(Quinze heures quatre minutes)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
projet de loi
n° 107, Loi visant à accroître la compétence et l'indépendance du
commissaire à la lutte contre la corruption et du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du
directeur des poursuites criminelles et pénales d'accorder certains
avantages à des témoins collaborateurs.
Mme la secrétaire, il y a des
remplacements.
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Marceau (Rousseau)
est remplacé par M. Bérubé (Matane-Matapédia) et
M. Jolin-Barrette (Borduas) est remplacé par M. Spénard
(Beauce-Nord).
Le
Président (M. Ouellette) : Cet après-midi, après les remarques préliminaires — et vous comprendrez que j'ai besoin du consentement pour que M. le député de
Mercier puisse participer aux remarques préliminaires, ce que j'obtiens
de la part des collègues de la
commission — nous
entendrons les organismes suivants, soit la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et le Comité
public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau.
Dans un premier temps, je souhaite la bienvenue
aux deux nouveaux membres de notre commission : Mme la députée de Vaudreuil et M. le député de
Maskinongé. Vous allez voir que c'est une commission qui est très
dynamique, la Commission des institutions, et on est très heureux de vous avoir
parmi nous.
Remarques préliminaires
On va immédiatement débuter les remarques
préliminaires. J'inviterais M. le ministre à faire ses remarques.
M. Martin Coiteux
M. Coiteux : Bien, M. le Président,
chers collègues de la commission, j'ai présenté à l'Assemblée nationale le 8 juin 2016 le projet de loi n° 107,
qui est intitulé Loi visant à accroître la compétence et l'indépendance du
commissaire à la lutte contre la corruption
et du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du directeur des
poursuites criminelles et pénales d'accorder certains avantages à des témoins
collaborateurs.
Aujourd'hui,
j'ai le plaisir de soumettre ce projet de loi pour consultations. C'est une
étape qui est importante. Et j'en profite d'ailleurs pour remercier tous
ceux et toutes celles qui vont participer à ces consultations.
Alors, c'est
un projet de loi qui poursuit trois grands objectifs : d'abord, de
renforcer l'indépendance et l'autonomie du Commissaire à la lutte contre la corruption dans l'accomplissement de
sa mission; ensuite, de clarifier sa compétence dans la conduite d'enquêtes criminelles visant la corruption; préserver
la confiance du public en élargissant le mandat du Bureau des enquêtes indépendantes et en lui
confiant davantage d'autonomie lors du déclenchement de ses enquêtes. Et
j'avais dit «trois grands objectifs», mais
il y en a, en fait, un quatrième : étendre le pouvoir du Directeur des
poursuites criminelles et pénales. De plus, le projet de loi propose de donner
suite à trois importantes recommandations du rapport
de la commission Charbonneau — on va les désigner par leurs numéros — les recommandations nos 9, 31 et 37.
Commençons par le premier point, qui est celui
de renforcer l'indépendance et l'autonomie du Commissaire à la lutte contre la corruption et établir sa
compétence. Le projet de loi vise à permettre au commissaire de diriger de
façon autonome ses propres policiers et non
plus seulement de les coordonner. Il renforce également le leadership de
l'UPAC en matière d'enquêtes criminelles sur
des stratagèmes de corruption. Le projet de loi, en effet, prévoit imposer
l'obligation pour tous les corps de police
de l'aviser et de collaborer avec lui lorsqu'ils ont des motifs raisonnables de
croire qu'un acte répréhensible en matière de corruption, de collusion,
d'abus de confiance, de malversation, de fraude ou de trafic d'influence a été
commis. Le projet de loi vise également à étendre le mandat de l'UPAC aux cas
de corruption dans l'administration de la
justice et dans l'octroi des droits ou de privilèges — autorisations, nominations, subventions.
Enfin, le projet de loi propose de modifier
le mode de nomination du commissaire afin que ce processus réponde en tous
points aux attentes formulées dans le rapport de la commission Charbonneau, qui
recommande, entre autres, que le mode de nomination du commissaire soit analogue
à celui du Directeur des poursuites criminelles et pénales.
Le deuxième
objectif maintenant, qui est celui d'élargir le mandat du BEI et de renforcer
son indépendance en lui accordant davantage d'autonomie. Alors, un
objectif du projet de loi est d'élargir le mandat du Bureau des enquêtes indépendantes et
d'accroître son indépendance en lui accordant, notamment, plus d'autonomie lors
du déclenchement des enquêtes. La loi
actuelle prévoit, en effet, que le ministre de la Sécurité publique doit confier
au BEI le mandat de mener une enquête
indépendante. Le projet de loi propose plutôt de permettre au BEI de déclencher
lui-même ses propres enquêtes indépendantes. De plus, le projet de loi
n° 107 vise à renforcer la confiance du public à l'égard de l'impartialité
et de l'indépendance des enquêtes menées sur des allégations d'infraction à
caractère sexuel qui auraient été commises par des policiers dans l'exercice de
leurs fonctions, en proposant que ces enquêtes, compte tenu de leur
sensibilité, soient automatiquement menées par le BEI.
Autre
objectif du projet de loi : accroître le pouvoir du DPCP. Alors, cet
objectif du projet de loi est d'accroître le pouvoir du DPCP en lui permettant d'accorder certains avantages aux
témoins collaborateurs essentiels aux enquêtes et aux poursuites criminelles. Actuellement, les pouvoirs
du DPCP lui permettent d'octroyer des immunités uniquement en regard des lois qu'il applique, notamment, en matière
criminelle. Le rapport de la commission Charbonneau soulignait les défis
que posent les enquêtes portant sur l'octroi et la gestion des contrats publics
dans l'industrie de la construction sans la contribution
de témoins collaborateurs. Les modifications proposées rendront la collaboration de tels témoins plus facile, plus
aisée. En effet, le projet
de loi n° 107 propose de
permettre au DPCP d'accorder à des témoins collaborateurs des immunités
en matière civile, fiscale ou disciplinaire.
En
conclusion, notre objectif est de nous assurer que le Commissaire à la lutte contre la corruption, le Bureau des enquêtes
indépendantes et le Directeur des poursuites criminelles et pénales bénéficient de toute la marge de manoeuvre nécessaire pour mener à
bien leurs mandats respectifs. Nous porterons toute l'attention nécessaire aux
positions des différents intervenants et nous sommes ouverts, bien
entendu, à entendre tous les
commentaires susceptibles de bonifier ce projet de loi. Merci beaucoup.
• (15 h 10) •
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
M. le ministre. M. le député de Matane-Matapédia.
M. Pascal Bérubé
M.
Bérubé : Merci, M.
le Président. Je veux saluer le ministre, les députés gouvernementaux, le porte-parole
de la deuxième opposition
en matière de sécurité publique, les personnes qui nous écoutent et réitérer un
certain nombre d'éléments importants pour le Parti québécois.
D'abord, ce
qui nous guide dans ces travaux, que ça soit avec l'Unité permanente anticorruption, que ce soit avec le Bureau des enquêtes indépendantes ou la Direction
des poursuites criminelles et pénales, c'est la recherche de la vérité.
Et ce n'est pas d'hier qu'on affirme haut et fort qu'on a besoin d'une
indépendance de ces institutions pour qu'il n'y ait pas impunité, pour
qu'il y ait justice, pour que les gens aient confiance dans
le système qu'on a au Québec, et, à de
nombreuses reprises, force est de constater
que non seulement les parlementaires... à tout le moins, ceux de l'opposition mais le public ont été déçus des résultats de certaines institutions, se posent des questions importantes sur l'indépendance de
certains individus à l'intérieur des
organisations — et je
fais une distinction entre les organisations et les individus — et c'est de nature à miner la
crédibilité de ces institutions.
Le projet de loi n° 107, c'est une volonté,
notamment, de l'Unité permanente anticorruption, qu'on entendra demain. Enfin, c'est heureux, finalement on les
entendra. Il aura fallu faire la demande pour les entendre. Ce n'est pas
banal, M. le Président. Même chose pour la
Sûreté du Québec, même chose pour le Bureau des enquêtes indépendantes, même chose pour la Direction des poursuites
criminelles et pénales. C'est inusité. En 10 ans de vie politique, je n'ai
jamais vu une telle chose. Alors, si une
organisation demande un projet de loi, à moins que le ministre m'indique tout à
l'heure que c'est la volonté de son
gouvernement d'aller de l'avant, c'est la moindre des choses qu'on vienne
s'expliquer devant les parlementaires, devant les élus du peuple.
Dans le titre
du projet de loi, il y a le terme «indépendance», «indépendance» du Commissaire
à la lutte contre la corruption et du
Bureau des enquêtes indépendantes, et on parle de la Direction des poursuites
criminelles et pénales aussi dans ce
projet de loi. Pour ce qui est de l'Unité permanente anticorruption, on en est,
on souhaite davantage d'indépendance, mais
la véritable indépendance, l'indépendance du gouvernement. Le gouvernement est
le seul à nommer le commissaire de la
lutte à la corruption. Ce commissaire enquête, notamment, sur des personnes
apparentées au gouvernement, c'est avéré. Le commissaire a lui-même indiqué à l'étude des crédits que dans
l'affaire Mâchurer, ça touche un ancien parlementaire, et non le moindre, et un organisateur politique
important. Alors, imaginez dans quelle situation de vulnérabilité se
trouve le commissaire de la lutte à la corruption.
À ma connaissance, le 2 novembre 2015, lors
d'une émission qui s'appelle Deux hommes en or, avec Patrick Lagacé, j'ai proposé le premier que la nomination
du commissaire se fasse aux deux tiers des députés de l'Assemblée nationale, comme c'est le cas pour d'autres
institutions, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen,
et d'autres. Ça n'a jamais été retenu. Je ne
sais pas pourquoi, pour la lutte contre la corruption, il faudrait que ça
demeure l'apanage seulement du gouvernement.
Il me semble que c'est une position qui est pleine de sens, qui est partagée
par de nombreux analystes, par la Coalition
avenir Québec, par Québec solidaire, par tous ceux qui veulent s'assurer qu'il
y a une indépendance. Et on peut se poser la question également des
résultats. C'est beaucoup plus rapide quand c'est du municipal. Moi, j'ai participé à un gouvernement où j'ai vu, là, pendant
18 mois, la fin d'un régime douteux à Montréal et à Laval. Et, quand vient le temps de travailler sur
ce qui est près du gouvernemental, on dirait qu'il y a toujours des
embûches. Alors, notre proposition demeure.
