(Onze heures quarante-huit minutes)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue. Ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande, bien sûr,
comme vous le savez, à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi n° 21, Loi
sur la laïcité de l'État.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M.
le Président. M. Lemieux (Saint-Jean) est remplacé par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); M. Martel
(Nicolet-Bécancour) est remplacé par M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata); Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne)
est remplacée par Mme David (Marguerite-Bourgeoys); M. Tanguay
(LaFontaine) est remplacé par M. Derraji (Nelligan); Mme Weil
(Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée par Mme Montpetit (Maurice-Richard);
M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Zanetti (Jean-Lesage);
et M. LeBel (Rimouski) est remplacé par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
Mémoire déposé
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Avant de débuter la séance, je dépose le mémoire
suivant, soit celui de l'Association canadienne des avocats musulmans.
Étude détaillée (suite)
Au moment d'ajourner nos travaux, hier soir,
nous étions à l'article 3 du projet de loi. M. le ministre, la parole est
à vous.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, peut-être,
si vous voulez qu'on se remette en contexte, je peux peut-être relire l'article 3
ou...
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît, oui, s'il vous
plaît.
M.
Jolin-Barrette : «La laïcité
de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions
parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les principes
énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.
«Pour l'application du présent chapitre, on
entend par :
«1° "institutions
parlementaires" : l'Assemblée nationale, de même que les personnes
nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en
relève;
«2° "institutions
gouvernementales" : les organismes énumérés aux paragraphes 1° à 10°
de l'annexe I;
«3° "institutions
judiciaires" : la Cour d'appel, Cour supérieure, Cour du Québec, le
Tribunal des droits de la personne, le Tribunal des professions et les cours
municipales.»
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? Mme la
députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
• (11 h 50) •
Mme
Robitaille : Oui. Je
voudrais poursuivre sur la même lancée que quand on s'était laissés hier soir.
Bien, d'abord, d'abord, d'abord, c'est vrai,
je voulais féliciter notre nouvelle belle jeune grand-mère, la députée
des Plaines, pour son premier petit
bébé, petit-fils. Alors, bravo! Ça fait toujours... Ça vient d'arriver,
ça vient d'arriver, alors, félicitations! Félicitations!
Des voix : Félicitations!
Mme
Robitaille : On apprécie
qu'elle soit avec nous, malgré ce moment-là particulier, bien, en tout cas, historique. Dans une vie,
c'est très, très cher.
Oui, je
voulais poursuivre sur la même lancée qu'hier soir. «En fait et en apparence»,
hein? Le ministre vient de lire l'article, c'est important qu'on y réfléchisse, qu'on le comprenne bien.
Alors, on dit : «La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions
parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les principes
énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.» Ce n'est pas anodin,
cette expression-là, «en fait et en apparence». Puis, dans les commentaires,
comme on le disait hier, on nous réfère à un arrêt clé sur tout ce qui est question
de laïcité et puis de neutralité, l'arrêt Mouvement laïque québécois c. ville
de Saguenay.
Hier, je demandais au
ministre, je lui disais... je le référais à l'expression «en fait en en
apparence» et puis, au paragraphe
137 de cet arrêt-là... et puis là je lui disais : Mais, «en fait et en apparence»,
est-ce que c'est lié? De toute
évidence, ça doit être lié au paragraphe 137.
Et il me disait : Bien, en tout
cas, l'expression, elle vient du
paragraphe 137, mais on l'a pris comme
ça. Et je veux bien comprendre, parce que ce que le ministre
semblait nous dire, c'est : Bien oui, bien, c'est parce que je l'ai
prise hors contexte. Est-ce que le ministre l'a vraiment prise hors contexte?
Hier, il m'a ramenée à l'ordre quand je lui
ai amené une citation puis il m'a dit : Bien là, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, il faut qu'on cite un paragraphe, le
mettre en contexte, blablabla. Alors, quand il m'a dit ça, hier : Oui,
bien, l'expression, c'est qu'on l'a pris, là, comme ça, mais, en fait... on l'a
pris comme ça dans le texte et on l'a mis au paragraphe 3.
Bien, je veux juste
être sûre, là, parce que le paragraphe 137 de cet arrêt-là est intéressant,
est important. Je vous cite la phrase parce que c'est important de la relire,
là, la phrase d'où l'expression est prise : «L'objectif de la neutralité — l'objectif de la neutralité, hein, pas de la
laïcité, mais de la neutralité — est
plutôt de faire en sorte que l'État demeure — en
fait et en apparence — ouvert
à tous les points de vue, sans égard à leur fondement spirituel.» Et le juge Gascon,
hein, un juge québécois qui a pratiqué au Québec, continue : «Loin de
viser l'autonomie, la neutralité — encore
une fois, la neutralité — réelle
exige que l'État ne favorise ni ne défavorise aucune religion et s'abstienne de
prendre position sur ce sujet.»
Alors,
quand on lit ça, on se dit : Coudon... Le ministre parlait hier de
laïcité, sa laïcité, ce qu'il définissait être la laïcité du Québec, et il nous disait : Non,
non, la laïcité, là, ce n'est pas la neutralité, c'est la neutralité, mais
encore plus loin. J'essaie juste de
savoir où est-ce qu'on s'en va avec ça, c'est quoi. Parce que, quand on lit ce
petit bout de phrase là qui amène
l'expression «en fait et en apparence», le ministre, il semble en contradiction
avec lui-même. Alors, c'est quand même...
On ne peut pas le prendre... Peut-être que le ministre veut le prendre hors
contexte, mais, en bon juriste qu'il est, on doit... J'essaie de
comprendre, là, pourquoi il l'a pris comme ça, il n'a pas fait abstraction de
ces phrases-là qui sont des phrases-clés, là, de la notion de neutralité.
Alors,
comment on peut comprendre ça? Ou peut-être que c'est une erreur, peut-être que
le commentaire, il ne devait pas soulever cet arrêt-là, il ne devait pas
amener cet arrêt-là. J'aimerais que le ministre nous explique.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Il faut se remettre en contexte, M. le Président. En 2015, quand
l'arrêt Mouvement laïque québécois est rendu par la Cour suprême, il n'y
a pas, dans aucune loi, une référence juridique à la laïcité. La laïcité, là, ça n'existe pas. Encore à ce jour,
juridiquement, ça n'existe pas, hein, au Québec et au Canada. Il n'y a pas de
loi au Québec sur la laïcité. Le
projet de loi n° 21 que j'ai déposé, c'est la première fois qu'on
traite de la laïcité. Donc, la
cour, lorsqu'elle traite de neutralité religieuse, elle
parle du concept qui existe, mais, en droit canadien, la laïcité n'existe pas. Donc, lorsqu'elle se prononce sur la demande des
demandeurs de Mouvement laïque québécois, en lien avec la prière, son
concept, c'est la neutralité religieuse de l'État.
La
Cour suprême dit : Écoutez, à 137, la neutralité religieuse de l'État,
elle doit s'exprimer en fait et en apparence. On se suit jusque-là. Dans
la définition que le gouvernement propose... Et la députée de Bourassa-Sauvé
dit : La laïcité du ministre. Je vous
dirais avec amusement, M. le Président, pour la députée de Bourassa-Sauvé,
c'est la laïcité de tous les
Québécois. Ce n'est pas uniquement ma laïcité, c'est la laïcité que les gens
souhaitent au Québec. Et d'ailleurs les consultations nous auront permis de constater que pas mal tous les
intervenants, ceux qui sont pour et même ceux qui sont contre, étaient en faveur qu'on inscrive la laïcité
dans nos lois et aussi qu'on inscrive les quatre principes qui
soutiennent la laïcité, notamment M. Taylor et M. Maclure, dans leurs écrits,
on le voit.
Or, on se retrouve
dans une situation où la laïcité, à l'intérieur de la laïcité, du concept qu'on
lui donne, les principes qu'on lui donne,
c'est constitué de la neutralité. Et donc, si la neutralité, aux yeux de la
Cour suprême, s'exprime, notamment, en fait et en apparence, a fortiori,
la laïcité va s'exprimer également dans les faits et en apparence.
Parce
qu'on avait la discussion hier avec le député de LaFontaine, on disait que la
neutralité, dans le concept de la laïcité, c'est moindre et inclus.
Donc, ça en fait partie. Vous avez la laïcité en haut, le concept, là,
juridique qu'on introduit dans la Loi sur la laïcité, c'est le concept de
laïcité. Là, on dit : C'est quoi, la laïcité? L'article 2, on vient mettre les quatre principes : séparation
entre l'État et les religions; deuxième principe, neutralité religieuse de
l'État. Ah! ce principe-là, on l'a
déjà vu. On l'a déjà vu où? On l'a déjà vu dans le jugement Mouvement laïque
québécois. On l'a vu là, en 2015, et on l'a vu en 2017, dans le projet
de loi n° 62 de Mme la ministre de la Justice de l'époque, Mme Vallée, qui est venue, dans le cadre de son projet de loi,
reprendre la jurisprudence pour dire : L'État doit être neutre sur le
plan religieux. Par contre, on permettait des accommodements.
Donc,
la neutralité fait partie de la laïcité. Et donc, oui, on réfère au
paragraphe 137 pour dire, dans le premier alinéa de
l'article 3 : «La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur
mission, les institutions parlementaires, gouvernementales
et judiciaires respectent les principes énoncés à l'article 2 — donc, les quatre principes qui
soutiennent la laïcité, la définition de la
laïcité même — en fait
et en apparence.» Donc, quand la cour dit : La neutralité, c'est en
fait et en apparence, bien, quand vous prenez ce concept-là dans le jugement de
la Cour suprême, il est transposé dans notre projet de loi au paragraphe 2° de
l'article 2 en termes de composante et en termes de principe de la
laïcité.
Mme
Robitaille : Bien, on est ici pour comprendre, hein, la laïcité
québécoise selon le ministre. Le «en fait et
en apparence» nous renvoie, comme on le dit, au paragraphe 137. Et, quand
je lis ça, la phrase que j'ai lue tout à l'heure, quand on lit ça, c'est clair que les balises sont
autour de la neutralité. Et de là la contradiction, selon moi. Bien, en
fait, j'essaie de comprendre, parce que,
quand le ministre nous parle, j'ai vraiment l'impression que «en fait et en
apparence», quand même, ça réfère à cet objectif de neutralité. On lit :
«Loin de viser l'autonomie, la neutralité réelle exige que l'État ne favorise ni ne défavorise aucune religion
et s'abstienne de prendre position sur ce sujet.» Et donc, quand on dit ça, et il y a le lien, le lien est fait clairement,
j'ai l'impression... j'essaie de comprendre comment ce n'est pas en
contradiction avec, par exemple, l'article 6 du projet de loi.
Parce
que l'article 3 met les balises, comme disait le ministre, met le
fondement de tout ce qui va suivre après. Or, quand on essaie de
comprendre la définition de «en fait et en apparence», on nous renvoie à ça, à
un concept de neutralité, de neutralité. Et,
quand on dit : «Loin de viser l'autonomie, la neutralité réelle exige que
l'État ne favorise ni ne défavorise
aucune religion et s'abstienne de prendre position sur ce sujet», bien là,
j'essaie de comprendre comment avec un concept
comme ça, un peu plus loin, dire : Bien, l'État peut dire à
une dame, par exemple, bien, enlevez votre voile et, comment je
pourrais dire, s'imposer et aller à l'encontre de sa liberté de conscience à
elle. Et donc j'aimerais que le ministre m'explique un petit peu plus.
• (12 heures) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bien, juste pour
rassurer, M. le Président, la députée de Bourassa-Sauvé, 3 et 6, c'est distinct. O.K.? 6, on va le voir peut-être tantôt, je le
souhaite, c'est l'interdiction de porter des signes religieux pour
certaines personnes qui sont nommément prévues à l'annexe II du projet de loi. Quand on regarde le projet
de loi, là, il ne faut pas
mélanger les choses.
L'article
3, ça vise les institutions de l'État, gouvernementales, parlementaires et judiciaires. Lorsque la
députée de Bourassa-Sauvé nous dit :
Écoutez, bien, c'est la neutralité de l'État qui est visée en fait et en
apparence, oui, ça, c'est vrai dans
le jugement. Dans le jugement Mouvement laïque, ça porte là-dessus.
Mais, quand vous lisez l'article 3, ça couvre les quatre principes. C'est la fin du premier alinéa,
«respectent les principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence».
Donc, lorsqu'on retourne, là, à l'article 2, là,
les quatre principes, là, la séparation de l'État et des religions, la
neutralité religieuse de l'État, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes
et la liberté de conscience et la liberté de religion, donc ces quatre
principes-là doivent s'exercer en fait et en apparence. Ce n'est pas uniquement
la neutralité religieuse de l'État. Ça
s'applique aussi à la séparation de l'État et des religions, l'égalité de tous
les citoyens, citoyennes, la liberté de conscience et
la liberté de religion. Premier élément.
Deuxième élément aussi... Bien, j'y reviendrai, M.
le Président.
Le Président (M.
Bachand) : O.K. J'ai le député de Jean-Lesage
qui demande la parole.
Juste vous
dire, chaque membre de la commission, vous avez amplement le temps pour intervenir.
Essentiellement, juste pour vous rappeler, l'article 245, vous avez
20 minutes par article puis 20 minutes par alinéa. Donc, vous avez amplement le temps. C'est sûr que, de temps en
temps, si un député d'un autre groupe parlementaire me demande la parole, je vais intervenir dans le désir de faire une
alternance, mais vous avez amplement le temps. Je vais revenir, à ce moment-là, vous redonner la parole.
Alors, M. le député de Jean-Lesage, s'il vous
plaît.
M.
Zanetti : Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais avoir des précisions de la part du ministre
sur le début de l'article 3. À quoi sert la fin de la phrase qui
dit «en fait et en apparence»? Au fond, pourquoi l'avez-vous rajoutée?
Si vous l'enleviez, qu'est-ce que ça changerait? Quelle est l'importance de
cette section-là de la phrase?
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, un
peu comme je le disais à la députée de Bourassa-Sauvé, M. le Président, dans
le fond, c'est l'exercice de la laïcité par
les différentes institutions. C'est dans les agissements, mais c'est aussi
l'apparence de cet agissement-là.
Je vous donne
un exemple. Le concept de «en fait et en apparence», on le retrouve dans le jugement
Mouvement laïque québécois, mais on le
retrouve aussi souvent dans l'impartialité de la magistrature, l'impartialité
des tribunaux, parce que c'est un
concept, là, important. Au-delà de la justice, il doit y avoir aussi apparence
de justice dans les faits et aussi au niveau
de l'apparence. Et ça, c'est important aussi, ce concept-là. Donc, souvent,
quand on évalue, on l'évalue sous un critère objectif, mais aussi le
critère subjectif au niveau de la perception.
Donc, les
institutions doivent être, en fait et en apparence, laïques. Ils doivent
faire... ils doivent, aux yeux du tiers, en apparence, être également laïques. Donc, c'est la façon, M. le
Président, pour le député de Jean-Lesage, c'est de la façon dont va s'exprimer cette laïcité-là. Et la
laïcité, lorsqu'on la conçoit, on dit : Oui, dans les faits, le religieux
n'intervient pas, parce qu'on a eu la
discussion hier sur pourquoi les institutions religieuses ou non. Là, moi, je
disais : Écoutez, c'est plus large que les institutions, ça couvre
aussi toutes les religions. Donc, dans les faits, ça doit être séparé, mais
aussi, en apparence, ça doit être séparé, d'où la nécessité de le mettre, «en
fait et en apparence».
Le Président (M.
Bachand) : M. le député.
M. Zanetti : Et si on disait
simplement : La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leurs
missions, les institutions parlementaires,
gouvernementales et judiciaires respectent les principes énoncés de l'article
2, c'est-à-dire les principes de la laïcité de l'État, ce ne serait pas
suffisant?
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas suffisant parce que... Je vous donne un exemple. Dans
Mouvement laïque québécois, la cour
vient dire, uniquement sur la neutralité, là, O.K., on parle de la neutralité,
la cour vient dire : L'État doit
se comporter d'une façon neutre sur le plan religieux, en
fait et en apparence, avec les citoyens. Ça, ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Cour suprême. Un des concepts de la
laïcité, un des principes de la laïcité, à l'article 2, sur lequel on a
voté, c'est notamment la neutralité religieuse de l'État. Donc, si on
n'inscrivait pas, supposons, «en fait et en apparence», bien, on viendrait être
en opposition avec le jugement de la cour sur la définition même de neutralité
religieuse de l'État.
Voyez-vous, dans le
fond, là, actuellement, là, l'État du droit, là, c'est que, lorsqu'on parle de
neutralité religieuse de l'État, O.K., même
chose dans le cadre du projet de loi n° 62, bien, l'État,
l'exigence que nous avons pour les trois institutions, là, que ce soit
une institution gouvernementale, judiciaire ou parlementaire, c'est d'être
neutre religieusement. Mais cette
obligation-là, pour l'État québécois, elle se fait en fait et en apparence. Ça
fait que, dans la définition, on
vient intégrer ce concept-là déjà préexistant, mais ce concept-là, il n'est pas
seul comme concept de la laïcité.
Puis,
hier, on a parlé de la distinction entre la laïcité et la neutralité. La
laïcité, ça contient plus de choses qu'uniquement la neutralité. Mais ce
qu'on fait à la fin de l'alinéa un, c'est qu'on vient mettre la notion d'«en
fait et en apparence» pour les autres
principes qui sous-tiennent la laïcité, évidemment la séparation de l'État et
des religions, la liberté de conscience et de liberté de religion et
l'égalité des citoyens et citoyennes.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage.
M.
Zanetti : Est-ce que cette particule-là de la phrase, au fond, sert à
appuyer les articles à venir qui interdisent les signes religieux ou
c'est complètement séparé?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Non, c'est séparé. Je vous donne un exemple, O.K.? Le projet de loi
pourrait ne pas contenir d'interdiction
de porter des signes religieux pour certaines personnes en situation
d'autorité. Je pense que c'est la position
de votre formation politique. Je pense que c'est la position aussi du Parti
libéral du Québec. S'il n'y avait pas l'article 6, l'article 3 serait présent quand même. Et donc
cette notion-là imposée aux institutions est présente et n'a pas
d'impact sur l'article 6.
Par
contre, nous, on insère l'article 6. Or, il est vrai que l'obligation de
l'État, qui est le fait d'agir en fait et en apparence, se matérialise
par le biais de ses agents. Et donc l'article 6, en fonction des pouvoirs
particuliers, des responsabilités
particulières qui sont confiées à certaines catégories de personnes, ils sont
le prolongement de la laïcité de l'État.
Donc, pour ceux-ci, pour cette catégorie-là, oui, ils ne doivent pas porter de
signe religieux. Là, on rentre dans cette question-là sur l'apparence. Elle est tout aussi importante au niveau de
l'agent de l'État. Prenons le cas du policier, parce qu'on a eu beaucoup de gens qui sont venus nous
dire... Et on a eu aussi notamment l'Association des policiers
provinciaux qui sont venus en témoigner. On
a eu une lettre aussi de M. Francoeur, le président de la fraternité des
policiers, qui notait l'importance de neutralité en apparence sur le
plan religieux et donc au niveau de la laïcité.
Donc,
en réponse à votre question, le projet de loi pourrait vivre sans l'article 6,
O.K., mais, par contre, l'article 6, qui
interdit le port de signes religieux pour certaines personnes en situation
d'autorité, notamment ils doivent être sur le... ils doivent appliquer
la laïcité au niveau de l'apparence, mais au niveau... également dans les
faits.
• (12 h 10) •
Le
Président (M. Bachand) : Je me tourne maintenant vers
l'opposition officielle. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous
plaît.
Mme David :
...continuer, parce que, comme j'ai dit hier, nos chemins se croisent
actuellement, mais vont se décroiser
rapidement, parce que, vous le dites très bien, le reste est un choix
politique, l'article 6 puis compagnie après, où vous ajoutez des choses qui ne sont pas
nécessaires à l'État laïque. Non seulement elles ne sont pas nécessaires,
mais, selon notre perspective, c'est là qu'on n'est plus du tout d'accord avec
votre position.
Mais
là on est sur le 3, puis on a voté 1, puis on a voté 2. Mais c'est parce que
vous avez bien ouvert la porte en disant :
Le projet de loi pourrait exister sans la suite. Ça pourrait être un souhait.
Vous nous donnez de très, très, très bonnes idées et de pistes. Vous vous les donnez à vous-même, peut-être,
d'ailleurs, et j'apprécie énormément, parce que c'est vous-même qui l'abordez. On ne pourrait même pas
plaider que c'est nous, c'est vous qui nous le mettez même en tête. Alors, le projet de loi pourrait exister sans tout
ce qui va suivre. Quelle belle déclaration! Puis je suis d'accord avec
vous. Je suis tellement d'accord que ça serait notre souhait le plus profond.
Mais
je vais venir sur le mot «respecter», justement, parce qu'«en fait et en
apparence», on est déjà rendus plus loin,
on y reviendra, mais même le mot... ces institutions, dans le cadre de leur
mission de respecter les principes énoncés. Alors, qu'est-ce que ça veut dire, pour vous, respecter, respecter,
disons, l'égalité de tous les citoyens ou respecter la liberté de
conscience pour une institution qui pourrait être un organisme budgétaire, par
exemple?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, c'est de se conformer aux exigences de la laïcité de l'État.
Quand on dit respecter la loi...
bien, en fait, respecter les principes de la laïcité de l'État, c'est de les
appliquer, de faire en sorte qu'au quotidien, à l'intérieur des différentes institutions, qu'elles soient
parlementaires, judiciaires ou gouvernementales, ça se matérialise. Et j'invite la députée de Marguerite-Bourgeoys, M.
le Président... Je sais qu'on est en désaccord sur le port ou
l'interdiction de signes religieux, mais il faut quand même séparer
l'article 3 de l'article 6... O.K.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée.
Mme David :
Oui, bien, c'est pour ça... Vous avez tout à fait raison. C'est pour ça qu'on
veut très, très bien comprendre l'article 3, parce que, quand on met
«respecter», si on est un parent puis on demande à notre enfant de respecter ce que papa ou maman a dit, tu vas
aller au lit à neuf heures, respecte ce que je te demande, bien, s'il n'y
va pas, il y a des suites à ça. Et
c'est ça que j'aimerais que vous nous aidiez, avec des mises en situation, plus
pédagogiques, plus concrètes. Parce qu'il y a tellement de monde, il y a
tellement d'organismes, puis on pourrait les passer un par un puis dire : Qu'est-ce que ça veut dire,
respecter ces quatre principes-là, quand on est une régie intermunicipale,
quand on est une commission scolaire, quand
on est, comme je disais hier, un cégep, une université? Pour moi, ce n'est pas
clair et ce n'est d'autant pas clair
que, quand l'enfant ne va pas au lit au moment où papa dit : Tu t'en vas
au lit, puis qu'elle est dans la phase du non, vous faites quelque chose
pour qu'elle respecte votre souhait de papa.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bien,
dans un premier temps, M. le Président, je vous dirais que c'est le dialogue,
hein? Quand on ne veut pas aller se coucher,
il faut expliquer pourquoi il faut aller se coucher pour être en forme le
lendemain. Donc, ça, c'est la première des choses.
Deuxièmement,
M. le Président, l'ensemble des institutions publiques respectent les lois,
hein? Lorsqu'on a un corps public,
lorsqu'on est un corps public, on respecte la législation qui est applicable.
C'est le propre des institutions publiques.
En fait, vous savez, quand on est institution publique, on est l'État. Ce n'est
pas désincarné. Lorsque vous avez, supposons, une municipalité, la
municipalité exerce ses fonctions, ses pouvoirs par le biais des lois qui lui
confèrent ces pouvoirs-là. Une municipalité,
c'est créé par une loi, ce n'est pas dénué de personnalité, là. Une
municipalité, c'est l'État, c'est le
prolongement de l'État du Québec. Ça fait partie... ce sont des gouvernements
de proximité, sauf qu'elles font
partie de l'État, même
chose, les commissions scolaires. Donc, lorsqu'on dit «respectent», en fait,
c'est l'application de la laïcité.
En soi, dans le traitement, les différentes entités de l'État doivent être
laïques, doivent donner un traitement, en fait, en apparence, qui est
laïque.
M. le Président, la députée de Marguerite-Bourgeoys donnait l'exemple des régies intermunicipales,
supposons, de police. Bien, je pense qu'elle pourrait convenir avec moi qu'il y
aurait un problème si une régie intermunicipale n'agissait pas d'une façon laïque avec les citoyens
qui se présentent devant eux, supposons qu'elle ne traiterait pas tous
les citoyens, citoyennes sur le même pied d'égalité, qu'elle ne respecterait
pas la liberté de conscience et de religion des citoyens ou des plaignants qui
viennent déposer une plainte au poste de police.
Donc, l'application de ce concept-là s'applique
à l'ensemble des organisations qui sont visées, tel qu'énoncé au paragraphe 2°
et à l'annexe I, pour les institutions gouvernementales, et pour les institutions
parlementaires, et les institutions judiciaires.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée.
Mme
David : Alors, j'essaie de
comprendre et j'aime beaucoup votre notion de dialogue, parce qu'à un
moment donné peut-être que vous allez être
un peu tanné du dialogue et que vous voudriez aller dans des procédures un peu
plus exceptionnelles que ce qui s'appelle un
dialogue. Mais, tant qu'on peut, on va dialoguer avec un très, très
grand plaisir, et c'est très important.
Donc, ce dialogue implique justement qu'on
revienne à la différence fondamentale entre l'existence moult fois bonifiée de la charte québécoise
des droits et libertés et une grosse, je dirais, cohabitation ou superposition
avec votre article 2, qui s'applique
à l'article 3. Donc, tout ce que vous dites, là, municipalités,
établissements, etc., ministères, bien, un fonctionnaire ne sentirait pas
qu'il est traité également en égalité hommes-femmes ou citoyens-citoyennes, ou
liberté de conscience, ou de religion, il aurait recours à la charte.
Alors, en quoi la laïcité apporte quelque chose
de plus dans votre corps jurisprudentiel que la charte?
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, je donne
un exemple. Est-ce qu'on veut que les organismes publics soient laïques? C'est ça, la première question
qu'on doit se poser. Prenons le cas du conseil municipal à Saguenay, hein, ça
s'est rendu jusqu'à la Cour suprême.
Bien, on souhaite que les conseils municipaux
ne récitent pas de prière avant le conseil. C'est ce que la Cour suprême
est venue dire et c'est ce qu'on fait juridiquement avec la laïcité de l'État.
Donc, en fait et en apparence, le conseil doit être laïque. S'il y avait
récitation de prière, même si, dans les faits, supposons, il est laïque, mais il y a récitation de prières
confessionnelles, M. le Président, je pense que la députée de
Marguerite-Bourgeoys peut convenir
avec moi qu'en apparence qu'il y aurait une atteinte à la laïcité. Dans le
fond, le fait de respecter, c'est d'obéir, de se conformer. Donc, l'ensemble des institutions publiques qui sont
visées par le biais de l'article 3, c'est un concept qu'ils appliquent
au même titre que les différents concepts qu'ils régissent.
• (12 h 20) •
Je vous donne
un exemple, un exemple juridique en droit administratif, l'équité procédurale.
Toutes les entités gouvernementales,
lorsqu'elles rendent une décision, doivent se conformer à l'équité procédurale.
Or, elles respectent cela. Il serait
non avenu pour une institution de ne pas respecter, supposons, l'équité
procédurale. C'est la même chose au niveau de la laïcité, c'est l'organisation, hein, c'est l'institution, c'est le
corps constitué par une loi du Québec ou par le prolongement des
compétences du Québec. Donc, c'est vraiment le concept de laïcité qui s'applique
aux différentes organisations de l'État québécois.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme David : C'est intéressant, mais
on va prendre un exemple inverse. Si quelqu'un est handicapé et qu'il se sent traité inégalement... donc l'égalité de
tous les citoyens et citoyennes, ça comprend, entre autres, l'égalité, que
tu sois handicapé ou pas handicapé. Handicapé, je pense à plus un handicap
physique, mais ça peut être toutes sortes de handicaps.
Il est protégé par la charte. Cette égalité-là, il peut la plaider, ce
sentiment d'être moins bien traité. Ça a déjà été traité par la société, l'obligation de rampes,
l'obligation de toutes sortes de choses, qui peut faciliter et rendre égale
la vie de tous les citoyens et l'estime de soi de tous les citoyens, dans sa
fonction sociale.
Alors, je
répète ma question. Pourquoi faut-il proclamer une laïcité de l'État qui, de
toute façon, dans les faits, est déjà existante et, quand elle ne l'est pas, comme
l'arrêt dont vous parliez ou ma collègue parlait, sur la prière, ça a
été justement avec un arrêt de la Cour suprême là-dessus?
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, à titre
d'exemple, je vais vous donner un comparatif. La députée de Marguerite-Bourgeoys
nous dit : Écoutez, la charte, elle est déjà là,
donc on ne devrait pas prévoir une loi sur la laïcité puis indiquer les
grands concepts, comment l'État doit se gouverner. Or, l'État doit... on peut
se doter de règles pour dire comment l'État
du Québec se comporte, ce n'est pas nécessairement aux
tribunaux, parce que ce à quoi la députée de Marguerite-Bourgeoys
nous invite, c'est de dire : Bien, écoutez, laissons les citoyens,
à toutes les fois, prendre un recours, prendre un recours pour dire... puis faire statuer l'état du
droit ou l'avancement du droit. Laissons ça aux tribunaux pour dire :
Eux, ils viendront déterminer en vertu d'une plainte à la Charte des droits et
libertés de la personne. Je ne conteste pas le bien-fondé d'une telle requête
puis le rôle des tribunaux dans ce dossier-là.
Par contre,
moi, je pense que, comme parlementaires, il faut déterminer comment sont nos
institutions. Quand on a décidé, là,
que le Québec était français, là, bien, on l'a fait dans une loi. Je donne
l'exemple suivant. L'autre jour, la collègue
d'Anjou, qui est en commission parlementaire avec la ministre des Affaires
municipales sur le projet de loi n° 16,
propose un amendement, notamment pour l'accessibilité aux personnes handicapées
dans les municipalités, propose cet
amendement-là. Si je suis votre logique, le gouvernement n'aurait pas dû
accepter cet amendement-là parce qu'il y avait un recours prévu à la charte, qui aurait pu être fondé, supposons, sur
la disparité de traitement fondée sur le handicap. Or, votre collègue
dit : Non, il faut que ça soit dans la loi, il faut qu'on prévoie que les
municipalités tiennent compte des handicaps des personnes.
Donc, la
charte, elle est là pour prévenir des situations, et c'est un recours qui peut
être utilisé par les citoyens. Or, la
laïcité de l'État est génératrice de droits, notamment pour les citoyens. Donc,
à la base, là, l'État, là, le message qu'elle envoie et qu'elle dit à l'ensemble des intervenants à l'intérieur de la
boîte, là, si je peux dire, à l'intérieur des différentes institutions, elle dit : Je suis laïque. État
du Québec, je suis laïque, et ça va se transposer, ça va se matérialiser à
travers les agissements des gens qui
travaillent pour l'organisation. Puis là je ne parle pas des signes religieux.
Je parle, supposons, quand vous allez
au comptoir faire votre permis de conduire de la Société de l'assurance
automobile du Québec, le préposé a
l'obligation d'agir avec le traitement approprié d'un État laïque, exemple, de
donner un traitement équitable à tous les citoyens qui se présentent et que l'employé respecte la liberté de
conscience et la liberté de religion de la personne qui vient demander
un service public.
Donc,
voyez-vous, ce qu'on veut éviter de faire, c'est que les citoyens aient
l'obligation de... s'ils veulent statuer sur quel est l'état de l'étendue de la laïcité au Québec, de devoir
s'adresser aux tribunaux pour le déterminer. C'est à nous, tous ensemble, de déterminer que l'État québécois,
il est laïque et quels sont les paramètres. Et, là-dessus, je pense que
vous êtes d'accord avec moi, parce que vous
avez voté... la députée de Marguerite-Bourgeoys a voté sur les deux. Et donc ça vise, la laïcité,
à faire garantir l'application de cette laïcité-là. Ce sont ces concepts-là qui
s'appliquent.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
David : Là où on se rejoint,
c'est générateur de droit. Donc, à partir de ces deux articles-là, surtout
l'article 2, parce que c'est un peu plus
détaillé que l'article 1, les gens peuvent générer du droit en disant, par exemple, au quatrième alinéa : Nous n'avons pas respecté ma liberté
de conscience ou ma liberté de religion.
Alors, vous
me voyez venir, évidemment, si ça va générer du droit, le fait qu'on n'a pas
respecté ma liberté de religion, vous
allez plaider, d'un côté, que c'est dans la charte, l'article 2... pas dans la
charte, mais dans la loi, l'article 2, quatrième
alinéa, vous allez plaider sur la liberté de religion, qui est un principe de
la laïcité de l'État, puis, en même temps, vous allez plaider l'extrême opposé à partir de
l'article 6. Est-ce que je comprends bien?
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, je ne suis
pas sûr de comprendre. Si vous voulez juste spécifier.
Mme
David : ...à l'alinéa 4° de
l'article 2, il est bien écrit qu'on peut générer du droit. C'est ce que vous
avez dit. Donc, on pourrait plaider, comme citoyen... j'ai donné un exemple
d'un citoyen handicapé qui ne se sent pas traité équitablement. C'est protégé
par la charte, la religion aussi est protégée par la charte. Vous le remettez
ici, liberté de religion, mais alors un
citoyen pourrait plaider la liberté de religion, mais, quand il va arriver à
l'article 6, dans certains cas, il ne pourra plus. Il ne pourra plus
plaider la liberté de religion.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. C'est plus clair, la question. Il faut se mettre dans une
perspective que la laïcité de l'État et les principes assujettis à la laïcité
de l'État, c'est une norme générale qui vise tous les citoyens. O.K.? L'article
6, on y reviendra un peu plus tard. Je réitère, M. le Président, c'est
important de faire la distinction entre les deux, parce que, prenons le cas
actuellement, O.K... La laïcité, avec les quatre principes, c'est une norme de conduite qu'on met pour l'État. C'est son cadre.
L'État québécois, il est laïque, avec les quatre principes qui le
soutiennent. Donc, le citoyen qui se
présente à un bureau de la SAAQ a une garantie que l'État québécois va le
traiter en ayant une séparation entre
l'État et les religions. Il va le traiter avec la neutralité religieuse
requise, il va lui donner un traitement équitable et surtout l'État va
respecter sa liberté de conscience et sa liberté de religion. Donc, oui, c'est
générateur de droit pour les citoyens.
Actuellement,
la laïcité, ça n'existe pas. Donc, un citoyen, supposons, qui voudrait utiliser
un recours à la Charte des droits et
libertés de la personne pour dire : Moi, j'ai droit à mon service public
laïque, il n'y a rien. Tout ce qu'on a, c'est la neutralité religieuse
de l'État. Tout ce qu'on a, c'est, supposons, Mouvement laïque québécois. On ne
traite pas de laïcité. Il n'y a aucune loi,
au Québec, qui traite de laïcité. La seule loi que nous avons, c'est celle de
Mme Vallée, qui traite de la
neutralité religieuse de l'État, et, encore là, dans cette loi-là, bien, on
permet des accommodements religieux pour ne pas respecter la neutralité
religieuse de l'État.
Nous, on
dit : Bien, on va le voir plus tard, non, il n'y a pas d'accommodement
religieux. Lorsque vous offrez un service public à un citoyen dans...
Puis là je ne parle pas de signe religieux, là. On s'entend, je ne parle pas de
signe religieux, c'est à 6. L'État doit agir d'une façon laïque avec l'ensemble
des citoyens.
Donc, l'objectif qu'on a, à l'article 3, c'est
l'incorporation... pas l'incorporation au sens de compagnie, là, l'incorporation au sens... l'intégration au sens
de comment est-ce que les entités de l'État se comportent, quel est le
cadre applicable, au même titre que...
Exemple, les normes financières de l'État, quelles sont-elles, ou les codes de
conduite? La députée de Marguerite-Bourgeoys a eu à modifier certaines lois pour mettre en place certains codes de conduite dans le réseau universitaire. Quels
sont les cadres? Quelles sont les balises? Au niveau de l'État en général, on
ne parle pas des employés visés par
l'interdiction de porter un signe religieux à l'article 6. C'est vraiment
au niveau de comment se comporte l'État dans le traitement avec les
citoyens. Donc, en fait et en apparence, il doit être laïque.
• (12 h 30) •
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
David : Oui. On ne parle pas de signes religieux. C'est à 6. Je sais
que le ministre... Mais, quand, justement... parce qu'il y aura une loi sur la laïcité... Parce que le ministre
dit : Le citoyen ne peut pas plaider, il n'y en a pas, de loi sur la laïcité. Quand il va vouloir la plaider, la
laïcité, ou invoquer cette loi pour quelque chose qui... un service qui
n'aurait pas été rendu, selon lui, selon
cette loi, ou une situation, bien, il va pouvoir plaider grâce à cette loi,
l'article, quand même, l'alinéa 4° de la liberté de religion. Vous
dites : On ne parle pas de signes religieux, c'est à 6. J'entends bien
«signes religieux». Mais là on va se compliquer
la vie un peu parce qu'un signe religieux, ça fait partie de la liberté de
religion. Alors, quand la loi sera adoptée,
vous allez... le citoyen pourra plaider l'alinéa 4°, le
paragraphe 4°, pour dire : Moi, je plaide, dans le cadre de la
Loi sur la laïcité, la liberté de religion.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
voudrais juste avoir un petit peu plus de spécifications sur le raisonnement de
la collègue de Marguerite-Bourgeoys. Un citoyen pourra plaider la liberté de
religion, mais...
Mme David : En fonction de cette loi
adoptée.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais quelle est la conclusion recherchée, en
fait? Supposons, un citoyen. Là, on est dans un cas hypothétique, là, mais, dans votre intervention, la députée de
Marguerite-Bourgeoys dit : Un citoyen pourrait avoir recours au paragraphe 4° de l'article 2,
la liberté de conscience, la liberté de religion, pour présenter une requête,
supposons. Mais quelle est la prémisse?
Mme
David : La prémisse de la requête, ce serait : Ma liberté de
religion n'a pas été respectée dans la loi n° x,
paragraphe 4°. Ma liberté de religion
n'a pas été... Alors, c'est pour ça que je m'attarde un peu à votre
citation : On ne parle pas de
signes religieux, là, ça, laissons ça pour l'article 6. Mais non, parce
que «signes religieux», ça fait partie de la liberté de religion dans
l'article 2. Est-ce que je suis plus claire?
M.
Jolin-Barrette : Mais
revenons un petit peu sur votre proposition que vous faites. Vous dites :
La liberté de religion et de conscience est invoquée par qui, par le
bénéficiaire de services publics ou par la personne qui donne les services
publics? Dans votre proposition hypothétique, là.
Mme
David : Ça peut être les
deux. Bien oui, ça peut être les deux. Ça peut être les deux, justement.
Alors, la liberté de religion va être
plaidée dans la... Puis je ne veux pas vous mettre la réponse dans la bouche.
J'aurais des éléments. Mais je vous
soumets, par exemple, quelqu'un qui donne un service et qui porte un signe religieux, il va plaider la liberté de religion grâce à l'article 2
sur la laïcité puis il va gagner parce que c'est inscrit nommément.
M.
Jolin-Barrette : Bien, moi,
je ne suis pas vraiment dans une logique de gagnant-perdant. Je veux juste
qu'on prenne un pas de recul puis on sorte
de cela. O.K. Si la députée de Marguerite-Bourgeoys fait référence à,
supposons... Prenons un cas concret. Je ne voudrais pas qu'on fasse le débat de
6, mais les propos de la députée de Marguerite-Bourgeoys m'invitent un peu à glisser vers 6, O.K.? Mais prenons un cas
concret, là, pour le bénéfice de la discussion sur 3. Prenons le cas d'un policier qui porterait un
signe religieux, juste pour illustrer l'intention de la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Donc, ce qu'elle nous
dit, ce que je crois comprendre de ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys
nous dit, c'est que, si un policier porte un signe religieux, il pourrait
utiliser le paragraphe 4° de l'article 2 comme base de son recours pour dire : Écoutez, moi, j'ai le
droit à ma liberté de religion, et donc j'ai le droit de porter un signe
religieux parce que c'est prévu au paragraphe 4° de
l'article 2 comme étant la laïcité de l'État. Est-ce que c'est ça, le
raisonnement?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée.
Mme
David : Oui, tout à fait, sauf s'il n'existait pas l'article 6,
où je sais très bien que ce même policier n'aura plus le droit à cause de l'article 6. Alors, ce
que je veux... J'aimerais mieux que vous preniez un exemple qui n'est pas
l'article 6, là, je suis d'accord avec
vous. Qu'on aille vers une infirmière, par
exemple. Donc, c'est clair que
l'infirmière pourra, si on l'empêche d'avoir un signe religieux, elle
pourra plaider la liberté de religion.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, j'arrête tout de suite la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Il n'est aucunement question, dans le
cadre du projet de loi et dans le cadre des dispositions, d'interdire le port
de signes religieux pour les fonctionnaires
de l'État qui ne sont pas visés à l'article 6. Les infirmières ne se
retrouvent pas à l'article 6. Elles peuvent porter des signes religieux. Un bémol : les services... un
fonctionnaire de l'État doit exercer ses fonctions à visage découvert
durant toute la durée de sa prestation de travail. Et, là-dessus, je pense
avoir l'appui du Parti libéral parce que dans le projet de loi n° 62,
c'est ce qui était prévu. Je veux juste qu'on s'entende là-dessus. On peut-u
s'entendre là-dessus?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
David : Je vais répondre. Je vais m'inspirer du ministre et je
dis : On parlera de visage découvert quand on sera rendus à l'article sur le visage découvert.
