(Quinze heures quarante-quatre
minutes)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci
beaucoup.
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît! Je demanderais un peu le silence,
s'il vous plaît, à la commission! Merci beaucoup.
Alors, grand plaisir de vous retrouver. Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je souhaite la bienvenue et
je demande à toutes les personnes, bien sûr, dans la salle de vouloir éteindre
la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 32, Loi visant principalement à favoriser l'efficacité de la justice
pénale et à établir les modalités d'intervention de la Cour du Québec
dans un pourvoi en appel.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Fontecilla
(Laurier-Dorion) est remplacé par M. Nadeau-Dubois (Gouin) et
M. LeBel (Rimouski) est remplacé par Mme Hivon (Joliette).
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Cet après-midi, nous débuterons par les remarques préliminaires
puis nous entendrons les groupes suivants, soit L'Association des groupes
d'intervention en défense des droits en santé mentale
du Québec, la Coalition pour l'accès à l'aide juridique et l'Association des
procureurs de cours municipales du Québec.
Remarques préliminaires
Nous en
sommes donc aux remarques préliminaires. J'invite maintenant la ministre à
prendre la parole pour ses remarques préliminaires. Vous disposez de
5 min 34 s. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme Sonia LeBel
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour à tous. Merci d'être présents aujourd'hui pour ce que
je considère comme un important
projet de loi en
matière d'efficacité du système de justice et l'efficacité particulièrement du
système de justice pénale.
Le projet de
loi qu'on vous présente aujourd'hui, M. le Président, comporte plusieurs
types de mesures, entre autres des
mesures d'adaptabilité du système de justice. L'un des principaux objectifs du
projet de loi, donc, est de briser ce qu'on appelle le phénomène des portes tournantes pour les clientèles les plus
vulnérables, et c'est la partie, je dois dire, qui me tient particulièrement à
coeur dans ce projet de loi là. Il propose diverses mesures qui permettent de
tenir compte de la situation sociale
de ces défendeurs. Qu'on parle de situation de toxicomanie, qu'on parle de
situation de troubles mentaux ou
qu'on parle de situation d'itinérance, je pense que c'est important de fournir
à ces gens-là une alternative au système judiciaire et de bien les
accompagner pour bien rencontrer leurs objectifs.
Cette
solution va donc offrir à ces clientèles vulnérables là, M. le Président,
l'opportunité de se prendre en main et d'avoir une chance, justement, de se
sortir de cette espèce de cercle vicieux là que, parfois, bien malgré lui, bien
mal outillé, le système judiciaire crée pour ces personnes vulnérables.
Le projet de
loi propose également, donc, de bonifier le système d'aide juridique en
parallèle de tout ça pour faire en
sorte que la prestation de certains autres services juridiques entraîne
également... soit défrayée par l'aide juridique, et qu'on permette notamment d'empêcher la
judiciarisation de certaines infractions, et d'ajouter l'ajout de services
d'accompagnement dans un contexte,
justement, de déjudiciarisation. Donc, on pourrait travailler un petit peu en
amont, également, du système judiciaire. Et je pense que, pour
l'efficacité de la justice pénale, c'est très important également, M. le
Président.
Dans un autre
ordre d'idées, les mesures législatives proposées vont favoriser également le
recours aux nouvelles technologies de
l'information. L'objectif est donc de faciliter le travail des intervenants
judiciaires et surtout d'améliorer la rapidité des procédures. Plusieurs
mesures visent à faire... à cet objectif, entre autres la possibilité de
transmettre, par ailleurs, à titre
d'exemple, des documents sous forme numérique ou la possibilité pour un agent
de la paix de pouvoir demander à un juge l'émission d'un télémandat sans devoir
tenir compte des circonstances particulières et de la distance à parcourir. Je dois dire que ce sont des mesures
qui, pour rassurer la population, existent déjà en matière criminelle, et c'est
pour réadapter le système de justice pénale
qu'on veut avoir ces mesures-là, qui ne sont pas nouvelles, qui ont été
éprouvées par les tribunaux.
Le
projet de loi prévoit également de nombreuses mesures afin d'optimiser le
système de justice pénale dans son ensemble,
M. le Président. Je n'en ferai pas toute la nomenclature, on aura la chance
d'en discuter au cours des consultations avec les différents groupes concernés, à l'étude article par article
également. Et, par celles-ci, on compte sur l'élargissement de certains pouvoirs d'enquête des agents de la
paix. En effet, ces derniers auraient, entre autres, la possibilité d'obtenir
du tribunal un mandat général, à
titre d'exemple, afin de mettre en oeuvre des techniques d'enquête. Encore une
fois, ce sont des mesures qui sont
connues des policiers, qui sont connues du système de justice parce qu'elles
sont applicables, elles ont une application en matière criminelle, et on
va y trouver une application en matière pénale.
Donc, le
projet de loi prévoit également l'ajout de deux postes de juge à la Cour du
Québec. C'est un ajout important. Ces postes seront situés dans le
Nord-du-Québec afin de mieux répondre aux besoins particuliers des communautés autochtones en matière de justice.
Ça, c'est un
bref aperçu, M. le Président, dans le temps qui m'est imparti, pour vous
présenter un peu ce à quoi le survol
de ce que le projet de loi entend couvrir, et je crois fermement que ces
mesures proposées auront une véritable retombée sur l'efficience du
système de justice et également sur la réduction des délais judiciaires, M. le
Président.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci infiniment. Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine, qui est
aussi porte-parole de l'opposition officielle, pour une durée de
3 min 43 s. M. le député, s'il vous plaît.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je suis très heureux de vous retrouver.
Ça faisait un petit bout de temps qu'on n'avait pas travaillé ensemble. Alors,
heureux de pouvoir travailler et oeuvrer sous votre présidence. Vous me permettrez de saluer Mme la ministre de la
Justice, qui est accompagnée des collègues de la banquette ministérielle.
Et,
également, vous me permettrez de saluer, M. le Président... et je suis très
fier d'avoir comme collègue ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce, qui est à ma gauche, qui va nous épauler dans ce
travail-là avec son éclairage, qui a notamment, à travers son passage, a
notamment été, elle aussi, ministre de la Justice, et il sera toujours
intéressant... Femme de bon jugement, bonne
connaissance juridique et aussi qui a eu, à une certaine époque, cette
responsabilité, et qui... et nous permet de peut-être faire des analogies et
peut-être de marquer le chemin qui a été parcouru depuis, et aussi de cibler
des mesures qui se retrouvent dans le projet de loi et qui découlent,
pour plusieurs d'entre elles, du projet de loi n° 168
qui avait été déposé en 2017 par la
précédente ministre de la Justice et qui s'inscrit dans la suite de la
stratégie d'action gouvernementale visant
à contribuer à la réduction des délais en matière criminelle et pénale rendue
publique en décembre 2016. Et donc on s'inscrira en continuité.
Vous me
permettrez également de saluer mes collègues des autres oppositions et le
collègue député indépendant de Chomedey.
Nous voulons donc que, par des règles de
procédure, la justice soit plus efficace. Mais un fait demeure, M. le Président, si nous sommes tous égaux en droits
devant la loi, la vie ne donne pas, parfois, les mêmes opportunités, et nous
voulons être en mesure de s'assurer que la justice soit adéquate.
Et ce qui est
présenté dans le projet de loi qui est devant nous, M. le Président, projet de
loi n° 32, nous allons d'abord entendre les groupes, très
heureux de les accueillir à leur Assemblée nationale, nous aurons l'occasion de
déposer des amendements, le cas échéant, et des questionnements, des
bonifications quant au projet de loi, parce que nous devons nous assurer
que ça se fasse dans le respect des droits de chacun et de l'intérêt général.
Voilà, M. le Président.
• (15 h 50) •
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le député. Je cède maintenant la parole à la députée de
Joliette pour une courte intervention de 56 secondes. Mme la
députée, s'il vous plaît.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon :
Oui. Alors, je vais dire tellement de choses en 56 secondes. Alors, je
vais vous dire bonjour, je vais dire bonjour à la ministre et aux collègues,
remercier les groupes qui vont venir devant nous. Je suis très heureuse d'avoir
la chance de travailler sur ce projet de
loi, qui m'apparaît très important, parce que je pense que la justice pénale
comme la justice de manière générale
a besoin d'un bon coup de barre et elle doit s'adapter à des réalités de plus
en plus complexes qui, souvent, se situent à la frontière entre la justice et
le social, les enjeux sociaux, et je pense que c'est ce qui va être au
coeur de nos travaux, notamment, mais il y a
énormément d'enjeux, des enjeux d'accès à la justice, qu'il va être aussi très
important de regarder à travers ce
projet de loi, qui est un peu un omnibus, donc qui va vraiment toucher à
beaucoup de sujets. Alors, j'offre toute ma collaboration pour la bonification
du projet de loi, parce que je pense qu'il a des bonnes choses, il a des
choses à améliorer, comme toujours. Alors, voilà, M. le Président. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée de Joliette. M. le
député de Chomedey, pour 51 secondes.
M. Guy Ouellette
M. Ouellette : Bien, je vais commencer, M. le Président,
distingués invités... Je pense que ça couvre tout le monde, parce qu'en 50 secondes il faut faire le tour
rapidement. Merci d'être avec nous et de venir nous éclairer sur certains
besoins particuliers qu'il y a à l'intérieur
du projet de loi. Et je vais tout simplement faire écho à une remarque que Mme
la ministre, qui est assurée de notre collaboration, a
faite tantôt : Ce n'est pas parce que ça existe en matière criminelle
qu'on n'aura pas certaines questions à poser, parce qu'il y a des ratés en
matière criminelle sur certains des articles du projet de loi qui est
devant nous aujourd'hui, et on devra s'assurer que les droits des citoyens sont
protégés. Merci, M. le Président.
Auditions
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment, M. le député. Je
souhaite donc la bienvenue aux représentants de
L'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale
du Québec. Je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter et à débuter votre exposé. Encore une fois, bienvenue. À vous la
parole.
L'Association
des groupes d'intervention en défense de droits
en santé mentale du Québec (L'AGIDD-SMQ)
M. Moreau
(Claude) : Claude Moreau, président de L'Association des groupes
d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec.
Mme Provencher
(Doris) : Doris Provencher, je suis la directrice générale de la même
association.
M. Moreau
(Claude) : D'abord, j'aimerais remercier... j'aimerais saluer Mme la
ministre LeBel, M. le président ainsi que les membres de la
commission, remercier de votre accueil.
L'Association des
groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec a pour
mission de lutter pour la reconnaissance et
l'exercice des droits des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé
mentale. Ces droits sont fondés sur des principes de justice sociale, de
liberté et d'égalité qui sont ceux de toute personne citoyenne. Fondée en 1990, L'AGIDD-SMQ est administrée
majoritairement par des personnes vivant et ayant vécu un problème de
santé mentale.
D'abord,
nous ne sommes pas des avocats. Nous voulons vous présenter les impacts de ce
projet de loi... qui pourrait avoir
sur les personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale. Nous ne
sommes pas des experts de la mécanique des applications de la justice
telle que présentée dans ce projet de loi.
Quand
l'efficacité nuit aux droits. Après le renforcement de la sécurité, l'argument
pour faciliter l'efficacité de la justice pénale vient à son tour placer
les droits de la personne en bout de course. Le projet de loi n° 32 nous
questionne sérieusement sur les impacts
profonds que les modifications au Code de procédure pénale auront sur les
personnes qui vivent ou ayant vécu des problèmes de santé mentale. Tout
en comprenant que les procès doivent être instruits dans un délai raisonnable et que les victimes et le public
doivent retrouver confiance en la justice, il est aussi important que la
personne accusée soit certes jugée dans un délai raisonnable, mais
également que ses droits soient protégés.
Or, ce projet de loi
propose certaines modifications entraînant un sérieux doute sur le respect des
droits de la personne, notamment étendre l'utilisation du télémandat,
télémandat d'entrée, télémandat général, fouille, perquisition et saisie, restreindre l'accès ou la communication
de certains documents ou en interdire
la communication, l'ajout du mandat d'entrée et du mandat général. L'AGIDD-SMQ s'attardera davantage à deux modifications que le projet de loi propose : l'utilisation de tout moyen technologique et ensuite la mise en place du
programme d'adaptabilité des règles relatives à la poursuite.
Quand
la technologie pallie les manques de la justice. Plusieurs articles du projet
de loi font référence à l'utilisation de
tout moyen technologique approprié qui est disponible et privilégie cette voie
pour l'application du Code de procédure pénale. Même si cette possibilité
existe déjà dans l'actuel Code de procédure pénale, en faire une priorité peut
entraîner des désavantages pour la personne poursuivie.
L'élargissement
du mode de signification prévu dans le projet de loi, article 4 du projet
de loi, établit que tout moyen approprié peut être utilisé et peut maintenant
être aussi fait par messagerie, par autre porteur ou par un avis public.
Comment s'assurer que le destinataire réel
recevra la signification dans la mesure où, quel que soit le mode de
signification utilisé, le destinataire qui accuse réception de l'acte de
procédure qui reconnaît l'avoir reçu est réputé avoir reçu signification
de cet acte? Que signifie «endroit
approprié» dans la mesure où, «si l'acte de procédure ne peut être remis, celui
qui fait la signification constate ce
fait avec l'indication du lieu, de la date et [...] l'heure et laisse l'acte de
procédure dans un endroit approprié, sous pli cacheté ou ou sous une
autre forme propre à en assurer la confidentialité. La signification est
réputée avoir été effectuée à cette date,
sauf si une peine d'emprisonnement est réclamée pour la perpétration d'une
infraction»?
Il
est également utile de rappeler l'existence de la fracture numérique,
expression décrivant les inégalités dans l'accès aux technologies de
l'information et de la communication, leur utilisation et leur impact.
La
comparution. Notre expérience dans le domaine de la santé mentale nous a démontré
que les personnes sont peu présentes
à la cour lors de procédures qui touchent pourtant leurs droits
fondamentaux : Cour supérieure pour les autorisations judiciaires de
soins, Cour du Québec pour les gardes en établissement, Tribunal administratif
pour les recours. Une consultation réalisée
auprès de nos membres nous a indiqué que la visioconférence ou téléaudience est
utilisée dans sept régions du Québec sur
11, notamment pour les auditions concernant la loi P-38.001, les autorisations
judiciaires de soins et celles du Tribunal administratif du Québec.
Certains
groupes et personnes concernés apprécient cette nouvelle technologie, d'autres
favorisent l'échange direct entre le juge et la personne, particulièrement en
cas de témoignage et pour favoriser le droit de présenter une défense
pleine et entière. Des lacunes existent en
ce qui a trait à la dimension relationnelle et communicationnelle, et plusieurs
personnes préfèrent bénéficier d'un contact direct avec le juge dans un
lieu impartial, neutre, soit le palais de justice.
Recommandations
au niveau de la signification, L'AGIDD-SMQ recommande que le projet de loi
tienne compte de la fracture numérique, s'assure que la signification parvienne
au destinataire réel et que son droit à la confidentialité soit
respecté. Les articles 7, 8, 10 et les articles concordants ne
garantissant pas ces trois conditions doivent être retirés.
La
comparution. L'AGIDD-SMQ recommande que la présence de la personne accusée soit
la règle générale pour une comparution. Toutefois, la visioconférence peut être
utile dans certains cas, mais celle-ci doit, d'une part, faire l'objet
du consentement de la personne accusée et doit procurer un avantage à celle-ci.
• (16 heures) •
Mme Provencher
(Doris) : Oui. Alors, il
reste combien de temps? Juste pour... Bon! Oh! un gros quatre minutes.
Alors, les
fameux systèmes parallèles. Vous
savez, au niveau de la santé mentale, ça fait depuis 2008 qu'il y a des tribunaux. Ils s'appellent les programmes
d'accompagnement justice, santé mentale, les PAJ-SM, parce qu'avant au début
ça s'appelait les tribunaux en santé mentale, mais ça a changé de nom.
Alors, c'est
à la cour municipale de Montréal que la première expérience a lieu. Depuis, il
y a plus d'une dizaine de villes où
on retrouve ce type de programme d'accompagnement justice. Au tout début, quand
ils avaient commencé ce projet, à
Montréal, on avait plusieurs questions qui nous étaient venues. Entre autres,
on se demandait... puis, malheureusement, ça a été confirmé, pour que
les personnes puissent bénéficier de ces programmes, il y avait deux conditions
préalables. Il fallait que, un, ils
acceptent leur diagnostic et, de deux, qu'ils acceptent de prendre la
médication qui était prescrite. Et effectivement il y a eu une recherche
qui a vraiment démontré que c'étaient vraiment ces deux points-là qui étaient
les deux premiers points identifiés.
L'idée est
bonne, l'idée est d'éviter, effectivement, que les personnes qui se retrouvent dans... plus
dans la procédure juridique et
judiciaire, sauf que, dans les faits, les personnes se retrouvent sur des programmes,
et qui peuvent durer plusieurs
années. Et ce que j'ai entendu aussi
dernièrement, ça ne veut pas dire que, nécessairement, il y a tout l'ensemble des intervenants qui sont disponibles sur le terrain.
Donc, les gens se retrouvent dans une espèce de vide. Ça fait en sorte, oui,
que les gens peuvent avoir accès à des services, mais dans un cadre bien
précis.
On sait qu'il y a des endroits où c'est appliqué
plus de manière... on travaille vraiment avec la personne à partir de ses besoins réels et, dans d'autres endroits,
bien, on décide beaucoup, beaucoup. On travaille beaucoup pour le bien de la
personne, hein? En santé mentale, c'est quelque chose qu'on voit souvent, de
travailler pour le bien de la personne. Donc, c'est des processus, des
fois, qui peuvent être plus longs que s'ils étaient passés par le système
normal, surtout quand c'est une première offense.
Dans ce contexte, que le projet de loi ajoute une
section qui parle... qui veut introduire cette façon de faire ou ces programmes d'adaptabilité, bien, nous, on se questionne par
rapport à ça vraiment beaucoup. De un, la participation au programme,
ça peut entraîner le retrait d'un ou de plusieurs chefs d'accusation.
Ça, ça va, mais les infractions ou catégories d'infractions sont prévues par règlement. Donc, on ne sait pas trop qu'est-ce qui va être vraiment
prévu. Il est difficile de se prononcer sur ce programme parce qu'on ne
l'a pas. Ça va être fait par règlement.
Comme je disais, son objet est louable, mais qui va être impliqué dans
des démarches d'éducation, de sensibilisation, de prévention et d'intervention?
Comment s'assurer que le poursuivant... parce qu'il est nommé que le poursuivant, il peut retirer les chefs d'accusation ou demander la
rétractation du jugement à certaines conditions. Qui va décider de ces
conditions? Comment ça va être établi? C'est quoi, l'intérêt réel de ce
programme pour la personne? Quelle garantie elle va avoir dans la mesure où son offre doit être dans
l'intérêt de la justice? Quels sont les liens entre les mesures alternatives
qui sont prévues au programme et les travaux compensatoires lorsque le
projet de loi l'indique, particulièrement à l'article 50 du projet de loi?
Bien sûr
qu'il y a des pour et il y a des contre aussi. Donc, on a des questions. Vous
savez, le premier programme PAJ-SM en
2008, on avait demandé une coalition d'organismes communautaires, qu'il y ait
une évaluation du programme avant d'aller plus loin. Elle a été faite,
l'évaluation, mais les programmes commençaient déjà à s'étendre dans plusieurs
villes... dans plusieurs villes.
Le Président (M.
Bachand) : Bien désolé de vous couper, parce qu'on est très
serrés dans le temps.
Mme Provencher (Doris) : Je le
sais.
Le Président (M.
Bachand) : D'ailleurs, plusieurs ont des engagements à
18 heures, donc on ne peut pas aller au-delà
de 18 heures. Donc, on est en train de calculer le temps pour... On va
répartir ça équitablement entre l'ensemble des membres de la commission.
Parfait?
Alors, cela
dit, nous sommes maintenant rendus à la période d'échange. Alors, Mme la
ministre, vous avez pour à peu près 15 minutes de période d'échange
avec nos invités. Merci beaucoup.
Mme LeBel : Bien, merci, M. le
Président. Mais merci surtout de votre présence et merci de votre contribution à cette réflexion. Je pense que c'est important
d'en parler et je pense que c'est important de réfléchir, justement, à comment
on peut mieux adapter le système de justice
à certaines personnes qui sont vulnérables, dont les personnes que vous
représentez par votre présence ici puis par vos commentaires.
De façon très
générale, vous avez fait plusieurs... vous avez fait d'autres remarques
préliminaires sur, bon, l'ajout de nouvelles technologies. On pourra peut-être
y revenir si on a du temps, mais je veux vraiment discuter de ce qui est dans
votre champ d'expertise, de votre propre
mission, c'est-à-dire les programmes et l'adaptabilité du système. Vous êtes
bien au fait que, présentement dans
sa forme actuelle, le système de justice n'est pas adapté aux personnes
vulnérables, l'itinérance, la toxicomanie, les troubles mentaux. Est-ce
qu'on peut se mettre au moins d'accord sur cette prémisse de base là?
Mme Provencher
(Doris) : On peut se mettre d'accord sur cette prémisse.
Mme LeBel : Parfait. Donc, on discute sur le même terrain à ce moment-là. Moi, j'ai eu, malheureusement, je dirais, l'occasion, de par mon passé,
d'avoir justement à être, je vais le dire de cette façon-là, prise, comme
procureure de la couronne, avec des
situations où j'ai un dossier, j'ai de la récidive dans certaines matières,
souvent des infractions sommaires, malheureusement, ou en matière
pénale, il y a des infractions pénales, qui passaient sur nos bureaux aussi,
même à la Cour du Québec, et de bien voir
que cette personne-là a des difficultés, ne pas avoir les outils dans le Code
criminel ou dans le Code de procédure pénale pour agir pour ces
personnes-là.
Est-ce que je
comprends que votre remarque n'est pas sur le fait qu'il faut fournir une
alternative au système de justice,
mais plutôt sur la qualité... je ne dirais pas la qualité, les programmes
eux-mêmes, qui ne sont peut-être pas aussi bien adaptés? Est-ce que
votre crainte est plus au niveau des programmes comme tels?
Mme Provencher
(Doris) : Moi, je vous
dirais que c'est parce que les programmes qui sont proposés actuellement,
ils sont basés sur le fait de la maladie,
ils sont basés... que les personnes, ils font des actes, ils posent des gestes
à cause de leur maladie. Mais ce n'est pas nécessairement ça. Les personnes,
ils posent souvent des gestes parce qu'ils ont faim, parce qu'ils ont
froid, parce qu'ils n'ont pas de moyens.
Je comprends que
ce n'est pas au ministère de la Justice de régler tout ça, mais la réponse
qu'on leur offre, c'est strictement
bio... psycho... biosocial. Vous savez, il y a le côté services de santé
mentale et il y a le côté social, bien sûr, aussi, accès aux services, à des intervenants, ce qui n'est pas
nécessairement mauvais. Mais ce qu'on dit, c'est qu'on trouve que la
réponse n'est pas nécessairement adaptée à la réelle situation.
Mme LeBel : Donc, on est
d'accord. Donc, on parle vraiment des programmes comme tels. Parce que ce que
le projet de loi vient faire ici, vous le comprenez, il ne vient pas mettre en
place les programmes, mais il vient permettre justement
au système de justice de fournir une alternative. Et c'est toujours sur le
consentement de la personne, parce que, vous avez... et je vais revenir à une de vos premières remarques, vous
avez mentionné que, quelquefois, le passage à travers ces programmes-là
peut s'avérer peut-être plus onéreux en termes de temps et d'investissement
pour la personne que l'infraction pour
laquelle il se retrouvait devant les tribunaux. À ce moment-là, les gens ont le
choix de ne pas entrer dans un programme alternatif d'adaptabilité.
Mme Provencher (Doris) : C'est
sûr.
Mme LeBel :
Donc, ce que le projet de loi fait, c'est de fournir cette alternative-là.
Est-ce que vous êtes d'accord avec cette option-là?
Mme Provencher (Doris) : Bien,
c'est-à-dire qu'on donne un choix. Je comprends qu'on donne un choix. Ou c'est la judiciarisation ou c'est : Écoute, on
t'offre... puis c'est souvent des gens qui sont en rupture de services, et
tout. C'est sûr que, pour les personnes, ça peut être intéressant, je comprends
très bien, et qu'il y a des personnes qui sont heureuses de ça. Nous, ce
qu'on vous dit, c'est par rapport à... le choix, et est-ce que c'est vraiment
un choix entre la judiciarisation ou une
amende ou de passer par ce système? Je peux y être pendant huit, neuf,
10 mois, un an, sur ce programme, hein? Alors, est-ce que c'est
vraiment un choix?
Mme LeBel : Bien, aidez-moi à
réfléchir à ce moment-là. Comment on fait quand quelqu'un commet... Parce que, de facto, quand on entre dans un programme...
je n'aime pas ce mot-là, le programme d'adaptabilité, c'est parce qu'il y a...
à la base, il faut qu'il y ait une accusation de déposée, donc il faut qu'il y
ait... On va partir de la prémisse de base
qu'il y a un acte de commis. Donc, qu'est-ce qu'on fait comme système de
justice pour bien répondre aux besoins de ces gens-là quand on parle de
santé mentale?
Nous, ce
qu'on offre, naturellement, on n'a pas la réponse à tout, c'est une des
solutions proposées qui devra se faire dans un ensemble, hein, il y a de la
prévention en matière de santé mentale, de troubles mentaux, vous l'avez bien
dit. Il faut trouver des façons de prendre soin de ces gens, mais, à partir du
moment où ils entrent dans le système judiciaire, on essaie de trouver une alternative, justement, à la
coercition ou à la judiciarisation à tout prix, et c'est ce que le projet de
loi veut offrir.
Mme Provencher
(Doris) : O.K. C'est sûr
qu'idéalement, dans un monde idéal, pour nous, ce qu'on a toujours dit... Puis,
vous savez, au niveau de la santé mentale, il y a beaucoup de stigmatisation et
de préjugés. Alors, de faire un tribunal spécialisé en santé mentale, pour nous, est-ce que c'est vraiment ce qui
a de mieux par rapport à la question de toute la stigmatisation? Ça,
c'est une chose.
Idéalement,
là, dans un monde idéal, là, Mme la ministre, il faudrait que le système de
justice s'adapte, il faudrait qu'un problème de santé mentale, ça soit traité
comme n'importe quelle autre situation. On ne fait pas un tribunal
spécial pour tout et n'importe quoi. Vous comprenez? Donc, c'est vraiment...
Mme LeBel : Ça, je suis
entièrement d'accord avec vous.
Mme Provencher (Doris) : Donc, c'est que... Mais là on est peut-être dans
l'idéal, c'est sûr, mais ça devrait... le système devrait s'adapter aux
personnes et il devrait, pour ça... Nous, on dit : De la formation... Vous
savez, les juges, ce
sont des MM. et Mmes Tout-le-monde, avec leurs connaissances, avec leurs
préjugés, avec... comment ils sont. Donc, quand il y a quelqu'un en face d'eux qui a un problème de santé mentale,
tout de suite, est-ce que : Oups! Ah! là, il y a comme... ça prend une autre dimension. Et, vous
voyez, tout de suite, la réponse qui est donnée dans ce système, la condition
essentielle pour que les gens participent, il faut qu'ils acceptent de prendre
leur médication psychiatrique. Si les personnes n'acceptent pas de prendre cette médication-là, elles ne pourront pas
participer à ce programme. Alors,
vous voyez, c'est que c'est vraiment basé là-dessus.
Je
sais que ça ne peut pas se régler en six mois, ce que je vous dis là, mais on
trouve dommage que tous, tous, tous les efforts soient investis d'en
faire des choses à part plutôt que d'essayer de faire entrer ça dans le système.
• (16 h 10) •
Mme LeBel :
O.K. Je veux juste qu'on...
Mme Provencher
(Doris) : Je ne vous aide pas du tout, là, hein?
Mme LeBel : Non, pas du... Bien non, mais vous ne me nuisez
pas non plus. Vous faites ce que vous avez à faire, puis c'est parfait. Ce n'est ni positif ni
négatif, c'est parfait comme discussion. Mais ce que... Je veux qu'on recadre
la discussion quand même
un peu, parce que ce que le projet de loi fait, ce n'est
pas de créer un programme, ce n'est pas de forcer les gens à prendre
leur médication. Ce que le projet de loi fait, c'est qu'il offre justement au système
de justice d'ouvrir dans la voie... à partir
du moment de la comparution jusqu'à une sentence potentielle, dépendamment, c'est
qu'il ouvre une brèche en cours de parcours et permet à des gens qui le
souhaitent de prendre une voie parallèle, parce que la judiciarisation, ça peut être également
un «stigma». Il y a des critères, et les critères ne demandent pas
aux gens d'admettre leur condition de maladie, ils ne demandent pas de prendre
leur médication, parce que ces programmes-là peuvent être en santé mentale, vous avez raison, peuvent être
en toxicomanie, peuvent être en itinérance, et ce sera les programmes qui
seront créés, et votre apport va être inestimable, justement, pour la création
de ces programmes-là.
Mais
je veux juste m'assurer que ce que le projet
de loi fait, qui est à la fois
très simple et très... et peut-être avoir des
conséquences, le projet de loi ne fait qu'ouvrir la voie pour la création d'une
alternative pour les gens qui le souhaitent. Le juge ne pourra jamais
forcer quelqu'un à entrer dans un de ces programmes.
Donc,
est-ce que, ça, on peut... est-ce que, ça, c'est quelque chose qui est quand... C'est quelque
chose qui est positif, à mon
sens. Bien, c'est sûr que je suis vendue, là.
Mme Provencher (Doris) : Bien, c'est-à-dire, écoutez, il va falloir que vous m'éclairiez, parce que,
dans la mesure où... cette ouverture à des systèmes
d'adaptabilité, c'est ça que vous me
dites dans le projet de loi, il y a déjà des systèmes d'adaptabilité
dans le système de justice. Les PAJ-SM, c'est ça?
Mme LeBel :
Oui.
Mme Provencher (Doris) : Alors, en quoi le projet de loi — c'est à mon tour à poser les questions — en quoi le projet de loi... Qu'est-ce
qu'il vient faire? Il vient améliorer l'accessibilité à ces programmes-là?
Mme LeBel :
Le projet de loi vient ouvrir plus d'alternatives pour ce même type de
programmes là, dont la ville de Québec a
d'ailleurs certains programmes, permet justement, si le programme est réussi,
entre autres de retirer des constats
d'infraction, permet de substituer une amende ou une peine d'emprisonnement
pour défaut de paiement d'amendes, souvent
qui est récurrent pour les personnes en matière de vulnérabilité, de substituer
ça par d'autres alternatives, pas toujours en santé mentale, comme je vous disais. Ça peut être en toxicomanie, ça
peut être en itinérance. Donc, ce que le projet de loi vient faire,
c'est ouvrir une alternative.
