(Dix heures cinquante-neuf minutes)
Le
Président (M. Bachand) :
Alors, bonjour, tout le monde, bienvenue. Et à l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous
souhaite bien sûr la bienvenue. Et, comme
vous savez, je vous demande, à toutes les personnes dans la salle, de
bien vouloir éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques, s'il
vous plaît.
Rappel de
notre mandat. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 1, la Loi
modifiant les règles encadrant la nomination et la destitution du commissaire à
la lutte contre la corruption, du directeur général de la Sûreté du Québec et
du directeur des poursuites criminelles et pénales.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements,
ce matin?
• (11 heures) •
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Lévesque (Chapleau) est remplacé par Mme Grondin
(Argenteuil); Mme Robitaille
(Bourassa-Sauvé) est remplacée par Mme St-Pierre (Acadie); M. Bérubé (Matane-Matapédia)
est remplacé par Mme Richard
(Duplessis); et M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par
M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve).
Auditions
(suite)
Le
Président (M. Bachand) :
Alors, merci. Et bienvenue. Alors, ce matin, nous entendrons
Mme Martine Valois et M. Denis Saint-Martin membres du
Comité de suivi des recommandations de la commission Charbonneau.
D'ailleurs,
je vous invite à vous présenter officiellement et vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre
exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter, encore une fois... et
vous remercier de votre présence, et à débuter votre exposé. Merci.
Comité
public de suivi des recommandations
de la commission Charbonneau
Mme Valois (Martine) : Bonjour.
Martine Valois, professeure à l'Université de Montréal.
M. Saint-Martin (Denis) :
Denis Saint-Martin, professeur de sciences politiques à la même
université, l'Université de Montréal.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Vous pouvez débuter.
Mme Valois (Martine) : Je
remercie la Commission des institutions pour l'opportunité qui m'est offerte de
présenter ces observations relativement au
projet de loi n° 1. Dans ce mémoire, je limiterai mes remarques aux
dispositions modificatrices du projet
de loi, qui concernent la nomination et la destitution du Commissaire à lutte
contre la corruption et du Directeur des poursuites criminelles et
pénales.
Je tiens à
préciser que les commentaires qui suivent sont faits en mon nom personnel et
non comme membre du Comité de suivi des recommandations de la commission
Charbonneau.
Les modifications au mode de nomination et de
destitution du commissaire et du directeur, contenues au projet de loi n° 1, portent atteinte au
principe de l'État de droit et aux conditions d'indépendance de ces titulaires
de charges publiques. Cette position s'appuie sur les deux prémisses suivantes.
Le mode de nomination et de destitution du commissaire, tel qu'encadré par la Loi concernant la lutte contre la
corruption en vigueur, est conforme à la recommandation n° 31 du rapport de la Commission d'enquête sur
l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction. Deuxième prémisse, les
changements proposés au mode de nomination et de destitution du commissaire
et du directeur par le projet de loi
n° 1 contreviennent au principe de la séparation des pouvoirs et ont pour
effet de miner l'indépendance du commissaire et du directeur.
Dans son rapport, la commission Charbonneau
recommandait de réformer le monde de nomination et de destitution du commissaire afin qu'il soit analogue à celui du
directeur. Selon la commission Charbonneau, le mode de nomination et de
destitution du commissaire, avant l'adoption du projet de loi n° 107,
n'offrait pas de garanties d'indépendance comparables à celles prévues pour
d'autres titulaires de charges publiques d'importance similaire au Québec. Pour satisfaire ces garanties
d'indépendance, le processus de nomination devait être prévu de manière précise
dans la loi et le titulaire choisi parmi une
liste de candidats jugés aptes par un comité de sélection composé en majorité
de personnes qui n'ont «aucun lien avec le
pouvoir exécutif», comme c'est le cas pour le directeur en vertu de l'article 3 de la Loi sur Directeur des
poursuites criminelles et pénales.
Cette recommandation a été
mise en oeuvre par le projet de loi n° 107 sanctionné le
14 février 2018. Suivant la loi
actuelle, le commissaire est nommé par le gouvernement sur recommandation d'un
comité de sélection composé du
sous-ministre de la Sécurité publique, du secrétaire du Conseil du trésor, d'un
avocat recommandé par le bâtonnier du Québec, d'un directeur de corps de
police recommandé par le conseil d'administration de l'Association des directeurs de police du Québec et d'une personne
recommandée par des organismes représentant le milieu municipal. Les candidats
jugés aptes sont choisis sur la base de critères prévus dans la loi et fondés
sur la compétence, dont les connaissances en droit criminel et pénal.
Le commissaire est nommé par le gouvernement
pour un mandat non renouvelable de sept ans. Selon la commission Charbonneau, la nomination pour une durée fixe non
renouvelable est essentielle «afin d'éviter les risques potentiels d'influence dans le but d'obtenir un
renouvellement de mandat». Ces restrictions importantes au pouvoir de nomination par le gouvernement sont semblables à
celles qui existent pour le choix du directeur, sur un modèle lui-même analogue
au processus de nomination des juges de la Cour du Québec et des cours
municipales et des juges de paix magistrats.
Contrairement
à ce qui a déjà été véhiculé dans les médias, notamment, le gouvernement n'est
pas libre de nommer la personne de son choix au poste de commissaire en vertu
de la loi actuelle. De plus, suivant la loi actuelle, le commissaire ne
peut être destitué sans motif par le gouvernement et avant que le rapport de la
Commission de la fonction publique ne soit
rendu. Le changement apporté au mode de destitution du commissaire par le
projet de loi n° 107 visait
ainsi à prévenir les cas d'ingérence dans l'exercice des fonctions du
commissaire, qu'elle vienne du gouvernement, de l'Assemblée nationale ou
de toute autre source.
La condition
de destitution pour cause garantit au commissaire qu'il peut mener ses enquêtes sans crainte d'être
démis de ses fonctions. Les garanties
d'indépendance et d'autonomie mises en place suite à l'adoption du projet de loi sont conformes aux exigences requises par la Convention des Nations unies contre la corruption. Selon l'article 36 de cette convention, les organes de lutte contre la corruption doivent
avoir l'indépendance nécessaire pour pouvoir exercer leurs fonctions efficacement et à l'abri de toute
influence indue, que celle-ci vienne du milieu politique ou de toute autre
source.
Les
amendements contenus au projet de loi
n° 101... au projet de loi n° 1, pardon, mettent en péril ces
garanties d'indépendance. Les changements au monde de nomination et de
destitution du commissaire, contenus dans le projet de loi n° 1, ne
respectent pas la recommandation du rapport de la commission Charbonneau. Ils
constituent un recul important en ce qui a trait à l'indépendance du commissaire
et du directeur. L'amendement apporté par l'article 4 du projet de loi
n° 1, supprimant l'exigence d'une destitution du commissaire pour cause, est une atteinte non justifiée à l'indépendance du commissaire. Cet amendement permettra de relever le commissaire de ses fonctions selon le bon plaisir d'une majorité de membres
de l'Assemblée nationale, sans que ne soit démontrée l'existence d'un motif le
justifiant.
La nécessité de mettre le commissaire à l'abri
des influences des membres de l'Assemblée nationale est particulièrement
importante au regard de la nature du mandat du commissaire, puisque ce dernier
est responsable des actions de prévention et de lutte contre la corruption dans
le secteur public. L'étendue de la compétence d'action du commissaire peut le conduire à mener des enquêtes impliquant des membres de l'Assemblée nationale, actuels ou anciens. Il est donc
primordial de mettre le commissaire à l'abri de toute forme de pression qui
pourrait avoir un effet sur sa décision de
mener ou non une enquête sur une personne ou un groupe de personnes ayant le
pouvoir de le démettre de ses fonctions. Certains événements de l'actualité
encore récente au Québec démontrent qu'une telle éventualité ne relève
pas de la pure fiction.
Montesquieu écrivait
que la forme de gouvernement qui respecte la liberté des citoyens est celle
dans laquelle les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ne sont pas concentrés
entre les mains des mêmes personnes ou organes.
Au Québec,
le pouvoir législatif est exercé par l'Assemblée nationale, qui est
composée de membres élus par la population;
le pouvoir exécutif est formé des
membres de l'Assemblée nationale qui sont choisis par le premier ministre; le pouvoir judiciaire est
exercé par des juges indépendants nommés durant bonne conduite. Dans notre système
de droit, il n'y a pas de séparation
rigide entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. La situation
est différente en ce qui a trait à la séparation entre le pouvoir
judiciaire, d'une part, et les pouvoirs législatif et exécutif, d'autre part.
Les tribunaux doivent être complètement séparés, sur le plan des pouvoirs et des fonctions, de tous les autres
participants du système
judiciaire et en particulier des pouvoirs exécutif et législatif du gouvernement.
Comme le
soulignait la commission Charbonneau dans son rapport, le rôle du commissaire est analogue à celle du directeur.
Tous deux exercent des fonctions importantes liées aux enquêtes sur la commission
d'actes criminels. Ces fonctions en
font des acteurs à part entière de la justice criminelle. De plus, les
policiers et les procureurs sont redevables devant la loi. Il importe de
ne pas confondre le pouvoir d'adopter la loi et l'instrument qui en résulte. La
loi est l'émanation du pouvoir législatif.
Lorsqu'elle est adoptée, elle ne peut être changée que sous certaines
conditions. Certes, les actes des policiers et des procureurs de la poursuite
doivent être encadrés par la loi, et ils le sont. Lorsque ceux-ci posent des
gestes qui vont au-delà des pouvoirs légaux qui leur sont accordés, ils sont
réputés agir en dehors de l'exercice de
leurs fonctions. Les règles déontologiques
et les lois criminelles et pénales prévoient les sanctions qui peuvent être
appliquées dans ces cas.
• (
11 h
10) •
Le mode de
nomination et de destitution par un vote aux deux tiers des membres de
l'Assemblée nationale n'est pas approprié pour les titulaires de charges
publiques, comme le commissaire et le directeur, qui exercent des fonctions
liées aux enquêtes et à la poursuite des
infractions criminelles. Ces fonctions doivent être exercées en toute
indépendance du pouvoir législatif et
du pouvoir exécutif et à l'abri des influences ou intrigues politiques et
partisanes. D'ailleurs, le débat qui s'est tenu, à pareille date l'an
dernier, autour de l'adoption du projet de loi n° 107 a démontré le
caractère hautement partisan des discussions sur les
conditions de nomination de la charge de commissaire. Le mode de nomination aux
deux tiers de l'Assemblée nationale est généralement réservé aux organismes
responsables de la surveillance des
activités pour le compte de l'Assemblée nationale, comme le Vérificateur
général ou le Protecteur du citoyen.
Le Vérificateur général, par exemple, relève de l'Assemblée nationale, ce qui n'est
pas le cas du commissaire ou du directeur.
De plus, au
contraire, les lois créant la charge de commissaire et de directeur, ces lois
qui constituent ces organismes réfèrent à la nomination de personnes
pour occuper ces postes. Le Vérificateur général ou le Protecteur du citoyen ne
constitue pas une charge publique. Aussi, à
la différence du commissaire ou du directeur, aucun de ces organes n'exerce des
pouvoirs liés à l'administration de la justice criminelle. De plus, la
différenciation établie dans le projet de loi, en regard du mode de
destitution du commissaire et du directeur, d'une part, et le mode de
destitution du commissaire associé et du
directeur adjoint, d'autre part, relève d'une conception erronée du rôle du
commissaire et du directeur. Il trahit l'idée fausse que ces titulaires
sont entièrement redevables devant l'Assemblée nationale, qui peut donc se réserver le pouvoir absolu de les destituer sans
qu'une cause suffisante soit établie. Cette conception est contraire aux principes élémentaires de l'État de droit qui ont
été confirmés par la Cour suprême du Canada dans de nombreux jugements
qui font autorité.
Le Président (M.
Bachand) : Excusez-moi, Me Valois, il vous reste... si pouviez
conclure, s'il vous plaît.
Mme Valois (Martine) : Oui,
c'est ça...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci.
Mme Valois (Martine) : ...parce
que je vois que le temps file. Le mode de nomination et de destitution contenu dans la Loi concernant la lutte contre la
corruption et dans la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et
pénales, actuellement, respecte les principes de séparation des pouvoirs
et d'indépendance institutionnelle de ces titulaires
de charge publique. La compétence du commissaire et du directeur est assurée
par la sélection du candidat jugé apte par un comité indépendant qui
évalue les candidatures selon leur mérite et en fonction des critères définis
dans la loi. L'indépendance du commissaire
et du directeur est garantie par la protection à l'encontre de la destitution
par le gouvernement sans motif légitime, c'est-à-dire pour cause.
De plus, en ce qui concerne le commissaire, une
protection additionnelle est inscrite dans la loi actuelle, soit l'obligation
pour le gouvernement d'obtenir le rapport d'un organisme indépendant, la
Commission de la fonction publique. Ces
protections, essentielles pour l'indépendance du commissaire et du directeur,
sont supprimées par le projet de loi n° 1. Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Valois. Alors, nous allons
maintenant débuter la période d'échange.
Nous allons débuter avec les membres du parti ministériel, pour une durée de
21 min 30 s. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
Mme Guilbault : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, madame monsieur. Merci
d'être ici avec nous aujourd'hui. Très intéressant, comme toujours, de recevoir tous les groupes qui viennent se
présenter, présenter leurs points
de vue, et donc merci beaucoup.
J'ai écouté
votre présentation et je retiens, pour l'essentiel, que le mode de nomination
aux deux tiers, qui est prévu dans le
projet de loi, est, selon vous,
inapproprié ou même c'est... explicitement, là, vous avez dit que ce mode-là ne
vous semble pas approprié pour les
titulaires de charge publique, comme les trois qui sont l'objet du projet de
loi, entre autres, parce qu'ils font enquête, et tout ça. Et donc, c'est ça,
j'ai donc compris que vous n'étiez pas favorables à ce mode de
nomination là.
Mais
j'aimerais savoir : Est-ce que vous reconnaissez néanmoins qu'il y a un
progrès, en passant d'une nomination qui relève, actuellement, purement de
l'Exécutif vers une nomination qui relèverait du législatif? Est-ce qu'il n'y a
pas, selon vous, là, au moins un progrès dans cette translation d'un
pouvoir qui est, jusqu'à aujourd'hui, dévolu entièrement
à l'exécutif vers le législatif? Est-ce qu'il n'y a pas un minimum de
légitimité supplémentaire ou de... bien, c'est ça, de légitimité supplémentaire, je dirais, par le fait que ça
devient vraiment transpartisan et que la majorité des gens dûment élus, démocratiquement élus, seraient en
faveur de cette nomination-là qui, comme vous le soulignez si pertinemment,
pourrait être amenée à enquêter, entre autres, sur des gens qui auront à analyser
la candidature?
Mme Valois (Martine) : Alors,
comme je l'ai dit, je pense, dans ma présentation, pour moi, ce n'est pas une avancée, c'est un recul important. Concernant la
légitimité, mon collègue le Pr Saint-Martin va traiter de cette question-là. Moi, je réserve mes commentaires
sur les principes d'état de droit, les principes d'indépendance.
Comme je le
disais, la Cour suprême a dit que le système judiciaire devait être
dans une place à part, complètement séparé du pouvoir législatif et exécutif. Et
donc de remplacer le pouvoir législatif au gouvernement, ce n'est pas une avancée. Et le recul, à
mon avis, il est évident du fait qu'en plus la destitution va être une
destitution sans cause.
Et donc j'ai étudié depuis près de 20 ans
les questions d'indépendance judiciaire et d'indépendance des institutions
publiques. Je suis docteure en droit et j'ai fait ma thèse de doctorat sur l'indépendance
judiciaire. Et les questions d'indépendance judiciaire, qui sont universellement reconnues, et indépendance des institutions en général,
il y a trois conditions,
donc : la révocation pour cause, la sécurité financière et l'indépendance
institutionnelle. Alors, par exemple, pour la nomination des juges, les conditions d'indépendance,
c'est une indépendance qui... c'est-à-dire des juges qui sont nommés par
le pouvoir exécutif, comme c'est le cas au Canada, c'est de limiter la
discrétion du pouvoir de nomination, de s'assurer que les magistrats soient
nommés au mérite, donc, selon leurs compétences, prévoir une sélection par un comité entièrement indépendant du
gouvernement, un processus prévu dans une loi et non pas dans un règlement — ce sont les standards internationaux, les
standards idéaux, on devrait dire — et une nomination durant bonne
conduite.
Donc, indépendance
égale sélection au mérite et révocation pour cause. Le fait qu'un candidat
doive se rendre acceptable pour tous les partis politiques, pour moi, ce
n'est pas un signe d'indépendance, c'est au contraire un signe
d'asservissement.
Mme Guilbault : O.K. Donc, vous dites que ces personnes-là
devraient être nommées par un comité indépendant et nommées durant bonne
conduite, si j'ai bien compris. Mais vous n'êtes pas sans savoir que les
candidatures, à la base, vont être
évaluées par un comité indépendant de la nature de celui que vous évoquez, là,
avec un sous-ministre, des gens... Bien,
je ne vous ferai pas la liste, là. Il y a des gens recommandés par
l'Association des directeurs de police. Et le comité varie, évidemment, selon le poste. Mais donc cette
première sélection là est faite, effectivement, par un comité, là, qui est complètement à l'écart de la politique. Et
j'aimerais en fait savoir : Selon vous, quel serait le mode idéal de
nomination pour ces personnes-là?
Mme Valois
(Martine) : Dans l'état
actuel de... Si on regarde la cohérence des lois, et dont la Loi sur les
tribunaux judiciaires et le règlement sur la nomination des juges, et
comme le recommande le Barreau du Québec, qui a déposé un mémoire devant votre
commission sur le projet de loi n° 1, cette idée de limiter la discrétion
de la personne qui nomme, c'est de prévoir
que le comité formé de personnes indépendantes, majoritairement non liées au
pouvoir exécutif, c'est ce que le
projet de loi n° 107 a fait. Et le gouvernement nomme, suivant la
recommandation de ce comité-là. Et ce comité-là
devrait recommander un maximum de trois personnes, dont une personne qui est
recommandée, et les deux autres personnes qui sont sur la liste, leur
nom est sous scellé.
Donc, c'est
l'idée. Et c'est le mode de nomination pour les juges et les membres de
tribunaux administratifs, en Angleterre,
où le ministre de la Justice se voit offrir un choix, et, s'il refuse ce
choix-là, il doit énoncer les raisons pour lesquelles il ne peut nommer cette personne-là. C'est actuellement le
mode, le processus de nomination pour les juges des cours du Québec, les juges
des cours municipales et les juges de paix magistrat également au Québec, suite
aux recommandations de la commission Bastarache.
• (11 h 20) •
Mme Guilbault : Parfait. D'accord. Je pense que, pour moi, ça
fait le tour. Peut-être que mes amis ici ont des questions. Je vais leur
laisser la parole. Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a des questions du côté
ministériel? M. le député de Vachon, s'il vous plaît.
M. Lafrenière :
Bonjour. Merci beaucoup pour votre exposé. Vous avez parlé tantôt des liens de
confiance entre le public et,
justement, les personnes qui seraient choisies, qui seraient élues. Puis, parmi
les publics, bien, il y a les élus qui
sont ici. Est-ce que vous pensez... Puis je vous demande vraiment votre opinion
là-dessus, parce que j'ai bien compris le processus de sélection puis
l'importance du processus de sélection. Mais est-ce que vous croyez que,
justement, le fait de terminer ce processus-là par un vote aux deux tiers de
l'Assemblée des gens qui sont présents, ça ne vient pas légitimer... entre autres, quand on parle du commissaire de l'UPAC, je
parle vraiment de lui plus précisément, là, ça ne vient pas légitimer
son rôle par le fait que ça vient nous lier?
Puis quand je
dis «nous», je parle des élus. Parce que vous savez ce qui est arrivé dans le
passé, où on a remis en cause
beaucoup le commissaire de l'UPAC pour des raisons ou pour des apparences.
Est-ce que vous croyez, sans dire que
c'est un système qui est parfait, que ça ne vient pas légitimer un peu son
travail et faire en sorte que les gens vont arrêter de le remettre en
cause, justement, par apparence d'implication politique?
Mme Valois
(Martine) : D'une certaine
façon, vous avez raison. Le problème avec le projet de loi n° 101, c'est
qu'il permet de... il trahit, en fait,
l'idée que le commissaire de l'UPAC... le fait qu'il relève de l'Assemblée
nationale. Et, parce qu'il relève de
l'Assemblée nationale, toute son indépendance et toute sa légitimité reposent
sur cette conception-là qui, à mon
avis, est erronée, en raison des pouvoirs qui sont exercés par le commissaire
de l'UPAC, le fait qu'il mène des enquêtes criminelles et que, comme la
Cour suprême l'a dit dans l'affaire Campbell, les policiers qui mènent des
enquêtes criminelles ne relèvent ni de l'État ni du pouvoir législatif, ils
sont indépendants. Donc, l'idée que l'Assemblée
nationale, aux deux tiers, pourrait décider, pour aucun motif, de démettre le
commissaire de l'UPAC de ses fonctions, à mon avis, ça va directement à
l'encontre de cette idée de la confiance du public dans l'indépendance du
commissaire de l'UPAC. Vous savez, la...
M. Lafrenière :
Donc, vous, c'est vraiment les conditions de mise à fin d'un contrat, dans le
fond, c'est ce qui vous interpelle?
Mme Valois
(Martine) : C'est ce qui est
le recul le plus important par rapport au projet de loi n° 107 qui venait
mettre en oeuvre la recommandation de la
commission, 31, de la commission Charbonneau, où, justement, on limitait
le mandat selon le modèle, là, de nomination du Directeur
des poursuites criminelles et pénales, et un mandat non renouvelable de sept ans, sélection par un comité formé de personnes
indépendantes dont la majorité ne sont pas liées au pouvoir exécutif.
M. Lafrenière : Donc, vous,
c'est la destitution sans cause, dans le fond?
Mme Valois (Martine) : Oui,
mais aussi, c'est l'idée que la confiance du public dans l'indépendance de nos
institutions, elle est confortée lorsque les représentants politiques ne minent
pas cette indépendance et soutiennent les institutions
publiques. Je ne pense pas que c'est ce à quoi on a pu assister, dans les trois
dernières années, concernant le commissaire à l'UPAC. Et les conditions
d'indépendance pour le commissaire de l'UPAC, comme je l'ai souligné, sont
particulièrement importantes compte tenu du
mandat qu'il a et du fait qu'il exerce des fonctions criminelles. Et, comme
le directeur, il fait partie du système judiciaire, et la Cour suprême l'a
répété dans de nombreux jugements. Je vais déposer,
à la fin des audiences publiques, un mémoire avec les références aux jugements
de la Cour suprême du Canada.
M. Lafrenière :
Et ce, malgré le fait qu'il y a un comité indépendant qui va devoir soumettre
aux élus, justement, des noms de candidatures, qu'il y ait un premier...
excusez l'expression, un «screening» qui soit fait avant?
Mme Valois
(Martine) : Oui, sauf que,
comme vous savez, le projet de loi prévoit des rencontres à huis clos avec
des candidats potentiels, une liste qui
n'est pas limitée. Le nombre de candidats sur la liste n'est pas limité, donc
ça laisse amplement la place, et beaucoup plus que dans le processus
avant, c'est-à-dire le processus même avant le projet de loi n° 107, à des
négociations sur la base de considérations partisanes.
Et aussi, en
tant que professeure, je suis coauteure d'un livre sur la justice administrative,
et nous avons rencontré des membres de la Commision d'accès à
l'information, qui sont nommés... dont la nomination est approuvée aux deux
tiers de l'Assemblée nationale et de façon confidentielle, évidemment, et ces
membres-là nous ont dit que la nomination
aux deux tiers du Parlement, ce n'était pas nécessairement un gage de
compétence, par exemple, parce que le candidat
devait être neutre politiquement pour être accepté par tous les partis
politiques. Alors, pour moi, le lien entre nomination aux deux tiers de
l'Assemblée nationale et indépendance n'est pas fait.
M. Lafrenière : En terminant, est-ce que vous avez l'impression,
justement, lorsqu'on parlait du commissaire de l'UPAC et d'un dernier mandat... L'apparence de neutralité, c'est ce
qui a manqué, c'est ce qui a fait en sorte qu'on a eu une grande baisse de
crédibilité ou de... Comment je pourrais vous dire ça? On a une grande baisse
de la population, dans le fond... de
la façon qu'ils voyaient, de la façon qu'ils respectaient ce rôle-là, on a vécu
une grande baisse de crédibilité face à cette apparence de neutralité
là, minimalement?
Mme Valois
(Martine) : Le problème,
selon moi, selon ma perception, évidemment, c'est le manque de soutien
aux institutions qui a été le problème de cette baisse de crédibilité du
commissaire de l'UPAC.
M. Lafrenière :
Donc, le statu quo ne viendrait pas régler ça? Si on reste avec le même
système, présentement, on va garder la même problématique d'apparence de
neutralité?
Mme Valois
(Martine) : Si on reste avec
un système ou l'idée que le commissaire à l'UPAC relève des
élus et a des comptes à rendre aux élus, que ce soit le pouvoir exécutif
ou le pouvoir législatif, à mon avis, oui.
M. Lafrenière : Je vous
remercie.
Le Président (M.
Bachand) : D'autres questions? M. le député d'Ungava, s'il vous
plaît.
M. Lamothe : Peut-être juste...
quand vous dites «le manque de soutien aux institutions», vous voulez dire?
Mme Valois
(Martine) : Oui. Je veux
dire de réaliser que les institutions comme le Commissaire à la lutte contre la
corruption, leurs pouvoirs et leurs fonctions sont bien encadrés dans les lois.
Et, quand je parle de manque de soutien, c'est lorsque, par leurs déclarations,
les représentants politiques font fi de cette délégation de pouvoirs là et
agissent comme s'ils pouvaient renouveler la
délégation selon leur interprétation de la manière dont le commissaire exécute
ses fonctions.
M. Lamothe : Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Autre question du côté ministériel? Mme la députée de Les Plaines, s'il vous
plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) : Est-ce
qu'on comprend bien que c'est vos réserves — plus que des réserves,
là — c'est
exactement les mêmes pour la Sûreté du Québec et pour le DPCP?
Mme Valois (Martine) : Je ne me
prononcerai pas pour la Sûreté du Québec. Comme je l'ai dit dans ma
présentation, j'ai lu les mémoires de l'association des policières et policiers
du Québec et de l'Association des directeurs de police, et il y
a des considérations peut-être
différentes, là, qui se posent pour les corps policiers. Dans l'histoire,
en fait, de la common law, les corps
policiers occupaient aussi une charge publique et devait être considérés comme
étant indépendants du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif. Ce
n'était pas nécessairement le cas dans la Loi sur la police, actuellement, et c'est peut-être ça qui devrait être modifié. Mais, comme je ne
connais pas ce milieu-là, je préfère réserver mes commentaires.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Les Plaines.
M. Martel :
J'aurais une question.
Le Président (M.
Bachand) : Oui, M. le député de Nicolet-Bécancour, s'il vous
plaît.
M. Martel : Tantôt,
vous avez mentionné que les élus, par rapport au mode qui est présenté ici, là,
pouvaient congédier sans aucune
justification. Vous ne pensez pas que les élus, on ne doit pas répondre des
décisions qu'on prend? Vous pensez
que les élus, on peut prendre une décision comme ça, puis on s'en va chez nous,
puis on n'a pas de réponse à donner à
personne? Qu'est-ce que vous faites de l'imputabilité de
l'élu qui prend les décisions, là? J'ai de la difficulté à comprendre comment vous pouvez dire qu'on peut
prendre des décisions sans aucune justification.
Mme Valois
(Martine) : C'est-à-dire que votre imputabilité, elle va être vis-à-vis la population
aux prochaines élections. Moi, je vous parle d'encadrement législatif et
d'état de droit. C'est deux choses différentes.
• (11 h 30) •
M. Martel : Vous ne pensez pas que les messieurs en arrière,
là, si on prend une décision, ils ne viendront pas nous poser des questions, puis sur le fait,
sans attendre les prochaines élections, on va devoir répondre de nos décisions?
Mme Valois
(Martine) : Peut-être,
mais votre décision va être prise, et la personne ne sera plus en fonction. Alors, l'idée, c'est de limiter le pouvoir discrétionnaire de démettre la
personne de ses fonctions, et c'est pour ça que c'était une avancée importante, avec le projet de loi
n° 107, d'introduire, dans la Loi concernant la lutte contre la
corruption, la nécessité non seulement d'une destitution pour cause,
mais aussi après un rapport de la Commission de la fonction publique.
Le
Président (M. Bachand) :
Ça va. Merci beaucoup pour les gens du côté ministériel. Maintenant, nous
allons aller avec l'opposition
officielle. Alors, je vous rappelle que vous avez un temps de
15 min 29 s, s'il vous plaît. M. le député...
M. Tanguay : De
LaFontaine.
Le Président (M.
Bachand) : De LaFontaine. Désolé.
M. Tanguay : Merci. Vous
avez dit 15 minutes, 15 min 29 s. Merci beaucoup. Merci,
Mme Valois, d'être ici présente, ainsi que M. Saint-Martin, pour
votre apport au débat. C'est très éclairant.
Par où commencer en seulement 15 minutes?
Et, moi, comme député porte-parole en matière de justice, mes questions seront exclusivement sur le DPCP, et je
vais faire en sorte de laisser du temps à ma collègue de l'Acadie pour
poser des questions sur l'UPAC notamment et les autres corps de police.
Alors, pour
cde qui est du DPCP, Mme Valois, vous faites référence à la nature même de
l'institution, et j'aimerais vous
entendre et peut-être référer la population... Sur le site internet, le site
Web du DPCP, il y a un document magnifique, daté de juin 2018, Les
origines et les fondements de l'institution du DPCP, qui brosse le tableau
réellement du pouvoir qui découle de la couronne, qui découle du pouvoir
de la Procureur général, et que nous avons créé, donc, collectivement en 2007,
la direction des poursuites criminelles et pénales. Mais on le voit à Ottawa,
ce pouvoir-là demeure ultimement attaché à la couronne, à la Procureur général
qui peut, dans certains cas, l'article 23 de notre loi, outrepasser des
décisions du DPCP. Ce pouvoir-là est demeuré dans les possibilités de la
Procureur général.
