(Neuf
heures trente-huit minutes)
Le Président
(M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Je demande
à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 62, Loi
favorisant le respect de la neutralité
religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes
d'accommodements religieux dans certains organismes.
M. le secrétaire, il
y a des remplacements.
• (9 h 40) •
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Montpetit
(Crémazie) est remplacée par M. Bernier (Montmorency); M. Rousselle
(Vimont), par M. Girard (Trois-Rivières); M. Bergeron (Verchères),
par M. Bourcier (Saint-Jérôme); et M. Marceau (Rousseau), par M. Kotto
(Bourget).
Document déposé
Le Président
(M. Ouellette) : Merci. Avant de débuter nos travaux, je dépose
une lettre qui a été transmise le
23 août 2017 par la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles,
qui sera sur le site Greffier, et pour l'attention de tous les membres
de la commission.
Je
nous rappelle aussi, avant de débuter, qu'on m'a informé qu'il y avait eu
égalité des voix à la dernière séance lors d'un vote sur un amendement de Mme la députée de Montarville et que
cette situation avait ou aurait pu provoquer une certaine confusion.
Donc, permettez-moi d'effectuer un bref rappel de la procédure applicable dans
cette situation.
L'Assemblée
puis les commissions se prononcent sur les différentes commissions qui leur
sont soumises par vote, puis, à moins
d'une disposition explicite à l'effet contraire, les décisions sont prises à la
majorité des voix, à la simple majorité
des voix. Puis, comme tout autre membre, le président de la commission peut
prendre part aux délibérations, a droit
de vote. Il est même dans l'obligation d'exercer son droit de vote, que ce soit
pour, contre ou en abstention. Puis, contrairement au président de
l'Assemblée, il n'y a pas droit de veto puis il n'y a pas de vote prépondérant.
Et en cas d'égalité des voix une motion est
rejetée. C'est une règle générale qui a fait l'objet d'un rappel dans une
décision, qui est la décision 157/2, rendue par la présidente
Catherine Morissette en 2007, là, ça nous fait remonter de 10 ans en
arrière, le 11 décembre 2007.
Décision de la présidence sur
la question de règlement
sur la recevabilité d'un amendement
Donc,
ceci étant précisé pour l'égalité des voix, je vais maintenant rendre ma
décision sur... la présidence va rendre sa décision sur l'amendement de M. le député de Gouin qui a été déposé à
la dernière séance. Je vais rendre ma décision sur la question de règlement soulevée lors de la dernière séance par Mme
la ministre concernant la recevabilité de l'amendement proposé par M. le
député de Gouin introduisant le nouvel article 1.1.
Lors
de ses remarques, Mme la ministre a indiqué que l'amendement qui vise à mettre
fin au financement public des
établissements scolaires confessionnels n'est pas recevable puisqu'il introduit
un nouveau principe au projet de loi et qu'il est contraire au principe de l'initiative financière de la
couronne codifié à l'article 192 de notre règlement et qui précise que seul un ministre peut proposer une motion
visant l'engagement de fonds publics. M. le député de Gouin indique que
son amendement est recevable puisqu'il vise
le même objectif que le projet de loi et que les établissements agréés aux
fins de subventions en vertu de la Loi sur
l'enseignement privé sont déjà visés par les dispositions du chapitre III
du projet de loi.
Je
vous rappelle que nos règles prévoient que les amendements doivent se rapporter
à l'objet du projet de loi et être conformes à son esprit et à la fin
qu'il vise. Il est clair que le projet de loi vise globalement à favoriser le
respect de la neutralité religieuse de
l'État et qu'il établit un certain nombre de mesures en ce sens. Or, bien que
l'amendement proposé par M. le député
de Gouin fasse référence à la neutralité religieuse, ce dernier va au-delà de
tout ce qui est prévu dans le projet
de loi. L'amendement introduit un nouveau principe, soit l'abolition du
financement des écoles confessionnelles, qui n'est pas visé par le projet de loi à l'étude. Notre raisonnement s'appuie
sur les décisions rendues en 2009 par l'actuel député de Jacques-Cartier, qui est la décision 197/16 du
29 mai 2008, et en 2015 par l'actuel député de LaFontaine, qui est
la décision 197/32 du 27 octobre 2015.
Par
ailleurs, il importe de préciser que, même si le projet de loi fait référence à
la Loi sur l'enseignement privé, cela n'a pas pour effet de rendre
recevable tout amendement concernant cette loi, comme l'a souligné l'ancien
député de Saint-Maurice dans une décision rendue en 2011, le 7 décembre
2011, qui est la décision 197/25, et qui a été réitéré à plusieurs reprises par différentes présidences,
que ce soit le 8 décembre 2011, le 7 juin 2013 et le 11 juin
2015. Les décisions n'ont pas été réécrites mais ont été rendues en
décisions similaires à la décision 197/25.
En conséquence, je déclare
l'amendement de M. le député de Mercier irrecevable.
Enfin, la
question ayant été réglée à la lumière du premier volet, la présidence n'a pas
à se prononcer à l'égard du principe de l'initiative financière de la
couronne.
Je ne sais
pas s'il y a des commentaires sur la décision de la présidence. M. le député de
Gouin, pas de commentaires?
M. Nadeau-Dubois : C'est bien
compris, M. le Président. Merci beaucoup.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Je n'ai pas
de commentaire, merci.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais : Pas de
commentaire.
Étude détaillée (suite)
Le
Président (M. Ouellette) : Donc, nous reprenons nos travaux. Nous en sommes à l'article 3. Et
nous avions une discussion sur l'amendement introduit par Mme la
ministre à l'article 3 qui introduisait le paragraphe 0.1°. On avait
commencé nos discussions. Mme la ministre.
Mme Vallée : Alors, M.
le Président, nous avions une question très pertinente soulevée par notre
collègue de Taschereau quant à l'application
de l'amendement. Simplement rappeler... Parce que vous vous rappellerez, M. le
Président, qu'on vient introduire l'application,
la portée du principe de neutralité aux députés, aux élus, et on
demandait : Qu'est-ce que ça peut avoir comme impact dans
l'interaction des élus avec les citoyens?
Donc, pour ce
qui est des députés de l'Assemblée nationale, évidemment, c'est clair que les
députés de l'Assemblée nationale sont indépendants dans l'exercice de
leurs fonctions. Ça, c'est déjà prévu par l'article 43 de la Loi sur l'Assemblée nationale. À ça s'ajoute un certain
nombre de règles, de pratiques auxquelles on est aussi assujettis. Pensons à notre
code de déontologie, sur lequel on a travaillé il y a quelques
années, qui prévoit aussi un certain nombre de principes. Donc, notre
code d'éthique et de déonto prévoit les... vient affirmer les valeurs puis les
principes d'éthique auxquels l'ensemble des
députés, nonobstant notre indépendance de parlementaires... nos
principes éthiques auxquels on doit, nous, s'astreindre. Donc, notre
code indique, par exemple, qu'en notre qualité de députés on est au service des
citoyens. Donc, ça, c'est prévu. Il prévoit
qu'évidemment ça doit nous guider... ce principe-là nous guide
dans l'exercice de notre charge et
qu'en notre qualité de députés on doit aussi rechercher la cohérence entre nos
actions, les actions que l'on pose tous et chacun en notre qualité de
députés, puis les valeurs qui sont véhiculées dans le code. Alors, ça, c'est
présent.
Donc, avec l'amendement
qui est présenté, qui est soumis, M.
le Président, on vient préciser qu'en
notre qualité d'élus on doit
respecter le principe de la neutralité religieuse. Donc, ça, ça veut dire, à toutes fins pratiques, qu'en notre qualité d'élus on ne doit pas favoriser ou défavoriser une personne ou
un groupe en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une religion ou en raison de
leurs convictions ou leurs croyances religieuses. Bon, ça, c'est une
chose.
Donc, est-ce
qu'en notre qualité d'élus il nous est permis de refuser, par exemple, une rencontre avec un citoyen en se fondant uniquement sur la
base de la religion? Si on interprète le principe, puis dans l'ensemble du
contexte que j'ai mis en place, ça irait à
l'encontre du principe de neutralité. Dire : Je ne vous rencontre pas
parce que vous appartenez à tel mouvement religieux, en soi, si c'est de
façon très claire et non équivoque la raison qui est invoquée au soutien du
fait qu'il n'y aura pas de rencontre, ça pourrait en effet porter atteinte au
principe de neutralité religieuse.
Ceci dit, le
député, l'élu est maître de son agenda, d'une part. D'autre part, l'élu peut
aussi refuser de rencontrer une personne
s'il a des motifs qui sont propres... notamment si l'élu considère que ce n'est pas bénéfique
pour les citoyens qu'il représente dans leur ensemble, si la rencontre
n'aura pas de portée, n'apportera pas une plus-value à son rôle d'élu. Mais évidemment, là, la question qui était posée, c'est si un élu refuse sur la
base de l'appartenance à une communauté religieuse ou sur le simple principe de la croyance ou la non-croyance.
De façon très... suivant les principes que je vous ai expliqués, ça
pourrait effectivement porter atteinte à la neutralité.
Ceci dit, un élu peut refuser de rencontrer quelqu'un,
nonobstant l'amendement qui est déposé, pour d'autres questions, des enjeux de
façon plus globale. Il n'y a pas d'obligation pour un élu de rencontrer tous
ceux et celles qui formulent une demande. Il
peut y avoir un tas de circonstances qui amènent un élu, suivant... Tout en
respectant son code d'éthique, son
code de déontologie et évidemment son principe d'indépendance, une personne peut
refuser de rencontrer des gens, et
ça, ça ne porterait pas atteinte, en soi, au principe de neutralité. Mais, si
la raison, non équivoque, est évoquée clairement : Non, je ne vous rencontre pas parce que vous
appartenez à telle Église, ou parce que vous êtes d'appartenance... de
religion x ou y — je
ne veux pas en cibler parce que je ne voudrais pas faire de cas d'espèce, là — ou
parce que vous êtes non-croyant, bien, ça, en soi, ça pourrait porter atteinte
au principe de neutralité religieuse.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la députée de Taschereau.
• (9 h 50) •
Mme Maltais : Alors, je le dis, là, j'ai déjà
refusé... J'ai deux... Moi, je dis au monde ce que je fais et je ne mens
pas, c'est un principe fondamental dans mes
valeurs. Si je refuse de rencontrer quelqu'un, je lui dis pourquoi. Puis mon personnel est formé à ça, on ne ment pas aux
citoyens. On leur dit : Non... Il m'est arrivé, par exemple, de dire : On ne te rencontrera plus parce que tu as fait — je
vais vous donner un cas récent — 12
ans de prison et que tu es violent, et on ne te rencontrera plus. C'est
délicat, mais ça s'explique.
J'ai déjà
aussi dit au groupe raëlien : Je ne vous rencontrerai pas parce que
vous êtes une secte et que je ne veux pas, même par mon agenda,
encourager, crédibiliser votre groupe. Puis il y en a eu d'autres aussi, j'en
ai nommé l'autre fois en commission parlementaire. Il y a des sectes au Québec. L'Église de
scientologie, je l'ai dit, elle est sur la rue Saint-Joseph, à côté de
mon bureau de circonscription. Je me suis déjà pognée avec des militants de
l'Église de sciento, vous pouvez le croire,
oui, parce que c'est une secte qui est nocive, pour moi. Mais je
leur dis ce que je pense, je ne peux
pas mentir. Moi, je ne peux pas dire : Je vais accepter cet amendement
parce que je peux mentir, je peux jouer au chat et à
la souris.
Alors, je
suis très embêtée, vraiment très embêtée, parce que c'est clair, puis
la ministre en est consciente, elle l'a dit, oui, on va rétrécir la marge de manoeuvre des députés. Je vais vous dire pourquoi ça va la rétrécir : parce que tout le monde est soumis aux lois au Québec,
même les députés de l'Assemblée nationale. Si on fait une infraction au code
routier, bien, on en entend parler ici, on
entend parler dans les journaux, on est punis en triple. Si on fait une
infraction à une loi, on est punis en
triple parce qu'en plus ça se sait.
Et les gens peuvent nous poursuivre si on fait des gestes qui sont des
infractions à la loi. À nous de prouver qu'on ne l'a pas fait. Est-ce qu'en
faisant ça on n'envoie pas le fardeau de la preuve
sur le député? Moi, c'est ce que je comprends, je voudrais que la ministre
s'exprime bien... Parce que, là, moi, je vous le dis, là, je ne mens pas
aux citoyens et je refuse les rencontres avec les sectes, je ne veux pas les
crédibiliser. Une rencontre avec moi à mon
bureau de circonscription, c'est de la crédibilité, je l'ai déjà vu : Oui,
mais on a rencontré la députée, elle nous a reçus. Je l'ai vu comme
geste de crédibilité. Alors, je vais vraiment réfléchir.
L'autre question que je veux poser à la
ministre : Est-ce que ça a été présenté soit au Conseil des ministres soit au caucus? Parce que, comme on n'en avait pas
entendu parler avant, nous autres, là... Moi, j'ai un caucus avec lequel
je veux jaser, là, puis on a tous des caucus qui s'en viennent.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Je peux vous
assurer que les amendements déposés ont été présentés et ont fait l'objet de
discussions aux forums utiles. Je ne suis pas du tout du style à déposer des
amendements qui n'ont pas fait l'objet de discussions.
Ceci étant
dit... Vous savez comme moi que les discussions au caucus sont nos discussions
au caucus, mais, ceci dit, jamais je ne déposerai un amendement ou je
n'accepterai un amendement, un amendement de forme ou de fond important, qui n'aura pas fait l'objet de
discussions. Je suis comme ça. Puis, M. le Président, je suis comme notre
collègue, moi non plus... Je suis très transparente avec les gens, puis, si ça
va, ça va; si ça ne va pas, ça ne va pas.
Puis c'est
important qu'on ait cette discussion-là. Vous savez, c'est la même chose, par
exemple... La question de la
neutralité religieuse, c'est une chose, mais prenons, par exemple, la question
qui pourrait être soulevée si un député ou une députée refusait de
rencontrer quelqu'un en raison de son orientation sexuelle, en raison, par
exemple, de son identité de genre, en raison
de son origine ethnique. C'est aussi ça qui nous amène... Puis je ne sais pas,
je ne sais pas si c'est déjà arrivé,
je ne sais pas si on a des collègues qui ont refusé de rencontrer des gens,
mais c'est un peu la même chose, de refuser de rencontrer quelqu'un pour
cette seule et unique raison.
Maintenant,
quel est l'objet de la rencontre? Si l'objet de la rencontre ne relève pas non
plus de notre juridiction, bien, ça
aussi, c'est une autre question. Si les gens veulent nous rencontrer pour un
permis, par exemple, qui relève de la municipalité, bien, il est
possible, tout simplement, de refuser parce que ça ne relève pas de notre
juridiction.
On peut passer des heures ici à discuter de
différents cas d'espèce, mais c'est certain, la question de notre collègue... puis je ne veux pas entrer dans le
détail des demandes qui ont pu lui être formulées, mais, si la raison
donnée est une appartenance ou une croyance religieuse, ça pourrait
effectivement porter atteinte au principe. Je pense qu'il est important de le
dire clairement.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la députée de Taschereau.
Mme Maltais : Écoutez, M. le
Président, c'est majeur là. Moi, je
suis convaincue... Si j'ai posé la question sur est-ce que ça a été présenté, c'est parce que j'étais convaincue que ça
avait été présenté au Conseil des
ministres. Mais, si ça a été
présenté au caucus aussi... Moi, de toute façon, quand on touche aux droits des
députés de l'Assemblée nationale — et là on touche à un droit des députés de
l'Assemblée nationale — il faut qu'on aille au caucus. Moi, je ne peux pas voter ça sans passer par le caucus du Parti
québécois. Et j'espère que la majorité parlementaire va me permettre de
débattre puis qu'on va en débattre, là. Sinon, il faut que je sous-amende pour
avoir du temps pour en débattre. Vous comprenez la difficulté dans laquelle on
est?
Une voix : ...
Mme Maltais :
Attendez. Mais, je veux vous dire, je le savais, que la ministre allait me
répondre : Bien oui, on l'a
présenté, c'est sûr. C'est ça que je voulais mettre en évidence. Mais je ne
suis pas sûre que ça a été présenté... avec une députée qui vous
dit : C'est parce que moi, j'ai déjà refusé.
Et je peux être
blâmée, ça ne me fait rien d'être blâmée parce que je n'ai pas rencontré des
gens, mais être poursuivie, c'est une autre
histoire. Être blâmée, je n'ai rien contre, parce que, là, je peux me défendre,
je peux argumenter puis je suis sur
la place publique, puis, croyez-moi, je vais argumenter. Mais être poursuivie
en vertu d'une loi qu'on vient d'adopter, là j'ai
un doute. Et je ne peux pas, moi... Je veux entendre mes collègues là-dessus.
Je ne sais pas ce qu'en pensent mes collègues de Bourget et d'autres, mais j'ai
vraiment un problème.
Le Président (M. Ouellette) : Juste avant, M. le député de Saint-Jérôme, j'irais à Montarville, et je reviendrai avec vous, M. le député
de Saint-Jérôme. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Je suis perplexe, ce matin, et même un peu renversée, parce que
ce que nous dit Mme la ministre, c'est qu'un élu ne pourrait pas refuser de
rencontrer quelqu'un, et là moi, je vais y
aller... pour des motifs religieux, effectivement, et par surcroît lorsqu'il ferait, par exemple, une
interprétation radicale de sa
religion. Oui, je pense aux imams radicaux, oui, je dis le mot, Mme la ministre ne veut pas le dire, mais je peux aussi parler, par exemple, des suprémacistes catholiques, là, si elle veut,
là. Mais parce qu'ils ont des positions radicales avec lesquelles je ne suis pas d'accord, avec
lesquelles c'est un dialogue de sourds, je refuserais de rencontrer cette
personne-là, prenons l'exemple d'un imam
radical, à mes bureaux, et je serais blâmée. C'est ce que je comprends, Mme la ministre.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
• (10 heures) •
Mme Vallée : La raison du dialogue de sourds ou la raison
évoquée par notre collègue disant, par
exemple : Moi, je considère que ce n'est pas bénéfique pour les
citoyens que je représente dans leur ensemble, de rencontrer telle ou telle personne, ça, dans le fond, c'est l'objectif
commun. La façon dont notre collègue nous présente, par exemple, un refus de rencontrer un extrémiste, peu importe, quelqu'un
qui fait une interprétation radicale d'une religion et qui porte cette
interprétation-là à un niveau tel qu'il vient en soi brimer d'autres libertés
fondamentales, c'est un petit peu ce que notre collègue nous dit, bien, elle,
elle le voit d'une façon... L'approche, ce n'est pas tant la croyance
religieuse mais plutôt : Est-ce que c'est bénéfique pour l'ensemble des citoyens,
pour la société dans son ensemble? Alors, dans ce contexte-là, ce n'est pas tant la religion mais plutôt la portée de ce
qui pourrait résulter de cette rencontre-là. Alors, si la rencontre
sollicitée, aux yeux d'un élu, n'est pas de nature à être bénéfique pour la circonscription, pour les citoyens que le
député ou la députée représente, à ce moment-là, le député a toute indépendance
pour refuser la rencontre.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme Vallée :
Puis au même titre...
Le Président (M.
Ouellette) : Oups! Excusez, Mme la ministre.
Mme
Vallée : Puis je pense qu'il faut faire... Je comprends que la
question religieuse, elle est très, très sensible, mais, faisons le parallèle, c'est la même chose
que de refuser, parce qu'on est tous aussi assujettis au corpus
législatif... de refuser de rencontrer un
citoyen parce qu'il est d'une origine ethnique différente de la nôtre. Je vois
le recherchiste qui fait un visage,
mais c'est la même chose. Refuser de rencontrer, par exemple, un membre de la
communauté LGBTQ parce qu'on est mal
à l'aise avec certaines mouvances, bien, ça aussi, c'est un peu la même chose.
Mais c'est plutôt... Il faut le voir
aussi dans le cadre de l'ensemble des autres obligations qui nous sont imposées
de par notre code d'éthique et de par les lois de l'Assemblée nationale.
Donc, le bénéfice
pour la circonscription, le bénéfice pour les citoyens est un enjeu
d'importance, qui peut permettre de refuser
des rencontres, parce que, comme je l'ai mentionné un petit peu plus tôt, là,
personne n'est obligé... les élus ont quand même une indépendance quant
à la gestion de leur agenda, quant aux rencontres qu'ils font. Certaines rencontres peuvent être jugées non appropriées,
non à propos en raison des motifs sous-jacents à la demande de
rencontre, et les députés peuvent refuser
certaines rencontres, comme certains députés refusent de rencontrer des gens
qui ne sont pas préalablement inscrits au Registre des lobbyistes, en
disant : Bien, inscrivez-vous d'abord. Par la suite... Mais alors c'est le
contexte.
Et
l'autre chose, je voulais simplement... Notre collègue de Taschereau dit :
C'est un amendement d'importance, je souhaite
en saisir mon caucus. Je comprends, et c'est pour ça que les amendements vous
ont été remis il y a un petit peu d'une
semaine en liasse, pour permettre les discussions avec vos caucus, pour
permettre vos échanges avec vos collègues, pour ne prendre personne par surprise. C'était vraiment dans un souci et
c'est vraiment dans le souci de travailler de façon transparente pour
permettre, au sein des caucus, d'avoir les échanges et les discussions qui
seront nécessaires pour vous guider dans les travaux.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville. Oui, M. le député
de Mercier, je vais aller à vous, ce ne sera pas long.
Mme
Roy : Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais poursuivre.
Mme la ministre, ce que vous venez de dire là me trouble parce que, de toute évidence, si je refuse de rencontrer
un religieux, peu importe la religion, mais revenons à notre imam radical, un extrémiste radical qui n'a
rien à cirer de l'égalité entre les hommes et les femmes, par exemple,
avec lequel nous aurions un dialogue de
sourds, connaissant ma position et la sienne, je refuse de le rencontrer, c'est
bien pour des raisons religieuses,
pour des motifs religieux. Et vous me dites que je pourrais refuser de le
rencontrer si c'est bénéfique pour la
circonscription ou les citoyens de la circonscription. Ça, c'est ma défense.
Alors, vous me donnez une défense. Cependant,
lui aura toujours le loisir de me poursuivre, ou de se plaindre, ou de me
blâmer parce que j'aurai refusé de le rencontrer, et c'est ça qui est
extrêmement inquiétant.
Et, lorsque vous comparez, par exemple,
cette personne radicale, qui a un objectif précis, qui est très loin de
notre vision ou de notre charte, mais qui
sont ses préceptes religieux à lui, avec quelqu'un, par exemple, de la
communauté LGBT, là, je décroche, là, je m'excuse, Mme la ministre, là.
Et
vous nous dites : Vous aurez le loisir de le rencontrer, oui on non, si
c'est... et, non, vous pouvez refuser de le rencontrer si vous arrivez à nous dire que ce n'est pas au bénéfice des
citoyens de la circonscription. C'est assez subjectif, là. Qui va
déterminer ce qui est au bénéfice ou non des citoyens de la circonscription?
On
place l'élu ici dans une position très délicate dans la mesure où, parce que
quelque chose est religieux, on doit absolument
l'accepter. Et c'est ce que je disais la semaine dernière, c'est faux de croire
que parce que quelque chose a le vocable de religieux ou se prétend
religieux on doit tout accepter. Et c'est là qu'on s'en va.
Mme
la ministre nous dit : Je vous ai donné en liasse les amendements la
semaine dernière. Soit. J'ai hâte d'en discuter avec mon caucus. Nous
allons nous rencontrer en fin de semaine, d'ailleurs. Mais, cela dit, c'est en
discutant qu'on voit jusqu'où va
l'application de cet article-là, et ça va très, très loin sur la liberté d'action des parlementaires. Moi, je trouve ça troublant, je trouve ça extrêmement
troublant.
Et
je reviens à ce que je disais, et je
pense que les gens qui nous écoutent
sont capables de faire la différence : Il ne faut pas tout accepter sous le motif que c'est religieux. Et nous
revenons au fait que nous devons baliser. Et ce qui me dérange, avec ce projet de loi là, parce que... plus je l'étudie, de mon côté, et plus nous en discutons, c'est que
nous parlons de religieux, nous
parlons d'accommodements religieux,
mais qu'est-ce que c'est qu'être religieux? Qu'est-ce que c'est qu'une religion? Quelles sont les religions? À
partir de quel moment une religion est-elle valide? Est-ce qu'on parle
des religions monothéistes ou des autres?
Et, vous savez, est-ce qu'on va jusqu'aux Apôtres de l'amour infini? Ça
commence où et ça finit où? Il n'y a pas de
définition de «religion», alors que, je crois, et les juristes de l'État
pourraient le confirmer, des
tribunaux européens ont fait des définitions de «religion». On n'en a pas dans
le projet de loi actuellement. Qu'est-ce qui est une religion? Qu'est-ce qui n'en est pas? Ce serait intéressant
de le savoir, parce qu'ici on nous dit qu'on ne peut pas refuser de
rencontrer quelqu'un pour des motifs religieux, mais qu'est-ce que ce sont que
des motifs religieux? Et qu'est-ce qu'est
une religion? Alors, il n'y a pas ces définitions-là. J'aimerais savoir si Mme
la ministre a l'intention de les ajouter
à son projet de loi, parce qu'on ne les a pas dans les amendements non plus. Ça
fait partie des quelques définitions qu'il nous manque, tout comme la
neutralité religieuse de l'État.
D'ailleurs, j'ai fait
un petit test fort intéressant hier. J'étais en compagnie de citoyens de ma
circonscription, Montarville, des gens de
Boucherville, des gens de Saint-Bruno et je leur ai demandé : Quelle est
la définition, pour vous, de
«laïcité»? Et quelle est la définition, pour vous, de «neutralité religieuse»?
J'invite les gens à faire le test. Et je pense que nous bénéficierions tous d'avoir une définition de la neutralité
religieuse, je n'en ai pas vu encore dans le projet de loi.
Alors,
je suis inquiète face à cette position parce qu'en me disant que je ne peux pas
refuser de rencontrer quelqu'un à mon bureau pour des motifs religieux
on ouvre la porte à quoi? Quels sont les motifs religieux? Quelles sont les religions? Qu'est-ce que je peux ou je ne peux pas...
Et, si effectivement je refuse pour des motifs religieux, Mme la
ministre m'offre une défense, mais, encore
là, cette défense, elle est très subjective : si ce n'est pas au bénéfice
des citoyens de ma circonscription.
Mais qu'est-ce que c'est, être au bénéfice des citoyens de ma circonscription?
Qui va le définir? C'est tout à fait
subjectif. Et c'est une défense, donc, on me nourrit d'une défense, mais je
trouve que les droits, ici, mes droits et
obligations sont brimés dans la mesure où quelqu'un pourrait se plaindre de mon
travail parce que je ne partage pas ses visées, qui, entendons-nous
bien, là, sont radicales, extrémistes, là, et de tous bords tous côtés, là. Ça
pourrait être d'autres choses et d'autres
personnes aussi, là, on en parle, là, c'est la mode, de ce temps-ci, là. Parce
que je refuserais, je pourrais être blâmée.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
• (10 h 10) •
Mme
Vallée : Je pense que c'est très important de faire une
distinction. Dans un premier temps, l'obligation de neutralité, ce
qu'elle ajoute, dans le fond, comme élément, c'est une forme d'obligation pour
le député de s'enquérir de l'objet de la
rencontre sollicitée avant de la refuser. Ce n'est pas de dire : Bien,
bonjour, je suis Stéphanie Vallée, de religion x,
y, je souhaite rencontrer Mme la députée de Montarville. Oui, mais encore?
Pourquoi voulez-vous rencontrer Mme la députée de Montarville? C'est
l'objet de la rencontre.
Alors,
le refus n'est pas fondé sur la religion mais sur l'objet de la rencontre. Ce
n'est pas très, très... ce n'est pas compliqué.
Ce que l'obligation de neutralité vient imposer, c'est d'indiquer que le refus
qui serait fondé sur l'unique fait que la
personne est croyante, non-croyante ou membre d'une religion sans savoir, sans
s'enquérir de l'objet de la rencontre... ça, ça pourrait porter atteinte à l'objectif. Mais l'objet de la rencontre,
je ne sais pas, M. le Président, mais, en tout cas, chez moi, au bureau de circonscription, lorsque les
gens sollicitent une rencontre, généralement on demande pourquoi, parce que... Est-ce que c'est un sujet sur lequel une
rencontre pourrait aider ou non le citoyen? Est-ce que c'est une
rencontre juste pour jaser? Est-ce que c'est
une rencontre... Est-ce que le citoyen, par exemple, membre d'une secte a
besoin d'aide pour justement sortir des griffes...
Une voix :
...
Mme
Vallée : Non, mais
c'est parce qu'on peut... Des cas d'espèce... Puis là je vois le
recherchiste de la CAQ se bidonner,
je trouve que ça manque un petit peu de respect à l'égard du travail des parlementaires. Mais, on parle des cas de
figure, on pourrait en avoir des tonnes. Moi, ce que je pense ce qui est important,
aujourd'hui, ce qui est important, là... Et Mme
la députée de Taschereau
a soulevé une question très importante, puis, oui, c'est important qu'on en
discute, c'est important que l'on puisse bien comprendre l'obligation sur laquelle on sera appelés à voter et déterminer : Est-ce qu'on est d'accord ou pas, comme parlementaires,
est-ce qu'on souhaite ça?
L'obligation de neutralité, pour un employé de l'État comme pour un parlementaire, c'est de ne pas discriminer une personne qui requiert un service du seul fait que cette personne-là est
croyante ou non-croyante. Donc, ce que ça nous impose comme obligation, dans nos bureaux de circonscription, lorsque quelqu'un sollicite une rencontre, puis je crois que
naturellement c'est une pratique, en principe... En tout cas, j'ai l'impression
que ça va de soi. Lorsque quelqu'un communique
avec nous pour solliciter une rencontre, bien, on tente de déterminer d'abord
l'objet de la rencontre. Et l'objet de
la rencontre parfois est pertinent, parfois n'est pas pertinent dans le sens
que, l'objet de la rencontre, on peut dire : Bien non, je ne souhaite pas vous rencontrer sur... parce que
cette demande de rencontre là n'est pas pertinente. Mais ce n'est
pas : Je ne veux pas vous rencontrer parce que c'est votre religion, c'est
plutôt... c'est le motif de la rencontre qui, généralement...
Alors, ça
impose cette obligation, qui m'apparaît tout à fait usuelle et tout à fait standard dans le cadre du travail que nous sommes appelés à effectuer. Mais je pense que, dans la vie de
tous les jours, quelqu'un souhaite te rencontrer, généralement,
c'est tout à fait normal de s'enquérir de l'objet de la rencontre, ça va de
soi.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy : Merci
beaucoup, M. le Président. Ce que Mme la ministre nous dit, c'est l'évidence même, hein? Si vous appelez au bureau de circonscription, naturellement qu'on veut s'enquérir du motif et de l'objet de
la rencontre, parce qu'on est là pour se préparer, pour aider les gens,
pour savoir, bon : Quelle problématique avez-vous? Avec quel ministère?
Avec qui, avec quoi? Comment peut-on vous
aider? Alors, effectivement, Mme la
ministre, on se questionne sur
l'objet de la rencontre, toujours, toujours, toujours. C'est la base quand on
reçoit des gens.
Mais, justement,
quand l'objet de la rencontre porte sur une question religieuse, une question
religieuse qui nous vient d'extrémistes religieux, peu importe la
religion, là, je m'en fous, à partir du moment où l'objet porte sur une question religieuse, par exemple vouloir installer des installations, vouloir créer quelque chose, vouloir s'implanter dans la circonscription, à
partir du moment où la question, l'objet est religieux, est-ce que je dois en conclure
que je ne pourrai pas refuser de
rencontrer cette personne-là, même si, à l'égard de ses propos religieux, c'est
la plus grande incompréhension, là, on
parle deux langues, là, c'est quelqu'un avec qui je n'ai pas l'intention
d'échanger parce que je ne partage pas du tout ses valeurs, entre
autres, par exemple, à l'égard de l'égalité entre les hommes et les femmes?
Alors, ma question est la suivante : Quand l'objet est religieux, est-ce
que je peux refuser?
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, si l'objet n'est pas dans l'intérêt de la circonscription...
Parce que l'objet religieux, c'est
très, très large comme question, vous le savez. Mais, si l'objet n'est pas de
nature à être dans l'intérêt des citoyens que représente le député ou la
députée, bien, à ce moment-là, il n'y a pas d'enjeu, il n'y a pas d'enjeu.
Puis, vous
savez, M. le Président, l'autre chose aussi, parfois la rencontre...
Puis je comprends. Tout à
l'heure, notre collègue de Taschereau disait : Moi, je ne veux pas tenir... Parce que, pour avoir discuté avec certains
collègues parlementaires, il y a un
peu deux façons de voir les choses. Pour certains collègues, tenir une
rencontre, il n'y a pas de quoi... ça
n'implique pas une caution, un cautionnement de la demande, mais, je comprends
aussi très bien notre collègue, pour
avoir vécu la situation, une rencontre avec le député, pour certains, certains,
même, vont sortir du bureau et émettre un communiqué disant : Nous avons rencontré Mme la députée, question
de mettre un petit peu de pression pour appuyer certains projets, là. Puis là on n'est pas... Dans certains cas, ça va
cautionner une demande. Évidemment, une rencontre n'implique pas nécessairement... parce qu'au terme
d'une rencontre un député peut très bien dire : Le dossier n'est
pas un dossier que je souhaite soutenir, je
suis en désaccord, il n'y a pas d'obligation de soutenir tous les projets qui
sont présentés, mais, pour certains...
Moi, je connais des collègues qui ont comme principe, généralement, de faire
des rencontres sans nécessairement cautionner l'objet, parce que la
rencontre permet cette interaction.
