(Dix
heures)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Merci et bienvenue. Ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la Commission des institutions
ouverte. Je demande, bien sûr, à toutes les personnes présentes dans la salle
de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est
réunie afin de procéder à l'étude de crédits du portefeuille Justice pour
l'exercice financier 2019‑2020. Une enveloppe de sept heures a été allouée pour
l'étude de ces crédits.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) et M. LeBel (Rimouski)
est remplacé par Mme Hivon (Joliette).
Justice
Remarques préliminaires
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. Nous allons débuter par les
remarques préliminaires, puis nous
allons procéder à une discussion d'ordre
général par bloc d'environ 20 minutes, incluant les questions et les
réponses. La mise aux voix de ces crédits sera effectuée à la fin du
temps qu'il leur est alloué, soit demain, vers 13 heures.
Nous
débutons donc avec les remarques préliminaires. Je cède la parole à Mme la
ministre pour une période de 15 min 47 s. Bienvenue. Je
vous cède la parole.
Mme Sonia LeBel
Mme LeBel :
Alors, merci, M. le Président. Bienvenue à tout le monde pour ce début, mes
débuts d'ailleurs, en crédits
Justice. Je tiens à prendre quelques instants effectivement pour souligner la
présence de plusieurs personnes aujourd'hui.
J'aimerais remercier mes députés, collègues qui sont ici, qui siègent sur la
Commission des institutions avec vous, M. le Président, et qui sont ici pour participer à cet exercice avec moi ainsi
qu'également que mes collègues députés de l'opposition, qui, j'en suis certaine, feront en sorte de faire
des débats constructifs. Je les connais, je les ai vus dans le passé, je n'ai
pas eu à travailler avec eux aux crédits,
mais je sais que les questions sont toujours pertinentes. Et l'objectif, on le
partage, l'objectif commun, c'est de
faire avancer la justice et de faire en sorte que la confiance des citoyens en
la justice soit renforcée. Alors, moi, avec cet objectif en tête, je
suis tout à fait confiante du déroulement de cet exercice, M. le Président.
J'aimerais
aussi remercier les personnes peut-être un petit peu plus immédiates qui m'accompagnent,
mon chef de cabinet adjoint, M. Nicolas Descroix, ainsi que les
autres attachés politiques de mon cabinet qui ont travaillé avec moi d'arrache-pied pour être certaine et certain de
vous apporter les bonnes réponses aujourd'hui. La sous-ministre de la
Justice, M. France Lynch et les sous-ministres associés des quatre
directions générales du ministère de la Justice, Yan Paquette, Pierre Rodrigue, Patrick-Thierry Grenier et Mylène
Martel et tous les intervenants, présidents, directeurs de la Justice
qui sont derrière moi et qui partagent
également le même objectif que moi en Justice, c'est-à-dire s'assurer que les
citoyens ont confiance et que la justice est là pour eux. Donc, merci à
tous. Je ne me lancerai pas dans l'exercice périlleux de les nommer parce que
le risque est d'en oublier, et ce n'est pas ce que je veux faire aujourd'hui.
Je
profite également donc... je suis devant vous ce matin, comme on le disait,
pour l'étude des crédits de Justice, c'est pour moi, donc, l'occasion d'entrée de jeu de faire le point sur les
activités de la dernière année financière mais également pour parler des
réformes et des chantiers qui nous attendent.
Comme annoncé lors du
dépôt des crédits en mars dernier, donc parlons crédits, vu que c'est l'objet
du discours aujourd'hui, les crédits pour le portefeuille de la Justice pour
l'année 2019‑2020 s'établissent à 1,1 milliard de dollars. C'est une augmentation de 27,9 millions, qui
correspond à 2,6 % d'augmentation par rapport à l'exercice précédent.
Cette hausse s'explique, M. le Président,
essentiellement par les investissements majeurs que nous souhaitons poursuivre
pour la modernisation de notre système de
justice et par le transfert de l'Office de la protection du consommateur du
ministère des Affaires municipales,
Habitation à celui de la Justice. Au total, donc, ce sont six programmes qui
sont financés par ces crédits.
Le
programme l'Administration de la justice vise à assurer le soutien
administratif nécessaire au fonctionnement des cours de justice et à la publicité des droits. Il fournit un support
d'ordre juridique, législatif et réglementaire à toutes les activités
gouvernementales. Les crédits sont de 392,1 millions en 2019‑2020, une
hausse de 18,3 millions par rapport aux crédits initiaux de 2018‑2019.
Le
programme Activités judiciaires permet aux tribunaux et aux diverses
juridictions d'exercer le pouvoir judiciaire et les fonctions qui y sont rattachées, de rendre jugement et de
favoriser le règlement de litige au moyen de conciliation judiciaire. Un montant 132,6 millions est
prévu en 2019‑2020 pour ce programme, une hausse de 0,7 million par
rapport aux crédits initiaux de 2018‑2019.
Le programme Justice
administrative, pour sa part, il assure la part du ministère de la Justice au
financement, notamment du Tribunal administratif du Québec et du Conseil de la
justice administrative. Les crédits affectés à ce programme sont de 16,5 millions de dollars en 2019‑2020, en hausse
de 1,4 million de dollars par rapport aux crédits de l'année précédente.
Le programme Indemnisation et reconnaissance permet la compensation financière aux personnes qui ont été
blessées en accomplissant un acte de civisme
ainsi qu'aux victimes d'actes criminels. On prévoit, pour ce programme, donc,
des crédits de 150,6 millions en 2019‑2020.
On note d'ailleurs une baisse de 0,3 million par rapport aux crédits de
2018‑2019. Par contre, cette baisse
ne se traduira pas par une diminution de services aux victimes, je tiens à le
préciser. En effet, ce sont des sommes non
récurrentes qui avaient été accordées en 2018‑2019 pour des projets en
informatique. Ces montants, donc, non récurrents n'apparaissent pas au nouveau budget, ce qui fait qu'ils n'ont pas été
renouvelés, ce qui explique la diminution apparente des crédits à ce
programme.
Autres
organismes relevant de la ministre comprend donc trois entités. La première, la
Commission des services juridiques,
offre des services d'aide juridique aux personnes financièrement défavorisées
ainsi qu'aux enfants et aux familles aux
prises avec certains problèmes sociaux ayant un rapport avec la justice, qu'on
appelle communément l'aide juridique. La deuxième, la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse, quant à elle, veille à l'application de la Charte des droits et libertés de la personne. La
troisième, l'Office de la protection du consommateur, qui intervient
auprès des commerçants afin qu'ils
respectent leurs obligations envers les consommateurs en lien avec
l'application de la Loi sur la protection du consommateur... Ce sont
200,7 millions de dollars qui sont prévus en 2019‑2020, une augmentation
de 4,3 millions par rapport aux crédits initiaux de 2018‑2019.
Enfin, le programme
Poursuites criminelles et pénales assure le financement des activités
du Directeur des poursuites criminelles et pénales, donc du DPCP, et du comité de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Des crédits de 171,9 millions sont prévus en 2019‑2020,
ce qui signifie une hausse de 3,4 millions
par rapport aux crédits de 2018‑2019. Voilà donc, M. le Président, ce
qui complète pour les crédits.
Si vous le permettez, je vais vous parler
maintenant de quelques dossiers qui constitueront mes priorités pour l'année 2019‑2020. J'ai annoncé, ici même, à
l'Assemblée nationale, lors du débat parlementaire sur le discours
inaugural du premier ministre en décembre,
que je souhaitais de faire de la réforme du droit de la famille l'une des
priorités de mon mandat, l'une des priorités de mon mandat, je vais le
souligner. Je suis heureuse de dire que nous avons mis en place rapidement des mesures pour aller de l'avant avec
ce dossier. Donc, depuis décembre 2018, on peut le constater, cette
réforme est plus que nécessaire si nous
aspirons à ce que le droit soit le reflet de la société qui l'encadre. En
effet, est-il besoin de souligner à
nouveau que la dernière grande réforme en la matière date de 1980. Depuis, nos
modèles d'unité familiale ont beaucoup
changé. Or, le droit n'a pas suivi cette évolution. Par cette réforme, nous
voulons remettre l'enfant au centre des préoccupations et ainsi adapter
les règles à la nouvelle réalité québécoise.
Nous le ferons donc en deux temps. Tout d'abord,
nous avons lancé une vaste consultation qui est en cours présentement, une consultation publique pour
aborder les enjeux liés à la conjugalité et à la parentalité. Pour jeter les
bases de la discussion, nous nous sommes
inspirés des recommandations du comité consultatif sur le droit de la famille...
qui a été déposé en 2015, un rapport très
étoffé, d'ailleurs, sur la question. Les citoyens qui le souhaitent peuvent
également répondre à un questionnaire
en ligne sur leur vision du couple et de la famille en 2019 sur le site Web du
ministère. Nous ferons aussi une
grande tournée qui s'arrêtera dans 11 villes du Québec afin de rencontrer
des groupes communautaires, des groupes d'intérêt, mais également des citoyens sur ces questions. Cette tournée
se fera en collaboration avec mon collègue le ministre de la Famille et député de Papineau, ainsi que mon
adjoint parlementaire le député de Chapleau, qui est ici aujourd'hui et
siège également sur cette commission, M. le Président.
Au terme de
cette consultation, j'entends déposer un projet de loi sur la conjugalité
également afin de mener à bien les
réformes qui seront jugées appropriées. Les questions liées à la filiation, quant
à elles, notamment celles touchant la gestation
pour autrui, seront abordées dans un projet de loi distinct, puisqu'elles
touchent une partie beaucoup plus restreinte de la population
québécoise.
Par ailleurs, je tiens à préciser qu'un
mécanisme complémentaire de réflexion a été mis en place pour le milieu autochtone afin d'échanger par et pour le milieu
autochtone, afin d'échanger avec ses membres dans le but de s'assurer de
bien répondre aux considérations propres aux communautés des Premières Nations
et aux Inuits.
• (10 h 10) •
Par ailleurs, dans les premières semaines de mon mandat comme ministre de la Justice, j'ai formé un groupe de travail non partisan,
composé d'élus de tous les partis représentés à l'Assemblée nationale. Notre
objectif était d'échanger sur l'accompagnement
des personnes victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale. Nous
souhaitons également discuter des
services d'aide qui leur seront offerts ainsi que de leur parcours dans le
processus judiciaire. Se sont jointes à moi la députée de Marguerite-Bourgeoys, la députée de Sherbrooke, la députée de
Joliette, que je salue particulièrement, qui est également ici aujourd'hui avec nous, et que je remercie toutes pour leur
engagement au-delà de la politique partisane. Nous avons le devoir envers les personnes victimes
d'entreprendre des démarches pour rebâtir la confiance et celle du
citoyen à l'égard du système de justice. Je
le mentionnais d'ailleurs d'entrée de jeu, M. le Président. Mais nous devons
aussi bonifier les mesures déjà
existantes et en développer de nouvelles pour les accompagner dans leur
cheminement. C'est pourquoi nous avons
annoncé, en mars, la mise en place du comité d'experts. Celui-ci aura pour
mandat de nous conseiller sur les mesures actuelles et potentielles qui permettront de mieux adapter le système de
justice aux personnes victimes de ces crimes et de favoriser leur
compréhension des avenues qui s'offrent à elles.
En
avril dernier, sur un autre sujet, le ministère annonçait le plus grand projet
de transformation de son histoire, avec le plan pour moderniser le système de justice. Nous maintenons la mise
en oeuvre de ce plan afin de rendre la justice plus innovante, plus
efficiente, encore une fois au bénéfice de tous. Pour moderniser la justice, M.
le Président, nous devons amorcer plusieurs chantiers de front. J'espère pouvoir donner
l'impulsion nécessaire. C'est d'ailleurs mon devoir de donner l'impulsion nécessaire afin qu'il se réalise assez
rapidement et qu'il soit à la hauteur des attentes des justiciables. Nous
sommes dans une ère d'adaptation dans laquelle je vois des occasions à saisir
pour tous, pour tous les acteurs du système de justice, au sens large.
La
pierre d'assise des réformes que nous aborderons sera un virage technologique.
Nous devons penser, par contre, la
justice du futur et non pas seulement rattraper notre retard. Nous prévoyons
ainsi un véritable changement de culture. Nous misons sur un échange plus fluide de l'information entre les divers
intervenants. Nous visons, par exemple, la tenue de procès entièrement sans papier. Et un jour
d'études de crédits, M. le Président. C'est mon collègue, M. Caire, qui va
être content de ma remarque, je vais la
faire envoyer. Nous voulons offrir plus de services en ligne sécurisés. Les
justiciables pourront, à terme, consulter, à
distance, les papiers judiciaires et le plumitif. L'une des clés d'un meilleur
accès à la justice est également une
éducation juridique de qualité, j'en suis intimement convaincue. C'est pourquoi
un des projets en lien avec la modernisation
de la justice est le virage numérique de la justice. Et SOQUIJ est un
partenaire de choix dans l'évolution de notre système. L'accès à la justice n'est donc pas juste une question
d'accès aux tribunaux. Nous avons le devoir de rendre la justice à la
portée de tous les citoyens et citoyennes du Québec. Trop longtemps, la justice
a été l'apanage d'experts.
La
possibilité pour les citoyens de faire valoir leurs droits ne devrait jamais
être une question de moyens financiers, ne devrait jamais être une question de connaissances ou de localisation
géographique. C'est pourquoi nous améliorerons l'accès par tous les moyens possible en changeant nos façons de faire,
en visant notamment des modes alternatifs de règlement de conflits, mais
aussi en adaptant le système à ses utilisateurs.
Je parlais des
victimes de violence sexuelle et de violence conjugale à l'instant. Ce sont des
personnes qui demandent une approche
particulière et des services qui sont adaptés à leur situation. C'est dans cet
esprit que nous devons nous soucier
de ceux qui souffrent également de problèmes de santé mentale. Nous poursuivons
les actions annoncées dans la Stratégie
nationale de concertation en justice et en santé mentale, lancée en mai
dernier. Il est de notre devoir de faire en sorte que les personnes qui
sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, d'itinérance ou de
toxicomanie soient bien accompagnées durant leur parcours. Il nous faut
reconnaître leurs besoins afin d'éviter ce qu'on appelle les portes tournantes, où ces personnes sont ballottées entre
la cour et la rue. Je l'ai vécu, à titre d'ex-procureure de la couronne,
M. le Président, on est très conscients de ce phénomène.
Il
faut également penser aux personnes à faible revenu. Les seuils d'admissibilité
à l'aide juridique ont été haussés de 6,67 %
le 31 mai 2018, ce qui correspond à la hausse du salaire minimum. Je vous
rappelle que le service d'aide juridique, dispensé par la Commission des
services juridiques, est également offert gratuitement à ceux qui travaillent
au salaire minimum.
Lancer
une action en justice est souvent un
processus complexe et qui peut être, disons-le, intimidant pour les non-initiés. Pour soutenir les justiciables dans leurs
démarches, l'une des initiatives les plus intéressantes est celle des CJP,
les centres de justice de proximité.
Ceux-ci, financés par le Fonds Accès Justice, accompagnent, de manière tout à fait gratuite, les citoyens. Ils peuvent ainsi mieux comprendre
les rouages du système judiciaire, mais aussi déterminer les lois et les
règlements qui s'appliquent à leur situation et les démarches à suivre.
Les CJP sont la porte
d'entrée par excellence pour tous. Depuis leur ouverture en 2010, ils ont
traité plus de 120 000 demandes d'information. La mise en place des
CJP s'inscrit d'ailleurs dans le Plan stratégique 2015-2020 du ministère
de la Justice.
Dans
la dernière année, nous avons inauguré d'ailleurs trois nouveaux CJP. Un en
Mauricie, un sur la Côte-Nord
et un au Nunavik. Il est important que les
CJP s'adaptent aux besoins des communautés qu'ils desservent. Par exemple,
celui de la Montérégie propose de
l'information sur les modes de prévention et de règlement des différends pour
aider les citoyens à adopter des
solutions alternatives lors de conflits. L'introduction de ces modes dans la
justice civile s'inscrit dans une forte tendance, tant au Canada qu'à
l'international, visant à trouver des mesures de rechange aux tribunaux pour
divers types de problèmes.
Celui
du Nunavik peut être aussi cité en exemple. Mis en place en collaboration avec
la société Makivik, il offre ses services
en tenant compte du contexte particulier de la région, notamment
l'isolement géographique des villages inuits. Son équipe est appelée à circuler de manière
itinérante sur le territoire pour aller à la rencontre de la population. Ce
sont là des initiatives qui, selon moi, sont à souligner et dont nous
pouvons être fiers.
J'ai
beaucoup parlé de technologie depuis le début de cette
présentation, mais nous devons aussi nous attaquer à la réfection de
notre patrimoine bâti, qui est vieillissant. Pour ce faire, nous pouvons miser
sur l'expertise de la Société québécoise des
infrastructures. Je souligne notamment
le fait que les travaux d'agrandissement et de réaménagement du palais de justice de Rimouski vont bon train.
Ceux-ci, qui étaient réclamés depuis fort longtemps, ont commencé en
2017. Au terme du chantier, nous offrirons
un bâtiment à la fois fonctionnel et respectueux du caractère particulier de
l'histoire de la justice sur ce lieu. Nous
inaugurerons, dans les prochains mois, ces nouvelles installations, qui seront
60 % plus grandes que les
précédentes. Le palais de justice de Rimouski répondra aux demandes du milieu
en matière de justice, mais aussi en matière de sécurité. C'est un
projet qui s'inscrit dans l'esprit de la transformation de la justice en
alliant architecture fonctionnelle et technologie à la fine pointe.
Dans
la même année, nous avons également inauguré une annexe au palais de justice de
Saint-Jérôme. Ce chantier nous a
permis d'améliorer l'offre de services aux citoyens, et ce, afin de traiter les
causes dans un délai plus court. Le bâtiment compte trois salles d'audience civile supplémentaires ainsi que quatre
salles pour la tenue de conférences de règlement à l'amiable, qui
peuvent également être utilisées à des fins d'audience en matière civile.
Par
ailleurs, nous avons annoncé, cette année, que le projet d'agrandissement et de
rénovation du palais de justice de Saint-Hyacinthe avait franchi une
étape importante, soit celle du dossier d'opportunités. Il est primordial pour
nous de répondre aux demandes, mais surtout aux besoins du milieu. Nous
devrons, pour ce faire, aménager un palais de justice temporaire, un projet
pour lequel les modalités seront annoncées ultérieurement.
Je suis également fière de rappeler
que nous avons ouvert un greffe en matière civile et familiale au palais de
justice de Kuujjuaq. Les résidents du
territoire de la baie d'Ungava et du Nunavik, au Nunavik, ont en effet maintenant
des services directement chez eux dans ce domaine.
Je
parlais, tout à l'heure, d'accès à la justice, qui est une de mes
priorités, de mes grands défis. Les mesures que je viens d'annoncer
s'inscrivent dans ce sens.
Nos
institutions ont également besoin d'être recadrées parfois après des
périodes de turbulence, ce qui fut le cas de la CDPDJ. Je suis très
heureuse de voir qu'après les tumultes vécus au moment de mon arrivée en poste
cet automne, la Commission des droits de la
personne et de la jeunesse est maintenant entrée dans une nouvelle ère de
stabilité en matière de gouvernance. Pour nous, il est primordial que la
CDPDJ, qui vise à protéger les plus vulnérables soit à la fois active et
moderne. Nous travaillerons d'ailleurs en ce sens dans les prochains mois.
En terminant, je
souhaite souligner le dépôt du premier projet de loi de notre gouvernement, le
projet de loi n° 1, qui renforce sans
contredit la gouvernance de certaines de nos institutions en améliorant la
transparence des nominations à certains postes clés de notre système
judiciaire et notamment, en ce qui me concerne, celui du Directeur des
poursuites criminelles et pénales.
Je
tiens à réitérer, M. le Président, à tous les Québécois et Québécoises que nous
mettrons tout en oeuvre pour que le système
de justice soit à la hauteur de leurs attentes. Les mesures que j'ai évoquées
plus tôt contribueront à accroître la confiance des Québécois envers
cette institution démocratique. Je vous remercie.
• (10 h 20) •
Le Président (M. Bachand) : ...beaucoup,
Mme la ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle à faire ses remarques préliminaires
pour un maximum de 10 min 31 s, M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay :
Oui. Merci beaucoup, M. le Président. J'en profite pour vous saluer,
évidemment, saluer la ministre et les
personnes qui l'accompagnent, personnes de son cabinet et également personnes,
je dirais, de l'appareil, du système de justice. Donc, merci beaucoup d'être là et de nous aider à obtenir
réponse à nos questions aujourd'hui, saluer également les collègues d'en face et les collègues de
l'opposition officielle, ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce et de la deuxième
et de la troisième opposition.
M.
le Président, la ministre a parlé brièvement, à la fin de son allocution, du
projet de loi n° 1. Je dois lui dire qu'elle nous a beaucoup
manqué, durant le projet de loi n° 1, parce que le DPCP, qui
maintenant — le
débat en article par article — a quitté, donc, la Commission des
institutions, sera transposé au salon bleu. On aura l'occasion, j'espère, de l'entendre sur le projet de loi n° 1, parce
que la nomination du DPCP, son indépendance, qui découle du pouvoir de la
couronne constitutionnellement et historiquement et qui relève d'une nomination
de la ministre et qui doit travailler en toute indépendance, mais qui relève du système de justice... Le projet de loi
n° 1 aurait bénéficié, je crois, de l'éclairage de la ministre, et le fait qu'il ait été piloté par la
ministre de la Sécurité publique était un peu, quant à nous, M. le Président,
incongru. On nommait les votes aux deux
tiers... par votes aux deux tiers, le directeur général de la SQ et le
Commissaire à l'UPAC, et de mettre
dans le lot, sans être péjoratif, le DPCP, je pense que c'était un peu faire
peu de cas de la nécessaire indépendance que doit avoir le DPCP. Mais on
continuera le débat au salon bleu.
Alors,
M. le Président, heureux, donc, de retrouver la ministre lors de l'étude
de ces crédits. On a beaucoup, beaucoup de sujets à aborder, et
j'aimerais, donc, transposer mon temps, si vous le permettez, sur le bloc qui
nous sera dévolu.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de
LaFontaine. Je cède la parole maintenant au député du deuxième groupe
d'opposition pour ses remarques préliminaires de 2 min 38 s, M.
le député de Leduc... d'Hochelaga-Maisonneuve, désolé, M. Leduc. Désolé.
M. Alexandre Leduc
M. Leduc :
Je ne sais pas si une circonscription sera nommée en mon nom un jour, là. Je
serais bien surpris, je serais bien surpris.
Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, tous les collègues. On a appris à
se connaître avec plusieurs heures de
travail dans le projet de loi n° 1 récemment, donc heureux de nous
retrouver. Salutations à tout le personnel qui accompagne Mme la
ministre aujourd'hui aussi. Content de vous voir. Toujours apprécié.
Donc, même chose, je
vais garder mon temps également pour la période d'échange. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la
députée de Joliette pour 2 min 38 s. Mme la députée de
Joliette.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon :
Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de saluer Mme la ministre, sa
sous-ministre, toute l'équipe du ministère et, bien sûr, de son cabinet.
Je
sais à quel point la période des crédits est une période intense, intensive et
combien il y a eu d'efforts mis dans la
préparation, donc merci beaucoup. Et, comme je le dis toujours, même si on ne
réussit pas à poser des questions sur tout ce qu'on voudrait, surtout qu'on est la troisième opposition — je vais m'habituer à cette nouvelle
réalité — on lit
tout avec beaucoup d'attention.
Je
veux saluer, bien sûr, tous les collègues du parti ministériel, mes collègues
les porte-parole de l'opposition officielle et de la deuxième
opposition.
Et moi aussi, je vais garder le reste de mes
minutes précieuses pour les débats.
Discussion
générale
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Je suis maintenant prêt à reconnaître une première intervention
de l'opposition officielle pour un premier bloc d'échange de 20 minutes. M.
le député de LaFontaine, la parole est à vous.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, on voit, dans le budget, que, lorsque
l'on regarde le budget des dépenses
oui il y a une augmentation à la Justice de 1 042 000 000 $
aujourd'hui, qui était partie, donc, de 2018‑2019, de 1 027 000 000 $. Donc, l'an
passé, 1 027 000 000 $, cette année,
1 042 000 000 $, mais le poids relatif diminue, le
poids relatif passe de 1,34 % et
diminue à 1,28 %. Alors, normalement, on aurait espéré que la Justice
conserve son poids relatif quant à
l'importance dans les dépenses de l'État. Surtout, je me rappelle d'un débat au
Barreau, où la collègue de Joliette et la ministre de la Justice étaient là, puis on se disait que ça devrait
plutôt tirer vers le 1,5 %. Alors, comment expliquer cette baisse
de poids relatif?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Oui. Si on regarde le pourcentage, effectivement,
bon, le portefeuille de la Justice représente présentement un
pourcentage de 1,28 % du budget des dépenses du gouvernement. On a eu, je
pense, pour l'année 2019‑2020, des mesures assez intéressantes.
Il ne faut
pas oublier, naturellement, ce qui a été fait par le gouvernement précédent, je
le salue, j'ai pris la peine de le faire, le 500 millions qui a été
investi en Justice, et là la Justice doit travailler présentement à cette
transformation.
Il y a également, et je n'en suis pas peu fière,
la mesure de 50 millions qui a été accordée sur cinq ans, donc 10 millions
par année, pour supporter les travaux du comité consultatif sur
l'accompagnement des victimes d'agression sexuelle
et de violence conjugale. Ce budget supplémentaire là qui nous a été accordé va nous permettre justement
de pouvoir supporter le comité dans
ses mesures, et c'était pour moi très important, lors de mes représentations
auprès de mon collègue des Finances,
de m'assurer que ces argents-là, que ces crédits-là ne soient pas attribués à
des mesures particulières, parce que l'objectif de travailler avec un comité consultatif est de
lui donner toute la latitude de nous faire des recommandations qui
sont réellement adaptées au parcours des victimes, et c'est pour
cette raison-là que cette mesure budgétaire là a été dessinée, si on peut, ou pensée de
cette façon.
M. Tanguay : Juste pour... Puis je remercie la ministre
de... qu'on puisse respecter, puis elle l'a bien fait, là, la règle de la proportionnalité. Mais, ceci dit,
donc, il y a un manque à gagner, il y a
une diminution du poids relatif. Alors, elle a bien dit, c'est toutes
des belles mesures que l'on salue, mais le poids relatif diminue. Comment ça?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel : ...que le budget de cette année, bien, on parle
de beaucoup d'augmentations
en santé, d'augmentations en
éducation. Il faut expliquer la diminution du poids relatif de la Justice par
rapport aux augmentations de budget qui sont énormes dans des domaines qui ont été très bien identifiés pour cette
année par le premier ministre. Mais je peux vous assurer, M. le député, que la Justice, pour les années 2019‑2020,
possède les crédits nécessaires à l'accomplissement de sa mission, et je
ne voudrais pas que ça soit autrement.
Je dois aussi
vous souligner... Je vais en profiter, parce qu'on parle quand même de crédits,
pour souligner une autre mesure
budgétaire, celle qui est dans le but de soutenir davantage les bénéficiaires
de pension alimentaire. Entre autres, ça nous touche à l'aide juridique. On a augmenté les sommes qui peuvent
être exemptées de zéro à 4 200 $ par année par enfant, qui peuvent être... qui sont augmentées pour...
retirées, si on veut, du calcul pour l'accessibilité à l'aide juridique.
Donc, c'est également une mesure d'accès à la justice, je pense, qui est non
négligeable pour cette année.
M. Tanguay : Oui, M.
le Président, alors, je... C'est beau, c'est correct. La ministre est honnête,
il y a eu plus à la Santé et à
l'Éducation, puis, je veux dire, ce sont des choix gouvernementaux que les gens
à la maison peuvent comprendre. Mais,
d'un autre côté, évidemment, on peut voir la baisse du poids relatif de la
Santé dans le budget de 1,34 % à 1,28 %. Mais là je... De la Justice. Et là je tends une
perche à la ministre pour nous aider à — à moins qu'il soit déjà budgété, mais
je ne croirais pas, vu les
négociations — nous
aider à combler ce retard au niveau de l'aide juridique et des négociations
entre la commission, entre le gouvernement
et le Barreau du Québec. Ce qu'il est demandé, c'est 48 millions en
honoraires temps de préparation,
pratique privée et 3 millions pour une période de référence mensuelle. Et
ça, ça avait été très clairement dit par le député de Borduas, leader du gouvernement, et je le cite, avant le 1er octobre :
«Un ultime refus du gouvernement libéral d'investir dans le système judiciaire québécois signifierait qu'il
endosse que certaines personnes moins bien nanties ne peuvent avoir accès à une représentation de qualité, ce
qui brime littéralement l'un de leurs droits fondamentaux. Il est grand
temps de rétablir cette inéquité qui perdure
depuis trop longtemps d'effectuer un rattrapage sur les tarifs afin de redonner
une voix aux justiciables les plus
vulnérables.» Alors, que dites-vous aujourd'hui, Mme la ministre, aux
justiciables les plus vulnérables?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Vous comprendrez aussi bien que moi, M. le député, que, présentement, ces
négociations-là ont cours entre le
Barreau, et la commission, et le Conseil du trésor. Par contre, je peux vous
assurer d'une chose : l'objectif de la Justice, mon objectif a toujours été clairement établi,
c'est de favoriser l'accès à la justice. Alors, quand il y a des
représentations à faire en ce sens, je peux
vous assurer que je les fais. Pour ce qui est des négociations particulières,
je vais m'abstenir de tout commentaire, parce qu'elles ont cours
présentement.
• (10 h 30) •
M. Tanguay :
Mais je dois partager en commission ici, à l'étude des crédits, à la ministre
que le milieu est inquiet. Donc, le
milieu est inquiet quant à... J'entends la ministre, là, on ne fera pas la
négociation ce matin, parce que toutes les parties ne sont pas représentées et que ça relève d'une négociation qui
doit être faite évidemment de façon constructive et doit avoir, donc, un minimum d'espoir. Mais le milieu
est inquiet, M. le Président, et je tiens à le souligner à Mme la
ministre. Il eut été intéressant de le voir
dans le budget. Donc, ça fait depuis à peu près 18 octobre, date de
nomination du Conseil des ministres,
ça fait à peu près cinq mois. Ça aurait été bien, surtout que c'était un
engagement très ferme du leader du gouvernement,
porte-parole à l'époque, et c'est un 51 millions. Alors, je veux juste partager à la ministre les
inquiétudes. Là, la porte d'entrée du budget, elle est derrière nous. Ils ne
sont visiblement pas là. Je lui souligne l'inquiétude.
Et ça, ça
participe de l'accès à la justice, bien
évidemment. On parle des tarifs des avocats en pratique privée pour l'aide juridique. Et, souvent, sur le terrain, la
ministre le sait, je crois, très bien, sur le terrain, les gens n'ont pas accès
à un avocat ou en région, pour avoir
rencontré des bâtonniers de région, en région, il est difficile, il y en a
juste un qui prend des contrats
d'aide juridique, puis, à cause que les tarifs sont trop bas, bien, il doit
refuser. Alors, on parle d'un accès direct à la justice qui n'est pas
assuré. Alors, je souligne l'inquiétude à Mme la ministre, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Bien, si vous permettez, je partage cette inquiétude-là. Quand on parle d'accès
à la justice, je dois vous dire, M.
le député, vous rassurer que je ne me lave pas les mains de ce dossier-là, même
si ce n'est pas moi qui négocie. J'ai eu des rencontres avec les
intervenants du Barreau, les barreaux de section. J'ai eu l'occasion de
discuter de leurs inquiétudes, de les partager. Les négociations vont
d'ailleurs très bon train. Les enjeux sont compris de part et d'autre.
Naturellement,
je peux peut-être faire un point. Effectivement, vous mentionnez l'absence des
fois ou la pénurie d'avocats en
région, effectivement, peut-être que les tarifs, je pose la question, peut-être
que les tarifs en sont une cause, mais
ce n'est pas la seule cause, hein? Il faut faire en sorte... en région, il y a
beaucoup de problèmes d'accessibilité, on doit travailler sur plusieurs
fronts, les centres de justice de proximité en sont un, naturellement, et on
doit travailler aussi à désamorcer les
litiges le plus souvent possible en amont pour éviter justement d'avoir
peut-être recours à un avocat quand ce n'est pas nécessaire.
Plusieurs rencontres ont d'ailleurs eu lieu
depuis la nomination du Conseil des ministres, le 18 octobre 2018. Il y a eu des rencontres en décembre, en janvier,
en février, quelques rencontres en mars, d'autres rencontres sont
prévues, une prochaine rencontre le 12 avril
également a été fait, a eu lieu. On est dépassés le 12 avril, hein, oui?
Il faut que je m'adapte aussi à mon
calendrier, qui va vite, donc... Mais on est en discussion, ça va bon train, on
comprend les enjeux. Le Barreau, d'ailleurs,
a fait preuve d'ouverture sur la façon aussi de répartir les tarifs, qui ne
sont pas nécessairement une augmentation, je dirais... c'est quoi, le
terme?
Une voix : ...
Mme LeBel :
Paramétrique. Paramétrique. Donc, je vais m'arrêter là, parce que ce sont des
discussions qui ont cours avec le
Conseil du trésor, mais je veux vous rassurer que je partage les objectifs qui
sont sous-jacents aux inquiétudes que vous nous avez mentionnées.
M. Tanguay :
La ministre, M. le Président, a parlé, à juste titre, des CJP, centres de justice
de proximité, créés en 2010. Quel est
son plan de match pour l'avenir des CJP? Parce qu'effectivement c'était une
mesure qui était intéressante, et elle
parlait un peu plus tôt de prévenir les litiges en amont. Quand on se parle,
des fois, on se comprend, puis qu'on évite d'aller devant une juge ou un
juge. CJP, quel est l'avenir des CJP? J'imagine que c'est plus qu'hier moins
que demain.
Mme LeBel : Je vais juste... je
vais vous demander de répéter. Quand vous parlez des CJP...
M. Tanguay : Quel est
l'avenir des CJP...
Mme LeBel : Je suis désolée, ce
n'est pas délibéré.
M. Tanguay :
L'avenir des CJP, centres de justice de proximité, quel est votre plan de match
quant à leur déploiement? Voilà.
Mme LeBel :
Bon, plusieurs ont été déployés, hein? J'ai participé, d'ailleurs, à
l'ouverture de quelques-uns depuis mon
arrivée. Ils n'ont pas tous été déployés. Je dois vous dire qu'on doit regarder
également les besoins du milieu, hein? Les choses ont changé depuis
quelques années. Les CJP sont une excellente affaire, ils donnent de
l'information juridique. Il y a des milieux
où ça a été extrêmement bien accueilli. Il y a d'autres milieux où il y a des
organismes communautaires qui sont
déjà en place, des centres d'information juridique. Donc, ce qui est important
pour l'accès à la justice, ce n'est pas de multiplier les offres de services qui se
juxtaposent, si vous me permettez l'expression, donc... mais les centres de
justice sont là pour rester.
Maintenant, on doit
procéder à analyser la suite des événements. Ce n'est pas un arrêt, c'est
une... moi, ce que j'appelle ça, c'est arrêter pour mieux... reculer pour mieux
regarder la vue d'ensemble. Et je dois vous dire que, jusqu'à présent, là, les CJP fonctionnent très
bien. 75 %... 82 %, pardon, des usagers ont une satisfaction des CJP.
C'est une excellente mesure, elle est là pour rester. Maintenant, pour la suite
des événements, je pense qu'il faut être responsable et regarder de
quelle façon on va implanter et où est-ce que c'est nécessaire de continuer à
le faire.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député.