J'aimerais vous entendre, donc, sur cette
nature-là, peut-être rapidement, avec le peu de temps qu'on a, nous expliciter
en quoi... et j'aimerais vous entendre également sur un argument
constitutionnel. Est-ce que vous croyez qu'il y aurait affectation, nous
aurions entamé ou nous aurions diminué le pouvoir de la couronne si le
législatif nomme le DPCP au deux tiers?
Est-ce qu'il y a un argument constitutionnel — parce que, vous, vous êtes spécialiste en la
matière — en ce qui concerne, donc, l'exercice d'un
pouvoir de la couronne qui serait dévolu à l'Assemblée nationale?
Mme Valois
(Martine) : C'est une
question intéressante. Je ne peux pas répondre directement à votre question.
Je peux vous parler, par ailleurs, de la
création de la charge de Directeur des poursuites criminelles et pénales. C'est
une institution qui a été créée et
tant ici, au Québec, qu'au fédéral, dans les années 2000. C'est une
institution récente et c'est pour justement prévenir les cas de conflit
d'intérêts.
Donc, on crée
la charge de procureur de la poursuite qui va prendre en charge, pour l'État,
les poursuites criminelles et pénales
et qui agit, c'est ce que la loi prévoit, sous l'autorité du ministre de la
Justice et Procureur général, mais avec, comme le dit l'article 1
de la loi, toute l'indépendance que la loi lui accorde, qui prend les décisions
et qui prend des décisions sans ne recevoir de directive du ministre de la
Justice, à moins que ces directives ne soient mises par écrit.
La loi fédérale est encore plus
précise et prévoit deux types de conditions où le Procureur général peut
lui-même prendre en charge une
poursuite et il doit publier cette décision-là à la Gazette du Canada ou
donner des directives écrites, qui doivent également être publiées, sur
la direction d'une poursuite en particulier, sur la conduite d'une poursuite en
particulier.
Donc, si on veut, la charge de commissaire... de
commissaire, pardon — de
Directeur des poursuites criminelles et
pénales vient s'interposer entre le ministre qui est membre du cabinet, membre du Conseil des ministres et, si
on veut, le système judiciaire. C'est lui qui décide s'il y a des
poursuites qui vont être menées.
M. Tanguay :
Et là-dessus vos écrits... et l'écrit, puis... et merci à l'avance, parce que
vous nous avez annoncé que vous allez déposer un écrit, probablement dû au peu
de temps que vous aviez entre la convocation et votre présentation
aujourd'hui. Merci beaucoup, on le lira avec grande attention.
Donc,
on voit que ça découle de la couronne, Procureur général, DPCP, et ça participe
de l'administration de la justice. On ne veut pas, puis on le voit à
Ottawa, que le politique ait les mains là-dedans, l'exécutif. Ce que j'aime, et
j'aimerais vous entendre là-dessus avec
quelques précisions, c'est que ce n'est pas en disant : Ça participe de la
couronne, du judiciaire et
ultimement, dans le processus actuel, c'est l'exécutif qui nomme, mais de façon
très encadrée, très serrée, ce n'est
pas en balançant ça totalement dans le législatif, au contraire, qu'on vient
galvaniser la neutralité et l'indépendance.
J'aimerais vous
entendre sur les mécanismes, processus actuels, toujours encore une fois que
pour le DPCP. Il y a un comité sélectionné,
qui n'est pas contrôlé par l'exécutif, qui arrive avec d'excellentes
candidatures, et elles sont nommées,
parmi ces excellentes candidatures là, par l'exécutif, point final. Là, on met
ça dans le législatif, mais on rajoute une
couche de débat public. Et vous avez même dit des mots très forts :
asservissement... qui doit être accepté par les partis politiques. Donc, ce qu'on n'a pas pour le DPCP,
dans le système actuel, c'est... belle liste de candidatures extraordinaires,
l'exécutif choisit et nomme, indépendance.
En
ce qui a trait au processus législatif pour le DPCP proposé par le projet de
loi n° 1, c'est que c'est les mêmes belles candidatures, mais là on rajoute une couche de joute politique.
J'aimerais vous entendre là-dessus, puis peut-être basé sur des exemples récents de notre histoire
collective où il y a de la partisanerie, où la confidentialité, puis certains
témoins sont venus nous le dire, elle n'est
pas garantie dans un comité où les partis politiques vont faire du marchandage.
Et surtout, quand j'entends la ministre...
j'aimerais vous entendre là-dessus, pas sur les commentaires de la ministre,
mais ça met la table, lorsqu'elle dit : Advenant que tous les
partis décidaient de se braquer et d'être défavorables, on pourrait soumettre une deuxième candidature, mais,
dans les faits, nous, on a besoin évidemment des deux tiers. Donc, dans
la mesure où un parti nous appuierait, on pourrait avoir espoir de faire passer
la nomination.
Je pense que vous,
c'est le drapeau rouge, de dire : Écoutez, s'il faut nommer le DPCP sur un
recomptage à l'Assemblée nationale, ça prend
84, je pense qu'on vient d'atteindre... d'affecter sa neutralité, son
indépendance, parce qu'après ça, vous êtes DPCP, comment allez-vous agir
par rapport à ceux qui ont voté ou pas voté pour vous?
Donc, ça, j'aimerais
vous entendre là-dessus, réellement sur le mécanisme, où on met le doigt sur la
grande interrogation que nous avons, on
rajoute une couche de partisanerie par rapport à ça. Encore une fois, signe
d'asservissement, parce qu'elle doit être acceptée par les partis politiques.
Ce sont vos propres mots. J'aimerais vous entendre sur ces mécanismes-là,
où on en rajoute une couche, là.
Mme Valois (Martine) : Oui. Ce que j'ai compris du débat qui a eu cours
lors de l'adoption du projet de loi n° 107, c'était : Le
Commissaire de l'UPAC est nommé par le gouvernement, et donc il est nommé par
le gouvernement, et il peut enquêter par le
gouvernement. Alors, c'est pour cette raison, il doit être nommé par
l'Assemblée nationale. Donc, on remplace le gouvernement par l'Assemblée
nationale, mais je répondrais à ce premier argument là : le Commissaire de
l'UPAC peut aussi enquêter sur des membres de l'Assemblée nationale dans le
cadre de son mandat.
Comme
je l'ai mentionné plus tôt, les juges, dans la plupart des pays du
Commonwealth, sont nommés encore par le pouvoir exécutif, et toute la
littérature scientifique est à l'effet que ce modèle-là est dépassé, mais qu'au
moins, s'il reste en vigueur, on doit
limiter la discrétion du pouvoir exécutif. Et c'est pour ça que les comités de
sélection doivent choisir les
candidats en toute indépendance et recommander des candidats sur la base de
leurs compétences et une liste très courte.
Comme
je vous ai dit, au Royaume-Uni, c'est une personne qui est recommandée pour la
nomination à un poste de juge. Je
vous lirais un extrait d'un arrêt de la Cour suprême du Canada qui parle du
rôle du Directeur des poursuites criminelles et pénales. On dit
que ceux-ci doivent «prendre des décisions discrétionnaires dans
l'exécution de leurs obligations professionnelles sans craindre d'ingérence
judiciaire ou politique et s'acquitter ainsi de leur rôle quasi judiciaire de "représentants de la
justice".» Et ça, c'est un extrait de l'arrêt R. contre Anderson de 2014,
de la Cour suprême du Canada.
Dans un arrêt plus
ancien, l'arrêt Krieger, on nous dit que l'exercice du pouvoir discrétionnaire
d'intenter des poursuites vise, selon
la cour : «...l'exercice des pouvoirs qui sont au coeur de la
charge [du] Procureur général et que le principe de l'indépendance
protège contre l'influence de considérations politiques inappropriées et
d'autres vices.»
Donc,
en tant que charge publique qui a un rôle quasi judiciaire, qui doit exercer sa
discrétion d'intenter ou non des poursuites en toute indépendance, il
faut préserver cette indépendance-là.
• (11 h 40) •
M. Tanguay :
Et effectivement, vous avez cité la Cour suprême, dans le document de juin 2018
du DPCP, on cite Cawthorne de la Cour suprême en 2016, extrait : «...en
droit constitutionnel, les considérations partisanes ou autres considérations illégitimes ne doivent pas influencer les
décisions d'un procureur du ministère public.» Fin de la citation, Cour suprême, 2016. Et ce même
document-là, à la page 5, on peut y lire : «Au nombre des autres
considérations "illégitimes", on peut certes compter la
pression médiatique, populaire ou policière.»
Là,
ce qu'on pourrait nous objecter, soyons bons joueurs, bien, c'est juste
dans le contexte de la nomination qu'il y
aurait de la partisanerie puis des pressions médiatiques et populaires. Le
parti x pourrait dire : Bien, on veut un candidat qui vienne du milieu civil; non, moi, je veux un candidat qui
vient du milieu policier; moi, je veux un candidat qui a une vision de telle, telle, telle envergure
par rapport à d'autres. On pourrait nous dire : Bien, le marchandage va juste
se faire durant la nomination. Après ça, une fois nommé, il a l'indépendance
voulue. Que répondriez-vous à ça?
Mme Valois (Martine) : Bien, en vertu du projet de loi, ce n'est pas le
cas, puisqu'il y a une destitution sans motif qui peut être décidée aux
deux tiers de l'Assemblée nationale.
M. Tanguay :
Et, si d'aventure, pour la destitution du DPCP aux deux tiers, on ajoutait
«avec motif», croyez-vous que les députés s'empêcheraient de faire de la
partisanerie pour autant?
Mme Valois (Martine) :
Ça, c'est en dehors de mon expertise juridique, mais je pense que l'idée est
que le Directeur des poursuites criminelles
et pénales, le commissaire à l'UPAC, que la charge, les décisions qu'il prend,
tout ce qui concerne l'exercice de sa charge soit bien encadré par la
loi et que la nomination soit exempte de partisanerie politique, que l'exercice de la charge, la destitution soit faite pour
cause par un organisme indépendant, que le mandat soit non renouvelable.
Et
donc où est... Je poserais, en fait, peut-être la question aux membres de la
commission. Quel est le bénéfice d'ajouter une nomination aux deux tiers
de l'Assemblée nationale à l'égard de l'indépendance de la fonction?
M. Tanguay :
Merci. Si ma collègue...
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
l'Acadie, s'il vous plaît.
Mme St-Pierre :
Merci. Merci beaucoup. C'est très éclairant ce matin.
Vous
avez dit tout à l'heure que vous ne vouliez pas entrer dans le dossier de
la Sûreté du Québec, mais moi, j'ai une question qui, je pense, est très importante, c'est-à-dire, dans le projet de loi, on parle de deux mandats de cinq ans... c'est-à-dire un mandat renouvelable cinq ans, maximum 10 ans. Si on suit votre
logique, on affaiblirait encore plus ce processus-là en y allant avec deux mandats de cinq ans, enfin, un mandat
de cinq ans renouvelable cinq ans, puisque, dans le cas de l'UPAC on y va avec un
mandat de sept ans non renouvelable.
Donc,
il y a une certaine, encore, confiance, là, qu'on peut avoir que le
directeur... le commissaire de l'UPAC fait son travail, finit son mandat, puis on passe à un autre commissaire. Est-ce que
vous recommanderiez qu'on aille dans
le même sens pour la Sûreté du Québec, c'est-à-dire sept ans, non
renouvelable?
Mme Valois (Martine) : Je pense que ça serait préférable. J'ai lu, là,
comme je vous dis, les mémoires qui ont été déposés. L'Association des
directeurs de police ou plutôt l'autre, l'association des policières et
policiers, soulève des questions par rapport au cumul des années pour l'ancienneté. Donc, ça, c'est des
considérations relatives aux conditions
de travail, aux conditions pour l'accès à la retraite qui, en fait, n'ont rien à
voir avec la question de l'indépendance du directeur.
Donc,
je pense que l'idéal, c'est la charge non renouvelable pour éviter que la
personne qui occupe la charge ne soit
plutôt tiède à mener des enquêtes ou à prendre des décisions qui pourraient
avoir un impact sur la progression de sa carrière.
Mme St-Pierre : Il me reste à peine une minute, 1 min 15 s.
Est-ce que, dans votre esprit ou dans l'esprit du monde ordinaire, en fait... Est-ce que, dans votre
esprit, le DPCP est vraiment comme le chien de garde de la police? C'est-à-dire la police fait son travail, arrive avec ses recommandations pour porter
des accusations, mais le DPCP, lui, il peut décider qu'il
n'y a pas ce qu'il ce qu'il faut
devant lui. Est-ce que c'est pertinent d'avoir ces trois organismes-là dans le
même projet de loi, c'est-à-dire
DPCP, Sûreté du Québec, commissaire à l'UPAC? Est-ce qu'on ne mélange pas un peu les choses?
Mme Valois (Martine) : Bien, c'est un projet de loi qui amende
plusieurs dispositions, et donc
chaque institution a sa propre loi qui encadre ses pouvoirs.
Vous
savez, dans notre système de justice criminelle, parce que ce n'est pas comme
ça dans tous les pays, c'est important
que la police fasse ses enquêtes en toute indépendance du pouvoir politique,
que la police, qui est généralement convaincue que ses enquêtes soient
complètes, que ça ne soit pas elle qui prenne les décisions pour les poursuites
criminelles, et que ça soit une personne qui
est complètement indépendante qui intente les poursuites, et que ça soit un
juge qui soit, qui est complètement indépendant, qui décide de la culpabilité
et l'innocence des accusés. Et ces trois fonctions-là, enquêtes, poursuites et
jugement, doivent fonctionner sans influence indue et séparément. Ils peuvent
collaborer, mais ils doivent être indépendants dans l'exercice de leurs
fonctions.
Mme St-Pierre :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Merci beaucoup, Mme la députée
de l'Acadie. Je cède maintenant la parole au
deuxième groupe d'opposition pour une période de 3 min 52 s. Mme
la députée de Duplessis, s'il vous plaît.
Mme Richard :
Merci, M. le Président. Madame messieurs, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée
nationale.
Je
vais faire du pouce un peu sur mon collègue de Vachon qui vous a posé des questions par rapport à tout ce qui s'est passé à
l'UPAC et le commissaire à l'UPAC. Entre autres, vous savez qu'il
a quitté de façon assez fracassante. Le climat à l'UPAC était pourri, la police qui enquête sur la police. Et
vous avez répondu en disant peut-être qu'il y
avait un manque de soutien. Si vous présumez qu'il pouvait y avoir un manque
de soutien à l'UPAC et c'est ce qui a fait en sorte tous les ratés qu'on a connus, à ce moment-là, vous ne
trouveriez pas pertinent qu'on aurait pu, à la commission, entendre M. Robert Lafrenière?
Mme Valois (Martine) : Non, justement. Le commissaire à l'UPAC doit exercer ses fonctions à l'abri de
toute influence indue et, sauf les
dispositions de reddition de comptes, qui sont prévues en la Loi concernant la
lutte contre la corruption, le commissaire ne devrait pas être convoqué
pour répondre des enquêtes qu'il mène.
Mme Richard : Vous comprenez très bien que, si nous sommes ici avec le projet de loi n° 1 pour que ça soit les deux tiers de l'Assemblée nationale qui
nomment, entre autres, le nouveau commissaire à l'UPAC, c'est parce qu'il s'est passé ce qui s'est
passé à l'UPAC. Et ça a fait en sorte que la population ne croit plus en
nos institutions. Vous savez, on a connu la commission Bastarache, on a connu la commission Charbonneau, on a connu la création de l'UPAC avec ses ratés. Et je pense que de là vient le fait
que... vous parlez du gouvernement, de l'Assemblée
nationale... que l'Assemblée nationale, on y retrouve les
partis dûment élus, nomment, que ce
soit le DPCP, celui à la Sûreté du Québec et, bien sûr, le nouveau commissaire à l'UPAC.
Je vais vous... Je
n'ai pas beaucoup de temps, malheureusement. Je respecte votre opinion. Je n'ai
pas beaucoup de temps. Je vous demanderais comment vous voyez ça que le nouveau
commissaire à l'UPAC ne provienne pas,
justement, d'un corps
policier, pour un mandat tout au
moins, on ne veut pas ça figé dans le temps, pour un mandat, pour
redonner confiance au public, justement. Parce que tout ce qu'on a entendu, là,
des fuites à l'interne, des policiers qui
n'ont plus confiance en le commissaire, là, c'est vraiment
triste, un corps policier qui a été mis sur pied à la suite, justement,
des recommandations de la commission Charbonneau.
Donc,
nous, on s'est dit, au Parti
québécois : Et pourquoi
pas quelqu'un de l'externe, pour un premier mandat, pour
redonner la confiance au public? Parce
que je vous avoue qu'avec ce qu'on a connu elle a été mise à mal énormément.
• (11 h 50) •
Mme Valois (Martine) : Je pense qu'il faut, dans notre système juridique,
dissocier la personne de la fonction. Et,
quand une fonction est bien encadrée par la loi, que la personne sent qu'elle a
les coudées franches, qu'elle est protégée par cet encadrement
législatif, que les mécanismes de reddition de comptes sont bien établis, sont
transparents, la personne n'a rien à craindre des tentatives d'influence sur
l'exercice de sa fonction.
Mme Richard :
Donc, une personne qui provient d'un milieu civil, bien encadrée, pourrait
occuper les fonctions de commissaire à l'UPAC.
Mme Valois (Martine) : Je ne peux me prononcer sur cette question-là. Je
voudrais juste seulement ajouter que le
projet de loi n° 107 a permis, justement, de faire en sorte que la charge
de Commissaire à la lutte contre la corruption devienne un corps de police indépendant et n'ait pas, justement, à
demander des autorisations, ce qui provoquait, selon le témoignage
du commissaire Lafrenière à l'époque... ce qui aurait pu provoquer les
fuites de renseignements.
Mme Richard :
Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée de Duplessis. Maintenant,
là, c'est au tour du troisième groupe d'opposition pour une période de
3 min 52 s. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous
plaît.
M. Leduc : Merci, M.
le Président. Merci d'être venus aujourd'hui pour nous parler. J'ai pris bonne note de la référence au fait qu'il y avait
une disparition d'une justification de cause suffisante pour la destitution. Je
vais me pencher là-dessus dans les prochains jours, on va regarder ça.
Je
voulais avoir une discussion avec vous sur tout le caractère partisan. Vous
avez mentionné tantôt que vous vouliez absolument que tout ça soit à
l'abri des intrigues partisanes. Je prends l'exemple de la réflexion peut-être
qui est en cours sur les suites à
donner à #moiaussi puis toute la question des agressions sexuelles. Les quatre partis politiques
qui se sont assis ensemble pour trouver des solutions, n'est-ce pas là un
exercice, vu que les quatre en sont parties prenantes, un exercice non partisan?
Et le fait de s'assurer qu'il y a nomination aux deux tiers, qu'il y ait donc nécessairement
plus qu'un parti — on
espère les quatre, là — n'est-ce
pas là une assurance que ce soit une décision non partisane parce que... il y
en ait plusieurs impliqués?
Mme Valois
(Martine) : À mon avis... et même les mémoires qui ont été déposés
devant cette commission insistent sur la question
de l'indépendance. Et moi, je vous parle de l'indépendance et je ne vois pas
quel est le lien entre la compétence, l'acceptabilité politique
et l'indépendance. Ce qu'on veut, comme personne qui exerce une
fonction publique, c'est d'être
compétent et de pouvoir l'exercer en toute indépendance. Et je ne vois pas en
quoi, que le choix soit acceptable pour tous les partis politiques, ça a
un impact positif sur sa compétence ou son indépendance.
Et l'exemple que je vous ai donné,
des membres de la Commision d'accès à l'information dont la nomination...
c'est une nomination du gouvernement, mais approuvée aux deux tiers de l'Assemblée
nationale, et ces personnes-là trouvaient
désolant que la nomination aux deux tiers faisait en sorte que le critère de
compétence était mis de côté, mais c'était l'acceptabilité politique qui
devenait le critère le plus important.
M. Leduc : Mais n'est-ce pas là présupposer que les députés
ne soient pas capables d'analyser la compétence, au même titre qu'un
comité ou qu'une ministre seule, ce qui est le cas actuellement?
Mme Valois (Martine) : Je pense que la compétence, elle doit être... Les
critères de compétence sont dans la loi, et c'est des comités formés
d'experts qui sont en mesure de choisir la personne en fonction de la
compétence.
M. Leduc : Mais ce comité-là, il est nommé par quelqu'un,
par la personne qui occupe le siège de ministre, entre autres.
Mme Valois (Martine) : C'est-à-dire que le comité, quand vous regardez dans la loi
actuelle, et ça, ce n'est pas changé par le projet de loi n° 1, c'est un comité
formé de personnes identifiées dans la loi. Avant l'adoption du projet de
loi n° 107, c'était un comité de sélection qui pouvait être composé de
personnes au choix du gouvernement.
M. Leduc :
Peut-être une dernière question, si j'ai le temps. Vous avez fait référence au
fait que vous ne vouliez pas que ces
personnes-là soient redevables à l'Assemblée nationale, ce qui serait quelque
chose qui serait inclus avec la nomination aux deux tiers. Pourtant, il
y a plusieurs autres postes qui sont déjà nommés aux deux tiers. On a parlé du DGE, le Vérificateur général, la Protectrice du
citoyen, mais, dans le passé, ils ont déjà été nommés d'une autre manière.
Ils ont déjà été nommés à majorité simple.
Est-ce qu'on ne donne
pas trop d'importance aux deux tiers en matière de redevabilité politique?
C'est là peut-être le lien que je ne fais pas, là.
Mme Valois
(Martine) : Le problème, et j'ai regardé dans l'annexe du mémoire du
Barreau, c'est que, bon, premièrement, comme
je l'ai dit dans ma présentation, ces personnes-là ne font pas d'enquête
criminelle. Et d'où... alors, ils n'ont un lien...
M. Leduc :
...des enquêtes, parce qu'ils en font, des enquêtes, ces personnes-là.
Mme Valois
(Martine) : Ils font des enquêtes, mais ils ne font pas des enquêtes
criminelles.
M. Leduc :
C'est le «criminelles» qui vous... O.K.
Mme Valois (Martine) : Et, à mon avis, c'est un élément important, qui
place le commissaire de l'UPAC et le Directeur
des poursuites criminelles et pénales dans une catégorie à part. Et une chose qui devrait être améliorée aussi, concernant ces personnes-là, c'est que... Je regarde
que, pour plusieurs de ces postes-là, il n'y a pas de comité de
sélection et il n'y a pas de critère, ce qui n'est pas conforme aux
standards internationaux.
M. Leduc :
Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup, M. le député. Maintenant, je
cède la parole au député de
Chomedey pour une période de
3 min 34 s. M. le député.
M. Ouellette : Merci,
M. le Président. Me Valois,
bonjour, M. Saint-Martin. Trois choses. Est-ce que la copie de
votre présentation va être dans le mémoire que vous allez nous faire parvenir à
la commission?
Mme Valois
(Martine) : Oui.
M. Ouellette : Bon, je vous suggère de le faire parvenir rapidement.
Il semblerait qu'il y a urgence du côté du gouvernement, là. Ça fait que je veux effectivement avoir la chance de consulter votre mémoire, qui
est, en passant, très rafraîchissant.
La
Convention des Nations unies contre la corruption, auquel le Québec a
adhéré le 13 juin, en quoi les dispositions de
cette convention-là pourraient nous aider dans le projet de loi n° 1? Parce
que je sais qu'il
est beaucoup question de se remettre en question, de remettre certains mécanismes
de lutte à la corruption. Il est question des nominations, vous en avez parlé dans votre présentation. Est-ce que
les dispositions de cette convention-là pourraient être... Est-ce qu'on pourrait en tenir compte dans
l'étude article par article du projet de loi n° 1?
M. Saint-Martin
(Denis) : ...je ne sais pas. M. le Président, il semble y avoir
confusion parce que nous avons été invités
à parler 10 minutes chacun, moi et ma collègue. Est-ce que moi, je parle
dans deux minutes, ou à la fin de cette ronde, ou non?
Le Président (M.
Bachand) : On s'excuse de l'imbroglio. C'était le
10 minutes total, donc c'est une heure.
M. Saint-Martin
(Denis) : O.K., parce que j'ai une perspective complètement différente
à vous proposer. J'ai travaillé fort
et j'ai fait la route pour venir vous parler, à mes frais, et je pense que...
bien, je suis désolé, puis Martine aussi parce qu'elle ne voulait pas occuper
le plancher, mais c'était 10 minutes. Nous sommes deux individus
différents, et mes propos sont ceux de la science politique, et
j'interprète les choses complètement différemment.
Ce que
Martine voit comme un asservissement, je le vois davantage comme un gain
potentiel en légitimité et en autonomie. Donc, je ne veux pas abuser de
votre patience, mais il y a une confusion, je pense, qui est assez, là...
Le
Président (M. Bachand) :
Monsieur, la commission est souveraine, ça fait que je vais demander s'il y a
un consentement unanime.
M. Saint-Martin (Denis) : ...
Le
Président (M. Bachand) :
S'il vous plaît! Je vais demander s'il y a le consentement unanime pour donner
du temps à monsieur... un 10 minutes de temps. Il n'y aura pas de problème avec
ça. Cependant, c'est qu'il n'y aura pas de période de questions. Donc,
c'est ça que...
M. Saint-Martin (Denis) :
J'aime mieux prendre les questions par courriel.
Le
Président (M. Bachand) :
S'il vous plaît! M. Saint-Martin, je vous demande, s'il vous plaît, de
m'écouter. Le problème est que votre présentation peut soulever des questions.
Ce que je vous invite peut-être à faire, s'il n'y a pas consentement unanime, c'est de nous faire parvenir
la documentation rapidement. Mais je vais quand même, par respect, demander s'il y a un consentement unanime pour une
présentation de 10 minutes, mais sans période d'échange par après.
Des voix : ...
Le
Président (M. Bachand) :
Consentement, parfait. Alors, on va terminer avec le questionnement de M. le
député de Chomedey et, après ça, on
vous laissera 10 minutes. Merci beaucoup de... Alors, M. le député de
Chomedey, s'il vous plaît.
M. Ouellette : Me Valois.
Mme Valois (Martine) : En fait,
je vous ai référés à l'article 36 de la Convention des Nations unies
contre la corruption qui, en fait, recommandait aux États parties de créer des
autorités spécialisées pour enquêter sur les actes répréhensibles qui peuvent être commis, là, dans le secteur public et
liés à la corruption notamment. C'est ce que le Québec a fait en créant le commissaire de lutte contre la
corruption, et, dans cet article 36 là, que j'ai cité dans mon mémoire, on
dit que ces autorités spécialisées doivent pouvoir exercer leurs
fonctions en toute indépendance.
M. Ouellette : Bien, on parle aussi qu'ils doivent aussi se
remettre en question, qu'on doit revoir ou qu'on doit se questionner sur les modes de nomination. C'est
dans la convention aussi, dans les articles antérieurs. C'est pour ça que
je voulais voir si votre réflexion avait été
poussée un peu plus loin que l'article 36 et en quoi la convention pouvait
être applicable au projet de loi.
• (12 heures) •
Mme Valois
(Martine) : Je ne peux pas
répondre à cette question-là. Pour moi, les conditions, comme je l'ai répété,
les conditions de nomination sont
suffisantes si la nomination est faite sur la base de la compétence, qu'on
restreint le pouvoir discrétionnaire du choix des candidats jugés aptes,
comme sur le modèle du règlement sur la procédure de sélection des juges de la
Cour du Québec, et que la révocation ou la destitution soit faite sur... pour
cause et après un rapport d'une commission
ou d'un organe indépendant, comme c'est le cas pour les juges de la Cour du Québec
qui sont nommés durant bonne conduite
et qui peuvent être... leur charge peut être révoquée après une enquête d'un
comité de cinq juges de la Cour d'appel du Québec, comme c'est le cas
dans la Loi sur les tribunaux judiciaires.
Le
Président (M. Bachand) :
Alors, merci. Suite au consentement unanime de la commission, je cède maintenant la parole, pour 10 minutes,
à M. Denis Saint-Martin. M. Saint-Martin, s'il vous plaît.
M. Saint-Martin
(Denis) : Merci beaucoup de votre sens du fair-play qui est dans l'ADN de cette institution, et je suis désolé pour la confusion. Merci de me donner l'occasion
d'éclairer vos propos sur la réforme de la nomination du chef de l'UPAC, de la SQ et du DPCP. Je vais
concentrer mes propos sur l'UPAC parce que ma modeste expertise se situe
dans le champ de la lutte à la corruption.
Mon éminente
collègue vous a fait part des problèmes légaux, voire constitutionnels, que soulève
l'implication de la branche législative
dans la nomination du chef de la lutte à la corruption, et je partage, en
partie, ses préoccupations, mais Martin Montesquieu, ça fait
300 ans, on est en 2019.
Pour ma part,
je suis professeur de sciences politiques et je regarde les choses à travers... pas le
droit, comme elle le fait dans sa discipline, dans la mienne, c'est à
travers le concept de légitimité, et je m'intéresse à la légitimité des institutions
et de leur contribution à l'ordre social et politique. Et, en lisant le projet
de loi n° 1, je me suis bien rendu compte
qu'il était en effet question de recherche de légitimité. On veut changer le
mode de nomination du dirigeant de l'UPAC pour renforcer la confiance du
public dans ses institutions.
Et, pour être sûr que j'avais bien
compris les objectifs recherchés, je suis allé lire le discours inaugural du
nouveau gouvernement qui a présenté
le projet de loi n° 1 comme un moyen de dépolitiser les nominations, de
façon à ce que les dirigeants des trois organismes visés aient, et je cite, une
indépendance pleine et entière aussi bien dans les faits qu'en apparence. Et je suis pleinement d'accord avec cet
objectif et surtout d'accord avec les mots utilisés par le premier ministre.
Une indépendance aussi bien dans les faits
qu'en apparence car c'est bien vrai qu'en matière d'indépendance des agences de lutte à la corruption à travers la planète, on
est dans le domaine des perceptions, des apparences et pas des faits objectifs
et mesurables qui parlent d'eux-mêmes.