Mais tout ça, M. le Président, je pense que
tout ça s'interprète aussi dans le contexte de l'indépendance qui est prévue à la Loi sur l'Assemblée nationale. Donc,
de fait, la Loi sur l'Assemblée nationale nous guide et notre code
d'éthique aussi nous guide dans ce qui est
notre devoir de député et ce qui doit nous guider lorsqu'une demande nous est
présentée.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy : Oui. Je vous disais tout à l'heure : Que se passe-t-il si l'objet de la rencontre est justement religieux, et c'est justement un objet religieux et pour un motif religieux que
je refuse de rencontrer cette personne, qui est, pour moi, une personne aux pratiques, aux idées totalement
radicales, peu importe la religion? Et Mme
la ministre nous répond : Il faut que ce soit dans l'intérêt des citoyens
que de refuser cette rencontre-là.
Alors, ma
question est la suivante : Qui va juger si ma décision est la bonne, si ça
a été dans l'intérêt ou non des citoyens que je refuse cette
rencontre, si une plainte est portée contre moi parce que je n'ai pas exercé
cette neutralité religieuse en refusant de discuter avec cette personne?
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : M. le
Président, à titre d'élu de l'Assemblée nationale, évidemment, si un citoyen, une citoyenne considère que l'on manque à notre devoir éthique ou à nos obligations parlementaires, évidemment, le citoyen, si je ne m'abuse, a la possibilité de saisir le Commissaire à l'éthique, qui
verra à déterminer si le parlementaire a respecté les règles qui le gouvernent ou la
gouvernent. Ce n'est pas différent que quelqu'un qui pourrait être... Parce que
les plaintes logées au Commissaire à l'éthique ne sont pas du seul
ressort des élus de l'Assemblée nationale. Un citoyen peut saisir le Commissaire à l'éthique, qui verra à analyser dans
son ensemble la situation. Mais on est très loin dans l'hypothétique...
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville. Woups!
• (10 h 20) •
Mme Vallée : ...lorsqu'on a adopté notre code d'éthique,
lorsqu'on a planché sur le code d'éthique, il y a quelques années, il a déjà quelques années de ça, on
était tous d'accord, et je me souviens très bien que, de l'autre côté, on
souhait avoir un code d'éthique qui était
très fort, s'assurer que les élus respectent les lois, respectent les règles du
vivre-ensemble, les règles de notre société, et puis c'est ce qui nous a
menés à mettre sur pied ce code d'éthique, c'est ce qui nous a amenés à créer le Commissaire à l'éthique, la
Commissaire à l'éthique, maintenant, qui est saisie des différentes
demandes. Certaines sont fondées, certaines ne le sont pas. Mais on a une
entité qui est chargée de faire en toute indépendance l'évaluation de tout ça.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy :
Oui. Alors, ça va encore plus loin que je pense. J'avais posé la question
suivante à la ministre : Qui va juger
si la rencontre que j'ai refusée a été faite dans l'intérêt des citoyens de ma
circonscription? Je pensais que Mme la ministre
allait me parler de la Commission des droits de la personne, qui pourrait être
saisie d'une plainte parce que je n'ai pas
respecté son principe de neutralité religieuse, mais là on nous ajoute
là-dessus le Commissaire à l'éthique. Alors, je trouve que ça fait... C'est lourd, c'est lourd de conséquences, entre
parenthèses, ça fait beaucoup, ça fait beaucoup, et ça donne beaucoup
d'arguments à ceux qui voudraient, par exemple, nous imposer leur agenda ou
leur vision religieuse radicale. Ça leur
donne beaucoup de munitions, et ça m'inquiète beaucoup. Je trouve ça inquiétant
dans la mesure où, pour que je refuse une rencontre, je devrai démontrer
que c'était dans l'intérêt des citoyens. Alors, c'est très troublant. Et qu'est-ce que c'est qui est dans l'intérêt des
citoyens? A-t-on une définition? Alors là, j'aurai la définition du
Commissaire à l'éthique puis j'aurai la
définition ou la vision du commissaire à la Commission des droits de la
personne. Ça fait beaucoup. Ça fait
beaucoup de responsabilités sur les épaules d'un élu et ça fait beaucoup de
fardeau de preuve, je trouve, beaucoup de fardeau de preuve.
Alors, ma
question était la suivante : Est-ce que, Mme la ministre, vous êtes prête
à mettre dans votre loi une forme de
protection pour les élus dans la mesure où... Ce n'est pas un travail, hein?
Être élu, je le dis aux gens qui nous écoutent, là, ce n'est pas un travail, ce n'est pas une job, c'est un mandat. On
représente les gens qui nous ont fait confiance, qui nous ont dit : Oui, allez-y, vous êtes ma voix à
Québec, dites au gouvernement, dites-leur ce que nous voulons, ce que
nous pensons, ce que nous ressentons, ce que
nous croyons, dites-leur où nous logeons. C'est ça qu'ils m'ont dit, les
citoyens de Boucherville puis de
Saint-Bruno. Et le fait que l'on... c'est un gros mot, là, mais qu'on bâillonne
pratiquement l'exercice du député avec cet article-là, qui ferait qu'un
député ne pourrait pas refuser de rencontrer quelqu'un pour des motifs religieux, alors que le député et toute sa
population est totalement en désaccord avec ces préceptes radicaux, qui vont
peut-être à l'encontre de l'égalité entre
les hommes et les femmes, par exemple, et que je ne pourrai pas refuser de le
rencontrer sous peine d'avoir des plaintes déposées
contre moi, des poursuites à la Commission des droits de la personne puis
au Commissaire à l'éthique, ça fait beaucoup. Et je trouve qu'on va très loin,
très loin, en édictant ça, et on fait porter un lourd fardeau de preuve sur les épaules du député, qui, lui, est là pour
dire : Attention, là! Il y a des choses qui se passent, les citoyens me parlent de choses, il se passe des
choses. Il faut être vigilant avec tout type d'extrême, là, tout type
d'extrême, il faut viser le centre. Et là on
donne beaucoup, mais beaucoup, mais beaucoup de droits à tout ce qui pourrait
être, tout ce qui pourrait être, entre guillemets, religieux parce que
c'est, nous dit-on, religieux, sans même avoir une définition de ce qu'est
«religieux».
Alors, Mme la
ministre va-t-elle y inclure une protection pour les élus? Va-t-elle y inclure
une définition de ce qu'est ou n'est
pas religieux? Et va-t-elle y inclure une définition de la neutralité
religieuse? Parce qu'hier j'ai fait le test avec mes gens, personne n'était capable de me dire ce que signifiait
«neutralité religieuse de l'État», tout le monde avait des définitions différentes. Alors, ce serait bien de
le voir ancré, de le voir écrit pour que nous ayons tous, et la
population qui nous écoute, la même définition. Merci.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : M. le Président,
pour ce qui touche l'amendement qui est présenté, et je reviens au début de
l'intervention de notre collègue, vous savez, actuellement, notre comportement,
là, on ne vient pas soudainement dire que,
de par 62, le comportement des élus est assujetti au regard du Commissaire à
l'éthique; notre comportement, comme élus,
est assujetti au regard du Commissaire à l'éthique. Un citoyen, une citoyenne
qui considère que nous ne respectons pas nos obligations peut saisir le
Commissaire à l'éthique de la question.
L'objectif,
lorsqu'on a mis en place le code de déontologie, c'était d'assurer que les élus
n'étaient pas au-dessus des lois. Ce que je comprends de ma collègue, c'est
qu'elle souhaite exclure les élus de cette règle générale de neutralité religieuse, qui ne l'empêche aucunement de
s'exprimer dans l'enceinte parlementaire puisque le privilège
parlementaire lui permet, dans cette
enceinte, d'exprimer et de porter la voix de ses citoyens et de ses citoyennes,
mais on était vraiment dans une
question : Est-ce qu'en ma qualité d'élue je peux refuser de rencontrer
une personne du seul fait de son appartenance religieuse, du seul fait? Ce que je dis, c'est que le seul fait d'être
croyant ou non-croyant n'est pas un motif pour refuser une rencontre. Ça
nous amène simplement à vérifier quel est l'objet de cette rencontre et, à ce
moment-là, de déterminer s'il y a lieu ou pas de tenir cette rencontre. On est dans des cas
hautement hypothétiques. Et, ceci dit, si le citoyen considère que le député ou la députée n'a pas respecté son
code d'éthique, n'a pas respecté les règles, bien, oui, il va se tourner
vers le commissaire, qui verra à déterminer,
dans le contexte... le Commissaire à l'éthique, dans le contexte de la fonction
député dans son ensemble, verra à déterminer
s'il y a lieu ou pas d'intervenir. Ça n'empêche aucunement le député de s'exprimer en Chambre, ça... aucunement le député
ou la députée de s'exprimer ici, en commission parlementaire, comme on le fait aujourd'hui, c'est quand même... au
même titre que, dans notre qualité, dans notre travail, on est
respectueux aussi des droits, des libertés
individuelles. Dans le fond, appliquer le principe de la neutralité religieuse,
c'est tout simplement être respectueux
de la liberté de religion, de croyance des citoyens, donc la liberté de
croyance, la liberté de non-croyance, c'est tout simplement ça.
Alors, je ne
commenterai pas les échos que j'entends, mais ce n'est pas... au même titre que
l'on respecte aussi les autres
citoyens, ce n'est pas très complexe comme obligation. Je comprends que ça ait
pu susciter des questionnements, tout
à fait légitimes, mais c'est quand même... ça s'inscrit... Puis là, je vous
dirais, M. le Président, je pense que c'est un principe qui s'applique de facto dans bien des cas, parce
que, si on pousse plus loin, puis on n'est pas entrés dans le pourquoi
du pourquoi, mais j'ai l'impression
qu'ultimement c'est l'objet des rencontres qui a sans doute mené certains
collègues à tout simplement refuser
de rencontrer, c'est l'objet de la rencontre, parfois, qui n'était pas dans
l'intérêt collectif, ce n'était pas l'individu, la croyance ou non de
l'individu qui peut amener à refuser une rencontre.
Le
Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville. M. le député de Mercier, je ne vous ai
pas oublié, je termine avec...
Excusez, M. le député de Gouin. Non, non, c'est beau. Bien, de toute façon, on
est dans le même coin. Et je termine avec Mme la députée de Montarville
et je m'en viens à Gouin dans pas long.
• (10 h 30) •
Mme Roy :
Oui. Merci, M. le Président. Ce que je comprends de Mme la ministre, c'est
qu'elle nous dit qu'une décision rendue par un ou une élue de
l'Assemblée nationale pour des motifs religieux, soit la décision de refuser de
rencontrer des gens pour des motifs
religieux, et là je parlais bien ici de gens qui ont des motifs religieux
extrêmes, là, extrêmes, donc, cette décision-là de rencontrer quelqu'un
pour des motifs religieux, elle pourrait être soumise au Commissaire à l'éthique. Je voudrais rappeler à Mme la ministre que dans notre Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale, chapitre C-23.1, à l'article 6 il est
écrit : «La conduite du
député est empreinte de bienveillance,
de droiture, de convenance, de sagesse, d'honnêteté, de sincérité et de
justice. Par conséquent, le député :
«1° fait preuve de loyauté envers
le peuple du Québec;
«2° reconnaît qu'il est au service
des citoyens;
«3° fait preuve de rigueur et
d'assiduité;
«4° recherche la vérité et
respecte la parole donnée;
«5° a un devoir de mémoire envers
le fonctionnement de l'Assemblée nationale et de ses institutions
démocratiques.»
Il
est écrit que j'ai un devoir de sagesse, on parle de sagesse, c'est-à-dire je peux décider. Comment est-ce qu'on va interpréter la loi sur le Code d'éthique et de
déontologie de concert avec l'amendement que vous amenez là? Qui aura
préséance?
Le Président (M.
Ouellette) : ...question, Mme la députée de
Montarville?
Mme Roy : Oui,
c'est ma question.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Ils s'interprètent globalement les uns avec les
autres, et c'est le Commissaire à l'éthique, dans le contexte donné, qui verra à déterminer s'il y a
lieu ou pas de se saisir de la demande qui est présentée. Dans certains
cas, dans bien des cas, le Commissaire à
l'éthique, à la lumière des faits, à la lumière, justement, de ce code
d'éthique qui nous guide et qui doit
nous guider dans nos actions, au même titre que le corpus législatif du Québec,
ça s'interprète dans... c'est un ensemble, au même titre qu'un peu plus
tard dans le texte on a d'autres obligations, des interdictions. Le code d'éthique, et on a passé des heures à en discuter
devant la Commission des institutions il y a de ça près de huit ans,
c'est ce qui nous guide dans nos fonctions
toutes particulières que sont les nôtres, et ça s'interprète à la lumière... la
disposition qui applique... la disposition relative au respect de la neutralité
religieuse s'interprète dans ce contexte au même titre que d'autres dispositions législatives. Il ne faut pas
oublier... Puis c'est bien de relire, justement, ce code d'éthique là, de
revoir les valeurs qui sont les nôtres, les
principes éthiques qui sont les nôtres. Ce n'est pas incompatible du tout, au
contraire, M. le Président.
Le
Président (M. Ouellette) : Je nous rappelle aussi qu'il y a une nouvelle mouture du code d'éthique
qui s'en vient, là, ça
fait que ça fera partie de nos discussions. Vous savez, Mme la députée de
Montarville, je veux protéger vos dernières minutes. Je comprends que
vous allez me faire une dernière intervention avant que j'aille à mon collègue
de Gouin.
Mme
Roy : Merci beaucoup, M. le Président, oui, parce que... Je
comprends que les lois s'interprètent les unes avec les autres. Il y a ce code d'éthique des élus de l'Assemblée
nationale. Je comprends aussi que, si je rends une décision pour un
motif religieux, soit de refuser de rencontrer quelqu'un pour un motif
religieux, là, il y aura le code d'éthique, bien sûr, qui
s'applique, puis il y aura le projet de loi n° 62. On rajoute une couche
sur ce qu'on a déjà, donc. Alors, ma question serait : Pourquoi rajouter
cet article-là et y soumettre les élus?
Et l'autre question que j'avais
pour la ministre : Va-t-elle inclure une définition de ce qui est
religieux, ça commence où, ça finit où, et va-t-elle inclure une définition de la neutralité religieuse? Ce
serait intéressant pour nos débats. J'aurai d'autres questions. Mais, s'il y a
cette redondance de sanctions possibles, pourquoi la mettre là? Alors, je
disais la semaine dernière, quand j'ai lu l'amendement que Mme la ministre
avait fait à l'article 1, que ce projet de loi ouvrait encore davantage la porte au religieux dans l'État. Bien, c'en est une autre
démonstration.
Alors,
j'avais des questions. Aurons-nous des définitions sur la neutralité religieuse? Qu'est-ce que c'est que la neutralité
religieuse, même si Mme
la ministre dit que c'est
très simple puis tout le
monde le comprend? Et qu'est-ce que c'est également que la religion ou le religieux? Qu'est-ce qui est religieux? Ça commence où? Ça finit
où? Et pourquoi ne pas
amender, justement, son amendement? Parce qu'on vient dédoubler une sanction
qui existerait déjà, c'est-à-dire une plainte au code d'éthique si le
citoyen se sent lésé. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Simplement, lorsqu'on parlait de neutralité religieuse, la semaine dernière, et
on indiquait l'importance d'agir en toute impartialité à l'égard de la croyance
et de la non-croyance de la personne avec qui on interagissait, bien, c'est un peu
la même chose, on a déjà... Dans notre code d'éthique, l'article 6 nous
impose un comportement qui est sage, un
comportement qui est bienveillant, je lis, je n'invente pas, là : «La
conduite du député est empreinte de
bienveillance, de droiture, de convenance, de sagesse, d'honnêteté, de
sincérité et de justice.» Donc, de ça s'interprète
une obligation d'impartialité à l'égard du citoyen de la part du député, de la
conduite du député. On reconnaît qu'on est au service du citoyen. C'est
prévu à l'article 6. Donc, de ça découle ce devoir d'agir en toute
impartialité.
Donc, le devoir de neutralité religieuse, c'est
ce devoir d'impartialité à l'égard de la croyance et de la non-croyance de l'autre. Ce n'est pas dénaturé, ce
n'est pas décousu. Ces valeurs-là, là, on les adoptées... 2009‑2010, M.
le Président, là, on a plusieurs pièces
législatives que l'on a adoptées, au cours de ces années-là, mais c'est... Et
on reconnaît... À l'article 8 : «Les députés reconnaissent que ces
valeurs doivent les guider dans l'exercice de leur charge [et] dans
l'appréciation des règles déontologiques qui leur sont applicables et qu'il
doit être tenu compte de ces valeurs dans l'interprétation [des] règles. Ils
recherchent la cohérence entre leurs actions et les valeurs énoncées au présent
titre...»
Donc, ce code
de déonto nous impute une obligation d'impartialité, nous impute une... à
l'égard des citoyens qu'on représente,
et cette sagesse que l'on retrouve... et le terme «sagesse», je vais le
chercher à l'article 6 de notre code d'éthique. On s'est dotés de ce
code d'éthique là sciemment, unanimement. Donc, le devoir de neutralité n'est
pas...
Mme Maltais : Question de règlement.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Écoutez, nous
autres, on a 20 minutes pour parler d'un article, O.K., qui est un nouvel
amendement. Ça fait qu'on a
20 minutes. La ministre, normalement, a cinq minutes à chaque fois pour
répondre à nos questions qu'on a essayé
d'étudier ensemble, puis normalement on n'est pas straight, là, on essaie de
jouer... c'est important, les explications du ministre, quand il s'agit
d'un article de loi, mais essayons de conserver quand même un ratio
intéressant, s'il vous plaît, M. le
Président, là, pour que ce ne soit pas un soliloque puis que nous aussi, on
puisse expliquer nos positions. On a très
peu de temps, comme opposition. Sinon, on va être obligés, pour continuer
l'échange, à faire des amendements et des sous-amendements. Puis on
essaie de réfléchir correctement...
Mme Vallée :
On me pose des questions, on me demande de vous... d'éclairer, je le fais. Je
pourrais répondre par oui ou par non, mais je ne pense pas que ça
servirait l'intérêt commun.
Mme
Maltais : ...je le dis en tout respect, Mme la ministre, M. le
Président, c'est vraiment très respectueux, j'ai dit d'entrée de jeu : C'est important que la
ministre nous donne des réponses éclairées, solides. Puis on ne joue pas à ça,
je ne veux pas que... je ne veux pas pourrir l'atmosphère, au contraire, mais
je remarque que, depuis un bout de temps, ça devient
difficile d'échanger parce que c'est la même réponse longtemps qui revient. Ça
fait qu'on essaie juste d'être en situation d'échange.
Le
Président (M. Ouellette) :
Je vais m'assurer qu'on reste en situation d'échange, mais je vais aussi
m'assurer des temps de parole, de l'article 246. Et, juste pour
l'information de tous les parlementaires, les réponses de la ministre, sauf à une occasion, ont toujours été
dans le délai imparti de cinq minutes. Et, justement pour permettre un
échange et connaître le point de vue de
chacun, je vous ai dit, Mme la députée de Taschereau, que je reviendrais à M.
le député de Saint-Jérôme très
bientôt. Je veux aller connaître l'opinion de M. le député de Gouin, et nous
allons revenir avec M. le député de
Saint-Jérôme et M. le député de Bourget immédiatement après avoir fait un
premier tour. Mais soyez assurée que je
vais m'assurer que les droits des parlementaires sont respectés et que les
ratios de temps de parole... Vous avez bien fait de le souligner, Mme la
députée de Taschereau. M. le député de Gouin.
• (10 h 40) •
M.
Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. C'est peut-être parce
que je suis naïf de nature ou peut-être parce que je suis un jeune député, mais j'essaie de présumer de la bonne foi de
tout le monde ici puis j'essaie... je ne peux pas croire, en fait, qu'il y a une volonté, dans le fond,
gouvernementale de forcer les parlementaires à rencontrer tout le monde, y compris quand il y aurait un conflit de valeurs
fondamental entre une personne qui fait une demande puis un ou une députée. Je ne peux pas... Je me dis : C'est
impossible, dans le fond, que ce soit ça. Puis la ministre ne semble pas
dire que c'est ça non plus.
Ceci étant
dit, il y a clairement un flou, là, je pense qu'on le ressent tous, il y a un
flou dans la formulation actuelle du
projet de loi. Et je partage les préoccupations de mes collègues de
l'opposition. Je ne suis pas totalement satisfait, moi non plus, par les explications. On nous dit :
Non, dépendamment de l'objet de la rencontre, il y aurait une possibilité
de refuser. Je suis content d'entendre ça.
Est-ce que c'est possible de le préciser d'une manière ou d'une autre dans le
projet de loi? Parce qu'à l'heure actuelle
la porte ne me semble pas fermée à la possibilité qu'un ou une citoyen,
citoyenne invoque le projet de loi
n° 62 pour donner, comme disait ma collègue, le fardeau de la preuve au
député ou à la députée, pour dire : Au fond, c'est pour des motifs
religieux, et là on pourrait assister — puis on ne l'espère pas, mais
c'est une possibilité qui n'est pas
exclue — à la
multiplication de ce genre de recours là. Puis je pense qu'on ne veut pas
personne que ce soit ça qui se
produise. Mais est-ce que c'est possible de préciser... Puis moi, je ne suis
pas juriste et je n'ai pas de juriste qui travaille pour moi,
malheureusement, mais est-ce que c'est possible d'avoir un amendement de part
ou d'autre pour régler ce flou-là? Parce
que, là, il y a clairement un flou. Et ce flou-là, il vient notamment, selon
moi, du fait qu'il faut établir une distinction entre les élus et les
employés de l'État, parce que... Bien sûr, il n'y a personne qui souhaite
qu'une infirmière refuse des soins à quelqu'un sur la base de sa religion. Dans
le cas d'un employé qui dispense des services publics,
ça me semble assez consensuel. Sauf qu'un élu, un député, ce n'est pas la même
chose qu'un employé de l'État qui dispense des services publics. Il y a
une distinction, puis la collègue de Montarville l'a bien faite, entre
quelqu'un qui dispense un service public et
un député, qui a, oui, le rôle d'intermédiaire avec les citoyens, citoyennes,
mais pas seulement, qui est quelqu'un
qui est investi d'un rôle de législateur puis d'un rôle qui a une connotation
politique, puis de ça découle une certaine indépendance.
Donc, moi, je
trouve que, là, il y a un flou qui n'est pas dissipé. Et j'apprécie tous les
efforts que fait la ministre pour
tenter de le dissiper, mais, si c'est nécessaire d'expliquer aussi longtemps,
c'est peut-être parce que, dans le projet de loi lui-même, il y a une
zone d'ombre qu'il faut éclairer.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : En fait, notre
collègue nous dit, bon : Qu'en est-il du conflit de valeurs? Mais là on
n'est pas... Vraiment, ce sont les guides de
notre code d'éthique qui répondent à la question, comme actuellement.
Actuellement, si quelqu'un se sent lésé par
une décision de son député, de sa députée, cette personne-là, si elle considère
que le comportement du député est
contraire aux valeurs du code d'éthique, peut soumettre le tout au regard du
Commissaire à l'éthique. C'est là,
c'est déjà prévu. Ce que l'on prévoit, c'est que le devoir de neutralité
religieuse, c'est-à-dire de ne pas favoriser ou défavoriser — là,
je me répète, mais... — une
personne à l'égard de sa croyance, à l'égard de sa religion, s'applique aussi
aux élus. Maintenant, ça s'applique aux élus dans le contexte bien particulier
de la charge que les élus ont et ça s'applique
en considérant aussi la Loi de l'Assemblée nationale, à laquelle nous sommes, à
titre d'élus de l'Assemblée nationale,
assujettis. Le code d'éthique auquel on est assujettis, ça s'applique dans le
contexte particulier des fonctions qui sont
les nôtres parce qu'évidemment il y a une distinction entre notre interaction
avec le citoyen et, par exemple, le cas de figure auquel référait notre
collègue, qui est de l'infirmière, ou du préposé au guichet de la Société de
l'assurance automobile, ou d'un fonctionnaire qui est appelé à interagir avec
le citoyen. Le rôle de chacun n'est pas le même. Le rôle de l'élu, le rôle de l'infirmière n'est pas le même. L'élu a été aussi porté à l'Assemblée nationale en raison de ce qu'il porte, de ce qu'il véhicule comme valeurs, comme
philosophie. C'est ce qui fait que nous sommes ici tous différents les
uns des autres, et certains plus que d'autres, dans notre... Nous sommes
porteurs de valeurs qui sont différentes, et c'est dans ce contexte-là que doit s'apprécier une demande portée à l'attention du Commissaire à l'éthique. Ça sera dans ce contexte-là qu'il faut bien comprendre que la
charge d'un élu est différente de la charge d'un fonctionnaire, de la charge
d'une autre personne identifiée à l'article 3 du projet de loi.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Gouin.
M.
Nadeau-Dubois : Est-ce que
la ministre a l'intention de faire une précision ou si, pour
elle, malgré toutes les questions qui
viennent de ce côté-ci en ce
moment, le projet de loi est assez clair et il n'y a aucune place, dans le fond, à l'interprétation?
Le Président (M. Ouellette) : Vous
voulez préciser, M. le député de Gouin, faire une précision à son amendement à
0.1°?
M.
Nadeau-Dubois : Oui. À la
lueur de toutes les questions, est-ce
qu'il y a une intention de
retravailler, ou de préciser, ou non?
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, on a déposé une série d'amendements. Il y a le préambule aussi
qui — on
verra à le travailler — permet aussi de cadrer le contexte dans
lequel s'inscrivent les dispositions du projet de loi. Moi, s'il y a une chose, par contre, que je suis
disposée à faire aujourd'hui, si les collègues le souhaitent, une fois qu'on
aura fait nos échanges
sur l'amendement, M. le Président, je suis disposée à ce que nous puissions
suspendre pour permettre aux collègues de saisir leurs caucus. Ça,
là-dessus... On a quand même un certain nombre d'articles, là, dans le projet
de loi, à discuter et à regarder. Le climat,
le... je pense que nos échanges sont objectifs, sont positifs. Je peux
comprendre que certains n'ont pas eu la
chance d'avoir de caucus depuis le dépôt des amendements en liasse la semaine
dernière parce qu'on n'est pas en session régulière. Je comprends que
certaines formations politiques vont se rencontrer au cours des prochains
jours.
Donc, là-dessus, moi,
M. le Président, là, je vous dirais, je n'ai aucune difficulté à ce qu'on
puisse avoir nos échanges ou, si vous le
souhaitez, suspendre pour permettre d'avoir les échanges au sein des caucus. Ça, je
pense que c'est de bonne guerre.
C'est une façon tout à fait correcte de mener nos travaux parlementaires. Je ne souhaitais pas du
tout qu'on ait des surprises, puis c'est ça, c'était l'objectif du dépôt en
liasse. Alors, j'imagine qu'au terme il y aura un certain nombre d'échanges. Puis, de toute façon, on a
18 articles au projet
de loi, donc on pourra... C'est une
méthode de travail que je vous propose parce que je suis sensible à la préoccupation
de ma collègue de Taschereau puis je pense qu'on est capables de bien faire les
choses.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Gouin.
• (10 h 50) •
M.
Nadeau-Dubois : Je crois que
c'est une très bonne idée, en effet, parce
qu'il y a un équilibre à trouver
entre la volonté, en effet,
d'être clair sur le fait qu'un élu ne doit pas faire de discrimination dans
l'exercice de ses fonctions, ça, je suis
convaincu qu'on partage tous cet objectif-là... il y a un équilibre à trouver
entre ça puis la préservation de l'indépendance,
puis même d'une certaine discrétion par le député sur qu'est-ce qu'il veut
reconnaître comme initiatives ou comme groupes dans le cadre de son
travail, puis je ne crois pas que cet équilibre-là, il est trouvé actuellement,
puis, si le fait de suspendre permet
d'améliorer le projet de loi puis de trouver cet équilibre-là, bien, je pense
qu'on sera tous et toutes gagnants et gagnantes.
Le Président (M.
Ouellette) : Ça pourra aussi, M. le député de Gouin, vous permettre de
déposer un sous-amendement qui pourrait
peut-être aider à favoriser la réflexion, comme n'importe quel des
parlementaires alentour de la table
ont le loisir de le faire, et la discussion qu'il y aura à votre caucus ou aux
autres caucus va permettre effectivement de bonifier le débat. Mais le but, ce matin, c'est d'entendre l'opinion de
tous et chacun des parlementaires sur l'amendement qu'il y a devant
nous. Et, par la suite, je pense que vous l'avez exprimé, Mme la députée de
Montarville, et Mme la députée de Taschereau l'a exprimé, ça va devoir
retourner en caucus et revenir pour discussion.
Maintenant, nous
allons aller à M. le député de Saint-Jérôme.
M. Bourcier :
Merci, M. le Président. Écoutez, je veux faire un peu de pédagogie ce matin en
tant qu'ancien enseignant, et surtout les
gens qui nous écoutent, j'espère qu'ils ne sont pas trop mêlés et qu'ils ne
sont pas trop au neutre, mais, quand
il est question de respecter la neutralité religieuse, pour un nouveau député
comme moi, mais peut-être que le député
de Gouin est plus nouveau que moi encore, là... Alors, un député, ce que j'ai
compris ce matin, ne doit pas favoriser ou défavoriser un groupe
religieux. Il faut les recevoir. Doit-il refuser une rencontre? Est-ce qu'il
peut refuser une rencontre? Bien là, ce que j'ai entendu dire puis ce que j'ai
cru comprendre, c'est qu'un député qui refuse une telle rencontre peut porter atteinte à la neutralité religieuse parce que
c'est la loi sur la neutralité religieuse qu'il est question ce matin, ce n'est pas la loi sur la laïcité. On dit,
dans le projet de loi, d'ailleurs, que le projet de loi a pour objet
d'établir des mesures visant à favoriser le
respect de la neutralité religieuse de l'État. L'élu, le député, peut décider
si c'est possible ou pas possible de rencontrer un groupe religieux.
Maintenant, Mme la
ministre, je vous ai entendu parler tantôt que le député pouvait évoquer un
code de circonstances pour s'en soustraire, mais qu'il devait suivre le Code
d'éthique et de déontologie pour être obligé de rencontrer le groupe religieux dûment incorporé, d'ailleurs. Alors,
j'aimerais ça avoir des explications. Il y a une zone grise où moi, j'ai de la misère à comprendre, ça fait
que j'imagine que le monde qui nous écoutent, qu'ils ont de la misère
aussi à situer quelle est l'obligation du député de recevoir puis la
possibilité du député de se soustraire de cette rencontre-là, selon — donc je reviens avec le mot, là,
l'expression — le code
de circonstances, ce que vous avez évoqué un peu plus tôt dans votre
discussion avec nous.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, ce que j'ai mentionné dans un premier temps, c'est que,
lorsqu'il s'agit de respecter le principe de neutralité religieuse,
c'est une obligation d'impartialité, c'est-à-dire qu'on ne favorise pas puis on
ne défavorise pas une personne en raison du
fait qu'elle appartient ou non à une religion ou en raison de nos propres
croyances religieuses ou nos propres
convictions religieuses en notre qualité d'élus. Et, M. le Président, ce que
j'ai mentionné, et là je n'ai rien
inventé, j'ai référé nos collègues au Code d'éthique et de déontologie des
membres de l'Assemblée nationale, auquel
on est tous assujettis, parce que cette obligation-là s'inscrit et est tout à
fait cohérente avec notre obligation générale, nos obligations que le Code d'éthique et de déontologie nous impose, les
devoirs qui sont les nôtres en notre qualité d'élus, parce que, oui, on
a une indépendance de fonction dans le... mais cette indépendance de fonction
là n'est pas totale. Elle s'inscrit dans un
contexte dont on a choisi de se doter, en tant qu'élus, en 2009‑2010. Je ne me
souviens pas du moment précis, je
pense, le projet de loi a été adopté en 2010, on a commencé à en débattre en
2009. Donc, c'est nous-mêmes, élus de
l'Assemblée, qui avons fait le choix de se doter d'un code d'éthique et de
déontologie, puis ça, ça nous amène à adopter
une conduite qui est édictée. Et là c'est le cas actuellement, là, ce n'est pas le projet de loi n° 62 qui amène le code de déontologie ou le code
d'éthique, c'est déjà là.
Donc,
un citoyen qui se considère lésé par l'action de son député
peut déjà soumettre au Commissaire à l'éthique et à
la déontologie la question, puis le Commissaire à l'éthique et à la déontologie
voit à analyser s'il y a lieu d'intervenir ou pas à la lumière, oui, du code d'éthique, oui, de l'article 43 de la Loi
sur l'Assemblée nationale, qui prévoit un statut quand même particulier pour les élus. Et ça sera la même
chose... C'est-à-dire que, si un citoyen, par exemple... Parce qu'on
parle de rencontre, là, mais l'amendement ne
prévoit pas le mot «rencontre». L'amendement prévoit tout simplement que
les députés de l'Assemblée nationale, les
élus municipaux et les élus des commissions scolaires sont assujettis à
l'obligation de neutralité religieuse au même titre que les membres du
personnel de l'Assemblée et les autres personnes énumérées, les agents de la
paix, les médecins, les sages-femmes, bref, les autres personnes qui sont
énumérées à l'article 3.
Au fond, l'amendement prévoit tout simplement
d'élargir l'application de l'obligation de neutralité aux élus. Votre collègue a posé une question quant à la
possibilité pour un élu de refuser ou non de rencontrer quelqu'un. Ce
que j'ai mentionné, c'est que, si le motif
du refus est un motif simplement religieux, moi, je ne vous rencontre pas parce
que vous êtes, par exemple,
non-croyant, allons-y comme ça, parce que... ça, ce n'est pas un motif, ça
irait à l'encontre du principe. Par
contre, habituellement... Puis il va de soi que, généralement, lorsqu'une
demande de rencontre est formulée, on cherche à savoir, du moins les membres de notre personnel cherchent à savoir,
parce que généralement nous, on va dire : Oui, mais pourquoi cette personne-là veut me rencontrer?,
l'objet de la rencontre. Et là le député peut très bien refuser de
rencontrer un citoyen quant à l'objet de la
rencontre s'il considère que l'objet de la rencontre, ce n'est pas pertinent ou
ça ne cadre pas... et c'est le cas
actuellement, là. Mais de dire : Vous, là, M. le député de Saint-Jérôme,
je ne vous rencontre pas en raison du fait, par exemple, que vous êtes
non-croyant, ça, ça pourrait porter atteinte au principe de la neutralité
religieuse. C'était ça, c'est ce que...
