes de marginalisation sociale.
Mme Hivon :
Puis il faut agir à l'origine aussi.
M. Fugazza
(Léo) : Effectivement, si on peut éviter.
Mme Hivon :
Donc ça, on s'entend très bien là-dessus.
Si,
ce matin, Droit de cité nous disait que, pour eux, le modèle de base du PAJIC
était vraiment bon puis que, si on voulait mettre un certain cadre dans la loi,
ça pourrait être un point de départ intéressant. Est-ce que vous partagez ce
point de vue là, l'idée qu'on devrait
ou non mettre certains éléments pour encadrer les programmes dans la loi et
s'inspirer de celui-là?
M. Fugazza (Léo) : Je pense que le PAJIC, là, est un exemple d'un
programme qui est absolument au plus haut niveau duquel on atteint. Cependant, je ne pense pas qu'on devrait
imposer un type de programme seulement pour laisser assez de souplesse. On peut imaginer des meilleurs
programmes qui ne sont pas présents présentement. Il faut vraiment laisser
assez de flexibilité au niveau législatif
pour qu'on puisse expérimenter. Et d'ailleurs l'AJP le note pour une autre
disposition, là, la création de
projets pilotes qu'on accueille favorablement. C'est le genre de mesures qui
sont souhaitables, tester ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas
pour s'améliorer par la suite.
Mme Hivon :
O.K. Merci. Et, pour revenir à la question des mots et de l'aide juridique
surtout, il y a une crainte que la modification proposée à l'article 152
restreigne l'accès à l'aide juridique en changeant le mot «néfastes» par «graves».
Donc, vous avez regardé ça.
M. Fugazza
(Léo) : Effectivement.
Mme Hivon :
Est-ce que vous avez une position là-dessus? Est-ce qu'effectivement ça semble
être plus contraignant pour y avoir accès, parce que «graves» apparaît
plus grave que «néfastes»?
M. Fugazza
(Léo) : L'AJP est membre de la Coalition pour l'accès à l'aide
juridique. On se range totalement à leur
mémoire sur ce point. Entre «néfastes» ou «graves», les deux donnent des
mauvaises connotations, mais elles ne sont pas très, très claires du
point de vue opérationnel. On pense qu'effectivement que modifier pour des
«conditions négatives» serait souhaitable.
Mme Hivon :
Mais vous êtes conscient que, quand on modifie un mot dans une loi,
normalement, le législateur ne parle
pas pour ne rien dire, donc il faudrait qu'il y ait une portée. Donc, si c'est
juste pour garder la même portée, est-ce que ça vaudrait la peine de
changer le mot?
M. Fugazza (Léo) : Entre «néfastes» et «négatifs», on pense que
«négatifs» est plus large. Par contre, entre «néfastes» ou «graves», c'est un peu plus flou, là, si jamais
il y a vraiment une modification. Donc, la modification au terme «négatifs»
aurait un impact plus large.
Mme Hivon :
O.K. Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Merci beaucoup de votre
participation, vous êtes très, très, très appréciés.
Cela dit, je suspends
quelques instants pour permettre au prochain groupe de s'installer. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à
15 h 48)
(Reprise à 15 h 50)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Merci beaucoup. La commission reprend ses travaux.
Alors, nous désirons
souhaiter la bienvenue à Me Marie-Eve Sylvestre. Alors, bienvenue à
cette commission. Comme vous savez, vous
avez 10 minutes de présentation, et, par après, nous aurons un échange
avec les membres de la
commission. Donc, la parole est à vous, maître. Merci beaucoup.
Mme Marie-Eve
Sylvestre
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mme les députés. Merci
beaucoup de m'accueillir. C'est vraiment un plaisir, pour moi, d'être ici. C'est un moment
important, ça fait, donc, plus de 15 ans
que je travaille sur la judiciarisation de l'itinérance. Donc, je suis vraiment
heureuse de venir appuyer le projet
de loi, mais aussi proposer un
certain nombre de modifications.
Alors,
pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis professeure à la faculté de droit,
section droit civil, de l'Université d'Ottawa,
où je suis également doyenne depuis le 1er juillet, et ça fait
plus de 15 ans qu'avec la professeure Céline Bellot je documente la
judiciarisation de l'itinérance et l'utilisation de l'emprisonnement pour
non-paiement d'amende dans différentes
villes québécoises et canadiennes, d'ailleurs. Donc, je suis,
comme je vous le disais, émue d'être ici, jusqu'à un certain point.
Donc,
voilà. Je propose de mettre l'accent sur un certain nombre de points. Donc,
d'abord, je commence en insistant bien
sur le contexte dans lequel s'inscrit ce projet de loi là.
Deuxièmement, je veux revenir sur les critères d'admissibilité au programme d'adaptabilité et, ensuite, je vais vous parler
des droits des défendeurs et de la nécessité de respecter leur autonomie et leur participation dans le cadre de
ces programmes-là, pour terminer en vous parlant de
l'emprisonnement pour non-paiement d'amende.
Donc,
en ce qui concerne le contexte, je pense que c'est important
de dire, d'entrée de jeu, que, même si le projet de loi est là pour favoriser l'efficacité en matière
pénale, ces mesures-là en particulier, les programmes d'adaptabilité des
règles à la poursuite et à l'exécution des
jugements et les mesures qui visent à restreindre l'emprisonnement pour
non-paiement d'amende, sont essentiellement des mesures réparatrices qui sont mises en place pour reconnaître une
injustice dont sont victimes les personnes en situation d'itinérance et
de pauvreté dans les villes du Québec depuis plusieurs années, des personnes
victimes de profilage racial et social. Donc, ce projet de loi, à mon avis,
vient atténuer les effets de cette judiciarisation, atténuer les effets d'un
profilage.
Il faut
bien comprendre qu'on ne leur fait pas de faveur et créant ces programmes-là.
À mon sens, on est vraiment dans des mesures réparatrices, des mesures qui,
par ailleurs, sont discriminatoires, et je ne reviendrai pas sur tous les faits
qui découlent des différentes études qu'on a menées au cours des dernières
années qui témoignent de la portée de la judiciarisation,
mais certainement vous dire que je ne suis pas la seule à dire que
ces mesures découlent d'un profilage social. C'était aussi l'avis, par exemple, de la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse. La commission Viens également, récemment, a souligné l'importance de s'attaquer à ce
fléau. Donc, voilà pour le contexte. Je
pense, c'est important de le
voir à cette lumière-là.
Deuxièmement,
au niveau de l'admissibilité au programme d'adaptabilité,
le projet de loi propose de limiter l'accès à une série d'infractions, qui est une façon
détournée de couvrir les personnes en situation d'itinérance, pauvreté... bon,
les personnes marginalisées. On a parlé de
toxicomanie et de santé mentale, mais c'est une façon, comme d'autres l'ont
dit, insatisfaisante, puisqu'on ne couvre pas l'ensemble des infractions
qui sont susceptibles d'être commises par ces personnes-là.
Mais, aussi,
il me semble qu'il y a là une occasion ratée... et je reprends le relais du
dernier intervenant... d'ouvrir une
porte à l'innovation juridique au Québec. Alors, pourquoi ne pas créer, à
travers ce projet de loi là, un programme général, un régime général de mesures de rechange qui
pourraient être utilisées dans différents domaines, dans différents secteurs?
Par exemple, pourquoi ne pas laisser aux villes et aux municipalités, disons,
le fait de définir par eux-mêmes dans quel domaine
ils pourraient mettre en place des programmes d'adaptabilité? Évidemment, ce
n'est pas pour nier le fait qu'on doit
soutenir ces programmes-là, et, d'ailleurs, il va falloir les financer, je vais
y revenir en conclusion, mais, à mon sens, on devrait laisser la discrétion aux villes et aux municipalités, avec
l'appui du ministère de la Justice du Québec, donc, de financer un certain nombre de programmes dans
d'autres domaines qui ne sont pas nécessairement visés à l'heure actuelle.
Troisième
point : respecter les droits et l'autonomie des défendeurs. À mon sens, il
faut... il est essentiel, en fait, que les défendeurs soient impliqués
aux différentes étapes lorsqu'il s'agit de leurs propres plans d'intervention
ou des démarches qu'ils doivent ou qu'elles doivent effectuer. Donc, à
plusieurs moments dans le projet de loi, on parle du poursuivant qui doit évaluer si le programme a été réussi, s'il a été
complété. À mon avis, cette évaluation doit absolument être faite de
consentement ou conjointement avec le défendeur ou ses représentants, puisqu'il
y a... les situations sont extrêmement
variables, et la mesure de succès va dépendre, vraiment, de la nature des
traumatismes vécus par ces personnes et aussi de leurs points de départ.
Quatrièmement — oui,
juste avant de passer à l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, puis là je
veux être certaine de ne pas manquer de temps — je
pense qu'il est aussi important, lorsqu'il s'agit de parler de la durée de ces programmes d'adaptabilité, de ne pas aller au-delà de
la limite qui est déjà prévue dans la loi, c'est-à-dire 1 500 heures. Ça me semble déjà extrêmement élevé et, jusqu'à un
certain point, disproportionné si on considère que les infractions pour lesquelles ces programmes ont été créés, ce sont
souvent des infractions mineures, dans la plupart des cas non violentes, liées
à la survie dans la rue, liées, encore une
fois, à des situations de discrimination systémique, là, qui amènent ces
personnes en situation d'itinérance à se retrouver dans des conditions
où elles sont forcées de violer la loi.
Donc, 1 500 heures,
c'est déjà énorme, et il y a d'autres façons d'aider les gens que de le faire
sous la contrainte judiciaire. On peut le
faire, donc, à travers des programmes sociaux, évidemment. On sait qu'il y a
d'autres façons d'encadrer ou d'appuyer les gens dans leur démarche.
Finalement, je veux mettre l'accent sur
l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Le projet de loi propose de restreindre la portée. C'est une excellente
idée. L'emprisonnement pour non-paiement d'amende est une mesure coûteuse.
Quand on a modifié le Code de procédure
pénale en 2003, on a fait beaucoup d'économies au Québec, 8,5 millions,
plus précisément, en cinq ans, selon le ministère de la Sécurité
publique. Donc, on ne l'a jamais regretté.
Mais
c'est aussi, l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, une mesure
inefficace, dans le cas des personnes en situation d'itinérance — ça n'a aucun effet dissuasif puisque ce sont
des infractions commises en contexte de survie — et aussi discriminatoire, hein, évidemment,
sur la base de la condition sociale, a un effet disproportionné sur les gens
qui sont en situation de pauvreté, qui n'ont pas les moyens de payer.
Je
veux vous suggérer qu'on devrait plutôt, dans le projet de loi, au lieu de
suspendre en vertu d'une liste d'infractions, de le faire en vertu de la
capacité de payer. C'est ce qui prévaut au Canada en matière de droit criminel.
C'est ce que le Code criminel prévoit. La
modification, d'ailleurs, avait été faite pour répondre à une situation de
discrimination en 1996. Et,
récemment, un arrêt de la Cour suprême très important, en décembre 2018,
l'arrêt Boudreault, qui indique que les amendes minimales obligatoires combinées à la possibilité d'un emprisonnement
pour non-paiement d'amende sont susceptibles d'être
inconstitutionnelles, en violation de l'article 12 de la charte. On pourra
y revenir dans la période de questions.
Mais,
de façon encore plus spécifique par rapport à la liste d'infractions, une liste
d'infractions ne pourra jamais couvrir
tout. Donc, on ne viendra peut-être pas à bout de la déjudiciarisation comme on
voudrait le faire. Mais le pire dans tout
ça, c'est vous dire qu'il y a déjà trois villes au Québec qui ont des
moratoires sur l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Elles le font pour tous les types
d'infractions. Si on précise des infractions par règlement, c'est un retour en
arrière pour ces personnes-là, hein? Parce que, là, vous allez placer les villes
et municipalités dans une situation où elles vont violer la loi plutôt qu'avoir une discrétion pour procéder à
l'émission d'un mandat d'incarcération. Donc, ça, il y a un risque, vraiment, d'un retour en arrière ici,
d'aller à l'encontre des acquis qui ont été obtenus de longue lutte et en
concertation avec le milieu judiciaire à Montréal, à Val-d'Or et,
récemment, à Québec.
En
conclusion, si le projet de loi est adopté, et, vraiment, je le souhaite,
particulièrement avec les modifications que je vous propose, ça va être
vraiment important pour le gouvernement de financer ces programmes à travers le
Québec, y compris via l'aide juridique, donc
je me rallie à ce qui vient d'être dit à ce sujet-là. Mais aussi ce qu'il faut
comprendre, c'est que c'est clairement un premier pas, un pas essentiel,
mais seulement un premier pas vers la déjudiciarisation de l'itinérance. Clairement, il faut aussi mettre
l'accent sur l'émission de constats et mettre un frein aux pratiques de
profilage qui sont menées par les policiers à tous les jours. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Sylvestre. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
• (16 heures) •
Mme LeBel :
Merci. Merci, M. le Président. Bon, Me Sylvestre, merci de votre présence.
Merci surtout de cette excellente
analyse, de ce document, qui sera très précieux pour la suite de nos réflexions
à la fin de ces consultations-là.
J'aimerais
vous parler, peut-être, de certains éléments ou vous permettre de compléter si
vous pensez qu'il y a des choses...
vous offrir de mon temps si vous pensez qu'il y a des choses que vous auriez pu
dire dans votre présentation initiale. Mais
je vous ai sentie, à un moment donné, précipitée par votre temps, puis je veux
m'assurer que vous faites le tour de la question, c'est très important.
On aura des décisions à prendre.
Mais
je veux peut-être vous amener présentement sur le fait que les programmes
devraient être admissibles pour tout type d'infraction et ne devraient
pas se limiter à une série d'infractions prévues par règlement. Donc, c'est la
voie présentement qui est mise au jeu, qui
est proposée dans le projet de loi, effectivement, parce que... Bon, c'est sûr
que, d'entrée de jeu, on est
peut-être capables de faire ici, autour de la table, si on s'y met, une liste
d'infractions plus communes, pour lesquelles les programmes actuellement
disponibles, ça... concerne, finalement.
Mais est-ce que vous pensez qu'on
ne pourrait peut-être pas procéder, peut-être, alors, à ce moment-là, puis ça a été proposé, par exclusion? Je comprends votre souci
d'avoir... de laisser aux villes de la souplesse, que peut-être qu'autour de la
table, ici, on penserait, avec tous les efforts et toute la bonne volonté, on
pourrait faire une bonne liste d'infractions potentielles, mais qu'on pourrait peut-être
avoir un cas de figure auquel on ne pense pas, qui pourrait être approprié à ce problème... programme-là, mais il
y a aussi des infractions qui, d'entrée de jeu, je parlerais des infractions à l'AMF, exemple, qui est une
infraction pénale, les infractions en environnement,
qui pourraient être une infraction plus grave, et ce n'est pas limitatif de ce que je dis, là, j'essaie de
discuter d'infractions... d'entrée de jeu, pour moi, ne devraient pas faire
l'objet de ce type de programme là.
Donc,
est-ce que vous pensez qu'on pourrait peut-être, à ce moment-là, pour baliser
et définir le carré de sable, parce que ça prend quand même un certain
carré de sable, je le pense, pour avoir une certaine uniformité aussi et comprendre,
avoir certaines balises, qu'on pourrait
peut-être y aller par exclusion, à ce moment-là, de type d'infractions pénales
plutôt que de se limiter à une liste? Et là peut-être que la créativité,
la souplesse nécessaire, l'encadrement qu'on recherche, l'uniformité qui a été
aussi discutée avec les précédentes présentations, pourraient peut-être être un
peu pris en compte?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Bien, je dirais, effectivement, c'est par
exclusion qu'on procède en matière criminelle, par exemple, quand on pense au programme de mesures de rechange. Mais
j'aurais tendance à... vraiment dans une perspective de déjudiciarisation des conflits sociaux, et
aussi d'ouverture à l'innovation, bien, on peut aussi inclure, dans ces
motifs-là, l'efficacité du système de justice pénale.
Mais
vous avez soulevé la question de l'environnement. Je me demandais : Si une
municipalité voit qu'elle a un problème
important d'infraction à la Loi sur la qualité de l'environnement puis elle
décide qu'elle pourrait mettre en place un programme d'adaptabilité dans le but de faire réparer les
contrevenants au lieu de leur imposer des sanctions, est-ce que ça, ça ne serait pas quelque chose qui
pourrait être innovant et intéressant en matière de justice au Québec, qui
permettrait d'atteindre les objectifs de la loi sur l'environnement?
Donc,
est-ce qu'il faut se limiter ou est-ce qu'il n'y a pas d'autre façon, pour le
gouvernement, d'attendre ses fins? Parce
qu'évidemment les programmes de mesures de rechange sont dépendants des financements
puis de l'existence des programmes
d'adaptabilité ou des programmes de mesures de rechange. Donc, est-ce qu'il n'y
a pas, au niveau des leviers de
financement, d'autres façons d'encadrer? Donc, a priori, j'avoue, on est en
matière pénale, c'est sûr qu'il y a des infractions pénales plus
sérieuses que d'autres. Mais j'avoue qu'a priori j'aurais tendance à créer de
la place pour l'innovation.
Mme LeBel :
O.K., merci. Vous parlez... Si on parle des programmes plus particulièrement,
vous parlez, bon, de la durée des programmes. Votre point est bien
compris, c'est assez clair.
Et vous parlez
également de la reconnaissance de paiements partiels et reconnaissance de
conditions partielles complétées et du fait
qu'il devrait y avoir plus de flexibilité dans l'évaluation de la réussite des
programmes. Dans le fond, ce que vous
nous dites, c'est que, présentement, dans l'état actuel des choses, le
programme se doit d'être complété pour qu'il
y en ait un bénéfice, je vais le dire comme ça, ou un... qu'on... Donc, vous
pensez... vous dites... vous suggérez qu'on puisse aussi tenir compte des différentes étapes
franchies, même si, pour une multitude de raisons, on n'arrive pas à compléter
le programme qui a été mis en place dès le départ.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, tout à fait, parce que je pense qu'il y a
des situations de... Les personnes en situation d'itinérance ou en situation de
pauvreté sont multiples, les réalités sont vraiment différentes. On peut penser
aux personnes autochtones, par exemple, à
Val-d'Or, où on a fait un travail à ce niveau-là, notamment avec la commission
d'enquête. Là, vraiment, les points de départ sont différents. Ce qui constitue
une étape est différent. Juste stabiliser... bon, réduire sa consommation, ça peut être une étape pour
certains. Et, dans certains cas, on peut mal évaluer ce qui est possible et
éventuellement juger que d'autres étapes qui ont été franchies pourraient aussi
compter, là, dans l'accomplissement des mesures et du programme.