M. Tanguay :
À titre de bilan, à l'heure où on se parle, il y en a combien? Et combien y
consacrons-nous d'argent?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel : Ce que je vous lançais... Oui, 10. C'est ça. C'est ce
que je pensais. J'ai dit une dizaine, puis c'est 10, le chiffre. Donc, ça va bien. 10 sont actuellement déployés sur tout le territoire. Le plan
stratégique était de prévoir
12 régions administratives présentement. Je peux vous dire, peut-être,
pour faire un petit bilan, les centres de services emploient actuellement 45 personnes. La majorité des budgets sont consacrés d'ailleurs à des masses
salariales, hein? On parle de services
directs aux citoyens. C'est extrêmement intéressant. La capacité d'accueil, le niveau
d'écoute, la compétence sont les aspects
qui ont été le plus relevés. On a naturellement voulu savoir si ça fonctionnait. C'était
important de le faire. Le panier de
services des CJP comprend essentiellement de l'information, par
contre, juridique, l'établissement des besoins d'ordre juridique, le référencement.
Ce qu'il faut
souligner, puis, je pense, vous le savez déjà, M. le député, les CJP ne donnent
pas d'avis juridique. Ils sont là pour
donner de l'information. Mais déjà l'éducation, l'information, c'est une grande clé, là, pour ouvrir
l'accès à l'information et, souvent, la compréhension des citoyens.
Les
revenus de la clientèle qui sont visés par les CJP sont variés, donc,
complémentaires souvent à l'aide juridique
dans ce sens-là. 29 % ont moins
de 20 000 $, 29 % sont entre 20 000 $ et
40 000 $, 17 % sont entre 40 000 $ et
60 000 $ et 7 % entre 60 000 $ et
80 000 $. Donc, on voit que la masse critique se situe à moins de
40 000 $. Et c'était la masse qui était, je vous dirais, visée par
cette mesure-là de façon plus large.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député.
M. Tanguay :
Quel est le budget total qui est consacré aux 10? Et, sous-question, quel est
le plan de match des deux autres? Il était prévu d'en avoir deux autres,
quel... C'est lesquels, les deux autres?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Si vous voulez une réponse exacte, vous allez me permettre deux petites
minutes. Bien, pas deux minutes.
M. Tanguay :
Oui. Bien, on pourra revenir plus tard, M. le Président.
Mme LeBel :
Oui? Pafait.
M. Tanguay :
Elle peut la prendre en délibéré, comme on dit dans le jargon.
Mme LeBel :
Sur les Centres de proximité de justice présentement actifs, je vais nommer
Québec, Bas-Saint-Laurent, Montréal,
Outaouais, Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine,
Saguenay—Lac-Saint-Jean,
Montérégie, Côte-Nord, Mauricie, et Nunavik.
Ils ont présentement des dépenses de fonctionnement de l'ordre de 502... C'est
des millions, ça, hein? J'imagine.
Une voix :
...
Mme LeBel :
C'est ça. 502 000 $, 2,6 millions pour la masse salariale et
468 000 $ pour le loyer. Donc, je pourrais vous faire un petit
total, si vous voulez, là, mais...
M. Tanguay :
Les deux autres, qui sont-ils, à venir?
Mme LeBel :
C'est justement à déterminer présentement. On avait dit qu'on couvrirait
12 régions administratives, là. Maintenant, c'est de savoir...
M. Tanguay :
Et les autres?
Mme LeBel :
Mais on est ouverts.
M. Tanguay : Les deux
autres ne sont pas identifiées.
Mme LeBel : Bien, ne
sont pas identifiées parce qu'on est justement ouverts à une espèce d'étude de
marché, si je peux la qualifier ainsi.
Puis on va s'assurer qu'ils sont implantés. Il y a des régions qui en ont fait,
des demandes. Naturellement, on n'est pas contre, mais on veut s'assurer
qu'ils vont être implantés dans des milieux où c'est vraiment nécessaire de le
faire.
M. Tanguay :
Avez-vous un échéancier?
Mme LeBel : Dans les prochains mois, on devra prendre des
décisions. Mais, non, je n'ai pas d'échéancier particulier.
M. Tanguay :
À part dans des meilleurs délais, non?
Mme LeBel :
Non. Dans les meilleurs délais, le plus rapidement possible?
M. Tanguay :
Oui. Ça, c'est moins le fun.
Mme LeBel :
Oui, je le sais, mais c'est parce que c'est vrai.
M. Tanguay :
Espérons qu'ils soient réellement les meilleurs, les délais.
Mme LeBel :
Bien, c'est que ça prend le temps de l'évaluer pour le savoir.
M. Tanguay :
Oui. Non, c'est correct. C'est bien parfait. Pour moi, là, je ne dirai pas
comme le premier ministre, quant aux
engagements de la CAQ d'octobre 2018, que c'était son livre de chevet.
Mais, pour moi, c'est un livre... C'est un document important, ici, mon plan pour modernisation au système de
justice 2018‑2019. Je ne dirais pas que c'est mon livre de chevet, on va essayer de lire d'autres choses,
mais quand même, là-dedans, à la page 14, il y avait des statistiques
quant aux délais. On disait que, les délais,
on était sur la bonne voie. J'aimerais vérifier avec la ministre de la Justice
si on est sur une tendance lourde. On
parlait des délais criminels. Ils ont diminué, sans enquête préliminaire, de
8,3 mois en décembre 2016, à 7,1 mois
en décembre 2017. Il y a une baisse. Criminel avec enquête préliminaire,
26,5 mois en décembre 2016 à 21,3 mois en décembre 2017. Puis je ne veux pas prendre
la ministre, là, sur les statistiques. Je veux juste savoir : A-t-elle...
C'est ma question : Décembre 2017, a-t-elle des statistiques
plus récentes? Et peut-on, donc, y constater qu'il y a une tendance lourde à la
baisse des délais en matière criminelle?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
• (10 h 40) •
Mme LeBel :
Bien, je vais vérifier au niveau des statistiques de décembre. Il y a
effectivement, dans tous les districts judiciaires, une tendance qui va
se maintenir, qui va se poursuivre à la baisse des délais. Je parle avec les
intervenants judiciaires du milieu. J'ai
d'ailleurs eu l'occasion de parler avec le juge en chef de la Cour supérieure
dernièrement, qui m'expliquait qu'effectivement la question des délais
n'est pas derrière nous, mais elle est sous contrôle, je vais le dire de cette
façon-là.
Ce
qu'il est important de noter, c'est qu'il faut pérenniser cette tendance-là, M.
le député, hein? Vous le savez, on a ajouté des effectifs. Ajouter des
effectifs, c'est une façon de pallier de façon ponctuelle. C'est ce que
j'appelle un diachylon nécessaire, d'ajouter des effectifs pour pallier de
façon ponctuelle.
Mais
il faut revoir toute la question de l'administration de la justice pour
s'assurer que le mur Jordan, comme
je peux l'appeler, celui que j'ai vécu de
l'intérieur parce que j'étais sur le plancher, en 2016... Et je ne vous
cacherai pas qu'à cette époque on
pouvait, les intervenants du milieu sur le plancher, sentir venir cette situation-là.
Je dois vous rassurer par contre, cette situation-là était particulièrement
critique dans le district de Montréal, elle existait dans les autres districts également.
Oui, cette tendance lourde à la baisse, qui est une tendance positive, on va le
dire, va se maintenir.
Maintenant,
dans le plan de modernisation et de transformation de la justice, dans les moyens alternatifs de
règlement des litiges, dans les mesures de
rechange, dans la justice participative, dans les centres de justice de
proximité, bien, ce sont tous des
moyens, justement, d'accéder à la justice, de faire en sorte aussi de dégager les tribunaux des litiges qui n'ont pas besoin d'être devant les tribunaux. Je
mentionnais, d'entrée de jeu, dans mon discours d'ouverture, les
mesures à l'itinérance, où on voit
les portes tournantes, des gens qui sont remis par les procureurs de la couronne, ce que j'appelle, sur la rue, avec des
conditions, et que nécessairement ils vont briser ces conditions, ils vont se
retrouver dans le système judiciaire.
Le
système judiciaire, il faut le comprendre, criminel, entre autres, est engorgé présentement par une multitude, une masse critique de
petits dossiers et ce qui fait en sorte que ça ne laisse pas de place pour les
litiges qui doivent vraiment, nécessairement, se retrouver devant les
tribunaux.
Alors, oui c'est une
tendance lourde et on va travailler pour l'accentuer et la maintenir.
M. Tanguay : Je salue ça. 27 mars 2018, date du document.
On avait les données pour décembre 2017. Est-ce qu'aujourd'hui, 16 avril 2019... avons-nous les
données de décembre 2018? Sinon, moi, je ne veux pas que la ministre cherche
là, sinon elle veut nous revenir d'ici à demain, là...
Mme LeBel :
De toute façon, on va vérifier pour être sûrs que...
M. Tanguay : Vous pouvez
vérifier? Voir les statistiques?
Mme LeBel : Je
sais qu'on a des données, mais je veux voir si elles correspondent au moment
que vous demandez, oui.
M. Tanguay :
Et donc je demanderais, donc, trois statistiques, les délais moyens. Les
derniers que j'ai en date... sont du
document du 27 mars 2018, ils datent de décembre 2017 pour criminels sans
enquête préliminaire, criminels avec enquête
préliminaire. Et je demanderais, M. le Président... les données que j'ai sont
de janvier 2018 pour les causes pénales, de nature pénale, les délais.
Alors, si elle peut nous revenir d'ici à demain, fin des crédits, là-dessus.
Mme LeBel :
Oui. Je peux peut-être vous donner un élément de réponse, mais on vous
reviendra pour la suite demain. On
a... dans le document de l'opposition officielle, la question n° 76, à la page 272, on vous donne les délais médians des causes criminelles pour l'année 2018‑2019, et
ces données sont au 14 mars 2019, mais on parle, naturellement, de
délais médians. Pour votre question plus précise, on pourra vous revenir.
M. Tanguay : Et, M. le
Président, pour la moins qu'une minute qu'il me reste, j'aimerais poser à la
ministre... Il y avait, dans ce plan, 500 millions additionnels pour
moderniser le système de justice sous trois chapitres : pratiques innovantes, justice à l'heure des nouvelles
technologies et communiquer efficacement. Ce qui était prévu pour 2019‑2020,
respectivement, c'était 21 millions,
34 millions, 11 millions, pour un 66 millions à débourser du 500
en 2019‑2020. Est-ce que nous pouvons reproduire les mêmes chiffres?
Est-ce que ce sera le cas effectivement?
Le Président (M.
Bachand) : Il vous reste très peu de temps, Mme la ministre. En
20 secondes.
Mme LeBel : Oui. Effectivement,
le budget est reconduit, si ça répond à votre question, tel quel.
M. Tanguay : O.K.
Parfait. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Je rappelle à Mme la ministre de... si elle était capable de
déposer demain, elle peut toujours déposer
auprès du Secrétariat de la commission les documents qui ont été demandés par
le député de LaFontaine.
Je me tourne
maintenant vers les députés formant le gouvernement pour leur premier bloc
d'intervention, pour une durée de 15 min 40 s. M. le
député de Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme la
ministre. Donc, j'aimerais en profiter
pour saluer Mme la ministre et l'ensemble de l'équipe qui est présente,
également les collègues députés, également les collègues de l'opposition
et vous, M. le Président.
Donc,
j'aimerais commencer avec une question, du moins, en lien avec le délai de
paiement des comptes à la pratique privée,
en lien avec l'aide juridique. Je me propose, dans le fond, de brosser un
portrait de la situation et peut-être de poser, là, une question ou
quelques questions à Mme la ministre.
Donc, la
Commission des services juridiques, c'est l'organisme chargé de l'application
de la Loi sur l'aide juridique. Elle
a été créée en 1972, donc, au même moment où le Québec se dotait d'un régime
d'aide juridique mixte. Ce régime a été mis en place pour garantir l'égalité des droits et un accès à la justice
pour tous. Il est basé sur un modèle public et privé. Donc, d'un côté,
il y a la Commission des services juridiques, qui a mis en place des centres
d'aide juridique, dont les bureaux
embauchent des avocats, donc, sur une base permanente. Ces avocats exercent
leur profession en exclusivité pour l'aide
juridique. De l'autre côté, il y a les avocats de la pratique privée, donc le
volet privé, qui acceptent des mandats d'aide juridique et qui sont rémunérés à même les fonds publics, sur une base
individuelle, donc, pour le travail qu'ils effectuent dans le cadre de
chacun des mandats qu'ils acceptent, donc, en lien avec l'aide juridique.
Ce sont,
donc, les centres d'aide juridique
qui permettent et qui coordonnent, pour les personnes admissibles à l'aide juridique qui en font la demande, leur représentation par des avocats qui ne travaillent
pas pour l'aide juridique, mais plutôt pour
la pratique privée, et qui acceptent de tels mandats. Cette balance, donc,
entre les avocats permanents et les avocats de la pratique privée assure aux personnes admissibles à l'aide juridique
le pouvoir de choisir quels avocats vont les représenter dans leur dossier. Donc, ça leur offre le choix,
une possibilité. Le régime d'aide juridique québécois reconnaît donc le
principe du libre choix, qui permet aux
bénéficiaires de l'aide juridique de se tourner soit vers un avocat de l'aide
juridique, donc, dans un bureau, ou
soit vers un avocat de pratique privée qui accepte ce type de mandat, selon les
besoins particuliers. Une partie importante du mandat à la Commission
des services juridiques consiste ainsi à coordonner le volet privé du réseau
d'aide juridique.
En moyenne, donc, c'est plus de 85 000 factures
qui sont produites annuellement à la Commission des services juridiques par les
avocats de la pratique privée. Si on prend l'exemple de l'année financière 2018‑2019,
c'est plus de 91 000 factures qui
ont été produites à la Commission des services juridiques. Il s'agit d'une
légère diminution de l'année précédente.
Donc, l'article 7 du Règlement
sur la reddition de comptes concernant les services rendus par certains
avocats et par certains notaires prévoit que la commission doit effectuer le
paiement des honoraires et des débours à l'avocat ou au notaire dans les 30 jours
qui suivent, dans le fond, la réception du relevé.
Donc, ma
question pour la ministre, M. le
Président, ça serait... Donc, considérant
que la pérennité de notre régime d'aide
juridique mixte dépend du fait que des avocats de la pratique privée continuent
d'accepter des mandats d'aide juridique, j'aimerais savoir dans quelle
proportion l'obligation établie à l'article 7 est-elle remplie.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme LeBel :
Mais on est conscients, puis la Commission des services juridiques est très
consciente que, pour la pratique privée, le
paiement des honoraires est important pour le fonctionnement du bureau et pour la pérennité de la
pratique, effectivement. Donc, c'est un dossier qui semble peut-être, à
première vue, anodin, mais qui est extrêmement important pour les avocats de
pratique privée qui choisissent de prendre des mandats d'aide juridique. Et d'ailleurs,
nous les remercions de le faire. Ils
participent, par leurs actions, à assurer un plus grand accès à la justice et à
assurer un des principes fondamentaux de notre droit, qui est le choix à
l'avocat.
Donc, c'est ce
qui a fait en sorte que le Québec a choisi, à une certaine époque, d'avoir, je
dirais, un régime d'aide juridique double, c'est-à-dire avec des
permanents de l'aide juridique et aussi des avocats de pratique privée en aide
juridique. Vous devez comprendre qu'en moyenne c'est plus de 85 000 factures
qui sont produites annuellement à la Commission
des services juridiques par les avocats de la pratique privée. Donc, pour
l'année financière 2018‑2019, c'est plus de 91 000 factures
qui ont été produites à la Commission des services juridiques. Ce sont ces
factures-là qu'elle doit traiter.
Effectivement,
l'article 7, comme vous l'avez mentionné, cher collègue, du Règlement sur
la reddition de comptes concernant
les services rendus par certains avocats et par certains notaires prévoit que
la commission doit effectuer le paiement des honoraires et des débours à l'avocat ou au notaire dans les 30 jours
suivant la réception du relevé. Alors, je suis fière d'annoncer que la
commission arrive à remplir cette obligation dans la presque totalité des cas.
Les cas où ce n'est pas possible, c'est très
marginal et c'est parce qu'il y a des difficultés particulières, là. Ce n'est
pas une question de délais, là, inhérents au paiement. Parce que je peux
vous dire qu'on peut l'illustrer d'une certaine façon également,
l'article 9 du règlement prévoit
également... le règlement sur la reddition de comptes toujours, prévoit
également le paiement d'intérêts lorsque
le délai de 30 jours n'a pas été respecté par la commission. Et je dois
vous dire que, sur des paiements totalisant, au 25 mars 2015,
60 701 641 $ qui ont été versés aux avocats et notaires, un
montant de 1 164 % d'intérêts a été versé. Donc, 0,002 % d'intérêts. Donc, je pense que ça vous illustre la
célérité avec laquelle ce règlement est respecté et le fait que la
commission remplit, donc, pratiquement à 100 % ses obligations, évitant
ainsi, bon, pour le gouvernement et pour la commission, des dépenses
d'intérêts, et aux avocats des difficultés, là, dans la gestion de leurs
finances de bureau.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.
• (10 h 50) •
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup. Donc, on en comprend que ça fonctionne bien.
Donc,
j'aurais peut-être un autre volet, là, dont j'aimerais aborder avec Mme la
ministre, M. le Président, donc, l'accès à la justice en matière
familiale, notamment, donc, en lien avec le service, donc, d'aide à
l'homologation. Donc, la Commission des services juridiques, c'est également
l'organisme chargé d'offrir les services qui sont prévus à la Loi favorisant l'accès à la justice en matière
familiale, donc, soit le service d'aide à l'homologation. Cette loi est en
vigueur depuis le 10 octobre 2013 et a permis la création d'un
nouveau service d'aide juridique en matière familiale.
Donc, le
service d'aide à l'homologation s'adresse à des parents qui s'entendent pour
apporter des modifications à la
garde, au droit d'accès ou à la pension alimentaire d'un enfant ou d'un
conjoint, ou même d'un ex-conjoint, quelle qu'en soit la cause, alors qu'elles ont déjà obtenu un jugement relatif au
préalable à la pension alimentaire pour enfant ou relatif à une pension
alimentaire pour enfant et conjoint.
Donc, la Loi
favorisant l'accès à la justice en
matière familiale a modifié la Loi sur l'aide juridique et sur la
prestation juridique de certains autres services juridiques, entre autres en y
insérant, après le paragraphe 1° de l'article 4.7, le paragraphe 1.1°. Donc, l'ajout de ce
paragraphe prévoit, donc, je vais le citer, qu'«en matière autre que criminelle
ou pénale, l'aide juridique est
accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera saisi [...] lorsqu'il
s'agit de fournir à des parties les services
professionnels d'un avocat pour l'obtention d'un jugement relatif à une entente
présentée dans une demande conjointe en révision de jugement et portant
règlement complet en matière de garde d'enfants ou encore en matière de
pensions alimentaires pour enfants seulement
ou de pensions alimentaires pour enfants et pour conjoint ou ex-conjoint». Donc,
la particularité de cette mesure est que,
pour la première fois depuis la création d'un régime d'aide juridique, un
service est accessible à l'ensemble de la population sans égard à leur
situation financière, donc, ce qui est bénéfique et avantageux pour la
population.
M. le
Président, la question que j'aimerais adresser à la ministre, donc :
Est-ce que Mme la ministre pourrait nous dire plus... pourrait nous en dire davantage, c'est-à-dire, sur le
fonctionnement de ce service et également nous dire si celui-ci est populaire et est bien utilisé par des familles
ou des parents qui... ex-conjoints qui ont certains jugements au préalable
et qui aimeraient utiliser ce service-là? Merci, M. le Président.
Mme LeBel :
Merci beaucoup. Merci, M. le Président. Bien, effectivement, puis je pense que
vous allez m'entendre, peut-être de
façon redondante, parler d'accès à la justice, et l'accès à la justice, encore
une fois, c'est une multitude de mesures, et il faut attaquer ça de plusieurs fronts et de façon globale. Donc, ce
n'est pas une mesure unique, une façon de faire unique. Ce n'est pas en
augmentant simplement les effectifs devant les tribunaux, c'est également en
mettant en place de telles mesures comme
celle-ci, que vous venez de mentionner, qu'on appelle communément le SARPA, si
je ne me trompe pas, le service d'administration des rajustements, entre
autres, de pensions alimentaires.
Ce service a ceci de particulier que cette
mesure est, pour la première fois depuis la création du régime d'aide juridique, un service qui est accessible à
l'ensemble de la population sans égard à la situation financière. Donc,
naturellement, pour les gens qui ont accès à
l'aide juridique, c'est gratuit, et, pour ceux qui ne l'ont pas, il s'agit d'un
régime qui est accessible à moindre
coût et qui permet, donc, que, pour les parents qui s'entendent d'ailleurs pour
apporter des modifications à la garde, aux
droits d'accès ou à la pension alimentaire d'un enfant ou d'un conjoint, par
exemple, quelle que soit la cause, alors qu'ils ont déjà obtenu un
jugement, d'éviter de s'adresser aux tribunaux.
Ce service est, oui, très utile, très
apprécié également. 18 734 demandes ont été présentées depuis son entrée
en vigueur en 2012, je crois... en 2014, 1er avril
2014, soit plus de 284 demandes par mois. C'est assez notable. Ce service,
donc... qui est particulier également pour
ce service, c'est que l'avocat est choisi par les parents, il peut être donc...
Comme je le mentionnais tantôt, on
l'a parlé, hein, de notre système d'aide juridique à deux vitesses, et ça,
quand je dis ça, ce n'est pas du tout
une connotation péjorative, au contraire, c'est pour respecter le droit à l'avocat,
et ce service, donc, permet donc de prendre soit un avocat permanent de l'aide juridique, ou il peut s'agir d'un
avocat de la pratique privée qui va, naturellement, accepter de rendre
le service pour le montant qui est établi par le programme.
Pour
les parents qui sont non admissibles financièrement à l'aide juridique, on l'a
mentionné, il en coûte 554 $, donc environ 275 $ ou 177 $ par parent, pour l'ensemble des
services rendus par l'avocat afin d'homologuer l'entente. Donc, vous pouvez bien voir et vous êtes bien en mesure de
constater que c'est un service qui, comme tous les autres services, peut
augmenter de façon significative l'accès à la justice en matière familiale.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, Mme la ministre. M. le député
de Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque
(Chapleau) : Donc, effectivement, bien, c'est très positif. J'aimerais peut-être amener la ministre
sur un autre sujet, donc, en lien avec les
poursuites criminelles en matière
d'exposition au VIH. À l'échelle mondiale, là, les poursuites pour non-divulgation, exposition ou
transmission du VIH sont souvent liées à des rapports sexuels. Il s'agit
d'au moins 68 pays qui ont des lois qui
criminalisent spécifiquement la non-divulgation, l'exposition ou la
transmission du VIH. Donc, certaines
personnes ont été poursuivies alors qu'elles n'avaient aucune intention de
causer préjudice, qu'elles n'ont pas transmis le VIH et que la
transmission était en soi extrêmement improbable ou impossible.
Cela
suggère que les poursuites pénales ne sont pas toujours guidées par les
meilleures données scientifiques et médicales
probantes disponibles. En effet, les données utilisées pour guider ce type de
poursuites n'ont pas vraiment évolué pour
refléter les nouvelles connaissances sur le VIH et sur son traitement, et elles
peuvent être influencées par la stigmatisation et les peurs qui sont
associées au VIH et qui persistent encore aujourd'hui dans notre société.
Cette
compréhension qui est limitée des données scientifiques actuelles sur le VIH
renforce la stigmatisation et peut conduire
à des erreurs judiciaires. Elle peut également compromettre les efforts déployés pour lutter
contre l'épidémie du VIH.
Le 29 octobre
2018, le Réseau juridique canadien VIH/sida a écrit une lettre ouverte à la ministre
fédérale de l'époque de la Justice
l'exhortant à mettre en pratique les recommandations formulées dans le rapport
fédéral Réponse du système de justice pénale à la
non-divulgation de la séropositivité de décembre 2017. Par la suite, le 8 décembre
2018, la directive 5, donnée au procureur par la ministre fédérale de la
Justice de l'époque, est devenue applicable dans les trois territoires
canadiens.
Donc,
cette directive prévoyait ce qui suit, donc trois éléments : une poursuite
dans les cas de non-divulgation de la séropositivité
avant l'activité sexuelle ne doit pas être intentée lorsque la personne a
conservé une charge virale supprimée. Une
poursuite ne doit pas être engagée lorsqu'un condom a été utilisé. La poursuite
doit être intentée au moyen d'infractions à caractère non sexuel dans les cas où la conduite était moins
répréhensible. Et, en terminant, le procureur doit prendre en
considération si la personne séropositive a reçu des services de l'autorité de
santé publique.
Donc, M. le
Président, j'aimerais adresser une question à la ministre. Donc, au Québec,
c'est le gouvernement provincial qui est
responsable de l'administration de la justice. La directive 5, dont je
viens de vous parler, ne s'applique donc pas ici. J'aimerais alors
savoir si, au Québec, nous avons quelque chose de similaire à cette directive
concernant la non-divulgation de la séropositivité. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Merci, M. le député. Effectivement, au Québec, nous
avons quelque chose de similaire.
Mais je dois dire qu'il y a quelque chose aussi de particulier au Québec et je
ne pense pas me tromper en disant que c'est encore le cas, entre autres,
si ce n'est pas encore le cas, on n'est pas très nombreux au Canada, c'est le
régime de préautorisation des plaintes qui
sont ici par le DPCP, ce qui fait que le DPCP est en mesure, avant de porter
plainte... doit faire en sorte de
vérifier deux critères, hein, c'est-à-dire de vérifier qu'il y a de la preuve
et vérifier l'opportunité de poursuivre.
Je dois dire que,
entre 1989 et 2016, seulement 27 des 200 plaintes qui ont été portées dans
cette matière-là au Canada appartenaient au
Québec et seulement six dossiers depuis l'affaire Mabior en 2012. Alors que,
contrairement à l'Ontario, où 53 % des dossiers... ils détiennent
53 % des dossiers canadiens en cette matière-là.
Ce
qu'il est important de comprendre dans la directive 16 et qui suit,
naturellement, les enseignements de la Cour suprême et l'évolution de la
science, c'est qu'avant de... pour être sûr, là, il faut qu'il y ait une
possibilité réaliste de transmission du VIH.
Et il faut tenir compte de la science. Au Canada, on a précisé que la question
de savoir si une activité sexuelle,
d'ailleurs, entraîne une possibilité réaliste de la transmission doit être
déterminée selon les progrès de la science. Et vous avez fait part, tantôt, de nombreux événements ou situations,
nombreuses situations qui pourraient faire en sorte effectivement de
réduire le risque dans plusieurs situations.
Le régime de
préautorisation des accusations que nous avons au Québec ainsi que le taux de
déclaration de culpabilité avoisinant
93 % démontrent bien, là, qu'au Québec, quand des accusations sont
déposées, bon, je ne dirais pas qu'elles
sont fondées parce qu'il faut encore en faire la preuve, mais que notre régime
de préautorisation assure un certain filtre. Et, dans le cas qui nous
préoccupe, ce filtre, effectivement est primordial pour s'assurer qu'on
n'accuse pas des personnes qui n'avaient pas
l'intention et qu'on n'accuse pas des personnes qui n'ont pas divulgué, alors
que le risque n'est pas une possibilité réelle telle que l'édicte la
jurisprudence.
Pour ce qui est des directives, effectivement,
le DPCP a donc suivi les enseignements et a émis récemment une directive, en
date du 8 mars 2019, une position, donc, institutionnelle concernant les
poursuites criminelles en matière d'exposition au VIH et de non-divulgation, d'ailleurs, de la
séropositivité. Celle-ci est à l'effet que le critère de la possibilité réaliste dont on vient de parler de transmission
du VIH établie dans l'arrêt Mabior n'est pas satisfait lorsque la personne
se livrant à une activité sexuelle sans
révéler sa séropositivité suit un traitement antirétroviral comme prescrit et
maintient une charge inférieure à 200 copies
VIH par millilitre. Donc, c'est très
technique, mais ce sont les enseignements, d'ailleurs, de la science dans cette matière-là. C'est ce que la
Cour suprême nous a demandé de suivre. Alors, on se dit qu'à ce
moment-là il existe un risque négligeable de
transmission et on ne serait pas, d'ailleurs, donc, dans une situation où le
Code criminel s'appliquerait.
Cette
position prise par le DPCP est fondée sur la position ministérielle émise par
le MSSS en octobre 2018 et sur les
recherches scientifiques récentes sur le sujet. L'une des conclusions du
rapport fédéral ainsi que les directives ontariennes et fédérales sont
d'ailleurs au même effet.
Finalement,
en conclusion, je veux rassurer les gens. On n'est pas dans les affaires
d'accuser les gens sans fondement. Et, dans ce cas particulier de la
séropositivité, tous les filtres sont mis en place pour l'éviter.
• (11 heures) •
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Je cède
maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve,
représentant le deuxième groupe d'opposition, pour un bloc d'échange
16 min 18 s. M. le député, s'il vous plaît.
M. Leduc :
Merci, M. le Président. Rebonjour, Mme la ministre. J'aimerais commencer par la
question de l'IVAC.
Mme LeBel : L'IVAC?
M. Leduc :
Oui. Alors, comme vous le savez, en 2016, la Protectrice du citoyen a rendu un
rapport public qui faisait état de
nombreuses défaillances à l'IVAC. Mme Saint-Germain parlait, dans son
rapport, d'accès difficile au régime, de longs délais encourus à la suite des demandes, d'un manque d'empathie à
l'égard des personnes qui faisaient appel à l'IVAC. Et, en juin 2017, la ministre de l'époque
avait annoncé un plan d'action de 54 millions de dollars qui s'échelonnait
jusqu'en 2019. 2019 étant déjà bien amorcé,
on prend pour acquis que ce plan-là va bientôt tirer à sa fin. Je voulais voir
quel bilan vous et votre ministère
faisiez de ce plan d'action. Est-ce que, selon vous, la situation actuelle est
satisfaisante et surtout avez-vous envisagé des mesures supplémentaires
par rapport à l'IVAC?
Le Président
(M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Oui. Merci. Effectivement. Bon, le délai moyen pour rendre une décision
d'admissibilité de l'IVAC en 2017 était d'environ 145 jours. Le
traitement des demandes qui étaient en attente, là, on... Bon, il y avait du
manque d'information, etc. Oui, on a
travaillé pour adresser cette question-là. Il y a plusieurs des recommandations,
je pense qu'il y avait 33... j'y vais
par coeur, là, et vous me permettrez, s'il vous plaît, d'être plus... des fois
plus fixée sur les chiffres, ce n'est
pas ma force, mais il y avait 33 recommandations, si je ne m'abuse, dans
le rapport de la Protectrice du citoyen. Plusieurs, au-delà de 26 recommandations, jusqu'à
présent, ont été jugées adressées de façon satisfaisante, six sont en
évaluation. Donc, on travaille
effectivement à remplir toutes et chacune des recommandations qui avaient été
faites par la Protectrice du citoyen.
J'essaie de
vous trouver les chiffres, parce que vous me parliez des délais, puis je veux
être sûre de vous donner les informations
exactes, là. Mais, effectivement, c'est quelque chose sur laquelle on
travaille. Donc, on travaille sur l'amélioration des délais de traitement. Parce que, naturellement, en matière d'aide
aux victimes d'actes criminels, non seulement les services rendus sont importants, mais, comme vous le savez,
le délai dans lequel ces services sont rendus sont essentiels, surtout
dans le cas de trauma, pour éviter ce qu'ils
appellent la cristallisation du traumatisme, donc, pour s'assurer d'intervenir
dans un délai approprié ou en...
J'avais juste le mot anglais, là, mais dans un temps opportun, si on veut, pour
permettre, justement, d'aider la victime de la meilleure façon possible.
Les délais sont cruciaux.
Alors, oui,
on a ajouté des effectifs. Il y a des directives qui ont été rendues. Les
délais de traitement se sont beaucoup améliorés.
Si vous me permettez, je vais vous trouver les chiffres pour être sûre de vous
les donner de façon exacte. Mais on travaille fortement à remplir les
objectifs qu'il nous reste à remplir au niveau des 33 recommandations qui
avaient été émises par la Protectrice du citoyen.
M. Leduc :
Donc, il n'y a pas nécessairement un nouveau plan d'action qui est en branle
chez vous en lien, toujours, avec les rapports qui avaient été déposés
par Mme Saint-Germain?
Mme LeBel :
Bien, je peux vous dire qu'en matière de délais la réalisation... Des cibles
ont été atteintes, là, et prévues pour
trois ans à ce niveau-là. Mais c'était beaucoup plus large, ce qu'il y avait au
niveau de la Protectrice du citoyen. Puis, oui, il y a... Bien, le plan d'action est de revoir la loi. On est en
train de regarder pour une réforme de l'IVAC. Il y a plusieurs raisons, il y a plusieurs choses qu'il faut faire.
Il y a eu plusieurs doléances dans le rapport de la Protectrice du citoyen,
entre autres, la notion de victime, la
définition de victime, entre autres, la liste des crimes désignés. Donc, oui,
on travaille sur ces sujets-là
également. Je faisais part d'entrée de jeu qu'il y avait plusieurs réformes en
justice. J'ai trouvé plusieurs réformes à faire également dans le
domaine de la justice effectivement. Et c'est une des choses à laquelle je veux
m'attaquer.
M. Leduc :
Vous parlez de la liste des crimes. Ça me permet de rebondir sur une question
qui me touche beaucoup. Vous savez
que, dans la fameuse liste, il y a la... Il y a des absences, bien sûr. Il y a
notamment l'absence du proxénétisme, de
la traite, alors qu'on est en train de préparer une commission sur la question
de la prostitution juvénile, le changement de la
loi, qui a été fait au niveau fédéral en 2014 si je ne me trompe pas. Est-ce
qu'il y a une raison pour laquelle ces deux crimes-là ne font pas partie de la
liste de l'IVAC, des listes de crimes couverts par l'IVAC?
Mme LeBel :
Bien, je ne serais pas capable de vous répondre pourquoi, historiquement, ces
crimes-là ne faisaient pas partie de
la liste. Cette liste-là n'a pas été révisée depuis longtemps. Alors, ça va
faire partie de ce qu'on va regarder avec le ministère. Est-ce que je
vous dis que celle-là de façon particulière... Non, je ne m'engagerai pas
aujourd'hui à nommer des crimes qui vont
être ajoutés à la liste. Ça ne veut pas dire qu'il ne le sera pas. Donc, n'y
voyez pas ni une négation ni une
approbation de ma part. Voyez-y plutôt une intention de revoir ça. Et,
justement, en fonction des commentaires que vous venez de faire, je
pense que c'est pertinent de le faire.
M. Leduc :
Juste pour qu'on prenne un peu la séquence de votre plan de travail au
ministère, là, il y a le droit de la famille
qui s'en vient. Ça va être un gros morceau. Donc, j'imagine que cette révision-là de l'IVAC, ça va être beaucoup
plus tard, là.
Mme LeBel : Bien, ça n'empêche pas d'autres personnes que moi
de travailler sur cette réforme-là, et s'ils ont des propositions à me faire dans l'intervalle... Maintenant,
on verra dans le plan de match de quelle façon on pourra le faire. C'est
un plan... vous savez, quand je dis ça,
qu'il est le plus généreux au Canada, je ne dis pas ça pour faire taire les doléances.
Au contraire, je dis ça simplement
pour souligner que, s'il est le plus généreux au Canada, qu'il donne des sommes
astronomiques à chaque année et qu'il
rencontre encore beaucoup d'insatisfaction, c'est parce qu'il y a quelque chose qu'il faut revoir. Et ce n'est peut-être
pas nécessairement en termes d'investissement, mais en termes d'administration
de ce régime-là.
Et
je pense qu'il faut prendre le temps de le faire. C'est une réforme qui, comme
toutes les autres, date de... et a été peut-être longtemps due, et je ne veux pas faire des choses à la
pièce et apposer des diachylons. Je pense qu'il faut le revoir en profondeur. Et, malheureusement, pour faire de
telles choses, bien, et le faire correctement, et s'assurer de ne pas être obligés de le refaire dans quatre ans, ou dans six
ans, ou dans sept ans, et assurer une nouvelle pérennité à ce régime-là
qui, ce dont on doit être fiers, je dois le mentionner, bien, je pense qu'il
faut prendre le temps de faire les choses.