C'était un petit peu... Parce qu'on se reporte à notre discussion de la semaine
dernière, puis on a terminé à
6 heures et quelques secondes suite à une question très pointue, mais le
projet de loi, puis c'est ça, il ne faut pas non plus... ne parle pas de rencontre. Le projet de loi prévoit tout
simplement que les élus sont assujettis à l'obligation de neutralité religieuse, donc l'obligation
d'impartialité à l'égard de la croyance ou de la non-croyance des citoyens,
d'un citoyen ou d'un groupe. C'est ça,
l'objectif. Puis je pense qu'on a eu plusieurs échanges, on a eu plusieurs
interprétations, mais ramenons ça, là, très, très... à son expression très
simple, c'est ça.
Puis la
neutralité religieuse, on le voit un peu plus loin, mais c'est vraiment de ne
pas favoriser ou défavoriser une personne
en raison de... puis la liberté de religion, on y fait référence dans le projet
de préambule qui vous a été présenté la semaine dernière. On a eu aussi des discussions sur cette question-là
avec notre collègue la députée de Montarville et on reprend... La liberté de religion et la religion,
ce sont des concepts qui ont été définis au fil des ans aussi par la Cour
suprême, parce que la Cour suprême a été
appelée, au cours des 30 dernières années, à se questionner sur ce qu'est
une religion. Parce que, pour définir la
liberté de religion, il faut encore se demander ce qu'on entend par «religion».
Et la Cour suprême reprend de façon
très, très générale la liberté de croyance, puis on le synthétise dans le
préambule, finalement, puis ça revient
un peu à ça. Mais, pour vous donner
des références, c'est dans l'affaire Amselem, on l'a élaboré de façon
assez extensive au paragraphe 39,
au paragraphe 40, et même dans l'arrêt Big M, qui a
été parmi les premières grandes décisions de la Cour suprême, qui a été portée à se pencher sur la liberté de
religion. C'est aux pages 336, 337 que le juge en chef, juge Dickson,
avait précisé ce que c'était.
Donc, dans le
fond, je m'excuse, j'ai pris un petit peu de temps sur le collègue
de Saint-Jérôme, mais je reviens à des questions, tout à
l'heure, qui sont quand même pertinentes. Mais je réfère au préambule.
• (11 heures) •
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Saint-Jérôme.
M.
Bourcier : Oui, vous êtes toute excusée, Mme la ministre. Écoutez, je
veux continuer de vouloir faire la lumière, sans faire de jeu de mots avec la neutralité religieuse, sur certaines
choses. Vous m'avez mentionné que, selon l'amendement, donc, les députés sont assujettis à la neutralité
religieuse. Donc, la religion n'est pas un motif valable pour ne pas recevoir un groupe. Là, si je regarde au
Québec, là, il y en a, des religions. Écoutez, si on exclut l'Église
catholique, là, on compte
1 636 organismes religieux de toutes sortes. Là, là-dedans, j'inclus
les raëliens, la Mission de l'Esprit-Saint, l'Église de scientologie. Ce
sont des organisations... Il y en a même une, écoutez, qui s'appelle l'Église
du monstre en spaghetti volant. Alors, moi,
là, comme député, je vais être obligé de recevoir les spaghettiens et je ne
peux pas refuser, là, par rapport à leur sérieux.
Alors, c'est
facile de comprendre que, dans notre cadre juridique, en raison peut-être de
son laxisme, bien, c'est une
invitation à abuser de la notion d'institution religieuse. Les sectes
religieuses les plus bizarres les unes que les autres foisonnent au
Québec, et là, en raison possiblement — puis éclairez-moi, Mme la
ministre — de
cet amendement-là, bien, on va devoir toutes
les recevoir. Même... Évidemment, je parlais du monstre en spaghetti volant.
Bien, il y en a même une, là, qui va
trouver beaucoup de plaisir à être reçue, c'est ceux qui ont trouvé Dieu à
travers la marijuana et qui font partie
de l'Église de l'univers. Alors, ils vont être comme dans deux projets de loi.
Ce serait très intéressant, peut-être, de les refuser ou de les
accepter, mais là je pense qu'on va être pris pour les accepter.
Alors, Mme la ministre, éclairez-moi sur...
Est-ce que possiblement, avec ce projet ou cet amendement-là, il y aurait un
classement? Il y aurait-u certaines religions qu'on pourrait recevoir ou non
recevoir...
Mme
Maltais : ...corporations
religieuses...
M.
Bourcier : ...oui, merci, Mme la députée de Taschereau, de
corporations religieuses. Il y aurait-u un... c'est comme des lobbyistes religieux finalement et qu'on
serait obligés de recevoir? Est-ce que ça serait ça? Est-ce que c'est
ça, l'amendement de la loi sur la neutralité
religieuse, qu'on serait obligés d'écouter, en tant que députés? Ça pourrait
être très intéressant comme discussions, là, dans nos différents bureaux de
comté, mais je ne sais pas si on devrait aller là.
Le
Président (M. Ouellette) :
Avant que Mme la ministre réponde, M. le député de Saint-Jérôme, vous
faites référence à une liste de
1 636 organismes. Pouvez-vous préciser, pour les besoins de la
commission, vous prenez ça où?
M.
Bourcier : J'ai trouvé ça où? Dans Nouvelles de Prévost, Groupes
religieux : avantages de l'État, qui avait été publiée le
21 août 2017.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau, oui.
Mme
Maltais :
Oui, si on peut aider nos collègues, c'est facile à travers les sites du
ministère du Revenu fédéral, parce que c'est eux qui donnent des
incorporations religieuses qui ont droit à des crédits d'impôt.
Le
Président (M. Ouellette) :
Ce sont tous des organismes accrédités par le ministère du Revenu... l'Agence
du revenu fédérale, les 1 636 que vous
venez de nous mentionner, M. le député de Saint-Jérôme? Merci. Mme la ministre.
Une voix : ...
Le Président (M. Ouellette) : Il
était effectivement...
Mme
Maltais :
...l'ordre du monstre du spaghetti volant, et ce ne sont pas des spaghettiens,
ce sont des adeptes du monstre du spaghetti volant.
Une voix : Et ils se disent
pastafariens.
Mme Maltais : Pastafariens.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Le principe, là... Parce qu'on peut s'amuser longtemps, là. Le principe, c'est
tout simplement... Le principe de
neutralité religieuse, c'est : On ne défavorise pas une personne en raison
de son appartenance ou non à une religion ou on ne favorise pas une
personne en raison de son appartenance ou non à une religion. Ce n'est pas plus
compliqué que ça.
Maintenant,
sur l'objet des demandes de rencontre, ça, c'est une autre chose, mais la
liberté de religion, puis ça, c'est
clair, ça fait partie d'une composante d'une société libre et démocratique.
Puis, dans le fond, l'objectif derrière cet amendement-là, qui, je le répète, d'aucune façon ne parle de rencontre,
mais parle tout simplement d'assujettir les élus... donc les élus sont tenus de ne pas favoriser ou de
ne pas défavoriser une personne en raison de son appartenance ou non à une religion, alors ça... c'est-à-dire : Moi,
je ne vous parle pas parce que vous êtes non-croyant ou parce que votre
croyance religieuse, c'est ça, j'oublie même
l'objet de la demande de rencontre. C'est un petit peu... C'est un résumé de
l'obligation de l'article 3.
Le
Président (M. Ouellette) : À
l'article 3, vous définissez les gens du personnel puis, oui, vous venez
de nous parler de l'article 4,
parce qu'on va empiéter sur l'article 4 tantôt, là, pour favoriser ou
défavoriser. Là, on ne fait que définir les gens assujettis, à l'article 4.
M. le député de Saint-Jérôme.
M.
Bourcier : Oui, je vais terminer là-dessus, Mme la ministre, M. le
Président. On sait que la laïcité, c'est fondé sur les principes de séparation de l'Église et de l'État. Ça implique
l'affranchissement de l'État de l'emprise de tout pouvoir tiers et aussi selon lesquels les actes de l'État
ne sont et n'apparaissent pas posés sous l'influence d'une religion ou
d'une autre croyance. Où je vais avec tout
ça, c'est que la loi, là, si elle s'appelait la loi sur la laïcité, ce serait
un terme beaucoup plus approprié, les
gens comprendraient mieux que la neutralité... et ça clarifierait beaucoup de
zones grises, dont celle du groupe spaghettien al dente et ceux des
adeptes de la marijuana qui viendraient nous rencontrer. On éviterait, si on était là, toutes ces discussions-là, là. C'est des
discussions qui mêlent le monde. Alors, dans un contexte de laïcité, on
ne serait même pas ici à parler de ça.
Alors, je
voudrais un dernier commentaire de Mme la ministre à ce sujet. Moi, j'en ai
terminé, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre, est-ce qu'il y a d'autre chose à rajouter?
Mme Vallée :
La laïcité puis la neutralité, je pense qu'on a eu une discussion assez
élaborée et assez complète la semaine
dernière. Et, je l'ai dit, ce n'est pas une loi sur la laïcité, ça n'a jamais
été le cas. C'est une loi sur la neutralité religieuse de l'État, c'est
ce que c'est.
Non, mais je comprends, puis, si nos collègues
souhaitent un autre type de loi, bien, ça, ça leur appartient. Maintenant, nous, ce que l'on a de proposé, ce que
l'on a déposé, c'est une loi qui vise à assurer le respect du principe
de neutralité de l'État, ce n'est pas la...
et je l'ai expliqué, pourquoi, on en a fait une discussion. Puis, encore une
fois, la laïcité n'a pas la même
définition de ce côté-là de l'Assemblée nationale. Au niveau de l'opposition,
votre définition de la laïcité n'est
pas la même que celle de votre voisine, n'est pas la même que celle de votre
collègue de Gouin, parce que lors des remarques
préliminaires, c'était frappant. Mais, nous, c'est une loi sur la neutralité
religieuse de l'État, principe très simple, on ne favorise pas ou on ne défavorise pas, point.
On agit en toute impartialité. Puis l'impartialité, c'est quand même ce
qui découle de notre code d'éthique.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la ministre. Avant de permettre à Mme la députée de Montarville
de me faire son petit commentaire, je vais, avant de vous le permettre, Mme la
députée de Montarville, je vais reconnaître M. le député de Bourget avec
beaucoup de plaisir.
• (11 h 10) •
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Ne pas favoriser, ne pas défavoriser relativement à
l'appartenance religieuse, en l'occurrence,
là est le fondement de la neutralité quant au rôle que nous sommes amenés à
jouer en tant que députés ou élus
municipaux. On entend ça, on comprend cela. Et la ministre, préalablement, a spécifié que ce projet de loi n° 62
n'est pas un projet de loi sur la laïcité
mais sur la neutralité de l'État. Tout ça est cohérent. Mais, encore
faudrait-il le rappeler, quand bien
même nous aurions tenu des échanges par le passé en ces matières, rappeler aux concitoyennes et concitoyens qui nous
écoutent que, n'eût été de cette avenue, en l'occurrence le débat sur la
neutralité de l'État, nous ne serions pas en train de nous obstiner ce matin.
Il est important que la ministre clarifie — ce
qu'elle a fait — qu'il
ne s'agit pas d'un projet de loi sur la laïcité. Maintenant que cela est clair, établi, est-il possible de
savoir de la part de la ministre comment, là où le député devrait se comporter quand aussi, d'aventure, des
groupes, des organismes ou des organisations mal intentionnées, pour, à dessein, heurter une ou un élu, s'arrangeraient pour la
mettre en porte-à-faux avec les dispositions ou l'articulation de cette loi dont nous parlons ce matin, si elle était adoptée?
Est-ce que la fragilisation de la députée ou du député, en l'occurrence, est quelque chose qui la préoccupe ce matin? Ça, c'est ma
première question.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Alors, mon collègue s'inquiète que l'amendement prévu à l'article 3 viendrait fragiliser les statuts
des élus et plus particulièrement parce que ça nous interpelle ici, le statut
des élus de l'Assemblée nationale.
Ce que je
vous dis, c'est que l'obligation de neutralité... du respect, pardon, de la neutralité religieuse de l'État, qui découle de cet amendement-là, est tout
à fait compatible avec les principes
qui guident déjà nos actions en notre qualité d'élus. C'est-à-dire que nous devons, lorsque nous lisons le code
d'éthique, lorsque nous lisons les valeurs qui sont les nôtres ici, à l'Assemblée nationale, nous
avons un devoir envers les citoyens d'agir en toute impartialité et avec
sagesse, bref, suivant les grands principes que l'on retrouve à l'article 6.
Ce devoir de neutralité religieuse s'inscrit tout à fait dans ce
contexte-là puisque le devoir de neutralité
religieuse implique simplement de ne pas
favoriser et de ne pas défavoriser un citoyen. Je peux très
bien comprendre puis je sais,
pour avoir échangé avec la députée de
Taschereau, avec notre collègue de Montarville, que certains... et même pour moi-même y avoir goûté, nous sommes la cible de citoyens qui sont parfois mal
intentionnés. Personne ici n'est à l'abri, puis je pense qu'on est quelques-unes ici à y avoir goûté pour
différentes prises de position.
Et je tiens à
vous rassurer que cette disposition-là s'interprète vraiment en parallèle avec
notre code d'éthique. Donc, il ne faut pas voir là soudainement une
attaque frontale à l'indépendance, au jugement d'un élu qui, confronté à
une demande, l'analyse et dit : Je ne
suis pas en accord. Au même titre qu'on est actuellement sujets à ces
obligations-là. On ne vient pas
dénaturer les obligations qui sont les nôtres, au contraire, parce que cette
neutralité implique une impartialité, une impartialité avec laquelle nous devons agir actuellement à l'égard des citoyens et des citoyennes qu'on représente. Ça
nous permet et ça nous permettra de refuser
une demande que l'on considère manifestement déraisonnable ou qui n'est...
notre collègue soutenait tout à l'heure : est-ce que ça m'empêcherait, en raison de
certaines valeurs, de refuser des rencontres? Non, parce que ça s'inscrit dans ce contexte aussi qui est le nôtre. Les
élus peuvent toujours refuser des rencontres. Mais il faut simplement que cette... il faut simplement éviter
de favoriser ou de défavoriser, au même titre qu'un élu, par exemple, parce qu'on a beaucoup parlé de rencontres, un élu
qui favoriserait exclusivement certaines personnes en raison, justement,
de leur communauté religieuse, parce que les
élus ont aussi cette liberté de religion. Un élu qui agirait... on ne
souhaite pas ça. Je suis persuadée qu'ici ce
serait dénoncé haut et fort s'il y avait un favoritisme à l'égard d'une
communauté religieuse à laquelle appartiendrait un élu. C'est un peu le
même principe.
Donc, on ne
défavorise pas et on ne favorise pas des citoyens, des groupes en raison de
leur appartenance ou de leur
non-appartenance, maintenant, tout ça, dans un contexte où, comme élus, on a
des devoirs et on doit respecter des valeurs,
et ce sont des valeurs qui s'inscrivent dans le cadre d'une société libre et
démocratique, des valeurs de respect de l'autre, de respect de l'opinion de l'autre. Si, par exemple, je
n'acceptais de rencontrer que des gens partageant la même opinion que
moi sur des sujets, je défavoriserais des citoyens.
Tout le monde
ici, nos portes sont ouvertes à tous les citoyens, peu importent leurs
affinités politiques. C'est la même chose, ma porte de bureau de
circonscription est ouverte à tous, peu importe... Je n'ai pas à me questionner
sur l'adhésion, la non-adhésion à un parti
politique pour un citoyen qui cogne à la porte de mon bureau. Je serais tout à
fait à l'encontre des règles de notre code
actuel si je refusais, par exemple, de vous rencontrer, citoyens de mon comté,
membres du Parti québécois. J'irais à
l'encontre de notre code d'éthique en ma qualité d'élue de l'Assemblée
nationale, et ce serait dénoncé haut et fort. C'est exactement la même
chose.
• (11 h 20) •
Maintenant, le projet...
la demande de rencontre, parfois, peut être non fondée. Vous pouvez demander de
me rencontrer relativement à un dossier qui est devant les tribunaux, par
exemple, et à ce titre, je vous dirais : Désolée, l'article 35 de la Loi sur l'Assemblée nationale ne me permet pas
de m'impliquer dans un dossier qui est pendant devant les tribunaux.
Mais alors c'est l'objet de la rencontre qui vient déterminer si on se
rencontre ou si on ne se rencontre pas. Ce n'est pas
vous, citoyen de mon comté, en raison du fait que vous êtes... vous avez
milité, vous étiez bénévole, par exemple,
pour mon adversaire d'une autre formation politique. Ça, je ne pourrais pas,
j'irais à l'encontre de nos valeurs, même si... Ça irait à l'encontre de
ces valeurs d'impartialité, de sagesse, de respect, d'écoute, d'ouverture.
Donc,
c'est exactement la même chose, on le prévoit parce que
cette loi-là parle... est une loi qui vient décréter ce principe de neutralité religieuse de l'État, et
des employés de l'État, et de ceux et celles qui sont représentants de l'État. Donc, on précise
que cette loi, par l'amendement, par le biais de l'amendement, s'applique aux
élus, mais tout ça dans le contexte de ce code d'éthique qui est le
nôtre.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Bourget, vous comprenez que Mme la
ministre a dépassé son cinq minutes un petit peu, là, mais je pense que les
explications étaient importantes et qu'elles répondaient à nos interrogations.
M.
Kotto : Absolument,
les explications étaient très pertinentes parce que... la portée était
même pédagogique, je dirais. Ce qui
vient renforcer mon commentaire précédent à l'effet que nous sommes effectivement dans un échange portant sur
la question de la neutralité de l'État, mais pas de la laïcité,
parce que, quand il est question de laïcité,
d'entrée de jeu, on est dans la
logique de la séparation du religieux de l'État, mais ce n'est pas le
sujet qui nous occupe ici aujourd'hui. La ministre assume parfaitement
la perspective qui nous est proposée à travers son projet de loi, et cette
perspective permet, par ailleurs, de faire le comparatif entre le politique et le religieux, ce
qui serait beaucoup plus difficile
dans le cas d'un débat sur la
laïcité, parce que comparer le politique au religieux sur la base d'un échange
sur la laïcité serait incongru. Mais je comprends la logique de sa
perspective des choses.
Maintenant, la
ministre a parlé de l'objet et faisait référence au rôle qui nous incombe en
tant qu'élus relativement à notre code
d'éthique et de déontologie, soulignant une marge de manoeuvre possible dans le
cadre qui nous occupe aujourd'hui
chez l'élu, marge qui lui permettrait de refuser de recevoir quelqu'un en
exigeant ou en demandant l'objet de la rencontre préalablement à
l'accueil.
Si, de façon
subjective, l'élu décide, à l'aune de l'objet qui lui est présenté, qu'il ou
qu'elle ne recevra pas l'individu, est-ce
que nous sommes protégés à l'effet que nous ne donnons pas dans l'arbitraire?
Parce que peut-être que, de la
perspective du citoyen ou de la citoyenne, l'objet ne bénéficierait pas de la
même lecture, question de perspective. Donc, c'est ça, ma question. Est-ce que nous ne pourrions pas, demain, si le
projet de loi est adopté tel quel, avec cette articulation, s'exposer à
des procès en arbitraire? Et c'est ce que ma collègue de Taschereau tentait
d'expliquer tout à l'heure. Le principe,
c'est : On ne veut pas être poursuivis, parce que c'est une perte de
temps, perte d'énergie, perte d'argent pour l'État, notamment. Si on pouvait se tenir à l'abri de ce genre de
situations qui peuvent arriver, est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux, dans l'amendement, apporter un sous-amendement qui permettrait — je ne
vais pas le définir, le sous-amendement, mais... je laisse cet exercice à la portée de la ministre — un sous-amendement qui viendrait protéger
l'élu dans le cadre de cette marge de
manoeuvre en lien avec l'objet de la demande de rencontre que la citoyenne ou
le citoyen présenterait?
Je
reviendrai après sur les citoyens versus les organisations, parce que
j'aimerais avoir une précision là-dessus aussi.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Cette protection quant à, je dirais... la protection quant à l'arbitraire est
déjà prévue dans les mécanismes dans la mise
du Commissaire à l'éthique parce qu'actuellement, là, personne n'est à l'abri,
il n'y a pas un élu qui est à l'abri
d'un citoyen qui décide de soumettre une situation au regard du Commissaire à
l'éthique et à la déontologie, c'est déjà prévu. C'est-à-dire qu'un
citoyen qui considère qu'on va à l'encontre de notre code d'éthique parce
qu'une demande de rencontre a été refusée,
parce qu'on a porté ou pas un message en cette Assemblée, on a porté ou pas un
projet de loi, il y a des citoyens qui
saisissent le Commissaire à l'éthique, et le Commissaire à l'éthique, dans un
premier temps, détermine s'il y a
lieu ou pas de se pencher sur la question, justement, à la lumière de ces
dispositions-là. Alors, ça ne change absolument rien parce que le
Commissaire à l'éthique va entreprendre sa démarche s'il y a lieu
d'investiguer. Quelque chose qui serait manifestement non fondé serait rejeté.
Alors,
j'essaie de comprendre, parce qu'à partir du moment où cette impartialité est
déjà un devoir, constitue déjà une
obligation. Ce devoir d'agir... de sagesse, de justice, de respect que l'on
retrouve à l'article 6, ces termes-là sont là. Nous avons, comme élus, ce devoir-là, ce qui amène, on
peut résumer, comme une certaine impartialité. Alors, d'assujettir ou de
prévoir, comme on le prévoit à l'amendement,
que les élus sont assujettis au principe de la neutralité, ce n'est pas
contraire aux principes qui sont déjà énoncés au code.
L'autre
petite parenthèse que je souhaite faire, notre collègue disait : Si nous
parlions de laïcité, nous reconnaîtrions très clairement qu'il y a
séparation du religieux de l'État et de ses institutions. Ça, on l'a reconnu la
semaine dernière lorsqu'on a étudié le
préambule. Le préambule fait état de ce fait-là. Au Québec, il y a une
distinction entre l'État et ses institutions
et la religion. Alors, on parle de neutralité religieuse, mais ce principe-là,
il est là, il est reconnu, je ne le... Dans
les amendements déposés, c'est prévu, c'est clair. Alors, nos dispositions, le
préambule, l'objectif du préambule, c'est aussi de bien préciser le contexte
dans lequel les articles du projet de loi s'inscrivent.
M. Kotto :
Donc, si...
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Bourget.
M.
Kotto : Oui, M. le Président, excusez-moi. Si l'objet présenté
par le ou la commettante a une portée ou un contenu religieux, et
ça, je me raccroche sur ce que vient de dire la ministre relativement au fait
qu'il a été établi la semaine dernière, le
principe de laïcité avec la séparation du religieux et de l'État, si, dans
l'objet, il occurre que le religieux est
bien présent — c'est un
exemple — dans les
circonstances, est-ce que l'élu serait légitimé de refuser une
rencontre?
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
• (11 h 30) •
Mme Vallée :
Si l'objet de la rencontre est de favoriser un projet en raison de son
caractère religieux, bien, ça va à l'encontre du principe de neutralité,
qui empêche de favoriser ou de défavoriser en raison... Parce que l'obligation
de neutralité, c'est, en notre qualité
d'élus, on ne doit pas favoriser ou défavoriser quelqu'un en raison du
caractère religieux, ou de l'absence de religieux, ou l'absence de
croyance.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de Bourget, vos recherchistes sont très, très, très actifs.
M. Kotto :
Oui, M. le Président. Oui. Non, mais c'est parce qu'il y a deux concepts qui
s'opposent ici : la neutralité et
la laïcité, la séparation claire, nette du religieux et de l'État que nous
inspire le principe de laïcité, mais la neutralité qui en même temps
vient comme un élément antinomique à la laïcité, nous obligeant de s'ouvrir à
un contenu, un objet à connotation religieuse. C'est ça que je comprends dans
ce que dit la ministre.
Et cela
inspire une question : Est-ce que notre soutien à l'action bénévole... Par
exemple, on a une représentation d'un
groupe ou d'une commettante à l'effet de soutenir son groupe, son Église avec
le SAB, le soutien à l'action bénévole. Est-ce que, par cet exemple, M. le Président, la ministre peut nous dire
si, oui ou non, nous sommes couverts si d'aventure nous refusions
d'apporter le soutien à l'action bénévole à cet organisme religieux?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Vous savez,
M. le Président, les députés reçoivent un nombre impressionnant de demandes formulées au soutien à l'action bénévole. Les
députés ont tout le loisir d'accepter ou de refuser les demandes qui leur
sont formulées. L'objectif de cette
disposition-là, c'est que le caractère religieux ou non religieux ne soit pas
utilisé pour favoriser ou défavoriser quelqu'un.
Et, pour ce qui est du soutien à l'action
bénévole, il y a des demandes, tellement, et chaque député... Et je me souviens, je pense qu'on avait utilisé l'exemple
du soutien à l'action bénévole, justement, lors du code d'éthique. Pour l'utilisation du soutien à l'action bénévole pour
aider des organismes qui avaient une connotation politique, ou tout ça,
je pense qu'il y avait eu un échange sur
cette question-là à l'époque. Mais, ceci étant dit, il appartient à chaque
député de déterminer la répartition
de son enveloppe de soutien à l'action bénévole. Mais un député qui, par
exemple, donnerait... ou identifierait comme étant les seuls
bénéficiaires de son soutien à l'action bénévole les organismes qui partagent,
par exemple, sa croyance religieuse
pourrait, à mon avis, se placer dans une situation contraire où il y aurait
clairement du favoritisme à l'égard d'une croyance religieuse. Mais rien
n'empêche un député de soutenir différentes organisations de sa circonscription à travers son soutien à
l'action bénévole. Mais quelqu'un qui prendrait son soutien à l'action
bénévole et le donnerait exclusivement au
bénéfice d'une organisation ou de groupes en raison du caractère religieux, là,
nettement, viendrait favoriser... Parce
qu'il faut aussi voir cet aspect-là, là. Est-ce que l'on permet à un député,
dans le cadre de ses fonctions, de
favoriser des gens en raison de leurs croyances religieuses? On ne le souhaite
pas, mais c'est la même chose, on ne
défavorise pas... Alors, tout simplement, l'interaction se fait de façon tout à
fait impartiale à l'égard du caractère ou non religieux. Mais le soutien
à l'action bénévole, c'est un très bel exemple.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de Bourget. Ça va? Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Oui, M. le Président. Une question toute simple : Si quelqu'un considère
que le député ou l'élu municipal — parce que les élus municipaux sont
couverts aussi par ça — enfreint
la loi, devant qui est-il poursuivable? Devant qui est le recours qu'il peut
présenter?
Mme Vallée :
Bien, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, quelqu'un qui considère qu'un
député va à l'encontre de ces règles-là peut saisir le Commissaire à
l'éthique.
Mme Maltais : M.
le Président, le Commissaire à l'éthique ne gère que le code d'éthique. Ce
n'est pas une modification au code d'éthique.
Mme Vallée :
Bien, ce n'est pas une modification au code d'éthique, mais c'est quand même
dans le cadre des fonctions d'élu.
Mme Maltais :
Non, M. le Président, le Commissaire à l'éthique gère le code d'éthique. Alors,
comme ce n'est pas devant le
Commissaire à l'éthique qu'un citoyen peut aller, je répète : Où est-ce
que la personne pourra aller se plaindre? Parce qu'il y a un choix de fait de ne pas aller... Moi, là, je... M. le
Président, vous êtes président de la Commission des institutions, on a passé un an à traiter du
rapport du commissaire, la collègue de la ministre est en train de préparer
une réforme du code d'éthique. Je ne comprends
pas pourquoi ça arrive ici au lieu d'arriver dans la réforme du code
d'éthique.
Maintenant,
comme ce n'est pas dans le code d'éthique et ce n'est pas soumis au Commissaire
à l'éthique... Qui nous rappelle
souvent, combien de fois nous a rappelé : Je ne suis là que pour gérer le
code. La ministre, là, il faut qu'elle sache
que c'est ça, la position du commissaire. Puis moi, je le sais, j'ai été
porte-parole en éthique pendant des années.
Alors, devant qui le citoyen doit-il se
plaindre?
Mme Vallée :
Mais le comportement de l'élu... Parce que le code d'éthique nous impose un
devoir d'impartialité dans... Bien,
dans son libellé, c'est le fait d'agir avec justice, avec respect, avec
sagesse. Ça impose au député un certain standard.
Mme Maltais :
M. le Président, je répète ma question, à laquelle je n'ai pas de
réponse : Si un citoyen se plaint en fonction de l'article, l'amendement du projet de loi n° 62... La
neutralité religieuse ne fait pas partie du code d'éthique. Si un citoyen, ou une citoyenne, ou une organisation
religieuse — puis
c'est bien plus de ça dont j'ai peur — une organisation religieuse se plaint, devant qui cette personne
ira-t-elle porter plainte? La CDPDJ? Une cour de justice? Je veux
savoir. C'est simple, ça, comme question.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, la question de notre collègue... Parce que tout est un
enjeu de contexte. Nous avons des
grandes règles qui imposent ce devoir. Un citoyen qui considère qu'un élu
enfreint les valeurs et principes éthiques... Et, moi, je vous dis, le respect de la neutralité
religieuse s'inscrit très bien du fait que l'élu est au service du citoyen et
que l'élu a un respect envers l'Assemblée
nationale, envers le fonctionnement de l'Assemblée nationale, envers l'ensemble
de la société, et donc, si un citoyen considère que l'élu enfreint les
valeurs et principes éthiques du code, il se dirige vers le Commissaire à
l'éthique.
• (11 h 40) •
Mme Maltais :
Bien non, M. le Président, c'est parce que ce n'est pas le code d'éthique des
députés qu'on est en train de
débattre, c'est du projet de loi n° 62 sur la neutralité religieuse de
l'État, qui n'est pas un projet de loi... C'est un projet de loi qui, actuellement, m'enlève, moi,
des droits. Et je suis une laïque, je ne suis pas neutre religieusement,
je suis une laïque. Je ne suis pas neutre et j'ai un devoir politique parfois
de prendre la parole et de dire : Ceci est une secte, je refuse de les
rencontrer. C'est un geste politique, c'est une déclaration politique.
On m'enlève
des droits, M. le Président, et on ne le fait pas à travers le code d'éthique des députés de l'Assemblée nationale, on le fait à travers une loi sur la neutralité religieuse, qui n'est même pas une loi sur la laïcité,
et l'État est laïque. Alors, comprenez, là, je veux bien, là, entendre
toutes sortes d'affaires, là, comme : Ils iront devant le Commissaire à l'éthique.
Le Commissaire à l'éthique a eu plusieurs jugements où il dit : Je ne
m'occupe que du code, ce n'est pas dans le code. Ça, c'est une loi sur la neutralité religieuse de l'État. Je demande à la ministre : Devant qui quelqu'un
qui se plaint du comportement non
neutre d'un député comme moi — et
je sais ce que je dis, là, parce que je l'ai déjà fait — devant
qui cette personne ira-t-elle se
plaindre? Devant une cour de justice, devant la CDPDJ, vu que ce n'est pas le
Commissaire à l'éthique? C'est juste ça que je demande, une vraie réponse.
Mme Vallée : Il y a une vraie réponse que je souhaite donner à ma collègue.
Parce que ma collègue dit : En tant que laïque, je perds
des droits. C'est faux.
Mme Maltais : Non, en tant que
députée de l'Assemblée nationale que je perds des droits. Attention...
Mme Vallée : Non. Le...
Mme Maltais : Non, non, ne mélangeons pas les concepts, là. Je
suis une députée de l'Assemblée
nationale qui est gérée par un code d'éthique. Aujourd'hui, une loi m'oblige à un devoir de neutralité religieuse envers des corporations religieuses. Je veux savoir... Mais je n'ai jamais
dit qu'on m'enlevait des droits comme laïque. Je dis que je suis laïque.
J'ai donc un système de pensée et des
convictions profondes, puis je n'aime pas les sectes. Alors, je veux
savoir... Puis je suis gérée par un code d'éthique puis, croyez-moi, je
le connais. Alors, je veux savoir — et je veux avoir une vraie réponse, là — devant qui un citoyen va me poursuivre... ou
une corporation religieuse, surtout.
Comme ce n'est pas devant le Commissaire à l'éthique, c'est devant qui?
Mme Vallée : Un, ce
projet de loi là vient justement respecter la liberté de croyance de tous les
députés de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire que le fait que notre collègue
soit laïque est respecté au même titre que le fait que nous ayons des collègues de confession juive, des collègues de
confession musulmane, des collègues d'autres confessions religieuses. Et cette obligation de neutralité
vient justement protéger le tout, vient protéger ces croyances-là. Et, M.
le Président, on veut entrer dans une série
de cas d'espèce ici, alors que nos conduites, notre conduite comme députés,
nos valeurs, nos principes éthiques en tant
que députés sont régis par le Commissaire à l'éthique. Quelqu'un qui en a
contre nos valeurs et notre comportement comme élus va se reporter au Commissaire
à l'éthique.
Le Président (M. Ouellette) :
Je vais suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 44)
(Reprise à 12 h 12)
Le
Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous en étions à l'étude de l'amendement proposé par Mme la ministre
introduisant l'article 0.1° avant le paragraphe 1° de l'article 3 et
nous en étions aux commentaires et aux préoccupations de Mme la députée de Taschereau.
Relativement à ses commentaires relativement au code de déontologie, la
présidence et ainsi que les parlementaires ont besoin d'aller chercher un peu
plus d'informations relativement aux
discussions qui ont eu lieu touchant le code d'éthique. Et, puisque les
parlementaires avaient manifesté le
désir de suspendre après les discussions l'étude de cet amendement
de Mme la ministre introduisant 0.1° afin de permettre,
dans un premier temps, la présentation aux caucus des différentes formations politiques
de cet amendement et pour poursuivre plus à fond l'étude des préoccupations
soulevées par les différents parlementaires, de consentement nous allons
suspendre l'étude de l'amendement de la ministre. J'ai votre consentement?