Et
la condition, quant à nous, quant à notre approbation de ce projet de loi,
c'est qu'on se penche sur la nomination du commissaire. Et j'avertis déjà le gouvernement que, sans un vaste
assentiment de la Chambre pour adopter une loi aussi fondamentale que l'indépendance de l'UPAC, ça sera
un exercice qui est raté, c'est clair, et encore une fois ça confirmera que le gouvernement veut être le seul à s'arroger ce
pouvoir. On a des questions importantes à poser, et il y aura des enjeux moraux
importants. Est-ce qu'on veut s'assurer d'avoir la meilleure structure possible
pour gérer la lutte à la corruption ou on
veut absolument protéger les nominations qu'on a faites? Et c'est
le genre de questionnements qu'on aura à se faire au cours des prochains
jours. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. le député de Matane-Matapédia. M. le député de
Beauce-Nord.
M.
André Spénard
M.
Spénard : Merci, M. le Président. Alors, je tiens à saluer
M. le ministre, les collègues députés autour de la table, mon confrère député de Matane-Matapédia.
Sans reprendre tout ce que mon confrère a dit — je suis, en majorité, d'accord avec lui — je pense qu'on est ici pour, en tout cas,
accroître l'efficience des différents corps policiers. Ça passe par l'UPAC, ça passe par aussi le DPCP en ce qui
concerne les accusations. Ça va passer aussi par la nomination.
Évidemment, la nomination du commissaire,
nous aussi, on est en faveur que ça soit nommé par l'Assemblée nationale,
compte tenu que ce projet de loi est
là aussi pour redonner confiance au public en matière de justice, et d'équité,
et d'indépendance, surtout d'indépendance de la justice.
Je pense que, si on
veut parler d'indépendance ou du sentiment d'indépendance qu'on doit envoyer au
public, un sentiment fort, une des premières
choses serait que le commissaire à l'UPAC ne soit pas uniquement nommé
par le gouvernement. On a vu ce qui s'est
passé lorsque — puis je
veux revenir à peu près un an et demi en arrière — il y a eu le dépôt du budget du ministre des Finances. La journée même, le
commissaire à l'UPAC, qui était pour être nommé, mais on ne sait pas si
c'était lui ou si c'était un autre que le gouvernement avait dans ses
cartons... la journée même du dépôt du
budget, procède à l'arrestation de Mme Normandeau et de M. Côté, en tout cas,
de... Alors, est-ce qu'il y a une réelle indépendance entre l'UPAC et le gouvernement si c'est le gouvernement qui procède aux nominations? Moi, en tout cas, ça m'est resté
dans la tête beaucoup, M. le
ministre, pour dire que, s'il y avait
eu un accord des deux tiers de l'Assemblée nationale au lieu que ça soit
juste le gouvernement, peut-être
qu'une chose comme ça... Et M. Lafrenière a bien beau nous dire que c'était complètement par hasard, c'était
fortuit — écoutez,
là, on en prend puis on en laisse, là — je pense qu'il n'y a pas personne qui
l'a cru.
On
va être ici pour travailler évidemment, là, à améliorer le système, pour
travailler en étroite collaboration. On va avoir des questions à poser
surtout aux quatre principaux, là... qui tout bonnement s'étaient récusés et
tout bonnement reviennent on ne sait pas trop pourquoi,
mais j'espère qu'on aura des réponses là-dessus, soit l'UPAC, Sûreté du Québec, fraternité
des policiers de Montréal et un autre, le DPCP. Alors, on aura des questions à
poser, tout ça dans le but d'améliorer ce projet de loi, qui, je le répète, est
là pour améliorer l'efficience et la confiance du public. Merci, M. le
Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. le député de Beauce-Nord. M. le député de Mercier
M.
Amir Khadir
M. Khadir :
Merci, M. le Président. Comme je ne dispose que de 90 secondes, je vais
aller droit au but. Mes collègues de l'opposition ont partagé un certain nombre de préoccupations communes. Québec solidaire ne pourra pas appuyer un projet de loi qui consiste à donner des pouvoirs accrus à des entités, disons,
publiques qui ont des missions importantes
sans d'abord faire le bilan de ce qui a été fait, sans d'abord
examiner avec attention les attentes déçues, les objectifs non atteints.
Et je rappelle, M. le
Président, que, depuis au moins neuf ans, des questions... en fait, huit ans,
pour être plus précis, des questions
importantes sont soulevées sur la corruption et la collusion à tous les
échelons de l'administration, que ça
soit municipal, mais aussi national, du Québec. Or, on sait que les résultats
actuels, à l'échelle municipale, si elles sont peut-être satisfaisantes... mais, à l'échelle du Québec,
peu a été accompli pour identifier des personnes en poste de responsabilité qui sont, après tout, responsables de ce qui est arrivé et pour
lesquelles on a fait une commission d'enquête qui s'appelle la
commission Charbonneau, pour laquelle on a dépensé 50 millions de dollars.
Une justice qui tarde
à donner des résultats, c'est un déni de justice.
Or,
nous aurons des questions à demander sur l'efficacité avant de donner
des pouvoirs supplémentaires à l'UPAC. Avant de demander des pouvoirs et des moyens supplémentaires à la DPCP, il faudra trouver des réponses satisfaisantes à un certain nombre de questions.
Certaines ont été abordées. Je vous le signale, par exemple, pour la DPCP, on
se demande encore comment ça se fait
que, une personne qui a été accusée au criminel, dont les activités
ont occasionné la démission d'un ministre
et qui demande à être entendue en cour, aller en justice, à être traînée en
procès, la DPCP abandonne son procès.
Je parle de Luigi Coretti. L'indépendance ou l'inaction... c'est-à-dire, la dépendance des actions de ces institutions et leur inaction trop longtemps observées font en sorte que j'ai beaucoup d'hésitation, au départ, à appuyer un projet de loi qui va leur donner des moyens
et surtout une latitude supplémentaires, alors qu'on n'a pas examiné le bilan.
Merci.
• (15 h 20) •
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. le député de Mercier.
Auditions
Nous allons maintenant
débuter nos auditions. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Commission
des droits de la personne et des droits de
la jeunesse. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation
et qu'après il y aura une période d'échange avec M. le ministre et les députés
des deux oppositions. Et, puisque vous
n'êtes pas dans la liste des gens de désistement, je n'aurai pas besoin de vous
demander de connaître les raisons de ce désistement. Je pense que vous
étiez dans les premiers qui se sont inscrits.
Mme Claire Bernard,
je vous laisse la parole. Vous allez nous présenter la personne qui est avec
vous. Et on vous écoute.
Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)
Mme
Bernard (Claire) : Merci, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés. Je
suis accompagnée de Me Evelyne
Pedneault, conseillère juridique, donc, à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Nous tenons à vous
remercier de l'invitation faite à la commission de présenter ses commentaires
sur le projet de loi n° 107.
La
commission a été instituée en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne. Elle assure le respect et la promotion des droits et libertés énoncés dans la
charte. Elle assure aussi la protection de l'intérêt de l'enfant ainsi
que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur
la protection de la jeunesse. Enfin, elle veille à l'application de la Loi sur
l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics.
C'est dans le cadre
du mandat que lui confère la charte que la commission a procédé à l'étude du
projet de loi n° 107. Au terme de son
analyse, la commission a formulé cinq recommandations qui portent toutes sur le
Bureau des enquêtes indépendantes.
Ces recommandations concernent plus précisément la collecte des données, la
compétence du BEI en regard des
infractions à caractère sexuel et enfin l'obligation d'aviser le BEI de tout
événement qui relève de son mandat.
Dans
un premier temps, la commission s'attarde donc à la collecte de données. Elle
recommande de modifier le projet de loi afin d'y inscrire l'obligation
pour le BEI de recueillir et publier systématiquement des données relatives à
l'appartenance présumée à un groupe racialisé des personnes civiles impliquées
dans un événement relevant de son mandat. La collecte et la publication des
données devraient par ailleurs porter sur tout autre motif de discrimination pertinent : pensons, par exemple, au sexe, à
l'identité ou l'expression de genre, l'orientation sexuelle, à l'âge, la
condition sociale ainsi qu'à l'état de santé physique et mental.
Depuis
de nombreuses années, les études démontrent que le profilage et la
discrimination influencent les pratiques à toutes les étapes du système de justice pénale, incluant l'usage de la
force par les policiers. Le profilage est d'ailleurs l'un des sujets de préoccupation énoncés par le comité
de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale dans le cadre
de ses observations finales sur le rapport
du Canada rendu public tout dernièrement, en septembre dernier. Un rapport
de recherche de l'École nationale de police
datant de 2015 constate, quant à lui, que les policiers seraient plus
susceptibles d'utiliser la force mortelle lorsque les individus sont dans un
état altéré par un trouble de santé mentale ou par un état d'intoxication au moment de la dynamique de
résistance. Ce rapport porte sur les enquêtes menées entre 2006 et 2010
en vertu de la politique ministérielle relative aux décès ou blessures graves
survenus lors d'une intervention policière ou durant
la détention. Il révèle que 79 % des civils impliqués dans un événement
ayant mené à une enquête en vertu de cette politique avaient un état altéré au moment des faits. Une étude
antérieure, de 2006 conclut également que les personnes racisées et les
autochtones sont largement surreprésentés parmi les victimes civiles impliquées
dans une enquête de l'unité ontarienne des
enquêtes spéciales. On y démontre, par exemple, que les personnes noires
comptent pour 12 % des personnes civiles impliquées, alors qu'elles
ne représentent que 3,6 % de la population de l'Ontario à l'époque. De
même, les autochtones ont été impliqués dans 7 % des enquêtes, au moment
de l'étude, alors qu'ils ne représentent que
1,7 % de la population ontarienne. Encore une fois, la commission déplore
que l'absence de données publiques ne permette de bien évaluer l'ampleur
des biais discriminatoires qui prévalent dans un tel contexte.
En
septembre dernier, le comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination
raciale recommandait d'ailleurs de
rendre obligatoires le recueil et l'analyse de données aux niveaux fédéral,
provincial et territorial sur les interpellations par les forces de
l'ordre et ce qui s'ensuit. La commission réitère donc les recommandations
qu'elle a déjà formulées à ce sujet.
D'une part, elle
recommande que les services de police recueillent et publient systématiquement
des données concernant l'appartenance
présumée à un groupe racialisé des individus dans le cadre des actions
policières. D'autre part, elle estime
tout aussi important que les ministères de la Justice et de la Sécurité
publique prennent les mesures nécessaires pour documenter la trajectoire
des minorités racisées dans tout le système judiciaire. La commission
recommande également de modifier le projet
de loi n° 107 afin d'y prévoir une obligation de cueillette et de... des
données pour le BEI.