M. Leduc : Oui, merci, puis vous pourrez compter sur notre collaboration quand on sera rendus à cette étape-là. On espère qu'elle viendra
le plus tôt que tard, bien sûr.
Je
vais rester sur l'IVAC un instant encore. Vous parliez d'indemnisation; on a
constaté que, dans les crédits de cette année, il y a quand même une diminution
des crédits. On a cru comprendre que c'était dû au fait que la suramende compensatoire qui est prévue au Code criminel
avait été jugée inconstitutionnelle. Bien, d'abord, est-ce que c'est notre
bonne compréhension de la chose, pourquoi le
fonds aurait un peu diminué et, surtout, comment vous allez pouvoir assurer
la pérennité du financement du fonds dans un tel contexte?
Mme LeBel :
Je vais commencer à répondre à votre question pendant qu'on me trouve les
chiffres, parce que vous comprendrez que je ne connais pas par coeur,
puis ce serait farfelu de ma part de vous le faire croire, là.
Pour ce qui est de la
suramende compensatoire, pour adresser cette question-là de façon plus
particulière, effectivement, le fonds était
subventionné en grande partie par cette suramende-là. On sait tous qu'il y a eu
un jugement de la Cour suprême qui
est venu invalider le fait que la suramende compensatoire était maintenant
obligatoire au Code criminel. Donc, c'est la différence entre le «doit»
et le «peut».
À
une certaine époque, quand je pratiquais, le juge pouvait... devait... pas
devait, mais pouvait imposer une suramende compensatoire, bon, dans le cas d'amendes ou même dans certains autres
cas, s'il le jugeait approprié, souvent en fonction de la capacité financière du contrevenant de payer.
Maintenant, avec la modification qui avait été apportée au Code
criminel, on avait changé cette notion de
«peut» pour le «doit», c'est-à-dire qu'il y avait une obligation de la part...
automatique de la part du juge
d'imposer cette suramende compensatoire là, ce qui a créé des problèmes au
niveau de la charte et de la notion de l'article 12, de la peine
cruelle et inusitée.
Je dois vous dire
qu'il y avait déjà des travaux qui étaient en cours et des pourparlers avec le
fédéral par rapport à C-75, pour faire en
sorte de réintroduire, dans l'article 737 du Code criminel, la notion de
«peut», c'est-à-dire d'évaluation de
la capacité financière de payer du contrevenant, pour ne pas, bon, créer
indirectement une peine d'emprisonnement. Parce que, vous le savez, si quelqu'un est en défaut de payer une amende, bien,
il y a un mandat d'arrestation, et il pourrait ultimement être porté à
purger cette sentence-là dans... devant... nos tribunaux.
Donc,
oui, il va y avoir un impact. Pour l'instant, je vous rassure, le fonds est en
bonne santé pour l'année à venir, mais
il faut travailler là-dessus. J'ai déjà des discussions avec mes homologues. On
avait prévenu le coup, si vous voulez, avant
même l'arrêt de la Cour suprême. L'arrêt de la Cour suprême est venu
malheureusement confirmer la vision des choses qu'on avait en pensant que l'obligation de la part du juge n'était
peut-être pas la meilleure chose à faire. Maintenant, j'ai parlé avec
mon homologue, je lui ai... M. le ministre de la Justice fédéral, M. Lametti,
je l'ai fait de vive voix, je lui ai envoyé une lettre en février 2019 le
réitérant, je l'ai rencontré quelques semaines plus tard en personne pour le
réitérer. Il y a une possibilité,
maintenant, le projet de loi C-75 est au Sénat, il y a une ouverture pour
pouvoir faire, s'il y a une volonté fédérale, mais je pense que le
message est bien compris.
M. Leduc :
Petite question en lien avec l'IVAC, puis juste pour vérifier si ça va être des
choses qui pourront être regardées dans une éventuelle révision de la
loi avec vous. D'abord, dans mon quartier, dans Hochelaga-Maisonneuve, puis il y en a probablement un peu beaucoup
ailleurs au Québec aussi, il y a une femme dont l'enfant est disparu. Elle
n'a jamais réussi à avoir accès à l'IVAC,
parce que l'enfant n'est pas officiellement décédé, il est disparu. Donc, ça,
c'est un enjeu que je voudrais voir si on est capables de discuter dans
une éventuelle révision.
Et, autre chose, les lieux
du crime hors Québec. L'IVAC est assez sévère, quand ce n'est pas un crime sur
le territoire du Québec, ce n'est pas
couvert, alors que, par exemple, je sais qu'à la SAAQ, on indemnise des
victimes d'accidents de voiture hors
Québec. Mais on ne le fait pas pour un meurtre, par exemple, d'une personne qui
serait décédée ailleurs. Il y a eu un
cas en 2015, le cas d'Audrey Carey, décédée en Californie. Donc, est-ce que
c'est des choses qu'on pourrait étudier ensemble sur la révision de la
loi?
• (11 h 10) •
Mme LeBel :
C'est des choses qui sont très certainement dans notre spectre de révision, si je peux le dire comme ça, puis ça
va me faire plaisir de discuter avec
vous. Quand on parle de justice, d'accès à la justice ou d'injustice, dans
certains cas... puis je ne ferai pas
référence à des dossiers particuliers parce
que je ne connais pas les détails,
puis c'est toujours difficile,
même si je suis convaincue, vous en faites un compte rendu exact, de commenter
des affaires particulières, vous le comprendrez.
Donc, je ne m'adresse pas à ce dossier-là en particulier, mais je pense
qu'il est important, puis cette notion-là est longtemps comprise, là. Je le réitère, si c'était le fonds
le plus généreux, ce qui est un fait, c'est factuel, et qu'on a encore beaucoup
de difficultés et tant de doléances, c'est parce qu'il faut revoir les façons
de faire, et je pense que de travailler ensemble, ça va me faire extrêmement
plaisir, parce que l'objectif qu'on partage est commun.
M. Leduc : Puis, encore une
fois, je réitère que vous pouvez compter sur notre collaboration plus tôt que
tard, souhaitons-le.
J'aimerais
vous parler du dossier des transfusions sanguines pour les Témoins de Jéhovah.
Vous êtes au courant que la jeune Éloïse Dupuis est décédée, là, suite à
un refus de transfusion sanguine. Vous aviez, je crois, rencontré sa tante,
Mme Manon Boyer, j'ai eu l'occasion de lui parler au téléphone également.
Et puis il y avait eu quand même un certain consensus à l'époque sur le fait qu'il fallait, du moins,
étudier cette procédure-là parce
qu'elle menait, visiblement, à des drames.
Et il y avait eu un engagement de mettre sur pied une commission parlementaire.
Ça n'a pas été possible, peut-être alentour d'un argument technique de
mots, de choix de mots.
Au-delà de la tenue ou pas de cette commission
en particulier, j'aimerais savoir si, au sein de votre ministère, il y a un forum de réflexion ou un comité qui est
prévu au sein de la structure de votre ministère ou du gouvernement pour
traiter de cette question-là.
Mme LeBel :
Bien, merci de le souligner. Effectivement, j'ai rencontré la tante d'Éloïse
et, au-delà du drame humain que ça
reflète et pour lequel j'ai beaucoup de compassion puis j'ai beaucoup
d'empathie puis de sympathie pour elle, je pense qu'il faut étudier
cette question-là de façon sérieuse. On s'attaque ici à quelque chose qui est
quand même extrêmement important,
extrêmement sensible qu'est la possibilité ou le droit pour quelqu'un de
refuser un traitement. C'est un droit qui est important. On comprend
également la position de la tante d'Éloïse quand on pense que ce
consentement-là est vicié pour un tas de raisons, pour lesquelles on
n'élaborera pas, mais qu'on connaît dans ces cas-là particuliers.
Les dérives
sectaires, on va les nommer comme ça ici, sont une préoccupation de longue date
pour la CAQ. Le premier ministre
actuel en a fait part également, il l'a mentionné. J'en ai fait part. C'est
pour cette raison-là que j'ai rencontré... bien que ce soit... je tiens à le préciser, hein, ce n'est pas un
dossier qui touche à la justice dans le sens que ce n'est pas partie de mon portefeuille, mais c'est un dossier
qui me touche au sens beaucoup plus large, même s'il n'est pas dans mes responsabilités au sens strict. Mais c'est une
préoccupation de longue date, puis je peux vous... je pense que je ne me
trompe pas en vous véhiculant la volonté du gouvernement d'agir sur la
question.
Maintenant,
est-ce que le mandat d'initiative était le bon véhicule ou non? Est-ce que
c'est une question technique ou non?
Peut-être. Je pense que ce n'était peut-être pas la façon de le faire, mais je
ne m'embarquerai pas dans les moyens. Ce qui est important, c'est de dire qu'on va reconsidérer nos options, puis
on n'a pas abandonné cette question-là, on n'a pas mis ça de côté puis
on n'en est pas moins préoccupés.
M. Leduc : ...comité qui se
penche là-dessus en ce moment. C'est ça que je comprends, là.
Mme LeBel :
Oui, oui, on est en train de regarder. Est-ce qu'il y a un comité formel,
là, je n'en fais pas partie, là, mais... Ah! M. Martel, bon. Bien,
Donald, je m'excuse.
Une voix : ...
M. Leduc : Oui, il faut le
nommer, là.
Mme LeBel :
Vous voyez, je savais qu'il y avait un comité, mais je ne voulais pas
m'aventurer dans les noms parce que je ne suis toujours pas bonne
là-dedans, puis mon collègue le sait.
Mais on va
proposer quelque chose. Ce que je veux rassurer, ce n'est pas parce que le
mandat d'initiative n'a pas eu lieu
que cette question-là est mise de côté, c'est ça que je pense qui est
l'essentiel de mon message, sans m'enfarger encore une fois de plus dans
les détails, parce que c'est toujours là que je m'enfarge.
M. Leduc :
J'ai une question sur la question du cannabis. Vous savez qu'il y a toutes
sortes de problèmes dans le système
de la justice, il y a toutes sortes de... c'est embourbé. Puis on se demandait
si, dans le cadre de la légalisation du cannabis, il y avait, encore aujourd'hui, des causes pendantes pour
possession de petites quantités qui étaient, évidemment, initiées avant le changement de la loi. Et, si
c'est le cas, est-ce que vous entendez, peut-être, agir par rapport à ça, par
rapport à une infraction qui n'est plus le cas? Est-ce que c'est quelque chose
qui est dans votre réflexion en ce moment?
Mme LeBel :
Bien, je n'ai pas la réponse à votre question. Est-ce qu'il y a encore des
causes pendantes, qui ne seraient
pas... qui, compte tenu de la légalisation, là, du projet de loi fédéral,
n'auraient pas été criminalisées à une certaine époque, je l'ignore. Tout ce que je peux vous dire, c'est que
non, je n'ai pas l'intention d'agir, parce que le DPCP est extrêmement
bien outillé, connaît son affaire, est indépendant et saura, j'en suis
convaincue, faire une gestion adéquate de ces cas-là, s'ils existent.
M. Leduc :
On parle beaucoup de pénurie de main-d'oeuvre en ce moment un peu partout au
Québec en fait. Je me demandais si
vous aviez un défi de pénurie de main-d'oeuvre au sein de l'appareil judiciaire
québécois, peu importe, des juges, avocats, etc., et, si oui, comment
vous traitez cette question-là.
Mme LeBel :
Bien, je vous dirais que, bon, comme tout le monde, on a un certain défi de pénurie de main-d'oeuvre,
mais on n'a peut-être pas le même
défi que les entreprises qui demandent souvent de la main-d'oeuvre non spécialisée ou d'une
spécialisation différente. Mais je vous dirais que le défi, présentement, on en a parlé tantôt, c'est le défi de pénurie de
main-d'oeuvre en
matière de justice, c'est celui qui a
trait à notre volonté de faire le virage technologique. Et, en matière technologique,
on ne sera pas les seuls à faire face à ça, tous les ministères qui voudront
faire un virage, et la transformation gouvernementale aussi, il y a un
certain défi, là, de trouver les experts en matière technologique.
Maintenant,
je n'ai pas les chiffres, là, mais je peux vous dire qu'on travaille fort, on y réussit, mais c'est peut-être ça qui va expliquer certains délais, c'est-à-dire, c'est des délais
d'embauche plus que des délais de volonté d'agir, là, si je peux les
résumer de cette façon-là.
M. Leduc : Il reste peu de
temps, je terminerais par une question philosophique pour vous, madame...
Une voix : ...
M. Leduc : Non, bien, en tout cas, on verra. Ça peut
être politique ou sociologique, c'est à vous de choisir. Je
veux faire une petite question
sur le lien entre la pauvreté et la criminalité. Vous savez qu'il y a
plusieurs auteurs qui se penchent sur la question, justement, qui font ce lien-là entre inégalités, pauvreté,
exclusion sociale, manque de lien social et criminalité. Je me demandais si, au sein de votre ministère,
vous aviez des gens qui avaient déjà fait des études sur cette question-là
et si vous aviez, vous, une vision et, en
fait, si vous pensez qu'il est important pour un gouvernement d'agir sur les facteurs qui sont
criminogènes dans ce sens-là.
Le Président (M.
Bachand) : ...secondes, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Je ne sais pas s'il y a des études particulières. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a
pas, là, mais je l'ignore, mais je
peux vous dire que moi, je suis tout à fait consciente que ça fait partie des
facteurs. Puis, quand on veut agir en accès à la justice... C'est pour ça que, quand on regarde les moyens d'action,
d'information, de briser l'isolement, bien, on regarde beaucoup les secteurs démographiques que vous
venez de nommer, parce qu'effectivement l'isolement... Mais il ne faut pas penser qu'il n'y a pas d'accès à la justice
dans d'autres niveaux, mais vous avez raison, ce sont des secteurs qui
sont plus particulièrement touchés, on en
est conscients. Maintenant, est-ce qu'il y a des études particulières?
Peut-être, mais moi, je n'ai pas eu accès à ça pour l'instant.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Maintenant, je cède la parole à la députée de Les Plaines pour
un bloc d'échange de 14 minutes, s'il vous plaît.
Une voix : ...
Le Président (M. Bachand) :
14 minutes.
Mme Lecours
(Les Plaines) : 14 minutes?
Parfait. Merci beaucoup, M. le
Président. À mon tour de remercier
mes collègues, remercier évidemment la ministre, remercier M. le Président ainsi que tous
les gens qui sont ici aujourd'hui
pour cette étude de crédits.
Je vais vous
entretenir, Mme la ministre, M. le
Président, je vais entretenir Mme la ministre sur la transformation de la
justice, parce qu'évidemment c'est un
volet qui est important. C'est un fait qui est de plus en plus établi et
reconnu, le système de justice québécois
fait face à de nombreux et grands défis en matière criminelle et pénale. En
effet, les enjeux d'accès et de délai entravent la confiance que les
citoyens ont envers la justice. Nous l'avons maintes et maintes fois souligné. C'est dans cet esprit que la Cour
suprême du Canada a rendu le très célèbre... moi, je dis tristement célèbre
arrêt Jordan, en juillet 2016, parce qu'il
dénote évidemment d'une véritable problématique. Alors, en effet, l'arrêt
Jordan a marqué les consciences
lorsqu'il a traduit un droit en nombre, neuf des cinq juges de la Cour suprême
ayant fixé des plafonds pour traduire
un inculpé en justice : 18 mois pour les procès induits devant une cour
provinciale et 30 mois pour ceux qui le sont devant une cour
supérieure ou ceux induits devant la cour provinciale à l'issue d'une enquête
préliminaire.
Certes, en
lui-même, le droit conféré à l'alinéa 11(b) de la Charte canadienne des
droits et libertés, qui garantit à un inculpé
le droit d'être jugé dans un délai raisonnable, implique évidemment la
détermination d'un délai. Mais, plus encore, et ce dont il est question dans l'arrêt Jordan, c'est de déterminer un
nombre auquel correspond ce droit. Ainsi, l'arrêt Jordan impose des délais à respecter entre le dépôt des
accusations et la conclusion du procès, à moins de circonstances
exceptionnelles.
Il
y a des circonstances exceptionnelles, par exemple, dans certains cas de procès
qui résultent d'une enquête pour crime
économique. En effet, les enquêtes pour crime économique sont très souvent
volumineuses et fastidieuses, considérant la quantité de documents comptables saisis qui sont analysés par les
enquêteurs. Pour cette raison, il y a des requêtes en arrêt des procédures qui évoquaient l'arrêt Jordan
qui ont été rejetées par des juges dans le cas d'enquêtes pour des
crimes économiques, notamment celle menée
par Revenu Québec. Toutefois, la quantité des éléments de preuve nécessaires
pour démontrer une infraction, notamment à
l'égard des crimes économiques, introduit un tout autre problème, soit le fait
que nos salles de cour ne soient pas
disposées à entendre des procès de manière électronique, ce dont on a parlé, ce
qui ajoute aux délais déjà très longs.
• (11 h 20) •
Pour prendre un exemple de Revenu Québec,
l'ensemble de leurs saisies sont numérisées en totalité suite aux perquisitions qu'ils effectuent, faisant en sorte
qu'ils sont en mesure de faire une divulgation de la preuve à la partie
adverse de façon totalement électronique.
Une divulgation de la preuve électronique rend par ailleurs la divulgation
beaucoup plus intelligible, ce qui
est particulièrement intéressant. La gestion électronique des choses saisies
effectuée par Revenu Québec leur
permettrait de procéder devant un juge de façon électronique également, ce qui
n'est pas possible actuellement en raison de l'état de nos salles de cour. À cet égard, l'absence
d'investissements notables sur le plan numérique dans le système de
justice québécois au cours des dernières années constitue un enjeu important.
Par ailleurs, un retard numérique significatif
est constaté comparativement à d'autres provinces et d'autres territoires canadiens. Ce retard n'a pas permis de
s'adapter aux nouvelles façons de faire, telles celles de Revenu Québec.
Dès notre arrivée au pouvoir, notre
gouvernement s'est engagé à être efficient et transparent dans la gestion des
finances publiques. Cet engagement est un
processus progressif qui vise notamment à définir de meilleures façons de faire
pour réaliser des gains de
productivité et d'efficience. Nous sommes donc engagés à améliorer la
performance dans la livraison des services. Par conséquent, dans ce souci d'offrir des services de qualité aux
citoyennes et aux citoyens du Québec de manière efficiente, les
ministères et les organismes du gouvernement doivent s'assurer d'avoir à leur
disposition les ressources suffisantes. Ainsi,
notre gouvernement a prévu, dans le budget 2019‑2020, des sommes afin
d'aider les ministères et les organismes à mettre en oeuvre des projets
d'amélioration des façons de faire.
Voici ma question à Mme la ministre, M. le
Président : À ce titre, j'aimerais savoir quels sont les objectifs de
modernisation du ministère de la Justice.
Le Président (M. Bachand) :
Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Oui, bien, effectivement, je pense qu'on n'est jamais totalement désincarnés de
notre passé, Dieu merci, hein? Et
l'arrêt Jordan a été un électrochoc pour le système de justice canadien et au
Québec également. On l'a vécu, je l'ai vécu
sur le terrain, de voir comme on l'a vu à cette époque-là qui, Dieu merci, ne
se reproduira pas, je l'espère, et on va travailler dans ce sens-là, de revoir des criminels reprendre le chemin
de la rue, criminels potentiels, mais ce, pas parce qu'ils ont été
jugés, mais parce qu'ils n'ont pas été jugés, je pense que c'est un déni de
justice pour la société qu'il faut éviter.
Donc,
effectivement, je reprends la balle au bond pour réitérer, comme... suite à une
question de mon collègue député tantôt,
que, oui, on poursuit l'engagement qui avait été pris par le gouvernement
précédent. Quand c'est une bonne idée, on la maintient, on la développe, on la poursuit, on l'amène plus loin. En
tout cas, c'est ma philosophie, ma façon de faire. Je pense qu'il
fallait investir en innovation.
Donc,
effectivement, le plan de transformation de la justice, on l'appelle
transformation de la justice parce que c'est important de comprendre une chose : ce n'est pas juste la numérisation
de la justice, c'est la transformation de la justice.
Il faut
saisir une occasion, une occasion qui a été une occasion pénible, l'arrêt
Jordan, pour en faire une occasion positive, c'est-à-dire de se
repositionner et de regarder vers l'avant.
Donc, il y a
trois axes pour la transformation de la justice, qui sont, naturellement,
instaurer des pratiques innovantes, les nouvelles technologies, qui en
font partie, indissociablement, et la fluidité de l'information entre les
intervenants, je l'ai mentionnée tantôt.
Les
principaux objectifs qui sous-tendent cette vision-là pour la transformation de
la justice sont la justice innovante, vous
l'avez dit, donc, opérer un changement de culture, et c'est là que la
collaboration avec tous les acteurs du système de justice est
importante. Et c'est là que mon rôle est un rôle de catalyseur, si on veut. Je
dois aider ces gens-là, qui ont déjà commencé à faire un travail exemplaire, je
dois le dire : la magistrature, la pratique privée — je
salue mes anciens collègues de la défense,
la DPCP également, mes anciens collègues du DPCP et la magistrature — tous les acteurs du système de justice travaillent présentement dans un
objectif commun et ne travaillent plus en silo, travaillent ensemble. Donc,
ça fait partie de la transformation de la justice, parce qu'on a tous
conscience qu'on est là pour une seule et même personne, c'est-à-dire le citoyen. Donc, ça transforme les
façons de faire, ça peut bousculer un peu les façons de faire et les
pratiques qui sont parfois jugées
archaïques, et je ne dirais pas toujours à tort. Naturellement, il y a
certaines pratiques qui sont là pour une bonne raison, il faut les maintenir, et il y en a d'autres qui... on
pourrait... peut-être avantage à être dépoussiérées. Et, non, même si on a tendance à... on aurait peut-être la
tentation de me poser la question, je ne les nommerai pas. Je vais
plutôt travailler à le faire.
Assurer de
façon, donc, sécuritaire l'échange fluide d'information, c'est quand même la
clé, la donnée personnelle, l'accès à l'information. Donc, il y a un
travail à faire de réflexion qui est tout à fait important dans ce cas-là.
La justice
doit être efficiente, hein? Diminuer les déplacements : pourquoi les gens
doivent encore se rendre dans les palais
de justice pour timbrer les procédures avec... pour ceux qui y sont déjà allés,
avec l'horloge, et on timbre la procédure. Pourquoi on ne peut pas l'envoyer par courrier ou par courriel? Bien,
pour ça, ça demande des modifications législatives, parce que le Code de procédure civile, ou nos
codes de procédure, demandent des formes très particulières pour que ce
soit considéré
acceptable par les tribunaux. Donc, il faut travailler pas simplement à
dire : Bien, on va l'envoyer par courriel, mais travailler sur la modification législative. Donc, voyez, c'est une
transformation au sens large, pas juste la technologie, mais les façons
de faire.
Donc, c'est
pour une justice au bénéfice des citoyens, ce qui est le troisième objectif de
cette innovation-là, donc, accroître
la confiance des citoyens envers le système de justice. Encore une fois, je
vais le répéter, ça va être mon mantra, je pense, pour les quatre
prochaines années, et c'est la façon dont moi, je vais m'évaluer dans mon
travail, si j'ai le privilège de le faire pendant encore quelques
années.
Favoriser l'accessibilité à la justice, c'est un
facteur qui est relié à ça.
Simplifier
l'accès des citoyens à l'information juridique. On l'a nommé tantôt, il y a plusieurs
façons de faire. Je ne les renommerai
pas à nouveau, mais on en a parlé. Entre autres, les CJP en sont une
illustration, une illustration parmi tant d'autres.
Favoriser
l'accès à des mesures de rechange en matière criminelle, c'est important, on en
parle également. On en a parlé tantôt
dans le secteur de la pauvreté, la justice réparatrice aussi, c'est peut-être
une façon, l'éducation, aider les gens à
se parler, à se comprendre, à sortir de l'isolement. Les mesures réparatrices,
les mesures de rechange, c'en est une, situation, et une façon d'avoir
conscience, en cette situation particulière là, de la criminalité qui
sous-tend, pour certains aspects, la criminalité.
Donc, je le répète, je le réitère, la
transformation de la justice, ce n'est pas juste un projet technologique, c'est
d'abord un changement de culture et des façons de faire. Ces changements sont,
par la suite, appuyés par les projets technologiques.
Donc, la technologie doit être un soutien, ne doit pas être la seule solution,
parce que, si on ne change pas nos façons
de faire, même si on ramène des nouvelles technologies, on va frapper le mur
dans quelques années, je le pense, là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée, s'il vous
plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Peut-être une sous-question par rapport justement aux... Les changements technologiques ne sont certes pas la façon de tout
résoudre les problèmes que le système a actuellement. Par contre, ça va solutionner certaines erreurs qui peuvent se
glisser. Dans les derniers mois, j'ai parlé avec des gens dans ma
circonscription que, justement, ils ont
trouvé des problèmes dans la façon de transcrire les dossiers. Mais est-ce
qu'on peut penser croire que, dans
les prochaines années, on pourrait justement assister ou tenir des audiences
numériques, puis qui éviterait les délais et, justement, la manipulation de papier? On a aussi notre petit souci
environnemental, on va le mettre aussi au profit dans le ministère de la
Justice. Est-ce que ce serait possible de croire ça?
Mme LeBel :
Tout à fait, puis c'est l'objectif, puis merci de me permettre de clarifier mes
propos. Je ne suis pas en train de
dire que le virage technologique, on ne le fera pas, mais je suis en train de
dire que, si on ne fait qu'un virage technologique
sans changer les pratiques, on va se retrouver à frapper, à un moment donné, le
mur, parce que la technologie ne sera
pas suffisante. Exemple : le citoyen pourra consulter à distance le
plumitif judiciaire, et le plumitif... ce qu'on ne peut pas faire présentement, à moins d'avoir
certains postes sécurisés ou de se rendre dans des CJP ou des palais de
justice, ce qui est un peu un non-sens,
mais, encore là, c'est une barrière technologique, pas un manque de volonté;
modifier à distance ses informations
personnelles, par exemple; remplir, et remettre, et transmettre diverses
demandes en ligne telles que les demandes de copies de procédures, ce
qu'on n'est pas capable de faire pour l'instant; être informé de façon électronique du traitement et suivi des demandes
transmises aux services judiciaires; présenter et déposer des pièces,
des preuves de ses dossiers en ligne par un
support technologique et numérique. Donc, les hangars à papier... Le temps où
on transporte les dossiers dans des paniers
d'épicerie, comme on le disait, nous, est révolu. Puis ça aussi, c'était une
cause de délais, hein, parce que,
quand on a tout simplement des copies de dossier papier, bien, qu'il faut
transporter le dossier d'une salle de
cour à l'autre, puis au palais de justice de Montréal c'est d'un étage à
l'autre, que le dossier ne se rend pas à temps, qu'il est perdu, bien, c'est un délai de plus dans la journée. Puis moi,
je l'ai toujours dit, les délais, au palais de justice et dans la
justice, ça se perd en minutes, en secondes puis en heures, ça ne se perd pas
en journées extraordinaires.
Donc, ça, oui, effectivement, on pourra voir. On
en a déjà plusieurs, projets pilotes. La visioconférence en est une dans
plusieurs districts. Mais oui, effectivement, c'est l'objectif, et on espère en
avoir beaucoup de fait dans les prochaines années.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Bien, merci beaucoup. Ça nous permet de voir la lueur au bout du tunnel.
Est-ce que j'ai encore un petit peu de temps?
Oui.
Alors, second
volet, l'hommage au civisme. La Loi visant à favoriser le civisme a été mise en
place à la suite d'un acte courageux
accompli en 1973. Afin d'éviter une tragédie, un chauffeur de taxi de Montréal
avait sauté de sa voiture pour prendre
le volant d'un camion-remorque qui roulait sans conducteur rue Saint-Urbain à Montréal.
Il s'était grandement blessé dans cette aventure.
Le 19 décembre 1977, le gouvernement du
Québec adoptait la Loi visant à favoriser le civisme dans le but de souligner le courage et la conduite exemplaire de
citoyennes et de citoyens qui ont porté secours à des personnes dont la
vie était en danger. Cette loi est sous la responsabilité du ministère de la
Justice du Québec.
En effet,
lorsqu'une intervention comporte une part importante de danger pour le
sauveteur, elle peut, en vertu de la Loi
visant à favoriser le civisme, être reconnue comme acte de civisme exceptionnel
et valoir à son auteur une décoration et une distinction du gouvernement du Québec. Cet acte doit avoir été
accompli dans les circonstances périlleuses ou difficiles qui parfois
ont pu mettre la vie du sauveteur en danger. La loi prévoit également des
indemnités pour le citoyen ou la citoyenne qui a subi des blessures corporelles
ou des dommages matériels en accomplissant un tel acte de civisme.
Les
gens hésitent parfois à porter secours à un blessé par crainte d'aggraver son état
et de faire l'objet de poursuites en dommages. Une disposition particulière au Code
civil du Québec, soit l'article 1471, protège donc contre toute poursuite judiciaire le citoyen
ou la citoyenne qui, de bonne foi, porte secours à une personne
en danger. C'est donc seulement s'il commet une faute intentionnelle ou une faute
lourde qu'un individu peut être tenu responsable d'un dommage causé
alors qu'il portait secours à une personne en danger.
La 33e cérémonie
hommage au civisme a eu lieu le 4 février dernier à l'hôtel du Parlement.
Au nom du gouvernement du Québec, Mme la
ministre a décerné six médailles et
deux mentions d'honneur, dont une médaille à titre posthume, un acte de bravoure qui a été posé lors
de la tuerie de la grande mosquée de Québec. J'ai moi-même eu l'honneur de pouvoir remettre aussi
très récemment des médailles d'acte méritoire. Et c'est vraiment des beaux événements.
Alors,
ma question pour la Mme
la ministre. Vous avez participé à votre première cérémonie de remise de
médailles en février dernier. Quelles sont vos impressions face à ce type de
cérémonie?
• (11 h 30) •
Le Président (M. Bachand) : Malheureusement, le temps est écoulé. Donc, je
dis aux gens de rester à l'écoute. Pour l'instant, je vais passer la parole à la députée de Joliette, représentant
le deuxième groupe d'opposition, pour une période d'échange de
16 min 18 s. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Merci beaucoup, M. le Président. Je vais inviter Me Murphy, peut-être, à
s'approcher, parce que je vais aborder la question du criminel.
Donc,
évidemment, on le sait, les délais déraisonnables continuent à faire avorter
des procès et, souvent, des procès très importants et donc à faire des
ravages en matière de justice et dans cette confiance si essentielle pour la
justice.
Donc,
juste en faisant une brève revue de presse des dernières semaines, j'ai pu voir
un dossier d'agression sexuelle qui a
avorté, 8 500 dossiers pénaux qui ont été abandonnés. En mars, on a
vu qu'il y a 400 contribuables qui sont poursuivis par Revenu Québec qui ont déposé des requêtes
Jordan. Évidemment, tout récemment, on a vu l'avortement du procès de
l'ex-cadre de SNC-Lavalin, M. Sami Bebawi, qui était poursuivi pour
entrave à la justice, compte tenu de délais déraisonnables.
Et aussi, bien sûr, un autre cas fort médiatisé, mais il y a une réelle épée de
Damoclès au-dessus du procès de l'ex-vice-première
ministre Nathalie Normandeau, qui a déposé une requête récemment à cet égard,
pas une requête Jordan, mais de précision à la Cour suprême.
Donc,
j'entendais fort à propos la ministre dire dans ses remarques préliminaires que
l'information juridique est essentielle
pour savoir où on s'en va. Et je pense que c'est une des clés de la
modernisation. Et donc vous allez comprendre que j'ai été plutôt stupéfaite de constater que le DPCP ne tenait plus
de statistique. Je suis à la page 210 des renseignements que nous
avons demandés. Et ça, ça fait suite aussi, il y avait eu une demande d'accès à
l'information en date du 1er février
qui était allé dans cette piste-là. Donc, le DPCP ne tient plus de données, ne
compile plus de données sur le nombre, donc,
de requêtes Jordan. Et, évidemment, en termes de transparence et d'accès à
l'information, c'est quelque chose qui, selon moi, est déplorable quand on veut voir l'état des lieux. Donc,
j'aimerais comprendre pourquoi on a arrêté cette procédure, alors que,
dans les deux dernières années, on avait toute l'information.
Mme Murphy
(Annick) : Dans les deux dernières années, on avait, M. le
Président...
Le Président (M. Bachand) : Une question technique. Est-ce que, donc, Mme la
ministre, vous demandez que... Alors, ce serait un consentement? Alors,
je vous invite à vous identifier, nom et titre, et pour débuter votre exposé.
Mme Murphy (Annick) : Alors, désolée, M. le Président. Je suis Anick
Murphy, directrice des poursuites criminelles et pénales.
Alors,
effectivement, comme on l'avait mentionné les deux dernières années, le DPCP ne
détient aucun programme informatique
pour produire cette information. Donc, l'information qu'on a produite dans les
deux dernières années est une information
que nous avons colligée de façon manuelle qui, évidemment, comportait des
erreurs, bien entendu. Le travail... Nous
n'avons pas non plus de personnel pour colliger cette information. Cette
information était colligée manuellement, donc par les procureurs qui,
lorsqu'ils le pouvaient, le mentionnaient. Donc, nous avons décidé de ne plus
compiler cette information-là parce qu'elle
est... De compiler cette information-là de manière manuelle, c'est très
exigeant. Et le résultat est très, très peu fiable. Donc, c'est la
raison pour laquelle on ne le fait plus. Nous avons tout de...
Mme Hivon :
M. le Président, oui. Il y a quand même eu une somme après qu'il y ait eu évidemment
tout un branle-bas de combat autour de
l'arrêt Jordan et des pressions qui ont été exercées. La précédente ministre de la Justice avait finalement
débloqué une somme de 175 millions pour faire suite aux conséquences de l'arrêt
Jordan. Il y a un chantier en ce moment de modernisation de 500 millions. Je dois vous
dire que je m'explique mal qu'on ne soit pas capable, et là c'est plus une question à la ministre
peut-être, de dégager une petite somme si c'est ça, le problème de ne pas avoir de ressource qui puisse compiler cette information-là qui
m'apparaît pour le moins essentielle quand on sait l'hécatombe qui s'est
produite à la suite de l'arrêt Jordan. Donc, je ne sais pas si la ministre peut
répondre si elle trouve que c'est une pratique qui a été abandonnée à juste
titre ou si c'est une pratique qui devrait demeurer. Et, si on n'a pas les
ressources, est-ce qu'on ne pourrait pas fournir les sommes qui sont
nécessaires pour faire ce travail-là qui, quand même, doit être réalisable?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
...savoir si c'est à juste titre ou non. Je ne commenterai pas cette
situation-là. Par contre, je peux comprendre effectivement que de compiler ces
informations-là de manière manuelle, c'est extrêmement onéreux en termes de temps, puis je pense que, tout comme moi, la
directrice des poursuites criminelles et pénales préfère voir ses procureurs
travailler des dossiers plutôt que de compter les dossiers et de faire des
statistiques.
Est-ce
que cette donnée-là est importante? Très certainement. Mais je suis plus
affairée à travailler à ce qu'on l'évite dans le passé et faire en sorte que... et comprendre, plutôt que de
compiler... c'est-à-dire comprendre pourquoi ces dossiers existent encore. Est-ce que ce sont, et là j'y
vais de façon très large, est-ce que ce sont des dossiers où il y avait des
reliquats, si on veut, de pré-2016? Est-ce
que ce sont des dossiers qui n'ont pas fait la mesure transitoire? Ou est-ce
que ce sont des dossiers qui ont
accumulé des délais depuis 2016, depuis l'arrêt Jordan? Je pense que c'est ça
qui est la statistique importante à comprendre, avec beaucoup de
respect, Mme la députée, plutôt que d'avoir le nombre de dossiers.
Et
je suis confiante que le DPCP a ces informations-là et va faire les
recommandations appropriées à la ministre de la Justice, qui est moi, en l'occurrence, pour qu'on puisse éviter dans le
passé que ça se reproduise. Parce qu'il faut comprendre qu'il y a
plusieurs cas Jordan, hein? On peut avoir les pré-Jordan 2016, ceux qui
étaient dans la transition, vous le comprenez, etc. Donc, ça, je pense que ça
va...
