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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 21 septembre 2017 - Vol. 44 N° 216

Étude détaillée du projet de loi n° 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Documents déposés

Intervenants

M. Guy Ouellette, président

Mme Stéphanie Vallée

Mme Agnès Maltais

Mme Nathalie Roy

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Marc Bourcier

Journal des débats

(Onze heures cinquante-cinq minutes)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie de nouveau afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements religieux dans certains organismes.

Mme la secrétaire, il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Melançon (Verdun) est remplacée par Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger); Mme Montpetit (Crémazie) est remplacée par M. Auger (Champlain); et M. Marceau (Rousseau) est remplacé par M. Bourcier (Saint-Jérôme).

Le Président (M. Ouellette) : On apprécie la présence des députés qui viennent se joindre à la Commission des institutions ce matin.

Étude détaillée (suite)

Nous en étions, lors de l'ajournement des travaux, hier après-midi, à l'étude d'un amendement introduisant l'article 10.1 présenté par Mme la députée de Taschereau. Et on se souviendra qu'il y a eu plusieurs questionnements relativement à l'amendement. Et je pense que les légistes du ministère devaient regarder et nous produire une formulation qui tiendrait compte des préoccupations de tous les membres de la commission.

Je vais d'abord et avant tout débuter avec Mme la députée de Taschereau, ce matin, parce que je pense que Mme la ministre avait fait le tour des préoccupations qu'elle avait en réponse aux différents questionnements. Donc, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Alors, pour l'essentiel, le débat qu'on avait eu, suite à notre proposition de voir le gouvernement déposer en commission parlementaire un guide après sa publication, donc sans altérer la séquence des événements... Et on avait donc déposé cette idée, et elle avait été assez bien accueillie par le gouvernement. Toutefois, ils avaient un problème, parce que le gouvernement, en fait, ne produira pas de guide, là, à ce que je comprends, mais bien des lignes directrices, et ensuite, chaque organisme public, grâce à ces lignes directrices, produira son guide, qui pourra varier selon le secteur : la culture, l'éducation, la santé, tout ça. Donc, j'ai trouvé ça, effectivement, là... On n'essaie pas d'embêter le gouvernement, on essaie de faciliter les choses pour une meilleure compréhension de ce qui se passera ensuite.

L'autre idée était que le fait de les déposer ici, dans une commission parlementaire, que ce soit en public ou en séance de travail, pourrait permettre aux députés, qui ont travaillé longuement, oserai-je dire, sur ces sujets, où il y a eu beaucoup matière à débat... le fait de les présenter ici permettrait d'abord de faire oeuvre pédagogique, parce que, quand il y aura des événements, les députés seront au courant de ce que sont ces lignes directrices, comment les organismes doivent gérer ça, d'abord. Deuxièmement, ça permettra aussi de mieux réagir face à nos commettants, qui nous interpellent souvent sur ces sujets que sont l'identité, la laïcité, la neutralité religieuse de l'État et la façon dont sont gérés les accommodements.

Donc, je remercie beaucoup la ministre et ses équipes. Toujours, sur les côtés et derrière elle, on les voit qui travaillent à essayer de mettre en mots justes, en mots adaptés à une législation les intentions que nous avons comme parlementaires.

Alors, la mécanique que je propose, c'est que... D'abord, M. le Président, je demanderais de retirer l'amendement qu'on a déposé, celui qui a permis ce débat. Et ensuite les légistes ont travaillé sur une formulation, que la ministre m'a remise et que je pourrais déposer officiellement, donc, qui remplacerait la formulation initiale, celle-ci étant plus juste, correspondant plus à nos intentions, et ensuite on pourrait continuer le débat, si tout le monde est d'accord.

Le Président (M. Ouellette) : Il y a consentement pour retirer le sous-amendement de Mme la députée? Consentement? Ce n'est pas le sous-amendement, l'amendement de Mme la députée de Taschereau. Il y a consentement. Vous voulez redéposer? Parce que ce je sais que le travail qui a été effectué a amené une dualité, là, et il y aura des amendements...

Mme Maltais : Oui. Alors...

