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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 6 juin 2019 - Vol. 45 N° 46

Étude détaillée du projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l’État


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Intervenants

M. André Bachand, président

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Hélène David

Mme Paule Robitaille

M. Monsef Derraji

Mme Marie Montpetit

M. Louis Lemieux

Mme Stéphanie Lachance

M. Donald Martel

Mme Marie-Louise Tardif

Mme Lucie Lecours

Mme Agnès Grondin

M. François Jacques

M. Pascal Bérubé

M. Sol Zanetti

Journal des débats

(Onze heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande bien sûr à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par Mme Grondin (Argenteuil); M. Lamothe (Ungava) est remplacé par M. Jacques (Mégantic); M. Lévesque (Chapleau) est remplacé par Mme Tardif (Laviolette-Saint-Maurice); Mme Anglade (Saint-Henri-Sainte-Anne) est remplacée par Mme David (Marguerite-Bourgeoys); M. Tanguay (LaFontaine) est remplacé par M. Derraji (Nelligan); Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée par Mme Montpetit (Maurice-Richard); M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Zanetti (Jean-Lesage); et M. LeBel (Rimouski) est remplacé par M. Bérubé (Matane-Matapédia).

Étude détaillée (suite)

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Au moment d'ajourner nos travaux, hier soir, nous étions à un amendement déposé par la députée de Bourassa-Sauvé à l'article 3 du projet de loi. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Oui. Merci beaucoup. Bon matin, tout le monde. J'espère que tout le monde a longuement dormi, y compris le ministre. Mais on commence à manquer de temps pour dormir parce qu'on est tellement occupés à toutes sortes de choses.

Mais je voulais donc féliciter la décision de sa collègue la ministre de la Justice. Je pense que, grâce à nos interventions, à nos échanges, ça a permis d'avoir une réflexion plus poussée sur la question des crucifix dans les palais de justice. Et, si on peut en tirer une conclusion ou en faire une démonstration, c'est que, un, le ministre a écouté, et donc c'est superintéressant. Et, deuxièmement, ça veut dire aussi que nos échanges servent à quelque chose et que de prendre le temps de poser des questions et, je répète, de réfléchir ensemble — c'est le mot «ensemble» qui est important — nous permet tous ensemble, tous les grands esprits autour de cette grande table, de pouvoir prendre les meilleures décisions pour la société.

Alors, je pense que ça, c'est une décision importante, de retirer les crucifix des salles de palais de justice. Et j'espère qu'on va continuer nos discussions. On va essayer d'avoir le meilleur projet de loi possible. Et je félicite le ministre et je l'encourage à continuer à nous écouter, à échanger avec nous et à réfléchir avec nous aux meilleures solutions possible pour son projet de loi.

C'étaient mes propos introductifs. Je vais laisser ma collègue de Bourassa-Sauvé poursuivre sur l'amendement d'hier.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Juste pour compléter, je suis contente de voir que certaines de mes questions amènent à des réflexions et font des petits. Et, comme le disait ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, on est là pour ça, on est là pour faire avancer, faire réfléchir. Alors, c'est très heureux, tout ça.

Alors, on s'était laissés hier soir avec ma collègue la députée de Maurice-Richard qui donnait ses commentaires, là, justement sur l'importance de l'amendement qu'on a proposé. On veut éviter toute confusion. On veut être précis. Et donc on avait proposé cet amendement. Et je veux juste rafraîchir la mémoire à tout le monde, là, c'est relativement au premier alinéa : «1° "institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci», et puis là on spécifiait «le Commissaire à l'éthique à la déontologie des membres de l'Assemblée nationale, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général du Québec».

Ma collègue de Marguerite-Bourgeoys avait fait remarquer justement qu'au deuxième alinéa on parle d'institutions gouvernementales, et là on réfère à l'annexe I, et l'annexe I, c'est très détaillé, et on parle d'organismes, de commissions, d'organismes municipaux, et tout ça. Et donc, par souci de cohérence puis aussi pour mieux comprendre, elle nous disait : Bien, pourquoi on ne nommerait pas ces différents commissaires là au premier alinéa dans le même sens qu'au deuxième alinéa? On veut être précis. Et là le ministre nous avait dit : Bien, on veut se laisser un peu de liberté. Tout à coup qu'il y a une autre commission qui prend vie, bien, ce serait compliqué, on veut... Et ma collègue faisait remarquer que, bien, on ne crée pas une commission à tous les mois ou à toutes les années, et, si on crée une commission, puis il y a un nouveau commissaire, bien, il y aura une loi. Il y aura une loi en détail, et on va adapter la loi qui y réfère en conséquence. Et elle avait donné toutes sortes d'exemples. Et donc ses commentaires sont très, très justes.

Et ma collègue députée de Maurice-Richard nous avait fait remarquer que, justement, dans les commentaires à l'article 3, au deuxième paragraphe des commentaires, on lit, là : «Les institutions parlementaires sont définies comme incluant l'Assemblée nationale et les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève. Ces personnes sont le Commissaire à l'éthique et à la déontologie des membres de l'Assemblée nationale, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général du Québec.» Et donc elle nous disait : Bien, si on les met dans les commentaires, pourquoi on ne les met pas aussi, on ne les enchâsse pas, on ne les met pas dans le libellé du premier alinéa? Encore une fois, c'est un bon argument.

Et donc on en est à cet amendement qu'on trouverait souhaitable, qui bonifierait le projet de loi. Et donc je pense que c'est bien résumer, là, ce qu'on avait dit hier soir.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bon matin, M. le Président.

Écoutez, on en a abondamment discuté hier soir. On a discuté du lieutenant-gouverneur, on a discuté de l'Assemblée, on a discuté du Parlement, puis tout ça. Je ne referai pas le débat. Écoutez, ce n'est pas nécessaire d'indiquer les personnes définies très précisément.

Lorsqu'on lit les notes explicatives dans lesquelles la députée... notamment, on dit : «Les institutions parlementaires sont définies comme incluant l'Assemblée nationale et les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève. Ces personnes sont le Commissaire à l'éthique et à la déontologie des membres de l'Assemblée nationale, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général du Québec.» Ainsi, c'est déjà prévu. Par cohérence légistique, on ne les définit pas précisément dans l'article.

Et, vous savez, l'interprétation des lois, c'est une science en soi. Il y a plusieurs auteurs qui se prononcent là-dessus, notamment Pierre-André Côté, dans la troisième édition de son volume Interprétation des lois, qui... je suis convaincu que la députée de Bourassa-Sauvé connaît, aux publications Thémis, la page 434 : «La justification première de ce principe, c'est que l'on suppose que, lorsque l'auteur d'une loi élabore celle-ci, il tient compte des lois qui sont alors en vigueur, spécialement de celles qui portent sur la même matière, et qu'il façonne la nouvelle loi de manière à ce qu'elle s'intègre convenablement dans le droit existant à la fois au point de vue de la forme et [...] du fond. Cette justification du principe fonde le recours aux lois connexes antérieures à celle interprétée, lois qui forment l'environnement légal dans lequel vient s'insérer la loi nouvelle [...] qui peuvent servir à en préciser le sens.»

Donc, c'est l'environnement global. Lorsqu'on l'insère, on ne dénature pas le corpus législatif, et c'est pour ça qu'on fonctionne de cette façon-là. Et c'est pour ça que Mme Vallée, à l'époque où elle était ministre de la Justice, a été dans le même sens avec le projet de loi n° 62.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

• (11 h 50) •

Mme Robitaille : ...les explications du ministre. C'est fort apprécié. Merci. Mais, dans ce sens-là, alors je pose une question au ministre comme ça : Pourquoi, alors, on prend la peine, au deuxième alinéa, de détailler et de faire une annexe justement qui va en détail? Je reprends le questionnement de ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, qui disait : Bien là, on détaille, mais, au premier alinéa, on ne détaille pas. Donc, quelles sont vos explications?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président, parce que, dans le premier alinéa, c'est nommément indiqué. On sait à quoi on réfère, tandis que, lorsqu'on parle d'institutions gouvernementales, ça prend la liste pour les définir. Et, dans le projet de loi n° 62, c'était exactement la même chose.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : J'entends. Je pense qu'on a fait le tour.

Le Président (M. Bachand) : Oui. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Je veux juste être sûre, parce que le ministre, justement, il a peut-être encore moins dormi que moi puisqu'ils se sont préparés pour donner des arguments. Je les entends, mais ce n'était pas du tout les arguments de base hier. Les arguments hier, c'était : C'est trop compliqué au cas où on crée une autre entité qu'il faudrait ajouter. Alors là...

Une voix : ...

Mme David : Non, non, mais je vais juste finir. J'essaie de comprendre. Hier, c'était : Bien, c'est trop compliqué. Alors, on a un peu détricoté ça en disant : Bien oui, mais il y aura une loi. Donc, on dira simplement que ça se rajoute. Il y en a une par 10 ans. Ça ne sera pas trop prenant pour le ministre. Alors, j'essaie juste de voir le lien entre le premier argumentaire et votre argumentaire actuel.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, mon argumentaire est comme l'alinéa 1°... le paragraphe 1° de l'article 3, il n'est pas limitatif. Voyez-vous, ce n'est pas parce que j'ai donné un argument hier qu'il n'est plus valide aujourd'hui. Je rajoute un argument et je fais miens mes propos qui ont été dits hier. Donc, toute la conversation qu'on a eue hier, durant des heures, on peut prendre mes propos et les verser dans les débats parlementaires d'aujourd'hui.

Je veux juste rassurer la collègue de Marguerite-Bourgeoys. Je suis en totale cohérence avec mes propos d'hier et je fais mien ce que j'ai déjà dit. Je ne les répéterai pas parce qu'on les a tous entendus. Et d'ailleurs la preuve qu'on les a tous entendus, c'est que la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit : Ah! ce n'est pas ça que vous nous avez dit hier. Non, j'en rajoute en plus. Je vous donne une autre explication. Dans un souci de bonne collaboration, pour faire avancer les travaux parlementaires, je vous donne d'autres arguments ce matin avec Me Côté, qui est professeur de droit à l'Université de Montréal, je crois.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme David : Alors, ça me rassure, M. le Président. M. le ministre est cohérent avec lui-même. Alors, on ira sur ce thème de la cohérence amplement dans les prochains articles. Mais il ne s'est pas renié lui-même. Alors, c'est une bonne nouvelle pour lui.

M. Jolin-Barrette : ...pas renié encore.

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! O.K. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement de la députée de Bourassa-Sauvé? S'il n'y a pas d'autre intervention, je vais mettre l'amendement aux voix. Est-ce que l'amendement est adopté?

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Par appel nominal, Mme la secrétaire, s'il vous plaît. Merci.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?

Mme Robitaille : Pour.

La Secrétaire : Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

La Secrétaire : M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Pour.

La Secrétaire : Mme Montpetit (Maurice-Richard)?

Mme Montpetit : Pour.

La Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Contre.

La Secrétaire : M. Lemieux (Saint-Jean)?

M. Lemieux : Contre.

La Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Contre.

La Secrétaire : M. Martel (Nicolet-Bécancour)?

M. Martel : Contre.

La Secrétaire : Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?

Mme Tardif : Contre.

La Secrétaire : Mme Lecours (Les Plaines)?

Mme Lecours (Les Plaines) : Contre.

La Secrétaire : Mme Grondin (Argenteuil)?

Mme Grondin : Contre.

La Secrétaire : M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Contre.

La Secrétaire : M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Contre.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'amendement est rejeté. Interventions? Nous sommes de retour à l'article 3. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Merci, M. le Président. On avance, M. le ministre. Il est de bonne humeur, c'est le fun. Institutions gouvernementales. Alors, institutions gouvernementales, on en a parlé hier. Alors, on en a parlé abondamment pour comparer 1° et 2°. Alors, ma question va être quand même assez simple et peut-être prévisible pour vous, mais réfléchie, réfléchie quand même. L'annexe I, les organismes, il y en a vraiment, vraiment beaucoup. J'aimerais que vous m'expliquiez, que vous me renseigniez sur l'importance d'en mettre autant et si c'est une liste d'épicerie qui était déjà dans telle ou telle loi, donc on la prend, copier-coller, on la met là, ou s'il y a un rationnel lié à la laïcité pour mettre la Régie du bâtiment, etc. Moi, ça me semble extrêmement exhaustif. Est-ce une précaution pour être sûr... Mais, si on veut être sûrs de façon exhaustive, ne devrait-on pas avoir 100 paragraphes plutôt que 13? Alors, expliquez-moi un peu si c'est un choix, s'il y a un tri, si c'est une liste prévue d'avance, parce que, quand on a tel type de loi, c'est toujours tel type de liste que sont les organismes gouvernementaux. Alors, question de renseignement.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Alors, globalement, la liste est la même que celle qui était dans le cadre du projet de loi n° 62 sur la neutralité religieuse de l'État. Donc, dans le cadre de la neutralité religieuse de l'État, on voulait s'assurer que les institutions gouvernementales soient couvertes. Donc, quelles sont les institutions gouvernementales couvertes? Ce sont celles qui sont prévues à l'annexe, d'où le détail de celles-ci.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme David : Ce qui est intéressant, c'est le fréquent, fréquent recours au projet de loi n° 62. C'est vraiment bien parce que ça vous a fait sauver beaucoup de temps, et vous vous en inspirez beaucoup. Alors, on va continuer peut-être à s'inspirer du projet de loi n° 62 pour limiter la question du port de signes religieux, mais nous y arriverons un jour, à l'article 6. Mais je suis contente de voir en même temps que c'est tiré de la loi n° 62. Et donc j'imagine que, quand on parle d'institutions gouvernementales, il y a comme une liste prédéterminée de ce que sont des institutions gouvernementales. Est-ce que c'est la loi n° 62 ou c'est parce que c'est la liste habituelle des institutions gouvernementales, nonobstant la loi n° 62?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, je veux aussi souligner qu'on s'est inspirés également du projet de loi n° 60, et le projet de loi n° 62 s'était inspiré du projet de loi n° 60 aussi du Parti québécois. Alors, voyez-vous, on s'assure aussi de prendre les meilleurs éléments de chacun des projets de loi lorsqu'on rédige une loi. Et donc, relativement aux organismes de l'État ou gouvernementaux, effectivement, il y a beaucoup de juristes qui ont travaillé sur les différents projets, et on arrive avec une liste qui est celle qui vise à s'assurer de couvrir quelles sont les institutions gouvernementales.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Dernière question. Est-ce que ce sont donc toutes les institutions gouvernementales ou si vous avez... Parce que vous avez dit : C'est sensiblement la même chose que 60, 62. Mais avez-vous fait du picorage — mon amie qui a trouvé ce mot hier — à l'intérieur des institutions gouvernementales ou avec un rationnel théorique, là, intellectuel, qui dit : Cette institution doit... la laïcité doit s'appliquer, mais pas celle-là?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je vous dirais que, globalement, on a repris tout ce qui était dans le 62 et on a rajouté... supposons, l'ajout d'organismes dont le fonds social fait partie du domaine de l'État, qui était une omission dans le cadre du projet de loi n° 62.

Mme David : Excusez-moi, je n'ai pas compris. L'ajout de...

M. Jolin-Barrette : L'ajout des organismes dont le fonds social fait partie du domaine de l'État.

Mme David : Excusez-moi, dont le fonds social...

M. Jolin-Barrette : Oui, c'est comme ça que...

Mme David : Qu'est-ce que c'est, le fonds social? Le fonds, f-o-n-d-s?

M. Jolin-Barrette : F-o-n-d-s, le fonds social. Dans le fond, la partie financière fait partie du domaine de l'État.

Je donne un autre exemple. Dans le projet de loi n° 62, il y avait eu une omission relativement à la commission scolaire du Littoral, O.K.? Dans le projet de loi n° 62, on disait : La neutralité religieuse de l'État couvre les commissions scolaires. Mais il y avait une omission au niveau de la commission scolaire du Littoral parce qu'elle n'est pas dans la liste de la Loi sur l'instruction publique. C'est ça, dans le fond, il y a une loi particulière pour la commission scolaire du Littoral, et cette commission-là, qui se retrouve sur la Côte-Nord, qui est une commission scolaire avec un régime très particulier où il n'y a pas de commissaire scolaire, où c'est des administrateurs qui gèrent la commission scolaire et où c'est une commission scolaire... Ce qui est intéressant, M. le Président, c'est une commission scolaire bilingue... bien, pas bilingue, là, mais, dans le fond, elle couvre des services autant pour les francophones que les... à statut bilingue... pour les francophones que les anglophones. Donc, exemple, là, on l'a rajoutée dans la loi pour la laïcité. Mais, dans le projet de loi n° 62, il y avait eu une omission relativement à la commission scolaire du Littoral. Donc, maintenant, elle est visée dans les organismes gouvernementaux.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

• (12 heures) •

M. Derraji : C'est une petite question très rapide. Hier, quand on posait la question au ministre par rapport au crucifix dans les salles de justice, il nous a dit que c'est la ministre de la Justice qui va assurer le suivi. Aujourd'hui, nous avons une autre réponse, donc, par rapport à ça. Mais, quand on voit le... Je vais juste reprendre l'énoncé. Au niveau des institutions gouvernementales, là, on voit une liste d'organismes. Est-ce que je comprends que le ministre entend... parce que chaque organisme faisant partie de cette liste, du 1° jusqu'au 10°, à l'annexe I, chacun va... sera responsable d'appliquer la loi dans son institution?

M. Jolin-Barrette : Est-ce que chaque organisme sera tenu d'appliquer...

M. Derraji : En fait, j'essaie de comprendre la dynamique parce qu'hier nous avons posé la question par rapport au ministère de la Justice. Donc, en ce qui concerne le ministère de la Justice, ça a été très clair aujourd'hui, c'est la ministre de la Justice, M. le Président. Là, on voit une panoplie d'organismes gouvernementaux. Parfois, c'est des sociétés d'État, parfois... C'est vraiment très large, ce qui est une bonne chose parce que tout est énuméré. Ma question que j'ai, c'est : Qui est responsable de l'application de la loi? Et comment le ministère va accompagner ces personnes dans l'application de la loi?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Chacun des organismes est responsable de l'application de la loi, en fait, du principe de laïcité. Donc, on incorpore le principe de laïcité au sein de tous les organismes gouvernementaux. Donc, chacun des organismes doit se conformer au principe. On a eu la discussion hier relativement à l'incorporation. Je disais : Tous les organismes sont chargés de respecter, supposons, la Loi sur les normes du travail ou la Loi sur la santé et sécurité au travail. Donc, c'est la direction qui est chargée de l'application de la loi à l'intérieur de l'organisation.

En complément de réponse pour la collègue de Marguerite-Bourgeoys, elle disait : Les organismes dont le fonds social feront partie du domaine de l'État. À titre d'exemple, supposons, vous avez Hydro-Québec, Investissement Québec, Loto-Québec. Donc, ça, c'est des compagnies à fonds social qui font partie du domaine de l'État, donc elles sont visées par l'obligation de laïcité de l'État.

Le Président (M. Bachand) : M. le député...

M. Jolin-Barrette : Dans le fond... Ah!

Le Président (M. Bachand) : Oui, allez-y, continuez, oui.

M. Jolin-Barrette : Juste en complément, là, lorsqu'on crée, supposons, exemple, Loto-Québec, ça veut dire sa structure au niveau de sa création dans sa loi fondatrice, là. Bien, dans sa loi... oui, c'est ça. Dans sa loi fondatrice, ça va être indiqué, supposons : Hydro-Québec est une compagnie à fonds social. Donc, c'est dès la création. Même chose quand on a fait la SQDC, l'année passée, la Société québécoise du cannabis. La collègue, la députée de Marguerite-Bourgeoys, la députée de Soulanges à l'époque, lorsqu'elle a créé la filiale de la Société des alcools du Québec en créant la Société québécoise du cannabis, bien, cette filiale-là, c'est une compagnie à fonds social. Donc, c'est pour ça qu'elle est couverte.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Nelligan? Oui?

M. Derraji : Oui, oui, oui, je reviens parce que le ministre a répondu à une question, puis je veux juste avoir un complément de la question que j'ai posée. Donc, si j'ai bien compris, au niveau de l'applicabilité, ça va être... chaque organisme, chaque société d'État, chaque ministère doit s'assurer de la mise en place de cette politique?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, dans le fond, à l'intérieur de chaque organisation, il y a les organes de gouvernance qui sont chargés de l'application de l'État. Il y a un conseil d'administration, il y a un président-directeur général. C'est la même chose que quand vous avez une loi d'ordre public qui doit... exemple, la Loi sur la santé et sécurité au travail ou la Loi sur les normes du travail. L'organisme a l'obligation de respecter la loi. Dans le fond, il ne faut pas oublier, M. le Président, que l'organisme, là, c'est l'État. C'est comme... L'État québécois a plusieurs têtes, je vous dirais, ou des sous-têtes, là, mais c'est toute la même tête.

Le Président (M. Bachand) : M. le député, oui, allez-y.

M. Derraji : J'aime beaucoup cet échange. L'État québécois a plusieurs têtes, mais c'est justement, moi, le fait d'avoir plusieurs têtes que j'ai des doutes parce que, si on veut s'assurer de la mise en place, la mise en place de la loi doit être uniforme et non pas chacun doit faire à sa tête. C'est là le message que je cherche, le message que je cherche de la part du ministre, si je ne veux pas que l'État ait plusieurs têtes par rapport à la laïcité. Il y a une seule tête parce que je comprends que la structure... tu as des conseils d'administration liés à des sociétés d'État, tu as des ministères liés à un ministre. Et je veux juste que le message soit uniforme, que la loi, elle est transversale, peu importe ta structure ou ta tête. Parce que, là, on n'est pas en langage business de l'État, la SQDC ou toutes les sociétés d'État que vous avez énumérées. Mais j'ai une crainte par rapport au message qu'on va envoyer à tous ces bras du gouvernement. Je ne sais pas si le ministre saisit ma question, hein? Probablement que je n'ai pas bien compris, mais juste clarifier votre vision par rapport à plusieurs têtes.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Dans toutes les lois, il y a un ministre responsable de l'application de la loi. On va le voir plus tard à l'article 31. Présentement, c'est moi, le ministre responsable de l'application de la loi en vertu du projet de loi, et donc c'est le ministre responsable qui chapeaute l'application de la loi. Mais comment ça se matérialise dans tous les organismes visés, c'est la même chose que toutes les lois d'ordre public. Chacun des organismes de l'État, qui sont l'État, sont assujettis. C'est la... Ce n'est pas différent de toutes les lois québécoises qui s'appliquent. Quand ils disent : Bien, voici les lois d'ordre public, elles sont appliquées et respectées par tous les organismes. Exemple, la Loi sur l'équité salariale. Bien, le gouvernement est visé par ça, toutes les sociétés d'État sont visées, donc les différents bras de l'État, comme dit le député de Nelligan, se soumettent à cela.

M. Derraji : Je comprends la logique derrière la politique de l'équité salariale. Et on peut même questionner aujourd'hui, faire un barème de l'application de la politique de l'équité salariale. Et, on le sait, c'est toujours un combat, l'équité salariale. Mais mon problème, c'est qu'on n'est pas au même sujet. Le sujet de la laïcité, c'est un peu différent de l'équité salariale. Je ne veux pas qu'une société x d'État ou une société y d'État... qu'il y ait une différence de la mise en place de la laïcité, mais, encore une fois, je suis à la recherche de la clarification.

Mais j'ai une question beaucoup plus concrète. Au niveau des sociétés d'État, elles sont, dans la majorité des cas, gérées par des conseils d'administration, donc, si j'ai bien compris, que la politique de la mise en place, si je peux dire, une politique de la laïcité doit passer par les conseils d'administration. Est-ce que c'est ça que le ministre voulait dire?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Les organismes de gouvernance sont ceux qui sont imputables, ultimement.

M. Derraji : Oui. En bonne gouvernance, je n'ai jamais entendu d'une politique de la laïcité. Est-ce que le ministre va aller dans ce sens? Parce que les politiques de gouvernance au niveau des sociétés d'État, qui va chapeauter ça à l'intérieur de l'organisation, qui va s'assurer de la mise en place?

M. Jolin-Barrette : O.K. Écoutez, dans chaque organisation... chaque organisation prend les mesures pour que la loi soit appliquée dans son organisation. Quand on est, là, un organisme gouvernemental, il y a une loi qui est présente, bien, les moyens sont pris pour qu'elle soit respectée, il y a une obligation de conformité à la loi. Donc, les personnes concernées vont prendre les mesures pour s'assurer que la loi soit respectée par l'ensemble de l'organisation.

L'État québécois, là, n'est qu'un tout. La façon dont l'État s'exprime, je pourrais dire, c'est par le biais de différents organismes, de différentes lois, de différents pouvoirs qui sont dévolus, certains pouvoirs qui sont délégués. Et là on vient circonscrire l'application de la loi aux organismes gouvernementaux qui sont prévus à l'annexe I. Donc, ces organismes-là, ils vont intégrer la laïcité, la conformité à la laïcité, comme toutes les lois qui touchent l'État québécois. C'est une loi qui fait en sorte que l'État et les religions sont séparés, qui consacre ce principe. Et donc, dans toutes les situations d'un organisme gouvernemental, comme c'était le cas pour les institutions parlementaires, eh bien, la loi va s'appliquer. Ce n'est pas différent, là, de l'équité salariale, les normes du travail, les obligations, supposons, en matière de reddition de comptes, en matière de fiscalité. Vous savez, ça couvre... Lorsqu'il y a des normes à respecter, le cadre normatif, il est là pour l'État québécois. Et on vient dire, dans la loi, qui est l'État québécois. Au niveau des organismes gouvernementaux, on vient le définir. Organismes gouvernementaux, pouvoir exécutif, on revient dans nos trois branches, là, du pouvoir exécutif.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député, oui, allez-y, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui. Merci, M. le Président. Je veux remercier le ministre pour les clarifications. Et, toujours dans le but de me clarifier le parallèle que le ministre fait avec la Loi sur l'équité salariale, il y a toujours des mesures, et conditions, et balises, hein, de la non-application d'une loi. Admettons le cas, l'équité salariale, il y a des politiques. On voit même des sociétés d'État. Après plusieurs années, il y a toujours ce combat d'atteindre un certain équilibre. Pensons à la politique sur l'accessibilité des minorités, d'avoir plus de handicapés, d'avoir plus d'autochtones, d'avoir plus de diversité. Pensons à, oh! justement, l'équité salariale, respect des normes de travail. Mais tout ça vient avec des balises, vient avec une feuille de route.

Je comprends le ministre quand il parle que les sociétés d'État, où les organismes, où les têtes liées au gouvernement doivent suivre la logique de l'implantation des lois comme ça se fait par rapport aux autres lois. Mais ces lois viennent avec des balises. Là, maintenant, ma question : C'est quoi, les balises de l'implantation de la Loi sur la laïcité au sein des sociétés d'État? Parce qu'on ne va pas leur dire demain : Écoutez, là, on va voter le 14 juin, la loi est appliquée. Je lui souhaite le succès, M. le ministre, le 14 juin. On est le 15 juin, c'est fait. Là, maintenant, il faut passer à l'application, avec toutes les procédures qui vont venir par la suite. Mais j'aimerais bien que le ministre me parle des balises, des conditions et mesures parce que toute loi vient avec ça.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, je suis heureux d'apprendre que la loi va être adoptée pour le 14 juin.

M. Derraji : On est là pour vous aider, hein? Et on n'a jamais dit le contraire, M. le Président. Je n'ai jamais entendu le contraire.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de Nelligan. M le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Mais, M. le Président, j'ai compris un engagement de la part du député de Nelligan que la loi allait être adoptée.

M. Derraji : J'ai dit ma bonne volonté, M. le Président, à bonifier, à poser les bonnes questions et d'avoir les bonnes réponses. On va avancer, croyez-moi.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bon, bien, M. le Président, je suis très heureux de l'entendre de la bouche du député de Nelligan et je le prends à témoin.

Alors, la loi, elle est très claire, notamment relativement aux principes qui soutiennent la laïcité, et donc, au moment de la sanction de la loi, effectivement, tous les organismes publics vont se conformer à la loi, les institutions gouvernementales.

J'aimerais juste revenir sur la question de l'énumération. La députée de Notre-Dame-de-Grâce, à l'époque où elle était ministre de la Justice et, par la suite, ministre de l'Immigration, portait le projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements. Et donc, pour parler de l'Administration gouvernementale, il y avait une énumération, comme nous le faisons aussi dans le cadre du projet de loi n° 21.

M. Derraji : Mais il parle des balises aussi.

M. Jolin-Barrette : Pardon?

M. Derraji : Vous avez dit «les balises».

M. Jolin-Barrette : Non, j'ai...

M. Derraji : Juste répéter la phrase, parce que je ne l'ai pas bien entendue.

M. Jolin-Barrette : Non, c'est le titre de la loi : loi établissant les balises encadrant les accommodements raisonnables. C'est le titre de la loi, c'est le projet de loi n° 94.

Donc, dans le cadre du projet de loi n° 94, pour répondre à la question de la députée de Marguerite-Bourgeoys, effectivement, c'est la façon de procéder en termes légistiques. Donc, voici deux exemples concrets de gouvernements auxquels des collègues ont participé qui démontrent qu'on fait les choses dans l'ordre.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui. Je reviens toujours à ma question, M. le Président, parce que ma question, elle est claire : C'est que, demain, le projet de loi, à l'étape de l'application, c'est quoi, le message que le ministre va envoyer à l'ensemble de ses bras ou ses têtes du gouvernement par rapport aux mesures, aux conditions et aux balises de l'application de la loi?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la loi, elle est très claire, et l'obligation de laïcité pour l'ensemble des organismes du gouvernement, elle est très claire avec les quatre principes sur lesquels on a voté.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît...

M. Derraji : M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : Oui, M. le député de Nelligan, allez-y. Allez-y, pas de problème.

M. Derraji : La loi, elle est claire parce qu'on en parle ici, mais je ne pense pas que ça va être très clair à l'extérieur du parlement. Et le but, c'est s'assurer d'avoir le plus d'adhésion. Ma question, encore une fois, pour être beaucoup plus clair... L'affirmation de la laïcité de l'État s'illustre en quatre énoncés : «1. L'État du Québec est laïque.

«2. La laïcité de l'État repose sur les principes suivants :

«1° la séparation de l'État et des religions;

«2° la neutralité religieuse de l'État;

«3° l'égalité de tous les citoyens et citoyennes; et

«4° la liberté de conscience et la liberté de religion.»

Le ministre aime toujours les exemples, et il a parlé, tout à l'heure, de la SQDC. Demain, ils veulent la mise en place de la Loi sur la laïcité, ça va passer par un conseil d'administration. Moi, ma question, là, c'est au niveau de l'applicabilité. Comment il la voit, la mise en place de ça au niveau de ces sociétés d'État? C'est une question très précise et claire.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Ça ne couvre pas juste les sociétés d'État, M. le Président, ça couvre tous les organismes énumérés à l'annexe I, aux paragraphes 1° à 10°. Alors, à partir du moment où la loi sera adoptée, ce que je souhaite ardemment, et ce que de nombreux Québécois souhaitent et Québécoises souhaitent, qu'on puisse adopter le projet de loi n° 21 pour enfin inscrire la laïcité dans nos lois pour que les institutions publiques en droit soient laïques, eh bien, le projet de loi trouvera application dès la journée de sa sanction.

M. Derraji : M. le Président, je vais répéter, encore une fois, ma question : Je ne parle pas uniquement des sociétés d'État, j'ai évoqué un exemple parmi d'autres parce que, comme le ministre l'a dit, il y a plusieurs têtes qui travaillent avec le gouvernement, et des bras. Là, maintenant, ce qui m'intéresse, c'est la branche des sociétés d'État plus précisément. Le pourquoi est très simple. Je peux évoquer plusieurs... La Caisse de dépôt... Il les connaît, le ministre. Ces organismes, ils ont des conseils d'administration. Pensons à Investissement Québec, il y en a pas mal. Donc, au niveau de la mise en place de cette politique, toute politique publique vient avec des balises et des conditions. Prenons le cas, par exemple, le non-respect de la loi. C'est quoi, les conséquences? La loi va venir avec quoi au niveau de la mise en place?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le député...

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, le député... il n'y a pas de marque sur ma banane, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : ...M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. On va le voir à l'article 12 du projet de loi, notamment sur le fait que, là, à l'article 3, on dit, on définit quelles sont les institutions gouvernementales, l'État, c'est quoi. Donc, le député de Nelligan n'a pas à avoir d'inquiétude au niveau de l'application de la loi. Elle s'appliquera dès le jour de la sanction de la loi. Les organismes se conformeront à la laïcité de l'État comme ils l'ont fait dans le cadre de la neutralité religieuse de l'État, à l'époque, avec le projet de loi n° 62.

Le Président (M. Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.

M. Derraji : Ce qui est fabuleux et intéressant avec le ministre... Je vais faire un exercice. Je vais demander à quelqu'un de me citer ou de me chercher le nombre de fois que le ministre utilise comme référence la loi n° 62. C'est énorme. C'est intéressant de l'entendre parler de la loi n° 62 à chaque fois. Mais je vais revenir à...

M. Jolin-Barrette : ...M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Oui, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Écoutez, je veux juste qu'on soit très clair, on fait référence au projet de loi n° 62 notamment parce que nous, on croit, au gouvernement, que les services publics doivent être donnés et reçus à visage découvert, ce que prévoyait le projet de loi n° 62. Mais la cour a suspendu l'application de la loi, et nous, on pense que c'est important qu'au Québec les personnes qui donnent les services publics et les personnes qui les reçoivent le fassent à visage découvert. Je pense, c'est la base. Et, à cause du projet de loi n° 21, la disposition va trouver application, et ça, c'est une illustration concrète qu'il revient aux parlementaires de décider comment s'organisent les rapports entre l'État et les religions.

Alors, oui, je fais référence au projet de loi n° 62 pour certaines parties. J'incorpore la neutralité religieuse de l'État à l'intérieur de la définition sur la laïcité, ce à quoi les parlementaires du Parti libéral sont d'accord.

Par contre, j'amène des modifications, des bonifications au projet de loi n° 62 parce que je n'ai pas eu le bonheur de les apporter, M. le Président, parce que je n'étais pas en étude détaillée avec la ministre de la Justice de l'époque sur le projet de loi n° 62. Cela étant dit, on importe des bonifications aux concepts qui avaient été édictés dans la loi n° 62, effectivement.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

• (12 h 20) •

M. Derraji : Parlant de bonifications, M. le Président, il n'a pas non plus repris la charte de laïcité de la députée de Montarville, comme quoi tout est bonifiable, M. le Président.

Je vais revenir à ma question. Est-ce que les ministères vont avoir des guides, des lignes directrices? Toute stratégie gouvernementale est accompagnée par des guides ou des lignes directrices. Donc, est-ce que, dans le pipeline de ce qui s'en vient, de l'application de la loi... Notre question, c'est plus par rapport à la mise en place de la politique et de la Loi sur la laïcité. Donc, c'est autour de ça que ma question tourne depuis tout à l'heure, et je cherche à ce que M. le ministre nous rassure. Et c'est pour cela, j'ai évoqué les sociétés d'État comme exemple. J'espère que le ministre va juste nous rassurer par rapport à la mise en application ou à l'application de cette stratégie gouvernementale.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, le député de Nelligan peut dormir sur ses deux oreilles, je le rassure, l'application de la loi se fera. Et il s'agit d'une loi, pas d'une stratégie gouvernementale, il s'agit d'une loi. Alors, l'ensemble des intervenants gouvernementaux vont se conformer à l'application de la loi.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Oui, je comprends bien que c'est une loi, mais pas une loi comme les autres lois. On parle d'une loi très importante, même le ministre le dit, le dit que c'est une loi très importante, nous sommes tous d'accord. C'est très important, la laïcité de l'État. Et je ne pense pas que les ministères ou les organismes et les sociétés d'État n'ont pas besoin d'une ligne directrice claire. Encore une fois, c'est la clarté que je cherche, la clarté du message pour qu'on s'assure tous de la mise en place des énoncés et des principes tels qu'énoncés au chapitre I, à l'article 1.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la loi, elle est très claire, l'État du Québec, il est laïc. Alors, ça ne peut pas être plus clair que ça. Et les organismes visés sont laïcs aussi à partir du moment de la sanction de la loi. Et c'est un peu ironique, M. le Président, parce que, durant tout ce débat-là sur la laïcité de l'État, souvent, le Parti libéral me dit : On n'a pas besoin de loi, M. le Président, parce que l'État québécois, il est déjà laïque, c'est déjà la laïcité. La députée de Bourassa-Sauvé l'a abondamment dit. Alors, les organismes savent déjà qu'est-ce que la laïcité, selon la députée de Bourassa-Sauvé. Alors, il ne devrait pas y avoir de problème d'application. J'invite la députée de Bourassa-Sauvé à rassurer son collègue de Nelligan pour faire en sorte qu'il soit rassuré parce que, M. le Président, la pire chose qui peut arriver, puis ce n'est pas bon pour le stress, c'est d'être inquiet, M. le Président.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Puis la pire chose qui peut arriver, c'est le stress, hein? Pour la santé, ce n'est pas bon, puis je ne veux pas que ça arrive au député de Nelligan, M. le Président. Alors, je me soucie de sa santé. Alors, j'invite vraiment la députée de Bourassa-Sauvé à prendre soin de son collègue. Honnêtement, il faut pouvoir, tous ensemble, revenir en forme au mois de septembre pour une autre session parlementaire. Donc, je veux que le député de Nelligan soit rassuré sur l'application de la loi, surtout, M. le Président, qu'il nous a confirmé que la loi allait être adoptée d'ici le 14 juin. Donc, je ne veux pas qu'il pense à ça tout l'été, M. le Président, je veux qu'il puisse partir la tête tranquille.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député, s'il vous plaît.

M. Derraji : Merci, M. le Président, et je remercie le ministre de penser à ma santé. Moi aussi, je pense à sa santé. C'est pour cela, je lui dis : Écoute, nous sommes là pour bonifier, mais encore une fois ce n'est pas à moi qu'il doit envoyer le message. Moi, je joue mon rôle en posant des questions pour lui donner l'occasion de clarifier, mais ce n'est pas juste à moi, il s'adresse, il s'adresse à plusieurs personnes, des milliers, y compris les sociétés d'État. Et je tiens à le rassurer, par rapport à ma collègue, que nous sommes une équipe forte, et on travaille en collaboration. Il n'a pas besoin de lui demander de me rassurer. C'est lui, le ministre de l'Immigration, et ce n'est pas une assurance personnelle, c'est plus rassurer les organismes qui vont, demain, s'occuper de la mise en place de la loi, M. le ministre. C'est ça, ma question.

M. le ministre, M. le Président, il le sait très bien, toute loi vient avec des balises, avec des guides, avec des conditions sur le non-respect, par exemple, sur des procédures de la mise en place. Si le ministre, en date d'aujourd'hui, n'a pas encore de guide d'accompagnement qui va accompagner les organismes, il peut le dire, ce n'est pas grave, ça va venir après, mais c'est juste qu'il dit comment il compte mettre en place sa loi. Je comprends que tout organisme qui fait affaire avec l'État ou fait partie d'un bras de l'État va être assujetti à la loi, mais c'est le comment, encore une fois.

Donc, il a l'occasion de nous rassurer, mais pas de me rassurer, de nous rassurer. Mais je comprends. S'il ne veut pas aller dans ce sens, je n'ai pas de problème, mes collègues ont d'autres questions. Mais la question reste là, M. le Président. On veut bien aller plus vite qu'on le souhaite. C'est ça, notre souhait, tous, en tant que parlementaires, c'est de bonifier la loi. C'est lui qui détient la clé, de nous répondre, de clarifier, hein? C'est ça, le rôle. C'est votre projet de loi, M. le ministre. C'est votre projet de loi. C'est le projet de loi de votre gouvernement. S'il y a quelqu'un aujourd'hui qui doit répondre plus clair que clair, c'est vous. Il n'y a pas quelqu'un qui maîtrise la loi que vous et votre équipe.

Donc, si, en date d'aujourd'hui, votre réponse est la suivante : La loi va passer, les organismes doivent l'appliquer, c'est bon, c'est ça, la réponse que j'ai. Le comment, l'accompagnement, les guides, les lignes directrices, je n'ai pas eu de réponse. C'est ce que je comprends. C'est ce que je conclus, M. le Président. Donc, si ce n'est pas ça que j'ai conclu, le ministre peut me répondre. Si c'est ça, la conclusion, ce n'est pas grave. Je pense que j'ai compris le message.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Ça va? Intervention, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Le ministre parlait tout à l'heure de circonscrire l'application de la loi. Il nous disait comment c'était important, etc., et c'est tout à fait juste. Comme je le disais tout à l'heure pour l'alinéa 1°, ça aurait été bien, de spécifier exactement. Mais, bon, on en était à une autre conclusion.

