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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 16 mai 2018 - Vol. 44 N° 259

Étude des premières lignes directrices portant sur le traitement d'une demande d'accommodement pour un motif religieux


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Table des matières

Discussion générale

Remarques finales

Mme Nathalie Roy

Mme Agnès Maltais

Mme Stéphanie Vallée

Autres intervenants

M. Pierre Michel Auger, président

M. Patrick Huot

M. Jean Rousselle

M. Jean Boucher

Note de l'éditeur :   La commission a aussi siégé en matinée pour l'étude détaillée du projet de loi n° 170, Loi modernisant le régime juridique applicable aux permis d'alcool et modifiant diverses dispositions législatives en matière de boissons alcooliques. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats

(Seize heures deux minutes)

Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude des premières lignes directrices portant sur le traitement d'une demande d'accommodement pour un motif religieux.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Nichols (Vaudreuil) est remplacée par M. Giguère (Saint-Maurice) et M. Reid (Orford) est remplacé par M. Bolduc (Mégantic).

Discussion générale

Le Président (M. Auger) : Merci. Je comprends que les échanges, suite à un consensus, se dérouleront par blocs d'une durée d'environ 10 minutes, incluant les questions et les réponses, en alternance entre le gouvernement et les oppositions, afin de permettre à tous les groupes parlementaires d'écouler graduellement leur temps de parole.

Également, les thèmes suivants seront abordés pendant la séance. Premièrement, qu'est-ce qu'un accommodement? Deuxièmement, qui sont les organismes visés et leurs obligations? Et, finalement, comment se déclinent les conditions de la loi?

Enfin, vers la fin de la séance, cinq minutes seront consacrées aux remarques finales. Nous allons maintenant débuter.

Mme Maltais : Mais, M. le Président, question de règle, là. On n'a jamais accepté ces trois questions-là. Je vous le dis tout de suite : Les thèmes n'ont pas été acceptés. On nous a proposé ça, mais nous avons dit non.

Le Président (M. Auger) : Ah! bien, écoutez, moi, c'est l'information que j'avais reçue.

Mme Maltais : Tout à fait.

Le Président (M. Auger) : Mais on peut y aller avec des blocs...

Mme Maltais : ...habituels.

Le Président (M. Auger) : ...vous appartenant, avec le sujet que... Aucun problème. Mais, moi, c'est l'information que j'avais reçue.

Donc, je disais qu'enfin, vers la fin de la séance, cinq minutes seront consacrées aux remarques finales. Donc, nous allons maintenant débuter la période d'échange avec les membres de la commission et, bien sûr, avec le premier bloc du gouvernement. M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Huot : Bien, ça va me faire plaisir, mais je me demandais si Mme la ministre voulait prendre un deux minutes de début. Mais ça permettra, avec ma question, peut-être, qu'elle fasse ses remarques préliminaires.

Bien, bonjour à tous. Il me fait plaisir d'être ici dans un dossier que je n'ai pas suivi aussi assidûment que les membres de la commission puisque je suis membre de la Commission des institutions depuis novembre 2017 seulement, donc après l'adoption du projet de loi n° 62.

Donc, moi, je vais peut-être mettre la table un petit peu, là. Il y a toujours un volet, évidemment, quand on fait ça... un côté un peu pédagogique, d'expliquer plus longuement les objectifs qu'on poursuit avec ça. Là, on est aujourd'hui pour parler des lignes directrices sur le traitement d'une demande d'accommodement pour un motif religieux, article 12 de la loi n° 62. Et, à l'article 18, on fait référence à la journée d'aujourd'hui, à ce qu'on est en train de vivre aujourd'hui, alors qu'on disait : «Les premières lignes directrices établies par le ministre conformément à l'article 12 doivent faire l'objet d'une étude par la commission compétente de l'Assemblée nationale dans les 60 jours de leur publication.»

Donc, moi, je veux bien comprendre, parce que vous comprendrez... On connaît... On a tous parlé de la loi... le projet de loi n° 62. On a tous parlé des objectifs de tout ça. Mais d'arriver avec les lignes directrices, ça permettra peut-être à la ministre de mettre la table aujourd'hui, pourquoi on est ici, de rappeler les objectifs des lignes directrices, de rappeler pourquoi on a adopté des lignes directrices et qu'est-ce qu'elles font, ces lignes directrices là, qui sont un peu une grille d'analyse, là, à ma compréhension. Donc, peut-être, pour la ministre, de mettre la table.

En même temps, il y a beaucoup de gens, sans doute, qui écoutent, c'est un sujet qui est très suivi, on a quelques médias qui sont dans la pièce aussi. Donc, peut-être un rappel, pourquoi on est ici aujourd'hui, et quels sont les objectifs des lignes directrices qui ont été déposées en vertu de l'engagement qui avait été pris, bien, pas de l'engagement, c'est-à-dire que c'est dans la loi, c'est carrément dans la loi que la ministre établit des lignes directrices. Donc, quelques mots sur les grands objectifs poursuivis, s'il vous plaît.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, bien, c'est le moment qui vient clore un peu, qui vient boucler la boucle de toutes les heures que nous avons passées ensemble en commission parlementaire pour l'étude du projet de loi n° 62.

Lorsque l'on a étudié la section portant sur le traitement des accommodements pour motif religieux, qui est la section XI de la loi qui a été adoptée, du projet de loi n° 62, on a, ensemble, étudié chacune des conditions qui viennent nous aider à déterminer si un accommodement pour motif religieux sera accordé ou ne sera pas accordé. Donc, il y a six conditions qui sont établies, il y a les conditions...

Bien, dans un premier temps, il faut qu'il s'agisse d'une demande d'accommodement qui résulte de l'application de l'article 10 de la charte. Parce qu'un accommodement, c'est quoi? C'est une demande qui est présentée pour assurer l'égalité entre l'ensemble des citoyens et assurer l'égalité parce qu'une règle d'application générale porte atteinte à un droit qui est protégé par l'article 10 de la charte. Donc, un accommodement, c'est propre à l'individu et c'est en raison des caractéristiques de l'individu qu'il est demandé. Donc, ça, c'est la première question. Parce que ce n'est pas toutes les demandes qui sont formulées qui constituent, au sens de la loi, une demande d'accommodement. Ça, c'est important.

L'autre élément, il faut s'assurer que la demande est sérieuse, que la demande ne vise pas à échapper à une règle d'application générale ou ne vise pas non plus à obtenir un traitement de faveur. Parce qu'on a, à tort, laissé sous-entendre que l'accommodement, c'était un traitement de faveur à l'égard des personnes d'une... que ce soit à l'égard des minorités religieuses ou d'autres minorités. Ce n'est pas ça, l'objectif, ce n'est pas d'accorder un traitement de faveur, c'est plutôt d'accorder un traitement équitable, d'assurer que la personne ne sera pas lésée en raison de ses caractéristiques personnelles. Ça aussi, c'est important.

L'autre élément, c'est que l'accommodement qui est demandé va respecter l'égalité entre les femmes et les hommes puis le droit de toute personne d'être traitée sans discrimination. Puis, ça, je le souligne, parce que cet élément-là a été ajouté à la suite de nos échanges en commission parlementaire et, si je ne m'abuse, fait suite à un amendement qui avait été présenté par la députée de Taschereau. À preuve, les travaux ont quand même... il y a eu, malgré nos perceptions différentes ou nos idées différentes de la neutralité ou de la laïcité, on a quand même fait un travail de collaboration qui était important.

L'autre élément, c'est déterminer la nature raisonnable de l'accommodement demandé. Est-ce que l'accommodement vient imposer une contrainte excessive à l'organisme? Si oui, bien, ce n'est pas un accommodement raisonnable, donc il ne sera pas accordé. Et cette nature de contrainte excessive, elle s'évalue dans le contexte bien particulier de l'organisme à qui est présentée la demande. Puis, par la suite, évidemment, on demande que la personne qui présente la demande d'accommodement collabore à la recherche de la solution. Et ça, c'est aussi important, parce qu'il faut que les gens se rejoignent, il faut, ensemble, établir un dialogue pour trouver une voie de passage. Et, d'une personne à l'autre et d'un organisme à l'autre, cette voie de passage là peut être différente. Puis évidemment l'accommodement doit aussi respecter le principe de la neutralité religieuse de l'État. On rappelle, la neutralité religieuse, c'est celle des institutions, qui ne favorise ni ne défavorise quelqu'un en raison de sa croyance religieuse, ou de sa liberté de conscience, ou de sa non-croyance. Donc, les individus ont leurs propres caractéristiques, mais l'État, l'organisme est neutre.

• (16 h 10) •

Donc, à partir de là, bien, on établit un petit peu... les lignes directrices nous permettent de mieux définir ces conditions-là, de mieux les expliquer, et constituent un document qui est beaucoup plus facile à manipuler qu'un texte de loi. C'est un document qui est destiné à tous ceux et celles qui seront confrontés à des demandes, mais même aussi, je vous dirais, à la population en général. Donc, quelqu'un qui demande, qui considère formuler une demande d'accommodement peut très bien aussi se référer à cette demande-là pour bien comprendre le cheminement que sa demande va prendre.

Alors, comme, dans la discussion que nous avons eue autour de la table, il a été suggéré que ces lignes directrices là soient présentées pour une première fois de façon... à l'intérieur d'une séance de travail, bien, c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui. Encore une fois, c'était une demande d'amendement de la collègue de Taschereau, qui souhaitait que l'on s'engage clairement à déposer ces lignes directrices là. Alors, on l'a fait, puis c'était, je dirais, de bonne guerre que de demander que ce soit inscrit à la loi parce qu'il s'agit quand même de droit nouveau. Il s'agit quand même d'une première, bien que les demandes d'accommodement existent déjà, M. le Président, depuis toujours, parce que... bien, depuis toujours, depuis l'arrivée de la charte, les demandes d'accommodement existent, donc, sont formulées pour assurer le respect des droits. Donc, ce n'est pas nouveau, ce n'est pas le projet de loi n° 62 qui a soudainement amené, dans le paysage québécois, les demandes d'accommodement pour motif religieux. Il y en a. Il y en a peu. Et il y en a surtout peu qui sont contestées, parce qu'on l'a vu aux crédits, là, les demandes d'accommodement qui sont contestées à la commission des droits de la personne et de la jeunesse et qui portent sur un motif religieux ne font pas légion. Elles représentent 11 demandes, 11 contestations sur 560. Alors, on s'entend, là, ce n'est pas l'invasion des demandes d'accommodement religieux, comme certains et certaines le laissent entendre.

Et l'autre élément qui est important aussi, puis je pense que... je tiens à le rappeler à mon collègue, c'est que ces lignes directrices là que nous étudierons aujourd'hui, elles correspondent à une demande et à une recommandation du rapport Bouchard-Taylor. Je pense que c'est à la page 35, si je ne m'abuse, du rapport abrégé, il est question qu'il y a lieu... «En résumé, nous pouvons affirmer que trois tâches principales s'imposent présentement : formuler les grands principes qui s'appliquent à tous les milieux de travail — ce sont les critères qui sont établis à l'article 11; adapter ces principes au contexte et à la mission des différentes institutions — les lignes directrices d'aujourd'hui; prendre les moyens nécessaires pour diffuser l'expérience acquise au sein des établissements», ce sera la formation et les webinaires qui seront disponibles d'ici le 1er juillet, date d'entrée en vigueur de la loi, donc. Et ces lignes directrices là ont été aussi présentées à MM. Taylor et Bouchard, avec qui nous avons travaillé pour s'assurer qu'elles respectent l'esprit de leur rapport. Et je comprends que M. Bouchard s'est lui-même déclaré, dans les médias, très satisfait des lignes directrices.

Le Président (M. Auger) : Merci. 30 secondes au premier bloc, M. le député... ça va, on peut le reporter sur le prochain bloc du gouvernement. Nous en serions avec le premier bloc de l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, également pour 11 minutes.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. D'abord, je vais saluer tout le monde autour de la table. On s'est vus quelques fois pendant ce mandat sur ce sujet. Et, je vais vous dire honnêtement, je m'en venais puis je disais à quelqu'un : Je m'en viens encore parler de laïcité, je n'en reviens pas puis ça ne me tente pas. Parce que je sais qu'il y en a qui disent qu'on aime ça, allumer des feux, là. Je me souviens très bien du député de Gouin qui a dit : Ah! mais ils sautent là-dessus pour ne pas parler des vraies affaires. Nous, on parle d'éducation, on parle de santé, mais, quand il faut parler de laïcité, on en parle. Ça fait partie de nos valeurs... ce n'est pas un choix. Et je ne m'en viens pas négativement, dans le sens où je voulais vraiment qu'on étudie ces lignes directrices ensemble, puis ça, j'apprécie. Ça a été inscrit dans la loi, et cette étude, elle se fait aujourd'hui en commission parlementaire, et elle s'est faite assez rapidement. Je pense que, dans la loi, c'était même un peu plus de temps que ça, puis ça a été bien fait, ça. Je veux féliciter la ministre pour la rapidité avec laquelle elle nous l'a amené. Puis je le savais que c'était du travail.