• (12 heures) •

Le Président (M. Ouellette) : Donc, je vous laisse les déposer, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci. L'amendement que j'avais déposé avait deux notions, d'abord que soit déposé en commission parlementaire le guide ou, maintenant, les lignes directrices; la deuxième était pour donner une certaine période de temps pendant laquelle ce guide devait être déposé, qui était de 30 jours après publication.

Alors, la proposition, c'est que je vais d'abord déposer un sous-amendement à... un amendement à 10.1 qui reprendra l'idée des lignes directrices, et ensuite, à 14.1, selon la suggestion de la ministre et des légistes, on verra la période de temps à laquelle ça doit être déposé, ce qui simplifierait le travail — c'est ce que j'ai compris — si tout le monde est d'accord.

Alors, je déposerais 10.1, qui dit ceci : Ajouter, après l'article 10, l'article suivant :

«10.1. Le ministre établit des lignes directrices portant sur le traitement d'une demande d'accommodement pour un motif religieux afin d'accompagner les organismes dans l'application de l'article 10 de la présente loi.

«Ces lignes directrices sont publiées sur le site Internet du ministère de la Justice.»

Le Président (M. Ouellette) : À ce stade-ci, je vous ferais lire 14.1, là, juste pour qu'on ait de la suite dans les idées et qu'on puisse voir l'interrelation entre les deux, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Alors, j'oublierai les fioritures du début pour arriver directement à 14.1 :

14.1. Les premières lignes directrices établies par le ministre conformément à l'article 10.1 doivent faire l'objet d'une étude par la commission compétente de l'Assemblée nationale dans les 30 jours de leur publication.

Donc, cette idée de travail parlementaire autour des lignes directrices, de compréhension de ces lignes directrices, elle sera présente à 14.1.

Le Président (M. Ouellette) : Si vous êtes d'accord, on aurait la discussion sur les deux amendements à ce stade-ci. Je parle de discussion. On pourra voir l'adoption à 14.1 quand on y sera rendus, mais je pense que, pour ne pas diviser le débat, je suggérerais aux membres de la commission d'avoir le débat sur les deux... la discussion sur les deux amendements déposés par Mme la députée de Taschereau. Vous êtes d'accord? Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui, M. le Président, étant donné que la première partie, 10.1, a beaucoup été discutée, moi, je n'en ajouterai pas, je pense que ça correspond à peu près à ce qu'on avait jasé. 14.1, là, je pense que c'est plus du côté du gouvernement qu'on pourrait expliquer pourquoi on a choisi cette formule-là, vu que c'est véritablement, là, une technique d'écriture de la législation.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Alors, pour l'ajout à 14.1, c'est tout simplement que cette... À partir de l'article 13, je crois, on arrive dans les dispositions transitoires, finales et transitoires, et en conséquence ce sont des dispositions qui, une fois la refonte effectuée, n'apparaissent plus au projet de loi. Ce sont des dispositions nécessaires pour la mise en oeuvre du projet de loi, mais, une fois le projet de loi mis en oeuvre, ces dispositions ne se retrouvent pas au texte qui sera consulté. Donc, c'est tout simplement pour ça, parce qu'on comprend que l'exercice vise à assurer l'étude en commission parlementaire, et, une fois que l'objet sera accompli, il n'y a plus de raison d'être de maintenir l'article. C'est tout simplement pour ça qu'on retrouve le passage de la commission parlementaire à l'article 14.1 plutôt que de le maintenir à 10.1, tout simplement.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Et, si je comprends bien, on dit 30 jours, mais évidemment, si l'Assemblée nationale ne siège pas, c'est un automatisme que de reporter... ou bien il faut ajouter la phrase que j'avais ajoutée, qui était : À la rentrée parlementaire... Comment ça fonctionne, ça?

Mme Vallée : C'est parce que, pour ce type d'exercice là, les commissions parlementaires siègent dans l'intersession, donc la convocation se fait par le leader. Donc, ce n'est pas un dépôt en Chambre.

Lorsqu'on ajoute les 10 jours de la rentrée parlementaire, c'est lorsqu'il y a nécessité de déposer en Chambre. Comme ce n'est pas le cas, bien, à ce moment-là, la convocation va se faire par le leader parlementaire. Et, par la suite, si ça devait être en période estivale, bien là... ou pendant l'intersession, entre la session d'automne et la session du printemps, bien...

