(Neuf heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Hardy) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder aux auditions publiques dans le cadre de la consultation générale
sur le rapport quinquennal 2016
intitulé Rétablir l'équilibre — Rapport
sur l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels et de la Loi sur la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé.
M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Merlini (La Prairie) est remplacé par M. Plante
(Maskinongé); M. Ouellette (Chomedey),
par M. Hardy (Saint-François); et M. Marceau (Rousseau), par
Mme Léger (Pointe-aux-Trembles).
Le Président (M. Hardy) :
Merci. Nous débutons cet avant-midi par des remarques préliminaires, puis nous entendrons des organismes suivants : le
Centre québécois du droit de l'environnement, l'Association pour l'accès et
la protection de l'information et le Bureau d'assurance du Canada.
Remarques préliminaires
Nous débutons les remarques préliminaires.
J'invite d'abord Mme la ministre responsable de l'Accès à l'information et de
la Réforme des institutions démocratiques et députée de Bourassa-Sauvé à faire
ses remarques préliminaires pour une durée de six minutes.
Mme Rita Lc de Santis
Mme de Santis : Merci, M. le
Président. Merci aux représentants des groupes que nous allons entendre dans le
cadre de cette commission parlementaire pour leur présence et leur travail de
rédaction en lien avec le dépôt d'un mémoire. Je remercie également mes
collègues parlementaires qui sont ici. Je remercie et je salue la députée de
Pointe-aux-Trembles, le député de Borduas et le député de Maskinongé.
Évidemment, je remercie aussi la Commission
d'accès à l'information pour ce rapport quinquennal qui a été rendu public l'année dernière. Le rapport qui fait
l'objet de la présente commission permet d'amener la réflexion encore un peu plus loin quant à la manière la plus
appropriée de faire évoluer nos deux lois québécoises qui protègent le
droit au respect de la vie privée et le
droit à l'information. Ces deux droits enchâssés dans la Charte des droits et
libertés fondent le système démocratique tel que nous le connaissons.
• (9 h 40) •
Sachant leur importance et l'évolution très
rapide des technologies, les lois protégeant ces droits doivent être adaptées aux réalités contemporaines et ainsi
protéger les individus adéquatement. Elles doivent notamment simplifier
le consentement donné par l'utilisateur,
tout en facilitant davantage le partage des informations détenues par les
ministères et organismes dans le domaine de la recherche et de l'innovation.
Les travaux
de modernisation de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et
sur la protection des renseignements
personnels sont actuellement très avancés et pourront se conclure
prochainement, je l'espère, je l'espère sincèrement, avec le dépôt d'un projet de loi. Je rappelle que le travail
de modernisation prend son assise sur les 31 orientations gouvernementales rendues publiques en 2015. Elles sont
le fruit d'une importante analyse du gouvernement qui a été alimentée,
entre autres, par les divers rapports de la Commission d'accès.
Le principe
guidant le processus de modernisation est de faire de l'accès la règle, et la
demande, l'exception. La diffusion proactive s'avère être la façon la
plus bénéfique pour le citoyen de s'informer, de créer, d'innover. Il peut déjà le faire, et ça, c'est préliminaire, mais,
sur le site donneesquebec.ca, en consultant ou téléchargeant les données
ouvertes gouvernementales ou municipales.
Par ailleurs, la divulgation trimestrielle des dépenses des cabinets ainsi que
la publication des agendas des
ministres et leurs rencontres avec les acteurs non gouvernementaux vont aussi
dans la direction d'une plus grande transparence.
Quant à la
loi sur le secteur privé, des travaux sont déjà en cours pour la réviser. Ils
prennent appui sur ceux qui ont été effectués en matière de protection
des renseignements personnels pour la révision de la Loi sur l'accès.
La tournée de
sensibilisation à la protection des renseignements personnels et de la vie
privée sur le Net, que j'ai terminée en juin dernier, m'a permis de
constater à quel point la vie privée est devenue un enjeu global, d'abord pour les jeunes, mais aussi
pour les personnes de tous les âges, en particulier pour nos aînés, afin de les
protéger contre la fraude, le vol
d'identité et la publicité ciblée. Cet enjeu nous touche chaque jour, lorsque nous
ouvrons Facebook, partageons une photo
sur Instagram ou créons une «story» sur Snapchat. Si nous n'apportons pas une
attention particulière à la protection de nos renseignements personnels,
de notre identité, qui est unique, nous pouvons perdre notre liberté de choix,
et certains peuvent nous la voler, l'entacher ou perpétrer des infractions sous
notre nom.
Les auditions
qui débutent aujourd'hui s'insèrent dans des chantiers, certains très avancés,
et d'autres qui avaient été entamés
mais qui prendront désormais une vitesse de croisière plus importante. Elles
prennent également pied dans un contexte
plus large, celui du gouvernement ouvert, dont je suis responsable de la mise
en oeuvre avec mon collègue le président
du Conseil du trésor. Les trois axes d'un gouvernement ouvert sont la
transparence, la collaboration et la participation. Cette année, nous avons adopté un cadre de
référence gouvernemental sur la participation publique, qui met de l'avant sept principes servant de guides aux
ministères et organismes lorsqu'ils désirent mettre en oeuvre une
consultation publique.
Ce rapport quinquennal de 2016 qu'on va étudier,
c'est un rapport sur l'application de la Loi sur l'accès et la Loi sur la protection des renseignements
personnels dans le secteur privé, a fourni, avec ses 67 recommandations,
plusieurs pistes permettant d'adopter nos
lois à l'ère moderne. Alors, entamons ensemble l'approfondissement de
celles-ci. Merci beaucoup, M. le Président.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant la
porte-parole de l'opposition officielle en matière d'accès à l'information et députée de Pointe-aux-Trembles à
faire ses remarques préliminaires pour un maximum de
3 min 30 s.
Mme Nicole Léger
Mme Léger :
Oui, merci. M. le Président, bonjour. Bonjour à la ministre, à tous les
collègues du gouvernement, de la deuxième opposition. Alors, salutations
aux gens qui nous écoutent. Alors, évidemment, on va étudier le rapport
quinquennal, et c'est toute une brique que la CAI, la Commission d'accès à
l'information, nous a déposée, plusieurs recommandations. Dans le fond, quand
on regarde les deux lois, la loi sur l'accès à l'information, c'est comme
disait M. Chartier, entre autres, dans son introduction, c'est l'une des plus progressistes
qu'elle était en 1982. Les experts maintenant
nous disent qu'elle se situe maintenant au bas de l'échelle. Donc, c'est sûr
qu'il y a des améliorations à faire à cause
du contexte de l'environnement numérique actuel, les avancées technologiques,
les nouvelles dynamiques, etc. Alors, c'est
évident que c'est très opportun de faire ces audiences-là maintenant, surtout
où le gouvernement s'est engagé à avoir plus de transparence,
transparence plus accrue. Donc, c'est sûr qu'on va questionner à ce niveau-là.
Je lisais ce
que M. Chartier dit dans son introduction, une phrase que j'ai beaucoup
appréciée, c'est : «L'accès aux documents doit devenir la règle
plutôt que l'exception.» Alors, évidemment, quand on veut rechercher cet équilibre-là entre l'accès aux documents et
protéger les renseignements personnels, c'est un équilibre qui n'a
toujours été pas facile à trouver, mais je
pense que, depuis 1982, on a beaucoup de choses à améliorer, évidemment. En
2016, plus particulièrement, M.
Chartier écrivait dans son introduction : «C'est à tous les jours que nous
sommes sollicités tant par les médias
sociaux, par les sites d'achats en ligne, par les programmes de fidélisation,
par les services de musique continue, par un employeur ou un assureur.»
C'est la donne d'aujourd'hui, maintenant.
Il y a tout
le côté du secteur privé aussi, des lois aussi qui écartent l'application de la
Loi sur l'accès. Alors, le nombre de
dérogations qui sont demandées, je pense qu'il y a beaucoup de questions à ce
niveau-là, les restrictions qui sont là, leur portée, leur durée. Il y a
des refus d'accès à des documents sans justification, sans aucune obligation de
la personne d'expliquer son refus, donc
c'est des questionnements importants. Le gouvernement entre l'idéal de la
primauté de l'intérêt public, je pense qu'il
y a des aspects importants qu'on va écouter dans les audiences aujourd'hui,
aujourd'hui, demain et les prochaines
journées. Tout ce qui entoure le secret professionnel, il y a des
recommandations à ce niveau-là, sur le
consentement, les critères de consentement, sur les communications qu'on peut
faire à l'extérieur du Québec. Sur toute la généalogie aussi, on a les
gens dans ce secteur-là qui vont venir nous donner leur mémoire, vont venir
nous présenter leur mémoire sur tous les
aspects avec la disposition du Code civil, etc. Toute la notion des données
ouvertes, on se questionne beaucoup à ce niveau-là.
Quand je vois aussi l'article de ce matin dans Le
Journal de Montréal, Journal de Québec, de Rémi Nadeau, Fling flang
au ministère de la Justice, c'est sûr que ça nous questionne au maximum.
Son titre, c'est : La succession d'irrégularités
dans le traitement des demandes d'information du journal laisse de moins en
moins de doute sur l'existence de manipulation politique. Donc, on
est en droit de se questionner à ce niveau-là comment se fait le processus, et
je suis convaincue que la ministre va vouloir améliorer la situation qu'on vit
présentement.
Alors, on
aura beaucoup de questions, on est contents d'avoir les gens qui viennent
présenter leurs mémoires, alors la suite dans les prochaines heures.
Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme
la députée. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition
en matière d'accès à l'information et député de Borduas à faire ses remarques
préliminaires pour un maximum de 2 min 30 s.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Alors, bonjour,
M. le Président. Je souhaite saluer tous les membres de la commission, en premier titre Mme la ministre, le collègue de
Maskinongé, d'Argenteuil, la collègue de Pointe-aux-Trembles, les gens qui nous accompagnent, de
remercier également la Commission d'accès à l'information pour le volumineux
rapport, et un rapport bien fouillé
également, donc, sur l'accès à l'information, que nous étudierons au cours des
quatre prochains jours. Puis je
remercie également les gens qui viennent nous parler, qui viennent déposer des
mémoires également parce que ça va permettre éventuellement de bonifier
la loi, je l'espère. Et on est dus pour une réforme depuis fort longtemps,
fort, fort longtemps.
Donc, j'offre
mon concours à la ministre pour qu'on puisse éventuellement adopter une loi qui
saura répondre aux défis qu'on a
aujourd'hui. Parce que — et c'est mentionné dans le rapport, hein? — on est, un, la 10e province sur
14, on est le 57e État derrière le
Honduras en termes d'accès à l'information. Il y a des sérieuses lacunes au
Québec relativement à l'accès à
l'information. On doit être dans une ère où les gens doivent pouvoir avoir
accès aux renseignements publics, aux renseignements
de l'État, et il faut éviter toutes sortes de contraintes qui n'ont pas lieu
d'être bien souvent. Parfois, il faut des
exceptions dans une loi, mais il ne faut pas que l'exception devienne la règle.
Et là-dessus je pense qu'on aura l'occasion d'entendre les différents intervenants, aujourd'hui et au cours des
prochains jours, qui viendront nous expliquer, bien, comment ça se passe
dans la réalité.
Il y a un
autre point que je ne peux pas passer sous silence aujourd'hui, M. le
Président, c'est le fligne-flagne au ministère
de la Justice encore en matière d'accès à l'information. C'est tout à fait
déplorable. Vous savez, M. le Président, on a actuellement une loi sur
l'accès à l'information présentement. On a bien beau vouloir la bonifier, mais
encore faudrait-il que le gouvernement
libéral respecte cette loi actuellement. Et ce qu'on constate, et ce n'est pas
la première fois, c'est qu'il y a de
la manipulation politique, au niveau des cabinets politiques, au niveau de
l'accès à l'information, c'est totalement
inacceptable. Et, pour un gouvernement qui veut être le plus transparent possible, M. le Président, on constate que ce n'est pas
le premier événement, ce n'est pas le
deuxième événement, il y en a eu plusieurs. Il y en a eu au ministère des Transports du Québec. Il y en a eu au
ministère de la Justice. Et on constate que la chef de cabinet... et ça a été
rapporté dans les médias qu'on filtrait les
demandes d'accès à l'information pour les députés de l'opposition et pour les
journalistes, ce qui, dans notre démocratie, M. le Président, n'a pas lieu
d'être.
Et vous allez
être d'accord avec moi, M. le Président, qu'il faut respecter la loi et que le
responsable de l'accès à l'information
rende l'information disponible sans que ça passe par les cabinets. Est-ce que
le gouvernement libéral peut enfin
s'engager à ça? J'avais questionné la ministre lors de l'étude des crédits à ce
niveau-là. Malheureusement, M. le Président, on est encore au même
point. Je trouve ça déplorable.
• (9 h 50) •
Le Président (M. Hardy) : Merci
beaucoup, M. le député.
Auditions
Nous allons
maintenant débuter les auditions. Je souhaite la bienvenue aux représentants du
Centre québécois du droit à
l'environnement. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc
à vous présenter puis à commencer votre exposé.
Centre québécois du droit de
l'environnement (CQDE)
M. Baril
(Jean) : Merci, M. le
Président. Mon nom est Jean Baril. Je suis avocat, docteur en droit, vice-président
du Centre québécois du droit de
l'environnement et professeur de droit au Département de sciences juridiques de
l'UQAM. Ma thèse de doctorat en droit
portait spécifiquement sur le droit d'accès à l'information environnementale,
et l'Assemblée nationale m'avait donné le prix Jean-Charles-Bonenfant
pour la qualité supposée de mes recherches, donc c'est un peu mon dada.
Et, pour ce
qui est de... Je vous remercie, M. le Président, Mme la ministre, les
différents parlementaires, de recevoir le
CQDE, qui n'est pas un organisme spécifiquement dédié à la question de l'accès
à l'information environnementale. Mais,
en matière d'environnement, je dois vous rappeler que le seul ministère de
l'Environnement reçoit en moyenne entre 12 000 et
15 000 demandes d'accès à l'information par année, ce qui montre
l'appétit de la population pour l'accès à l'information
en matière d'environnement. Et, même si le rapport de la commission Rétablir
l'équilibre traite très peu d'information environnementale, je veux
souligner à quel point le droit d'accès à l'information sur ces questions est
essentiel et pourquoi la réforme législative qu'on nous promet depuis un
certain temps... J'étais ici pour le rapport antérieur
de la Commission d'accès à l'information, Mme la ministre, vous siégiez de
l'autre côté à l'époque, et, là aussi, on nous promettait une réforme
rapide de la loi sur l'accès à l'information. Donc, j'espère que ce coup-ci ça
va aboutir.
Donc, la
question environnementale a fait partie de... a motivé le législateur. Dès
1978, on adopte la Loi sur la qualité de l'environnement, et c'était une
primeur, une nouveauté. On permettait à l'époque aux citoyens de faire des demandes d'accès à l'information au seul ministère
de l'Environnement pour obtenir des renseignements sur les contaminants. C'était quatre ans avant que la Loi
sur l'accès soit adoptée. Donc, c'était une nouveauté, c'est l'environnement
qui a fait avancer cette question-là.
En 2006,
l'Assemblée nationale a adopté la Loi sur le développement durable, et ce type
de développement est devenu le
nouveau mode de gestion, et un des 16 principes juridiques que la loi
contient concerne spécifiquement le droit au savoir et l'accès à l'information. Par cette même loi de 2006, on a
introduit dans notre charte québécoise un nouveau droit fondamental, soit celui du droit de vivre
dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité. Donc,
selon nous, au CQDE, il y a au moins deux droits fondamentaux : le droit à
l'information, qui est reconnu dans la charte depuis 1975, et le droit de vivre
dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité, qui sous-tendent,
qui soutiennent le droit d'accès à l'information de nature environnementale au
Québec.
La
défense efficace de tous les droits fondamentaux qui sont reconnus dans une
charte nécessite l'acquisition d'information
préalable, mais la question de l'information environnementale occupe une place
particulière dans les travaux du
législateur québécois. Et, par exemple, récemment, en 2009, lorsque l'Assemblée
nationale adopte la loi sur le caractère collectif des ressources en eau et visant leur protection, on fait de la
transparence un des principes reconnus dans cette loi-là, et la loi énonce que toute personne a
droit, dans les conditions et limites définies par la loi, d'accéder aux
informations relatives aux ressources en eau
détenues par les autorités publiques. Malgré le caractère progressiste et
bienvenu de ce nouveau droit, de
cette affirmation-là, il demeure que les conditions et limites définies par la
loi sont celles de la Loi sur l'accès
et de ses très nombreuses restrictions, qui sont demeurées pratiquement
inchangées depuis 1982, donc depuis 35 ans, et ces restrictions-là diminuent nettement la portée du droit qu'on
voulait reconnaître en adoptant la loi sur l'eau en 2009.
Donc,
le CQDE est tout à fait d'accord avec l'affirmation du rapport de la Commission
d'accès à l'information sur la nécessité de revoir l'ensemble des
restrictions de la Loi sur l'accès.
Autre
exemple de la question particulière de l'accès à l'information de nature
environnementale, c'est que, dès l'adoption
de la Loi sur l'accès, en 1982, le législateur avait prévu par son
article 26 une exception aux restrictions, que certaines
informations sur les questions environnementales, la contamination, pouvaient
justifier qu'on écarte les restrictions de nature économique. Malheureusement,
tous les auteurs de doctrine, que ce soit Me Raymond Doray, moi-même dans la thèse... entre 1983 et 2006,
l'article 26 n'a jamais été utilisé par la Commission d'accès à
l'information.
Donc,
en 2006, on a... Lors de la dernière grande réforme de la Loi sur l'accès, on
abroge cet article-là et on le modifie
par l'actuel article 41.1. Malheureusement, on a retrouvé depuis 2006
seulement une décision de la Commission d'accès à l'information où l'article 41.1 a permis la divulgation
d'informations de nature environnementale. Donc, selon nous, le rapport de la Commission d'accès à
l'information mentionne l'article 41.1 comme étant un exemple de prise
en compte de l'intérêt public, une
disposition qui est si peu utilisée, une fois en 33 ans, nous semble un
très mauvais exemple de disposition visant à protéger l'intérêt public.
Malheureusement,
et on l'avait dit lors du précédent rapport de la Commission d'accès à
l'information, le rapport passe sous
silence toutes les dispositions, les nouvelles modalités législatives, les
normes juridiques qui ont été adoptées depuis 2006 en vertu de la Loi
sur le développement durable, de la loi sur l'eau et leur impact réel sur la
pratique des organismes administratifs par
rapport à la divulgation des informations. On n'a pas constaté sur le terrain
que les organismes administratifs ont
libéralisé leurs pratiques et leurs réponses aux demandes d'accès à l'information
suite à l'affirmation du principe
d'accès au droit au savoir, suite à l'affirmation du principe de droit à la
reconnaissance à l'information sur les ressources en eau. Il n'y a pas
eu de développement majeur de ce côté-là, et ça aurait été intéressant
d'entendre la Commission d'accès à
l'information faire un bilan et une évaluation de ces nouvelles dispositions
qui ont été adoptées par vous, les législateurs, pour voir le résultat
concret pour nous permettre, vous permettre d'améliorer la Loi sur l'accès.
Selon
nous, il vient d'y avoir une réforme majeure de la Loi sur la qualité de
l'environnement, le projet de loi n° 102 qui a été adopté en mars,
et, la question de l'intérêt public, la disposition préliminaire de la LQE qui
a été adoptée mentionne spécifiquement le caractère collectif et l'intérêt
public de l'environnement. C'est pour ça que, selon nous, l'intérêt public, que
tant la commission mentionne, doit prendre en compte les questions
environnementales et les questions liées au
développement durable, qui est le mode de gestion officiel, en vertu de la Loi
sur le développement durable, de toute l'administration publique
québécoise.
Donc, ce critère de développement durable qui
implique une conciliation des intérêts économiques, environnementaux et sociaux devrait, selon nous, prévaloir sur les
actuelles exceptions, les restrictions relatives aux tiers, les gens qui
remettent les documents, les secteurs
économiques, les articles, les fameux articles 23 et 24 qui donnent
actuellement un droit de veto complet aux entreprises. Tous les
ministères, les organisations, si un document a été remis par un tiers, si une condition d'autorisation environnementale se
retrouve dans un document qui a été remis par le demandeur
d'autorisation, le ministère n'a absolument
pas le droit... et ce n'est pas facultatif comme toutes les autres restrictions
de la Loi sur l'accès, c'est
obligatoire, c'est impératif, doit refuser. Donc, les entreprises se sont vu,
en 1982, donner un droit de veto sur les informations qu'elles ont l'obligation de remettre aux différents
ministères, dont celui de l'Environnement, et ça, ça a amené une série
de problèmes qui doivent absolument être corrigés. La question de l'intérêt
public, dont la prise en compte du développement durable, devrait viser à
réduire la prépondérance des restrictions sur les informations à caractère
économique.
Et
ce qui a été fait dans la dernière... Dans la Loi sur la qualité de
l'environnement qui a été adoptée en mars 2017, il y a eu des changements positifs de ce côté-là.
On a écarté les restrictions des articles 23 et 24, et on a déterminé
que c'est le ministre de l'Environnement... Les entreprises peuvent demander
que des renseignements qui portent sur les secrets industriels ou commerciaux confidentiels ne soient pas rendus publics,
mais c'est au ministre à le décider, ce n'est pas eux qui... ou les entreprises, les demandeurs
d'autorisation qui ont un droit de veto, et cette modalité devrait inspirer,
selon nous, la prochaine réforme en droit de l'environnement.
• (10 heures) •
Le
Code civil du Québec reconnaît que l'eau et l'air sont des choses communes.
Selon nous, l'information sur l'eau et l'air devrait aussi être des
choses communes et ne pas pouvoir être privatisée.
Dernier
point qui est mentionné dans le rapport de la Commission d'accès, c'est
l'application de l'article 137.1 qui permet aux organismes de
demander à la commission d'écarter des demandes jugées abusives. Encore là, il
n'y a pas de chiffre dans le rapport de la
commission qui propose une réforme, changer 137.1. Mais nous, au CQDE, on
reçoit de plus en plus — et ça nous inquiète — de demandes de groupes environnementaux qui
nous disent qu'ils se font refuser des demandes
d'accès à l'information en considérant que c'est un caractère abusif. Donc,
dans le mémoire, on explique un peu cette disposition-là et comment elle
devrait être améliorée.
Donc, le rapport Rétablir
l'équilibre formule des propositions et des recommandations qui vont dans
le bon sens, mais on trouve qu'elles
ne vont pas assez loin. Et, dans notre mémoire, on a détaillé plus en
détail — avec le
temps qui me manque — certaines
des recommandations qu'on espère qui seront prises en compte par le
législateur.
Merci de votre
attention, et je vais répondre à vos questions.
Le Président (M.
Hardy) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant
débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour...
côté gouvernemental, de 22 min 30 s.
Mme
de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup d'être là
avec nous aujourd'hui et de votre présentation. J'écoute, j'entends et
je crois que, quand je lis votre mémoire, vous avez même dit que le ministre de
l'Environnement, lui aussi, il a écouté. Et je trouve des passages dans votre
mémoire qui sont très favorables avec les modifications qui ont été faites à la
Loi sur la qualité de l'environnement.
Maintenant,
revenons à votre mémoire aujourd'hui. La convention d'Aarhus, O.K., prévoit
«qu'en cas de menace imminente pour
la santé ou l'environnement, qu'elle soit imputable à des activités humaines ou
qu'elle soit due à des causes naturelles,
toutes les informations susceptibles de permettre au public de prendre des
mesures pour prévenir ou limiter d'éventuels
dommages qui sont en la possession d'une autorité publique soient diffusées
immédiatement et sans retard aux personnes qui risquent d'être
touchées». Elle prévoit ça.
Moi,
je vous demande : Est-ce que vous êtes favorables à ce que nous ajoutions
à la loi sur l'accès à l'information une
clause qui prévoit qu'un renseignement qui révèle un risque sérieux pour la
vie, la sécurité ou la santé d'une personne ou un risque sérieux à
l'atteinte à l'environnement doit être divulgué sans délai et de façon
proactive, malgré toute restriction à la loi? Présentement, l'article 41.1
ne dit pas ça. 41.1, c'est plutôt un article qui dit que les restrictions ne
s'appliquent pas quand il y a une demande d'accès dans certaines situations.
Alors, qu'est-ce que vous pensez de cette proposition?
M. Baril (Jean) : Oui, absolument. La convention d'Aarhus, d'ailleurs, est un bon exemple
et devrait sous-tendre la réflexion
sur l'amélioration de nos mécanismes d'accès à l'information. Elle est
d'ailleurs ouverte à la ratification par tous les États, dont le Canada.
Le
libellé de la convention d'Aarhus spécifiquement sur cette question-là doit
être jaugé aussi avec les mécanismes d'interprétation passés de la
Commission d'accès à l'information, parce que c'était un peu ça, l'idée qui
sous-tendait à la fois l'article 26 et
l'article 41.1. Mais malheureusement une interprétation restrictive des
termes employés, «danger imminent» ou
«sérieux», «grave», etc. La commission exigeait des personnes qui demandaient
le document... Et, quand on demande
un document, on ne sait pas le contenu du document, on ne sait pas, donc on va
à la pêche, si vous voulez, on ne connaît
pas, et c'est seulement la commission elle-même qui peut établir si,
effectivement, ce document-là peut être utile et peut correspondre à un danger réel. Et malheureusement on arrive devant
la commission 22, 23, 24 mois après avoir fait notre demande, si on
s'est fait dire non.
Donc,
il faut que l'ensemble des intervenants comprennent très bien l'idée du
législateur, que le libellé des mots soit
très clair, que ce qu'on veut, c'est que les dangers liés à l'environnement,
que ce soit la question des pesticides... Par exemple, en Europe, outre la convention d'Aarhus, il vient d'y avoir, il
y a quelques mois seulement, un jugement de la Cour européenne des droits de l'homme qui a fait en sorte de dire que la
question du secret industriel devait être écartée lorsqu'il y a des dangers qui touchent la santé
humaine dans l'utilisation des pesticides. Donc, de plus en plus, on
voit un lien se faire entre la question de l'environnement et de la santé
humaine.
Dans
le libellé d'une future réforme visant à moderniser, il faudrait faire attention au choix des mots pour
faire en sorte que l'ensemble des
intervenants, des responsables d'accès à l'information divulguent les
informations qui touchent les
questions environnementales. Et c'est pour ça qu'autant dans le mémoire, autant
la convention d'Aarhus contient une définition
d'information environnementale, ce qui est l'autre point. Nous, dans notre
système législatif, autant la Loi
sur la qualité de l'environnement que la loi sur l'accès à l'information, il n'y a
pas de définition d'information environnementale, comme il n'y a pas de
définition de ce qu'est un secret industriel. La convention d'Aarhus contient
une définition de l'information
environnementale, et le code français de l'environnement contient aussi une
définition environnementale.
À
l'annexe I du mémoire, vous retrouvez une proposition qui fait l'amalgame
entre les deux définitions, tant de la convention
d'Aarhus que du code français de l'environnement. S'il y avait
une définition de ce qu'est une information de nature environnementale, ça serait nettement plus facile pour tous les
responsables de l'accès à l'information de répondre oui, s'il
y a lieu de faire une demande, ou, si
on a adopté ce sur quoi on vise, des mécanismes de
divulgation obligatoire automatique,
via des registres, de mettre cette information environnementale là déjà sur
les registres pour éviter d'avoir affaire
avec des demandes d'accès à
l'information et les délais. Et, dans
ce sens-là, ça va dans le sens aussi du rapport quinquennal.