Sauf que, au bout du compte, pourquoi on est ici? Puis la ministre a dit : On va boucler la boucle. Bien, pour moi, ce n'est pas boucler la boucle. C'est le sens... si je vais dans le sens de boucler la boucle, c'est : oui, le cercle est rejoint, puis là on continue. Et la roue tourne en rond. On tourne en rond. On a une vieille expression dans mon domaine, on dit : On tourne en rond, chef. Bien, on tourne en rond, chef. Parce que quoi? Pourquoi? Parce que les lignes directrices répètent exactement... elles ne sont pas plus claires que ce qu'est la loi, et la loi n'est pas plus claire que ce qu'était la jurisprudence.

Pourquoi tout ça? Parce qu'on part de deux idées différentes, puis ça, c'est correct, mais les choix se feront bientôt, là, il y a une élection qui s'en vient, puis ça pèse sur tout le monde dans nos discussions, il y a une élection qui s'en vient, puis, à ce moment-là, on fera les choix. Nous, notre idée, c'est qu'il faut que les lois soient plus claires, et qu'ensuite en découlent des lignes directrices plus claires, simplement, alors que l'idée de la ministre et de son parti, c'est qu'il faut simplement se coller sur la jurisprudence. C'est un autre choix que je respecte, puis moi aussi, je veux lui dire que je le respecte, ce choix-là. Mais ce n'est pas le nôtre.

Puis ce n'est peut-être pas non plus l'idée de ceux et celles qui vont avoir à gérer les lignes directrices, puis j'ai quelques citations des gens qui vont avoir à gérer ces lignes directrices. Christian Daigle, le président du Syndicat de la fonction publique du Québec, quand même, dit : «On n'en sait pas plus aujourd'hui. Le flou perdure.» On tourne en rond, chef. «Et, ensuite, quand vous êtes à Murdochville ou à Rouyn-Noranda, le répondant n'est pas à côté de la personne au comptoir. On ne pourra pas dire aux gens — là, je le cite : Bien, revenez dans trois semaines, j'aurai la réponse à ce moment-là.»

Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome des enseignants, dit : «À l'école, c'est la profondeur de la foi de qui?» Parce qu'on va juger sur la profondeur de la foi. «De l'enfant ou des parents qui parlent au nom de l'enfant mineur?» Vous voyez le dilemme devant lequel ils sont? Et une phrase plus dure : «Faute de balises, ce sera le far west dans chacun des milieux.»

Diane Francoeur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui est venue ici en nous demandant d'avoir enfin, pour les gens qui travaillent dans le réseau de la santé, des idées claires, des lignes claires, elle, là, elle est venue ici puis elle est venue plaider en réponse à nos questions : S'il vous plaît, aidez les médecins qui vivent... aidez les infirmières aussi qui vivent avec ce problème d'avoir à juger d'accommodements religieux sans avoir des balises claires. On se dit : Bien, les lignes directrices... Moi, j'attendais beaucoup la réaction des associations. Elle a dit : «On va devoir gérer la confusion de la ministre et on va en être légalement responsables maintenant.» Pourquoi? Parce que c'est ça, maintenant.

C'est qu'il va falloir que la personne juge si elle va accepter plutôt que refuser. Elle n'a pas plus les idées claires à partir de ça. Mais ce qu'on sait maintenant et ce qu'on apprend encore dans les lignes directrices, c'est que ce sera une suspension... si jamais il y a représailles judiciaires parce qu'il y a eu refus d'accommodements, il peut y avoir suspension, la ministre l'a vraiment dit en point de presse : On verra auprès... on va en appeler aux responsables du personnel, aux répondants, et la personne ou l'organisation pourra être poursuivie devant la CDPDJ. Puis c'est là que c'est terrible, parce que les gens, ce qu'ils vont faire, c'est bien simple : ils vont accepter plutôt que refuser parce que c'est bien moins de trouble d'accepter si on ne sent pas que les balises soient claires.

Et c'est par secteurs qu'on s'attendait — ça, je veux le dire — c'est par secteurs qu'on s'attendait à avoir des balises. Des gens de la santé et de l'éducation, c'est deux... c'est vraiment, là, pendant la commission parlementaire, les gens sont venus le dire, et nous l'avons dit souvent ici, autour de la table : Il faut qu'il y ait des balises par secteurs, il faut qu'il y en ait en santé, il faut qu'il y en ait en éducation. Ces lignes directrices que nous avons, aujourd'hui, devant nous, n'ont aucune balise santé ou éducation, on n'est pas dans cet univers-là. On est dans l'univers de : voici comment appliquer la jurisprudence. Bien, ça, on n'avait pas besoin d'une loi pour ça.

Alors, ce que je veux dire, M. le Président, c'est que nous... Moi, ce que je veux dire, aujourd'hui, concernant ces lignes directrices, c'est qu'elles seraient beaucoup plus fortes, beaucoup plus solides si on avait fait préfigurer le principe de laïcité de l'État dans la Charte des droits et des libertés de la personne, ce qui nous a été refusé pendant la commission parlementaire sur l'étude du projet de loi n° 62.

Eh! bien, nous, nous inscrirons la laïcité dans la Charte des droits et des libertés de la personne, ce sera un des premiers gestes que nous ferons en arrivant au pouvoir. Nous inscrirons la laïcité dans la Charte des droits et des libertés de la personne. Pourquoi? Parce qu'une fois que tu as fait ça, une fois que tu as inscrit la laïcité de l'État dans la Charte des droits et libertés, tu juges en fonction d'un État laïque et non plus en fonction d'un État neutre, et il y a tout un monde. Ce n'est pas la bienveillance envers l'entrée des religions, c'est la bienveillance envers chaque personne qui demande un accommodement, mais en ayant une balise claire : l'État est laïque. Et c'est la prémisse, l'État est laïque.

• (16 h 20) •

Il faut baliser aussi, dans la Charte des droits et libertés, les paramètres encadrant les accommodements religieux. Il faut modifier. On l'a proposé souvent, si on modifie le fardeau de la preuve en matière d'accommodements religieux en faisant ce qu'on a fait aux États-Unis, en demandant une contrainte plus que minimale au lieu d'une contrainte excessive, la balise va être beaucoup plus claire pour les gens. Nous allons demander que la contrainte soit plus que minimale, simplement plus que minimale. Pourquoi? Les gens sont capables de juger si c'est plus que le minimum puis ils vont donner : O.K., ça s'arrange, là, minimum, c'est correct, on arrange ça. Mais, s'il faut qu'ils jugent si c'est excessif ou pas, c'est beaucoup plus difficile. Qu'est-ce que l'excès versus qu'est-ce que le minimum? Je pense que les gens sont capables de se dire que les gens vont être... l'excès, juger de... si c'est excessif, c'est beaucoup plus difficile.

Aux États-Unis, ils sont capables de juger avec cette idée de contrainte plus que minimale. Bien, nous, on va faire ça puis on va établir des balises à partir de la laïcité de l'État et à partir des contraintes plus que minimales. C'est à partir de ça, maintenant, qu'on va écrire, nous, des lignes directrices claires. On va promouvoir le devoir de réserve chez les employés de l'État pendant les heures de travail, et ce devoir de réserve va s'appliquer particulièrement aux personnes qui sont en situation d'autorité : les juges, les procureurs, l'accord Bouchard... la clause Bouchard-Taylor, même si on l'appelle clause Taylor aujourd'hui, clause Bouchard plutôt, parce que M. Taylor s'en est dissocié, mais les Québécois, eux, y ont adhéré, les Québécois et les Québécoises y ont adhéré.

Alors, nous, nous allons, dans cette loi qui inscrira la laïcité dans la Charte des droits et libertés... on inscrira que les personnes en situation d'autorité, pouvoir de coercition, ils ne devront pas porter de vêtement à connotation religieuse, ils ne devront pas avoir de signe religieux évident. Puis on va faire la même chose avec les personnes en CPE, en éducation primaire et secondaire, en leur donnant un droit acquis. Il y aura un droit acquis.

Mais ce que je veux dire, M. le Président, c'est ce que ça va faire, c'est que la seule personne au Québec qui aura été mise dehors pour ses convictions s'appellera Fatima Houda-Pepin. Ça restera là, puis ce n'est pas nous autres qui l'avons mise dehors pour ses convictions, quant à cet aspect de la laïcité de la religion.

Mais c'est ça qu'on va faire, nous autres, voilà. Je pense que ça permettra de clarifier les règles.

Et je me demande encore... si j'ai à laisser sur une question, c'est celle-ci : Pourquoi on ne s'est pas rendus jusque-là? Pourquoi le legs que nous allons faire... je sais que la ministre a été choquée quand j'ai dit : Allez-vous quitter l'Assemblée nationale? Je vais lui dire ce que je pense, comment je l'exprimais, mais c'est difficile, la période de questions. Nous avons fait un travail pendant quatre ans ensemble, on s'est vues tous les jours autour de la table. Quel beau legs nous avions à laisser, et ça n'est pas fait. Il n'est pas là. On a une jurisprudence qui est une loi qui est la ligne directrice, il n'y a rien de neuf sous le soleil aujourd'hui, M. le Président.

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous allons maintenant poursuivre avec le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre, toujours pour 11 minutes.

Mme Vallée : Vous me permettrez de répondre à notre collègue, certainement, parce qu'elle a soulevé, quand même, plusieurs éléments, je pense que c'est de bonne guerre puis...

Mme Maltais : M. le Président, juste pour respecter les règles, normalement, ce sont les députés, là, de… ministériels qui posent une question à la ministre...

Le Président (M. Auger) : Non, le temps appartient au gouvernement. Donc, on y va de façon...

Mme Maltais : O.K. Il n'appartient pas aux députés?

Le Président (M. Auger) : Non, non, pas nécessairement.

Mme Maltais : O.K. C'est correct.

Le Président (M. Auger) : C'est au gouvernement. C'est au gouvernement.

Mme Maltais : Au gouvernement, on joue comme...

Le Président (M. Auger) : Oui. Ça va?

Mme Maltais : O.K. Parfait, c'est beau.

Mme Vallée : Puis honnêtement...

Mme Maltais : Je pensais que c'était comme ça. Je voulais respecter...

Le Président (M. Auger) : Non, non, non.

Mme Vallée : Puis mes collègues peuvent aussi, là, sans problème... mais simplement revenir, comme je disais, c'est de bonne guerre. Notre engagement était quand même, lors de l'étude détaillée… c'était très clair, c'était : nous allons émettre ces lignes directrices là. Ces lignes directrices là, ça serait de façon globale, et, par la suite, chaque organisme verra, au besoin, à adapter les lignes directrices à sa situation. Mais je rappelle que la loi s'applique à l'ensemble des organismes publics et ministères, donc elles sont très générales. Si on avait fait des lignes directrices pour chacun des organismes, je pense qu'on serait ici... je pense qu'il manquerait de jours à la session parlementaire pour les étudier.

Ceci dit, il y a quand même les lignes directrices, puis je comprends que ce n'est pas tout le monde qui a visuellement eu la chance de les parcourir puis de les lire, mais ce sont quand même 10 pages d'explications pour un article qui fait 17 lignes. Donc, on a 17 lignes de texte dans la loi et on a quand même 10 pages d'explications qui font le tour du jardin et qui nous amènent à bien expliquer, je crois, l'article.

Mais, par contre, ce qui me frappait des échanges et de l'intervention de notre collègue, c'est qu'elle revenait... évidemment, elle remettait la table avec des discussions qu'on a eu la chance d'avoir et des discussions qui étaient fort intéressantes, où, l'automne dernier, l'été dernier, on a discuté de la question de la neutralité, le choix, qui était le nôtre, d'inscrire la neutralité... de statuer sur la neutralité religieuse de l'État plutôt que d'aller et de souscrire au choix de la collègue, qui était d'inscrire la laïcité. On a eu la chance d'aborder cette question-là.

Parce que, vous savez, M. le Président, la laïcité, elle est, pour certaines et pour certains, une laïcité fermée, à la française, comme on retrouve de l'autre côté de l'océan, une laïcité très stricte, et, pour d'autres, la laïcité, c'est la laïcité ouverte. Et on a eu une belle démonstration de tout ça lors des échanges, et je l'avais mentionné : la laïcité prônée par notre collègue de Taschereau, elle est plus stricte, c'est une laïcité beaucoup plus à la française, et notre collègue de Gouin, lui, avait une laïcité plus ouverte. Alors, cette distinction-là, dans la laïcité, amène quand même son lot de préoccupations.

