(Quinze
heures vingt-neuf minutes)
Le Président (M. Bachand) : O.K. À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre
et bienvenue. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Comme vous
savez, je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 21, Loi
sur la laïcité de l'État.
Avant de débuter, Mme
la secrétaire, y a-t-il des remplacements.
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata); M. Martel (Nicolet-Bécancour) est remplacé par Mme IsaBelle (Huntingdon);
Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne)
est remplacée par Mme David (Marguerite-Bourgeoys); M. Tanguay (LaFontaine)
est remplacé par M. Derraji (Nelligan); Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)
est remplacée par Mme Montpetit (Maurice-Richard);
M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Zanetti (Jean-Lesage);
et M. LeBel (Rimouski) est remplacé par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Étude
détaillée (suite)
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. Au moment d'ajourner nos
travaux, le vendredi 7 juin dernier, nous en étions à un amendement déposé par la députée de Maurice-Richard à l'article 4 du projet de loi. Interventions? Interventions sur l'amendement de Mme la députée
de Maurice-Richard? Oui?
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : Pardon?
Mme Montpetit :
...Québec, hein, pardon, je...
Mme David : Excusez, est-ce qu'on est encore sur la laïcité
de l'État du Québec? Parce
qu'on n'avait pas déposé
après, me semble-t-il.
Le
Président (M. Bachand) : C'est ce que j'ai, oui, effectivement.
Mme Montpetit :
Oui, c'est ça. O.K., parfait.
Mme David :
C'est celui-là?
Le
Président (M. Bachand) : Oui, oui, oui.
Mme David :
Ah! O.K. O.K.
Le
Président (M. Bachand) : O.K. D'accord.
Mme David :
Bien, en ce qui nous concerne, on n'a plus d'intervention à faire là-dessus.
• (15 h 30) •
Le Président (M. Bachand) : Parfait.
Donc, interventions sur l'amendement? S'il
n'y a pas d'autre intervention,
je le mets aux voix. Est-ce que l'amendement à l'article 4 est adopté?
Des voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : O.K. Donc,
c'est...
Une voix :
...
Le Président (M. Bachand) : Rejeté, rejeté. Rejeté, merci. On continue. Maintenant,
interventions sur l'article 4?
Mme David :
...plus d'intervention, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions sur l'article 4? La
mise aux voix. Est-ce que l'article 4 est adopté?
Une
voix : ...
Le
Président (M. Bachand) : Vote par appel nominal. Mme la
secrétaire, s'il vous plaît.
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette :
Pour.
La Secrétaire :
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Lachance (Bellechasse)?
Mme Lachance :
Pour.
La Secrétaire :
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Pour.
La Secrétaire :
Mme Lecours (Les Plaines)?
Mme Lecours
(Les Plaines) : Pour.
La Secrétaire :
Mme IsaBelle (Huntingdon)?
Mme IsaBelle :
Pour.
La Secrétaire :
M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata)?
M. Tardif :
Pour.
La Secrétaire :
M. Lamothe (Ungava)?
M. Lamothe :
Pour.
La Secrétaire :
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Montpetit (Maurice-Richard)?
Mme Montpetit :
Contre.
La Secrétaire :
M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?
Mme Robitaille :
Contre.
La Secrétaire :
M. Zanetti (Jean-Lesage)?
M. Zanetti :
Contre.
La Secrétaire :
M. Bérubé (Matane-Matapédia)?
M. Bérubé :
Pour.
La Secrétaire :
M. Bachand (Richmond)?
Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'article 4 est adopté.
Article 5. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. «Il appartient au Conseil de la
magistrature, à l'égard des juges de la Cour du Québec, du Tribunal des droits de la personne, du Tribunal
des professions et des cours municipales ainsi qu'à l'égard des juges de paix magistrats, d'établir des règles traduisant
les exigences de la laïcité de l'État [afin] d'assurer leur mise en oeuvre.
«Malgré le paragraphe 3° du deuxième alinéa
de l'article 3, l'exigence de respecter les principes énoncés à
l'article 2 ne s'applique aux juges que dans la mesure prévue au présent
article.»
Cet article
prévoit qu'à l'égard des juges et des juges
de paix magistrats il appartient au Conseil
de la magistrature d'établir des
règles en matière de laïcité de
l'État et d'assurer leur mise en
oeuvre. Cet article concerne les tribunaux dont les juges sont nommés par le gouvernement
du Québec. Ce sont les juges à
l'égard desquels le Conseil de la magistrature exerce ses fonctions en matière de déontologie judiciaire en vertu de
l'article 260 de la Loi sur les tribunaux judiciaires.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David : Oui, merci,
M. le Président. Alors, je comprends
que le ministre a eu la sage... prudence de référer au Conseil
de la magistrature quand on parle de juges parce que c'est un petit peu
compliqué, et on évoquait justement l'indépendance des juges. Et donc il
nous apparaît assez sage de référer au Conseil de la magistrature.
Maintenant,
j'aurais quand même quelques précisions à demander au ministre, parce que,
quand il dit : Il reviendra donc...
il appartient au Conseil de la
magistrature, bon, etc., du tribunal,
à l'égard de tous les juges, là, l'énumération, «d'établir des règles traduisant les exigences de la laïcité de l'État — de l'État du Québec, mais je ne demanderai
pas d'amendement cette fois-ci, M. le
ministre, je vous le promets — et d'assurer leur mise en oeuvre», alors, ma
première question, elle est assez
simple : Comment les juges et le Conseil de la magistrature devra-t-il se
comporter? Et comment va-t-il traduire ces exigences-là par des règles,
selon lui?
Le Président
(M. Bachand) : Oui, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bon, le premier élément qu'il faut dire, pourquoi
est-ce qu'on a libellé ça de cette façon-là, pourquoi est-ce que, dans le cadre du projet de loi pour l'interdiction
du port de signes religieux, notamment chez les juges, on a décidé de confier ça au Conseil de la
magistrature, notamment en fonction du concept de l'indépendance judiciaire,
on a abordé un peu la question, la semaine
dernière, avec les collègues du Parti libéral, pour dire quels étaient les
critères de l'indépendance judiciaire
et comment ça se matérialisait, notamment le fait de gérer les juges, gérer le
rôle de la cour, gérer, supposons, le
décorum à l'intérieur de la salle de cour, notamment l'habillement des juges.
Lorsque vous êtes à la cour, il y a
des règles de pratique qui ont cours qui font en sorte de déterminer,
supposons, les avocats, de quelle façon ils sont vêtus, les avocats et les avocates, de quelle façon ils sont
vêtus, même chose pour les juges aussi, relativement au décorum que le tribunal doit avoir, le tribunal en
parlant du juge et de la cour. Donc, l'objectif est de s'éloigner le maximum du pouvoir judiciaire, en ce qui concerne
l'indépendance des juges, mais notamment relativement à la laïcité. Donc, à l'intérieur de la salle de cour, les
tribunaux doivent respecter... le pouvoir judiciaire doit respecter la laïcité,
les exigences de la laïcité, mais, au
niveau de l'application, au niveau de la détermination de comment ça va
s'opérationnaliser, c'est très clair
qu'on laisse ça au Conseil de la magistrature, qui est l'organisme de surveillance des juges de... nommés par la juridiction
provinciale, donc c'est pour ça qu'on parle de Cour du Québec, Tribunal des
droits de la personne, Tribunal des professions, cours municipales.
Et donc c'est
très clair dans notre esprit, par
contre, qu'il y a
une interdiction de port de signes religieux pour la magistrature. Cela étant dit, c'est au Conseil de
la magistrature de traduire cela dans des règles qui leur appartiennent.
Donc, le législateur ne viendra pas édicter un règlement du Conseil de la
magistrature. Ça appartient au Conseil de la magistrature de l'édicter, de le
gérer, de l'appliquer.
Mme David : Alors, j'ai deux autres questions qui
m'apparaissent importantes. J'ai mis, en vous écoutant : Quid du crucifix?
Ce que ça veut dire, c'est... On vient de décréter, votre collègue
la ministre de la Justice, qu'il
n'y aurait plus de crucifix. On ne parle pas, évidemment,
du crucifix dans la construction même du mur, admettons, là, que c'est une
salle très patrimoniale, mais d'un
crucifix que nous pouvons facilement enlever pour le mettre ailleurs.
Comment ça se fait que là-dessus
vous pouvez agir directement, et que le crucifix n'est pas dans le périmètre, on pourrait dire, de l'indépendance
du juge, des juges, et que le reste peut l'être, l'habillement, etc.?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, vous savez, la compétence en
matière d'administration de la justice de l'État québécois, du gouvernement provincial, c'est notamment le fait de
fournir les salles de cour. Donc, quand on parle du mobilier, quand on parle des outils informatiques,
lorsqu'on parle de fournir une place de stationnement à un juge, ça fait
partie de l'administration de la justice.
Alors, pour ce qui est... Ça relève de la compétence de l'administration de la
justice qui est exercée par la ministre de la Justice.
Pour ce qui
est de la conduite du tribunal, à ce moment-là, on ne souhaite pas intervenir
directement dans les affaires de la
cour, dans les affaires du tribunal. Et donc, exemple, le fait de distribuer...
l'assignation des causes, ça relève du juge en chef, ça relève de l'indépendance de la magistrature. Le fait de
pouvoir suspendre, le traitement, tout ça, ça relève de l'indépendance
de la magistrature.
Écoutez,
parfois, ça va même assez loin. Saviez-vous que, dans les palais de justice, il
y a des corridors réservés aux juges
et même il y a des ascenseurs réservés aux juges? Et on m'a déjà raconté que
vous ne devez absolument pas prendre un ascenseur qui est réservé aux
juges.
Mme David :
Et donc... Bien, ça devient intéressant parce que... je ne veux pas m'étendre,
vous savez, je vous sais très pressé
dans la vie en général et dans ces projets de loi en particulier, mais je vous
dis : Ne soyez pas trop pressé, parce
que vous allez vite demander que le temps s'arrête et non pas s'accélère. Mais
je sais que vous êtes pressé pour l'instant, puis c'est normal, à votre
jeune âge.
Mais vous
avez quand même dit... Puis c'est pour ça que je veux revenir là-dessus. Vous
dites : L'ascenseur, les corridors.
C'est quand même pas mal dans le mobilier, ça. Et ça, c'est décidé
indépendamment de... c'est l'administration de la justice qui met en opération tout ça mais pour protéger le juge,
on comprend, pour garder probablement une sorte d'indépendance, justement, pour ne pas qu'il se retrouve face à un
accusé ou à... Bon. Mais un crucifix, ce n'est pas juste un élément de décoration, c'est quelque chose où...
À la limite, auriez-vous dû demander, en parler, discuter et avoir une sorte d'approbation du juge en chef ou je ne sais
trop? Ou votre collègue, pour faire ce genre de démarche, a-t-elle ou
aurait-elle dû aller les consulter?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Pour ce qui concerne les discussions qu'il y
a, ou qu'il y aurait peut-être eu, ou qu'il n'y a pas eu entre la ministre de la Justice et la
présidente du Conseil de la magistrature, je peux vous revenir à savoir s'il y
a eu des discussions. Je l'ignore.
Vous savez, il y a une séparation entre l'exécutif et le judiciaire. Mais on va
faire des vérifications à savoir s'il y a eu une conversation entre la
juge en chef et ma collègue de la Justice.
Mme David :
Parce que je pense, M. le Président, que le ministre... — on se parle un peu comme ça, mais je ne
vous oublie pas, là, hein? — que la question du crucifix n'est pas
directement, je crois, visée, ou même indirectement, par aucun article
du projet de loi, je pense. Est-ce que c'est... je pense correctement?
• (15 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Dans le
fond, à 3, le pouvoir judiciaire est visé par la laïcité, oui. mais notamment
par «en fait et en apparence». Donc, les
tribunaux... bien, en fait, le pouvoir judiciaire se doit de respecter les
exigences de la laïcité. Ça, c'est le principe en général.
Sur les juges
mêmes, c'est là qu'à 5 on vient dire : «Il appartient au Conseil de la
magistrature, à l'égard des juges de
la Cour du Québec, du Tribunal des droits de la personne, du Tribunal des
professions et des cours municipales ainsi qu'à l'égard des juges de paix magistrats, d'établir des règles
traduisant les exigences de la laïcité de l'État et d'assurer leur mise en oeuvre.» Donc, à 5, ce qu'on vise,
c'est la personne juge. On dit : Les exigences de la laïcité, pour nous,
c'est l'interdiction de port de signes religieux pour les juges qui sont
énoncés à l'article 5, mais ce n'est pas l'exécutif qui doit
s'en charger, on confie ce pouvoir-là au
Conseil de la magistrature. Donc, en ce qui concerne le tribunal, l'espace
physique, ça, ça relève de l'article 3, relativement aux exigences
de la laïcité.
Mme David : O.K. Mais ça, c'est pour ça que vous dites... Et vous
me reviendrez sur la réponse, est-ce que, pour prendre la décision qu'elle a prise, la ministre de la Justice a dû
consulter les juges ou pas, mais elle a pris une décision qui touchait à... le paragraphe
3° de l'article 3, «institutions judiciaires», si je comprends
bien, mais vous allez avoir du plaisir
quand vont arriver dans les institutions gouvernementales tous les gens qui ont peut-être
un crucifix quelque part. On revient à notre exemple d'hôpital, par exemple. Est-ce que c'est le ministre
de la Santé, la ministre de la Santé qui pourrait décréter la même chose que sa collègue à la
Justice?
M. Jolin-Barrette : Oui, bien,
ça, on va avoir la discussion à l'article 16 là-dessus, relativement aux...
Mme David : ...ne l'est pas.
M. Jolin-Barrette : ...aux
signes religieux, aux symboles religieux qui y sont présents.
Mme David : Mais on se comprend bien que la ministre a pris
sa décision de façon complète, les 17, je crois, palais de justice. Puis je suis sûre qu'ils ne sont pas tous
classés patrimonial. En tout cas, je sais qu'il y a des palais de justice
qui sont en reconstruction, déconstruction, il y a des... il y a toutes sortes
de choses dans ça.
M. Jolin-Barrette : Ce qu'il est important de mentionner, là,
ce que la collègue à la Justice, députée de Champlain, a donné comme
directive, ce sont les crucifix à l'intérieur des salles de cour. Ce ne sont
pas les crucifix dans le palais au complet, palais de justice au
complet, ce sont ceux qui sont dans la salle de cour.
M. Jolin-Barrette : Et je crois
qu'elle l'a justifié par l'apparence de neutralité, notamment, laïcité aussi.
Mme David :
Alors... Mais justement, quand vous dites que les juges en chef — j'imagine, ça va être ça — ou le président de la Commission des
droits de la personne ou le Tribunal des droits de la personne, il y a... en
tout cas, il y a toujours une autorité
compétente, comme vous dites, qui va devoir traduire... J'aime bien le mot
«traduire», mais ce n'est pas appliquer
la loi, c'est prendre la loi et faire une traduction adaptée aux conditions
particulières des juges, si je comprends
bien. Donc, je suis sûre, vous avez pesé chaque mot, parce que justement vous
avez à respecter l'indépendance. Mais comment pensez-vous que les juges
en chef ou les plus hautes autorités compétentes vont pouvoir traduire ces exigences-là? Si c'était moi, qui ne suis pas la
plus haute autorité, je prendrais évidemment toute la suite du projet de loi,
puis, le projet de
loi, admettons, est adopté, je le lirais puis je dirais : Tu n'as pas le
droit de faire ci ou de faire ça. Mais qu'advient-il dans le cas où un
juge en chef ou une plus haute autorité compétente en déciderait autrement? Qui...
Comment vous allez faire pour vous assurer
qu'il y a un respect qui traduit bien... qu'il y a des règles qui traduisent
bien ces exigences-là?
M. Jolin-Barrette : Dans un premier temps, il faut lire la phrase
dans son ensemble, bon, on dit : «...d'établir des règles traduisant les exigences de la laïcité
de l'État et d'assurer leur mise en oeuvre.» Donc, il y a ce bout-là aussi,
que c'est le Conseil de la magistrature qui est chargé d'assurer leur mise en
oeuvre.
Bon, c'est le Conseil de la magistrature aussi
ou les juges en chef qui sont chargés d'appliquer les normes relativement à ce qu'un juge porte actuellement en lien avec la toge que le juge porte. À ma connaissance, à la Cour du Québec... Ça fait longtemps que je suis allé dans
une salle de cour, M. le Président, j'hésite. Bon, il y a une toge noire,
mais je ne me souviens plus si les juges de
la Cour du Québec portent le rabat rouge aussi ou c'est... Oui, c'est la Cour
du Québec, hein, ce n'est pas la Cour supérieure? Cour supérieure?