Le diable est dans les détails. Laissons-nous le temps d'arriver là. Et,
comme j'entends un appel au dialogue, bien, j'espère que le dialogue va se
poursuivre, et se poursuivre, et donc on se rendra à l'article sur le visage découvert. Maintenant, quand vous avez
dit — mais ça,
c'était hier, mais je me permets, des fois, de noter des perles au
passage de ce que vous pouvez dire : Les croyances ne doivent pas entrer
en ligne de compte dans le service à un
client. Puis là, malheureusement, je ne peux pas... je sais qu'on était dans
l'article 2, dans l'article 3, qu'on échangeait là-dessus, mais les croyances ne doivent pas entrer en
ligne de compte dans un service, parce que c'est la neutralité, entre autres, qu'elle soit religieuse,
ou la laïcité, ou la séparation. Ça touche toutes sortes d'articles, mais
la liberté de conscience peut faire en sorte
que nous avons des croyances. Puis vous, vous avez des croyances, votre
collègue a des croyances, nous avons
tous des croyances qui nous font lever le matin, puis de croire encore un peu à
la vie puis à notre raison d'être en
ce bas monde. Donc, ça, j'y crois profondément, qu'on a tous des croyances,
qu'elles soient athées ou pas athées,
mais il faut un sens à la vie. Bon, là, on va faire de la philosophie, mais
comment pouvez-vous évaluer, mesurer, prendre une photo qu'une croyance
ne doit pas entrer en ligne de compte dans un service au client?
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
• (12 h 40) •
M.
Jolin-Barrette : Bien oui,
tout à fait. Les croyances intimes d'une personne, d'un prestataire de service
public ne doivent pas influencer sa prestation
de service public, hein? C'est le même traitement pour tout le monde, et la
liberté de conscience et la liberté de religion, elle est là notamment pour le
bénéficiaire du service public.
Je donnais,
je pense, l'exemple hier : un anglican qui donne un service à un
catholique. Le traitement qui est donné doit être la même chose qu'un anglican qui donnerait un service à une
personne de confession juive ou à quelqu'un qui est luthérien. Il n'y a pas de distinction. Et, quand
qu'on parle de la liberté de conscience et la liberté de religion prévues
au paragraphe 4°, on doit la lire avec les autres principes qui
sous-tendent la laïcité. L'égalité de tous les citoyens, la séparation entre l'État et les religions, et la neutralité religieuse
de l'État.
Donc,
quand, là, je reviens à mon exemple, là, du permis de conduire à la SAAQ...
Moi, j'arrive lundi matin. Le client, moi, je suis catholique. Le traitement qui m'est réservé ne doit
pas avoir de distinction parce que je suis catholique. Mardi matin, je suis une autre personne, j'arrive
au comptoir de la SAAQ, je suis de confession juive. Le traitement qui
m'est réservé au comptoir de la SAAQ ne doit pas être différent de celui du
client qui était catholique le lundi matin. Mercredi matin, une autre personne
arrive au comptoir de la SAAQ, la personne est de confession musulmane. Le
traitement qui est fait par le fonctionnaire de l'État n'est pas différent de
ce qui a été fait le mardi avec la personne de confession juive ou le lundi
avec la personne de confession catholique. Vous voyez où je vais, et ainsi de
suite.
Donc,
le traitement qui est fait par l'institution qui s'exprime par le biais de ses
employés dans la dispensation du service public, c'est
neutre... pardon, c'est laïque, à la fois en faits mais aussi dans les
apparences.
Puis la question d'apparence, là, je reviens, M.
le Président, au concept, supposons, de l'apparence de justice. Qu'est-ce que l'apparence? Puis il y a abondamment
de jurisprudence là-dessus sur le fait que, supposons, quand qu'on se présente devant un tribunal, là, le juge, là,
quand qu'il rend sa décision, ou même avant, quand qu'il entend les
parties, il doit faire preuve
d'impartialité, mais, s'il y a une apparence, pour les justiciables qui sont
devant lui, qu'il n'est pas impartial, ça ne marche pas non plus. Alors, c'est le sens aussi. Et le juge, quand il
est assis sur le banc, là, il a bien beau ne pas être partial, là, d'une façon objective, là, par
contre, s'il y a un doute sur sa partialité, on est au niveau de l'apparence,
et ce qu'on ne souhaite pas, c'est un
garde-fou qu'on a mis, que les tribunaux ont mis, supposons, lorsqu'on se
retrouve dans une cour de justice. Donc, c'est un peu le parallèle, M.
le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée.
Mme David : Ça allait très bien
jusqu'à lundi, mardi, mercredi, jeudi parce que je suis...
Une voix : ...
Mme
David : Vous n'avez pas fait
jeudi? Je vais rajouter jeudi, et on pourrait faire les sept jours de la
semaine, parce que c'est exactement
ça qui est la vraie société qui respecte les droits des uns et des autres mais
qui, en même temps, c'est
formidable... vous avez décrit une magnifique diversité. L'employé est là, il
reçoit, le lundi, quelqu'un catholique, quelqu'un de protestant le lendemain, vous n'avez pas dit de sikhs, on
aurait pu dire un sikh, un musulman, un juif, et voilà le Québec que vous décrivez de façon formidable. Et là
l'employé doit être neutre et doit faire l'égalité hommes-femmes, et doit faire l'égalité de tous les
citoyens, doit respecter la liberté de religion des gens en face de lui, sépare
l'État et les religions. Donc, lui, là, il a
un code de conduite professionnel, tout comme un juge d'ailleurs, et il doit,
en apparence, donner un service égal
à tout le monde. Il a un code, il doit... parce que, s'il n'est pas fin avec un
ou qu'il refuse de le servir le
mercredi matin, peut-être pour des raisons... parce qu'il s'est disputé
avec son conjoint ou sa conjointe le matin, ce n'est peut-être
pas la bonne raison, mais le patron va dire : Tu n'as pas le droit de te
comporter différemment ce matin que la veille.
Laisse tes problèmes à la maison ou laisse tes préjugés à la maison, laisse, et
tu sers un client, puis c'est ça qu'on demande
aux employés de l'État. Tu sers un client, que ce soit à la SAQ, le monde est
plus de bonne humeur d'habitude, mais,
des fois, ils sont moins de bonne humeur à la SAAQ, ou ils sont moins de bonne
humeur si... bon, pour toutes sortes de raisons, ça dépend des services
que tu reçois. Alors, jusque-là, je trouve formidable, on partage exactement
notre vision de la société.
Là où, malheureusement, puis normalement, dans
les générations, ça devrait être l'inverse de nos positions respectives... mais vous, rendu au juge, là, vous
allez dire : L'apparence d'impartialité. Bien, c'est bien évident qu'on
aura des interminables discussions là-dessus parce que je sais bien qu'on est
dans un siècle d'apparence, des décennies d'apparence,
mais, quand on sait comment ça ne veut rien dire l'apparence et c'est ce qu'on
enseigne à nos enfants : Ne te fie
pas à l'apparence, ton petit copain, dans la cour d'école, il a les cheveux
roux, mais il est aussi fin que toi qui n'as pas les cheveux roux, ou il a des «freckles», comme on dit, ou il a un
handicap... On n'arrête pas, comme parents, on n'arrête pas de dire à nos enfants : Tolérance,
tolérance, tolérance, ce n'est pas parce que le petit copain, il bégaie qu'il
faut que tu ries de lui, bon. Nous, on est des adultes, puis là on s'en
va codifier l'apparence. C'est invraisemblable, en approche philosophique de
ça, mais on y reviendra plus loin.
Mais, quand
vous dites : Les croyances ne doivent pas entrer en ligne de compte, bien,
moi, je dis : Les croyances, c'est
celles qu'on sait qu'on a, puis on en a des fois qui sont pas mal moins
conscientes que d'autres. Mais ce n'est pas lié à l'apparence, les croyances, c'est lié à tout ce qui nous a construit,
vous depuis moins d'années que moi, mais, quand même, sûrement
une trentaine d'années. Des croyances, c'est un précipité de chaque jour qui
s'additionne à un autre. Donc, il ne
faut pas que ça entre en ligne de
compte, vous avez raison, mais ça ne veut pas dire, les croyances religieuses,
qu'elles ont priorité sur une croyance pas visible, mais autrement plus active,
et on le voit dans toutes sortes de situations.
Alors,
j'essaie vraiment de comprendre comment vous pouvez faire respecter — parce que je reviens au départ, le mot
«respecter» — les
principes de l'article 2 parce
que c'est très, très, très difficile, même si c'est si c'est un patron, pour un employé dont il devine qu'il a peut-être des croyances, exemple,
homophobes. Ce n'est pas parce que tu portes une kippa que tu as une croyance homophobe ou... Tu as une croyance
homophobe, tu ne le dis pas. Tu ne le dis pas, mais le client qui arrive, peut-être qu'il va être moins
bien servi s'il est d'une orientation sexuelle plus qu'une autre. Mais,
ça, vous ne travaillez pas avec l'invisible,
vous travaillez juste avec la prétention que c'est le visible qui influence, et
moi, j'ai la prétention, M. le Président,
que le visible, c'est le petit haut de l'iceberg de quelque chose qui peut être
tellement plus, puis vous en voyez tout le temps dans les cours de
justice.
Alors, si vous me permettez, à moins qu'il y ait
d'autres mains levées, je vais quand même essayer de vous soumettre un cas qui n'est pas exactement, là,
tout à fait là-dedans, mais c'est une vraie question, puis, je pense, j'ai
hâte d'avoir votre réponse. Vous savez, j'ai parlé hier d'une université que je
connais bien, qui a une charte canonique. Alors, ça fait très... est-ce qu'il y
a un problème? Non?
Le
Président (M. Bachand) :
Interpellation par les yeux, c'est ça qu'on appelle. Alors, continuez, Mme la
députée.
Mme David : Attention!
Le Président
(M. Bachand) : ...c'est la réalité.
Allez-y, Mme la députée.
Mme David :
On va parler de la charte canonique — bien, c'est intéressant, hein, comme
mot — de la
charte canonique de l'Université de
Montréal, parce que je connais cet exemple-là, d'une part, quand j'y étais,
mais, après ça, j'ai eu à légiférer là-dessus. Avec votre adoption de
l'article 2, séparation de l'État et des religions, quand vous dites, à l'annexe I, paragraphe 7°, que ça
comprend tous les «établissements d'enseignement de niveau universitaire
énumérés aux paragraphes 1° à 11° de l'article 1 de la Loi sur les
établissements d'enseignement» supérieur... Puis là il y en a sûrement qui peuvent nous
aider là-dedans parce que je suis convaincue à 99 % qu'une université à
charte canonique est inclue dans les
1 à 11, parce que c'est les établissements... universités, ce n'est pas
seulement le réseau dans le paramètre gouvernemental.
Vous pouvez allez voir rapidement. Mais est-ce que ça veut dire que votre loi,
n'eût été de cette charte qui est passée l'an dernier puis qui n'avait
rien à voir avec l'arrivée de cette loi-ci... ils auraient dû... obligés de
changer leur charte canonique?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. On va faire les vérifications en lien avec
la... j'imagine que c'est la loi constituante de l'Université de
Montréal à laquelle la députée de Marguerite-Bourgeoys a fait référence.
Mme David :
Il y a d'autres universités à charte privées, hein, vous le savez. Il y a les
universités publiques, Sherbrooke...
M. Jolin-Barrette :
McGill.
Mme David :
...il y a Laval, il y a Montréal, McGill, Concordia. Alors, je veux juste...
peut-être que c'est une des plus
concrètes questions, si eux n'ont pas réalisé puis là, tout à coup, ils vont
s'inquiéter de ça. Alors, si vous trouviez la réponse, ce serait
intéressant parce que je suis pas mal convaincue qu'ils sont dans les
paragraphes 1° à 11°.
M. Jolin-Barrette :
Bien, on est en train de faire les vérifications, on va pouvoir revenir.
Je
voudrais répondre, M. le Président, sur la première partie de la question de la
députée de Marguerite-Bourgeoys. Effectivement, ça fait déjà plus d'une
trentaine d'années de vécues, déjà. Ça passe vite. Ça, c'est vrai.
Mme David :
...
• (12 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Bon. Sur la question de l'apparence de justice,
M. le Président, la députée nous dit : On vient codifier l'apparence de justice. Bien, écoutez,
sur le concept même de l'impartialité pour les tribunaux, c'est un
concept qui a été défini depuis des
décennies, depuis des siècles, et c'est fort important, comme justiciable, que,
lorsque le justiciable se présente,
bien, oui, il y ait apparence de justice, apparence d'impartialité parce que tout le système de
justice s'écroulerait, notamment. Et,
parfois, parfois, il y a des juges qui se sont probablement récusés, et
non pas qu'ils étaient partiaux, mais il
pouvait y avoir une apparence de partialité. Et, dans une situation comme ça,
ils ont pris la décision de se récuser du ban, et la jurisprudence en a
abondamment traité sur la question de l'apparence de justice.
Donc,
nous, ce qu'on fait dans le cadre du projet
de loi... puis là je reviens à
l'article 3, là, parce qu'on
discute beaucoup, là, ça s'élargit, là, puis on va le voir à
l'article 6, mais, à l'article 3, là, on vise les institutions. Les institutions respectent
les principes de l'article 2. La députée
de Marguerite-Bourgeoys revient
souvent sur, supposons, la liberté de conscience
et de religion des citoyens, mais, oui, l'État, là, quand elle traite un
citoyen, là, un service public, quand elle dispense un service public, elle a l'obligation, et là c'est maintenant...
pour la première fois, ça fait partie de la laïcité, là, l'agent de
l'État agit d'une façon laïque. Et, dans les composantes de cette laïcité-là,
bien, c'est la dispensation de ces services.
Lorsque
la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit : Un employé pourrait utiliser
le paragraphe 4° pour contester la
laïcité de l'État, parce qu'il souhaiterait porter un signe religieux en vertu
de 6, la réponse à cette question-là, c'est non. Ce n'est pas l'objectif de la définition prévue à l'article 2 parce
que les quatre concepts se lisent ensemble au niveau de la laïcité. Quelqu'un qui voudrait contester,
supposons, une disparité de traitement en vertu du droit à l'égalité le fait en
vertu de la charte. Mais l'employé ne le
fait pas en vertu du concept de laïcité, qui est générateur de droit pour
l'ensemble des citoyens, c'est l'État qui se comporte d'une façon laïque
avec les bénéficiaires de services publics, les citoyens, les citoyennes. C'est
là la distinction.
Ça
fait que le débat sur lequel la députée de Marguerite-Bourgeoys nous amène,
c'est vraiment à l'article 6, ce débat-là. Là, c'est vraiment
l'institution, le cadre de l'institution.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous
plaît.
Mme
David : Oui. Je le sais, qu'il y a des individus visés dans
l'article 6, puis on en reparlera. Mais c'est pour ça que je le prenais a contrario, moi. Je prenais la
liberté de religion de quelqu'un qui n'est pas visé par l'article 6,
justement.
M. Jolin-Barrette : Je vais juste revenir à votre question. En 1967, on conférait le statut
laïque, le caractère public de l'Université de Montréal, par le biais
d'une loi modificatrice. Donc, elle-même s'était dotée de ce caractère public
là... laïque.
Mme
David : Mais il y avait quand même des représentants, jusqu'à il y a
quelques mois, du diocèse de Montréal, en vertu de sa charte canonique.
M.
Jolin-Barrette : Oui, je suis d'accord...
Mme
David : Parce que la question est peut-être, là... peut-être que ça
embête les gens, mais, dans une étude détaillée,
on pose des questions, y compris les plus pointues peut-être. Elle est pointue,
mais c'est parce que ça peut être intéressant
aussi pour d'autres institutions, établissements universitaires, entre autres,
parce que les collèges privés, les cégeps
ne sont pas liés à ça. Alors, c'est une question qui me vient, parce que,
peut-être, ça va être une vraie question pour ces institutions. Je vous
demanderais de bien vérifier pour les rassurer, au cas où je les aie inquiétés.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Vous pouvez les rassurer. M. le Président, la députée
de Marguerite-Bourgeoys peut les rassurer.
Mon incroyable équipe me dit : C'est déjà prévu dans le projet de loi, à
l'article 11. On va le voir plus tard. La Loi sur la laïcité s'applique d'une façon postérieure à toutes les lois
qui seront adoptées. Donc, exemple, dans l'éventualité où la charte de l'Université de Montréal contenait
de telles dispositions, elle perdure dans le temps, même avec l'adoption
de la Loi sur la laïcité, jusqu'à ce qu'elle
soit modifiée. Alors, à ce moment-là, lorsqu'il y aura une loi modificatrice,
elle devra respecter le principe de laïcité.
Mme
David : En tout cas, ça va être intéressant. Essayez d'aller juste,
avec votre formidable équipe, un peu plus loin sur... Parce que moi,
j'ai peur d'avoir des appels et des inquiétudes sur... Écrivez quelque chose ou
dites quelque chose là-dessus pour que je n'aie pas à gérer les conséquences de
ma question toute la fin de semaine.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, M. le Président, vous pouvez faire un renvoi d'appel vers mon
équipe et on va...
Mme David :
...avec plaisir.
M. Jolin-Barrette : Oui, c'est ça. Mais il
faut adopter l'article 11
pour faire cela. Mais je vais juste, M.
le Président, pour le bénéfice, là,
des membres de la commission, là... Je référais à l'article 11.
11, ça va être : «Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles
de toute loi postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette
dernière [...] n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi.
«Les
dispositions des articles 1 à 3 ne prévalent pas sur celles de toute loi
antérieure qui [lui] sont contraires.»
Donc, dans l'éventualité
où, exemple, c'était prévu avec la charte de la ville... excusez-moi, la Charte
de l'Université de Montréal, elle perdurerait dans le temps jusqu'à tant que la
Charte de l'Université de Montréal serait modifiée. Donc, vous pouvez
rassurer...
Mme David :
...modifiée grâce à moi, entre autres. Elle a été modifiée.
Maintenant,
vous avez dit quelque chose tout à l'heure, puis je vais revenir sur les juges
après, mais vous avez dit que j'avais fait une loi effectivement
balisant, entre autres, toute la question des violences à caractère sexuel dans
les établissements d'enseignement supérieur, et je voulais juste vous
sensibiliser au fait que cette loi-là a été adoptée à l'unanimité, et cette loi-là a été extrêmement bien travaillée en
commission parlementaire. Les oppositions ont fait des commentaires qui ont beaucoup bonifié la loi,
beaucoup, beaucoup. Et moi, j'ai toujours dit : Ça peut être
extraordinaire, une commission
parlementaire, parce que les oppositions... plus on est de cerveaux à réfléchir
à quelque chose, meilleure peut être la loi.
Alors,
souhaitons-nous le même processus. Mais, en espérant arriver à ça, je vais
revenir sur vos juges, vos juges et l'impartialité,
justement. Vous avez raison, l'impartialité, j'ai dû la pratiquer pendant toute
ma carrière où je recevais des patients
dans mon bureau. C'est évident que je me récusais, moi aussi, auprès de
patients, ce n'est pas le même terme qu'on va employer, mais... en disant : Je ne peux pas vous traiter parce
que j'ai eu votre mari il y a deux ans, ou j'ai eu votre cousine,
ou j'ai eu votre ex-conjoint. On a un code de déontologie qui nous oblige.
Alors,
les juges, c'est la même chose. Et donc, oui, il y a eu même des juges qui ont
été condamnés à... d'avoir... ne pas
avoir été impartiaux pour, par exemple, des cas de viol qu'ils avaient plaidés,
ou des choses comme ça, ou des propos déplacés. Alors, ça ne touchait
pas du tout l'apparence, ça touchait justement leur comportement.
Ce
à quoi je veux juste en venir, et je vais conclure là-dessus, c'est que la
société, tous les ordres professionnels, tous les gens se sont dotés de codes, justement, de conduite pour
dire : On ne peut pas... si vous ne voulez pas être radié de la profession — entendons Conseil de la magistrature dans le
cas des juges, mais c'est l'équivalent — vous ne pouvez pas vous comporter de façon x ou y, et ce, totalement
indépendamment de port ou non de signes religieux. Je pense qu'on est
d'accord là-dessus.
M. Jolin-Barrette : Bien, oui, dans le cadre d'un ordre professionnel, il y a un code de
déontologie à respecter. Dans ce que
dit la députée de Marguerite-Bourgeoys, exemple, dans les cas où les juges
seraient blâmés, souvent, ça fait suite
à une plainte au Conseil de la magistrature, qui disent : Bien, supposons
que c'est dans le cadre de votre agissement, c'est des dispositions qui sont prévues là-dessus aussi. Mais, pour ce
qui est de l'apparence de partialité aussi, bien, ça fait suite
également à une plainte aussi, mais il y a une requête qui peut être formulée
directement au juge pour faire en sorte qu'il se récuse dans un dossier.
Le
Président (M. Bachand) : Merci à vous tous et toutes.
Compte tenu de
l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise
à 15 h 4)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors,
bienvenue. La Commission des
institutions reprend ses travaux. Je
demande, bien sûr, à toutes les personnes présentes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Je vous rappelle que
la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi
n° 21, la Loi sur la laïcité de l'État. Lors de la suspension de nos travaux, ce
matin, les discussions portaient sur l'article 3. Alors,
interventions? Mme la députée de... M. le député de Nelligan, s'il vous
plaît — pardon.
M. Derraji :
Merci, M. le Président. Écoutez, je suis extrêmement heureux de me joindre aux
discussions et aux débats sur le projet de loi n° 21. J'ai le plaisir d'échanger et de partager mes
réflexions avec M. le ministre et ainsi que d'autres collègues par
rapport au projet de loi n° 9, donc c'est toujours agréable échanger avec M.
le ministre.
Écoutez, ma première question,
en entendant les réponses tout à l'heure de M. le ministre par rapport à l'article 3... et je voulais juste qu'il
m'explique sa vision par rapport à la notion où il dit «en fait et en
apparence». Donc, s'il peut juste clarifier un peu plus qu'est-ce qu'il
veut dire par rapport à «en fait et en apparence», dans cet article, justement
par rapport aux institutions parlementaires, institutions gouvernementales et
les institutions judiciaires.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bon après-midi, M. le Président. Écoutez, je
suis heureux de retrouver le député de Nelligan.
Vous savez, on se voit pas mal souvent ces temps-ci sur le projet de loi sur
l'immigration, alors je constate que le député de Nelligan est heureux
de participer aux travaux avec moi. Je commençais à m'ennuyer, justement.
Donc,
sur la question d'apparence. Comme je le disais tout à l'heure, je pense que
c'est à la collègue de Bourassa-Sauvé,
la question de l'apparence, ça s'inspire notamment du jugement Mouvement laïque
québécois, qui a consacré le caractère
d'apparence de neutralité religieuse, entre autres, en fait, mais également,
alors, ça couvre les quatre principes du projet de loi... les quatre
principes de la définition de la laïcité. Donc, c'est pour ça qu'on met
l'apparence également.
Mme
Robitaille : Là-dessus...
Le
Président (M. Bachand) : Oui, Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Oui. Justement, là-dessus, tout à l'heure, on en parlait,
justement, la laïcité peut s'interpréter de toutes sortes de façons. Le ministre nous disait hier qu'il était
d'accord... en tout cas, une de ses bases de réflexion, le socle, en fait, son inspiration, c'était le rapport
Bouchard-Taylor, qui parlait de... et le rapport Bouchard-Taylor parle d'une
laïcité ouverte. Et donc il y a toutes
sortes de laïcités, et c'est pour ça qu'on interpelle le ministre, on lui pose
des questions, à savoir quelles sont les balises de cette laïcité dont
il décrit.
Et
on parlait tout à l'heure de l'arrêt Saguenay, où, là encore, la laïcité
décrite est très, très ouverte. Et «en fait et en apparence», dans
l'article 3, comme on le disait tout à l'heure, fait référence au
paragraphe 137 de l'arrêt Saguenay, et l'article 137, c'est une
laïcité ouverte. Et c'est ma question au ministre : Je me demandais... En
fait, il parlait des institutions,
l'article 3 parle des institutions, mais les institutions doivent gérer
leur personnel, gérer les agents, et, à la lumière de l'article 137, bien, je ne sais pas, mais il me semble
que les institutions ne peuvent pas interdire à quelqu'un de vivre sa
foi. Donc, je me demandais... je demande au ministre s'il n'y a pas une
contradiction.
Il
prend la peine, encore une fois, de mettre, dans ses commentaires, le
paragraphe 137 de cet arrêt-là et, d'un autre côté, il nous dit, ailleurs dans son projet de
loi, que les institutions auront le droit de dire à quelqu'un : Non, tu ne
portes pas ton foulard. Tout à l'heure, il
nous disait : Bien, l'article 6, ce n'est pas l'article 3, mais,
en même temps, et puis c'est ce que je comprends, il me semble que
l'institution elle-même gère son personnel. Et donc l'article 3 et
l'article 6 sont nécessairement liés.
Et on dirait qu'on a des signaux un peu contradictoires, on a une idée qu'«en
fait et en apparence» c'est une
laïcité ouverte, mais le ministre nous dit : Non, non, et son projet de
loi nous dit : Non, non non plus. Alors, comment réconcilier les
deux?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
• (15 h 10) •
M.
Jolin-Barrette : Dans Mouvement laïque québécois, on parle de
neutralité, et le concept de laïcité n'est pas
défini. C'est la première fois qu'on définit le concept de laïcité. Donc, on
n'est pas dans le cadre de laïcité ouverte, laïcité stricte, on est dans un modèle de laïcité qu'on développe
ensemble, une laïcité québécoise. Alors, oui, on s'inspire de Mouvement laïque québécois en ce qui a trait à la neutralité religieuse de l'État. Cela étant dit, ce que la Cour suprême a dit, ce n'est pas la même
chose non plus que la Cour d'appel, où la laïcité très, très ouverte était
celle du jugement de la Cour d'appel.
Mais
je veux juste qu'on revienne, là, à la base puis à la discussion. Ce qu'on crée
avec le projet de loi... Parce que c'est nouveau, là, hein? La cour, là, ce sur quoi
elle s'est prononcée, c'est au niveau de la neutralité religieuse de l'État.
Elle dit : Ce n'est pas possible de faire une prière dans un conseil
municipal, ce n'est pas possible de faire une prière confessionnelle dans le
cadre d'un conseil municipal avant la séance du conseil. Elle dit : L'État
doit faire preuve de neutralité religieuse en fait et en apparence. Ça, c'est
jusqu'à la sanction du projet de loi. Là, on change le droit. On rajoute des
éléments, on crée un nouveau concept qui s'appelle la laïcité, laïcité de
l'État, qui comprend notamment le principe qui est défini par la Cour suprême.
Mme Robitaille : J'entends le ministre, M. le Président, mais, en même temps, je me demande pourquoi alors il fait référence à quelque chose de très, très, très neutralité, dans les explications de ce paragraphe 3° là, qui est le
socle de ce qui va venir après, qui est la base de ce qui va venir après.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : On y réfère notamment parce que c'est une des
composantes de la laïcité, c'est une des quatre composantes de la laïcité.
Puis, tout à l'heure, M. le Président, la collègue de Bourassa-Sauvé nous
disait : Ah! l'interprétation qui est
faite par la cour de ça... puis moi, je l'interprète de cette façon-là. Or, les
gens qui sont venus, du Mouvement laïque québécois, là, notamment M.
Baril, qui était l'expert, ils n'interprètent pas du tout comme la députée de
Bourassa-Sauvé, l'interprétation de neutralité religieuse de l'État
dans Mouvement laïque québécois. C'est dans son mémoire.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée.
Mme
Robitaille : Donc, les institutions, là, on se comprend, là, là-dessus, je pense qu'on s'entend là-dessus,
elles doivent être totalement neutres, hein?
Encore une fois, là, le petit bout de phrase : «L'objectif de la
neutralité est plutôt de faire en
sorte que l'État demeure [...] ouvert à tous les points de vue, sans égard à
leur fondement spirituel», il ne faut pas... Dans ce que dit le ministre,
il faut que l'institution, là, demeure totalement neutre, n'envoie aucun
signal, aucune apparence qu'on est d'un bord ou de l'autre, qu'on est
catholique ou musulman. C'est bien ça?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Non. La neutralité, là, de l'État, là, c'est dans le
traitement notamment. Je reprends mon exemple, là, de la SAAQ, là, la Société
d'assurance automobile du Québec. La neutralité religieuse de l'État, c'est le fonctionnaire qui traite le citoyen ou la
citoyenne qui vient et qui le traite neutre d'une façon religieuse, qui n'a pas
de préjugé par rapport à une confession religieuse plutôt qu'à une autre.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée.
Mme
Robitaille : Et, dans une
école, par exemple, si je comprends le ministre,
là, il ne devrait pas y avoir de croix, il ne devrait pas y avoir rien
de ça, il ne devrait pas y avoir de signe religieux.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
Mme
Robitaille : Mais là dans l'institution, dans l'école.
M. Jolin-Barrette : Non, mais exemple, là, le professeur, là, ou, supposons, l'adjointe de
direction ou l'adjoint de direction,
lorsqu'il ou elle est dans ses fonctions, elle va appliquer les principes de laïcité de l'État. Dans le cadre d'une école publique,
elle va appliquer le principe de laïcité, qui sous-entend celui de la liberté de religion,
de la liberté de conscience, qui
sous-entend celui de la neutralité religieuse. Donc, peu importe la confession
religieuse de l'enfant ou des parents, ils recevront le même traitement par
rapport à l'application de la loi.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée.
Mme
Robitaille : Je veux juste
vous lire un petit passage de Pierre Bosset puis je voulais juste avoir
l'opinion du ministre là-dessus. Parce qu'il y a toutes sortes de formes de laïcité,
hein? Alors, dans son mémoire, page 13, il dit : «Non seulement les quatre principes qui
sous-tendent la laïcité sont-ils déjà reconnus dans notre droit, et ce, depuis
fort longtemps, mais on voit bien que ces
quatre principes ne s'opposent pas — bien au contraire — à l'expression individuelle des croyances ou des appartenances religieuses par
des agents de l'État, et ce, tant et aussi longtemps que la neutralité
de l'État demeure respectée sur le plan matériel.» Est-ce qu'il est d'accord
avec ça?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Bien, écoutez, c'est l'opinion de Pierre Bosset.
Mme
Robitaille : ...l'opinion du ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, moi, je suis sur l'article 3 relativement au concept des
différents pouvoirs de l'État, qui sont
séparés en trois, et au fait que la laïcité s'applique à ces trois pouvoirs de
l'État québécois. Donc, écoutez,
M. Bosset est venu nous entretenir dans le cadre de la commission
parlementaire. Ce sont des propos intéressants, et je salue sa contribution aux travaux. Cela étant dit, le choix
du gouvernement du Québec, et d'ailleurs votre choix aussi... pardon, le
choix de la députée de Marguerite-Bourgeoys, c'est de définir la laïcité comme ayant quatre principes qui
soutiennent la laïcité. Mais là, à l'article 3, ce qu'on
fait, là, c'est qu'on dit : Qui est visé par la laïcité
de l'État? Bien, c'est l'État et donc les trois pouvoirs associés à
l'État : le judiciaire, l'exécutif et le législatif.
Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Et donc toute
cette question de laïcité là et le sens qu'on donne au mot «laïcité»,
évidemment, prend tout son sens, toute son
importance. On parle des institutions à l'article 3. Moi, je me
pose la question : Les bâtiments, là, les bâtiments qui accueillent ces institutions-là, on suit quel
principe? Quel genre de laïcité? Qu'est-ce qu'on veut voir sur les murs?
Qu'est-ce qu'on veut transposer? Qu'est-ce qu'on veut projeter?
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, le principe, et on le voit dans le cadre du projet de loi, pour l'aspect patrimonial des choses, ça demeure en place, mais
les institutions sont laïques, donc les bâtiments aussi.
Mme
Robitaille : O.K. Donc, les bâtiments sont laïques. Les gens, dans le
bâtiment, qui ont des positions d'autorité,
ils ne portent pas de signe religieux. Donc, si je comprends bien, sur les
murs, il ne devrait pas y avoir de signe religieux non plus.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, ça appartient aux différentes
institutions d'évaluer. Si ça a un caractère patrimonial,
il y a une disposition, dans la loi, qui fait en sorte que ce qui est
patrimonial demeure patrimonial. L'idée, M. le Président, c'est que la
loi est pour le futur, donc par
rapport aux autres dispositions qui
s'appliquent et aux nouvelles dispositions qui s'appliqueront. C'est l'article 16.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée.
Mme
Robitaille : À l'article 3,
par contre, on parle d'«en fait et en apparence». En
apparence, donc, l'apparence de ces
bâtiments-là qu'habitent les institutions. Il me semble que, si les gens ne
peuvent pas porter de signe religieux, les murs ne devraient pas non plus en
porter, non? Je ne sais pas, là, je pose la question au ministre.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, c'est l'opinion de la députée
de Bourassa-Sauvé. Si elle souhaite décrocher tous les signes religieux de
toutes les institutions québécoises, ça lui appartient. Nous, on dit : On
laisse les différentes... Exemple, ici, à l'Assemblée nationale, on ne touche pas au bâtiment patrimonial. On
s'est engagés à retirer le crucifix,
de consentement avec vous, mais, pour tout le reste, on ne
commence pas à enlever les choses qui sont sur les murs, là.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée.
Mme Robitaille : J'ai une question pour le ministre : Pourquoi on enlève le crucifix à l'Assemblée nationale?
M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'ai une question pour la députée
de Bourassa-Sauvé : Pourquoi souhaite-t-elle enlever le
crucifix à l'Assemblée?
Mme
Robitaille : Ma question est au ministre : J'aimerais qu'il nous
explique pourquoi on enlève le crucifix à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Bachand) : Alors, s'il vous plaît, ne pas refaire un peu ce
qu'on a fait hier, là, question versus question, là, s'il vous plaît.
Alors, M. le ministre, la parole est à vous.
• (15 h 20) •
M.
Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, nous, on a dit aux Québécois :
C'est une question de compromis. Le salon
bleu, c'est là où on vote les lois. Le crucifix qui a été installé par le premier ministre Duplessis... bien, en fait, il
y a une motion qui avait été votée par un de ses députés pour installer le
crucifix à l'Assemblée nationale. Par la suite, on sait que ce n'est pas le crucifix original qui est là, c'est une
réplique, je crois, de 1982, et, de façon à faire en sorte que, puisque les lois sont votées dans le salon bleu,
que l'État québécois se dote d'une loi sur la laïcité
de l'État, il nous est apparu
opportun de faire un compromis pour retirer le crucifix et le mettre en valeur
ailleurs dans l'enceinte du Parlement.
Et d'ailleurs le Parti
libéral du Québec a appuyé la motion que j'ai présentée. Je serais curieux de
savoir s'ils ont appuyé la motion pour les mêmes motifs que moi.
Le
Président (M. Bachand) : Intervention? Mme la députée,
oui.
Mme Robitaille : Donc, le ministre nous dit qu'on se dote d'une loi sur la laïcité, donc on se doit aussi d'enlever le
crucifix à l'Assemblée nationale. Moi, je me
demande pourquoi son parti... Bien, je vois ici un article, dans le
journal, et je pense que c'est encore la
position de son gouvernement, du 16 octobre 2018, la ministre de la
Justice, hein, Mme Vallée... pardon,
Mme LeBel, Sonia LeBel, qui dit : Oui aux crucifix dans les palais de
justice. Si on enlève le crucifix de l'Assemblée
nationale, si on décide de l'enlever, justement, parce qu'on passe une loi sur
la laïcité, il n'y a pas un malaise de garder le crucifix dans les
palais de justice, dans les salles d'audience des palais de justice?
Le Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, l'article 16 est prévu à la loi. Donc, ce qui est
patrimonial peut demeurer. Et je voudrais
vous renseigner, M. le Président, sur le fait que, dans toutes les nouvelles
constructions, il n'y a pas de signe religieux.
On ne commencera pas à enlever tous les signes religieux dans toutes les
institutions qui a eu cours, à la fois les institutions juives, de
religion musulmane, de religion catholique, de religion protestante,
luthérienne, baptiste. Si le Parti libéral veut arriver avec le pic du
démolisseur, ça leur appartient, mais, nous, ce n'est pas notre intention.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Oui. Bien, des crucifix, ça se décroche. On parle d'apparences, là, «en fait et
en apparence». Le ministre nous dit
qu'un juge, par exemple, ne devrait pas... il préférerait qu'il ne porte pas de
signe religieux, en fait et en apparence.
Alors, s'il y a une croix... il y a un juge et puis, derrière lui, il y a une
grosse croix, il n'y a pas une apparence d'une certaine partialité, là,
si on suit le raisonnement du ministre?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : ...
Mme Robitaille :
Alors, oui, le ministre parle de laïcité. L'article 3 parle d'apparence,
«en fait et en apparence». Il nous
parle de laïcité, de sa façon de voir la laïcité, de la façon... un peu de la
laïcité comme il le voit, là, dans projet de loi. Donc, j'essaie de
comprendre comment un gros crucifix derrière un juge n'aurait pas une... ne
donnerait pas une apparence d'une
certaine... Si on suit sa logique, là, si on décroche le crucifix à l'Assemblée
nationale, il me semble que, dans une salle d'audience, il y a aussi une
apparence quelconque, là, de... Tu sais, ce n'est pas tout à fait neutre.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Jolin-Barrette :
Effectivement, il pourrait être retiré.
Mme Robitaille :
...palais de justice?
M. Jolin-Barrette :
Pardon?
Mme Robitaille :
On devrait le retirer des palais de justice. C'est ce que je comprends du
ministre.
M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas ce que je dis. J'ai dit :
Ils pourraient être retirés s'ils ne sont pas patrimoniaux.
Mme Robitaille :
O.K. Qu'est-ce qui est patrimonial et qu'est-ce qui est religieux dans ce
sens-là?
M. Jolin-Barrette : Bien, ça fait partie de l'analyse qui doit être
faite. Mais, dans le cadre d'une cour de justice, effectivement, vous
avez un bon point sur le fait de dire : Bien, écoutez, quand on se
présente devant le tribunal, effectivement, il m'apparaît que peut-être que la
salle de cour devrait être, en apparence, neutre sur le plan religieux. Cela
étant dit, la Cour suprême ne requiert pas cela. Exemple, dans Mouvement laïque
québécois, ils n'ont pas requéri... du fait
d'enlever le crucifix de la salle du conseil municipal. Ça appartient à
l'organisme d'évaluer est-ce que c'est
opportun de retirer ou non ce signe religieux là. Exemple, à la cour, ça
pourrait être enlevé. Mais l'article 16 est là pour encadrer le
tout.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée.
Mme Robitaille :
Si je peux me permettre. Le ministre nous disait tout à l'heure qu'il veut
aller plus loin que la simple
neutralité religieuse décrite dans le jugement. Et là il semble dire que, oui,
en effet, peut-être que les crucifix n'ont pas leur place dans les palais de justice. Alors, qu'est-ce qu'il va
suggérer à sa ministre de la Justice? Ou qu'est-ce qu'il... À la lumière de son
projet de loi sur la laïcité, est-ce qu'on ne devrait pas, pour être cohérents,
conséquents, retirer tous les crucifix des palais de justice?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
Une voix :
On vous chuchote à l'oreille, M. le ministre.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Mais, bien, vous savez, on est présentement à l'étude du projet de loi. Lorsque le projet de loi sera adopté, ça pourra faire l'objet
de réflexions.
Mme Robitaille : Donc, si je comprends bien, vous êtes d'accord
avec cette idée-là que c'est un peu
incohérent, là, d'avoir des crucifix dans les palais de justice?
M. Jolin-Barrette : Bien écoutez, ça sera à ma collègue de la Justice d'évaluer la pertinence des crucifix, mais je pense qu'elle doit y réfléchir présentement, déjà, en lien avec le principe de la laïcité.
Ça va faire certainement
l'objet d'une réflexion au ministère de la Justice.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? M.
le député de Nelligan... Oh! oui, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il
vous plaît — pardon.
Mme
David : C'est parce que là
on tombe dans un domaine dans lequel j'ai un petit peu pataugé, comme
ministre de la Culture et du Patrimoine. Et
c'est extrêmement important, cette conversation-là, parce que, quand on lit, à
l'article 16 : «notamment du patrimoine culturel religieux», on a une
loi sur le patrimoine... Je ne pense pas ici qu'il y a des gens du ministère de
la Culture, mais il y a des grands savants de ce qu'est la Loi sur le
patrimoine culturel, et n'est pas déclaré patrimonial n'importe quoi qui est
vieux. À ce titre-là, je pense qu'on fait tous partie du patrimoine passé un
certain âge, là. Ça ne marche pas de même, le patrimoine.
Le
patrimoine, ça prend une étude très, très exhaustive de la qualité... on parle
de crucifix, de la qualité du crucifix dans
l'église x ou y. Puis c'est encore plus complexe que ça. On peut, et vous le
savez, vous avez... on a parlé de la maison Boileau, on a parlé de la
Loi sur le patrimoine culturel, absolument...