Mme Hivon :
...quand même une question assez importante quand on parle de transparence,
d'accès à l'information justice et
que, là, il y a un recul. Alors, c'est une information qui était compilée. Il y
avait eu des échanges par rapport à ça. Il y avait eu un engagement du DPCP de compiler, c'était une information
qui était rendue publique et je m'explique mal, je suis un peu surprise de la réaction de la
ministre, compte tenu de l'importance qu'elle dit accorder à l'information de
la justice, la transparence, qu'on ne puisse même pas fournir, dans les
175 millions qui ont été dégagés, les 500 millions de la modernisation, les sommes requises pour pouvoir
compiler ces données puisque, en plus, ça s'est fait dans les dernières
années. Donc, ça devait être faisable. Et,
s'il y a un soutien nécessaire de requis, j'ai du mal à m'expliquer que la
ministre ne s'engage pas aujourd'hui à dire que, oui, ces sommes-là, qui
doivent être assez modestes, vont être au rendez-vous.
Mme LeBel :
Écoutez, je ne veux pas qu'on ait compris de mes propos que j'étais
désintéressée par la question. Au contraire,
dans les sommes de 500 millions de la transformation de la justice...
nécessairement, de fournir dans un temps plus ou moins opportun les moyens technologiques pour le DPCP de faire
ce genre de statistiques là dans le futur. C'est certainement un enjeu.
Mais,
vous savez, dans le passé, puis vous le savez aussi bien que moi, en matière
informatique, si on commence à informatiser
à la pièce pour des besoins particuliers, on ne s'en tirera pas, puis on va
dépenser, même si ça semble être, à la pièce,
des sommes minimes, on va finir par dépenser des sommes astronomiques, alors
qu'il faut regarder la transformation numérique ou technologique dans
son ensemble. Alors, oui, ça va faire partie des moyens qui sont fournis au
DPCP.
Le DPCP, comme le
reste de la justice, devra... je vais dire «informatiser», mais c'est toute
technologie, maintenant, parce qu'on parle d'intelligence artificielle, et tout
ça, donc je ne veux pas réduire.
Mais je vais
peut-être laisser à Mme Murphy, Me Murphy, le soin de s'adresser peut-être
au mot recul, là, que vous avez mentionné.
• (11 h 40) •
Mme Murphy (Annick) : En fait, moi, je pense que ce qui est important
de voir, c'est que les dossiers qui ont fait l'objet d'arrêt des procédures sont des dossiers qui ont commencé avant
2016, des dossiers que nous appelons, dans notre jargon, des dossiers
malades, donc qui ont été autorisés à une époque où la culture était
différente.
Aujourd'hui,
les dossiers que nous autorisons depuis 2016 ne font pas l'objet d'arrêt des
procédures. Nous avons, à la main,
c'est-à-dire demandé, puis je pense que c'est une information importante,
demandé au procureur en chef de chacune des régions qui connaissent les procureurs en chef très, très bien
comment ça se passe, la question suivante : Quels sont les délais moyens actuellement pour audition devant la
cour? Quels étaient-ils avant Jordan
et quels sont-ils après Jordan? Bien entendu,
ceci n'est pas scientifique, mais on peut constater que les délais
aujourd'hui sont très... ils nous permettent de faire les dossiers dans un temps en dessous des délais
qui sont prescrits par la Cour
suprême. Donc, aujourd'hui, nous
sommes contents, puis nous sommes confiants que, dans le futur, il en sera de
même.
Alors,
oui, nous avons certains dossiers, vous avez nommé Bebawi tantôt. Effectivement, c'est un dossier qui avait été
autorisé à une époque où les processus étaient extrêmement différents. Par contre, il est important
de dire que nous en avions tiré énormément
d'enseignements et nous utilisons d'ailleurs ces jugements-là
pour changer nos manières de faire.
Je pense
qu'aujourd'hui on peut dire que, en tout cas, en ce qui concerne Jordan, nous avons appris notre leçon. Nous ne sommes pas les seuls, d'ailleurs
les délais ne sont pas que les délais du poursuivant. Les délais sont des
délais systémiques du système
de justice dans son ensemble, et j'estime que tous les partenaires ont fait
les efforts nécessaires. C'est, entre guillemets, notre système, nous y travaillons tous les jours et nous
voulons, effectivement, que ce système-là soit efficace.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée.
Mme Hivon : Je n'en doute pas, mais je dois vous dire que,
pour une saine administration de la justice alors que c'est encore des
dossiers qui défraient la manchette, qui sont vraiment un gros problème, je
pense, dans le système de justice criminelle,
je pense que nous devrions avoir cette information-là puisqu'il était possible de l'avoir dans les dernières
années. Donc, j'invite la ministre
et peut-être la directrice
des poursuites criminelles et pénales
à trouver les petits montants qui pourraient
être requis pour qu'on puisse continuer à avoir accès à cette information-là, d'autant plus que, bon, on est face à, encore une fois, des dossiers qui ont des
répercussions très importantes et où, malheureusement, on ne semble pas toujours avoir pris les
moyens pour s'assurer que les délais soient endigués, Me Murphy y a fait
référence, donc l'affaire de l'ex-cadre Bebawi.
Vous savez que le DPCP a été blâmé. Je comprends que c'est un dossier qui date
d'avant Jordan, de 2016, mais on vous
a toujours entendue dire qu'il y aurait des mesures
conservatoires. Je suis contente d'entendre dire qu'il y a des enseignements qui sont tirés de ça.
Donc, quand on parle d'enseignements, j'aimerais savoir... Là, on a vu que, dans le dossier de Nathalie
Normandeau... évidemment, vous ne nous commenterez pas un dossier
particulier, je le sais bien, mais on a vu que, tout récemment,
au mois de mars, compte tenu, là, de toute la question des fuites qui ont eu cours et de l'instance de
son coaccusé, Marc-André Côté, qui est rendu, donc, en troisième
instance pour le débat, on a vu, donc, Mme Normandeau qui s'est adressée,
là, récemment, via son avocat, à la cour pour marquer ses préoccupations. Donc, compte tenu qu'il y
a une épée de Damoclès au-dessus de ce procès-là, est-ce qu'il y a des
mesures particulières qui sont envisagées pour s'assurer qu'il n'y aura
pas un avortement de procès pour délais déraisonnables? Est-ce que l'idée de
scinder les procès est une idée qui, par exemple, en théorie, pourrait être
regardée?
Mme Murphy (Annick) : Vous comprendrez, M. le Président, que je ne peux
pas répondre à la dernière portion de la
question, qui est sur, bon : Est-ce que nous avons envisagé ou non de
scinder? Il ne me revient pas de répondre à cette question-là. Ma
réponse pourrait nuire à la réflexion actuelle sur cette question-là.
Par
contre, on a eu une réflexion, effectivement, sur la question de l'arrêt des
procédures dans ce dossier-là et nous, ce
qu'on pense fermement, c'est que, bien que le délai écoulé depuis l'instruction
de la poursuite dépasse le plafond Jordan, au moment où on se parle, on estime être en mesure de démontrer qu'il
s'agit de circonstances exceptionnelles qui justifient le dépassement en raison du caractère inédit, les
questions qui sont soulevées dans le cadre même de la requête en abus,
la requête que nous appelons Babos, qui est
déposée à la cour présentement. De plus, nous sommes d'avis que les
événements qui sont complètement
imprévisibles, lors de l'autorisation du dossier — et là je pense à Projet A, je pense à
l'enquête... du Bureau d'enquête
indépendante, du débat sur les sources journalistiques, qui nous a amenés
jusqu'à la Cour suprême et qui sera débattu, donc, en mai prochain — peuvent
aussi justifier un dépassement du plafond Jordan.
Donc,
en ce qui nous concerne, nous sommes
confiants sur cette question-là, compte tenu de tous les éléments que je
viens de vous mentionner.
Mme Hivon : Vous êtes donc confiants qu'il n'y aura pas de
dépassement de délai qui pourrait justifier une requête Jordan ou
l'accueil d'une requête Jordan.
Mme Murphy (Annick) : Nous sommes confiants de ça. Par ailleurs,
j'aimerais souligner que nous sommes aussi dépendants des requêtes qu'on nous soumet. Donc, les délais qui courent
sont des délais qui sont, entre guillemets, dus au processus
judiciaire. Donc, ça sera au tribunal, éventuellement, à la fin, de déterminer si effectivement les délais ont été déraisonnables
ou non. Mais, compte tenu de ce que je viens de vous énumérer, sans reprendre
tout, là, nous sommes, effectivement, confiants.
Mme Hivon : Est-ce
que le DPCP a des moyens à sa disposition pour s'assurer le plus possible que ça n'arrivera pas? Est-ce
qu'il y a des choses que vous pouvez faire?
Mme Murphy
(Annick) : Nous prenons toutes les mesures nécessaires. C'est
un enseignement que tous les jugements qui...
depuis Jordan, en fait, tous les jugements qui sont venus préciser quels
devaient être les moyens proactifs que le
poursuivant pouvait prendre pour s'assurer que les délais ne soient pas
déraisonnables. Alors, nous avons récupéré, si on veut, tous ces enseignements-là et, aujourd'hui, nous travaillons vraiment d'une manière différente. Donc, je
soulignerais simplement la possibilité de présenter des actes d'accusation directs
lorsque nécessaire. Ce processus-là, avant, était réservé à des dossiers vraiment spéciaux, et je pense
à la criminalité organisée, par exemple, alors qu'aujourd'hui, le message que je fais à mes procureurs,
c'est de ne pas hésiter dans les dossiers évidemment qui s'y prêteraient, de
demander un acte d'accusation direct, et, à ce moment-là, mais évidemment, il y a beaucoup de délais qu'on peut sauver dans les circonstances.
C'est un enseignement des jugements, entre autres de Bebawi.
Mme Hivon :
En terminant, est-ce que je comprends que vous avez décidé de ne plus compiler
les données? Est-ce que vous avez un estimé de combien de requêtes Jordan
ont été déposées depuis, donc, la dernière fois qu'on s'est vues, il y a
un an, où il y en avait eu 1 600?
Mme Murphy (Annick) : Je n'ai pas... c'est beaucoup
moindre, ce que je peux vous dire, mais je n'ai pas un estimé, avec moi,
du nombre... Comme je vous dis, on ne les compile pas. Voilà.
Mme Hivon :
Ça va.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Avant de continuer, j'aurais besoin d'un consentement. On est quelques petites minutes en retard, alors, on
pourrait finir le bloc du gouvernement avant la fin de la séance. Donc,
j'aurais besoin d'un consentement pour cinq minutes supplémentaires. Ça va?
Alors,
je cède la parole aux députés formant le gouvernement pour un bloc d'échange de
13 minutes. Oui, je vous regarde, Mme la députée de Les Plaines,
s'il vous plaît.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président, je vais terminer le
bloc que je n'ai pas eu le temps de compléter, parce que le sujet est
peut-être un petit peu plus léger, mais non moins important, parce qu'on parle d'hommage au civisme, et je pense que c'est
important aussi de récompenser les gens qui ont fait preuve, justement,
de bravoure. Et ma question, justement,
portait sur les impressions de la ministre sur le type de cérémonie qui a eu
lieu, justement, récemment, mais
aussi dans sa façon, dans sa vision de pouvoir rendre hommage à des gens qui
ont posé des actes de bravoure.
Mme LeBel : Merci, M.
le Président, merci, Mme la députée. Vous l'avez mentionné tantôt, j'ai eu le plaisir, au nom du gouvernement, en date du 4 février dernier, 4 février
2019, de participer à la cérémonie d'hommage au civisme et de remettre six médailles, dont deux mentions
d'honneur, et, vous l'avez mentionné, une médaille à titre posthume pour
l'acte de bravoure qui a été posé lors de la tuerie de la grande mosquée de Québec.
Je dois dire
que c'est une cérémonie extrêmement touchante, particulièrement quand une
médaille est remise à titre posthume,
je dois le souligner, ce qui n'est pas nécessairement habituel, mais qui était nécessaire,
je pense, et que c'était un excellent choix du comité chargé de faire le
choix.
Je dois dire également
que, oui, je pense que c'est encore nécessaire et qu'on doit souligner ce genre de choses
là, qui ne sont peut-être
pas aussi connues du grand public qu'elles devraient l'être. C'est extrêmement important. Et, pour moi, c'est une des choses, je
dois vous dire, les plus gratifiantes que j'ai eues à faire à titre de ministre
de la Justice, c'est... Cette médaille-là, particulièrement, qui est sous ma
responsabilité, est un privilège. C'est un privilège de pouvoir la remettre.
Cette loi-là a été adoptée en 1977, dans la
foulée d'événements particuliers. Et je pense que c'est important de souligner les actes de bravoure, de civisme, peut-être
dans une société de plus
en plus individualiste surtout, hein?
Moi, je regarde mes enfants, qui sont assis
à la même table au souper souvent, puis on se parle par les téléphones cellulaires. Ça, c'est quand je ne me tanne pas puis que je confisque, mais... ce qui arrive particulièrement souvent ces temps-ci, donc, mais... pour faire un aparté. Mais, effectivement, dans notre société individuelle, je
pense, de souligner des gens tels que des gens qui mettent souvent leur vie eux-mêmes
en danger pour aider leurs concitoyens sans se poser de questions, je pense que
c'est extrêmement important de le souligner puis c'est extrêmement important de
célébrer ces choses-là et surtout de ne pas remettre
en question la pertinence de ce genre de cérémonie là, de ce
genre de remise là. Il n'y a qu'à voir la fierté des gens qui la reçoivent, l'émotion que ça suscite auprès
d'eux et de leurs familles pour comprendre à quel point c'est important
puis c'est positif. Donc, il faut le faire.
• (11 h 50) •
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Les actes de
civisme sont donc susceptibles d'être primés par une médaille ou une mention. Ils sont évalués en fonction du degré du risque encouru dans le
cadre d'un événement important ou dans le cadre de circonstances
exceptionnelles.
Vous avez
mentionné, dans votre réponse, l'individualisme aussi amène notre société à se
poser des questions. Et ma question,
justement, vous allez la comprendre, Mme la ministre : Seriez-vous ouverte
à considérer une candidature qui soulignerait un acte de civisme autre
qu'un acte de bravoure comme, par exemple, une candidature qui met en relief
l'engagement d'un citoyen qui aurait consacré sa vie aux itinérants?
Mme LeBel : Est-ce que cet
exemple que vous mentionnez est un exemple louable qui mérite d'être souligné, mentionné et même honoré? La question est très
certainement oui. Maintenant, est-ce que ça doit se faire dans le cadre
de la médaille du civisme? Je pense que ça
mérite réflexion, mais je ne suis pas nécessairement certaine que ça doit se
faire dans le cadre de cette médaille-là. Mais, maintenant, il faut y
réfléchir. Puis toutes les options sont ouvertes effectivement.
Mais je dois
le rappeler, tu sais, la médaille, c'est pour souligner les actes de civisme,
mais c'est évalué en fonction du
degré de risque, de risque qui a été encouru dans le cadre d'un événement qui
comporte un danger ou dans le cadre de circonstances
exceptionnelles. Puis ça, ça découle des raisons pour lesquelles, en 1977,
cette médaille-là d'acte de bravoure, d'ailleurs, on le dit, et de
civisme a été mise en place.
Vous savez,
j'ai eu également l'occasion de participer, il y a quelques semaines, à peine
deux semaines, à la remise, à la
cérémonie de remise de médailles du lieutenant-gouverneur du Québec. J'y ai
participé parce que c'était dans la région de la Mauricie. Ça se faisait à Shawinigan. Et c'était pour souligner
justement, peut-être, des cas semblables à celui que vous mentionnez, c'est-à-dire des cas de personnes qui
ont fait preuve d'abnégation de soi, ont fait preuve de bénévolat exceptionnel, de jeunes qui ont à coeur
l'avancement de la société et d'aider leur prochain, et, je le souligne, en
cette ère de technologie, ce qui est
particulièrement louable. 38 médailles ont été remises, 19 à des personnes
aînées, 19 dans la catégorie jeunesse.
Et de voir ces jeunes-là qui sont au cégep, à l'université, travailler pour
eux, mais également faire du bénévolat puis travailler pour améliorer la
société autour d'eux, je pense que c'est extrêmement louable. Et c'était un
type de médaille qui a été remise.
Donc, la
médaille du civisme, peut-être. Peut-être que c'est une réflexion. Peut-être
qu'on pourrait revoir les critères, mais
il ne faut pas négliger le fait qu'il y a plusieurs autres médailles qui
existent, hein, dont celle de l'Assemblée nationale, qui peut être remise par un député qui veut
souligner l'apport d'un bénévole dans son comté, celle du lieutenant-gouverneur,
qui n'est pas à négliger également, celle du
civisme, qui rencontre d'autres fins. Donc, je pense que, oui, il y a une
réflexion à y avoir pour savoir, mais il y a
peut-être d'autres... on peut le faire peut-être par d'autres gestes pour
souligner ce genre de service là d'abnégation qui est, ma foi, très
louable également.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup pour votre ouverture.
Mme LeBel : Merci.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, j'aimerais
entretenir Mme la ministre au sujet des
outils d'aide à la citation et des références jurisprudentielles de la Société
québécoise d'information juridique, aussi connue
sous le nom, la fameuse SOQUIJ. Donc, pour les professionnels du droit, la
rédaction de documents juridiques comporte
son lot de complexités, là. Mme la ministre et moi le savons, là, on a tous
deux oeuvré, là, en droit. Donc, en effet, la rédaction de tels
documents exige habituellement de longues recherches juridiques dans les textes
de loi, dans la jurisprudence, la doctrine,
les bulletins d'interprétation technique, et plusieurs autres. Pour faciliter
le travail des professionnels du
droit au Québec, il y a donc la Société québécoise d'information juridique, qui
relève du ministère de la Justice. La
société assure son autofinancement par la vente de ses produits et de ses
services. En réalisant sa mission, qui est d'analyser, d'organiser, d'enrichir et de diffuser le droit au Québec,
la société s'acquitte de son mandat, qui lui a été confié
par l'Assemblée nationale du Québec. Donc, l'administration de cette société
est une valeur ajoutée qui nous
permet au Québec d'accompagner
les professionnels dans leur recherche de solutions ainsi que l'ensemble
de la population dans sa compréhension du droit.
Donc,
au fil des ans, le droit a évolué et continue d'évoluer. Les textes de loi ont
changé. Le nombre de jugements rendus
s'est multiplié. Il y a donc un besoin très important
de faciliter le travail des professionnels du droit, donc, qui s'en fait ressentir dans le milieu, principalement les juges, mais également les professionnels du droit en général ont d'importants
besoins d'édition à rencontrer afin de faire
des gains appréciables en termes de temps de rédaction, donc, pour eux mais
aussi pour la clientèle qu'ils desservent.
Donc,
en effet, les différentes étapes nécessaires
à l'insertion de telles citations doivent nécessairement passer
par la recherche et l'extraction de données
à partir des moteurs de recherche. On peut penser à Azimut, La référence,
disponible sur le marché, et la manipulation de celles-ci pour les insérer dans
les textes d'un jugement.
Donc,
j'aimerais, M. le Président, poser une question à Mme la ministre. Donc, pour répondre aux nouveaux besoins des professionnels du
droit et à l'avancée, justement, des technologies et du droit, la Société
québécoise d'information juridique, donc SOQUIJ, a développé un outil d'aide à la citation. Est-ce que Mme la ministre
pourrait nous expliquer de quoi il s'agit et un peu, là, nous expliquer
pour la suite? Merci beaucoup, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Oui, bien, je vais faire un petit aparté. Donc, je pense que ça fait partie,
bien qu'il semble... on va en parler,
mais que c'est un outil qui a été développé particulièrement pour la
magistrature et les membres du Barreau. Je pense qu'il ne faut pas penser que ce n'est pas un facteur important dans
l'accès à la justice, hein? Parce que, si les jugements sont rendus de façon plus efficiente, surtout
jugements... et qu'on évite d'avoir des jugements le moins possible oraux,
verbaux sur le banc et qu'on peut faciliter le fait que les juges rendent des
jugements écrits, faciliter l'accès aux juristes, aux nombreuses décisions, bien, je pense qu'on va travailler avec célérité
puis on va faciliter également l'accès à la justice puis peut-être
éviter certains délais, certains frais pour les citoyens.
Donc,
afin de répondre effectivement à l'un des besoins des juges, SOQUIJ a développé
un outil d'aide à la citation, effectivement.
Je vais en brosser les grandes lignes, mais peut-être qu'on pourra compléter,
si on peut m'aider à y aller de façon un peu plus technique.
L'outil
est une solution qui répondait effectivement à un irritant de tout temps dans
le milieu juridique, c'est-à-dire, bon,
ça a l'air très technique, mais, encore une fois, c'est ces petites choses là
qui sont des irritants qui font que, de temps en temps, on progresse de façon moins fluide en matière de justice.
Donc, on parle de l'insertion et la personnalisation de références de notes de bas de page. L'outil d'Aide
à la citation, qui est une première version, est un mécanisme qui va
permettre d'analyser un document afin de
repérer et d'extraire les références jurisprudentielles, législatives et
doctrinales ainsi qu'une partie du
texte, qui est l'outil d'Aide à la citation. Alors, je réitère pour les
personnes à la maison, peut-être, ça a l'air très technique et on a l'air de se parler entre nous,
mais c'est extrêmement important, les outils de travail, on l'a mentionné,
que ce soient des outils de compilation de
données ou des outils d'aide à la rédaction, bien, ça fait qu'on accélère les
délais puis peut-être que les jugements vont être rendus de façon un peu
plus rapide.
En
résumé, donc, SOQUIJ a développé cet outil pour répondre à des besoins
clairement exprimés par la magistrature, entre autres, pour outiller les décideurs et leurs équipes, pour faire
gagner du temps à des intervenants clés, pour permettre la standardisation des références tout en
octroyant certains éléments de personnalisation, de réduire significativement
les risques d'erreur dans la composition des
références — ça,
c'est un atout majeur — offrir un outil de travail à haute valeur ajoutée qui servira, au quotidien, à un très grand
nombre de personnes, offrir une installation simple et transparente,
répondre aux standards du ministère de la
Justice en matière de sécurité. Parce que la donnée, l'information, il y a
quand même une notion de sécurité et
de sécurisation de la donnée personnelle et de l'information, surtout en
matière de jugements qui sont en délibéré,
d'ailleurs, c'est très important de le souligner. Donc, on doit savoir que les
bases documentaires de SOQUIJ qui sont mises à jour quotidiennement
comprennent 21 000 références à des lois, 60 000 références
à des articles de doctrine et près de
1 810 000 références jurisprudentielles. La première mouture de
l'outil d'Aide à la citation a été développée grâce à la collaboration
des utilisateurs visés, des membres de la magistrature québécoise ainsi que de
leurs adjointes, qui ont été consultés tout au long du développement des
différents prototypes.
Je
ne sais pas si vous aviez un petit peu de choses pour compléter. Je peux
peut-être vous laisser — M. le Président, si vous le permettez — la
parole.
Le Président (M. Bachand) : Oui, consentement. Veuillez vous identifier, et
puis vous avez une petite minute...
M. Vermeys
(Nicolas) : ...Nicolas Vermeys, vice-président du conseil...
Le
Président (M. Bachand) : Allez-y.
M. Vermeys
(Nicolas) : Nicolas Vermeys, vice-président du conseil
d'administration de la SOQUIJ.
Donc, oui, simplement pour compléter les propos de la ministre,
il est important de comprendre que cet outil, qui a été développé
de concert avec les acteurs... Donc, on a mentionné la magistrature, mais
également évidemment les autres membres de la communauté juridique. Je
pense au milieu universitaire, dont je fais partie, ainsi qu'aux membres du
Barreau et la Chambre des notaires.
Et l'objectif
était, comme on l'a souligné, vraiment d'offrir un outil pour s'assurer de
l'exactitude de ses sources, ce qui
vient faciliter le référencement, le croisement de l'information et évidemment
la recherche, et donc ça élimine certains délais qui étaient associés ou certaines situations où on tentait de
retracer une source jurisprudentielle ou un ouvrage de doctrine et que finalement on était dans
l'impossibilité de ce faire. Et donc c'est un outil qui peut sembler anodin,
mais qui, dans les faits, vient
accélérer le processus judiciaire et donc limiter notamment les coûts pour les
utilisateurs, et, lorsque ces utilisateurs sont les membres du Barreau,
bien, on comprendra que ça vient évidemment faciliter l'accès à la justice et
limiter les coûts pour leur clientèle, c'est-à-dire pour les justiciables.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre
collaboration.
Compte tenu
de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires
courantes. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à 12 heures)
(Reprise à 15 h 56)
Le Président (M. Bachand) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue. Nous allons reprendre nos travaux.
Je vous
rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude des crédits
budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice
financier 2019‑2020.
Nous étions rendus
à un bloc de temps de parole de l'opposition
officielle. M. le député de LaFontaine, la parole est à vous pour 20 min 26 s. M.
le député...
M. Tanguay : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, nous sommes dans une nouvelle salle, mais
même sujet important, la justice.
J'avais, dans
notre premier bloc ce matin, eu l'occasion de toucher rapidement,
avec la ministre de la Justice, au plan de
modernisation du système de justice, budget de l'an passé, 2018‑2019,
et il y a un volet, on sait qu'il y a
trois volets... il y en a un sur lequel j'aurais des questions un peu
plus précises quant à sa reconduction, c'est le deuxième volet, celui de 289 millions. Alors, du 500 millions
additionnel pour moderniser le système de justice, il y a 289 millions
pour mettre la justice à l'heure des
nouvelles technologies. Et, ce matin, la ministre, à la fin de notre échange, a
eu l'occasion de confirmer que les
chiffres 2019‑2020 étaient les bons. Autrement dit, elle pourrait me
confirmer que mettre la justice à l'heure des technologies, on sait qu'en 2017‑2018 on avait investi 8 millions;
en 2018‑2019, c'était 24 millions, mais qu'en 2019‑2020... D'abord,
première question très précise, peut-elle me confirmer que le 34 millions
est au rendez-vous?
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le député. Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme LeBel :
Alors, merci, M. le Président. Effectivement, on a changé de salle, on est
peut-être un peu plus loin physiquement, mais j'espère qu'on ne sera pas
plus loin dans nos objectifs partagés, M. le député.
Donc, ceci
étant dit, je vais peut-être céder la parole, vu qu'on est plus dans les
chiffres particulièrement puis que je
vous ai fait part de mon objectif de ne pas ralentir la transformation et
d'aller de l'avant dans la poursuite et dans la même suite qui avait été
entamée par le gouvernement précédent, comme on parle de chiffres plus
précis — je
veux être certaine, vous avez la réponse
appropriée à votre question — avec votre permission, M. le Président, et
avec le consentement de mes collègues, je vais céder la parole à ma
sous-ministre, Mme Lynch.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la sous-ministre, s'il vous plaît.
Mme Lynch
(France) : Alors, si on prend la fiche qui touche les mesures du plan
pour moderniser le système de justice,
je vais décliner les montants, là, de façon un peu plus détaillée, mais on a,
pour 2019‑2020, 34 millions qui est prévu, notamment pour la
constitution du registre numérique. On prévoit, en termes de dépenses, une
somme à l'équivalent de 14,9 millions.
Pour le volet requis technologique, c'est-à-dire modernisation des
infrastructures, 15,9 millions. Le reste, c'est le volet qui touche plus des travaux, là, des travaux juridiques,
des impacts sur les espaces locatifs, 0,6 million, le volet civil,
on veut avoir des réflexions sur le volet civil, alors, 0,5 million. Donc,
pour un total de 34 millions.
M. Tanguay :
...M. le Président, on pourra continuer l'échange avec Mme la sous-ministre.
Moi, je suis à la page 23 de
l'ancien fascicule, je ne vous demande pas d'y retourner, mais, pour moi, c'est
un aide-mémoire. On disait, donc, que le
289, qui était 34 millions, 2019‑2020, j'aimerais savoir, le registre numérique,
à quelle réalité fait-on référence ici? Parce qu'on parle, qu'est-ce qu'on veut faire, de façon tangible, on veut...
Mise en place d'un portail, services en ligne aux parties à un litige, gestionnaire de dossiers judiciaires de
façon numérique, ça, c'est un autre aspect. Gestionnaire d'une audience,
qui est un autre aspect. Alors, le registre numérique fait-il référence à cela?
• (16 heures) •
Mme Lynch (France) :
C'est le registre numérique dans le volet du 34 millions, plus, comme je
vous disais tantôt, les infrastructures technologiques pour être capable
de créer le registre.
M. Tanguay :
O.K., comment ça va fonctionner, de façon tangible? Puis, quand on parle des
greffes civils... Je pratiquais à
Montréal, puis j'ai eu l'occasion d'aller voir certains palais de justice du
Québec. Comment ça va se faire, de façon tangible? Quelles seront les
premières étapes? Parce que ce n'est pas chose simple, là.
Et,
ce matin, puis ce sera peut-être
une sous-question à Mme la ministre,
elle a fait référence, entre autres, la vision un peu archaïque qu'on peut avoir quand on veut faire timbrer une
procédure, puis là Mme la ministre a parlé de peut-être une nécessité d'amender le Code de procédure
civile là-dessus. Donc, j'aimerais savoir... On va laisser de côté le Code
de procédure civile puis les amendements qui
seraient nécessaires. Mais le greffe, là, je me rappelle, à Montréal, là,
comment ça va se faire, de façon tangible, là?
Mme Lynch (France) : Ce qu'on recherche, dans le fond, c'est de
transiger de façon numérique avec le citoyen. Actuellement, on est en train
de revoir l'ensemble des processus en
matière criminelle et pénale pour les définir puis bien déterminer notre solution. Donc, la cible, c'est
qu'on puisse, pour le citoyen, pour les avocats, pour les partenaires du
réseau de la justice, être en mesure de
déposer des documents numériques lors des procès, exemple. On n'aura plus les
dossiers papier comme on l'a
aujourd'hui, il va falloir assurer une transition entre aujourd'hui puis le
futur au niveau numérique. Alors, l'idée, c'est d'avoir des dossiers qui
sont complètement numériques du dépôt, exemple, en matière criminelle et
pénale, de la dénonciation, du dépôt de la
preuve, les interrelations avec les bureaux d'avocats. Quand il y a une
sentence qui est rendue, on est
capable de transmettre au ministère de la Sécurité publique la nature de cette
sentence-là pour qu'on ait des processus beaucoup plus fluides puis
qu'on accélère l'administration des tribunaux.
M. Tanguay :
Exemple, pour peut-être revenir aux greffes civils et aux causes civiles, donc
criminelles et pénales, est-ce que
donc ça va se faire, évidemment, en allant dans le futur? Est-ce que ça
nécessite... je ne suis pas spécialiste du Code pénal, là, est-ce que ça
nécessite des modifications à la procédure pénale?
Mme Lynch
(France) : Pour le criminel, actuellement, on est capable, quand même,
de construire à partir de la législation
actuelle. Mais, évidemment, tout le volet du dépôt de la preuve, si on a
besoin, pour être capable de l'actualiser, de règles de pratique, exemple, par rapport à la magistrature, la
magistrature va regarder qu'est-ce qu'elle pourrait mettre en oeuvre pour être capable d'administrer l'audience.
Alors, dans les derniers mois, il y a eu des approches qui ont été
faites, là, auprès de la ministre fédérale à
l'époque, pour apporter des modifications législatives au Code criminel, pour
simplifier la procédure, notamment à
l'égard, là, de... je pense que la ministre connaît un peu plus les... mais
modifier les accusations qui sont mixtes, sommaires, bon, pour
simplifier cette procédure-là. C'est un angle qui doit être abordé pour être
capable de réduire les délais.
Mais,
quand on est dans le 34 millions, ici, là, on est beaucoup dans le volet
du support numérique pour être capable d'administrer la preuve,
d'administrer le tribunal, de permettre aux citoyens de déposer des documents
en ligne. Et ces processus-là qu'on est en
train de faire actuellement vont pouvoir éventuellement se transposer en
matière civile, parce que c'est quand
même, je vais le dire comme ça, mais c'est de l'administration de registre,
hein? Alors, ça va pouvoir se transposer.
M. Tanguay :
...là, c'est déjà... on en a beaucoup qu'on peut faire sans modifier le Code de
procédure pénale ou le Code de
procédure civile par des directives, le cas échéant, internes, ce qui est
accepté, ce qui n'est pas accepté sur support numérique ou pas. Quand on touchera à la preuve, peut-être plus à ce
moment-là... des discussions, entre autres, quant au Code criminel. On me dit donc... Mme la sous-ministre
nous a dit, Mme la ministre, qu'il y avait des discussions avec la
ministre fédérale.
Mme LeBel :
Absolument, elle fait référence, entre autres, si je ne me trompe pas, à la FPT
qu'on a eue à St. John's, Terre-Neuve,
au mois de novembre 2018, où, effectivement, dans le cadre du projet... je
pense, c'est C.75... encore une fois, chaque
fois que je vais nommer un chiffre ou un montant, à prendre sous réserve...
donc, C.75 à faire des aménagements au Code
criminel. Bon, on parle de l'enquête préliminaire, on parle de la possibilité,
pour les policiers, de déposer des rapports policiers à certaines étapes, au lieu d'avoir des témoignages, donc la
possibilité... Donc, toutes sortes d'aménagement à la gestion et à l'aménagement de la preuve et de la
façon de faire de la preuve en droit criminel. Mais, comme le disait si
bien Mme la sous-ministre, ça ne nous empêche pas de progresser, de faire des
grandes avancées présentement.
Je
faisais référence, ce matin, effectivement, à certaines modifications
législatives qui sont éventuellement, à terme, nécessaires, je pense que
c'est parce qu'il faut y penser d'entrée de jeu. Quand on fait une évaluation
globale d'une transformation de la justice...
et, quand je dis «transformation de la justice», je dis bien non pas un virage
numérique, parce que ce n'est pas
simplement un virage numérique. Donc, la façon de déposer la preuve, la façon
de signifier la preuve, c'est aussi
des choses qu'il faut revoir. Entre autres, les notaires qui travaillent sur
leur voûte numérique vont avoir probablement de besoin de certaines modifications législatives au plan du Code civil sur la façon... les documents authentiques sont
gardés, le nombre de copies. Donc, c'est des
règles qui ont été pensées et établies à une époque où le papier était de mise.
Donc, j'ai donné un exemple, là, simplement
pour illustrer mon propos. Naturellement, je ne suis pas en mesure de vous
donner toutes les modifications législatives et toutes les règles de
pratique qui seront adaptées.
Je
vais profiter, pendant 30 secondes, si vous me permettez, pas plus de
votre temps, pour signifier que j'ai signifié au président et également à mes collègues de l'opposition que, compte
tenu de l'heure à laquelle on avait commencé, on était prêt à laisser aller notre temps gouvernemental pour rattraper le
retard. Je pense que les calculs ont été faits pour vous redistribuer
vos parts, naturellement pas la nôtre.
Le
Président (M. Bachand) : On est en train de faire des
calculs, mais ça va me prendre le consentement pour retrancher 20 minutes du temps gouvernemental, et, après ça, on va
pouvoir vous revenir avec les différents blocs. Est-ce qu'il y a
consentement? Merci beaucoup.
M. Tanguay :
Évidemment, tant qu'on ne reprendra pas, là. Je veux dire, ils ne le prennent
pas, mais on ne le reprend pas, nous. Évidemment, c'est pour gagner du
temps, là.
Le Président (M.
Bachand) : Non, c'est enlevé du temps du gouvernement puis qui
n'est pas redistribué.
M. Tanguay : C'est ça,
il n'est pas redistribué. C'est ça.
Le Président (M.
Bachand) : C'est ça. M. le député de LaFontaine, merci.
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup. Donc, sur l'échéance 2022‑2023, on peut faire
atterrir, entre autres, les nouvelles technologies sans de réforme
majeure de la procédure civile et pénale. C'est un peu ça. Il y aura peut-être
des petites modifications, mais, à ce
stade-ci, on pourrait se rendre en 2023 sans, de façon fondamentale, qu'on ait
à rechanger... je pense que c'est
janvier 2016, le dernier Code de procédure civile... sans qu'on le revisite,
parce qu'il y a des semaines où on ne fait pas ça, là.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la sous-ministre.