Ça
veut dire que l'indépendance d'un organisme comme l'UPAC, c'est quelque chose
de pas mal subjectif, et il faut en
convenir. Pour certains, l'UPAC est déjà pleinement indépendante avec son mode
de nomination actuel. Ça, c'était l'opinion
de la majorité qui était présente ici avant les dernières élections et c'est
une opinion tout à fait justifiable d'un point de vue institutionnel, légal et de la propreté de la séparation
des pouvoirs, comme ma collègue l'a bien fait valoir. Mais il y a maintenant une nouvelle majorité qui
pense que l'indépendance de l'UPAC, ça doit passer dorénavant par la participation du pouvoir législatif dans le
processus de nomination et, ça aussi, c'est une opinion tout à fait justifiable
du point de vue de la légitimité.
Et
moi, je ne suis pas capable de vous dire lequel des deux modes est le meilleur,
celui qui existe actuellement et qui
relève strictement de l'exécutif ou celui proposé dans le projet de loi
n° 1. Cette décision, elle est fondamentalement politique. Elle a déjà été tranchée par les
élections, par le vote, comme il se doit dans une démocratie digne de ce nom.
Il n'y a pas de science de la politique ou
de science du droit qui vont être capables de vous dire : Entre les deux,
celle-là, c'est la meilleure. Ce n'est pas vrai. Donc, ça, c'est mon point de
départ pour que les choses soient claires entre nous.
Maintenant
et de façon plus spécifique, j'aimerais regarder deux questions avec vous.
D'abord, d'où vient la règle du deux
tiers, et, deuxièmement, est-ce une règle appropriée pour l'UPAC et les deux
autres? La nomination aux deux tiers vise à dépolitiser, c'est ce qu'on
dit, la nomination du chef de l'UPAC, parce que certains pensent qu'une nomination par le Conseil des ministres, ça peut rendre
le chef de la lutte à la corruption dépendant face au gouvernement, à qui il doit sa promotion dans les plus hautes
sphères de l'État. La règle du deux tiers suppose qu'en impliquant l'Assemblée
dans le processus de nomination on rend les
chefs des agences anticorruption moins dépendants des influences de la majorité
qui détient le pouvoir dans
l'exécutif et aussi dans le législatif. On veut le détacher de l'influence de
la majorité, qui a le pouvoir dans les deux branches, lorsqu'elle a la
majorité, bien sûr.
La règle du deux
tiers, ça vient du Vérificateur général, du Protecteur du citoyen, du Directeur
général des élections, et le présent projet
de loi veut maintenant appliquer aux trois organisations visées dans le projet
la même règle que l'Assemblée a déjà
utilisée auparavant et avec laquelle, vous, les parlementaires, vous êtes
familiers et qui semble avoir
fonctionné, dans le passé, pour donner de la légitimité au Vérificateur
général, au Protecteur du citoyen ou au DGE. Donc, par réflexe, par routine, par manque de temps, par incertitude, on
reproduit, de cette manière, une règle parce qu'elle nous semble la plus
appropriée, la plus légitime.
Mais
la règle du deux tiers a jusqu'ici été utilisée seulement pour des organismes
qui font rapport à l'Assemblée et qui entretiennent avec elle un certain lien
d'imputabilité et de reddition de comptes. Aucun de ces organismes
n'exerce du pouvoir judiciaire ou du pouvoir policier comme les trois visés au
projet de loi n° 1. C'est pourquoi certains, comme Martine, craignent, avec raison, un vrai problème de séparation des
pouvoirs, mais il ne saurait évidemment y avoir aucun lien d'imputabilité ou de contrôle entre l'Assemblée
et les organismes de lutte à la corruption. C'est ça que ça veut dire, être
indépendant.
Là,
vous voulez couper le cordon ombilical avec l'exécutif, «fine», mais vous
coupez en même temps celui avec le
législatif. C'est ça que ça veut dire, indépendant, parce que l'intrusion de
l'exécutif dans les affaires de l'UPAC, ce n'est pas plus acceptable que l'intrusion du législatif. C'est inacceptable
dans les deux cas. Donc, pensez à cette indépendance-là, davantage comparable à celle qu'on fait pour les
banques centrales, hein, qui sont vraiment au-dessus de la mêlée politique et
qui fixent les taux d'intérêt de façon complètement autonome des gouvernements.
Pensez à ce genre d'indépendance là.
Les anglophones parlent d'une quatrième branche de pouvoir, où les organismes
qui sont là-dedans, bien, c'est les
organismes de lutte pour l'intégrité, donc le Vérificateur général, l'UPAC, le
DGE. On les assemble sur «a new
fourth branch of government, the new integrity branch», la nouvelle branche de
l'intégrité. Donc, pensez dans ces termes-là.
Il
ne faut plus jamais que l'Assemblée nationale se trouve dans une position où
elle s'oppose publiquement au chef de
la lutte à la corruption car, là, tout le monde y perd en crédibilité. Ce qu'on
veut, pour le Québec, c'est exactement le
contraire de ce scénario-là. On veut que l'Assemblée soit complètement derrière
son général qui est au front de la guerre à la corruption. C'est de lui montrer votre confiance très majoritairement
qui lui confère une véritable indépendance, dans les faits,
concrètement, plus que la loi et ses principes.
Et,
à cette fin, je recommande au comité de réfléchir à ce que les trois organismes
visés par le projet de loi soient nommés
au quatre cinquièmes de l'Assemblée. Ça, c'est une façon de montrer qu'ils sont
bien différents des deux autres nommés
aux deux tiers, parce qu'ils ont une nature bien différente, et, en même temps,
ça envoie un message de la part de ses élus qui sont complètement derrière
leurs institutions de lutte à la corruption, qui, forment-ils, faut-il le
rappeler, notre premier cordon sécuritaire pour protéger notre société qu'on
aime du cancer de la corruption. Parce que les corrupteurs, eux autres,
ils sont là à attendre les opportunités, et il ne faut pas leur en donner.
• (12 h 10) •
Un
vote aux deux tiers, c'est 66 % ou 82 députés sur 125. D'où je viens,
comme prof, 66 %, c'est autour d'un C. Ce n'est pas la meilleure note qu'on peut avoir. Moi, je pense que le
Québec est capable d'un A, c'est-à-dire 80 % de ses élus qui se commettent à donner leur confiance dans
les dirigeants des agences de lutte à la corruption. Avec la règle aux deux tiers, vous dépolitisez les nominations à
66 %. Avec celle du quatre cinquièmes, vous faites monter ça à 80 %.
Ça ferait du Québec un modèle à suivre à travers le monde.
Évidemment,
ça va demander un beaucoup plus grand travail de votre côté pour trouver un
consensus plus large, mais c'est
justement ça que la population... c'est ce à quoi elle s'attend de vous, que
vous travailliez davantage de façon transpartisane.
Ça, c'est la meilleure façon de générer de la confiance dans le système
politique. Regardez l'extraordinaire travail
que font les femmes députées de vos partis sur les enjeux difficiles comme
l'aide médicale à mourir et les violences sexuelles. Il y a là beaucoup à apprendre car la lutte à la corruption
demande une approche consensuelle semblable pour être véritablement
efficace.
Je ne veux pas abuser de votre temps. Merci
beaucoup de m'avoir donné la parole. Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci infiniment, M. Saint-Martin. Alors, je remercie Me Valois et
M. Saint-Martin de leur présence. Je vous remercie et je vous...
La commission suspend ses travaux jusqu'à
15 h 30 cet après-midi. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 12)
(Reprise à 15 h 41)
Le
Président (M. Bachand) :
Alors, bonjour, tout le monde. À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à
toutes les personnes — comme vous le savez — dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Rappel du
mandat. Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 1, la Loi modifiant les règles encadrant la
nomination et la destitution du commissaire à la lutte contre la corruption, du
directeur général de la Sûreté du Québec et du directeur des poursuites
criminelles et pénales.
Cet
après-midi, nous entendrons la commission... la commissaire... le Commissaire,
pardon, à la lutte contre la corruption et la Sûreté du Québec.
Avant de
débuter, un petit point d'ordre. Vu qu'on a commencé avec un délai, pour... On
a deux groupes de témoins. Si vous
êtes d'accord, j'aimerais avoir le consentement unanime pour que le temps qui
va nous manquer soit ajouté à la séance en donnant à la présidence la
marge de manoeuvre pour avoir les temps globaux pour l'ensemble des groupes
parlementaires. Ça va? Merci beaucoup.
Alors, je
souhaite donc la bienvenue aux représentants du Commissaire à la lutte contre la
corruption. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, et puis après nous procéderons à
la période d'échange avec les membres
de la commission. Je vous invite donc à vous présenter individuellement et à
débuter votre exposé. Et, encore une fois, bienvenue.
Commissaire à la lutte contre la corruption
M. Gaudreau
(Frédérick) : Merci, M. le Président. Donc, je suis Frédérick
Gaudreau, Commissaire à la lutte contre
la corruption par intérim. Je suis accompagnée, à ma gauche, par Me Éric
René, qui est commissaire associé aux vérifications, et à ma droite par
Mme Catherine Beaudry, qui est la secrétaire générale du commissaire.
Merci.
Donc, M. le Président de la commission, Mme la
ministre, Mmes, MM. les députés, je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités aujourd'hui dans le cadre de l'étude du
projet de loi n° 1, donc la Loi modifiant les règles encadrant la nomination et la destitution du
commissaire à la lutte contre la corruption, du directeur général de la Sûreté
du Québec et du directeur des poursuites criminelles et pénales.
Alors, comme
je vous l'ai dit, je me présente : Frédérick Gaudreau, commissaire associé
aux enquêtes en poste depuis juin 2018 et, depuis le
5 novembre dernier, Commissaire à la lutte contre la corruption par
intérim. Je suis accompagné donc de Me Éric René, commissaire associé aux
vérifications, et de Mme Catherine Beaudry, secrétaire générale. Nous sommes heureux de participer aux
travaux de la commission aujourd'hui et de vous déposer par la même
occasion le mémoire du Commissaire à la lutte contre la corruption.
D'abord,
quelques mots sur notre organisation, qui tire ses pouvoirs de la Loi
concernant la lutte contre la corruption,
adoptée en 2011, et qui a institué la charge de Commissaire à la lutte contre
la corruption. Il est important de
souligner d'emblée que le commissaire est également devenu un corps de police
spécialisé dans la lutte contre la corruption en février 2018 à la suite de
l'adoption du projet de loi n° 107 et qu'il forme l'Unité permanente
anticorruption avec des équipes
désignées par le gouvernement, notamment celles de Revenu Québec, la Régie du
bâtiment du Québec et la Commission de la construction du Québec.
L'UPAC
coordonne des actions de prévention et de lutte contre la corruption dans le
secteur public, notamment en matière
contractuelle. En sa qualité de commissaire, la personne nommée a pour
fonctions d'agir à titre de directeur du
corps de police spécialisé dans la lutte contre la corruption, de recevoir et
traiter les dénonciations d'actes répréhensibles, de procéder à des enquêtes afin de détecter la
commission d'actes répréhensibles et de formuler des recommandations au
gouvernement.
Afin
d'exercer ses fonctions d'enquête, de vérification, de prévention de la
corruption, le commissaire doit pouvoir compter sur la confiance du public. Il s'agit d'ailleurs d'un élément
central de notre vision. Afin de mener à bien notre mission, en plus des ressources en provenance des
équipes désignées de l'UPAC, le commissaire compte 166 ressources à
son emploi, prêtées, qui se partagent des
mandats d'enquête, de vérification et de prévention. Pour ce faire, il dispose
d'un budget total de 13,5 millions de dollars.
Au
cours de la dernière année financière, le commissaire a reçu
874 signalements provenant du public. Quelque 22 accusations criminelles et
39 condamnations ont fait suite aux enquêtes criminelles de l'UPAC,
1 500 avis concernant l'intégrité
des entreprises qui souhaitent obtenir des contrats avec l'État ont été émis,
et, enfin, plus de 1 200 personnes ont participé aux activités
de prévention du commissaire.
En ce qui a
trait au projet de loi, il touche directement le commissaire puisqu'il a pour
objet principal de modifier le mode
de nomination et de destitution du Commissaire à la lutte contre la corruption,
du directeur général de la Sûreté du
Québec et du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Il s'agit certes
d'un débat démocratique légitime, et nous sommes d'avis qu'il revient ultimement aux parlementaires de l'Assemblée
nationale d'en décider. En ce sens, le
commissaire respecte le rôle des parlementaires et entend faire preuve
de prudence dans la mesure où il est tenu à un devoir de réserve dans la manifestation publique de ses opinions et à un
devoir de neutralité. Toutefois, nous serons heureux de répondre aux questions des membres de la commission à l'issue de cette présentation et d'ainsi
collaborer avec cette dernière à l'atteinte du même objectif,
soit celui de maintenir le lien de confiance des citoyens envers nos institutions.
À l'UPAC, ce
sont quatre principes qui guident nos actions au quotidien : la
transparence, la neutralité, l'indépendance
et la compétence. Quatre principes essentiels pour maintenir la confiance des citoyens
envers nos institutions et qui
prennent tout leur sens dans le cadre de l'étude du projet de loi. Une mission nous a été confiée par les citoyens, nous nous permettons
donc d'insister sur le fait que la corruption est non seulement
un crime grave, mais également
une menace contre la démocratie,
puisqu'elle mine la confiance de la population, entre
autres à l'égard des institutions publiques.
En
conséquence, en plus de respecter le droit criminel et les droits fondamentaux,
il est primordial pour l'UPAC de
limiter ses interventions dans la sphère démocratique à son mandat de
lutte contre la corruption. À cet égard, le commissaire souhaite
profiter de son passage devant la Commission des institutions afin de réitérer
son engagement envers le principe de l'indépendance
policière et rappelle qu'il respectera rigoureusement ses obligations
en matière de reddition de comptes publique, qu'il s'agisse notamment
de l'étude des crédits budgétaires, de la présentation publique de son
rapport annuel de gestion et de sa collaboration avec le comité de surveillance
de l'UPAC. Il s'agit là d'une autre manifestation
de ce nécessaire équilibre entre la réalisation de la mission
policière et le respect de la démocratie, un objectif
auquel l'UPAC demeure dédiée.
Nous sommes conscients que certains événements
des dernières années ont pu affecter la confiance de la population envers l'UPAC.
Ainsi, nous nous en remettons au choix des élus, dont c'est la prérogative de
déterminer les moyens législatifs nécessaires afin de répondre aux
attentes des Québécoises et des Québécois quant à cet enjeu.
Pour leur
part, le commissaire et les équipes désignés, réunis au sein de l'UPAC,
continueront à se concentrer sur leur mission, soit prévenir la corruption,
émettre des recommandations, mener des enquêtes criminelles et
pénales, procéder à des vérifications et communiquer des avis au sujet de l'intégrité
des entreprises qui souhaitent conclure des contrats avec l'État. Je souhaite que notre organisation soit un modèle de lutte contre la corruption afin de protéger
l'intégrité de l'État et de maintenir la confiance des citoyens
envers les institutions publiques. Comme je l'ai rappelé lors de la présentation de notre rapport annuel de
gestion publique, en décembre dernier, les Québécoises et les Québécois
sont en droit de s'attendre à ce que notre organisation offre le
meilleur.
Je vous remercie donc à nouveau, M. le Président,
de nous avoir invités à nous joindre à vos travaux de la Commission des institutions. Je vous remercie pour
votre écoute, et nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre aux questions des parlementaires.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci infiniment, M. le commissaire. Alors, nous allons débuter la période d'échange en débutant avec les membres du groupe ministériel. Alors, avec un temps
alloué de 23 min 13 s. Mme
la ministre, s'il vous plaît.
Mme Guilbault : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, madame messieurs, d'être ici aujourd'hui. Évidemment, on est
tous très intéressés par ce que vous pouvez avoir à nous dire sur le projet de loi, étant très directement concernés par le projet de loi en question.
Alors, un grand merci de vous être déplacés et d'être parmi nous cet
après-midi.
Je vous ai...
je sens, comme vous le dites si bien, un grand devoir de réserve et de
neutralité à travers l'essentiel des
propos que vous avez tenus, on sent que vous voulez maintenir une certaine
distance par rapport aux opinions que vous pourriez émettre, là, sur le choix que ferait le législateur
quant au mode de nomination et de destitution, et j'entends bien ce souci-là que vous avez de garder le devoir de réserve et de neutralité. Donc, je vais
vous poser certaines questions, mais sentez-vous bien à l'aise, là,
d'invoquer ce même devoir de réserve si vous jugez que c'est nécessaire.
Je vous ai
entendu nommer plusieurs valeurs d'importance, tant pour vous que pour nous et
que probablement pour tous les parlementaires, donc, l'indépendance, la
neutralité, la compétence, l'importance de maintenir le lien de confiance avec le public, l'importance, pour le
commissaire, de pouvoir compter sur la confiance du public pour bien mener
sa mission. Alors, évidemment, toutes ces
valeurs-là, je l'ai déjà dit à l'occasion des discussions avec les groupes qui
vous ont précédés, ce sont
effectivement des valeurs, des notions qui ont animé notre travail dans
l'élaboration du projet de loi.
Et j'aimerais
savoir, selon vous, compte tenu justement de cette importance qu'on reconnaît
tous de renforcer au maximum la
confiance, le lien de confiance avec le public, l'apparence de neutralité,
d'indépendance, est-ce que vous croyez,
au final, que la modification du mode de nomination et de destitution du
commissaire à l'UPAC pourrait contribuer
à rehausser ces importantes valeurs et ces importants bienfaits qui sont
recherchés par le projet de loi?
• (15 h 50) •
M. Gaudreau
(Frédérick) : Merci, Mme la ministre, de votre question. Dans les faits,
fondamentalement, vous comprendrez
que je vais me garder quand même une certaine réserve pour éviter d'émettre une
opinion quant à ce que j'en pense personnellement. Cependant, je vous dirais, comme gestionnaire de l'unité actuellement, et comme citoyen notamment,
et également comme, je vous dirais, personne
impliquée directement dans la lutte contre la corruption, il va de soi que tout ce qui sera, évidemment, décidé et discuté ici entre les députés, tout ce qui va, en bout de
ligne, améliorer la confiance des citoyens envers les institutions, pour
nous, évidemment, on va être d'accord avec ça.
L'issue des travaux, évidemment,
vous appartient en tant que députés, et je vais m'en tenir, donc, à cette
prudence-là dans mes réponses. Mais
ultimement, si le souhait, c'est d'améliorer, donc, la confiance, évidemment,
on n'est pas contre.
Mme Guilbault : Merci
beaucoup. Je vais aborder un autre
point aussi qu'on a entendu déjà, encore
une fois, dans les groupes qui ont
précédé et qui est régulièrement soulevée par une collègue ici sur le profil de
la personne qui peut
être nommée commissaire à l'UPAC. Actuellement, c'est prévu dans
les critères, là, le règlement sur les critères de la personne...
je n'ai pas le nom par coeur du règlement, mais les critères de sélection du commissaire à
l'UPAC sont prévus dans un règlement
et laissent la latitude à ce que la personne puisse être issue du milieu policier ou puisse
être un civil.
Est-ce que
vous, vous avez une opinion là-dessus? Je sais que vous êtes personnellement un ancien de la sûreté du
Québec et maintenant à l'UPAC, alors... bien, un ancien, en tout cas, je ne sais pas si vous... peut-être que vous avez conservé votre statut à la Sûreté du Québec, mais, bref, vous avez connu les deux, alors avez-vous une opinion sur
la chose, que ce soit vous personnellement ou au nom de l'institution qu'est l'UPAC? Que pensez-vous de l'opportunité
de maintenir cette possibilité d'avoir deux profils pour la personne qui est à la tête de l'UPAC ou... est-ce qu'on devrait privilégier un ou l'autre?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Donc, pour répondre à votre question, à cet égard-là, je
vous dirais, j'ai même trois profils, en ce
sens que, quand j'ai quitté la Sûreté
du Québec, j'ai joint les rangs de l'Autorité des marchés financiers, donc, évidemment, je n'étais plus policier à ce moment-là et j'ai joint les rangs de l'UPAC suite à la création du corps
de police, donc je suis redevenu, effectivement, policier.
Cependant,
au-delà, je pense, de la provenance ou de l'affiliation de la personne,
je pense qu'avant tout c'est de viser les
compétences qui sont recherchées pour le poste. Évidemment, l'UPAC étant une organisation
composée de différentes équipes, en
provenance, notamment, de plusieurs partenaires, que j'ai nommés tout à l'heure, fondamentalement, ça
prend quelqu'un qui est capable d'avoir le leadership puis la
capacité de mobiliser les gens vers l'atteinte de l'objectif,
donc, qui est la lutte contre la corruption.
Évidemment, considérant le fait qu'il y a
une gestion d'enquêtes à faire, enquêtes pénales
et criminelles, assurément, sans me prononcer personnellement sur le type de
compétences que ça prend, je pense qu'effectivement quelqu'un qui a nécessairement un background, je vous dirais, dans le domaine
pourrait être certainement un avantage. Maintenant, ce qui est déjà
prévu dans la loi actuelle... il y a
une série de compétences qui sont déjà prévues... évidemment
correspondent un peu au profil, donc, de la personne qui devrait occuper
normalement le poste.
Cela
dit, il appartiendra quand même — je reviens à ça — aux parlementaires ici réunis de décider en
bout de ligne quelle sera la
provenance de la personne. Mais ultimement, je reviens à ce que je vous disais
tout à l'heure, c'est vraiment une question de compétences avant
l'affiliation.
Mme Guilbault : Parfait, merci beaucoup. Peut-être un autre
point, qu'on a aussi régulièrement abordé, c'est sur la question du mandat, la durée du mandat. Dans le
projet de loi, il est prévu que... bien, évidemment, le mandat du commissaire
de l'UPAC et à durée fixe de sept ans, non
renouvelable, même chose pour le DPCP. Pour la Sûreté du Québec, il est de 10 ans maximum, donc des mandats renouvelables
de cinq ans maximum, renouvelables une fois, donc jusqu'à un maximum de 10 ans. Et il y a eu des
discussions, là, sur justement cette question de la durée du mandat. Il y
avait, derrière la différence pour le
mandat de la Sûreté du Québec, le souci de dire : Une personne entre deux
âges, si on peut s'exprimer ainsi,
pourrait être inquiétée d'une fin de carrière prématurée si elle fait le choix
de postuler l'emploi de directeur, par exemple
à 39 ans, ou à 42 ans, ou à 44 ans, et se retrouver début
cinquantaine avec une fin de carrière obligée, du moins comme directeur général de la Sûreté du Québec,
alors là, la difficulté peut-être de trouver un autre emploi, et tout ça. Donc,
la suite finalement de sa carrière devenait un enjeu. Et je me suis demandé,
moi : Est-ce que, selon vous — puis
comme vous avez été aussi à la sûreté, peut-être,
encore une fois, que vous aurez une opinion sur la chose — est-ce que, selon vous, il y a vraiment
une différence, en termes de difficulté de poursuivre sa carrière, après un mandat de
direction à la Sûreté du Québec versus à l'UPAC? Est-ce qu'il y a un
fondement à traiter ces deux postes-là, les deux durées, les deux mandats
différemment, selon vous?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Sur l'aspect
de la durée, encore une fois, je
pense que je peux prendre mon expérience
personnelle pour revenir là-dessus.
Moi, j'ai décidé de démissionner de la Sûreté
du Québec avant 20 ans de
service pour aller accomplir un
travail ailleurs, et donc de mettre à profit mes compétences dans
un domaine qui était non policier. C'est une décision, je pense, qui
appartient à l'individu avant tout.
Donc,
nécessairement, sans me prononcer sur les objectifs qui sont précisés dans le
projet de loi n° 1, notamment sur la durée, je pense que ce qui est
important, encore une fois, je reviens là-dessus, c'est que si la personne
dispose notamment des compétences et de
l'intérêt pour occuper la fonction, nécessairement cette question-là va être
réservée, donc, aux parlementaires
dans la mesure où... En fait, ce que je veux dire par là, c'est que la personne
qui décide d'appliquer ou de soumettre
sa candidature, finalement, pour un poste comme, par exemple, celui de
Commissaire à l'Unité permanente anticorruption,
bien, c'est un choix en fonction de ses objectifs de carrière personnels et non
basé sur, par exemple, le fait que ça pourrait mettre un terme à sa
carrière pour une question d'âge, en tant que telle.
Mme Guilbault :
Merci beaucoup. Je pense que ça fait le tour pour moi. Je vais laisser du temps
pour mes collègues de l'équipe ministérielle. Alors, merci encore.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup,
Mme la ministre. Du côté... oui, M. le député d'Ungava, s'il vous plaît.
M.
Lamothe : Bonjour. Vous parliez tantôt de compétences avant
affiliation. Vous ne pensez pas que le lien de confiance serait meilleur de la population vis-à-vis un policier plutôt
qu'une personne civile, si on veut, à la tête de l'UPAC?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Écoutez, à cet égard-là, je pense, ce serait plutôt de
poser la question notamment aux citoyens.
En ce qui me concerne personnellement, s'il y a une personne qui est compétente
puis qui correspond aux critères qui sont décidés, qui seront décidés, en bout
de ligne, pour l'embauche d'une personne, si la personne correspond, en fait, si elle a une compétence pour occuper le
poste, encore une fois, je reviens à ce que je disais tout à l'heure, l'affiliation, pour moi, n'a pas nécessairement
d'importance. Je pense que c'est une question de confiance en la personne,
si elle est capable de diriger des enquêtes,
ce qui est fondamental, donc, si elle dispose de cette compétence-là, tant
mieux.
M.
Lamothe : Mais vous ne pensez pas que le lien de confiance de la
population vis-à-vis un policier ne serait pas meilleur, non?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Bien, écoutez, j'ai eu l'occasion de travailler dans des
organismes d'enquête policière puis
également d'enquête pénale et administrative, puis j'ai eu des patrons qui
n'étaient pas nécessairement policiers aux deux endroits, donc, si je peux me permettre, donc, une opinion
personnelle à cet égard-là, je pense que si la personne, encore une
fois, répond aux critères de compétence, la population sera en droit d'avoir
confiance.
Le
Président (M. Bachand) : ...questions du côté du parti
ministériel? Non? Oui, M. le député de Nicolet-Bécancour, s'il vous plaît.
M. Martel :
Vraiment, pour comprendre, là. Tantôt, vous avez parlé des valeurs de
l'UPAC — puis ce
n'est pas sarcastique, là, je veux
vraiment comprendre — vous
avez dit, une de ces valeurs-là, c'était la transparence, puis là, je me disais : Comment... tu sais, on peut
comprendre, dans une organisation, qu'ils veulent être transparents, mais il y
a un bout de votre travail qui est
justement de ne pas être trop transparents. Je voudrais comprendre pourquoi
vous... c'est quoi, la valeur de transparence que vous énoncez, là?
M.
Gaudreau (Frédérick) : Quand je fais allusion à la transparence, en
fait, c'est pour... lorsqu'évidemment c'est requis notamment de rendre des comptes aux institutions, comme, par
exemple, l'étude des crédits, où on doit notamment démontrer quelle a été notre performance, comment
on utilise évidemment les fonds qui nous sont octroyés, donc, jusqu'à un certain point, il faut être transparents
là-dedans, sur l'utilisation de ces ressources-là qui nous sont octroyées.
Alors, évidemment, je comprends que
vous faites peut-être allusion justement au monde des enquêtes en tant que
telles. Évidemment, il va de soi
qu'il est très important, même fondamental de garder une très grande
confidentialité au niveau de la conduite de nos opérations. Alors,
évidemment, cette transparence-là s'axe beaucoup plus sur notre reddition de
comptes qu'on doit faire, donc, aux institutions.
• (16 heures) •
M. Lamothe :
Une dernière petite question. Je comprends la réserve que vous avez par rapport
à ce qu'on propose pour le prochain
directeur de l'UPAC, mais je vais vous poser la question un petit peu à
l'envers : Si on allait dans le
passé, est-ce que vous avez senti que juste... Parce que, si on présente ça,
c'est parce qu'on veut améliorer les choses, on pense qu'il y a des choses qui étaient déficientes puis on essaie de
réparer ça. Est-ce que, selon vous, votre perception des dernières années,
est-ce que vous avez senti peut-être un peu moins de confiance, je vais parler
des députés du gouvernement et de
l'Assemblée nationale, mais aussi peut-être de la population en général? Est-ce
que vous avez senti ça que, par rapport à l'Assemblée nationale, vous
aviez peut-être moins la confiance comme organisation?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Évidemment, cette confiance... Puis il faut comprendre,
je suis arrivé — d'ailleurs,
Me René et moi sommes arrivés en même temps — le
26 juin 2018, donc, c'est assez récent. Si je me base sur mon observation, donc, depuis que j'ai joint les rangs
du commissaire, évidemment, puis ma perception même avant d'y aller, je vous dirais que j'avais quand même, moi,
nécessairement, un niveau de confiance élevé parce que j'ai décidé d'y aller.
Alors, d'abord et avant tout, pour moi, c'était important de dire : Quand
je joins les rangs d'une organisation comme l'UPAC,
c'est sûr que je ne veux pas non plus aller... À un moment donné, ce n'est pas
comme de dire : Bien, je vais me jeter
dans un trou, là. Ce n'est pas ça du tout. Moi, j'avais confiance, je me suis
dit : Cette organisation-là, elle a une mission fondamentale qui
est de lutter contre la corruption, et c'est pour ça, donc, que j'ai joint.
Alors,
à ce moment-là, moi, comme citoyen, maintenant comme commissaire par intérim,
je vous dirais que mon observation à cet égard-là, évidemment, il y a
des choses qui se sont passées, on ne les nie pas, mais je vous dirais qu'au-delà de ça on est en mesure en ce moment de
livrer notre mission avec les moyens dont on dispose et on le fait dans les règles de l'art. Et c'est de cette façon-là
qu'on va réussir, justement, à améliorer notamment la confiance des citoyens
ou des élus à notre égard.
Le Président (M. Bachand) : D'autres questions du côté du gouvernement? Ça
va? Alors, je vais me tourner maintenant
vers l'opposition officielle pour une période de 15 min 29 s.
Alors, Mme la députée de l'Acadie, s'il vous plaît.