Moi,
ce que j'entends de votre part et que je prends très au sérieux, c'est :
Soyez avisés que les programmes ne sont pas toujours adaptés aux situations ou
ne sont pas toujours réfléchis en fonction de vos mises en garde, si on veut,
et c'est ce que je comprends. C'est pour ça
que je vous dis : Votre rapport est inestimable sur la réflexion des
programmes qui seront mis en place. Mais le projet de loi ne met pas de
programme en place, le projet de loi ouvre la possibilité de mettre ces programmes-là en place. Et je veux juste être sûre
qu'on se comprend dans ce qu'on est en train de faire comme démarche
versus ce qui est très important dans ce que vous soulignez. Je veux juste le
mentionner, là.
Mme Provencher (Doris) : Bien, ce que je me demande à ce moment-là, c'est
que, comme vous dites, l'ouverture que le projet de loi apporte par rapport à
des personnes qui ont des problèmes de santé mentale, ça va être quoi, cette
ouverture. Est-ce que ça va se traduire pas mal par des... Ça va ressembler pas
mal à des PAJ-SM, j'imagine. Parce que, si vous dites qu'il y a des programmes par rapport à... au niveau de la
toxicomanie, au niveau de l'itinérance, et tout, au niveau de la santé mentale, ce que notre système de
justice a mis en place, c'est vraiment le Programme d'accompagnement justice,
santé mentale. Alors, si le projet de loi, il permet...
Mme LeBel :
Continuez, je vais juste... je cherche une petite affaire.
Mme Provencher (Doris) : ...oui, d'accord, il permet d'ouvrir d'autres
alternatives, qu'est-ce que ça va être en santé mentale, les autres
alternatives? C'est juste ça, moi, que je dis. Je dis... Ce qu'on vous dit, ce
que je vous dis, en fait, c'est qu'au
niveau de la santé mentale, à cause des préjugés qui sont associés aux
problèmes de santé mentale, les réponses, les alternatives qui risquent d'être développées, ça devrait toujours
aller dans le sens de : Viens, on va t'aider puis on va te soigner
plutôt que de... Vous voyez, c'est ça qu'on dit.
Mme LeBel : Bon,
alors, la... Et c'est exactement l'objet de mon propos. Présentement, ce que le
projet de loi fait, c'est un cadre habilitant, c'est-à-dire de permettre
de développer ces programmes-là, et ce qui va être important, c'est que ces programmes-là soient bien adaptés, comme
vous venez de le mentionner, aux besoins d'une clientèle particulière.
Le projet de loi permet donc de bâtir ces programmes-là.
Une voix :
...
Mme LeBel : Oui, je sais, je demandais un renseignement sur le programme que vous avez mentionné, particulier, parce que je ne l'avais pas à l'esprit, mais ça va
être important de s'assurer, dans la mise en place de ces programmes-là qui vont se faire par la suite, que des organismes
comme le vôtre soient présents pour être certain que ces programmes-là répondent bien aux besoins de la population. Ce
que le projet de loi fait, il ne crée pas ces programmes-là. Puis j'ai l'air de
taper sur le même clou, mais c'est parce que
c'est important pour moi. C'est comme si j'ouvre une porte, maintenant vers
quoi on va se diriger par la suite, c'est la seconde étape, et là ça va être
très important de faire en sorte que le programme, à défaut d'autres mots, c'est le mot exact, les
programmes qui vont être créés dans les différents domaines soient bien
adaptés, comme vous venez de mentionner, aux besoins de votre clientèle
ou les gens que vous représentez.
Mme Provencher
(Doris) : Moi, j'aurais deux...
Le Président (M. Bachand) : ...céder la parole au député de LaFontaine.
M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît. Désolé. Désolé, Mme Provencher.
M. Tanguay : Merci
beaucoup, M. le Président. Ne dites pas : Malheureusement, je dois céder la parole au député de LaFontaine...
Le
Président (M. Bachand) : Non, non, absolument pas. Ça n'a rien
à voir avec vous, M. le député.
M. Tanguay :
...parce que, là, je vais prendre mes affaires puis je vais m'en aller. Non, ne
nous punissez pas.
Merci beaucoup, M. Moreau, Mme Provencher, d'avoir pris le temps de rédiger
le mémoire, d'être avec nous ici aujourd'hui. Moi, Mme Provencher,
je viens d'entendre, là, votre cri du coeur, puis je ne veux pas être
réducteur, mais vous avez dit, dans le fond : S'il y a des programmes habilitants, s'il y a des nouvelles façons
de faire, pouvez-vous juste vous
assurer que ce ne soit pas au détriment... puis je ne suis pas en train de dire
que c'est l'objectif du projet
de loi. La ministre vient de
nous dire que ce n'est pas ça, l'objectif. L'objectif va aller dans le sens,
très fort probablement, que vous souleviez,
mais j'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus. Vous avez dit il y a deux, trois minutes :
Faites donc des programmes
qui vont améliorer l'accès à la justice, aux personnes que nous représentons, notamment,
et faire en sorte que l'ouverture soit davantage
là, que la facilitation soit de notre côté, s'assurer que ça tombe toujours
du côté d'aider les gens que vous
représentez, de faciliter leur passage, qui est difficile, au sein d'un système
judiciaire, que ce soit toujours
ça, l'objectif, et non pas de dire : Ah! bien, il faut le
sanctionner, parce que, finalement, il n'est pas rentré dans une case,
puis là on le sanctionne.
Alors, j'aimerais ça
vous entendre là-dessus, sur ce qui pourrait être, dans le fond, un principe
directeur. Oui, il y aurait de nouveaux programmes,
il y aurait de nouvelles façons de faire qui permettraient cette latitude-là,
mais, quand on vous dit : Vous
avez plus la latitude, vous avez plus d'espace, mais que ce soit toujours
fait dans la façon de dire : Bien, l'optique de la personne qui a un problème de santé mentale, par exemple, ou qui en a eu un, mais comment on peut
faciliter son passage dans un processus judiciaire? J'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Moreau
(Claude) : Oui, bien, peut-être
un exemple, c'est au niveau de la durée des programmes, là. Je regardais
dans le projet de loi, on veut changer
la durée. Si une personne choisit de faire des travaux compensatoires, la
limite, c'est 1 500 heures, alors que, s'il choisit un
modèle alternatif, il n'y a pas vraiment de limite de définie, là, ça peut être
plus long. Quelque chose qui pourrait
être fait, ce serait de s'assurer du consentement libre et éclairé de la
personne visée, que, si tu choisis cette alternative-là, tu peux... ça
peut prendre plus de temps que si tu choisissais des travaux compensatoires.
M. Tanguay :
Merci. Et vous, Mme Provencher, j'aimerais vous entendre aussi là-dessus,
là.
Mme Provencher (Doris) : Bien, c'est-à-dire que... comment je dirais ça? Vous savez, ça part toujours
d'une bonne intention. Le problème,
c'est toujours... puis ce n'est pas juste au niveau de la
justice, là, c'est partout, c'est au niveau de la pratique. C'est, quand
ça arrive sur le terrain, comment les personnes sont vues, comment on les
traite, quels sont nos préjugés par
rapport à ça. C'est toujours là que le bât blesse. Et c'est ça qu'il est
difficile.
Alors, même s'il y a
une ouverture pour des alternatives, que ce n'est pas inintéressant, bien sûr,
essayer. Mais, nous, ce qu'on vous dit, ce
qu'on voit, pas partout, mais il y a certains endroits où, au niveau de la pratique,
bien, ça fait... c'est comme si la
personne, elle se retrouve prise dans une espèce de système
qui veut son bien puis qu'à ses conditions, par exemple, à ce système, pas nécessairement les siennes... Même si
c'est un choix libre, en principe, ça va se retourner, première des
choses.
Deuxième
des choses, juste pour répondre, parce que je voulais clarifier, les organismes
en promotion et défense de droits en santé mentale, il y en a partout au Québec. Nous, ce qu'on peut
faire comme travail, on peut accompagner les personnes qui vont nous demander, mais on ne sera pas là pour... comment
dirais-je, donc? On est là pour la personne, pas pour le système qu'il y
a autour, vous savez.
Alors,
si la personne, elle veut être accompagnée, ça, ça va, mais, pour le reste, on
ne pourrait pas, par exemple, être partie
prenante d'un tribunal parallèle à cause de notre mandat de défense de droits,
parce que nous, on est là pour la personne et pour l'aider à ce qu'elle,
elle fasse valoir ses droits.
• (16 h 20) •
M. Tanguay :
Et la pertinence...
Mme Provencher
(Doris) : Ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut pas travailler avec
vous.
M. Tanguay :
Non, c'est ça, puis on peut même le revirer de bord en disant : C'est ce
qui fait en sorte que l'on doit travailler ensemble et que le système de
justice doit travailler avec vous.
Mme Provencher
(Doris) : Oui, oui.
M. Tanguay :
Puis c'est ce que vous lancez comme message, c'est ce que l'on reçoit. Et vous
êtes de la réalité terrain. Vous accompagnez des femmes et des hommes
qui ont leurs défis, notamment en santé mentale. Et votre son de cloche aujourd'hui est important, même si l'objectif du
projet de loi est d'établir, je dirais, et là je résume, là, un cadre, une
approche judiciaire qui permet cette latitude-là.
Vous dites, en
page 12 de votre mémoire, là... vous recommandez qu'«avant toute mise en
place [de] nouveau programme d'adaptabilité
des règles relatives à la poursuite», l'article 37 du projet de loi, vous
demandez donc que le monde se parle puis qu'on fasse le point, autrement dit,
une réflexion quant au déficit du système judiciaire et du réseau de santé
parce que vous ne voulez pas qu'il y ait une
approche en silo. Aujourd'hui, le projet de loi n° 32,
c'est le système judiciaire, mais,
vous le dites, nous, on passe tantôt dans le système judiciaire puis on passe
tantôt dans le système de santé, et autres, et autres. Donc, pas de silo, réflexion et évaluation des programmes
existants, et vous demandez, donc, que les gens, les acteurs se parlent.
On parle de Santé et Services sociaux, Justice, Sécurité publique.
Mme Provencher
(Doris) : Oui.
M. Tanguay :
Alors, comment, ça, nous, on pourrait y faire écho dans le projet de loi n° 32 qui est sur la table?
Mme Provencher
(Doris) : Si je peux me permettre, je sors d'une journée et demie d'un
forum sur la santé mentale des adultes organisé par le ministère de la Santé et
des Services sociaux, et ce que la majorité des personnes présentes ont demandé au ministère de la Santé,
c'est de travailler... faites un plan d'action interministériel qui va toucher
un ensemble d'autres acteurs, Éducation,
Sécurité publique, la Justice aussi, parce que les déterminants sociaux ont une
grande part dans les actions des personnes, dans les difficultés que les
personnes vivent. Encore une fois, ce n'est pas la maladie. C'est que c'est les déterminants sociaux. Je n'ai pas un logement
décent, je suis pauvre, je ne mange pas à ma faim. Vous voyez, c'est à ça qu'ensemble comme société... il faut qu'on
s'attaque, tout le monde ensemble, avec ça. C'est bien évident que le
projet de loi n° 32, ce n'est pas son but, mais il
faut que ça fasse partie de cette réflexion.
Je
veux aussi dire, la formation, il faudrait que... je pense, il faudrait... Ce
qui serait intéressant, c'est qu'il y ait de la formation qui soit donnée à l'ensemble du domaine de la justice par
des personnes qui vivent ou qui ont vécu un problème de santé mentale pour
démystifier, de un, c'est quoi et démystifier toute la médication, parce que
c'est la réponse en santé mentale,
qu'on soit dans le domaine de la justice, qu'on soit en santé, la médication,
en principe, ça règle tout, ce qui n'est pas vrai. Alors donc, il y aurait beaucoup de formation et d'information
qu'on pourrait partager, puis ça nous ferait plaisir de la partager.
M. Tanguay :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce,
s'il vous plaît.
Mme Weil :
...merci beaucoup pour votre présentation. Moi, j'ai eu l'occasion, quand
j'étais ministre de la Justice, c'était
en 2010, de voir cette première cour tentative... c'était le juge Minc, Morton
Minc, qui était tellement enthousiaste et...
par rapport à cette initiative. Il y avait eu une visite du ministère de la
Justice à Toronto pour voir comment ça se passait. On en parlait à New York, etc. Mais, je dois vous
dire, même moi, parce que j'ai vu ce que j'ai vu, on se demande des fois :
Est-ce que la personne a vraiment compris,
vraiment compris de quoi il s'agit? Ils sont contents d'être traités avec
humanité. Donc, comme mon collègue le
dit, de LaFontaine, c'est un peu cette idée. Et la ministre de la Justice, le
rôle du ministère de la Justice,
c'est de mettre en place, évidemment, pour que le système de justice soit
aidant et non un frein pour ce traitement humain de cette personne.
Mais, si je comprends
bien, vous, vous dites : Un des principes de base... Parce qu'on touche
aussi le droit humanitaire, hein? Et
savez-vous que Montréal, c'est le tribunal qui reçoit le plus de cas de
personnes, dans ses tribunaux, de
santé mentale qui sont des sans-abri? Ils sont littéralement des sans-abri.
Alors donc, on voit que... exactement ce que vous dites. Donc, est-ce que vous
voyez peut-être un principe de base qui pourrait être rajouté à ce projet de
loi, qui évoquerait un peu cette
santé globale, ce bien-être global de la personne, qui irait au-delà d'un
système de justice, et on comprend très bien les limites, finalement, aussi
d'un système de justice, mais que le système de justice et le système de
santé puissent travailler main dans la main, qu'on pourrait avoir un principe
quelque part dans le projet de loi?
M. Moreau
(Claude) : On parlait tantôt
de réalité terrain, je vais vous en donner une, réalité terrain, c'est être une
personne vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale, connue dans son
quartier pour son problème puis de voir son
nom dans le journal pour aller au palais de justice ramasser un avis de
procuration, là, un document officiel. Moi, je sais que, personnellement, je n'aimerais pas ça que mes voisins voient ça,
parce que probablement qu'ils se demanderaient qu'est-ce que j'ai
fait de croche. C'est de la stigmatisation, ça.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Il y a un passage
de votre mémoire qui m'a interpelé particulièrement. À la page 12,
vous recommandez, disons, de surseoir à la mise en place de nouveaux programmes d'adaptabilité à certaines conditions.
En tout cas, vous mettez des conditions à ce qu'on élargisse les programmes
actuels ou qu'on en ajoute. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus puis que
vous précisiez la nature de vos craintes, pourquoi vous faites cette recommandation-là. Est-ce que
vous dites qu'il ne faut pas adopter de nouveaux programmes, il faut en adopter mais suspendre l'entrée en vigueur?
J'aimerais comprendre toute votre réflexion là-dessus. Puis j'ai peu de temps,
ça fait que je vais vous laisser le temps d'élaborer, s'il vous plaît.
Mme Provencher
(Doris) : O.K. Bien,
écoutez, je vais me répéter un peu, mais c'est dans la mesure où, en 2008,
le PAJ-SM, le programme... a commencé, et ça s'est répandu comme une traînée de
poudre partout au Québec. On n'a pas fait
d'évaluation. Est-ce que c'est la meilleure chose? Est-ce que... Quelle amélioration
on pourrait amener? Qu'est-ce que ça a comme effet dans le système de
santé? Il y a eu une recherche en 2010, mais c'était parti.
Alors, nous, ce qu'on disait à l'époque, en
2008, avant de faire ça... et je voulais rebondir un peu sur ce que Mme Weil disait, la compassion, là, c'est
comme il y a du monde qui sont formés au niveau de la justice, eux autres, ils
comprennent les problèmes de santé mentale, eux autres, donc, ils agissent de
manière... avec plus de compassion, ils acceptent,
et tout. C'est très bien, mais le reste, c'est comme... c'est le néant. Parce
que je pourrais vous parler longtemps des
gens qui passent au niveau des autres... comme la P-38, l'hospitalisation
involontaire, les autorisations judiciaires de soins, et tout ça. Là, ils sont comme moins compatissants, vous
comprenez? Donc, c'est comme on fait une petite gang de compatissants,
mais le reste, on ne s'en occupe pas.
Je ne dis pas
que, demain matin ou dans six mois, wow! tout le monde, il va être ouvert,
parce que les gens, les avocats, les
juges, ce sont des M. et Mme Tout-le-monde, comme je l'ai dit tantôt, je me
répète, je suis désolée, mais ce sont des... avec les préjugés qu'on a
tous et toutes. Alors, ça se répercute aussi.
Alors, à
cause de problèmes de santé mentale, c'est vu de telle façon, bien, les juges
et les avocats... Vous savez, souvent
dans une cour, les avocats ne sont même plus des avocats, là, tout le monde est
médecin. Quand ils sont dans une cause pour une P-38 ou pour... tout le monde
est... Tu devrais faire ça, tu devrais accepter 21 jours d'enfermement
plutôt que de te battre, que je te
défende. Accepte donc. Tout le monde devient médecin. Vous voyez? Donc,
c'est... Tout le monde est pour le bien.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Joliette, pour
2 min 37 s... 2 min 39 s, pardon.
Mme Hivon :
Oui, merci beaucoup, Mme Provencher puis M. Moreau. C'est vraiment
très, très éloquent ce que vous nous dites. Et puis, moi, si je vous
comprends bien, vous dites : Il y a un énorme besoin de formation, une des
choses que vous dites, et pas juste des
grands experts qui ont écrit des études poussées sur la maladie mentale, mais
de gens qui le vivent sur le terrain
ou qui auraient eu des expériences. Tout à fait, je l'entends très bien. Je
pense que ça s'applique ici et
ailleurs. Ce que j'entends aussi, c'est que vous dites que, là, on est en
train, avec le projet de loi, de généraliser des mesures alternatives, mais qu'on n'a pas bien fait encore l'évaluation
de ce qui s'est fait, notamment le PAJ-SM à Montréal.
Vous, est-ce
que vous avez été consultés comme organisation, vos membres ou des groupes qui
sont proches de vous, lors de la mise en place, la création du programme
et dans le contexte de l'évaluation? Pas du tout? O.K.
• (16 h 30) •
Mme Provencher
(Doris) : Non. On avait
formé une coalition d'organismes
communautaires. Écoutez, ça fait longtemps.
2008, ça fait quand même 10 ans. Est-ce qu'il y avait eu des échanges?
Parce que ça se faisait avec l'agence de la santé et des services sociaux, il y
avait eu des rencontres d'échange, mais pas nécessairement de consultation, non.
Mme Hivon :
O.K. Puis évidemment, là, vous me parlez de la P-38, puis tout ça, qui sort
beaucoup de notre cadre, mais vous
voulez dire que ça peut être bien d'avoir des voies alternatives, quoique votre
idéal, ce serait que tout le monde soit
formé, absolument tout le monde, à la réalité de la santé mentale, mais qu'il
peut y avoir des alternatives, mais qu'elles doivent être adaptées, si on pouvait avoir une réflexion plus générale
en matière de justice pour une formation, qu'on soit en civil, en
mesures d'exception. O.K. Ça, je vous comprends bien.
Vous avez touché la question des technologies,
puis on n'en a pas parlé. Donc, qu'est-ce que ça peut représenter comme défi
pour les personnes qui ont un enjeu de santé mentale?
Mme Provencher
(Doris) : Bien, de un, ce
n'est pas tout le monde qui a les technologies, hein? C'est comme quand on voit comment, pour... bien voyons, pas pour la
délégation, pour la signification, par exemple, y aller par moyen électronique,
y aller par... Oui, mais, au niveau de la
santé mentale, il y a bien du monde qui n'ont rien. Et je trouve que cette
façon-là, ça devient une mode aussi.
Je sors du forum santé mentale, et là aussi les nouvelles technologies... il se
fait de la psychothérapie par
visioconférence. Peut-être que ça peut aider du monde. Peut-être que ces
nouvelles façons, ça peut faire en sorte que les
gens sont plus à l'aise ou même qu'ils ont accès à la... Nous, ce qu'on
dit : Attention! Ne pas mettre ça mur à mur. Attention de ne pas perdre de vue que c'est facile pour le système de
justice, on y va par visioconférence aussi, ça fait bien l'affaire du système aussi. C'est dans ce sens-là
qu'on dit : Oui, peut-être, mais, attention, il y a ce que mon collègue a
appelé la fracture numérique...
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Mme Provencher
(Doris) : ...hein, oui, et c'est une réalité parce que les gens sont
pauvres.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M.
le député de Chomedey, s'il vous plaît.
M. Ouellette : Bonjour, monsieur dame. Puisqu'on est dans la fracture numérique, vous avez insisté
sur deux choses. S'assurer que la
signification soit bien au destinataire réel, je pense que c'est bien
important. Vous allez sûrement avoir une suggestion que vous pourriez
nous faire pour qu'on puisse s'assurer que ça soit comme ça. Puis, dans la
comparution, il y a trois mots que j'ai eu de la misère à...
Regardez, vous me dites que la visioconférence, ça peut aider aux gens, mais
il faut que ça procure un avantage à la
personne qui va en visioconférence. J'aimerais ça que vous m'en donniez un petit peu plus, là, parce que...
M. Moreau
(Claude) : Bien, la
visioconférence, je pense que ça avantage surtout les médecins, les
psychiatres, là. Ça leur évite
d'aller au palais de justice, puis ce n'est pas nécessairement d'aller dans
l'intérêt de la personne. Parce que
le palais de justice, c'est un endroit
neutre, alors que, quand il y a une salle de cour qui se trouve à l'intérieur
d'un hôpital psychiatrique, ce n'est pas nécessairement un endroit neutre. La personne se sent toujours vraiment,
là, emprisonnée, ne se sent pas nécessairement, là, dans des lieux
impartiaux.
M. Ouellette :
...la signification.
Mme Provencher
(Doris) : La signification?
M. Ouellette :
Oui, la... Oui.
Mme Provencher (Doris) : Bien, ce qu'on dit, actuellement, là, il y a des façons de donner une signification à des
gens, et les moyens qui sont proposés, peut-être
qu'il y en a que ça peut être mieux puis qu'il y en a qui existent déjà, encore
une fois, et tout. Mais, prenez bien conscience, quand j'ai un problème de santé
mentale, malheureusement, il y a l'étiquette qui vient avec pour tout le
monde. Et, comme disait Claude, si ça
paraît dans le journal, mon journal local, parce qu'on me connaît
dans mon quartier : Ah! elle a un problème de santé mentale, elle, hein?
Mon Dieu! As-tu vu son nom dans le journal?
Il faut qu'elle passe au... Je ne sais pas où qu'il faut qu'elle passe pour
aller chercher un truc de cour. Qu'est-ce
que vous pensez que ça va faire dans la tête du monde, ça? Danger!
Danger! Danger! C'est ça qui va flasher.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup, Mme Provencher, merci beaucoup, M. Moreau, merci
beaucoup d'être ici.
Je
suspends les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de
prendre place. Merci infiniment, merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 35)
(Reprise à 16 h 37)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux. Merci beaucoup.
Je
souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Coalition
pour l'accès à l'aide juridique. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre présentation, et après on aura un échange avec les
membres de la commission. Je vous invite à débuter d'abord en vous
présentant. Merci beaucoup d'être ici.
Coalition pour l'accès à
l'aide juridique
Mme Lévesque (Sylvie) : Oui, bonjour. Mon nom est Sylvie Lévesque, de la
Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du
Québec et membre de la coalition.
Mme Thériault (Elise) : Je suis Elise Thériault, avocate, conseillère
budgétaire chez Option Consommateurs et également membre de la
coalition.
Mme Lemoine (Claude-Catherine) : Bon après-midi. Claude-Catherine Lemoine, des
Services juridiques communautaires de Pointe Saint-Charles et
Petite-Bourgogne, également membre de la coalition.
Mme Lévesque
(Sylvie) : Alors, Mmes et
MM. les députés, Mme la ministre, merci de nous avoir invitées à vous soumettre les commentaires de la Coalition pour
l'accès à l'aide juridique. La coalition a vu le jour à l'automne 2007.
Elle est composée de groupes
communautaires, sociaux, syndicaux et d'intervenants du monde juridique qui se
préoccupent d'accès à la justice. Elle compte présentement
38 organisations membres.
La coalition
se positionne du point de vue des bénéficiaires de l'aide juridique, et ses
actions ont comme seul objectif d'améliorer
l'accès des bénéficiaires aux services, tant au niveau de l'admissibilité
financière que de celui du panier de services couverts ou encore de
l'organisation de l'offre de services. Depuis la hausse des seuils
d'admissibilité à l'aide juridique, en 2016,
la coalition poursuit son objectif d'élargir l'accès à l'aide juridique,
notamment en plaidant pour un élargissement du panier de services
couverts ainsi que pour une révision des méthodes du calcul des revenus.
Aujourd'hui,
notre intervention va se limiter aux dispositions que l'on retrouve dans la
section des mesures visant à bonifier le régime d'aide juridique et à
accroître l'efficacité de la Commission des services juridiques et qui traitent
spécifiquement de la loi sur l'aide
juridique et sur la prestation de certains services juridiques et de son
règlement. La coalition s'est sentie
interpelée par les mesures pour bonifier le régime d'aide juridique, et tout ce
qui favorise un meilleur accès à l'aide juridique est un pas dans la bonne direction. Toutefois, le projet de
loi n° 32 nous laisse perplexes quant à l'intention du
gouvernement. En effet, certaines modifications proposées dans le projet de loi
représentent des reculs importants en matière
de panier de services, d'autant qu'il est souvent difficile, comme citoyen et
citoyenne, de s'y retrouver et de savoir si notre besoin est couvert ou
non par la loi.
Pour la coalition, trop de services juridiques
essentiels à la sécurité physique, financière et psychologique des personnes et des familles sont exclus des services
couverts ou sont soumis à des critères discrétionnaires, comme les demandes
en matière de logement, de garde en
établissement psychiatrique ou les demandes en matière de droit de la
consommation. Des embûches administratives à l'admissibilité devraient
aussi être éliminées.
Je passe maintenant la parole à Elise Thériault,
qui va vous présenter plus en détail nos préoccupations et nos principales
recommandations.
• (16 h 40) •
Mme Thériault
(Elise) : Merci. Alors, je
vais commencer par faire un petit survol de la couverture des services d'aide
juridique. D'abord, il y a les services qui
sont précisément listés dans la loi comme étant couverts, ce sont les nommément
couverts. Il y a aussi les services qui ne
sont jamais couverts, ce sont les nommément exclus. Il y a finalement les
services qui sont parfois couverts
lorsque certains critères sont rencontrés, ce sont les services
discrétionnaires. En matière autre que
criminelle et pénale, pour qu'un service juridique qui n'est pas nommément
couvert le devienne en fonction du principe de la couverture discrétionnaire, il faut établir que la personne subit
ou subira vraisemblablement une atteinte grave à sa liberté, notamment une mesure de garde ou de
détention, ou que l'affaire met en cause ou mettra vraisemblablement en cause soit la sécurité physique ou psychologique
d'une personne, soit ses moyens de subsistance, soit ses besoins essentiels
et ceux de sa famille. Les consultations d'ordre juridique font partie des
services nommément couverts.
À l'heure
actuelle, ces consultations sont couvertes par l'aide juridique pour l'ensemble
des domaines de droit sauf un, et heureusement, car elle constitue un
élément essentiel de l'accès à la justice. On ne saurait trop dire que la
simple information juridique, bonne et moins
bonne, est de plus en plus accessible, qu'elle est même souvent gratuite. Par
contre, les intervenants qui offrent de l'information juridique vous le diront
tous, sans avis juridique, sans conseil juridique, les citoyens ordinaires n'ont pas les compétences pour
traiter l'information reçue de manière à exercer efficacement leurs droits.
L'information ne réduit pas leur détresse
s'ils ne sont pas capables de la transformer en action. Les citoyens veulent
être accompagnés, guidés, mais les
avis et conseils juridiques peuvent être exclusivement prodigués par des
avocats et des notaires.
Une consultation juridique offerte par un avocat
de l'aide juridique, c'est donc beaucoup plus que de la simple information. Or, le projet de loi n° 32
propose de rapatrier l'article 32.1, qui prévoit la couverture de
consultation juridique, dans la même
section de la loi que les autres services couverts. Il devient
l'article 4.3.1, mais 4.3.1 n'est pas rédigé de la même façon que
l'ancien 32.1. On lit maintenant : «L'aide juridique est accordée
pour des consultations d'ordre juridique [dans les domaines] pour lesquels les services sont par ailleurs
couverts.» Selon nous, c'est une réduction de la couverture de services qui est
totalement inacceptable. On passe de tous les domaines de droit sauf un à des
consultations uniquement pour les
domaines qui sont par ailleurs couverts. Le législateur tente-t-il de limiter
la couverture des consultations uniquement aux services nommément couverts? Si
ce n'est pas le cas, ça risque de poser des problèmes d'interprétation qui vont
se refléter dans l'exercice du pouvoir
discrétionnaire des avocats. Par exemple, dans certains domaines comme le
logement, où tous les services ne
sont pas automatiquement couverts, ça pourrait vouloir dire que certaines
consultations actuellement couvertes ne
seraient plus couvertes. Du point de vue des bénéficiaires, non seulement les
consultations juridiques devraient toujours être un service nommément
couvert, mais cette couverture devrait même être élargie à tous les domaines du
droit.
Le projet de
loi ajoute des services pour lesquels l'aide juridique peut être accordée en
introduisant la notion de services rendus avant la judiciarisation. La
coalition tient à souligner qu'elle applaudit tout élargissement du panier de services. Cependant, on s'interroge encore sur la
nature exacte des services qui seront couverts et sur les domaines de droit
dans lesquels ils seront accessibles. On
peut s'imaginer que les modes alternatifs de résolution de conflits seront
couverts. Est-ce à dire que l'aide
juridique couvrira les honoraires des médiateurs dans des domaines autres que
familial? Est-ce que les avocats du
réseau de l'aide juridique pourront être rémunérés à titre de médiateur? Est-ce
que le travail des avocats qui
accompagnent et conseillent un client dans un mode alternatif de règlement des
différends devient un service couvert? Peut-être
que la réponse nous viendra dans un éventuel règlement, mais, dans sa rédaction
actuelle, le projet de loi ne jette aucun éclairage sur ces questions.
En matière criminelle, la description des
services couverts est plus claire, mais la disposition proposée reste ambiguë. En effet, on lit : «...lorsqu'il est
nécessaire qu'un avocat assiste une personne dans le cadre de sa participation
à un programme de traitement non
judiciaire de certaines infractions criminelles.» Quels sont les critères qui
servent à déterminer si les services d'un avocat sont nécessaires? Qui détermine cette
nécessité? Est-ce que ce serait laissé à la discrétion des avocats? Si oui, ça pourrait engendrer un grave
recul en matière d'accès à la justice. Pour nous, par sa seule présence au
bureau d'aide juridique, la personne
concernée considère qu'il est nécessaire qu'elle soit accompagnée ou assistée.
