(Onze heures quarante et une
minutes)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Bienvenue. Ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande bien sûr
à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi n° 21,
Loi sur la laïcité de l'État.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par Mme Grondin
(Argenteuil); M. Lamothe (Ungava) est
remplacé par M. Jacques (Mégantic); M. Lévesque (Chapleau) est
remplacé par Mme Tardif (Laviolette-Saint-Maurice);
Mme Anglade (Saint-Henri-Sainte-Anne) est remplacée par Mme David
(Marguerite-Bourgeoys); M. Tanguay
(LaFontaine) est remplacé par M. Derraji (Nelligan); Mme Weil
(Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée
par Mme Montpetit (Maurice-Richard); M. Fontecilla (Laurier-Dorion)
est remplacé par M. Zanetti (Jean-Lesage); et M. LeBel
(Rimouski) est remplacé par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Étude détaillée
(suite)
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Au moment d'ajourner nos travaux, hier soir,
nous étions à un amendement déposé par la députée de Bourassa-Sauvé à l'article 3
du projet de loi. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il
vous plaît.
Mme David : Oui. Merci
beaucoup. Bon matin, tout le monde. J'espère que tout le monde a longuement dormi, y compris le ministre.
Mais on commence à manquer de temps
pour dormir parce qu'on est tellement occupés à toutes sortes de
choses.
Mais je voulais donc féliciter la décision de sa
collègue la ministre de la Justice. Je pense que, grâce à nos interventions, à nos échanges, ça a permis d'avoir
une réflexion plus poussée sur la question des crucifix dans les palais de justice. Et, si on peut en tirer une conclusion
ou en faire une démonstration, c'est que, un, le ministre a écouté, et donc
c'est superintéressant. Et, deuxièmement, ça
veut dire aussi que nos échanges servent à quelque chose et que de
prendre le temps de poser des questions
et, je répète, de réfléchir ensemble — c'est
le mot «ensemble» qui est important — nous
permet tous ensemble, tous les grands
esprits autour de cette grande table, de pouvoir prendre les meilleures décisions
pour la société.
Alors, je
pense que ça, c'est une décision importante, de retirer les crucifix des salles
de palais de justice. Et j'espère qu'on
va continuer nos discussions. On va essayer d'avoir le meilleur projet de loi possible. Et je félicite le
ministre et je l'encourage à continuer à nous écouter, à échanger
avec nous et à réfléchir avec nous aux meilleures solutions possible
pour son projet de loi.
C'étaient
mes propos introductifs. Je vais laisser ma collègue de Bourassa-Sauvé poursuivre sur l'amendement d'hier.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la
députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Juste pour compléter, je suis contente de voir
que certaines de mes questions amènent à des réflexions et font des petits. Et, comme le disait ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, on est là pour ça, on est là pour faire avancer, faire
réfléchir. Alors, c'est très heureux, tout ça.
Alors, on
s'était laissés hier soir avec ma collègue la députée de Maurice-Richard qui donnait ses commentaires, là, justement sur
l'importance de l'amendement qu'on a proposé. On veut éviter toute confusion.
On veut être précis. Et donc on avait
proposé cet amendement. Et je veux juste rafraîchir la mémoire à tout le monde,
là, c'est relativement au premier alinéa :
«1° "institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale,
de même que les personnes nommées ou désignées
par celle-ci», et puis là on spécifiait «le Commissaire à l'éthique à la
déontologie des membres de l'Assemblée nationale,
le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur
du citoyen et le Vérificateur général du Québec».
Ma collègue
de Marguerite-Bourgeoys avait fait remarquer justement qu'au deuxième alinéa on
parle d'institutions gouvernementales,
et là on réfère à l'annexe I, et l'annexe I, c'est très détaillé, et on parle
d'organismes, de commissions, d'organismes
municipaux, et tout ça. Et donc, par souci de cohérence puis aussi pour mieux
comprendre, elle nous disait : Bien,
pourquoi on ne nommerait pas ces différents commissaires là au premier alinéa
dans le même sens qu'au deuxième alinéa? On veut être précis. Et là le
ministre nous avait dit : Bien, on veut se laisser un peu de liberté. Tout
à coup qu'il y a une autre commission qui
prend vie, bien, ce serait compliqué, on veut... Et ma collègue faisait
remarquer que, bien, on ne crée pas
une commission à tous les mois ou à toutes les années, et, si on crée une
commission, puis il y a un nouveau
commissaire, bien, il y aura une loi. Il y aura une loi en détail, et on va
adapter la loi qui y réfère en conséquence. Et elle avait donné toutes
sortes d'exemples. Et donc ses commentaires sont très, très justes.
Et ma collègue députée de Maurice-Richard nous avait fait remarquer que, justement, dans
les commentaires à l'article 3, au deuxième
paragraphe des commentaires, on lit, là : «Les institutions parlementaires
sont définies comme incluant
l'Assemblée nationale et les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour
exercer une fonction qui en relève. Ces
personnes sont le Commissaire à l'éthique et à la déontologie des membres de
l'Assemblée nationale, le Commissaire au
lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et le
Vérificateur général du Québec.» Et donc elle nous disait : Bien, si on les met dans les commentaires,
pourquoi on ne les met pas aussi, on ne les enchâsse pas, on ne les met
pas dans le libellé du premier alinéa? Encore une fois, c'est un bon argument.
Et donc on en
est à cet amendement qu'on trouverait souhaitable, qui bonifierait le projet de
loi. Et donc je pense que c'est bien résumer, là, ce qu'on avait dit
hier soir.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bon
matin, M. le Président.
Écoutez, on en
a abondamment discuté hier soir. On a discuté du lieutenant-gouverneur, on a
discuté de l'Assemblée, on a discuté du
Parlement, puis tout ça. Je ne referai pas le débat. Écoutez, ce n'est pas
nécessaire d'indiquer les personnes définies très précisément.
Lorsqu'on lit
les notes explicatives dans lesquelles la députée... notamment, on dit : «Les
institutions parlementaires sont
définies comme incluant l'Assemblée nationale et les personnes nommées ou
désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève. Ces personnes sont le Commissaire à l'éthique et
à la déontologie des membres de l'Assemblée nationale, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des
élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général du
Québec.» Ainsi, c'est déjà prévu. Par cohérence légistique, on ne les définit
pas précisément dans l'article.
Et, vous
savez, l'interprétation des lois, c'est une science en soi. Il y a plusieurs
auteurs qui se prononcent là-dessus, notamment
Pierre-André Côté, dans la troisième édition de son volume Interprétation
des lois, qui... je suis convaincu que
la députée de Bourassa-Sauvé connaît, aux publications Thémis, la page
434 : «La justification première de ce principe, c'est que l'on suppose que, lorsque l'auteur d'une
loi élabore celle-ci, il tient compte des lois qui sont alors en vigueur,
spécialement de celles qui portent sur la
même matière, et qu'il façonne la nouvelle loi de manière à ce qu'elle
s'intègre convenablement dans le droit existant à la fois au point de
vue de la forme et [...] du fond. Cette justification du principe fonde le recours aux lois connexes
antérieures à celle interprétée, lois qui forment l'environnement légal dans
lequel vient s'insérer la loi nouvelle [...] qui peuvent servir à en préciser
le sens.»
Donc, c'est
l'environnement global. Lorsqu'on l'insère, on ne dénature pas le corpus
législatif, et c'est pour ça qu'on
fonctionne de cette façon-là. Et c'est pour ça que Mme Vallée, à l'époque
où elle était ministre de la Justice, a été dans le même sens avec le
projet de loi n° 62.
Le Président
(M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
• (11 h 50) •
Mme Robitaille :
...les explications du ministre. C'est fort apprécié. Merci. Mais, dans ce
sens-là, alors je pose une question au ministre comme ça : Pourquoi,
alors, on prend la peine, au deuxième alinéa, de détailler et de faire une
annexe justement qui va en détail? Je
reprends le questionnement de ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, qui
disait : Bien là, on détaille, mais, au premier alinéa, on ne
détaille pas. Donc, quelles sont vos explications?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président, parce que, dans le premier
alinéa, c'est nommément indiqué. On sait à quoi on réfère, tandis que, lorsqu'on parle d'institutions
gouvernementales, ça prend la liste pour les définir. Et, dans le projet
de loi n° 62, c'était exactement la même chose.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée.
Mme Robitaille : J'entends. Je
pense qu'on a fait le tour.
Le Président
(M. Bachand) : Oui. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David :
Je veux juste être sûre, parce que le ministre, justement, il a peut-être
encore moins dormi que moi puisqu'ils
se sont préparés pour donner des arguments. Je les entends, mais ce n'était pas
du tout les arguments de base hier.
Les arguments hier, c'était : C'est trop compliqué au cas où on crée une
autre entité qu'il faudrait ajouter. Alors là...
Une voix : ...
Mme David :
Non, non, mais je vais juste finir. J'essaie de comprendre. Hier,
c'était : Bien, c'est trop compliqué. Alors, on a un peu détricoté ça en disant : Bien oui, mais il y
aura une loi. Donc, on dira simplement que ça se rajoute. Il y en a une par 10 ans. Ça ne sera pas trop
prenant pour le ministre. Alors, j'essaie juste de voir le lien entre le
premier argumentaire et votre argumentaire actuel.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, mon argumentaire est comme l'alinéa 1°...
le paragraphe 1° de l'article 3, il n'est pas limitatif. Voyez-vous, ce n'est pas parce que j'ai donné un argument
hier qu'il n'est plus valide aujourd'hui. Je rajoute un argument et je fais miens mes propos qui ont été
dits hier. Donc, toute la conversation qu'on a eue hier, durant des heures,
on peut prendre mes propos et les verser dans les débats parlementaires
d'aujourd'hui.
Je veux juste
rassurer la collègue de Marguerite-Bourgeoys. Je suis en totale cohérence avec
mes propos d'hier et je fais mien ce
que j'ai déjà dit. Je ne les répéterai pas parce qu'on les a tous entendus. Et
d'ailleurs la preuve qu'on les a tous
entendus, c'est que la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit : Ah! ce
n'est pas ça que vous nous avez dit hier.
Non, j'en rajoute en plus. Je vous donne une autre explication. Dans un souci
de bonne collaboration, pour faire avancer les travaux parlementaires,
je vous donne d'autres arguments ce matin avec Me Côté, qui est professeur
de droit à l'Université de Montréal, je crois.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée.
Mme David :
Alors, ça me rassure, M. le Président. M. le ministre est cohérent avec
lui-même. Alors, on ira sur ce thème de la cohérence amplement dans les
prochains articles. Mais il ne s'est pas renié lui-même. Alors, c'est une bonne
nouvelle pour lui.
M. Jolin-Barrette : ...pas
renié encore.
Le
Président (M. Bachand) :
S'il vous plaît! O.K. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement
de la députée de Bourassa-Sauvé? S'il
n'y a pas d'autre intervention, je vais mettre l'amendement aux voix. Est-ce
que l'amendement est adopté?
Une voix : ...
Le Président
(M. Bachand) : Par appel nominal, Mme la secrétaire, s'il
vous plaît. Merci.
La Secrétaire : Pour, contre,
abstention. Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?
Mme Robitaille : Pour.
La Secrétaire :
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
La Secrétaire :
M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji : Pour.
La Secrétaire :
Mme Montpetit (Maurice-Richard)?
Mme Montpetit : Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire :
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire :
Mme Lachance (Bellechasse)?
Mme Lachance : Contre.
La Secrétaire :
M. Martel (Nicolet-Bécancour)?
M. Martel :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?
Mme Tardif : Contre.
La Secrétaire :
Mme Lecours (Les Plaines)?
Mme Lecours
(Les Plaines) : Contre.
La Secrétaire :
Mme Grondin (Argenteuil)?
Mme Grondin :
Contre.
La Secrétaire :
M. Jacques (Mégantic)?
M. Jacques :
Contre.
La Secrétaire :
M. Bérubé (Matane-Matapédia)?
M. Bérubé :
Contre.
La Secrétaire :
M. Bachand (Richmond)?
Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'amendement est rejeté.
Interventions? Nous sommes de retour à l'article 3. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David :
Merci, M. le Président. On avance, M. le ministre. Il est de bonne humeur,
c'est le fun. Institutions gouvernementales. Alors, institutions
gouvernementales, on en a parlé hier. Alors, on en a parlé abondamment pour comparer 1° et 2°. Alors, ma question va être
quand même assez simple et peut-être prévisible pour vous, mais réfléchie,
réfléchie quand même. L'annexe I, les
organismes, il y en a vraiment, vraiment beaucoup. J'aimerais que vous
m'expliquiez, que vous me renseigniez sur l'importance d'en mettre autant et si
c'est une liste d'épicerie qui était déjà dans telle ou telle loi, donc
on la prend, copier-coller, on la met là, ou s'il y a un rationnel lié à la
laïcité pour mettre la Régie du bâtiment, etc.
Moi, ça me semble extrêmement exhaustif. Est-ce une précaution pour être sûr...
Mais, si on veut être sûrs de façon
exhaustive, ne devrait-on pas avoir 100 paragraphes plutôt que 13? Alors,
expliquez-moi un peu si c'est un
choix, s'il y a un tri, si c'est une liste prévue d'avance, parce que, quand on
a tel type de loi, c'est toujours tel type de liste que sont les
organismes gouvernementaux. Alors, question de renseignement.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Alors, globalement, la liste est la même que celle qui était dans le
cadre du projet de loi n° 62 sur
la neutralité religieuse de l'État. Donc, dans le cadre de la neutralité
religieuse de l'État, on voulait s'assurer que les institutions gouvernementales soient couvertes. Donc, quelles sont les institutions gouvernementales couvertes? Ce sont celles qui sont
prévues à l'annexe, d'où le détail de celles-ci.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la
députée.
Mme David : Ce qui est intéressant, c'est le
fréquent, fréquent recours au projet
de loi n° 62.
C'est vraiment bien parce que ça vous
a fait sauver beaucoup de temps, et vous vous en inspirez beaucoup.
Alors, on va continuer peut-être
à s'inspirer du projet de loi n° 62 pour limiter la
question du port de signes religieux, mais nous y arriverons un jour, à l'article 6. Mais je suis contente de voir
en même temps que c'est tiré de la loi n° 62. Et donc j'imagine
que, quand on parle d'institutions
gouvernementales, il y
a comme une liste prédéterminée de ce
que sont des institutions gouvernementales. Est-ce que c'est la loi n° 62 ou c'est parce que c'est la liste habituelle des institutions gouvernementales, nonobstant la loi n° 62?
Le
Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. M.
le Président, je veux aussi souligner
qu'on s'est inspirés également du projet
de loi n° 60, et le projet de loi n° 62
s'était inspiré du projet de loi n° 60 aussi du Parti québécois. Alors,
voyez-vous, on s'assure aussi de
prendre les meilleurs éléments de chacun des projets de loi lorsqu'on
rédige une loi. Et donc, relativement aux
organismes de l'État ou gouvernementaux, effectivement, il y a beaucoup
de juristes qui ont travaillé sur les différents projets, et on arrive avec une liste qui est celle qui vise à s'assurer
de couvrir quelles sont les institutions gouvernementales.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous
plaît.
Mme David : Dernière question. Est-ce que ce sont donc toutes
les institutions gouvernementales ou
si vous avez... Parce que vous avez
dit : C'est sensiblement la même chose que 60, 62. Mais avez-vous fait du
picorage — mon amie
qui a trouvé ce mot hier — à l'intérieur des institutions
gouvernementales ou avec un rationnel théorique, là, intellectuel, qui
dit : Cette institution doit... la laïcité doit s'appliquer, mais pas
celle-là?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Je vous dirais que, globalement, on a repris tout ce qui était dans le 62 et on
a rajouté... supposons, l'ajout d'organismes
dont le fonds social fait partie du domaine de l'État, qui était une omission
dans le cadre du projet de loi n° 62.
Mme David :
Excusez-moi, je n'ai pas compris. L'ajout de...
M. Jolin-Barrette :
L'ajout des organismes dont le fonds social fait partie du domaine de l'État.
Mme David :
Excusez-moi, dont le fonds social...
M. Jolin-Barrette :
Oui, c'est comme ça que...
Mme David :
Qu'est-ce que c'est, le fonds social? Le fonds, f-o-n-d-s?
M. Jolin-Barrette : F-o-n-d-s, le fonds social. Dans le fond, la
partie financière fait partie du domaine de l'État.
Je
donne un autre exemple. Dans le projet de loi n° 62,
il y avait eu une omission relativement à la commission scolaire du Littoral, O.K.? Dans le projet de loi n° 62, on disait : La neutralité religieuse de l'État couvre les
commissions scolaires. Mais il y
avait une omission au niveau de la commission scolaire du Littoral parce
qu'elle n'est pas dans la liste de la
Loi sur l'instruction publique. C'est ça, dans le fond, il y a une loi
particulière pour la commission scolaire du Littoral, et cette commission-là, qui se retrouve sur la
Côte-Nord, qui est une commission scolaire avec un régime très particulier
où il n'y a pas de commissaire scolaire, où c'est des administrateurs qui
gèrent la commission scolaire et où c'est une commission
scolaire... Ce qui est intéressant, M. le Président, c'est une commission
scolaire bilingue... bien, pas bilingue, là, mais, dans le fond, elle couvre des services autant pour les
francophones que les... à statut bilingue... pour les francophones que les anglophones. Donc, exemple, là, on l'a
rajoutée dans la loi pour la laïcité. Mais, dans le projet de loi n° 62, il y avait eu une omission
relativement à la commission scolaire du Littoral. Donc, maintenant, elle est
visée dans les organismes gouvernementaux.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? M. le député de
Nelligan, s'il vous plaît.
• (12 heures) •
M. Derraji :
C'est une petite question très rapide. Hier, quand on posait la question au
ministre par rapport au crucifix dans
les salles de justice, il nous a dit que c'est la ministre de la Justice qui va
assurer le suivi. Aujourd'hui, nous avons
une autre réponse, donc, par rapport à ça. Mais, quand on voit le... Je vais
juste reprendre l'énoncé. Au niveau des institutions gouvernementales, là, on voit une liste d'organismes.
Est-ce que je comprends que le ministre entend... parce que chaque organisme faisant partie de cette
liste, du 1° jusqu'au 10°, à
l'annexe I, chacun va... sera responsable d'appliquer la loi dans
son institution?
M. Jolin-Barrette :
Est-ce que chaque organisme sera tenu d'appliquer...
M. Derraji : En fait, j'essaie de comprendre la dynamique parce qu'hier nous avons posé la question par
rapport au ministère de la Justice. Donc, en ce qui concerne le
ministère de la Justice, ça a été très clair aujourd'hui, c'est la ministre de la Justice, M. le Président. Là, on
voit une panoplie d'organismes gouvernementaux. Parfois, c'est des sociétés
d'État, parfois... C'est vraiment très
large, ce qui est une bonne chose parce que tout est énuméré. Ma question que
j'ai, c'est : Qui est responsable
de l'application de la loi? Et comment le ministère va accompagner ces
personnes dans l'application de la loi?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Chacun des organismes est responsable de
l'application de la loi, en fait, du principe de laïcité. Donc, on incorpore le principe de laïcité au sein de tous
les organismes gouvernementaux. Donc, chacun des organismes doit se conformer
au principe. On a eu la discussion hier relativement à l'incorporation. Je
disais : Tous les organismes
sont chargés de respecter, supposons, la Loi sur les normes du travail ou la
Loi sur la santé et sécurité au travail. Donc, c'est la direction qui
est chargée de l'application de la loi à l'intérieur de l'organisation.
En
complément de réponse pour la collègue de Marguerite-Bourgeoys, elle
disait : Les organismes dont le fonds social feront partie du domaine de l'État. À titre d'exemple, supposons,
vous avez Hydro-Québec, Investissement Québec, Loto-Québec. Donc, ça, c'est des compagnies à fonds social qui font
partie du domaine de l'État, donc elles sont visées par l'obligation de
laïcité de l'État.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député...
M. Jolin-Barrette :
Dans le fond... Ah!
Le
Président (M. Bachand) : Oui, allez-y, continuez, oui.
M. Jolin-Barrette : Juste en complément, là, lorsqu'on crée,
supposons, exemple, Loto-Québec, ça veut dire sa structure au niveau de sa création dans sa loi fondatrice, là. Bien,
dans sa loi... oui, c'est ça. Dans sa loi fondatrice, ça va être
indiqué, supposons : Hydro-Québec est une compagnie à fonds social. Donc,
c'est dès la création. Même chose quand on a fait la SQDC, l'année passée, la Société québécoise du cannabis. La
collègue, la députée de Marguerite-Bourgeoys, la députée de Soulanges à l'époque, lorsqu'elle a créé la filiale de la
Société des alcools du Québec en créant la Société québécoise du cannabis, bien, cette filiale-là,
c'est une compagnie à fonds social. Donc, c'est pour ça qu'elle est couverte.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. M. le député de Nelligan? Oui?
M. Derraji :
Oui, oui, oui, je reviens parce que le ministre a répondu à une question, puis
je veux juste avoir un complément de la question que j'ai posée. Donc,
si j'ai bien compris, au niveau de l'applicabilité, ça va être... chaque
organisme, chaque société d'État, chaque ministère doit s'assurer de la mise en
place de cette politique?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, dans le fond, à l'intérieur de chaque
organisation, il y a les organes de gouvernance qui sont chargés de l'application de l'État. Il y a un
conseil d'administration, il y a un président-directeur général. C'est la
même chose que quand vous avez une loi d'ordre public qui doit... exemple, la
Loi sur la santé et sécurité au travail ou la Loi sur les normes du travail.
L'organisme a l'obligation de respecter la loi. Dans le fond, il ne faut pas
oublier, M. le Président, que l'organisme,
là, c'est l'État. C'est comme... L'État québécois a plusieurs têtes, je vous
dirais, ou des sous-têtes, là, mais c'est toute la même tête.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député, oui, allez-y.
M. Derraji :
J'aime beaucoup cet échange. L'État québécois a plusieurs têtes, mais c'est
justement, moi, le fait d'avoir
plusieurs têtes que j'ai des doutes parce que, si on veut s'assurer de la mise
en place, la mise en place de la loi doit
être uniforme et non pas chacun doit faire à sa tête. C'est là le message que
je cherche, le message que je cherche de
la part du ministre, si je ne veux pas que l'État ait plusieurs têtes par
rapport à la laïcité. Il y a une seule tête parce que je comprends que la structure... tu as des conseils
d'administration liés à des sociétés d'État, tu as des ministères liés à un
ministre. Et je veux juste que le message
soit uniforme, que la loi, elle est transversale, peu importe ta structure ou
ta tête. Parce que, là, on n'est pas
en langage business de l'État, la SQDC ou toutes les sociétés d'État que vous
avez énumérées. Mais j'ai une crainte
par rapport au message qu'on va envoyer à tous ces bras du gouvernement. Je ne
sais pas si le ministre saisit ma
question, hein? Probablement que je n'ai pas bien compris, mais juste clarifier votre vision par rapport à plusieurs têtes.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Dans toutes les lois, il y a
un ministre responsable de l'application de la loi. On va le voir plus tard à l'article 31. Présentement, c'est moi, le ministre
responsable de l'application de la loi en vertu du projet de loi, et donc c'est
le ministre responsable qui chapeaute l'application de la loi. Mais comment ça
se matérialise dans tous les organismes
visés, c'est la même chose que toutes les lois d'ordre public. Chacun des
organismes de l'État, qui sont l'État, sont
assujettis. C'est la... Ce n'est pas différent de toutes les lois québécoises
qui s'appliquent. Quand ils disent : Bien, voici les lois d'ordre
public, elles sont appliquées et respectées par tous les organismes. Exemple,
la Loi sur l'équité salariale. Bien, le
gouvernement est visé par ça, toutes les sociétés d'État sont visées, donc les
différents bras de l'État, comme dit le député de Nelligan, se
soumettent à cela.
M. Derraji : Je comprends la
logique derrière la politique de l'équité salariale. Et on peut même
questionner aujourd'hui, faire un barème de
l'application de la politique de l'équité salariale. Et, on le sait, c'est
toujours un combat, l'équité
salariale. Mais mon problème, c'est qu'on n'est pas au même sujet. Le sujet de
la laïcité, c'est un peu différent de
l'équité salariale. Je ne veux pas qu'une société x d'État ou une société y
d'État... qu'il y ait une différence de la mise en place de la laïcité,
mais, encore une fois, je suis à la recherche de la clarification.
Mais j'ai une
question beaucoup plus concrète. Au niveau des sociétés d'État, elles sont,
dans la majorité des cas, gérées par
des conseils d'administration, donc, si j'ai bien compris, que la politique de
la mise en place, si je peux dire, une
politique de la laïcité doit passer par les conseils d'administration. Est-ce
que c'est ça que le ministre voulait dire?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Les
organismes de gouvernance sont ceux qui sont imputables, ultimement.
M. Derraji : Oui. En bonne
gouvernance, je n'ai jamais entendu d'une politique de la laïcité. Est-ce que
le ministre va aller dans ce sens? Parce que
les politiques de gouvernance au niveau des sociétés d'État, qui va chapeauter
ça à l'intérieur de l'organisation, qui va s'assurer de la mise en place?
M. Jolin-Barrette : O.K. Écoutez, dans chaque organisation... chaque
organisation prend les mesures pour que la loi soit appliquée dans son organisation. Quand on est, là, un organisme
gouvernemental, il y a une loi qui est présente, bien, les moyens sont
pris pour qu'elle soit respectée, il y a une obligation de conformité à la loi.
Donc, les personnes concernées vont prendre les mesures pour s'assurer que la
loi soit respectée par l'ensemble de l'organisation.
L'État
québécois, là, n'est qu'un tout. La façon dont l'État s'exprime, je pourrais
dire, c'est par le biais de différents organismes,
de différentes lois, de différents pouvoirs qui sont dévolus, certains pouvoirs
qui sont délégués. Et là on vient circonscrire
l'application de la loi aux organismes gouvernementaux qui sont prévus à l'annexe I.
Donc, ces organismes-là, ils vont
intégrer la laïcité, la conformité à la laïcité, comme toutes les lois qui
touchent l'État québécois. C'est une loi qui fait en sorte que l'État et
les religions sont séparés, qui consacre ce principe. Et donc, dans toutes les
situations d'un organisme gouvernemental,
comme c'était le cas pour les institutions parlementaires, eh bien, la loi va
s'appliquer. Ce n'est pas différent,
là, de l'équité salariale, les normes du travail, les obligations, supposons,
en matière de reddition de comptes, en
matière de fiscalité. Vous savez, ça couvre... Lorsqu'il y a des normes à
respecter, le cadre normatif, il est là pour l'État québécois. Et on vient dire, dans la loi, qui est
l'État québécois. Au niveau des organismes gouvernementaux, on vient le
définir. Organismes gouvernementaux, pouvoir exécutif, on revient dans nos
trois branches, là, du pouvoir exécutif.
• (12 h 10) •
Le Président
(M. Bachand) : Merci. M. le député, oui, allez-y, s'il
vous plaît.
M. Derraji :
Oui. Merci, M. le Président. Je veux remercier le ministre pour les
clarifications. Et, toujours dans le but de me clarifier le parallèle que le
ministre fait avec la Loi sur l'équité salariale, il y a toujours des mesures,
et conditions, et balises, hein, de la
non-application d'une loi. Admettons le cas, l'équité salariale, il y a des
politiques. On voit même des sociétés
d'État. Après plusieurs années, il y a toujours ce combat d'atteindre un
certain équilibre. Pensons à la politique
sur l'accessibilité des minorités, d'avoir plus de handicapés, d'avoir plus
d'autochtones, d'avoir plus de diversité. Pensons à, oh! justement, l'équité salariale, respect des normes de
travail. Mais tout ça vient avec des balises, vient avec une feuille de
route.
Je comprends
le ministre quand il parle que les sociétés d'État, où les organismes, où les
têtes liées au gouvernement doivent
suivre la logique de l'implantation des lois comme ça se fait par rapport aux
autres lois. Mais ces lois viennent avec
des balises. Là, maintenant, ma question : C'est quoi, les balises de
l'implantation de la Loi sur la laïcité au sein des sociétés d'État? Parce qu'on ne va pas leur dire
demain : Écoutez, là, on va voter le 14 juin, la loi est appliquée.
Je lui souhaite le succès, M. le
ministre, le 14 juin. On est le 15 juin, c'est fait. Là, maintenant,
il faut passer à l'application, avec toutes
les procédures qui vont venir par la suite. Mais j'aimerais bien que le
ministre me parle des balises, des conditions et mesures parce que toute
loi vient avec ça.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien,
je suis heureux d'apprendre que la loi va être adoptée pour le 14 juin.
M. Derraji : On est là pour
vous aider, hein? Et on n'a jamais dit le contraire, M. le Président. Je n'ai
jamais entendu le contraire.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, M. le député de Nelligan. M le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Mais, M. le Président, j'ai compris un engagement
de la part du député de Nelligan que la loi allait être adoptée.
M. Derraji :
J'ai dit ma bonne volonté, M. le Président, à bonifier, à poser les bonnes
questions et d'avoir les bonnes réponses. On va avancer, croyez-moi.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bon, bien, M. le Président, je suis très heureux
de l'entendre de la bouche du député de Nelligan et je le prends à
témoin.
Alors, la
loi, elle est très claire, notamment relativement aux principes qui soutiennent
la laïcité, et donc, au moment de la
sanction de la loi, effectivement, tous les organismes publics vont se
conformer à la loi, les institutions gouvernementales.
J'aimerais
juste revenir sur la question de l'énumération. La députée de
Notre-Dame-de-Grâce, à l'époque où elle était ministre de la Justice et,
par la suite, ministre de l'Immigration, portait le projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration
gouvernementale et dans certains établissements. Et donc, pour parler de l'Administration gouvernementale, il y avait une
énumération, comme nous le faisons aussi dans le cadre du projet de loi n° 21.
M. Derraji : Mais il parle des
balises aussi.
M. Jolin-Barrette : Pardon?
M. Derraji : Vous avez dit «les
balises».
M. Jolin-Barrette : Non,
j'ai...
M. Derraji : Juste répéter la
phrase, parce que je ne l'ai pas bien entendue.
M. Jolin-Barrette :
Non, c'est le titre de la loi : loi établissant les balises encadrant les
accommodements raisonnables. C'est le titre de la loi, c'est le projet de loi n° 94.
Donc, dans le
cadre du projet de loi n° 94, pour répondre à la question de la députée de
Marguerite-Bourgeoys, effectivement, c'est la façon de procéder en termes
légistiques. Donc, voici deux exemples concrets de gouvernements
auxquels des collègues ont participé qui démontrent qu'on fait les choses dans
l'ordre.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de
Nelligan, s'il vous plaît.
M. Derraji :
Oui. Je reviens toujours à ma question, M. le Président, parce que ma question,
elle est claire : C'est que,
demain, le projet de loi, à l'étape de l'application, c'est quoi, le message
que le ministre va envoyer à l'ensemble de ses bras ou ses têtes du gouvernement par rapport aux mesures, aux
conditions et aux balises de l'application de la loi?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, la loi, elle est très claire, et
l'obligation de laïcité pour l'ensemble des organismes du gouvernement,
elle est très claire avec les quatre principes sur lesquels on a voté.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît...
M. Derraji : M. le Président...
Le Président
(M. Bachand) : Oui, M. le député de Nelligan, allez-y.
Allez-y, pas de problème.
M. Derraji :
La loi, elle est claire parce qu'on en parle ici, mais je ne pense pas que ça
va être très clair à l'extérieur du
parlement. Et le but, c'est s'assurer d'avoir le plus d'adhésion. Ma question,
encore une fois, pour être beaucoup plus clair... L'affirmation de la
laïcité de l'État s'illustre en quatre énoncés : «1. L'État du Québec est
laïque.
«2. La laïcité de l'État repose sur les
principes suivants :
«1° la séparation de l'État et des religions;
«2° la neutralité religieuse de l'État;
«3° l'égalité de tous les citoyens et
citoyennes; et
«4° la liberté de conscience et la liberté de
religion.»
Le ministre
aime toujours les exemples, et il a parlé, tout à l'heure, de la SQDC. Demain,
ils veulent la mise en place de la Loi sur la laïcité, ça va passer par un
conseil d'administration. Moi, ma question, là, c'est au niveau de l'applicabilité. Comment il la voit, la mise en
place de ça au niveau de ces sociétés d'État? C'est une question très précise
et claire.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Ça ne
couvre pas juste les sociétés d'État, M. le Président, ça couvre tous les organismes
énumérés à l'annexe I, aux paragraphes 1° à 10°. Alors, à partir du
moment où la loi sera adoptée, ce que je souhaite ardemment, et ce que de nombreux Québécois souhaitent et Québécoises
souhaitent, qu'on puisse adopter le projet
de loi n° 21 pour enfin inscrire la laïcité dans nos
lois pour que les institutions publiques en droit soient laïques, eh bien, le projet de loi trouvera application dès la journée de sa sanction.
M. Derraji :
M. le Président, je vais répéter, encore une fois, ma question : Je ne
parle pas uniquement des sociétés d'État, j'ai évoqué un exemple parmi d'autres parce que, comme le
ministre l'a dit, il y a plusieurs têtes qui travaillent avec le gouvernement, et des bras. Là, maintenant,
ce qui m'intéresse, c'est la branche des sociétés d'État plus précisément.
Le pourquoi est très simple. Je peux évoquer
plusieurs... La Caisse de dépôt... Il les connaît, le ministre. Ces organismes,
ils ont des conseils d'administration.
Pensons à Investissement Québec, il y en a pas mal. Donc, au niveau de la mise
en place de cette politique, toute
politique publique vient avec des balises et des conditions. Prenons le cas,
par exemple, le non-respect de la loi. C'est quoi, les conséquences? La
loi va venir avec quoi au niveau de la mise en place?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, le député...
Le Président
(M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, le député... il n'y a pas de marque sur ma banane, M. le
Président.
Le Président
(M. Bachand) : ...M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. On va le voir à l'article 12 du
projet de loi, notamment sur le fait que, là, à l'article 3, on dit, on définit quelles sont les
institutions gouvernementales, l'État, c'est quoi. Donc, le député de Nelligan
n'a pas à avoir d'inquiétude
au niveau de l'application de la loi. Elle s'appliquera dès le jour de la
sanction de la loi. Les organismes se conformeront
à la laïcité de l'État comme ils l'ont fait dans le cadre de la neutralité
religieuse de l'État, à l'époque, avec le projet de loi n° 62.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.
M. Derraji :
Ce qui est fabuleux et intéressant avec le ministre... Je vais faire un
exercice. Je vais demander à quelqu'un de me citer ou de
me chercher le nombre de fois que le ministre utilise comme référence la
loi n° 62. C'est énorme. C'est intéressant de l'entendre parler de la
loi n° 62 à chaque fois. Mais je vais revenir à...
M. Jolin-Barrette : ...M. le Président.
Le Président
(M. Bachand) : Oui, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Écoutez, je veux juste qu'on soit très
clair, on fait référence au projet de loi n° 62 notamment parce que nous, on croit, au
gouvernement, que les services publics doivent être donnés et reçus à visage
découvert, ce que prévoyait le projet
de loi n° 62. Mais la cour a suspendu l'application de la loi, et nous, on
pense que c'est important qu'au
Québec les personnes qui donnent les services publics et les personnes qui les
reçoivent le fassent à visage découvert. Je pense, c'est la base. Et, à cause du projet de loi n° 21, la
disposition va trouver application, et ça, c'est une illustration
concrète qu'il revient aux parlementaires de décider comment s'organisent les
rapports entre l'État et les religions.
Alors,
oui, je fais référence au projet de loi n° 62 pour certaines parties.
J'incorpore la neutralité religieuse de l'État à
l'intérieur de la définition sur la laïcité, ce à quoi les parlementaires du
Parti libéral sont d'accord.
Par
contre, j'amène des modifications, des bonifications au projet de loi
n° 62 parce que je n'ai pas eu le bonheur de les apporter, M. le Président, parce que je
n'étais pas en étude détaillée avec la ministre de la Justice de l'époque sur
le projet de loi n° 62. Cela étant dit, on importe des
bonifications aux concepts qui avaient été édictés dans la loi n° 62,
effectivement.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.
• (12 h 20) •
M. Derraji :
Parlant de bonifications, M. le Président, il n'a pas non plus repris la charte
de laïcité de la députée de Montarville, comme quoi tout
est bonifiable, M. le Président.
Je
vais revenir à ma question. Est-ce que les ministères vont avoir des guides,
des lignes directrices? Toute stratégie gouvernementale est accompagnée par des guides ou
des lignes directrices. Donc, est-ce que, dans le pipeline de ce qui s'en vient, de l'application de la loi... Notre
question, c'est plus par rapport à la mise en place de la politique et de la Loi
sur la laïcité. Donc, c'est autour de
ça que ma question tourne depuis tout à l'heure, et je cherche à ce que M.
le ministre nous rassure. Et c'est pour cela, j'ai évoqué les
sociétés d'État comme exemple. J'espère que le ministre va juste nous
rassurer par rapport à la mise en application ou à l'application de
cette stratégie gouvernementale.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. M.
le Président, le député de Nelligan
peut dormir sur ses deux oreilles, je le rassure, l'application de la loi se fera. Et il s'agit
d'une loi, pas d'une stratégie gouvernementale, il s'agit d'une loi. Alors, l'ensemble des
intervenants gouvernementaux vont se conformer à l'application de la loi.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député de Nelligan.
M. Derraji : Oui, je comprends bien que c'est une loi, mais
pas une loi comme les autres lois. On parle d'une loi très importante, même le ministre
le dit, le dit que c'est une loi très importante, nous sommes tous d'accord.
C'est très important, la laïcité
de l'État. Et je ne pense pas que les ministères ou les organismes et les sociétés d'État n'ont
pas besoin d'une ligne directrice
claire. Encore une fois, c'est la clarté que je cherche, la clarté du message
pour qu'on s'assure tous de la mise en place des énoncés et des
principes tels qu'énoncés au chapitre I, à l'article 1.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, la loi, elle est très
claire, l'État du Québec, il est laïc. Alors, ça ne peut pas être plus clair que ça. Et les organismes visés
sont laïcs aussi à partir du moment de la sanction de la loi. Et c'est un peu ironique, M.
le Président, parce que, durant tout
ce débat-là sur la laïcité de l'État, souvent, le Parti libéral me dit : On n'a pas
besoin de loi, M. le Président, parce que l'État québécois, il est déjà laïque,
c'est déjà la laïcité. La députée de Bourassa-Sauvé l'a
abondamment dit. Alors, les organismes savent déjà qu'est-ce que la laïcité,
selon la députée de Bourassa-Sauvé. Alors, il ne devrait pas y avoir de
problème d'application. J'invite la députée de Bourassa-Sauvé à rassurer son collègue de Nelligan
pour faire en sorte qu'il soit rassuré parce que, M. le Président, la pire chose qui peut arriver, puis ce n'est pas bon pour le
stress, c'est d'être inquiet, M. le Président.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Puis la pire chose qui peut arriver, c'est le
stress, hein? Pour la santé, ce n'est pas bon, puis je ne veux pas que ça arrive au député de Nelligan,
M. le Président. Alors, je me soucie
de sa santé. Alors, j'invite vraiment la
députée de Bourassa-Sauvé à prendre soin de son collègue. Honnêtement, il faut
pouvoir, tous ensemble, revenir en forme
au mois de septembre pour une autre session parlementaire. Donc, je veux que le
député de Nelligan soit rassuré sur
l'application de la loi, surtout, M. le Président, qu'il nous a confirmé que la
loi allait être adoptée d'ici le 14 juin. Donc, je ne veux pas
qu'il pense à ça tout l'été, M. le Président, je veux qu'il puisse partir la
tête tranquille.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député, s'il
vous plaît.
M. Derraji :
Merci, M. le Président, et je remercie le ministre de penser à ma santé. Moi
aussi, je pense à sa santé. C'est
pour cela, je lui dis : Écoute, nous sommes là pour bonifier, mais encore
une fois ce n'est pas à moi qu'il doit envoyer le message. Moi, je joue mon rôle en posant des questions pour lui
donner l'occasion de clarifier, mais ce n'est pas juste à moi, il s'adresse, il s'adresse à plusieurs
personnes, des milliers, y compris les sociétés d'État. Et je tiens à le
rassurer, par rapport à ma collègue,
que nous sommes une équipe forte, et on travaille en collaboration. Il n'a pas
besoin de lui demander de me
rassurer. C'est lui, le ministre de l'Immigration, et ce n'est pas une
assurance personnelle, c'est plus rassurer les organismes qui vont,
demain, s'occuper de la mise en place de la loi, M. le ministre. C'est ça, ma
question.
M. le ministre, M. le Président, il le sait très
bien, toute loi vient avec des balises, avec des guides, avec des conditions sur le non-respect, par exemple, sur
des procédures de la mise en place. Si le ministre, en date d'aujourd'hui,
n'a pas encore de guide d'accompagnement qui
va accompagner les organismes, il peut le dire, ce n'est pas grave, ça va venir
après, mais c'est juste qu'il dit comment il compte mettre en place sa loi. Je
comprends que tout organisme qui fait affaire avec l'État ou fait partie
d'un bras de l'État va être assujetti à la loi, mais c'est le comment, encore
une fois.
Donc, il a
l'occasion de nous rassurer, mais pas de me rassurer, de nous rassurer. Mais je
comprends. S'il ne veut pas aller dans ce sens, je n'ai pas de problème,
mes collègues ont d'autres questions. Mais la question
reste là, M. le Président. On veut bien aller plus vite qu'on le souhaite.
C'est ça, notre souhait, tous, en tant que parlementaires, c'est de
bonifier la loi. C'est lui qui détient
la clé, de nous répondre, de clarifier, hein? C'est ça, le rôle. C'est votre projet de loi, M. le ministre. C'est votre projet de loi. C'est le projet de loi de votre gouvernement. S'il y
a quelqu'un aujourd'hui qui doit répondre plus clair que clair, c'est vous. Il n'y a pas
quelqu'un qui maîtrise la loi que vous et votre équipe.
Donc, si, en
date d'aujourd'hui, votre réponse est la suivante : La loi va
passer, les organismes doivent l'appliquer, c'est bon, c'est ça, la réponse que j'ai. Le comment, l'accompagnement, les guides, les lignes directrices, je n'ai pas eu de réponse. C'est ce que je comprends. C'est ce que
je conclus, M. le Président. Donc, si ce n'est pas ça que j'ai conclu, le
ministre peut me répondre. Si c'est ça, la conclusion, ce n'est pas grave. Je
pense que j'ai compris le message.
Le
Président (M. Bachand) :
Interventions? Ça va? Intervention, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Oui. Le ministre
parlait tout à l'heure de circonscrire l'application de la loi. Il nous disait comment c'était important, etc., et c'est tout à fait juste. Comme je le disais tout
à l'heure pour l'alinéa 1°, ça
aurait été bien, de spécifier exactement. Mais, bon, on en était à une
autre conclusion.
Mais pour ce
qui est du deuxième alinéa, donc, on veut bien circonscrire l'application de la loi. J'essaie juste de comprendre. On parle d'institutions
gouvernementales, puis le ministre disait «tous les organismes publics». Est-ce
qu'«institutions gouvernementales» égale «organismes publics»?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Les
institutions gouvernementales auxquelles je fais référence, ce sont celles
prévues à l'annexe II, les paragraphes 1° à 10°.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : O.K. Est-ce
que pour...
Le Président
(M. Bachand) : Excusez-moi. Allez-y. Allez-y, M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette :
Annexe I, paragraphes 1° à 10°.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Bien, pour comprendre l'esprit, là, pourquoi ils sont là, est-ce qu'il y en a...