Donc,
je pense qu'il faut se garder une flexibilité. Et c'est vraiment... Ce serait
vraiment décourageant de devoir dire aux personnes : Bien, vous
avez fait des efforts, vous avez entrepris des démarches, vous avez réussi ou
vous avez stabilisé un certain nombre de
choses dans votre vie, mais, tout ça, on ne va pas le reconnaître, parce que
l'objectif ultime qu'on s'était fixé ensemble, vous ne l'avez pas
atteint.
Donc,
je pense que c'est le mauvais message qu'on envoie, mais, en plus, je trouve
que ce n'est pas respectueux des droits des personnes, là, qui se sont
engagées dans un programme.
Mme LeBel :
O.K., super. Mon collègue avait quelques questions, mon collègue le député de Chapleau,
M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Maître... maître! Excusez-moi. M. le
député de Chapleau, pardon.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Sylvestre.
Mme Sylvestre
(Marie-Eve) : Bonjour.
M. Lévesque
(Chapleau) : C'est un plaisir de vous voir ici, à l'Assemblée
nationale. On a l'occasion de se côtoyer à l'occasion en Outaouais.
Peut-être
quelques petites questions, là. D'abord, sur la justice dans le nord, là.
Ça, c'est quand même un sujet, là, qui vous tient à coeur également,
là. Dans le projet de loi, il y a l'ajout... du moins, l'ajout envisagé de deux
juges qui pourraient
être appelés à siéger dans le nord. Peut-être une question, là... je sais que vous avez travaillé également
avec... bon, à Val-d'Or, là, ces
choses-là : Est-ce que vous pensez que les juges devraient siéger dans
le nord ou en Abitibi pour représenter les gens qui sont là? Simplement
pour avoir votre opinion, peut-être, sur cet enjeu-là, cette question-là.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Bien, c'est
sûr que la proximité est essentielle.
Un des problèmes principaux au
niveau de la justice dans le nord, et je
pense que la commission
d'enquête, dans son rapport, le souligne vraiment très bien,
c'est les différents déplacements, les transports très, très
longs des personnes qui passent par Montréal, qui retournent vers l'Abitibi, etc., donc plusieurs
jours dans certains cas. Ils sont toujours présumés innocents. Donc, le plus de justice de
proximité, effectivement, c'est le mieux.
M. Lévesque
(Chapleau) : Également,
là, on a parlé de l'idée de l'incarcération, l'emprisonnement, bon, pour le
non-paiement d'amende. Je sais que l'idée de
la liste d'infraction, là, j'ai cru comprendre que c'était moins... vous
favorisiez moins cette avenue-là. Peut-être
nous éclairer davantage, là, pour... sur, disons, la capacité de payer, comment
ça se passe dans d'autres juridictions, ces choses-là?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, tout
à fait. Bien, d'abord, juste, peut-être,
préciser, mais je pense que je l'ai dit
dans ma présentation, mais préciser
qu'à mon avis, sur le plan juridique, il faut dire que l'emprisonnement dépend
de la capacité de payer, puisque ce
serait discriminatoire de ne pas en tenir compte. Donc, ça, je veux que ça soit
clair qu'à mon avis, surtout avec le
dernier développement dans l'affaire Boudreault, il est, pour moi,
discriminatoire d'avoir de l'emprisonnement pour non-paiement d'amende
qui ne tienne pas compte de la capacité de payer, peu importe la liste
d'infractions.
Maintenant,
comment ça fonctionne, la capacité de payer? Donc, ça, c'est évalué lors de
l'audience avec le juge ou avec les
percepteurs, donc, et ça, c'est un travail que les acteurs judiciaires sont
habitués à faire régulièrement dans les autres provinces, notamment en matière de Code criminel, et il y a...
bon, il y a différents moyens de démontrer sa situation financière, là,
qui peuvent être proposés au tribunal, mais... Donc, c'est un travail qui se
fait et qui se fait bien, là.
M. Lévesque
(Chapleau) : O.K. Merci, c'était clair. Petite dernière question, là,
dans le fond, en lien avec la rétraction du jugement. Il y avait des petites
réticences, là. Certains groupes ont émis certaines réticences en lien avec la
rétractation du jugement pour
permettre, dans le fond, là, suite à la... suivie d'un programme
d'adaptabilité. Est-ce que, donc, vous avez des réticences? Je vois quand même
que vous êtes favorable, mais il y avait-tu des éléments que vous aimeriez
ajouter sur ce point-là?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, bien, d'abord, je veux appuyer le fait que
c'est important de reconnaître la rétractation
de jugement comme une mesure importante, de pouvoir, donc, retirer des
jugements qui ont déjà été prononcés alors
que la personne n'était pas en mesure d'être représentée. Mais, effectivement,
pour être cohérente avec cette idée que je pense qu'il faudrait
développer un régime général de mesures de rechange, moi, j'enlèverais la
référence à la liste d'infractions et je
laisserais, par contre, l'idée de participation à un programme d'adaptabilité.
Donc, pourvu que la personne ait
participé à un programme d'adaptabilité, on pourrait avoir recours aux mesures
de rétractation du jugement, donc, ce qui ferait que ça limiterait quand même... La rétractation du jugement, on
sait que c'est un recours... une mesure exceptionnelle, là, en procédure, mais, dans la mesure où la
personne a participé à un programme d'adaptabilité, ça serait suffisant, à mon
avis, de le dire puis d'éviter de tomber, encore une fois, dans cette
liste d'infractions, qui ne sera jamais exhaustive, là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci.
M. Lévesque
(Chapleau) : ...je passerais la parole à...
Le
Président (M. Bachand) : M. le député d'Ungava, s'il vous
plaît.
M. Lévesque
(Chapleau) : ...d'Ungava, oui.
M. Lamothe :
Bonjour. Juste pour faire suite à mon collègue de Chapleau concernant les deux
juges, à savoir Val-d'Or ou dans le Nord-du-Québec, vous avez dit:
Une justice de proximité, c'est mieux. Comment vous voyez ça? Les juges
dans le nord ou à partir de Val-d'Or? C'est quoi qui serait l'idéal?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Bien, alors, si on veut revenir sur... là, je
vais peut-être sortir du projet de loi, là... mais, si on veut revenir aux conclusions qui sont
mises de l'avant par la commission Viens, d'abord, par justice de proximité,
on veut dire une justice autochtone, hein? D'abord, on pense qu'il y a des programmes
de justice communautaire qui devraient être
mis en place dans le nord par les communautés, pour et par les communautés.
Donc, ça, ça serait ce que moi aussi,
je favoriserais d'abord et avant tout. Maintenant, dans la mesure où on a recours au système
judiciaire, à mon sens, encore une
fois, il faut que le système de
justice se rende le plus près possible des gens pour qu'on évite le plus de
déplacement puis que ça ait le plus de sens pour les communautés.
• (16 h 10) •
M.
Lamothe : Entre parenthèses,
ce que vous avez dit : par et
pour eux, là, c'est vraiment gagnant. Mais, encore une fois, je veux dire, les
juges, une fois sur place, vous ne pensez pas que le service, vous parlez de proximité, que le service sur place va être meilleur pour les
Inuits, pour les Cris, surtout les Inuits, parce qu'on parle des cours
itinérantes, là, à Puvirnituq puis à Kuujjuaq, puis on sait que le
volume est immense.
Ça
fait que vous ne pensez pas que deux juges sur place, ce serait plus gagnant
que les faire déplacer de Val-d'Or, ce serait plus crédible pour la
justice?
Mme Sylvestre
(Marie-Eve) : Oui. Oui, oui.
Non, tout à fait. Moi, je pense qu'on a besoin d'avoir des juges sur
place, mais, encore une fois, comme alternative à une justice autochtone qui
serait favorisée. Oui.
M.
Lamothe : O.K. Vous me parliez tantôt, un petit peu, vous avez
sous-entendu le transfert des détenus, qui passe par Montréal, tout ça.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui.
M.
Lamothe : Je sais qu'au niveau de la visioconférence aussi, il y a
beaucoup de travail qui est fait au niveau de la ministre de la Justice
puis de la ministre de la Sécurité publique, il y a des choses qui vont
débloquer là-dessus.
Je suis content de vous entendre concernant la
présence des juges dans le milieu nordique.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, tout à fait, puis, juste pour ajouter, au niveau de l'emprisonnement pour
non-paiement d'amendes, on avait un problème aussi en Abitibi, parce que les
femmes détenues devaient aller purger leur
peine d'emprisonnement pour non-paiement d'amendes dans les prisons pour femmes
à Montréal. Donc, il y a aussi des transferts qui sont liés à ces
mesures-là, là.
M. Lamothe : Parfait. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Pas d'autres questions? Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
Mme Weil : Oui. Merci
beaucoup pour votre participation. On voit, dans les dernières présentations,
il y a des mêmes recommandations qui surgissent,
donc, je pense qu'il y avait les cliniques Droit de cité, ensuite, juste avant
vous, l'Association des juristes progressistes, on voit les mêmes...
Donc, ce
qu'on en retire, et vous, vous êtes académique, donc universitaire, c'est parce
que c'est basé sur des études, une
connaissance sur le terrain, avec un objectif... j'essaie de... La philosophie,
là, derrière tout ça, et comment la justice peut s'adapter, donc, à cette réalité, et les meilleurs, comment dire...
«outcomes», résultats, ce serait, justement, de s'inspirer, un peu, de ces constants que vous faites et ceux
qui sont sur le terrain qui ont accumulé, quand même, beaucoup d'expérience.
C'est très
impressionnant ce qu'on a entendu, puis je pense qu'il n'y a personne ici qui
n'est pas sensible au message qu'ils
nous disent, et ils disent, bon : la justice — et on comprend bien la justice
traditionnelle — qui a
réussi à s'adapter, puis la volonté
des acteurs de la justice de répondre à ce mal social ou ces maux sociaux.
Donc, peut-être juste pour... c'est un
peu ça que vous dites, puis là, c'est sûr, plus on vous entend, plus c'est
percutant, parce qu'il y a une logique à tout ce que vous dites. Puis vous êtes à la frontière de la
justice, justement, la justice sociale et la justice tout court, justice
pénale, et que l'adaptation, d'après ce que je comprends, c'est vraiment
la justice qui soit adaptée... qui s'adapte.
J'aimerais
vous amener, un peu, sur la vision. C'est sûr qu'on comprend bien vos interventions.
Je pourrais aller sur des détails,
mais, quand même, tout est logique, dans ce que vous proposez. Vous, dans votre
parcours, comment vous avez vu ça et comment vous voyez l'évolution de
la justice pénale et de la société pour mieux s'attaquer et aider ces personnes
à s'en sortir et d'avoir une vie donc, finalement... régulariser, à tout le
moins, là, sans être plus... avoir plus d'espoir, là, mais, au moins,
régulariser, qu'ils puissent vivre?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Bien, merci pour cette question-là. Je vais d'abord revenir sur le début de
votre intervention lorsque vous dites qu'il y a eu beaucoup de choses qui ont
été mises en place, que le milieu s'est concerté. Je voudrais quand même rendre hommage à tout ce qui a été fait,
notamment à Montréal, puis, dernièrement, à Val-d'Or, il y a des choses... C'est dommage que vous ne
puissiez pas entendre le centre d'amitié autochtone de Val-d'Or, parce que
leur programme PAJIC, qui, d'ailleurs, n'a pas le même acronyme que celui à
Montréal, propose des choses vraiment innovatrices
aussi. Et ce projet de loi là, en fait, le défi de ce projet de loi là, c'est
de permettre à ces innovations de continuer à répondre aux besoins
locaux et régionaux, tout en donnant l'impulsion nécessaire à ceux qui ne le
font pas encore, de le mettre en place,
parce qu'ils vont avoir la légitimité de la loi pour le faire. Donc, je
voulais, avant de vous parler de ma vision, bien mettre ça sur la table.
Alors, au
niveau de ma vision, moi, c'est clair que j'ai constaté, au cours des dernières
années, une judiciarisation — je ne suis pas la seule,
là, d'ailleurs — une
judiciarisation croissante des problèmes sociaux, une multiplication de
l'utilisation du droit criminel, mais aussi du droit pénal, c'est ce
qu'on voit en matière d'itinérance, mais on l'a vu dans d'autres domaines aussi — donc, une judiciarisation des conflits
sociaux. On demande au système judiciaire, qui, souvent, n'est pas équipé pour traiter ces problèmes-là, de répondre
à ces problématiques. Donc, l'objectif ou la vision, c'est vraiment de
pouvoir retirer, le plus possible, des outils répressifs, des outils punitifs
et de mettre de l'avant des réponses sociales. Alors, certaines de ces réponses sociales là pourront se faire sous la supervision
judiciaire; d'autres devront être faites en amont, en prévention et
en... de d'autres façons, là, comment les communautés vont s'organiser.
Mme Weil :
Et voyez-vous aussi le besoin de formation, plus de formation pour tous les
acteurs de la justice, incluant les
juges? On le voit, il y a une sensibilité, parce qu'on est tous des êtres
humains, hein? Dans un premier temps, les juges, avec la pratique et avec ce qu'ils voient dans
leurs tribunaux, on le voit, l'évolution, aussi, de leur pensée. Mais... vous
entendre là-dessus, au niveau du Barreau.
Mme Sylvestre
(Marie-Eve) : Bien, c'est clair, vous parlez à une professeure ou à
une doyenne, vous prêchez dans un... C'est clair que, pour moi, la formation,
c'est au coeur de tout, c'est ce que je fais au quotidien. La formation,
accompagnée de la recherche d'ailleurs, me semble vraiment une voie porteuse.
Donc, à la fois les acteurs judiciaires, je
pense que ça... Toutes les commissions d'enquête qui se sont penchées sur des
problématiques sociales — je pense encore à la
commission Viens — ont
recommandé davantage de formation. Donc, ça, pour moi, c'est essentiel, mais
peut-être aussi l'interdisciplinarité, donc, peut-être joindre d'autres
professions, d'autres acteurs dans le milieu judiciaire. Je pense aux
travailleurs sociaux. C'est la force de ces programmes-là, c'est
l'accompagnement avec des travailleurs sociaux, justement. On peut penser à du personnel du milieu de la santé, dans
d'autres domaines, donc, vraiment y aller, là... Il faut que la justice
se décloisonne un petit peu, à mon sens, pour régler des problèmes qui sont,
avant, tout sociaux.
Mme Weil :
Si vous aviez un rêve d'une disposition qu'on pourrait mettre dans un projet de
loi qui pourrait orienter... Parce qu'on le
voit souvent, même dans des projets de loi juridiques, les SLAPP, d'ailleurs.
Et ma collègue de Joliette est là. On
a fait, ensemble, ce projet de loi — j'étais ministre de la Justice — et on avait mis, donc, une disposition,
à la fin, que, en cinq ans, on allait revoir la jurisprudence pour voir si on
avait fait des avancées. Et ça fonctionne bien, parce que, là, il y a des recommandations pour la suite des choses.
Est-ce que vous verriez, peut-être, une clause de ce genre dans ce
projet de loi?
Mme Sylvestre
(Marie-Eve) : Une clause...
Mme Weil :
De révision, à tous les cinq ans, pour voir si les mesures qu'on a mises en
branle ont donné les effets escomptés.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, on... bien, je peux imaginer, en tout cas,
que, là, à la suite de ce projet de loi là, qu'il va y avoir d'autres
programmes d'adaptabilité qui vont se mettre en place. Et ça va être
intéressant de comparer, justement,
les expériences des... Est-ce qu'il faut le faire au niveau législatif ou
est-ce qu'on peut le faire de d'autres façons? Ça, je ne suis pas
certaine, là, mais ça pourrait être une façon de le voir.
Mme Weil :
L'avantage de la loi, c'est : ça devient obligatoire.
Mme Sylvestre
(Marie-Eve) : Oui, c'est ça.
Mme Weil :
Donc, c'est un constant, et tout le monde travaille pour ça et vers ça, et...
Mme Sylvestre
(Marie-Eve) : Oui, c'est une possibilité.
Des voix :
...
Mme Weil :
D'autres éléments... Je ne sais pas combien de minutes...
Le
Président (M. Bachand) : Quatre minutes, Mme la députée.
Mme Weil :
Quatre minutes. On a du temps pour jaser, hein?
Le
Président (M. Bachand) : Oui, oui, oui.
Mme Sylvestre
(Marie-Eve) : Jasons.
Mme Weil :
Mais c'est vraiment intéressant d'avoir, évidemment, une professeure
d'université qui est passionnée par le sujet.
Bon,
la durée des programmes. Bon, la rétractation, on en a beaucoup parlé.
Peut-être revenir là-dessus, sur l'importance
de la rétractation. Encore une fois, ceux qui ont parlé avant vous l'ont dit,
mais peut-être revenir sur cette question de rétractation de jugement
comme essentielle.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui. Alors, la rétractation de jugement, c'est
une pratique qui a d'abord débuté dans le
cadre du PAJIC à Montréal, donc, où, justement, c'était une mesure qui était
mise en place. Et l'effet de la rétractation de jugement est important.
D'abord, c'est une reconnaissance qu'on a jugé du constat d'infraction en
l'absence, hein, par défaut. Le
défendeur, souvent, n'a pas été informé, il n'a jamais reçu une copie des avis
de cour, on a souvent eu la mauvaise adresse ou on a envoyé le constat à
un refuge, une ressource d'une personne en situation d'itinérance. Donc, c'est
une reconnaissance d'une réalité du fait qu'on a fait ça par défaut, mais c'est
aussi, vraiment, une reconnaissance qu'en raison
des démarches qui ont été effectuées, on peut, donc, se permettre de retirer
les constats d'infraction. Et ça, sur le plan, je pense, symbolique,
c'est très important pour les personnes qui sont engagées dans cette
démarche-là, là.