Pour nous, ça a toujours été clair. Lorsqu'on a fait campagne, en 2014, lorsqu'on a eu les discussions, même, dès 2013, sur le projet de loi n° 60, qui était porté par le Parti québécois, par notre ex-collègue, Bernard Drainville, on avait présenté notre réponse. Et notre réponse, c'était exactement ce que nous avons fait. Donc, moi, M. le Président, je n'ai pas l'impression que je quitterai ce mandat-là n'ayant pas réussi à livrer ce que nous avions convenu collectivement, en tout cas, du moins, de ce côté-ci de la Chambre, de livrer. Et je pense qu'on a adopté une loi qui était conforme aux engagements que nous avions pris, et une loi qui est conforme aussi aux chartes des droits et libertés de la personne, et une loi qui, à mon avis, est beaucoup plus susceptible de favoriser le vivre-ensemble au Québec et favoriser le respect de chaque individu qui compose la société québécoise. Puis, pour ça, moi, je suis fière, M. le Président. Ça n'a pas été un parcours qui a été facile, ça n'a pas été un long fleuve tranquille, mais je suis fière, parce qu'on peut dire que nous avions donné parole, on a tenu parole, en fait, on s'est engagés à faire quelque chose et on a tenu parole, on n'est pas revenus sur la parole donnée. Donc, je pense qu'en politique ça compte, ce type de façon de faire.

Ma collègue revient sur... elle est préoccupée par le traitement des demandes d'accommodement pour motif religieux, et je l'invite à revoir un peu le texte qui avait été présenté en 2013 par son ex-collègue. Les demandes d'accommodements pour matière religieuse étaient... les conditions prévues étaient beaucoup plus vagues, même, que celles que nous avons présentées, que celles qui sont contenues au projet de loi que nous avons adopté. Et, par contre, on retrouve les mêmes concepts, c'est-à-dire : c'est une demande d'accommodement qui résulte de l'application de l'article 10 de la charte, c'est un accommodement qui respecte le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est un accommodement qui est raisonnable, donc qui n'impose pas une contrainte excessive. À l'époque, cet élément-là, que l'on retrouve, à quelques mots près, dans notre loi, était... avait été présenté, et que l'accommodement ne compromet pas la neutralité religieuse. Donc, bon, on fait référence au caractère laïque, oui, effectivement, mais il y avait quand même des éléments assez particuliers qui étaient similaires.

Donc, la collègue sait très bien que, une demande d'accommodement, il n'y a pas de réponse unique, on ne peut prévoir une réponse unique par secteur, par demande. Pourquoi? Parce que l'accommodement, il est aussi varié qu'il y a d'individus, il est aussi varié qu'il y a d'organismes. Donc, de donner une réponse unique, une réponse toute faite à l'avance à une demande en viendrait à dénaturer le concept même de l'accommodement.

Donc, en gros, là, c'est les commentaires que j'aimerais faire suite à l'intervention de ma collègue. Je ne sais pas si, du côté de mes collègues, si on a des questions particulières, parce que je sais que mes collègues avaient aussi préparé leurs interventions. Alors, je ne veux pas leur gruger trop de temps.

• (16 h 30) •

Le Président (M. Auger) : Je vais reconnaître M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Auger) : En vous rappelant qu'il reste quatre minutes.

M. Rousselle : D'accord. Bien, je voudrais saluer tout le monde alentour de la table.

Effectivement, c'est un exercice qu'on a fait depuis fort longtemps. En tout cas, c'est un sujet qui est revenu souvent. C'est un travail qui n'a pas été, non plus, évident, parce que moi, je veux juste vous dire... parce que moi, je regarde au niveau de l'accommodement, et tout.

Chez nous, on est trois générations de police, chez nous. J'ai posé la question, moi, à mon père, j'ai regardé sur mon côté puis j'en ai parlé avec mon fils. Et le vécu des trois est différent. Et c'est là que j'ai vu qu'il y avait une différence d'acceptation sociale, et tout, qui se faisait aussi en même temps. J'ai réalisé qu'avec mon père, qui a eu moins à faire avec d'autres nationalités, je pourrais dire comme ça, bien, lui voyait ça d'une manière.

Puis moi, bien, j'ai connu la différence. On parle d'accommodements, moi, j'ai été dans la génération où les femmes arrivaient dans la police. Donc, déjà là, il y a eu des accommodations à l'intérieur. Il a fallu changer notre manière de faire, notre manière de penser aussi, parce que les lieux n'étaient pas faits pour des filles. Donc, il a fallu s'arranger, même au début, dans des vieux postes de police, avec les moyens du bord, qu'on pourrait dire, surtout dans les endroits de toilette et de douches, là. Mais juste pour vous dire qu'avec le temps ça a changé.

Puis même moi, je travaillais avec un policier de confession mormone et, tu sais, c'est à force de parler avec des gens que tu apprends des choses, puis c'est de même que tu as une ouverture d'esprit qui change aussi dans... L'évolution, je pense, c'est comme ça.

Moi, la question, ça serait surtout au niveau... Le 1er juillet, là, les accommodements, ça va s'enligner comment? Comment qu'on va pouvoir analyser une demande d'accommodement à partir du 1er juillet? Parce que, moi, actuellement, j'ai déjà... Après la police, j'ai travaillé dans une compagnie où il y avait... j'avais 500 personnes à ma charge, puis, oui, il y avait des accommodements que je devais faire là-dedans, et pour toutes sortes de raisons, là : des gens qui étaient handicapés, d'autres, grossesses, entre autres, bien, plein, là. Je pourrais vous en nommer, là, une quantité incroyable. Et j'essayais, justement, d'arranger ça le mieux que je pouvais pour accommoder tout le monde, parce que, tout de même, c'est des employés, tout de même que... tu sais, c'est une manière de faire, une manière de... En tout cas, moi, j'essaie toujours d'organiser ça, que mon monde, qu'on ait... le vivre en commun soit correct et puis... Mais je réussissais toujours, pourtant. Tu sais, c'est à force de parler, je pense à... d'échanger qu'on réussissait à corriger la situation.

Mais moi, je voudrais savoir, à partir du 1er juillet, comment s'en iraient, justement, les analyses d'accommodement.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre, il reste une minute.

Mme Vallée : Bien, en fait, à partir du 1er juillet, les articles de la loi vont entrer en vigueur. Donc, l'article 11, qui prévoit les conditions à rencontrer pour obtenir un accommodement, va entrer en vigueur, les conditions que j'ai énumérées tout à l'heure.

Mais, en gros, de façon générale, les organismes, la première question qu'un organisme va se poser, c'est... Bien, dans un premier temps, le demandeur, la personne qui me présente une demande et qui dit : Moi, je subis de la discrimination en raison de ma croyance religieuse, bien, il va falloir identifier la croyance religieuse, parce que les lignes directrices, il faut... On s'entend, notre collègue, tout à l'heure, faisait référence aux différentes demandes d'accommodement auxquelles il était confronté, mais les lignes directrices et l'article traitent exclusivement des demandes pour motifs religieux.

Le Président (M. Auger) : ...

Mme Vallée : O.K., on reviendra.

Le Président (M. Auger) : On va revenir dans le prochain bloc du gouvernement, car c'est tout le temps que nous avions pour ce deuxième bloc. Nous allons maintenant poursuivre avec le premier bloc du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Montarville, pour 11 min 25 s.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, je salue tout le monde autour de la table.

Il n'y a pas de caméra, mais les gens nous entendent. Donc, pour le bénéfice des gens qui vont nous écouter au micro, j'aimerais faire un petit retour en arrière, parce qu'il y a une mise en situation quand même qui était importante d'être faite puis qui n'a pas été précisée jusqu'à présent.

Ce projet de loi, le projet de loi n° 62, qui s'intitulait projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État et les accommodements religieux, c'était un peu plus long, mais j'abrège, on voit bien, le sujet est dans le titre, ce projet de loi, il a été adopté, mais, il est important de le rappeler pour les gens qui nous écoutent, il a été adopté à la majorité libérale. C'est important de souligner qu'aucun élu des oppositions, toutes oppositions confondues, n'a voté en sa faveur. Alors, je pense que, déjà, ça signifie quelque chose.

Pour nous, ce projet de loi est vraiment un projet de loi libéral et Mme la ministre l'avait souligné d'ailleurs, c'est la vision libérale et c'est leur droit le plus absolu que de présenter cette loi et de l'adopter forte de sa majorité.

Cependant, nous avons, naturellement, fait les débats, les débats qui s'imposaient, nous avons des visions qui s'opposent aussi dans le contexte de la neutralité religieuse de l'État puisque nous, nous croyons, à la Coalition avenir Québec, que neutralité seule, ça ne signifie rien, qu'il faille absolument ajouter le terme laïcité avec la neutralité pour que ça puisse, organiquement, prendre forme. Et c'est la grosse lacune du projet de loi n° 62.

Et nous avons dit, et je me permets de le répéter à ce moment-ci, qu'un gouvernement de la Coalition avenir Québec déchirerait la loi n° 62, je sais que ça ne plaît pas à la ministre, mais c'est notre position, et elle est claire, et il déchirerait également les lignes directrices puisque, pour nous, une mauvaise loi donne naissance à de mauvaises lignes directrices. Je m'expliquerai plus en détail tout à l'heure à cet égard.

Et un gouvernement de la Coalition avenir Québec adopterait une véritable loi de la laïcité. Nous croyons sincèrement, à la lumière de tous les groupes que nous avons entendus, qu'il faut inclure, dans une loi faite par les législateurs du Québec, que l'État québécois est laïque. Au moment où on se parle, ce n'est écrit dans aucune de nos lois. C'est important de le dire, ça, M. le Président, c'est ce qui a fait qu'on n'est pas à la même page puisqu'on ne voit pas les choses de la même façon.

Plusieurs sont venus nous expliquer jusqu'à quel point ajouter à nos lois le fait que l'État québécois est laïque protégerait, protégerait la liberté de religion de chacun puisqu'on installerait une vraie barrière entre l'État et le religieux. En décrétant qu'il y a une neutralité religieuse de l'État, comme le projet de loi n° 62, devenu loi maintenant, le fait, malheureusement, force est de constater que ça crée de la confusion. D'abord, le titre, je trouvais que le titre créait de la confusion dans l'esprit des gens dès le départ puisque plusieurs personnes à qui nous posions la question, on leur disait : Il y a un projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État, les gens nous disaient : Ah! chouette, ça veut dire que l'État est laïque. Non, ça ne veut pas dire ça. Ce n'est pas la même chose.

Alors, déjà, ça crée de la confusion dans l'esprit de la population. Et je pense que ça, la confusion, elle est toujours là, quoiqu'on constate que la loi a plusieurs lacunes dans la mesure où, au moment où on se parle, elle est adoptée, mais elle est déjà contestée devant les tribunaux. Donc, on ouvrait la porte à la contestation, à des difficultés d'application et on se retrouve aujourd'hui avec ces lignes directrices.

Donc, je crois qu'il est bon de dire que... de refaire cette mise en contexte parce qu'effectivement c'est la position du gouvernement libéral, qui, pour nous, n'est pas assez au diapason avec ce que souhaite la population, et la population qui a, par le passé, déjà, et c'est important de le dire, déconfessionnalisé ses écoles. À une certaine période, rappelez-vous, les écoles étaient des écoles catholiques, des écoles protestantes. Il y a eu un énorme travail qui a été fait pour sortir la religion des écoles.

Mais, dans le contexte actuel, en encadrant, de cette façon, les accommodements religieux, en leur donnant une valeur... Parce qu'on n'encadre pas, il n'y a pas de loi au Québec, M. le Président, pour encadrer les autres accommodements raisonnables. Mais les accommodements religieux, eux, sont encadrés et gagnent une valeur ici inestimable aux yeux de certains.

• (16 h 40) •

Donc, le fait que nous avons déconfessionnalisé nos écoles, il y a longtemps, fait croire à plusieurs de nos commettants, les citoyens du Québec, que l'État québécois est laïque. Bien, non, ce n'est pas le cas. L'État québécois n'est pas laïque. Il y a cette séparation de l'État et des institutions religieuses, mais force est de constater qu'avec le projet de loi n° 62 on vient protéger, protéger les accommodements religieux. Pour ce qui est de notre interprétation, on vient mettre sur un piédestal l'accommodement religieux. Et ce que je trouve déplorable, c'est que cette loi qui, selon nous, n'est pas la bonne loi, n'est pas la loi que l'État québécois aurait dû adopter, bien, elle a donné naissance, comme je vous disais, à des directives, des lignes directrices — c'est le nom qu'on a donné — qui, elles aussi, sèment la confusion chez les gens qui devront l'adopter.

Et je suis un peu déçue, parce que je me souviens très, très bien, lors de la dernière journée, on avait discuté, puis je suis allée lire les galées, puis il y a des bouts qui ne sont pas là, parce qu'on a quand même eu plusieurs discussions qui n'étaient pas aussi à micro ouvert...