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Ouellette) : Et nous allons continuer, c'est-à-dire nous allons continuer l'étude de l'article 3,
parce qu'il semblerait qu'il y a quelques préoccupations qui doivent être éclaircies, avant de suspendre
cet article 3 et de passer à l'article 4.
Donc, pour la première intervention, pour ce que je viens de mentionner à l'article 3,
Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais : Merci,
M. le Président. Je trouve que c'est
une sage décision qui vient d'être prise d'aller vraiment prendre des informations complètes. Puis déjà la ministre avait accepté qu'on reporte à nos caucus
et tout. Ça fait que je trouve ça sage de la part de tout le monde.
Sur
l'article 3 comme tel qui est déjà dans la loi, une question que je posais...
On a reçu en commission parlementaire
la FMOQ... non, la FMSQ, Fédération des médecins spécialistes du Québec. Je me
souviens encore de l'appel de la
présidente sur l'obligation d'essayer de gérer l'apparition du phénomène
religieux dans les établissements de santé, les personnes qui ont des convictions religieuses très fortes et qui, à
certains moments, pouvaient exprimer ces convictions de façon un peu
plus radicale. On a même parlé de gestes de violence envers des médecins, et
tout ça, une espèce d'incompréhension de la façon dont on fonctionne,
probablement, et de la façon dont les rapports entre les gens doivent s'exercer dans le système de santé, qui
est laïque. Au paragraphe 7°, on nous dit qu'un médecin, un dentiste
ou une sage-femme est couvert par l'application du présent chapitre «lorsque cette personne exerce sa profession dans
un centre exploité par un établissement public visé au paragraphe 6° du premier alinéa de l'article 2».
J'aimerais bien qu'on nous explique
la portée de cet article. Puis je ne conteste pas l'article,
là, tout à fait, il y a un devoir de neutralité religieuse. Moi, je crois qu'il
y a un devoir de laïcité,
mais il y a un devoir de neutralité religieuse. Mais, par rapport à des exemples qui ont
été soumis, comme par exemple un homme qui refuse qu'un homme médecin voie sa
femme, est-ce que le fait de demander,
d'avoir cette exigence religieuse peut être refusé? Est-ce que cette demande-là
peut être refusée par le médecin en disant : Non, non, c'est moi
qui est disponible, c'est moi, c'est tout?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
En fait, ce que je comprends, c'est que la personne qui est dans un
établissement de santé qui ne souhaite
pas recevoir les services d'un homme ou d'une femme en raison de ses croyances
religieuses formule une demande qui
est une demande d'accommodement pour motif religieux et qui est analysée
suivant les critères de l'accommodement. L'article 3 prévoit que...
Dans le fond, ici, on n'est pas dans la demande d'accommodement, on est
vraiment à l'assujettissement du principe aux médecins, aux dentistes, aux
sages-femmes qui oeuvrent dans nos CLSC, dans nos centres hospitaliers, dans nos centres de protection de l'enfance, dans
nos centres d'hébergement puis dans nos centres de réadaptation. Donc là, on n'est pas dans l'accommodement,
ça, on va voir les demandes d'accommodement à l'article 10, mais
ici on fait tout simplement indiquer que le devoir de neutralité religieuse, il
incombe aux médecins, dentistes, sages-femmes qui pratiquent dans ces
établissements-là.
Mme Maltais :
Donc, M. le Président, si je comprends bien, cette demande serait considérée
comme une demande d'accommodement.
Mme Vallée : Oui. On
verra à l'article 10 la grille d'analyse, les modalités d'analyse d'une
telle demande.
Mme Maltais :
Mais, en situation d'urgence — parce que, dans le monde de la santé, c'est
vraiment ce dont nous avait parlé la
présidente de la FMSQ — en situation d'urgence, quel va être le... quel équilibre y a-t-il
entre une demande d'accommodement et un devoir de neutralité mais un
besoin de rendre un service?
Mme Vallée : On va le
voir à l'article 10, on entre dans la question de la contrainte excessive.
Les situations d'urgence, lorsqu'il s'agit
d'une question de vie ou de mort, on donne les services, là. L'objectif, c'est
que la personne puisse être soignée.
Mais on revient... À l'article 10, on aura la chance de revoir ce
qu'implique la contrainte excessive. L'objectif, c'est de ne pas mettre
en péril la vie d'une personne.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Pour le moment, ça me va. Je vais voir s'il y a d'autres qui ont des...
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville, est-ce qu'il y a
d'autres questions? Il y a d'autres questions? Juste avant... M. le député de
Bourget, c'est correct? M. le député de Saint-Jérôme, c'est correct? Mme la
députée de Montarville. Et je vais aller à vous, M. le député de Gouin, si vous
aviez une autre intervention à l'article 3,
tantôt. Si vous en avez une autre, après Mme la députée de Montarville, je vais
aller à vous, si vous avez autre chose à l'article 3. Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Je dispose de
combien de temps, juste pour m'assurer, là, que je...
Le Président (M. Ouellette) : Bien, là je vous laisse... À moins que vous
teniez jusqu'à la suspension à 12 h 30, là.
• (12 h 20) •
Mme Roy :
Parfait. Non, je serai brève. Je comprends que l'article 3 sera suspendu,
mais, justement, par souci de précision, pour obtenir des précisions,
l'article 3, donc, soumettrait les députés que nous sommes tous ici à ce projet
de loi n° 62. Mme
la ministre disait : Un député a
une obligation d'impartialité. J'ai pris la note lorsque
vous le disiez parce que ça m'interpelle. On parlait de l'article 6
de notre code de déontologie. Je sais qu'il y a une refonte, mais l'article
de base demeure, la conduite du député. Et, dans cet article-là que je vous ai
lu tout à l'heure, on ne dit pas que le député a une obligation
d'impartialité. Non, on parle ici de sagesse, d'honnêteté, de sincérité et de
justice. Le mot «impartialité» apparaît
uniquement lorsqu'on parle du Commissaire à l'éthique, qui, lui, a une
obligation d'impartialité.
Cela
dit, je vous soumettrais bien respectueusement, Mme la ministre, que je suis en
désaccord avec vous, qu'on n'a pas la
même interprétation de cet article 6 et de cette obligation que vous nous
créez, parce qu'elle n'est pas là, parce qu'au contraire un député, ça fait partie de ses fonctions de trancher, de
décider, de choisir. Et, lorsque l'on fait cela, Mme la ministre, on ne plaît pas à tous et, non, on n'est
pas impartial, et c'est important de le souligner. C'est l'essence même
du travail de député que de choisir, que de
décider, que de trancher, que de prendre une décision. Cependant, je suis
d'accord de le faire avec sagesse, honnêteté, sincérité et justice.
Vous
me parlez de justice, Mme la députée. Je vous dirais que le juge n'est pas
impartial parce qu'il tranche. Nous avons la même obligation de trancher
ne serait-ce qu'à l'égard des citoyens, des gens, des groupes, des lobbys qui
veulent nous rencontrer. Et là ce que vous nous créez, c'est que vous nous
créez une obligation supplémentaire nous disant
que nous ne pourrions pas refuser quelqu'un pour un motif religieux parce que
nous sommes en désaccord avec ses pratiques
extrémistes qui sont contraires à nos valeurs. Et là je ne vous suis pas et je
dis non. J'ai une liberté d'expression en tant qu'élue et j'ai le droit de refuser quelqu'un qui n'adhère pas aux
valeurs québécoises. Et, pour moi, c'est extrêmement important.
Donc, pour ce qui est
du mot «impartialité», j'aimerais qu'on puisse vérifier l'obligation
d'impartialité. Ma compréhension, et je vous
dis qu'on n'est pas d'accord ici, il n'y a pas cette obligation d'impartialité
de par la tâche même de nos
fonctions. Nous devons trancher, nous devons choisir, et ça ne fait pas, des
fois, l'affaire de tous. Des fois, il y a des groupes de lobby, de
pression qui veulent nous voir, faire de la pression sur nous pour différents
sujets. Prenons peut-être des groupes
d'extrême droite, tiens, je refuse de les rencontrer. Est-ce que je suis
illégale à leur égard parce que je suis impartiale?
Le Président (M. Ouellette) : Non. J'ai l'impression, Mme la députée de
Montarville, qu'on revient un peu dans l'amendement
à 0.1°, et, ma compréhension, de permettre un débat sur l'article 3,
c'était pour toucher les autres paragraphes de l'article 3 s'il y
avait une certaine clarté à demander par rapport à 2°, 3°, 4°, 5°, 6° et 7°.
Parce que votre propos s'inscrit très bien dans l'étude que nous venons de
suspendre, à 0.1°, et dont vous pourrez reprendre, que ce soit en sous-amendement, quand il reviendra à l'ordre du
jour. Ça fait que je vous demanderais, si vous avez d'autres
commentaires à l'article 3, avant que je le suspende, mais touchant tout
autre chose que les députés, de me le mentionner.
Mme Roy :
Je vous remercie pour la précision, M. le Président. C'est justement parce que
c'est une précision que j'ai demandée
à Mme la ministre pour qu'on puisse traiter éventuellement... qu'elle nous dise
où elle prend cette obligation d'impartialité,
tout simplement, puisque nous allons y revenir et que je ne suis pas d'accord
avec la lecture qu'elle fait, l'interprétation qu'elle fait à cet
égard-là. Je pense que c'est important de le souligner à cette étape-ci. Alors,
voilà. Ça va clore...
Le Président (M. Ouellette) : ...commentaire, Mme la députée de Montarville. M.
le député de Gouin, est-ce qu'il y a un autre commentaire que vous
voulez rajouter à l'article 3? Donc, de consentement, nous allons
suspendre l'étude de l'article 3. J'ai votre consentement, merci.
Article 4. Mme
la ministre, pour lecture.
Mme Vallée :
Oui. Il y a un amendement qui est présenté...
Le Président
(M. Ouellette) : ...mais je veux...
Mme Vallée :
Oui, oui, mais je voulais simplement rappeler, pour le bénéfice des gens qui
n'ont pas le cahier devant leurs yeux, qu'il y a un amendement à
l'article 4.
Je vais lire
l'article 4, tel qu'il a été initialement présenté : «Devoir des
membres du personnel des organismes publics.
«4.
Un membre du personnel d'un organisme public doit faire preuve de neutralité
religieuse dans l'exercice de ses fonctions.
«Il doit
veiller à ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de
l'appartenance ou non de cette dernière à une religion.»
Le Président (M. Ouellette) :
Votre commentaire.
Mme Vallée :
Alors, c'est un article qui impose l'obligation à un membre du personnel d'un
organisme public de faire preuve,
dans l'exercice de ses fonctions, de neutralité religieuse. Donc, ça veut dire
que la personne doit exercer ses fonctions
avec toute l'objectivité nécessaire et indépendamment de ses opinions, de ses
propres opinions et croyances en matière religieuse ainsi que de celles
de la personne à qui est rendu un service public.
Le Président (M. Ouellette) :
Vous allez nous proposer un amendement.
Mme Vallée : Et en fait
je veux simplement, oui, vous présenter un amendement qui se lit comme
suit : «4. Le respect du principe de la neutralité religieuse de l'État...»
En fait : Remplacer l'article 4 par le suivant :
«4. Le respect du principe de la neutralité [...]
de l'État comprend notamment le devoir pour les membres du personnel des organismes publics d'agir, dans
l'exercice de leurs fonctions, de façon à ne pas favoriser ni défavoriser
une personne en raison de l'appartenance ou
non de cette dernière à une religion, ni en raison de leurs propres
convictions ou croyances religieuses ou de celles d'une personne en autorité.»
Bien, en
fait, c'est un libellé qui est présenté et qui vise... préciser... parce qu'on
ne retrouvait pas, dans le libellé initial,
la référence à leurs propres croyances religieuses ou celles d'une personne en
autorité. Donc, ça vient indiquer que, dans
le fond, la prestation de services ne doit pas être teintée par une pression
faite par la personne en autorité fondée sur des valeurs religieuses ou une absence de valeurs religieuses qui
viendraient teinter la prestation de services. Donc, c'est vraiment un devoir d'équité à l'égard des
citoyens, un devoir d'équité quant à la prestation de services qui est
rendue, indépendamment de l'appartenance ou
de la croyance, de la non-croyance, donc en tout respect de la liberté de
religion.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Taschereau, je ne veux pas vous faire
commencer vos commentaires alors
qu'il nous reste 1 min 30 s et que vous soyez obligée de me
recommencer ça à 3 heures. Donc, si vous n'avez pas d'objection... puis je ne voudrais pas vous couper votre
inspiration, parce que nous terminerons dans 90 secondes.
Donc, nous
allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, où nous allons poursuivre
notre mandat dans cette même salle. Et nous pourrons entendre d'un seul
jet vos commentaires, Mme la députée de Taschereau.
(Suspension de la séance à 12 h 28)
(Reprise à 14 h 8)
Le
Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
des institutions reprend ses travaux.
Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
Je vous rappelle que la commission est réunie
afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse
de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements
religieux dans certains organismes.
Document déposé
Avant de
débuter nos travaux, je dépose sur le site de la commission une lettre reçue il
y a quelques minutes de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes
en réaction à la lettre qui avait été déposée ce matin, des organismes
communautaires, à preuve que plusieurs citoyens sont intéressés par l'étude du
projet de loi n° 62 et qu'ils suivent nos
travaux. D'ailleurs, on les encourage à nous écrire pour alimenter le travail
des parlementaires, pour qu'on puisse être en mesure de faire la
meilleure loi possible, comme dans tous les travaux que nous faisons jusqu'à
date.
Avant la
suspension de ce matin, nous en étions... Mme la ministre venait de nous lire
l'article 4 parce que nous avions suspendu l'étude de
l'amendement 0.1° de l'article 3 et nous avions aussi suspendu
l'article 3. La lecture de l'article 4 et de l'amendement de la
ministre avait été faite. Et la présidence avait suspendu, vu le peu de temps,
pour permettre à Mme la députée Taschereau
de ne pas commencer son intervention, qui aurait été interrompue
90 secondes plus tard.
• (14 h 10) •
On m'informe que Mme la députée de Taschereau
aurait une motion à nous présenter à ce stade-ci. Je vous écoute, Mme la
députée de Taschereau.
Motion d'ajournement
des travaux
Mme
Maltais :
Oui, M. le Président. Écoutez, on vient de voir, à l'article 3, à quel
point le projet de loi avait besoin d'être
étudié en profondeur. Et on sait que s'en viennent devant nous les articles qui
concernent le visage découvert. Hier, le maire Labeaume a fait une sortie générale
demandant à la société québécoise d'avoir des règles claires et d'agir sur le visage couvert ou découvert dans l'espace
public. Nous pensons, au Parti
québécois, que c'est une réflexion
qui est entamée déjà par
le projet de loi n° 62 puisque déjà le visage couvert et le
visage découvert vont être balisés par cette loi. Nous pensons qu'il faudrait prendre une pause puis
étudier sérieusement jusqu'où nous voulons aller soit dans cette
loi soit dans des amendements qu'il pourrait y avoir. Alors, conformément à
l'article 65, comme j'en ai le droit, je demande qu'il y ait un
ajournement des travaux, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : L'article 165?
Mme
Maltais :
165.
Le Président (M.
Ouellette) : Bon, une demande est faite en vertu de
l'article 165. Pour le bénéfice des parlementaires,
c'est une motion qui est déposée par Mme
la députée de Taschereau, qui doit être mise aux voix par la suite, sans amendement, et qui ne peut être faite qu'une fois au cours
d'une séance, sauf par le président ou un ministre membre de la commission. Elle ne peut être débattue,
sauf qu'un représentant de chaque groupe parlementaire peut prononcer un
discours de 10 minutes.
Pour
le bénéfice de notre collègue de Gouin, il y a une décision qui a été rendue en 1992 qui nous
informe qu'un député indépendant peut
présenter une motion d'ajournement mais n'a pas droit de parole sur cette
motion parce qu'il n'est pas
membre d'un groupe parlementaire reconnu.
Donc,
pour les besoins de la motion, en vertu de l'article 165, Mme la députée
de Taschereau débutera, vous aurez 10 minutes, suivi... Ne bougez
pas, je vous reviens, M. le député de Gouin. Mme la députée de Taschereau
débutera, suivie de Mme la députée de Montarville. Et, du côté ministériel, ce
sera Mme la députée de Verdun? Non, ce sera M. le député de La Prairie.
Je vous écoute...
Une voix :
...
Le Président (M.
Ouellette) : Ça va être Mme la ministre? Ah! excusez-moi.
M. le député de
Gouin, vous aviez une intervention?
M.
Nadeau-Dubois : Je demande le consentement des membres de la
commission pour pouvoir intervenir sur la motion d'ajournement.
Le Président (M. Ouellette) : Bon, est-ce qu'il y a consentement de la part des
membres de la commission à ce que M. le député de Gouin puisse
intervenir? Il y a consentement.
Donc,
nous débutons par... Vous interviendrez, vous aurez 10 minutes, M. le
député de Gouin. Mme la députée de Taschereau.
Mme Agnès Maltais
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Écoutez, nous avons
vraiment travaillé à l'avancement des travaux, les questions que nous avons posées à chaque fois se
sont avérées pertinentes. Mais plus on avance dans les travaux, plus on
réalise à quel point ce projet de loi mérite plus d'attention et plus
d'éclaircissements.
Cette
loi touche au visage découvert, cette loi va baliser la possibilité d'avoir un
visage couvert ou découvert, selon les
circonstances, pour les services qui sont donnés ou reçus de l'État, cette loi...
Quand on est arrivés à des discussions sur la Société des transports de
Montréal, les explications de la ministre quant à la portée de la loi ont été,
à mon avis, insatisfaisantes. Nous avons eu,
je pense... C'est là qu'on a réalisé à quel point la portée de la loi ne
semblait pas solidement comprise par les intervenants gouvernementaux.
Hier,
le maire de Québec, M. Labeaume, a fait un appel à la clarté aux hommes et
femmes politiques en leur disant : Il faut qu'on institue des choses claires, les gens sont en train de
virer à droite — je vais
prendre l'expression — on voit une montée de
l'extrême droite parce que les balises qui concernent le phénomène religieux ou
le visage découvert ne sont pas assez claires. Puis il faisait
référence, entre autres, aux événements de la fin de semaine, où on a eu face à
face un mouvement d'extrême droite,
La Meute, qui va grandissant et qui en est rendue à parler contre
l'immigration, et on a eu en face un
groupe d'extrême gauche qu'on va
appeler le Black Bloc, qui fonctionnait à visage couvert dans une
manifestation.
D'autres pays se sont
penchés sur ces situations et ont légiféré sur le visage découvert, l'obligation
de visage découvert. Des pays ont pris des obligations partielles, tous des
pays démocratiques, je pense à l'Allemagne, je pense au Maroc. J'ai la liste ici : Allemagne, Maroc, Norvège, Pays-Bas.
Il y a des obligations partielles... interdiction partielle du voile intégral. C'est le cas du Québec à
travers le projet de loi n° 62. Nous assistons, avec l'étude de ce projet de loi là, à l'étude d'une interdiction partielle du visage découvert, y compris
jusque dans les prestations de service des transports. On verra jusqu'où ça va, on est en train de le faire,
on est en train d'interdire de façon partielle, mais l'explication de ce
que ça va donner comme impact est très confuse.
L'autre chose, il y a
d'autres pays qui ont interdit le voile intégral dans l'espace public de façon
très claire : la France, la Belgique,
la Suisse, l'Afrique de l'Ouest, le Cameroun, la Bulgarie, l'Autriche. Ce sont
des démocraties. Ce sont des
démocraties, pour la plupart, de très haut niveau : Belgique, France,
Suisse, Autriche. Alors, ces démocraties ont légiféré. Nous sommes en
train de le faire, nous aussi.
La proposition
d'ajournement des travaux n'est pas à l'effet de ne pas adopter ou de ne pas
voter le projet de loi n° 62. Je pense
qu'il est possible tout à fait de passer au travers cet automne si on s'explique
bien les choses, puis si on comprend bien les impacts de la loi, puis
s'ils se réduisent à l'intention gouvernementale. Maintenant, est-ce qu'on pourrait ajourner pour entendre des gens qui ont
vécu cette expérience et qui peuvent nous expliquer quelles sont les
balises qu'on introduit dans une démocratie?
Quelles balises ont été introduites en France? Comment ça a marché?
Comment c'est appliqué? En Allemagne, comment c'est appliqué? Quelles sont les
sanctions? Quelles sont... C'est important.
Et l'appel du
maire Labeaume, c'est : Si vous ne gérez pas ça, vous laissez aux
extrémistes, au radicalisme des germes
de croissance, vous les laisser croître. Je rappellerai que, depuis 2007,
commission Bouchard-Taylor, nous n'avons pas réussi à trouver de terrain d'entente. On est encore en train de
chercher ce terrain d'entente puis on travaille de façon constructive
sur le projet de loi n° 62, tout le monde l'a vu. Maintenant, je pense
que, devant cette inquiétude d'une partie
des Québécois et Québécoises... Parce que moi, je pense qu'ils sont inquiets,
ils sont inquiets, et peu importe d'où c'est
venu. Ça fait depuis Bouchard-Taylor, depuis 10 ans, ils demandent des
réponses à leurs inquiétudes. On n'a pas trouvé de réponse à leurs inquiétudes. Et, quand on étudie le projet de
loi n° 62, actuellement, moi, je crois qu'on n'a pas encore la
réponse à leurs inquiétudes. Ce que j'ai entendu n'est pas, jusqu'ici, une
réponse aux inquiétudes.
Alors,
l'idée, c'est d'ajourner, d'entendre soit des gens de ces pays, c'est
possible d'entendre des gens qui représentent la France ou la Belgique, le Cameroun, c'est possible, soit d'entendre
des experts qui viendront nous donner une opinion sur ce qui s'est
passé, factuelle, pas une opinion politique, une opinion factuelle sur
l'applicabilité de ces mesures.
Ce qui est
intéressant aussi, c'est que, dans la liste des pays que j'ai nommés, il y a
des pays nordiques. Parce que l'autre
difficulté qu'on a, c'est qu'en pays nordique il y a des moments où on veut se
couvrir le visage. Bien, l'Autriche, la Suisse, une certaine partie de la France vivent cela aussi. La Norvège,
la Norvège, c'est un pays qui est social-démocrate reconnu, la Norvège,
qui est aussi un pays de neige et d'hiver. Bien, ils ont, eux, trouvé le moyen
d'appliquer ça.
• (14 h 20) •
Alors, la
demande que je fais, c'est : Pouvons-nous prendre une pause? On est déjà
obligés d'en prendre une, là, pour
l'article 3 parce qu'il faut consulter nos caucus, parce qu'on le voit, on
touche à la conduite des députés. On va bientôt entrer dans la partie visage découvert, interdiction partielle d'avoir
un visage couvert dans la société québécoise; pas dans l'espace public au complet mais assez large. Quand
on parle de prestation de services de transport, est-ce que c'est toute
la grandeur du trajet ou c'est juste l'entrée dans le service de transport?
Moi, je pense qu'une prestation de services, ça va jusqu'à la fin, donc jusqu'à temps que tu débarques de l'autobus.
Vous voyez dans quoi on s'en va, là. C'est là qu'on s'en va. La discussion va être là-dessus :
Quand est-ce que ça commence? Quand est-ce que
ça finit? Bien, les Québécois, ils veulent qu'on soit clairs sur quand est-ce
que ça commence et quand est-ce que ça finit. C'est juste ça.
Alors, moi,
j'ai bien entendu le message du maire Labeaume. Nous, on pense, au Parti québécois, qu'il a raison de dire qu'il y a
des choses qui inquiètent les
Québécois et Québécoises et que la
montée de l'extrême droite est nourrie par cette inquiétude, elle est nourrie, et ça, c'est sérieux, c'est vrai.
Hier soir, j'étais avec des gens de gauche, je n'étais pas dans la crème de droite, je dirais que j'étais dans la
crème de gauche, et ils étaient unanimes à dire que le maire a
raison. C'était l'unanimité, dans le groupe où j'étais, pour dire : Il a
raison, on est en train de nourrir l'extrême droite par l'inquiétude via
notre incapacité à régler le problème du visage découvert sur la... y compris
les cagoules, là, comprenez bien, là, je suis aussi dans les cagoules dans les
manifestations, et tout ça.
Alors, proposition : On ajourne la commission, on
entend soit des experts soit des gens de ces communautés, puis on continue les travaux. Ça se fait, ça s'est déjà
fait. On me dit qu'à la Commission de la santé et services sociaux, à un
moment donné, ils ont interrompu une commission puis ils ont entendu la FMOQ,
la Fédération des médecins omnipraticiens,
pour clarifier une entente, puis après ça les travaux ont continué. Je suis
dans le même esprit. Le Parti québécois ne veut pas être en obstruction
ou en blocage. On n'est pas en mesure, à l'Assemblée nationale, d'ailleurs, de prolongation. D'ailleurs, on ne l'a pas fait,
si vous avez remarqué, à l'Assemblée nationale. Il n'y a pas eu de
motion de scission, de report. C'est vraiment pour éclairer non seulement les
parlementaires, pour éclairer les Québécois et Québécoises, puis qu'on pose le meilleur geste, un geste responsable. Ce serait responsable que de dire : Nous
avons besoin de clarifications. Je trouve ça extrêmement important à ce
stade-ci.
Il s'agit donc, oui, d'une certaine réaction à
ce qu'a dit le maire Labeaume. Je dirais aussi, M. le Président, commentaire de législateur ici, que
c'est aussi une réaction à la façon dont se déroulent les travaux et à la façon
dont on n'arrive pas à s'entendre sur
la portée de certains articles du projet
de loi. Je pense que la société
y gagnerait qu'on prenne cette pause,
qu'on aille chercher des avis d'experts et qu'on discute sérieusement de jusqu'où devrait-on étendre la portée du projet de
loi n° 62. Peut-être devrait-on aller vers l'espace public, je ne le sais
pas, mais je sais que j'aurais besoin d'experts pour l'entendre et le
comprendre. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la députée de Taschereau. Mme la députée de Montarville.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy :
Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je vais annoncer mes couleurs. Je suis
tout à fait d'accord avec le fait
qu'on puisse entendre d'autres personnes. Mme la ministre nous l'a dit.
D'ailleurs, elle a déposé ses amendements il y a deux semaines par souci justement d'information, pour qu'on soit
informés. On a encore des caucus à
rencontrer, qui vont commencer sous peu. Et force est de constater, à la
lecture des amendements, qu'on en apprend beaucoup ce matin et qu'à la lumière des explications qu'ils nous ont données, au
lieu de nous éclairer, je pense que ça ouvre la porte à beaucoup de
controverse, d'interprétations différentes. On se pose des questions à l'égard
de l'application du projet de loi.
Je
n'ai qu'à penser à l'article 3, dont nous avons débattu pendant plus
d'une heure ce matin. Personnellement, j'y apprends des choses qui
m'inquiètent. On saura ultérieurement dans quelle mesure ça s'appliquera. On
sait qu'à la lumière des explications que Mme la ministre nous a données elle souhaite soumettre les élus de l'Assemblée nationale au projet
de loi n° 62, qui, je le
rappelle pour les gens qui nous écoutent, est le projet de loi sur la neutralité
religieuse de l'État et également
encadrant les accommodements religieux. Et, lorsque questionné, on y
apprend qu'on ne doit pas avantager ni désavantager quelqu'un compte
tenu de sa religion, lorsqu'un fonctionnaire prend une décision, et on assimile
les élus de l'Assemblée nationale à ces
fonctionnaires, et je considère que
c'est une erreur dans la mesure où on va jusqu'à dire que... Et la ministre, je lui ai posé la question deux fois, trois fois,
les collègues également, nous dit
qu'un élu, un député... Par exemple,
chez moi, dans mon bureau, à Boucherville, je ne pourrais pas refuser de recevoir une personne qui est un religieux radical extrémiste, par exemple, je ne pourrais pas refuser de le recevoir parce que
je suis en désaccord avec ses valeurs et ce qu'il prône, et que je
pourrais m'ouvrir à des sanctions, du moins une plainte ou un blâme, et, Mme la
ministre est allée jusqu'à dire, en vertu, entre autres, de notre code de
déontologie des élus. Alors, moi, ça m'inquiète énormément, me faire dire ça. Et c'est ce qu'elle nous a dit, j'invite
les gens à réécouter l'enregistrement, on va plus loin que ça, Mme
la ministre nous dit que nous avons,
en tant qu'élus, une obligation d'impartialité en vertu de l'article 6
de notre code de déontologie. Je lui dis avec tout respect que je n'ai pas du
tout cette lecture, que nous n'avons pas cette obligation. Nous devons agir de façon équitable, juste, respectueuse,
mais l'impartialité, bien, ça n'existe pas, parce que nous sommes des élus, nous prenons des décisions, nous
tranchons, nous choisissons, nous faisons des choix, et, à partir du moment où on a le courage de faire des
choix, ça ne fait pas l'affaire de tout
le monde. Et, pour ces raisons,
moi, j'ai trouvé extrêmement inquiétants, ce matin, les propos de la ministre à l'effet que nous
pourrions nous exposer à une plainte pour ne pas recevoir un extrémiste
religieux dans nos bureaux.
Et, comme je l'avais dit, d'ailleurs, lors de l'amendement
qui a été adopté par la partie gouvernementale de l'article 1... Je vous ramène à la semaine dernière.
L'article 1 a été modifié d'une façon incroyable. L'article 1
d'un projet de loi, pour les gens qui nous écoutent, il faut que
vous compreniez que l'article 1, c'est l'objet de la loi, ce dont la loi
va traiter. Et on vient d'ouvrir la porte,
avec l'amendement qui a été adopté, qui nous a été
présenté, à plus de religieux dans l'État, et, moi, ça m'inquiète, parce que ce nouvel article 1, il nous dit
qu'il garantit la liberté de religion aux membres du personnel des organismes
publics, que son objet, c'est
d'assurer cette liberté de religion des membres du personnel. Moi, je
croyais que l'objet, c'était, eh oui, la laïcité,
bien naïvement, mais surtout la neutralité, qu'on sorte le religieux de l'État, alors que, non, au contraire, on
vient dire qu'on veut assurer la liberté de religion. Ça, pour moi, ça semble
être une valorisation du religieux dans l'État.
Les grands juristes sauront nous le dire. Donc, ça, c'est pour l'article 1.
Donc, on vient, là, d'ouvrir à davantage de religieux avec l'article 1.
Article 3, on nous dit que les élus de l'Assemblée
nationale ne pourraient pas refuser de recevoir quelqu'un, même un radical extrémiste qui a des valeurs
diamétralement opposées aux nôtres, qui ne croit pas à l'égalité entre
les hommes et les femmes, parce que
je pourrais être, en quelque sorte, blâmée, poursuivie. Et je demandais à la
ministre... Je comprends qu'il y a
la Commission des droits de la
personne qui sera là pour faire respecter le projet de loi n° 62. Je
lui ai demandé : Mais qui jugera? Elle
nous dit : Également le commissaire à la déontologie. Très inquiétant. On
vient s'immiscer dans le travail des élus, qui n'est pas un travail, qui
est un mandat, un mandat de représentation. Moi, je suis là, M. le Président, pour parler au nom de mes citoyens et
puis dire au gouvernement ce que mes citoyens pensent, et mes citoyens,
à Boucherville et à Saint-Bruno, s'il y a
une chose qu'ils ne veulent pas, c'est plus de religieux dans l'État. Et je
pense que, tous les gens qui nous
écoutent, c'est quelque chose qu'ils ne veulent pas. Ils se souviennent, au
Québec, des autres années où le religieux était extrêmement présent. On
n'a qu'à penser à... Je me souviens encore d'une dame qui me disait, naturellement, que les prêtres géraient la
famille, là, et, si vous ne faisiez pas tant d'enfants, vous étiez en défaut.
Donc, les Québécoises et les Québécois ont vécu cette oppression du religieux
sur leur vie et avec une complicité de l'État à l'époque. Il ne faut pas oublier que le religieux était très présent
dans l'État, et nous en sommes sortis, bonne chose, mais les gens nous
disent : Attention, là, il ne faut pas que le religieux redevienne
important. Et ça m'inquiète avec l'article 3.
Et la
suggestion de la collègue de l'opposition officielle de faire revenir plusieurs
personnes... On a pu constater juste
entre nous que ce n'est pas clair, les définitions, que ce n'est pas clair et
limpide. J'ai demandé trois fois ce matin à la ministre de la Justice si elle voulait inclure dans son projet de loi
une définition de «neutralité religieuse», je n'ai pas eu de réponse. Je lui ai demandé trois fois si elle
voulait inclure dans son projet de loi, ce matin, une définition de qu'est-ce
qui est religieux. Qu'est-ce qu'est une
religion? On connaît les trois grandes religions monothéistes, soit, mais un
collègue faisait remarquer à juste titre, et je l'avais fait remarquer
l'année dernière également, qu'il y a plus de 1 500 corporations religieuses qui sont inscrites actuellement auprès
du ministère des Finances au fédéral. Alors, est-ce que tous ces groupes
religieux, ces corporations religieuses seront soumises et auront ce droit
accru que leur donnerait l'article 3 face au travail des élus?
• (14 h 30) •
Et Mme la
ministre nous disait la semaine dernière que d'inclure le mot «laïcité»... J'ai
tenté de faire inclure à l'article 1
de ce projet de loi que l'État québécois est laïque, Mme la ministre a refusé.
Nous avons eu un vote, quatre contre quatre, le gouvernement l'a
emporté, donc cet amendement-là a été rejeté. Mais je vous invite à faire
l'exercice et j'invite les gens de la partie gouvernementale à demander à leurs
citoyens qu'est-ce que c'est, «laïque», et qu'est-ce que c'est... — c'est
une invitation, Mme la députée — qu'est-ce que c'est, «laïque», et qu'est-ce
que c'est que la neutralité religieuse
de l'État. Hier, je l'ai fait, j'étais avec des gens, et autant de personnes,
autant de définitions différentes. Donc, j'ai demandé à Mme la ministre : Allons-nous avoir, dans sa loi, des
définitions? Je n'ai pas eu de réponse, je n'ai pas eu de réponse ce
matin, j'espère en avoir une incessamment, sous peu.