Une voix :
...
Mme
David : Ah! bien oui, tiens, il connaît ça. Et puis moi, j'avais été
un peu prise dans ça aussi. Mais justement toute la question du patrimoine, c'est la Loi du patrimoine qui dit...
non seulement qui régit le patrimoine, une fois que l'objet est déclaré, cité... ou patrimoine
national, parce qu'il y a différents niveaux, mais le patrimoine religieux
aussi. Il y a des églises qui sont vraiment
classées patrimoniales, il y en a qui ne le sont pas, il y a des catégories a,
b, c, d, etc. Donc, si on veut être
sérieux, on ne peut pas juste dire : Le crucifix fait partie de notre
histoire catholique. C'est bien différent, l'histoire et le patrimoine.
Donc,
j'entends du ministre... C'est important, cette conversation-là. Il s'est
avancé, et je salue cet avancement-là. Mais là vous ferez lever
peut-être la ministre de la Justice, à ce moment-là. Donc, je comprends bien,
si on pose une question en Chambre, vous la
référerez au ministre de la Justice, mais... Parce que vous avez bien
dit : C'est la ministre de la Justice.
J'oserais dire : C'est même la ministre de la Culture parce que, là, un ne
va pas sans l'autre. Si le crucifix, il est vraiment classé patrimonial, il va y avoir la ministre de la Culture qui
va intervenir, et je pense c'était ça, l'esprit de votre
article 16. Mais ce n'est pas parce qu'il reste 17 crucifix dans
17 palais de justice — je
ne pense pas me tromper sur le chiffre — que ces 17 là sont des oeuvres d'art
classées patrimoniales, que ça soit l'idée du patrimoine au sens large. C'est notre passé, mais il y a bien des vieilles
maisons qui sont notre passé, mais qui ne sont pas du tout du patrimoine
ni classées patrimoniales.
Alors, je voulais
juste entendre le ministre là-dessus pour qu'on se comprenne sur ce que ça veut
dire éventuellement, la gestion de la suite de l'article 16. Donc, ce
n'est pas juste une petite conversation comme ça.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
• (15 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Oui. Je vais répondre, M. le Président. Cela étant dit, le débat que
nous faisons, c'est celui de l'article 16. Je veux juste qu'on en
soit bien conscients. Oui, effectivement, c'est ce qui est...
l'article 16, là, ça dit : «La présente loi ne peut être interprétée
comme ayant un effet sur les éléments emblématiques ou toponymiques du patrimoine culturel du Québec, notamment du
patrimoine culturel religieux, qui témoignent de son parcours
historique.» Donc, on amène un aspect
historique aussi là-dedans. Donc, c'est plus large que simplement le patrimoine
culturel. Il faut se rattacher à ça.
Et
l'idée derrière ça, il peut arriver, dans certaines institutions, comme le
disait à juste titre la députée de Bourassa-Sauvé, que, dans une salle de cour, il pourrait ne pas être approprié de
maintenir un crucifix. Il pourrait. Et on va laisser la ministre de la Justice faire l'analyse de tout ça
et aussi en lien avec le fait est-ce qu'il y a un aspect patrimonial aussi
à ça. Vous savez, ce n'est pas simple aussi. Je pense qu'à travers tout ça il
faut respecter notre histoire, il faut respecter l'histoire de tous les
Québécois. Alors, c'est un sujet qui amène plusieurs réflexions.
Et
surtout un des objectifs de la loi aussi, c'est... à partir de maintenant,
à partir de la date de la sanction, pour le futur, donc, on ne
construirait pas un immeuble gouvernemental avec un signe religieux. Ça,
j'espère qu'on s'entend là-dessus. Donc, la
loi a une portée prospective, pour le futur. Mais j'aimerais ça qu'on revienne
à l'article 3 parce
que le débat sur l'article 16, on pourra le faire en temps et lieu.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : Oui. Je suis tellement d'accord avec le ministre que j'allais
revenir à l'article 3 pour dire... parce que ça nous aide à comprendre quelque chose ou, en
fait, peut-être que moi, je ne l'avais pas compris, que, là, ça serait...
Ma question, c'est : Pourquoi, en vertu
de l'article 3... allons dans quoi, institutions parlementaires ou
judiciaires? On doit donc comprendre
ou déduire que c'est la ministre de la Justice qui aura autorité, à travers
l'article 3, sur les crucifix des palais de justice. C'est ça?
M.
Jolin-Barrette : En fait, l'administration de la justice est une
compétence provinciale qui relève de la ministre
de la Justice. Donc, au niveau des salles de cour, les palais de justice
relèvent de la juridiction provinciale et de la ministre de la Justice.
Or, il y
a un aspect aussi qui relève du Conseil de la magistrature. L'exercice de la
fonction judiciaire aussi comprend la salle de cour. Donc, il y a un
échange à avoir, le tout dans le respect de l'indépendance judiciaire.
Mme David : Mais allons dans un autre,
peut-être... respect d'indépendance, des objets... Puis je ne veux pas nécessairement aller sur l'article 16. Ça
vient plus sur la gouvernance de l'article 3, dans le fond, votre
question. Là, on parle de la ministre
de la Justice, mais les institutions gouvernementales, je le répète, on met,
entre autres, les institutions d'enseignement,
mais que dire... où il y a des crucifix. Il y en a dans des écoles, des cégeps,
des universités, n'importe quoi, et
il y en a dans les hôpitaux. Alors là, vous allez avoir tout votre Conseil des
ministres qui va être, comment on dit ça, pas tributaire, mais responsable de tous leurs crucifix ou de leurs signes
religieux sous l'article 3, là? Je parle bien de l'article 3.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Donc, on va
le voir à l'article 16. L'important, c'est notamment le fait que les
institutions, elles sont laïques,
O.K.? On n'enlèvera pas tout ce qui a été bâti au Québec au cours des
400 ans d'histoire. Ça, je veux être très clair là-dessus. Ça fait
partie du patrimoine, du parcours historique du Québec. D'ailleurs, la
disposition à l'article 16, là, elle
reprend une disposition qu'il y avait dans le projet de loi n° 62 qui
avait été présenté par Mme Vallée, avec laquelle vous avez voté en
faveur.
(Interruption) Excusez-moi. Vous connaissez
l'expression, c'est le démon qui veut sortir.
Le Président (M.
Bachand) : «Gesundheit»! Oui, M. le ministre, pour terminer ce
point. Oui.
M. Jolin-Barrette : Dans le projet
de loi n° 62, cet aspect-là fait l'objet de discussions, puis l'ensemble
des collègues était conscient... Parce qu'à l'époque on parlait de la
neutralité religieuse de l'État en fait et en apparence. L'article 16 a été mis là notamment pour
s'assurer de préserver aussi ce qui témoigne du parcours historique du
Québec. Donc, l'idée... Exemple, moi, j'ai
des écoles dans mon comté. Dans la brique, hein, il y a des croix dans la
brique. Il n'est pas question de démolir les écoles pour enlever les
croix dans la brique, on s'entend, c'est très clair là-dessus.
La question
soulevée par la députée de Bourassa-Sauvé est intéressante parce qu'on parle
d'une salle de cour, et, en raison de toute la discussion que nous avons
eue précédemment, à moins qu'il y ait un aspect patrimonial qui soit protégé,
il pourrait être de bon aloi qu'il n'y ait pas de crucifix qui trône derrière
le fauteuil d'un juge, effectivement.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : ...parce que je reviens à l'article que je vous citais
tout à l'heure, M. le Président, et on me dit... et je cite la collègue du ministre, la ministre de la
Justice, qui disait, le 16 octobre 2018 : «Un crucifix pendu au cou
d'un juge porte atteinte à la laïcité de l'État, mais il est inoffensif cloué
bien en vue sur le mur d'une cour de justice, estime la caquiste...» Bon, on parle de la ministre de la Justice. Alors, on remet
ça en question, finalement, cette analyse-là, là, après plusieurs mois,
plusieurs mois de réflexion sur ce que le ministre entend être la laïcité. On
remet un peu en question les propos de l'époque de la ministre de la Justice.
Le Président (M. Bachand) :
M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, M. le
Président, j'ai déjà répondu à la question. Et le projet de loi n° 21, là, ce qu'il fait notamment, c'est que, dans les
institutions, il n'y a pas de nouveau signe religieux et il n'y a pas de retrait
de signes religieux qui font état du
parcours historique du Québec. Alors, vous savez, la disposition, elle
ressemble énormément à celle qui
avait cours dans le projet de loi n° 62. Puis je pense que
c'est important de s'assurer que ce qui est patrimonial, ce qui témoigne
du parcours historique, ça demeure dans les différents bâtiments.
Vous savez,
la députée de Marie-Victorin, là, énonçait le fait qu'il y avait d'autres
signes religieux au salon bleu. Et,
d'ailleurs, on en a des exemples ici aussi, je crois. L'Assemblée, à ma
connaissance, n'a pas décidé de retirer ces signes religieux là. Ça fait partie du bâtiment, du
patrimoine, du parcours historique du Québec, à moins que, M. le
Président, la députée de Bourassa-Sauvé me
dise qu'on devrait arracher tout ce qu'il y a sur les murs. Mais je ne pense
pas que c'est le sens de son propos.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Nelligan? M. le député de
Nelligan, s'il vous plaît.
M.
Derraji : Oui, merci, M. le Président. Écoutez, depuis ce matin,
j'essaie juste de suivre le raisonnement du ministre par rapport à la séparation qu'il fait entre les institutions
et les individus. Si j'ai bien pu suivre le raisonnement du ministre, l'article 3 vise les
institutions. Donc, on ne parle pas d'individus. Donc, quand on rentre dans une
institution gouvernementale, à savoir
parlementaire, gouvernementale ou judiciaire, on parle du bâtiment. Donc, on
parle du béton, on parle de l'apparence des bâtiments.
Depuis tout à l'heure, le ministre évoque un
exemple. Je sais que le ministre n'aime pas les exemples hypothétiques, mais le seul exemple qui me vient, c'est
la prière au niveau du conseil municipal. Ma question, elle est très simple, M. le Président, à M. le
ministre. Comment il voit les apparences des institutions? L'apparence, elle
s'illustre comment? Donc, tantôt, tout à l'heure, j'ai entendu le ministre
parler que je ne peux pas démolir une croix dans une brique. Il nous parle du parcours historique. Il parle du
patrimoine. Mais, au bout de la ligne, cet article, il vise quoi
exactement si on ne parle pas de ça?
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Juste la fin.
M.
Derraji : Non, vous avez
parlé du parcours historique, parcours religieux. Donc, cet article 3, il
vise quoi si on enlève le parcours
historique ou... Quand on voit un symbole, on dit : Bien, écoute, ça,
c'est un symbole, on ne peut pas l'enlever,
ça, c'est un symbole religieux. La prière, on va l'enlever? Donc, comment vous
voyez l'apparence des institutions? Je ne
parle pas des individus, hein? Je sais qu'on va parler de ça un peu plus tard.
Je veux juste qu'on se concentre sur les institutions, votre définition
de la laïcité des institutions.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il
vous plaît.
• (15 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Juste quelques spécifications en lien avec ce que le député de
Nelligan vient de dire. Il dit : Les institutions, c'est le béton. Pas tout à fait. Oui. Oui, mais... hein? Une institution, là, ça n'a pas nécessairement besoin...
Prenons
le cas le l'Université de Montréal, O.K.? L'Université
de Montréal vit en soi. Même quand on
n'est pas dans la tour centrale, l'Université de Montréal existe. Elle a une existence. Elle est créée par
l'État, par une loi. Elle a une vie propre en soi. Cette institution,
qui n'a pas besoin d'être matérielle au sens d'avoir une table, des bâtiments,
tout ça, puisqu'elle est le prolongement de l'État, elle se doit d'être laïque.
Vous
dites : L'article 3 ne touche pas les individus. L'article 3 ne
touche pas les individus au sens d'interdire le port de signes religieux. C'est l'article 6, ça. Mais, dans la
conduite des... pas des préposés, là, mais des employés, dans la conduite des employés, ils représentent l'État,
l'institution judiciaire, parlementaire ou gouvernementale, et donc ils
se doivent d'agir d'une façon laïque dans leur comportement.
Et je reviens à mon
exemple de la SAAQ. Quand vous allez faire votre permis de conduire, bien, le
préposé de la Société de l'assurance
automobile du Québec qui vous sert doit appliquer les principes de la laïcité
de l'État. Donc, il va devoir
s'adresser à vous, en tant qu'agent gouvernemental, en respectant la neutralité
religieuse de l'État, en respectant votre
liberté de conscience et liberté de religion, en respectant l'égalité et le
principe de séparation entre l'État et les religions.
Donc,
oui, ça inclut le béton, et, non, ça n'inclut pas le béton parce que ça vise
l'institution immatérielle. Ça couvre aussi les employés dans l'exercice
de leurs fonctions. Est-ce que vous me suivez?
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous
plaît.
M.
Derraji : Oui, oui, je vous suis. Excellent. Donc là, vous ne parlez
plus du béton. Vous avez inclus maintenant les individus, qui vont
véhiculer cette laïcité. Oui ou non?
M.
Jolin-Barrette : Est-ce que les individus véhiculent la laïcité?
M. Derraji : Bien, c'est ce que vous venez de dire. Vous avez
dit que — écoutez,
l'exemple de la SAAQ — l'individu sera responsable d'appliquer la laïcité de
l'institution qu'il représente. Est-ce que c'est bien ça que j'ai compris?
M. Jolin-Barrette : Oui, parce que l'individu... Lorsque vous vous adressez pour un service
public, comment s'opère la laïcité ou
comment s'opèrent toutes les règles que l'État québécois se dote? C'est
notamment par l'exercice du travail
de ses préposés. Aussi, on parle des politiques qui sont développées, des
pratiques, l'apparence d'institution, mais aussi le comportement des
individus dans le cadre de leurs fonctions.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan.
M.
Derraji : Oui, merci, M. le Président. Donc, somme toute, un élément
important dans l'application de la laïcité des institutions que le ministre vise, c'est les individus parce qu'on
ne peut pas avoir, techniquement, la mise en place de cette laïcité sans individu. Donc, le raisonnement
fait depuis ce matin, et le ministre peut me corriger si je me trompe,
il ne parlait, ce matin, que des institutions.
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : Terminez votre question, M. le député.
M. Derraji :
Oui. Là, le ministre a clarifié ma pensée — je le remercie — que,
dedans, on doit inclure les individus. Donc,
l'élément qui va véhiculer cette laïcité à l'intérieur de l'institution, c'est
un individu. Donc, on ne parle plus juste du bâtiment, du béton ou d'un
symbole, que ce soit le palais de justice, que ce soit un hôpital aussi,
conseil municipal, parlement. Donc,
l'ensemble de ces institutions, à l'intérieur, il y a des individus qui vont
véhiculer cette laïcité. Est-ce que, jusqu'à ce point, on est d'accord,
M. le ministre?
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est ce que j'ai dit ce matin.
M.
Derraji : Pas de problème. C'est excellent. Moi, je veux juste
comprendre l'essence même de l'article 3 parce qu'on nous dit qu'un
peu plus tard on va voir l'impact sur les individus, l'article 6.
M.
Jolin-Barrette : Attention! Attention...
M. Derraji :
Je n'ai pas terminé.
Le
Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! M. le député, oui.
M.
Derraji : Pas de problème. Et le ministre va avoir le luxe de me
répondre sans aucun problème pour clarifier et même me donner plus d'explications parce que je suis là pour
comprendre le raisonnement derrière l'article 3. Donc, le ministre nous a résumé sa vision de
l'article 3, qui s'illustre dans des institutions avec les individus qui
vont véhiculer la laïcité. Si on
prend ces individus qui vont véhiculer la laïcité, est-ce que le ministre, il
est d'accord avec moi que la mise en place de ça va affecter certaines personnes?
M.
Jolin-Barrette : Non.
Mme
Robitaille : Je peux faire du pouce...
Le Président (M. Bachand) : Bien, c'est parce que M. le député de Nelligan avait la parole. Mais, si monsieur est
d'accord, moi, je peux vous passer la parole, Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
sans problème.
Mme
Robitaille : Justement,
mon collègue de Nelligan a tout
à fait... bien, en fait, clarifie les
choses et nous ramène à justement
ce qu'on se disait ce matin : Oui, les institutions... en fait, les individus sont la continuation de
l'institution, hein? Et donc, comme je le
disais tout à l'heure, l'article 3 et l'article 6, ils doivent être vus
ensemble nécessairement. Le Mouvement
laïque québécois, là, nous dit... et je le disais tout à l'heure, je vais
encore le répéter, mais parle de neutralité religieuse, et c'est là-dessus qu'on se base quand on dit «en fait et en
apparence». Donc, si l'institution fait en sorte qu'elle doit être
laïque — au
sens de Saguenay — en
fait et en apparence, donc neutre, les gens en position d'autorité qui
représentent ces institutions-là, là, je vois mal comment on peut leur
interdire, dans le sens de cet article-là, de vivre leur conscience, de vivre leur liberté de religion, de porter un
foulard. Donc, c'est pour ça que je disais tout à l'heure qu'il semble y
avoir une espèce de contradiction ici, là.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, je veux juste vous faire un
commentaire. Je suis prêt à répondre aux questions, mais vous abordez l'article
6 alors qu'on est à l'article 3. On va y venir, à l'interdiction du port de
signes religieux. Là, on est sur la laïcité
des institutions. Il faut arrêter de parler de l'interdiction du port de signes
religieux pour certains employés à
l'article 3. Ce n'est pas ce que 3 prévoit. 3, c'est la laïcité de l'État,
O.K., à travers les trois pouvoirs, O.K.? Lorsque vous avez un employé,
celui-ci exprime la laïcité de l'État au jour le jour, au quotidien, lorsqu'il
est en interrelation avec les citoyens,
comme il le faisait auparavant avec la neutralité religieuse de l'État. Ça n'a
aucun lien avec l'interdiction de port de signes religieux, l'article 3,
là. L'article 3, là, vise les institutions, le prolongement... L'expression... L'interdiction, là, du port de
signes religieux à 6 découle du fait que les individus ont un pouvoir
particulier qui représente l'État. L'État, il est laïque en vertu de l'article
1.
Ensuite,
on a les quatre principes à l'article 2. À l'article 3, on fait en sorte que
les institutions, qu'elles soient judiciaires,
qu'elles soient parlementaires ou gouvernementales, viennent établir que c'est
à travers ces trois fonctions-là que
la laïcité s'exprime. Pourquoi est-ce que certaines personnes sont interdites
de porter des signes religieux? Parce qu'elles sont dotées d'un pouvoir, d'une fonction particulière au sein de l'État,
qui découle de la laïcité exprimée par l'article 3. Mais il est faux de
dire qu'à 3 ça interdit de porter des signes religieux. À 6, 6 interdit de
porter des signes religieux.
Donc,
dans un premier temps, l'article 3 s'applique aux institutions, et ça
s'applique aux individus dans le cadre du devoir de neutralité. Supposons... Tout à l'heure, on parlait du visage
à découvert et sur le prolongement, l'interdiction du port de signes religieux. Mais il ne faut pas
faire l'amalgame entre 3 et 6 pour dire : À cause de 6, on interdit de
porter un signe religieux. La personne...
Prenons le policier. Il représente, là, le pouvoir gouvernemental. Cette
personne-là, en raison des fonctions
particulières que l'État lui confère, elle se doit d'être en apparence laïque en fait et en droit... pardon, en
fait et en apparence. Mais elle incarne ce
pouvoir-là de l'État parce
que l'État, il est laïque, les
forces policières sont laïques, mais on vient...
Et la députée de Marguerite-Bourgeoys
l'a dit, on a fait un choix relativement aux personnes qui sont visées. Le Parti
québécois nous reproche de ne pas
avoir fait le choix de viser les enseignants du secteur privé et d'avoir visé
les éducatrices en CPE. Ça ne
faisait pas partie des engagements. Ça ne faisait pas partie non plus du rapport Bouchard-Taylor. Mais l'article 6 est l'expression, dans son prolongement, de l'article
3, mais l'inverse n'est pas vrai non plus. C'est juste ça. Je veux qu'on
démêle le tout sur les deux.
• (15 h 50) •
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : C'est fort
intéressant. Et puis je comprends tout
à fait et je suis d'accord
avec ce que dit le ministre. Si on
arrêtait le projet de loi à l'article 3, je pense qu'on ne serait pas ici à risque de
bâillon, etc. C'est là où ça devient très compliqué. Alors, je vous
tends la main, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Avançons jusqu'à
l'article 6.
Mme David : Pardon?
M. Jolin-Barrette : Avançons jusqu'à
l'article 6.
Mme
David : Absolument.
Puis j'espère que vous allez nous réserver de très, très, très belles
surprises parce qu'on comprend très bien que l'article 2... Et là
peut-être que, si on parle à la population... Et c'est ma crainte, et je vous
le dis, de mise en marché de cette
loi-là, il y a beaucoup de gens qui pensent que l'article 2 n'existe pas et que
ce n'est que... Et ça, c'est toujours comme ça dans les projets de loi.
On retient un aspect, et l'aspect, c'est : interdiction de port de signes religieux, article 6. Mais l'article 2 existe puis
l'article 2... Et, je le répète, puis vous m'avez dit oui tout à l'heure, je
pense, vous n'avez pas changé d'idée depuis
le dîner, l'infirmière au service de l'État qui prend soin d'un patient va
pouvoir porter un signe religieux. Elle ne pourra pas, par contre, et ça, je
vais aller vers ma question du lien entre 1°, 2°, 3°, 4°, les quatre
paragraphes de l'article 2... mais elle ne pourra pas faire, selon son code de
déontologie, des choses qui ne lui permettraient
pas de faire... Par rapport à n'importe quel geste, là, qu'elle porte ou pas un
signe religieux, elle est soumise à un code de déontologie. Mais la
liberté de conscience et la liberté de religion sont protégées pour tous les
citoyens à l'article 2, sauf ceux dont on va parler plus tard.
Le Président (M.
Bachand) : ...Mme la députée?
Mme David : Bien oui, je vais
laisser répondre le ministre.
Le Président (M.
Bachand) : O.K., merci. M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Donc,
reprenons l'exemple de la députée de Marguerite-Bourgeoys et faisons un parallèle avec un préposé
aux bénéficiaires qui n'est pas soumis à un ordre professionnel, O.K.?
Bon, premièrement, la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit : Écoutez, une infirmière n'est pas
visée par l'interdiction de porter un
signe religieux dans l'exercice de ses fonctions. À l'article
6, c'est ce que ça prévoit. Donc, si elle n'est pas visée à l'article 6, cette personne-là, a contrario, elle peut
porter un signe religieux dans l'exercice de ses fonctions. Les infirmières peuvent porter un signe religieux.
Exception : tous les employés qui travaillent pour l'État québécois doivent le faire à visage découvert. Non, mais c'est important. Exemple, vous ne
pourriez pas avoir une infirmière ou un infirmier qui porterait une
burqa. On s'entend là-dessus.
Mme David : O.K. C'était ça, votre
précision. Excusez. C'était implicite...
M. Jolin-Barrette : Non, mais je
pense que c'est important parce que le projet de loi aussi, c'est ça qu'il
fait.
Ensuite, la députée de
Marguerite-Bourgeoys nous dit : Écoutez, la personne, l'infirmier
ou l'infirmière, devrait respecter son code de déontologie. Oui, sauf que
la laïcité de l'État, c'est plus que le code de déontologie. Le code de déontologie, c'est sur les pratiques
professionnelles éthiques, déontologiques. La Loi sur la laïcité de l'État... Lorsque la personne, là, elle rentre au travail, là, elle a
son chapeau d'employé de l'État. Dans le cadre de son travail d'employé de
l'État, elle doit agir d'une façon qui est conforme à la laïcité des institutions de l'État, ce qui signifie que le traitement, c'est
les principes de l'article 2 de la laïcité de l'État : doit agir neutre
sur le plan religieux, doit séparer l'État et la religion, doit donner un traitement équitable aux citoyens, citoyennes, doit respecter la liberté de conscience et de
religion des patients qu'elle traite. Même
chose pour le préposé aux bénéficiaires. Il n'y a pas de distinction entre le
préposé aux bénéficiaires et l'infirmier ou l'infirmière. La distinction
va être sur le code de déontologie parce que le préposé aux bénéficiaires n'est
pas couvert par un ordre professionnel.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme David : On est d'accord là-dessus.
M. Jolin-Barrette : Votons!
Mme David : Là-dessus?
M. Jolin-Barrette : Oui, là-dessus.
Le
Président (M. Bachand) : S'il vous plaît!
Mme David : Mais on peut quand même pousser et
prolonger notre plaisir à discuter parce que chaque mot a son sens. Puis nous, on va passer, là, on ne sera plus
là dans 10 ans. Dans 20 ans, vous serez encore là, mais moi, je ne serai
plus là. Mais les lois restent.
Alors,
en même temps, c'est intéressant, la conclusion de Pierre Bosset, puis je pense
que vous êtes... Vous n'êtes pas d'accord avec tout ce que ce juriste
compétent... Il y en a beaucoup, de juristes compétents qui ont des approches différentes, mais ça, je pense que vous êtes d'accord.
Non seulement les quatre principes qui sous-tendent la laïcité sont-ils déjà
reconnus dans notre droit, je pense que c'est vrai, à la page 13, et ce,
depuis fort longtemps, mais on voit bien que ces quatre
principes ne s'opposent pas, bien au contraire, à l'expression individuelle des
croyances ou des appartenances religieuses par des agents de l'État, et ce,
tant et aussi longtemps que la neutralité de l'État demeure respectée sur le plan matériel. Je pense que la réponse que vous
venez de donner, les quatre principes, tout
à fait, ne s'opposent pas à
leur apparence religieuse, mais sont
essentiels dans la laïcité de l'État, ces quatre principes-là. Jusque-là, même
Pierre Bosset vous suit.
C'est
après ça qu'il dit que là il y a un détournement de langage parce que même
l'intitulé du projet de loi
devrait devenir une loi sur les signes — vous
vous souvenez peut-être, là — sur
les signes religieux parce que lui, bon, évidemment, va dire qu'en
proposant des interdictions qui sont fondées uniquement sur le port individuel
de signes religieux, le projet de loi n° 21 dénature les principes juridiques de la laïcité
tels qu'ils sont reconnus au Québec. Donc, il résume bien, je pense, comme je répète, encore une fois, là où nos
chemins se croisent et se séparent. Bien, c'est bien d'être séparatiste,
des fois, non?
Des voix :
...
Mme David :
Bien, je pense que vous aimeriez cette boutade. Mais ce que Pierre Bosset dit
essentiellement, il dit deux choses. Il dit : Les quatre principes sont déjà
reconnus dans notre droit, ces quatre principes-là.
Donc, effectivement,
un patient d'une infirmière qui dit : Je suis mal traité parce que je suis
un citoyen de race x ou y, et je me sens
lésé, puis mon voisin, dans une chambre, malheureusement, dans une
chambre à deux ou à quatre, est bien
mieux traité que moi, à ce moment-là, il pourrait y avoir un recours, selon la
charte, à : Je suis discriminé ou je suis un citoyen de seconde classe par rapport à cet
individu-là... porte plainte au protecteur de l'hôpital ou, bon, au bureau
des plaintes, etc. Mais là ce que vous
ajoutez... Parce que, là, j'essaie de bien suivre ce que vous avez dit ce
matin. Ce ne serait pas en fonction
de la Loi sur la laïcité que l'individu, dans son lit d'hôpital, pourrait
porter plainte contre ladite infirmière, mais ce serait en vertu de la charte parce que votre article
2 et 3 concerne l'institution. Donc, il ne pourrait pas porter plainte en vertu de l'article 2.3° ou 2.4° parce
qu'il faudrait que ça soit l'hôpital, à ce moment-là, ou je ne sais trop...
Mais il ne peut pas se plaindre de
cette infirmière-là. Par ailleurs, l'infirmière, elle, selon votre loi, serait
soumise au principe de laïcité. Est-ce que c'est moi qui deviens trop
compliquée pour...
M. Jolin-Barrette : C'est un sujet qui est fort complexe. Bon, premièrement, M. le Président, vous me permettrez de remercier la députée de Marguerite-Bourgeoys
parce qu'elle a dit que je serais ici au moins 20 ans. Donc, je tiens à communiquer à tout le monde qu'elle
manifeste son appui pour ma réélection dans quatre ans et pour les futurs
mandats. Je l'en remercie.
Une voix :
...
• (16 heures) •
M. Jolin-Barrette :
Bon. Mais il y a de l'espoir.
Bon,
pour Pierre Bosset, lui, sa conception des différents principes, c'est des
principes qui ont été dans la littérature, dans la jurisprudence, notamment, mais ils n'ont jamais été cumulés notamment au
sens où on les cumule pour la laïcité de l'État. C'étaient des concepts
qui étaient épars. Mais ce qu'on en fait, supposons, de ces concepts-là, c'est
qu'on les réconcilie, on les met ensemble et
on en fait des composantes de la laïcité de l'État et on vient les définir. Pour
M. Bosset, il se réfère notamment
à une décision de la Cour suprême en 1955, Chaput c. Romain, de la Cour suprême, qui dit, dans le fond, que le Québec n'a pas de religion d'État.
Donc, la référence à laquelle il fait, c'est ce concept-là de religion étatique.
Or, en se basant sur
ça, depuis 1955, ça fait quoi, 64 ans...
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette : Non, ça, c'est sûr! Ça, c'est sûr. Je n'étais même pas un projet, je
pense. Mais c'est ça, lui, son
concept de séparation de l'État et de la religion, c'est au niveau de la
religion d'État, basé là-dessus. Mais là on est plus loin que ce que
M. Bosset avance sur ce point-là.
Sur
la fin de l'intervention de la députée de Marguerite-Bourgeoys, revenons au cas
de l'infirmière, le patient qui veut
porter plainte. Bon, les recours associés à la discrimination fondée,
supposons, sur l'appartenance religieuse sont toujours prévus à la
charte. La laïcité de l'État offre aux citoyens... Quand je disais ce matin que
c'est générateur de droits, la laïcité,
c'est générateur de droits pour la personne qui reçoit les services publics.
Donc, le patient qui est dans son lit
d'hôpital et qui, par les agissements de l'infirmier ou l'infirmière, n'agit
pas conformément aux principes de l'institution, conformément à la
laïcité, bien, l'État ne respecte pas ses obligations dont il se dote. Alors,
lorsque je dis que c'est générateur de droits, c'est générateur de droits pour
ça. Mais le recours de la personne, oui, il est prévu à l'article 10 de la
Charte des droits et libertés de la personne.
A contrario, ce
matin, la députée de Marguerite-Bourgeoys nous disait : Bon, bien,
supposons une... prenons le cas d'un
policier qui voudrait travailler avec un signe religieux, O.K., où c'est
nommément interdit à l'article 6, bien, le policier ne peut pas se servir de l'article 2.4°
de la charte... pardon, de la Loi sur la laïcité pour dire : Écoutez, moi,
je suis de confession catholique, je
veux porter une croix, en vertu de 2d, je peux le faire. Non, parce que
l'objectif, c'est vers les citoyens,
la laïcité de l'État, et le policier représente l'État, c'est le prolongement
de laïcité de l'État, et lui, c'est nommément interdit de porter un
signe religieux. Voyez-vous la distinction? Dans le fond, la laïcité de l'État,
c'est les institutions pour les citoyens.
Donc, les agents qui travaillent pour l'État se doivent de respecter le concept
de laïcité de l'État en fonction des quatre principes.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme David :
Je veux juste voir si je passe mon examen, là, parce que...
Une voix :
...
M. Derraji :
Ah! oui, qu'on n'a pas encore vu...
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Derraji :
C'est excellent d'entendre ça! Désolé, M. le Président, je suis hors sujet.
Le
Président (M. Bachand) : Aucun souci. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme
David : Je pense, c'est de l'«inside baseball», et puis moi j'étais
prise dans mes trucs, alors c'est pour ça que je ne ris pas autant que
tout le monde.
Pierre Bosset
dit : Ce dernier énoncé... Là, l'article 1 du projet de loi énonce... et
l'article 2 énonce que cette laïcité repose sur quatre principes.
Bon : «Ce dernier énoncé n'est pas dénué de mérite pédagogique», alors, on
fait ça en ce moment, là, on échange
là-dessus, «il prend acte, en effet, du consensus de la recherche scientifique
quant aux fondements historiques,
sociologiques et philosophiques de la laïcité.» Et il vous réfère à
Micheline Milot, La laïcité, 2008. Bon, alors c'est :
«Quoique juste, l'énoncé des principes de la laïcité n'apporte cependant aucune
pierre nouvelle à l'édifice juridique existant.» Et c'est là qu'il réfère à Chaput
contre Romain, 1955, il n'y a pas de religion d'État. Et c'est formidable, la Cour suprême, en 1955, on est sous
Duplessis. Vous n'étiez pas né, mais vous êtes un féru d'histoire, à ce
que j'ai compris hier, en tout cas,
certaines parties de l'histoire, je ne le sais pas, mais vous savez quand même qu'en 1955 on
était encore dans la «grande noirceur».
Alors, s'il y avait un endroit où il y avait beaucoup,
beaucoup de religions dans l'État, et que le crucifix, là, qui est là, là, depuis 1936, là, bien,
on sait pourquoi il est là, là, c'était pour dire à quel point la religion était importante dans les affaires
de l'État. C'est vraiment extraordinaire. Alors, qu'on se réfère à 1955, c'est quand
même formidable, au moment où il n'y a jamais eu autant d'interpénétration de
l'Église et de l'État.
Mais
je veux être sûre de mon affaire, du patient couché dans son lit, qui se trouve
mal traité, pas au sens médical, mais
mal traité selon un des quatre principes de la laïcité de l'État. Et là vous
avez dit : La laïcité de l'État — puis je n'ai pas les mots exacts, là, aidez-moi — s'applique ou s'exerce envers les gens qui
reçoivent des services, donc envers le patient
couché dans un lit. Puis là je ne suis pas sûre de vous avoir suivi, c'est
parce que vous tournez vite sur les policiers, puis là, je suis désolée
parce que les policiers, c'est l'article 6. Alors, moi, je ne veux, pas
plus que vous, aller à l'article 6 tout
de suite, là. Aidez-moi sans prendre un exemple de l'article 6, parce
qu'on ne veut pas, vous êtes d'accord, vous
nous demandez de ne pas aller à l'article 6. Donnez-moi... Continuons sur
notre infirmière avec un patient dans son lit d'hôpital qui se sent lésé
par quelque chose, un des quatre alinéas de l'article 2.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, Mme la
députée. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Les articles 1 à 3, c'est institutionnel. Donc, la personne qui fait affaire avec un
membre du personnel, une institution qui n'agit pas conformément
aux prescriptions de la laïcité, à ce moment-là, se retrouve dans une situation où il peut s'adresser à l'institution
pour dire : Écoutez, je n'ai pas eu droit à un traitement qui est laïque,
qui n'est pas conformément aux exigences de la laïcité de l'État.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée.
Mme
David : J'aime vraiment ça, la conversation qu'on a, parce que je ne
suis pas une juriste, mais j'essaie de me mettre dans mon lit d'hôpital devant quelqu'un qui ne me traite pas,
etc. Quand la loi va être adoptée, imaginez-vous le jour où un avocat de
la défense d'un citoyen, qui était dans son lit d'hôpital, va plaider la loi
n° 21.
Une voix :
...
Mme David :
Ah! je vais recommencer. O.K. Mais elle était bonne, ma tirade, mais je vais
essayer de la refaire pareil.
M.
Jolin-Barrette : ...
Mme David : Je
commençais en disant... je disais que notre conversation était fort intéressante
et importante et que je ne me mets pas dans
la peau d'un juriste, ce que je ne suis pas, donc je ne veux pas avoir de problème
avec le Barreau du Québec ou de, je
ne sais pas où, mais je me mets dans la peau du patient dans le lit d'hôpital.
On continue sur cet exemple-là. Je ne
veux pas aller vers la police puis me faire arrêter pour une contravention,
etc., je n'en ai jamais, je conduis tellement
bien. Mais je me mets dans la peau d'un patient à l'hôpital. Est-ce que... et
puis votre conseiller l'a entendu, peut-être qu'il va même le traduire mieux que je le redis une deuxième fois.
Est-ce que ce patient-là pourrait invoquer, si et quand la loi sera adoptée, l'article 2 pour plaider
quelque chose? Son avocat à lui pourrait plaider, selon la loi
n° 21 : M. le juge, je considère
que mon — là ça
devient son — client a
été lésé dans l'article 2, 2.4°, liberté de conscience et de religion, exemple.
• (16 h 10) •
M.
Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, c'est une situation qui est hypothétique. Exemple : dans le
projet de loi n° 62, on avait
une obligation de neutralité religieuse de l'État. Donc, toute personne qui
fait affaire avec l'État doit... bien, en fait, l'État doit s'assurer de respecter les principes de laïcité. Là, vous
m'invitez à commenter un éventuel recours basé sur des faits qui ne sont pas avérés, là. Vous avez
toujours le recours qui est prévu à la charte pour un motif de
discrimination, supposons. Mais c'est sûr
que, sur le plan administratif aussi, le gestionnaire, là, supposons, de
l'hôpital, là, doit s'assurer que son institution réponde au principe de
laïcité, donc d'agir conformément à cela, dans la mécanique, là.
C'est la même
chose, exemple, ils doivent s'assurer... un gestionnaire, là, doit s'assurer
que la Loi sur la santé, sécurité,
pour ses employés, s'applique ou la Loi sur les accidents de travail et les
maladies professionnelles s'applique aussi. C'est la même chose. Elle
s'applique à l'institution, et l'institution doit la respecter, notamment par
le biais de ses employés.
Ça fait
qu'exemple, quand vous avez, je ne sais pas, un travailleur à l'hôpital,
supposons, quelqu'un qui fait la maintenance
de l'hôpital, puis qui se retrouve en situation d'espace clos, bien, il doit
respecter les prescriptions de la loi qui s'appliquent, rattachées au
travail qu'il a à effectuer. C'est la conduite de la personne. Donc, l'employé
de l'hôpital, qu'on soit infirmière, préposé
aux bénéficiaires, devra se conformer aux exigences de la laïcité. Si jamais il
n'y avait pas... la personne n'agissait pas d'une façon neutre sur le
plan religieux, bien, il y aurait une problématique, et les rappels à l'ordre
seraient effectués.
Mme
David : Bosset, dans sa synthèse, justement, il dit comme vous :
«Non seulement les quatre principes qui sous-tendent la laïcité sont-ils déjà reconnus dans notre droit, et ce,
depuis fort longtemps...» Et ça ne s'oppose pas, bon, à l'expression des
croyances individuelles. S'ils sont donc reconnus dans notre droit depuis fort
longtemps, ces quatre principes-là, que ça
soit le premier, le deuxième, le troisième, le quatrième, je pense que, dans le
jargon, ce que ça veut dire, là, je
ne suis quand même pas si nounoune que ça, ça veut dire que ça a déjà été
plaidé. Mais ça a dû être plaidé, comme l'a dit lui-même Pierre Bosset, à travers les chartes, autant l'égalité
dans la charte québécoise, la liberté de conscience, de religion dans la
charte québécoise, depuis 1975, charte canadienne depuis 1982, etc.
Donc, même si
c'est du droit nouveau... Puis ça, ça peut être sympathique, pour un ministre
de la Justice, de faire du droit
nouveau, parce que ça sera quelque chose qui... Vous pourrez dire : J'ai
fait quelque chose de nouveau, mais...
Une voix : ...
Mme David : Il n'est pas ministre de
la Justice, c'est vrai. Excusez! Vous auriez aimé ça. Mon lapsus...
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme David : Mais, des fois, on me
fait des lapsus, moi aussi.
M. Jolin-Barrette : ...
Mme David : Excusez!
Le
Président (M. Bachand) :
Mais vous êtes là pour 20 ans, M. le ministre. Alors, dans 20 ans, on
verra. Alors, Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme David : Excusez!
M. Jolin-Barrette : ...
Mme David : C'est ça, c'est ça.
M. Jolin-Barrette : ...
Mme
David : Quel lapsus! Bon, mais, il y en a qui en font à mon égard
aussi, alors, regardez, on prend quand ça passe.
Vous m'avez,
donc, interrompue, parce que j'ai fait ça, mais là j'étais en train de dire
que, oui, Pierre Bosset dit que chacun
des alinéas peut se plaider à travers les chartes. Mais vous faites du droit
nouveau. Alors, si vous faites du droit nouveau, bien, ça va être quelque part les juristes et puis les... je ne
sais pas, dans vos grands livres, et puis le barreau, et tout, va s'approprier
cette loi-là, puis il va falloir que les avocats en fassent quelque chose, là.
On ne fait pas une loi pour ne jamais s'en servir puis la mettre sur une
tablette.
Donc, ma
question me semble, à tout le moins, légitime, sinon un peu éclairée, de
dire : Une fois que la loi va être adoptée, est-ce qu'un avocat de la défense pourrait se servir de cette
loi-là et non pas retourner aux anciennes lois, exemple, chartes, ou cas
par cas, ou charte des droits pour la liberté de religion, par exemple?