• (16 h 20) •
Mme Weil :
Et, dans la même veine — je pense à l'article 52 — maximum d'heures, vous entendre encore
là-dessus dans le contexte de l'argument que vous venez de donner, mais tout
ça, d'après votre présentation, ça fait partie d'un tout cohérent qui
vise les mêmes objectifs. Donc, peut-être vous entendre sur le maximum
d'heures, là, de ne pas dépasser.
Mme Sylvestre
(Marie-Eve) : Oui, en fait,
c'est toujours très complexe, de quantifier, en nombre d'heures, un certain nombre de démarches. On ne sait pas
combien de... qu'est-ce que ça veut dire, sur quelle durée ça va s'échelonner.
Mais, ma préoccupation, c'est que, pour des
infractions mineures, non violentes, souvent liées à la survie dans la rue, qui
découlent de la discrimination
systémique, on ne maintienne pas sous supervision judiciaire une personne
éternellement. Parce qu'être sous supervision judiciaire, c'est toujours
être confronté à un risque d'échec. Et qu'est-ce qu'il arrive en cas d'échec? Bien, là, tu risques de ne pas avoir
réussi ton programme, tout ce que tu as mis en place ne fonctionne pas. Donc, le poids, cette épée de Damoclès, là,
d'avoir le système judiciaire constamment... à mon sens, il faut que ça se
termine et il faut que ce soit proportionnel à la gravité des
infractions, là, qui ont été commises.
Mme Weil :
Et vous avez dit que vous pourriez revenir sur l'article 12 de la Charte canadienne pour l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Ça, ce serait
intéressant, parce que, vous dites, vous n'avez pas eu le temps d'aller plus
loin.
Mme Sylvestre
(Marie-Eve) : Oui. Alors,
ça, c'est l'affaire Boudreault, qui a été entendue par la Cour suprême, donc, en 2018. Un jugement qui portait sur la
suramende compensatoire en matière criminelle, qui était imposée de façon
systématique à des personnes marginalisées,
notamment en situation d'itinérance. Et la Cour suprême, qui conclut,
donc : cette amende minimale est inconstitutionnelle, donc viole
l'article 12, la protection contre les peines cruelles et inusitées,
notamment parce qu'il y a une peine
d'emprisonnement pour non-paiement d'amende qui était plus ou moins
systématique, en particulier dans le
cas des personnes marginalisées. Donc, il me semble que ça, ça rend assez
précaire toute disposition sur l'emprisonnement pour non-paiement
d'amende qui n'est pas lié à la capacité de payer dans une loi provinciale.
Mme Weil : Très bien,
merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous
plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour. J'ai peu de temps, j'ai deux
questions pour vous. D'abord,
j'aimerais vous entendre sur une proposition qui a été faite par les gens qui
vont ont précédés au sujet de l'aide juridique.
Est-ce que, vous qui avez bien documenté puis qui connaissez bien ces
programmes-là, est-ce que donner accès à l'aide juridique, pour les gens qui
s'engagent dans un programme d'adaptabilité, c'est quelque chose qui serait une
avancée? Et, si oui, pourquoi?
Mme Sylvestre
(Marie-Eve) : Oui, bien,
tout à fait. D'abord, je veux dire que, dans ces programmes d'adaptabilité, il
y a plusieurs intervenants. Donc, il y a des intervenants de clinique
d'accompagnement qui sont souvent des non-juristes. Donc, eux aussi, il
va falloir les appuyer et bien les financer, ça, je pense que c'est important
de le mentionner. Mais, clairement, lorsque
la personne peut avoir aussi accès à un avocat, hein, il peut y avoir toutes
sortes d'autres... à la fois pour participer au programme, mais ça
pourrait aussi être pour remettre en question un certain nombre de constats qui
ont été émis. Donc, à mon sens, ça aussi ça
devrait être couvert par l'aide juridique. Et je pense que mon collègue qui m'a
précédée a bien expliqué l'importance d'être représenté par un avocat,
l'importance pour l'accompagnement des personnes.
M. Nadeau-Dubois : Merci. Deuxième enjeu sur lequel j'aurais aimé
vous entendre : sur la question de l'emprisonnement, vous proposez de tourner la page, tout simplement,
sur cette possibilité-là qu'il y ait un emprisonnement suite à l'accumulation
d'infractions. Je trouve ça intéressant,
mais je vois venir certaines objections. J'aimerais ça, d'emblée, vous
permettre de les réfuter d'avance. Quelqu'un qui dirait : Oui, mais s'il
n'y pas d'emprisonnement au bout, pourquoi les gens s'engageraient dans un programme si la crainte de
l'emprisonnement, si la motivation d'éviter la prison n'est plus là? Qu'est-ce
que vous répondriez à quelqu'un qui dirait ça?
Mme Sylvestre
(Marie-Eve) : Oui, bien,
oui. D'abord, il y a des droits, là, qui sont en question ici, là, puis...
Mais, deuxièmement, la personne qui ne va pas purger de prison, elle va
demeurer avec sa dette judiciaire. Donc, la dette judiciaire, elle n'est pas
effacée, tu continues d'avoir un fardeau de 10 000 $ de dettes. Tu
vas vouloir appliquer un programme gouvernemental,
ça va ressortir, tu vas vouloir faire quoi que ce soit, tu vas avoir ce
fardeau-là. Et c'est ce qu'il se passe dans les autres provinces. En
Ontario, il n'y a pas d'emprisonnement pour non-paiement d'amende, mais il y a
des dettes judiciaires, et c'est un obstacle très important pour pouvoir avoir
accès même à un service d'utilité publique comme Hydro Ontario, Hydro Ottawa,
je pourrais dire, ou d'autres services publics, l'accès aux prêts et bourses si
tu veux retourner à l'école. Donc, il y a... Malheureusement, le poids de la
dette judiciaire est, en soi, déjà un fardeau.
M. Nadeau-Dubois : Donc, bref,
on ne créerait pas un système de désincitation à choisir ces programmes-là en
enlevant la menace éventuelle de l'emprisonnement. Est-ce que je vous comprends
bien?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, exactement.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bachand) : Mme la
députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Oui, merci beaucoup. Je suis très heureuse qu'on ait la chance de vous entendre
aujourd'hui, parce que je vous avais
entendue lorsqu'on a fait le forum sur la première politique de lutte contre
l'itinérance et j'avais été très impressionnée par votre expertise.
Alors, je veux en profiter au maximum.
Vous avez dit, d'entrée
de jeu, ce dont vous rêvez, en fait, ce serait qu'on ait un régime général de
mesures de rechange, donc, que ça aille
encore plus loin dans la déjudiciarisation. Expliquez-moi, quand vous nous
dites ça, par rapport à ce qui se met
en branle qui est en train de se généraliser, là, du programme
de mesures de rechange général, qui est parti de projets pilotes puis qui est en train de s'étendre, pourquoi
ou comment ça ne va pas assez loin par rapport aux objectifs
que vous, vous souhaitez voir inclus, éventuellement, dans notre droit pénal?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Merci. Je me rappelle très bien de cette commission parlementaire, c'était... pas de cette commission, mais,
disons, que de le... de la politique...
Mme Hivon :
Du forum.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Du forum entourant la politique. Alors, au
niveau... Pardon, j'ai oublié votre question.
Mme Hivon :
Oui, le programme actuel pilote... le projet pilote de mesures de rechange...
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui. Donc, le programme actuel de mesures de
rechange porte évidemment sur les questions
criminelles, les infractions criminelles, et là ce serait de créer un programme
qui touche les infractions pénales. Ce
qu'on a constaté, encore une fois, c'est qu'au cours des dernières années on a,
dans plusieurs cas, délaissé le droit criminel au profit du droit pénal en pensant qu'on faisait
un bon coup, parce qu'il n'y avait pas de casier judiciaire, parce que, des
fois, les amendes étaient moins élevées. Mais
nos études ont démontré qu'au contraire on rentrait dans un cycle de judiciarisation et parfois même d'emprisonnement
pour non-paiement d'amende, qui était même plus grave dans certains cas
que des infractions criminelles sommaires. Donc, à mon sens, on viendrait
couvrir, là, des angles qu'on n'a pas... qu'on
ne couvre pas avec le programme de mesures de rechange... nous permettrait
d'inclure des infractions pénales, là, carrément, là.
Mme Hivon :
Parfait. Et puis certains groupes sont venus nous dire, vous m'avez entendue,
avec le groupe précédent, poser la question,
je comprends que ce n'est pas votre position nécessairement, mais ils sont
venus nous dire qu'on devrait
généraliser dans la loi, voire imposer, dans, j'imagine, les villes qui
pourraient avoir un bassin suffisant, là, pas dans toutes les municipalités,
l'idée des programmes d'adaptabilité. Je comprends que ce n'est pas votre
position. Comment on peut arriver à, donc, donner cet espace-là, ces possibilités-là
d'un point de vue équitable à tout le monde? Est-ce que c'est en finançant,
est-ce que c'est en créant des incitatifs pour que les municipalités
embarquent? Comment on fait ça si on ne l'impose pas?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, bien, en fait, je pense que c'est important
de ne pas l'imposer, justement, parce qu'il y a des villes pour qui ça ne
convient pas, il y a aussi, peut-être, des ententes administratives qui peuvent se faire entre certaines villes, je
pense à l'Abitibi, il y a peut-être des villes environnantes qui pourraient se
joindre à Val-d'Or, etc. Donc, il y a toutes sortes d'autres choses qu'on peut
faire sur le terrain. Il y a des villes qui pourraient vouloir privilégier d'autres catégories d'individus. Donc, comment on
peut l'inciter ou l'encourager? Bien, je pense que c'est par des... si le
gouvernement pouvait créer un programme de financement de ces programmes
d'adaptabilité... Vous savez, les programmes de mesures de rechange existent seulement dans la mesure où ils sont
financés, où ils sont appuyés. Donc, si on mettait de l'avant un programme, ou si on finançait via soit
les cliniques communautaires ou encore via l'aide juridique, donc, déjà, là on
créerait des incitatifs supplémentaires. Donc, je pense que c'est vraiment au
levier du financement que ça va changer, là.
Mme Hivon :
Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Cela dit, Me Sylvestre, merci
beaucoup de votre participation à la commission, c'est très, très, très
apprécié.
Je suspends les
travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 29)
(Reprise à 16 h 30)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux.
Il nous fait plaisir
d'accueillir les représentantes de l'Association des greffiers de cours
municipales du Québec. Alors, bienvenue.
Comme vous avez vu, 10 minutes de présentation. Après ça, on a un échange
avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous. Merci
beaucoup d'être ici.
Association des greffiers de
cours municipales
du Québec (AGCMQ)
Mme Savoie
(Sylvie) : Merci. Alors,
bonjour à tous. Je me présente, je suis Sylvie Savoie, présidente de l'association des greffiers de cours municipaux du Québec et greffière à la cour municipale
de Sainte-Adèle. Et je suis assistée de ma collègue, Me Marie-Claude
Perron, greffière à la cour municipale de la ville de Sherbrooke.
Pour débuter,
je tiens à vous remercier du temps accordé afin de pouvoir entendre les commentaires d'acteurs de premier plan au sein du système judiciaire québécois.
C'est plus de 1 400 000 dossiers qui sont entendus dans les
cours municipales par année. L'Association des greffiers de cours municipales du Québec est
présente dans chacune des régions du Québec
où des greffiers administrent et gèrent un tribunal accessible à toutes et à
tous. Les 89 cours municipales sont toutes membres de l'association. On parle ici d'une véritable justice de
proximité, telle qu'énoncée à l'article 1 sur les cours municipales.
Favoriser l'accès à la justice aux citoyens est au coeur des stratégies et demeure un objectif
renouvelé chaque jour par les
greffiers des cours municipales. C'est un point d'honneur pour l'environnement desservi. Toujours afin de mieux répondre aux besoins des citoyens, plusieurs initiatives technologiques
ont été déployées au fil des dernières années dans notre réseau. Ainsi,
dans la majorité des cours municipales, nous retrouvons des services tels que
constats d'infraction numériques, paiements
en ligne, plaidoyers en ligne, transmission par courriel, preuves numériques en
salle d'audience, transmission par
courriel des enregistrements audionumériques des procès, dossiers du greffe
entièrement numériques et autres,
l'objectif étant de donner accès aux citoyens et une justice simple, efficace
et performante, et ce, à travers le réseau.
L'AGCMQ
accueille favorablement les principes énoncés au projet de loi. Toutefois,
certains ajustements au texte de loi doivent être apportés afin d'en faciliter
l'application dans les activités courantes des tribunaux municipaux et
d'assurer le respect de la capacité de payer des contribuables. En
résumé, nos commentaires porteront sur certaines dispositions relatives au Code
de procédure pénale du Québec ainsi qu'aux tarifs judiciaires en matière
pénale, qui représentent les principales balises légales des cours municipales
au Québec.
Mme Perron
(Marie-Claude) : Je vais
vous amener dans le mémoire à différents endroits. Pour arriver dans notre
temps, on ne passera pas tous les articles,
mais, à la page 4 de 10, l'article 1, dans l'application de cette
nouvelle disposition, il faut que le
juge ait l'obligation de tenir compte de la technologie qui est disponible dans
l'organisation, sans quoi les coûts faramineux pourraient être encourus
pour les municipalités. Il est donc recommandé d'ajouter l'expression «au sein de l'organisation» après les termes «qui est
disponible» au nouvel article 2.2 du Code de procédure pénale. Par la
suite, à l'article 8 du projet de loi, où on traite de
signification des actes de procédure, la section de l'article qui traite de la signification par avis public au troisième alinéa
devrait être modifiée afin qu'on puisse reconnaître d'emblée les sites Internet
des villes ou MRC qui administrent une cour municipale.
Je vous amène ensuite à la page 5. On va
traiter de l'article 39 et de l'article 40 du projet de loi, qui nous
amène à parler des auditions par défaut. Le
nouvel article 188.1 permettra une plus grande efficacité dans la gestion
des séances de cour. Mais, en plus
des experts, il est souhaité que cette mesure puisse s'appliquer aux autres
témoins. Il est donc recommandé d'enlever
le mot «expert» pour qu'on puisse le remplacer simplement par «témoin», afin
que cette mesure puisse s'appliquer au
témoin ordinaire assigné lors d'instruction par défaut, et non seulement à
l'expert. Puis, ici, on parlait du témoignage sur vidéo.
À
l'article 41, les poursuites qui sont instituées par l'émission d'un
constat d'infraction le sont au nom du poursuivant, qui, dans le cas des constats d'infraction, est la
municipalité. Celle-ci est représentée par un avocat, qui oeuvre soit pour
elle exclusivement ou des fois en pratique
privée. Dans la majorité des municipalités
où est constituée une cour municipale, les
dossiers sont transmis au procureur de la poursuite par le greffe de la cour
municipale. Le suivi des procédures judiciaires et la transmission des
avis d'audition sont aussi assurés par le greffe du tribunal.
L'AGCMQ recommande donc de modifier
l'article 192.1 afin d'y ajouter «et le greffe du tribunal» après «en
avise par écrit le poursuivant». Donc, on aviserait le poursuivant et le greffe
de la présence d'un avocat. De cette façon, les différents avis que le greffe
pourrait avoir à transmettre se rendraient directement au procureur du
défendeur.
À la
page 6 du mémoire, l'article 41 du projet de loi, il faut savoir qu'une proportion importante des
défendeurs qui ont enregistré un
plaidoyer de non-culpabilité décide de ne pas se présenter à l'audition. Un
nombre encore plus significatif néglige
même d'enregistrer le plaidoyer. Le Code
de procédure pénale permet
l'instruction de la cause en l'absence du défendeur. Par ailleurs, il existe la rétractation de jugement — dont
vous avez discuté auparavant — pour parer aux situations où le défendeur, pour différentes raisons,
aurait été empêché de se présenter à son procès.
L'association
considère donc superflu puis source potentielle de grandes difficultés le
nouvel article 192.2. Une telle
disposition risque de complexifier la gestion des audiences, d'augmenter le
nombre de séances, de prolonger indûment les délais d'audition avec
l'inscription d'un mandat d'amener qui pourrait être exécuté seulement très
longtemps plus tard, d'accroître la
charge de travail des services policiers puis des coûts pour les corps
policiers. Il est donc primordial que cet article-là soit retiré du projet
de loi.
On passe par
la suite au programme d'adaptabilité. L'association — puis ça peut être une surprise pour plusieurs — recommande fortement qu'aucune liste
d'infractions ou de catégories d'infractions visées par ce programme ne soit établie par règlement. La poursuite
devrait disposer de toute la latitude nécessaire pour le traitement de ces
dossiers. Par exemple, une personne admissible à ce type de programme
devrait pouvoir y voir régler l'ensemble de ses dossiers. Certains individus présentent diverses difficultés
puis accumulent une multitude de dossiers divers. Selon les dispositions
actuelles du projet de loi, il pourrait être impossible de traiter tous les
dossiers d'une même personne.
Je
vous amène ensuite, pour garder le temps, à la page 7 du document, dans
laquelle on traite de l'article 44 du projet de loi. Les articles 257 et 259 ont été
calqués sur la pratique actuelle qui a été implantée dans certaines cours
municipales. Ces
municipalités ont établi divers programmes sociaux et, afin d'arriver à
l'objectif poursuivi, ont adopté des pratiques créatives qui servaient
les besoins, qui étaient... qui a sensiblement été reproduite dans le projet de
loi. Cependant, la rétractation de jugement
suivie du retrait de plainte est toutefois lourde administrativement tant pour
la poursuite que pour le greffe du tribunal et pour les institutions
avec lesquelles on transige, comme SAAQ ou la SOQUIJ.
Cependant,
selon l'AGCMQ, il est possible de créer une méthode simple et efficace tout en
respectant les objectifs des programmes sans en alourdir les procédures.
Ainsi, l'AGCMQ propose de retirer l'article 44 du projet de loi et de
plutôt rédiger une disposition qui créerait un nouveau recours qui pourrait
s'appeler demande d'annulation de la peine monétaire, qui pourrait être
présentable par le poursuivant par le biais de son procureur ou du percepteur
des amendes.
On
vous a rédigé à quoi pourrait ressembler la disposition. Donc, on pourrait
inscrire : «Le poursuivant ou le percepteur des amendes peut également demander l'annulation de la peine monétaire à
un juge lorsque le défendeur a complété un programme d'adaptabilité des
règles relatives à l'exécution des jugements visé au deuxième alinéa de
l'article 333.»