Par ailleurs,
puisqu'on parle de ce projet de loi. Lorsqu'il y a un projet de loi, il y a
l'article 1 que je vous disais que c'était l'objet, c'est extrêmement important, et la laïcité n'y apparaît
pas, n'y apparaîtra pas. Il y a également, lorsqu'on trace une loi, que l'on veut que les gens se
soumettent à une réalité... il y a aussi un chapitre qui s'appelle Sanctions
dans une loi. Ça n'apparaît pas. Alors,
quelles seront les conséquences d'une personne qui ne voudra pas respecter la
neutralité religieuse de l'État, autant un
fonctionnaire qu'une personne, qu'un contribuable, quelles seront les
conséquences? Je les ignore. Alors, un projet de loi sans sanction au
chapitre Sanctions, c'est un avis d'intention. Alors, on peut se poser beaucoup
de questions sur la pertinence de ce projet de loi.
Et je le répète,
j'ai demandé trois fois : Aurons-nous des définitions? Et je pense que les
gens qui nous écoutent auraient tout
avantage à avoir une définition de ce qu'est «neutralité religieuse» et tout
avantage à avoir une définition de ce qu'est
la laïcité. Nous ne les avons pas pour le moment. Et j'ajouterais à ma question
de ce matin : Qu'est-ce qu'on entend par «religieux», «religion», hein? On ne doit pas être influencé... le
religieux ne doit pas nous influencer dans nos décisions, et nous étant
des fonctionnaires, et aux... nous assimilons les élus à des fonctionnaires.
Qu'est-ce que c'est que le religieux? Ça commence où et ça finit où?
M. le Président me fait signe qu'il me reste à
peine une minute. Alors, ce que je constate, c'est qu'au lieu de clarifier les choses il semble que les amendements
déposés ce matin soulèvent plus de questions qu'ils ne solutionnent le problème. Et ça peut déplaire à certains collègues
d'en face, mais il va falloir avoir ces réponses. Et c'est la raison
pour laquelle — je sais qu'il me reste très, très peu de temps — j'aimerais
vous rappeler que nous avons proposé de... tous les parlementaires ici, d'ailleurs, ont accepté
Bouchard-Taylor, en termes de compromis, pour régler cette question une
fois pour toutes, et que ça a été rejeté,
tout comme, la laïcité de l'État, qu'elle soit édictée a été rejeté, la semaine
dernière, par la partie gouvernementale. Alors, nous sommes d'accord pour la
motion de la collègue de... la députée de Taschereau.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Montarville. En clôture de la motion
d'ajournement de l'article 165 du règlement, Mme la ministre.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée :
Je n'ai qu'un mot : Incroyable! Après tout ce temps, après tout ce temps,
de demander, de la part... cette demande de suspendre ce projet de loi,
encore une fois, c'est incroyable.
Je vais vous
citer quelqu'un : «Je ne peux pas cautionner qu'on fasse peur aux
Québécois pour gagner des votes, a dénoncé
la députée de Taschereau. Je ne peux pas faire croire à des Québécois qu'il y a
des terroristes qui se cachent en dessous
des burqas et que, pour ça, on doit légiférer et augmenter la présence
policière.» C'était dans un contexte où notre collègue la députée de Taschereau... Et on était l'an passé, le
16 septembre 2016, dans le cadre de la course à la chefferie,
et le titre de l'article s'intitule Voile
intégral — et là il
faut lire le nom de famille du chef de l'opposition — tente de faire «peur» aux
Québécois, ditla députée de Taschereau. Alors, l'article se lit
comme suit : «[Le chef de l'opposition] tente
de mousser sa campagne à la direction du Parti québécois en faisant peur aux
Québécois, a dénoncé [la députée de Taschereau],
après que le député de Rosemont eut ouvert la porte à bannir le voile intégral
dans l'espace public.» Il y a à peu près un an jour pour jour, on avait
une discussion sur le port du voile dans l'espace public.
M. le
Président, ce projet-là, là, ce n'est pas un projet qui vise à bannir le port
du voile dans l'espace public. Ce n'est pas un projet de loi sur la laïcité, c'est un projet de loi, et on l'a
toujours dit, toujours été très
clairs, qui vient déclarer la neutralité
religieuse de l'État, qui vient encadrer le tout, qui vient encadrer aussi ce
principe sur lequel nous nous entendons ici à l'effet que les services
publics sont offerts et reçus à visage découvert. Ça vient également encadrer
les demandes d'accommodement sur les motifs religieux.
On a des collègues,
de l'autre côté, qui ont voté sur ces principes-là, en faveur des
principes de ce projet de loi
là. La semaine dernière, on a adopté l'article 1, n'en déplaise à notre collègue
de Montarville, mais on l'a toujours bien adopté.
On a adopté l'article 2. On fait une discussion sur le préambule. En avril
2017, le Parti québécois demandait un projet de loi sur lequel... sur les
éléments qui faisaient consensus. Pourquoi? Parce que, on l'a vu, au niveau de formations politiques,
on a des formations politiques qui
souhaitent aller plus loin, qui souhaitent pousser plus loin cette question.
On l'a vu en 2013, on a eu un dépôt de
projet de loi par un collègue qui a déposé un projet de loi qui était, à notre avis, attentatoire des droits et libertés. Ce projet de loi là a fait
l'objet de discussions.
Nous sommes
revenus au pouvoir, nous avons déposé un projet de loi qui correspond davantage
et qui correspond à là où nous
sommes, c'est-à-dire respectueux des droits et libertés individuelles
des citoyens du Québec, un projet
de loi qui n'est pas surprenant. Et évidemment
nous avons déposé des amendements, la
semaine dernière, qui faisaient suite
aux consultations, qui faisaient suite aux échanges. C'est à ça
que sert le travail parlementaire. Je les ai déposés en bloc, M. le Président,
ces amendements-là, pour permettre aux collègues
d'en prendre connaissance, à l'ensemble des parlementaires d'en prendre connaissance. Il y a un préambule justement qui fera l'objet
d'un vote plus tard. Ça, c'est prévu par nos règles parlementaires. Mais on a quand même des rejets à ces règles-là et on a quand même
eu une discussion sur le préambule, sur la distinction entre l'État et
ses institutions du religieux.
On a suspendu
l'article 3, ce matin, parce que ma collègue
a dit : Je n'ai pas eu de discussion de caucus. J'ai accepté cette demande-là. Et d'autant, M. le Président, vous avez eu l'idée aussi de saisir le Commissaire à l'éthique, puisqu'il y avait une interprétation
tout à fait différente. Pour notre part, le Commissaire à l'éthique est le
forum tout à fait approprié pour les
questions qui touchent le comportement des élus. Puis là je ne veux pas entrer
dans l'interprétation qu'en fait
notre collègue de l'article 3 et de l'amendement à l'article 3, mais
je veux simplement rassurer et... En fait, je vais tout simplement la
rediriger vers les échanges que nous avons eus ce matin.
Maintenant, pour ce qui est des demandes du
maire de Québec, je vous rappellerais, M. le Président, que nous avons eu des consultations quand même... des
consultations particulières fort élargies : 51 mémoires, 38
groupes. Et nous avions invité l'UMQ, nous
avions invité la ville de Montréal, nous avions invité, si je ne m'abuse, la
ville de Québec. Ils ont fait le choix de ne pas
venir en commission parlementaire, c'est un choix, j'en conviens. Nous avons eu
des discussions par la suite. Je sais que ma collègue de Taschereau en a eu
puisque, dans les consultations, on nous disait qu'il était important que les
municipalités soient assujetties. D'ailleurs, notre collègue a déposé un
amendement.
• (14 h 40) •
Par contre, là, le maire de Québec nous
dit : On doit pousser plus loin la réflexion et on doit interdire le port du voile et la cagoule dans l'espace public. Il
faut éviter de faire un amalgame entre ce projet de loi là et les
événements de la semaine dernière, les
événements de dimanche dernier. Malheureusement, on avait des gens qui,
sciemment, avaient caché leurs
visages, portaient des lunettes, portaient des cagoules pour éviter d'être
identifiés alors qu'ils commettaient de la casse, alors qu'ils
commettaient des actes de violence. Ça, c'est une chose, mais ça n'a rien à
voir avec la neutralité religieuse de
l'État. C'est un enjeu de sécurité publique. Il y a actuellement un dossier
devant les tribunaux qui porte sur cette
question-là, suite à la décision rendue par la Cour supérieure, qui venait... qui a renversé le règlement
de la ville de Montréal.
Je vous rappelle... je vous dis un nom et vous comprendrez : le dossier
d'Anarchopanda. Je ne commenterai pas davantage, mais la décision... la
Cour d'appel sera appelée à se pencher sur la question le 11 septembre
prochain.
Alors, on
nous demande de faire un amalgame de tout ça dans le projet de loi n° 62. Je vous dis, M.
le Président, il n'a jamais été de
l'intention... il n'est pas du principe du projet de loi. Les amendements
déposés sont en lien avec le projet de loi et ses principes. Nous ne
souhaitons pas, une fois de plus, modifier une position. Peut-être que, dans
certaines formations politiques, on souhaite
ajuster notre position suivant la saveur du jour; ce n'est pas mon intention.
On a toujours été très clairs, très
fermes quant à là où nous logions dans cette question-là. Nous avons été
toujours très clairs à l'effet que nous
étions cohérents et que nous souhaitions avoir une législation qui était
respectueuse des droits et libertés individuelles. C'est ce que nous avons fait, c'est ce qui est
devant nous. Et, si nos collègues souhaitent aller plus loin, bien, ils le
feront dans le cadre de leurs plateformes
électorales, et ils consulteront les experts qu'ils souhaitent consulter dans
le cadre de leurs consultations, et ils pourront faire une proposition
lors de la prochaine campagne. Mais actuellement ce n'est pas là où nous
sommes, ce n'est pas l'esprit ni notre intention.
Donc, M. le Président, il n'y a aucun motif pour
suspendre nos travaux, il n'y a... pour ajourner nos travaux. Continuons le travail que nous avons commencé,
nous avons des éléments intéressants qui ont été soulevés, je pense
qu'on a des discussions tout à fait
respectueuses puis je pense qu'il est temps que nous traitions de ce dossier-là
et que nous en parlions. Ajourner, à
quelque part, c'est donner raison à M. Labeaume et c'est de dire :
Non, il n'y en a pas, de débat, puis il n'y en a pas, d'échange.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la ministre. Je vais mettre aux voix, maintenant, la motion
d'ajournement déposée par Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais : ...
Le Président (M. Ouellette) :
Oui, Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais : ...juste savoir,
est-ce que le député de Gouin va parler?
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de Gouin avait cette opportunité-là, M. le député de Gouin s'est
excusé de ne pas être présent pour intervenir sur la motion.
Mme Maltais :
...je comprends qu'on ne peut pas dire qu'un député est absent, mais, quand un
député est présent et qu'il a réclamé
le droit de parole, qu'on lui a accordé... Peut-être qu'il peut nous expliquer
pourquoi il ne veut pas s'exprimer sur le sujet. Parce qu'on a fait une
exception pour le plaisir de l'entendre là-dessus. Il doit sûrement avoir
une opinion ou bien... au moins nous dire
pourquoi il ne veut plus prendre la parole, alors qu'il nous a demandé de
prendre la parole.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de La Prairie.
M. Merlini :
M. le Président, je crois que tantôt vous avez été clair, lorsque la motion a
été présentée, l'ordre des interventions qui auraient lieu et au moment
où elles auraient lieu. Je pense que cet ordre doit être respecté. Mme la
ministre était la dernière à parler sur la motion présentée par la députée de
Taschereau dans ce que vous avez rendu comme décision, et je crois qu'on doit
la respecter.
Des voix : ...
Le Président (M. Ouellette) :
Je vais suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à 14 h 44)
(Reprise à 14 h 47)
Le Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Nous en sommes à l'étude d'une motion d'ajournement proposée par Mme la députée de Taschereau. Et, avant la suspension de quelques minutes, Mme la députée de Taschereau avait souligné la présence... ou avait
souligné l'intervention de M. le député de Gouin à cette motion d'ajournement. J'avais précisé... la présidence
avait précisé l'ordre d'intervention des différents partis pour cette motion,
et M. le député de Gouin a remercié la présidence et les membres de la commission
d'avoir donné leur consentement à ce qu'il puisse intervenir, mais, à ce
stade-ci, nous procéderons à la mise aux voix de l'ajournement de Mme la
députée de Taschereau.
Mise aux voix
Vous voulez procéder comment? Est-ce que vous
voulez procéder par appel... Le vote par appel nominal est demandé. M. le
secrétaire.
Le Secrétaire : Pour, contre,
abstention. Mme Maltais (Taschereau)?
Mme Maltais :
Pour.
Le Secrétaire : M. Kotto
(Bourget)?
M. Kotto : Pour.
Le Secrétaire : M. Bourcier
(Saint-Jérôme)?
M. Bourcier : Pour.
Le Secrétaire : Mme Roy
(Montarville)?
Mme Roy : Pour.
Le Secrétaire : Mme Vallée
(Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
Le Secrétaire : M. Merlini
(La Prairie)?
M. Merlini : Contre.
Le Secrétaire : Mme Melançon
(Verdun)?
Mme Melançon : Contre.
Le Secrétaire : M. Girard
(Trois-Rivières)?
M. Girard : Contre.
Le Secrétaire : M. Boucher
(Ungava)?
M. Boucher : Contre.
Le Secrétaire : M. le
Président?
Le Président (M. Ouellette) :
Je m'abstiens. Donc, la motion d'ajournement présentée par Mme la députée de Taschereau
est rejetée.
Étude détaillée (suite)
Nous revenons
à l'étude de l'article 4 du projet de loi, et, Mme la députée de Taschereau, c'est à vous la parole.
• (14 h 50) •
Mme Maltais :
Oui, M. le Président. Je veux simplement comprendre, à ce moment-là. Ceci dit,
je trouve dommage qu'on n'ait pas accepté
ça, je pense que ça aurait été intéressant pour tout le monde. Et vous
remarquerez que, dans mon débat, je n'ai porté d'intention à personne ni
fait d'accusation à personne. Quand je viens travailler ici, en commission parlementaire, j'ai en général le même
ton respectueux, sauf si... Mais, évidemment, quand on me cherche, on me trouve, c'est bien connu. Mais je pense qu'on
aurait pu sans aucun problème accepter cette proposition. Maintenant, la
commission en a décidé ainsi. D'accord.
Sur
l'amendement de l'article 4 qui a été déposé par la ministre, pourquoi...
Elle nous en a parlé il y a un bout de temps,
mais j'aimerais ça comprendre pourquoi elle a changé le libellé, parce que la
raison qu'elle vient de nous donner, c'est... Surtout la dernière partie, qui
dit : «...ni en raison de leurs propres convictions ou croyances
religieuses ou de celles d'une
personne en autorité.» Donc, elle ajoutait les croyances de la personne. Mais
ça aurait pu tout simplement s'ajouter, comme amendement, au deuxième
alinéa.
Alors, comme
on est sur l'amendement, on n'ira pas alinéa par alinéa encore, mais pourquoi
on n'a pas simplement gardé, là, déjà le libellé actuel et ajouté cette portion-là?
Je cherche vraiment la différence.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la ministre.
Mme Vallée : En fait, le
texte reprend les obligations prévues au texte original. On a assujetti... on a
prévu, précisé la portée de cette
obligation-là, notamment, et je pense que c'est à juste titre... En commission parlementaire, on a eu certaines représentations à
l'effet qu'il fallait s'assurer que le membre du personnel ne fasse pas l'objet
de pressions par son supérieur. Il ne
fallait pas qu'il soit influencé, dans sa prestation de services, par son
supérieur. Parfois, l'autorité peut
avoir une influence qui amène des individus à agir d'une certaine façon. Donc,
dans ce contexte-là, on a souhaité le préciser.
Et donc, honnêtement, M. le Président, pour ce qui est de la rédaction, vous
comprendrez que c'est une proposition de
rédaction qui était plus fluide, de la part des équipes, tout simplement, puisque, les obligations que l'on reconnaissait, que l'on retrouvait dans l'article 4,
on les retrouve dans l'amendement. Mais on a cet élément additionnel qui réfère à
la personne en autorité, et il y a également
la précision quant à la neutralité. Le concept de neutralité est beaucoup plus... est mieux défini dans l'article 4
qu'il ne l'était dans la mouture d'origine. Donc, suite aux commentaires reçus
de la part des différents groupes... Et là, là-dessus, on a, je vous dirais...
il y avait — un,
deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit — neuf
groupes ou individus qui ont formulé des commentaires à l'effet de préciser, de
clarifier, mieux définir la portée de
l'obligation. Alors, dans ce contexte-là... Et a été présenté comme proposition l'amendement que vous avez. Donc, on retrouve les
principes de 4, mais on a un élément additionnel.
Et il y a également
l'élément où, à la dernière phrase, juste avant la référence à la personne en
autorité, on fait référence... on indique que l'exercice... la
neutralité doit aussi être... s'impose aussi, peu importe l'appartenance du personnel, peu importe l'appartenance religieuse
ou la croyance religieuse du personnel. Parce que, lorsqu'on prend le
texte tel que rédigé à l'origine, il fallait déduire, dans le fond, que
l'employé d'un organisme ne devait pas favoriser ou défavoriser — c'était
une déduction, on se disait : Bien, ça va de soi — en
raison de ses propres croyances. Alors, ça allait de soi suivant une interprétation, mais ce n'était pas indiqué clairement.
Alors, compte tenu de certaines demandes de précision, on a souhaité
rédiger l'article 4 afin que ce soit très clair.
Donc,
lorsqu'on compare les deux textes, l'amendement est beaucoup plus précis et beaucoup plus... et plus
élaboré que le texte d'origine. Et le texte,
l'amendement précise aussi que la neutralité religieuse ne se
limite pas simplement au
comportement des employés de l'État, mais c'est aussi pour le gouvernement, qui
vient aussi respecter, à l'intérieur de ses politiques,
à l'intérieur de ses règles, cette neutralité. Donc, le mot «notamment»,
que l'on retrouve dans la première ligne, vient inclure l'ensemble de l'activité
gouvernementale.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Oui. C'est justement le «notamment» qui m'intéressait. Pourquoi on a utilisé le «notamment» à cet
endroit-là? Ça veut dire qu'il y a d'autres façons de respecter ce principe.
Mme Vallée : Tout à
fait. Il pourrait y avoir un décret gouvernemental qui pourrait être l'objet d'une décision. Ce n'est pas que le personnel de l'État, c'est aussi
façon dont on procède, les pratiques. Prenons, par exemple, le dossier
de la prière de Saguenay. Ce n'était pas le
personnel qui était visé, mais c'est une pratique qui avait lieu préalablement
à une séance du conseil. Et donc, en
raison de cette neutralité de l'État et des institutions, il a été décidé
que cette pratique-là venait porter atteinte à la liberté de conscience
des non-croyants qui participaient à ces séances.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la députée de Taschereau.
Mme Maltais : Il est reconnu
que — je
pense que c'est en Ontario — pour
respecter le principe de neutralité religieuse, contrairement au principe de
laïcité, qui ne comprendrait pas ça, là-bas... C'est en Ontario ou à Ottawa? Je
pense que c'est en Ontario. Ils font huit...
ils changent de prière religieuse, pour commencer leurs débats, huit fois,
une fois par jour, avec un cycle de huit
jours, parce qu'ils sont neutres. En étant neutres, ils ne prennent pas de
position, donc ils les prennent toutes. Vous comprenez? La neutralité,
c'est toutes les positions. Ce n'est pas une position de la laïcité, qui
dit : On ne prendra pas de prière. C'est une position de neutralité,
c'est : On peut prendre toutes les prières.
Je veux
savoir, parce que la ministre vient elle-même d'ouvrir une porte... Parce
qu'avant le respect de la neutralité religieuse,
c'était qu'un membre du personnel d'un organisme doit faire preuve de
neutralité religieuse. Là, maintenant, c'est :
«Le respect du principe de la neutralité religieuse de l'État comprend
notamment...» Donc là, on est en train non pas de toucher seulement aux façons de faire du personnel, on est en train
de s'adresser à l'État au complet, si je comprends bien. Donc, vous avez
bien dit : Ses règlements, ses usages?
• (15 heures) •
Mme Vallée :
En fait, le principe est assez clair, c'est que l'État, et puis les
institutions de l'État doivent, et puis la
Cour suprême le mentionne clairement... se doit d'agir pour assurer de
respecter la liberté de conscience puis la religion de chacune. Ce n'est
pas... Donc, tout le monde est sur le même pied d'égalité, c'est-à-dire qu'il
n'y a pas de favoritisme
à l'égard d'une personne ou d'un groupe. Il n'y a pas de favoritisme, par
exemple, à l'égard des non-croyants versus
les croyants, il n'y a pas de favoritisme à l'égard d'une communauté religieuse
ou d'une autre, et donc l'État doit donc
être neutre. C'est tout simplement de ne pas favoriser ou défavoriser quelqu'un
en raison de sa croyance religieuse.
Et ça, bien, ça se décline, dans l'appareil
gouvernemental, par les différentes politiques, les différentes interventions,
et ça se décline, quand vient le temps de
rendre un service à un citoyen, par la façon dont on va interagir avec eux.
Donc, l'obligation, ce respect-là et cette interaction-là entre les individus
qui travaillent au sein des organismes publics, les membres du personnel et le
public, bien, c'est d'assurer que le travail... dans l'exercice de leurs
fonctions, les gens vont mettre en
application ce principe de neutralité là. Et comment ils vont mettre en
application ce principe de neutralité là? Bien, c'est, eux-mêmes, en ne portant pas de jugement de valeur,
c'est-à-dire c'est en ne favorisant pas ou ne défavorisant pas. Un service va être rendu; la prestation sera
la même, peu importe la croyance religieuse, c'est tout simplement... ce
n'est vraiment pas plus compliqué que ça, puis peu importe la croyance
religieuse du citoyen qui demande la prestation de services, puis peu importe aussi la croyance religieuse de celui ou
celle qui rend le service, parce qu'on ne demande pas que... Les gens, les individus... L'État est
neutre, mais les individus qui agissent au sein de l'État, eux, ont leur
liberté de religion, leur liberté de
conscience, mais ils ne doivent pas teinter leurs actions à la lumière de leurs
propres croyances, tout simplement. Ils doivent agir en toute
impartialité à l'égard des gens qui sont devant eux.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
J'aurais juste une dernière petite question. Est-ce que l'État est laïque?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
L'État est neutre.
Mme
Maltais :
Est-ce que l'État est laïque? Il est soit neutre soit laïque.
Mme
Vallée : Non. La neutralité, et ça, on l'a mentionné, on en a
discuté, fait partie de la laïcité. Nous, on a fait un choix, M. le
Président. Dans ce projet de loi là, on utilise le terme «neutralité de l'État»
au sens des décisions de la Cour suprême.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, je suis d'accord avec la
ministre. Je ne lui demande pas d'inscrire... Bien, je lui ai demandé dans le préambule, ça, il y aura une
discussion là-dessus, la laïcité. Je lui demande, comme ministre de la
Justice, si, à son avis, l'État québécois est laïque.
Mme
Vallée : Bien, M. le Président, en toute amitié, là, on revient
à notre discussion de la semaine dernière sur la définition de laïcité. Au Québec, on a ce que l'on appelle une laïcité
ouverte. On n'est pas dans le cas de la laïcité fermée à l'européenne, où il n'y a pas d'expression, dans
l'espace public, d'expression religieuse. Alors, considérant la
confusion parfois dans l'utilisation du
terme «laïcité», la neutralité religieuse s'apparente davantage à la laïcité
ouverte. Alors, c'est un respect de la liberté de religion de tous et
chacun et de la liberté de croyance de tous et chacun. On n'impose pas une
homogénéisation de la société.
Donc,
on protège le droit de croire, de professer ouvertement ses croyances, de les
manifester, mais on protège aussi la
liberté de ne pas croire, puis celle aussi de manifester son incroyance, puis
le refus de se soumettre à une observance religieuse. C'est ça, la neutralité de l'État. Alors, chacun a sa place
et chacun est libre, à cet égard, de manifester sa croyance et sa religion, mais, à travers tout ça, l'État ne
prend pas parti, ne se positionne pas en faveur ou ne défavorise pas les
gens.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Simple commentaire : C'est dommage que la ministre
ne reconnaisse pas que l'État québécois est laïque et qu'elle a un
projet de loi sur la neutralité de l'État, là. Ça aurait été tout à fait
potentiel... Je comprends que, pour elle,
l'État québécois n'est pas laïque. Mais c'est tout. Moi, je suis en désaccord
avec sa définition et je pense que, l'État
québécois, toute l'évolution historique de l'État québécois nous a amenés à la
laïcité. Qu'on ne l'écrive pas dans cette loi, c'est dommage. On le fera
un jour, mais c'est un état de fait, et je trouve dommage qu'elle ne l'ait pas
reconnu aujourd'hui. C'était une belle occasion, ça aurait rassuré beaucoup de
monde, tout simplement.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre, est-ce qu'il y a un commentaire au
commentaire de Mme la députée de Taschereau?
Mme Vallée :
Vous savez, M. le Président, dans ce dossier-là, on peut jouer beaucoup sur les
termes, on peut utiliser différents termes,
mais, dans le contexte actuel, j'ai expliqué là où se situe l'État québécois, à
la différence, par exemple, de la
France, qui a une autre approche. Vous savez, lorsqu'on requiert que l'État
s'abstienne de prendre position et n'adhère
pas à une croyance ou à une non-croyance, bien, on vient protéger, là, les
libertés individuelles des citoyens. Lorsque
l'État impose une non-croyance, c'est une autre chose. Puis, la
semaine dernière je l'ai mentionné, considérant tout ça, nous, pour
nous, c'est important de parler de neutralité, et ça a toujours été aussi ce à
quoi on s'est engagés.
Le Président (M. Ouellette) : ...revenir à M. le député de Bourget, je vais
aller à Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy : Merci beaucoup, M. le Président. J'avais pris des notes, naturellement,
à la suite de cet amendement, et la
modification majeure que Mme la ministre apporte avec son article 4, à son
article 4, c'est qu'elle fait l'ajout du mot «notamment», et ce n'est pas anodin. Vous savez,
en droit, dans le cadre d'une loi, chaque mot compte. Il y a une loi qui
s'appelle la loi sur l'interprétation des lois qui nous apprend à comprendre ce
que chaque mot veut dire.
Dans
sa version initiale, l'article 4 nous disait : «Un membre du
personnel d'un organisme public doit faire preuve de neutralité
religieuse dans l'exercice de ses fonctions.
«Il
doit veiller à ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de
l'appartenance ou non de cette dernière à une religion.» C'était
l'article original.
L'amendement
nous dit : «Le respect du principe de la neutralité religieuse de l'État
comprend notamment le devoir pour les
membres du personnel des organismes publics d'agir, dans l'exercice de leurs
fonctions, de façon à ne pas favoriser ni défavoriser...» Alors, on
reprend les mêmes termes.
«Le respect du
principe de la neutralité religieuse de l'État comprend notamment...» Alors, il
comprend quoi d'autre, Mme la ministre? On ouvre la porte ici, M. le Président...
Mme
Vallée : ...question que notre collègue de Taschereau a posée,
que veut dire le «notamment», mais c'est... En fait, je vais expliquer à notre collègue pourquoi nous avons utilisé le
«notamment», parce que les juristes qui rédigent nos lois, nos légistes,
utilisent... chaque mot est utilisé... a sa raison d'être, et le «notamment»
permet d'adapter le texte à l'évolution,
évidemment, de la jurisprudence future sans nécessairement venir à chaque fois
modifier la loi. Donc, dans le «notamment»,
on pense notamment aux programmes, aux règles, aux politiques de l'État, parce
qu'en fait l'objectif de la neutralité...
Puis, comme on le voit, puis je vous réfère au paragraphe 76 de la
décision de la Cour suprême, Mouvement laïque, on
mentionne : «En raison de l'obligation qu'il a de protéger la liberté de
conscience et de religion de chacun, l'État ne peut utiliser ses
pouvoirs d'une manière qui favoriserait la participation de certains croyants
ou incroyants à la vie publique au détriment
des autres. [...]Il lui est interdit d'adhérer à une religion à l'exclusion des
autres. L'article 3 de la charte
québécoise lui impose l'obligation de demeurer neutre sur ce plan. L'obligation
de neutralité de l'État est devenue aujourd'hui une conséquence
nécessaire de la consécration de la liberté de conscience et de religion dans
la charte canadienne ou dans la charte québécoise.
«Par conséquent, le
tribunal a correctement décidé en statuant qu'en raison de son obligation de
neutralité une autorité étatique ne peut
instrumentaliser ses pouvoirs afin de promouvoir ou d'imposer une croyance
religieuse. Pour sa part, tout en étant conscient de ces enseignements...»
Oui,
c'est ça, en fait, ce serait contraire au devoir de l'État relativement à la
préservation de son histoire, dont son héritage
multiconfessionnel. Bien là, on part dans une... Je suis allée un petit peu
trop loin dans ma lecture, parce que, là, on sort un petit peu du contexte, mais c'est ça qui est important, c'est
que l'État ne peut pas utiliser ses pouvoirs pour favoriser ou défavoriser ou pour imposer, par exemple, une
absence de croyance, pour imposer une aseptisation de la société et
dire : Bien, finalement, seul un non-croyant va se retrouver dans l'État
québécois.
Alors, le «notamment» permet d'englober les
politiques, les différentes mesures, les différentes sphères d'intervention,
mais on prévoit aussi... Et ça, c'est
important puisque l'État en soi, les institutions sont neutres, mais, comme,
évidemment, l'État ne peut fonctionner sans
ceux et celles qui y oeuvrent au quotidien, ceux et celles qui y travaillent,
il est important aussi d'expliquer
que ceux et celles qui oeuvrent, dans leurs comportements dans le cadre de
leurs fonctions, doivent aussi faire preuve de neutralité. Et cette
neutralité-là, elle s'exprime comment? La neutralité, elle ne s'exprime pas,
elle ne s'extériorise pas physiquement, elle
est dans le comportement. Elle se manifeste dans le comportement, qui sera de ne pas favoriser ou défavoriser
quelqu'un soit parce que nos croyances religieuses sont différentes de celles
de la personne qui est devant nous ou
l'inverse. Mais d'où l'utilisation du mot «notamment», pour assurer que le texte vienne vraiment
englober... puis le libellé actuel vient vraiment affirmer la neutralité de l'État,
ce qui était beaucoup moins fort dans le
libellé qu'on retrouvait auparavant, qui était dans le projet de loi d'origine. Et évidemment,
lorsqu'on parle de... Le «notamment», bien, la neutralité
de l'État, bien, évidemment, ça va de soi qu'il y a une séparation entre l'État
et le religieux, comme on en avait discuté la semaine dernière.
• (15 h 10) •
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy : Alors, j'ai pris des notes parce que ça m'intéresse de
comprendre. Et vous dites, et là je vous cite, Mme la ministre : Le «notamment», ça va permettre d'englober les
différentes sphères d'intervention. Alors, je comprends que le
«notamment» va permettre que ça soit évolutif.
Alors,
voici l'interprétation que j'en fais.
C'est très, très subtil, M. le Président, l'ajout du mot «notamment»,
mais ce n'est pas anodin. Pour nous, on élargit encore ici la notion de
neutralité religieuse. On essaie de prévoir les coups, notamment tout ce qui pourra arriver, mais on ne sait pas c'est quoi
encore. Mais on n'a toujours pas de définition de la neutralité
religieuse de l'État, il n'y a pas la définition. Dans une loi, il y a des
définitions; on n'en a pas. Et, moi, ma question
à la ministre, c'est : Comment est-ce qu'un juge va interpréter le
«notamment», puisqu'il n'y a pas de définition de sa neutralité
religieuse de l'État et qu'il n'y a pas de définition non plus? Ce notamment-là
ouvre la porte d'englober différentes choses, mais on ne sait pas quoi encore.
Le Président (M.
Ouellette) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?
Mme
Vallée : ...on a discuté de la neutralité. La neutralité se
définit par son sens commun, et cette neutralité, elle est définie aussi de façon très claire dans
plusieurs décisions. Donc, on retrouve à l'article 4 l'obligation de ne
pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de l'appartenance ou
non de cette dernière à une religion ni en raison de leurs propres convictions.
C'est exactement ce qu'exige la neutralité de l'État.
Et, comme le
disait la Cour suprême, la neutralité de l'État requiert que l'État s'abstienne
de prendre position puis évite
d'adhérer à une croyance particulière ou une non-croyance. Ce n'est pas
compliqué, c'est tout simplement un devoir d'objectivité, d'impartialité. Lorsque vient le temps d'offrir des services
et de mettre en place des politiques, ces politiques, ces mesures-là
sont mises en place sans égard à la religion. Donc, il y a vraiment une
distinction. Puis c'est aussi une des raisons pour lesquelles on a inclus au
préambule, à la proposition de préambule, cette question qu'il y a une
distinction entre l'État, ses institutions et la religion, pour ne pas avoir, à
chaque article, à y faire référence. Donc, le préambule nous sert pour aussi la
suite des choses. Donc, ce n'est pas très complexe et difficile à comprendre.
Puis
l'amendement de l'article 4 vise justement à être plus précis parce que,
je peux comprendre ma collègue, lorsqu'on
lit, à la lecture de l'article 4, au départ, ce n'était pas si clair que
ça, ce qu'impliquait la neutralité religieuse pour un membre du personnel, puis d'ailleurs, en
commission parlementaire, il y a des gens qui nous avaient questionnés
sur cet aspect-là. Donc, on a cru opportun
de venir le préciser, un membre du personnel, c'est quoi, le devoir de
neutralité religieuse, ça implique quoi.