Mais,
oui, l'idée, elle est tout à fait excellente, c'est le... Bien, vous le savez, vous
êtes juristes, le choix des mots est très
délicat sur cette question-là. Parce
que, malheureusement, l'expérience
de l'article 26 et 41.1 s'est avérée négative, même si
l'objectif visé était grosso modo le même que celui que vous parlez aujourd'hui.
Mme de
Santis : Alors, vous êtes d'accord qu'il devrait y avoir une
divulgation proactive.
M. Baril
(Jean) : Oui.
Mme de
Santis : Parfait. Mais
est-ce que vous êtes aussi en train de me dire que toute information
environnementale devrait être divulguée proactivement?
M.
Baril (Jean) : Toute
information qui correspondrait à... Vous le savez, normalement les lois
commencent par des définitions. L'article 1 d'une loi, c'est des définitions. Si vous avez une définition de ce
qu'est une information de nature
environnementale, à notre avis, oui. Si on définit ce qu'est une information de
nature environnementale et qu'on considère
que l'environnement, c'est quelque
chose qui concerne l'ensemble de la population,
qu'il n'y a pas personne qui peut s'accaparer pour lui-même le contrôle de cette information-là sur
les mesures prises, sur le respect des mesures, sur les mesures de surveillance, oui, cette information-là
devrait être divulguée. Ça correspond à un droit fondamental, le droit
de vivre dans un environnement sain, et, à
notre avis, oui, toute information correspondant à une éventuelle définition
devrait être divulguée automatiquement sur des registres.
Mme de
Santis : Mais alors comment
trouver l'équilibre, parce que, parmi les informations environnementales,
on va avoir des secrets industriels ou des
secrets commerciaux? Alors, comment on joue l'équilibre là-dedans?
Parce que vous ne pouvez pas
me dire que tout... avec un mouvement de «brush», là, on va écarter tous les
secrets industriels.
• (10 h 10) •
M. Baril
(Jean) : Ça, je suis
d'accord à 100 % avec vous, et
on l'explique dans le mémoire. La question du secret industriel est tout à fait... La Loi sur l'accès,
présentement, l'article 23, le premier... le début porte sur le secret
industriel. À ma connaissance, il n'y a aucun groupe environnemental — et
pas le CQDE — qui
remet en question la question des droits de
propriété intellectuelle, de la protection des secrets industriels. Par contre,
le reste de l'article 23, ça porte sur les renseignements de nature industrielle, financière, technique et
commerciale, et là tout renseignement environnemental est en essence...
Essayez de réfléchir. Trouvez un renseignement de nature environnementale qui
ne soit pas technique, scientifique,
industriel ou commercial. Les renseignements de nature environnementale sont
rarement de nature culturelle. Donc,
c'est l'article 23, pas la section sur les secrets industriels, qui a
causé tant de problèmes, c'est tout le reste. Et c'est pour ça qu'il
faut qu'il soit amendé, qu'il soit changé.
La question
du secret industriel, il faut faire attention, je sais qu'il va y avoir des
intervenants qui vont... Parce que,
dans la réforme sur la Loi sur la qualité de l'environnement, ça a été un assez
gros débat, la question de la protection des secrets industriels versus les renseignements de nature
industrielle. Le secret industriel, on peut l'agiter aussi comme un hochet, parce que le ministère de
l'Environnement... Je vais donner un exemple qui va peut-être vous faire rire,
mais, si l'entreprise Cadbury veut ouvrir
une usine de fabrication, le ministère de l'Environnement ne va pas exiger le
secret de la Caramilk, là, le ministère de
l'Environnement ne va pas exiger des secrets de fabrication qui se passe à
l'intérieur de l'usine. La Loi sur la
qualité de l'environnement dit qu'elle s'applique seulement sur l'eau, l'air et
le sol. Tout ce qui se passe à l'intérieur des usines ne concerne pas le
ministère de l'Environnement ni la Loi sur la qualité de l'environnement. Les renseignements qui portent sur les secrets industriels...
Un État voisin, le New Jersey, l'a spécifié : le secret industriel n'est valable qu'à l'intérieur de l'usine. S'il y a
des émanations, la contamination, les eaux usées ou la pollution de
l'air qui permettraient à des gens mal intentionnés
de découvrir c'est quoi, le secret industriel ou le secret de fabrication de la compagnie, bien, il faut qu'ils s'installent des
filtres en conséquence parce qu'ils n'ont pas... L'information sur l'environnement est considérée comme étant supérieure au respect du secret industriel.
Tant et aussi longtemps que le secret industriel est à l'intérieur
de l'usine, il est considéré... il a la primauté.
À mon sens et
au sens du CQDE, il faut aller aussi dans
ce sens-là d'une définition de ce
qu'est un secret industriel, ce qu'il y a dans la convention d'Aarhus,
ce qu'on n'a pas ici, pour justement éviter... et protéger tant les intérêts
des entreprises... Parce que, quand on parle de développement durable, vous
avez tout à fait raison, là, c'est de trouver une conciliation entre les intérêts économiques,
sociaux et environnementaux. Il
y a des secrets industriels,
mais normalement les informations que vous devez remettre au ministère
de l'Environnement pour être autorisé,
ça ne concerne pas les secrets industriels dans votre usine, ça concerne : est-ce que
vous êtes dans un milieu humide, combien de quantités de contaminants vous
allez utiliser et ça va être quoi, vos mesures de récupération, de recyclage,
etc., vos boues usées, vous allez les faire
traiter comment, qu'est-ce qui est
prévu. Ça, ce n'est pas des secrets industriels, c'est des informations
environnementales d'intérêt public.
Mme de
Santis : J'aimerais maintenant poser une question sur
l'article 137.1, et c'est les demandes abusives. Vous mentionnez
que l'invoquer pourrait avoir un effet dilatoire automatique, compte tenu des
frais et des ressources engendrés. Est-ce que le coût d'un recours devant la
CAI est aussi élevé que ça? Point numéro un.
Point numéro
deux. Vous faites tout un argumentaire, mais je ne comprends pas, dans ce que
vous proposez, c'est quoi exactement
que vous proposez comme modification à cet article. Vous vous dites d'accord
que, si l'organisme veut soulever l'article 137.1, que c'est une
demande abusive, ça doit être fait dans un délai de 20 ou 30 jours. Vous
vous dites d'accord avec cette recommandation de la CAI, mais vous voulez aller
plus loin. Et aller plus loin, c'est quelle modification à cet article?
M. Baril
(Jean) : Vous avez soulevé
deux points. Le premier point, c'est les coûts devant la Commission
d'accès à l'information. Il faut savoir que
les groupes environnementaux sont des personnes morales qui, en vertu de la Loi
sur le Barreau et des règles de la
Commission d'accès à l'information, doivent être, quand ils sont devant la
Commission d'accès à l'information, représentées par un avocat membre du
Barreau. Vous savez comme moi qu'un avocat membre du Barreau, pour des petites organisations environnementales incorporées,
ça peut représenter des coûts. Ça représente des délais aussi. On connaît tous la question des délais devant la
Commission d'accès à l'information. Et l'exemple qu'on donne ici, c'est un exemple tout à fait réel, tout
récent, où un groupe environnemental a fait une demande sur 150 rapports
de forage qui avaient été approuvés, et on a
dit que c'était une demande abusive. Mais, s'il y a eu 150 rapports de...
150 forages qui ont été autorisés par les services du ministère, c'est
qu'ils avaient les ressources pour les traiter. Ce n'est pas de la faute des citoyens ou
des groupes environnementaux s'il faut qu'ils demandent autant d'informations.
S'il y en avait juste eu trois, ils auraient demandé trois.
Donc là, les
citoyens se sont habitués à se faire refuser, à se faire reporter en disant que
c'était abusif, que c'était trop pour le ministère de l'Énergie et
Ressources naturelles ou trop pour le ministère de l'Environnement. Donc là, on a vu apparaître — vous savez, tout le monde essaie de trouver
des solutions — 50 citoyens
qui font une demande sur chacun trois forages. La réaction des
ministères a été la même : encore là, c'est abusif. Mais qu'est-ce qui est
abusif? C'est la situation en soi. S'il y a
eu beaucoup d'autorisations, est-ce qu'on va dire aux citoyens : Bien, il
y a eu beaucoup d'autorisations en matière d'environnement, mais
ce serait abusif que vous les connaissiez toutes, donc on va vous en
donner, faites des demandes sur 1 %, ou 2 %, ou 5 % des
autorisations?
C'est dans ce
sens-là qu'on considère que... C'est juste une piste de solution. On sait, au
niveau juridique, qu'il y a ce qu'on
appelle les gens querelleurs, il y a des... Dans le Code de procédure civile,
on va écarter des gens qui font manifestement...
qu'il y a un usage abusif du système juridique. Mais le libellé du Code de
procédure civile est nettement plus
restrictif et plus sévère, là. On ne voit pas ça à... Ce n'est pas courant,
quand même, comparé à ce qui nous semble être une nouvelle tendance au sein des administrations. C'est très facile de
dire : Bien, votre demande est abusive, et ça va demander trop de
ressources de notre organisme, quand on sait que le ministère, par exemple, de
l'Énergie et des Ressources naturelles, le ministère des Transports sont des
organismes qui ont quand même un certain nombre de ressources, en tout cas, ressources qui permettent de faire un très grand
nombre d'autorisations sur un très grand nombre de sujets qui suscitent
de toute évidence une demande pour obtenir de l'information environnementale,
demande que les gens sont obligés de faire.
Parce qu'au Québec
on est très peu avancés, comme a dit le député tantôt, au niveau des registres publics et des mécanismes de divulgation automatique.
Si cette information-là était transmise automatiquement sur des registres, parce qu'elle correspond à la définition d'information environnementale, il n'y aurait pas de demande abusive ou très
peu parce qu'il n'y aurait pas nécessité de
faire une demande. Tous les documents sont numérisés. Toute demande d'autorisation
au gouvernement est numérisée, donc on la met... si elle correspond à la
définition légale, on la met sur un site et on vient d'éviter un certain nombre, sinon un grand nombre de demandes
jugées abusives par celui qui détient l'information.
Le Président (M. Hardy) : Merci, M.
Baril. Mme la ministre.
Mme de Santis : Je crois que mon
collègue aimerait poser une question. Combien de temps il reste?
Le Président (M. Hardy) : Il reste
7 min 30 s.
Mme de Santis : O.K., allez-y.
Le Président (M. Hardy) : Donc, je
passe la parole au député de Maskinongé.
M. Plante : Merci beaucoup, M. le
Président. Me Baril, bonjour, bienvenue. On s'est rencontrés sur le projet de loi n° 102.
Je suis très, très fier que vous ayez vanté les mérites de mon
collègue le ministre de
l'Environnement — j'ai le privilège d'être son adjoint
parlementaire — et
de vous dire à quel point on est fiers d'avoir présenté justement une
modernisation d'un régime qui, après de nombreuses années, donc, plus de
40 ans, n'avait pas été modifié.
Je vais juste
revenir sur... parce que tantôt... Moi, j'ai un problème de cheveux, vous savez,
des fois je frise quand j'entends des
choses puis je veux juste être sûr qu'on a bien compris ou qu'on a bien entendu
la question. Tantôt, vous avez parlé, bon... en parlant de secret professionnel, de divulgation, vous
avez dit : Bien, tout ce qui est de nature environnementale, après avoir mis une définition bien claire, que ça
soit un contaminant de l'eau, l'air, du sol, bien, c'est de nature
publique. D'autres personnes qui viendront,
mais on a entendu à d'autres commissions aussi, vont dire : Bien, bien au
contraire. Parce que, le ministère de l'Environnement, quand on demande un certificat d'autorisation,
on fait une demande de certificat d'autorisation,
ce qu'on va leur demander, c'est de mettre justement... pas nécessairement le procédé, mais de nous dire, bon,
les produits utilisés, ne serait-ce que s'ils ont un risque de contaminer
l'air, l'eau ou le sol. Et ce qu'on demande avant d'émettre le
certificat d'autorisation, c'est de contrer les émanations, les glissements,
l'écoulement, etc., là, vous êtes bien au courant.
Alors,
j'aimerais savoir... Parce que, si j'ai bien compris,
vous, vous dites : Non, non, non, tout ce qui est en dehors, qui a un risque
de contamination extérieure, sol, eau, air, bon, etc., c'est de nature publique.
O.K., je
comprends, mais, si la loi est modifiée puis inclut un règlement comme ça ou permet une chose comme ça, qu'est-ce
qu'on répond à ceux qui disent : Bien, chaque matériau utilisé, ou
procédé, ou etc., est de nature confidentielle et du secret professionnel?
J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Hardy) : M. Baril.
• (10 h 20) •
M. Baril (Jean) : Oui. Encore là, je
reviens à la convention d'Aarhus, au code français de l'environnement, qui contiennent des définitions de ce qu'est un
secret industriel, et ce secret industriel-là est protégé. Et nous, on
serait tout à fait favorables à ce qu'il y
ait une définition dans la Loi sur l'accès de ce qu'est un secret industriel et
qu'il y ait une restriction qui va demeurer sur la question du secret
industriel.
Et
les 35 années parlent, la pratique et tous les rapports, là, pas seulement
les environnementalistes comme moi, mais
quelqu'un comme Me Raymond Doray le dit, lui aussi : On a élargi
indûment la notion de secret industriel. Vous me parlez, par
exemple... Un exemple, vous vous
souvenez de l'épisode des gaz de schiste. Le CQDE avait fait une demande
d'accès à l'information parce que les forages avaient été... on voulait savoir
les produits qui étaient utilisés dans la fracturation
hydraulique. Ça avait une importance énorme sur la question de l'eau potable,
potentiellement. Et la loi sur l'eau
existait, le fameux droit aux ressources en eau. Et on s'est fait dire non, pas que le ministère
en soi était contre... Et ce n'est pas un secret industriel de savoir...
Toute la liste des produits était publique. Les entreprises disaient ça, le ministère
et le rapport du BAPE : les produits utilisés à travers le Québec,
on savait les 35 produits chimiques qui étaient utilisés. Ce qu'on ne savait pas et ce qui est important
de savoir en responsabilité civile... Quelqu'un, un producteur
agricole qui voit son puits d'eau potable... son approvisionnement en eau
potable contaminé par un produit chimique, il n'a absolument aucun recours s'il ne
sait qu'une liste agrégée de l'ensemble
des produits chimiques utilisés au Québec.
Il n'a aucune preuve que l'entreprise qui a foré à 200 mètres de son puits
a utilisé tel produit. Donc, l'information sur le produit, ce n'est pas un
secret industriel, ça.
Les
secrets industriels... Je vous ferai remarquer que... Dans les
sites d'enfouissement, connaissez-vous beaucoup de secrets industriels? Dans le prolongement des routes, quand on
autorise une nouvelle carrière-sablière à Chertsey, je ne pense pas qu'il
y ait encore beaucoup de secrets industriels. Les Chinois, là — M.
Trump parle beaucoup de secret industriel — ils
ont beaucoup d'autres méthodes pour découvrir nos secrets industriels
que faire des demandes d'accès à l'information.
Donc,
nous, la lumière orange ou rouge qu'on essaie d'allumer, c'est de faire
attention de... On est d'accord
que le secret industriel, les droits de propriété
intellectuelle, tout ça, ça nécessite protection et que c'est possible de
protéger ça tout en protégeant l'intérêt
public et la question de l'accès
à l'information environnementale. C'est possible de le faire.
Il y a eu une
tentative en 1982 avec la Loi sur l'accès de faire un petit accommodement en
vertu de l'accès à l'information, qui n'a pas donné aucun résultat. Et, nous, ce
qu'on espère, c'est justement que le législateur encadre, qu'il définisse c'est quoi, un secret industriel. Comme ça, les entreprises sauront : ça,
c'est un secret industriel, et je n'ai pas à le divulguer, et le ministre,
aucun ministère ni aucun organisme n'a à le divulguer.
Le Président (M.
Hardy) : 2 min 20 s.
M. Plante :
Je peux continuer? O.K.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Maskinongé.
M.
Plante : Alors, merci beaucoup. On avait une question de temps, le temps est restreint, hein? Bon, O.K. Puis ça, je le comprends bien. Je vais revenir aussi sur la question
des pesticides. Bon, on a effleuré, je crois, un petit peu dans le document.
Avec la modification, vous avez vu notre nouveau code de gestion, tout ça, au
niveau des pesticides, beaucoup plus
restreint, bon, on élimine les néonicotinoïdes, et on sait qu'ici, au Canada,
il faut que ce soit approuvé, bon, il y a un long processus d'approbation, etc. Pour avoir une meilleure information
et pour aller soit à l'utilisation, parce qu'on sait qu'on va demander une autorisation, ça va prendre
un agronome ou quelqu'un d'agréé pour pouvoir permettre l'utilisation de pesticides. Mais vous, vous verriez... Dans un
monde idéal, quelle serait la façon de fonctionner qui serait le mieux?
M. Baril (Jean) : Bien, dans un monde idéal, c'est de reprendre ce qui est avancé par la
Commission d'accès, c'est la
divulgation proactive, c'est des registres. Et, à l'heure actuelle, malgré
toutes les bonnes intentions qui pourraient entourer la Loi sur les pesticides, les registres qui sont
obligatoires en vertu de la loi, c'est des registres que j'appellerais
privés. Ceux qui utilisent et ceux qui répandent des pesticides dans
l'environnement doivent tenir un registre qui peut être consulté par le ministre, et ils doivent le consulter pendant cinq ans.
Si le ministre décide d'aller consulter et que quelqu'un fait, actuellement, une demande d'accès à
l'information, parce que c'est le ministère qui a cette information-là, qui a
vu le registre et puis qui s'est aperçu que,
l'année dernière, il y a eu telle quantité de tel produit de pesticide, bien,
les restrictions de
l'article 23, 24, c'est nécessairement l'utilisation d'un pesticide, un
renseignement de nature technique, industrielle, commerciale, peut-être
même financière, parce qu'il y a eu du développement, donc ça va être non.
C'est un registre. On oblige le producteur,
le vendeur, ceux qui ont des certificats à tenir un registre, mais c'est un registre
privé qui est à la seule fin de
contrôle — et c'est
correct qu'il y en ait un — à la seule fin de contrôle de l'administration, du
ministère. Mais, pour le public, pour
l'accès à l'information, pour la divulgation des informations, à l'heure
actuelle la Loi sur l'accès, comme
elle a fait sur plusieurs des mesures de la Loi sur la qualité de
l'environnement, viendrait mettre un frein à la volonté de divulguer ce type d'information là. Et c'est
pour ça que c'est très important que l'ensemble des restrictions soient
revues. Mais, à notre avis, les restrictions des articles 23 et 24 ont
joué un rôle très négatif, et il y a une attention qui doit être portée
spécifiquement à cette question-là.
Le Président (M.
Hardy) : Merci beaucoup. Le temps accordé du côté gouvernemental étant
expiré, nous poursuivons la période
d'échange avec Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, pour l'opposition
officielle, pour une durée maximum de 13 min 30 s.
Mme
Léger : Bonjour, M. Baril. J'aurais beaucoup de questions,
parce qu'il y a beaucoup de choses que vous avez élaborées, là, on va essayer d'être plus concis. Tout à l'heure, vous
donniez l'exemple du gaz de schiste, entre autres, où on avait une demande d'accès particulièrement sur le
produit. La raison qu'on vous a donnée pour ne pas vous donner l'accès,
c'est la raison du secret professionnel?
Le Président (M. Hardy) : M. Baril.
M. Baril (Jean) :
Ce n'est pas le secret professionnel, c'est le secret industriel, l'article 23.
Mme Léger : Industriel,
excusez-moi, c'est moi qui s'est trompée.
M. Baril
(Jean) : Le secret
industriel. Bien, la raison qu'on nous a donnée... Parce que
l'article 23, il mentionne «secret industriel» puis il mentionne après ça les
renseignements de nature industrielle, commerciale,
technique, financière ou scientifique, donc on nous dit : C'est l'article 23.
On ne sait pas si c'est un secret parce que c'est jugé secret industriel ou si
c'est juste un renseignement jugé de nature industrielle. C'est deux choses totalement
distinctes.
Donc, à l'époque, c'est les entreprises... le ministère
avait demandé aux entreprises, à toutes les entreprises productrices qui avaient fait les forages, et toutes les entreprises, sans exception, avaient dit non. Et donc il y a eu un veto. On est allés devant la Commission d'accès à l'information, et ça a pris presque trois ans et un mois avant
d'être entendus, de comparaître
devant la Commission d'accès à
l'information. Au niveau international, par exemple, la station
internationale de l'énergie disait à tous
ses membres : Divulguez les produits que vous utilisez parce que la
controverse qui a existé partout sur
la planète... C'est mieux que vous disiez les produits que vous alimentiez des
théories de complot, là — parce que ça existe,
là — en
cachant l'information. Et toutes les grandes entreprises ont accepté et ont
modifié, donc ont levé leur veto, c'est-à-dire que le CQDE a obtenu,
après 35 mois, les renseignements sur les produits utilisés, et on les a
diffusés. Puis ce n'était pas la guerre
atomique, effectivement, il y a des scientifiques qui les ont regardés, mais ce
n'était pas un secret industriel,
c'était juste une volonté à l'époque d'un secteur industriel de ne pas
divulguer cette information-là. Et, avec le temps, bien, cette volonté-là
a changé. Et moi, je salue cette ouverture-là et j'espère que les représentants
des entreprises qui vont venir comprennent
que le développement durable fait en sorte que le veto qu'ils avaient
auparavant ne peut plus être maintenu.
Mme Léger :
M. Baril, vous voulez une meilleure définition du secret industriel, d'une
part, mais vous faites aussi allusion
à la notion industrielle. Alors, où vous voyez la barre entre les deux, là,
entre le secret et la notion? Comment on peut mieux définir le secret
tout en sachant que, dans les termes qu'on voit, il y a aussi «notion
industrielle»?
M. Baril (Jean) : O.K. Bien, il y a
la jurisprudence, les tribunaux, autant en common law que... Il y a une définition qui a été élaborée par les tribunaux
canadiens de ce qu'est un secret industriel. C'est quelque chose que
vous êtes le seul à posséder et que, si vous
le possédez, ça a une valeur monétaire parce que vous êtes le seul. Si j'avais
découvert quelque chose, là, d'unique,
là — ce qui
n'est pas mon cas — je suis
seul à posséder ça, je suis capable de le faire profiter, j'ai un
brevet, ou peu importe, et je... Mais savoir que c'est... je ne sais pas le nom
chimique, là, mais c'était comme l'équivalent
de l'eau de Javel qu'on met dans l'eau et le sable pour faire de la
fracturation hydraulique, ce n'est pas un secret industriel, ça, l'eau de Javel. Peut-être pour la compagnie qui
l'a inventé, je ne le sais pas, mais l'utilisation de ça, ce n'est pas
un secret industriel.
Donc, je ne
suis pas un spécialiste du secret industriel, mais malheureusement on s'est
buté... C'est une notion qui est tout le temps, tout le temps... parce
qu'elle est amalgamée dans l'actuel article 23. Et c'est pour ça qu'on
était d'accord avec le compromis qui a été
proposé dans la Loi sur la qualité de l'environnement, parce que, là, on a
considéré que le secret industriel et
commercial... on a ajouté «confidentiel», à mon avis, un secret est
confidentiel en partant, mais, bon,
c'est ce que dit le nouvel article 23.1. Et ça, c'est au ministre...
L'entreprise dit : Moi, je considère que c'est un secret industriel et commercial confidentiel. Je vous
demande de ne pas le divulguer. Et le ministre a la faculté de dire oui ou non.
Le
Président (M. Hardy) : On va laisser la parole à Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles. Elle a d'autres questions à vous poser.
Mme Léger : Merci. On a
beaucoup de questions, mais en même temps c'est intéressant, là, tout ce que
vous apportez. Je veux revenir sur les chiffres de la CAI aux crédits de
2017-2018, dans les renseignements particuliers. Elle a reçu, la CAI, 81 demandes de la part des ministères ou
organismes afin, en fin de compte, de ne pas répondre à la demande
d'accès à cause du caractère abusif qu'on a indiqué. Sur l'ensemble de ces demandes-là,
dans tous les ministères, il y en a 28 qui
viennent du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, sur
81 demandes. Comment vous
expliquez ça, ce nombre aussi grand de l'Énergie et des Ressources naturelles?
Et, si je fais une comparaison aussi à l'année précédente... Parce que, dans les crédits de 2016-2017, au lieu de
81 demandes, il y en a eu 67, puis, dans Énergie et Ressources
naturelles, il y en avait eu quatre seulement. Et là, en 2017-2018, il y en a
28 sur les 81 demandes. C'est beaucoup.
Le Président (M. Hardy) : M. Baril.
• (10 h 30) •
M. Baril (Jean) : Bien, on n'a pas l'explication de ce qui se passe derrière les murs,
mais c'est justement, c'est que, nous, au CQDE, comme il y a beaucoup de
monde qui nous approche pour préparer des demandes d'accès à l'information, pour voir si on peut les épauler
s'ils vont devant la Commission d'accès, il y a de plus en plus de
monde, effectivement, avec le ministère de
l'Énergie et des Ressources naturelles, qui nous disent : Bien là, on nous
dit dès le départ que notre demande
est abusive. Je disais tantôt l'exemple des forages, des autorisations, c'est
ce ministère-là. Et effectivement il
semble y avoir une augmentation de ce type de recours dans ce ministère-là
particulièrement, et c'est ce qui nous inquiète, et c'est pour ça que,
dans une réforme, il faudrait voir à ça, parce que c'est très simple, c'est
facile, si on a l'idée. Et il y a une
culture du secret dans toutes les administrations publiques, le Québec ne fait
pas exception, si on veut, c'est une
nouvelle méthode : on a juste à dire que la demande est abusive parce
qu'elle porte sur un grand nombre de documents.
Et, de notre expérience, bien, la majorité des citoyens et des groupes laissent
tomber, parce que, là, ils se voient déjà
pris dans un engrenage de temps et de frais d'avocats, si c'est des groupes qui
sont constitués en personnes morales. Et donc ça, il faut que ça soit...
Mme Léger :
Est-ce que c'est ça que vous appelez, dans votre mémoire, l'effet dilatoire automatique?
M. Baril (Jean) : Oui, parce que l'effet dilatoire, c'est de
reporter... Parce que, déjà, l'organisme, il considère que c'est abusif. Il n'a même pas à dire en vertu
de telle restriction, c'est 23 ou 24, ou la restriction sur les analyses,
ou n'importe quoi. Il n'a même pas à dire la restriction de la Loi sur l'accès
qui lui sert de base à refuser. Il dit : C'est abusif. C'est à 137.1. Ce
n'est pas dans la sous-section sur les restrictions. C'est 137.1 : est
abusif...
Donc,
il repousse dans les mains de la Commission à l'accès à l'information la
décision, à savoir est-ce que c'est abusif
ou non. La commission va dire... Si ce n'est pas abusif, là le ministère va devoir
considérer : Bon, O.K., elle n'est pas abusive, est-ce qu'il y a
une restriction qui s'applique. Et, si c'était 23, 24, ou peu importe, bien, on
recommence le processus.