Mais pour ce qui est du deuxième alinéa, donc, on veut bien circonscrire l'application de la loi. J'essaie juste de comprendre. On parle d'institutions gouvernementales, puis le ministre disait «tous les organismes publics». Est-ce qu'«institutions gouvernementales» égale «organismes publics»?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Les institutions gouvernementales auxquelles je fais référence, ce sont celles prévues à l'annexe II, les paragraphes 1° à 10°.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : O.K. Est-ce que pour...

Le Président (M. Bachand) : Excusez-moi. Allez-y. Allez-y, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Annexe I, paragraphes 1° à 10°.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Bien, pour comprendre l'esprit, là, pourquoi ils sont là, est-ce qu'il y en a... Est-ce qu'il y a des organismes, des institutions gouvernementales, qui sont des institutions gouvernementales qui ne seraient pas identifiées dans les paragraphes 1° à 10° de l'annexe I?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Les institutions gouvernementales qui sont visées sont celles prévues aux paragraphes 1° à 10° de la loi.

Mme Robitaille : Et, juste pour comprendre, est-ce qu'il y en a qui ne seraient pas dans l'annexe qui seraient quand même des institutions gouvernementales ou si c'est vraiment exhaustif, là, l'annexe I?

M. Jolin-Barrette : Pour nous, les institutions gouvernementales que nous souhaitons qu'elles soient visées par le projet de loi n° 21, ce sont celles prévues à l'article... aux paragraphes 1° à 10° de l'annexe II.

Mme Robitaille : Mais est-ce qu'il en a, des institutions gouvernementales qui ne seraient pas là-dedans, justement? Comme ça, ça nous ferait comprendre pourquoi il y en a qui sont là puis d'autres qui ne sont pas là.

M. Jolin-Barrette : Je donne un exemple à la collègue de Bourassa-Sauvé. Les paragraphes 11° à 13°, ce ne sont pas des institutions gouvernementales. C'est les centres de la petite enfance, les établissements agréés aux fins de subvention en vertu de la Loi sur l'enseignement privé et les institutions dont le régime d'enseignement est l'objet d'une entente internationale au sens de la Loi sur le ministère des Relations internationales, les établissements privés et conventionnés, les ressources intermédiaires, les ressources de type familial visées par la Loi sur les services de santé et services sociaux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée.

Mme Robitaille : Merci beaucoup de la précision. Mais, quand même, là, est-ce qu'il y en a... est-ce qu'il y a des organismes gouvernementaux ou des institutions gouvernementales qui ne seraient pas dans toute cette nomenclature?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, on couvre l'ensemble du service public, du domaine public gouvernemental au sens large.

Mme Robitaille : Donc, j'en conviens, qu'on se veut totalement exhaustif, là, dans les paragraphes 1° à 13°, c'est ça ?

M. Jolin-Barrette : 1° à 10°.

• (12 h 30) •

Mme Robitaille : Oui, oui, mais c'est parce qu'en plus vous continuez jusqu'à 13°. Je comprends que 11°, 12°, 13° sont exclus. Mais est-ce que, de 1° à 13°, on répertorie toutes les institutions gouvernementales?

M. Jolin-Barrette : Oui. Il faut être clair.

Mme Robitaille : 1° à 10°, c'est gouvernemental, puis après ça, ça ne l'est plus?

M. Jolin-Barrette : C'est ça.

Mme Robitaille : Mais 11°, c'est ça, c'est des CPE.

M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas gouvernemental, les CPE.

Mme Robitaille : Ce n'est pas gouvernemental.

M. Jolin-Barrette : Dans le fond, là, M. le Président, lorsqu'on lit, là, l'article 3 du projet de loi n° 21, 3, paragraphe b... non, 3.2° : «"Institutions gouvernementales" : les organismes énumérés aux paragraphes 1° à 10° de l'annexe I.» Donc, 11°, 12° et 13° de l'annexe I ne sont pas des institutions gouvernementales.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : Oui. Bien, ça revient à la question que je posais. Donc, de 1° à 10°, c'est les institutions gouvernementales visées. Mais est-ce qu'il y a des organisations, des institutions gouvernementales qui ne sont pas visées par le projet de loi? Ce n'est pas 11° à 13° puisque ce n'est pas des organisations gouvernementales.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Non. Les institutions gouvernementales visées sont celles prévues, 1° à 10°. Et on reprend quasi intégralement l'article 8 de la loi n° 62 pour les articles gouvernementaux qui sont visés.

Mme Robitaille : Donc, 1° à 10°, c'est exhaustif, là, selon le ministre, de toutes les institutions gouvernementales.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : J'ai fait une erreur. L'article 8, ça vise 11° à... L'article 8 de la loi n° 62, c'est 11° à 13° de la loi, tandis que les organismes gouvernementaux visés dans la loi n° 62 sont les mêmes que nous, on vise, mais on a ajouté les compagnies à fonds social, comme je l'expliquais à la députée de Marguerite-Bourgeoys tout à l'heure.

Mme Robitaille : Mais ma question est simple. Est-ce qu'on doit comprendre que, de 1° à 10°, c'est exhaustivement toutes les institutions gouvernementales ou on se garde une petite gêne quelque part? Mais 1° à 10°, c'est exhaustif, c'est toutes les organisations, toutes les institutions gouvernementales?

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je pense être clair, là, les institutions gouvernementales que l'on vise sont celles prévues à 1° à 10°. Si la députée de Bourassa-Sauvé pense à un organisme qu'elle considère comme gouvernemental et qui n'est pas visé par la loi, elle peut me le mentionner, on va faire les vérifications.

Mme Robitaille : Justement, c'est ma question. Je veux dire, le ministre dit : C'est les organismes qui sont visés par la loi. Ma question, c'est : Est-ce qu'il y en a qui ne sont pas visés par la loi?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : S'ils n'étaient pas visés, ils seraient non gouvernementaux.

Mme Robitaille : Donc, j'en conclus que tous les organismes gouvernementaux sont répertoriés de 1° à 10°, là, de l'annexe I.

M. Jolin-Barrette : On couvre les organismes gouvernementaux dans le sens large. Donc, quand on parle d'organismes gouvernementaux, là, c'est l'État, hein, l'État dans son rôle du pouvoir exécutif.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Je vais peut-être aller plus précisément par une sous-question de ma collègue dans un domaine que je connais un peu mieux.

Le paragraphe 7° de ladite annexe, il y a... Et je l'ai sous les yeux, cette fameuse Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, 1° à 11°, et donc vous avez l'Université Bishop's, l'Institution royale pour l'avancement des sciences — vous savez c'est quoi, ça, c'est McGill, mais on ne sait pas que le nom officiel, c'est l'Institution royale pour l'avancement des sciences — l'École polytechnique, Concordia, etc., ce qu'on appelle les universités à charte la plupart du temps, plus, évidemment... Je comprends, pour les universités dans le périmètre gouvernemental, c'est... Mais les universités à charte sont donc soumises, et ce sont des universités à charte, donc avec à la fois une subvention privée puis des frais de scolarité, et tout ça, comme les universités, d'ailleurs, dans le périmètre, mais ils ont des chartes différentes.

Alors, quand je regarde la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, ça va, c'est clair que c'est une subvention à 100 % ou pratiquement... de la subvention pour les cégeps. Mais il existe aussi des collèges privés subventionnés qui ne sont pas soumis puisqu'ils ne sont pas là, je pense, collège André-Grasset. Je parle vraiment collège, pas au niveau secondaire. C'est très... Il y a de la confusion souvent. Je parle des collèges qui donnent des... au niveau collégial, qui sont privés subventionnés, qui ne sont pas là. Alors, c'est quoi, la différence entre un collège privé subventionné à la Jean-de-Brébeuf, Grasset ou d'autres, Mérici, etc., versus une université à charte qui, elle, est là? Donc, j'essaie de voir le rationnel. Pourquoi les universités à charte sont soumises, et dites, et énumérées, et pas les collèges privés subventionnés, qui n'auront pas besoin, donc, d'avoir la laïcité sous leur gouverne?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Donc, première partie de réponse. Donc, les universités à charte, comme l'Université de Sherbrooke, Bishop's, McGill, Concordia ou Laval, sont visées à 7°, hein, à cause de l'article 1 de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire. Pour ce qui est du cégep, vous faisiez référence au collège André-Grasset.

Mme David : Oui, un collège privé subventionné.

M. Jolin-Barrette : O.K. Laissez-moi quelques instants, je vais faire la vérification.

Le Président (M. Bachand) : On va suspendre quelques instants? Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise à 12 h 45)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. J'ai fait des vérifications parce que c'était une bonne question de la députée de Marguerite-Bourgeoys, et notamment sur des cas précis comme André-Grasset ou Brébeuf. Et donc, non, les établissements collégiaux privés ne sont pas visés par la laïcité de l'État, comme c'était le cas au niveau du projet de loi n° 62 aussi. Donc, les universités, oui, elles sont visées. Elles étaient visées par le devoir de neutralité religieuse de l'État. Mais les collèges d'enseignement privé ne sont pas visés, donc Grasset, Brébeuf et les autres collèges. C'est ça.

Mme David : LaSalle, Teccart. Il y en a une liste longue comme ça.

M. Jolin-Barrette : C'est ça.

Mme David : Donc, c'est exactement la conclusion à laquelle j'en arrivais au paragraphe 7°. La réponse, c'est : Non, ils ne sont pas visés. Mais encore? Pourquoi, alors, viser la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, d'autant plus que les 11 qui sont là, ce sont des chartes qui les gouvernent, ce ne sont pas... L'UQAM n'est pas là. Le réseau UQ n'est pas là. Donc, ça veut dire que McGill va se demander, ou l'Université Laval : Pourquoi moi et pas le collège LaSalle ou le collège Teccart, qui a autant de subventions que moi ou aussi peu que moi? En tout cas, c'est une question juste d'adéquation entre les deux réseaux. Quelle a été la réflexion pour inclure un et pas l'autre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : O.K. Dans un premier temps, juste pour une question de... je veux apporter une spécification à ce que la collègue de Marguerite-Bourgeoys a dit. L'UQAM, mais en fait le réseau des universités du Québec, UQAM, UQTR, UQAT, l'Université du Québec à Chicoutimi, j'en oublie...

Mme David : INRS.

M. Jolin-Barrette : ...INRS, tout ça...

Mme David : Ce n'est pas un examen que je vous fais faire, là, mais c'est ceux qui sont prévus ailleurs, eux autres, parce qu'ils sont dans le périmètre. C'est ça que j'attends comme réponse, là.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, au moins, j'en ai fréquenté une de celles-là. Je suis allé à l'ENAP. Ça fait que ça, c'est bon. Vous savez, moi, j'ai fait des deux côtés, je suis allé à charte privée et aussi à l'Université de Montréal, même. Alors, il y a plus de choses qui nous...

Mme David : ...dans la même voiture que celle qui nous divise.

M. Jolin-Barrette : Exactement, exactement. Je pense qu'on va finir par embarquer ensemble pour faire Québec-Montréal. On va régler le projet de loi comme ça.

Mme David : Je connais la voiture, en plus.

M. Jolin-Barrette : Bon, bien, c'est bien, ça, mais la semaine prochaine, par exemple.

Mme David : Et le garde du corps.

M. Jolin-Barrette : La semaine prochaine.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Bien, ce n'est pas sa semaine. Vous savez, M. le Président, on est en garde partagée.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, oui, j'y vais, là. M. le Président, dans le fond, là, lorsqu'on parle, là, de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, le réseau UQ, il est visé à l'article 1, paragraphe 9° : «L'Université du Québec et ses universités constituantes.» Donc, toutes les universités du Québec sont visées par la Loi sur la laïcité. Et donc toutes ces universités-là étaient aussi visées par le devoir de neutralité religieuse de l'État. Donc, notamment par souci de cohérence, la laïcité s'applique à l'ensemble de ces universités-là, et les collèges d'enseignement n'étaient pas visés, les collèges d'enseignement privés.

Mme David : J'entends très bien. Puis je ne vous ai même pas posé la question pour le réseau UQ tellement j'étais convaincue que, quelque part, il était là. Alors, je ne suis pas étonnée de ça, et c'est normal. C'est normal aussi, si vous voulez mon humble opinion, et je ne contesterai jamais, que vous mettiez les établissements d'enseignement de niveau universitaire, tel que prévu par la loi, articles 1° à 11°. Pour moi, si on ne met pas ces institutions-là comme étant soumises aux grandes balises de la laïcité, bien, on serait passés à côté, quand même, d'un corps constituant de notre société très important.

Alors, je ne vous demande pas de réponse maintenant, mais est-ce que la nuit pourrait porter conseil sur peut-être le fait d'inclure des collèges privés subventionnés? Il y en a qui sont entièrement privés. Je vais vous donner un exemple, là : des écoles de pilotage. Il y en a une à Saint-Hubert. Il y a beaucoup d'écoles de pilotage. Ça coûte très cher, faire un cours de pilotage. Je comprendrais que vous disiez : Ils sont vraiment privés, privés, privés. Il y a des programmes privés en hygiène dentaire, techniques d'hygiène dentaire, ça coûte très cher, puis, malheureusement, des fois... En tout cas, je n'irai pas dans ce domaine-là. Mais donc je pourrais comprendre. Mais, quand ce sont des collèges qui sont subventionnés, dont les programmes sont approuvés ou désapprouvés s'ils ne suivent pas le programme d'études collégiales... Donc, ils sont très suivis par le ministère de l'Enseignement supérieur.

Alors, c'est une question. Je n'en ferai pas une... Ça ne me stressera pas, puis je vais bien dormir, mais j'aurais trouvé ça intéressant qu'on y réfère en même temps que la loi sur les établissements universitaires. Je vous laisse ça en délibéré dans votre tête, si vous voulez, avec vos gens. Je n'irai pas plus loin que ça pour l'instant.

• (12 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, je vais le prendre en délibéré puis je vais poursuivre ma réflexion.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Par mesure de précision, au paragraphe 8°, c'est des hôpitaux, là : «Les établissements publics visés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, [mais] à l'exception des établissements publics visés aux [paragraphes] IV.1 et IV.3 de cette loi...» C'est quoi, l'exception? C'est quels établissements qui ne sont pas touchés par la loi?

M. Jolin-Barrette : Ceux qui sont à la partie IV.1 de la Loi sur les services de santé et de services sociaux. C'est le Centre de santé Tulattavik de l'Ungava, le Centre de santé Inuulitsivik aussi et le CLSC Naskapi.

Mme Robitaille : C'est en lien avec l'exception que vous faites, là, au paragraphe 5°, justement, sur les villages cris, puis les villages inuits, et tout ça.

M. Jolin-Barrette : C'est ça. Puis aussi ce qui est exclu, c'est la Régie régionale de la santé et des services sociaux Nunavik et le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James.

Mme Robitaille : Et donc ça continue. Les groupes d'approvisionnement en commun, là, ça, c'est inclus dans l'annexe I, hein, c'est ça? Dans la loi, CHSLD, tout ça, c'est bien inclus?

M. Jolin-Barrette : Les CHSLD, les CLSC, c'est dans la Loi sur les services de santé et de services sociaux.

Mme Robitaille : Et puis «les centres de communication santé visés par la Loi sur les services préhospitaliers d'urgence», ça, c'est inclus aussi? Je veux juste essayer de... Ça, c'est inclus, là? Ça, ça ne fait pas partie de l'exception ou ça fait partie de l'exception?

Le Président (M. Bachand) : ...répéter votre question, Mme la députée, s'il vous plaît? Merci.

Mme Robitaille : Oui. Alors, il dit : À l'exception des établissements publics visés aux parties IV, là, de cette loi. Et, j'imagine, l'exception, c'est aussi : «...les groupes d'approvisionnement en commun visés à l'article [435] de cette [...] loi et — encore exception — les centres de communication santé visés par la Loi sur les services préhospitaliers d'urgence.» Donc, ça, c'est les trois exceptions, si je comprends bien. Non?

M. Jolin-Barrette : Non. Dans le fond, ils sont inclus. Quand on lit la loi, là, paragraphe 8° de l'annexe I : «Les établissements publics visés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) — donc, tout ce qui est dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux — à l'exception des établissements publics visés aux parties IV.1 et IV.3 de cette loi...» Ça fait que c'est juste ça, l'exception. Après ça : «...les groupes d'approvisionnement en commun visés à l'article 435.1 de cette [...] loi et les centres de communication [de] santé visés par la Loi sur les services préhospitaliers d'urgence (chapitre S-6.2).» Donc, ça, c'est inclus comme les établissements publics visés. Donc, l'exception est juste entre les deux virgules.

Dans vos groupes d'approvisionnement, là, en commun, là, c'est le Groupe d'approvisionnement en commun de l'Est du Québec, le Groupe d'approvisionnement en commun de l'Ouest du Québec, Sigma santé. Et les centres de communication de santé visés par la Loi sur les services préhospitaliers d'urgence, c'est la centrale des appels d'urgence des régions de l'Est du Québec, le centre de communication de santé de l'Abitibi-Témiscamingue, le Centre de communication de santé de la Mauricie et du Centre-du-Québec, le Centre de communication de santé de l'Outaouais, le Centre de communication de santé des Capitales, Centre de communication santé Estrie, Corporation des partenaires pour les communications santé des Laurentides et Lanaudière, Centre de communication santé d'Urgences-Santé, Groupe Alerte Santé inc., donc, qui sont visés.

Mme Robitaille : Juste aussi par mesure de précision, les écoles cries, les écoles inuites, commission scolaire Kativik, par exemple, est-ce que... Bien, je vois, là, au paragraphe 5°, que les communautés autochtones sont... les municipalités ou les communautés, bien, en tout cas, sont exclues de la loi. Vous dites : «...à l'exception des municipalités régies par la Loi sur les villages cris et le village naskapi ou par la Loi sur les villages nordiques et l'Administration régionale Kativik.» Ça, c'est le paragraphe 5°. Ça, j'imagine, ça... Est-ce que ça inclut les écoles aussi?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Les commissions scolaires sont incluses dans les organismes gouvernementaux, sauf deux commissions scolaires, les commissions scolaires cries et la commission scolaire Kativik. Donc, ça, c'est au paragraphe 7°. Elles sont exclues. Donc, les écoles font partie des commissions scolaires, donc, par... pas par analogie, là...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : ...oui, par logique.

Mme Robitaille : ...exceptions au paragraphe 7°. C'est peut-être juste moi qui ne le vois pas, là. Est-ce que c'est moi qui ne le vois pas?

M. Jolin-Barrette : En fait, dans l'article 7, là, on dit «les commissions scolaires», O.K.? Les commissions scolaires, c'est les commissions scolaires linguistiques qui sont visées. La commission scolaire crie et la commission scolaire Kativik, il y a des lois particulières pour celles-ci. Ce n'est pas la loi générale qui couvre les commissions scolaires anglophones et francophones.

Et, tout à l'heure, je disais, M. le Président, exemple, pour la commission scolaire du Littoral, on l'a nommément rajoutée parce qu'elle n'est pas couverte par la loi générale sur les commissions scolaires. Mais Kativik et commission scolaire crie, c'est deux autres lois distinctes, et on ne vient pas les nommer dans «organismes gouvernementaux». Donc, puisqu'ils ne sont pas nommés, ils ne sont pas inclus.

Mme Robitaille : C'est un exemple de tantôt, là. Quand je vous demandais une institution gouvernementale qui n'était pas incluse dans la liste, pour ça, c'est un exemple, par exemple.

M. Jolin-Barrette : Je vous dirais, ça relève des nations autochtones.

Mme Robitaille : Oui, c'est ça.

M. Jolin-Barrette : Donc, c'est ça.

Mme Robitaille : Merci. Alors, ce matin, on lit, c'est dans Le Journal de Montréal suite à notre discussion d'hier sur les crucifix, que la collègue du ministre, la ministre de la Justice, là, fait volte-face et qu'on dit... Bien, je lis, là, la manchette de l'article : «Volte-face de la part du gouvernement Legault — hein, de la CAQ — qui retirera les crucifix des salles d'audience des palais de justice.» Ça, c'est l'article. Est-ce que le ministre pense qu'on doit faire... bien, j'imagine qu'on doit faire le même raisonnement avec tous les organismes cités à l'alinéa 2°, c'est-à-dire qu'il faut retirer les symboles religieux pour respecter la neutralité de l'État, en tout cas, la laïcité telle que définie dans la loi.

Le Président (M. Bachand) : Très rapidement, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, deux éléments, M. le Président. Premièrement, on nomme le premier ministre par son titre ou député de L'Assomption.

Mme Robitaille : Mais je citais l'article.

M. Jolin-Barrette : Bien, vous n'avez pas le droit de faire ça quand même en vertu du règlement.

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre, s'il vous plaît.

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Pardon?

Une voix : Vous présidez, M. le ministre?

M. Jolin-Barrette : Bien non, mais c'est l'application du règlement. Je pense que c'est important.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, si vous voulez continuer rapidement. Merci.

M. Jolin-Barrette : Oui. Sur la question posée, pouvez-vous répéter? Parce que la députée de Maurice-Richard m'a un peu dérangé, puis j'ai perdu le fil.

Le Président (M. Bachand) : Alors donc, on va profiter... Compte tenu de l'heure, on va prendre un petit temps d'arrêt.

On va suspendre les travaux et on se retrouve à 15 heures. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 1)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bienvenue à tous. La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes, bien sûr, dans la salle de bien éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État.

Lors de la suspension de nos travaux, ce matin, les discussions portaient sur l'article 3. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Oui. On avait terminé sur un article du Journal de Montréal qui nous annonçait ce matin que la ministre de la Justice était revenue sur les positions traditionnelles de son parti et qu'on allait retirer les crucifix des palais de justice. C'était la nouvelle, et moi, je me... Alors, ça, c'est suite, évidemment, au questionnement qu'on a eu hier et la réponse du ministre. Alors, j'aimerais avoir le commentaire du ministre relativement à cet article-là.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, si vous avez un commentaire.

M. Jolin-Barrette : Bien, je n'ai pas de commentaire sur un article de journal. Moi, je suis sur l'article 3, que je souhaiterais qu'on adopte.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Alors donc, si la ministre de la Justice, suite aux propos du ministre de l'Immigration et responsable de ce projet de loi, en a conclu qu'il fallait retirer les crucifix des salles de justice, est-ce qu'on devrait en venir à la même conclusion, on devrait faire la même chose pour ce qui est de tous les organismes qui sont répertoriés à l'annexe I?

Le Président (M. Bachand) : Intervention, M. le ministre?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, l'article 3, que nous étudions présentement, ne parle pas de retirer des signes religieux. On parle que «la laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.»

Mme Robitaille : Justement, «en fait et en apparence», ça veut dire quoi, en pratique? C'est quoi, la portée pratique de tout ça pour les organismes qui sont cités à l'annexe I?

M. Jolin-Barrette : C'est de respecter les principes qui sont énoncés à l'article 2 de la loi, comme on a eu la discussion hier, toute la journée.

Mme Robitaille : Oui, mais, justement, on est ici pour répondre aux questions des citoyens pour savoir c'est quoi, la portée pratico-pratique de tel ou tel article. Je pense que les gens veulent savoir qu'est-ce que ça veut dire. Est-ce que ça veut dire... Là, suite à nos discussions, la ministre de la Justice a décidé qu'il était bon, à la lumière de ce qui est la laïcité, de retirer les crucifix des palais de justice. Hier, le ministre en a parlé.

Est-ce qu'on doit en venir à la même conclusion — j'imagine que oui — pour toutes les institutions gouvernementales qui sont citées à l'annexe I?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'ai déjà répondu à ces questions-là hier.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Madame...

Mme Robitaille : Alors, j'en conclus qu'il faudrait que le gouvernement retire tous les signes religieux des lieux de ces institutions-là, des lieux de ces institutions gouvernementales là, les crucifix, et tout ça. C'est ce que le ministre dit.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ce que j'ai dit, c'était que la laïcité s'appliquait aux organismes gouvernementaux prévus à l'annexe I. Pour ce qui est de la question des signes religieux, comme je l'ai mentionné hier, c'est l'article 16 qui s'applique, et on en discutera à l'article 16.

Mme Robitaille : Si, sur les murs, on doit retirer les croix, alors j'imagine — sur les murs des palais de justice — donc, sur les murs des hôpitaux, on doit faire la même chose.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, comme je le disais à l'instant, c'est l'article 16 qui prévoit les dispositions associées aux propos de la collègue de Bourassa-Sauvé, et il me fera plaisir d'en discuter à l'article 16.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. Le ministre fait référence à la laïcité, puis je veux juste être certaine de comprendre, ici. Dans un premier temps, au niveau de l'annexe I, je comprends que ça ne comprend pas l'Assemblée nationale.

M. Jolin-Barrette : L'Assemblée nationale est visée au paragraphe 1°, dans le fond... paragraphe 1°, article 3 de la loi, paragraphe 1°, institutions parlementaires : l'Assemblée nationale. Au paragraphe 2°, qui réfère à l'annexe I, aux paragraphes 1° à 10°, ça couvre les institutions gouvernementales. Donc, l'Assemblée nationale n'est pas une institution gouvernementale. Elle ne fait pas partie du pouvoir exécutif, elle fait partie du pouvoir législatif, donc, dans le paragraphe 1°.

Mme Montpetit : Parfait. Donc, juste pour bien vous suivre, en vertu de la séparation de votre... la définition que vous émettez sur la laïcité de l'État, si, par exemple, quelqu'un faisait une demande à l'Assemblée nationale pour avoir un lieu de prière, est-ce que c'est quelque chose qui serait possible?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on est dans les demandes d'accommodement, on n'est pas dans la laïcité de l'État. Donc, c'est un autre dossier.

Mme Montpetit : Ça vous apparaît un accommodement?

M. Jolin-Barrette : C'est un autre dossier.

Mme Montpetit : Donc, est-ce que, dans la liste qui se trouve à l'annexe I, les organismes qui sont cités, est-ce que, dans ces endroits-là... est-ce que, s'il y avait une demande pour avoir une salle de prière, par exemple, ou un lieu de culte... est-ce que ce serait possible?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le projet de loi parle de la laïcité de l'État, des institutions. Ce que la collègue de Maurice-Richard demande, c'est une question qui porte sur les accommodements religieux, qui ne sont pas visés par le projet de loi, à l'exception de l'absence d'accommodement pour la neutralité religieuse de l'État ainsi que les services publics donnés et reçus à visage découvert. Donc, le projet de loi porte sur la laïcité de l'État et non pas sur les accommodements.

Mme Montpetit : Bien, dans la définition, la laïcité de l'État, là, elle repose bien sur un des principes qui est la séparation de l'État et des religions. Jusqu'à maintenant, on parlait de neutralité religieuse. Donc, j'essaie... de neutralité de l'État. Là, on parle de laïcité de l'État. Donc, je pense que c'est important qu'on puisse venir au fond de ces questions-là. Donc, je veux bien comprendre ce qu'on entend pour la liste des organismes qui sont à l'annexe I. Qu'est-ce qu'on entend par séparation de l'État et des religions? Est-ce qu'il est possible d'avoir un lieu de prière dans un des organismes qui est listé en annexe I?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

Mme Montpetit : Est-ce que vous considérez que c'est une séparation de l'État et des religions?

M. Jolin-Barrette : Comme je l'ai dit, M. le Président, la laïcité de l'État, c'est l'État québécois qui est laïque et la conduite des organismes qui doit respecter les principes associés à l'article 2 pour la laïcité de l'État. Donc, la question de la députée de...

Une voix : Maurice-Richard.

M. Jolin-Barrette : ...oui, j'allais dire Crémazie, de Maurice-Richard touche les accommodements religieux, qui ne sont pas couverts par le projet de loi.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Je vais reformuler ma question. Encore là, vous dites : Ça repose sur les principes, puis un des principes... puis il y aura des gens qui auront à se gouverner en fonction de ce projet de loi. Il y a un des principes, le premier, qui est la séparation de l'État et des religions.

Est-ce que vous considérez qu'un endroit de prière dans un des organismes... est-ce que vous considérez que ça a un lien avec la religion? Est-ce que ça a sa place dans un organisme qui relève de l'État?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Comme je le dis, M. le Président, pour la troisième fois, le projet de loi touche la laïcité de l'État et non pas les accommodements religieux.

• (15 h 10) •

Mme Montpetit : Si on sort d'une demande qui serait faite et qu'on parle d'endroits qui existent déjà, est-ce qu'à l'heure actuelle le projet, justement, amène, sur le principe de séparation de l'État et des religions, est-ce qu'il nous amène à revoir, s'il y a des lieux de culte, par exemple, qui se retrouvent dans des organismes qui sont à l'annexe I, est-ce que ça se trouve à être... est-ce que ça doit être revu?

M. Jolin-Barrette : La réponse à cette question-là, c'est que la loi s'applique pour le futur, et donc ce qui est présentement en cours demeure, et ça sera pour le futur.

Mme Montpetit : Donc, tout ce qui est, à l'heure actuelle, dans le fond, lieu de prière, salle de prière, lieu de culte, le fait qu'il y ait des messes qui se donnent dans des établissements, par exemple, du réseau de la santé, ça, je comprends que ça peut être maintenu en vertu de la séparation de l'État et des religions.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : La Loi sur la laïcité n'a pas pour effet de proscrire ce genre de choses. C'est déjà prévu par un article de loi qui a déjà cours sur les services spirituels de santé. Alors, le projet de loi est prospectif pour le futur, à partir du moment de sa sanction, va s'appliquer pour le futur. Les lois existantes demeurent.

Mme Montpetit : Donc, elle va venir encadrer le signe vestimentaire, mais pas les pratiques, c'est ce que je comprends, ni les lieux physiques, ni les symboles.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Ce que le projet de loi sur la laïcité fait, c'est qu'il incorpore le principe de laïcité dans nos lois et dans notre charte. Puis vous faites référence à l'interdiction du port de signes religieux pour certaines catégories d'emploi bien précises, et également il prévoit que, notamment, les services publics doivent être donnés et reçus à visage découvert.

Mme Montpetit : Oui, ça ne répond pas tout à fait à ma question. C'est relativement simple. Juste pour être sûre qu'on se comprenne, donc, outre venir vraiment encadrer le port d'un signe religieux pour certaines fonctions, le principe de laïcité de l'État ne vient d'aucune façon encadrer la présence d'un lieu de culte, d'un lieu de prière, d'une messe, d'un service spirituel. C'est bien ce que je comprends?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, actuellement, on est à l'article 3. Les questions de la députée de Maurice-Richard portent sur l'article 11.

Mme Montpetit : Dans l'article 3, je faisais juste référence... Il y a l'alinéa 2° qui parle des institutions gouvernementales puis l'alinéa 1° qui parle d'institutions parlementaires. C'est à ça... Je veux voir comment la laïcité de l'État, c'est quand même le fondement et le coeur de nos discussions, comment ça s'applique. Comment vous le mettez en pratique pour les institutions parlementaires et les institutions gouvernementales?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'ai répondu à la question en répondant à la députée de Maurice-Richard que c'est l'article 11 qui prévoit que l'application de la Loi sur la laïcité s'applique aux lois qui sont postérieures. Dans l'exemple qui est formulé par la députée de Maurice-Richard relativement à une animation spirituelle, supposons, dans un hôpital, c'est protégé déjà par une loi antérieure qui prévoit cette disposition-là. Donc, ce qui était avant demeure, et, par la suite, vous avez la Loi sur la laïcité de l'État qui s'applique à partir du moment du jour de sa sanction.

Je ne peux pas être plus clair que ça et je pense très bien que la députée de Maurice-Richard...

Mme Montpetit : Donc, je comprends, par exemple que...

M. Jolin-Barrette : ...comprends très bien ce que je dis pour la quatrième fois.

Mme Montpetit : Je comprends que... Bien, écoutez, on est là pour obtenir des réponses. Je suis bien désolée si ça vous irrite si je vous pose des questions.

M. Jolin-Barrette : Ça ne m'irrite pas du tout, ce qui...

Mme Montpetit : Si je comprends, donc, qu'à partir d'aujourd'hui...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! S'il vous plaît! Mme la députée.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. Je comprends donc qu'aujourd'hui, s'il devait y avoir un nouveau CHSLD ou, par exemple, je sais que c'est dans les projets de votre gouvernement de faire des maisons des aînés, il ne pourrait pas y avoir d'endroit de recueillement, ou de messe, ou de service religieux qui est donné pour les personnes aînées qui sont dans ces institutions.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : C'est la loi qui s'applique, de protéger les services spirituels.

Mme Montpetit : Là, vous me dites tout et son contraire. Je veux juste être sûre de comprendre.

M. Jolin-Barrette : Non. C'est la même chose.

Mme Montpetit : Vous me dites que votre loi, elle est prospective, donc elle s'applique à ce qui existe déjà, mais pas à ce qui se fera dans le futur. Donc, s'il y a des nouvelles constructions, est-ce qu'il peut, oui ou non, y avoir des lieux de culte? Est-ce qu'il peut y avoir des services spirituels qui sont donnés en vertu de la séparation de l'État et des religions?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'ai référé la députée à l'article 11. Je l'invite, si elle veut prendre deux minutes pour lire l'article 11 auquel je fais référence, et ça va lui permettre de se répondre elle-même à sa question parce que j'ai déjà répondu à la question, et elle aura l'occasion de comprendre en lisant le texte de la loi précisément. Je l'invite à prendre deux petites minutes pour lire l'article 11.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. J'ai le privilège d'avoir un ministre qui est là pour répondre à nos questions, donc je l'invite à répondre à nos questions. Ça fait partie de l'étude détaillée.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Donc, je comprends que de nouvelles constructions ne pourront pas avoir de lieux de culte, et de services spirituels, et de messes. Je veux juste un oui ou un non. C'est très simple, là, comme question. Je comprends que, pour celles qui sont déjà construites, il y a un droit acquis.

Le Président (M. Bachand) : M. le député... Allez-y, Mme la députée, terminez votre...

Mme Montpetit : Je comprends que, pour celles qui sont déjà en place, il y a un droit acquis. Je veux savoir... vous parlez de prospectif pour ce qui devrait venir. Est-ce que, oui ou non, c'est possible?

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, j'invite la députée à lire l'article 11 de la Loi sur la laïcité de l'État. La réponse s'y trouve, M. le Président. Je pense que ça va faire grandement avancer le débat si la députée faisait l'effort de lire l'article 11.

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! En le respect... s'il vous plaît! Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : M. le ministre, aidez-moi, moi, s'il vous plaît, parce que je lis l'article 11 puis je ne l'ai pas, ma réponse. Alors, si la ministre des Aînés était ici, je ne sais pas si je serais rassurée ou inquiète. On s'en va un jour dans un CHSLD nouveau, postérieur à la loi... Et puis on en a visité, vous en avez sûrement visité pendant la campagne électorale puis vous en avez dans votre comté, j'en suis sûr. Le Québec en entier va devoir avoir énormément plus de CHSLD. Est-ce qu'ils vont avoir le droit d'avoir leur messe le dimanche? Ils ont toujours des chapelles. Je pense que c'est ça, moi, la question qui m'inquiète au nom des aînés, pas parce que je suis une aînée, au nom des aînés.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, à cette question-là, dans le fond, c'est l'article 11 qui s'applique. Lorsqu'on lit l'article 11, il dit : «Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles de toute loi postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi.

«Les dispositions des articles 1 à 3 ne prévalent pas sur celles de toute loi antérieure qui leur sont contraires.»

Ça signifie clairement que, lorsqu'on regarde la loi sur la santé et les services sociaux à l'article 100, M. le Président,  les besoins spirituels peuvent être comblés. Donc, l'application de la Loi sur la laïcité n'a pas pour effet, dans le cadre d'une nouvelle construction, de faire en sorte que les aînés, supposons, dans un CHSLD ne pourraient pas avoir accès à des services spirituels. L'application de l'article 11 vise toute loi qui est postérieure à l'application de la loi. O.K.? Donc, la loi sur la santé est antérieure à la Loi sur la laïcité de l'État.

Mme David : Et nos personnes aînées vont être protégées de pouvoir avoir leur messe le samedi à cinq heures, par exemple, dans ce qui ressemble à une salle communautaire, disons. Il peut y avoir un crucifix, etc., donc, grâce à la loi sur les soins spirituels, c'est ça?

M. Jolin-Barrette : La loi sur la santé et les services sociaux.

Mme David : Oui, mais qui inclut les soins spirituels, c'est ça, ou quelque chose...

M. Jolin-Barrette : Qui inclut les besoins spirituels.

Mme David : Donc, on se sent rassurés, au nom des aînés, avec ce que vous dites là? Est-ce qu'on peut conclure ça?

M. Jolin-Barrette : Oui.

Mme David : Merci, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Ça me fait plaisir, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Mais, dans cette foulée-là, est-ce que, donc, dans un CHSLD, il pourrait y avoir des crucifix dans des chambres, dans les lieux publics?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on verra cette question-là à l'article 16 du projet de loi.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Oui, mais c'est parce qu'hier... En fait, on parle de la portée pratique de cet article-là, et hier le ministre a eu la gentillesse de faire la réflexion avec nous et puis en a conclu que, oui, à la lumière de c'est quoi, là, cette laïcité-là qui... cette neutralité de l'État décrite à l'article 2, cette laïcité québécoise, oui, il faudrait retirer les crucifix des salles d'audience des palais de justice. Donc, j'imagine... je vois bien que... j'entends le ministre, là, qui converse avec la députée de Marguerite-Bourgeoys. On pourrait avoir des messes, on pourrait avoir des événements religieux comme ça à l'intérieur, mais dans l'enceinte, à l'intérieur, sur les murs, est-ce qu'on pourrait avoir des crucifix dans les lieux publics... dans les lieux communs, c'est-à-dire?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : On va avoir cette conversation-là, M. le Président, à l'article 16 du projet de loi.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

• (15 h 20) •

Mme Montpetit : Je vous remercie. C'est très agréable de converser avec le ministre. Toujours dans le même échange, est-ce que... Je voyais, ce matin, sa collègue la ministre de la Justice qui informait justement que les crucifix seraient retirés des salles de justice, et on est toujours dans l'article 3, hein, puisqu'on fait référence aux organismes qui sont en annexe, et elle mentionnait, puis je la cite, comme Procureur général du Québec que «l'intention est d'ajuster effectivement la neutralité de la salle de cour avec la neutralité exigée du juge».

Donc, bon, je ne présume pas, je ne présume de rien, en fait, mais la question que j'ai auprès du ministre, c'est : Qu'est-ce qu'il en est? Quelles sont les intentions par rapport aux écoles, là? Est-ce que la même logique est appliquée, de s'assurer d'une neutralité des écoles en lien avec la neutralité qui devrait être imposée aux professeurs, aux enseignants?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ça va me faire plaisir de répondre à cette question-là à l'article 16. Présentement, on est sur l'article 3 du projet de loi.

Mme Montpetit : Oui, mais, dans l'article 3... Je veux juste... C'est parce qu'on est en train d'essayer de clarifier, justement, comment les principes s'appliquent aux organismes qui sont cités. C'est le sens de la question. Donc, c'est de savoir de quelle façon, justement, cette séparation de l'État et des religions, comment elle vient s'appliquer, notamment, aux différents organismes, mais notamment aussi aux écoles.

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la laïcité s'applique avec les quatre principes qu'on a vus à l'article 2. Vous savez, quand on étudie une loi, c'est par articles, c'est par étapes, et le débat doit porter sur l'article en question.

Donc, présentement, on est sur l'article 3, qui indique quels sont les organismes gouvernementaux qui sont visés, les institutions parlementaires, les institutions gouvernementales, les institutions judiciaires. Et la question de la députée de Maurice-Richard porte sur l'article 16, que nous verrons ultérieurement, aujourd'hui, je l'espère.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Est-ce que les écoles font partie de l'annexe I? Je présume que oui.

M. Jolin-Barrette : Les commissions scolaires feront partie de l'annexe I. Donc, par...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Oui, bien, par insertion, elles font partie également de l'annexe I.

Mme Montpetit : Parfait. Donc, bien, écoutez, si ce n'est pas à l'article 16, de toute façon, c'est une question qu'on invitera publiquement le ministre à répondre, ou sa collègue la Procureur général, en termes de cohérence, à nous faire savoir, justement, de quelle façon cette neutralité des écoles, comme des salles de cour, s'appliquera pour être cohérente avec celle des professionnels qui s'y retrouvent.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. Interventions? M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Juste pour comprendre le ministre, parce qu'à chaque fois il réfère aux futurs articles, juste pour clarifier la vision qu'il veut au niveau des institutions gouvernementales, parce que, là, on parle des écoles, on parle des hôpitaux, tout à l'heure, ma collègue, justement, de Marguerite-Bourgeoys parlait des écoles, on parlait aussi des hôpitaux, on parlait des cours de justice. J'ai l'impression, il peut me corriger, j'ai l'impression qu'il y a des niveaux d'application de la loi, et c'est là l'inquiétude de ce matin au niveau de de l'uniformité de l'application de la loi, de la laïcité au niveau des institutions.