Dans
un deuxième temps, les commentaires de la commission portent sur la compétence
du BEI en regard des infractions à caractère sexuel et sur la définition
de la notion de blessure grave. La commission salue l'ajout proposé à l'article 30 du projet de loi. Rappelons
que cette disposition prévoit qu'une enquête devra être tenue lorsque le BEI
est infirmé... informé, pardon, d'une allégation relative à une infraction à
caractère sexuel commise par un policier dans l'exercice
de ses fonctions. Cette proposition répond à une recommandation formulée
plusieurs fois par la commission. Elle prend
également toute son importance à la lumière des statistiques relatives aux
allégations d'agression à caractère sexuel traitées par les unités
d'enquête semblables ailleurs au Canada. Rappelons, par exemple, qu'entre 2009
et 2015 les agressions à caractère sexuel se
situent au deuxième rang des types d'incident les plus rapportés à l'unité
ontarienne des enquêtes spécialisées.
Alors que les femmes représentent moins du quart des victimes civiles
concernées par un incident faisant l'objet d'une enquête spéciale, cette
proportion atteint jusqu'à 85 % dans les cas des allégations d'infraction
à caractère sexuel. Le silence dont faisait
preuve le cadre législatif initial du BEI quant aux infractions à caractère
sexuel était d'autant plus préoccupant que le gouvernement du Québec a constaté
l'étendue des obstacles qui perdurent pour les victimes d'agression sexuelle. Référons, entre autres, aux consultations
tenues en la matière qui ont mené à la Stratégie gouvernementale pour
prévenir et contrer les agressions sexuelles 2016‑2021.
Le
crime d'agression sexuelle demeure d'ailleurs le crime le moins susceptible
d'être signalé à la police. Façonner le
mandat du BEI en passant sous silence les infractions à caractère sexuel
participait de ces obstacles qui perdurent pour les victimes. C'est pour la même raison que la
commission estime que le pouvoir discrétionnaire que le projet de loi
prévoit octroyer au directeur du BEI quant
aux enquêtes portant sur les allégations relatives à une infraction à caractère
sexuel maintient une forme de discrimination à l'égard des femmes. Toutes les
allégations sur lesquelles le BEI doit faire enquête
doivent obtenir la même attention. Pourquoi accorder un pouvoir discrétionnaire
au directeur du BEI dans les cas d'allégations relatives à une
infraction à caractère sexuel alors que celui-ci a l'obligation d'enquêter sur
toute autre allégation relevant de son
mandat sans égard au sérieux apparent de celle-ci? La commission recommande
donc de modifier le projet de loi
n° 107 de façon à ce que le directeur du BEI ait l'obligation de faire
enquête sur toute allégation relative à une infraction à caractère
sexuel sans égard au fait qu'il considère celle-ci frivole ou sans fondement.
• (15 h 30) •
La commission
tient par ailleurs à préciser que la modification proposée ne répond pas à
certaines recommandations qu'elle a déjà formulées quant à la définition
de la notion de blessure grave. À la lumière de l'interprétation que la jurisprudence
a retenue de cette notion, des travaux du Protecteur du citoyen et des
conclusions tirées de l'expérience d'autres
unités d'enquête indépendante ailleurs au Canada, la commission demeure préoccupée
du caractère imprécis et restrictif donné à la notion de blessure grave
dans le Règlement sur le déroulement des enquêtes, dont est chargé le Bureau des enquêtes indépendantes. La commission
recommande donc à nouveau de modifier cette définition afin de la préciser. Elle recommande aussi d'y inclure
explicitement les blessures graves d'ordre psychologique et les blessures
graves résultant de l'utilisation d'une arme autre qu'une arme à feu.
Enfin, dans un troisième temps, les commentaires
de la commission traitent de l'obligation d'informer le BEI de tout événement
qui relève de son mandat. À ce propos, la commission tient à rappeler
l'importance des délais de notification du
BEI. Cet enjeu nous ramène d'ailleurs à la notion de blessure, grave dont on
vient de traiter. À défaut de pouvoir
se fonder sur une définition précise, le point de départ du processus d'enquête
risque d'être empreint de confusion, d'hésitation,
voire même d'être contesté. Le Protecteur du citoyen le relevait également. Il
a recommandé de modifier la procédure
de façon à ce que l'obligation de notification du BEI par le directeur du corps
de police impliqué s'applique à — et je cite — «tout événement pouvant raisonnablement être
considéré comme relevant du mandat du bureau». La commission estime que cette recommandation devrait
être mise en oeuvre par le projet de loi n° 107. Elle recommande ainsi de modifier la Loi sur la police de façon à
ce que le BEI soit informé, sans délai, de tout événement pouvant
raisonnablement être visé par son mandat.
La commission
tient par ailleurs à réitérer deux recommandations qu'elle a déjà formulées à
ce sujet. D'une part, elle recommande
de modifier la Loi sur la police de façon à ce que le BEI puisse également
recevoir un signalement de toute personne ayant eu connaissance d'un
événement relevant de son mandat. D'autre part, elle recommande de préciser
dans cette loi que le bureau peut mener une enquête à l'initiative de son
directeur.
Rappelons que l'encadrement réglementaire
d'organismes au mandat semblable à celui du BEI mis sur pied ailleurs au Canada intègre de telles dispositions.
Le comité des Nations unies sur l'élimination de la discrimination à
l'égard des femmes a également formulé une recommandation en ce sens à la suite
de son enquête sur le Canada. Le comité recommandait alors la création de la
Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC. Il
soulignait que des enjeux de fonctionnement
tels que les limitations concernant les plaintes de tiers et l'absence de
pouvoir d'examen de sa propre initiative peuvent miner l'efficacité de cet
organisme et la confiance du public. De l'avis de la commission, la même conclusion s'impose à l'égard du BEI. Ces enjeux ont
d'ailleurs été au coeur des débats de nombreux comités d'enquête, commissions et groupes de travail portant sur les
services policiers, au fil des dernières décennies, au Québec comme ailleurs au Canada. Il en va de
l'efficacité opérationnelle et de l'indépendance du BEI mais aussi de la
confiance du public tant envers celui-ci qu'eu égard aux services policiers et
au système de justice.
Nous restons à votre disposition pour répondre à
vos questions. Merci de votre attention.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme Bernard. M. le ministre.
M.
Coiteux : Oui. Merci d'abord pour votre mémoire et votre présence
aujourd'hui, Mes Bernard et Pedneault.
Peut-être une
première question sur les statistiques, hein? Je vois quelle est votre
préoccupation, je vois quel type de phénomène vous souhaiteriez être
capables de mieux cerner.
Toutefois, je
vais juste mettre les choses en contexte puis vous poser une question ensuite.
Grosso modo, là, ça peut varier évidemment, mais, grosso modo, depuis
son entrée en fonction, le BEI a à traiter une enquête par semaine, hein? Par
exemple, là, depuis le début de l'année jusqu'au début octobre, je pense qu'on
en a fait un peu plus d'une quarantaine,
hein, 43, je pense, si mon chiffre est exact, donc, grosso modo, une par
semaine. C'est important, une par semaine, et d'ailleurs ça implique une
grande mobilisation des ressources. C'est une jeune organisation, j'ai déjà eu l'occasion de dire ça, mais effectivement ils
commencent. Ils sont entrés en fonction il y a relativement peu de
temps. Mais ça mobilise pas mal toutes les
ressources du BEI. Mais c'est une enquête par semaine. Donc, dans l'univers de
toutes les interventions policières qui se font au Québec dans une année, donc,
c'est un tout petit échantillon sur lequel pourrait porter le genre d'attention
que vous voulez porter sur les statistiques sur est-ce qu'on avait affaire à
des gens de minorités visibles, est-ce que
c'étaient des gens qui avaient une orientation sexuelle particulière, autrement
dit, des catégories de personnes qui pourraient être victimes de
discrimination.
Est-ce que vous ne pensez pas donc, de mettre la
loupe simplement sur le BEI, lorsque vous avez cette préoccupation des
statistiques, que ça va nous amener à avoir des statistiques qui ne vont pas
nous dire grand-chose, finalement, sur l'ampleur des phénomènes qu'on voudrait
cerner?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Bernard... ou Me Pedneault.
Mme
Pedneault (Evelyne) : Oui.
Évidemment, la commission, depuis, entre autres, son rapport de
consultation sur le profilage racial, ses
travaux sur le profilage social également, recommande qu'il y ait une collecte
de données pour l'ensemble des interventions policières, et même plus,
pour la trajectoire des personnes, en fait, dans tout le système judiciaire et carcéral. Donc, ce n'est pas
seulement la lumière sur le BEI, on recommande la collecte de données
pour... De toute façon, l'ONU le recommande également. La ville de Montréal, à
la suite d'une consultation très récente, là, le printemps dernier, le
recommande également. Deux commissions de la ville le recommandent également.
Ce pourquoi on trouve pertinent que le BEI le
fasse également, c'est que les interventions très particulières qui mènent à une enquête du BEI, en fait, nous
renseignent également sur la portée et sur l'ampleur du profilage racial
dans notre société. Le profilage racial, on l'a dit tout à l'heure, le
profilage discriminatoire a des incidences sur l'action policière, notamment, sur une action policière qui peut mener à une
enquête du BEI, et c'est particulièrement pertinent de pouvoir constater les biais discriminatoires qui
peuvent mener à ce genre d'événement de façon à corriger les pratiques, de façon à éliminer ces biais-là. Et donc il ne
s'agit pas de mettre la lumière seulement sur les événements qui mènent
à une enquête sur le BEI, mais sur l'ensemble des pratiques de façon à éliminer
les biais discriminatoires.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
ministre.
M.
Coiteux : D'accord. L'autre question, c'est la question des blessures
graves. Je comprends que, dans le fond, vous voudriez une définition
beaucoup plus large que celle qui est actuellement utilisée en ce qui concerne
les blessures graves. C'est bien ce que je comprends?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Pedneault.