Il faudrait, par la
suite, modifier l'article 259 pour qu'il soit cohérent avec cette
disposition-là.
Une
telle demande rencontrerait les besoins des défendeurs, mais simplifierait
aussi le processus judiciaire, respecterait les obligations des tribunaux quant
aux règles liées à la tenue des plumitifs, et ce, tout en diminuant les coûts
de fonctionnement.
Je
vous amène ensuite à la fin de la page 7, qui est la demande d'imposition
de peine d'emprisonnement. L'article 57 du projet de loi a fait sursauter plusieurs représentants des
municipalités dans lesquelles est établie une cour municipale. Cette
mesure semble contradictoire avec toute la philosophie qui vient à l'arrière.
Les
recours aux dispositions relatives à l'emprisonnent pour défaut de paiement des
sommes dues est utilisé dans un nombre vraiment marginal de dossiers
comparativement au volume des dossiers qui est traité annuellement par les percepteurs des amendes. La demande d'imposition de
peines d'emprisonnement n'est pas exclusive aux personnes vulnérables. Elle est souvent présentée pour des
dossiers qui impliquent un simple mauvais payeur, un défendeur négligent, un
défendant récalcitrant, des personnes qui rejettent toute forme d'autorité ou
de structures étatiques ou judiciaires, qui, lorsqu'elles entrevoient la possibilité d'être incarcérées, ah! là, se
présentent au greffe du tribunal et acquittent entièrement les amendes
ou les sommes dues.
Les intervenants du
réseau de la justice pénale ont pris connaissance des rapports de la commission
Viens, qui recommande de modifier le Code de
procédure pénale pour un terme à l'emprisonnement des personnes vulnérables en
situation d'itinérance ou à risque de le devenir pour non-paiement d'amendes en
lien avec les infractions municipales. Mais,
en légiférant sur la possibilité de référer ces personnes à un programme
d'adaptabilité, le législateur rencontre les besoins de ce type de clientèle sans mettre en péril la possibilité,
pour le percepteur des amendes, d'exécuter les jugements rendus contre les autres types de défendeurs avec
lesquels on transige. Pour toutes ces raisons, l'association recommande
le retrait de l'article 57 du projet de loi.
• (16 h 40) •
Le Président (M. Bachand) : Me Perron, malheureusement, le temps est
écoulé. Nous allons procéder à la période d'échange, s'il vous plaît.
Parfait. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Est-ce que vous aviez quelques éléments? Je peux vous offrir du temps, là.
Est-ce que vous aviez quelques éléments que
vous vouliez compléter à votre présentation, avant que je vous... peut-être
vous amène sur des points plus particuliers?
Mme Savoie (Sylvie) : Oui. Écoutez, on avait, à la page 10,
concernant le tarif judiciaire en matière pénale. On voulait porter votre attention concernant
l'annulation des frais de changement de plaidoyer, qui risque de générer des
dépenses importantes.
Premièrement,
il y a le traitement des plaidoyers de non-culpabilité... génère des processus
coûteux et importants pour les
organisations tels l'ouverture de dossier, divulgation de la preuve,
inscription au rôle de cour, temps de cour, etc. Les frais actuels de changement de plaidoyer couvrent une partie de ces
coûts. D'autre part, les rôles de cours pourraient être encombrés par des demandes de remise à
répétition pour des dossiers dans lesquels les défendeurs désirent simplement
gagner du délai en finissant par payer avant
procès. Finalement, des plaidoyers de non-culpabilité sans réelle intention
d'aller à procès risquent d'accroître
les délais pour l'ensemble du système judiciaire. Pour toutes ces raisons,
l'association demande le retrait de l'article 74 du projet de loi.
Et,
finalement, concernant les poursuites en vertu de l'article 366, l'association
des greffiers de cours municipaux du
Québec voulait apporter son appui à
l'Association des procureurs des cours municipales du Québec en leur
permettant, finalement, de pouvoir agir selon ledit article.
Mme LeBel :
Merci. Beaucoup de choses, beaucoup de choses qui sont beaucoup plus des points
techniques, je comprends, qui relèvent... que vous notez dans votre pratique de
greffier de cour municipale. Donc, merci pour cet angle et votre apport
à la tentative de perfectionner ce projet de loi là.
Peut-être
vous amener à l'article 1 qui est l'article 2.2 du Code de procédure
civile, qui est l'article 1 du projet de loi, vous parlez du fait qu'il
faudrait peut-être ajouter, là, «qui est disponible». Mais, si je vous lis
l'article, et je le fais pour qu'on se comprenne bien, on parle de
l'environnement technologique, naturellement, et l'article se lirait comme
suit :
«2.2.
Dans l'application du présent code, il y a lieu de privilégier — et non pas de rendre obligatoire,
naturellement, mais de
privilégier — l'utilisation
de tout moyen technologique approprié qui est disponible tant pour les parties
que pour le tribunal en tenant compte, pour ce dernier, de
l'environnement technologique qui soutient l'activité des tribunaux.»
Donc, «qui est disponible tant pour les parties
que pour le tribunal», est-ce que ça ne vient pas répondre à votre
préoccupation où on disait... Donc, si ce n'est pas dans la cour où on se
trouve, le juge ne pourra pas privilégier un moyen technologique. Et je ne veux pas manquer de
respect, mais je me demande si d'ajouter «au sein de l'organisation» n'est pas un peu superflu dans ce sens-là. Je
comprends votre préoccupation, on ne veut pas qu'elle se répercute sur le
terrain, mais j'ai l'impression que la rédaction actuelle y répond.
Mme Perron (Marie-Claude) : En fait, c'est que, parfois, la technologie peut
être disponible au Québec, là, mais pas nécessairement installée dans la salle
de cour. Et ce qu'il faut s'assurer, c'est qu'on n'aurait pas l'obligation...
un juge ne pourrait pas obliger la
ville à installer cette technologie qu'on peut trouver dans les magasins, là,
et, encore là, encourir des frais que
la municipalité n'a peut-être pas les moyens, pour l'instant, d'installer cette
technologie-là. C'est pour ça qu'on demandait à ce que ce soit indiqué
«disponible au sein de l'organisation».
Mme LeBel :
O.K. Mais donc, je comprends votre préoccupation, mais donc ce que vous me dites, c'est que, quand on parle...
disponible pour les parties... tant pour les parties, donc on répond à la préoccupation de certaines associations qui disaient : Bien, les défendeurs n'ont
pas toujours, en
tout cas, l'accès à des moyens technologiques, donc, si les parties, les parties incluant le défendeur... n'a pas ces
moyens technologiques là, le tribunal ne pourrait pas l'imposer ou ne pourrait
pas privilégier l'utilisation de ce moyen
technologique là, mais que, pour le tribunal, pour vous, ce n'est pas assez
précis, c'est trop large, et ça ne
pourrait pas vouloir dire le tribunal qui rend l'ordonnance. Parce qu'habituellement...
Et je vais vous avouer que je vois
mal un juge, une cour municipale dont la technologie n'est pas disponible,
dire : On va privilégier le moyen technologique qu'on n'a pas. Je
ne sais pas, peut-être que je m'avance, mais...
Mme Perron
(Marie-Claude) : Bien, je ne veux pas mettre des gens dans l'embarras,
mais ça a déjà été fait.
Mme LeBel :
O.K. Vous pensez qu'un juge pourrait forcer une municipalité en rendant une
ordonnance. On va le dire, on va se parler simplement, là.
Mme Perron
(Marie-Claude) : C'est ce qu'on veut éviter.
Mme LeBel :
O.K. Parfait. Donc, c'est votre préoccupation. Parfait.
Dans la... oui, le
3.3 de votre mémoire, page 6, quand on parle, plus particulièrement, des
programmes d'adaptabilité, est-ce que vous êtes... Je m'excuse, d'entrée de
jeu, je n'ai pas entendu, est-ce que vous travaillez personnellement dans des
endroits ou des municipalités où ces programmes-là existent ou...
Mme Savoie
(Sylvie) : ...ma part.
Mme LeBel :
Non. Mais vos membres, oui, j'imagine, beaucoup de vos membres, effectivement.
Mme Savoie
(Sylvie) : Oui, on a des membres, oui.
Mme Perron
(Marie-Claude) : Moi, à Sherbrooke, il y en a, un programme, qui
existe, qui a été appliqué à la Cour du Québec et pour lequel on attendait
l'adoption du projet de loi pour l'appliquer aussi à la cour municipale.
Mme LeBel :
O.K. Parfait. Superbe. À l'instar de beaucoup de groupes, pour des raisons
diverses, vous ne recommandez pas, ou
vous recommandez fortement, à l'inverse, qu'aucune liste d'infractions ou de
catégories d'infractions, que ce soit
par règlement, que ce soit à travers la loi, ne soit établie. Pouvez-vous
élaborer là-dessus? Ça m'intéresse de connaître
votre point de vue de greffiers des cours municipales. On a eu le point de vue
des associations de la défense, etc., mais
pourquoi vous ne pensez pas qu'il est judicieux ou approprié d'établir une
liste d'infractions visées qui permettraient l'entrée, finalement, la
porte d'entrée dans nos programmes?
Mme Savoie (Sylvie) : On veut s'assurer que le défendeur, peu importe
l'infraction qu'il aura commise, tant au Code de la sécurité routière qu'à un règlement municipal, exemple, pour
paix et bon ordre, nuisance, peu importe celui-ci, qu'on puisse tout
embarquer les dossiers dans le programme d'adaptabilité. Donc, si on fait des
catégories d'infractions puis on exclut le
Code de la sécurité routière, bien, je vais me retrouver avec un individu qui a
un statut de vulnérable, qui peut
avoir 10 dossiers en vertu d'un règlement ou de règlements municipaux,
puis là je vais avoir mes codes de la sécurité routière, que je ne pourrai pas inclure parce qu'ils vont être
catalogués. Donc, mon individu, en bout de ligne, va pouvoir faire des
programmes pour certains dossiers, mais ne pourra pas pour d'autres. Alors, je
ne réglerai pas le problème dans son
entièreté, on va séparer la poire, peut-être pas nécessairement en deux, mais
mon problème va rester entier en matière
de Code de la sécurité routière. Et c'est ce qu'on veut éviter en cataloguant
certains règlements ou en imposant certains règlements assujettis aux
programmes.
Mme LeBel :
Dans le fond, votre préoccupation se situe, puis je veux bien comprendre,
beaucoup plus au niveau des
contrevenants qui auraient des contraventions multiples, dont certaines lui
donnent accès au programme, sa situation aussi le justifie, là...
Mme Savoie
(Sylvie) : Oui, oui, tout à fait.
Mme LeBel : Je vais toujours
présumer que la situation de la personne...
Mme Savoie
(Sylvie) : S'y prête, oui.
Mme LeBel :
...s'y prête. En plus, certaines des infractions, des constats donnent accès
aux programmes, mais, dans la
multitude, il y aurait quelques constats qui flottent qui ne seraient pas
admissibles, et là vous dites : On ne pourrait pas régler ces
problèmes-là.
Mme Savoie (Sylvie) : C'est ça.
On ne pourrait pas régler l'ensemble.
Mme
LeBel : O.K. Beaucoup plus qu'une personne qui aurait juste... on
parle du CSR, peut-être qu'on ne l'exclura pas, peut-être qu'on va
l'inclure, mais on jase pour fins... pour illustration.
Mme Savoie (Sylvie) : Oui, tout
à fait.
Mme LeBel :
Plutôt qu'une personne qui aurait juste du CSR, puis on disait : Elle,
elle n'est pas admissible au programme.
C'est moins problématique qu'une personne qui a des infractions multiples, dont
des CSR qui traîneraient, là, dans tout ça.
Mme Savoie
(Sylvie) : Oui, en effet.
Puis, d'un autre côté, je ne trouve pas ça correct que quelqu'un qui aurait un
paquet d'infractions au Code de la sécurité routière ne puisse pas avoir accès
à un programme si on reconnaît que cette personne-là est toxicomane ou... bien,
itinérante, peut-être un peu moins mais...
Mme LeBel : ...pas de voiture,
là.
Mme Savoie
(Sylvie) : ...qu'il y a quand même
une problématique, puis là on leur dit : Bien non, lui...
bien, si tu avais commis des
infractions en matière de nuisance ou règlement paix et bon ordre, bien oui, on pourrait, mais là
on ne peut pas. Ça fait que...
Mme LeBel : O.K. Donc, ça s'adresse aussi aux gens qui pourraient
avoir juste des infractions dans une catégorie
unique. Le fait d'exclure une catégorie
ou une infraction, vous pensez que ça ne répond pas aux besoins de ces situations-là.
Mme Savoie (Sylvie) : Exact.
• (16 h 50) •
Mme LeBel : O.K. Est-ce
que vous pensez aussi que ça
permettrait... Est-ce que vous le voyez aussi sous l'angle de la
souplesse pour les municipalités, de créer des programmes dans certaines
catégories qui ne seraient peut-être pas visées
et où la problématique serait différente? Parce qu'on a des milieux
différents d'une municipalité à l'autre, on se retrouve au centre-ville de Montréal ou dans une municipalité plus rurale. Je veux dire, souvent, il y a des problématiques, ce
n'est pas toujours les mêmes.
Mme Savoie (Sylvie) : Non, exactement.
Mme Perron
(Marie-Claude) : Ce qui est
bien important, dans tous ces programmes-là qu'on veut établir, et surtout
pour la justice dans les cours municipales,
c'est la spécificité des milieux. C'est pour ça que le système
des cours municipales fonctionne
bien, parce qu'il peut s'adapter d'une région à l'autre. Alors, le
programme d'adaptabilité devrait suivre le même fonctionnement et
pouvoir être modulé en fonction des besoins.
Mme
LeBel : O.K. Peut-être
en terminant — je
vais laisser quelques minutes à ma collègue — un autre
point sur lequel je veux peut-être
voir, un peu, votre pensée, le point 3.3.3, page 7.10 de votre
mémoire, qui s'adresse à la rétractation des jugements. Je comprends tout à fait votre préoccupation au niveau de
la mécanique administrative, la difficulté administrative. Mais là où
j'ai peut-être un bémol, puis je veux voir ce que vous en pensez... Bon. C'est
sûr qu'on est en matière pénale, en matière
de constats d'infraction, mais souvent il y a un stigma, quand même... on l'a
vu, des fois, en politique... il y a
un stigma attribué à avoir certaines contraventions ou un nombre de contraventions.
Si la personne passe à travers un
programme d'adaptabilité, est-ce qu'on n'a pas un avantage aussi, pour les fins
d'amende également et de fardeau financier,
mais aussi pour des fins de... j'allais dire réhabilitation sociale, là, de
repartir avec une page blanche, de permettre la rétractation de jugement? Parce que, là, vous l'avez bien dit, ça
quitte le plumitif, ce n'est plus... ça n'existe plus, ce n'est pas un antécédent au sens large du terme. On est
en matière pénale et pas criminelle, je le sais, mais, des fois, dans certaines
infractions pénales, il peut y avoir une
certaine stigmatisation. Est-ce que vous ne pensez pas... Je comprends les
raisons administratives, là, et les
difficultés techniques. Ça, je les achète, dans le sens que je les comprends.
Mais vous ne pensez pas qu'il n'y a
peut-être pas là une espèce de difficulté pour le contrevenant, alors que le
programme d'adaptabilité est dû aussi... a comme objectif aussi de lui
redonner une valeur sociale à ses yeux, là?
Mme Perron
(Marie-Claude) : Oui. Maintenant,
la personne qui participe au programme d'adaptabilité, si on rétracte les jugements puis qu'on repart
avec une page blanche, comme vous dites, si cette personne-là — parce que ça va arriver — va revenir dans notre giron, dans le giron
de la cour, il peut avoir fait son programme d'adaptabilité, l'avoir bien
réussi, retourner avec sa page blanche puis,
quelque temps après, recommettre certaines erreurs, là, et revenir dans le
giron. Ça va faire en sorte que les procureurs ne
pourront pas savoir que cette personne-là a déjà fait un processus. C'est aussi
au bénéfice du défendeur, pour
qu'après ça on puisse, peut-être, poursuivre la démarche avec cette personne-là
si elle revient dans le système. Alors, moi, je pense que ça n'est pas
nécessairement à son détriment, c'est aussi à son bénéfice d'en garder
une certaine trace.
Mme LeBel :
...trace. En matière criminelle, entre autres, il y a des programmes de
non-judiciarisation où on explique au
contrevenant, dans certaines catégories d'infractions, que, pour cette fois-ci,
la poursuite ou le DPCP ne portera pas de plainte. Mais il n'a pas trois
ou quatre chances au bat, c'est-à-dire qu'à un moment donné, s'il revient, ce
n'est pas, techniquement, une récidive au niveau
juridique, mais on garde une trace du fait qu'il a déjà bénéficié du programme.
Donc, il y aurait quand même
possibilité de garder des traces à l'effet que tel type d'individu a déjà
bénéficié du programme, même si moi, je ne pourrais pas aller au plumitif
et aller rechercher ses infractions antérieures.
Mme Perron
(Marie-Claude) : Je comprends.
Mme LeBel :
Vous ne pensez pas qu'il n'y a pas moyen de combiner ces préoccupations-là?
Mme Perron
(Marie-Claude) : Bien, il y a peut-être moyen de trouver une façon de
faire qui serait autant au bénéfice du
défendeur, avec les éléments que vous apportez, que celui de l'administration qui n'alourdirait pas le processus judiciaire.
Mme LeBel :
O.K., donc essayer de voir... ménager la chèvre et le chou.
Mme Perron
(Marie-Claude) : Oui.
Mme LeBel :
Merci. Ma collègue de Les Plaines.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme
la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Rapidement, j'imagine?
Le
Président (M. Bachand) : Pardon? Quatre minutes, Mme la députée.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Ah! c'est
bon. O.K., parfait. Bien, d'abord, merci pour votre
mémoire. Il est vraiment
intéressant puis très précis sur des points très précis. Puis c'est le fun
d'avoir votre point de vue aussi, parce que vous êtes là tout le temps, vous... En tant que greffiers et greffières,
vous êtes au coeur de l'action, disons, puis, justement, de l'application
d'une loi comme celle-là. Je veux juste revenir sur la présence du défenseur, à
votre point 3.2.4, lorsque vous parlez,
là, de... Vous dites que le 192.2 est superflu puis qu'il faudrait le retirer
ou, à tout le moins, si ce n'est pas retiré, le législateur maintient cette... on maintient cette disposition, ce recours devrait être autorisé par le juge sur demande du poursuivant seulement. Qu'est-ce que vous suggérez à ce moment-là? Avez-vous une suggestion? Avez-vous quelque chose...