Mme St-Pierre :
Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Lorsque l'UPAC a
été créée, c'était un organisme qui était inspiré du New York City Department
of Investigation, et, à ce moment-là, c'est ce qui avait motivé le gouvernement
d'amener cette Unité permanente
anticorruption, et la mettre en
place, et de faire en sorte qu'on puisse progresser. Est-ce que vous voyez aujourd'hui, dans
votre organisation, des éléments qui se démarquent du New York City Department of
Investigation? Est-ce qu'il y a des choses qui sont différentes ou est-ce qu'il y a des choses qui vous manquent par rapport à ce corps policier
là?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Très bonne question.
Dans les faits, le modèle américain, pour le peu que j'en connais jusqu'à
présent... Vous comprendrez, bon, que ça fait quand même une courte période
de temps que je suis arrivé au sein de
l'UPAC. Cependant, je voudrais dire qu'on se démarque, et ça, non seulement du modèle américain, du modèle dont vous avez fait mention pour New
York, mais de d'autres endroits. En
fait, si on regarde au Canada, on est pas mal un modèle unique, mais en
termes de prévention.
Je pense
que l'approche de l'UPAC est assez avant-gardiste. On est très proactifs, notamment,
avec des alliances avec le Secrétariat du Conseil du trésor, notamment
avec les ministères, les organismes, les municipalités, pour aller rencontrer les gens, donc que ce soient des gens
qui sont titulaires d'une charge publique ou bien des donneurs d'ouvrage
et même les entreprises qui désirent contracter avec le gouvernement. Donc, nous sommes très proactifs à cet égard-là. Et je
vous dirais qu'on se démarque visiblement par rapport à ça.
Les études, je
dirais, comparatives qu'on fait en ce moment, on les fait plus avec les organisations
qui sont à l'extérieur, donc, du continent, notamment
les Australiens, les Belges, avec qui on échange régulièrement pour essayer,
donc, d'optimiser notre approche. L'objectif
étant toujours de dire : Si on réussit à prévenir, bien, il y aura nécessairement moins d'actes répréhensibles qui seront commis. Je
vous dirais donc, là-dessus, effectivement, je sens une démarcation puis
un leadership de la part des gens de l'UPAC.
Mme
St-Pierre :
Donc, il n'y a pas d'éléments, dans l'organisme new-yorkais, qui pourraient...
qui vous manquent dans votre... Parce que, là, vous comprenez qu'on ouvre une
loi. Alors, s'il y a des choses à nous suggérer, il faut nous le dire tout de suite. Et est-ce qu'il y a des outils qui vous manquent dans ce que vous faites comme travail,
à l'unité, l'Unité permanente anticorruption?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Bien, je vous dirais, sur une base comparative, ça
serait hasardeux pour moi de m'avancer là-dessus. Je vous dirais qu'en ce
moment, avec ce que j'ai, moi, comme constat depuis que je suis arrivé, notamment
depuis la mise en place du corps de
police, qui vise, donc, à se spécialiser dans la lutte contre la corruption,
nous sommes en train de travailler sur la
mise en place de ce corps de police là, et donc ça va nécessairement éveiller
certains éléments qui vont probablement
nous manquer, à ce moment-là, comme dans toute création de corps de police. Essentiellement, pour le moment, on est vraiment en
mode construction, et je vous dirais qu'il y aurait peut-être un moment donné où on s'apercevra qu'effectivement il y a
peut-être des choses qui pourraient être améliorées à cet égard-là. Mais
pour le moment ça va quand même bien.
Mme St-Pierre :
Au plan de vos relations de travail, on a entendu bien des choses à l'intérieur
de l'organisation, des frustrations, des départs. Est-ce que ça, ça
s'est placé?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Au niveau des relations de travail, effectivement, je
vous dirais, de mon constat personnel, du
moment que je suis arrivé, en juin, évidemment, bon, avec les vacances d'été,
tout ça, mais on l'a plus constaté à
l'automne, je n'ai pas senti vraiment de problématique avec une... je vous
dirais, de ce que j'avais entendu, là, je vous dis, de l'oreille d'un externe, je n'ai pas entendu de problématique qui
pouvait s'apparenter avec ce que j'avais entendu. Je constate, moi, que
ça va bien en ce moment. Il y a, évidemment, eu des changements dans l'équipe
de gestion.
Cela dit, les gens
qui sont attitrés à la mission au quotidien, ce sont des gens qui sont engagés,
et ça, dans les trois secteurs, que ce soit
la prévention, la vérification ou le mode enquête, et moi, ce que je vois au
travail, là, peut-être parce que
moi-même, je suis quelqu'un de souriant, là, mais c'est des gens souriants que
je croise, des gens qui sont heureux de
rentrer le matin puis d'accomplir leur mission. Donc, si je me fie à ce
qualimètre-là, je dirais, d'humeur, ça va très bien en ce moment.
Mme St-Pierre :
La commission Chamberland, dont vous avez certainement entendu parler, a fait
une recommandation, recommandation n° 7, et l'Association des directeurs de police, qui est venue ici, en
commission parlementaire, a relevé cette recommandation-là et nous a
fait des suggestions. Donc, la recommandation est : «Encadrer
législativement les communications directes
entre les autorités [policières] et la direction du corps de police dont elles
sont responsables, de même que les
demandes d'information qu'elles peuvent formuler.» Est-ce que vous avez des
commentaires à faire sur cette recommandation de la commission
Chamberland?
M. Gaudreau
(Frédérick) : À cet égard-là, je vous dirais, pour vivre le modèle
UPAC, présentement, où il y a absence,
donc, je vous dirais, de lien ou de contact avec ce que je pourrais qualifier,
moi, de politique, si on veut, c'est déjà
bien établi, ça va bien. Alors, essentiellement, je pense qu'une organisation
policière qui peut avoir ce type d'indépendance là, effectivement, c'est
quelque chose de sain, je vous dirais, en termes de gestion.
Mme St-Pierre :
Est-ce qu'une organisation policière ne devrait jamais avoir de contacts
directs avec le politique, c'est-à-dire soit le chef du gouvernement ou le
titulaire du poste de ministre de la Sécurité publique?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Bien, je le vois en deux volets. Je vois le volet, donc,
reddition de comptes, qui, pour moi, est fondamental, donc, dans la mesure où
évidemment... Comme, par exemple, le Commissaire à la lutte contre la corruption doit rendre des comptes. Il faut que le
canal soit ouvert à cet égard-là, notamment pour la gestion budgétaire, gestion des ressources qui nous sont octroyées.
Bref, on a une série d'obligations qui, je pense, sont fondamentales dans
tout régime démocratique. Cependant, au
niveau des enquêtes, donc la partie plus opérationnelle, évidemment que ça,
je pense qu'il faut qu'il y ait absolument...
Mme St-Pierre :
Mais j'entends par là aucun contact. Ça, vous dites que c'est... Il y a quand
même une reddition de comptes qui doit se faire.
M. Gaudreau (Frédérick) : Oui.
Mme St-Pierre :
Donc, vous n'avez pas eu... Est-ce que vous avez eu des rencontres avec soit le
chef du gouvernement ou la ministre de la Sécurité publique depuis que vous
êtes en poste?
M. Gaudreau (Frédérick) : Non.
Mme St-Pierre :
O.K. Puis le fait de ne pas en avoir, est-ce que vous avez l'impression que ça
vous donne encore plus d'indépendance?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Bien, écoutez, moi, je pense que ça va de soi que ça
assure une indépendance. Mais, cela
dit, je n'ai pas eu, justement, aucun contact à cet égard-là. Donc, on a une
liberté d'agir dans la mesure, évidemment, qu'on respecte les
différentes lois qui nous encadrent. Oui, effectivement.
• (16 h 10) •
Mme St-Pierre :
La ministre a fait référence à l'âge que pourrait avoir un candidat ou une
candidate pour devenir directeur ou
commissaire et par rapport à son avenir professionnel. Vous, ce n'est pas
quelque chose qui vous a motivé? Et
est-ce que, d'après vous, c'est quelque chose dont on devrait tenir compte?
Moi, personnellement, je trouve que ce n'est pas quelque chose dont on devrait
tenir compte. Je pense, M. et Mme
Tout-le-monde, à la maison, ne pensent pas non plus qu'on devrait tenir compte de cela. Mais est-ce que vous
considérez que c'est un élément qui devrait être analysé dans notre projet
de loi? Je sais que vous ne voulez pas parler de notre projet de loi, mais vous
êtes là pour ça.
M. Gaudreau (Frédérick) : Effectivement,
je me garderais une réserve à cet égard-là. Par contre, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, moi-même,
je pense, je suis un modèle différent de ça. Alors, c'est
normal que, je pense que, quelqu'un qui veut joindre les rangs d'une organisation quelconque, qu'elle soit policière ou autre, fait un choix de carrière qui lui appartient. Donc, au-delà de
dire, par rapport à l'âge en tant que tel, si la personne répond
aux critères qui sont établis,
disons, par vous ici, je pense que l'âge ne devrait pas être un critère. Mais
c'est mon opinion personnelle.
Mme St-Pierre :
La population, l'opinion publique en général a quand même froncé les sourcils à
quelques reprises, au cours des derniers
mois, des quelques années, dernières années, par rapport à l'UPAC. Comment avez-vous... Croyez-vous
que vous avez rétabli ce lien-là avec l'opinion publique? Sinon, qu'est-ce qui
vous reste à faire pour le rétablir?
M. Gaudreau (Frédérick) : Vous
touchez quelque chose ici de fondamental pour moi. Dans mon quotidien, je tente de m'assurer justement
de rétablir ce lien de confiance là. Ce serait de mettre, effectivement, la tête dans le sable que de
nier qu'il y a eu, je vous dirais, des gens qui avaient des
opinions défavorables à l'égard de l'UPAC. Cependant, ce que je tiens à
vous préciser ici, c'est que je veux assurer d'abord vous, les députés,
mais en même temps tout le
monde, que les gens qui exécutent la
mission au quotidien sont vraiment investis pour les bonnes raisons d'atteindre les objectifs de la mission. Et je profite de cette tribune, ici, pour vous dire que l'ensemble
des équipes qui mettent la main à la pâte à tous les jours au niveau de l'UPAC, que ce soient les employés permanents
de l'UPAC ou des équipes désignées, sont convaincues de... pourquoi ils
rentrent le matin et pourquoi ils font leur travail.
Et je pense
que, pour moi, c'est important de rassurer, d'abord et avant tout, vous,
les élus, mais en même temps la population qu'on fait notre travail d'une façon extrêmement professionnelle et que, oui, on travaille pour améliorer, justement,
ces liens de confiance là. Je vous dirais que la création du corps de police, notamment,
et les travaux qu'on fait présentement pour, si on veut, évoluer, vont contribuer nécessairement
à ça. On va améliorer notamment notre façon de communiquer, autant à l'interne qu'à l'externe, pour, justement,
passer les messages de façon adéquate. Donc, je vous dirais, il
y a des actions que l'on fait dans le
quotidien qui vont permettre, en fait, je le souhaite ardemment, de rétablir
ce lien de confiance là.
Mme St-Pierre : M.
le Président, mon collègue va poursuivre. Il a des questions de son côté.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci, Mme la députée de l'Acadie. M. le
député de LaFontaine,
s'il vous plaît.
M. Tanguay : Oui. Merci
beaucoup d'être présents pour répondre à nos questions. Dans votre mémoire, vous dites que le type d'enquête... vous soulignez
un fait : «...le type d'enquêtes que nous menons est complexe et peut être long.» Et vous terminez, page 7, en
disant plus loin : «...certains événements ont pu affecter la confiance de la population envers l'UPAC...» Dans un article de décembre
2018, vous aviez refusé de répondre à une question quant à Mâchurer, vous avez
dit, et je vous cite : «Il est préférable de rester très prudent et ne pas
répondre à ce type de question.» Fin de la citation.
J'aimerais
savoir, vous, à l'interne, à vos enquêteurs, comment vous vous gouvernez? J'ai,
à titre d'exemple, en mémoire ce que Me Murphy du DPCP avait dit à ses
procureurs. Elle avait dit : Là, on rentre dans un sous-marin puis on ne s'occupe pas de ce qui se dit dans les
médias puis les influences externes. Vous, que dites-vous, à l'interne, quant
à cette importance-là que vous traduisiez en décembre 2018?
Le Président (M. Bachand) : J'aimerais juste rappeler que c'est une enquête
en cours, donc que tout le monde doit être extrêmement prudent dans ses
commentaires, dans ses questions et dans ses réponses.
M. Tanguay : ...d'ailleurs,
c'est mon point.
Le Président
(M. Bachand) : Alors, M. le commissaire, à vous de
répondre. Merci.
M. Tanguay : C'est mon
point.
M. Gaudreau
(Frédérick) : Vous savez, effectivement, j'ai refusé de répondre à la question lors de la conférence de presse, en décembre, et, pour moi, il est fondamental de garder ce niveau de discrétion et de confidentialité là au niveau de la conduite de nos enquêtes. Jamais on ne va tolérer que des informations soient
transmises à l'externe sur nos enquêtes en cours, ça va nuire notamment à la confiance que les citoyens ont à notre
égard. Pensons seulement aux gens qui signalent un acte de corruption et qui, nécessairement, vont se fier sur le traitement confidentiel de leurs signalements pour éventuellement, bon, que ça tourne en enquête
ou, à la limite, en vérification. Donc, ça, c'est un point fondamental.
Deuxièmement, il va de soi que la conduite même
de nos enquêtes par nos enquêteurs, il y a des techniques qui sont déployées pour notamment
atteindre les objectifs, pour évidemment monter un dossier. Ça va compromettre les
différentes techniques. Ultimement, nous, on enquête. C'est les gens du DPCP
qui vont analyser le dossier, l'évaluer puis
déterminer si, oui ou non, ça doit aller devant les tribunaux. S'il y a des
éléments de l'enquête qui sont divulgués pendant l'enquête, ça va nuire au travail du DPCP, qui est pour nous un
partenaire fondamental dans la réalisation de nos activités.
Donc, essentiellement, ce qu'on fait, évidemment, c'est un rappel aux gens de faire très attention
à l'information qui peut être communiquée à l'externe et d'agir en
toute confidentialité. D'ailleurs, les gens, lorsqu'ils prêtent serment, prêtent
serment avec la confidentialité attachée à ça. Donc, essentiellement, pour nous, c'est un élément fondamental de le rappeler au
quotidien à nos gens.
M. Tanguay : Et je ne veux pas vous faire répondre à une
question ou tenter de vous faire répondre à une question hypothétique, mais y
voyez-vous là, sur cette logique-là, un équilibre important
si, le cas échéant, le projet de loi
était adopté, d'aventure, s'il était
adopté, une sorte de drapeau rouge sur jusqu'où les parlementaires
peuvent ou ne peuvent pas aller quant à un processus de nomination
où les candidats passeraient et seraient interrogés par la députation? Les questions ne devraient donc, en respect de ce principe-là,
ne tenir que sur le type de candidature, mais ne pas aller au niveau des orientations, ne pas
descendre, donc, la joute des enquêtes dans la joute partisane et politique.
Est-ce que vous y voyez là, donc, aussi, puis, encore une
fois, ce n'est pas une question hypothétique, mais un équilibre qu'on devra
nécessairement garder en tête, le cas échéant, si le projet de loi est adopté?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Je vous dirais
que là-dessus, je préfère garder une certaine réserve quant à ma réponse.
Je laisserais fondamentalement le travail de réflexion à vous à cet égard-là.
Il va de soi que j'ai déjà mentionné précédemment que je voyais une distinction entre une reddition
de comptes qui doit être faite publique, parce qu'on est un organisme
qui est financé par les deniers publics, versus du contenu ou des stratégies
d'enquête. Donc, nécessairement, pour
moi, je vous dirais ultimement,
jusqu'à quel niveau se rendre dans l'analyse des candidatures, je vous
laisserais ça à votre...
M. Tanguay :
Est-ce que, pour un député, de questionner la longueur trop longue, la longueur
d'une enquête, est-ce que, selon
vous, c'est respecter cet équilibre-là? Est-ce qu'il revient à un député de
questionner la longueur d'une enquête qui, selon lui, n'aboutit pas?
Seriez-vous à l'aise à répondre à une telle question?
M. Gaudreau (Frédérick) : Vous
mentionnez si je serais à l'aise de répondre à une telle question...
M. Tanguay : Oui.
Pourquoi ça prend autant de temps?
M. Gaudreau
(Frédérick) : ...dans l'éventualité où... Bien, dans les faits, la
réponse à ce type de questions là, elle
est, d'une façon plus large, le fait que c'est des enquêtes extrêmement
complexes. Donc, essentiellement, il est difficile de dire qu'une enquête A versus l'enquête B ou
l'enquête C va prendre 10 mois, 20 mois dans l'autre cas. C'est du
cas par cas. C'est très, très difficile de se prononcer, même dans le cadre des
enquêtes actives. Donc, essentiellement... Écoutez, je vous laisserais tout de même... Je me garderais,
encore une fois, un devoir de réserve là-dessus, à savoir jusqu'à quel
niveau, donc, les gens formant le comité pourraient poser des questions.
Cependant, je vous rappelle que c'est très difficile et hypothétique pour moi de répondre sur
la durée des enquêtes dans la mesure où, d'une enquête à l'autre, ça varie
énormément pour plusieurs facteurs.
Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de LaFontaine. Je me tourne
maintenant vers le deuxième groupe d'opposition, pour une période de 3
min. 52 s. Mme la députée de Duplessis, s'il vous plaît.
Mme Richard : Merci, M. le Président. Peut-être juste une question de précision. Le
temps qui n'a pas écoulé, du côté du gouvernement, est-ce qu'on peut le
rapatrier?
Le
Président (M. Bachand) : Ça prend un consentement unanime.
Mme Richard : On le vérifie? Est-ce qu'il y aurait consentement pour que je puisse
utiliser le temps non utilisé?
Le Président (M. Bachand) : Est-ce
qu'il y a consentement unanime? Il n'y a pas de consentement unanime. Il n'y a
pas de consentement. Merci.
Mme Richard : C'est refusé. Bon, dommage. Bonjour, madame messieurs, bienvenue à
l'Assemblée nationale. Je vais
essayer de maximiser le peu de temps que j'ai devant moi. Dans un premier temps,
je vais vous dire, M. Gaudreau, je tiens quand même à vous le dire, vous
êtes beaucoup moins flamboyant que votre ex-patron qui, lui, s'en
donnait à coeur joie pour aller dans les
médias, ce qui a sûrement contribué au fait que la population n'a pas eu confiance
et n'a toujours pas, je pense, confiance en l'Unité permanente
anticorruption. Ce que je trouve dommage.
Vous ne pourrez
peut-être pas me donner la réponse, je vais quand même vous la demander, parce
que votre prédécesseur, lui, il n'était pas
avare, souvent il mettait la barre très haut, mais ça n'arrivait pas. Est-ce
que pour ce qui est de l'enquête
Mâchurer, l'enquête sur la Société immobilière du Québec, on prévoit en 2019
que ces enquêtes vont finir par aboutir? Parce que ça aussi, ça mine la
confiance de la population.
• (16 h 20) •
M. Gaudreau
(Frédérick) : Écoutez, je pense que cette question-là, la réponse,
pour moi, elle est conséquente à ce
que j'ai déjà dit dans le passé. Je préfère ne pas discuter d'enquêtes en
cours, évidemment, pour les raisons dont je vous ai évoqué tout à l'heure, c'est-à-dire de protéger, justement, à partir
du dénonciateur jusqu'aux techniques d'enquête. Je préfère
garder ça, donc, confidentiel.
Mme Richard : Mais vous comprenez que, si je vous pose cette question-là, c'est avec
toutes les fuites qu'il y a eu à l'UPAC de la part des gens qui étaient à...
qui travaillaient à l'Unité permanente anticorruption. On parlait donc,
écoutez, d'un climat qui y régnait, que c'était un climat dévastateur, des
fuites des employés mêmes de l'UPAC, des enquêtes
que le DPCP rejetait du revers de la main parce que les gens n'avaient pas fait
leur travail, ou autres. On a évoqué toutes sortes de raisons.
Puis,
ceci étant dit, je comprends votre réserve. Vous êtes arrivé, c'est tout
récent, à l'UPAC, vous savez qu'il y a eu
un rapport qui a été extrêmement dévastateur. Moi, je veux bien, je veux bien
vous croire que vous nous dites que le climat de travail s'est amélioré, que ça va beaucoup mieux, que les enquêtes
vont se poursuivre. Au-delà de ça, il y a quand même eu un rapport qui a
été dévastateur, je tiens à vous le rappeler.
Est-ce qu'il y aura
un prochain rapport? Est-ce que vous pensez qu'il pourrait y avoir un prochain
rapport? Est-ce que les recommandations ont
été suivies? Et est-ce que c'est réel que le climat de travail a changé à
l'UPAC? Est-ce que c'est vrai que les
gens n'ont pas peur, comme ils disaient, du boss en haut? C'est un petit monde,
hein? Même à la Sûreté du Québec, à l'UPAC, tout le monde se connaît, tout le
monde a des liens. Ce climat de terreur, est-ce qu'il est fini à l'UPAC? Est-ce que les gens travaillent en
collaboration avec toutes les... Parce que, même dans le rapport, il y a beaucoup de choses qui ont été caviardées, là, qu'on
n'a pas pu voir, hein? Il y avait beaucoup plus de noir que de phrases
qu'on pouvait lire. Donc, ça, ça s'appelle de l'opacité aussi. Et j'ai vu que
vous croyez beaucoup à une certaine transparence, à une reddition de comptes, à
une confiance.
Comme parlementaire,
je n'ai pas beaucoup de temps. Dernière question. Est-ce que — libre
à vous de me répondre ou pas — ça n'aurait pas été pertinent d'avoir
M. Lafrenière en commission parlementaire pour, justement, être capable de savoir ce qui s'est passé puis de quelle
façon il a quitté? Ça reste... en tout cas, moi, comme parlementaire, ça me reste extrêmement perplexe par rapport à
l'Unité permanente anticorruption de ce qu'on voulait et de ce qu'on a eu.
M. Gaudreau
(Frédérick) : Donc, pour
répondre à votre question, évidemment, je crois qu'il va de soi que c'est le... je pense que c'est le rôle de la commission
de décider, là, d'inviter, ou autres. Donc, moi, je ne peux pas répondre,
malheureusement, à cette question-là, mais je tiens quand même à revenir sur
l'aspect du climat de travail. Moi, personnellement, ce que je constate depuis que je suis là, et d'ailleurs
mes collègues pourraient en témoigner, ça va
bien, ça va bien, puis les gens sont heureux au travail.
Mme Richard : Dernière question. Est-ce
qu'on aura un rapport pour réellement,
écoutez, en prendre connaissance
et voir que les choses se sont réellement...
Comme je vous dis, je veux bien croire votre parole, là, mais il y a
eu un rapport dévastateur. Est-ce qu'on aura un rapport qui viendra faire
en sorte de dire : Telle, telle recommandation a été suivie, voici ce qui a été apporté comme correctifs?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Votre question
est très bonne. Je vous dirais qu'en ce moment, depuis d'ailleurs
la création du corps de police, il y a eu la mise en place d'un comité de surveillance
des activités de l'UPAC, et le comité de surveillance — évidemment,
je ne parlerai pas pour eux — travaille activement, donc, sur leur
mandat et pourront probablement être une façon pour nous, donc, de venir faire
une autre forme de reddition de
comptes à votre égard pour, justement,
vous démontrer les améliorations notamment par rapport au climat de travail.
Mme Richard : Merci. Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci, Mme la députée de Duplessis.
Je me tourne maintenant vers le troisième
groupe d'opposition, avec un temps qui leur est alloué de
3 min 52 s. M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci. Merci de votre présence. Comme vous l'avez
entendu, troisième groupe
d'opposition, donc, à part de
ne pas être au gouvernement, le défaut d'être troisième groupe d'opposition,
c'est qu'il y a plusieurs bonnes questions qui ont été posées avant qu'on arrive à nous.
J'avais des questions sur les mandats à la SQ, le sept ans, une question sur rebâtir la confiance, mais
vous avez déjà bien répondu. Je ne veux pas faire de la redite.
Je vais prendre
un petit peu du temps qui m'est imparti et, la balance, je le
céderai volontiers à mon collègue de Chomedey, s'il le veut bien, peut-être
pour que vous nous fassiez un peu d'éducation populaire pour nous expliquer qu'est-ce que le comité de surveillance de l'UPAC et quels liens vous entretenez avec
celui-ci en matière de reddition
de comptes. Puis vous avez expliqué que c'était un dossier intéressant. Vous
parlez dans votre conclusion que les études de crédits budgétaires, la présentation
publique du rapport que vous avez faite en décembre... mais le comité de
surveillance de l'UPAC, je pense qu'il est peut-être moins connu du
grand public. En quoi ça consiste?
M. Gaudreau
(Frédérick) : Je vous dirais, sommairement, le comité de surveillance
de l'UPAC a pour mandat notamment
de... je m'en allais dire... utiliser le mot «auditer», mais de vérifier nos
activités, notamment administratives, notamment
sur la conduite de nos enquêtes, évidemment, pas sur les enquêtes en tant que
telles, mais la conduite de nos enquêtes, la façon dont on gère les
différentes équipes, autant les équipes qui sont des employés qui font partie
du commissaire que les équipes dédiées.
Donc,
essentiellement, je vous dirais... Évidemment, je me garde une réserve, aussi,
pour ne pas répondre pour le comité
de surveillance, qui sont, soit dit en passant, indépendants et autonomes, là,
dans leur gestion. Mais nous, en
tant que, je vous dirais, comité de
direction, on a à rendre des comptes au comité de surveillance sur une certaine
fréquence.
Le comité de
surveillance a d'ailleurs un agenda avec des rencontres planifiées, et ils
viennent nous rencontrer, ils nous posent des questions, et nous, on
doit donc ouvrir nos livres à ce comité-là pour qu'il puisse, donc, apprécier et à la limite nous proposer des façons de faire
différentes. Donc, essentiellement, ça vient de commencer, c'est tout récent.
Nous collaborons entièrement avec le comité
de surveillance, en ce moment, et je vous dirais que l'ensemble des ressources
sont d'ailleurs tenues de collaborer avec le comité de surveillance, et ça va
très bien à cet égard-là.
M. Leduc : Il est composé de
combien de personnes, ce comité?
M. Gaudreau (Frédérick) : Trois
personnes.
M. Leduc : Trois personnes
nommées par le ministère, j'imagine?
M. Gaudreau (Frédérick) :
Écoutez, c'est une bonne question, je... oui, par le gouvernement.
M. Leduc : Ça va être tout. Si
je peux céder mon temps à monsieur...
Le Président (M.
Bachand) : Juste, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous
rappeler que ça prend un consentement
unanime, mais, si vous n'avez pas de consentement unanime, vous perdez près de
1 min 30 s de temps. Donc, est-ce que
vous êtes prêt à prendre le risque? O.K. Est-ce qu'il y a consentement unanime
pour transférer le temps du... Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : Oui? Parfait.
Des voix : ...
M. Ouellette : Donnez-moi une
demi-heure, là, mais je n'en ai pas besoin, de toute façon.
Le
Président (M. Bachand) : O.K.
S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, M. le député de
Chomedey, s'il vous plaît.
M. Ouellette : Merci, M. le Président. M. Gaudreau, Me
René, bonjour. Vous savez, le mandat de la Commission des institutions
s'est toujours porté sur la gouvernance de l'UPAC et non pas sur les enquêtes.
À chaque fois que la commission
a eu à recevoir le commissaire, que ça soit en crédits ou que ça soit dans le
cadre de ses auditions, ça a toujours été
pour questionner que ce soit le climat de travail ou la gouvernance de l'unité,
sachant fort bien que les enquêtes, ça doit rester à vous, ça doit
rester confidentiel à vous. Et ça va être encore comme ça aujourd'hui.
Et
je ne pense pas que le forum actuel, parce qu'on étudie le projet de loi
n° 1 sur le mode de nomination, est le bon forum. Vous l'avez mentionné dans votre mémoire que le bon forum
sera l'étude des crédits, et il y a d'autres façons, soit de vous faire
revenir devant la Commission des institutions pour parler de gouvernance.
Et,
étant très conscient de votre devoir de réserve sur le mode de nomination,
bien, je n'aurai pas besoin du temps qu'on
veut bien, tout le monde, me donner. Je n'aurai pas de question sur le mode de
nomination, M. le commissaire. Et parce
que c'est encore mon mandat, étant membre de la Commission des institutions, je
réserverai toutes mes questions de
gouvernance pour l'étude des crédits. Donc, j'en fais déjà l'annonce à Mme la
ministre, qu'à l'étude des crédits on va parler de gouvernance à l'UPAC.
Ça fait que je n'ai pas de question pour le mode de nomination, M. le
commissaire.
Le
Président (M. Bachand) : J'essaie de rappeler au député de
Chomedey qu'il y a encore trois minutes qui lui étaient allouées, mais
alors donc...
M. Ouellette :
Puisqu'il me reste trois minutes, M. le Président, je veux juste demander
à Mme la ministre...
Le
Président (M. Bachand) : Juste un instant! Un instant! Non, M.
le...
M. Ouellette :
...
Le
Président (M. Bachand) : ...laissez-moi terminer.
M. Ouellette :
O.K. Excusez.
Le
Président (M. Bachand) : Il vous reste trois minutes pour
les témoins.
M. Ouellette :
Ah!
Le Président (M. Bachand) : Alors donc, je vous laisse... Je vous rappelle
que vous avez trois minutes pour les témoins. Si vous ne voulez pas
prendre votre temps, il n'y a pas de problème.
M. Ouellette : J'ai effectivement trois minutes pour les
témoins, mais on attendait les réponses de la ministre.
Le
Président (M. Bachand) : On n'est pas en débat, on n'est pas en
débat ici.
M. Ouellette :
Non, non. Mais, non, non, non.
Le
Président (M. Bachand) : On a des témoins. Par respect des témoins,
s'il vous plaît. Ça va?
M. Ouellette : Ce n'est pas mon intention, M. le
Président, de faire un débat. J'attendais une réponse de la ministre sur le rapport de l'Association des directeurs de police.