Mme
Pedneault (Evelyne) : Ce
n'est pas tant une définition beaucoup plus large, mais une définition
beaucoup plus précise et qui inclut,
notamment, les blessures psychologiques, parce que les dispositions relatives
au BEI dans la Loi sur la police
parlent de blessures graves. C'est le Règlement sur le déroulement des enquêtes
qui vient préciser qu'il ne s'agit que de blessures physiques. Mais, en
fait, la Cour suprême a déjà précisé que le terme «blessure grave» inclut «blessure psychologique». Donc, à notre sens,
cette restriction-là qu'est venu apporter le Règlement sur le
déroulement des enquêtes est injustifiée. Et
donc ce n'est pas seulement plus large, mais plus précis et qui inclut les
blessures psychologiques et qui inclut donc les infractions d'ordre
sexuel.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
ministre.
M.
Coiteux : Je vais le mettre dans le contexte suivant : bon, dans
le cadre des règles actuelles, il faut que le BEI intervienne très
rapidement pour aller recueillir très rapidement tous les éléments pertinents
pour son enquête et il y a des règles
strictes qui encadrent ça. Donc, la façon avec laquelle sont définies les
blessures graves dans le règlement actuel puis les guides qu'on a échangés avec à la fois le BEI et les corps
policiers, là, qui sont concernés permet d'intervenir très rapidement.
Parce que la définition est... C'est pour ça que je vous posais la
question : Est-ce que c'est une définition plus large? Moi, je dirais que
la définition actuelle, elle est quand même assez précise. Donc, ça permet
d'intervenir très rapidement.
Si on parle de blessures psychologiques, comment
on peut... Puis je ne dis pas qu'elles n'existent pas, là. Comprenez-moi bien, je ne dis pas que ça n'existe
pas, des blessures psychologiques, puis, encore moins, je ne dis pas que
des blessures psychologiques graves ne
peuvent pas exister. Mais comment peut-on les constater dans le laps de
temps très court qui est celui du BEI
lorsqu'il doit immédiatement intervenir sur les lieux d'une intervention
policière qui aurait conduit à des blessures
graves qui seraient redéfinies différemment si on prenait votre approche? Moi,
je vois un enjeu, là, très pratique, là, très pragmatique, là,
là-dedans, là. Je ne sais pas si vous voyez la même chose que moi ou vous avez
une façon de trouver une réponse à ça.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Pedneault.
• (15 h 40) •
Mme
Pedneault (Evelyne) : C'est
justement en raison de l'importance des délais d'intervention du BEI que
la commission a recommandé... la commission, à l'instar, d'ailleurs, de plusieurs
autres instances, comme le Protecteur du
citoyen ici, au Québec,
mais aussi l'ombudsman en Ontario, de préciser la notion de blessure grave de façon
à ce que ça ne soit pas contesté puis
qu'il n'y ait pas de... non seulement qu'il n'y ait pas de délai dans l'intervention,
mais aussi que le BEI intervienne
toutes les fois où c'est nécessaire, parce
qu'il y a certains... Et d'où également
la recommandation de la commission à l'effet que le BEI puisse
intervenir sur la notification de tierces personnes ou de sa propre initiative,
puisque, dans d'autres provinces, on a constaté que ce n'est pas tous les
événements entrant dans le mandat de telles unités qui ont été signalés par les
corps policiers.
Donc, c'est justement pour des préoccupations
dues à l'importance des délais mais aussi l'importance que le BEI intervienne dans tous les cas où c'est
nécessaire qu'on recommande de préciser la notion de blessure grave et
d'inclure les blessures graves d'ordre psychologique, puisque ce sont des
blessures graves.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le ministre.
M. Coiteux :
Mais supposons qu'une blessure grave de nature psychologique soit constatée
longtemps... ce qui est probable,
hein, qu'elle soit constatée longtemps après l'intervention policière, parce
que l'univers primaire visé par les enquêtes
du BEI, c'est : au cours d'une intervention policière, une personne aurait
été blessée de manière grave, voire même il pourrait y avoir eu un décès
dans ce cas-ci, une personne pourrait avoir même perdu la vie ou être victime
d'une blessure grave.
Dans le cas
des blessures psychologiques, supposons que ça prend plusieurs semaines,
plusieurs mois avant qu'on constate
qu'effectivement il y a une situation ici qui s'est produite qui a pu causer
une telle blessure. Donc, l'intervention du BEI, à ce moment-là, serait
longtemps après l'intervention policière, se déroulerait longtemps après
l'intervention policière. Et, entre-temps,
bon, la mémoire immédiate, les témoignages, peut-être même la possibilité que
des témoins aient pu, et sans
mauvaise intention, hein... sans nécessairement des mauvaises intentions, mais
aient pu parler entre eux, se communiquer
et donc finalement s'influencer mutuellement sur l'interprétation de ce qui est
arrivé, même sans mauvaise intention,
là, on s'entend, est-ce que ça ne pourrait pas faire en sorte qu'à un moment
donné on ne serait pas capable de conduire le type de preuve qui est
nécessaire pour éventuellement sévir si une faute grave avait été commise? C'est
le genre d'inquiétude que j'aurais, moi, si j'allais dans le sens de ce que
vous proposez.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Pedneault.
Mme Pedneault
(Evelyne) : Dans le cas de
l'hypothèse précise que vous soumettez, effectivement, peut-être que le
dossier ne pourra pas mener, par exemple, à des accusations ou à une sanction.
Mais ce n'est pas le cas de toutes les blessures
graves, nécessairement, comme ce n'est pas le cas de toutes les blessures
physiques graves nécessairement non plus.
Mais l'important, c'est que le BEI puisse intervenir dans tous les cas où il y
a blessure grave, incluant des blessures d'ordre psychologique.
M. Coiteux : D'accord. Je ne
sais pas si un collègue ou une collègue aurait des questions, de notre côté,
parce que, sinon...
Une voix : Non, ça va.
M. Coiteux : Ça va, de notre
côté. Je pense, M. le Président, on pourrait laisser maintenant les oppositions
continuer les échanges.
Le Président (M. Ouellette) :
Oui. M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé :
Merci, M. le Président. Salutations à Me Bernard, Me Pedneault. Bienvenue à
l'Assemblée nationale. D'abord, je note l'absence de la présidente de
votre organisation. Est-ce qu'il y a une raison en particulier?
Mme Bernard (Claire) : Elle
n'était pas disponible...
Le Président (M. Ouellette) :
Me Bernard.
Mme Bernard
(Claire) : Excusez-moi. Elle n'était pas disponible aujourd'hui. C'est
la raison pour laquelle nous avons
été mandatées. Mais ce n'est pas exceptionnel. La commission mandate ses
équipes à l'occasion. Si vous regardez en arrière, vous pourrez
constater que ce n'est pas une première.
M. Bérubé :
Bien sûr. Mais, lors du dernier passage à la commission, elle était présente.
Je crois que c'est en août dernier. Donc, on se posait la question.
Une seule
question concernant la commission des droits de la personne et de la jeunesse.
Donc, nous souhaitons d'abord en
savoir davantage sur l'organisation de l'UPAC, son fonctionnement actuel avant
de lui donner des pouvoirs supplémentaires. C'est ce qui nous importe.
Alors, la question que je veux vous poser, évidemment, ne sera pas nominative,
mais elle est en termes quantitatifs : Est-ce que de cette organisation,
l'UPAC, des employés de l'UPAC vous avez reçu un certain nombre de plaintes?
Le Président (M. Ouellette) :
Me Bernard.
Mme Bernard
(Claire) : Je rappelle les paramètres des recommandations de la
commission qu'on a précisés. Ça porte uniquement sur le Bureau des
enquêtes indépendantes, donc le...
M. Bérubé : Donc,
vous ne voulez pas répondre à d'autres questions là-dessus.
Mme Bernard
(Claire) : Je vous rapporte
le mémoire qui est adopté par les membres. Et c'est les recommandations qu'on
vous porte.
M.
Bérubé : Mais, M. le Président, comme vous êtes présentes et que les parlementaires sont là, il
m'apparaît que votre expertise pourrait être mise à contribution pour nous
aider à mieux comprendre les phénomènes. Bien sûr qu'il y
a le mémoire, mais il est d'usage de poser des questions qui sont à l'extérieur
d'un mémoire et qui relèvent de votre expertise.
Donc,
je repose ma question : Êtes-vous en mesure de me préciser s'il y a
des plaintes que vous avez reçues qui proviennent d'employés de l'Unité
permanente anticorruption?
Le Président (M.
Ouellette) : Me Bernard.
Mme Bernard
(Claire) : Si on a de telles données, un ensemble de données, on
pourrait vous les faire parvenir. Et par ailleurs on ne peut pas vous donner,
d'emblée, de souvenir... Ce n'est pas donc des données qu'on a préparées pour aujourd'hui. Donc, je rappelle
que les chiffres individuels, les causes
individuelles sont confidentiels, mais on peut vous faire parvenir des
données...
M.
Bérubé :
En fait, merci, maître...
Le Président (M. Ouellette) : Donc, c'est une demande, M. le député de
Matane-Matapédia, de faire la vérification.
M.
Bérubé : Bien, de la création de l'UPAC en 2011, jusqu'à
aujourd'hui... évidemment, là, vous aurez compris que je ne veux pas de
nominatif, mais je veux le nombre, la nature et puis comment c'est traité.
Est-ce qu'il y a des améliorations suite à vos recommandations? Donc, ce serait
mon unique demande et ce sera également mon unique question. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Ouellette) : Donc, Me Bernard, vous avez bien compris le sens
de la demande de M. le député de
Matane-Matapédia, et on souhaiterait que vous fassiez parvenir cette
réponse-là, qu'elle soit positive ou négative, au secrétariat de la
commission. Merci. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci, M. le Président. Alors, merci d'être là,
Mme Bernard et Mme Pedneault. Ça nous fait plaisir de vous recevoir.
Moi, je n'ai pas beaucoup de questions, parce que vous vous adressez surtout au
Bureau d'enquêtes indépendantes et qu'il y a
quelques ajustements à l'intérieur du projet de loi n° 107 qui concernent
le Bureau d'enquêtes indépendantes.
Mais
moi, je reviens à votre recommandation 4. Vous recommandez de modifier
l'article 289 de la Loi sur la police de
façon à ce que le directeur du corps de police responsable de l'intervention ou
de la détention doive, sans délai, informer le BEI de tout événement pouvant raisonnablement être visé à l'article
289.1 de cette loi. Pouvez-vous plus m'expliquer ça? Parce que, là, si
je comprends bien, avant que le BEI soit informé... Qu'est-ce qui se passe,
pour que vous fassiez cette recommandation-là? Moi, je pensais que le BEI était
informé, lorsque ça rentrait dans son mandat, était informé immédiatement.
Alors, pourquoi cette recommandation-là?