Mme Maltais : On n'en tiendra pas rigueur.

Mme Vallée : C'est ça. Alors, si jamais je m'ennuie trop de vous, on va se revoir dans l'intersession.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau, ça va pour les explications?

Mme Maltais : Ça va. Tout va bien.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Je suis satisfaite de voir... C'est une position qu'on défendait déjà en 2016. Les gens, ce qu'ils veulent, c'est un guide, ils voulaient un guide. Mais on parle maintenant de lignes directrices, mais je pense que, les gens qui nous écoutent puis les gens à qui on demandera des accommodements raisonnables pour des motifs religieux, ce qu'ils veulent, c'est de savoir qu'est-ce qui est permis, qu'est-ce qui n'est pas permis, à quoi est-ce qu'ils peuvent dire oui, à quoi est-ce qu'ils doivent dire non. Et ça répond à une demande qui nous a été faite, entre autres, par les syndicats de l'éducation et plusieurs autres personnes dans différents domaines également. Parce qu'au final ce sont les personnes en position d'autorité, les administrateurs, les enseignants, les directeurs d'école, les directeurs des ressources humaines, les directeurs d'entreprise, les... il y a plein de personnes qui peuvent se faire poser des questions. Puis, si je parle des entreprises, oui, c'est le secteur privé, mais n'oublions pas qu'à l'article 7 du projet de loi les entreprises privées aussi, à certains égards, lorsqu'elles seront des sous-contractants de l'État, devront respecter le projet de loi n° 62. Alors, je pense que tout le monde doit savoir à quel moment est-ce qu'on peut dire oui à un accommodement pour des raisons religieuses puis à quel moment est-ce qu'on doit dire non. Puis ça devient très important lorsqu'on parle de travailleurs, par exemple, pour les entreprises privées, les congés, les vacances pour des motifs religieux. Pourquoi... Quand les accepter? Quand les refuser? Alors, des lignes directrices pourraient... et pas pourraient, doivent être là dans la mesure où, pour nous, c'est comme un guide, là, et elles doivent être faites pour aider les gens pour se démêler. Je pense que c'était la base même, d'essayer de comprendre qu'est-ce qu'on peut et qu'est-ce qu'on ne peut pas.

Et je poserais peut-être une question à Mme la ministre à cet égard-là. Vous nous disiez hier qu'il y a déjà... — comment vous avez appelé ça? — un rapport de mise en oeuvre qui existe, dans lequel... ce rapport-là donne le portrait de la situation, le nombre de demandes acceptées, non acceptées, refusées, et tout ça. Je me pose la question : Est-ce qu'on peut déjà prendre ce qu'il y a dans vos rapports... — comment qu'ils s'appellent encore? — rapports de mise en oeuvre et prendre... Dans la prévision de l'adoption de l'article 10.1 et 14.1, là, en ce qui a trait aux lignes directrices, est-ce que c'est possible de prendre ce qui existe déjà dans les rapports de mise en oeuvre? Est-ce qu'on a, là-dedans, des réponses à des questions, à des accommodements qui ont été faits, des demandes pour des motifs religieux qui ont été faites et les a-t-on refusées ou acceptées? Est-ce qu'il y a déjà une base de données avec laquelle on pourrait travailler pour mettre dans les lignes directrices ou vous ne partez de rien pour ce qui est des lignes directrices?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, simplement, hier on a parlé du rapport de mise en oeuvre qui existait dans la loi sur les soins de fin de vie. Donc, c'était ça... C'est parce qu'on jonglait avec la possibilité soit d'avoir en commission parlementaire une étude relative aux lignes directrices ou peut-être reporter dans le temps les rapports de mise en oeuvre. Le rapport de mise en oeuvre implique des délais beaucoup plus éloignés puis ne permet pas nécessairement de répondre à court terme à la préoccupation qui était formulée, c'est-à-dire d'éduquer, de communiquer l'information aux députés pour s'assurer que tous soient au fait des lignes directrices.