Parce que, rappelez-vous, il y a des gens qui croyaient que le devoir de
neutralité religieuse, ça imposait à un fonctionnaire un devoir de faire
abstraction de porter un signe religieux, ce qui n'était pas le cas. C'est vraiment
dans la prestation du service que cette neutralité religieuse s'exprime. Et de
quelle façon? La façon prévue à l'amendement.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy :
Oui, merci, M. le Président. Vous comprendrez qu'on n'a pas la même
interprétation et que, pour nous, ajouter
«notamment» à cette non-définition de la neutralité religieuse, c'est qu'on
vient élargir cette notion, ce concept de neutralité religieuse, on
vient encore l'élargir. Et, Mme la ministre, vous dites : La définition de
neutralité religieuse, c'est très simple, c'est le sens commun. J'ai pris ici
vos notes.
Alors, allez-vous inclure une définition de
neutralité religieuse dans votre loi?
Mme Vallée : La neutralité, on la retrouve... La référence, ce
qu'est la neutralité, on le retrouve à l'article 4, on le retrouve lorsqu'on indique : «...de façon à ne pas favoriser ni
défavoriser une personne en raison de l'appartenance ou non de cette dernière à une religion, ni en raison de
leurs propres convictions ou croyances religieuses ou celles [des
personnes] en autorité.» C'est très clair, c'est la façon dont le service
public doit être rendu, en toute impartialité. La neutralité religieuse de l'État, qu'est-ce que c'est? C'est l'État qui ne prend pas position, qui n'adhère pas à une
croyance religieuse ou à une absence
de croyance religieuse, qui fait... C'est une distinction et une impartialité lorsque...
Donc, c'est très clair. Et on revient dans le préambule puis on explique
pourquoi. Donc, le préambule sert aussi dans l'interprétation.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy : Alors, ce que je comprends de Mme la ministre, c'est que, pour elle, son article 4 est une forme de définition. Cependant, en ajoutant à l'article
«notamment», c'est qu'on n'a pas une définition exhaustive,
là, on ouvre la porte, là. Donc, la neutralité religieuse, c'est un
«work in progress», là, c'est ça qu'on comprend, et ce sera aux juges de
l'interpréter.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : La neutralité
religieuse a été interprétée et a été définie par la Cour suprême depuis des années, et il n'y a pas de variation quant à ce
qu'est la neutralité. Si on reprend... Je cherche, je voudrais juste, simplement
retrouver... J'avais imprimé le sens, la définition dans le Larousse, je
l'avais...
Le
Président (M. Ouellette) :
Mais, le temps qu'on la regarde ou que ça
va revenir, Mme la députée de Montarville a sûrement un autre point qu'elle veut faire
éclaircir. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy : Oui. J'entends la ministre qui me dit : La jurisprudence a bien défini ce qu'est la neutralité religieuse de l'État, donc je n'ai pas besoin de le rajouter.
C'est un peu ça, là, pour les gens qui nous écoutent, là. Pourtant, c'est
ce qu'on va faire avec les accommodements religieux. La jurisprudence les a
définis, et là on va les inclure dans la loi. Donc, on ne se gêne pas pour reprendre les critères des
accommodements religieux de nos tribunaux, de la Cour suprême, les
enseignements de la Cour suprême pour
ce qui est des accommodements religieux. Ça, il n'y a pas de problème, c'est
beau, mais on ne veut pas le faire pour la neutralité religieuse. Là, on
se garde une petite gêne.
Je ne
comprends pas. Si on le fait pour les accommodements religieux et, ce que je
comprends, lorsqu'on sera rendus là,
on va reprendre les enseignements de la Cour suprême, dans son projet de loi
ils seront bien écrits pour nous expliquer ce qu'est un accommodement
religieux, pourquoi ne pas faire la même chose avec le principe de neutralité
religieuse, alors qu'on ne le fait pas ici? Vous me suivez?
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre, oui.
Mme
Vallée : Il y a une distinction entre une définition et des
critères. À l'article 10, ce sont des critères qui vont guider l'évaluation des demandes d'accommodement pour motif religieux.
Ce n'est pas la même chose. La collègue nous demande une définition du mot «neutralité». Le terme «neutralité»
est très clair, c'est une impartialité, c'est le fait de ne pas favoriser ou défavoriser une religion pour
assurer justement le respect de la liberté de croyance et de la liberté
de non-croyance des individus.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
• (15 h 20) •
Mme
Roy : Donc, les critères qui ont été définis par nos tribunaux
pour définir ce qu'est la neutralité religieuse. Alors, c'est un peu la
même chose, là, critère pour critère. Je me demande pourquoi est-ce qu'on ne
l'isole pas et on n'y va pas de façon
exhaustive, parce que le «notamment», et c'est notre prétention, le «notamment»
va seulement élargir davantage ce
critère de neutralité religieuse, mais qui, lui, sera en constante évolution.
C'est ce que je comprends quand la ministre nous dit : Pour
permettre d'englober les différentes sphères d'intervention.
Mme
Vallée : En fait, M. le Président, c'est parce que, comme je
l'ai expliqué, le «notamment» se rattache, entre autres, à des programmes, à des règles. Lorsqu'on lit l'article :
«Le respect du principe de la neutralité religieuse de l'État comprend
notamment», donc, qu'est-ce que ça comprend? Bien, ça comprend un certain
nombre d'interventions de l'État,
d'interactions de l'État par des mesures, mais elle comprend aussi un devoir
pour les membres du personnel. Alors, le «notamment» ne vient pas
altérer ce qu'est la neutralité religieuse. Le «notamment», c'est de quelle
façon l'État va décliner sa neutralité.
Bien, elle la décline entre autres par des programmes qui ne vont pas favoriser
ou défavoriser une personne ou un
groupe, parce que l'État ne peut pas utiliser les pouvoirs puis, dans le fond,
l'ensemble des pouvoirs que l'État a,
pour venir favoriser la participation de certains groupes religieux ou
certaines personnes, favoriser les non-croyants, par exemple, au
détriment de ceux qui sont croyants.
Donc,
M. le Président, je ne souscris pas à l'interprétation de ma collègue, parce
que je crois avoir expliqué que le «notamment»,
c'est plutôt... se rattache davantage aux pouvoirs de l'État et non à la
définition de neutralité qui, en soi, en est une qui amène une
impartialité, parce que, dans les synonymes de neutralité, on a impartialité.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy :
Oui. Bien, si le «notamment», c'est pour les pouvoirs de l'État, alors c'est
encore plus large, là. Notamment, on pourra faire ce qu'on veut.
Vous comprenez, j'ai
vraiment une difficulté avec le terme «notamment», dans la mesure où je
trouvais que l'article 4 initial était
beaucoup plus clair. Là, on ouvre la porte, on élargit à différents concepts
puis on nous dit : Ce sont des concepts
de la jurisprudence. Je veux bien, mais le «notamment» va nous permettre une
définition évolutive. C'est le mot que je cherchais tout à l'heure. J'ai
dit : «A work in progress». Bien, ça va être une définition
évolutive, au gré des décisions
jurisprudentielles, alors que moi, je demande à la ministre d'être claire et
que ce soit une décision gouvernementale mais qu'on soit clair du début à la fin, qu'on n'attende pas que les
juges en fassent une interprétation de ce «notamment».
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre, est-ce qu'il y a d'autres commentaires
là-dessus?
Mme
Vallée : Je pense avoir fait le tour de la question. Je ne
voudrais pas qu'on me reproche de prendre trop de temps dans mes
réponses.
Le Président (M. Ouellette) : On ne vous le reproche pas, Mme la ministre. Bon,
Mme la députée de Montarville, est-ce qu'il y a quelque chose d'autre
par rapport à 4? Je vous reviendrais...
Mme
Roy : Bien, mon point est fait à l'égard du «notamment», là.
Pour nous, c'est ouvrir trop large. Puis j'aurai tout à l'heure,
naturellement, un amendement, ultérieurement, à l'article 4. Je voulais
juste l'annoncer pour ne pas...
Le Président (M.
Ouellette) : Je vais revenir à vous, je vais revenir à vous. Puis là
j'y vais par ordre. Je vais demander à mon collègue le député de Gouin
d'intervenir.
M.
Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. En fait, j'avais des questions
qui ont été répondues lors des échanges
précédents, mais j'ai également... J'aimerais ajouter un article, en fait,
j'aimerais déposer l'ajout d'un article. Est-ce que je le fais
maintenant ou j'attends plus tard?
Le Président (M.
Ouellette) : Non, on va le faire un petit peu plus tard. C'est-à-dire
que vous allez vouloir sous-amender, vous allez vouloir changer ce qui a été
déposé comme amendement?
M.
Nadeau-Dubois : Je veux ajouter un article après l'article 4.
Le Président (M. Ouellette) : Bon, bien, c'est beau. Ça fait que je le prends
en note. Et soyez assuré que je vais vous permettre de le déposer quand
on aura adopté 4.
M. Nadeau-Dubois : Si je suis
présent, bien sûr.
Le Président (M. Ouellette) : Bien, dans notre règlement, vous savez, M. le
député de Gouin, qu'on ne peut pas souligner l'absence d'un député. Ça
fait que, donc, je me fie sur vous pour être présent lors de nos délibérations.
M. Nadeau-Dubois :
Bien sûr.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, bien sûr, la règle étant qu'il y a d'abord
la ministre qui dépose des amendements, ensuite l'opposition officielle,
ensuite la deuxième...
Le Président (M.
Ouellette) : Oui, mais vous avez...
Mme Maltais :
On s'entend là-dessus? Parce que moi aussi, j'ai annoncé des amendements, O.K.?
Le Président (M. Ouellette) : C'est sûr, Mme la députée de Taschereau, mais je
pense qu'il est de bonne guerre d'informer
notre collègue de Gouin qu'il y aura un temps pour déposer son amendement.
Comme, là, j'ai fait un premier tour des parlementaires relativement à
l'amendement de l'article 4, je voulais faire un deuxième tour. Et j'étais
rendu à M. le député de Bourget, mais il
semblerait que je vais aller à Saint-Jérôme avant. Ça fait qu'on s'en va à
Saint-Jérôme. M. le député de Saint-Jérôme.
M.
Bourcier : Oui. M. le Président, écoutez, je suis perplexe. Pour les gens qui nous
regardent actuellement, là, ceux
qui nous écoutent, s'ils n'ont pas changé de chaîne, là, ça commence à être
assez mélangeant. On est dans une zone sombre. On a quitté la lumière et
notamment en ce qui concerne la définition de Mme la ministre qui nous présente
aujourd'hui et qui nous parle de la neutralité
religieuse. Alors, c'est un buffet,
on les prend toutes. Contrairement à la laïcité, où on a le mérite d'être
clair, on n'en parle pas.
L'État
est neutre, on nous a dit ça tantôt. L'État n'a pas de position et il s'apparente à la laïcité
ouverte. Alors là, moi, j'essaie de faire des équations, je tourne ça à
l'envers. Si l'État était laïque, est-ce qu'il s'apparenterait à de la
neutralité fermée?
Alors, Mme la
ministre, pouvez-vous m'éclairer et m'expliquer votre définition de «laïcité
ouverte»? C'est quoi, selon vous?
Le Président (M.
Ouellette) : Vous en avez déjà donné une bonne partie...
Mme Vallée :
M. le Président, oui, j'en ai déjà donné une.
Le Président (M.
Ouellette) : Voulez-vous juste la synthétiser, Mme la ministre?
Mme
Vallée : Bien, en
fait, M. le Président, je pourrais revenir à la charge. Je veux être
bien gentille et ne pas manquer à nos
obligations, mais on a traité de cette question-là,
la semaine dernière, M. le Président, et on a fait référence longuement, on a passé un avant-midi
à discuter des enjeux, et même j'ai
lu, au passage, quelques passages du rapport Bouchard-Taylor. Je pense qu'il s'agit de la page 157 où on fait
justement la distinction entre la laïcité
fermée et la laïcité ouverte. Je réfère mon collègue à ce passage
puisque c'est de ça dont il est question. Et j'utilisais le terme, justement,
puisque nous en avions discuté la semaine dernière.
Donc,
il n'y a pas de confusion, il n'y a pas de noirceur, la
lumière est loin d'être éteinte. C'est un choix, c'est un choix pleinement assumé que d'utiliser le terme «neutralité»,
puisqu'il y a une jurisprudence qui s'est dégagée au fil
des années sur cette obligation pour l'État, ce devoir pour l'État de ne pas
prendre position et de vraiment... c'est à l'État qu'incombe la responsabilité
de l'obligation de neutralité. C'est vraiment l'État qui porte cette obligation-là.
Ça se décline par, notamment,
d'où l'utilisation du terme, par ses programmes, ses règles, ses politiques.
Et évidemment l'État est composé d'individus. Et qu'est-ce que ça implique pour ces individus-là? Bien, c'est aussi une façon de
traiter les dossiers, c'est-à-dire une impartialité, une objectivité,
une objectivité lorsqu'on interagit avec un citoyen, avec une citoyenne qui
demande des services de l'État. Donc, ce n'est pas très complexe, je pense que
le devoir d'objectivité est là.
Et
puis le libellé actuel, il est assez conforme... en fait, il est conforme au
jugement de la Cour suprême et il est aussi conforme à la littérature
quant à la neutralité de l'État. Donc, au niveau de Bouchard-Taylor, on fait
référence à la neutralité et à la page... je
pense qu'au résumé de Bouchard-Taylor, là, peut-être pour le bénéfice de notre
collègue, c'est à la page 47, dans le rapport, parce qu'il y a un
résumé du rapport, et on a un rapport aussi plus étoffé. Et donc la laïcité ouverte, elle est définie et comprend la
neutralité, là où on respecte l'individualité, la liberté de religion de
chacun. Et on doit en faire abstraction lorsque
vient le temps d'offrir un service. Je fais abstraction de mes convictions et
je fais abstraction des vôtres, et ma prestation de services, elle n'est
pas teintée pas vos convictions ni par les miennes.
• (15 h 30) •
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Saint-Jérôme.
M.
Bourcier : C'est bien. Écoutez,
c'est important pour moi de ramener ces sujets-là, parce qu'étant anciennement dans l'enseignement on revient souvent sur
plusieurs sujets pour compléter ce qu'on dit dans le moment présent.
Donc, il est important pour moi de revenir
sur ces aspects-là de la laïcité, de la neutralité religieuse du projet de loi.
Merci, Mme la ministre.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Oui. M. le Président, j'ai juste un petit commentaire relativement à cet
amendement à l'article 4, que je vais lire pour le bénéfice des
personnes qui nous écoutent : «Le respect du principe de la neutralité
religieuse de l'État comprend notamment le devoir pour les membres du personnel
des organismes publics d'agir, dans l'exercice de leurs fonctions, de façon à ne pas favoriser ni défavoriser une
personne en raison de l'appartenance ou non de cette dernière à une religion, ni en raison de leurs
propres convictions ou croyances religieuses ou de celles d'une personne
en autorité.»
C'est un
article qui illustre parfaitement le coeur de mon propos ici ce matin à l'effet
que nous sommes ici dans un exercice
qui met en lumière davantage la convergence du religieux et de l'État plus que
la séparation du religieux et de l'État,
ce qui amène certains à penser que le projet de loi n° 62 vise à faire
respecter non pas la neutralité religieuse de l'État, mais à faire respecter la religion par l'État en balisant les
religions pour qu'elles permettent à l'État de les respecter. Mais c'est une démarche assumée par le
gouvernement, je suis mal placé pour la juger. La ministre a bien fait de
nous rappeler que, le moment venu, nous
aurions l'opportunité de proposer nos propres avenues relativement à ce qui
nous inquiète dans la cité aujourd'hui. Nous
sommes aux portes du chaos. Et idéalement des projets de loi à l'instar de
celui-ci devraient s'incarner dans la
réalité. Et, quand on observe autour de nous, depuis quelques années déjà, des
situations qui notamment ont amené à une dépense de près de
23 millions de dollars, tenir une commission de plus de 280 pages, exigeant de clarifier les choses, par souci de
cohésion entre les individus dans leur diversité, pour permettre à
l'altérité de cheminer dans cette belle société québécoise, pour ne pas tomber
dans les pièges, pour ne pas être invités de façon perpétuelle à des bals des extrêmes comme on l'observe en Europe
aujourd'hui, je pense qu'il aurait été, du moins c'est l'exercice que
nous ferons si d'aventure la population nous le permettait... il serait bon de
jeter des bases solides pour clarifier les
interactions entre la citoyenne, le citoyen et l'État, pour éviter, ma foi, de
vivre sous l'énergie sombre que nous
pouvons observer ces temps-ci chez notre grand voisin américain ou même en
Europe. Nous sommes aux portes du chaos,
je le disais, et il serait
responsable, je crois, que nous réfléchissions de façon transpartisane à des
solutions beaucoup plus solides que celles illustrées ici par l'article 4.
C'était le commentaire que je voulais faire.
Le
Président (M. Ouellette) : Mme la ministre, un commentaire sur le commentaire de M.
le député de Bourget?
Mme Vallée : Non, je n'ai pas
de commentaire particulier à faire.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme Maltais : Est-ce que le député
de Bourget a terminé? Est-ce qu'on échange avec la ministre?
Le Président (M. Ouellette) : Ça a
l'air à ça.
Mme Maltais : Alors, j'aurais un amendement,
M. le Président. On l'avait déjà déposé.
Le Président (M. Ouellette) : Un sous-amendement
à l'amendement?
Mme
Maltais : Un sous-amendement, pardon, oui, que j'avais déjà, je pense, déposé, je pense. Sinon, je vais
le déposer officiellement. Il s'écrirait
comme suit, le sous-amendement : Modifier l'amendement remplaçant l'article 4 en ajoutant, à la fin du nouvel article,
l'alinéa suivant : «Les membres du personnel des organismes
publics doivent aussi faire preuve de réserve en ce qui a trait à
l'expression de leurs convictions religieuses dans l'exercice de leurs
fonctions.»
Le Président (M. Ouellette) : Je
vais suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 36)
(Reprise à 15 h 54)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Nous en sommes à la présentation d'un sous-amendement de Mme la députée de Taschereau à l'amendement de Mme la ministre de
l'article 4 du projet de loi n° 62.
D'entrée de jeu, le sous-amendement de Mme
la députée de Taschereau
est recevable, mais, avant de débuter le débat, et c'est ce qui explique le petit délai qu'on a eu dans notre suspension,
pour l'information de tous les membres, et je pense que ça va faciliter nos débats, la commission
va faire parvenir à tous les membres une copie de la motion qui a été déposée au salon bleu le 5 octobre 2016 sur
les groupes qui avaient été invités lors des consultations du projet de loi n° 62. Et vous aurez aussi,
dans les prochaines heures, les détails sur les gens qui ont déposé des
mémoires et les gens qui n'en ont pas
déposé, les raisons pour les désistements, toujours dans le but d'éclairer les
parlementaires, parce qu'on a eu un questionnement par rapport aux
villes de Montréal et de Québec au cours de nos débats aujourd'hui.
Pour
l'information des parlementaires, la ville de Montréal nous a fait parvenir un
mémoire le 8 novembre et qui a été
déposé lors de la séance du 15 août, donc au cours de la semaine dernière.
La ville de Québec n'avait pas été
invitée à venir déposer en consultation et donc n'a pas fait parvenir de
mémoire.
Document
déposé
Et, dans cette
optique-là, je dépose présentement une lettre qui a été envoyée à tous les parlementaires
de la ville de Laval, qui nous fait parvenir ses commentaires et ses préoccupations sur certains points du projet de loi en cours.
Donc,
la présidence a jugé bon de faire en
sorte que les parlementaires aient l'information sur les organismes
qui devaient être invités en commission parlementaire, ceux qu'on a contactés
et les différentes réponses reçues, vous avez
dans chacun de vos services de recherche ceux qui ont été entendus en commission parlementaire, tout ça dans le but de nous éclairer et de faire
en sorte que... Ce n'est probablement pas le dernier écrit que nous allons avoir. Et, à la lumière des informations qui ont été transmises par le maire de Laval et
dont je viens de déposer la lettre, nous avons cru bon de vous en informer. C'est que vous aurez, dans les
prochaines minutes et dans les prochaines heures, les informations que je vous ai mentionnées.
Sur
ce, je demanderais à Mme la députée de Taschereau de nous informer relativement à son sous-amendement.
Mme
Maltais :
Merci, M. le Président. Alors, j'ai bien écouté les explications de la ministre
concernant son amendement, qui est en fait un nouveau libellé, qu'on dit
plus précis, je ne pose pas de jugement encore, là, qu'on
dit plus précis, sur la neutralité religieuse de l'État. Et en général il me satisfait, d'autant qu'on a
ajouté, nous autres, à l'article 1 une section qu'il ne faut jamais oublier, je vais le rappeler, là, grâce à la collaboration de tout le monde a été accepté notre ajout, qui disait, à l'article 1,
qu'«à cette fin, [la neutralité religieuse] impose notamment aux membres du personnel
des organismes publics le devoir de neutralité religieuse dans
l'exercice de leurs fonctions». Donc, on était déjà dans cette
mouvance-là puis on avait exprimé ça là. Donc, ça, ça allait bien.
Maintenant, quand on
lit bien l'article, on dit que «le respect du principe de la neutralité
religieuse de l'État comprend notamment», et le «notamment» n'exprime qu'une
chose, c'est-à-dire la façon dont le fonctionnaire, la fonctionnaire ou la personne
qui travaille pour un organisme public accueille les demandes, donne de la
prestation de services. Il s'agit, dans
l'exercice de leurs fonctions — ils
sont en exercice d'une fonction, ils sont en train de délivrer un permis, de recevoir une demande — dans
l'exercice de leurs fonctions, de ne pas favoriser ni défavoriser en raison
de leurs propres croyances ou de leurs propres convictions. Donc, c'est vraiment
dans la délivraison du service. Si on va dans la neutralité religieuse, il doit
y avoir neutralité.
Maintenant, ça ne
signifie pas qu'il y ait devoir de réserve. Le devoir de réserve, c'est
différent. Le devoir de réserve, ce n'est
pas de la neutralité face à favoriser ou défavoriser. Ce n'est pas non
plus... on n'est pas dans l'imposition de laïcité pure comme on... puisqu'il faut les qualifier, maintenant, les
laïcités, même si moi, je dis que c'est la laïcité. On n'est pas non plus dans l'imposition, le rejet de
vêtements ayant une connotation religieuse. On est dans le devoir de
réserve, c'est-à-dire qu'il faut, dans un
espace de discussion, quand on est fonctionnaire, ne pas faire de prosélytisme,
c'est un peu ça, le devoir de
réserve, donc devoir de réserve de, par exemple, commencer à faire du
prosélytisme ou de la critique de l'autre, parce que, dans la fonction
publique, il y a des gens qui ont toutes les croyances, ça... parfaitement.
Alors, le devoir de
réserve, c'est de ne pas faire de prosélytisme non plus devant les gens qui
sont là. Tu peux donner un service, tu peux
ne pas favoriser ni défavoriser mais en profiter pour faire la morale ou faire
un pitch sur ce que devrait être une
attitude selon tes croyances, selon tes convictions. Ce ne serait pas favoriser
ni défavoriser, mais ce serait introduire le fait religieux dans la
relation avec le citoyen ou la citoyenne.
Alors, nous, on pense
qu'en introduisant «devoir de réserve», c'est une réserve par rapport à des
convictions religieuses qui peuvent être des
convictions personnelles ou le rejet des convictions de l'autre. Alors, moi, je trouve que le devoir de réserve introduit une notion à la
fonction publique, une notion supplémentaire, ce n'est pas du tout inclus
dans le premier... dans le nouvel
amendement, mais c'est une notion supplémentaire qui permet... qui donne une
espèce de code de conduite, qui
complète le code de conduite des gens de la fonction publique. Je pense
qu'il existe déjà ce devoir de réserve sur d'autres éléments. On parle souvent de la politique.
On dit souvent : Il ne faut pas avoir de badge, il ne faut pas faire
de prosélytisme politique envers les citoyens. Les citoyens n'aiment pas ça,
ils le disent tout de suite, ça les énerve : Ce n'est pas de vos affaires. Bien, voilà, je pense que le devoir de
réserve, c'est neutre et ça permet de... ça introduirait une notion qui
est absente du projet de loi actuellement.
• (16 heures) •
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Je suis
curieuse, M. le Président, de connaître comment s'exprime ce devoir de
réserve pour la collègue, parce que son amendement, en fait, l'ajout
qu'elle propose est un copier-coller de l'article 4 de la défunte
charte de la laïcité, du projet de loi n° 60. Donc, ce sous-amendement,
c'est exactement... on le lisait à l'article 4, c'était : «Un membre du personnel d'un organisme public doit
faire preuve de réserve en ce qui a trait à l'expression de ses
croyances religieuses dans l'exercice de ses
fonctions.» On se rappellera que cet article-là était interprété comme une
interdiction faite à un membre du personnel
d'un organisme public de porter un signe religieux ostentatoire. Donc, ça peut
vraiment être interprété comme étant beaucoup plus intrusif puis comme
allant bien au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l'obligation de
neutralité de la part du personnel. Parce que l'amendement qui est proposé peut
être interprété comme empêchant le port de
signes religieux puis, je vous le dis, M. le Président, le port de signes
religieux, il n'est pas visé par notre
article 4 parce que le port d'un signe religieux, ce n'est pas une
violation au devoir de neutralité du personnel d'un organisme public parce que ça ne compromet pas en
soi la neutralité religieuse de l'État. Ce n'est pas parce que je porte
une croix, ce n'est pas parce que je porte
une kippa, ce n'est pas parce que je porte un turban, un voile que je suis
incapable d'offrir une prestation objective de services à la personne qui est
devant moi.
Et donc ce sous-amendement-là pourrait porter à
confusion, pourrait être interprété comme ça. Ma collègue fait signe que non de la tête, alors d'où la
question... Parce que ça pourrait vraiment être interprété comme ça, et,
nous, notre objectif,
ce n'est pas d'empêcher... Parce que les individus qui travaillent pour l'État
ont droit à leur liberté de religion puis leur liberté de croyance, puis
ça, bien, ça s'exprime de différentes façons. Pour certains, ça se manifeste
par le port d'un signe quelconque. Mais,
comme je le mentionnais, porter un signe religieux, ça ne porte pas atteinte au
devoir de neutralité. Donc, c'est mon questionnement, là, parce qu'on peut
interpréter l'amendement de cette façon-là.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Alors, je comprends qu'on n'est pas
dans la laïcité, parce que, si on était un État laïque et qu'on
demandait à nos fonctionnaires de montrer de la laïcité, effectivement, à ce
moment-là, on peut se dire : Oui, il ne
faut pas qu'il y ait de signe religieux ostentatoire. Mais on est dans la
neutralité religieuse de l'État. C'est
l'idée du gouvernement actuel. Et j'ai bien dit que je travaillerais en
fonction de la loi pour la modifier, l'amender, la bonifier, essayer de trouver un terrain d'entente,
je suis toujours... Rappelez-vous le temps de la conciliation Bouchard-Taylor.
Alors, ce que j'ai fait, c'est que j'ai fait ce
qu'on exige des opinions politiques dans la fonction publique. Peut-être qu'on
pourrait reprendre le libellé de la fonction publique. Je vais vous citer la
Loi sur la fonction publique, article 10 :
«Le fonctionnaire doit faire preuve de neutralité politique dans l'exercice de
ses fonctions.» Donc, de la même façon
qu'on parle de neutralité religieuse ici, on parle de neutralité politique.
Mais on a senti le besoin, dans la Loi sur la fonction publique,
d'ajouter un article qui est l'article 11, qui dit : «Le
fonctionnaire doit faire preuve de réserve dans la manifestation publique de ses opinions politiques.» Donc, au devoir
de neutralité politique
des fonctionnaires on a ajouté, on a cru bon d'ajouter le
devoir de réserve dans l'opinion politique, donc, et ça fonctionne bien, c'est-à-dire que c'est reconnu. Puis la Loi sur la fonction publique
travaille de cette manière-là depuis des années, maintenant, et ce n'est pas un
problème.
Alors, moi,
ce que je me dis, c'est que de la même façon que, dans la fonction publique, on a un devoir de neutralité politique, maintenant on ajoute le
devoir de neutralité religieuse, de la même façon qu'on a un devoir de réserve
pour la fonction publique puis ses
opinions politiques. On doit ajouter le devoir de réserve parce qu'on ne peut pas exiger des citoyens quelque chose et, nous, ne pas exiger
quelque chose de la fonction publique. Ça fait que ce devoir de réserve
dans la manifestation de ses opinions
religieuses, moi, je le trouve intéressant. C'est bon pour la fonction
publique, pour sa loi. Je ne vois pas
pourquoi ça ne serait pas bon pour la loi sur la neutralité religieuse. Je
trouve que c'est un ajout intéressant qui est déjà vécu dans une autre
loi puis qui ne cause pas de problème, vraiment pas.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Bien, c'est très
différent au niveau de l'interprétation parce que c'est vraiment... C'est
certain que la Loi sur la fonction publique prévoit déjà que
le fonctionnaire exerce... a le devoir, pas seulement qu'il exerce,
mais a le devoir d'exercer ses fonctions
dans l'intérêt du public puis avec impartialité. Alors, déjà là,
la loi le prévoit. Le projet de loi précise comment cette impartialité-là se
manifeste lorsqu'il est question de la neutralité religieuse de l'État, c'est-à-dire on ne favorise pas et on ne défavorise pas. Maintenant,
l'amendement, «faire preuve de réserve» pourrait être
interprété comme s'appliquant à sa propre
manifestation de sa croyance religieuse. Donc, moi, ce que je soulève, c'est
une difficulté d'interprétation, qui pourrait mener, au fil des ans... Parce qu'évidemment notre volonté n'est pas d'empêcher l'expression
de la liberté de religion par les employés,
on ne peut pas demander aux employés de ne pas croire, et donc il faut
éviter, le projet de loi, qu'on puisse donner une portée qui n'est pas celle
qui est souhaitée.
Donc, pour nous, le port de signes religieux,
évidemment, ne vient pas compromettre la neutralité, mais je comprends que d'autres pourraient y voir une
atteinte à la neutralité. Mais c'est clair, c'est reconnu, tu portes un
signe religieux, ça n'entraîne pas
nécessairement une imposition de ta foi à la personne avec qui tu interagis.
Donc, moi, cette difficulté-là, cette
fragilité au niveau de l'interprétation me mène à user de prudence et à
dire : Je ne suis pas certaine que ce soit opportun d'apporter cet amendement-là, qui, comme je le
mentionnais, est exactement ce qu'on retrouvait dans le projet de loi n° 60, donc c'est le même libellé, là,
c'est exactement la même chose, et, dans le projet de loi n° 60, c'était
dans un contexte où on voulait venir interdire ou empêcher le port de signes
religieux.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
• (16 h 10) •
Mme
Maltais : Bien, M.
le Président, écoutez, on ne va pas diaboliser le projet de loi n° 60, là.
Il y a plein d'extraits du projet de loi
n° 62 qui viennent du projet de loi n° 60. Tout le chapitre des
services de garde à l'enfance vient du
projet de loi n° 60, en tout cas, c'est tel quel, mot à mot. C'est pour
ça, on l'a dit, ça : Ah! ce bout-là, on est contents. C'est exactement ce que le Parti québécois proposait à
l'époque, le projet de loi n° 60. Les articles 2 et 3, c'est
sensiblement la même chose, le projet de loi
n° 60, sauf sur les services de transport, où on avait une autre façon de travailler ça qui
soulevait moins un tollé.
Donc, moi,
j'ai pris les mots de la fonction
publique, «devoir de neutralité», «devoir de réserve». Pourquoi ce qui est bon pour le politique
n'est pas bon pour le religieux? Devoir de neutralité dans l'exercice de leurs
fonctions. Puis ça, je suis d'accord
avec la ministre, elle parle de l'exercice de leurs fonctions.
Exercer ses fonctions, c'est une chose, mais un devoir de réserve, c'est autre chose, c'est une conduite. Tu ne te mets
pas à faire du prosélytisme ni politique ni religieux à la cafétéria. À un moment
donné, il y a quelqu'un
qui va te taper sur l'épaule, qui va dire : Lâche-nous, là. Ça se
peut, là, tu sais, c'est... Mais tu ne le
fais pas non plus devant le public, l'opinion publique. C'est marqué : «Le fonctionnaire
doit faire preuve de réserve dans la
manifestation publique de ses opinions politiques.» On fait attention aux citoyens
et aux citoyennes, on a un devoir de réserve par rapport aux citoyens et
citoyennes.
Non, je ne l'interprète
pas comme un signe religieux. Ce ne serait pas scandaleux pour moi que, comme
bien d'autres endroits, on demande un devoir
de réserve quant aux vêtements religieux, je n'ai aucun problème
avec ça, je suis pour. Mais ce n'est pas ça, le sujet. On n'est pas dans
la laïcité, on est dans la neutralité religieuse. Je dis : Devoir de neutralité
religieuse, devoir de réserve, l'État ne doit pas exercer ses fonctions aux citoyens...
ne doit pas favoriser ou défavoriser des citoyens,
d'accord, mais que l'état d'esprit dans lequel il
doit être, puisque maintenant... Moi, pour moi, ce projet de loi là, le n° 62, ne protège plus l'État du religieux, il gère
le religieux. Moi, je crois à un État laïque. Le religieux n'a pas d'affaire dans l'État, c'est
deux mondes complètement séparés. D'ailleurs, le préambule, il y a une séparation
entre l'Église et l'État,
mais c'est juste dans le préambule, c'est le seul endroit où il y a
une séparation entre l'Église et l'État. Le reste, on dit qu'il ne faut
pas favoriser ou défavoriser. On balise le religieux à l'intérieur de l'État,
alors qu'il n'a pas d'affaire là-dedans.
Mais, puisqu'on le balise, on le balise sur la neutralité. On dit : Ne pas favoriser, ne pas
défavoriser, on dit comment se comporter quand un fonctionnaire exerce ses
fonctions, mais je pense qu'il faut parler du devoir de réserve. Je ne pense pas que ce soit sur le vêtement, mais un devoir de
réserve, comme ça existe pour l'opinion politique, ça devrait exister pour le religieux, neutralité
politique, devoir de réserve politique, neutralité religieuse, devoir de
neutralité... devoir de réserve religieux.
Ça devrait aller ensemble. Pour moi, c'est comme une espèce de code de conduite
morale, si on veut. C'est un peu interprété comme ça, d'ailleurs, dans la
fonction publique.
Mme Vallée : Mais...