Le Président (M. Bachand) : ...par respect pour
les témoins. Alors, si vous avez une question, on va régler ça. Alors, s'il n'y a pas d'autre
question pour les témoins de la part du député de Chomedey, j'aimerais vous
remercier d'avoir été ici aujourd'hui. C'est très, très, très apprécié.
Et
puis, cela dit, je vais lever la séance en attendant le nouveau groupe de témoins.
Merci.
(Suspension de
la séance à 16 h 29)
(Reprise à 16 h 37)
Le Président (M. Bachand) : Alors, merci
beaucoup. La commission
va reprendre ses travaux. Avant d'entendre le groupe des témoins, je voudrais laisser la parole au député de
Chomedey qui avait une question en fin de session. Alors, M. le député de
Chomedey, s'il vous plaît.
M. Ouellette :
On a juste réglé, M. le Président, ce qui avait été discuté lors de la visite
de l'Association des directeurs de police,
suite à une étude qu'eux-mêmes avaient faite, qui a été envoyée au ministère
de la Sécurité publique. Et, dans le
sens de mon intervention d'avant suspension, je pense qu'avec Mme la ministre il n'y a pas d'objection à ce qu'on puisse demander personnellement à
l'Association des directeurs de police de nous soumettre une copie de leur rapport
sur les critères des directeurs de police
dans les différentes municipalités pour que... juste pour les besoins de tous
ceux qui nous écoutent cet après-midi.
Ils, semblerait-il, sont nombreux.
Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le
député de Chomedey. Ça va pour ce point?
Alors,
nous allons débuter avec le deuxième groupe de témoins de cet après-midi. Donc,
je souhaite la bienvenue aux
représentants de la Sûreté du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, et puis, par après, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre
exposé et, encore une fois, bienvenue.
Sûreté du Québec (SQ)
M. Prud'homme (Martin) : Martin Prud'homme, directeur général à la Sûreté
du Québec. Bonjour, M. le Président. Mme
la vice-première ministre, ministre de la Sécurité publique, bonjour. Mmes et
MM. les députés, bonjour à tous. Je suis
accompagné aujourd'hui du directeur général adjoint, M. Yves Morency, à ma
gauche et ma directrice de cabinet, Mme Liette Abel-Normandin.
Je
tiens, en premier lieu, à remercier la Commission des institutions de m'avoir
invité à participer aux consultations particulières
sur le projet de loi n° 1. Dans mon allocution, je vais tenter de vous
décrire brièvement le rôle au quotidien du directeur général et aussi de vous faire part de mes réflexions sur
les aspects de ce projet de loi touchant la Sûreté. J'espère que mes différentes expériences vécues dans les
dernières années, comme directeur général de la Sûreté, mais également comme
directeur du SPVM, pourront être bénéfiques pour cette commission.
Ce
projet de loi découle d'un débat démocratique nécessaire, selon moi, car ces
dernières années, la confiance des
citoyens envers des institutions policières et leurs dirigeants a été quelque
peu ébranlée à la suite de divers événements. La Sûreté est tout à fait consciente du fait que les citoyens du Québec
et leurs élus réclament plus de transparence à tous les niveaux et l'assurance d'avoir les meilleures
personnes à ces postes clés. Ainsi, la Sûreté adhère aux objectifs et aux principes
de ce projet de loi. Il viendra renforcer les processus de nomination et de
destitution. Ceux-ci apporteront plus d'adhésion au regard des personnes
nommées et ils donneront plus de légitimité aux titulaires de ces charges. Je comprends donc la volonté du gouvernement
d'introduire un processus de
sélection clair dans ce projet de loi. Il permettra toujours d'avoir une
personne qualifiée et apte pour occuper la chaise de directeur général.
• (16 h 40) •
D'abord,
M. le Président, en guise de mise en contexte, permettez-moi aujourd'hui de vous décrire sommairement ce
que représente la fonction d'un directeur
général de la Sûreté du Québec. Mon objectif est de vous apporter un éclairage sur sa réalité et ses enjeux. Au Québec, il y a
30 services de police municipaux, de niveaux 1 à 5. Ces organisations ont l'obligation de demander assistance à la Sûreté lorsque
les événements excèdent leurs responsabilités. La Sûreté étant la seule organisation policière de niveau 6, cela confère à son directeur général des responsabilités accrues. Elle doit, entre autres, contribuer à l'intégrité et la sécurité de
l'État, coordonner des opérations policières d'envergure, soutenir la communauté policière et assurer
l'utilisation sécuritaire des réseaux de transport.
Elle
est également responsable et surtout imputable de la grande coordination de la lutte
contre le crime organisé. M. le Président, pas besoin de vous expliquer
la situation présente des motards hors-la-loi au Québec. Je parle, à titre d'exemple, de trafic de drogues, du blanchiment
d'argent, de l'infiltration de l'économie légale et de leurs nombreuses démonstrations de force dans les endroits publics.
Ce sont des exemples qui risquent, à tous les jours, de miner le sentiment
de sécurité des citoyens du Québec. Dans ce
domaine, M. le Président, c'est au directeur général de s'assurer d'avoir le
bon niveau de sécurité avec ses partenaires
afin de maintenir un sentiment de sécurité acceptable au Québec. D'autres exemples pourraient s'ajouter, dont la
coordination provinciale de la lutte contre l'exploitation sexuelle des
enfants, mais le temps aujourd'hui nous limite.
Par
contre, il faut se rappeler que la Sûreté du Québec dessert
1 039 municipalités et qu'elle compte 8 000 employés.
Ceci oblige son directeur général à faire de
nombreux déplacements pour rencontrer ses employés. Cette réalité demande
une planification non pas en termes de
semaines, mais bien en termes de mois, de par l'ampleur de son territoire. M.
le Président, la Sûreté est l'un des
derniers remparts de sécurité au Québec, et la marge d'erreur pour son
directeur n'est pas possible, ce qui exige certainement un haut niveau
de leadership.
Voici
maintenant quelques commentaires ponctuels relativement à certains des articles
proposés dans le projet de loi n° 1. Notre premier commentaire vise
l'importance du comité de sélection. M. le Président, il m'apparaît idéal d'intégrer, dans la loi, un comité indépendant
chargé de sélectionner les candidats. Ainsi, peu importe le candidat qui sera soumis
aux deux tiers, nous serons assurés d'avoir une personne qualifiée pour occuper
ce poste et être en mesure de répondre à ses nombreuses exigences.
Notre
deuxième commentaire vise la durée du mandat du directeur général. À son entrée
en fonction, ce titulaire doit bien
souvent faire des réformes, des réorganisations, donner de nouvelles
orientations et, à l'occasion, changer la culture afin de maintenir un haut niveau de performance. À ce sujet, mon
expérience à la Sûreté et mon passage au SPVM m'ont obligé à faire de grands changements qui ont exigé des sommes de
temps considérables. Dans une organisation comme la Sûreté, en considérant
l'étendue de son territoire, l'ampleur de la charge de travail, le roulement quotidien
et la réponse aux nombreuses urgences,
l'implantation de ces changements exige beaucoup et demande des années de
travail pour assurer leur réussite.
Après
cette phase d'implantation suit la phase de consolidation et de stabilisation
qui se mesure en années et qui est essentielle. M. le Président, ne pas
respecter cette période de stabilisation condamne une organisation comme la Sûreté à tout recommencer. C'est donc pour cette
raison principale que le mandat d'un directeur général doit nécessairement être
plus long que sept ans. En fait, il
doit certainement être d'au moins 10 ans, mais j'ajouterais que, dans
certaines circonstances, il pourrait le dépasser.
Bien entendu, un grand principe
demeure essentiel : peu importe la durée d'un mandat, cela ne doit jamais
obliger l'Assemblée nationale à
travailler avec une personne qui n'est pas la bonne ou qui, en cours de route,
ne serait plus la bonne personne.
Humblement soumis, M. le Président, gérer la plus grande force de l'ordre au
Québec dans le domaine de la sécurité
publique exige de considérer une panoplie d'imprévus. Aujourd'hui, nous vivons
dans une paix sociale relativement stable, mais, dans d'autres circonstances, sans
règle d'exception prévue, un gouvernement pourrait être obligé de changer son directeur général dans un contexte opérationnel
inadéquat ou bien encore dans une situation où il y a un manque flagrant de
relève.
J'ajouterais
un dernier point, M. le Président, et je veux vous en parler pour l'avoir
constaté au SPVM. Il est très néfaste
de déterminer une date ultime de fin de mandat, pour un directeur général, sans
possibilité de renouvellement. Cela
s'appelle un début de course à la chefferie, ce qui pourrait causer un tort
considérable dans une organisation comme la Sûreté. Dans un monde hiérarchique, policiers ou forces armées, il
est préférable de ne pas indiquer à l'avance la date de fin de son premier
dirigeant. Souvent, lorsque c'est annoncé, dans ses deux dernières années, ce
même dirigeant perdra une partie de son leadership, et cela pourrait
être néfaste dans la gestion et la mobilisation de ses troupes.
Notre
troisième commentaire vise le renouvellement du mandat du directeur général. Je
suis confortable avec l'idée d'un
renouvellement. Par contre, je considère que le directeur doit pouvoir faire
son travail sans jamais se questionner sur sa cote de popularité, mais plutôt sur sa cote de performance en lien
avec ses responsabilités. Les parlementaires devraient appuyer le renouvellement du mandat d'un directeur
en considérant, entre autres, ses obligations de résultat, ses redditions
de comptes et ses évaluations de
performance. En procédant ainsi, le renouvellement serait nécessairement plus
objectif et rejoindrait certainement une des préoccupations exprimées
par le Barreau à cette même commission.
Comme
dernier commentaire, M. le Président, il serait important de protéger
l'identité des candidats jusqu'à la fin des processus. Dans le cas contraire, certains pourraient ne pas
postuler face au risque de mettre leur siège actuel en jeu. En terminant, M. le Président, je tiens à
mentionner à la commission que ce que j'apporte aujourd'hui comme commentaires,
je le fais en toute transparence, pour le futur, et non à titre
personnel, car je m'en voudrais de ne pas échanger avec la commission des
expériences que j'ai vécues ces dernières années, autant à la Sûreté du Québec
qu'au SPVM.
Je vous remercie, M.
le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le directeur
général. Alors, nous allons passer à période d'échange
avec les membres de la commission. Nous allons d'abord débuter avec les membres
du parti ministériel pour une période de 23 min et 13 s, et je
cède la parole à Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme Guilbault : Oui, merci, M. le Président. Merci beaucoup,
M. Prud'homme. Merci à vous trois, encore une fois, d'être ici
aujourd'hui parmi nous.
Je
comprends que vous êtes favorables, essentiellement, au projet de loi ou, du
moins, vous êtes d'accord avec l'idée que ce projet de loi là va contribuer à
renforcer l'apparence de neutralité et d'indépendance et donc, par conséquent,
du moins, on l'espère, à rétablir la
confiance du public dans nos institutions policières, qui a été, encore une
fois, à tort ou à raison, là, des fois, écorchée dans les médias dans les
dernières années, dans les médias et dans les débats publics en général.
Alors, merci pour le point de vue que vous nous avez partagé.
J'ai
quelques points que je souhaite aborder avec vous. Sur, entre autres, la durée
du mandat, vous l'avez d'ailleurs abordée
vous-même, j'ai questionné à peu près tous les groupes qui sont venus nous voir
sur cette épineuse question, parce que
ce n'est pas simple, là, cette question-là du mandat. Actuellement, il est
prévu, comme vous le dites, un mandat d'un maximum de 10 ans, renouvelable. C'est le seul poste, parmi les
trois qui sont couverts par le projet de loi, pour lequel cette notion de renouvellement est prévue. Et vous
souligner que c'est pertinent d'avoir la possibilité d'être renouvelé,
avec les modalités, là, qu'on connaît, donc par un vote aux deux tiers de
l'Assemblée.
Et, en même temps,
vous dites qu'avoir une durée fixe peut nuire au leadership de la personne dans
les deux dernières années. C'est un argument
qui se tient. Maintenant, ne pas avoir de durée fixe, ça devient difficile,
surtout qu'on a un enjeu
d'harmonisation, là, qu'on essaie de maintenir avec les deux autres postes.
Donc, est-ce que le directeur général de
la Sûreté du Québec pourrait, davantage que les deux autres dirigeants, DPCP,
UPAC, être touché par des problèmes de leadership durant les dernières
années de son mandat s'il y a une durée fixe? Est-ce que ce ne serait pas le
même problème partout? Tu sais, j'essaie de
voir comment on peut concilier tout ça, qui n'est probablement pas exclusif à
la Sûreté du Québec comme problème.
Et
donc, au final, avez-vous une recommandation... Selon vous, quelle pourrait
être la durée, si on ne garde pas le 10 ans avec des mandats de cinq ans
renouvelables? Avez-vous une idée de ce qui pourrait être approprié ou
intéressant pour le D.G. de la Sûreté du Québec?
M. Prud'homme (Martin) : Merci, Mme la ministre. Bien entendu, je vais
tenter de résumer. J'aurais beaucoup de... J'aurais une longue réponse à
donner, mais, vous savez, j'ai un...
Mme Guilbault :
...excusez, on a quand même... On a combien de temps?
Le
Président (M. Bachand) : Vous avez du temps, M. le directeur
général.
Mme Guilbault :
Oui, c'est ça, vous pouvez élaborer.
• (16 h 50) •
M. Prud'homme
(Martin) : Merci. Merci
beaucoup. Vous savez, j'ai eu une expertise que j'ai vécue à la Sûreté du
Québec. J'arrive en poste en 2014, dans une situation très particulière, et je
fais une grande réorganisation de la Sûreté. Pour en nommer juste une,
décision que j'ai prise, de couper de 25 % le taux d'encadrement.
Donc,
aujourd'hui... J'ai rentré en 2014 à la Sûreté avec 400 officiers-cadres.
Aujourd'hui, on est environ 300. Alors,
ça demande énormément de temps, réorganiser, changer une culture, et je l'ai
vécu à la Sûreté du Québec dans un contexte qui était déjà plus
favorable que celui du SPVM. Alors, aujourd'hui, en 2019, je vous dirais, après
près de quatre ans et demi, je peux
considérer que la première phase de réorganisation, là, et de mise en place à
la Sûreté, là, est pratiquement complétée.
Maintenant, ce que je vous dis, c'est qu'on a déjà vécu, à
la Sûreté, des changements comme ça, des changements pas complétés, et, même à la blague, nos employés
nous ont souvent dit : Réforme un, réforme deux, réforme trois, là, vous allez faire quoi, M. Prud'homme? Ça ne
fonctionnera pas. Alors, je pense que la phase qui suit ça, c'est de stabiliser
et de vivre cette nouvelle réorganisation là, et, encore une fois, ça
demande quelques années de stabilisation.
Maintenant,
moi, je pense qu'il y a un zéro-cinq ans, un cinq ans, 10 ans pour établir
puis stabiliser l'organisation.
À travers ça, on demande à un directeur général, une personne comme moi aujourd'hui, puis ça sera quelqu'un d'autre plus tard, de préparer une relève, donc de
préparer des candidats aptes un jour à appliquer dans un processus, et qui sera
sélectionné par le nouveau projet de loi, et de faire un transfert adéquat, et d'annoncer au gouvernement notre propre départ. Alors,
pour moi, essentiellement, je pense, et je ne le dis pas à titre personnel,
je pense qu'un 10 ans, c'est un minimum que ça demande, et je suggérerais certainement peut-être une possibilité, tout
dépendamment du contexte, de quelques années supplémentaires.
Maintenant,
si je fais le même exercice avec le SPVM, les gens m'ont souvent dit :
M. Prud'homme, vous êtes arrivé
en 2018 et, en une année, vous avez réglé la problématique. Moi, ce que je
considère qu'on a réglé au SPVM, ce n'est qu'une problématique de lien de
confiance avec la population et, pire encore, avec nos employés. Nos employés
n'avaient plus confiance du tout envers l'organisation puis l'état-major du
SPVM. Et quand vous avez dit, d'entrée de
jeu, Mme la ministre, «à tort ou à raison», je vous dirais : À raison, les
gens n'avaient pas confiance au SPVM, avec tout ce qui se passait.
Alors, on a rétabli le lien de confiance en
grande partie en une année, mais c'est tout à bâtir et à construire avec les... J'ai soumis 13 recommandations à
la ville de Montréal. Donc, mon remplaçant, M. Caron, a beaucoup de travail
à faire dans les prochaines années, parce
que ne serait-ce que la moindre petite erreur sur le lien de confiance, ça va
être à recommencer et rebâtir tout ce qui s'est fait.
Alors, humblement soumis de mon expérience, je
considère qu'un sept ans serait vraiment une erreur, pour un directeur, de penser que cette même personne-là
pourrait faire de grands changements et stabiliser l'organisation. Alors,
c'est pour ça que, dans mon mémoire, je mentionne une possibilité d'un minimum
de 10 ans, et c'est sans compter le contexte
dans lequel on peut se retrouver dans une dizaine d'années. Moi, je considère
qu'un gouvernement, que vous, les
élus, vous devriez avoir cette possibilité-là de vous garder une réserve de
dire, dans un contexte... Puis je ne veux pas rien dramatiser, mais on a connu des contextes d'un Lac-Mégantic, on a
connu des contextes qui pourraient être encore même pires. De faire un changement du directeur général qui, à tous les
jours... puis, si on veut le comparer avec le DPCP ou on veut le comparer avec le commissaire de
l'UPAC, ce sont tous des postes importants, à la seule différence près,
c'est qu'à la Sûreté du Québec vous avez 8 000 employés qui
travaillent sept jours, 24 heures.
Moi, les
problèmes comme directeur, là, il y en a à tous les jours. À tous les jours, le
téléphone sonne et, à tous les jours, on doit corriger des problèmes et on doit
vous rassurer. À travers ça, on tente également de réorganiser et faire
des changements. Et mon collègue, qui est à
côté de moi, me disait, puis je le laisserai en parler tantôt, mais une année à
la Sûreté, là, ça passe excessivement vite. Et je le conçois, que la
problématique, du départ à la fin, ça vaut pour toutes les organisations, mais, si le directeur a devant lui un temps un peu
plus grand, je crois qu'il pourrait lui-même, par son professionnalisme, aviser ses autorités et de
dire : Maintenant, je crois que la Sûreté, après huit ans, neuf ans,
10 ans, 11 ans, 12 ans,
elle est prête à passer à une autre étape. Et je pense que le directeur aurait,
à ce moment-là, la responsabilité d'aviser le gouvernement et de dire :
Bien, la relève est identifiée, la relève est prête, et je pense que vous
pourriez passer à un autre directeur.
Mais il y a certainement, et je le vis, là, une compression et une pression que
je vis à tous les jours, de me dire : Moi, Martin Prud'homme, comme
directeur, lorsque je vais arriver à la fin de mon terme, est-ce que je vais
avoir livré et est-ce que je vais avoir
laissé en héritage une organisation qui est en santé ou je vais l'avoir fait à
moitié ou aux trois quarts? Alors,
c'est ma réflexion de mon expérience de mes quatre années et demie, et j'ai eu
certainement la chance de vivre deux
organisations qui n'étaient pas en parfaite condition de santé en 2014, à la
Sûreté, et encore moins au SPVM, quand j'ai pris la responsabilité,
l'année dernière.
Alors, bien
entendu, si vous me dites : M. Prud'homme... Bien, moi, je vous
dirais : Je pense qu'on devrait avoir une ouverture d'être capable
de déplafonner le 10 ans, bien entendu, Mme la ministre et M. le
Président.
Mme Guilbault : Merci. Bien, c'est vrai, ce que vous dites, il
faut quand même... pour mettre en contexte, vous avez, comme vous dites, près de 8 000 employés, et, au DPCP,
ils sont à peu près 1 200, à l'UPAC un peu plus de 150. Donc, c'est sûr que proportionnellement, quand on
regarde, ce n'est vraiment pas la même taille d'organisation. Et, quand on pense, par exemple, à un mandat de sept ans
maximum non renouvelable pour l'UPAC et le DPCP, pour des organisations,
comme je disais, d'un peu plus de 150, respectivement, et
1 200 employés, on peut penser que c'est légitime que bien accomplir son mandat, pour une organisation de près
de 8 000 employés, requiert davantage de temps, d'autant plus, comme vous dites, qu'on doit des
fois faire des réformes, amener des changements organisationnels importants.
Est-ce que,
dans ce contexte-là puis, encore une fois, avec le souci d'harmonisation du
fameux sept ans, est-ce qu'un mandat
de sept ans renouvelable une fois, donc pour une durée maximum de 14 ans,
pourrait vous paraître intéressant?
M. Prud'homme
(Martin) : Moi, Mme la
ministre, M. le Président, je réponds spontanément, à la question, oui, parce
que je crois que ça donnerait la chance à un directeur, après avoir consolidé,
stabilisé son organisation, de préparer la relève et pas nécessairement de se rendre
jusqu'à sa dernière journée, comme dans un mandat de 10 ans, et d'annoncer
à son gouvernement, un jour, de dire : Je considère qu'après peut-être
11 ans, 12 ans, 13 ans, la relève est prête. Et ça enlèverait cette pression-là au quotidien d'un
directeur professionnel. Je pense que le prochain... Je me considère comme
une personne professionnelle. Ça enlèverait cette pression-là d'être capable de
livrer adéquatement une organisation.
Je
suis moralement convaincu qu'on va toujours devoir, dans une organisation
policière de cette ampleur-là, faire des
modifications. Les enjeux, les phénomènes explosent, le phénomène d'exploitation
sexuelle. Il y a toujours quelque chose
de nouveau, il y a toujours... et je vais le dire, il y a toujours des
intempéries, il y a toujours des problématiques d'autoroutier. Vous le
savez, on en a vécu, puis je vous donnerais l'exemple de l'autoroute 13.
Mais c'est une réalité, il y a toujours quelque chose à modifier et à changer
pour répondre à vos besoins.
Alors,
moi, je considère que ça serait quelque chose qui serait très positif pour un
directeur, puis une organisation comme la Sûreté du Québec, et même, pour
l'avoir vécu, une organisation semblable, le SPVM, effectivement.
Mme Guilbault :
Merci beaucoup. Je vais vous amener sur un autre point. Vous savez, encore une
fois, c'est quelque chose qu'on abordé, là,
couramment avec les groupes qui vous ont précédés, la question du profil de la
personne qui occupe cet emploi-là, à la fois pour l'UPAC et pour le D.G. de la
Sûreté du Québec. Actuellement, il est prévu que, pour l'UPAC, ce peut être un policier ou un civil.
Les critères de sélection pour le futur directeur général de la Sûreté du
Québec, ils vont être prévus dans un règlement qui n'est pas encore élaboré,
mais la loi prévoit qu'il le sera. Et donc il y aura aussi la possibilité, si
on le souhaite, que le D.G. de la Sûreté soit de profil policier ou civil.
Avez-vous
une opinion, vous, sur la chose? Quel est le meilleur profil, selon vous?
Est-ce qu'on devrait avoir les deux possibilités ou est-ce qu'on devrait
exclure l'un ou l'autre?
M. Prud'homme (Martin) : Mme la ministre, bien entendu, je crois... puis
je me suis prononcé publiquement à plusieurs
reprises, j'ai toujours donné la réponse que la meilleure personne dans un
poste clé, un poste important, serait la bonne réponse. Et ma réponse,
essentiellement, va être, bien entendu, entre un policier ou une personne
civile qui a l'expertise, qui a la même
compétence, pour moi, un ou l'autre pourrait répondre aux exigences. Bien
entendu, M. le Président, gérer une
organisation de 8 000 employés, avec une pression médiatique, une
pression de livrable, essentiellement, comme critère, ça demande une expertise de gestion, là. Ça ne serait pas de
rendre un service à quelqu'un de lui donner la responsabilité d'une organisation comme la Sûreté, avec tout ce qui
vient avec, sans avoir, premièrement, une expérience assez grande de
gestion.
Maintenant,
par la suite, essentiellement, une expérience dans le domaine judiciaire, dans
le domaine de la police et une
expertise apte... quelqu'un qui est capable de prendre des décisions. Et, dans
mon domaine, comme directeur, régulièrement,
je n'ai pas personne pour me donner une orientation puis de me dire : Oui,
prend la décision. La vitesse d'exécution est trop rapide.
Maintenant,
je pense qu'on peut trouver des personnes qui ont cette même expérience là dans
le domaine civil. Il ne faut pas éliminer, selon moi, cette
possibilité-là. Je reviens toujours à dire que le projet de loi, pour moi, est
très positif du fait qu'il y aura un comité
mis en place, qui sélectionnera des gens aptes à occuper la fonction. Alors, à
travers ça, vous pourriez avoir des
policiers, une relève à la Sûreté du Québec, comme vous pourriez avoir
quelqu'un de l'extérieur. À
compétence égale, je me lance de vous dire que quelqu'un qui a compétence égale
de gestion, mais quelqu'un qui a une
capacité, une expérience policière, qui a vécu dans une organisation,
certainement que ça va avantager la personne à occuper la chaise. Mais, à travers ça, le passé nous a démontré qu'il
y a eu des gens, des personnes civiles qui ont fait un bon travail, et
je pense qu'il ne faut pas mettre ça de côté.
• (17 heures) •
Mme Guilbault : Merci beaucoup. Je voulais aborder avec vous le
point, justement, des futurs critères qui vont prévaloir pour la sélection du candidat dans le futur règlement,
savoir si vous aviez des impressions ou des suggestions sur les grandes lignes que pourraient comprendre
ces critères-là. Vous en avez déjà nommé quelques-uns à travers votre
dernière réponse. Je ne sais pas si vous voulez compléter avec d'autres
éléments.
M. Prud'homme (Martin) : Je vous dirais certainement, je vous ai parlé
d'expérience de gestion, l'expérience de travail dans le domaine policier et, bien entendu, une personne qui ait un sens de loyauté et d'intégrité à laquelle les
gens, les élus ici, vous allez avoir confiance. Et c'est pour ça que moi, je
crois que j'adhère au projet, parce que je dis qu'occuper un poste comme
directeur de la Sûreté, ça prend essentiellement un lien de confiance important
avec les citoyens et les élus.
Alors,
quelqu'un qui a un C.V. et qui a, je vous dirais, une évaluation
personnelle sans tache, là, sur sa question
d'intégrité, là. Alors, essentiellement, dans les grandes lignes, ça serait ça,
Mme la ministre.
Mme Guilbault : Merci
beaucoup. Peut-être
un dernier point avant de céder la parole à mes collègues. Vous avez parlé, justement, du comité, parce qu'il est prévu, dans le projet de loi, qu'il y aura d'abord une
sélection par un comité vraiment plus
administratif, de personnes réputées expertes du domaine, qui vont faire une
première sélection, et ensuite, sur motion du premier ministre, le candidat
retenu sera présenté au comité de députés. Et ça, c'est une préoccupation qui
était revenue chez certains groupes, là, de s'assurer que c'est vraiment des
personnes compétentes, qui ont une expertise, qui ont une bonne
connaissance du milieu, qui puissent faire une première sélection qui repose
exclusivement sur la compétence puis une
évaluation très objective et expérientielle de la compétence. Alors, c'est ce
premier comité là qui pourra faire cette sélection-là.
Et donc, je
voulais juste savoir, de votre part, que pensez-vous de la composition de ce
comité-là qui comprendrait le
sous-ministre de la Sécurité publique; un ancien directeur de police recommandé
par l'ADPQ; une personne recommandée par des organismes représentant le milieu
municipal; un administrateur d'État, au sens de la Loi sur la fonction publique,
désigné par l'Exécutif; et le directeur
général de l'école de police. Est-ce que ça vous semble un comité approprié
pour cette première sélection?
M. Prud'homme (Martin) : Je suis convaincu que c'est un bon comité. Vous
faites le tour, essentiellement, des gens
qui ont la connaissance dans le milieu. Pour avoir moi-même passé à travers un processus,
je crois que ça fait le tour. D'un côté, vous avez quelqu'un du gouvernement,
des emplois supérieurs; vous avez quelqu'un du ministère, parce qu'il y
a des enjeux là, puis il y a des liens; et, en même temps, vous avez des
gens qui connaissent le milieu policier, qui sont capables de juger et
même de faire des vérifications sur les personnes qui vont se présenter devant
ces gens-là.
Vous
savez, il y a des gens qui sont très bons en entrevue, mais il faut aller plus
loin que ça puis il faut approfondir la
personne, parce qu'une fois qu'on décide que c'est la personne qui est
en charge d'une organisation comme la Sûreté, bien, on vit avec. Alors, moi, je pense que ça nécessite des gens qui
sont capables de creuser et poser les bonnes questions à ces gens-là. Je
suis d'accord avec le comité et la composition du comité.
Mme Guilbault : Merci
beaucoup. Ça fait le tour pour moi.
Je vais laisser la parole à mes collègues. Encore merci à vous trois.
Le
Président (M. Bachand) : O.K., merci. Je
reconnais le député de Vachon, s'il vous plaît.
M. Lafrenière :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation.
Vous nous avez parlé
beaucoup des impacts organisationnels qu'aurait un changement en pleine période
de restructuration ou de réorganisation, de
transformation. J'aimerais vous entendre sur les impacts vraiment
opérationnels, c'est-à-dire, prenons
une crise fictive, une situation fictive, crise étudiante, quelque chose de
très fictif, et on vivrait un changement. Donc, il y aurait une date de
péremption, il y aurait un départ du directeur général de la sûreté.
Qu'est-ce que ça
pourrait amener au niveau opérationnel? Quels seraient les dangers, les impacts
de vivre un changement, une transition pendant une crise vraiment
opérationnelle?
M. Prud'homme
(Martin) : Alors, M. le député, M. le Président, je n'ai pas
besoin de parler au sens figuré. Je l'ai
vécu, à la Sûreté du Québec, à plusieurs reprises, des départs trop hâtifs, et
je l'ai vécu parce que j'ai pris la gouverne du SPVM. Il faut savoir que dans nos organisations, qui sont très
hiérarchiques, les gens ont besoin de se sentir en confiance pour prendre des décisions. Pour toutes sortes de
raisons, il est arrivé dans le passé que les gens n'ont pas nécessairement
toujours pris des bonnes décisions, et il y a un prix à payer à ça.