Donc,
c'est une façon dilatoire de gagner du temps. Et, en information, le temps,
c'est superimportant. Les gens qui font les demandes d'accès à
l'information, c'est parce qu'il y a un projet qui s'en vient, il y a une
élection, il y a quelque chose, un événement
dans l'actualité. S'ils obtiennent l'information dans deux ans, bien, ce n'est
pas tellement intéressant, et ils abandonnent.
Mme Léger :
Sur un autre ordre d'idées, voulez-vous me parler davantage de... le fardeau de
la preuve dans l'article 41.1 de la Loi
sur l'accès? Dans votre mémoire, vous dites qu'«en effet, rien dans le libellé
du premier alinéa de l'article 41.1
n'a changé au fait que le renseignement doive permettre de connaître ou
confirmer l'existence d'un risque immédiat»,
etc., là. «C'est donc dire que le même fardeau de preuve continue de
s'appliquer et qu'il appartient toujours au demandeur de fournir un
début de preuve de l'application de l'article 41.1...»
M. Baril
(Jean) : Oui. Bien, ça, ça avait été souligné bien avant le CQDE par
Me Raymond Doray, qui est le spécialiste
de l'accès à l'information, au moment où on abrogé l'article 26. C'est
lui-même, avec Me Chevrette, qui avait souligné que cet article-là n'avait donné lieu à aucune décision
positive de la Commission d'accès, parce que les critères qu'on exige... Encore là, dans ma thèse, c'est les
décisions de la commission qui se sont penchées là-dessus... On demande
pratiquement à la personne... Parce que, quand elle a fait une demande d'accès,
puis qu'elle est refusée, puis qu'on considère
que 26, 41.1 — 26 à
l'époque et 41.1 plus tard — ne s'appliquent pas... Je conteste. Il faut
encore que les gens contestent. Deux
ans plus tard, je suis entendu par la Commission d'accès à l'information et
j'essaie de faire valoir, bien, que l'exception de 41.1 s'applique.
Bien, à la Commission d'accès à l'information, on a considéré : Bien, vous
avez l'air, deux ans plus tard, en parfaite santé. C'était quoi, le risque pour
votre santé, etc.?
Et
je ne caricature pas, il y a une décision qui est... c'était exactement ça qui
s'est passé. Et comme Me Doray le disait :
«En toute déférence, on peut sérieusement se demander comment le demandeur qui
n'a pas en main les documents en
litige peut raisonnablement assumer un tel fardeau de preuve.» Et il disait en
1999 : «Autant dire que l'article 26 ne [trouverait] à peu près
jamais application, ce qui est d'ailleurs amplement démontré», et qui s'est
perpétué.
Le Président
(M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Il reste
3 min 45 s.
Mme Léger :
Oui. J'ai un autre sujet à vous parler, celui de l'effet que pourrait avoir le
retard de la réforme de la Loi d'accès sur l'interprétation de
l'article 23.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Quel effet ça
va...
Le Président (M.
Hardy) : M. Baril.
M. Baril (Jean) : Bien, justement le député de Maskinongé, à
raison, tantôt... Et c'est un compromis qui a été trouvé, au moment de l'adoption du projet de loi
n° 102, parce que les regroupements d'entreprises avaient obtenu un
amendement qui faisait en sorte que les
restrictions des articles 23 et 24 auraient été expressément mentionnées
et que, les documents qui auraient
été divulgués sur le registre public de la Loi sur la qualité de
l'environnement, bien, les restrictions des articles 23 et 24, les
documents remis par les tiers, se seraient appliquées.
On
s'est élevés contre ça. Il y a eu un compromis qui a été trouvé parce que... Et
justement, donc, ce compromis-là, il y a plusieurs personnes qui nous
ont approchés pour savoir qui va trancher. Admettons, la décision du ministre
de l'Environnement de considérer que, selon
23.1, c'est un secret industriel ou commercial confidentiel ou ce n'est pas
un secret industriel, commercial, est-ce que
c'est le Tribunal administratif du Québec — quand c'est des décisions relatives
aux autorisations, c'est là que ça va, devant le TAQ — ou
c'est la Commission d'accès à l'information?
À
mon avis — il
y a de la jurisprudence là-dessus — c'est
la Commission d'accès à l'information
qui va devoir... Si on veut contester
la décision du ministre, peu importe laquelle, ça va être à la Commission
d'accès à l'information de trancher.
Et ça va être à la Commission d'accès à l'information de nous déterminer, par
la force des choses, s'il n'y a pas de changement
législatif, c'est quoi, la différence entre un secret industriel et commercial
confidentiel versus ce qui était auparavant l'article 23, les
renseignements de nature industrielle, commerciale, etc.
Donc,
il s'en vient... Si le législateur ne bouge pas, la Commission d'accès à
l'information va devoir trancher cette nouvelle norme juridique, qui est
différente de ce qui existe dans la Loi sur l'accès et qui, à mon sens, va dans
le bon chemin. Ce qui a été adopté, le
compromis de 23.1, on devrait le retrouver, l'essence de ça devrait se
retrouver dans la modification aux restrictions des articles 23 et
24 sur les tiers.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Il me reste
combien de temps?
Le Président (M. Hardy) :
1 min 25 s.
Mme Léger : Il ne reste pas grand temps. Dans tout ce que
vous apportez dans votre mémoire, quelle est, pour vous, l'urgence?
M. Baril
(Jean) : Bien, l'urgence,
c'est vraiment les restrictions
des articles 23 et 24. Au niveau environnemental, le ministère de l'Environnement, ce n'est pas lui
qui produit... Il produit de l'information environnementale, des
rapports. Mais la majorité de l'information
environnementale, la majorité des demandes d'accès à l'information
environnementale porte sur des documents qui
sont remis par des demandeurs d'autorisation, de subvention, d'aide de tout
ordre au ministère.
Parce que ce
n'est pas le ministère qui fait les projets, ce n'est pas lui qui sait comment
on ouvre une carrière-sablière, puis qu'est-ce qu'on va faire, puis
est-ce que les camions vont se promener la nuit, le tonnage, etc., c'est le
promoteur qui dépose ces documents-là, et ça devient des documents de tiers.
Et le
registre public qui avait été créé en 1978 s'est heurté, à partir des
années 90, aux restrictions des articles 23 et 24. Donc, s'il y a quelque chose qui doit
être... Et c'est pour ça qu'on parle de développement durable, de
conciliation intérêts économiques et environnementaux : la primauté, le
droit de veto qui est accordé présentement au secteur économique, aux tiers qui font des demandes d'autorisation, doit être
modéré, tempéré en vertu des principes du développement durable.
Le
Président (M. Hardy) : Merci beaucoup, Mme la députée. La période
d'échange est terminée pour l'opposition officielle. Maintenant, nous poursuivons la période d'échange avec M. le
député de Borduas, pour la deuxième opposition, pour un temps de neuf
minutes.
M. Jolin-Barrette : Bonjour, Me
Baril. Merci de contribuer aux travaux aujourd'hui, on est heureux de vous recevoir. J'ai écouté depuis tout à l'heure. En
fait, ce que je comprends de votre position: ça nous prend un changement
de paradigme, un peu, supposons, par rapport
à l'article 137, comment est-ce qu'on traite, dans le fond, les dossiers.
Et, supposons, les demandeurs avec de
multiples demandes, ils veulent avoir accès aux documents. Et là le ministère,
l'État québécois leur dit : Bien, écoutez, la quantité que vous demandez,
c'est une quantité astronomique, donc on vous considère
un peu, en vertu de 137, comme des quérulents, puis nous, on
considère que ce n'est pas justifié que vous en demandiez autant.
Dans le fond, on fait une analyse subjective, un peu en fonction de la position de l'État,
puis de dire : Bien, écoutez, nous,
ça nous demande des ressources — parce qu'ultimement c'est ça, un peu — ça nous demande des ressources, puis
je n'affecterai pas tant d'employés à demander tous les documents que vous
avez. C'est un peu ça.
• (10 h 40) •
M. Baril (Jean) : Bien, vous avez
tout à fait raison. Mais tantôt, dans votre discours d'introduction, vous avez mentionné les classements internationaux dans
lesquels le Québec se retrouve maintenant en queue de peloton. Je suis tout
à fait d'accord avec Me Chartier, le
président de la Commission d'accès à
l'information, qu'à l'époque on
était dans l'avant-garde, mais aujourd'hui on a beaucoup de rattrapage à faire.
Et c'est le
changement de culture... Parce qu'au
Québec, par exemple, les chiffres du ministère de l'Environnement, il y a seulement une demande d'accès à
l'information sur quatre qui est répondue totalement positivement, ce qui est
très peu. Quand on parle de ressources, le
changement de paradigme, c'est que, plutôt que d'avoir des gens qui sont là,
puis qui attendent, puis qui répondent à des
demandes d'accès à l'information, puis qui doivent aller vérifier avec les
tiers s'ils sont d'accord ou pas d'accord, fouiller un peu partout...
Tout est numérisé maintenant. S'il y a des registres publics et s'il y a des définitions précises de c'est
quoi, une information de tel type, versus secret industriel, etc., bien, ces
gens-là seraient beaucoup plus efficaces.
Je ne crois
pas que ça soit très compliqué de mettre les rapports d'analyse de
125 forages, qui sont numérisés, sur un site Internet. C'est très compliqué si vous recevez une demande
d'accès à l'information et que, là, vous devez décider, ces rapports de forage là, est-ce qu'il y a des
documents qui... est-ce qu'il y a des parties du document qui
proviennent de tiers. Si oui, je dois aviser
les tiers, je dois leur... J'attends. S'ils me disent non, c'est
automatiquement bloqué. Donc, oui, c'est
toute une mécanique globale et un changement de paradigme qui correspond à ce
qui a été dit tantôt : L'accès, la divulgation automatique doit
devenir la règle, et, vraiment, le refus... les restrictions, il va toujours y
en avoir, mais l'exception. À l'heure actuelle, la pratique démontre le
contraire.
M.
Jolin-Barrette : Est-ce que
c'est invoqué souvent, l'article 137, pour dire, dans le fond : En
matière environnementale, ce que vous
demandez, c'est trop? Là, vous donnez un exemple du ministère de l'Énergie et
Ressources naturelles. Est-ce que ça arrive
fréquemment que l'État utilise... les organismes publics utilisent ce genre
d'exception? Parce que c'est un peu
particulier que l'État dise aux citoyens : Bien, vous faites une demande
d'accès, puis on trouve que vous en demandez trop. En gros, c'est un peu
ça, là.
M. Baril (Jean) : Oui. Mais juste les chiffres que la députée précédente a mentionnés,
80 quelques dans l'année, ça,
c'est ce qui s'est rendu à la Commission d'accès à l'information. Autrement
dit, la personne qui se fait dire ça a décidé de contester cette interprétation-là, que sa
demande est abusive, et qu'elle a attendu, et qu'elle s'est présentée devant
la Commission d'accès à l'information.
D'expérience tout à
fait récente, il y a plusieurs personnes qui, comme elle, se font dire que leur
demande est abusive, que ça devra passer et
être décidé par la Commission d'accès à l'information, n'y vont simplement pas.
Donc, ces chiffres-là, ces personnes-là, ils
n'apparaissent pas dans les statistiques des 81 ou 87 qui ont été mentionnées
tantôt. Ça peut paraître pas beaucoup, mais
ce qui nous préoccupe, c'est que ça semble, en tout cas au sein de ce
ministère-là, être une nouvelle façon de reporter les décisions et de
refuser, en fait, l'accès à l'information.
M.
Jolin-Barrette : Parce que ça, je pense, c'est bien important, là,
pour que les gens qui nous écoutent comprennent :
à partir du moment où vous faites une demande d'accès à l'information,
l'organisme public a 20 jours et un
10 jours supplémentaire, c'est possible, donc 30 jours, pour répondre
à votre demande. Et là ça se peut que le ministère ou organisme dise : Écoutez, non, on ne vous
transmet pas l'information parce qu'il s'agit d'un renseignement protégé
en vertu de x, y exception.
Et
là, par la suite, il y a une autre étape à faire, où, là... si la personne veut
faire la révision de la décision, d'aller devant la Commission d'accès à
l'information. Et là vous avez dit... Supposons, pour le gaz de schiste, les
gens qui voulaient savoir qu'est-ce qui
était injecté. C'est légitime de le savoir parce qu'on parle des nappes
phréatiques, on parle des puits qui alimentent plusieurs communautés. Et
j'en ai moi-même, dans ma circonscription, où c'est vraiment problématique, puis il n'y a pas de consensus
social pour ça, supposons dans la vallée du Richelieu, puis il faut
comprendre les gens à ce niveau-là.
Mais
la question, c'est : Est-ce que, si, lors d'une réponse d'un organisme
public ou d'un ministère, on donnait davantage d'informations dans le
refus, vous pensez que ça pourrait aider?
Le Président (M.
Hardy) : M. Baril. Très rapidement.
M. Baril
(Jean) : Oui, parce que, comme je l'ai dit tantôt, l'exemple des gaz
de schiste, si on nous dit seulement : C'est en
vertu de l'article 23,
et qu'en vertu de la loi on vous envoie la disposition, l'article 23,
mais vous ne savez pas si c'est parce qu'on considère que c'était un secret industriel ou un renseignement de nature industrielle, et, la jurisprudence, il y a
des critères différents, donc, pour les citoyens qui ne sont pas des
juristes, ça ne leur dit pas grand-chose.
Et c'est pour ça que,
les mécanismes de divulgation automatique, ce qu'il faut viser, après
l'adoption de la nouvelle loi, c'est que le ministère de l'Environnement ne reçoive plus 12 000 à 15 000 demandes d'accès à l'information, mais qu'il en reçoive 500, 600 par année, parce
que c'est des registres publics, l'information sera accessible
directement. Ça économiserait des coûts et
ça faciliterait la participation, l'engagement des citoyens, ce que tout le
monde ici souhaite.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. Je veux juste qu'on aille sur l'article 24. Dans votre
mémoire, vous en parlez, vous dites... Lorsqu'on parle du risque de
préjudice éventuel, donc là, on refuse l'accès aux documents ou l'accès à
l'information sur un hypothétique risque de
préjudice. Donc là, le tiers a seulement à dire : Bien, écoutez, ça risque
de me causer préjudice dans le cadre
de ma négociation commerciale, donc ça gèle là, on ne peut pas donner
l'information. Ça, c'est un problème en matière environnementale.
M. Baril
(Jean) : Oui, parce que les deux vont ensemble, l'article 23,
c'est sur la nature des renseignements, puis
l'article 24, c'est les préjudices éventuels, la nature des préjudices. En
matière environnementale, et ça a été plaidé et gagné par des entreprises, ça peut être un risque de préjudice si la
population sait ce que je rejette dans l'eau du fleuve ou de la rivière, dans telle municipalité, même si
c'est parfaitement légal et autorisé, là, il n'y a pas de doute par rapport
à ça, ça a été autorisé.
Mais
les gens, ils voudraient savoir c'est quoi, la quantité, et c'est quoi, le type
de produit, s'il y a eu des analyses de
faites. Et peut-être que ça peut être un risque, un préjudice, parce que j'ai
des compétiteurs qui, eux, font mieux que moi. Ils produisent le même type de produit que moi, mais... Et c'est
pour ça qu'aux États-Unis on vise de plus en plus la réglementation par l'information... Ce n'est pas
des règlements, mais on oblige les entreprises à divulguer de
l'information. Et, comme ça, les banquiers, les compagnies d'assurance, le
législateur, les élus municipaux, les citoyens, etc., les actionnaires peuvent se rendre compte :
Écoutez, comment ça se fait que vous, vous polluez, vous utilisez tant de
produits chimiques annuellement et que votre compétiteur direct, qui fait le
même genre de production, lui, envoie dans l'air 50 % moins de
contaminants, dans l'eau, et récupère...
On peut savoir ces
chiffres-là. Mais il y a des entreprises qui, en vertu de 24, disaient :
Ça peut me causer un préjudice parce que,
justement, mes clients, les groupes environnementaux, l'opinion publique
peuvent se saisir de ces chiffres-là.
Et ça a été un argument qui a été adopté, que c'est un... Mon image
d'entrepreneur, d'entreprise propre peut être affectée par la divulgation de ce que j'envoie dans
l'environnement. C'est un préjudice, et ça, ça n'a rien à voir avec le
secret industriel. Et les préjudices commerciaux aussi ont été souvent... Donc,
les 23, 24.
Le Président (M.
Hardy) : ...le député de Borduas, une minute.
M. Jolin-Barrette : Sur l'appréciation du critère relativement à ça, dans le fond, vous
dites : Bon, c'est supposé être
un critère objectif, mais parfois ça devient un critère subjectif. Supposons,
si on le modifie, comment on devrait le modifier pour vraiment avoir un
critère, qui serait approprié, d'appréciation?
M. Baril (Jean) : Bien, ça ne peut pas être seulement un point.
C'est la question de la divulgation automatique, donc que la majorité des renseignements se retrouve sur des registres
publics sans nécessiter de faire des demandes d'accès. Il faut qu'on resserre les restrictions et que ça
ne soit pas aux seules entreprises à déterminer : moi, j'ai un droit de
veto.
Et,
pour avoir assisté à des webinaires qui sont donnés par des collègues, là, en
accès à l'information, mais pour les
entreprises et les grands cabinets d'avocats, c'est ce qu'on leur dit :
Vous avez deux outils extraordinaires pour refuser la divulgation d'information. Vous traitez vos
documents de matière confidentielle, vous mettez des tampons
«confidentiel», «confidentiel», vous les rangez le soir dans des archives
barrées, et vous avez juste à dire à la Commission d'accès à l'information...
Le
Président (M. Hardy) : ...je vous remercie, M. Baril. Je vous remercie
pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de
l'Association pour l'accès et à la protection de l'information de
prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
10 h 47)
(Reprise à 10 h 49)
Le Président (M.
Hardy) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux
représentants de l'Association pour l'accès
et la protection de l'information. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter puis à commencer votre exposé.
Association
sur l'accès et la protection de l'information (AAPI)
M. Ouimet
(André) : Merci, M. le Président. Alors, Mme la ministre, Mme, MM. les
députés, mon nom est André Ouimet. Je suis
avocat à la retraite et je préside l'association sur l'accès à l'information,
mieux connue sous son acronyme AAPI.
• (10 h 50) •
Nous
vous remercions de cette invitation à présenter notre mémoire et à échanger
avec vous sur certains aspects du rapport quinquennal de la Commission
d'accès à l'information.
Alors,
M. le Président, comme vous m'invitez à le faire, permettez-moi d'abord de
présenter les personnes qui m'accompagnent :
à ma droite, Mme Chantal Garcia, qui est vice-présidente de l'AAPI, secrétaire
générale de la Régie de l'assurance maladie du Québec et responsable de
l'accès à la Régie de l'assurance maladie; à ma gauche, M. Martin Samson, vice-président du Groupe CyberSwat, membre
du conseil d'administration de l'AAPI. Ces personnes, vous l'aurez
compris, représentent aujourd'hui l'AAPI, et non leurs organismes propres.
Néanmoins, en nommant les fonctions qu'occupent
ces personnes vous constatez que l'AAPI oeuvre auprès de praticiens, des
personnes en accès à l'information et en protection de renseignements
personnels.
L'AAPI regroupe ainsi
quelque 500 personnes tant dans le vaste secteur public — majoritairement,
je dois le dire — que celui du privé. Depuis plus de
25 ans, l'AAPI fournit une expertise en gouvernance et en développement
de compétences, et elle offre un accompagnement professionnel. Au besoin, si
vous le désirez, nous serons en mesure d'expliciter plus précisément les
fonctions qu'exerce l'AAPI.
Pour
ma part, je dois confesser d'entrée de jeu certains intérêts. En effet, durant
plus de 17 ans, soit de 1985 à 2002,
j'ai occupé le poste de secrétaire et directeur des affaires juridiques à la
Commission d'accès à l'information. Et, depuis mon retrait de la fonction publique, j'enseigne notamment l'accès
à l'information et la protection de la vie privée à la Faculté de droit
de l'Université de Sherbrooke. Maintenant que j'ai révélé certains éléments de
ma vie privée, j'entame le résumé du mémoire de l'AAPI.
Quant au droit à
l'information, sans revenir sur les règles juridiques dont s'est dotée notre
société en matière d'accès à l'information,
on retiendra l'importance du droit à l'information comme un droit qui s'exerce
préalablement aux autres droits. Par
exemple, avant de décider d'un traitement médical, on reconnaît que le patient
a le droit de savoir les risques
qu'il encourt. De même, on vient de le voir, comment peut-on évaluer les
risques environnementaux si nous ne disposons pas de l'information nous
permettant de connaître ces risques?
En
même temps, comme je l'indique souvent à mes étudiants, tout est question
d'équilibre. Le législateur doit édicter
la loi qui permettra le mieux au citoyen d'avoir accès aux documents qui lui
permettront de participer aux débats de
la société, ainsi qu'aux politiciens et administrateurs publics de rendre
compte de leur saine gestion des fonds publics, tout en préservant la nécessaire confidentialité qui entoure notamment
certains documents, dont ceux reliés à la sécurité ou aux relations
internationales, pour ne nommer que ceux-là.
Pour
ce faire, dans toutes les lois d'accès à l'information, les législateurs ont
reconnu des restrictions obligatoires et
d'autres facultatives. S'agissant de ces dernières, force est de constater,
plusieurs années plus tard, qu'on invoquera trop souvent, par
automatisme, des restrictions que le législateur a voulu facultatives. Comment
changer cet état de fait? Comment faire, notamment, pour que des restrictions
que vous avez voulues facultatives obéissent à un processus discrétionnaire, et
non à un automatisme?
Comme vous
pouvez l'imaginer, ce matin, en nous présentant devant vous, nous avons un
élément de réponse que nous
souhaitons partager. Notre réponse est en fait : une culture de la
transparence. Une culture de la transparence doit
s'imposer dans les règles de la gouvernance des organismes publics. Aussi,
cette culture de transparence peut s'opérer
en confiant aux responsables de l'accès une plus grande autonomie, elle-même
reposant sur ses compétences et lui
permettant d'exercer une influence déterminante dans l'évolution de la culture
et des pratiques de son organisme, pour une diffusion proactive de
l'information dans l'intérêt général des citoyens.
À notre avis,
il est donc temps de formuler un certain nombre d'obligations à l'égard des
responsables de l'accès à
l'information, tel que nous l'avons détaillé dans notre mémoire. Pour leur mise
en oeuvre, nous estimons que, conformément
au principe de la séparation des pouvoirs énoncé par Montesquieu, le
législateur doit clairement orienter l'exécutif,
soit le gouvernement, vers l'adoption de règles qui obligent les plus hauts
dirigeants à les intégrer à leurs règles de gouvernance et aux pratiques opérationnelles liées à l'accès à
l'information et à la protection des renseignements personnels.
En conséquence,
les personnes que l'on dit être les responsables de l'accès à l'information
deviendraient, à la faveur de
formations adaptées à leur réalité, de véritables professionnels de l'accès à
l'information. De ce fait, ils susciteront de la confiance. Voilà, le mot est lancé, un mot passablement utilisé ces dernières années, mais qui certes
traduit l'intention du législateur. N'est-ce pas en effet le but premier
de toutes les lois d'accès à l'information, de renforcer, voire donner confiance aux citoyens dans leurs institutions? Le responsable de l'accès à
l'information doit incarner cette
confiance et, pensons-nous, non seulement auprès des hauts dirigeants de son organisation, mais aussi et surtout auprès des citoyens
demandeurs d'accès à l'information.
Je passe maintenant à la protection des
renseignements personnels. Plusieurs internautes ont accolé le mot «j'aime» sur le mur de médias sociaux qui
diffusent l'anecdote suivante — j'ouvre les parenthèses : «Comme je
n'ai pas de Facebook, j'essaie de me
faire des amis en dehors du vrai Facebook en appliquant les mêmes principes.
Tous les jours, je descends dans la rue et j'explique aux
passants ce que j'ai mangé, comment je me sens, ce que j'ai fait la veille, ce que je suis en train de faire et ce
que je vais faire demain. Je leur donne une photo de ma conjointe, du chien, de
mes enfants, de moi en train de laver
la voiture, de ma femme en train de coudre. J'écoute aussi leurs conversations
et je leur dis "j'aime". Ça marche! Il y a déjà quatre
personnes qui me suivent : deux policiers, un psychiatre et un psychologue — je ferme la parenthèse.»
Il
s'agit d'une caricature, évidemment. Elle n'en pose pas moins les défis, le
paradoxe de la protection de la vie privée au XXIe siècle. On demande à l'État de bien vouloir adopter des lois
visant à sauvegarder, d'une part, notre vie privée, alors que, d'autre
part, nous exposons de grands pans de celle-ci à quiconque veut devenir notre
ami. Dans ce contexte, les meilleures lois du monde auront tôt fait d'être dépassées,
voire obsolètes.
En réponse, souvent, aux souhaits des citoyens
et des consommateurs, le commerce en ligne et les échanges électroniques, et
autres, avec les gouvernements et les entreprises se multiplient. Mais que dire
des menaces qui, trop souvent, les
accompagnent? En effet, les médias rapportent régulièrement les bris de
confidentialité, les vols d'identité, les cyberattaques et tous les
autres gestes déplorables de ce que j'appelle les délinquants des temps
modernes. Mon collègue de gauche, Martin, est un expert et il pourrait vous en
dire long à ce sujet.
En réaction, plusieurs législateurs agissent en
adoptant ou en révisant leurs lois. C'est le cas, par exemple, de l'Union européenne qui, par la voie unanime de ses
27 membres, a édicté un règlement qui reconnaît de nouveaux droits aux citoyens et qui contient des règles très
précises à l'égard des entreprises. Il entrera en vigueur en mai 2018. Et,
comme son ancêtre, la directive européenne
sur la protection des données, il contient des dispositions relatives à la
protection des données personnelles qui seront dirigées vers des États
tiers, dont le Québec. Notre législation sera-t-elle toujours reconnue comme
étant adéquate par les partenaires européens?
Quelle
solution préconiser alors? Selon nous, il convient de revenir au principe de
base, tout particulièrement le consentement,
un consentement éclairé, lorsqu'il s'applique. Pour que les citoyens saisissent
bien le sens de l'expression «protéger
sa vie privée» avant qu'on y porte atteinte, il ne suffit pas de demander à
tout nouvel abonné de lire les volumineux contrats qui nous lient par consentement, par exemple, aux entreprises
de médias sociaux. La réponse nous apparaît plutôt résider dans un maître mot : «pédagogie».
Jeunes, ados, adultes, aînés, tous devraient avoir l'opportunité de s'initier
aux façons de protéger leur vie privée, et que, s'ils conviennent d'en dévoiler
une partie, ce soit en pleine connaissance.
S'agissant
des organismes publics, en raison des quantités phénoménales de renseignements
personnels qu'ils recueillent,
utilisent, conservent et communiquent, résultat d'un État providence, selon
nous, des mesures plus incisives doivent être adoptées.
L'AAPI
recommande que le législateur donne suite aux propositions de la Commission
d'accès à l'information. De plus, l'AAPI formule ses recommandations
dans son mémoire.