Des voix : ...
Le
Président (M. Bachand) :
O.K., bon, il y en a plusieurs, avocats qui ne se souviennent pas de ce que
ressemble un palais de justice, mais c'est correct.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est ça, c'est ça. M. le Président, je
propose une commission rogatoire pour aller sur les lieux.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Jolin-Barrette : Écoutez, bon, déjà, le décorum est prévu par la
cour, et c'est régi dans les règles édictées soit par les règles de la Cour du Québec ou par le Conseil de la magistrature, de quelle façon les
juges doivent se vêtir. Alors, nous,
notre intention, c'est de faire en
sorte que les juges ne portent pas de
signes religieux. L'édiction de ces règles-là, on confie ça au Conseil de la magistrature pour
respecter au maximum l'indépendance judiciaire pour tout ce qui touche la gestion des magistrats, parce que
ça relève du Conseil de la magistrature, ça relève des juges en chef. L'idée,
c'est mettre un bras de distance
entre la justice et l'exécutif, et il revient au Conseil de la magistrature de
faire appliquer ces règles-là. Alors, à la question posée, qui est
chargé de l'application des règles, c'est le Conseil de la magistrature.
Mme David : Bien, permettez-moi d'être un petit peu tatillonne, peut-être, mais c'est parce que c'est intéressant. Vous disiez qu'il y avait
certaines cours de justice, si je comprends bien, qui n'ont pas tout à fait les
mêmes règles vestimentaires que d'autres, là, le truc rouge versus pas le truc
rouge, je ne sais pas comment vous appelez ça, le...
M. Jolin-Barrette : C'est des
rabats, je crois.
Mme David : Des rabats, etc. Donc, le Conseil de la magistrature n'édicte pas
nécessairement les mêmes règles pour toutes les cours.
M. Jolin-Barrette : Attention! On avait le débat avec les collègues
sur Cour supérieure, Cour du Québec. Or, ce n'est pas le même Conseil de la magistrature qui est responsable. Dans
le fond, vous avez le Conseil canadien de la magistrature pour la Cour
supérieure, alors que le Conseil de la magistrature du Québec, c'est pour la
Cour du Québec.
Mme David :
O.K. Mais là je comprends bien que, dans ce cas-ci, il n'est pas question de
rabats chez l'un, pas de rabats chez
l'autre, etc. C'est le conseil, un seul conseil de la magistrature, à l'égard
des juges de la Cour du Québec, du
tribunal, du Tribunal des professions, des cours municipales et des juges de
paix, d'établir... mais c'est au singulier,
c'est le Conseil de la magistrature qui va faire une règle. Et, cette règle-là,
vous vous attendez, comme ministre, comme
législateurs on s'attend à ce qu'elle traduise les exigences de la laïcité.
J'aime beaucoup le mot «traduire» parce que ça ne dit pas «applique».
Mais tout d'un coup que leur traduction n'est pas celle à laquelle vous vous
attendiez.
M. Jolin-Barrette : Bien, ce que je dirais, M. le Président, à la
députée de Marguerite-Bourgeoys là-dessus, c'est que l'intention du législateur, elle est très claire. Et je vais le
redire dans le micro si jamais il y a des difficultés d'interprétation. L'intention du législateur est à l'effet que les
juges de la Cour du Québec, des Tribunal des droits de la personne, du Tribunal
des professions et des cours municipales,
ainsi que des juges de paix magistrats, ils ne portent pas de signes religieux
dans l'exercice de leurs fonctions.
Donc, ce qu'on demande au Conseil de la magistrature, c'est d'édicter des
règles qui vont en ce sens-là et que la mise en oeuvre soit effectuée
par eux.
Vous savez,
c'est un équilibre. C'est un équilibre entre l'indépendance judiciaire et la
loi qui est édictée par le législatif
et la volonté de l'exécutif. Alors, comme je le disais, nous, on met un bras de
distance entre nous et le judiciaire pour s'assurer de respecter le concept
d'indépendance judiciaire, et c'est une approche qui vise à responsabiliser le
Conseil de la magistrature. À partir
du moment où les citoyens québécois ne souhaitent pas que les juges portent de
signes religieux, que le législateur
va dans ce sens-là également, les règles traduisant cela seront établies par le
Conseil de la magistrature.
• (15 h 50) •
Mme David :
Et donc vous insistez beaucoup, et on le verra à la suite, sur les signes
religieux, où on atterrira, mais vous vous attendez, donc, à ce qu'il traduise
cette laïcité; non seulement à ce qu'il la traduise dans les faits, avec
probablement des instructions assez
précises, mais après d'assurer leur mise en oeuvre. Alors là, j'entends
«d'assurer leur mise en oeuvre»,
assure-toi que tes juges, ils écoutent. Alors, s'ils écoutent, il y a le
contraire qui peut se produire. Il y a des
gens qui sont obéissants puis il y en a qui sont moins obéissants. Alors, admettons que, dans la mise en oeuvre, il y
ait des petits écarts de conduite, admettons. Comment vous voyez cela, vous qui
êtes vous-même avocat?
M. Jolin-Barrette : C'est un pouvoir délégué au Conseil de la
magistrature, donc c'est le Conseil de la magistrature qui est chargé de l'application des règles qu'ils
édicteront eux-mêmes. Et il y a des règles déontologiques qui sont définies
par le Conseil de la magistrature, et les juges doivent respecter ces
règles-là.
Mme David : Pour bien comprendre, si un juge arrivait habillé
dans un décorum qui n'est pas celui habituellement prescrit pour un
juge, un juge qui arrive vraiment habillé dans quelque chose qui n'est pas
acceptable...
M. Jolin-Barrette : ...un juge
en short, en gougounes puis en camisole.
Mme David : Je n'osais même pas donner un exemple,
je vous laisse effectivement dire ça. Parce qu'on parle de juges, moi,
je fais bien attention. J'imagine qu'ils ont prévu quelque chose.
Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, il revient au Conseil de la magistrature de
s'assurer du décorum dans les salles de cour et des obligations
déontologiques. Donc, oui, c'est le Conseil de la magistrature qui est
responsable de cela.
Mme David : Donc, M.
le Président, ça nous donne peut-être
une piste pour la suite des choses, parce que la plus haute autorité compétente, là, il va falloir la
définir dans tous les endroits où la loi va s'appliquer, à un moment donné.
Alors, le Conseil de la magistrature a droit
à son paragraphe particulier, si je
comprends bien, pour que ce soit bien écrit dans la loi que, article 5, vous n'avez pas directement à
intervenir, mais vous leur dites : Lisez la loi, appliquez-la puis faites les sanctions prévues à votre code de
déontologie. Mais quelle va être la différence entre le fait d'avoir son propre
article ou tous les autres qui auront forcément à appliquer la même loi?
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président, la différence, en lien avec
cet article-là, c'est notamment parce que ça concerne les juges. Et, en raison du concept de l'indépendance
judiciaire, c'est important de prendre une distance raisonnable avec la magistrature de façon à faire en sorte que
ce soit le Conseil de la magistrature
qui gouverne et qui gère les règles entourant
les juges, on ne parle pas du bâtiment, on parle vraiment du juge. La
différence avec le reste du projet de
loi, c'est que le reste des personnes visées, exemple, à l'article 6
relèvent de l'exécutif, tandis que les juges relèvent du judiciaire.
L'autre point
qu'il est important de mentionner, dans les différents... dans l'énumération
qu'on fait des tribunaux, là, il faut toujours se rappeler que les juges
de la Cour du Québec, là, Tribunal des droits de la personne, Tribunal des professions, ce sont des tribunaux séparés mais
qui se rattachent quand même à la Cour du Québec. Cours municipales, bon, bien, c'est dans les municipalités. Juges de
paix magistrats, ils siègent à la Cour du Québec mais en matière criminelle
et pénale. Donc, les juges de paix
magistrats n'ont pas la pleine juridiction des juges de la Cour du Québec en
chambre criminelle et pénale, il y a
une distinction, là, ils font des infractions sommaires, c'est ça, sommaires,
et ils font du pénal aussi.
Mme David : Alors, je comprends très bien l'importance du
paragraphe 5 pour les fins de ce projet
de loi, mais on pourrait dire — et
là je ne veux pas me tromper dans mon expression latine, même si j'ai fait mon
latin — que,
mutatis mutandis, ça s'appliquera
aussi aux plus hautes autorités compétentes de toutes les autres sphères, y
compris les écoles, par exemple.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Excusez-moi, je n'ai pas saisi la fin.
Mme David : M. le
Président, est-ce que j'ai fait une
erreur, au moins, dans mon expression? Je ne veux pas la faire deux
fois.
Le Président
(M. Bachand) : Mon latin est très loin, moi aussi, alors,
donc, désolé.
Mme David : Bon, il ne m'écoutait pas pendant que je faisais
une belle sortie latine. Maintenant, je comprends bien l'importance de l'article 5,
mais est-ce qu'on ne pourrait pas dire que, mutatis mutandis, votre...
M. Jolin-Barrette : En
changeant ce qui doit être changé.
Mme David : ...voilà, ça pourrait s'appliquer à peu près intégralement aux plus hautes autorités compétentes
dans d'autres institutions visées par
l'annexe II, par exemple, ou d'autres autorités compétentes, sauf que,
celles-là n'étant pas indépendantes, le judiciaire, l'exécutif, ce sera... ça peut être
intégré dans le projet de loi, mais c'est quand même le même genre de
respect de la loi qui va s'appliquer?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, j'apporterais une grande
distinction parce que c'est la nature qui change. Dans le fond, dans
l'annexe II, les gens, ils relèvent de l'exécutif, les employés relèvent
de l'exécutif, tandis que, là, ils relèvent du judiciaire, donc ce n'est
pas le même régime qui s'applique.
Dans le fond, ce qu'on dit, c'est que les
exigences de la laïcité, la neutralité... Prenons le cas de la neutralité. Un
juge, lorsqu'il entend les justiciables
devant lui, doit agir avec les exigences de la laïcité, donc d'une façon neutre
sur le plan religieux, notamment, on
a vu que c'est une des composantes des principes qui soutiennent la laïcité.
Comment est-ce que ça va s'opérationnaliser,
tout ça? Si un juge ne respecterait pas les principes de neutralité religieuse...
Bien, c'est le Conseil de la
magistrature, dans un premier temps, qui doit incorporer ce concept-là à
l'intérieur des règles qui régissent le comportement des juges. Mais, deuxièmement, si un juge est en
contravention avec cet exercice-là d'agir avec neutralité, parce qu'il est tout de même un agent de l'État et
il ne doit pas favoriser ni défavoriser une religion de quelqu'un qui est
devant lui, bien, c'est le Conseil de la
magistrature qui en est saisi. Donc, c'est un peu le même concept pour
l'égalité des citoyens devant la loi,
la liberté de religion et de conscience, la séparation de l'État et du
religieux aussi. Donc, pour ce qui
est du port de signes religieux, ça va être la même chose, ça va être le
Conseil de la magistrature, qui va être chargé d'édicter la norme et de
l'appliquer aussi.
Mais,
pour la question de la députée de Marguerite-Bourgeoys, ce n'est pas la même
chose lorsqu'on est dans le cadre du
pouvoir exécutif. Donc, les employés qui sont visés par l'interdiction à 6,
l'annexe II, ce n'est pas le même régime
qui s'applique à eux à cause de la nature du pouvoir de l'État en vertu duquel
ils sont nommés. On n'est pas dans le judiciaire, on est dans
l'exécutif.
Mme David :
On est d'accord, mais il va quand même y avoir cette notion, qu'on l'appelle
comme on veut, de haute autorité
compétente qui va devoir juger selon, des fois, un code de déontologie, ou des
règlements, ou... bon, que la personne n'obéit pas à cette loi-là.
M. Jolin-Barrette : J'apporterais juste un bémol sur ce que j'ai
dit : Ça relève également du législatif, à l'annexe II, exemple, quand on vise le vice-président ou le
président de l'Assemblée nationale, mais ça ne touche pas le régime judiciaire.
Pour la plus haute autorité administrative,
c'est un pouvoir qui pourrait être délégué à l'intérieur de l'organisation,
mais le responsable demeure... la même chose, supposons, au niveau des
conventions collectives, c'est la même chose qui s'applique, là, c'est le
patron qui applique les normes en vigueur.
Mme David :
O.K. Là-dessus, on est d'accord. Est-ce que vous avez... Parce que je fais un
petit recul, là. Quand on parlait du
crucifix puis de la ministre de la Justice, avez-vous des correspondances, des
choses qu'elle leur a envoyées? Est-ce
que c'est avancé, cette opération-là, ou c'est un souhait ou une déclaration
politique, mais il n'y a pas encore de démarche entreprise?
M. Jolin-Barrette : Si vous permettez, M. le Président, on va faire
des vérifications, puis je vais revenir à la collègue de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
...le plus vite possible, on est tous pressés de...
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, on peut même revenir d'ici
9 h 30, si on est pour adopter le projet de loi aujourd'hui.
Mme
David : Ce serait le fun, «d'ici 9 h 30», sans la fin... la
deuxième partie de la phrase, mais ce serait le fun parce que ça nous donnerait une idée de comment ça
a été travaillé du côté du crucifix, et je trouve ça fort intéressant.
M. Jolin-Barrette :
M. le Président, je peux vous dire, la commande est passée.
Mme David :
Parfait.
M. Jolin-Barrette :
Je ne sais pas si c'est comme chez...
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. Mme la
députée.
Des voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme David :
Non, écoutez, je vais passer la parole à ma collègue de Bourassa-Sauvé.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Bonjour, M. le Président. Pierre Bosset, encore une fois, l'avocat
constitutionnaliste, a abordé cette question-là de laïcité puis le
Conseil de la magistrature, et la question de ma collègue de
Marguerite-Bourgeoys est
pertinente. En fait, M. Bosset, d'autres juristes ont leur définition des
quatre principes de la laïcité de l'article 2. Si le Conseil de la
magistrature décide de ne pas épouser votre lecture de la laïcité, qu'est-ce
qui se passe?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président, est-ce que je peux demander
aux membres de la commission juste de suspendre trois minutes? Il faut
que je règle quelque chose.
Le Président
(M. Bachand) : Oui. Alors, on va
suspendre quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprise à 16 h 8)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. La
parole est au ministre, s'il vous plaît. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. En
complément d'information, en lien avec ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys m'a demandé tout à l'heure, est-ce que...
en fait, relativement au retrait des crucifix par rapport aux palais de
justice par ma collègue de la
Justice, ce qu'on me dit, c'est que Mme la ministre de la Justice s'est
exprimée publiquement à l'effet que,
lors de l'adoption du projet de loi, elle souhaiterait que les crucifix des palais de
justice soient retirés. Il n'y a pas de directive
encore à cet égard-là qui a été formulée. Pour ce qui est du fait d'enlever les
crucifix des palais de justice, il n'y
a pas eu de discussion entre la juge
en chef et la ministre de la Justice à cet effet-là. Cela s'explique par le fait que,
lorsque ça touche le bâtiment, ça
relève de l'administration de la justice, et donc c'est le ministère de la Justice qui gère le tout.
Donc, il n'y a
pas de conversation en lien avec le bâtiment, avec le fait de déplacer ou
d'enlever les crucifix avec la magistrature.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci. Juste avant de... Oui, Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : Bien, ce ne sera pas
long, c'est juste parce qu'il arrive
de l'information intéressante. Ça veut dire que, si ça relève plus de l'article 2 que de, bon, l'administration
de la justice, donc le ministère de la Justice, ça va devenir d'autant plus intéressant quand vous aurez à
donner des directives au réseau scolaire, par exemple, ou aux réseaux, au
pluriel, de l'annexe I, parce que ça veut dire que vous aurez probablement
autorité aux différentes institutions visées.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Les
exigences de la laïcité de l'État vont s'appliquer à toutes les organisations,
mais on va voir un peu plus tard l'article 16 aussi relativement
aux symboles religieux.
Mme David :
Mais c'est parce que la question du crucifix va devenir importante. Il y a une
spécificité pour les salles de cour
de justice, mais il y a quand même une autorité que des ministères pourraient
avoir pour les salles de classe dans les écoles, par exemple, si je
comprends bien ce que vous avez dit.
• (16 h 10) •
M.
Jolin-Barrette : Oui, je suis d'accord avec vous. Mais notre
objectif, c'est de faire en sorte que ce qui est déjà existant ne soit pas nécessairement enlevé, à l'exception des salles de cour, en raison de l'aspect
particulier des salles de cour.