Ce service devrait être nommément couvert.
Le projet de
loi prévoit un autre ajout au panier de services actuellement offerts, soit la
participation à un processus de droit
collaboratif ou de médiation au nouvel article 43.2 du Règlement sur
l'aide juridique. On se demande ce qui sera inclus dans ces nouveaux services couverts. Est-ce que ce sont les mêmes
que ceux rendus avant la judiciarisation dont on vient juste de parler?
Le fait d'utiliser les expressions «droit collaboratif», «processus de
médiation» dans un article et «mode privé de prévention de règlement des
différends» dans un autre, mais sans les définir, fait en sorte de semer la confusion. Dans tous les cas, nous croyons que
l'accompagnement, lors d'une séance de médiation à la Commission des normes, de
l'équité, de la santé et de la sécurité du travail ou devant toute autre
instance similaire, doit être un service nommément couvert par l'aide
juridique.
Lorsqu'il
s'agit de la rédaction d'un document alors que le tribunal n'est pas saisi,
l'aide juridique est présentement accordée si la personne éprouve de la
difficulté à préserver ou faire valoir ses droits et si des conséquences
néfastes en résulteraient pour son bien-être
physique ou psychologique ou celui de sa famille en l'absence de ce service.
C'est deux critères qui s'additionnent.
Le projet de
loi n° 32 propose de modifier
«conséquences néfastes» pour «conséquences graves». Une conséquence grave est-elle pire qu'une conséquence néfaste ou
est-ce que c'est le contraire? On a le fait tour des dictionnaires et on n'a
pas trouvé la réponse. En quoi ce changement
constitue-t-il une bonification du régime de l'aide juridique? Nous proposons
donc d'utiliser la formulation «conséquences
négatives», ce qui, selon nous, est suffisant pour justifier la couverture du
service et aurait pour avantage d'inclure un plus large spectre de situation.
La rédaction
d'une lettre ou d'une mise en demeure est un important service offert par
l'aide juridique, car elle fait partie des différents moyens permettant
d'éviter la judiciarisation. Ça apporte souvent une solution rapide pour les
citoyens, citoyennes. Trop de
personnes sont incapables de lire, écrire, comprendre et bien s'exprimer dans
les domaines reliés au droit. Selon nous, il est essentiel que
l'accessibilité à ce service soit le plus large possible.
Finalement,
en ce qui concerne le processus de révision, le projet de loi propose de
réduire la formation qui entend les demandes de révision de trois à une
personne lorsque l'inadmissibilité à l'aide juridique est basée sur le refus
d'une personne de fournir tous les documents
requis par l'aide juridique. On n'est pas contre plus d'efficacité, au
contraire, mais on pense que cet enjeu en cache un autre beaucoup plus
important.
On sait tous
que le nombre de documents requis à l'aide juridique est immense et peut
ressembler, pour certains, à une
montagne impossible à escalader. La loi ne fait pas la différence entre refus
de fournir et impossibilité ou difficulté à obtenir les documents exigés. Le nombre de demandes de révision
concernant des documents manquants a triplé au cours des huit dernières
années. C'est ça qui est alarmant et c'est à ça qu'on devrait s'attarder. Le
processus de demande de service d'aide
juridique doit être simplifié. La rigidité administrative ne doit pas se
traduire par un déni de justice, ce qu'on constate parfois
malheureusement.
Je terminerai
en disant que, dans les dernières années, on parle de plus en plus d'efficacité
dans le domaine juridique. Le présent
projet de loi ne fait pas exception, mais efficacité ne rime pas toujours avec
accès. Évidemment, on répète, on n'est
pas contre davantage d'efficacité. Cependant, il faut éviter à tout prix que
l'atteinte de cet objectif devienne l'arbre qui cache la forêt et
empêche les citoyens les plus vulnérables de bénéficier des services
juridiques.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci infiniment. Vous êtes vraiment, là, bien organisées, ça paraît. Alors,
période d'échange. On débute avec Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci,
M. le Président. Merci de votre
mémoire. Merci d'être ici aujourd'hui pour nous en parler puis nous aider à peut-être voir comment on
peut, malgré les intentions qu'on a d'améliorer tout ça, éviter certains
écueils que vous soulignez. Naturellement, bon, vous avez parlé de lettres et de mises en demeure. On n'est pas
dans le domaine pénal à ce moment-là, on est plus dans le domaine civil. Je dois
mentionner que l'objectif du projet
de loi est d'ouvrir certains services
qui ne sont pas couverts en matière... dans
le domaine pénal. Et, avant d'y revenir, je veux bien comprendre, parce qu'à la
lecture de votre mémoire je suis sur l'impression, et vous me corrigerez, que
vous êtes d'accord pour réduire le nombre de personnes, c'est-à-dire
de passer de trois à une personne pour la révision des refus.
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : Oui, en
fait, que le ban passe de trois à une, on ne le conteste pas, et tant mieux si c'est plus efficace. C'est juste qu'on
considère que le fait qu'on ait besoin d'adopter cette mesure-là cache un
autre problème plus grand que le problème des documents manquants lors d'une
demande d'aide juridique.
Mme LeBel : Donc, sans cacher... il peut y avoir un autre problème,
mais le fait de réduire de trois à une personne, on pourra déjà avoir
une efficacité plus grande. Là-dessus, ça vous convient.
Mme Lemoine (Claude-Catherine) :
Tout à fait.
Mme LeBel : O.K., parfait.
Juste pour être certaine.
On parle justement... L'objectif principal de ce projet de loi là et de cette
mesure en termes d'aide juridique est
de faire en sorte que les personnes
puissent être accompagnées ou assistées d'un avocat dans le cadre de leur
participation à un des programmes d'adaptabilité qui sera créé, là. Et
je réitère que le projet de loi ne crée pas de programme, mais donne une ouverte à la création des programmes. Est-ce que vous
pensez que c'est une bonne mesure de pouvoir avoir cet accompagnement-là qui
est défrayé par l'aide juridique ou est-ce que vous avez des bémols à ce
niveau-là également?
Mme Lemoine (Claude-Catherine) : Vous voulez dire l'accompagnement dans les programmes
d'adaptabilité?
Mme LeBel : Oui, le fait qu'il y ait une possibilité pour un avocat d'accompagner puis que cet accompagnement-là
puisse être couvert par l'aide juridique, je pense que ça va...
Mme Lemoine (Claude-Catherine) : Évidemment, le fait d'élargir le panier de
services, pour nous, c'est toujours un avantage, et on le demande, en fait, on le
souligne, on vous félicite. C'est juste que, dans la rédaction du projet de loi, évidemment, comme c'est un projet de loi omnibus, oui, le titre le dit, ça touche surtout la justice pénale,
mais, dans ses articles, ça ne touche
pas seulement la justice pénale, mais ça touche également la
justice civile. Et c'est dans un peu cet angle-là qu'on a aussi parlé d'aide juridique beaucoup
plus largement, avec un peu de recul, pour parler du régime de façon plus large.
• (16 h 50) •
Mme LeBel : O.K., je comprends bien. Vous attaquez, ou, en
tout cas, vous dénoncez, ou vous soulignez le fait que le sens du mot «[il peut être] nécessaire» n'est pas... selon votre critère, n'est pas clair, mais je peux vous
dire... Bien, vous êtes au fait,
d'ailleurs, que ce critère de nécessité là se retrouve déjà
dans la loi actuelle, surtout quand on parle des programmes d'accompagnement
par rapport à un adolescent ou un mineur qui existent
déjà en matière de Tribunal de la jeunesse.
Est-ce que ce critère-là, dans le passé, qui existe déjà
dans la loi, où on dit qu'il peut être...
s'il est nécessaire qu'un avocat
accompagne dans ces programmes-là au Tribunal de la jeunesse, est-ce que ce
critère-là de nécessité ou le fait que ce
soit nécessaire a posé problème dans l'admissibilité dans la loi, dans la pratique, si on
veut? Parce qu'on s'est collés aux mêmes critères, là, pour établir...
Mme Lemoine (Claude-Catherine) : Bien, en fait, c'est que,
tant qu'à avoir un nouveau service, le fait d'ajouter un critère le rend pour nous discrétionnaire, et, si c'est,
de toute façon, dans l'optique du nouveau Code de procédure
civile d'aller vers d'autres avenues
de règlement, là, on est en matière pénale, mais c'est la même
chose en matière civile, le fait
d'ajouter le critère de nécessité, pour
nous, c'est un ajout qui n'est pas nécessaire, puisque la personne en a besoin. Ça fait que, tant qu'à rédiger un nouvel article, on
considère qu'il devrait être plutôt
nommément couvert puis de ne pas ajouter le critère de nécessité.
Mme LeBel :
Mais je suis vraiment intéressée par votre expérience pratique puis je vais
réitérer ma question, parce que j'aimerais
bien savoir si vous avez une réponse à cet aspect-là. Ce critère de «lorsqu'il est nécessaire»,
en tout cas, la façon dont c'est
rédigé, «quand il peut être nécessaire
d'être accompagné», existe déjà à
l'article 4.10 de la loi, qui prévoit
justement, en matière de délinquants ou en
matière de jeunesse pour le Tribunal de la jeunesse, que la personne peut
être accompagnée par un avocat et peut être
couverte par l'aide juridique lorsqu'il est
nécessaire de le faire.
Ce
n'est pas un critère quand les gens sont... Les
critères d'admissibilité sont différents quand on peut passer à travers le
système judiciaire pour une accusation. Là,
on parle des programmes alternatifs ou d'adaptabilité. Ça existe déjà.
Alors,
j'aimerais savoir, avez-vous des éléments,
des données où on pourrait penser que ce critère de «nécessaire» fait
en sorte que des gens qui devraient, selon
toute objectivité, être accompagnés par un avocat se sont vu refuser de le
faire parce qu'il y avait ce critère-là?
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : Pour la question spécifique que vous posez, puis
je ne veux pas... mes collègues pourront
compléter, on n'a pas de données précises en droit de la jeunesse, et en fait on renverrait ou on inviterait
la commission à peut-être consulter des gens
qui travaillent en protection de la jeunesse ou qui sont avocats en protection
de la jeunesse. La coalition est un
regroupement d'organismes qui, en ce moment, ne possèdent
pas cette expertise-là, alors,
on ne va pas s'inventer expertes dans des
domaines qu'on n'est pas. Mais, par
contre, en consommation, en matière
civile, en matière familiale, en matière de logement, c'est surtout
l'expertise des membres de la coalition en ce moment.
Mme LeBel : O.K., parfait. Donc, je comprends bien. Puis je ne
voulais pas vous piéger, je voulais juste voir...
Comme vous émettiez une réserve ou, en
tout cas, une crainte par rapport à ce critère de nécessité là, je voulais savoir si vous aviez des exemples où, à tout le moins, dans la
pratique, vu que ça existe déjà dans la loi
actuelle, pour nous illustrer que
cette crainte-là est bien fondée dans cette matière-là.
Peut-être
m'éclairer un peu. Vous dites que le projet
de loi, actuellement, de par la rédaction de certaines mesures, vient atteindre le panier de
services. Quels sont les frais... Outre le fait qu'on va couvrir un nouvel
aspect, c'est-à-dire
l'accompagnement à travers le programme d'adaptabilité, quels sont les services
qui risquent, que vous craignez qu'ils disparaissent par le projet de loi
actuel ou par les mesures actuelles? Parce que vous avez parlé d'atteindre le panier
de services, et ça, ce n'est certainement pas un objectif.
Mme Lemoine (Claude-Catherine) : C'est
ça, les deux principaux, en fait, puis c'est un peu le régime des consultations
juridiques qui est particulier. Donc, je vais commencer par là. Mais donc la
rédaction des documents, pour nous, c'était la
question du terme utilisé. On le voit comme un durcissement du critère, que ce
soient des conséquences néfastes, que ce
soient des... mais même moi, je me mélange, des conséquences graves versus
conséquences néfastes. Donc, si on ajoute un critère plus serré sur les conditions dans lesquelles ce service-là
peut être offert, alors qu'on vise plutôt, en matière civile, d'aller
vers les modes alternatifs, on trouve que ça, c'est une réduction de panier de
services.
Autrement, la question des
consultations d'ordre juridique, en fait, un régime particulier dans la loi
actuelle de l'aide juridique, puisque
c'est un service qui est couvert par des articles spécifiques, et la rédaction
rend le tout un peu difficile en termes de compréhension. Puis ça, c'est la Loi
sur l'aide juridique au complet qui est un peu complexe, là. Mais, donc,
quand on dit qu'en ce moment les
consultations juridiques sont offertes dans les domaines, sauf dans une
exception, qui est, si je ne me
trompe pas, l'article 22.f, qui est le service de consultation
téléphonique en cas d'arrestation, donc, c'est tout un autre régime à
part entière, qui est l'appel à l'avocat quand on se fait arrêter.
Mais,
autrement, l'article, comme il est rédigé en ce moment, est large, dans son
application, n'est pas si large. Donc, ma
compréhension, c'est que, dans son application en ce moment, les consultations
juridiques sont dans des services qui ne
sont pas autrement nommément exclus, mais ce n'est pas comme ça que l'article
de loi est rédigé en ce moment. L'article de loi qui est en vigueur en ce moment est très large et devrait couvrir
tous les domaines. Donc, dans son application, dans l'usage, mais aussi avec l'article du projet de
loi, si on le restreint aux domaines qui sont par ailleurs couverts, c'est dans
ce sens-là qu'on pense qu'on vient
cristalliser un peu une restriction, une limitation dans l'assiette de panier
de services pour les domaines qui sont couverts par la consultation
juridique.
Mme LeBel :
O.K. Puis est-ce que vous pouvez nous donner un exemple? Juste à titre
d'exemple, quels sont les types de consultation qui risquent de tomber
en bas du panier, si je peux dire ça?
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : Bien, en fait, ça dépend si on prend la loi à la
lettre ou si on considère l'expérience
actuelle dans les bureaux d'aide juridique. Mais, comme l'usage a fait en sorte
qu'on exclut les consultations pour
les services qui sont autrement... nommément exclus, ça veut dire qu'une
personne qui a une question, par exemple, en diffamation ou en atteinte à la réputation, c'est un service, en ce
moment, qui est nommément exclu en demande à l'aide juridique. Pour notre part, on considère que ça
devrait être des services en consultation qui sont nommément couverts. Une
personne, même si on ne sera pas peut-être
son avocate pour faire son recours, devrait avoir droit à une consultation
juridique pour comprendre quelle est la situation, quelles sont ses chances de
succès, quels sont ses recours, par quelle voie le faire, comment commencer, est-ce que ça vaut la peine. En
ce moment, la loi, comme elle est rédigée, couvre tous les domaines, même si, dans son application, on est déjà en
train de restreindre la portée qui serait finalement cristallisée dans le
projet de loi. Donc, pour nous, la consultation juridique, c'est quelque
chose qui est beaucoup plus large.
En
matière de logement aussi, on se pose des questions en ce moment. Le logement
est... En termes de services, donc, si
on parle d'aller à la Régie du logement, ce n'est pas toujours couvert. On est
dans la couverture discrétionnaire. Il va falloir s'assurer que la sécurité de
la personne ou son toit, ses besoins essentiels, donc l'éviction est en cause.
Donc, c'est des services, en termes
de représentation, qui sont de couverture discrétionnaire. Mais, en ce moment,
la consultation juridique en matière
de logement est nommément couverte. Donc, la personne peut venir voir le bureau
d'aide juridique, évidemment poser
des questions en matière de logement, même si ça ne veut pas nécessairement
dire que l'aide juridique pourrait faire le pas de la représenter devant
la Régie du logement.
Donc,
avec la rédaction comme elle est maintenant, on se demande, si c'est pour un
problème plus mineur dans son
logement, qui peut-être ne porte pas atteinte à sa sécurité physique ou
psychologique, mais qu'elle se pose des questions sur ses droits comme
locataire, on craint que, si le service vers la Régie du logement n'est pas par
ailleurs couvert... est-ce que ça veut dire que la consultation n'est plus
couverte, alors qu'elle l'était ou qu'elle l'est en ce moment?
Mme LeBel :
Bon, bien, merci pour cette illustration-là. Ça m'aide à mieux comprendre, là,
ce que vous vouliez dire. Puis je vous remercie. Je n'ai pas d'autre
question, là.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je me tourne maintenant vers le
député de LaFontaine pour 10 minutes.
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup. Merci beaucoup à vous trois d'être présentes. Donc, Me
Thériault, Me Lemoine et Mme Lévesque, merci pour votre...
Une voix :
...
M. Tanguay :
C'est ça? Mme Lévesque? C'est ça. Alors, merci pour votre mémoire et votre
éclairage quant au projet de loi. Plusieurs
questions sur lesquelles j'aimerais être sûr d'avoir bien compris votre
intervention, puis je vais y aller en
rafale. On parle de l'article 4.3.1 du projet de loi qui propose donc de
rapatrier cet article 32.1 dans la même section que les autres services
couverts en ajoutant 4.3.1. Et on dit que «cette modification simplifie la
compréhension des services couverts
en les regroupant dans une même section. Toutefois, ce qui semble à première
vue une simple opération d'efficacité s'ajoute à une modification du
texte.» Et là vous citez le texte :
«4.3.1.
L'aide juridique est accordée pour des consultations d'ordre juridique dans les
domaines pour lesquels les services sont par ailleurs couverts.»
Et
peut-être juste par précision, dans le projet de loi, on dit : «L'aide
juridique est accordée pour des consultations d'ordre juridique pour les sujets
pour lesquels les services sont par ailleurs couverts.» Donc, c'est une petite
rédaction différente, mais l'essence est là, et ça ne vient pas annuler
votre propos.
«La formulation
choisie laisse croire qu'il y aura place à énormément d'interprétation dans
l'application des exclusions.»
J'aimerais
ça que vous nous en parliez, vous, de cette... des écueils que représente quand
ce n'est pas clair, ce qui est
couvert puis n'est pas couvert. J'aimerais ça, vous, que vous nous disiez
comment le débat se fait et en quoi, justement, ça ne vient pas aider,
mais ça vient ajouter un nuage au-dessus de la tête de vos membres, oserais-je
dire.
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : Bien,
en fait, comme je disais tantôt, c'est le... il y a certains services qui
sont plus... c'est plus difficile de savoir
si c'est couvert ou pas quand c'est une couverture discrétionnaire parce qu'en
fait c'est les personnes dans les bureaux d'aide juridique qui vont
faire cette évaluation-là. Règle générale, c'est les avocats, avocates de l'aide juridique pour les dossiers
permanents, parfois des techniciens, techniciennes quand c'est pour des mandats
de pratique privée.
Alors, il y a
une interprétation à faire, qui peut être utilisée de façon large et libérale.
On se souvient que c'est une loi
sociale. Elle devrait être interprétée de façon large, mais qui peut aussi être
restreinte, puisque ce n'est pas nommément couvert. Pour les services qui sont nommément couverts, on parle de
droits de la famille, on parle de révision à l'aide sociale. Ce sont des domaines où je n'ai pas besoin de me
poser la question à savoir si la personne risque de perdre son toit ou ses
moyens de subsistance. Et donc, à ce
moment-là, c'est dans le bureau que l'évaluation se fait. Et, si la personne
est en désaccord avec la décision, peut porter la décision devant le
comité de révision de la Commission des services juridiques.
• (17 heures) •
M. Tanguay :
Et de là se développe une jurisprudence uniforme ou, dans certains cas, malgré
une jurisprudence, il y a toujours place à l'interprétation, puis, d'une
région à l'autre, on pourrait même avoir des écarts de couverture?
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : En
fait, je pense que ça, c'est peut-être à la Commission des services juridiques
de venir nous éclairer, mais, dans nos
membres, effectivement, c'est ce qu'on rapporte. On a fait un questionnaire
l'an passé pour essayer de recueillir
l'information. On ne prétend pas du tout que c'était scientifique comme
questionnaire, mais on voulait
recueillir l'expérience de nos membres un peu partout au Québec. Et donc, oui,
il y a des divergences, il y a des bureaux
qui peuvent être plus sévères, moins sévères, mais toujours dans la même
conformité avec la Loi sur l'aide juridique, puisqu'elle confère une discrétion en termes d'application. Donc, ce
n'est pas quelqu'un fait bien, quelqu'un ne fait pas bien ou analyse bien ou analyse mal, mais c'est
plus une divergence de façon d'appliquer les critères d'aide juridique d'une
façon à l'autre... d'une région à l'autre ou d'une situation à une autre.
Alors, je
pense que, si on peut... Plus on peut rendre des services qui sont nommément
couverts, c'est aussi plus clair pour
le justiciable de savoir quelle porte est celle qui est la mieux placée pour
m'aider, parce que, sinon, on est dans le
peut-être. Donc, des fois, la réponse... Mais c'est peut-être couvert, des fois
oui, des fois non. Donc, c'est plus difficile pour les gens de se
diriger dans le système.
M. Tanguay :
Et, pour ma gouverne, parce que je ne suis pas familier de la procédure, si un
justiciable se fait dire non dans un cas précis, quel est son recours?
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : À ce
moment-là, la personne reçoit un refus, un document qui s'appelle un refus d'aide juridique et, joint à ça, un
formulaire qui est une demande de révision. En ce moment, le formulaire indique
où envoyer... C'est pour ça qu'on en
parlait dans notre mémoire aussi, mais il est écrit à qui l'adresser, où
l'envoyer, et puis à ce moment-là
c'est une demande de révision qui est traitée par le comité de révision de la
Commission des services juridiques.
M. Tanguay : O.K. Et là
c'est le dernier recours, là, la décision finale.
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : Oui.
Comme pour répondre à votre question de tantôt, vous disiez : Est-ce
qu'il y a une jurisprudence constante qui se
développe?, en fait, c'est que c'est les refus qui se ramassent souvent à être
entendus en comité de révision, et donc, si
on applique la loi de façon large mais conforme à la forme et la lettre de la
Loi sur l'aide juridique, bien, ces dossiers-là, les fois où l'aide
juridique a dit oui ne font pas nécessairement partie de la jurisprudence,
puisque, là, on va plus se concentrer sur les refus et dans quels cas le refus
a été renversé.
M. Tanguay :
Avez-vous des statistiques sur le nombre de personnes qui portent le refus en
appel, je dirais, à la commission?
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : Je ne
les ai pas sous la main, mais c'est dans les rapports d'activité de la Commission des services juridiques. Ceux qu'on a
remis dans le mémoire concernent les demandes de refus spécifiquement parce que... on a refusé l'aide juridique parce
qu'il manquait des documents. Parce qu'il y a plusieurs raisons pour lesquelles
on peut refuser l'aide juridique : si
ce n'est pas un service couvert, si on est inadmissible financièrement, si on a
peu de chances de succès et s'il manque des documents. Donc, c'est ces
données-là qu'on a reproduites.
M. Tanguay :
O.K. Vous parliez, et, j'imagine, c'est variations sur le même thème, là, à
4.4, lorsque vous disiez, là :
De quels services est-il question dans cet ajout à l'article 4.4, et quel
enjeu ou domaine de droit est ici concerné? Là également, là, je ne sais pas si vous avez un commentaire à ajouter
là-dessus, parce que le temps file, mais c'était pour les services rendus avant la judiciarisation.
Pouvez-vous nous dire, donc, de façon très tangible on touche à quoi ici, là?
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : Bien,
en fait, c'est notre question. On est ravis qu'on élargisse le panier de
services avant la judiciarisation, parce qu'il y a beaucoup de choses qu'on
peut faire avant la judiciarisation pour éviter l'escalade. C'est juste que, comme on va commenter un projet de loi, on
ne peut pas donner notre aval sur le... derrière la porte, sur ce que nous, on
ne voit pas, il y a probablement un projet de règlement qui s'en vient, mais,
avec ce qui est là, on ne peut pas
tant savoir, du moins en matière civile, quels services vont être à proprement
parler couverts si c'est la personne qui fait la médiation ou le conseil
pendant le processus de médiation. Mais on le salue, ceci dit. On en est très
heureuses.
M. Tanguay :
Bravo! Vous disiez, aux pages 11 et 12, par rapport à
l'article 4.10 : Le projet de loi remplace — et ça, c'est une particularité,
là — le
mot «néfastes» par «graves». Autrement dit : «Malgré les dispositions de
la présente sous-section, l'aide juridique est accordée :
«3° à une
personne pour la rédaction d'un document relevant normalement des fonctions
d'un notaire [...] avocat si ce
service s'avère nécessaire, compte tenu de la difficulté qu'éprouve cette
personne à préserver ou faire valoir ses droits et des conséquences
néfastes qui, en l'absence de ce service, en résulteraient...»
Donc, on vient ici changer «néfastes» par
«graves», et, à raison, vous, vous dites en page 12 : Pourquoi
changer «néfastes» par «graves» et qu'est-ce
qui est derrière ça? Est-ce que vous, vous avez un début de piste de réflexion ou ça arrive de
nulle part? L'avez-vous déjà rencontrée, ça, cette évolution-là vers de
«néfastes» à «graves»?
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : Non.
Non, mais j'imagine que c'est probablement ce qui est derrière. Je veux dire, je ne pense pas qu'il y ait des gens
qui ont décidé de faire un changement tout
à fait inutile. Alors, assurément,
on est confiantes qu'il y a une raison derrière ça. Ceci dit, tant qu'à
discuter de cet article-là, on considère qu'on devrait amoindrir le critère
d'admissibilité pour que ce soit simplement «conséquences néfastes». Pour nous,
ça devrait être suffisant pour accompagner la personne dans sa démarche.
M. Tanguay : Merci beaucoup.
Mme Thériault (Elise) : Même
«conséquences»...
M. Tanguay : Oui, je
vous en prie.
Mme Thériault (Elise) : Même
«conséquences négatives», parce qu'en fait que «néfastes» soit plus pire que «graves» ou que ce soit l'inverse, nous, ce qui
est important, pour nous et du point
de vue des bénéficiaires, c'est qu'il
y ait le plus de gens possible qui
soient admis. Donc, à partir du moment où la personne a une conséquence
négative, que ce soit vraiment
très, très grave, ou néfaste, ou que ce soit juste moyennement mauvais, on
considère que cette personne-là, si elle est dans un bureau d'aide
juridique, c'est parce qu'elle a besoin d'aide puis qu'elle devrait être
admise.
M. Tanguay : Tout à fait,
bon point. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
Mme Weil : Bien,
peut-être juste en...
Le Président (M.
Bachand) : Une minute.
Mme Weil :
Oui. Peut-être, vous permettre... dans votre conclusion, vos recommandations,
vous parlez d'efficacité du système
pénal, votre deuxième paragraphe : «Cependant, une plus grande efficacité
du système de justice n'équivaut pas
nécessairement à un meilleur accès à la justice. En ce sens, la démarche du
projet de loi n° 32 en ce qui concerne l'aide juridique est
décevante.» Vous faites un commentaire sur les hommes et les femmes. Est-ce que
vous avez — je
pense qu'il reste, quoi, 30 secondes — peut-être un commentaire à
faire là-dessus?
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : En fait,
c'était une question qu'on voulait vous soumettre. Ce qu'on constate, en fait, c'est que le système de
justice pénale, si on y concentre des ressources, évidemment,
c'est tant mieux. Les hommes sont surreprésentés dans le système de
justice pénale, mais ce sont les femmes qui utilisent en plus grande partie les services d'aide juridique en matière
familiale, en matière administrative,
en matière de logement. Alors, évidemment que nous, on prône, en fait, le bilan du régime de l'aide juridique, la
réforme pour voir où est-ce qu'on devrait aussi investir. Alors, on n'est pas en train de dire qu'on ne
devrait pas améliorer la justice, le système de justice pénale, au contraire,
mais qu'on croit que c'est le temps qu'on s'attarde aussi à l'autre
pendant du système du régime de l'aide juridique.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous
plaît.
Mme Lévesque (Sylvie) : C'est
souvent le parent pauvre du système de la justice
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, oui.
Mme Lévesque (Sylvie) : C'est
souvent le parent pauvre du système de la justice.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci, M.
le Président. Bonjour. Merci d'être
là aujourd'hui. J'ai été... Vous avez attiré mon attention avec vos commentaires sur
l'article 4.3.1 concernant les consultations. J'ai aimé aussi... j'ai
trouvé votre échange avec la ministre
intéressant. J'ai comme envie de vous permettre de le poursuivre puis
j'aimerais que vous me donniez un exemple, idéalement le plus concret possible, disons une
mise en situation basée sur votre interprétation de cet article-là que... Vous avez expliqué
votre interprétation théorique, mais, disons, concrètement, là, parce que vous
représentez des gens qui sont sur le
terrain, pouvez-vous nous donner l'exemple d'un type de consultation qui était couvert et
qui ne le serait plus si on adopte le projet de loi tel quel?
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : ...on se demande si, par exemple, en matière de
logement, on ne va pas perdre une capacité
d'aider les locataires en termes d'information, de conseils, puisque c'est,
entre autres, un domaine où est-ce que la couverture est
discrétionnaire. Et, à ce moment-là, est-ce qu'on doit... On s'imagine dans un
bureau d'aide juridique, je suis avocate, quelqu'un
vient me voir, est-ce que j'ai besoin de savoir si c'est un service par
ailleurs couvert — parce
que, si j'allais à la Régie du
logement avec cette personne-là, ça
serait un service couvert — ou
c'est suffisant de me dire :
C'est à matière de logement, je peux considérer que c'est couvert par l'aide
juridique? Donc, jusqu'où, quand on
fait l'admissibilité, l'évaluation de l'admissibilité à l'aide juridique, je
dois aller pour déterminer que le service est par ailleurs couvert pour
être capable de donner la consultation d'ordre juridique qui en est reliée?
M. Nadeau-Dubois :
Alors qu'actuellement comment ça se passerait?
Mme Lemoine (Claude-Catherine) : En ce
moment, les consultations d'ordre
juridique, c'est nommément couvert.
M. Nadeau-Dubois :
Parfait.
• (17 h 10) •
Mme Lemoine (Claude-Catherine) : Alors, à moins que ce soit un service qui est
nommément exclu de la Loi sur l'aide juridique, comme la diffamation, en
demande, comme le libelle... les contraventions de stationnement, c'est couvert, je peux donner une consultation
juridique. Et, même ça, je vous soumets que le texte de la loi est plus large
et devrait me permettre de donner des
consultations juridiques dans les domaines qui sont nommément exclus. Mais, sur
le terrain, c'est la pratique qui est
développée, ressemble au projet de
loi qui est soumis, et donc qui
restreint la portée de l'article sur
la consultation, qui devrait être élargie, puisque c'est une façon importante
de prévenir les conflits, de les désescalader, de les régler en amont.