Le Président (M.
Ouellette) : Me Pedneault.
M.
Spénard :
Ça vient jouer dans quoi, ça?
Mme Pedneault
(Evelyne) : La distinction qu'on apporte ici, et le Protecteur du
citoyen, en l'occurrence la protectrice,
fait la même distinction, c'est dans les termes «pouvant raisonnablement être
visé». Je le disais tout à l'heure, les
délais d'intervention sont très importants dans de telles circonstances. Et, en
fait, ce que la commission recommande, c'est
qu'en cas de doute on avise l'UPAC. Et, si jamais il s'avère que ce n'est pas
dans son mandat, l'UPAC... le BEI, pardon, s'il s'avère que ce n'est pas
dans son mandat, le BEI se retirera. Mais la distinction qui est apportée ici
par la recommandation 4, c'est «pouvant raisonnablement être visé», donc
élargir un peu de façon à ce que le BEI puisse intervenir très rapidement sur
une situation, même en cas de doute.
Dans
le mémoire, la commission cite, entre autres, le juge Adams, qui, en Ontario, a
dû faire une consultation, là, un rapport sur la coopération policière
avec l'Unité des enquêtes spéciales en Ontario. Et il prenait l'analogie de l'ambulance : en cas de doute, on appelle
l'ambulance. Et puis, si jamais il s'avère qu'heureusement la personne ne
doit pas être transportée à l'hôpital,
bien... Donc, c'est un peu ça, la distinction qu'on veut apporter avec la
recommandation 4.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.
• (15 h 50) •
M.
Spénard :
Merci. Donc, si je comprends bien, au lieu de donner la responsabilité au corps
de police de dire : Ça regarde le
Bureau des enquêtes indépendantes, on transfère le dossier là, vous dites qu'à
la minute qu'il y a un doute
raisonnable vous transférez le tout, et là c'est le Bureau des enquêtes
indépendantes qui prendra la décision : Ça ne me regarde pas ou ça
me regarde. C'est ça que vous me dites, à peu près, là. Vous transférez la
responsabilité de l'acceptation ou de la validité ou de la non-validité de l'enquête
par le Bureau d'enquêtes indépendantes.
Mme Pedneault (Evelyne) : Dans le but, encore une fois, d'accroître
l'indépendance du Bureau des enquêtes indépendantes.
M.
Spénard : O.K. Je
n'ai pas d'autre question. Merci beaucoup. C'était la seule recommandation que
je voulais. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Mercier.
M. Khadir : J'ai pris bonne note de votre intervention, Me Bernard. À la recommandation... je viens de perdre encore ma page, cette recommandation qui
vise à élargir et préciser la nature des blessures graves, est-ce que vous pourriez expliquer... Est-ce qu'actuellement, juste en vertu du fait qu'une blessure, quelle que soit sa gravité,
n'est pas causée par une arme à feu, ce n'est pas considéré une blessure
grave?
Deuxièmement, vous avez dit qu'il y a une
limitation trop grande sur les plaintes qui originent d'un tiers. Est-ce dire qu'il y a plusieurs
cas où des plaintes qui vous ont été rapportées, qui n'ont pas été accueillies
par le Bureau d'enquêtes indépendantes, parce que la victime elle-même
n'avait pas porté plainte? J'aimerais juste un peu plus d'explications là-dessus.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Pedneault.
Mme
Pedneault (Evelyne) : En ce
qui concerne les armes à feu, notre compréhension, c'est que le mandat
du BEI s'étend automatiquement à une
blessure par arme à feu mais également à une blessure grave qui originerait d'une
autre cause.
Nous, les recommandations de la commission au sujet des blessures graves, c'est de préciser davantage
la notion même de blessure grave,
d'inclure donc les blessures psychologiques et d'inclure explicitement les
blessures qui seraient causées par une arme autre qu'une arme à feu. On
pense, notamment, aux pistolets à impulsion électrique, qui, dans certains cas, ont pu entraîner la mort. Mais c'est
également une recommandation ici aussi du Protecteur du citoyen. Mais c'est
surtout que c'est une arme qui a été controversée, qui a fait l'objet de plusieurs
recommandations au Québec
comme au Canada mais qui est nouvellement utilisée ou davantage utilisée. Et la
commission trouvait intéressant qu'on puisse évaluer
les conséquences de l'utilisation d'une telle arme principalement dans le contexte où, comme on le disait tout à l'heure, la majorité des personnes civiles impliquées
dans un incident faisant l'objet d'une enquête en vertu de la politique
ministérielle avant l'instauration du BEI avaient un état altéré au moment des
faits. Donc, quelle est l'incidence de l'utilisation du Taser sur, par exemple,
les pratiques de désescalade de la force? Quelle est l'incidence de l'utilisation
d'autres armes? Donc d'où la recommandation de la commission, c'est de pouvoir être en mesure d'évaluer le
recours à cette arme-là, notamment, auprès de populations qui sont plus
vulnérables.
Quant à la question sur la plainte des tiers,
notre compréhension, c'est que présentement le BEI ne peut pas recevoir de notifications de la part d'autres
personnes que le directeur du corps de police impliqué dans l'incident. Et
donc, pour accroître l'indépendance du BEI,
comme c'est le cas d'ailleurs dans la majorité des autres provinces
canadiennes, la commission recommande que le BEI puisse recevoir de
l'information de la part de tiers et qu'il puisse également faire enquête de sa propre
initiative.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Mercier. Me Pedneault, j'ai le goût d'émettre un commentaire. Ayant participé à
l'élaboration de la loi qui a créé le BEI, et on a eu plusieurs discussions relativement
aux blessures graves et ce qui se faisait aussi dans les autres provinces, je
présume que vous avez dû trouver très instructives les discussions qui avaient cours à
ce moment-là. Et je pense que ça nous
précise... Ça a évolué depuis les discussions qu'on a eues, et je pense que vos points précisent en 2017
où on s'en va et vers où... parce qu'on se les est posées, ces questions-là,
lors de l'étude article par article du projet de loi.
Ça fait que merci beaucoup, Me Claire Bernard, Me Evelyne Pedneault, représentant la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Je vais
suspendre quelques minutes et je vais demander aux gens du Comité
public du suivi des recommandations de la commission Charbonneau de
s'avancer.
(Suspension de la séance à 15 h 55)
(Reprise à 16 heures)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant le Comité public du suivi des recommandations de la commission
Charbonneau, représenté par M. Luc Bégin. M. Bégin, vous allez nous
présenter la personne qui vous accompagne et
vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite il y aura un
échange avec M. le ministre et les porte-parole des deux oppositions. Donc, je
vous laisse la parole, M. Bégin.
Comité public de suivi des
recommandations
de la commission Charbonneau
M. Bégin
(Luc) : Merci beaucoup. Je suis accompagné par
M. Pierre-Olivier Brodeur, qui est ancien recherchiste à la
commission Charbonneau et membre, comme moi, du Comité public de suivi.
Bien, tout d'abord, merci pour l'invitation
gentiment insistante à venir vous rencontrer aujourd'hui.
Alors, je rappelle tout d'abord très rapidement
que le Comité public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau est un comité non partisan dont la mission est de surveiller et de rapporter la mise en oeuvre des recommandations de la commission
de façon ouverte et objective. Je rappelle aussi que nous avons soumis un premier rapport de suivi
le 23 novembre dernier. En conséquence de notre mandat, nous ne
discuterons évidemment que des articles du projet de loi qui sont
directement en lien avec les recommandations de la commission Charbonneau. Il y a trois recommandations du rapport de la
commission qui sont concernées par le présent projet de loi : tout
d'abord, la recommandation n° 9, qui
porte sur la bonification de l'immunité accordée aux témoins repentis; la recommandation n° 31 de la commission
Charbonneau, portant sur le mode de nomination
du Commissaire à la lutte contre la
corruption; et la troisième
recommandation, la recommandation 37, qui porte sur le délai de prescription de
certaines poursuites pénales.
Nous pouvons
vous dire d'emblée que notre appréciation globale est que le projet de loi
n° 107 respecte bien les recommandations
exprimées dans le rapport de la commission Charbonneau. Ça ne veut pas dire par
ailleurs qu'aucune discussion ou aucune amélioration ne puisse être
apportée. Je vais maintenant laisser le soin à M. Brodeur de vous en dire
davantage sur chacun de ces points.
Le Président (M. Ouellette) :
...et continuer votre...
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Oui. Bonjour. Donc, Pierre-Olivier Brodeur,
membre du Comité public de suivi et ancien recherchiste à la commission
Charbonneau.
Comme mon
collègue M. Bégin l'a mentionné,
notre intervention aujourd'hui va porter sur trois articles précis du projet de loi n° 107, les articles qui
abordent des recommandations présentées par la Commission d'enquête sur
l'octroi et la gestion des contrats publics
dans l'industrie de la construction, la CEIC. Donc, ces articles sont l'article 5, qui traite des modes de nomination, de suspension et de
destitution du Commissaire à la lutte contre la corruption — l'article
est en lien avec la
recommandation 31 de la CEIC; l'article 21, sur les délais de
prescription aux infractions prévues à la Loi concernant la lutte contre la corruption — cet article est en lien avec la
recommandation 37 de la CEIC; et finalement l'article 38 du
projet de loi, sur les pouvoirs du Directeur des poursuites criminelles et
pénales en ce qui concerne les ententes avec les témoins collaborateurs. Cet
article est en lien avec la recommandation 9 de la CEIC.
Donc,
commençons par l'article 5. Dans son rapport, la CEIC recommande
ceci : «De modifier la Loi concernant la lutte contre la corruption afin que la durée du mandat ainsi que le mode
de nomination et de destitution du Commissaire à la lutte contre la corruption soient analogues à ceux du Directeur des
poursuites criminelles et pénales.» La commission Charbonneau précise
ensuite : «En raison du rôle majeur que le commissaire joue dans la lutte
contre la corruption, une réelle et
apparente indépendance est essentielle lorsqu'il effectue des enquêtes ou des
vérifications portant sur des politiciens et des personnes liées à ces
derniers.»
L'article 5
du projet de loi n° 107 répond à la recommandation de la CEIC en ce qu'il
modifie effectivement les dispositions
de la loi pour rendre les modes de nomination, de destitution et de suspension
du commissaire de l'UPAC analogues à ceux du DPCP. Nous estimons
néanmoins important de souligner deux améliorations souhaitables afin
d'atteindre les objectifs définis par la CEIC, soit assurer une réelle et
apparente indépendance du commissaire de l'UPAC.