Donc, il faut que les gens qui nous écoutent sachent qu'on discute aussi souvent à micro fermé pour tenter de trouver des pistes de solution. Et nous avons eu, lors d'une discussion, et la collègue de Taschereau le soulignait tout à l'heure à juste titre... nous nous souvenons, et nous avons bien entendu les intervenants des écoles, des commissions scolaires et du milieu de la santé qui sont venus nous dire : On a absolument besoin d'exemples clairs. C'est d'exemples clairs qu'on a besoin, qu'est-ce qui est permis, qu'est-ce qui n'est pas permis, parce que, dans notre réalité, c'est ça. Et ils nous l'ont bien dit, et ils nous l'ont répété, et, pour nous, c'était vraiment une demande à laquelle il fallait répondre. Force est de constater, à la lecture des lignes directrices, que ce n'est pas le cas.

Et je me souviens qu'à l'époque j'avais dit à Mme la ministre de la Justice, j'ai dit : Écoutez, on pourrait déjà peut-être faire un travail de débroussaillage parce que... Mme la ministre de la Justice de me dire que la Commission des droits de la personne est habituée à traiter des demandes d'accommodement, elle a déjà des réponses. Mais, j'ai dit, c'est parfait. Mais j'ai dit : Pourrions-nous, donc, déjà colliger des décisions jurisprudentielles qui ont été rendues publiques... qui ont été rendues, pardon, par la Commission des droits de la personne? Parce que ça, ça donnerait des exemples : telle demande est acceptée et acceptable, telle demande ne l'est pas. Et j'étais restée sous l'impression que nous aurions, et je ne suis pas la seule, des exemples clairs de ce qui était permis ou non permis.

Et on constate, à la lecture du document qui nous a été remis, que ce n'est pas le cas. Ce que l'on a fait avec les lignes directrices, c'est qu'on a repris l'état actuel du droit, la jurisprudence qui explique ce qui est un accommodement raisonnable et qui explique les critères pour accepter ou non un accommodement pour des motifs religieux. Je veux bien, mais il n'y a rien de nouveau là-dedans. Et, comme le disait Mme la ministre tout à l'heure, j'ai pris quelques notes lorsqu'elle parlait, elle nous dit : Ces lignes directrices, on les retrouve sur 10 pages. 10 pages de lignes directrices.

Et ce que je trouve difficile d'application... Qui devront les appliquer, ces lignes directrices? Ce sont des fonctionnaires de l'État. Ce ne sont pas des avocats, ni des juristes, ni des notaires, ce sont des fonctionnaires de l'État, à qui on va dire... qui seront des répondants, qui auront une certaine formation mais qui devront, de leur propre chef, selon leur propre appréciation, en fonction de ce qu'ils auront compris de la formation qu'ils auront eue, accepter ou non une demande d'accommodement.

Alors, je disais, la semaine dernière, je crois que c'est la semaine dernière, oui, que les lignes directrices ont été rendues publiques. Je disais : Mais ne voyez-vous pas qu'on ouvre ici la porte toute grande ouverte à la subjectivité? Et c'est ça qui m'attriste, parce qu'on a beau dire à tous ces fonctionnaires : Il y aura des répondants, vous aurez une formation, il y a 10 pages d'explications pour leur dire quand dire oui ou quand dire non.

Moi, je les ai lues, et je mets au défi si les collègues, avec un exemple d'une demande... Et je ne suis pas sûre qu'on va avoir quatre réponses identiques. Et même la partie gouvernementale a avoué qu'il est fort possible que, d'une commission scolaire à une autre, ou d'un hôpital à un autre, pour la même demande d'accommodement religieux, on n'ait pas la même réponse. Alors, elle est où, la justice? Si on n'a pas la même réponse pour une même demande, on n'aide pas ici, là, on n'aide pas le citoyen, on n'aide surtout pas les fonctionnaires, les répondants, qui se ramassent avec... et ce n'est pas moi qui le dis, c'est dans de nombreux textes, j'aurai peut-être l'occasion de vous en lire quelques extraits tout à l'heure, de nombreux textes qui nous disent que ce qu'on fait, c'est qu'on refile la patate chaude, que le gouvernement s'est, en quelque sorte, lavé les mains en disant : Voici les règles jurisprudentielles. Ça, c'est les règles jurisprudentielles, c'est ce que nous a appris la Cour suprême, les enseignements de la Cour suprême.

Voici les critères qu'il faut prendre en considération pour dire si, oui ou non, une demande d'accommodement pour un motif religieux peut ou ne peut pas être acceptée. C'est ce qu'il y a dans les 10 pages. Alors, je mets tout le monde au défi ici qui n'est pas avocat de le comprendre, de se faire une tête et d'être très objectif dans son choix. Il ne sera pas objectif, M. le Président, il y aura cette part de subjectivité qui est propre à chacun, en fonction de leurs propres connaissances aussi. Malheureusement, je crains qu'on ouvrira la porte à énormément de subjectivité dans ces décisions.

Alors, j'aurais aimé voir ce guide, parce que j'avais cru, dans nos échanges... et, comme je vous dis, j'ai fouillé dans les galées, oui, pour voir si cette portion d'entretien était là. Mais Mme la ministre s'en souvient sûrement, puisque j'ai dit : Comme la Commission des droits de la personne a déjà des décisions, ce qu'on appelle de la jurisprudence, bien, faisons un répertoire de ces décisions-là. Telle demande est acceptable, telle autre ne l'est pas dans telles circonstances. Et, ça, on ne le retrouve pas, et c'est ce qui nous déçoit. Et c'est ce qui nous fait dire que ce sont de mauvaises lignes directrices, parce qu'elles sont d'une difficulté d'application pour les pauvres fonctionnaires qui vont se ramasser à devoir les interpréter.

Et Mme la ministre disait tout à l'heure : Sur 560 cas à la Commission des droits de la personne, il y a juste eu 11 contestations. Mais la réalité, dans la vraie vie, c'est qu'il y a beaucoup, beaucoup de fonctionnaires à qui l'on pose des questions qui se font demander des accommodements, puis, pour ne pas avoir le trouble, puis ils ne comprennent pas trop comment ça fonctionne, ils ne veulent surtout pas se faire traiter d'intolérants ou de racistes, ils vont accepter des choses ou ils vont subir des pressions. Et ça ne se rendra pas nécessairement à la Commission des droits de la personne non plus.

Alors, c'est pour ça qu'on aurait apprécié des lignes directrices qui donnent vraiment des outils — vous me faites signe, M. le Président, alors je reviendrai tout à l'heure — mais des outils clairs : qu'est-ce qu'on peut accepter, qu'est-ce qu'on peut ne pas accepter. Merci.

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous allons poursuivre avec le troisième bloc du gouvernement. Et, tout à l'heure, vous étiez à répondre à une question du député de Vimont. Je ne sais pas si vous vouliez continuer, mais j'aurais le député d'Ungava, là, qui avait également levé la main. Donc, Mme la ministre, aviez-vous terminé la réponse du député de Vimont?

Mme Vallée : Bien, je n'avais pas terminé la réponse du député de Vimont. Je vais juste, avant d'y revenir...

Le Président (M. Auger) : Répondre à une autre question ou à d'autres...

Mme Vallée : Bien, en fait, M. le Président, vous savez, nous, quand l'étude du projet de loi n° 60, en 2013, a débuté, nous, on s'est positionnés puis on a dit aux Québécois puis aux Québécoises : Voici ce que nous ferons. Puis on a présenté les grandes lignes, qui sont, en fait, le projet de loi n° 62, et qui est maintenant adopté. On a dit que c'était ça.

Moi, je suis supercurieuse, parce que notre collègue dit : Je vais déchirer 62, ce qui... Bon, c'est son droit, elle peut, elle peut le faire, mais elle va avoir à apporter une réponse. Puis je pense qu'avant de dire : Je déchire ce qui existe, elle a la responsabilité de nous dire : Voici ce que je présenterai. Parce que c'est facile de dire : Nous, on inscrirait la laïcité. Mais de quelle laïcité parle-t-on? Puis quelles seraient les obligations qui découleraient de cette loi-là? Quel serait le visage de cette loi-là?

Moi, j'aimerais ça, je suis curieuse, parce qu'hier on a eu, finalement, une présentation de la politique ou des engagements en matière d'immigration que la CAQ présenterait, et elle peut critiquer un projet de loi, mais je vous dirais que... je lisais certains commentaires, ce midi, des commentateurs sur leur vision de l'immigration, puis j'entendais... je lisais : Irresponsable, inapplicable, imposteur, «wedge politic» américain, pipeau. Bref. Alors, je lui dis, M. le Président : Elle a la responsabilité de présenter. Parce que c'est facile, tenir des discours comme ça, c'est facile, cibler la diversité, c'est facile, prétendre qu'il y a actuellement un grand schisme religieux, là, qui s'apprête à se produire au Québec, là, mais, lorsqu'on a, comme ambition, de gouverner, on a la responsabilité d'expliquer ce qu'on va faire avant de tout foutre en l'air.

Ceci dit...

Le Président (M. Auger) : ...s'adresse à la présidence.

• (16 h 50) •

Mme Vallée : Oui, je m'excuse, M. le Président, je m'adresse à vous. Mes yeux regardaient ailleurs, désolée.

Je reviens parce que notre collègue de Vimont demandait : Comment on va traiter les demandes d'accommodement? Puis, en fait, c'est un peu en lien avec la question de notre collègue de tout à l'heure, parce qu'elle prétend que ça va être le chaos et l'apocalypse. Alors, je tiens à la rassurer, là, ça ne devrait pas être l'apocalypse, là. Je disais, tout à l'heure, qu'il y aurait une démarche qui serait en place. Alors, ce n'est pas tellement compliqué, ce n'est pas complexe.

Dans un premier temps, il faut déterminer... Bien, moi, je prétends... par exemple, je vous adresse, M. le député de Vimont, une demande d'accommodement parce que je prétends que la règle qui s'applique dans votre organisme, elle entre en conflit avec une croyance religieuse. Alors, il faut d'abord déterminer, bien, de quelle croyance religieuse il s'agit puis quelle est la règle de l'organisme qui entre en conflit avec la croyance, et quel est le fondement de cette règle-là, de la règle de l'organisme.

Par la suite, bien, cette règle-là, elle a un effet sur la personne qui fait la demande. Quel est cet effet-là? Est-ce que cet effet-là vient entraver la croyance de la personne? Est-ce qu'elle nuit à la capacité de la personne de se conformer à sa croyance religieuse? Ce sont des analyses qui sont quand même assez simples. Et ça, bien, ça permet à l'organisme de comprendre en quoi la demande ou le demandeur... de quelle façon il subit une discrimination, pour en arriver à trouver, potentiellement, une solution.

Et est-ce qu'il y a une façon ou une possibilité d'aménager la règle ou la pratique sans subir une contrainte excessive? Donc, est-ce que c'est possible, pour moi, le dirigeant de l'organisme, de répondre favorablement à la demande, ou est-ce que la demande qu'on me présente apporte, dans mes opérations, dans mon quotidien, dans mes pratiques, un fardeau qui est important et qui finalement devient ce qu'on appelle une contrainte excessive, un fardeau lourd? Puis une contrainte excessive, bien, ça peut être une question financière, mais ça peut être une question de ressources humaines ou d'aménagement des locaux. Et là c'est ça qui permet de déterminer si l'accommodement qui est demandé est raisonnable ou pas.

Puis il faut aussi voir, bien, l'accommodement qui est demandé, est-ce qu'il va avoir un impact sur les équipes? Est-ce qu'il va avoir un impact sur les employés? Est-ce qu'il va avoir un impact sur les autres usagers de l'organisme? Puis est-ce que l'accommodement respecte le principe de la neutralité religieuse de l'État? Donc, évidemment, il faut éviter qu'une demande d'accommodement porte atteinte à l'égalité entre les hommes et les femmes, entre autres, qu'il soit discriminatoire envers des gens, puis il ne faut pas non plus que l'État arrête de fournir un service public, par exemple, pour répondre à une demande d'accommodement religieux, parce que, là, on va à l'encontre de la neutralité. Et l'autre élément... bien, la personne qui formule une demande, est-ce qu'elle collabore à la recherche de solutions, est-ce que, avec moi, elle tente de trouver un point de rencontre qui nous permettrait d'arriver à aménager la situation?

Alors, c'est de ça dont il sera question, alors. Et les conditions sont élaborées à partir de... à l'intérieur des lignes directrices. Je reviens, quand on parle que la demande résulte de l'application de l'article 10 de la charte, bien, il faut déterminer s'il y a un traitement différencié, c'est-à-dire : Est-ce que la personne subit un traitement différent? Puis est-ce que cette différence de traitement là est en lien, est fondée sur sa croyance religieuse? Et est-ce que cette différence de traitement là vient compromettre son droit à l'égalité?