Et donc la consultation, au-delà de l'information, pour nous, est primordiale.
Puis c'est une des richesses du régime de
l'aide juridique et c'est là-dessus, en fait, qu'il faut même augmenter notre action,
puisque c'est la particularité de
l'aide juridique de pouvoir donner des consultations au-delà de
la simple information qu'on peut trouver de toutes sortes autres
façons maintenant.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci, M. le député de
Gouin. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Oui, merci beaucoup. Je voulais savoir, vous parlez, après... Je pense qu'on a
bien fait le tour. En tout cas, moi, j'ai
bien compris votre point. Il y a deux éléments. J'aurais été curieuse de savoir,
là, dans la page 16, le 5°, vous parlez vraiment, là, de la question
de clarifier ce qu'on entend par «droit collaboratif», «processus de
médiation», tout ça. Le langage peut être important.
Je ne sais pas si, selon vous, il peut y avoir une portée sur l'importance du
droit qu'on va avoir selon les termes qu'on peut utiliser. Ça fait que
ça, je serais intéressée à vous entendre par rapport à ça.
L'autre
chose, c'est plus général, mais est-ce
que vous avez été surprises, donc, de
trouver certaines modifications sur
l'aide juridique, dans le cadre de ce projet
de loi omnibus, qui touchent certains
aspects très précis? Et est-ce que vous vous
êtes dit : Bien, est-ce qu'on ne devrait pas saisir l'occasion pour aussi
d'autres éléments sans faire une réforme globale de l'aide juridique via un omnibus? Mais, je ne le sais pas, j'étais
curieuse de vous entendre sur votre jugement un peu critique par rapport
à ce qui est choisi dans le cadre d'un omnibus versus d'autres éléments.
Mme Lemoine (Claude-Catherine) : Effectivement, puis c'est pour ça qu'on a pris la
peine, à la page 16, de réitérer les
autres propositions de modification que la coalition porte. Donc, c'est après
avoir consulté l'ensemble de nos membres. Mais est-ce qu'on a été
surprises? Je dirais que non, puisque ça fait la suite du projet de loi n° 168, mais on l'a été au moment du projet de loi n° 168, puisque c'était un projet qui était vraiment
omnibus et qui à la toute fin, encore comme maintenant,
venait ajouter d'autres articles qui touchaient l'aide juridique, et donc on
aurait pu même ne pas le voir passer.
Mais
c'est une belle occasion, donc c'est pour ça qu'on souhaite la saisir. On
souhaite pouvoir participer aussi aux discussions pour après. Comme, là, on
ouvre une porte avec des ajouts de services, mais donc qu'est-ce qu'il va y
avoir après, vers quoi on s'en va, on espère pouvoir être consultées
puis mettre l'épaule à la roue dans ce travail-là, parce qu'évidemment ça peut être surprenant vu que ce
n'était pas le focus du projet de loi, mais c'est une belle occasion. Puis
on comprend comment ça s'imbrique dans la
première partie du projet de loi en particulier. Mais, pour nous, c'est une
occasion d'aller peut-être plus loin.
Mme Hivon :
Puis pour ce qui est du langage utilisé, mon autre élément, «droit
collaboratif», «processus de médiation», tout ça, vous soulevez la
question, mais vous n'avez pas de...
Mme Lemoine (Claude-Catherine) : ...proposerait que... C'est que si... Ce qui
n'était pas clair pour nous, c'est si on fait référence à la même idée,
puisqu'on utilise des termes différents. Si l'idée, c'est d'élargir, ça
pourrait être bien d'utiliser le terme le plus large possible, puisqu'il
sera précisé dans une deuxième étape ou, en tout cas, c'est ce qu'on déduit du projet de loi. Donc, d'utiliser la forme
la plus large possible. Et, si on parle des mêmes services, à ce moment-là,
peut-être utiliser le même langage. Mais
c'est, en soi, une discussion très intéressante de savoir qu'est-ce qui est
dans le droit collaboratif versus un autre mode privé de prévention.
Mme Hivon :
O.K. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Chomedey, s'il vous
plaît.
M. Ouellette : Merci. Bonjour,
mesdames. Deux minutes, ça passe bien vite.
En matière de logement, ce que vous parliez
tantôt, en aide juridique, vous savez que le projet de loi n° 16
est présentement à l'étude devant une autre
commission. J'ose penser que vous avez fait des représentations pour que, s'il
y a des choses qui doivent être
incluses, elles le soient. Si ça n'a pas été fait, bien, on en parlera, parce
qu'effectivement, puisqu'il est en
étude détaillée, c'est le temps, là, à même titre qu'à la page 16 vous
parlez que, s'il y a des choses qui pourraient être faites au niveau de
l'aide juridique, c'est aussi le temps. Est-ce qu'il y a une ouverture? Ça, ça
serait à nous de faire la discussion, mais je pense que c'est bien que vous
nous l'apportiez.
Dans la
dernière minute qu'il reste, les demandes de révision. Pourquoi qu'à 38 ça
augmente et... Tout d'un coup, il y a
quelqu'un qui a trouvé une solution ou... Bien, pourquoi il y a eu une baisse
significative, l'an dernier, sur les demandes de révision?
Mme Lemoine
(Claude-Catherine) : Ici
aussi, je pense que c'est peut-être la Commission des services juridiques
qui pourrait venir nous répondre, puisque ce sont leurs chiffres. Évidemment,
on sait que le réseau était sous la loupe, dans
les dernières années, avec le Vérificateur général. Mais qu'est-ce qui fait
qu'aujourd'hui c'est mieux? Peut-être que les gens ont apporté davantage
leurs documents, mais je pense que c'est quelque chose juste à surveiller ou
demeurer vigilants dans les prochaines
années. Tant mieux si c'est un vent qui change et qui continue de diminuer. À
ce moment-là, on pourra se
dire : Mission accomplie, on a changé nos façons de faire. Je pense que
c'est juste une question de demeurer vigilants
et alertes pour voir quelle est la tangente.
Est-ce qu'on continue d'aller vers le haut en termes de chiffres ou si on diminue? Là, on a une année d'amélioration,
alors c'est un petit peu tôt pour conclure.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député.
Une voix : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : À mon tour de vous remercier beaucoup de votre
présence cet après-midi.
Alors, je vais suspendre les travaux quelques
instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 15)
(Reprise à 17 h 17)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Merci. Alors, la commission reprend ses travaux.
Je souhaite maintenant
la bienvenue aux représentants de l'Association des procureurs de cours
municipales du Québec. Comme vous avez
vu, vous avez 10 minutes de présentation, après ça on a un échange avec
les membres de la commission.
Donc, j'invite à débuter d'abord en vous présentant. Merci.
Association des procureurs de cours municipales du Québec
(APCMQ)
M. Rousseau (Nicolas) : Alors, M.
le Président, Mme la ministre, membres de la commission, bonjour. Je me présente, Me Nicolas Rousseau, je suis président
ex officio de l'Association des procureurs de cours municipales. Je vais
laisser ma collègue se présenter.
Mme Roy
(Marie-Eve) : Alors, bonsoir — c'est approprié — à tout le monde. Marie-Eve Roy, Me Marie-Eve
Roy, je suis nouvellement présidente,
depuis quelques jours, de l'APCMQ, l'Association des procureurs de cours
municipales du Québec, et je suis aussi procureure à la Cour municipale
de Lévis.
Alors, je débute tout de suite avec la
présentation de notre association que j'appellerai l'APMCQ, parce que ça va beaucoup plus facilitant. Depuis
21 ans, l'association regroupe des avocats de plusieurs municipalités,
mais aussi en cabinets privés qui
représentent les municipalités devant les cours municipales. Les cours
municipales, pour votre gouverne, sont
de juridiction de première instance, et l'objectif premier est d'offrir une
justice de proximité aux justiciables québécois. Fortes de leur indépendance, les résultats générés ne sont plus à
démontrer autant au niveau des délais dans lesquels les dossiers sont
entendus et jugés, mais aussi dans la proximité des services judiciaires
rendus, adaptés aux citoyens et justiciables
de leur région. De plus, en comparant la quantité de constats d'infraction
émis, les municipalités sont les principales poursuivantes en matière
pénale au Québec.
Alors,
l'APCMQ vous remercie de l'invitation que vous nous avez lancée, et nous
pouvons d'ores et déjà vous dire que
l'association est très satisfaite du projet de loi n° 32, mais certaines
recommandations pourront, sans aucun doute, vous éclairer sur certaines
situations terrain vécues par nos procureurs.
• (17 h 20) •
M. Rousseau
(Nicolas) : En effet, le projet de loi, je vous dirais, on a quatre
mots qu'on retient, là, sur le projet de loi : simplicité, efficacité, modernité et au
service du justiciable. Vous comprendrez que, comme ma collègue vous dit, on est très favorable, là, aux propositions législatives qui
sont proposées puisqu'elles s'inscrivent également dans la continuité du projet de loi n° 161, mais on vous invite,
là, à bonifier certains éléments, là, du projet de loi que vous avez vus, là,
dans notre mémoire. On peut parler
sur le virage technologique où est-ce qu'on invite, là... où est-ce qu'on vous
invite à mettre un certain bémol sur
les pouvoirs que la magistrature peut avoir d'imposer un virage numérique, là,
dans certaines cours, puisque, fortes de leur indépendance entre chacune
des causes, ce n'est pas toutes les cours qui sont au même niveau.
Je
vous parlerais également de la signification des actes de procédure où est-ce
qu'on est d'accord avec le premier pas
qui est fait, où est-ce qu'on peut, avec certains barèmes... Et là, quand on
parle des actes de procédure, bien sûr, on enlève le constat d'infraction et on enlève les avis d'appel, là, c'est
vraiment sur les autres actes de procédure, notre lecture du projet de
loi. Mais on comprend qu'il y a certains barèmes où est-ce que le juge va
autoriser ou non l'assignation des actes de procédure, mais également on vous
proposerait, là, d'autres modifications où est-ce qu'on pourrait faciliter la
signification des actes de procédure, puisqu'en matière pénale c'est une
justice qui se veut de volume et d'efficacité et
où est-ce qu'il y a un penchant qui n'existe pas dans les autres domaines de
droit, qui est la rétractation de jugement, où est-ce que le justiciable
peut toujours revenir en arrière et se faire entendre.
Ma
collègue va vous élaborer tantôt sur les programmes d'adaptabilité où est-ce
qu'on vous invite à ne pas freiner les
programmes et à avoir encore une plus grande ouverture. La clarification des
conséquences du paiement pour valoir... plaidoyer de culpabilité. À cet
effet-là, il y a une... dans le but... une question d'efficacité, une question,
là, de cohérence, on vous inviterait,
là, à apporter certaines modifications, sans prêcher pour notre paroisse, là,
mais de clarifier comme quoi que les corps municipaux, les corps publics
devraient être représentés toujours par des procureurs. Le projet de loi est
certainement un peu flou à cet... pas le projet de loi, là, pardon, la loi est
certainement un peu floue à cet effet-là où est-ce qu'elle fait certaines
ouvertures, mais on vous invite à apporter certaines précisions.
Et finalement, là, la
crainte de l'ouverture à des possibilités de plaidoyer à des infractions
autres, vous comprendrez que l'association
est très favorable à cette ouverture-là, mais, également, émet de... certains
bémols, là, pour ne pas qu'on ait un système de justice à deux vitesses
où est-ce que ça soit toujours les amendes qui soient avantagées, où est-ce que
certaines personnes plus bien nanties seraient favorables versus d'autres
personnes, là, de la collectivité.
Mme Roy (Marie-Eve) : Alors, au niveau du programme
d'adaptabilité — je vais
avoir de la difficulté à le dire tout
le long, je suis certaine — je vais vous parler... on va commenter, au niveau du programme,
les articles 159.1 et suivants, et
non tout ce qui est les mesures du programme d'adaptabilité pour l'exécution
des jugements, parce que je pense que c'est plus au niveau des greffes,
des cours et de la perception, qui devront peut-être vous entretenir là-dessus.
Pour
le programme d'adaptabilité pour la poursuite, l'APCMQ est en accord avec
l'idée et le principe d'implanter des mesures de ce type-là dans le
système pénal québécois, compte tenu que le visage de notre société, mais aussi
des justiciables, a grandement changé. Et je
pense que le système judiciaire doit emboîter le pas pour développer des
solutions novatrices comme celle-là
et adaptées à la nouvelle réalité que nous vivons et que les justiciables
vivent. Comme association, on croit
grandement à ces programmes-là, puisqu'ils seront principalement utilisés et
déployés dans nos cours municipales.
L'objectif
du législateur était de cibler la clientèle vulnérable : itinérance,
dépendances diverses, troubles mentaux, etc. Cette clientèle-là, elle est déjà en grande majorité chez nous, dans les
cours municipales, parce que, souvent, ça va être des personnes qui, si elles ont à commettre des
infractions, ça sera souvent des infractions de réglementation municipale, donc
d'ordre et de paix publique.
Alors, cette
clientèle-là, nous la connaissons particulièrement bien dans les cours
municipales, et je crois que, si vous
souhaitez implanter ce type de programme là, on a quelques recommandations à
vous faire, dont la première et non la
moindre, ça serait de vous recommander de laisser une grande discrétion aux
municipalités, mais également au poursuivant municipal, et j'irais même à dire jusqu'à déléguer une grande partie des
pouvoirs aux municipalités. Je m'explique. Je comprends qu'il devra y avoir
certaines grandes balises, par contre, ce sont nous, les spécialistes, dans les
cours municipales, qui connaissons notre propre clientèle. Et là je ne
vous donne seulement qu'un exemple. On prend une cour municipale, MRC Bellechasse, cour municipale de Québec.
Pas la même clientèle, pas le même type d'infractions, pas le même type non plus d'intervenants communautaires qui sont
sur le territoire. Beaucoup moins de ressources communautaires, vous comprendrez, en Bellechasse qu'à Québec. Et ces
intervenants-là, communautaires, vont être l'appui à donner, entre autres,
aux procureurs pour ce type de programme là.
Donc,
ce qu'on vous recommande, c'est de laisser le plus de flexibilité possible aux
procureurs et aux municipalités afin
qu'on puisse déployer le programme de façon un peu plus libre et faite sur
mesure pour notre propre territoire et nos justiciables.
À cet effet, on
recommandait d'enlever le règlement qui inclurait les infractions, c'est ce
qu'on vous demande, subsidiairement, sinon, plutôt mettre des exceptions et
nous laisser gérer les infractions qui pourraient faire partie du programme.
Si vous voulez un
succès de ces programmes-là, je pense aussi qu'il faudra, par le fait même,
laisser un pouvoir de discrétion aux
procureurs et aux intervenants communautaires par qui ils sont appuyés au
niveau du retrait ou non des constats d'infraction et même quand le programme
ne sera pas complété. Ce qui est important de comprendre, c'est que, même si le programme n'est pas complété, il peut y
avoir plusieurs constats d'infractions, et je pense qu'il devra y avoir quand même une évaluation par le procureur et les
intervenants communautaires à savoir si un ou des constats pourraient
être retirés.
Finalement,
dans les critères d'admissibilité au programme, il faudrait plutôt... à
l'article 159.2.3°, que le défendeur ne conteste pas les faits générateurs de
l'infraction, parce que ce que vous... ce que le projet de loi n° 32 nous
dit, c'est que le défendeur devra reconnaître les faits générateurs de
l'infraction. Souvent, ce type de clientèle là, pour diverses raisons,
ne se souviennent pas de ce qui s'est passé. Alors, si on les oblige à
reconnaître les faits de l'infraction plutôt qu'à ne pas les contester, on va
en exclure une grande partie, selon nous.
M. Rousseau
(Nicolas) : Finalement, là, l'APCMQ croit qu'il faut aller un petit
peu plus loin dans le projet de loi et vous
sort une série de mesures, là, pour aller directement sur l'efficacité du
système de justice pénale québécois. On
pense premièrement à la prescription en matière pénale où la Cour d'appel,
dernièrement, est arrivée avec une conclusion où la computation des délais commence à... ne s'applique pas, là...
l'exception qui est prévue au code ne s'applique pas au monde municipal. Et ça crée certaines
problématiques, là, surtout en matière d'urbanisme et en matière d'abatage
d'arbres où on voit que certains justiciables pourraient se faufiler du
système et ne pas encourir la responsabilité pénale.
Vous
avez également la présomption de propriété de véhicules, une présomption qui
existe déjà pour la propriété d'un
immeuble. On croit qu'on doit l'étendre à la propriété d'un véhicule, et la
raison est fort simple : la personne peut toujours la contester la propriété d'un véhicule, et tout
procureur qui est tenu par un code de déontologie et qui voit que la personne
n'est pas propriétaire d'un véhicule va
retirer les constats d'infraction et ne poursuivra pas l'infraction. Aller à
l'encontre de ça serait, à notre sens, là, une faute déontologique et
faciliterait également la présentation de la preuve.
Vous
avez aussi des... On vous recommande sur certaines dispositions de biens où
est-ce que ce serait bien d'éclairer la
façon, là, de... les fardeaux de preuve qui doivent être établis. L'assignation
de certains constats qui sont normalement réservés aux questions de stationnement, on vous ouvre aussi
l'ouverture, là, de dire qu'il y a certains constats d'infraction... on parle,
exemple, en matière de portes débarrées.
On va beaucoup en termes de sécurité routière parce que c'est là-dessus que les constats sont émis au Québec, où est-ce
qu'on ne peut pas signifier, là, à un endroit apparent du véhicule. Or, le
tarif en matière d'huissier a changé,
et souvent nos municipalités nous disent que, si on doit signifier des actes de
procédures versus les tarifs qui sont appliqués, elles préfèrent ne pas
poursuivre... ne pas émettre de constat d'infraction.
Le Président (M. Bachand) : Je vais vous demander... Malheureusement, le
temps est écoulé. Donc, on va rentrer immédiatement en période d'échange
avec la ministre, s'il vous plaît, pas députée. Mme la ministre.
Mme LeBel :
Bien, je vais vous offrir peut-être de voir si vous voulez conclure, s'il y
avait autre chose, parce que votre mémoire est quand même... il comporte
20 recommandations assez bien élaborées, merci, là.
M. Rousseau
(Nicolas) : Très facilement, là. On vous parle de la problématique des
ordonnances en matière municipale où est-ce
que, si la personne... on a une tendance à vouloir émettre une ordonnance, là,
de libérer ou de nettoyer le terrain — je donne un exemple facile — et que la personne plaide coupable avant,
là, audition, il n'y a pas de possibilité d'avoir des ordonnances. Donc,
ça serait important de changer le projet de loi pour pouvoir que ces
ordonnances soient mises là.
Et finalement je vous
parlerais de l'article 366, là, qui est une revendication de l'association
depuis plusieurs années, là, de pouvoir l'étendre également aux poursuivants
municipaux.
Mme LeBel :
Parfait, bien, merci. Peut-être revenir un peu sur les programmes
d'adaptabilité. Moi aussi, j'ai de la
misère à le dire, ça fait que... Plusieurs
de vos membres, ville de Montréal, ville de Québec surtout, il y a d'autres
municipalités où ces programmes-là
existent, participent, donc, à ces programmes-là, participent à l'utilité de
ces programmes-là. Êtes-vous capables de me donner quelques exemples
peut-être concrets pour illustrer vu que vous avez une expérience pratique de ces programmes-là? Dans l'état actuel
des choses, qu'est-ce qu'on est quand même capable de faire présentement,
et quelle est l'utilité? Parce qu'on a vu
certains... un groupe, entre autres, qui avait des préoccupations tout à fait
légitimes en matière de santé
mentale. Êtes-vous capable de me donner un éclairage par rapport à ce qui se
fait présentement dans la pratique?
Mme Roy
(Marie-Eve) : Mais je connais surtout les programmes à la cour
municipale de Québec, Montréal peut-être un
petit peu moins, mais je sais qu'à la cour municipale à Québec vous avec IMPAC,
mais qui est plus en matière criminelle,
donc là qui va se dérouler pendant l'instruction. Ils ont aussi un programme,
je ne sais pas comment ils l'ont appelé,
mais au niveau de la perception des amendes. Je ne sais pas si c'est de ça que
vous voulez que je donne des exemples, Mme la ministre, plus qu'au
niveau criminel, parce qu'on est plus en pénal. Alors, je donne un exemple...
Mme LeBel :
C'est en matière d'itinérance, je pense, dans la ville de Québec, surtout,
hein, que ça peut s'appliquer?
• (17 h 30) •
Mme Roy (Marie-Eve) : Oui, surtout. Oui, surtout en matière d'itinérance
mais aussi en matière de stupéfiants,
là, dont une personne, un exemple, là,
que... la dame, elle avait des jeunes enfants, elle est retournée... Elle avait
beaucoup, beaucoup de constats
d'infraction, elle est retournée à l'école pendant neuf mois, elle a fait un
programme de méthadone, mais, à un
moment donné, elle n'a pas pu compléter le programme en tant que tel, mais ils
ont quand même été capables de faire des trucs pour elle et de retirer certains
constats d'infraction compte tenu de sa mobilisation et que sa vie a
pratiquement changé.
M. Rousseau (Nicolas) : Si vous me permettez, pour la ville de Montréal,
il y a... en itinérance, c'est une grande réalité où est-ce qu'on est beaucoup en matière pénale, on se retrouve
rarement en matière criminelle. Là, on parle d'injures, on parle
d'infractions de biens publics. La ville de Montréal, là, si la personne rentre
dans un programme et fait des démarches
positives, on n'est pas obligé, nécessairement, de se rendre à un résultat,
mais où est-ce qu'elle fait des démarches positives, à la ville de Montréal, à la cour municipale, à cet
endroit-là, on a pris la décision de dire : On va enlever le fardeau
financier qu'un constat a sur le justiciable
et on va lui permettre de progresser. Et c'est là-dessus qu'on vous dit que les
cours municipales, par le fait qu'elles sont
proches... qu'il y ait des cours de proximité, ont un rôle important à jouer,
là, à ce niveau-là.
Mme Roy
(Marie-Eve) : Puis aussi
éviter, je vous dirais, de... parce que c'est ce type d'infraction là au
règlement municipal qui, si, au bout
de la ligne, n'est pas payé, qu'on ne peut rien faire en perception, la
dernière alternative, c'est l'emprisonnement, ce n'est pas compliqué.
Puis, souvent, il peut y avoir les travaux compensatoires. Mais les travaux compensatoires pour certaines clientèles, je vais
être bien terre à terre, là, mais aller mopper un plancher, là, ce n'est pas
très mobilisant. Donc, quand on utilise des
types de programmes comme ça, ça va être beaucoup plus mobilisant pour les
gens qui vont les utiliser puis ça va
être... pour leur avenir, ça va être beaucoup plus gratifiant que d'aller faire
des travaux compensatoires, là. Ça fait que je pense que c'est...
Mme LeBel : Parce qu'on
émettait des craintes — je
suis contente que vous alliez sur ce sujet-là, des travaux compensatoires — justement
que 1 500 heures ou 150 heures, 200 heures,
1 500 heures, c'est beaucoup, là. Dans ma pratique, là, on ne se rend pas là nécessairement tout de suite, là, il
faut le dire, avant d'avoir 1 500 heures, mais, pour les gens qui nous écoutent, les travaux
compensatoires, donc, sont l'alternative au paiement d'amendes ou à
l'emprisonnement.
Mme Roy (Marie-Eve) : Ou s'il
n'y a pas de biens à saisir, oui.
Mme LeBel :
Et voilà, exactement. Donc, la crainte qui était émise par un des groupes
précédents était le fait que certains de ces programmes-là sont plus
longs pour le justifiable que de faire le 150 heures. Vous savez qu'il y a
un commentaire à faire par rapport à ça. Vous avez parlé de mobilisation, de
structurant, de peut-être quelque chose qui va y ramener un peu de dignité, là.
Mme Roy
(Marie-Eve) : Tout à fait.
Et ce qu'on a compris aussi, parce qu'effectivement je ne pourrais pas tout
vous citer, mais je sais qu'il y a eu
plusieurs études, plusieurs recherches, à tout le moins, en tout cas, pour la
cour municipale de Québec, et,
clairement, je vous dirais que... Puis il ne faut pas que les gens pensent
qu'on va être les seuls procureurs dans nos bureaux, puis c'est nous autres qui décident comment ça fonctionne,
là. Ce n'est pas nous, les spécialistes. Nous, on est les spécialistes du droit, mais on va être
capables d'accompagner les intervenants communautaires qui, eux, vont prendre
en charge ces personnes-là puis qui vont les
aider à se mobiliser puis à grandir dans tout ça. Nous, on est la courroie puis
on les aide, mais c'est clair que ça ne sera pas notre travail seulement à nous
autres, comme procureurs, de prendre... il doit aller dans quel programme, il doit faire quoi, il doit-tu se rendre à
six mois, cinq mois, quatre mois. Ça, c'est sûr qu'on va avoir besoin d'être appuyés, puis c'est pour ça
que je disais que le soutien de notre communauté, à chaque municipalité, va
être important, là.
Mme LeBel :
Puis le projet de loi établit bien le fait que le justiciable doit être
d'accord pour participer à un tel programme d'adaptabilité.
Mme Roy
(Marie-Eve) : Ça doit
toujours être volontaire. Si ce n'est pas volontaire, ça ne fonctionnera pas.
Je vous le dis, là, c'est certain que ça ne fonctionnera pas. Puis, oui,
les gens sont... C'est volontaire, puis, souvent, quand je disais qu'il y avait
des grandes balises mais qu'il fallait quand même nous laisser une certaine
partie, il y a différents formulaires qui sont remplis. Effectivement, ils ont
droit à un avocat qui va pouvoir tout leur expliquer ça : Toi, si tu embarques dans le programme, ça va être ça, ça, ça.
Et ce n'est pas parce qu'ils font une coche mal taillée qu'on les sort nécessairement tout de suite du programme. Ça fait
que c'est tout ça qu'il y a à être élaboré, selon moi. On a déjà une partie,
mais il y a quand même tout plein d'autres trucs à toucher, là.
M. Rousseau
(Nicolas) : Puis je vous
dirais que nos procureurs sont très fiers des programmes qui sont mis en
place, ils sont très fiers de faire partie de ces programmes-là. Et, pour eux,
c'est... si c'est bien une implication dans la collectivité, des procureurs,
c'est à ce niveau-là qu'ils se sentent valorisés.
Mme LeBel :
Donc, pour compléter là-dessus, donc, vous parliez tantôt de l'article qui
demande que le programme soit
complété, justement, avant qu'on puisse retirer les constats d'infraction.
Donc, ce que vous proposez, justement, vous parliez de coche mal taillée, c'est
peut-être de voir... d'être capable de prendre en compte le cheminement d'une
personne qui pourrait arriver au bout
d'un programme, et, pour une raison x, y, z, n'est pas capable de le compléter,
et qu'on ne pourrait pas, je ne
peux pas dire récompenser, mais je vais plutôt dire tenir compte de son
cheminement en n'étant pas capable de retirer le constat d'infraction si
le programme n'est pas complété. Est-ce que c'est ce que vous voulez dire
par...
Mme Roy
(Marie-Eve) : C'est
exactement ça, comme l'exemple que je donnais de la dame qui avait beaucoup,
beaucoup de constats d'infractions, trois enfants, elle est embarquée sur un
programme de méthadone, je pense qu'elle l'a pratiquement complété, elle est retournée aux études, mais il y a
certains trucs qu'elle ne pouvait plus faire, compte tenu de l'avis qu'elle
avait. Mais elle avait grandi, elle est sortie de la rue, en tout cas, elle a
terminé son programme de méthadone, donc
elle a quand même avancé et cheminé dans tout ça. Donc, si, au bout de neuf
mois, pour une réalité x, madame a super
bien travaillé, super bien évolué, mais qu'on lui dit : Le programme,
nous, c'était 12 mois qu'on avait prévus, ça fait que,
malheureusement, bien, bonjour. Et puis là, bien, vous retournez à la case
départ. Ça fait que ce n'est pas l'objectif.
Mme LeBel : Donc, c'est une des
flexibilités auxquelles vous faites mention.
Mme Roy (Marie-Eve) : Voilà.
Mme LeBel : Bon, la partie, je vais vous l'avouer d'entrée de
jeu, où j'ai peut-être un petit plus de craintes, où je veux comprendre un peu, c'est la partie de la
liste des infractions qu'on se propose d'établir par fin de règlement. Quand
on parle au niveau provincial, on parle
du DPCP, de la poursuite provinciale, quand il y a des directives, elles
s'appliquent à la grandeur du Québec.
À partir du moment où on laisserait peut-être aux différentes... Je ne mets pas
en cause l'expertise des procureurs
municipaux sur le terrain et l'expertise de leur communauté puis leur société.
Là où j'ai une crainte dans votre
proposition, puis peut-être vous pourrez me rassurer ou voir comment on peut
baliser ça, c'est de faire en sorte que, dans une municipalité x, le même contrevenant aurait accès au programme
parce qu'on considère qu'il est accessible ou il ferait partie d'une liste que cette municipalité-là aurait élaborée
et, dans une autre municipalité, le même contrevenant, dans d'autres
circonstances, parce que ça adonne qu'il vit ailleurs, n'aurait pas accès.
Donc, nous,
ce qu'on se propose de faire, naturellement, c'est d'élaborer une liste par
règlements pour s'adapter, et
d'entendre les suggestions du milieu, et d'ouvrir la liste en conséquence. Mais
le fait de laisser ça à chaque municipalité... Bien, je pense que vous
comprenez ma crainte, là.
Mme Roy
(Marie-Eve) : Bien, je
comprends tout à fait, là, c'est au
niveau aussi de la cohérence de tout
le... parce que, oui, effectivement...
Mme LeBel : Oui, la cohérence pour le justiciable qui, des
fois, se promène d'une municipalité à l'autre aussi dans ses constats.
Mme Roy
(Marie-Eve) : Oui, aussi,
effectivement, puis ça, ça va être un enjeu, parce que, quand elle va se
déplacer de municipalité en municipalité, il va falloir que ces
municipalités-là se parlent avec... En tout cas, ça, ça va être un autre...
Mme LeBel : Mais, si ça vient
du niveau provincial, la cohérence est peut-être plus assurée.
Mme Roy
(Marie-Eve) : Bien, au niveau
de la liste des infractions, oui, la cohérence serait peut-être
plus là, je suis d'accord avec vous, Mme la ministre. Par contre, ce que je ne voudrais pas, c'est qu'on encarcane ça et
qu'on... À la limite, je me dis : Est-ce qu'on peut mettre des
exceptions?
Mme LeBel : Donnez-moi un
exemple. Comment vous verriez ça?