Est-ce qu'il y a des organismes, des institutions gouvernementales, qui sont
des institutions gouvernementales qui ne seraient pas identifiées dans
les paragraphes 1° à 10° de l'annexe I?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Les institutions gouvernementales qui sont visées
sont celles prévues aux paragraphes 1° à 10° de la loi.
Mme Robitaille : Et,
juste pour comprendre, est-ce qu'il y en a qui ne seraient pas dans l'annexe
qui seraient quand même des institutions gouvernementales ou si c'est
vraiment exhaustif, là, l'annexe I?
M. Jolin-Barrette : Pour nous, les institutions gouvernementales que
nous souhaitons qu'elles soient visées par le projet de loi n° 21,
ce sont celles prévues à l'article... aux paragraphes 1° à 10° de
l'annexe II.
Mme Robitaille :
Mais est-ce qu'il en a, des institutions gouvernementales qui ne seraient pas
là-dedans, justement? Comme ça, ça nous ferait comprendre pourquoi il y en a
qui sont là puis d'autres qui ne sont pas là.
M. Jolin-Barrette : Je donne un exemple à la collègue de
Bourassa-Sauvé. Les paragraphes 11° à 13°, ce ne sont pas des
institutions gouvernementales. C'est les centres de la petite enfance, les
établissements agréés aux fins de subvention
en vertu de la Loi sur l'enseignement privé et les institutions dont le régime
d'enseignement est l'objet d'une entente internationale au sens de la
Loi sur le ministère des Relations internationales, les établissements privés
et conventionnés, les ressources
intermédiaires, les ressources de type familial visées par la Loi sur les
services de santé et services sociaux.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée.
Mme Robitaille :
Merci beaucoup de la précision. Mais, quand même, là, est-ce qu'il y en a...
est-ce qu'il y a des organismes gouvernementaux
ou des institutions gouvernementales qui ne seraient pas dans toute cette
nomenclature?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, on couvre l'ensemble du service
public, du domaine public gouvernemental au sens large.
Mme Robitaille :
Donc, j'en conviens, qu'on se veut totalement exhaustif, là, dans les
paragraphes 1° à
13°, c'est ça ?
M. Jolin-Barrette : 1° à 10°.
• (12 h 30) •
Mme Robitaille : Oui, oui, mais c'est parce
qu'en plus vous continuez jusqu'à 13°. Je comprends que 11°,
12°, 13°
sont exclus. Mais est-ce que, de 1° à 13°, on répertorie toutes les institutions gouvernementales?
M. Jolin-Barrette :
Oui. Il faut être clair.
Mme Robitaille :
1° à 10°, c'est gouvernemental, puis après ça, ça ne l'est plus?
M. Jolin-Barrette :
C'est ça.
Mme Robitaille :
Mais 11°, c'est ça, c'est des CPE.
M. Jolin-Barrette :
Ce n'est pas gouvernemental, les CPE.
Mme Robitaille :
Ce n'est pas gouvernemental.
M. Jolin-Barrette :
Dans le fond, là, M. le Président, lorsqu'on lit, là, l'article 3 du projet de
loi n° 21, 3, paragraphe b... non, 3.2° :
«"Institutions gouvernementales" : les organismes énumérés aux
paragraphes 1° à 10° de l'annexe I.»
Donc, 11°, 12° et 13° de l'annexe I ne sont pas des institutions
gouvernementales.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée.
Mme Robitaille :
Oui. Bien, ça revient à la question que je posais. Donc, de 1° à 10°, c'est les
institutions gouvernementales visées. Mais
est-ce qu'il y a des organisations, des institutions gouvernementales qui ne
sont pas visées par le projet de loi? Ce n'est pas 11° à 13° puisque ce
n'est pas des organisations gouvernementales.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Non. Les institutions gouvernementales visées
sont celles prévues, 1° à 10°. Et on reprend quasi intégralement l'article 8 de
la loi n° 62 pour les articles gouvernementaux qui sont
visés.
Mme Robitaille :
Donc, 1° à 10°, c'est exhaustif, là, selon le ministre, de toutes les
institutions gouvernementales.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : J'ai fait une erreur. L'article 8, ça vise 11°
à... L'article 8 de la loi n° 62, c'est 11° à 13° de la loi, tandis que les organismes gouvernementaux
visés dans la loi n° 62 sont les mêmes que nous, on vise, mais on a
ajouté les compagnies à fonds social, comme je l'expliquais à la députée de
Marguerite-Bourgeoys tout à l'heure.
Mme Robitaille :
Mais ma question est simple. Est-ce qu'on doit comprendre que, de 1° à 10°,
c'est exhaustivement toutes les
institutions gouvernementales ou on se garde une petite gêne quelque part? Mais
1° à 10°, c'est exhaustif, c'est toutes les organisations, toutes les
institutions gouvernementales?
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je pense être clair, là,
les institutions gouvernementales que l'on vise sont celles prévues à 1° à 10°. Si la députée de Bourassa-Sauvé pense à
un organisme qu'elle considère comme gouvernemental et qui n'est pas
visé par la loi, elle peut me le mentionner, on va faire les vérifications.
Mme Robitaille :
Justement, c'est ma question. Je veux dire, le ministre dit : C'est les
organismes qui sont visés par la loi. Ma question, c'est : Est-ce
qu'il y en a qui ne sont pas visés par la loi?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : S'ils
n'étaient pas visés, ils seraient non gouvernementaux.
Mme Robitaille :
Donc, j'en conclus que tous les organismes gouvernementaux sont répertoriés de
1° à 10°, là, de l'annexe I.
M. Jolin-Barrette : On couvre les organismes gouvernementaux dans le
sens large. Donc, quand on parle d'organismes gouvernementaux, là, c'est
l'État, hein, l'État dans son rôle du pouvoir exécutif.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il
vous plaît.
Mme David :
Je vais peut-être aller plus précisément par une sous-question de ma collègue
dans un domaine que je connais un peu mieux.
Le paragraphe 7° de ladite annexe,
il y a... Et je l'ai sous les yeux, cette fameuse Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, 1° à 11°,
et donc vous avez l'Université Bishop's, l'Institution royale pour l'avancement
des sciences — vous savez c'est quoi, ça, c'est McGill, mais on ne sait pas que le nom
officiel, c'est l'Institution royale pour l'avancement des sciences — l'École polytechnique, Concordia, etc., ce qu'on appelle les universités
à charte la plupart du
temps, plus, évidemment... Je comprends, pour les universités dans le périmètre
gouvernemental, c'est... Mais les
universités à charte sont donc soumises, et ce sont des universités à charte,
donc avec à la fois une subvention privée puis des frais de scolarité, et tout ça, comme les universités,
d'ailleurs, dans le périmètre, mais ils ont des chartes différentes.
Alors,
quand je regarde la Loi sur les collèges d'enseignement général et
professionnel, ça va, c'est clair que c'est une subvention
à 100 % ou pratiquement... de la subvention pour les cégeps. Mais
il existe aussi des collèges privés subventionnés
qui ne sont pas soumis puisqu'ils ne sont pas là, je pense, collège
André-Grasset. Je parle vraiment collège, pas au niveau secondaire. C'est très... Il y a de la confusion souvent.
Je parle des collèges qui donnent des...
au niveau collégial, qui sont privés
subventionnés, qui ne sont pas là. Alors, c'est quoi, la différence entre un
collège privé subventionné à la
Jean-de-Brébeuf, Grasset ou d'autres, Mérici, etc., versus une université à
charte qui, elle, est là? Donc, j'essaie
de voir le rationnel. Pourquoi les universités à charte sont soumises, et
dites, et énumérées, et pas les collèges privés subventionnés, qui
n'auront pas besoin, donc, d'avoir la laïcité sous leur gouverne?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Donc, première partie de réponse. Donc, les
universités à charte, comme l'Université de Sherbrooke, Bishop's,
McGill, Concordia ou Laval, sont visées à 7°, hein, à cause de l'article 1 de
la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire. Pour ce
qui est du cégep, vous faisiez référence au collège André-Grasset.
Mme David : Oui, un collège
privé subventionné.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Laissez-moi quelques instants, je vais faire la vérification.
Le Président
(M. Bachand) : On va suspendre quelques instants? Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
(Reprise à 12 h 45)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît!
La commission reprend ses travaux. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette :
Oui, M. le Président. J'ai fait des vérifications parce que c'était une bonne
question de la députée de
Marguerite-Bourgeoys, et notamment sur des cas précis comme André-Grasset ou
Brébeuf. Et donc, non, les établissements collégiaux privés ne sont pas
visés par la laïcité de l'État, comme c'était le cas au niveau du projet de loi n° 62 aussi. Donc, les universités, oui,
elles sont visées. Elles étaient visées par le devoir de neutralité religieuse
de l'État. Mais les collèges
d'enseignement privé ne sont pas visés, donc Grasset, Brébeuf et les autres
collèges. C'est ça.
Mme David : LaSalle, Teccart.
Il y en a une liste longue comme ça.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Mme David :
Donc, c'est exactement la conclusion à laquelle j'en arrivais au
paragraphe 7°. La réponse, c'est : Non, ils ne sont pas visés. Mais encore? Pourquoi, alors, viser la Loi
sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, d'autant plus que les 11 qui sont là, ce sont des chartes
qui les gouvernent, ce ne sont pas... L'UQAM n'est pas là. Le réseau UQ n'est
pas là. Donc, ça veut dire que McGill va se demander, ou l'Université
Laval : Pourquoi moi et pas le
collège LaSalle ou le collège Teccart, qui a autant de subventions que moi ou
aussi peu que moi? En tout cas, c'est une question juste d'adéquation
entre les deux réseaux. Quelle a été la réflexion pour inclure un et pas
l'autre?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : O.K. Dans un premier temps, juste pour une
question de... je veux apporter une spécification à ce que la collègue de Marguerite-Bourgeoys a
dit. L'UQAM, mais en fait le réseau des universités du Québec, UQAM,
UQTR, UQAT, l'Université du Québec à Chicoutimi, j'en oublie...
Mme David : INRS.
M. Jolin-Barrette : ...INRS,
tout ça...
Mme David :
Ce n'est pas un examen que je vous fais faire, là, mais c'est ceux qui sont
prévus ailleurs, eux autres, parce qu'ils sont dans le périmètre. C'est
ça que j'attends comme réponse, là.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, au moins, j'en ai fréquenté une de
celles-là. Je suis allé à l'ENAP. Ça fait que ça, c'est bon. Vous savez, moi, j'ai fait des deux côtés, je suis allé à
charte privée et aussi à l'Université de Montréal, même. Alors, il y a
plus de choses qui nous...
Mme David : ...dans la même
voiture que celle qui nous divise.
M. Jolin-Barrette : Exactement, exactement. Je pense qu'on va finir
par embarquer ensemble pour faire Québec-Montréal. On va régler le
projet de loi comme ça.
Mme David : Je connais la
voiture, en plus.
M. Jolin-Barrette : Bon, bien,
c'est bien, ça, mais la semaine prochaine, par exemple.
Mme David : Et le garde du
corps.
M. Jolin-Barrette : La semaine
prochaine.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Bien, ce
n'est pas sa semaine. Vous savez, M. le Président, on est en garde partagée.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, oui, j'y vais, là. M. le Président,
dans le fond, là, lorsqu'on parle, là, de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau
universitaire, le réseau UQ, il est visé à l'article 1, paragraphe
9° : «L'Université du Québec et ses universités constituantes.» Donc,
toutes les universités du Québec sont visées par la Loi sur la laïcité. Et donc toutes ces universités-là étaient aussi
visées par le devoir de neutralité religieuse de l'État. Donc, notamment par
souci de cohérence, la laïcité s'applique à
l'ensemble de ces universités-là, et les collèges d'enseignement n'étaient pas
visés, les collèges d'enseignement privés.
Mme David : J'entends très
bien. Puis je ne vous ai même pas posé la question pour le réseau UQ tellement j'étais convaincue que, quelque part, il était là.
Alors, je ne suis pas étonnée de ça, et c'est normal. C'est normal aussi,
si vous voulez mon humble opinion, et je ne
contesterai jamais, que vous mettiez les établissements d'enseignement de
niveau universitaire, tel que prévu par la
loi, articles 1° à 11°. Pour moi, si on ne met pas ces institutions-là
comme étant soumises
aux grandes balises de la laïcité, bien, on serait passés à côté, quand même,
d'un corps constituant de notre société très important.
Alors, je ne
vous demande pas de réponse maintenant, mais est-ce que la nuit pourrait porter
conseil sur peut-être le fait
d'inclure des collèges privés subventionnés? Il y en a qui sont entièrement
privés. Je vais vous donner un exemple, là : des écoles de pilotage. Il y en a une à Saint-Hubert. Il y a
beaucoup d'écoles de pilotage. Ça coûte très cher, faire un cours de pilotage. Je comprendrais que vous
disiez : Ils sont vraiment privés, privés, privés. Il y a des programmes
privés en hygiène dentaire,
techniques d'hygiène dentaire, ça coûte très cher, puis, malheureusement, des
fois... En tout cas, je n'irai pas
dans ce domaine-là. Mais donc je pourrais comprendre. Mais, quand ce sont des
collèges qui sont subventionnés, dont
les programmes sont approuvés ou désapprouvés s'ils ne suivent pas le programme
d'études collégiales... Donc, ils sont très suivis par le ministère de
l'Enseignement supérieur.
Alors, c'est
une question. Je n'en ferai pas une... Ça ne me stressera pas, puis je vais
bien dormir, mais j'aurais trouvé ça intéressant qu'on y réfère en même temps
que la loi sur les établissements universitaires. Je vous laisse ça en
délibéré dans votre tête, si vous voulez, avec vos gens. Je n'irai pas plus
loin que ça pour l'instant.
• (12 h 50) •
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vais le prendre en délibéré puis je vais poursuivre ma réflexion.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Par mesure de précision, au paragraphe 8°, c'est des hôpitaux, là : «Les
établissements publics visés par la
Loi sur les services de santé et les services sociaux, [mais] à l'exception des
établissements publics visés aux [paragraphes] IV.1
et IV.3 de cette loi...» C'est quoi, l'exception? C'est quels établissements
qui ne sont pas touchés par la loi?
M. Jolin-Barrette : Ceux qui sont à la partie IV.1 de la Loi sur
les services de santé et de services sociaux. C'est le Centre de santé
Tulattavik de l'Ungava, le Centre de santé Inuulitsivik aussi et le CLSC
Naskapi.
Mme Robitaille :
C'est en lien avec l'exception que vous faites, là, au paragraphe 5°,
justement, sur les villages cris, puis les villages inuits, et tout ça.
M. Jolin-Barrette : C'est ça. Puis aussi ce qui est exclu, c'est la
Régie régionale de la santé et des services sociaux Nunavik et le
Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James.
Mme Robitaille :
Et donc ça continue. Les groupes d'approvisionnement en commun, là, ça, c'est
inclus dans l'annexe I, hein, c'est ça? Dans la loi, CHSLD, tout ça,
c'est bien inclus?
M. Jolin-Barrette : Les CHSLD,
les CLSC, c'est dans la Loi sur les services de santé et de services sociaux.
Mme Robitaille :
Et puis «les centres de communication santé visés par la Loi sur les services
préhospitaliers d'urgence», ça, c'est
inclus aussi? Je veux juste essayer de... Ça, c'est inclus, là? Ça, ça ne fait
pas partie de l'exception ou ça fait partie de l'exception?
Le Président
(M. Bachand) : ...répéter votre question, Mme la députée,
s'il vous plaît? Merci.
Mme Robitaille :
Oui. Alors, il dit : À l'exception des établissements publics visés aux
parties IV, là, de cette loi. Et,
j'imagine, l'exception, c'est aussi : «...les groupes d'approvisionnement
en commun visés à l'article [435] de cette [...] loi et — encore
exception — les
centres de communication santé visés par la Loi sur les services
préhospitaliers d'urgence.» Donc, ça, c'est les trois exceptions, si je
comprends bien. Non?
M. Jolin-Barrette : Non. Dans le fond, ils sont inclus. Quand on lit
la loi, là, paragraphe 8° de l'annexe I : «Les établissements publics visés par la Loi sur les
services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) — donc, tout ce qui est dans la Loi sur les services de santé et les services
sociaux — à
l'exception des établissements publics visés aux parties IV.1 et IV.3 de
cette loi...» Ça fait que c'est juste ça, l'exception. Après ça : «...les
groupes d'approvisionnement en commun
visés à l'article 435.1 de cette [...] loi et les centres de communication
[de] santé visés par la Loi sur les services préhospitaliers d'urgence (chapitre S-6.2).» Donc, ça, c'est inclus
comme les établissements publics visés. Donc, l'exception est juste
entre les deux virgules.
Dans vos
groupes d'approvisionnement, là, en commun, là, c'est le Groupe
d'approvisionnement en commun de l'Est du Québec, le Groupe
d'approvisionnement en commun de l'Ouest du Québec, Sigma santé. Et les centres
de communication de santé visés par la Loi
sur les services préhospitaliers d'urgence, c'est la centrale des appels
d'urgence des régions de l'Est du
Québec, le centre de communication de santé de l'Abitibi-Témiscamingue, le
Centre de communication de santé de la
Mauricie et du Centre-du-Québec, le Centre de communication de santé de l'Outaouais, le Centre de
communication de santé des Capitales, Centre de communication santé
Estrie, Corporation des partenaires pour les communications
santé des Laurentides et Lanaudière, Centre de communication santé
d'Urgences-Santé, Groupe Alerte Santé inc., donc, qui sont visés.
Mme Robitaille : Juste aussi par mesure de précision, les écoles
cries, les écoles inuites, commission
scolaire Kativik, par exemple, est-ce que... Bien, je vois, là, au
paragraphe 5°, que les communautés autochtones sont... les municipalités ou les communautés, bien, en tout cas, sont exclues de la loi. Vous
dites : «...à l'exception des municipalités régies par la Loi sur les villages cris
et le village naskapi ou par la Loi sur les villages nordiques et
l'Administration régionale Kativik.» Ça, c'est le paragraphe 5°. Ça, j'imagine,
ça... Est-ce que ça inclut les écoles aussi?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Les
commissions scolaires sont incluses dans les organismes gouvernementaux, sauf deux commissions scolaires, les commissions
scolaires cries et la commission scolaire Kativik. Donc, ça, c'est au
paragraphe 7°. Elles sont exclues. Donc, les écoles font partie des
commissions scolaires, donc, par... pas par analogie, là...
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : ...oui, par
logique.
Mme Robitaille :
...exceptions au paragraphe 7°. C'est peut-être juste moi qui ne le vois pas,
là. Est-ce que c'est moi qui ne le vois pas?
M. Jolin-Barrette : En fait,
dans l'article 7, là, on dit «les commissions scolaires», O.K.? Les commissions
scolaires, c'est les commissions scolaires linguistiques qui sont visées. La
commission scolaire crie et la commission scolaire
Kativik, il y a des lois particulières pour celles-ci. Ce n'est pas la loi
générale qui couvre les commissions scolaires anglophones et
francophones.
Et, tout à
l'heure, je disais, M. le Président, exemple, pour la commission scolaire du
Littoral, on l'a nommément rajoutée parce qu'elle n'est pas couverte par la loi
générale sur les commissions scolaires. Mais Kativik et commission scolaire crie, c'est deux autres lois distinctes,
et on ne vient pas les nommer dans «organismes gouvernementaux». Donc,
puisqu'ils ne sont pas nommés, ils ne sont pas inclus.
Mme Robitaille :
C'est un exemple de tantôt, là. Quand je vous demandais une institution
gouvernementale qui n'était pas incluse dans la liste, pour ça, c'est un
exemple, par exemple.
M. Jolin-Barrette : Je vous
dirais, ça relève des nations autochtones.
Mme Robitaille : Oui, c'est ça.
M. Jolin-Barrette : Donc, c'est
ça.
Mme Robitaille :
Merci. Alors, ce matin, on lit, c'est dans Le Journal de Montréal
suite à notre discussion d'hier sur les crucifix, que la collègue du
ministre, la ministre de la Justice, là, fait volte-face et qu'on dit... Bien,
je lis, là, la manchette de l'article :
«Volte-face de la part du gouvernement Legault — hein, de la CAQ — qui retirera les crucifix des salles d'audience des palais de justice.» Ça,
c'est l'article. Est-ce que le ministre pense qu'on doit faire... bien,
j'imagine qu'on doit faire le même
raisonnement avec tous les organismes cités à l'alinéa 2°, c'est-à-dire qu'il
faut retirer les symboles religieux pour respecter la neutralité de
l'État, en tout cas, la laïcité telle que définie dans la loi.
Le Président
(M. Bachand) : Très rapidement, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, deux éléments, M. le Président.
Premièrement, on nomme le premier ministre par son titre ou député de
L'Assomption.
Mme Robitaille : Mais je citais
l'article.
M. Jolin-Barrette : Bien, vous
n'avez pas le droit de faire ça quand même en vertu du règlement.
Le Président
(M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre, s'il vous plaît.
Des voix : ...
M. Jolin-Barrette : Pardon?
Une voix : Vous présidez, M.
le ministre?
M. Jolin-Barrette : Bien non,
mais c'est l'application du règlement. Je pense que c'est important.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre, si vous voulez continuer
rapidement. Merci.
M. Jolin-Barrette : Oui. Sur la question posée, pouvez-vous répéter?
Parce que la députée de Maurice-Richard
m'a un peu dérangé, puis j'ai perdu le fil.
Le
Président (M. Bachand) :
Alors donc, on va profiter... Compte tenu de l'heure, on va prendre un petit
temps d'arrêt.
On va suspendre les travaux et on se retrouve à
15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 1)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bienvenue à tous. La Commission des
institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes, bien sûr, dans
la salle de bien éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Je vous
rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du
projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État.
Lors de la
suspension de nos travaux, ce matin, les discussions portaient sur
l'article 3. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Robitaille :
Oui. On avait terminé sur un article du Journal de Montréal qui nous
annonçait ce matin que la ministre de
la Justice était revenue sur les positions traditionnelles de son parti et
qu'on allait retirer les crucifix des palais de justice. C'était la nouvelle,
et moi, je me... Alors, ça, c'est suite, évidemment, au questionnement qu'on a
eu hier et la réponse du ministre. Alors, j'aimerais avoir le
commentaire du ministre relativement à cet article-là.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre, si vous avez un
commentaire.
M. Jolin-Barrette : Bien, je n'ai pas de commentaire sur un article
de journal. Moi, je suis sur l'article 3, que je souhaiterais
qu'on adopte.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Oui. Alors donc, si la ministre de la Justice, suite aux propos du ministre de
l'Immigration et responsable de ce projet de loi, en a conclu qu'il fallait
retirer les crucifix des salles de justice, est-ce qu'on devrait en venir à la même conclusion, on devrait faire la
même chose pour ce qui est de tous les organismes qui sont répertoriés à
l'annexe I?
Le Président
(M. Bachand) : Intervention, M. le ministre?
M. Jolin-Barrette : M. le Président, l'article 3, que nous
étudions présentement, ne parle pas de retirer des signes religieux. On
parle que «la laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les
institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les
principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.»
Mme Robitaille :
Justement, «en fait et en apparence», ça veut dire quoi, en pratique? C'est
quoi, la portée pratique de tout ça pour les organismes qui sont cités à
l'annexe I?
M. Jolin-Barrette : C'est de
respecter les principes qui sont énoncés à l'article 2 de la loi, comme on
a eu la discussion hier, toute la journée.
Mme Robitaille :
Oui, mais, justement, on est ici pour répondre aux questions des citoyens pour
savoir c'est quoi, la portée
pratico-pratique de tel ou tel article. Je pense que les gens veulent savoir
qu'est-ce que ça veut dire. Est-ce que ça veut dire... Là, suite à nos discussions, la ministre de la Justice a
décidé qu'il était bon, à la lumière de ce qui est la laïcité, de
retirer les crucifix des palais de justice. Hier, le ministre en a parlé.
Est-ce qu'on
doit en venir à la même conclusion — j'imagine que oui — pour toutes les institutions gouvernementales
qui sont citées à l'annexe I?
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Interventions?
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, j'ai déjà répondu à ces questions-là hier.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Madame...
Mme Robitaille :
Alors, j'en conclus qu'il faudrait que le gouvernement retire tous les signes
religieux des lieux de ces
institutions-là, des lieux de ces institutions gouvernementales là, les
crucifix, et tout ça. C'est ce que le
ministre dit.
Le Président (M. Bachand) :
Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, ce que j'ai dit, c'était que la
laïcité s'appliquait aux organismes
gouvernementaux prévus à l'annexe I. Pour ce qui est de
la question des signes religieux, comme je l'ai mentionné hier, c'est l'article 16
qui s'applique, et on en discutera à l'article 16.
Mme Robitaille : Si, sur les murs, on doit retirer les croix, alors
j'imagine — sur
les murs des palais de justice — donc, sur les murs des
hôpitaux, on doit faire la même chose.
Le
Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, comme je le disais à
l'instant, c'est l'article 16 qui prévoit les dispositions associées aux propos de la collègue de Bourassa-Sauvé, et il me
fera plaisir d'en discuter à l'article 16.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.
Mme Montpetit : Merci, M.
le Président. Le ministre
fait référence à la laïcité, puis je veux juste être certaine de comprendre, ici. Dans un premier temps, au niveau de l'annexe I, je comprends que ça ne comprend pas l'Assemblée nationale.
M. Jolin-Barrette : L'Assemblée
nationale est visée au paragraphe 1°,
dans le fond... paragraphe 1°, article 3
de la loi, paragraphe 1°, institutions parlementaires : l'Assemblée
nationale. Au paragraphe 2°, qui réfère à l'annexe I, aux paragraphes 1° à 10°, ça
couvre les institutions gouvernementales. Donc, l'Assemblée nationale n'est pas
une institution gouvernementale. Elle ne fait pas partie du pouvoir exécutif, elle fait partie du
pouvoir législatif, donc, dans le paragraphe 1°.
Mme Montpetit : Parfait. Donc, juste pour bien vous suivre, en
vertu de la séparation de votre... la définition que vous émettez sur la laïcité de l'État, si, par exemple, quelqu'un faisait une demande à l'Assemblée nationale pour avoir un lieu de prière, est-ce que c'est quelque chose qui
serait possible?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, on est dans les demandes
d'accommodement, on n'est pas dans la laïcité de l'État.
Donc, c'est un autre dossier.
Mme Montpetit :
Ça vous apparaît un accommodement?
M. Jolin-Barrette :
C'est un autre dossier.
Mme Montpetit : Donc, est-ce
que, dans la liste qui se trouve à
l'annexe I, les organismes qui sont cités, est-ce que, dans ces endroits-là... est-ce que,
s'il y avait une demande pour avoir une salle de prière, par exemple, ou un lieu de culte... est-ce que ce serait possible?
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, le projet de loi parle de la laïcité de l'État, des institutions. Ce que la collègue de Maurice-Richard demande, c'est une question qui porte sur les accommodements religieux, qui ne sont pas visés par le projet de loi, à l'exception de l'absence d'accommodement
pour la neutralité religieuse de l'État ainsi que les services publics donnés et reçus à visage découvert. Donc,
le projet de loi porte sur la laïcité de l'État et non pas sur les
accommodements.
Mme Montpetit : Bien, dans la définition, la laïcité
de l'État, là, elle repose bien sur un des principes qui
est la séparation de l'État
et des religions. Jusqu'à maintenant, on parlait de neutralité religieuse. Donc,
j'essaie... de neutralité de l'État. Là, on parle de laïcité de l'État. Donc,
je pense que c'est important qu'on puisse venir au fond de ces questions-là.
Donc, je veux bien comprendre ce qu'on
entend pour la liste des organismes qui sont à l'annexe I. Qu'est-ce qu'on
entend par séparation de l'État et
des religions? Est-ce qu'il est possible d'avoir un lieu de prière dans un des
organismes qui est listé en annexe I?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
Mme Montpetit :
Est-ce que vous considérez que c'est une séparation de l'État et des religions?
M. Jolin-Barrette : Comme je l'ai dit, M. le Président, la laïcité de
l'État, c'est l'État québécois qui est laïque et la conduite des organismes qui doit respecter les principes associés
à l'article 2 pour la laïcité de l'État. Donc, la question de la députée
de...
Une voix :
Maurice-Richard.
M. Jolin-Barrette : ...oui, j'allais dire Crémazie, de Maurice-Richard touche les accommodements religieux, qui
ne sont pas couverts par le projet de loi.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée.
Mme Montpetit :
Je vais reformuler ma question. Encore là, vous dites : Ça repose sur les
principes, puis un des principes...
puis il y aura des gens qui auront à se gouverner en fonction de ce projet de
loi. Il y a un des principes, le premier, qui est la séparation de
l'État et des religions.
Est-ce que
vous considérez qu'un endroit de prière dans un des organismes... est-ce que
vous considérez que ça a un lien avec la religion? Est-ce que ça a sa
place dans un organisme qui relève de l'État?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Comme je le dis, M. le Président, pour la
troisième fois, le projet de loi touche la laïcité de l'État et non pas
les accommodements religieux.
• (15 h 10) •
Mme Montpetit :
Si on sort d'une demande qui serait faite et qu'on parle d'endroits qui
existent déjà, est-ce qu'à l'heure
actuelle le projet, justement, amène, sur le principe de séparation de l'État
et des religions, est-ce qu'il nous amène à revoir, s'il y a des lieux de culte, par exemple, qui se retrouvent dans des organismes
qui sont à l'annexe I, est-ce que ça se trouve à être... est-ce que
ça doit être revu?
M. Jolin-Barrette : La réponse
à cette question-là, c'est que la loi s'applique pour le futur, et donc ce qui
est présentement en cours demeure, et ça sera pour le futur.
Mme Montpetit : Donc, tout ce qui est, à l'heure actuelle, dans le fond, lieu de prière, salle de prière, lieu de culte, le fait qu'il y ait des messes qui se
donnent dans des établissements, par
exemple, du réseau de la santé, ça,
je comprends que ça peut être maintenu en vertu de la séparation de
l'État et des religions.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : La Loi sur la laïcité n'a pas pour effet de
proscrire ce genre de choses. C'est déjà prévu par un article de loi qui a déjà
cours sur les services spirituels de santé. Alors, le projet de loi est prospectif pour le futur, à partir du moment de sa sanction,
va s'appliquer pour le futur. Les lois existantes demeurent.
Mme Montpetit : Donc, elle va
venir encadrer le signe vestimentaire, mais pas les pratiques, c'est ce que je
comprends, ni les lieux physiques, ni les symboles.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Ce que le projet de loi sur la laïcité
fait, c'est qu'il incorpore le principe de laïcité dans nos lois et dans notre charte. Puis vous faites
référence à l'interdiction du port de signes religieux pour certaines
catégories d'emploi bien précises, et
également il prévoit que, notamment, les services publics doivent être donnés et
reçus à visage découvert.
Mme Montpetit : Oui, ça ne répond pas tout à fait à ma question. C'est relativement simple. Juste pour être sûre qu'on se comprenne, donc, outre venir vraiment
encadrer le port d'un signe religieux pour certaines fonctions, le principe de
laïcité de l'État ne vient d'aucune façon
encadrer la présence d'un lieu de culte, d'un lieu de prière, d'une messe, d'un
service spirituel. C'est bien ce que je comprends?
M. Jolin-Barrette : M. le Président, actuellement, on est à
l'article 3. Les questions de la députée de Maurice-Richard portent sur
l'article 11.
Mme Montpetit :
Dans l'article 3, je faisais juste référence... Il y a l'alinéa 2°
qui parle des institutions gouvernementales puis l'alinéa 1° qui parle d'institutions parlementaires. C'est à
ça... Je veux voir comment la laïcité de l'État, c'est quand même le
fondement et le coeur de nos discussions, comment ça s'applique. Comment vous
le mettez en pratique pour les institutions parlementaires et les
institutions gouvernementales?
M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'ai répondu à la question en
répondant à la députée de Maurice-Richard que
c'est l'article 11 qui prévoit que
l'application de la Loi sur la laïcité s'applique aux lois qui sont
postérieures. Dans l'exemple qui est
formulé par la députée de Maurice-Richard relativement à une animation spirituelle,
supposons, dans un hôpital, c'est
protégé déjà par une loi antérieure qui prévoit cette disposition-là. Donc, ce
qui était avant demeure, et, par la suite, vous avez la Loi sur la
laïcité de l'État qui s'applique à partir du moment du jour de sa sanction.
Je ne peux pas être plus clair que ça et je
pense très bien que la députée de Maurice-Richard...
Mme Montpetit : Donc, je
comprends, par exemple que...
M. Jolin-Barrette :
...comprends très bien ce que je dis pour la quatrième fois.
Mme Montpetit : Je comprends que... Bien, écoutez, on est là pour
obtenir des réponses. Je suis bien désolée si ça vous irrite si je vous
pose des questions.
M. Jolin-Barrette : Ça ne
m'irrite pas du tout, ce qui...
Mme Montpetit : Si je
comprends, donc, qu'à partir d'aujourd'hui...
Le Président
(M. Bachand) : S'il vous plaît! S'il vous plaît! Mme la
députée.
Mme Montpetit : Merci,
M. le Président. Je comprends donc
qu'aujourd'hui, s'il devait y avoir un nouveau CHSLD ou, par exemple, je sais que c'est dans les
projets de votre gouvernement de faire des maisons des aînés, il ne pourrait
pas y avoir d'endroit de recueillement, ou
de messe, ou de service religieux qui est donné pour les personnes aînées qui
sont dans ces institutions.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : C'est la
loi qui s'applique, de protéger les services spirituels.
Mme Montpetit : Là, vous me
dites tout et son contraire. Je veux juste être sûre de comprendre.
M. Jolin-Barrette : Non. C'est
la même chose.
Mme Montpetit : Vous me dites que votre loi, elle est
prospective, donc elle s'applique à ce qui existe déjà,
mais pas à ce qui se fera dans le
futur. Donc, s'il y a des nouvelles constructions, est-ce qu'il peut,
oui ou non, y avoir des lieux de
culte? Est-ce qu'il peut y avoir des services spirituels qui sont donnés en
vertu de la séparation de l'État et des religions?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, j'ai référé la députée
à l'article 11. Je l'invite, si elle veut prendre deux minutes pour lire
l'article 11 auquel je fais référence, et ça va lui permettre de se
répondre elle-même à sa question parce que j'ai déjà répondu à la question, et elle aura l'occasion de
comprendre en lisant le texte de la loi précisément. Je l'invite à prendre
deux petites minutes pour lire l'article 11.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. J'ai le
privilège d'avoir un ministre qui est là pour répondre à nos questions,
donc je l'invite à répondre à nos questions. Ça fait partie de l'étude détaillée.
Le Président
(M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
s'il vous plaît.
Mme Montpetit : Donc, je
comprends que de nouvelles
constructions ne pourront pas avoir de lieux de culte, et de services spirituels, et de messes. Je veux
juste un oui ou un non. C'est très simple, là, comme question.
Je comprends que, pour celles
qui sont déjà construites, il y a un droit acquis.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député...
Allez-y, Mme la députée, terminez votre...
Mme Montpetit : Je
comprends que, pour celles qui sont déjà en
place, il y a un droit acquis. Je veux savoir... vous
parlez de prospectif pour ce qui devrait venir. Est-ce que, oui ou non, c'est
possible?
Le Président
(M. Bachand) : Interventions?
M. Jolin-Barrette : Oui. M.
le Président, j'invite la députée
à lire l'article 11 de la Loi
sur la laïcité de l'État. La réponse s'y trouve, M. le Président. Je
pense que ça va faire grandement avancer le débat si la députée faisait
l'effort de lire l'article 11.
Le
Président (M. Bachand) :
S'il vous plaît! En le respect... s'il vous plaît! Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David :
M. le ministre, aidez-moi, moi, s'il vous plaît, parce que je lis
l'article 11 puis je ne l'ai pas, ma réponse. Alors, si la ministre des Aînés était ici, je ne sais pas si je
serais rassurée ou inquiète. On s'en va un jour dans un CHSLD nouveau, postérieur à la loi... Et puis on
en a visité, vous en avez sûrement visité pendant la campagne électorale
puis vous en avez dans votre comté, j'en suis sûr. Le Québec en entier va
devoir avoir énormément plus de CHSLD. Est-ce
qu'ils vont avoir le droit d'avoir leur messe le dimanche? Ils ont toujours des
chapelles. Je pense que c'est ça, moi, la question qui m'inquiète au nom
des aînés, pas parce que je suis une aînée, au nom des aînés.
Le Président (M. Bachand) : M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, à cette question-là, dans le
fond, c'est l'article 11 qui s'applique. Lorsqu'on lit
l'article 11, il dit : «Les dispositions de la présente loi prévalent
sur celles de toute loi postérieure qui leur seraient contraires, à moins que
cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi.
«Les dispositions des
articles 1 à 3 ne prévalent pas sur celles de toute loi antérieure qui
leur sont contraires.»
Ça
signifie clairement que, lorsqu'on regarde la loi sur la santé et les services
sociaux à l'article 100, M. le Président, les besoins spirituels peuvent être comblés. Donc, l'application de la Loi
sur la laïcité n'a pas pour effet, dans le cadre d'une nouvelle construction, de faire en sorte que les aînés, supposons,
dans un CHSLD ne pourraient pas avoir accès à des services spirituels. L'application de l'article 11 vise toute
loi qui est postérieure à l'application de la loi. O.K.? Donc, la loi
sur la santé est antérieure à la Loi sur la laïcité de l'État.
Mme David :
Et nos personnes aînées vont être protégées de pouvoir avoir leur messe le
samedi à cinq heures, par exemple,
dans ce qui ressemble à une salle communautaire, disons. Il peut y avoir un
crucifix, etc., donc, grâce à la loi sur les soins spirituels, c'est ça?
M. Jolin-Barrette :
La loi sur la santé et les services sociaux.
Mme David :
Oui, mais qui inclut les soins spirituels, c'est ça, ou quelque chose...
M. Jolin-Barrette :
Qui inclut les besoins spirituels.
Mme David :
Donc, on se sent rassurés, au nom des aînés, avec ce que vous dites là? Est-ce
qu'on peut conclure ça?
M. Jolin-Barrette :
Oui.
Mme David :
Merci, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Ça me fait plaisir, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Mais, dans cette foulée-là, est-ce que, donc, dans un CHSLD, il pourrait y
avoir des crucifix dans des chambres, dans les lieux publics?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
M. le Président, on verra cette question-là à l'article 16 du projet de
loi.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Robitaille :
Oui, mais c'est parce qu'hier... En fait, on parle de la portée pratique de cet
article-là, et hier le ministre a eu la gentillesse de faire la
réflexion avec nous et puis en a conclu que, oui, à la lumière de c'est quoi,
là, cette laïcité-là qui... cette neutralité
de l'État décrite à l'article 2, cette laïcité québécoise, oui, il
faudrait retirer les crucifix des
salles d'audience des palais de justice. Donc, j'imagine... je vois bien que...
j'entends le ministre, là, qui converse avec la députée de Marguerite-Bourgeoys. On pourrait avoir des messes, on
pourrait avoir des événements religieux comme ça à l'intérieur, mais dans
l'enceinte, à l'intérieur, sur les murs, est-ce qu'on pourrait avoir des
crucifix dans les lieux publics... dans les lieux communs, c'est-à-dire?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
On va avoir cette conversation-là, M. le Président, à l'article 16 du
projet de loi.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard,
s'il vous plaît.
• (15 h 20) •
Mme Montpetit :
Je vous remercie. C'est très agréable de converser avec le ministre. Toujours
dans le même échange, est-ce que...
Je voyais, ce matin, sa collègue la ministre de la Justice qui informait
justement que les crucifix seraient
retirés des salles de justice, et on est toujours dans l'article 3, hein, puisqu'on fait référence aux organismes
qui sont en annexe, et elle mentionnait, puis je la cite, comme Procureur
général du Québec que «l'intention est d'ajuster effectivement la neutralité de
la salle de cour avec la neutralité exigée du juge».
Donc,
bon, je ne présume pas, je ne présume de rien, en fait, mais la question que
j'ai auprès du ministre, c'est : Qu'est-ce
qu'il en est? Quelles sont les intentions par rapport aux écoles, là? Est-ce
que la même logique est appliquée, de s'assurer
d'une neutralité des écoles en lien avec la neutralité qui devrait être imposée
aux professeurs, aux enseignants?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, ça va me faire plaisir de
répondre à cette question-là à l'article 16. Présentement, on est
sur l'article 3 du projet de loi.
Mme Montpetit :
Oui, mais, dans l'article 3... Je veux juste... C'est parce qu'on est en
train d'essayer de clarifier, justement,
comment les principes s'appliquent aux organismes qui sont cités. C'est le sens
de la question. Donc, c'est de savoir
de quelle façon, justement, cette séparation de l'État et des religions,
comment elle vient s'appliquer, notamment, aux différents organismes,
mais notamment aussi aux écoles.
Le Président
(M. Bachand) : Interventions?
M. Jolin-Barrette : M. le Président, la laïcité s'applique avec les
quatre principes qu'on a vus à l'article 2. Vous savez, quand on
étudie une loi, c'est par articles, c'est par étapes, et le débat doit porter
sur l'article en question.
Donc,
présentement, on est sur l'article 3, qui indique quels sont les
organismes gouvernementaux qui sont visés, les institutions parlementaires, les institutions gouvernementales, les
institutions judiciaires. Et la question de la députée de Maurice-Richard
porte sur l'article 16, que nous verrons ultérieurement, aujourd'hui, je
l'espère.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Montpetit : Est-ce que les
écoles font partie de l'annexe I? Je présume que oui.
M. Jolin-Barrette : Les
commissions scolaires feront partie de l'annexe I. Donc, par...
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Oui, bien,
par insertion, elles font partie également de l'annexe I.
Mme Montpetit :
Parfait. Donc, bien, écoutez, si ce n'est pas à l'article 16, de toute
façon, c'est une question qu'on
invitera publiquement le ministre à répondre, ou sa collègue la Procureur
général, en termes de cohérence, à nous faire savoir, justement, de
quelle façon cette neutralité des écoles, comme des salles de cour,
s'appliquera pour être cohérente avec celle des professionnels qui s'y
retrouvent.
Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. Interventions? M. le
député de Nelligan, s'il vous plaît.
M. Derraji : Juste pour comprendre le ministre, parce qu'à
chaque fois il réfère aux futurs articles, juste pour clarifier la vision qu'il
veut au niveau des institutions gouvernementales, parce que, là, on parle des
écoles, on parle des hôpitaux, tout à
l'heure, ma collègue, justement, de Marguerite-Bourgeoys parlait des écoles, on
parlait aussi des hôpitaux, on
parlait des cours de justice. J'ai l'impression, il peut me corriger, j'ai
l'impression qu'il y a des niveaux d'application de la loi, et c'est là l'inquiétude de ce matin au niveau de de
l'uniformité de l'application de la loi, de la laïcité au niveau des
institutions.
Donc, est-ce
qu'il peut juste nous assurer et nous rassurer plus que ça va être appliqué
partout, il n'y a pas de... je ne
veux pas dire des passe-droits, mais il ne voit pas aucune problématique dans
la mise en application de la loi, peu importe l'institution, que ce soit
judiciaire, que ce soit école, ou bien CHSLD, ou hôpital.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, je ne vois pas de difficulté
d'application de la loi, et la loi s'applique. Les articles 1 à 3 que...
Nous avons étudié 1 et 2. Nous sommes présentement sur l'étude de
l'article 3. Ce sont les principes généraux de la laïcité. Pour la
mécanique, c'est les articles 4 à 16.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.
M. Derraji :
Vraiment, je ne suis pas dans la mécanique, mais j'ai comme un doute que, quand
on parle de certains cas... Encore
une fois, ce qu'on a évoqué ce matin, je ne veux pas juste... qu'il va y avoir
des institutions qui vont adopter certains
aspects de la loi de la laïcité, et d'autres, non. Je ne sais pas si le
ministre comprend mon raisonnement ou pas.