Puis, lorsqu'on parle de notion de religion, là, ça, c'est important de le mentionner, parce que, entre autres, notre collègue de Montarville parle de la religion, de la religion, de la religion, là, puis on sait qu'elle cible une religion en particulier, mais la notion de religion, ça comprend aussi le droit de ne pas croire.

Mme Roy : ...

Le Président (M. Auger) : Oui, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : C'est parce que, là, elle me prête des intentions, là.

Le Président (M. Auger) : Effectivement.

Mme Roy : Vous m'avez entendue tout à l'heure, là.

Le Président (M. Auger) : J'y arrivais, j'y arrivais. Je m'excuse, effectivement, Mme la ministre, vous allez vous adresser à la présidence, et on va faire attention, effectivement, de ne pas prêter des intentions. Ça allait super bien, et on va continuer dans ce sens. Mme la ministre.

Mme Vallée : Parfait. Non, non.

Le Président (M. Auger) : En vous rappelant qu'il vous reste à peu près trois minutes.

Mme Vallée : Alors, la notion de religion, c'est important de comprendre qu'elle comprend le fait de croire ou le fait de ne pas croire, donc le fait d'appartenir ou non à une confession religieuse ou de ne pas en pratiquer. Et ça, c'est important, parce que respecter la liberté de religion et la liberté de conscience, oui, c'est respecter les pratiques religieuses auxquelles peut-être... avec lesquelles on est moins familiers ici, au Québec, mais c'est aussi de respecter le droit de ceux et celles qui ne croient pas, qui n'ont aucune croyance religieuse et qui ne souhaitent, d'aucune façon, se faire imposer des pratiques religieuses. Alors, lorsqu'on respecte la liberté de religion, lorsqu'on établit clairement la neutralité religieuse de l'État, c'est qu'on respecte l'ensemble de cette diversité-là, plutôt que d'imposer une laïcité plus stricte, qui viendra, dans certains cas, limiter la pleine participation de certaines personnes à la société québécoise, en raison notamment de leurs croyances religieuses. Parce que c'est de ça dont il est question.

Lorsque notre collègue... et nos collègues, en fait, parce qu'il y a quand même un point de rencontre entre le Parti québécois et la CAQ sur la question du port des signes religieux par les personnes en autorité. Lorsque nos collègues disent : Pour nous, ce sera important de clairement indiquer que, sous un gouvernement péquiste ou un gouvernement caquiste, nous interdirons le port de signes religieux au sein des personnes en autorité, bien, on vient clairement dire à certains membres de certaines communautés qu'elles n'ont pas leur place au sein de la magistrature, qu'elles n'ont pas leur place au sein des corps policiers, qu'elles n'ont pas leur place au sein de ces postes en autorité. Donc, c'est assez particulier.

Et c'est ça, là, dont il est question, c'est de dire à quelqu'un de confession juive : Tu ne pourras pas accéder à la magistrature parce que tu portes la kippa, c'est de dire à quelqu'un de la communauté sikhe : Tu ne pourras pas participer pleinement à la société québécoise parce que tu portes le turban, parce que ton turban m'intimide, il m'incommode. Le port du turban n'interfère aucunement avec le devoir de neutralité des officiers de l'État, ou le port de la kippa, pas plus qu'une personne athée, qui n'a aucun signe religieux, n'intervient dans cette neutralité-là. Alors, c'est...

Le Président (M. Auger) : Merci, Mme la ministre.

Mme Vallée : Voilà.

Le Président (M. Auger) : Nous allons poursuivre avec le deuxième bloc de l'opposition officielle, toujours pour 11 minutes. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. J'ai écouté attentivement le député de Vimont puis je me suis retenue de lui dire à quel point il m'a insultée. Aller dire : Il suffit de rencontrer du monde pour être plus ouvert, il suffit de rencontrer des gens d'autres, il suffit de rencontrer des jeunes, il suffit... En tout cas, moi, je l'ai pris comme ça, je lui dis, là. Il me semble que je rencontre du monde dans vie, puis je peux lui dire qu'ils ne sont pas tous pareils, puis de la différence, il y en a en masse. Alors, il suffit de, pour changer d'idée... C'est comme ça que je l'ai pris.

M. Rousselle : Bien, monsieur...

Le Président (M. Auger) : Oui, mais...

Mme Maltais : M. le Président, c'est comme ça que je l'ai pris, hein?

Le Président (M. Auger) : Oui, oui, je comprends. Puis je comprends la façon que vous l'avez reçu, mais je suis convaincu que, le député de Vimont, il ne faut pas non plus lui prêter des intentions...

Mme Maltais : Alors, je ne sais pas...

Le Président (M. Auger) : ...dans ce qu'il a apporté comme propos. C'est un exemple.

Mme Maltais : Oui, mais, en tout cas...

Le Président (M. Auger) : Non, j'ai compris. Le député de Vimont, je vous comprends également. On va poursuivre.

Mme Maltais : D'accord. Alors, je lui dirai d'être prudent dans ses propos quand il utilise des termes comme «il suffit de» pour devenir comme ça.

Le Président (M. Auger) : Oui, mais...

Mme Maltais : Parce que moi, je l'ai mal pris. J'ai le droit dans ma perception?

Le Président (M. Auger) : O.K. Oui, oui, tout à fait, exact.

Mme Maltais : C'est ma perception.

Le Président (M. Auger) : Parfait.

• (17 heures) •

Mme Maltais : D'ailleurs, je me suis retenue d'interrompre, vous avez remarqué, M. le Président. Parce que, voyez-vous, la laïcité, ça s'inscrit dans l'histoire québécoise. Et il y a des pays, comme la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse, qui ont inscrit la laïcité, et qui y croient profondément, et qui interdisent certains vêtements religieux, puis je ne pense pas que ce n'est pas des pays ouverts, puis je ne pense pas que ce n'est pas des pays... je ne pense pas que ce soient des pays fermés et étroits, puis je ne pense pas que les gens qui ont passé ces lois-là sont nécessairement des gens fermés, étroits, ou qui n'ont pas compris leur société.

L'autre chose. La ministre, tout à l'heure, a dit : Les accommodements religieux, ce qu'on a là-dedans est encore plus étroit, plus serré que ce qu'il y avait dans le projet de loi n° 60, dit la charte des valeurs. C'est vrai. Excepté qu'il y avait deux autres articles. Il y avait l'article 40, qui mettait la laïcité dans le préambule de la charte des droits et des libertés québécoise, et il y avait l'article 41, qui changeait l'article 9.1 de la charte des droits et des libertés pour y ajouter qu'il fallait ajouter la laïcité aux valeurs démocratiques, à l'ordre public et au bien-être général. Donc, on ajoutait la laïcité à des grands principes généraux, qui, ensuite, expliquaient comment on doit utiliser la liberté de religion, comment on doit l'encadrer, et qu'elle était donc soumise à la laïcité de l'État, pour l'État, et à l'égalité entre les hommes et les femmes. Ça change tout. Ça changeait tout le regard, ensuite, sur les accommodements religieux. Ça changeait tout le regard sur le reste.

Alors, si tu n'as pas ça, tu ne peux pas dire après : On est meilleurs que ce que vous avez fait, on encadre mieux, on encadre plus. On encadre moins. Parce que l'essentiel, c'est d'inscrire la laïcité dans la Charte des droits et des libertés de la personne et de dire que l'égalité entre les hommes et les femmes, elle n'est pas soluble dans la religion. Je le répète : l'égalité entre les hommes et les femmes n'est pas soluble dans la religion. Et c'est un principe auquel je pense qu'à peu près 95 % des Québécois... avec lequel 95 % des Québécois sont d'accord, puis je suis sûre que tout le monde est d'accord autour de la table. Mais ça, il faut l'écrire un jour dans nos lois. Ça, c'est important.

À la page 10 du guide, la ministre est très ferme à l'effet que les signes religieux par les individus ne contreviennent pas à sa vision de la neutralité religieuse de l'État, c'est conforme à... C'est dans l'avant-dernier paragraphe : «Cela signifie qu'un employé d'un organisme visé qui porterait un signe religieux lors de sa prestation de travail ne violerait pas le principe de neutralité religieuse de l'État.»

Or, à plusieurs reprises... puis là, je vais être obligée de... là, on va me traiter de stigmatiser une religion, et tout, mais j'aurais pu parler aussi du turban sikh et de la kippa, mais je vais parler du niqab et de la burqa parce que je parle d'égalité entre les hommes et les femmes, je ne vise pas une religion, je parle de l'égalité entre les hommes et les femmes, elle a refusé de dire si ces deux signes, ces deux morceaux de vêtement là, qui cachent le corps de la femme, ils sont là pour ça, là, pour cacher le corps de la femme, si c'est contraire aux principes d'égalité entre les hommes et les femmes.

Alors, le premier ministre actuel, avant une période électorale, en 2014, a dit ceci : «Nous considérons que le port de ces trois vêtements — il nommait niqab, burqa, tchador — par la femme est l'instrumentalisation de la religion pour des fins d'oppression et de soumission.» L'instrumentalisation de la religion pour des fins d'oppression et de soumission, ce sont les mots mêmes de l'actuel premier ministre. Quand la ministre dit : «Nous avons dit, d'entrée de jeu : Voici ce que nous ferons et voici ce que nous avons fait», il y a comme un petit manque, là.

Alors, ce que je veux savoir — et je lui ai posé la question, je ne l'ai pas eue, ma réponse — c'est : Est-ce qu'elle considère que ces vêtements sont l'instrumentalisation de la religion pour des fins d'oppression et de soumission? Et est-ce qu'elle considère que ce sont des vêtements qui respectent l'égalité entre les hommes et les femmes au Québec?

Le Président (M. Auger) : La réponse va venir dans le prochain bloc du gouvernement, parce que, pour l'instant, vous avez encore 7 min 30 s, Mme la députée de Taschereau. Donc, vous pouvez continuer votre bloc. Ce n'est pas un échange, là, de questions et réponses, c'est vraiment... vous avez un bloc et, par la suite, c'est le bloc du gouvernement.

Mme Maltais : Oui, mais je veux vraiment qu'elle...

Le Président (M. Auger) : Que, oui, elle ait pris bonne note sur la question que vous avez posée.

Mme Maltais : Oui, oui, elle a pris bonne note, ça, c'est parfait. Je répéterais aussi que Mme Fatima Houda-Pepin, en 2015, février 2015, disait ceci, c'est la dernière fois qu'elle l'a dit, pour moi, sur la place publique : «Le niqab, la burqa et le tchador sont des signes d'infériorisation des femmes et non des symboles religieux.» Alors, ce sont des choses... ce sont des paroles assez importantes, M. le Président.

J'ai l'impression qu'avec ces lignes directrices on essaie, et que le gouvernement va faire ça bientôt, on essaie de dire : Le débat est clos. Le débat ne sera pas clos. Le débat ne sera pas clos.

On essaie de dire aussi, puis je l'entends, là, que nous, les autres partis, on fait de la laïcité fermée ou de la laïcité stricte, alors que d'autres font de la laïcité ouverte. Je n'en reviens pas d'entendre ça. Je n'en reviens pas encore d'entendre ça. La meilleure réponse qu'il y avait à ça, on l'a vue pendant la commission parlementaire, c'est que tous les partis étaient d'accord pour ce qu'on a appelé la clause Bouchard-Taylor, maintenant clause Bouchard, mais tous les partis de l'opposition étaient d'accord. Donc, il n'y avait plus de différences dans la laïcité entre les partis d'opposition, c'était : On applique la laïcité. L'application de la laïcité dans la Charte des droits et des libertés de la personne recueille l'aval de tous les partis de l'opposition, ceux qui se font traiter de laïcité stricte comme ceux qui parlent de laïcité ouverte, mais tout le monde était d'accord sur les mêmes propositions qu'on a actuellement.

Donc, il y a un problème actuellement dans le discours gouvernemental, c'est que ça n'accroche plus dans les... le reste du Québec, que représentent les oppositions et qui représente beaucoup de citoyens, a fait son nid et il a fait un nid commun. Le reste du Québec a compris certaines choses, puis, malgré nos divergences — et, mon Dieu, nous en avons sur d'autres sujets avec les autres oppositions, puis je pourrais regarder à ma droite comme à ma gauche, j'en ai vraiment, des divergences profondes — là-dessus, on a réussi à faire un bout de chemin, toute la gang, puis on est arrivés au même endroit, puis on est à l'endroit où sont les Québécois et les Québécoises. Et je trouve dommage, et je le répète, qu'on n'ait pas réussi à régler ça pendant ce mandat-ci. À la prochaine élection, on n'aurait pas besoin d'en parler. C'est dommage. On n'allume pas des feux, on a essayé de les éteindre pendant quatre ans. Mais on a un mur devant nous. Vous me parlez de «fermé», bien, moi, je dis qu'on a un mur devant nous, un mur qui refuse d'aborder ces questions-là de façon sérieuse et de les régler en avançant vers la laïcité québécoise. Il y a vraiment un problème.