Alors,
nos gens, dans notre monde hiérarchique, ont besoin d'avoir un directeur,
quelqu'un qui gouverne le bateau, et
des adjoints, et un état-major qui est solide. Alors, lorsqu'on vit une
situation d'un changement de directeur, les gens deviennent, bien
entendu, insécures. Et, en plein milieu d'une crise, ce n'est pas le temps
d'être insécure, dans une organisation comme
la Sûreté. Si je donne un exemple, pour moi, des dossiers qui sont difficiles,
mais, en même temps, qui sont des
crises qui sont très bien contrôlables, vous avez eu des dossiers, dans les
dernières années, d'inondations, vous avez des dossiers, à titre
d'exemples, de L'Isle-Verte ou de Mégantic.
Mais
il y a pire que ça. Il y a la question de la lutte au crime organisé, à tous
les jours, qu'on doit faire. Et vous, les
députés, vous le voyez à travers les
médias. Nous, on le vit, et ce qu'on vit à travers tout ça, c'est une vraie
lutte, c'est une vraie prise de position. Ça prend des officiers, des
officières qui sont solides, qui sont capables de décider, qui sont capables d'avancer, qui n'attendent pas à savoir c'est
qui leur prochain chef puis ce que le prochain chef va attendre d'eux.
Ça prend des gens solides, alors, dans toutes les organisations policières.
Puis
je pense, M. le député, vous le savez, lorsqu'il y a un changement de directeur
d'annoncé, tout le monde se questionne, tout le monde se demande ce qui va se
passer, tout le monde pense à la question : Est-ce que l'organisation
va fermer, là? À la blague, les gens
arrêtent de travailler. Ils sont en attente, et ce n'est vraiment pas serein de
vivre ça dans une organisation policière. Alors, je vais m'efforcer de ce que
je dis aujourd'hui, un jour, de tenter de mettre en place, lorsque je quitterai la Sûreté, d'avoir
quelqu'un qui sera le bienvenu, une personne qui sera capable de prendre la place,
et le changement ne sera pas trop dramatique.
Alors,
c'est néfaste. Je ne dis pas que ça vient jouer à un tel point sur la sécurité,
mais la question de l'efficacité est
certainement un peu ébranlée lorsqu'il y a un changement de directeur et,
encore pire, lorsqu'il est changé en plein milieu d'un mandat, d'une
façon rapide, sans que ça soit prévu.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Vachon,
oui?
M. Lafrenière :
Deuxième question rapide. Je vais devancer ma collègue de l'Acadie, qui a une
soudaine passion pour les nominations
aux deux tiers. Comme vous avez été déjà au SPVM et à la Sûreté du Québec,
est-ce que ce même mode là devrait s'appliquer aussi au SPVM,
c'est-à-dire une nomination aux deux tiers?
M. Prud'homme (Martin) : M. le Président, dans les recommandations que
j'ai faites avant de quitter le SPVM, la 13e recommandation, j'ai recommandé à la ville de Montréal de
choisir entre les deux adjoints que j'avais mis dans l'équipe de transition, deux adjoints qui provenaient de
l'extérieur, pour la première raison, c'est que, pour moi, la relève, au SPVM,
n'était pas identifiée, n'était pas préparée. Bien entendu, la deuxième, et une
question très importante, c'était de consolider et de stabiliser l'organisation par nos membres. Nos
membres étaient inquiets. Ils se demandaient ce qui était pour se passer. Alors,
ça a été la recommandation.
Aujourd'hui,
M. Sylvain Caron, qui est directeur du SPVM, a comme responsabilité
de préparer la relève et également de
s'assurer de revoir le processus si le processus est à revoir. Au moment où que
j'ai été directeur du SPVM, il y
avait un bon processus. Maintenant, est-ce qu'il sera bonifié? Vous savez que
c'est le seul processus pour une sûreté municipale qui exige un passage obligatoire, donc de passer par un
décret de conseil des ministres. Et, bien entendu, comme autorité municipale, je crois que toute autorité
voudra toujours, à la fin, après une sélection des bons candidats, être en
mesure de choisir son directeur ou sa directrice.
Maintenant,
moi, au niveau des autorités municipales et provinciales, je pense que c'est à
eux de déterminer s'ils veulent passer par un passage de deux tiers ou non,
mais je peux quand même souligner que le processus, à la ville de Montréal, est un bon processus. Maintenant, il
y a toujours place à amélioration. La problématique que j'ai identifiée au niveau de la ville de Montréal était une
problématique de course à la chefferie, une problématique d'identification de
relève beaucoup plus que de processus lui-même, puis ça me rassurait de savoir
qu'à terme il y avait quand même le passage obligatoire, par le
gouvernement provincial, d'une signature de décret au Conseil des ministres.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député d'Ungava, s'il
vous plaît.
M. Lamothe :
M. Prud'homme, je suis vraiment content de vous rencontrer. J'ai beaucoup
de respect pour votre cheminement de carrière. Vous êtes une personne très
crédible, puis, pour la commission, je pense que votre présence est très
importante.
On parle
beaucoup de lien de confiance. On parle de comités indépendants qui vont
embaucher éventuellement le futur
directeur général de la Sûreté et le futur commissaire de l'UPAC. On va se
projeter dans le temps, si on veut. Dans cinq ans d'ici, vous êtes à la retraite, peut-être politicien. Ce que je
veux dire, c'est qu'il y a un nouveau directeur général de la Sûreté du Québec
qui est en place. Deux ans plus tard, il y a un commissaire de l'UPAC qui est
dû pour être nommé. On parle de lien de confiance avec la population.
À partir du
moment que le comité a le commissaire dans sa mire, compétent, qu'on
l'embauche, s'il y a un lien direct — puis ça, je ne veux pas vous mettre sur la
sellette, je veux avoir votre réponse — s'il y a un lien direct de parenté avec le
directeur général de la Sûreté du Québec, vous ne pensez pas que la population,
la perception, le lien de confiance
peut s'effriter avec ça?
• (17 h 10) •
M. Prud'homme
(Martin) : Merci de votre question.
J'apprécie, mais, M. le Président, ça va me permettre de pouvoir y répondre. Ce n'est pas la première fois que j'en
entends parler puis je comprends très
bien la question.
Je la comprends et je ne peux pas
faire autrement que vous expliquer. Effectivement, ce qui est très important pour moi, pour
l'avoir vécu personnellement, on ne peut jamais
deviner ou prévenir le futur. Dans nos organisations policières, dans la mienne actuellement, on tente d'avoir une parité hommes-femmes. Ce
que ça apporte, une parité hommes-femmes, ça apporte des liens, ça apporte des unions. Alors, aujourd'hui, vous êtes dans une situation personnelle; demain, pour toutes sortes de
raisons, de décès, etc., vous allez être dans une autre situation. On doit
vivre, comme organisation, être capable de vivre et mettre des paramètres par rapport à ça. Les paramètres,
selon moi, doivent s'installer, si je peux le dire ainsi, du côté professionnel et non du côté personnel.
Donc, il doit y avoir des murs, il doit y avoir quelque chose de très étanche
à travers ça, et c'est ce qu'on s'est efforcés de faire.
Aujourd'hui, puis je vous prends à titre d'exemple,
vous allez nommer un jour un nouveau commissaire. Si vous allez dans le domaine policier ou dans un domaine semblable, il y a
des fortes chances que moi, comme directeur, je connaisse cette personne-là. Et
qui dit que je n'aurai pas travaillé des années avec cette personne-là? Et ça
arrive régulièrement. Moi, dans ma vie personnelle, les choses ont
changé, ça a créé certains nouveaux liens.
Alors, je
comprends très bien la question et je me suis efforcé, et c'est mon combat de
tous les jours, de garder un lien de confiance important. Et, pour l'avoir
vécu, je pense... puis j'ai mentionné à maintes et maintes reprises que
plus le mur serait épais et plus il y aurait
une distance entre l'UPAC et la Sûreté, mieux les organisations pourraient se porter.
Alors, à la
question, je pense qu'il faut mettre des paramètres, il faut mettre des murs
puis il faut absolument se trouver
des façons de faire pour prévenir ça, mais il va y en avoir d'autres, là, M. le Président. Je ne serai pas le dernier, c'est sûr.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le
directeur. Alors, je vais passer maintenant la parole au groupe de
l'opposition officielle pour une période de 15 min 29 s. Mme la
députée d'Acadie, s'il vous plaît.
Mme St-Pierre :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Alors, en
réponse au député de Vachon, j'espère
que je ne perdrai jamais ma passion. Ça fait 12 ans que je suis
parlementaire, je le fais avec beaucoup de passion et je vais continuer de le faire. Je suis porte-parole en
matière de sécurité publique et je pense que ce qu'on est en train de
faire aujourd'hui, c'est très important.
C'est un
projet de loi qui touche la Sécurité publique, également le ministère de la
Justice, et aussi c'est un projet de loi qui... Quand on ouvre une loi, bien,
il faut regarder aussi... ou quand on est ensemble pour discuter d'une loi,
il faut regarder comment on peut bonifier
cette loi-là. Et je pense qu'il n'y a pas de mauvaise question puis il n'y a
pas de mauvais sujet, il faut tout
simplement aller de l'avant. Et ce n'est pas moi, ce n'est pas notre formation
politique qui a pris l'engagement formel, pendant la campagne électorale,
d'inclure le SPVM dans ce projet de loi là, c'est nos amis de la CAQ.
Ceci étant dit, M. Prud'homme, vous avez
été au SPVM, vous avez fait un travail extraordinaire. Je pense que tout le monde l'a remarqué. Le SPVM était dans
une situation excessivement difficile, et c'est le gouvernement qui a mis le SPVM en tutelle. C'est aussi le
gouvernement qui nomme, sur recommandation, bien sûr, de la ville, le directeur
de police du SPVM.
Donc, puisque nous sommes dans cette idée-là que c'est le gouvernement,
finalement, qui a le dernier mot, comme c'est un processus, pour la Sûreté du
Québec, que nous allons possiblement mettre en place, est-ce qu'il ne serait pas logique, puisque vous avez
l'expérience du SPVM, qu'on aille aussi loin? Parce qu'on nous dit, la ministre
le répète, c'est une question de lien de
confiance avec la population, 6 000 employés, à moins que je me trompe,
2 millions de résidents à
Montréal. Cette population-là s'est posé des questions, elle a sourcillé
beaucoup par rapport à certaines choses qui se passaient.
Donc,
moi, je vous suggère que, puisque nous sommes dans un exercice qui ne se refera
pas à tous les jours — on n'ouvre pas une loi
tous les jours, c'est des processus qui sont longs — d'y aller avec un accord de l'Assemblée
nationale, des deux tiers de l'Assemblée
nationale, tout comme on le ferait avec la Sûreté du Québec. Est-ce que, dans
votre avis, avec l'expérience que vous avez, on ne viendrait pas
accroître la confiance de la population?
M. Prud'homme (Martin) : Bien, Mme la députée, M. le Président, bien
entendu, d'entrée de jeu, je disais : Lorsque j'ai constaté les problématiques... Vous avez
absolument raison de dire que le lien de confiance, les gens se questionnaient.
Moi, je peux vous dire que la plus grande
problématique, au-delà, mettons, du processus, c'étaient vraiment les courses à
la chefferie.
Maintenant,
si je reviens à votre question principale par rapport à la question du
processus, bien entendu, on s'est questionnés,
le temps que j'ai été là, puis aujourd'hui j'ai quitté, on s'est questionnés,
parce que c'est toute une question juridique par rapport à la Loi des
cités et villes — moi,
je ne suis pas un juriste, là, je ne suis pas en mesure de bien établir la... de vous l'expliquer — et par rapport également à toute la question
de la Loi de police. D'entrée de jeu, je vous disais que je comprends, et c'est des discussions que j'ai eues avec les
autorités de la ville, que les gens des villes, pas nécessairement juste à Montréal, veulent
participer à la fin, les élus veulent participer à la fin au choix de leur
directeur ou leur directrice. C'est bien normal.
Maintenant,
est-ce qu'il y a une possibilité, dans les discussions de... avec la Loi des
cités et villes et avec la question de
la loi provinciale, de joindre les deux bouts par rapport à un deux tiers, par rapport à un décret du Conseil des
ministres? Ça fait plusieurs
choses que je pense que les juristes devraient regarder.
Moi,
ce que je dis, c'est qu'il y a un processus qui est bien au SPVM. Il peut toujours
être amélioré. Et ce qui est le plus important pour moi, M. le Président, c'est d'établir au SPVM, parce
que j'y ai été, un processus
dans lequel on va choisir des gens qui sont aptes, avec des bons
critères et les bonnes personnes. Une fois qu'on a ça, pour moi, ça me
sécurise. Je me dis : La fin du processus,
au niveau des élus, des parlementaires, autant municipal
que provincial, vous appartient. Mais
moi, je voudrais être rassuré qu'on va avoir choisi la bonne personne,
peu importe comment ça va se terminer.
Alors,
c'est un peu difficile pour moi de vous dire : Est-ce que
ça devrait se faire aux deux tiers avec le municipal, le provincial? Ce que je vous dis, par contre, je suis moralement convaincu qu'il faut s'assurer qu'il y a
des comités avec les mêmes critères
de sélection ou semblables à ceux de la Sûreté du Québec. Et
j'encouragerais les 29 autres villes qui ont des organisations policières à établir également
des processus, des processus avec des mandats, renouvelables ou non, mais avec des critères. Parce que, vous savez, oui, Montréal, c'est gros,
mais j'encourage les villes comme Laval, Longueuil, l'ensemble des villes à mettre des processus et des
critères parce qu'il y a eu des problèmes dans plusieurs organisations
policières dans le passé. Il y en a eu chez nous à la Sûreté, il y en a eu au
SPVM, il y en a eu ailleurs. Et, vous, vous représentez
les citoyens, vous vous questionnez avec raison. On est des gens d'autorité,
donc ça prend une caution morale et un lien de confiance important, là.
Alors,
moi, ce que je recommande le plus ici à vous, les parlementaires, c'est la
question de dire : Choisissons les bonnes personnes. Et, après, la
finale des processus vous appartient beaucoup plus qu'à moi, là.
Mme St-Pierre :
Vous parlez des... j'allais justement là, vous parlez des autres corps
policiers au Québec. L'Association des directeurs de police nous suggère
aussi... peut-être pas le même système, là, mais d'analyser la possibilité qu'on uniformise les nominations des
directeurs de police municipaux au Québec. Il y en a, je pense, c'est une
trentaine, peut-être, de corps de police
municipaux. Puisque nous sommes dans un exercice important, puisque nous avons
le nez dedans, là, est-ce que ça serait une
bonne chose aussi qu'on regarde comment on pourrait uniformiser, soit par un
comité, ou qu'on enchâsse dans la loi ces modes de nomination là?
Encore
une fois, l'opinion publique a été ébranlée et l'opinion publique a peut-être
besoin aussi de s'assurer que son corps de police dans sa municipalité
est nommé selon des critères très, très stricts.
M. Prud'homme
(Martin) : Mais, encore une fois, Mme la députée, M. le
Président, moi, je le recommande à toutes
les villes d'avoir un processus avec des critères. Et, à la limite, je dirais,
d'une façon... un peu même de... pour les
villes qui n'en ont pas, de copier nos processus. Mais il y a quand même un
chemin aussi possible, qui est un autre chemin qui est moins parlementaire, mais qui est toute la question du
ministère de la Sécurité publique, avec des directives. Le ministère peut également envoyer des directives
à ses directeurs parce que nos directeurs de services de police municipaux
vivent dans la Loi de police du Québec. Alors, il y a quelque chose là, que,
par directive, au moins, le ministère peut donner des grandes lignes de
critères, et de sélection, et de processus.
Mais
je crois que ça serait sain d'avoir des critères qui se ressemblent à travers
la communauté policière, parce que,
dans le fond, on parle, avec la Sûreté, de 31 organisations. Ce n'est pas
énorme. Je pense que c'est aussi important d'avoir un bon directeur, une
bonne directrice dans une ville même de... d'une organisation de
100 policiers que dans l'organisation de la Sûreté à 8 000.
Mme
St-Pierre : Sur la
question des mandats, si je vous comprends bien, donc, il y aurait, dans votre
esprit, un cinq ans renouvelable, et l'autre
cinq ans... enfin, l'autre cinq ans... l'autre mandat, deuxième mandat, serait
comme ouvert.
On pourrait avoir une formule où on dit que le deuxième mandat est ouvert, ça
peut être... la personne peut décider qu'elle quitte avant cinq ans ou
on peut continuer quelques années de plus. Ça serait ça, la formule?
• (17 h 20) •
M. Prud'homme
(Martin) : Mais, Mme la députée, moi, ce que je dis, ce qui...
présentement, la loi, avant la modification,
ce n'était pas obligatoirement cinq ans. Alors donc, on parle que le
gouvernement peut renouveler un directeur deux ans, trois ans, quatre
ans ou un maximum de cinq ans; deux fois maximum cinq ans, 10 ans.
Moi, ce que
je dis par rapport aux discussions du projet de loi, ce que je dis, c'est qu'un
directeur qui veut faire une bonne
réforme, qui veut laisser une trace positive, ça demande un minimum de
10 ans. À la question de la ministre, moi, je dis que, oui, ça serait une bonne idée d'avoir une possibilité
d'avoir deux mandats de sept ans, sans nécessairement se rendre jusqu'au terme de 14 ans. Mais ça
laisserait à un directeur ou une directrice le temps de faire ces changements,
de solidifier ces changements et, dans la dernière étape, de préparer, d'une
façon très professionnelle, son remplaçant, parce qu'on ne peut pas faire ça en quelques semaines.
Moi, la
journée qu'on va me dire... bien là, je vais évaluer le temps qui reste, mais
je vais devoir le faire et adéquatement.
Donc, ce que je dis, c'est qu'à la suggestion
ou à la question de la ministre, moi, je considère qu'on pourrait avoir deux mandats de sept ans sans nécessairement se rendre, mais minimalement de laisser le mandat ouvert, à vous, les élus, comme choix, bien entendu, de
renouvellement, mais minimalement d'un 10 ans.
Mme St-Pierre : Quand vous parlez de préparer son remplaçant, je
ne veux pas mal vous interpréter, ce n'est pas
préparer une personne en particulier, c'est préparer, en fait, le terrain,
mettre la table pour la personne qui va venir. Ce ne serait pas le
directeur qui déciderait qui pourrait le remplacer.
M. Prud'homme
(Martin) : Non, absolument
pas. Vous avez raison, Mme la députée. Même pour le renouvellement, je l'ai dit d'entrée de jeu, moi, je
considère qu'un directeur, une directrice doit rendre des comptes et doit être
évalué dans ses rendements. Alors,
moi, si, comme directeur, je ne fais pas l'affaire, moi, je pense que vous ne
devez pas me renouveler.
Ce que je dis
par contre, quand je parle de préparer la relève, c'est basé
sur mon expérience. Lorsqu'on a ouvert les
concours, autant qu'on a vécu à Montréal ou à la Sûreté
du Québec, vous n'avez pas des
dizaines de candidats, là, qui vont
appliquer, là. Les gens qui ont l'expérience pour occuper ces postes-là puis
qui veulent vivre cette expérience-là, je dirais ça ainsi, il n'y en a
pas des dizaines et des dizaines.
Alors, si,
comme directeur d'une organisation de 8 000 employés,
on ne prépare pas la relève, c'est-à-dire de choisir des gens qu'on pense qui pourront un jour être
aptes à occuper l'occupation, de leur donner un mentor, de les préparer, de les
former... Moi, mon objectif, c'est
d'un jour de préparer autant que possible mes directeurs adjoints, mes
inspecteurs-chefs pour que, lorsque
le concours va ouvrir pour me remplacer, il y ait des gens qui appliquent et
des gens qui pourront être aptes à ce
moment-là, sans nécessairement enlever toute la question des personnes civiles
qui pourraient appliquer. Mais je
pense que c'est une obligation, une responsabilité d'un directeur d'envisager
la préparation de la relève. Et mon expérience au SPVM l'a démontré, la
préparation de la relève n'était pas au rendez-vous.
Mme St-Pierre :
La préparation de la relève n'était pas au rendez-vous au SPVM parce que vous
dites qu'il y avait comme une sorte de course au leadership qui faisait
en sorte que les relations entre les gens n'étaient pas bonnes.
M. Prud'homme
(Martin) : Oui, entre autres, Mme la députée. Puis, comme je
vous dis, c'est une fonction particulière.
Alors, si vous ne prenez pas le temps d'évaluer vos gens, d'identifier les
forces et les faiblesses, d'envoyer votre directrice adjointe, votre directeur
adjoint suivre des formations, être mentoré par des gens dans d'autres organisations,
bien, vous ne laissez pas la chance à ces
gens-là de se préparer. Si vous ne leur donnez pas des périodes d'intérim pour
voir s'ils ont la capacité d'occuper le poste... Moi, quand je dis de préparer,
ce n'est pas de choisir pour vous, là, c'est d'être en mesure de vous laisser déléguer des gens qui
auront l'intérêt puis qui auront la capacité d'appliquer. Par la suite, ce
sera à vous de choisir qui vous voulez à travers le processus.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay : Oui, j'ai
une question pour vous, M. Prud'homme. Quand vous dites : sept ans
plus un autre sept ans, ce qui ferait un
14 ans... Puis évidemment on est loin, là, de l'exemple de Edgar Hoover,
là, du directeur du FBI qui a été là pendant 35 ans, mais, quand
même, comme législateur, on doit se poser la question. Quelqu'un qui est en
place, puis vous hochez de la tête, qui est en place...
Puis on peut
se permettre de faire ce débat-là, puis c'est intéressant, puis ça participe de
notre démocratie, parce que justement on n'a pas de personne en lien
avec la question, on est sur l'aspect hypothétique. Mais imaginons une personne
en place, directeur d'un corps de police comme la Sûreté du Québec, en place
pour 14 ans. Y voyez-vous un danger de
l'autre côté du balancier? Nous, on doit en être conscients qu'il pourrait se
développer, pendant 14 ans, des mauvais plis qui ne seraient pas corrigés.
Alors, aussi, on veut avoir la meilleure personne dès le jour 1 de
l'année 1, mais, après huit ans,
10 ans, 12 ans, 14 ans, à un moment donné, une organisation peut
peut-être, c'est le danger, se scléroser.
Voyez-vous
là, pour nous, un réflexe qu'on doit avoir comme législateur de dire :
Bien, ça ne sera pas ad vitam aeternam, puis il ne faut pas qu'il y ait
de mauvais plis aussi, là?
M. Prud'homme
(Martin) : Je suis
entièrement d'accord avec vous, M. le député, et c'est pour ça que c'est un
balancement d'avantages et de désavantages, et je m'explique. Lorsque je vous
suggère un 14 ans, je ne vous dis pas d'entrée de jeu, un directeur qui serait signé la
première fois sept ans, de lui redonner un autre sept ans, tu sais.
Dans le fond, c'est un maximum, mais
le gouvernement peut renouveler deux ans, quatre ans et renouveler aux bonnes
périodes, c'est-à-dire que, dans un deuxième mandat, il y a toujours des
périodes critiques à remplacer un directeur.
Mais
moi, je pense, puis c'est ce que je vous disais d'entrée de jeu... Aujourd'hui,
nous avons un projet de loi dans lequel on parle d'un deux tiers. Moi,
ce que je vous dis, c'est : Avant de renouveler un directeur, c'est de
l'évaluer. Toutes les années, on a des évaluations
de rendement, comme employés des emplois supérieurs. À chaque année, on a une
reddition de comptes à faire aux études de crédits. Vous êtes à même
d'être capable de juger si vous avez un bon ou une bonne directrice.
Vous êtes à même de voter par la suite de le prolonger ou non. Ce n'est pas une
obligation.
Mais,
lorsqu'on regarde l'histoire, il y en a eu des bons, il y en a eu des moins
bons. Il y en a eu un très bon, qui s'appelle
M. Beaudoin, qui a fait 16 ans à la Sûreté du Québec. C'était un
excellent directeur, un excellent ambassadeur. Mais je suis bien d'accord avec vous que, si vous en avez un pas bon,
c'est long, 14 ans. Mais ça sera à vous de ne pas le renouveler, de
ne pas le garder, parce qu'on a des comptes à rendre, on doit vous rendre des
comptes.
Alors,
moi, je ne dis pas de donner quelque
chose d'absolu, vous allez être pris
avec un gestionnaire qui n'est pas le
bon, là, tout au contraire. Mais, si vous en avez un bon puis si vous jugez,
comme parlementaires, que ce n'est pas le temps de le changer, parce
que vous voulez une paix sociale, une stabilité, les rendements sont au rendez-vous, moi, je vous dis juste que
ça vous enlève cette possibilité-là de pouvoir le garder. C'est ça,
mon explication, mais ce n'est pas d'obliger aucun parlementaire, tout au contraire, tout au contraire. Moi, je
considère que je dois vous rendre des comptes à chaque année puis je
dois être évalué à chaque année.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. Je vais céder la parole maintenant
à la députée de Duplessis, du deuxième groupe
d'opposition, pour une période de 3 min 52 s. Mme la députée.
Mme Richard : Merci, M. le Président. Madame et messieurs, M. Prud'homme, je suis
d'accord avec vous, quand vous parlez
de stabilité, surtout pour un corps policier tel que la Sûreté du Québec. On aurait aimé avoir une telle stabilité aussi avec l'Unité permanente anticorruption.
Vous êtes plus à même que moi, je pense, d'avoir constaté tout ce qui s'est passé. On voulait de la stabilité, en tout cas, pour une certaine période, de la confiance aussi, une unité qui était
indépendante de différents corps
policiers, entre autres de la Sûreté
du Québec, pour mener à bien
certaines enquêtes. Malheureusement, ça n'a pas donné les résultats qu'on
aurait espérés.
Et
vous avez parlé beaucoup de reddition
de comptes, je suis bien d'accord
avec vous. Je connais moi aussi, les liens qui peuvent... Moi, je dis toujours : Il faut faire une différence entre notre vie professionnelle
et personnelle. Mais la façon dont
M. Lafrenière a démissionné de l'UPAC... il n'y a pas eu de reddition de comptes. Il est parti, on venait de renouveler
son mandat pour un autre cinq ans. On l'avait fait, là, à ce moment-là. Il y a des gens qui ont eu confiance en
M. Lafrenière, qui lui ont renouvelé son mandat, puis ce n'était pas
l'ensemble des parlementaires, je tiens juste à le préciser, et il est
parti en claquant la porte.
Donc,
c'est pour ça que nous, on a proposé que, pour une durée... peut-être, dans un
premier mandat, que ce ne soit vraiment pas quelqu'un justement...
spécifiquement pour l'Unité permanente anticorruption, que ce ne soit pas un
policier mais que ce soit plutôt un civil qui a les qualifications que vous avez parlé tantôt — je
ne veux pas les énumérer, je n'ai pas assez de temps — et
passe par tout le processus de sélection. Mais vous êtes d'accord avec moi
qu'il aurait dû y avoir reddition de
comptes, on ne peut pas quitter de
telles fonctions en claquant la porte comme ça s'est fait.
M. Prud'homme (Martin) : Alors, Mme
la députée, à votre question,
peut-être une suggestion que je pourrais échanger avec la commission, c'est de dire : À terme, vous allez
choisir, si vous voulez un jour prendre, pour le nouveau commissaire, un
policier, un ancien policier, une personne civile. Moi, je vous dirais, la recommandation, c'est peut-être de
laisser ça ouvert, dans le sens que, souvent, on veut bien, mais on cherche des
candidats dans ces postes-là. Alors, peut-être un jour vous allez avoir un
ancien policier, qui a fait deux, trois ans dans un service de police, qui
s'est converti, qui est devenu avocat, peu importe quoi, et ce sera la bonne personne
pour vous.
Alors, moi, je vous
recommande juste peut-être de dire... Mais, à terme de tout ça, si, pour vous,
c'est plus confortable d'avoir une personne
civile, moi, je pense que c'est à vous, les parlementaires, de décider.
Mais je suis d'accord avec vous, de
dire que, dans les postes qu'on occupe, on doit rendre des comptes, et je suis
le premier à le mentionner, je suis le premier à être capable de
répondre à vos questions.
Mme Richard : Merci. Si on l'a proposé aussi, c'est parce qu'on a entendu souvent la
phrase : La police n'a plus confiance à la police. Et, quand la
police n'a plus confiance à la police parce qu'il y a des fuites, tel qu'il
s'est passé, c'est toute la population
qui n'a plus confiance en différents corps policiers, entre ses institutions, et c'est vraiment, là, très dommageable.
Libre à vous de
répondre ou pas, avec tout ce qui s'est passé, vous ne pensez pas que la commission
aurait dû entendre M. Lafrenière, que
celui-ci vienne en commission s'expliquer? Ça a été une demande du Parti québécois mais qui a été refusée.
M. Prud'homme (Martin) : Moi, Mme
la députée, M. le Président, des invitations... malheureusement, on ne décide pas les invitations. Alors,
on est invité...
Mme Richard :
...c'est ce que je comprends.
M. Prud'homme
(Martin) : Pardon?
Mme Richard :
Vous ne les refusez pas vous-même, les invitations?
M. Prud'homme
(Martin) : Non, je ne refuse pas les invitations.
Mme Richard : Parfait. Merci
beaucoup, M. Prud'homme. Fort intéressant. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Maintenant, je vais passer la parole au troisième groupe d'opposition pour
3 min 52 s. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous
plaît.
• (17 h 30) •
M. Leduc : Merci,
M. le Président. Merci d'être ici aujourd'hui. Vous avez évoqué, tantôt dans votre présentation, le fait que la fin connue d'un mandat peut
précipiter une course à la chefferie à l'interne, ce qui est quelque chose qui est assez dommageable ou, en
tout cas, qui est perçu négativement,
je le comprends. Je comprends que c'était peut-être le cas dans le passé,
mais est-ce que le fait d'introduire une nomination aux deux
tiers, donc la sélection de l'éventuelle chefferie de la SQ ou d'un
autre des trois postes en question n'aboutisse pas avec la seule décision d'un
parti ou de probablement plus qu'un parti, peut-être deux, peut-être
même les quatre, est-ce que ça n'aurait pas tendance à neutraliser, en tout cas, du moins en partie, cette éventuelle course à la chefferie qui
démarrerait plus tôt, compte tenu du fait que le mandat se termine à une
date donnée?