Ceci dit, dans les rapports annuels des organismes publics, c'est ça, il y aura des références à ces données-là. Actuellement, les données que nous avons sont des données qui ont été recensées par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Donc, c'est certain qu'on ne part pas de zéro, puisque la Commission des droits de la personne et de la jeunesse a quand même identifié le nombre de demandes, des dossiers qui ont été portés à son attention. Les organismes aussi traitent déjà des demandes d'accommodement.

Alors, dans les rapports annuels, il y aura des organismes, et c'est certain qu'on pourra retrouver cette information, et donc qui va permettre de voir une évolution. Et la Commission des droits de la personne et de la jeunesse aussi, il ne faut pas l'oublier, elle demeure, elle est là.

Et est-ce que le nombre de demandes sera similaire, sera stable, sera constant? Est-ce qu'il y aura plus de demandes d'accommodement, moins de demandes d'accommodement en raison de la mise en oeuvre de la loi? On ne le sait pas. Mais actuellement c'est certain que, pour ce qui est des demandes d'accommodement, bon, certains organismes en font état, d'autres ne font pas état, il n'y a pas d'obligation de reddition de comptes en soi.

Le Président (M. Ouellette) : Il y aura de toute façon... pour l'étude des lignes directrices, la commission compétente fera des démarches en ce sens par le service de recherche pour nous obtenir ces données-là avant l'étude des lignes directrices, comme on fait dans la majorité des mandats qu'on va faire au niveau des commissions. J'avais besoin de le mentionner pour que ça reste dans le verbatim des travaux de la commission.

Mme la députée de Montarville.

• (12 h 10) •

Mme Roy : Merci, M. le Président. Mme la ministre aura compris que, quand je parlais de rapport de mise en oeuvre, ça ne m'intéressait pas de savoir ce qui avait été fait en lien avec la loi de mourir dans la dignité mais plutôt, effectivement, les organismes, actuellement, gouvernementaux, surtout la Commission des droits de la personne, puisque Mme la ministre nous disait qu'elle a déjà une expertise et rend déjà des décisions.

Alors, ma question, c'est : Est-ce qu'on peut déjà se servir des décisions rendues, qui font justement jurisprudence, j'imagine, pour commencer à faire ce guide que nous appellerons les lignes directrices? Est-ce qu'on peut déjà avoir un peu de viande autour de l'os pour que les différents intervenants à qui l'on demandera un accommodement raisonnable pour des motifs religieux puissent déjà avoir une idée de qu'est-ce qu'on a permis puis qu'est-ce qu'on a refusé? Tout simplement, peut-on se servir de cette banque-là qu'on a déjà? Et va-t-on le faire?

Mme Vallée : C'est certain que l'information qui est actuellement... qui a été compilée par la commission des droits de la personne et de la jeunesse sera un outil à partir duquel on va pouvoir travailler. On en a parlé régulièrement, du guide qui a été produit, ce qu'on appelle le guide virtuel, produit par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. C'est un guide qui a été produit en 2012, qui est toujours... qui est là, il y a un travail important qui a été fait pour l'élaborer. Maintenant, ce guide-là est perfectible et ce guide-là peut servir aussi de base de discussion pour amorcer les discussions avec les différents secteurs. Donc, on ne part pas de rien, c'est certain. Et l'information que nous avons, l'expertise qui a été développée sera certainement mise à contribution pour l'élaboration des lignes directrices parce que, la jurisprudence qui s'est développée, qui a permis d'élaborer les critères de l'article 10, bien, cette jurisprudence-là, c'est certain qu'elle sera utile pour l'élaboration et pour la compréhension des différentes orientations qui seront données à travers les lignes directrices.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Lignes dont les citoyens ont bien besoin, lignes directrices. Puis je reviens aux écoles, les commissions scolaires qui nous disent toutes que c'est à la pièce, dépendamment de la personne à qui on pose la question, puis on a de la difficulté à savoir est-ce qu'on accepte ceci, est-ce qu'on accepte cela, est-ce qu'on refuse ceci, est-ce qu'on refuse cela.