Une chose qu'on m'a soulignée, j'ai reçu des commentaires depuis sur ces lignes directrices, c'est : Qui va donner des formations? C'est la commission des droits des personnes et des droits de la jeunesse, sûrement, qui va donner des formations, c'est elle qui, actuellement, est un peu la... qui veille à l'application de la charte des droits et des libertés.

Je remarque, je l'ai déjà dit à la ministre, que, dans les formes de discrimination, savez-vous qu'est-ce qui est une discrimination pour la commission des droits des personnes et des droits de la jeunesse? C'est de refuser de se faire servir par un agent de l'État qui porte un signe religieux. Donc, moi, si je dis que je me sens mal à l'aise de me faire servir par un agent de l'État qui porte, de façon évidente, un signe religieux... Je vais vous donner un exemple : j'en ai parlé souvent, tout le monde sait que mon orientation sexuelle est différente et qu'elle est souvent décriée par les religions, mais toutes, là, c'est global, là. Nous autres, là, la religion, ils nous passent tous dans le tordeur. Si moi, je suis mal à l'aise de me faire servir sur un sujet pointilleux, je ne peux pas demander d'accommodement. Je ne peux pas demander d'accommodement. Selon la CDPDJ, je ne peux pas demander d'accommodement. Refuser de se faire servir par un agent de l'État qui porte un signe religieux, c'est de la discrimination. Je voulais juste rappeler ça. C'est ça aussi, la CDPDJ, c'est ça aussi, les règles dans lesquelles on joue actuellement.

Alors, moi, j'aurais aimé ça qu'au Québec on avance, on fasse un pas de plus vers la laïcité. On a eu tout un mandat, puis on en a eu, des commissions parlementaires, on a deux projets de loi pour faire ça, puis on n'a pas réussi. Et je trouve ça déplorable. On va encore en parler à la prochaine élection, et ce n'est pas notre choix. C'est tout.

Le Président (M. Auger) : Merci. Quatrième bloc du gouvernement, d'une durée de 12 minutes. Mme la ministre.

Mme Vallée : Ce qui est certain, M. le Président, c'est qu'à sa face même, et suite aux interventions des collègues, c'est clair que le débat va perdurer d'ici... et au cours de la prochaine campagne, parce qu'il sera toujours alimenté par ceux et celles qui voient une façon de polariser l'électorat. C'est clair. On s'entend. Cette question-là de l'identité polarise les positions. Et donc, comme on y voit une poignée intéressante, certaines formations politiques vont sans doute tenter de l'exploiter au cours des prochains mois. Mais, moi, M. le Président...

Mme Maltais : M. le Président... prêter des intentions, ça? Je viens de donner l'intention contraire.

Le Président (M. Auger) : Juste un instant.

Mme Vallée : Je ne parle pas de ma collègue, je dis «certains». Je ne parle pas de ma collègue, parce que ma collègue... je comprends que ma collègue, tout comme moi, va regarder la prochaine campagne électorale peut-être d'une façon différente. Je ne sais pas pour elle, mais, en tout cas, du moins, on a toutes les deux convenu qu'on ne sollicitait pas un autre mandat. Donc, probablement, il est possible qu'on soit un petit peu plus discrètes au cours des... qu'on se fasse plus discrètes au cours des prochains mois. Alors, je ne prête pas d'intention à ma collègue, là.

Mme Maltais : M. le Président. M. le Président.

Mme Vallée : Et...

• (17 h 10) •

Le Président (M. Auger) : Juste un instant. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : C'est parce que je fais encore partie de ce parti politique et j'en ferai encore partie.

Le Président (M. Auger) : Oui, effectivement, tout à fait.

Mme Maltais : Et je suis assise aujourd'hui au nom d'un parti politique.

Le Président (M. Auger) : Oui. Et le peut-être, on ne le sait pas, donc...

Mme Maltais : C'est ça.

Le Président (M. Auger) : C'est du conditionnel. Donc, on poursuit.

Mme Vallée : Moi aussi, je fais partie d'un parti politique, je suis fière de faire partie du Parti libéral du Québec, M. le Président, parti qui a mis comme... et qui respecte les libertés individuelles, et qui, vraiment, a mis cette valeur-là, cette valeur libérale là vraiment au... il l'embrasse de façon très claire. D'ailleurs, lorsque notre collègue de Montarville parlait d'un projet libéral, bien, oui, c'est un projet qui est respectueux des valeurs auxquelles nous adhérons collectivement au sein de notre formation politique.

Mais le Québec, c'est une société qui est ouverte, c'est une société qui est inclusive et on... les lignes directrices s'inscrivent justement dans cette orientation-là, visent justement à respecter l'identité de chacun et visent à respecter aussi le droit de ne pas croire, le droit à la diversité. Et une demande d'accommodement formulée qui viendrait porter atteinte aux libertés individuelles, c'est-à-dire au droit à l'égalité entre les femmes et les hommes, et le droit de toute personne d'être traitée sans discrimination, c'est vrai qu'une telle demande serait refusée. C'est vrai.

Pourquoi? Parce que l'accommodement doit respecter ce principe-là, oui, l'égalité entre les hommes et les femmes, qui est très importante, mais, aussi, doit respecter le droit de toute personne à la reconnaissance puis à l'exercice en pleine égalité des droits et libertés de la personne qui sont reconnus à la charte, donc sans discrimination qui serait fondée sur le sexe, sans discrimination qui serait fondée sur la couleur, le sexe, l'identité, l'expression de genre, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap et l'utilisation d'un moyen pour pallier le handicap. Donc, une demande d'accommodement qui viserait à porter atteinte à cette notion-là serait refusée, sera refusée.

Donc, évidemment, comment on évalue l'effet? Comment on évalue cette condition-là? Bien, on évalue l'effet de la demande sur les autres usagers puis sur les membres du personnel de l'organisme qui traite la demande et pas sur la personne qui fait la demande, mais bien sur les gens, l'effet général de la demande d'accommodement. Et, vous savez, pour certaines personnes, il est vrai que le port de signes religieux permet de savoir qu'une personne est de confession religieuse x ou y, que ce soit une confession religieuse musulmane, sikhe, juive, parce que certaines confessions religieuses sont plus visibles que d'autres, je vous dirais. Mais il y a des gens qui ne croient pas, qui sont athées et qui n'ont aucune tolérance pour la diversité ou qui sont croyants, mais qui ne portent aucun signe religieux. Donc, d'exiger ou de demander d'évacuer de l'espace public ou d'évacuer des services publics le port de signes religieux, c'est, en quelque sorte, très accessoire. Parce que les préjugés... Dans le fond, ce que notre collègue nous dit : Moi, ce que je souhaite, c'est être servie par quelqu'un qui sera exempt de préjugés à mon égard. Puis je la comprends, c'est ce qu'on souhaite tous, être servis de façon neutre, respectueuse, mais le signe religieux en soi n'est pas gage de partialité, n'est pas gage de subjectivité, au même titre qu'une personne peut être très subjective, peut avoir des préjugés très forts à l'égard... qu'il s'agisse de la diversité sexuelle, qu'il s'agisse de la diversité culturelle, mais ne porter aucun signe religieux.

Donc, à quelque part, c'est un faux débat, et je ne crois pas qu'on gagne à évacuer de l'espace public le port de signes religieux. Ce sur quoi on doit travailler, c'est justement de combattre les préjugés, de combattre la stigmatisation des différents groupes, de prôner la diversité puis de prôner le vivre-ensemble. C'est comme ça qu'on va réussir à abattre les préjugés.

Puis je suis très sensible à la question de la diversité sexuelle, M. le Président, parce que j'ai aussi cette responsabilité de lutte à l'homophobie et à la transphobie, et, pour moi, on doit travailler très fort pour assurer... pour combattre les préjugés.

Mais, encore une fois, je ne crois pas que la bonne solution consiste, entre autres choses, à évacuer le port du signe religieux. Je ne crois pas à ça. Moi, je crois plutôt qu'on gagne beaucoup à enrichir notre diversité et à assurer la pleine participation de tous les citoyens à la société québécoise. Je n'ai pas envie que le Québec dise non à des talents, dise non à la participation de gens talentueux, compétents au sein de sa fonction publique, au sein de ses corps policiers, au sein de la magistrature. On se casse la tête pour avoir une magistrature diversifiée et représentative de la société. Ça a pris combien de temps pour que la magistrature soit paritaire, juste ça? Je suis pas mal fière, parce qu'on est arrivés... au cours de ce dernier mandat, je suis pas mal fière de ça, en tout cas, du moins, à la Cour du Québec et aux cours municipales, on a fait des progrès. Mais on souhaite aussi que la magistrature soit représentative de la diversité québécoise, on souhaite que l'Assemblée nationale soit représentative de la diversité québécoise.

Moi, je pense qu'on gagnerait beaucoup à travailler de façon sérieuse sur cette question d'intégration, sur cette question d'intégration de la diversité, et à prendre une pause de ces discours qui divisent. C'est certain qu'on n'a pas la même vision. Pour nous... on a présenté notre projet, au niveau de la question de la neutralité, et cette neutralité-là, on y croit, parce qu'elle est, selon nous, la meilleure solution, la meilleure façon de respecter le droit de croire, mais aussi le droit de ne pas croire, beaucoup plus que la laïcité. La laïcité, d'une certaine façon, vient limiter l'accès à certains emplois, à une participation, à bien des gens.

Et je citerais M. Taylor, qui, il y a quelques semaines, dans La Presse+, disait : «J'estime qu'on ne peut pas se payer...» En fait, non, c'est en février 2017, il disait : «J'estime qu'on ne peut pas se payer le luxe de poser de nouveaux gestes qui renouvelleraient cet effet de stigmatisation, quelles que soient les bonnes intentions de certains de leurs défenseurs. Ne rouvrons pas les plaies à nouveau, laissons toute la place au temps de la réconciliation.»

Je sais que je pose ici un jugement personnel sur ce qui est le plus important et le plus urgent. Il pourrait être contesté. Je comprends très bien la tentation de trouver un compromis, lorsqu'il est question du compromis Bouchard-Taylor, cela pourrait amener une réconciliation entre différentes tendances chez les Québécois, en particulier ceux de souche, mais le nouveau «nous» québécois est désormais plus large. Comme Gérard Bouchard nous l'a signalé dans un excellent texte, «le temps où une partie de notre société, fut-elle majoritaire, pouvait agir sans égard pour les minorités marginalisées est passé. Cette législation serait d'autant plus gratuite qu'elle serait très probablement invalidée par les cours, ne laissant derrière elle qu'amertume et division.» Sages paroles. Je pense qu'on a intérêt à y penser.

• (17 h 20) •

Le Président (M. Auger) : Merci, Mme la ministre. Nous allons poursuivre avec le deuxième et dernier bloc du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Montarville, pour 11 minutes.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je vois que Mme la ministre aime beaucoup Bouchard-Taylor. Nous aussi, nous l'aimons, Bouchard-Taylor.

Je vais répondre à sa question puisqu'elle m'a demandé : Vous, qu'allez-vous faire? Bon, en temps et lieu, là. Mais, chose certaine, à la question, plus sérieusement, à la question : À quel type de laïcité... Vous aimez Bouchard-Taylor, Mme la ministre, alors, nous aussi. Dans son rapport, justement, Bouchard-Taylor, eh bien, on définit clairement la laïcité. Et c'est de cette laïcité que nous voulons au Québec, cette laïcité ouverte. Je vais vous faire grâce de toute la définition, j'imagine que la connaissez déjà tous et toutes par coeur. Mais, oui, nous aimons Bouchard-Taylor et nous aimons ce rapport.

Donc, un gouvernement de la Coalition avenir Québec parle de laïcité, laïcité ouverte, et vous réfère au rapport qui nous a coûté une fortune et je vous réfère aux définitions qui sont dans le rapport de la commission Bouchard-Taylor. Donc, nous édicterions une loi sur la laïcité de l'État québécois puisque, comme je vous ai dit tout à l'heure, M. le Président, ça n'existe pas actuellement. Il y a cette séparation de l'État et du religieux qui... de facto, ce qui signifie dans les faits, dans certaines décisions, mais qui n'est pas dans nos lois. Ce n'est pas écrit encore en nulle part. Ça, ça choque beaucoup l'intelligence des citoyens. Pourquoi refuser de l'écrire? Pourquoi? Pourquoi refuser d'écrire ce tout petit mot : laïcité? Donc, à cet égard, j'ai répondu à la question de la ministre.