Mme Roy
(Marie-Eve) : Je ne sais
pas, mais, moi, selon moi, ça va être nécessairement des infractions au
règlement municipal en grande partie
qui vont être ciblées. Donc, je ne le sais pas, mais, sérieusement... Là,
j'entends mon collègue réfléchir tout haut.
M. Rousseau
(Nicolas) : Non, mais il ne
faut pas oublier aussi... on ne souhaite pas bloquer l'innovation, parce que,
vous le savez, le projet de loi n'était pas là avant, et on a quand même fait des
grandes choses dans les cours municipales, on est arrivés avec des beaux
programmes. Ce qu'on veut vous proposer, c'est de dire : Ne bloquez pas
l'innovation s'il y a quelqu'un
qui a une idée nouvelle et qu'elle ne fait pas partie de la liste. Changer une
liste dans un règlement, c'est beaucoup plus difficile que d'innover et
d'être sur le terrain rapidement. C'est plus à ce niveau-là.
Et, quand la crainte du fait que le justiciable
n'ait pas le même service à tous les endroits... ça sera toujours difficile d'arriver avec cet effet-là, parce que,
comme ma collègue vous le disait, qu'on soit à Bellechasse, qu'on soit à Lévis
ou qu'on soit à Montréal, l'itinérance, on n'a pas les mêmes ressources, on n'a
pas les mêmes ressources sociales à tous les
endroits. Et notre compréhension de projet
de loi n'impose aucune obligation
d'avoir des programmes sociaux dans
les municipalités. Donc là, de dire... Alors, la liste, qu'est-ce qu'elle vient
de faire, elle vient freiner et non obliger d'avoir des programmes
sociaux.
Mme LeBel : O.K. je comprends.
Je quitte les programmes parce qu'il me reste peu de temps, puis il y a une mesure que je veux aborder, votre document étant
quand même assez très clair, mais il y en a une où vous me laissez un petit peu perplexe. En matière criminelle, il y a
l'infraction moindre et incluse, le procureur a une très grande latitude pour
changer un plaidoyer de culpabilité ou
accepter un plaidoyer de culpabilité sur les faits qui comportent une même
affaire, qui sont moindres et inclus.
En matière de code pénal, c'est beaucoup plus difficile, là, de changer des plaidoyers
pour un autre. Bon, on connaît la procédure, on n'entrera pas là-dedans.
On parle, je pense que c'est la mesure 10,
où vous recommandez de... les infractions ou catégories d'infractions qui sont... la discrétion de l'admissibilité des
infractions ou catégories d'infractions incluses dans... Non, ce n'est pas ça
du tout. C'est celle où vous dites que vous craignez que, par le...
oui... vous savez duquel je parle?
M. Rousseau (Nicolas) : Le deux
vitesses.
Mme LeBel : Exactement, le deux vitesses, exactement. Et là
vous, naturellement, vantez le professionnalisme des procureurs, et je vois mal où est votre crainte si
on ouvre, justement, sur cette possibilité-là d'avoir des constats
d'infraction. Merci.
• (17 h 40) •
M. Rousseau
(Nicolas) : La règle est
déjà claire, en matière pénale, que les infractions moindres et incluses, il
peut y avoir des changements de plaidoyer,
et la justice, la magistrature surtout, surveille cette réalité-là. Et ce qu'on
comprend, c'est
qu'avec la recommandation 19, là, mais c'est l'article 42 du projet de loi, ce qu'on comprend, c'est que le ministère de la Justice et le
législateur souhaitent accélérer les règlements, d'arriver avec des ententes,
c'est ce qu'on comprend de l'article 42.
Parce que l'article 42, s'il n'existe
pas, il va toujours y avoir des infractions moindres et incluses, et
c'est toujours permis.
Alors, à la
lecture de l'article 42, ce qu'on comprend, c'est que de dire...
c'est que le législateur dit : Forcer, avec des grands guillemets,
là, mais travailler sur les règlements de conflit, je vous dirais, là, d'arriver avec
des règlements autres, si
c'est possible. Mais ça, ça a toujours été possible, là. Donc, c'est pour ça qu'on ne
voit pas la pertinence de l'article 42, puisque
c'est déjà le cas. Nous, notre seule pertinence, à la
lecture, puis peut-être qu'on se trompe, là, c'est de dire... bien,
c'est de provoquer le règlement de dossiers, là, pénaux.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
LaFontaine, vous avez la parole. Merci.
M. Tanguay : Merci
beaucoup, M. le Président. Et j'aurai l'occasion... Bien, d'abord, merci beaucoup d'être là, de répondre à nos questions puis d'apporter votre éclairage. Il est de bon
aloi, lorsque nous serons rendus à l'étude article par article où je vais demander à Mme la ministre : Pouvez-vous nous déposer en liasse vos amendements?,
et là elle va dire : Non, non,
on va y aller au fur et à mesure des articles, et elle va me poser la même question : Pouvez-vous déposer en liasse vos amendements... On dirait que
j'en ai déjà 20 qui sont déjà écrits et rédigés, qui sont vos recommandations
de façon tout à fait précise. Là, on va les analyser, mais vous avez
fait un travail, je dirais, que l'on voit rarement, qui est très chirurgical,
qui est très précis. Il y a :
Ajouter tel bout de phrase, tel mot, et ça dénote l'aspect très, très
pratique que vous avez, à tous les jours dans votre profession, vous
avez à vivre avec ces dispositions-là.
Ma première question
plus macro, hors de ces 20 recommandations là, est-ce
qu'il y a d'autres pans que vous
auriez aimé voir à l'intérieur du projet de loi, donc réforme du droit pénal, du Code de procédure pénale, devrais-je dire? Parce qu'il y a des semaines où on ne rouvre pas la loi. Mais
vous vous êtes, je pense, attardés beaucoup, beaucoup
sur ce qui est déjà prévu. Est-ce
qu'il y a d'autres éléments que vous
auriez aimé, tant qu'à l'ouvrir, aller, là, sur lesquels vous auriez aimé
que l'on aille?
M. Rousseau
(Nicolas) : Je dois vous
avouer que, vous l'avez dit, là, il y
a un travail chirurgical qui a été
fait, là. On a pris le projet de loi, on est arrivés avec une version administrative, si je peux me permettre les mots,
et on a traversé le... on a traversé complètement. Pour nous, là, le système de
justice pénale se porte très bien. Le système est simple. Le système est
efficace. Est-ce qu'il est parfait? Non. Je pense que le projet de loi arrive
avec d'excellentes solutions.
On vous
propose... Au-delà des 20, vous comprendrez qu'on a fait le travail au complet,
et il y a des pans qu'on ne s'est pas
penché. On pense, là, aux questions de mandat de perquisition. Pour nous, pour
l'association, ça ressemble beaucoup plus
à des questions pour l'AMF, pour les autorités, là, qui font des poursuites un
peu plus grosses, un peu plus administratives, mais qui ne touchent pas 95 % des justiciables. Alors, pour nous,
les propositions qu'on fait sont complètes et répondent, là, aux besoins
qu'on vit dans nos cours municipales.
M. Tanguay :
Merci beaucoup. J'aimerais revenir sur le dernier élément, la
recommandation 19, et je vais vouloir laisser du temps à ma collègue de
Notre-Dame-de-Grâce. Vous parliez, à ce moment-là, de l'article 42 du
projet de loi, qui... et il
s'agissait d'avoir l'insertion d'un nouvel article 193.1 : «Malgré
toute disposition du présent code, un défendeur peut nier sa culpabilité
à l'égard d'une infraction qui lui est reprochée et présenter au juge un
plaidoyer de culpabilité à l'égard d'une autre infraction se rapportant à la
même affaire...»
Vous levez un
drapeau rouge en disant : Il y a potentiel de justice à deux vitesses. Et
j'aimerais vous entendre de façon
très tangible là-dessus où il arriverait un cas où un justiciable dirait :
Bien, pas à ça, non-culpabilité, mais culpabilité par rapport à telle
infraction, et, woup! en matière d'infraction au Code de la sécurité routière,
il n'y aurait pas de point de démérite,
mais il y aurait une amende plus salée, plus élevée. À ce moment-là, j'ai les
moyens, je paie l'amende puis je n'ai pas
de point de démérite. C'est dans ce cas d'espèce là. Est-ce qu'il y a d'autres
cas? Mais c'est ce à quoi vous faites référence?
M. Rousseau
(Nicolas) : ...fait
référence. Et le cas... la jurisprudence le prévoit déjà, qu'on peut plaider
une infraction moindre et qui est
incluse, et la magistrature a un devoir de surveillance sur nos changements de
plaidoyer, là, à cet effet-là. Comme
je vous ai dit, sans s'attaquer puis en vous disant que c'est... on va déchirer
notre chemise sur le fait que ce n'est pas l'objectif, je pense, du projet de
loi, mais ce qu'on vous dit, c'est... notre lecture du projet de loi, c'est
qu'on invite les procureurs à
participer plus grandement à des processus de médiation, des processus de
négociation. Et ce qu'on vous dit, c'est
qu'en... on pense, en matière de sécurité routière, on ne veut pas que... on
pense que les points de démérite, je pense en matière de sécurité routière
parce que c'est flagrant, les points de démérite ont un impact, puisque tout le
monde est sur le même pied d'égalité,
ce n'est pas que l'amende qui a un pouvoir de dissuasion, il y a les points de
démérite où est-ce que n'importe qui a 15 points de démérite, là,
au Québec.
M. Tanguay :
Tout à fait. Dans la recommandation... une recommandation précédente, la 17, à
l'article 41 du projet de loi, vous désireriez, et vous le
suggérez, l'article 41 remplace l'article 192. Je vais lire juste le
premier alinéa : «Le poursuivant et le
défendeur peuvent agir personnellement ou par l'entremise d'un procureur. Une
personne morale peut agir par l'entremise d'un procureur, de ses administrateurs
ou de ses dirigeants.»
Vous, vous
voudriez que nous ajouterions à «personne morale» : «Une personne morale
de droit public — donc,
que l'on vise les personnes morales de droit
public — doit
agir par l'entremise d'un procureur.» J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Rousseau (Nicolas) : Vous comprenez, c'est purement théorique. Une municipalité
est une personne morale, et on ne
souhaiterait pas que le maire vienne plaider les dossiers devant la cour municipale.
Donc, c'est juste de rajouter que, quand
on est une personne morale de droit public, d'obliger d'avoir un procureur,
avocat, membre du Barreau, question de déontologie, question aussi
de protection du public, là. C'est à cet effet-là.
M. Tanguay :
Et ce n'était pas déjà couvert dans l'état actuel du code?
M. Rousseau (Nicolas) : Non. Et ce que le projet de loi... Comme je vous
dis, vous l'avez faite, la lecture du projet
de loi, là on vient dire : Une personne morale peut être représentée par
procureur, mais par aussi ses dirigeants, puis un maire, c'est un
dirigeant d'une municipalité. Donc, c'est pour ça qu'on voyait mal...
M. Tanguay :
Fermer la porte.
M. Rousseau (Nicolas) : Et c'est purement théorique, là. C'est clair, là.
Dans nos cours, on ne le vit pas, cet effet-là.
M. Tanguay : Et on ne voudrait pas le vivre, c'est ce que vous
nous envoyez comme message, très certainement.
De
façon un peu plus pointue, puis, encore une fois, je veux laisser du temps à ma
collègue de Notre-Dame-de-Grâce, vous
avez mentionné... votre première recommandation, vous levez votre chapeau pour
la cour municipale de Laval, premier tribunal
à atteindre l'objectif d'une cour sans papier, et par la suite vous soulevez
les efforts tout à fait louables de Québec, Longueuil, Lévis, Marguerite-D'Youville : «...quoique nous sommes
favorables à une plus grande utilisation des moyens technologiques», vous aimeriez que soit ajoutée la
préoccupation dans la mesure où la cour qui entend la cause serait capable de
fournir ce service, donc d'ajouter «[dans les] limites des moyens [dont] la
cour dispose». Ça, on pourrait dire : Bien, il allait peut-être
sans dire qu'une juge ou un juge ne l'aurait pas permis dans la mesure où ce
n'était pas couvert par une possibilité technique de la cour. Mais, au-delà de
ça, est-ce que vous avez une réflexion en amont, à savoir est-ce que... qu'est-ce qu'on fait justement pour suivre le bon
exemple de la cour de Laval? Parce que je pense que vous allez plaider
que ça serait bon, effectivement, d'aller davantage vers une cour plus
technologique et avec moins de papier, là.
M. Rousseau (Nicolas) : C'est certain qu'on est d'accord avec une cour
technologique, cependant, comme je vous ai dit, c'est l'étape des petits pas,
ce n'est pas toutes les municipalités qui sont au même niveau. Je ne pourrais
pas parler pour les unions
municipales, qui vont, eux... paient pour les cours municipales, paient pour
les services de cours, là, que ce soit mettre au niveau technologique, tout ça.
Mais ce que je vous dis, c'est qu'on vous suggère de prendre le fardeau au
juge, de dire : Bien, moi, je peux
imposer qu'on utilise un moyen technologique, à dire : Oui, on peut
l'imposer si on est dans la possibilité de le faire. Parce que notre
lecture de l'article 1 est d'effet que c'est vraiment, là... le magistrat
peut imposer, là, l'utilisation de moyens technologiques.
M. Tanguay :
Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît, 2 min 30 s.
Mme Weil :
Oui, merci. Oui, j'ai beaucoup aimé, évidemment, votre présentation. C'est très
clair et net. Mais, toute cette
section, vous parlez un peu d'une certaine autonomie municipale, parce que
c'est vrai que chaque municipalité vit des différences. Si on compare Montréal, justement, avec l'itinérance, bon,
la drogue, etc., des enjeux particuliers, donc les procureurs,
nécessairement, ont développé, dans chaque municipalité, une sensibilité, puis
j'ai beaucoup aimé votre intervention. Je
comprends la ministre aussi, qui dit : Mais, quand même, il faudrait qu'on
offre cette même possibilité à la largeur du Québec, mais de trouver
cette façon.
Lorsqu'on
a fait le projet de loi sur le cannabis, on a beaucoup parlé de... On aurait
voulu vous avoir, d'ailleurs, dans cette
commission, parce qu'on cherchait comment faire des recommandations qui
feraient que la justice pénale ne viendrait pas être un frein dans le développement d'un jeune qui, soudainement, va
être judiciarisé, et c'est un adulte, un jeune adulte, qui devient judiciarisé. Et d'ailleurs même
l'association des psychiatres, tous ceux qui étaient pour le projet de loi,
avaient ce souci.
Est-ce
que, dans ce sens-là... parce qu'on parle de tout ça. Avec ce projet de loi, on
parle du droit social, de la pauvreté, d'itinérance, beaucoup de ces
jeunes, et on l'a vu aux États-Unis, les jeunes en infraction, la drogue, c'est
des itinérants, c'est des jeunes qui n'ont
pas de possibilité, donc ils ne pourront jamais payer des contraventions, etc.
Avez-vous peut-être une
recommandation à cet égard? Parce qu'on a beaucoup parlé de santé mentale
jusqu'à date, et, dans ces cas, ce n'est pas nécessairement en santé mentale, ça peut l'être, c'est vraiment tout
simplement itinérance, ou autre, ou vulnérabilités, ou même des jeunes, bon, qui sont pris avec ça, mais qui ne vont pas payer les
contraventions, qui n'ont pas l'argent pour les payer, des solutions de
rechange, des exemples, là?
• (17 h 50) •
M. Rousseau (Nicolas) : Ce que j'ai vu dernièrement, exemple, la ville de Montréal où est-ce que, pour des constats d'infraction en matière du Code
de la sécurité routière, mais
cycliste, où est-ce qu'on va arriver avec des mesures alternatives, où est-ce qu'on va préférer la formation
et la pédagogie, inviter les gens, dire : Bien, on retient votre constat
d'infraction, mais allez suivre une formation sur où est-ce qu'on
traverse, aux lignes à piéton, tu sais, tout ce volet-là qui peut être
développé, là, dans d'autres matières, là.
Mme Roy (Marie-Eve) : Et peut-être,
je m'excuse, si vous me permettez de faire du pouce là-dessus aussi, au niveau du cannabis, il y a certaines municipalités,
là, je ne les connais pas toutes, là, mais, entre autres, à Lévis, ça, je
peux faire ce
constat-là, on a inclus à la réglementation municipale le fait qu'on ne pouvait pas consommer de
cannabis dans les lieux publics. Et, nécessairement,
comme c'est de la réglementation municipale, probablement que ça pourrait entrer dans les programmes d'adaptabilité, là. Ça fait que peut-être
on pourrait, de cette façon-là, atteindre votre préoccupation, là.
Mme Weil : Oui, puis les
médecins recommandaient de... devrait inclure la possibilité de contraindre les
contrevenants à des stages de sensibilisation aux dangers de l'usage du
cannabis, par exemple.
Mme Roy
(Marie-Eve) : Et en laissant
un peu plus de discrétion, justement. Mais ça, pour les municipalités qui ont ce type
d'infraction là, on pourrait l'inclure nécessairement et on pourrait y aller avec des mesures
comme, entre autres, vous
proposez, là.
Mme Weil : ...
Le Président (M.
Bachand) : Désolé. Le député de Gouin a la parole. Merci.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
Bonjour. Ça tombe bien, je veux continuer sur le même sujet. Moi aussi, j'ai
été interpelé par votre recommandation n° 10 et j'ai une mise en situation
à vous soumettre. Vous proposez de donner plus d'autonomie, de flexibilité aux municipalités pour décider quelles infractions il y aurait possibilité d'avoir un programme d'adaptabilité.
Prenons l'exemple d'une personne en situation d'itinérance qui, comme c'est malheureusement trop souvent le cas, cumule
des constats d'infraction et qui, par définition, est mobile, hein? Une
personne en situation d'itinérance ne reste
pas toujours au même endroit. Disons qu'elle se promène sur le territoire
de l'île de Montréal et a des constats d'infraction à Montréal, d'autres à Westmount, est-ce que ça ne crée pas une situation potentiellement
difficile où une même personne aurait...
certains, pour une même infraction commise dans une certaine municipalité,
pourraient se prévaloir de ce programme-là,
puis la même infraction, commise par la même personne potentiellement la même
année, pourrait... dans le cas de
d'autres constats, ne serait pas admissible, puisque cette municipalité-là,
cette deuxième municipalité ne permettrait pas, dans la liste d'infractions, qu'il y ait un programme? Est-ce que
ça ne crée pas une possibilité non seulement d'inéquité régionale entre différents
citoyens, citoyennes au Québec, mais même pour une même personne? Ça pourrait
créer des situations où certaines
infractions, dépendant d'où on les commet, on peut avoir accès à des programmes
puis parfois pas. Est-ce que je fabule ou est-ce que ce n'est pas une
des possibles conséquences de votre recommandation n° 10?
M. Rousseau
(Nicolas) : Le projet de loi ne vient pas obliger
les poursuivants municipaux ou tout poursuivant à avoir des programmes d'adaptabilité. Elle vient permettre d'avoir des
programmes d'adaptabilité et, si la municipalité n'est pas en mesure de l'offrir, elle ne le force pas.
Ce qu'on nous dit à la recommandation n° 10, c'est de dire :
Limitez-nous pas avec une liste
d'infractions. On est innovants, on est proches de notre monde. On est une
justice de proximité, on le répète souvent,
on connaît notre milieu. Laissez-nous l'innovation possible dans le futur.
C'est vraiment à cet effet-là. Votre crainte que vous avez, elle est louable, on la comprend, mais, malheureusement, le
système de justice pénale est très territorial, et le projet de loi ne
vient pas obliger les municipalités à avoir des services sociaux.
Mme Roy (Marie-Eve) : Et peut-être
qu'à Westmount, bien, il n'y en aurait justement pas, de programme d'adaptabilité
aussi, là. C'est une possibilité.
M. Nadeau-Dubois : Je comprends
ce que vous me faites comme réponse, tout à fait.
Deuxième
question, sur votre recommandation n° 12, vous parlez, encore une fois, d'un gain de flexibilité puis
vous l'argumentez en
disant : Ça pourrait permettre de retirer des chefs d'accusation, même si
le programme n'est pas complété, ce que j'ai compris de votre argument.
Or, l'article 159.1 parle de participer à un programme, pas de le
compléter. L'endroit où on parle de compléter
le programme, c'est à un autre article puis c'est à l'article 159.5, où,
là, on dit : Lorsque c'est
complété, le poursuivant peut. D'ailleurs, le Barreau nous recommandait de
mettre «doit». Donc, en quoi changer 159.1, qui parle justement de participer à un programme et non pas de le
compléter... il me semble qu'il y a déjà là, donc, la flexibilité que
vous demandez. Est-ce que je me trompe?
Le Président (M.
Bachand) : Très rapidement, s'il vous plaît, par exemple. Le temps...
Mme Roy
(Marie-Eve) : Non,
vous ne vous trompez pas. Effectivement, c'est le cas. Nous, ce qu'on voulait,
c'est que, dans ces
deux articles-là, j'y voyais du contraire, un qu'on donnait une discrétion et
un qu'on obligeait. Alors, moi, je pense
que c'est un oubli, je vous dirais, là, dans les recommandations et je pense
qu'il faudrait plutôt se fier à 159.5, si je ne me trompe pas, qui dit... au lieu de «doit», ce serait «peut»... non,
c'est au niveau que le programme est complété ou pas... pardon, que le
programme soit complété ou non, le poursuivant peut retirer un ou des chefs
d'accusation.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui, merci. Bonjour. Deux questions. Donc je
veux... Juste la question de l'article 42, quand vous affirmez qu'il faut faire attention de ne pas
créer un système de justice à deux vitesses, donc je voudrais vous entendre
pour que vous expliquiez vraiment,
là, pour que je comprenne bien. Puis l'autre élément, c'est : quand on
parle de projet, de programme particulier adapté, quel genre de formation est donnée aux
procureurs, aux juges, là — je
comprends que vous ne représentez pas
les juges, mais on ne les entend pas souvent en commission parlementaire, malheureusement, ça fait que, si vous le savez, ça m'intéresserait — donc municipaux par rapport à ça? Parce que
je ne sais pas si vous avez entendu le témoignage tout à l'heure, mais
on nous disait qu'il y avait quand même pas mal de lacunes.
M. Rousseau (Nicolas) : Alors, pour la première question, là, comme je
vous dis, la lecture, là, de... je pense que c'est de l'article 47,
là, notre lecture, c'est qu'on nous invitait...
Une voix :
42.
M. Rousseau (Nicolas) : 42, pardon. On nous invitait fortement à arriver
avec des règlements dans les dossiers, alors
que la situation actuelle, la situation du droit actuel, permet déjà d'avoir
des... appeler des coupables à des infractions moindres et incluses. Donc, le fait de l'ajouter dans le Code de
procédure pénale, on comprend que c'est une invitation, là, forte du
législateur, là, de venir, là... d'encourager le conflit de règlements, qui
plus est qu'on est dans un projet de loi qui
propose l'efficacité du système de justice. Donc, on comprend qu'il y avait une
question... À l'époque, en tout cas, au 161, on avait une question de délais, on avait une question de retard, ce
qu'on ne vit malheureusement pas dans nos cours municipales, qu'on est
relativement très à jour, là, dans nos délais.
Mme Hivon :
Vous ne vivez heureusement pas dans vos cours.
M. Rousseau
(Nicolas) : Heureusement pas, oui. Et, pour le programme, je vais
laisser ma collègue, là.
Mme Roy (Marie-Eve) : Bien, au
niveau de la formation, moi, c'est
plus, je vous dirais... je ne sais pas s'il y a de la formation spécifique autant pour les juges que
pour les procureurs. Je ne peux pas vous dire si ça a été fait ou pas, entre
autres à Québec et à Montréal. Par contre,
ces deux cours municipales là sont appuyées par une grande équipe, que ce
soit... il y a des agents de
probation, il y a des psychologues, il y a des travailleurs sociaux. Il y a
vraiment une panoplie d'intervenants, finalement,
qui sont beaucoup plus spécialistes au niveau, entre autres, de la
santé mentale, mais aussi plus communautaire pour l'itinérance et des trucs comme ça. Donc, les procureurs sont toujours,
toujours appuyés, là, par ces intervenants-là et
ces acteurs-là.
Mme Hivon :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Chomedey,
s'il vous plaît.
M. Ouellette : Merci. C'est aussi 2 minutes. Ça passe vite, hein?
20 recommandations. Vous avez fait, je pense, un travail de moine
et je pense qu'on va devoir en tenir compte, et donc on devrait partir avec
20 amendements au projet de loi, ne serait-ce que pour harmoniser et faire en
sorte que la réalité du terrain se traduise dans le projet de loi, ce que vous avez vécu. Parce
que, je regarde, avec l'ensemble des exemples que vous nous présentez, là, bon,
on est vraiment sur le terrain. Vous
n'êtes pas allés dans le 5 % qui
parle des grosses boîtes, mais, quand vous parlez des portes débarrées puis ces choses-là, là, bien, c'est vraiment la
réalité de... pas juste à Bellechasse, à Montréal aussi, à Laval et aux
différents endroits.
Je
n'ai pas retrouvé, dans vos 20 recommandations, là... parce qu'au début de
votre présentation vous vouliez avoir beaucoup
plus de flexibilité, une plus grande discrétion. Ça ne s'est pas traduit. Je
n'ai pas lu, dans aucune de vos 20 recommandations,
quelque chose de tangible sur on le matérialise comment cette discrétion-là
puis ce pouvoir-là. Parce que, ce que
vous nous dites, c'est : On connaît ça, là, on vous le dit qu'on connaît
ça, mais on aimerait ça être capable de le matérialiser sur le terrain.
Mme Roy
(Marie-Eve) : Je comprends que vous parlez au niveau des programmes
d'adaptabilité?
M. Ouellette :
Oui.
Mme Roy (Marie-Eve) : Oui. Bien, c'est la recommandation 10. Quand
on demande de... Attendez, c'est-tu ça? Les infractions? Oui, à l'article 159.1, que «les infractions ou
catégories d'infractions visées par ce programme sont prévues par règlement» soit retiré. Ça, c'en est un.
L'autre plus loin, puis, comme j'ai eu la question tout à l'heure, là, c'est...
La recommandation 12 n'était
peut-être pas tout à fait adaptée, mais, à 159.5, ce qu'il faudrait faire, ce
que je vous recommande aujourd'hui,
c'est qu'il faudrait laisser de la latitude, même si le programme n'est pas
complété, de retirer ou pas des constats d'infraction.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, c'est tout le temps qu'on a.
Merci infiniment de votre participation, vous êtes très appréciés.
Cela dit, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à
18 heures)
(Reprise
à 19 h 35)
Le Président (M. Bachand) : À l'ordre,
s'il vous plaît! Bonsoir. La commission recommence ses travaux.
Je demande, bien sûr, à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la petite sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il vous plaît.
La
commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les
auditions publiques sur le cahier de consultation sur le projet n° 32, Loi visant principalement à favoriser l'efficacité
de la justice pénale et à établir les modalités d'intervention de la Cour du
Québec dans un pourvoi en appel.
Ce soir, nous
entendrons deux groupes. D'ailleurs, je souhaite la bienvenue au premier
groupe. Il s'agit des représentants du Barreau du Québec. Alors, je vous rappelle que
vous avez 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons
à une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, bonsoir, et la
parole est à vous. Merci.
Barreau du Québec
Mme Claveau (Catherine) : Mme la
ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, je suis Catherine Claveau, vice-présidente du Barreau du Québec, et je suis accompagnée ce soir de Me Pascal
Levesque, ici, à ma droite, qui est président du comité en droit criminel du Barreau, ainsi que Me Michel Marchand,
qui est également membre de ce comité, et, à ma gauche, de Me Nicolas Le Grand Alary, qui est avocat au secrétariat de
l'ordre et aux affaires juridiques du Barreau du Québec.
Alors,
le Barreau a effectivement pris connaissance avec un grand intérêt du projet de
loi n° 32 et souhaite vous faire part de ses commentaires. La
mission principale du Barreau du Québec étant la protection du public, ceci
l'amène à assurer un rôle social de premier
plan dans la promotion de la primauté du droit. C'est dans ce contexte que le
Barreau donne régulièrement son point de vue sur des questions
d'administration de la justice, tant civile que pénale.
Tout
d'abord, en matière pénale, le Barreau du Québec comprend que le projet de loi
modifie le Code de procédure pénale
en étendant les pouvoirs que le Procureur général ou le Directeur des
poursuites criminelles et pénales peuvent exercer en ce qui a trait à la
poursuite d'instances pénales. Plus particulièrement, le paragraphe 4° du
nouvel article 11 prévoit que le
Procureur général et le DPCP peuvent reprendre une poursuite pénale dans les
six mois de l'arrêt de celle-ci. Dans plusieurs
situations, le poursuivant original peut avoir conclu une entente avec le
défendeur ou bien le dossier peut faire l'objet d'un nolle prosequi. Or, le Procureur général ou le DPCP, à
l'intérieur d'un délai de six mois, pourraient reprendre l'instance et reprendre la poursuite, revenant
ainsi sur la décision du poursuivant original et affectant négativement le
défendeur.
Les
ententes qui interviennent entre la poursuite et le défendeur se doivent, en
principe, d'être respectées, de même que les décisions visant
l'opportunité du maintien de la poursuite, sauf lorsque celles-ci vont à
l'encontre de l'intérêt public et de
l'intérêt de la justice. Le Barreau du Québec est d'avis que le pouvoir ainsi
conféré au Procureur général ou au DPCP
ne devrait être exercé que très exceptionnellement lorsqu'ils estiment que la
décision originale est contrainte à l'intérêt de la justice et à
l'intérêt public ou qu'elle est susceptible de déconsidérer l'administration de
la justice.
En
outre, l'article 3 du projet de loi propose de permettre au défendeur de
renoncer à la prescription d'une infraction. Cette entente, bénéfique pour toutes les parties, permettra, selon le
Barreau du Québec, d'augmenter le nombre de dossiers qui font l'objet d'un
règlement. Le Barreau du Québec salue donc cette modification qui améliorera
l'accès à la justice et permettra sans doute de réduire certains délais
en matière criminelle et pénale.
Par
ailleurs, l'article 19 du projet de loi permettra à un agent de la paix de
demander de voir la pièce d'identité d'une personne s'il a des motifs raisonnables de croire que celle-ci a commis
une infraction. Nous comprenons que les objectifs poursuivis par cette
disposition sont de contrer la fraude d'identité et de s'assurer que ce soit
bien la personne en cause qui réponde de ses actes. De façon générale,
rappelons qu'actuellement il n'existe pas d'obligation d'avoir une pièce d'identité sur la voie publique. La disposition proposée
suggère une interprétation qui va à l'encontre de ce principe. Nous nous demandons quelle problématique le législateur
cherche à régler en permettant à l'agent de la paix d'exiger une pièce d'identité. Les infractions pénales étant de
gravité moindre que les infractions criminelles, elles devraient comprendre des
règles moins intrusives du point de vue des droits des justiciables.