Donc, est-ce qu'il peut juste nous assurer et nous rassurer plus que ça va être appliqué partout, il n'y a pas de... je ne veux pas dire des passe-droits, mais il ne voit pas aucune problématique dans la mise en application de la loi, peu importe l'institution, que ce soit judiciaire, que ce soit école, ou bien CHSLD, ou hôpital.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je ne vois pas de difficulté d'application de la loi, et la loi s'applique. Les articles 1 à 3 que... Nous avons étudié 1 et 2. Nous sommes présentement sur l'étude de l'article 3. Ce sont les principes généraux de la laïcité. Pour la mécanique, c'est les articles 4 à 16.

Le Président (M. Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.

M. Derraji : Vraiment, je ne suis pas dans la mécanique, mais j'ai comme un doute que, quand on parle de certains cas... Encore une fois, ce qu'on a évoqué ce matin, je ne veux pas juste... qu'il va y avoir des institutions qui vont adopter certains aspects de la loi de la laïcité, et d'autres, non. Je ne sais pas si le ministre comprend mon raisonnement ou pas.

M. Jolin-Barrette : Oui.

M. Derraji : Je ne reproche rien. C'est juste une crainte. Vous pouvez clarifier. Je veux vraiment vous entendre, juste ne pas avoir une disparité, dans l'application de la loi, entre les institutions publiques ou les institutions que vous nommez ici, parlementaires, gouvernementales et judiciaires.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. La loi va s'appliquer aux différentes institutions gouvernementales de la bonne façon.

M. Derraji : Pardon? Désolé.

M. Jolin-Barrette : La loi va s'appliquer aux institutions gouvernementales. Le député de Nelligan n'a pas à être inquiet sur l'application de la loi.

M. Derraji : Je sais que vous n'aimez pas les exemples hypothétiques, mais je ne pense pas que cet exemple est hypothétique. Un crucifix dans une chambre d'hôpital ou au CHSLD...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, tel que je l'ai souligné à la collègue du collègue de Nelligan, ces questions-là sont prévues à l'article 16. Le sujet est à l'article 16. Présentement, on est sur l'article 3, sur les principes généraux de l'application de laïcité. J'invite les collègues députés à poser leurs questions au moment opportun en lien avec l'étude du projet de loi.

Le Président (M. Bachand) : M. le député.

M. Derraji : Écoutez, je suis désolé, M. le Président, quand je lis l'article 16, il est devant moi, je ne peux pas... Vous voulez que je vous... Bien, vous le connaissez sûrement, là. Je peux le lire, hein? Je peux le lire, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le député.

M. Derraji : Excellent. «La présente loi ne peut être interprétée comme ayant un effet sur les éléments emblématiques ou toponymiques du patrimoine culturel du Québec, notamment du patrimoine culturel religieux, qui témoignent de son parcours historique.»

Là, je parle d'une croix dans une chambre. L'article 16, je viens de le lire, probablement, je n'ai pas compris l'essence de cet article. Vous pouvez me corriger et me dire c'est quoi, la différence, et c'est quoi, le lien d'avoir une croix dans une chambre, à l'article 16, ou dans un CHSLD.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on aura la discussion à l'article 16. Actuellement, on est sur les principes généraux de l'application de la laïcité aux institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Je pense que les questions des collègues sont tout à fait justifiées puisqu'au premier paragraphe de l'article 3 on parle justement... on parle d'en fait et en apparence. Donc, en apparence... Donc, est-ce qu'on pourrait avoir des crucifix dans des chambres ou dans des lieux communs d'un CHSLD? Donc, l'article est là pour en parler.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Non, mais j'aimerais ça avoir une... Ce n'est pas le... Je vais me permettre de dire qu'il y a deux ex-ministres de la Culture qui sont assis de notre côté, puis on peut clairement lui dire qu'il ne fait pas référence à l'article 16 quand il refuse de répondre à cette question. On ne parle pas d'un objet patrimonial ou d'un objet historique. On ne parle pas du crucifix qui est à l'Assemblée nationale. On parle d'un crucifix, d'un objet de culte, d'un objet religieux qui serait mis, pour des raisons personnelles, dans un organisme qui est gouvernemental. Je pense que la question, elle est quand même claire. Et je comprends que le ministre ne veut pas y répondre, mais qu'il ne nous réfère pas à un article qui n'a pas de lien avec la discussion. Nous aussi, on essaie de rester sur l'article 3.

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, simplement vous dire que je ne partage pas l'analyse de la députée de Maurice-Richard, et donc, en conséquence, on aura cette discussion-là sur l'article 16.

Mme Montpetit : Donc, j'entends que ce que le ministre nous dit, c'est que tous les crucifix, tous les crucifix, là... je pense qu'on parle juste du crucifix, à moins qu'il me dise que tous les objets religieux, mais je présume qu'on parle de tous les crucifix, ils sont tous des objets patrimoniaux?

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

Mme Montpetit : Il n'a pas de réponse?

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée? Interventions? Je vous regarde. Mme la députée de Maurice-Richard? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Bien, en tout cas...

Une voix : C'est un silence qui en dit long, là.

Mme Robitaille : Oui, mais, en tout cas, hier, je pense qu'il nous a donné une des pistes de réponse parce qu'il nous a dit que, dans les palais de justice, il n'y aurait pas de crucifix ou, en tout cas, la logique veut qu'on devrait les retirer. Et, ce matin, on a eu la ministre de la Justice qui disait : On va les retirer puisque ça va dans le sens de ces articles 2 et 3. Et, en parlant... Et ça, on avait parlé de ça quand on avait abordé le troisième alinéa, «institutions judiciaires», parce qu'on disait : Les institutions judiciaires, hein, ça touche aussi les bâtiments. Et, puisqu'il faut qu'ils respectent cette notion qui est décrite, de laïcité, décrite à l'article 2, bien, il fallait les retirer.

Alors, ma question, c'est : Qu'est-ce que le ministre veut... J'aimerais qu'il nous parle un petit peu plus de comment il circonscrit le terme «institutions judiciaires».

• (15 h 30) •

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, au niveau des institutions judiciaires, M. le Président, on vise la Cour d'appel, la Cour supérieure, la Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne, le Tribunal des professions et les cours municipales, donc les tribunaux qui relèvent... les tribunaux québécois.

Mme Robitaille : Et vous dites dans vos commentaires qu'à l'article 5... Je vais le lire, là, pour fins de la discussion : «L'article 5 du projet de loi réserve au Conseil de la magistrature le pouvoir d'établir les règles applicables aux juges...» Bon, et là vous dites que les juges de la Cour d'appel et de la Cour supérieure ne seront pas touchés par la loi. C'est bien ça? Et donc pourquoi, alors, tenir à ce qu'on inclue la Cour d'appel et la Cour supérieure dans les institutions judiciaires?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, merci pour la question. C'est une bonne question. De deux choses l'une. Les tribunaux québécois sont définis notamment à la Loi sur les tribunaux judiciaires. Donc, dans les tribunaux que vous avez énoncés dans les institutions judiciaires, Cour d'appel, Cour supérieure, Cour du Québec, Tribunal des droits de la personne, Tribunal des professions, cours municipales, ce sont des tribunaux de nature judiciaire, comparativement aux tribunaux, supposons, administratifs, qui ne sont pas des tribunaux judiciaires. Au Québec, on a une vingtaine de tribunaux judiciaires, donc... pardon, une vingtaine de tribunaux administratifs dits quasi judiciaires. Lorsqu'on parle de tribunaux judiciaires, dans le fond, au Québec, ce sont toutes les cours, les tribunaux qui sont énoncés dans «institutions judiciaires».

Où il y a une distinction, c'est que, pour la Cour d'appel, la Cour supérieure, les juges qui siègent à ces cours-là sont de nomination fédérale. Ce ne sont pas des nominations provinciales par le Conseil des ministres et la ministre de la Justice. Par contre, Cour du Québec, Tribunal des droits de la personne, Tribunal des professions, cours municipales, les juges qui y siègent, ce sont des juges de nomination provinciale. Donc, pour la portée de l'article 5, les juges qui sont visés par le Conseil de la magistrature du Québec, ce sont les juges qui sont issus des dernières cours que je vous ai nommées, excluant la Cour supérieure et la Cour d'appel.

Par contre, pour compléter ma réponse, la compétence en matière d'administration de la justice pour le Québec touche l'ensemble des tribunaux judiciaires qui sont sur le territoire québécois, incluant la Cour d'appel du Québec et incluant la Cour supérieure du Québec. Voilà pourquoi la distinction.

Mme Robitaille : Donc, cette notion-là d'administration de la justice, on comprend que c'est de pouvoir provincial. Et c'est quoi, la différence entre le corpus qui fait l'administration de la justice, si je puis dire, et puis les institutions judiciaires? Est-ce que, pour lui, c'est égal? Je ne sais pas si je pose bien ma question.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, de ce que je comprends de la question de la collègue, au niveau des institutions judiciaires et l'administration de la justice, c'est quoi, la différence entre les deux? Au niveau des institutions judiciaires, ce sont l'ensemble des tribunaux qui sont prévus. Au niveau de l'administration de la justice, c'est plus large qu'uniquement les tribunaux, hein? L'administration de la justice, ça vise les salles de cour, le personnel des greffes, le shérif, les greffiers, la cour, les juges dans certains cas aussi, donc, mais pas ceux de nomination fédérale. Donc, voilà la distinction entre les deux.

Mme Robitaille : O.K. Donc, à l'article 5, c'est la magistrature, c'est les juges seulement, et puis, à l'article 3, c'est tout le reste. Est-ce que je simplifie comme il faut?

M. Jolin-Barrette : Juste un bémol en lien avec l'intervention de la collègue de Bourassa-Sauvé. L'article 5, ce sont les juges qui relèvent du Conseil de la magistrature du Québec, les juges qui relèvent du Conseil de la magistrature du Québec, Cour du Québec, Tribunal des droits de la personne, Tribunal des professions, cours municipales. Au Canada, il y a un Conseil canadien de la magistrature, duquel les juges de la Cour d'appel du Québec et de la Cour supérieure du Québec relèvent. Il y a cette nuance-là. Pourquoi? Parce qu'ils sont de nomination fédérale, ces juges-là, tandis que les autres sont de nomination provinciale.

Mme Robitaille : Et, M. le Président, l'administration de la Cour d'appel et de la Cour supérieure, bien que les juges soient nommés par le fédéral, l'administration de ces deux cours-là tombe dans les pouvoirs provinciaux. C'est bien ça?

M. Jolin-Barrette : Oui, en matière d'administration de la justice, en vertu de 92, paragraphe 14° de la Loi constitutionnelle de 1867.

Mme Robitaille : L'indépendance des tribunaux, est-ce que ça touche seulement les juges ou ça va plus large que ça, selon vous... selon le ministre, M. le Président?

M. Jolin-Barrette : Bien, je peux vous donner la définition de l'indépendance judiciaire comme la Cour suprême l'a énoncée.

Mme Robitaille : Justement, vous parlez... on parle d'indépendance judiciaire, je veux être sûre, là, puis c'est vraiment pour les fins de la compréhension de tout ça. Et puis moi, je ne suis vraiment pas une constitutionnaliste du tout, du tout, du tout. C'est pour ça que je pose plein de questions.

M. Jolin-Barrette : ...

Mme Robitaille : Oui, mais constitutionnaliste, c'est quand même un art, c'est quand même un monde qui n'est pas le mien. Alors, j'essaie de parfaire mes notions et j'ai besoin du ministre, pour ça, et de son conseiller. Alors, c'est pour ça que j'apprécie sa collaboration.

M. Jolin-Barrette : Juste une question, M. le Président, parce que, là, on est sur l'article 3, puis ce qu'on fait, c'est qu'on vise à adopter l'article 3, mais j'ai une question, par contre, pour la collègue de Bourassa-Sauvé : Est-ce que le Barreau permet d'être spécialiste d'une discipline? J'aimerais que la députée nous renseigne parce qu'elle semble nous dire qu'il y a des spécialités pour des membres du Barreau.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, avec un grain de sel.

Mme Robitaille : Moi, je veux bénéficier de l'expertise de notre ministre et de son conseiller. Et c'est pour ça que je suis ici aujourd'hui, c'est pour le bénéfice de tous ceux qui nous écoutent. Et je pose des questions pour mieux comprendre. Et ce qui est intéressant... Parce qu'on parle d'indépendance judiciaire, et c'est l'article 11, je crois... 11d, hein, de la Charte canadienne, et, quand je lis... Attendez, c'est l'article 30, je pense, l'article 30 du projet de loi, c'est la clause dérogatoire. On exclut... En fait, on dit... Et c'est important pour notre compréhension puis, là, sur quoi on va se baser pour aller plus loin, pour poser nos questions. L'article 30 du projet de loi nous dit : «La présente loi ainsi que les modifications qu'elle apporte par son chapitre V ont effet indépendamment des articles 2 et 7 à 15 de la Loi constitutionnelle de 1982...» Puis ça, c'est la Charte canadienne. Donc, 7 à 15, ça inclut l'article 11. Est-ce qu'on comprend que cet article-là est suspendu, qu'on vient qu'à l'analyse de l'article 3, paragraphe 3°...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, vous savez, ça fait plusieurs fois que je le dis, moi, je veux bien qu'on puisse avancer, que je puisse répondre aux questions, mais, lorsqu'on réfère à l'article 30 du projet de loi, on n'est pas rendus là. On va commencer par étudier l'article 3 du projet de loi, ce qu'on fait bien, je trouve, depuis plusieurs, plusieurs heures, suite aux questions soutenues des collègues du Parti libéral. Cela étant dit, je veux vous laisser le temps de me poser toutes les questions que vous allez avoir à l'article 30.

Alors, moi, je suis prêt à répondre à vos questions relativement à l'article 3, paragraphe 3°, «institutions judiciaires». Et qu'est-ce que ça fait, l'article 3? Ça fait en sorte que les principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence, s'appliquent aux institutions judiciaires. Les institutions judiciaires, on les a nommées : Cour d'appel, Cour supérieure, Cour du Québec, Tribunal des droits de la personne, Tribunal des professions, cours municipales. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Si la collègue veut parler de l'utilisation de la disposition de dérogation prévue à la Loi constitutionnelle de 1982, je l'invite à aborder la question lorsque ça sera pertinent à l'article 30.

Mme Robitaille : Mais on ne peut pas exclure... On ne peut pas ne pas parler d'indépendance judiciaire quand on touche les institutions judiciaires. C'est fondamental. Et, durant les consultations, il y a quelques juristes qui ont abordé ça. Et de là de savoir : Est-ce que c'est vrai, là, que l'article 11 de la charte, hein, qui parle de l'indépendance judiciaire, est suspendu, quand on réfléchit à ce projet de loi là?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, l'ensemble des questions touchant l'utilisation de la clause dérogatoire, je vais pouvoir répondre à l'article 30. On est sur l'article 3.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : Oui, bien, c'est parce que, là, l'indépendance judiciaire, là, c'est une question qui se pose quand on lit l'article 3. Et je vais relire la prémisse, là : «La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires — là, on donne des ordres au judiciaire — respectent les principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.» Et donc on s'immisce un peu dans les affaires judiciaires.

Une voix : Mais est-ce qu'il y a quelque chose à dire, M. le Président?

Mme Robitaille : Oui, il y a plein de choses à dire...

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Une voix : Non, ce n'est pas par rapport à toi, parce que...

• (15 h 40) •

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! Alentour de la table, s'il vous plaît!

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! M. le député de Nicolet-Bécancour! M. le député de Nicolet-Bécancour, s'il vous plaît! Mme la députée de Bourassa-Sauvé, à vous la parole.

Mme Robitaille : ...le collègue de Bécancour. C'est Bécancour, peut-être, qui a une réponse à ça.

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, allez-y.

M. Martel : ...

Mme Robitaille : Pardon?

M. Martel : Nicolet-Bécancour.

Mme Robitaille : Ah! pardon, Nicolet-Bécancour. Peut-être a-t-il une réponse à ma question...

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, Mme la députée, avec votre question pour le ministre, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : ...parce qu'écoutez on peut rire, là, mais l'indépendance judiciaire... Et c'est quelque chose de fondamental dans notre démocratie, comme l'indépendance du législatif puis de l'exécutif, donc, c'est la base même. C'est une question tout à fait légitime que de demander au ministre sur quoi on se base, là. Si on suspend cette notion-là d'indépendance judiciaire, quand il faut analyser l'article 3, bien, je veux le savoir.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, vous savez, M. le Président, j'écoute la députée de Bourassa-Sauvé puis je constate qu'elle a de bonnes notions de droit constitutionnel. D'ailleurs, ça m'étonne, M. le Président, qu'elle avait autant de questions sur le lieutenant-gouverneur, hier, si elle connaît aussi bien le sujet du droit constitutionnel. Mais j'aurai le plaisir d'en parler avec elle à l'article 30.

Mme Montpetit : M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : La députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je vais juste me permettre un petit commentaire. Je ne veux pas faire un appel au règlement. Vous présidez de façon extraordinaire, et c'est très calme, mais ce serait quand même agréable et plaisant que le ministre cesse de toujours faire des allusions et des commentaires sur, notamment, la formation en droit de ma collègue. Je pense que ça fait quatre fois, puis ça fait 48 heures à peine qu'on siège ensemble. Ça devient un petit peu désagréable. Donc, s'il peut juste répondre aux questions, ce serait bien apprécié.

Le Président (M. Bachand) : Je crois que, dans l'ensemble, les collègues se respectent. Ils peuvent avoir des pointes d'humour aussi, alors donc ça va, mais il ne faut pas aller au-delà de ça, bien sûr. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Oui. Bien, écoutez, non, c'est parce que je pose toutes ces questions-là justement parce que je lisais le mémoire de Pierre Bosset, lui, qui est constitutionnaliste, il en sait beaucoup plus que moi, et qui traite justement de l'article 3, l'alinéa 3°, et qui en parle amplement, et qui traite justement de... et qui questionne à savoir : Est-ce que le législatif ne s'immisce pas dans l'indépendance judiciaire au paragraphe 3° de l'article 3? Et je vais le citer, hein, pour qu'on sache un peu de quoi on parle.

Donc, il dit... Mais je pense, ça vaut la peine de le citer, O.K.? C'est la page 15 : «Sur le fond, le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire empêche le gouvernement ou le législateur de dicter aux juges des normes vestimentaires précises.» Là, là, il parle des magistrats, et tout ça. Mais un peu plus loin, le paragraphe suivant, il dit : «La Cour suprême souligne [que] dans l'arrêt Valente que le degré de contrôle que le pouvoir judiciaire exerce sur l'administration des tribunaux est un "point majeur de l'indépendance judiciaire". Est protégée, en particulier, l'indépendance institutionnelle du tribunal relativement aux questions administratives qui ont un effet direct sur l'exercice des fonctions judiciaires. Relèvent de cette catégorie, par exemple, l'assignation d'un juge à telle ou telle cause, la confection du rôle d'audience et l'allocation des salles d'audience; mais sont également visés le déroulement des séances de la cour et les règles de décorum.

«En application du principe d'indépendance institutionnelle, c'est les tribunaux eux-mêmes et à eux seuls qu'il [adviendrait] de décider s'il y a lieu d'interdire à leurs membres...», mais pas juste au juge, mais à tout leur personnel, des signes religieux. Et je me demandais ce que le ministre en pensait. Donc, je peux résumer, là.

Le Président (M. Bachand) : Oui, allez-y, Mme la députée.

Mme Robitaille : Donc, ça va plus loin que juste la magistrature. L'alinéa 3° englobe beaucoup de choses, mais ça fait partie de l'indépendance judiciaire.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

Mme Robitaille : Alors, quels sont ses commentaires? Parce que c'est important, là, ça contreviendrait, selon M. Bosset, à un arrêt de la Cour suprême, l'arrêt Valente.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on est sur le fait de viser les institutions judiciaires par le concept de laïcité. On ne traite pas du concept d'indépendance judiciaire non plus en lien avec l'utilisation de la clause dérogatoire. L'indépendance judiciaire, M. le Président, c'est, notamment, l'inamovibilité des juges, le fait qu'ils sont à l'abri de toute influence, notamment par le fait qu'ils soient rémunérés d'une façon qui soit conforme à assurer leur indépendance.

Qu'est-ce que ça signifie, ça? Il y a une décision des tribunaux, je crois, en 1998 ou en 2000, Île-du-Prince-Édouard, la conférence des juges de l'Île-du-Prince-Édouard, qui a déterminé d'une façon nette de quelle façon le processus de rémunération des juges devait s'appliquer. Et d'ailleurs il y a le projet de loi n° 20, qui est déposé présentement ici, qui fait en sorte qu'on respecte ce principe-là de l'indépendance judiciaire en ce qui concerne la rémunération où l'Assemblée nationale prend le rapport, si jamais elle ne respecte pas le rapport, doit motiver sa réponse en fonction de critères préétablis. Je pense que l'indépendance judiciaire, c'est notamment cela.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : On dicte ici aux institutions judiciaires, à la Cour d'appel, la Cour supérieure, la Cour du Québec, les tribunaux administratifs comment agir, comment faire certaines choses. Me Bosset le dit lui-même, il y a un conflit avec cette notion-là d'indépendance judiciaire, c'est clair.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Pouvez-vous juste répéter la fin, s'il vous plaît?

Mme Robitaille : Oui. J'ai dit : Il y a un conflit avec cette notion d'indépendance judiciaire.

M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce qui a un conflit avec la notion d'indépendance judiciaire?

Mme Robitaille : Parce qu'on vient toucher aux institutions elles-mêmes, ces institutions judiciaires là qui devraient être complètement indépendantes du législatif. Et là on ne parle pas juste de chèques de paie, là, puis de pensions, là, on parle carrément de cette notion de laïcité québécoise, comme nous l'explique l'article 2.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

Mme Robitaille : Ce n'est pas juste moi qui le dis, c'est Me Bosset.

M. Jolin-Barrette : Ah! O.K. Non, nos... sont indépendants, l'indépendance judiciaire est respectée. Mais la Loi sur la laïcité s'applique également aux institutions judiciaires. Il est normal que les institutions judiciaires comme la Cour supérieure, la Cour du Québec, la Cour d'appel du Québec respectent le principe de la laïcité. La laïcité, là, s'applique à l'État. L'État, c'est un trio, un triumvirat, comme on dit, il est divisé en trois : le pouvoir législatif, auquel la députée de Bourassa-Sauvé appartient, le pouvoir exécutif, auquel j'appartiens et auquel... j'appartiens d'ailleurs au législatif aussi, et le pouvoir judiciaire, auquel appartiennent la magistrature et les tribunaux. La laïcité de l'État s'applique aux trois volets. L'indépendance judiciaire vise à faire en sorte qu'un juge puisse exercer ses fonctions sans influence indue, qu'il ait l'indépendance pour rendre les décisions à l'encontre du législatif ou à l'encontre de l'exécutif. Il s'agit d'un contre-pouvoir dans notre système démocratique. La laïcité de l'État n'a aucunement pour effet d'intervenir dans le concept d'indépendance judiciaire.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui, mais c'est ce que l'arrêt Valente dit, là. On n'est pas juste... Ce n'est pas juste le juge, là, c'est tout son apparatus, c'est tout son corpus, c'est tout ce qui l'entoure. C'est l'institution elle-même. Puis, en venant dicter comment administrer, comment régir toute cette notion de neutralité à l'intérieur pas juste de la magistrature, mais de l'institution elle-même, c'est clair que, là, le ministre est en terrain dangereux, ce projet de loi là est en terrain dangereux. Ça vient à l'encontre de l'essence même de l'indépendance judiciaire. C'est ce que dit M. Bosset, c'est ce que disent les juges dans... la Cour suprême, Valente, paragraphe 47, chapitre VI.

Alors, je me demandais comment le ministre... comment ceux qui, après lui, géreront ça vont contre-attaquer ou, en tout cas, ceux qui vont contester la loi à cet effet-là.

• (15 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, premièrement, sur les dernières paroles de la collègue de Bourassa-Sauvé, j'espère qu'elle n'invite pas les gens à contester la loi que nous sommes en train d'adopter, parce que je ne suis pas sûr d'avoir bien entendu. Est-ce que ce sont ses propos? Est-ce qu'elle invite les gens à contester la loi? Est-ce qu'elle a dit : Comment est-ce qu'on va s'assurer de contrer la contestation ou... Juste être sûr qu'elle va soutenir l'application de la loi.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : Je pose la question parce qu'il y a des gens qui ont déjà annoncé qu'ils préparaient des contestations et je pense que... Bien, moi, je veux avoir la réponse du ministre, là, parce que, jusqu'à maintenant, je n'ai pas de réponse très, très claire.

Je vais juste vous citer le début du paragraphe 47 de l'arrêt de la Cour suprême : «La troisième condition essentielle à l'indépendance judiciaire pour les fins de l'article 11d...» Mais là peut-être qu'il est suspendu, mais ce n'est pas grave, il y a une jurisprudence avant 1982 qui assure l'indépendance judiciaire, l'indépendance... Alors : «La troisième condition essentielle de l'indépendance judiciaire pour les fins de l'alinéa 11d est, à mon avis...» Puis ça, c'est le juge qui parle. Et là je m'excuse, là, pour le ministre, mais je n'ai pas le nom du juge de la Cour suprême qui a écrit, mais je lui dirai par après, mais...

Alors, il dit : «À mon avis, l'indépendance...» Alors : «La troisième condition essentielle de l'indépendance judiciaire est l'indépendance institutionnelle du tribunal relativement aux questions administratives qui ont directement un effet sur l'exercice de ses fonctions judiciaires. Le degré de contrôle que le pouvoir judiciaire devrait idéalement exercer sur l'administration des tribunaux est un point majeur de l'indépendance judiciaire aujourd'hui.» Donc, quand on lit ça, on se demande pourquoi le ministre a ajouté ce troisième alinéa à l'article.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, je vais répondre à la question, M. le Président, mais j'invite quand même la députée de Bourassa-Sauvé à se prononcer sur le fait qu'elle soutiendra la loi, un coup qu'elle sera adoptée par l'Assemblée nationale, et qu'elle n'invite pas à contester l'application de la loi. Juste bien être sûr.

Le Président (M. Bachand) : ...pour les motifs, là, il faut juste faire attention, là.

Mme Robitaille : Ce n'est pas un match, ce n'est pas un match de...

Le Président (M. Bachand) : Alors donc, je vais laisser le ministre... Oui?

M. Jolin-Barrette : Un match de?

Mme Robitaille : Ce n'est pas un match de boxe, là. Moi, je veux juste entendre le ministre là-dessus parce que c'est quand même un arrêt de la Cour suprême.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Oui, monsieur, sur...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Non, mais est-ce que vous faites un appel au règlement, M. le député? Oui, allez-y.

M. Martel : Je trouve mon collègue ministre d'une patience vertueuse.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Laissez-moi... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Laissez-moi entendre. Je vais juger après.

M. Martel : Je trouve... Je connaissais sa compétence en droit. Là, je soupçonne des collègues de vraiment avoir des cours privés sur la matière...

Le Président (M. Bachand) : Bon, O.K., M. le député, ce n'est pas un appel au règlement. Alors, je vais laisser la parole au ministre pour pouvoir répondre à la députée de Bourassa-Sauvé. M. le ministre, s'il vous plaît. M. le ministre, s'il vous plaît, si vous désirez répondre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, écoutez, la députée de Bourassa-Sauvé cite l'arrêt Valente, de la Cour suprême, avec trois principes. Lorsqu'on lit l'arrêt Valente, on voit que les trois critères sont les suivants. Le tribunal doit raisonnablement pouvoir être perçu comme étant impartial et indépendant. Qu'est-ce que ça requiert, cette indépendance-là? L'indépendance par rapport à l'exécutif, l'inamovibilité, le fait qu'un juge ne peut être révoqué, seulement s'il y a un motif déterminé. De la façon que ça fonctionne, hein, c'est le Conseil canadien de la magistrature, si on est à la Cour d'appel, Cour suprême ou Cour supérieure. Si on est dans le cadre de tribunaux provinciaux, c'est le Conseil de la magistrature qui... La question de la sécurité financière aussi. Je faisais référence tout à l'heure à la décision de la Cour suprême, dans la conférence des juges de l'Île-du-Prince-Édouard, pour le traitement. Troisièmement, l'indépendance institutionnelle, auquel référait la collègue de Bourassa-Sauvé, du tribunal. Ça veut dire quoi ça notamment? À titre d'exemple, l'assignation au niveau des salles de cour, le rôle du tribunal. C'est ça, l'indépendance institutionnelle du tribunal.

Alors, en aucun cas la laïcité n'est en contravention du concept d'indépendance judiciaire en lien avec l'arrêt Valente. Et je pense que, lorsqu'on dit et qu'on vote en faveur, comme on est le Parti libéral et qu'on dit : L'État du Québec est laïque, qui est prévu à l'article 1, bien, les collègues du Parti libéral auraient du savoir que l'État du Québec comprend aussi les tribunaux. Et je m'explique mal pourquoi est-ce que le Parti libéral ne voudrait pas que les cours de justice soient laïques. Honnêtement, je m'explique mal cette réserve-là.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : C'est un peu nous prêter des intentions. On veut quand même s'immiscer dans les affaires du judiciaire. L'arrêt Valente, qui nous aide à comprendre un peu c'est quoi, l'indépendance judiciaire, nous dit qu'une partie cette indépendance-là, c'est l'administration des tribunaux. On a Me Bosset, qui est quand même un constitutionnaliste, et d'autres aussi qui nous disent : Attention, attention! Ça serait s'immiscer dans les affaires judiciaires aussi. Et donc je pense qu'il faut bien faire les choses, il ne faut pas empiéter sur des pouvoirs qui appartiennent aux tribunaux seulement. Et la sagesse nous demande d'être très prudents. Si on n'avait pas l'alinéa 3°... Pourquoi ne pas laisser au judiciaire le soin de gérer ses affaires?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, est-ce que la députée de Bourassa-Sauvé nous invite à abroger la Loi sur les tribunaux judiciaires? Est-ce qu'on ne devrait pas légiférer sur les tribunaux? Est-ce que la compétence du Québec en matière d'administration de la justice, prévue à l'article 92.14° de la Loi constitutionnelle de 1867, on ne devrait pas exercer la compétence? C'est ce à quoi nous invite la députée, M. le Président. Alors, écoutez, moi, je vous dis, ça ne fait pas longtemps que je suis au gouvernement, mais des gouvernements successifs qui sont passés, à la fois libéraux, péquistes, de l'Union nationale, conservateurs...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Non. Non.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Non, mais... La collègue de Marguerite-Bourgeoys m'a fait penser à quelque chose, mais je vais y revenir.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Oui, en retournant à Montréal. Écoutez, peut-être qu'on va réussir à avancer plus, pendant ces deux heures-là, que pendant les, quoi, les 10, 15 heures qu'on a faites à date pour adopter juste trois articles. Mais ça, c'est autre chose. Je suis même prêt, M. le Président, à payer le lunch.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, pas d'engagement que...

Mme David : Qu'il ne saurait tenir.

Le Président (M. Bachand) : Non, non, mais blague à part...

M. Jolin-Barrette : Bien, j'avoue, ça dépend du restaurant, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Je vous demanderais de continuer dans votre réponse, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! M. le ministre, à vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Donc, écoutez, ça fait partie de la compétence de l'État québécois en vertu de 92.14° de la Loi constitutionnelle.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Moi, je me soucie de l'impartialité de la justice. Et puis, quand on s'immisce comme ça, je me pose des questions, là. On veut commencer à régir ses employés, ses greffiers, ses greffiers adjoints, mais ça, on en reparlera plus tard, mais c'est quand même amené ici, là. On met la table pour ce qui s'en vient.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions?

• (16 heures) •

Mme David : Bien, écoutez, moi, je ne peux vraiment pas prétendre que je suis membre du Barreau, alors je ne passerai pas d'examen pour savoir si j'ai eu 95 %, ou 62 %, ou 100 %. Peut-être que le ministre a eu 100 % à son Barreau, je ne le sais pas. Mais ce que je veux... Est-ce que je peux proposer une réponse au ministre? Mais là il faut vraiment que je sois... J'ai un mot qui me vient, mais je ne le dirai pas, mais, en tout cas, je suis audacieuse, disons ça comme ça, parce que vous dites : C'est du droit nouveau, la laïcité, qu'on est dans du droit nouveau. Est-ce que je pourrais suggérer, pour répondre à la collègue, que de mettre les institutions judiciaires dans votre Loi sur la laïcité et puis d'aller peut-être jouer dans ce qu'on appelle la notion d'indépendance judiciaire, que ça serait du droit nouveau inhérent à votre projet de loi sur la laïcité? Est-ce qu'on pourrait dire ça comme ça?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Ce que je répondrais à ça, M. le Président, c'est que le pouvoir judiciaire fait partie de l'État québécois, et donc les lois québécoises s'appliquent au pouvoir judiciaire aussi. Le système de normes québécois, le corpus législatif, s'applique également aux tribunaux. Alors, le concept d'indépendance judiciaire, il est là pour éviter que le politique ne contrôle, dans la livraison des décisions, le pouvoir judiciaire. Dans le fond, le jugement ne pourrait être rendu sur la dictée d'un tiers, c'est justement pour ça qu'on assure une indépendance financière aux tribunaux et pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'incidence dans la conduite du jugement du tribunal. Et c'est pour ça, notamment, qu'on a le critère d'inamovibilité jusqu'à l'âge de 75 ans pour les juges de la Cour supérieure et jusqu'à l'âge de 70 ans pour les juges des tribunaux provinciaux. Ça fait en sorte que le juge, lorsqu'il est sur le banc, même s'il rend une décision à l'encontre du gouvernement, du pouvoir exécutif ou même du pouvoir législatif, il n'est pas inquiété de perdre son travail de juge parce qu'il bénéficie de l'inamovibilité, et ça fait en sorte qu'il peut rendre une décision à l'abri de toute influence. C'est ça, le concept de l'indépendance judiciaire. Cela ne veut pas pour autant dire qu'il est soustrait à l'application de toutes les règles, les normes et les lois qui gouvernent l'État québécois parce qu'il est un des pouvoirs de l'État québécois. Et donc il est tout à fait logique et normal que la laïcité de l'État s'applique à l'ensemble de l'État québécois, notamment le pouvoir judiciaire.

Le Président (M. Bachand) : Juste pour vous aviser, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, qu'il vous reste 30 secondes dans tout le temps que vous aviez, là, malheureusement. Alors, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Est-ce qu'en fait c'est plus que juste des balises administratives ou des... On est vraiment dans... avec cette Loi sur la laïcité qui... où on inclut le judiciaire, ce n'est pas juste des affaires pratico-pratiques administratives, là, c'est... on vient... c'est une... je ne dirais pas une façon de pensée parce que c'est plus que ça, c'est cette notion de laïcité là qu'on vient... on vient jouer dans l'administration de la justice, dans le, je dirais... je ne veux pas dire la gang, là, mais tout le personnel autour du juge qui est influencé, qui est teinté. Quand on veut, comment je pourrais dire, soustraire ce groupe de gens, cette institution judiciaire là a certains concepts, et c'est dans ce sens-là... et que le concept soit bon ou mauvais, là, et c'est dans ce sens-là qu'on vient influencer, c'est dans ce sens-là qu'on porte atteinte à l'indépendance judiciaire. Je pense que c'est ça que Me Bosset essayait de dire et c'est ça que l'arrêt Valente dit. Donc, dans ce sens-là, il y a un danger. On ne parle pas juste de... on va plus loin, on parle de concepts légaux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez. M. le Président, la députée de Bourassa-Sauvé interprète les textes de Me Bosset, interprète l'arrêt Valente. Je lui laisse son interprétation, mais, moi, ce que je dis, c'est que la laïcité s'applique aux trois pouvoirs de l'État, aux trois fonctions de l'État, notamment le judiciaire, le pouvoir judiciaire, les fonctions judiciaires. Alors, honnêtement, je m'expliquerais mal que la députée de Bourassa-Sauvé vote contre le fait de faire en sorte que la laïcité s'applique au pouvoir judiciaire.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Je dirai aussi, pour les fins de l'enregistrement, qu'il y a un arrêt qui va dans le même sens que l'arrêt Valente, Barreau du Québec, un arrêt de 2001, je crois, qui trace les mêmes... qui parle du TAQ, c'est-à-dire, c'est un tribunal administration au Québec, et qui dit que, justement, l'administration de la justice, c'est bien... son indépendance, c'est bien plus que le juge, puis c'est bien plus que le juge administratif. C'est le tribunal administratif lui-même, donc je pense qu'il faut prendre ça en considération quand on étudie le projet de loi.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Pas d'intervention. Autres interventions? Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : J'aurais un amendement.

Le Président (M. Bachand) : Oui, allez-y.

Mme Robitaille : Alors, est-ce que vous voulez que je le lise?

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît.

Mme Robitaille : En fait, c'est simple. C'est qu'après avoir réfléchi à tout ça avec mes collègues on s'est dit que, considérant que les juges des cours... de la Cour d'appel, la Cour supérieure n'étaient pas visées, alors je pense qu'il serait judicieux de les soustraire à l'alinéa 3°.

Donc, troisième alinéa, institutions judiciaires, on enlève «Cour d'appel», on enlève «Cour supérieure» et puis on laisse simplement «la Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne, le Tribunal des professions et [des] cours municipales».

Le Président (M. Bachand) : Parfait. Vous avez une copie écrite de l'amendement?

Mme Robitaille : Oui.

Le Président (M. Bachand) : Alors, nous allons suspendre quelques instants pour distribution, s'il vous plaît. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 6)

(Reprise à 16 h 13)

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Non! S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre! La commission reprend ses travaux dans une ambiance constructive. Alors, nous sommes sur l'amendement déposé par la députée de Bourassa-Sauvé. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Bien, c'est simplement parce que je regardais les commentaires, on regardait les commentaires, et puis c'est ça, puis l'article 5, et puis on se disait, bien, puisque la magistrature, c'est bien plus que le simple juge et puisque la Cour d'appel et la Cour supérieure ne sont pas visées par l'article 5, retirons-les de l'alinéa 3° de l'article 3. Et donc c'est simplement pour ça, par souci de cohérence, qu'on considérait qu'il serait probablement mieux de retirer «Cour d'appel» et «Cour supérieure» du libellé du troisième alinéa.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, avant qu'on entame la discussion, là, je voudrais juste être bien sûr que l'ensemble des collègues de la collègue de Bourassa-Sauvé du Parti libéral sont d'accord avec cet amendement-là, juste pour être sûr avant que je fasse mes commentaires.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Écoutez, si notre silence a l'air de ne pas être d'accord, ce n'est pas ça du tout. Notre silence, c'est que ce sont des choses assez spécialisées, pour lesquelles on fait entièrement confiance à notre collègue qui, est membre du Barreau.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de...

Mme Robitaille : Oui, mais, comme j'ai dit, je ne suis pas constitutionnaliste, mais, à la lumière de ce que je lisais et après en avoir discuté avec mes collègues, on se disait que, par souci de cohérence... et, comme on l'a dit tout à l'heure, la magistrature, les juges, ça va bien au-delà... on avait de l'inquiétude de cette indépendance judiciaire là qui était empiétée. Les pouvoirs sont empiétés par le législatif. Donc, puisque les juges des cours d'appel et des cours supérieures n'étaient pas visés à l'article 5, il semblait cohérent de les retirer aussi à l'alinéa 3. C'est juste ça.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bon, M. le Président, avec égard, jamais, mais jamais je ne pourrais voter pour cet amendement-là, et ce que la collègue de Bourassa nous invite à faire, et ce que le Parti libéral nous invite à faire. Et, honnêtement, on dirait que ça en devient une habitude, là, parce que, dans le projet de loi sur l'immigration, on l'a vu, on a abandonné une compétence que le Québec avait, hein, et je la réinsère dans le projet de loi sur l'immigration, et le Parti libéral est contre ça donner davantage de pouvoir au Québec.

Mais ça, M. le Président, l'amendement qu'on a devant nous, là, c'est incroyable, incroyable qu'une formation politique qui a été au pouvoir au Québec durant des années...

Le Président (M. Bachand) : Sur un appel au règlement, M. le député?

M. Derraji : Bien, pas... le ministre...

Le Président (M. Bachand) : C'est parce que le ministre est en train de répondre à une question, là. Allez-y, M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Mais il prête des intentions à une formation politique en lien avec un autre projet de loi qui concerne une autre commission et en faisant le lien avec ce que nous sommes en train d'étudier. Donc, si le ministre, s'il vous plaît, M. le Président, peut se limiter à dire s'il est contre ou pour, et on passe à autre chose.

Le Président (M. Bachand) : Des deux côtés, on a fait référence à d'autres projets de loi. Alors, M. le ministre, vous avez la parole, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Alors, je viens... et je l'ai dit, jamais je ne pourrai voter pour un amendement tel que celui-ci en étant député élu à l'Assemblée nationale qui va toujours défendre les compétences du Québec. Ce que le Parti libéral fait en proposant un tel amendement, c'est d'abdiquer une des compétences du Québec. En vertu de 92, paragraphe 14° de la Loi constitutionnelle de 1867, le Québec a la compétence en matière d'administration de la justice.