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : La députée
de Marguerite-Bourgeoys dit : Écoutez, c'est des concepts qui ont déjà été
utilisés. Oui et non. Parce que, prenons le
cas de l'exemple... le premier critère, le principe de qu'est-ce que constitue
la laïcité de l'État, notamment la
séparation entre l'État et les religions, bon, supposons, dans l'arrêt de la
Cour suprême, en 1955, là, auquel
Pierre Bosset fait référence... La conception de la cour, c'est une
conception minimaliste sur le sens de la religion, qu'il n'y a pas de religion d'État, hein? C'est
une séparation institutionnelle, comme le disait le député de Jean-Lesage
hier. C'est plus large que ça, là, ce critère-là.
Autre élément, l'institution, lorsqu'elle se
comporte, notamment par le biais de ses agents, elle agit de cette façon-là. Les recours pour motif de
discrimination, prévus à l'article 10 de la charte, vont toujours
demeurer. Par contre, lorsqu'on est dans une situation où, supposons, la laïcité de l'État n'aurait pas été rencontrée, la laïcité de l'État devra trouver
application. Donc, si un employé n'agissait pas d'une façon qui respecte les
principes de laïcité de l'État, nécessairement, son gestionnaire
interviendrait, au même titre que les lois d'ordre public.
Mais, là-dessus,
là, la question que la députée de Marguerite-Bourgeoys me demande, là, c'est de dire : Bien,
si un avocat invoque ça dans sa procédure, est-ce que
ça pourrait un argument pour faire un allégué puis soutenir sa
prétention? Dans l'univers des possibilités, ça pourrait arriver qu'un avocat, un jour, utilise ça puis inscrive
ça dans sa procédure. Dans l'éventail
des possibilités, ça pourrait arriver, de faire référence à cela.
Notamment, ça pourrait être une plainte déposée à la
Commission des droits de la personne sur le droit à l'égalité et fondée sur la
discrimination, supposons sur l'appartenance religieuse. Et, dans la procédure, il pourrait être allégué ça aussi,
là. Il pourrait dire : Bien, l'État
québécois a adopté une loi sur la
laïcité. Alors, dans l'univers des possibles, oui. Mais je trouve qu'on
s'éloigne un peu des concepts de... Parce qu'on est dans les concepts généraux, là, on est dans le cadre de c'est
quoi, la laïcité. C'est les quatre principes, puis ça s'applique aux
différentes institutions, aux trois pouvoirs de l'État.
Mme David : ...
Le Président (M.
Bachand) : Oui, Mme la députée, allez-y, pardon.
Mme
David : Excusez. Une dernière question sur cette globalité, justement.
C'est exactement là que je m'en allais. Est-ce que les quatre principes, on peut faire du... Je vais le dire en
français, parce que comme ministre responsable de la langue française,
je me faisais un devoir de toujours parler en français. De trier et choisir,
«pick and choose», choisir... Alors, je vais complètement changer, parce que
j'ai un mot anglais que je ne dirai pas. Donc, est-ce que les quatre paragraphes forment un tout indissociable?
Et, auquel cas, ils ont chacun... chaque article ou chaque paragraphe, appelez-les comme vous voulez, sont égaux devant
la loi — et ils
forment tellement un tout pour la laïcité — ou bien il y en a qui pourraient
éventuellement avoir prépondérance sur l'autre?
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : M. le
Président, il n'y a pas de hiérarchisation dans les principes. La laïcité est
une composition de ces principes-là. Donc, ce sont les composantes de la
laïcité. Donc, il n'y a pas de hiérarchisation à faire entre les différents
principes.
Le
Président (M. Bachand) : Mme
la députée... Excusez, j'ai Mme la députée de Bourassa qui m'a demandé
la parole. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : Donc, je veux juste dire : S'il y avait, question
hypothétique, un inspecteur de la loi n° 21 qui allait visiter des institutions pour voir si la laïcité
de l'institution est bien respectée, est bien appropriée par l'institution, on
mettrait les quatre valeurs au même niveau.
Puis, des fois, les fonctionnaires aiment faire du pointage, puis etc., bien,
ils auraient tous le même pointage
pour parler concrètement, là. On ne peut pas choisir celui qui fait notre
affaire puis laisser de côté l'autre
qui... Oh! bien, la neutralité religieuse de l'État, celui-là, ce n'est pas
important pour nous. Ils sont tous égaux devant la loi, comme on dit, ou
devant Dieu.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
Mme David : ...laïcité.
• (16 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Oui, alors, la laïcité est composée de quatre principes, notamment la
séparation de l'État et des religions,
de la neutralité religieuse, de l'égalité de tous les citoyens et citoyennes,
ainsi que de la liberté de conscience et de la liberté de religion. Lorsque l'État, elle est dans son cadre
institutionnel, notamment par le biais de ses employés, elle doit respecter ces quatre
principes-là. C'est une obligation
pour l'État, pour ces mandataires de l'État de respecter ces quatre
principes-là. Et ils s'interprètent les uns par rapport aux autres. C'est fort important.
Mais, lorsqu'on parle, supposons, de liberté
de religion et de conscience, c'est la liberté du citoyen. La personne qui
vient à la SAAQ le lundi, le mardi,
le mercredi, le jeudi, là, qui ont toutes des confessions religieuses
distinctes, elles sont traitées de la même façon. Cela étant dit, et j'apporte une spécification, on n'est pas dans les questions
d'accommodement, ici, questions d'accommodement religieux, parce que ce n'est pas, supposons, le quatrième paragraphe,
ce n'est pas la liberté de religion à tout prix. Exemple, pour prendre une photo pour des questions d'identification
ou de sécurité, on doit découvrir son visage. Donc, là-dessus, quand
c'est un service public, et on le verra plus loin, il n'y a pas
d'accommodement. Vous me suivez là-dessus?
Mme David :
En fait, vous me faites penser à un immense chapitre, qui...
M.
Jolin-Barrette : ...c'est après, là, ça.
Mme
David : Non, non. Je ne veux pas parler de visage découvert, moi, je
veux parler de tout ce chapitre qui m'a occupée tellement d'heures quand
j'étais dans mes précédentes fonctions, les accommodements raisonnables, hein?
C'est balisé, ça, c'est très balisé. Mais je n'y aurais pas pensé, mais est-ce
qu'il y a des conséquences dans l'article 2, paragraphe 4°,
liberté de religion, sur la question des fêtes religieuses, du médecin qui ne
travaille pas le jour du sabbat, sur une fête x ou y
demandée? Alors, souvent, c'est de l'accommodement fait entre collègues. Moi,
je ne serai pas de garde tel jour; toi, tu vas prendre... je vais prendre...
Moi, je ne travaille pas le samedi, mais je suis prêt à travailler le dimanche, etc. Accommodements dans la mesure où,
bon... D'ailleurs, on avait fait, dans la loi n° 62, des
accommodements exigeant que celui qui demande l'accommodement participe autant
que celui qui doit donner l'accommodement, là. Il y avait un article sur ça,
là. Mais ça, peut-être qu'on va revenir à ça appliqué au visage découvert ou
couvert, où il n'y a pas de possibilité, si
je comprends bien, dans votre article — mais on n'y est pas — d'accommodement. Mais parlons des autres accommodements, là, les plus faciles,
là. Les plus faciles; je ne parle pas de niqab puis... je parle d'une
liberté de religion, de pratique religieuse
qui peut venir des fois en superposition avec une journée de travail ou, en
fait, la vie quotidienne de bien des
employeurs et de bien des employés. Je n'y aurais pas pensé, mais vous m'y avez
fait penser, de dire : Comment
on traite ça? Ou y a-t-il même un rapport entre les accommodements de tous les
jours, dits raisonnables, et l'article 2?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : La réponse à cette question-là, M. le
Président, c'est non. On va voir, lorsqu'on va traiter
d'accommodements religieux... on va le voir, c'est notamment sur la question du
visage découvert. Il n'y a pas d'accommodement là-dessus et il n'y a pas
d'accommodement aussi, on va le voir, je crois, au prochain article ou un peu plus loin, il n'y a pas d'accommodement sur la
neutralité religieuse de l'État qui est possible. Pour le fonctionnaire,
là, pour le fonctionnaire, il ne peut pas
demander un accommodement pour dire : Je ne veux pas servir cette
personne-là parce qu'elle est de
telle religion. Ça, c'est... mais ça ne touche pas les accommodements sur
l'organisation du travail. Le projet de loi, ce n'est pas là-dessus.
Mme
David : Vous me voyez rassurée.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Oui, je vais... En fait,
j'écoute tout ça, là. Je vais faire ça simple, je vais faire ça simple. À la lumière de ce que j'ai entendu,
donc, un membre du personnel d'une institution doit suivre les préceptes de la
laïcité à la sauce Mouvement laïque
québécois contre Saguenay, là, en fait et en apparence. C'est ce que j'entends
du ministre. En fait, l'article 3,
si je comprends bien, là, je veux simplifier les choses, l'article 3,
c'est grosso modo notre jurisprudence et les grands préceptes, là, de notre neutralité, de ce qu'on appelle, dans les
cours, la neutralité religieuse, la laïcité à la québécoise jusqu'à
maintenant, là, qui est encadrée par les arrêts de la Cour suprême.
Donc,
l'article 3, c'est grosso modo ce qu'on a jusqu'à maintenant,
donc les... comme on le disait tout à
l'heure, j'ai lu, tout à l'heure, M. Bosset, et puis ma collègue de Marguerite-Bourgeoys
l'a relu, là. Tout ça, cette notion-là de neutralité
religieuse que le ministre nous a décrite... Donc, à l'article 3,
c'est : les employés du personnel, grosso modo, doivent respecter
ça et les employés, sauf les employés qui sont visés à l'article 6. C'est
ce que je comprends.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bon, tout à l'heure, la députée
de Marguerite-Bourgeoys l'a dit,
ce qu'on fait, c'est du droit nouveau, hein? La laïcité, ça n'existe pas
au Canada ni au Québec. C'est tout à fait nouveau.
La
définition que l'on donne à la laïcité, avec les quatre principes, notamment, ce sont
des principes, comme celui de la
neutralité religieuse de l'État, qui se sont retrouvés parfois définis par la
jurisprudence — dans
ce cas-ci, on a un exemple avec le Mouvement laïque québécois — qui
servent de balises et de guides. Mais la laïcité, c'est un tout
nouveau concept juridique, et, oui, ça en fait partie. Mais on s'est inspirés
notamment de la proposition de Bouchard-Taylor dans le cadre de leur rapport,
sur ce que devrait être la laïcité.
Mais c'est une
laïcité québécoise, et il y a une importance fondamentale sur la liberté... la
séparation entre l'État et les religions.
Ça, là, ce n'est pas un critère qui était connu au sens où on l'entend, parce
que, dans l'arrêt Saumur, c'est ça, c'est la séparation... il n'y a pas de religion d'État, mais
ça va plus loin que ça. Et on a eu la conversation hier soir avec le député de Jean-Lesage à l'effet que
c'est l'absence d'influence religieuse au sein de l'État. C'est nouveau,
ce concept-là. On va beaucoup plus loin. La
neutralité religieuse de l'État, on en a un exemple dans le cadre de
Mouvement laïque québécois. L'égalité des
citoyens et des citoyennes, c'est le mode opératoire et notamment la liberté de
conscience et de religion, oui, c'est un concept qui était déjà défini par la
jurisprudence, mais on vient l'insérer.
Dans
le fond, là, il faut le voir comme un tout. Le préposé ou dans... ou lorsque
l'État développe des politiques, supposons, le ministère de la Culture,
à l'époque, qui était occupé par la députée de Marguerite-Bourgeoys, si elle avait développé une politique culturelle, avec la
Loi sur la laïcité de l'État, il aurait dû en prendre compte, le
ministère de la Culture, dans l'élaboration
de la politique. Même chose, les employés au ministère de la Culture auraient
dû incarner la laïcité de l'État dans leurs agissements. Donc, je ne
sais pas si je réponds à votre question, là.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, oui, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Mais ce que je comprends... Oui, mais ce que vous
expliquiez à ma collègue de Marguerite-Bourgeoys,
finalement, ce n'est rien de nouveau, là, que ce que les cours n'ont pas dit,
pour tout ce qui est... Quand on parle des membres du personnel d'une
institution en général, là, ils sont régis par ces codes, ces balises, cette
jurisprudence-là qui a été...
Alors, c'est quoi, la
différence, M. le ministre?
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je viens de le dire, c'est tout nouveau. Le concept
de laïcité, ça n'existe pas. La
séparation entre l'État et les religions, ça n'existe pas. La liberté de
religion, là, c'est un concept qui a déjà été défini, oui, par les tribunaux, ça, je vous le donne. Par
contre, les quatre critères ensemble pour dire : Ça, ça constitue la
laïcité, ça en fait partie... Et le point
cardinal là-dedans, le plus important, je vous dirais, dans les principes,
lorsqu'on entend la laïcité de
l'État, c'est la séparation entre l'État et les religions. Parce que, dans les
conceptions occidentales de la laïcité, à quoi vous pensez dans un
premier temps? C'est ça, c'est le fait de séparer le divin de l'État, d'amener
une cassure.
Pourquoi les États
ont fait ça, notamment? Le député de Jean-Lesage, hier, nous disait :
Bien, le Canada, le Québec est gouverné par... le Québec...
(Interruption)
M.
Jolin-Barrette : Bon, il doit y avoir quelque chose là-bas, M. le
Président, parce que tout le monde est pressé d'y aller.
Une voix :
Ça bouge.
Le
Président (M. Bachand) : ...
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est ça. J'aimerais bien ça savoir ce qui se
passe, M. le Président, surtout s'il y a un buffet.
Le
Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, le critère de séparation de l'État et des religions, c'est
un des critères importants de la
laïcité. Et ça, ce sont des nouveaux critères, mais tous ensemble, ils vont
s'interpréter les uns par rapport aux autres. Mais le critère fondamental, c'est la séparation de
l'État et des religions. Lorsqu'on pense à la laïcité, supposons, au
niveau européen, la sécularisation, bien,
c'est issu du fait que le pouvoir tirait son origine du droit divin aussi. Et
on a vécu ça ici une partie du temps. Et on fait la séparation formelle
dans la loi.
Alors,
oui, c'est un nouveau concept. On s'inspire un peu de ce que les cours ont
défini. Mais jamais un législateur n'était
venu dire : Au Québec, l'État et les religions, c'est séparé, au Québec,
lorsqu'on traite un individu, on lui offre des services publics, on doit le traiter neutre sur le plan religieux, et il
n'y a pas de possibilité d'accommodement. Ça, c'est nouveau par rapport
au projet de loi n° 62.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Oui, il n'y a pas de possibilité d'accommodement. Ça,
c'est plus loin dans la loi. Mais, je veux dire, le coeur de... en fait, pratico-pratique, là, ce qui va régir un
membre du personnel d'une institution quelconque, là, il va être lié à cette espèce de concept de
neutralité là qui a été établi par les cours, qu'on peut appeler laïcité. On
reste quand même là-dedans.
M.
Jolin-Barrette : Non, M. le Président.
Mme
Robitaille : Bien, c'est des nuances, quand même, non? Non, ce n'est
pas des nuances?
M.
Jolin-Barrette : Non, M. le
Président, ce n'est pas des nuances, et la députée de Bourassa-Sauvé le sait
très bien. Il y a quatre principes. La
députée de Bourassa-Sauvé nous dit : Laïcité et neutralité, c'est la même
chose. Or, ce n'est pas ça qui est écrit, dans un premier temps, et ce
n'est pas ça que je dis depuis deux jours.
Le Président (M. Bachand) : Mme la
députée, allez-y.
Mme
Robitaille : Et les quatre principes sont égaux, on s'entend, et puis
c'est ce que les cours ont toujours dit. Les quatre principes énoncés à
l'article 2 sont équivalents, ont autant de force les uns que les autres.
Et c'est un peu un résumé de la jurisprudence aussi, hein?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, la réponse à cette question-là, c'est non. La laïcité,
c'est un nouveau concept. Ce qui
existait, c'était la neutralité religieuse de l'État. Nous, on vient clairement
dire que l'État et les religions, c'est séparé. Le critère le plus
important parmi les quatre critères, c'est celui de la séparation entre l'État
et les religions. Les quatre s'interprètent
les uns par rapport aux autres, mais le critère fondamental, c'est celui de la
séparation entre l'État et les religions.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé...
Mme
Robitaille : ...faire le débat encore longtemps. On peut accepter
d'être en désaccord là-dessus parce que... Bien, en tout cas, pratico-pratique, encore une fois, l'État et la
religion, l'État et le religieux sont séparés depuis longtemps. Mais je ne vois pas la nouveauté, le grand...
L'État et la religion sont séparés depuis des décennies, là, depuis très,
très, très longtemps. Je ne vois pas la nuance.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, je pense que la députée de
Bourassa-Sauvé, qui est une femme très intelligente, saisit très bien la
nuance et la grande différence entre la laïcité et la neutralité religieuse de
l'État.
Autre point, la
députée de Bourassa-Sauvé nous dit : Bien, c'était déjà séparé, l'État et
la religion. Bien, pas juridiquement, hein, pas juridiquement. Si on fait le recensement
des lois, M. le Président, au Québec ou au Canada, il n'y en avait pas. C'est
la première loi qui touche la laïcité de l'État, la toute première fois,
première fois.
Qu'est-ce
que ça va amener d'une façon supplémentaire, M. le Président? Le Parlement du
Canada, les autres provinces, eux,
n'auront pas de loi sur la laïcité de l'État. Donc, ce sera l'ancienne
jurisprudence, la jurisprudence de la Cour
suprême sur Mouvement laïque québécois, qui trouve application sur la
neutralité de l'État. Or, au Québec, en raison de sa spécificité, en raison de son parcours, en raison du fait que le
Québec est une nation, une société distincte, bien, le Québec fait le choix de dire : Nous, notre
État, notre État national, il est laïque. Il n'est pas uniquement neutre, il
est laïque. Toute une distinction.
Alors,
la jurisprudence que vous aviez préalablement,
elle n'est plus valide, et la nouvelle jurisprudence
va devoir être interprétée à la
lumière de la laïcité de l'État. Donc, c'est un tout nouveau concept que nous
définissons ensemble.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : À chacun sa laïcité? À chacun sa laïcité? Je pose la
question. À chacun sa laïcité? C'est votre point de vue. Ce serait peut-être un autre... les cours auraient
peut-être un autre point de vue, M. Bosset a un autre point de vue, Me
Lampron a un autre point de vue.
M. Jolin-Barrette : Mais, respectueusement, M. le Président, le gouvernement du Québec
dûment élu a déposé un projet de loi
ici, à l'Assemblée nationale, auquel tous les députés de toutes les formations
politiques sont conviées à l'étude. Alors, c'est ensemble qu'on définit
quelle est la laïcité de l'État.
Et,
lorsque M. Bosset se prononce sur quelle est sa conception de la neutralité, ou
d'une laïcité, ou quelque chose comme
ça, il le fait en fonction de l'état du droit antérieur préalablement à la Loi
sur la laïcité de l'État que nous étudions présentement. Alors, je serai
heureux de lire les travaux de Me Bosset suite à l'adoption du projet de loi et
suite aux intentions du législateur, que nous sommes tous présentement, dans le
forum de la commission parlementaire.
Et,
lorsque Me Bosset écrira sur quel est l'état du droit désormais au Québec, en
lien avec la laïcité de l'État, il devra se référer aux travaux de la
présente commission, il devra se référer à l'intention du législateur, donc
celle du gouvernement, et très clairement comprendre qu'il s'agit de droit
nouveau, qu'il s'agit que l'État québécois, et le gouvernement du Québec a voulu clairement séparer l'État et la religion,
non pas uniquement en termes de religion de l'État, mais dans toutes les sphères de l'activité étatique, et que
l'État québécois souhaite que les fonctionnaires de l'État agissent d'une façon neutre sur le plan religieux et qu'il
ne soit pas possible pour eux d'avoir un accommodement pour refuser de
servir un citoyen qui pratiquerait une religion x ou y.
Et Me Bosset,
lorsqu'il écrira, analysera, il évaluera aussi, à la lumière de la Loi sur la
laïcité que nous avons adoptée, les nouveaux
concepts que nous déployons aujourd'hui. C'est du nouveau droit, c'est tout
nouveau. Nous nous inspirons des
auteurs Bouchard et Taylor, de Mouvement laïque québécois, de certaines
décisions de la Cour suprême, mais ce
que nous faisons, c'est une avancée, et on change le droit. C'est important de
le comprendre. Et les tribunaux auront à interpréter la Loi sur la laïcité, probablement, si jamais ils sont
saisis d'un recours de la loi, et, lorsqu'ils le feront, une nouvelle jurisprudence émanera des cours, des
tribunaux québécois, canadiens aussi, pour réaliser que le Québec est
une société distincte, gère ses rapports entre l'État, et la religion, et les
religions d'une façon qui est distincte de celle du reste du Canada, et que ça appartient à la nation québécoise, par le
biais de ses représentants élus, de faire ce choix-là.
Et
ça, ça s'exprime dans plusieurs facettes du projet de loi, notamment la
définition que l'on donne, dans la laïcité,
le fait qu'on l'inscrive dans la Charte des droits et libertés de la personne.
Parce qu'il ne faut pas oublier ça, là, le concept de laïcité, tout à l'heure, un peu plus loin, je pense que c'est
à l'article 18, 19, on vient l'insérer dans la Charte des droits et
libertés de la personne comme un outil interprétatif, notamment, pour faire
évoluer le droit à la lumière de la société québécoise, de ce qu'elle est
constituée.
Le
Président (M. Bachand) : ...Marguerite-Bourgeoys, s'il vous
plaît.
Mme
David : Ce n'est pas l'objet
de ma question. Je vais arriver à ma question
rapidement. Mais, justement, c'est pour
ça qu'on prend beaucoup de temps parce
que, vous avez raison, on fait du
droit nouveau. Mais non seulement
ça, vous ajoutez le point qu'à l'article 19,
et j'espère, moi aussi, qu'on va s'y rendre, il n'est jamais
arrivé, il n'est... Je vais attendre que le ministre m'écoute parce que
c'est vraiment important, là.
Le
Président (M. Bachand) : ...Mme la députée.
• (16 h 40) •
Mme
David : Donc, à la lumière de ce que le ministre vient de dire,
l'article 19, je pense, vous avez dit, où on va insérer, dans la charte, cette Loi de la laïcité,
bien, ça ne se sera jamais fait dans l'histoire du Québec. Ça, c'est
nouveau aussi, mais pas pour les bonnes raisons. Vous allez
tristement marquer l'histoire, d'insérer quelque chose dans la charte
avec une clause dérogatoire et peut-être sous un bâillon. Ça, trouvez-moi
d'autres exemples. Est-ce que vous avez d'autres exemples de ça dans l'histoire
du Québec?
Le Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M.
Jolin-Barrette : Premier élément, moi, je suis très heureux que, dans
la Charte des droits et libertés de la personne, on inclue le concept de la
laïcité. Ne parlons pas des moyens, là. Parlons sur le fond.
Mme
David : ...parler des moyens aussi, peut-être, hein?
Le Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M.
Jolin-Barrette : Non, non, non, mais, dans un premier temps, parlons
du fond. Est-ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys
est en désaccord avec le fait que, dans la Charte des droits et libertés de la
personne, le concept de laïcité soit inséré? Ça, c'est le premier
critère.
Le Président (M. Bachand) : Mme la
députée.
Mme David : Alors, à
question claire, réponse assez claire : ça dépend de quelle laïcité on
parle. Ça dépend si c'est seulement
les articles 1 et 2. Si c'est toute la loi n° 21,
vous connaissez notre réponse. Si c'est les articles 1 et 2, on a
voté pour de mettre la notion de laïcité dans la charte. Mais là s'arrête notre
route ensemble.
Une
voix : ...
Mme David : Ce n'est pas
du tout la même chose. Alors, vous n'êtes pas trop clair si c'est de mettre
toute la loi qui sera adoptée dans la
charte ou juste le concept de laïcité mais auquel référerait tout ce qui
s'ensuit, l'interdiction pour les policiers, les enseignants, etc., et
même plus, si jamais vous voulez encore aller plus loin, selon... avec des
collègues d'autres oppositions, ou moins,
selon ce qu'on souhaite ardemment. Mais alors la question a plusieurs volets de
réponse. Soyons un peu dans la complexité.
M. Jolin-Barrette : Mais je nous invite, M. le Président, à terminer
le débat sur 3 pour qu'on puisse éventuellement aller discuter de cela.
Mme
David : Éventuellement, on va y arriver avec plaisir. Maintenant,
parce qu'on a parlé de 1°, 2°, 3°, 4°, est-ce
que ce sont des principes égaux, etc., revenons à l'article 3, là. On est
vraiment dans l'article 3. Il est marqué que «les institutions
parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les principes
énoncés à l'article 2», c'est pour ça
qu'on revient souvent à l'article 2. Et vous nous avez dit : En
général, les quatre paragraphes sont égaux devant... devant tout ce qu'on veut, ils sont égaux. Tout à
l'heure, vous avez un peu dit que, peut-être, «la séparation de l'État
et des religions» avait un peu préséance sur
les autres. Mais vous avez dit ça, mais vous avez aussi dit que les quatre
articles étaient égaux. Pour nous assurer
qu'ils soient égaux les uns par rapport aux autres, je déposerais un
amendement, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) : Oui,
allez-y.
Mme
David : Alors, je le lis?
Le
Président (M. Bachand) : Oui, s'il vous plaît.
Mme David : Donc, c'est
seulement les premières lignes de l'article 3 : «La laïcité de l'État
exige que, dans le cadre de leur
mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires
respectent intégralement les principes énoncés à l'article 2, en
fait et en apparence.» Alors, j'ajoute tout simplement...
Une voix :
...
Mme David : Je dois dire : L'article 3 du projet de loi est modifié par
l'insertion, après les mots «gouvernementales et judiciaires
respectent», du mot «intégralement».
Alors, dans le fond, c'est de qualifier, de mettre un peu
plus l'accent sur le fait que les quatre éléments sont bien... sont tous
là et doivent être respectés dans leur entièreté et leur intégralité.
Le Président (M. Bachand) : Merci, nous allons suspendre quelques instants
pour la distribution, s'il vous plaît. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 44)
(Reprise à 16 h 53)
Le
Président (M. Bachand) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. Alors, je
cède la parole à la députée de
Marguerite-Bourgeoys pour un amendement. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole. Merci.
Mme David : Oui. Bien, écoutez,
M. le Président, je pense que c'est pour rester cohérents avec toutes nos
discussions sur les alinéas 1°, 2°,
3°, 4°. Le mot «intégralement», ça
veut dire qu'ils n'ont pas le droit de faire...
Oh là là!
Merci à la collègue de votre formation politique qui m'a trouvé la traduction
de ce que je ne veux pas dire en
anglais : le picorage. Le picorage. Alors, merci beaucoup. Vous voyez, la
nouvelle grand-mère. C'est inspirant, hein?
Une voix : La sagesse.
Mme David :
La sagesse. J'ai hâte d'arriver à ça, moi aussi, mais je ne suis pas arrivée
encore. Donc, le picorage, ce n'est
pas l'esprit, d'après moi, de l'article 2. Le ministre le dit et le
redit : La laïcité de l'État, voici les quatre principes fondamentaux. Là-dessus, il a des amis, des amis,
des juristes puis d'autre monde qui disent : Oui, ça traduit l'état du
droit actuel, c'est un droit nouveau. Ce qui est nouveau, c'est de tout mettre
ça ensemble dans un concept qui s'appelle laïcité
de l'État. Mais chaque alinéa pris individuellement existe à travers les
chartes, et il y a de la jurisprudence, etc. Mais ce qui n'existait pas, c'est de mettre ça comme ça, les quatre dans
un seul article. Puis ce n'est pas un petit article, c'est le n° 2, quand même, après l'article, entre guillemets,
fondateur, qui est : L'État est laïque.
Alors, le mot
«intégralement», on a beaucoup parlé
d'institutions, alors, il faut que les institutions soient laïques, alors, si les institutions doivent être laïques et que c'est l'État... les institutions
représentant l'État, elles ne peuvent pas faire des choix pondérés, il y en a un qui lui tente puis l'autre qui ne lui
tente pas. Je suis sûre que ce n'est pas l'esprit dans lequel le ministre a écrit cet article 2. Il tient
autant à ce qu'une institution soit en parfaite neutralité religieuse de
l'État, qu'elle soit en parfaite égalité face à tous ses citoyens et
citoyennes, qu'elle respecte la liberté de conscience et la liberté de religion
et qu'elle respecte la séparation de l'État et des religions.
Et donc nous
suggérons, bien respectueusement, que ceci se traduise par un adjectif ou un...
que ce soit par un adverbe, «intégralement», qui dit ce que ça veut
dire, c'est-à-dire, «intégralement» veut dire intégrité, l'entièreté de la chose. Et, quand on a discuté justement, tout à
l'heure, avec des cas qu'on essaie d'être le plus précis possible,
toujours ce patient dans l'hôpital qui
voudrait peut-être contester... Et il a même dit : Il y a certainement des
juges, des juristes qui vont se pencher
sur sa loi éventuellement, donc, comme c'est du droit nouveau, allons plus
loin... de la perfection de cet article-là.
Et c'est
comme si on parle d'une chaise, d'un tabouret qui aurait quatre pattes. Bien,
si vous en enlevez une, vous risquez
d'être — le mot
existe — très
bancal, ça veut dire qu'il manque un morceau. Et qu'est-ce qu'il va vous
arriver? Bien, vous ne serez pas en
équilibre, et c'est dangereux. Donc, si c'est dangereux, pour un individu assis
sur une chaise, de perdre une patte,
c'est dangereux pour une société aussi de perdre un de ces quatre piliers. Et
donc, à partir du moment où on a cette image de tabouret qui perd une
patte, bien, on ne veut pas que notre société perde une patte non plus.
Alors, c'est dans cet esprit que nous voulons
que cet article-là ne soit pas bancal et qu'il puisse donc refléter l'importance égale et intégrale des quatre grands
aspects de la laïcité. Et c'est pour ça qu'on ajoute un mot et qu'on
soumet respectueusement que ça nous semble être une bonne idée.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Je ne sais
pas si les autres collègues des oppositions veulent commenter.
Le Président (M.
Bachand) : Allez-y, vous avez la parole, puis je vais voir avec
eux...
M. Jolin-Barrette : Bon, bien, je
vais la céder, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) : O.K. Est-ce qu'il y a des interventions? Il n'y a
pas d'autre intervention? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien,
simplement pour dire que j'apprécie l'effort, la proposition de la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Elle nous dit : L'intégralité des principes. Dans le
cadre de la laïcité, les quatre principes sont interreliés, et viennent parfois pour être opposés, et viennent
travailler ensemble. Alors, l'intégrité des quatre principes ne pourra jamais se retrouver à 100 %. C'est une
conversation, une discussion à travers les quatre principes, ils en font
partie. À titre d'exemple, le pilier
fondamental de la laïcité de l'État, c'est la séparation entre l'État et les
religions. Ça s'interprète à travers
les autres principes. Mon inquiétude avec le terme «intégralement», c'est que
ça amène une rigidité à travers les quatre principes de la laïcité.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous
plaît.
• (17 heures) •
Mme
David : La définition de... Parce qu'«intégralement», ce qui va avec
ça, c'est le mot «intégralité», hein, alors il faut faire attention, et non pas «intégrité», j'ai peut-être,
moi-même, fait l'erreur tout à l'heure, je m'en excuse si j'ai fait
l'erreur tout à l'heure, c'est «l'intégralité». Alors, «l'intégralité», dans
les synonymes, là, c'est «complètement» ou «intégralement»,
ça veut dire : complètement,
entièrement, globalement, parfaitement, totalement. Intégralement, ça
veut dire qu'on a la globalité des quatre principes, ça ne veut pas dire nécessairement
que...
Une voix : ...
Mme David : O.K. Ça ne veut pas dire
nécessairement... parce que vous dites : C'est un jeu subtil entre les quatre. Ça se peut, mais il faut que les quatre
soient là, et c'est pour éviter ce picorage de dire : Nous, c'est seulement le deuxième qui nous intéresse, puis, les autres, on les laisse aller. Je
me mets à la place d'une institution qui a le goût de faire ça. Je pense, mon collègue
veut peut-être ajouter quelque chose.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il
vous plaît.
M. Derraji : Oui. Merci, M. le Président.
En fait, ce que ma collègue essaie d'expliquer et de ramener, c'est justement
lancer le message de l'importance de l'intégralité, hein, je... vraiment
préciser, parce qu'«intégrité» veut dire une chose, mais
«intégralement» veut dire autre chose.
Donc, quand
on énonce, dans l'article 2, que la laïcité de l'État repose sur
les principes suivants : «la séparation de l'État et des religions; la neutralité religieuse de l'État; l'égalité
de tous les citoyens et citoyennes» et, le quatrième point, «la liberté de conscience et la liberté de
religion», on vient, dans l'article 3... on insiste que la laïcité de l'État exige que, dans le cadre de
leur mission, donc toujours on parle des institutions, les quatre, parlementaires, gouvernementales... les trois plutôt, parlementaires, gouvernementales
et judiciaires, respectent les principes énoncés.
L'amendement proposé par ma collègue,
«intégralement» vient renforcer, répondre à une interrogation que nous avons eue tout à l'heure, que parfois la
séparation de l'État et des religions va prendre toute une importance.
Mais l'image parfaite que ma collègue
ramenait, prenons une table où tu n'as pas une patte ou une patte non
fonctionnelle, je pense, les assises
de l'État, ça prend, d'une manière équilibrée, les quatre principes. Et, si on
veut que les quatre principes tels
qu'énoncés... que nos institutions, à savoir l'institution parlementaire, gouvernementale et judiciaire, bien, je pense
qu'intégralement ces principes, en fait et en apparence, doivent être pris en
considération.
Et je sais que le ministre aime ça, les exemples.
Qu'est-ce qu'on va faire que... si, par exemple, on prend en considération les trois principes et on ne prend
pas un quatrième ou on oublie un troisième, on ne fait pas trop
attention à un deuxième versus trois... Je
ne veux pas que ça soit un bar ouvert où on choisit deux principes et on
dit : Bien, écoute, on respecte la laïcité. Mais, pour moi, les quatre,
intégralement, doivent être respectés. Donc, c'est ça, l'essence même de
cet amendement, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui.
J'entends bien, j'entends bien. Si on se réfère au terme «intégralement», la
définition du dictionnaire,
intégralement : «D'une manière intégrale, au complet.» Ça, ça veut dire
que tous les principes devraient être rencontrés
à 100 %. Or, les quatre principes travaillent ensemble. Il y a une
conversation, il y a une discussion à travers les quatre principes, le fait de dire : Je
respecte totalement la séparation entre l'État et les religions, je respecte
totalement l'égalité, je respecte la neutralité, je respecte totalement la
liberté de conscience et la liberté de religion, exemple.
Dans le
rapport Bouchard-Taylor, en fonction duquel on s'est inspiré pour développer
les critères, M. le Président, vous
me permettrez de citer, là, c'est la page 137 : «On prend mieux la mesure
de la complexité inhérente à la laïcité lorsque l'on constate qu'elle
comporte un ensemble de principes — finalités et structures
institutionnelles — qui
peuvent s'opposer en pratique. Des tensions
peuvent survenir, par exemple, entre la neutralité de l'État et le respect de
la liberté de conscience et de religion.» Donc, M. Bouchard et M. Taylor
disaient, exemple, sur la neutralité et sur la liberté de conscience et de
religion, parfois, ça peut amener des oppositions, ça s'affirme... ça se
confronte, pardon.
Aussi, Me
Brouillet, qui était doyenne à la Faculté de droit de l'Université Laval et qui
est maintenant vice-rectrice, je
crois, de l'Université Laval, disait, au niveau de la liberté de
religion : «Les deux composantes de la liberté de religion, principe de libre exercice et principe de
neutralité, sont mutuellement limitatifs...» Donc, à l'intérieur même des
deux, ça peut amener une discussion, une limitation l'un
par rapport à l'autre. Ça fait que, si on dit «intégralement», je vois
difficilement comment on va pouvoir réconcilier tous les principes qui
sous-tendent la laïcité ensemble.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.
M.
Derraji : Bien, moi, j'ai une autre définition d'intégral qui ne fait
pas l'objet d'aucune restriction, qui ne fait l'objet d'aucune coupure,
qui réalise pleinement une qualité, une caractéristique.
Encore une
fois, on revient à l'article 2 — je sais que nous sommes au niveau de
l'article 3 — le
message envoyé est qu'on ne peut pas
faire un choix entre un énoncé et un autre. Il y a quatre énoncés, et les
quatre sont au même niveau, donc il
faut les prendre dans l'intégralité et tous ensemble. Donc, vraiment, on ne
peut pas dire qu'un est supérieur à l'autre. C'est ça qu'on ramène. Donc, le fait qu'on rajoute «intégralement»,
l'énoncé, il est très clair, que, pour l'ensemble des institutions de
l'État dans notre province, l'application est intégrale, tel qu'énoncé dans
l'article 2.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour
compléter, oui?
Mme
David : Bien, oui, c'est ça, je pense qu'on précise notre pensée, là.
Ce dont on veut être certains, c'est que les institutions, qu'elles soient parlementaires, gouvernementales ou
judiciaires, respectent l'article 2 dans son intégralité, c'est-à-dire
que son article 2, il ne peut pas décider que le troisième paragraphe va
sauter, qu'il n'en a rien à cirer, de l'égalité
de tous les citoyens. Je veux être bien claire, et, si on peut améliorer, on
améliorera, mais ce que ça veut dire, c'est
que l'article 2 doit être pris avec les quatre principes. Donc, ça, ce n'est
pas négociable, les quatre principes. Quand vous dites qu'un peut être modulé par rapport à un autre, là, c'est un
autre débat. Mais ce qu'on veut dire, c'est que les quatre doivent être là. Ça ne peut pas être
juste : Moi, je me considère respectant l'article 2 parce que je n'obéis
qu'au premier paragraphe. Non, il n'y a pas... c'est intégralement,
l'intégralité de l'article 2.
Le Président (M. Bachand) :
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Je comprends
l'intention. Intégralement, ça nous amène à être limitatifs par rapport à la
conversation qu'il y a entre les quatre principes. Je l'ai dit, M. le
Président, dans les débats, plus tôt, le critère le plus important, c'est celui de la séparation entre
l'État et les religions, parmi les quatre principes, parce que, quand on
pense à la laïcité, on pense à ça. Tous les principes doivent être pris en
compte, mais, au niveau de la modulation, comme la députée de
Marguerite-Bourgeoys le disait, le principe phare de ces quatre principes-là,
c'est le premier, celui de la séparation entre l'État et les religions.
Je comprends
son intention, que tous les principes doivent être pris en considération. Une
institution ne pourrait pas dire :
Moi, je ne prends pas le principe deux puis je ne prends pas le principe trois.
À chaque fois que la laïcité de l'État doit être prise, les quatre
doivent être là, je suis d'accord avec elle, à des degrés variables, en
fonction de la situation. Je vous dirais, M. le Président, c'est implicite dans
l'article que tous les principes doivent être pris.
Si vous permettez, M. le Président, je vous
demanderais une courte suspension.
Le Président (M. Bachand) :
Parfait. D'accord.
On va suspendre quelques instants. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 9)
(Reprise à 17 h 18)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je vais céder la
parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David : Oui, M.
le Président. Bien, j'apprécie les
efforts du ministre de trouver quelque chose qui, je
pense, lui convient mieux, tout en essayant peut-être
de comprendre ou de l'entendre un peu
plus sur ses inquiétudes
sur le mot «intégralement», parce qu'entre autres il devient de plus en
plus clair dans vos interventions, M. le ministre, que, et je voudrais vous entendre là-dessus, que
l'article 1 est quand même... pas l'article 1, l'article 2,
paragraphe 1° a plus de poids
que les autres. Dans mon image de banc, là, il y aurait une grosse patte
puis trois plus petites pattes et... qui est la séparation de
l'État et des religions.
• (17 h 20) •
Si vous m'aviez demandé, moi, d'expliquer cet
article-là, l'article 2, il ne me serait pas venu du tout à l'esprit qu'il y avait une pondération plus grande du
paragraphe 1° par rapport aux autres, puisque, même dans l'article 3,
rien ne nous alerte à cette prépondérance,
puisque vous dites que, dans le cadre de leur mission, les institutions
parlementaires, bon, respectent les
principes énoncés. Mais les principes énoncés, on s'est dit : O.K. les
principes énoncés, ils sont là. On ne veut pas faire de picorage, on ne veut pas aller un plus que l'autre, mais,
en fait, si je vous comprends bien, vous répondez : Non, il y en a un plus que les autres. Je suis prêt
mettre «tous les», mais il y en a un qui est plus important que les autres.
Ça, moi, je ne l'avais pas ni lu, ni vu, ni
entendu comme ça. Mais alors peut-être vous pourriez nous aider à comprendre en expliquant, en donnant un
exemple de cette prépondérance du premier par rapport aux autres.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je ne ferai pas de cas d'exemple, mais le concept de laïcité de l'État, c'est ces quatre principes-là. Mais, nécessairement, ce qui
soutient véritablement la laïcité
de l'État — et là on parle de modulation des quatre
principes — c'est
une conversation entre les quatre principes, mais c'est sûr que le principe de séparation
entre l'État et les religions, c'est fondamental.
Les quatre
principes sont très importants, mais
je vous dirais que celui qui fait une séparation entre l'État et les religions, c'est le propre même de la laïcité.