Mme David : O.K. Merci, M. le
Président.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : ...suite à une question
de ma collègue, qui se demandait qu'est-ce
qu'on ferait si le Conseil de la
magistrature n'avait pas la même idée de la laïcité.
Et là-dessus Pierre Bosset, encore... Je reprends son mémoire parce qu'il en parle, de ça, et je voulais avoir les commentaires du ministre. À la page 16, il dit : «En exerçant la
responsabilité que propose de lui [conférer] l'article 5 du projet
de loi n° 21, le Conseil de la magistrature devra, à mon avis, garder à l'esprit qu'aucun des quatre principes de la
laïcité ne s'oppose [...] au port de signes religieux à titre individuel.» Je
me demandais ce que le ministre répondait à ça.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bien, vous savez, les exigences de la laïcité
prévues à l'article 4 sont très claires relativement au fait qu'il y a interdiction de port de signes religieux prévue au
chapitre II de la loi favorisant le... pardon, du chapitre II de la présente loi, et donc ça, ça touche les
employés qui relèvent de l'administratif... pardon, de l'exécutif ou du
législatif. Pour ce qui est du
judiciaire, bien, écoutez, l'intention du législateur, elle est claire à
l'effet que, pour le législateur, ce n'est pas opportun que les juges portent des
signes religieux. Donc, nous sommes en désaccord avec Pierre Bosset à ce niveau-là.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée,
oui.
Mme
Robitaille : Qu'est-ce qui arrive d'une façon pratico-pratique si
le Conseil de la magistrature opte, lui, pour la version de Pierre
Bosset et d'autres constitutionnalistes? Comment... Quelle prise la législature
aura-t-elle ou votre gouvernement aura-t-il sur le Conseil de la magistrature?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Le Conseil de la magistrature est un organisme indépendant. Je crois
que les exigences de la laïcité de
l'État qui sont édictées par la présente loi sont très claires à l'effet que
les juges ne doivent pas porter de signes religieux, je ne peux être plus clair que ça. Et je pense que c'est la
volonté de la nation québécoise et des parlementaires ici.
Donc,
à partir du moment où le projet de loi est adopté, s'il est adopté, on devra le
lire et on devra lire nos débats parlementaires dans le sens que nous
souhaitons que le Conseil de la magistrature interdise aux juges de la Cour du Québec, du Tribunal des droits de la personne, du
Tribunal des professions, des juges de paix magistrats et des juges de cour
municipale de porter tout signe religieux dans l'exercice de leurs fonctions.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée.
Mme
Robitaille : O.K. Je veux bien comprendre. Si le Conseil de la
magistrature ne voit pas les choses de la même façon, il n'y a pas de
recours pour le gouvernement sur le Conseil de la magistrature?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Écoutez, on a fait... on a proposé l'article 5 justement pour
donner la juridiction au Conseil de
la magistrature de développer les règles associées aux exigences de la laïcité
de l'État. Et je le dis et je ne peux être... pas plus clair que ça, les juges des tribunaux que j'ai énoncés ne
devraient pas porter de signes religieux. Nous demandons au Conseil de la magistrature, dans un souci de
déférence envers l'indépendance judiciaire, que le Conseil de la magistrature
se dote de règles faisant en sorte que les
juges énoncés dans le cadre du projet de loi, à l'article 5, ne portent
pas de signes religieux.
D'ailleurs, M. le
Président, dans le Code de déontologie de la magistrature, actuellement, on
indique aux articles... 5, que «le juge
doit de façon manifeste être impartial et objectif». À 8 : «Dans son
comportement public, le juge doit faire preuve de réserve, de courtoisie
et de sérénité.»
Alors,
le Conseil de la magistrature pourrait, dans son code de déontologie, exprimer
les exigences associées à la laïcité de l'État et envers ses juges, à
l'intérieur du code de déontologie. Donc, on laisse tout le loisir au Conseil
de la magistrature d'édicter les règles traduisant la laïcité de l'État pour
les juges relevant de sa compétence.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, oui.
Mme
Robitaille : Bien, justement,
sur tout ce qui est impartialité, et tout ça, il continue... Puis je pense que
c'est important d'en parler parce que
c'est un élément de plus qu'ils devront prendre en considération, au Conseil de
la magistrature. Pour mériter la
confiance de la société, là, il
y a des arrêts de la Cour suprême, il y a toute une jurisprudence sur cette question, cette crainte raisonnable de
partialité. On dit : «...la Cour suprême exige que les procès paraissent "équitables aux yeux de l'observateur
renseigné et raisonnable". Le critère employé par la jurisprudence consiste à se demander à
quelle conclusion en arriverait "une personne bien renseignée qui
étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique".»
C'est un concept que les juristes connaissent. «La jurisprudence en cette
matière est abondante.»
Et
là il continue. Alors, la magistrature, justement, a des principes, a
des grands principes sur, justement, cette présomption d'impartialité. Et là
il cite cinq exemples et puis il continue. Donc, la magistrature a ses règles,
a sa perception de... a ses définitions par
la jurisprudence de ce qu'est la partialité ou l'impartialité, on
dit... Et puis j'aimerais citer une
phrase intéressante parce que... bien, parce
que ça nous touche, d'une certaine
façon. Alors, il dit : «Il n'est pas plus probable...» Et ça, c'est
dans un jugement de la Cour suprême qui essaie d'établir l'impartialité. Un
juge, là, dans un arrêt de Cour
suprême, nous dit, il le cite : «Il n'est pas plus probable que le juge
noir soit prévenu en faveur des justiciables noirs que le juge blanc ne le soit en faveur des justiciables blancs.»
Alors, lui nous amène à dire : Bien, si quelqu'un portait une kippa,
il ne serait pas nécessairement... il ne serait pas partial nécessairement
parce qu'il porte une kippa.
Et
donc ça continue, et il dit... il termine en disant : «En définitive, les
normes que le Conseil de la magistrature adoptera dans le but de "traduire les exigences de la laïcité"
devront tenir compte de telles considérations — donc toute cette jurisprudence-là sur l'impartialité — car celles-ci touchent à l'intégrité de la
magistrature et à sa tradition historique d'impartialité.» Donc,
la magistrature devra composer, justement, avec ça, avec sa jurisprudence à
elle, avec sa façon de voir les choses, avec
une jurisprudence qui a traité des quatre points de ce qu'est la laïcité à
l'article 2. Donc, il y a une forte
probabilité que la magistrature en vienne à une autre conclusion que le
ministre sur tout ce qui est du port religieux.
Alors, il n'y a pas
une crainte ici que la magistrature, bien, elle gère les choses autrement?
Le Président
(M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Vous savez, le Conseil de la magistrature doit
tenir compte de la loi qu'on édicte aujourd'hui. Alors, c'est nouveau, ce qu'on fait, hein? La laïcité, ça n'existait pas
avant peut-être cette semaine, là, si on réussit à adopter le projet de loi. Je compte sur vous, d'ailleurs,
pour pouvoir l'adopter. Et vous avez la jurisprudence que vous nous avez...
que la députée de Bourassa-Sauvé nous a
relatée, vous avez également... En fait, vous avez la loi, désormais, qui vient
indiquer quelles sont les exigences de la
laïcité de l'État pour le Conseil de la magistrature dans cette
administration-là et dans les... dans la traduction des exigences de la
laïcité de l'État et dans leur mise en oeuvre.
Donc,
la loi prime sur la jurisprudence. Et, dans ce cas-ci, c'est très clair,
qu'est-ce que le législateur souhaite faire, il souhaite interdire le port de signes religieux chez les juges des
différentes cours énoncées à l'article 5, le port de signes religieux. Et on confie cette responsabilité-là,
la façon de le faire et la façon de l'appliquer au Conseil de la magistrature.
À titre d'exemple, ça pourrait se retrouver dans le code de déontologie des
magistrats.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Alors, ce que je comprends, ce que je comprends, c'est qu'en bout de ligne, à
cause de cette indépendance
judiciaire là, le Conseil de la magistrature peut faire ce qu'il veut, et en
bout de ligne, bien, il n'y aura pas beaucoup de prise du gouvernement.
• (16 h 20) •
M. Jolin-Barrette : La réponse à cette question-là, c'est que le
Conseil de la magistrature n'est pas au-dessus des lois, hein? Ça, c'est
le premier concept.
Dans l'éventualité où le Conseil de la
magistrature rend une décision contre un juge et que le juge souhaite en
appeler de cette décision-là, le Conseil de
la magistrature est soumis au pouvoir de contrôle de la Cour supérieure aussi. Et on a eu des cas,
là, des juges qui ont contesté des décisions en inhabilité à siéger, ou des
blâmes, ou des choses comme ça, là, il y en a
eu un même récemment, là, à la Cour
du Québec, là. Vous en avez eu un en
Abitibi, par rapport à la Cour
supérieure, par rapport à une affaire de cocaïne. Vous en avez de temps à autre, des exemples comme ça, et le système
judiciaire s'applique également. Donc, le Conseil de la magistrature est soumis
à l'application de la loi aussi.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme
Robitaille : Ce sera intéressant, voir la suite.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan,
s'il vous plaît.
M.
Derraji : Merci, M. le Président. J'ai une petite question avant de continuer.
Donc, si j'ai bien compris, le ministre a demandé au Conseil de la
magistrature d'établir les règles traduisant les exigences de la laïcité de l'État?
M.
Jolin-Barrette : C'est ce qui est écrit.
M.
Derraji : O.K.
Quand on lit les fonctions du Conseil de la magistrature, et je pense que le ministre les connaît très bien : «Certaines fonctions du conseil
visent à développer les connaissances des juges et à assurer leur bon comportement : développer des activités de
perfectionnement des juges; adopter un code de déontologie des juges — et
je vais revenir au code de
déontologie tout à l'heure — s'occuper des plaintes formulées contre les
juges. D'autres consistent à améliorer le système de justice dans son
ensemble : favoriser l'efficacité et l'uniformité de la procédure devant
les tribunaux; étudier et transmettre au
ministre de la Justice les suggestions du public qui sont susceptibles
d'améliorer le système de justice;
coopérer avec les organismes hors Québec qui ont des fonctions similaires.
Finalement, d'autres sont d'ordre
plus administratif : [par exemple] enquêter sur les situations
d'incapacité permanente d'un juge à la demande du ministre de la Justice; confirmer ou annuler
certaines décisions du juge en chef de la Cour du Québec portant sur la
division de la cour où siège un juge et sur son lieu de résidence.»
Où
il voit, M. le ministre... M. le Président, le ministre, l'applicabilité et la
mise en oeuvre de la Loi sur la laïcité de l'État dans les fonctions que
le Conseil de la magistrature exerce présentement?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, on confie par une loi cette compétence-là au Conseil
de la magistrature, c'est ce qu'on
est en train de faire. Donc, avant le projet de loi sur la laïcité de l'État,
il est vrai que le Conseil de la magistrature n'avait pas cette responsabilité-là de traduire les exigences de la
laïcité de l'État et d'assurer leur mise en oeuvre, bien entendu, il n'y avait pas cette exigence-là, parce
que la loi n'existait pas. Là, on est en train de développer la loi, on est en
train de conférer cette responsabilité-là au Conseil de la magistrature.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.
M.
Derraji : Merci, M. le Président. Donc, nous sommes d'accord sur ce
point, le Conseil de la magistrature n'est pas compétent pour établir
des règles traduisant les exigences de la laïcité et d'assurer leur mise en
oeuvre. Ce que le ministre vise, c'est
qu'une fois le projet de loi adopté il compte envoyer la commande au Conseil de
la magistrature pour mettre en place
les mécanismes de la mise en place de la laïcité de l'État au sein du Conseil
de la magistrature. Est-ce que c'est ça que j'ai bien compris?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien,
j'apporterais des bémols, parce qu'à partir du moment où la loi sera adoptée,
là, ce n'est pas moi qui prends le
téléphone puis j'appelle le Conseil de la magistrature, ce n'est pas moi, là,
c'est la loi. La loi qui est votée
mandate le Conseil de la magistrature pour définir des règles qui traduisent
les exigences de la laïcité de l'État au regard du projet de loi n° 21, et c'est eux qui sont chargés de leur mise en
oeuvre dans les cours de justice avec les différents juges qui sont
visés par la loi. Donc, la nouvelle exigence, c'est dans le cadre de
l'article 5 du projet de loi n° 21.
Rappelons-nous,
la laïcité, là, au Québec puis au Canada, ça n'existe pas, présentement, c'est
une vue de l'esprit. Juridiquement,
là, ça n'existe pas. On peut bien dire que nos institutions sont laïques, ce
n'est pas vrai. Juridiquement, ce n'est pas vrai. Alors, c'est la
première fois qu'on inscrit ça dans une loi.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.
M.
Derraji : Merci, M. le Président. J'ai une question, mais je ne sais
pas si je vais la poser. Mais je vais la poser quand même parce que je
veux...
Une voix : ...
M.
Derraji : Ah! je sais, je
sais, surtout en face d'un ministre qui est très, très à l'aise avec les mots et les
phrases. Mais, écoutez, je vais quand même aller la poser.
On
comprend, l'indépendance du pouvoir judiciaire, l'indépendance et
l'impartialité judiciaire, c'est les deux principes fondamentaux du droit constitutionnel canadien.
Même le législateur québécois, d'ailleurs, y consacre pas mal d'articles, dans ce sens.
C'est quoi,
la garantie que le ministre a aujourd'hui qu'une fois la loi adoptée le Conseil de la
magistrature va changer ses fonctions
que je viens de citer, hein, que je viens de citer, hein? J'ai cité... écoute,
je suis allé chercher les fonctions du Conseil de la magistrature. Mais c'est
quoi, la garantie que le ministre a que le Conseil de la magistrature va
mettre en place les règles?
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Bien, actuellement, M. le Président, les fonctions du
Conseil de la magistrature sont édictées par l'article 256 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, hein,
donc, de a à g. Avec le projet de loi n° 21, on vient rajouter des
fonctions au Conseil de la magistrature.
Le député de
Nelligan me dit : Comment pouvez-vous être certain que le Conseil de la
magistrature va respecter la loi? Écoutez, M. le Président, on présume,
premièrement, que le Conseil de la magistrature et les membres de la magistrature vont se conformer à la loi, parce
qu'eux-mêmes appliquent les lois et sont les juges. Donc, moi, je fais
confiance aux membres du système de justice là-dessus.
Le
Président (M. Bachand) : M.
le député. Autres interventions sur l'article 5? S'il n'y a pas d'autre
intervention, est-ce que l'article 5 est adopté?
Des voix : Adopté.
Une voix : Sur division.
Le Président (M.
Bachand) : Sur division. Merci. Article 6. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
(Interruption) Oups! Excusez-moi.
«Le port d'un
signe religieux est interdit dans l'exercice de leurs fonctions aux personnes
énumérées à l'annexe II.»
Cet article
prévoit l'interdiction de porter un signe religieux aux personnes énumérées à
l'annexe II dans l'exercice de leurs fonctions. Il s'agirait d'une
exigence du modèle de laïcité de l'État propre au Québec
tel que proposé par l'article 4 du projet de loi.
Cet article
fait également écho au sixième paragraphe du préambule qui précise qu'il y a
lieu d'établir un devoir de réserve
plus strict en matière religieuse à l'égard des personnes exerçant certaines
fonctions. Le port de signes religieux est
également considéré par le projet de loi comme
incompatible avec l'exercice de certaines fonctions, notamment
en raison de la nature des fonctions et des pouvoirs rattachés à
celles-ci.
Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Après ça, j'ai le député de Matane-Matapédia aussi. Merci.
Mme
David : Alors, j'espère que
le ministre est un homme heureux, nous sommes enfin à son article
préféré.
M.
Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je ne peux pas dire que c'est mon article préféré. Par contre,
je peux dire à la députée de
Marguerite-Bourgeoys quel est mon article préféré. Je vais vous le dire, mon article
préféré, M. le Président, c'est l'article 32, qui se lit ainsi : «La présente loi
entre en vigueur le...» Alors, celui-là, lorsqu'on va le voter, ça va
être mon article préféré.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
• (16 h 30) •
Mme
David : Je dirais, là aussi,
que, malheureusement pour lui, je pouvais lire dans ses pensées puis
j'ai failli dire le chiffre 32. Mais c'est ça, donc, on va
continuer.
Donc,
on est rendus au chiffre 6, qui n'est pas un petit article.
Si je disais tout à l'heure que l'article 4 était la transition entre le consensus un peu plus partagé de l'État
est laïque et la perte de consensus autour de l'application à des individus,
eh bien, là on entre de plein fouet, je
pourrais dire, dans l'article 6, qui est : «Le port d'un signe
religieux est interdit dans l'exercice de leurs fonctions aux personnes
énumérées à l'annexe II.»