Ma question, c'est que, dans la mécanique de la chose, bon, on comprend que le projet de loi va être accepté et va être voté sous peu, là, il y a peu d'articles dans ce projet de loi n° 62. Donc, les citoyens peuvent s'attendre à avoir un guide pour travailler... Les directeurs des ressources humaines, les directeurs d'école, ces fameuses lignes directrices là, on peut s'attendre à quel moment... Est-ce qu'on a une idée du temps que ça prendra pour avoir ces premières directives? Je comprends qu'il faut les étudier 30 jours après, là, mais est-ce qu'on a une idée du délai que le gouvernement se donne pour pouvoir créer ces lignes directrices? Parce que, l'adoption du projet de loi, là, vous êtes majoritaires, puis ça va être adopté sous peu, là, on le sait. Donc, les gens, à quel moment peuvent-ils s'attendre à avoir des lignes directrices? Combien de temps après l'adoption du projet de loi?

Mme Vallée : On va en rediscuter à l'article 18, dans la mise en oeuvre. Justement en raison de l'insertion de ce nouvel article là, il y aura peut-être un délai de mise en oeuvre différent nécessaire pour l'article 10 parce qu'on doit se concerter.

Comme on l'a expliqué hier, on a déjà prévu travailler avec des secteurs, secteur de la santé, secteur de l'éducation, secteur de la petite enfance, la famille, pour pouvoir élaborer les besoins des organismes, s'assurer qu'on puisse vraiment répondre à leurs besoins. Donc, il y aura un certain moment, là, pour permettre d'organiser ces travaux-là, de consulter les organismes, d'aller chercher les besoins de chacun. Il y a un travail qui se fait également avec le ministère des Affaires municipales pour les villes, les municipalités. Donc, il va falloir peut-être prévoir quelques mois.

L'objectif, c'est d'aller le plus rapidement possible, on s'entend, parce qu'on souhaite éviter toute forme de confusion, mais il faut quand même se donner le temps de les élaborer et le faire correctement. Donc, j'imagine, quelque temps en 2018. Je ne veux pas reporter. Je dirais début 2018 serait probablement, là, si on se donne l'objectif du... oui, début 2018, on devrait être à même d'avoir élaboré les lignes directrices. Mais, pour donner le temps aux consultations avec le milieu, avec les organismes, vous dire que ces lignes directrices là seraient prêtes demain matin, c'est non, on vient de... On se dote de cet outil et on se dote aussi d'une démarche particulière qui vise à se retrouver en commission parlementaire pour en discuter. Et on se dote d'une obligation de publier ces lignes directrices là. Donc, c'est certain qu'il y a un travail qui doit se faire.

Puis l'autre chose, c'est qu'on ne peut pas le faire en amont parce qu'on ne peut pas présumer de l'adoption du projet de loi. Vos propos m'encouragent, mais quand même vous comprendrez qu'on ne pouvait pas présumer de l'adoption du projet de loi. On avait déjà... et on en avait discuté un petit peu hier, là, on avait déjà prévu mettre en place ces comités de travail là, mais on n'a pas amorcé les travaux parce qu'encore fallait-il avoir un texte adopté pour pouvoir vraiment travailler. Puis le texte, comme on le sait, a évolué, puis c'est très bien ainsi.

Donc, je nous donne d'ici le début 2018. Puis je pense que c'est un échéancier qui permet à tous de faire un travail sérieux. Même c'est peut-être un échéancier ambitieux, certains diront, mais je pense qu'on serait à même de faire quelque chose de bien...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville...

Mme Vallée : ...et d'utile, parce que je comprends très bien que notre collègue... Et on a tous entendu les mêmes propos de ceux et de celles qui souhaitent être guidés, parce que, bien que certains organismes sont déjà dotés de guides parce qu'ils sont confrontés au quotidien à des demandes plus fréquentes, d'autres sont moins familiers avec le concept du traitement de ce type d'accommodement là, puis ces organismes-là vont sans doute bénéficier de nos lignes directrices.

Le Président (M. Ouellette) : Ça va?

Mme Roy : Ça va. Je vous remercie des explications.