Quels sont les tribunaux québécois? Les tribunaux québécois, c'est la Cour d'appel du Québec, qui est le plus haut tribunal de la province, qui est l'arbitre ultime des litiges en matière... au Québec. Ensuite, vous avez la Cour supérieure, qui est prévue également à la Loi constitutionnelle, qui est un tribunal québécois. En vertu de la loi sur les tribunaux judiciaires, qui date de 1964, à l'époque, c'étaient des statuts refondus. La Cour d'appel, la Cour supérieure, la Cour du Québec, les cours municipales, durant des années, les tribunaux québécois étaient considérés comme étant ses tribunaux, lesquels sont visés au paragraphe 3° de l'article 3. Et le Parti libéral du Québec est en train de nous dire que la Cour d'appel du Québec et la Cour supérieure ne devraient pas tomber dans la compétence en matière d'administration de la justice du gouvernement du Québec?

M. le Président, je savais que le Parti libéral était fédéraliste, mais je ne savais pas à quel point il n'avait pas un amour de la défense des intérêts du Québec.

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît, M. le ministre! Concentrez-vous sur... O.K., allez-y, M. le ministre, s'il vous plaît, avec prudence.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je veux juste que, tous ensemble, là, on réalise la gravité du geste de proposer un amendement comme celui-ci, qui enlève des compétences à l'État québécois, qui dit au peuple québécois : Nous, la Cour d'appel, ce n'est pas un de nos tribunaux. Nous, la Cour supérieure, ce n'est pas un de nos tribunaux. Voyons donc! Voyons donc! C'est quoi, cet amendement-là? On veut nier les compétences du Québec au niveau de l'administration de la justice? Je pensais que le Parti libéral était en train de redevenir nationaliste, M. le Président...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Il y a... S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît, laissez-moi intervenir!

M. Derraji : ...

Le Président (M. Bachand) : Vous allez me laisser intervenir, M. le député de Nelligan, s'il vous plaît! Je suis intervenu à deux reprises pour corriger le ministre. Vous allez me laisser intervenir. Alors, le ministre, je crois, a terminé sa réponse. Alors, je vous demande d'être très prudent sur les qualificatifs politiques et partisans. Sur le reste, je pense qu'il y a une bonne discussion de fond et je vous invite à prendre la parole, M. le député de Nelligan, sur la question de fond.

• (16 h 20) •

M. Derraji : Merci beaucoup, M. le Président. Je suis content que le ministre, encore, trouve la bonne façon de répondre, pas comme tout à l'heure, où il n'y avait pas de réponse. Pour le bénéfice du ministre, si une formation politique dépose un amendement, chose qu'il connaît très bien, du moment qu'il a siégé en opposition quand même quelques années et il a eu le luxe de siéger sur plusieurs commissions et challenger les ministres en face de lui sur pas mal de projets de loi, si le ministre veut faire le procès de quelqu'un, il n'est pas au bon endroit.

Donc, nous, on propose un amendement. Il peut être contre, comme il le fait souvent, sans faire de rattrapage politique ou envoyer des messages politiques. Ce n'est pas la place. Ce que nous sommes en train de dire, nous sommes en train d'analyser son projet de loi, sa vision et la vision de sa formation et de son gouvernement de la laïcité.

Ma collègue a mis sur la table un amendement. Il peut être contre ou pour, je ne lui apprends pas les règles démocratiques ou les règles de fonctionnement d'une commission. Il peut juste dire tout simplement : Je suis contre, ça ne marche pas. Aucun problème. On ne va pas faire tout un procès par rapport à l'amendement, et que la formation... et commencer à... je ne vais pas répéter ce qu'il a dit. Écoutez, M. le Président, je pense que c'est le ministre qui n'a pas la bonne volonté de continuer à traiter le projet de loi.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, il faut faire attention. Vous prêtez des motifs aussi au ministre. Cela dit, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. C'est que je rappelle qu'on parlait de l'indépendance judiciaire et que ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est des constitutionnalistes. Il y a même un arrêt de la Cour suprême qui nous dit que ce que le ministre est en train de faire au paragraphe 3°, et puis après ça on en parlera à l'article 3, c'est d'empiéter sur l'indépendance judiciaire des cours. Et on s'est gardé une gêne, là, mais, je veux dire, c'est toutes les cours, là. La question se pose. La question de l'indépendance judiciaire, là, elle se pose, là, partout. Et la magistrature, comme j'ai dit, ce n'est pas juste les juges, mais c'est toute l'administration judiciaire, c'est les institutions judiciaires.

Et là, faire des leçons, nous faire de grandes leçons comme ça quand, en fait, le problème, c'est qu'on a l'impression, et ce n'est pas juste moi qui le dit, là, qu'on empiète sur l'indépendance judiciaire, c'est grave, là. C'est un droit... Cette indépendance judiciaire là est fondamentale. C'est un des piliers de notre démocratie. Et là, par ça, on va à l'encontre de cette indépendance judiciaire là. On s'immisce dans l'administration de la justice, des cours, et tout ça... bien, en tout cas. Alors, de là...

Alors, si on retire Cour d'appel, Cour supérieure, c'est dans ce sens-là. Moi, je pose la question. Peut-être qu'il ne fallait même pas un troisième alinéa ici parce que c'est carrément l'indépendance de la justice en son entièreté qui est atteinte.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée.

Mme Robitaille : Et donc, par là, c'est fondamental.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions?

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Alors, nous allons suspendre quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 23)

(Reprise à 16 h 31)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je vous rappelle que nous sommes sur l'amendement de la députée de Bourassa-Sauvé. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Je n'aime pas qu'on fasse des procès d'intention, qu'on essaie de... qu'on dise toutes sortes de choses qui sont extrapolées de toutes sortes de façons. On parlait d'indépendance judiciaire. C'est quand même sérieux. Par souci de cohérence, là, je veux dire, à l'article 5, on les met de côté, les juges de la Cour d'appel puis les juges de la Cour supérieure, et donc de là l'amendement. Et donc, c'est ça, moi, j'ai dit ce que j'avais à dire là-dessus. Et puis il n'y a pas de pouvoir fédéral, provincial abdiqué ou quoi que ce soit, là. Je veux dire, on parle d'indépendance judiciaire. Là, on se heurte à l'indépendance judiciaire, qui est un pilier, encore une fois, fondamental de notre démocratie, et je pense qu'il faut faire attention. Et, à l'article 5, les juges des cours d'appel et supérieure ne sont pas là.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bon, M. le Président, si je suis le raisonnement de la députée de Bourassa-Sauvé, ça voudrait dire que la Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne, le Tribunal des professions et les cours municipales, les juges sont moins indépendants, la garantie d'indépendance judiciaire, elle est moindre pour les tribunaux de compétence provinciale. Est-ce la perception de la députée de Bourassa-Sauvé?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée.

Mme Robitaille : Je me pose la question, oui, en effet, parce qu'en fait, moi, c'est tout l'alinéa, c'est là que, vraiment, on vient entraver à cette indépendance judiciaire. Donc, je pense que le ministre a raison. Je vais retirer mon amendement parce qu'en fait c'est tout ça qui devrait... C'est toutes les cours qui sont atteintes par cette indépendance judiciaire là. Donc, je pense que, par sagesse, il serait mieux de le retirer parce que c'est vrai que ce n'est pas juste la Cour d'appel, ce n'est pas juste la Cour supérieure, mais c'est aussi la Cour du Québec puis les tribunaux administratifs qui sont atteints. Il y a un risque justement que cette indépendance judiciaire là soit entravée. Alors, à la lumière de ça, je retire mon amendement.

Le Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y a consentement pour que la députée de Bourassa-Sauvé retire son amendement?

M. Jolin-Barrette : Pas de consentement.

Le Président (M. Bachand) : Donc, il n'y a pas de consentement. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Oui, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Écoutez, je veux juste qu'on revienne sur l'amendement proposé par le Parti libéral. Ce que le Parti libéral a voulu faire, c'est soustraire la juridiction du Québec à la Cour d'appel du Québec et à la Cour supérieure du Québec. C'est quand même grave, M. le Président, et ce n'est pas la première fois que le Parti libéral souhaite abandonner la juridiction du gouvernement du Québec sur plusieurs enjeux. Depuis les dernières semaines, on voit le Parti libéral qui se dit nationaliste. Même la candidate à la chefferie, la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, a enregistré une vidéo sur les Patriotes, disant qu'elle était maintenant nationaliste.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Non, mais, écoutez, je vais juste... Je vais... Le ministre connaît les règles. Je lui demande de rester sur le fond de l'amendement, qui est encore sur la table. L'amendement est encore sur la table. Donc, M. le ministre, sur l'amendement, s'il vous plaît. Merci beaucoup.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, voter pour cet amendement-là, ça serait à l'encontre des intérêts du Québec. Ça serait de dire, notamment par souci de cohérence légistique... législative... ça serait aller à l'encontre de ça parce que, dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, c'est clairement indiqué que les tribunaux québécois comprennent, notamment, la Cour d'appel et la Cour supérieure. Alors, M. le Président, je trouve ça quand même grave, cet amendement-là qui a été déposé, qui enlèverait la juridiction du Québec.

Et, vous savez, nous, là, ce qu'on souhaite toujours, du côté du gouvernement de la CAQ, du gouvernement du Québec, c'est d'avoir le maximum de pouvoirs et le maximum de juridiction pour notre État national, l'État qui appartient à tous les Québécois et à toutes les Québécoises. Et je pense que ça doit se matérialiser, ça, à travers les différentes fonctions de l'État, que ça soit sur le plan parlementaire, exécutif ou judiciaire. Et moi, je crois que l'ensemble de mes collègues et l'ensemble du gouvernement défendra toujours, dans un premier temps, les compétences du Québec. Or, à la lecture de l'amendement, je constate que ce n'est pas le cas du Parti libéral du Québec.

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! O.K. Alors donc, oui, intervention? Donc, on discute encore de l'amendement. M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui. Je tiens juste à rectifier et à corriger certaines informations que le ministre vient d'évoquer. Nous sommes là pour parler d'un projet de loi et non pas faire une campagne promotionnelle de quoi que ce soit. Je pense que l'idée derrière les amendements, c'est voir, dans la mesure du possible, les arguments.

Donc, le ministre a partagé ses arguments. Je comprends qu'à la lumière des arguments qu'il a partagés, il ne veut pas juste partager les arguments, mais, comme on le connaît très bien, il aime ça bien aller au-delà des arguments. C'est son point de vue, pas de problème, mais il faut garder en tête que, si nous sommes en commission parlementaire, c'est justement pour avoir un échange constructif. Nous ne sommes pas là pour voir qui va l'emporter, ou qui va gagner, ou qui va mettre un K.-O. à l'autre. Le ministre a le luxe de connaître sa loi. Le ministre a le luxe de maîtriser sa loi. Lui, il dit même : C'est un nouveau droit. Ce n'est pas mes mots, c'est les mots du ministre.

Le fait que ma collègue a déposé l'amendement ou que nous, on dépose un amendement, c'est justement voir les arguments du ministre dans le respect. Le ministre avait toute la tribune pour expliquer, et nous donner, et nous informer en tant que ministre responsable de la loi et en tant qu'avocat aussi. Donc, il avait, je dirais, accès à toutes les... aux informations nécessaires pour dire : Écoutez... comme ce qu'il fait depuis tout à l'heure par rapport à plusieurs articles, M. le Président.

Donc, je pense que, pour le bien de l'avancement de nos travaux, il faut juste faire attention à ce qu'on veut comme esprit de collaboration avec l'opposition et avec les autres collègues parce que, sinon, je pense que ça va être difficile, et ce n'est pas ce que ni le ministre souhaite... ce n'est pas... nous aussi. Nous, on ne souhaite pas ça. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président, parce que, si on votait en faveur de l'amendement tel qu'il est proposé, là, ça voudrait dire, là, que le Québec renoncerait à sa compétence en matière d'administration de la justice qui lui est conférée par la Loi constitutionnelle sur la Cour d'appel et sur la Cour supérieure. C'est ce à quoi le Parti libéral nous invite. Et, honnêtement, je trouverais que ça n'a aucun sens, M. le Président. Lorsqu'on fait des amendements en commission parlementaire, il faut y réfléchir avant, et on ne fait pas juste des amendements pour faire des amendements. Il faut que ça serve à bonifier le projet de loi. Et donc, lorsqu'on vise à insérer un tel amendement, il faut y réfléchir avant et surtout il faut penser aux conséquences, de, si la loi était modifiée, qu'est-ce que ça aurait sur... conséquences pour l'ensemble des concitoyens et des citoyennes du Québec et aussi pour l'État québécois. Alors, M. le Président, vous comprendrez que je suis un peu déçu de la position du Parti libéral, qui propose cet amendement-là qui aurait pour effet d'enlever des compétences au gouvernement du Québec.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

• (16 h 40) •

Mme Montpetit : M. le Président, premièrement, de deux choses l'une ou de trois choses l'une, là. Il y a une décision qui a été... Il y a un commentaire très pertinent qui a été fait par le président de l'Assemblée nationale hier. On s'appelle l'opposition officielle de ce côté-ci. Si vous voulez qu'on vous appelle la CAQ puis la CAQ tant que vous voulez, là, je pense que... M. le Président, je vous invite à présider en fonction de nos positions officielles, de un.

De deux, si le ministre... ce n'est pas parce qu'il le répète plus fort puis avec plus d'énergie que c'est plus vrai. Il peut le répéter tant qu'il veut. Les compétences du Québec, elles sont là parce que le Parti libéral du Québec... et moi, je vais me permettre de le dire parce qu'on a été là pendant des années puis que c'est un parti qui existe depuis 150 ans. Donc, s'il veut jouer au nationalisme, on peut parler de beaucoup de choses. Mais je pense qu'il serait grand temps qu'on revienne à ce qui nous occupe. S'il veut faire des procès d'intention, c'est certainement... Je le vois rire. C'est très, très drôle parce que je ne pense pas que, comme gouvernement qui êtes là depuis huit mois, je ne pense pas que vous avez une contribution dans l'histoire sur les compétences que le Québec a, hein? On va se dire les vraies choses, là.

Donc, si vous voulez aller là, on se trouvera un autre endroit pour faire ce débat parce que je pense que ce n'est pas le lieu pour faire ces échanges. Et on pourrait peut-être revenir au fond de l'amendement qui avait été déposé ou aux raisons qui sont... Puis je ne pense pas que c'est... Pour le bien des travaux... Il nous reste encore 1 h 30 min. Il nous reste trois heures à faire ensemble ce soir. Je pense qu'on était bien partis. Ce serait intéressant de continuer d'avoir des échanges cordiaux et constructifs.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui, je dois... C'est grossièrement exagérer. On ne parle pas de l'abolition des compétences du provincial pour ce qui est de l'administration de la justice, là, on parle de cet alinéa-là en particulier. Et, comme j'ai dit et en toute humilité, là... parce que, comme j'ai dit tout à l'heure, on n'est pas des experts en droit constitutionnel, mais cette question d'indépendance judiciaire là, elle est fondamentale. On doit tous se poser la question. Et, oui, en effet, j'avoue que c'est toutes les cours qui sont touchées par ça et c'est toutes les cours qui sont fragilisées par cette façon que cette loi-là aurait de toucher à ce pouvoir judiciaire là.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : J'ai dit tout à l'heure, M. le Président, que je n'étais pas membre du Barreau, et c'est pour ça que je ne suis pas intervenue au niveau juridique, mais je n'aime pas du tout comment les choses se passent en ce moment et je ne suis pas venue en politique pour assister à ce genre de, je dirais, propos politique ou de reprise politique d'un certain nombre de choses pour peut-être faire, après ça, là, comme on dit en mauvais français, du millage là-dessus. Je pense que ma collègue l'a fait en toute bonne foi, courageusement. Je pense que le ministre, en entendant ça, a sauté comme sur un os, là, vraiment comme s'il avait très, très, très faim et qu'il avait trouvé vraiment un os à ronger, comme on dit. C'est correct. On peut avoir chacun sa personnalité. Mais moi, je n'apprécie pas beaucoup quand ça se passe sur un ton aussi, je dirais, agressif et je trouve qu'on n'est pas en politique pour ça. Et je sais que le ministre est intelligent. Vous le savez, vous aussi. Mais ce n'est pas une raison — parce que ma collègue ose proposer quelque chose en toute bonne foi, indépendance judiciaire, etc., je pense que vous avez eu un débat fort intéressant — qu'il faille aller aussi loin sur... question nationaliste, question de chefferie, question... Puis il faut faire attention quand on... dans les rapports hommes-femmes aussi, M. le ministre.

Le Président (M. Bachand) : Juste... Il faut faire attention aussi, oui, de ne pas...

Mme David : Alors, je vais m'arrêter là-dessus.

Le Président (M. Bachand) : Il faut faire attention, si on reproche, de ne pas aller par la bande. Cela dit...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Attendez un petit peu! Je n'ai pas fini! Je n'ai pas fini! Je n'ai pas fini! Alors, c'est juste de faire attention de ne pas faire ce qu'on reproche à l'autre. Alors, c'est extrêmement important.

Alors donc, je vous rappelle que nous sommes sur l'amendement de la députée de Bourassa-Sauvé. Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît, sur l'amendement.

Mme Lecours (Les Plaines) : C'est juste qu'elle a porté des intentions à M. le ministre. C'est ce que je...

Le Président (M. Bachand) : Ça a été noté par la présidence. Merci beaucoup.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Écoutez, j'entends bien les propos de la députée de Marguerite-Bourgeoys puis j'étais d'accord avec elle jusqu'à tant qu'elle... pas esquiver, aborde du bout des doigts la question des relations femmes-hommes. Je ne sais pas quel message elle tentait de me passer et je ne lui prêterai pas des intentions, mais j'invite les membres de cette commission et l'ensemble des intervenants qui nous écoutent durant les nombreuses heures des travaux à regarder et à écouter le comportement de certains des collègues du Parti libéral. Je ne parle pas de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Et, à travers cette loupe-là, j'aimerais que la députée de Marguerite-Bourgeoys analyse le comportement de certaines de ses collègues dans la conduite de leurs propos, dans leur attitude ici, et qu'elle y réfléchisse parce que je pense, M. le Président, qu'elle et moi, on a fait un bon travail jusqu'à maintenant, et c'est pour ça que je tente de donner le maximum de réponses à la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mais certaines de ses collègues, de la façon dont elles se comportent ici, en commission parlementaire, oui, m'apparaissent comme étant un comportement inapproprié pour la conduite des parlementaires. Alors, avant de me prêter des intentions, j'espère qu'on a réfléchi.

Sur l'amendement, M. le Président, sur l'amendement, écoutez...

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : J'écoute le ministre, j'écoute le ministre, là.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, je vous entends et je vous écoute depuis le début, depuis des heures. Je vous demande de la grande prudence. Le ministre va répondre sur l'amendement, et après ça on passera à d'autres interventions. Après, je vais vous reconnaître, M. le député de Nelligan. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Sur l'amendement, la députée de Maurice-Richard nous dit : Écoutez, le gouvernement de la CAQ, c'est ça, son nationalisme. Oui, c'est ça, son nationalisme. Il va toujours défendre les intérêts du Québec. Et je trouve ça un peu ironique de la part de la députée de Maurice-Richard parce qu'elle dit : Le gouvernement de la CAQ n'a pas marqué l'histoire. Est-ce dire que le gouvernement auquel elle a appartenu durant une année seulement a marqué l'histoire, un gouvernement qui a été le plus fédéraliste, le plus canadianiste de l'histoire, auquel elle a appartenu, un gouvernement libéral qui n'a pas défendu les intérêts du Québec?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, excusez-moi, mais c'est parce que, comme vous aimez le rappeler à tout le monde, nous sommes sur l'article 3.

M. Jolin-Barrette : Parfait.

Le Président (M. Bachand) : Alors donc, je me permets respectueusement de vous le rappeler aussi. Et nous sommes en plus sur l'amendement de la députée de Bourassa-Sauvé.

M. Jolin-Barrette : D'accord. Bien, je suis prêt à voter, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît. M. le député.

M. Derraji : O.K. Je pense qu'on demande un peu de sérieux parce que c'est très important. Je comprends le ministre, qu'il demande l'appel par vote nominal. Mais je vais ouvrir une petite parenthèse. C'est très sérieux, M. le Président. Je parle moi-même en mon nom. Je ne pense pas que j'ai émis un commentaire inapproprié. Et je trouve très grave que le ministre dit ouvertement en commission qu'il y a des collègues — à la députée de Marguerite-Bourgeoys — dans cette commission qui émettent des commentaires inappropriés.

Le Président (M. Bachand) : D'accord. En terminant, s'il vous plaît.

M. Derraji : Je pense, M. le Président, qu'on n'est pas là. Je respecte votre travail. Vous dirigez d'une manière extrêmement rigoureuse nos travaux depuis le début. J'invite le ministre à un peu de retenue et ne pas commencer à lancer des messages juste comme ça.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Alors donc, je semble comprendre qu'il y a une volonté collective qu'on mette l'amendement aux voix. Alors, est-ce que l'amendement de Mme la députée de Bourassa-Sauvé est adopté?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, vote par appel nominal, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bachand) : Vote par appel nominal, Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?

Mme Robitaille : Abstention.

La Secrétaire : Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Abstention.

La Secrétaire : M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Abstention.

La Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Contre.

La Secrétaire : M. Lemieux (Saint-Jean)?

M. Lemieux : Contre.

La Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Contre.

La Secrétaire : M. Martel (Nicolet-Bécancour)?

M. Martel : Contre.

La Secrétaire : Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?

Mme Tardif : Contre.

La Secrétaire : Mme Lecours (Les Plaines)?

Mme Lecours (Les Plaines) : Contre.

La Secrétaire : Mme Grondin (Argenteuil)?

Mme Grondin : Contre.

La Secrétaire : M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Contre.

La Secrétaire : M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Contre.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. L'amendement est rejeté. On retourne maintenant en débat, en discussion, en intervention sur l'article 3. M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Merci, M. le Président. Donc, j'ai bien entendu le ministre par rapport à ses commentaires au niveau des institutions, donc que ça soit les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires. Et j'ai un amendement à déposer, M. le ministre... M. le Président.

• (16 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : Voulez-vous en faire la lecture, M. le ministre... M. le député?

M. Derraji : Oui.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

M. Derraji : Pas encore ministre.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre... député, pardon. Vous m'avez...

M. Derraji : Ah! une deuxième fois. Probablement que ça s'en vient.

Le Président (M. Bachand) : Excusez. M. le député de Nelligan, s'il vous plaît, faites la lecture. Merci.

M. Derraji : L'article 3 du projet de loi est modifié par l'ajout, à la fin de l'article 3, des alinéas suivants :

«Le ministre établit des lignes directrices portant sur l'exigence du respect des principes énoncés à l'article 2.

«Ces lignes directrices sont publiées sur le site Internet du ministère responsable de l'application de la présente toi dans les 60 jours suivant la sanction de la loi.»

Donc, les commentaires. L'article 3 de la Loi sur la laïcité, tel qu'amendé, se lirait donc ainsi :

«La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.

«Pour l'application du présent chapitre, on entend par :

«1° "institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève;

«2° "institutions gouvernementales" : les organismes énumérés aux paragraphes 1° à 10° de l'annexe I;

«3o "institutions judiciaires" : la Cour d'appel, la Cour supérieure, la Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne, le Tribunal des professions et les cours municipales.

«Le ministre établit des lignes directrices portant sur l'exigence du respect des principes énoncés à l'article 2.

«Ces lignes directrices sont publiées sur le site Internet du ministère responsable de l'application de la présente loi dans les 60 jours suivant la sanction de la loi.»

Je le dépose.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.

Nous allons suspendre quelques instants pour distribution. Merci infiniment.

(Suspension de la séance à 16 h 52)

(Reprise à 16 h 59)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. Nous sommes sur l'amendement déposé par le député de Nelligan. M. le député, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui, merci, M. le Président. Écoutez, vu ce qui a été discuté, et je pense qu'on arrive un peu à la conclusion que, que ce soit au niveau des institutions parlementaires, au niveau des institutions gouvernementales, les institutions judiciaires, j'ai bien compris la volonté du ministre, c'est avoir une loi uniforme, une loi applicable. Il nous a rassurés par rapport à ça. Les questions que j'avais ce matin, c'est plus par rapport à accompagner du moment que — encore une fois, je vais utiliser les mots du ministre — c'est du nouveau droit. Donc, je pense que le ministre, du moment que c'est lui le porte...

Une voix : Étendard.

• (17 heures) •

M. Derraji : ...oui, exactement, oui, merci pour le mot, de cette loi, doit établir les lignes directrices portant sur l'exigence du respect des principes énoncés à l'article 2. Là, on va assurer l'uniformisation de l'application de la loi. Par la suite, les lignes directrices, ce qu'on ajoute, sont publiées sur le site Internet du ministère responsable de l'application de la présente loi, donc le ministère qui va chapeauter la mise en application de la Loi sur la laïcité.

Donc, j'aimerais bien entendre le ministre. Qu'est-ce qu'il pense, déjà, de l'amendement? Et certainement j'aurai d'autres ajouts, si jamais le besoin se manifeste.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, écoutez, je comprends l'intention du collègue de Nelligan. Cela étant dit, la loi, elle est claire à l'effet de son application relativement à quels sont les principes qui soutiennent la loi. Alors, il n'est pas nécessaire d'avoir des lignes directrices dans la loi.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Oui, bien, écoutez, je vais me référer à mon expérience personnelle d'ex-ministre. On en a fait une, sorte de droit nouveau, à une autre échelle, on va dire, mais, quand même, la loi sur les violences sexuelles, qui s'appliquait à toutes les institutions d'enseignement supérieur, y compris l'école de police, y compris toutes les grandes écoles, l'ITHQ, l'ITA, l'institut de technologie agricole, etc. Les gens étaient tellement comme dans du nouveau... parce qu'il n'y avait jamais eu de loi comme ça avant. C'est quand même quelque chose, hein? On est habitués à des lois sur la gestion d'enseignement supérieur, mais pas sur les violences à caractère sexuel. Alors, il y avait des choses compliquées. D'ailleurs, grâce au travail de collaboration avec tous les partis d'opposition, je pense qu'on est arrivés avec une loi magnifique, la plus avancée en Amérique du Nord, sinon dans tous les pays occidentaux, je pense. Sauf que c'était du droit nouveau. Les gens ne savaient pas trop quoi faire avec ça, et donc ils nous ont demandé la même chose.

Alors, moi, je pars de cette expérience-là. Puis savez-vous quoi? Ce guide-là est devenu une référence en matière d'application, de balises, à partir de la politique jusqu'aux sanctions, etc., pour tous les établissements d'enseignement supérieur. Puis j'aurais pu partir en mission pendant des semaines et des semaines avec ce guide-là, tellement c'était demandé ailleurs dans le monde.

Donc, la laïcité, c'est quelque chose d'effectivement nouveau. Le ministre, peut-être, aimerait aller se promener avec sa loi partout au Canada pour l'expliquer éventuellement, mais peut-être le Canada n'est pas une bonne idée, mais peut-être ailleurs, en Europe, pour expliquer. Mais c'est tellement utile d'avoir un guide que peut-être que... Est-ce que ce n'est pas au bon endroit dans la loi? Est-ce que ça ne pourrait pas être... mais d'avoir quelque chose qui guide. On ne pense pas à nous. Je pense que le député de Nelligan le dit aussi, ce n'est pas pour nous, là. C'est pour ceux qui, en dehors de cette bulle ici... On va finir par connaître par coeur le projet de loi, mais il y a plein de monde, là, qui vont se retrouver avec ça. Qu'est-ce que je fais? C'est par un souci de générosité légale et parlementaire que de penser à ceux qui vont devoir l'appliquer.

Alors, il n'y a aucune malice dans cette demande-là, il n'y a aucune politique, il y a uniquement de penser aux utilisateurs, éventuellement, de la loi. Puis je le dis encore, on le propose, là. Je pense que le député de Nelligan a fait une très belle démonstration, et puis j'aimerais comprendre quels peuvent être les irritants ou les obstacles, même, peut-être, ou nous dire pourquoi c'est peut-être une fausse bonne idée, comme on dit des fois.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Il n'y a pas nécessité d'avoir d'obligations légales, de publier des lignes directrices, et surtout la loi, elle est claire, vraiment, sur le principe de qu'est-ce que la laïcité. Alors, à partir de ce moment-là, les quatre principes sont énoncés et ils seront incorporés par l'État québécois.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée... M. le député de Nelligan, pardon.

M. Derraji : Merci, M. le Président. Je veux juste faire un retour de nos échanges avec le ministre. Le ministre, depuis le début, il dit que c'est un nouveau droit. Nous avons eu beaucoup d'échanges par rapport aux institutions parlementaires, et gouvernementales, et judiciaires, et, à un certain moment, même, pour clarifier des points et des questions simples. Je comprends, le ministre prend le temps, toujours, de vérifier, chose excellente parce qu'on ne peut pas avoir toutes les réponses à toutes les questions. Et même le ministre, malgré que c'est son projet de loi, prend toujours le temps de vérifier et de valider, chose très bonne. Je ne dis pas que ce n'est pas bon.

Maintenant, quand on va aller à l'applicabilité de la loi au niveau des institutions, je ne pense pas que je peux cloner le ministre 1 000 fois, 500 fois. Je ne peux même pas le cloner une fois. Donc, la maîtrise de la loi, ou la compréhension de la loi, ou les énoncés, du moment que c'est du nouveau droit, la compréhension ne sera pas au même niveau. Quand on dit «lignes directrices», peu importe l'endroit où on utilise des lignes directrices, que ce soit en santé ou ailleurs, c'est toujours pour se donner un guide d'accompagnement pour la mise en place. L'ajout de ça, en aucun cas, ça n'enlève quelque chose à l'article. Au contraire, M. le Président, ça le bonifie.

Donc, je comprends que le ministre ne voit pas l'utilité, mais est-ce qu'aujourd'hui, avec tout le pouvoir qu'il a, et les connaissances, et la compréhension, et ça fait très longtemps qu'il travaille sur ce dossier, face à des questions parfois simples, parfois complexes, parfois entre les deux, des collègues, lui-même, il prend le temps de consulter? Donc, si le ministre responsable de la loi prend le temps de consulter, mettons-nous à la place de quelqu'un à la tête de ce que je disais tout à l'heure, une société d'État, d'un ministère, d'un bras, d'une tête avec le gouvernement, qui va commencer à se poser les mêmes questions que nous-mêmes avons posées aujourd'hui au ministre.

Et justement, pour que l'accompagnement de la mise en place soit optimal, le ministre, avec ces lignes directrices, va juste donner le temps à la mise en place de ces énoncés. Si le ministre ne voit pas d'importance de l'ajout, s'il peut juste nous dire ou nous partager en quoi ça dérange son ministère et lui-même, la publication des lignes directrices ou établir des lignes directrices.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, M. le Président, j'apprécie la proposition qui est faite par le député de Nelligan. Cependant, il n'est pas nécessaire, il n'est pas requis d'avoir des lignes directrices dans le cadre de la loi parce que la loi, elle est déjà claire. Alors, ce qu'on fait à chaque fois qu'on adopte une loi, il n'y a pas des lignes directrices dans tous les cas, surtout lorsque cette application-là, elle est claire.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : On est d'accord avec le ministre, qui dit que, bon, on n'est pas obligé, à chaque fois qu'il y a une loi, d'avoir des lignes directrices, mais le ministre lui-même le dit, la Loi sur la laïcité, c'est une loi... toutes les lois sont importantes, mais celle-là est particulièrement importante. Et justement on a eu un paquet de questions ici, on s'est posé plein de questions. Le ministre aussi n'était pas sûr de certaines choses, consultait. Alors, imaginez pour le responsable de département ou qui que ce soit. Juste par souci de clarification, par souci de cohérence aussi, je pense qu'on ne perd absolument rien à établir des lignes directrices et à faire en sorte que tout le monde soit au courant pour qu'on applique la loi de la même façon.

Encore une fois, j'aimerais entendre le ministre. Je ne comprends pas pourquoi on s'empêcherait de faire ça, on s'empêcherait de donner des outils aux gens qui vont devoir interpréter la loi chaque jour. Il me semble que ce serait nécessaire, vu l'importance, vu aussi la complexité de tout ça. Nous, on en discute, on a parlé de la jurisprudence tout à l'heure... bien, durant les derniers jours, puis on pourrait en parler longtemps. Et donc, juste par mesure de cohérence, pour aider tout le monde à comprendre ça, à comprendre qu'est-ce qui en est, il me semble que ce serait positif.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Pas d'intervention. Autres interventions du côté... Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

• (17 h 10) •

Mme David : Bien, écoutez, on ne s'attardera pas des heures là-dessus non plus, mais je rappellerai au ministre, qui aime bien se référer à la loi 101, qu'on a créé l'Office québécois de la langue française uniquement pour cette loi-là, qui est encore très vivante, et, quand on lit la loi, effectivement, il y a beaucoup de gens qui sont vraiment très mal pris. Et être ministre responsable de la Langue française, c'est tout un défi, de comprendre cette loi-là.

Alors, ici, je pense aux sociétés de transport en commun. Comprendre la laïcité, je ne suis pas sûre qu'ils se sont réveillés tous les matins en pensant à ça. Écoutez, ça touche tellement, tellement de monde que je me dis : Je pense que ça pourrait être aidant. Alors, c'est la seule chose que je peux dire de plus, mais, si on a cru bon, sous René Lévesque, de créer, après la loi 101, l'Office québécois de la langue française, bien, peut-être qu'on se plaît à dire que cette loi-là est aussi structurante et qu'après la loi 101 c'est un très bel ajout à la société du Québec. Bien, dire que c'est une loi claire... en tout cas, nous, peut-être qu'on n'est pas vite, là, mais on pose beaucoup de questions pour la rendre... justement pour être sûr qu'on la comprend bien.

Et, comme il y a eu l'OQLF, on ne demande pas ça, là, une instance aussi grosse, parce qu'elle a une mission d'application aussi de surveillance et de sanction, mais le guide, j'avoue que j'ai peine à comprendre pourquoi on n'accepte pas d'être aidant. Il y a quelque chose qui m'échappe dans ça, M. le ministre.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, juste pour l'Office québécois de la langue française, ça a été créé par Jean Lesage en 1961. Est-ce que je comprends que la députée de Marguerite-Bourgeoys nous inviterait à créer un office de la laïcité?

Mme David : Savez-vous quoi? J'avais créé l'acronyme, l'office de la laïcité du Québec, mais on ne va pas là, là. On demande un guide pour accompagner. Puis vous l'avez dit, il y en a, des lois qui en ont, il y en a qui n'en ont pas parce qu'il y en a que c'est plus simple, honnêtement. Mais ça, ce n'est pas si simple que ça, vos quatre principes. Puis après on va arriver à d'autres articles qui ne sont pas simples non plus. Alors, réfléchissez, mais nous, on pense que ça peut être un bel accompagnement.

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

M. Jolin-Barrette : Je comprends, et c'est pour ça que je disais que j'appréciais la proposition qui était effectuée. Cependant, je ne partage pas l'avis des collègues sur ce point-là.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Bon, je vais faire un peu de pédagogie par rapport à l'amendement et je vais demander la collaboration du ministre. O.K.? C'est sa loi, il la connaît par coeur.

Est-ce qu'aujourd'hui... parce que, si on s'entend sur une chose, M. le Président, c'est que le ministre veut doter le Québec d'un nouveau droit, d'une loi applicable. Je pense, sur ça, il est d'accord. S'il n'est pas d'accord, il peut m'arrêter. Un. Deux, lui-même, M. le Président, prend le temps de consulter et de demander certaines informations. Ce qu'on demande dans cet amendement, c'est se donner des lignes qui vont accompagner l'ensemble des intervenants de l'État dans la mise en place de cette loi. Ça, c'est le verbatim de l'amendement.

Maintenant, si le ministre ne voit pas que ça passe par des lignes directrices, qu'il nous propose comment il voit la mise en place, parce que, si ça a été facile, bien, il aurait dû répondre très rapidement à plusieurs questions que nous avons soulevées depuis hier par rapport à ça, là, par rapport à toutes les institutions et même à la mise en place.

Le Président (M. Bachand) : ...

M. Derraji : ...clarifie la situation, M. le ministre... M. le Président, le ministre.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Pour moi, M. le Président, c'est très clair, et l'ensemble des principes aussi sont très clairs. On en a discuté, on a déjà adopté l'article. Donc, au niveau de l'application, ça ne pose pas de problématique.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, je vais mettre l'amendement du député de Nelligan aux voix. Est-ce que l'amendement est adopté?

Une voix : Par appel nominal.

Le Président (M. Bachand) : Appel nominal. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Pour.

La Secrétaire : Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

La Secrétaire : Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?

Mme Robitaille : Pour.

La Secrétaire : Mme Montpetit (Maurice-Richard)?

Mme Montpetit : Pour.

La Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Contre.

La Secrétaire : M. Lemieux (Saint-Jean)?

M. Lemieux : Contre.

La Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Contre.

La Secrétaire : M. Martel (Nicolet-Bécancour)?

M. Martel : Contre.

La Secrétaire : Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?

Mme Tardif : Contre.

La Secrétaire : Mme Lecours (Les Plaines)?

Mme Lecours (Les Plaines) : Contre.

La Secrétaire : Mme Grondin (Argenteuil)?

Mme Grondin : Contre.

La Secrétaire : M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Contre.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'amendement est rejeté. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Je demanderais le vote sur l'article 3, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bachand) : S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons appeler l'article 3.

M. Jolin-Barrette : Oui. Par appel nominal, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bachand) : O.K. Est-ce que l'article 3 est adopté?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, par appel nominal, et c'est l'article 3 tel qu'amendé suite à l'amendement.

Le Président (M. Bachand) : Exactement, c'est ce que j'allais dire, effectivement. Donc, est-ce que l'article 3, tel qu'amendé, est adopté? Oui.

M. Derraji : M. le Président, est-ce qu'on peut juste relire l'article 3? Parce que je n'ai pas la nouvelle version. Désolé, hein?

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! Avec l'amendement, est-ce que c'est... M. le ministre, avec l'amendement.

M. Jolin-Barrette : Oui, avec l'amendement. «La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent l'ensemble des principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.

«Pour l'application du présent chapitre, on entend par :

«1° "institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève;

«2° "institutions gouvernementales" : les organismes énumérés aux paragraphes 1° à 10° de l'annexe I;

«3° "institutions judiciaires" : la Cour d'appel, la Cour supérieure, la Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne, le Tribunal des professions et les cours municipales.»

Le Président (M. Bachand) : Merci. Donc, est-ce que l'article 3, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix : Adopté.

Mme David : Sur division.

M. Jolin-Barrette : Par appel nominal, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bachand) : Appel nominal, Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Pour.

La Secrétaire : M. Lemieux (Saint-Jean)?

M. Lemieux : Pour.

La Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Pour.

La Secrétaire : M. Martel (Nicolet-Bécancour)?

M. Martel : Pour.

La Secrétaire : Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?

Mme Tardif : Pour.

La Secrétaire : Mme Lecours (Les Plaines)?

Mme Lecours (Les Plaines) : Pour.

La Secrétaire : Mme Grondin (Argenteuil)?

Mme Grondin : Pour.

La Secrétaire : M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Pour.

La Secrétaire : Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Contre.

La Secrétaire : M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Contre.

La Secrétaire : Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?

Mme Robitaille : Contre.

La Secrétaire : Mme Montpetit (Maurice-Richard)?

Mme Montpetit : Contre.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'article 3, tel qu'amendé, est adopté. Article 4, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. «En plus de l'exigence prévue à l'article 3, la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction de porter un signe religieux prévue au chapitre II de la présente loi et du devoir de neutralité religieuse prévu au chapitre II de la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes (chapitre R-26.2.01), et ce, par les personnes assujetties à cette interdiction ou [...] ce devoir.»

Cet... pardon, excusez-moi. Cet article mentionne deux autres exigences de la laïcité de l'État, soit l'interdiction de porter un signe religieux pour certaines personnes, tel que prévu à l'article 6 du projet de loi, de même que le devoir de neutralité applicable à certaines catégories de personnes en vertu de la loi n° 62.

Le devoir de neutralité religieuse impose l'obligation à un membre du personnel d'un organisme public de faire preuve, dans l'exercice de ses fonctions, de neutralité religieuse. Ainsi, il doit exercer ses fonctions avec toute l'objectivité nécessaire et indépendamment de ses opinions et croyances en matière religieuse et celles de la personne à qui est rendu un service public. Ce devoir étant intimement lié à la laïcité de l'État, il est incontournable que le projet de loi y fasse un renvoi direct.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Est-ce que le ministre a autre chose à dire que ça? Est-ce que... ou on commence tout de suite dans l'échange?

M. Jolin-Barrette : ...c'est ce que j'ai à dire.

Mme David : O.K. Bien là, on va... Cet article-là me semble une transition entre le 3 et le 6, probablement, en disant... On est rendus au 3, on a adopté, donc, la grande phrase parapluie : L'État est laïque, les principes, l'application. Et là, si je comprends bien, mais je veux donner l'occasion au ministre de bien expliquer, on dit qu'en plus... «En plus de l'exigence prévue à l'article 3 — là on s'en va vers le libellé de l'article 6 — la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction de porter un signe religieux prévue au chapitre II...» Donc, on s'en va... on nous donne l'apéritif de l'article 6 et puis de toute la question aussi, donc, de la neutralité... de la loi favorisant le respect de la neutralité et visant à encadrer les demandes, bon, certains organismes et cette interdiction, après ça, etc.