Alors,
la question est d'une immense complexité parce que plus... Puis ça fait
quand même quelques semaines, maintenant, qu'on a le plaisir
de... Et je ne le dis pas ironiquement, c'est un plaisir intellectuel important
et c'est une exigence intellectuelle importante, surtout au XXIe siècle
où nous sommes, de savoir, au XXIe siècle, pas nécessairement au XII siècle, au XXIe siècle, qu'est-ce
que c'est qu'un signe religieux. Et évidemment, M. le
Président, qu'il y a eu plein de
mémoires, à peu près autant de définitions. Il y a plein de pays, à peu près
autant de définitions. On ne peut pas dire qu'il y a plein de planètes, mais, s'il y en avait plein, il y aurait
autant de définitions. Donc, il n'y a pas de définition absolue de ce que peut être un signe religieux. Et on n'est même pas à l'interdiction, là, on est à
qu'est-ce qu'un signe religieux.
Et
on pourrait vous citer, puis je ne veux pas prendre tout le temps juste pour
ça, tous les rapporteurs de l'ONU, tous
les... le dernier éditorial de L'Actualité, la Ligue des droits et
libertés, la CSQ, Conseil du statut de la femme, etc. Je vais m'en tenir à un seul, qui est le rapporteur
spécial des Nations unies, le 17 mai 2019 : «Nous sommes tout d'abord
préoccupés par l'absence de définition des
symboles religieux, ce qui peut conduire à une interprétation discrétionnaire et potentiellement discriminatoire de ce qui
constitue des symboles religieux. De plus, l'affichage de symboles religieux
est une manifestation de la religion et de
la conviction, et, en tant que telle, toute limitation de cette liberté doit
être strictement définie.»
Alors,
le menu est imposant, M. le ministre, la question est fort stimulante théologiquement, intellectuellement, légalement,
et j'ai bien hâte de vous entendre dire, au-delà des réponses que vous
avez eu l'occasion de nous donner, entre autres sur le sens commun... Mais plus on fouille et plus
c'est compliqué parce qu'il y a autant de sens communs qu'il y a d'individus. Et, sur la foi de mes nombreuses conversations
avec bien des théologiens, entre autres, plus on parle, plus ça se complique. Alors, on va avoir cette
discussion-là ensemble, et j'espère qu'elle sera à la hauteur de nos attentes
respectives.
Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Matane... M. le ministre?
Non? M. le député de Matane-Matapédia, s'il vous plaît.
M.
Bérubé : Merci, M. le Président. D'entrée
de jeu, j'ai indiqué que le Parti québécois allait être non seulement
pragmatique et direct, et c'est à l'article 6
qu'on entend faire nos amendements. Donc, je les annonce d'avance.
L'idée est d'y aller très clairement sur notre intention d'améliorer le projet
de loi à travers deux amendements.
Et
ma première question, c'est : Est-ce qu'on peut, à travers l'article 6,
modifier l'annexe II ou on doit attendre plus tard?
Le
Président (M. Bachand) : Je vais vérifier, mais, selon moi...
Parce que l'annexe est adoptée d'une façon séparée,
donc on doit adopter l'article et l'annexe après, donc... Mais il faudrait
aller à l'annexe, à ce moment-là. Je vais vérifier.
(Consultation)
Le Président (M. Bachand) : Écoutez, une piste de solution, parce que
l'annexe II, bien, c'est en annexe, là, c'est que, s'il y a consentement
d'aller à l'annexe II, on pourrait y aller, mais ça prend un consentement
unanime. Alors donc, ça, je vous
laisse ça comme décision, mais on doit aller article par article. Les annexes,
et tout ça, ça... et le préambule se font à la fin.
M. Bérubé :
D'aller tout de suite à l'annexe, c'est possible, avec le consentement de tous?
Le Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y aurait consentement pour suspendre
l'étude de l'article 6 pour aller à l'annexe II? Pas de
consentement. Oui, M. le député de Jean-Lesage. Pardon.
M.
Zanetti : C'est bon. Bien, c'est parce que nous, on avait prévu aussi
faire des amendements puis on pensait que ce serait à la fin, donc on
préfère que ce soit comme ça.
Le
Président (M. Bachand) : Le consentement a été refusé. Donc,
nous sommes toujours à l'article 6.
Une voix :
...
Le Président (M.
Bachand) : Parfait. Merci. Interventions sur l'article 6?
S'il n'y a pas d'autre intervention, je mets l'article 6 aux voix.
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) :
Oui, oui, mais c'est pour ça que je vous regarde, là, c'est pour ça que je vous
regarde puis je répète aussi, je répète.
Une voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : Non, non, c'est pour ça que je vous regarde, c'est
pour ça que je vous regarde, faites-vous-en pas. Pas de problème.
Mme
David : Excusez-moi, M. le Président, c'est parce que, d'une part,
j'ai été un petit peu surprise parce que le ministre n'a pas répondu à mon intervention, puis il est allé là-bas,
puis alors là on ne savait plus si on revenait ou pas. Alors,
certainement qu'on a des interventions.
Le Président (M.
Bachand) : Aucun souci. Parfait.
Mme David : Mais, si le ministre n'a
pas de réponse pour l'instant...
Le
Président (M. Bachand) : Je
m'étais tourné vers le ministre tantôt, suite à votre intervention. Alors donc,
pour l'instant...
Mme David : Alors, non? Alors...
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, je ne
sentais pas de question de la part de la députée de Marguerite-Bourgeoys, je
sentais une affirmation.
Mme David : Ah! c'est fort
intéressant. Alors, ce sont des questions avec un immense Q majuscule...
Le Président (M.
Bachand) : ...M. le député de
Matane-Matapédia. Oui?
Mme David : Ah! O.K. Excusez.
M. Bérubé : ...je vous garantis
qu'il va sentir une question, si je lui en pose une, à ce moment-ci, le
ministre.
Comme, pour
l'annexe II, on ne peut pas y aller maintenant, je vais déjà annoncer
quels sont les changements qu'on
aimerait voir, avoir une discussion avec le ministre et ainsi pouvoir juger de
son degré d'ouverture pour la suite.
Le Président (M.
Bachand) : Bien, si vous voulez. Vous avez
la parole, vous avez 20 minutes devant vous, M. le député, alors donc...
M.
Bérubé : D'accord.
Puis je l'utilise avec parcimonie, comme vous pouvez voir.
Donc, les
changements qu'on souhaite voir apparaître pour que le projet de loi soit plus cohérent ont déjà été annoncés dans plusieurs communications
au public, ont été annoncés dans les remarques préliminaires, et c'est à ce moment-ci,
j'imagine, que le ministre pourra me donner des explications supplémentaires sur le fait que certaines dispositions ne se retrouvent pas dans la loi.
La première,
j'aimerais aborder la question des personnes en autorité. Le ministre,
le gouvernement fait le choix d'assujettir les enseignants et
enseignantes, qu'il considère comme des personnes en autorité. J'ai
une première question à poser. C'est
bien le cas, donc, personnes en autorité, enseignants et enseignantes. Est-ce que
le ministre considère que les éducateurs et
éducatrices de CPE et de service de garde sont des personnes en autorité?
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, ce qu'on a décidé de faire, dans le cadre du projet de loi, c'est notamment... En fait, si on fait un peu d'historique, à
l'époque de la charte des valeurs du Parti
québécois, la Coalition avenir
Québec avait pris la position
suivante, le fait que... de prendre la position du rapport Bouchard-Taylor, donc juges, policiers, gardiens... agents correctionnels, agents de services
correctionnels, procureurs, et d'ajouter les enseignants parce qu'ils représentent une figure d'autorité. Dans le
cadre du projet de loi, nous avons ajouté également les directeurs
d'école, notamment, et les personnes qui font partie du système
de justice, en raison du pouvoir qu'elles exercent, qui sont des fonctions équivalentes à celles des juges. Il n'a jamais
été question de viser les éducatrices en centre de la petite enfance,
et ça a toujours été la position du gouvernement.
M.
Bérubé : Ma question : Est-ce que le ministre
considère que les éducateurs et éducatrices de CPE et de service de garde sont des personnes en autorité?
Le Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Dans le cadre du projet de loi, on n'utilise pas la notion de personne
en situation d'autorité, ce sont des
postes désignés, précis en raison du pouvoir, en raison de la fonction qu'ils
exercent. Donc, à savoir est-ce qu'à mon sens une éducatrice représente
une figure d'autorité pour un enfant, la réponse à cette question, c'est oui.
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : M. le député, oui.
M.
Bérubé : Avec votre assistance. Il y a une raison pour
laquelle les enseignants et enseignantes sont inclus dans la loi et pas les éducateurs et éducatrices de
service de garde et de CPE. Donc, il indique à l'instant que ces éducatrices
sont en position d'autorité. Il a déjà
indiqué dans d'autres communications que les enseignants étaient en position
d'autorité, ça a été dit à plusieurs
reprises par le ministre. Qu'est-ce qui explique qu'on fait le choix arbitraire
d'inclure les enseignants et non les éducateurs en service de garde, qui
interviennent plus tôt dans le développement de l'enfant?
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : La raison pour laquelle on a exclu les éducatrices en centres de la
petite enfance, notamment, c'est
notamment le fait que la fréquentation des centres de la petite enfance n'est
pas obligatoire. Pourquoi est-ce qu'on vise les enseignants et non pas les
éducatrices? Parce que, l'école publique, la fréquentation, elle est
obligatoire.
Ensuite,
le député de Matane-Matapédia me dirait : Mais pourquoi, à ce moment-là,
ne pas viser les enseignants du secteur privé? Encore une fois, on vient...
M.
Bérubé :
...dans un deuxième temps.
M. Jolin-Barrette :
Ah! Voulez-vous qu'on attende la question?
M.
Bérubé :
Je vais y arriver. Puis on va régler celle-là en premier.
M. Jolin-Barrette : O.K. Bon, bien... Bon, je me plie à la volonté du député de
Matane-Matapédia et j'arrête ma réponse ici.
• (16 h 40) •
M.
Bérubé : C'est un peu court. Lorsqu'on a posé la question
aux Québécois... Je précise. Lorsque le gouvernement a posé la question aux Québécois dans un sondage
qu'il a lui-même commandé et rendu public à un grand quotidien, il a
posé la question de l'acceptation, de l'appui de la population face à certaines
mesures, notamment les enseignants, la séparation
du religieux de l'État, et il a quand même posé la question des services de
garde. Bon, si c'était à refaire, je
pense qu'il l'aurait enlevée, c'est un oubli, mais ça nous permet quand même
d'apprécier qu'il n'y a pas tant de distinction pour la population québécoise, qui supporte fortement la plupart des mesures.
Le gouvernement dit : Les enseignants et enseignantes, soit, il va dans le sens de la
volonté populaire. 69 % des
Québécois, dans un sondage crédible, disent : Nous appuyons
cette mesure. Éducateurs et éducatrices de service de garde, CPE, 67 %, M. le Président. Là, il n'est pas en
phase avec la majorité qu'il veut
représenter à travers ce projet de loi. Nous le sommes. Nous représentons cette
position depuis quand? Septembre 2017. Alors, quand le ministre indique
la charte, dans notre cas, il y a prescription, notre position, adoptée à 2 500 personnes dans un
congrès à Montréal en septembre 2017, c'est toujours la même, la position avant
la campagne, pendant la campagne, et c'est toujours notre position.
Donc,
pour bien comprendre, les gens qui nous écoutent, le ministre considère que les
éducateurs et éducatrices en service
de garde sont des personnes en autorité, mais ils ne seront pas assujetties
quand même. Et, même si j'ajoute le fait que c'est souhaité par la
population québécoise au plus des deux tiers, il ne trouve pas que ce serait
pertinent d'inclure... que la liberté de
conscience, elle devrait s'appliquer à plus forte raison lorsque c'est des
enfants de moins de cinq ans.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, j'ai souligné au député de Matane-Matapédia que
la fréquentation n'était pas
obligatoire, en termes de centre de la petite enfance. C'est le premier
argument pour lequel on ne vise pas les CPE.
Autre point aussi, le
député de Matane-Matapédia nous dit : Écoutez, il y a eu un sondage, et
les Québécois souhaitent que les CPE soient
visés, les éducatrices en CPE. À ça, je pourrais répondre au député de Matane
que notre gouvernement ne gouverne pas en fonction uniquement des
sondages, ne gouverne pas en fonction des sondages.
Autre
élément, les CPE représentent une corporation de droit privé aussi. Donc, ce
sont là des arguments pour lesquels les éducatrices en CPE ne sont pas
visées.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député, s'il
vous plaît.
M.
Bérubé : Alors, ça
me permet tout de suite de valider l'ouverture du ministre. Donc, la question
est posée directement. Donc, je sens que le ministre
ne souhaite pas modifier le projet de
loi pour inclure une mesure qui est
réclamée par
plus des deux tiers de la population et qui repose sur une argumentation plutôt
bancale. Si c'est le meilleur argument qui
a été trouvé, ça ne tient pas la route, M. le Président. 100 % du financement des CPE, c'est l'État. Il
n'y a pas beaucoup de levées de fonds
dans les CPE, M. le Président. 100 %. Et vous voyez, là, ce n'est étranger
au fait qu'on cherche une meilleure, là, réponse, présentement, là. Quand le
ministre est placé comme ça, c'est qu'il cherche une meilleure réponse, donc, qu'il n'a manifestement pas à portée de
main. Ça ne tient pas la route. Parce que nous, on va faire cette campagne-là,
au cours des prochaines heures, d'informer
la population de notre proposition puis on va le faire d'une façon assez large.
Et il nous apparaît que d'accepter... Parce
qu'on suit le gouvernement sur la liberté de conscience pour les enfants, pour
leurs parents à l'école, mais le service de
garde, c'est un lieu significatif, avec une personne qui est en autorité, qui a
la garde des enfants. Et on dit souvent que beaucoup de choses dans la
vie se jouent dans les premières années. Bien, il m'apparaît que, si le gouvernement décide de ne pas appliquer... ne pas
assujettir ces personnes dans la loi, il manque à son devoir. C'est un
manque de cohérence.
Et c'est un
choix qu'il fait peut-être pour d'autres raisons qu'il ne veut pas évoquer ici.
Par exemple, se pourrait-il qu'il y
ait davantage de cas potentiels de personnes qui portent des signes religieux
dans les services de garde que dans les
écoles et qu'il se dise : Mon projet de loi doit demeurer modéré, et
peut-être que, là, on découvrirait qu'il y a davantage de cas à traiter?
Nous,
c'est une question de cohérence. Alors, je lui demande s'il est vraiment
sérieux quand il dit : C'est des personnes en autorité, mais, non,
ils ne seront pas dans la loi.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
M. le Président, je constate que le député de Matane-Matapédia n'a pas répondu à mes arguments à l'effet que les CPE relevaient de
l'ordre privé. Et, lorsque le député de Matane-Matapédia dit :
C'est du financement public à 100 %, ce n'est pas tout à fait exact, il y a une contribution
parentale qui est effectuée. D'ailleurs, on a annoncé la réduction de
cette contribution-là, ce qui est une bonne chose.
Par ailleurs, on se retrouve dans une situation
où le gouvernement est cohérent avec les propositions qu'il a faites aux Québécois.
Je comprends que, lors de la dernière campagne électorale, le Parti québécois avait dit : Écoutez, nous, si on est portés au pouvoir, on va interdire le port
de signes religieux également chez les éducateurs et les éducatrices en centre
de la petite enfance. Ça appartient à la proposition de sa formation politique.
De notre côté, on s'est engagés à interdire le port de signes religieux chez
les enseignants et non pas chez les éducateurs et les éducatrices en CPE.
Donc, je comprends que le député de Matane-Matapédia est en désaccord avec la proposition, il souhaiterait qu'on aille
plus loin. Le Parti libéral souhaiterait qu'on aille moins loin, beaucoup
moins loin. Moi, je pense, M. le
Président, qu'on a un projet
de loi qui est modéré, qui modéré, qui est pragmatique et qui est applicable.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.
M.
Bérubé : Bien, alors, très bien. Alors, si le ministre
nous annonce que parce que c'est leur engagement rien ne va changer, qu'on soit tous avertis que, quelle
que soit la modification qu'on va faire, elle ne sera pas acceptée. Donc,
on apprend ça.
Mais ce qu'il y a
d'encourageant dans ce qu'il nous dit, c'est que, si chacun des engagements
de la campagne va être suivi à la
lettre, je suis très... j'ai beaucoup d'espoir pour la proportionnelle, parce que
ça, c'est un engagement de la campagne
électorale que manifestement plusieurs
de ses collègues ont oublié le lendemain de l'élection, mais ils
ont fait campagne là-dessus.