Mme Perron (Marie-Claude) : Bien, moi, je vous dirais le maintien du statu
quo. Parce que la personne, actuellement... je veux me
référer au bon endroit dans le projet
de loi, là... mais, ici, c'est celui
où... je veux juste ne pas me tromper, là... Oui, c'est ça. Oui, c'est
le bon article.
On
permet, dans cet article-là, au juge d'exiger la présence du défendeur.
Auparavant, on a traité des dossiers qui sont jugés par défaut en
l'absence du défendeur. Et, ce qu'on vous dit dans le document, c'est quand un
jugement est rendu en l'absence du
défendeur, il existe déjà la possibilité, pour le défendeur, de revenir avec une demande
en rétractation du jugement, soit la
part du défendeur, soit la part de la poursuite... des fois, il y a
des dossiers dans lesquels c'est la poursuite qui présente sa
rétractation de jugement... et de recommencer... puis s'il avait été empêché de
se présenter à son procès. Donc, il n'y a
pas nécessité d'ouvrir à l'exigence de la présence du défendeur par le juge
puis d'émettre, éventuellement,
un mandat d'amener qui est enregistré au
centre de renseignement policier, et que, si, à un moment donné... parce que je doute que les systèmes policiers se mettront à aller chercher les gens...
donc, si, à un moment donné, on le rencontre, bien, on le ramène devant la cour. C'est, selon nous,
inutile ou non nécessaire parce que tous les autres moyens existants... sont
déjà existants de procéder dans son dossier ou de revenir s'il n'avait pas eu
la possibilité de se présenter.
Mme Lecours
(Les Plaines) : O.K. Donc, c'est de maintenir ce qui existe actuellement.
Mme Perron
(Marie-Claude) : Le statu quo.
Mme Lecours
(Les Plaines) : O.K., le
statu quo. D'ordre général, qu'est-ce
que vous considérez comme étant des
incontournables dans le projet de loi qui a été présenté qui sont des... que
les avenues sont les... intéressantes?
Mme Savoie (Sylvie) : Bien, nécessairement, là, le fait qu'il n'y ait aucune liste,
là, d'infractions, pour nous, ça, c'est le gros du dossier.
Mme Lecours (Les Plaines) : Le
point tournant.
Mme Savoie
(Sylvie) : Oui, c'est ça,
exactement, pour, justement, être en mesure, quand on a un défendeur devant
nous qui rentre dans la catégorie des
personnes vulnérables, qu'on ne soit pas contraints, justement,
à une liste d'infractions, mais qu'on
n'a pas à se soucier de ça à partir du moment où la personne est reconnue comme
étant vulnérable ou à risque, ou appelez-la comme vous voulez, à ce
moment-là, qu'elle puisse bénéficier du programme, si programme existe, bien entendu. Puis, je pense qu'avec ce projet de loi là tout ce que ça va faire, c'est que
les gens vont enclencher le pas puis tenter, à tout le moins, d'en implanter pour ceux qui n'en ont pas. Puis, on le
voit avec la cour municipale de Montréal, la cour municipale de Québec, ça fonctionne bien. Parce
qu'il ne faut pas se leurrer, ces gens-là, on ne les veut pas... on ne tient
pas à ce qu'ils reviennent devant nous. Ce qu'on veut, c'est réhabiliter
ou, à tout le moins, faire en sorte que ces gens-là fonctionnent, parce que de les retrouver dans le système judiciaire,
c'est du temps, c'est de l'argent, c'est... il n'y a rien de positif.
Mme Lecours (Les Plaines) : ...
Mme Savoie
(Sylvie) : Exactement. Donc,
c'est quoi le but? Bien, c'est de tenter, justement, de faire en sorte que ces
gens-là puissent fonctionner puis d'éviter les tribunaux. Parce que, là,
aujourd'hui, ils peuvent être à Sainte-Adèle, mais
il n'est pas dit que, dans un an ou deux, ils ne se retrouveront pas à
Sherbrooke, parce qu'à Sainte-Adèle on va avoir réussi, peut-être, à faire je ne sais pas quoi, puis ils vont s'en aller
à Sherbrooke, puis ça ne fonctionnera pas. Ça fait que ce qu'on veut, c'est d'essayer de réhabiliter ces
gens-là puis de faire en sorte que le programme puisse leur être bénéfique,
mais à long terme.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
• (17 heures) •
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup. D'abord, bienvenue, Mme Savoie et Me Perron. Merci
beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Puis je pense que vous avez... ce qui
est intéressant avec les différents et différentes intervenants, intervenantes, c'est le regard différent que tout
un chacun peut avoir sur le système de justice. Et vous, à titre de
représentantes de l'Association des
greffiers de cours municipales du Québec... puis je... la question... je
devrais poser la question, mais me
suis... je vais me répondre moi-même, là... en vertu de l'article 62 de la
loi sur la cour municipale, vous êtes multitâches. Je veux dire, vous êtes... notamment, recevoir les
serments, affirmations, solennelles, lancer les assignations de témoins,
autoriser les modes spéciaux de
signification, assister le juge lors des séances. Puis je suis certain que, des
fois, vous assistez à des séances et vous avez votre propre jugement.
Évidemment, vous ne l'exprimez pas, mais, après x nombre d'heures d'audition, je pense que vous commencez à être
très, très bien informées de... Tantôt, de voir de visu, devant vous, avec,
donc, dans certains cas, des heures de cour,
d'expertise, d'avoir des femmes, des hommes qui sont devant la justice et qui
vont tantôt, de façon heureuse ou moins
heureuse, faire valoir certains aspects
de la vie de tous les jours qu'on a à vivre. Et vous êtes à même de voir
ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et même, donc, de proposer des
approches qui permettent non seulement que jugement soit rendu, mais que
justice, également, puisse être reconnue et rendue.
Dans un
élément qui est... Évidemment, l'utilisation des moyens technologiques... On a
eu, hier, l'avantage, le bénéfice d'entendre L'Association des groupes
d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec, et eux nous parlaient de la fracture numérique. Et c'est bien
beau, avoir une procédure, par
exemple, de jugement par défaut, et,
par la suite, d'avoir une procédure de rétractation si la personne
désire y aller en ce sens-là...
Et, dans ma
pratique, à l'époque, en matière civile, j'avais eu l'occasion de voir... Des
fois, on veut signifier... J'avais fait
une signification dans l'huis de la porte, qui est la façon de
fonctionner. Bien, mon jugement par défaut, je ne l'avais pas eu, parce
que... et puis c'est tout à fait correct, parce que Mme la juge avait déclaré... elle voulait avoir
l'assurance, avant de procéder par jugement par défaut, que la personne
avait bel et bien été signifiée. Donc, en vertu de la mécanique du code, c'était échec et mat, mais... et
c'est tout à fait... Et je respecte la décision qui avait été
rendue. Dans les faits, Mme la
juge avait décidé et voulait qu'il y ait preuve, donc, dans un cas. Et, par la
suite, la personne était venue et avait pu expliquer
sa situation toute particulière. Donc, quand on dit : On veut avoir plus
d'efficacité... Et là je prêchais, à l'époque, par efficacité, je veux dire, cocher la case il a été signifié dans
l'huis de la porte, mais, non, maître, vous n'aurez pas votre jugement
par défaut. L'efficacité, oui, doit nous guider.
Et on peut,
je dirais, puis ce n'est pas péjoratif, s'emballer pour les façons nouvelles de
faire, entre autres en matière de
moyens technologiques. Mais qu'avez-vous à dire... Puis j'aimerais avoir votre
regard, je dirais, de praticienne de cour de justice, au greffe et lors des séances, lorsque l'on veut que justice
soit rendue et que la personne ait été dûment signifiée et appelée. À la lumière de ce qui nous a été dit
hier, là, la fracturation, la fracture technologique... Par contre, la fracture
technologique... Vous, vous dites :
Bien, on pourrait peut-être même permettre qu'il y ait signification non
seulement par publication... par avis
public, mais sur les sites Internet des municipalités, entre autres. Alors,
s'il y a une fracture technologique...
J'aimerais savoir votre réflexion par rapport à ça, parce que vous avez dû en
voir passer, des cas où les personnes... On n'est pas tous... Nous ne
sommes pas tous à la même page technologique.
Mme Perron (Marie-Claude) :
Bien, tout d'abord, il faut savoir que les constats d'infraction, qui sont une
grande partie de ce qui est traité dans les cours municipales et aussi une
partie criminelle, mais, ici, on parle ici de la partie pénale, les constats d'infraction sont presque tous signifiés
personnellement aux gens au moment de l'infraction par les policiers, si j'exclus les stationnements, là. Le
reste, là, c'est presque toujours signifié personnellement en main propre au
défendeur.
Les stationnements, eux, sont signifiés sur les
véhicules — puis
là je vous parle de la pratique, vous nous avez demandé notre avis au niveau de
praticiens — donc,
sont signifiés sur les véhicules. Et il existe, par après, la procédure par laquelle on doit
envoyer un avis au propriétaire du véhicule si aucun plaidoyer n'a été
enregistré. Donc, après un certain nombre
de jours, un avis est envoyé au propriétaire du véhicule qui a été identifié
pour s'assurer qu'il a bien été informé de l'existence de son constat
d'infraction. Alors, ça, c'est le premier élément.
Sur les
constats d'infraction, il y a un document qui s'appelle... Comment il
s'appelle? Le document pour... la réponse. La réponse, à l'arrière, la réponse.
La personne va enregistrer son plaidoyer de culpabilité ou de non-culpabilité.
Et le projet... ou ce que les cours
municipales... ce vers quoi elles s'en vont, c'est que, lorsque le défendeur
enregistre, bon, admettons, son
plaidoyer de non-culpabilité, il va indiquer son nom, son adresse, et tout ça,
et son adresse courriel, qu'on lui
demanderait, avec un élément qui lui dirait : Êtes-vous d'accord pour
qu'on vous signifie le reste par moyen technologique? Donc, s'il y a
d'autres... On communiquerait avec vous par courriel ou par d'autres moyens,
s'il y a lieu. Et puis, à ce moment-là, on peut communiquer avec lui.
Mais l'adoption de telle ouverture dans le
projet de loi va aider beaucoup à cette façon de faire là, parce que, si la
signification est permise, bien, il y a un petit peu plus de procédures qui
vont pouvoir lui être transmises de cette façon-là.
Alors, c'est pour ça qu'on voit d'un
bon oeil la modernisation du Code de
procédure pénale pour en arriver à
l'ère de 2019. Maintenant,
quand vous me parlez des gens qui n'auraient peut-être pas accès aux moyens
technologiques, bien, les comptoirs
ou... le greffe du tribunal demeurera toujours ouvert. Il est donc possible aux gens, comme dans
les autres tribunaux, d'obtenir son information ou de se présenter sur les lieux pour transiger,
là, pour continuer son processus.
M. Tanguay : Et, dans le cas que vous souleviez, effectivement, de permettre, en janvier d'une année, d'être signifié par courriel, par exemple, ça peut changer, ça aussi, parce
que, des fois, la vie des gens
change. On peut être... On peut sortir de
son domicile, ne plus avoir accès à ses courriels. Donc, quand on fait
référence, notamment, à ces réalités-là, dans la fracture numérique, la vie des gens peut évoluer
dans le positif ou dans le négatif, et cette fracture-là peut survenir. Donc,
il y a cet aspect-là, également, qui est à tenir en compte.
Et il y a
un autre élément sur lequel j'aimerais vous... Vous dites : «Il est
primordial que l'article 41, qui introduit l'article 192.2,
soit retiré. Il s'agit de l'article[...]. Un nombre encore plus significatif négligent
d'enregistrer un plaidoyer. Le code
permet l'instruction de causes en l'absence du défendeur. La demande de
rétractation de jugement vise à parer aux situations où le défendeur, pour différentes raisons, aura été empêché
de se présenter à son procès. L'association considère superflu et source potentielle de grands conflits le nouvel article 192.2.»
J'aimerais vous entendre plus d'abondants sur cette disposition, s'il
vous plaît.
Mme Perron
(Marie-Claude) : Oui, bien,
comme je vous disais tantôt, c'est l'article où — 192.2 — on indique qu'un mandat d'amener peut être émis contre quelqu'un parce que le juge
aurait exigé la présence du défendeur au moment de l'audition. Ce qu'on vous dit, c'est que tout le code, auparavant,
prévoit de quelle façon on doit procéder et le fait qu'on peut procéder en
l'absence du défendeur. Parce que, dans la pratique, ce qu'on voit, c'est que
plusieurs, plusieurs personnes enregistrent
un plaidoyer de non-culpabilité. On leur envoie l'avis d'audition pour
dire : C'est telle date. Vous devez vous présenter pour venir
présenter votre défense au tribunal. Et cette personne-là ne se présente pas.
Mais elle ne se présente pas pour toutes sortes de raisons. Elle peut ne pas se
présenter parce qu'elle ne veut pas manquer une journée de travail pour venir expliquer son infraction, elle peut...
Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles il ne se présente pas. Et puis
on donnerait, par cet article-là, la
possibilité au juge de dire : Bien, il n'est pas là, donc, moi, j'exige sa
présence, et on va émettre un mandat d'amener pour aller chercher cette
personne-là pour l'obliger à se présenter devant la cour, présenter sa
défense. Mais elle a peut-être juste décidé de ne pas venir puis qu'elle va
payer son constat au complet.
M. Tanguay : À ce
niveau-là, puis je ne défends pas l'article 192.2, mais je veux bien
comprendre votre argument, si un juge croit que c'est dans l'intérêt de la
justice, vous ne trouvez pas de bon aloi de permettre ça au juge?
Mme Perron
(Marie-Claude) : Bien, nous
ce qu'on dit, c'est que, si le législateur tient à garder cette disposition-là,
on a ajouté une phrase qui dit qu'il faudrait que ce soit sur demande du
poursuivant. Donc, si le poursuivant, pour une raison quelconque, disait :
Bien, ce défendeur-là, on a vraiment besoin qu'il se présente, alors, il
pourrait demander au juge d'exiger sa
présence — je ne
vois pas dans quelle situation ça pourrait arriver, là, mais, si c'était le
cas — pour
éviter que toute la notion des
jugements par défaut disparaisse. Comme on a écrit, ça veut dire augmenter
énormément le nombre de séances, prolonger
les délais. Puis là on est dans l'ère où on a un arrêt de la Cour suprême,
Jordan, qui est venu nous dire qu'avec des délais, on peut mettre fin à
des auditions. Donc là, on prolonge les délais, on doit enregistrer un mandat
d'amener, il faut que les policiers
travaillent et dépensent des ressources et des deniers publics pour aller
chercher ces gens-là pour les ramener devant le tribunal. Donc, c'est
pour toutes ces raisons-là qu'on avait adopté cette position.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous
plaît.
• (17 h 10) •
M. Nadeau-Dubois :
Merci. Merci à vous d'être ici aujourd'hui. C'est intéressant, parce qu'on vient d'avoir une discussion
sur la question de l'emprisonnement avec les deux intervenantes qui vous ont précédés, puis, dans votre mémoire, vous défendez une position différente. Donc,
j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous, vous jugez que, déjà, le
projet de loi va trop loin. Les gens qui vous précédaient souhaitaient que ça aille
encore plus loin. Vous jugez que, vous, déjà, identifier par règlement
des infractions, ça va déjà trop loin.
Sur la question
de l'emprisonnement, donc, j'aimerais... Puis j'aimerais, d'abord, vous donner
l'opportunité de répondre aux
arguments qui ont été invoqués par les gens qui vous ont précédées. C'est-à-dire, qu'est-ce que vous répondez à l'idée selon laquelle l'emprisonnement, en fait,
n'est même pas nécessaire, parce que la dette elle-même est un incitatif
puis un poids
suffisant sur les épaules des gens pour rendre bien attirants les programmes
d'adaptabilité? Vous, vous dites explicitement, dans votre mémoire, que,
sans le levier du recours à l'emprisonnement, la clientèle vulnérable n'a plus
d'intérêt de s'impliquer dans une démarche d'adaptabilité.
Mme Perron (Marie-Claude) :
C'est effectivement ce qu'on a écrit dans le mémoire. Et puis, pour répondre, on n'est pas totalement sur des voies qui ne sont
pas les mêmes. Parce que j'écoutais l'intervenante avant nous, et il y a
beaucoup d'éléments sur lesquels on a le même
point de vue quand on parle de personnes vulnérables, ou en situation d'itinérance, ou qui l'ont déjà été. Donc, ce
qu'on a précisé, là-dedans, c'est que ce qu'on oublie souvent, c'est que ce
n'est pas seulement et uniquement cette clientèle-là qu'on a. Malheureusement,
il y a une clientèle... malheureusement ou... c'est un fait, là, il y a
une clientèle, dans une bonne proportion, qui est tout simplement réfractaire,
ou récalcitrante, ou peu importe comment on la nomme, qui est un mauvais payeur
et qui refuse de payer.
Il y a quelques années, l'emprisonnement a été
enlevé pour toutes les infractions au Code de la sécurité routière puis en matière de stationnement. Bien, en ce
moment, on a, dans nos cours municipales, et probablement aux cours du Québec qui traitent des constats d'infraction
aussi, certains citoyens qui ont accumulé des dizaines de milliers de dollars
de constats d'infraction qui demeurent
impayés, que... cette personne-là, on n'est pas capable de lui trouver un
emploi, parce que... pour toutes
sortes de raisons, essayer de trouver où travaille cette personne-là pour aller
lui faire acquitter ses sommes, mais
ça ne se produit pas, on ne le trouve pas, ou qui n'ont pas à eux-mêmes un
véhicule, mais qui utilisent les véhicules des autres et qui accumulent, qui accumulent, puis on n'a pas de levier, il
n'y a rien à faire avec ces gens-là. Donc, ce sont des dossiers qui
s'accumulent.