Donc, est-ce que c'est plus un article pédagogique, un article de transition littéraire entre deux... et, ceci dit, c'est positif quand je dis ça, là, ce n'est pas littéraire au sens... on passe de la laïcité de l'État à ce que nous, peut-être, pour les fins de la discussion, on va parler de laïcité plus appliquée à des individus, donc passer de 3 à 6. On ressent ce besoin de dire le 4, d'exprimer le 4.

Où moi, je suis restée un peu surprise de ce besoin-là, en fait, c'est... pourquoi a-t-il besoin, l'article 4, d'être là puisque le 6 dit très bien... et puis après ça on va aller plus loin et puis... Alors, j'essaie de comprendre pourquoi le législateur, je pense qu'on dit ça comme ça, a voulu qu'existe cet article 4.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

• (17 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Bien, en fait, pourquoi l'article est là, pourquoi le législateur souhaite que l'article soit là, dans un premier temps, c'est pour expliquer quelles sont notamment les exigences de la laïcité de l'État.

Donc, on dit : En supplément de l'article 3, la laïcité de l'État exige quoi d'autre, dans le fond? Le respect de l'interdiction de porter un signe religieux, qu'on va voir à l'article 6. Donc, quand on dit «interdiction de porter un signe religieux prévue au chapitre II de la présente loi», c'est à l'article 6. Et du devoir de neutralité religieuse du chapitre II de la loi favorisant... Bon, la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes, ça, c'est la loi n° 62, O.K., au niveau de la neutralité.

Ça fait que l'article, ce qu'il vient dire, c'est quelles sont les exigences de la laïcité de l'État. Dans un premier temps, l'article 3, qu'on a adopté, pour les institutions, ensuite l'interdiction de porter des signes religieux pour certaines personnes en situation d'autorité, et, troisièmement, le devoir de neutralité religieuse pour l'ensemble des fonctionnaires de l'État.

Mme David : Donc, vous dites ce que je dis en d'autres mots. Vous mettez la table pour ce qui s'en vient après, essentiellement. Moi, c'est... Vous pouvez le faire, là, ce n'est pas... Vous annoncez ce qui s'en vient, et vous attachez ce qui précède avec ce qui s'en vient, puis vous en faites un article, une rédaction juridique, disons ça comme ça. Autrement dit, on n'aurait pas l'article 4 que votre loi, elle se tiendrait quand même, non?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je vous dirais non parce que, pour savoir ce que constitue la laïcité de l'État, hein, ses différents éléments... Et donc ça inclut à la fois l'article 3, la laïcité aux institutions, l'interdiction de porter un signe religieux pour certaines fonctions spécifiquement visées ainsi que la neutralité religieuse de la part des fonctionnaires, le devoir de neutralité religieuse de l'État.

Mme David : Et j'entends bien puis je comprends l'esprit, la motivation de ça, mais effectivement, de la façon dont c'est rédigé, dès la première ligne, en plus de l'exigence, l'État exige... mais ça, je n'avais pas remarqué qu'il y a deux fois le mot «exige», mais ça fait bien des exigences. En plus de l'exigence prévue à l'article 3, donc, dont on a amplement parlé, la laïcité de l'État exige le respect, bon, pour certaines catégories de personnes. Et là on retombe dans des notions de base qui sont, on en a discuté déjà, plus des choix que des exigences de la nature, comme on a besoin de l'eau et de l'air pour respirer et pour vivre. Ce n'est pas nécessairement une exigence immanente au fait de la laïcité, puisque ce sont des choix politiques, tout ce qui va suivre après.

Alors, «la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction», est-ce que c'est au sens, une fois que la loi sera passée, il y aura une interdiction qu'on aura décidée, par exemple la notion d'autorité, la notion d'autorité coercitive? Est-ce que c'est ça que ça veut dire ou ça veut dire que, si on parle de laïcité, quelle que soit la juridiction où on le fait, le pays où on le fait, la laïcité d'un État exige automatiquement l'interdiction de porter un signe religieux et le visage découvert ou si c'est une façon légaliste, là, dit positivement, là, légale d'amener ce qui s'en vient? C'est votre laïcité de l'État, c'est la laïcité de l'État, telle que décrite dans le p.l. n° 21, qui va nous préparer à exiger le respect. Est-ce que je comprends bien ou la laïcité de n'importe quel État exigerait ça?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : La députée de Marguerite-Bourgeoys a raison lorsqu'elle dit : C'est la laïcité de l'État québécois. Effectivement, le modèle de laïcité que nous définissons, c'est un modèle québécois de laïcité. Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, au début, ce n'est pas le modèle français, ce n'est pas le modèle de sécularisation, supposons, de la Grande-Bretagne, ce n'est pas l'Allemagne, ce n'est pas les États-Unis, ce n'est pas le reste du Canada. C'est un modèle qui est propre au Québec. Et donc dans la laïcité québécoise, dans le modèle qu'on se dote tous ensemble, ça indique que la laïcité comprend l'article 3, notamment, pour les institutions, d'agir en fonction des principes qui soutiennent la laïcité de l'État, que, pour certaines fonctions, il n'y a pas de port de signes religieux et que l'État ait l'obligation du devoir de neutralité religieuse.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Et donc c'est intéressant parce qu'effectivement je lis ça spontanément comme ça, comme on pourrait le lire en dehors de ce lieu-ci, et on dirait... ça donne l'impression, mais là je vais vous dire ce que vous devriez me répondre à ça, parce que la loi n° 62 disait la même chose, c'est : la laïcité de l'État, mais «de l'État», ce n'est pas l'État au sens large et au sens général dans un dictionnaire. Ce n'est pas la laïcité d'un État, c'est la laïcité de l'État québécois. Le ministre vient de le dire, et je pense qu'il a tout à fait raison. C'est dans le contexte du Québec, là, qu'on se parle, donc c'est la laïcité de l'État québécois telle que vue dans ce projet de loi parce que, là, on pourrait effectivement avoir, on le sait, différentes approches de la laïcité de l'État québécois. Là, c'est la laïcité du projet politique du gouvernement, qui va devenir un jour peut-être la laïcité de l'État de ce projet de loi là. Mais donc ça porte un petit peu à confusion, si on le lit vite comme ça, parce qu'on a l'impression que ça veut dire que c'est applicable partout sur la planète où il y a des États dits laïques.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, effectivement, chaque État qui se dit laïque a son propre modèle de laïcité. Il n'y a pas de modèle de laïcité uniforme, et on a eu la discussion à savoir... Laïcité ouverte, laïcité stricte, les différents auteurs ne s'entendent pas sur les différents concepts. On a vu qu'au Québec aussi, avec, supposons, le jugement Mouvement laïque québécois, auquel la députée de Bourassa-Sauvé faisait référence, le concept de laïcité n'existait pas en droit québécois ni en droit canadien.

Alors, oui, c'est une détermination. On est venus définir la laïcité, et là on vient dire qu'elles sont notamment les composantes de la laïcité. Ça contient notamment, pour certaines personnes en situation d'autorité, l'obligation de ne pas porter de signes religieux, également aussi que l'État a un devoir de neutralité religieuse de l'État. Mais oui, c'est un modèle qui est unique, propre au Québec à titre de société distincte à l'intérieur du Canada. C'est un modèle qui permet de développer... un modèle qui permet d'organiser les rapports entre l'État et les religions au Québec.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme David : Admettons que, moi, mon parti ou un autre parti aurait un autre projet de loi qui parle de laïcité, on serait dans le même État, l'État du Québec. Est-ce que, donc, quand le mot... on dit «exige», ça donne l'impression que c'est obligatoire, comme je le disais, «exige», «la laïcité de l'État exige»... et qu'on ne définit pas de quel État on parle, peut-être que les juristes vont dire : Bien non, ça tombe sous le sens, c'est normal de ne pas dire l'État québécois.

Mais je vais vous poser la question : Est-ce que vous pensez que ça serait plus clair et encore plus évident pour vous et plus... même le... j'ai le mot «noble» qui me vient ou je ne sais pas, là, dans votre perspective à vous, de dire «la laïcité de l'État québécois», puisqu'on parle de la laïcité spécifique à la vision du gouvernement de la laïcité à la québécoise, mais...

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Le souci, je crois, de la députée de Marguerite-Bourgeoys, c'est de référer à l'État du Québec, si je comprends bien?

Mme David : Bien, c'est parce que c'est à cause du mot «exige» aussi après parce que c'est ce projet de loi là, dans la vision du gouvernement, qui dit : Nous, là, c'est une exigence incontournable, il n'y aura de laïcité de l'État du Québec sous le gouvernement de la Coalition avenir Québec... Je ne sais pas si on peut dire ça, M. le Président, là, je suis mêlée sur ce qu'on peut dire et pas dire...

M. Jolin-Barrette : Moi, ça ne me gêne pas que vous disiez...

• (17 h 30) •

Mme David : Bon, bien, sous le... Bien oui, parce que vous avez souvent parlé du Parti libéral. Alors, la laïcité de l'État, sous la gouverne du parti dûment et démocratiquement élu, la conception de la laïcité, notre conception de la laïcité, là, je mets les mots dans votre bouche, exige le respect. Nous désirons exiger ça. Alors là, comme il y a le mot «exige», ça donne l'impression, si on lit vite — mais je me mets toujours à la place de gens qui sont passionnés des projets de loi puis qui les lisent avant de se coucher puis qui regardent tout ça — de dire : Bien, ce n'est pas la laïcité universelle et mondiale.

M. Jolin-Barrette : Je pense que la députée de Marguerite-Bourgeoys parle de moi, là.

Mme David : Ah! bien, de ce temps-ci, moi aussi, je le lis pas mal.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Oui, je vais arrêter, je vais arrêter là, M. le Président. Alors, le mot «exige» peut porter à confusion, comme si c'était un grand traité de laïcité mondial puis de grandes références qui diraient : Laïcité d'un État exige interdiction, etc.

Alors, c'est peut-être une précision uniquement sémantique, parce que, je vous dis, on voit bien, après... Vous pourriez me répondre : Oui, mais votre propre loi n° 62, si je comprends bien, c'est le titre qui est repris, ne mettait pas l'État du Québec, mettait la... Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer... bon.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, dans les différentes lois, là, généralement, on réfère à... quand le gouvernement du Québec fait référence à l'État, c'est l'État. Donc, c'est l'État du Québec, l'État avec un grand E, c'est l'État. Et, lorsqu'on parle de l'État, ce n'est pas uniquement le gouvernement. Ça, c'est important vraiment de faire la distinction parce que la députée de Marguerite-Bourgeoys nous disait : C'est, supposons... c'est la laïcité du gouvernement. Non, c'est la laïcité de l'État québécois de tous les Québécois parce qu'au-delà des gouvernements, les gouvernements passent, les élus passent, changent, mais L'État québécois demeure toujours. L'État québécois, c'est ses institutions. On l'a vu, ses institutions parlementaires, gouvernementales, judiciaires, tout ça, c'est l'État québécois. Ce n'est pas la laïcité d'un parti politique ou d'un autre. Ce n'est pas la laïcité d'un gouvernement ou de celle d'un autre. C'est la laïcité de l'État québécois.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît, oui.

Mme David : Fort intéressante discussion. Évidemment, ce à quoi je réfère, c'est que, quand on est au pouvoir, et c'est le plaisir d'être au pouvoir, c'est de réaliser ce qu'on veut faire, de passer des lois que nous rédigeons et que les oppositions, évidemment, qui font très bien leurs devoirs, regardent ça et vous posent des questions, mais... Alors, ça va devenir une loi étatique, je le comprends très bien, là, et elle va demeurer quand vous ne serez plus là et quand d'autres prendront votre place. Ça, je comprends très, très bien ce que vous voulez dire. C'est la laïcité de l'État, ce n'est pas la laïcité d'un gouvernement, mais c'est le gouvernement en place qui propose des lois. Ça, on est d'accord avec ça, et le gouvernement, c'est un parti politique qui réfléchit à tout ça, puis, après ça, ce sont les parlementaires qui adoptent la loi.

Alors, la laïcité de l'État québécois, mais, je dirais telle que définie par la loi n° 21, qui ne s'appellera peut-être plus comme ça à ce moment-là, mais, en tout cas, le projet de loi n° 21, exige le respect de l'interdiction de porter un signe religieux, bon. Alors, est-ce qu'on est dans de la sémantique de façon exagérée? Je ne le sais pas. Mais je veux que vous entendiez bien que je suis complètement d'accord que ce n'est pas le gouvernement d'un parti qui va rester. L'État transcende et reste après qu'un gouvernement passe. Mais, pour les fins de la discussion, on parle quand même d'un gouvernement précis, en place, avec un programme politique, qui applique son programme politique, dont ce projet de loi là.

Alors, c'est pour ça que je voulais respectueusement dire : La laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction. Bien, il y avait deux niveaux, peut-être, de questionnements. Est-ce que c'est tous les États qui parlent de laïcité et qui ont la même définition, d'une part? On sait bien que la réponse, c'est non. C'est la définition telle que proposée dans ce projet de loi là et c'est la laïcité telle que proposée, justement, dans ce projet de loi là, qui, après, pourra, s'il y a un autre gouvernement un jour, abroger, et puis changer, puis etc., comme vous faites avec la loi, le p.l. n° 62, qui est devenu la loi n° 19, je pense, si je me souviens bien, là, ça change de chiffre, là, c'est devenu la loi no 19, que vous abrogez, que vous modifiez, etc.

Le Président (M. Bachand) : Oui, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bon, premièrement, sur la question de compétences du Québec, dans le fond, quand l'Assemblée nationale légifère, le seul État sur lequel le Québec peut légiférer, c'est l'État du Québec, donc c'est implicite que c'est l'État québécois. Le Québec n'a pas de juridiction extraterritoriale. Donc, quand on fait référence à l'État, c'est toujours l'État du Québec. D'ailleurs, l'article 42 de la Loi d'interprétation du Québec fait référence à l'État, ne fait pas référence à l'État du Québec. Donc, d'un point de vue légistique, ça s'entend toujours de l'État lorsqu'on parle de l'État du Québec. Même chose dans le Code civil aussi.

Sur la fin de votre question... la fin de votre commentaire, c'était...

Mme David : Bien, j'étais sur le sens, État, mais État du Québec. Bon, on comprend bien, mais c'est la laïcité de l'État, comme si ça s'adressait de façon définitive et universelle à tous les États souverains, admettons, ou tous les États, point.

M. Jolin-Barrette : C'est ça, oui. Bien, en fait, non, ça vise juste le Québec. L'Ontario pourrait avoir une laïcité de l'État qui lui appartiendrait, mais ce n'est pas le cas actuellement, ce n'est pas le cas du Canada et des autres provinces canadiennes. Mais nous, on a uniquement la juridiction pour légiférer sur le territoire québécois, alors on légifère en ce sens-là. Et d'ailleurs, à juste titre, lorsque la députée de Marguerite-Bourgeoys dit : Écoutez, un gouvernement successif pourrait changer la définition de la laïcité de l'État, la réponse à cette question-là, c'est oui, effectivement. Si, supposons, le Parti libéral se faisait élire en disant : Je vais abroger la Loi sur la laïcité de l'État et qu'il avait la majorité de la députation, il pourrait le faire.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : L'histoire de l'humanité, c'est la sédimentation de différentes couches terrestres, hein? Alors, je ne suis pas la spécialiste de Charles Quint, mais, quand même, on a quelques notions. Mais effectivement la preuve étant que vous récupérez certains aspects de la loi, je ne pense pas me tromper, le chiffre 19, mais peut-être vous pouvez... Pardon?

Une voix : ...

Mme David : C'est le chapitre XIX de la loi n° 62. Voilà.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Alors, interventions?

Mme David : Je peux parler?

Le Président (M. Bachand) : Oui, oui, allez-y, allez-y, Mme la députée, pardon.

Mme David : Alors, c'est le chapitre XIX de la loi n° 62.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, M. le Président, la collègue de Marguerite-Bourgeoys a raison. Dans le fond, lorsqu'on dépose un projet de loi à l'Assemblée nationale, on le dépose sous forme de projet de loi. Donc, exemple, la Loi sur la laïcité de l'État, c'est projet de loi n° 21. À partir du moment où il sera adopté et sanctionné par notre ami le lieutenant-gouverneur, le projet de loi n° 21 va devenir une loi annuelle. Donc, la loi annuelle, c'est en fonction de l'ordre dans lequel il est adopté. Et donc, dans le cadre, exemple, du projet de loi n° 62, c'était la 19e loi adoptée en 2017, donc la loi n° 19. Je ne crois pas me tromper, sinon, on peut me corriger. C'est bien ça. Donc, c'est la loi annuelle. Donc, il y a un recueil des lois annuelles qui est effectué, et on peut consulter les lois annuelles. Mais ce qui est intéressant au Québec, c'est qu'on a des lois refondues aussi. Donc, à partir du moment où la loi, elle est adoptée, elle est modifiée quasiment en temps réel lorsqu'on y apporte des modifications. Donc, quand on la consulte sur Publications du Québec, les modifications sont incluses dans la loi, puis c'est ça.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée.

Mme David : C'est extraordinaire, entendre parler des juristes, c'est vraiment... J'aimerais ça vous parler de mon jargon à moi, on aurait beaucoup de plaisir. Mais donc elle s'appelle la loi n° 19 ou la loi n° 62?

M. Jolin-Barrette : Pardon?

Mme David : Elle s'appelle la loi n° 19 ou la loi n° 62?

M. Jolin-Barrette : Non, c'était le projet de loi n° 62, là, c'est la loi n° 19.

Mme David : Et donc vous êtes obligé de dire que j'avais raison là-dessus. Je suis fière. Je prends ma fierté où on peut.

M. Jolin-Barrette : Bien, certainement, certainement.

• (17 h 40) •

Mme David : Merci. Parce que je m'étais trompée sur l'OQLF. Ça me permet de dire : Toutes mes excuses. Moi-même, imaginez, l'OQLF est née bien avant, mais c'est l'OQLF qui a eu le mandat d'appliquer la loi 101, et donc avec un très gros mandat, puis il y a pas mal de monde dans cette boîte-là sur la rue Saint-Urbain, puis etc. Donc, c'est quand même un gros organisme qui avait ce mandat d'appliquer la loi 101. C'est pour ça que j'ai fait une erreur, et je m'en excuse. Je me reprends donc en ayant eu du succès avec la loi n° 19.

Mais donc on s'entend que vous... à cause de toute cette pratique juridique de sédimentation de différentes lois une par-dessus l'autre, il est normal, et c'est un vocabulaire presque coulé dans le béton, si je vous comprends bien, de formuler ça comme ça, la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, au niveau de l'interdiction, vous disiez?

Mme David : Dans le jargon habituel de la sédimentation d'une loi par-dessus l'autre, par-dessus l'autre, et d'une pratique qui devient une pratique usuelle, ce que j'en comprends, c'est que vous dites qu'il est prévisible, normal et attendu qu'on qualifie comme ça cette phrase, «la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction de porter un signe religieux», qu'il n'y a rien d'inhabituel dans cette façon de le dire, même si, d'une façon plus littéraire ou plus sortie d'un contexte légal, je lis ça et je dis : La laïcité de l'État, bon, je pense que je comprendrais assez vite qu'il y aura un drapeau du... il y aura le fleurdelisé puis il y aura Assemblée nationale ou je ne sais pas quoi. Les gens sauront qu'on parle du Québec.

Donc, la laïcité de l'État, admettons que les gens vont comprendre vite qu'on est au Québec, mais c'est le «exige le respect», encore une fois, là, je ne comprendrais plus. Je dirais : Est-ce que c'est parce que ça marche de même automatiquement, laïcité égale exiger le respect de l'interdiction? Parce que vous comprenez mon interrogation quand on sait ce qui vient et ce qui est si discuté dans la société en ce moment, c'est-à-dire laïcité de l'État, puis on rentre dans le coeur, évidemment, de ce qui nous préoccupe ou de ce qui préoccupe le plus une partie de la population, c'est la laïcité de l'État d'un côté et les signes religieux de l'autre. Alors, le «exige», c'est comme si c'était parole d'évangile. C'est un peu comme ça que j'essayais d'expliquer le mot «exiger». C'est comme si ça allait de soi. Comprenez-vous?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, on dit «la laïcité de l'État exige», on définit ce que constitue la laïcité de l'État, quels sont les différentes composantes de la laïcité de l'État, comment elle se matérialise. Donc, on explique qu'est-ce que la laïcité de l'État, quelles sont les exigences de la laïcité de l'État, alors qu'est-ce qui est attendu, en termes de laïcité de l'État, quelles sont ses composantes, les trois composantes auxquelles on fait référence.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

Mme David : Bien, effectivement, M. le Président, quand on retourne... C'est peut-être que ça me dérange plus, l'exigence qui va après ça que les exigences qui allaient dans les affirmations de la laïcité de l'État. Quand on dit, l'article 2 : «La laïcité de l'État repose sur les principes suivants», j'aurais pu vous faire tout le même... la même discussion. Ce n'est pas coulé dans le béton que tous les États au monde qui ont une laïcité x, y, z reposent sur les mêmes principes. C'est la laïcité telle que définie par vos réflexions sur votre conception de la laïcité. Et là on a les quatre principes avec lesquels on est d'accord, mais ça nous a moins dérangés à ce moment-là. Et j'ai peut-être lu différemment, puis c'est le mot «repose» qui est peut-être moins catégorique, et déterminant, et final que le mot «exige», mais c'est la même idée. Quand vous avez dit : «repose sur quatre principes», bien, voilà, c'est notre conception, 1°, 2°, 3°, 4°, puis c'est ça, notre laïcité.

Et là l'article 4, c'est : Voici, on a adapté l'article 1, 2, 3, et là on arrive à une autre exigence que nous, on ajoute à notre conception de la laïcité de l'État québécois. Est-ce que je m'exprime bien?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, la députée de Marguerite-Bourgeoys fait la référence entre les quatre principes qui reposent... la laïcité repose, mais quelles sont les façons de matérialiser la laïcité, c'est justement cette exigence-là, le fait, pour les institutions à l'article 3, de faire en sorte que les institutions appliquent la laïcité, que les personnes visées par l'interdiction de signes religieux ne les portent pas. Et la neutralité religieuse de l'État, le fait d'exiger, ça rend quelque chose d'obligatoire.

Mme David : Mais, on se comprend, ça ne veut pas dire qu'on... On s'entend avec nos oreilles, ça ne veut pas dire qu'on s'entend avec nos principes ou notre vision de la laïcité.

M. Jolin-Barrette : Ça, M. le Président, c'est sûr, là. Dans le fond, ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit, elle dit : Je ne suis pas d'accord à ce que la laïcité de l'État exige ces trois éléments-là. Ça, je comprends ce qu'elle nous dit. Juste en termes de... lorsqu'on utilise «État», exemple, dans la Loi sur la neutralité religieuse de l'État, on dit «État», on ne dit pas «État du Québec» aussi. Ça fait que, dans le corpus, c'est «État» qui est visé. Mais je suis d'accord avec elle, la députée de Marguerite-Bourgeoys, elle n'est pas obligée d'être d'accord avec «l'exigence», là. Je comprends que, si elle avait été assise à ma place, elle n'aurait pas indiqué que les exigences de la laïcité de l'État auraient été ces trois éléments-là.

Mme David : C'est vraiment des précisions sémantiques, et littéraires, et intellectuelles que je voulais. Mais je vais passer la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Le Président (M. Bachand) : O.K. Intervention, Mme la députée de Bourassa-Sauvé?

Mme Robitaille : O.K., bon, oui. Alors, bien, oui, j'ai écouté la discussion. En fait, quand on lit l'article, et puis j'aimerais entendre le ministre là-dessus, bon, on parle, on dit : «En plus de l'exigence prévue à l'article 3 — qui est en fait une référence à l'article 2 — la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction de porter [des signes] religieux...» Et on continue et ensuite on dit... et on parle du devoir de neutralité religieuse tel que décrit dans... bon, grosso modo, c'est la loi n° 19, c'est ça? Cette neutralité religieuse là, en quoi est-elle différente de l'article 2, de la définition de laïcité à l'article 2?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : En fait, il faut le voir comme un tout parce que la laïcité de l'État est une des composantes des principes, et on voyait que la laïcité, lorsque...On a eu la discussion hier, que les différents principes s'interprètent les uns par rapport aux autres. Donc, lorsqu'on balance ces différents principes là, on... je rappelais que la séparation entre l'État et les religions, c'est le principe le plus important, mais qu'ensuite à travers ça les différents principes, on en prend tous en compte. C'était l'amendement de la collègue de Marguerite-Bourgeoys. Donc, ça, c'est le premier élément, qui sont les composantes de la laïcité. Mais aussi on fait le pont avec la neutralité religieuse de l'État dans la Loi sur la neutralité religieuse de l'État. On fait perdurer, exister cette neutralité-là parce que c'est important que, dans l'exigence de laïcité, on agisse d'une façon neutre, en plus que les personnes qui sont en situation d'autorité ne portent pas de signes religieux et que les institutions appliquent le concept de laïcité.

Mme Robitaille : À l'article 3, est-ce qu'on exige des gens qui composent ces différentes institutions là... c'est qu'ils respectent la neutralité de l'État, le concept de neutralité de l'État, qui est un peu notre laïcité à la québécoise, là, jusqu'à maintenant, avant l'arrivée du projet de loi?

M. Jolin-Barrette : Non.

Mme Robitaille : O.K., expliquez-moi.

M. Jolin-Barrette : Non, neutralité, c'est différent. Laïcité, c'est différent. Laïcité, ça n'existe pas. Neutralité religieuse, c'est dans le cadre du projet de loi n° 62. Bon, à l'article 2, O.K., c'est la définition de la laïcité, tandis que le devoir de neutralité, c'est l'obligation pour les personnes, pour le fonctionnaire, donc ça s'applique à l'institution, la laïcité. Mais le devoir de neutralité aussi est imposé aux fonctionnaires, aux personnes.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Mais certains nous dirons... j'ai déjà entendu : La laïcité à la québécoise, à la canadienne, égale neutralité de l'État.

M. Jolin-Barrette : Bien...

Mme Robitaille : Pourquoi vous riez, M. le ministre?

• (17 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Bien, parce que je ne veux pas qu'on... je ne voudrais pas qu'on retombe dans le même débat qu'on a eu tout à l'heure en lien avec votre amendement. Et, par les propos de la députée de Bourassa-Sauvé, M. le Président, c'est comme si on souhaitait ramener la discussion par rapport à la laïcité à la canadienne versus la laïcité à la québécoise parce qu'au Canada...

Mme Robitaille : J'aimerais ça intervenir.

Le Président (M. Bachand) : Oui, Mme la députée.

Mme Robitaille : Bien, la laïcité à la québécoise, là, jusqu'à maintenant, là, hein, bien, certains juristes vous diraient, M. le Président, que c'est en fait la neutralité de l'État. Les cours, la jurisprudence, les lois qui ont abouti, là, dans ce contexte-là forment une espèce — et, encore une fois, c'est dans les mémoires, et tout ça — forment un concept de laïcité.

Ce qui est bien, c'est que, là, le projet de loi n° 21 les codifie. Donc, il y a une codification, et la loi n° 19 circonscrivait... Là, j'ai l'impression qu'on va plus loin avec l'interdiction des signes religieux. En fait, certains juristes disent que cette loi-là, la Loi sur la laïcité, c'est ce qu'on comprenait du projet de loi n° 62, de la loi n° 19, plus l'interdiction des signes religieux. Donc, la laïcité décrite à l'article 2 — et puis ça, on en a parlé amplement, mais c'est important parce que ça revient ici — la laïcité définie à l'article 2, c'est finalement la compilation de notre jurisprudence, et finalement, à l'article 6, on va plus loin. Et la compilation de notre jurisprudence, c'est peut-être la... c'est cette loi n° 19, là, non? Qu'on codifie?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, non, pas du tout. Pas du tout, pas du tout, pas du tout. On a eu beaucoup de discussions là-dessus hier. Ce qui existait au Québec, c'était la neutralité religieuse de l'État, point. Frette, nette, sec. Juste ça. Au Canada, les tribunaux interprétaient la neutralité religieuse de l'État. La laïcité, c'est un nouveau concept. J'ai expliqué quels étaient les principes associés à la laïcité de l'État, mais, notamment, le critère le plus important étant la séparation de l'État et des religions. Dans le cadre de la neutralité religieuse, c'est le comportement notamment du fonctionnaire, le fait d'agir d'une façon neutre. Alors, c'est bien important de voir que 3 s'applique aux institutions, «neutralité religieuse» s'applique aux personnes qui sont chargées de l'application.

Et là je reviens sur ce concept-là. La laïcité, là, ça n'existe pas jusqu'à tant qu'on adopte le projet de loi sur la laïcité. Il y avait la neutralité, mais nous, on incorpore un nouveau concept de la laïcité. Et la séparation de l'État et des religions, ça, c'est la laïcité, c'est le critère fondamental. Et ce qu'on dit à 4, c'est que la laïcité de l'État, ça exige ça, mais ça exige aussi que les personnes en situation d'autorité ne portent pas de signes religieux lorsqu'elles sont visées, et ça exige également la neutralité religieuse de l'État.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Je ne veux pas refaire le débat qu'on a déjà fait, mais la laïcité... il y a toutes sortes de laïcités. Il y a la laïcité ouverte et, le ministre le disait encore tout à l'heure, la laïcité fermée. La laïcité ouverte, c'est notre État de droit, c'est l'état du droit actuellement chez nous, et la différence que le projet de loi fait, c'est qu'on ajoute l'interdiction du port des signes religieux.

M. Jolin-Barrette : M. le député de Saint-Jean veut intervenir.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Oui. Je voulais juste dire que la députée a tout à fait raison, il y a la laïcité ouverte, la laïcité fermée, la laïcité ceci, cela, et dorénavant, une fois qu'on aura adopté tout ça, qu'on ira au salon bleu, il y aura, si je ne me trompe pas, M. le ministre, la laïcité québécoise.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Certains vous diront : Il y a déjà une laïcité québécoise qui émane de... Oui. Est-ce que le ministre... Est-ce que mon collègue de...

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, je m'occupe de la présidence. Allez-y, allez-y, je regarde.

Mme Robitaille : Il y a déjà une laïcité québécoise qui émane de notre jurisprudence, et tout ça, mais là le ministre nous dit : C'est une laïcité plus. C'est cette laïcité-là, mais plus, plus l'interdiction des signes religieux parce que... Oui, allez-y.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je ne sais pas comment le dire.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : De faire attention à comment le dire?

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, on m'invite à faire attention, M. le Président, à dire que la laïcité, dans nos lois, ça n'existe pas, hein? On est là justement pour ça, ensemble, projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État.

Ça n'existe pas, le concept de laïcité au Québec, au Canada. Jusqu'à ce jour, jusqu'à tant que le gouvernement de la CAQ dépose un projet de loi sur la laïcité de l'État et le fasse adopter, incessamment, je l'espère, incessamment, eh bien, ça n'existe pas, ce concept-là. En fait, ça peut exister parce que le Parti libéral nous dit : Ça existe déjà, la laïcité. Ça n'existe pas en droit. Ce qui existe en droit, c'est la neutralité religieuse de l'État. Mme Vallée, alors qu'elle était ministre de la Justice, elle a fait adopter le projet de loi n° 62 sur la neutralité religieuse de l'État, mais elle avait l'occasion de dire laïcité de l'État et elle ne l'a pas fait, et le gouvernement libéral ne l'a pas fait. Alors, ça n'existe pas.

Et, M. le Président, vous me permettrez de citer un auteur que la députée de Bourassa-Sauvé, je pense, aime beaucoup, Me Pierre Bosset. Et lui, il dit : «...ni au Québec ni au Canada, la laïcité n'est un concept juridique normatif[...]. C'est plutôt le concept de neutralité qui, du point de vue juridique, régit les rapports entre l'État et les religions.» Il a écrit ça en 2018.

Alors, moi, je réfère la députée de Bourassa-Sauvé aux écrits de Me Pierre Bosset là-dessus et je pense que moi, je l'ai dit, que la laïcité puis la neutralité, ce n'était pas la même affaire. Si la députée de Bourassa-Sauvé ne veut pas me croire, peut-être voudra-t-elle croire Me Bosset, qui est un auteur et qui est avocat.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : C'est que certains avocats disent que c'est un peu un effet de toge, en fait, qu'il y a cette neutralité-là de l'État. Oui, elle n'est pas codifiée comme étant laïcité, mais, en fait, la neutralité de l'État, c'est ce qu'on peut appeler la laïcité québécoise. Elle n'est pas codifiée comme telle, cette laïcité-là, mais c'est une laïcité que certains peuvent juger d'ouverte ou considérer comme ouverte, mais c'est qu'en plus, là, on ajoute l'interdiction de porter des signes religieux. C'est juste ça. Donc, en fait... Et là on parle de l'article 3, qui est basé sur l'article 2. L'article 2 définit la laïcité, puis là on ajoute un autre élément à la laïcité, l'exigence de respecter l'interdiction de porter des signes religieux. C'est ça qui est différent. C'est ça qui est différent, j'ai l'impression. Non?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, la laïcité, à ce jour, ça n'existe pas. Quand la députée de Bourassa-Sauvé nous dit : Écoutez, la neutralité, c'est la laïcité québécoise, non, non, non, c'est la neutralité religieuse de l'État, point.

Écoutez Pierre Bosset encore : «...le droit québécois ne peut se référer au concept, par ailleurs polysémique, de la "laïcité". En effet, notre droit n'a jamais fait sien ce concept[...].

«Au Canada, la laïcité, à proprement parler, ne fait pas partie du vocabulaire constitutionnel.» Le droit québécois, et canadien, ne contient pas de notion juridique de la laïcité.

Bien, écoutez, là, Pierre Bosset, il le dit : Au Québec, il y avait juste de la neutralité. Maintenant, on passe vers un régime de laïcité. La laïcité, ce n'est pas la même chose que la neutralité. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Pierre Bosset. Je ne peux pas être plus clair que ça, M. le Président, là.

Le Président (M. Bachand) : Et, sur ce, compte tenu de l'heure, la commission va suspendre ses travaux jusqu'à 19 h 30. Merci infiniment.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 19 h 33)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonsoir et bienvenue. La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande bien sûr à toutes les personnes présentes dans la salle de bien éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie ici afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 21, la Loi sur la laïcité de l'État.

Lors de la suspension de nos travaux, cet après-midi, les discussions portaient sur l'article 4.

Cela dit, j'aurais besoin d'un consentement, avant de débuter, pour autoriser le... accueillir le député de René-Lévesque en remplacement du député de Rimouski. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Bachand) : Consentement avec plaisir, à ce que je peux voir. Alors donc, interventions sur l'article 4? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. On parlait de l'article 4, on disait... en fait, je disais que plusieurs juristes avaient dit qu'il y avait cette notion-là de neutralité religieuse ou neutralité de l'État qui fait partie de notre jurisprudence. Et certains l'ont qualifiée... ce n'est pas dans une loi, c'est sûr, mais certains ont qualifié ça de laïcité québécoise, ils l'ont identifiée comme ça. On disait : Il y a cette idée de neutralité religieuse qui équivaut à cette laïcité québécoise là, et l'article 4 vient juste ajouter quelque chose qui est l'interdiction de signes religieux.

J'ai trouvé un extrait de Me Lampron, dans son mémoire, qui dit exactement ça. Me Lampron, à la page 9, premier paragraphe, il dit : «D'un strict point de vue juridique, l'on peine à [croire] en quoi la simple référence à un terme dont la portée est aussi polysémique que celui de "laïcité" représenterait — en elle-même — une avancée ou un changement aux principes qui sont déjà applicables en droit public québécois. Cette impression nous semble être renforcée par une comparaison entre les règles qui sont actuellement applicables au Québec pour opérationnaliser la séparation du religieux et de l'État et les "quatre principes" en fonction desquels l'article 2 du projet de loi n° 21 propose de définir la "nouvelle" laïcité de l'État québécois — là, il dit : tous ces principes, sans exception, sont également au coeur de la jurisprudence qui s'applique aujourd'hui au Québec.»

J'ai parlé de cet extrait-là un peu plus tôt dans nos débats, mais c'est important de le ramener ici parce qu'il explique bien cette idée de laïcité québécoise, hein, on dit : «...tous ces principes, sans exception, sont également au coeur de la jurisprudence qui s'applique aujourd'hui au Québec.»

Donc, l'article 2, c'est en fait une consolidation de notre jurisprudence. Et l'article 4 fait un pas de plus, et là exige le respect de l'interdiction de porter des signes religieux. Donc, il y a l'article 2, il y a la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État, tout ça, finalement, c'est ce corpus-là jurisprudentiel de neutralité religieuse et qui forme, d'une certaine façon, cette laïcité québécoise. C'est sûr qu'on ne l'a pas encore... qu'avant la Loi sur la laïcité on ne l'avait pas encore codifiée, mais là elle est là. Et ce qu'on fait, on amène l'article... En fait, la loi amène un autre élément, celui de l'interdiction de porter des signes religieux.

Alors, c'est ce que je voulais dire tout à l'heure. Il y a un commentaire peut-être que le ministre peut... nous donner son opinion. Le rapport, le mémoire de la CDPDJ, page 53, on dit : «L'article 4 du projet de loi n° 21...»

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, je m'excuse...

Mme Robitaille : Oui?

Le Président (M. Bachand) : Les cloches du salon bleu nous appellent. Donc, je vais suspendre, le temps d'aller voter. Merci beaucoup.

La commission est suspendue, s'il vous plaît. Merci.

(Suspension de la séance à 19 h 38)

(Reprise à 19 h 55)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. Je cède la parole à la députée de Bourassa-Sauvé. S'il vous plaît, Mme la députée.

Mme Robitaille : Oui, l'opinion du ministre... Le mémoire de la Commission des droits de la personne, page 53, dit : «L'article 4 du projet de loi n° 21 contrevient d'abord au quatrième principe de la laïcité — la liberté de conscience et la liberté de religion — lorsqu'il prévoit que "la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction de porter un signe religieux prévue au chapitre II de cette loi"...» Alors, je me demandais ce que le ministre en pensait de ça, de cet extrait-là.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, l'article 4, il est très clair, on l'a expliqué tout à l'heure relativement à quelles étaient les exigences de la laïcité, notamment, c'est ce qui est prévu à l'article 3, et également la neutralité religieuse de l'État ainsi que le fait d'interdire le port de signes religieux pour certaines personnes dans le cadre de certaines fonctions.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : Oui, mais le fait que l'article 4, hein... le fait d'interdire un port de signe religieux contrevient à la liberté de conscience et à la liberté de religion. Est-ce que le ministre est d'accord avec ça?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Non. Les quatre principes de la laïcité s'interprètent les uns par rapport aux autres. Donc, les institutions, qu'elles soient parlementaires, gouvernementales et judiciaires, doivent respecter la laïcité. Et on voit à l'article 4 que cette exigence de la laïcité là fait notamment référence aussi au fait que, pour certaines fonctions, en raison des postes particuliers, les fonctions qu'ils occupent en situation d'autorité, certaines personnes dans le cadre de leurs fonctions, durant la prestation de travail, ne sont pas habilitées à porter des signes religieux. Alors, je suis en désaccord avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Mais est-ce que demander à quelqu'un de retirer son foulard, ce n'est pas aller à l'encontre de la liberté de conscience et de la liberté de religion, selon le ministre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Dans le cadre des exigences de la laïcité, c'est prévu que, si vous occupez une fonction particulière, vous ne pouvez pas porter de signe religieux. Et je voudrais simplement rappeler à la députée de Bourassa-Sauvé, on le verra un peu plus loin dans le cadre du projet de loi, qu'il y a une clause de droit acquis dans le cadre du projet de loi. Donc, les personnes qui sont parmi les postes visés et qui portent un signe religieux actuellement pourront conserver leur signe religieux s'ils le souhaitent.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : Mais, bon, le ministre sait très bien que la personne qui décide de porter un signe religieux après l'adoption de la loi devra enlever... ne pourra pas le porter. Est-ce que ce n'est pas... Bien, je pense aux femmes qui sont à l'université et puis qui veulent devenir enseignantes. Le fait de devoir ne pas porter de signe religieux, est-ce que ça ne contrevient pas à la liberté de conscience?

M. Jolin-Barrette : On va le voir un peu plus tard, parce que là, présentement, on est sur l'article 4, mais les exigences rattachées à la laïcité de l'État font en sorte que certaines fonctions particulières, dans le cadre de l'État, requièrent que les personnes ne portent pas de signe religieux.