Le Président (M. Ouellette) : Il y aura sûrement aussi, puisque... Et je pense que M. le député de Gouin... Je ne sais pas si vous avez des commentaires, mais il y aura sûrement, dans l'étude de cet article-là, et suite aux commentaires que vous aviez émis, M. le député de Gouin, hier, que ce soit une étude publique pour que les gens qui suivent nos travaux puissent avoir accès à ce qui va se discuter au niveau des lignes directrices. Et sûrement que, quand les lignes directrices seront publiées et seront dans le collimateur pour être entendues par la commission ou étudiées par la commission, le comité directeur, sûrement, émettra une recommandation pour que la ministre soit partie à nos travaux aussi, dans le but d'expliquer les lignes directrices, parce que... oui, c'est ça, que quelqu'un soit en mesure de venir le dire, parce que de facto la ministre n'est pas membre de la commission. Donc, il y aura... pour aller dans les préoccupations, pour aller dans les préoccupations des parlementaires, je pense que c'est quelque chose qui méritait d'être mentionné, et qu'on tienne compte aussi des préoccupations que M. le député de Gouin... Je ne sais pas si vous voulez rajouter là-dessus.

M. Nadeau-Dubois : Vous avez tout dit, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Bon. Donc, à ce moment-ci, si vous n'avez pas d'objection, moi, je ferais voter les deux amendements. Est-ce que l'amendement introduisant 10.1 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Ouellette) : Est-ce que l'amendement introduisant 14.1, déposé par Mme la députée de Taschereau, les deux sont adoptés?

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Ouellette) : Adopté. Mme la ministre...

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Ça a l'air qu'il y a un vote au salon bleu. Bien, ça a l'air qu'on va aller voter avant de lire l'article 11.

Nous suspendons nos travaux pour aller voter.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

(Reprise à 12 h 49)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux après le vote en Chambre sur le projet de loi n° 121.

Documents déposés

Avant de demander à Mme la ministre de nous lire l'article 11, je voudrais déposer pour l'ensemble des membres de la commission une lettre qui nous est parvenue aujourd'hui de Mme Roberge, la coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, qui a été envoyée à tous les membres de la commission et qui est sur le site de la commission, qui fournit certaines explications à certains des articles suite aux commentaires qui ont été faits dans la foulée de l'adoption de l'article 7.

Mme la ministre, pour lecture de l'article 11. Pour lequel, pour le moment, il n'y a pas d'amendement.

• (12 h 50) •

Mme Vallée : Effectivement. Donc, le projet de loi se lit comme suit : «Lorsqu'une demande d'accommodement pour un motif religieux par un membre du personnel implique une absence du travail, doivent être plus spécifiquement considérées :

«1° la fréquence et la durée des absences pour un tel motif;

«2° la taille de l'unité administrative à laquelle appartient la personne qui fait la demande et la capacité d'adaptation de cette unité ainsi que l'interchangeabilité des effectifs de l'organisme;

«3° les conséquences des absences sur l'exécution du travail de la personne faisant la demande et sur celle des autres membres du personnel de même que sur l'organisation des services;

«4° la contrepartie possible par la personne qui fait la demande, notamment la modification de son horaire de travail, l'accumulation ou l'utilisation de sa banque d'heures ou de jours de congé ou son engagement à reprendre les heures non travaillées;

«5° l'équité au regard des conditions de travail des autres membres du personnel, notamment en ce qui a trait au nombre de congés payés et à l'établissement des horaires de travail.»

Le Président (M. Ouellette) : Commentaires.

Mme Vallée : Donc, c'est un article qui précise les critères qui devront être spécifiquement considérés lorsqu'une demande d'accommodement pour un motif religieux implique une absence du travail. Donc, c'est également une disposition qui vient reprendre la jurisprudence, qui est quand même assez abondante, sur la question, et fait également référence aux principes établis par la jurisprudence et les différents traités de droit qui portent sur la question, les traités de droit du travail qui portent sur la question.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui, M. le Président. Effectivement, ça reflète la jurisprudence. Ça reflète exactement le texte qu'on avait dans le projet de loi n° 60, sauf l'ajout de quelques mots. À 4°, après «la contrepartie possible», on a ajouté «par la personne qui fait la demande», c'est une précision. Donc, il n'y a pas énormément de questions à poser là-dessus, mais quelques-unes quand même.

D'abord, je ferais remarquer que, si on avait eu «contrainte plus que minimale», je trouve que ça aurait été beaucoup plus intéressant. Ça aurait donné plus de marge de manoeuvre aux gens qui font l'analyse des demandes pour les refuser.