Ce qu'on indique ici, c'est que, si on met une
liste des catégories d'infractions qui fait en sorte qu'on ne peut plus
utiliser la peine d'emprisonnement pour toute cette autre liste là
additionnelle, bien, les percepteurs n'auront plus de levier pour aller
chercher ces sommes-là.
M. Nadeau-Dubois : Oui, mais
l'intention...
Le Président (M.
Bachand) : ...déjà passé. Désolé. Mme la députée de Joliette,
s'il vous plaît. Désolé.
Mme Hivon :
Oui. Merci beaucoup. Je vais continuer exactement dans la même veine. En fait,
de votre point de vue, j'imagine que vous voulez pouvoir percevoir le maximum,
donc, évidemment, l'emprisonnement fait que ça met fin à la dette, donc
il n'y a pas de possibilité d'étalement ou de retrouver les sommes. Donc, quand
vous arrivez à cette option-là, ultime, de votre point de vue à vous... quel
est l'intérêt, pour vous, pour les municipalités?
Mme Perron
(Marie-Claude) : Bien,
l'objectif d'aller à la demande d'imposition de peine d'emprisonnement n'est
jamais d'emprisonner la personne. C'est...
Mme Hivon : Non,
je comprends, mais...
Mme Perron
(Marie-Claude) : C'est de la
convaincre de payer son constat d'infraction. Et je maintiens ce que je dis depuis le début, c'est que les personnes en
situation de vulnérabilité, si on adapte des programmes pour ces personnes-là,
ça va être bénéfique pour le système, parce
que, comme on le disait tantôt, on ne veut pas avoir ces gens-là ni dans le
système ni dans les prisons. Il n'y a
donc pas d'avantage pécunier à envoyer ces gens-là en prison, surtout pas pour
le gouvernement.
Mme Hivon : Non,
ça, c'est sûr.
Mme Perron
(Marie-Claude) : Alors,
l'intérêt, c'est d'être une mesure dissuasive pour la catégorie de mauvais
payeurs, qui est une catégorie bien précise
qui n'est pas celle des personnes en vulnérabilité ou en situation
d'itinérance.
Mme Savoie
(Sylvie) : Parce que,
voyez-vous, ce à quoi on fait face, présentement, avec toute infraction commise
en matière de circulation ou stationnement... Les gens ont des constats
d'infraction, les cumulent, n'ont pas de permis, comme disait ma consoeur,
prennent les véhicules des autres ou carrément plaquent le véhicule au nom de
quelqu'un d'autre, se promènent, se font
réarrêter. C'est des contraventions,
là, à 300 $ d'amende, plus 180 quelques, c'est des constats à au-dessus de 500 $ en partant, là. Je peux-tu
vous dire que ça va vite. Bien, c'est gens-là n'ont pas d'incitatif à même
faire des travaux compensatoires. On
comprend que ces gens-là peuvent ne pas avoir d'argent pour payer. Ça, ça va,
puis on a compris le principe qu'on ne sortira pas d'eau d'une roche.
Puis on a un
beau système qui est en place, qui s'appelle les travaux
compensatoires. Mais ces gens-là ne font même pas de travaux
compensatoires. Pourquoi? Parce qu'il n'y a plus rien après. Puis les demandes
d'imposition de peine d'emprisonnement en
vertu de l'article 366, qui sont soumises au DPCP ou qui se doivent d'être
soumises au DPCP... Le DPCP, là, il a
d'autres chats à fouetter, là, je peux-tu vous dire? Ça fait que
nos demandes d'imposition de peine d'emprisonnement, là, elles ne sont
pas accordées. On l'a rodé, le système. On l'a essayé puis, en bout de ligne,
on n'a pas de résultat.
Qui plus est, même si le DPCP en vient à émettre
un constat d'infraction en vertu de 366, il faut qu'il le signifie. Il a un an, la prescription est d'un an. Essayez
de trouver l'individu. Constat, en bout de ligne, il est prescrit. Qu'est-ce
qu'il arrive? La dette est toujours
là. La dette n'est pas éteinte. On ne s'en sort pas, on tourne en rond. Nous,
ce qu'on cherche, c'est d'avoir un système
qui va fonctionner, que ça soit par... pour les gens qui sont à problèmes, les
personnes vulnérables, les toxicomanes, les... cette clientèle-là, de par les programmes,
chapeau, on est content. On est fier de ça. Mais on a les autres aussi, ce
n'est pas tous des gens qui ont des séries de constats qui rentrent dans cette
catégorie-là. On a les autres qui ne veulent juste pas, qui sont des mauvais
payeurs, qui sont des gens récalcitrants. Bien, faites... Si vous n'êtes pas
en mesure de payer, ce n'est pas grave, on a
un programme de travaux compensatoires qu'on peut vous offrir. Bien, pourquoi que je ferais des travaux?
Pourquoi moi, je ferais des travaux? Il n'y a plus rien après.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, c'est tout le temps qu'on avait. Merci
infiniment de votre participation.
Je suspends les travaux quelques instants. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 17)
(Reprise à 17 h 18)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir
les représentants la Clinique droits devant. Alors, vous connaissez maintenant
les règles. Vous avez 10 minutes de
présentation, et, après ça, donc, une période d'échanges. Je vous inviterais à
vous présenter tous les deux avant de débuter votre exposé. Encore une
fois, bienvenue.
Clinique
droits devant
Mme Fortin (Véronique) : Merci
beaucoup. Bonjour, je suis Véronique Fortin, je suis membre du conseil d'administration de la Clinique droits devant. Je
suis aussi professeure à la faculté de droit à l'Université de Sherbrooke,
mon collègue, ici, Bernard St-Jacques, qui est directeur de la Clinique droits
devant.
La Clinique
droits devant, c'est un organisme communautaire qui est basé à Montréal qui
propose un accompagnement social en
milieu judiciaire à des personnes en situation d'itinérance, qui l'ont été ou
qui sont susceptibles de l'être, afin de faciliter la régularisation de
leur situation judiciaire.
Je tiens à
dire que ce ne sont pas des avocats, des avocates, ce sont des intervenants
sociaux qui oeuvrent dans le milieu judiciaire et qui offrent un
accompagnement et de l'information juridique et non pas des opinions
juridiques.
Et on est
aussi, la Clinique droits devant, la porte d'entrée du Programme accompagnement
justice itinérance à la cour
municipale de Montréal, le PAJIC, dont on a beaucoup entendu parlé dans les
derniers jours. Donc, on est l'organisme qui travaille en collaboration
avec les procureurs de la poursuite de la cour municipale.
On a présenté un mémoire qui se consacre
uniquement aux dispositions du projet de loi qui prévoit des mesures permettant de tenir compte de la situation sociale
de certains défendeurs, évidemment, les personnes en situation d'itinérance
ou à risque de l'être, dans notre cas. C'est ce à quoi on va se consacrer dans
notre présentation.
Quelques
remarques préliminaires que nous voulons faire avant de faire ressortir
quelques points de notre mémoire ensuite, donc quatre remarques préliminaires...
Les
infractions à la source de la judiciarisation, qui entraînent des dettes
judiciaires pour les personnes susceptibles de participer à des programmes
d'adaptabilité, sont de faible gravité. Il ne faut jamais l'oublier. Les
infractions à la source de la judiciarisation sont aussi souvent le
fruit de profilage, profilage racial, profilage social, il y a plusieurs
recherches qui l'ont démontré, les
recherches de Marie-Eve Sylvestre, Céline Belleau de la commission Viens, de la
commission des droits de la personne, d'autres encore. Il ne faut pas
faire en sorte que des mesures alternatives dans des programmes d'adaptabilité
sont, au final, plus longues, plus punitives, plus contrôlantes que la peine
qui aurait été prévue pour l'infraction à la
source des mesures. Puis, finalement, dans tout programme d'adaptabilité, on
s'adapte à qui? On s'adapte aux
justiciables, mais il est important, il est primordial que la personne
défenderesse soit au coeur du processus puis que les conditions, les mesures
alternatives soient déterminées de concert avec elle et qu'elle soit impliquée
dans le processus tout au long des démarches.
Pour les
minutes qu'il nous reste, on va mettre l'accent sur les points suivants notre
mémoire. Donc, en quelques minutes, trop
brièvement sans doute, pour réellement rendre justice à la complexité des
réalités, nous expliquerons d'où viennent les personnes qui sont susceptibles
de participer à des programmes d'adaptabilité puis quelles sont leurs réalités,
justement. Ensuite, nous expliquerons
l'impact positif du retrait des dossiers de l'effacement d'une dette judiciaire
ainsi que les conditions gagnantes
pour qu'un programme d'adaptabilité colle à la réalité des personnes. Puis,
s'il nous reste du temps, nous
soulignerons quelques problèmes avec le projet de loi actuel, qu'on a déjà
notés dans notre mémoire, notamment avec
les mesures alternatives dans le cadre de programmes d'adaptabilité des règles
relatives à l'exécution des jugements puis les dispositions sur
l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes. Donc, je passe la parole à mon
collègue.
• (17 h 20) •
M. St-Jacques (Bernard) :
Merci. On a entendu différentes présentations depuis hier. Je pense qu'on est
plusieurs personnes à être passées devant vous qui savons de quoi on parle. Il
faudrait parler peut-être un peu plus des personnes.
Qui sont ces personnes de qui on parle? Pour nous, on parle de personnes en
situation d'itinérance, des gens qui, d'abord, souvent, été victimes de
profilage, donc subi l'injustice, qui passe principalement par une remise de
contraventions — on
les sanctionne en fait pour des gestes qui
sont souvent commis par toutes personnes — des gens qui ne cadrent pas dans le système de façon générale puis là on va essayer
de les cadrer dans un système de justice. C'est des gens qui font des gestes
dans la sphère publique, gestes que nous
faisons peut-être au quotidien dans la sphère privée. C'est des gens qui
n'auraient probablement, pour beaucoup de cas, dû jamais être dans ce
système judiciaire là.
Alors là, la personne, elle rentre
dans un programme puis elle peut être de différents niveaux d'ancrage en lien
avec sa sortie de rue, son ancrage dans la rue encore, et là on va voir
ça va être quoi, les démarches qui vont pouvoir être établies pour viser différents aspects de son rétablissement, ce qui va
être très complexe en soi, parce que je pense qu'on doit... on ne peut pas regarder ça en regardant ça
juste sur l'angle du logement et de la consommation quand on pense à une
personne en situation d'itinérance, il faut
aller vraiment au-delà de tout ça, et c'est en ce sens-là que la présence
d'intervenants et d'intervenantes
sociaux et sociales va être centrale afin de bien apprécier la valeur des
efforts et de pouvoir, un peu, voir d'où vient cette personne-là.
Bien honnêtement, une
personne qui vient à la Clinique droits devant, qui est encore ancrée dans la
rue, c'est miraculeux. Une personne que ça
fait trois mois qu'elle dort dans le même lit après sept ans dans la rue, c'est
miraculeux. Est-ce qu'on va en tenir
compte quand on va mettre nos programmes d'adaptabilité en place et soupeser
l'importance que ça requiert? Trois
rechutes dans trois thérapies de suite, pour beaucoup, c'est un échec. Mais
non, il y a une reconnaissance d'un problème par la personne, un
problème lié, peut-être, à la toxicomanie ou à la dépendance, et on ne saura
jamais à quel point la rechute fait partie
du rétablissement à très long terme. On ne peut pas passer à côté de facteurs
de cet ordre-là. Donc, d'où
l'importance de toujours plus de souplesse. On a parlé de souplesse, de
flexibilité, elle peut être possible, peut-être, dans le projet de loi
aussi à l'extérieur.
Si on regarde... On a des dispositions qui
concernent, entre autres, la poursuite, on en a d'autres qui relèvent plus de
l'exécution des jugements, mais il faut avoir une vision d'ensemble, hein? On
peut mettre des acteurs ensemble, on
peut mettre un greffe et une perception des amendes qui va travailler avec des organismes
communautaires, avec la poursuite. Tous ces
acteurs-là peuvent se mettre ensemble, et on peut faire un vase communicant entre ces
différents éléments qu'on retrouve dans l'actuel projet de loi.
Prenons
un exemple : une personne, elle a 100 constats d'infraction, 25 non
jugés et 75 jugés. Alors, pour commencer, plutôt que de nous imposer, si c'est possible, cet exercice difficile,
voire impossible, de traduire une dette quantitative en démarche
qualitative dans le cadre d'un programme, bien, on pourrait dire... on pourrait
envisager la rétractation de jugement des
75 constats d'infraction qui sont dits jugés. Et là c'est bien, parce qu'on se met avant... C'est comme si on mettait l'ensemble de la situation
de la personne avant que la décision ait été prise.
Et là c'est dans ce
contexte-là qu'on discute. Puis là on jase. On établit, ensemble, des termes du
programme que la personne
va suivre. On pourrait arriver et dire : Aïe! On sait que la personne
fréquente des organismes puis elle a un intervenant pas mal pivot, là,
qu'elle rencontre sur une base régulière, puis elle a même commencé des
démarches liées à sa consommation, peut-être de la diminution, ou, en
tout cas... elle consomme encore, mais dans un cadre un peu plus sécuritaire qu'avant. On pourrait dire :
Bien, j'enlève 25 % ou 30 % des constats d'infraction immédiatement
avant même qu'elle commence le
programme parce qu'elle a déjà fait des choses pour essayer d'améliorer sa
situation. Elle continue. On y va, on
est trois mois... évidemment, le programme se met en place à travers ça, on a
identifié, évidemment, les objectifs. Trois
mois plus tard, il y a des indices intéressants de stabilité résidentielle,
elle va peut-être pouvoir rester en logement, les choses se stabilisent un peu.
Elle a rebâti le lien avec des personnes de sa famille ou, dans le cas de
personnes autochtones, bien, elle a
commencé à développer des activités liées à ses réalités culturelles et
historiques passées, il y a un lien qui se refait avec sa communauté.
25 %, 30 % de constats d'enlevés encore dans une autre audience à la
cour. On est... après quatre mois, cinq mois
du programme. Et on continue comme ça. Puis, après huit mois, après un an, en
voyant, en soupesant avec la personne,
en le faisant en lien avec elle et avec différents partenaires, bien, on en
arrive avec assez de souplesse à la fin du processus.
Et
là il ne faut pas penser que tout est fini. Souvent, la réalité des personnes
est... La personne va être encore fragile. Sauf qu'il y a quand même la finalisation, il faut quand même la voir
aussi comme un levier. Donc, des fois, ce n'est pas fini. Le travail n'est pas fini, mais il faut voir
jusqu'à quel point... Et c'est là, là, le plus difficile pour nos procureurs,
c'est : C'est-tu fini ou ce
n'est pas fini, le programme? Mais, à un moment donné, des fois, il faut une
poussée, il faut voir. Ça fait qu'une souplesse va être inébranlablement
importante dans ce contexte-là.
Puis
je finis avec l'exemple de Michel, qui est l'exemple que vous avez dans notre
mémoire, qui, lui, a terminé le PAJIC, qui n'était... qui n'est pas si en
forme, il est fragile encore, même s'il a fini le programme. Puis il nous
partageait, le jour où il a fini le
PAJIC : «J'allais sortir, et le juge m'a dit : "Je suis contente
de vous avoir rencontré, monsieur, et vous me touchez
profondément." Mais je suis mandat, hein, d'arrêt, dans deux dossiers,
hein, dans une autre ville, qu'on ne nommera
pas, et j'ai deux autres dossiers dans une autre ville, qu'on ne nommera pas
aussi. Je remercie la vie de me laisser la chance de me reprendre du bon pied.
Avec tous les jugements que je pouvais avoir de la justice, je n'aurais jamais
cru qu'un avocat de la couronne ferait tant
d'efforts pour aider un contrevenant comme moi, encore moins une juge, que moi,
je jugeais moi-même. Les deux ont fait preuve d'un sincère humanisme, et j'ai
vu, dans leurs yeux, l'espoir qu'un être humain puisse se délivrer de sa
souffrance. J'en suis reconnaissant et profondément ému. Je ne m'arrêterai pas
là. J'ai une histoire à raconter, la mienne, et elle rejoint, je le
sais, une bonne gang de comme moi.»
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Période d'échange
maintenant. Mme la ministre s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Merci. Vous avez capté notre attention, ça, c'est le cas de le dire. Merci
beaucoup de votre présentation, c'est très utile.
Est-ce
que vous auriez peut-être... prendre quelques minutes pour établir, là,
quelques petites améliorations? Vous l'avez
dit, s'il nous reste du temps à la fin. Et ça m'intéresse, parce que, sur
l'expérience que vous démontrez, le cas de Michel, c'est extrêmement
intéressant et pertinent pour guider notre réflexion et aussi justifier notre
intervention au plan législatif. Mais si on... On parle des mesures
particulières. Si vous pouviez, peut-être, nous adresser, là, ce qui serait à
perfectionner, je vais le dire comme ça, ou à améliorer dans le projet de loi,
ce serait bienvenu.
• (17 h 30) •
Mme Fortin
(Véronique) : Oui. Donc, merci beaucoup, merci pour votre question,
puis merci de m'offrir ce temps-là. Je vais répondre, puis si jamais tu veux
compléter...
Donc,
quelque chose qui a déjà été mentionné, surtout dans le scénario dont on vient
de parler, c'est, d'abord, cette idée de quantifier des démarches vers le
rétablissement, le bien-être, la réinsertion sociale, selon notre posture, on
l'appelle différemment. C'est
excessivement difficile de le quantifier et c'est peut-être même
contre-productif considérant l'objectif de... Donc, les articles 51, 52 et
ensuite 54, 55, 56 sur la question de l'impossibilité de compensation d'une
réalisation d'une partie du programme nous semblent problématiques.
Donc,
l'idée de plutôt s'attarder à une appréciation générale de l'ensemble des
démarches, qui peuvent multiples
selon réalités plurielles des personnes qui sont devant nous, comme on le
disait, ça peut vouloir dire d'être plus en contact avec un organisme...
ça peut vouloir dire d'aller au gym trois fois par semaine. Donc, il y a plein
de différentes façons... Je ne veux pas dire que j'encourage la mesure d'aller
au gym trois fois par semaine, je pense que les gens peuvent être libres
de faire ce qu'ils veulent. Mais donc c'est
qu'il y a plusieurs façons d'inclure des démarches... et qui compteraient,
donc, première chose. Et donc la
quantification est problématique. S'il faut le faire, je pense qu'on devrait
maintenir les maximums qui sont déjà prévus.