En conclusion,
vous l'aurez compris, certaines lois québécoises d'accès à l'information
doivent être réformées dans le sens recommandé par la commission. Mais
il faut plus. Les règles de bonne gouvernance doivent intégrer les principes d'accès à l'information et de protection
de renseignements personnels tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Et une insistance doit être mise
sur la formation des plus hauts dirigeants et des responsables des
organismes publics et privés. Quant aux
citoyens, ils devraient se voir offrir la possibilité de comprendre les règles
d'accès à l'information et les mécanismes qui pourraient mettre en péril
leur droit à la vie privée.
Merci de
votre écoute. Nous sommes maintenant
prêts à répondre à vos questions et à échanger avec vous. Une dernière petite chose : je vous souligne, à
l'arrière, la présence de Mme Linda Girard, directrice générale de
l'association, cheville ouvrière de notre association, et de M. Bérubé, qui
collabore aux travaux de l'AAPI. Merci.
• (11 heures) •
Le
Président (M. Hardy) : Je
vous remercie pour votre exposé, M. Ouimet. Je tiens à vous signaler que
Mme la ministre vous a donné encore un petit peu de temps sur son temps à elle pour que vous puissiez faire votre
conclusion.
M. Ouimet (André) : Je l'apprécie,
merci.
Le Président (M. Hardy) : Nous allons maintenant débuter la période
d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour
22 min 20 s.
Mme
de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci, M. Ouimet, Mme Garcia, M. Samson,
Mme Girard, M. Bérubé. Merci d'être là avec nous aujourd'hui.
Alors, je constate
que l'AAPI a été constituée en 1991, et depuis vous avez comme mission de
favoriser le développement et la compétence dans l'accès à l'information et la protection de la vie privée dans tous les secteurs, y
compris privé et public. Donc, déjà,
vous avez une certaine relation avec les responsables d'accès à l'information qui se retrouvent à travers l'appareil de
l'administration publique. Maintenant, si je comprends bien, cela n'a pas été
suffisant pour s'assurer que la culture soit
une culture de divulgation, mais plutôt une culture où on dit non avant qu'on
dise oui.
J'aimerais
comprendre d'une façon beaucoup plus terre à terre qu'est-ce qu'il faut faire
vraiment pour changer la culture.
Changer la culture qui existe à l'intérieur d'un appareil gouvernemental, ça ne
se fait pas d'un jour à l'autre, et je crois
que vous avez essayé, quand même, depuis 1991 de donner aux gens avec qui vous
avez des... à qui vous faites vos présentations, vous encouragez la
divulgation. Alors, pouvez-vous être un peu plus précis, s'il vous plaît?
Le Président (M.
Hardy) : M. Ouimet.
M.
Ouimet (André) : Merci, M. le Président. Alors, plusieurs choses.
D'abord, effectivement, depuis 1991, l'AAPI offre un programme de formation professionnelle qui est reconnu par la
Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal, un programme de formation continue,
des journées en matière professionnelle, des documents pédagogiques, un site Web qui comprend des ondes réservées, etc.
Donc, depuis 1991, vous avez raison de dire que plusieurs personnes, plusieurs responsables ont participé aux
formations de l'AAPI. Actuellement, on a à peu près 500 personnes. Or,
selon certaines évaluations, il peut y avoir
environ 3 000 organismes publics. Des entreprises privées, il y en a
des centaines de milliers. Donc, le
potentiel de personnes qui pourraient suivre les formations de l'AAPI est
énorme. Ça, c'est une chose. Donc, les formations vont aider les
responsables de l'accès à mieux comprendre leurs responsabilités en vertu de la
Loi sur l'accès.
Or,
on doit constater, comme je le disais tantôt, que souvent le responsable de
l'accès va s'en référer uniquement aux
dispositions de la loi. Alors, je reviens à votre question : Qu'est-ce
qu'on fait pour changer la culture puis en faire une culture de transparence? Il y a plusieurs choses.
D'abord, une responsabilité du législateur, à mon avis, de reconnaître
cette culture de transparence. Je prends un exemple : dans mon ancienne
vie, j'ai déjà été au bureau du Commissaire au
lobbyisme. Or, la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme
reconnaît à l'article 1 la légitimité du lobbyisme. Depuis cette époque, on ne doit plus questionner la
légitimité du lobbyisme, parce que le législateur a reconnu que c'était
une activité qui était légitime.
Donc,
le législateur a un devoir de reconnaître encore plus... comme dit la
Commission d'accès dans son rapport, de
reconnaître le droit à l'information. À une certaine époque, la Commission
d'accès — j'y
étais — a
recommandé que le droit à
l'information soit même reconnu comme
un droit fondamental, parce
qu'actuellement il est à l'article 44, dans la partie de la charte qui
n'est pas droit fondamental. On n'entrera pas dans toutes ces discussions
juridiques, mais le législateur a donc un rôle à jouer, lui, pour cette
reconnaissance.
Le gouvernement a un
rôle à jouer. Dans le document qui s'intitule Orientations gouvernementales
pour un gouvernement plus transparent, dans ses orientations, il y avait beaucoup de
dispositions qui démontraient clairement, mais elles sont toujours là, beaucoup de recommandations, donc, qui
visent à rendre cette culture de transparence dans les organisations gouvernementales. Quant au citoyen,
comme je le disais tantôt, il faut, lui aussi, qu'il soit informé de
tous ses droits, plus qu'il ne l'est
aujourd'hui. Donc, le changement de culture devrait s'opérer, en résumé, autant
par l'action législative, gouvernementale que l'information auprès des
citoyens.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : Ça m'amène à ce questionnement que j'ai. On peut avoir la
meilleure loi au monde, et même, avant
qu'on clique sur «j'accepte», que les dispositions soient beaucoup plus claires
qu'elles le sont présentement, quand quelqu'un
veut avoir accès à une application ou à n'importe quoi sur le Net, est-ce
qu'ils vont véritablement prendre note, même si c'est clair dans son explication, à quoi ils donnent leur
consentement quand ils disent «j'accepte»? Et quoi faire pour s'assurer
que le public comprend vraiment les enjeux?
J'ai rencontré des
étudiants d'environ 50 écoles secondaires depuis janvier dernier pour
essayer de les sensibiliser à l'importance
de la protection des renseignements personnels, et, quand je leur
demandais : Est-ce que vous voulez
que vos parents sachent où vous êtes 24 heures par jour?, ils
disaient : Non, absolument pas. Et je leur demandais : Mais alors, votre téléphone intelligent, combien
d'entre vous avez activé à tout moment le GPS? C'était presque tout le monde. Et je disais : Qu'est-ce que ça veut
dire quand vous avez ça qui est ouvert et disponible? Et ils ne font pas le
lien.
Alors, comment on
peut sensibiliser notre public aux enjeux? Parce que changer uniquement la loi,
rendre le consentement plus clair avant que tu fasses le clic... Il faut que
les gens prennent le moment de réfléchir. Et est-ce qu'on devrait peut-être
obliger aussi que certaines applications soient disponibles même si les gens
disent non?
Le Président (M.
Hardy) : M. Ouimet.
M. Ouimet
(André) : Alors, moi, je reviens à ce que je disais dans notre
mémoire, le mot «pédagogie». Vous l'avez
fait, Mme la ministre, auprès de jeunes. L'AAPI a des trousses pédagogiques
pour des étudiants du secondaire. Quand j'arrive, moi, à mon cours à l'université,
au premier cours, ce sont des étudiants de troisième année en droit qui
ont pris ce cours optionnel, je leur montre
le contrat qu'ils ont signé avec Facebook, notamment, avec Google, peu
importe, qui est très, très détaillé quant à
la protection de la vie privée. En fait, là, si on le mettait sur du papier, il
ferait probablement une quarantaine
de pages, c'est donc très détaillé. Et, comme vous dites, personne ne lit ces
contrats-là, parce que les gens veulent
le service, point. Sauf que, dans l'utilisation de ces services, des médias
sociaux, très souvent les gens ne savent pas quels mécanismes ont été
mis en place pour protéger leur vie privée.
Moi, je vous
donne un exemple personnel. Ma conjointe a un compte Facebook. Elle utilise ça
pour parler à des amis qui lui sont
très proches. Elle envoie des photos. Elle envoie de l'information. Quand ma
fille vient à la maison, elle dit :
Bien, non, maman, il ne faut pas que tu fasses ça comme ça, voici comment on va
ajuster les paramètres. Alors, il y a une
classe de la population qui est informée, qu'on doit informer, mais il faut
informer toutes les couches de la population, pas juste les jeunes, les ados, les adultes, les aînés qui utilisent
tous ces systèmes sans souvent se prémunir au niveau de leur droit à la
vie privée. Alors, moi, le mot, c'est «pédagogie».
Je ne sais pas si mon collègue veut ajouter sur
un sujet qu'il connaît beaucoup mieux que moi?
M. Samson (Martin M.) : Si vous
permettez?
Le Président (M. Hardy) : M. Samson.
• (11 h 10) •
M. Samson (Martin M.) : Entre
autres, dans les entreprises, on regarde souvent les méthodes de protection pour sécuriser l'information, etc., mais le côté
humain souvent est laissé de côté. Alors, ça va... Du même point
de vue, non seulement la population, mais au niveau des entreprises
aussi, quand on parle du maillon le plus faible où les groupes organisés vont chercher l'information, c'est l'être humain. Alors, la sensibilisation à la sécurité
puis à la protection des informations personnelles dans l'entreprise,
c'est quelque chose qu'il faut aussi mettre de l'emphase dessus. Alors, contrairement
aux gens qui tentent de vendre des technologies pour sécuriser, la première
personne qui va permettre aux groupes mal
intentionnés d'entrer dans l'entreprise, c'est l'être humain qui va aller
cliquer sur un lien ou qui va ramasser une
clé USB qui traînait. Alors, c'est ce groupe-là, le côté pédagogique, le côté
sensibilisation aussi à travers les entreprises.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme de
Santis : Vous semblez être
d'accord qu'on devrait avoir un responsable de la protection des renseignements
personnels dans les entreprises, de toute nature, dans le secteur privé. Nous
savons que 52 % de nos
entreprises sont des petites, petites
entreprises, moins de cinq employés. Comment gérer ça dans un monde où la
plupart de nos entreprises sont vraiment des toutes petites et, en
grande partie, plus que 90 % ont 10 personnes et moins employées?
Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.
M. Ouimet
(André) : Alors, effectivement, on est conscients de cette réalité des
PME au Québec. Toutefois, les effets
sur la vie privée peuvent être aussi importants si c'est une petite entreprise
ou une grande entreprise. Mais il faut, pensons-nous, comme la Commission d'accès à l'information le recommande,
qu'une personne dans l'entreprise privée ait cette préoccupation face à la vie privée. De nos expériences, on
constate que souvent les personnes qui agissent en ressources humaines ont déjà une préoccupation de
protection des renseignements personnels en raison des dossiers qu'ils gèrent, qu'ils ont à traiter. Cette préoccupation
doit dépasser le secteur des ressources humaines et la gestion de tous
les renseignements personnels.
On en
parlait, encore une fois avec mon collègue, sur tous... Par exemple, tous les
développements informatiques qui se
font, s'il n'y a pas une préoccupation au départ pour la protection des renseignements personnels, c'est là qu'il y a un risque
éventuellement de bris à la confidentialité. Parce que les experts en sécurité,
les experts en technologie — et
il y aura toujours quelqu'un en technologie,
même si c'est dans une petite entreprise, elle sera soit à l'emploi de
l'entreprise ou soit à contrat avec
l'entreprise — ces
experts-là doivent être mis à contribution à partir de la conception du projet
jusqu'à la fin. Donc, on pense qu'il devrait
y avoir toujours quelqu'un qui a cette préoccupation et à qui on peut référer
en matière de protection des données personnelles.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme de
Santis : Merci. Vous parlez d'une personne responsable des ressources humaines.
Vous savez, dans les petites, petites
entreprises, ça n'existe pas. Alors, comment faire vraiment, comment réussir à
sensibiliser ces petites, petites entreprises
à cet enjeu? Parce que ça va être le moindre de leurs soucis quand ils sont en
train de se constituer. Il y a des problèmes de trouver le bon
personnel, le financement, les locaux, se faire connaître, etc.
Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.
M. Ouimet (André) : Mais en même
temps, comme le risque de sécurité et de bris de confidentialité est aussi élevé que dans une grande entreprise, parce
que, peut-être, ils ne prendront pas toutes les mesures de protection, raison de plus pour que, d'abord, on informe les
entreprises des risques qu'ils encourent s'il y a bris de
confidentialité et qu'une personne ait cette
préoccupation. Encore une fois, cette personne peut être le responsable de
l'entreprise, le propriétaire de l'entreprise ou
quelqu'un qui est là, mais que quelqu'un ait toujours en tête cette
préoccupation, parce qu'encore une fois le
risque est aussi présent, de divulgation de renseignements personnels, que dans
une grande entreprise, et très souvent les renseignements vont être
encore plus confidentiels dans certaines petites entreprises que dans les
grandes entreprises.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme de
Santis : Merci. Je comprends ce que vous dites et je suis tout à fait
d'accord, parce que le problème est le
même que vous soyez toute petite ou très grande, particulièrement dans un monde
où la technologie va devenir plus importante pour tout le monde.
Pouvez-vous
m'expliquer un peu plus qu'est-ce que vous voulez dire par des «nouveaux
processus de gouvernance», à quoi vous faites référence exactement?
Le Président (M. Hardy) :
M. Ouimet.
M. Ouimet (André) : Alors, tout
à fait. Il y a beaucoup de lois, maintenant, de règlements qui ont obligé les organismes publics à adopter des règles de
gouvernance. En fait, tout organisme public et toute entreprise qui se
respecte a maintenant un plan stratégique,
des règles de gouvernance, et tout. Alors, nous, un peu comme le suggéraient
d'ailleurs les orientations gouvernementales
et la Commission d'accès, on devrait formaliser et obliger les organismes
publics et les entreprises à intégrer
dans les règles de gouvernance les principes d'accès et de protection de
renseignements personnels, et détailler
ces principes de telle sorte qu'il soit de la responsabilité des hauts gestionnaires
de voir à ce qu'on les respecte en cours de mandat. Dans ce cas, il nous
apparaît que c'est une façon de changer la culture et d'apporter une culture de
transparence, puisque ce serait écrit dans
les documents, et on sait très bien qu'avant de faire ces documents il y a
une réflexion des cadres de l'organisation qui fait en sorte qu'on y
réfléchisse, à ces questions d'accès et de protection de la vie privée.
Le Président (M. Hardy) : Mme
la ministre.
Mme de
Santis : On parlait de consentement, parlons de jeunes qu'eux aussi
ont accès très facilement à le Net. Est-ce
que vous êtes pour une protection plus importante pour les jeunes et, si oui, comment s'exprimerait cette
protection? Comment cette protection se ferait?
Le Président (M. Hardy) :
M. Ouimet.
M. Ouimet (André) : Je vous
avoue très candidement qu'on n'a pas réfléchi de façon très précise à cette question-là : Est-ce que les jeunes ont
besoin d'une plus grande protection? Spontanément, je vous dirais que le fait
que les jeunes soient de grands
utilisateurs, ils ont sans doute besoin d'une protection particulière. Toutefois, je pense qu'il ne faut jamais oublier aussi que les technologies, si
vous me permettez l'expression, ont séduit beaucoup les aînés, et qu'ils
sont
de grands utilisateurs d'Internet, de médias sociaux, etc., et qu'eux aussi ont
besoin d'une protection, et je pense
qu'il faudrait regarder plus attentivement les mesures particulières qui
devraient être adoptées
pour ces personnes-là. Mais, encore une fois, moi, je pense, et je sais
que vous partagez un peu ce point de vue puisque vous avez fait toute cette tournée des écoles, que la pédagogie est très,
très importante. Il faut informer toutes les couches de la population des
risques de l'utilisation. Et, comme je le
disais tantôt, une personne informée va utiliser mais en sachant quelles sont
les conséquences de l'utilisation des technologies modernes.
Le Président (M. Hardy) : Mme
la ministre.
Mme de
Santis : Dans votre mémoire, vous parlez de changement de culture, changement
de nouveaux processus de gouvernance, mais aussi changement dans la gestion de l'information. Pouvez-vous nous expliquer qu'est-ce
que vous voulez dire par cela?
Le Président (M. Hardy) :
M. Ouimet. M. Samson.
M. Samson
(Martin M.) : Si vous permettez. Au niveau de l'information
comme telle, ce qui est important, c'est de savoir que tout ce qui transite par Internet, tout ce qui est... il
faut que les gens aient... encore là on revient avec le terme «pédagogie», que le changement de l'information
soit à ce moment-là diffusé, qu'il y ait beaucoup de données qui sont diffusées, mais aussi que l'information sur le potentiel de ces données-là soit connue
des gens qui les utilisent puis aussi des gens du gouvernement ou des entreprises
qui les mettent à la disponibilité des internautes.
Le Président (M. Hardy) : Mme
la ministre.
Mme de
Santis : Ça n'allait pas au-delà de
la gestion de la documentation? Est-ce
que vous incluez dans votre
réflexion aussi un devoir de documenter? Est-ce que vous êtes allés aussi loin
que ça?
• (11 h 20) •
Le Président
(M. Hardy) : M. Samson.
M. Samson (Martin M.) : Je vous
donne mon opinion personnelle là-dessus : c'est très important, la documentation. Quand on parle de projet
informatique, quel qu'il soit, si le projet n'est pas documenté d'un point de
vue de la sécurité à partir du début, comme
le mentionnait M. Ouimet tantôt, à ce
moment-là, la sécurité risque de tomber à l'eau, ou on risque d'arriver au milieu ou la fin d'un projet puis de se
retrouver avec des besoins de sécurité qui arrivent comme ça, à la dernière minute, et qui empêchent les
projets d'arriver, ou, si le projet est quand même mis en place, à ce
moment-là il y a un risque qui est augmenté d'avoir de la perte de données
personnelles.
Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.
M. Ouimet
(André) : Alors, si vous
permettez, M. le Président, je sais que la Commission de l'accès a recommandé
justement, notamment, qu'on documente toutes les décisions ou tout ce qui est
document qui soutient le processus de décision.
Je pense que tout ça vient notamment du fait que... L'un des effets de la Loi
sur l'accès, c'est qu'on a vu dans certains
organismes de moins en moins de documents, d'écritures justifiant des décisions
qui étaient prises, de telle sorte qu'il y a eu comme un effet pervers.
Pour être certain qu'on n'avait pas de demandes d'accès ou qu'on n'aurait pas à
répondre à des demandes d'accès, on n'a pas produit de document. Alors, en
absence de document, la Loi d'accès ne s'applique
pas. Alors, la Commission d'accès recommande une plus grande ouverture de ce
côté, et nous, on a proposé que, toutes
les recommandations de la Commission d'accès, vous y donniez suite, et c'est
une proposition, je pense, qui est intéressante
parce qu'elle permettrait de conserver l'histoire dans les organismes publics.
On voit trop souvent aujourd'hui des organismes publics qui n'ont pas de
document justifiant certaines décisions prises par l'organisme.
Mme de Santis : Et comment on
appliquerait une telle disposition? Quelle serait la sanction?
M. Ouimet
(André) : En fait, c'est intéressant, oui, parler de sanctions parce
qu'on essaie de voir... Si on oblige à faire quelque chose, il faut bien
qu'il y ait une sanction qui va avec ça. Moi, je dirais, avant la sanction, il
faudrait la pédagogie, encore, hein, il faudrait informer et avoir des
responsables qui sont des professionnels et donc qui sont en mesure, là, dans leur organisation, de prêcher
cette bonne nouvelle et de dire qu'il faut le faire. Donc, avant la
sanction, la pédagogie.
Pour ce qui est de la sanction, elle viendrait
le jour où la Commission d'accès, soit par la voie de son pouvoir d'enquête ou
son pouvoir de révision, sanctionnerait le fait que l'organisme n'a pas de
document.
Le
Président (M. Hardy) : Je vous remercie beaucoup. Le temps qui est
accordé au niveau gouvernemental est expiré.
Nous poursuivons la période d'échange avec Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles, pour l'opposition officielle, pour un temps de 13 min 30 s, et je
vous demanderais... vous allez avoir des questions courtes, des réponses
courtes, s'il vous plaît. Merci. Mme la députée.
Mme Léger :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Ouimet, et toute l'équipe qui vous
accompagne. Très intéressant, on n'a
pas assez de 10 minutes de parler avec vous parce qu'il y a beaucoup
d'éléments qui vont au-delà de juste faire
une loi, c'est aussi toute la vision de l'accès à l'information. Je salue votre
expertise. Vous avez été à la CAI, été à l'équipe du Commissaire au
lobbyisme, la formation que vous donnez, alors vous êtes expert, dans le fond,
dans la matière, et aidé avec une belle équipe que vous avez autour de vous.
J'ai bien aimé quand vous parlez de votre
exemple de comment sauvegarder la vie privée, notre intérêt de sauvegarder la vie privée, puis, en même temps,
qu'on étale sur les réseaux sociaux n'importe quoi. Mais, en même temps,
on veut avoir le droit de protéger nos
renseignements, mais, en même temps, la liberté d'en faire ce qu'on veut.
Alors, c'est toujours un paradigme que je pense qu'on vit tous. Mais, en même
temps, lorsqu'on voit que j'autorise mon consentement,
quand on fait notre consentement d'un texte qui est là, on ne comprend rien,
puis on fait le petit crochet que, oui, on autorise, plein de gens qui
nous écoutent font ça régulièrement sur les réseaux sociaux, ou sur Internet,
ou peu importe, sur différents contrats
qu'on a avec différentes entreprises. C'est comme rendu normal de faire ça.
Mais on ne lit pas qu'est-ce qu'il y
a dessus parce que c'est incompréhensible. On peut-u se le dire, que c'est
incompréhensible? Quand on commence à lire puis...
Alors, le
goût de l'instantanéité, d'avoir l'outil, le service qu'on veut apporte une
très grande problématique avec bien
lire ce qu'on nous donne, le consentement qu'on va donner. Alors, la formation,
à mon avis, ne suffira pas. Simplement ça,
de former les gens ou que les gens soient davantage informés de ce qu'ils
signent... Parce que, même si je voudrais être une citoyenne bien
avisée, là, quand je lis tout ça, je n'en comprends pas la moitié. Tu sais, on
ne comprend pas qu'est-ce qui est là. Alors, comment on peut ajuster ça ou
comment on peut s'assurer que nos informations puis nos renseignements
personnels soient bien protégés, c'est un lourd défi. Je vous relance la
problématique.
Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.
M. Ouimet
(André) : Merci, M. le Président. En fait, effectivement, c'est un
grand défi et c'est pour ça que je dis que
tout le monde a une responsabilité. Le législateur a une responsabilité. La
Commission d'accès le recommande dans
plusieurs de ses recommandations, elle demande, là, que le législateur intervienne,
qu'on mette la Loi sur l'accès, dans son volet Protection des
renseignements personnels, au niveau des législations, notamment de la
législation européenne.
On n'aura pas le temps d'en parler, mais il y a beaucoup de choses
intéressantes dans le nouveau règlement européen. Deuxièmement, le gouvernement a des choses aussi à faire. Il y
a eu un document d'orientation qui pourrait être mis en vigueur. Il y a eu une commission parlementaire, vous vous
rappelez, là-dessus en 2015. Et la pédagogie est le troisième outil que
j'estime utile pour informer les citoyens.
Vous
dites : C'est difficile à comprendre, ces contrats. C'est vrai, il est
difficile à comprendre non seulement par le langage utilisé, mais par la longueur du texte. Il y a beaucoup,
beaucoup de choses. C'est vrai que, si on prend le temps de lire tout ça, on va finir par comprendre. Mais il
y a beaucoup de choses. Donc, un outil de vulgarisation pourrait être
utile aussi pour expliquer aux citoyens à
quoi ils s'engagent quand ils contractent avec, par exemple, un Facebook ou un
Google, et apprendre notamment que ces entreprises peuvent utiliser les photos,
les documents, etc., parce qu'ils ont déjà un consentement.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme
Léger : Vous disiez tout à l'heure que le législateur a un rôle
à faire, vous le redites encore, entre autres de reconnaître le droit à
l'information. Vous avez fait le lien avec l'article 1 du Commissaire au
lobbyisme, sur la loi sur le lobbyisme, où
qu'on reconnaît que «le lobbyisme constitue un moyen légitime d'accès aux
institutions parlementaires». Quand
je regarde l'article 1 de la Loi sur l'accès à l'information, on est loin
du compte. À l'article 1, on commence : «La présente loi
s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de
ses...» Écoutez, on n'est vraiment pas à la
bonne place, là, ce n'est pas... Normalement, un article 1 est quand même
fort, donne le ton. Là, sur notre loi,
je vois qu'avec ce que vous dites on ne l'a pas du tout. J'imagine qu'il y a
beaucoup de conséquences à ça, de mettre dans son article 1 de la
reconnaissance du droit à l'information. Est-ce que vous pouvez nous en dire
quelques mots?
M. Ouimet
(André) : Oui, tout à fait.
Le Président (M.
Hardy) : M. Ouimet.
M.
Ouimet (André) : M. le Président, la Commission d'accès reconnaît
aussi que l'article 1 d'une loi doit bien poser ce que vise cette loi-là, donc, dans ce cas-ci, reconnaître le
droit à l'accès à l'information, reconnaître le droit à la protection
des renseignements personnels. Et, vous savez, dans cette loi d'accès à
l'information que nous avons actuellement...
Cette loi, elle est prépondérante. Donc, elle a une valeur de charte de droits
et libertés, elle est prépondérante sur
les autres lois. Sauf qu'à la faveur des années on s'aperçoit que... et là je
feuillette des pages, des dizaines de pages de l'annexe du rapport quinquennal où on voit que le législateur a adopté
des dispositions dérogatoires. Quand j'explique à mes étudiants le droit d'accès et que je leur
soumets un cas pratique, je leur dis : Maintenant, avant d'aller voir la
Loi sur l'accès, allez voir la loi
sectorielle, parce qu'il est fort possible qu'il y ait des dispositions
dérogatoires. Donc, au fil des ans, la
Loi sur l'accès est devenue presque secondaire par rapport aux autres lois qui
contiennent des dérogations à la Loi sur l'accès. Or, la commission, avec raison, invite le législateur à la
réflexion là-dessus et à poser bien clairement l'objectif et les principes
de cette Loi d'accès en article 1.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
• (11 h 30) •
Mme Léger :
Je comprends très bien votre propos. Vous parlez beaucoup — vous
en avez discuté avec la ministre — du changement de culture. La ministre vous a
posé quelques questions à ce niveau-là. Vous donnez beaucoup d'importance à revoir, en tout cas, le responsable
dans les organismes publics, le responsable de l'accès à l'information, vous donnez beaucoup d'importance à son rôle. Le
rôle semble davantage... puis on voit plusieurs exemples ces temps-ci aussi puis dans les dernières années, vous... Ce
n'est pas simplement une personne qui dispose de la loi ou qui
interprète la loi qui est devant elle, là, d'une façon technique, là. Vous y
voyez un rôle pas mal plus proactif, vous y voyez un professionnel, là, quand vous dites que vous... Puis effectivement je
pense que c'est très, très adéquat, ce que vous dites. Je vois, entre autres, un journaliste qui a posé...
J'ai un petit tweet d'un journaliste, le 12 mai 2017, le tweet
d'Alexandre Shields, du Devoir, qui écrivait : «Demande d'accès à
l'information refusée par le ministère des Forêts, Faune et Parcs — refusée par le ministère. On nous refuse
aussi le droit de parler au responsable de l'accès.» C'est un tweet
qu'il a fait dernièrement. C'est l'exemple d'un journaliste, là, sûrement qu'on
en aurait d'autres types, de ces refus d'accès.