Mme Robitaille : Donc, il n'y a pas de contradiction, là, entre le quatrième principe de la laïcité, et puis la liberté de conscience, et puis demander à quelqu'un de ne pas porter un signe, interdire le port de signes religieux?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Moi, ce que je dis, M. le Président, c'est que les exigences de la laïcité font en sorte que, dans le cadre de certaines fonctions, il n'est pas possible de porter de signes religieux. Même chose, les exigences de la laïcité exigent que les institutions parlementaires, judiciaires et gouvernementales respectent les quatre principes de la laïcité, les appliquent, et aussi que le principe de neutralité religieuse de l'État s'applique. C'est ce qui est prévu à l'article 4.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée... M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

• (20 heures) •

M. Derraji : J'ai une seule question, mais ça touche toujours presque le même angle, c'est l'applicabilité de l'article. Et je vais lire au ministre un passage de deux organisations que nous avons eu l'occasion de les entendre ici, en commission. La première, c'est la CSDM, il dit... il s'agit de la première partie : «En raison d'enjeux d'ordre éducatif, démocratique, social et organisationnel qui sont intrinsèquement liés à son contexte particulier, la commission scolaire de Montréal ne peut absolument pas souscrire à plusieurs éléments du projet de loi n° 21.»

Donc, je ne vais pas évoquer l'ensemble des éléments, mais l'élément qui nous intéresse dans l'étude de cet article, il s'agit de la première partie de l'article 4 du chapitre I, portant sur l'affirmation de la laïcité de l'État.

Un peu plus loin, il dit : «Compte tenu de sa mission — encore une fois, on parle de la commission scolaire de Montréal — s'oppose pour son personnel à la première partie de l'article 4 stipulant que "la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction de porter un signe religieux prévue au chapitre II de la présente loi"...»

Je sais que le ministre a eu des échanges avec la commission scolaire. Votre réponse, M. le ministre, à des gens à qui, demain, vous serez appelé à leur dire d'appliquer la loi par rapport à cet article.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, le texte, il est très clair, hein? L'article 4, il prévoit qu'«en plus de l'exigence prévue à l'article 3, la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction de porter un signe religieux prévue au chapitre II de la présente loi et du devoir de neutralité religieuse prévu au chapitre II de la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes». C'est ça, l'état de la loi que nous allons voter, et ce sont les composantes de la laïcité.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Bien, je vais aller aussi à la Commission des droits de la personne, toujours par rapport à l'article 4 du projet de loi n° 21 : «...contrevient d'abord au quatrième principe de laïcité — la liberté de conscience et la liberté de religion — lorsqu'il prévoit que "la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction de porter un signe religieux prévue au chapitre II de cette loi [...] par les personnes assujetties à cette interdiction".» Et c'est là l'essence même de ma compréhension à cet article. En quoi l'énoncé de l'article 2 par rapport à la liberté de conscience et la liberté de religion n'est pas en contradiction avec l'interdiction de porter un signe religieux pour certaines personnes? Est-ce que vous ne voyez pas de contradiction?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Non. Les exigences de la laïcité sont très claires. Pour respecter les exigences de la laïcité, c'est ce qui est prévu à l'article 3, et aussi l'interdiction de porter un signe religieux, qu'on va voir un peu plus tard à l'article 6, également les exigences de la neutralité de l'État.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : O.K. M. le Président, ma question, je vais la reposer. «La laïcité de l'État repose sur les principes suivants...» Le quatrième principe, c'est la liberté de conscience et la liberté de religion. On vient, dans l'article 4, dire que... cet article mentionne deux autres des exigences de la laïcité de l'État, soit l'interdiction de porter un signe religieux... Ce que j'essaie de poser comme question, M. le Président, c'est que le ministre m'explique en quoi cette interdiction de porter un signe religieux ne vient pas contredire l'énoncé même de la laïcité de l'État et le principe lui-même de la laïcité de l'État, qui repose sur la liberté de conscience et la liberté de religion. Je veux juste qu'il m'explique son raisonnement comme quoi l'applicabilité de l'article 4 ne va pas à l'encontre de l'énoncé même de la loi du gouvernement sur la laïcité et l'énoncé 4°, la liberté de conscience et la liberté de religion.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, on a vu dans les principes tout à l'heure qu'est-ce qu'était la... bien, en fait, tout à l'heure... Ça fait pas mal longtemps qu'on a vu ça, au début de l'étude détaillée, notamment à l'article 2, sur quels étaient les principes de la laïcité de l'État et comment s'exerçait la laïcité de l'État, les quatre principes. Donc, les principes, ce sont des principes qui visent les institutions et, par leur truchement, les employés qui dispensent les services de l'État. Mais les institutions sont laïques. Donc, le député de Nelligan fait référence au quatrième paragraphe, au paragraphe 4°, relativement à la liberté de conscience et liberté de religion. La laïcité de l'État, elle est là pour garantir aux citoyens leur liberté de conscience et leur liberté de religion. Donc, le fait d'interdire le port de signes religieux pour certains employés qui occupent certaines fonctions en situation d'autorité vise notamment à garantir la liberté de conscience et la liberté de religion des citoyens qui font affaire avec l'État, avec ces agents de services publics là.

Le Président (M. Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.

M. Derraji : ...un citoyen à l'extérieur de l'organisation, de l'institution, une fois qu'il rentre dans une institution, il enlève la casquette du citoyen, il devient un employé de l'État, si je suis ce raisonnement. Donc, l'État doit garantir la neutralité au citoyen, mais ce citoyen, une fois il rentre à l'intérieur de l'institution, il devient un employé de l'État. Il n'est plus citoyen, si j'ai bien compris le raisonnement que vous venez de m'exposer, parce que vous avez dit que l'État doit garantir la neutralité au citoyen. Oui?

M. Jolin-Barrette : Lorsque le citoyen est bénéficiaire de services publics.

M. Derraji : Excellent! Je ne veux pas faire un débat philosophique. La personne qui est dans le service est aussi un citoyen. En quoi...

Une voix : ...

M. Derraji : Oui. Donc, c'est un citoyen citoyen, donc.

M. Jolin-Barrette : Non, non, non. Attention! Il est vrai que ce sont... On ne va pas faire... Comment on dit ça, M. le député de Jean-Lesage, des sophismes?

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Oui, c'est ça. C'est un peu loin, là, mais vous me corrigerez si je ne dis pas la bonne chose, M. le député de Jean-Lesage.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, à la fois le bénéficiaire de services publics et le dispensateur de services publics sont des citoyens, mais les deux ne sont pas nécessairement bénéficiaires de services publics, et l'obligation est visée par les bénéficiaires de services publics. Donc, la personne qui est en situation d'autorité et qui est visée par l'interdiction d'un signe religieux, cette personne-là, elle, c'est un agent de l'État. Dans son rôle de l'agent de l'État, elle ne peut porter de signes religieux si elle est l'une des personnes visées à l'annexe II de la loi. Le citoyen, lui, peut porter des signes religieux, sous réserve d'avoir le visage découvert pour des motifs de sécurité et d'identification lorsqu'il requiert un service public.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Merci, M. le Président. Je pense, c'est là où on voit un peu la divergence d'opinions. J'ai l'impression que le ministre essaie de me vendre un point qui est, selon lui, un peu logique, que l'agent de l'État, il est dépourvu de la citoyenneté, ce n'est comme pas un citoyen. Et un citoyen qui va recevoir le service, lui, la liberté de conscience et la liberté de religion, en fait, les quatre énoncés, là, il peut être en... c'est applicable, mais l'agent de l'État qui donne ce service, on limite un peu sa liberté de conscience et sa liberté de religion. Est-ce qu'il ne voit pas qu'il y a une limite, qu'on limite sa liberté de conscience et sa liberté de religion?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, on va reprendre. Peut-être que la notion de citoyen a brouillé trop de pistes. Je vais reprendre. Un employé de l'État qui offre des services publics et qui est visé à l'annexe II, juge, policier, agent de services correctionnels, enseignant, directeur d'école, procureur, ne peut pas, dans l'exercice de ses fonctions, porter un signe religieux, à moins qu'il bénéficie d'une clause de droits acquis. Le citoyen qui se présente pour recevoir des services publics peut porter des signes religieux pour autant que, lorsqu'il demande le service public, il ait le visage découvert pour des motifs d'identification ou de sécurité. Vous me suivez? O.K.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : J'essaie juste de comprendre la différence entre un agent de l'État et le citoyen parce que je n'arrive pas à séparer les deux. Pour moi, un agent de l'État aussi, c'est un citoyen. Allez-y. J'apprends de vous. Donc, prenez le luxe de m'expliquer. Allez-y. C'est votre loi. J'adore ça.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, est-ce que tous les employés de l'État sont des citoyens canadiens? Je ne le crois pas.

M. Derraji : C'est une question ou c'est une hypothèse?

• (20 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Non, c'est une affirmation, slash, interrogation. Vous pouvez y répondre si vous voulez.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Barre oblique, excusez-moi.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, à vous la parole.

M. Derraji : Ça dépend de quelle interprétation le ministre vise, M. le Président. Est-ce que c'est un citoyen canadien? Ça veut dire qu'on peut trouver un résident permanent, mais un résident permanent a tous les droits comme un citoyen, sauf le droit de vote.

M. Jolin-Barrette : Bon, bien, ce n'est pas un citoyen.

M. Derraji : Bien, un résident permanent, il a les mêmes droits qu'un citoyen canadien, sauf un seul droit, c'est le droit de voter. La seule chose, la seule différence entre un résident permanent et un citoyen canadien, c'est juste voter. Ils ont les mêmes droits.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, ce n'est pas la même chose. On va avoir des gens qui vont demeurer résidents permanents toute leur vie sans jamais faire le processus de naturalisation.

M. Derraji : C'est leur choix, mais ça ne leur enlève pas tous les droits. La seule chose qu'ils n'ont pas, c'est être candidat et voter en élection. C'est la seule chose.

M. Jolin-Barrette : Mais ils ne sont pas citoyens. Alors, à la question que j'ai posée, est-ce que tous les agents de l'État sont des citoyens?, la réponse, c'est non parce que, si des résidents permanents sont des employés de l'État, ce qui est le cas, eh bien, ils ne sont pas des citoyens au sens de citoyens canadiens. Donc, voici la distinction.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan.

M. Derraji : C'est quand même hallucinant qu'au bout de la ligne... intéressant de voir le ministre parler de la citoyenneté. Pour moi, au-delà de la citoyenneté canadienne, bien, il y a des valeurs, il y a l'état civil. Un citoyen, pour moi, ce n'est pas juste le fait qu'il va pouvoir voter, la seule différence. C'est les mêmes droits, M. le ministre. La seule chose qui les différencie, c'est vraiment le droit de vote.

Et, encore une fois, je veux juste revenir à ma question, avec cet article, il mentionne deux autres exigences de la laïcité de l'État, soit l'interdiction de porter un signe religieux pour certaines personnes... Je comprends qu'on va les voir un peu plus tard, mais j'essaie juste de comprendre c'est quoi, la logique qui nous sépare entre un citoyen et un agent de l'État. M. le ministre m'a dit que l'agent de l'État a le devoir de respecter la neutralité de l'État, et donc l'interdiction de porter un signe religieux. Est-ce que c'est ça?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, il faut bien renseigner la commission. Prenons le cas d'un citoyen qui travaille pour l'État, ou d'un résident permanent, ou de quelqu'un en statut temporaire, O.K., un permis de travail temporaire, il travaille pour l'État. Peu importe, là, peu importe votre statut sur le territoire canadien, O.K., vous êtes embauché par l'État québécois. Le député de Nelligan nous dit... On va utiliser le terme «personne». Une personne travaille pour l'État. Le député de Nelligan nous dit : C'est interdit, pour une personne qui travaille pour l'État, de porter un signe religieux. Ça, ce n'est pas vrai. On va le voir à l'article 6. Les personnes qui ne peuvent pas porter un signe religieux, c'est un nombre limité de personnes qui occupent des fonctions particulières : juges, policiers, agents du service correctionnel, procureurs, enseignants, directeurs d'école. Donc, ces catégories d'emplois là ne peuvent pas porter de signes religieux. Tous les autres employés de l'État peuvent porter des signes religieux pour autant qu'ils exercent leurs fonctions à visage découvert.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Excellent! Donc, les agents ou bien le personnel de l'État... On va enlever le mot «agent». L'applicabilité de l'article 4, selon vous, respecte l'article 1 au niveau de la liberté de conscience et la liberté de religion. Vous êtes à l'aise à ce que ces agents ont... O.K., ce personnel d'État que vous avez énuméré maintenant, les enseignants, les juges, les policiers, les directeurs d'école, les adjoints, etc., on s'entend sur le visage découvert, que l'interdiction des signes religieux pour ces personnes respecte les assises de ce qu'on a discuté hier par rapport à la liberté de conscience et leur liberté de religion.

M. Jolin-Barrette : Ça respecte la laïcité de l'État et les principes parce que la laïcité de l'État exige, et on le voit à l'article 4, le respect de l'interdiction de porter un signe religieux prévue au chapitre II, donc à l'article 6. C'est une composante de la laïcité de l'État au bénéfice des bénéficiaires de services publics.

M. Derraji : Oui. Donc, je sais que vous n'aimez pas les exemples hypothétiques, mais, pour mon besoin personnel de comprendre, parce que je trouve ça tellement important, je donne l'exemple d'une femme avec une croyance qui se présente à l'école, qui rencontre la directrice de l'école. Les deux ont les mêmes principes, les mêmes valeurs religieuses ou les croyances religieuses. C'est des citoyennes de l'extérieur de l'institution. L'espace où l'échange se déroule, il est quand même fascinant. Il y a l'extérieur de l'école, où ces deux mêmes personnes peuvent, dans le contexte de la laïcité, bénéficier des quatre assises de la laïcité, où est-ce qu'elles peuvent exprimer leur appartenance religieuse avec un symbole, croix, foulard, kippa, peu importe. Les deux personnes, une avec autorité, l'autre non parce que c'est une citoyenne, une fois elles rentrent à l'intérieur de l'institution physique, une, on lui enlève le droit d'avoir la liberté de conscience et la liberté de religion.

C'est là où moi... Ce n'est pas du sophisme, M. le Président. Moi, je veux juste que le ministre me donne les arguments pour me convaincre aujourd'hui de l'applicabilité sur le terrain et que je ne vais pas, au nom de la Loi sur la laïcité, brimer un droit que lui-même a mis dans la loi par rapport à la liberté de conscience et la liberté de religion. En quelque sorte, à l'extérieur de l'école, j'ai tous mes droits. J'ai la liberté de conscience. J'ai la liberté de religion. Au palais de justice... Je bénéficie de tous mes droits. Ce qui est drôle un peu, je rentre dans un palais de justice, on m'enlève un droit parce que je travaille en tant qu'employé. Je veux juste comprendre que...

Je pense que le ministre, il est à l'aise avec l'énoncé du moment que c'est dans la loi. Mais, techniquement, comment on va expliquer à quelqu'un qui ne nous suit pas, qui n'a pas la même capacité de suivre nos travaux, qui ne comprend pas ça, lui dire demain : Écoute, la directrice d'école que tu vas rencontrer à l'intérieur de l'école, elle doit ne pas porter un signe religieux, mais, quand elle va sortir de l'école, elle a le droit de le porter? Donc, c'est comme... On met un barrage de limiter la liberté de conscience et la liberté de religion entre l'institution et l'espace commun où tous, on opère. Est-ce que c'est ça, l'essence même de l'article 4, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Il y a beaucoup de gens qui sont venus nous rencontrer, M. le Président, en commission parlementaire. Il y a beaucoup de gens, M. le Président, qui sont venus nous rencontrer en commission parlementaire et qui nous disaient : Écoutez, pour les fonctionnaires de l'État, pour les enseignants, c'est interdit de porter des signes politiques. Alors, j'aimerais savoir du député de Nelligan, M. le Président... Quand un enseignant est au travail, il ne peut pas porter un chandail écrit dessus J'aime le Parti libéral ou J'aime la CAQ. Mais je prenais un exemple hypothétique, ça fait que j'aime mieux J'aime le Parti libéral.

M. Derraji : Je te dis, j'ai toujours mes cartes, un certificat de solliciteur sur moi.

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît!

M. Jolin-Barrette : Non, mais c'est un exemple fictif, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre, s'il vous plaît.

• (20 h 20) •

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le député de Nelligan aime les exemples hypothétiques. Alors, le chandail, il ne peut pas le porter durant les heures où il est au travail, mais, à l'extérieur, il peut le porter, M. le Président. Exemple pour exemple.

Le Président (M. Bachand) : M. le député Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Je tiens à rappeler à M. le ministre, M. le Président, que je ne suis pas ministre, et ce n'est pas moi qui dépose la loi. Et, j'en suis sûr et certain, j'ai en face de moi quelqu'un qui maîtrise très bien sa loi, comme il maîtrise, d'ailleurs, le projet de loi n° 9. Donc, je ne vais pas rentrer dans un débat de question-question, mais je vais plus être dans un mode question-réponse parce que, si je pose des questions, M. le Président, je veux juste qu'il me clarifie le fond de sa pensée.

Je vais revenir à ma question et j'essaie juste de trouver le fondement, parce que, si le ministre veut me parler des groupes, je peux énumérer des centaines de groupes, mais, pour le bénéfice de nous économiser du temps, je ne vais pas relater l'ensemble des groupes parce qu'il y en a qui étaient comme... Ce que je suis en train de dire, M. le ministre, qu'ils n'arrivent pas à comprendre comment, dans l'énoncé de la laïcité, où nous sommes d'accord...

Et d'ailleurs nous avons eu cette question hier sur la fameuse chaise avec les quatre pattes. On a dit que les quatre sont au même niveau : la séparation de l'État et des religions, la neutralité religieuse de l'État, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes, la liberté de conscience et la liberté de religion. Moi, j'essaie juste de comprendre comment l'article 4 va respecter l'égalité de tous les citoyens, citoyennes. Prenons le cas de deux personnes, encore une fois, la même chose, même contexte. C'est qu'une fois sur le lieu de travail le ministre, il est à l'aise avec son projet de loi, de dire qu'il respecte l'égalité de tous les citoyens et citoyennes.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, tout à fait.

Le Président (M. Bachand) : M. le député, s'il vous plaît, allez-y. Allez-y, monsieur.

M. Derraji : Je n'ai pas encore terminé, parce que l'égalité des citoyens, il faut attendre l'après. Il y a une virgule, mais il y a l'après. L'après, M. le Président, c'est quoi? C'est l'interdiction de porter un signe religieux. Encore une fois, pour quoi je pose ce genre de question, c'est au niveau de l'applicabilité, si on veut s'assurer d'une meilleure adhésion. Et c'est ça, le souhait du ministre, M. le Président. Le souhait du ministre, c'est que, demain, la loi va être applicable, la loi sera un succès pour avancer au niveau de la laïcité de l'État. C'est ça, ce qu'on souhaite tous, M. le Président, et ce n'est pas un débat philosophique ou du sophisme, comme l'a qualifié M. le ministre, et ce n'est pas des cas hypothétiques, M. le Président, c'est du concret. Et ce concret, il le sait, M. le ministre, parce qu'il a entendu pas mal de groupes venir en commission partager leurs inquiétudes. Et aujourd'hui on veut que ces groupes adhèrent, adhèrent à ce projet de loi et à ce nouveau droit, qu'il qualifie, M. le ministre, que c'est du nouveau droit.

Donc, au-delà d'aller dans des principes et des généralités, les questions, c'est que... Comment, aujourd'hui, l'État et le projet de loi du ministre, qui vise l'égalité de tous les citoyens... Je ne parle pas de la séparation de l'État et des religions. Je ne parle pas de la neutralité religieuse de l'État. Je parle quand on ramène le citoyen à l'intérieur même de l'énoncé et les fondements de la loi : l'égalité de tous les citoyens, citoyennes, la liberté de conscience et la liberté de religion. Mais de qui? Est-ce la liberté de conscience et la liberté de religion des citoyens et non pas des employés de l'État ou bien en position d'autorité et l'égalité de tous les citoyens, citoyennes à l'extérieur des institutions ou à l'intérieur des institutions?

Et c'est là... M. le Président, si le ministre n'a pas de réponse, je le comprends. Aucun problème. Puis, je pense, c'est là où on voit le début de la divergence d'opinions. C'est correct, j'accepte. C'est ça, l'exercice démocratique. Mais je tiens à le rappeler aux gens qui nous suivent que c'est ça, la différence entre le Parti libéral et la CAQ. C'est ça, la différence entre le Parti libéral et le gouvernement qui présente sa Loi sur la laïcité, c'est qu'aujourd'hui le ministre, je lui ai donné l'occasion de m'expliquer en quoi l'interdiction de porter un signe religieux va respecter l'égalité de tous les citoyens et citoyennes. Ce n'est pas de la philosophie, M. le Président. Ces questions, plusieurs personnes posent ce genre de question. Et notre but, en tant que parlementaires, c'est de donner l'occasion au ministre de vendre son projet de loi et de nous convaincre. Et c'est ce que nous sommes en train de faire, M. le Président.

Je comprends que le ministre dit après... soit l'interdiction de porter un signe religieux pour certaines personnes tel que prévu dans l'article 6 qu'on va voir par la suite. Mais encore une fois, je suis désolé, M. le Président, le ministre ne m'a pas convaincu que son projet de loi ne va pas brimer certains droits, mais même, je dirais, même avoir deux classes de citoyens. Et c'est ça qui est un peu dangereux. Vous savez pourquoi, M. le Président, c'est deux classes de citoyens? C'est très clair, c'est deux classes de citoyens, deux classes de citoyens parce que nous sommes en face d'une situation très particulière, que deux personnes, parfois amies ou voisines, rendues à l'entrée de l'institution, une doit lâcher complètement le concept de la liberté de conscience et la liberté de religion. Au nom de quoi? Au nom du nouveau droit que la CAQ nous propose aujourd'hui, que le gouvernement nous propose aujourd'hui. Donc, deux personnes, deux voisines, deux citoyennes, deux résidentes permanentes, le ministre peut les qualifier avec le qualificatif qui l'arrange, je n'ai aucun problème, mais, pour moi, je vois des individus. Je ne vois aucune différence, M. le Président. Et malheureusement le ministre ne m'a pas convaincu que la mise en place et l'applicabilité de cet article 4 va à l'encontre de deux principes de la laïcité. Et le premier principe, c'est l'égalité de tous les citoyens qu'on va brimer, et la liberté de conscience, et la liberté de religion.

Donc, M. le Président, je n'ai pas d'autre question. C'est plutôt le début, vraiment, d'une divergence d'opinions. Nous ne sommes pas d'accord sur ce point. Vous avez vos arguments, nous avons nos arguments. J'ai mes arguments, mais je le fais pour le bénéfice des gens qui nous écoutent. C'est ça, l'essence même de la différence entre nous et votre projet de loi. Je trouve ça dommage, M. le Président, que je n'étais pas convaincu de la réponse du ministre, et qu'on doit retenir que, malheureusement, on va avoir deux classes de citoyens, et que ma tante, qui ne comprend rien de la politique, avec notre voisine, doit expliquer à sa voisine qu'en rentrant dans une institution elle n'a pas le droit à sa pleine liberté de conscience et sa pleine liberté de religion. C'est là où nous sommes, M. le Président.

Malheureusement, je n'ai plus de temps. Mais le ministre peut prendre le temps, parce qu'il a du temps, à m'expliquer et à m'éclairer. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Bien, j'avais le député de Jean-Lesage qui a demandé la parole. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Par rapport à l'article 4, j'ai une question un peu formelle, là, avant d'aller sur le fond. Il semble y avoir une certaine redondance avec l'article 6. C'est peut-être juste une apparence. Mais j'aimerais savoir, au fond, qu'est-ce qui a motivé la création de l'article 4. Qu'est-ce qu'il amène de plus que l'article 6?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Donc, à l'article 4, on indique qu'est-ce qu'exige la laïcité de l'État. Ce sont les exigences prévues à l'article 3, ainsi que l'interdiction du port de signes religieux pour certaines personnes, ainsi que le respect du devoir de neutralité religieuse. Donc, 6, c'est uniquement l'interdiction de signes religieux. À 4, on dit c'est quoi, les exigences de la laïcité.

M. Zanetti : Au fond, s'il y avait une abrogation de l'article 4 ou il y aurait quelque chose qui ne serait pas pareil dans l'application, par exemple?

M. Jolin-Barrette : En fait, on vient définir quelles sont les exigences de la laïcité, quelles sont les composantes de la laïcité.

M. Zanetti : On définit plus précisément l'interdiction des signes religieux.

M. Jolin-Barrette : À 6, oui, avec la liste des fonctions qui sont interdites de porter un signe religieux.

• (20 h 30) •

M. Zanetti : Parfait. Je vous remercie. Je vais y aller plus sur le fond, maintenant. De quelle façon... parce que, pour comprendre la nécessité de cet article-là en regard de la laïcité puis de la protection de la liberté de conscience qui est incluse dans le concept même de laïcité, je voudrais qu'on m'explique comment le port de signes religieux nuit à la liberté de conscience, parce qu'il est assez évident de savoir comment l'interdiction du signe religieux peut nuire à la liberté de conscience et à la liberté de religion, dans le sens... la limite, ça, c'est clair. Je pense que vous l'admettez aussi.

Mais comment le port, lui, du signe religieux vient limiter la liberté de conscience, selon le ministre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. C'est très clair que, dans le principe de laïcité même, au bénéfice des bénéficiaires, c'est d'assurer la laïcité de l'État en fait et en apparence, donc notamment au niveau de la neutralité religieuse de l'État. Pour certaines fonctions très particulières, en raison du pouvoir dont ils sont investis, il est nécessaire que ces personnes-là ne portent pas de signes religieux, parce qu'ils représentent l'autorité de l'État.

Donc, c'est le prolongement de l'État dans le cadre de leurs fonctions, et, en raison de leurs pouvoirs particuliers, la laïcité de l'État exige qu'ils ne portent pas de signes religieux.

Le Président (M. Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Dans les consultations... bien, dans les audiences publiques, on a reçu des gens qui étaient en faveur du projet de loi et qui nous disaient, dans le cas des enseignants, là, allons plus précisément, que le port de signes religieux nuisait à la liberté de conscience des élèves.

Est-ce que le ministre est d'accord avec cette affirmation?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député... M. le ministre, s'il vous plaît. Pardon.

M. Jolin-Barrette : Il y a eu plusieurs personnes qui sont venues donner différents points de vue ici, en commission parlementaire. Le gouvernement croit que l'interdiction du port de signes religieux pour les enseignants, pour les directeurs d'école est justifiée notamment en raison de leur situation d'autorité particulière en lien avec les élèves.

M. Zanetti : Et est-ce qu'un professeur, disons, portant un turban, mais on peut prendre n'importe quel exemple... est-ce qu'il nuit à la liberté de conscience de l'élève?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Pour les personnes qui sont désignées à l'article 6, et nous le verrons, la laïcité de l'État exige qu'elles ne portent pas de signes religieux durant leurs fonctions. Donc, lorsqu'on parle de la laïcité de l'État, on parle notamment de la liberté de conscience et de la liberté de religion des bénéficiaires de services publics, et donc des enfants aussi.

Donc, c'est dans ce souci-là, dans le souci de respecter leur liberté de religion et leur liberté de conscience, il est opportun que certaines personnes qui occupent certaines fonctions ne portent pas de signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions.

M. Zanetti : Et juste pour bien comprendre comment... parce qu'il est très clair... tu sais, mettons, si on disait comment est-ce que l'interdiction d'un port de signes religieux brime la liberté de conscience, la liberté de religion, bien, c'est assez clair, c'est la personne, c'est... elle a choisi ces valeurs-là, choisi ces idées-là, choisi ces pratiques-là. Quand tu l'empêches de le faire, tu limites son choix, tu limites sa liberté de conscience. Mais, dans le cas inverse, ça m'apparaît non démontré.

J'aimerais ça, parce que c'est quand même important... parce que ce qu'on vise, au fond, c'est la protection de la liberté de conscience. Ce que le gouvernement souhaite faire, c'est protéger la liberté de conscience et même la liberté de religion. Alors, il faudrait pouvoir démontrer que l'interdiction du signe religieux est le bon moyen. Or, ce que je constate jusqu'ici, mais, en même temps, on a le temps encore, là, c'est qu'il n'y a pas de démonstration de comment un signe religieux porté par un enseignant, par exemple, dans ce cas-ci, limite la liberté de conscience de l'élève, la liberté de conscience de l'élève étant définie comme la liberté de choisir les valeurs, les idées, les pratiques, les croyances, les façons de mener sa vie.

Alors, comment le professeur portant un signe religieux vient-il limiter ça chez l'élève? Parce que, si on ne peut pas répondre à cette question-là clairement, ça veut dire qu'on a identifié le mauvais moyen dans le projet de loi.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Écoutez, c'est très clair, M. le Président, que les exigences de la laïcité font en sorte que les personnes en situation d'autorité ne peuvent pas porter de signes religieux. C'est le choix que le gouvernement du Québec a fait, et surtout c'est inspiré notamment du rapport Bouchard-Taylor en fonction des situations particulières qu'ils occupent.

Alors, écoutez, M. le Président, je sais que le député de Jean-Lesage était d'accord avec la position du gouvernement il y a quelque temps. Vous me permettrez de référer à un article que lui-même a écrit :

«Pourquoi et jusqu'où interdire les signes religieux?

«L'interdiction du port de signes religieux pour certains fonctionnaires est nécessaire pour maintenir la confiance des citoyens en la neutralité de l'État. Tout le monde s'entend au Québec pour dire que les représentants de la loi — juges, policiers, gardiens de prison, etc. — doivent s'abstenir d'afficher des signes religieux, puisque le fait d'afficher leur appartenance à une religion pourrait les placer en apparence de conflit d'intérêts et semer un doute quant à leur jugement sur certaines questions morales, sociales et politiques sur lesquelles ils ont à intervenir au nom de l'État.

«Contrairement à ce que suggérait le rapport Bouchard-Taylor, les enseignants de l'école publique devraient aussi s'abstenir de porter des signes religieux. En effet, l'école est un lieu d'éducation ouvert où toutes les questions doivent [être pouvoir] posées et toutes les idées, soumises à la critique. Ce n'était pas le cas dans les écoles confessionnelles du Québec avant les années 60. C'était grave. Nous avons sur ce point fait un pas en avant. Il serait dommage de reculer maintenant. Le rôle de l'enseignant est de créer un environnement propice à la liberté de penser. Comment peut-il être crédible dans ce rôle s'il affiche son appartenance à une religion? Créer des conditions dans lesquelles certaines questions sont susceptibles d'être mises à l'écart, sous le couvercle du sacré, va à l'encontre de la mission de l'école. Mettre certaines idées à l'abri de la critique, c'est la fin du dialogue. Cela rend impossibles la rencontre et un débat public sain. C'est une limite claire à l'éducation libre et à la liberté de penser.»

Ce sont vos mots. Ce sont les mots du député de Jean-Lesage, M. le Président. Alors, je pense, c'est un bon résumé.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : J'avais hâte que vous rameniez le texte parce que, dans les derniers contextes où vous l'avez fait, je n'avais jamais le temps de répondre. En période de questions, là, il n'y avait plus de deuxième complémentaire puis, dans les audiences publiques... ça fait que, là, j'étais vraiment...

M. Jolin-Barrette : ...c'est le moment.

M. Zanetti : ...frustré. Mais je vais vous expliquer mon changement de position par rapport à ça et je vais commencer par celui concernant les enseignants.

Il est clair que l'analogie — et j'ai réalisé que c'est la même que faisait, en fait, Guy Rocher — entre le contexte de l'école confessionnelle des années, disons, pré-Révolution tranquille et les signes religieux aujourd'hui que, par exemple, peut porter une enseignante musulmane quelque part à Sainte-Foy, ou à Montréal, ou ailleurs au Québec, et ce sont vraiment... En fait, c'est une fausse analogie.

Alors, l'argument que je soutenais dans ce texte-là, ce n'était pas un sophisme, parce que je n'avais pas l'intention de tromper les lecteurs, mais c'était un paralogisme au sens où c'est un argument qui ne tient pas la route. Et ça ne tient pas la route parce que l'analogie est mauvaise, et je pense que c'est un panneau dans lequel beaucoup de personnes sont tombées, même le célèbre Guy Rocher. Et la différence essentielle entre le contexte de l'école pré-Révolution tranquille et l'école d'aujourd'hui, elle est fort simple. Bien, moi, mettons, ma mère, elle a fait l'école classique, O.K., donc dans ce contexte-là, avec des religieuses, et ses cours de philosophie, c'étaient essentiellement des cours de lecture de Saint Thomas d'Aquin. Et ça, c'était problématique. Tu sais, ce n'était pas Nietzsche, Rousseau, Freud, Marx, qui dit : La religion est l'opium du peuple, ou encore Locke qui appelle à la tolérance, ou d'autres philosophes modernes. Il n'était pas vraiment possible, là, d'aller remettre tout en question.

• (20 h 40) •

Et là où ça fait une différence d'avoir tous ces enseignants... tu sais, essentiellement, qu'est-ce qui était problématique avec l'école à l'époque, est-ce que c'est le fait que les religieuses portaient... il y en avait qui portaient des voiles puis il y en avait qui portaient des croix, puis tout ça. Est-ce que c'étaient les croix ou c'était le fait qu'on leur enseignait, en guise de philosophie, seulement Saint Thomas d'Aquin? Bien, c'était ça, le problème. Et aujourd'hui ce qui serait problématique et ce qui ferait sentir aux étudiants qu'ils ne peuvent pas soulever tous les débats philosophiques et toutes les questions philosophiques possibles, c'est si on ne leur enseignait pas des philosophies, des conceptions du monde différentes, si on leur enseignait, comme certains veulent faire aux États-Unis, le créationnisme plutôt que l'évolution. Et ça, ce serait grave, et ça, ça nuirait au dialogue et à la rencontre.

Mais aujourd'hui, là, les professeurs, les enseignantes, enseignants qui portent des signes religieux, et qui enseignent l'évolution, et qui sont capables d'enseigner les grandes philosophies contemporaines et les conceptions du monde diverses, il y en a plein. Et le fait qu'ils portent un signe religieux n'empêche pas ça. Et, si, par ailleurs, elles étaient incapables, ces personnes-là, d'enseigner des grandes conceptions de l'humain qui sont différentes et puis qui vont en contradiction avec des dogmes religieux, bien, il serait justifié que ces personnes-là soient remises à l'ordre parce qu'il faut qu'on enseigne un contenu qui est neutre du point de vue de la religion, mais le port du signe religieux n'empêche pas ça.

Alors, c'est de la fausse analogie qui sous-tend cet argument que j'avançais dans un texte en 2013, en toute bonne volonté, comme le font, en toute bonne volonté, les gens qui soutiennent le même argument avec la même analogie aujourd'hui, dont M. Guy Rocher. Bien, l'analogie qui est à la base de cet argument-là, elle est fausse. Ce n'est pas deux situations pareilles et ça ne fait pas la même chose. Et le contexte aussi est très différent quand on parle du retour du religieux, là. Parce que ça a beaucoup été mentionné quand on me disait : De quoi vous avez peur? C'est quoi, la menace? Je pense, c'est M. Guy Rocher qui a parlé aussi du retour du religieux, puis je comprends ça. Je ne suis pas en train de dire que M. Guy Rocher avait, je ne sais pas trop, une peur irrationnelle ou quelque chose comme ça, mais c'est parce que c'est très différent, ce qui se passe en ce moment et l'omniprésence, dans la politique, et la société, et la morale publique, de l'Église catholique de l'époque avant la Révolution tranquille.

Avant la Révolution tranquille, là, on était dans une société homogène, presque homogène, pas complètement homogène. Il y avait des protestants et des catholiques, là, bon, etc., puis un peu d'immigration, mais, globalement, c'était très majoritairement, fortement catholique pratiquant, croyant. Et donc le fait que l'école, disons, transmette ces valeurs-là pas juste en apparence, mais surtout dans les faits, ça, c'était problématique, et ça, ça limitait la liberté de conscience, et ça, c'était grave et ça limitait peut-être probablement aussi la liberté de religion. Mais la société dans laquelle on est est une société pluraliste. Le danger du retour d'un religieux hégémonique qui vient, comme une chape de plomb, là, imposer un modèle de société et de conception de la vie bonne à tout le monde, il n'est pas là. Il n'est pas réel, et surtout par rapport à la religion musulmane.

Quel est le pourcentage des musulmans au Québec? Bon, ça tombe mal, je n'ai pas le chiffre avec moi, mais c'est 2 %, 3 %. À 3 %, le retour du religieux, d'une hégémonie de la pensée unique qui recouvrirait et qui nuirait à la liberté de conscience des élèves du Québec, il est poli de dire que c'est exagéré. C'est un euphémisme de dire que c'est exagéré, ce n'est pas réel. Est-ce que, bon, il y a plus de gens qu'avant qui vont porter des signes religieux? Certainement, oui. Et alors? S'ils vivent selon... s'ils donnent des services publics de manière laïque dans les faits, il n'y a pas d'atteinte à la liberté de conscience, en fait.

Et là, bien, vous me donnez aussi l'occasion de revenir sur le cas des agents de l'État. C'est un argument, bien, que j'ai déjà adopté, que je trouvais bon, la question de l'apparence. Et, pour renchérir là-dedans aussi, quand un groupe de policiers qui est venu aux audiences publiques... est-ce que c'étaient les représentants de la SQ? Je ne suis pas certain, mais, en tout cas, sous toutes réserves, ils sont venus nous dire quelque chose comme : Ça va nuire au travail des policiers, si on les laisse porter des signes religieux, parce que... essentiellement, l'argument était le suivant : Dans les contextes d'intervention des policiers, souvent, le soir, quand le monde est chaud, mettons, là, ou en état d'ébriété, pour prendre des termes plus scientifiques, bien, ce n'est pas le meilleur de l'humain qui ressort, puis, des fois, les policiers font face à des préjugés.

Puis l'anecdote que nous donnait le policier, c'était justement des fois quand un collègue policier est noir, bien là, des fois, il faut le retirer de l'intervention parce qu'il se fait agresser de propos racistes. En gros, c'est ça qu'il disait. Puis là ça nuit à l'intervention. Et puis, là, imaginez s'il avait un turban en plus! Ce n'est pas ça qu'il disait exactement mot pour mot, mais, en gros, c'est là que menait l'argument. Alors, ça va nuire à l'intervention, donc il vaudrait mieux qu'il n'y en ait pas.

Mais, si, dans une société dans laquelle on est, là, on fonctionne comme ça, bien, ça va aller jusqu'où? Tu sais, on va-tu dire : Oui, il faudrait peut-être mieux ne pas être noir pour être policier parce que, des fois, ça nuit aux interventions ou ce qu'on devrait faire, c'est d'agir sur les préjugés, même si ce n'est pas facile, même si c'est quelque chose qui se fait à long terme? Et peut-être que ce qui était des préjugés très forts à une certaine époque le sont moins aujourd'hui. Et peut-être que certains préjugés qui sont très forts aujourd'hui le seront moins, à un moment donné, si on travaille en ce sens-là plutôt que d'essayer de cacher l'adversité qui fait partie de notre réalité sociale.

Alors, l'enseignant qui porte un signe religieux, lorsqu'il va mettre un signe religieux, là, bien, ses élèves ne vont pas dire : Il faudrait que je devienne sikh, il faudrait que je devienne musulman. Ils vont se dire : Cette personne-là, qui porte un signe religieux, est un humain qui me veut du bien, qui est généreux, qui m'aide à m'améliorer, qui n'est pas parfait, comme tous les êtres humains, mais qui me veut du bien. Et puis c'est une personne qui, au fait près qu'elle porte un signe religieux, elle est comme les autres. Et ça, il me semble que c'est le socle sur lequel peut se bâtir une société qui se sent unie, qui a un sentiment d'appartenance et qui vit en harmonie. Et il me semble que ça, ça fait reculer les préjugés. Il me semble que ça, ça serait vraiment aller dans une bonne direction, et je pense que ça serait souhaitable.

Et par ailleurs je me souviens, à l'époque, de discussions que j'avais avec des gens qui disaient : Oui, mais là imagine que tu as une situation à Montréal où tu as quelqu'un qui se fait arrêter, puis la personne, là, elle est d'origine palestinienne. Puis là le policier, là, bien, il est d'origine israélienne, puis là il porte un signe religieux ou l'inverse, là, échangez les rôles. Bien là, à cause du conflit qu'il y a en Israël et en Palestine, eh bien, là, il ne va pas avoir confiance qu'il se fait traiter avec justice. Puis là on disait : Regarde, cet exemple-là montre qu'il ne faut pas que ces gens-là portent des signes religieux.

Mais c'est très tiré par les cheveux, d'une part, et ça ne peut pas servir de base, un cas si hypothétique, pour limiter la liberté de conscience et la liberté de religion des gens, d'une part. Il faudrait montrer que ça pose un problème social. Il faudrait montrer que ça pose un tel tort que ça justifie une limitation des droits de la personne. Et, si on faisait cette démonstration, bien, tu sais, on serait ouvert à l'envisager, mais personne n'a fait cette démonstration.