M. Jolin-Barrette : Oui.
M. Derraji :
Je ne reproche rien. C'est juste une crainte. Vous pouvez clarifier. Je veux
vraiment vous entendre, juste ne pas
avoir une disparité, dans l'application de la loi, entre les institutions publiques
ou les institutions que vous nommez ici, parlementaires,
gouvernementales et judiciaires.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. La loi va s'appliquer aux différentes
institutions gouvernementales de la bonne façon.
M. Derraji :
Pardon? Désolé.
M. Jolin-Barrette : La loi
va s'appliquer aux institutions gouvernementales. Le député
de Nelligan n'a pas à être
inquiet sur l'application de la loi.
M. Derraji : Je sais que vous n'aimez pas les exemples
hypothétiques, mais je ne pense pas
que cet exemple est hypothétique. Un crucifix dans une chambre d'hôpital
ou au CHSLD...
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, tel que je l'ai souligné à la
collègue du collègue de Nelligan, ces questions-là sont prévues à l'article 16. Le sujet est à
l'article 16. Présentement, on est sur l'article 3, sur les principes généraux
de l'application de laïcité. J'invite
les collègues députés à poser leurs questions au moment opportun en lien avec
l'étude du projet de loi.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député.
M. Derraji :
Écoutez, je suis désolé, M. le Président, quand je lis l'article 16, il est
devant moi, je ne peux pas... Vous
voulez que je vous... Bien, vous le connaissez sûrement, là. Je peux le lire,
hein? Je peux le lire, M. le Président?
Le
Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le député.
M. Derraji :
Excellent. «La présente loi ne peut être interprétée comme ayant un effet sur
les éléments emblématiques ou
toponymiques du patrimoine culturel du Québec, notamment du patrimoine culturel
religieux, qui témoignent de son parcours historique.»
Là, je parle d'une
croix dans une chambre. L'article 16, je viens de le lire, probablement, je
n'ai pas compris l'essence de cet article.
Vous pouvez me corriger et me dire c'est quoi, la différence, et c'est quoi, le
lien d'avoir une croix dans une chambre, à l'article 16, ou dans un
CHSLD.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, on aura la discussion à
l'article 16. Actuellement, on est sur les principes généraux de
l'application de la laïcité aux institutions parlementaires, gouvernementales
et judiciaires.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Je pense que les questions des collègues sont tout à fait justifiées puisqu'au
premier paragraphe de l'article 3 on
parle justement... on parle d'en fait et en apparence. Donc, en apparence...
Donc, est-ce qu'on pourrait avoir des crucifix dans des chambres ou dans
des lieux communs d'un CHSLD? Donc, l'article est là pour en parler.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit :
Non, mais j'aimerais ça avoir une... Ce n'est pas le... Je vais me permettre de
dire qu'il y a deux ex-ministres de
la Culture qui sont assis de notre côté, puis on peut clairement lui dire qu'il
ne fait pas référence à l'article 16 quand il refuse de répondre à cette
question. On ne parle pas d'un objet patrimonial ou d'un objet historique.
On ne parle pas du crucifix qui est à
l'Assemblée nationale. On parle d'un crucifix, d'un objet de culte, d'un objet
religieux qui serait mis, pour des
raisons personnelles, dans un organisme qui est gouvernemental. Je pense que la
question, elle est quand même claire.
Et je comprends que le ministre ne veut pas y répondre, mais qu'il ne nous
réfère pas à un article qui n'a pas de lien avec la discussion. Nous
aussi, on essaie de rester sur l'article 3.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions?
M. Jolin-Barrette :
M. le Président, simplement vous dire que je ne partage pas l'analyse de la
députée de Maurice-Richard, et donc, en conséquence, on
aura cette discussion-là sur l'article 16.
Mme Montpetit :
Donc, j'entends que ce que le ministre nous dit, c'est que tous les crucifix,
tous les crucifix, là... je pense
qu'on parle juste du crucifix, à moins qu'il me dise que tous les objets
religieux, mais je présume qu'on parle de tous les crucifix, ils sont
tous des objets patrimoniaux?
Le
Président (M. Bachand) : Interventions?
Mme Montpetit :
Il n'a pas de réponse?
Le
Président (M. Bachand) :
Mme la députée? Interventions? Je vous regarde. Mme la députée de Maurice-Richard? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il
vous plaît.
Mme Robitaille :
Oui. Bien, en tout cas...
Une voix : C'est un silence
qui en dit long, là.
Mme Robitaille :
Oui, mais, en tout cas, hier, je pense qu'il nous a donné une des pistes de
réponse parce qu'il nous a dit que,
dans les palais de justice, il n'y aurait pas de crucifix ou, en tout cas, la
logique veut qu'on devrait les retirer. Et, ce matin, on a eu la ministre de la Justice qui disait : On va
les retirer puisque ça va dans le sens de ces articles 2 et 3. Et, en parlant... Et ça, on avait parlé de ça
quand on avait abordé le troisième alinéa, «institutions judiciaires», parce
qu'on disait : Les institutions judiciaires, hein, ça touche aussi les
bâtiments. Et, puisqu'il faut qu'ils respectent cette notion qui est
décrite, de laïcité, décrite à l'article 2, bien, il fallait les retirer.
Alors, ma
question, c'est : Qu'est-ce que le ministre veut... J'aimerais qu'il nous
parle un petit peu plus de comment il circonscrit le terme «institutions
judiciaires».
• (15 h 30) •
Le Président
(M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, au niveau des institutions
judiciaires, M. le Président, on vise la Cour d'appel, la Cour
supérieure, la Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne, le
Tribunal des professions et les cours municipales, donc les tribunaux qui
relèvent... les tribunaux québécois.
Mme Robitaille : Et vous dites dans vos commentaires qu'à l'article 5...
Je vais le lire, là, pour fins de la discussion : «L'article 5
du projet de loi réserve au Conseil de la magistrature le pouvoir d'établir les
règles applicables aux juges...»
Bon, et là vous dites que les juges de la
Cour d'appel et de la Cour supérieure ne seront pas touchés par la loi. C'est
bien ça? Et donc pourquoi, alors, tenir à ce qu'on inclue la Cour
d'appel et la Cour supérieure dans les institutions judiciaires?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Donc,
merci pour la question. C'est une bonne question. De deux choses l'une. Les
tribunaux québécois sont définis notamment à la Loi sur les tribunaux
judiciaires. Donc, dans les tribunaux que vous avez énoncés dans les institutions judiciaires, Cour d'appel, Cour
supérieure, Cour du Québec, Tribunal des droits de la personne, Tribunal des
professions, cours municipales, ce sont des tribunaux de nature judiciaire, comparativement
aux tribunaux, supposons,
administratifs, qui ne sont pas des tribunaux judiciaires. Au Québec, on a une
vingtaine de tribunaux judiciaires,
donc... pardon, une vingtaine de tribunaux administratifs dits quasi
judiciaires. Lorsqu'on parle de tribunaux judiciaires, dans le fond, au Québec, ce sont toutes les cours, les
tribunaux qui sont énoncés dans «institutions judiciaires».
Où il y a une
distinction, c'est que, pour la Cour d'appel, la Cour supérieure, les juges qui
siègent à ces cours-là sont de
nomination fédérale. Ce ne sont pas des nominations provinciales par le Conseil
des ministres et la ministre de la Justice.
Par contre, Cour du Québec, Tribunal des droits de la personne, Tribunal des
professions, cours municipales, les juges
qui y siègent, ce sont des juges de nomination provinciale. Donc, pour la
portée de l'article 5, les juges qui sont visés par le Conseil de la magistrature du Québec, ce
sont les juges qui sont issus des dernières cours que je vous ai nommées,
excluant la Cour supérieure et la Cour d'appel.
Par contre,
pour compléter ma réponse, la compétence en matière d'administration de la
justice pour le Québec touche
l'ensemble des tribunaux judiciaires qui sont sur le territoire québécois,
incluant la Cour d'appel du Québec et incluant la Cour supérieure du
Québec. Voilà pourquoi la distinction.
Mme Robitaille :
Donc, cette notion-là d'administration de la justice, on comprend que c'est de
pouvoir provincial. Et c'est quoi, la différence entre le corpus qui
fait l'administration de la justice, si je puis dire, et puis les institutions
judiciaires? Est-ce que, pour lui, c'est égal? Je ne sais pas si je pose bien
ma question.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, de ce que je comprends de la question de la
collègue, au niveau des institutions judiciaires et l'administration de
la justice, c'est quoi, la différence entre les deux? Au niveau des
institutions judiciaires, ce sont l'ensemble
des tribunaux qui sont prévus. Au niveau de l'administration de la justice,
c'est plus large qu'uniquement les tribunaux,
hein? L'administration de la justice, ça vise les salles de cour, le personnel
des greffes, le shérif, les greffiers, la cour, les juges dans certains cas aussi, donc, mais pas ceux de
nomination fédérale. Donc, voilà la distinction entre les deux.
Mme Robitaille :
O.K. Donc, à l'article 5, c'est la magistrature, c'est les juges
seulement, et puis, à l'article 3, c'est tout le reste. Est-ce que
je simplifie comme il faut?
M. Jolin-Barrette : Juste un bémol en lien avec l'intervention de la
collègue de Bourassa-Sauvé. L'article 5, ce sont les juges qui relèvent du Conseil de la magistrature du Québec, les
juges qui relèvent du Conseil de la magistrature du Québec, Cour du Québec, Tribunal des droits de la personne, Tribunal
des professions, cours municipales. Au Canada, il y a un Conseil canadien de la magistrature, duquel
les juges de la Cour d'appel du Québec et de la Cour supérieure du Québec relèvent. Il y a cette nuance-là. Pourquoi?
Parce qu'ils sont de nomination fédérale, ces juges-là, tandis que les
autres sont de nomination provinciale.
Mme Robitaille :
Et, M. le Président, l'administration de la Cour d'appel et de la Cour
supérieure, bien que les juges soient
nommés par le fédéral, l'administration de ces deux cours-là tombe dans les
pouvoirs provinciaux. C'est bien ça?
M. Jolin-Barrette : Oui, en
matière d'administration de la justice, en vertu de 92, paragraphe 14° de
la Loi constitutionnelle de 1867.
Mme Robitaille :
L'indépendance des tribunaux, est-ce que ça touche seulement les juges ou ça va
plus large que ça, selon vous... selon le ministre, M. le Président?
M. Jolin-Barrette : Bien, je peux vous donner la définition de
l'indépendance judiciaire comme la Cour suprême l'a énoncée.
Mme Robitaille :
Justement, vous parlez... on parle d'indépendance judiciaire, je veux être
sûre, là, puis c'est vraiment pour
les fins de la compréhension de tout ça. Et puis moi, je ne suis vraiment pas
une constitutionnaliste du tout, du tout, du tout. C'est pour ça que je
pose plein de questions.
M. Jolin-Barrette : ...
Mme Robitaille :
Oui, mais constitutionnaliste, c'est quand même un art, c'est quand même un
monde qui n'est pas le mien. Alors,
j'essaie de parfaire mes notions et j'ai besoin du ministre, pour ça, et de son
conseiller. Alors, c'est pour ça que j'apprécie sa collaboration.
M. Jolin-Barrette : Juste une question, M. le Président, parce que,
là, on est sur l'article 3, puis ce qu'on fait, c'est qu'on vise à adopter l'article 3, mais
j'ai une question, par contre, pour la collègue de Bourassa-Sauvé : Est-ce
que le Barreau permet d'être
spécialiste d'une discipline? J'aimerais que la députée nous renseigne parce
qu'elle semble nous dire qu'il y a des spécialités pour des membres du
Barreau.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée, avec un grain de sel.
Mme Robitaille :
Moi, je veux bénéficier de l'expertise de notre ministre et de son conseiller.
Et c'est pour ça que je suis ici aujourd'hui, c'est pour le bénéfice de
tous ceux qui nous écoutent. Et je pose des questions pour mieux comprendre. Et ce qui est intéressant... Parce
qu'on parle d'indépendance judiciaire, et c'est l'article 11, je crois...
11d, hein, de la Charte canadienne,
et, quand je lis... Attendez, c'est l'article 30, je pense,
l'article 30 du projet de loi, c'est la clause dérogatoire. On exclut... En fait, on dit... Et c'est important
pour notre compréhension puis, là, sur quoi on va se baser pour aller plus loin, pour poser nos
questions. L'article 30 du projet de loi nous dit : «La présente loi
ainsi que les modifications qu'elle apporte
par son chapitre V ont effet indépendamment des articles 2 et 7 à 15 de la
Loi constitutionnelle de 1982...» Puis ça, c'est la Charte canadienne.
Donc, 7 à 15, ça inclut l'article 11. Est-ce qu'on comprend que cet
article-là est suspendu, qu'on vient qu'à l'analyse de l'article 3,
paragraphe 3°...
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, vous savez, ça fait plusieurs
fois que je le dis, moi, je veux bien qu'on puisse avancer, que je puisse répondre
aux questions, mais, lorsqu'on réfère à l'article 30 du projet de loi, on
n'est pas rendus là. On va commencer
par étudier l'article 3 du projet de loi, ce qu'on fait bien, je trouve,
depuis plusieurs, plusieurs heures, suite
aux questions soutenues des collègues du Parti libéral. Cela étant dit, je veux
vous laisser le temps de me poser toutes les questions que vous allez
avoir à l'article 30.
Alors, moi, je suis prêt à répondre à vos
questions relativement à l'article 3, paragraphe 3°, «institutions judiciaires».
Et qu'est-ce que ça fait, l'article 3? Ça fait en sorte que les principes
énoncés à l'article 2, en fait et en apparence,
s'appliquent aux institutions judiciaires. Les institutions judiciaires, on les
a nommées : Cour d'appel, Cour supérieure,
Cour du Québec, Tribunal des droits de la personne, Tribunal des professions,
cours municipales. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Si la collègue veut
parler de l'utilisation de la disposition de dérogation prévue à la Loi
constitutionnelle de 1982, je l'invite à aborder la question lorsque ça
sera pertinent à l'article 30.
Mme Robitaille : Mais on ne peut pas exclure... On ne peut pas ne
pas parler d'indépendance judiciaire quand on touche les institutions judiciaires. C'est fondamental. Et, durant les consultations, il y a quelques
juristes qui ont abordé ça. Et de là
de savoir : Est-ce que c'est vrai, là, que l'article 11
de la charte, hein, qui parle de l'indépendance judiciaire, est suspendu, quand on
réfléchit à ce projet de loi là?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, l'ensemble
des questions touchant l'utilisation de la clause dérogatoire, je vais pouvoir répondre à l'article 30. On est sur l'article 3.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée.
Mme Robitaille : Oui, bien, c'est parce que, là, l'indépendance judiciaire, là, c'est une question qui se pose quand on lit l'article 3. Et je vais relire la prémisse, là :
«La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les
institutions parlementaires,
gouvernementales et judiciaires — là, on donne des ordres au judiciaire — respectent
les principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.» Et
donc on s'immisce un peu dans les affaires judiciaires.
Une voix : Mais est-ce qu'il
y a quelque chose à dire, M. le Président?
Mme Robitaille : Oui, il y a
plein de choses à dire...
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée, s'il
vous plaît.
Une voix : Non, ce n'est pas par
rapport à toi, parce que...
• (15 h 40) •
Le Président
(M. Bachand) : S'il vous plaît!
Alentour de la table, s'il vous plaît!
Une voix : ...
Le
Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! M. le
député de Nicolet-Bécancour! M. le député de Nicolet-Bécancour,
s'il vous plaît! Mme la députée de Bourassa-Sauvé, à vous la parole.
Mme Robitaille : ...le collègue
de Bécancour. C'est Bécancour, peut-être, qui a une réponse à ça.
Le Président
(M. Bachand) : Allez-y, allez-y.
M. Martel : ...
Mme Robitaille : Pardon?
M. Martel :
Nicolet-Bécancour.
Mme Robitaille : Ah! pardon,
Nicolet-Bécancour. Peut-être a-t-il une réponse à ma question...
Le Président
(M. Bachand) : Allez-y, Mme la députée, avec votre
question pour le ministre, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
...parce qu'écoutez on peut rire, là, mais l'indépendance judiciaire... Et
c'est quelque chose de fondamental
dans notre démocratie, comme l'indépendance du législatif puis de l'exécutif,
donc, c'est la base même. C'est une
question tout à fait légitime que de demander au ministre sur quoi on se base,
là. Si on suspend cette notion-là d'indépendance judiciaire, quand il
faut analyser l'article 3, bien, je veux le savoir.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, vous savez, M. le Président, j'écoute
la députée de Bourassa-Sauvé puis je constate qu'elle a de bonnes
notions de droit constitutionnel. D'ailleurs, ça m'étonne, M. le Président,
qu'elle avait autant de questions sur le
lieutenant-gouverneur, hier, si elle connaît aussi bien le sujet du droit
constitutionnel. Mais j'aurai le plaisir d'en parler avec elle à
l'article 30.
Mme Montpetit : M. le
Président.
Le Président
(M. Bachand) : La députée de Maurice-Richard,
s'il vous plaît.
Mme Montpetit : Je vais juste me permettre un petit commentaire. Je ne veux pas faire un appel au règlement. Vous présidez de
façon extraordinaire, et c'est très calme, mais ce serait quand même
agréable et plaisant que le ministre cesse
de toujours faire des allusions et des commentaires sur, notamment, la formation en droit de ma collègue. Je pense que
ça fait quatre fois, puis ça fait 48 heures à peine qu'on siège ensemble. Ça
devient un petit peu désagréable. Donc, s'il peut juste répondre aux
questions, ce serait bien apprécié.
Le
Président (M. Bachand) :
Je crois que, dans l'ensemble, les collègues se respectent. Ils peuvent avoir
des pointes d'humour aussi, alors
donc ça va, mais il ne faut pas aller au-delà de
ça, bien sûr. Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Robitaille : Oui. Bien, écoutez, non, c'est parce que
je pose toutes ces questions-là justement parce que je lisais le mémoire de Pierre Bosset, lui, qui est constitutionnaliste,
il en sait beaucoup plus que moi, et qui traite justement de
l'article 3, l'alinéa 3°, et qui en parle amplement,
et qui traite justement de... et qui questionne à savoir : Est-ce que
le législatif ne s'immisce pas dans l'indépendance judiciaire au paragraphe 3° de l'article 3? Et je vais le citer, hein, pour
qu'on sache un peu de quoi on parle.
Donc, il dit... Mais je
pense, ça vaut la peine de le citer, O.K.? C'est la page 15 : «Sur le
fond, le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire empêche le
gouvernement ou le législateur de dicter aux juges des normes vestimentaires précises.» Là, là, il parle des
magistrats, et tout ça. Mais un peu plus loin, le paragraphe suivant, il
dit : «La Cour suprême souligne [que] dans l'arrêt Valente que le
degré de contrôle que le pouvoir judiciaire exerce sur l'administration des tribunaux est un "point majeur de
l'indépendance judiciaire". Est protégée, en particulier, l'indépendance
institutionnelle du tribunal relativement aux questions administratives qui ont
un effet direct sur l'exercice des
fonctions judiciaires. Relèvent de cette catégorie, par exemple, l'assignation
d'un juge à telle ou telle cause, la confection du rôle d'audience et l'allocation des salles d'audience; mais sont
également visés le déroulement des séances de la cour et les règles de
décorum.
«En
application du principe d'indépendance institutionnelle, c'est les tribunaux
eux-mêmes et à eux seuls qu'il [adviendrait]
de décider s'il y a lieu d'interdire à leurs membres...», mais pas juste au
juge, mais à tout leur personnel, des signes religieux. Et je me demandais
ce que le ministre en pensait. Donc, je peux résumer, là.
Le Président
(M. Bachand) : Oui, allez-y, Mme la députée.
Mme Robitaille :
Donc, ça va plus loin que juste la magistrature. L'alinéa 3° englobe beaucoup
de choses, mais ça fait partie de l'indépendance judiciaire.
Le Président
(M. Bachand) : Merci.
Mme Robitaille : Alors, quels sont ses commentaires? Parce que
c'est important, là, ça contreviendrait, selon M. Bosset, à un
arrêt de la Cour suprême, l'arrêt Valente.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, on est sur le fait de viser les
institutions judiciaires par le concept de laïcité. On ne traite pas du
concept d'indépendance judiciaire non plus en lien avec l'utilisation de la
clause dérogatoire. L'indépendance
judiciaire, M. le Président, c'est, notamment, l'inamovibilité des juges, le
fait qu'ils sont à l'abri de toute influence, notamment par le fait
qu'ils soient rémunérés d'une façon qui soit conforme à assurer leur
indépendance.
Qu'est-ce que
ça signifie, ça? Il y a une décision des tribunaux, je crois, en 1998 ou en
2000, Île-du-Prince-Édouard, la conférence des juges de
l'Île-du-Prince-Édouard, qui a déterminé d'une façon nette de quelle façon le
processus de rémunération des juges devait
s'appliquer. Et d'ailleurs il y a le projet de loi n° 20,
qui est déposé présentement ici, qui fait
en sorte qu'on respecte ce principe-là de l'indépendance judiciaire en ce qui
concerne la rémunération où l'Assemblée nationale prend le rapport, si jamais elle ne respecte pas le rapport,
doit motiver sa réponse en fonction de critères préétablis. Je pense que
l'indépendance judiciaire, c'est notamment cela.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
On dicte ici aux institutions judiciaires, à la Cour d'appel, la Cour
supérieure, la Cour du Québec, les
tribunaux administratifs comment agir, comment faire certaines choses. Me
Bosset le dit lui-même, il y a un conflit avec cette notion-là
d'indépendance judiciaire, c'est clair.
Le Président
(M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Pouvez-vous
juste répéter la fin, s'il vous plaît?
Mme Robitaille : Oui. J'ai
dit : Il y a un conflit avec cette notion d'indépendance judiciaire.
M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce
qui a un conflit avec la notion d'indépendance judiciaire?
Mme Robitaille :
Parce qu'on vient toucher aux institutions elles-mêmes, ces institutions
judiciaires là qui devraient être
complètement indépendantes du législatif. Et là on ne parle pas juste de
chèques de paie, là, puis de pensions, là, on parle carrément de cette
notion de laïcité québécoise, comme nous l'explique l'article 2.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
Mme Robitaille : Ce n'est pas
juste moi qui le dis, c'est Me Bosset.
M. Jolin-Barrette : Ah! O.K. Non, nos... sont indépendants,
l'indépendance judiciaire est respectée. Mais la Loi sur la laïcité s'applique
également aux institutions judiciaires. Il est normal que les institutions
judiciaires comme la Cour supérieure,
la Cour du Québec, la Cour d'appel du Québec respectent le principe de la
laïcité. La laïcité, là, s'applique à l'État.
L'État, c'est un trio, un triumvirat, comme on dit, il est divisé en
trois : le pouvoir législatif, auquel la députée de Bourassa-Sauvé appartient, le pouvoir exécutif,
auquel j'appartiens et auquel... j'appartiens d'ailleurs au législatif aussi,
et le pouvoir judiciaire, auquel
appartiennent la magistrature et les tribunaux. La laïcité de l'État s'applique
aux trois volets. L'indépendance judiciaire vise à
faire en sorte qu'un juge puisse exercer ses fonctions sans influence indue,
qu'il ait l'indépendance pour rendre les
décisions à l'encontre du législatif ou à l'encontre de l'exécutif. Il s'agit
d'un contre-pouvoir dans notre
système démocratique. La laïcité de l'État n'a aucunement pour effet
d'intervenir dans le concept d'indépendance judiciaire.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Oui, mais c'est ce que l'arrêt Valente dit, là. On n'est pas juste... Ce n'est
pas juste le juge, là, c'est tout son apparatus, c'est tout son corpus, c'est
tout ce qui l'entoure. C'est l'institution elle-même. Puis, en venant dicter
comment administrer, comment régir toute cette notion de neutralité à
l'intérieur pas juste de la magistrature, mais de l'institution elle-même, c'est clair que, là, le ministre est en
terrain dangereux, ce projet de loi là est en terrain dangereux. Ça vient à l'encontre de l'essence même de
l'indépendance judiciaire. C'est ce que dit M. Bosset, c'est ce que disent les
juges dans... la Cour suprême, Valente, paragraphe 47, chapitre VI.
Alors, je me
demandais comment le ministre... comment ceux qui, après lui, géreront ça vont
contre-attaquer ou, en tout cas, ceux qui vont contester la loi à cet
effet-là.
• (15 h 50) •
Le Président
(M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, premièrement, sur les dernières paroles de la collègue
de Bourassa-Sauvé, j'espère qu'elle n'invite pas les gens à
contester la loi que nous sommes en train d'adopter, parce que
je ne suis pas sûr d'avoir bien
entendu. Est-ce que ce sont ses propos? Est-ce qu'elle invite les gens à contester la loi? Est-ce qu'elle a dit :
Comment est-ce qu'on va s'assurer de contrer la contestation ou... Juste
être sûr qu'elle va soutenir l'application de la loi.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée.
Mme Robitaille : Je pose la question parce qu'il y a des gens qui ont déjà annoncé qu'ils préparaient des contestations et je pense que... Bien, moi, je
veux avoir la réponse du ministre,
là, parce que, jusqu'à maintenant, je n'ai pas de réponse très,
très claire.
Je vais juste
vous citer le début du paragraphe 47 de l'arrêt de la Cour suprême : «La
troisième condition essentielle à
l'indépendance judiciaire pour les fins de l'article 11d...» Mais là
peut-être qu'il est suspendu, mais ce n'est pas grave, il y a une jurisprudence avant 1982 qui assure
l'indépendance judiciaire, l'indépendance... Alors : «La troisième
condition essentielle de
l'indépendance judiciaire pour les fins de l'alinéa 11d est, à mon
avis...» Puis ça, c'est le juge qui parle. Et là je m'excuse, là, pour le ministre, mais je n'ai pas le nom du juge
de la Cour suprême qui a écrit, mais je lui dirai par après, mais...
Alors, il dit : «À mon avis,
l'indépendance...» Alors : «La troisième condition essentielle de
l'indépendance judiciaire est l'indépendance
institutionnelle du tribunal relativement aux questions administratives qui ont
directement un effet sur l'exercice
de ses fonctions judiciaires. Le degré de contrôle que le pouvoir judiciaire
devrait idéalement exercer sur
l'administration des tribunaux est un point majeur de l'indépendance judiciaire
aujourd'hui.» Donc, quand on lit ça, on se demande pourquoi le ministre
a ajouté ce troisième alinéa à l'article.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, je vais répondre à la question, M. le
Président, mais j'invite quand même la députée de Bourassa-Sauvé à se prononcer sur le fait qu'elle
soutiendra la loi, un coup qu'elle sera adoptée par l'Assemblée nationale,
et qu'elle n'invite pas à contester l'application de la loi. Juste bien être
sûr.
Le Président
(M. Bachand) : ...pour les motifs, là, il faut juste faire
attention, là.
Mme Robitaille : Ce n'est pas
un match, ce n'est pas un match de...
Le Président
(M. Bachand) : Alors donc, je vais laisser le ministre...
Oui?
M. Jolin-Barrette : Un match
de?
Mme Robitaille :
Ce n'est pas un match de boxe, là. Moi, je veux juste entendre le ministre
là-dessus parce que c'est quand même un arrêt de la Cour suprême.
Des voix : ...
Le Président
(M. Bachand) : Oui, monsieur, sur...
Des voix : ...
Le
Président (M. Bachand) :
Non, mais est-ce que vous faites un appel au règlement, M. le député? Oui,
allez-y.
M. Martel :
Je trouve mon collègue ministre d'une patience vertueuse.
Des voix : ...
Le
Président (M. Bachand) :
Laissez-moi... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Laissez-moi entendre. Je vais
juger après.
M. Martel :
Je trouve... Je connaissais sa compétence en droit. Là, je soupçonne des
collègues de vraiment avoir des cours privés sur la matière...
Le
Président (M. Bachand) :
Bon, O.K., M. le député, ce n'est pas un appel au règlement. Alors, je vais
laisser la parole au ministre pour
pouvoir répondre à la députée de Bourassa-Sauvé. M. le ministre, s'il vous
plaît. M. le ministre, s'il vous plaît, si vous désirez répondre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, écoutez, la députée de Bourassa-Sauvé
cite l'arrêt Valente, de la Cour suprême, avec trois principes. Lorsqu'on lit l'arrêt Valente, on voit que les
trois critères sont les suivants. Le tribunal doit raisonnablement pouvoir être perçu comme étant impartial et
indépendant. Qu'est-ce que ça requiert, cette indépendance-là? L'indépendance
par rapport à l'exécutif, l'inamovibilité,
le fait qu'un juge ne peut être révoqué, seulement s'il y a un motif déterminé.
De la façon que ça fonctionne, hein, c'est
le Conseil canadien de la magistrature, si on est à la Cour d'appel, Cour
suprême ou Cour supérieure. Si on est
dans le cadre de tribunaux provinciaux, c'est le Conseil de la magistrature
qui... La question de la sécurité
financière aussi. Je faisais référence tout à l'heure à la décision de la Cour
suprême, dans la conférence des juges
de l'Île-du-Prince-Édouard, pour le traitement. Troisièmement, l'indépendance
institutionnelle, auquel référait la collègue
de Bourassa-Sauvé, du tribunal. Ça veut dire quoi ça notamment? À titre
d'exemple, l'assignation au niveau des salles de cour, le rôle du
tribunal. C'est ça, l'indépendance institutionnelle du tribunal.
Alors, en
aucun cas la laïcité n'est en contravention du concept d'indépendance
judiciaire en lien avec l'arrêt Valente. Et je pense que, lorsqu'on dit et qu'on vote en faveur, comme on est le Parti
libéral et qu'on dit : L'État du
Québec est laïque, qui est prévu à
l'article 1, bien, les collègues du Parti libéral auraient du savoir que
l'État du Québec comprend aussi les
tribunaux. Et je m'explique mal pourquoi est-ce que le Parti libéral ne
voudrait pas que les cours de justice soient laïques. Honnêtement, je
m'explique mal cette réserve-là.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
C'est un peu nous prêter des intentions. On veut quand même s'immiscer dans les
affaires du judiciaire. L'arrêt
Valente, qui nous aide à comprendre un peu c'est quoi, l'indépendance
judiciaire, nous dit qu'une partie cette
indépendance-là, c'est l'administration des tribunaux. On a Me Bosset, qui
est quand même un constitutionnaliste, et d'autres aussi qui nous disent : Attention, attention! Ça serait
s'immiscer dans les affaires judiciaires aussi. Et donc je pense qu'il faut bien faire les choses, il ne faut pas
empiéter sur des pouvoirs qui appartiennent aux tribunaux seulement. Et la
sagesse nous demande d'être très prudents.
Si on n'avait pas l'alinéa 3°... Pourquoi ne pas laisser au judiciaire le
soin de gérer ses affaires?
M. Jolin-Barrette : M. le Président, est-ce que la députée de
Bourassa-Sauvé nous invite à abroger la Loi sur les tribunaux judiciaires? Est-ce qu'on ne devrait pas légiférer sur les
tribunaux? Est-ce que la compétence du Québec en matière d'administration de la justice, prévue à
l'article 92.14° de la Loi constitutionnelle de 1867, on ne devrait pas
exercer la compétence? C'est ce à quoi nous
invite la députée, M. le Président. Alors, écoutez, moi, je vous dis, ça ne
fait pas longtemps que je suis au
gouvernement, mais des gouvernements successifs qui sont passés, à la fois
libéraux, péquistes, de l'Union nationale, conservateurs...
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Non. Non.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Non, mais... La collègue de Marguerite-Bourgeoys
m'a fait penser à quelque chose, mais je vais y revenir.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Oui, en retournant à Montréal. Écoutez, peut-être
qu'on va réussir à avancer plus, pendant ces deux heures-là, que pendant les, quoi, les 10, 15 heures qu'on
a faites à date pour adopter juste trois articles. Mais ça, c'est autre chose.
Je suis même prêt, M. le Président, à payer le lunch.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre, pas d'engagement que...
Mme David : Qu'il ne saurait
tenir.
Le Président (M. Bachand) : Non,
non, mais blague à part...
M. Jolin-Barrette :
Bien, j'avoue, ça dépend du restaurant, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) : Je vous demanderais de continuer dans votre
réponse, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette :
Oui.
Une voix :
...
Le Président
(M. Bachand) : S'il vous plaît! M. le ministre, à vous la
parole.
M. Jolin-Barrette : Donc, écoutez, ça fait partie de la compétence de
l'État québécois en vertu de 92.14° de la Loi constitutionnelle.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Moi, je me soucie de l'impartialité de la justice. Et puis, quand on s'immisce
comme ça, je me pose des questions,
là. On veut commencer à régir ses employés, ses greffiers, ses greffiers
adjoints, mais ça, on en reparlera plus tard, mais c'est quand même
amené ici, là. On met la table pour ce qui s'en vient.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions?
• (16 heures) •
Mme David :
Bien, écoutez, moi, je ne peux vraiment pas prétendre que je suis membre du
Barreau, alors je ne passerai pas
d'examen pour savoir si j'ai eu 95 %, ou 62 %, ou 100 %.
Peut-être que le ministre a eu 100 % à son Barreau, je ne le sais pas. Mais ce que je veux... Est-ce
que je peux proposer une réponse au ministre? Mais là il faut vraiment que
je sois... J'ai un mot qui me vient, mais je
ne le dirai pas, mais, en tout cas, je suis audacieuse, disons ça comme ça,
parce que vous dites : C'est du
droit nouveau, la laïcité, qu'on est dans du droit nouveau. Est-ce que je
pourrais suggérer, pour répondre à la
collègue, que de mettre les institutions judiciaires dans votre Loi sur la
laïcité et puis d'aller peut-être jouer dans ce qu'on appelle la notion d'indépendance judiciaire, que ça serait
du droit nouveau inhérent à votre projet de loi sur la laïcité? Est-ce
qu'on pourrait dire ça comme ça?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Ce que je répondrais à ça, M. le Président, c'est
que le pouvoir judiciaire fait partie de l'État québécois, et donc les lois québécoises s'appliquent au pouvoir
judiciaire aussi. Le système de normes québécois, le corpus législatif,
s'applique également aux tribunaux. Alors, le concept d'indépendance
judiciaire, il est là pour éviter que le politique
ne contrôle, dans la livraison des décisions, le pouvoir judiciaire. Dans le
fond, le jugement ne pourrait être rendu sur la dictée d'un tiers, c'est justement pour ça qu'on assure une
indépendance financière aux tribunaux et pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'incidence dans la
conduite du jugement du tribunal. Et c'est pour ça, notamment, qu'on a le
critère d'inamovibilité jusqu'à l'âge
de 75 ans pour les juges de la Cour supérieure et jusqu'à l'âge de
70 ans pour les juges des tribunaux
provinciaux. Ça fait en sorte que le juge, lorsqu'il est sur le banc, même s'il
rend une décision à l'encontre du gouvernement,
du pouvoir exécutif ou même du pouvoir législatif, il n'est pas inquiété de
perdre son travail de juge parce qu'il
bénéficie de l'inamovibilité, et ça fait en sorte qu'il peut rendre une
décision à l'abri de toute influence. C'est ça, le concept de l'indépendance judiciaire. Cela ne veut
pas pour autant dire qu'il est soustrait à l'application de toutes les règles,
les normes et les lois qui gouvernent l'État
québécois parce qu'il est un des pouvoirs de l'État québécois. Et donc il est
tout à fait logique et normal que la laïcité
de l'État s'applique à l'ensemble de l'État québécois, notamment le pouvoir
judiciaire.
Le Président (M. Bachand) : Juste pour vous aviser, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, qu'il vous reste 30 secondes
dans tout le temps que vous aviez, là, malheureusement. Alors, Mme la députée
de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Est-ce qu'en fait c'est plus que juste des balises administratives ou des... On
est vraiment dans... avec cette Loi
sur la laïcité qui... où on inclut le judiciaire, ce n'est pas juste des
affaires pratico-pratiques administratives, là, c'est... on vient... c'est une... je ne dirais pas une façon de pensée
parce que c'est plus que ça, c'est cette notion de laïcité là qu'on vient... on vient jouer dans
l'administration de la justice, dans le, je dirais... je ne veux pas dire la
gang, là, mais tout le personnel
autour du juge qui est influencé, qui est teinté. Quand on veut, comment je
pourrais dire, soustraire ce groupe de gens, cette institution judiciaire là a
certains concepts, et c'est dans ce sens-là... et que le concept soit bon
ou mauvais, là, et c'est dans ce sens-là
qu'on vient influencer, c'est dans ce sens-là qu'on porte atteinte à
l'indépendance judiciaire. Je pense
que c'est ça que Me Bosset essayait de dire et c'est ça que
l'arrêt Valente dit. Donc, dans ce sens-là, il y a un danger. On ne
parle pas juste de... on va plus loin, on parle de concepts légaux.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez. M. le Président, la députée
de Bourassa-Sauvé interprète les textes de Me Bosset,
interprète l'arrêt Valente. Je lui laisse son interprétation, mais, moi,
ce que je dis, c'est que la laïcité s'applique aux trois pouvoirs de
l'État, aux trois fonctions de l'État, notamment le judiciaire, le pouvoir
judiciaire, les fonctions judiciaires.
Alors, honnêtement, je m'expliquerais mal que la députée de Bourassa-Sauvé vote
contre le fait de faire en sorte que la laïcité s'applique au pouvoir
judiciaire.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Je dirai aussi, pour les fins de l'enregistrement, qu'il
y a un arrêt qui va dans le même sens
que l'arrêt Valente, Barreau du Québec,
un arrêt de 2001, je crois, qui trace les mêmes... qui parle du TAQ, c'est-à-dire, c'est un tribunal administration au Québec, et qui dit que, justement, l'administration de la justice, c'est bien... son indépendance, c'est bien plus que le juge, puis c'est bien plus
que le juge administratif. C'est le
tribunal administratif lui-même, donc je pense qu'il faut prendre ça en
considération quand on étudie le projet de loi.
Le Président (M. Bachand) : Interventions? Pas d'intervention. Autres
interventions? Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
J'aurais un amendement.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, allez-y.
Mme Robitaille :
Alors, est-ce que vous voulez que je le lise?
Le
Président (M. Bachand) : S'il vous plaît.
Mme Robitaille :
En fait, c'est simple. C'est qu'après avoir réfléchi à tout ça avec mes
collègues on s'est dit que, considérant
que les juges des cours... de la Cour d'appel, la Cour supérieure n'étaient pas
visées, alors je pense qu'il serait judicieux de les soustraire à
l'alinéa 3°.
Donc,
troisième alinéa, institutions judiciaires, on enlève «Cour d'appel», on enlève
«Cour supérieure» et puis on laisse
simplement «la Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne, le
Tribunal des professions et [des] cours municipales».
Le
Président (M. Bachand) : Parfait. Vous avez une copie
écrite de l'amendement?
Mme Robitaille :
Oui.
Le Président (M. Bachand) : Alors, nous allons suspendre quelques instants
pour distribution, s'il vous plaît. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
16 h 6)
(Reprise à 16 h 13)
Des voix :
...
Le Président (M. Bachand) : Non! S'il
vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre! La commission reprend ses travaux dans une ambiance
constructive. Alors, nous sommes sur l'amendement déposé par la députée de Bourassa-Sauvé. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Oui. Bien, c'est simplement parce que je
regardais les commentaires, on regardait les commentaires, et puis c'est
ça, puis l'article 5, et puis on
se disait, bien, puisque la magistrature, c'est bien plus que le simple juge et puisque la Cour d'appel et la Cour
supérieure ne sont pas visées par l'article 5, retirons-les de
l'alinéa 3° de l'article 3.
Et donc c'est simplement pour ça, par souci de cohérence, qu'on considérait
qu'il serait probablement mieux de retirer «Cour d'appel» et «Cour
supérieure» du libellé du troisième alinéa.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, avant qu'on entame la discussion, là, je
voudrais juste être bien sûr que l'ensemble des collègues de la collègue de Bourassa-Sauvé du Parti libéral sont
d'accord avec cet amendement-là, juste pour être sûr avant que je fasse
mes commentaires.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Écoutez, si notre silence a l'air de ne pas être d'accord, ce n'est pas ça du
tout. Notre silence, c'est que ce sont des choses assez spécialisées, pour
lesquelles on fait entièrement confiance à notre collègue qui, est membre du
Barreau.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée de...
Mme Robitaille :
Oui, mais, comme j'ai dit, je ne suis pas constitutionnaliste, mais, à la lumière de ce que je lisais et après en avoir discuté avec mes collègues, on
se disait que, par souci de cohérence... et, comme on l'a dit tout à l'heure, la magistrature, les juges,
ça va bien au-delà... on avait de l'inquiétude de cette indépendance judiciaire
là qui était empiétée. Les pouvoirs
sont empiétés par le législatif. Donc, puisque les juges des cours d'appel et
des cours supérieures n'étaient pas visés à l'article 5, il semblait
cohérent de les retirer aussi à l'alinéa 3. C'est juste ça.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bon, M.
le Président, avec égard, jamais, mais
jamais je ne pourrais voter pour cet amendement-là, et ce que la
collègue de Bourassa nous invite à faire, et ce que le Parti libéral nous
invite à faire. Et, honnêtement, on dirait
que ça en devient une habitude, là, parce
que, dans le projet de loi sur l'immigration, on l'a vu, on a abandonné une compétence que
le Québec avait, hein, et je la réinsère dans le projet de loi sur
l'immigration, et le Parti libéral est contre ça donner davantage de pouvoir au
Québec.
Mais ça, M. le Président, l'amendement qu'on a devant nous, là, c'est incroyable, incroyable
qu'une formation politique qui a été au pouvoir au Québec durant des
années...
Le Président
(M. Bachand) : Sur un appel au règlement, M. le député?
M. Derraji : Bien, pas... le ministre...
Le
Président (M. Bachand) :
C'est parce que le ministre est en train de répondre à une question, là.
Allez-y, M. le député de
Nelligan, s'il vous plaît.
M. Derraji : Mais il prête des intentions à une formation
politique en lien avec un autre projet
de loi qui concerne une autre commission et en faisant le lien avec ce que nous sommes en
train d'étudier. Donc, si le ministre, s'il
vous plaît, M. le Président,
peut se limiter à dire s'il est contre ou pour, et on passe à autre chose.
Le Président (M. Bachand) : Des deux côtés, on a fait référence à d'autres projets de loi. Alors, M. le ministre, vous
avez la parole, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Alors, je viens... et je l'ai dit, jamais je ne pourrai voter
pour un amendement tel que celui-ci en étant
député élu à l'Assemblée nationale qui va toujours défendre les compétences du
Québec. Ce que le Parti libéral fait en proposant un tel amendement, c'est
d'abdiquer une des compétences du Québec. En vertu de 92, paragraphe 14° de la Loi constitutionnelle de 1867, le
Québec a la compétence en matière d'administration de la justice.
Quels sont
les tribunaux québécois? Les
tribunaux québécois, c'est la Cour d'appel du Québec,
qui est le plus haut tribunal de la
province, qui est l'arbitre ultime des litiges en matière... au Québec.
Ensuite, vous avez la Cour supérieure, qui est prévue également à la Loi
constitutionnelle, qui est un tribunal québécois. En vertu de la loi sur les
tribunaux judiciaires, qui date de 1964, à
l'époque, c'étaient des statuts refondus. La Cour d'appel, la Cour supérieure,
la Cour du Québec, les cours municipales, durant des années, les
tribunaux québécois étaient considérés comme étant ses tribunaux,
lesquels sont visés au paragraphe 3° de l'article 3.