M. Prud'homme
(Martin) : Oui, bien
entendu, M. le député, M. le
Président, ça va certainement aider.
J'en suis moralement convaincu. Bien
entendu, pour connaître le milieu... Lorsque le concours, peu importe où, va
ouvrir, vous n'allez pas encore avoir des dizaines et des dizaines de personnes
qui vont appliquer. Alors, nécessairement, il va y avoir quand même un risque de
course à la chefferie.
Ce qui est
important à travers ce que je disais, c'est ce n'est pas nécessaire d'annoncer
d'avance, sur une trop longue période, le départ du premier dirigeant.
C'est essentiellement ce que je disais, et j'en ai vécu à la Sûreté du Québec,
et j'en ai vécu au SPVM, et ça n'a jamais été très positif d'avoir des courses
à la chefferie. Ça a causé beaucoup de problèmes, des clans, des associations.
Je pense que vous en avez entendu parler à travers les médias et c'était réel.
Alors, moi,
ce que je vous dis, c'est qu'au moment que... malgré le nouveau projet de loi, il faut toujours garder en
tête que cette course à la chefferie là, des questions stratégiques avec les
médias, vous savez, des gens... Et c'est pour ça que j'ai mentionné que le côté confidentiel est important, parce que
ce n'est pas tout le monde qui est prêt à se retrouver dans la première
page du journal lorsqu'il va appliquer dans un concours comme celui-là.
M. Leduc : On se comprend. Je reviens sur la course à la
chefferie. Comment ça se matérialise, concrètement? Qu'est-ce
qu'une personne peut faire ou ne pas faire, dans le cadre d'une course à la
chefferie, qui pourrait venir impacter notre décision à nous, les
législateurs qui vont éventuellement voter aux deux tiers sur cette
personne-là?
M. Prud'homme
(Martin) : La première chose la plus importante, M. le député,
c'est les critères. Moi, M. le
Président, si on établit des critères bien, bien, bien précis, il y a des gens
qui ne pourront pas, d'entrée de jeu, penser de passer à côté ou à
travers le système et d'appliquer dans un poste qui ne lui revient pas.
M. Leduc : Je peux peut-être
préciser ma question juste pour être certain. Mettons, si on compare avec une
campagne électorale ou un parti politique, une course à la chefferie, c'est
bien connu, une personne va aller solliciter des
appuis, faire des déclarations publiques. Mais, chez vous, comment ça se
matérialise, une course à la chefferie, à la direction de la SQ?
M. Prud'homme
(Martin) : Mais, si je
recule dans les derniers... mes prédécesseurs, il n'y en a pas eu un qui
était de la même manière et ça s'est terminé
chacune de façon différente. Je pense que vous connaissez un peu la façon que
ça s'est terminé.
Alors, ce que
j'ai vu au SPVM, ce sont des associations d'équipe. Donc, si vous êtes nommé
directeur, je serai nommé directeur adjoint et cette personne-là sera,
je ne sais pas où, ailleurs. Alors, ce qu'on appelle la course à la chefferie, c'est de la préparation de promotion,
la préparation de plans et des gens, quand ils ne sont pas dans le bon plan,
ils n'existent pratiquement même plus dans
l'organisation. Alors, c'est ça qu'il faut éliminer. Il faut préparer des gens,
des gens qui décident, qui ont la volonté de dire : Un jour, j'aimerais
être un futur ou une future directrice, et prendre ces gens-là, et les préparer.
Au moment qu'il y aura l'ouverture d'un concours, ces gens-là appliqueront et
vous, les parlementaires, à la fin, après le
comité de sélection, vous déciderez de la meilleure personne. Mais il faut
préparer ça. Il faut éviter ces courses-là qui sont associées à des
équipes.
M. Leduc : Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Chomedey pour une
période de 3 min 34 s, s'il vous plaît.
M. Ouellette : Merci, M. le Président. M. Prud'homme,
M. Morency, Mme Normandin, c'est toujours un plaisir de vous recevoir en Commission des institutions.
Quand tu es le dernier à parler, je pense que je suis pas mal... tout a été couvert.
J'aurai
juste une question pour vous, relativement au renouvelable. Est-ce que les
renouvelables, peu importe le mandat,
est-ce que les critères de renouvellement devraient être enchâssés dans une
loi, ou on laisse le renouvelable arbitraire à la décision exécutive, ou est-ce qu'on retourne au renouvelable aux
deux tiers? Je ne sais pas si vous avez fait une réflexion sur le renouvelable, là. Pour ne pas que ça soit
arbitraire, il faut se baser... vous avez parlé des évaluations des emplois
supérieurs. Est-ce que c'est important de le
mettre dans la loi que le renouvelable sera en fonction de l'évaluation annuelle
ou de l'évaluation des emplois supérieurs
justement pour éviter... pour que le processus soit le plus transparent
possible?
M. Prud'homme
(Martin) : Bien, M. le
Président, je crois que ça doit être inscrit quelque part. Est-ce que c'est
dans un règlement? Dans une directive? Peu
importe. Mais je pense qu'on doit être en mesure de guider les gens, de dire : Moi, entre autres, ou le prochain, sur quoi qu'on va l'évaluer pour
sa question du renouvellement? Mais essentiellement,
sur mon bulletin de résultat, sur comment je
me suis comporté, est-ce que j'ai livré? Est-ce que j'ai respecté les
budgets? Est-ce que j'ai respecté mes responsabilités? Est-ce que
j'ai rendu des comptes? Est-ce que mon évaluation par ma sous-ministre actuelle est au bon
niveau pour que le gouvernement puisse me renouveler?
Moi, je pense
que c'est libre à vous, le législateur et les parlementaires, mais je recommande qu'il y ait
quelque chose d'établi,
certains paramètres pour nous évaluer lors du renouvellement, bien entendu.
M. Ouellette : M. le
Président, c'était dans les recommandations de l'Association des directeurs de police. Je pense que
tout le monde, dans votre milieu, s'entendent, particulièrement au niveau des directions. Puis, dans le mémoire de l'Association
des directeurs de police, c'était écrit : «Le mandat précis du directeur
[...] et les orientations politiques devront [...] faire l'objet d'une mention
particulière afin [d'évaluer] le travail effectué par le candidat retenu.»
C'est sûr que
vous avez un travail comme directeur. Si on pense au renouvellement, il faut savoir, avant votre nomination, sur quoi... Et je pense que vous nous avez donné
une réponse politique en nous disant : Bien, peu importe où ça va
être, il faut que ce soit quelque
part. Et tant qu'à ouvrir la Loi de
police, parce qu'on ne fait pas ça
souvent, autant les critères des
30 services de police, pas le choix, mais les critères de sélection, je
pense qu'il y a une réflexion à faire
là-dessus et je pense que ça pourrait être un pas dans la bonne direction, dans
la transparence puis dans les liens de confiance.
M. Prud'homme
(Martin) : Bien entendu, M.
le Président, je corrige, ce n'était pas une réponse politique, c'était plutôt une question de choix du gouvernement ou
du... Est-ce que ça doit aller dans un règlement? Dans la loi? Je n'en ai...
J'ai travaillé plusieurs lois, lorsque j'étais sous-ministre, et, d'une fois à l'autre,
il y a des décisions qui sont prises.
Ce que je dis
essentiellement, c'est qu'on devrait établir des critères, on devrait les
retrouver quelque part et des critères plutôt d'évaluation de renouvellement.
Alors, moi, je dis, libre aux parlementaires ou aux législateurs de prendre
la décision à quel endroit.
M. Ouellette : Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le directeur général. Merci à vos collègues de ce témoignage
fort apprécié.
Cela dit, je suspends les travaux jusqu'à
19 h 30 ce soir. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à 17 h 38)
(Reprise à 19 h 31)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Merci. Bonsoir, tout le monde. Alors, la Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande,
bien sûr, à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonorité de leurs appareils électroniques.
Comme il se
doit, je vous rappelle le mandat. Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur
le projet de loi n° 1, la Loi modifiant les règles encadrant la nomination
et la destitution du commissaire à la lutte contre la corruption, du
directeur général de la Sûreté du Québec et du directeur des poursuites
criminelles et pénales.
D'ailleurs,
ce soir, nous recevons... et je souhaite la bienvenue aux représentants du
Directeur des poursuites criminelles et pénales. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange entre les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé,
en vous souhaitant encore une fois la bienvenue.
Directeur
des poursuites criminelles et pénales (DPCP)
M. Michel (Patrick) : Bonsoir.
Merci, M. le Président. Alors, je me présente, Patrick Michel, procureur
en chef du Bureau du service juridique du
DPCP. Et je suis accompagné de ma collègue Me Joanne Marceau, procureure
en chef du bureau de la directrice.
Alors,
d'emblée, nous tenons à vous remercier, Mme la ministre, tous les membres de la
commission, de l'invitation que nous avons reçue qui témoigne de
l'intérêt que vous portez à l'égard du point de vue de notre institution sur
cet important projet de loi. Juste une petite précision, nous vous avons
transmis un document qui se veut davantage un document de référence, là, pour permettre de
situer, si vous voulez, le contexte à la fois historique, juridique et
institutionnel dans lequel
s'inscrivent les mesures qui sont proposées par le projet de loi, dans lequel
s'inscrivent aussi les observations que nous allons présenter.
Évidemment, bien que
nous partageons l'esprit qui anime ce projet de loi, l'objectif de ce projet de
loi, à savoir la confiance du public envers
notre institution mais aussi envers l'administration de la justice, vous comprendrez
que, compte tenu de notre double statut
d'organisme gouvernemental, d'organisme public mais aussi d'institution quasi
judiciaire, nos obligations de réserve et
neutralité vont faire en sorte qu'on va s'abstenir de se prononcer sur
l'opportunité des mesures qui sont
proposées au projet de loi, bien que nous allons pouvoir nous permettre
peut-être certaines observations qui
s'inscrivent dans cet esprit, dans l'esprit de ce projet de loi et qui
pourraient être utiles à vos travaux et à vos délibérations.
Je vais commencer
avec un point au sujet, évidemment, du processus de nomination, ensuite le
processus de destitution. Je céderai la parole à ma collègue pour un point
particulier en ce qui a trait à ce qu'on appelle les règles d'après-mandat.
D'abord, au niveau de du processus de nomination
qui est proposé au projet de loi, nous avons noté la distinction qui est faite, dans le processus de nomination,
entre le DPCP et les deux autres organismes qui sont visés par le projet
de loi, à savoir que, dans le cas du DPCP,
le ministre de la Justice et Procureur général occupe une place importante dans
le processus qui amène à soumettre le candidat au vote de l'Assemblée
nationale, et nous comprenons, nous accueillons favorablement cette distinction
et nous comprenons qu'elle est fondée et qu'elle se veut en fait traduire la
tradition particulière qui accompagne le
rôle, en fait, du Procureur général et son statut quasi judiciaire, d'une part,
mais aussi qui reconnaît dans une
certaine mesure le principe que le Procureur général et le directeur sont dans
une relation de demandant-mandataire,
puisque le Directeur des poursuites
criminelles et pénales est substitut
légitime du Procureur général au sens
du Code criminel. Donc, nous comprenons que cette distinction se
veut, disons, une reconnaissance, une matérialisation,
si on veut, dans le projet de loi, de
ce statut particulier du Procureur général, qui doit demeurer imputable
des décisions prises en matière de poursuite par le DPCP.
Et,
sans reprendre le contenu de tout notre document, mais, bon, vous comprenez,
vous le savez, que le Procureur général, contrairement aux autres ministres du
Conseil exécutif, il est personnellement imputable des décisions prises
en matière de poursuite. Alors, nous
reconnaissons l'effort qui est fait et qu'on marque cette distinction par
rapport à l'institution du Procureur général et son rapport particulier
avec le DPCP.
À
cet égard-là et dans l'esprit de ce qui est proposé, nous, en fait, nous avons
un questionnement quant à savoir s'il est clair... ou si le deuxième alinéa de
l'article 2 pourrait être interprété d'une façon qui permettrait ou qui
laisserait comprendre que le
Procureur général peut offrir plusieurs... peut recommander au premier ministre
plusieurs candidats ou plus d'un
candidat, ce qui laisserait au premier ministre le soin de choisir celui pour
lequel il recommanderait la nomination, d'abord au comité de députés et ensuite
à l'Assemblée. Nous comprenons que ça ne doit pas être l'objectif de la
disposition, mais de la façon qu'il était rédigé, nous pensions que
peut-être que ça pourrait donner prise à cette interprétation.
Par ailleurs, en ce
qui a trait au processus de nomination, une autre préoccupation, d'autres
intervenants l'ont souligné, le processus
peut parfois être long, le processus de nomination des officiers de l'Assemblée
nationale ou des personnes nommées par l'Assemblée nationale peut
parfois être long. Ce qui ferait en sorte que pendant une assez longue période, si c'est le cas, le DPCP adjoint
qui se retrouve DPCP par intérim et qui pourrait aspirer lui-même à la fonction de DPCP, en apparence, la longueur du
processus pourrait peut-être servir, dans la population, en apparence, à
remettre... ou à questionner son
indépendance. Donc, c'est une préoccupation que nous avions. D'autant plus que
le DPCP adjoint, lorsqu'il est nommé
DPCP par intérim en raison de la vacance du DPCP, il peut avoir un DPCP adjoint
par intérim, mais maximum six mois. Alors, si le processus devait durer plus de
six mois, le directeur adjoint qui devient directeur par intérim pourrait se retrouver en plus à diriger
l'institution seul, en fait, comme gestionnaire, comme grand dirigeant de
l'institution. C'est mon commentaire sur le processus de nomination.
Sur
le processus de destitution, je vais passer rapidement parce que j'ai eu le
bénéfice, nous avons eu le bénéfice d'entendre les représentations que vous
avez eues jusqu'ici à ce sujet-là. Sans aucunement remettre en question
la bonne foi des parlementaires dans un
éventuel processus de destitution, et nous n'avons absolument aucun doute à
l'effet que les parlementaires
pourraient agir arbitrairement ou sans cause juste de destitution du DPCP, ce
qui nous préoccupe, c'est que ce qui
est proposé puisse être interprété comme un recul ou un assouplissement du
processus de destitution actuel.
• (19 h 40) •
Vous
le savez, d'autres l'ont dit avant moi, l'exigence d'une cause, donc que la
destitution soit pour cause, après un rapport de la Commission de la fonction
publique, qui offre un forum neutre, impartial, apolitique et où le DPCP peut
se faire entendre sur la cause qu'on lui
reproche dans le respect des règles d'équité procédurale... Et aussi, dû au
fait que... Si on se compare, si on compare avec les autres provinces et le
fédéral, en fait, la Nouvelle-Écosse et le fédéral, qui ont un processus de destitution qui passe par les
parlementaires, ils ont maintenu nommément, dans la loi, cette exigence de pour
cause. Donc, nous anticipions que les
comparaisons entre ce qu'il y avait avant, ce qu'il y a dans les autres
provinces et le fait qu'on maintienne l'exigence de pour cause avec avis de la
Commission de la fonction publique pour le DPCP adjoint dans la même loi suscitent des craintes ou de
l'interprétation quant à l'assouplissement possible du processus de destitution.
Et là-dessus je céderais la parole à ma collègue. Merci.
Mme Marceau (Joanne) : Si je peux me permettre, un élément qui n'est pas
couvert par le projet de loi, mais dont
nous nous autorisons à vous entretenir ici parce qu'il était mentionné au
rapport sur le DPP qui avait été préparé par Me Pierre Lapointe et qui a
donné lieu au projet de loi n° 109, à savoir les règles d'après-mandat, si
la confiance a pu s'effriter, c'est
peut-être parce que la charge de DPCP n'est pas à vie ou permanente comme elle
le serait, par exemple, pour un juge ou pour un sous-ministre en titre
qui a une fonction quand même importante.
Le DPCP est pour sept ans, et les règles
qui sont prévues et qui l'ont été pour les DPCP qui ont toujours été nommés
étaient qu'ils retournent à leurs fonctions
initiales. C'est sûr que, si la personne est un avocat de pratique privée, elle
va retourner dans la pratique privée.
Si le procureur est un procureur, il va retourner procureur. S'il était
sous-ministre, il revient sous-ministre.
Certains
avaient mentionné, lors du rapport du DPP de Me Lapointe, qu'il était peut-être
plus intéressant que la personne devienne juge au terme de son mandat ou qu'il
soit nommé sous-ministre ou autrement. Et d'aucuns pourraient peut-être se questionner parce que retourner à la
fonction pourrait apparaître comme une rétrogradation, et certains pourraient y
voir un intérêt à ne pas nuire, par exemple, au gouvernement en place.
Alors,
nous voulions le mentionner parce que, si on veut augmenter la confiance,
peut-être, dans une institution, il pourrait peut-être s'agir de prévoir
une fin de mandat pour un DPCP intéressé à cette fonction.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup pour votre présentation. On va
débuter la période d'échange en débutant
avec les membres représentant le gouvernement, pour une période de 23 min
et 13 s. Et je débute avec la ministre, s'il vous plaît.
Mme Guilbault : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Me Michel
et Me Marceau, d'être ici avec nous ce soir. Très intéressant, évidemment, de vous entendre sur ce projet de loi. Et
j'ai bien noté, comme d'autres groupes qui vous ont précédés, d'ailleurs, que vous souhaitez avoir ce devoir de réserve,
cette distance et cette parfaite neutralité à l'égard du projet de loi. Et c'est tout à fait
compréhensible et louable. Mais je vais quand même me permettre une question
très large, puis sentez-vous bien à l'aise de ne pas répondre si vous
préférez.
Mais donc, dans la
mesure où ce projet de loi là vise à renforcer la confiance du public envers
les institutions judiciaires, dans votre
cas, à rétablir du moins l'apparence et, idéalement même, la réalité d'indépendance
de neutralité, et tout ça, est-ce
qu'il vous apparaît quand même que ce projet de loi est un pas dans la bonne
direction vers cette recherche, justement,
d'indépendance, de neutralité, de distanciation, autant que possible, des
nominations du seul pouvoir exécutif et
donc serait une bonne chose? Bien, je ne mettrai pas ces mots-là dans votre
bouche, mais est-ce qu'il vous apparaît que c'est un progrès vers
quelque chose qui serait une bonne intention, disons?
M. Michel (Patrick) : Si vous me permettez. Alors, merci pour votre
question. Nous reconnaissons... je pense que nous pouvons reconnaître que les personnes qui sont traditionnellement
nommées par l'Assemblée nationale jouissent effectivement dans l'opinion publique, auprès de la population, d'une
crédibilité. Nous sommes conscients que c'est un élément qui peut contribuer à
la crédibilité, l'intégrité des personnes qui sont nommées. Cela dit, bon, le
choix que vous faites est un choix
qui vous appartient, qui appartient au gouvernement, qui appartient ultimement
aux parlementaires, c'est une question qui est au coeur du débat, donc je ne
vais pas... je vais m'abstenir de qualifier de pas dans la bonne
direction.
Il
y a quand même une chose que j'aimerais mentionner, c'est que le processus
actuel... au-delà du processus de nomination,
la loi sur le DPCP comporte plusieurs autres garanties d'indépendance. Je ne
veux pas toutes les énumérer, elles se retrouvent à la loi, nous les
avons résumées dans notre document. Mais rappelons simplement, rapidement,
l'inamovibilité, la sécurité financière, le fait que c'est la directrice qui
nomme les procureurs pour la représenter, les procureurs-chefs pour la
représenter, alors qu'antérieurement c'était le Procureur général qui les
nommait.
Surtout, bien,
évidemment, l'ultime protection, à notre avis, de l'indépendance de
l'institution, c'est que les interventions
du Procureur général dans les dossiers de poursuite doivent se faire de façon
publique, vous le savez, par la publication soit d'une instruction soit d'un
ordre de prise en charge dans la Gazette officielle du Québec, ce qui
fait en sorte que le Procureur général
sera imputable devant l'Assemblée, devant vous, les parlementaires, et devant
la population, des interventions
qu'il pourrait faire. La légitimité de ses interventions pourra être
questionnée par ce processus public d'intervention.
Alors,
nous pensons que, sur le plan de l'indépendance stricte, sur le plan juridique
de qu'est-ce qui est requis pour
assurer l'indépendance de l'institution, il y a déjà là des garanties
suffisantes pour qu'on puisse affirmer à la population que nous sommes en mesure d'offrir un service de
poursuite qui est exempt de toute pression, que ce soient des pressions
de nature partisane, d'autres pressions illégitimes dont nous pourrions être
l'objet.
Cela
dit, sur le plan de la confiance du public, ce que nous notons, ce que nous
constatons, lorsque nos décisions sont
remises en question ou critiquées, et sans aucunement remettre en question le droit
qu'ont les citoyens ou les parlementaires de remettre en question nos décisions, on constate souvent qu'il y a un
décalage dans la compréhension entre ce qu'est le système judiciaire, le système de justice criminelle, les règles qui
le gouvernent, le rôle du procureur de la couronne, qui est défini aussi
par la loi, par la tradition. Et cette mécompréhension-là, je le dis en tout
respect, parfois contribue peut-être plus
que bien d'autres choses à affecter la confiance du public envers notre
institution, envers nos décisions.
C'est
pourquoi, comme vous l'avez probablement constaté, depuis quelques années, nous
sommes beaucoup plus présents dans la
sphère publique, que ce soit pour expliquer nos décisions. On a adopté des
lignes directrices, en 2015, qui vont dans ce sens-là. C'était un
non-sens. Je peux vous le dire, j'ai connu les deux régimes, là, l'ancien
régime de l'opacité, où de s'expliquer au public, c'était perçu... Je vous le
dis, là, pour des procureurs de carrière, là, d'avoir à s'expliquer au public, ça, en soi, c'était perçu comme une atteinte à
notre indépendance. On ne pouvait pas remettre en question le bien-fondé de nos décisions. On a évolué,
on explique davantage au public les fondements de nos décisions, on est plus présents, aussi, plus sous un aspect
aussi pédagogique, d'expliquer le fonctionnement du système, ses règles.
Et on pense que la confiance du public passe aussi par ce type d'action.
Mme Guilbault : Parfait. Merci. Merci. Très intéressant d'avoir un
peu un portrait de l'évolution de votre organisation vers, si on veut, cette même recherche de toujours essayer
de faire meilleure impression à nos concitoyens puis de renforcer cette
confiance qui est tellement importante.
J'aimerais
maintenant aborder vraiment la question de la mécanique qui est prévue dans le
projet de loi parce que... puis là le
ministère de la Justice a été consulté, entre autres, là, dans l'élaboration du
projet de loi, mais sur, vraiment, la façon de faire qui est proposée.
Donc,
évidemment, il y a le premier comité, là, avec des experts, et tout ça, qui
font une recommandation, la ministre de la Justice, le ou la ministre de la
Justice qui entérine, si on veut, officiellement cette recommandation, la fait
au premier ministre, et le premier ministre soumet le candidat à un
comité formé de députés représentant chaque parti qui est présent à l'Assemblée nationale. Donc, est-ce que, selon vous,
cette mécanique permet de respecter en tout point l'indépendance et la
spécificité, je dirais, qu'on doit maintenir dans le traitement de ce poste
bien particulier qu'est le DPCP? Est-ce que, sur vraiment la mécanique comme
telle, vous voyez un problème dans cette façon faire?
• (19 h 50) •
M. Michel (Patrick) : Merci. Je ne suis pas constitutionnaliste. En
fait, ce que nous voulions noter, à cet égard-là, c'est qu'il est important... il nous apparaît, en fait, important
que le Procureur général, en fait et en apparence, à la lumière du texte, influence, soit le seul qui influence le
choix du DPCP, compte tenu de l'importance de maintenir, en fait, cette relation de mandant à mandataire. Bon, c'est
évident pour des juristes, peut-être, mais il
y a quelque chose d'absolument
essentiel dans la notion de mandant, mandataire.
En principe, un mandant choisit, en principe, un mandant a le loisir de choisir son mandataire. Alors, on croit que cette
relation particulière qui va exister
entre le Procureur général et le DPCP doit être préservée.
Nous
amenions cette préoccupation-là parce que le texte ne nous apparaissait
peut-être pas... Et sans remettre en question
le travail qui a été fait par les juristes, nous, en le lisant, on pouvait y
voir une interprétation qui permettrait que plusieurs candidats soient
soumis en même temps au premier ministre qui, lui, aurait à choisir, alors que
le processus devrait être plutôt un
processus qui assure que le Procureur général, c'est le choix... c'est la
recommandation du Procureur général
qui est faite au premier ministre et qui chemine ensuite dans le processus
jusqu'au vote de l'Assemblée nationale.
En
fait, je ne peux pas me prononcer et vous donner une garantie de légalité ou de
constitutionnalité. Je ne veux pas
non plus que nos propos soient interprétés comme si on questionnait la
constitutionnalité. On voit qu'un effort... ou que c'est la volonté qui
anime l'action de ces dispositions. On voulait juste s'assurer que le texte
était suffisamment hermétique pour ne pas permettre une autre interprétation
que celle qui est souhaitée.
Mme Guilbault : Juste pour bien comprendre, votre souci, c'est
que le texte pourrait porter à croire que la ministre de la Justice pourrait recommander plus d'un
candidat au premier ministre ou que le comité pourrait recommander plus
d'un... pourrait choisir plus d'un candidat sur la base des recommandations du
comité?
M. Michel (Patrick) : Merci. Si on parle, en fait, du premier comité,
on comprend que le premier... appelons-le le comité d'experts, peut déclarer aptes ou juger aptes plusieurs
candidats qu'il va soumettre au procureur... à la ministre de la Justice
et Procureure générale. Et en fait ce qu'on se demande, à la lumière du projet
de loi, c'est : Est-ce que... Parce
qu'on parle de la personne au deuxième alinéa : «La personne proposée par
le premier ministre doit être recommandée par le ministre de la Justice...» Est-ce qu'on s'attend à ce que la
ministre de la Justice... Si le comité d'experts lui recommande, entre guillemets, trois ou quatre
candidats, on comprend qu'elle doit en choisir un et que c'est celui-là qu'elle
devrait soumettre au premier ministre. On
comprend que c'est la volonté. Mais la façon que le texte est rédigé, ça pourrait
peut-être laisser prise à une interprétation
que plus d'un candidat pourrait être soumis au premier ministre par la ministre
de la Justice pour la suite du processus.
Mme Guilbault :
Parfait. Merci, on en prend bonne note. Peut-être un dernier point avant de
céder la parole à mes collègues. On a
beaucoup abordé ici, avec d'autres groupes, puis ça touchait un petit peu plus,
je dirais, la Sûreté du Québec puis, jusqu'à un certain point, l'UPAC,
mais la durée du mandat du dirigeant. Et donc, c'est ça, alors, c'est sept ans, vous, fixe, non renouvelable pour le
DPCP. Alors, j'aimerais savoir, à tout hasard, si vous avez une impression
là-dessus. Je sais que vous abordez les règles d'après-mandat, qui est un enjeu
distinct. Mais, sur la durée du mandat, est-ce
que vous, pour ce que vous en savez, selon l'expérience que vous avez des deux,
trois... Je ne sais pas combien il y a eu de DPCP à date. C'est la
troisième, je pense, ou la deuxième?
M. Michel
(Patrick) : Le troisième. Si vous me permettez... Oh! je vous laisse
compléter.
Mme Guilbault :
Donc, bien, c'est ça, en fait, est-ce que ça vous apparaît une durée
appropriée? Le fait qu'il n'y ait pas de notion de renouvellement possible, ça,
on pense que c'est une bonne chose. Mais donc avez-vous des commentaires sur la
durée du mandat qui est prévue?
Mme Marceau (Joanne) : Écoutez, sept ans apparaissait ou apparaît... On est un
jeune organisme, hein? On a 11 ans. À date, personne n'a complété les sept ans. Annick Murphy
va probablement terminer les sept ans, nous l'espérons. Elle est la championne à cet égard. Et sept ans, c'est beaucoup. Pour une organisation qui n'a qu'un
seul DPCP adjoint, 1 200 personnes,
ce que moi, je peux vous dire, parce que je suis au bureau de la directrice,
c'est une fonction extrêmement demandante. Quand j'abordais les
questions d'après-mandat, ce n'était pas pour une question de renouvellement de
sept ans. Je pense qu'il n'y a pas un DPCP
qui va vouloir un renouvellement de sept
ans dans l'état actuel. Par contre, c'est vraiment pour une sécurité. Et
je peux vous dire, sept ans, ça nous apparaît tout à fait correct, un seul
mandat.
Mme Guilbault : Merci, merci beaucoup. Ce serait complet pour
moi. Je vais céder la parole à mes collègues. Merci encore.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Mme la ministre. Autres questions du côté du parti ministériel?
Aucune? Alors donc, nous allons passer à l'opposition officielle pour une...
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : Oh! oui, Mme la députée de Les Plaines, s'il vous
plaît. Excusez-moi.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci. Je
veux juste bien comprendre. Est-ce
que vous recommandez que, pour
la destitution du directeur adjoint, ce soit
également soumis aux deux tiers? Est-ce que
j'ai bien compris ça? Je n'étais pas sûre d'avoir bien compris. Je
m'excuse.
M. Michel
(Patrick) : Non, non.
Excusez-moi. Merci, M. le Président. Non. Merci pour votre question. C'est important
de préciser. Non, au contraire, ce que nous recommandions, c'était que, si on
va vers une destitution aux deux tiers de l'Assemblée nationale pour le DPCP, pour le directeur, que ce soit néanmoins
assujetti à l'exigence d'une cause,
là, qu'on ramène le pour cause, le critère qui est prévu, et qu'il y ait
un forum, comme c'est le cas pour le DPCP adjoint, qu'il y ait
un forum à l'intérieur duquel le directeur puisse être entendu et faire
valoir son point de vue sur la cause qu'on lui reproche.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Autres questions du côté ministériel? Ça va? Alors, nous allons passer à l'opposition officielle, pour une durée de
15 min 29 s, avec M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci
beaucoup. Merci à vous d'être avec
nous, Me Michel et Me Marceau. D'abord, pour avoir déjà côtoyé Me Annick Murphy, la
DPCP, la Directrice des poursuites
criminelles et pénales, elle est très, très
disponible et se rend toujours
disponible aux parlementaires. Est-ce
que ce soir, le fait qu'elle ne soit
pas présente, c'est parce qu'il y avait un choix éditorial pour elle de ne pas
être impliquée dans ce contexte-là ou il
y a d'autres raisons qu'il ne nous
appartient pas de connaître? Mais est-ce qu'elle, étant absente ce soir, c'est parce
qu'elle aimait mieux ne pas se prononcer sur un processus de nomination
qui la touche?