D'abord, le projet de loi n° 107 ne prévoit pas le nombre de candidatures que
le comité de sélection formé pour la circonstance doit soumettre au
gouvernement. Il serait souhaitable de limiter à trois le nombre de noms que
peut soumettre le comité et de prévoir que ce même comité doit fournir un
rapport motivant ses choix. Cela renforcerait l'indépendance réelle et
apparente du Commissaire à la lutte contre la corruption tout en respectant la
prérogative du gouvernement de le choisir.
Nous soulignons que ce mécanisme est le même que celui prévu au règlement sur
la procédure de sélection des juges de la Cour du Québec et des juges de
la cour municipale.
La deuxième
amélioration concerne la composition
du comité de sélection. Le projet de loi n° 107 prévoit que ce comité sera composé des personnes suivantes :
le sous-ministre de la Sécurité publique, le secrétaire du Conseil du
trésor, un avocat recommandé par le
bâtonnier du Québec, un directeur de corps de police recommandé par le conseil
d'administration de l'Association des
directeurs de police du Québec et une personne recommandée par des organismes
représentant le milieu municipal. La
présence de deux représentants du gouvernement sur ce comité, soit le
sous-ministre de la Sécurité publique
et le secrétaire du Conseil du trésor, est un écart par rapport à la
composition du comité de sélection chargé de la nomination du DPCP. En
effet, ce dernier ne compte qu'un seul représentant du gouvernement, soit le
sous-ministre de la Justice. Afin d'assurer
l'indépendance réelle et apparente du Commissaire
à la lutte contre la corruption, et par souci de cohérence avec les modalités de nomination du Directeur
des poursuites criminelles et pénales,
qui sont les deux objectifs explicitement soulignés par la CEIC dans son
rapport, nous estimons qu'il serait souhaitable de limiter la présence gouvernementale sur ce comité au seul sous-ministre de la
Sécurité publique. Une
solution envisageable pourrait également être de donner aux dirigeants de la future autorité des marchés publics
un siège sur ce comité, pourvu que ce dirigeant ait l'indépendance
requise par rapport au gouvernement.
Nous
passerons maintenant à l'article 21 du projet
de loi. Conformément à la recommandation 37 de la CEIC, cet article
prévoit d'allonger le délai de prescription aux infractions prévues à la Loi
concernant la lutte contre la corruption pour les faire passer à trois ans suivant la connaissance des faits. Ainsi, cet article répond adéquatement à la recommandation
de la commission en ce qui a trait à la Loi concernant la lutte contre la corruption. Cependant,
nous profitons de notre présence en commission parlementaire aujourd'hui pour souligner que, pour que la recommandation 37 de la commission Charbonneau puisse être considérée pleinement
appliquée, des modifications analogues doivent être apportées à
d'autres lois, en particulier à la Loi sur l'éthique et la transparence en matière de lobbyisme, à la
Loi sur les relations de travail, la formation
professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la
construction et à la Loi sur les contrats des organismes publics.
Nous
examinerons maintenant l'article 38 du projet
de loi, qui prévoit d'élargir pour le
Directeur des poursuites criminelles et pénales la possibilité de conclure des ententes avec des témoins collaborateurs. Dans son rapport, la CEIC prend
soin de souligner que — et je cite — «le recours à des témoins collaborateurs est
névralgique dans les enquêtes et les poursuites en matière de corruption et de
collusion». Elle recommande donc — et je cite toujours — «de confier au Directeur des poursuites criminelles et pénales le
pouvoir d'attribuer, au nom de l'intérêt général et après consultation
des autorités concernées, certains avantages
aux témoins collaborateurs, notamment d'ordonner l'arrêt de toute
procédure disciplinaire, de toute procédure
civile entreprise par une autorité publique et de toute réclamation fiscale
québécoise». Après examen de l'article 38 du projet de loi n° 107, nous
estimons qu'il répond bien à la recommandation de la commission Charbonneau. Je
laisserai maintenant mon collègue Luc Bégin conclure.
M.
Bégin (Luc) : Donc, en conclusion, bien, je rappelle donc notre
appréciation globale, à l'effet que le projet de loi n° 107
respecte bien les recommandations de la commission Charbonneau, avec les
quelques, quand même, suggestions que nous
venons de faire. On en profite également pour souligner qu'on accueille
favorablement l'accroissement du champ de compétence du Commissaire à la
lutte contre la corruption tel qu'énoncé à l'article 1 du projet de loi.
Et
on profite également de l'occasion, évidemment, pour encourager les parlementaires à poursuivre les travaux qui permettent de donner suite aux recommandations
de la commission Charbonneau qui n'ont pas encore été mises en oeuvre. Merci.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Bégin. M. Brodeur, pensez-vous qu'il va
être possible d'avoir accès à vos notes,
qui pourraient être envoyées au secrétariat de la commission
pour permettre un meilleur éclairage lors de l'étude article par article, là? Parce que je
pense que ça pourrait être quelque chose, là, qui pourrait être passablement intéressant. M. le ministre.
• (16 h 10) •
M. Coiteux :
Merci, M. le Président. Surtout, merci, M. Bégin et M. Brodeur. Je renchéris
sur la demande du président la commission.
Effectivement, je ne sais pas si vous aviez l'intention d'écrire en complément
de votre présentation un mémoire en
bonne et due forme ou, à tout le moins, un résumé de votre analyse et de vos
recommandations. On a pris des notes, là, on s'entend, mais ça serait
extrêmement utile si vous le pouviez. Ça serait très, très, très apprécié.
Au-delà
de ça, écoutez, bien, j'apprécie beaucoup le fait que vous soyez très
systématiques, là, dans la présentation, c'est-à-dire que vous avez un mandat
précis et des objectifs. Vous souhaitez effectivement que l'intégrité
de nos institutions, que la probité
dans l'octroi des contrats, enfin, toutes les règles de bonne gouvernance dans
l'application des contrats soient respectées puis vous
considérez qu'il est du devoir du gouvernement, effectivement, de prendre en
considération l'ensemble des recommandations de la commission Charbonneau. D'ailleurs, vous dites qu'il y en a certaines qui
sont traitées ici et vous souhaitez que d'autres... Il y en a qui ont déjà été
traitées dans d'autres projets de loi, comme vous le savez, ou, lorsque ça ne nécessitait pas de modification législative,
qui ont été traitées autrement. Mais il y en a ici. Il y en a au moins trois ici qui sont importantes. Mais
j'apprécie beaucoup qu'en plus de vérifier cet état des faits vous
fassiez des recommandations pour aller même bonifier ce que nous proposons dans
le projet de loi. Alors, je veux simplement vous
dire ici qu'on va prendre en considération avec beaucoup de sérieux les
propositions que vous nous faites aujourd'hui.
Ma
question, ça serait la suivante... Ce n'est peut-être pas ma seule question,
mais peut-être ma première question. Par
exemple, dans le processus de nomination du Commissaire à la lutte contre la
corruption, le mécanisme proposé étant analogue
à celui du DPCP, ma première question est la suivante... Vous dites : Ce
qui est important ici, c'est d'assurer non
seulement l'indépendance du commissaire, mais l'apparence de son indépendance
également. Donc, vous jugez que ce processus
de nomination, qui est identique à celui du DPCP et qui a des correspondances
dans les mécanismes de nomination des juges, assure cette indépendance
et cette apparence d'indépendance en même temps. Ça, vous le voyez ainsi.
M. Bégin
(Luc) : En fait, ce qui était demandé, c'est que les pratiques soient
analogues. Et nous considérons qu'elles sont
analogues. Elles ne sont pas tout à fait identiques. Et, comme M. Brodeur
l'a souligné, il y a quand même un point
concernant la composition, qui, à notre avis, nécessite d'être réévaluée de
façon à assurer précisément non seulement cette indépendance, mais aussi
donc le maximum de...
M. Coiteux :
Pour vous, ce n'est pas le mécanisme qui est proposé, c'est la composition du
comité de sélection qui pourrait être bonifiée.
M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Ainsi que, comme on l'a souligné dans notre
intervention, s'il était inscrit dans la loi que le comité doit fournir une liste limitée à trois noms comme
c'est le cas pour la procédure de nomination des juges, ça renforcerait
encore davantage l'indépendance réelle et apparente du Commissaire à la lutte
contre la corruption.
M. Coiteux :
Une question maintenant sur ces trois noms : Est-ce que vous voyez ça
comme une liste pouvant aller jusqu'à trois
noms ou c'est trois noms, il faudrait qu'il y ait toujours trois noms? Comment
vous voyez ça?
M. Bégin
(Luc) : On n'a pas vraiment débattu de cette question. Nous, ce qui
nous apparaissait important, c'était de
limiter le nombre de personnes figurant sur la liste et aussi que le comité
motive les choix aussi qui ont été faits, les recommandations qui ont été faites, de manière à faciliter le choix
qui sera fait. Maintenant, si le comité, tel que composé à la façon dont on l'a suggéré, considérait que, par
exemple, seulement deux noms peuvent faire l'objet d'une recommandation
en ce sens, moi, je ne vois pas tellement qu'il y aurait de problème.
M. Coiteux : D'accord. Et
chaque fois...
M. Bégin (Luc) : C'est plutôt
d'éviter — pardon — qu'on
se retrouve avec une liste très nombreuse.
M. Coiteux :
D'accord. Une liste très nombreuse pouvant poser quel type de problème, selon
vous, hein? Si ça allait à quatre, cinq, six, je veux dire, si on
laissait aller les choses, quels seraient les enjeux?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Donc, je pense que l'idée derrière le fait de
limiter le nombre de noms sur une liste comme ça, c'est d'encadrer,
d'une certaine manière, le pouvoir discrétionnaire du gouvernement de choisir
le commissaire tout en respectant ses prérogatives en la matière. Le chiffre
que nous suggérons aujourd'hui, nous le suggérons
vraiment par souci d'harmonisation avec les pratiques qui existent déjà en
matière de nomination des juges.
M. Coiteux :
Je comprends bien. Maintenant, un autre aspect sur lequel vous ne vous êtes pas
prononcés, mais je vous pose la question : Le mandat de sept ans
non renouvelable, pour vous, est-ce que ce n'est justement pas aussi quelque
chose qui peut contribuer à assurer encore davantage l'indépendance du
commissaire?
Le Président (M. Ouellette) : M. Bégin.
M. Bégin (Luc) : Cette question du
mandat non renouvelable rejoint ce qui était suggéré par la commission
Charbonneau, donc on n'a pas jugé bon de le mentionner. Mais effectivement ça
rejoint ce qui était énoncé ici.