Et le Parti libéral du Québec est en train de nous dire que la Cour d'appel
du Québec et la Cour supérieure ne devraient pas tomber
dans la compétence en matière d'administration de la justice du gouvernement
du Québec?
M. le
Président, je savais que le Parti libéral était fédéraliste, mais je ne savais
pas à quel point il n'avait pas un amour de la défense des intérêts du
Québec.
Des voix : ...
M. Jolin-Barrette : M. le
Président...
Le
Président (M. Bachand) :
S'il vous plaît, M. le ministre! Concentrez-vous sur... O.K., allez-y, M. le
ministre, s'il vous plaît, avec prudence.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, je veux juste que, tous
ensemble, là, on réalise la gravité du geste de proposer un amendement comme celui-ci, qui enlève des
compétences à l'État québécois, qui dit au peuple québécois : Nous, la
Cour d'appel, ce n'est pas un de nos
tribunaux. Nous, la Cour supérieure, ce n'est pas un de nos tribunaux. Voyons
donc! Voyons donc! C'est quoi, cet amendement-là? On veut nier les compétences
du Québec au niveau de l'administration de la justice? Je pensais que le Parti libéral
était en train de redevenir nationaliste, M. le Président...
Des voix :
...
Le Président
(M. Bachand) : Il y a... S'il vous
plaît! S'il vous plaît!
Des voix : ...
Le Président
(M. Bachand) : S'il vous plaît, laissez-moi
intervenir!
M. Derraji : ...
Le
Président (M. Bachand) :
Vous allez me laisser intervenir, M. le
député de Nelligan, s'il vous plaît! Je suis intervenu à deux
reprises pour corriger le ministre. Vous allez me laisser intervenir. Alors, le ministre,
je crois, a terminé sa réponse.
Alors, je vous demande d'être très prudent sur les qualificatifs politiques et
partisans. Sur le reste, je pense
qu'il y a une bonne discussion de fond et je vous invite à prendre la parole, M. le député de Nelligan, sur la question de fond.
• (16 h 20) •
M. Derraji : Merci beaucoup, M. le
Président. Je suis content que le ministre,
encore, trouve la bonne façon de répondre,
pas comme tout à l'heure, où il
n'y avait pas de réponse. Pour le
bénéfice du ministre, si une formation
politique dépose un amendement,
chose qu'il connaît très bien, du moment qu'il a siégé en opposition
quand même quelques années et
il a eu le luxe de siéger sur plusieurs commissions et challenger les ministres en face de lui sur
pas mal de projets de loi, si le ministre veut faire le procès de quelqu'un,
il n'est pas au bon endroit.
Donc, nous,
on propose un amendement. Il peut être contre, comme il le fait souvent, sans
faire de rattrapage politique ou envoyer des messages politiques.
Ce n'est pas la place. Ce que nous sommes en train de dire, nous sommes
en train d'analyser son projet de loi, sa vision et la vision de sa formation
et de son gouvernement de la laïcité.
Ma collègue a mis sur la table un amendement. Il
peut être contre ou pour, je ne lui apprends pas les règles démocratiques ou les règles de fonctionnement
d'une commission. Il peut juste dire tout simplement : Je suis contre, ça
ne marche pas. Aucun problème. On ne va pas faire tout un procès par
rapport à l'amendement, et que la formation... et commencer à... je ne vais pas répéter ce qu'il a dit. Écoutez,
M. le Président, je pense que c'est le ministre qui n'a pas la
bonne volonté de continuer à traiter le projet de loi.
Le
Président (M. Bachand) :
M. le député de Nelligan, il faut faire attention. Vous prêtez des motifs aussi
au ministre. Cela dit, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous
plaît.
Mme Robitaille :
Oui. C'est que je rappelle qu'on parlait de l'indépendance judiciaire et que ce
n'est pas moi qui le dis, là, c'est
des constitutionnalistes. Il y a même un arrêt de la Cour suprême qui nous dit
que ce que le ministre est en train de faire au paragraphe 3°, et puis
après ça on en parlera à l'article 3, c'est d'empiéter sur l'indépendance judiciaire des cours. Et on s'est gardé une gêne,
là, mais, je veux dire, c'est toutes les cours, là. La question se pose. La
question de l'indépendance judiciaire, là,
elle se pose, là, partout. Et la magistrature, comme j'ai dit, ce n'est pas
juste les juges, mais c'est toute l'administration judiciaire, c'est les
institutions judiciaires.
Et là, faire
des leçons, nous faire de grandes leçons comme ça quand, en fait, le problème,
c'est qu'on a l'impression, et ce
n'est pas juste moi qui le dit, là, qu'on empiète sur l'indépendance
judiciaire, c'est grave, là. C'est un droit... Cette indépendance judiciaire là est fondamentale. C'est
un des piliers de notre démocratie. Et là, par ça, on va à l'encontre de
cette indépendance judiciaire là. On
s'immisce dans l'administration de la justice, des cours, et tout ça... bien,
en tout cas. Alors, de là...
Alors, si on
retire Cour d'appel, Cour supérieure, c'est dans ce sens-là. Moi, je pose la
question. Peut-être qu'il ne fallait même pas un troisième alinéa ici parce que
c'est carrément l'indépendance de la justice en son entièreté qui est atteinte.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, Mme la députée.
Mme Robitaille : Et donc, par
là, c'est fondamental.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions?
Une voix : ...
Le Président
(M. Bachand) : Alors, nous allons suspendre quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 23)
(Reprise à 16 h 31)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je vous rappelle que
nous sommes sur l'amendement de la députée de Bourassa-Sauvé. Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme Robitaille :
Je n'aime pas qu'on fasse des procès d'intention, qu'on essaie de... qu'on dise
toutes sortes de choses qui sont extrapolées
de toutes sortes de façons. On parlait d'indépendance judiciaire. C'est quand
même sérieux. Par souci de cohérence,
là, je veux dire, à l'article 5, on les met de côté, les juges de la Cour
d'appel puis les juges de la Cour
supérieure, et donc de là l'amendement. Et donc, c'est ça, moi, j'ai dit ce que
j'avais à dire là-dessus. Et puis il
n'y a pas de pouvoir fédéral, provincial abdiqué ou quoi que ce soit, là. Je
veux dire, on parle d'indépendance judiciaire. Là, on se heurte à l'indépendance judiciaire, qui est un pilier, encore
une fois, fondamental de notre démocratie, et je pense qu'il faut faire
attention. Et, à l'article 5, les juges des cours d'appel et supérieure ne sont
pas là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bon, M. le Président, si je suis le raisonnement
de la députée de Bourassa-Sauvé, ça voudrait dire que la Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne, le
Tribunal des professions et les cours municipales, les juges sont moins indépendants, la garantie
d'indépendance judiciaire, elle est moindre pour les tribunaux de compétence
provinciale. Est-ce la perception de la députée de Bourassa-Sauvé?
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée.
Mme Robitaille :
Je me pose la question, oui, en effet, parce qu'en fait, moi, c'est tout
l'alinéa, c'est là que, vraiment, on vient
entraver à cette indépendance judiciaire. Donc, je pense que le ministre a
raison. Je vais retirer mon amendement
parce qu'en fait c'est tout ça qui devrait... C'est toutes les cours qui sont
atteintes par cette indépendance judiciaire
là. Donc, je pense que, par sagesse, il serait mieux de le retirer parce que
c'est vrai que ce n'est pas juste la Cour d'appel, ce n'est pas juste la Cour supérieure, mais c'est aussi la Cour
du Québec puis les tribunaux administratifs qui sont atteints. Il y a un risque justement que cette indépendance
judiciaire là soit entravée. Alors, à la lumière de ça, je retire mon
amendement.
Le Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y a consentement pour que la députée
de Bourassa-Sauvé retire son amendement?
M. Jolin-Barrette :
Pas de consentement.
Le
Président (M. Bachand) : Donc, il n'y a pas de
consentement. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
M. Jolin-Barrette :
Oui, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Écoutez, je veux juste qu'on revienne sur
l'amendement proposé par le Parti libéral. Ce que le Parti libéral a voulu faire, c'est soustraire
la juridiction du Québec à la Cour d'appel du Québec et à la Cour supérieure
du Québec. C'est quand même grave, M. le Président, et ce n'est pas la première
fois que le Parti libéral souhaite abandonner
la juridiction du gouvernement du Québec sur plusieurs enjeux. Depuis les
dernières semaines, on voit le Parti libéral
qui se dit nationaliste. Même la candidate à la chefferie, la députée de
Saint-Henri—Sainte-Anne, a
enregistré une vidéo sur les Patriotes, disant qu'elle était maintenant
nationaliste.
Des voix :
...
Le Président (M. Bachand) : Non, mais, écoutez, je vais juste... Je vais...
Le ministre connaît les règles. Je lui demande
de rester sur le fond de l'amendement, qui est encore sur la table.
L'amendement est encore sur la table. Donc, M. le ministre, sur
l'amendement, s'il vous plaît. Merci beaucoup.
M. Jolin-Barrette :
M. le Président, voter pour cet amendement-là, ça serait à l'encontre des
intérêts du Québec. Ça serait de dire,
notamment par souci de cohérence légistique... législative... ça serait aller à
l'encontre de ça parce que, dans la
Loi sur les tribunaux judiciaires, c'est clairement indiqué que les tribunaux
québécois comprennent, notamment, la
Cour d'appel et la Cour supérieure. Alors, M. le Président, je trouve ça quand
même grave, cet amendement-là qui a
été déposé, qui enlèverait la juridiction du Québec.
Et,
vous savez, nous, là, ce qu'on souhaite toujours, du côté du gouvernement de la
CAQ, du gouvernement du Québec, c'est
d'avoir le maximum de pouvoirs et le maximum de juridiction pour notre État
national, l'État qui appartient à tous les Québécois et à toutes les
Québécoises. Et je pense que ça doit se matérialiser, ça, à travers les différentes
fonctions de l'État, que ça soit sur le plan
parlementaire, exécutif ou judiciaire. Et moi, je crois que l'ensemble de mes
collègues et l'ensemble du gouvernement
défendra toujours, dans un premier temps, les compétences du Québec. Or, à la
lecture de l'amendement, je constate que ce n'est pas le cas du Parti libéral
du Québec.
Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! O.K. Alors donc, oui,
intervention? Donc, on discute encore de l'amendement. M. le député de
Nelligan, s'il vous plaît.
M. Derraji : Oui. Je tiens juste à rectifier et à corriger
certaines informations que le ministre vient d'évoquer. Nous sommes là pour parler d'un projet
de loi et non pas faire une campagne
promotionnelle de quoi que ce soit. Je pense que l'idée derrière les amendements,
c'est voir, dans la mesure du possible, les arguments.
Donc, le ministre
a partagé ses arguments. Je comprends qu'à la lumière des arguments qu'il a
partagés, il ne veut pas juste
partager les arguments, mais, comme on le connaît très bien,
il aime ça bien aller au-delà des arguments. C'est son point
de vue, pas de problème, mais il faut
garder en tête que, si nous sommes en commission
parlementaire, c'est justement pour avoir un échange constructif. Nous
ne sommes pas là pour voir qui va l'emporter, ou qui va gagner, ou qui va mettre un K.-O. à l'autre. Le ministre
a le luxe de connaître sa loi. Le ministre a le luxe de maîtriser sa loi. Lui, il dit
même : C'est un nouveau droit. Ce n'est pas mes mots, c'est les mots du ministre.
Le fait que
ma collègue a déposé l'amendement ou que nous, on dépose un amendement,
c'est justement voir les arguments du ministre dans le respect. Le ministre
avait toute la tribune pour expliquer, et nous donner, et nous informer
en tant que ministre responsable de la loi et en tant qu'avocat aussi. Donc, il
avait, je dirais, accès à toutes les... aux informations
nécessaires pour dire : Écoutez... comme ce qu'il fait depuis tout à l'heure par rapport à plusieurs articles, M. le Président.
Donc, je
pense que, pour le bien de l'avancement de nos travaux, il faut juste faire
attention à ce qu'on veut comme esprit
de collaboration avec l'opposition et avec les autres collègues parce que,
sinon, je pense que ça va être difficile, et ce n'est pas ce que ni le ministre souhaite... ce n'est pas... nous aussi. Nous, on
ne souhaite pas ça. Merci, M. le
Président.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup.
Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, M.
le Président, parce que,
si on votait en faveur de l'amendement tel qu'il est proposé, là, ça voudrait dire, là, que le Québec
renoncerait à sa compétence en matière d'administration de la justice qui lui
est conférée par la Loi constitutionnelle sur la Cour d'appel et sur la
Cour supérieure. C'est ce à quoi le Parti libéral nous invite. Et,
honnêtement, je trouverais que ça n'a aucun sens, M. le Président. Lorsqu'on
fait des amendements en commission parlementaire,
il faut y réfléchir avant, et on ne fait pas juste des amendements pour faire
des amendements. Il faut que ça serve
à bonifier le projet de loi. Et donc, lorsqu'on vise à insérer un tel
amendement, il faut y réfléchir avant et surtout il faut penser aux
conséquences, de, si la loi était modifiée, qu'est-ce que ça aurait sur...
conséquences pour l'ensemble des concitoyens
et des citoyennes du Québec et aussi pour l'État québécois. Alors, M. le
Président, vous comprendrez que je suis un peu déçu de la position du
Parti libéral, qui propose cet amendement-là qui aurait pour effet d'enlever
des compétences au gouvernement du Québec.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard,
s'il vous plaît.
• (16 h 40) •
Mme Montpetit : M. le
Président, premièrement, de deux choses l'une ou de trois choses l'une, là. Il
y a une décision qui a été... Il y a un
commentaire très pertinent qui a été fait par le président de l'Assemblée
nationale hier. On s'appelle
l'opposition officielle de ce côté-ci. Si vous voulez qu'on vous appelle la CAQ puis la CAQ tant que vous voulez, là,
je pense que... M. le Président, je vous invite à présider en fonction de nos
positions officielles, de un.
De deux, si
le ministre... ce n'est pas parce qu'il le répète plus fort puis avec plus
d'énergie que c'est plus vrai. Il peut
le répéter tant qu'il veut. Les compétences du Québec, elles sont là parce que
le Parti libéral du Québec... et moi, je vais me permettre de le dire
parce qu'on a été là pendant des années puis que c'est un parti qui existe
depuis 150 ans. Donc, s'il veut jouer au
nationalisme, on peut parler de beaucoup de choses. Mais je pense qu'il serait
grand temps qu'on revienne à ce qui
nous occupe. S'il veut faire des procès d'intention, c'est certainement... Je
le vois rire. C'est très, très drôle
parce que je ne pense pas que, comme gouvernement qui êtes là depuis huit mois,
je ne pense pas que vous avez une contribution dans l'histoire sur les
compétences que le Québec a, hein? On va se dire les vraies choses, là.
Donc, si vous
voulez aller là, on se trouvera un autre endroit pour faire ce débat parce que
je pense que ce n'est pas le lieu
pour faire ces échanges. Et on pourrait peut-être revenir au fond de
l'amendement qui avait été déposé ou aux raisons qui sont... Puis je ne pense pas que c'est... Pour le bien des
travaux... Il nous reste encore 1 h 30 min. Il nous reste
trois heures à faire ensemble ce soir. Je pense qu'on était bien partis. Ce
serait intéressant de continuer d'avoir des échanges cordiaux et constructifs.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous
plaît.
Mme Robitaille :
Oui, je dois... C'est grossièrement exagérer. On ne parle pas de l'abolition
des compétences du provincial pour ce
qui est de l'administration de la justice, là, on parle de cet alinéa-là en
particulier. Et, comme j'ai dit et en
toute humilité, là... parce que, comme j'ai dit tout à l'heure, on n'est pas
des experts en droit constitutionnel, mais cette question d'indépendance
judiciaire là, elle est fondamentale. On doit tous se poser la question. Et,
oui, en effet, j'avoue que c'est toutes les
cours qui sont touchées par ça et c'est toutes les cours qui sont fragilisées
par cette façon que cette loi-là aurait de toucher à ce pouvoir
judiciaire là.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David :
J'ai dit tout à l'heure, M. le Président, que je n'étais pas membre du Barreau,
et c'est pour ça que je ne suis pas
intervenue au niveau juridique, mais je n'aime pas du tout comment les choses
se passent en ce moment et je ne suis
pas venue en politique pour assister à ce genre de, je dirais, propos politique
ou de reprise politique d'un certain nombre de choses pour peut-être faire, après ça,
là, comme on dit en mauvais français, du millage là-dessus. Je pense que
ma collègue l'a fait en toute bonne foi,
courageusement. Je pense que le ministre, en entendant ça, a sauté comme sur un
os, là, vraiment comme s'il avait
très, très, très faim et qu'il avait trouvé vraiment un os à ronger, comme on
dit. C'est correct. On peut avoir
chacun sa personnalité. Mais moi, je n'apprécie pas beaucoup quand ça se passe
sur un ton aussi, je dirais, agressif
et je trouve qu'on n'est pas en politique pour ça. Et je sais que le ministre
est intelligent. Vous le savez, vous aussi. Mais ce n'est pas une
raison — parce
que ma collègue ose proposer quelque chose en toute bonne foi, indépendance judiciaire, etc., je pense que vous avez eu un
débat fort intéressant — qu'il faille aller aussi loin sur... question nationaliste,
question de chefferie, question... Puis il
faut faire attention quand on... dans les rapports hommes-femmes aussi, M. le
ministre.
Le
Président (M. Bachand) : Juste... Il faut faire attention
aussi, oui, de ne pas...
Mme David :
Alors, je vais m'arrêter là-dessus.
Le
Président (M. Bachand) : Il faut faire attention, si on
reproche, de ne pas aller par la bande. Cela dit...
Des voix :
...
Le Président (M. Bachand) : Attendez un petit peu! Je n'ai pas fini! Je n'ai
pas fini! Je n'ai pas fini! Alors, c'est juste de faire attention de ne
pas faire ce qu'on reproche à l'autre. Alors, c'est extrêmement important.
Alors
donc, je vous rappelle que nous sommes sur l'amendement de la députée de
Bourassa-Sauvé. Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît, sur
l'amendement.
Mme Lecours
(Les Plaines) : C'est juste qu'elle a porté des intentions à M. le
ministre. C'est ce que je...
Le
Président (M. Bachand) : Ça a été noté par la présidence.
Merci beaucoup.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Écoutez, j'entends bien les
propos de la députée de Marguerite-Bourgeoys puis j'étais d'accord avec
elle jusqu'à tant qu'elle... pas esquiver, aborde du bout des doigts la
question des relations femmes-hommes. Je ne sais pas quel message elle tentait
de me passer et je ne lui prêterai pas des intentions, mais j'invite les membres de cette commission
et l'ensemble des intervenants qui nous écoutent durant les
nombreuses heures des travaux à
regarder et à écouter le comportement de certains des collègues
du Parti libéral. Je ne parle pas de
la députée de Marguerite-Bourgeoys. Et, à travers cette loupe-là,
j'aimerais que la députée de Marguerite-Bourgeoys analyse le comportement de certaines de ses collègues dans la
conduite de leurs propos, dans leur attitude ici, et qu'elle y réfléchisse
parce que je pense, M. le Président, qu'elle
et moi, on a fait un bon travail jusqu'à maintenant, et c'est pour ça que je
tente de donner le maximum de
réponses à la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mais certaines de ses collègues,
de la façon dont elles se comportent
ici, en commission parlementaire, oui, m'apparaissent comme étant un
comportement inapproprié pour la conduite des parlementaires. Alors,
avant de me prêter des intentions, j'espère qu'on a réfléchi.
Sur l'amendement, M.
le Président, sur l'amendement, écoutez...
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : J'écoute le ministre, j'écoute le
ministre, là.
Une voix :
...
Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, je vous entends et je
vous écoute depuis le début, depuis des
heures. Je vous demande de la grande prudence. Le ministre va répondre sur
l'amendement, et après ça on passera à d'autres
interventions. Après, je vais vous reconnaître, M. le député de Nelligan.
Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Sur l'amendement, la députée de Maurice-Richard nous dit : Écoutez, le gouvernement de la CAQ, c'est ça, son nationalisme. Oui, c'est
ça, son nationalisme. Il va toujours défendre les intérêts du Québec. Et je
trouve ça un peu ironique de la part de la
députée de Maurice-Richard parce qu'elle dit : Le gouvernement de la
CAQ n'a pas marqué l'histoire. Est-ce dire que le gouvernement auquel
elle a appartenu durant une année seulement a marqué l'histoire, un
gouvernement qui a été le plus fédéraliste, le plus canadianiste de l'histoire,
auquel elle a appartenu, un gouvernement libéral qui n'a pas défendu les
intérêts du Québec?
Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, excusez-moi, mais c'est parce
que, comme vous aimez le rappeler à tout le monde, nous sommes sur
l'article 3.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Le Président
(M. Bachand) : Alors
donc, je me permets respectueusement de vous le rappeler aussi. Et nous
sommes en plus sur l'amendement de la députée de Bourassa-Sauvé.
M. Jolin-Barrette :
D'accord. Bien, je suis prêt à voter, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Nelligan, s'il vous plaît.
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : M. le député
de Nelligan, s'il vous plaît. M. le député.
M. Derraji :
O.K. Je pense qu'on demande un peu de sérieux parce que c'est très important. Je
comprends le ministre, qu'il demande l'appel par vote nominal. Mais je
vais ouvrir une petite parenthèse. C'est très sérieux, M. le Président. Je parle moi-même en mon
nom. Je ne pense pas que j'ai émis un commentaire inapproprié. Et je
trouve très grave que le ministre
dit ouvertement en commission qu'il y
a des collègues — à la
députée de Marguerite-Bourgeoys — dans cette commission qui émettent
des commentaires inappropriés.
Le
Président (M. Bachand) : D'accord. En terminant, s'il vous
plaît.
M. Derraji :
Je pense, M. le Président, qu'on n'est pas là. Je respecte votre travail. Vous
dirigez d'une manière extrêmement
rigoureuse nos travaux depuis le début. J'invite le ministre à un peu de
retenue et ne pas commencer à lancer des messages juste comme ça.
Le Président (M. Bachand) : Merci. Alors donc, je semble comprendre qu'il y a
une volonté collective qu'on mette l'amendement aux voix. Alors, est-ce
que l'amendement de Mme la députée de Bourassa-Sauvé est adopté?
M. Jolin-Barrette :
M. le Président, vote par appel nominal, s'il vous plaît.
Le
Président (M. Bachand) : Vote par appel nominal, Mme la
secrétaire, s'il vous plaît.
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?
Mme Robitaille :
Abstention.
La Secrétaire :
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Abstention.
La Secrétaire :
M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji :
Abstention.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Lachance (Bellechasse)?
Mme Lachance :
Contre.
La Secrétaire :
M. Martel (Nicolet-Bécancour)?
M. Martel :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?
Mme Tardif :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Lecours (Les Plaines)?
Mme Lecours (Les Plaines) :
Contre.
La
Secrétaire : Mme Grondin (Argenteuil)?
Mme Grondin :
Contre.
La Secrétaire :
M. Jacques (Mégantic)?
M. Jacques :
Contre.
La Secrétaire :
M. Zanetti (Jean-Lesage)?
M. Zanetti :
Contre.
La Secrétaire :
M. Bachand (Richmond)?
Le Président (M. Bachand) : Abstention. L'amendement est rejeté. On retourne
maintenant en débat, en discussion, en intervention sur l'article 3. M.
le député de Nelligan, s'il vous plaît.
M. Derraji :
Merci, M. le Président. Donc, j'ai bien entendu le ministre par rapport à ses
commentaires au niveau des
institutions, donc que ça soit les institutions parlementaires,
gouvernementales et judiciaires. Et j'ai un amendement à déposer, M. le
ministre... M. le Président.
• (16 h 50) •
Le
Président (M. Bachand) : Voulez-vous en faire la lecture, M. le
ministre... M. le député?
M. Derraji :
Oui.
Le
Président (M. Bachand) : Merci.
M. Derraji :
Pas encore ministre.
Le
Président (M. Bachand) : M. le
ministre... député, pardon. Vous m'avez...
M. Derraji :
Ah! une deuxième fois. Probablement que ça s'en vient.
Le
Président (M. Bachand) : Excusez. M. le député de Nelligan,
s'il vous plaît, faites la lecture. Merci.
M. Derraji :
L'article 3 du projet de loi est modifié par l'ajout, à la fin de l'article 3,
des alinéas suivants :
«Le ministre établit
des lignes directrices portant sur l'exigence du respect des principes énoncés
à l'article 2.
«Ces
lignes directrices sont publiées sur le site Internet du ministère responsable
de l'application de la présente toi dans les 60 jours suivant la
sanction de la loi.»
Donc, les
commentaires. L'article 3 de la Loi sur la laïcité, tel qu'amendé, se lirait
donc ainsi :
«La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de
leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et
judiciaires respectent les principes énoncés à l'article 2, en fait et en
apparence.
«Pour l'application
du présent chapitre, on entend par :
«1°
"institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale, de même
que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une
fonction qui en relève;
«2°
"institutions gouvernementales" : les organismes énumérés aux
paragraphes 1° à 10° de l'annexe I;
«3o
"institutions judiciaires" : la Cour d'appel, la Cour
supérieure, la Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne, le
Tribunal des professions et les cours municipales.
«Le ministre établit
des lignes directrices portant sur l'exigence du respect des principes énoncés
à l'article 2.
«Ces
lignes directrices sont publiées sur le site Internet du ministère responsable
de l'application de la présente loi dans les 60 jours suivant la
sanction de la loi.»
Je le dépose.
Le
Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup.
Nous allons suspendre
quelques instants pour distribution. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à
16 h 52)
(Reprise à 16 h 59)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission
reprend ses travaux. Nous sommes sur l'amendement déposé par le député
de Nelligan. M. le député, s'il vous plaît.
M. Derraji : Oui, merci, M. le Président. Écoutez,
vu ce qui a été discuté, et je pense qu'on arrive un peu à
la conclusion que, que ce soit au niveau des institutions parlementaires, au
niveau des institutions gouvernementales, les institutions judiciaires, j'ai bien compris la volonté du ministre,
c'est avoir une loi uniforme, une loi applicable. Il nous a rassurés par
rapport à ça. Les questions que j'avais ce matin, c'est plus par
rapport à accompagner du moment que — encore une fois, je vais utiliser les mots du ministre — c'est du nouveau droit. Donc, je pense que
le ministre, du moment que c'est lui le porte...
Une voix : Étendard.
• (17 heures) •
M. Derraji :
...oui, exactement, oui, merci pour le mot, de cette loi, doit établir les
lignes directrices portant sur l'exigence du respect des principes
énoncés à l'article 2. Là, on va assurer l'uniformisation de l'application de
la loi. Par la suite, les lignes
directrices, ce qu'on ajoute, sont
publiées sur le site Internet du ministère responsable de l'application de la présente loi, donc le ministère qui va
chapeauter la mise en application de la Loi sur la laïcité.
Donc,
j'aimerais bien entendre le ministre. Qu'est-ce
qu'il pense, déjà, de l'amendement? Et certainement j'aurai d'autres
ajouts, si jamais le besoin se manifeste.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, écoutez, je comprends l'intention du
collègue de Nelligan. Cela étant dit, la loi, elle est claire à l'effet de son application relativement à quels sont
les principes qui soutiennent la loi. Alors, il n'est pas nécessaire
d'avoir des lignes directrices dans la loi.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David :
Oui, bien, écoutez, je vais me référer à mon expérience personnelle
d'ex-ministre. On en a fait une, sorte de droit nouveau, à une autre échelle,
on va dire, mais, quand même, la loi sur les violences sexuelles, qui
s'appliquait à toutes les
institutions d'enseignement supérieur, y compris l'école de police, y compris
toutes les grandes écoles, l'ITHQ, l'ITA,
l'institut de technologie agricole, etc. Les gens étaient tellement comme dans
du nouveau... parce qu'il n'y avait jamais eu de loi comme ça avant. C'est
quand même quelque chose, hein? On est habitués à des lois sur la gestion
d'enseignement supérieur, mais pas sur les violences à caractère sexuel. Alors,
il y avait des choses compliquées. D'ailleurs, grâce au travail de
collaboration avec tous les partis d'opposition, je pense qu'on est arrivés
avec une loi magnifique, la plus avancée en
Amérique du Nord, sinon dans tous les pays occidentaux, je pense. Sauf que
c'était du droit nouveau. Les gens ne savaient pas trop quoi faire avec
ça, et donc ils nous ont demandé la même chose.
Alors, moi,
je pars de cette expérience-là. Puis savez-vous quoi? Ce guide-là est devenu
une référence en matière d'application,
de balises, à partir de la politique jusqu'aux sanctions, etc., pour tous les
établissements d'enseignement supérieur.
Puis j'aurais pu partir en mission pendant des semaines et des semaines avec ce
guide-là, tellement c'était demandé ailleurs dans le monde.
Donc, la
laïcité, c'est quelque chose d'effectivement nouveau. Le ministre, peut-être,
aimerait aller se promener avec sa
loi partout au Canada pour l'expliquer éventuellement, mais peut-être le Canada
n'est pas une bonne idée, mais peut-être
ailleurs, en Europe, pour expliquer. Mais c'est tellement utile d'avoir un
guide que peut-être que... Est-ce que ce
n'est pas au bon endroit dans la loi? Est-ce que ça ne pourrait pas être...
mais d'avoir quelque chose qui guide. On ne pense pas à nous. Je pense que le député de Nelligan le dit aussi, ce
n'est pas pour nous, là. C'est pour ceux qui, en dehors de cette bulle ici...
On va finir par connaître par coeur le projet de loi, mais il y a plein de
monde, là, qui vont se retrouver avec
ça. Qu'est-ce que je fais? C'est par un souci de générosité légale et
parlementaire que de penser à ceux qui vont devoir l'appliquer.
Alors, il n'y
a aucune malice dans cette demande-là, il n'y a aucune politique, il y a
uniquement de penser aux utilisateurs,
éventuellement, de la loi. Puis je le dis encore, on le propose, là. Je pense
que le député de Nelligan a fait une très
belle démonstration, et puis j'aimerais comprendre quels peuvent être les
irritants ou les obstacles, même, peut-être, ou nous dire pourquoi c'est
peut-être une fausse bonne idée, comme on dit des fois.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Il n'y a pas
nécessité d'avoir d'obligations légales, de publier des lignes directrices, et surtout la loi, elle
est claire, vraiment, sur le principe de qu'est-ce que la laïcité. Alors, à
partir de ce moment-là, les quatre principes sont énoncés et ils seront
incorporés par l'État québécois.
Le Président
(M. Bachand) : Interventions? Mme la députée... M. le
député de Nelligan, pardon.
M. Derraji :
Merci, M. le Président. Je veux juste faire un retour de nos échanges avec le
ministre. Le ministre, depuis le
début, il dit que c'est un nouveau droit. Nous avons eu beaucoup d'échanges par
rapport aux institutions parlementaires, et gouvernementales, et
judiciaires, et, à un certain moment, même, pour clarifier des points et des questions simples. Je comprends, le ministre prend
le temps, toujours, de vérifier, chose excellente parce qu'on ne peut
pas avoir toutes les réponses à toutes les questions. Et même le ministre,
malgré que c'est son projet de loi, prend toujours le temps de vérifier et de
valider, chose très bonne. Je ne dis pas que ce n'est pas bon.
Maintenant,
quand on va aller à l'applicabilité de la loi au niveau des institutions, je ne
pense pas que je peux cloner le ministre
1 000 fois, 500 fois. Je ne peux même pas le cloner une fois. Donc, la maîtrise de la loi, ou la compréhension de la loi, ou les énoncés, du moment
que c'est du nouveau droit, la compréhension ne sera pas au même niveau. Quand on dit «lignes directrices», peu
importe l'endroit où on utilise des lignes directrices, que ce soit en santé
ou ailleurs, c'est toujours
pour se donner un guide d'accompagnement pour la mise en place. L'ajout de ça, en aucun
cas, ça n'enlève quelque chose à l'article. Au contraire, M. le
Président, ça le bonifie.
Donc,
je comprends que le ministre ne voit pas l'utilité, mais est-ce qu'aujourd'hui, avec tout le pouvoir qu'il a, et les connaissances, et la
compréhension, et ça fait très longtemps qu'il travaille sur ce dossier, face à
des questions parfois simples, parfois
complexes, parfois entre les deux, des collègues, lui-même, il prend le temps
de consulter? Donc, si le ministre
responsable de la loi prend le temps de consulter, mettons-nous à la place de
quelqu'un à la tête de ce que je
disais tout à l'heure, une société d'État, d'un ministère,
d'un bras, d'une tête avec le gouvernement, qui va commencer à se poser les mêmes questions
que nous-mêmes avons posées aujourd'hui au ministre.
Et
justement, pour que l'accompagnement
de la mise en place soit optimal, le ministre, avec ces lignes directrices,
va juste donner le temps à la mise en place
de ces énoncés. Si le ministre ne voit pas d'importance de l'ajout, s'il peut
juste nous dire ou nous partager en quoi ça
dérange son ministère et lui-même, la publication des lignes directrices ou
établir des lignes directrices.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. Interventions?
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, M. le Président, j'apprécie la
proposition qui est faite par le député de Nelligan. Cependant, il n'est
pas nécessaire, il n'est pas requis d'avoir des lignes directrices dans le
cadre de la loi parce que la loi, elle
est déjà claire. Alors, ce qu'on fait à chaque fois qu'on adopte une loi, il
n'y a pas des lignes directrices dans tous les cas, surtout lorsque
cette application-là, elle est claire.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la
députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : On est d'accord avec le ministre,
qui dit que, bon, on n'est pas obligé, à chaque fois qu'il y a une loi, d'avoir des lignes directrices, mais le ministre
lui-même le dit, la Loi sur la laïcité, c'est une loi... toutes les lois sont importantes, mais celle-là est particulièrement importante. Et justement on a eu un paquet de questions ici, on s'est
posé plein de questions. Le ministre
aussi n'était pas sûr de certaines choses, consultait. Alors, imaginez pour le responsable de département ou qui que ce soit. Juste par souci de clarification, par
souci de cohérence aussi, je pense qu'on ne perd absolument rien à établir des lignes directrices et à faire en sorte que
tout le monde soit au courant pour qu'on applique la loi de la même
façon.
Encore
une fois, j'aimerais entendre le ministre. Je ne comprends pas pourquoi on
s'empêcherait de faire ça, on s'empêcherait de donner des outils aux
gens qui vont devoir interpréter la loi chaque jour. Il me semble que ce serait
nécessaire, vu l'importance, vu aussi la
complexité de tout ça. Nous, on en discute, on a parlé de la jurisprudence tout
à l'heure... bien, durant les derniers
jours, puis on pourrait en parler longtemps. Et donc, juste par mesure de
cohérence, pour aider tout le monde à comprendre ça, à comprendre
qu'est-ce qui en est, il me semble que ce serait positif.
Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Pas d'intervention. Autres
interventions du côté... Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il
vous plaît.
• (17 h 10) •
Mme David :
Bien, écoutez, on ne s'attardera pas des heures là-dessus non plus, mais je
rappellerai au ministre, qui aime
bien se référer à la loi 101, qu'on a créé l'Office québécois de la langue
française uniquement pour cette loi-là, qui est encore très vivante, et, quand on lit la loi, effectivement, il
y a beaucoup de gens qui sont vraiment très mal pris. Et être ministre
responsable de la Langue française, c'est tout un défi, de comprendre cette
loi-là.
Alors,
ici, je pense aux sociétés de transport en commun. Comprendre la laïcité, je ne
suis pas sûre qu'ils se sont réveillés
tous les matins en pensant à ça. Écoutez, ça touche tellement, tellement de
monde que je me dis : Je pense que ça pourrait être aidant. Alors, c'est la seule chose que je peux dire de
plus, mais, si on a cru bon, sous René Lévesque, de créer, après la loi 101, l'Office québécois de la
langue française, bien, peut-être qu'on se plaît à dire que cette loi-là est
aussi structurante et qu'après la loi 101 c'est un très bel ajout à la société
du Québec. Bien, dire que c'est une loi claire... en tout cas, nous, peut-être qu'on n'est pas vite,
là, mais on pose beaucoup de questions pour la rendre... justement pour être
sûr qu'on la comprend bien.
Et, comme il y a eu
l'OQLF, on ne demande pas ça, là, une instance aussi grosse, parce qu'elle a
une mission d'application aussi de
surveillance et de sanction, mais le guide, j'avoue que j'ai peine à comprendre
pourquoi on n'accepte pas d'être aidant. Il y a quelque chose qui
m'échappe dans ça, M. le ministre.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette :
M. le Président, juste pour l'Office québécois de la langue française, ça a été
créé par Jean Lesage en 1961. Est-ce que je
comprends que la députée de Marguerite-Bourgeoys nous inviterait à créer un
office de la laïcité?
Mme David :
Savez-vous quoi? J'avais créé l'acronyme, l'office de la laïcité du Québec,
mais on ne va pas là, là. On demande
un guide pour accompagner. Puis vous l'avez dit, il y en a, des lois qui en
ont, il y en a qui n'en ont pas parce qu'il y en a que
c'est plus simple, honnêtement. Mais ça, ce n'est pas si simple que ça, vos
quatre principes. Puis après on va
arriver à d'autres articles qui ne sont pas simples non plus. Alors,
réfléchissez, mais nous, on pense que ça peut être un bel
accompagnement.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions?
M. Jolin-Barrette : Je comprends, et c'est pour ça que je disais que
j'appréciais la proposition qui était effectuée. Cependant, je ne
partage pas l'avis des collègues sur ce point-là.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? M. le député de Nelligan,
s'il vous plaît.
M. Derraji : Bon, je vais faire un peu de pédagogie par rapport à l'amendement et je vais demander la collaboration du ministre. O.K.? C'est sa
loi, il la connaît par coeur.
Est-ce
qu'aujourd'hui... parce que, si on s'entend sur une chose, M. le Président, c'est que le ministre veut doter le Québec d'un nouveau droit, d'une loi applicable. Je pense,
sur ça, il est d'accord. S'il n'est pas d'accord, il peut m'arrêter.
Un. Deux, lui-même, M. le Président, prend le temps de consulter et de demander certaines informations. Ce qu'on demande dans cet amendement,
c'est se donner des lignes qui vont accompagner l'ensemble des intervenants de
l'État dans la mise en place
de cette loi. Ça, c'est le verbatim de l'amendement.
Maintenant,
si le ministre ne voit pas que ça passe par des lignes directrices, qu'il nous
propose comment il voit la mise en
place, parce que, si ça a été facile, bien, il aurait dû répondre très
rapidement à plusieurs questions que nous avons soulevées depuis hier
par rapport à ça, là, par rapport à toutes les institutions et même à la mise
en place.
Le
Président (M. Bachand) : ...
M. Derraji :
...clarifie la situation, M. le ministre... M. le Président, le ministre.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Pour moi, M. le Président, c'est très
clair, et l'ensemble des principes aussi sont très clairs. On
en a discuté, on a déjà adopté l'article. Donc, au niveau de l'application, ça
ne pose pas de problématique.
Le Président (M. Bachand) : Interventions? S'il n'y a pas d'autre
intervention, je vais mettre l'amendement du député de Nelligan aux voix. Est-ce que
l'amendement est adopté?
Une voix :
Par appel nominal.
Le
Président (M. Bachand) : Appel
nominal. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji :
Pour.
La Secrétaire :
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?
Mme Robitaille :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Montpetit (Maurice-Richard)?
Mme Montpetit :
Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Lachance (Bellechasse)?
Mme Lachance : Contre.
La Secrétaire :
M. Martel (Nicolet-Bécancour)?
M. Martel :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?
Mme Tardif : Contre.
La Secrétaire :
Mme Lecours (Les Plaines)?
Mme Lecours (Les Plaines) :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Grondin (Argenteuil)?
Mme Grondin : Contre.
La Secrétaire :
M. Jacques (Mégantic)?
M. Jacques : Contre.
La Secrétaire :
M. Bachand (Richmond)?
Le
Président (M. Bachand) :
Abstention. Donc, l'amendement est rejeté. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
s'il vous plaît.
Mme David : Je demanderais le
vote sur l'article 3, s'il vous plaît.
Le Président
(M. Bachand) : S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons
appeler l'article 3.
M. Jolin-Barrette : Oui. Par
appel nominal, s'il vous plaît.
Le Président
(M. Bachand) : O.K. Est-ce que l'article 3 est adopté?
M. Jolin-Barrette : M. le Président, par appel nominal, et c'est
l'article 3 tel qu'amendé suite à l'amendement.
Le
Président (M. Bachand) :
Exactement, c'est ce que j'allais dire, effectivement. Donc, est-ce que
l'article 3, tel qu'amendé, est adopté? Oui.
M. Derraji :
M. le Président, est-ce qu'on peut juste relire l'article 3? Parce que je n'ai
pas la nouvelle version. Désolé, hein?
Des voix : ...
Le
Président (M. Bachand) :
S'il vous plaît! Avec l'amendement, est-ce que c'est... M. le ministre, avec
l'amendement.
M. Jolin-Barrette : Oui, avec l'amendement. «La laïcité de
l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et
judiciaires respectent l'ensemble des principes énoncés à l'article 2, en
fait et en apparence.
«Pour l'application du présent chapitre, on
entend par :
«1°
"institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale, de même
que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une
fonction qui en relève;
«2° "institutions
gouvernementales" : les organismes énumérés aux paragraphes 1° à 10°
de l'annexe I;
«3°
"institutions judiciaires" : la Cour d'appel, la Cour
supérieure, la Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne, le
Tribunal des professions et les cours municipales.»
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Donc, est-ce que l'article 3,
tel qu'amendé, est adopté?
Des voix : Adopté.
Mme David : Sur division.
M. Jolin-Barrette : Par appel
nominal, s'il vous plaît.
Le Président
(M. Bachand) : Appel nominal, Mme la secrétaire, s'il vous
plaît.
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Pour.
La Secrétaire : M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Pour.
La Secrétaire : Mme Lachance
(Bellechasse)?
Mme Lachance : Pour.
La Secrétaire : M. Martel
(Nicolet-Bécancour)?
M. Martel : Pour.
La Secrétaire : Mme Tardif
(Laviolette—Saint-Maurice)?
Mme Tardif : Pour.
La Secrétaire : Mme Lecours
(Les Plaines)?
Mme Lecours (Les Plaines) :
Pour.
La Secrétaire : Mme Grondin
(Argenteuil)?
Mme Grondin : Pour.
La Secrétaire : M. Jacques
(Mégantic)?
M. Jacques : Pour.
La Secrétaire : Mme David
(Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Contre.
La Secrétaire : M. Derraji
(Nelligan)?
M. Derraji : Contre.
La Secrétaire : Mme Robitaille
(Bourassa-Sauvé)?
Mme Robitaille : Contre.
La Secrétaire : Mme Montpetit
(Maurice-Richard)?
Mme Montpetit : Contre.
La Secrétaire : M. Bachand
(Richmond)?
Le
Président (M. Bachand) :
Abstention. Donc, l'article 3, tel qu'amendé, est adopté. Article 4,
M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. «En
plus de l'exigence prévue à l'article 3, la laïcité de l'État exige le
respect de l'interdiction de porter un signe religieux prévue au
chapitre II de la présente loi et du devoir de neutralité religieuse prévu au chapitre II de la Loi favorisant le
respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer
les demandes d'accommodements pour un motif religieux dans certains
organismes (chapitre R-26.2.01), et ce, par les personnes assujetties à
cette interdiction ou [...] ce devoir.»
Cet... pardon, excusez-moi. Cet article mentionne
deux autres exigences de la laïcité de l'État, soit l'interdiction de porter un signe religieux pour certaines
personnes, tel que prévu à l'article 6 du projet de loi, de même que le
devoir de neutralité applicable à certaines catégories de personnes en
vertu de la loi n° 62.