Alors, ça me rassure là-dessus, et je saurai le lui rappeler en temps et lieu, puis on
pourra ensemble convaincre sa collègue
ministre de la Justice de ça.
Mais revenons
à notre argument. Donc, le ministre me concède quand même que c'est des
personnes en autorité. Il sait que 67 % de la population du Québec souhaite
l'assujettissement des services de garde et des CPE à la loi, mais il se dit : C'est la position qu'on avait et
puis c'est privé, ça ne relève pas vraiment de l'État. Vous savez, l'État peut
faire appliquer plein de lois dans les CPE, il le fait déjà.
Alors, je
comprends que c'est sa réponse finale. Si, c'est le meilleur argument qu'il
avait, bien, je vais le laisser expliquer
ça. Je pense que l'idée, ce n'est d'aller plus loin, c'est d'être plus
cohérent. Et manifestement ça ne tient pas la route. Moi, je soupçonne
que le ministre envisage qu'il y aurait davantage de cas à traiter, et que, là,
il aurait de la difficulté à y faire face, et qu'il aime mieux pas le placer,
donc, pour s'éviter de la gestion.
Et aussi, on
me note aussi, il y a aussi une contribution parentale pour les projets
pédagogiques particuliers dans les écoles publiques, pas obligatoire,
mais les CPE non plus.
Donc, les
services de garde, vous êtes des parents, vous nous écoutez, vous êtes
intéressés par la laïcité, par le projet de loi n° 21, vous fondez
de grands espoirs dans le nouveau gouvernement, qui, lui, va régler la question
de la laïcité parce que lui, il est prêt,
puis il est organisé, puis il est cohérent, et vous découvrez en cours de route
que, sur un argument relativement simple à comprendre, des jeunes enfants dans
un service de garde... Vous pensez que ça va être appliqué; finalement,
non.
Je noterai, en terminant là-dessus, que, lorsque
le ministre était porte-parole désigné, entre l'élection du 1er octobre et
l'assermentation du Conseil des ministres, avec sa collègue de Louis-Hébert,
bien, ils avaient évoqué qu'il y aurait des
congédiements puis qu'il n'y avait pas de clause grand-père. Ah! Bien, j'ai les
enregistrements même sur mon
téléphone, alors donc... Ah! c'est votre collègue qui aurait commis cet
impair-là. Jamais vous, vous n'auriez pu faire ça, échapper cette ligne-là.
Alors, ils l'ont dit. Ils ont changé d'idée, ils sont revenus... Donc, ce
n'était pas un engagement si clair que ça. Peut-être ça relevait de...
Je sais qu'ils ne dirigent pas selon les sondages, probablement qu'ils ont eu une réunion puis ils ont
décidé ça comme ça. Bon, le ministre me dit qu'il n'a jamais dit ça, sa collègue
l'a dit. Est-ce juste? Bon, lui, il ne l'aurait pas échappé, ça, mais
quelqu'un d'autre l'a dit, je lui rappellerai.
Alors, voici, ça me
permet d'avoir déjà une appréciation quand viendra le temps de faire
l'amendement.
• (16 h 50) •
En
deuxième partie, j'y vais rondement, M. le Président, parce que le ministre l'a
évoqué, les écoles privées. Alors là,
tout un débat! Les écoles privées, au Québec, qui offrent un enseignement
confessionnel, qui offrent un enseignement qui est quand même régi par le ministre de l'Éducation, qui sont
nombreuses, nous, on croit que la liberté de conscience qui s'applique aux enfants du primaire et du
secondaire devrait s'appliquer aussi dans le réseau privé. Pourquoi? La même
liberté de conscience doit être offerte à ces
enfants, ces adolescents. Le gouvernement a fait le choix, ensemble, à nouveau,
avec les écoles privées, de dire : Les
écoles privées ne le demandent pas, puis le gouvernement ne le donne pas non
plus. Nous, on pense que les écoles
privées devraient être assujetties, parce que sinon on envoie un message que
ceux qui peuvent se payer ce droit
d'aller au privé peuvent être dispensés, peuvent être dispensés de la loi. Ça
envoie un très mauvais message.
Et les écoles privées au Québec,
que j'appellerai les écoles semi-privées, quand 500 millions des fonds publics de l'État
financent les écoles, public, quand de 60 % à 70 % du financement par élève provient du
public, quand vous acceptez l'argent
des Québécois, vous acceptez les lois aussi, sinon vous vous appelez privées et
vous ne demandez pas un dollar à
l'État québécois, comme en Ontario, comme au Nouveau-Brunswick. Donc, vous
acceptez l'argent de l'État, vous acceptez également ses règles.
Alors, ma question au
ministre : Selon lui, là, qu'est-ce qui justifie que les écoles privées
puissent regarder ce débat en disant : Nous, on a obtenu les garanties
qu'on ne sera pas là-dedans?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Dans un premier temps, M. le Président, la fréquentation scolaire
des établissements privés n'est pas
obligatoire. Ce qui est obligatoire jusqu'à 16 ans, au Québec, c'est la
fréquentation de l'école publique. Le fait d'aller au privé, c'est un
choix qui relève des parents, d'envoyer les enfants au privé, que ce soit au
primaire ou au secondaire. À partir de ce
moment-là, les employés... les enseignants du secteur public sont visés par le
projet de loi. Nous avons choisi
d'étendre l'interdiction de porter des signes religieux au secteur public
uniquement, le secteur qui est obligatoire pour la fréquentation
scolaire.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.
M.
Bérubé : M. le Président, le ministre est conscient que ça ne tient
pas la route non plus. Donc là, quand on aura des cas où des enseignantes, par exemple, se diront : Je ne serai
pas admise à l'école publique, est-ce que le ministre va avoir
l'argument en disant : Bien, vous pouvez aller dans le privé, un argument
qui pourrait survenir éventuellement? Est-ce que ce sera comme le sauf-conduit
pour les personnes qui ne pourront pas porter un signe religieux?
Moi,
je pense que l'éducation, au Québec, qu'on paie collectivement, je le répète, à
haut prix... Et ce n'est pas un
choix, l'école privée, pour tout le monde au Québec, là, dans ma région il n'y
en a pas, d'école privée, mais on paie quand
même pour les écoles privées, les écoles privées. Puis d'ailleurs l'argument
qui avait été évoqué par le premier ministre,
à un moment donné, c'est : Oui, mais les gens choisissent d'aller dans ces
écoles pour des raisons religieuses. Sans rire, là.
Alors,
moi, je trouve que ces écoles devraient être assujetties, et l'appui à cette
mesure est très fort aussi. Donc, pour
une loi plus complète, plus cohérente, il me semble que tant l'argument pour
les services de garde que pour les écoles privées m'apparaît faible. En tout cas, il ne convaincra pas personne
qui pense que ça devrait être assujetti. Il n'y a pas quelqu'un qui va dire : Je pensais que ça
devrait être assujetti, les écoles privées, mais le ministre m'a convaincu avec
son argument, je n'avais pas vu ça de même. Je ne pense pas qu'on a entendu ça
beaucoup, M. le Président.
Est-ce qu'il a
d'autres arguments? Prendre un moment pour y réfléchir?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, la position du gouvernement, elle est claire. Le
gouvernement du Québec a choisi de
viser les enseignants du secteur public pour l'interdiction du port de signes
religieux notamment en raison du fait que l'école publique, elle est
obligatoire, elle est disponible pour tous. Et donc c'est pour cette raison que
nous avons visé l'école publique.
Les
collèges d'enseignement privé, les écoles privées ne sont pas des personnes
morales de droit public, ce sont des
corporations privées. Et, pour les mêmes raisons que les centres de la petite
enfance ne sont pas visés, le gouvernement a fait le choix de ne pas les viser relativement à l'interdiction du port
de signes religieux pour les enseignants ainsi que les éducateurs et les
éducatrices.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député.
M. Bérubé :
Je suis un enseignant qui porte un signe religieux ostentatoire, je commence
mon parcours en éducation comme enseignant.
La loi est passée, les règles sont claires, donc je n'ai pas accès à une école
publique si je veux porter un signe
religieux. Deux kilomètres plus loin, à Montréal, une école privée m'accepte
uniquement sur la base que le ministre
évoque, que la fréquentation n'est pas obligatoire. C'est ça, le principal
argument? J'ai peut-être manqué le deuxième, là, mais... Il n'y en a
pas, hein, c'est ça.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre. Intervention?
M. Jolin-Barrette : Bien, je ne crois pas que l'intervention du
député de Matane-Matapédia est terminée. Il a dit...
M. Bérubé : Le point
d'interrogation, j'avoue, était à travers mon regard, mais...
M.
Jolin-Barrette : Écoutez, à
cette distance-ci, M. le Président, j'ai de la misère à voir les yeux du député
de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé : Bon, maintenant que j'ai des lunettes, je pourrais dire que,
si c'est le seul argument... Bon, probablement que le ministre sait jusqu'où il peut aller, comme dans toute
négociation, s'il y a négociation, mais je n'ai pas l'impression qu'il y a une négociation, parce que j'écoute
attentivement les propos des collègues du Parti libéral puis de Québec
solidaire, puis, en fait, le ministre
ne va faire aucune concession à son projet
de loi. Donc, ça a été décidé comme
ça, il n'y aura aucun amendement.
Est-ce qu'il voit des amendements? Je ne penserais pas. Est-ce qu'il a la possibilité d'en faire de lui-même, de son propre chef? Non. Est-ce qu'on peut poser des
questions pour des clarifications, puis ça va être intéressant? Oui. Mais est-ce qu'il y aura des amendements? Moi, je n'ai
aucun espoir, aucun. Vaut mieux le dire tout de suite, hein? Le temps
est précieux pour tout le monde, hein, vaut mieux le dire tout de suite.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député, je m'excuse, on est appelés au salon bleu.
Alors, merci beaucoup. À tantôt.
Je suspends quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 56)
(Reprise à 17 h 31)
Le
Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous étions à
l'article 6, et M. le député de Matane-Matapédia avait la parole.
M.
Bérubé : Oui,
merci, M. le Président. Merci de m'avoir permis de revenir.
Essentiellement,
ce que je voulais valider avec le ministre, c'est son degré d'ouverture quant à
deux amendements importants pour
nous, un qui porte sur l'assujettissement des éducateurs et éducatrices en
service de garde et en CPE, et l'autre, le réseau privé d'éducation au
Québec.
Dans les deux
cas... Le ministre m'évoque, dans un cas, le fait que la fréquentation n'est
pas obligatoire, et que, dans l'autre, la fréquentation n'est pas obligatoire.
Et, pour lui, en son âme et conscience de législateur, ça lui apparaît suffisant pour ne pas assujettir les enfants qui
fréquentent ces établissements à la loi, qui est pourtant si importante pour
le gouvernement. Donc, si le gouvernement
est sérieux dans ce qu'il envisage... Je sais qu'on a une façon de voir ce
projet de loi différente de celle du
Parti libéral et de Québec solidaire, mais il y a un souci de cohérence. Soit
qu'on va jusqu'au bout de notre
logique ou pas, ou on s'arrête en chemin. Et, dans ce cas-là, je ne sais pas
qui a convaincu le ministre d'écrire ce
projet de loi de cette façon-là, je le soupçonne, mais ça ne tient pas debout, ça ne tiendra pas dans l'opinion publique.
Bien sûr,
les gens vont dire : C'est mieux que le fait qu'il n'y avait rien. Mais,
quand les gens vont découvrir que la
CAQ protège un réseau, le réseau des écoles privées, probablement pour ne pas
leur déplaire, et fait en sorte que les CPE ne soient pas assujettis parce
que ce serait plus de cas à traiter,
puis là peut-être que l'étiquette de modéré ne serait pas là... Pourtant, moi, je lui propose
l'étiquette de cohérent, il me semble que c'est tout aussi pertinent. Et, quand
je réalise fondamentalement que le gouvernement n'a aucune volonté d'accepter des modifications, des amendements
sur ce qu'il a proposé, je me dis : Bien, finalement, le gouvernement
a bien hâte que ça se termine.
Et, vous
voyez, moi, je n'ai pas intervenu autrement que pour parler des deux amendements
qui sont fondamentaux pour nous, qui
ont fait l'objet de débats, qui ont fait l'objet d'une adoption dans un congrès
avec 2 500 délégués. C'est ce que je viens vous livrer ici. C'est une position qui tient, qu'on n'a
pas changée depuis septembre 2017. Et je rappelais au gouvernement, tantôt, que... au ministre qu'il a quand
même changé des choses, hein? Il
envisageait... Clause grand-père, non,
on pourrait perdre son emploi, non. Tu sais, il a fallu qu'il tranche, à un moment donné. Et là j'aimerais qu'il fasse preuve
d'ouverture, bon, parce que le... ça va être à recommencer, sinon. On va
réaliser qu'il y a deux réseaux qui n'ont pas les mêmes règles, et il
faudra tous vivre avec ça.
Alors, moi,
mon souci, comme législateur, c'est d'avoir la meilleure loi possible. Et je
préviens le gouvernement que,
ses arguments, son argumentation est particulièrement bancale sur ces deux
enjeux-là. S'il avait au moins un deuxième argument, tu sais, même à
peine un petit peu plus fort, là, ça l'aiderait, mais... Peut-être le
garde-t-il dans sa manche.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, deux choses. Le député de Matane-Matapédia se souvient qu'on s'est rencontrés, lui et moi, une journée de janvier ou
de février, pour discuter du projet
de loi, et il m'a fait part de sa
volonté que les directeurs d'école soient visés dans le cadre du projet
de loi, et j'ai été à l'écoute. Et, lorsque j'ai déposé le projet de loi, les directeurs d'école, les directeurs adjoints sont couverts dans le
cadre de l'annexe II, à la liste des personnes dont la fonction interdit le port d'un signe
religieux. Donc, j'ai été notamment à l'écoute du collègue de Matane-Matapédia, et cette proposition-là se retrouve déjà dans le cadre du projet
de loi.
Le député
de Matane-Matapédia, M. le
Président, nous dit : Ce n'est
pas le ministre qui a écrit le projet de loi, on lui a dit quoi écrire dans le projet de loi. Donc, j'aimerais savoir s'il prétend que le projet de loi a été écrit sous la dictée d'un tiers. Je serais intéressé de
l'entendre là-dessus.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député.
M. Bérubé : Oui, c'est ma
perception, oui.
M. Jolin-Barrette : Donc, qui
est ce tiers?
M. Bérubé : Bien, je n'ai pas
accès à votre ministère, mais c'est ce que je soupçonne, oui.
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le
Président...
M. Bérubé : Est-ce faux? Je
vais lui poser... Est-ce faux?
M. Jolin-Barrette : Oui, c'est
faux. Et...
M. Bérubé : Êtes-vous sûr? Je
vous laisse le temps, là, d'y penser, c'est...
M. Jolin-Barrette : Très
certainement, je...
Le
Président (M. Bachand) :
M. le député, M. le député, juste faire attention, là. Vous avez une réponse.
Vous savez, on ne peut pas mettre en...
M. Bérubé : O.K. Je maintiens
ce que je dis.
M. Jolin-Barrette : Bien, M.
le Président, je dois vous dire que le député
de Matane-Matapédia est dans l'erreur.
M. Bérubé : O.K. À suivre.
Le
Président (M. Bachand) :
Alors, faire attention toujours dans le choix des mots. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il
vous plaît.
Mme David : ...c'est terminé?
Le Président
(M. Bachand) : Il reste très, très, très peu de temps.
Une voix : ...
M. Bérubé : Bien, je ne peux pas vraiment
déposer... Je pourrais quand même les lire, juste pour informer les collègues, puis, au moment où on pourra les
déposer, bien, ils auront déjà en tête ce qu'on entendait par les amendements,
ne serait-ce que pour informer mes
collègues. On a deux seuls amendements pour la commission. Donc, j'en fais
lecture pour information.
Le Président
(M. Bachand) : Rapidement, parce
qu'il vous reste deux minutes.
M. Bérubé : Oui. Bon, je les ai
ici.
Le Président
(M. Bachand) : O.K. Allez-y.
M. Bérubé : Alors, c'est très court. Donc, en ordre, dans
l'annexe II, bien, il y a : Ajouter au paragraphe 10°, après
le mot «Littoral», les mots «y compris les employés des services de
garde de l'école». Ça, c'est le premier.
Puis il y a aussi : Ajouter au
point 11° :
«11° un directeur, un directeur adjoint ainsi
qu'un enseignant d'un établissement d'enseignement sous la compétence d'une commission scolaire instituée en vertu de la Loi sur l'enseignement privé et les
institutions dont le régime d'enseignement
est l'objet d'une entente internationale au sens de la Loi sur le ministère des
Relations internationales.» Ça couvre le privé.