Mais ça s'interprète à la lumière des quatre principes, tous ensemble. Et
c'est pour ça que je proposais à la députée
de Marguerite-Bourgeoys... parce que, M. le Président, elle me propose
«intégralement», et ça, ça veut dire que chacun des principes doit être
respecté intégralement, donc en totalité.
Or, ce que je
dis, c'est que, matériellement, dans les faits, même si, supposons, ils étaient
tous égaux, les principes, ils ne pourraient pas être tous respectés
intégralement, parce que, nécessairement, il y a une conversation entre les
différents principes.
Alors, moi,
je pense que, pour atteindre l'objectif que la députée de Marguerite-Bourgeoys
souhaite, je pense que ce serait approprié de remplacer «intégralement»
par «tous les principes». Et l'objectif recherché serait atteint.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.
M.
Derraji : Le ministre a ramené un point très important, où j'aimerais
bien qu'il m'explique ou qu'il me donne un exemple, le cas où un des principes ne serait pas respecté, des cas
concrets. Parce que vu ma compréhension, pour moi, les quatre principes, c'est le socle de la laïcité
de l'État. Sinon, on change le libellé... on ne va pas revenir en arrière,
parce que l'article a été déjà adopté. Mais,
pour moi, les quatre, les quatre, c'est les assises de la laïcité de l'État,
et, pour moi, les assises de la
laïcité de l'État, je les vois au même niveau. Si le ministre a un autre point
de vue, qu'il nous l'explique, qu'il nous donne des exemples où parfois,
dans une institution x...
Parce que là
on parle de trois institutions : institutions parlementaires,
gouvernementales et judiciaires. Si je suis le raisonnement du ministre, dans un cas bien particulier, la liberté de
conscience, et la liberté de religion... va être beaucoup plus importante, cette liberté. Dans un autre cas,
l'égalité de tous les citoyens et citoyennes va être beaucoup plus
importante que l'énoncé quatre. Et, probablement, dans une autre situation
hypothétique, trois vont l'emporter sur une.
Mais donc
l'ensemble... Le principe de la séparation de l'État et des religions, pour
lui, il est très important. Bien, c'est
là où nous, je pense qu'on n'est pas d'accord. On n'est pas d'accord pour la
simple et unique raison que, pour nous, quand on parle d'un socle, des
assises, c'est les quatre.
On ne peut pas aujourd'hui faire un choix entre
un, ou deux, ou trois énoncés, surtout qu'on veut envoyer un message clair à la population mais aussi à ma
tante, même si je n'ai pas mes tantes ici. Elles sont encore loin, il faut
faire la traversée de l'Atlantique, mais je
considère toutes les Québécoises, les tantes québécoises comme mes tantes. Mais
on parle à qui, là?
Pour moi, là,
les quatre principes sont au même niveau. Et c'est pour cela que l'amendement
que ma collègue députée de
Marguerite-Bourgeoys, «intégralement», est le reflet qu'on envoie un message
très clair à nos trois institutions que c'est la même chose. Je vais
attendre le ministre, pour voir...
Le Président (M.
Bachand) : Je vous remercie, M. le député. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Les quatre
principes sont importants. La laïcité de l'État s'exerce à travers les quatre principes, hein? Qu'est-ce que la
définition de la laïcité de l'État? Ce sont ces quatre principes-là. Tous les
principes sont pris en compte dans l'interprétation de la laïcité de l'État. Ce
sont les composantes, les quatre principes.
Ce que je dis
aux collègues du Parti libéral, c'est que, lorsqu'on parle de laïcité, ça
contient ces quatre principes-là. Les
quatre principes sont modulés. Cependant, la séparation entre l'État et les
religions, c'est un des principes forts. Tous les principes sont importants, mais, au niveau de la modulation, la
liberté, la séparation entre l'État
et les religions doit être
considérée. Et, lorsqu'il y aura une analyse, supposons, au niveau de
l'application de la laïcité, les quatre doivent être présents. Autant les institutions judiciaires,
parlementaires et gouvernementales, lorsqu'elles se dotent de la laïcité de
l'État, elles doivent répondre aux quatre critères.
Mais, juste
pour préciser, lorsque la conversation... l'amendement que la députée de
Marguerite-Bourgeoys propose fait en
sorte que ça nous amènerait dans un silo où il n'y aurait pas de possibilité de
conversation entre les quatre critères, les quatre critères doivent être
pris en considération. On n'enlève pas de patte à la chaise, pour faire image à
ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys disait tout à l'heure.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il
vous plaît.
M.
Derraji : Je ne suis pas
d'accord, M. le Président, avec le ministre, parce
qu'on n'envoie pas, encore une fois, un
message très clair à nos institutions. Ce que nous sommes en train de faire, au
niveau de l'article 3, c'est envoyer un message très clair, et le message, il est très simple. Encore une fois,
je reviens à l'idée de la chaise avec les quatre pattes, exactement. On ne veut pas qu'il y ait une patte
beaucoup plus courte qu'une autre. Vous savez la loi de la physique, on
risque de soit être plus penché sur la droite ou sur la gauche et on risque
même de tomber.
Bien,
justement, on ne veut pas qu'une institution tombe. On veut qu'il y a un
paramétrage entre les énoncés, mais aussi,
et chose très importante, M. le Président, c'est que, pour la suite des
articles, notre message va être très clair. Parce que là on ne parle pas des individus. Un peu plus
tard, on va arriver aux individus. Donc, si nos institutions n'adoptent
pas, d'une manière intégrale, l'ensemble de
ces assises, ça va être quoi, notre message, un peu plus tard, aux individus,
hein?
Ça veut dire que
quelqu'un que, pour lui, l'égalité de tous les citoyens n'est pas importante,
mais il croit à la séparation de l'État et
des religions... Quelqu'un, pour lui, la neutralité religieuse de l'État n'est
pas importante, mais il croit que la
séparation de l'État et des religions, c'est important, si je suis le
raisonnement du ministre... parce que, pour lui, il a dit :
Écoutez, l'élément le plus important, c'est la séparation de l'État et des
religions. Excellent.
Notre vision, les
trois principes au même pied d'égalité, et c'est très important qu'on fait ça
maintenant, au niveau des institutions. Notre point de départ au niveau
de la laïcité, c'est les institutions, à savoir les trois
institutions : parlementaires, gouvernementale et judiciaires.
Donc, quand on va
inclure l'intégralité de ces principes, notre message va être beaucoup plus
clair une fois rendu aux individus. Parce que je ne veux pas que mes individus
qui vont... et ça a été expliqué, je reviens toujours à l'exemple de l'employé à la SAAQ. Je ne veux pas que, dans sa tête, il y ait :
un, important, mais deux, trois, quatre, ce n'est pas important.
C'est
ça, le schéma que j'ai devant moi. Le ministre peut me corriger, parce que, depuis tout à l'heure, il dit : La séparation de l'État et des religions, c'est
très important. Excellent, très d'accord, mais les autres aussi. Toujours...
Revenons à l'image de la chaise avec les quatre pattes. C'est les assises, le
socle de la laïcité, et, à ce stade où on est aujourd'hui, à cet article, le message doit être beaucoup
plus clair. Pourquoi? Le point de
départ, c'est nos
institutions. C'est là où on est aujourd'hui, et, un peu plus tard, ça va être
les individus.
Donc,
j'aimerais bien que le ministre se prononce par rapport à l'importance. Je
ne veux pas lui poser la question en
termes de pourcentage, parce que moi, je suis convaincu, nous sommes convaincus de
l'importance des quatre principes. Mais,
si je suis le raisonnement du ministre, c'est comme si aujourd'hui, je donne un
50 % à la séparation de l'État et des religions et je partage les autres 50 % sur trois autres principes.
Je ne pense pas que c'est ça qu'il veut. Je ne pense pas que c'est ça qu'il pense, M. le ministre. Mais donnons-nous un message très fort à nos institutions que le socle
de la laïcité repose sur ces quatre principes intégralement.
Le Président (M. Bachand) : Je vais céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys avant de céder la parole au ministre,
merci.
• (17 h 30) •
Mme
David : Juste pour compléter
les réflexions, le ministre, justement, dit : On est dans du droit nouveau.
Il a raison. Il a raison, c'est la première fois qu'on met ensemble quatre
principes très importants dans du droit nouveau.
Mais,
justement parce
que c'est du droit nouveau, justement
parce qu'on crée quelque chose qui va
faire école, qui va, d'une certaine façon, s'intégrer dans l'histoire du
Québec, dans la nation du Québec, il faut être particulièrement attentifs aux valeurs que nous chérissons tous et
toutes. Et, dans ces valeurs-là, il n'y en a pas de plus importante
que les autres quand vient le temps, justement,
de dire : Nous avons non seulement un article 1... Comme un certain
parti s'est fièrement dit depuis des
décennies, nous avons notre article 1, mais... Dans ce cas-ci, oui, il y a l'article
1, mais l'article 2 est au moins
aussi important, et, parce qu'il est aussi important, bien, il faut peser tous
les mots. Et, justement, parce qu'on parle de poids des mots, bien, il
ne faut pas qu'il y ait de poids dans les quatre grands principes.
Alors,
qu'on dise «les principes» ou «tous les principes», ça ne rend pas justice à
l'importance des principes deux, trois et quatre, par exemple, versus
un. Puis je ne suis pas sûre que les Québécois, Québécoises aimeraient que nous
reléguions à un rôle mineur, dans une pièce de théâtre, l'égalité de tous les citoyens
et citoyennes, ou la liberté de conscience
et la liberté de religion, ou la neutralité religieuse de l'État. On parle
tellement de socle, justement, important que, même, il faudrait choisir un exemple plus noble et plus grandiose
que la chaise à quatre pattes parce que... Là, peut-être qu'on devrait
aller dans des grands temples qui ont été édifiés au nom de la fierté de
certaines nations dans l'histoire de l'humanité. Bien, prenons cet exemple-là.
Alors,
cet exemple-là, si on est en train de construire un grand temple du Québec,
bien, ça n'a pas de bon sens de... Même
si on est d'accord que l'article 1 a aussi son importance... c'est-à-dire, le
paragraphe 1°, mais on ne peut pas dire que le 3° et le 4° en ont moins. On ne peut pas le penser, même, parce
que l'évolution du Québec s'est faite à travers ça. Qui va dire que les citoyens, citoyennes... Parce que
j'apprécie le fait qu'on le met au masculin et au féminin. Je l'apprécie
beaucoup. Mais pensez-vous que ça aurait été
écrit comme ça il y a 50 ans? Ça aurait été «l'égalité de tous les
citoyens» parce que la femme, elle
n'existait même pas juridiquement. Je pense qu'on en a parlé hier. Elle n'avait
même pas le droit de vote jusqu'en
1940. La femme n'existait pas légalement. Là, au moins, la citoyenne est dans
le projet de loi. Alors, on la met
autant en avant que les citoyens, mais ce n'est pas pour, après ça, faire
reléguer ça à une seconde classe. Ce sont des batailles qui ont été faites — le ministre est d'accord — la neutralité religieuse de l'État, depuis
tellement longtemps, liberté de
conscience, liberté de religion. Alors, il faut faire honneur à ces grandes
batailles qui ont eu lieu depuis des décennies.
Alors,
oui, peut-être qu'on peut dire : C'est une bataille, l'article 1, l'État
est laïque. Peut-être que, oui, aussi, la laïcité repose sur la séparation de l'État et des religions. Oui, c'est
une victoire aussi, mais, en 1955, même dans la «grande noirceur», on a dit que justement il fallait
séparer les deux. Mais disons que, dans les faits, là, c'est une étape qui
peut être nouvelle. Puis ça date d'il y a
quand même longtemps, tous ces combats-là, mais de quantifier les combats,
c'est là où on essaie, bien
respectueusement, de montrer que tous doivent être, ces combats-là, rendus ou
on doit leur rendre honneur également. C'est comme ça que j'expliquerais
ça.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. C'est important de comprendre que les quatre principes
s'interprètent les uns par rapport aux autres. Celui qui est le plus
important, c'est celui de la séparation entre l'État et les religions. Pourquoi
en est-il ainsi? Et ça ne veut pas dire qu'on élimine un
des principes par rapport aux autres, là. C'est juste que, je vous dirais, il y
a un caractère prépondérant dans mon analyse. Pourquoi?
Exemple,
tout à l'heure, M. le Président, la députée de Marguerite-Bourgeoys citait
Pierre Bosset et faisait référence à
lui, sa conception de la séparation entre l'État et les religions. Or, cette
séparation-là, c'est une séparation de religion d'État, et il se fonde sur un jugement de 1955 là-dessus. Ça fait
longtemps, là. Ça fait 64 ans, ce que... sur ça. Alors, ce concept-là,
il est absent de la jurisprudence. Et la discussion qu'on avait hier avec le
député de Jean-Lesage, c'était notamment
là-dessus. Le critère de l'État, de la séparation de l'État et des religions,
oui, c'est un critère nouveau, c'est un critère plus important. La laïcité
de l'État s'interprète à la lumière des quatre principes. J'en suis. Mais, par contre, elle a un caractère
prépondérant, la séparation de l'État et des religions. C'est le fondement même
de la laïcité. Mais les quatre principes
doivent être pris en considération, mais il y a une modulation. Comme
je le disais, il y a une conversation entre ces différents principes là. Lorsqu'il y a plusieurs
critères dans une loi, c'est ce qui se passe et c'est ce qui va se
passer.
Cela
étant, on vise à faire en sorte que la jurisprudence, elle change aussi. Elle change parce qu'on n'adopte pas une loi sur la laïcité uniquement
pour le plaisir d'adopter une loi sur la laïcité. On veut que le droit,
il change. On vient modifier le
droit. On vient s'assurer que, maintenant, c'est la laïcité de l'État et ce n'est... non plus uniquement
la neutralité religieuse de l'État. Ça va plus loin que le projet de loi n° 62. Elle est là, la distinction, M. le Président. On n'est pas dans le concept de laïcité ouverte comme le
souhaiterait, supposons, la ville de Montréal ou le Parti libéral. On est dans
un concept proprement québécois, un concept où il y a une séparation formelle
entre l'État et les religions, et où ce critère-là, c'est un critère fort important.
Cela
étant, ça ne diminue pas le fait que les autres critères soient présents aussi.
Alors, ce que je propose à la députée de Marguerite-Bourgeoys, c'est qu'on dise que «respectent tous les
principes énoncés» plutôt qu'«intégralement», parce qu'intégralement ça amène des oppositions. Si on
respecte tous les critères dans leur intégralité, bien, ça va faire en
sorte qu'ils ne pourront pas s'appliquer
entre eux parce que parfois ils vont s'opposer. Il faut prendre tous les
critères ensemble.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous
plaît.
M. Derraji :
Est-ce que le ministre peut me donner des exemples où il voit une menace, que
ce n'est pas un va... je vais utiliser le
mot «gagner» parce que je n'arrive pas à trouver l'élément qui va aller dans le
sens de la réflexion du ministre. Un va l'emporter sur un autre. Je veux
un exemple parce qu'ici ce n'est pas la même chose, les quatre principes. Ça veut dire qu'un est plus important
que l'autre. Je comprends que le ministre, depuis tout à l'heure, il
pense que la séparation de l'État et des
religions, c'est un élément, c'est un énoncé, c'est un principe important.
Est-ce que vous avez un exemple où un principe, au sein d'une
institution, parce qu'on parle d'une institution, il est beaucoup plus
important qu'un autre?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : On n'est pas, M. le Président, dans les cas particuliers. Cela étant,
on est vraiment au niveau de l'article 3
et au niveau des institutions, au niveau de l'application, et l'ensemble des
institutions vont respecter les principes qui soutiennent la laïcité de
l'État.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, M. le député de Nelligan, s'il
vous plaît.
M.
Derraji : Mais, je pense, M. le Président, ça confirme que, du moment
qu'il n'y a pas d'exemple, où un est beaucoup
plus important... un énoncé qu'un autre, ça veut dire que cette situation
n'existe pas, ça veut dire que les quatre... Peu importe l'institution,
parce qu'encore une fois on est dans l'article 3, peu importe l'institution,
parlementaire, gouvernementale ou
judiciaire, les quatre représentent le socle de la laïcité de l'État. Ça veut
dire qu'il n'y a pas un qui va l'emporter sur un autre. Donc, c'est là
où je ne comprends pas vraiment le raisonnement du ministre, M. le Président.
Du moment qu'il n'a pas d'exemple... Il n'a pas d'exemple, le ministre, à me
partager que, dans une situation particulière,
précise d'une institution... où un, il est plus... un principe est beaucoup
plus important qu'un autre. C'est là où nous sommes maintenant. Donc,
j'aimerais bien l'entendre, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, j'ai déjà répondu à la question. Je ne peux que
réitérer ce que j'ai dit. Les quatre principes s'interprètent les uns
par rapport aux autres. Tous doivent être pris en considération. Et c'est pour
ça que je vous invite à modifier votre
amendement pour indiquer «tous». Ça permettrait au Parti libéral d'amender le
projet de loi et d'atteindre l'objectif recherché.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée
de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
• (17 h 40) •
Mme
Robitaille : Oui. M. le Président, je pense qu'on doit comprendre un
peu les inquiétudes de ma formation à la
lumière de ce qui s'est dit et considérant aussi ce qui nous a amenés où on est
aujourd'hui. Le ministre nous dit : Non, non, on fait un nouveau droit.
On fait un nouveau droit, mais, en même temps, il nous donne des pistes comme
quoi ce n'est pas vraiment un nouveau droit. C'est plus l'aboutissement,
c'est plus, comment je pourrais dire, un condensé, là, de, comment je pourrais dire, notre jurisprudence, des
lois issues, qui ont été créées durant les dernières décennies à la
lumière de nos chartes, à la lumière de notre jurisprudence, puis on a pris
tout ça ensemble puis, bien, on le codifie dans ce projet de loi là sur la laïcité.
On
est à l'article 3. Après ça, bon, il
y a des variantes, et puis il y a
l'article 6, et puis il y a l'article 19, puis il y a d'autres
choses. Mais nous, on veut s'assurer que cet équilibre-là, il demeure parce que
le ministre parle de séparation de l'État puis des religions puis il
dit : On ne l'a jamais fait avant. Mais, pourtant, nous, on a l'impression
que cette séparation-là, elle est de fait,
elle existe. Et donc, par souci de clarté, bien, on pense qu'ajouter
«intégralement», ce serait la meilleure chose.
Je veux juste lire
Me Lampron là-dessus, parce que le ministre nous dit : C'est un
nouveau droit. Or, il y a beaucoup de juristes qui disent : Non, ce n'est
pas nouveau, là, cette laïcité-là. On dit, et c'est la page 9 du mémoire de Me Lampron : «D'un strict point de
vue juridique, l'on peine à voir en quoi la simple référence à un terme dont la
portée est aussi polysémique que celui de
laïcité — hein,
parce qu'on peut l'interpréter de plusieurs façons — représenterait en elle-même une avancée ou un changement aux
principes qui sont déjà applicables en droit public québécois.» Donc,
bon, je ne suis pas la seule à penser comme
ça. Puis : «Cette impression nous semble être renforcée par une
comparaison entre les règles qui sont
actuellement applicables au Québec pour opérationnaliser la séparation du
religieux et de l'État et les "4
principes" en fonction desquels l'article 2 du p.l. 21propose
de définir la "nouvelle" laïcité de l'État québécois — et
là il conclut, il dit : tous ces
principes, sans exception, sont également au coeur de la jurisprudence qui
s'applique aujourd'hui au Québec.»
Donc,
rien de nouveau. Et, quand le ministre nous dit : Bien, c'est un nouveau
droit, bien, moi, je me pose des questions.
Puis, pour me rassurer, ce terme, «intégralement», est important parce qu'on
veut justement que tout soit pris en considération. Vous comprenez?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, justement, je viens d'entendre la députée de Bourassa-Sauvé
dire : Il faut que tous les principes
soient pris en considération. Je propose au Parti libéral de remplacer le mot
«intégralement» dans leur amendement par
«tous». Et ça se lirait ainsi : «...les institutions parlementaires,
gouvernementales et judiciaires respectent tous les principes énoncés à
l'article 2...» Il me semble que ça fait du sens, ma proposition, puis que
ça rejoint ce que la députée de Bourassa-Sauvé a dit.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions?
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : Oui, bien sûr.
Alors, nous allons
suspendre quelques instants. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à
17 h 44)
(Reprise à 17 h 58)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission
reprend ses travaux. Je vais céder la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys.
S'il vous plaît, Mme la députée.
Mme David :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, après une réflexion sémantique importante,
on est vraiment dans le cas de dire : Chaque mot a son poids, a son importance,
et particulièrement dans des projets aussi structurants
et novateurs. Comme se plaît à le dire le ministre, on est dans du droit
nouveau. Alors, nous devons faire notre travail très attentivement. Et
ça explique quand même un certain temps que nous devons passer à réfléchir à
ça.
Donc, à l'article 3
modifié, remplacer, dans le premier alinéa de l'article 3, «respectent les» par
«respectent l'ensemble des».
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Avant de parler de cet
amendement-là, il faudrait retirer l'amendement précédent. Est-ce qu'il y a
consentement pour retirer l'amendement?
Mme David :
...si c'est moi qui retire, à consentir.
Le
Président (M. Bachand) : Ça prend un consentement des membres.
O.K.? Consentement.
Alors,
nous avons maintenant le nouvel amendement de la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Est-ce qu'il y a des interventions? S'il n'y a pas d'intervention, nous allons mettre
l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys à la mise aux voix.
Est-ce que l'amendement à l'article 3 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Président (M. Bachand) : Adopté.
Merci beaucoup.
Compte tenu de
l'heure, la commission va suspendre ses travaux jusqu'à 19 h 30.
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
17 h 59)
(Reprise à 19 h 31)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors,
bonsoir et bienvenue. Je vous rappelle que la Commission des institutions
reprend ses travaux. Je demande, bien sûr, à toutes les personnes dans la salle
de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi
n° 21, Loi sur la laïcité de l'État.
Lors
de la suspension de nos travaux, cet après-midi, les discussions portaient sur
l'article 3 amendé. Interventions? Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David :
Alors, rebonjour, rebonsoir. On est plein d'énergie.
Une voix :
...
Mme
David : Oui. Il dit : Heureux de l'entendre. Ah! vous voyez, pour
continuer, je le répète, ce très, très, très important projet de loi, où
nous venons... Ah! mon Dieu! Je commence à être fatiguée, oui.
Une voix :
Non, non, vous êtes pleine d'énergie.
Mme
David : Je suis pleine d'énergie, mais je ne trouve plus mes mots. Ne
ménager aucun effort pour que ce projet de loi puisse être le mieux
bonifié possible.
Alors,
on a avancé avec un amendement tout à l'heure. Nous allons continuer, donc,
dans l'article 3 et nous allons passer
à l'application de ce chapitre en posant des questions sur les... on l'a dit, hein,
on ne parle pas d'individus, on parle d'institutions
dans ce cas-ci. Alors, on va commencer par les institutions parlementaires.
Alors, ça va être intéressant, on va pouvoir parler des institutions
parlementaires qui sont touchées par ce projet de loi et donc maintenant... où
on a dit l'ensemble des quatre principes qui devront s'appliquer à
l'Assemblée nationale.
Alors,
je lis l'article, mais... le ministre l'a lu tout à l'heure, mais quand
même...«L'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou
désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève.» Alors,
j'aimerais beaucoup entendre quelques mots
du ministre sur les institutions parlementaires, parce que c'est assez
technique, mais j'aimerais ça l'entendre à un niveau peut-être un peu
plus général pour voir pour quelle raison il prend la peine de spécifier et
d'inclure les institutions parlementaires.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, au niveau des institutions parlementaires, on
parle du pouvoir législatif, hein? Donc, dans les institutions
parlementaires, on inclut comme... incluant l'Assemblée nationale et les
personnes nommées ou désignées par celle-ci
pour exercer une fonction qui en relève. Ces personnes sont le Commissaire à
l'éthique et à la déontologie des membres de
l'Assemblée nationale, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des
élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général du Québec. Donc,
c'est soit l'Assemblée ou soit les personnes qui sont désignées... qui sont des
personnes désignées par l'Assemblée, au nombre de cinq.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, oui.
Mme
David : C'est intéressant, parce qu'on a... ça nous permet de fouiller
un peu un certain nombre de questions, dont
celle-là, au premier paragraphe, quand on parle de quelqu'un qui est nommé puis
quelqu'un qui est désigné, vous allez
m'expliquer la différence, une différence technique, mais, quand même, vous
allez voir que c'est... plus on fouille, plus c'est compliqué. Mais vous
mettez «de même que les personnes nommées ou désignées». Comment vous voyez la
différence entre les deux?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : En fait, ce qu'on me dit, c'est que c'est ce qui est prévu dans le
corpus, c'est une expression qui est consacrée, «nommées ou désignées».
Quand on parle des cinq personnes, on vise «nommées ou désignées».
Mme
David : Donc, vous en faites un synonyme, «nommées ou désignées». Vous
dites, c'est comme habituel dans le
corpus de l'Assemblée nationale. Mais, quand on parle de personnes nommées et
désignées, ce ne sont, en fait, que des personnes désignées, l'énumération des cinq... Les personnes désignées,
c'est le Commissaire à l'éthique et à la déontologie, le Commissaire
au lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur
du citoyen et le Vérificateur général. Ce sont des gens désignés.
Ça, vraiment, là, c'est facile à trouver sur le site Web,
etc. Mais il y a quand
même des personnes qui sont
nommées aussi et elles ne sont pas du tout énumérées.
Alors,
on se demande un petit peu pourquoi des gens nommés par l'Assemblée nationale ne sont pas dans votre liste, parce qu'il
y a des membres qui sont nommés par, exemple, proposition du premier ministre,
par résolution de l'Assemblée nationale. On parle, par exemple, de la Commission
d'accès à l'information, un exemple.
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Pour apporter un éclairage, exemple, la députée de
Marguerite-Bourgeoys fait... On a procédé à une nomination
cette semaine... bien, hier... Ce matin ou hier? Je ne me souviens plus. Hier?
Bon, hier, notamment pour la commission aux droits de la personne. Donc, la
personne, elle est nommée.
Donc, je
donne un exemple, M. le Président, pour le bénéfice de la députée de
Marguerite-Bourgeoys. L'article, on utilise «nommées ou désignées», parce
que c'est ce qui est prévu dans le corpus,
mais il faut lire l'article en intégralité. O.K.? On dit : «nommées
ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève», qui relève
de l'Assemblée nationale. Voici l'exemple que je vous donne. La Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse, hier, nous avons
procédé à une nomination sur proposition du premier ministre. La personne, elle
est nommée sur proposition du premier ministre, mais elle n'exerce pas
une fonction qui relève de l'Assemblée nationale. Donc, elle n'est pas...
Mme David :
Donc, si ça ne relève pas de l'Assemblée nationale, dans l'esprit de
l'article 3, elle n'a pas à être soumise au principe de la laïcité
de l'État. C'est ça?
M. Jolin-Barrette : ...question... en fait, clarification, vous
pouvez être nommé par l'Assemblée nationale mais ne pas en relever. Donc, si vous êtes nommé par
l'Assemblée mais que vous n'en relevez pas, fort probablement que vous
allez vous retrouver dans «institutions gouvernementales».
Ça peut arriver
que des gens qui relèvent des institutions gouvernementales sont nommés par
l'Assemblée. Un des meilleurs exemples que je pourrais vous donner
aussi : le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Dans le projet de loi n° 1 de la présente législature,
le Directeur général des élections... pardon, le directeur général de la
Sûreté du Québec, le Directeur des
poursuites criminelles et pénales ainsi que le directeur général de l'UPAC vont
maintenant être nommés par
l'Assemblée nationale, mais ils n'exercent pas une fonction qui relève de
l'Assemblée nationale. Donc, ils ne sont pas visés par «institutions
parlementaires», d'où la distinction.
Mme David : C'est parce que...
Le Président
(M. Bachand) : Oui, Mme la députée. Allez-y, oui.
Mme David :
Excusez. Oui, c'est vraiment important, cette distinction-là parce qu'à
moins... nous, parce que c'est notre
job, là, de fouiller pour bien comprendre, puis Dieu sait que les lois, des
fois, ça peut être compliqué, puis les avocats qui compliquent
par-dessus ça.
M. Jolin-Barrette : Wo! Les
avocats, là...
Mme David :
Bien, j'ai dit «les avocats», je n'ai pas dit «les ministres», qui sont
peut-être avocats de surcroît, mais c'est compliqué, lire des lois,
souvent.
M. Jolin-Barrette : Bien, les
avocats qui travaillent au Barreau, là, ils sont prompts, hein?
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
• (19 h 40) •
Mme David :
Oui, oui. Non, on s'amuse un petit peu. Il est tard. Mais ce qu'on découvre,
c'est qu'effectivement, si on regarde les descriptions, c'est tout à
fait vrai qu'on parle de «personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève». Mais, quand
on regarde la nomination de membres, par exemple, de la Commission
d'accès à l'information, on dit quand même : «Les membres sont nommés, sur
proposition du premier ministre, par résolution de l'Assemblée nationale
approuvée par au moins les deux tiers de ses membres. La résolution indique la
section à laquelle les membres, autres que le président et le vice-président,
sont affectés pour la durée du mandat.
«[...]L'Assemblée détermine de la même manière
la rémunération, les avantages sociaux[...].
«Les membres de la commission exercent leurs
fonctions à temps plein», etc.
Alors, il y en a plusieurs comme ça, Accès à
l'information, Commission de la fonction publique. Le premier ministre, c'est tout lui, là, qui propose; après
ça, c'est deux tiers, Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse, Commission de la
représentation électorale... bon, l'UPAC, là, je ne sais pas si c'est récent,
parce que je pense qu'on a récemment
travaillé là-dessus, l'Autorité des marchés publics, etc. Alors, je me
demande s'il n'y aurait pas lieu de préciser peut-être ou de rendre ça
plus clair, ce que vous voulez inclure et ne pas inclure. Alors, je pense que
vous allez me répondre : Ce qui n'est
pas là, par définition, n'est pas inclus et puis que quelqu'un qui lit ça, il
est supposé savoir qu'il y a une nuance entre exercer une fonction qui
en relève versus exercer une fonction, nommé par l'Assemblée nationale aux deux
tiers, etc., mais il n'y a pas le petit «qui en relève».
Alors, pourquoi on ne
pourrait pas être un peu plus précis ou faire la nomenclature précise des gens
qui sont sous ce chapeau-là? Parce
que vous êtes beaucoup plus précis, on verra, pour les institutions
gouvernementales, là. Elle est longue, l'annexe.
Aux paragraphes 1° à 10° de l'annexe I, c'est assez élaboré. Alors, on reste un
petit peu sur nos interrogations et,
j'oserais dire, notre appétit, parce que les institutions judiciaires aussi, il
y a quand même une énumération un peu plus poussée.
Alors, celle-là, vous êtes un peu plus avare de mots, je
dirais, et d'explications.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Pour fins de clarification pour la collègue de
Marguerite-Bourgeoys, dans la loi sur la neutralité... Loi favorisant le
respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer
les demandes d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes,
la loi de Mme Vallée, le projet de loi n° 62, la précédente collègue de la
ministre. À l'article 3, paragraphe 2° de la loi, on dit :
«Pour
l'application du présent chapitre, sont également membres du personnel d'un
organisme public :
«2° les personnes nommées ou désignées
par l'Assemblée nationale pour exercer une fonction qui en relève et le
personnel qu'elles dirigent.»
Donc, en fait, dans le corpus
législatif, c'est de cette façon-là qu'on vise les personnes nommées ou
désignées qui relèvent de l'Assemblée nationale, les cinq personnes que je vous ai énoncées. Il
n'y a pas lieu d'être plus précis parce que l'ensemble de la structure
juridique des lois qui reflète ces cinq personnes-là, c'est ce qui était
entendu dans le corpus. Si on venait
changer ça, il faudrait changer toutes les autres lois qui les désignent aussi
pour assurer de la cohérence légistique.
Alors, autre élément, exemple,
supposons qu'on venait les détailler un par un, supposons, le Vérificateur
général, Commissaire à l'éthique, le
Commissaire au lobbyisme, Protecteur du citoyen, si jamais, dans deux ans, dans
cinq ans ou dans 10 ans, il y
avait une nouvelle personne... il y avait une nouvelle fonction qui relevait de
l'Assemblée nationale puis qui était
désignée ou nommée par l'Assemblée nationale, il faudrait réouvrir la loi sur
laïcité. Or, en termes légistiques, ce n'est pas approprié, parce que ce
qu'on vise, c'est à ce que toutes les personnes qui sont nommées, désignées et
qui relèvent de l'Assemblée nationale soient visées.
Autre point... Je ne sais pas si la députée de
Marguerite-Bourgeoys a, entre ses mains, l'annexe I du projet de loi n° 21.
Mme David :
...ça va être pour le deuxième paragraphe.
M.
Jolin-Barrette : C'est la page 11, page 11 du projet de loi.
Mme David :
Oui. Quel article?
M. Jolin-Barrette : Non, l'annexe I. O.K. Parfait. Paragraphe 9°.
Donc, quels sont les organismes
gouvernementaux qui sont visés? Notamment, «les organismes dont l'Assemblée [...] nomme la majorité des membres». Donc,
exemple, tout à l'heure, sur l'exemple de la Commission
de la fonction publique ou de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, bien, ils sont visés. Donc,
même si l'Assemblée procède à la nomination des membres, on les
rattache, par le biais d'institutions gouvernementales, à l'annexe I,
paragraphe 9°.
Mme David :
...institutions gouvernementales plutôt que...
M.
Jolin-Barrette : À travers ce...
Mme David :
...parlementaires.
M.
Jolin-Barrette : Exactement, parce qu'ils ne relèvent pas de l'Assemblée
nationale, ils relèvent du gouvernement, du pouvoir exécutif.
Mme
David : Oui. Je pense,
vous avez, là-dessus, un bon point, mais je vais vous en donner quand même
un autre que moi, je trouve pas pire dans mes réflexions.
Quand
il est écrit «personne désignée par l'Assemblée»... C'est sur le site, là, de l'Assemblée nationale. «Une personne désignée par l'Assemblée nationale est une personne nommée par celle-ci pour exercer
une charge publique.» Et puis vous mettez, dans votre libellé à vous,
«une personne nommée ou désignée». Mais, dans la définition, c'est «une
personne désignée est une personne nommée», ce n'est pas «ou une personne
nommée».
Donc,
pourquoi vous mettez le «ou» puis vous ne dites pas tout simplement «une personne désignée» plutôt que «désignée ou nommée»? Parce
que ce n'est pas comme ça que c'est
dit sur le site Web. C'est : «Une personne désignée par l'Assemblée
nationale est une personne nommée par celle-ci...»
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
Mme
David : Parce que
c'est mélangeant, vous comprenez, pour le quidam, par rapport à des gens nommés, mais qui ne relèvent pas de l'Assemblée
nationale.
M. Jolin-Barrette : Mais, M. le Président, il faut lire la phrase dans son ensemble.
Et justement Mme Vallée, dans le projet de loi n° 62, elle utilisait cette formulation-là. Donc,
est-ce dire que les mots utilisés par votre précédente collègue ne sont
pas les bons mots?
Mme
David : ...une petite
boutade, je ne suis pas sûre que vous avez voté pour ce projet de loi. Donc, vous étiez contre le projet de loi. Alors, vous pourriez
dire que j'étais contre le libellé.
M. Jolin-Barrette : Mais, M. le
Président, je crois que la députée de Marguerite-Bourgeoys a voté pour ce
libellé-là dans le projet de loi n° 62.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M.
Bachand) : Oui, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bon, revenons à nos moutons, personne
désignée par l'Assemblée nationale. Quand on lit, là, sur le site Web de l'Assemblée
nationale, hein, on dit : «Une
personne désignée par l'Assemblée
nationale est une personne nommée par celle-ci pour exercer une
charge publique. Un tel statut contribue à préserver l'indépendance de la personne désignée et son
impartialité dans l'exercice de ses fonctions.
«Cinq
personnes sont désignées par l'Assemblée et sont responsables devant
elle : le Commissaire à l'éthique et à la déontologie, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des
élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général du
Québec.
«Ces personnes sont nommées sur une proposition
du premier ministre qui doit être approuvée par les deux tiers des députés.»
Donc, voyez-vous, on utilise aussi «nommée»,
«désignée».
Mme
David : Oui, mais, en tout respect, je trouve que ça complique les
choses plutôt que les simplifier parce qu'en plus vous dites... Vous
mettez, dans l'«institutions parlementaires», «l'Assemblée nationale — qui
est une institution parlementaire — de même que les personnes nommées». Donc, si
on va à l'Assemblée nationale, ça, pour vous, est-ce que c'est plus
clair? Qu'est-ce que l'Assemblée nationale?
M. Jolin-Barrette : Pouvez-vous
répéter votre question?
Mme
David : Bien, la question
est peut-être large ou trop large, mais vous incluez évidemment, dans l'application du présent chapitre, ce qu'on appelle l'Assemblée
nationale.
Est-ce que
quelqu'un qui est aux prises avec la... qui doit appliquer
cette loi... parce que ça va arriver plus loin, là, il y a beaucoup, beaucoup... Prenez l'annexe I, tous les organismes, là, ils vont avoir la loi,
ils vont lire ça puis ils vont dire : O.K., mais c'est quoi, l'Assemblée nationale? C'est-u les élus? Est-ce que c'est dit quelque part? Il y a tellement une belle grosse annexe pour les institutions
gouvernementales, mais il n'y a pas beaucoup de jus pour le premier paragraphe,
qui est «Assemblée nationale» et
«personnes nommées ou désignées». Il faut qu'on fouille, puis «Assemblée nationale», j'imagine que c'est
écrit quelque part, là, à qui et à quoi vous pensez. Comme vous dites, ce n'est
pas du béton puis des murs, là. Même si on a un nouveau pavillon qui est
magnifique, ce n'est pas ça, là, à quoi vous pensez, là.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bien, il y a
une loi sur l'Assemblée nationale, et, dans la Loi sur l'Assemblée nationale, à l'article 1 : «L'Assemblée nationale se
compose des députés élus dans chacune des circonscriptions électorales
établies conformément à la Loi électorale et dont les noms ont été transmis au
secrétaire général par le Directeur général des élections à l'article 380 de
cette loi.» C'est ça.
Mme David : Bien, c'est
superimportant, là, votre réponse, parce que, c'est ça, l'Assemblée nationale,
moi, j'aurais donné une définition vraiment
plus large. C'est les élus, point. Ce n'est pas ma recherchiste à côté de moi,
ce n'est pas tout le personnel, c'est ça. Vos cabinets ne seraient pas
soumis à la loi, l'article 2, donc...
Le Président
(M. Bachand) : M. le ministre,
voulez-vous suspendre un petit peu ou... M. le ministre?
M. Jolin-Barrette : Oui, on va
suspendre quelques instants.
Le Président
(M. Bachand) : Ça va.
On va suspendre quelques instants. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 19 h 50)
(Reprise à 19 h 55)
Le Président
(M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la
commission reprend ses travaux.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette :
J'ai eu peur. J'ai eu peur.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, merci. Je cède la parole à
M. le ministre, s'il vous plaît.
Des voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bon, l'Assemblée nationale désigne, oui, la députation, mais aussi ce qui
découle de l'Assemblée nationale.
Donc, l'appareil administratif de l'Assemblée
nationale fait partie de l'Assemblée nationale. Parce qu'il faut se rappeler qu'au moment où, puis ça,
c'est un peu une fiction, là, au moment où la législature prend fin et
que le lieutenant-gouverneur dissout l'Assemblée, théoriquement, l'Assemblée
est dissoute. Ça fait que c'est comme s'il n'y avait pas d'existence, mais elle
perdure dans les faits.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, Mme la députée.
Mme
David : Superintéressant. J'imagine qu'évidemment vous l'avez trouvé
quelque part, là, imaginez si vous avez tous ces grands experts en
arrière de vous, le pauvre quidam qui cherche qu'est-ce que ça veut dire, je
pense qu'il y aurait peut-être intérêt à le rendre un peu plus transparent pour
dire qu'est-ce qu'on entend par «Assemblée nationale».
Même moi, j'apprends en même temps que vous. C'était une vraie question je vous
posais, ce n'était pas un piège. Je
ne l'ai pas, la réponse, puis, un, j'aimerais ça qu'on sache où on peut trouver
ça, et puis, deux, qu'on aille un petit peu plus loin sur... parce que, je le répète, ce n'est pas de la perte
de temps, là, c'est un projet de loi où chaque mot est important, qui est visé, etc. Donc, l'Assemblée
nationale, si on reprend de votre première réponse, les 125 élus,
l'appareil administratif...
M.
Jolin-Barrette : Mais juste... Oui, il faut lire :
«"Institutions parlementaires" : l'Assemblée...» il faut lire la
Loi sur l'Assemblée nationale dans son intégralité, notamment, supposons, les
services administratifs, le secrétaire général, qui se retrouve dans la loi.
Mme David :
Il y a tout un appareil législatif aussi, des gens qui aident à faire les lois,
il y a...
M.
Jolin-Barrette : En fait, ça, c'est l'appareil administratif qui sont
sous l'autorité du secrétaire général.
Mme David :
J'élaborais plus sur votre chapeau.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais, exemple, le secrétaire général, c'est comme si c'était le
sous-ministre du ministère, en termes de l'Assemblée nationale.
Mme David :
Le secrétaire général, il relève...
M.
Jolin-Barrette : C'est le plus haut fonctionnaire.