Le devoir de
neutralité religieuse impose l'obligation à un membre du personnel d'un
organisme public de faire preuve,
dans l'exercice de ses fonctions, de neutralité religieuse. Ainsi, il doit
exercer ses fonctions avec toute l'objectivité nécessaire et indépendamment de ses opinions et croyances en matière
religieuse et celles de la personne à qui est rendu un service public. Ce devoir étant intimement lié
à la laïcité de l'État, il est incontournable que le projet de loi y fasse un
renvoi direct.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le ministre. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
s'il vous plaît.
Mme David :
Est-ce que le ministre a autre chose à dire que ça? Est-ce que... ou on
commence tout de suite dans l'échange?
M. Jolin-Barrette : ...c'est ce
que j'ai à dire.
Mme David :
O.K. Bien là, on va... Cet article-là me semble une transition entre le 3 et le
6, probablement, en disant... On est
rendus au 3, on a adopté, donc, la grande phrase parapluie : L'État est
laïque, les principes, l'application. Et
là, si je comprends bien, mais je veux donner l'occasion au ministre de bien
expliquer, on dit qu'en plus... «En plus de l'exigence prévue à
l'article 3 — là on
s'en va vers le libellé de l'article 6 — la
laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction de porter un signe
religieux prévue au chapitre II...» Donc, on s'en va... on nous donne
l'apéritif de l'article 6 et puis de toute la question
aussi, donc, de la neutralité... de la loi favorisant le respect de la
neutralité et visant à encadrer les demandes, bon, certains organismes
et cette interdiction, après ça, etc.
Donc, est-ce que
c'est plus un article pédagogique, un article de transition
littéraire entre deux... et, ceci dit, c'est positif quand je dis ça, là, ce n'est pas littéraire au sens... on passe
de la laïcité de l'État à ce que nous, peut-être,
pour les fins de la discussion,
on va parler de laïcité plus appliquée à des individus, donc passer de 3
à 6. On ressent ce besoin de dire le 4, d'exprimer le 4.
Où moi, je
suis restée un peu surprise de ce besoin-là, en fait, c'est... pourquoi
a-t-il besoin, l'article 4, d'être là puisque le 6 dit très bien...
et puis après ça on va aller plus loin et puis... Alors, j'essaie de comprendre
pourquoi le législateur, je pense qu'on dit ça comme ça, a
voulu qu'existe cet article 4.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, Mme la députée.
M. le ministre.
• (17 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci,
M. le Président. Bien, en fait,
pourquoi l'article est là, pourquoi
le législateur souhaite que l'article
soit là, dans un premier temps, c'est pour expliquer quelles sont notamment les
exigences de la laïcité de l'État.
Donc, on dit : En supplément de l'article
3, la laïcité de l'État exige quoi d'autre, dans le fond? Le respect de
l'interdiction de porter un signe religieux, qu'on va voir à l'article 6. Donc,
quand on dit «interdiction de porter un signe religieux prévue au chapitre II
de la présente loi», c'est à l'article 6. Et du devoir de neutralité religieuse
du chapitre II de la loi favorisant... Bon,
la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant
notamment à encadrer les demandes
d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes, ça, c'est la
loi n° 62, O.K., au niveau de la neutralité.
Ça fait que
l'article, ce qu'il vient dire, c'est quelles sont les exigences de la laïcité
de l'État. Dans un premier temps,
l'article 3, qu'on a adopté, pour les institutions, ensuite l'interdiction de
porter des signes religieux pour certaines personnes en situation d'autorité, et, troisièmement, le devoir de
neutralité religieuse pour l'ensemble des fonctionnaires de l'État.
Mme David :
Donc, vous dites ce que je dis en d'autres mots. Vous mettez la table pour ce
qui s'en vient après, essentiellement.
Moi, c'est... Vous pouvez le faire, là, ce n'est pas... Vous annoncez ce qui s'en
vient, et vous attachez ce qui
précède avec ce qui s'en vient, puis vous en faites un article, une rédaction
juridique, disons ça comme ça. Autrement dit, on n'aurait pas l'article
4 que votre loi, elle se tiendrait quand même, non?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Je vous dirais non parce que, pour savoir ce que
constitue la laïcité de l'État, hein, ses différents éléments... Et donc ça inclut à la fois l'article
3, la laïcité aux institutions, l'interdiction de porter un signe religieux
pour certaines fonctions spécifiquement visées ainsi que la neutralité
religieuse de la part des fonctionnaires, le devoir de neutralité religieuse de
l'État.
Mme
David : Et j'entends bien puis je comprends l'esprit, la motivation de
ça, mais effectivement, de la façon dont
c'est rédigé, dès la première ligne, en plus de l'exigence, l'État exige...
mais ça, je n'avais pas remarqué qu'il y a deux fois le mot «exige», mais ça
fait bien des exigences. En plus de l'exigence prévue à l'article 3, donc, dont
on a amplement parlé, la laïcité de
l'État exige le respect, bon, pour certaines catégories de personnes. Et là on
retombe dans des notions de base qui
sont, on en a discuté déjà, plus des choix que des exigences de la nature,
comme on a besoin de l'eau et de l'air pour respirer et pour vivre. Ce
n'est pas nécessairement une exigence immanente au fait de la laïcité, puisque
ce sont des choix politiques, tout ce qui va suivre après.
Alors, «la
laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction», est-ce que c'est au
sens, une fois que la loi sera passée, il
y aura une interdiction qu'on aura décidée, par exemple la notion d'autorité,
la notion d'autorité coercitive? Est-ce que c'est ça que ça veut dire ou ça veut dire que, si on parle de laïcité,
quelle que soit la juridiction où on le fait, le pays où on le fait, la laïcité
d'un État exige automatiquement l'interdiction de porter un signe religieux et
le visage découvert ou si c'est une
façon légaliste, là, dit positivement, là, légale d'amener ce qui s'en vient?
C'est votre laïcité de l'État, c'est la laïcité de l'État, telle que décrite dans le p.l. n° 21,
qui va nous préparer à exiger le respect. Est-ce que je comprends bien
ou la laïcité de n'importe quel État exigerait ça?
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
La députée de Marguerite-Bourgeoys a raison lorsqu'elle dit : C'est la
laïcité de l'État québécois. Effectivement,
le modèle de laïcité que nous définissons, c'est un modèle québécois de
laïcité. Comme je l'ai dit d'entrée
de jeu, au début, ce n'est pas le modèle français, ce n'est pas le modèle de
sécularisation, supposons, de la Grande-Bretagne,
ce n'est pas l'Allemagne, ce n'est pas les États-Unis, ce n'est pas le reste du
Canada. C'est un modèle qui est
propre au Québec. Et donc dans la laïcité québécoise, dans le modèle qu'on se
dote tous ensemble, ça indique que la laïcité comprend l'article 3, notamment,
pour les institutions, d'agir en fonction des principes qui soutiennent la
laïcité de l'État, que, pour
certaines fonctions, il n'y a pas de port de signes religieux et que l'État ait
l'obligation du devoir de neutralité religieuse.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous
plaît.
Mme David :
Et donc c'est intéressant parce qu'effectivement je lis ça spontanément comme
ça, comme on pourrait le lire en dehors de
ce lieu-ci, et on dirait... ça donne l'impression, mais là je vais vous dire ce
que vous devriez me répondre à ça,
parce que la loi n° 62 disait la même chose, c'est : la laïcité
de l'État, mais «de l'État», ce n'est pas l'État au sens large et au sens général dans un dictionnaire. Ce n'est pas la
laïcité d'un État, c'est la laïcité de l'État québécois. Le ministre vient de le dire, et je pense qu'il a
tout à fait raison. C'est dans le contexte du Québec, là, qu'on se parle, donc
c'est la laïcité de l'État québécois telle
que vue dans ce projet de loi parce que, là, on pourrait effectivement avoir,
on le sait, différentes approches de
la laïcité de l'État québécois. Là, c'est la laïcité du projet politique du
gouvernement, qui va devenir un jour
peut-être la laïcité de l'État de ce projet de loi là. Mais donc ça porte un
petit peu à confusion, si on le lit
vite comme ça, parce qu'on a l'impression que ça veut dire que c'est applicable
partout sur la planète où il y a des États dits laïques.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, effectivement, chaque État qui se dit
laïque a son propre modèle de laïcité. Il n'y a pas de modèle de laïcité uniforme, et on a eu la
discussion à savoir... Laïcité ouverte, laïcité stricte, les différents auteurs
ne s'entendent pas sur les différents
concepts. On a vu qu'au Québec aussi, avec, supposons, le jugement Mouvement
laïque québécois, auquel la députée
de Bourassa-Sauvé faisait référence, le concept de laïcité n'existait pas en
droit québécois ni en droit canadien.
Alors,
oui, c'est une détermination. On est venus définir la laïcité, et là on vient
dire qu'elles sont notamment les composantes
de la laïcité. Ça contient notamment, pour certaines personnes en situation
d'autorité, l'obligation de ne pas porter
de signes religieux, également aussi que l'État a un devoir de neutralité
religieuse de l'État. Mais oui, c'est un modèle qui est unique, propre
au Québec à titre de société distincte à l'intérieur du Canada. C'est un modèle
qui permet de développer... un modèle qui permet d'organiser les rapports entre
l'État et les religions au Québec.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée.
Mme David :
Admettons que, moi, mon parti ou un autre parti aurait un autre projet de loi
qui parle de laïcité, on serait dans
le même État, l'État du Québec. Est-ce que, donc, quand le mot... on dit
«exige», ça donne l'impression que c'est
obligatoire, comme je le disais, «exige», «la laïcité de l'État exige»... et
qu'on ne définit pas de quel État on parle, peut-être que les juristes
vont dire : Bien non, ça tombe sous le sens, c'est normal de ne pas dire
l'État québécois.
Mais
je vais vous poser la question : Est-ce que vous pensez que ça serait plus
clair et encore plus évident pour vous
et plus... même le... j'ai le mot «noble» qui me vient ou je ne sais pas, là,
dans votre perspective à vous, de dire «la laïcité de l'État québécois»,
puisqu'on parle de la laïcité spécifique à la vision du gouvernement de la
laïcité à la québécoise, mais...
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Jolin-Barrette : Le souci, je crois, de la députée de
Marguerite-Bourgeoys, c'est de référer à l'État du Québec, si je
comprends bien?
Mme David :
Bien, c'est parce que c'est à cause du mot «exige» aussi après parce que c'est
ce projet de loi là, dans la vision du gouvernement, qui dit : Nous, là,
c'est une exigence incontournable, il n'y aura de laïcité de l'État du Québec sous le gouvernement de la Coalition avenir
Québec... Je ne sais pas si on peut dire ça, M. le Président, là, je suis
mêlée sur ce qu'on peut dire et pas dire...
M. Jolin-Barrette :
Moi, ça ne me gêne pas que vous disiez...
• (17 h 30) •
Mme David : Bon,
bien, sous le... Bien oui, parce que vous avez souvent parlé du Parti libéral.
Alors, la laïcité de l'État, sous la gouverne du parti dûment et
démocratiquement élu, la conception de la laïcité, notre conception de la laïcité, là, je mets les mots dans votre bouche,
exige le respect. Nous désirons exiger ça. Alors là, comme il y a le mot
«exige», ça donne l'impression, si on lit
vite — mais
je me mets toujours à la place de gens qui sont passionnés des projets de
loi puis qui les lisent avant de se
coucher puis qui regardent tout ça — de
dire : Bien, ce n'est pas la laïcité universelle et mondiale.
M. Jolin-Barrette :
Je pense que la députée de Marguerite-Bourgeoys parle de moi, là.
Mme David :
Ah! bien, de ce temps-ci, moi aussi, je le lis pas mal.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la
députée, s'il vous plaît.
Mme David : Oui, je vais arrêter, je vais arrêter là, M. le Président. Alors, le mot «exige» peut porter à confusion, comme si c'était un
grand traité de laïcité mondial puis de grandes références qui
diraient : Laïcité d'un État exige interdiction, etc.
Alors, c'est peut-être
une précision uniquement sémantique,
parce que, je vous dis, on voit bien, après... Vous pourriez me répondre : Oui, mais votre propre
loi n° 62, si je comprends bien, c'est le titre qui
est repris, ne mettait pas l'État du
Québec, mettait la... Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de
l'État et visant notamment à encadrer... bon.
Le Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, dans les différentes lois, là, généralement, on réfère à... quand le
gouvernement du Québec fait référence à
l'État, c'est l'État. Donc, c'est l'État du Québec, l'État avec un grand E,
c'est l'État. Et, lorsqu'on parle de
l'État, ce n'est pas uniquement le gouvernement. Ça, c'est important vraiment
de faire la distinction parce que la députée
de Marguerite-Bourgeoys nous disait : C'est, supposons... c'est la laïcité
du gouvernement. Non, c'est la laïcité de l'État québécois de tous les Québécois parce qu'au-delà des
gouvernements, les gouvernements passent, les élus passent, changent,
mais L'État québécois demeure toujours. L'État québécois, c'est ses
institutions. On l'a vu, ses institutions parlementaires,
gouvernementales, judiciaires, tout ça, c'est l'État québécois. Ce n'est pas la
laïcité d'un parti politique ou d'un autre. Ce n'est pas la laïcité d'un
gouvernement ou de celle d'un autre. C'est la laïcité de l'État québécois.
Le Président (M. Bachand) : Mme la
députée, s'il vous plaît, oui.
Mme David : Fort
intéressante discussion. Évidemment, ce à quoi je réfère, c'est que, quand on
est au pouvoir, et c'est le plaisir d'être au pouvoir, c'est de réaliser
ce qu'on veut faire, de passer des lois que nous rédigeons et que les oppositions, évidemment, qui font très bien leurs
devoirs, regardent ça et vous posent des questions, mais... Alors, ça va
devenir une loi étatique, je le comprends
très bien, là, et elle va demeurer quand vous ne serez plus là et quand
d'autres prendront votre place. Ça,
je comprends très, très bien ce que vous voulez dire. C'est la laïcité de
l'État, ce n'est pas la laïcité d'un
gouvernement, mais c'est le gouvernement en place qui propose des lois. Ça, on
est d'accord avec ça, et le gouvernement,
c'est un parti politique qui réfléchit à tout ça, puis, après ça, ce sont les
parlementaires qui adoptent la loi.
Alors, la laïcité de l'État québécois,
mais, je dirais telle que définie par la loi n° 21, qui ne s'appellera
peut-être plus comme ça à ce
moment-là, mais, en tout cas, le projet de loi n° 21, exige le respect de
l'interdiction de porter un signe religieux, bon. Alors, est-ce qu'on est dans
de la sémantique de façon exagérée? Je ne le sais pas. Mais je veux que
vous entendiez bien que je suis complètement d'accord que ce n'est pas le
gouvernement d'un parti qui va rester. L'État transcende et reste après qu'un
gouvernement passe. Mais, pour les fins de la discussion, on parle quand même
d'un gouvernement précis, en place, avec un
programme politique, qui applique son programme politique, dont ce projet de
loi là.
Alors, c'est pour ça que je voulais
respectueusement dire : La laïcité de l'État exige le respect de
l'interdiction. Bien, il y avait deux
niveaux, peut-être, de questionnements. Est-ce que c'est tous les États qui
parlent de laïcité et qui ont la même
définition, d'une part? On sait bien que la réponse, c'est non. C'est la
définition telle que proposée dans ce projet de loi là et c'est la laïcité telle que proposée, justement, dans ce
projet de loi là, qui, après, pourra, s'il y a un autre gouvernement un
jour, abroger, et puis changer, puis etc., comme vous faites avec la loi, le
p.l. n° 62, qui est devenu la loi n° 19, je pense, si je me souviens bien, là, ça
change de chiffre, là, c'est devenu la loi no 19, que vous
abrogez, que vous modifiez, etc.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bon, premièrement, sur la question de compétences du Québec, dans le fond, quand l'Assemblée nationale légifère, le seul État sur lequel
le Québec peut légiférer, c'est l'État du Québec, donc c'est implicite que
c'est l'État québécois. Le Québec n'a pas de juridiction extraterritoriale.
Donc, quand on fait référence à l'État,
c'est toujours l'État du Québec. D'ailleurs, l'article 42 de la Loi d'interprétation du Québec
fait référence à l'État, ne
fait pas référence à l'État du Québec. Donc, d'un point de vue légistique, ça
s'entend toujours de l'État lorsqu'on parle de l'État du Québec. Même chose dans
le Code civil aussi.
Sur la fin de votre question...
la fin de votre commentaire, c'était...
Mme David : Bien, j'étais sur le sens, État,
mais État du Québec. Bon, on comprend bien, mais c'est la laïcité de
l'État, comme si ça s'adressait de
façon définitive et universelle à
tous les États souverains, admettons, ou tous les États,
point.
M. Jolin-Barrette : C'est ça, oui. Bien, en fait, non, ça vise juste
le Québec. L'Ontario pourrait avoir une laïcité de l'État
qui lui appartiendrait, mais ce n'est pas le cas actuellement, ce n'est pas le
cas du Canada et des autres provinces canadiennes.
Mais nous, on a uniquement la juridiction pour légiférer sur le territoire
québécois, alors on légifère en ce sens-là. Et d'ailleurs, à juste titre, lorsque la députée de
Marguerite-Bourgeoys dit : Écoutez, un gouvernement successif pourrait changer la
définition de la laïcité de l'État, la réponse à cette question-là,
c'est oui, effectivement. Si, supposons, le Parti libéral se
faisait élire en disant : Je vais abroger la Loi sur la laïcité de l'État
et qu'il avait la majorité de la députation, il pourrait le faire.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme David : L'histoire de l'humanité, c'est la sédimentation
de différentes couches terrestres, hein? Alors, je ne suis pas la spécialiste de Charles Quint,
mais, quand même, on a quelques notions. Mais effectivement la preuve étant
que vous récupérez certains aspects de la
loi, je ne pense pas me tromper, le chiffre 19, mais peut-être
vous pouvez... Pardon?
Une voix : ...
Mme David : C'est le
chapitre XIX de la loi n° 62. Voilà.
Des voix : ...
Le Président
(M. Bachand) : Alors, interventions?
Mme David : Je peux parler?
Le Président
(M. Bachand) : Oui, oui, allez-y, allez-y, Mme la députée,
pardon.
Mme David : Alors, c'est le
chapitre XIX de la loi n° 62.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, M. le Président, la collègue
de Marguerite-Bourgeoys a raison. Dans le fond, lorsqu'on
dépose un projet de loi à l'Assemblée
nationale, on le dépose sous forme de
projet de loi. Donc, exemple, la Loi sur la laïcité de l'État, c'est projet de loi n° 21. À partir du moment où il sera adopté et sanctionné par notre ami le lieutenant-gouverneur, le projet
de loi n° 21 va devenir une loi
annuelle. Donc, la loi annuelle, c'est en
fonction de l'ordre dans lequel il est adopté. Et donc, dans le cadre, exemple, du projet de loi
n° 62, c'était la 19e loi adoptée en 2017, donc la loi n° 19. Je ne crois pas me tromper, sinon, on peut me
corriger. C'est bien ça. Donc, c'est la loi annuelle. Donc, il y a un recueil des lois annuelles qui est
effectué, et on peut consulter les lois annuelles. Mais ce qui est intéressant
au Québec, c'est qu'on a des lois refondues aussi. Donc, à partir du
moment où la loi, elle est adoptée, elle est modifiée quasiment en temps réel lorsqu'on y apporte des modifications. Donc,
quand on la consulte sur Publications du Québec, les modifications sont
incluses dans la loi, puis c'est ça.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Mme la députée.
Mme David :
C'est extraordinaire, entendre parler des juristes, c'est vraiment...
J'aimerais ça vous parler de mon jargon à moi, on aurait beaucoup de
plaisir. Mais donc elle s'appelle la loi n° 19 ou la
loi n° 62?
M. Jolin-Barrette : Pardon?
Mme David : Elle s'appelle la
loi n° 19 ou la loi n° 62?
M. Jolin-Barrette : Non,
c'était le projet de loi n° 62, là, c'est la loi n° 19.
Mme David :
Et donc vous êtes obligé de dire que j'avais raison là-dessus. Je suis fière.
Je prends ma fierté où on peut.
M. Jolin-Barrette : Bien,
certainement, certainement.
• (17 h 40) •
Mme David : Merci. Parce que je
m'étais trompée sur l'OQLF. Ça me permet de dire : Toutes mes excuses. Moi-même, imaginez, l'OQLF est née bien avant,
mais c'est l'OQLF qui a eu le mandat d'appliquer la loi 101, et donc
avec un très gros mandat, puis il y a pas
mal de monde dans cette boîte-là sur la rue Saint-Urbain, puis etc. Donc, c'est quand même
un gros organisme qui avait ce mandat d'appliquer la loi 101.
C'est pour ça que j'ai fait une erreur, et je m'en excuse. Je me
reprends donc en ayant eu du succès avec la loi n° 19.
Mais
donc on s'entend que vous... à cause de toute cette pratique juridique de
sédimentation de différentes lois une
par-dessus l'autre, il est normal, et c'est un vocabulaire presque coulé dans
le béton, si je vous comprends bien, de formuler ça comme ça, la laïcité de l'État
exige le respect de l'interdiction.
Le
Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette :
Oui, au niveau de l'interdiction, vous disiez?
Mme David : Dans le jargon habituel de la sédimentation d'une
loi par-dessus l'autre, par-dessus l'autre, et d'une pratique qui devient une pratique usuelle, ce que
j'en comprends, c'est que vous dites qu'il est prévisible, normal et attendu
qu'on qualifie comme ça cette phrase, «la laïcité
de l'État exige le respect de l'interdiction de porter un
signe religieux», qu'il n'y a rien d'inhabituel dans cette façon de le dire,
même si, d'une façon plus littéraire ou plus sortie d'un contexte légal, je lis ça et je dis : La laïcité
de l'État, bon, je
pense que je comprendrais assez vite qu'il y aura un drapeau
du... il y aura le fleurdelisé puis il y aura Assemblée nationale ou je
ne sais pas quoi. Les gens sauront qu'on parle du Québec.
Donc,
la laïcité de l'État, admettons que les gens vont comprendre vite qu'on est au
Québec, mais c'est le «exige le respect», encore une fois, là, je ne
comprendrais plus. Je dirais : Est-ce que c'est parce que ça marche de
même automatiquement, laïcité égale exiger
le respect de l'interdiction? Parce que vous comprenez mon interrogation quand
on sait ce qui vient et ce qui est si
discuté dans la société en ce moment, c'est-à-dire laïcité de l'État, puis on
rentre dans le coeur, évidemment, de
ce qui nous préoccupe ou de ce qui préoccupe le plus une partie de la
population, c'est la laïcité de
l'État d'un côté et les signes religieux de l'autre. Alors, le «exige», c'est
comme si c'était parole d'évangile. C'est un peu comme ça que j'essayais
d'expliquer le mot «exiger». C'est comme si ça allait de soi. Comprenez-vous?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, on dit «la laïcité de l'État exige», on définit ce que
constitue la laïcité de l'État, quels
sont les différentes composantes de la laïcité de l'État, comment elle se
matérialise. Donc, on explique qu'est-ce que la laïcité de l'État, quelles sont les exigences de la laïcité de
l'État, alors qu'est-ce qui est attendu, en termes de laïcité de l'État,
quelles sont ses composantes, les trois composantes auxquelles on fait
référence.
Le
Président (M. Bachand) : Merci.
Mme David :
Bien, effectivement, M. le Président, quand on retourne... C'est peut-être que
ça me dérange plus, l'exigence qui va
après ça que les exigences qui allaient dans les affirmations de la laïcité de
l'État. Quand on dit, l'article 2 : «La laïcité de l'État repose sur les principes suivants», j'aurais pu
vous faire tout le même... la même discussion. Ce n'est pas coulé dans le béton que tous les États au
monde qui ont une laïcité x, y, z reposent sur les mêmes principes. C'est la
laïcité telle que définie par vos réflexions
sur votre conception de la laïcité. Et là on a les quatre principes avec
lesquels on est d'accord, mais ça
nous a moins dérangés à ce moment-là. Et j'ai peut-être lu différemment, puis
c'est le mot «repose» qui est
peut-être moins catégorique, et déterminant, et final que le mot «exige», mais
c'est la même idée. Quand vous avez dit : «repose sur quatre
principes», bien, voilà, c'est notre conception, 1°, 2°, 3°, 4°, puis c'est ça,
notre laïcité.
Et
là l'article 4, c'est : Voici, on a adapté l'article 1, 2, 3, et
là on arrive à une autre exigence que nous, on ajoute à notre conception
de la laïcité de l'État québécois. Est-ce que je m'exprime bien?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, la députée de Marguerite-Bourgeoys fait la référence
entre les quatre principes qui
reposent... la laïcité repose, mais quelles sont les façons de matérialiser la
laïcité, c'est justement cette
exigence-là, le fait, pour les institutions à l'article 3, de faire
en sorte que les institutions appliquent la laïcité, que les personnes visées par l'interdiction de signes religieux ne
les portent pas. Et la neutralité religieuse de l'État, le fait d'exiger, ça
rend quelque chose d'obligatoire.
Mme David : Mais, on se comprend, ça ne veut pas dire
qu'on... On s'entend avec nos oreilles, ça ne veut pas dire qu'on
s'entend avec nos principes ou notre vision de la laïcité.
M. Jolin-Barrette : Ça, M.
le Président, c'est sûr, là. Dans le
fond, ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys
nous dit, elle dit : Je ne suis pas
d'accord à ce que la laïcité de
l'État exige ces trois éléments-là.
Ça, je comprends ce qu'elle nous dit.
Juste en termes de... lorsqu'on utilise «État», exemple, dans la Loi sur la
neutralité religieuse de l'État, on dit «État», on ne dit pas «État du Québec» aussi. Ça
fait que, dans le corpus, c'est
«État» qui est visé. Mais je suis d'accord avec elle, la députée de Marguerite-Bourgeoys, elle n'est pas obligée d'être d'accord avec
«l'exigence», là. Je comprends que,
si elle avait été assise à ma place, elle n'aurait pas indiqué que les
exigences de la laïcité de l'État auraient été ces trois éléments-là.
Mme David : C'est vraiment des précisions sémantiques, et
littéraires, et intellectuelles que je voulais. Mais je vais passer la
parole à la députée de Bourassa-Sauvé.
Le Président
(M. Bachand) : O.K. Intervention, Mme
la députée de Bourassa-Sauvé?
Mme Robitaille : O.K., bon, oui. Alors, bien, oui, j'ai écouté la
discussion. En fait, quand on lit l'article, et puis j'aimerais entendre le ministre là-dessus,
bon, on parle, on dit : «En plus de l'exigence prévue à l'article 3 — qui est en fait une référence à l'article 2 — la laïcité de l'État exige le respect de
l'interdiction de porter [des signes] religieux...» Et on continue et ensuite on dit... et on parle du
devoir de neutralité religieuse tel que décrit dans... bon, grosso modo,
c'est la loi n° 19,
c'est ça? Cette neutralité religieuse là, en quoi est-elle différente de
l'article 2, de la définition de laïcité à l'article 2?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : En fait, il faut le voir comme un tout parce que
la laïcité de l'État est une des composantes des principes, et on voyait que la laïcité, lorsque...On a eu la
discussion hier, que les différents principes s'interprètent les uns par rapport aux autres. Donc, lorsqu'on
balance ces différents principes là, on... je rappelais que la séparation entre
l'État et les religions, c'est le principe
le plus important, mais qu'ensuite à travers ça les différents principes, on en
prend tous en compte. C'était
l'amendement de la collègue de Marguerite-Bourgeoys. Donc, ça, c'est le premier
élément, qui sont les composantes de
la laïcité. Mais aussi on fait le pont avec la neutralité religieuse de l'État
dans la Loi sur la neutralité religieuse
de l'État. On fait perdurer, exister cette neutralité-là parce que c'est
important que, dans l'exigence de laïcité, on agisse d'une façon neutre, en plus que les personnes qui sont en
situation d'autorité ne portent pas de signes religieux et que les
institutions appliquent le concept de laïcité.
Mme Robitaille :
À l'article 3, est-ce qu'on exige des gens qui composent ces différentes
institutions là... c'est qu'ils
respectent la neutralité de l'État, le concept de neutralité de l'État, qui est
un peu notre laïcité à la québécoise, là, jusqu'à maintenant, avant
l'arrivée du projet de loi?
M. Jolin-Barrette :
Non.
Mme Robitaille :
O.K., expliquez-moi.
M. Jolin-Barrette : Non, neutralité, c'est différent. Laïcité, c'est
différent. Laïcité, ça n'existe pas. Neutralité religieuse, c'est dans le cadre du projet de loi n° 62.
Bon, à l'article 2, O.K., c'est la définition de la laïcité, tandis que le
devoir de neutralité, c'est l'obligation
pour les personnes, pour le fonctionnaire, donc ça s'applique à l'institution,
la laïcité. Mais le devoir de neutralité aussi est imposé aux
fonctionnaires, aux personnes.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Mais certains nous dirons... j'ai déjà entendu : La
laïcité à la québécoise, à la canadienne, égale neutralité de l'État.
M. Jolin-Barrette :
Bien...
Mme Robitaille :
Pourquoi vous riez, M. le ministre?
• (17 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Bien, parce que je ne veux pas qu'on... je ne
voudrais pas qu'on retombe dans le même débat qu'on a eu tout à l'heure en lien avec votre amendement. Et, par les
propos de la députée de Bourassa-Sauvé, M. le Président, c'est comme si on souhaitait ramener la discussion par rapport à la laïcité à la
canadienne versus la laïcité à la québécoise
parce qu'au Canada...
Mme Robitaille :
J'aimerais ça intervenir.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, Mme la députée.
Mme Robitaille :
Bien, la laïcité à la québécoise, là, jusqu'à maintenant, là, hein, bien,
certains juristes vous diraient, M. le
Président, que c'est en fait la neutralité de l'État. Les cours, la
jurisprudence, les lois qui ont abouti, là, dans ce contexte-là forment une espèce — et, encore une fois, c'est dans les
mémoires, et tout ça — forment un concept de laïcité.
Ce qui est bien,
c'est que, là, le projet de loi n° 21 les codifie.
Donc, il y a une codification, et la loi n° 19 circonscrivait... Là, j'ai l'impression qu'on va
plus loin avec l'interdiction des signes religieux. En fait, certains juristes
disent que cette loi-là, la Loi sur la
laïcité, c'est ce qu'on comprenait du projet de loi n° 62,
de la loi n° 19, plus l'interdiction des signes religieux. Donc, la laïcité décrite à
l'article 2 — et puis
ça, on en a parlé amplement, mais c'est important parce que ça revient ici — la laïcité définie à l'article 2, c'est
finalement la compilation de notre jurisprudence, et finalement, à
l'article 6, on va plus loin. Et la compilation de notre jurisprudence,
c'est peut-être la... c'est cette loi n° 19, là, non?
Qu'on codifie?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, non, pas du tout. Pas du tout,
pas du tout, pas du tout. On a eu beaucoup de discussions là-dessus hier. Ce qui existait au Québec, c'était la
neutralité religieuse de l'État, point. Frette, nette, sec. Juste ça. Au
Canada, les tribunaux interprétaient la neutralité religieuse de l'État. La
laïcité, c'est un nouveau concept. J'ai expliqué
quels étaient les principes associés à la laïcité de l'État, mais, notamment,
le critère le plus important étant la séparation de l'État et des
religions. Dans le cadre de la neutralité religieuse, c'est le comportement
notamment du fonctionnaire, le fait d'agir d'une façon neutre. Alors, c'est
bien important de voir que 3 s'applique aux institutions, «neutralité religieuse»
s'applique aux personnes qui sont chargées de l'application.
Et là je
reviens sur ce concept-là. La laïcité, là, ça n'existe pas jusqu'à tant qu'on
adopte le projet de loi sur la laïcité. Il y avait la neutralité, mais nous, on incorpore un nouveau concept de
la laïcité. Et la séparation de l'État et des religions, ça, c'est la laïcité, c'est le critère
fondamental. Et ce qu'on dit à 4, c'est que la laïcité de l'État, ça exige ça,
mais ça exige aussi que les personnes en situation d'autorité ne portent
pas de signes religieux lorsqu'elles sont visées, et ça exige également la
neutralité religieuse de l'État.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Je ne veux pas refaire le débat qu'on a déjà fait, mais la laïcité... il y a
toutes sortes de laïcités. Il y a la
laïcité ouverte et, le ministre le disait encore tout à l'heure, la laïcité
fermée. La laïcité ouverte, c'est notre État de droit, c'est l'état du droit actuellement chez nous, et la différence
que le projet de loi fait, c'est qu'on ajoute l'interdiction du port des
signes religieux.
M. Jolin-Barrette : M. le
député de Saint-Jean veut intervenir.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux :
Oui. Je voulais juste dire que la députée a tout à fait raison, il y a la
laïcité ouverte, la laïcité fermée, la laïcité
ceci, cela, et dorénavant, une fois qu'on aura adopté tout ça, qu'on ira au
salon bleu, il y aura, si je ne me trompe pas, M. le ministre, la
laïcité québécoise.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous
plaît.
Mme Robitaille : Certains vous diront : Il y a déjà une
laïcité québécoise qui émane de... Oui. Est-ce que le ministre... Est-ce
que mon collègue de...
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée, je m'occupe de la
présidence. Allez-y, allez-y, je regarde.
Mme Robitaille :
Il y a déjà une laïcité québécoise qui émane de notre jurisprudence, et tout
ça, mais là le ministre nous
dit : C'est une laïcité plus. C'est cette laïcité-là, mais plus, plus
l'interdiction des signes religieux parce que... Oui, allez-y.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, je ne sais pas comment le dire.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : De faire
attention à comment le dire?
Le Président
(M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bien, on m'invite à faire attention, M. le
Président, à dire que la laïcité, dans nos lois, ça n'existe pas, hein?
On est là justement pour ça, ensemble, projet de loi n° 21, Loi sur la
laïcité de l'État.
Ça n'existe
pas, le concept de laïcité au Québec, au Canada. Jusqu'à ce jour, jusqu'à tant
que le gouvernement de la CAQ dépose
un projet de loi sur la laïcité de l'État et le fasse adopter, incessamment, je
l'espère, incessamment, eh bien, ça
n'existe pas, ce concept-là. En fait, ça peut exister parce que le Parti
libéral nous dit : Ça existe déjà, la laïcité. Ça n'existe pas en droit. Ce qui existe en droit, c'est la
neutralité religieuse de l'État. Mme Vallée, alors qu'elle était ministre
de la Justice, elle a fait adopter le
projet de loi n° 62 sur la neutralité religieuse de l'État, mais elle
avait l'occasion de dire laïcité de l'État et elle ne l'a pas fait, et
le gouvernement libéral ne l'a pas fait. Alors, ça n'existe pas.
Et, M. le Président, vous me permettrez de citer
un auteur que la députée de Bourassa-Sauvé, je pense, aime beaucoup, Me Pierre Bosset. Et lui, il
dit : «...ni au Québec ni au Canada, la laïcité n'est un concept juridique
normatif[...]. C'est plutôt le
concept de neutralité qui, du point de vue juridique, régit les rapports entre
l'État et les religions.» Il a écrit ça en 2018.
Alors, moi,
je réfère la députée de Bourassa-Sauvé aux écrits de Me Pierre Bosset
là-dessus et je pense que moi, je
l'ai dit, que la laïcité puis la neutralité, ce n'était pas la même affaire. Si
la députée de Bourassa-Sauvé ne veut pas me croire, peut-être
voudra-t-elle croire Me Bosset, qui est un auteur et qui est avocat.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : C'est que
certains avocats disent que c'est un peu un effet de toge, en fait, qu'il y a
cette neutralité-là de l'État. Oui, elle
n'est pas codifiée comme étant laïcité, mais, en fait, la neutralité de l'État,
c'est ce qu'on peut appeler la
laïcité québécoise. Elle n'est pas codifiée comme telle, cette laïcité-là, mais
c'est une laïcité que certains peuvent
juger d'ouverte ou considérer comme ouverte, mais c'est qu'en plus, là, on
ajoute l'interdiction de porter des signes religieux. C'est juste ça. Donc, en fait... Et là on parle de
l'article 3, qui est basé sur l'article 2. L'article 2 définit
la laïcité, puis là on ajoute un
autre élément à la laïcité, l'exigence de respecter l'interdiction de porter
des signes religieux. C'est ça qui est différent. C'est ça qui est différent,
j'ai l'impression. Non?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, la laïcité, à ce jour, ça
n'existe pas. Quand la députée de Bourassa-Sauvé nous dit : Écoutez, la neutralité, c'est la laïcité québécoise,
non, non, non, c'est la neutralité religieuse de l'État, point.
Écoutez
Pierre Bosset encore : «...le droit québécois ne peut se référer au
concept, par ailleurs polysémique, de la "laïcité". En effet,
notre droit n'a jamais fait sien ce concept[...].
«Au Canada,
la laïcité, à proprement parler, ne fait pas partie du vocabulaire
constitutionnel.» Le droit québécois, et canadien, ne contient pas de
notion juridique de la laïcité.
Bien,
écoutez, là, Pierre Bosset, il le dit : Au Québec, il y avait juste
de la neutralité. Maintenant, on passe vers un régime de laïcité. La laïcité, ce n'est pas la même chose que la
neutralité. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Pierre Bosset. Je ne
peux pas être plus clair que ça, M. le Président, là.
Le
Président (M. Bachand) :
Et, sur ce, compte tenu de l'heure, la commission va suspendre ses travaux
jusqu'à 19 h 30. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise à 19 h 33)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous
plaît! Bonsoir et bienvenue. La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande bien sûr
à toutes les personnes présentes dans la salle de bien éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques.
Je vous
rappelle que la commission est réunie ici afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 21, la Loi
sur la laïcité de l'État.
Lors de la suspension de nos travaux, cet
après-midi, les discussions portaient sur l'article 4.
Cela dit,
j'aurais besoin d'un consentement,
avant de débuter, pour autoriser le... accueillir le député de René-Lévesque en remplacement du député de
Rimouski. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Bachand) :
Consentement avec plaisir, à ce que je peux voir. Alors donc, interventions sur
l'article 4? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Oui. On
parlait de l'article 4, on disait... en fait, je disais que plusieurs
juristes avaient dit qu'il y avait cette
notion-là de neutralité religieuse ou neutralité de l'État qui fait partie de
notre jurisprudence. Et certains l'ont
qualifiée... ce n'est pas dans une loi, c'est sûr, mais certains ont qualifié
ça de laïcité québécoise, ils l'ont identifiée comme ça. On disait : Il y a cette idée de neutralité religieuse
qui équivaut à cette laïcité québécoise là, et l'article 4 vient
juste ajouter quelque chose qui est l'interdiction de signes religieux.
J'ai trouvé
un extrait de Me Lampron, dans son mémoire, qui dit exactement ça. Me Lampron,
à la page 9, premier paragraphe,
il dit : «D'un strict point de vue juridique, l'on peine à [croire] en
quoi la simple référence à un terme dont la portée est aussi polysémique que celui de "laïcité"
représenterait — en
elle-même — une
avancée ou un changement aux
principes qui sont déjà applicables en droit public québécois. Cette impression
nous semble être renforcée par une comparaison
entre les règles qui sont actuellement applicables au Québec pour
opérationnaliser la séparation du religieux et de l'État et les "quatre principes" en fonction desquels
l'article 2 du projet de loi n° 21 propose de définir la
"nouvelle" laïcité de l'État québécois — là,
il dit : tous ces principes, sans exception, sont également
au coeur de la jurisprudence
qui s'applique aujourd'hui au Québec.»
J'ai parlé de
cet extrait-là un peu plus tôt dans nos débats, mais c'est important
de le ramener ici parce qu'il
explique bien cette idée de laïcité
québécoise, hein, on dit : «...tous ces principes, sans exception, sont
également au coeur de la jurisprudence qui s'applique aujourd'hui au Québec.»
Donc,
l'article 2, c'est en fait une consolidation de notre jurisprudence. Et
l'article 4 fait un pas de plus, et là exige le respect de l'interdiction de porter des signes
religieux. Donc, il y a l'article 2, il y a la Loi favorisant le respect
de la neutralité religieuse de
l'État, tout ça, finalement, c'est ce corpus-là jurisprudentiel de neutralité
religieuse et qui forme, d'une
certaine façon, cette laïcité québécoise. C'est sûr qu'on ne l'a pas encore...
qu'avant la Loi sur la laïcité on ne l'avait pas encore codifiée, mais là elle est là. Et ce
qu'on fait, on amène l'article... En fait, la loi amène un autre élément, celui
de l'interdiction de porter des signes religieux.
Alors,
c'est ce que je voulais dire tout à l'heure. Il y a un commentaire peut-être
que le ministre peut... nous donner son opinion. Le rapport, le mémoire
de la CDPDJ, page 53, on dit : «L'article 4 du projet de loi
n° 21...»
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
je m'excuse...
Mme Robitaille :
Oui?
Le Président (M. Bachand) : Les cloches du salon bleu nous appellent. Donc,
je vais suspendre, le temps d'aller voter. Merci beaucoup.
La commission est
suspendue, s'il vous plaît. Merci.
(Suspension de la séance à
19 h 38)
(Reprise à 19 h 55)
Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission
reprend ses travaux. Je cède la parole à la députée de Bourassa-Sauvé. S'il
vous plaît, Mme la députée.
Mme Robitaille : Oui, l'opinion du ministre... Le mémoire de la
Commission des droits de la personne, page 53, dit : «L'article 4 du projet de loi
n° 21 contrevient d'abord au quatrième principe de la laïcité — la
liberté de conscience et la liberté de religion — lorsqu'il
prévoit que "la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction de
porter un signe religieux prévue au
chapitre II de cette loi"...» Alors, je me demandais ce que le ministre
en pensait de ça, de cet extrait-là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, M.
le Président, l'article 4,
il est très clair, on l'a expliqué tout
à l'heure relativement à quelles étaient les exigences de la laïcité, notamment,
c'est ce qui est prévu à l'article 3, et également la neutralité
religieuse de l'État ainsi que le
fait d'interdire le port de signes religieux pour certaines personnes dans le
cadre de certaines fonctions.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la
députée.
Mme Robitaille : Oui, mais le fait que l'article 4,
hein... le fait d'interdire un port de signe religieux contrevient à la
liberté de conscience et à la liberté de religion. Est-ce que le ministre est
d'accord avec ça?
Le
Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Non. Les quatre principes de la laïcité
s'interprètent les uns par rapport aux autres. Donc, les institutions,
qu'elles soient parlementaires, gouvernementales et judiciaires, doivent
respecter la laïcité. Et on voit à l'article 4
que cette exigence de la laïcité là fait notamment référence aussi au
fait que, pour certaines fonctions, en raison des postes particuliers, les fonctions qu'ils occupent en situation
d'autorité, certaines personnes dans le cadre de leurs fonctions, durant la prestation de travail, ne
sont pas habilitées à porter des signes religieux. Alors, je suis en désaccord
avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous
plaît.
Mme Robitaille : Mais est-ce
que demander à quelqu'un
de retirer son foulard, ce n'est pas aller à l'encontre de la liberté de
conscience et de la liberté de religion, selon le ministre?
Le
Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette :
Dans le cadre des exigences de la laïcité, c'est prévu que, si vous occupez une
fonction particulière, vous ne pouvez pas
porter de signe religieux. Et je voudrais simplement rappeler à la députée de
Bourassa-Sauvé, on le verra un peu
plus loin dans le cadre du projet de
loi, qu'il y a
une clause de droit acquis dans le cadre du projet de loi. Donc, les personnes qui sont parmi les postes
visés et qui portent un signe religieux actuellement pourront
conserver leur signe religieux s'ils le souhaitent.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la
députée.