Ce qu'on n'a pas là-dedans, c'est quand on dit... La seule chose qui manque, que je ne sais pas, c'est : Quand l'analyse se fait à partir de ces critères, est-ce qu'ils sont mis tous ensemble? Est-ce qu'il faut qu'il y ait une escalade de critères ou si un seul suffit pour rejeter un accommodement religieux ou pour l'accepter?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Ils sont évalués, je dirais, dans leur ensemble, ce n'est pas un critère... On évalue la demande quant à son effet sur les critères qui sont là. Il n'y a pas de critère plus important que l'autre, en fait, ce sont tous des critères à considérer pour déterminer le caractère raisonnable ou non de la demande : En raison de ces critères-là, est-ce que la demande présentée par l'employé constitue une difficulté excessive pour l'employeur? Parce que, si on est dans un organisme qui ne compte que deux personnes, la demande recevra peut-être une réponse différente versus une demande présentée dans un organisme qui compte une vingtaine de personnes, où on est capable d'aménager l'horaire de travail en raison d'une masse... d'une équipe plus volumineuse, plus nombreuse.

Mme Maltais : Oui, M. le Président, j'avais bien analysé ces critères-là, là. Mon souvenir était... Comment ils travaillent, les gens qui analysent?

Maintenant, comme je dis, c'est la jurisprudence qui est appliquée dans la loi. Alors, moi, je n'ai pas d'autre commentaire. Je note, je note encore que, derrière ça, il y a aussi un concept dont on a débattu avant, dans l'article 10, qui, pour moi, n'est pas le meilleur. Là, on va travailler sur la contrainte excessive. Il aurait été, je pense, bien mieux de travailler sur une contrainte plus que minimale, c'est-à-dire qu'on ne demande pas à l'employeur de prouver que c'est excessif mais bien qu'on demande à l'employé de prouver que c'est plus... à l'employeur de montrer que c'est plus que minimal, c'est-à-dire qu'on accepte un minimum, mais qu'il y a un moment où il ne faut pas dépasser. Là, tout ce qu'on dit c'est qu'il ne faut pas dépasser... il ne faut pas que ça atteigne l'excès. Donc, le plancher auquel... le plafond, plutôt, varie énormément. Je considère encore qu'on a fait une erreur, comme parlementaires, en n'acceptant pas le concept de contrainte plus que minimale, qui est en vigueur aux États-Unis et qui correspondrait, à mon avis, à notre situation.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Oui, bien, écoutez, Mme la ministre... Bien, M. le Président, je vais m'adresser à Mme la ministre. Je reviens souvent avec cette question-là : Est-ce que les organismes fédéraux sont tenus de respecter les libellés des articles 10 et 11 dans leur intégralité ou s'il y a encore des exceptions où ils ne sont pas tenus de se soumettre à la loi?

Mme Vallée : Les organismes sont tenus aux critères jurisprudentiels, donc les organismes fédéraux travaillent avec les mêmes balises que les balises établies notamment par des décisions de la Cour suprême, mais les organismes fédéraux ne sont pas assujettis à l'application de notre projet de loi, pour les mêmes raisons que je vous ai expliquées hier.

M. Bourcier : Alors, à chaque fois... Pardon.

Mme Maltais : Vas-y, continue.

M. Bourcier : Oui, mais à chaque fois, donc, je vais y revenir, là, puis...

Mme Vallée : Non, je comprends.

M. Bourcier : ...chaque article du projet de loi, je tiens à souligner la dualité future d'application du projet de loi à cause des lois fédérales, qui causent des exceptions à notre loi, là, qu'on va possiblement faire adopter, je l'espère. Mais c'est tellement évident, M. le Président, Mme la ministre, que, dans un Québec souverain, maître de ses propres lois, il n'y en aurait pas, d'exception, il n'y en aurait pas. Alors, malheureusement, il y en aura tant qu'on fera partie du Canada. Il y aura toujours des organismes fédéraux qui vont se soustraire à l'application du futur projet de loi n° 62, là, on va vivre avec ça. Ça, il faut le souligner à chaque fois, c'est mon devoir de le faire de par ma formation politique. Mais aussi on sait que, probablement, les gens auront la possibilité, par exemple, de se faire servir à visage couvert au Québec, je ne me trompe pas en vous disant ça, là, dans un organisme fédéral, on s'entend.