Mais nous aimons Bouchard-Taylor et nous aimons aussi le rapport qu'il a produit parce que nous croyons, tout comme lui... et je comprends que cet amour est à géométrie variable pour Mme la ministre, mais, selon nous, l'interdiction des signes religieux qui est préconisée dans les recommandations du rapport de la commission Bouchard-Taylor, c'est-à-dire interdiction de signes religieux pour les employés de l'État qui sont en position d'autorité... C'est clair, ça, M. le Président, là, c'est clair : c'est les juges, les procureurs de la couronne, les gardiens de prison, les policiers. Et, nous, à la Coalition avenir Québec, nous ajoutons les enseignants, oui, pour nous, c'est important puisqu'on a déconfessionnalisé les écoles, ne l'oublions pas. Alors, on ne veut plus avoir de bons prêtres ou de bonnes soeurs. Eh bien, aucune religion ne doit être, à l'intérieur des murs, à titre de figure d'autorité, parce qu'il y a toujours du prosélytisme avec les uniformes, et... Ça, c'est Bouchard-Taylor. Et, pour nous, c'est important, et nous y tenons. Les Québécois, ça, ils l'ont compris. Et ils comprennent aussi que ce n'est pas partout, ce n'est pas dans la vie privée des gens, ce n'est pas sur le trottoir, c'est une position, une recommandation qui aurait marqué définitivement l'importance de la laïcité pour l'État québécois. Malheureusement, c'est un rendez-vous qui a été raté avec le 62, et nous croyons cependant qu'il est important de l'inclure dans nos lois.

Donc, par ailleurs, un gouvernement de la Coalition avenir Québec, je vous le disais, abrogerait ce projet de loi n° 62, ce mauvais projet de loi n° 62, on le déchirerait, également les mauvaises lignes directrices qui s'ensuivent, et nous voudrions adopter cette vraie loi sur la laïcité de l'État et des règles directrices claires, des lignes directrices qui nous ont été réclamées, réclamées et réclamées.

Ce qui est très drôle, c'est que, dans certains pays, M. le Président, Mme la ministre parlait tout à l'heure de sujets qui soulèvent la division, etc. Ce sont des discussions importantes, M. le Président, et, dans certains pays, ce qui est très étrange, c'est des pays comme, par exemple... et, quand on parle d'interdiction de signes religieux pour les personnes en position d'autorité, des policiers, des pays comme le Maroc et l'Algérie, par exemple, les signes religieux sont interdits pour les policiers. Est-ce qu'on peut les traiter d'intolérants? Est-ce qu'on peut les traiter de racistes pour ça?

Je pense que le Québec aurait peut-être tout intérêt à s'inspirer de pays qui ont déjà eu à se questionner sur des questions importantes concernant la religion. S'ils le font, si c'est bon pour les Marocains, les Algériens que les policiers, policières ne portent pas de signe religieux, pourquoi ça ne serait pas bon pour nous? Il faut également, je pense, regarder ce qu'il se fait à travers le monde, et on ne serait pas plus méchants, plus intolérants pour ça, M. le Président. On devrait s'en inspirer, je crois.

Et, je l'ai dit, pour nous, il y a des exemples à prendre. Une école, ce n'est pas une église. Nous avons déconfessionnalisé les écoles. Il n'y a même plus de cours de religion. À l'époque, lorsque j'étais petite fille, il y avait des cours de religion, c'est sorti; ensuite, c'est devenu la morale. Là, il y a un autre problème, parce que c'est un autre type de cours, où la religion semble prendre beaucoup de place. Donc, pour nous, une école, ce n'est pas une église.

Et, je l'ai dit, et je le répète : Pour nous, une autopatrouille, ce n'est pas un lieu de culte non plus. Un policier a un rôle extrêmement important dans notre société et il porte l'uniforme pas pour rien. L'uniforme du policier — il y a des policiers ici — l'uniforme du policier, c'est justement pour dépersonnaliser la personne qui le porte. Ce n'est pas Paul, Jean, Jacques, Pierre ou Fatima qui vous arrête, c'est l'État. C'est : au nom de la loi, je vous arrête. Et, si l'État québécois est laïque, bien, ça devrait se voir. On ne devrait pas voir de religion, on devrait voir l'État et uniquement l'uniforme. C'est notre position, et nous allons continuer à la défendre.

Cela dit, Mme la ministre, bien aimé tout à l'heure me parler de lecture, de commentateurs sur certaines propositions qui ne font pas l'objet du présent débat que nous avons. Moi, c'est bien que les gens commentent, que les gens aient des opinions. J'en ai des tonnes à l'inverse. Mais revenons sur les lignes directrices. Il y a une femme pour qui j'ai beaucoup d'admiration et de respect dans sa façon d'analyser les choses, qui a vécu beaucoup de choses, une grande journaliste, Mme Denise Bombardier, qui nous disait, vendredi le 11 mai dernier, dans un texte : «Accommodements : noyer le poisson. La ministre de la Justice doit être soulagée de quitter la politique. Elle a fait son dernier tour de piste en rendant publiques mercredi les directives sur les accommodements raisonnables, des directives tirées par les cheveux. La conception libérale refuse le concept de laïcité au profit de celui de neutralité. La question irrite au plus haut point le premier ministre, qui s'accommodera raisonnablement de sa politique du cas par cas. En clair, la ministre balaie, dans la cour des villes, des établissements de santé, des réseaux de transport, des commissions scolaires, des ministères et des organismes publics, cette patate chaude qu'est le cas par cas.

«Sincérité et croyances.Avec ces directives, une chatte y perd ses petits. Une femme veut porter la burqa pour recevoir des services de la Société d'assurance automobile? La ministre affirme que l'employé qui fait face à ce cas de figure en référera à un répondant, qui s'assurera du sérieux de la demande. Autrement dit, il se méfiera si la demande est faite le 1er avril ou le jour de l'Halloween. De plus, ce désir d'être couverte de la tête aux pieds doit être fondé sur une croyance sincère et se conformer à une pratique religieuse. Le hic, c'est de percevoir la sincérité de cette croyance. Une croyance, par définition, est-elle sincère? Et comment définir la sincérité? Les antisémites, très nombreux parmi les musulmans, précisons-le, croient toujours au complot juif. Ils sont très sincères. L'accommodement doit, selon les directives de la ministre, respecter l'égalité entre les hommes et les femmes. L'on comprend ainsi que la charia ne peut pas se substituer aux tribunaux pour prononcer des divorces entre musulmans. Pourtant, c'est bien ce qui a failli se faire en Ontario il y a quelques années, alors qu'un comité formé, entre autres, de l'ancienne ministre ontarienne de la Condition féminine avait proposé cet accommodement raisonnable à une demande précise d'imams.

«Le gouvernement libéral du Québec n'a jamais souhaité appliquer les recommandations de la Commission Bouchard-Taylor. Charles Taylor, le vire-capot, ne croit plus — y croyait-il sincèrement alors? — à l'interdiction de porter les signes religieux pour les représentants de l'État, tels les juges et les policiers. Les accommodements raisonnables existent depuis longtemps. Ils soulèvent peu de réactions lorsqu'ils portent sur des demandes pour faciliter la mobilité des personnes handicapées physiques, par exemple. Ce sont les accommodements religieux qui posent problème. En particulier, lorsque ces demandes sont le fait de fondamentalistes qui les transforment en revendications politiques. Les Québécois, en majorité, ne sont ni dupes ni intolérants. Ils réagissent simplement à des revendications qui contreviennent aux acquis de la décléricalisation de la société, qu'ils ont appelée de leurs voeux. Ils sont choqués d'être ramenés des décennies en arrière, au temps du catholicisme étatique. Les Québécois sont prisonniers des chartes qui les régissent. La Cour suprême, dans sa suprématie, tranchera toujours en ces matières qui les inquiètent légitimement, car il en va de leur identité.» Fin de la citation, excellent texte de Mme Denise Bombardier, publié le vendredi 11 mai dernier.

Il y a des choses intéressantes là-dedans, surtout quand elle dit que les Québécois ne sont ni dupes ni intolérants. Nous sommes une nation qui avons vécu plusieurs choses. Et j'y reviens, à cette déconfessionnalisation des écoles, entre autres, même de nos institutions hospitalières. Pendant longtemps, c'était la religion catholique qui menait au gouvernement, et il y a eu des bonnes choses de faites, puis il y a eu des mauvaises choses de faites. Mais ça a marqué, ça a marqué la nation québécoise. Et c'est la raison pour laquelle inscrire la laïcité de l'État dans une loi du Québec est si important pour une grande proportion des Québécois.

Ça, malheureusement, le gouvernement actuel, le gouvernement libéral, je crois qu'il est passé à côté carrément lors de cette législature. On aurait pu faire quelque chose ensemble qui aurait rassemblé, qui aurait rassemblé parce qu'il répond, qu'il répond à une vraie problématique.

Et je m'abstiendrai de commenter les termes qu'a employés la ministre tout à l'heure pour décrire les commentaires que j'ai faits, parce que je ne les ai jamais employés, les termes qu'elle a utilisés. Mais vous comprendrez qu'il y avait une occasion ici, une occasion ratée.

• (17 h 30) •

Le Président (M. Auger) : Merci. Merci. Nous allons poursuivre avec le cinquième et dernier bloc du gouvernement pour 11 minutes. Mme la ministre? M. le député d'Ungava? M. le député d'Ungava.

M. Boucher : Alors, merci beaucoup, M. le Président, en cette fin d'après-midi d'étude sur les lignes directrices en regard avec le projet de loi n° 62. Je félicite, bon, Mme la ministre, qui a pris le temps de nous expliquer, quand même de façon sommaire, les six conditions à rencontrer pour accommoder, ce qui pourrait être... pas accommoder, pardon, pour accorder ce qui pourrait être un accommodement raisonnable. Le reste du temps, sauf à quelques exceptions près, on a entendu parler les deux oppositions pour, bon, je comptais les minutes tantôt, là, c'est tout près de trois quarts d'heure, si ce n'est pas une heure, là, je n'ai pas le total exact. Je n'ai pas souvent entendu parler des lignes directrices. On a plus assisté à un débat post-loi n° 62, ce qui n'était pas, ce qui aurait dû être, ce qui n'est pas assez, ce qui est trop. Puis ça, je trouve ça un petit peu dommage, bon, parce que peut-être que c'est un débat qui aurait eu lieu... qui aurait dû avoir lieu, puis, à ma connaissance, qui a eu lieu aussi, parce que j'y étais, durant l'étude du projet de loi n° 62, que ce soit en consultation ou en étude détaillée.

On dit : Bon, vous n'avez pas mis le principe de la laïcité de l'État. Écoutez, moi, M. le Président, je voyage, je voyage beaucoup, partout dans mon comté puis partout au Québec aussi parce que... puis il n'y a jamais personne qui m'a dit : Aïe! M. le député, là, ça ne serait-u pas important que d'inscrire la laïcité de l'État. Il n'y a pas une foule en avant du parlement qui réclame ça à chaque matin. Je veux dire, les gens veulent le respect, les gens veulent un bon vivre-ensemble. Je ne veux pas revenir sur les propos, là, du député de Vimont, là, qui ont offusqué Mme la députée de Taschereau, mais bon, je comprenais ce qu'il voulait dire, tu sais. C'est le vivre-ensemble, là, tu sais, je veux dire. Si je vais à votre rencontre, M. le Président, j'ai des chances de mieux vous connaître, puis vous avez des chances de mieux me connaître aussi si on se rencontre puis on échange vraiment. Qu'une personne demande un accommodement raisonnable pour une question religieuse, je ne me sentirai pas moins québécois le lendemain, je ne me sentirai pas menacé, je n'aurai pas l'impression de perdre mon identité ou de perdre mon pays.

Les gens de la CAQ veulent des choses coulées dans le ciment, claires, une espèce d'application iPad où on dirait : Bon, musulman, congé, jambon, recherche, voici la solution, voici l'accommodement qui est accepté ou rejeté, à quelles conditions. Ça ne marche pas de même, ça, dans la vie, M. le Président. Ça ne marche pas de même, hein? Dans une société simple et facile, tout serait blanc ou noir, toutes les questions se répondraient par oui ou par non. Ça ne marche pas de même, M. le Président. Comme disait mon vieux père : La tête, ça ne sert pas juste à mettre une tuque en hiver, ça sert à s'en servir aussi.

Je veux dire... prenons un exemple, un prof, dans une école, qui demanderait un congé pour motif religieux. Si c'est un prof dans une polyvalente de 4 000 élèves à Montréal où il y a 300 enseignants, on peut dire que ça aura peut-être moins d'impact que dans l'école de Radisson, où il y a 35 élèves de la maternelle à secondaire V. Donc, si un prof veut s'absenter pour la journée ou pour deux, trois jours pour question religieuse, ça veut dire qu'on ferme la classe, ça veut dire qu'il n'y a pas de substitut, ça veut qu'on ne fera pas monter quelqu'un de Montréal ou de Val-d'Or pour venir enseigner deux jours à Radisson. Ça n'a pas les mêmes impacts. Donc, un accommodement qui peut être accordé à Montréal dans la polyvalente que je vous parlais, dans une autre école, que ça soit sur la Côte-Nord, en Gaspésie ou à Radisson, sera refusé, pas parce que c'est moins valable, pas parce que la croyance est moins bonne, c'est juste que les circonstances ne sont pas les mêmes.