Mme
Robitaille : Mais, bon, le ministre sait très bien que la personne qui
décide de porter un signe religieux après l'adoption de la loi devra enlever... ne pourra pas le porter. Est-ce
que ce n'est pas... Bien, je pense aux femmes qui sont à l'université et puis qui veulent devenir
enseignantes. Le fait de devoir ne pas porter de signe religieux, est-ce que ça
ne contrevient pas à la liberté de conscience?
M. Jolin-Barrette :
On va le voir un peu plus tard, parce que là, présentement, on est sur
l'article 4, mais les exigences
rattachées à la laïcité de l'État font en sorte que certaines fonctions
particulières, dans le cadre de l'État, requièrent que les personnes ne
portent pas de signe religieux.
Mme Robitaille :
Donc, il n'y a pas de contradiction, là, entre le quatrième principe de la
laïcité, et puis la liberté de conscience, et puis demander à quelqu'un
de ne pas porter un signe, interdire le port de signes religieux?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Moi, ce que je dis, M. le Président, c'est que
les exigences de la laïcité font en sorte que, dans le cadre de certaines fonctions, il n'est pas
possible de porter de signes religieux. Même chose, les exigences de la laïcité
exigent que les institutions parlementaires,
judiciaires et gouvernementales respectent les quatre principes de la laïcité,
les appliquent, et aussi que le principe de neutralité religieuse de l'État
s'applique. C'est ce qui est prévu à l'article 4.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée... M. le député de
Nelligan, s'il vous plaît.
• (20 heures) •
M. Derraji : J'ai une seule question, mais ça touche toujours
presque le même angle, c'est l'applicabilité de l'article. Et
je vais lire au ministre un passage de deux organisations que nous avons
eu l'occasion de les entendre ici, en commission. La
première, c'est la CSDM, il dit... il s'agit de la première partie : «En
raison d'enjeux d'ordre éducatif, démocratique, social et organisationnel qui sont intrinsèquement liés à son contexte
particulier, la commission scolaire
de Montréal ne peut absolument pas souscrire à plusieurs éléments du projet
de loi n° 21.»
Donc,
je ne vais pas évoquer l'ensemble des éléments, mais l'élément qui nous intéresse dans l'étude de cet
article, il s'agit de la première partie de l'article 4 du
chapitre I, portant sur l'affirmation de la laïcité de l'État.
Un
peu plus loin, il dit : «Compte tenu de sa mission — encore une fois, on parle de la commission
scolaire de Montréal — s'oppose pour son personnel à la première
partie de l'article 4 stipulant que "la laïcité de l'État exige le
respect de l'interdiction de porter un signe religieux prévue au
chapitre II de la présente loi"...»
Je
sais que le ministre a eu des échanges avec la commission scolaire. Votre
réponse, M. le ministre, à des gens à qui, demain, vous serez appelé à
leur dire d'appliquer la loi par rapport à cet article.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, M. le Président, le texte, il est très clair, hein? L'article 4, il
prévoit qu'«en plus de l'exigence prévue à
l'article 3, la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction de
porter un signe religieux prévue au chapitre II
de la présente loi et du devoir de neutralité religieuse prévu au
chapitre II de la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant
notamment à encadrer les demandes d'accommodements pour un motif religieux
dans certains organismes». C'est ça, l'état de la loi que nous allons voter, et
ce sont les composantes de la laïcité.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il
vous plaît.
M. Derraji :
Bien, je vais aller aussi à la Commission des droits de la personne, toujours par
rapport à l'article 4 du projet
de loi n° 21 : «...contrevient d'abord au quatrième principe de
laïcité — la
liberté de conscience et la liberté de religion — lorsqu'il prévoit que "la laïcité de
l'État exige le respect de l'interdiction de porter un signe religieux prévue
au chapitre II de cette loi [...] par les personnes assujetties à cette
interdiction".» Et c'est là l'essence même de ma compréhension à cet article. En quoi l'énoncé de l'article 2 par
rapport à la liberté de conscience et la liberté de religion n'est pas en contradiction avec l'interdiction de
porter un signe religieux pour certaines personnes? Est-ce que vous ne
voyez pas de contradiction?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Non. Les exigences de la laïcité sont très
claires. Pour respecter les exigences de la laïcité, c'est ce qui est
prévu à l'article 3, et aussi l'interdiction de porter un signe religieux,
qu'on va voir un peu plus tard à l'article 6, également les exigences de
la neutralité de l'État.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il
vous plaît.
M. Derraji :
O.K. M. le Président, ma question, je vais la reposer. «La laïcité de l'État
repose sur les principes suivants...»
Le quatrième principe, c'est la liberté de conscience et la liberté de
religion. On vient, dans l'article 4, dire que... cet article mentionne deux autres des exigences de la laïcité de
l'État, soit l'interdiction de porter un signe religieux... Ce que j'essaie de poser comme question, M. le
Président, c'est que le ministre m'explique en quoi cette interdiction de
porter un signe religieux ne vient pas
contredire l'énoncé même de la laïcité de l'État et le principe lui-même de la
laïcité de l'État, qui repose sur la liberté
de conscience et la liberté de religion. Je veux juste qu'il m'explique son
raisonnement comme quoi
l'applicabilité de l'article 4 ne va pas à l'encontre de l'énoncé même de
la loi du gouvernement sur la laïcité et l'énoncé 4°, la liberté de
conscience et la liberté de religion.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, on a vu dans les principes
tout à l'heure qu'est-ce qu'était la... bien, en fait, tout à l'heure... Ça fait pas mal longtemps qu'on a vu ça, au
début de l'étude détaillée, notamment à l'article 2, sur quels étaient les principes de la laïcité de
l'État et comment s'exerçait la laïcité de l'État, les quatre principes. Donc,
les principes, ce sont des principes qui visent les institutions et, par leur
truchement, les employés qui dispensent les services
de l'État. Mais les institutions sont laïques. Donc, le député de Nelligan fait
référence au quatrième paragraphe, au
paragraphe 4°, relativement à la liberté de conscience et liberté de
religion. La laïcité de l'État, elle est là pour garantir aux citoyens leur liberté de conscience et leur
liberté de religion. Donc, le fait d'interdire le port de signes religieux pour
certains employés qui occupent certaines fonctions en situation
d'autorité vise notamment à garantir la liberté de conscience et la
liberté de religion des citoyens qui font affaire avec l'État, avec ces agents
de services publics là.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député,
s'il vous plaît.
M. Derraji : ...un citoyen à l'extérieur de l'organisation, de
l'institution, une fois qu'il rentre dans une institution, il enlève la
casquette du citoyen, il devient un employé de l'État, si je suis ce
raisonnement. Donc, l'État doit garantir la neutralité au citoyen, mais
ce citoyen, une fois il rentre à l'intérieur de l'institution, il devient un
employé de l'État. Il n'est plus citoyen,
si j'ai bien compris le raisonnement que vous venez de m'exposer, parce que
vous avez dit que l'État doit garantir la neutralité au citoyen. Oui?
M. Jolin-Barrette :
Lorsque le citoyen est bénéficiaire de services publics.
M. Derraji : Excellent! Je ne veux pas faire un débat
philosophique. La personne qui est dans le service est aussi un citoyen.
En quoi...
Une voix :
...
M. Derraji :
Oui. Donc, c'est un citoyen citoyen, donc.
M. Jolin-Barrette : Non, non, non. Attention! Il est vrai que ce
sont... On ne va pas faire... Comment on dit ça, M. le député de Jean-Lesage,
des sophismes?
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette : Oui, c'est ça. C'est un peu loin, là, mais vous
me corrigerez si je ne dis pas la bonne chose, M. le député de
Jean-Lesage.
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, à la fois le bénéficiaire de services
publics et le dispensateur de services publics sont des citoyens, mais les deux ne sont pas nécessairement
bénéficiaires de services publics, et l'obligation est visée par les bénéficiaires
de services publics. Donc, la personne qui est en situation d'autorité et qui
est visée par l'interdiction d'un
signe religieux, cette personne-là, elle, c'est un agent de l'État. Dans son
rôle de l'agent de l'État, elle ne peut porter de signes religieux si elle est l'une des personnes
visées à l'annexe II de la loi. Le citoyen, lui, peut porter des signes
religieux, sous réserve d'avoir le
visage découvert pour des motifs de sécurité et d'identification lorsqu'il
requiert un service public.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il
vous plaît.
M. Derraji :
Merci, M. le Président. Je pense, c'est là où on voit un peu la divergence
d'opinions. J'ai l'impression que le
ministre essaie de me vendre un point qui est, selon lui, un peu logique, que
l'agent de l'État, il est dépourvu de la citoyenneté, ce n'est comme pas
un citoyen. Et un citoyen qui va recevoir le service, lui, la liberté de
conscience et la liberté de religion, en fait, les quatre énoncés, là, il peut
être en... c'est applicable, mais l'agent de l'État qui donne ce service, on limite un peu sa liberté de conscience
et sa liberté de religion. Est-ce qu'il ne voit pas qu'il y a une limite, qu'on
limite sa liberté de conscience et sa liberté de religion?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, on va reprendre. Peut-être
que la notion de citoyen a brouillé trop de pistes. Je vais reprendre. Un employé de l'État qui offre des services
publics et qui est visé à l'annexe II, juge, policier, agent de services correctionnels, enseignant,
directeur d'école, procureur, ne peut pas, dans l'exercice de ses fonctions,
porter un signe religieux, à moins qu'il bénéficie d'une clause de droits
acquis. Le citoyen qui se présente pour recevoir des services publics peut porter des signes religieux pour autant que,
lorsqu'il demande le service public, il ait le visage découvert pour des
motifs d'identification ou de sécurité. Vous me suivez? O.K.
Le Président (M. Bachand) :
M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.
M. Derraji :
J'essaie juste de comprendre la différence entre un agent de l'État et le
citoyen parce que je n'arrive pas à
séparer les deux. Pour moi, un agent de l'État aussi, c'est un citoyen. Allez-y.
J'apprends de vous. Donc, prenez le luxe de m'expliquer. Allez-y. C'est
votre loi. J'adore ça.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, est-ce que
tous les employés de l'État sont des citoyens canadiens? Je ne le crois pas.
M. Derraji : C'est une question
ou c'est une hypothèse?
• (20 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Non, c'est
une affirmation, slash, interrogation. Vous pouvez y répondre si vous voulez.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Barre
oblique, excusez-moi.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député de Nelligan, à vous la parole.
M. Derraji : Ça dépend de
quelle interprétation le ministre vise, M. le Président. Est-ce que c'est un
citoyen canadien? Ça veut dire qu'on peut
trouver un résident permanent, mais un résident permanent a tous les droits
comme un citoyen, sauf le droit de vote.
M. Jolin-Barrette : Bon, bien,
ce n'est pas un citoyen.
M. Derraji :
Bien, un résident permanent, il a les mêmes droits qu'un citoyen canadien, sauf
un seul droit, c'est le droit de
voter. La seule chose, la seule différence entre un résident permanent et un
citoyen canadien, c'est juste voter. Ils ont les mêmes droits.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, ce n'est pas la même chose. On va
avoir des gens qui vont demeurer résidents permanents toute leur vie
sans jamais faire le processus de naturalisation.
M. Derraji :
C'est leur choix, mais ça ne leur enlève pas tous les droits. La seule chose qu'ils
n'ont pas, c'est être candidat et voter en élection. C'est la seule
chose.
M. Jolin-Barrette : Mais ils ne sont pas citoyens. Alors, à la
question que j'ai posée, est-ce que tous les agents de l'État sont des citoyens?, la réponse, c'est
non parce que, si des résidents permanents sont des employés de l'État, ce
qui est le cas, eh bien, ils ne sont pas des citoyens au sens de citoyens
canadiens. Donc, voici la distinction.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député de Nelligan.
M. Derraji :
C'est quand même hallucinant qu'au bout de la ligne... intéressant de voir le
ministre parler de la citoyenneté.
Pour moi, au-delà de la citoyenneté canadienne, bien, il y a des valeurs, il y
a l'état civil. Un citoyen, pour moi,
ce n'est pas juste le fait qu'il va pouvoir voter, la seule différence. C'est
les mêmes droits, M. le ministre. La seule chose qui les différencie,
c'est vraiment le droit de vote.
Et, encore
une fois, je veux juste revenir à ma question, avec cet article, il mentionne
deux autres exigences de la laïcité
de l'État, soit l'interdiction de porter un signe religieux pour certaines
personnes... Je comprends qu'on va les voir un peu plus tard, mais j'essaie juste de comprendre c'est quoi, la
logique qui nous sépare entre un citoyen et un agent de l'État. M. le ministre m'a dit que l'agent de
l'État a le devoir de respecter la neutralité de l'État, et donc l'interdiction
de porter un signe religieux. Est-ce que c'est ça?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, il faut bien renseigner la
commission. Prenons le cas d'un citoyen
qui travaille pour l'État, ou d'un résident permanent, ou de quelqu'un
en statut temporaire, O.K., un permis de travail temporaire, il travaille pour l'État. Peu importe, là, peu
importe votre statut sur le territoire canadien, O.K.,
vous êtes embauché par l'État québécois.
Le député de Nelligan nous dit... On va utiliser le terme «personne».
Une personne travaille pour l'État. Le député
de Nelligan nous dit : C'est
interdit, pour une personne qui travaille pour l'État, de porter un signe
religieux. Ça, ce n'est pas vrai. On
va le voir à l'article 6. Les personnes qui ne peuvent pas porter
un signe religieux, c'est un nombre limité
de personnes qui occupent des fonctions particulières : juges,
policiers, agents du service correctionnel, procureurs, enseignants,
directeurs d'école. Donc, ces catégories d'emplois là ne peuvent pas porter de
signes religieux. Tous les autres employés
de l'État peuvent porter des signes religieux pour autant
qu'ils exercent leurs fonctions à visage découvert.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député de Nelligan,
s'il vous plaît.
M. Derraji : Excellent! Donc, les agents ou bien le personnel
de l'État... On va enlever le mot «agent». L'applicabilité de l'article 4, selon vous,
respecte l'article 1 au
niveau de la liberté de conscience et
la liberté de religion. Vous êtes à
l'aise à ce que ces agents ont... O.K., ce personnel d'État que vous avez énuméré maintenant,
les enseignants, les juges, les policiers, les directeurs d'école, les
adjoints, etc., on s'entend sur le visage découvert, que
l'interdiction des signes religieux
pour ces personnes respecte les assises de ce qu'on a discuté hier par rapport à la liberté de conscience et leur liberté de religion.
M. Jolin-Barrette : Ça respecte la laïcité de l'État et les principes parce que la laïcité de l'État exige,
et on le voit à l'article 4, le respect de l'interdiction de porter
un signe religieux prévue au chapitre II, donc à l'article 6. C'est
une composante de la laïcité de l'État au bénéfice des bénéficiaires de
services publics.
M. Derraji : Oui. Donc, je sais
que vous n'aimez pas les exemples hypothétiques, mais, pour mon besoin personnel de comprendre, parce que je trouve ça
tellement important, je donne l'exemple d'une femme avec une croyance
qui se présente à l'école, qui rencontre la directrice de l'école. Les deux ont
les mêmes principes, les mêmes valeurs religieuses ou les croyances
religieuses. C'est des citoyennes de l'extérieur de l'institution. L'espace où
l'échange se déroule, il est quand même
fascinant. Il y a l'extérieur de l'école, où ces deux mêmes personnes peuvent,
dans le contexte de la laïcité,
bénéficier des quatre assises de la laïcité, où est-ce qu'elles peuvent
exprimer leur appartenance religieuse avec
un symbole, croix, foulard, kippa, peu importe. Les deux personnes, une avec
autorité, l'autre non parce que c'est une
citoyenne, une fois elles rentrent à l'intérieur de l'institution physique,
une, on lui enlève le droit d'avoir la liberté de conscience et la
liberté de religion.
C'est là où moi... Ce n'est pas du sophisme, M.
le Président. Moi, je veux juste que le ministre me donne les arguments pour me convaincre aujourd'hui de
l'applicabilité sur le terrain et que je ne vais pas, au nom de la Loi sur la laïcité, brimer un droit que lui-même a mis dans
la loi par rapport à la liberté de conscience et la liberté de religion. En
quelque sorte, à l'extérieur de l'école,
j'ai tous mes droits. J'ai la liberté de conscience. J'ai la liberté de
religion. Au palais de justice... Je
bénéficie de tous mes droits. Ce qui est drôle un peu, je rentre dans un palais
de justice, on m'enlève un droit parce que je travaille en tant
qu'employé. Je veux juste comprendre que...
Je pense que le ministre, il est à l'aise avec
l'énoncé du moment que c'est dans la loi. Mais, techniquement, comment on va expliquer à quelqu'un qui ne nous
suit pas, qui n'a pas la même capacité de suivre nos travaux, qui ne comprend pas ça, lui dire demain : Écoute, la
directrice d'école que tu vas rencontrer à l'intérieur de l'école, elle doit ne
pas porter un signe religieux, mais, quand
elle va sortir de l'école, elle a le droit de le porter? Donc, c'est comme...
On met un barrage de limiter la
liberté de conscience et la liberté de religion entre l'institution et l'espace
commun où tous, on opère. Est-ce que c'est ça, l'essence même de
l'article 4, M. le Président?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Il y a
beaucoup de gens qui sont venus nous rencontrer, M. le Président, en commission
parlementaire. Il y a beaucoup de gens, M.
le Président, qui sont venus nous rencontrer en commission parlementaire et
qui nous disaient : Écoutez, pour les fonctionnaires de l'État, pour les
enseignants, c'est interdit de porter des signes politiques. Alors, j'aimerais savoir du député de Nelligan, M. le
Président... Quand un enseignant est au travail, il ne peut pas porter un chandail écrit dessus J'aime le
Parti libéral ou J'aime la CAQ. Mais je prenais un exemple
hypothétique, ça fait que j'aime mieux J'aime le Parti libéral.
M. Derraji : Je te dis, j'ai
toujours mes cartes, un certificat de solliciteur sur moi.
Le Président
(M. Bachand) : S'il vous plaît!
M. Jolin-Barrette : Non, mais
c'est un exemple fictif, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) :
Allez-y, M. le ministre, s'il vous plaît.
• (20 h 20) •
M. Jolin-Barrette : M. le Président, le député de Nelligan aime les
exemples hypothétiques. Alors, le chandail, il ne peut pas le porter durant
les heures où il est au travail, mais, à
l'extérieur, il peut le porter, M. le Président. Exemple pour exemple.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député Nelligan,
s'il vous plaît.
M. Derraji : Je tiens à rappeler à M. le ministre, M. le Président, que je ne suis pas ministre,
et ce n'est pas moi qui dépose la loi. Et, j'en suis sûr et certain, j'ai en
face de moi quelqu'un qui maîtrise très bien sa loi, comme il
maîtrise, d'ailleurs, le projet
de loi n° 9. Donc, je ne vais
pas rentrer dans un débat de question-question, mais je vais plus être dans un mode question-réponse
parce que, si je pose des questions, M. le Président, je veux juste qu'il me clarifie le fond de sa pensée.
Je vais
revenir à ma question et j'essaie juste de trouver le fondement, parce que, si le ministre veut me parler des
groupes, je peux énumérer des centaines de
groupes, mais, pour le bénéfice de nous économiser du temps, je ne vais pas relater l'ensemble des groupes parce qu'il y en a qui étaient
comme... Ce que je suis en train de dire, M. le ministre, qu'ils
n'arrivent pas à comprendre comment, dans l'énoncé de la laïcité, où nous
sommes d'accord...
Et d'ailleurs nous avons
eu cette question hier sur la fameuse chaise avec les quatre pattes. On a dit
que les quatre sont au même niveau : la
séparation de l'État et des religions, la neutralité religieuse de l'État, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes,
la liberté de conscience et la liberté de religion. Moi, j'essaie juste de
comprendre comment l'article 4 va respecter l'égalité de tous les citoyens,
citoyennes. Prenons le cas de deux personnes, encore une fois, la même
chose, même contexte. C'est qu'une fois sur
le lieu de travail le ministre, il est à l'aise avec son projet de loi, de dire qu'il respecte l'égalité de tous les citoyens et citoyennes.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, tout à fait.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député, s'il
vous plaît, allez-y. Allez-y, monsieur.
M. Derraji : Je n'ai pas encore terminé, parce que
l'égalité des citoyens, il faut attendre l'après. Il y a
une virgule, mais il y a
l'après. L'après, M. le Président, c'est quoi? C'est l'interdiction de porter un signe religieux. Encore une fois, pour
quoi je pose ce genre de question, c'est au
niveau de l'applicabilité, si on veut
s'assurer d'une meilleure adhésion. Et c'est
ça, le souhait du ministre,
M. le Président. Le souhait du ministre, c'est que, demain,
la loi va être applicable, la loi sera
un succès pour avancer au niveau de la laïcité de l'État. C'est
ça, ce qu'on souhaite tous, M. le Président, et ce n'est pas un débat philosophique ou du sophisme, comme
l'a qualifié M. le ministre, et ce n'est pas des cas hypothétiques, M. le Président, c'est du concret. Et ce concret,
il le sait, M. le ministre, parce qu'il a entendu pas mal de groupes venir
en commission partager leurs inquiétudes. Et
aujourd'hui on veut que ces groupes adhèrent, adhèrent à ce projet de loi et à
ce nouveau droit, qu'il qualifie, M. le ministre, que c'est du nouveau droit.
Donc, au-delà
d'aller dans des principes et des généralités, les questions, c'est que...
Comment, aujourd'hui, l'État et le projet de loi du ministre, qui vise
l'égalité de tous les citoyens... Je ne parle pas de la séparation de l'État et
des religions. Je ne parle pas de la
neutralité religieuse de l'État. Je parle quand on ramène le citoyen à
l'intérieur même de l'énoncé et les fondements de la loi :
l'égalité de tous les citoyens, citoyennes, la liberté de conscience et la
liberté de religion. Mais de qui? Est-ce la
liberté de conscience et la liberté de religion des citoyens et non pas des
employés de l'État ou bien en
position d'autorité et l'égalité de tous les citoyens, citoyennes à l'extérieur
des institutions ou à l'intérieur des institutions?
Et c'est
là... M. le Président, si le ministre n'a pas de réponse, je le comprends.
Aucun problème. Puis, je pense, c'est là où on voit le début de la
divergence d'opinions. C'est correct, j'accepte. C'est ça, l'exercice
démocratique. Mais je tiens à le rappeler
aux gens qui nous suivent que c'est ça, la différence entre le Parti libéral et
la CAQ. C'est ça, la différence entre le Parti libéral et le
gouvernement qui présente sa Loi sur la laïcité, c'est qu'aujourd'hui le
ministre, je lui ai donné l'occasion de
m'expliquer en quoi l'interdiction de porter un signe religieux va respecter
l'égalité de tous les citoyens et citoyennes. Ce n'est pas de la philosophie,
M. le Président. Ces questions, plusieurs personnes posent ce genre de question. Et notre but, en tant que parlementaires, c'est de donner l'occasion au ministre
de vendre son projet de loi et
de nous convaincre. Et c'est ce que nous sommes en train de faire, M. le
Président.
Je comprends
que le ministre dit après... soit l'interdiction de porter un signe religieux pour certaines personnes tel
que prévu dans l'article 6 qu'on va voir par la suite. Mais encore une fois, je suis désolé, M. le
Président, le ministre ne
m'a pas convaincu que son projet de
loi ne va pas brimer certains droits,
mais même, je dirais, même avoir deux classes
de citoyens. Et c'est ça qui est un peu
dangereux. Vous savez pourquoi, M. le
Président, c'est deux classes de citoyens?
C'est très clair, c'est deux classes de citoyens,
deux classes de citoyens parce
que nous sommes en face d'une situation très particulière, que deux personnes,
parfois amies ou voisines, rendues à l'entrée de l'institution, une doit lâcher
complètement le concept de la liberté de conscience et la liberté de religion. Au
nom de quoi? Au nom du nouveau droit que
la CAQ nous propose aujourd'hui, que le gouvernement nous propose aujourd'hui. Donc, deux personnes,
deux voisines, deux citoyennes,
deux résidentes permanentes, le ministre peut les qualifier avec le qualificatif qui
l'arrange, je n'ai aucun problème, mais, pour moi, je vois des individus. Je ne vois
aucune différence, M. le Président. Et malheureusement le ministre ne m'a pas convaincu que la mise en place et
l'applicabilité de cet article 4 va à l'encontre de deux principes de la laïcité.
Et le premier principe, c'est l'égalité de tous les citoyens
qu'on va brimer, et la liberté de conscience, et la liberté de religion.
Donc, M. le Président, je n'ai pas d'autre question.
C'est plutôt le début, vraiment, d'une divergence d'opinions. Nous ne sommes pas d'accord sur ce point. Vous
avez vos arguments, nous avons nos arguments. J'ai mes arguments, mais je le fais pour le bénéfice des gens qui nous
écoutent. C'est ça, l'essence même de la différence entre nous et votre projet de loi. Je trouve ça dommage, M. le
Président, que je n'étais pas convaincu de la réponse du ministre, et qu'on
doit retenir que, malheureusement, on
va avoir deux classes de citoyens, et que ma tante, qui ne comprend rien de la
politique, avec notre voisine, doit
expliquer à sa voisine qu'en rentrant dans une institution elle n'a pas le
droit à sa pleine liberté de conscience et sa pleine liberté de
religion. C'est là où nous sommes, M. le Président.
Malheureusement,
je n'ai plus de temps. Mais le ministre peut prendre le temps, parce qu'il a du
temps, à m'expliquer et à m'éclairer. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci. Bien, j'avais le député de Jean-Lesage qui a demandé la parole. M. le
député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti :
Par rapport à l'article 4, j'ai une question un peu formelle, là, avant d'aller
sur le fond. Il semble y avoir une
certaine redondance avec l'article 6. C'est peut-être juste une apparence. Mais
j'aimerais savoir, au fond, qu'est-ce qui a motivé la création de
l'article 4. Qu'est-ce qu'il amène de plus que l'article 6?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Donc, à l'article 4, on indique qu'est-ce
qu'exige la laïcité de l'État. Ce sont les exigences prévues à l'article 3, ainsi que l'interdiction du
port de signes religieux pour certaines personnes, ainsi que le respect du
devoir de neutralité religieuse. Donc, 6, c'est uniquement l'interdiction de
signes religieux. À 4, on dit c'est quoi, les exigences de la laïcité.
M. Zanetti :
Au fond, s'il y avait une abrogation de l'article 4 ou il y aurait quelque
chose qui ne serait pas pareil dans l'application, par exemple?
M. Jolin-Barrette : En fait, on vient définir quelles sont les
exigences de la laïcité, quelles sont les composantes de la laïcité.
M. Zanetti : On définit plus
précisément l'interdiction des signes religieux.
M. Jolin-Barrette : À 6, oui,
avec la liste des fonctions qui sont interdites de porter un signe religieux.
• (20 h 30) •
M. Zanetti :
Parfait. Je vous remercie. Je vais y aller plus sur le fond, maintenant. De quelle façon... parce que,
pour comprendre la nécessité de cet
article-là en regard de la laïcité puis de la protection de la liberté de conscience
qui est incluse dans le concept même de laïcité, je voudrais qu'on
m'explique comment le port de signes religieux nuit à la liberté de conscience, parce qu'il
est assez évident de savoir comment l'interdiction du signe religieux peut
nuire à la liberté de conscience et à la liberté de religion, dans le
sens... la limite, ça, c'est clair. Je pense que vous l'admettez aussi.
Mais comment le port, lui, du signe religieux
vient limiter la liberté de conscience, selon le ministre?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. C'est très clair que, dans le principe de laïcité
même, au bénéfice des bénéficiaires, c'est d'assurer la laïcité de l'État en fait et en apparence, donc notamment au niveau
de la neutralité religieuse de l'État. Pour certaines
fonctions très particulières, en raison du pouvoir dont ils sont investis, il
est nécessaire que ces personnes-là ne portent pas de signes religieux, parce
qu'ils représentent l'autorité de l'État.
Donc, c'est
le prolongement de l'État dans le cadre de leurs fonctions, et, en raison
de leurs pouvoirs particuliers, la laïcité de l'État exige qu'ils ne
portent pas de signes religieux.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député, s'il
vous plaît.
M. Zanetti : Dans les consultations... bien, dans les
audiences publiques, on a reçu des gens qui étaient en faveur du projet
de loi et qui nous disaient, dans le
cas des enseignants, là, allons plus précisément, que le port de signes
religieux nuisait à la liberté de conscience des élèves.
Est-ce que le ministre est d'accord avec cette
affirmation?
Le Président
(M. Bachand) : Merci. M. le député... M. le ministre, s'il
vous plaît. Pardon.
M. Jolin-Barrette : Il y a eu plusieurs personnes qui sont venues donner
différents points de vue ici, en commission
parlementaire. Le gouvernement croit que l'interdiction du port de signes
religieux pour les enseignants, pour les directeurs d'école est
justifiée notamment en raison de leur situation d'autorité particulière en lien
avec les élèves.
M. Zanetti : Et est-ce
qu'un professeur, disons, portant un turban, mais on peut prendre n'importe
quel exemple... est-ce qu'il nuit à la liberté de conscience de l'élève?
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Pour les personnes qui sont
désignées à l'article 6, et nous le verrons, la laïcité de l'État exige
qu'elles ne portent pas de signes religieux durant leurs fonctions. Donc,
lorsqu'on parle de la laïcité de l'État, on
parle notamment de la liberté de conscience et de la liberté de religion des
bénéficiaires de services publics, et donc des enfants aussi.
Donc, c'est
dans ce souci-là, dans le souci de respecter leur liberté de religion et leur
liberté de conscience, il est opportun
que certaines personnes qui occupent certaines fonctions ne portent pas de
signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions.
M. Zanetti :
Et juste pour bien comprendre comment... parce qu'il est très clair... tu sais,
mettons, si on disait comment est-ce
que l'interdiction d'un port de signes religieux brime la liberté de
conscience, la liberté de religion, bien, c'est assez clair, c'est la personne, c'est... elle a choisi ces
valeurs-là, choisi ces idées-là, choisi ces pratiques-là. Quand tu l'empêches
de le faire, tu limites son choix, tu limites sa liberté de conscience. Mais,
dans le cas inverse, ça m'apparaît non démontré.
J'aimerais
ça, parce que c'est quand même important... parce que ce qu'on vise, au fond,
c'est la protection de la liberté de
conscience. Ce que le gouvernement souhaite faire, c'est protéger la liberté de
conscience et même la liberté de
religion. Alors, il faudrait pouvoir démontrer que l'interdiction du signe
religieux est le bon moyen. Or, ce que je constate jusqu'ici, mais, en
même temps, on a le temps encore, là, c'est qu'il n'y a pas de démonstration de
comment un signe religieux porté par un enseignant, par exemple, dans ce
cas-ci, limite la liberté de conscience de l'élève, la liberté de conscience de l'élève étant définie comme la
liberté de choisir les valeurs, les idées, les pratiques, les croyances, les
façons de mener sa vie.
Alors,
comment le professeur portant un signe religieux vient-il limiter ça chez
l'élève? Parce que, si on ne peut pas répondre à cette question-là
clairement, ça veut dire qu'on a identifié le mauvais moyen dans le projet de
loi.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Écoutez, c'est très clair, M. le Président, que
les exigences de la laïcité font en sorte
que les personnes en situation d'autorité ne peuvent pas porter de signes
religieux. C'est le choix que le gouvernement du Québec
a fait, et surtout c'est inspiré notamment du rapport Bouchard-Taylor en
fonction des situations particulières qu'ils occupent.
Alors,
écoutez, M. le Président, je sais que le député de Jean-Lesage était d'accord
avec la position du gouvernement il y a quelque temps.
Vous me permettrez de référer à un article que lui-même a écrit :
«Pourquoi et jusqu'où interdire
les signes religieux?
«L'interdiction du port de signes religieux pour
certains fonctionnaires est nécessaire pour maintenir la confiance des citoyens en la neutralité de l'État. Tout le
monde s'entend au Québec pour dire que les représentants de la loi — juges, policiers, gardiens de prison,
etc. — doivent
s'abstenir d'afficher des signes religieux, puisque le fait d'afficher leur appartenance à une religion pourrait les placer en
apparence de conflit d'intérêts et semer un doute quant à leur jugement
sur certaines questions morales, sociales et politiques sur lesquelles ils ont
à intervenir au nom de l'État.
«Contrairement
à ce que suggérait le rapport Bouchard-Taylor, les enseignants de l'école
publique devraient aussi s'abstenir de porter des signes religieux. En effet,
l'école est un lieu d'éducation ouvert où toutes les questions doivent [être pouvoir] posées et toutes les idées,
soumises à la critique. Ce n'était pas le cas dans les écoles confessionnelles
du Québec avant les années 60. C'était grave. Nous avons sur ce
point fait un pas en avant. Il serait dommage de reculer maintenant. Le rôle de l'enseignant est de créer
un environnement propice à la liberté de penser. Comment peut-il être crédible dans ce rôle s'il affiche son
appartenance à une religion? Créer des conditions dans lesquelles certaines
questions sont susceptibles d'être
mises à l'écart, sous le couvercle du sacré, va à l'encontre de la mission de
l'école. Mettre certaines idées à
l'abri de la critique, c'est la fin du dialogue. Cela rend impossibles la
rencontre et un débat public sain. C'est une limite claire à l'éducation
libre et à la liberté de penser.»
Ce sont vos
mots. Ce sont les mots du député de Jean-Lesage, M. le
Président. Alors, je pense, c'est un
bon résumé.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : J'avais hâte que vous rameniez le texte parce
que, dans les derniers contextes où vous l'avez fait, je n'avais jamais le temps de répondre. En période de
questions, là, il n'y avait plus de deuxième complémentaire puis, dans
les audiences publiques... ça fait que, là, j'étais vraiment...
M. Jolin-Barrette : ...c'est le
moment.
M. Zanetti : ...frustré. Mais je vais vous expliquer mon
changement de position par rapport à ça et je vais commencer par celui
concernant les enseignants.
Il est clair
que l'analogie — et
j'ai réalisé que c'est la même que faisait, en fait, Guy Rocher — entre
le contexte de l'école confessionnelle
des années, disons, pré-Révolution tranquille et les signes religieux aujourd'hui que, par exemple, peut porter une enseignante musulmane
quelque part à Sainte-Foy, ou à Montréal, ou ailleurs au Québec, et ce sont vraiment...
En fait, c'est une fausse analogie.
Alors,
l'argument que je soutenais dans ce texte-là, ce n'était pas un sophisme, parce
que je n'avais pas l'intention de tromper les lecteurs, mais c'était un
paralogisme au sens où c'est un argument qui ne tient pas la route. Et ça
ne tient pas la route parce que l'analogie
est mauvaise, et je pense que c'est un panneau dans lequel beaucoup de
personnes sont tombées, même le
célèbre Guy Rocher. Et la différence essentielle entre le contexte de l'école
pré-Révolution tranquille et l'école d'aujourd'hui, elle est fort
simple. Bien, moi, mettons, ma mère, elle a fait l'école classique, O.K., donc
dans ce contexte-là, avec des religieuses, et ses cours de philosophie,
c'étaient essentiellement des cours de lecture de Saint Thomas d'Aquin. Et ça, c'était problématique. Tu sais, ce n'était
pas Nietzsche, Rousseau, Freud, Marx, qui dit : La religion est l'opium du peuple, ou encore Locke
qui appelle à la tolérance, ou d'autres philosophes modernes. Il n'était
pas vraiment possible, là, d'aller remettre tout en question.
• (20 h 40) •
Et là où ça fait une différence d'avoir tous ces
enseignants... tu sais, essentiellement, qu'est-ce qui était problématique avec l'école à l'époque, est-ce que
c'est le fait que les religieuses portaient... il y en avait qui portaient des
voiles puis il y en avait qui portaient des croix, puis tout ça. Est-ce que
c'étaient les croix ou c'était le fait qu'on leur enseignait, en guise de philosophie, seulement Saint Thomas d'Aquin? Bien, c'était ça, le problème.
Et aujourd'hui ce qui serait problématique et ce qui ferait sentir aux
étudiants qu'ils ne peuvent pas soulever tous les débats philosophiques et
toutes les questions philosophiques possibles, c'est si on ne leur
enseignait pas des philosophies, des conceptions du monde
différentes, si on leur enseignait, comme certains veulent faire aux
États-Unis, le créationnisme plutôt que l'évolution. Et ça, ce serait grave, et
ça, ça nuirait au dialogue et à la rencontre.
Mais
aujourd'hui, là, les professeurs, les enseignantes, enseignants qui portent des
signes religieux, et qui enseignent l'évolution, et qui sont capables
d'enseigner les grandes philosophies contemporaines et les conceptions du monde
diverses, il y en a plein. Et le fait qu'ils portent un signe religieux
n'empêche pas ça. Et, si, par ailleurs, elles étaient incapables, ces personnes-là, d'enseigner des grandes conceptions de
l'humain qui sont différentes et puis qui vont en contradiction avec des dogmes
religieux, bien, il serait justifié que ces personnes-là soient remises à
l'ordre parce qu'il faut qu'on enseigne
un contenu qui est neutre du point de vue de la religion, mais le port du signe
religieux n'empêche pas ça.
Alors, c'est
de la fausse analogie qui sous-tend cet argument que j'avançais dans un texte
en 2013, en toute bonne volonté,
comme le font, en toute bonne volonté, les gens qui soutiennent le même
argument avec la même analogie aujourd'hui,
dont M. Guy Rocher. Bien, l'analogie
qui est à la base de cet argument-là, elle est fausse. Ce n'est pas deux situations
pareilles et ça ne fait pas la même chose. Et le contexte aussi est très différent quand on parle du retour du
religieux, là. Parce que ça a beaucoup
été mentionné quand on me disait : De quoi vous avez peur? C'est quoi, la
menace? Je pense, c'est M. Guy Rocher qui a parlé aussi du retour
du religieux, puis je comprends ça. Je ne suis pas en train de dire que M. Guy Rocher avait, je ne sais pas trop, une
peur irrationnelle ou quelque chose comme ça, mais c'est parce que c'est très différent, ce qui se passe en ce moment et
l'omniprésence, dans la politique, et la société, et la morale publique, de l'Église
catholique de l'époque avant la Révolution tranquille.
Avant la Révolution tranquille, là, on était dans une société
homogène, presque homogène, pas complètement
homogène. Il y avait des protestants et
des catholiques, là, bon, etc., puis un peu d'immigration, mais, globalement, c'était très majoritairement, fortement catholique pratiquant,
croyant. Et donc le fait que l'école, disons, transmette ces valeurs-là pas
juste en apparence, mais surtout dans les faits, ça, c'était problématique, et
ça, ça limitait la liberté de conscience, et ça, c'était grave et ça limitait peut-être probablement aussi la liberté
de religion. Mais la société dans laquelle on est est une société pluraliste. Le danger du retour d'un
religieux hégémonique qui vient, comme une chape de plomb, là, imposer un modèle de société et de conception de la vie
bonne à tout le monde, il n'est pas là. Il n'est pas réel, et surtout par
rapport à la religion musulmane.
Quel est le pourcentage des musulmans au Québec?
Bon, ça tombe mal, je n'ai pas le chiffre avec moi, mais c'est 2 %, 3 %. À 3 %, le retour du
religieux, d'une hégémonie de la pensée unique qui recouvrirait et qui nuirait
à la liberté de conscience des élèves
du Québec, il est poli de dire que c'est exagéré. C'est un euphémisme de dire
que c'est exagéré, ce n'est pas réel. Est-ce que, bon, il y a plus de gens
qu'avant qui vont porter des signes religieux? Certainement, oui. Et alors? S'ils vivent selon... s'ils donnent des
services publics de manière laïque dans les faits, il n'y a pas d'atteinte à la
liberté de conscience, en fait.
Et là, bien,
vous me donnez aussi l'occasion de revenir sur le cas des agents de l'État.
C'est un argument, bien, que j'ai déjà adopté, que je trouvais bon, la question
de l'apparence. Et, pour renchérir là-dedans aussi, quand un groupe de policiers qui est venu aux audiences
publiques... est-ce que c'étaient les représentants de la SQ? Je ne suis pas
certain, mais, en tout cas, sous
toutes réserves, ils sont venus nous dire quelque chose comme : Ça va
nuire au travail des policiers, si on
les laisse porter des signes religieux, parce que... essentiellement,
l'argument était le suivant : Dans les contextes d'intervention des
policiers, souvent, le soir, quand le monde est chaud, mettons, là, ou en état
d'ébriété, pour prendre des termes
plus scientifiques, bien, ce n'est pas le meilleur de l'humain qui ressort,
puis, des fois, les policiers font face à des préjugés.
Puis
l'anecdote que nous donnait le policier, c'était justement des fois quand un
collègue policier est noir, bien là, des fois, il faut le retirer de
l'intervention parce qu'il se fait agresser de propos racistes. En gros, c'est
ça qu'il disait. Puis là ça nuit à
l'intervention. Et puis, là, imaginez s'il avait un turban en plus! Ce n'est
pas ça qu'il disait exactement mot
pour mot, mais, en gros, c'est là que menait l'argument. Alors, ça va nuire à
l'intervention, donc il vaudrait mieux qu'il n'y en ait pas.
Mais, si,
dans une société dans laquelle on est, là, on fonctionne comme ça, bien, ça va
aller jusqu'où? Tu sais, on va-tu
dire : Oui, il faudrait peut-être mieux ne pas être noir pour être
policier parce que, des fois, ça nuit aux interventions ou ce qu'on devrait faire, c'est d'agir sur les
préjugés, même si ce n'est pas facile, même si c'est quelque chose qui se
fait à long terme? Et peut-être que ce qui
était des préjugés très forts à une certaine époque le sont moins aujourd'hui.
Et peut-être que certains préjugés qui sont
très forts aujourd'hui le seront moins, à un moment donné, si on travaille en
ce sens-là plutôt que d'essayer de cacher l'adversité qui fait partie de
notre réalité sociale.
Alors,
l'enseignant qui porte un signe religieux, lorsqu'il va mettre un signe religieux,
là, bien, ses élèves ne vont pas
dire : Il faudrait que je devienne sikh, il faudrait que je devienne
musulman. Ils vont se dire : Cette personne-là, qui porte un signe religieux, est un humain qui me
veut du bien, qui est généreux, qui m'aide à m'améliorer, qui n'est pas parfait, comme tous les êtres humains, mais qui me
veut du bien. Et puis c'est une personne qui, au fait près qu'elle porte
un signe religieux, elle est comme les
autres. Et ça, il me semble que c'est le socle sur lequel peut se bâtir une
société qui se sent unie, qui a un
sentiment d'appartenance et qui vit en harmonie. Et il me semble que ça, ça
fait reculer les préjugés. Il me semble que ça, ça serait vraiment aller
dans une bonne direction, et je pense que ça serait souhaitable.
Et par ailleurs je me souviens, à l'époque, de
discussions que j'avais avec des gens qui disaient : Oui, mais là imagine que tu as une situation à Montréal où tu
as quelqu'un qui se fait arrêter, puis la personne, là, elle est d'origine
palestinienne. Puis là le policier, là,
bien, il est d'origine israélienne, puis là il porte un signe religieux ou
l'inverse, là, échangez les rôles.
Bien là, à cause du conflit qu'il y a en Israël et en Palestine, eh bien, là,
il ne va pas avoir confiance qu'il se
fait traiter avec justice. Puis là on disait : Regarde, cet exemple-là
montre qu'il ne faut pas que ces gens-là portent des signes religieux.