Mme Vallée : Les organismes fédéraux... Là, on est vraiment dans la question d'accommodement pour les motifs... l'absence du travail. Le gouvernement fédéral est responsable d'encadrer les organismes fédéraux. Donc, il ne nous appartient pas, en raison du respect des juridictions... C'est une réalité au même titre que, comme je vous le mentionnais hier, le Code du travail s'applique au Québec pour les entreprises québécoises, mais les entreprises de juridiction fédérale sont assujetties au code fédéral.

Donc, il y a cette réalité qui existe dans notre belle fédération, qui amène des enjeux différents, oui, un respect de nos compétences. Mais je comprends l'intervention de mon collègue, considérant la formation à laquelle il souscrit, puis c'est tout à fait... je ne m'attendais pas à moins au niveau de son intervention.

M. Bourcier : Je vais terminer en disant que, dans, donc, des organismes fédéraux, les gens pourraient se faire servir à visage couvert avec toute l'immunité canadienne et l'aval de Justin Trudeau. Alors, à cause du Canada, Mme la ministre, M. le Président, il nous en manquera toujours un bout... de visage.

Le Président (M. Ouellette) : Sur ces bonnes paroles, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : ...rien à ajouter.

Le Président (M. Ouellette) : Est-ce que...

Mme Maltais : Ah! M. le Président, j'ajouterais un commentaire.

Le Président (M. Ouellette) : Est-ce que Mme la députée de Taschereau finirait avec un dernier commentaire?

Mme Maltais : Oui. C'est très clair, la ministre l'a dit, la loi ne change rien à la jurisprudence. Ça fait que la loi ne change rien. On l'inscrit dans la loi, mais est-ce que la loi change quelque chose à la jurisprudence? Si on avait mis contrainte plus que minimale, là c'était clair. Là on bougeait, là on bougeait. Mais la ministre a dit : La loi ne change rien à la jurisprudence.

• (13 heures) •

Mme Vallée : En fait, ce que je mentionnais, c'est... Votre collègue me posait... M. le Président, avec respect, le collègue de la députée de Taschereau me posait la question quant aux règles qui régiraient, qui régiront les organismes fédéraux, ce à quoi j'ai répondu que la jurisprudence existait, donc qu'elle demeure.

De notre côté, notre loi fera sans doute évoluer la jurisprudence, notamment dans le cadre des critères que nous avons établis à l'article 10. Parce qu'on a certains critères : le respect de l'égalité hommes-femmes et le respect des droits, le respect de l'intégrité de la personne, le respect du concept de la neutralité religieuse. Donc, on fait avancer... on fera avancer la jurisprudence.

Ici, en matière de travail, on fait référence à des critères qui existent. Moi, au contraire, M. le Président, je suis persuadée que notre projet de loi va faire avancer notre société, va favoriser le vivre-ensemble, va favoriser aussi une meilleure compréhension, une meilleure connaissance de certains concepts qui peuvent être abstraits et lourds.

Mme Maltais : ...la CDPDJ, sur son site, dit déjà qu'un accommodement qui est contraire à l'égalité entre les hommes et les femmes est déraisonnable. On l'écrit là, mais il était déjà considéré comme ça.

Mme Vallée : ...on le codifie.

Mme Maltais : On le codifie. Mais c'est ça que je veux dire, on codifie ce qui existe déjà. C'est pour ça que je considère encore qu'on aurait dû aller vers la contrainte plus que minimale, et là on faisait véritablement une différence avec la jurisprudence lorsqu'elle était... Elle était là, la différence fondamentale, profonde. Autrement, effectivement, on codifie la jurisprudence. Mais je ne vais pas plus loin que ça.

Le Président (M. Ouellette) : Est-ce que l'article 11 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Ouellette) : Sur ce et sur ces très bonnes dispositions, la commission ajourne ses travaux à mardi matin, 10 heures. Mardi matin, oui. O.K.?

Pour la Commission des institutions, on change de salle, on s'en va au 1.38 pour recevoir le Protecteur du citoyen. Merci.

(Fin de la séance à 13 h 2)

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