Le
rôle du responsable de l'accès... Je pense qu'il y a un travail immense à
faire. Quand vous parlez de changement de
culture, oui, il y a un changement de culture, la vision de la ministre et de
l'appareil gouvernemental, qui parle davantage de faire de la transparence accrue, mais ça commence, entre autres, par
une bonne formation de nos responsables, vous avez tout à fait raison à ce niveau-là, mais aussi son
mandat. S'il est un professionnel... responsable de l'accès à
l'information, mais qu'il est un
professionnel, je pense que ça va beaucoup plus loin que ce qu'on a présentement.
Je vois dans certains ministères
qu'il y en a qui sont... N'importe qui peut être responsable. Je ne veux pas
enlever l'importance de plusieurs, qui y
mettent du coeur puis qui font leur rôle correctement, là. Je ne veux pas
négliger ça, là, ce n'est pas dans cet objectif-là. Mais on voit aussi qu'il y en a qui ne sont pas du
tout formés, qui sont là sans connaître nécessairement, plus ou moins, leur mandat. Je pense que vous allez convenir avec
moi que le rôle du responsable, il y a beaucoup de travail à faire, puis
vous l'indiquez d'une façon très, très, très claire.
Le Président (M.
Hardy) : M. Ouimet.
M.
Ouimet (André) : Alors, M. le Président, effectivement, nous, c'est le
sens de nos recommandations, que les responsables
doivent devenir des professionnels, et non pas simplement... Et je suis
d'accord avec vous aussi, Mme la députée,
que beaucoup de responsables font un travail remarquable, là. Ça l'était quand
j'étais à la Commission d'accès à l'information.
Je côtoie des personnes responsables de l'accès qui font un travail
extraordinaire. Mais force est de constater que, dans bien des cas, on se contente de répondre à des demandes
d'accès en invoquant des articles de loi. À notre avis, le rôle d'un
responsable, c'est beaucoup plus que ça dans une organisation.
Et justement,
si le législateur décidait de mettre certaines obligations qui apparaissent
dans notre mémoire sur les épaules du
responsable de l'accès, ces personnes-là auraient une responsabilisation accrue
et seraient impliquées dans l'organisation comme de véritables
professionnels de l'accès à l'information et de la protection des
renseignements personnels. Et cet
engagement-là ferait en sorte que les citoyens, à notre avis, auraient
confiance dans les organisations parce qu'ils auraient un répondant en
qui on aurait confiance.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Parce qu'on voit effectivement qu'il y a une inégalité de cette fonction-là
d'un organisme à l'autre. Ce n'est
pas parce que Mme Garcia, qui est à côté de vous, qui peut faire un rôle, un
très bon... Son mandat, elle l'exécute d'une
façon peut-être extraordinaire, mais, en même temps, est-ce que c'est de sa
volonté personnelle? Je ne veux pas en faire un cas personnel, là, ça,
mais des fois c'est la volonté de la personne. Mais, une formation ou un
équilibre qu'il peut y avoir dans l'ensemble
des organismes publics, d'une part, puis au privé aussi, là, on reviendra, mais
évidemment je pense que ça mérite vraiment d'être entendu.
Je ne sais
pas si vous avez vu l'article de ce matin, Fling flang au ministère de la
Justice. Ça n'a pas lieu d'être. Est-ce que vous en voyez, des cas
de ce type-là où il y a un processus plus politisé de la chose? Il faut enlever
la politicisation du rôle du responsable de l'accès à l'information.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Garcia.
Mme Garcia (Chantal) : Je peux
ajouter de ma propre expérience, et donc, effectivement, vous avez raison. Premièrement, j'avais l'intérêt, dans mon cas,
j'ai suivi le programme de certification de l'AAPI. Ça m'a beaucoup
aidée, parce qu'il n'était pas juste
question d'interprétation technique des dispositions, mais des principes
eux-mêmes, alors de faire vivre ces
principes-là d'accès et de protection. J'ai beaucoup plus compris comment
mettre ça en relation, ce qu'avant j'aurais été incapable de faire.
Alors,
aujourd'hui, ce qui se passe, c'est que je pense que les responsables d'accès,
étant donné qu'on est dans une société numérique et que, forcément, les
renseignements sont intégrés, sont intégrés à des finalités de prestation de services, à des finalités d'administration de
programmes, de prévention du crime, de recherche... Alors donc, il faut,
à ce moment-là, que les responsables d'accès soient au coeur des projets.
Mme Léger : Est-ce que vous
suggéreriez d'avoir une formation obligatoire?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Garcia.
Mme Garcia
(Chantal) : Ah! je trouve ça
difficile de dire que ce soit obligatoire. Écoutez, là, c'est parce que
je ne veux pas non plus prôner notre propre formation, mais je
pense que c'est important
d'être compétent puis d'être formé pour pouvoir bien conseiller. Il
faut oser avoir ce rôle d'influence
là. On a parlé de structure, de gouvernance tout à l'heure, il faut être
aussi dans les plateformes de gouvernance. Il y a un comité d'accès à l'information et de protection des renseignements
personnels qui est prévu au règlement sur la diffusion. On propose, on suggère
fortement que ce soit présidé par le président
de l'organisation ou le chef de direction. Donc, il faut
être... On a parlé de plan
stratégique aussi, tout à l'heure... donc que ces questions-là
soient intégrées.
Le Président (M. Hardy) : Mme la députée
de Pointe-aux-Trembles, en 45 secondes.
Mme Léger : Mais vous pouvez voir quand même
qu'il y a des écarts de conduite par rapport à un responsable. Je veux
revenir sur l'article de ce matin. Ce n'est pas rien, cet article-là,
là. C'est quand même un responsable d'accès à l'information qui... où on politise la chose, et il y a un accord du cabinet. Ça ne
devrait pas exister, selon vous, là, ça ne devrait pas être une manière
de faire?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Garcia, 15 secondes.
Mme Garcia (Chantal) : Je ne connais
pas les circonstances précises de l'événement de ce matin. Ce qui est certain, c'est que, lorsqu'on repère les documents,
quand on a une demande d'accès à
l'information, le processus doit
être intègre. On a le devoir aussi de
fournir assistance. On doit s'assurer qu'on a les documents.
Alors, c'est sûr que ça fait partie du
rôle de responsable. Lorsqu'il y a des restrictions de niveau discrétionnaire, il faut
avoir des échanges aussi avec les équipes,
il faut bien comprendre les risques qui sont associés à ça. Puis, je pense,
il faut se projeter dans le futur, si on allait en audition à la commission,
comment on répondrait. Alors, je pense que notre processus doit... Le
responsable de l'accès est le gardien d'un
processus intègre, c'est clair, là, pour moi. Je ne sais pas si... ça ne répond
peut-être pas, là, mais...
Le
Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Disons que le temps accordé à l'opposition
officielle est expiré. Nous allons maintenant faire l'échange avec le député de
Borduas, pour la deuxième
opposition, pour un temps de
8 min 36 s.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Me Ouimet, Mme Garcia, M. Samson, bonjour. Merci de votre contribution
aux travaux de la commission. Je vais poursuivre sur le même thème. Parce que,
depuis le début de la présentation de votre mémoire,
vous revenez souvent sur la question de la confiance, la question
de la confiance dans les institutions, et l'intégrité du processus également.
Ce que l'on
constate à de multiples reprises... Supposons qu'on parle du gouvernement et des ministères, et on le vit en tant que députés de l'opposition, moi-même, je l'ai vécu avec des demandes d'accès au ministère
de la Justice, et on constate
qu'il y a des journalistes, ce matin également,
Annabelle Blais, du Journal de
Montréal, qui a fait une
demande d'accès à l'information... puis ça s'est fait également
dans le passé, là, au mois de mars également, ça s'est fait au MTQ, où, manifestement,
ça passe par le cabinet du ministre, par son chef de cabinet.
Et l'article 8
de la Loi sur l'accès nous dit : Bon, c'est la personne ayant la plus
haute autorité qui est responsable ultimement de l'accès
à l'information. Donc, théoriquement, c'est le ministre. Mais la pratique veut qu'au gouvernement
on délègue quelqu'un, on va le donner à
un fonctionnaire, tout ça. Mais, pratico-pratique, là, dans la
machine à saucisses, ce qu'il se passe, c'est que cette personne-là
reçoit la demande d'accès à l'information, va vouloir répondre à la demande d'accès, mais, avant de peser sur
«envoyer», bien, il y a un filtre politique qui est mis en
place. Au niveau du processus, au niveau de l'intégrité, je veux avoir
votre opinion là-dessus : Est-ce que, de la façon dont le
gouvernement fonctionne actuellement, c'est approprié d'avoir ce mécanisme-là,
d'avoir un filtre politique à travers ça?
Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.
M. Ouimet (André) : Bien, vous aurez
compris que, par nos propositions, on dit : Donner une plus grande autonomie au responsable de l'accès. Nous, on
pense que le responsable devrait être en mesure d'agir lui-même, de
prendre la décision et de communiquer ou
non, en exprimant pourquoi il ne communique pas. Et, comme disait Mme Garcia
tantôt, aussi, le responsable est là pour
prêter assistance. Et il ne faut pas oublier... Moi, dans une vie antérieure
aussi, j'ai été secrétaire du Conseil de la magistrature et j'ai
participé à des groupes sur l'accès à la justice. Quand on va devant un tribunal,
il y a un échec des relations entre des individus. Quand on doit aller devant
la Commission d'accès, c'est qu'il y a eu un
échec. Donc, il faut favoriser la discussion entre le responsable de l'accès et
le citoyen. Dans ce contexte-là optimal, le responsable de l'accès
aurait toutes les marges de manoeuvre complètes.
Maintenant,
vous l'avez dit vous-même, en vertu de l'article 8, actuellement, si on
prend l'exemple du gouvernement, c'est le ministre qui est responsable
de l'accès. Donc, on peut comprendre qu'actuellement il y ait des... dans
certains ministères, qu'on fonctionne de
cette façon-là. Alors que nous, on pense qu'à l'avenir on devrait donner une
plus grande autonomie au responsable de l'accès, qui aurait évidemment
la formation pour répondre aux demandes d'accès, notamment.
• (11 h 40) •
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Lorsqu'on parle
d'autonomie, on parle d'une autonomie institutionnelle, donc de venir l'inscrire dans la loi, supposons, pour chacun des
ministères, de dire : Bien, cette personne-là est responsable de l'accès à l'information. Est-ce que vous feriez en sorte de créer un poste complètement indépendant, avec les garanties d'emploi associées à cette
indépendance-là?
Parce que
c'est toujours ça, la question : à partir du moment où la personne est
nommée en vertu de la Loi sur la fonction publique et qu'elle
n'est pas nécessairement désignée avec une indépendance complète et partielle,
bien, l'intégrité du processus
peut toujours être remise en cause en fonction des pressions politiques. Est-ce que vous pensez que ça prend dans
la loi, très clairement, là, pour les organisations publiques, une indépendance
complète et impartiale, indiquée dans la loi?
Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.
M. Ouimet
(André) : Écoutez,
c'est une très bonne question. Nous, on n'est pas allés jusque-là. On sait que
ça existe, par exemple pour les vérificateurs internes des organismes, où ils
ont une certaine indépendance par rapport à l'organisme
qu'ils vérifient. Théoriquement, ça serait possible que ça existe, mais on
n'est pas allés dans notre mémoire jusqu'à
proposer que cette personne-là, là, soit complètement distincte du ministère,
en l'occurrence, là. Mais c'est une possibilité que vous pouvez examiner
comme législateurs, effectivement.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Et, au niveau
de l'indépendance, au niveau de l'intégrité du processus, est-ce que, dans
une éventuelle loi, on devrait venir dire que le processus n'est pas assujetti
à quelconque contrôle, dans le fond, que le responsable de l'accès à l'information reçoit la demande
et la traite lui-même sans autre critère, dans le fond? Est-ce
qu'on devrait le souligner dans la loi précisément?
Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.
M. Ouimet (André) : Alors, dans un cas comme ça, là, on est plus dans
la rédaction de la loi comme telle. Nous, on dit : Il faut donner une grande autonomie à cette personne-là.
Comment on va rédiger le texte de la loi? Je pense qu'on se reverra lorsqu'on aura un projet de loi. Mais, d'ici là, il y a toutes sortes de façons de l'écrire, et de
rendre plus autonome ou plus indépendant le responsable de l'accès.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député.
M. Jolin-Barrette : Parce que, lorsque vous nous dites : D'ici là, avant qu'on ait le
dépôt d'un projet de loi, qu'on étudie un projet de loi, est-ce que
vous pensez qu'on devrait déjà changer la culture actuellement qui prévaut dans
nos sociétés d'État, au sein du gouvernement? Est-ce que ça serait une recommandation
que votre groupe ferait?
Le Président (M.
Hardy) : M. Ouimet.
M.
Ouimet (André) : Alors,
nous, on était d'accord avec les orientations gouvernementales pour un gouvernement plus transparent, qui
donnaient une plus grande marge de manoeuvre aux responsables. On est toujours
en accord avec ça aussi.
M.
Jolin-Barrette : O.K. J'ai une question au niveau de la protection des
renseignements personnels. Tout à l'heure,
vous avez bien illustré avec votre exemple sur Facebook. J'ai trouvé ça très
comique, mais vous avez réussi à démontrer
très clairement, dans le fond, c'est quoi, la conséquence d'exposer sa vie,
puis, dans le fond, le filtre virtuel : les gens exposent la
totalité de leur vie et pensent qu'il n'y a pas de conséquences.
Vous
avez parlé beaucoup de pédagogie. Pédagogie, oui. Quelle forme ça devrait
prendre? Parce qu'on peut avoir des
tournées dans les écoles, malgré la bonne volonté de la ministre, je la
félicite pour la... Elle a fait de nombreuses écoles, mais elle ne peut pas faire toutes les écoles puis
elle ne peut pas voir tous les élèves du Québec, notamment. Quelle forme
ça prend, cette pédagogie-là, concrètement?
Le Président (M.
Hardy) : M. Ouimet.
M.
Ouimet (André) : Alors, concrètement, il y a plusieurs façons de le
faire. La ministre l'a fait d'une façon. Bien humblement, je vous
dirais, moi, je le fais d'une façon avec des étudiants en droit. J'ai quand même
35 étudiants en droit chaque année. Et
j'ai une demande... J'ai été obligé de limiter le nombre à 35 parce qu'on a une
grande demande à cet égard. D'autres,
comme Me Éloïse Gratton, offrent un cours de maîtrise à l'université, le
professeur Pierre Trudel, à Montréal. Éducaloi fait son bout. Il y a
toutes sortes de façons de faire de la pédagogie auprès de toutes les
clientèles possibles. Je les rappelle,
là : les jeunes, les ados, les adultes et les aînés, viser toutes ces
clientèles. Nous, on a fait des documents pédagogiques, à l'AAPI, pour
les jeunes, primaire, secondaire. Ce sont des outils qui existent. Alors, la pédagogie, elle peut prendre toutes sortes de
formes et elle devrait prendre toutes les formes possibles pour qu'on
rejoigne ces clientèles.
Le Président (M.
Hardy) : ...député de Borduas. Une minute.
M. Jolin-Barrette : Oui. Sur la question du consentement, de la validité du consentement, vous l'avez dit
tantôt, les gens ne comprennent pas nécessairement ce à quoi ils consentent. Comment est-ce qu'on fait pour s'assurer
d'avoir un consentement libre et éclairé, si je peux dire, sur
l'utilisation des médias sociaux? Parce
qu'on fait face à des entreprises
multinationales qui, oui, doivent respecter le cadre réglementaire, mais
comment est-ce qu'on réussit à s'assurer que le consentement est valide, des
gens?
Le Président (M.
Hardy) : M. Ouimet, en 30 secondes.
M.
Ouimet (André) : Alors, je vous dirais d'abord, effectivement, la
pédagogie, d'une part. D'autre part, comme le dit la commission, en intégrant la définition de consentement dans la
Loi sur l'accès, ce serait déjà un autre pas qui serait fait. Et toute la question du consentement est
beaucoup liée à la compréhension qu'a l'organisme, donc une formation
aussi du responsable. Je m'explique très rapidement.
Le Président (M.
Hardy) : Merci beaucoup. Le temps est déjà écoulé.
M. Ouimet
(André) : On se reparle.
Le Président (M.
Hardy) : M. Ouimet, Mme Garcia, M. Samson, je vous remercie pour votre
contribution aux travaux de la commission.
Je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du Bureau d'assurance du Canada de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
11 h 46)
(Reprise à 11 h52)
Le
Président (M. Hardy) :
Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Bureau d'assurance du
Canada. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons
à la période d'échange avec les membres
de la commission. Je vous invite donc
à vous présenter puis à commencer votre exposé.
Bureau d'assurance du Canada
(BAC)
Mme Lamanque
(Johanne) : Merci. Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mme la
députée, M. le député, et membres de la commission, je suis Johanne Lamanque, vice-présidente
pour le Québec du Bureau d'assurance du Canada. Je suis accompagnée
aujourd'hui de Me Marie-Pierre Grignon, qui est directrice des affaires
techniques et juridiques également pour le
BAC; Me Karine Iskandar, qui est conseillère juridique principale pour
Intact; de même que M. Pierre Marc
Bellavance, qui est vice-président, Affaires juridiques, et secrétaire général
pour La Capitale. Alors, ces derniers s'ajouteront à la discussion
suite à mon exposé, qui devrait durer tout au plus le 10 minutes, tel que
prévu.
Alors,
permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour l'invitation qui a été faite
au Bureau d'assurance du Canada, de nous permettre de vous faire part et
de nos commentaires, mais également de nos préoccupations, et de participer aux
auditions publiques relatives, là, au rapport quinquennal de la Commission
d'accès à l'information.
Je tiens à
rappeler la mission du Bureau d'assurance du Canada, qui est de représenter les
intérêts des sociétés membres, soit les compagnies d'assurance de
dommages. Et on précise que ce sont les compagnies qui assurent les automobiles, les habitations de même que les
entreprises, et non pas le secteur de l'assurance vie. Donc, vous
rencontrerez la CAP la semaine prochaine, dans le même cadre des consultations.
Le BAC est le
porte-parole de plus de 100 membres. Donc, on parle, en termes de parts de
marché, de plus de 90 % des parts de marché du marché de
l'assurance de dommages au Québec. Ce sont des acteurs d'importance dans l'économie québécoise, également canadienne, tant
au plan des emplois que de la fiscalité. Également, je tiens à souligner
que le BAC joue un rôle qui est aussi important auprès des consommateurs en
termes d'éducation et d'information.
D'abord, le
BAC salue la réflexion et tout le travail qui ont été faits par la Commission
d'accès à l'information dans sa volonté à moderniser le cadre juridique
qui protège les renseignements personnels au Québec, puisqu'il nous apparaît
évident que ce cadre est maintenant dépassé et qu'il ne répond plus aux
attentes.
La Loi sur la
protection des renseignements personnels doit s'arrimer avec les lois
semblables qui sont présentes dans
les autres juridictions, tant provinciales que fédérales. Il va sans dire que l'arrivée
des technologies bouscule, voire perturbe beaucoup les façons de faire,
et nos membres sont grandement préoccupés par tous les risques que cette technologie
amène.
Dans
l'ensemble, ces derniers se disent plutôt en accord avec les recommandations qui sont contenues dans le
rapport de la Commission d'accès à l'information, et c'est en leur nom que nous
avons émis dans notre mémoire des commentaires
pour 13 des 67 recommandations qui pourraient avoir un impact sur leurs
opérations. On souhaite donc mettre à profit le temps que vous nous
accordez aujourd'hui pour revenir sur les enjeux les plus importants pour eux.
Avant d'aller plus loin, je pense important
d'expliquer le contexte dans lequel les compagnies d'assurance de dommages
évoluent et de souligner le fait qu'elles sont soumises à d'autres règles, hors
du Québec, lorsqu'elles font affaire
ailleurs au pays. Et c'est souvent le cas pour la majorité d'entre elles. Ces
sociétés sont en effet déjà rigoureusement encadrées. Plusieurs lois, règlements, on parle d'une vingtaine de
lignes directrices qui s'appliquent à leurs activités au Québec, pour lesquelles elles doivent toutes
rendre compte au ministère des Finances de même qu'à l'Autorité des
marchés financiers. Une harmonisation est donc essentielle entre les
différentes instances afin d'éviter les redondances et les possibles risques
d'incohérence.
À titre
d'exemple, certains aspects qui ont été visés par la présente consultation,
notamment les incidents de sécurité et les communications à l'extérieur
du Québec, sont déjà encadrés par les lignes directrices de l'Autorité des
marchés financiers. Ajouter de nouvelles
règles ne ferait qu'alourdir le processus et donner lieu à des contradictions
potentielles. D'autre part, lorsque nous
référons aux autres législations, ce n'est pas, pour nous, de suggérer qu'une
loi soit meilleure qu'une autre, mais
plutôt de souligner l'importance d'harmoniser les lois dans un
contexte fédéral canadien de façon à en faciliter l'application. À ce titre, la loi fédérale nous apparaît
souvent plus appropriée, d'autant plus qu'elle a fait l'objet, déjà, de
révisions.
Par ailleurs,
l'accès aux renseignements personnels et financiers ainsi que le traitement,
l'analyse, l'enregistrement de ces
données sont une nécessité fondamentale et intrinsèque aux activités
d'assurance. La collecte d'informations est en effet une opération qui est vitale puisque ce sont elles qui vont
permettre d'évaluer un risque et de donner un portrait plus juste à un assureur. Ces derniers utilisent donc
des modèles qui sont prédictifs, qui sont basés sur de nombreuses informations.
Ils doivent fonder leur analyse sur des données qui sont nombreuses et variées.
De par la
nature de leurs activités, les assureurs accordent déjà, depuis très longtemps,
beaucoup d'importance à la protection
des renseignements personnels de leurs clients. Ils savent en effet très bien
que tout manquement à cet égard pourrait
briser le lien de confiance établi au fil du temps avec leurs assurés et, par
conséquent, nuire grandement à leur réputation. Les commentaires qui ont
été émis dans notre mémoire et ceux que nous vous soumettons aujourd'hui s'inscrivent donc dans cette double réalité à
l'intérieur de laquelle les assureurs évoluent, soit un secteur d'activité
qui est hautement réglementé et une activité basée sur le risque, qui s'évalue
à partir de l'information obtenue.
En matière de
protection des renseignements personnels, le BAC est d'accord avec la
recommandation qui vise à réviser la
notion de dossier pour adopter une approche basée sur la finalité de la
collecte, comme c'est le cas également au fédéral. Aussi, nous soulignons l'importance de prévoir comment les
renseignements personnels peuvent être transférés d'une
entreprise à une autre faisant partie d'un même groupe financier ou suite à une
fusion ou à une acquisition. Mentionnons que
l'industrie de l'assurance vit des transformations majeures et que bon nombre
de transactions de fusion, acquisition
ont cours. Lors de telles transactions, la loi actuelle ne permet pas le
transfert des renseignements personnels entre les entreprises en
question sans obtenir le consentement préalable de chaque assuré concerné.
Cette situation prévaut pour les transactions effectuées tant au Québec que
hors Québec.
À cet égard,
le BAC souhaite qu'une exception soit faite concernant la loi sur le privé afin
qu'un tel transfert puisse se faire,
comme c'est le cas au fédéral et également dans d'autres juridictions.
L'obligation de contacter chacun des clients rendrait le processus
complexe et inefficace.
Dans le même ordre d'idées, considérant
l'existence des lois responsabilisant les entreprises en matière de
renseignements personnels dans les autres provinces canadiennes, une mesure
restreignant la communication des renseignements personnels entre provinces
nous apparaît injustifiée et beaucoup trop contraignante. Aussi, le BAC tient à souligner que des exigences spécifiques
sur ce plan sont déjà présentes dans certaines lignes directrices. Il
serait plus approprié que l'obligation
d'effectuer une étude d'impact et de risque ne s'applique qu'en présence d'une
transmission de renseignements personnels à l'extérieur du pays et en précisant
les critères requis.
• (12 heures) •
En ce qui concerne les incidents de sécurité, la
ligne directrice sur les pratiques commerciales prévoit déjà l'obligation pour
les assureurs d'informer l'Autorité des marchés financiers de tout manquement à
la protection des renseignements personnels
susceptible de nuire aux intérêts et aux droits des consommateurs. De façon plus spécifique, d'autres lignes
directrices exigent des assureurs qu'ils mettent en place des mécanismes
appropriés ou des processus d'urgence en cas d'incident majeur ou de violation
de la confidentialité.
En ce qui concerne les communications à
l'extérieur du Québec, le BAC tient à souligner que des exigences spécifiques sur ce plan sont déjà
présentes dans la Ligne directrice sur la gestion des risques liés à
l'impartition de même que dans la
ligne directrice du traitement transfrontalier des données personnelles du
commissariat à la vie privée du Canada. Encore une fois, il y aurait
lieu d'harmoniser l'ensemble de ces dispositions.
Une réalité
qui est propre à l'industrie, c'est : en assurance de dommages, la fraude
représente plus de 15 % des indemnités
versées. En chiffre absolu, on parle, à travers le pays, d'un peu plus de
1 milliard de dollars à chaque année. Les assureurs doivent donc
être vigilants, car, en fin de compte, ce sont tous les assurés qui paient pour
ce fléau.
À cet égard,
l'industrie de l'assurance de dommages souhaite que la communication entre
assureurs de certaines informations
relatives à la fraude soit clairement permise. L'article 18 de la loi sur
le privé donne déjà aux entreprises le droit
de communiquer entre elles des renseignements personnels lorsqu'elles ont des
motifs raisonnables de croire que la personne concernée a commis ou est
sur le point de commettre un crime ou une infraction à la loi.
Finalement,
nous rappelons l'importance de protéger les informations confidentielles ou de
nature stratégique transmises par les assureurs à l'Autorité des marchés
financiers dans le cadre de la surveillance qu'elle effectue. Les dérogations
prévues à cet égard dans la loi doivent donc être maintenues.
En
conclusion, nous insistons sur l'importance d'harmoniser les différentes
législations applicables aux assureurs de dommages, tant au Québec que
dans le reste du pays, de retenir une approche par principe plutôt que par
règle. Nous demandons également de tenir
compte de l'existence d'un encadrement rigoureux et spécifique aux assureurs
mis en place par l'Autorité des
marchés financiers. Cet encadrement par cet organisme de surveillance dédié à
l'industrie applique parfois des
critères et standards plus élevés que ce qui s'applique à d'autres industries.
Par ailleurs, le cadre législatif doit être suffisamment flexible et permettre l'utilisation de moyens pour contrer
la fraude, cette réalité qui affecte les compagnies d'assurance. On
préconise donc une utilisation adéquate et encadrée des renseignements
personnels des assurés.
Alors, c'est ce qui termine mon exposé, donc je
vous retourne la parole, M. le Président. Merci.
Le
Président (M. Hardy) : Merci beaucoup, Mme Lamanque. Maintenant — merci pour votre exposé — nous
allons débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour
20 minutes.
Mme de
Santis : Merci. D'abord, bienvenue, merci d'être là, Mme Lamanque, Mme
Grignon, M. Bellavance et Mme Iskandar. J'ai lu avec énormément
d'intérêt votre mémoire, mais j'ai quelques questions.