Mais
c'est très tiré par les cheveux, d'une part, et ça ne peut pas servir de base,
un cas si hypothétique, pour limiter la liberté de conscience et la liberté de religion des gens, d'une part. Il
faudrait montrer que ça pose un problème social. Il faudrait montrer que
ça pose un tel tort que ça justifie une limitation des droits de la personne.
Et, si on faisait cette démonstration, bien, tu sais, on serait ouvert à
l'envisager, mais personne n'a fait cette démonstration.
Alors, voilà
pourquoi c'est une fausse bonne idée, du point de vue de la laïcité de l'État,
de vouloir légiférer sur les signes
religieux que portent, d'une part, les personnes en situation d'autorité
coercitive et, d'autre part, les enseignants. Alors, je vous remercie, M. le ministre, de m'avoir permis de revenir
sur ce texte de 2013. Si vous voulez que je le fasse encore, vous n'avez qu'à le citer encore, et ça me
fera plaisir de faire une vidéo avec ça. Je vais prendre la meilleure shot
puis je vais l'utiliser pour la répandre.
Alors, pour
en revenir à ma question, parce que c'est aussi pour ça qu'on est là, en quoi,
comment précisément le port d'un signe religieux par un enseignant
limite la liberté de conscience d'un élève?
Le Président
(M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre, s'il
vous plaît.
• (20 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, on remercie le député de
Jean-Lesage pour ses explications en lien avec sa conversion. Ce que je retiens notamment, M. le Président, c'est
que le député de Jean-Lesage n'est pas d'accord avec
l'éminent sociologue Guy Rocher, qui, lorsqu'il est venu ici témoigner,
M. Rocher a témoigné avec acuité et a fait un historique, a expliqué aussi d'où ça part, la laïcité
pour le Québec, le processus de sécularisation. Il a participé à
la rédaction du rapport Parent, il a enseigné à l'Université Laval,
maintenant il est professeur émérite à la Faculté de droit de l'Université de Montréal. Il a parlé des collèges
classiques aussi, tout le processus de sécularisation de la société québécoise.
Et Guy Rocher nous dit aussi qu'on est à la bonne place avec le projet de
loi.
Et, vous
savez, c'est intéressant, quand on a reçu M. Bouchard, M. Rocher,
M. Taylor, des grands intellectuels québécois... mais, voyez-vous,
le projet de loi s'inspire de ce que M. Bouchard et M. Taylor ont
fait, avalisé par M. Rocher aussi.
Alors, il y a plusieurs personnes qui sont venues nous dire que le port de
signes religieux, notamment à
l'école, est attentatoire à la liberté de conscience et de religion des élèves.
Et c'est le choix du gouvernement du Québec, d'interdire le port de
signes religieux pour les enseignants qui sont en situation d'autorité.
D'ailleurs,
la Cour européenne des droits de l'homme a avalisé aussi une telle disposition
que la France avait.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : La Suisse, pardon, la Suisse. Alors, voyez-vous,
il y a certains États dans le monde qui ont interdit le port de signes
religieux pour les enseignants, et le Québec développe sa propre laïcité et
n'est pas l'unique nation à agir en ce
sens-là. Et je pense que c'est légitime, pour la nation québécoise,
d'interdire, pour certaines personnes dans le cadre de leurs fonctions,
pour des postes très précis, le port de signes religieux.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le député de
Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Donc, le fait que
d'éminents sociologues ou intellectuels appuient une idée ne fait pas d'elle nécessairement une bonne idée. C'est ce qu'on
appelle un argument d'autorité. En science, on peut dire ça si, par exemple,
dans le cas des changements climatiques,
97 % des scientifiques du climat sont d'accord que l'humain a un impact
sur les changements climatiques. Bien
là, ce n'est pas un argument d'autorité de dire : La communauté
scientifique s'entend là-dessus.
Mais, dans le
cas du débat sur l'interdiction des signes religieux, on est loin d'une
unanimité de 97 % chez les gens
qui étudient ça, quelle que soit la discipline dans laquelle ils le font. On
est loin d'une telle unanimité et d'une telle possibilité de consensus. Alors, on ne peut pas dire, parce que
Guy Rocher, et tout ça, est d'accord, et Gérard Bouchard, pour ce qui est non pas des enseignants mais des
personnes en position d'autorité coercitive, donc que c'est nécessairement...
Je veux dire, ça peut être une bonne
position, mais il faut que ça soit soutenu par des arguments, et l'argument
d'autorité, lorsqu'il est fait dans
l'intention de tromper, c'est un sophisme. Là, lorsqu'il est fait de bonne foi
et par erreur, c'est un paralogisme.
Et, d'autre
part, quand on dit : D'autres États le font, bien, si l'argument,
c'est : D'autres États le font, donc on peut le faire, et c'est bien qu'on le fasse, bien, on appelle ça un
appel à la majorité. Et ce n'est pas parce que beaucoup de monde disent qu'une
affaire est bonne qu'elle est bonne. À une certaine époque, beaucoup de monde
aurait dit : La terre a été
créée en sept jours. Il y a des créationnistes, ces gens-là n'avaient pas
raison pour autant. À une certaine époque, la majorité du monde
disait : La terre est plate et au centre de l'univers, et ça n'en faisait
pas une vérité pour autant. Donc, on ne peut
pas dire : Parce que d'autres pays le font, surtout que ce n'est pas la
majorité des pays du monde, à ce que je sache, que ça fait de cette
position une question... une bonne position.
Et par
ailleurs je repose ma question parce qu'elle ne trouve pas de réponse
jusqu'ici. Comment, précisément, le port d'un signe religieux par un
enseignant limite la liberté de conscience d'un élève?
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, on me dit : On ne
peut pas se servir de l'argument d'autorité. Sur la laïcité, il y a plusieurs auteurs qui se sont prononcés, notamment, supposons, sur la
définition des concepts. Le député
de
Jean-Lesage a voté en
faveur de la définition de la laïcité.
Là, ce que les auteurs disaient, c'était correct, c'est ce que je comprends.
Maintenant,
on se retrouve dans une situation où il n'est pas en accord avec Guy Rocher.
C'est son choix. Cependant, le député
de Jean-Lesage a aussi changé
d'idée, et lui-même, on pourrait le citer comme une autorité parce qu'il a fait des publications. Ah! il n'a pas cette
prétention-là. O.K., d'accord. Bien, on ne le fera pas. Cela étant dit, il est manifeste que les
enseignants, dans le cadre de leur relation avec les élèves, représentent une
figure d'autorité, représentent un
modèle, représentent une figure particulière. Et donc, pour la laïcité québécoise,
il est justifié de faire en sorte que ces personnes, dans le cadre de leurs
fonctions, ne portent pas de signe religieux.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député
de Jean-Lesage, il vous reste 1 min 40 s. La parole est à vous.
M. Zanetti : O.K. La grosse différence, là, je pense, c'est que souvent on a l'impression, tu
sais... Bon, on dit : L'enseignant est une figure d'autorité. Je
comprends. Je comprends, mais, s'il n'enseigne pas ses convictions, s'il n'enseigne pas ces choses-là, qu'il enseigne ce
que le programme dit, d'une part, et que, d'autre part aussi, il se retrouve
comme étant une personne parmi tant d'autres
dans l'entourage d'un jeune qui vit, par ailleurs, dans une société pluraliste,
bien, il est très invraisemblable qu'un prof
qui porte un signe religieux amène une oppression à un étudiant... à un élève
tel qu'il se sente non libre de
choisir librement les valeurs et les façons dont... les croyances dont... les
façons dont il va décider de vivre sa vie.
C'est
ça que je trouve dommage, c'est que, sur la base de cet argument-là, au nom de
la liberté de conscience, on n'est pas
capable de démontrer qu'il y a une atteinte et, en même temps, bien, pour ça,
on va limiter les droits de la personne. Alors, voilà mon commentaire
sur le sujet pour maintenant.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Interventions? Mme
la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président. Fort intéressant, l'échange qui vient
d'avoir lieu. Quelques petites
questions simples pour commencer. J'aimerais savoir si... M. le ministre,
est-ce que vous avez prêté serment sur la Bible quand vous avez été
assermenté comme ministre?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Je crois bien que j'ai fait une affirmation solennelle.
Mme Montpetit :
Vous n'avez pas prêté serment sur la Bible.
M. Jolin-Barrette :
Non, j'ai fait une affirmation solennelle.
Mme Montpetit :
Vous pouvez m'affirmer qu'il n'y avait pas la Bible sur votre lutrin au moment
où vous avez prêté serment comme ministre?
M. Jolin-Barrette :
Moi, j'ai fait une affirmation solennelle.
Mme
Montpetit : Donc, vous m'affirmez qu'il n'y avait pas... vous me
confirmez qu'il n'y avait pas de Bible sur le... vous n'avez pas mis la
main sur la Bible au moment où vous avez prêté serment comme ministre?
M. Jolin-Barrette : Moi, je vous confirme que j'ai fait une
affirmation solennelle. Est-ce qu'il y avait la Bible? Je n'en ai aucune idée. Mais je peux vous dire que
je n'ai pas juré, parce que vous savez qu'il y a deux serments qui sont
possibles lorsque vous prêtez...
Mme Montpetit :
...ma question, M. le ministre.
Le Président (M. Bachand) : On va laisser le ministre... le ministre va
répondre. S'il vous plaît, M. le ministre.
Mme Montpetit :
C'est parce que je...
M. Jolin-Barrette :
Wô! On va se calmer, tout le monde ici, hein?
Le
Président (M. Bachand) : M. le
ministre, la parole est à vous. M. le ministre, vous avez la parole.
Mme Montpetit :
On est très calmes, M. le ministre. Je sais très bien que vous allez
m'expliquer qu'il y a deux types de serments...
Le Président (M. Bachand) : M.
le ministre a la parole. M. le ministre, vous avez la parole. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Moi, M.
le Président, pour le reste de la
soirée, je suis disposé à répondre aux questions. Cela étant
dit, il faut bien que j'aie le temps
de répondre aux questions. La question était : M. le Président, lorsque le ministre
a prêté serment comme ministre, a-t-il prêté serment sur
la Bible? Telle était la question. J'ai répondu à la députée de Maurice-Richard :
J'ai fait une affirmation solennelle, je n'ai pas utilisé le serment qui
dit : Je jure.
Des voix : ...
M. Jolin-Barrette : Ah! bien, j'aimerais que la députée de Maurice-Richard dise dans le
micro ce qu'elle vient de dire hors micro.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard, vous avez la parole, s'il vous plaît.
• (21 heures) •
Mme Montpetit : M. le
Président, j'aimerais ça que chaque
échange qui se passe avec le ministre ne se transforme pas à chaque fois en match de
boxe, comme l'a mentionné ma collègue juste avant moi. J'essaie, là... Je ne sais
même plus quel ton prendre avec vous. Je
vous pose une question qui est très simple. Est-ce que, lorsque
vous... Il n'y a pas de question piège, là. Je vous pose une
question très simple : Est-ce
que, quand vous avez prêté serment,
vous aviez la main sur une bible, oui ou non? Je ne vous demande pas la
nature du texte que vous avez lu, je vous demande juste : Est-ce que vous
aviez la main sur une bible, oui ou non, comme ministre?
Le
Président (M. Bachand) : ...bon échange, on pose une question
et on laisse la personne répondre. M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Jolin-Barrette : Je n'en ai
aucune idée, je ne me souviens plus.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme Montpetit : Je vous confirme que vous aviez la main sur une
bible quand vous avez prêté serment comme ministre. Ma question,
puis ce n'est pas... je n'allais pas dans une question piège. Vous l'avez
fait comme plein d'entre nous, comme
plein de députés l'ont fait quand ils ont prêté serment, comme plein de
ministres l'ont fait quand ils ont prêté serment. Il y a habituellement, à moins que vous ayez demandé volontairement qu'elle ne soit pas sur le lutrin, il faut en avoir fait
la demande... la Bible se retrouve sur le lutrin.
Est-ce que
ça vous... vous avez eu l'impression... peut-être que vous ne vous en rappelez pas, donc je présume
que la réponse sera non à ma question.
Est-ce que ça a affecté votre liberté de conscience dans vos
décisions comme député, comme législateur, comme ministre?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre. Je rappelle qu'on est à l'article 4,
mais, M. le ministre, vous avez la parole, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Non, parce
que, savez-vous quoi, j'ignorais même qu'il y avait une bible sur le lutrin.
Mme Montpetit : ...l'extrait. Il y a toujours
une bible sur le lutrin, vous retournerez voir l'extrait, c'est public. Il y a toujours...
C'est comme ça, à moins que vous ayez demandé qu'elle ne soit pas là, puis, de
toute évidence, vous ne l'aviez pas
demandé, parce qu'elle était là. Mais le propos n'est pas là, de toute façon. Ce que je voulais savoir, c'est que, de toute évidence, vous jugez...
vous ne vous en rappelez pas. Donc, ce n'est pas un grand enjeu. Ça n'a pas
affecté votre liberté de conscience.
C'est parce que
je m'en vais sur toute la question des signes religieux, là. Comme je vous dis, là,
prenez ça avec... mettez-vous pas sur
la défensive, là, je m'en vais spécifiquement sur la définition de qu'est-ce qu'un signe religieux. Donc là, on met la table.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président...
Le Président
(M. Bachand) : Monsieur... Non, M. le ministre, la députée
a la parole. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous
plaît.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président, c'est gentil.
M. Jolin-Barrette : ...
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : On est présentement sur l'article 4. La
députée de Maurice-Richard nous dit qu'elle veut parler de signes religieux, la définition
de signes religieux. Or, on va parler de signes religieux à l'article 6.
Le
Président (M. Bachand) :
Monsieur... Je vais céder la parole à la
députée de Maurice-Richard. Depuis le début de... comme
vous le savez très bien, on passe d'un article à l'autre. L'important, c'est de rester dans le fond et la forme du projet
de loi. Alors, Mme la députée, vous avez la parole, s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président. Bien, je pense qu'on va parler de signes
religieux dans l'article 4, où nous
sommes, parce que... je vais le lire, peut-être, pour mémoire, mais il écrit...
l'article 4, qui dit : «En plus de l'exigence prévue à l'article 3, la laïcité de l'État exige le
respect de l'interdiction de porter un signe religieux...» Donc, je
pense qu'on est bien en ordre quand on parle de signes religieux dans
l'article 4.
Puis j'aimerais
ça que cet échange se passe bien. C'est vraiment pour... c'est pour comprendre
la suite des choses, de ce qu'il entend, parce qu'il n'y a pas d'annexe.
Puis on y reviendra, j'en suis, à l'article 6, mais il est quand même
question d'un signe religieux ici. Puis je note aussi, je note que c'est quand
même, on se faisait le commentaire tout à l'heure,
que c'est quand même particulièrement ironique d'avoir ces échanges sous un
blason qui dit Dieu et mon droit. Donc, je ne sais pas si ça,
entre autres, le ministre considère que c'est un signe religieux.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, on ne fera pas un quiz ce soir.
Alors, moi, je suis disposé à répondre sur les interventions sur l'article 4.
Mme Montpetit :
Bien, je suis sur l'article 4, M. le Président, qui parle de
l'interdiction de porter un signe religieux. Donc, encore faut-il qu'on
puisse discuter de la nature d'un signe religieux. Je suis exactement sur
l'article 4.
Le
Président (M. Bachand) :
Je vous laisse libre de poser vos questions et je laisse libre le ministre d'y
répondre à sa façon.
Mme Montpetit :
Alors, je repose la question au ministre : Est-ce qu'il considère que Dieu
et mon droit, c'est une évocation religieuse? Est-ce que c'est un
signe religieux?
Le Président
(M. Bachand) : Interventions?
M. Jolin-Barrette : Un signe
religieux, M. le Président, c'est un signe religieux au sens commun des choses.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
Et je dois chercher sens commun des choses dans le dictionnaire ou il y a une
définition plus précise de ce qu'est un signe religieux?
M. Jolin-Barrette : ...commun.
Mme Montpetit : Est-ce que
c'est un signe quand est écrit le mot «Dieu» dessus?
Le
Président (M. Bachand) :
Je vais vous demander, je l'avais soulevé hier aussi, pour le bénéfice de ceux
qui nous écoutent, sûrement des milliers
de personnes, de vous donner un petit temps d'attente. Tu sais, normalement,
vous êtes supposés de vous adresser à
la présidence, ce qui donne le temps d'attente aux gens pour s'ajuster. Alors,
s'il vous plaît, donnez la chance à
la personne de poser la question puis
à la personne d'y répondre. Mme la
députée, s'il vous plaît, pardon.
Mme Montpetit : Avec grand
plaisir. Merci de le rementionner, M. le Président. Et c'est de toute façon des
échanges, je pense, fort importants pour la suite des choses, d'avoir des
réponses à ça.
Donc, je
ferai bien attention de laisser le temps pour que nos... les informations puissent être captées dans le micro. Donc, je repose ma question, en fait, M. le Président. Ce que
j'aimerais savoir, c'est que le ministre puisse nous indiquer si ce qui se tient
au-dessus de votre tête si joliment, Dieu et mon droit, est-ce que c'est
un signe religieux.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : À ma
connaissance, c'est la devise de la monarchie britannique.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
Et c'est la devise, je suis sûre que notre ministre, qui nous a donné une leçon
d'histoire fort intéressante
hier — est-ce
que c'était hier, on a commencé hier, hein, les journées sont bien longues, on
en perd la notion du temps — doit évidemment savoir que, oui, c'est le
signe de la monarchie, le blason de la monarchie britannique depuis, si je ne me trompe pas, Henri V, qui, lors de ses
affrontements avec Charles VI, voulait démontrer sa suprématie et
souhaitait mettre à l'honneur les
droits divins. Donc, il y a quand même un lien avec Dieu, et c'est pour ça
qu'il est écrit «Dieu» dessus.
Donc, je repose
ma question : Dans le sens commun, comment dois-je interpréter, comment
nous devons interpréter et comment les gens qui auront à appliquer cette
loi devront interpréter le signe religieux?
Le Président
(M. Bachand) : Interventions?
Mme Montpetit :
Ce n'est pas si évident que ça. Encore là, je ne le sais pas, l'idée, ce n'est
pas un piège, là. Je comprends que le
sens commun a l'air d'être quelque chose de très clair, mais, de toute
évidence, ce n'est pas très clair, à voir toutes les jurisprudences
qu'il y a à l'international sur ces questions-là.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, Mme la députée. Interventions?
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je serais curieux de
savoir à quelle jurisprudence réfère la députée de Maurice-Richard. Et, si elle peut nous déposer ici séance tenante la jurisprudence à
laquelle elle fait référence, ça pourrait nous aider dans le cadre de
nos échanges.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée, oui.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président. Je pense qu'à l'heure actuelle ce dont on
discute, c'est de l'article 4 du
projet de loi du ministre. Donc, ce que je veux savoir, c'est comment le
ministre lui-même interprète le mot «signe religieux» au sens de sa
propre loi qu'il nous dépose.
Le Président
(M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, moi, je me sens grandement interpelé
par la députée de Maurice-Richard
parce qu'elle dit : Dans le monde entier, il y a plusieurs jurisprudences.
Alors, on invoque ça ici, dans le cadre de nos discussions. Pour pouvoir bien
commenter, j'aimerais avoir la jurisprudence à laquelle elle fait référence.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
Je suis certaine que l'équipe de juristes qui vous accompagne, j'espère, je le
souhaite, a déjà fait cet exercice. Le fond et le coeur de votre projet
de loi reposent sur cette question-là, de qu'est-ce qu'un signe religieux. Donc, je présume que l'exercice a déjà
été fait et que vous avez toute cette jurisprudence entre les mains. Et, si
vous ne l'avez pas, c'est peut-être un peu
inquiétant, d'ailleurs. Mais j'en reviens à votre propre projet de loi parce
qu'au Québec il est question
présentement de ce projet de loi, avec votre interprétation de signe religieux.
Et, à l'heure actuelle, je ne suis pas
en mesure, moi, et je ne suis pas habilitée à en faire l'interprétation. Et je
souhaiterais que vous puissiez nous éclairer, dans le cadre de l'article
4, sur comment on doit interpréter le terme «signe religieux».
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'y tiens vraiment beaucoup. La
députée de Maurice-Richard dit : Écoutez, la jurisprudence dit ça relativement à la
définition de signe religieux. J'aimerais savoir à quoi elle réfère. Pour que
je puisse bien répondre à sa
question, ça me prendrait les informations. Alors, qu'elle nous cite ce à quoi
elle fait référence, et on pourra avoir cette discussion-là.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
Je comprends que le ministre ne veut pas répondre. On peut jouer à ça toute la
soirée, mais après ça il sera bien en
peine de nous dire, la semaine prochaine, ou demain, ou quand il ira faire son
prochain point de presse, que l'opposition
obstrue les travaux et ne nous permet pas d'avancer. Donc, je l'invite à parler
à ses juristes ou à googler «signe
religieux», puis il va trouver ça en deux minutes. Ce n'est pas très compliqué.
Moi, ce qui m'intéresse, c'est de
savoir l'intention du législateur, c'est les propos de nos travaux ce soir
comme parlementaires. Et je vous repose ma question : Est-ce que, par exemple, et je donne cet exemple-là,
j'en aurais d'autres, est-ce qu'un blason sur lequel il est écrit le mot
«Dieu», au sens de la loi qui nous occupe, est un signe religieux?
Le Président
(M. Bachand) : Merci, Mme la députée. Interventions?
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Je suis persuadé, convaincu
que la députée de Maurice-Richard veut savoir l'intention du législateur. Je
sais avec quel sérieux elle prend nos travaux parlementaires, M. le Président.
Alors, un
signe religieux, hein, M. le Président, c'est au sens commun du terme, que ça soit une croix, une kippa,
un hidjab, une burqa, selon le sens commun, un chapelet, un col romain.
• (21 h 10) •
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée, oui,
allez-y.
Mme Montpetit : Donc, je comprends que... Bien, en fait, non, je
ne peux pas tirer de conclusion. Est-ce
que... Donc, je répète ma question. Vous avez fait ce travail-là, de toute
évidence, en amont du dépôt du projet
de loi. Donc, je vous repose la
question. Il va falloir que vous nous clarifiiez ces questions. Il va
falloir... Il va y avoir plein de cas qui vont arriver. Vous avez une responsabilité, comme législateur, de nous
éclairer. Et là je sais que vous nous répondrez, dans d'autres cas, que vous ne voulez pas tomber dans
de l'anecdotique, mais, je veux dire, il va falloir des définitions, il va
falloir que vous puissiez nous éclairer par oui ou par non.
Alors, je vous repose ma question. Est-ce que
ce qui siège juste au-dessus de notre tête, est-ce que c'est un signe
religieux ou non?
Le
Président (M. Bachand) : Intervention, M. le ministre?
M. Jolin-Barrette : Savez-vous ce qui est intéressant, M. le Président? La députée de Maurice-Richard semble oublier qu'elle fait partie du législatif.
Elle-même, en sa qualité ce soir, est législateur. Donc, elle dit : M. le
Président, le ministre, c'est le
législateur. Bien, j'ai des nouvelles. La députée de Maurice-Richard aussi fait partie du législateur ce soir. Donc, il y a une
responsabilité partagée.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
Et ma responsabilité là-dedans, c'est de clarifier l'intention du ministre.
Donc, je repose ma question. Est-ce
que c'est un symbole? On peut jouer à ça toute la soirée, là. Le mot «signe
religieux», il va falloir que vous le définissiez. Est-ce que c'est un
signe religieux ou pas?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, les signes religieux, c'est dans
le sens commun des choses. J'ai donné des exemples : un col romain,
une croix, une kippa, un turban, ce sont des signes religieux. Le sens commun
des choses.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
Donc, le sens commun des choses, le mot «Dieu» est, je pense, de toute
évidence, sans ambiguïté, relié à la religion.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, intervention?
M. Jolin-Barrette :
Non.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
Donc, je comprends que sa réponse, c'est oui? Moi, dans le sens commun de
l'éducation que j'ai reçue, le mot «Dieu», sans ambiguïté, est relié à
la religion et à plusieurs religions, qui plus est.
Le
Président (M. Bachand) : ...députée, vous avez la parole,
s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
D'accord. Vous savez, on va avoir un enjeu, hein, si on n'arrive pas à définir
le signe religieux, puis ce ne sera pas juste ici, là. C'est des conséquences
assez importantes pour les gens qui devront interpréter et appliquer
cette loi. Donc, on aura certainement l'occasion d'y revenir.
Toujours
sur cette question-là de signes religieux, est-ce que vous considérez qu'un
signe religieux est seulement un signe physique ou ça peut être, encore là...
parce qu'il y a différentes interprétations qui ont été faites dans différentes
lois, dans différentes juridictions, qui
peut être un comportement aussi. Ce n'est pas nécessairement seulement un signe
physique.
Donc,
est-ce que, dans l'interprétation du sens commun de ce qu'est un signe
religieux, selon l'interprétation du ministre, est-ce que ça doit être
quelque chose de physique ou ça peut être un comportement également?
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée,
s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
Est-ce que le fait de faire, par exemple, un signe de croix est un signe
religieux?
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée,
s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
Est-ce que le ministre boude?
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée,
s'il vous plaît.
Mme Montpetit :
Moi, je... On peut faire quelque chose de simple aussi, là, s'il ne veut pas
répondre. Il peut faire un coup sur la table pour oui, deux coups pour
non.
Le Président (M. Bachand) : Bien, lorsque je demande à quelqu'un de répondre,
s'il y a une intervention, je crois que la députée comprend très bien le
sens commun d'un silence aussi.
Mme Montpetit :
Non, non, je comprends, mais, je veux dire... Moi, j'essaie d'établir une
communication avec le ministre. Je
lui pose des questions. Puis, s'il ne veut pas répondre à ces questions-là, ça
va être très, très, très long parce que, s'il n'est pas capable et s'il ne souhaite
pas répondre à ce que c'est, un signe religieux, moi, je serais vraiment gênée.
Je serais vraiment gênée d'être ici ce soir comme ministre et de refuser de
poser ces questions-là.
Honnêtement,
je ne comprends absolument pas votre attitude. Je ne comprends pas le fait que
vous vouliez refuser de répondre. Donc, on va continuer de poser des
questions à cet effet-là, mais je trouve ça extrêmement inacceptable, d'avoir un ministre qui est devant moi, qui refuse
d'avoir ces échanges et qui refuse de répondre à ce que c'est, un signe religieux. Je comprends qu'il ne veut pas avoir
ces échanges-là parce qu'il n'a pas les réponses, mais ce n'est pas parce
qu'il n'a pas les réponses qu'on ne continuera pas de poser les questions.
Alors, sur ce, je vais déposer un amendement, M.
le Président, puis on aura l'occasion de répondre à ces questions-là. Mais j'invite vraiment le ministre, s'il n'y a pas déjà
réfléchi, et je doute que ce soit le cas parce que c'est un homme intelligent et je présume qu'il a déjà
réfléchi, qu'il y a une raison pour laquelle il ne me répond pas, mais je vais
lui poser beaucoup de questions
sur ce qu'est un signe religieux, et je souhaite obtenir des réponses. Et je
sais que les gens qui auront à mettre en place ces lois, à les faire appliquer, ont droit d'avoir des réponses aussi parce que,
sinon, ça va devenir vraiment un joyeux chaos au Québec.
Alors, j'aimerais déposer un amendement, M. le
Président.
Le Président
(M. Bachand) : Pourriez-vous faire la lecture, s'il vous
plaît.
Mme Montpetit : Oui. En fait,
c'est de rajouter, après «la laïcité de l'État», les mots «du Québec».
Le Président
(M. Bachand) : Parfait.
Alors, on va suspendre quelques instants pour
distribution, s'il vous plaît. Merci.
(Suspension de la séance à 21 h 16)
(Reprise à 21 h 27)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. Nous
sommes sur l'amendement proposé par la députée de Maurice-Richard.
Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Je vous remercie beaucoup. Je fais attention à vos
consignes, même d'attendre que le micro soit ouvert avant de commencer.
Donc, on a
fait ajouter les mots «du Québec». Comme le ministre a fait référence à
plusieurs reprises à une laïcité québécoise,
donc on trouvait pertinent d'ajouter ces mots à l'article 4, donc. Et donc j'en
profiterais pour continuer de parler
de ce qui est de la laïcité québécoise. Et, pour continuer sur l'échange que
nous avions, empreint de beaucoup de paroles
et d'échanges, donc, je vais continuer de... en fait, peut-être essayer de
circonscrire, de préciser cet article-là amendé avec ce que nous avons
ajouté.
Et j'en
étais... Ce que je voulais savoir aussi, c'est si... Bien, j'en reviens aussi à
la question du signe religieux. Puis
j'ai compris que ça ne plaît peut-être pas au ministre, de répondre à cette
question-là, de ce qu'est un signe religieux, mais, comme je le mentionnais, comme c'est important, on va se permettre
de continuer cet échange-là parce qu'il faudra bien éventuellement y
répondre.
Est-ce
qu'un signe religieux, dans le fond, vous l'interprétez... parce que vous me
disiez, bon : C'est le sens commun. Donc, le sens commun, j'entends que c'est probablement la manifestation
d'une appartenance religieuse. Je pense qu'on pourrait probablement s'entendre sur cette définition du sens commun de
ce qu'est un signe religieux. Mais ça sous-tend d'autres questions
qui... entre autres, la suivante : Si ce n'est pas porté pour des
convictions religieuses, est-ce que ça demeure un signe religieux?
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Mais, M. le Président, moi, je pensais qu'on
était sur l'amendement. Sur l'amendement, c'est «la laïcité de l'État du
Québec», on rajoute «du Québec». Alors, j'imagine qu'on veut amener une portée
territoriale à l'amendement. Lorsqu'on fait
de la législation... Dans le fond, on a indiqué, déjà dans l'article 1, «L'État
du Québec», hein? Dans toute la loi, on se réfère à l'article 1 parce
que la loi se lit dans l'ensemble.
Alors, ce n'est pas nécessaire d'écrire «du
Québec» à cet endroit-là, d'autant plus que, si la députée de Maurice-Richard
avait voulu faire ça, théoriquement, dans un souci légistique, il aurait fallu
l'écrire à l'article 2, à l'article 3, où
c'est mentionné également, et la députée de Maurice-Richard n'a pas déposé d'amendement en ce sens-là.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
• (21 h 30) •
Mme Montpetit :
Bien, j'entends ce que le ministre répond. Je suis plutôt agréablement heureuse de sa réponse parce qu'il me parle de précision, puis c'est exactement
l'objectif de notre étude détaillée. Donc, oui, on rajoute «du Québec» dans un objectif de précision et,
dans un objectif de précision, on revient aussi à ce qu'est un signe religieux.
Donc, je lui
repose ma question encore : Est-ce
qu'un signe religieux doit être
interprété selon ce qu'il nomme, le sens
commun? Puis le sens commun, à moins qu'il me dise qu'il y a une définition
juridique de ce qu'est le sens commun d'un signe
religieux, mais je ne le pense pas et je ne pense pas qu'il y a de définition
exacte non plus de... en fait, il n'y a pas de définition exacte de signe religieux. Donc, si on le prend du
simple point de vue que c'est une manifestation d'une appartenance, donc, d'une appartenance religieuse,
donc je lui réitère ma question : Est-ce
que le fait de porter le signe
qu'il définit comme sens commun, est-ce que ça demeure un signe religieux?
Le
Président (M. Bachand) :
Mais excusez-moi parce que j'ai le député de Mégantic qui demande la parole.
C'est sur...
M. Jacques : ...des discours sur l'article
211, la pertinence des signes religieux versus «le Québec». On parle d'ajouter
le «Québec» à «l'État», et je ne vois pas, là, pourquoi on parle de signes
religieux dans l'amendement, là.
Le
Président (M. Bachand) :
Juste... Je vous remercie. Très rapidement, M. le député de Mégantic,
la pertinence, surtout lors d'études
détaillées, c'est très large. Alors donc, on peut se promener d'un article
à l'autre, mais on est quand même
dans l'esprit aussi du projet de loi. Donc, je vous remercie d'avoir soulevé cette
question-là, puis je vais donner la parole au ministre, s'il vous plaît.
M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Sur la
question, M. le Président, de l'amendement, j'ai expliqué pourquoi est-ce que je pense
que ce n'est pas opportun et que ce n'est
pas nécessaire. Sur la question du signe religieux, bien, écoutez,
j'ai eu l'occasion tout à l'heure de donner des cas d'exemples. Un signe religieux,
c'est le sens commun : un col romain, un chapelet, une croix, une kippa, un kirpan, un turban, un hidjab,
un niqab, une burqa. C'est le port de signes religieux qui est proscrit,
pour certaines personnes en situation
d'autorité, à l'article 6. Et les postes qui sont visés sont prévus à
l'annexe II de la loi.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
Montpetit : Donc, je
comprends que quelqu'un qui porterait... puis je comprends que, probablement, le ministre, peut-être, finira... Comme ça a l'air d'être une évidence
pour lui, quels sont ces signes religieux, je présume que, dans l'avancement de nos travaux, il nous déposera
une liste pour le bien commun des gens qui auront à appliquer cette loi,
que ça ne demeure pas simplement
dans son espace cervical personnel. Donc, ce que je comprends, c'est : quelqu'un
qui porterait l'un des signes religieux qui viennent d'être énumérés par
le ministre, mais qui ne les porterait pas pour des considérations religieuses,
il l'interprète quand même, aux fins de la loi, comme un signe religieux.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions?
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, ce qui est interdit, c'est de porter un signe religieux dans le sens
commun des choses.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
Montpetit : Peut-être,
aux fins de ma compréhension, est-ce
que le ministre peut nous expliquer
c'est quoi, le sens commun des choses? Parce qu'il fait référence beaucoup
à cette expression-là, puis, sincèrement, j'aimerais bien... avec toute
la bonne volonté du monde, ça m'éclairerait, s'il pouvait nous lire ce qu'il a
sous les yeux.
M. Jolin-Barrette : ...sens commun,
le sens courant des choses. Les auteurs, notamment Paul-André Côté, professeur
à la Faculté de droit de l'Université de Montréal : «Comme on présume que
l'auteur de la loi entend être compris des
justiciables, c'est-à-dire de l'ensemble de la population régie par le texte
législatif, la loi est réputée être rédigée selon les règles de la
langue en usage dans la population.
«En particulier, il faut présumer que le
législateur entend les mots dans le même sens que le justiciable, que "M.
Tout-le-monde". Dans la jurisprudence de droit statutaire, les références
à ce justiciable type ou au sens courant, ordinaire ou usuel des mots sont
fréquentes.
«Le juge est
censé connaître le sens courant des mots. Il est néanmoins pratique et très
courant de se référer aux dictionnaires
de langue qui ont pour fonction de rendre compte des usages linguistiques d'une
communauté à un moment donné.»
Alors,
Paul-André Côté, Interprétation des lois, troisième édition. Je dirais
que Pierre-André Côté est un des juristes, en termes d'interprétation des lois,
en termes d'interprétation des lois, les plus reconnus en droit au Québec. En
fait, je le qualifierais même de
sommité. Alors, si, dans son ouvrage, il dit comment est-ce qu'on interprète le
sens courant, le sens commun au sens,
et je le cite, de M. Tout-le-Monde, je pense que la population sait à quoi on
fait référence lorsqu'on parle d'un signe religieux.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée.
Mme
Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Est-ce qu'au sens
commun et au sens courant des gens vous considérez que, par exemple, le
yin yang serait un signe religieux?
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'ai eu l'occasion de donner
certains exemples. Je ne ferai pas la nomenclature au complet du sens
courant des signes religieux.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous
plaît.
Mme
Montpetit : Je vais reposer ma question parce que ça semblait une
liste, je comprends, pas si exhaustive que
ça. Oui, en fait, je ne sais pas. Est-ce qu'il y a beaucoup de signes religieux
au sens commun ou au sens courant? Tu sais, il y a un moment où il va falloir
déposer une liste où il va falloir les nommer. Donc, est-ce que, selon vous, au
sens commun ou au sens courant,
quelqu'un qui me poserait... parce que, nous, il y a des citoyens... comme je
vous dis, il y a des gens qui vont
devoir appliquer cette loi. Il y a des gens qui nous posent déjà des questions,
à savoir : Est-ce que je pourrai
continuer ou pas de porter telle chose? Donc, est-ce qu'un médaillon, par
exemple, de yin yang, au sens courant ou au sens commun, est un signe
religieux?
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée,
s'il vous plaît, vous avez la parole.
Mme
Montpetit : Est-ce que je dois comprendre que le ministre ne sait pas
la réponse?
Le Président (M. Bachand) : ...la parole et je demande l'intervention. Le
ministre, comme vous savez, est libre de répondre ou pas à une question
ou à des questions. Mme la ministre... députée, pardon.
Mme
Montpetit : Est-ce que le ministre souhaite répondre à ma question?
Le Président (M. Bachand) : Interventions? Donc, je vous invite... si vous
avez d'autres questions, commentaires, vous avez la parole.
Mme
Montpetit : Est-ce que je pourrais peut-être l'éclairer en lui disant
que le yin yang est à la base... est un des signes religieux du taoïsme? Et je ne suis pas certaine que, selon
sa définition du sens courant ou du sens commun de l'ensemble des Québécois, je ne suis pas certaine que, si on va faire
un vox pop demain dans la rue, c'est d'une si grande évidence, donc d'où l'intérêt de la question de
qu'est-ce qu'un signe religieux. Donc, peut-être qu'il peut nous en dire
encore davantage sur la liste qui est si
évidente. Est-ce qu'elle est longue? Elle est courte? Il y en a beaucoup? Il
n'y en a pas beaucoup? Comment ce sera interprété?
Le Président (M. Bachand) : Interventions? Je vous rappelle, Mme la députée,
qu'on entend vos questions aussi et qu'il y a eu des périodes d'échange. Mais
vous êtes libre de continuer à poser des questions, il n'y a pas de problème.
Mais je vous rappelle que le ministre est libre de répondre ou pas. Mme la
députée, s'il vous plaît.
Mme
Montpetit : Ah! je n'ai pas de réponse?
Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, la parole est à vous. Quand je
demande une intervention, s'il n'y a pas de réponse, je vous remets la
parole.
Mme
Montpetit : Non, mais je ne voudrais pas... j'agis avec beaucoup de
précaution, je ne voudrais pas brusquer le
ministre en lui coupant la parole. Donc, je lui laisse le temps d'y réfléchir
s'il veut me répondre. Je pense que, tôt
ou tard, on aura besoin de ces réponses-là. Donc, est-ce qu'aux fins du sens
commun et aux fins de l'application de sa loi, je le repose, le yin yang, qui
est quand même un médaillon qui est porté par plusieurs personnes, est-ce
qu'aux fins de sa loi, c'est un signe qui sera interdit aux gens en
position d'autorité ou aux enseignants?
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme
Montpetit : Avez-vous... Le ministre ne répond toujours pas.
Le
Président (M. Bachand) : Demande, intervention.
Mme
Montpetit : Ah! parfait.
Le Président (M. Bachand) : Alors donc, si quelqu'un veut répondre, continuer
le débat, je vous cède la parole.
Mme
Montpetit : Je vous remercie. Est-ce que, par exemple, une colombe
serait un signe religieux?
Le
Président (M. Bachand) : Interventions?
Mme
Montpetit : Donc, le ministre ne répond plus? C'est ce que je
comprends? Fin des interventions?
Le Président (M.
Bachand) : Bien, écoutez, je
crois que, Mme la députée, vous posez des questions, le ministre a quand même répondu à plusieurs reprises à vos
questions. Et, s'il décide de ne plus répondre à vos questions, c'est libre à
lui. Mais je vous cède la parole. Vous avez le temps devant vous. Alors
donc, vous avez la parole.
Mme
Montpetit : Je vais prendre... Combien il me reste de temps, M. le
Président?
Le
Président (M. Bachand) : Je vais vous dire ça. Vous aviez
20 minutes. Je vais vous dire ça rapidement.
Mme
Montpetit : Je n'ai pas entendu. Ah! pardon.
Le
Président (M. Bachand) : Il vous reste 13 minutes.
• (21 h 40) •
Mme
Montpetit : Bon, bien, écoutez, j'ai le choix de continuer de poser
des questions ou faire 13 minutes sur le fait que je trouve ça particulier d'être... On est quand même vraiment
au début, début de l'étude d'un projet de loi qui est, j'ai compris, fondamental pour le gouvernement. Et je
pense que le ministre, je ne sais pas si c'est aujourd'hui ou hier, disait
qu'il voulait que ce soit son legs et son héritage, et il se met dans une
posture où... Ça fait, quoi, à peine 10, 12 heures qu'on a commencé, on est à l'article
4, on est vraiment au début, hein, très, très, très au début. Et
il se met dans une posture où ça fait
quand même plusieurs réponses que je pose qui sont simples, je pense que ce n'est pas des questions qui sont très compliquées, pour savoir de quelle façon cette loi sera appliquée
par ceux qui auront à l'appliquer, et de quelle façon nous devons
l'interpréter, et de quelle façon les citoyens devront la comprendre.
Donc,
à ce stade-ci, soit je continue un grand laïus de cette
façon-là ou on continue d'avoir un échange où je pose des questions et
je n'ai pas de réponse.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, en sens courant, je vous disais que la députée
de Maurice-Richard... je vous dirais qu'elle manque une maudite belle game parce que
ça fait pas mal plus que 10, 12 heures qu'on est ici. Puis quand on a débattu, hier, on a débattu du lieutenant-gouverneur. C'était tellement pertinent, les amendements apportés par la députée de Maurice-Richard,
selon le sens courant, je vous dirais.
Écoutez,
j'ai déjà répondu, M.
le Président, et j'ai déjà
donné des exemples. Alors, je ne me soumettrai pas à un quiz de la
députée de Maurice-Richard. Je pense que tout
le monde ici, dans cette commission,
dans cette Assemblée, voit très bien le jeu de la députée de Maurice-Richard.
Et
donc moi, je fais confiance à la population. Les Québécois puis les Québécoises
savent ce qu'est un signe religieux en
fonction du sens courant, en fonction du sens commun. Et Pierre-André Côté
nous dit comment cela doit être interprété selon le sens courant, donc
M. Tout-le-monde, Mme Tout-le-monde. Et, en cas de difficulté
d'application, lorsqu'il y a des règles
d'interprétation qui s'applique, c'est le dictionnaire qui supplée s'il y a
difficulté d'interprétation.
Hein,
pour moi, c'est très clair, un signe religieux, c'est un signe religieux au
sens courant des choses. Et j'ai eu l'occasion
d'exprimer et de dire qu'est-ce que pouvait être un signe religieux, notamment
un col romain, un crucifix, un chapelet, une kippa, un kirpan, un
hidjab, un niqab, une burqa, un tchador.
Alors,
écoutez, je réponds à la députée de Maurice-Richard. Je comprends
qu'elle souhaite qu'on joue à un quiz et je n'ai pas l'intention de me
soumettre à un quiz. Et on n'est pas au Cercle non plus.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous
plaît.
Mme
Montpetit : Bien, écoutez, M. le Président, si c'est le ton que veut
adopter le ministre, je ne peux que trouver
ça malheureux. Je comprends que les heures lui paraissent longues, là, mais je
ne sais pas à combien, un, d'heures il
évalue qu'on est ici, là. J'ai 10, 12, ça doit être 16, 18, là. On n'est pas...
Je veux juste vous rappeler qu'on a commencé à siéger avant-hier sur l'étude détaillée. Donc, je comprends que vous
avez l'air de trouver l'exercice lourd, long et pénible, mais on n'a pas
commencé il y a quatre semaines. Donc, on est en début d'exercice...
Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît, la question de pertinence
s'applique. On ne parle pas des heures, on va parler du projet de loi,
s'il vous plaît, Mme la députée.
Mme
Montpetit : Je suis absolument d'accord avec vous, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci.