Puis il aurait pu y avoir, bien, de façon plus
claire :
«12° une
personne reconnue à titre de responsable d'un centre de la petite enfance en
vertu de la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance.»
Donc, c'était d'ajouter dans la liste,
dans l'annexe — c'est
pour ça que je posais la question de l'annexe — ces personnes
qui devraient être assujetties à la loi. Et, si on les inclut, elles le sont,
si on le souhaite... Si le gouvernement ne veut pas, bien, il est
majoritaire, ça finit là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
M. Bérubé :
Donc, c'est pour ça que je voulais valider le degré d'ouverture. Et j'ai
maintenant une certitude.
Le Président (M. Bachand) : Parfait. Alors, on va en faire copies et on va
faire la distribution. Interventions? Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David :
...combien de temps je dispose encore, mais je voulais poser une première
question assez simple au ministre. Est-ce que, selon vous, c'est
possible de définir un signe religieux?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
M. le Président, je crois que oui. Écoutez, j'ai proposé, dans le cadre du
projet de loi, l'interdiction du port de
signes religieux. Selon moi, c'est le sens commun d'un signe religieux, le sens
du dictionnaire. On a eu cette
discussion-là à l'article 4, et les collègues du Parti libéral ainsi que,
je crois, de Québec solidaire ont soulevé plusieurs interrogations à savoir qu'est-ce qu'un signe religieux, de
quelle façon on va l'interpréter. Je suis sensible aux arguments qui
sont soulevés par les collègues du Parti libéral.
Pour
moi, ça m'apparaît très clair, qu'est-ce qu'un signe religieux, et aux yeux de
la personne raisonnable aussi c'est
clair, qu'est-ce qu'un signe religieux, c'est le sens commun, c'est le sens
courant. Et on a indiqué clairement comment ça devait être interprété, comment est-ce que les auteurs aussi, en
matière d'interprétation des lois, définissaient un signe religieux.
Et,
vous savez, il y a plusieurs intervenants aussi qui sont venus en commission
parlementaire, M. le Président, et qui
nous ont dit : On aimerait ça, avoir une définition de «signe religieux».
Il y en a plusieurs qui sont venus nous le dire, notamment le Syndicat
de la fonction publique du Québec, les commissions scolaires de Montréal, la
fédération des directions d'établissement d'enseignement, le Conseil du statut
de la femme aussi.
• (17 h 40) •
Alors, prenant acte
de cela, M. le Président, et dans un objectif d'ouverture envers mes collègues,
notamment du Parti libéral, j'aurais un
amendement à proposer, qui se lirait ainsi : Ajouter, à la fin de
l'article 6, l'alinéa suivant :
«Au
sens du présent article, est un signe religieux tout objet, notamment un
vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un
couvre-chef qui est :
«1° soit porté en
lien avec une conviction ou une croyance religieuse;
«2° soit
raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse.»
Ainsi,
l'article, M. le
Président, tel qu'amendé, si les
membres de la commission iraient de l'avant avec ça, allaient de
l'avant avec ça, se lirait ainsi :
«Le
port d'un signe religieux est interdit dans l'exercice de leurs fonctions aux
personnes énumérées à l'annexe II.
«Au
sens du présent article, est un signe religieux tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une
parure, un accessoire ou un couvre-chef qui est :
«1° soit porté en
lien avec une conviction ou une croyance religieuse;
«2° soit
raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse.»
Le Président (M. Bachand) : Si vous êtes d'accord, on va suspendre quelques instants pour distribution, s'il vous plaît.
Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 41)
(Reprise à 17 h 47)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, pour le commentaire de l'amendement, M. le Président : Cet amendement vise à préciser la notion de signe religieux prévue à l'article 6
du projet de loi. L'amendement offre des exemples d'objets qui peuvent constituer des signes religieux. De plus,
il précise que deux critères, alternatifs et non cumulatifs, peuvent permettre
de déterminer qu'un objet donné est un signe religieux.
L'expression «porté
en lien avec une conviction ou une croyance religieuse» renvoie à la croyance
ou à la conviction de la personne.
L'expression est également utilisée dans l'article 4 de la loi n° 62. L'expression «raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse» vise à insister
sur le message qu'exprime le signe et la manière dont il est perçu.
Aussi, cet amendement
est conforme à l'idée qu'est également visé tout signe se rapportant à une conviction
liée à l'absence de croyance religieuse. Le recours au mot «conviction»
vise à traduire cette idée.
Alors, M. le Président, comme je le
disais, ça fait suite aux échanges que nous avons eus notamment
avec la députée de Maurice-Richard sur l'article 4, avec la députée de Marguerite-Bourgeoys aussi, depuis le début des consultations, avec les collègues de cette commission. Bien que
je considère qu'il ne soit pas nécessaire de définir ce que constitue un
signe religieux, dans un geste d'ouverture,
et faisant preuve de sensibilité aux arguments soulevés par les collègues des
oppositions et par rapport aux gens qui sont venus en commission
parlementaire, je propose l'amendement suivant, qui est un amendement
qui vient définir d'une façon plus détaillée, en donnant des exemples, ce que
constitue un signe religieux au sens de la loi.
Le Président (M. Bachand) : Merci, M.
le ministre. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : Oui, merci, M. le Président. Le 28 mars 2019, lors du dépôt du projet de loi, le ministre a
dit que ça concernait et ça
s'appliquait à tous les signes religieux de toutes les religions, alors ma
question est assez simple, mais difficile
d'application : Comment, si je comprends bien, dans le critère alternatif,
soit le critère 1 ou le critère 2, et/ou le critère 2,
vont-ils être applicables, puisque toutes les religions sont visées?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, les signes religieux de toutes les religions
sont visés. Je ne saisis pas la portée de la question de la députée de Marguerite-Bourgeoys.
• (17 h 50) •
Mme
David : Bien, comme ce sont
toutes les religions et que... Pour avoir parlé à certains théologiens ou,
disons... ils aiment mieux se faire appeler maintenant des spécialistes
des sciences des religions, c'est qu'il y en a beaucoup, beaucoup,
beaucoup, de signes religieux. Et la ville de Montréal, dans son mémoire, disait : «La mise en oeuvre de l'article 6
est problématique pour de multiples raisons.
En premier lieu, le concept même de signe
religieux n'est pas clairement défini. Sachant que Statistique
Canada recensait déjà en
2011 plus de 108 religions présentes au Canada et que chacune d'entre elles est susceptible d'avoir un ou des signes religieux lui étant propre, l'identification même d'un signe
religieux peut s'avérer une tâche complexe. Cela peut occasionner des situations
d'iniquité et de conflit.»
Alors,
oui, il y a des précisions dans l'amendement. Mais, dans l'amendement, qui s'applique à tous les signes religieux possibles et impossibles au sens du mot «signe religieux», donc symbole, bijou, parure,
accessoire, couvre-chef, vêtement,
quel diplôme va-t-il exiger de ceux qui appliquent la loi pour pouvoir être en
mesure de, un, savoir que c'est un
signe religieux et que, deux, ça réponde à un des deux critères? Parce que, si
je comprends bien, c'est un des deux critères, ça ne doit pas être
nécessairement cumulatif.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Donc : «Au sens du présent article est un signe religieux tout
objet, notamment...» Alors, ce n'est
pas limitatif à un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou
un couvre-chef, qui est... ça peut être d'autres objets. Alors, la
première partie de la réponse à la question de la députée de
Marguerite-Bourgeoys, le «notamment», il est
là pour énoncer. Donc, c'est une énumération qui est non limitative. Ça rejoint
ce que constitue un signe religieux au sens courant des choses.
Deuxièmement,
le premier paragraphe, qui est «soit porté en lien avec une conviction, une
croyance religieuse», il s'agit d'une
analyse subjective de la personne qui porte l'objet qui est le signe religieux.
On est toujours dans le port de signes
religieux. Donc, on se place dans les souliers de la personne, donc sa croyance
sincère du fait de porter un signe religieux. Pour la personne qui le
porte, ça représente un signe religieux en lien avec sa foi, sa croyance.
Le deuxième critère,
qui n'est pas cumulatif, c'est un critère objectif, c'est un critère aux yeux
de la personne raisonnable. Donc : «Au
sens du présent article, est un signe religieux tout objet, notamment un
vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un
couvre-chef qui est :
«2°
soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse.»
Donc, aux yeux de la personne raisonnable, c'est un critère qui est
objectif, cela représente un signe religieux.
Donc,
les deux critères ne sont pas cumulatifs, c'est l'un ou l'autre... ou les deux
ensemble aussi peuvent s'appliquer, mais il n'y a pas nécessité
d'appliquer les deux critères.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
David : Alors, vous avez dit tout à l'heure que la personne, c'est
subjectif, porte un... «notamment», mais porte une des choses de l'énumération, et même plus d'une, par exemple,
des 108 religions présentement recensées au Canada, et qui doit s'autodéclarer ou s'autodénoncer en disant : Je
porte un signe religieux parce que j'ai une conviction. Donc, même s'il
n'est pas visible, je me déclare comme portant ce signe.
Croyez-vous vraiment
que ça va arriver?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, la première des choses, dans le respect de
la loi, toutes les lois, O.K., ce n'est pas une question d'autodéclaration, de déclaration. Quand il y a une loi qui est
présente, on présume que les gens la respectent, hein? L'édiction d'une norme vise à faire en sorte
que les gens se conforment à cette norme-là. C'est un peu le concept, de la façon dont notre système de droit
fonctionne, hein, on laisse une partie de notre liberté au profit de
l'organisation des rapports sociaux
dans la société. Pourquoi on a un système de normes? Pourquoi est-ce qu'on a un
système juridique? C'est parce qu'on
accepte que les rapports entre les individus, les rapports entre les
organisations soient régis par une série de codes, de normes, de règles
qui s'appliquent.
Là, on est face à une situation où on interdit le
port de signes religieux chez certaines personnes dans le cadre de leurs fonctions. La personne qui porte un signe
religieux, qui porte un objet et qui le considère comme un signe religieux,
effectivement, dans le cadre de ses fonctions, elle ne peut le porter.
Alors, vous
savez, les gens, généralement, respectent les obligations légales qui leur sont
attribuées. Donc, quelqu'un sachant
qu'elle porte un signe religieux, la personne, si elle considère cet objet-là comme un signe religieux, bien, elle ne
le portera pas parce qu'elle se conformera à
la loi. Il faut présumer la bonne foi des gens, il faut présumer le fait que
les gens veulent se conformer à la loi qui est édictée.
Le
contre-argument à ça, on pourrait me dire : Bien, il y a des gens qui ne
voudront pas respecter la loi. Moi, en tant
que législateur, je vais toujours soutenir l'autorité de la règle de droit.
Puis je pense que tout le monde ici, autour de la table, souhaite que les citoyens respectent les
lois, je pense que c'est ce qui est de base. Donc, à partir du moment où on
édicte un critère, de dire : Si,
l'objet que vous portez, vous le considérez, en votre âme et conscience, comme
un signe religieux, et que vous
occupez une fonction prévue à l'annexe II, bien, durant les heures du
travail, vous ne pouvez pas le porter.
C'est ça, la règle. L'analyse subjective se fait dans les bottes de la personne
qui porte le signe religieux. Ça, c'est le premier critère. Alors, on se
réfère à la bonne foi des gens.
Et, dans
notre système de droit, c'est comme ça que ça fonctionne. Vous savez, dans le
Code civil, là, on prévoit que la
bonne foi se présume. Pourquoi c'est comme ça? Parce que, dans un premier
temps, on présume que les gens sont de
bonne volonté. Puis ça s'applique dans plusieurs secteurs, notamment en matière
contractuelle. Pourquoi est-ce qu'on dit
que la bonne foi se présume? Bien, c'est justement parce que, quand on veut
établir des rapports de nature contractuelle, de nature légale avec un individu, on présume que, si on fait affaire
ensemble, la députée de Marguerite-Bourgeoys et moi, elle a de bonnes
intentions. C'est comme ça qu'est basé nos rapports sociaux et l'organisation
de notre société.
Alors, dans
le cadre de cette analyse subjective là, on se réfère aux personnes, qui vont
respecter les impératifs de la loi.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée, oui, s'il vous plaît.
Mme
David : On n'arrivera pas tout de suite à l'exemple de signes plus
ostentatoires, je vais revenir sur l'exemple de la croix de la grand-mère. Beaucoup, beaucoup de Québécois,
Québécoises vont se retrouver avec cette situation difficile de dire, comme enseignantes ou comme enseignants,
parce qu'il y a des hommes aussi, qui portent cette croix qui n'est pas
du tout, selon le paragraphe 1°... ce n'est pas porté par une conviction
ou une croyance religieuse... Ça, je pense qu'il
y en a des milliers, au Québec, qui portent ça parce que leur mère leur a donné
à sa mort... ou quelles que soient les conditions.
Mais vous allez les rechercher, si je comprends bien, par le
paragraphe 2°, parce que la croix va être raisonnablement considérée comme référant à une appartenance religieuse.
Donc, cette enseignante de 50 ans qui la porte depuis 40 ans, cette croix, ou 30 ans ne
pourra pas changer de commission scolaire ou ne pourra pas... si elle n'est pas
capable même émotivement de se séparer de sa croix. Est-ce que je comprends bien
les choses?
Le
Président (M. Bachand) : Sur
ce... Il est 18 heures. Alors donc, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 19 h 30. Merci beaucoup. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 19 h 40)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre! Merci beaucoup. La Commission des
institutions reprend ses travaux. Je
demande, bien sûr, à toutes les personnes présentes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Je vous
rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 21, la Loi
sur la laïcité de l'État.
Lors de la suspension de nos travaux, cet
après-midi, les discussions portaient sur l'amendement du ministre à
l'article 6. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il
vous plaît.
Mme
David : Oui. Je suis un petit peu mêlée, parce que moi, j'avais commencé quelque chose aussi, mais après ça mon collègue,
je pense, de Jean-Lesage pourra poursuivre. J'en étais, si je ne m'abuse,
à la croix de la grand-mère, qui peut être portée depuis très, très longtemps
et qui ne répond absolument pas au critère n° 1, donc
pas liée à une conviction ou à une croyance
religieuse; peut-être celle de la grand-mère, mais pas celle du
petit-fils qui la porte depuis 30 ans. Et,
«soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse»,
probablement qu'effectivement le directeur d'école pourrait dire : C'est
une croix catholique, une croix tout court, donc c'est raisonnablement
considéré... donc tu dois l'enlever.
Et lui dit : Non, je ne la porte pas du tout pour ça, je la porte parce que
c'est un souvenir, presque un fétiche de ma grand-mère. On fait quoi
avec ça?
Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, la députée de Marguerite-Bourgeoys nous parle de la croix qui est portée, qui a
été donnée en cadeau. Si c'est un crucifix,
hein, la croix, le crucifix avec... qui est porté dans le cou, effectivement, c'est un signe religieux qui
rentre dans le deuxième critère, «soit raisonnablement considéré comme référant
à une appartenance religieuse». Alors, ce n'est pas uniquement l'analyse
subjective, c'est l'analyse objective aussi qui s'applique.
Mme
David : Et donc je comprends que les... il va y avoir beaucoup, beaucoup de Québécois catholiques, de souche, en général, là,
qui, parce qu'ils ont été élevés dans la religion catholique ou que... surtout
leurs parents, leurs grands-parents, bien,
ils vont devoir se départir, comme vous dites... je ne dirai pas «si bien», parce que
je ne trouve pas que c'est si bien que ça, mais ils vont devoir se
départir, pendant les heures de travail, de ce signe religieux.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Je dirais qu'il y a des chrétiens de
toutes origines qui sont au Québec, hein, qui portent des croix.
Pourquoi
est-ce que les enseignants ne peuvent pas porter de signes religieux? Parce qu'ils représentent une figure d'autorité. Alors, dans le cadre de leurs
fonctions, effectivement, ils ne peuvent pas porter de signes religieux. Donc, ça s'applique à tous les signes religieux, que ce soit
la croix, que ce soit une kippa, un kirpan, tous les signes religieux sont visés. Et, à la demande
du Parti libéral, on vient définir ce que constitue un signe religieux, je souhaite apporter davantage de clarté pour le Parti
libéral. Et donc, oui, tout port de signe religieux sera interdit durant les heures de travail pour les enseignants et les enseignantes, à une
exception : ceux qui sont déjà en poste au
moment où le projet de loi a été déposé bénéficient d'un droit acquis, d'un droit au
maintien en emploi s'ils portent un signe religieux.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme
David : Oui. Justement,
quand on parle de raisonnable et puis de droits acquis, c'est sûr que nous, on
aimerait faire comme le Parti québécois puis éventuellement vous redire
à quel point — et
ça pourra être fait par amendement éventuellement — on aimerait que les droits acquis suivent la
personne et non le poste. Alors, si vous voulez nous faire une belle
réflexion là-dessus et peut-être nous arriver...