Mme
David : Oui, oui. Bien, pas le secrétaire général, non. Comment ça
s'appelle, celui qui... on n'a pas le droit de nommer, peut-être, je ne
sais pas, là, M. Bonsaint, est-ce qu'on a le droit de le nommer?
M.
Jolin-Barrette : Oui.
Mme David :
Lui, il s'appelle secrétaire général aussi.
M.
Jolin-Barrette : C'est le secrétaire...
Mme David :
Ce n'est pas le secrétaire général du gouvernement, du premier ministre.
M.
Jolin-Barrette : Ce n'est pas le même secrétaire général.
Le Président (M. Bachand) : Je vous demanderais juste de vous donner un petit
temps entre les deux, parce que je pense à nos techniciens, là, puis à
ceux qui nous écoutent.
Mme David :
Vous avez raison.
Le Président (M. Bachand) : Je ne suis pas sûr qu'ils vont suivre. Alors
donc, donnons-nous un petit délai entre les deux. Une de ces façons-là,
bien sûr, comme vous connaissez, c'est de vous adresser à la présidence. Mais,
cela dit, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Et, d'ailleurs, M. le Président, les techniciens
auxquels vous faites référence ici, qu'on salue, qui nous accompagnent durant tous nos travaux, durant les longues heures
que l'on fait à l'Assemblée nationale... et qu'on finit tard ce soir,
bien, ils font partie aussi de l'Assemblée nationale. Alors, merci d'être avec
nous ce soir et merci de faire partie de l'Assemblée, parce qu'on ne pourrait
pas fonctionner sans vous. Mais vous êtes visés par la Loi sur la laïcité de
l'État.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
David : Alors, j'espère
qu'ils considèrent que c'est une bonne nouvelle... ou une mauvaise, je ne sais
pas, mais ils sont visés par l'article 3, et
non par l'article 6. Alors, disons, pour les fins de la discussion,
que c'est une meilleure nouvelle que ça aurait pu être.
Mais
revenons quand même sur l'Assemblée
nationale, avec le souci, comme on
dit, de rigueur, de précision, de transparence. Il va falloir dire quelque part où c'est qu'on peut trouver les renseignements que... vous,
vous avez dû prendre quand même quelques minutes pour les trouver avec tout votre gentil
personnel. Les gens n'auront pas nécessairement ça. Donc, quand on va lire la loi, ou que ce soit un
journaliste ou n'importe qui, il faut comprendre c'est quoi. Parce que
moi, je n'avais aucune idée de la réponse
que vous pourriez me donner, mais je me disais : Ça ne se peut pas que ce
soit juste les élus. Mais ça ne... en tout cas, l'appareil administratif, ça
pourrait être voir, comme quand... voir, je ne sais pas quoi, loi sur je ne sais pas quoi, mais ça ne répond pas à
l'appareil politique aussi, parce que vous n'êtes pas tout seul. Vous avez
tout un appareil politique, on a tous des appareils politiques.
• (20 heures) •
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Donc, comme je le disais,
pour l'Assemblée, c'est la Loi sur l'Assemblée nationale dans
son intégralité, donc, institution parlementaire, ça couvre l'ensemble de la
Loi sur l'Assemblée nationale.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée,
allez-y, oui.
Mme
David : Alors, M. le Président, est-ce que la Loi sur l'Assemblée
nationale inclut le personnel politique gouvernemental et des
oppositions?
M. Jolin-Barrette : Il faut faire une distinction entre les deux. Les cabinets ministériels
relèvent de l'exécutif...
(Consultation)
M.
Jolin-Barrette : ...suspendre quelques instants?
Le
Président (M. Bachand) : Alors, nous allons suspendre quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 20 h 1)
(Reprise à 20 h 7)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, la question, c'était : Est-ce que les employés politiques,
les cabinets sont visés? La réponse à
cette question-là, c'est non, les cabinets ne sont pas visés, tel qu'ils
n'étaient pas visés par le projet de
loi n° 62 relativement à la neutralité religieuse de l'État.
Pourquoi? Notamment sur le fait que, si vous aviez un parti politique religieux, ça pourrait avoir un impact. C'est le
jeu de la démocratie qui fait en sorte de savoir qui sont les élus et qui
est le personnel politique rattaché aux différents députés. Il y a une question
de privilège parlementaire là-dedans.
Le
Président (M. Bachand) : Madame...
Mme
David : Oui. Vous avez
tous... toutes les mêmes questions, là, dans nos trois têtes, là. Un parti
religieux, ce que ça veut dire, c'est un
parti... bien, je ne veux pas le savoir, ce que... je ne vais pas vous dire ce
que je pense que ça veut dire, je vais vous demander de me dire ce que
vous entendez par parti religieux.
M.
Jolin-Barrette : Un parti qui prônerait... supposons, en Europe, vous
avez le parti démocrate-chrétien, en Europe.
Démocrate chrétien. Vous avez l'UDC aussi, l'Union démocrate-chrétienne. Un
parti qui prône des idées religieuses.
• (20 h 10) •
Mme David : Je pense qu'en Belgique,
c'était Joëlle Milquet qui le présidait, elle a fait changer le nom de
démocrate chrétien par chrétien humaniste... démocrate humaniste, si je ne me
trompe pas.
M.
Jolin-Barrette : Je ne peux pas vous dire.
Mme David :
Autrement dit, même là, il y a de la... est-ce qu'on pourrait dire de
laïcisation, mais, corrigez-moi si je me
trompe, j'ai l'impression, et là on pourrait le regarder avec les collègues,
dans l'annexe I, les paragraphes 1° à 10°, je me demande si
l'Université Concordia n'est pas sous une charte qui avait un côté religieux.
Là, c'est parce que vous détricotez quelque
chose qui peut nous amener dans... O.K., si le personnel n'est pas soumis parce
qu'il serait un parti religieux, si tant est qu'on peut savoir ce que ça
veut dire, des fois, c'est des noms qui datent d'il y a tellement longtemps, puis ils ne l'ont pas changé, puis...
bon. Il y a probablement... puis là je n'ai pas fait la vérification, mais
je peux vous la transposer en question pour
que vous, vous la fassiez. Pensez-vous qu'à partir de ce rationnel-là, votre
annexe I va rester telle qu'elle est,
et qu'on ne trouvera pas, dans ça, sous ce prisme de statut partiellement ou
entièrement religieux, des organismes
énumérés aux paragraphes 1°
à 10° qui ne
pourraient plus être classés comme institutions gouvernementales sous l'application de l'article 3?
M. Jolin-Barrette : La réponse à cette question, M. le
Président, c'est non. Il ne faut pas mélanger les choses. Là, on est sur institutions parlementaires.
La question porte sur les employés politiques. C'est important de faire la distinction. Tout ce qui est gouvernemental, ça demeure assujetti. C'est gouvernemental. Exemple : dans l'exemple donné par la collègue de Marguerite-Bourgeoys, on l'a vu tout à l'heure, la loi, elle
est prospective pour le futur. Donc, on ne refait pas toutes les lois
qui ont été adoptées dans le passé. Toutes les lois qui seront adoptées vont
être conformes à la laïcité de l'État.
Cela étant dit,
exemple, si vous aviez un truc, une charte avec un aspect catholique dedans sur
une université, supposons, l'Université de Montréal, elle demeure. C'est pour le futur. Donc, il ne faut pas mélanger les choses entre les institutions parlementaires et les
institutions gouvernementales, les institutions parlementaires en raison du
privilège parlementaire rattaché aux élus. J'ai un exemple, supposons
qu'on avait un parti comme... supposons qu'on avait un parti comme en Allemagne, le parti de Mme Merkel,
qui est la chancelière en Allemagne, bien, c'est les démocrates
chrétiens et ils prônent les valeurs
chrétiennes. Donc, c'est rattaché à la proposition politique et les gens votent pour cela. Donc, le personnel
politique est le prolongement de l'élu et de vos privilèges parlementaires.
Donc, c'est pour ça qu'ils ne sont pas visés.
Le
Président (M. Bachand) : Oui. M. le député de Nelligan, oui.
M. Derraji :
J'ai une question, M. le Président. Le ministre parle de partis religieux, ça
veut dire que, démocratiquement parlant, si, demain, on a un parti religieux,
les employés de ce parti ont le droit de porter des signes religieux?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, ce n'est pas interdit de porter des signes religieux pour les employés.
M. Derraji :
Donc, ça serait démocratique que des employés politiques, pas laïques, mais pas
qu'un v.-p. de l'Assemblée nationale puisse porter une chaîne avec une croix?
C'est démocratique, selon vous?
M. Jolin-Barrette : Bien là, on va venir à cette proposition-là
à l'article 6. On le verra tout à l'heure, on fera le débat
là-dessus tout à l'heure.
M.
Derraji : Mais parce que, oui, je veux bien attendre l'article 6,
M. le Président, mais, quand je lis : «"Institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale,
de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer
une fonction qui en relève», là, déjà, on parle de personnes. Je veux bien
attendre l'article 6, mais l'article 3 ajoute déjà la notion de
personne.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. À l'article 3, c'est les institutions, il ne faut pas oublier
ça hein? Et c'est la laïcité. On ne parle pas du port de signe
religieux. C'est 6, l'interdiction du port de signe religieux.
M.
Derraji : Oui, M. le Président, encore une fois, là, on parle, oui,
des institutions, mais on parle de personnes au sein de ces
institutions.
Tout
à l'heure, le ministre nous parlait de partis religieux. Ça veut dire que,
demain, ces employés peuvent avoir des signes religieux, mais j'ai
l'impression... comme si on a deux classes d'employés, ceux qui ne sont pas
laïques, qui travaillent au sein d'une
institution laïque, et d'autres qui ne peuvent pas avoir aucun signe. Je veux
juste comprendre la logique pourquoi
ce n'est pas la même chose et pourquoi que des partis dits religieux peuvent...
leurs employés peuvent avoir ces signes. C'est juste que j'ai de la
misère à comprendre, techniquement, le raisonnement derrière.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas interdit de porter des signes
religieux pour les employés de la fonction publique, pour les employés de l'Assemblée nationale, pour
les élus à l'exception du président et des vice-présidents de
l'Assemblée nationale dans le cadre de la loi. Il faut amener une distinction,
là. C'est important de comprendre ça.
Je
veux juste qu'on revienne sur l'utilisation, là, des termes, là, au niveau de
personnes désignées et nommées. Il y
a plusieurs lois, là, dans le corpus qui font référence à ça, là, il y a la loi
sur les divulgateurs des actes répréhensibles en 2016, il y a la loi sur le CSPQ en 2005, qui fait référence à ça. Alors, je pense que c'est important de dire qu'il n'y a pas vraiment de débat sur ce
point-là.
Bon,
le député de Nelligan nous dit : Supposons, les personnes
désignées, on vise des personnes. Non, mais le Protecteur du citoyen, il
y a le protecteur puis il y a son institution aussi. Donc, quand on désigne
quelqu'un, là, on désigne le Vérificateur
général, bien, le Vérificateur général, il y a toute une équipe avec lui. Quand
on vise le Vérificateur général, on
vise l'institution, comme l'Assemblée, et ça s'exprime par les employés. Mais
rappelons-nous, là, que l'article 3, ce sont les institutions.
M.
Derraji : J'ai l'impression
qu'on est dans un débat très, très philosophique, mais c'est tellement important, parce que,
si ce n'est pas clair pour nous, en tant que parlementaires, je me demande
comment ça va être beaucoup... ça va être clair pour les gens qu'on
vise.
Je
veux bien comprendre, parce que je veux revenir au Protecteur du citoyen tout à l'heure, mais je veux juste qu'on soit
clairs. Donc, au sein du parlement, ce qui est visé, c'est le vice-président de l'Assemblée nationale, c'est l'Assemblée nationale, mais pas les
employés. Si, demain, on a un parti religieux, ces employés peuvent mettre ce
qu'ils veulent à l'intérieur de l'Assemblée nationale, mais pas les autres, les
employés.
Donc,
j'ai de la misère, encore une fois, à suivre le raisonnement que, oui, on parle
d'institutions parlementaires, mais
on ne parle pas de personnes. Mais, déjà, le texte, c'est vous, vous le mentionnez, là. «L'Assemblée nationale, de même
que les personnes nommées». Donc, il
y a déjà des personnes, donc vous
nommez des personnes. Il y a des noms de ces personnes, et, quand je vous demande et on vous demande d'énumérer ces
personnes, vous dites : Le vice-président
de l'Assemblée nationale, le secrétaire général...
M.
Jolin-Barrette : Non, moi...
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Derraji :
Oui, mais c'est juste... Soyez patient, juste clarifier, parce que, probablement...
M. Jolin-Barrette : Non, non, non. M. le
Président, là, on va faire... Non,
non, on va faire une affaire, là, M.
le Président...
M. Derraji :
Je n'ai pas parlé au nom de tous les collègues. Probablement, je n'ai pas
compris. O.K.? Juste...
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, on va faire une affaire, là.
Le
Président (M. Bachand) : Attendez, M. le ministre, juste
finir... M. le député, terminez.
M. Derraji :
Oui, je veux juste bien comprendre le raisonnement derrière ça parce que, si ce
n'est pas clair, probablement, je n'ai pas bien compris l'article 3.
Quand on parle d'institutions parlementaires, c'est très vague. Moi, je
veux que ça soit plus facile pour qu'on l'applique.
Donc,
c'est pour cela, on vous pose des questions, parce que probablement qu'on va avoir un amendement, mais on
n'est pas encore rendus là. Je veux savoir. Est-ce que vraiment,
au niveau de votre définition des personnes... c'est
qui, ces personnes? Qu'on limite la définition des personnes liées à l'Assemblée
nationale. Quand on va dire «Assemblée nationale», quand vous définissez ces
personnes, c'est qui?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, qu'est-ce qu'on va faire, M. le Président, il faudrait
m'écouter attentivement. Je n'ai pas
parlé de vice-président de l'Assemblée
nationale comme étant une personne
issue de l'institution parlementaire. Le député de Nelligan l'a fait, et je
l'ai repris sur ce point.
Lorsqu'on
parle de personnes désignées, ce sont des institutions parlementaires. Elles
font partie d'institutions parlementaires.
Le Vérificateur général du Québec, là, doit compter, je ne sais pas,
500 employés? C'est une institution qui relève de l'Assemblée
nationale. Il y a
une personne qui s'appelle Vérificatrice
générale, c'est Mme Leclerc,
puis il y a un commissaire
au lobbyisme, puis il y a une commissaire à l'éthique. Elle représente une institution qui relève de l'Assemblée nationale. Elle est redevable à vous,
à moi, au président ici, à la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Vous
savez, le corpus législatif, là, qu'on utilise, là, il existe depuis 1867,
là. C'était pas mal clair pour tout
le monde, depuis ce temps-là jusqu'à ce soir. Je veux juste porter ça à votre
attention.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Donc, la question de mon collègue est très pertinente. Donc, ces gens-là, ils
peuvent porter des signes religieux.
Donc, ces gens-là que vous avez nommés, là, ils peuvent porter des signes
religieux. Bien, en tout cas, sous l'article 3.
M.
Jolin-Barrette : À l'article 6, ce sont les institutions qui
font...
Mme
Robitaille : À l'article 3.
M. Jolin-Barrette : À l'article 3, ce sont les institutions, c'est le
principe de laïcité. Ce n'est pas l'interdiction de porter des
signes religieux ou non, ça, c'est à l'article 6.
• (20 h 20) •
Mme
Robitaille : Mais donc ces
gens-là, ces gens-là qui représentent des institutions, eux autres, ils
peuvent porter des signes religieux, comme la Commissaire
à l'éthique.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président... M. le Président, on verra qui ne
peut pas porter de signe religieux à l'article 6. Là, on est à l'article 3
sur la laïcité de l'État, la branche législative est visée par la laïcité de l'État. Qui il y a dans la branche législative? Les institutions parlementaires ainsi que les personnes désignées ou nommées
qui en relèvent. Il y a cinq personnes désignées qui en relèvent.
Mme Robitaille : C'est parce
que l'article 3, il parle vraiment
de... bien, il parle plus de neutralité religieuse, comme on disait tout
à l'heure, donc, par là, si les personnes
représentent des institutions, donc, elles devraient, sous le... non?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, on a abondamment parlé. Ça ne vise pas uniquement
la neutralité religieuse. La laïcité de l'État, ça couvre quatre principes. C'est quoi, les principes? Voulez-vous
qu'on y aille ensemble? On peut les réciter ensemble si vous
voulez.
Mme
Robitaille : On vous écoute parce qu'on ne l'apprendra jamais assez.
M. Jolin-Barrette : Non, mais... M. le Président, je pense que ça fait plusieurs heures
qu'on est là, puis je pense que j'ai
donné des réponses qui sont intelligibles. C'est les quatre principes de
l'article 2 qui incluent aussi la neutralité religieuse de l'État à
l'intérieur de la laïcité. Je pense, la députée de Bourassa-Sauvé le sait très
bien.
Mme
Robitaille : ...pour les gens qui nous écoutent, pour être clairs, là.
Donc, les partis religieux, s'il y avait un parti islamiste, par exemple, tout ça, là, c'est correct, là. Il peut
avoir des partis religieux à l'Assemblée nationale. Juste pour les gens
qui nous écoutent, là, je pense que c'est important de le préciser.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, les gens peuvent constituer les
partis qu'ils souhaitent, et c'est la démocratie.
Mme
Robitaille : ...
M. Jolin-Barrette :
Donc, le Parti libéral pourrait devenir un parti religieux s'il le souhaitait.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Oui. Qu'est-ce qu'on fait avec le lieutenant-gouverneur
du Québec?
M. Jolin-Barrette : D'ailleurs, M. le Président, parfois, on peut voir une certaine forme
de religiosité au sein du Parti libéral du Québec.
Le
Président (M. Bachand) : ...M. le ministre, s'il vous plaît.
Des voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, M. le ministre.
M.
Derraji : ...question de règlement, mais le ministre de l'Immigration
nous prête des intentions. Je pense que ce n'est pas ni le «wording» ou la phrase, le contenu et je pense que,
M. le Président, le ministre doit retirer ce qu'il vient de dire par
rapport à ça.
Le
Président (M. Bachand) : Je
vais rappeler juste la... une prudence certaine et une certaine prudence aussi
dans les deux sens du terme. Alors, de ne
pas prêter... Je ne voyais pas la négativité nécessairement, mais il ne faut
pas prêter d'intentions non plus, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : ...devrait s'expliquer, qu'est-ce qu'il veut dire là?
Le Président (M. Bachand) : Mais je vais laisser le ministre répondre
comme... s'il veut répondre... non? O.K. Alors donc, Mme la députée,
s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Oui. Qu'est-ce qu'on fait avec le lieutenant-gouverneur
du Québec?
M.
Jolin-Barrette : ...député de Matane-Matapédia veut y répondre.
Mme
Robitaille : Non, mais je vous pose la question.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
Mme
Robitaille : C'est qu'on peut être pour ou contre, mais il est là, là.
Qu'est-ce qu'on fait avec le lieutenant-gouverneur du Québec?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, je me tourne vers
vous.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, le lieutenant-gouverneur n'est pas
visé.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il
vous plaît.
Mme
Robitaille : Bien, justement, je lisais, là, un gouverneur, un
lieutenant-gouverneur, ça fait quoi? C'est quoi? D'abord, j'ai commencé par la page Wikipédia, qui nous dit : Le
lieutenant-gouverneur du Québec est le représentant de la reine du Canada au Québec. Et, si on
continue : «En son nom, il fait partie du Parlement du Québec, où il doit
approuver les lois.» Donc, j'ai commencé par
ça. Et puis là peut-être qu'on va revenir à la discussion qu'on a eue hier sur
la reine, mais il est là, là, lui, le
lieutenant-gouverneur du Québec, puis il fait partie du Parlement du Québec. Et
là je continue, je suis allée sur son site... je suis allée sur son
site...
Des
voix : ...
Le
Président (M. Bachand) : Allez-y, Mme la députée, s'il vous
plaît.
Mme
Robitaille : Non, mais j'attends que...
Le Président (M. Bachand) : Merci. Parce que, là, ce n'est pas... je suis
convaincu que le ministre est capable d'entendre aussi, ça arrive des
deux côtés. Donc, je vous invite à continuer, Mme la députée, s'il vous plaît,
ou il va falloir suspendre. Un des deux, là, mais il faut qu'il y ait quand
même un élément...
M.
Jolin-Barrette : ...j'écoute, M. le Président...
Le
Président (M. Bachand) : Bon, c'est ce que je disais. Alors,
continuez, Mme la députée, s'il vous plaît.
Une voix :
...
Une voix :
Bien, c'est... oui, c'est pertinent.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, je vous invite à
continuer immédiatement.
Mme
Robitaille : Ah! non, c'est parce que j'attendais, monsieur...
Le
Président (M. Bachand) : Je vous invite à continuer
immédiatement, s'il vous plaît.
Une voix :
Je peux demander une suspension?
Le
Président (M. Bachand) : Oui, madame. Bien sûr.
Alors, nous allons suspendre
quelques instants.
(Suspension de la séance à
20 h 25)
(Reprise à 20 h 30)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Je savais que le ministre aimerait ma question
parce que c'est des questions importantes, c'est des questions auxquelles il faut répondre. Donc, j'attends la réponse du
ministre : Qu'est-ce qu'on fait avec le gouverneur général... le lieutenant-gouverneur, pardon, le
lieutenant-gouverneur, qui est partie du Parlement du Québec? Et il y a une loi d'ailleurs...
Alors, je continue, je vois dans ses fonctions... c'est lui : nomination
du premier ministre, nomination des ministres, ratification des décrets pris
par le Conseil des ministres, convocation de l'Assemblée nationale, lecture du discours. Il y a même une loi du Québec sur le
lieutenant-gouverneur. Donc, lieutenant-gouverneur, gouverneur général,
la reine, Dieu. J'attends les commentaires du ministre.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : C'est quoi, la question, M. le Président?
Mme
Robitaille : Bien, on fait quoi avec lui? Il est où? Il est bien dans
les institutions parlementaires?
M. Jolin-Barrette : M. le Président, nous allons, tous ensemble, lire
l'article 3 : «La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions
parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent [les]
principes énoncés...» respectent l'ensemble, on a mis un amendement,
l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys, «respectent l'ensemble des
principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.
«Pour l'application
du présent chapitre, on entend par :
«1° "institutions parlementaires" :
l'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou désignées
par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève.»
M.
le Président, est-ce que la députée de Bourassa-Sauvé voit le
lieutenant-gouverneur qui est visé par «institutions parlementaires» à
la lecture du paragraphe 1° de l'article 3?
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, s'il vous
plaît.
M. Zanetti :
Oui. On a parlé de monarchie, alors je pense que je vais intervenir.
Une voix :
Ça chatouille quelque chose, hein?
M.
Zanetti : Bien, c'est intéressant. C'est là qu'on voit pourquoi le
gouvernement canadien, quel que soit le parti duquel il est issu, ne veut jamais ouvrir de débat constitutionnel.
C'est parce que, dès qu'on examine de près nos institutions, on réalise
que le système dans lequel nous opérons, là, il est truffé d'incohérences et
d'un archaïsme excentrique.
Et
c'est pour ça que, quand on commence à vouloir amener des choses qui sont
bonnes, des logiques ou, tu sais, de
cheminer vers la démocratie, bien là on se rend compte qu'on tire sur un fil,
et puis là on tire, puis là, bien, ça vient sur le bord de tout détricoter, et puis là, bien, si on
essaie d'être cohérent là-dedans, dans l'amélioration de nos institutions,
bien, on réalise qu'il faut tout repartir du début parce que ça ne tient pas
debout.
Et je pense que... Je
ne m'attendais pas, en fait, à ce que mes collègues soulèvent cet enjeu de la
structure, là, vraiment monarchique comme
relevant, disons, d'une incohérence lorsqu'on veut appliquer des lois sur la
laïcité au Québec puis au Canada en
général. Je trouve ça super intéressant et je partage ce constat. C'est
bizarre. Si l'institution parlementaire, les institutions parlementaires doivent agir en respectant les principes
de la laïcité, bien, alors, pourquoi on en exclut le
lieutenant-gouverneur? Parce que, dans «institutions parlementaires», il y a
l'Assemblée nationale, mais il y a aussi le lieutenant-gouverneur.
Et
voilà. Donc, on ne peut pas dire : La laïcité, c'est important, puis, en
même temps, dire : Mais, le lieutenant-gouverneur, ce n'est pas grave, il a un passe-droit parce que, par
personne interposée, il représente la reine, qui a reçu sa légitimité de
Dieu. Tu sais, il y a quelque chose là-dedans qui ne fonctionne pas. On ne peut
pas dire : Bien, on va, mettons,
appliquer les principes de la laïcité, puis, après ça, même, avoir des
conséquences importantes dans la vie des gens... Si on l'applique en disant que ça suppose l'interdiction des
signes religieux, ce qui n'est pas
notre avis, bien, on fait quelque chose quand même d'assez intense, là,
comme intervention dans la vie des gens, puis, après ça, bien, on dit : Ah oui! Mais, dans le fond, la laïcité, ce
n'est pas si important que ça pour les personnes qui ont les... disons, qui
sont au sommet de la pyramide symbolique du pouvoir, du système dans lequel on
est.
Alors,
je voudrais voir un peu... savoir qu'est-ce
que le ministre pense de ces questions, c'est-à-dire : Est-ce que
la laïcité... Pourquoi la laïcité, disons, elle est moins importante pour le
lieutenant-gouverneur que pour l'Assemblée nationale du Québec?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : ...M. le Président, mais ce n'est pas moins important. On est régis par
la Constitution... par la Loi constitutionnelle de 1867 puis la Loi
constitutionnelle de 1982. Je n'ai pas l'intention de faire une modification
constitutionnelle ici ce soir. Alors, que voulez-vous que je vous dise, le
lieutenant-gouverneur ne peut être visé.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, s'il vous
plaît.
M.
Zanetti : J'entends ce que vous dites, mais on pourrait se poser la
question : Pourquoi? C'est-à-dire pourquoi ne pas aller jusqu'au bout là-dedans dans la
cohérence? Pourquoi, disons, refuser de remettre en question ces
institutions-là, si la
laïcité est importante, s'il est important qu'on soit dans un État laïque, s'il
est important que le pouvoir soit au peuple et pas entre les mains d'une monarque issue d'une dynastie choisie de
droit divin? Pourquoi, au fond, est-ce qu'on devrait se soumettre à ça?
C'est ma question.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, M. le
Président, si le député de Jean-Lesage veut déposer un amendement pour
inclure le lieutenant-gouverneur, je l'invite à le faire.
M. Zanetti : Bien, ça ne répond pas
à ma question, mais je vais le faire quand même. Je pense que c'est une excellente idée. Mais c'est ça, je pense
qu'effectivement on... je pense qu'il n'y a pas de raison. Et il n'y a pas de
raison qu'on ne remette pas en question nos institutions au complet pour les
rendre plus démocratiques, plus laïques, sans nécessairement interdire les
signes religieux. Et, bien, j'invite...
J'aimerais ça quand même que quelqu'un se risque
à une raison parce que, sinon, pauvre petit système que personne n'ose défendre, c'est un peu triste. Alors, moi, je pose la
question : Pourquoi est-ce qu'on ne remet pas en question le système au complet puis qu'on ne se fait pas
une vraie constitution démocratique québécoise de manière, là, à donner
vraiment la souveraineté au peuple du Québec? Alors, j'aimerais savoir si le
ministre peut m'avancer une raison pour laquelle on ne devrait pas faire ça.
Le
Président (M. Bachand) :
Interventions? Pas d'intervention. M. le député de Jean-Lesage... Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys, pardon.
Mme
David : Non, mais je vais faire sourire peut-être un peu le ministre,
qui a perdu un peu le sourire. J'essaie de comprendre à la fois vos réponses au député de Jean-Lesage mais aussi à
ma collègue de Bourassa-Sauvé, dès qu'on est revenus de la suspension. Parce que, très sincèrement, je ne l'ai pas...
je ne dis pas que je ne l'ai pas entendue, mais je ne l'ai pas comprise, votre réponse, au point où je ne
sais pas finalement si la conclusion, c'est qu'il fait partie de
l'Assemblée nationale ou il ne fait pas partie de l'Assemblée nationale.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Donc, M. le
Président, le lieutenant-gouverneur ne fait pas partie de l'Assemblée
nationale. Dans le fond, le Parlement du
Québec est composé à la fois du lieutenant-gouverneur et de l'Assemblée
nationale. Mais l'Assemblée nationale, elle est distincte du
lieutenant-gouverneur. Donc, non, le lieutenant-gouverneur ne fait pas partie
de l'Assemblée.
Mme
David : Le titre, quand même, de cet alinéa, c'est «institutions
parlementaires». Et je n'ai pas le verbatim, ma collègue peut le répéter, il relève du Parlement du Québec. C'est une
question passionnante, en fait, pour quelqu'un qui s'intéresse beaucoup au nationalisme aussi. Mais
il relève du Parlement, mais il ne fait pas partie des institutions
parlementaires.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
• (20 h 40) •
M.
Jolin-Barrette : Les
personnes désignées relèvent de l'Assemblée et non pas du Parlement. Tout à
l'heure, M. le Président, la députée de
Marguerite-Bourgeoys disait : Les mots sont importants. Bien,
effectivement, le Parlement du
Québec, ce n'est pas uniquement l'Assemblée. L'Assemblée n'équivaut pas au
Parlement. Ça, c'est important de le comprendre. Le Parlement, il y a
deux entités qui le composent : l'Assemblée, et le lieutenant-gouverneur.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Je repose la question de mon collègue : Est-ce que
le lieutenant-gouverneur a un passe-droit?
Le Président (M.
Bachand) : Interventions?
M.
Jolin-Barrette : M. le
Président, je ne sais même pas si je devrais répondre à ça de la part de
quelqu'un qui a une formation
juridique. M. le Président, la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi
constitutionnelle de 1982 s'appliquent, c'est la Constitution
canadienne. Le lieutenant-gouverneur, il est prévu. Ce n'est pas moi qui ai
fait les règles de la Constitution. Alors, M.
le Président, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Il y a une notion
rattachée à la constitutionnalité des dispositions.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.
M.
Derraji : Oui. Je veux juste faire un retour sur ce qui a été dit,
hein, parce que, là, je pense qu'on est vraiment dans une impasse où on
a deux définitions de l'institution parlementaire. Ma question, elle est très
simple, M. le Président : Est-ce que le
ministre considère que l'institution du lieutenant-général fait partie des
institutions parlementaires ou pas?
Une voix :
Du lieutenant-gouverneur.
M. Derraji : Est-ce que le
lieutenant-gouverneur fait partie des institutions parlementaires?
M. Jolin-Barrette : Pas au sens de
l'article 3. Pas au sens de l'article 3 de la Loi sur la laïcité.
M.
Derraji : O.K. Excellent. Là, moi, je parle de nos institutions
parlementaires. Parce que, là, on va aller à la définition des
institutions parlementaires. Je peux la lire?
Mme Robitaille : Ah! oui, la
définition des institutions parlementaires...
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît. Oui.
M. Derraji : Désolé, hein? C'est
celle que tu me disais par rapport...
Mme
Robitaille : Ah! oui, oui. Bien, il fait partie du Parlement du
Québec. Donc, à partir du moment où il fait partie du Parlement du Québec, moi, j'aimerais savoir pourquoi le
ministre ne l'a pas inclus dans sa définition d'«institutions parlementaires». Est-ce qu'il l'a oublié — ça peut arriver, là, M. le Président, qu'on
oublie, il faut juste s'en parler — ou est-ce qu'il l'a exclu? Et, s'il
l'a exclu, on aimerait savoir pourquoi.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? Pas d'intervention. M. le député de
Nelligan, s'il vous plaît.
M. Derraji : Du moment qu'on n'a pas
de réponse par rapport à ça, moi, je pense que le mot «institutions parlementaires» ne veut rien dire. Parce qu'on ne
parle pas d'institutions parlementaires, on vise l'Assemblée nationale,
mais sans les employés. Parce que, même dans la définition de l'Assemblée
nationale, il y a les employés, et ça a été expliqué
tout à l'heure par le ministre, secrétaire général, donc l'administratif de
l'Assemblée nationale. Mais là, là, ce qu'on
comprend depuis le début, les trois institutions, à savoir parlementaire,
gouvernementale et judiciaire, mais ce n'est pas clair que le ministre vise l'institution parlementaire. Le ministre
vise l'Assemblée nationale. Parce que, si on parle institution parlementaire, ce qui a été dit tout à
l'heure, le lieutenant-gouverneur fait partie de l'institution
parlementaire, à moins... si on se trompe, ou bien à qui on peut le placer,
cette institution du lieutenant-gouverneur général.
Le Président (M. Bachand) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé, oui.
Mme
Robitaille : Oui, oui, je réitère qu'il est central, ce
lieutenant-gouverneur, hein? Au niveau de l'exécutif, il nomme le
premier ministre, nomme les ministres, ratifie les décrets. Au niveau législatif,
il...
Une voix : ...
Mme Robitaille : ...oui, c'est ça,
là, le sceau royal, hein? Et, au niveau législatif, il convoque l'Assemblée
nationale, lecture du discours d'ouverture d'une session parlementaire, hein,
sanction des projets de loi adoptés, oui, prorogation
d'une session parlementaire, dissolution de l'Assemblée nationale, convocation
des élections générales. Quand même,
ce n'est pas rien. On l'a exclu de la définition d'«institutions
parlementaires», et, encore une fois, on n'a pas de réponse du ministre.
Pourquoi? Il a un passe-droit? Est-ce que c'est ça qu'on doit comprendre?
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président,
on voit très clairement que le lieutenant-gouverneur fait partie du
Parlement du Québec. À l'article 3 de
la Loi sur l'Assemblée nationale, le Parlement du Québec est composé à la fois
du lieutenant-gouverneur et à la fois
de l'Assemblée nationale. Dans le cadre des institutions parlementaires visées
à l'article 3 de la loi sur la
laïcité, le projet de loi n° 21, les institutions parlementaires qui sont
visées, ce sont l'Assemblée nationale ainsi que les personnes qui sont
nommées ou désignées. Ça exclut le lieutenant-gouverneur du Québec.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Est-ce qu'on peut savoir pourquoi? Parce qu'on dit
«institutions parlementaires». Pourquoi n'est-il pas là? Est-ce que
c'est un oubli?
M. Jolin-Barrette : M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Oui.
M.
Jolin-Barrette : Non, ce
n'est pas un oubli. Le lieutenant-gouverneur bénéficie d'un régime particulier en vertu de la
Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi constitutionnelle de 1982. Il est le représentant de la reine. Et on
a discuté abondamment hier soir, avec
le député de Jean-Lesage, du rôle de la reine dans la monarchie
constitutionnelle canadienne, et de ses différentes fictions, et des conventions
constitutionnelles rattachées à l'exercice et le rôle de la reine au
Canada, et de ses représentants, et du gouverneur général.
Donc,
savez-vous quoi? M. le Président, la chef de l'État canadien, c'est la reine
d'Angleterre. Et, vous savez, on se retrouve dans une situation où le
représentant de la chef d'État, au Québec, c'est le lieutenant-gouverneur. Pour
le fédéral, c'est le gouverneur général. Et
il est vrai de dire que, pour qu'une loi entre en vigueur au Québec et au
Canada, elle doit recevoir la sanction royale. Et la sanction royale, c'est la
signature de la reine ou de son représentant.
Donc, même
lorsqu'on a adopté un projet de loi ici, à l'Assemblée nationale, il n'a pas
encore force de loi tant que le lieutenant-gouverneur n'a pas signé la
loi. Si jamais le lieutenant-gouverneur ou la lieutenant-gouverneur est indisponible, bien, c'est un administrateur d'État
qui peut signer la loi pour qu'elle rentre en vigueur. L'administrateur
d'État, généralement, c'est un juge de la Cour d'appel du Québec ayant son
siège dans le district de Québec.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M.
Zanetti : Oui. Alors, je vais proposer un amendement à
l'article 3, qui se lit comme suit, alors : Au premier
paragraphe de l'article 3, supprimer les mots «, de même que les personnes
nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève;» et
rajouter, après «l'Assemblée nationale», «et le lieutenant-gouverneur».
Le Président (M.
Bachand) : Alors, on va suspendre quelques instants, le temps
de faire la distribution, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 20 h 48)
(Reprise à 20 h 52)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. M. le député de Jean-Lesage,
s'il vous plaît.
M.
Zanetti : Oui. Alors, je
vais expliquer le sens de cet amendement. Essentiellement, cet amendement propose deux choses : la suppression d'une partie de la phrase, là, du
premier paragraphe de l'article 3, où, finalement, on enlève
les personnes nommées ou désignées par l'Assemblée nationale parce que ça nous semblait être plus cohérent,
étant donné que l'article 3 parle vraiment de la question des
institutions. On dit : «La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de
leur mission, les institutions
parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les principes
énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.» Alors, on pense
plus cohérent de dire, lorsqu'il s'agit de parler d'institutions
parlementaires... bien, d'en rester aux institutions et pas d'ajouter là-dedans,
disons, les personnes qui la constituent.
Par contre,
font partie de l'institution parlementaire, clairement, l'Assemblée nationale, qui est déjà nommée là, qu'on laisse, évidemment, et on ajoute, par souci de cohérence, «et le lieutenant-gouverneur». Alors, le but étant,
d'une part, de ramener la cohérence de cet
article-là qui concerne la laïcité des institutions. Même si je sais que le
reste du projet de loi va plus loin
que ça, cet article-là, quand même, on parle de ça. Et ensuite de dire :
Bien, soyons complets, là. C'est-à-dire que, quand on parle de
l'Assemblée nationale, il y a aussi, dans nos institutions parlementaires,
malheureusement, à notre avis, parce qu'on
ne pense pas que la monarchie, c'est une bonne chose, mais il y a le
lieutenant-gouverneur, dont on n'aime
pas trop la fonction, même si l'homme derrière la fonction, par ailleurs, est
fort sympathique, on le croise souvent puis...
très gentil. Mais la fonction, quand même, très problématique, et elle devrait
être soumise, ce poste-là devrait être soumis
aux mêmes normes de laïcité que les autres. Alors, voilà l'essentiel, le sens
de cet amendement que nous mettons au jeu.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Oui. Bien, justement, je pense qu'il faut être cohérents.
On parle d'institutions parlementaires, et il fait partie de nos
institutions parlementaires. Juste le premier article... Et c'est important
d'en débattre. Et donc le premier article de
la Loi sur l'exécutif, là, parle du... Alors, on dit : «Dans les matières
qui sont de la compétence du Québec, tous
les pouvoirs, attributions et fonctions qui, relativement à ces matières,
étaient conférés aux gouverneurs ou lieutenants-gouverneurs des diverses
provinces formant actuellement partie de la Puissance du Canada, ou de chacune
de ces provinces, ou étaient exercés par
eux, d'après leurs commissions, instructions ou autrement, lors de l'adoption
ou avant l'adoption de l'Acte d'Union, sont — et là, entre
parenthèses — (en
tant que le Parlement du Québec a le pouvoir d'agir[...])
conférés au lieutenant-gouverneur ou administrateur du Québec, et exercés par
lui, au nom de Sa Majesté ou autrement, selon l'exigence du cas; le tout
soumis toujours à la prérogative royale...»
Mais là ça
continue et puis... Et il est régi, là, par une loi du Québec, il y a un
article... Justement, on dit que, bon, son
titre est régi par le gouvernement du Québec, donc il est partie intrinsèque
des institutions parlementaires et donc il devrait être inclus, selon moi, oui.
Mais c'est sûr qu'il y a une incohérence parce qu'on parle de... La laïcité,
là, de la façon dont le voit, là, le ministre,
bon, il y a Dieu, là... le lieutenant-gouverneur, il y a Dieu là-dedans : il est représentant
du gouverneur général, de la reine puis de Dieu. Alors là, il y a une espèce
de... Là, ça ne fonctionne plus, là. C'est sûr qu'il y a une incohérence. Mais
il fait quand même partie des institutions parlementaires, et donc c'est ça.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Interventions? M. le député de Jean-Lesage,
s'il vous plaît.
M. Zanetti :
J'aimerais savoir, moi, par curiosité, si le député de Matane-Matapédia serait
favorable à cet amendement qui vise à soumettre le lieutenant-gouverneur à la
laïcité.
Le
Président (M. Bachand) :
Normalement, vous savez, M. le député de Jean-Lesage, vous n'êtes pas
supposé de... Mais, cela dit, M. le député
de Matane, dans sa grande générosité, va, bien sûr, participer. Alors, allez-y,
M. le député.
M.
Bérubé :
M. le Président, puisqu'on sollicite mon avis, je trouve que c'est du niaisage.
Je pense que, comme indépendantiste, je suis puissamment
antimonarchiste, et, si on est sérieux dans ce qu'on entreprend et qu'on veut vraiment la laïcité, ensemble, on pourrait,
demain, adopter une résolution à l'Assemblée nationale indiquant au reste
du Canada que le Québec peut très bien être
à l'extérieur du Commonwealth, qu'on peut demeurer fédéralistes tout en
n'étant pas monarchistes, et ça serait une grande avancée pour le Québec. Puis
on demeurerait indépendantistes encore puissamment, antimonarchistes. Voilà.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Interventions?
Des voix : ...