Mme
Montpetit : Et c'est là que
j'essayais d'en revenir. Et donc je vais reposer des questions.
Je comprends que le ministre
ne les trouve pas agréables, je
comprends qu'il ne souhaite pas y
répondre. Ce n'est pas un quiz. J'essaie de faire mon travail de parlementaire ici. Ça fait très peu d'heures qu'on siège sur
cette étude détaillée. Je lui pose des questions qui
sont très claires, qui sont très pertinentes, à moins qu'il me dise que ce
n'est pas pertinent de savoir qu'est-ce
qu'un signe religieux et qu'est-ce qui ne l'est pas. Donc, j'aimerais bien
qu'il me réponde avec déférence, avec politesse sur... Vous trouvez ça drôle? Parfait.
Le Président (M. Bachand) :
Mme la députée...
Mme Montpetit : Donc, à
savoir, par exemple, c'est une question très simple, c'est un symbole qui est
porté par plein de gens au Québec : Est-ce que le yin yang, ou non,
doit être interprété aux fins de la loi?
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, en termes de politesse, je ne pense pas avoir aucune
leçon à recevoir de la députée de Maurice-Richard, aucune leçon en termes de conduite de
députation. J'ai déjà répondu, M. le Président, à de nombreuses reprises relativement à la question de
la députée de Maurice-Richard en lien à savoir qu'est-ce qui est un signe
religieux.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Alors, Mme la députée.
Mme
Montpetit : Donc, on continue sur ce ton-là. Je peux continuer de
poser mes questions, M. le Président?
Le
Président (M. Bachand) : La parole est à vous, Mme la députée.
Mme
Montpetit : Alors, je repose ma question : Est-ce que le yin
yang, qui est posé par de nombreux Québécois, doit être interprété comme
un signe religieux au sens de la loi?
Le
Président (M. Bachand) : Interventions?
M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'ai déjà répondu à la question, à savoir que les
signes religieux sont dans le sens courant des choses.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le
ministre. Interventions? Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme
Montpetit : Est-ce que le signe yin yang est, au sens courant des
choses, un signe religieux au Québec?
Le Président (M. Bachand) : Je vais juste faire un petit aparté. C'est bien
de dire : Je veux des réponses, mais, en même temps... Vous êtes libres de poser les questions que vous voulez,
le nombre de fois que vous voulez. Ça peut être la même question
5 000 fois ou 50 fois, cinq fois. Mais, en même temps, je vous
rappelle qu'on est quand même en train d'étudier un projet de loi. Donc,
vous êtes des femmes et des hommes intelligents, vous connaissez bien le
processus parlementaire, donc, à un moment donné... Je comprends qu'il y a une
joute, dans le bon sens du terme, mais donc la redondance des questions ou
la... Ce que je veux dire, c'est que ça prend quand même... il faut s'élever un
petit peu.
Alors
donc, je vous dis ça en tout respect. Je ne dis pas que vous n'êtes pas élevés,
mais de poser les questions à moult
reprises, c'est votre droit, mais, en même temps, est-ce que ça fait avancer,
après plusieurs non-réponses ou réponses incomplètes, selon ce que vous jugez? Alors, je vous dis ça dans le sens
d'avancer parce que l'heure avance, et les débats continuent. Mme la
députée, s'il vous plaît.
Mme
Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Et soyez assuré que mon
objectif n'est absolument pas de me livrer à une joute avec le ministre, que
j'apprécie. Et je n'ai aucun plaisir à faire cet échange-là et à n'avoir aucune
réponse. S'il me donnait des
réponses... Et je pense que c'est mon droit de poser des questions, comme
parlementaire. C'est ce qui nous
réunit ici ce soir et c'est ce qui nous réunira encore demain et la semaine
prochaine. Nous sommes ici pour poser des questions et, normalement,
pour avoir des réponses. Je pense que c'est l'objectif d'une étude détaillée.
Donc,
si le ministre... Ce que je comprends, c'est qu'il refuse de donner une réponse
exhaustive de ce qui est un signe
religieux, il refuse de dire ce qu'au sens commun... ce qui est un signe
religieux, et je comprends qu'il laisse place à plein d'interprétations. C'est la conclusion que je dois en tirer. Puis
on aura l'occasion de reposer des questions, que ce soit plus tard dans la soirée, que ce soit dans
l'article 5, dans l'article 6, mais il va falloir que vous répondiez
à un moment donné. C'est votre
responsabilité, comme... c'est la responsabilité du ministre de venir éclairer
les gens sur ce qui est un signe religieux.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée
de Marguerite-Bourgeoys...
M. Jolin-Barrette : Est-ce que je peux répondre, M. le Président? Bon, M. le Président,
j'ai déjà répondu à la question de la
députée de Maurice-Richard. Et, vous savez, M. le Président, on répond à la
question, et ce qui est curieux, c'est
que, parce que la réponse que l'on donne ne fait pas le bonheur de la collègue
de l'opposition, on dit : Ah! le ministre n'a pas répondu. Or, c'est faux. Je réponds aux questions. Ce n'est
peut-être pas la réponse, M. le Président, que la députée de Maurice-Richard souhaite, et
veut, et désire, et cherche, peut-être que ça ne fait pas son affaire, M. le
Président, mais je réponds quand même
aux questions. Elle me demande le sens courant. Je lui ai donné plusieurs
exemples, M. le Président, plusieurs exemples.
Et
d'ailleurs, M. le Président, moi, j'aimerais qu'on discute de l'amendement de
la députée de Maurice-Richard. Savez-vous
pourquoi? Parce qu'on souhaite, dans l'amendement, rajouter «du Québec» :
«En plus de l'exigence prévue à l'article 3,
la laïcité de l'État du Québec exige le respect de l'interdiction de porter un
signe religieux prévue au chapitre II...» Alors,
voici, M. le Président, la grande contribution de la députée de Maurice-Richard
pour la bonification du texte de la Loi sur la laïcité.
• (21 h 50) •
Savez-vous
quoi, M. le Président? On est ici pour étudier le projet de loi sur la laïcité,
un projet de loi qui est fort important,
qui vise à faire en sorte de séparer l'État et les religions, un projet de loi
qui vise à faire en sorte que les personnes visées dans le cadre du projet de loi — les juges, les policiers, les agents
correctionnels, les procureurs, les enseignants, les directeurs
d'école — ne
portent pas de signe religieux dans le cadre de leurs fonctions. C'est
notamment inspiré, M. le Président, des conclusions du rapport Bouchard-Taylor. On se souvient tous ici, je pense, de la grande
tournée et de la consultation publique qui a été effectuée par ces deux
universitaires québécois qui ont sillonné le Québec, qui ont rencontré des milliers de personnes,
qui ont lu des centaines de mémoires, qui ont pris des mois à rédiger leur rapport,
M. le Président, pour le livrer aux Québécois
en disant : Écoutez, nous, on a entendu tout le monde, et voici une proposition.
Or, le gouvernement libéral de l'époque, M. le Président, n'a pas retenu les recommandations de Bouchard-Taylor. La collègue
de Notre-Dame-de-Grâce, à l'époque où elle était ministre de la Justice et par
la suite ministre de l'Immigration, a déposé le projet de loi n° 94
vers 2010‑2011, environ. En plus qu'un an, le projet de loi n° 94
n'a pas été adopté. Le Parti libéral l'a laissé mourir au feuilleton, il y a des élections générales
qui ont été déclenchées, M. le
Président. Par la suite, le Parti
québécois a présenté le projet de loi n° 60. Des élections sont survenues aussi, le projet de loi n° 60 n'a pas été adopté.
Le gouvernement de la CAQ, par contre, a
présenté depuis 2013 sa position relativement à la laïcité de l'État, relativement au fait qu'il était temps de tourner la page sur ce débat-là et de
faire en sorte qu'au Québec il y
ait un cadre clair sur la
séparation de l'État et des religions, et c'est exactement ce qu'on fait, M. le
Président, dans le cadre de la Loi sur la
laïcité que j'ai déposée au nom du gouvernement, et sachez, M. le Président,
que j'en suis extrêmement fier et je
pense que tous mes collègues du gouvernement sont fiers du dépôt de cette loi
du gouvernement de la CAQ, M. le Président. Savez-vous pourquoi? Parce qu'on tient les engagements qu'on a pris
depuis 2013. On tient les engagements qu'on a pris en campagne
électorale relativement au fait de dire qu'on doit avancer sur cette question.
Le Québec est
dans un processus de sécularisation, M. le Président, depuis environ
60 ans. Et je rejoins l'amendement là-dessus, M. le Président, «du
Québec». La députée de Maurice-Richard, lorsqu'elle dépose
son amendement, elle dit : C'est
tellement important, M. le Président, que je bonifie le projet de loi, je vais
insérer «du Québec» à l'article 4. Or, si elle avait pris la peine de lire le
projet de loi et de lire l'article 1, qui se lit ainsi, six mots : «L'État
du Québec est laïque.» Or, un principe dans
la rédaction des lois, M. le Président, est : Lorsque c'est dit une fois,
on n'a pas besoin de le répéter à
plusieurs reprises. 41.1 de la Loi d'interprétation du Québec : «Les
dispositions d'une loi s'interprètent les
unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui résulte de
l'ensemble et qui lui donne effet.» M. le Président, vous savez, c'est
un tout. On regarde le tout quand qu'on regarde la loi.
J'ai bien
essayé, M. le Président, d'expliquer ça aux collègues du Parti libéral hier
puis la journée précédente aussi, M. le Président. J'ai essayé, puis là on
prenait un petit bout du projet de loi, puis là on le mettait en opposition
avec un autre petit bout du projet de
loi. Mais, vous savez, c'est comme un roman, une loi, M. le Président. Tout
s'interprète ensemble. Les
dispositions d'une loi s'interprètent les unes par rapport aux autres, hein? Il
y a une réflexion. On doit penser. On doit lire l'article 1 avec
l'article 2 à l'intérieur de la même section, à l'intérieur du même chapitre.
C'est comme ça que ça fonctionne, M. le
Président, les lois. Je comprends que la députée de Maurice-Richard ne veut pas nécessairement faire cet exercice-là, et notamment
pour cet amendement-là. Écoutez...
Des voix : ...
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
je réponds sur l'amendement qui est proposé, «du Québec».
Mme
Montpetit : Je vais juste me permettre un appel au règlement 35 parce
que j'en ai laissé passer trois, là, dans
les deux, trois dernières minutes. Si le ministre veut me prêter des intentions
comme ça toute la soirée, ça va donner un
ton très désagréable aux échanges qu'on a. Je suis respectueuse. J'aimerais
qu'il cesse de me prêter des intentions puis de faire des petits
commentaires insidieux et arrogants. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : O.K. Sur les intentions, je ne suis pas certain,
mais il y a des petits... il y a une prudence
à faire sur certaines affirmations vis-à-vis de la députée de Maurice-Richard, mais soyez prudent. M. le ministre, je
vous cède la parole.
M.
Jolin-Barrette : Savez-vous
ce que j'ai entendu, M. le Président, aussi? J'ai entendu des menaces. La députée
de Maurice-Richard nous dit : Ça va être très désagréable.
Écoutez,
moi, je souhaite juste que nos travaux se déroulent dans la joie et l'harmonie
parce que les Québécois veulent que ce projet de loi là
soit adopté, M. le Président, ils veulent absolument. Peut-être que le Parti
libéral n'a pas compris le message des
Québécois le 1er octobre dernier, mais il y a une chose qui est sûre, c'est que
les Québécois souhaitent que le projet
de loi soit adopté, que la Loi sur la laïcité... que ça soit vrai que l'État
québécois, il est laïque, M. le Président. Monsieur...
M. Derraji : ...la
pertinence de... les Québécois nous ont...
Le Président (M.
Bachand) : Et donc je cède la parole au ministre... le ministre...
Mme
Montpetit : Peut-être qu'on pourrait reprendre sur un autre ton, là?
Le
Président (M. Bachand) : Le ministre parlait justement du projet de
loi. Alors, M. le ministre, bien sûr, connaît les
règlements. M. le ministre, vous avez la parole, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette :
Oui, M. le Président, je suis débordant d'enthousiasme, vous pardonnerez mon
ton, parce que je suis
heureux qu'on puisse étudier le projet de loi, je suis vraiment heureux. Puis
en plus j'ai le bonheur de le faire avec
la députée de Maurice-Richard. Je ne peux contenir mon enthousiasme, M. le
Président, de pouvoir étudier avec elle le projet de loi, M. le
Président. C'est fort important.
Puis
savez-vous quoi? C'est important, l'étude du projet de loi qu'on fait
présentement, c'est vraiment important. Et j'espère que les collègues réalisent
l'importance de ce projet de loi là pour l'ensemble de la nation québécoise.
C'est un choix de société, et les
Québécois y tiennent fondamentalement à la laïcité de l'État. Ça fait partie
des valeurs québécoises, la laïcité de l'État. Ils souhaitent que
l'Assemblée nationale adopte le projet de loi sur la laïcité de l'État.
La
question qu'on doit se poser au regard de l'amendement, M. le Président, c'est
de dire : Est-ce que l'amendement,
il est pertinent ou non? Est-ce qu'il bonifie cette loi, la Loi sur la laïcité
de l'État, le projet de loi n° 21? J'ai eu l'occasion
de dire que, de mon avis, je ne crois pas qu'il bonifie le projet de loi.
Alors,
j'invite, pour la suite des choses, les collègues à nous déposer des
amendements qui vont amener une réelle bonification et je
le dis, M. le Président, sans prêter d'intention. Mais, cela étant dit, c'est
pour ça que je ne peux pas l'accepter, M. le Président, parce que peut-être,
si, dans cette logique-là, légistique, qu'il y avait, ça avait été déposé à l'article 2, à l'article 3 ou suivants, ça
aurait peut-être été pertinent dans cette logique-là. Mais là, comme on dit, ça
sort de nulle part, M. le Président. Et, quand on lit la Loi
d'interprétation du Québec, bien, puisque c'est déjà indiqué à l'article
1, il n'est pas nécessaire d'inscrire «du Québec».
Alors,
M. le Président, je ne peux me rallier à l'amendement qui a été proposé par la
collègue de Maurice-Richard, à mon grand désarroi.
Une voix :
Désarroi.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il
vous plaît.
Mme
David : Bien, c'est bien, M. le Président, parce que j'ai enseigné la
psychologie, j'ai pratiqué pendant des années la
psychologie clinique, l'intervention, et on a beaucoup, beaucoup de matériel
ici de réflexion. Et j'écoute, et c'est vraiment très intéressant. Et plus il y
a d'échanges, plus je prends des notes. Et j'écoute beaucoup, beaucoup, et il y aura des choses sur lesquelles je pourrai
revenir un peu plus tard, M. le ministre, parce que, des fois, vous avez des
phrases vraiment fort, fort intéressantes, sans ironie, fort intéressantes et
importantes, parce que, s'il y a quelqu'un qui
trouve... et je ne suis pas la seule. Tous ici, on trouve que ce projet de loi
là, justement, a une telle importance qu'il faut y prendre le temps. Et,
je pense, vous m'avez donné encore plus d'arguments, au cas où j'en manquais,
pour dire à quel point l'importance de ce projet de loi appelle à un débat en
profondeur, et avec beaucoup de profondeur.
Donc,
prenons le temps. Et la collègue de Maurice-Richard a bien dit : On a commencé
avant-hier. C'est vrai que ça peut vous sembler long parce
que la vie est courte, hein, finalement. Mais, quand même...
M. Jolin-Barrette : Ça va vite...
Mme David : C'est vrai
que ça va vite, puis vous n'avez rien vu. Plus vous allez vieillir, plus ça va
aller vite. Alors, chaque jour est
important, vous avez raison. Mais, pour un projet d'une telle importance, on
est au jour 3. Et, si vous
regardez... Vous avez beaucoup d'expérience dans l'opposition, donc. En fait,
vous en avez fait, des heures, vous en avez fait, des heures dans
l'opposition.
M. Jolin-Barrette : Où ça? Sur quels projets de loi?
Mme David : Vous en
avez fait, des heures. Le...
M. Jolin-Barrette : ...
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, la députée de
Marguerite-Bourgeoys a la parole. S'il vous plaît. Mme la
députée.
• (22 heures) •
•
(22 heures) •
Mme
David : Alors, il y a eu des projets de loi qui ont été très, très,
très longs, qui ont siégé très longtemps. Je ne dis pas
que c'était vous qui étiez nécessairement assis tout le temps.
Mais
donc ce que je veux dire, c'est que moi, j'accorde tellement d'importance à ce
projet de loi là que je veux essayer de tout comprendre et de le bonifier. Et allons... Parce que je
vais aller beaucoup sur l'amendement. Alors, on va rester dans le sujet de l'amendement. Ça va vous faire plaisir puisque vous êtes d'un
enthousiasme délirant. Alors, on va continuer dans cette belle lancée
que vous aviez.
M. Jolin-Barrette : ...plus
débordant que délirant.
Mme David : Oui, excusez. Oui, c'est vrai. Débordant. C'est
un mot québécois usuel, «délirant». Alors, on dit ça comme
ça.
M. Jolin-Barrette : ...
Le
Président (M. Bachand) :
Non! M. le ministre, non! Mme
la députée a la parole, s'il vous plaît. S'il vous plaît!
M. Jolin-Barrette : On n'est
pas au projet de loi n° 2, là, ici, là.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée, vous
avez la parole.
Mme David : ...ressortir le paralogisme et non le sophisme,
là, comme... Alors, on va aller dans de la sémantique. Mais, écoutez, vous dites qu'on dit une fois, à l'article
1 : «L'État du Québec est laïque.» Mais, si vous regardez, par exemple, les considérants qui précèdent le chapitre I, il y a
huit considérants. Dans les huit considérants, il y a six considérants
qui comportent soit le mot «Québec»,
soit le mot «québécois». J'ai fait l'exercice, ce n'est pas long, c'est
facile. Et il y a toujours
«la nation québécoise», «la nation québécoise» en premier, «l'État du Québec»
en deuxième, le «Parlement du Québec» en troisième, «l'ordre juridique québécois»
en quatrième, «la nation québécoise» en cinquième, «la nation québécoise» en
huitième. Après ça, «l'État du Québec est laïque».
Je ne vous
dis pas, effectivement, de faire une surabondance de l'utilisation du mot «québécois», mais «la laïcité de l'État du Québec», je suis presque honorée que ça soit nous qui
vous demandions d'en ajouter un sur les nombreux «Québec», «québécois», «nation québécoise». C'est nous, alors
que je suis certaine que vous ne plaideriez pas que nous sommes plus
nationalistes que vous, quand même. Je ne pense pas que vous allez plaider ça.
Alors, je
suis très honorée de vous supplier d'en rajouter un sur les six existants dans
les préambules. L'État du Québec... Vous avez raison, le premier article...
Et c'est ça qui peut être inspirant, en fait. On peut le voir
au contraire de ce que vous dites : Ça y est, je l'ai dit
une fois, pas besoin d'insister, l'État du Québec est laïque. C'est comme si
vous disiez : On s'est débarrassés du mot «Québec» une fois puis
après ça, bon, on n'en a pas besoin.
Je sais, le
manuel de légistique, je l'ai vu. J'ai vu la question de la légistique. J'ai
appris ce mot-là aujourd'hui grâce à
vous puis après ça mon collègue de LaFontaine, qui avait un énorme manuel de...
mais qui n'était pas de cet auteur, là,
de Pierre-André Côté, que vous traitez de sommité. On y reviendra tout à
l'heure. Mais vous avez sûrement des arguments légistiques. Puis on a
parlé de sédimentation tout à l'heure puis qu'on a besoin nécessairement de
toujours répéter des choses. Mais que vous,
vous trouviez que répéter le mot «du Québec» soit exagéré, superfétatoire, je
me dis : Mais je rêve! Je me
serais tellement attendue à l'inverse. Et c'est moi, députée du Parti libéral
du Québec, qui demande au ministre de rajouter «l'État du Québec».
Pourquoi on
le demande à l'article 4, hein? Parce que ça peut être pertinent, cette
question-là. C'est parce que c'est un article assez fondateur de ce qui
est la spécificité de ce que le gouvernement, le parti politique auquel... bon,
qu'il représente là-dedans... Comme ils
disent depuis 2013, nous voulons plaider et nous avons... Il dit : Les
Québécois le veulent. En tout respect, ce n'est pas les Québécois,
100 % des Québécois, c'est les Québécois qui ont voté pour la Coalition
avenir Québec, 37 %. Il en reste 63 %, 62,5 % qui n'ont pas voté
pour la Coalition avenir Québec. Il va me répondre,
par les sondages : Oui, mais on veut qu'il y ait de la législation. Ce
n'est pas 100 % là non plus. Donc, on peut... parce que l'article 4 est la
transition évidente entre la laïcité... Au sens où nous avons voté avec vous
l'article 1, l'article 2, nous sommes
d'accord, l'État du Québec est laïque. Mais, quand on arrive à l'article 4,
j'ai souvent cette métaphore de nos chemins
qui se séparent. À l'article 4, vous ajoutez une vraie spécificité, la société
distincte du Québec, la laïcité du Québec. C'est là qu'elle arrive. Puis ça, je
pense que vous ne me contredirez pas parce que vous l'avez dit tout à l'heure
à peu près dans ces mots-là. Et là, donc,
nous disons «la laïcité de l'État du Québec». Ça m'apparaît un bonbon qu'on
vous propose, un bonbon politique, à
moins que vous ayez des arguments
blindés de législateurs qui vous diraient : Vous avez erré, M. le
ministre. Ce n'est pas possible.
Moi, je vous plaide humblement que vous n'avez
pas fait l'économie du mot «québécois» ou «Québec» dans les considérants, vous n'avez pas fait l'économie à l'article 1.
L'État, vous auriez pu mettre : L'État est laïque,
puisqu'implicitement c'est un projet de loi du Québec.
Alors, pourrais-je vous poser la question a
contrario : Pourquoi, l'article 1, on n'enlèverait pas «du Québec»? Si vous ne voulez pas en ajouter, on peut en
enlever, aussi. Si c'est superfétatoire pour l'article 4, pourquoi ne le
serait-ce pas pour l'article 1?
Alors, j'arrête ici mon plaidoyer, je continuerai, mais j'essaie de
sensibiliser le ministre à son amour du Québec, qui pourrait se mettre dans cet article 4 parce que c'est
un article de transition extrêmement important pour la spécificité de la
laïcité à la québécoise, comme il aime beaucoup dire.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Je ne referai pas le plaidoyer que j'ai fait
tout à l'heure, M. le Président. Je vais verser les mêmes propos que j'ai tenus tout à l'heure en lien avec
l'intervention de la députée de Maurice-Richard. Par contre,
je crois avoir entendu la députée de
Marguerite-Bourgeoys dire : Écoutez, le gouvernement a été élu avec
37 % des voix, il y a seulement 37 % des personnes qui veulent
que la laïcité se retrouve dans les lois du Québec...
Mme David :
...vous interromps tout de suite parce que j'ai été dans les sondages tout de
suite après, mais vous ne l'avez peut-être pas entendu. Alors, je lis
dans vos pensées. Je prévois vos réponses.
Le Président (M. Bachand) : Merci,
Mme la députée. M. le ministre.
Des voix :
...
Mme David :
Hein? Pardon?
Le
Président (M. Bachand) : ...
Mme David :
Ce n'est pas vrai, je n'ai pas lu dans les pensées, mais je le savais que,
37 %, vous diriez : Il y a quand
même des sondages à plus que ça, et, en toute transparence et honnêteté intellectuelle,
je pense, vous l'avez entendu, M. le
Président, j'ai tout de suite dit 67 %, mais ce n'est quand même pas
100 %. Donc, je pense qu'on s'entend là-dessus.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Jolin-Barrette : Mais ce n'est pas tout à fait vers les sondages
que je m'en allais, mais je veux juste ramener... Hier, je disais que la députée de
Marguerite-Bourgeoys avait peut-être des dons de cartomancie, et là elle lit
dans mon esprit. Alors, je commence à penser que c'est vrai, M. le
Président.
Tout
ça pour dire que je m'en allais pour dire : 37 %, oui, mais le Parti
québécois est également en faveur de la laïcité de l'État et...
17 % des voix?
Des voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais aussi savez-vous quoi, M. le Président? Il faut que je vous confie quelque
chose. Au moment de l'élection, Québec solidaire était en faveur de la laïcité
de l'État. Et eux aussi, ils ont eu
16 %.
Donc,
37 plus 17, 54, plus 16, ça fait 70. Je voudrais juste rappeler ça en réponse à
l'argument de la collègue de Marguerite-Bourgeoys. Mais là c'est vrai,
M. le Président, Québec solidaire ont viré leur capot de bord puis ils ont changé d'idée, contrairement, contrairement, à une
personne que connaît très bien la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui était
co-porte-parole de Québec solidaire durant des années, et qui a fondé Option
citoyenne, et même qui a déposé un
projet de loi qui s'intitulait Charte de la laïcité de l'État québécois,
Mme Françoise David, la précédente députée de Gouin, que je salue d'ailleurs et que j'ai le
plaisir de rencontrer à quelques occasions, parfois, lorsqu'il y a des
événements ici.
Alors, voyez-vous, M.
le Président, l'appui est plus important que pourrait le laisser présager la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît, oui.
Mme David :
Je vais reprendre les expressions mêmes du ministre. J'aimerais ça qu'on parle
de l'amendement.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
Mme David :
Parce que je pense que j'ai plaidé l'amendement. Vous déploriez beaucoup qu'on
ne parle pas de l'amendement, mais là
on est dans autre chose. Alors, il reste moins de temps qu'il en restait, c'est
dommage. On pourrait rester ici jusqu'à...
Le
Président (M. Bachand) : Il reste du temps, il reste du
temps.
• (22 h 10) •
Mme David :
Mais il reste du temps, alors je pense que j'ai apporté, j'ose croire, des
arguments vraiment intéressants, mais peut-être
que vous ne les trouvez pas intéressants. Mais j'aimerais ça qu'on parle de cet
amendement-là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Alors, effectivement,
ce sont des arguments intéressants. Et je vais donner un autre exemple à
la députée de Marguerite-Bourgeoys,
notamment sur le fait que, sur le plan légistique, il n'est pas approprié de
faire cette répétition-là dans les articles.
Je donne l'exemple,
le projet de loi n° 398, justement, Charte de la
laïcité de l'État québécois, bien, on disait «l'État
québécois» dans l'article 1, et par la suite, à chaque fois qu'on référait
à l'État, on n'insérait pas le terme «du Québec» ou «Québécois» aussi.
Donc,
pour ces raisons-là, malgré le fait que j'apprécie la suggestion d'insérer «du
Québec», il n'est pas nécessaire, par
souci notamment de cohérence légistique, pour l'ensemble de la loi. Et son
interprétation ferait en sorte qu'on réfère à «l'État du Québec» en
fonction de l'article 1.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David : Mais
parlons de la légistique, etc. C'est peut-être... on est dans la laïcité, là,
il y a une expression qui dit : Parole d'évangile, ça veut dire que
c'est... vraiment, là, parole d'évangile, on ne peut pas contester ça.
Ma question qui...
moi qui ne suis pas juriste, mais, quand je vois le nombre de fois dans les
considérants qu'il y a une référence au
Québec, ou à la nation québécoise, ou à directement le mot «Québec» ou «nation
québécoise», comment ça se fait qu'il y a six fois ça dans les
considérants, qu'on dit : L'État du Québec est laïque, mais que...
Est-ce qu'il est
écrit quelque part... Il y a beaucoup de légistes ici, justement, qui, en toute
connaissance de la légistique, disons-le
comme ça, interdiraient... parce que moi, je voudrais vous convaincre que votre
article 4 est éminemment important dans votre projet de loi, il est
fondateur de votre notion de laïcité, qu'on soit d'accord ou pas. Je pense, en tout cas, j'ai au moins un ami dans
ce que je dis là, le député de Saint-Jean, c'est ça, qui l'air super d'accord
avec moi. Puis c'est un article qui est
l'article pratiquement fondateur de votre projet de loi, pas de celui que
j'aurais écrit, moi, je me serais
arrêtée bien avant, mais du vôtre parce que l'État est laïque. La preuve que
c'est consensuel, on a voté avec vous,
on a voté les principes, mais l'article 4 arrive, et là vous mettez votre
drapeau, votre drapeau de réflexion sur ce qu'est la laïcité.
Alors,
est-ce que c'est interdit, de vouloir accentuer votre drapeau en mettant «de
l'État québécois», je pense qu'on a mis,
ou «du Québec», «du Québec»? C'est un peu surréaliste que ce soit moi qui sois
en train d'essayer de vous convaincre de
planter votre drapeau là où c'est extrêmement important. Discutez-en avec vos
collègues, je ne sais pas, là, mais moi, je pense que... À moins que
vous me disiez, en légistique, que vos légistes vous disent : C'est
interdit, interdit, puis là apportez-moi
l'interdiction pour me dire : Ce n'est pas possible, on n'a pas le droit
parce que ça ne marche pas de même.
Le
Président (M. Bachand) : Il y avait le député de
Saint-Jean qui demande la parole.
M. Lemieux : Juste une question, parce que la députée de Marguerite-Bourgeoys a raison, je suis d'accord avec elle sur la partie où c'est fondateur, l'article 4, mais moi, je
suis nouveau dans la législation, mais je voudrais poser une question. Si on ne met pas «du Québec»,
c'est, je le comprends, sous-entendu, mais, en tant que législateur
québécois, M. le ministre, est-ce qu'on pourrait légiférer la laïcité
d'un autre État que le Québec?
Le
Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M. Lemieux :
Comme législateur québécois, je veux dire, là.
M. Jolin-Barrette : Oui, oui. M. le Président, non, nous ne
pourrions pas. En réponse à la question du député de Saint-Jean, la législation québécoise n'a pas de
portée extraterritoriale, et il n'est pas possible de légiférer sur d'autres
États.
Le
Président (M. Bachand) : J'avais le député de Jean-Lesage
qui me demandait la parole, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Oui, alors, je voudrais juste rectifier une chose
qui a été dite par le ministre au sujet de la position de Québec
solidaire sur la laïcité.
Québec solidaire a toujours été pour la laïcité, l'a été dans le
passé, l'est aujourd'hui, le
sera demain, et je pense que prétendre l'inverse, c'est contribuer à une
méprise de ce que ça veut dire, la
laïcité. Et je comprends qu'il y ait
des personnes qui fassent ça, mais je pense que, dans le débat ici, on doit
avoir un niveau de rigueur plus élevé.
Ce
à quoi s'oppose Québec solidaire, c'est non pas la laïcité, évidemment, telle
que définie, d'ailleurs, à l'article 2 du
présent projet de loi, mais plutôt à l'interdiction des signes religieux, qui
est une caractéristique. Et Québec solidaire n'est pas le seul parti ou la
seule organisation à penser ça, beaucoup de gens en audiences publiques pensent
ça, nous ont donné cette opinion-là.
On pense que l'interdiction des signes religieux est une caractéristique
inessentielle de la laïcité, d'une part, et que, même, la limitation qu'elle
vient porter aux droits de la personne, entre autres à la liberté de conscience
et à la liberté de religion, qui sont par
ailleurs... qui font partie du concept de la laïcité elle-même, bien, sont des
mesures qui viennent affaiblir la laïcité de l'État.
Alors,
je pense que c'est important, quand on va parler de l'interdiction des signes
religieux, qu'on ne fasse pas comme s'il y avait une réduction possible
de dire : Laïcité égale signes religieux; vous êtes contre l'interdiction
des signes religieux, donc vous êtes contre
la laïcité. Je pense qu'il faut faire des distinctions qui s'imposent dans ce
débat, et c'est ce que je voulais mentionner et apporter.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le
député de Jean-Lesage. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, M.
le Président, en réponse à
l'intervention du député de Jean-Lesage, c'était tellement
important, la laïcité, pour Québec
solidaire qu'hier le député
de Jean-Lesage a déposé un amendement pour soustraire
les personnes désignées, l'Assemblée nationale, ces organisations-là, ces institutions-là, à la laïcité de l'État. Là, M. le Président, j'ai de la misère à
suivre.
Donc,
Québec solidaire, à l'élection, était en faveur de l'interdiction
du port de signes religieux pour les personnes en situation
d'autorité. Ensuite, change de bord, puis après ça, le lendemain, on me
dit : C'est vraiment important, la laïcité de l'État pour les institutions, mais, quand
vient le temps de viser les institutions parlementaires, Québec
solidaire n'est pas d'accord puis dépose un amendement pour ne pas viser
les personnes désignées. J'ai de la misère à suivre Québec solidaire.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député
de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Alors, je vais
aider le ministre. C'est assez simple, notre amendement d'hier. Il faut dire
aussi qu'on voulait inclure là-dedans la
fonction du lieutenant-gouverneur, ce qu'a refusé et rejeté le ministre, non
pas parce qu'il estimait que ce
n'était pas justifié, non pas parce qu'il estimait que le lieutenant-gouverneur
n'a pas une fonction qui est
justifiée par des fondements divins, et donc complètement opposés aux principes
de laïcité, mais parce qu'il estimait qu'il ne pouvait pas le faire,
étant le ministre d'une province canadienne.
Donc, nous,
on propose de pousser la laïcité des institutions plus loin. Le ministre s'y
refuse. Et ce qu'on a voulu faire
dans l'autre partie de ce même amendement là hier, bien, c'était de soustraire
des personnes à ce qui pouvait être... ce qui semblait être, peut-être
qu'on a eu la mauvaise interprétation, mais ce qui semblait être une prise pour
justifier l'interdiction des signes religieux chez ces personnes-là.
Mais par
ailleurs, pour nous, il est important, et ça a toujours été clair, et ça l'est
encore, et ça le sera toujours, que les institutions du Québec, institutions
politiques, doivent être laïques, laïques jusqu'au bout, laïques pas mal
plus que le propose le projet de loi
n° 21, par ailleurs, en ne touchant pas à la monarchie, en ne touchant pas
au financement des écoles privées
confessionnelles. Donc, en finançant, là, on finance l'enseignement religieux au
Québec. Ça, pour nous, c'est
inacceptable. On fait aussi... Qu'est-ce qu'on fait? On donne des avantages
fiscaux qui se chiffrent en centaines de millions de dollars à des
organisations dont le seul but est de faire la promotion de la religion. Alors,
nous, on n'est pas d'accord avec ça. On pense que cet argent-là, on
pourrait en faire un bien meilleur usage. Le p.l. n° 21
ne va pas dans cette direction-là. Le p.l. n° 21, au regard de la vraie laïcité de l'État et la vraie laïcité des
institutions, ne va pas si loin, étant
donné qu'il ne remet pas en question même le système monarchique et de droit
divin dans lequel nous pataugeons et dans lequel ce salon rouge, là,
gorgé de symboles religieux, nous blesse les sens, nous blesse les sens.
Une voix : ...
• (22 h 20) •
M. Zanetti :
C'est une blessure métaphysique. Elle
n'est pas moins intense. On s'habitue, comme une espèce d'acouphène. Et
donc c'est ça.
Alors, ce projet de loi, du point de vue de la laïcité des institutions, pourrait aller bien plus loin. Québec solidaire serait d'accord avec ça. Et c'est ce qu'on a essayé de faire dans
l'amendement. Peut-être qu'on s'est trompés dans une partie de
l'amendement. En voulant ajouter la fonction du lieutenant-gouverneur,
clairement, on ne se trompait pas, clairement,
vous n'étiez pas prêt à aller jusque-là. Mais c'est clair que la position de
Québec solidaire, c'est toujours la laïcité des institutions de l'État
du Québec...
Le Président
(M. Bachand) : ...M. le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : ...mais du Québec
au complet, c'est-à-dire même ce qui nous concerne et qui n'est pas reconnu comme tel. Tu sais, alors, même ce que certains
considèrent qui relève de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, de la Loi constitutionnelle de 1982, tous
ces documents illégitimes que nous n'avons pas choisis, sans fondement démocratique, sans aucun fondement de volonté
populaire, et puis que nous acceptons, auxquels nous décidons de nous
soumettre au prix d'une véritable laïcité, faut-il le rappeler.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, M. le député de Jean-Lesage.
Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, honnêtement, M. le Président, j'ai quand
même du plaisir avec le député de Jean-Lesage. Ça, je dois lui donner
ça.
Le député de
Jean-Lesage nous dit : Nous, on veut avoir la laïcité pour toutes les
institutions du Québec. O.K. Sauf
que, quand vient le temps de viser les institutions québécoises, exemple, le
Vérificateur général, le Protecteur du citoyen,
le Directeur général des élections, le Commissaire au lobbyisme, le Commissaire
à l'éthique et à la déontologie, bien, Québec solidaire propose de les
soustraire à la laïcité. C'est l'amendement qu'ils ont déposé hier, justement.
Là, M. le
Président, j'entends le message de l'appel à l'aide du député de Jean-Lesage
relativement au salon rouge. Alors,
peut-être que je peux l'accommoder. Souhaiterait-il aller à la salle des
Premiers-Ministres pour les prochaines séances?
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre, vous avez terminé?
M. Jolin-Barrette : Bien, je
veux juste... je vais continuer, mais juste avoir une réponse à cette question.
M. Zanetti : Non, surtout pas,
mais c'était bien, la salle Kirkland, par exemple. C'est tout.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, merci. Je vous rappelle, on avait eu
un débat sur la royauté.
M. Zanetti : Oui, oui, oui,
mais j'ai bien aimé ça. Je trouvais que c'est un débat de fond.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, M. le Président, je vais essayer de
prendre en compte, dans le choix des salles, les sensibilités sensorielles du député de Jean-Lesage pour le choix des
prochaines salles. Mais surtout ce que je retiens de son propos, c'est que Québec solidaire est en
faveur de la laïcité. Or, ça me laisse un peu perplexe parce que, si on est
vraiment en faveur de la laïcité, on devrait
réaliser toute l'importance, pour les personnes en situation d'autorité ou avec
une fonction d'autorité, de ne pas porter de
signes religieux. Le député de Jean-Lesage est en contradiction avec lui-même,
avec ses écrits passés.
Bon, sur tout
l'aspect, là, de la Loi constitutionnelle de 1867, de 1982, tout ça, on est un
peu hors débat, là, mais c'est ce qui
fonde nos règles. Alors, est-ce que ça veut dire que toutes les constitutions
qu'il y a eu depuis la Conquête sont illégitimes aux yeux du député de
Jean-Lesage?
Le Président
(M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, vous êtes
interpelé.
M. Zanetti :
L'Acte de l'Amérique du Nord britannique, très certainement, la Loi
constitutionnelle de 1982 aussi.
Une voix : ...
M. Zanetti : Les précédentes,
celles avant ça, issues de l'Empire colonial britannique?
M. Jolin-Barrette : L'Acte de
Québec, l'Acte d'Union.
Le Président
(M. Bachand) : Une personne à la fois, s'il vous plaît!
M. Zanetti : Ah! l'Acte
d'Union, très certainement le pire d'entre eux, là. Je ne sais pas s'il y a des
échelles d'illégitimité, si on peut noter ça
d'un à 10 puis dire : Vraiment, là... Mais, non, probablement que l'Acte
d'Union, c'est le pire, considérant
en plus le rapport Durham, qui l'a inspiré, là, document profondément raciste
envers notre peuple, un document qui
traite les Canadiens français de sous-population ignare, sans culture, sans
littérature, sans histoire, un peu
bête, un peu mal dégrossie. Et ce document-là avait pour but quoi? D'unir le
Haut et le Bas-Canada. Dans quel but? Il faut se le rappeler, c'est écrit noir sur blanc dedans, c'est de nous
assimiler. Alors, ce document qu'on... aujourd'hui même, qui a mené à 1867, à l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, dont l'Acte de l'Amérique du Nord britannique n'est que la suite,
bien, c'est ça qu'on décide de ne pas remettre en question. Et puis ça, c'est
beaucoup plus grave que le port des signes religieux.
Quand l'Acte
d'Union est fait, là, je rappellerais la date de l'Acte d'Union, 1840, ce n'est
vraiment pas longtemps après le
15 février 1839 où sont pendus les Patriotes, l'Acte d'Union s'est fait
dans l'urgence. L'Acte d'Union, là, c'est une réaction monarchique
conservatrice aux revendications démocratiques républicaines progressistes des
Patriotes du Bas et du Haut-Canada. Et c'est
ça, le fondement du Canada. Sans la rébellion des Patriotes, il n'y aurait pas
de Canada ou pas comme on le connaît
actuellement. Ça aurait une autre forme. Mais c'est notre rébellion, et la
réaction qu'elle a entraînée, et
l'Acte d'Union, et, plus tard, sa suite logique plus méditée, plus organisée
qu'est l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui a succédé ça et qui...
mais qui avait le même objectif.
Quand le
rapport Durham propose de fusionner le Haut et le Bas-Canada, il dit clairement
que, bien, c'est pour nous assimiler. Et puis après ça il dit :
Regardez, ça marche bien. Et, même, il donne des exemples d'autres colonies britanniques de l'époque où le parlementarisme qui
a été appliqué là a été un mécanisme d'assimilation extraordinaire.
Alors, ça,
c'est grave. Ça, c'est une menace à l'identité québécoise. Ça, c'est une menace
à ce que nous sommes et ce que nous
pouvons devenir. Et ça, je pense que ce n'est pas quelque chose qu'on devrait
ne pas questionner, accepter comme
tel. C'est quelque chose qu'on devrait remettre en question. Et il me semble
que, si on a à coeur la volonté populaire, bien, on devrait, pour une fois, la mettre au coeur de notre système
politique et puis se doter d'une véritable constitution qui tienne la
route, une constitution véritablement laïque, non monarchique, républicaine,
dans laquelle, justement, le peuple est
souverain, parce qu'en ce moment la souveraineté est entre les mains d'une reine,
cheffe de l'Église anglicane. Dieu et mon Droit, c'est écrit là.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, M. le député de Jean-Lesage.
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais je veux rendre honneur aux Patriotes,
M. le Président, parce que, cette année, ce qui est bien, c'est que le drapeau des Patriotes a pu flotter sur le mât
du parlement parce que le Parti libéral commence à comprendre certains principes du nationalisme québécois. Mais, pour
rendre hommage aux Patriotes québécois, M. le Président, le député de Jean-Lesage a oublié de dire que c'est grâce aux
Patriotes que nous sommes dans un gouvernement responsable. Ça, je pense que c'est leur plus grand legs, aux Patriotes,
hein, le fait que les Patriotes québécois... Et d'ailleurs c'est dans
mon comté, hein, la bataille de Saint-Denis-sur-Richelieu, la bataille de
Saint-Charles-sur-Richelieu.
Écoutez,
savez-vous, M. le Président, que George-Étienne Cartier, qui est parent avec la
ministre... pardon, avec la députée
de Marguerite-Bourgeoys, est né dans mon comté, à Saint-Antoine-sur-Richelieu?
Et George-Étienne Cartier, lors de la bataille de Saint-Denis, était un
patriote. Il est parti de Saint-Antoine dans sa chaloupe et il a été porter des
munitions aux Patriotes de Saint-Denis-sur-Richelieu.
Et, par la suite, bon, George-Étienne Cartier a participé à la signature
de la Constitution de 1867.
Alors,
j'avais juste une question pour le député de Jean-Lesage : Pourquoi est-ce
que la Constitution de 1867 est illégitime?
M. Zanetti :
La Constitution...
M. Jolin-Barrette : La Loi
constitutionnelle de 1867, à son sens, c'est ce qu'il nous a dit tout à
l'heure.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Malheureusement,
malheureusement...
Des voix : ...
Le Président
(M. Bachand) : Restez à l'écoute!
Des voix : ...
Le Président
(M. Bachand) : On ajourne nos travaux, mais on va se revoir
très bientôt. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 22 h 30)