Alors, voilà pourquoi c'est une fausse bonne idée, du point de vue de la laïcité de l'État, de vouloir légiférer sur les signes religieux que portent, d'une part, les personnes en situation d'autorité coercitive et, d'autre part, les enseignants. Alors, je vous remercie, M. le ministre, de m'avoir permis de revenir sur ce texte de 2013. Si vous voulez que je le fasse encore, vous n'avez qu'à le citer encore, et ça me fera plaisir de faire une vidéo avec ça. Je vais prendre la meilleure shot puis je vais l'utiliser pour la répandre.

Alors, pour en revenir à ma question, parce que c'est aussi pour ça qu'on est là, en quoi, comment précisément le port d'un signe religieux par un enseignant limite la liberté de conscience d'un élève?

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

• (20 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, on remercie le député de Jean-Lesage pour ses explications en lien avec sa conversion. Ce que je retiens notamment, M. le Président, c'est que le député de Jean-Lesage n'est pas d'accord avec l'éminent sociologue Guy Rocher, qui, lorsqu'il est venu ici témoigner, M. Rocher a témoigné avec acuité et a fait un historique, a expliqué aussi d'où ça part, la laïcité pour le Québec, le processus de sécularisation. Il a participé à la rédaction du rapport Parent, il a enseigné à l'Université Laval, maintenant il est professeur émérite à la Faculté de droit de l'Université de Montréal. Il a parlé des collèges classiques aussi, tout le processus de sécularisation de la société québécoise. Et Guy Rocher nous dit aussi qu'on est à la bonne place avec le projet de loi.

Et, vous savez, c'est intéressant, quand on a reçu M. Bouchard, M. Rocher, M. Taylor, des grands intellectuels québécois... mais, voyez-vous, le projet de loi s'inspire de ce que M. Bouchard et M. Taylor ont fait, avalisé par M. Rocher aussi. Alors, il y a plusieurs personnes qui sont venues nous dire que le port de signes religieux, notamment à l'école, est attentatoire à la liberté de conscience et de religion des élèves. Et c'est le choix du gouvernement du Québec, d'interdire le port de signes religieux pour les enseignants qui sont en situation d'autorité.

D'ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme a avalisé aussi une telle disposition que la France avait.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : La Suisse, pardon, la Suisse. Alors, voyez-vous, il y a certains États dans le monde qui ont interdit le port de signes religieux pour les enseignants, et le Québec développe sa propre laïcité et n'est pas l'unique nation à agir en ce sens-là. Et je pense que c'est légitime, pour la nation québécoise, d'interdire, pour certaines personnes dans le cadre de leurs fonctions, pour des postes très précis, le port de signes religieux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Donc, le fait que d'éminents sociologues ou intellectuels appuient une idée ne fait pas d'elle nécessairement une bonne idée. C'est ce qu'on appelle un argument d'autorité. En science, on peut dire ça si, par exemple, dans le cas des changements climatiques, 97 % des scientifiques du climat sont d'accord que l'humain a un impact sur les changements climatiques. Bien là, ce n'est pas un argument d'autorité de dire : La communauté scientifique s'entend là-dessus.

Mais, dans le cas du débat sur l'interdiction des signes religieux, on est loin d'une unanimité de 97 % chez les gens qui étudient ça, quelle que soit la discipline dans laquelle ils le font. On est loin d'une telle unanimité et d'une telle possibilité de consensus. Alors, on ne peut pas dire, parce que Guy Rocher, et tout ça, est d'accord, et Gérard Bouchard, pour ce qui est non pas des enseignants mais des personnes en position d'autorité coercitive, donc que c'est nécessairement... Je veux dire, ça peut être une bonne position, mais il faut que ça soit soutenu par des arguments, et l'argument d'autorité, lorsqu'il est fait dans l'intention de tromper, c'est un sophisme. Là, lorsqu'il est fait de bonne foi et par erreur, c'est un paralogisme.

Et, d'autre part, quand on dit : D'autres États le font, bien, si l'argument, c'est : D'autres États le font, donc on peut le faire, et c'est bien qu'on le fasse, bien, on appelle ça un appel à la majorité. Et ce n'est pas parce que beaucoup de monde disent qu'une affaire est bonne qu'elle est bonne. À une certaine époque, beaucoup de monde aurait dit : La terre a été créée en sept jours. Il y a des créationnistes, ces gens-là n'avaient pas raison pour autant. À une certaine époque, la majorité du monde disait : La terre est plate et au centre de l'univers, et ça n'en faisait pas une vérité pour autant. Donc, on ne peut pas dire : Parce que d'autres pays le font, surtout que ce n'est pas la majorité des pays du monde, à ce que je sache, que ça fait de cette position une question... une bonne position.

Et par ailleurs je repose ma question parce qu'elle ne trouve pas de réponse jusqu'ici. Comment, précisément, le port d'un signe religieux par un enseignant limite la liberté de conscience d'un élève?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, on me dit : On ne peut pas se servir de l'argument d'autorité. Sur la laïcité, il y a plusieurs auteurs qui se sont prononcés, notamment, supposons, sur la définition des concepts. Le député de Jean-Lesage a voté en faveur de la définition de la laïcité. Là, ce que les auteurs disaient, c'était correct, c'est ce que je comprends.

Maintenant, on se retrouve dans une situation où il n'est pas en accord avec Guy Rocher. C'est son choix. Cependant, le député de Jean-Lesage a aussi changé d'idée, et lui-même, on pourrait le citer comme une autorité parce qu'il a fait des publications. Ah! il n'a pas cette prétention-là. O.K., d'accord. Bien, on ne le fera pas. Cela étant dit, il est manifeste que les enseignants, dans le cadre de leur relation avec les élèves, représentent une figure d'autorité, représentent un modèle, représentent une figure particulière. Et donc, pour la laïcité québécoise, il est justifié de faire en sorte que ces personnes, dans le cadre de leurs fonctions, ne portent pas de signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, il vous reste 1 min 40 s. La parole est à vous.

M. Zanetti : O.K. La grosse différence, là, je pense, c'est que souvent on a l'impression, tu sais... Bon, on dit : L'enseignant est une figure d'autorité. Je comprends. Je comprends, mais, s'il n'enseigne pas ses convictions, s'il n'enseigne pas ces choses-là, qu'il enseigne ce que le programme dit, d'une part, et que, d'autre part aussi, il se retrouve comme étant une personne parmi tant d'autres dans l'entourage d'un jeune qui vit, par ailleurs, dans une société pluraliste, bien, il est très invraisemblable qu'un prof qui porte un signe religieux amène une oppression à un étudiant... à un élève tel qu'il se sente non libre de choisir librement les valeurs et les façons dont... les croyances dont... les façons dont il va décider de vivre sa vie.

C'est ça que je trouve dommage, c'est que, sur la base de cet argument-là, au nom de la liberté de conscience, on n'est pas capable de démontrer qu'il y a une atteinte et, en même temps, bien, pour ça, on va limiter les droits de la personne. Alors, voilà mon commentaire sur le sujet pour maintenant.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Interventions? Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Fort intéressant, l'échange qui vient d'avoir lieu. Quelques petites questions simples pour commencer. J'aimerais savoir si... M. le ministre, est-ce que vous avez prêté serment sur la Bible quand vous avez été assermenté comme ministre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je crois bien que j'ai fait une affirmation solennelle.

Mme Montpetit : Vous n'avez pas prêté serment sur la Bible.

M. Jolin-Barrette : Non, j'ai fait une affirmation solennelle.

Mme Montpetit : Vous pouvez m'affirmer qu'il n'y avait pas la Bible sur votre lutrin au moment où vous avez prêté serment comme ministre?

M. Jolin-Barrette : Moi, j'ai fait une affirmation solennelle.

Mme Montpetit : Donc, vous m'affirmez qu'il n'y avait pas... vous me confirmez qu'il n'y avait pas de Bible sur le... vous n'avez pas mis la main sur la Bible au moment où vous avez prêté serment comme ministre?

M. Jolin-Barrette : Moi, je vous confirme que j'ai fait une affirmation solennelle. Est-ce qu'il y avait la Bible? Je n'en ai aucune idée. Mais je peux vous dire que je n'ai pas juré, parce que vous savez qu'il y a deux serments qui sont possibles lorsque vous prêtez...

Mme Montpetit : ...ma question, M. le ministre.

Le Président (M. Bachand) : On va laisser le ministre... le ministre va répondre. S'il vous plaît, M. le ministre.

Mme Montpetit : C'est parce que je...

M. Jolin-Barrette : Wô! On va se calmer, tout le monde ici, hein?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, la parole est à vous. M. le ministre, vous avez la parole.

Mme Montpetit : On est très calmes, M. le ministre. Je sais très bien que vous allez m'expliquer qu'il y a deux types de serments...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre a la parole. M. le ministre, vous avez la parole. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Moi, M. le Président, pour le reste de la soirée, je suis disposé à répondre aux questions. Cela étant dit, il faut bien que j'aie le temps de répondre aux questions. La question était : M. le Président, lorsque le ministre a prêté serment comme ministre, a-t-il prêté serment sur la Bible? Telle était la question. J'ai répondu à la députée de Maurice-Richard : J'ai fait une affirmation solennelle, je n'ai pas utilisé le serment qui dit : Je jure.

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Ah! bien, j'aimerais que la députée de Maurice-Richard dise dans le micro ce qu'elle vient de dire hors micro.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard, vous avez la parole, s'il vous plaît.

• (21 heures) •

Mme Montpetit : M. le Président, j'aimerais ça que chaque échange qui se passe avec le ministre ne se transforme pas à chaque fois en match de boxe, comme l'a mentionné ma collègue juste avant moi. J'essaie, là... Je ne sais même plus quel ton prendre avec vous. Je vous pose une question qui est très simple. Est-ce que, lorsque vous... Il n'y a pas de question piège, là. Je vous pose une question très simple : Est-ce que, quand vous avez prêté serment, vous aviez la main sur une bible, oui ou non? Je ne vous demande pas la nature du texte que vous avez lu, je vous demande juste : Est-ce que vous aviez la main sur une bible, oui ou non, comme ministre?

Le Président (M. Bachand) : ...bon échange, on pose une question et on laisse la personne répondre. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Jolin-Barrette : Je n'en ai aucune idée, je ne me souviens plus.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je vous confirme que vous aviez la main sur une bible quand vous avez prêté serment comme ministre. Ma question, puis ce n'est pas... je n'allais pas dans une question piège. Vous l'avez fait comme plein d'entre nous, comme plein de députés l'ont fait quand ils ont prêté serment, comme plein de ministres l'ont fait quand ils ont prêté serment. Il y a habituellement, à moins que vous ayez demandé volontairement qu'elle ne soit pas sur le lutrin, il faut en avoir fait la demande... la Bible se retrouve sur le lutrin.

Est-ce que ça vous... vous avez eu l'impression... peut-être que vous ne vous en rappelez pas, donc je présume que la réponse sera non à ma question. Est-ce que ça a affecté votre liberté de conscience dans vos décisions comme député, comme législateur, comme ministre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre. Je rappelle qu'on est à l'article 4, mais, M. le ministre, vous avez la parole, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Non, parce que, savez-vous quoi, j'ignorais même qu'il y avait une bible sur le lutrin.

Mme Montpetit : ...l'extrait. Il y a toujours une bible sur le lutrin, vous retournerez voir l'extrait, c'est public. Il y a toujours... C'est comme ça, à moins que vous ayez demandé qu'elle ne soit pas là, puis, de toute évidence, vous ne l'aviez pas demandé, parce qu'elle était là. Mais le propos n'est pas là, de toute façon. Ce que je voulais savoir, c'est que, de toute évidence, vous jugez... vous ne vous en rappelez pas. Donc, ce n'est pas un grand enjeu. Ça n'a pas affecté votre liberté de conscience.

C'est parce que je m'en vais sur toute la question des signes religieux, là. Comme je vous dis, là, prenez ça avec... mettez-vous pas sur la défensive, là, je m'en vais spécifiquement sur la définition de qu'est-ce qu'un signe religieux. Donc là, on met la table.

M. Jolin-Barrette : M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : Monsieur... Non, M. le ministre, la députée a la parole. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président, c'est gentil.

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : On est présentement sur l'article 4. La députée de Maurice-Richard nous dit qu'elle veut parler de signes religieux, la définition de signes religieux. Or, on va parler de signes religieux à l'article 6.

Le Président (M. Bachand) : Monsieur... Je vais céder la parole à la députée de Maurice-Richard. Depuis le début de... comme vous le savez très bien, on passe d'un article à l'autre. L'important, c'est de rester dans le fond et la forme du projet de loi. Alors, Mme la députée, vous avez la parole, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bien, je pense qu'on va parler de signes religieux dans l'article 4, où nous sommes, parce que... je vais le lire, peut-être, pour mémoire, mais il écrit... l'article 4, qui dit : «En plus de l'exigence prévue à l'article 3, la laïcité de l'État exige le respect de l'interdiction de porter un signe religieux...» Donc, je pense qu'on est bien en ordre quand on parle de signes religieux dans l'article 4.

Puis j'aimerais ça que cet échange se passe bien. C'est vraiment pour... c'est pour comprendre la suite des choses, de ce qu'il entend, parce qu'il n'y a pas d'annexe. Puis on y reviendra, j'en suis, à l'article 6, mais il est quand même question d'un signe religieux ici. Puis je note aussi, je note que c'est quand même, on se faisait le commentaire tout à l'heure, que c'est quand même particulièrement ironique d'avoir ces échanges sous un blason qui dit Dieu et mon droit. Donc, je ne sais pas si ça, entre autres, le ministre considère que c'est un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on ne fera pas un quiz ce soir. Alors, moi, je suis disposé à répondre sur les interventions sur l'article 4.

Mme Montpetit : Bien, je suis sur l'article 4, M. le Président, qui parle de l'interdiction de porter un signe religieux. Donc, encore faut-il qu'on puisse discuter de la nature d'un signe religieux. Je suis exactement sur l'article 4.

Le Président (M. Bachand) : Je vous laisse libre de poser vos questions et je laisse libre le ministre d'y répondre à sa façon.

Mme Montpetit : Alors, je repose la question au ministre : Est-ce qu'il considère que Dieu et mon droit, c'est une évocation religieuse? Est-ce que c'est un signe religieux?

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

M. Jolin-Barrette : Un signe religieux, M. le Président, c'est un signe religieux au sens commun des choses.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Et je dois chercher sens commun des choses dans le dictionnaire ou il y a une définition plus précise de ce qu'est un signe religieux?

M. Jolin-Barrette : ...commun.

Mme Montpetit : Est-ce que c'est un signe quand est écrit le mot «Dieu» dessus?

Le Président (M. Bachand) : Je vais vous demander, je l'avais soulevé hier aussi, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, sûrement des milliers de personnes, de vous donner un petit temps d'attente. Tu sais, normalement, vous êtes supposés de vous adresser à la présidence, ce qui donne le temps d'attente aux gens pour s'ajuster. Alors, s'il vous plaît, donnez la chance à la personne de poser la question puis à la personne d'y répondre. Mme la députée, s'il vous plaît, pardon.

Mme Montpetit : Avec grand plaisir. Merci de le rementionner, M. le Président. Et c'est de toute façon des échanges, je pense, fort importants pour la suite des choses, d'avoir des réponses à ça.

Donc, je ferai bien attention de laisser le temps pour que nos... les informations puissent être captées dans le micro. Donc, je repose ma question, en fait, M. le Président. Ce que j'aimerais savoir, c'est que le ministre puisse nous indiquer si ce qui se tient au-dessus de votre tête si joliment, Dieu et mon droit, est-ce que c'est un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : À ma connaissance, c'est la devise de la monarchie britannique.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Et c'est la devise, je suis sûre que notre ministre, qui nous a donné une leçon d'histoire fort intéressante hier — est-ce que c'était hier, on a commencé hier, hein, les journées sont bien longues, on en perd la notion du temps — doit évidemment savoir que, oui, c'est le signe de la monarchie, le blason de la monarchie britannique depuis, si je ne me trompe pas, Henri V, qui, lors de ses affrontements avec Charles VI, voulait démontrer sa suprématie et souhaitait mettre à l'honneur les droits divins. Donc, il y a quand même un lien avec Dieu, et c'est pour ça qu'il est écrit «Dieu» dessus.

Donc, je repose ma question : Dans le sens commun, comment dois-je interpréter, comment nous devons interpréter et comment les gens qui auront à appliquer cette loi devront interpréter le signe religieux?

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

Mme Montpetit : Ce n'est pas si évident que ça. Encore là, je ne le sais pas, l'idée, ce n'est pas un piège, là. Je comprends que le sens commun a l'air d'être quelque chose de très clair, mais, de toute évidence, ce n'est pas très clair, à voir toutes les jurisprudences qu'il y a à l'international sur ces questions-là.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je serais curieux de savoir à quelle jurisprudence réfère la députée de Maurice-Richard. Et, si elle peut nous déposer ici séance tenante la jurisprudence à laquelle elle fait référence, ça pourrait nous aider dans le cadre de nos échanges.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, oui.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Je pense qu'à l'heure actuelle ce dont on discute, c'est de l'article 4 du projet de loi du ministre. Donc, ce que je veux savoir, c'est comment le ministre lui-même interprète le mot «signe religieux» au sens de sa propre loi qu'il nous dépose.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, moi, je me sens grandement interpelé par la députée de Maurice-Richard parce qu'elle dit : Dans le monde entier, il y a plusieurs jurisprudences. Alors, on invoque ça ici, dans le cadre de nos discussions. Pour pouvoir bien commenter, j'aimerais avoir la jurisprudence à laquelle elle fait référence.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je suis certaine que l'équipe de juristes qui vous accompagne, j'espère, je le souhaite, a déjà fait cet exercice. Le fond et le coeur de votre projet de loi reposent sur cette question-là, de qu'est-ce qu'un signe religieux. Donc, je présume que l'exercice a déjà été fait et que vous avez toute cette jurisprudence entre les mains. Et, si vous ne l'avez pas, c'est peut-être un peu inquiétant, d'ailleurs. Mais j'en reviens à votre propre projet de loi parce qu'au Québec il est question présentement de ce projet de loi, avec votre interprétation de signe religieux. Et, à l'heure actuelle, je ne suis pas en mesure, moi, et je ne suis pas habilitée à en faire l'interprétation. Et je souhaiterais que vous puissiez nous éclairer, dans le cadre de l'article 4, sur comment on doit interpréter le terme «signe religieux».

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'y tiens vraiment beaucoup. La députée de Maurice-Richard dit : Écoutez, la jurisprudence dit ça relativement à la définition de signe religieux. J'aimerais savoir à quoi elle réfère. Pour que je puisse bien répondre à sa question, ça me prendrait les informations. Alors, qu'elle nous cite ce à quoi elle fait référence, et on pourra avoir cette discussion-là.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je comprends que le ministre ne veut pas répondre. On peut jouer à ça toute la soirée, mais après ça il sera bien en peine de nous dire, la semaine prochaine, ou demain, ou quand il ira faire son prochain point de presse, que l'opposition obstrue les travaux et ne nous permet pas d'avancer. Donc, je l'invite à parler à ses juristes ou à googler «signe religieux», puis il va trouver ça en deux minutes. Ce n'est pas très compliqué. Moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir l'intention du législateur, c'est les propos de nos travaux ce soir comme parlementaires. Et je vous repose ma question : Est-ce que, par exemple, et je donne cet exemple-là, j'en aurais d'autres, est-ce qu'un blason sur lequel il est écrit le mot «Dieu», au sens de la loi qui nous occupe, est un signe religieux?

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Je suis persuadé, convaincu que la députée de Maurice-Richard veut savoir l'intention du législateur. Je sais avec quel sérieux elle prend nos travaux parlementaires, M. le Président.

Alors, un signe religieux, hein, M. le Président, c'est au sens commun du terme, que ça soit une croix, une kippa, un hidjab, une burqa, selon le sens commun, un chapelet, un col romain.

• (21 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, oui, allez-y.

Mme Montpetit : Donc, je comprends que... Bien, en fait, non, je ne peux pas tirer de conclusion. Est-ce que... Donc, je répète ma question. Vous avez fait ce travail-là, de toute évidence, en amont du dépôt du projet de loi. Donc, je vous repose la question. Il va falloir que vous nous clarifiiez ces questions. Il va falloir... Il va y avoir plein de cas qui vont arriver. Vous avez une responsabilité, comme législateur, de nous éclairer. Et là je sais que vous nous répondrez, dans d'autres cas, que vous ne voulez pas tomber dans de l'anecdotique, mais, je veux dire, il va falloir des définitions, il va falloir que vous puissiez nous éclairer par oui ou par non.

Alors, je vous repose ma question. Est-ce que ce qui siège juste au-dessus de notre tête, est-ce que c'est un signe religieux ou non?

Le Président (M. Bachand) : Intervention, M. le ministre?

M. Jolin-Barrette : Savez-vous ce qui est intéressant, M. le Président? La députée de Maurice-Richard semble oublier qu'elle fait partie du législatif. Elle-même, en sa qualité ce soir, est législateur. Donc, elle dit : M. le Président, le ministre, c'est le législateur. Bien, j'ai des nouvelles. La députée de Maurice-Richard aussi fait partie du législateur ce soir. Donc, il y a une responsabilité partagée.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Et ma responsabilité là-dedans, c'est de clarifier l'intention du ministre. Donc, je repose ma question. Est-ce que c'est un symbole? On peut jouer à ça toute la soirée, là. Le mot «signe religieux», il va falloir que vous le définissiez. Est-ce que c'est un signe religieux ou pas?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, les signes religieux, c'est dans le sens commun des choses. J'ai donné des exemples : un col romain, une croix, une kippa, un turban, ce sont des signes religieux. Le sens commun des choses.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Donc, le sens commun des choses, le mot «Dieu» est, je pense, de toute évidence, sans ambiguïté, relié à la religion.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, intervention?

M. Jolin-Barrette : Non.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Donc, je comprends que sa réponse, c'est oui? Moi, dans le sens commun de l'éducation que j'ai reçue, le mot «Dieu», sans ambiguïté, est relié à la religion et à plusieurs religions, qui plus est.

Le Président (M. Bachand) : ...députée, vous avez la parole, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : D'accord. Vous savez, on va avoir un enjeu, hein, si on n'arrive pas à définir le signe religieux, puis ce ne sera pas juste ici, là. C'est des conséquences assez importantes pour les gens qui devront interpréter et appliquer cette loi. Donc, on aura certainement l'occasion d'y revenir.

Toujours sur cette question-là de signes religieux, est-ce que vous considérez qu'un signe religieux est seulement un signe physique ou ça peut être, encore là... parce qu'il y a différentes interprétations qui ont été faites dans différentes lois, dans différentes juridictions, qui peut être un comportement aussi. Ce n'est pas nécessairement seulement un signe physique.

Donc, est-ce que, dans l'interprétation du sens commun de ce qu'est un signe religieux, selon l'interprétation du ministre, est-ce que ça doit être quelque chose de physique ou ça peut être un comportement également?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Est-ce que le fait de faire, par exemple, un signe de croix est un signe religieux?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Est-ce que le ministre boude?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Moi, je... On peut faire quelque chose de simple aussi, là, s'il ne veut pas répondre. Il peut faire un coup sur la table pour oui, deux coups pour non.

Le Président (M. Bachand) : Bien, lorsque je demande à quelqu'un de répondre, s'il y a une intervention, je crois que la députée comprend très bien le sens commun d'un silence aussi.

Mme Montpetit : Non, non, je comprends, mais, je veux dire... Moi, j'essaie d'établir une communication avec le ministre. Je lui pose des questions. Puis, s'il ne veut pas répondre à ces questions-là, ça va être très, très, très long parce que, s'il n'est pas capable et s'il ne souhaite pas répondre à ce que c'est, un signe religieux, moi, je serais vraiment gênée. Je serais vraiment gênée d'être ici ce soir comme ministre et de refuser de poser ces questions-là.

Honnêtement, je ne comprends absolument pas votre attitude. Je ne comprends pas le fait que vous vouliez refuser de répondre. Donc, on va continuer de poser des questions à cet effet-là, mais je trouve ça extrêmement inacceptable, d'avoir un ministre qui est devant moi, qui refuse d'avoir ces échanges et qui refuse de répondre à ce que c'est, un signe religieux. Je comprends qu'il ne veut pas avoir ces échanges-là parce qu'il n'a pas les réponses, mais ce n'est pas parce qu'il n'a pas les réponses qu'on ne continuera pas de poser les questions.

Alors, sur ce, je vais déposer un amendement, M. le Président, puis on aura l'occasion de répondre à ces questions-là. Mais j'invite vraiment le ministre, s'il n'y a pas déjà réfléchi, et je doute que ce soit le cas parce que c'est un homme intelligent et je présume qu'il a déjà réfléchi, qu'il y a une raison pour laquelle il ne me répond pas, mais je vais lui poser beaucoup de questions sur ce qu'est un signe religieux, et je souhaite obtenir des réponses. Et je sais que les gens qui auront à mettre en place ces lois, à les faire appliquer, ont droit d'avoir des réponses aussi parce que, sinon, ça va devenir vraiment un joyeux chaos au Québec.

Alors, j'aimerais déposer un amendement, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Pourriez-vous faire la lecture, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Oui. En fait, c'est de rajouter, après «la laïcité de l'État», les mots «du Québec».

Le Président (M. Bachand) : Parfait.

Alors, on va suspendre quelques instants pour distribution, s'il vous plaît. Merci.

(Suspension de la séance à 21 h 16)

(Reprise à 21 h 27)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. Nous sommes sur l'amendement proposé par la députée de Maurice-Richard. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Je vous remercie beaucoup. Je fais attention à vos consignes, même d'attendre que le micro soit ouvert avant de commencer.

Donc, on a fait ajouter les mots «du Québec». Comme le ministre a fait référence à plusieurs reprises à une laïcité québécoise, donc on trouvait pertinent d'ajouter ces mots à l'article 4, donc. Et donc j'en profiterais pour continuer de parler de ce qui est de la laïcité québécoise. Et, pour continuer sur l'échange que nous avions, empreint de beaucoup de paroles et d'échanges, donc, je vais continuer de... en fait, peut-être essayer de circonscrire, de préciser cet article-là amendé avec ce que nous avons ajouté.

Et j'en étais... Ce que je voulais savoir aussi, c'est si... Bien, j'en reviens aussi à la question du signe religieux. Puis j'ai compris que ça ne plaît peut-être pas au ministre, de répondre à cette question-là, de ce qu'est un signe religieux, mais, comme je le mentionnais, comme c'est important, on va se permettre de continuer cet échange-là parce qu'il faudra bien éventuellement y répondre.

Est-ce qu'un signe religieux, dans le fond, vous l'interprétez... parce que vous me disiez, bon : C'est le sens commun. Donc, le sens commun, j'entends que c'est probablement la manifestation d'une appartenance religieuse. Je pense qu'on pourrait probablement s'entendre sur cette définition du sens commun de ce qu'est un signe religieux. Mais ça sous-tend d'autres questions qui... entre autres, la suivante : Si ce n'est pas porté pour des convictions religieuses, est-ce que ça demeure un signe religieux?

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Mais, M. le Président, moi, je pensais qu'on était sur l'amendement. Sur l'amendement, c'est «la laïcité de l'État du Québec», on rajoute «du Québec». Alors, j'imagine qu'on veut amener une portée territoriale à l'amendement. Lorsqu'on fait de la législation... Dans le fond, on a indiqué, déjà dans l'article 1, «L'État du Québec», hein? Dans toute la loi, on se réfère à l'article 1 parce que la loi se lit dans l'ensemble.

Alors, ce n'est pas nécessaire d'écrire «du Québec» à cet endroit-là, d'autant plus que, si la députée de Maurice-Richard avait voulu faire ça, théoriquement, dans un souci légistique, il aurait fallu l'écrire à l'article 2, à l'article 3, où c'est mentionné également, et la députée de Maurice-Richard n'a pas déposé d'amendement en ce sens-là.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

• (21 h 30) •

Mme Montpetit : Bien, j'entends ce que le ministre répond. Je suis plutôt agréablement heureuse de sa réponse parce qu'il me parle de précision, puis c'est exactement l'objectif de notre étude détaillée. Donc, oui, on rajoute «du Québec» dans un objectif de précision et, dans un objectif de précision, on revient aussi à ce qu'est un signe religieux.

Donc, je lui repose ma question encore : Est-ce qu'un signe religieux doit être interprété selon ce qu'il nomme, le sens commun? Puis le sens commun, à moins qu'il me dise qu'il y a une définition juridique de ce qu'est le sens commun d'un signe religieux, mais je ne le pense pas et je ne pense pas qu'il y a de définition exacte non plus de... en fait, il n'y a pas de définition exacte de signe religieux. Donc, si on le prend du simple point de vue que c'est une manifestation d'une appartenance, donc, d'une appartenance religieuse, donc je lui réitère ma question : Est-ce que le fait de porter le signe qu'il définit comme sens commun, est-ce que ça demeure un signe religieux?

Le Président (M. Bachand) : Mais excusez-moi parce que j'ai le député de Mégantic qui demande la parole. C'est sur...

M. Jacques : ...des discours sur l'article 211, la pertinence des signes religieux versus «le Québec». On parle d'ajouter le «Québec» à «l'État», et je ne vois pas, là, pourquoi on parle de signes religieux dans l'amendement, là.

Le Président (M. Bachand) : Juste... Je vous remercie. Très rapidement, M. le député de Mégantic, la pertinence, surtout lors d'études détaillées, c'est très large. Alors donc, on peut se promener d'un article à l'autre, mais on est quand même dans l'esprit aussi du projet de loi. Donc, je vous remercie d'avoir soulevé cette question-là, puis je vais donner la parole au ministre, s'il vous plaît. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Sur la question, M. le Président, de l'amendement, j'ai expliqué pourquoi est-ce que je pense que ce n'est pas opportun et que ce n'est pas nécessaire. Sur la question du signe religieux, bien, écoutez, j'ai eu l'occasion tout à l'heure de donner des cas d'exemples. Un signe religieux, c'est le sens commun : un col romain, un chapelet, une croix, une kippa, un kirpan, un turban, un hidjab, un niqab, une burqa. C'est le port de signes religieux qui est proscrit, pour certaines personnes en situation d'autorité, à l'article 6. Et les postes qui sont visés sont prévus à l'annexe II de la loi.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Donc, je comprends que quelqu'un qui porterait... puis je comprends que, probablement, le ministre, peut-être, finira... Comme ça a l'air d'être une évidence pour lui, quels sont ces signes religieux, je présume que, dans l'avancement de nos travaux, il nous déposera une liste pour le bien commun des gens qui auront à appliquer cette loi, que ça ne demeure pas simplement dans son espace cervical personnel. Donc, ce que je comprends, c'est : quelqu'un qui porterait l'un des signes religieux qui viennent d'être énumérés par le ministre, mais qui ne les porterait pas pour des considérations religieuses, il l'interprète quand même, aux fins de la loi, comme un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ce qui est interdit, c'est de porter un signe religieux dans le sens commun des choses.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Peut-être, aux fins de ma compréhension, est-ce que le ministre peut nous expliquer c'est quoi, le sens commun des choses? Parce qu'il fait référence beaucoup à cette expression-là, puis, sincèrement, j'aimerais bien... avec toute la bonne volonté du monde, ça m'éclairerait, s'il pouvait nous lire ce qu'il a sous les yeux.

M. Jolin-Barrette : ...sens commun, le sens courant des choses. Les auteurs, notamment Paul-André Côté, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal : «Comme on présume que l'auteur de la loi entend être compris des justiciables, c'est-à-dire de l'ensemble de la population régie par le texte législatif, la loi est réputée être rédigée selon les règles de la langue en usage dans la population.

 «En particulier, il faut présumer que le législateur entend les mots dans le même sens que le justiciable, que "M. Tout-le-monde". Dans la jurisprudence de droit statutaire, les références à ce justiciable type ou au sens courant, ordinaire ou usuel des mots sont fréquentes.

«Le juge est censé connaître le sens courant des mots. Il est néanmoins pratique et très courant de se référer aux dictionnaires de langue qui ont pour fonction de rendre compte des usages linguistiques d'une communauté à un moment donné.»

Alors, Paul-André Côté, Interprétation des lois, troisième édition. Je dirais que Pierre-André Côté est un des juristes, en termes d'interprétation des lois, en termes d'interprétation des lois, les plus reconnus en droit au Québec. En fait, je le qualifierais même de sommité. Alors, si, dans son ouvrage, il dit comment est-ce qu'on interprète le sens courant, le sens commun au sens, et je le cite, de M. Tout-le-Monde, je pense que la population sait à quoi on fait référence lorsqu'on parle d'un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Est-ce qu'au sens commun et au sens courant des gens vous considérez que, par exemple, le yin yang serait un signe religieux?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'ai eu l'occasion de donner certains exemples. Je ne ferai pas la nomenclature au complet du sens courant des signes religieux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je vais reposer ma question parce que ça semblait une liste, je comprends, pas si exhaustive que ça. Oui, en fait, je ne sais pas. Est-ce qu'il y a beaucoup de signes religieux au sens commun ou au sens courant? Tu sais, il y a un moment où il va falloir déposer une liste où il va falloir les nommer. Donc, est-ce que, selon vous, au sens commun ou au sens courant, quelqu'un qui me poserait... parce que, nous, il y a des citoyens... comme je vous dis, il y a des gens qui vont devoir appliquer cette loi. Il y a des gens qui nous posent déjà des questions, à savoir : Est-ce que je pourrai continuer ou pas de porter telle chose? Donc, est-ce qu'un médaillon, par exemple, de yin yang, au sens courant ou au sens commun, est un signe religieux?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée, s'il vous plaît, vous avez la parole.

Mme Montpetit : Est-ce que je dois comprendre que le ministre ne sait pas la réponse?

Le Président (M. Bachand) : ...la parole et je demande l'intervention. Le ministre, comme vous savez, est libre de répondre ou pas à une question ou à des questions. Mme la ministre... députée, pardon.

Mme Montpetit : Est-ce que le ministre souhaite répondre à ma question?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Donc, je vous invite... si vous avez d'autres questions, commentaires, vous avez la parole.

Mme Montpetit : Est-ce que je pourrais peut-être l'éclairer en lui disant que le yin yang est à la base... est un des signes religieux du taoïsme? Et je ne suis pas certaine que, selon sa définition du sens courant ou du sens commun de l'ensemble des Québécois, je ne suis pas certaine que, si on va faire un vox pop demain dans la rue, c'est d'une si grande évidence, donc d'où l'intérêt de la question de qu'est-ce qu'un signe religieux. Donc, peut-être qu'il peut nous en dire encore davantage sur la liste qui est si évidente. Est-ce qu'elle est longue? Elle est courte? Il y en a beaucoup? Il n'y en a pas beaucoup? Comment ce sera interprété?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Je vous rappelle, Mme la députée, qu'on entend vos questions aussi et qu'il y a eu des périodes d'échange. Mais vous êtes libre de continuer à poser des questions, il n'y a pas de problème. Mais je vous rappelle que le ministre est libre de répondre ou pas. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Ah! je n'ai pas de réponse?

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, la parole est à vous. Quand je demande une intervention, s'il n'y a pas de réponse, je vous remets la parole.

Mme Montpetit : Non, mais je ne voudrais pas... j'agis avec beaucoup de précaution, je ne voudrais pas brusquer le ministre en lui coupant la parole. Donc, je lui laisse le temps d'y réfléchir s'il veut me répondre. Je pense que, tôt ou tard, on aura besoin de ces réponses-là. Donc, est-ce qu'aux fins du sens commun et aux fins de l'application de sa loi, je le repose, le yin yang, qui est quand même un médaillon qui est porté par plusieurs personnes, est-ce qu'aux fins de sa loi, c'est un signe qui sera interdit aux gens en position d'autorité ou aux enseignants?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Avez-vous... Le ministre ne répond toujours pas.

Le Président (M. Bachand) : Demande, intervention.

Mme Montpetit : Ah! parfait.

Le Président (M. Bachand) : Alors donc, si quelqu'un veut répondre, continuer le débat, je vous cède la parole.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Est-ce que, par exemple, une colombe serait un signe religieux?

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

Mme Montpetit : Donc, le ministre ne répond plus? C'est ce que je comprends? Fin des interventions?

Le Président (M. Bachand) : Bien, écoutez, je crois que, Mme la députée, vous posez des questions, le ministre a quand même répondu à plusieurs reprises à vos questions. Et, s'il décide de ne plus répondre à vos questions, c'est libre à lui. Mais je vous cède la parole. Vous avez le temps devant vous. Alors donc, vous avez la parole.

Mme Montpetit : Je vais prendre... Combien il me reste de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) : Je vais vous dire ça. Vous aviez 20 minutes. Je vais vous dire ça rapidement.

Mme Montpetit : Je n'ai pas entendu. Ah! pardon.

Le Président (M. Bachand) : Il vous reste 13 minutes.

• (21 h 40) •

Mme Montpetit : Bon, bien, écoutez, j'ai le choix de continuer de poser des questions ou faire 13 minutes sur le fait que je trouve ça particulier d'être... On est quand même vraiment au début, début de l'étude d'un projet de loi qui est, j'ai compris, fondamental pour le gouvernement. Et je pense que le ministre, je ne sais pas si c'est aujourd'hui ou hier, disait qu'il voulait que ce soit son legs et son héritage, et il se met dans une posture où... Ça fait, quoi, à peine 10, 12 heures qu'on a commencé, on est à l'article 4, on est vraiment au début, hein, très, très, très au début. Et il se met dans une posture où ça fait quand même plusieurs réponses que je pose qui sont simples, je pense que ce n'est pas des questions qui sont très compliquées, pour savoir de quelle façon cette loi sera appliquée par ceux qui auront à l'appliquer, et de quelle façon nous devons l'interpréter, et de quelle façon les citoyens devront la comprendre.

Donc, à ce stade-ci, soit je continue un grand laïus de cette façon-là ou on continue d'avoir un échange où je pose des questions et je n'ai pas de réponse.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, en sens courant, je vous disais que la députée de Maurice-Richard... je vous dirais qu'elle manque une maudite belle game parce que ça fait pas mal plus que 10, 12 heures qu'on est ici. Puis quand on a débattu, hier, on a débattu du lieutenant-gouverneur. C'était tellement pertinent, les amendements apportés par la députée de Maurice-Richard, selon le sens courant, je vous dirais.

Écoutez, j'ai déjà répondu, M. le Président, et j'ai déjà donné des exemples. Alors, je ne me soumettrai pas à un quiz de la députée de Maurice-Richard. Je pense que tout le monde ici, dans cette commission, dans cette Assemblée, voit très bien le jeu de la députée de Maurice-Richard.

Et donc moi, je fais confiance à la population. Les Québécois puis les Québécoises savent ce qu'est un signe religieux en fonction du sens courant, en fonction du sens commun. Et Pierre-André Côté nous dit comment cela doit être interprété selon le sens courant, donc M. Tout-le-monde, Mme Tout-le-monde. Et, en cas de difficulté d'application, lorsqu'il y a des règles d'interprétation qui s'applique, c'est le dictionnaire qui supplée s'il y a difficulté d'interprétation.

Hein, pour moi, c'est très clair, un signe religieux, c'est un signe religieux au sens courant des choses. Et j'ai eu l'occasion d'exprimer et de dire qu'est-ce que pouvait être un signe religieux, notamment un col romain, un crucifix, un chapelet, une kippa, un kirpan, un hidjab, un niqab, une burqa, un tchador.

Alors, écoutez, je réponds à la députée de Maurice-Richard. Je comprends qu'elle souhaite qu'on joue à un quiz et je n'ai pas l'intention de me soumettre à un quiz. Et on n'est pas au Cercle non plus.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Bien, écoutez, M. le Président, si c'est le ton que veut adopter le ministre, je ne peux que trouver ça malheureux. Je comprends que les heures lui paraissent longues, là, mais je ne sais pas à combien, un, d'heures il évalue qu'on est ici, là. J'ai 10, 12, ça doit être 16, 18, là. On n'est pas... Je veux juste vous rappeler qu'on a commencé à siéger avant-hier sur l'étude détaillée. Donc, je comprends que vous avez l'air de trouver l'exercice lourd, long et pénible, mais on n'a pas commencé il y a quatre semaines. Donc, on est en début d'exercice...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît, la question de pertinence s'applique. On ne parle pas des heures, on va parler du projet de loi, s'il vous plaît, Mme la députée.

Mme Montpetit : Je suis absolument d'accord avec vous, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

Mme Montpetit : Et c'est là que j'essayais d'en revenir. Et donc je vais reposer des questions. Je comprends que le ministre ne les trouve pas agréables, je comprends qu'il ne souhaite pas y répondre. Ce n'est pas un quiz. J'essaie de faire mon travail de parlementaire ici. Ça fait très peu d'heures qu'on siège sur cette étude détaillée. Je lui pose des questions qui sont très claires, qui sont très pertinentes, à moins qu'il me dise que ce n'est pas pertinent de savoir qu'est-ce qu'un signe religieux et qu'est-ce qui ne l'est pas. Donc, j'aimerais bien qu'il me réponde avec déférence, avec politesse sur... Vous trouvez ça drôle? Parfait.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée...