Et,
deuxième commentaire que je ferais, c'est sur l'emprisonnement pour
non-paiement d'amende. Donc, on partage les positions de la doyenne Marie-Eve
Sylvestre, donc l'idée de prendre la capacité de payer du défendeur en compte
plutôt qu'une liste d'infractions. Et, à Montréal, ça fait longtemps qu'il y a
un moratoire sur l'emprisonnement pour non-paiement
d'amende, depuis 2004, et on ne manque pas de personnes qui veulent participer
au PAJIC du tout. Et donc c'est même
une... le fait qu'il y a un moratoire fait même en sorte qu'on a peut-être plus
de participants dans ce genre de programmes
sociaux là, justement parce qu'ils savent que, s'ils se présentent à un
procureur de la poursuite, ils n'ont pas le risque d'avoir un mandat
d'emprisonnement ou... Donc, ils sont moins méfiants face à la justice sachant
que l'emprisonnement pour non-paiement
d'amende n'est pas dans les cartes. Donc, je vais m'arrêter là puis je vais...
on va pouvoir répondre aux questions.
Mme LeBel :
Bien, oui, puis on va peut-être parler plus spécifiquement... puis certains de
mes collègues de l'opposition
pourront aborder d'autres points... mais, plus spécifiquement, justement,
de l'emprisonnement pour non-paiement d'amende,
on en a... et je prends la balle parce
qu'on vient d'en parler. Je comprends, donc, que vous ne privilégiez pas qu'on dise : Bien, pour telle
catégorie d'infraction, ça n'existera plus, mais, plutôt,
de regarder de façon individuelle la capacité de payer du défendeur, quitte à avoir, peut-être,
des programmes d'étalement, ou, en tout cas, peu importe, mais... ou de, à ce moment-là, de passer à travers un programme
d'adaptabilité ou autre.
Je comprends que vous êtes... Ça pourrait répondre à la préoccupation qui a été émise par les greffiers des cours municipales disant qu'il y a une liste
d'infractions, à la page 15, là, qui font plus souvent l'objet de ces
programmes-là, mais on pourrait avoir
des gens qui traversent ailleurs qu'une intersection ou émettent un bruit
audible à l'extérieur... je ne ferai pas pas référence à mon voisin,
mais ça pourrait... qui sont, tout simplement, des mauvais payeurs ou des
mauvais citoyens, donc, ça prend, au bout du
compte... et là je fais juste réitérer l'argumentaire des cours municipales...
ça prend, au bout du compte, un
levier incitatif pour ces gens-là. Parce que, si on a un individu qui paie ses
contraventions de façon adéquate, et un même individu qui... ça n'a rien
à voir avec sa capacité de payer ou ça n'a rien à voir avec des problèmes sociaux, mais ne veut juste pas payer, hein, on
peut dire un mauvais citoyen, bien, ça prend un levier, au bout du compte,
pour être capable de le faire payer. Donc,
en éliminant... en n'y allant pas par catégorie d'infractions mais en y allant
par capacité de payer, on viendrait
favoriser les objectifs qu'on poursuit par les programmes ou par... pour les
gens qui sont en situation de
vulnérabilité, tout en conservant certains leviers pour être capable de force
les simples mauvais payeurs, là, qui ne sont pas du tout dans les catégories
qui sont visées par notre discussion, là. Est-ce que vous pensez que ça a de
l'allure, ou...
Mme Fortin (Véronique) : Donc, l'idée de la capacité de payer versus le
refus de payer, c'est une distinction qui est intéressante. Là, ce sera
dans comment évaluer la capacité de payer. Et, dans la décision Boudreault, là,
il y a comme toute une... puis là je ne l'ai
pas devant moi, là, mais il y a toute une... dans la décision de la Cour
suprême... il y a une discussion sur est-ce qu'on est vraiment... il faut faire
attention de ne pas interpréter comme un refus de payer quelque chose qui
est une incapacité de payer. Mais, oui,
c'est effectivement ce qu'on privilégie, parce qu'une liste d'infractions ne
sera jamais assez exhaustive pour
couvrir l'ensemble des situations qu'une personne en situation de
vulnérabilité, là, pourrait... l'ensemble des constats d'infraction,
dans le fond, qu'une personne en situation...
Mme LeBel :
Donc, il y a les deux cas. Il y a
le fait qu'on ne pourrait pas couvrir toutes les infractions avec une liste
d'infractions, qui ne serait jamais assez exhaustive, et le fait qu'il y aurait
peut-être un effet pervers de permettre, justement,
à certaines personnes qui ne sont pas du tout dans la catégorie des gens qu'on
vise d'échapper, finalement, à la justice, d'une certaine façon, là.
Les
conditions de rétractation de jugement... Je veux également connaître votre
opinion. Vous dites que, bon... Par
contre, vous parlez : «La rétractation du jugement permet de rétablir
cette situation et ainsi d'intégrer le constat d'infraction
dans l'ensemble des constats.» Bon, par contre, «se demande pourquoi le
poursuivant uniquement peut demander la rétractation
de jugement». Mais vous faites référence aux gens qui ne se présentent pas à la
cour. Il existe déjà, comme vous le savez, une possibilité,
pour le défendeur, de demander une rétractation de jugement.
Ce
qu'on se propose d'ajouter, à l'article 257 du code de procédure... j'allais dire
«criminelle»... du Code de procédure
pénale, c'est plutôt d'ajouter la
catégorie à la demande du poursuivant. C'est dans la catégorie du cas où le
programme est complété.
Donc, ce que
vous nous dites, c'est que vous ne laisseriez pas au poursuivant seul...
Comment est-ce qu'on module ça? Parce que... Est-ce qu'on le
module de façon progressive ou est-ce qu'on... À un moment donné, c'est un
contrat qui se fait,
dans les programmes d'adaptabilité, entre le poursuivant, le ministère
public ou la municipalité et le défendeur. Donc, le défendeur ou le contrevenant peut également
dire, à certain moment donné : Moi, je me sors du programme, c'est terminé, comme le poursuivant peut dire : Je
me sors de notre contrat entre nous deux parce que je considère que tu
n'as pas rempli les conditions pour lesquelles tu étais d'accord
au préalable. Comment est-ce qu'on pourrait moduler ça pour qu'on réponde à
toutes ces préoccupations-là? C'est la page 10 et 11 de votre mémoire,
juste pour vous resituer.
M. St-Jacques
(Bernard) : Bien, en fait,
en lien avec ça, l'idée, je pense, dans tous les cas de figure, c'est... Dans
toute rétractation de jugement, moi, que
j'ai pu voir, c'est qu'il y avait eu un travail, déjà, de collaboration pour
soupeser qu'est-ce que ça représentait. Donc, tu avais un demandeur qui
était présent puis qui avait quand même des démarches à réaliser en contrepartie de la situation et il y avait
aussi un ensemble d'intervenants autour, particulièrement un procureur
aussi qui regardait la faisabilité de la chose.
C'est sûr
qu'à Montréal la façon dont on fonctionne, la rétractation se
fait à la toute fin du processus, ça fait que, souvent, le programme, il est très avancé. On dit : On sait que ces
constats-là sont jugés, on les met sur le «hold». Et c'est à la fin du
processus qu'on fait : Bon, bien, regarde... Reprenons l'exemple
de tantôt. Les 75 à rétracter sont rétractés le même jour où on finalise le programme... ou, en tout cas, où on en
finalise une bonne partie. Souvent, le juge dit : J'accepte la
rétractation et j'accepte le retrait des accusations. Souvent, c'est comme ça
que ça se termine.
Ça fait que
l'idée, c'est d'avoir la plus grande souplesse là-dedans puis c'est de voir
c'est quoi, la place du demandeur dans ça. Ça venait le questionner, justement.
Mme LeBel : O.K. Merci. Je vais
laisser à mes collègues l'opportunité, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Oui. M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : ...Président. Permettez que je préface ma question en vous
disant que, depuis le début de ces audiences... puis on va en parler aussi entre nous après en étude détaillée, qu'on
parle beaucoup du PAJIC, en parlant de l'expérience toute
nouvelle et toute fraîche de Val-d'Or. On a parlé de Québec avec le chef de
police de Québec, entre autres, mais... Ce
n'est pas une invention, mais disons que c'est à Montréal qu'on a réussi, à
partir de l'expérience de la table de
concertation jeunesse itinérance du
centre-ville du réseau d'aide...
c'est long, là, le RAPSIM, en 2003, qu'on a réussi à s'en aller vers sortir des
prisons ceux qui n'avaient pas d'affaire là puis, à la place, les
déjudiciariser. C'est comme ça que je l'ai compris. Puis je l'ai bien
appris, parce que...
Je suis fier de dire que j'ai été bénévole pour la
clinique, parce que j'ai animé une soirée de financement, et, pour ça, j'ai créé une vidéo, j'ai produit une capsule vidéo. Vous
devriez aller voir ça sur le Web. Et je veux leur poser la question parce qu'en faisant cette vidéo je suis allé à la
rencontre des clients, entre guillemets, de la clinique et je me demandais, en
nous écoutant depuis deux jours, si ce
projet de loi là qu'on a devant nous va rendre la démarche facile, plus facile,
plus humaine, plus concrète, plus rapide pour eux. Entre nous, là, puis
les spécialistes, puis tout ça, je comprends très bien qu'ils vont passer au travers. Mais eux, ils ont trouvé ça dur. Ceux à
qui j'ai parlé, ils ont trouvé ça tellement dur, puis ils ont réussi. Je
n'imagine même pas ceux qui n'ont pas réussi. Est-ce qu'on a du bon stock, là,
nous autres, là?
• (17 h 40) •
M. St-Jacques
(Bernard) : Oui, on a du bon stock. Un peu comme je disais tout à
l'heure, il est un peu compartimenté dans
le projet de loi, dont une nécessité d'une souplesse puis une nécessité
d'acteurs ensemble qui travaillent avec la personne.
Il y a aussi
des trucs symboliques, là, qui sont
presque symboliques, puis qu'il faut mettre dans ça, dans l'application,
dans l'approche. On parlait de créativité
tout à l'heure. Une grande force du PAJIC, je vais vous le dire, puis c'est ce
qui impressionne le plus les personnes, c'est que le procureur, il
enlève son gros... il n'est pas habillé comme moi, il est habillé, genre... il est habillé comme son costume
du dimanche normal, comme si, presque, il allait faire ménage, et il arrive
à la Clinique droits devant, et il vient
rencontrer, toute cette journée-là, des personnes, puis il va regarder, avec
eux, leur situation, va soupeser ce qu'il se passe, va avoir tout le
dossier, va essayer de trouver une façon de procéder, de faire un deal, finalement, à la personne. Mais ça se
déroule dans un contexte où on n'est pas à la cour, on n'est dans un milieu
très ouvert, la zone tampon, c'est un peu
notre organisme, mais, en même temps, le tout se passe dans un contexte qui est
beaucoup plus convivial. Ça fait que là, ah! on défait ça, on fait une première
étape, puis, après ça, on peut amener la personne
à la cour pour régler sa situation et la remettre en lien avec le système de justice. Donc, la personne, elle a
trouvé ça dur, mais on a... c'est notre façon de faire qui est
différente qui amène ça.
On a des
approches en lien, mettons, avec les populations autochtones, c'est un peu ça.
Est-ce qu'on peut changer le cadre
formel d'une institution, comme une salle de cour, en se mettant en cercle,
pour régler, par exemple des questions, et en posant... en adressant des
questions qui sont très, très loin, mais... a un intérêt de l'ensemble de la
personne, qui aussi n'est pas directement
tout le temps lié avec l'infraction, mais en lien avec : Ça va-tu mieux?
Ça se passe-tu bien? On est-tu en
train de faire des... Est-ce que ça va mieux? Mais ça, en soi, va constituer
des démonstrations d'amélioration de situations. Puis ça, la personne,
elle va le voir automatiquement, elle va le sentir automatiquement.
Un exemple que je donnerais et qui est très
particulier parce que je sais qu'on aime bien les tranches de vie : C'est deux personnes qui ont fréquenté un organisme
pour jeunes sans abri et qui ont passé une partie de leur vie dans la rue,
ils avaient les mêmes types de constats, et
qui sont devenus un couple à travers le processus, c'est-à-dire, ils se sont
rencontrés un peu, ils ont un peu,
plus ou moins, embarqué dans le processus en même temps, dans le programme. Ils
n'avaient pas... Ils avaient les
mêmes tickets, ils avaient à peu près les mêmes réalités, pas les mêmes
difficultés, là, on n'était pas dans les mêmes niveaux de difficultés. Et, à la fin du programme, ils ont fini le
programme à peu près à trois mois de différence, parce qu'il y avait des petites choses à terminer dans
le cas d'une des deux personnes, l'homme pour ne pas le cacher. Et, à la fin,
bien, lorsque l'homme
a finalisé à la fin, bien, la fille est arrivée, celle qui venait juste de
finaliser, avec leur enfant. Donc, au terme du processus puis de tout ce
temps-là dans la rue, et tout, il y a eu comme une construction qui s'est faite
en parallèle à cette vie-là, et elle était
une démonstration en soi. C'est sûr que l'enfant a impressionné, bien entendu,
et c'est sûr que ça a joué dans le
processus de tout ça. Mais c'est des gens qui sont partis d'excessivement loin,
puis on les a pu voir.
L'autre chose
qui est importante, c'est : nous, on est une porte d'entrée pour ce
programme-là, ça fait qu'on fait un peu, entre guillemets, un tri, c'est-à-dire
qu'on le voit un peu, les gens aussi qui vont être capables d'arriver à un
certain stade puis dire : Regarde, on
peut passer à une certaine étape, et tout. Et là on regarde, avec elle,
qu'est-ce qu'elle veut faire. Puis
souvent on leur dit : Tu peux ne rien faire. Et des fois c'est ça qui
marche. C'est qu'ils peuvent ne rien faire, mais ils sont quand même
venus s'informer sur leur situation judiciaire puis qu'ils reviennent six mois
plus tard et là, aïe! ils sont un petit peu
plus... Là, je suis prêt, là, je suis prête. On peut-tu faire de quoi? Prêt à
quoi? Prêt à faire comme plus de démarches, tout ça, en parallèle? Bien,
nous, on va dire... comme la doyenne, celle qui a inventé notre programme, qui se plaisait à dire : Là, là, tu t'occupes de
toi, nous, on va s'occuper de ta situation judiciaire. On va régler un peu ce
qui est autour, toute la paperasse
qui est nécessaire, mais toi, tu t'occupes de toi. Puis c'est ça quoi veut,
c'est qu'elle s'occupe d'elle.
Ça fait qu'en ayant cette perspective-là, la
personne ne se voit plus comme une criminelle du tout, au contraire. Ça devient comme une démarche en parallèle avec sa
réinsertion sociale globale. Et ça devient presque... en bout de ligne,
je dirais, en bout de ligne, quand on achève, quand ça va, presque un levier,
je dirais.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Avant d'aller plus loin, on a peut-être un petit retard de
quelques minutes, alors j'aurais
besoin d'un consentement pour ajouter un petit cinq minutes maximum à la
séance. Consentement?
Une voix : Oui, consentement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay : Oui, merci
beaucoup. Merci, Mme Fortin, merci, M. St-Jacques, c'est réellement
stimulant, extrêmement intéressant de vous
accueillir puis de vous entendre, honnêtement. Puis vous me faites penser, vous
deux, à la qualification que Michel
faisait du procureur et du juge. Vous faites, vous deux, preuve d'un sincère
humanisme, je pense, parce que vous
faites... Et le témoignage de Michel — nom fictif, mais la personne qui l'aura
vécu — est
extrêmement parlant, et la façon dont vous livrez votre message aussi
est extrêmement parlante.
Et je n'irai
pas, donc, dans des impératifs peut-être un peu plus techniques du projet de
loi. J'aimerais vous entendre sur
deux volets. Et vous êtes sur le terrain des personnes, donc, qui
accompagnez... Un accompagnement social à des personnes en situation
d'itinérance, vous le vivez au quotidien.
Premier des
deux volets, puis je veux laisser du
temps à ma collègue également pour intervenir... Le premier volet, vous avez chiffré, en annexe, le résultat de
pratiques de profilage. J'aimerais ça, vous, cette réalité-là... parce que
vous, c'est une réalité que vous
semblez voir au quotidien presque, en quoi... de quoi parlons-nous ici, de
pratique de profilage que vous constatez sur une base régulière.
J'aimerais ça vous entendre.
M. St-Jacques
(Bernard) : C'est toujours
l'éléphant dans la pièce quand on discute avec les procureurs, ça, faut le
dire, hein? Quand on rentre une personne dans un programme, on n'est pas là...
c'est intéressant, parce que ça nous permet
d'avoir un regard qui n'est pas juste sur les infractions passées mais sur la
situation présente de la personne, mais c'est souvent l'éléphant dans la pièce, ce qu'on n'aborde pas, mais elle
est centrale. Il y a eu... C'est le fait vraiment de rapports dans l'espace public, hein, c'est la
façon de gérer nos plaintes, c'est l'intervenant de première ligne, qui est le
policier, c'est l'institution
policière en elle-même qui est supposée agir comme acteur de sécurité publique
et qui se retrouve prise avec un phénomène social dans la rue, et tout
ça.
Ce qu'on a vu
par là, quand on parle de profilage, c'est un emballement de la situation.
C'est une approche qui, au tournant
des années 90 et 2000, s'est traduite par une remise beaucoup plus
systématique de contraventions. Donc, qui, pour les intervenants qui y ont travaillé, constitue carrément une forme
de ciblage direct de ces types... des comportements spécifiques à ces populations-là. Des
comportements, entre autres, que vous voyez... qui sont des infractions, les
infractions qu'on a à la fin, mais qui, pour nous, sont souvent le fait
de ciblage de ces populations-là.
Il y a eu
beaucoup d'évolution au niveau de nos corps policiers. Ce serait difficile de
le nier parce qu'effectivement il y a eu une évolution, sauf qu'on
continue d'aller dans des principes de revitalisation, souvent, de nos espaces
publics et de nos centres-villes. Donc, des
fois, ce que le policier ne fait pas directement par le profilage, c'est la
transformation de nos lieux qui sont
devenus normalisés, dans certains cas, tellement faits pour M., Mme
Tout-le-monde. Je pense, à Montréal, au
square Cabot, au parc Émilie-Gamelin ou au square Viger où on a eu des lieux
qui étaient fréquentés sur une base régulière par des populations marginalisées. C'est beau de les rendre plus
accessibles à l'ensemble de la population, mais qu'est-ce qu'on fait
avec les populations qu'on...