De
plus, le projet de loi prévoit la possibilité de procéder à une arrestation
dans une maison d'habitation sans mandat en vertu du Code de procédure pénale. Il est évident que le pouvoir
d'effectuer une arrestation constitue un élément très important de l'application de la loi. Pour cette
raison, il n'est pas réaliste de croire que les agents de la paix ne pourraient
jamais entrer sans mandat dans des lieux
privés pour effectuer une arrestation. Cela diminuerait grandement leur
capacité d'appréhender des personnes soupçonnées d'activités illicites et de
préserver des éléments de preuves nécessaires à leur condamnation.
À
la lecture du nouvel article 27, nous comprenons l'intention du
législateur qui est de baliser et protéger juridiquement les agents de la paix
lorsqu'ils font une intervention dans une maison d'habitation. Néanmoins, nous
constatons que le projet de loi prévoit
des critères moins exigeants que ceux actuellement prévus au code de procédure
pénale en ce qui concerne l'arrestation
dans une maison d'habitation sans autorisation. Rappelons encore une fois la
gravité objective moindre des infractions pénales par rapport aux
infractions criminelles.
• (19 h 40) •
Pour
bien illustrer notre position, il nous paraît déraisonnable que les agents de
la paix s'introduisent sans mandat dans
une maison d'habitation pour y arrêter un piéton qui aurait traversé la
chaussée sans danger, mais pas à une
intersection, ou un conducteur pour
avoir conduit avec un silencieux défectueux. Ces exemples illustrent bien la
disproportion potentielle entre les objectifs
poursuivis et les moyens mis en oeuvre pour ce faire. Ces cas d'espèce font
partie des situations hypothétiques
raisonnables que l'on doit évaluer lors de l'analyse de la constitutionnalité
d'une disposition selon le critère de la portée excessive.
Le projet de loi modifie également
le Code de procédure pénale en modifiant les critères applicables aux travaux
compensatoires. Ces travaux compensatoires sont des heures de travail non
rémunérées qu'un citoyen se trouvant dans l'impossibilité de s'acquitter d'une
amende accepte volontairement d'exécuter dans le but d'éviter l'emprisonnement.
Ces heures de travail sont réalisées au
profit d'organismes à but non lucratif ou des municipalités. Le projet de loi prévoit une série de mesures alternatives à ces
travaux compensatoires et prévoit les règles de mise en oeuvre de ce nouveau
régime. Or, le projet de loi est muet quant au nombre maximal d'heures à
exécuter dans le cadre du régime des mesures alternatives, ce qui semble
constituer une lacune importante.
Le
projet de loi propose la mise en place d'un programme
d'acceptabilité. Ces programmes permettent de mettre en place une
infrastructure légale dans laquelle pourront évoluer certains programmes
sociaux principalement en lien avec des personnes en situation
d'itinérance ou de dépendance toxicologique. Cette clientèle vulnérable se voit
donner une importante
quantité de constats d'infraction en lien avec des infractions municipales
d'incivilité : trouble de la paix, ivresse dans un lieu public, bagarre, dormir à des endroits inappropriés
ou être présent dans certains endroits après l'heure de fermeture,
traverser une rue ailleurs qu'à une intersection, etc.
Dès
lors, un grand nombre de ces individus se retrouvent endettés de plusieurs
milliers, voire des dizaines de milliers de dollars découlant de constats impayés. Ces dettes nuisent
inévitablement à leur motivation et à leur réadaptation, sans compter qu'elles peuvent également
se traduire par l'emprisonnement de la personne. C'est ainsi que s'est
développé un partenariat entre les
services de perception des amendes et les avocats de la poursuite des cours
municipales de Montréal et de Québec afin de mettre en place des programmes sociaux
dans le but de favoriser la réadaptation de ces personnes. Plusieurs nouveaux
articles proposés par le projet de
loi mettront en place l'infrastructure législative pour favoriser une souplesse dans ces programmes, bien que d'importants
éléments de ces programmes d'adaptabilité et les infractions qui pourront en
faire l'objet seront clarifiés dans les règlements à venir.
De façon générale,
nous saluons cette modification. Notre mémoire contient cependant plusieurs
commentaires techniques qui visent à
bonifier le projet de loi et à porter à votre attention certains éléments
qui sont absents, dont l'absence d'un
mécanisme indépendant de vérification du fait que les conditions du programme
ne sont plus observées par le défendeur, l'octroi d'une discrétion au
poursuivant de retirer les chefs d'accusation visés par le programme, alors que
le défendeur a complété le programme,
et la connaissance potentielle du juge des admissions du défendeur, bien que
celles-ci ne soient pas admissibles en preuve.
Alors que le projet
de loi reprend la majorité des mesures proposées par le projet de loi n° 168 en matière pénale,
il contient peu de mesures en matière civile. En ce qui concerne le Code de procédure civile, le projet
de loi ne reprend que la mesure concernant la convocation des
témoins étrangers. Alors, le Barreau de Québec attend donc avec intérêt
le dépôt d'un projet de loi qui reprendra les modifications du Code de procédure civile
proposées par le projet de loi n° 168, dont plusieurs répondaient à ces
recommandations.
En terminant, l'article 143
du projet de loi propose la création de deux nouveaux postes de juge à la Cour
du Québec. Le Barreau du Québec salue cette
mesure et recommande que ces juges soient intégrés à l'équipe des juges de
l'Abitibi-Témiscamingue—Nord-du-Québec. En effet, la création de ces
postes est nécessaire pour répondre adéquatement aux besoins du Nunavik. Cela permettrait à la cour itinérante d'accorder
plus de temps aux communautés qui les requièrent et d'accéder à leur
demande voulant que la durée des termes soit augmentée jusqu'à un maximum de
quatre semaines.
Alors, voilà qui fait
le tour des enjeux principaux que le Barreau du Québec voulait aborder avec
vous ce soir. Des explications plus
détaillées sur les différents enjeux que nous venons présenter se retrouvent
dans le mémoire que nous vous avons soumis et qui est également
disponible sur le site Web du Barreau du Québec. Nous espérons que notre présentation a contribué à votre réflexion et,
évidemment, nous sommes disponibles pour répondre à vos questions. Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Nous allons déjà débuter la
période d'échange avec la ministre pour une période de 15 minutes.
Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci de votre présence et merci de votre
rapport. J'ai pris la peine de lire votre
mémoire. Il y a beaucoup de mesures qui sont soulignées. Vous proposez
plusieurs aménagements. Naturellement, en peu
de temps où on a pour faire une discussion, je vais peut-être mettre l'accent sur quelques mesures particulières, ce qui ne veut pas dire que vos autres commentaires ne sont pas
intéressants, là, je veux juste qu'on le précise, mais il y a des
petites choses sur lesquelles j'aimerais avoir des précisions.
Dans le deuxième
chapitre du projet de loi particulièrement, on veut renverser une tendance
peut-être trop forte en jurisprudence d'une
trop grande référence envers les tribunaux administratifs pour offrir un
véritable moyen d'appel aux citoyens
et non pas juste une révision judiciaire. Bon, il y a plusieurs enjeux
là-dessus, mais je veux savoir qu'est-ce que vous pensez de ces mesures-là, du fait qu'on veut donner à la Cour du
Québec le pouvoir d'appel, finalement, des tribunaux administratifs.
M.
Le Grand Alary (Nicolas) :
Oui, bonjour. Je dirais, on a un petit commentaire dans notre mémoire là-dessus. C'est sûr qu'au final il faudra que le projet de loi considère, là, la récente décision dans le renvoi qui a été fait par la
Cour d'appel sur la compétence de la
Cour du Québec, mais aussi sur la compétence d'appel, où on
semble dire que les critères qui doivent être appliqués pour un mécanisme
d'appel seraient ceux de la révision judiciaire. Donc, c'est sûr qu'il faut avoir ça en mémoire, ce qu'on soulève au niveau
de l'article actuellement, vous pouvez le voir dans le mémoire, là, au niveau de
la connaissance du juge puis les critères qui sont établis, mais c'est sûr
qu'avec la nouvelle décision qu'on a ça peut un peu... C'est sûr que ça
devra être considéré, là.
Mme LeBel : O.K. Mais pensez-vous que ça sera une mesure d'accès,
là, un moyen d'accès à la justice, de donner un véritable moyen d'appel
aux citoyens, à ce moment-là?
M. Le
Grand Alary (Nicolas) : Je
dirais qu'on n'a pas réfléchi à cette question-là dans ce détail-là. Je référerais juste au renvoi de la Cour d'appel, qui mentionne
que, si on est pour utiliser un droit d'appel à la Cour du Québec,
que les mêmes critères qu'une
révision... un recours en révision judiciaire à la Cour supérieure, est-ce que,
là, il y aurait un dédoublement? Je pense que la question
se pose, mais on n'a pas poursuivi l'analyse là-dessus.
Mme LeBel : D'accord. Peut-être souligner un
autre... plus particulièrement, parce
qu'on a reçu l'association des procureurs municipaux, et ils soulevaient un
bémol quant à l'article 42, qui donne un pouvoir de négociation supérieur
que qu'est-ce qui existe déjà pour pouvoir
peut-être offrir de plaider coupable à un autre constat d'infraction que celui
qui a été déposé à l'origine, pas
nécessairement moindre et inclus, mais qui fait partie de la même affaire. Vous
êtes en faveur de cette mesure-là,
vous avez une très grande ouverture. L'association des procureurs municipaux
émettait certaines réserves.
J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus, par rapport à leurs réserves,
justement, et pourquoi vous êtes en faveur.
M. Levesque (Pascal) : Bien,
essentiellement...
Mme LeBel : J'en suis fort
aise, d'ailleurs.
M. Levesque (Pascal) : Pardon?
Mme LeBel : J'ai dit : Je
suis contente que vous soyez en faveur, mais juste peut-être pour comprendre...
M. Le
Grand Alary (Nicolas) : Bien, essentiellement, on est en faveur parce
que le Barreau du Québec a tendance à
prendre comme position de principe de donner le plus de flexibilité aux acteurs
de première ligne. Et ça, ça permet de donner
une flexibilité aux acteurs de première ligne. Si je me mets dans la position
d'un procureur qui attend d'avoir... de discuter avec un avocat de la défense,
puis l'avocat de la défense : Bien, je serais prêt à plaider à quelque
chose pas nécessairement de moindre et
inclus, mais une autre infraction qui couvre la transaction, mais qui l'expose
à des peines moindres, alors ça donne une meilleure panoplie. Et évidemment, au
comité, on a des gens de la poursuite, on a des gens de la défense. Alors, c'est ça qui a sorti, c'est que ça
augmente la flexibilité, au niveau des acteurs, pour favoriser des règlements.
Mme LeBel :
...d'avoir un régime à deux vitesses, tel qu'il a été soulevé par
l'association des procureurs municipaux, où on dit que peut-être que quelqu'un qui a plus d'argent pourrait
monnayer ou négocier une infraction qui nécessite une plus grande amende et moins de points de démérite.
Est-ce que c'est quelque chose qui a été soulevé ou vous ne voyez pas...
Est-ce que vous voyez une crainte, par rapport à ça, qui est fondée?
M. Levesque (Pascal) : Bien,
ça, ça... Non, ça n'a pas été soulevé. Ça peut être une crainte légitime de
leur point de vue, quoique, là, c'est peut-être
un autre débat. C'est peut-être le débat, et probablement qu'on ne réglera
pas ça ici ce soir, mais sur la capacité des gens de se défendre en
fonction des moyens qu'ils ont. C'est un plus vaste débat.
Mme LeBel : Dans votre mémoire, vous parlez de l'absence de
garanties juridiques, en particulier concernant le consentement lors d'une comparution par visioconférence. Il y a
des garanties dans la charte, hein, qui existent déjà, qui vont couvrir
aussi ces événements-là.
D'après vous,
c'est quoi, les garanties qui ne sont pas suffisamment couvertes par la
charte? Quelles sont les garanties qu'on pourrait ajouter pour rendre
cette mesure-là plus satisfaisante à vos yeux?
• (19 h 50) •
M. Marchand
(Michel) : Bien, moi, je
pense que ça prendrait le consentement de l'accusé, je pense que c'est bien
important, même s'il est représenté par avocat. Et aussi ce n'est pas indiqué
dans le libellé du projet de loi, là, mais je pense
qu'il faut prévoir un mécanisme par lequel l'avocat peut communiquer facilement
avec son client, tu sais durant les entractes,
pas, évidemment, durant l'audience, durant que la personne parle, là, mais, à
moment donné, il peut y avoir un ajournement, puis les deux, il faut
qu'ils puissent se parler. Il peut y avoir un problème de preuve, il peut y
avoir toutes sortes de choses qui arrivent,
là, tu sais. Alors, ce n'est pas prévu actuellement, la manière que c'est
écrit. Alors, on a ces deux composantes-là, là, qui nous causent un peu
de problèmes.
Mme LeBel : C'est plus le mécanisme qui permettrait à
l'avocat de communiquer avec son client de façon efficace qui faudrait
qui soit prévu, parce que vous pouvez comprendre que, dans des villes comme
Montréal, Québec, d'amener systématiquement
les gens ou de demander systématiquement aux gens de comparaître, c'est
peut-être plus facile qu'en région
éloignée où on voulait favoriser justement... On fait déjà des comparutions par
téléphone, d'ailleurs, dans certains cas. Donc, votre préoccupation est plus au niveau des communications et des
contacts qu'il pourrait y avoir entre l'avocat et son client?
M. Marchand
(Michel) : Ils sont de deux
niveaux. Le consentement de l'accusé aussi, je pense que c'est important.
Puis, au fédéral, la manière qu'ils ont
prévu ces dispositions-là, on l'a entre autres dans le C-75, le consentement de
l'accusé est requis. Alors, moi, je
pense que c'est important, là. Habituellement, les gens vont consentir parce
que les gens, ça ne leur tente pas tellement d'aller se promener en panier à salade à partir de
Saint-Jérôme puis aller à Montréal ou l'inverse, là. Les gens n'aiment pas tellement ça. Alors, même,
souvent, on va avoir la demande : Est-ce que je peux le faire par vidéo?
Bien non, c'est ton procès, il va y avoir des témoins, tu es mieux de venir.
Alors, en
général, le consentement, on va aller le chercher de la part de l'accusé. Ce
n'est pas tellement ça. Mais je pense
que ça doit être écrit quand même, parce que peut-être que, dans certains cas,
l'accusé y tient, à être présent, tu sais, à son audience. Il tient à voir le juge qui va peut-être lui accorder ou
lui refuser son cautionnement. Le cautionnement c'est une procédure très importante, hein? La Cour
suprême a rendu plusieurs jugements récemment, et, souvent, la cause se
joue là, au niveau du cautionnement, aussi. Alors, moi, je pense que c'est
important, là.
Mme LeBel : À la base de ça, dans le fond, c'est la notion de
consentement, vous, sur laquelle vous mettez l'accent.
M. Marchand
(Michel) : Oui, la notion de
consentement puis, comme vous l'avez dit tantôt, la notion de pouvoir communiquer d'une manière confidentielle avec son
avocat. Et aussi on a ajouté dans le mémoire la disposition qui existe dans le Code
criminel concernant l'accusé qui n'est pas représenté par avocat. Tu sais, le
juge, il faut qu'il s'assure, là, que
la personne comprenne bien, et tout ça. Il y a une obligation supplémentaire
dans ce cas-là. Et je pense que ça serait bon, surtout en matière pénale, où il y a peu de personnes... en tout
cas, il y a beaucoup de personnes qui ne prennent pas d'avocat parce que
ça coûte trop cher. Alors, ils se défendent seuls. Il y a beaucoup de personnes
démunies également, beaucoup d'itinérants.
Alors, moi, je pense qu'il faudrait que le juge soit informé puis qu'il y ait
une disposition particulière pour protéger ces personnes-là,
vulnérables.
Mme LeBel : D'accord. Mon
collègue le député de Chapleau aurait des questions, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : O.K.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci, Mes Claveau, Levesque, Marchand et Le Grand Alary
pour votre présentation. Peut-être de façon plus macro, là, pour la première
question, de quelle façon vous pensez que le projet de loi pourrait, dans le
fond, permettre d'améliorer l'accès à la justice pénale sur l'ensemble du
territoire québécois et peut-être
même en région? Je ne sais pas si vous avez une opinion par rapport à ça. On
pourrait peut-être commencer par une question plus large, après ça on
ira dans certains points plus spécifiques du projet de loi.
M. Levesque
(Pascal) : Bien, de façon large, comme je disais tantôt, on est... le
projet de loi, de façon globale, et c'est pour ça qu'on est d'accord
avec le projet, c'est que ça donne de la facilité aux acteurs de la première
ligne et ça facilite... ça va... au niveau
de l'augmentation des ressources, l'augmentation de l'utilisation des moyens
technologiques pour faciliter... Et c'est ce qu'on voit de façon macro.
Si on y va macro, c'est ça, c'est que ça donne la possibilité aux intervenants de première ligne de... cette
flexibilité-là, de pouvoir régler des dossiers avant qu'on soit à des procès
contestés.
Me Marchand a
souligné un point, c'est vrai qu'on est avec une clientèle particulière qui,
bien souvent, ce n'est pas représenté.
Donc, dans la mesure où les gens sont représentés puis qu'ils peuvent avoir des
discussions entre le procureur puis
l'avocat de la défense, ça facilite les choses. Pour les gens qui sont... Et
l'autre aspect, c'est d'éviter le phénomène de portes tournantes pour bien des individus qui ont tendance, dans ce
phénomène de portes tournantes là, à augmenter les délais de justice. Alors, si on peut les sortir de
ce cycle-là plus tôt, c'est indéniable que c'est un avantage pour tout le
monde.
M. Lévesque
(Chapleau) : J'aimerais
peut-être également vous entendre sur la question des programmes, là, en lien
avec les mesures permettant de tenir compte, disons, de la situation différente
de certains défendeurs. Il y a peut-être trois niveaux du moins à
travers le processus judiciaire, donc soit relative à la poursuite, des règles,
dans le fond, des programmes d'adaptabilité en lien avec la poursuite, en lien
à l'exécution des jugements et également en lien avec la rétractation de jugement. Est-ce que vous êtes à
l'aise avec différents programmes qui pourraient être justement, là, proposés
au défendeur dans ces cas-là?
M. Levesque
(Pascal) : Bien, comme on dit dans notre mémoire, on est généralement
à l'aise avec ces programmes-là, mais
il y a des zones qui nous préoccupent plus en détail. Comme, par exemple, au
niveau des programmes de...
l'équivalent d'un travail compensatoire, il n'y a pas de limite, et, si je fais
un parallèle avec le droit criminel, on a 240 heures maximales de travaux compensatoires, mais là on ne l'a
pas prévu. Alors, il y a une question de prévisibilité du droit.
Mais le
principe est bon. De permettre à quelqu'un de pouvoir... En termes de justice
rétributive, c'est très bien et, encore
là, ça donne une autre option aux intervenants de premier niveau de pouvoir
utiliser d'autres choses que l'approche répressive.
M. Lévesque
(Chapleau) : Vous avez également parlé de la rétractation de jugement.
Il semblait y avoir un malaise au début. Peut-être que je me suis trompé dans
votre propos, là, mais il semblerait que cette portion-là, vous préféreriez
que, lorsqu'il y a un jugement qui a été
prononcé, qu'il ne soit pas nécessairement possible qu'il y ait rétractation.
Est-ce que je me suis trompé? Ou peut-être vous pourriez nous éclairer
sur cette question.
M. Levesque
(Pascal) : Sur la rétractation de jugement, et là je ne veux pas me
tromper, mais c'est que, de bonne foi, il peut y avoir des proches qui peuvent
régler l'amende de quelqu'un qui... Et là le cas typique, c'est quelqu'un dont
la maman reçoit quelque chose, la personne est démunie, décide de régler le
constat, puis là la personne avait une défense. Mais, dans ce domaine-là une fois que l'amende est
payée, elle est réputée être jugée, et là le juge n'a plus juridiction. Alors,
c'est compliqué parce que, là, il faut que... la personne qui veut
obtenir la rétractation de jugement doit aller en Cour supérieure pour faire détricoter ça, pour retourner en bas. Là, ça
occasionne des frais, bon. Est-ce que c'est sain pour un système d'aller en Cour supérieure, nécessairement
d'aller à un niveau plus haut, pour régler quelque chose, dans le fond,
qui pourrait être très simple?
M. Lévesque
(Chapleau) : Mais, sur la question plus spécifique de la rétractation
suite, dans le fond, à lorsque, dans le
fond, le défendeur aurait suivi un programme, est-ce que, ça, vous êtes à
l'aise avec ça? Parce que, là, vous présentez la situation où est-ce que, bon, quelqu'un aurait payé, du moins, l'amende
ou quoi que ce soit, mais dans le cas contraire, où est-ce que, justement, un défendeur suit un
programme, le réussit et, en échange, obtienne cette rétractation-là, est-ce
que vous êtes à l'aise avec cette... oui, cela? O.K., parfait.
M. Levesque
(Pascal) : On est à l'aise avec ça. Écoutez, il y a un parallèle à
faire avec le Programme de mesures de
rechange général qu'on a au criminel, et ça, ça ne nous cause pas problème. En
fait, je vous dirais que ça devrait même être automatique. Il ne devrait pas avoir de pouvoir discrétionnaire de
la part du poursuivant. Dès lors que quelqu'un a complété son programme,
on devrait dire : Bon, bien, rayé.
M. Lévesque
(Chapleau) : Peut-être vous entendre sur la question de
l'emprisonnement, là, de personnes vulnérables pour non-paiement
d'amende. Est-ce que vous êtes à l'aise avec cette proposition-là?
M. Levesque
(Pascal) : Comme je vous ai dit tantôt, très à l'aise, parce
qu'évidemment si on veut essayer de contrer le phénomène de portes
tournantes, alors, si on est capable d'éviter qu'un individu retourne en prison...
Et je vais vous donner un exemple. Quelqu'un
s'en va en prison, il est en statut précaire, et ça ne lui permet pas de
conserver son logement pendant qu'il
est en prison, alors il perd son logement, il sort de prison, il est encore
dans la rue. Alors, c'est une roue qui tourne. On est très favorables à
ça.
M. Lévesque
(Chapleau) : Vous avez également parlé de la question d'identification
d'une personne à l'article 19, donc
le fait de pouvoir demander une pièce d'identité. J'ai senti un certain
malaise, une réticence par rapport à ça. Peut-être m'éclairer sur cette
question-là puis peut-être... j'imagine, vous avez entendu également les
préoccupations des services policiers en lien avec certaines demandes
par rapport à ça?
M. Marchand (Michel) : Bien, moi, je trouve qu'on vit dans une société
libre. On n'est pas obligé de se promener avec des pièces d'identité. Et je suis convaincu que les gens qui sont
alentour de la table, il y en a plusieurs qui font du jogging ou n'importe quoi, prennent des marches le
soir, puis on n'a pas tout le temps nos pièces d'identité. Alors, moi,
je trouve qu'en incluant ce pouvoir-là dans le projet de loi... Parce que, dans
le fond, c'est le policier qui va avoir la discrétion. Alors, je pense qu'assez
souvent ça va aller au niveau des pièces d'identité : Tu as-tu ta pièce?
Un itinérant, n'importe quoi ou même un joggeur : Non, je n'ai pas mes
pièces. Bon, bien, tu t'en viens au poste.
M. Lévesque
(Chapleau) : Peut-être, sur ce point-là, là, le fait de ne pas avoir
sa pièce d'identité ne constitue pas un refus de s'identifier, là, juste
pour qu'il y ait une clarification à ce niveau-là. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît.
• (20 heures) •
M. Tanguay :
Merci, M. le Président, et merci beaucoup à vous quatre d'être ici présents
pour répondre à nos questions et échanger
sur le projet de loi n° 32. Merci pour votre mémoire très étoffé, on ne
s'attend jamais à rien de moins du
Barreau, étoffé et bien outillé. Et, souvent en note de bas de page, sur des
éléments qui nous intéressent, vous faites la référence à la jurisprudence, puis on a le goût d'aller se l'imprimer
pour compléter notre... Même si ce n'est pas, ceci dit, reconnu pour des
heures du Barreau, on fait le travail pareil parce qu'on est consciencieux.
Alors,
M. le Président, je ne veux pas susciter le débat, je me rappelle à l'ordre.
Pour les quelques minutes qui nous sont
dévolues, j'aurais des questions en rafale. Prenons le dernier sujet que vous
avez abordé, fameuses pièces d'identité.
Vous dites... l'article 19 du projet de loi, donc, juste pour placer le
sujet pour qu'on comprenne, là, à la maison, entre autres : «...projet de loi permettra à un agent de la paix de
demander de voir la pièce d'identité d'une personne, s'il a des motifs raisonnables de croire que celle-ci a
commis une infraction.» Et là, il y a la notion où vous dites : L'agent de
la paix semble avoir l'entière discrétion pour procéder à l'une ou
l'autre des méthodes d'identification.
Et
l'on vient de voir, puis c'est tout à fait correct de mon collègue de la
banquette ministérielle, de dire : Bien, écoutez, ça part d'une bonne intention. Ce n'est pas
malicieux. Normalement, c'est pour identifier une personne. C'est la sécurité
publique, la paix sociale. Mais vous nous
faites... et là, sur ce point-là, vous y allez de quatre pages vraiment bien
ficelées, vous faites, entre autres,
référence à l'arrêt Bain, que moi, je ne connaissais pas personnellement,
puis vous faites bien de citer un
extrait. Puis j'étais agréablement surpris de voir ça, que notre
Cour Suprême, en 1992, avait dit ce qui suit : «Malheureusement,
il semblerait que, chaque fois que le ministère public se voit accorder par la
loi un pouvoir qui peut être utilisé de façon abusive,
il le sera en effet à l'occasion. La protection des droits fondamentaux ne
devrait pas être fondée sur la confiance à l'égard du comportement exemplaire permanent du ministère public, chose
qu'il n'est pas possible de surveiller ni de maîtriser.» Fin de la
citation.
Donc, vous dites, et j'aimerais vous entendre
là-dessus, puis ça participe d'une réflexion qui va peut-être même au-delà de l'approche très cartésienne en droit,
là, les blocs qui se suivent, c'est une approche très pratico-pratique à
laquelle... qui
vient me chercher. «...aussi bien formé et intentionné qu'il puisse être — c'est vous qui parlez à la page 4 — particulièrement lorsqu'aucun critère législatif ne guide l'agent
dans l'exercice de cette discrétion.» Vous dites à ce moment-là qu'il y a un
drapeau rouge. Bravo pour cette approche-là
qui va, encore une fois, au-delà de la mécanique juridique de droit, mais qui
est un fait de la vie que vous avez
constaté. Ce n'est pas banal comme élément, et j'aimerais vous entendre
là-dessus, si vous avez des éléments à ajouter à notre réflexion.
M. Marchand
(Michel) : Bien, ce qu'on
peut ajouter aussi, c'est la commission Viens, là. Ils viennent justement
de déposer le rapport. Si vous regardez le
chapitre 7.5.1 ou la section 7.5.1, on parle de la surarrestation des
autochtones puis on parle du fait
qu'ils reçoivent plein de contraventions. Et, quand on fait des statistiques au
niveau national — national,
j'entends du Québec — on se rend compte que c'est les régions où
il y a les autochtones, Val-d'Or, et tout ça, qui ont le plus gros taux. On a comparé, je pense, 23 % puis
on arrive à Trois-Rivières, on a à peu près 6 %. Alors, il y a un
problème, là.
Alors, moi,
je pense qu'au niveau de l'identité ça va causer des problèmes, là, au niveau
de tout le monde qui sont un peu
démunis puis même les moins démunis qui n'ont pas nécessairement la pièce
d'identité avec eux. Il y a aussi le profilage racial, ça sort de plus
en plus. Alors, vous avez le rapport du SPVM à Montréal.
Alors, c'est
des choses pratiques, là, c'est des choses concrètes, là. Et moi, je pense que
ça ne vaut peut-être pas la peine,
juste pour sauver une ou deux erreurs d'identification, d'avoir un aussi gros
pouvoir aux policiers. Moi, je pense qu'on est mieux de vivre avec quelques erreurs dans le système, quelquefois
quelqu'un qui va donner une mauvaise identité, que d'essayer de tout
régler et de causer beaucoup plus de problèmes que ce qu'on essaie de régler.
M. Tanguay : Et on avait,
avec ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce, quand vous faisiez état de la
situation de fait avec les peuples
autochtones, on s'est dit : Écoute, il n'y a pas eu une étude qui est
sortie, justement, le profilage racial, SPVM, puis vous embarquez
directement là-dessus. C'est les mêmes réflexes, les mêmes réalités que l'on
vit, entre autres. Puis, ceci dit, on n'est
pas en train de pointer du doigt les policières, les policiers, mais c'est un
fait de la vie que je trouvais qui
était bien traduit par la citation que vous avez faite de l'arrêt de la Cour
suprême en 1992 dans R. contre Bain.
J'aimerais
maintenant, parce que je sais que ma collègue a des questions importantes, elle
également... l'arrestation dans une maison d'habitation. Vous faites référence
notamment, et je cite, à la page 6 : «À la lecture de l'article 27
proposé, nous comprenons l'intention du législateur qui est de baliser et
protéger juridiquement les agents de la paix, lorsqu'ils font une intervention dans une maison d'habitation,
afin de diminuer les risques d'une situation analogue à celle de R. contre
Bédard. Néanmoins, nous constatons que le projet de loi prévoit des
critères moins exigeants que ceux prévus du Code criminel en ce qui
concerne l'arrestation dans une maison d'habitation sans autorisation — à
savoir, mandat ou télémandat.»
Est-ce que,
pour vous, il y a une voie de passage là-dessus? Et quelle
serait-elle si l'on voudrait rendre plus... pas facile, mais permettre, donc, des interventions, arrestations, dans des
maisons d'habitation? Est-ce qu'il y a une voie de passage pour vous?
M. Marchand (Michel) : Bien, moi, personnellement, mais pas personnellement,
là, le Barreau, ce qu'on pense, c'est
qu'il devrait y avoir une adéquation avec les articles 84 et 85, qui sont
déjà dans le Code de procédure pénale, et tout simplement les adapter avec le même niveau de critères pour ce qui est
des arrestations sans mandat. Alors... Parce que l'article est quand même libellé d'une manière très large, là. Quand on regarde,
là, le libellé exact, là, la première... je cherche
l'article. Bon, 94.1, ça commence, premier
alinéa : «Lorsqu'une personne se réfugie dans une maison d'habitation
alors qu'elle s'est enfuie pour
échapper à son arrestation.» On n'a même pas de critère, on n'a même pas de
motif raisonnable et probable, on n'a
rien de ça. La personne s'enfuit. Je veux dire, je pense que le policier, ça
lui prend des motifs raisonnables et
probables de penser que la personne s'enfuit, là. Alors, ce n'est pas écrit.