Mme Lynch
(France) : Alors, dans le fond, là, aujourd'hui, là, on ne prend pas
les vieux processus, on optimise les processus.
Ce qu'on est en train de faire, c'est d'optimiser en fonction, évidemment, des
lois actuelles, mais aussi en identifiant les pistes où on pourrait, par des modifications législatives, soit
influencer le fédéral ou soit faire nous-mêmes nos propres
modifications.
Par rapport à cet exercice-là, le ministère a
publié un avis d'appel d'intérêt le 22 juin dernier pour regarder les solutions, du 22 juin au 12 octobre
2018, pour regarder les solutions qui existaient sur le marché qui touchent
l'administration de la justice, l'administration des archives. Cette
publication-là nous a permis de voir, justement, est-ce qu'il y a des solutions
avec lesquelles on pourrait faire un développement qui permettrait de soutenir
nos processus? On a eu, à ce moment-ci,
plusieurs personnes qui nous ont... plusieurs firmes qui nous ont signifié une
capacité. On est en train d'analyser ce
potentiel-là, en même temps qu'on finalise notre définition des besoins, puis
on va pouvoir, d'ici le début de l'année 2020, déposer, nous
l'espérons, un appel d'offres.
M. Tanguay :
...le savoir-faire, on ne l'aurait pas à l'interne, mais on pourrait faire un
appel d'offres à l'externe pour gérer ces nouvelles façons de faire?
Mme Lynch
(France) : Pour réaliser ce projet-là, on va avoir une complémentarité
des deux. Actuellement, on a plus de gens qui travaillent dans le projet
de l'interne. Bon, mais c'est sûr que c'est un très grand projet puis ça va
probablement faire comme une cloche. Alors, on va aller chercher des ressources
pour être capable de faire notre transformation
numérique, puis, au fur et à mesure qu'on va livrer des applications, les
firmes vont quitter, et on va reprendre la mise en oeuvre, là, des
infrastructures... la mise en place des infrastructures.
M. Tanguay :
On a une bonne conversation. Je ne veux pas tomber dans la partisanerie, mais,
honnêtement, je veux vous faire part
d'un réflexe que j'ai eu lors de la dernière campagne électorale, puis ce n'est
pas bassement partisan, c'était quand
même un questionnement que j'avais, puis je pourrais formuler ou titrer ma
question : Allons-nous être protégés du ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale? Ça
serait le titre. Pourquoi? Parce que lui a pour mission d'améliorer la gestion en informatique et il a des
objectifs très clairs, autrement dit, de couper 53 millions en 2019‑2020,
105 millions en 2020‑2021 jusqu'en 2022‑2023,
qui correspond exactement à notre horizon, 210 millions en
informatique. On dit qu'on veut optimiser,
donc réduire nos coûts. Il n'y a pas de problème, tout le monde va être
d'accord pour optimiser puis réduire nos coûts. Mais pouvons-nous
considérer, Mme la ministre, que ce 34 millions-là cette année, le 39, 45
et 45 jusqu'en 2023 seront à l'abri de ces potentielles optimisations qui vont
être des coupures, là?
• (16 h 10) •
Mme LeBel :
Écoutez, il n'y a pas d'intention actuelle et je vais me battre, si jamais il y
a une intention future cachée, puis
je le dis de cette façon-là parce qu'il n'y a personne qui m'a donné de signal
dans ce sens-là, au contraire. Les fonds qui sont attribués à la transformation de la justice vont demeurer attribués
à la transformation de la justice. L'objectif est de passer ce cap et de
se diriger vers la justice du futur, comme je le disais.
M. Tanguay :
Autre intention exprimée par le député de La Peltrie, ministre délégué à
la Transformation numérique gouvernementale, est-ce qu'on a un enjeu de
confidentialité avec l'infonuagique, le cas échéant?
Mme LeBel : Je ne suis pas sûre
de comprendre votre question.
M. Tanguay :
Je vais la reformuler, c'est parce qu'elle était mal posée. Si d'aventure le
gouvernement est en train de regarder,
pour tous les supports informatiques, tous les registres, tout ce qui est sur...
comme données gouvernementales, moi, je pense qu'il faut inclure, là-dedans, les
données du système judiciaire, si l'on confie ça à des entreprises hors
Québec, il pourrait y avoir un risque de
protection des renseignements confidentiels ou même, je vous dirais, même si ce
ne sont pas des renseignements
hautement confidentiels, ce seraient quand même des renseignements sur lesquels
d'autres gouvernements ou d'autres entités pourraient avoir accès.
Alors,
s'il y a sous-traitance quant au support, parce que ça devient lourd à un
moment donné, à l'externe, est-ce qu'il y a un enjeu de confidentialité ou de sécurité si l'on sous-traite
l'infonuagique à l'extérieur des serveurs du gouvernement du Québec?
Mme LeBel :
Je veux vous rassurer d'entrée de jeu, la réponse est non. On va faire tout ce
qu'il y a... D'entrée de jeu, tu
sais, il est important de rappeler que le gouvernement du Québec a donné,
effectivement, des orientations à ses divers ministères concernant l'utilisation de l'infonuagique. La donnée... la
protection de la donnée, la sécurité de la donnée va demeurer une
préoccupation qui est partagée et par le gouvernement au sens large et par les
différents ministères.
Donc,
à cet égard, le ministère de la Justice va s'assurer, je vais m'assurer, nous
allons nous assurer, comme il le fait déjà
actuellement, de prendre les décisions qui sont... des meilleures décisions
relatives à l'infonuagique. La raison pour laquelle le gouvernement regarde pour se tourner vers l'extérieur, c'est
des raisons d'efficacité, d'optimisation. Trop souvent, dans le passé, le gouvernement a voulu refaire la
roue et retenter de refaire à l'interne des choses qui existaient et qui
sont efficaces à l'externe.
Ceci
étant dit, je dois vous rassurer que la protection de la donnée, la sécurité de
la donnée, ça va demeurer, d'abord et avant tout, la priorité,
naturellement.
M. Tanguay :
Est-ce que je dois comprendre, donc, que l'expertise en matière juridique du
ministère est également mise
actuellement à profit pour protéger des données qui seraient autres que
juridiques, donc, dans le domaine de la santé, et ainsi de suite? Est-ce
que j'ai raison de croire ça?
Mme LeBel :
...tout à fait. L'expertise du ministère, l'expertise de la Commission d'accès
à l'information, toutes les personnes qui ont une expertise pertinente
dans le dossier sont amenées à y participer, c'est très évident, pour ma part.
M. Tanguay :
Et êtes-vous au courant, puis peut-être que vous n'avez pas la réponse, d'un
échéancier ou d'une échéance quant à la
décision qui sera prise quant à ça? Parce que ce n'est pas anodin. Allons-nous
ou pas, comme société, aller de l'avant avec une sous-traitance
infonuagique?
Mme LeBel :
Je dois vous avouer que, comme ce n'est pas mon dossier, sur ces échéanciers-là
et sur cette... sur le délai, là,
qu'on s'est donné... je sais qu'on veut le faire le plus rapidement possible,
mais là ce n'est pas... et là ce n'est pas une phrase creuse que je vous
lance, là, je n'ai pas les échéanciers, non. Ce n'est pas mon dossier.
M. Tanguay :
Dans les financements prévus, 107 millions de 500 millions se
ventilent sous trois chapitres, dont 107 millions du financement du
500 était prévu l'an passé dans le PQI. Où en sommes-nous cette année, avec le
budget de cette année? Est-ce que nous sommes toujours présents jusqu'à hauteur
de 107 millions dans le PQI?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Des voix :
...
Mme LeBel :
Ça ne sera pas long. Désolée, on veut vous répondre adéquatement.
Le Président (M. Bachand) : Peut-être, en attendant, M. le député de
LaFontaine, si vous avez autre... Le temps de vérifier, oui.
M. Tanguay :
Oui. Oui, tout à fait. Puis on pourra nous revenir avec la réponse, M. le
Président.
Juste, avec, peut-être... il me reste un petit peu
plus de deux minutes. J'aimerais aborder un sujet, prochaine nomination,
Cour suprême. Est-ce que la CAQ aura
l'occasion... ou est-ce que la ministre peut nous confirmer que, non, ça ne
sera pas le cas, de mettre en
pratique... de mettre sur pied, un peu, ce qui était le projet de la Coalition
avenir Québec, qui était de faire en sorte
qu'il y ait appel de candidatures et que les candidatures soient soumises à
l'Assemblée nationale, qu'il y ait un vote aux trois quarts et tout de suite?
Je ne suis pas sur le
fond des choses, parce que j'aurais bien des choses à dire quant à ce
processus-là, mais est-ce que la CAQ, de
façon officielle, là, renonce à mettre en pratique cette façon de faire pour la
nomination prochaine, fort probablement prochaine, du juge remplaçant à
la Cour suprême?
Mme LeBel : ...parle de la nomination du juge Gascon...
pour remplacer le juge Gascon, qui vient de prendre sa retraite, je
pense qu'à court terme on ne peut pas
penser à mettre sur place un processus législatif. D'ailleurs, le juge en chef de la Cour suprême, M. Wagner, a quand même annoncé que ça
devrait être fait rapidement. Il y a quand
même des délais à faire, mais on ne renonce pas, par contre,
à participer à un processus pour cette nomination-là, et des discussions sont en
cours avec le fédéral. À long terme, on pourra y réfléchir et revoir cette situation.
M. Tanguay : Je ne
sais pas si la ministre
était avec la CAQ en février 2016. Je
ne pense pas, hein? Février
2016, vous n'étiez pas avec la...
Mme LeBel : 2016?
M. Tanguay : 2016.
Mme LeBel : Non.
M. Tanguay : Non, hein? Est-ce que la ministre
fait siens, par contre, sur le fond
des choses, des propos tenus par le collègue
de Borduas, où il disait : L'Assemblée nationale est la mieux placée pour
évaluer les candidatures des individus occupant
l'un des trois sièges réservés au Québec — à lire : à la Cour suprême? Est-ce que
la ministre de la Justice est de cet avis, que l'Assemblée nationale
peut faire des votes pour nommer les juges?
Mme LeBel :
Alors, pour reprendre vos propos, je vais vous dire que je fais sien sa
position sur la forme des choses et pas nécessairement sur le fond. Le
Québec, je pense, est le mieux placé pour participer à ce processus-là, à cette
nomination-là. Les trois juges qui sont
réservés dans le processus constitutionnel pour le Québec sont là pour une
bonne raison, et je pense que le Québec doit
avoir voix au processus. Maintenant, comment ça va se faire, on pourra
l'étudier dans les prochains mois et revenir.
M. Tanguay :
Si je comprends bien, corrigez-moi si j'ai tort, mais vous ne fermeriez pas la
porte à ce qu'un vote aux trois
quarts de l'Assemblée nationale, ou peu importe la majorité qualifiée, pourrait
cibler les juges à être nommés? Vous ne fermez pas la porte à ça?
Le Président (M.
Bachand) : ...
Mme LeBel : Suspense.
Le
Président (M. Bachand) :
Alors donc, je me tourne maintenant vers les députés formant le gouvernement
pour un bloc d'échange de 17 minutes. M. le député de Vachon, s'il vous
plaît.
M. Lafrenière :
Oui, merci, M. le Président. Bien, bonjour à tous les collègues. Mme la
ministre, l'équipe de la Justice qui est avec nous, qui sont très
nombreux, merci d'être là aujourd'hui.
Vous savez,
c'est un bel exercice que cet exercice d'étude de crédits. Pour nous, les
députés, ça nous demande de faire la recherche, de retourner à nos
racines, aussi de me rendre compte que je vais avoir la chance de parler de
dossiers qui me tiennent à coeur.
Alors, M. le
Président, le phénomène grandissant de l'échange d'images sexuellement
explicites entre adolescents ou ce qu'on appelle l'autoexploitation
juvénile, c'est inquiétant, tout autant pour les parents, étant moi-même père
de deux jeunes filles de 9 ans et 11 ans,
pour les jeunes impliqués et même pour les intervenants du milieu scolaire,
policier, judiciaire, en raison des
multiples conséquences que ça a. L'autoexploitation juvénile constitue une
forme de pornographie juvénile, et les jeunes impliqués s'exposent à des
accusations criminelles, que ça soit la production, la possession, la
distribution ou l'accès.
Le 21 décembre
2018, LeJournal de Québec révélait que, d'après un sondage,
13 % des ados, oui, 13 % des ados auraient déjà été sollicités au moins une fois. De plus, ce serait plus
d'un jeune sur quatre qui se fait demander des photos à caractère sexuel et qui aurait accepté d'en
envoyer une, une proportion qui grimpe à un sur deux à l'âge de 15-16 ans.
Sondage a été mené par l'équipe de recherche sur la sécurité et la violence
dans les écoles québécoises, dirigée par la professeure Mme Claire Beaumont de l'Université Laval. L'équipe a interrogé
plus de 33 000 élèves du secondaire. Chez les 13-14 ans, les demandes proviennent davantage d'inconnus. Si
on va pour les 15-16 ans, ça provient surtout de collègues élèves
ou de personnes qu'ils connaissent.
Le service de
police de la ville de Gatineau a lancé en 2017 un programme de prévention
portant sur le phénomène émergeant
des sextos. Le programme s'appelle #gardecapourtoi. Il s'adresse principalement
aux jeunes de 12 à 17 ans, puis il
y avait plusieurs volets, donc les volets... le DPCP est impliqué à ça, le
CALAS, le Centre d'aide et de lutte contre les agressions sexuelles de
l'Outaouais, ainsi que les écoles secondaires de Gatineau.
Le phénomène
des sextos est banalisé chez les jeunes et ne cesse de prendre de l'ampleur, à
un tel point que, depuis 2014, le service de police de Gatineau a traité
plus de 80 dossiers.
Et je dois
vous dire, M. le Président, comme policier, je me suis déjà rendu dans une
classe et j'avais posé la question à
des élèves, voir s'ils auraient osé partager une photo d'eux, une bonne vieille
photo qui trahit mon âge. Et en aucun... les jeunes m'ont tous répondu que jamais ils n'auraient partagé une photo
comme ça. Cependant, ils osaient facilement mettre ça sur le Web, pour
eux autres, c'était une autre réalité complètement différente.
Il ne faut pas oublier la controverse du
séminaire des Pères Maristes de Québec, où cinq adolescents avaient été accusés de divers chefs d'accusation en lien
avec le partage de photos explicites de trois jeunes filles. Une enquête
a alors été déclenchée par le ministère de
l'Éducation. Face aux conclusions de ce rapport, le ministre envisage
notamment de modifier la Loi sur
l'enseignement privé pour que son ministère puisse intervenir plus largement
lorsque des cas comme ça surviennent en institution privée.
Le ministère de
l'Éducation avait suggéré, entre autres, de créer une instance neutre pour
défendre l'élève, l'équivalent d'un
protecteur de l'élève. Elle aurait pour mandat de veiller à la protection et au
respect des droits de tous les élèves lorsque les recours usuels ne
démontrent pas leur efficacité.
Alors, ma
question pour Mme la ministre, M. le Président : Avec les plusieurs cas à
fort retentissement médiatique qu'on a entendus, notamment celui du
séminaire des Pères Maristes à Québec, et que ça a amené une bonne prise de conscience, je pense, au Québec, et une réflexion
sur les moyens à prendre pour enrayer le fléau, je veux savoir ce que la
ministre entend faire pour ce problème, qui est réel au Québec.
• (16 h 20) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. C'est effectivement un problème qui est fort préoccupant. Et je
prends l'occasion pour faire une petite parenthèse également. Je pense que
c'est fort préoccupant à plusieurs niveaux parce qu'effectivement nos jeunes qui sont, pour la plupart — j'ai également, moi, des adolescents de
13 ans et 16 ans — à toutes fins pratiques, nés avec un cellulaire ou une tablette dans les mains,
ont peu conscience de l'impact de ce qu'ils font au niveau médiatique... au niveau des médias sociaux,
et le terme «social» et le terme «médias» devraient pourtant les
allumer, mais ce n'est pas le cas. Effectivement, ils ont l'impression que
c'est virtuel.
Puis j'ai eu
l'occasion, lors d'une formation que j'ai faite dans mon comté, dans une école,
une formation juridique que ça m'a
été... ça m'a fait du bien, je vais vous le dire, des fois... et de discuter
avec des jeunes et de leur donner, comme motif de débat, la question suivante : Est-ce que c'est moins pire
de menacer quelqu'un sur Internet ou de le menacer face à face? Et étonnamment... bien, étonnamment, oui et
non, là, la majorité des étudiants trouvait ça moins pire de le faire
sur Internet parce que c'était spontané,
parce que, quand on est derrière de notre écran, on n'y pense pas parce qu'on
n'est pas face à l'individu, alors que c'est plus grave quand on le fait
face à face.
Et je pense
que le phénomène est le même quand on parle des sextos et que vous faites la
référence avec la photo, la bonne vieille photo physique, là, moi aussi,
j'en ai quelques-unes dans mes albums qui me concernent.
Donc,
effectivement, je pense qu'un des problèmes, c'est le... il y a, bon, il y aura
toujours des contrevenants qui auraient
fait circuler la photo physique même à notre époque, mais je pense qu'aujourd'hui
le problème de ce phénomène-là, c'est
la facilité à laquelle on peut transmettre l'information. Le clic et le fait
que tu n'es pas face aux individus quand tu le fais, donc tu n'as pas
à... tu n'es pas confronté à ça.
Donc, c'est
pour ça que je suis très contente de voir que le problème #gardecapourtoi... le
programme #gardecapourtoi est un programme aussi qui mise beaucoup sur
la prévention et l'intervention, mais aussi la prévention.
La ministre
de la Sécurité publique, d'ailleurs, a annoncé récemment une subvention au
bénéfice du projet Sexto, qui est un
autre projet. Mon homologue du gouvernement du Canada a fait également la même
chose, a annoncé sa participation lors
de son passage à Saint-Jérôme pour rencontrer l'équipe Sexto. Le DPCP aussi a accepté
de s'y associer, c'est important, et
tout ça a été le fruit d'un partenariat entre le corps policier de
Saint-Jérôme, le milieu scolaire et le DPCP, entre autres.
D'ailleurs,
ce matin, vous parlez du séminaire des Pères Maristes à Québec mais, encore ce
matin, il y avait, dans la revue de
presse, en tout cas, dans ma revue de presse, il y avait un évènement ou une
juge avait eu à traiter d'une telle situation pour un adolescent de 14 ans qui a dû être trouvé coupable.
D'autres, par contre, ont pu bénéficier de mesures alternatives. Donc, les procureurs, les policiers de
Saint-Jérôme ont développé, donc, cette mesure de méthode de justice
alternative et réparatrice qui
permet, justement, d'éviter la judiciarisation des cas qui sont jugés
impulsifs, non réfléchis, plutôt que des cas qui sont vraiment carrément
malveillants.
Ce
partenariat, unique en son genre, inspire d'autres milieux, qui ont commencé à
implanter également le programme Sexto,
notamment dans les régions de Lanaudière, Laval, Laurentides. Le rapport
d'enquête administratif concernant le séminaire
des Pères Maristes était d'ailleurs... c'était d'ailleurs ce programme comme
exemple d'initiative qu'il faut accroître et qui vise à accroître la
prévention et la sensibilisation auprès des jeunes.
Donc, en
bref, je pense que ce sont des très bonnes initiatives. Toutes ces initiatives
et d'autres encore vont contribuer, je
l'espère, à faire prendre conscience, d'abord et avant tout, et à enrayer ce
fléau, puis d'ailleurs à féliciter le travail des corps de police du
DPCP et des intervenants scolaires, qui doivent aussi être outillés pour
intervenir dans ces situations-là.
Donc, en plus du procureur chef adjoint, qui
supervise le projet depuis ses tout débuts, le DPCP a, à bon escient, affecté un procureur à temps complet au projet
Sexto depuis le 18 février 2019, et souhaite d'ailleurs en dégager un
deuxième le plus rapidement possible afin de rendre accessible ce projet à
l'ensemble des écoles du Québec, à l'intérieur du deux ans qui a été
initialement prévu. Alors, on prend la chose au sérieux et je pense qu'on agit
aux bons endroits.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Vachon, s'il
vous plaît.
M. Lafrenière :
Merci beaucoup, M. le Président. Ça me rassure de savoir qu'on agit entre deux
sorties médiatiques, parce qu'on sait
que ça fait beaucoup de bruit quand ça sort. On sait aussi que les victimes se
retrouvent souvent au banc des accusés par notre société, alors je suis
rassuré.
Deuxième
sujet qui est important pour moi, un des faits saillants de l'année dernière
pour la justice criminelle a été la légalisation
du cannabis par le gouvernement fédéral. Depuis le 17 octobre dernier, les
Canadiens peuvent consommer, en toute légalité, du cannabis à des fins
récréatives. Ainsi, le Canada est devenu le premier pays du G7 à autoriser la
vente à consommation de cannabis sur l'ensemble de son territoire.
Un des
aspects qui inquiétait beaucoup le public, c'était la conduite avec les
facultés affaiblies par la drogue, mais, dans les faits, il n'y a pas eu de grand changement sur les routes, en
ce sens que... où la conduite, les facultés affaiblies par le cannabis, était encore sur... pardon, là où
c'était interdit, ça le sera toujours. Il n'est pas légal de conduire avec les
facultés affaiblies
par le cannabis. En effet, en vertu de la Loi encadrant le cannabis et
modifiant les diverses dispositions en matière de sécurité routière, adoptée par le gouvernement québécois le 12 juin
dernier, il sera toujours interdit de conduire avec les facultés
affaiblies sur toutes les routes de la province.
Là où les
choses varient, c'est du côté des sanctions. Bon, rapidement, on peut vous dire
que ça va de 300 $ à 3 000 $, révocation de permis de conduire, des poursuites criminelles. Le 21 juin
2018, la première partie du projet de loi C-46 a reçu la sanction royale, et, dès lors, elle entrait en
vigueur, elle est entrée en vigueur. Cette section a pour objectif de
modifier le Code criminel en y ajoutant des infractions
liées aux capacités affaiblies par la drogue et de permettre aux agents de
la paix d'avoir recours à des nouveaux
outils d'enquête, dont le matériel de détection des drogues, qui est approuvé.
Concrètement, donc, les policiers agissent
de la même façon avec une personne, qu'elle soit en état d'ébriété par l'alcool
ou le cannabis.
Un des points
qui est peut-être un peu moins d'actualité, c'est la conduite d'un véhicule
automobile en ayant les capacités
affaiblies par la drogue. Mais je vais faire un parallèle, parce que souvent,
nos collègues, quand on a présenté le projet de loi n° 2,
nous ont fait un comparatif avec un autre psychotrope qui est légal, et je veux
parler de l'alcool. Puis l'alcool au volant,
ça cause toujours des torts au Québec. Je vais vous sortir quelques chiffres,
M. le Président. Selon la SAAQ, la
moyenne, c'est 110 décès par année sur nos routes, 260 blessés
graves, 1 800 blessés légers. Prenons par exemple, dans mon comté, donc, pour Vachon, mais plus
spécifiquement, là, l'agglomération de Longueuil, c'est 367 accusations
criminelles pour conduite avec facultés
affaiblies l'année passée. 36 accusations criminelles pour conduite avec
facultés affaiblies par la drogue,
ça, c'est une augmentation du quart de ce qu'il y avait l'année précédente.
Alors, ça existe. La police de Longueuil a fait des barrages. Entre le 28 novembre et le 2 janvier
dernier, ils ont fait plusieurs barrages, ils ont fait cinq barrages.
Mais ça existe toujours.
Vous comprendrez que, dans mon ancien métier,
j'ai dû trop souvent me rendre sur des lieux où il y avait eu des collisions, où il y avait eu des accidents
mortels impliquant l'alcool. Puis je n'aime pas ça vous parler de chiffres
sans vous parler d'humains, parce que, souvent, quand on parle de chiffres,
bon, c'est un, c'est deux, c'est trois, mais là ces chiffres-là, il y a des gens en arrière de tout ça, là. Quand j'ai
commencé à faire ma recherche, il y a deux cas qui me sont revenus en tête que je vais vous partager, M. le
Président, parce que j'aime bien qu'on se rappelle que ce sont des
humains.
Près de chez moi, il y a de cela quelques
années, il y a une collision fatale. Le hasard a fait en sorte que, comme pompier volontaire, je n'étais pas de garde cette
nuit-là, je ne suis pas allé. Mais je me suis présenté plus tard, pour me
rendre compte que c'était une bonne
connaissance. C'était la copropriétaire d'un restaurant qui est juste au coin
de la rue, une mère de trois jeunes
enfants, qui avait été impliquée. Elle se rendait à son travail. Elle
travaillait de nombreuses heures, comme bien des gens. Et elle avait croisé une personne qui avait veillé tard,
qui avait pris plusieurs verres et qui l'avait fauchée. Cette personne-là n'a même pas été blessée, mais elle,
elle est décédée. Et son conjoint, qui était le copropriétaire du
restaurant, s'est retrouvé tout seul comme propriétaire avec son restaurant et
avec trois jeunes enfants. Ça, c'est un cas d'espèce, c'est un cas qui est
vrai.
Comme
policier de Montréal aussi, je me rappelle d'un cas dans Westmount, où une dame
avait été fauchée, encore là, par une
personne qui était embarquée en sens inverse sur l'avenue Côte-des-Neiges. Et
moi, je me rappelle, j'étais sur les
lieux. C'est de nuit. Et j'ai un homme qui vient me voir, qui veut savoir si
c'est sa femme qui est impliquée. Alors, bien entendu... puis je ne donnerai pas de détails, mais le corps n'était pas
dans un état où on pouvait l'identifier. Ça fait, j'ai dit au monsieur d'attendre, que l'enquêteur viendrait lui
parler. Mais là l'homme, il s'impatientait, puis je comprenais très
bien, alors il a décidé de faire quelque
chose que je n'aurais jamais vu venir. Il a pris son téléphone cellulaire puis
il a appelé sa femme. Mais,
malheureusement, le téléphone, on l'a entendu sonner dans la carcasse de la
voiture. Ça fait que, donc, lui, en direct, il venait d'apprendre que
c'était sa femme qui était décédée. Ça a été un moment horrible.
Puis je ne
vous dis pas ça pour rendre ça encore plus gros que c'est, mais juste vous dire
que c'est des vies qui sont fauchées,
c'est vrai, c'est réel. Puis ce n'est pas pour rien que, dans le projet de loi n° 2, je suis intervenu beaucoup, parce qu'il y a des choses que
j'ai vécues, comme policier, trop souvent, trop souvent d'avoir des enfants qui
se retrouvent orphelins, d'avoir un père à
qui on apprend que son garçon est décédé. Il n'y a pas juste l'alcool, il n'y a
pas juste le cannabis, là-dedans, il y a d'autres raisons. Mais, trop
souvent, c'est présent.
Alors, je me suis permis de faire ce long
préambule, M. le Président, parce que, pour moi, c'est un dossier qui est
important.
Je veux
savoir, justement, si on a un bilan, un bilan de cette première année avec le
changement qui a été fait dans la légalisation
du cannabis. Alors, Mme la ministre, est-ce que vous êtes en mesure de nous
faire un topo de la conduite avec facultés
affaiblies, avec les changements qui ont été connus avec cette loi, cette
légalisation du cannabis, s'il vous plaît?
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.
• (16 h 30) •
Mme LeBel :
Oui, M. le Président, merci. Effectivement, je suis tout à fait... tout ce que
vous... les propos que vous venez de prononcer, je les fais miens. J'ai
eu, moi, l'occasion de faire ces dossiers-là de l'autre bout de la lorgnette, c'est-à-dire d'amener souvent certains de ces
contrevenants-là devant les juges, devant les salles de cour, donc de voir
également les ravages horribles que ces conduites avec facultés affaiblies
peuvent faire.
Maintenant,
pour ce qui est de la légalisation du cannabis de façon particulière, il n'a
pas été porté, pour l'heure, à notre
attention que les changements opérationnels, qui sont incidents d'ailleurs à
l'entrée en vigueur de C-46, ont porté des écueils relativement à
l'application des nouvelles infractions. Je dois vous dire que le DPCP et ses
procureurs étaient prêts. On a vu venir,
hein, ça a été annoncé par le gouvernement
fédéral, on a quand même
eu une année pour les procureurs pour
se préparer et on a vu venir l'entrée en vigueur des nouvelles législations
en matière de drogue. Entre autres
mesures, le DPCP a publié un guide à l'intention de ses procureurs sur les modifications
engendrées par le nouveau régime de C-46, a dispensé de la formation de pointe
sur le sujet, s'est doté d'un réseau de procureurs désignés et répondants sur la question,
a émis une instruction à ses procureurs au sujet des causes pendantes et
participe à plusieurs comités, tables et rencontres avec ses
partenaires. Donc, le DPCP est prêt, se tient au courant et se forme en
conséquence.
Les
principaux enjeux qui ont été constatés par le DPCP concernent plutôt la
précision des ordonnances d'interdiction de conduire qui ont été prononcées à l'encontre de certains délinquants
et l'interprétation de certaines mesures transitoires de la loi. Ce sont
des enjeux qui sont beaucoup plus juridiques qu'autrement.
On a vu, par contre,
dans le projet de loi C-46, qui a amené plusieurs
éléments positifs, notamment la disparition de la défense, qu'on dit de «bolus drinking», la défense du dernier verre. Les délimitations ont été imposées par le
législateur en lien avec la défense de la
consommation après l'infraction. La défense du verre d'après, souvent, on
venait nous dire : Bien, moi,
j'ai bu après avoir conduit, mais avant avoir fait le test. Alors, cette
défense-là est encore possible, a été limitée dans ses applications, on
ne rentrera pas dans les détails juridiques. Je ne suis plus moi-même à la fine
pointe de ça, donc je ne me lancerai pas.
Il y a
juste un élément qui est important de préciser, que le seul appareil de détection
qui est présentement approuvé
présente potentiellement des faux risques de positif. Certes, mais on travaille
là-dessus, j'ai souligné ce fait lors de ma rencontre,
encore une fois, FPT justice à St. John's, Terre-Neuve, en novembre 2018. Et, lors de ma rencontre avec le ministre fédéral de
la Justice, M. David Lametti, que j'ai eue dernièrement, il y a quelques
semaines, en février... c'est tant par lettre qu'en rencontre face à face... je lui ai, à nouveau, fait part de cette
problématique, et il m'a fait part du fait que le comité étudie présentement les appareils de détection de drogue
qui sont de d'autres modèles et qui n'auront pas les difficultés, bon,
qui sont inhérentes à notre climat aussi
parfois. Et donc on est en train de travailler pour fournir aux services de
police des appareils de détection beaucoup plus performants. Mais cet
enjeu-là a été souligné et il est présentement adressé.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Vachon, il
vous reste une minute, s'il vous plaît.
M. Lafrenière :
Une minute? Je vais aller très, très, très rapidement. Quand j'étais à la
division du renseignement contre le crime organisé, j'appelais ça la loi
là où ça fait mal.
Alors, Mme la
ministre, la question pour vous, c'est : Lorsqu'on parle de biens issus de
la criminalité, j'aimerais savoir de
quelle façon les biens sont répertoriés une fois que ça a été saisi. Là,
j'avais un long préambule avec des exemples dans mon comté, mais tout ça pour dire, pour le bénéfice des gens qui
nous écoutent, lorsque des biens sont criminellement saisis, de quelle
façon c'est réparti, de quelle façon c'est redonné aux services de police ou à
d'autres organismes?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, Mme la ministre.
Mme LeBel :
Oui, bien, heureusement, depuis 1999, le régime de partage des produits de la
criminalité contribue d'ailleurs au
financement de plusieurs organismes. C'est divisé entre des corps de police,
mais je n'aurai pas le temps de vous
donner la répartition exacte dans le temps qui nous est imparti. Mais,
effectivement, les corps de police reçoivent une partie de ces fonds-là pour avoir contribué, il y a une partie qui s'en
va au DPCP, je crois, en tout cas, à la Justice. Donc... oui, et à Info-Crime. Donc, c'est réparti envers les
acteurs du système de justice pour justement aider à la lutte de ce
phénomène-là particulier.
Le Président (M.
Bachand) : Merci.
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Vachon,
merci beaucoup.
Je me tourne maintenant vers le bloc d'échange
pour le deuxième groupe d'opposition avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve
pour 15 min 17 s, s'il vous plaît. M. le député.
M. Leduc :
Merci, M. le Président. Rebonjour, tout le monde. On le sait, le Québec fait
face à de nombreux défis en matière
d'accès à la justice et, pour répondre à ce défi, il y a plusieurs solutions
qui existent. Il y a des solutions institutionnelles, on parle surtout,
là, de l'appareil du ministère de la Justice.
Il y a des solutions aussi qui sont non
institutionnelles, puis j'aimerais profiter des minutes qui me sont offertes aujourd'hui pour échanger avec Mme la ministre sur
les étudiants en droit. Ça fait plusieurs années qu'ils revendiquent de pouvoir faire une modification à l'article 128
de la Loi sur le Barreau pour faire des conseils simples ou remplir des
formulaires sous la supervision d'avocats et
d'avocates ou de notaires, comme c'est le cas ailleurs au Canada, notamment en
Ontario, en Colombie-Britannique. On ne parle pas ici, là, de plaider à la Cour
suprême, on parle évidemment de faire des tâches relativement simples, des conseils, aider à remplir des formulaires, ce
qui, on peut se le dire, se passe déjà un peu dans les faits dans
certains milieux. Et tout ça permettrait de faire un bon gros coup de pouce à
la question de l'accessibilité de la justice tout en valorisant l'implication
sociale des jeunes juristes qui sont en formation.
Alors, ma question à Mme la ministre :
Est-ce que c'est quelque chose qui est envisagé dans votre ministère? Y
êtes-vous intéressée? Est-ce que vous avez un comité qui se penche sur la
question?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel : Oui, j'ai eu
l'occasion d'en parler avec certains... doyens, et non...
Une voix :
...
Mme LeBel : Non, non, pas... c'est ça, exactement, non.
Certains doyens de certaines universités, entre autres le doyen de l'Université
de Sherbrooke, dans le cadre d'une rencontre. Bon, l'Office des professions
aussi doit se pencher là-dessus, parce qu'il
y a des questions d'actes réservés et d'assurance, mais je dois vous dire qu'on
discute avec le Barreau. Oui, il y a une ouverture. Tous les acteurs, le
Barreau, aussi, a son bout de chemin à faire. Certains barreaux de section s'y opposaient pour certaines raisons dans
lesquelles on n'abordera pas, qui leur appartiennent et qui peuvent être
valables, là, dépendamment des points de vue.
Il y a
toujours, naturellement... Je comprends la question de l'accessibilité à la
justice, j'en suis, d'ouvrir, par le... on va l'appeler des cliniques juridiques, là, pour les fins de discussion...
d'ouvrir des cliniques juridiques par des étudiants qui pourraient
donner des conseils sous la supervision de certaines personnes. C'est, je
pense, au point de vue des principes, quelque
chose d'envisageable. Maintenant, le diable étant dans les détails, on est en
train de travailler sur cette question-là, puis il y a des discussions.
Donc, oui, il y a une ouverture.
J'anticipe
votre question, non, il n'y a pas d'échéancier. Je n'ai pas l'intention de
déposer un projet de loi à court terme, mais ça fait partie de nos
discussions. Et le Barreau doit également réfléchir à cette question et se
positionner sur cette question-là.
Mais, au
niveau de discuter, il n'y a pas de fin de non-recevoir. Je pense
qu'effectivement ça peut être une mesure d'accès à la justice qui est valable. Mais il y a toujours la question
de la protection du public, hein, parce qu'on oublie souvent, puis on l'impression des fois que les ordres
professionnels sont des empêcheurs de tourner en rond, mais ils ont un
objectif aussi, qui est la protection du
public. Les actes réservés sont là pour une raison, ont été conçus, décidés et
aménagés pour la raison de protéger
le public. Maintenant, il faut voir : Est-ce qu'on est encore en train de
protéger le public? Est-ce qu'on peut
ouvrir un peu plus pour donner de l'accès à la justice? Tout ça est une
question d'équilibre. Mais je pense que, pour répondre plus simplement à votre question, oui, c'est envisagé et
envisageable. Maintenant, il faut en discuter et faire les choses
correctement, comme tout le reste.