C'est
clair qu'il y a deux catégories qui font un peu mal au coeur et qui peuvent
être sujettes à discrimination, puis là
je vais laisser les juristes regarder tout ça, mais c'est la question des
droits acquis qui ne suivent pas la personne mais suivent le poste — et
ça, c'est, semble-t-il, pas très, très habituel dans ce genre d'affaire
là — et
l'autre, qui vient me chercher très, très
près parce que j'ai... étant donné que j'ai passé ma vie en enseignement
supérieur, il y a des étudiantes aussi
et des étudiants qui ont commencé leur formation en n'ayant pas ça comme
balises et qui ont espéré, donc, avoir un
emploi avec des conditions x, et là ça se retrouve avec des conditions y.
Alors, je suis un petit peu embêtée de ça aussi, un petit peu beaucoup, parce que, quand on change des programmes
d'études universitaires, comme j'ai eu à en changer des tonnes dans mes
fonctions antérieures, ça ne s'applique jamais aux étudiants en cours de
formation, ça s'applique aux nouveaux
étudiants. Alors, si le bac en droit passe de trois ans à quatre ans et demi,
par exemple, bien, c'est clair que ça s'applique aux étudiants qui n'étaient pas encore inscrits,
parce que les étudiants inscrits sont présumés être inscrits dans un programme pour lequel ils ont signé et été
admis, dans un programme x et non pas dans un programme y. Alors, c'est
sûr que ceux qui sont entrés en formation depuis un an, deux ans, trois ans,
voire quatre ans pourraient certainement bénéficier d'une sorte de clause de
droits acquis.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, M. le Président, la discussion que
la députée de Marguerite-Bourgeoys souhaite avoir présentement, on va l'avoir à l'article 27, relativement à la
clause de droits acquis. Alors, nous, on a fait un choix, hein, pour
viser la même fonction dans la même organisation, mais tout ce débat-là se fera
à l'article 27.
Mme David : Je sais, M.
le ministre, que tout est dans tout
puis que j'étire la sauce un peu en allant parler de ça maintenant,
mais vous avez une jurisprudence antérieure avec le chef du Parti québécois où il a vraiment été parler, lui, de CPE et d'étendre à d'autres corps de métier, et
donc c'est difficile d'accepter, pour un, qu'il plaide ça puis, pour l'autre,
qu'on ne peut pas plaider autre chose.
Comme
je dis, ce n'est pas nécessairement un amendement qu'on dépose maintenant, mais je voudrais
que ce soit, comme disait le chef
intérimaire du Parti québécois, déposé dans l'espace public, parce que
ça nous apparaît extrêmement important qu'il
y ait la protection
de droits acquis d'étudiants déjà en formation et que les droits acquis des
enseignants suivent la personne et non
le poste. Et, comme ça, ça permettrait de donner un espoir, une lueur d'espoir,
pour des enseignantes déjà en
fonction, de pouvoir faire comme toutes les autres, si elles le souhaitent,
soit déménager parce que le mari déménage — parce
que c'est presque insoutenable
humainement, là, cette clause-là — ou
parce qu'elles veulent progresser. Et on a tellement
poussé les femmes à progresser en carrière que ça m'apparaît essentiel de
pouvoir leur permettre ça.
Alors,
c'est des souhaits que je donne maintenant, et on verra bien la suite des choses, mais je me
permettais d'avoir la même audace que le chef intérimaire du Parti
québécois.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. Interventions?
Interventions sur l'amendement? M. le
député de Jean-Lesage, s'il
vous plaît.
M. Zanetti : Oui. Je
vous remercie, M. le Président. Un des points, effectivement, dans les audiences publiques, qui était très problématique, par rapport au projet
de loi n° 21, c'était l'absence de définition de «signe religieux».
Ça a été soulevé, ça rendait le projet de
loi inapplicable parce que, quand on vient interdire le signe religieux, la
personne dit : Oui, mais là
qu'est-ce qui vous fait dire que c'est un signe religieux?, et là on s'enligne
dans un débat qui certainement finirait devant les tribunaux.
Par rapport à l'amendement qui a été proposé,
alors, je suis content de voir que le ministre a entendu ça et a proposé quelque chose. Par contre, une définition
qui ne serait pas bonne ne serait pas plus opérationnelle ou ne rendrait
pas le projet de loi plus applicable qu'une
absence de définition. Et une des raisons, par ailleurs, pour lesquelles c'est
prendre l'enjeu de laïcité par le mauvais bout que de vouloir interdire les
signes religieux, c'est justement à cause de ces affaires-là. Il est, disons, très difficile, pour être généreux,
peut-être pas impossible mais très difficile de définir le signe religieux sans
créer une injustice.
Et, dans le
cas présent, bien, j'ai décidé de faire un petit exercice. D'ailleurs, c'est
intéressant parce que, dans le cours philosophie et rationalité qui se
donne au collégial, probablement, dans la session d'été en ce moment, il y a habituellement des chapitres sur l'argumentation
et des chapitres sur les définitions, parce que les débats qui ne partent
pas sur des bonnes définitions sont des
débats qui n'aboutissent pas. Les gens finissent par se rendre compte, après
longtemps, qu'ils ne parlaient pas de
la même affaire, finalement, et puis c'est très problématique. Donc, on amène,
dans ce genre de cours, les étudiants à dire, bon, qu'est-ce qu'une bonne
définition et quels sont les problèmes, les caractéristiques qu'on peut
reprocher à une définition, qui fait qu'elle n'est pas, d'un point de vue de la
raison, une bonne définition.
• (19 h 50) •
Dans la
définition qui a été suggérée ici, à l'article 6 du présent projet de loi,
il y a deux choses : d'abord, un, que le signe religieux, l'objet soit porté en lien avec une conviction et
une croyance religieuse et ensuite qu'il soit raisonnablement considéré
comme référant à une appartenance religieuse.
Le
point 1°, qu'il soit porté en lien avec une conviction ou une croyance
religieuse, ce qui reste un peu indéfini là-dedans, c'est qui va évaluer ça. Est-ce que c'est la personne qui
porte le signe religieux qui devra juger si le signe qu'elle porte est porté en lien avec une conviction et une
croyance religieuse? Bien, en quel
cas, moi, ça me va tout à fait, mais je ne pense pas que ça va rejoindre nécessairement
les objectifs que vous voulez. Mais ça irait.
Sauf que, là,
il y a quelque chose qui est très indéfini, pour une définition. Et la
qualité d'une bonne définition, bien, c'est qu'elle définisse les choses,
qu'elle trace une ligne efficace, non floue entre ce qui fait partie du concept
«signe religieux» et ce qui n'en fait pas partie.
Dans la
deuxième, le problème est plus évident, deuxième proposition, que l'objet «soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse».
Alors là, on a une définition ou une partie de la définition qui a deux défauts.
Le premier, c'est qu'elle est abusivement
subjective. Qui va décider que tel signe peut raisonnablement être considéré
comme référant à une appartenance religieuse?
Ça, c'est... on se lance dans un débat théologique incroyable. Et, deuxièmement, elle est potentiellement trop large, cette définition, qui est un autre
des problèmes de la définition. Pourquoi elle serait trop large? Bien, parce qu'il y a beaucoup
de choses qui, en fonction de ce critère, pourraient entrer dans le concept «signe religieux» qui n'en font pas partie
ou qui selon les personnes qui les portent, en tout cas, n'en font pas partie. Alors, c'est pour ça qu'on va créer des
injustices avec cette définition-là, possiblement avec toute définition mais
avec celle-là très certainement, parce qu'il
y a des choses qui vont être considérées comme un signe religieux et qui seront
interdites, et ça, ça va brimer la liberté
de conscience des gens, et par ailleurs, bien, il y a des choses qui seront
peut-être des signes religieux qui ne
sont pas considérées comme telles, et tant mieux pour les personnes qui les
portent, mais on va créer une
iniquité de traitement entre les personnes qui se voient injustement interdire
un signe religieux et les autres qui se voient interdire un objet qui
n'est pas considéré comme un signe tout en en étant un.
Alors, en fait, je... Et je comprends que, bon,
le ministre dit que ça s'appuie sur le sens commun, mais j'ai l'impression
qu'en fait on va pelleter le problème sur les plus hautes autorités en place,
qui vont devoir appliquer ce projet de loi
là, et qu'il ne sera pas évident pour eux ni même pour un tribunal de dire
qu'est-ce qui est raisonnablement considéré comme référant à une appartenance
religieuse.
Alors,
bon, je pose ma question, là, suite à ce préambule. J'aimerais savoir qu'est-ce
que le ministre, disons... Comment le
ministre pense-t-il qu'on va pouvoir trancher ces cas litigieux qui vont
découler nécessairement de cette définition?
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Alors, M. le
Président, je ne partage pas l'avis du député de Jean-Lesage.
Déjà, au
niveau du signe religieux, lorsque c'était le sens commun, le sens courant,
c'était clair. Ce qu'on est venu faire, on est venu mettre une définition avec
un «notamment», hein, pour dire qu'est-ce qu'un signe religieux.
Le premier
critère, c'est un critère objectif... subjectif, pardon, c'est un critère subjectif
de la croyance sincère de la
personne. Ce critère-là, le député de Jean-Lesage, je crois qu'il est d'accord
avec celui-là. Vous savez pourquoi? Parce que c'est le critère des
accommodements, la croyance sincère en une prescription de la religion.
L'autre critère, c'est un critère objectif basé
sur la personne raisonnable, M. et Mme Tout-le-monde. C'est un critère qu'on utilise souvent en droit et c'est un
critère qui a trait à la personne raisonnable, un critère objectif, une
personne placée dans la même
situation évaluerait d'une façon raisonnable. À l'époque, hein, on
disait : L'homme de la rue... ou la femme de la rue, mais, disons,
l'homme de la rue, c'était ce critère-là, aux yeux de l'homme de la rue.
Alors, c'est un critère qui est
objectif et subjectif. Alors, moi, M. le Président, je suis très à l'aise avec
la définition. Et surtout, au bénéfice des oppositions, de leur avis, ça
vient permettre de définir ce que constitue un signe religieux.
Et l'autre élément, c'est que, dans le cadre du
projet de loi n° 398 déposé par la précédente députée de Gouin, on indiquait à l'article 7 : «La
présente charte n'a pas pour effet de restreindre le droit d'un fonctionnaire
ou d'un employé de l'État de porter un signe
religieux visible dans le cadre de ses fonctions sauf s'il s'agit d'un juge,
d'un procureur, d'un policier, d'un
gardien de prison ou d'une autre personne qui est autorisée à exercer de la
coercition au nom de l'État et qui doit faire preuve d'une impartialité absolue
en fait et en apparence.» Alors, Mme David, la précédente députée de Gouin, dans le cadre de son projet
de loi, à l'époque où Québec solidaire était en faveur de l'interdiction des signes religieux, ne venait pas définir le signe religieux. Alors,
je vais même plus loin que Mme David, qui est à la base de la fondation
de Québec solidaire, avant que Québec solidaire change son capot de bord.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de
Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti :
Oui, merci. Alors, on n'est évidemment pas ici pour discuter du p.l. n° 398 d'une précédente législation.
Ce serait bien commode. C'est probablement quelque chose qu'une opposition
raisonnable aurait reproché à ce
projet de loi, s'il avait été en étude détaillée, de dire : Il faudrait
définir les signes religieux, et c'est tout à votre honneur d'essayer de
le faire.
Par
contre, au fond, ce que vous me dites, c'est que le premier critère, ça
renvoie, disons, l'identification du signe religieux, à la subjectivité de la
personne qui le porte. Alors, on est d'accord avec ça, c'est la seule façon de
ne pas créer d'injustice.
Pour l'autre critère,
vous me dites : Bien, raisonnablement considéré comme appartenant à une...
ayant une appartenance... référant à une appartenance religieuse, ça réfère au
sens commun et à la personne raisonnable. Alors, j'aimerais savoir, j'aimerais savoir, M. le Président, si le ministre se
considère comme étant une personne raisonnable.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Dans mon comportement?
M. Zanetti :
Au sens de la loi.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, il y a une présomption que les gens sont des personnes
raisonnables. Alors, le critère, c'est un critère objectif lorsque c'est
évalué.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti :
Oui. Alors, étant donné que le ministre est une personne raisonnable, et que ça
peut être un peu inquiétant pour quelqu'un
qui ne sait pas qu'est-ce qui va être considéré comme un signe religieux,
qu'est-ce que va penser la personne
raisonnable, bien, s'il accepte, j'aimerais lui distribuer puis distribuer aux
membres de la commission, là, juste pour l'exercice, une série de
symboles et de signes, et il pourrait nous dire ce qu'une personne raisonnable
en pense.
Le Président (M. Bachand) : Continuez, continuez. Avant la distribution, il
faut que ça passe... il faut demander... il faut regarder un petit peu
qu'est-ce que c'est, avant. Merci. Oui, continuez...
M.
Zanetti : Alors, c'est ça,
moi, au fond, j'ai amené une liste ici de plein de symboles qui ne sont peut-être
pas tous religieux, qui sont peut-être... dont peut-être une partie sont religieux, je ne veux pas donner
les réponses à l'avance. Je ne les ai
même pas toutes moi-même, nécessairement. Mais j'aimerais qu'on puisse dire — et
je pense que ça éclaircirait la situation
pour beaucoup de gens — si
les signes qui sont là-dessus, puis ils sont numérotés, on pourrait les passer
un à un... si ce sont des signes religieux qui seraient donc soumis à la
loi du p.l. n° 21.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, je ne me soumettrai pas à un quiz ni à un
questionnaire du député de Jean-Lesage. On est ici pour faire adopter le projet de loi n° 21, pour aller de l'avant. Donc, je comprends que le député de Jean-Lesage souhaite arriver dans des cas individualisés,
avoir des cas d'exemple, mais je ne me soumettrai pas à un quiz du député
de Jean-Lesage.
Le
Président (M. Bachand) : Juste avant, M. le député de
Jean-Lesage, parce que vous déposez... Alors, il va y avoir distribution auprès des membres de la commission. Cela dit,
le temps de faire des photocopies, ça va prendre... parce qu'il y a
quand même plusieurs pages. Donc, on va commencer à faire le travail, mais ça
peut prendre...
M. Zanetti :
On pourrait peut-être suspendre, le temps que ce soit fait, pour que je puisse...
Une voix :
Moi, je suis prêt à jouer.
Des voix : ...
Le Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y a consentement pour suspendre? Pas
de consentement. Ça fait qu'on va continuer nos travaux puis on va faire
le travail de façon diligente.
• (20 heures) •
M. Zanetti : ...en temps et lieu.
C'est parce que, bon, il y a des choses là-dedans qui sont évidentes... Puis je
comprends la réticence du ministre, là,
parce que... c'est parce que c'est difficile, ce que je lui demande, mais ce
que je demande au ministre, qui est
une personne raisonnable, c'est quelque chose que le ministre, personne
raisonnable, est en train de demander
à plein de personnes raisonnables partout quand il va leur dire :
Appliquez ça dans vos commissions scolaires, appliquez ça dans vos
institutions judiciaires, appliquez ça aux services de police, appliquez ça
partout.
Alors, de deux choses l'une. J'ai l'impression que...
Je comprends la difficulté, mais au
départ ce n'est pas moi qui pose cette difficulté-là, le ministre pose
la difficulté. Alors, moi, j'aimerais que... Pour prouver peut-être qu'il ne s'agit pas là de quelque chose de problématique,
qu'il ne s'agit pas là de quelque chose de difficile et que toute personne
raisonnable est capable de le faire, bien, je l'inviterais quand même... Je lui
lance une deuxième invitation parce que je
sens aussi qu'il y a des députés autour qui ont envie de se prêter à
l'exercice, j'ai entendu des petites rumeurs qui ne sont pas captées par les micros. Alors, je pense que,
d'une part, ça montrerait qu'effectivement cette définition-là qui s'appuie
sur la personne raisonnable est bonne, ça
montrerait qu'elle ne prêterait pas à des interprétations abusives et en même
temps ça rassurerait toutes les personnes
sur l'interprétation que font des personnes raisonnables de ce qui est contenu
dans le concept «signe religieux». Alors, je relance mon invitation une
deuxième fois.
Le Président (M.
Bachand) : Ça va? M. le ministre, intervention?
M.