Donc, ce qu'on a fait à 94.1, dans le fond, on prend 85 et 84 puis on
abaisse les critères. C'est ça qu'on fait.
Puis moi, je pense que, en tout cas, le
Barreau, ce qu'on pense, c'est que l'alinéa un devrait être formulé avec les mêmes normes que
l'article 85 actuel, puis, quand on parle de l'urgence, là, ça devrait
être en adéquation avec l'article 84 du
Code de procédure qui existe. Tandis que, là, on baisse les critères, parce
qu'on voit dans le cas de l'urgence, à l'alinéa trois du deuxième paragraphe, «des motifs raisonnables
de soupçonner». On n'est plus sur des motifs raisonnables de croire, là, on
est sur des motifs raisonnables de soupçonner. Puis les mandats, on a beau dire
que c'est un mandat d'arrestation ou un mandat de dépôt, mais ça peut être
juste pour des contraventions impayées, là. Tu sais, là, ce n'est pas un mandat
d'arrêt pour un meurtre ça, là, là, ou un vol qualifié, ou une séquestration.
Alors, moi, je pense que c'est beaucoup de
pouvoirs pour des choses qui ne sont pas si
graves que ça, en fait. La personne
n'a pas payé son amende, bon, on dit que les mandats de dépôt à Val-d'Or, je
pense que c'est 100 % d'Amérindiens qui n'avaient pas payé des amendes. Alors, dans tous les cas, les
critères sont abaissés pour pénétrer dans les maisons, qui est le
sanctuaire de la personne. Alors, moi, je pense qu'il faut faire attention à
ça.
Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, deux
petites minutes, s'il vous plaît.
Mme Weil :
Deux petites minutes? Je vais vous dire peut-être en rafale, comme ça... parce
que je trouve votre mémoire excellent,
tellement détaillé et toujours ce souci de justice, hein, et donc ça cadre
vraiment bien avec les discussions qu'on a eues plus tôt, aujourd'hui.
Donc, une question qui toucherait le nombre
d'heures de travail non rémunérées, donc c'est une question de justice
pour le justiciable, de revenir là-dessus.
Vous dites que, contrairement au projet de loi n° 168, il n'y a pas de
mesure en matière civile. Peut-être
vous entendre là-dessus. Le droit d'appel aussi, que ça devrait plutôt suivre
la règle que chaque loi doit avoir
ses propres règles concernant le droit d'appel. Je pense que c'est le seul
temps que j'ai, donc, en rafale, en une minute.
M. Le Grand Alary
(Nicolas) : Je répondrais pour en matière civile. C'est sûr qu'il y
avait eu un gros travail qui avait
été fait dans le projet de loi n° 168, au niveau de faire des corrections
au niveau du Code de procédure civile. Depuis la réforme, là, du Code de
procédure civile, il y avait beaucoup d'irritants qui avaient été identifiés
par nos praticiens. Le Barreau avait
travaillé longuement là-dessus, à identifier les problématiques, on les avait
soumises au gouvernement, qui avait
été, pour la plupart, reprises dans le projet de loi n° 168. Donc, nous,
on prend acte que ça va être pour une prochaine fois qu'on va attendre ces mesures-là, là, parce que l'essentiel des
dispositions pénales, avec des nouveautés, par contre, qui étaient dans 168 ont été reprises dans le
projet de loi, ici, n° 32, mais tout le volet civil a comme disparu. Donc, ça,
on l'attend toujours.
M. Levesque
(Pascal) : Le nombre d'heures maximal au niveau des travaux
compensatoires?
Mme Weil :
Oui, c'est ça.
•
(20 h 10) •
M. Levesque (Pascal) : Oui,
c'est ça. Idéalement, il faudrait le prévoir, parce que c'est une question de
prévisibilité du droit, parce que, sans ça, quelqu'un pourrait être
là-dessus indéfiniment. Et il y a aussi le... avec un nombre maximal, il y a aussi, là : Je n'ai pas été capable de
faire mes heures, alors je veux avoir une extension. À un moment donné, le juge
va trancher. S'il y a un nombre maximal, il
va mettre une ligne rouge. Il va dire : Là, attendez, là, je vous ai donné
une extension, mais je ne vous en
donnerai pas deux. S'il n'y a pas d'heures maximales, là, le juge va être un
peu mal pris de fixer une telle ligne rouge à un justiciable.
Mme Weil : Le droit d'appel qui, normalement, devrait être
dans chaque loi, je pense, c'est un point important aussi.
M. Levesque
(Pascal) : Bien, le droit d'appel qui est...
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Bien, je dirais qu'effectivement c'est ce qu'on a
soulevé dans le mémoire, c'est que, normalement, quand il y a
un tribunal administratif puis qu'il
y a des droits d'appel, ou des révisions administratives, ou peu importe
comment qu'on l'appelle, la révision de la décision, normalement, c'est
spécifié de le faire de manière générale,
c'est un peu... c'est une façon nouvelle de le faire, mais je rappellerais
encore de s'assurer qu'on soit conforme avec le renvoi, là, de la Cour
d'appel qui a été rendu récemment.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin,
s'il vous plaît.
M.
Nadeau-Dubois : Oui, j'avais beaucoup de questions sur
l'article 19, puis vos commentaires sont très éclairants sur les
possibilités de dérive de ce pouvoir discrétionnaire qui est donné aux
agents... bien, aux forces policières, mais vous
avez déjà bien répondu, alors je vais poser une autre question qui a été
soulevée plut tôt par l'Association des procureurs de cours municipales. C'est une question sur les
programmes d'adaptabilité à l'article 159.5. L'article, comme il est
rédigé actuellement, dit que, si un
défendeur complète ledit programme, les accusations peuvent être retirées. Vous
recommandez que ça soit changé par «doivent être retirées». Pourtant,
les gens qui vous ont précédés jugeaient que c'était déjà trop contraignant et
qu'il faudrait donner plus de flexibilité. Vous, vous dites : Non, il y a
trop de flexibilité. Il faudrait que ça soit
une garantie que, si on remplit les exigences du programme, les accusations
tombent. Pouvez-vous m'en dire plus, nous
expliquer votre point de vue sur cette question-là? Pourquoi c'est important
pour vous qu'il y ait comme une garantie écrite dans la loi?
M. Levesque
(Pascal) : Bien, si je peux m'exprimer ainsi, c'est que c'est une
question d'équité, essentiellement d'équité,
pour que, si quelqu'un complète son travail, complète ce qu'il a besoin, l'État
lui dit : Si tu fais ça, là, tu vas avoir réglé ton ardoise. Alors,
il faut que la contrepartie, ça soit «doit».
Autrement, quel incitatif la personne ou son
avocat va avoir de dire : Je te recommande de prendre le programme?
S'il n'y a pas de garantie que le procureur
va l'enlever, il va dire : Bien là, s'il n'y a pas de garantie, on fait le
procès. C'est un peu ça qui va
arriver et c'est ça, le risque. Et ce projet de loi là, c'est quoi la
philosophie derrière? C'est donner la flexibilité aux acteurs pour
diminuer les délais pour régler des dossiers. Alors, il faut être... je dirais,
il faut être équitable avec le judiciaire.
M. Nadeau-Dubois :
Et, pour vous, quand on dit, à 159.5, «lorsque le défendeur complète le
programme», je comprends que votre lecture
de cette formulation-là, c'est que ça implique qu'il a rempli les exigences,
donc qu'il a réussi. Donc, si
quelqu'un le faisait à moitié, ça n'engagerait pas, même si on écrivait «doit»,
d'obligation de faire tomber les accusations.
M. Levesque
(Pascal) : S'il le faisait...
Non, mais, s'il le faisait à moitié, là, il faudrait quand même
qu'on crédite cette moitié-là. Ça permettrait au procureur de dire : Bon,
il ne l'a pas complété, mais, au moins, je dois... Le juge doit dire : Je
considère le fait que la personne a complété son programme à moitié, aux trois
quarts. Je dois le considérer.
M. Nadeau-Dubois :
Puis, en ce sens-là...
Le
Président (M. Bachand) : En terminant, M. le député, oui.
M. Nadeau-Dubois : ...est-ce que 159.1 vient un peu répondre à cette
question-là ou non en disant que, s'il y a une participation à un
programme, il y a des chefs d'accusation qui peuvent être retirés? Est-ce que
je me trompe si je lis l'article 159.1 comme ça?
Le Président
(M. Bachand) : Rapidement, oui.
M.
Le Grand Alary (Nicolas) :
Je dirais peut-être aussi que, ce n'est sans doute pas prévu actuellement dans le projet de loi, on pourrait s'inspirer de l'article 717, paragraphe 4°, du
Code criminel, là, qui prévoit déjà,
quand il y a un... le programme a été
rempli partiellement, les exigences sont partiellement atteintes, qu'il y a un
mécanisme qui existe déjà. On va pouvoir s'inspirer de ceux-là.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. La parole est maintenant à la
députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Merci beaucoup. Donc, pour poursuivre sur ce point-là, en gros, vous
dites : Inspirons-nous de ce qui
se fait déjà en matière criminelle pour ces programmes d'adaptabilité. À
l'heure actuelle, les programmes, donc, spécialisés qui existent,
qu'est-ce qui arrive? Est-ce que c'est retiré? Est-ce que ça... dans les faits,
là, pratico-pratique?
M. Levesque
(Pascal) : Oui. Si je prends, par exemple, le Programme de mesures de
rechange général, la dynamique, pour le faire très rapidement, la
personne rencontre un agent du service de probation, admet sa responsabilité,
rencontre quelqu'un, un intervenant d'un
centre d'Équijustice, on lui propose de faire une mesure de rechange qu'il
fait. Pendant ce temps-là, le
dossier, lui, il avance à la cour, il chemine, puis, quand le programme est
complété, la personne d'Équijustice va
dire : Le programme est complété, on demande que la cause soit rayée.
C'est automatique. Les procureurs de
la couronne vont... C'est ce que les procureurs du DPCP vont faire.
Mme Hivon : O.K. Je voulais vous amener sur un autre point. On a
eu la Coalition pour l'accès à l'aide juridique qui soulève le même
point que vous soulevez à la page 18 de votre mémoire. Vous faites
ressortir que l'utilisation du terme... du
changement de «néfastes» par «graves» vous semble donc, à première vue,
restreindre l'accès. Et c'est un peu la même lecture que je fais, là. «Graves», ça paraît plus grave que
«néfastes». Donc, c'est surprenant de retrouver une restriction à
l'accès juridique dans un projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui. Est-ce
que vous faites cette lecture-là?
M.
Le Grand Alary (Nicolas) :
Bien, je dirais qu'effectivement... Je pense qu'un des principes de base en
matière d'interprétation des lois ça va être l'intention du législateur,
puis un des principes, c'est que le législateur ne parle pas pour rien dire. Donc, si on est pour modifier
juste un mot, remplacer «néfastes» par «graves», il y a une raison derrière ça.
Et la cour, quand elle va avoir à interpréter ces critères-là, va le faire
d'une façon à comprendre pourquoi ça a été modifié. Ce n'est pas fait
sans aucun objectif. Donc, s'il y a eu une... Effectivement, ça semble
restreindre et ça pourrait être l'interprétation qui en serait donnée. Donc, on
se pose la question : Pourquoi le faire?
Mme Hivon : C'est beau. Dernière petite question. Je reviens
à mon premier sujet. Je n'étais pas sûre d'avoir les 30 secondes. Donc, pour les programmes
d'adaptabilité, à 1.8.2, vous dites qu'il n'y a pas de mécanisme indépendant de
vérification si les conditions étaient remplies. Ça pourrait être quoi, un
mécanisme indépendant pertinent?
M. Levesque
(Pascal) : On pourrait avoir deux options. C'est soit qu'on retourne
devant un juge pour... et là il y a une petite audition qui se fait, soit qu'on prend
quelqu'un d'un service parallèle comme... je fais un
équivalent avec un service d'un agent
de probation qui vient dire : Écoutez, je constate que ça n'a pas été fait, et voici.
Mais, idéalement, ça serait
plus par une audition judiciaire.
Mme Hivon :
...on retourne en audition.
M. Levesque
(Pascal) : Non, c'est ça, effectivement.
Mme Hivon :
O.K. C'est beau.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Merci beaucoup. M. le député de
Chomedey, s'il vous plaît.
M. Ouellette : Merci. Bienvenue. Deux minutes, c'est très vite passé. Merci de nous
indiquer, pour 19 et 27, les mandats d'entrée, vos préoccupations. Je
pense qu'on les partage.
Je remarque que, dans
votre mémoire, vous n'avez pas... ou il n'y a pas de réflexion sur le mandat
général, les articles 29 à 36, là. Il y
a-tu une raison particulière? Parce que c'est... Ce qu'on veut introduire pour
le pénal, on voit des exemples réguliers, là, qu'il y a des petits
manques au niveau criminel, ça fait que... puis, dans votre mémoire, on ne retrouve pas aucune réflexion sur ces items-là,
particulièrement le mandat général. C'est-tu parce que tout va bien ou, pour
vous autres, je veux dire, c'est... comme c'est calqué sur le criminel, tout
est correct?
M. Levesque
(Pascal) : ...on n'a pas... Quand on a soumis le projet de loi à
l'analyse des membres, ça, ce n'est pas ressorti. Est-ce que ça veut
dire que tout est correct? En tout cas, ça n'a pas été la problématique qui
nous a été soulevée par les membres du comité en premier lieu.
M. Ouellette : O.K. Pour les autres choses, je pense que vous
avez répondu à mes questions. Ça fait que, M. le Président,
pour qu'on puisse finir à 9 heures, je suis très magnanime. Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Vous êtes toujours aussi efficace... (panne de son) ...alors, sur ce, merci
beaucoup d'avoir été présents. C'est très, très, très apprécié.
Je suspends les travaux quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 20 h 19)
(Reprise à 20 h 22)
Le
Président (M. Bachand) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Merci beaucoup de votre
collaboration habituelle, merci.
Alors,
je souhaite la bienvenue aux représentants du Service de la police de la ville de Québec. Bonsoir, bienvenue. Je vous
rappelle que, comme vous savez maintenant, vous avez 10 minutes de
présentation. Après, nous aurons un échange avec les membres de la
commission. Donc, je vous invite d'abord à vous présenter et à débuter votre
exposé. Encore une fois, bienvenue. À vous la parole.
Service de police de la ville de Québec (SPVQ)
M. Pigeon (Robert) : Merci.Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et
MM. les élus. D'abord je me présente, Robert
Pigeon, je suis le directeur du Service de police de la ville de Québec, mais
je suis également le président de l'Association des directeurs de police
du Québec. Donc, j'interviendrai ce soir avec les deux chapeaux. Je vous
présente Me Serge Giasson, c'est le responsable du service des affaires
juridiques de la ville Québec. Donc, merci infiniment de nous avoir invités.
Effectivement, ce sont des sujets qui nous intéressent beaucoup puisque...
notamment, le processus qui amène des
trajectoires particulières pour les personnes vulnérables intéresse la ville de
Québec déjà depuis plusieurs années.
Donc, oui, nous sommes satisfaits. On a pris
connaissance du projet de loi n° 32 et nous sommes satisfaits des outils supplémentaires qui sont proposés d'abord
pour les policiers, mais également pour la clientèle un peu plus vulnérable
qui se situe un peu partout sur le territoire québécois.
Concernant
l'harmonisation des pouvoirs en matière d'enquête, donc, on parle
d'identification d'une personne, les mandats d'entrée pour l'exécution d'un
mandat d'amener, le mandat général dans le but d'exécuter une technique
d'enquête, les ordonnances de
communication et les télémandats, nous accueillons favorablement la proposition
qui est faite, puisque ce sont des outils supplémentaires qui vont
permettre aux policiers d'avoir une seule façon de procéder, que ce soit en matière criminelle ou en matière pénale en vertu
de lois provinciales. Donc, on parle de facilité pour les policiers, on parle
le même langage. C'est facile aussi pour la clientèle et la population.
Donc, ces pouvoirs étaient jusqu'à présent
complètement absents du Code de procédure pénale. Pour nous, c'est une suite
logique, c'est une façon logique de travailler, que ce soit en matière
criminelle ou en matière de lois provinciales. Il est clair pour nous que ça va
amener une forme de cohérence et que ça va faciliter définitivement le travail policier sur le terrain, M. le Président.
L'uniformité est importante pour nos patrouilleurs, l'uniformité est importante
pour les policiers, et, dans un contexte comme ça, bien, c'est une seule façon
de procéder pour tout le monde.
Concernant le programme IMPAC, les projets... le
processus de trajectoires particulières, à la ville de Québec, on est soucieux des personnes qui vivent des
situations difficiles sur notre territoire. On cherche des solutions pour
faciliter la vie à ces gens-là,
puisque nous sommes d'avis que l'emprisonnement
n'est pas une solution pour ces personnes-là, parce que, lorsqu'une personne se retrouve en emprisonnement, bon,
perd son logement, perd ses facilités, perd ses repères également. On parle de personnes complètement désaffiliées. Donc, avoir
un processus de trajectoire particulière pour ces gens-là nous permettrait certainement de
raccrocher des personnes qui pourraient démontrer des signes de vouloir se
réaffilier à la société.
Le programme
IMPAC de la ville de Québec, d'abord, il en existe plusieurs autres un petit
peu similaires partout au Québec, dans d'autres régions. Donc, nous, c'est notre
modèle, mais, à quelque part, la ville de Montréal, à Laval, à Longueuil, ils ont des processus qui y ressemblent
beaucoup. Et ils ont certainement tous le même objectif, c'est-à-dire d'offrir aux personnes vulnérables d'autres possibilités que
l'emprisonnement, les travaux communautaires ou des ententes de paiement d'amende de façon différée. Donc, on
sait que chaque petite victoire pour cette personne-là constitue pour nous
un gain et on aimerait que ces efforts-là
par ces personnes-là puissent être évalués par le système de justice au niveau
de la cour municipale.
Je vais
laisser mon collègue Serge Giasson entrer un peu plus en détail, vous
expliquer le programme IMPAC de la cour municipale.
M. Giasson
(Serge) : Alors, j'aimerais
vous dire que le programme IMPAC de la ville de Québec, c'est un programme
d'adaptabilité. Il s'appelle IMPAC parce que l'acronyme c'est :
Intervention multisectorielle programmes d'accompagnement
de la cour municipale. Il vise à adapter le tribunal à des clientèles
particulières. En fait, en mettant en place
d'autres méthodes de traitement des dossiers à différentes étapes de la
trajectoire judiciaire... a fait à en arriver à une justice à caractère
communautaire, s'intéresser aussi aux causes intrinsèques du délit afin
d'apporter des solutions durables, rendre la communauté partenaire dans la résolution du problème
et, finalement, faire participer tous les intervenants du système
judiciaire afin qu'ils apportent ensemble des solutions durables plutôt que de
se limiter à l'application des sentences traditionnelles.
IMPAC, ça vise
présentement deux axes d'intervention depuis 2013 dans la ville de Québec, soit
le programme Nouvelle vision de la
perception, qui s'intéresse aux infractions pénales, et le programme Tribunal à
trajectoire spécifique, qui
s'intéresse aux infractions criminelles. Les objectifs poursuivis par ces
programmes sont : accroître le sentiment de sécurité sur le territoire, favoriser un milieu de vie attrayant,
diminuer les récidives, bien entendu, et favoriser le règlement des dettes sans recours à l'emprisonnement, tout
en facilitant la remise en action, mettre en place des solutions mieux adaptées
et durables à la situation des clientèles visées, favoriser l'accès à la
justice, améliorer le traitement de ce type de dossiers à la cour municipale de
la ville de Québec, puis adapter le traitement judiciaire, et favoriser
l'encadrement et le suivi continu dans la communauté comme moyen de
réinsertion.
Voilà
quelques années déjà que la ville de Québec réclame une adaptation ou des
adaptations au Code de procédure pénale afin de pouvoir assurer une mise
en oeuvre plus efficiente du programme IMPAC. Le programme de travaux compensatoires qu'on connaît actuellement a été
introduit dans les années 80, et il n'avait pas été modifié depuis. La
notion de travaux compensatoires
réfère à des heures de travail bénévole qui doivent être exécutées auprès
d'organismes de référence inscrits
dans le registre au YMCA pour la région de Québec. Ni le percepteur des
amendes ni le YMCA ne sont en mesure de commuer des amendes dues
autrement que par la réalisation de ce travail bénévole.
Dans
le cadre du programme IMPAC, le programme Nouvelle vision de la perception, qui
s'intéresse surtout aux affaires pénales, se veut une approche plus holistique
pour le traitement des amendes impayées en reconnaissant que la clientèle qui a vécu ou qui vit présentement des
situations d'itinérance ou l'itinérance et qui a des problèmes de santé mentale
ou qui veut se reprendre en main peut avoir
des besoins particuliers et nécessiter un accompagnement différent dans sa
démarche de réinsertion.
• (20 h 30) •
Le
programme vise justement la reconnaissance aux participants pour les efforts
faits pour se sortir de l'itinérance. Les
intervenants du programme IMPAC souhaitent pouvoir reconnaître les efforts
faits dans cette voie en réduisant les heures de travail à faire pour éteindre
sa dette et éviter le recours à l'emprisonnement. Ceci signifie, par exemple,
que les heures effectuées dans le
cadre d'un retour aux études puissent être reconnues. Il s'agit aussi... on donnait comme exemple que le fait de
reprendre le plan de traitement, par exemple, ça peut constituer aussi des
efforts reconnus pour la réduction de la
dette, tout comme le fait de se lever tous les matins après avoir vécu une
longue période, O.K., où il ne se
passait rien dans sa vie, de se
reprendre en main, ça peut aussi mériter une réduction de la peine et de son
amende. Il s'agit ici d'avoir une vision plus large de la notion des
travaux compensatoires afin de reconnaître les efforts consentis à se sortir de
la situation ayant conduit à l'accumulation
de cette dette importante à la suite de l'émission de constats d'infraction. Il
ne s'agit pas de remplacer l'ensemble
des heures à effectuer par cette reconnaissance, mais de permettre d'en tenir
compte dans l'analyse du dossier qui est faite par le percepteur des
amendes.
C'est
dans ce contexte que la ville demande, depuis quelques années, que soient
modifiées les dispositions du Code de
procédure pénale concernant
l'imposition de travaux compensatoires pour ajouter la possibilité de cumuler
aux heures de travaux compensatoires traditionnelles des heures
effectuées dans le cadre d'un plan structuré de remise en action.
Maintenant,
la réponse qui est offerte à cette demande-là par le projet de loi n° 32, pour IMPAC, nous semble être la bonne. La
demande de la ville de Québec est globalement satisfaite par le projet de loi à l'étude en permettant d'adopter un programme d'adaptabilité des règles relatives à la
poursuite et à l'exécution des jugements, voire même la possibilité pour le poursuivant de demander une rétractation
de jugement. Le projet de loi offre une réponse complète aux besoins du programme
IMPAC.
Cela étant dit, quelques
ajustements de trois ordres pour offrir encore plus de souplesse à la mise en
oeuvre des programmes d'adaptabilité de la ville de Québec. Ces ajustements
concernent la nécessité que le ministre prenne un règlement pour que les programmes d'adaptabilité puissent être
instaurés, la nécessité que le défendeur complète le programme d'adaptabilité pour que la poursuite
puisse retirer un chef d'accusation ou le fait que les sommes dues ne puissent
être réduites en conséquence de l'accomplissement de mesures alternatives.
Alors,
concernant le règlement du ministre, le nouvel article 159.1 du Code de
procédure pénale permet un programme d'adaptabilité des règles relatives à la
poursuite en donnant la possibilité d'offrir au demandeur... au défendeur,
plutôt, une alternative à la continuation de
la poursuite. Cela peut conduire au retrait d'un ou plusieurs chefs
d'accusation. De même,
l'article 333 du Code de
procédure pénale permet un programme
d'adaptabilité des règles relatives à l'exécution des jugements. Les travaux compensatoires ou une
partie de ceux-ci pourront être remplacés par des mesures alternatives.
Les infractions visées par de tels programmes doivent cependant être prévues
par un règlement du ministre.
Nous
comprenons que le règlement que prendra le ministre établira l'ensemble
des catégories d'infractions que les
municipalités pourront choisir ou non de traiter dans leur programme
d'adaptabilité. Il importe que l'autorité municipale conserve la souplesse requise pour adapter son programme
à sa réalité, et nous aurions même été favorables à ce que les municipalités
jouissent d'une pleine latitude pour établir les infractions ou les catégories
d'infractions visées par le programme d'adaptabilité.
Le Président (M. Bachand) : Pardon, maître, si vous pouviez conclure. Désolé,
la table est déjà... Merci beaucoup.
M. Giasson (Serge) : Alors, ce que nous souhaitons dans la première
demande, c'est qu'il y ait une mesure transitoire, finalement, dans le projet de loi, pour assurer au
moins que les règlements qui concernent notamment le bon ordre et la
paix soient d'emblée, en mesure transitoire, des règlements qui pourraient
faire partie du programme.
Concernant les retraits des chefs
d'accusation...
Le Président (M.
Bachand) : Je vais être
obligé... Je suis vraiment désolé, le temps est compté. Justement, parlant de
temps, on a un léger retard. J'aurais besoin, si on veut garder nos temps
initiaux par groupe parlementaire, j'aurais besoin d'ajouter un maximum de
12 minutes à la séance d'aujourd'hui.
Une voix :
Consentement.
Le
Président (M. Bachand) : Consentement. 12 minutes.
Parfait. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci,
M. le Président. Bonsoir,
M. Pigeon, Me Giasson. Merci d'être présents. Merci surtout pour vos commentaires, votre mémoire. Puis je vais vous
laisser, justement, compléter ce que vous alliez compléter, puis, après
ça, on pourra peut-être élaborer sur certains points.
M. Giasson (Serge) : Alors, le deuxième élément qu'on aurait aimé
comme bonification, c'est de permettre, avant la fin du programme, pour
les efforts faits dans un programme, même si le programme n'a pas été complété,
de pouvoir, selon les engagements ou
l'entente qu'on a pris avec la personne qui est impliquée dans le programme,
de pouvoir retirer des chefs sur
lesquels on s'était entendus qu'il allait y avoir des retraits. Alors, c'est
sûr qu'il n'y aurait pas la totale, mais il y aurait une possibilité de
réduire les chefs d'accusation, s'ils sont multiples.
La
réduction des sommes dues, c'est la même chose. Dans la trajectoire, il se peut
que quelqu'un embarque dans le programme puis,
éventuellement, nous dise : Moi, je suis rendu à une étape où j'ai rempli
certaines... je ne l'ai pas complétée, mais
j'ai rempli, O.K., la démarche, et là, maintenant, je me suis
trouvé un petit boulot et j'aimerais ça pouvoir continuer en payant en mode traditionnel, continuer à payer.
Et là on pourrait avoir les deux bénéfices, c'est-à-dire, pendant qu'il
est dans le programme,
une réduction de ses amendes, ensuite
la continuité pour régler le reste de ses amendes avec une entente de
paiement, par exemple.
Mme LeBel :
Oui. Revenant au retrait d'un chef... On va revenir surtout sur votre programme
d'adaptabilité, là, pour la ville de Québec, qui a d'ailleurs ces
programmes-là, à deux volets, depuis quelque temps déjà, qui ont fait leurs preuves. On va peut-être parler des modalités,
puis j'aimerais ça, après ça, si vous étiez capable d'illustrer pour nous...
parce qu'on se comprend dans nos
termes, les personnes vulnérables, qu'est-ce que ça signifie, mais peut-être
nous parler d'un cas type d'une personne qui va bénéficier de ce type de
programme là, mais de façon plus particulière.
Pour
ce qui est... le retrait d'un chef d'accusation à la fin du programme,
l'association, justement, des procureurs municipaux nous avait demandé cette flexibilité-là d'être capable que,
quand une partie du programme est complétée, de pouvoir avoir une certaine latitude. Je comprends que vous êtes
d'accord, et votre expérience démontre que ce serait bénéfique.
Une voix :
...
Mme LeBel :
O.K. On a parlé également... Le Barreau a mentionné, là, peut-être de faire en
sorte qu'une fois que le programme est complété, que les étapes sont complétées
et qu'on a cette certitude-là, on parlait d'imposer une exigence, maintenant, que le procureur agisse. Parce que le
projet de loi, tel que présenté, dit qu'une fois que le programme est complété
le procureur peut. Alors, on demandait ou on
demandait la réflexion de dire... aller à «doit». Donc, quand il y a une portion
du programme de complétée, on pourrait y aller dans le «peut» parce qu'il y a
une évaluation à faire de la pertinence de
le faire. Et on suggère que, quand le programme est complété de façon
satisfaisante, qu'il y ait une obligation, ce qui permettrait aux contrevenants
d'avoir une certaine certitude, d'entrée de jeu, que, s'il fait le chemin ou le
parcours qu'on lui demande de faire, bien, il aura le résultat escompté.
Qu'est-ce que vous en pensez, selon votre expérience?
M. Giasson (Serge) : Selon mon expérience, là, on n'a jamais vécu une
situation où il y avait un désaccord, par exemple, à la fin d'un programme complété, qu'il y avait un désaccord
parce qu'il y a une entente qui est préalable à la démarche, O.K.? Dans cette entente-là, il y a une
équipe multidisciplinaire, il y a des alliés, par exemple, soit le procureur
de la personne qui bénéficie du programme, soit un autre allié. Il y a des
intervenants sociaux aussi qui accompagnent généralement les personnes dans
leur programme. Et le programme, c'est comme une entente dans laquelle,
entente, il y a la portion aussi des
obligations du poursuivant, là, à respecter puis il y a aussi des obligations
de celui qui participe au programme à
respecter. Ça fait que c'est vraiment une entente, et jamais on ne s'est
retrouvés dans une situation où l'entente n'a pas été respectée.
Mme LeBel :
...
M. Giasson
(Serge) : Exactement.
Mme LeBel :
...entre le poursuivant et le...
M. Giasson
(Serge) : Exactement. Et, comme on est plusieurs, on n'a pas besoin de
tiers, parce que des tiers, il y en a
beaucoup autour de la table. C'est l'équipe multidisciplinaire qui est témoin
de l'engagement de toutes les parties dans
le programme. C'est comme ça que le programme est construit puis ça donne
toujours le meilleur effet, c'est-à-dire tout le monde est lié par les
engagements du programme.