Le Président (M. Ouellette) : Ça va?
M. Coiteux : Si l'un ou l'autre de
mes collègues a une question, je le laisserais, sinon...
Le
Président (M. Ouellette) : Est-ce qu'il y a des collègues qui ont des questions? M. le député de La Prairie.
J'en aurai une, moi aussi, après pour le processus de nomination. M. le député
de La Prairie.
M. Merlini : Merci beaucoup, M. le
Président. Sur la composition du comité, vous avez dit tantôt dans votre présentation que votre recommandation est que ça soit seulement que le sous-ministre qui soit membre ou représentant du gouvernement.
Pourquoi juste le sous-ministre?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Mais, en
fait, l'idée derrière cette suggestion-là est d'assurer un équilibre, au sein du comité de sélection, entre les points de vue représentés par des représentants de la fonction
publique, d'organismes civils,
d'organismes professionnels autres, et on a remarqué que, pour ce qui est du
comité de sélection du Directeur des poursuites
criminelles et pénales, la loi
prévoyait qu'un seul représentant du gouvernement serait présent sur le comité et que ce représentant-là est le sous-ministre de la Justice. Donc, notre suggestion,
toujours dans un souci d'harmoniser les pratiques
avec ce qui existe déjà, était de suggérer le sous-ministre de la Sécurité
publique.
Le
Président (M. Ouellette) :
Bien, j'aurai une question, moi, maintenant. Vous avez pris comme comparable le processus de nomination des juges, alors que, dans
le processus de nomination du Commissaire à la lutte à la corruption, on
a beaucoup entendu d'avoir une certaine similarité avec le
processus de nomination du Directeur
des poursuites criminelles et pénales. Vous êtes arrivés à un minimum ou
à un chiffre de trois. Et je pense que vous avez pris connaissance du processus
de nomination du DPCP, où il n'y a pas de nombre.
On mentionne
que c'est les candidats qui sont recommandés. Si on en arrivait... ou si M. le ministre en arrivait à retenir votre suggestion de trois, probablement qu'à
ce moment-là il faudrait, à cause de tout le parallèle avec la loi du DPCP, là,
puis avec le processus de nomination du DPCP, il faudrait peut-être préciser
aussi dans le DPCP qu'il faudrait aller à
trois pour avoir une certaine harmonisation, parce
que vous avez pris, de base, le
processus de nomination des juges et non pas celui du DPCP.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : J'y
répondrais en rappelant d'abord : vraiment, nous nous sommes donné le mandat de faire le suivi des recommandations de la commission Charbonneau. Et nous sommes conscients que, la suggestion que nous vous avons faite aujourd'hui
de limiter à trois le nombre de noms que le comité devrait fournir, il s'agit,
disons, d'un prolongement de ce que nous percevons être l'esprit de la recommandation
d'assurer l'indépendance réelle et apparente mais que nous sortons de ce qui
est proprement écrit dans le rapport.
Et ainsi votre question va à l'effet que : Est-ce
que ce que nous recommandons pour le Commissaire à la lutte contre la corruption,
ce serait également bon pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales?
En fonction du mandat que nous nous sommes donné, je ne me sentirais pas à
l'aise de me prononcer sur le mode de nomination préférable pour le Directeur
des poursuites criminelles et pénales.
Le
Président (M. Ouellette) : O.K.
Merci. Mais c'est le but de l'exercice de votre présence en commission,
de connaître votre point de vue et pour éclairer M. le
ministre et les parlementaires et qu'on puisse retenir vos suggestions, parce qu'il y a peut-être
des choses auxquelles on n'a pas pensé.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Tout à fait. J'accueille votre question en
ce sens. Mais, comme le projet de loi ne porte pas sur le Directeur
des poursuites criminelles et pénales, on n'a pas mené cette réflexion-là.
Le Président (M. Ouellette) : O.K.
Merci.
M. Bégin (Luc) : Et il est clair que cette question du nombre, effectivement, est quelque chose qui dépasse, là, ce qui était directement recommandé par la commission. Mais, à notre avis, c'est une suggestion qui nous semble bien fondée, si vraiment
on tient à ce que cette idée, effectivement, d'une indépendance réelle et
apparente soit bien respectée, tout
simplement pour cette question, encore une fois, qu'une liste ouverte est quelque
chose qui peut laisser croire... c'est une
chose, l'apparence, mais qui peut laisser croire que, finalement, ce ne serait
peut-être pas nécessairement le meilleur candidat ou que les raisons... ou certaines raisons pouvant militer en
faveur d'un candidat plutôt qu'un autre ne soient pas les meilleures raisons. Et cette question
d'apparence est quand même extrêmement importante. Donc, il nous semble qu'en limitant la
liste c'est quelque chose qu'on permet d'éviter.
• (16 h 20) •
Le Président (M.
Ouellette) : Effectivement. C'est parce que je pense que c'est dans
les us et coutumes des comités de sélection de soumettre trois noms et il y a seulement
que le DPCP qui a une finalité différente. C'était le but de l'exercice. Je
voulais vous entendre là-dessus, là, pour avoir travaillé ces deux projets de
loi. M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé :
...M. le Président. M. Bégin, M. Brodeur, bienvenue à l'Assemblée nationale.
D'entrée
de jeu, je vais afficher mes couleurs : le Parti québécois est très déçu
de la commission Charbonneau, très déçu
de son issue, très déçu de la dissidence d'un de ses commissaires, dissidence
qu'on qualifie de suspecte, quant à nous, et je pèse mes mots. C'est un exercice qui était réclamé pendant beaucoup
trop de temps par le Parti québécois et finalement qui nous laisse sur notre faim. Et ce qu'il nous
reste, finalement, suite à l'échec de la commission Charbonneau, quant à
nous, c'est les forces policières, c'est l'UPAC, entre autres.
Et je vous entends
parler des façons d'assurer une réelle et apparente indépendance du
commissaire. Moi, je suis un peu étonné de votre recommandation sur le fait
qu'il faut limiter le nombre de noms. Je m'explique. Lorsque M. Lafrenière a été nommé comme premier commissaire
de l'UPAC — je ne
sais pas quels sont les critères qui ont guidé son embauche — est-ce
qu'il y avait trois noms, est-ce qu'il y avait un seul nom? Quelles sont les
délibérations du Conseil des
ministres? Ça nous est complètement étranger, on ne le sait pas. Lorsqu'il y a
eu le renouvellement, il y a eu trois noms, dont celui du commissaire
sortant, qui a été reconduit. Là où je veux vous questionner, c'est quand vous
parlez de... Puis vous le savez, là, vous
avez suivi de très près la commission Charbonneau. Si on veut une indépendance
réelle et apparente, qui sont vos propos, j'ai beaucoup de difficultés à
comprendre que vous ne soyez pas en faveur d'une recommandation de nomination aux deux tiers de l'Assemblée nationale
comme c'est le cas d'autres postes très importants à l'Assemblée nationale, d'autant plus et à plus
forte raison que le commissaire de l'unité permanente à la corruption
doit sa nomination uniquement au
gouvernement du Québec sur des délibérations, quant aux critères, qu'on ne connaît
pas et enquête sur le parti politique qui forme le gouvernement du Québec. Et
ça, c'est avéré. Alors, il me semble que la meilleure
façon d'assurer l'indépendance, c'est de s'assurer que, pour l'Assemblée
nationale, on puisse porter un jugement sur cette candidature-là. Alors,
qu'il y ait cinq noms ou trois noms, c'est toujours bien juste le gouvernement
qui va choisir. Et, depuis le début, lorsque j'ai vu cette recommandation-là,
j'ai été étonné.
Si
on veut atteindre les objectifs que vous vous êtes vous-mêmes fixés, il
m'apparaît que, dans ce cas, bien plus que
dans d'autres, ça prendrait une indépendance totale du gouvernement. Et c'est
pour ça que, ce projet de loi, quant à moi,
l'objectif devrait être l'indépendance du gouvernement, pas l'indépendance
uniquement d'une unité qui va devenir un
corps de police, qui a déjà énormément de pouvoirs, très peu de redditions de
comptes, à qui on va en donner davantage. Nous, on ne le souhaite pas.
Alors, j'aimerais vous entendre sur : Pourquoi vous n'êtes pas en
faveur — peut-être
que l'idée est arrivée après votre rapport
aussi — de
nomination des deux tiers? Moi, je l'ai émise en novembre 2015, le
2 novembre. Est-ce que c'est une idée qui vous apparaît aussi à
considérer? Si ce n'est pas le cas, pourquoi?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Brodeur.
M.
Brodeur (Pierre-Olivier) :
Donc, simplement deux rappels. Le premier, c'est que nous sommes ici pour
faire état du suivi des recommandations de la commission Charbonneau. Ces recommandations ont été émises
par la commission Charbonneau, et nous ne pouvons parler en son nom.
Nous ne pouvons pas justifier les choix qu'elle a faits ou pas.
Ceci
étant, nous pouvons essayer de comprendre le point de vue qu'elle a peut-être
adopté. Et, avant d'essayer d'expliciter pourquoi est-ce qu'elle a pu
aller du côté d'un mode de nomination analogue à celui du DPCP, je veux simplement souligner également
que je crois que, les modes de nomination, la question de la nomination par
l'Assemblée nationale, par le gouvernement suite à des consultations, il y a
des débats très larges qui se passent à
ce niveau-là et que nous
n'avons pas, nous, comme comité de suivi, à intervenir sur vraiment le mérite
de chacun des modes de nomination.
Ceci étant, si on
regarde le rapport de la commission et ses recommandations, et en particulier
celles qui nous occupent ici, il apparaît clairement
que la commission a favorisé l'harmonisation des pratiques et
des lois plutôt que leur disparité.
Et on n'a qu'à regarder, par exemple, dans les recommandations qui touchent l'harmonisation au niveau des délais de prescription. Donc, la commission
a choisi d'harmoniser les pratiques. Et on peut supposer que, lorsqu'elle a
regardé les fonctions du Commissaire à la
lutte contre la corruption, elle a dû trouver que ses fonctions se
rapprochaient davantage des fonctions
du DPCP que des fonctions d'un des officiers actuellement nommés par l'Assemblée nationale. Donc, elle a dû estimer que les pratiques de nomination du DPCP convenaient à la
nature du poste de commissaire de l'UPAC parce que ses fonctions s'en
rapprochaient davantage. Et ce qui apparaît clairement,
c'est qu'elle a insisté sur son indépendance réelle et apparente, que ce mode de nomination, proprement encadré,
permet, dans l'opinion de la commission, un mode de nomination indépendant.