Mme
Maltais :
...du tout, là. Moi, j'y crois, au fait qu'on devrait enlever les signes
religieux ostentatoires de la fonction
publique, avec droits acquis et tout, bon, il y a plein de nuances qu'on
apporte maintenant, dont on a discuté, droits acquis... Mais le devoir
de réserve, ce n'est pas ça.
Mme Vallée :
Mais ça, est-ce que... On l'exprime comment, ce devoir de réserve? Parce que,
dans les guides sur l'éthique dans la
fonction publique, pour ce qui est du devoir de réserve qui est en lien avec la
possibilité du fonctionnaire de faire connaître ses opinions politiques,
on indique... Il y a un petit guide sur l'éthique dans la fonction publique québécoise, puis, à la page 11 de ce
guide-là, on indique : «Pour sa part, l'obligation de réserve qui lie le
fonctionnaire quant à la possibilité pour lui de faire connaître publiquement
ses opinions politiques est plus générale en ce sens qu'elle s'applique tant
dans l'exécution de ses fonctions qu'en dehors de celles-ci.» Au niveau de...
Est-ce qu'on va jusque-là? Parce que
vraiment... Honnêtement, est-ce que... Et ça s'exprime comment, pour vous, le
devoir de réserve? Parce que ce n'est
pas rien. Et puis, comme je vous le mentionnais, nous, on l'interprétait,
lorsqu'on a regardé l'amendement, comme
empêchant le port d'un signe religieux, parce qu'un devoir de réserve, ça
pourrait aller jusque-là. Donc, il s'exprime comment, le devoir de
réserve?
Mme Maltais :
Oui. Si on regarde le modèle que je prends sur la Loi sur la fonction publique,
il y a effectivement une réglementation qui ensuite l'exprime. Mais, si
on regarde l'article 12, parce que je ne suis pas rentrée dans les détails, je voulais voir l'accueil du devoir de
réserve, ça dit : «Rien dans la présente loi n'interdit à un fonctionnaire
d'être membre d'un parti politique,
d'assister à une réunion politique ou de verser, conformément à la loi, une
contribution à une instance d'un
parti...» C'est vraiment dans la loi qu'on a votée. Et je sais qu'il y a eu
depuis des règlements, mais la loi, elle est pour la liberté d'opinion. La Loi sur la fonction publique ne touche
pas à la liberté d'opinion des fonctionnaires, c'est un devoir de
réserve par rapport à la publication de leurs opinions quand ils sont au
travail. Alors, l'idée, c'est la même chose,
c'est-à-dire que, pour moi, c'est d'empêcher un peu le prosélytisme, le
prosélytisme n'étant pas nécessairement à tout crin, mais, écoutez, on
n'a pas à imposer un débat sur sa religion ou avoir une opinion religieuse qui
serait transmise à travers son service. J'essaie de... Vous comprenez que, dans
la Loi sur la fonction publique, c'est tout là.
Mme Vallée :
Non, je comprends l'effort qui est fait, là. Mais, lorsque, dans le libellé, on
prévoit justement que, dans
l'exercice de leurs fonctions, les membres du personnel ne doivent pas
favoriser, défavoriser une personne en raison de ses convictions religieuses, est-ce que ce n'est pas suffisant? En quoi
ce serait différent du devoir de réserve auquel notre collègue fait référence? Parce que la personne,
dans le fond... J'essaie d'avoir une image de ce qui pourrait être visé
par ce devoir de réserve là. À partir du moment... Oui, d'accord. Mais est-ce
que le libellé de 4 ne permet pas, justement, ou n'empêche pas, justement...
Mme Maltais : ...position religieuse
sur l'avortement.
Mme Vallée :
Bien, ça, justement, le libellé... Je comprends, puis c'est tout à fait à
propos; sur l'aide médicale à mourir, par exemple. Mais le libellé
empêche justement que la prestation de services soit teintée par les
convictions religieuses du personnel, des membres du personnel.
Mme
Maltais : C'est la prestation de services, mais ça n'empêche pas
quelqu'un de faire du prosélytisme, dans le sens de dire : Ça n'a pas de bon sens, c'est terrible, ta, ta, ta.
Le devoir de réserve est un devoir de conduite. On ne fait pas la morale aux gens parce qu'on a des opinions
religieuses. On peut remplir un formulaire et ne pas favoriser ou
défavoriser quelqu'un, mais on peut lui faire savoir le fond de sa pensée, par
exemple.
Mme Vallée : Bien, vous
voyez, ce que vous décrivez, moi, je considère que c'est visé et je considère
que l'employé qui, par exemple, ferait un
commentaire éditorial, pendant la prestation de services, sur le droit à
l'avortement ou sur
d'autres... Par exemple, la préposée à l'accueil d'un CLSC qui se permet de
faire ce jugement de valeur là à la jeune fille qui vient s'informer sur la contraception, par exemple, et remplit
le formulaire, mais se met à lui faire des remontrances quant à l'immoralité de la chose ou quant à
l'immoralité de l'avortement, à mon avis, le membre du personnel manque
à son obligation de neutralité, parce que cette personne-là teinte sa
prestation, teinte l'interaction de ses valeurs.
Mme Maltais : M. le Président, si
vous permettez... C'est parce que ça peut être...
Mme Vallée : Puis je pense
qu'on a le même objectif, là.
• (16 h 20) •
Mme
Maltais : Oui,
oui. Je comprends, mais c'est parce que ça ne touche pas... Entre collègues, le
devoir de réserve, ça touche les relations entre collègues aussi. Et une des
façons de voir... Par exemple, actuellement, il y a une montée
anti-immigration, et il y a des personnes de communautés religieuses — pour
ne pas les nommer, les musulmans — qui reçoivent des invectives, il y a une
montée de l'extrême droite, O.K.? Je pense aussi qu'il faudrait qu'il y ait, entre collègues, un devoir de réserve pour
que quelqu'un qui aurait une opinion qui n'est pas politique, mais qui
est religieuse se fasse dire : Écoute,
devoir de réserve, mon ami, s'il te plaît. Si tu as des problèmes avec des
religions, bien, tu règles ça ailleurs, parce qu'ici tu as un devoir de
réserve. C'est dans ce sens-là aussi, là, c'est de protéger aussi tout le
monde, là.
Mais le devoir de réserve, c'est aussi entre
collègues. C'est ça que je disais au départ. Quand j'ai déposé l'amendement, je
disais que ce n'est pas seulement un amendement... C'est parce que le libellé
actuel n'est que sur la prestation de
services. Moi, je parle de l'État, comment il fonctionne, et les fonctionnaires
doivent avoir un devoir de réserve par rapport au religieux. Ça couvre
tout le monde puis ça protège tout le monde. Parce que moi, je considère que d'introduire le religieux dans l'État, c'est un
peu... c'est une erreur, ça fait que je propose une balise qui protège un
peu tout le monde.
Mme Vallée :
Mais c'est parce que cette balise-là peut être interprétée. Et, moi, c'est
l'interprétation poussée qui pourrait
mener quelqu'un à l'interpréter comme étant une interdiction, que cette
réserve-là ne soit pas conciliable avec le port d'un signe religieux, et
ce n'est pas là où on souhaite aller.
Mme Maltais :
M. le Président, si la ministre veut réécrire l'amendement ou en introduire un
autre... Parce que je ne peux pas, moi, dire que je ne veux pas
l'interdiction de signe, de port... religieux d'un membre du personnel. C'est une position de parti, c'est une position
historique et tout, signes religieux ostentatoires, droits acquis et tout. Je
ne peux pas le proposer, ça va à
l'encontre de ce qu'on croit, de ce qu'on a comme pensée politique aussi. Mais,
s'il y a moyen de le libeller
autrement, que ça vient de quelqu'un ici autour de la table puis que ça
introduise l'idée que le devoir de réserve n'implique pas l'interdiction
de signes religieux par les membres du personnel, je n'ai pas de problème, mais
il faut le tricoter. Si c'est ça, le
problème, on peut l'écrire, mais je n'irai pas l'écrire si, pour moi, ça balise
trop. Moi, je propose le devoir de
réserve, mais proposer l'approbation de signes religieux ostentatoires, pour
moi, c'est aller à l'encontre... Vous
comprenez? Je veux bien aménager la crainte de la ministre, mais j'aimerais ça
qu'elle m'aide à l'aménager parce que moi, je ne le ferai pas. Dans mes
propos, je le dis clairement, c'est clair.
Mme Vallée : Parce que,
vous savez, le «notamment» de l'article 4 peut aussi inclure les relations
entre les membres de l'État. C'est-à-dire
qu'au sein même de l'État il serait tout à fait utopique de prévoir
exclusivement la neutralité envers le
citoyen et la neutralité... Le devoir de neutralité religieuse est aussi dans
la prestation de services puis dans le travail.
Maintenant, c'est pour ça que j'essaie de voir... Et je questionne la collègue,
là, parce que je veux bien saisir, je veux m'assurer de bien saisir ce
qu'elle considère être absent de l'article 4. Je comprends qu'on souhaite
vraiment que la prestation de services et
l'interaction... on souhaite aussi protéger les membres du personnel d'attaques
ou de commentaires désobligeants de
la part d'un collègue, d'une collègue, je comprends cette préoccupation-là,
mais, comme je le mentionnais, l'interprétation que nous pouvons donner
à l'article 4 dans sa forme actuelle peut nous amener là où nous, on ne
souhaite pas aller.
Alors,
j'essaie, là, de voir si... Peut-être, ma collègue... Je ne sais pas si ma
collègue aurait d'autres exemples sur le devoir de réserve, sur l'expression de ce devoir de réserve, d'autres
particularités pour assurer, avec les équipes, de bien saisir, pour peut-être voir à trouver peut-être
une formulation qui serait similaire, mais qui ne serait pas
potentiellement... qui ne porterait pas atteinte à d'autres...
Mme Maltais :
J'avoue honnêtement que ça me semblait tout simple, le devoir de réserve. Ma
définition, c'est d'empêcher le prosélytisme et que ça...
Mme Vallée :
En soi, nous ne sommes pas contre le principe. On croyait que... Nous, on est
d'avis que le libellé actuel couvre ça et empêche ça. Mais qu'est-ce qui
n'est pas assez clair? Et qu'est-ce qui mérite d'être clarifié?
Mme
Maltais : Moi, je pense... Ce qui n'est pas clair, c'est que
l'article 4, actuellement, pour moi, ça ne touche que... les membres du personnel des organismes
publics, dans l'exercice de leurs fonctions, ne doivent pas favoriser ou
défavoriser... C'est dans l'acte, le geste,
la prestation, mais ce n'est pas dans l'interaction et le prosélytisme, voilà,
simplement. Je n'ai rien d'autre à
dire, je ne sais pas comment l'amener autrement. C'est le débat qu'on a eu.
Pour moi, à moins que des collègues aient
quelque chose à dire, moi, ça finit le débat là. J'ai plaidé, puis on est
d'accord ou pas, mais moi, je pense que, comme on l'a inscrit dans la fonction publique, on
devrait l'inscrire dans cette loi-là, c'est tout. J'arrête là, là, parce
que je ne veux pas répéter 100 fois les
mêmes arguments puis faire perdre le temps aux gens. Je veux bien qu'on ajourne
la chose, mais je ne veux pas retarder les débats.
Le Président (M.
Ouellette) : J'ai compris ça, Mme la députée de Taschereau. Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Je comprends. Puis en même temps, pour nous, comme je mentionnais, sur
l'interdiction du prosélytisme, on est sur
la même page. Nous, on est d'avis que le libellé actuel couvre cette
question-là. Puis c'est clair que le prosélytisme, en soi, c'est une
atteinte à la neutralité de l'État, à la neutralité religieuse de l'État puis à
la neutralité religieuse des institutions
parce que, si on va regarder, là, la définition, le sens pur, c'est un zèle
ardent pour recruter des adeptes pour
tenter d'imposer ses idées. Donc, dès que quelqu'un tente d'imposer ses idées,
prêche de façon très, très, très intense, bien, cette personne-là n'agit
pas en toute neutralité.
Mme
Maltais : C'est pour ça que je mettais «devoir de réserve» et non pas
«prosélytisme». Un devoir de réserve, pour
moi, est un peu plus large que seulement «prosélytisme». Deuxièmement, très
respectueusement, moi, vraiment, là, il me reste peu de temps puis peu de commentaires, je ne veux pas... Le
projet de loi est parfois perçu comme n'étant pas assez laïque, O.K.,
par des gens, dont nous, et je trouvais qu'amener le devoir de réserve quand on
amène l'obligation de neutralité religieuse amenait un certain équilibre à
cette loi-là. Je vous le dis, ça rétablissait une certaine perception. Je
continue à dire que ce serait intéressant. Maintenant, je n'ai plus
d'arguments.
Le Président (M.
Ouellette) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires au commentaire de
Mme la députée de Taschereau avant que je passe la parole à Mme la députée de
Montarville? Mme la ministre.
Mme Vallée :
Bien, écoutez, on continue à réfléchir avec les équipes puis voir si...
Le Président (M.
Ouellette) : Bien, je comprends que ça suscite beaucoup de réflexions,
et c'est le but de l'exercice. Mme la députée de Montarville, sur le
sous-amendement de l'amendement à l'article 4.
• (16 h 30) •
Mme Roy : Ce sera précis, M. le Président. Merci de le spécifier.
C'est un sous-amendement qui est très intéressant. On a déjà eu des discussions à cet égard. Ce
fameux devoir de réserve, on l'a dit, on l'a répété, les fonctionnaires,
dans l'exercice de leurs fonctions, ne
doivent pas, actuellement, afficher leurs préférences politiques, des macarons,
des écussons des partis politiques qu'ils aiment, et c'est accepté,
c'est dans les conventions. C'est ce devoir de réserve auquel fait référence ma collègue de Taschereau, et l'idée
d'appliquer ce même devoir en ce qui a trait aux préférences
religieuses, pour nous, est tout à fait cohérent.
Et, peut-être pour
aider à la réflexion, j'aimerais ramener les parlementaires à notre charte, la
Charte canadienne des droits et libertés,
puisque Mme la ministre interprète ou... c'est-à-dire nous nourrit de son
expertise et qu'elle va puiser à même
les décisions de la Cour suprême, mais la Cour suprême, ce qu'elle fait, c'est
qu'elle se sert de cette Charte
canadienne des droits et libertés. Et ultimement on a beau avoir la charte
québécoise, mais c'est la charte canadienne qui fera foi de tout dans cette question. Et, je pense, c'est important de le dire pour les gens qui nous
écoutent, c'est l'article 2 qui nous parle des libertés
fondamentales que nous avons tous, et chacun a les libertés fondamentales
suivantes... Et une liberté fondamentale, ce
n'est pas un droit, c'est une liberté. La charte fait la différence. Et, si on
prend l'exemple de ce fameux devoir
de réserve, on revient à cet employé qui voudrait porter un macaron d'un parti,
le parti XYZ, bien, il ne peut pas le faire actuellement, hein? Donc, ce
qu'on constate, c'est que le fait d'avoir ce macaron-là, c'est la liberté d'expression, la liberté de pensée, la liberté
d'opinion de ce fonctionnaire-là, ce sont des libertés qui sont à l'article 2.
Alors, cette liberté d'expression, de pensée et d'opinion de ce fonctionnaire
dans l'exercice de ses fonctions qui est actuellement, au moment où on se parle... elle est restreinte
pour des motifs politiques. On ne peut pas afficher des partis politiques,
des idées politiques, etc., dans l'exercice de ses fonctions. Mais actuellement, si on suit les enseignements que la ministre tente de nous faire
comprendre, la liberté d'expression du même fonctionnaire, elle ne serait pas
restreinte pour des motifs religieux. Alors, je trouve que c'est totalement
absurde, puisqu'on parle de libertés fondamentales ici, et cette même liberté d'expression, si elle est une liberté
d'expression de pensée politique, ça ne marche pas, mais, si c'est une liberté d'expression religieuse, ça
marche. Et je vous dis pourquoi c'est absurde : parce que
c'est donner plus d'importance à la
liberté de religion qu'à la liberté d'expression. Et, Mme la ministre le sait très bien, les libertés fondamentales qu'on retrouve à l'article 10, elles sont toutes égales. Il n'y a
pas de hiérarchie ni des droits ni des libertés.
Alors,
la question que je pose, c'est : Pourquoi ne pourrait-on pas, justement,
dire à ces fonctionnaires qui sont en train
de travailler, dans l'exercice de leurs fonctions, qu'ils ont ce droit de...
pardon, qu'ils doivent faire preuve de cette réserve et ne pas afficher leur liberté religieuse, leur liberté
d'expression à caractère religieux, tout comme ils ne peuvent pas afficher leur liberté d'expression à caractère politique?
J'essaie de trouver ici une piste de solution, puisque les libertés fondamentales, je le répète, sont toutes égales,
et on ne doit pas en privilégier une au détriment de l'autre. Si on le
fait pour pitou, pourquoi ce n'est pas bon pour minou? C'est la question que je
pose.
Une voix :
...
Le Président (M.
Ouellette) : Oui, oui. Non, ça va.
Mme Roy : Donc, je trouve
intéressant le sous-amendement déposé par ma collègue de Taschereau.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre, est-ce qu'il y a des commentaires aux
commentaires de Mme la députée de Montarville?
Mme Vallée :
Bien, en fait, je pourrais en avoir beaucoup, mais je ne veux pas prendre trop
de temps. Simplement, comme je le mentionnais, pour nous, le libellé de
l'article 4, dans sa forme, permet justement de venir encadrer cette obligation, ce devoir de neutralité. En fait, ce
devoir de réserve, c'est un devoir de neutralité, en soi, parce que c'est
un devoir d'impartialité. Parce que, bien,
ultimement, c'est ce qui est recherché. Lorsqu'on demande à un... Lorsque,
dans le cadre de la Loi sur la fonction
publique, on impose à un employé de
faire preuve d'un devoir de réserve quant à la manifestation de ses opinions politiques, c'est parce qu'on souhaite s'assurer que l'employé, le fonctionnaire va agir de façon
neutre et impartiale dans le cadre de ses fonctions puis ne fera pas de...
ne va pas manifester d'opinion politique, là, de façon ouverte. Et la neutralité religieuse, le principe de neutralité
religieuse interdit en soi le prosélytisme, parce que le prosélytisme va à l'encontre même du principe de
la neutralité religieuse. Quelqu'un qui s'exprime de façon très, très forte et qui véhicule des idées, des dogmes ne fait pas preuve de neutralité
dans le cadre de son travail, parce
que c'est quelqu'un qui indirectement, par ses propos, va tenter d'imposer ses
croyances. Lorsqu'à l'article 4
on fait référence à ce devoir de neutralité, on vient justement couvrir... on inclut
de façon beaucoup plus globale... plutôt que d'énumérer une série
de comportements qui iraient à l'encontre, on l'inclut, et on agit, et on
intervient.
Je comprends que notre collègue... Et je ne suis pas contre le fond, mais on a
des échanges avec les équipes, puis ce que
l'on dit, c'est que cette réserve-là à
l'égard de la religion, ce devoir de
réserve, il est inclus par le devoir de neutralité. Donc, c'est pour ça
qu'on me dit : Bien, ce serait peut-être quelque peu redondant.
Mais, dans la
forme aussi, dans la forme actuelle, la crainte, il y avait la question
de l'interprétation, c'est-à-dire
qu'est-ce qu'on entendait par le devoir de réserve.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy : Oui. Mme la
ministre nous dit : Le devoir de réserve, il est inclus dans le devoir de
neutralité. On y revient peut-être, si on pouvait définir la neutralité
religieuse, parce que le fonctionnaire ne peut pas afficher ses convictions
politiques, soit, mais il peut afficher ses convictions
religieuses. Alors, les gens qui nous écoutent, comment peut-on dire,
alors, que le devoir de réserve est inclus dans la neutralité? J'ai un problème.
À partir du moment où la neutralité
religieuse n'est pas définie... Si, par exemple, Mme la ministre nous disait : La neutralité religieuse... en plus du fait que naturellement les décisions ne doivent pas être influencées, ne
pas favoriser ni défavoriser, ça, c'est le gros bon sens, là, c'est être respectueux avec les gens qui nous entourent, on est là pour faire un
travail, là, mais, outre ça, au lieu d'un «notamment», être précise et dire que la neutralité religieuse de l'État
se définit de telle, telle, telle façon, le fonctionnaire doit faire preuve de réserve en n'affichant pas
ses convictions religieuses... On y revient. Et ce que je vous disais,
tout à l'heure, ce n'était pas anodin. Et je
revenais à notre Constitution canadienne. L'article 2, ce sont des
libertés fondamentales qui sont
toutes égales, il n'y a pas de hiérarchisation. Alors, pourquoi, dans un cas,
on y met... on la balise, dans le cas des fonctionnaires, lorsqu'il s'agit de leur liberté d'expression pour des
motifs politiques, mais on a dit : Nous ne la baliserons pas parce qu'elle touche la liberté d'expression
pour des motifs religieux, alors que les deux sont protégées de la même
façon par la charte? C'était mon commentaire.
Le Président (M. Ouellette) : Bon,
c'était un commentaire, ce n'est pas une question. Est-ce que Mme la ministre a
un commentaire sur la question, une réponse sur le commentaire de Mme la
députée de Montarville ou... Vous avez un
commentaire additionnel ou vous avez pas mal couvert la question, avant que je
demande aux collègues s'ils ont d'autres commentaires et que nous passions
au vote sur le sous-amendement? Avez-vous un autre commentaire, Mme la
ministre? Bon, ne bougez pas, je vais vous...
Mme Vallée : Je pourrais en
faire, mais je ne suis pas sûre que ce soit de nature à améliorer nos débats.
Le
Président (M. Ouellette) :
Bon, ça fait que je prends pour acquis que vous n'avez pas d'autre
commentaire et je prends pour acquis que
nous allons voter sur le sous-amendement de Mme la députée de Taschereau... Pas
tout de suite. M. le député de Bourget, vous allez clore notre débat,
probablement.
M. Kotto :
Oui, M. le Président, très brièvement, pour inspirer le cheminement de la
ministre relativement au sous-amendement
de ma collègue de Taschereau. Quand on parle du devoir de réserve, il faut
également penser — et,
dans mon souvenir, il y a des personnes qui
sont venues ici, en commission parlementaire, en témoigner — au harcèlement religieux entre collègues ou aux pressions religieuses que
subissent certaines personnes, notamment des femmes, mais qui vivent ces harcèlements et ces pressions dans le silence
et la torpeur. Donc, il ne faut pas les oublier. C'était le petit
commentaire que je voulais faire.
• (16 h 40) •
Le Président (M. Ouellette) : Est-ce
qu'il y a une réponse au commentaire de M. le député? Oui, Mme la députée de
Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, oui, le député de Bourget vient de me
rappeler, effectivement... L'association des Nord-Africains pour la laïcité était venue nous dire à quel point ils
avaient des pressions parfois dans les lieux de travail. Et ils nous avaient donné l'exemple d'une pétition
qui avait circulé pour obtenir un lieu de prière, et une dame n'avait
pas voulu signer la pétition et elle avait ensuite fait
l'objet de mesures, de pressions, genre, plus personne ne lui parlait. C'est ce qu'ils sont venus nous dire en commission
parlementaire. Et de là est venue cette idée aussi de devoir de réserve.
Merci au collègue de Bourget de me rappeler
qu'effectivement il y a eu des commentaires là-dessus, mémoires et surtout
échanges avec les Nord-Africains pour la laïcité. Bien, c'est ça... pour la
laïcité, c'est de là que ça vient.
Le Président (M.
Ouellette) : Commentaire, Mme la ministre, avant qu'on aille...
Mme
Vallée : Je pense que l'article 4, dans son libellé,
couvre ça dans le «notamment». Lorsque je parlais des politiques de l'État, des décrets, et tout ça, il
y a aussi ce que... l'espace, les services, l'encadrement des employés. Je
pense que ce que l'on décrit n'a pas sa place dans un État neutre, dans une
institution qui est neutre. On ne peut tolérer un comportement comme ça, une discrimination à l'égard d'un collègue ou
d'une collègue qui ne pense pas comme nous, de la pression sur un collègue ou une collègue qui ne
partage pas nos convictions ou notre absence de croyance, ça n'a pas sa place. L'objectif, c'est que le comportement ne
soit pas teinté, justement, par cette différence qui est... Et donc le
libellé de 4, à notre avis, nous permet de couvrir cette question-là.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Bourget.
M.
Kotto : Juste une clarification de la part de la ministre.
Favoriser ou défavoriser une personne, ça peut aussi être un ou une
collègue? Est-ce que c'est ce que la ministre veut nous faire comprendre?
Mme
Vallée : Excusez-moi, c'est parce qu'en réfléchissant on
s'écrit aussi, je m'excuse, là, pour voir... Et vous avez tout à fait raison. Favoriser ou défavoriser,
ce n'est pas seulement que la... On a beaucoup référé à la personne qui
fait la prestation de service, mais c'est
aussi ma collègue qui est à mes côtés, que je dois respecter, mon employé, la
personne qui est sous mon autorité et la personne qui est mon supérieur
également. Ce devoir-là, il va de soi.
Mme
Maltais :
Bien, M. le Président, je vais vous dire que, même si je tiens encore à
l'inscription du devoir de réserve, je trouve que cette clarification qui vient
d'être énoncée est extrêmement importante. Merci. Merci, mon cher collègue.
Le Président (M. Ouellette) :
Bon, devant tant de clarté, est-ce qu'on est prêts à voter? On est prêts à
voter le sous-amendement. Et on va voter par appel nominal parce que... Non,
pas nécessairement? Donc, est-ce que le sous-amendement proposé par Mme la
députée de Taschereau est adopté?
Des voix :
Rejeté.
Le Président (M.
Ouellette) : Il est rejeté. Donc, le sous-amendement de Mme la députée
de Taschereau est rejeté. Mais...
Mme
Vallée : Mais il a mené à une discussion qui permet de
clarifier l'article 4. Alors, ce n'est pas un rejet qui est
dogmatique, c'est un... Non, mais c'est important de le mentionner parce que ça
a quand même permis de clarifier des choses.
Le Président (M. Ouellette) : Et c'est pour ça que le verbatim de nos débats
est tellement important pour la suite des
choses et pour les gens qui reviennent, lors des contestations judiciaires, qui
viennent voir dans quel esprit... et quelles discussions se sont tenues
dans le cadre de nos débats.
Nous revenons
maintenant à l'étude de l'amendement proposé par Mme la ministre à
l'article 4. Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? Il n'y a pas d'autre commentaire. Est-ce que... Il y a peut-être
un autre commentaire. Oui, Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy : Oui, merci beaucoup, M. le Président. C'est toujours
question de procédure. Je vous avais dit que nous avions un
sous-amendement. Quand ce sera le temps, là, je vous laisse...
Le Président (M.
Ouellette) : ...sous-amendement à l'amendement de Mme la ministre à
l'article 4?
Mme Roy :
À l'article 4, oui.
Le Président (M. Ouellette) : Et il est en sous-amendement à l'amendement de la
ministre ou si ça va être un amendement à l'article 4?
Mme Roy :
C'est modifier l'amendement à l'article 4, donc c'est un sous-amendement.
Le Président (M. Ouellette) : Bon, c'est un sous-amendement. Je vais vous
écouter, en n'oubliant pas que M. le député de Gouin, lui, veut déposer
un amendement, après l'adoption de l'article 4, qui introduirait 4.1.
Une voix : ...
Le
Président (M. Ouellette) :
Bien oui, bien oui, je comprends, mais, dans les règles des choses... Mais je
veux juste nous le mentionner, que, dans les
règles des choses, je n'oublierai pas personne. Mme la députée de
Montarville.
Mme Roy : C'est un 4.1 aussi
que j'ai, alors...
Le Président (M. Ouellette) : Ah!
c'est un 4.1. Donc, on n'est pas sur le 4.1, donc, et je pense que c'est très
important que les choses soient claires. Donc, l'amendement de Mme la ministre
introduit à l'article 4, est-ce qu'il est adopté?
Des voix : Adopté.
Une voix : Sur division.
Le
Président (M. Ouellette) :
Il est adopté sur division? Donc, l'amendement de Mme la ministre à
l'article 4 est adopté sur division.
Est-ce que,
l'article 4, il y a d'autres commentaires? Il n'y a pas d'autre
commentaire. Est-ce que l'article 4, ainsi amendé, est adopté?
Des voix : Adopté.
Une voix : Sur division.
Le
Président (M. Ouellette) :
Adopté sur division. Maintenant, Mme la députée de Taschereau, vous nous
avez informés que vous aviez un amendement qui introduirait probablement un
4.1.
Mme Maltais : O.K. Alors,
article 4.1 : Ajouter, après l'article 4 du projet de loi,
l'article suivant :
«4.1. Parce
qu'ils doivent incarner la neutralité de l'État et exercent un pouvoir de
coercition, les agents de l'État suivants ne peuvent porter de signes
religieux dans l'exercice de leurs fonctions :
«a) les magistrats;
«b) les procureurs de la poursuite;
«c) les policiers;
«d) les gardiens de prison.»
Le
Président (M. Ouellette) :
Je vais suspendre quelques minutes. Juste avant ma suspension, vous avez un
ou deux amendements à 4.1, madame la... Parce que je pense que j'en ai deux,
moi. Vous avez un 4.1?
Mme Maltais : J'ai un 4.1.
Le
Président (M. Ouellette) :
Bon, vous avez un 4.1. Je comprends aussi que, Mme la députée de
Montarville, vous aurez un autre 4.1?
Mme Roy : Oui.
Le Président (M. Ouellette) : Ou qui
pourra être 4.2.
Mme Maltais : Selon ce qui arrivera
à 4.1, on verra si on dépose d'autres amendements.
Le Président (M. Ouellette) : O.K.
C'est beau.
Mme Maltais : S'il est adopté, moi,
je viens de régler mon affaire.
Le
Président (M. Ouellette) :
C'est beau. Et je comprends aussi que M. le député de Gouin aura aussi des
choses qui viendront à 4.1 et que le numéro changera sûrement en cours de
route.
Je suspends
quelques minutes, le temps de regarder la recevabilité de l'amendement
introduit par Mme la députée de Taschereau à 4.1.
(Suspension de la séance à 16 h 48)
(Reprise à 17 h 17)
Le Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Ne bougez pas, parce que je...
Une voix : ...
Le
Président (M. Ouellette) : Oui, bien, ne bougez pas. On va reprendre nos travaux, puis vous me
parlerez après, Mme la députée de Montarville.
Nous
reprenons nos travaux. Nous en sommes à l'étude d'un amendement introduisant l'article 4.1 qui nous
a été présenté par Mme la députée de Taschereau. Et on s'excuse s'il y a eu un
petit délai, mais c'est parce qu'il y a des choses qui vont se placer. Mme la
députée de Taschereau.
Mme Maltais :
M. le Président, si vous permettez, et avec le consentement des gens, étant
donné qu'on a découvert que la façon
dont j'avais libellé 4.1 excluait certains agents de la paix qui avaient des
pouvoirs de coercition, par exemple les agents de l'Assemblée nationale ici, les constables à l'entrée des
palais de justice, et toujours l'idée de Bouchard-Taylor, pouvoir de
coercition et position d'autorité, j'aimerais retirer l'article 4.1 pour
déposer un 4.2 qui exprimerait mieux notre pensée.
Le Président (M. Ouellette) :
Et que vous allez nous lire immédiatement, Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais : Oui. Alors, on
est d'accord pour retirer l'autre? Moi, je retire...
Le Président (M. Ouellette) :
Est-ce qu'on est d'accord, de consentement, pour retirer 4.1?
Des voix : Consentement.
Mme Maltais : O.K. Alors, article 4.2 :
Ajouter, après l'article 4 du projet de loi, l'article suivant :
«4.2. Parce qu'ils doivent incarner la neutralité de l'État et exercent un pouvoir de
coercition, les agents de l'État suivants ne peuvent porter de signes
religieux dans l'exercice de leurs fonctions :
«a) les magistrats;
«b) les procureurs de la poursuite;
«c) les agents de la paix.»
Le
Président (M. Ouellette) : Avant que j'aille à vos explications, Mme
la députée de Montarville, vous vouliez intervenir? Je veux vous permettre...
Mme Roy : Oui, brièvement, là. Je crois comprendre qu'on incorpore sous le
même vocable gardiens de prison et agents
de la paix. Alors, simplement par souci de précision, c'est en vertu de quelle
loi que les gardiens de prison sont considérés des agents de la paix?
Et ma
sous-question : Est-ce que le vocable «agents de la paix» d'une certaine
loi englobe et les policiers mais également les gardiens de prison, les
constables spéciaux? Est-ce que c'est large comme ça? C'est vraiment par souci
de précision.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la ministre va se faire le plaisir de vous donner...
Mme Vallée : ...systèmes
correctionnels qui prévoit...
Le
Président (M. Ouellette) : Oui, Mme la ministre va se faire plaisir de vous donner la réponse qui
définit les agents de la paix. Mme la ministre.
Mme Vallée : Oui, je m'excuse. C'est la Loi sur les services
correctionnels, et non pas systèmes correctionnels, qui prévoit
l'énumération des personnes qui sont visées par les dispositions de la loi.
Le Président (M. Ouellette) :
La définition des agents de la paix.
Mme Vallée : Alors, on les retrouve aux articles 5
et 9. Alors, ça inclut les agents de services correctionnels, les agents
de probation, les conseillers en milieu carcéral.
Le Président (M. Ouellette) :
Les policiers, les constables...
• (17 h 20) •
Mme Vallée : Les contrôleurs routiers ont le statut d'agent de
la paix en vertu de l'article 126 de la Loi sur la police et des articles 519.67 et 519.68 du Code de la sécurité
routière. Les enquêteurs qui agissent en
vertu de la loi concernant la
lutte à la corruption, les enquêteurs de l'UPAC, c'est en vertu de
l'article 14 de cette loi-là. Les agents de protection de la faune et le
fonctionnaire qui gère le travail d'un agent de conservation de la faune ont le
statut d'agent de la paix en vertu de
l'article 6 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la
faune. Et les policiers, c'est l'article 49 de la Loi sur la
police.
Mme Roy : ...d'autres
lois.