Mme Marceau (Joanne) : Non, ça
n'était pas du tout le cas.
M. Tanguay :
D'accord. Parfait. Comme parlementaire, je voulais savoir quoi lire de son
absence ce soir. Puis c'est parfait,
si vous me dites que ce n'est pas un choix où elle désirait ne pas être
impliquée dans un projet de loi qui traite de sa nomination. Ça, je l'aurais compris. Mais, s'il y a d'autres
raisons, ça ne nous appartient pas à nous de les connaître.
Le projet de loi est présenté par la ministre de
la Sécurité publique. Est-ce que le DPCP relève de la Sécurité publique? Il relève... Pouvez-vous nous expliquer,
pour le bénéfice des gens à la maison, de qui ou de quelle institution relève
le DPCP et pourquoi?
M. Michel
(Patrick) : En fait, oui. Le
DPCP relève à la fois du ministère... du ministre de la Justice et du Procureur
général. Bon, vous savez, en fait, pour les gens qui nous écoutent, là, le
ministre de la Justice est désigné, il est membre du Conseil exécutif et il est d'office Procureur
général. Dans la loi sur le DPCP, c'est un peu complexe parce qu'à certains
égards la loi sur le DPCP attribue des
fonctions au ministre de la Justice, par exemple tout ce qui a trait au
développement des orientations, aux politiques publiques de l'État qu'on
veut... qu'on voudrait imposer au DPCP. Et, quand je dis «imposer», je ne le dis pas de façon péjorative ou
négative. Mais, si, par exemple, le gouvernement estime approprié de développer de nouvelles façons de faire, un
nouveau plan d'action en matière de lutte, par exemple, aux infractions de nature sexuelle, le gouvernement peut très bien
adopter une politique gouvernementale qui va avoir des impacts sur la pratique
du DPCP et qui pourrait se traduire par des orientations de la ministre au
DPCP, et ça, c'est vraiment dans son rôle de ministre de la Justice
qu'elle nous donne ces orientations.
• (20 heures) •
Pour ce qui est de la gestion, la gestion des
dossiers de poursuites, en fait, les décisions que l'on prend au cas par cas
dans les poursuites, c'est dans son rôle de Procureure générale que la ministre
peut intervenir parce que... Et pourquoi c'est comme ça? Parce que,
traditionnellement, la fonction... on accorde à la fonction de Procureur
général un statut particulier au sein du
Conseil exécutif, en fait, un statut qu'on... on parle de l'indépendance, là.
Qu'est-ce que ça veut dire? Ça
signifie que les orientations gouvernementales ou les volontés du gouvernement
ne devraient pas influencer les décisions prises au cas par cas dans les dossiers
de poursuites. D'où un peu cette espèce d'isolement un peu... pas artificiel,
on est dans un système particulier
qui nous distingue de la Grande-Bretagne, où le ministre de la Justice cumule
aussi la fonction de Procureur général.
Alors, nous
relevons à la fois de la ministre de la Justice, mais de la ministre de la
Justice, en tant que Procureur général,
pour ce qui est de la gestion des poursuites, pour qu'en quelque sorte, je vous
dirais, rejaillisse de l'exercice de nos fonctions le statut particulier
d'indépendance du Procureur général.
Alors, c'est le Procureur général qui
est tenu à l'obligation d'agir indépendamment des considérations politiques
partisanes. Et le législateur, par la Loi
sur le DPCP, en nous délégant les fonctions du Procureur général, il nous délègue
aussi à nous... en fait, pas nous délègue,
mais nous impose aussi, à nous, l'obligation d'agir dans le respect du principe
de l'indépendance.
M. Tanguay :
Et donc, pour les bonnes raisons que vous avez étayées quant à l'interrelation
très scriptée, je dirais, entre la ministre de la Justice, Procureur
général et le DPCP par ailleurs, pour les mêmes bonnes raisons, vous seriez d'accord avec moi que l'institution qu'est la
ministre de la Sécurité publique n'a aucune relation à avoir directement ou à
interagir avec le DPCP.
M. Michel
(Patrick) : Aucune interaction avec le DPCP?
M. Tanguay :
Est-ce que le ministre de la Justice peut prendre le téléphone pour parler à la
DPCP au même titre que la ministre...
Est-ce que la ministre de la Sécurité publique peut prendre le téléphone et
parler à la DPCP au même titre que, dans les balises que vous avez
étayées, peut le faire la ministre de la Justice, Procureur général?
M. Michel (Patrick) : Non. Elle peut le faire, mais... en fait, non, je
ne parle pas de la ministre de la Sécurité publique.
M. Tanguay :
Non, elle ne peut pas le faire.
M. Michel (Patrick) : La ministre de la Justice et Procureur général
peut le faire, mais dans le... ça dépend quel est l'objet du téléphone. Si
c'est pour donner une instruction au DPCP, bien, ça doit se faire par la Gazette
officielle avec un avis public.
M. Tanguay :
...article 23 de sa loi.
M. Michel
(Patrick) : Voilà, tout à fait, tout à fait.
M. Tanguay :
Donc, on sort ça complètement du champ d'influence de la ministre de la
Sécurité publique qui nous présente le projet de loi aujourd'hui.
Vous
avez parlé de l'oeuvre du DPCP, et je veux... je vais mal vous citer, là, «hors
de toute considération partisane». Vous avez utilisé le mot «partisan».
Pouvez-vous nous expliquer, pour le bénéfice de ceux à la maison, en quoi il
serait mauvais que le DPCP soit influencé
par toute partisanerie? Et là, vous me voyez venir, je fais référence entre
autres à la décision de la Cour
suprême, de l'arrêt de 2016, et ainsi de suite, où... et même Me Murphy
qui nous avait bien dit que, quand on
parle de pressions médiatiques, partisanes, parlementaires, elle dit à ses
procureurs : Là, vous embarquez dans un sous-marin. Elle nous l'a raconté. Vous l'avez peut-être entendue
vous-même à l'interne vous dire ça. Pouvez-vous nous expliquer, pour le bénéfice des gens à la maison et pour nous,
parlementaires, au premier titre, pouvez-vous nous expliquer en quoi
c'est important que le DPCP ne soit pas ballotté aux aléas de la partisanerie?
M. Michel (Patrick) : Bon, les principes, en fait, qui gouvernent cette
exigence-là d'indépendance par rapport aux considérations politiques
partisanes, c'est essentiellement pour que le public n'ait d'aucune façon... le
public et d'éventuels accusés n'aient
d'aucune façon l'impression qu'ils sont accusés ou qu'ils font ou pas l'objet
d'accusations sur la base de considérations qui sont tout à fait
inappropriées, inappropriées en droit, j'entends.
Alors,
c'est pour s'assurer que les décisions qui sont prises d'accuser ou de ne pas
accuser un individu reposent sur une
analyse objective, impartiale, intègre de la preuve et qu'il n'y a rien de
politique. Mais il faut faire attention parce que la Cour suprême — vous référez au jugement Cawthorne — distingue les politiques gouvernementales de
la partisanerie. Alors, les
politiques de l'État, comme je le disais, peuvent influencer la conduite du
DPCP, mais pas des décisions qui
seraient prises — je vais
mal citer la Cour suprême, là — mais pour des intérêts politiques du moment
ou des intérêts politiques qui vont accommoder le parti au pouvoir.
M. Tanguay :
Tout à fait. Et vous le citez bien. Je le cite, l'arrêt de 2016 : «...en
droit constitutionnel, les considérations partisanes ou autres considérations
illégitimes ne doivent pas influencer les décisions d'un procureur du ministère
public.» Fin de la citation.
Et,
dans le document que vous avez reproduit et que vous avez daté,
février 2019, et qui existait, je crois, en mai ou juin 2018, là, j'y vais de mémoire, toujours à la page 5, on pouvait vous
lire : «Au nombre des autres considérations "illégitimes" — "illégitimes" étant entre
guillemets, on référait à la décision de la Cour suprême — on peut certes compter la pression
médiatique, populaire ou policière.»
Il
y a deux volets, maintenant, quant au projet de loi qui est devant nous, et qui
nous préoccupent. Il y a le volet
processus comme tel. Est-ce que vous avez une réflexion à nous communiquer
quant à l'importance... Parce qu'il y a déjà un processus, un processus que vous ne remettez pas en cause
aujourd'hui, qui existe, qui a mené à la nomination de Me Murphy, qu'on
dit qu'elle est excellente dans son poste de DPCP et qui, selon mon humble
avis, ne souffre pas d'une crise de
confiance dans la population. La DPCP est bien en poste, et je ne pense pas
qu'elle souffre actuellement de crise de confiance au sein de la population. Ce
processus-là faisait en sorte qu'il y avait un comité de sélection qui a abouti
avec des candidatures. Une seule candidature a été référée par la ministre de
la Justice et a été, donc, entérinée par le Conseil des ministres.
Là,
on veut rajouter une couche, une couche parlementaire. Même comité, même
formation du comité, les mêmes cinq personnes qui aboutiront avec une liste de
candidatures, mais, là, la ministre va en suggérer une au premier ministre,
et le premier ministre va demander à quatre
députés représentant les quatre partis politiques de faire une sorte de
ballottage. On n'est pas à La Voix,
mais il va y avoir un ballottage. Et là il y aura, j'espère, c'est ce qui est
prévu, c'est ce que l'on espère chez
les rédacteurs du projet de loi n° 1, que le huis clos sera respecté, que
la confidentialité de la candidature...
Alors, il y a
deux aspects sur lesquels j'aimerais vous entendre. Est-ce que vous croyez
qu'une crise de non-confiance, qui
n'existe pas présentement pour la DPCP, est-ce que vous croyez qu'on fait un
grand pas en avant si, d'aventure, la
prochaine personne était nommée 84 députés pour, 41 contre? Trouvez-vous que,
là, on s'éloigne, comme nous
l'enseigne la Cour suprême, de la partisanerie ou on flirte dangereusement avec
un recomptage de députés, puis de partis politiques, puis de
partisanerie?
M. Michel
(Patrick) : Je vous dirais
que... écoutez, là-dessus, c'est peut-être... c'est le coeur du débat, vous posez
la question fondamentale qui change effectivement... en fait, qui change la
tradition parlementaire puis la tradition comme on la connaît jusqu'à présent. Bon, vous le savez, le Procureur général
est un représentant de la couronne, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Cour suprême. Les
décisions de poursuivre ou de ne pas poursuivre sont des décisions de l'exécutif.
Et là la grande question de savoir jusqu'où les parlementaires peuvent
intervenir dans le processus de nomination de quelqu'un qui exerce un pouvoir
exécutif, ça dépasse mes compétences.
Maintenant,
est-ce que... pour ce qui est de votre question de savoir si le processus
serait plus ou moins partisan parce
que le DPCP serait nommé aux deux tiers, c'est une question de perception, comme
il y en a qui pourraient percevoir actuellement que, puisqu'il est nommé par le
gouvernement, il pourrait avoir intérêt à défendre le gouvernement plutôt que... Alors, je ne sais pas, c'est une
question... c'est une question de perception, je n'oserais pas me prononcer
quant à savoir si le processus de sélection,
le nouveau processus de sélection entraînera plus ou moins de partisanerie.
M. Tanguay : Est-ce que
vous êtes d'accord avec moi que le projet de loi ajoute une couche, où la
personne sélectionnée doit aller vendre sa
salade et convaincre 84 députés, ce qu'on n'a pas dans le processus
actuel? Vous êtes une bonne
candidature, soumise à la fin du processus parmi les candidatures, on vous
nomme, on ne vous nomme pas. Là, on vous prend dans le bassin des belles
candidatures, et on vous dit : Allez vendre votre salade et répondez aux aspirations, aux préoccupations et aux défis que
vous imposeront les partis politiques. Êtes-vous d'accord avec moi qu'on
rajoute cette couche-là?
Mme Marceau (Joanne) : Si vous
me permettez, peut-être, mais on pourrait poser la question autrement : Est-ce que ça ne serait pas plus une atteinte si
on parle de destitution? Parce que, dans le fond, la nomination, c'est une
chose, la pression n'est pas dans l'acte, mais,
si, par exemple, pour des motivations qui pourraient être légitimes aux yeux
des parlementaires ou légitimes aux yeux du
gouvernement, on destituait un DPCP... est-ce que la question n'est pas posée
de cette façon-là?
• (20 h 10) •
M. Tanguay :
Est-ce que la destitution, pour revenir sur votre point, qui aujourd'hui est
prévue sans cause et sans rapport de
la commission... Donc, déjà là, il y a deux gros drapeaux rouges sur lesquels
vous avez soulevé le... Et là on est au niveau du processus de nomination,
processus de nomination, et j'en suis au processus de nomination, alors, vous
avez soulevé que le projet de loi n° 1 vient retirer deux éléments. C'est
qu'on ne peut pas normalement, mais avec le projet
de loi on pourrait le faire destituer sans cause, et destituer sans rapport de
la Commission de la fonction publique; ça, le bât blesse. Mais j'en suis au niveau de la nomination et, de façon
ab initio, comment s'assurer d'avoir une bonne personne en poste au
DPCP?
Alors, je
reviens avec ma question : Est-ce que vous ne reconnaissez pas qu'on
rajoute une couche en exigeant, ni
plus ni moins, qu'une candidature qui est parfaite, dans le bassin des
candidatures parfaites, doive néanmoins prendre son baluchon puis aller vendre sa salade puis espérer remporter le vote?
Reconnaissez-vous qu'on vient de rajouter une couche de partisanerie? Puis peut-être qu'il s'agit là d'un drapeau
rouge, auquel la Cour suprême nous invitait à réfléchir, de ne pas les
faire tomber dans la partisanerie?
Mme Marceau
(Joanne) : Peut-être, mais,
moi, ce que je vous réponds, c'est sans dire «partisanerie», je vous dirais «pression». Et la réponse qu'on vous donne,
c'est quand Me Murphy disait, ou la Cour suprême, ou même dans la plupart des arrêts sur l'indépendance, quand on
vous dit : Les décisions doivent se prendre sans pression médiatique, sans
pression politique, sans pression tant du gouvernement que des parlementaires,
c'est ce que je vous réponds.
M. Tanguay : Le projet
de loi, en ajoutant cette couche, rajoute un risque de pression, pour être
logique avec vous-même?
M. Michel (Patrick) : Si vous
me permettez, une fois la nomination faite et, quel que soit le processus de
nomination, l'absence de partisanerie, c'est dans les décisions. Je ne dis pas
que la partisanerie devrait faire partie du processus
de nomination, mais la protection constitutionnelle que donne l'indépendance,
c'est qu'après la nomination, les décisions qui sont prises sont prises exemptes de considérations politiques
partisanes. Et je rejoins les propos de ma collègue et je me demande si ce
n'est pas plus dans le processus, dans la question de l'inamovibilité, dans les
garanties d'inamovibilité et dans le
processus de destitution qu'on aurait cette garantie, que les considérations
partisanes n'interviendront pas dans la décision de porter ou non des
accusations.
M. Tanguay :
...
Le Président (M. Bachand) : Le temps est dépassé, M. le... largement
dépassé. Alors, je vais donner la parole maintenant à la députée de
Duplessis, du deuxième groupe d'opposition, pour 3 min 52 s.
Merci.
Mme Richard : Merci, M. le Président. Madame monsieur, bienvenue à l'Assemblée
nationale. Fort intéressant. Je ne
serai pas tout à fait d'accord avec mon collègue qui vient de prendre la parole
quand il dit : Non, je ne pense pas qu'il y ait un climat de méfiance de la part de la population envers le
DPCP. Moi, je dirais : peut-être pas comme l'UPAC, mais, vous savez, moi, je ne suis pas une juriste,
je ne suis pas une avocate, mais je suis une parlementaire, puis je suis
d'abord et avant tout une citoyenne, et j'ai
entendu, moi, comme des millions, je pense, de personnes, dire que des enquêtes
étaient bloquées au niveau du DPCP. Bon, et
je sais que vous avez un devoir de réserve. Je comprends très, très bien. Mais
si nous sommes ici aujourd'hui à discuter de
ce projet de loi, c'est parce qu'il y a eu... la confiance a été ébranlée
envers nos institutions, que ce soit
au niveau de la Sûreté du Québec, du DPCP et de l'UPAC, et je n'aurai pas assez
de trois minutes malheureusement pour vous dire tout ce que j'en pense.
Quand
mon collègue dit, également : On rajoute une couche et pourquoi ne pas
rajouter une couche... Parce que le
processus va quand même être suivi, là, je ne nommerai pas toutes les personnes
qui vont être sur le premier comité de sélection,
et, par la suite, c'est... tous les parlementaires des différents partis
donneront leur aval, mais le processus aura été suivi rigoureusement auparavant. Et si on donne une couche de plus,
c'est justement — est-ce à
tort ou à raison? — que
les gens ont eu la perception qu'il y avait des nominations partisanes. Ceci
étant, c'est dans le peu de temps que j'ai.
Vous
avez quand même beaucoup d'expérience. DPCP, c'est quand les enquêtes sont bien
ficelées qu'on arrive, on décide si on poursuit ou pas. Vous êtes habitués dans
les enquêtes et vous savez que nous, au Parti québécois, on a fait une proposition pour un mandat. Avec tout ce qui
s'est passé à l'UPAC, les sorties fracassantes du commissaire Lafrenière,
des arrestations au budget, journée de
l'élection, il décide de quitter, il n'a pas de comptes à rendre à personne,
c'est vraiment là, moi, je pense que
c'est inacceptable, quand on a occupé de telles fonctions, de faire en sorte...
Mais, ceci étant, c'est moi personnellement que j'engage dans mes
propos.
Est-ce
que vous pensez que, pour un premier mandat, le fait que ce soit une personne
qui ne provienne pas d'un corps
policier, qui pourrait être un juriste ou autre personne qui a quand même les
qualifications requises pour occuper ce poste, ne ferait pas en sorte justement
de redonner un peu plus confiance envers l'Unité permanente anticorruption?
Les gens n'ont aucunement confiance pour l'instant, là, même si on a changé
puis qu'on essaie de repartir un peu sur de nouvelles bases.
M. Michel (Patrick) : Oui. Je vous avouerai ne pas avoir réfléchi du
tout à cette question-là, par
rapport... En fait la question par
rapport... savoir si le prochain
candidat devrait venir ou non d'un corps
de police, être un civil ou non, je n'y ai pas réfléchi. Je peux vous dire seulement,
pour vous parler d'expérience, que, pour avoir, entre guillemets, fréquenté
d'autres poursuivants, nous, on a... Il y a
une structure, là, qui est celle des poursuivants désignés, c'est-à-dire qu'il y a d'autres
organismes, AMF, Revenu, d'autres organismes qui exercent des pouvoirs de
poursuite et qui ont à leur tête pas nécessairement des avocats, pas nécessairement des policiers,
qui peuvent avoir des civils. Alors, je pense que tout tient aux
qualifications de la personne, à son expérience, à ses compétences.
Mme Richard : Je n'ai plus de temps malheureusement, mais, si vous aviez une seule recommandation à nous faire comme parlementaires autour de la table pour faire
en sorte de redonner la confiance aux
citoyens, ça serait laquelle? Envers nos institutions telles que le DPCP
ou autres.
M. Michel
(Patrick) : J'ai combien de...
Mme Richard :
Juste une.
M. Michel
(Patrick) : As-tu une idée?
Une voix :
...
Mme Richard :
Merci.
M. Michel
(Patrick) : Merci. Désolé.
Le Président (M. Bachand) : Alors, vous êtes sauvé par la cloche, maître.
Alors, nous allons poursuivre avec le
représentant du troisième
groupe d'opposition, pour
3 min 52 s, M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci,
M. le Président. Merci pour votre
présence ce soir. C'est toujours particulier d'arriver en soirée comme ça puis de capter toute l'attention des parlementaires. Vous avez fait référence, dans votre présentation, à l'importance de garder la mention «pour cause» sur
une éventuelle destitution. Provenant du milieu du droit du travail, j'étais syndicaliste avant, je connais bien
le concept de renvoi pour cause juste et suffisante. Ça doit être une espèce d'équivalent en quelque sorte, mais, pour me
l'imaginer, j'essaie de comprendre qu'est-ce qui pourrait être, en tout cas
peut-être à vos yeux, une cause pouvant
justifier une destitution de DPCP ou, à l'inverse, qu'est-ce que serait une
cause qui serait injustifiée qui pourrait modifier des parlementaires à
aller dans un processus de destitution?
M. Michel (Patrick) : Merci pour votre question. À la lumière des
débats parlementaires qui ont précédé l'adoption du projet de loi n° 109, là, il y a 11 ans, 12 ans, qui
créait l'institution du DPCP qu'on connaît aujourd'hui, cette question-là
a été abordée dans certaines lois d'autres États. Au lieu d'utiliser le concept
de «pour cause», on parle, de mémoire, là, d'inconduite
ou de cause d'incapacité. Et pour ce qui est de l'inconduite, on va parler des
antécédents judiciaires où la commission
voit une infraction qui soit en lien avec l'exercice de la fonction. Évidemment,
une contravention à l'obligation de
neutralité politique, là, je n'en ai pas parlé, mais dans les garanties
d'indépendance du DPCP, il a l'obligation de faire preuve de neutralité dans l'expression de ses...
Puis, en fait, il ne doit pas, tout simplement, exprimer ses opinions politiques.
Il est tenu à l'exclusivité de fonction.
Alors, si on apprenait que, je ne sais pas, moi, la fin de semaine, le DPCP
arrondit ses fins de mois avec un autre emploi, il contreviendrait à ses
engagements et aux obligations qui découlent de la loi. Alors, c'est ce que
j'identifierais comme des causes valables.
Ce
qui, pour moi, de mon point de vue, ne serait pas une cause... Si, par exemple,
on voulait destituer le DPCP parce qu'on est insatisfait d'une décision qu'il a
prise ou si on voulait le destituer parce qu'on jugeait qu'il prenait trop de temps avant de prendre une décision de porter
ou non des accusations et qu'on voudrait, par le processus de destitution
ou la menace de processus de destitution,
lui faire pression pour prendre une décision qu'il n'est pas prêt à prendre au
regard de la preuve...
M. Leduc :
Comme la microgestion collective du travail du DPCP. Une autre question. Dans
votre présentation, vous avez
également fait référence à l'importance de prévoir une espèce de retour à la
fonction initiale de la personne qui occupe
le siège de DPCP après son mandat. J'essaie de bien comprendre qu'est-ce que
vous proposez. Est-ce que vous proposez
d'avoir une espèce d'entente préalable à l'entrée en fonction, en fonction de
ses intérêts? Il y avait la question de devenir juge après. Comment ça
fonctionne tout ça?
• (20 h 20) •
Mme Marceau (Joanne) : En fait, ce serait de prévoir quelque chose qui
est équivalent à la fonction. Par exemple, on sait que des personnes qui sont nommées sous-ministres en titre ont... peuvent être changées de ministère
ou envoyées à un autre endroit. Il y a
toutes sortes de règles, aux emplois supérieurs, qui prévoient qu'une personne
qui occupe un emploi supérieur peut se voir garantir un emploi
équivalent ailleurs, dans des fonctions équivalentes.
On
parlait de la nomination de juges parce
que c'est une discussion
qui a eu lieu à l'époque, où on se disait, par exemple, sur un comité de sélection d'un DPCP, on
pourrait avoir peut-être un juge en fonction qui pourrait effectivement... Mais d'ailleurs il y a
quatre DPCP, DPCP adjoints, qui sont allés vers la magistrature. Ça peut être
le chemin habituel ou approprié.
M. Leduc :
Vous proposez de sceller ça avant son embauche ou dans les...
Mme Marceau (Joanne) : Bien, que ces règles-là soient prévues avant son
embauche et que pendant les sept ans, on ait cette garantie d'inamovibilité, justement
à cause du «pour cause», mais aussi de savoir qu'au terme de la fonction... À
moins que la personne soit près de la retraite; là, on est ailleurs. Mais si on
prend une personne, par exemple, de 45 ans qui est un procureur, qui pourrait devenir DPCP demain matin, bien, il
redeviendrait procureur au bout des sept ans. Est-ce que c'est ça qu'on
veut?
Je
veux dire, je vous ai entendu aujourd'hui, là, poser la question au directeur de la
SQ; bien, c'est 10 ans, eux autres,
bon, et on se pose la question, effectivement, un policier entre deux âges... Et moi, je vous
dis : La fonction de DPCP est une fonction extrêmement importante :
110 000 poursuites
criminelles, 400 000 poursuites pénales par année, et le DPCP intervient quand même sur tout ce qui est
d'intérêt public. Alors, c'est la recommandation que je vous faisais.
Le Président (M. Bachand) : Merci. Je vais donner maintenant
la parole au député de Chomedey, pour 3 min 33 s.
M. Ouellette : Merci. Pour continuer... bien, bonsoir. Pour continuer dans la même
veine, je vois fort mal le DPCP retourner avocat après ses sept ans, particulièrement
s'il est aussi jeune que Me Michel. Ça fait que...
Des voix :
...
M. Ouellette : Mme la ministre nous a mentionné tantôt que le ministère de la Justice avait été consulté. Je regarde l'article 6
de votre loi actuelle, et vous avez laissé passer... dans le projet de loi
actuel, on a scindé par rapport à la destitution
parce que, dans votre article 6, ça
disait : «Le directeur et son adjoint ne peuvent être destitués ou suspendus
sans rémunération par le gouvernement que pour cause...» Vous l'avez laissé
passer...
Une voix :
...
M. Ouellette : Bien, c'est parce qu'en
partant du moment où la ministre de la Sécurité publique nous dit que la
Justice a été consultée dans l'élaboration du projet de loi, et que, là, on
change la loi actuelle, puis que, dans l'article 10, on ne retrouve pas le
«pour cause», et on fait une catégorie spécifique pour le directeur adjoint,
bien, je dois prendre la parole de la ministre puis j'ai comme
l'impression qu'en quelque part il y a eu des discussions pour en arriver à
cette rédaction-là. Je ne veux pas vous mettre dans une mauvaise position, là.
M. Michel
(Patrick) : Est-ce que je
peux répondre? Merci, M. le Président. Alors, j'ignore les discussions qui ont
pu avoir lieu sur ce changement. Je crois comprendre, en comparant avec tous
les... on a fait un exercice comparatif avec
toutes les autres personnes ou officiers de l'Assemblée nationale nommés par
l'Assemblée nationale pour voir qu'effectivement, dans la plupart des cas,
l'exigence du «pour cause» n'y était pas. Dans le cas... je crois que c'est le Protecteur du citoyen, il y a un peu la même
dichotomie que celle qu'on retrouve dans le projet de loi ici, c'est-à-dire que
le Protecteur, il n'a pas l'exigence du «pour cause» alors que les protecteurs
adjoints au Protecteur du citoyen, il y a cette exigence du «pour cause». Pour le Vérificateur général, il n'y a pas
l'exigence du «pour cause», mais il doit quand même y avoir un avis
préalable auprès de la Commission de l'Assemblée nationale.
Donc, on a
l'impression— et j'ai
entendu, j'ai écouté vos travaux — que la volonté, c'était d'harmoniser avec
les autres officiers, sauf qu'en fait, et
comme je vous disais, on ne doute pas que la... On ne pense pas du tout que la
volonté, ça serait de donner aux
parlementaires le pouvoir de révoquer
sans cause, mais c'est seulement sur le plan des apparences, quand on compare au régime actuel, que ça pourrait
être perçu comme un assouplissement des garanties d'indépendance dans le processus de destitution, d'autant plus
qu'il s'appliquera rétroactivement, entre guillemets, à la directrice actuelle.
Alors, si
d'aucuns peuvent avoir cette impression qu'on affaiblit ou qu'on assouplit le
processus de destitution, on ne voudrait pas que ça soit utilisé pour
remettre en question l'indépendance de la directrice, qui a à compléter son
mandat et qui a été nommée sous l'ancien régime.
M. Ouellette : Et ma dernière
question, ça sera de... Est-ce qu'on devrait préciser, puisqu'on est là-dedans,
le «pour cause»? Je pense que mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve est allé là-dessus.
Mais «une situation urgente nécessitant une
intervention rapide ou dans un cas présumé de faute grave», est-ce qu'on
devrait baliser particulièrement ces termes,
là, justement pour ne pas que... pour éviter des dérives en partant du moment
où on se met les mains dedans, là?
M. Michel
(Patrick) : C'est une bonne
question. Je crois que c'est défini en droit du travail, c'est associé à ce
qu'on appelle le relevé provisoire. Il faut
que la cause ou la gravité de l'action reprochée soit telle que, si les faits
étaient avérés, ça justifierait la
destitution. Alors, je pense que ça vient baliser, là, par interprétation. Ça
serait difficile de définir, je
crois... Autant que c'est difficile de définir... ou c'est aussi difficile de
définir tout ce qui pourrait constituer une inconduite, c'est difficile de définir tout ce qui pourrait
justifier une conduite justifiant... tout ce qui pourrait être une conduite
justifiant le relevé provisoire, pardon.
M. Ouellette : Merci,
Me Michel, Me Marceau.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Cela conclut le temps de la période d'échange. Je tiens à vous
remercier... de vous être déplacés, d'être ici.
Mémoires
déposés
Avant de
conclure, j'aimerais... je procède au dépôt de mémoires d'organismes qui n'ont
pas été entendus lors des audiences
publiques, soit les mémoires de la Commission de la fonction publique et
l'Ordre des ingénieurs du Québec.
Alors, la
commission ajourne ses travaux au jeudi 21 février, après les
affaires courantes, où elle débutera un autre mandat.
Merci beaucoup. Bonne fin de soirée.
(Fin de la séance à 20 h 27)