Jolin-Barrette : Comme je
l'ai dit, M. le Président, le rôle du législateur est d'édicter la loi. En ce
qui concerne l'application de la loi, les personnes désignées seront
responsables de l'application de la loi.
Ce que nous
invite à faire le député de Jean-Lesage, c'est nous convier à un quiz. On sait
très bien ce qu'il veut faire, et je ne me soumettrai pas à un tel quiz.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M.
Zanetti : Bien, je comprends ce que me dit le ministre. Toutefois, ce
que j'ai l'impression, en fait, c'est que ce que je demande aux députés de la
commission ici, ce n'est pas tant de se soumettre à un quiz... ou, si on veut
l'appeler un quiz, appelons-le un
quiz, mais, en fait, je nous demande de nous soumettre, nous, ensemble,
exactement à la même chose qu'on va soumettre les responsables
administratifs qui devront appliquer ce projet de loi. Alors, si ce projet de
loi est applicable, s'il est possible de
définir facilement, selon une personne raisonnable, ce qui réfère
raisonnablement, là, à une appartenance religieuse, alors, je me dis,
faisons-en la preuve. Sinon, bien, le message qu'on envoie, en fait, c'est que
ce n'est pas facile, c'est que ce
n'est pas évident et que, ce quiz-là, on va y soumettre plein de personnes, et,
ces personnes-là, il y a des gens qui
seront mals à l'aise à trancher là-dessus, ça va créer des inéquités, il y en a
qui le feront qui n'auront pas tous
la même conception de ce que c'est qu'être raisonnable, et ça va se retrouver
dans les tribunaux et ça va engorger nos
cours de justice, alors qu'elles pourraient traiter des affaires qui sont plus
importantes que l'interdiction des signes religieux.
Je ne sais
pas si je relance ma question une troisième fois. J'ai l'impression que je vais
avoir le même résultat. Par contre,
bien, voilà, il y a un problème fondamental là. Une définition qui est bonne,
qui définit bien le concept, on n'a pas de crainte de l'appliquer, qu'on soit
législateur ou administrateur de commission scolaire. Et moi, j'ai l'impression
qu'avec la définition qu'on est en train de donner là, bien, en fait, on va
créer beaucoup de questionnements, on va créer beaucoup d'arbitraire. Il y a des gens qui vont interpréter le signe
religieux de façon beaucoup plus large, voire abusive, et on va avoir une limitation de la liberté de
religion et de la liberté de conscience qui dépasse largement ce qui est prévu
par le législateur et ce qui est l'intention, je pense, du gouvernement.
Alors, pour
éviter que l'interprétation de sa propre loi ne dépasse même sa volonté, bien,
moi, je lui recommande fortement
qu'on fasse le test ensemble. C'est maintenant le temps d'étudier le projet de
loi, c'est maintenant le temps de voir
s'il s'agit d'une définition qui est applicable, qu'on est capables d'utiliser
en tant que personnes raisonnables. Alors, bien, j'aimerais entendre le
ministre là-dessus.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Je vais
réitérer ma réponse, M. le Président, mais, moi, ce qui est pertinent pour moi,
c'est : Est-ce que le député de
Jean-Lesage préfère la définition originale, l'article original, ou le fait
d'insérer une définition, tel que c'était demandé par les partis
d'opposition et les gens qui sont venus nous rencontrer?
On est sur ce
point-là. Je comprends ce que souhaite faire le député de Jean-Lesage, mais là
on est dans un processus de législation. Ce soir, on est conviés à faire
avancer le projet de loi n° 21 et, idéalement,
l'adopter.
Alors, si le
député de Jean-Lesage est contre le projet de loi n° 21...
Je pense qu'on a tous saisi que Québec solidaire avait changé d'idée. Ils se sont présentés devant l'électorat avec une
position et ils ont viré leur capot de bord, contrairement à ce que Françoise David proposait, à ce qu'Amir
Khadir proposait, les fondateurs de Québec solidaire, ceux qui ont porté
ce parti-là et ceux qui ont dit aux
gens : Faites-nous confiance, voici les propositions de Québec solidaire,
et, un coup qu'ils ont été élus, ils
changent d'idée, un coup que Françoise David et Amir Khadir sont partis. Alors,
ça leur appartient. Je ne me
soumettrai pas à un quiz ce soir. Et, si le député de Jean-Lesage veut avancer
sérieusement dans le cadre du projet de loi sur la laïcité, ça lui
appartient, ce soir.
M.
Zanetti : Parfait.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le
député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti :
Combien de temps?
Le Président (M. Bachand) : Je ne pourrais pas vous dire, monsieur... On va
vous dire ça dans quelques instants.
Merci.
M. Zanetti :
O.K. D'accord. Je ne réitérerai pas ma question. Je fais un commentaire sur le commentaire
du ministre, puis ensuite de ça je vais proposer un sous-amendement, en fait, à
l'article tel qu'il est en ce moment.
C'est
drôle, hein? Quand on dit... C'est une technique argumentative qu'on appelle
l'attaque ad hominem. Au lieu
d'attaquer l'argument de quelqu'un, on dit... on essaie de lui accoler, disons,
quelque chose qui dévalorise un peu sa
position. Alors, quand on dit : C'est dommage... En politique, quand on
dit que quelqu'un a changé d'idée, c'est un vire-capot, c'est vu comme étant quelque chose qui est négatif, comme si
la réflexion qui amène un changement d'idée était quelque chose de mal vu en cette enceinte. Alors, moi, je trouve
très pertinent que la société québécoise réfléchisse, que des individus réfléchissent, à l'extérieur et
à l'intérieur du Parlement, et que ça amène parfois des changements de position, c'est très positif. Ce qui donne une
valeur à une position, ce n'est pas le temps qu'on l'a tenue, c'est les
arguments qui la sous-tendent. Et je
pense que notre présence ici doit être faite dans cette optique-là,
c'est-à-dire d'interventions qui sont basées sur des arguments. Alors,
voilà. Donc, voilà pour ça.
Maintenant,
le sous-amendement que je vous proposerais, essentiellement, là, on est en
train de le rédiger, et je vais vous
l'envoyer, il ajouterait, il insérerait au paragraphe... O.K., je ne suis pas
très habile dans les affaires de paragraphe puis d'alinéa, là, mais, là où c'est marqué «soit porté en lien avec une
conviction ou une croyance religieuse», j'ajouterais à cette phrase-là «selon la personne qui le
porte», parce que je pense que de toute façon ça va dans le sens de ce que
disait le ministre, de son
interprétation et des commentaires qui sont là, et, dans la phrase qui suit,
donc «soit raisonnablement considéré»,
j'insérerais ici «par la personne qui le porte comme référant à une
appartenance religieuse». Alors, je vais soumettre cet amendement.
Le Président (M. Bachand) : Alors, le... Est-ce que c'est pas mal
avancé? Oui? Parce qu'on va suspendre, à ce moment-là, pour la distribution.
M. Zanetti :
Oui, on va suspendre pour la distribution.
Le Président (M. Bachand) : Parfait. Alors, on suspend quelques instants pour la distribution. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à
20 h 8)
(Reprise à 20 h 19)
Le
Président (M. Bachand) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Je vous rappelle
qu'on est sur le sous-amendement à l'article 6 déposé par le député de
Jean-Lesage. M. le député, vous avez la parole.
• (20 h 20) •
M.
Zanetti : Oui. Alors, cet amendement, vous l'avez devant les yeux, son
objectif... Pour nous, bon, ça ne justifie pas l'interdiction des signes religieux. Par contre, ça enlève un des
vices possibles à la définition qui serait de générer des injustices. Si on remet la définition, au fond, du
signe religieux entre les mains et le jugement de la personne qui les porte,
on minimise au moins, là, le nombre d'injustices qui pourraient être créées du
fait qu'une personne par ailleurs très raisonnable
puisse, à un moment donné, étant
donné que c'est un test très
difficile, étant donné que l'identification de signes religieux est très difficile même selon le sens commun...
bien, ça éviterait qu'il y ait des injustices qui soient causées par une
mauvaise identification de ce que c'est, un signe religieux. En remettant la
définition du signe religieux entre les mains
de la personne qui le porte, on enlève la possibilité de ces injustices-là. Après ça, bon, reste l'injustice du fait qu'on
l'interdit de porter un signe religieux, mais on limite les injustices, que je pense que même le gouvernement ne veut pas créer avec sa
loi. Le gouvernement ne veut pas se retrouver avec, jusqu'aux prochaines élections, là, régulièrement
des nouvelles de tribunaux dans
lesquelles quelqu'un a gagné une cause parce qu'on lui a interdit de porter un
signe religieux alors que ce n'était
pas vraiment un signe religieux, et que, là, ça portait atteinte à sa liberté
de conscience, et qu'on l'a renvoyé, et que, là, il y a des
dédommagements à payer, et que... etc.
Alors,
je pense qu'avec cette définition-là on ne rend pas à nos yeux plus acceptable,
disons, l'interdiction des signes
religieux, mais on en évite beaucoup d'irritants, on évite beaucoup
d'injustices qui pourraient être créées par le caractère très flou de la définition qui est proposée, même si on salue
le fait qu'il y ait une définition qui soit proposée. Alors, voilà,
c'est ça qui est derrière cet amendement-là et c'est ce qu'on vise à corriger.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Chapleau, s'il vous
plaît.
Question de
règlement sur la recevabilité
d'un sous-amendement
M. Lévesque (Chapleau) : ...l'article 197
de notre règlement. Dans le fond, le sous-amendement dénature l'amendement et,
à ce stade-ci, il est irrecevable, à notre sens, parce que l'objectif de
l'amendement initial, c'est de mettre le
critère objectif, et on retire complètement, avec ce sous-amendement-là, le
critère objectif, ça ne devient que subjectif. Donc, j'aimerais, dans le
fond, qu'il soit, dans le fond, déclaré irrecevable.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Bien, je me pose en
contradiction avec cette position parce que, dans la définition qui est là, la définition de signe religieux qui est proposée
n'est pas objective. Alors, je suis d'accord qu'on amène... on clarifie le
caractère subjectif de la définition
du signe religieux avec notre sous-amendement, mais on ne le fait pas passer
d'objectif à subjectif parce qu'il
était de toute façon subjectif. On le rend juste subjectif plus clairement
parce qu'on dit qui et quelle subjectivité va juger de s'il s'agit ou non d'un signe religieux. Et, étant donné que
ce sous-amendement-là ne vient absolument pas dire qu'on ne peut pas interdire les signes religieux, il ne vise qu'à
en préciser la définition, je pense qu'il ne dénature pas le projet de
loi et donc qu'il est parfaitement recevable.
Le
Président (M. Bachand) :
Interventions sur le point de règlement? Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.
Mme
Montpetit : Bien, M. le Président, je ne voudrais pas vous dire
comment jouer votre rôle, mais je pense que, s'il y a une demande de recevabilité ou d'irrecevabilité de
l'amendement, c'est à vous de tirer les conclusions qui s'imposent, le
cas échéant.
Le
Président (M. Bachand) :
Mais, si vous avez des arguments pour aider la présidence à faire son choix...
C'est pour ça que je vous offre la parole.
Mme
Montpetit : Ah! Bien, avec grand plaisir. Je pense que ça va dans le
sens... Moi, je n'ai pas d'inconfort avec
le sous-amendement qui est déposé par le député de Jean-Lesage, en ce sens
qu'il vient apporter des précisions. Le ministre a reconnu, je pense, par son amendement qu'il y avait un flou
juridique important autour de son projet de loi et autour de l'article 6, il fait un pas en ce
sens pour venir essayer d'effacer un certain flou juridique, une
inapplicabilité, beaucoup
d'interprétations qui peuvent être faites autour de ce projet de loi. J'aurais
tendance à penser que ce que vient apporter
le sous-amendement du député de Jean-Lesage va en ce sens, de clarifier encore
davantage et de circonscrire ce qu'est un signe religieux.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre, oui.
M.
Jolin-Barrette : ...de
règlement sur la question de règlement parce que, là, on me prête des
intentions. Je n'ai aucunement dit
qu'il y avait un flou juridique, j'ai dit que c'était très clair. On ne peut
pas me prêter des propos que je n'ai
pas tenus dans cette commission, alors, ce serait de dénaturer ce que j'ai dit,
la députée de Maurice-Richard le sait très bien.
D'ailleurs,
sur la question de règlement, soulevée à juste titre par mon collègue
de Chapleau, je n'ai pas entendu d'argument en lien
avec la recevabilité de la part de la députée de Maurice-Richard,
alors que c'est l'objet du débat.
Alors,
sur le fond, je soutiens l'argumentaire
du collègue de Chapleau parce qu'effectivement ça dénature l'amendement.
Et, lorsqu'on dénature l'amendement, ce n'est pas recevable, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Maurice-Richard,
s'il vous plaît.
Mme
Montpetit : J'invite le ministre
à écouter chacune de mes paroles parce
que je vais répéter exactement
ce que j'ai dit dans l'intervention précédente, qui ne venait pas soutenir le fond de l'amendement qui est déposé par le député
de Jean-Lesage mais bien sa pertinence en lien avec l'exercice
qu'on est en train de faire. Puis je pense qu'on ne veut pas vraiment
passer la soirée là-dessus, là. Ce que je viens de dire, c'est que, sur la
recevabilité de l'amendement, il vient compléter...
M. Jolin-Barrette : Oui, mais la question,
ce n'est pas la pertinence...
Mme
Montpetit : Et le ministre
peut bien continuer à s'obstiner avec moi... Je l'invite à s'adresser à la
présidence, s'il a quelque chose à dire, parce que nos échanges sont toujours fort... Je ne sais
pas, ça le réveille, on dirait, quand je prends la parole. Mais de toute façon je pense que l'objectif,
c'est, M. le Président... Moi, je ne dépenserai pas plus d'énergie
là-dessus. Je vous invite à prendre une décision, s'il est recevable ou pas, puis
on discutera en temps et lieu de l'amendement
du député de Jean-Lesage.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Chapleau, peut-être, en
terminant.
M.
Lévesque (Chapleau) : Oui.
En terminant, donc, simplement rappeler que le critère objectif
est complètement effacé, ça ne
devient que subjectif, donc c'est incompatible avec l'amendement. Donc,
j'aimerais que vous déclariez irrecevable ce sous-amendement. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous
plaît.
Mme David : Oui. Ça m'a permis de
réfléchir un peu, pendant que les gens discutaient.
En fait, le
premier alinéa, «soit porté en lien avec une conviction ou une croyance
religieuse selon la personne qui le
porte», ça, c'est tout à fait évident, et je pense que le ministre est tout à
fait d'accord, puisque ça réfère à la subjectivité de la personne qui le
porte. Puisque c'est porté en lien avec une conviction, on réfère à la
personne.
Je pense, ce
qui l'inquiète plus, c'est au 2°, «soit raisonnablement considéré comme
référant à une appartenance religieuse». Le député de Jean-Lesage
voudrait dire : «2° soit raisonnablement considéré par la personne qui le
porte comme référant à une appartenance
religieuse.» C'est vrai qu'on est dans deux côtés de la même médaille. Alors,
l'objectivité est peut-être aussi
contestable que la subjectivité, parce que qu'est-ce que ça veut dire,
raisonnablement égale objectivité, égale
quelqu'un quelque part qui va dire que c'est ça habituellement qui définit la
religion x ou y, musulmane, bouddhiste, sikhe, catholique, etc.?
«Raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse», il y
a quelqu'un quelque part... Et ce n'est pas si objectif que ça, en tout
respect.
Donc, est-ce
que c'est si subjectif dans l'autre sens? Moi, je pense que ça laisse place à
énormément de discussion, M. le Président, en tout respect.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Autres interventions? M. le député de
Jean-Lesage.
M.
Zanetti : Oui. Bien, j'aimerais savoir... Parce que je pense avoir
bien répondu à la critique de mon collègue par rapport au caractère subjectif ou objectif de la définition avant et
après le sous-amendement. Toutefois, bon, je vois que je ne l'ai pas convaincu. Mais j'aimerais
savoir peut-être, pour qu'il me convainque, sur quelle définition d'«objectif»
il se base pour dire que la définition qui est proposée ici d'un signe
religieux est une définition objective? Parce que moi, je n'y vois qu'une définition subjective de toute
façon. Alors, qu'est-ce qui fait de la définition actuelle une définition
qui est objective? Telle est ma question.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? Pas d'autre intervention.
Donc, avec votre accord, je vais suspendre
quelques instants, puis je vous reviens. Merci.
(Suspension de la séance à 20 h 28)
(Reprise à 21 h 28)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Écoutez,
on continue de délibérer sur l'appel au règlement, donc, compte tenu de
l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 29)