M. Leduc :
Je suis content de la réponse d'ouverture, du fait que c'est envisagé. Je vais
aller peut-être chercher, voir si, un peu plus loin, on ne pourrait pas
aller chercher une sympathie à cette idée-là. C'est une chose d'être ouvert,
c'en est une autre d'être sympathique à l'idée.
Je ne sais pas si Mme la ministre est familière
avec le projet de loi n° 697, qui avait été déposé
par son... ah! je vois qu'elle a été bien
préparée par ses gens, loi déposée par son collègue maintenant leader
parlementaire. À l'époque, il était
critique en matière de justice de la deuxième opposition. Sur la question,
donc, la Loi visant à permettre aux étudiants en droit de donner des consultations et des avis d'ordre juridique dans une
clinique juridique universitaire afin d'améliorer l'accès à la justice... Donc, député de Borduas, qui avait
fait ce dépôt-là dans la dernière législature... Projet de loi que j'ai
étudié, que je trouvais bien intéressant... Et, pour en avoir parlé avec les
personnes qui sont alentour de cette mouvance, là, d'aller rechercher de l'ouverture et peut-être de la
sympathie, ils étaient contents de ce projet de loi, mais ils diraient que,
s'il était à réécrire, ils voudraient
ouvrir un peu plus loin que juste les cliniques universitaires, que ça soit
plutôt ouvert aussi aux cliniques communautaires, des OBNL, par exemple.
Donc, je relance ma question, à l'orée de ce projet de loi là qui a été
déposé : Est-ce qu'on peut aller chercher un peu plus que de l'ouverture,
mais une sympathie à cette idée-là?
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Je ne sais pas si je vais décliner, avec vous, tous les synonymes d'ouverture
ou de sympathie. Je peux vous dire
qu'on l'étudie parce qu'on pense... Au-delà de la sympathie, moi, je suis une
personne très pragmatique, hein, et, si ça peut donner, effectivement, un accès à la justice plus grand, et tout
en gardant... en s'assurant de la protection du public dans ces
circonstances, parce que c'est aussi mon objectif, hein, le citoyen, bien, je
suis tout à fait prête et engagée pour regarder cette solution-là.
Vous devez
comprendre aussi que, concernant le projet de loi de mon collègue de Borduas,
le projet de loi n° 697, effectivement, c'est un projet de loi qui va dans
ce sens-là, donc je partage les objectifs au sens large. Encore une fois,
c'est une question de moyens. l'Office des
professions du Québec a fait cette analyse-là et pense qu'une modification
législative n'est pas nécessaire, qu'on
pourrait y aller par voie réglementaire. Je dois vous dire qu'à ce moment-ci
c'est dans la cour du Barreau pour nous proposer un règlement en ce
sens-là.
Encore une fois, un processus législatif, c'est
lourd, hein, c'est long, ça prend du temps de commission parlementaire, et donc, si on peut faire les
choses autrement et atteindre un objectif similaire par la voie réglementaire,
je suis également ouverte, très sympathique
à le recevoir avec un sourire. Mais on va l'étudier pour s'assurer de la
protection du public, parce que c'est également une de mes
préoccupations.
M. Leduc : ...prononcé, M. le
Président.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député, allez-y, oui, allez-y.
• (16 h 40) •
M. Leduc : ...cocher dans ma
liste des choses faites aujourd'hui. Merci beaucoup, Mme la ministre.
Un peu dans
le même registre, j'ai eu à rencontrer toutes sortes de groupes, notamment,
entre autres, Juripop, vous connaissez
peut-être, qui exercent, donc, du travail, mais qui sont un peu forcés, en
termes de modèle d'affaires, de se fonder une compagnie, parce qu'il est
interdit d'exercer sous un OBNL, hein? Encore une fois, dans le milieu de
l'Ordre des professions...
Alors, même, ils ne peuvent pas... un OBNL ne peut pas annoncer des services,
même s'ils sont gratuits, ils ne
peuvent pas, les avocats, partager les honoraires avec l'OBNL, même si c'est
modique. Est-ce que ça aussi, ça fait partie de l'ouverture pour essayer
de faciliter l'accès à la justice à un plus grand nombre de personnes?
Mme LeBel : C'est une question qui est beaucoup
plus techniquement complexe. De
savoir, bon, jusqu'à quel point les
avocats peuvent former des compagnies, peuvent s'associer, peuvent... de quelle
façon les honoraires sont demandés, ça fait partie, d'ailleurs,
également de la Loi sur le Barreau et du Code des professions, tout ça, ces
façons de faire là.
Oui, est-ce
qu'on peut, dans l'air de ce qui s'en vient présentement, on le voit aussi avec
le virage technologique, l'intelligence
artificielle... Je sais que je digresse un peu de votre question, mais c'est
parce que c'est très large. Et je pense qu'il faut revoir ces règles-là.
J'en ai parlé un petit peu, ce matin, de règles qui peuvent sembler,
maintenant, dans l'ère de 2019, archaïques.
Je ne dis pas que celles auxquelles vous faites référence le sont, mais je
pense qu'on a une belle occasion, le Barreau a une belle occasion, les
ordres professionnels ont une belle occasion de dépoussiérer, un peu, tout ça
et de revoir les objectifs, donc, de servir le public, d'accéder à la justice,
d'offrir d'être des partenaires d'accès à la justice.
Mais, je vous
le dis, je suis très prudente quand j'avance dans ces territoires-là, parce que
je fais même partie d'un ordre
professionnel, j'ai siégé sur des conseils d'ordres professionnels et je sais
qu'il y a des raisons importantes et des motifs sous-jacents qui sont importants pour la protection du public,
également, à ces empêchements-là. Mais, oui, je pense qu'on est dans une
situation, il faut revoir ces règles-là.
Maintenant,
dans quel échéancier? Est-ce que ce sera une priorité du Barreau? Ce n'est pas
moi qui vais m'engager pour eux.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député.
M. Leduc :
Merci. Ma prochaine question est un peu plus statistique, elle est très
statistique, en fait. On a lu, dans un
rapport, qu'en... selon le ministère de la Justice, en 2011, tous domaines
confondus, c'est 37 % des causes entendues qui comportaient une partie qui se représentait seule.
Et ma question, donc : Est-ce que vous avez une statistique plus à
jour? Tout ça, dans l'idée de voir s'il y a
évolution en croissance, en décroissance, en maintien, de la proportion de gens
qui se représentent seuls, tous domaines confondus du droit...
Mme LeBel : On n'a pas cette
statistique-là de façon très à jour. Je peux vous dire que ça existe encore,
c'est encore un phénomène, la
représentation, devant les tribunaux, seul. Il y en a qui le font très bien, il
y en a que c'est parce qu'ils n'ont
pas nécessairement accès à un avocat, et il faut voir à ce phénomène-là, mais,
si vous avez besoin de la statistique à jour, on va vous la trouver et
on va s'affairer à vous la fournir, avec plaisir.
M. Leduc : ...apprécié, oui,
j'aimerais ça, étudier cet aspect-là plus en détail. Merci, Mme la ministre.
Le
Président (M. Bachand) :
Donc, si je comprends, c'est que le document va être fourni dans les plus brefs
délais? Merci beaucoup.
Mme LeBel : ...on va vérifier
si elle existe, puis, si elle existe, vous allez l'avoir.
M. Leduc : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député.
M. Leduc :
Ça fait un peu le pont avec la prochaine question, qui traite de l'aide et de
l'assurance juridique. La précédente
ministre de la Justice avait annoncé un rehaussement du seuil d'admissibilité à
l'aide juridique. Bon, nous, on aurait cru que, dans un tel contexte, on
aurait pu s'attendre à une augmentation des coûts du programme. Or, selon les
documents que vous nous avez fournis, on voit plutôt une diminution des crédits
alloués à la Commission des services juridiques. Est-ce qu'on peut avoir un
éclairage par rapport à ça?
Mme LeBel : Avec plaisir, dès
que c'est disponible.
Le Président (M.
Bachand) : ...Mme la ministre.
Des voix : ...
Le
Président (M. Bachand) : Est-ce que vous avez besoin de plus de
temps?
Mme LeBel : Non, pas vraiment, on va
pouvoir... Effectivement, les prévisions de revenus... mais j'essaie...
j'avoue que j'essaie de la décortiquer, là.
Les prévisions de revenus de la Commission de services juridiques s'élèvent à
179 millions en 2019‑2020, soit 6,4 millions de moins que les revenus
probables 2018‑2019. On dit que cette baisse s'explique principalement par
une diminution de la contribution ministérielle à la commission. Alors, j'avoue
que je ne peux pas vous en dire plus. On va éclairer sur ce point puis on va
vous revenir, parce que je veux être capable de vous l'expliquer adéquatement.
M. Leduc :
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre.
M. Leduc : En suivi, une
question peut-être encore plus philosophique, comme celle de ce matin :
Vous savez, l'aide juridique, c'est bien,
mais ça ne peut pas couvrir tout le monde, il y a beaucoup de gens dont on
considère, selon les critères d'aide
juridique... qui ont les moyens de payer des frais d'avocat, mais qui, dans les
faits... ça représenterait un grand frein
important pour eux, l'introduction d'une demande, même celle qui serait très,
très fondée ou qui aurait des chances de gagner. Et personne ne veut être obligé d'aller piger dans ses REER pour
pouvoir aller en justice, pour toutes sortes de raisons. Donc, il y a toujours eu, dans l'espace public,
une discussion alentour d'une assurance juridique publique universelle.
C'est ce qu'entre autres ma formation politique a défendu lors des dernières élections.
Est-ce que
cette idée d'une assurance juridique publique universelle a déjà
fait l'objet d'une analyse de la part de votre ministère?
Mme LeBel : Si elle a fait l'objet d'une analyse
potentiellement, ce n'est pas une discussion que moi, j'ai eue avec le ministère dans
les dernières semaines. On est à regarder, effectivement, plusieurs moyens.
Vous avez totalement raison de dire qu'on
pourrait, théoriquement, là, hausser les seuils. Il y aurait toujours
des gens qui n'auraient pas accès à la justice pour diverses raisons. L'accessibilité à la justice, c'est beaucoup
de choses, hein? C'est aussi avoir les moyens financiers, c'est aussi
d'avoir l'information, parce que, quelquefois, quand on peut désamorcer
autrement les conflits, on n'a pas besoin de
se rendre devant un juge, donc, naturellement, on n'a pas besoin d'engager de frais, de frais
d'avocat. C'est de faciliter, donc,
la transformation numérique, l'information accessible, guichet, que SOQUIJ était en train de
développer, ce sont toutes des formes... la
justice réparatrice, la médiation, l'accès, donc, les choses de médiation. Ce
sont toutes des façons dont on veut
travailler pour l'instant pour faire en sorte que l'accès à la justice, ce soit
plus que de payer des frais d'avocat.
Donc, pour répondre à votre question, ce n'est
pas dans les cartons immédiats, en tout cas, pas dans les miens immédiatement.
Mais, pour répondre à votre question plus précise, je peux vérifier s'il y a eu
une étude au niveau du ministère, mais, pour
l'instant, je vous dirais qu'à court terme, à très court terme, il y a beaucoup
de choses à faire, il y a beaucoup de travail sur la planche au niveau
de la transformation de la justice, et on va franchir les étapes qu'on a à
franchir, puis on pourra peut-être se pencher sur cette question-là
ultérieurement.
M. Leduc :
Comme suivi, j'allais vous poser la question : Advenant qu'il n'y ait pas
d'étude, seriez-vous prête à en
commander une? Je comprends, à ce que vous me dites, que j'aie plus de chance
de revenir l'an prochain, par exemple, et vous poser la même question.
Peut-être que j'aurai un meilleur numéro à ce moment-là.
Avec le temps
qu'il me reste, j'aimerais revenir rapidement sur la longue grève qui a fait...
qui a eu lieu dans... avec les
avocats et notaires de l'État en 2016-2017. À l'issue de cette longue grève-là,
il y a eu, évidemment, des séquelles, je pense, dans la fonction publique en matière du ministère de la Justice.
Il y a une chose qui est réclamée notamment par LANEQ, l'association des avocats et notaires de l'État québécois. C'est
que, justement, les juristes d'État puissent bénéficier d'un mécanisme similaire à celui dont jouissent
les procureurs de la couronne, c'est-à-dire un comité indépendant chargé
d'évaluer et de faire des recommandations
quant à leur rémunération. C'est quelque chose qui est appuyé par le Barreau
et quelque chose qui a été appuyé par, si je ne me trompe, l'ensemble des
formations politiques dans les dernières années, notamment durant les
élections. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être envisagé par votre
ministère?
Le Président (M. Bachand) :
Mme la ministre.
Mme LeBel :
Je vais être extrêmement prudente, parce que, présentement, il y a des recours
juridiques devant les tribunaux dans ce dossier-là.
Je peux vous
dire que je reconnais l'importance du travail effectué par les avocats, les
notaires du MJQ. Je l'ai déjà dit, je
l'ai dit à plusieurs reprises et j'ai maintenant la chance encore plus de
travailler avec eux de façon près, alors je reconnais ce travail-là. Je souhaite naturellement qu'un
dénouement se fasse pour toutes les parties et je sais que je suis prudente,
je vous avise, là, que je ne peux pas me prononcer. Il y a, présentement, des
dossiers devant les tribunaux concernant ce sujet-là, puis je vais limiter mes
commentaires à ça.
Je peux
peut-être vous donner une petite réponse sur votre... le budget tantôt de la...
si vous le permettez, je ne veux pas...
ce n'est pas des... il ne s'agit pas nécessairement de coupes, je peux vous
dire que la Commission des services juridiques a vu son budget de dépenses hausser de 7,2 millions par rapport à
l'exercice financier 2018‑2019. On passe d'une dépense probable de
188 millions à une dépense probable de 193 millions. Donc, il y avait
des surplus. Il y avait des surplus budgétaires.
Donc, il n'y aura pas de coupes au niveau des budgets de fonctionnement. Ça
n'affecte pas les budgets de fonctionnement.
Dans le
passé, là, encore une fois, vous allez comprendre pourquoi ce n'est pas moi qui
est ministre des Finances, dans le
passé, on contribuait par une subvention ministérielle. Mais, comme il y a des
surplus présentement au niveau du... Ce
que je peux vous dire, finalement, c'est qu'il n'y aura pas d'affectation au
niveau des services de fonctionnement. Ça, je veux vous rassurer. Je
suis moins bonne dans les chiffres, là, mais, au niveau des effets, je peux
vous l'assurer.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Mme la ministre. Merci, M. le député
d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Je me tourne maintenant vers les
députés formant le gouvernement pour un bloc de 17 minutes d'échange. Et
je reconnais le député d'Ungava, s'il vous plaît.
• (16 h 50) •
M.
Lamothe : Effectivement. M. le Président, Mme la ministre. L'exposé
que je vais faire est vraiment important pour moi. C'est directement relié à la profession que j'ai effectuée,
que j'ai faite dans le Nunavik, dans le Nord québécois. Juste faire le
lien, si on veut, avec ma connaissance du système de justice.
J'ai été policier à la Sûreté du Québec sur une
période de 30 ans, 22 ans sur un poste, entre autres, sur le poste enquêteur. Donc, quand on parle d'arrestation, de
comparution, d'enquête préliminaire, de procès, je connais le processus.
J'ai fait ça sur une période, comme je le disais, de 22 ans sur un poste à
Campbellville, dans l'Outaouais.
Un certain moment donné, en 1989, j'ai eu la
chance de vivre le système de justice, mais au niveau autochtone. Je suis parti
pour travailler avec les Cris de la côte de la Baie-James sur une période de
deux ans. J'ai travaillé dans les communautés
de Chisasibi, Wemindji, Eastmain, Waskaganish et Nemaska, et j'ai vécu le
système, le système de justice québécois dans ces communautés-là.
À ce
moment-là, le volume, au niveau de la criminalité, était quand même
raisonnable, c'était une cour itinérante qui partait de Rouyn-Noranda, de Val-d'Or, le groupe s'organisait, le bureau
de la couronne était à Amos, c'était dans l'Abitibi, on relevait du
district de l'Abitibi puis on relève toujours du district d'Abitibi.
Bref, j'ai
fait ces communautés-là sur une période de deux ans, je suis retourné sur mon
poste puis, en 1993, je suis monté
dans le Nunavik, plus précisément sur le poste de Kuujjuarapik. Je me suis vite
aperçu que c'était une autre game, au niveau de la justice, et c'est
toujours une autre game au niveau de la justice. Quand je parle de game, c'est
que ce n'est pas... c'est un autre monde.
C'est un autre monde, dans le sens que le volume qu'on retrouve, dans le
Nunavik, au niveau criminalité, au niveau cour itinérante, est vraiment
alarmant.
Il y a
différents rapports qui ont été faits, au cours des dernières années, depuis...
On va commencer en 2008, si on veut,
jusqu'à 2016, avec le rapport du Protecteur du citoyen. Puis le rapport, entre
autres, mentionne qu'entre 2005 et 2015 les dossiers de la cour itinérante ont augmenté de 239 %. Donc, ce
n'est pas normal, c'est anormal, ça persiste. Puis, les solutions, il y en a. Malheureusement, les
solutions qui sont apportées dans les différents rapports... Puis j'ai eu la
chance de mettre, entre autres, sur un
rapport... c'est un document qui a été demandé par le député d'Ungava, Jean
Boucher, qui était mon prédécesseur, et
la ministre, Stéphanie Vallée. Ce document-là relate, si on veut, l'historique
du Nunavik, relate les problématiques du Nunavik, puis on y va aussi
avec des constatations qui ne sont pas vraiment positives, mais aussi des
suggestions, des solutions.
Je vais en
parler, de deux, solutions... qui est mentionnée autant dans le rapport que le
député à l'époque et la ministre, Mme Vallée, a fait faire, mais
aussi qu'on relate dans le rapport du Protecteur du citoyen et dans les
mémoires déposés par le Barreau à la commission Viens en février... en avril
2018, je m'excuse.
Une des
solutions qu'on apporte, c'est la visioconférence. Puis, sur une période... Ce
rapport-là que je vous parle, là, du
député libéral, a été fait en 2015, janvier 2015, ça fait que, de janvier 2015
à aller jusqu'à l'élection, si on veut, on va dire le 1er octobre, il ne s'est rien fait pour améliorer, face à
toutes les solutions qui ont été apportées. Mais, comme je vous dis, je
vais en travailler deux, la visioconférence, entre autres.
Quand un
Inuit, une personne inuite se fait arrêter dans une des 14 communautés du
Nunavik, première chose qu'il se
passe, c'est qu'elle comparaît par téléphone, à savoir si le procureur va la
libérer ou si elle va la détenir pour une enquête sous caution. À partir
du moment qu'il y a une enquête sous caution qui est demandée, bien là c'est le
trimballage qui commence. On prend l'Inuit,
que ce soit... peu importe la communauté dans les 14, de Salluit à aller
jusqu'à Kangiqsujuaq, ou d'Ivujivik à
aller à Kuujjuarapik, on prend l'Inuit puis on le descend, accompagné d'un
policier, jusqu'à Montréal, parce que
c'est à Montréal que les services correctionnels de Saint-Jérôme vont le
chercher. À partir de là, on prend la personne inuite puis on l'amène à Saint-Jérôme. Puis, de Saint-Jérôme, bien là il
y a un autre transfert qui se fait, à Amos. Puis, une fois rendu à Amos, bien là, sur un délai, dépendamment,
parce que, vous savez... Je ne sais pas si vous le savez, mais je l'ai
vécu, c'est que la température, dans le
Nunavik, six mois par année, c'est : on flippe le 25 cents à savoir, on
sort-u ou on ne sort pas. Si ce n'est
pas un blizzard, c'est de la brume, peu importe. Ça demeure un très bel
endroit, mais c'est la réalité. Ça fait que ce que je veux dire, c'est que, à partir du moment qu'on quitte le village,
le policier avec le détenu, puis qu'on s'en va à Amos, entre la
comparution puis l'enquête sous caution, on a trois jours. Ce n'est pas
vraiment la réalité qui se passe.
Donc, cette problématique-là,
de comparution, d'enquête sous caution fait en sorte que les droits, parce que
les Inuits ont des droits au même titre que
nous, ici, au Québec, partout — ils
sont dans le Québec, mais, je veux dire, ils ont les mêmes droits que
nous autres — ne
sont pas respectés. Donc, le délai de trois jours peut aller de cinq à sept
jours, à 10 jours, dépendamment, là,
justement, de tous ces facteurs-là, de la température quand on sort du village,
du transfert quand ça se fait à Montréal avec Saint-Jérôme, du transfert
quand qu'on veut aller à Amos.
Statistiquement, une fois sur deux, la personne
inculpée est libérée, une fois sur deux. Ça fait qu'une fois sur deux le service correctionnel prend la personne,
l'Inuit, on l'envoie à Val-d'Or prendre l'avion, via Montréal,
pour retourner dans sa communauté. Ça coûte une fortune, puis c'est un
non-respect des droits pour les Inuits.
La visioconférence, c'est très faisable, c'est
très faisable, puis je ne comprends pas que, sur une période de trois ans et demi, le gouvernement précédent n'a pas été capable de mettre en place ce système-là,
qui est demandé, comme je le mentionnais, autant par le Protecteur du
citoyen, autant que par le mémoire déposé par le Barreau du Québec à la commission
Viens.
Si je prends
le rapport du Protecteur du citoyen, on mentionne ici que, «deux semaines après la
publication du rapport du Protecteur du citoyen sur les conditions de détention et l'administration de la justice et la prévention de la criminalité au Nunavik, le gouvernement s'est engagé à
intervenir rapidement». Ça, ça a été publié le 18 février 2016.
Quand on parle d'un délai... Quand
qu'on parle de rapidement, on regarde un petit peu plus loin que...
le gouvernement a fait cette réponse-là deux semaines après. Le rapport du protecteur
conclut différentes conclusions, entre
autres, «l'administration de la justice est problématique : les longs délais, les
nombreux transferts, notamment». Puis les engagements du gouvernement... Parmi
celles-ci, les engagements du gouvernement, toujours avec le bref du Protecteur
du citoyen, c'est que la bonification des
installations matérielles de détention — traduction
en inuktitut, ça, c'est une autre problématique — utile...
et meilleure utilisation de la visioconférence. Là, on parle de
18 février 2016, des recommandations du Protecteur du citoyen.
Puis le mémoire du Barreau, ce qu'il dit, c'est
que «l'accusé doit donc absolument se déplacer en avion pour comparaître». On parle toujours de la même
comparution d'enquête sous caution qui se fait à Amos suite à une
arrestation dans un village dans le Nunavik. Donc, ce qu'on explique, dans le
mémoire du Barreau, c'est que «l'accusé doit donc absolument se déplacer en avion pour comparaître, ce qui entraîne
souvent des accrocs à ses droits fondamentaux dans le système de justice
criminelle, ainsi qu'une dépense importante des deniers publics».
En 2014, ça a
coûté 2,8 millions de dollars pour cet exercice-là, sortir des Inuits de leurs
communautés puis les descendre à Amos pour la comparution sur l'enquête
sous caution puis les retourner. C'est 2,8 millions de dollars que ça a
coûté.
«Pour leur
part — je
continue le rapport — les
victimes subissent un stress considérable du simple fait d'avoir à
quitter leurs communautés en avion pour témoigner, souvent sans accompagnement,
lorsqu'on parle des victimes. Une solution simple est d'assurer un service de
visioconférence dans les communautés.»
Là, on parle dans chaque communauté, c'est ce
qu'on suggère. Je pense qu'il y a un minimum, puis le minimum devrait commencer à Kuujjuaq, même si, au bout de
la ligne, je crois fortement que Puvirnituq ont les mêmes problématiques
au niveau de volume criminel.
Deuxième problématique, la deuxième solution, ce
que le rapport dit, c'est que ça prendrait un deuxième procureur de la couronne à Kuujjuaq. M. le Président, j'ai... je m'en
allais vous appeler M. le juge. Vous seriez un très bon juge, en passant, je vous l'ai dit. M. le
Président, j'ai été... la dernière visite que j'ai faite à Kuujjuaq, après ma
retraite, c'est en 2014. J'avais mon
réseau, contacts étaient encore là, j'avais des amis qui y étaient, mais entre
autres, j'y allais pas mal tout le
temps, tu sais, à l'hôpital, au palais de justice, puis je suis allé au palais
de justice rencontrer ce qui se passait, puis tout ça. Puis j'ai appris en août 2018 que le bureau de la couronne
fermait à Kuujjuaq, en août 2018, puis, ça, je l'ai appris de la personne qui travaillait là, c'est elle qui me
l'a appris, elle se cherchait un autre job. Puis la façon que ça s'est fait,
ça s'est fait un peu de façon non conventionnelle, parce que personne n'a été
informé de ça, sauf que le bureau fermait. Ça va complètement à l'encontre de
ce qui est dit dans le rapport, que les libéraux, M. Boucher, à
l'époque... je m'excuse, le député libéral a demandé. On demandait deux
procureurs. Puis on va plus loin que ça. À un certain moment donné, on demande un juge aussi, tu sais? Ça fait qu'à la
quantité de volume qu'il y a là c'est des solutions qui sont très bonnes.
Mais là on s'organise... on ne s'organise
pas, on fait en sorte que le bureau de la couronne est fermé, ce qui a entraîné
la fermeture du bureau de l'aide juridique.
• (17 heures) •
Bref, ce que je veux dire, c'est que, sur une
période de trois ans et demi, on va partir du 1er janvier 2015 à aller jusqu'au
mois d'août, quand que j'ai constaté, moi, qu'on fermait le bureau, c'est quoi
qu'il s'est fait au niveau du Parti
libéral, Mme Vallée puis M. Boucher, face... Ils ont sûrement
vu venir. M. Boucher a resté à Kuujjuaq, est lui-même un avocat. Je ne peux pas croire qu'à un moment donné, avec les contacts
qu'ils avaient, qu'ils n'ont pas vu ça venir. Il y a un laxisme là-dedans.
Puis c'est qui qui paie au bout de la ligne? Bien, c'est les contribuables québécois,
je ne le mets pas en ordre d'importance,
au contraire... les contribuables québécois, avec un coût faramineux, ce que ça coûte pour ces
transferts de détenus là. Puis, également, bien, l'Inuit, ses droits sons
bafoués. Je veux dire, on pourrait en parler longtemps, de l'application de l'administration de la justice dans le Nord. Tu sais, je veux
dire, je prends rien qu'un autre exemple, là, quand
on est sentencé sur une peine minime, on a le droit, nous autres, si on se fait
arrêter, bien, de purger nos peines les fins de semaine. On ne peut pas
faire ça là-bas, c'est impossible de le faire. Ça fait que la visioconférence
est vraiment importante. C'est faisable parce qu'à la régie de la santé, à l'hôpital, on
utilise quotidiennement la visioconférence. Ça fait que, si on me dit qu'on a un problème au niveau de
la bande passante, bien, elle passe 700 mètres plus loin, ça fait
qu'il y a moyen de le faire, quand qu'on a une bonne volonté de vouloir le
faire.
Puis,
également, là, on dit également : Bien là, à partir du moment que la
personne comparaît, pour se rendre jusqu'à l'enquête sous caution, bien, c'est les services correctionnels qui
prennent charge du détenu. C'est vrai. Dans l'Ouest canadien, la GRC, je ne pourrais pas dire si c'est un décret
qu'ils ont passé, mais ça existe, les policiers peuvent, suite à un certain
décret... que nous autres on pourrait faire
aussi, on pourrait le regarder, c'est une possibilité qui a été suggérée, bien,
que les policiers du KRPF, avant de
commencer tout ce trimballage-là, qui, une fois sur deux, tombe, bien, je pense
qu'on pourrait arriver, à un moment donné, avec un consensus commun des
parties impliquées pour faire en sorte d'améliorer cette situation-là en allant
de l'avant de la sorte.
Moi, ce que
je dis, c'est que j'ai été là pendant six ans de temps, je suis arrivé en 1993.
En 2019, c'est encore pareil, tout le
monde le dit. Ça ne s'améliore pas. Je pense qu'à un moment donné on a un rôle
social à jouer. Moi, à un moment donné,
j'ai dit à la Sûreté du Québec... puis j'ai toujours été très loyal, mais je ne
me suis jamais gêné de penser ouvertement de façon respectueuse, j'ai dit : À un moment donné, on a un rôle
social à jouer dans le Nunavik, quand j'y étais. On a un rôle social. Oui, il faut appliquer les lois
criminelles. Oui, il faut appliquer tout ce qui est lois provinciales. Mais, au
bout de la ligne, quand on voit des choses qui ne sont pas normales, il
faut les dénoncer puis il faut agir. Je me suis toujours fait rabrouer avec ça.
Moi,
ce que je dis, c'est que le gouvernement du Québec, oui, c'est la Coalition
avenir Québec qui est au pouvoir, il y
a le Parti libéral, il y a le Parti québécois, Québec solidaire, les ceux qui
sont indépendants, mais, au bout de la ligne, on a un rôle social à jouer. On ne peut pas laisser aller une situation
comme ça encore pour un autre 26 ans. C'est juste de... ça fait partie du Québec. Faut, à un moment donné, je
dirais : Bien, allez faire un tour. C'est difficile, mais c'est des
endroits qui sont
isolés, c'est des endroits qui ne sont pas accessibles, puis ces gens-là vivent
là, puis c'est des citoyens à part entière comme le Québec, ils ont autant de droits que nous, au Québec. Puis ce
que je dis, c'est que le gouvernement, tous nous autres, les ministères également, les sous-ministres, on a un rôle
social à jouer puis on ne peut pas laisser continuer ça de même. On ne
peut pas arriver puis essayer de trouver des solutions à court terme. Visioconférences,
c'est très faisable.
Puis
les bureaux de la couronne, les victimes ont besoin de rencontrer... Les
Inuits, c'est un peuple qui sont gênés. Déjà, quand les procureurs arrivent pour la semaine de cour, bien là...
là, ils sont rendus, ils font quasiment trois chiffres, un chiffre de jour, de soir. Ça finit jusqu'à une
heure le matin. C'est un non-sens. Mais ce que je dis, c'est que...
Organisons-nous, trouvez une solution, qu'on
ait des procureurs à temps plein là. Il y a une solution qui vient du milieu,
qui a été apportée deux semaines passées, on va la travailler, puis...
On ne peut pas laisser aller ça de même.
Ça
fait que ma question, moi, c'est pour Mme la ministre, qui connaît le Nord, qui
a fait la Cour itinérante, qui sait très
bien de quoi je parle. Mme la ministre, à moyen terme, il y a sûrement une
façon de faire pour faire en sorte que ces gens-là... je ne dirais pas qu'ils retrouvent leur dignité, mais,
jusqu'à un certain point, qu'ils ont les mêmes droits que nous autres
puis qui se sentent Québécois à part entière.
Le
Président (M. Bachand) : Rapidement, Mme la ministre, s'il
vous plaît, merci.
Mme LeBel :
Oui, très rapidement. Effectivement, j'ai fait le Nord, j'ai fait la Cour
itinérante, j'ai vu... et je ne reviendrai
pas sur tout ce qui a été décrit. Peut-être pour la visioconférence, de façon
plus particulière, M. le député, au printemps 2018,
il y a un comité qui a été mis en place, et ce comité-là s'est réuni le
25 janvier 2019. Il a été mis en place et réunit les représentants
du ministère de la Justice, du ministère de la Sécurité publique et du corps de
police régional de Kativik. On travaille
avec les Inuits, on travaille avec eux. On est en concertation quand ça concerne leurs milieux.
Depuis, des rencontres ont été tenues afin
d'évaluer les alternatives possibles en matière de transport de détenus, et
plus précisément quant à la capacité
du CPRK et du MSP d'effectuer ces transports dans les délais permettant aux
détenus d'être disponibles pour l'audience, pour une remise en liberté à
l'intérieur du délai de trois jours.
Vous
avez raison, on doit... Une prochaine rencontre est due le 14 mai 2019, et
les discussions se sont tenues quant à la possibilité d'implanter la
visioconférence dans les 14 postes de police du CPRK. L'Administration
régionale Kativik analyse actuellement cette
possibilité, ils vont faire connaître leur intérêt à ce sujet-là sous peu. Je
dois vous dire qu'on doit aussi
s'affairer à faire cela dans les meilleures conditions possible, des conditions
dans les postes du... CPRK, c'est ça? Je suis devenue dyslexique. Et
s'assurer, donc, que les aménagements physiques sont possibles dans ces postes
de police là. L'important, c'est d'avoir...
en sorte aussi, quant à avoir à visioconférence, de le faire dans des endroits
où on n'a pas à les déplacer non plus pour se rendre à la
visioconférence, parce que, pour dire en bon français, «it defeats the
purpose».
Donc,
on est en action, effectivement, il y a des moyens, il y a plusieurs enjeux, on
travaille avec Kativik sur ce sujet-là,
pour vous rassurer. Et on peut même travailler avec vous, vous le savez, on est
toujours disponibles, on travaille ensemble, d'ailleurs, déjà, donc...
Le
Président (M. Bachand) : Merci, Mme la ministre. Je me tourne
maintenant vers la députée de Joliette, représentant le troisième groupe
d'opposition, pour 15 min 17 s. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, j'aimerais aborder le dossier des
victimes d'actes criminels. Mon
collègue d'Hochelaga-Maisonneuve en a parlé brièvement ce matin, mais, il y a
un an, je faisais une conférence de presse
avec les représentants des familles, donc, de personnes assassinées, et il y
avait trois demandes que nous avons endossées, et, si ma mémoire est bonne, votre formation politique les endossait
également par le biais de votre collègue de Borduas.
Donc,
c'était d'abord de s'assurer que les proches des victimes de meurtre puissent
avoir de l'aide psychologique de manière
non limitée, et on sait que c'est dans l'air du temps, toute la question de la
santé mentale, du soutien psychologique. Donc, à ce jour, il y a une limite, qui est évidemment contre-productive
complètement, parce que ça fait en sorte qu'il y a des gens qui se
remettent sur pied alors qu'ils n'ont pas les outils encore pour pouvoir
avancer.
La
deuxième, c'était de s'assurer, comme mon collègue l'a mentionné de matin, que
les victimes, donc, qui ont été tuées
à l'extérieur du Québec... que leurs familles n'aient pas à vivre avec la
limite territoriale et puissent être indemnisées et surtout avoir du
soutien psychologique. C'est évidemment une grande injustice, parce que la
douleur n'a pas de limite. Et on sait que,
pour la SAAQ, cette limite-là ne s'applique pas. Et on sait qu'il y en a très
peu, donc, ce seraient des frais très, très limités.
Et
le troisième élément, pour lequel il y a un projet pilote, en ce moment, c'est
de soutenir les familles pendant la durée
du procès, parce que certaines familles s'endettaient simplement pour pouvoir
assister au procès, qui peut durer des semaines. Et donc il y avait
vraiment un aspect humanitaire dans tout ça.
Donc,
ma question, c'est de savoir si la ministre entend répondre à chacune de ces
demandes-là, poursuivre le projet pilote ou le confirmer, et pour les
deux autres éléments également. J'ai compris, ce matin, qu'il n'y a pas
d'engagement à revoir la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels
de manière globale, mais ces trois demandes-là, selon une évaluation très libérale qu'on a faite, c'est moins de
3 millions de dollars, c'est une question d'humanité et d'équité.
Alors, est-ce que la ministre peut s'engager à donner suite à ces trois
demandes-là?
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous
plaît.
• (17 h 10) •
Mme LeBel :
Pour ce qui est de la question du projet pilote comme tel, il se poursuit, il
est continué, donc il est toujours en
place. J'y ai fait référence un peu ce matin, lors de nos échanges, je suis
très sensible et le gouvernement est très sensible à toutes les
questions d'aide et d'accompagnement, d'indemnisation, de soutien des victimes
d'actes criminels dans
le processus de rétablissement. Je l'ai dit, hein, il y a la question des
situations qui sont couvertes, il y a la question de la définition de la victime et il y a la question
aussi des délais de paiement, parce qu'il faut agir de façon assez rapide
pour être capable de permettre à ces gens-là d'avoir le soutien nécessaire en
temps opportun.