Mme Vallée : C'est ça.
Mme Roy :
Parfait, merci.
Le
Président (M. Ouellette) : Mais ça couvre la définition d'agent de la paix à différentes lois dans
notre corpus législatif. Et, en cas
de doute, pour un amendement ultérieur, en cas de doute, on ira chercher les
précisions appropriées.
S'il n'y a pas
d'autre demande d'éclaircissement, Mme la députée de Taschereau, pour les
explications de votre amendement introduisant 4.2.
Mme Maltais : Écoutez, M. le
Président, il y a eu, en 2007, une commission qui s'est appelée commission Bouchard-Taylor, avec MM. Gérard Bouchard et
Charles Taylor, qui a produit un volumineux rapport qui attend toujours que nous en arrivions à un consensus et que nous
essayions... que nous puissions enfin agir dans la matière de la
séparation entre l'Église et l'État et de la présence du phénomène religieux à
l'intérieur de l'État.
À l'époque,
le mandat de la commission Bouchard-Taylor touchait beaucoup aux accommodements
raisonnables, qu'on appelait à l'époque
accommodements raisonnables, qui aujourd'hui, dans le projet de loi n° 62,
sont un peu mieux définis en disant accommodements religieux. Ce qu'on
définit, ça va être les accommodements religieux.
On vient de
parler de neutralité de l'État. La neutralité, ça s'affiche aussi. On comprend
qu'il y a ici autour de la table
plusieurs partis politiques qui voient différemment la façon dont devrait
s'afficher la neutralité. Maintenant, je vais référer à deux choses. D'abord, à Bouchard-Taylor. On l'appelle la
clause Bouchard-Taylor ou l'amendement Bouchard-Taylor parce que c'était spécifiquement dans leur rapport, le personnel
de l'État qui avait un pouvoir de coercition devait, pour eux, ne pas afficher de signes religieux. Il
ne s'agit pas de signes ostentatoires ou quoi, c'est de ne pas afficher...
Pour afficher une véritable neutralité, parce qu'ils ont un pouvoir de
coercition, ils ne doivent pas afficher de signes religieux, c'est en page 151 du rapport : «La séparation entre
l'Église et l'État doit s'incarner, selon plusieurs, dans certains
symboles — ce
sont des symboles — en
l'occurrence dans l'apparence des agents qui occupent des postes qui représentent de façon tangible les différents
pouvoirs de l'État. Cette attente nous apparaît raisonnable.» Ça fait
10 ans que ça a été écrit, et ce qui
est drôle, c'est que, quand on lit le rapport, quand on arrive aux
recommandations, ils disent bien que les
recommandations qui, pour eux autres, sont prioritaires, sur lesquelles on
devrait agir tout de suite, sont en couleur. Bien, le port de signe religieux par les agents de
l'État, c'est en couleur, c'est vraiment prioritaire pour eux. Alors, ils
disent bien : «Il s'agit des postes qui
représentent de façon marquée la neutralité de l'État ou dont les mandataires
exercent un pouvoir de coercition.»
Alors, nous,
on comprend que les partis politiques ont chacun des opinions, des positions,
et tout. Ce que nous proposons, on
l'a fait en réfléchissant à une chose : nous devons trouver un terrain
d'entente. Ce terrain d'entente, pour nous, c'est ce à quoi les
Québécois s'attendent aussi.
J'ai dit que je référais à Bouchard-Taylor et à
autre chose, je réfère à tous les sondages qu'il y a au Québec actuellement, tous les sondages, tous les
sondages, il n'y en a pas un qui ne dit pas ça, là, tous les sondages sont
d'accord avec cette proposition. Les Québécois et les Québécoises sont en
accord avec cette idée. La proportion, c'est à peu près 75 %. Il ne s'agit pas, moi, je pense, seulement de trouver un
consensus entre partis politiques, il s'agit de faire avancer le Québec
et de trouver un consensus qui reflète là où en sont rendus les Québécois et
les Québécoises.
Nous avons,
comme parti politique, des positions qui vont beaucoup plus loin que ça. Par
exemple, les agents dans les CPE, les enseignants, tout ça, pour nous,
les enseignants de niveau primaire, secondaire, c'est en débat à notre prochain congrès puis c'est une proposition qu'on
fait. On n'a pas amené ici le programme du Parti québécois. Ce n'est pas
notre parti qui parle par notre bouche. Ce n'est pas notre position de parti.
C'est la position où on essaie de se rapprocher le plus possible du gouvernement pour trouver
enfin un terrain d'atterrissage. Cette proposition-là d'adopter cette partie-là, on l'a faite immédiatement après l'attentat de la mosquée à Québec.
Il y a eu comme un moment de silence, tout
le monde a fait : Ouf! Qu'est-ce qui vient de se passer? C'est dramatique, c'est terrible, il y a eu un
attentat contre des Québécois
et des Québécoises ici, et ça nous a
tous et toutes heurtés. Alors, nous nous sommes dit : Qu'est-ce qui est immédiatement, je pense, acceptable et pour les Québécois et
Québécoises et pour les partis politiques? Je pense que c'est acceptable
pour le parti... Tous les partis
d'opposition prônent à peu près ça comme minimum. Il y en a d'autres qui
ajouteront des éléments peut-être,
mais ça, c'est le minimum inscrit dans Bouchard-Taylor et c'est, pour nous, une
façon de faire évoluer la situation.
Hier, le maire Labeaume a lancé un cri du coeur.
J'habite à Québec, je sais qu'il a raison, puis ce n'est pas seulement sur le territoire de la ville de Québec
qu'il y a une montée de l'extrême droite. Les gens ont vu la crainte de
la montée du phénomène religieux grandir.
Moi, je le vois dans l'expression des citoyens et des citoyennes sur le
territoire. Je l'ai vu à Sherbrooke, je l'ai
vu à Québec, je l'ai vu à Montréal, je l'ai vu ailleurs. Or, face à cette
montée de l'extrême droite, on se
demande qu'est-ce qui se passe au Québec. Pourquoi? Parce que depuis
10 ans nous laissons ce problème irrésolu.
Alors, la proposition qu'on fait, c'est, je
pense, très acceptable, puisqu'elle est issue d'un rapport qui a été commandé
par le Parti libéral et, à l'époque, accepté par le Parti libéral. Ça a même
fait partie des discussions, et je pense que
c'était proche du... c'était le rapport Ouimet à l'époque. Alors, on est
là-dedans, là. Il n'est plus député, je peux dire ça. Alors, je pense que c'est une solution raisonnable, pesée, qui
correspond non pas à ce que nous sommes comme parti, parce que, je le
disais, comme parti on veut aller plus loin que ça, mais à ce que les Québécois
et Québécoises attendent de nous.
La
proposition, elle est simple, elle est claire, elle touche exactement à ce que
disait Bouchard-Taylor : pouvoir de coercition, magistrats, procureurs de la poursuite, agents de la paix,
ceux et celles dont la tenue est tellement symbolique qu'on leur impose
un uniforme, ceux et celles dont la fonction qu'ils occupent, le poste qu'ils
occupent est tellement important qu'on
impose déjà un uniforme. Je vous rappelle qu'il va même y avoir un projet de
loi qui va rappeler aux policiers
qu'ils ne peuvent pas porter ce qu'on a appelé des pantalons de clowns.
Pourquoi? Parce que cet uniforme est extrêmement important, il symbolise quelque chose.
Alors, oui, on peut légiférer sur les uniformes des agents de l'État qui
ont un pouvoir de coercition, le Parti libéral, le gouvernement actuel le fait.
Alors, nous
croyons que c'est notre devoir aujourd'hui d'avancer et que ceci serait une
avancée acceptable pas seulement par
tous les partis, on sait que tout le monde va faire un bout de chemin en
acceptant ça, mais que c'est une avancée pour les Québécois et les
Québécoises, qui s'attendent à ce qu'on fasse quelque chose. Voilà.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci. Commentaires, Mme la ministre?
• (17 h 30) •
Mme Vallée : Bien oui.
Évidemment, c'est assez intéressant d'écouter notre collègue lorsqu'elle
explique l'amendement, lorsqu'elle explique
dans quel contexte cet amendement s'inscrit là. Puis, sur certains points, je
dois vous dire, je ne peux pas
souscrire à son argument, parce que l'interdiction de porter un signe religieux
n'a rien à voir avec la neutralité des individus ou la neutralité de
l'État. Le fait pour quelqu'un de porter un signe religieux, le fait pour un
individu de porter une kippa, de porter un turban, de porter un voile ne vient
aucunement porter atteinte au devoir de neutralité
de la personne. Et là je n'entre pas dans le détail des individus qui sont
visés par l'amendement, des fonctions visées
par l'amendement, mais une personne peut très bien offrir une prestation de
services, interagir avec des citoyens en toute neutralité tout en
portant un signe religieux.
Alors, là-dessus, de dire : Nous
interdisons le port de signes religieux à certaines personnes qui ont des fonctions toutes particulières dans l'État
québécois afin d'assurer ou de renforcer le principe de la neutralité, en soi,
pour nous, ça ne tient pas parce que la
neutralité et le port d'un signe religieux, ça ne vient pas... ce n'est pas
contradictoire.
Maintenant,
pour ce qui est des membres de la magistrature, les membres de la magistrature
sont indépendants. En raison de
l'indépendance de la magistrature, il ne nous appartient pas au législatif de
leur imposer une règle de conduite. Ils sont déjà assujettis à des règles de... un code de déontologie qui est
très strict, un code vestimentaire qui est très strict. Les articles 5, les articles 8 de la
déontologie judiciaire imposent aux membres de la magistrature des obligations
d'impartialité, des principes d'égalité dans
la façon dont ils doivent interagir avec les citoyens. Nous avons eu, au
Québec, des juges qui portaient la
kippa. Nous avons, au Canada, des juges qui portent le turban, le turban sikh,
et d'aucune façon leur impartialité, leur
devoir d'impartialité et leur devoir d'équité envers les citoyens n'est affecté
du seul fait du port de ce signe religieux.
Les procureurs aux poursuites criminelles et
pénales, donc les procureurs de la poursuite, donc qui sont les procureurs aux
poursuites criminelles et pénales, sont déjà assujettis au devoir de neutralité
prévu à notre loi. Donc, à l'article 3,
nous touchons par le fait de l'article 3, par le libellé de
l'article 3, les membres du procureur aux poursuites criminelles et pénales, qui sont assujettis à un
code vestimentaire en raison des règles de pratique de la cour et qui
sont aussi assujettis à des obligations
d'impartialité et à une obligation d'exercer leurs fonctions à l'abri de toute
influence étrangère, ce qui est un principe de common law.
Maintenant,
les policiers sont assujettis à un code de déontologie des policiers, sont
assujettis également... sont visés par
le devoir de neutralité. Donc, le policier, la policière doit exercer ses
fonctions dans le cadre de la neutralité, donc suivant les principes que
l'on a étudiés à l'article 4. Les agents de services correctionnels sont
aussi assujettis à la Loi sur la fonction
publique, donc ils doivent exercer leurs fonctions dans l'intérêt du public et
avec impartialité. Ils sont aussi assujettis... Tous les agents de la
paix, finalement, sont assujettis au devoir de neutralité que l'on a étudié
plus tôt.
Donc, comme je le mentionnais, puis comme on a
eu aussi une discussion un peu plus tôt sur le devoir de réserve, le devoir de réserve ne doit pas être
interprété comme aussi s'appliquant sur le code vestimentaire, parce qu'une personne peut faire preuve de
neutralité tout en arborant un signe religieux.
Maintenant,
pour ce qui est du consensus rapport
Bouchard-Taylor, comme on l'indique, je pense que ce n'est quand même
pas négligeable de rappeler que M. Taylor, un peu plus tôt cette année,
s'est dissocié du rapport, et il disait : «J'ai bien signé le rapport où
cette recommandation paraît, mais neuf ans plus tard je ne l'endosse plus.
C'est principalement l'évolution du contexte
qui m'a fait changer d'idée.» Et, dans un texte qu'il avait publié, qui
s'appelait Le temps de la réconciliation, il disait que, le contexte politique,
l'évolution du contexte avait amené une
stigmatisation, le discours tenu au cours
des 10 dernières années avait amené une stigmatisation face à ceux et
celles qui portent le voile religieux, particulièrement face aux femmes
de confession musulmane. Je pense qu'on est conscient que certaines femmes ont
fait l'objet de menaces, ont fait l'objet même de voies de fait et ont vécu des
enjeux particuliers. Et, pour M. Taylor, de
ramener une telle recommandation dans la sphère amène en quelque sorte la
stigmatisation de ceux et celles qui affichent un signe religieux. Et ce
n'est pas une atteinte à la neutralité que d'avoir, d'afficher un signe
religieux. Il n'y a pas non plus d'urgence
actuellement. On ne peut pas dire aujourd'hui que, dans l'État québécois, il y
a urgence d'intervenir auprès de ces gens et d'interdire le port de
signes religieux aux magistrats, aux procureurs des poursuites criminelles et
pénales, aux agents de la paix. Et puis je suis d'accord, je dois vous dire, je
me rends aux arguments de M. Taylor qui
dit : D'encadrer ça, on stigmatise davantage, et donc... Et M. Taylor
concluait, dans son texte, qui avait été publié dans plusieurs médias l'hiver dernier, par la conclusion
suivante : «Cette légalisation serait d'autant plus gratuite
qu'elle serait très probablement invalidée par les cours, ne laissant derrière
elle qu'amertume et division.»
Lorsqu'on
interdit le port d'un signe religieux, c'est parce qu'on juge ce signe.
Actuellement, là, je vous l'ai dit, on a
des magistrats qui portent, et qui portaient, et qui ont porté la kippa. Ça n'a
suscité aucune problématique, aucune crise. Et un juge fort reconnu,
puis son nom m'échappe, en Ontario, portait le turban, et il était reconnu pour
la justesse, la qualité de son raisonnement
juridique. On s'attend à ce que nos magistrats agissent en toute impartialité,
oui, et, s'ils ne le font pas, le
Conseil de la magistrature viendra intervenir. Mais il ne nous appartient pas
de limiter, de venir encadrer le port
de signes religieux chez les magistrats, chez les procureurs criminels, parce
qu'ils sont déjà aussi assujettis à des codes.
Et
je veux simplement terminer avec une petite précision. M. le Président, vous
comme moi étions de ce comité qui s'appelait
le comité Ouimet, et, s'il y a une chose que je peux garantir à ma collègue,
c'est que cette recommandation-là n'apparaît pas
dans le rapport du comité Ouimet, pour les raisons que je vous mentionne. Notre
position quant à cette recommandation du
rapport Bouchard-Taylor, elle est la même, elle est constante, elle a toujours
été constante. Alors, là-dessus... Et
je voulais simplement le rectifier parce que, je comprends, parfois on a... il
s'est dit bien des choses sur les travaux de ce comité, il s'est dit
bien des choses sur ce rapport, mais, M. le Président, vous comme moi avons été
témoins de bien des choses. Je conclurai là-dessus.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
• (17 h 40) •
Mme Maltais :
C'est drôle qu'elle ne cite que Taylor, la ministre. Elle oublie Gérard
Bouchard.
Port
de signes religieux — Charles Taylor a provoqué «l'échec du projet de consensus»,
croit Gérard Bouchard. Eh
bien, la ministre est en train de donner raison à Gérard Bouchard. Je cite
l'article dans La Presse : «Le Québec a
raté une occasion unique de mettre derrière
lui le débat sur le port de signes religieux. En désavouant la solution mise de
l'avant dans son rapport, Charles Taylor a coupé les ailes au consensus qui se
dessinait entre les partis politiques, déplore Gérard Bouchard. "Le Québec
risque d'être encore une fois enfoncé dans l'âcre querelle qui le divise depuis
une quinzaine d'années. Pour ma part, j'endosse toujours cette proposition",
dit Gérard Bouchard.» L'autre dit : Non, non, non.
Et ce qui est le fun,
c'est qu'il dit... Ce qu'il dit, M. Bouchard, il dit : «Les jeux sont à
nouveau ouverts. Il est probable que le PQ
et la CAQ voudront maintenant reprendre leurs billes.» Nous ne reprenons pas
nos billes, malgré cela, nous disons
que le consensus est toujours possible. Ne faites pas, s'il vous plaît... Ce qu'on est en train de préparer ici, là, c'est l'échec du consensus québécois. Je ne
parle pas au Parti libéral ni à la CAQ et je ne parle pas comme position du Parti québécois. Ce n'est pas la position du Parti
québécois. Nous aussi, on a une
position différente, mais regardez ce que nous dit Gérard Bouchard, qui
est quand même un sociologue d'importance aussi au Québec : S'il vous
plaît, ne faites pas l'échec du consensus québécois. C'est ce que nous
proposons aujourd'hui.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Beaucoup
de respect pour M. Bouchard, beaucoup de respect pour M. Taylor, mais, je dois
vous dire, avec respect, pour qu'il y ait un consensus, on doit s'entendre. Et sur cette question-là
je pense qu'on a toujours
été constants, on a toujours
été conséquents avec ce que l'on a porté comme message, et, pour nous, il n'est
pas question de... cette recommandation-là
ne fait pas partie des recommandations qui ont été mises de l'avant.
Parce que
ça aussi, c'est important de le mentionner, le rapport Bouchard-Taylor
comporte un impressionnant lot de recommandations dont plus de 80 % ont
été mises en oeuvre dans bien des domaines, que ce soit auprès de
l'Office des professions, dans le milieu scolaire, au niveau de la commission
des droits de la personne et de la jeunesse, au niveau du MIDI, au niveau...
Alors, il y a eu une suite de donnée aux recommandations.
Les
recommandations sont une recommandation, il est possible de les prendre en tout
ou en partie. Et je pense que la
crédibilité de ce rapport-là se manifeste par le nombre de recommandations qui,
au fil des ans, ont été mises en oeuvre. Je vous dis, c'est un peu plus
de 80 %. Donc, ça ne change...
Je peux ne pas
partager l'opinion de M. Bouchard tout en le respectant, je peux ne pas
partager l'opinion et la proposition des
collègues tout en le respectant. À mon humble avis, cette proposition-là est
attentatoire aux droits et libertés de
ceux et celles qui occupent ces fonctions-là, et qui sont déjà astreints à des
règles d'impartialité extrêmement sévères, extrêmement strictes de par
les lois qui encadrent leurs fonctions.
Ces
gens-là, en fait, le port de signes religieux chez ces gens-là au Québec est
marginal, je vous dirais. Comme je vous
mentionnais, j'ai, à ma connaissance, peut-être un ou deux membres de la
magistrature qui portent encore la kippa, puisque certains ont pris leur
retraite. Donc, c'est très marginal. Alors, je ne vois pas pourquoi...
qu'est-ce qui nous amènerait... Parce que,
lorsque l'on propose une disposition qui à sa face même est attentatoire,
encore faut-il expliquer l'urgence de
légiférer, et je ne vois pas en quoi il y a une nécessité de régler une
problématique. En fait, je ne vois pas la problématique, actuellement. Ce sont toutes des fonctions encadrées, des
fonctions qui non seulement sont encadrées dans un devoir de neutralité,
d'impartialité, mais ils sont aussi tous assujettis à un code vestimentaire.
Alors,
aller plus loin au nom de la neutralité religieuse, ça ne tient pas la route,
parce que la neutralité religieuse n'a rien à voir avec l'individu mais
plutôt avec la façon dont la prestation de services et l'interaction
s'exercent.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Simplement dire que, pour les justiciables,
l'apparence de justice fait partie du système de justice.
Deuxièmement,
si la ministre se demande où est la problématique, elle était dans les rues de
Québec en fin de semaine. C'est tout ce que j'ai à dire.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Saint-Jérôme.
M. Bourcier :
Je vais céder mon droit de parole à la députée de Montarville, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Ah oui? Vous voulez revenir après?
M. Bourcier :
...la permission...
Le Président (M. Ouellette) : Oui, oui. Bien, c'est beau. On va aller à Montarville. Après ça, on va aller à M. le député de Gouin, si on a du temps, parce que je ne veux pas
brimer le droit de parole de Mme la
députée de Montarville. Mme la
députée de Montarville.
Mme
Roy : Merci beaucoup, M. le Président. C'est un sous-amendement qui est... un amendement,
pardon, qui est intéressant, que nous propose la collègue de Taschereau.
Vous comprendrez que je voterai en faveur de cet amendement parce qu'à
quelque part il rejoint le consensus de cette main tendue au début de l'année
2017, à la suite des tristes événements que nous avons connus. Nous étions tous
d'accord... enfin, toutes les oppositions étaient d'accord pour accepter Bouchard-Taylor et, à cet égard,
interdire le port de signes religieux pour les personnes en position
d'autorité coercitive, qui représentent
l'État de par leur uniforme, également, et leurs fonctions, soit les juges, les
procureurs de la couronne, et gardiens de prison, et policiers. L'amendement
de la collègue de Taschereau va en ce sens.
Et, cette main
tendue, nous l'avions tendue, et, vous savez, M. le Président, si elle avait
été acceptée, on n'en serait pas là aujourd'hui. Peut-être même que c'est une question qui serait réglée. Ça
aurait peut-être aussi pu répondre à plusieurs préoccupations
des citoyens ou demandes des citoyens. Chose certaine, ça aurait envoyé un
message clair à l'égard du fait que, l'État
québécois, les personnes en position d'autorité... Après que nous ayons payé
collectivement des dizaines de millions de
dollars pour le rapport de la commission Bouchard-Taylor, appliquer cette
recommandation pour interdire le port
de signes religieux n'aurait pas fait de nous tous collectivement des monstres. N'oubliez
pas qu'on a payé des dizaines de millions de dollars pour se faire dire
que c'était une recommandation importante.
Parmi les autres
recommandations importantes qui n'ont pas été mises en application par le
gouvernement, il y avait également, et je suis retournée lire les écrits, une
recommandation qui devait être mise rapidement en oeuvre. Il y avait celle de l'interdiction du port de
signes religieux, là, on remonte à 2007, 2008, 2009, donc près de 10 ans,
là, qu'on nous dit ça, et il y avait également la recommandation qui demandait
au gouvernement de produire un livre blanc sur la laïcité, le méchant mot, M. le Président, Bouchard-Taylor nous disait
qu'il fallait se pencher sur cette question. Alors, je rappellerai, pour
le bénéfice des gens qui nous écoutent, que le gouvernement a refusé un
amendement que j'ai soumis, qui aurait fait
en sorte d'écrire en quelque part dans notre loi que l'État québécois est
laïque. Le gouvernement a refusé. Ce n'est pas une loi sur la laïcité
mais sur la neutralité religieuse de l'État.
Je
vous rappelle également qu'il n'y a pas de définition de la neutralité
religieuse. Nous demandons à la ministre d'inclure une définition comme
les lois le permettent. Lorsque vous lisez une loi, il y a la section
Définitions. C'est là que ça va. J'invite
les collègues à lire la loi sur l'interprétation des lois, on peut mettre des
définitions. La ministre ne semble
pas vouloir mettre cette définition. Et, lorsque la collègue de Taschereau nous
dit : Nous voudrions ajouter cet amendement
pour... l'amendement se lit comme suit, on parle des fonctionnaires de
l'État : «Parce qu'ils doivent incarner la neutralité de l'État et exercent un pouvoir de coercition, les agents de
l'État suivants ne peuvent porter de signes religieux dans
l'exercice de leurs fonctions», et on les mentionne clairement : les
magistrats — ça,
ce sont les juges, les juges, naturellement,
qui sont sous la juridiction du gouvernement du Québec, on se comprend; les
procureurs de la poursuite, encore une fois, qui relèvent de l'État du
Québec, on ne parle pas des procureurs fédéraux, on parle des procureurs
québécois; les agents de la paix, qui, comme vous nous l'avez appris, incluent
les gardiens de prison, les policiers, et naturellement,
qui relèvent, encore une fois, de l'État québécois, tout comme les centres de
détention québécois et non les pénitenciers
fédéraux, tout ce qui relève de la juridiction québécoise, les policiers
municipaux, les policiers de la Sûreté du Québec mais non ceux de la
GRC, on parle de vraiment ceux sur lesquels nous avons un pouvoir et une
juridiction. Donc, je suis d'accord avec cet amendement.
Et,
lorsqu'on parle des magistrats, ce sont les juges. Et Mme la ministre, elle dit
quelque chose, elle dit : Vous savez,
ils ont déjà un code vestimentaire. Oui, tout à fait. On est allés voir
justement le code vestimentaire à son article 6. Et Mme la ministre nous dit que leur interdire le port de signes religieux, c'est
attentatoire à leurs droits et libertés. Alors, Mme la ministre peut retourner
lire l'article 6 des règlements, du code vestimentaire, qui nous dit d'entrée de
jeu que le magistrat, le juge porte
une toge, c'est clair. Donc, on leur dit quel est le vêtement qu'ils doivent
porter dans l'exercice de leurs fonctions.
Alors,
ma question est la suivante : En disant ça, est-ce que la magistrature
elle-même ne vient pas de porter atteinte aux libertés d'une femme, par
exemple, qui voudrait porter le
tchador, parce qu'elle est juge, mais
elle voudrait mettre son tchador?
Est-ce que c'est possible? Je pose la question en vertu de l'article 6 des
règles vestimentaires, du code vestimentaire de la magistrature, parce qu'on en est là. Et, lorsque le code... Je
ne suis pas capable de lire sur les lèvres, Mme la ministre dit quelque chose. Parce que, lorsque le code
de la magistrature nous dit que le juge doit porter une toge, ma question
est la suivante : Est-ce qu'une femme juge pourrait porter le tchador?
• (17 h 50) •
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Ça, là, c'est un bel exemple de stigmatisation, c'est
un bel exemple... C'est le discours, justement, qui amène une espèce
d'intolérance. On est dans l'hypothétique...
Mme Roy :
Non, M. le Président, là, je m'objecte, ici, là.
Mme Vallée :
Laissez-moi terminer, laissez-moi terminer.
Mme Roy :
Elle me prête des intentions.
Le Président (M. Ouellette) : Non,
non, elle ne vous a pas prêté rien encore.
Mme
Roy : Un discours d'intolérance...
Le Président (M.
Ouellette) : Elle ne vous a pas prêté rien encore, et je suis ça de
près, je suis ça de près. Mme la ministre.
Mme
Vallée : Vraiment, là, honnêtement, M. le Président, je ne
réponds pas à cette question-là parce que c'est purement hypothétique.
Puis honnêtement il ne m'appartient pas de répondre à cette question-là,
puisque le Conseil de la magistrature est complètement indépendant pour gérer
les différents cas d'espèce qui pourraient être soulevés.
Ceci
étant dit, les juges sont tenus de porter une toge. Je sais que notre collègue
nous a dit la semaine passée : Je n'ai pas beaucoup d'expérience de
juriste, là, mais une toge, c'est une toge.
Le Président (M.
Ouellette) : Non, elle ne vous a pas prêté de...
Mme Vallée :
Bien, non, c'est elle, je reprends ses propos.
Le Président (M.
Ouellette) : Bien, factuellement, Mme la ministre, une toge, c'est une
toge.
Mme
Vallée : Excusez-moi. Factuellement... Je reprends ses propos.
Une toge, c'est une toge. C'est noir, puis, pour les juges, ça a des
barres rouges sur les épaules.
Bon,
ceci étant dit, il y a aussi des enjeux au niveau des compétences. Donc, il n'appartient
pas à l'Assemblée nationale de régler
la déontologie des juges. En soi, ça, c'est un élément, alors... et surtout
parce que, là, il n'y a pas de distinction,
dans le sous-amendement, des juges qui sont de nomination fédérale. Ça, c'est
un autre enjeu. Et le Conseil de la magistrature
est seul à édicter des règles de comportement qui sont relatives à l'exercice
des fonctions judiciaires puis ils sont
seuls à pouvoir sanctionner un manquement à ces règles-là. Et, comme je l'ai
mentionné, bien, le code de déontologie prévoit déjà de façon très
claire qu'un juge doit être impartial et objectif et que ce juge-là doit faire
preuve de réserve dans son comportement public.
Mais, vous savez,
c'est intéressant, parce que je nous réfère à un mémoire qui nous a été remis
le 3 novembre dernier, M. Jocelyn Maclure,
qui a aussi travaillé à la rédaction du rapport Bouchard-Taylor, et à la page 3
de son mémoire il nous dit :
«Une des vertus du projet de loi réside dans ce qu'il ne fait pas :
interdire le port de signes religieux visibles au nom d'une compréhension erronée de la laïcité ou
de la neutralité religieuse de l'État. La neutralité religieuse de
l'État implique, entre autres, que les
employés d'un organisme public fassent preuve de neutralité et d'impartialité
dans l'exercice de leurs fonctions,
donc veiller à ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de
l'appartenance ou non de cette dernière
à une religion. Or, il est tout à fait possible de porter un signe religieux
qui témoigne de notre foi sans faire de prosélytisme et sans que cela n'affecte notre jugement professionnel.
Nous reconnaissons d'ailleurs cette présomption de neutralité aux agents
de l'État qui ont des convictions de conscience fortes sans pour autant porter
de symboles religieux.» Parce qu'une
personne athée, une personne non croyante ne porte pas de signes religieux et
pourrait aussi, sans le... En fait, son apparence ne dévoile pas sa
non-croyance, c'est dans son comportement que va s'exprimer sa neutralité. C'est la même chose pour les
personnes dont la croyance, dont la foi amène le port d'un signe religieux.
Donc, cette présomption de neutralité doit aussi être accordée à ceux et celles
qui portent un signe religieux visible.
Donc, honnêtement, M.
le Président, on pourrait en débattre longtemps. Je me souviens que ma collègue
de Montarville m'avait questionnée sur cet aspect-là à l'Assemblée nationale. On parle d'un consensus, oui, de l'opposition,
mais, pour avoir un consensus, il faut que l'ensemble de l'équipe partage cette
opinion-là. Et, pour notre formation politique, pour notre gouvernement, cet article-là,
cette recommandation de Bouchard-Taylor ne fait pas partie de ce que nous avons
proposé, de ce que nous soutenons, pour l'ensemble des motifs que j'ai
mentionné.
Et,
oui, M. le Président, lorsque l'on dépose un article de ce type, il faut
expliquer pourquoi, il
faudrait expliquer pourquoi, qu'est-ce qui amène, pas seulement
dire : C'est la recommandation d'un groupe de travail, mais encore
qu'est-ce qui justifie cette demande-là, qu'est-ce qui est à l'origine de cette
demande-là. En quoi les dispositions qui régissent
ces personnes-là posent problème dans leur forme actuelle? Pourquoi aller plus
loin? Il est où, le problème, au Québec,
au sein de la magistrature, au sein du DPCP, au sein des agents de la paix?
Est-ce qu'il y a un réel problème ou est-ce que le discours politique de
certains ne crée pas un problème qui est inexistant?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy :
Oui. Je vois que le temps file. Alors, je tentais seulement de démontrer à Mme
la ministre que la magistrature elle-même
encadre la liberté religieuse en se donnant un code vestimentaire et en
disait : Oui, nos juges vont porter
la toge et pas le tchador, ni le niqab, ni la burqa, la toge. En faisant ça, en
édictant un code vestimentaire, on vient ici restreindre la liberté
religieuse.
Alors,
je dis : La magistrature le fait pour elle-même, on n'est pas des monstres
à vouloir le faire. C'est ce que je tente de démontrer à Mme la
ministre.
Cela dit, je voterai
en faveur de l'amendement de ma collègue de Taschereau.
Le Président (M.
Ouellette) : Bon, je ne sais pas la longueur de votre intervention, M.
le député de Gouin. J'aurais quasiment le goût
qu'on commence, mais je ne veux pas non plus vous brimer dans votre droit. Et
je pourrais peut-être vous dire qu'on
pourrait remettre ça au 7... on pourrait remettre ça à la prochaine séance,
parce que probablement que M. le député de Saint-Jérôme, il aurait un
petit bout à faire.
M. Nadeau-Dubois :
Je veux faire un petit bout.
Le Président (M. Ouellette) : Ah!
vous voulez faire le petit bout? Bien, je vous donne le petit bout.
M.
Nadeau-Dubois : Si c'est tout ce que j'ai le temps de faire, je vais
le faire, puis on reprendra où on l'a laissé la prochaine fois.
Bien,
écoutez, M. le Président, je me dois ici... j'ai essayé de rendre mes
interventions rares dans nos travaux parce que, de notre côté, à Québec solidaire, une, pas la seule, mais une de
nos préoccupations, c'est qu'on tourne la page sur ce débat-là, au Québec, qui a lieu maintenant depuis
10 ans. Il n'y a pas beaucoup de débats dont on peut dire qu'ils
durent aussi longtemps dans l'actualité politique québécoise.
Et on est
d'accord avec la ministre à l'effet que les recommandations de Bouchard-Taylor
ne sont pas parfaites, qu'elles ne
font pas l'unanimité, mais, pour nous, c'est une position de compromis. Et
c'est une position de compromis qui a
émergé, bien sûr, en 2007, mais qui a refait surface il n'y a pas très
longtemps, dans la foulée des attentats à Québec, et ce n'est pas un hasard qu'elle ait refait surface
à ce moment-là, c'est que tout le monde a senti, à ce moment précis de notre
histoire, qu'il y avait un climat, un
contexte qui justifiait qu'on fasse tous un pas dans la direction des autres
formations politiques puis qu'on atteigne une position de compromis. À Québec
solidaire, on a défendu cette position de compromis là à l'époque, on la défend
toujours.
Et, lorsque
je vais compléter mon intervention, la prochaine fois, je vais essayer
d'exposer en quoi, pour nous, ce compromis-là
n'est pas arbitraire. Il y a des raisons fortes, qui s'appuient sur des
principes forts, qui ont fait en sorte que non seulement les
commissaires Bouchard-Taylor, mais une bonne proportion de la société
québécoise en sont venus à cette position-là de compromis.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, M. le député de Gouin.
C'était une très bonne pratique pour les déclarations de députés d'une
minute.
Compte tenu
de l'heure, la commission ajourne ses travaux au jeudi 7 septembre 2017, à
14 h 30... Non, c'est le 6 qu'on revient. On ajourne au 6.
(Fin de la séance à 18 heures)