Mme LeBel :
O.K. Si on revient, peut-être, à l'opportunité ou à la possibilité, pour la
ministre ou le ministre, de fixer par
règlement les infractions qui donneraient une admissibilité à ces
programmes-là, si on veut, vous avez aussi, un peu à l'instar de
l'association des procureurs municipaux, la même préoccupation de garder de la
souplesse pour les différents milieux
municipaux. Est-ce que vous pouvez peut-être me donner un exemple de, vous...
bon, quels sont les types d'infractions
qui, traditionnellement, donnent lieu à ces programmes-là et où est-ce qu'on
pourrait penser que le fait de le fixer par règlement pourrait faire en
sorte de contrevenir, si on veut, aux objectifs de ces programmes-là?
M. Giasson
(Serge) : Nous, on voyait surtout, parce qu'on est persuadés,
avec la collaboration actuelle du gouvernement
puis du ministère de la Justice, on a la... on est persuadés que le ministère
va entreprendre des discussions, O.K., pour l'établissement de ce
règlement.
Ce qu'on
voulait éviter, parce qu'on demande depuis des années, O.K., de pouvoir
soulager les gens qui participent au programme, de pouvoir réduire leur
peine avec des mesures alternatives, ce qu'on demandait, c'est de retrouver une
mesure provisoire dans la loi qui dirait
tout simplement : À défaut d'avoir un règlement, bien, toutes les
infractions qui sont normalement dans un règlement de bon ordre et paix, puis
on peut l'identifier assez facilement parce que c'est un règlement qui est adopté en vertu d'une loi sur les
compétences municipales, ça fait qu'en faisant une référence, là, à la Loi sur
les compétences municipales, on pourrait assurer le pont, O.K., à partir
du moment de la mise en vigueur, on pourrait au moins avoir les infractions à nos règlements de bon ordre et paix. Puis
je l'ai listé à la page 11 du mémoire, là : l'ivresse dans un endroit public, consommation d'alcool, flânage,
vagabondage, dormir dans une rue, la bataille, le tumulte, le bruit, le désordre, mendier, ça se trouve généralement dans
ces règlements-là. Ça fait que, là, on pourrait déjà commencer à travailler
pendant que le ministère de la Justice fait des consultations sur le règlement à être
adopté. Tout ça pour ne pas qu'on perde de temps, O.K., puis qu'on puisse aider... tout de suite après la mise en vigueur de la loi, qu'on puisse aider
les gens qui participent au programme.
• (20 h 40) •
Mme LeBel :
Et j'imagine que, dans la majorité des cas des individus qui ont affaire avec
votre programme à la ville de Québec, ce sont ce type d'infractions là
qui, de toute façon, sont à la base de notre intervention.
M. Giasson
(Serge) : Nos personnes les
plus vulnérables sont généralement en situation d'itinérance, et c'est ce genre
de contravention là ou d'infraction.
Mme LeBel : Ça fait que
peut-être qu'on pourrait justement discuter de ce genre de dossiers là qui sont
abordés par la police, qui deviennent des
dossiers de portes tournantes dans le système judiciaire et que vous avez pu
constater par votre expérience,
compte tenu que vous avez un programme à la ville de Québec, qui ont démontré une
efficacité pour les contrevenants.
M. Pigeon
(Robert) : D'abord, ce qu'il
faut dire d'entrée de jeu, c'est que les policiers ne souhaitent pas
judiciariser ces cas-là. Dans la
majorité des cas, d'abord, les policiers de la ville de Québec, Montréal, c'est
la même chose, on travaille avec des
groupes communautaires, des organismes communautaires sur le territoire. Donc,
presque toutes les fois, lorsque les
policiers ont à se rendre sur un appel, parce que c'est généralement les
citoyens qui vont nous appeler ou les commerçants, une personne qui fait du désordre, bien, le
policier va lui offrir d'entrée de jeu : Est-ce que tu souhaiterais qu'on
aille te reconduire à l'Auberivière?
Est-ce que tu souhaiterais qu'on contacte l'organisme Pech ou un autre organisme
communautaire, pour en prendre charge autrement que par la voie
judiciaire.
Donc, toutes
ces tentatives-là vont d'abord être faites, mais il arrive au final assez
souvent que l'absence de collaboration est là, et le policier est dans
l'obligation d'agir, de faire cesser l'infraction. Et, pour pouvoir faire
cesser l'infraction, bien, il faut que ça se
fasse en vertu d'un règlement ou d'une loi en vigueur. Donc, dans le cas
présent, à la page 11, c'est
majoritairement dans ces cas-là que les policiers vont intervenir, donc en
vertu du règlement paix et bon ordre. Donc, lorsque ça arrive, ça vient
avec un constat d'infraction.
Lorsque la personne arrive en détention,
généralement, le sergent de la détention qui est là est déjà habilité à reconnaître ces cas-là. Il va, dans certains cas,
appeler un infirmier de garde — ça, c'est un petit peu unique au SPVQ — où on
va déjà annoter le dossier, le préparer pour la cour municipale pour qu'il soit
repris un peu plus loin pour l'emmener ou, à tout le moins, offrir une trajectoire particulière pour une personne
parce que ce qu'on souhaite, c'est que la personne ne revienne plus, parce que, le lendemain, elle est
encore au même coin de rue à faire les mêmes choses. Idéalement, c'est de
les sortir de là puis de les réaffilier à la société, faire en sorte qu'on ne
les judiciarise pas inutilement.
Donc, le
policier est pris parfois entre des demandes citoyennes et une intervention qui
est obligatoire. Mais les groupes communautaires qui sont en assistance
avec nous autres, dans 80 %, 90 % des cas, en prennent charge. Mais, lorsque ce n'est pas possible, là, on doit
judiciariser à ce moment-là. On sait très bien que l'idéal, c'est de faire en
sorte de trouver des moyens
alternatifs pour ces personnes-là, autres que l'emprisonnement, bien sûr, parce
que l'emprisonnement ne donnera absolument rien dans ces cas-là. Ce
n'est pas ça qui est efficace pour ces gens-là, c'est de les réaffilier.
Mme LeBel :
Merci. Peut-être, avant que je passe peut-être la parole à mon collègue le
député d'Ungava, qui aurait au moins
quelques questions pour vous, j'aimerais peut-être parler de l'exigence
d'identifier... d'exiger des pièces d'identité ou, en tout cas, la
possibilité d'exiger, plutôt, parce que ce n'est pas une exigence, c'est une
possibilité, et le mandat d'entrée. On sait
que, dans le cas de la sécurité routière, il y a déjà une exigence d'avoir en
tout temps sur soi son permis de conduire,
donc qui est en soi une pièce d'identité. Il n'y a pas de problème pour les
constats d'infraction en matière de sécurité routière parce qu'on est
capable d'identifier le conducteur.
Peut-être
nous parler de votre expérience où on a des problèmes, justement, en matière
d'émission de constat d'infraction où la
base de l'émission du constat, c'est l'identification. Et est-ce que vous avez
souvent vu ou est-ce que vous avez vu à quelques reprises des cas de mauvaise
identification ou de constats qui ont été signifiés à la mauvaise adresse, au
mauvais nom parce qu'on avait les mauvaises
informations de départ et qui a fait en sorte qu'on n'a pas pu pénaliser la
bonne personne, si je peux le dire de cette façon-là?
M. Pigeon (Robert) : L'absence d'identification positive alourdit le
système d'un bout à l'autre, là. En fait, lorsqu'on n'a pas la bonne personne
devant nous, bien, on enclenche des processus d'identification, les constats
sont émis au nom d'une mauvaise
personne, ainsi de suite. Et les cas de supposition de personne sont fréquents.
Donc, ce n'est pas rare que des gens
s'identifient sous un faux nom. Donc, on le sait maintenant, avec les vols
d'identité, ça va être encore de plus en plus présent. Donc l'identification positive d'une personne raccourcit
énormément l'intervention policière, mais donne beaucoup plus de qualité
par la suite à tout le processus judiciaire qui va s'ensuivre. Donc, pour nous,
d'avoir une identification positive le plus
rapidement possible lors d'une intervention amène une satisfaction à la personne qui est en contact avec les policiers, puis raccourcit le délai
d'intervention, puis permet une meilleure trajectoire par la suite pour le processus judiciaire.
Mme LeBel :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député d'Ungava, s'il
vous plaît.
M. Lamothe :
Oui. À la page 6 de votre mémoire, vous définissez votre programme IMPAC,
puis on dit ici : «Il vise à adapter le
tribunal à des clientèles particulières et à — le point
n° 3 — rendre
la communauté partenaire dans la résolution de problèmes.» Bien, moi, je
trouve ça génial. Comment vous faites ça?
M. Pigeon (Robert) : Je l'ai abordé un petit peu tout à l'heure, on
travaille beaucoup avec les groupes communautaires.
Et, lorsqu'une personne est complètement désaffiliée, bien, un simple petit
effort pour cette personne-là, ne serait-ce que de prendre sa médication,
d'aller à ses rendez-vous médicaux, peut-être même être en recherche d'emploi
ou viser une trajectoire scolaire différente, donc, ce sont toutes des choses qui
pourraient être mesurées.
Donc, les
partenaires, ce sont tous les groupes communautaires avec qui on a des
alliances, d'ailleurs, on en a plusieurs sur
notre territoire, comme partout ailleurs au Québec, avec qui on coopère d'une
façon régulière. Et on ne se cachera
pas que ces gens-là finissent par être connus parce qu'ils viennent tout le
temps dans le système. Il vient un temps où les groupes communautaires,
lorsqu'on leur envoie... soit qu'ils nous le signalent ou soit qu'on leur
signale, on leur demande : Es-tu
capable d'embarquer avec nous pour nous aider à convaincre cette personne-là de
prendre la trajectoire du programme IMPAC puis peut-être en bout de
ligne de sortir gagnante en bout de piste?
M. Lamothe :
Puis j'imagine que celui qui coordonne tout ça ou celle, c'est un policier ou
une policière.
M. Pigeon
(Robert) : Oui.
M. Lamothe :
C'est ça?
M. Pigeon
(Robert) : Oui.
M. Lamothe :
Ça fait combien d'années qu'il dure, ce programme-là? Depuis combien d'années?
M. Pigeon
(Robert) : On recule...
M. Giasson
(Serge) : 2013.
M. Lamothe :
2013. Puis ça marche-tu?
M. Giasson
(Serge) : Il a fait l'objet
d'une évaluation, entre 2014 et 2017, par un groupe de recherche de
l'Université Laval qui nous a aidés à
valider les hypothèses qu'on avait, puis il a fait des recommandations pour
améliorer le programme. Un des succès
du programme, c'est qu'il a été
évalué par un groupe indépendant, un groupe d'universitaires indépendant,
des gens spécialisés en travail social qui
nous ont guidés sur la façon de procéder. Et les interventions communautaires
ou l'implication de la communauté, c'était un élément très important
dans les remarques, là, de ce groupe de recherche.
M.
Lamothe : Donc, je pense que c'est la base de tout, puis... Non, c'est
bon. Ça répond à ma question. Êtes-vous satisfaits de votre programme
depuis le début?
M. Pigeon (Robert) : Il arrive même parfois que c'est les procureurs
de la défense qui nous signalent : Alors, on aurait peut-être... ce client-là, ce serait
peut-être un client potentiel pour s'inscrire dans le programme IMPAC. Donc, au
début, c'était peut-être plus nous autres
qui essayaient de les orienter vers là. Maintenant, la demande... on commence à
avoir de la demande. Donc, on n'est plus à sens unique, là, on est
vraiment en...
M.
Lamothe : ...comme nous autres, qu'on aligne... notre gouvernement,
qui aligne les nouvelles lois, va aider à ce programme-là.
M. Pigeon (Robert) :
Absolument.
M. Giasson
(Serge) : Oui, on s'attend, avec la diffusion, de la possibilité de
réduire avec d'autres choses... réduire les amendes, par exemple, on s'attend à une popularité, là, dans le
programme pour donner espoir, aux gens qui rentrent dans le programme, d'éteindre des dettes, même des
dettes importantes, O.K.? C'est ça qu'il nous permet, le programme... les
dispositions du projet de loi, c'est de donner espoir à ces gens-là, qui ont
des dettes importantes, de pouvoir les éteindre dans un laps de temps qui est plus court que celui des travaux
compensatoires, parce que, quand on travaille sur soi, on travaille sur soi habituellement 24 heures
sur 24. Alors, vous savez, le bénéfice, là, qu'ils peuvent retirer, on peut le
calculer, ce bénéfice-là, puis réduire d'autant la dette.
M. Lamothe : Les partenaires, ils
disent quoi du nouveau projet de loi?
M. Giasson
(Serge) : Les partenaires
l'ont demandé avec nous, plus de flexibilité, plus de possibilités pour aider
les gens qui sont pris dans des situations, par exemple, avec des amendes
importantes.
M. Lamothe : O.K. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, vous
avez la parole. Merci.
• (20 h 50) •
M. Tanguay : Oui, merci
beaucoup. Merci, M. Pigeon, M. Giasson, d'être avec nous ce soir.
Merci pour votre mémoire puis merci de répondre à nos questions.
Ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce va aller
davantage sur le programme IMPAC, pour lequel, je pense, on a des félicitations à vous communiquer, programme
d'adaptabilité. Moi, je vais revenir en arrière, je ne sais pas si vous étiez
présents quand le Barreau était ici lors de la dernière heure, et vous parler
notamment, M. Pigeon, à titre de président de l'association des directeurs de police du Québec, donc à titre de
président de l'association des directeurs de police de Québec, et vous vous félicitez de constater dans
le projet de loi qu'il y a une harmonisation, dans le projet de loi, qui permet
dorénavant d'adopter, en regard des lois
provinciales et des règlements municipaux, les mêmes pratiques d'enquête qu'en
matière criminelle. Là, woups! là, moi j'ai un gros drapeau rouge, parce que,
justement, si ça, c'est l'approche, puis détrompez-moi,
si c'est de dire : Bien, ce qu'on fait en matière criminelle, on va
l'harmoniser avec ce que l'on fera dorénavant avec la loi provinciale et les règlements municipaux en matière pénale,
là, je pense, et j'aimerais vous entendre là-dessus, c'est faire peu de cas... Et j'aimerais vous
entendre là-dessus parce que vous vous félicitez de deux mesures du projet de
loi, notamment la mesure en ce qui a
trait à la pièce d'identité valide sur soi et la possibilité de l'agent d'en
exiger la production et les arrestations dans une maison d'habitation
sans mandat.
Le Barreau nous a démontré, parce qu'il y a toujours
la loi telle que rédigée, est-ce qu'elle respecte les chartes des droits et libertés? Ça, c'est une chose. La loi,
tel qu'elle a été appliquée, deuxième niveau de questionnement, est-ce que ça
respectait les droits et les libertés
protégés pour la citoyenne ou le citoyen? Et, très clairement, ce qu'on vient
de nous dire, c'est qu'il doit y avoir une proportionnalité. Je fais juste
l'extrait du Barreau : «Soulignons — dans le contexte de l'exigence d'une pièce d'identité — que, de façon générale les infractions
pénales sont de gravité moindre que les infractions criminelles et ce faisant, elles devraient
comprendre des règles moins intrusives du point de vue des droits des justiciables.»
Alors, rassurez-moi, là, je suis certain que je
vous ai peut-être mal lu, mais que vous n'êtes pas de cette école où on devrait agir, en matière criminelle, de la
même façon... c'est-à-dire on devrait agir, en matière provinciale et municipale,
de la même façon qu'en matière criminelle,
parce que, là, il risque d'avoir des poursuites qui se rendent jusqu'en Cour
suprême, là.
M. Pigeon
(Robert) : D'abord, les
policiers ont toujours à coeur le respect des droits fondamentaux des personnes
qu'ils côtoient à chaque jour, là.
M. Tanguay : Je le
prends pour acquis.
M. Pigeon
(Robert) : Ça, c'est de
base, c'est des acquis pour les policiers. Donc, les gens interviennent
toujours de cette façon-là, de un. De
deux, pour ce qui est des mandats d'entrée, exemple, le mandat d'entrée, ce
n'est qu'une façon de faciliter le
travail des policiers. Parce que, pour les citoyens, ce qui les préoccupe dans
les villes, dans les sociétés, ce n'est pas la grande criminalité. En passant,
on a des sondages là-dessus. Ce sont tous les petits crimes, les petites
incivilités, les éléments justement
en lien avec les règlements municipaux. Et les citoyens souhaitent que les
policiers agissent et agissent sur-le-champ, immédiatement, lorsque des
situations comme celles-là se produisent sur le territoire. Donc, d'avoir des facilités, d'avoir des outils, bien, ça n'empêche
pas que le policier doit être face à des motifs raisonnables et probables de
croire qu'une infraction est commise. Donc,
ce n'est pas un chèque en blanc, ce n'est pas un passe-droit pour les policiers,
ce n'est que des facilités d'appliquer la loi.
M. Tanguay :
Ça, c'est une chose, la raisonnabilité. Mais moi, j'aimerais ça vous entendre
sur... Même s'il y a des motifs tout à fait raisonnables, c'est coulé dans le
béton qu'une infraction a été commise, si ce n'est pas une infraction
criminelle, c'est parce qu'il a commis d'autre chose qui relèvent de la loi
provinciale ou municipale, n'êtes-vous pas d'accord avec moi qu'il ne devait pas aller aussi
loin que si c'était une accusation criminelle? Autrement dit, je n'en suis
pas sur les motifs raisonnables, mais je
suis en train de comparer des pommes et des oranges. Un acte criminel où, là,
il pourrait y avoir un niveau
d'intrusion plus justifié versus un règlement municipal... Puis le Barreau fait
justement état de situations
hypothétiques déraisonnables ou raisonnables que l'on doit évaluer lors d'une
analyse de la constitutionnalité. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Puis détrompez-moi si j'ai tort, je suis sûr que vous ne me dites pas :
Peu importe l'infraction, on va être plus
efficace en exigeant la pièce d'identité ou en entrant sans mandat dans la
résidence. Vous faites quand même la distinction entre le type
d'infraction, criminelle et municipale.
M. Pigeon (Robert) : Bien, on parle de l'application d'une loi.
Lorsqu'on parle d'un mandat d'entrée, c'est parce qu'il existe déjà un
autre mandat. Donc on parle d'un mandat d'arrestation, un mandat
d'emprisonnement ou autre. Donc, les
policiers pourraient s'installer en avant de la résidence puis attendre pendant
une journée que la personne sorte pour
l'interpeler, alors qu'il serait plus simple de contacter un juge, d'obtenir un
mandat d'entrée puis d'exécuter le mandat. Donc, on parle de facilité,
on parle d'opérationnalité beaucoup plus efficace, on parle d'efficience ici à
ce moment-là.
M. Tanguay :
Mais là, ici, on parle sans mandat.
M. Pigeon (Robert) : Oui, bien, à ce moment-là, lorsque les policiers
sont face à des motifs raisonnables, probables qu'une personne a commis un
crime, elle se retrouve à l'intérieur d'un lieu, pourraient, dans les mêmes
circonstances, demander à un juge l'autorisation d'entrée pour
poursuivre leur travail et éventuellement finaliser leur dossier.
M. Tanguay :
Puis, au niveau de l'intervention sans mandat, comment vous le comprenez?
L'arrestation dans une maison d'habitation sans mandat, comment vous le
comprenez, cet élément-là pour lequel vous êtes en accord?
M. Pigeon
(Robert) : Bien, ça dépend, on parle de quel genre d'infraction?
M. Tanguay :
Je reviens à la première minute de mon intervention. Tel que je vous lis, c'est
pour tout type d'infraction, il y
aurait possibilité pour vous d'entrer sans mandat dans une résidence. Est-ce
que c'est de même que vous le comprenez?
Une voix :
Il y a des exceptions...
M. Pigeon (Robert) : Oui, c'est ça, on parle d'«une arrestation dans
une maison d'habitation en application d'un mandat d'amener, d'un mandat d'emprisonnement ou d'un mandat
d'arrestation doit être autorisée au moyen d'un mandat ou d'un
télémandat d'entrée délivré par un juge».
M. Tanguay :
Et est-ce qu'appliqué à ce cas-là, puis je veux revenir à appliquer au cas de
la pièce d'identité, est-ce que, pour vous,
que ce soit en matière criminelle ou en matière d'infraction municipale, est-ce
que, pour vous, c'est du pareil au
même, c'est une infraction, que ce soit criminel ou municipal, et que ça mérite
ces deux mesures-là, notamment l'exigence d'une pièce d'identité?
M. Pigeon
(Robert) : Absolument.
M. Tanguay :
O.K. Et que faites-vous du commentaire du Barreau qui disait : «...de
façon générale, les infractions pénales sont de gravité moindre que les
infractions criminelles et ce faisant, elles devraient comprendre des règles
moins intrusives»?
M. Pigeon (Robert) : Bien, ce n'est pas une question de plus grave ou
de moins grave, c'est question d'application d'une loi. Lorsqu'une personne commet une infraction, je pense que les
autorités sont en droit d'identifier positivement cette personne-là
d'abord, et, dans un premier temps, de ne pas commettre d'erreur judiciaire.
M. Tanguay :
O.K. Je vais laisser ma collègue poursuivre sur le...
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Oui. Bonjour, messieurs. Contente de vous avoir, parce qu'on n'a pas si souvent
l'occasion de parler avec... vous
êtes les premiers intervenants, hein, sur le territoire. J'avais une question,
donc... la santé mentale. J'imagine, vous
aussi, comme beaucoup à Montréal... souvent, l'itinérance est associée à des
personnes vulnérables qui vivent de la pauvreté,
santé mentale aussi. Et votre programme IMPAC, les deux en fait, et l'autre,
PTTS, vous vous êtes inspirés d'autres programmes
semblables, j'imagine, que vous... bien, peut-être de Montréal et ailleurs,
mais vous l'avez créé vous-mêmes ici, à
Québec, hein, c'est ça? Pour répondre aux enjeux qui sont identifiés par le
projet de loi, c'est-à-dire une justice de proximité, d'accès à la
justice, déjudiciarisation, c'est vraiment la philosophie que vous avez.
Est-ce
que... Vous dites, donc, bien que le programme fonctionnait bien, il vous
manquait quelques outils, et ce projet
de loi vient vous donner des outils additionnels. C'est un peu ça ou est-ce que
vous étiez déjà là-dessus? Parce que je
pense que, peut-être, d'après ce que je vois, des tribunaux, les acteurs de la
justice ont déjà innové, et là ce projet de loi vient confirmer ces
innovations, peut-être vous ouvrir un peu plus la voie, vous donne un sentiment
de confort.
M. Giasson (Serge): C'est-à-dire qu'avant le projet de loi, avant ces
dispositions-là, les procureurs dans plusieurs municipalités
développaient de la créativité. Là, présentement, la créativité, elle est
encadrée, elle est normée dans le projet,
O.K.? Ce qu'on souhaitait, nous, c'est de pouvoir annoncer officiellement, par
exemple, que le programme permettrait d'adapter la réduction des amendes
par des activités qui sont personnelles, O.K.? Un plan de traitement, par
exemple, quelqu'un qui a abandonné son
traitement de méthadone puis qui se retrouve dans la rue avec les... en
itinérance, et à qui on demande de raccrocher avec son plan de traitement, de
reprendre la méthadone, de reprendre ses différentes rencontres périodiques, là, pour s'assurer qu'il suit son
plan de traitement, nous, on pense que ça, c'est compensable. Actuellement dans
la loi actuelle, c'est impossible de compenser directement ces activités-là.
Alors
là, ce qu'on fait, ce que l'Assemblée nationale fait en adoptant cette loi-là,
c'est d'annoncer à tout le monde que
c'est possible, quand tu te retrouves dans une situation de vulnérabilité, que
tu es admissible à un programme d'adaptabilité, tu peux profiter des efforts faits pour te prendre en main pour réduire
tes amendes. Alors, c'est un levier essentiel, je pense, qui était
essentiel pour le programme.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la députée.
M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour, messieurs. Merci d'être parmi nous ce soir. Commencer par une question
très simple avec vous pour
M. Pigeon. Est-ce que vous reconnaissez au Québec l'existence, de manière
générale, de problématiques de profilage social et de profilage racial
au sein des corps de police au Québec?
• (21 heures) •
M. Pigeon (Robert) : Bien, j'ai pris connaissance du dernier rapport
qui a été déposé concernant le SPVM. Donc, mon collègue directeur du
SPVM en a pris acte et s'engage à y donner suite.
Pour
ce qui est de l'Association des directeurs de police, on est préoccupé aussi
par cette situation-là et on entend regarder
avec le SPVM quelles solutions pourraient être apportées pour s'assurer de
donner confiance à l'ensemble des communautés qui sont présentes sur le
territoire québécois.
M. Nadeau-Dubois : Mais, sur le diagnostic, parce que
la ministre de la Sécurité publique, elle le disait clairement, c'est un défi qui existe, une problématique qui
existe. Vous, est-ce que vous reconnaissez l'existence de ce problème-là
dans les corps de police?
M. Pigeon (Robert) : Bien, il faudrait regarder en profondeur dans
quelles circonstances. Si on est en Abitibi, bien, c'est la communauté
autochtone qui est plus présente puis plus visée. Lorsqu'on est à Montréal,
c'est autre chose. Lorsqu'on est à Québec,
bon, on est moins là-dedans parce que c'est un petit peu moins multiculturel ici. Mais
il reste quand même qu'il faut rassurer ces communautés-là. Il faut trouver des
moyens qu'elles aient confiance aux services de police lorsque les policiers interviennent auprès d'eux et
qu'elles aient confiance qu'elles ne font pas, justement, l'objet d'un
profilage soit racial ou social.
M. Nadeau-Dubois : Je prends note de ce que vous me dites et aussi
de ce que vous ne me dites pas et je vous ramène aux inquiétudes du Barreau qui
ont été exprimées il y a quelques minutes, qui, justement, dans un contexte où
eux reconnaissent que ça existe, le profilage social, le profilage
racial, qui s'inquiètent des pouvoirs étendus qui vont vous être conférés, qui vont être conférés aux forces
policières en général dans le cadre de ce projet de loi là en ce qui a
trait à la possibilité pour des
policiers d'exiger une carte d'identité. Si vous aviez les gens du Barreau
devant vous, qu'est-ce que
vous leur répondriez pour les rassurer?
M. Pigeon
(Robert) : Bien, je leur répondrais que les policiers, d'abord et
avant tout, cherchent à résoudre le problème. Et, dans la plupart des cas, s'il
y a une issue potentielle autre que la judiciarisation, c'est celle-là que les policiers vont prendre. C'est-à-dire l'assistance par un groupe communautaire, faire cesser l'infraction de
n'importe quelle autre manière autre que l'émission d'un constat d'infraction
et identification de la personne, c'est d'abord et avant tout ça qui va
être utilisé. Donc, on sera... Les policiers ne cherchent pas à judiciariser nécessairement.
M. Nadeau-Dubois : Je suis moins sur la question de la
judiciarisation que spécifiquement sur la possibilité qui vous serait donnée d'exiger une carte d'identité,
ce qui est un nouveau pouvoir. Qu'est-ce
que vous répondez aux gens qui,
dans le contexte que je viens de vous décrire puis que vous connaissez, qui
s'inquiètent de ce nouveau pouvoir?
M. Pigeon (Robert) : Moi, je
pense que c'est une très bonne
nouvelle parce que ça va raccourcir les interventions policières, ça va permettre d'avoir des
identifications positives et ça va permettre de rassurer le système judiciaire
qu'on a les bonnes personnes devant nous.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le
député. M. le député de Chomedey maintenant, s'il vous plaît.
M. Ouellette : Merci. Bonsoir, messieurs. Pour faire du pouce un peu sur ce que le
collègue de Gouin vient de mentionner,
et vous avez entendu les gens du Barreau tantôt, le drapeau rouge qu'ils
lèvent, c'est qu'il pourrait peut-être
y avoir, avec ces nouveaux pouvoirs, de l'abus de pouvoir.
Je comprends de votre réponse que, par le
professionnalisme de vos policiers, puisqu'ils doivent répondre dans différentes situations, vous n'êtes pas de cet
avis-là que ça pourra conduire à de l'abus de pouvoir. Il y aura
toujours des situations exceptionnelles, mais vous êtes en
mesure... je pense que vos réponses nous amènent à penser que, pour
vous, ça va augmenter l'efficacité des réponses policières par rapport aux citoyens du Québec, si j'ai bien compris votre point de vue que vous avez exprimé, là,
dans les différentes questions qui vous ont été posées.
M. Pigeon
(Robert) : Vous avez tout à fait raison. Donc, on parle d'augmentation de l'efficacité puis de
l'efficience, ça, c'est certain, de
un. De deux, les policiers se comportent de façon rigoureuse, professionnelle
et avec professionnalisme et éthique.
Et, pour tout ce qui serait en dehors de ça, il existe déjà
plusieurs mécanismes partout au Québec, la déontologie, les codes de discipline à l'intérieur des organisations policières. Il y a déjà beaucoup
de transparence, il y a beaucoup de mécanismes de contrôle autour de la
police pour permettre, je pense, d'être rassuré sur ces points de vue là. Et je
suis convaincu que ça ne serait pas nécessairement un enjeu.
M. Ouellette : Merci. Merci, M.
le Président. Me Giasson, vous nous avez parlé tantôt qu'il y avait dans plusieurs municipalités, j'ai bien aimé votre
terme, de la créativité. Il ne faudra pas qu'avec le projet de loi ça soit trop
rigide et qu'on s'encadre trop pour
que... pas juste cette créativité-là, mais que ce soit le justiciable au bout
qui fasse les frais, parce qu'on
était là, puis là on s'en va complètement l'autre côté, là, on ne sera pas en
mesure de donner le service au justiciable en fonction des situations
qui vont être rencontrées.
M. Giasson (Serge): Savez-vous, le
législateur a beaucoup observé les gestes de créativité et s'en est beaucoup
inspiré dans la rédaction des articles. Alors, je peux vous dire que je
retrouve, dans le projet de loi, à peu près rédigé maintenant en normes, à peu près
tout ce qui se fait de plus créatif au Québec, là, dans le cadre de ces programmes-là. C'est
pour ça que je ne pense pas qu'il va y avoir
de problèmes dans ce qui a été rédigé, et les éléments que j'ai soulignés, bien,
ce sont des éléments pour essayer d'en avoir plus, de flexibilité, d'enlever
certaines des contraintes que je vois comme étant des contraintes qui pourraient... Déjà, dans notre pratique, on
pratique ces gestes-là aussi, là, et j'aimerais ça pouvoir avoir les mêmes outils à la fin. Mais, déjà,
le projet, là, il fait le tour à peu près de tout ce qui est créatif dans ces
programmes-là au Québec.
Le
Président (M. Bachand) : Sur
ce, je vous remercie infiniment de votre participation ce soir. C'est
très apprécié.
Cela dit, la commission
ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi 30 octobre, après les
affaires courantes, où elle va poursuivre son mandat. Merci beaucoup,
bonne fin de soirée.
(Fin de la séance à 21 h 06)