Quelle est la
bonne information qu'on devrait remettre à un consommateur pour que, quand le
consommateur prend la décision de
cliquer sur «j'accepte», le consommateur sait exactement c'est quoi, qu'il
accepte? À la page 83 du rapport quinquennal,
la CAI fait mention que certaines législations européennes obligent les
entreprises à afficher un bandeau qui est
mis en évidence sur leur site pour informer l'internaute de l'utilisation de
traceurs, cookies ou fichiers témoins et assure un consentement manifeste de celui-ci. Alors, cette obligation semble
s'appliquer à l'ensemble des compagnies d'assurance en Europe. Est-ce que vous seriez favorables à
l'ajout d'une obligation similaire ici, au Québec? Et, sinon, comment on
pourrait s'assurer que, quand il y a un
consentement, le consentement qui est donné par le consommateur ou
l'internaute soit éclairé lors de la collecte de renseignements à son insu,
comme ceux collectés par des traceurs?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Lamanque.
Mme Lamanque (Johanne) : Alors,
concernant le consentement, est-ce que Karine...
Le Président (M. Hardy) : Mme
Iskandar?
Une voix : Iskandar, oui.
Mme
Iskandar (Karine) : Oui. Mme la ministre, c'est une très, très bonne
question. C'est très vaste aussi, ce que
vous demandez. Je pense qu'aujourd'hui ce qu'on peut dire de ce que la loi sur le privé prévoit, c'est qu'il
n'y a pas cette obligation d'afficher ou, en tout cas, de préciser qu'un
fichier témoin est suivi ou je ne
sais pas si... les cookies, c'est ça. Toutefois,
l'obligation, c'est d'informer le consommateur qu'on recueille
des informations et qu'est-ce
qu'on va faire avec. Donc, la majorité... en tout cas, je sais que certaines entreprises au Québec utilisent déjà des... Sans nécessairement
parler du bandeau auquel vous faites
référence, les conditions d'utilisation d'un site
Web parlent généralement des fichiers témoins. Donc, je pense
que déjà les entreprises au Québec,
notamment les assureurs, prennent en compte leurs obligations qui sont déjà prévues dans la loi sur le privé.
Est-ce que
ça serait nécessaire d'avoir un bandeau qui défile qui affiche aux
consommateurs que leurs fichiers témoins
sont placés sur leur navigation? Je
pense qu'on peut en débattre, là,
mais l'obligation, quant à moi, elle est déjà présente dans la loi, d'aviser un consommateur. Maintenant,
c'est sûr qu'un bandeau, ça serait plus explicite que des termes et
conditions sur un site Web, là.
Le Président (M. Hardy) : Mme
la ministre.
Mme de
Santis : Vous savez, vous, vous êtes défavorables à la
recommandation 30. La recommandation 30, c'est de modifier la loi
pour qu'elle précise que le consentement ne permette pas une collecte de renseignements personnels non nécessaires. Alors, toute cette question de
consentement, pour moi, c'est très, très important, et j'aimerais vraiment
vous entendre un peu plus là-dessus. Quels renseignements donner aux
consommateurs pour que, quand ils disent «oui, j'accepte», ils savent à
quoi accepter?
Parce que
vous nous dites dans votre mémoire que c'est le consommateur qui devrait avoir
la liberté de décider s'il consent ou non à fournir une information. Et
vous, vous le demandez. Le consommateur s'attend à ce que vous le demandiez parce que c'est nécessaire pour son
contrat ou pour être traité par vous. Alors, si vous allez au-delà de ça,
à quel point le consommateur sait exactement à quoi il consent? Parce que vous
voulez collecter beaucoup plus que les renseignements nécessaires pour les fins
du contrat.
Le Président (M. Hardy) :
Mme Iskandar.
• (12 h 10) •
Mme Iskandar
(Karine) : Je vais vous expliquer un peu un principe de base qui va
peut-être éclaircir un peu le pourquoi
on dit ça dans notre mémoire. En assurance, c'est le principe de la mutualité
qui s'applique, dans le fond, et ce que ça veut dire, en termes communs, c'est que les primes de tous servent à
payer les sinistres de certains. Donc, c'est très, très important qu'un
assureur fasse son travail et réussisse à tarifer et à souscrire un risque de
la manière la plus précise possible pour
qu'éventuellement madame X paie la prime qui est nécessaire suivant son
profil de risque, et monsieur Y paie la prime nécessaire suivant son profil de risque, qui ne sont
nécessairement pas les mêmes. Donc, pour faire cette tarification et cette souscription de façon précise, ce qu'il
faut, c'est des données. C'est ce qu'un assureur fait, dans le fond, il
collecte le plus d'informations possible,
nécessaires ou utiles, pour réussir à faire cette tarification-là. Donc, quand
on dit qu'il faudrait nous permettre
de recueillir des renseignements non nécessaires à la tarification, mais
utiles, c'est ça qu'on veut dire ici.
Je peux vous
donner un exemple. Par exemple, la cote de crédit, qui est un renseignement
personnel, nous permet, comme
assureurs, en tout cas ceux qui l'utilisent... c'est non nécessaire à la
tarification. Ce que ça veut dire, c'est que, si vous appliquez... si vous allez voir un assureur, vous lui demandez une
assurance, il ne va pas vous refuser de souscrire un contrat si vous dites : Non, je ne veux pas
que vous ayez accès à ma cote de crédit. Toutefois, si vous lui donnez
accès à cette information-là, l'évaluation de la prime, de la tarification se
fera de façon plus précise, et vous pourriez avoir une... pas une flexibilité,
mais un ajustement de prime dépendamment de cette cote de crédit.
Un autre
exemple, le courriel. Ce n'est pas nécessaire pour souscrire une police
d'assurance de donner son courriel à
l'assureur. Toutefois, si, dans le
futur... Parce que la technologie évolue, et les pratiques d'un assureur évoluent
avec, un assureur pourrait décider de
faciliter la vie des consommateurs, de répondre à leurs besoins — parce que c'est ça, l'objectif d'un assureur, c'est de répondre à leurs besoins — il
pourrait décider de délivrer les polices d'assurance, les documents par voie électronique, donc le courriel devient
alors nécessaire, mais au début peut-être qu'il ne l'était
pas. Donc, c'est ça un peu, ce qu'on veut dire.
J'ai plein
d'autres exemples que je pourrais vous donner : des programmes
de télématique. Je ne sais pas si vous êtes familiers avec la télématique. C'est des programmes
qui sont mis en place par des assureurs pour suivre la conduite d'un assuré, et la prime est soit ajustée, soit ça
fait l'objet d'un rabais, dépendamment de la conduite satisfaisante d'un
assuré ou pas. Si un assureur recueille la
position GPS d'un véhicule, peut-être que cette donnée... c'est une donnée quand
même
personnelle, puisque ça identifie la localisation d'une personne, cette donnée
n'est peut-être pas nécessaire à la tarification
ou à la souscription du contrat d'assurance mais pourrait être nécessaire
pour évaluer d'autres paramètres qui, eux,
sont utilisés pour la souscription. Je donne un exemple : la vitesse, un
freinage brusque ou des choses comme ça. Donc, voilà encore un exemple de c'est non nécessaire à la souscription,
mais ici c'est très utile, même nécessaire
éventuellement pour déterminer d'autres paramètres. Ça fait que je pense que
c'est très, très important pour un assureur, ce genre de collecte là d'informations
qui sont non nécessaires mais utiles.
Le Président (M. Hardy) : M.
Bellavance.
M.
Bellavance (Pierre Marc) :
Juste pour rajouter, si vous me permettez, pour essayer de compléter la
réponse et puis pour répondre à votre question,
Mme la ministre. Ce qui est très important pour nous, pour l'industrie, et on en a fait part dans notre mémoire, à la section 2.7, là, c'est vraiment : avec la nouvelle loi, la modification de la loi sur le privé, ça serait de préciser l'objet du dossier, cette
notion-là d'objet du dossier qui, pour nous, est une notion qui est obsolète
un peu plus, puis aller vers les fins pour lesquelles vous demandez le consentement. Puis, pour répondre à votre question, je pense,
pour que ce soit clair pour un consommateur... Puis je suis tout à fait d'accord avec l'orientation de votre question, c'est : il faut que ça soit clair pour le consommateur, les fins
pour lesquelles on lui demande certaines informations. Et il
faut que ça soit des informations qui sont nécessaires aux produits d'assurance, je suis tout à fait d'accord, mais les fins pour lesquelles on demande
ces informations-là doivent être clairement, à mon avis, énoncées.
Alors,
que ce soit le moyen... par Internet, par un traceur, le
moyen est important, mais ce qui est très important, c'est que le consommateur comprenne son consentement qu'il va donner. Et la façon dont la loi est rédigée présentement,
avec l'objet du dossier... La notion d'objet du dossier, bien, nous, on
était d'opinion que cette notion-là, maintenant, devrait plutôt être harmonisée
vers les fins pour lesquelles vraiment on a besoin de l'information. Ça, on
rejoint un peu notre mémoire et le fédéral, là-dessus, on pense qu'elle
est peut-être un
petit peu plus proche de ce qu'on
voudrait avoir, là, comme modification éventuelle à la loi, les fins pour
lesquelles on collecte l'information.
Le
deuxième point, pour compléter, là, c'est le consentement explicite versus
implicite où là vraiment on sent qu'il
y a une différence entre la loi
provinciale et la fédérale. Et on pense effectivement qu'il y aurait lieu de
clarifier est-ce que véritablement... le consentement implicite, tel qu'il
est explicité dans le mémoire de la commission, est-ce que véritablement c'est suffisant ou pas. Alors, cette
notion-là de consentement implicite et explicite nous apparaît être un
élément fondamental, là, dans les amendements à venir, s'il y a lieu. Alors, le
fédéral, encore une fois, à cet égard-là, dans
l'annexe 1 de sa loi, là, de PIPEDA, donne certains paramètres ou aide un
peu à la compréhension dans quel cas ça devrait être explicite, dans
quel cas ça devrait être implicite. Et le BAC s'est prononcé là-dessus dans son
mémoire.
Alors, je voulais
juste compléter là-dessus, sur ces deux éléments-là qui nous apparaissent des
éléments fondamentaux, là, à venir.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : Vous savez, vous dites que vous êtes déjà assujettis à la
Loi sur l'Autorité des marchés financiers et vous parlez de votre situation particulière en tant que compagnie
d'assurance. Est-ce que vous êtes en train de me dire que vous voulez vous extraire de la loi sur l'accès à
l'information? Parce que la loi est là pour des entreprises, des
personnes, des entités qui sont beaucoup plus que simplement des compagnies
d'assurance.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Lamanque.
Mme
Lamanque (Johanne) : Oui. En fait, non, absolument pas, Mme la
ministre. Ce qu'on tente, par contre, de porter à votre attention, c'est
qu'il y a déjà, quand même, en parallèle, d'autres encadrements qui existent,
d'autres mécanismes, mais il faudrait en tenir compte. Les lignes directrices
s'appliquent à tous les assureurs qui font affaire au Québec, les lignes directrices de l'Autorité des marchés financiers.
Comme c'est l'organisme de surveillance privilégié, bien, il faudrait
peut-être tenir compte de ce qui est déjà là pour éviter ou des incohérences ou
simplement qu'il y ait un double...
Mme
de Santis : ...aujourd'hui, où est l'incohérence? Parce que pas tout
le monde est assujetti à l'autre loi, la loi sur la... les autorités des
marchés financiers. Alors, où est l'incohérence, d'après vous?
Mme
Lamanque (Johanne) : Bien, par exemple, au niveau des incidents de
sécurité, s'il y a déjà un mécanisme en
place qui oblige les assureurs à rapporter un élément, un incident qui peut
nuire à un consommateur, bien, si, en parallèle, la même démarche doit être faite auprès d'un autre organisme pour le
même incident, bien, c'est là où ça devient redondant. Alors, c'est plus de tenir compte de la réalité
qui est peut-être propre à l'industrie de l'assurance et qu'on ne retrouve
pas dans d'autres industries.
Mais
on ne peut pas passer sous silence le fait que les assureurs sont soumis à un
cadre, mais ce n'est absolument pas
pour se soustraire, c'est peut-être simplement de dire : Là où il y a un
système qui est plus rigoureux, bien, peut-être que c'est celui qui doit
prévaloir. Mais c'est simplement pour porter à votre attention cet élément-là.
Mme de
Santis : Combien qu'il me reste?
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre, six minutes.
Mme de
Santis : O.K. Mon collègue voulait poser des questions. Je vais lui
permettre de poser la question...
Une voix :
...
Mme de
Santis : Non, j'en ai d'autres, mais allez-y.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Maskinongé.
M. Plante : Merci, M. le Président.
Donc, deux choses. Je vais faire ça court parce que Mme la ministre a d'autres
questions. Je vais faire ça court puis je voulais revenir sur ce que vous avez
dit parce que j'ai eu un petit peu de difficultés. Quand vous dites que vous pouvez
demander, sous consentement, là, mais les données GPS d'un véhicule, je vous dirais, je trouve que ça va loin un petit
peu. Je comprends que ça peut être des informations utiles, mais, dans
mon cas, personnellement je trouve que ça va
loin, et c'est une grosse intrusion dans la vie privée des gens, ça. C'est un
peu mon opinion. Mais je comprends que vous
pouvez en avoir besoin pour certaines données. Et je comprends que vous avez
un domaine particulier qui fait la différence.
Moi, j'ai
deux questions. Il y a des groupes qui ont passé avant vous qui nous parlaient
de bien définir la notion de secret industriel ou de secrets
commerciaux. Qu'est-ce que vous en pensez? Et quelle serait, pour vous, la
définition la plus optimale?
Et j'ai vu
dans votre mémoire que vous, vous n'êtes pas pour la destruction des
renseignements personnels, mais bien
pour la... j'ai le bon mot, «dépersonnalisation». Pourquoi? Pourquoi ne pas
détruire? Et quelle est la différence? Et quel est l'impact sur votre
domaine de travail? Merci.
Le Président (M. Hardy) : M. Bellavance.
M.
Bellavance (Pierre Marc) : Pour répondre peut-être à votre première
question, là, sur les secrets industriels, que vous avez dit, là, informations commerciales ou... pour nous,
évidemment, c'est un aspect qui est important parce que, par exemple, si
on donne des informations... On fait des autoévaluations, les compagnies
d'assurance, on donne de l'information à
l'Autorité des marchés financiers, par exemple, où on pourrait y retrouver nos
normes de souscription, par exemple.
Alors, à ce moment-là, on est d'avis que, ces informations-là, qui sont
vraiment de nature commerciale, propres à un assureur, cet assureur-là ne veut pas nécessairement que ce soit
divulgué à d'autres, et que ça demeure dans une relation avec le régulateur, avec l'Autorité des marchés
financiers, donc que ces informations-là de nature commerciale restent
confidentielles.
Alors, il y a un mécanisme qui existe déjà dans
la loi, hein, l'article 16, et qui permet donc ces échanges-là, ces autoévaluations-là. Ce sont ce type de... Les
normes de souscription en sont un exemple, là. Pour nous, je pense que les assureurs veulent bien collaborer, donner de
l'information à l'autorité, mais ne voudraient pas que l'autorité, par
la suite, par la Loi d'accès, par exemple,
vienne donner des secrets commerciaux à des assurés quand, finalement,
l'objectif n'était pas cela du tout à la base, là. Alors, c'est dans ce
sens-là.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Maskinongé.
M.
Plante : O.K. C'est bon. Mais peut-être... Je pense qu'elle veut
répondre au deuxième volet de la question.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Iskandar.
• (12 h 20) •
Mme
Iskandar (Karine) : Oui, je répondrais à votre question, là, pour la
conservation, en fait. Comme on est une industrie spécialisée ou, en tout cas, très réglementée, on a justement
de la réglementation qui prévoit que certaines... bien, en fait, les données clients doivent être
conservées pendant un certain laps de temps depuis la fin du dossier, donc, ce
qui nous empêcherait, à la base, de tout de suite détruire une information. Justement, comme je vous disais tout à l'heure, là, l'information, c'est ce sur quoi un assureur bâtit toute sa tarification. Donc, pour
nous, de détruire de l'information, c'est détruire, en fait, notre
gagne-pain, bon, si vous voulez.
Ça fait que
c'est pour ça que, pour nous, la dépersonnalisation, c'est peut-être
plus faisable que la destruction, tout simplement. Puis il y a même d'autres... Il y a, tu sais,
des problèmes... pas des problèmes, mais des facteurs
informatiques qui font en sorte que, même si
on le détruit du dossier client, le fait qu'on fait des sauvegardes
informatiques de façon régulière, ça empêche, en fait, la destruction,
tu sais, complète, là, de l'information.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme de Santis : J'aimerais ajouter
un petit point, là, si vous permettez.
Le Président (M. Hardy) : ...
Mme de
Santis : Vous dites que,
lorsqu'un même support comporte à la fois l'information actuelle et
l'information obsolète, alors c'est le même
support et que, pour cette raison-là, la destruction est difficile pour l'information obsolète. Est-ce que c'est moins difficile pour dépersonnaliser l'information obsolète? Pourquoi un est difficile et l'autre ne l'est pas? Et,
en plus... O.K., répondez d'abord à ça, s'il vous plaît.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Iskandar.
Mme
Iskandar (Karine) : Oui. En
fait, ça rejoint un peu ce que je viens de dire à M. le député. Dans le fond, quand
on a un dossier client... Mettons que vous êtes assurée chez un assureur depuis
10 ans, vous avez déménagé trois fois, l'information obsolète, c'est vos deux résidences passées, dans le fond, je n'en ai plus besoin puisqu'aujourd'hui vous êtes dans votre maison x, puis c'est ça, l'information actuelle dont j'ai besoin pour vous assurer aujourd'hui. Donc, comme c'est votre
dossier client, je ne peux pas prendre la moitié de votre dossier puis
dire : Je m'en départis. J'ai une réglementation qui me dit que je dois la garder. Donc, c'est
pour ça que c'est difficile de séparer actuel d'obsolète, là.
Mme
de Santis : Mais alors
comment dépersonnaliser ça? Parce que vous parlez de... dépersonnaliser est plus
facile. Parce que, si vous n'allez pas le détruire, vous dites : On va le
dépersonnaliser. Moi, je ne comprends pas.
Mme
Iskandar (Karine) : Quand ça
sera le temps de... qu'on n'aura plus besoin de ces informations-là, donc après les délais
prévus dans nos législations, ça serait plus facile de dépersonnaliser, puisque
nous, on veut quand même... Il faut comprendre qu'un assureur a
besoin de l'information pour, tu sais, comment qu'on dit ça... mais réussir
à...
Le Président (M. Hardy) : Je vous
remercie. Le temps accordé du côté gouvernemental étant expiré, nous poursuivons la période d'échange avec Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, pour l'opposition
officielle, pour une durée de
13 minutes.
Mme Léger : Oui, merci, M. le
Président. Alors, bonjour à Mme Lamanque et tous les gens qui vous accompagnent. Toujours intéressant de voir le BAC,
parce que c'est quand même... tu sais, c'est toujours à bon escient de
se retrouver sous un même chapeau quand vous
êtes toutes des compagnies, quand même, des compagnies différentes et
concurrentes aussi, qui réussissent à travailler ensemble. Donc, je vous salue.
Je voulais
revenir sur un peu ce que la ministre parlait tout à l'heure, de la collecte de
renseignements nécessaires ou non nécessaires. C'est sûr que les
compagnies d'assurance, particulièrement assurance hypothèque, hypothèque, peut-être habitation, ou d'autres, il y a quand
même des demandes sur les états de santé des gens, tu sais, il y a des
choses qui seraient plus aussi personnelles. La cueillette de données sur la
santé, particulièrement, m'interroge, dans le fond. Comment, des fois, ne pas donner son consentement ou l'accès à des
informations sans pour autant que la personne qui demande une assurance ne soit pas... qu'il n'y ait
pas des conséquences sur le refus de l'assurance, parce que je vois...
dans le domaine de la santé plus particulièrement? Alors, j'aimerais ça vous
entendre à ce niveau-là.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Lamanque.
Mme Lamanque (Johanne) : Oui,
peut-être juste pour apporter une précision, pour revenir peut-être plus à l'élément nécessaire, non nécessaire. Le BAC, les
membres, ce sont des assureurs de dommages. Alors, tout ce qui a trait à
la santé des individus, ce sera l'ACCAP,
donc, que vous rencontrerez la semaine prochaine, qui pourra traiter de
cette question. Mais, si vous souhaitez qu'on revienne, donc, à l'aspect
d'information nécessaire, non nécessaire, est-ce que Me Iskandar...
Le Président (M. Hardy) : Mme
Iskandar.
Mme
Iskandar (Karine) : Si je comprends bien, vous voulez savoir, si
quelqu'un refuse de donner son consentement, qu'est-ce qu'on... C'est-u
ça exactement, votre...
Mme Léger : Dans le sens que,
quand on demande des informations, des renseignements qu'on demande à l'individu et que... Les gens qui nous écoutent
vont sûrement... Premièrement, je voudrais poser cette question-là à
vous, du fait que, si tu ne donnes pas tous
les renseignements nécessaires, entre guillemets, peuvent
être considérés peut-être non nécessaires
à la personne, mais que l'assureur le demande, les gens ont de l'inquiétude à
savoir si leur assurance va être refusée.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Iskandar.
Mme Léger : Comprenez-vous ma
question?
Mme
Iskandar (Karine) : Oui.
C'est sûr qu'il y a certaines informations de base qui sont nécessaires pour qu'un assureur puisse émettre une police d'assurance. Donc,
ça, on ne peut pas contourner ces choses-là, là, parce que c'est comme ça que
tout est bâti. Vous répondez aux questions qu'on vous pose. C'est sûr qu'il y a
certaines questions qui sont orientées vers
d'autres... qui ont d'autres buts que l'émission d'une police d'assurance.
Donc, ceux-là, généralement, un
assureur ne va pas refuser d'offrir une assurance parce que la personne dit non
à ces questions-là. Mais les questions qui sont nécessaires, généralement,
elles sont nécessaires, là.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Oui, mais il y a quand même possibilité de
l'assureur de refuser ou de ne pas refuser, dépendant du type d'information que la personne qui veut être
assurée peut donner. C'est l'inquiétude de la personne assurée de ne pas
donner des informations puis qui pourrait
avoir des conséquences pour lui. C'est ça que j'essaie de vous poser
comme question. Mais j'en ai bien d'autres, alors on a le temps d'aller à
d'autres...
Je veux revenir sur l'allègement
particulièrement qui est demandé des entreprises, qui trouvent qu'il y a beaucoup
de bureaucratie, beaucoup de documents, beaucoup de ci, beaucoup
de ça. Tout à l'heure, l'association pour l'accès à la protection de l'information,
l'organisme précédent, demanderait de créer un responsable de la protection des renseignements personnels.
Vous avez un peu de la réticence à ce
niveau-là. Je peux la comprendre, la
réticence, dans le sens qu'il y a beaucoup de demandes de toute forme
qu'un gouvernement peut demander à ces entreprises, et on est quand même dans le processus d'allègement réglementaire,
puis bon... Alors, je fais le lien, là, dans tout ça. Mais vous voyez
d'un mauvais oeil pourquoi? Parce que, si c'est quelqu'un... Un citoyen veut
appeler l'entreprise que vous représentez.
Elle s'adresse à qui? Il n'y a pas nécessairement un responsable,
chez les entreprises que vous représentez, qui est responsable de
l'accès à l'information. Alors, comment vous voyez la... pour répondre à cette
difficulté-là?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Iskandar.
Mme
Iskandar (Karine) : En fait, juste pour préciser, là, on n'est pas
contre l'implantation d'une obligation disant que quelqu'un soit responsable. Ce n'est pas ça, dans les faits, au
contraire, c'est même très bien. En fait, ce qu'on voulait porter à
votre attention, c'était la nomination spécifique de quelqu'un, donc
madame X, personne responsable des demandes
d'accès. C'est plutôt ça, puisque, dans le fond, ce qui est bénéfique pour le
consommateur, c'est que la minute qu'il a une demande d'accès à faire,
il y a quelqu'un qui répond de l'autre côté, peu importe si c'est une personne
en particulier ou une équipe complète qui gère les demandes d'accès. Donc,
c'est plutôt ça qu'on voulait dire.
Mme Léger :
Pour information, pour nous tous, si quelqu'un demande une information, un
accès à l'information chez vous, qui répond actuellement, là? Comment ça
fonctionne?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Iskandar.
Mme Iskandar (Karine) : Bien, je
peux parler pour certaines compagnies, là, je ne peux pas parler pour tout le
monde, mais, dans certaines compagnies, il y a déjà des équipes dédiées qui
sont mises en place pour répondre aux demandes d'accès.
Mme Léger : Admettons, j'ai besoin d'une information, je vais
sur votre site Internet, y a-t-il quelqu'un d'identifié «responsable
de l'accès à l'information» d'une façon telle qu'elle?
Mme Iskandar (Karine) : Oui. Bien,
comme je vous dis...
Mme Léger : Ce n'est pas un
nom.
Mme Iskandar (Karine) : Ce n'est pas
un nom, mais c'est des coordonnées, là. Comme le fait la CAI, dans le fond, là.
Mme Léger : Un numéro de
téléphone, quelque chose du genre?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Lamanque.
Mme Lamanque
(Johanne) : Bien, si vous me permettez de faire une analogie avec un
mécanisme qui existe déjà au niveau
des plaintes, parce que les assureurs ont des mécanismes en place pour recevoir
des plaintes, bien, c'est dépersonnalisé
en ce sens qu'on appelle le responsable des plaintes. Et, à l'intérieur de
chaque entité, la mécanique, elle est
déjà organisée. Donc, on désigne des personnes qui sont dans des fonctions, des
personnes de relève au besoin aussi, et
il y a des gens qui vont traiter,
s'assurer d'un retour, etc. Donc, c'est un peu... Comme disait
Me Iskandar, on n'est pas contre, au contraire, c'est plutôt de
désigner une personne très, très spécifique qui risque de nuire un peu à la
fluidité ou à la flexibilité qu'on aurait autrement en parlant d'un responsable
de la protection des renseignements personnels.
• (12 h 30) •
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Mais, Mme Lamanque, vous me répondez en me spécifiant particulièrement
pour les plaintes, mais ma question
est vraiment : Est-ce qu'il y a quelqu'un responsable de l'accès à
l'information? Si je demandais un accès à l'information, qui est
responsable? Est-ce que c'est la même chose que les plaintes? Il y a un numéro
de téléphone seulement ou... Comment ça fonctionne?
Le Président (M. Hardy) :
Mme Lamanque.
Mme Lamanque
(Johanne) : Bien, en fait, il y a un courriel. Il y a un courriel qui
entre dans une équipe, et ce courriel-là
est pris en charge par une équipe. Alors, si vous allez à l'intérieur d'une
organisation, on serait capable de vous dire : Oui, c'est telle personne, telle personne, telle personne.
Mais, pour s'assurer justement que la prise en charge se fait rapidement
et que ça ne tombe pas entre deux chaises, bien, c'est probablement le système
le plus efficace pour que ça fonctionne bien.
Le Président (M. Hardy) : Mme
la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Alors là, vous proposeriez, dans le fond, qu'il n'y ait pas nécessairement une
personne responsable, mais qu'il y ait une équipe responsable, là, c'est
ce que je comprends. C'est quoi, la solution, là?
Le
Président (M. Hardy) : M. Bellavance.