Mme Montpetit : Donc, à savoir, par exemple, c'est une question très simple, c'est un symbole qui est porté par plein de gens au Québec : Est-ce que le yin yang, ou non, doit être interprété aux fins de la loi?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, en termes de politesse, je ne pense pas avoir aucune leçon à recevoir de la députée de Maurice-Richard, aucune leçon en termes de conduite de députation. J'ai déjà répondu, M. le Président, à de nombreuses reprises relativement à la question de la députée de Maurice-Richard en lien à savoir qu'est-ce qui est un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Alors, Mme la députée.

Mme Montpetit : Donc, on continue sur ce ton-là. Je peux continuer de poser mes questions, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) : La parole est à vous, Mme la députée.

Mme Montpetit : Alors, je repose ma question : Est-ce que le yin yang, qui est posé par de nombreux Québécois, doit être interprété comme un signe religieux au sens de la loi?

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'ai déjà répondu à la question, à savoir que les signes religieux sont dans le sens courant des choses.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. Interventions? Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Est-ce que le signe yin yang est, au sens courant des choses, un signe religieux au Québec?

Le Président (M. Bachand) : Je vais juste faire un petit aparté. C'est bien de dire : Je veux des réponses, mais, en même temps... Vous êtes libres de poser les questions que vous voulez, le nombre de fois que vous voulez. Ça peut être la même question 5 000 fois ou 50 fois, cinq fois. Mais, en même temps, je vous rappelle qu'on est quand même en train d'étudier un projet de loi. Donc, vous êtes des femmes et des hommes intelligents, vous connaissez bien le processus parlementaire, donc, à un moment donné... Je comprends qu'il y a une joute, dans le bon sens du terme, mais donc la redondance des questions ou la... Ce que je veux dire, c'est que ça prend quand même... il faut s'élever un petit peu.

Alors donc, je vous dis ça en tout respect. Je ne dis pas que vous n'êtes pas élevés, mais de poser les questions à moult reprises, c'est votre droit, mais, en même temps, est-ce que ça fait avancer, après plusieurs non-réponses ou réponses incomplètes, selon ce que vous jugez? Alors, je vous dis ça dans le sens d'avancer parce que l'heure avance, et les débats continuent. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Et soyez assuré que mon objectif n'est absolument pas de me livrer à une joute avec le ministre, que j'apprécie. Et je n'ai aucun plaisir à faire cet échange-là et à n'avoir aucune réponse. S'il me donnait des réponses... Et je pense que c'est mon droit de poser des questions, comme parlementaire. C'est ce qui nous réunit ici ce soir et c'est ce qui nous réunira encore demain et la semaine prochaine. Nous sommes ici pour poser des questions et, normalement, pour avoir des réponses. Je pense que c'est l'objectif d'une étude détaillée.

Donc, si le ministre... Ce que je comprends, c'est qu'il refuse de donner une réponse exhaustive de ce qui est un signe religieux, il refuse de dire ce qu'au sens commun... ce qui est un signe religieux, et je comprends qu'il laisse place à plein d'interprétations. C'est la conclusion que je dois en tirer. Puis on aura l'occasion de reposer des questions, que ce soit plus tard dans la soirée, que ce soit dans l'article 5, dans l'article 6, mais il va falloir que vous répondiez à un moment donné. C'est votre responsabilité, comme... c'est la responsabilité du ministre de venir éclairer les gens sur ce qui est un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys...

M. Jolin-Barrette : Est-ce que je peux répondre, M. le Président? Bon, M. le Président, j'ai déjà répondu à la question de la députée de Maurice-Richard. Et, vous savez, M. le Président, on répond à la question, et ce qui est curieux, c'est que, parce que la réponse que l'on donne ne fait pas le bonheur de la collègue de l'opposition, on dit : Ah! le ministre n'a pas répondu. Or, c'est faux. Je réponds aux questions. Ce n'est peut-être pas la réponse, M. le Président, que la députée de Maurice-Richard souhaite, et veut, et désire, et cherche, peut-être que ça ne fait pas son affaire, M. le Président, mais je réponds quand même aux questions. Elle me demande le sens courant. Je lui ai donné plusieurs exemples, M. le Président, plusieurs exemples.

Et d'ailleurs, M. le Président, moi, j'aimerais qu'on discute de l'amendement de la députée de Maurice-Richard. Savez-vous pourquoi? Parce qu'on souhaite, dans l'amendement, rajouter «du Québec» : «En plus de l'exigence prévue à l'article 3, la laïcité de l'État du Québec exige le respect de l'interdiction de porter un signe religieux prévue au chapitre II...» Alors, voici, M. le Président, la grande contribution de la députée de Maurice-Richard pour la bonification du texte de la Loi sur la laïcité.

• (21 h 50) •

Savez-vous quoi, M. le Président? On est ici pour étudier le projet de loi sur la laïcité, un projet de loi qui est fort important, qui vise à faire en sorte de séparer l'État et les religions, un projet de loi qui vise à faire en sorte que les personnes visées dans le cadre du projet de loi — les juges, les policiers, les agents correctionnels, les procureurs, les enseignants, les directeurs d'école — ne portent pas de signe religieux dans le cadre de leurs fonctions. C'est notamment inspiré, M. le Président, des conclusions du rapport Bouchard-Taylor. On se souvient tous ici, je pense, de la grande tournée et de la consultation publique qui a été effectuée par ces deux universitaires québécois qui ont sillonné le Québec, qui ont rencontré des milliers de personnes, qui ont lu des centaines de mémoires, qui ont pris des mois à rédiger leur rapport, M. le Président, pour le livrer aux Québécois en disant : Écoutez, nous, on a entendu tout le monde, et voici une proposition.

Or, le gouvernement libéral de l'époque, M. le Président, n'a pas retenu les recommandations de Bouchard-Taylor. La collègue de Notre-Dame-de-Grâce, à l'époque où elle était ministre de la Justice et par la suite ministre de l'Immigration, a déposé le projet de loi n° 94 vers 2010‑2011, environ. En plus qu'un an, le projet de loi n° 94 n'a pas été adopté. Le Parti libéral l'a laissé mourir au feuilleton, il y a des élections générales qui ont été déclenchées, M. le Président. Par la suite, le Parti québécois a présenté le projet de loi n° 60. Des élections sont survenues aussi, le projet de loi n° 60 n'a pas été adopté.

Le gouvernement de la CAQ, par contre, a présenté depuis 2013 sa position relativement à la laïcité de l'État, relativement au fait qu'il était temps de tourner la page sur ce débat-là et de faire en sorte qu'au Québec il y ait un cadre clair sur la séparation de l'État et des religions, et c'est exactement ce qu'on fait, M. le Président, dans le cadre de la Loi sur la laïcité que j'ai déposée au nom du gouvernement, et sachez, M. le Président, que j'en suis extrêmement fier et je pense que tous mes collègues du gouvernement sont fiers du dépôt de cette loi du gouvernement de la CAQ, M. le Président. Savez-vous pourquoi? Parce qu'on tient les engagements qu'on a pris depuis 2013. On tient les engagements qu'on a pris en campagne électorale relativement au fait de dire qu'on doit avancer sur cette question.

Le Québec est dans un processus de sécularisation, M. le Président, depuis environ 60 ans. Et je rejoins l'amendement là-dessus, M. le Président, «du Québec». La députée de Maurice-Richard, lorsqu'elle dépose son amendement, elle dit : C'est tellement important, M. le Président, que je bonifie le projet de loi, je vais insérer «du Québec» à l'article 4. Or, si elle avait pris la peine de lire le projet de loi et de lire l'article 1, qui se lit ainsi, six mots : «L'État du Québec est laïque.» Or, un principe dans la rédaction des lois, M. le Président, est : Lorsque c'est dit une fois, on n'a pas besoin de le répéter à plusieurs reprises. 41.1 de la Loi d'interprétation du Québec : «Les dispositions d'une loi s'interprètent les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'ensemble et qui lui donne effet.» M. le Président, vous savez, c'est un tout. On regarde le tout quand qu'on regarde la loi.

J'ai bien essayé, M. le Président, d'expliquer ça aux collègues du Parti libéral hier puis la journée précédente aussi, M. le Président. J'ai essayé, puis là on prenait un petit bout du projet de loi, puis là on le mettait en opposition avec un autre petit bout du projet de loi. Mais, vous savez, c'est comme un roman, une loi, M. le Président. Tout s'interprète ensemble. Les dispositions d'une loi s'interprètent les unes par rapport aux autres, hein? Il y a une réflexion. On doit penser. On doit lire l'article 1 avec l'article 2 à l'intérieur de la même section, à l'intérieur du même chapitre. C'est comme ça que ça fonctionne, M. le Président, les lois. Je comprends que la députée de Maurice-Richard ne veut pas nécessairement faire cet exercice-là, et notamment pour cet amendement-là. Écoutez...

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, je réponds sur l'amendement qui est proposé, «du Québec».

Mme Montpetit : Je vais juste me permettre un appel au règlement 35 parce que j'en ai laissé passer trois, là, dans les deux, trois dernières minutes. Si le ministre veut me prêter des intentions comme ça toute la soirée, ça va donner un ton très désagréable aux échanges qu'on a. Je suis respectueuse. J'aimerais qu'il cesse de me prêter des intentions puis de faire des petits commentaires insidieux et arrogants. Merci.

Le Président (M. Bachand) : O.K. Sur les intentions, je ne suis pas certain, mais il y a des petits... il y a une prudence à faire sur certaines affirmations vis-à-vis de la députée de Maurice-Richard, mais soyez prudent. M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Jolin-Barrette : Savez-vous ce que j'ai entendu, M. le Président, aussi? J'ai entendu des menaces. La députée de Maurice-Richard nous dit : Ça va être très désagréable.

Écoutez, moi, je souhaite juste que nos travaux se déroulent dans la joie et l'harmonie parce que les Québécois veulent que ce projet de loi là soit adopté, M. le Président, ils veulent absolument. Peut-être que le Parti libéral n'a pas compris le message des Québécois le 1er octobre dernier, mais il y a une chose qui est sûre, c'est que les Québécois souhaitent que le projet de loi soit adopté, que la Loi sur la laïcité... que ça soit vrai que l'État québécois, il est laïque, M. le Président. Monsieur...

M. Derraji : ...la pertinence de... les Québécois nous ont...

Le Président (M. Bachand) : Et donc je cède la parole au ministre... le ministre...

Mme Montpetit : Peut-être qu'on pourrait reprendre sur un autre ton, là?

Le Président (M. Bachand) : Le ministre parlait justement du projet de loi. Alors, M. le ministre, bien sûr, connaît les règlements. M. le ministre, vous avez la parole, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président, je suis débordant d'enthousiasme, vous pardonnerez mon ton, parce que je suis heureux qu'on puisse étudier le projet de loi, je suis vraiment heureux. Puis en plus j'ai le bonheur de le faire avec la députée de Maurice-Richard. Je ne peux contenir mon enthousiasme, M. le Président, de pouvoir étudier avec elle le projet de loi, M. le Président. C'est fort important.

Puis savez-vous quoi? C'est important, l'étude du projet de loi qu'on fait présentement, c'est vraiment important. Et j'espère que les collègues réalisent l'importance de ce projet de loi là pour l'ensemble de la nation québécoise. C'est un choix de société, et les Québécois y tiennent fondamentalement à la laïcité de l'État. Ça fait partie des valeurs québécoises, la laïcité de l'État. Ils souhaitent que l'Assemblée nationale adopte le projet de loi sur la laïcité de l'État.

La question qu'on doit se poser au regard de l'amendement, M. le Président, c'est de dire : Est-ce que l'amendement, il est pertinent ou non? Est-ce qu'il bonifie cette loi, la Loi sur la laïcité de l'État, le projet de loi n° 21? J'ai eu l'occasion de dire que, de mon avis, je ne crois pas qu'il bonifie le projet de loi.

Alors, j'invite, pour la suite des choses, les collègues à nous déposer des amendements qui vont amener une réelle bonification et je le dis, M. le Président, sans prêter d'intention. Mais, cela étant dit, c'est pour ça que je ne peux pas l'accepter, M. le Président, parce que peut-être, si, dans cette logique-là, légistique, qu'il y avait, ça avait été déposé à l'article 2, à l'article 3 ou suivants, ça aurait peut-être été pertinent dans cette logique-là. Mais là, comme on dit, ça sort de nulle part, M. le Président. Et, quand on lit la Loi d'interprétation du Québec, bien, puisque c'est déjà indiqué à l'article 1, il n'est pas nécessaire d'inscrire «du Québec».

Alors, M. le Président, je ne peux me rallier à l'amendement qui a été proposé par la collègue de Maurice-Richard, à mon grand désarroi.

Une voix : Désarroi.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Bien, c'est bien, M. le Président, parce que j'ai enseigné la psychologie, j'ai pratiqué pendant des années la psychologie clinique, l'intervention, et on a beaucoup, beaucoup de matériel ici de réflexion. Et j'écoute, et c'est vraiment très intéressant. Et plus il y a d'échanges, plus je prends des notes. Et j'écoute beaucoup, beaucoup, et il y aura des choses sur lesquelles je pourrai revenir un peu plus tard, M. le ministre, parce que, des fois, vous avez des phrases vraiment fort, fort intéressantes, sans ironie, fort intéressantes et importantes, parce que, s'il y a quelqu'un qui trouve... et je ne suis pas la seule. Tous ici, on trouve que ce projet de loi là, justement, a une telle importance qu'il faut y prendre le temps. Et, je pense, vous m'avez donné encore plus d'arguments, au cas où j'en manquais, pour dire à quel point l'importance de ce projet de loi appelle à un débat en profondeur, et avec beaucoup de profondeur.

Donc, prenons le temps. Et la collègue de Maurice-Richard a bien dit : On a commencé avant-hier. C'est vrai que ça peut vous sembler long parce que la vie est courte, hein, finalement. Mais, quand même...

M. Jolin-Barrette : Ça va vite...

Mme David : C'est vrai que ça va vite, puis vous n'avez rien vu. Plus vous allez vieillir, plus ça va aller vite. Alors, chaque jour est important, vous avez raison. Mais, pour un projet d'une telle importance, on est au jour 3. Et, si vous regardez... Vous avez beaucoup d'expérience dans l'opposition, donc. En fait, vous en avez fait, des heures, vous en avez fait, des heures dans l'opposition.

M. Jolin-Barrette : Où ça? Sur quels projets de loi?

Mme David : Vous en avez fait, des heures. Le...

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, la députée de Marguerite-Bourgeoys a la parole. S'il vous plaît. Mme la députée.

• (22 heures) •

• (22 heures) •

Mme David : Alors, il y a eu des projets de loi qui ont été très, très, très longs, qui ont siégé très longtemps. Je ne dis pas que c'était vous qui étiez nécessairement assis tout le temps.

Mais donc ce que je veux dire, c'est que moi, j'accorde tellement d'importance à ce projet de loi là que je veux essayer de tout comprendre et de le bonifier. Et allons... Parce que je vais aller beaucoup sur l'amendement. Alors, on va rester dans le sujet de l'amendement. Ça va vous faire plaisir puisque vous êtes d'un enthousiasme délirant. Alors, on va continuer dans cette belle lancée que vous aviez.

M. Jolin-Barrette : ...plus débordant que délirant.

Mme David : Oui, excusez. Oui, c'est vrai. Débordant. C'est un mot québécois usuel, «délirant». Alors, on dit ça comme ça.

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président (M. Bachand) : Non! M. le ministre, non! Mme la députée a la parole, s'il vous plaît. S'il vous plaît!

M. Jolin-Barrette : On n'est pas au projet de loi n° 2, là, ici, là.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, vous avez la parole.

Mme David : ...ressortir le paralogisme et non le sophisme, là, comme... Alors, on va aller dans de la sémantique. Mais, écoutez, vous dites qu'on dit une fois, à l'article 1 : «L'État du Québec est laïque.» Mais, si vous regardez, par exemple, les considérants qui précèdent le chapitre I, il y a huit considérants. Dans les huit considérants, il y a six considérants qui comportent soit le mot «Québec», soit le mot «québécois». J'ai fait l'exercice, ce n'est pas long, c'est facile. Et il y a toujours «la nation québécoise», «la nation québécoise» en premier, «l'État du Québec» en deuxième, le «Parlement du Québec» en troisième, «l'ordre juridique québécois» en quatrième, «la nation québécoise» en cinquième, «la nation québécoise» en huitième. Après ça, «l'État du Québec est laïque».

Je ne vous dis pas, effectivement, de faire une surabondance de l'utilisation du mot «québécois», mais «la laïcité de l'État du Québec», je suis presque honorée que ça soit nous qui vous demandions d'en ajouter un sur les nombreux «Québec», «québécois», «nation québécoise». C'est nous, alors que je suis certaine que vous ne plaideriez pas que nous sommes plus nationalistes que vous, quand même. Je ne pense pas que vous allez plaider ça.

Alors, je suis très honorée de vous supplier d'en rajouter un sur les six existants dans les préambules. L'État du Québec... Vous avez raison, le premier article... Et c'est ça qui peut être inspirant, en fait. On peut le voir au contraire de ce que vous dites : Ça y est, je l'ai dit une fois, pas besoin d'insister, l'État du Québec est laïque. C'est comme si vous disiez : On s'est débarrassés du mot «Québec» une fois puis après ça, bon, on n'en a pas besoin.

Je sais, le manuel de légistique, je l'ai vu. J'ai vu la question de la légistique. J'ai appris ce mot-là aujourd'hui grâce à vous puis après ça mon collègue de LaFontaine, qui avait un énorme manuel de... mais qui n'était pas de cet auteur, là, de Pierre-André Côté, que vous traitez de sommité. On y reviendra tout à l'heure. Mais vous avez sûrement des arguments légistiques. Puis on a parlé de sédimentation tout à l'heure puis qu'on a besoin nécessairement de toujours répéter des choses. Mais que vous, vous trouviez que répéter le mot «du Québec» soit exagéré, superfétatoire, je me dis : Mais je rêve! Je me serais tellement attendue à l'inverse. Et c'est moi, députée du Parti libéral du Québec, qui demande au ministre de rajouter «l'État du Québec».

Pourquoi on le demande à l'article 4, hein? Parce que ça peut être pertinent, cette question-là. C'est parce que c'est un article assez fondateur de ce qui est la spécificité de ce que le gouvernement, le parti politique auquel... bon, qu'il représente là-dedans... Comme ils disent depuis 2013, nous voulons plaider et nous avons... Il dit : Les Québécois le veulent. En tout respect, ce n'est pas les Québécois, 100 % des Québécois, c'est les Québécois qui ont voté pour la Coalition avenir Québec, 37 %. Il en reste 63 %, 62,5 % qui n'ont pas voté pour la Coalition avenir Québec. Il va me répondre, par les sondages : Oui, mais on veut qu'il y ait de la législation. Ce n'est pas 100 % là non plus. Donc, on peut... parce que l'article 4 est la transition évidente entre la laïcité... Au sens où nous avons voté avec vous l'article 1, l'article 2, nous sommes d'accord, l'État du Québec est laïque. Mais, quand on arrive à l'article 4, j'ai souvent cette métaphore de nos chemins qui se séparent. À l'article 4, vous ajoutez une vraie spécificité, la société distincte du Québec, la laïcité du Québec. C'est là qu'elle arrive. Puis ça, je pense que vous ne me contredirez pas parce que vous l'avez dit tout à l'heure à peu près dans ces mots-là. Et là, donc, nous disons «la laïcité de l'État du Québec». Ça m'apparaît un bonbon qu'on vous propose, un bonbon politique, à moins que vous ayez des arguments blindés de législateurs qui vous diraient : Vous avez erré, M. le ministre. Ce n'est pas possible.

Moi, je vous plaide humblement que vous n'avez pas fait l'économie du mot «québécois» ou «Québec» dans les considérants, vous n'avez pas fait l'économie à l'article 1. L'État, vous auriez pu mettre : L'État est laïque, puisqu'implicitement c'est un projet de loi du Québec.

Alors, pourrais-je vous poser la question a contrario : Pourquoi, l'article 1, on n'enlèverait pas «du Québec»? Si vous ne voulez pas en ajouter, on peut en enlever, aussi. Si c'est superfétatoire pour l'article 4, pourquoi ne le serait-ce pas pour l'article 1? Alors, j'arrête ici mon plaidoyer, je continuerai, mais j'essaie de sensibiliser le ministre à son amour du Québec, qui pourrait se mettre dans cet article 4 parce que c'est un article de transition extrêmement important pour la spécificité de la laïcité à la québécoise, comme il aime beaucoup dire.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Je ne referai pas le plaidoyer que j'ai fait tout à l'heure, M. le Président. Je vais verser les mêmes propos que j'ai tenus tout à l'heure en lien avec l'intervention de la députée de Maurice-Richard. Par contre, je crois avoir entendu la députée de Marguerite-Bourgeoys dire : Écoutez, le gouvernement a été élu avec 37 % des voix, il y a seulement 37 % des personnes qui veulent que la laïcité se retrouve dans les lois du Québec...

Mme David : ...vous interromps tout de suite parce que j'ai été dans les sondages tout de suite après, mais vous ne l'avez peut-être pas entendu. Alors, je lis dans vos pensées. Je prévois vos réponses.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

Des voix : ...

Mme David : Hein? Pardon?

Le Président (M. Bachand) : ...

Mme David : Ce n'est pas vrai, je n'ai pas lu dans les pensées, mais je le savais que, 37 %, vous diriez : Il y a quand même des sondages à plus que ça, et, en toute transparence et honnêteté intellectuelle, je pense, vous l'avez entendu, M. le Président, j'ai tout de suite dit 67 %, mais ce n'est quand même pas 100 %. Donc, je pense qu'on s'entend là-dessus.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Mais ce n'est pas tout à fait vers les sondages que je m'en allais, mais je veux juste ramener... Hier, je disais que la députée de Marguerite-Bourgeoys avait peut-être des dons de cartomancie, et là elle lit dans mon esprit. Alors, je commence à penser que c'est vrai, M. le Président.

Tout ça pour dire que je m'en allais pour dire : 37 %, oui, mais le Parti québécois est également en faveur de la laïcité de l'État et... 17 % des voix?

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais aussi savez-vous quoi, M. le Président? Il faut que je vous confie quelque chose. Au moment de l'élection, Québec solidaire était en faveur de la laïcité de l'État. Et eux aussi, ils ont eu 16 %.

Donc, 37 plus 17, 54, plus 16, ça fait 70. Je voudrais juste rappeler ça en réponse à l'argument de la collègue de Marguerite-Bourgeoys. Mais là c'est vrai, M. le Président, Québec solidaire ont viré leur capot de bord puis ils ont changé d'idée, contrairement, contrairement, à une personne que connaît très bien la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui était co-porte-parole de Québec solidaire durant des années, et qui a fondé Option citoyenne, et même qui a déposé un projet de loi qui s'intitulait Charte de la laïcité de l'État québécois, Mme Françoise David, la précédente députée de Gouin, que je salue d'ailleurs et que j'ai le plaisir de rencontrer à quelques occasions, parfois, lorsqu'il y a des événements ici.

Alors, voyez-vous, M. le Président, l'appui est plus important que pourrait le laisser présager la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît, oui.

Mme David : Je vais reprendre les expressions mêmes du ministre. J'aimerais ça qu'on parle de l'amendement.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

Mme David : Parce que je pense que j'ai plaidé l'amendement. Vous déploriez beaucoup qu'on ne parle pas de l'amendement, mais là on est dans autre chose. Alors, il reste moins de temps qu'il en restait, c'est dommage. On pourrait rester ici jusqu'à...

Le Président (M. Bachand) : Il reste du temps, il reste du temps.

• (22 h 10) •

Mme David : Mais il reste du temps, alors je pense que j'ai apporté, j'ose croire, des arguments vraiment intéressants, mais peut-être que vous ne les trouvez pas intéressants. Mais j'aimerais ça qu'on parle de cet amendement-là.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Alors, effectivement, ce sont des arguments intéressants. Et je vais donner un autre exemple à la députée de Marguerite-Bourgeoys, notamment sur le fait que, sur le plan légistique, il n'est pas approprié de faire cette répétition-là dans les articles.

Je donne l'exemple, le projet de loi n° 398, justement, Charte de la laïcité de l'État québécois, bien, on disait «l'État québécois» dans l'article 1, et par la suite, à chaque fois qu'on référait à l'État, on n'insérait pas le terme «du Québec» ou «Québécois» aussi.

Donc, pour ces raisons-là, malgré le fait que j'apprécie la suggestion d'insérer «du Québec», il n'est pas nécessaire, par souci notamment de cohérence légistique, pour l'ensemble de la loi. Et son interprétation ferait en sorte qu'on réfère à «l'État du Québec» en fonction de l'article 1.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Mais parlons de la légistique, etc. C'est peut-être... on est dans la laïcité, là, il y a une expression qui dit : Parole d'évangile, ça veut dire que c'est... vraiment, là, parole d'évangile, on ne peut pas contester ça.

Ma question qui... moi qui ne suis pas juriste, mais, quand je vois le nombre de fois dans les considérants qu'il y a une référence au Québec, ou à la nation québécoise, ou à directement le mot «Québec» ou «nation québécoise», comment ça se fait qu'il y a six fois ça dans les considérants, qu'on dit : L'État du Québec est laïque, mais que...

Est-ce qu'il est écrit quelque part... Il y a beaucoup de légistes ici, justement, qui, en toute connaissance de la légistique, disons-le comme ça, interdiraient... parce que moi, je voudrais vous convaincre que votre article 4 est éminemment important dans votre projet de loi, il est fondateur de votre notion de laïcité, qu'on soit d'accord ou pas. Je pense, en tout cas, j'ai au moins un ami dans ce que je dis là, le député de Saint-Jean, c'est ça, qui l'air super d'accord avec moi. Puis c'est un article qui est l'article pratiquement fondateur de votre projet de loi, pas de celui que j'aurais écrit, moi, je me serais arrêtée bien avant, mais du vôtre parce que l'État est laïque. La preuve que c'est consensuel, on a voté avec vous, on a voté les principes, mais l'article 4 arrive, et là vous mettez votre drapeau, votre drapeau de réflexion sur ce qu'est la laïcité.

Alors, est-ce que c'est interdit, de vouloir accentuer votre drapeau en mettant «de l'État québécois», je pense qu'on a mis, ou «du Québec», «du Québec»? C'est un peu surréaliste que ce soit moi qui sois en train d'essayer de vous convaincre de planter votre drapeau là où c'est extrêmement important. Discutez-en avec vos collègues, je ne sais pas, là, mais moi, je pense que... À moins que vous me disiez, en légistique, que vos légistes vous disent : C'est interdit, interdit, puis là apportez-moi l'interdiction pour me dire : Ce n'est pas possible, on n'a pas le droit parce que ça ne marche pas de même.

Le Président (M. Bachand) : Il y avait le député de Saint-Jean qui demande la parole.

M. Lemieux : Juste une question, parce que la députée de Marguerite-Bourgeoys a raison, je suis d'accord avec elle sur la partie où c'est fondateur, l'article 4, mais moi, je suis nouveau dans la législation, mais je voudrais poser une question. Si on ne met pas «du Québec», c'est, je le comprends, sous-entendu, mais, en tant que législateur québécois, M. le ministre, est-ce qu'on pourrait légiférer la laïcité d'un autre État que le Québec?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Lemieux : Comme législateur québécois, je veux dire, là.

M. Jolin-Barrette : Oui, oui. M. le Président, non, nous ne pourrions pas. En réponse à la question du député de Saint-Jean, la législation québécoise n'a pas de portée extraterritoriale, et il n'est pas possible de légiférer sur d'autres États.

Le Président (M. Bachand) : J'avais le député de Jean-Lesage qui me demandait la parole, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui, alors, je voudrais juste rectifier une chose qui a été dite par le ministre au sujet de la position de Québec solidaire sur la laïcité. Québec solidaire a toujours été pour la laïcité, l'a été dans le passé, l'est aujourd'hui, le sera demain, et je pense que prétendre l'inverse, c'est contribuer à une méprise de ce que ça veut dire, la laïcité. Et je comprends qu'il y ait des personnes qui fassent ça, mais je pense que, dans le débat ici, on doit avoir un niveau de rigueur plus élevé.

Ce à quoi s'oppose Québec solidaire, c'est non pas la laïcité, évidemment, telle que définie, d'ailleurs, à l'article 2 du présent projet de loi, mais plutôt à l'interdiction des signes religieux, qui est une caractéristique. Et Québec solidaire n'est pas le seul parti ou la seule organisation à penser ça, beaucoup de gens en audiences publiques pensent ça, nous ont donné cette opinion-là. On pense que l'interdiction des signes religieux est une caractéristique inessentielle de la laïcité, d'une part, et que, même, la limitation qu'elle vient porter aux droits de la personne, entre autres à la liberté de conscience et à la liberté de religion, qui sont par ailleurs... qui font partie du concept de la laïcité elle-même, bien, sont des mesures qui viennent affaiblir la laïcité de l'État.

Alors, je pense que c'est important, quand on va parler de l'interdiction des signes religieux, qu'on ne fasse pas comme s'il y avait une réduction possible de dire : Laïcité égale signes religieux; vous êtes contre l'interdiction des signes religieux, donc vous êtes contre la laïcité. Je pense qu'il faut faire des distinctions qui s'imposent dans ce débat, et c'est ce que je voulais mentionner et apporter.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de Jean-Lesage. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président, en réponse à l'intervention du député de Jean-Lesage, c'était tellement important, la laïcité, pour Québec solidaire qu'hier le député de Jean-Lesage a déposé un amendement pour soustraire les personnes désignées, l'Assemblée nationale, ces organisations-là, ces institutions-là, à la laïcité de l'État. Là, M. le Président, j'ai de la misère à suivre.

Donc, Québec solidaire, à l'élection, était en faveur de l'interdiction du port de signes religieux pour les personnes en situation d'autorité. Ensuite, change de bord, puis après ça, le lendemain, on me dit : C'est vraiment important, la laïcité de l'État pour les institutions, mais, quand vient le temps de viser les institutions parlementaires, Québec solidaire n'est pas d'accord puis dépose un amendement pour ne pas viser les personnes désignées. J'ai de la misère à suivre Québec solidaire.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Alors, je vais aider le ministre. C'est assez simple, notre amendement d'hier. Il faut dire aussi qu'on voulait inclure là-dedans la fonction du lieutenant-gouverneur, ce qu'a refusé et rejeté le ministre, non pas parce qu'il estimait que ce n'était pas justifié, non pas parce qu'il estimait que le lieutenant-gouverneur n'a pas une fonction qui est justifiée par des fondements divins, et donc complètement opposés aux principes de laïcité, mais parce qu'il estimait qu'il ne pouvait pas le faire, étant le ministre d'une province canadienne.

Donc, nous, on propose de pousser la laïcité des institutions plus loin. Le ministre s'y refuse. Et ce qu'on a voulu faire dans l'autre partie de ce même amendement là hier, bien, c'était de soustraire des personnes à ce qui pouvait être... ce qui semblait être, peut-être qu'on a eu la mauvaise interprétation, mais ce qui semblait être une prise pour justifier l'interdiction des signes religieux chez ces personnes-là.

Mais par ailleurs, pour nous, il est important, et ça a toujours été clair, et ça l'est encore, et ça le sera toujours, que les institutions du Québec, institutions politiques, doivent être laïques, laïques jusqu'au bout, laïques pas mal plus que le propose le projet de loi n° 21, par ailleurs, en ne touchant pas à la monarchie, en ne touchant pas au financement des écoles privées confessionnelles. Donc, en finançant, là, on finance l'enseignement religieux au Québec. Ça, pour nous, c'est inacceptable. On fait aussi... Qu'est-ce qu'on fait? On donne des avantages fiscaux qui se chiffrent en centaines de millions de dollars à des organisations dont le seul but est de faire la promotion de la religion. Alors, nous, on n'est pas d'accord avec ça. On pense que cet argent-là, on pourrait en faire un bien meilleur usage. Le p.l. n° 21 ne va pas dans cette direction-là. Le p.l. n° 21, au regard de la vraie laïcité de l'État et la vraie laïcité des institutions, ne va pas si loin, étant donné qu'il ne remet pas en question même le système monarchique et de droit divin dans lequel nous pataugeons et dans lequel ce salon rouge, là, gorgé de symboles religieux, nous blesse les sens, nous blesse les sens.

Une voix : ...

• (22 h 20) •

M. Zanetti : C'est une blessure métaphysique. Elle n'est pas moins intense. On s'habitue, comme une espèce d'acouphène. Et donc c'est ça.

Alors, ce projet de loi, du point de vue de la laïcité des institutions, pourrait aller bien plus loin. Québec solidaire serait d'accord avec ça. Et c'est ce qu'on a essayé de faire dans l'amendement. Peut-être qu'on s'est trompés dans une partie de l'amendement. En voulant ajouter la fonction du lieutenant-gouverneur, clairement, on ne se trompait pas, clairement, vous n'étiez pas prêt à aller jusque-là. Mais c'est clair que la position de Québec solidaire, c'est toujours la laïcité des institutions de l'État du Québec...

Le Président (M. Bachand) : ...M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : ...mais du Québec au complet, c'est-à-dire même ce qui nous concerne et qui n'est pas reconnu comme tel. Tu sais, alors, même ce que certains considèrent qui relève de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, de la Loi constitutionnelle de 1982, tous ces documents illégitimes que nous n'avons pas choisis, sans fondement démocratique, sans aucun fondement de volonté populaire, et puis que nous acceptons, auxquels nous décidons de nous soumettre au prix d'une véritable laïcité, faut-il le rappeler.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de Jean-Lesage. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, honnêtement, M. le Président, j'ai quand même du plaisir avec le député de Jean-Lesage. Ça, je dois lui donner ça.

Le député de Jean-Lesage nous dit : Nous, on veut avoir la laïcité pour toutes les institutions du Québec. O.K. Sauf que, quand vient le temps de viser les institutions québécoises, exemple, le Vérificateur général, le Protecteur du citoyen, le Directeur général des élections, le Commissaire au lobbyisme, le Commissaire à l'éthique et à la déontologie, bien, Québec solidaire propose de les soustraire à la laïcité. C'est l'amendement qu'ils ont déposé hier, justement.

Là, M. le Président, j'entends le message de l'appel à l'aide du député de Jean-Lesage relativement au salon rouge. Alors, peut-être que je peux l'accommoder. Souhaiterait-il aller à la salle des Premiers-Ministres pour les prochaines séances?

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, vous avez terminé?

M. Jolin-Barrette : Bien, je veux juste... je vais continuer, mais juste avoir une réponse à cette question.

M. Zanetti : Non, surtout pas, mais c'était bien, la salle Kirkland, par exemple. C'est tout.

Le Président (M. Bachand) : Merci, merci. Je vous rappelle, on avait eu un débat sur la royauté.

M. Zanetti : Oui, oui, oui, mais j'ai bien aimé ça. Je trouvais que c'est un débat de fond.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, M. le Président, je vais essayer de prendre en compte, dans le choix des salles, les sensibilités sensorielles du député de Jean-Lesage pour le choix des prochaines salles. Mais surtout ce que je retiens de son propos, c'est que Québec solidaire est en faveur de la laïcité. Or, ça me laisse un peu perplexe parce que, si on est vraiment en faveur de la laïcité, on devrait réaliser toute l'importance, pour les personnes en situation d'autorité ou avec une fonction d'autorité, de ne pas porter de signes religieux. Le député de Jean-Lesage est en contradiction avec lui-même, avec ses écrits passés.

Bon, sur tout l'aspect, là, de la Loi constitutionnelle de 1867, de 1982, tout ça, on est un peu hors débat, là, mais c'est ce qui fonde nos règles. Alors, est-ce que ça veut dire que toutes les constitutions qu'il y a eu depuis la Conquête sont illégitimes aux yeux du député de Jean-Lesage?

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, vous êtes interpelé.

M. Zanetti : L'Acte de l'Amérique du Nord britannique, très certainement, la Loi constitutionnelle de 1982 aussi.

Une voix : ...

M. Zanetti : Les précédentes, celles avant ça, issues de l'Empire colonial britannique?

M. Jolin-Barrette : L'Acte de Québec, l'Acte d'Union.

Le Président (M. Bachand) : Une personne à la fois, s'il vous plaît!

M. Zanetti : Ah! l'Acte d'Union, très certainement le pire d'entre eux, là. Je ne sais pas s'il y a des échelles d'illégitimité, si on peut noter ça d'un à 10 puis dire : Vraiment, là... Mais, non, probablement que l'Acte d'Union, c'est le pire, considérant en plus le rapport Durham, qui l'a inspiré, là, document profondément raciste envers notre peuple, un document qui traite les Canadiens français de sous-population ignare, sans culture, sans littérature, sans histoire, un peu bête, un peu mal dégrossie. Et ce document-là avait pour but quoi? D'unir le Haut et le Bas-Canada. Dans quel but? Il faut se le rappeler, c'est écrit noir sur blanc dedans, c'est de nous assimiler. Alors, ce document qu'on... aujourd'hui même, qui a mené à 1867, à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, dont l'Acte de l'Amérique du Nord britannique n'est que la suite, bien, c'est ça qu'on décide de ne pas remettre en question. Et puis ça, c'est beaucoup plus grave que le port des signes religieux.

Quand l'Acte d'Union est fait, là, je rappellerais la date de l'Acte d'Union, 1840, ce n'est vraiment pas longtemps après le 15 février 1839 où sont pendus les Patriotes, l'Acte d'Union s'est fait dans l'urgence. L'Acte d'Union, là, c'est une réaction monarchique conservatrice aux revendications démocratiques républicaines progressistes des Patriotes du Bas et du Haut-Canada. Et c'est ça, le fondement du Canada. Sans la rébellion des Patriotes, il n'y aurait pas de Canada ou pas comme on le connaît actuellement. Ça aurait une autre forme. Mais c'est notre rébellion, et la réaction qu'elle a entraînée, et l'Acte d'Union, et, plus tard, sa suite logique plus méditée, plus organisée qu'est l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui a succédé ça et qui... mais qui avait le même objectif.

Quand le rapport Durham propose de fusionner le Haut et le Bas-Canada, il dit clairement que, bien, c'est pour nous assimiler. Et puis après ça il dit : Regardez, ça marche bien. Et, même, il donne des exemples d'autres colonies britanniques de l'époque où le parlementarisme qui a été appliqué là a été un mécanisme d'assimilation extraordinaire.

Alors, ça, c'est grave. Ça, c'est une menace à l'identité québécoise. Ça, c'est une menace à ce que nous sommes et ce que nous pouvons devenir. Et ça, je pense que ce n'est pas quelque chose qu'on devrait ne pas questionner, accepter comme tel. C'est quelque chose qu'on devrait remettre en question. Et il me semble que, si on a à coeur la volonté populaire, bien, on devrait, pour une fois, la mettre au coeur de notre système politique et puis se doter d'une véritable constitution qui tienne la route, une constitution véritablement laïque, non monarchique, républicaine, dans laquelle, justement, le peuple est souverain, parce qu'en ce moment la souveraineté est entre les mains d'une reine, cheffe de l'Église anglicane. Dieu et mon Droit, c'est écrit là.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de Jean-Lesage. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, mais je veux rendre honneur aux Patriotes, M. le Président, parce que, cette année, ce qui est bien, c'est que le drapeau des Patriotes a pu flotter sur le mât du parlement parce que le Parti libéral commence à comprendre certains principes du nationalisme québécois. Mais, pour rendre hommage aux Patriotes québécois, M. le Président, le député de Jean-Lesage a oublié de dire que c'est grâce aux Patriotes que nous sommes dans un gouvernement responsable. Ça, je pense que c'est leur plus grand legs, aux Patriotes, hein, le fait que les Patriotes québécois... Et d'ailleurs c'est dans mon comté, hein, la bataille de Saint-Denis-sur-Richelieu, la bataille de Saint-Charles-sur-Richelieu.

Écoutez, savez-vous, M. le Président, que George-Étienne Cartier, qui est parent avec la ministre... pardon, avec la députée de Marguerite-Bourgeoys, est né dans mon comté, à Saint-Antoine-sur-Richelieu? Et George-Étienne Cartier, lors de la bataille de Saint-Denis, était un patriote. Il est parti de Saint-Antoine dans sa chaloupe et il a été porter des munitions aux Patriotes de Saint-Denis-sur-Richelieu. Et, par la suite, bon, George-Étienne Cartier a participé à la signature de la Constitution de 1867.

Alors, j'avais juste une question pour le député de Jean-Lesage : Pourquoi est-ce que la Constitution de 1867 est illégitime?

M. Zanetti : La Constitution...

M. Jolin-Barrette : La Loi constitutionnelle de 1867, à son sens, c'est ce qu'il nous a dit tout à l'heure.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Malheureusement, malheureusement...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Restez à l'écoute!

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : On ajourne nos travaux, mais on va se revoir très bientôt. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 22 h 30)

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