Je l'ai annoncé, j'en
ai fait un engagement public, j'ai pris l'engagement de revoir et de réformer
le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels, parce que je pense
qu'il faut optimiser les façons de faire puis rendre les services de l'IVAC
plus efficaces et mieux adaptés aux réalités des besoins des victimes, vous en
avez mentionné quelques situations. Est-ce
que j'ai l'intention, à court terme, d'agir de façon ponctuelle sur ces
situations-là? J'ai demandé à ce
qu'on me revienne avec des solutions qui ne me demandent pas nécessairement la
réforme complète ou un projet de loi. Donc,
je ne m'engagerai toujours pas sur
des délais, ce n'est pas mon habitude, mais je suis en train de regarder la
situation.
Mais,
d'une façon beaucoup plus globale, je pense qu'il faut
s'attaquer au régime de l'IVAC, qui, je l'ai dit ce matin, est un des régimes les plus généreux au Canada.
Et, quand on dit ça, il ne faut pas s'arrêter là, il ne faut pas s'arrêter
là en disant : Bien, c'est un des
régimes les plus généreux, puis on arrête ça là, puis on s'en lave les mains.
Non. C'est vrai que c'est un des régimes les plus généreux au Canada, il
ne faut pas le nier, donc beaucoup de sommes sont investies pour l'indemnisation des victimes d'actes criminels,
mais il demeure plusieurs irritants, trois de ceux que vous avez nommés
dans votre préambule à la question
que vous me posez. Je pense qu'il
faut regarder ces lacunes-là, il faut
regarder les conditions d'admissibilité,
il faut regarder les notions de définition de la victime, les notions
territoriales que vous avez mentionnées. J'ai moi-même rencontré la mère
d'une personne qui a été assassinée à l'extérieur du Québec,
la mère étant résidente du Québec, et elle n'a pas le droit à cette
indemnisation-là.
Donc,
oui, j'ai l'intention de m'y engager, de m'y affecter, mais j'ai l'intention de
le faire dans une approche beaucoup plus globale pour qu'on puisse
régler cette situation-là, bon, une fois pour toutes, c'est un peu
présomptueux, là, mais de façon plus large et globale.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée.
Mme Hivon : ...trouver en moi une alliée pour réformer,
finalement, le régime de l'IVAC, mais, par
ailleurs, je dois insister sur le
fait que je pense que, très rapidement, notamment par un pouvoir de directive que vous avez, il y a de ces
situations-là qui causent de graves injustices qui
pourraient être réglées. Donc, je vous invite, oui, à amener la grande
réforme, mais à amener des petites réformes facilement réalisables à très court
terme.
Par
ailleurs, le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, le FAVAC, sur lequel
les collègues du ministère de la Justice
m'ont souvent entendu parler, parce qu'il avait d'importants surplus. Là, on est comme dans une autre réalité, parce
qu'avec l'invalidation de la suramende compensatoire on voit, dès cette année,
l'impact. Alors, je voulais savoir comment
vous allez compenser les pertes de revenus pour le Fonds d'aide aux victimes
d'actes criminels, qui, on le sait, répond
à des besoins très, très importants. Donc, quel est le plan de match pour
s'assurer que les besoins qui sont remplis avec le fonds puissent
continuer à être comblés?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Oui. Vous avez tout à fait raison d'aborder cette question-là. Je l'ai déjà
abordée également ce matin, mais je
vais le réitérer parce que je pense que c'est important, c'est important d'en
parler. Il n'y a pas d'enjeu pour cette année. Le fonds est en bonne
santé, il n'y a pas d'enjeu pour cette année, je le répète.
Maintenant,
pour ce qui est de la suramende compensatoire, effectivement, il y a eu cette
décision-là en décembre, je crois, et,
déjà, en novembre 2018, on avait abordé la question avec le gouvernement
fédéral pour aborder, dans C-75... Et
il y avait, je pense, d'ailleurs, dans C-75, un amendement prévu pour l'article 737
du Code criminel, qui prévoit justement le régime des suramendes compensatoires. Et la recommandation était
d'ajouter, donc, la possibilité, pour le juge, d'évaluer la capacité financière du contrevenant avant
d'introduire une telle notion de suramende. Cet article-là a été invalidé
depuis ce temps-là, ce qui fait que l'amendement, dans C-75, n'a plus lieu.
Maintenant,
on est en pourparlers. J'ai pris la peine d'écrire rapidement une lettre, en
février 2019, à mon homologue en
justice fédérale, M. Lametti, où je réitérais la raison... l'importance de
cette suramende compensatoire là justement pour la survie et la pérennité de notre fonds et le fait qu'il fallait
s'adresser à cette question-là le plus rapidement possible. Plusieurs enjeux sont sur la table, donc j'ai demandé,
d'ailleurs, au gouvernement fédéral de nous compenser pour le manque à
gagner qu'on va subir nécessairement dans l'intervalle, de faire en sorte de
profiter quand même de C-75 pour introduire la modification, donc réintroduire l'article 737 avec la capacité,
pour le juge, d'imposer cette suramende compensatoire là mais après une
évaluation et d'examiner, donc, de voir quelles sont les solutions qu'on
pourrait pour... les choses qui, dans l'intervalle, font déjà l'objet d'une
ordonnance mais qui n'ont pas été récupérées par le gouvernement.
Donc,
vous avez tout à fait raison, on est en action là-dessus, et je travaille
activement auprès du gouvernement fédéral pour trouver des solutions. Je
peux déposer la lettre. Je suis heureuse de déposer la lettre.
Mme Hivon :
Oui, merci.
Document déposé
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée.
Mme Hivon :
Votre collègue de Borduas avait déposé plusieurs projets de loi, dont un sur la
justice administrative. Donc, on se
souvient que le rapport Noreau pour la révision de la justice administrative,
du processus de nomination de tous les juges administratifs de l'ensemble des
tribunaux administratifs, donc, avait, donc, été très bien accueilli, mais
ça date de février 2014.
Alors, je
voulais savoir si vous aviez l'intention de donner suite au projet de loi
n° 792, parce que je vous rappelle que votre collègue de Borduas avait dit que, si le gouvernement
Couillard n'est pas prêt à poser les gestes nécessaires, un gouvernement de la CAQ le fera dès une fois élu.
Alors, je voulais savoir quand vous allez procéder à cette réforme-là.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Oui. Ça ne sera pas ma réforme, non. En Justice, présentement, ce sont des
enjeux qui sont étudiés par le Secrétariat aux emplois supérieurs. Vous
comprendrez que, dans le projet de loi, il y a plusieurs ministères, plusieurs
ministres qui étaient, si vous voulez, interpelés, d'une certaine façon.
Donc, le
Secrétariat aux emplois supérieurs, qui assume la responsabilité inhérente à ce
processus-là, est en train d'étudier
la question, et je ferai certainement valoir ma voix autour de la table en
temps opportun. Mais, si on me demande s'il
est opportun de faire en sorte que cette notion d'indépendance et que les
processus soient améliorés, la réponse, c'est oui. Mais, maintenant, ce ne sera pas sous mon portefeuille, mais je
vais certainement, comme ministre, autour de la table, participer et
faire entendre ma voix.
Mme Hivon :
Donc, est-ce que la ministre est en train de nous dire que toute l'évaluation
de cette réforme-là... je me souviens
de la mise en place de ce comité, là, qui dépend du Secrétariat aux emplois
supérieurs... mais que toute cette éventuelle réforme-là relèverait non
pas du ministère de la Justice, mais du ministère du Conseil exécutif?
Mme LeBel : C'est ma
compréhension.
Mme Hivon :
Maintenant, un autre sujet, la nomination des juges manquants, donc, à la Cour
supérieure. Selon nos calculs, il manquerait toujours cinq juges, et on
sait que les délais, on en a parlé rapidement ce matin, les délais ont
légèrement diminué depuis l'année dernière, mais on se comprend qu'on est loin
de la révolution, donc, en matière de justice criminelle.
Est-ce que la
ministre peut nous dire si elle a saisi le nouveau ministre de la Justice
fédéral de cet enjeu; s'il y a eu un
échange de correspondance, si on peut l'avoir; et quelles sont ses attentes sur
le moment où les postes vont finalement être débloqués?
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la ministre.
Mme LeBel :
Alors, oui, j'ai saisi le ministre fédéral de cet enjeu, le ministre actuel.
J'ai également saisi la ministre fédérale
en novembre 2018, encore une fois lors de la conférence fédérale-provinciale
sur la justice. C'est une conférence de trois jours où on a abordé beaucoup de sujets en matière de justice.
J'ai même sollicité l'appui de plusieurs de mes homologues provinciaux qui vivent... naturellement, il s'agit
de nominations fédérales, donc qui vivent les mêmes enjeux, donc, qui
ont prêté leur voix à la mienne pour mettre
l'accent sur le fait qu'il était très important, surtout en matière de délais,
de procéder à... Bon, les postes ont
été créés, alors, il faut procéder à ces nominations-là, et de procéder
également, en temps opportun, en temps
rapide, au remplacement des juges qui quittent. Donc, j'ai également écrit,
effectivement, à mon homologue fédéral, en date du 12 avril 2019, dans la foulée de l'arrêt Myers de la
Cour suprême du Québec... du Québec, bravo! Ça va bien! Du Canada... Bien oui, je sais que je vous ferais
plaisir, donc, c'était ma concession, j'ai concédé sympathique, alors, je
vais concéder ce mot-là à vous. Mais la Cour
suprême, donc, qui va probablement mettre également une pression, on va
avoir besoin de juges de la Cour supérieure et d'autres juges.
Donc, oui, il
y a des choses qui se sont faites, oui, j'ai porté le message. Je dois vous
dire qu'une nomination a été faite,
je pense, par M. le ministre Lametti depuis son entrée en poste. Donc, ça
progresse, lentement mais sûrement. Et, à chaque fois que je peux, je
réitère l'importance de ces nominations-là. Croyez-moi, j'en suis, là, je suis
du même avis que vous.
Le Président (M. Bachand) :
Mme la députée, oui.
Mme Hivon :
Moi, juste pour revenir brièvement sur le dossier de la justice administrative,
puisque la ministre de la Justice,
selon sa compréhension, tout relève du Conseil exécutif, est-ce qu'elle a quand
même une idée du moment où le secrétariat va déposer un rapport
d'analyse avec des recommandations, le Secrétariat aux emplois supérieurs, sur
les démarches qui devraient être entreprises pour une réforme de la justice
administrative?
Mme LeBel : Bien honnêtement,
je ne le sais pas.
Mme Hivon : Non?
Mme LeBel : Et ça ne veut pas
dire qu'ils ne travaillent pas dessus, là. Je ne suis pas au courant.
• (17 h 20) •
Mme Hivon : O.K.
Je voulais, avec le petit temps qui me reste, je fais ça, c'est ma technique,
je vous pose deux questions et puis j'espère que vous aurez le temps.
Il y a eu, donc, en septembre dernier,
une idée, là, qui est revenue, qui a été largement appuyée par la
communauté juridique, c'est l'idée de créer
un institut québécois de réforme du droit et de la justice, qui serait financé
par l'ensemble des partenaires. Donc,
je voulais savoir si la ministre de la Justice avait, donc, un soutien moral ou
philosophique à ce projet et aussi si un soutien financier allait venir.
Et le deuxième
élément, dans les quelques minutes qui me restent, à la page 177, donc,
des renseignements spécifiques, particuliers
que nous avons demandés, il y a la question des délais dans les différentes
chambres. Et ce qui m'inquiète toujours
beaucoup, là, c'est qu'avec tout le focus qui a été mis
sur le criminel, qui était nécessaire... Évidemment, en civil, il n'y a pas eu d'arrêt Jordan en civil, et on voit qu'il n'y a à peu près pas de baisse, je dirais, des délais en matière civile. Donc, il y a un enjeu très, très important. Quelle est votre
priorité d'action pour réduire les délais en matière civile?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Oui. Si on parle, premièrement, de l'institut, pour y répondre, j'ai eu la
chance, le privilège de rencontrer le
professeur Noreau, vous l'avez sûrement rencontré, qui est très enthousiaste et
est capable de vendre son projet avec
beaucoup d'énergie. Et je vous dirais qu'il n'y a pas eu à beaucoup me
convaincre de la pertinence de tout ça. Donc, sans m'engager, là, plus avant sur des fonds ou un
montant particulier, je peux vous dire qu'il y a une très grande ouverture,
puis on est en train de regarder comment le
ministère de la Justice peut participer à un tel projet. Je sais que ça existe
dans d'autres provinces, ailleurs au
Canada. Et je pense qu'on ne peut pas se passer d'avoir une telle... un tel
bassin de penseurs à notre disposition, surtout avec les enjeux qui s'en
viennent dans la justice pour le futur.
Une voix :
...
Mme LeBel :
Oui. Bon, pour le volet civil, peut-être... sans entrer dans les détails, oui,
on est en train de regarder des solutions
pour s'y attaquer. Naturellement, on vous l'a dit ce matin, la transformation
de la justice va également toucher le volet
civil, même si on travaille de façon plus particulière sur le volet criminel,
qui était peut-être plus... je ne dirais pas plus urgent, mais plus criant dans son... Voyons! C'est
parce que j'essaie de trouver le chiffre en même temps, parce que je
veux vous trouver la réponse. Donc, on pourra peut-être vous revenir avec des
détails sur les moyens, mais il y a des mesures qui sont mises en place, là, je
veux vous rassurer.
Le
Président (M. Bachand) : ...au député formant le gouvernement
pour un bloc d'échange de 14 min 30 s. M. le député de
Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci
beaucoup, M. le Président. Je ne vous surprendrai pas si, comme mon voisin collègue député
d'Ungava, je puise dans ce qui m'a amené ici
au cours des 40 dernières années pour parler de ce qui m'intéresse dans
ce qui a trait à ce que la ministre de la Justice a à nous répondre aujourd'hui.
Ma
question est plus évidemment par
rapport au monde journalistique québécois,
mais on n'a pas besoin de retourner très loin dans l'histoire pour
comprendre où je m'en vais avec mon bicycle, Mme la ministre.
À
l'automne 2016, on a appris que la Sûreté du Québec avait saisi
l'ordinateur d'un journaliste au palais de justice de Montréal, vous
vous souvenez sûrement de son nom. Le même jour, l'Assemblée nationale adoptait
à l'unanimité une résolution pour rappeler
l'importance du principe de la protection des sources journalistiques. Et
c'était loin d'être tout.
À
la fin d'octobre 2016, on a également appris qu'un autre journaliste, vous vous
souvenez de son nom, avait fait l'objet
de surveillance de la part du Service de police de la ville de Montréal. Les
policiers avaient notamment eu accès à ses registres téléphoniques. Les
médias avaient alors conclu à une attaque en règle contre le droit du public à
l'information. C'était peut-être plus que le client en demandait, mais il y
avait quand même un début de réflexion qu'il fallait faire.
À la suite de ces
événements, le gouvernement du Québec a donc créé, le 11 novembre 2016, la
Commission d'enquête sur la protection de la
confidentialité des sources journalistiques. Oui, Mme la ministre, je m'en
viens avec ma question. Cette
commission a donc été mise sur pied pour faire la lumière sur les cas rapportés
dans les médias, mais également que
des mesures lui soient proposées afin d'assurer le respect du privilège
protégeant l'identité des sources journalistiques.
Donc,
le 14 décembre 2017, le juge Chamberland a rendu public son rapport,
lequel se décline en cinq chapitres très clairs : l'histoire de cette enquête publique, l'environnement dans
lequel les événements se sont déroulés, le récit des faits, l'analyse et les constats, et les recommandations.
Oui, j'arrive, Mme la ministre. Deux de ces recommandations concernent le DPCP, soit la recommandation 18 :
«Prendre les mesures pour que le Directeur des poursuites criminelles et
pénales inclue dans son rapport annuel le bilan des consultations par
les corps de police au sujet d'autorisations judiciaires visant des personnes
qui exercent une fonction particulière.»
Il
y avait aussi la 19, vous vous souvenez : «S'assurer que la directive du
Directeur des poursuites criminelles et pénales MED-1 soit modifiée
afin qu'elle s'applique à tous les types d'autorisations judiciaires visant un
journaliste.»
La
question est simple : Plus d'un an après que le rapport de la Commission
d'enquête sur la protection de la confidentialité
des sources journalistiques a été publié, est-ce qu'on pourrait passer un petit
peu de temps, Mme la ministre, à parler de l'état de la situation et des
recommandations et ce qui en est advenu, du rapport du juge Chamberland?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Absolument, absolument. Je connais très bien l'importance que revêt une
autorisation d'écoute électronique ou une demande de vidéosurveillance et à
l'égard du droit de la vie privée dont dispose chaque citoyen. Et il faut
s'assurer que l'ensemble des lois et des règles étant afférentes soient
respectées.
Je connais tellement bien cet enjeu-là
qu'on dirait que toutes les questions font rapport à une de mes tranches
de vie. J'ai été moi-même mandataire d'écoute
électronique, donc, au sein du DPCP pendant plus de 10 ans. Donc, je
faisais partie des procureurs qui filtraient, si on veut, c'est prévu par le
Code criminel, là, d'être mandataire, donc c'est une exigence. Mais j'ai beaucoup travaillé sur ces autorisations d'écoute
électronique là, et les enjeux de vie privée, de respect de la vie
privée sont hautement importants, vous avez raison.
Ceci
étant dit, pour ce qui est de la recommandation 18, pour y faire référence
de façon plus particulière, le DPCP y
donnera suite et le bilan des consultations par les corps de police au sujet
d'autorisation judiciaire visant des personnes qui exercent une fonction particulière sera inséré dans son prochain
rapport annuel. Je vous l'annonce. Afin de faciliter cet exercice, un processus administratif a donc été
mis en place afin de coordonner les demandes de consultation et de les
référer à des procureurs désignés et en rendre compte à la direction.
En
ce qui concerne la recommandation 19, maintenant, elle a été mise en
oeuvre dans le cadre de l'exercice plus large de révision générale de
l'ensemble des directives annoncées publiquement dans le cadre des travaux de
Table Justice-Québec. L'ensemble des directives du DPCP ont été revues. À la
suite de cette révision, la directive AUT-1, autorisation 1, a ainsi été adoptée le 18 avril 2018. Cette
directive précise notamment le rôle et les responsabilités du procureur qui est consulté par un agent de la paix lorsque
ce dernier entend présenter une demande visant à obtenir une
autorisation judiciaire sans égard au type
de demande, tel que le recommandait la commission. Le rôle du procureur alors
consulté est de conseiller le
policier sur le droit applicable notamment quant aux nouveaux prérequis légaux
spécifiques à des demandes concernant
des journalistes. Il est important de préciser que le rôle du procureur ne
consiste pas à juger de l'opportunité d'une enquête policière — très important, chacun son métier — ni à autoriser le policier à présenter une
demande d'autorisation judiciaire. Son rôle, à ce stade, est vraiment
celui d'un conseiller juridique. J'espère que ça répond à votre question.
M. Lemieux :
J'en ai d'autres, sur un autre sujet. Vous permettez, M. le Président?
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Jean, s'il vous plaît.
• (17 h 30) •
M. Lemieux :
Tribunal d'opinion populaire, une question qui m'importe énormément, qui me
dérange même, parce que c'est à la base de ce qu'on appelle le cynisme
ambiant dans notre société. À l'ère de l'information continue et des médias sociaux, les dossiers judiciaires
médiatisés font l'objet d'une diffusion pour le moins rapide d'informations qui
sont, de par la nature même, incomplètes,
même parfois erronées dans les premières minutes et les premières heures. J'en
veux pour preuve toute la conversation hier
soir au sujet du potentiel de la partie potentiellement terroriste de ce qu'il
se passe à Notre-Dame, pour presque décevoir, ce matin, les animateurs,
que j'entendais à la radio dire que, bien, finalement, ce n'est probablement
pas terroriste.
On
se fait des idées, on se fait des accroires puis on se parle ensemble dans les
médias, souvent en parallèle, pour ne pas
dire en porte-à-faux avec le système que vous représentez ici, Mme la ministre.
Les citoyens se trouvent bombardés de renseignements
parcellaires qui peuvent sembler incompatibles avec la décision judiciaire
éventuellement et beaucoup plus tard
rendue dans le processus. Dans ce contexte, certaines décisions peuvent heurter
la population puisqu'elles sont difficiles à comprendre et donc à
accepter.
D'ailleurs,
pour illustrer mon propos, je vais donner l'exemple des réactions autour de la
décision du DPCP de déposer des
accusations dans seulement un dossier dans l'affaire Rozon. Le tribunal de
l'opinion populaire avait travaillé très fort pendant que la justice faisait son oeuvre. À ce moment-là, dans vos
commentaires, dans les médias, on a retenu celui où vous disiez : «Il y a de nombreuses
condamnations. Donc, le système fonctionne.» Et j'ose le croire. La confiance
envers le DPCP et, néanmoins, envers le
système judiciaire en général, est mise à mal lorsqu'un verdict d'acquittement
survient après un procès fortement
médiatisé, alors que les informations véhiculées laissaient, au contraire,
entrevoir une condamnation facile.
Pour plusieurs, il peut alors être facile d'amalgamer acquittement, échec du
système judiciaire, et je vous fais grâce du reste de ce qu'on entend
dans les tribunes téléphoniques et dans les radios parlées.
Dans
les dernières années, le public a été choqué des conséquences de l'arrêt
Jordan, à bon titre d'ailleurs, dans lesquels des arrêts de procédure
ont été octroyés dans plusieurs dossiers sans qu'on ne discute vraiment ou
qu'on ne comprenne pourquoi. En invoquant
simplement l'arrêt Jordan, même si on en a beaucoup parlé entre avocats, pas
certain encore que le grand public comprend
de quoi on parlait. Je pense aussi au cas des charges de pornographie juvénile
contre Jonathan Bettez. On a également vu Leonardo Rizzuto, le fils cadet du
parrain de la mafia, acquitté d'accusations de possession d'arme et de cocaïne. En voulez-vous d'autres? Frank Zampino,
Paolo Catania, déclarés non coupables dans le dossier du Faubourg
Contrecoeur. La liste est longue.
Deux axes, Mme la
ministre, mais je vais commencer par vous laisser jouer avec l'axe
journalistes, vous aussi... journalistique.
D'après votre parcours très particulier de procureure de la couronne,
maintenant ministre, croyez-vous qu'il s'agit
plus d'un problème de compréhension des aspects fondamentaux du système
judiciaire dont je parlais et de ce qui fait l'actualité du système
judiciaire, comme l'arrêt Jordan, ou c'est un problème de ce qu'on dit et de ce
qu'on entend dans les médias?
Mme LeBel :
Oui. Je ne vais pas tomber dans la tentation ou le piège de critiquer le
travail médiatique, je pense qu'il est
important. Et je pense que de mettre en lumière certaines situations, ça nous
permet de réagir collectivement, et des fois, même, politiquement, ça
met de la pression, puis je pense que c'est à bon droit.
Maintenant,
effectivement, il y a peut-être une réalité qui est complexe dans le système
judiciaire criminel, et je pense que je suis capable de comprendre qu'il
est difficile, pour le citoyen, des fois, d'accepter certaines sentences,
certaines condamnations ou absences de condamnation, certains résultats, qui,
malheureusement, on ne bénéficie pas de l'espace nécessaire ou, en tout cas, on
ne donne pas les éléments essentiels à une compréhension totale des enjeux.
C'est vrai que c'est risqué de juger
les décisions de la poursuite ainsi que celles des juges à la lumière des
informations parcellaires. Je l'ai dit dans la foulée de l'affaire Rozon... de
dire qu'il est exact qu'il y a eu une décision sur peut-être 14 dossiers, mais il y a des raisons à cela.
Ça ne veut pas dire que le DPCP n'a pas fait son travail, ça ne veut pas dire
que le système de justice ne fait pas son travail.
D'un autre côté, ça
ne veut pas dire qu'on ne doit pas faire ce qu'on a fait, c'est-à-dire mettre
en place des comités et travailler avec les
autres pour faire en sorte d'améliorer et... parce que tout est perfectible. Il
faut être capable de se remettre en question.
Mais, effectivement,
c'est risqué, et la nature accusatoire du système judiciaire comporte des
règles qui sont peut-être plus difficiles à
comprendre pour les citoyens ou à assimiler. Moi-même, j'ai travaillé dans ce
milieu-là pendant plusieurs années,
puis, quelquefois, il y a des résultats qui sont difficiles à comprendre pour
nous. Bien qu'on les comprend intellectuellement, humainement, des fois,
c'est plus difficile.
Donc, il y a toujours
la présomption d'innocence; il y a le droit au silence qu'il faut mettre en
oeuvre là-dessus; il y a le fardeau de la
preuve. Et tout ça, ce sont des enjeux qui sont importants. Et, je l'ai dit
d'entrée de jeu, hein, dans la réforme,
dans les solutions qu'on va envisager avec le comité, il n'est pas question de
remettre en question la présomption d'innocence, il n'est pas question
de changer les fardeaux de preuve et de faire des renversements de fardeau de
preuve.
Il
est difficile également pour le DPCP, souvent, d'expliquer les décisions;
difficile pour les juges, ils ont des devoirs de réserve qui sont intrinsèques à leur métier; difficile pour le
procureur de la couronne, souvent, d'expliquer, ou même... parce qu'il ne critiquera pas la décision du juge.
S'il a à le faire, il va aller en appel, il va prendre les voies judiciaires
qui sont offertes à lui. Et donc il est difficile, souvent, pour le DPCP,
d'expliquer les décisions. Quand on décide de ne pas poursuivre, bien, il y a
des enjeux de confidentialité, il y a plusieurs enjeux.
Alors,
oui, effectivement, comme ancien procureur de la couronne ayant un parcours
particulier, j'ai vécu moi-même cette
frustration-là de voir que, médiatiquement parlant, les informations n'étaient
peut-être pas disponibles d'une manière qui était compréhensible pour le
citoyen, et ça peut peut-être donner à penser que le système ne fonctionne pas.
Le
système fonctionne. Il a des lacunes. Il a besoin, en administration de la
justice, qu'on lui donne de l'attention. La justice a besoin d'être
transformée, il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, mais le système de
justice n'est pas que fautes et tragédies, je dois le dire, et je suis fière
d'avoir l'occasion de le dire.
Le
Président (M. Bachand) : Deux petites minutes, M. le député de
Saint-Jean, deux petites minutes.
M. Lemieux :
Oui. Bien, ce sera suffisant. C'est le deuxième axe, justement. Qu'est-ce qu'on
peut faire? Qu'est-ce qu'il faut
faire? Qu'est-ce que vous pensez que vous pouvez faire, Mme la ministre, pour
maintenir et accroître la confiance du
public, toujours à la lumière de ce qu'on vient de discuter, de ce que vous
m'avez donné comme réponse puis de ce que je vous citais comme cas dans le passé, où le tribunal de l'opinion
populaire a fait le travail beaucoup plus rapidement puis beaucoup plus, comment je dirais ça... en tout
cas, beaucoup moins efficacement, au
final, pour le droit de tout le
monde dans l'histoire, mais qu'est-ce qu'on peut faire pour que la légitimité
des décisions rendues par les institutions associées aussi au système
judiciaire ne soit pas systématiquement remise en cause dans le public?
Mme LeBel :
Vous savez, je suis très jalouse de la présomption d'innocence parce qu'il faut
que les gens comprennent qu'on ne peut pas
évaluer l'efficacité du système de justice en fonction des verdicts qui en
découlent. Un système de justice n'a pas échoué parce qu'il y a un
verdict d'acquittement. Au contraire, peut-être, on a fait notre travail, et le
système... pas plus que le système de
justice a été efficace parce qu'il y a eu une condamnation. Donc, il faut faire
attention dans ces cas-là.
Donc,
en fait, le système de justice, pour moi, va échouer simplement si une personne
innocente se trouve condamnée et si tous les filtres qu'ils ont mis en
place n'ont pas été efficaces. Et je pense que c'est ça qu'il faut faire
attention.
Je
pense qu'il faut expliquer aux gens, il faut travailler sur l'efficacité, sur
l'accessibilité. Redonner confiance, c'est un sens large également, hein? La confiance, ça se gagne lentement, ça
se perd rapidement. Je pense qu'il faut retravailler, tous les acteurs du système de justice sont ici,
autour de moi, aujourd'hui. Et je sais qu'ils sont, tous et chacun, dans
leurs domaines respectifs, conscients de cet
enjeu-là et ils sont prêts à travailler parce qu'ils sont là pour les bonnes
raisons. Ils travaillent fort, ils sont là pour la justice, et
j'aimerais qu'on n'en doute pas, M. le Président, aujourd'hui. Et on va
travailler tous ensemble justement pour faire en sorte qu'on redonne confiance
dans le système de justice au sens large.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Avant de passer
la parole au député de LaFontaine, j'ai
besoin de vos directives. On est présentement, sur la séance d'aujourd'hui, 35 minutes
en retard. On doit terminer à 18 heures
et on a une autre séance de travail demain. Alors, j'ai besoin d'une directive.
Est-ce que vous voulez qu'on arrête à
18 heures, qu'on reporte à demain, qu'on fasse la moitié du chemin ou
qu'on fasse tout le chemin? Alors, je vous écoute pour votre directive.
M. Tanguay :
Ah! M. le Président, je pensais que ça allait être discuté entre leaders. Nous,
de notre côté, demain, à 13 heures, on a le caucus. Alors, je ne
voulais pas faire d'intendance, je pensais que ça allait être discuté entre
leaders.
Le Président (M. Bachand) : ...parce que je vois l'heure, il reste
20 minutes à la séance... 22 minutes à la séance régulière.
Alors donc, si je n'ai pas de direction, nous allons terminer à 18 heures,
l'heure prévue.
Mme LeBel :
Il me reste combien de temps, si vous permettez, M. le Président, sur le
retard, combien de temps, avec ce qu'on a retranché, à rattraper?
Le
Président (M. Bachand) : 35 minutes.
Mme LeBel :
35 minutes? Vous l'aviez dit d'entrée de jeu. Parfait. On peut continuer
jusqu'à 18 heures puis on pourra voir si le gouvernement décide de
retrancher encore des minutes.
M. Tanguay :
Oui. 35 minutes, ayant pris en considération le fait que le gouvernement a
coupé 20 minutes? 20...
Une voix : ...
M. Tanguay : Oui?
Le
Président (M. Bachand) : On
pourrait faire aussi mi-chemin. En 15 minutes, là, on peut en faire un
bout aussi.
M. Tanguay :
Oui, c'est ça. Mais, M. le Président, le gouvernement a gracieusement retiré 20
ou 25 minutes de son temps...
Le Président (M.
Bachand) : 20 minutes, oui.
M. Tanguay : ...et, une
fois amputé, il reste encore 35 minutes.
Le
Président (M. Bachand) :
C'est parce que ça a été le retard du début de la séance aujourd'hui. Alors
donc, on est pris par ce qu'il se passe aux affaires courantes.
Une voix : ...
Le
Président (M. Bachand) :
S'il vous plaît, juste une personne à la fois. Alors donc, ce que je vous dis,
c'est que là on perd encore du temps.
Bien, il faut que ça devienne un investissement pour le temps qu'il nous reste.
Mme la ministre.
Mme LeBel :
On peut finir à 18 h 15, si vous voulez, puis le gouvernement pourra
retrancher son temps s'il y a d'autre temps à retrancher.
Le
Président (M. Bachand) :
Parfait. O.K. Consentement? Alors, j'ai le consentement pour finir à
18 h 15. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole pour
un bloc d'échange de 20 min 26 s. Merci beaucoup.
M. Tanguay :
Oui. Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais donc relancer la ministre sur
la dernière portion de notre échange
sur le principe, elle... parce que je suis allé relire, dans l'intervalle, le
projet de loi n° 591, qui était déposé par son collègue de Borduas, projet de loi n° 591, qui visait à
réformer le mode de référence, disons ça comme ça, du Québec, face au gouvernement fédéral, pour les trois juges
à la Cour suprême. Alors là, il y avait un processus où il y avait un
comité de sélection qui revenait avec trois excellentes candidatures, et les
trois candidatures devaient faire face à un vote aux trois quarts de l'Assemblée nationale. Sur le fondement... puis je sais
que ce n'est pas dans ses cartons, il n'y a pas... mais, sur l'aspect de
principe, pour elle, croit-elle, comme son collègue de l'époque de Borduas,
qu'il relèverait de l'Assemblée nationale de se prononcer par un vote qualifié
sur des candidatures aux postes de juges?
Mme LeBel :
Oui. Encore une fois, je ne me prononcerai pas sur le processus comme tel, je
vais plutôt vous parler de
l'objectif, où le Québec, je pense... que le Québec doit... nous pensons que le
Québec doit participer au processus de nomination
des juges qui nous concernent. Trois sièges nous concernent à la Cour suprême,
si je ne me trompe pas. Donc, on doit participer à ce processus-là.
À très court
terme, pour la nomination du remplaçant du juge Gascon, je ne pense pas que ce
soit la voie législative de déposer un projet de loi, soit la voie
privilégiée. Le premier ministre Trudeau s'est montré ouvert à négocier et à discuter d'une voie administrative. Donc, il y a
des pourparlers, on va travailler très fort pour que cette voie
administrative là soit, à tout le moins,
mise en place pour la prochaine nomination, et on pourra étudier attentivement
la possibilité de passer par un processus législatif, le cas échéant, si
on pense que c'est approprié.
Si vous
permettez, je ne veux pas vous interrompre, mais on avait suspendu une des
réponses ce matin. Est-ce que vous voulez qu'on vous la donne? Sur le
107 millions.
• (17 h 40) •
M. Tanguay :
Oui, mais juste bien vous comprendre, juste pour clore le point, donc bien vous
comprendre, à l'heure actuelle, il y a des pourparlers quant au
remplacement du juge Gascon.
Mme
LeBel : Bien, on va... oui, bien, on l'a appris, là, on va vous avouer
qu'on n'a pas eu trois semaines d'«advance notice», on va le dire, là, mais, à partir du moment où il y a un juge
qui ne devait pas quitter qui a annoncé son départ, à partir du moment où le juge Wagner a annoncé qu'il
demandait que ce soit fait de façon rapide, que le gouvernement fédéral
a annoncé un peu ses intentions de procéder
rapidement, mais, naturellement, oui, on a levé la main pour dire : Un
instant, on veut se parler sur le processus
en cours. Mais, à court terme, là, on ne parle pas de faire un processus
législatif. Je pense qu'on ne pourra pas le faire pour cette
nomination-là. Ce serait utopique de le penser, là.
M. Tanguay :
Je comprends et je semble déceler le non-appétit de la ministre pour un vote à
l'Assemblée nationale. Peut-être, je me trompe, mais je semble déceler
ça, ce qui serait très bien avisé, je crois.
Mme LeBel :
Vous pouvez déceler ce que vous voulez.
M. Tanguay :
Oui, s'il vous plaît, pour ce matin, si vous avez les données.
Une voix :
Sur le 107 millions.
M. Tanguay :
Oui, de tout à l'heure. Oui.
Mme Lynch
(France) : Alors, le 107 millions, c'était l'investissement sur
cinq ans. Alors, si on prend l'investissement pour cette année, en 2019‑2020,
on est à 16,7 millions. Donc, on parle ici plus d'infrastructure. L'infrastructure à mettre à jour, notamment pour
donner de la formation aux procureurs, l'utilisation de la
visioconférence, c'est-à-dire étendre cette
utilisation-là, là, dans plusieurs districts à travers le Québec, à la hauteur
de 600 000 $... Ensuite, l'infrastructure pour créer le greffe
numérique, O.K., alors, ici, on est à la hauteur de 8,7 millions et on a
des requis technologiques à mettre en place
pour moderniser nos infrastructures actuellement à la hauteur de
4,1 millions. Et le volet Communiquer
efficacement l'information entre les principaux intervenants, c'est-à-dire la
gestion électronique du dossier de la poursuite, c'est à la hauteur de
3 millions.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député.