Pour moi, le profilage, c'est le ciblage des
populations puis c'est les impacts qu'il peut y avoir autour, donc, c'est-à-dire, sentiment d'injustice, possibilité
d'incarcération ou de déplacer ces populations-là qui n'ont plus accès à leurs
ressources d'aide, tout ça. C'est un ensemble de phénomènes où judiciarisation
et profilage se rejoignent.
L'avantage aussi — dernier truc que je
veux dire — c'est
qu'il y a des institutions, puis ça, on le dit dans notre mémoire, qui reconnaissent ça. Je sais que le
ministère de la Sécurité publique, il y a un volet sur lequel il travaille,
c'est sur le profilage racial et
social. Il y a un service de police de la ville de Montréal qui a un plan
stratégique dans la question. Donc,
je pense qu'on ne peut plus nier qu'il y en a. Puis, si on fait des plans, ça
doit être plus que des pommes pourries. On doit avoir un problème un peu... davantage systémique, et il est encore
présent, certainement. Donc, il ne faut pas l'oublier en filigrane, ce n'est pas dans le projet de loi,
mais c'est toujours essentiel dans nos discussions puis dans nos discours quand
on aborde la question de la judiciarisation puis des programmes qui existent.
M. Tanguay : Et ça, je
peux vous le dire, que... puis je pense que vous nous rappelez également,
au-delà du projet de loi n° 32, avoir une approche concertée de tous les
intervenants... Moi, dans mon comté, LaFontaine, c'est Rivière-des-Pairies. À Rivière-des-Pairies, il y a
des intervenants de rue, équipe RDP, qui, à l'école secondaire Jean-Grou,
où 80 % des jeunes qui sont là ont des parents ou des grands-parents d'origine
haïtienne... il y avait des problématiques réellement
marquées à Jean-Grou, il y en a toujours, il y a toujours des défis, jeune
délinquance, et ainsi de suite. Et le fait d'avoir identifié des leaders parmi le groupe, l'approche équipe RDP,
l'approche également poste de quartier 45, policiers
communautaires, il ne faudra jamais le perdre, ça, parce que c'est, justement,
avoir une crédibilité face aux personnes, d'avoir...
de s'installer et d'intervenir en ayant une crédibilité, une réception minimale
de la personne à laquelle tu t'adresses plutôt que d'arriver avec tes gros sabots en disant : Bien, moi, je
suis policier — puis
je ne vise personne — puis
ça va être un constat d'infraction. Puis là, là, on acerbe le problème.
J'aimerais
vous entendre, puis on a peu de temps, puis on n'en a pas parlé jusqu'à
maintenant, puis je pense que c'est
important que ça soit verbalisé, puis vous allez me dire jusqu'à quel point
c'est le cas, on dit, bien : Oui, c'est important d'avoir des programmes qui vont faire en sorte que
la personne n'ira pas en prison notamment pour des dettes, des amendes non payées. Quel est l'impact d'une peine de
prison chez une personne qui pourrait faire l'objet d'un profilage quel est...
puis de toute personne? Il n'y a pas là...
Comment est la personne au sortir d'une sentence, que ce soit quelques jours,
quelques semaines? J'imagine que ça,
ça ne participe pas d'une réhabilitation, à moins que j'aie tort, là, mais
c'est... on vient de la stigmatiser
encore plus puis on vient de la renfoncer encore plus. Donc, quand on
dit : Oui, il y a des coûts, puis tout ça... mais, au-delà de ça, il doit y avoir un impact
humain. Aïe! Je sors de prison, là, je veux dire, je... J'aimerais vous
entendre là-dessus, là, s'il vous plaît.
• (17 h 50) •
Mme Fortin
(Véronique) : Les recherches
de Céline Bellot, Marie-Ève Sylvestre ont documenté ça, donc, par des
entrevues avec des personnes qui avaient des dossiers judiciaires importants
puis qui avaient... qui faisaient face à l'emprisonnement
pour non-paiement d'amendes, mais donc les effets, donc: déracinement d'un
milieu par une période en prison,
perte d'un appartement, si jamais il y
avait eu un rétablissement, perte d'un
emploi si on était... Et souvent l'emprisonnement
pour non-paiement d'amendes arrive des années plus tard, après le constat
d'infraction, et donc perte de plusieurs
acquis. Et, même juste la menace planant d'une demande d'emprisonnement pour
non-paiement d'amendes est un frein au rétablissement, parce que pourquoi
je me trouverais un appartement? De toute façon, je suis mandat. Pourquoi je me trouverais une job? De toute façon,
je vais le perdre, parce qu'il va falloir que j'aille en dedans pour trois...
Et c'est des cycles, hein? Parce que
tous les mandats n'arrivent pas en même temps. Donc, un cycle, on va deux,
trois semaines, on sort, on rentre, donc... Il y a un autre mandat qui est
émis à un moment donné. Donc, ça a un effet... et sans compter
l'effet, sur la personne, anxiogène, de
stress important, de découragement. Donc, ça a un effet extrêmement néfaste sur la personne, l'emprisonnement
comme tel et la menace d'emprisonnement. Ce qui fait en sorte que nous, on est basés à Montréal, la Clinique
droits devant, et, pourtant, quand il
y a des constats d'infraction qui ont
été reçus dans d'autres villes, on tente de s'en occuper le plus vite possible, parce que le mandat
d'emprisonnement va nier toutes les démarches qu'on pourrait faire à Montréal.
Et donc c'est fondamental, l'effet néfaste que l'emprisonnement pour
non-paiement d'amendes a.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Oui?
M. Tanguay : Oui, ma collègue
de...
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Écoutez, votre enthousiasme, votre passion vous... je pense que vous l'avez tellement bien transmis — vous
êtes le dernier groupe aussi à nous parler, donc, sur les deux jours d'audience — j'apprécie beaucoup, puis une compréhension profonde, évidemment, de
l'interaction entre ces personnes vulnérables, vulnérables pour toutes sortes
de raisons, et un certain jugement que la société porte sur ces personnes, une
certaine intolérance à ces différences, c'est un peu ça, et incapacité d'un système... Bien,
incapacité! Le système de justice fait quand même bien, là. Le système de
justice n'est pas insensible. Et je pense que vous le dites bien : C'est
encourageant de voir un projet de loi qui essaie vraiment que la
société, le gouvernement et nous, les législateurs, on est intéressés à rendre
la vie meilleure.
Alors, je
vais peut-être vous amener sur les conditions de succès. Vous touchez aux
conditions de succès dans votre conclusion,
des éléments essentiels pour que ça fonctionne. Il y a financement, études.
Vous ne parlez pas de tolérance, mais de sensibilité aussi, beaucoup, dans tous
les acteurs du système. Puis il y a une évolution. Je serais très curieuse de
voir qu'est-ce qu'il s'est passé à la fin
des années 90 pour qu'il y ait eu cette tendance vers la judiciarisation,
mais je ne pense pas qu'on aura le temps. Alors, les conditions de succès. En
vous inspirant un peu de votre conclusion, vous parlez de l'implication
essentielle des groupes communautaires dans l'évolution de ce type de programme...
bien, programme... de cette loi et des programmes qui vont en découler.
Peut-être vous entendre là-dessus.
M. St-Jacques (Bernard) : Je
veux juste dire, puis ça ne va froisser personne, je suis ni intervenant...
Le Président (M.
Bachand) : ...juste une minute, une petite minute.
M. St-Jacques
(Bernard) : ...ni juriste. J'ai étudié en sciences politiques, donc,
je peux parler dans les deux sens. Et
je pense qu'il y a un manque d'expertise et de partage d'expertises. Et, même,
à Montréal, il est encore très, très, très problématique. Je crois qu'un
procureur ou un agent de perception ne peut pas mesurer tout seul ce qu'une
personne fait, et la réalité de
l'itinérance, qu'est-ce que ça peut représenter, un peu de la même manière que
ma collègue a très bien exprimé, les
effets et le risque d'emprisonnement, ce que ça crée chez les personnes, et
tout ça, de la même manière que je me trouve toujours un peu entre l'arbre et
l'écorce à devoir expliquer aussi à des intervenants les impératifs de la cour
et les impératifs judiciaires. Donc, ça prend des intervenants et des gens qui
sont capables de travailler aux frontières des deux ou qui ont envie de travailler, à voir, à mesurer... pas à mesurer,
à vraiment... qu'on puisse vraiment voir la réalité vécue, tenir compte d'où on en est la personne, puis de
quel cheminement on peut réussir à faire de façon intelligible puis de façon
que ça serve un peut tout le monde et surtout pas le voir dans un principe de,
je vous dirais, de... puis c'est... il ne faut plus le voir comme une peine, il faut le voir comme
accompagnement dans un processus puis que la... sinon, la personne, elle va
encore... ah! j'ai encore des raisons de me
sentir responsable de ce que j'ai fait. Ce serait dire que c'est des facteurs
criminogènes sur lesquels on s'appuie alors qu'on est sur des
infractions tellement bénignes.
Le Président
(M. Bachand) : Un très court commentaire, Mme la députée.
Un très court commentaire.
Mme Weil :
Dans votre expérience ou dans le travail que vous faites, est-ce que vos
intervenants, vous l'avez... sont en interaction avec le système de justice?
Est-ce qu'il y a un... ou les municipalités, etc.? Est-ce qu'elles sont en lien
avec des institutions?
M. St-Jacques (Bernard) : Oui,
constamment, c'est eux qui convainquent les procureurs de la validité des
différentes interventions, des différentes démarches qu'ont réalisé les
personnes puis quel cheminement elles ont fait là-dedans.
Le Président
(M. Bachand) : Merci infiniment. M. le député de Gouin,
s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Bonjour.
Merci d'être avec nous cet après-midi. Je pourrais vous poser des questions sur
plusieurs éléments, mais j'ai peu de temps.
Je vais me concentrer sur un aspect qui m'a semblé important, puis on n'en pas
tant entendu parler que ça, donc je trouve ça pertinent de vous poser des
questions là-dessus spécifiquement.
Vous avez
parlé du fait qu'actuellement le projet de loi prévoit que la rétractation de
jugement se fait... une des conditions, c'est lorsque le programme... est
lorsqu'on a complété le programme aux conditions qui étaient fixées, et vous avez semblé — en tout cas, c'est ce que j'ai compris de
vos propos — suggérer
que l'on puisse assouplir ça, dans le projet de loi, pour qu'il y ait possibilité de rétracter les jugements, disons,
au cours de l'accomplissement du programme. Donc, peut-être y aller avec une formulation plus
générale sur dès qu'il y a une participation puis des premiers résultats, qu'on
puisse, comme mesure de renforcement
positif, appelons ça comme ça, d'encouragement ou d'incitation, déjà venir
rétracter des jugements au cours du
parcours. Pouvez-vous m'expliquer, concrètement, là, si on effectuait un
changement comme ça dans le projet de loi, qu'est-ce que ça changerait
sur le terrain pour vous.
M. St-Jacques
(Bernard) : Mais, pour en revenir
à votre question spécifique,
on le fait dans le cas de petits constats. Quand une personne n'a pas un trop gros cheminement à faire, on va pouvoir le faire. Si elle a beaucoup,
beaucoup de constats, on ne pourra pas annuler nécessairement
une dette de 12 000 $ d'un coup. Il va falloir voir le cheminement
qu'elle fait, on va déjà pouvoir faire des rétractations en cours de
route. Mais, en général, on procède souvent en bout de ligne.
À Val-d'Or,
on essaie de regarder les choses différemment, un peu de voir si on ne peut pas
l'inclure à plusieurs étapes du
processus. Peu importe quelle approche qui est prise, c'est
la force de la rétractation de jugement, c'est de dire : Je reviens avant
le jugement et je peux regarder et maîtriser, avoir une posture plus globale
sur l'ensemble de la situation. C'est
ça qui va être fort pour la personne puis qui va pouvoir lui servir en bout de
ligne et lui enlever le poids de la dette potentielle qu'elle a. Mais, en même temps, on comprend aussi que le système
judiciaire doit se protéger aussi, puis dire : Bien, on ne veut pas le faire dans n'importe quel cas, et tout
ça. C'est pour ça aussi qu'on établit un programme, un cadre dans lequel on
fonctionne, et tout. Mais ce n'est pas de donner une sentence bonbon, que
d'enlever des rétractations de jugement. Non, c'est une mesure de reconnaissance des choses qu'elle a déjà
effectuées ou qu'elle va effectuer tout au long de son programme, c'est
une force majeure, et le déploiement de ça, de l'avoir dans un projet de loi va
encourager.
À Montréal,
ça se fait quand même assez déjà. À des endroits comme Val-d'Or, on l'a déjà
appliqué même avec créativité. Là, ça va avoir donné une impulsion à d'autres
villes de le faire et où il y a beaucoup de choses encore à faire.
Mme Fortin (Véronique) : Je
dirais juste: Rétractation accompagnée du retrait. Donc, il ne s'agit pas juste
d'enlever le jugement, là, puis de remettre le constat, là, c'est-à-dire
rétractation et retrait.
M. St-Jacques (Bernard) : En
bout de ligne, c'est pour le retirer.
Le Président (M.
Bachand) : ...M. le député?
M. Nadeau-Dubois : Non, c'est
beau. Merci. C'est beau pour moi.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Mme la
députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Oui. Merci beaucoup. Très intéressant en effet. Donc, j'aurais plein de
questions, mais je voulais juste... vous
avez apporté l'idée... bien, l'expérience où vous disiez : Là, des fois,
on essaie de motiver la personne, ou tout ça. Mais là il y a d'autres
municipalités où il y a d'autres constats avec un risque d'emprisonnement.
Donc, comment vous faites, dans des cas
comme ça, concrètement, pour essayer de coordonner? Parce que j'avais comme
l'impression que vous disiez : On va entrer en contact avec les
autres...
Première
question, vu que j'ai 2 min 40 s, je vous les pose en rafale. La
deuxième, c'est : Est-ce qu'il y a des choses qu'on devrait mettre dans le projet de loi, des
éléments, je dirais, fondamentaux, mettre quelque... un certain encadrement
dans le projet de loi pour favoriser la réussite ou laisser une complète marge
de manoeuvre aux instances, aux municipalités qui mettent les programmes
en place?
• (18 heures) •
M. St-Jacques
(Bernard) : C'est deux grosses questions, je vais essayer de
répondre... Hein? Oui, je vais essayer de
répondre très rapidement à la première. D'abord, ce qu'on fait, en général, on
prend ce qui est possible : prendre une entente de paiement, prendre une entente de travaux compensatoires,
atténuer. Déjà, déployer des programmes va nous permettre d'avoir, peut-être,
une ouverture d'esprit. Pas qu'ils sont méchants, les percepteurs dans les
autres villes, mais, tu sais, ils n'en connaissent pas toujours les
réalités, de l'itinérance. Et il y a une sensibilisation à développer. On le
fait au quotidien à Montréal, ça fait
qu'imaginez dans d'autres villes. Le déploiement de programmes en tant que tel
va changer la vision des choses des
différents acteurs, puis c'est déjà commencé. Tu sais, Val-d'Or, c'est une
grande réussite de partenariat, justement, avec nous, un partage
d'expertises avec une réalité autochtone là-dedans aussi.
Chibougamau, actuellement, flirte avec l'idée,
son conseil municipal, d'adopter une résolution dans les deux prochains mois, peut-être, si tout va bien, pour
arrêter l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Évidemment que ça va
s'accompagner de... On va essayer de développer des mesures qui sont faites
ensemble, mais l'impulsion du projet de loi va aller vraiment, je pense,
au-delà des très petits moyens qu'on a ailleurs.
Mais, oui,
des fois, on est obligé quand même de dire : On va aller quand même
t'aider à aller prendre une entente de
paiement, on va peut-être même la rapatrier à Montréal, puis on va t'embarquer
sur le PAJIC à Montréal. Mais, à un moment
donné, c'est là qu'il va être intéressant, c'est quand on va travailler dans
deux villes avec des programmes différents. Comment on va les faire cohabiter
ensemble? Aïe! Ça peut être vraiment tripant.
Mme Fortin (Véronique) : ...question
de la flexibilité, je pense qu'il faut — c'est dans les remarques
préliminaires — mettre
la personne défenderesse au coeur de tout ça, donc à chaque fois que, dans le
projet de loi, on peut écrire «de concert
avec la personne», ou «en partenariat avec la personne», ou «avec le
consentement de la personne», donc...
Bien, le consentement est toujours là, là, mais c'est fondamental que la
personne soit incluse dans l'appréciation de c'est quoi les conditions du programme, c'est quoi les mesures, c'est
quoi la complétion, comment on interprète la complétion. Donc, un maximum de flexibilité, parce que les
situations ne sont pas les mêmes, mais, dans le projet de loi, il faut que
la personne soit au coeur de ce programme-là. C'est l'adaptation du système de
justice à sa situation.
M. St-Jacques (Bernard) : Puis
dans le changement au niveau projet de loi, puis je finis juste là-dessus,
c'est : Est-ce qu'il y a moyen de
mettre qu'il faut travailler en collaboration? Parce que, tu sais, on
voit : le poursuivant peut faire ça,
l'exécuteur des jugements peut faire ça. Mais non. Il y a un travail au
continu. Est-ce que ça peut être présent? Ça, essayez peut-être de voir jusqu'à quel point on ne peut
pas l'immiscer, cette espèce de principe de collaboration entre les personnes,
qui a été abordé quand même pas mal dans les
deux derniers jours. Ça fait que ça puis la place réservée à la personne, ne
la mettre quand même pas juste au coeur,
dans le sens que c'est le laboratoire, mais qu'elle fait partie de la décision
de ce qui doit être pris, puis de quelle façon on travaille en
collaboration pour la mise en place de ces programmes-là. Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Sur ce, encore une fois, au nom de la commission, merci de
votre participation, très vivante, très intéressante. Surtout en fin de
journée, c'est très apprécié.
Mémoires déposés
Alors cela
dit, avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des
organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.
Sur ce, la commission ajourne ses travaux. Merci
beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 02)