Le Président (M. Bachand) :
S'il vous plaît! Interventions sur l'amendement du député de Jean-Lesage? Mme
la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : ...porter un signe religieux. Puis là on n'est pas encore
rendus à l'article 6, là, je comprends, mais il pourra porter un
signe religieux, si je comprends bien, puisqu'il a un passe-droit.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. M. le
Président. Bon, dans un premier temps, là, juste pour être certain, la députée
de Bourassa-Sauvé, est-ce qu'elle pose sa
question en lien avec l'amendement qui a été déposé par le député de Jean-Lesage
ou elle revient à l'article? Parce que le sens
de sa question, c'est au niveau de l'article et non pas au niveau de
l'amendement qui a été déposé. Donc,
peut-être qu'elle veut reformuler sa question, puisqu'on est présentement sur
l'étude de l'amendement du député de
Jean-Lesage, et le député de Jean-Lesage fait en sorte que le
lieutenant-gouverneur serait visé. Donc, peut-être qu'elle souhaite
reformuler sa question.
Mme
Robitaille : Bien, c'est une parenthèse, mais ça va nous aider
peut-être à comprendre pourquoi il ne veut pas... le ministre ne semble
pas souhaiter inclure le lieutenant-gouverneur général dans la définition
d'«institutions parlementaires».
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. C'est juste
le lieutenant-gouverneur.
Mme Robitaille : ...oui, c'est ça.
Il est tard, c'est ça. Je m'excuse. Le lieutenant-gouverneur.
M.
Jolin-Barrette : Oui, la
gouverneur général est à Ottawa, et c'est Julie Payette présentement, pour le
bénéfice de tous les membres de la commission.
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : ... s'il vous plaît, juste... Interventions? Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Robitaille : Donc, c'est une
parenthèse, je l'avoue, mais quand même importante, puisqu'on pourrait peut-être mieux comprendre pourquoi il est exclu
de la définition d'«institutions parlementaires» et pourquoi il faudrait
l'inclure. Parce que, si je comprends, bon, lui, il pourra porter un signe
religieux.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : Je continue à dire que c'est intéressant, quand même. Parce
que, quand on est ministre, on va chez le lieutenant-gouverneur, c'est
vrai, et c'est vrai que c'est là que ça se passe, que le lieutenant-gouverneur
ratifie, puis on prend une photo, puis on est superfier, puis on encadre ça,
etc.
M. Jolin-Barrette : ...sanctionne.
Mme
David : Sanctionne. Excusez le mot. Il sanctionne. Ça fait encore plus
sérieux. Merci, M. le ministre. Et donc
il sanctionne et donc, dans... Et c'est ce qui va arriver à tous les projets de
loi. C'est ce qui nous est arrivé, nous. C'est ce qui est toujours arrivé. Il y a donc un lien. La boucle se
termine avec cette sanction. Et donc c'est sûr que, quand on va là, on se sent
vraiment, vraiment dans une institution parlementaire, parce qu'il est
l'appendice direct, le prolongement direct
de tout ce travail qu'on fait ici. Et, en amont, c'est lui justement, ma
collègue l'a dit, qui fait le discours au début d'une nouvelle
législature, etc. Il a donc un rôle important. Alors, j'essaie de comprendre.
Puis,
la réponse, elle doit exister, la réponse constitutionnelle, là. Moi, je ne
vais pas plaider que j'ai la réponse parce
que je ne suis pas une juriste, et
encore, évidemment, moins une juriste constitutionnelle. Mais
j'aimerais avoir une réponse claire,
qui a peut-être déjà été plaidée en cour, je ne sais pas, là, sur le
statut du gouverneur général... du lieutenant-gouverneur eu égard — j'apprends
le vocabulaire des juristes — à un projet de loi aussi important qui
est celui de la laïcité, qui justement traite des institutions parlementaires. Alors, moi, je ne demande qu'à être instruite et cultivée
mieux par rapport à cette question-là.
• (21 heures) •
Le
Président (M. Bachand) : Interventions?
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! S'il
vous plaît! S'il vous plaît!
M. Jolin-Barrette :
M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, savez-vous quoi? On a la chance, ce
soir, d'avoir, parmi nous, le leader de
l'opposition officielle. Et ça me
chagrine un peu, M. le Président, qu'il ne soit pas à la table avec nous. Je sens
qu'on aurait beaucoup de plaisir s'il pouvait se joindre avec nous.
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Pardon?
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Ce n'est pas très gentil, ça, M. le député de Matane-Matapédia...
Le
Président (M. Bachand) : S'il vous plaît!
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : O.K. Merci. C'est
tout? M. le député de Jean-Lesage avait demandé la parole.
M.
Zanetti : Un argument supplémentaire pour inviter tous mes collègues
ici, autour de la table, à appuyer cet amendement,
c'est qu'en fait laisser le lieutenant-gouverneur à l'abri, disons, d'une loi
sur la laïcité, c'est, d'une certaine façon,
reconnaître la supériorité de la monarchie sur la démocratie québécoise. C'est
une façon de dire : Nous acceptons de nous soumettre à cet ordre
qui nous a été imposé, qu'on n'a, mais jamais, choisi. C'est une façon de
subordonner la souveraineté populaire, qui n'est pas incarnée dans une
institution, puis d'accepter ça.
Et
c'est une position qui n'est pas populaire au Québec, parce que, dans les
sondages les plus récents, plus de 80 % des Québécoises et
Québécois se montraient plutôt en faveur à l'abolition de la monarchie. Alors,
je pense qu'il n'y a pas beaucoup de
sympathie pour la monarchie au Québec de façon générale et que ça pourrait
être, d'une part, cohérent avec
l'idée de laïcité, qui n'est pas interdire des signes religieux, d'une part, et
ça pourrait être cohérent aussi avec l'idée de la démocratie. Et ça, ça pourrait être un geste
d'affirmation intéressant, que de dire : Bien, nous, on ne reconnaît pas
que la monarchie, disons, a une supériorité politique par rapport à la
démocratie québécoise, que la démocratie québécoise doit y être soumise. Et ce
serait une façon de vraiment faire quelque chose, je pense, de courageux.
Alors,
pour cette raison, j'invite tous mes collègues du gouvernement et même le
député de Matane-Matapédia, qui semble trouver l'amendement peu
pertinent, là, bien, à embarquer là-dedans, parce que je pense que ça serait
intéressant et puis qu'en plus ça aurait un appui populaire, je pense.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : Tout à l'heure, j'ai été très interrompue, visuellement, parce
qu'il y a eu une entrée remarquée par le ministre, en tout cas, moi, je l'ai moins remarquée parce que ça s'est
passé derrière moi, puis ça continue, mais je n'ai, à cause de ça, pas eu de réponse à ma question.
Donc, je la répète et j'aimerais vraiment qu'il m'aide à comprendre
pourquoi ou si oui ou si non... pourquoi, dans les deux cas, il est pertinent
ou pas de mettre le lieutenant-gouverneur.
Le
Président (M. Bachand) : Intervention? M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Comme je l'ai dit, M. le Président, au bénéfice des
membres de la commission, le lieutenant-gouverneur bénéficie d'un régime
particulier en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 et de la Loi constitutionnelle de
1982. Et j'inviterais les membres de la commission à réaliser que l'amendement
proposé par le député de Jean-Lesage
nous invite à faire en sorte de ne plus viser les institutions que sont le
Vérificateur général, le Protecteur du citoyen,
le Commissaire à l'éthique, le Commissaire au lobbyisme. Alors, moi, je pensais
que Québec solidaire était en faveur
de la laïcité institutionnelle, et là, lorsqu'on parle d'institutions, bien, il
décide, avec son amendement, d'enlever les institutions du VG... les cinq personnes désignées ou nommées par
l'Assemblée nationale, il décide de les enlever pour mettre le lieutenant-gouverneur. L'amendement du
député de Jean-Lesage, ce qu'il fait, c'est qu'il exclut du principe de laïcité cinq institutions importantes qui relèvent
de l'Assemblée nationale. Moi, ça ne m'apparaît pas approprié, mais
c'est le choix de Québec solidaire.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
s'il vous plaît.
Mme
David : On va mettre de côté,
pour les fins de notre échange, la deuxième partie, justement,
de ce qui est enlevé. Mais moi, je
vais vous poser la question autrement. Si on était en cour, devant un juge,
pour cet amendement-là, êtes-vous
certain de votre coup, que vous gagneriez votre cause, en disant que le lieutenant-gouverneur n'est pas du tout, du tout une institution parlementaire reliée au Parlement du Québec et donc qu'il n'y a pas, ni de près ni de
loin, à être lié à un genre de projet de loi comme celui sur la laïcité, il n'a pas à être inclus, englobé dans les gens
qu'on désigne comme faisant partie de nos institutions parlementaires?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, je l'ai dit à de multiples reprises,
le lieutenant-gouverneur fait partie du Parlement
du Québec, avec l'Assemblée. C'est l'article 3
de la Loi sur l'Assemblée nationale.
La députée de Marguerite-Bourgeoys,
dans sa question, y a fait elle-même référence. Et, pour fins de discussion, on
n'est pas à la cour, on n'a pas de dossier
à plaider, on n'a pas de client, si ce n'est que... Ah! bien, je vous dirais,
oui, peut-être qu'on a des clients, oui. Je vous dirais que, pour le gouvernement, ses clients, c'est l'ensemble de la
population du Québec, tous les Québécois et toutes les Québécoises qui
souhaitent que le projet de loi sur la laïcité soit adopté. Et là on est dans
une situation où on discute de est-ce qu'on
devrait inclure ou exclure le lieutenant-gouverneur. J'ai dit à de multiples
reprises, M. le Président, que le lieutenant-gouverneur ne pouvait être
visé...
Mme David :
Excusez...
M.
Jolin-Barrette : ...ne pouvait être visé en vertu de la loi
constitutionnelle, en vertu de la Constitution canadienne. Alors, moi, je pense que les Québécois et les Québécoises
souhaitent que le projet de loi sur la laïcité soit adopté. Il y a une finalité à l'objectif. Et la
députée de Marguerite-Bourgeoys me disait : Si vous aviez un client?
Mais prenons le cas que les Québécois sont
tous nos clients, toutes les Québécoises et tous les Québécois sont nos clients
ce soir, on est tous, supposons, leurs
avocats, M. le Président. Je pense qu'ils gagneraient tous à ce qu'on travaille
sérieusement sur le projet de loi sur la
laïcité pour le faire avancer, et pour qu'on puisse l'adopter, et faire en
sorte que toutes nos institutions, qu'elles soient parlementaires,
gouvernementales ou judiciaires, puissent incorporer le concept de laïcité, un
concept qui n'existe pas à ce jour dans nos lois.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée
de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Je comprends que le lieutenant-gouverneur va être exclu
du projet de loi, et il va nous faire des discours à l'Assemblée nationale, il va faire la sanction des projets de
loi, tout ça, et il pourra porter un signe religieux. Ça ne dérange pas
le ministre?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, je pense que ça doit être la 10e fois que j'indique à
la députée de Bourassa-Sauvé qu'à l'article 3 on ne traite pas des
signes religieux, c'est à l'article 6. Autre spécification au bénéfice de
la députée de Bourassa-Sauvé, le lieutenant-gouverneur
ne fait pas de discours à l'Assemblée nationale. Le discours inaugural, c'est le premier ministre du Québec qui le fait à
l'ouverture d'une session. Il ne faudrait pas se mélanger entre Ottawa
et Québec, hein? Le discours du trône, c'est
à Ottawa. Ici, c'est un discours inaugural. D'ailleurs, M. le Président, ça
m'étonne un peu qu'on fasse cette erreur-là.
Savez-vous pourquoi, M. le Président? Parce qu'on est au tout début de la
42e législature, et, à mon souvenir, la députée de Bourassa-Sauvé était
présente lorsque le premier ministre du Québec a fait son discours inaugural.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme
Robitaille : Oui. Donc, encore une fois, institut parlementaire, là,
on n'a pas de lieutenant-gouverneur, on l'exclut.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président.
Le Président (M. Bachand) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Présentement, là, on est à l'étude de l'amendement. Sur l'amendement du
député de Jean-Lesage, c'est prévu
que le lieutenant-gouverneur soit visé. Moi, je pense qu'on devrait disposer de
l'amendement. Si la députée de
Bourassa-Sauvé veut continuer dans sa ligne de questions, je pense que, pour le
bénéfice de la commission, ce serait
plus approprié, parce que présentement c'est comme hors sujet, les propos,
parce qu'on est sur l'amendement du député de Jean-Lesage, puis
l'amendement, il dit que le lieutenant-gouverneur devrait être visé. Donc,
disposons de l'amendement,
voyons comment il sera reçu par les membres
de la commission, et, ensuite, si jamais
il était battu, la députée de Bourassa-Sauvé
pourra reposer la question.
• (21 h 10) •
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? M.
le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti :
Rendu au vote, moi, j'aimerais juste avoir un vote par appel nominal.
Le
Président (M. Bachand) : Alors, s'il n'y a pas d'intervention,
je vais mettre l'amendement du député de Jean-Lesage aux voix. Est-ce que... Excusez, je voudrais
juste m'assurer que les gens qui veulent voter soient alentour de la
table. On va procéder au vote. Alors donc... Merci.
Alors
donc, je mets l'amendement du député de Jean-Lesage au vote. Est-ce que
l'amendement est adopté? Appel nominal, M. le député? S'il
vous plaît, Mme la secrétaire. Merci.
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. M. Zanetti (Jean-Lesage)?
M. Zanetti :
Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Lachance (Bellechasse)?
Mme
Lachance : Contre.
La Secrétaire :
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Contre.
La Secrétaire :
Mme Lecours (Les Plaines)?
Mme Lecours (Les Plaines) :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?
Mme Tardif :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lamothe (Ungava)?
M. Lamothe :
Contre.
La Secrétaire :
M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata)?
M.
Tardif : Contre.
La Secrétaire :
M. Lafrenière (Vachon)?
M.
Lafrenière : Contre.
La Secrétaire :
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Abstention.
La Secrétaire :
M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji :
Abstention.
La Secrétaire : Mme
Robitaille (Bourassa-Sauvé)?
Mme
Robitaille : Abstention.
La Secrétaire :
Mme Montpetit (Maurice-Richard)?
Mme
Montpetit : Abstention.
La Secrétaire :
M. Bérubé (Matane-Matapédia)?
M.
Bérubé :
Abstention.
La Secrétaire :
M. Bachand (Richmond)?
Le Président (M. Bachand) : Abstention. L'amendement est rejeté, donc on
retourne à l'étude de l'article 3 tel qu'amendé. Interventions sur
l'article 3? M. le député de Nelligan.
M. Derraji :
Merci, M. le Président. Donc, écoutez, à la lumière de ce qu'on vient de vivre par
rapport à la définition des institutions parlementaires et les clarifications de M.
le ministre, j'aimerais déposer un amendement,
que je vais lire et vous déposer. Par la suite, je vais expliquer le pourquoi
de cet amendement. Ça vous va?
Le
Président (M. Bachand) : Parfait. Allez-y, M. le député.
M.
Derraji : Excellent. Bon. Le
premier paragraphe du deuxième alinéa de l'article 3 est modifié par
l'insertion, après les mots «...Assemblée nationale», des mots «tel que défini par la Loi sur l'Assemblée nationale». Donc, ça va être lu de cette façon :
«1°
"institutions parlementaires" : l'Assemblée
nationale, tel que défini par la Loi sur l'Assemblée nationale de même
que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer des fonctions
qui en relève.»
Je le dépose, M. le
Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci.
Nous allons suspendre
quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
21 h 13)
(Reprise à 21 h 16)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Nous sommes maintenant sur l'amendement déposé
par le député de Nelligan. M. le député, s'il vous plaît.
M. Derraji :
Oui, merci, M. le Président. Je pense qu'avec cet amendement on va ramener une
clarification parce que, depuis tout à
l'heure, le ministre parle de la Loi sur l'Assemblée nationale et la définition
beaucoup plus large des institutions
parlementaires. Donc, l'ajout de «tel que défini par la Loi sur l'Assemblée
nationale» vient un peu confirmer confirmer
la vision et les aspects liés à l'institution parlementaire. Mais j'aimerais
bien entendre le ministre, qu'est-ce qu'il pense de cet amendement.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Écoutez, pour donner mon
opinion sur l'amendement, j'aimerais avoir davantage d'explications du député de Nelligan. Je ne suis pas sûr de
comprendre ce que ça rajoute, «tel que défini par la Loi sur l'Assemblée
nationale».
Le
Président (M. Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.
M. Derraji :
Oui, merci, M. le Président. Au fait, depuis le début, les collègues évoquent
la définition de l'institution
parlementaire. Donc, quand on lit les commentaires, les institutions
parlementaires sont définies comme un client de «l'Assemblée nationale
[et] les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction
qui en relève», ces personnes sont... et là
on voit une liste, le Commissaire à l'éthique et de la déontologie, des membres
de l'Assemblée nationale, le Commissaire du
lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et
le Vérificateur général du Québec. Mais
toutes ces personnes sont définies dans la Loi sur l'Assemblée nationale, donc
le fait de l'ajouter dans le libellé, ça va
juste clarifier qu'est-ce qu'on veut dire par rapport aux institutions
parlementaires. Je pense que ça va même éviter tous les débats que nous
avons eus tout à l'heure.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Écoutez, je ne vois pas la pertinence de
l'amendement déposé par le collègue de Nelligan, donc je ne peux donner
mon consentement. Et, d'autant plus, lorsque le député de Nelligan nous
dit : Le Vérificateur général, le
Commissaire à l'éthique, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des
élections sont dans la Loi sur l'Assemblée nationale, je l'invite à
consulter la Loi sur l'Assemblée nationale, parce qu'ils n'y sont pas présents.
Alors, M. le
Président, je veux juste réaffirmer que les Québécois souhaitent qu'on adopte
une loi sur la laïcité de l'État, que
ça fait plusieurs heures déjà que... depuis la reprise des travaux à
19 h 30, il est 9 h 17, on n'a pas avancé d'un poil,
M. le Président. Et je pense que les Québécois souhaitent qu'on s'assure de
faire en sorte d'inscrire la laïcité de l'État
dans nos lois, que les personnes en situation d'autorité ne portent pas de
signe religieux et que les services publics soient donnés et reçus à visage découvert. Alors, j'invite les collègues
ici de cette commission à faire preuve de sérieux dans nos débats et à
avancer pour la suite des choses.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
s'il vous plaît.
• (21 h 20) •
Mme David :
Oui. M. le Président, je pense qu'on fait preuve de tellement de sérieux que ça
oblige à quelques suspensions pour
aller vérifier, justement, qu'est-ce que c'est que l'Assemblée nationale.
Alors, je ne suis pas sûre que c'est exagéré,
le temps qu'on a passé. C'est nous qui avons attendu pendant la suspension
parce que vous n'aviez pas la réponse. Alors,
je vous connais, vous étiez là à la dernière législature, vous savez comment ça
fonctionne. Vous avez passé des heures, des heures, des heures, des
centaines d'heures, dans certains projets de loi, à poser ces questions-là dans
l'opposition, alors vous ne pouvez pas nous
reprocher d'être au moins aussi rigoureux que vous l'avez été à
l'époque, et aussi curieux, et aussi
impliqué dans votre travail, et
engagé à poser des questions, oui, à être sûr que les lois étaient le meilleur qu'ils étaient. Et particulièrement, dans ce cas-ci, quand j'ai posé
la question sur l'Assemblée nationale, ça a pris quand même quelques
recherches pour arriver à la réponse.
Alors, si,
nous, tous ensemble, avec toute la compétence qu'il y a, il a fallu qu'on
suspende pour définir c'est quoi, imaginez
les gens qui vont avoir ce projet de loi, c'est peut-être le minimum que de
dire : On vous donne un petit indice, là, comme une chasse au
trésor. Allez voir la Loi sur l'Assemblée nationale, alors, «tel que défini par
l'Assemblée nationale», c'est ça que ça veut
dire. Allez chercher à qui on réfère puisque ce n'est pas si simple que ça. Je
l'ai appris moi-même en vous posant la question, parce que je n'avais
pas sincèrement pas la réponse.
Puis nous, on s'est posé des questions puis on
est allés jusque le lieutenant-gouverneur. Mais, quand même, est-ce que les personnels, les cabinets, etc.,
sont touchés par ça? Il me semble, moi, que ce sont de vraies questions,
là, des questions que n'importe qui va se
poser. Et, peut-être, grâce à notre discussion ce soir, si une journaliste vous
la pose, la question, maintenant, vous aurez la réponse.
Alors, c'est
le fun d'avoir «tel que défini par la Loi sur l'Assemblée nationale». Je trouve
que c'est super constructif. Ça
n'enlève rien à votre projet de loi. Je trouve que ça rajoute une précision qui
va aider l'ensemble des gens qui vont prendre
connaissance de ce projet de loi à la fois à répondre sur c'est quoi,
l'Assemblée nationale, parce qu'on ne se lève tous les matins en se disant : O.K. c'est quoi, l'Assemblée nationale?
C'est qui? Ah! il y a une loi. Bien, au moins, on va peser sur Google,
Loi sur l'Assemblée nationale, on va dire : O.K., ça va donc être tous les
gens visés par la Loi sur l'Assemblée nationale, puis là ça va être mieux
décrit.
Alors, c'est
dans ce sens-là. N'y voyez pas de tentative de perdre du temps ou quoi que ce
soit. Au contraire, c'est vraiment...
si ça avait été de la perte de temps, on serait passés en 3 min 15 s, vous
auriez eu la réponse, puis on serait passés à autre chose. Mais là je
trouve que les échanges qu'on a eus ont été constructifs, bien menés, puis ça
nous a tous appris c'est quoi, je suis sûre,
même les gens de votre côté de la Chambre et tous les gens ici, sur c'est quoi,
finalement, l'Assemblée nationale. Ça a l'air bête, mais c'est ça.
Le Président (M.
Bachand) : Le député de Nelligan, s'il vous plaît.
M.
Derraji : Oui. Premièrement, je tiens juste à rappeler à M. le
ministre que je n'ai pas parlé de... j'ai cité ce que lui-même a mis
dans le paragraphe et je n'ai pas dit que c'est dans la Loi sur l'Assemblée
nationale. S'il a compris ça, bien, ce n'est
pas ça que je voulais dire. Je veux le clarifier. Je veux le clarifier. Ce
n'est pas ça que je voulais dire.
Et, quand on
parle de l'Assemblée nationale, et pour faire du pouce sur ce que ma collègue
la députée de Marguerite-Bourgeoys vient de dire, si on prend juste le
nombre de pauses que le ministre a demandées pour aller chercher, clarifier les
questions que nous avons posées, il était quand même important, donc...
Je ne suis pas d'accord avec le ministre par
rapport à ce point. Nos interventions visent une seule chose, c'est bonifier et le clarifier. Nous aussi, nous pensons
que c'est un projet de loi qui est important. Et ce que nous sommes en train de faire, c'est plus lui donner du jus et le
clarifier. Quand vous parlez de l'Assemblée nationale, j'ai, devant
moi... et, pour gagner du temps, je ne vais pas la lire, hein? Je ne vais pas
la lire parce que je vais perdre beaucoup de temps, mais vous connaissez mieux
que moi la loi, la Loi sur l'Assemblée nationale. Mais, quand on l'ajoute, au
contraire, M. le Président, ça rajoute de la solidité et ça clarifie.
Donc, on
parle, l'Assemblée nationale se compose de députés élus dans chacune des
circonscriptions, ça parle du Parlement,
ça parle même du lieutenant-gouverneur, qui convoque l'Assemblée, et ses
fonctions. Mais ça va clarifier aux gens qu'est-ce qu'on veut dire par
rapport aux institutions parlementaires. Au fait, l'ajout de la Loi sur
l'Assemblée nationale va juste clarifier ce
que le ministre veut dire par les institutions parlementaires. C'est juste ça
qu'on cherche, M. le Président.
Donc,
je ne vois aucunement que cet ajout va nuire au libellé du ministre. Et, si ça
va nuire au libellé du ministre, qu'il
nous partage son point de vue. Là, il dit : Je refuse, ce n'est pas
quelque chose que je vais accepter, je ne vais pas donner
mon consentement. Oui, il est libre, M. le Président. Mais est-ce qu'il peut au
moins me dire en quoi ça va annihiler l'effort qu'il veut dire par rapport aux
institutions parlementaires? Est-ce que la loi, la Loi sur l'Assemblée nationale va lui enlever du poids par rapport à la
définition qu'il donne aux institutions parlementaires? Je ne pense pas.
Donc,
si lui, il pense le contraire, M. le Président, j'aimerais bien qu'il nous clarifie sa position. Pourquoi il
est contre l'ajout de la Loi sur l'Assemblée nationale? D'ailleurs, c'est ce qu'il a dit depuis tout à l'heure, il vise le secrétaire général, ça vise des personnes au sein de
l'institution de l'Assemblée nationale.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, dans toutes les lois, on dit :
L'Assemblée nationale. Alors, c'est l'Assemblée nationale. Tout le monde sait à
quoi on réfère lorsqu'on dit : L'Assemblée nationale.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan,
s'il vous plaît.
M.
Derraji : Ça réfère à l'Assemblée nationale, probablement le ministre a été beaucoup plus rapide tout à l'heure en répondant à
nos questions. Ça n'était pas le cas; lui-même expert, c'est lui qui dépose le projet de loi, et il a demandé à plusieurs reprises de l'aide pour répondre aux questions. À
moins si je me trompe, le ministre n'a pas eu des réponses à toutes les questions. C'est normal qu'il consulte,
c'est un projet de loi très important, il veut s'assurer de la réponse qu'on donne. Bien, pour le grand public, moi, à mon avis,
il vaut mieux mettre la loi où on se réfère. On se réfère à quelle loi?
Bien, c'est la Loi sur l'Assemblée nationale. On la spécifie. Moi, je pense que
l'amendement, au contraire, il donne beaucoup plus de poids au libellé que nous
avons devant nous, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, c'est très clair. J'apprécie la contribution du
collègue de Nelligan, mais ça ne vient pas bonifier le projet
de loi, et, en conséquence, on ne va pas voter en faveur.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme
la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille :...
Le
Président (M. Bachand) :...
M. Derraji :
M. le Président, j'aimerais bien juste comprendre en quoi c'est dérangeant
avoir la Loi sur l'Assemblée nationale dans ce libellé.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre?
Pas d'intervention?
M.
Derraji : Bien, écoutez,
écoutez, là, on parle d'un projet de
loi important, là, on veut
clarifier, là, on veut le bonifier,
et le ministre ne répond pas à une question très simple. Je ne
vois en aucun cas en quoi ça dérange de dire que nos institutions parlementaires,
ça vise la Loi sur l'Assemblée nationale.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, la propre formation politique du député
de Nelligan, dans le cadre du projet de loi
n° 62, a indiqué, dans la loi n° 62, la ministre de la Justice en plus. Pas n'importe qui :
la ministre de la Justice du Parti
libéral, celle qui est avocate-conseil...
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Pardon?
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Oui. La question, c'est : Est-ce que je l'aimais
beaucoup? La réponse, c'est oui. Puis, honnêtement, M. le
Président, je m'en ennuie. Vous savez
pourquoi? Parce que, tout à l'heure,
la députée de Marguerite-Bourgeoys
disait : Ah! le ministre a été dans l'opposition, vous savez comment ça
marche. Bien non, M. le Président, ce n'est
pas de même que ça marche. Je vais dire pourquoi puis j'en prends à témoin tout
le monde qui est ici dans cette
salle. Quand j'étais dans l'opposition
puis je faisais des amendements, je faisais des amendements qui étaient
réfléchis dans un souci de faire en sorte...
Le Président (M. Bachand) : Attention à vos mots, M. le ministre, s'il vous plaît, de ne pas
qualifier le travail de la commission présentement. Merci.
M.
Jolin-Barrette : Non, bien,
loin de moi, M. le Président, de dire
ça. Je parlais de mes propres amendements. Donc, je ne voudrais pas
qu'on...
M. Derraji : ...une insinuation, je
suis désolé, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Je l'ai soulevée...
M. Derraji : Merci, M. le Président,
parce que vouloir dire que c'est irréfléchi...
Le
Président (M. Bachand) :
Mais la parole est au ministre, je vais laisser finir le ministre, s'il vous
plaît. Merci.
M. Jolin-Barrette : Tout ça pour
dire que je pense que, lorsque j'ai travaillé avec la ministre de la Justice de
l'époque, oui, on a eu plusieurs
discussions, mais honnêtement on en est venus à avoir des projets de loi dans
l'intérêt de tous les Québécois, et surtout
quand il y avait des projets de loi qui se faisaient durant des années qu'on
attendait que ce soit adopté,
notamment la loi n° 113 sur l'adoption, la filiation pour les
personnes adoptées. Bien, on l'a bonifiée, mais on savait aussi qu'il y
avait des gens qui souhaitaient l'adoption de la loi parce que c'était
important. Un peu comme la Loi sur la laïcité. Et, lorsque j'échangeais avec la
ministre de la Justice, on faisait nos points, mais j'écoutais ce qu'elle
disait aussi puis je comprenais ce qu'elle disait aussi. C'était juste un
commentaire en lien avec ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys dit.
Donc, on n'insère pas la Loi sur l'Assemblée
nationale, M. le Président...
Une voix : ...
Le
Président (M. Bachand) :
...juste pour... parce que je sens qu'il répond quand même à une question
importante, alors, allez-y, M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : La Loi sur
l'Assemblée nationale, on ne l'indique pas notamment parce qu'entre autres,
dans le projet de loi n° 62, l'institution, on indique juste l'Assemblée
nationale. On ne fait pas référence à l'Assemblée nationale par la Loi sur
l'Assemblée nationale. C'est une question de légistique aussi dans le corpus
législatif.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous
plaît.
• (21 h 30) •
Mme
David : Non, puisque je me suis sentie interpelée, hein? J'ai des
oreilles et j'écoute. Le ministre semble un petit peu impatient. C'est son droit. Il est tanné, il est fatigué.
Mais, il le dit lui-même, c'est un projet de loi extrêmement important. Je pense que ça, tout le monde en convient. Et de comparer la loi sur la laïcité
à la loi sur l'adoption, on
n'est pas nécessairement dans les mêmes enjeux. Une loi sur la laïcité qui
parle de l'ensemble de la société et qui va vraiment structurer, pour vous, là, c'est comme l'article 1 du Parti
québécois ou c'est comme si c'est quelque chose d'extrêmement structurant. Vous dites : Ça fait des années,
etc. Alors, en tout respect, je pense qu'il faut être à la hauteur, justement,
de l'importance de ce projet de loi et poser des questions qui vont bonifier le
projet de loi.
Et, quand je
faisais référence au nombre d'heures, c'est qu'il y a eu des heures, et des
heures, et des heures de passées dans
des projets de loi parce que, justement, les partis d'opposition, avec raison,
ont fait leur travail. Et ça a pu prendre beaucoup de temps. Et je ne
fais pas référence nécessairement à un projet de loi de la ministre de la
Justice. Je fais référence à n'importe
quelle loi qui a pu se passer. J'en ai moi-même eu, des lois. Et ça a été...
Ils ont tous été votés à l'unanimité,
les lois que j'ai déposées. Parce qu'on a fait un travail super constructif
avec les oppositions. Je n'ai pas eu le plaisir de vous avoir en face de
moi, ce n'était pas dans vos rôles de porte-parole officiel, mais, avec votre
collègue qui était là, on a bonifié des
lois. Et c'était très bien. Puis j'en ai fait, des amendements. J'en ai
accepté, des amendements. J'en ai étudié, des amendements. Et puis j'ai
remercié les oppositions après.
Alors, il n'y
a pas lieu de qualifier que ça soit réfléchi, irréfléchi. En tout cas, moi,
s'il y a un adjectif que je ne me suis pas fait dire souvent dans ma
vie, c'est d'être irréfléchie. Je pense que ce n'est pas quelque chose qui me
colle beaucoup. Puis je peux tout à fait
comprendre que le ministre est très réfléchi, mais, justement, la réflexion,
c'est quelque chose qui est... qui
demande du temps, qui demande de la patience. Patience vient avec l'âge
peut-être. La patience vient avec... Vous avez beaucoup de
responsabilités, je le sais, mais il faut absolument qu'on passe à travers.
Et je reviens
à ça : si ça avait été si simple, l'Assemblée nationale, vous auriez
répondu de même. Puis je ne vous en veux
pas, parce que, moi, je ne l'avais pas, la réponse. Puis j'ai appris grâce à
vous. Mais j'ai appris qu'il y avait des choses dans la Loi sur l'Assemblée nationale, justement. Alors, pourquoi ne pas
le dire? En quoi ça vous fait mal? En quoi? On ne vous arrache pas une
dent en faisant ça. On améliore les choses. C'est tout ce que je peux dire.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. M. le député de... M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Écoutez, la députée de Marguerite-Bourgeoys me prête des intentions. Elle
dit : Le ministre est fatigué, est
tanné. Pas du tout. C'est un véritable plaisir, passer du temps ici, en
commission parlementaire, avec l'ensemble des membres de cette
commission.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette :
Bien oui, c'est des intentions.
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette : Bien oui, c'est des intentions. Autre point. Puis
ça, je pense que c'est important. Puis je suis convaincu, M. le Président, que ce n'est pas ce que la députée de
Marguerite-Bourgeoys a voulu dire, je suis convaincu.
Mais
le projet de loi n° 113, là, pour les milliers de Québécois qui n'ont
jamais connu leur mère, qui n'ont jamais connu leur père, je pense que
c'est un projet de loi fondamental. Durant des années, les enfants, au Québec,
pour des grossesses de filles-mères, dans
des villages, étaient cachés, étaient envoyés à Québec, à Montréal, à la
crèche. Vous ne savez pas à quel
point ça avait une importance fondamentale pour ces personnes-là. Donc, M. le
Président, je ne pense pas que la
députée de Marguerite-Bourgeoys a voulu dire que le projet de loi n° 113
était moins important moins important que celui sur la laïcité, parce que c'était fondamental pour ces
personnes-là de connaître leurs origines. Lorsqu'on est dans notre
famille biologique, on a l'opportunité de connaître nos parents. Et je pense
que ces personnes-là, durant des années et des années, ont attendu. Et je pense
que, pour eux, c'était extrêmement important, ce projet de loi là.
Le Président (M. Bachand) : D'accord. Je vous rappelle qu'on est sur un
différent projet de loi. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il
vous plaît.
Mme David :
Ce n'était certainement pas sur l'importance. Et, si le passé est garant de
l'avenir, je pense qu'il est évident que j'ai donné beaucoup dans le
sens de la compassion. Et j'en ai fait une carrière et un métier. Et ce n'est certainement pas que je dis que ce n'est pas
important. Je disais que c'était plus facile d'être consensuel et de
travailler tous ensemble sur ce projet-là. Alors, l'argument est... est, disons...
n'est pas très, très fondé. C'est surtout qu'il y a des projets de loi beaucoup plus consensuels que des projets de loi qui vont
aller enlever des droits des personnes. Encore là, dans ce cas-ci, on
donnait des droits.
Alors,
je ne veux pas non plus, M. le Président, parler trop longtemps de ça, mais ce
que je veux dire, c'est que, si on rajoute Loi sur l'Assemblée
nationale, c'est pour bonifier le projet de loi. Notre intention est très
positive.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, le projet de loi sur la laïcité n'enlève pas des
droits, il en donne. Il confère aux Québécois et aux Québécoises... Le
fait d'avoir un État laïque, c'est générateur de droits. Ça, je pense que c'est
important de le souligner.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Nous sommes sur
l'amendement du député de Nelligan. M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.
M.
Derraji : Oui, merci, M. le Président. Je veux juste comprendre parce
que j'ai l'impression que je n'ai pas entendu
la réponse. Mais je veux juste qu'on se concentre sur l'amendement. Je ne veux
pas qu'on revienne en arrière, à une
autre législature, ou énoncer des projets de loi, ou énoncer des anciens
collègues. L'important, c'est le projet de loi que nous avons devant
nous. Le projet de loi que nous avons devant nous, c'est la Loi sur la laïcité.
Je vais juste faire
un bref rappel à M. le ministre, M. le Président, que l'amendement, il est venu
suite au questionnement que nous avons posé tout à l'heure à M. le ministre, et
lui-même a pris le temps, a pris le temps pour nous répondre. Ce n'est pas négatif. Au contraire, c'est très positif,
et je le remercie parce qu'il nous a clarifié pas mal de points. Mais, à la lumière des clarifications,
moi, je n'étais pas convaincu. Encore une fois, cette loi, on veut que ce
soit le plus clair que possible. C'est pour
cela que je lui ai posé la question en quoi ça lui fait... ça l'affecte, le
fait de parler de la Loi sur
l'Assemblée nationale dans ce libellé. Et, si lui, il ne voit pas d'intérêt ou
il veut une autre formulation, qu'il nous la propose. Mais c'est
clairement...
M.
le Président, depuis tout à l'heure, on parle, avec raison, de la définition
des institutions parlementaires. Si on est
là encore, M. le Président, c'est parce que ça n'a pas été facile, la
compréhension, qu'est-ce que le ministre veut dire par rapport aux institutions parlementaires. Tantôt,
on parle d'institutions, tantôt, on parle d'individus. On parle du
Protecteur du citoyen, on parle d'un
commissaire au lobbyisme, on parle du Directeur général des élections, on parle
du Vérificateur ou la Vérificatrice
générale du Québec. Donc, ce qu'on voulait, c'est de mettre un point clair que
les institutions parlementaires, selon la définition de cette loi, c'est
tel que défini par la Loi sur l'Assemblée nationale. C'est que les gens peuvent
se référer directement à la Loi sur l'Assemblée nationale, et ça va être
beaucoup plus clair.
C'est
le ministre qui a pris du temps tout à l'heure, et je veux le remercier parce
que, sérieusement, on a avancé, au contraire.
Je pense que le débat que nous avons mené par rapport à l'institution
parlementaire nous a clarifié les points que le ministre vise par rapport à l'institution parlementaire, et ça lui
donne, et ça nous donne tous les assises pour respecter ce qu'on disait par rapport au socle de la laïcité de
l'État, qui repose sur les quatre principes que nous avons évoqués. Mais
le fait d'ajouter, avec cet amendement, la
Loi sur l'Assemblée nationale, ça va juste faciliter la compréhension du
libellé des institutions parlementaires.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. Interventions? M.
le ministre.
M.
Jolin-Barrette : M. le
Président, le député de Nelligan veut insérer «tel que défini par la Loi sur
l'Assemblée nationale». Savez-vous quoi, M.
le Président? Il y a des gens qui sont passés avant nous, puis il y a des gens
qui vont passer après nous, comme députés, et,
parmi les députés, il y a des ministres qui ont présenté des projets de loi, de
toutes les formations politiques, et ils
sont appuyés par une formidable équipe de juristes du ministère de la Justice
ou de l'exécutif.
Et savez-vous quoi? Il y a 278 lois qui
contiennent les mots «Assemblée nationale», et nulle part on a senti le besoin
de le définir. Alors, moi, je suis en politique depuis uniquement cinq ans.
C'est une des premières lois que je dépose
ici. Mais, quand je regarde ce qui s'est fait dans le passé, il m'apparaît que,
si l'ensemble des intervenants, au cours de l'histoire québécoise, ne l'ont jamais défini, «tel que défini par
l'Assemblée nationale», je pense qu'on doit peut-être faire preuve de
déférence envers eux.
• (21 h 40) •
Le
Président (M. Bachand) :
Interventions, toujours sur l'amendement? M. le député de Nelligan, s'il
vous plaît.
M. Derraji : J'aime beaucoup les
réflexes du ministre, parce que je les teste dans un autre projet de loi, et je
commence vraiment à le connaître très bien. Cette réponse, vous l'avez eue, M.
le ministre, à 21 h 40, j'aurais aimé l'entendre beaucoup plus tôt parce que même vous, vous avez eu beaucoup,
beaucoup de temps pour juste répondre à une question
très simple par rapport aux institutions parlementaires, et c'est là où nous-mêmes, nous avons ce
doute que, si, pour vous, ce n'est pas clair, les institutions parlementaires,
comment ça va être le cas pour les gens qui vont le lire?
C'est que,
depuis tout à l'heure, les questions que nous avons eues, je dirais, que mes
collègues les ont posées, c'est pour justement
demander des clarifications par
rapport aux institutions parlementaires. C'est le ministre qui a demandé pas mal d'arrêts pour vérifier, avec raison, parce que
ce n'était pas clair. C'est pour cela que l'amendement, il est venu.
Je n'ai pas eu le luxe et je n'ai pas ce
luxe d'aller vérifier l'ensemble des lois, vous êtes bien équipés, vous avez une
armée de personnes avec vous qui peuvent faire la recherche rapidement.
M. Jolin-Barrette : Soyons
pacifiques, pas une armée.
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît!
M.
Derraji : Je veux juste
rappeler un point très important, M. le
ministre... M. le Président, c'est que, si on est là avec
cet amendement, c'est que je sentais des doutes. Je n'ai pas
senti personnellement des réponses rapides par rapport aux institutions parlementaires,
et le doute s'est installé au fur et à mesure jusqu'à ce qu'on parle de l'institution
du lieutenant-gouverneur général.
Donc, encore
une fois, ça va être ma dernière question au ministre : En quoi — sans parler des autres lois, où... je
pense, il a nommé 260 — en quoi ça le dérange le libellé de parler de la
Loi sur l'Assemblée nationale? Parce qu'on parle d'un important projet
de loi sur la laïcité, mais donnons-nous les moyens d'avoir une bonne
définition.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? J'ai la députée de Maurice-Richard,
s'il vous plaît.