M. Tanguay :
...oui. Est-ce que ces données-là sont disponibles? Sûrement, là, dans un des
fascicules du budget... ou elles ne sont pas rendues publiques? Non?
Elles sont...
Mme Lynch
(France) : On va le rendre disponible. On va le...
M. Tanguay :
Vous pouvez le déposer. Est-ce qu'on peut le déposer?
Mme Lynch
(France) : C'est... je vais...
Mme LeBel :
Pas sous cette forme-là. Mais on va prendre la même information disponible...
Mme Lynch
(France) : Oui, c'est ça. La même information.
M. Tanguay :
Qu'on pourra déposer au secrétariat, le cas échéant. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Ce sera déposé au secrétariat.
Merci.
M. Tanguay :
Et donc, cette année, c'est la deuxième année de cinq et nous allons, à terme...
Est-ce que nous pourrions retrouver la
ventilation pour l'an 1, 2, 3, 4, 5 et qui nous donnera 107 dans le
document que vous allez déposer?
Mme Lynch
(France) : ...vous allez avoir dans le document qu'on va vous déposer,
là, l'ensemble de la répartition du budget de... ça a commencé en 2017,
de 2017 jusqu'à 2023.
M. Tanguay :
O.K. Super! Et, dernier petit point,
on l'a abordé rapidement : Quel est le plan de match quant aux
appels d'offres, le cas échéant? Est-ce que vous avez déjà des échéances et la
nature des appels d'offres, le cas échéant, pour aller à l'extérieur?
Mme Lynch
(France) : Comme je vous avais expliqué tantôt, on a fait un avis
d'appels d'intérêt. On a reçu les réponses.
On est en train de les analyser. On va se donner, là, jusqu'à la fin de l'année
pour être capable de bien identifier, un, nos besoins, mais aussi voir les solutions qui sont disponibles sur le
marché. Puis on va être en mesure, à ce moment-là, probablement dès
janvier 2020, de pouvoir publier l'appel d'offres.
M. Tanguay :
Et quel est le plan de match? Il est sûrement minimalement défini du
déploiement... Est-ce que vous irez
avec des cas types sur certains palais de justice quand on parle des greffes?
Ou vous le ferez uniformément en même temps dans tous les palais de
justice?
Mme Lynch
(France) : Cette stratégie-là n'est pas définie actuellement. Alors,
ça va dépendre, là, des infrastructures puis des applications qu'on veut déployer. Mais c'est sûr que nous avons
une préoccupation de déployer pour ne pas que ça bouscule le service à
la clientèle. On veut maintenir des bons services, puis aussi s'assurer que
notre personnel reçoive la formation appropriée, puis puisse bien maintenir son
service à la clientèle.
M. Tanguay :
C'est bon. Merci beaucoup. Dans les documents, ça, c'est des réponses aux
questions, ministère de la Justice,
Renseignements généraux, avril 2019, ça, je peux citer la page, page 93,
donc, question... — est-ce
que c'est ça? — question G-12, on parle
des programmes de transformation, on parle d'un 195 millions, programmes
de transformation. Donc, j'essaie de vous aiguiller, là. G-12, c'est la
question, je pense, qu'on avait posée, renseignements généraux, p. 93 :
«Le programme vise à permettre aux citoyens de bénéficier d'un système
de justice moderne s'appuyant notamment sur un dossier 100 %
numérique.» On retrouve les mêmes concepts, mais, vous voyez, coût initial
prévu : 195 millions. Total à ce
jour : 5 millions, j'arrondis, là, 5 159 000 $. À quoi
faisons-nous référence ici, ce 195 millions là?
Le
Président (M. Bachand) : Voulez-vous prendre un temps pour
chercher l'information, puis on continue?
Mme LeBel :
Oui, s'il vous plaît.
Le
Président (M. Bachand) : Vous l'avez, Mme la sous-ministre?
Mme LeBel :
Est-ce que ça va? On va peut-être continuer pour avoir l'information, puis je
vais vous faire signe. Ou si vous voulez attendre...
M. Tanguay :
On peut prendre 15... peut prendre 10 secondes.
Le
Président (M. Bachand) : C'est comme vous voulez, M. le...
M. Tanguay :
Parce qu'après, on se...
Des voix :
...
Mme LeBel :
Ça ne sera pas très long, ça s'en vient.
M. Tanguay : O.K., bon, on va la prendre en délibéré, là. Vous
pourrez peut-être lever la main lorsque vous l'aurez. Il nous reste 13 minutes dans ce bloc-ci, et,
normalement, un autre bloc avant la fin. Alors, on pourra
récupérer nos documents.
On
a parlé de justice dans le Nord. Justice dans le Nord, le collègue d'Ungava
en a parlé. Le Barreau aussi en a parlé le 6 mars 2019, dans un
communiqué de presse. Donc, communiqué de presse du Barreau, demande au gouvernement
d'investir à court terme. On parle ici de système de justice pour les
autochtones, et il y avait trois demandes chiffrées à 2 606 100 $.
Il y avait, un, l'ajout d'un siège de juges siégeant dans le Nord. Donc,
l'ajout de juges siégeant dans le Nord, on parlait de créer deux postes
suppléants. On parlait de deux interprètes supplémentaires; et, troisième
demande, de 10 travailleurs parajudiciaires. Un 2,6 millions. Quelle
est la réponse de la ministre quant à cette demande?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Des
voix : ...
Le Président (M. Bachand) : Mme la
ministre, la sous-ministre, oui.
Mme LeBel :
Oui, oui, je vais y répondre, M. le Président, je suis désolée. Effectivement,
on travaille, naturellement, sur ces
enjeux-là. Sur les mesures particulières, c'est parce que je veux vous répondre
sur les mesures particulières, parce que je pourrais vous répondre qu'on
est préoccupés par la justice dans le Nord, et vous le savez, et ce n'est pas
l'information que vous voulez. Alors, mon intérêt, c'est de vous trouver la
réponse sur votre mesure particulière, et sur demande, là.
O.K. Pour l'année 2018‑2019, quand on parle
des travailleurs parajudiciaires particulièrement, il y a un investissement,
qui est de 1 371 600 $. Je veux juste m'assurer que je vous
donne...
Une voix :
...
Mme LeBel :
Oui, c'est 535 000 $, environ, là, de plus que l'année passée. Le
MJQ, donc, soutient, depuis plus de 35 ans,
l'organisme Services parajudiciaires autochtones du Québec, le SPAQ, qui vise à
aider les autochtones aux prises avec le
système de justice criminel. Donc, ce soutien est partagé à parts égales avec
Justice Canada, et ce qui est octroyé par, donc, le Québec, en 2018‑2019, qui est environ 530 000 $ de
plus cette année, c'est 1 370 000 $. Là, moi aussi,
j'arrondis, là. Donc, c'est ça.
Pour
ce qui est des interprètes, ce qui représente... on travaille sur cette
mesure-là. Le défi, naturellement, est le recrutement, l'accréditation, la formation puis la rétention des
nouveaux interprètes. C'est ça qui est le défi, en cour, c'est de trouver des interprètes, de les retenir, de les
former. Ceci dit, on estime qu'on a pu répondre quand même adéquatement
aux besoins de la cour en matière d'interprétariat puisqu'aucune audience n'a
été remise à cause d'interprètes disponibles
dans le Grand Nord cette année. Deux interprètes cris ont été récemment
embauchés, ils sont actuellement en phase
de formation, et, dès que cette formation sera terminée, il y aura six
interprètes cris sous contrat. Mais, naturellement, il faut continuer à
travailler, là, dans ce sens-là.
M. Tanguay :
Donc, si je comprends bien, il y a un 535 000 $, je fais un pas en
arrière, pour les travailleurs parajudiciaires...
j'arrondis, 535 000 $ de plus en 2019‑2020 qu'en 2018‑2019, ce qui
fait en sorte qu'en 2019‑2020 on est à 1 371 000 $. C'est
ça?
Mme LeBel :
Oui.
M. Tanguay : O.K.
Mme LeBel : 2018‑2019.
• (17 h 50) •
M. Tanguay : Ça
représente combien? Parce que le Barreau avait ciblé au moins 10 travailleurs
parajudiciaires supplémentaires. Ça représente combien? Parce qu'il ne s'agit
pas tout de prendre ce 535 000 $ là puis le diviser avec un salaire
moyen, parce que j'imagine qu'il y a des frais de bureau, et tout ça, là. Ça
représente combien de travailleurs parajudiciaires additionnels?
Mme LeBel :
...réponse. Dans l'intervalle, je peux peut-être compléter aussi pour ce qui
est des juges. Avant de nommer deux...
Présentement, il y a deux juges suppléants qui ont été affectés pour le Nord.
Et ce qu'on voulait voir, là, c'était bien
évaluer l'ensemble des services judiciaires dans le Nord avant de rendre ces
juges-là peut-être permanents. Donc, oui, c'est sur la table à dessin,
mais je pense qu'il faut regarder ça de façon quasiment plus globale. Mais il y
a deux juges suppléants, comme vous l'avez mentionné, qui travaillent là,
affectés à cette position-là.
M. Tanguay :
Vous dites : Deux. Est-ce que c'est deux postes de juges suppléants qui
ont été créés ou qu'il y a depuis combien de temps deux juges suppléants
travaillant dans le Nord?
Mme LeBel : Depuis
l'investissement du 175 millions, ce sont deux juges suppléants qui ont été
affectés.
M. Tanguay : Puis là,
rappelez ma mémoire, l'investissement date de quand? 2016?
Mme LeBel : Oui, c'est ça.
2016.
M. Tanguay :
O.K. Parce que le communiqué de presse du Barreau date de mars 2019. Il
demandait deux postes de juge
suppléant assigné dans le Nord. Puis notre collègue d'Ungava parlait d'agir de
façon plus rapide que ce qu'a fait les gouvernements libéraux. Alors,
j'imagine que vous n'allez pas le décevoir.
Mme LeBel : Est-ce que vous
voulez vraiment avoir une réponse?
M. Tanguay : Pardon?
Mme LeBel : Je n'ai pas
l'intention de ne décevoir personne.
M. Tanguay : Mais là
votre réponse risque peut-être de me décevoir.
Une voix : ...
M. Tanguay :
Ah! il n'y a pas de rappel au règlement, M. le Président. Ça vous...
Ennuyez-vous pas. Il n'y a pas de
rappel au règlement. Non, mais, dans le fond... Dans le fond, je comprends que
175 millions en 2016, vous avez raison. Mais, depuis, ce qui était
demandé par le Barreau pour ce budget-ci, puis ce qui fait écho à ce que disait
le collègue d'Ungava que dans... À moyen
terme, je pense que le collègue d'Ungava parlait d'un poste de juge permanent,
parlait dans le moyen terme. Pour
moi, le moyen terme, ce n'est pas cinq ans, c'est peut-être plus un ou deux
ans. Quel est le plan de match
là-dessus? Poste permanent, le Barreau voudrait deux postes de juge suppléant,
le collègue d'Ungava, un à moyen terme. Quel est le plan de match?
Mme LeBel :
Bien, le plan de match, c'est de regarder ça de façon globale. Hein, il y a
plusieurs façons d'intervenir dans le
Nord. Vous avez d'abord des juges qui sont affectés à... des juges... des
postes de juge dans le Nord. Ça fait partie des enjeux, et on est en
train de regarder ça.
Le Président
(M. Bachand) : M. le député.
M. Tanguay :
O.K. Mais pas plus de précision que ça, là? Puis ma question, je vous confirme
que ma question, là, ne m'est pas soufflée par votre collègue d'Ungava,
là. Je tiens à vous rassurer, là.
Mme LeBel :
...je m'apprête à m'en aller dans le Nord la semaine prochaine. On va regarder
ça aussi sur le terrain. On va discuter avec les intervenants du milieu.
Donc, je fais mes devoirs. Pour vous rassurer.
M. Tanguay :
O.K. Mais est-ce que, dernière question là-dessus, est-ce que, dans le budget,
il est prévu des sommes, le cas échéant, pour combler ces postes-là, des
sommes d'argent?
Une voix : Les sommes sont
déjà prévues.
Mme LeBel :
Oui.
M. Tanguay : Les sommes
sont déjà là. C'est de trouver du monde.
Mme LeBel : Oui.
M. Tanguay :
Ça, je pense qu'on peut l'aborder aussi, je veux dire. Il y a un défi. Vous
parliez des interprètes, là. Des
interprètes, vous n'avez pas une baguette magique. Puis, à un moment donné, il
faut les former. Puis ça prend des gens compétents parce que, justement, c'est dans le domaine judiciaire. Il y
a une réalité aussi, puis je fais un peu une réponse au collègue d'Ungava, des... Je veux dire, demain
matin, vous me disiez, mettez tous les juges du Québec par main
levée : Qui veut aller pratiquer dans le Nord? Je veux dire, il y a une
réalité. Voilà.
Mme LeBel : ...c'est un défi aussi
de ne pas s'installer dans le Nord puis de faire des voyages nombreux à chaque
année.
M. Tanguay : Exact.
Mme LeBel :
C'est un défi pour les procureurs de la couronne, ce qui peut expliquer aussi
une des raisons pour lesquelles il
est très difficile de permanentiser un poste dans le Nord à tous les niveaux.
Donc, effectivement, ça fait partie des défis. Il y a des défis
budgétaires. Je pense qu'on peut les adresser. Maintenant, les autres défis, il
faut travailler avec les gens.
M. Tanguay :
Alors, c'était un peu une réponse au collègue d'Ungava, parce qu'il ne faut pas
avoir une approche, justement,
manichéenne, c'est-à-dire, je veux dire, ils n'ont rien fait ou ils ont tout
fait. Ce n'est pas une question de budget. C'est une question, c'est la
nature humaine. C'est une question d'y aller également selon la disponibilité
puis le désir d'être disponible des gens.
Mais, ceci
dit, j'aurai l'occasion de vous citer... On avait fait le débat, vous et moi,
vous devez vous en rappeler. Ça devait
être un moment mémorable de votre campagne, parce que ça l'avait été, moi, en
ce qui me concerne, moi, le 19 septembre
dernier, débat au Barreau. Puis je vais vous citer, Mme la ministre : «Il
faut réparer la justice dans le Nord et l'établir de façon plus permanente. Je viens d'apprendre avec beaucoup
de tristesse que le DPCP avait décidé de retirer le procureur permanent à Kuujjuaq, alors que ça
prendrait deux procureurs permanents à Kuujjuaq. Je comprends,
probablement d'un point de vue de budget et
d'effectif, la décision du DPCP, mais ça tombe directement dans la cour du
ministère de la Justice de s'assurer
qu'on a les effectifs nécessaires. Et je pense qu'il faut installer des
procureurs permanents.» Alors, ma question est : Quand, Mme la ministre?
Mme LeBel :
Écoutez, on va travailler sur cette question-là. D'ailleurs, vous les avez
soulignés, les défis. Il faut relever
les défis, il faut trouver des gens prêts à s'installer. Il y a plusieurs
autres enjeux. On en discute avec le DPCP, puis on va voir comment on
peut faire. Si je peux répondre à votre... Les conseillers parajudiciaires de
tantôt...
M. Tanguay : Vous voulez...
Mais vous ne ferez pas ça pour changer le sujet, là.
Mme LeBel :
Ah non! Absolument pas. Je n'ai rien d'autre à ajouter sur la question. Ça fait
que, donc, je peux faire une pause silencieuse.
M. Tanguay : Mais je
peux peut-être me risquer à une autre question.
Le
Président (M. Bachand) :
...vous rappeler qu'il y a des gens qui essaient de nous écouter... parce
que c'est très intéressant, ce que vous dites...
M. Tanguay : Ah! bien,
là, s'il y a des gens qui essaient de nous écouter, on...
Le
Président (M. Bachand) :
Oui, vous savez, M. Lafontaine, vous l'avez déjà dit... député de LaFontaine,
c'est probablement des dizaines de milliers de personnes, hein, alors donc...
Une voix : Au moins.
M. Tanguay : Je n'ai pas
dit que c'était pour...
Le Président (M.
Bachand) : Alors... non, mais... O.K., alors, Mme la ministre, s'il
vous plaît, en réponse.
Mme LeBel : Oui. Est-ce que
vous voulez la réponse sur le détail?
M. Tanguay : Je ferais une petite pause là-dessus, juste quelques
secondes, juste pour compléter. Donc, y
a-t-il... Puis je vois Me Murphy qui est là. Y a-t-il des discussions
avec le DPCP, qu'elle est le plan de match? Je ne sais pas si, de consentement, on peut
parler à Me Murphy, ou lui poser directement la question. On parle de
procureurs additionnels dans le Nord.
On avait appris, on avait appris... puis je vais retrouver ma donnée, ne bougez
pas, ne bougez pas, ne bougez pas, j'ai
ça ici. Je ne veux pas vous décevoir, je l'ai ici. Alors, il y avait donc eu, à
l'automne dernier — on l'a
ici, bravo! — un
procureur, et là la question était de savoir... «Depuis mai 2018, nous
maintenons l'offre de service et le bonifions afin d'optimiser le traitement des dossiers à Kuujjuaq.», et là c'était le
porte-parole du DPCP, Jean-Pascal Boucher. Alors, quelle est la
situation à Kuujjuaq, dans le Nord? Parce qu'on dit : Ah! on a perdu notre
procureur. Mais est-ce qu'il était permanent?
Est-ce qu'il était là... est-ce que, oui, lui avait décidé d'offrir son temps
pour faire le transport, et tout ça? Là, je comprends qu'il est rendu à
Amos. Alors, quel est le plan de match par rapport à ça, s'il vous plaît?
Le Président (M.
Bachand) : ...consentement pour que Me Murphy puisse prendre la
parole?
M. Tanguay : Oui.
Le Président (M.
Bachand) : Consentement. Me Murphy, s'il vous plaît.
Mme Murphy (Annick) :
Je ne sais pas comment ça fonctionne...
Le Président (M.
Bachand) : Ah! ils vont s'en occuper.
Une voix : ...
Mme Murphy
(Annick) : Ah! ils...
d'accord. Alors, écoutez, je voudrais quand même rectifier une
information, là, nous n'avons pas fermé le
bureau de Kuujjuaq, nous avons là une permanence. La problématique actuelle, c'est que le dernier
procureur qui était à Kuujjuaq ainsi que le précédent, d'ailleurs, ont quitté
leur emploi en invalidité. Depuis, nous avons eu énormément de problèmes
à attirer des gens de façon permanente sur le poste.
Mon désir
était, et comme celui de la procureure en chef, d'ailleurs, de la région du
Nord, d'assurer le service, le meilleur service pour la région, et c'est
ce que nous avons fait.
Donc, plutôt,
en attendant d'avoir une meilleure... une réponse plus officielle, et en
attendant peut-être de discuter avec mon collègue de la Commission des services juridiques, nous avons commencé une
conversation là-dessus pour tenter de
résoudre la situation. Mais, en attendant, ce sur quoi nous avons axé,
là, nos priorités, c'est d'assurer le service, mais encore mieux. Donc, pour nous, la question
n'est pas tellement la résidence que le service permanent que nous
offrons. Alors, ce que nous avons mis
en place, c'est un service permanent. Les procureurs quittent Amos, et, dans la
mesure du possible, ce sont les mêmes
procureurs qui vont se rendre à Kuujjuaq à chacun des voyages. Et, plutôt
que d'avoir un seul procureur, nous en avons trois, à l'heure actuelle,
qui font le voyage chaque semaine à Kuujjuaq. Et c'est, à mon sens, une façon
gagnante, c'est-à-dire que ça nous permet d'avoir des procureurs d'expérience.
Vous savez,
quand on veut amener quelqu'un en résidence à Kuujjuaq, c'est ce que nous
avons expérimenté depuis le début,
presque, en 1997, les gens qui lèvent la main sont de... sont des procureurs extraordinaires, mais ce sont de jeunes procureurs
sans expérience. Nous les amenons dans une région où ils sont seuls et où ils
sont isolés. Professionnellement, ils n'ont pas les collègues pour
discuter avec eux, sauf à distance. Alors, ma préoccupation était d'assurer un
service permanent d'expérience.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Murphy. Merci beaucoup. Alors, je
passe maintenant la parole à la députée représentant le gouvernement
pour un bloc de 17 minutes. Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.
• (18 heures) •
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup, M. le Président. Un petit sujet, j'allais dire plus léger, mais il n'y a aucun sujet léger en justice. Mais, en fait,
c'est un sujet qui est quand même installé sur des bases quand même bien solides, non partisanes, c'est-à-dire
l'accompagnement des victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale.
Depuis le 28 octobre 2016, le Québec oeuvre
à la réalisation de 55 actions contenues dans la Stratégie gouvernementale
pour prévenir et contrer les violences sexuelles 2016‑2021, lesquelles ciblent
les agressions sexuelles et l'exploitation sexuelle.
Or, au cours
des dernières années et en dépit des différents plans d'action gouvernementale,
des événements fort médiatisés ont
mis en lumière des enjeux concernant la problématique des agressions sexuelles,
tout en soulevant des critiques de la
part des personnes victimes, des organismes leur venant en aide et la
population en général. Ont alors été mis à l'avant-plan, entre autres, la réticence de certaines
personnes victimes de violence sexuelle à les dévoiler et à les dénoncer
auprès des autorités et organismes
appropriés ainsi que la nécessité d'évaluer les services de soutien leur étant
offerts et le processus judiciaire associé à ces crimes.
À ces sujets,
il n'y a qu'à se référer au mouvement d'ampleur internationale de dévoilement
public, le fameux #moiaussi et le
fameux #etmaintenant, actifs depuis l'automne 2017, ainsi qu'à l'annonce
faite par le Directeur des poursuites criminelles
et pénales le 12 décembre 2018, à l'effet que des accusations, à l'endroit
de M. Gilbert Rozon, n'ont été déposées que dans un seul des 14 dossiers de plaintes à son égard. Ainsi, il
est possible de dégager des débats publics certains enjeux, au regard du système de justice ainsi qu'au regard
des services de soutien disponibles, notamment que certaines perceptions
des personnes victimes, à l'égard du système
de justice, peuvent faire en sorte qu'elles hésitent à dévoiler et à dénoncer
le crime subi, qu'il y a méconnaissance du
processus judiciaire par les citoyens, qu'il existe une victimisation
secondaire engendrée par le système judiciaire ou encore qu'il y a un
manque dans l'organisation des informations et des services existants.
Alors,
M. le Président, ma question à Mme la ministre : Que comptez-vous faire
pour contrer ce sentiment de manque de justice que les victimes
d'agressions sexuelles dénoncent depuis plusieurs années sur la place publique?
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Mme la députée. Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme LeBel :
C'est un enjeu qui me préoccupe énormément, M. le Président, et c'est pour ça
que, le 14 janvier 2019, entre
autres, accompagnée de mes collègues députés du Parti libéral, du Parti québécois
et de Québec solidaire, j'ai tenu une
réunion de travail non partisane pour échanger sur les enjeux qui entourent
l'accompagnement des personnes victimes, les services d'aide,
d'ailleurs, qui leur sont offerts, leur parcours dans le processus judiciaire
ainsi que la possibilité peut-être de créer
ou non un tribunal spécialisé, mais de voir à l'accompagnement dans le milieu
judiciaire. Et je mets l'accent sur
le fait qu'on parle du parcours de la victime dans le système de justice, donc
au sens large, pas simplement son parcours devant les tribunaux, parce qu'on comprend que les besoins de ces
personnes-là sont nombreux, sont variés et ne sont pas nécessairement
d'aller témoigner, en tout cas, pas dans l'immédiat.
À la suite de cette réunion de travail, en
janvier 2019, on a formalisé le cadre dans lequel ces réflexions se poursuivront. Et j'ai convenu avec mes trois
collègues de confier un mandat à un comité-conseil constitué d'experts
qui va oeuvrer auprès des personnes victimes
dans différents milieux. Dans une conférence de presse, d'ailleurs, le 18 mars
2019, on a mis l'existence de ce comité, le
conseil a été officialisé par la présentation de son mandat, de sa durée, de sa
composition. Il a été annoncé, à ce
moment-là, que les travaux porteront sur les réalités des personnes... des
victimes d'agression sexuelle et de
violence conjugale. Pour alimenter et bonifier les réflexions de ce comité, ses
membres ont été autorisés, pour répondre à des questions spécifiques, à consulter des personnes et des organismes
ayant une expertise ou une expérience particulière. Et je prends l'occasion pour rassurer tous ceux
qui auraient voulu avoir une représentation au sein de ce comité-là, de
dire que votre voix va être entendue, et vous pourrez parler, avoir accès et
être entendus par le comité.
Le comité-conseil a notamment pour mandat de
proposer des pistes de solution qui permettent d'adapter ou de développer des
mesures bénéficiant aux personnes victimes, tout en leur redonnant confiance
dans le système de justice québécois. Encore une fois, ça tient compte de la
réalité particulière des enjeux en matière de violence sexuelle, de harcèlement, d'agression ou même de violence
conjugale. Des enjeux particuliers qui sont reliés à la situation
particulière de ces agressions-là sont
souvent faits par une personne en état d'autorité ou une personne de confiance.
Le comité devra donc nous proposer
des solutions pour atteindre ses objectifs, c'est notamment envisager la mise
en place d'un accompagnement plus soutenu et mieux adapté à leur
réalité, aux différentes étapes de leur cheminement dans le cadre judiciaire ou
à l'extérieur de celui-ci.
Puis je vais
profiter du temps qu'il m'est donné pour remercier personnellement toutes les
personnes qui ont accepté de participer
à ce comité consultatif et de nous éclairer de leurs lumières. Plus
précisément, les membres du comité-conseil sont les suivants : Mme Élizabeth Corte, juge en chef à la Cour du Québec de 2009 à 2016, merci, Mme Maggie
Fredette, coordonnatrice au CALACS-Estrie, M. Jean-Thierry Popieul,
intervenant et coordonnateur clinique au CAVAC de Montréal, M. Sylvain Guertin, enquêteur spécialisé en matière
d'agression sexuelle et de crimes majeurs et directeur adjoint de la Direction des enquêtes criminelles à la Sûreté
du Québec, Mme Deborah Trent, travailleuse sociale et directrice du
Centre pour les victimes d'agression
sexuelle de Montréal, responsable de la ligne 1 800 et mandataire de
l'instance de coordination des
centres désignés, Me Éliane Beaulieu, procureure aux poursuites criminelles et
pénales à Rimouski, Mme Julie Desrosiers, chercheuse et professeure titulaire à la Faculté de droit de
l'Université Laval, M. Michel Dorais, chercheur, professeur
titulaire à l'École de travail social et de
criminologie de l'Université Laval, Mme Patricia Tulasne, qui était membre
des Courageuses, Mme Anick Sioui,
psychologue clinique au Odanak Health Centre, Mme Arlène Gaudreault, présidente
retraitée de l'Association québécoise
Plaidoyer-Victimes, M. Jean-Marc Bouchard, fondateur du groupe Emphase de
Trois-Rivières, Mme Hélène Cadrin, fonctionnaire émérite et
spécialiste en matière de violence conjugale.
Donc, le
comité-conseil, comme vous pouvez le constater, est varié et regroupe
différents acteurs de la société, incluant
des chercheurs universitaires, des représentants de groupes de personnes
victimes, des acteurs communautaires ainsi que des représentants du
milieu autochtone de la magistrature, des services de police et du Directeur
des poursuites criminelles et pénales.
Et je suis
même heureuse de réitérer le fait que, dans le budget, cette année, le ministre
des Finances a octroyé un budget de 50 millions sur cinq ans, donc
10 millions, pour appuyer les travaux et les recommandations qui
pourraient découler de ce comité.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Les Plaines, s'il vous
plaît.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette réponse, Mme la ministre. Je
vais rester quand même dans le même
sujet, juste parce qu'il y a des petites choses que je veux qu'on précise. On
sait que le ministère de la Justice et le Secrétariat à la condition féminine sont responsables de la coordination
de l'action gouvernementale en matière de violence sexuelle et conjugale, et ce n'est pas un hasard,
justement, si vous avez initié, avec nos consoeurs, parce que ce sont
des consoeurs, collègues, la mise sur pied
d'un comité visant un meilleur accompagnement des victimes d'agression
sexuelle et de violence conjugale.
Le ministère
de la Justice est impliqué dans le dossier des violences sexuelles depuis 2001,
soit au moment où le gouvernement du
Québec présentait des orientations gouvernementales en matière d'agression
sexuelle ainsi que le premier plan d'action gouvernemental en la
matière. Le gouvernement présentait également, à ce même moment, l'entente multisectorielle relative aux enfants victimes
d'abus sexuels, de mauvais traitements physiques ou d'une absence de
soins menaçant leur santé physique, dont le ministère de la Justice est signataire.
Alors,
ma toute dernière question, Mme la ministre, est la suivante : Quelles
sont les mesures sous la responsabilité du ministère de la Justice dans le cadre de la Stratégie gouvernementale
pour prévenir et contrer les violences sexuelles 2016-2021?
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.
• (18 h 10) •
Mme LeBel : Alors, comme vous
l'aviez mentionné, chère collègue, le MJQ a collaboré à l'élaboration, effectivement, de la nouvelle Stratégie gouvernementale
pour prévenir et contrer les violences sexuelles 2016-2021, qui fut
lancée le 28 octobre 2016. Pour
alimenter... La page, elle n'aide pas, est-ce que je vais avoir la bonne
mesure, M. le Président, naturellement?
Donc, 55 nouvelles, c'est le chiffre que je cherchais. Ce plan comprend 55 nouvelles
actions qui visent à apporter des solutions novatrices aux problèmes qui
ont été ciblés. Au total, ce sont des investissements de plus de 200 millions de dollars, dont
44 millions qui serviront à la mise en oeuvre des 50 nouvelles
actions. 10 nouvelles mesures viennent bonifier l'intervention en
matière de violence sexuelle : six mesures sont autofinancées à la hauteur
de 490 000 $ environ, et quatre
nouvelles mesures nécessitent de nouveaux crédits de l'ordre de
895 000 $, pour un grand total de 1 385 000 $,
chiffre arrondi, naturellement.
Donc, voici
un exemple de quelques-unes de ces mesures, pour bien répondre à votre
question : analyser la pertinence d'abolir la liste des crimes
visés de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et de
prévoir que le régime d'indemnisation soit
désormais applicable à toute personne victime d'une infraction contre la
personne. Je l'ai mentionné tantôt,
je pense que je l'ai déjà dit, c'est en cours d'analyse dans la réforme de
l'IVAC. Mettre en place des règles
pour l'octroi d'une aide financière d'urgence aux personnes victimes,
c'est également en cours d'analyse.
(Interruption)
Là, je m'excuse, M. le Président. Former les intervenants du réseau des centres
d'aide aux victimes d'actes criminels à l'intervention spécifique auprès
des témoins mineurs, également en cours. Parfaire les programmes d'information du ministère de la Justice destinés
aux personnes victimes, également en cours. Permettre l'accessibilité
aux télétémoignages pour l'acquisition de solides... de systèmes mobiles de
visioconférence, cette mesure est accomplie.
Sensibiliser
les intervenants du système judiciaire aux mesures visant à faciliter le
témoignage par la production d'un outil
d'information, également en cours. Développer un outil destiné aux intervenants
oeuvrant auprès des personnes victimes pour
soutenir celles-ci dans leurs démarches de dénonciation. Mettre en place un
projet pilote sur cinq ans afin qu'un agent d'intervention CAVAC soit
présent au sein du service des enquêtes spécialisées du Service de police de la
ville de Montréal, permettant ainsi d'améliorer l'accessibilité des femmes
victimes d'exploitation sexuelle aux services d'aide.
Soutenir des
projets visant à prévenir et contrer les violences sexuelles pouvant être
commises envers les personnes lesbiennes,
les gais, les personnes bisexuelles, transsexuelles et en questionnement. C'est
également en cours, M. le Président. Développer
et offrir une formation destinée aux intervenantes et intervenants oeuvrant
auprès des personnes LGBTQ victimes d'agression sexuelle. C'est
également en cours, et le comité d'accompagnement aura aussi ces enjeux-là à
l'esprit au moment de ses travaux.
Donc, je peux
vous dire que le ministère de la Justice va poursuivre ses travaux dans les
prochaines années pour réaliser, le plus rapidement possible et le mieux
possible, ces diverses mesures.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Chapleau,
s'il vous plaît.
M. Lévesque
(Chapleau) : ...peut-être amener Mme la ministre vers un autre
sujet : le tribunal (panne de son) donc, qui a souligné, cette année, ses 20 années d'existence, donc le
TAQ, communément appelé. Il offre, dans le fond, un forum neutre,
indépendant et impartial au citoyen qui souhaite contester une décision de
l'administration gouvernementale.
Lors de sa
création, en 1998, le tribunal s'était vu confier 119 compétences. Au fil
des années, plusieurs se sont ajoutées. À ce jour, le tribunal compte
159 compétences lui permettant d'entendre des recours dans les domaines
aussi variés que les services de garde à
l'enfance, l'évaluation foncière, les régimes de rentes, le Code de la sécurité
routière et bien d'autres. En raison
de son large champ de compétence et de la multidisciplinarité des juges
administratifs qui entendent les recours, il n'est pas étonnant que plus
de 155 000 citoyennes et citoyens se soient adressés au tribunal au
cours des 20 dernières années.
Donc,
j'aimerais peut-être questionner la ministre au sujet de... Donc, on ne parle
pas souvent du Tribunal administratif du Québec à l'Assemblée nationale,
mais est-ce qu'elle serait peut-être en mesure de nous parler de ses
réalisations dans les dernières années?
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le député. Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme LeBel :
Effectivement. Merci, M. le Président. D'abord, en matière de services aux
citoyens, je dois dire que le
tribunal a su innover. Il a offert, donc, des outils qui sont simples et
adaptés pour les citoyens. En collaboration, d'ailleurs, avec l'organisme Éducaloi, le tribunal a revu
plusieurs de ses publications afin de les simplifier et de les rendre plus
accessibles. D'autres outils, comme un aide-mémoire adapté au citoyen
qui se présente sans avocat, ont également été élaborés.
Des projets ont été aussi mis en place avec les centres
de justice de proximité et le Jeune Barreau de Montréal pour guider les requérants dans la préparation de leur dossier en
assurance automobile, entre autres, et en indemnisation des victimes
d'actes criminels.
Le tribunal
s'est également distingué par sa capacité à offrir au citoyen des modes de
règlement des conflits qui sont novateurs. Par exemple, le tribunal a
mis en oeuvre, depuis 2015, un service de conciliation express. Ce processus
permet d'offrir aux parties qui le demandent et qui ont déjà entamé des
discussions pour régler leurs litiges la possibilité de poursuivre leurs pourparlers devant un juge
administratif conciliateur. Dès qu'un dossier est jugé admissible, la
séance de conciliation express est habituellement
fixée dans un délai très court, de deux à trois semaines. Et c'est quand même
un taux de succès assez appréciable, M. le Président.
Les séances
de comédiation sont un autre type de services qui sont offerts aux parties pour
favoriser le règlement de leurs
litiges. Ces séances sont également novatrices parce qu'elles se font en
présence de deux juges administratifs qui ont des expertises souvent complémentaires. Par exemple,
dans le cas d'un litige complexe touchant une indemnité pour expropriation,
un juge administratif juriste et un juge administratif évaluateur agréé
mèneront ensemble l'exercice de comédiation en vue de suggérer une solution qui
permette un règlement satisfaisant pour les deux parties, le citoyen et la
municipalité, par exemple.
Et c'est une des particularités du Tribunal
administratif, hein? On voit plusieurs... les décideurs ont plusieurs formations, et plusieurs spécialités, et
expertises différentes. Cette
polyvalence permet donc au tribunal de se voir confier rapidement une
nouvelle compétence lorsque les lois évoluent. Ça fait partie des enjeux et des
facilités du tribunal.
Je vous vois regarder l'heure, je pense que je
peux terminer ici.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Mme la ministre. Merci, tout le monde.
Compte tenu
de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30, où
elle entreprendra l'étude du volet Accès à l'information des crédits budgétaires
du portefeuille Conseil exécutif. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 16)