Je suis content, Mme la ministre, que vous ayez rappelé, tantôt, c'est quoi, l'article 10 de la charte québécoise des droits. Tout le monde se gargarise avec ça : C'est la charte, c'est mes droits, c'est la charte. Mais je suis sûr qu'on demanderait à quelqu'un : Récite-moi les motifs de non-discrimination de l'article 10, vous auriez un gros «euh», puis peut-être que certains pourraient vous en citer deux, trois. La ministre a fait le tour tantôt, bon, on ne peut pas discriminer, bon, pour des questions, là, de race, de sexe, de grossesse, de croyance religieuse, d'orientation sexuelle, etc., donc c'est quelque chose avec lequel il faut revenir, c'était un petit peu au jeu de base.

Puis, Mme la ministre, sans vous demander de tout répéter, parce que je sais que vous l'avez déjà fait tantôt, mais j'aimerais, dans... il vous reste peut-être six, sept minutes, que vous reveniez un peu à la base de... Quelqu'un qui veut un accommodement, là, que ce soit un employé de l'État ou un client de l'État, entre guillemets, qu'il soit élève ou... c'est quoi, le processus, puis à quelles conditions ça va lui être accordé ou refusé? Avec peut-être un ou deux exemples, si vous avez le temps.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

• (17 h 40) •

Mme Vallée : Merci. Merci à mon collègue. Je vais répondre à sa question, mais je dois... je vous avoue que j'ai été un petit peu troublée, lorsque, tout à l'heure, notre collègue de Montarville nous disait de prendre exemple sur l'Algérie et le Maroc. C'est assez... moi, je suis bien au Québec, là, puis je pense que notre charte est quand même... n'a rien à envier à l'Algérie.

Et, sur la question des signes religieux, bien, en tout cas, il y a... Ça, vous savez, il y a plein de circonstances où on peut être préoccupé, on peut être troublé par les autres, mais ça ne nécessite pas une interdiction, puis il ne faut pas nécessairement légiférer parce qu'on est troublé par la différence de l'autre.

En tout cas, bref, je reviens à la question de mon collègue. Bien, les conditions qu'une personne va devoir remplir pour obtenir une demande d'accommodement, bien, c'est une demande qui résulte de l'application de l'article 10, ici précisément une question religieuse, parce que c'est le thème de ce projet de loi là. Donc, est-ce qu'on subit un traitement différent? Est-ce que c'est fondé sur la religion? Est-ce que cette différence de traitement là vient compromettre le droit à la pleine égalité? Une demande qui n'est pas fondée sur la religion n'est pas visée par les lignes. Et il faut déterminer, bon, si la demande est sérieuse. On a beaucoup, beaucoup ridiculisé cette question-là. Bien, on disait que ça n'avait pas d'allure de mettre ça comme critère. Pourtant, on en a discuté en commission parlementaire. La demande est sérieuse, c'est la question de la croyance sincère. C'est donc : pour satisfaire à cette condition-là, le demandeur va démontrer qu'il a une croyance religieuse sincère et qu'il doit se conformer à une pratique dans l'exercice de sa foi, dans sa conviction religieuse. Donc, c'est une croyance religieuse, évidemment, qui doit être avancée de bonne foi. Ce n'est pas une croyance qui est fictive, qui est arbitraire.

Puis ça, ici, là, ce n'est pas une... On a posé la question puis on a aussi... J'entendais les commentaires, la semaine dernière, qui faisaient référence au pastafarisme. Le pastafarisme, ça a été clairement établi, là. Le pastafarisme, là, ce n'est pas une religion, d'une part, et c'est un mouvement social, et c'est un mouvement social qui vient critiquer, de façon particulière, je dirais, de manière loufoque, les religions. Et les pastafaristes, ils exercent leur liberté d'expression, mais pas leur liberté de religion. Et, on s'entend, ces gens-là ne se promènent pas dans la rue avec leurs passoires à spaghetti sur la tête. Ils ne le font que lorsque vient le temps de se faire photographier, entre autres, à la Société de l'assurance automobile. Alors, c'est une belle... La décision qui a été rendue par la Cour supérieure, dans l'affaire Narayana, bien, se penche justement sur la question du pastafarisme, et vient dire : Bien, des situations comme ça, ce ne sont pas des situations, mais il y a des croyances sincères.

On va également, comme je l'ai mentionné, s'assurer que l'accommodement va respecter le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et le droit de toute personne d'être traitée sans discrimination.

Donc, quels sont les impacts de l'accommodement qui est demandé sur les employés, sur les usagers de l'organisme? C'est une condition qui va s'évaluer en tenant compte des effets de l'accommodement sur les autres usagers et sur les membres du personnel.

L'accommodement demandé respecte le principe de la neutralité religieuse de l'État. Donc, est-ce que la demande a pour effet que l'État viendrait, à travers ses services, favoriser ou défavoriser une religion par rapport à une autre? Un exemple, c'est qu'un organisme ne pourrait pas arrêter d'offrir un service public pour accommoder une personne en raison de sa pratique religieuse. Ça, c'est un exemple.

L'accommodement est raisonnable. On a parlé, et notre collègue en a fait état dans sa question, de la notion de contrainte excessive. Donc, la demande d'accommodement pour motifs religieux ne doit pas causer une contrainte excessive pour l'organisme qui la reçoit. Donc, est-ce que l'organisme peut, raisonnablement, aménager l'application de la règle ou de la pratique en question sans subir une contrainte excessive dans le contexte spécifique de l'organisme? Donc, ce n'est pas seulement qu'une question d'irritants. Disons qu'une demande d'accommodement peut causer des irritants sans pour autant être une contrainte excessive, mais on aura une contrainte excessive lorsque la demande va avoir un impact important sur la prestation des services, sur la mission de l'organisme, sur la capacité de l'organisme à rendre des services publics. Il va y avoir des enjeux sur le coût réel de l'accommodement, les ressources humaines, matérielles, financières, sur le fonctionnement et l'organisation du travail. Est-ce qu'on est obligé d'adapter les lieux? Est-ce qu'on...

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup...

Mme Vallée : Bref... Et il y a d'autres éléments. J'y reviendrai.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Troisième et dernier bloc de l'opposition officielle pour 13 min 30 s.

Mme Maltais : Ça va être assez bref, M. le Président. Écoutez, j'ai hâte de voir comment les gens vont juger de la croyance sincère ou non sincère des gens, là, on est dans l'irrationnel totalement. J'ai bien hâte de voir ça. Puis je souhaite bonne chance, maintenant, aux employés de la fonction publique qui vont avoir à gérer ces situations. Nous, on aurait clarifié tout ça et on a encore bon espoir de clarifier tout ça dans un prochain mandat.

J'aurais une dernière remarque, parce que ça ne sert à rien de prolonger, qui est celle-ci et que j'ai partagée avec ma collègue de Montarville, avec qui... on avait un petit échange tout à l'heure, puis on se disait : De toute façon, on ne peut rien y changer. Ces lignes directrices, elles sont là, on les a examinées, mais on les a examinées publiquement avant, dans le sens où on trouvait qu'on n'avait justement rien à examiner. On avait tant parlé de la loi puis on arrivait à des lignes directrices qui étaient à peu près les termes de la loi. Donc, pour moi, ça clôt le débat, je n'ai pas d'autre chose à dire que je souhaite fortement que la société québécoise, un jour, avance sur le chemin de la laïcité, c'est notre parcours historique, c'est notre chemin historique, et nous y arriverons. Merci.

Le Président (M. Auger) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Nous en serions rendus aux remarques finales.

Ah! oui, c'est vrai, étant donné que le temps n'a pas été écoulé dans son entièreté, j'ai besoin d'un consentement pour considérer le temps comme étant écoulé. Il y a consentement? Consentement.

Remarques finales

Donc, nous en serions à l'étape des remarques finales, et je céderais d'abord la parole à la porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de laïcité, la députée de Montarville, pour ses remarques finales. Vous avez une minute, Mme la députée.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Effectivement, triste de constater qu'on ne pouvait rien changer aujourd'hui. Il y a des gens qui nous écoutent, les lignes directrices sont là, on ne peut rien y ajouter, c'est ça. Point à la ligne.

Maintenant, pour répondre à Mme la ministre, ce que je dis... elle n'a pas compris ce que je disais, c'est qu'il est ironique que des pays qui sont plus religieux que chez nous, tels le Maroc et l'Algérie, par exemple, interdisent le port de signes religieux aux policiers, mais qu'ici on va le permettre. Je trouve ça aberrant. Voilà.

Le Président (M. Auger) : Merci. Mme la députée de Taschereau, vos remarques finales, 1 min 30 s.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais : Nous déposerons une véritable charte de la laïcité avec l'inscription de la laïcité dans la Charte des droits et libertés, c'est comme ça qu'on l'appelle. Nous en finirons avec cette politique du cas par cas, qui, à mon avis, repose sur les épaules des gens qui sont dans la fonction publique. Et je pense qu'il est temps que le Québec avance dans la laïcité, je l'ai déjà dit, et l'avenir verra qui a eu raison.

Le Président (M. Auger) : Merci, Mme la députée. Finalement, Mme la ministre, vous disposez... vos remarques finales, 2 min 30 s.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Bien, merci, M. le Président. Bien, vous voyez, je constate que nous avons eu droit, un petit peu, à ce qui me préoccupait, c'est-à-dire, on a répondu à une demande qui a été formulée en commission parlementaire, d'avoir un échange qui se voulait un échange pédagogique sur les lignes directrices. Je pense qu'on n'en a pas parlé tant que ça, des lignes directrices, malheureusement. Mais moi, je vous dis, M. le Président, je suis fière, parce qu'on a livré ce que nous nous sommes engagés à livrer.

Oui, les demandes d'accommodement, c'est du cas par cas, parce que c'est un droit... Il s'agit de droits puis de libertés individuelles. Et donc faire des règles applicables à tout le monde, c'est peut-être plus simple, mais ce serait nier les droits et libertés qui sont protégés par nos chartes. Et moi, M. le Président, je comprends que ce n'est pas facile, je comprends que, comme l'imageait si bien notre collègue d'Ungava, on voudrait une machine qui réponde oui, non, in, out à une demande d'accommodement. Mais ce n'est pas ça. Ce n'est pas l'esprit de nos chartes. Ce n'est pas l'esprit des demandes d'accommodement.

Et moi, M. le Président, je vais toujours défendre, haut et fort, les droits et libertés individuels. Et une société est justement jugée à la façon dont la majorité traite ses minorités. Et je serai toujours là pour défendre ces droits et ces libertés qui sont protégées dans nos chartes.

Et on ressasse encore de... On s'apprête encore à jouer dans le même scénario identitaire qu'on l'a fait par le passé. Je sais que, comme je l'ai dit, il s'agit de dossiers qui polarisent, qui polarisent l'électorat. Et puis peut-être que, pour certains, ça peut être intéressant, mais moi, je vous dis que, de façon générale, on a intérêt à aborder la diversité sous un autre angle et s'assurer que le Québec puisse réellement s'enrichir de sa diversité et compter sur sa diversité pour relever les défis de demain. Et on en a, des défis réels à relever au Québec. On a des défis de main-d'oeuvre entre autres. Et c'est à ça qu'on doit s'attaquer réellement.

Alors, je remercie les collègues. Je remercie les complices de la commission, donc, le député de Vanier, le député d'Ungava, le député de Vimont, le député de Saint-Maurice et aussi, évidemment, les complices du ministère de la Justice, donc, évidemment, Me Samson, Marc Samson, Me Élise Labrecque, Me Kathye Pomerleau, Me Vincent Roy, Me Amélie Pelletier Desrosiers et notre fidèle Me Michèle Durocher, qui nous a accompagnés tout au long, tout au long du processus qui a mené à l'adoption du projet de loi n° 62 et à l'adoption des lignes directrices. Puis elle va nous manquer. Alors, voilà.

Le Président (M. Auger) : Merci.

Mme Vallée : Merci beaucoup, M. le Président. Puis merci aux membres de mon équipe, parce qu'évidemment on avait travaillé très fort, on avait beaucoup, beaucoup, beaucoup de documents, pensant qu'on aurait des questions très précises sur les lignes directrices. Mais l'objectif... Finalement, on a refait un peu certains passages de 62.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Merci à vous tous, chers collègues, pour votre collaboration.

Et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 49)

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