Donc, nous, aujourd'hui,
nous sommes ici pour dire que le projet de loi, tel qu'il est présenté,
correspond et répond adéquatement à cette
recommandation-là, tout en suggérant quand même des modifications parce que
nous sommes certains que les parlementaires ont à coeur d'assurer
l'indépendance la plus complète possible.
M.
Bérubé :
Merci. Je comprends que votre rôle est de vous en tenir à l'esprit et au
libellé des propositions de la commission Charbonneau quant à la
nomination.
Maintenant, est-ce que le rapport précise de
façon concrète qu'on doit accorder davantage d'autonomie à l'Unité permanente
anticorruption?
M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Pas à
mon souvenir.
M.
Bérubé : Merci.
M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Je
peux me tromper, mais, à mon souvenir, le rapport ne précise pas ça.
M.
Bérubé : Si j'avais eu à répondre à cette question,
j'aurais répondu la même chose que vous. Effectivement, il n'y a aucune
référence au fait d'augmenter l'autonomie. C'est une volonté du commissaire de l'Unité
permanente anticorruption.
Ceci étant
dit, souvent, lorsqu'on pose des questions sur le suivi de la commission Charbonneau, le gouvernement s'empresse de nous indiquer le nombre de recommandations qui ont été,
selon son évaluation, atteintes ou répondues. Alors, moi, j'aimerais qu'on fasse l'exercice
inverse. Quelles sont les recommandations où le taux d'avancement,
disons, est perfectible, en cours de
réalisation ou pas réalisé du tout? Pouvez-vous nous en nommer quelques-unes
qui pourraient être plus urgentes à appliquer que la demande que fait l'UPAC
d'avoir plus d'autonomie, qui ne se retrouve pas dans votre rapport?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : En fait,
je répondrai à ça en disant que le comité est présentement en période
de travaux pour évaluer, justement,
la réponse du gouvernement. Lorsqu'il a déposé son rapport l'année dernière,
il a spécifié qu'il déposera un
nouveau rapport avec une mise à jour. Donc, puisque nous sommes présentement en train d'évaluer cette réponse-là, je jugerais présomptueux,
là, de me prononcer alors que nous sommes en plein dans les travaux, en fait.
M.
Bérubé : M. le
Président, je vais me permettre d'insister. Vous avez certainement en tête une
ou deux propositions qui n'ont pas été réalisées et que vous avez l'assurance
que ça n'a pas bougé. Hasardez-vous sur une ou deux, ne serait-ce que pour le
bénéfice de la commission.
M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Bien,
votre question est de savoir s'il y a des recommandations qui...
M.
Bérubé : Qui n'ont
fait l'objet d'aucun suivi.
M. Brodeur (Pierre-Olivier) : ...qui
seraient plus urgentes à appliquer que celles-ci?
M. Bérubé : Non, qui n'ont fait
l'objet d'aucun suivi, par exemple.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Il y en a
plusieurs, mais je pourrais vous référer, en fait, au rapport qu'on a déposé.
M. Bérubé : Mais j'aimerais avoir
votre évaluation à vous pour bénéficier de votre présence.
M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Mais
l'évaluation qu'on a préparée, c'est l'évaluation du projet de loi n° 107
aujourd'hui. Peut-être, dans notre évaluation, par exemple, on a souligné que
la recommandation 37, qui porte sur l'harmonisation des délais de prescription,
n'était pas complètement appliquée, parce qu'il faudrait qu'il y ait des
modifications analogues qui soient apportées à la Loi sur les relations de
travail, à la loi sur les contrats publics ainsi qu'à la Loi sur l'éthique et
la transparence en matière de lobbyisme. Donc, la recommandation 37, par
exemple, n'est pas appliquée totalement.
M. Bérubé : D'accord. Merci, M. le
Président.
• (16 h 30) •
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue, M.
Bégin et M. Brodeur.
Pour faire suite aux
commentaires de mon confrère de Matane-Matapédia, je trouve ça assez surprenant
que, lorsque vous parlez d'assurer une plus
grande indépendance... et vous avez aussi parlé d'assurer au moins
l'impression qu'on donne au public qu'il y a une plus grande indépendance, et
que vous restez avec le mode de nomination qui est strictement gouvernemental, alors que nous, à peu près comme le Parti
québécois, nous proposons, depuis le début, une nomination aux deux tiers de l'Assemblée nationale, ce qui amènerait
davantage l'effet de transparence lors des nominations. Et ça me
surprend que vous mainteniez vos positions dans ce sens-là — en
tout cas, pour moi, c'est à peu près incompréhensible — lorsqu'on
se rappelle ce qui est arrivé lors du dépôt du budget 2016, je pense, 2016‑2017.
La journée du dépôt du budget, cette journée-là, était connue depuis au moins
un mois par le commissaire de l'unité anticorruption, le commissaire à l'UPAC,
et ça me surprend que vous les mainteniez.
Maintenant, pour davantage
d'indépendance ou de transparence, vous n'avez jamais pensé à un comité de surveillance, au même titre qu'il y a un comité de
surveillance pour le système canadien des renseignements de sécurité? Vous n'avez jamais abordé le thème d'un certain
comité de surveillance pour des corps policiers qu'on veut accréditer
comme ça, c'est-à-dire l'UPAC et le Bureau des enquêtes indépendantes? Vous
n'avez jamais pensé de mettre ou de proposer un système de surveillance? Même
chose pour les recommandations de Charbonneau.
Je
pense qu'ici on est en mesure de juger, voir si... on va le juger dans votre
rapport, l'avancement, et tout. Mais vous n'avez jamais pensé à ça, un
comité de surveillance?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Bégin.
M. Bégin
(Luc) : Je rappellerai que... et ça peut être décevant à certains
égards, mais nous nous en tenons à un
mandat. Ce mandat, nous tenons à ne pas aller au-delà, parce qu'à ce moment-là
ce ne serait plus un comité public de suivi
des recommandations du rapport de la commission Charbonneau, mais ça
deviendrait un comité qui se pose comme ayant une forme, enfin, de... je ne dirais pas «d'autorité», mais de
liberté de faire l'une et l'autre recommandation à côté des recommandations pour lesquelles, finalement,
nous nous sommes donné un mandat. Donc, on s'en tient à ce mandat. Et
nous nous permettons, à la rigueur, comme ici, de dire qu'une liste courte
serait préférable d'être introduite dans les recommandations, mais sans vouloir
aller plus loin que ça.
On
souligne par ailleurs, et je pense que c'est important de le rappeler, que,
lorsqu'on parle d'indépendance, la question
de la composition d'un comité de sélection est quelque chose d'absolument
fondamental et que travailler sur la composition
est un mécanisme qui permet de restreindre considérablement les choix, comme on
peut travailler également sur des
critères qui ont à être respectés pour guider les choix du comité de sélection,
dont la composition est, encore une fois, pensée de telle sorte de
garantir au mieux cette indépendance. Donc, travailler en ce sens, et c'est la
proposition qui était retenue par la
commission Charbonneau, dans un désir d'harmonisation effectivement avec
certaines pratiques, mais c'est aussi
une vision des choses où on peut dire : L'intervention concernant
l'indépendance se fait en amont. Elle se fait dans les règles de composition du comité et dans les critères qu'on peut
mettre en place également, qui viendront réduire la marge de choix, de discrétion du gouvernement.
C'est une option. Ce n'est pas la seule, évidemment. C'est celle qui a
été retenue par la commission Charbonneau, donc c'est celle qu'on rappelle ici.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Je veux
bien vous comprendre, M. Bégin. La commission
Charbonneau a toujours
plaidé pour une plus grande transparence. L'UPAC a été mise sur pied pour justement intensifier ses
enquêtes et ses interventions dans des cas de fraude, surtout dans l'industrie
de la construction, comme on connaît. Maintenant, vous ne trouvez pas qu'une nomination...
Personnellement, là, je veux croire
que vous, vous suivez les recommandations, puis il n'y en a pas une, recommandation claire en ce qui concerne la
nomination du commissaire à l'UPAC. Est-ce qu'il y a une recommandation
claire là-dessus de la commission Charbonneau? Je ne pense pas.
Maintenant,
vous n'avez pas l'impression que vous pourriez assurer une plus grande
transparence puis une plus grande confiance envers le public si le
commissaire à l'UPAC était nommé aux deux tiers de l'Assemblée nationale,
d'après vous?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Si je peux me permettre de répondre. Donc, la
recommandation 31 de la commission
Charbonneau se lit comme suit : «De modifier la Loi concernant la lutte
contre la corruption afin que la durée du mandat ainsi que le mode de
nomination et de destitution du Commissaire à la lutte contre la corruption
soient analogues à ceux du Directeur des poursuites criminelles et pénales.»
Donc, pour répondre à
votre question : il y a une recommandation très, très claire de la
commission Charbonneau qui porte spécifiquement sur le mode de nomination et de
destitution du Commissaire à la lutte contre la corruption.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci. Si je vous comprends bien, il faudrait
changer le mode de nomination des deux pour assurer une plus grande transparence, étant donné que la
recommandation est analogue au DPCP. Donc, si on veut assurer une plus grande transparence, il faudrait, si on veut
suivre la commission Charbonneau à la lettre, changer le mode de
nomination et du DPCP et du commissaire à l'UPAC. C'est ça que vous me dites.
C'est ça qui est écrit.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Non, je ne vois pas ça comme ça, étant donné qu'on
parle spécifiquement de modifier la Loi
concernant la lutte contre la corruption et pas de modifier la Loi sur le
Directeur des poursuites criminelles et pénales. Donc, on ne parle que
de modifier une seule loi. Donc, notre interprétation diverge de la vôtre.
M.
Spénard :
C'est ça. Mais ce que je veux vous dire, c'est qu'on est sur le processus de
nomination, là.
M. Brodeur (Pierre-Olivier) :
Effectivement.
M.
Spénard :
O.K. C'est beau. Merci. Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : M. Luc
Bégin, M. Pierre-Olivier Brodeur, membres du Comité public du suivi des recommandations de la commission
Charbonneau, merci de vous être déplacés et d'être venus déposer à la
commission.
La commission ajourne ses travaux au jeudi
19 octobre 2017, après la période des affaires courantes, où elle
poursuivra son mandat au salon rouge.
(Fin de la séance à 16 h 38)