Mme Montpetit : Il n'y a pas de
réponse de la part du ministre?
Le Président (M.
Bachand) : Non. Vous avez la parole.
Mme Montpetit : Je voulais juste
revenir sur quelque chose qui m'a un peu fatiguée... bien, en fait, je vais
donner l'opportunité au ministre de peut-être compléter sa réponse qu'il
faisait ou son intervention qu'il faisait. Il dit, il y a quelques minutes, que, selon lui, son projet de loi est un projet
qui donne des droits. J'aimerais qu'il puisse nous expliquer ça parce que, de toute évidence,
peut-être... on n'est pas rendus très loin encore dans l'étude détaillée, on
est à peine à l'article 3 et, déjà, il y a peut-être une lecture sur une
prémisse de base sur laquelle on ne s'entend pas.
Je pense
qu'on est certainement beaucoup de personnes, à tout le moins, de notre côté, à
tout le moins, dans les groupes qui
sont venus faire des consultations, qui ont une lecture très différente de
celle qu'a fait le ministre, à savoir que c'est un projet de loi qui, de toute évidence... puis je n'arrive pas
à... j'essaie de comprendre sa pensée, mais c'est clairement un projet de loi qui enlève des droits, en vertu
de la Charte des droits et libertés, et j'aimerais bien l'entendre sur
comment lui, il évalue que c'est un projet de loi qui va venir donner des
droits.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui, M. le
Président. Bien, écoutez, dans le cadre des consultations aussi, si la députée
de Maurice-Richard y avait assisté, elle aurait pu...
Le Président (M.
Bachand) : M. le député, attention, attention! Allez,
continuez, mais il faut juste... Continuez, mais faites attention.
M.
Jolin-Barrette : Mais, dans
le cadre des consultations, M. le
Président, il y a plusieurs
groupes qui sont venus nous indiquer également que c'était générateur de
droits. Donc, M. le Président, je comprends que la députée de Maurice-Richard ne partage pas la perception que j'ai du projet de loi, ça lui
appartient. On a des opinions différentes du projet de loi, et ça ne
fait pas en sorte qu'on sera de moins bons amis.
Le Président (M.
Bachand) : La députée de Maurice-Richard,
s'il vous plaît.
Mme
Montpetit : Merci, M. le Président. J'essaie d'avoir un échange
constructif, ce qui semble être assez difficile avec le ministre, puis, je le dis, j'essaie vraiment d'avoir un échange
constructif. Je pose une question qui est, je pense, simple à une intervention qu'il a faite, je
n'essaie pas de susciter un débat. Le ministre a dit, il y a à peine cinq
minutes, que c'est un projet de loi qui
donnait des droits. Je lui pose une question qui est très simple, je lui expose
ma lecture des choses, je pense que,
quand on vient limiter un accès à une profession pour des motifs
discriminatoires, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, je considère et plusieurs personnes
considèrent qu'il y a une atteinte aux droits des gens.
Je vous pose la question, je peux vous la poser
de façon plus précise, puis on pourra en rediscuter quand on sera à l'article 3... à l'article 6. Je vous ai
posé la question hier, je vous l'ai émise dans mes commentaires préliminaires, je vous ai dit : Moi, si une parlementaire, si
un parlementaire voulait accéder à la fonction de vice-président de
l'Assemblée nationale, s'il devait porter un médaillon, est-ce qu'il pourrait
le faire? Je pense que c'est une contrainte à l'accession professionnelle, c'est une contrainte à
l'accession professionnelle pour plein de gens au Québec. Donc, je considère
et plein de gens considèrent que c'est une limitation au niveau des droits.
C'est une
question toute simple que je fais, je suis désolée que le ministre se sente
très attaqué dans cette question. Je
lui demande juste d'élaborer sur l'assertion qu'il a faite un petit peu plus
tôt, sur le fait qu'il considère que son projet de loi donne des droits aux gens. C'est une question
vraiment, vraiment simple. Je lui donne l'opportunité de nous expliquer
sa pensée.
Le
Président (M. Bachand) :
Tout en vous rappelant qu'on a quand même un amendement devant nous,
mais je vais laisser la parole au ministre.
M.
Jolin-Barrette : M. le
Président, j'apprécie l'opportunité que me donne la députée de Marguerite...
pardon, de Maurice-Richard d'indiquer pourquoi le projet de loi est générateur de droits. Il est
générateur de droits parce qu'il fait en
sorte que l'État québécois, il est laïque, que les Québécois vont avoir le
droit à des services publics laïques. Alors, en somme, je pense que ceci
est générateur de droits. Et vous constaterez, M. le Président, qu'avec égards
je ne partage aucunement l'analyse qui est effectuée par la députée de Maurice-Richard en lien avec le projet de loi, et que je ne
partage aucunement ses propos.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.
Mme
Lecours (Les Plaines) : Je voudrais juste comprendre pourquoi qu'on
passe toujours d'un article à un autre quand
on est rendus à l'article 3 puis on a un amendement sur l'article 3.
On n'est pas encore rendus à l'article 6. On fait étape par étape, donc... paragraphe par
paragraphe, puis on parle encore des signes religieux. On n'est pas rendus là.
On est rendus à l'amendement qui est déposé sur l'article 3. Je voulais
juste rappeler ça, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Je
ne veux pas qu'on fasse de débat là-dessus. Mme la députée de Maurice-Richard,
s'il vous plaît.
Mme
Montpetit : On ne fera pas de débat si vous me permettez de répondre à
la collègue. Je pense que, si elle a bien
suivi les travaux puis si elle est à l'écoute, ce que je présume qu'elle
faisait, le ministre a parlé du fait que son projet de loi donnait des droits. Ma question a été en ce
sens, pour lui demander de quelle façon il donnait des droits. De toute façon... De toute évidence, on ne partage pas du
tout la même opinion sur cet aspect-là, comme de nombreux groupes qui
sont venus dans les consultations.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Interventions? M. le député de Nelligan, s'il
vous plaît.
M.
Derraji : Écoutez, je pense que j'ai tout dit. Le ministre ne voit pas
l'utilité de parler de la Loi sur l'Assemblée nationale. C'est à lui de vivre avec ça et avec le libellé. Moi, je n'ai
pas d'autre intervention par rapport à cet amendement. Si le ministre ne
voit pas d'intérêt, écoute, ce n'est pas grave. Moi, je demande le vote...
Mme Robitaille : Ah! le vote? Ah!
parce que moi, j'avais un commentaire. Non, c'est juste que...
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme
Robitaille : En fait, quand je suis arrivée tout à l'heure, on
discutait justement de l'Assemblée nationale, ce que c'était. Mes collègues en parlaient, on posait beaucoup de
questions. Ça peut paraître simple, l'Assemblée nationale, mais ça ne
l'est pas. Et la preuve, c'est que, justement, le ministre consultait puis il
répondait aux questions, et je ne comprends vraiment pas, on regarde la loi,
là, sur l'Assemblée nationale, chapitre I, «Organisation et [fonction]», section I, «Composition», ça vient juste
circonscrire. Et je ne comprends pas pourquoi tant... le ministre est si peu
intéressé à considérer cet amendement-là, puisque c'est important. C'est
peut-être qu'à l'article 2 de cette loi-là on dit justement que
l'Assemblée nationale et le lieutenant-gouverneur constituent le Parlement du
Québec, et il ne veut pas rentrer là-dedans.
Mais
c'est juste un commentaire pour les fins des enregistrements ici, que ça venait
bonifier le projet de loi. Et c'est
très, très important, ma collègue l'a dit, là, c'est des enjeux cruciaux qui
sont discutés. Et, quand on a la chance de pouvoir circonscrire certaines définitions, bien, faisons-le. Bon, le
ministre refuse, là, le ministre ne veut pas regarder ça, mais je considère que
c'est dommage, puisque ça aurait vraiment amené quelque chose de plus, ça
l'aurait bonifié, ça l'aurait circonscrit, et on ne peut jamais
circonscrire assez.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions sur l'amendement du
député de Nelligan? S'il n'y a pas d'autre intervention, je vais mettre l'amendement
aux voix. Est-ce que l'amendement est adopté?
Une voix :
Rejeté.
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : Appel nominal? Mme la secrétaire, s'il
vous plaît.
• (21 h 50) •
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji :
Pour.
La Secrétaire :
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?
Mme
Robitaille : Pour.
La Secrétaire :
Mme Montpetit (Maurice-Richard)?
Mme
Montpetit : Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M.
Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire :
Mme Lachance (Bellechasse)?
Mme
Lachance : Contre.
La Secrétaire :
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Contre.
La Secrétaire :
Mme Lecours (Les Plaines)?
Mme Lecours (Les
Plaines) : Contre.
La Secrétaire :
Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?
Mme Tardif :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lamothe (Ungava)?
M. Lamothe :
Contre.
La Secrétaire :
M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata)?
M.
Tardif : Contre.
La Secrétaire :
M. Lafrenière (Vachon)?
M.
Lafrenière : Contre.
La Secrétaire :
M. Zanetti (Jean-Lesage)?
M. Zanetti : Abstention.
La Secrétaire :
M. Bérubé (Matane-Matapédia)?
M.
Bérubé : Contre.
La Secrétaire : M. Bachand
(Richmond)?
Le Président (M.
Bachand) : Abstention. L'amendement est rejeté.
Alors, on
retourne pour discussion, interventions, à l'article 3. Mme
la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : J'ai un amendement.
Le Président (M.
Bachand) : Bien sûr, si vous voulez en
faire la lecture, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Vous voulez que je
le lise ou...
Le Président (M.
Bachand) : Faites-en la lecture, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Oui, O.K.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
Mme Robitaille : Donc, c'est le
premier alinéa de l'article 3 : «"Institutions
parlementaires" : l'Assemblée nationale,
de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci», et là, «suivantes : [la commission] à
l'éthique et à la déontologie des membres de
l'Assemblée nationale, [la] Commissaire au...» pardon, «le Commissaire à
l'éthique et à la déontologie des membres de
l'Assemblée nationale, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des
élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général du Québec».
Le Président (M.
Bachand) : Parfait.
Nous allons suspendre quelques instants pour
distribution. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 21 h 51)
(Reprise à 21 h 56)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous sommes sur l'amendement
déposé par la députée de Bourassa-Sauvé. Mme la députée, s'il vous plaît.
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît! Merci.
Mme Robitaille : ...
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît! Merci. Mme la
députée, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Oui. Alors donc,
par souci de précision, on considérait que c'était important de préciser les différents commissaires qui étaient visés à ce premier alinéa, parce que, là, dans
la version originale, on dit : «...de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci
pour exercer une fonction qui en relève.» C'est vague. C'est sûr que ça bonifierait si on préciserait exactement les
commissaires, le protecteur puis le vérificateur. Alors, encore une fois,
parce que c'est important de circonscrire puis d'être précis, alors on
ajoute... on précise.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci, Mme la députée. Interventions? S'il vous plaît, votre attention.
Intervention, M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : M. le
Président, nous ne pourrons être en accord avec l'amendement parce qu'on vient
définir directement les personnes qui sont visées, les institutions, mais ça
voudrait dire que, si jamais l'Assemblée nationale avait une autre personne
désignée ou nommée, elle ne serait pas indiquée dans l'article, le paragraphe
1°.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée, intervention?
Mme Robitaille : Oui. On peut...
Une
voix : ...
Mme
Robitaille : Oui, vas-y, vas-y.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous
plaît. Pardon.
M. Derraji :
Je suis surpris de la réponse et je veux juste la comprendre. Donc, le ministre
n'accepte pas l'amendement parce qu'il ne veut pas spécifier, parce que, s'il
spécifie, ça lui enlève d'ajouter des personnes. Est-ce que c'est ça?
M. Jolin-Barrette :
Parce que...
M.
Derraji : Donc là, l'amendement spécifie des institutions. Vous ne
voulez pas spécifier les institutions parce que, s'il y a un ajout, ça enlève le pouvoir... Il ne faut pas les
ajouter. Si on met juste la liste de ces institutions... Juste répéter
ce que vous venez de dire.
M. Jolin-Barrette : La formulation actuelle du projet de loi fait en sorte que les
personnes nommées ou désignées qui relèvent de l'Assemblée nationale
sont visées par l'obligation de laïcité de l'État. Si vous les inscrivez de
façon nommément dans l'article, ça fait en
sorte que, dans l'éventualité où il y aurait une sixième personne désignée ou
nommée par l'Assemblée nationale, bien, ça ferait en sorte qu'elle ne serait
pas visée par la loi sur la laïcité.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, en
complément, oui, allez-y.
M. Derraji :
Oui. Donc, si on parle, par exemple, c'est un cas hypothétique, sixième
personne nommée par l'Assemblée nationale,
cette personne nommée fait partie... c'est : nommée dans le cadre d'une
loi. Et, si la personne est nommée dans le cadre d'une loi, cette loi,
elle est liée à l'Assemblée nationale. Oui ou non?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, je ne suis pas sûr de comprendre la
question du député de Nelligan.
M. Derraji :
Bien, je demande la patience du ministre parce que je ne pense pas que j'ai les
qualités du ministre, je ne suis pas
juriste, parce que j'essaie juste de comprendre sa réponse. Ma collègue la
députée de Bourassa-Sauvé parlait,
«l'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci
suivantes». Là, on les nomme. Le
ministre dit que, si jamais, si jamais il y a une sixième personne et une
septième personne à ajouter, il ne peut pas parce que c'est déjà nommé, il ne peut pas l'ajouter. Mais cette
personne qu'on va ajouter ou cette institution qu'on va ajouter, ça va
être ajouté dans le cadre d'une loi. La loi, c'est la Loi de l'Assemblée
nationale. C'est ça?
• (22 heures) •
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : On est, M. le Président, dans les conjectures hypothétiques. Ce que le député
de Nelligan nous dit, par sa
question, c'est de dire : Écoutez, si on voulait rajouter une nouvelle personne
désignée ou nommée par l'Assemblée nationale, ça serait dans la Loi sur l'Assemblée
nationale.
Moi,
M. le Président, je ne le sais pas. D'habitude, quand on modifie
la Loi sur l'Assemblée nationale, ça se fait de consentement avec les leaders. D'ailleurs, on a la chance, M. le Président, de retrouver notre bon public ce soir. Et, à titre de témoignage, M. le Président, vous noterez qu'à cette législature-ci on a modifié la Loi sur l'Assemblée nationale. Oui, on l'a fait. Je l'ai fait, mais pas tout
seul, en compagnie du député de Jean-Talon, avec qui ça a été un plaisir de rédiger un projet
de loi. D'ailleurs, ça a été beaucoup
moins long qu'ici, et je pense que c'était beaucoup plus porteur pour
Québec solidaire et le Parti québécois puisqu'ils ont obtenu la reconnaissance
d'un parti officiel avec des budgets associés.
Alors, voyez-vous à
quel point...
Le Président (M. Bachand) : M. le
député de Nelligan.
Après ça, le député de Matane-Matapédia a demandé...
M.
Jolin-Barrette : Puis je vais terminer. Alors, je me sentais
interpelé.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, allez-y, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, alors je crois savoir
pourquoi le député de Matane-Matapédia... Je viens d'y penser.
Le
Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Si c'est ce que je pense, ça sera amusant, M. le Président.
Alors, il est
déjà prévu dans le projet de loi que les personnes désignées ou nommées qui
relèvent de l'Assemblée nationale sont visées. Ce que vous faites, c'est d'amener
une précision qui est non nécessaire et qui devient restrictive et rigide. Alors, dans la rédaction du texte de loi, il
n'est pas opportun d'amener cette précision-là qui cristallise la situation
juridique.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il
vous plaît.
M.
Derraji : ...sur l'Assemblée nationale ne plaît, ni la précision des institutions ciblées ne plaît au ministre, mais, tout
à l'heure, il vient de dire que, s'il
y a une sixième personne, bien, cette sixième personne ou ce sixième ajout
sera dans le cadre d'une loi.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre, oui.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, ce que le député de Nelligan nous a dit, il nous a dit : Écoutez,
ça va se faire par le biais de la
modification à la Loi sur l'Assemblée
nationale. Or, dans la Loi sur l'Assemblée nationale, ce ne sont pas là que les personnes désignées se trouvent. Alors, pour modifier la Loi
sur l'Assemblée nationale, généralement, ça se fait avec l'ensemble
des formations politiques. Or, dans ce cas-ci, ça m'étonnerait que, s'il y
avait une sixième personne désignée, elle soit dans la Loi sur l'Assemblée
nationale. Elle serait plutôt dans une loi séparée, comme la loi sur le Commissaire à l'éthique ou la loi sur le
lobbyisme. Voyez-vous, ça serait une loi distincte fort probablement,
j'imagine. Mais c'est hypothétique, parce que là il n'y a pas de sixième
personne.
Le Président (M. Bachand) :
M. le député de Matane-Matapédia, s'il vous plaît.
M.
Bérubé :
Je me suis senti interpelé, M. le Président. Ce n'est pas nécessairement lié au
débat, mais je veux juste rappeler au
leader du gouvernement que ce qu'il a fait en compagnie du leader de
l'opposition officielle, c'est appliquer une réciprocité, la même chose
que le Parti québécois et le Parti libéral a fait à l'ancêtre de la Coalition
avenir Québec, l'ADQ, pour reconnaître alors
qu'ils étaient quatre députés. Parlez-en au député de Granby, de Chutes-de-la-Chaudière,
de La Peltrie.
Alors, il ne fait pas la charité, et je
l'inviterai à ne pas revenir là-dessus. Ça ne sera pas à son avantage.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci, M. le député. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous
plaît.
Mme
David : C'est fort intéressant, les interactions comme ça, où on lui
remet le sourire, au moins. Alors, ça, c'est très bien.
M. Jolin-Barrette : ...M. le
Président, le député de Matane-Matapédia, il me rend de bonne humeur, et je le
remercie pour ça.
Le
Président (M. Bachand) :
Bon. Alors, merci beaucoup, M. le député de Matane-Matapédia. Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.
Mme
David : Et peut-être pour d'autres choses. Donc, nous, on vous rend
moins de bonne humeur, mais ce n'est pas grave, on continue avec le
sourire.
La question
que je voudrais vous poser : À votre connaissance, ça fait combien de
temps qu'on a créé une nouvelle entité désignée, nommée, dites-le comme
vous voulez, par l'Assemblée nationale et responsable devant elle? Il y a cinq
entités. D'après vous, dans les cinq dernières années, 10 dernières années, là,
il y en a eu combien?
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. De
mémoire, le Commissaire à l'éthique, il me semble que c'est vers 2009, 2010,
dans ces années-là, mais je n'étais pas ici encore.
Mme
David : Donc, ça n'arrive pas souvent, là, qu'on fait ça. Et autre...
deuxième question, le Commissaire à l'éthique, là, et la déontologie, il a dû être créé par une
loi.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Dans notre
système, tout est créé par loi.
Mme
David : Et donc, à ce moment-là, s'il a été créé par une loi, le
prochain serait créé par une loi. Si jamais, une fois par 10 ans... parce que, là, dans 10 ans... vous,
vous allez rester là 20 ans, vous en verrez peut-être deux dans
votre carrière d'éminent juriste, et ministre, et peut-être à l'opposition, on
ne sait pas. Mais, peut-être, disons, vous en verrez
deux. Mais, si c'est par loi, détrompez-moi si... corrigez-moi si je me trompe,
quand on fait une loi puis... bon, j'en ai vu quelques-unes quand
même, à la fin, il y a toujours : Cette loi implique automatiquement la modification à telle
loi, telle loi, telle loi. Et là arriverait
la loi n° 21, si elle porte encore ce numéro-là, parce que,
là, il y a des petits trucs autour de ça, là. Et donc tout ce qui arriverait, c'est
qu'automatiquement on aurait une sixième entité sous la loi de la laïcité parce que
l'autre loi référerait et inclurait... Alors, ça, je ne pense pas me tromper,
mais je vous pose la question pour être sûre que je ne me trompe pas.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, il est vrai que, lorsqu'il
y a création généralement d'une personne désignée, ça se fait effectivement par loi. Mais, exemple, je pense que le Commissaire au lobbyisme,
c'était vers 2002, 2003, ces années-là. Le Protecteur du citoyen, je pense qu'on fête son 50e anniversaire, la Vérificatrice générale, on a fêté son 75e, peut-être même plus que ça... 125e, 125e, excusez-moi, 125e, il
me semble 125e l'année passée ou il y
a deux ans. Mais ça s'est transformé, là, au cours des années, là. Mais, sur
le fond de l'amendement, il n'est pas nécessaire sur le plan
légistique de l'insérer.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : C'était bien intéressant, votre retour historique, mais ça répond à ma question
qu'il n'y en a pas eu, d'une part, il n'y en a vraiment
pas eu beaucoup. Quand on sait que la moyenne des députés sont là
cinq, six ans, sept ans, six ans. Alors, vous avez dépassé tous les
scores probablement, et donc...
Une voix :
...
Le Président
(M. Bachand) : S'il vous plaît, s'il vous
plaît, M. le ministre.
Mme
David : ...et donc vous
allez peut-être en créer vous-même, qui sait, un jour, une nouvelle entité. Mais
ça, vous n'avez pas répondu à ça. Ça, c'est
une vraie question pour un juriste, là. Parce que
moi, j'en ai fait passer, des lois, puis,
à la fin, là, il me semble, là, qu'il est toujours écrit : Cette
loi modifie l'article je ne sais pas quoi de telle loi, telle
loi, telle loi. Puis ça, ça a l'air d'être
du jargon de juriste, mais, à un
moment donné, ça veut dire quelque chose. Ça veut dire que ça va appliquer dans les dispositions effectivement à la fin, là, modificatives ou, enfin, ces trucs-là. C'est toujours
à la fin des projets de loi, puis, automatiquement, ça oblige à changer certaines lois. Puis alors,
ça serait quoi la différence avec celle-ci
si tant est qu'un jour, peut-être dans 10 ans, il y aurait une nouvelle
entité? Elle serait automatiquement incluse dans les dispositions à la
fin.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Voyez-vous, M. le
Président, en 2017, lorsque Mme
Vallée, alors ministre de la
Justice, a fait adopter le projet de loi n° 62, pour
lequel les collègues libéraux ont voté en faveur, eh bien, à l'article 3.2°,
dans l'article : «Pour l'application du présent chapitre sont également
des membres du personnel des organismes publics :
«2°
les personnes nommées ou désignées par l'Assemblée nationale pour exercer une
fonction qui en relève...»
Alors, M. le Président, depuis 2017, la façon dont
on rédige la législation n'a pas changé, et j'invite les parlementaires ici, autour de cette table, à faire preuve de
cohérence légistique et à s'assurer que le corpus de l'ensemble des lois
demeure le même par souci de cohérence. Je pense que c'est important aussi
quand on fait de la législation, comme on le fait présentement, il faut que ça
soit cohérent avec l'ensemble des dispositions qui se retrouvent dans les
différentes lois québécoises.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
• (22 h 10) •
Mme David :
Oui. J'aime beaucoup le mot «cohérence», parce que je pense ça va revenir
beaucoup dans les prochains articles de loi,
alors, beaucoup, beaucoup, beaucoup. Donc, on va se souvenir de votre belle
intervention sur la cohérence parce
que, je pense, c'est l'adjectif ou le... c'est le nom qui va revenir le plus
souvent dans les prochaines heures, les
prochains jours. Mais, mais, est-ce que j'ai raison? Je vais poser ça
différemment. Est-ce que j'ai raison de penser que, dans une éventuelle
création d'une nouvelle créature de l'État, qui serait un sixième...
Une voix :
...commission.
Mme
David : ...commission,
voilà, merci, un commissaire ou... il y aurait une disposition, à la fin, qui
pourrait tout à fait dire que cette personne-là est incluse ou le
poste est inclus dans l'article x de la loi n° 21
et donc soumis à ça parce qu'elle
répond tout à fait au critère de personne désignée par l'Assemblée.
Je sais que ce n'est pas le vocabulaire
juridique parfait, mais j'ai l'impression
que les juristes diraient : C'est de même que ça marche, parce qu'il me
semble qu'ils m'ont souvent dit ça.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je ne peux pas présumer de ce qui se
retrouverait dans une loi future pour un futur poste inconnu. Je
l'ignore, M. le Président. On est dans la cartomancie, là.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Oui. J'écoute
ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, bien, elle a tout à fait raison. Et puis ce n'est
pas parce qu'avant on ne l'a pas précisé qu'on ne peut pas le préciser
maintenant, on ne peut pas bonifier ce qui a déjà été fait. Le ministre a dit, tout à l'heure... a nommé ces
commissaires-là. Et je pense que, pour le contribuable, pour le
Québécois, le citoyen... tu sais, pour les gens qui lisent la loi, qui veulent
comprendre la loi, on a... En tout cas, il est avantageux pour tout le monde de
savoir de quoi on parle. Et donc, comme ma collègue le dit, et comme le
ministre nous l'a expliqué, ça n'arrive pas
souvent qu'on crée une commission, puis, quand on crée une commission, bien, il
y a nécessairement une loi qui vient avec. Et puis on peut certainement faire
l'amendement nécessaire à l'article 3, mais, par
souci de précision, je pense qu'il serait à l'avantage de tout le monde de savoir
de quoi on parle. Et, encore une fois, ici, c'est très, très important de savoir de quoi on parle, de qui on parle,
de quelle institution on parle, et ça vient juste ajouter, vient juste
bonifier. Je ne comprends pas les réticences du ministre.
Le
Président (M. Bachand) :
Interventions? Pas d'intervention... Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
s'il vous plaît.
Mme David : Bien, comme c'est la
première fois de ma vie que je me fais donner le beau qualificatif de cartomancienne, je vais aller... c'est vrai, ça ne
m'est jamais arrivé. Alors, c'est le fun, on vit toutes sortes de
nouvelles expériences dans la vie.
À la page 8
de votre propre projet de loi n° 21, c'est exactement... Je ne pense pas que c'est
de la cartomancie de lire l'article 17, 18, 19, 20 :
«Charte des droits et libertés de la personne.
«17. La Charte des droits et libertés de la
personne est modifiée par l'insertion, après le troisième alinéa du préambule,
de l'alinéa suivant :
«"Considérant l'importance fondamentale que
la nation québécoise accorde à la laïcité de l'État;".»
Article 18 : «L'article 9.1 de cette charte
est modifié par» ta, ta, ta.
Article
19 : «Le préambule de la Loi favorisant le respect de la neutralité
religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes
d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes est abrogé.»
Article 20 : «L'article 1 de cette loi est
modifié :
«1° par le remplacement du premier alinéa par le
suivant...»
L'article 9 est abrogé. L'article 12 est
modifié. L'article, section VI de cette loi, chapitre III, est abrogé.
Bien, c'est
ça que je voulais dire. Je ne pensais pas que tout se retrouvait là, parce que
je ne connais pas tout le projet de
loi par coeur, M. le Président, mais c'est exactement à ça que je référais.
C'est plein de juristes derrière. Venez à mon secours, là. C'est à ça
que ça sert, là, toutes ces dispositions modificatives.
Alors, qu'est-ce que ça serait de dire, dans la
nouvelle loi : D'un commissaire à... je ne le sais pas, moi, un commissaire à quelque chose, qui doit être nommé
aux deux tiers par l'Assemblée nationale... bien, en fait, proposé par
le premier ministre, voté, et qui, il le dit
bien, relève... ne relève, ne relève pas, là... attendez... «De même que les
personnes nommées [...] pour exercer une fonction qui en relève». Alors, ça
répond à tous ces critères-là. On crée une sixième commission... commissaire. Bien là, on dit : La création de ce
commissaire abroge l'article 3 de la loi n° 21 en ajoutant
à la liste, puis là, là, je vais devenir une
juriste à force de lire des façons de le dire, ils le disent beaucoup mieux que
moi, en ajoutant le commissaire, ta, ta, ta.
Là, vraiment, là, ce n'est pas de la
cartomancie, là, je veux savoir si l'article 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26 n'est pas exactement ce que je suis en
train de vous proposer bien humblement, parce que je fais mon possible
pour vous convaincre que la chose n'est pas
si compliquée. Puis pourquoi on prend ce temps-là, c'est parce que
c'est exactement votre réplique ou
votre réponse à ma collègue et à son amendement. Vous dites : Bien non, ça va être trop
compliqué au cas où on invente ou on crée, puis ça sera peut-être un
progrès probablement de société si on crée une nouvelle commission. Donc, si ce
n'était pas ça, votre réponse, on n'en serait pas là, mais votre réponse,
c'est : Ah, c'est compliqué, ça
ne se fait pas. Premièrement, ça n'arrive pas à tous les ans. Deuxièmement, ça... le dernier, ça fait au moins 10 ans, 11 ans. Et puis, troisièmement, bien, il y en a
dans sa propre loi. Donc, il y a plein, plein, plein d'inspiration qu'il
peut prendre. C'est ça, le sens de notre amendement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Interventions?
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le
Président.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Moi, je
suis quand même curieux que la ministre de la Justice
libérale, Mme Vallée, en 2017, n'ait pas été dans le sens que les
collègues du Parti libéral proposent aujourd'hui. Pourquoi, dans le cadre du projet
de loi n° 62, on ne venait pas spécifier? Il devait bien y
avoir une raison. Et, si la ministre
de la Justice de l'époque n'a
pas agi en ce sens-là, je pense qu'elle
avait raison, et je pense qu'elle comprenait l'aspect légistique de la chose.
Donc, en 2017, le Parti libéral, pour la même disposition, ne l'a pas fait, le même... pratiquement le même
libellé, ne l'a pas fait. Je ne verrais
pas pourquoi, aujourd'hui, on le ferait. Surtout que c'est soutenu par des
arguments légistiques. Et, M. le
Président, je vous inviterais peut-être à disposer de l'article 3 d'ici la
fin pour qu'on puisse avancer aujourd'hui.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Si le ministre
veut faire ce que le Parti libéral a fait avant, qu'il garde la loi n° 62. Si la ministre de la
Justice a fait ça... si la ministre de la Justice n'a pas cru bon, à cette époque-là, de donner une
définition précise, bon, ça lui
appartient. Pourquoi le ministre, lui, ne veut pas bonifier, pourquoi le ministre,
lui, ne veut pas préciser? Est-ce
qu'il peut nous expliquer au moins? Parce qu'on veut bonifier la loi.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le
Président. Juste rappeler aux membres de cette commission que le projet de loi
n° 62, il est suspendu par les tribunaux.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme
Robitaille : C'est votre réponse, M. le ministre? On vous propose de
bonifier votre projet de loi, puis vous répondez de façon cavalière,
c'est ça?
Le
Président (M. Bachand) : Mme
la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît. S'il vous plaît, ne jugez
pas, O.K.? Alors, faites attention à vos mots...
Mme Robitaille : Je constate, je
constate.
Le
Président (M. Bachand) :
Faites attention à vos mots, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous
plaît.
Mme
Robitaille : O.K., d'accord, alors, je réitère. On veut bonifier, on
veut circonscrire, on nomme. Le ministre nous a, tout à l'heure, énuméré ses différents commissaires. Maintenant,
on veut le mettre, nous, dans la loi. Je me demande pourquoi le ministre
est réfractaire à ça.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions?
M.
Jolin-Barrette : M. le
Président, j'ai déjà répondu à de multiples reprises sur ce point. Je pense que
le fait d'inscrire, d'une façon
détaillée, les personnes, il n'est pas nécessaire de le faire parce que
l'article, il est déjà clair. Les personnes nommées ou désignées par
l'Assemblée nationale qui en relèvent, c'est beaucoup plus englobant et c'est surtout avec l'approche de rédaction légistique
qui a été développée au sein du gouvernement du Québec et par souci de cohérence avec le corpus législatif, c'est de
cette façon-là qu'on doit l'indiquer. Et, d'ailleurs, la ministre de la
Justice libérale, Mme Vallée, était d'accord
avec ça puisque c'est ce qu'elle a fait dans le cadre du projet de loi
n° 62 en 2017, pour lequel le Parti libéral a voté en faveur.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.
• (22 h 20) •
M. Derraji :
M. le Président, j'ai juste une suggestion pour qu'on avance très bien. Je
pense que nous sommes dans un projet
de loi n° 21, loi sur la laïcité, avec un gouvernement caquiste et non pas
libéral, et je pense que ça serait bien qu'on reste sur la loi n° 21 au lieu de se référer à des projets de loi,
parfois 62 ou autres. Je ne pense pas que ça avance la discussion et ça
ne nous amène nulle part.
Et l'amendement, encore une fois, l'essence même
de l'amendement proposé par ma collègue députée de Bourassa-Sauvé vise une seule chose, c'est de la clarification et
spécifier les institutions. Et c'est ce que j'ai compris moi-même depuis le début de mes questions au ministre, de spécifier c'est
qui, ces institutions parlementaires, et l'ajout... qu'on le trouve, d'ailleurs, dans la section
commentaires du document que j'ai devant moi. Ça va juste donner un peu plus de clarifications par rapport
aux institutions parlementaires. Les arguments du ministre de ne pas le mettre
et de garder ça tel qu'il est, à
savoir : «"Institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale, de même
que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une
fonction qui en relève»... Personnellement, je ne vois pas que ça clarifie les
institutions parlementaires.
Et, depuis tout à l'heure, je pense que le ministre a senti que, moi, personnellement, je n'ai pas
compris, ce n'est pas clair. Les collègues, ils ont proposé des
amendements. Moi-même, j'ai proposé l'amendement par rapport à Loi de l'Assemblée nationale. Le ministre a dit qu'il ne peut pas, mais je pense
que l'ajout de ces organismes, ça clarifie qu'est-ce que le ministre
aimerait... ce que le ministre sous-entend par rapport aux institutions parlementaires. À moins... si le ministre a
d'autres propositions de formulation des exemples, qu'il nous la
présente. Mais, sérieusement, je
pense qu'au contraire ça donne
une clarification, cet amendement.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David : Je vais prendre un autre angle. Pourquoi
alors le ministre a-t-il l'annexe I, l'annexe II, annexe
I, articles 3, 7, 10, annexe II, 6, 14, 27,
annexe III, article 7, pour donner moult détails, moult détails? Et
on est rendu même dans les agents, la
Commission municipale du Québec, la Régie
de l'énergie, la Régie des alcools, des courses et des jeux,
la Régie du bâtiment... Alors, Vérificateur général d'un
bord, Régie du bâtiment de l'autre, Régie du bâtiment où je ne
suis pas sûre qu'il y a
tellement de monde visé de toute façon par l'article 6,
parce que l'annexe II, c'est l'article 6
surtout. Mais là on prend la peine
d'aller très, très, très loin dans la liste de tout le monde et on pourrait même mettre des noms tellement il y a peu de
personnes visées, probablement qu'il
n'y aurait aucun nom à mettre sur la
plupart des choses visées. Et, à l'annexe I, même chose, «sociétés de transport en commun, [...]Autorité régionale
de transport métropolitain ou tout autre exploitant d'un système de
transport collectif». Et puis là on peut... si je vous lis tout ça, là, ça va
être très long.
Alors, pourquoi, pour
certains articles, il y a moult et moult descriptions, alors que, pour quelque
chose où ça prendrait trois lignes, bien là ça devient une histoire de législature,
que ce n'est pas cohérent, etc.? Moi, j'en perds un petit peu mon latin.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, Mme
la députée. Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, moi, je ne parle pas latin, M. le Président. J'aurais aimé, il paraît que c'est pratique pour écrire, pour
les accords, et puis tout ça.
Cela étant dit, la
députée de Marguerite-Bourgeoys fait une comparaison entre un terme qui est
englobant, exemple, les personnes nommées ou désignées et qui
relèvent de l'Assemblée nationale, donc ça permet d'englober les personnes qui sont visées, et elle donne le
comparatif, M. le Président, avec les annexes. Dans le cadre des annexes,
il faut qu'on sache qui est visé en
l'occurrence. Or, quand qu'on lit l'article en question, sur lequel la députée de Marguerite-Bourgeoys
souhaite faire un amendement, c'est très clair qu'on sait à qui on fait
référence. Les annexes servent à énumérer pour savoir l'application parce que
vous ne pouvez pas avoir de terme générique qui couvre l'ensemble des différentes institutions qui sont visées à
l'annexe II. C'est pour ça, la différence. Et ce sont pratiquement les
mêmes annexes que dans le cadre du projet de loi n° 62.
Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il
vous plaît.
Mme David : Bien, M.
le Président, je ne veux pas
insister, mais c'est tellement clair pour l'Assemblée nationale que vous
avez suspendu au moins 10 minutes. Excusez, là, mais ça ne devait pas être si
clair que ça, parce que vous êtes vite à répondre quand vous la
savez, la réponse, très, très, très vite, la gâchette est là...
Alors, moi, je vous
propose gentiment que ce n'est tellement pas long... À la limite, pour ne pas
référer dans l'annexe? Mais, si c'est si
important d'avoir une annexe très,
très, très précise pour les organismes,
très, très, très précise pour les personnes visées, bien, pourquoi
les organismes visés par votre article 3 soient moins
importants que les organismes visés
par d'autres? Il y a quelque
chose qui m'échappe, honnêtement. L'institution parlementaire, ça serait vraiment le fun d'avoir plus
de détails. Mais vous le dites pour l'article... dans l'article 3, ça va être aux institutions
gouvernementales, vous le faites, on le
sait, j'en parle, l'annexe I, mais, institutions parlementaires, c'est
comme : ça, il ne fallait pas aider le citoyen à comprendre ce que
ça veut dire.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, Mme la
députée. Interventions? Intervention, M. le député de Nelligan, s'il vous plaît?
M.
Derraji : Oui, mais je veux
juste que le ministre collabore davantage, parce qu'encore une fois je ne comprends
pas pourquoi il ne veut pas spécifier.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions?
M.
Jolin-Barrette : M. le Président...
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
...ça doit faire une heure qu'on est sur cet amendement-là, j'ai répondu
abondamment. Honnêtement, je n'ai plus rien
à dire. Je pense que mes propos sont très clairs et j'ai expliqué les tenants
et aboutissants. Alors, pourquoi est-ce qu'on laisse les personnes
nommées ou désignées par l'Assemblée nationale qui en relèvent?
Le
Président (M. Bachand) : Merci.
M. Derraji :
Je n'ai pas bien entendu la fin.
Le
Président (M. Bachand) : Pourriez-vous juste répéter la fin de
votre réponse, M. le ministre?
M. Derraji :
Désolé, je n'ai pas bien entendu la fin.
M.
Jolin-Barrette : J'ai dit que j'avais déjà répondu à toutes vos
questions.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan.
Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Oui, mais ce
que ma collègue de Marguerite-Bourgeoys a soulevé est très, très vrai. Et
puis le ministre parle de cohérence, bien, c'est vrai qu'à l'annexe I, il y a
une foule d'organismes, des commissions scolaires et toutes sortes... c'est ça, toutes sortes
d'organismes qui sont nommés. Et là nous, on propose au ministre
de faire la même chose à l'alinéa
un, de nommer la... de bien préciser qu'on parle de la Commissaire à l'éthique et à la déontologie
des membres de l'Assemblée nationale, le
Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur
du citoyen, le Vérificateur général du
Québec. Pourquoi, à l'annexe I, on fait toute une nomenclature, on nomme plein,
plein, plein, de commissions, plein d'organismes et de sociétés et puis, à
l'alinéa un, on s'empêcherait de faire ça?
Bon, par
cohérence, il me semble que les propos de ma collègue de Marguerite-Bourgeoys
sont tout à fait justes. On devrait aussi préciser qu'est-ce qu'on veut
dire par personnes désignées.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.
Mme Montpetit : Bien, je vais peut-être
donner une chance supplémentaire encore au ministre de nous l'expliquer puis je pense que la question,
elle est très légitime. Il nous a déposé un projet de loi en Chambre, on
l'a consulté. Quand on regarde à l'article
3, il n'y a pas de liste des personnes désignées et, quand il
nous remet un document aux fins des
échanges qu'on a ce soir, aux fins des échanges qu'on a dans les premiers
jours, là, il y a une petite colonne qui s'ajoute, à côté de
«commentaires».
Mais là, dans
la liste de commentaires, là, on vient décrire qui sont ces personnes. Donc, je
présume que, si cette liste-là, elle est ajoutée, c'est parce qu'elle
est pertinente aux fins de nos échanges. Et c'est un peu le fond de notre question,
à savoir si c'est pertinent de venir écrire, dans une colonne commentaires»,
que les personnes qui sont nommées ou désignées sont le Commissaire à
l'éthique et à la déontologie, sont les membres de l'Assemblée nationale, sont
le Commissaire au lobbyisme, sont le
Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur
général du Québec.
Je présume
que, s'il y a une raison pour laquelle on nous l'ajoute dans la liste des
commentaires, c'est aux fins de notre compréhension. Donc, ne serait-il
pas pertinent et légitime que ces fonctions se retrouvent à même directement l'article? C'est le fond de la question. Donc, si
le ministre veut bien nous éclairer des raisons pour lesquelles il ne
trouve pas pertinent de les intégrer, je
pense que ce serait apprécié, s'il n'est pas pressé de quitter et de ranger son
ordinateur. Il nous reste quelques minutes pour les échanges.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions?
S'il n'y a
pas d'intervention, compte tenu de l'heure, la commission va ajourner ses
travaux. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 22 h 30)