M. Bellavance
(Pierre Marc) : Bien, ou une fonction, parce que de la façon dont ça
fonctionne, là, ce n'est pas très
compliqué, hein, il y a une politique de protection des renseignements
personnels et de droit d'accès qui est adoptée par les conseils
d'administration des assureurs. Chacun doit faire la même chose, j'imagine, et
il y a des procédures.
Pour
répondre à votre question, là, de façon précise, il y a des procédures qui sont
mises en place, puis sur les sites Internet également, où là on va
pouvoir trouver soit un extrait de la politique, soit la politique avec les
coordonnées, comme Mme Lamanque l'a
exposé très bien, là, de la fonction responsable, et non pas de
M. Bellavance, par exemple. Mais il va avoir demande d'accès pour
toute demande d'accès ou communication d'information, de renseignements :
communiquer avec tel numéro de téléphone ou à telle adresse courriel.
Alors,
ce n'est pas compliqué, et je peux vous dire que c'est pris extrêmement au
sérieux, là. Alors, c'est mis en place chez les assureurs, là, sans
aucun doute.
Le Président
(M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
...exemple de chez vous, plus particulièrement, mettons, chez La Capitale,
est-ce que je vais sur le site Internet...
M. Bellavance
(Pierre Marc) : Alors, sur le site Internet, il va avoir accès à la
politique avec nos directives, et c'est à ce
moment-là qu'il va avoir le numéro où communiquer ou le courriel, alors, pour
faciliter au consommateur l'accès à
l'assureur, là, et c'est pris en charge par les gens et des opérations et,
souvent, des affaires juridiques, qui entrent en jeu à ce moment-là pour
aider, supporter évidemment les gens des opérations pour bien répondre aux
clients, aux consommateurs.
Mme Léger :
Donc, dans votre façon de faire, est-ce que vous considérez qu'il y a lieu de
modifier la loi par rapport à votre façon de faire, vous considérez qu'elle est
correcte, la façon de faire actuelle?
M. Bellavance
(Pierre Marc) : Oui, je pense qu'elle est correcte, oui, tout à fait,
madame. Et je pense que le point qu'on
voulait mentionner, c'est juste de ne pas cibler le nom d'une personne, parce
que, vous le savez, les gens quittent, changent
d'emploi, etc., puis là ça oblige à faire des changements sur le site, un peu
partout. Alors, on met souvent, nous, des
fonctions, alors, d'une personne qui est la responsable des demandes d'accès.
Ça va être la responsable des demandes d'accès, ça ne sera pas
M. Bellavance, là, ou Mme Lamanque, là.
Mme Léger :
Et comment vous améliorez son rôle, son autonomie à cette personne-là dans vos
entreprises? Parce que, si on
regarde... Vous avez écouté, je pense, ceux qui vous précédaient, ils avaient
des questionnements sur toute la formation
de ces gens-là. Alors là, vous parlez que c'est quand même le conseil d'administration
qui élabore les politiques, là, puis
comment elle se fait, la confidentialité des renseignements. Mais est-ce qu'en
dehors de votre entreprise ou de l'entreprise elle-même... est-ce
qu'elle regarde ailleurs ce qui se fait? Comment on améliore les pratiques?
M. Bellavance
(Pierre Marc) : Bien, c'est une très bonne question, et...
Le Président (M.
Hardy) : M. Bellavance.
M.
Bellavance (Pierre Marc) : Merci. Et évidemment on a mis en place,
nous, de la formation, hein, la formation en ligne. Alors, les Affaires juridiques ont collaboré. Évidemment, les
gens de la conformité aussi collaborent à la rédaction de formations
pour l'ensemble des employés des entreprises. Pourquoi? Parce que la protection
des renseignements personnels, c'est
fondamental. Alors, on fait donc de la formation partout, hein, dans les
opérations pour que les gens soient bien
formés pour répondre à ces questions-là, et plus particulièrement aux gens qui
vont en être évidemment responsables. Alors
là, la politique va être exposée, la procédure va être expliquée, le mécanisme
va être... et il va y avoir un processus qui va être également élaboré dans les lignes d'affaires, pour s'assurer que
les réponses vont être données aux consommateurs. Et je suis convaincu
que c'est la même chose chez ma consoeur, là.
Mme Léger :
Sur un autre ordre d'idées, vous avez tout à l'heure élaboré un peu le secret
commercial, là, les secrets commerciaux. On a eu une bonne discussion avec le
Centre québécois du droit à l'environnement qui vous précédait tout à l'heure,
ce matin. On parlait du secret industriel en lui-même, de mieux le définir.
Est-ce que vous considérez que le secret commercial devrait être, encore, aussi
mieux défini?
M. Bellavance
(Pierre Marc) : Il pourrait peut-être l'être.
Le Président
(M. Hardy) : M. Bellavance.
M. Bellavance
(Pierre Marc) : Oui, merci. Il pourrait peut-être l'être,
effectivement, mieux défini. Quand vous voulez dire «mieux défini», ça serait dans la nouvelle réglementation?
C'est ce que vous voulez dire. Peut-être. Écoutez, pour nous, je pense que la définition devrait être
assez large par ailleurs, là, si je
peux me permettre, pour essayer évidemment
de protéger ces secrets commerciaux là, qui finalement...
Mme
Léger : Excusez-moi, mais, quand vous parlez... quand tout à
l'heure je vous entendais parler de secret commercial,
c'est plutôt par rapport à l'Autorité
des marchés financiers, d'une part,
puis la concurrence qu'il peut y avoir avec une autre entreprise de même
type que vous. Alors, le secret commercial, pour vous, c'est à ce niveau-là que
vous le définissez?
M.
Bellavance (Pierre Marc) :
Oui, pour ma part, je le définis plus là. Entre nous, je pense qu'on travaille
bien ensemble, vous l'avez souligné en introduction,
mais, quand même, chaque assureur a ses pratiques, ses secrets
commerciaux, entre guillemets, ou sa façon de faire des affaires, puis je pense qu'on veut... on est jaloux quand même un peu, pas trop, mais, quand
même, on veut garder nos recettes.
Mme Léger :
Est-ce que vous vous confrontez, par les demandes d'accès à l'information, sur
ces secrets commerciaux? Est-ce que ça vous arrive régulièrement?
Le Président (M.
Hardy) : M. Bellavance, en 10 secondes.
M.
Bellavance (Pierre Marc) :
C'est une bonne question. Alors, je ne pense pas, là, que ce soit vraiment,
sur une demande d'accès, une question épineuse.
Le
Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Le temps accordé à l'opposition
officielle est maintenant expiré. Je passe la parole à M.
le député de Borduas, pour la deuxième opposition, pour une période de neuf
minutes.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Lamanque, Mme Grignon, M. Bellavance et Mme
Iskandar, bonjour, merci d'être présents aujourd'hui. Pour débuter, au
point 3.2 de votre mémoire, la page 15, les informations commerciales, vous indiquez : «Le BAC est
conscient de l'importance pour les assurés d'avoir accès à une copie de
leur dossier. Néanmoins, les dossiers des
assurés contiennent des informations confidentielles
de nature commerciale qui ne doivent pas être partagées avec ceux-ci.»
Le
principe de base, c'est qu'on a droit aux renseignements qu'on divulgue. Mais
quelle sorte de renseignements commerciaux
se retrouvent dans le dossier d'un particulier qui va faire affaire avec une
compagnie d'assurance auxquels il n'aurait pas droit?
Le Président (M.
Hardy) : M. Bellavance.
M.
Bellavance (Pierre Marc) : Je vais essayer de répondre à votre
question. Les secrets commerciaux, ça revient un peu encore, je pense, aux normes de souscription, à la tarification,
à la façon de tarifer les clients. Je pense que c'est plus, pour
répondre à votre question, pour être assez précis, là, je pense que c'est plus
ce genre d'informations là qui peuvent
être... qu'on voudrait garder pour nous, plutôt que de... Puis on ne pense pas
que ce sont des informations qui peuvent véritablement aider le
consommateur ou aider le client à bien comprendre sa tarification, donc.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député.
M. Jolin-Barrette : Mais, effectivement, c'est son taux de cotation, ça ne serait pas les
commentaires qui sont indiqués dans son dossier.
M.
Bellavance (Pierre Marc) : Tout à fait, vous avez raison. Oui, parce
qu'il a droit à ses commentaires
dans son dossier. Effectivement, s'il y a une analyse ou s'il y a quelqu'un
qui prend des notes, au bout de l'exercice, s'il y avait une demande d'accès, il aurait droit aux notes
manuscrites ou aux notes tapées dans l'ordinateur sur...
M.
Jolin-Barrette : À l'ordinateur. O.K.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Donc, c'est vraiment sur l'aspect cotation, sur
l'aspect évaluation?
M. Bellavance
(Pierre Marc) : Cotation, oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Au niveau des antécédents judiciaires, au
point 2.3.1, vous l'abordez, et là la Commission d'accès recommande, dans le fond, de limiter, dans le fond, le fait de réclamer ce genre de renseignements là. Vous,
vous dites, de l'autre côté : Bien,
écoutez, pour nous, c'est très important d'avoir ces... Pouvez-vous nous
expliquer votre position?
Le Président (M.
Hardy) : M. Bellavance.
• (12 h 40) •
M.
Bellavance (Pierre Marc) :
Bien, pour nous, évidemment, c'est important pour... je pense, pour les
assureurs, vous allez très bien
le comprendre, parce que l'assurance, c'est avant tout, hein... c'est un
risque moral, hein, en quelque sorte,
hein, c'est un... On assure quelqu'un sur la foi de ses représentations puis des informations que cette personne-là va nous transmettre. Alors, c'est un
contrat conclu de bonne foi entre les parties, de la plus haute bonne foi.
Alors,
c'est évident que, pour un assureur, avoir l'information de nature
criminelle, on ne parle pas, là, de nature civile, une poursuite civile,
on ne parle pas de familiale, on ne parle pas de... rien d'autre que de nature
criminelle, l'information qui peut être importante
pour un assureur, c'est une information qui est liée au risque qui va être assuré.
Alors, il faut qu'il y ait
ce qu'on appelle un lien de causalité, quand
même, entre l'infraction qui a pu être commise ou le crime qui aurait pu
être commis au niveau criminel et l'assurance.
Par exemple,
si quelqu'un a été condamné pour avoir mis le feu à... incendié deux entrepôts,
bien, c'est sûr que l'assureur risque
d'avoir une réticence à assurer cette personne-là, si, dans le passé, elle a
commis des actes semblables, par
exemple. S'il y avait des vols dans le passé avec une automobile, c'est évident que pour un assureur ce sont des
choses qu'il veut... des éléments qui sont
intéressants de connaître, mais il faut que ça soit lié au risque assuré, et
ça, la jurisprudence, là, est constante là-dessus, là, au fil des
dernières années. Alors, c'est ce qu'on veut regarder.
Puis j'aimerais juste attirer l'attention des
gens ici que la charte québécoise restreint la notion, hein, de discrimination selon les antécédents judiciaires
mais uniquement dans un contexte d'emploi, là, hein? Alors donc, nous, on pense qu'au niveau de l'assurance ce n'est pas
discriminatoire du tout de vérifier ces choses-là, là. Alors,
d'ailleurs, comme je viens de le dire, la
charte québécoise serait restreinte dans un spectre très précis qui
est le spectre de l'emploi, là, alors à l'article.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Mais, sur
ce point-là, dans le cadre de votre analyse, est-ce que votre conception de la
chose, c'est à partir du moment où il y a eu une déclaration de culpabilité? Parce
que, dans le fond, bien souvent lorsqu'on souscrit
à une assurance ou lorsqu'on veut avoir une cotation, l'assureur va nous
demander : Est-ce que vous avez déjà eu ou vous avez... ou vous êtes en litige, vous avez déjà eu
des condamnations, ou avez-vous des démêlés avec le système de justice?
Et là cette question-là, elle est interprétée très largement parce que si...
Supposons que je suis accusé d'une infraction criminelle mais non reconnu
coupable, est-ce que ça, ça rentre dans cette conception-là?
Le Président (M. Hardy) : M.
Bellavance.
M.
Bellavance (Pierre Marc) :
Bien là, à ce moment-là, il faudrait poser la question à certains assureurs,
chacun individuellement. Chacun a ses règles
au niveau de l'indemnisation, est-ce que oui ou non... Mais je pense qu'il faut
que, ce soit... quelqu'un
soit coupable, hein, il faut qu'il y
ait un jugement. Alors, est-ce que tu
as été accusé, puis il n'y a
pas eu de condamnation? Bien, je ne pense pas, là, qu'on puisse en tenir
compte. Donc, il faut vraiment qu'il y ait une condamnation. Il faut vraiment qu'il
y ait des éléments importants
pour en tenir compte, et par la suite, s'il
y a un débat devant les tribunaux, à ce moment-là, je suis
convaincu que les avocats vont être bien armés s'ils ont un dossier
solide avec une condamnation, donc, au punitif.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Borduas.
M. Bellavance (Pierre Marc) :
J'aimerais juste rajouter là-dessus...
Le Président (M. Hardy) :
Excusez-moi.
M.
Bellavance (Pierre Marc) :
...qu'au niveau criminel le punitif, c'est public, hein, c'est une donnée qui
est publique. Alors, même les causes
civiles, mais ils n'en tiennent pas compte, là, on se limite aux antécédents
criminels, c'est public. Alors, le punitif,
les gens peuvent y avoir accès par eux-mêmes. Donc, ce n'est pas quelque chose... c'est quelque chose qui est accessible pour les assureurs
d'aller chercher.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Mais, cela
étant dit, de nombreuses compagnies d'assurance utilisent quand même... demandent à leurs clients : Avez-vous déjà été
ou êtes-vous en litige en matière civile ou en matière criminelle aussi?
Et ça, ça peut avoir un impact sur la
volonté de l'assureur d'assurer la personne, et c'est possible que ça se solde
par une poursuite non fondée ou par un retrait des accusations pour x, y
raisons.
Sur l'aspect
des jeunes, j'ai vu ça dans votre mémoire, dans le fond, on dit, au
point 2.6.2, la Commission d'accès dit : Il faudrait «encadrer davantage la collecte et l'utilisation
des renseignements personnels concernant les jeunes». Vous, vous nous
dites : Bien, le Code civil est déjà là.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Iskandar.
Mme
Iskandar (Karine) : Oui, en fait, on voulait juste porter à
l'attention de la commission que, comme le droit québécois permet à des jeunes d'avoir des autos, des scooters, c'est
aussi jeune que 14 ans, là, qu'un jeune peut conduire un scooter, puis comme l'assurance responsabilité
pour les dommages causés à autrui, c'est obligatoire, bien, on n'a pas
le choix que d'offrir nos services à ces
jeunes-là qui doivent être assurés. Donc, veux veux pas, on est obligés de
recueillir les renseignements... En fait, c'est ce qu'on veut protéger, dans le
fond, c'est que ces renseignements-là puissent être recueillis dans le cadre
ordinaire de nos activités.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Donc, dans
le fond, à partir de 14 ans, il est mineur, il souscrit à une police
d'assurance, bien, vous allez protéger les renseignements.
Mme Iskandar (Karine) : Oui, comme
un adulte.
M. Jolin-Barrette : Comme n'importe
quel autre client.
Mme Iskandar (Karine) : C'est ça,
comme n'importe qui, oui.
M. Jolin-Barrette : Ça ne va pas
plus loin que ça au niveau des jeunes.
Mme
Iskandar (Karine) : On ne fait pas plus de distinction que ce soit une
personne de 18 ans, de 35 ans ou de 14 ans, dans le fond,
là.
M. Jolin-Barrette : C'est la même
chose...
Mme Iskandar (Karine) : C'est la
même protection, oui.
M. Jolin-Barrette : O.K., parfait.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. À la
page 8, 2.6.1, au niveau des renseignements sensibles, donc là la
Commission d'accès nous dit : «Prévoir
que la communication de renseignements sensibles ou leur utilisation à d'autres
fins qu'à celle de leur collecte ne
soit possible qu'avec le consentement explicite de la personne concernée ou
[avec] l'autorisation de la loi.»
Au niveau des renseignements sensibles, vous,
c'est quel genre de renseignements sensibles que vous avez à traiter pour les
compagnies d'assurance?
Le Président (M. Hardy) : M.
Bellavance, en 25 secondes.
M.
Bellavance (Pierre Marc) : En 25 secondes. Les renseignements
sensibles, premièrement, c'est une notion très subjective, hein, alors chacun peut avoir son idée de ce que c'est,
mais, en assurance de dommages, je pense que le revenu peut être un renseignement sensible. En assurance de personnes,
ce serait d'autre chose, mais, en assurance de dommages, le revenu en est un, l'âge pourrait en être un, le statut,
est-ce que quelqu'un est marié ou pas, ça aussi pourrait en être un, la
langue pourrait en être un. Ça dépend toujours de la... C'est très subjectif.
Et ce qu'on demande...
Le
Président (M. Hardy) : Merci
beaucoup, merci beaucoup. Le temps étant écoulé, Mme Grignon, Mme Lamanque,
Mme Iskandar, M. Bellavance, je vous remercie pour votre contribution aux
travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
14 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise à 14 h 4)
Le Président (M. Hardy) : À l'ordre,
s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande
à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques.
Nous
poursuivons les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le rapport
quinquennal 2016 intitulé Rétablir l'équilibre — Rapport
sur l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et
sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection
des renseignements personnels dans le secteur privé.
Nous entendrons cet après-midi les personnes et
les organismes suivants : l'Institut généalogique Drouin, le Groupe
d'expertise en gestion des documents du gouvernement du Québec, et M. Daniel J.
Caron.
Je souhaite la bienvenue aux représentants de
l'Institut généalogique Drouin. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer
votre exposé. Merci.
Institut généalogique Drouin
M. Pepin
(Jean-Pierre) : Merci, M. le Président. Alors, mon nom est Jean-Pierre Pepin. Je suis accompagné
de deux de mes procureurs : Me Denis
Racine, qui est un généalogiste international; et Me Jean-Pierre Garceau-Bussières,
qui s'occupe de différents volets, entre autres sur les poursuites que j'ai
eues sur les adoptions.
Alors,
voici, je suis le propriétaire de l'Institut Drouin depuis... qui existe depuis
1899, et j'en suis le propriétaire depuis
1997. On a pris une orientation rapide dans le développement numérique, et
notre diffusion d'information se fait maintenant en ligne. Et déjà en
2002, on avait plus de 11,2 millions d'images de registres de naissances,
baptêmes, mariages, décès, sépultures et autres documents généalogiques. Et, en
2017, on est rendu à 43 millions de données généalogiques et d'images. Et la fréquentation de nos sites généalogiques,
il y a quand même plus de... Déjà en 2006, la période de cinq ans, 2006-2010, il y a eu plus de 10 millions de
personnes qui sont venues voir, télécharger des données généalogiques. Et, en 2014-2015, donc pour une
seule année, on est rendu à plus de 35 millions, donc, de
consultations.
Alors, vous comprendrez que le cheminement qu'on
est en train de vivre dans la recherche et la diffusion de l'information généalogique au Québec a
considérablement changé, et que le Québec, maintenant, n'est plus restreint
à une province, mais à un actif
international, autant en Europe qu'aux États-Unis, et que l'information se joue
entre les registres de l'état civil, les contrats notariés, les
cimetières, les notices nécrologiques.
Exemple, les
notices nécrologiques : en 2016, il est décédé 63 000 personnes.
Et notre organisme, nous avons ramassé
quand même plus de 57 000 de ces décès-là, ce qui représente 87 % des
décès du Québec en 2016, pour un total de, minimalement,
1,3 million de personnes qui sont nommées dans ces notices nécrologiques
là. Alors, quand le Directeur de l'état
civil met une prescription de 100 ans sur la consultation des naissances,
des mariages, des décès, bien, vous
comprendrez qu'il y a déjà, juste en 2016, plus de 1,3 million de personnes
sur les 8 millions constituant le Québec qui sont donc connues et
affichées pour le milieu général, au public, et de la recherche généalogique.
Alors,
l'Institut Drouin, son objectif demeure de mettre en application notre
devise : Je me souviens. Nous tentons de protéger le patrimoine funéraire, le patrimoine
familial et de s'associer à la recherche universitaire pour s'assurer
que les données que nous produisons sont de qualité supérieure.
Vous savez,
il y a 20 ans, 25 ans, 50 ans, la recherche généalogique, il y
avait un taux d'erreur de peut-être 5 %. Il y a 10 ans, elle
était peut-être de 1 % et actuellement — les départements de
démographie à travers les universités du Québec — est de l'ordre de ¼ de 1 % sur la
qualité des recherches indexées au Québec. Alors, ça demeure que le
Québec est le terreau mondial le plus utilisé dans son ensemble, parce que nous
avons 98 %, 99 % de notre documentation d'archives conservée. Ils ne sont pas tous indexés, mais nous demeurons
un chef de file en ce qui concerne ce patrimoine. Je vais quand même laisser à Denis Racine, à mon
procureur, le soin de vous présenter l'ensemble de ce qu'on est venus
discuter avec vous aujourd'hui.
Le Président (M. Hardy) : M. Racine.
• (14 h 10) •
M. Racine (Denis) : Merci. Merci, M.
le Président. Je ne vous ferai pas un long exposé sur la généalogie au Québec, je pense que M. Pepin en a parlé, sinon
pour vous dire que la généalogie, c'est vieux comme le monde. Déjà, dans
la Bible, il y a deux évangélistes qui font
la généalogie du Christ. Et aujourd'hui, Jean-Pierre l'a mentionné, au niveau international,
le Québec est le paradis de la généalogie à cause justement de la richesse de
notre patrimoine archivistique et le fait qu'il n'a pas été affecté par
des guerres, etc.
Aujourd'hui,
c'est 100 000 généalogistes qui pratiquent cette science au Québec.
Alors, je vous invite à lire les pages 6
et 7 de notre mémoire, en vous disant
que, dans les sources, les origines des Québécois, j'ai mentionné
plusieurs nationalités et j'ai oublié nos collègues irlandais, je m'en excuse.
Ça devrait être là.
Bon, si on en vient au fond de notre mémoire,
depuis 1975, lorsque le Parlement a adopté la charte des droits, la charte
québécoise où on protège la vie privée, il y a eu plusieurs lois qui ont été
consécutives à ça. Il y a eu, bien sûr, le Code civil en 1994, je reviendrai,
et la Loi d'accès, et la Loi sur la protection. Autrement dit, là, pour les
fins de la discussion, quand je vais parler de la Loi d'accès, c'est la Loi
d'accès aux documents, et, quand je vais parler de la loi sur le privé, c'est
la Loi sur la protection des renseignements personnels pour le secteur privé.
Alors donc,
ça a apporté beaucoup de développements et ça a beaucoup transformé le travail
des généalogistes. Déjà en 1994, avec
le nouveau Code civil, on a créé le Directeur de l'état civil, on a modifié la
façon de tenir les registres de l'état
civil et on les a centralisés. Et surtout le Directeur de l'état civil a décidé
que l'état civil des 100 dernières années était devenu quelque chose de confidentiel. Autrement
dit, au 31 décembre 1993, l'état civil, les registres de l'état civil
étaient publics, et j'en parle, les auteurs étaient d'accord là-dessus, puis on
allait facilement les consulter, puis, à partir du 1er janvier, le
lendemain, c'est devenu une information hautement confidentielle. Et vous savez
que les registres de l'état civil, c'est le matériel premier dont se servent
les généalogistes pour établir justement les généalogies.
Donc, on a un
trou de 100 ans. Et ce qu'on fait les généalogistes, ils se sont tournés
vers d'autres sources d'information,
parce qu'évidemment la vie continue, et il fallait bien aller chercher cette
information. Et, ce faisant, on s'est heurtés de plein fouet avec les
dispositions du Code civil et surtout des deux lois, Loi de l'accès et la loi
sur le privé.
Dans ces lois, on définit qu'est-ce qu'un
renseignement personnel. On dit qu'un renseignement personnel, c'est des
«renseignements qui concernent — l'article 54 de la Loi d'accès — une
personne physique et permettent de l'identifier».
L'article 56 précise : «Le nom d'une personne physique n'est pas un
renseignement personnel, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre
renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un
renseignement personnel concernant cette
personne.» Alors, déjà là, on voit que la définition est assez restrictive, de
sorte que c'est un fourre-tout. On me
demande mon nom, puis, au-delà de ça, le restant, c'est confidentiel. Je
reviendrai un peu là-dessus tout à l'heure.
Et
l'article 55 précise qu'«un renseignement personnel qui a un caractère
public en vertu de la loi n'est pas soumis aux règles de protection des
renseignements [...] prévues [dans] le présent chapitre». Alors, le principe
général de l'article 35 du Code civil
qui dit que «toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie
privée. [Et] nulle atteinte ne peut être portée à la vie [...] d'une
personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise.»
En 1993, la loi sur le privé est
entrée en vigueur. Alors, évidemment, ce qui se produit, c'est que les
généalogistes... Par définition, les
historiens vont s'intéresser aux grandes questions nationales, alors c'est plus
de l'information de masse, alors que
les généalogistes s'intéressent, par définition, à des renseignements
personnels. On s'intéresse à des individus qui n'ont pas joué un grand rôle dans la société. Si c'était le cas,
bien, l'arrêt Aubry de la Cour suprême viendrait nous aider. Mais ce n'est pas le cas, on s'intéresse à
des gens qui ont eu des carrières modestes, des gens qui n'ont pas joué
des rôles importants, qui ont eu souvent une grosse famille, qui ont eu de
nombreux descendants. Ça, c'est le terreau des généalogistes. C'est à ça
donc... c'est ces gens-là qui nous intéressent.
Évidemment, ce
faisant, pour les 100 dernières années, on se heurte de plein fouet aux
dispositions que j'ai mentionnées. Et
d'ailleurs ça fait longtemps que le problème dure. Le rapport de la commission
l'indique clairement : ça fait 20 ans que le problème existe.
Les généalogistes, entre 1998 et 2005, sont venus cinq fois, six fois...
Une voix :
...
M.
Racine (Denis) : ... — une minute? oh! on va faire ça vite — six fois ici. Et là le problème, c'est la
contradiction entre la loi et la réalité.
Vous savez, les registres, le registre foncier... Le registre foncier, tous les
actes sont là, mon nom, mon adresse,
tout est là, mon statut matrimonial. La Loi d'accès ne s'applique pas à ça.
Mais l'information est là. Les listes électorales, c'est hautement
confidentiel, les listes électorales. Vous savez, quand on fait des élections — j'ai moi-même été élu — les listes électorales, ça circule tant et
plus, mais c'est, en principe, confidentiel.
Le Président
(M. Hardy) : En conclusion.
M. Racine
(Denis) : Oui. En conclusion — on poursuivra dans la
discussion — bien,
écoutez, ce qu'on dit, c'est qu'il y a une
réflexion importante à tenir sur cette question-là pour modifier la définition
de renseignements personnels et la
relation avec la généalogie. Parce qu'en 2001 il y a eu un amendement, et, cet
amendement-là, qui a été proposé devant les tribunaux, chaque fois les
généalogistes se sont fait revirer, et il mettait la généalogie sur le même
pied que les journalistes. Je peux vous dire qu'avec ces jugements-là, si, au
lieu d'être généalogistes, on avait été...
Le Président (M.
Hardy) : Je vous remercie...
M. Racine
(Denis) : ...voilà.
Le
Président (M. Hardy) : ...pour votre exposé. C'est court, ça va vite.
Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la
parole est à vous pour 22 min 30 s.
Mme
de Santis : Merci beaucoup. Alors, je souhaite la bienvenue à M.
Pepin, à M. Racine et aussi à monsieur...
Le Président (M.
Hardy) : Bussières.
Une voix :
Garceau-Bussières.
Le Président (M.
Hardy) : Garceau-Bussières.
Mme de
Santis : Merci, je m'excuse. Alors, une de vos recommandations, votre
recommandation 10, fait référence à un service d'archives agréé ou à une
société sans but lucratif oeuvrant dans la recherche historique ou généalogique. Ce que j'aimerais comprendre
d'abord : C'est quoi, un service d'archives agréé? Parce que vous
parlez de 100 000 personnes qui se
disent généalogistes au Québec, comment ces gens sont reconnus en tant que
généalogistes? Est-ce qu'il y a une loi qui
existe qui... ou est-ce qu'il y a... «I mean», comment une personne peut se
présenter comme généalogiste? Parce qu'une fois que je comprends ça mes
autres questions vont se poser.
Le Président (M.
Hardy) : M. Pepin.
M. Pepin (Jean-Pierre) : Alors, le généalogiste, généralement, fait partie
d'une association de familles, fait partie d'une société d'histoire,
société de généalogie. Et la fédération des sociétés de généalogie... Il existe
un BQACG, un bureau québécois d'attestation
de compétence en généalogie. Parce qu'il faut savoir que, dans les universités,
il n'y a pas de cours spécifique
d'attribué à la généalogie. Il y en a en histoire, il y en a en patrimoine, il
y en a dans le classement de documents, comme archiviste. Vous avez un
cours d'un mois ou quelques semaines pour la généalogie, où apprendre comment déchiffrer des anciens contrats ou des
anciennes écritures. Mais le généalogiste comme tel n'a pas de statut.
Et,
quand on a fait l'article 1, là, de la loi sur le privé, pour dire que le
journaliste, l'historien et le généalogiste... Il n'y a pas de
définition d'accordée à l'intérieur de cette loi-là pour préciser c'est quoi,
un généalogiste, parce qu'il n'a pas de
statut spécifique d'accordé. Donc, un généalogiste peut être amateur, peut être
professionnel, et tout le monde peut se prétendre généalogiste dès que
vous faites de la généalogie.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme de Santis : Et le service
d'archives agréé, c'est quoi?
M. Pepin (Jean-Pierre) : O.K. Au Québec, vous avez les archives qui
relèvent de BANQ, de Bibliothèque et Archives
nationales du Québec, et, à l'intérieur de ça, vous avez les Archives
nationales du Québec. Les Archives nationales du Québec reconnaissent, à
l'intérieur de différentes régions du Québec, des organismes privés ou sans but
lucratif, comme à Saint-Hyacinthe, à Sorel,
et etc., puis ils développent un centre d'archives régional, à lequel des
ministres, des députés, des individus
vont venir donner des fonds d'archives pour que ça reste à l'état régional.
Alors, ils sont subventionnés par le gouvernement du Québec en partie,
puis il y a une partie qui vient de leur fonctionnement autonome.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : Maintenant, dans votre 10e recommandation, vous
faites référence à l'article 68 de la loi sur le privé. Je ne crois pas que c'est le bon article.
Est-ce que c'est bien l'article 68? Parce que l'article 68 dit :
«La Cour du Québec peut, en la
manière prévue par la Loi sur les tribunaux judiciaires, adopter les règlements
jugés nécessaires...» Je ne crois pas que c'est l'article dont vous
faites référence.
Le Président (M.
Hardy) : M. Racine.
M. Racine
(Denis) : Il y a probablement une erreur.
Une voix :
C'est la Loi d'accès.
Mme de
Santis : C'est dans la Loi de l'accès?
M. Racine
(Denis) : Non, ça doit être dans le privé, ça.
Mme de
Santis : Est-ce que vous faites référence à la loi privée ou la Loi
sur l'accès?
M. Racine
(Denis) : La loi sur le privé.
Mme de
Santis : Mais alors c'est quel article?
M. Racine
(Denis) : Je n'ai pas ma loi.
Mme de
Santis : O.K. Vous n'avez pas votre loi.
M. Racine
(Denis) : Je pourrais vous envoyer...
• (14 h 20) •
Mme de
Santis : O.K. Parce que vous dites : «...qu'une personne qui
exploite une entreprise puisse, sans le consentement
de la personne concernée, communiquer des renseignements personnels contenus
dans un dossier qu'elle détient sur
autrui à un service d'archives agréé ou à une société sans but lucratif
oeuvrant dans la recherche historique ou généalogique si ces
renseignements sont communiqués dans le cadre d'une cession ou d'un dépôt des
archives de l'entreprise.»
Ça,
c'est très large, parce que
vous êtes en train de dire qu'on peut, sans le consentement de la personne
concernée, communiquer des renseignements personnels à quelqu'un qui n'a aucune
obligation de tenir ces renseignements confidentiels.
Le Président (M.
Hardy) : M. Pepin. M. Racine.
M. Racine (Denis) :
Oui, ce n'est pas tout à fait ça, Mme la ministre. C'est que, lorsqu'une entreprise
a des dossiers, des archives contenant des renseignements personnels, et toutes les entreprises en ont forcément, et qu'arrive le temps de céder ça à un service agréé d'archives,
donc autre que les Archives nationales, normalement, ces dossiers-là
qui contiennent de l'information publique, pour la transmettre, ça prend la
permission des gens qui sont cités dans les renseignements personnels.
Alors,
ce qu'on dit, c'est qu'on peut permettre le transfert de ces fonds-là à des
services d'archives agréés ou des sociétés
sans but lucratif oeuvrant dans la recherche historique et généalogique. Ça ne
va pas plus loin que ça, là. C'est permettre le transfert. Sinon, le
choix qu'a cette entreprise-là, c'est de détruire les archives.
Le Président (M.
Hardy) : Je crois que c'est dans l'article 18.
Mme de
Santis : C'est l'article 18...
Une voix :
Vous avez une coquille. Ça, effectivement...
Mme de Santis :
C'est l'article 18.
Une voix : ...
Mme
de Santis : Non, mais on l'a trouvé de ce côté ici aussi, alors ce
n'est pas grave. Mais c'est l'article 18.
Une voix :
...
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme de Santis :
Il y a, dans la loi sur le privé aussi, l'obligation qu'une fois qu'on n'a plus
besoin de renseignements personnels — il y a une vie effective des renseignements
personnels — il y a
l'obligation de détruire. Et donc,
s'il y a une obligation de détruire les renseignements personnels, comment on
pourrait transférer ces renseignements à une tierce partie? La question
reste : Comment on s'assure, si jamais on permettait qu'il y ait un
transfert, que, ces renseignements, qui étaient toujours et demeurent toujours
des renseignements personnels, la confidentialité soit maintenue?
Le Président (M.
Hardy) : M. Racine.
M. Racine
(Denis) : Le service d'archives, c'est leur responsabilité, madame.
Mme
de Santis : Mais le «généalogue», lui, il n'a aucun... il n'est pas
assujetti à aucune loi. Il n'a pas de statut.
M. Racine
(Denis) : Ah! non, attention, là. Je ne vous parle pas de
généalogiste, je vous parle de services d'archives agréés, donc il y a un
statut...
Mme de
Santis : Ou une société sans but lucratif...
M.
Racine (Denis) : Oui, oeuvrant dans le domaine de la recherche
historique ou généalogique. Donc, souvent, c'est des sociétés de généalogie ou historiques, là, qui sont connues,
qui sont des organismes sans but lucratif. On ne parle pas d'individus
personnels, là. Et ces gens-là sont assujettis à la loi et ils ne peuvent pas
transmettre à n'importe qui les renseignements confidentiels, les
renseignements personnels.
Mme de
Santis : En vertu de quoi ils ne peuvent pas transmettre? Il y a
des...
M. Racine
(Denis) : En vertu de la loi.
Mme de
Santis : Quelle loi?
M. Racine
(Denis) : Bien, la loi sur le privé.
Mme de
Santis : O.K.
M. Pepin
(Jean-Pierre) : Je peux peut-être rajouter que, dans les transferts...
Le Président (M.
Hardy) : M. Pepin.
M. Pepin
(Jean-Pierre) : ...de fonds d'archives, Mme la ministre, il ne faut
pas oublier que vous avez des associations de familles, vous avez des instituts
de recherche. C'est comme si demain matin, au lieu de fermer mes portes puis que je lègue ça à mes partenaires
actuels pour la continuité, puis que je décidais demain matin de mettre
le fonds d'archives de l'Institut Drouin
dans un fonds privé, à Saint-Hyacinthe, ou à Sorel, ou à La Prairie, ou etc.,
qui ont des centres d'archives
agréés, bien, le contenu des 43 millions d'images, et de données, et de
contenus généalogiques, là, il va se retrouver diffusable et consultable
dans le centre d'archives agréé.
Et,
à moins d'y mettre une période de prescription de 30 ans, 40 ans,
50 ans, comme le font les Archives nationales du Québec... Ils reçoivent un fonds, ils mettent
une période de prescription s'il n'y en a pas eu de commandée, alors que
la personne n'en a pas placé, de restriction, et c'est les archives qui vont
décider de mettre une restriction de 150 ans ou de 100 ans, là.
Mais,
nous, là, quand nous donnons un fonds d'archives ou que nous en recevons un,
ces informations-là, et son contenu,
qui contiennent des informations personnelles vont continuer à être transférées
et utilisées d'une façon individuelle sans
le consentement des individus, parce que, la recherche généalogique, on ne peut
pas demander, dans une banque de données
de 40 millions, de faire signer les 8 millions de Québécois qui sont
concernés là-dedans. C'est juste une précision.
Mme de
Santis : Une partie de ces gens-là sont morts...
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme de
Santis : Je présume qu'un nombre de ces personnes sont mortes.
M. Pepin (Jean-Pierre) : Oui, mais, vous savez, la partie active
actuellement qu'on a au Québec, sur les 8 millions, là... Il meurt
une soixantaine de mille personnes par année, puis on a au moins 70 000,
75 000, 80 000 naissances par année.
Ça fait qu'on a un plus qui s'ajoute à la population actuelle. Et, si vous
prenez la population de 1940 par rapport à la population de 2017, et les
gens vivent plus longtemps qu'ils vivaient, alors vous avez actuellement, quand
même, plusieurs dizaines, voire centaines de
centenaires au Québec. Alors, ces gens-là, à 100 ans, ils perdent tous
leurs droits, parce qu'on a le droit
de parler d'eux autres, de tout divulguer leurs renseignements personnels. Puis
ils ont 100 ans, du jour au lendemain ça devient public parce qu'il
n'y a plus de prescription. Alors, on en a 3 000 au Québec qui sont centenaires, là. Vous faites quoi avec, là? Alors,
leur statut d'éléments privés, il n'existe plus, là, puisque
la prescription est de 100 ans. Alors, c'est le genre qui est là.
Ça fait
que, quand on parle de... Quand je vous mentionnais tantôt, là, que 57 000 personnes sont décédées en 2016, ça représente 1,3 million de personnes,
sur le 1,3 million, là, qui sont dedans, il y en a rien que 50 000 ou
100 000 qui sont décédées, les autres sont encore vivantes, là, tu sais,
dans la population active du Québec.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : O.K. Je vais à un autre point. Vous voulez éliminer le mot
«légitime» dans le texte de l'article 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le
secteur privé. Pouvez-vous m'expliquer... Pouvez-vous m'expliquer
comment cela va changer votre situation?
M. Pepin (Jean-Pierre) : Bon. D'abord, parce que le mot «légitime»... Dans
les poursuites que j'ai eues dans les dernières années, le problème,
c'est que, quand j'amène un dossier à la cour suite à... ça peut être une
plainte à la Commission d'accès à l'information ou toute autre, là, et qu'on
attend un jugement, quand le jugement ou la décision administrative va sortir, ils vont tenir compte de la charte fédérale,
la charte québécoise, le Code
civil du Québec puis une des 30, 40,
50 lois qui sont sur le même niveau, puis après ça ils vont regarder dans
la loi sur le privé, avec l'article 1, puis ils vont dire :
Est-ce que c'est un besoin légitime de connaissance au public?
Alors que le
généalogiste, quand il fait sa recherche, il ne se pose pas la question si
c'est légitime. Je fais la recherche sur
votre père, votre mère, vos grands-parents, vos frères et soeurs, vos neveux,
vos nièces, et on fait toute une fratrie,
et la masse de documentation qui est là, elle, elle a besoin de ne pas être
sous la coupole, nécessairement, d'avoir le consentement individuel des
gens. Je vais laisser Me Racine continuer.
Le Président (M.
Hardy) : M. Racine.
M.
Racine (Denis) : Oui. Ce mot-là est apparu en 2001, lorsque
l'amendement à l'article 1 est arrivé, là, on avait négocié avec le ministre Paul Bégin, à l'époque,
ministre de la Justice. Quand on
arrive devant les tribunaux, et on se
le fait opposer à tout bout de champ,
c'est : Est-ce que l'information dont on veut divulguer, et en application
à l'article 1, c'est de
l'information légitime? Et il s'agit là d'un concept assez flou dans la
jurisprudence et dans les décisions. Et on s'aperçoit que, généralement face aux généalogistes... les journalistes,
c'est peut-être une autre affaire, là, mais, face aux généalogistes, on
se bute toujours sur ce mot-là.
Ceci
étant dit, on ne vous demande pas de faire une réforme en enlevant seulement le
mot «légitime», parce que ça serait
tout à fait incomplet. En 2001, on a fait une réforme en ajoutant cet
amendement-là à l'article 1 et on s'aperçoit qu'on ne s'en va nulle
part avec ça, donc le problème est plus large.
Si la problématique
est facile à énoncer, les solutions le sont peut-être un peu moins. On vous
offre des pistes de réflexion. J'ai puisé dans les audiences de la commission
qui avait eu lieu en 2001 ou 2002 sur le sujet. Il y a une réflexion à tenir. C'est sûr que le mot «légitime»
pose un problème. Et de toute façon il y a d'autres barrières, parce que la Cour d'appel avait décidé que... On avait plaidé dans une
cause la liberté d'expression, et la Cour
d'appel a mis en balance la liberté
d'expression et la vie privée, et en disant, en suivant les enseignements de la
Cour suprême, que la vie privée l'emporte toujours.
Alors,
on a un problème là. C'est un élément, là... On s'est butés beaucoup...
Parce que, chaque fois qu'on plaide sur ces questions-là, la commission nous revient toujours... ou les procureurs de la commission nous arrivent toujours avec le mot «légitime». Et, au début, il n'y avait
pas beaucoup de jurisprudence. Là, il commence à y en avoir,
mais on s'aperçoit que c'est un concept un peu difficile à manier.
Et l'autre élément,
c'est que, dans la loi, on parle de la collecte de... je n'ai pas les mots, là...
la diffusion, etc. Quand on fait la
recherche, là, on ne se pose pas cette question-là. Quand on la publie, je veux
bien, là. Mais, sinon, avec ce mot-là, on est rendu avec Big Brother,
là, on vient nous voir par-dessus notre épaule pour savoir qu'est-ce qu'on fait
quand on fait nos recherches.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : Est-ce que
vous connaissez la pratique ailleurs au Canada? Est-ce
que les renseignements qu'on retrouve dans le registre d'état civil, par exemple, ailleurs
au Canada, c'est traité différemment qu'au Québec?
• (14 h 30) •
Le Président (M.
Hardy) : Me Racine.
M. Racine
(Denis) : Au Canada, je ne saurais vous dire. En France, c'est
différent, parce que, quand la loi a été
faite, en 1994, on s'était inspiré de l'exemple français qui fermait l'état
civil pour les 100 dernières années. Or, depuis une
dizaine d'années, l'État français a changé ça, et aujourd'hui je pense que
c'est soit 25 ans ou zéro pour le décès, 50 ans pour les mariages
puis 75 ans pour les naissances. Il y a deux États — j'en
parle dans le mémoire deux États américains aussi qui ont une législation
un peu plus ouverte là-dessus, sur l'état civil.
Mme de
Santis : Mais, la situation au Canada, vous ne la connaissez pas.
M. Racine
(Denis) : Non, on n'a pas fait d'étude.
M. Pepin
(Jean-Pierre) : Bien, si je peux rajouter, au niveau de l'Ontario...
Le Président (M.
Hardy) : M. Pepin.
M. Pepin (Jean-Pierre) : Merci de me donner la parole. Je la prends
automatique, excusez-moi. Vous dire qu'en Ontario c'est sensiblement la
même chose qu'au Québec, sauf qu'en ce qui concerne le volet Adoption le Canada
a été blâmé par l'ONU, puis les autres
provinces avaient toutes corrigé leurs lois, et le Québec vient de le faire,
là, en juin dernier, là, pour ouvrir
les dossiers aux adoptés, là. Mais, sur l'ensemble de la documentation, exemple
sur les choses de diffusion
électorale, le fédéral diffuse la liste électorale avec les dates de naissance
et les lieux jusqu'en 1986 ou 1988 sur leur
site Internet, alors qu'au Québec, dans une des poursuites, là, qu'on a eues,
ils considèrent qu'on n'a pas le droit de l'utiliser, point à la ligne, alors qu'on a dans les archives, partout,
des milliers de pages d'information sur des conseillers municipaux qui
ont donné leur fonds d'archives avec leurs listes électorales dans leurs
circonscriptions, ou dans leurs comtés, ou
dans leurs quartiers, et c'est tout déposé dans des centres d'archives. Et
c'est la même chose pour les députés provinciaux,
les ministres, qui ont déposé... Alors, on retrouve de cette documentation-là
comme on le fait en Ontario, et vous
avez différents organismes en Ontario qui gèrent d'une façon à peu près
similaire, là, dans des centres de recherche sur la diffusion.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme de
Santis : Mais les listes électorales sont aujourd'hui confidentielles.
Et, si les personnes utilisent les renseignements qu'on retrouve sur les listes
électorales à l'encontre de ce qu'on retrouve dans la Loi électorale, ce n'est pas permis et il y a des sanctions. Alors,
si les gens utilisent ces renseignements-là incorrectement ou ne
s'assurent pas que les renseignements qui
sont contenus sur les listes électorales soient protégés, ils vont à l'encontre
de la loi. Et, donner l'exemple que les personnes le font, ce n'est pas parce
qu'ils le font que c'est correct. Les gens ne devraient pas le faire. Vous
n'êtes pas...
Le Président (M.
Hardy) : M. Racine.
M. Racine
(Denis) : Vous mettez le doigt directement sur le bobo, Mme la
ministre. La vie parlementaire au Québec, ça
existe depuis 1792. Il y a eu des habitudes qui se sont créées. La liste
électorale, quand j'étais plus jeune, c'était affiché sur les poteaux de téléphone. Aujourd'hui, on a dit : Non,
non, c'est maintenant confidentiel. Ça sert juste durant les périodes électorales. Ce n'était pas bien, bien
difficile de se trouver des listes électorales qui circulaient avant,
pendant et après les élections. Depuis
quelque temps, et depuis notamment la cause avec M. Pepin, le Directeur général
des élections a resserré tout ça.
Mais,
vous savez, c'est la même chose avec l'état civil, il était publié jusqu'en
1994. C'est facile de rendre une information
privée... de la rendre publique, mais prendre une information publique puis
rentrer la pâte à dent dans le tube, c'est
pas mal plus difficile. Et, qu'est-ce que vous voulez, les informations étaient
publiques. L'état civil, c'était public jusqu'au 31 décembre 1993. Et aujourd'hui, après, c'est sûr
qu'on n'y a pas accès, le Directeur de l'état civil ne veut pas. Mais l'information, elle a circulé. L'état civil
du Québec est disponible sur Internet jusqu'en 1940, alors que le
Directeur de l'état civil dit : C'est
100 ans. Puis, jusqu'en 1967 en Outaouais, c'est disponible sur un site
Internet au Québec puis c'est disponible sur un site Internet américain.
Et là on nous dit : Ah! non, ça, c'est hautement confidentiel, vous n'avez
pas le droit.
Vous
savez, il va falloir se brancher à un moment donné. Comment ça se fait que,
moi, comme administrateur d'une
société, on pitonne sur le Registre des entreprises puis on a mon nom puis mon
adresse, puis, si je me fie à la loi sur les informations sur le privé, c'est de l'information confidentielle?
Comment ça se fait que, quand je vais sur le Registre foncier, mon nom,
mon régime matrimonial, mon adresse, ma profession et, dans certains cas, entre
1994 et 1996, mon numéro d'assurance sociale étaient indiqués, puis, quand on
va dans la Loi d'accès ou la loi sur le privé, c'est hautement confidentiel?
Des
exemples comme ça, on pourrait vous en donner longtemps, et ce qu'on dit, nous
autres, là, c'est : Ou bien la définition
sur les renseignements confidentiels est mal faite, puis il faut la réviser, ou
encore reconnaissons que ce qui était public
à l'époque est public, puis évidemment,
si on veut rendre ça... changer les choses pour l'avenir, je veux bien,
mais on passe des lois rétroactives puis on
nous dit... Là, ce n'est pas des rétroactions d'un an, deux ans, c'est des
rétroactions de 100 ans. À un moment donné, ça ne fonctionne plus, là. Et
les généalogistes se heurtent tous les jours par rapport à ça. Il y a un généalogiste qui est un collègue
juriste, qui fait de la généalogie, il a intitulé ça Une promenade au
flambeau dans une poudrière. Ça, c'est ça, la recherche généalogique aujourd'hui.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme
de Santis : Alors, si je comprends bien, ce que vous me dites, c'est : Ce qui était déjà
public, parce qu'en vertu de la loi qui existait à l'époque, ça pouvait être
public, dire aujourd'hui que ce n'est plus public, ça ne semble pas
avoir du bon sens, parce que, dans tous les cas, on le retrouve sur des sites ailleurs.
Mais vous êtes prêts à accepter qu'à partir du moment où on dit que ces renseignements
sont privés, les renseignements sont privés ou confidentiels.
M. Racine (Denis) : Exactement. Ce
qu'on dit, Mme la ministre : Regardons la définition du renseignement confidentiel. Il y a des choses qui sont
confidentielles. Mon rapport d'impôt, là, je ne suis pas intéressé à ce qu'il
circule sur Internet. Mon dossier médical,
je ne suis pas intéressé que ça
circule, mon numéro d'assurance sociale aussi. Il y a des choses qu'on sait qu'il y a un consensus qui dit
que c'est confidentiel. Il y a d'autres choses par contre qui nous mènent
à des contradictions. Il y a une cause
pendante, là, où on dit : Si c'était sur la loi du public, c'est public;
mais, comme nous, on est des privés, bien, c'est la loi du privé, c'est
confidentiel. Bien, voyons donc, c'est quoi, ces histoires-là?
Alors, c'est
un méli-mélo. Et puis, évidemment, quand on arrive devant la commission, on a
l'impression, pour paraphraser M. Duplessis, que c'est comme la tour de
Pise : ça penche toujours du même bord.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre. Ah...
Une voix : ...on parle de la
Commission d'accès, naturellement.
Mme de Santis : Une autre de vos
recommandations, c'est que... «Déclarer que toutes les informations apparaissant dans un registre public sont
publiques...» O.K. D'après vous, c'est quoi, un registre public? Quand vous
faites cette recommandation, à quoi vous faites référence?
M. Racine (Denis) : Je vais vous
dire...
Mme de
Santis : Et est-ce que tous les renseignements qu'on retrouve dans un
tel registre, parce que ça pourrait inclure votre numéro d'assurance
sociale, devraient, dans ce moment-là, être publics?
Le Président (M. Hardy) : M. Racine,
en 40 secondes.
M. Racine
(Denis) : Oui. Un registre public, on fait référence principalement à
l'état civil. Il y a une cause pendante actuellement. Dans l'état civil,
jusqu'en 1994, les adoptions — bon, les dossiers d'adoption sont
confidentiels depuis 1960, il n'y a pas de
problème — on
envoyait un certificat de jugement et qui était transcrit dans les registres de
l'état civil. Alors, jusqu'au
1er janvier 1994, c'était public. Maintenant, il y a une décision de
la Commission d'accès récemment, et c'est
rendu confidentiel. On dit : Voyons donc, c'est quoi, ces histoires-là?
Alors, ce qui était public devrait l'être. Puis évidemment, bien...
C'est ça.
Le Président (M. Hardy) : Merci
beaucoup. Le temps que nous avions du côté gouvernemental est expiré.
Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, pour
l'opposition officielle, pour un temps de 13 min 30 s.
Mme Léger :
Oui. Bonjour, messieurs. Un plaisir de vous recevoir. J'avais hâte de vous
entendre, même si on a votre mémoire
en main. Je vois votre cri du coeur, toute la passion que vous avez pour ce que
vous faites. Effectivement, j'ai aimé
la question de la ministre par rapport... comment on est généalogiste, comment
on est... quelle est la formation. Je
vous ai entendu à ce niveau-là. C'est aussi par passion, parce que c'est... Au
départ, je veux dire, c'est par loisir, par récréatif que vous faites ce
travail-là.
Et ma première question... Tout à l'heure, vous
parliez de toutes les incongruités, dans le fond, qu'on peut retrouver,
effectivement. Je pensais que vous étiez pour m'éclairer un peu plus, mais je
me sens un peu plus mêlée. On va prendre le temps de décortiquer quelques
éléments. D'abord, comment les généalogistes vont chercher leur information? Vous dites que vous avez cumulé
beaucoup d'informations tout en n'ayant pas accès à plusieurs
informations, parce que c'est confidentiel, le 100 ans des registres
civils. Comment vous allez les chercher, ces informations-là?
• (14 h 40) •
M. Pepin
(Jean-Pierre) : Mme Léger,
je vais vous répondre très succinctement, mais clairement. Premièrement,
moi, je suis le propriétaire, j'ai acheté l'Institut Drouin en 1997. L'Institut
Drouin, dans les années 1940, avait numérisé...
avait photographié et mis sur microfilms l'entièreté des registres d'état civil
de 1621 à 1940, jusqu'en 1967, après,
dans la région de l'Outaouais, et les sociétés de généalogie ou des chercheurs
en particulier l'ont fait directement dans
les paroisses et ont continué à le faire encore dans les paroisses. Même si on
n'a plus accès aux registres d'état civil du Directeur de l'état civil, on a encore accès dans les paroisses, pour avoir
les paroisses pour les NBMDS, naissances, baptêmes, mariages, décès,
sépultures. Alors, ça, c'est le premier créneau.
Et, quand
moi, j'ai acheté l'Institut Drouin,
les 11 695 000 actes de naissance, baptême, mariage, décès,
sépulture qu'il y avait, je les ai entièrement numérisés. On les a mis en bases
de données, et ils sont accessibles en ligne. Et, le deuxième développement qu'on a fait, on s'est rendus en 1967. Et le
troisième développement qu'on fait, c'est au fur et à mesure qu'on peut
rentrer dans une paroisse... parce que la paroisse est autonome, ça ne relève
pas du cardinal ou du monseigneur, chaque
paroisse est autonome dans son cheminement, et, à partir de là, l'information a
été ramassée, elle a été colligée puis elle a été diffusée, et elle
continue à l'être.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, M. Pepin. Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Je comprends aussi, quand vous parliez... La ministre, elle parlait de la liste
électorale, puis tout ça, puis vous
parliez que ça l'était avant 1993, d'une part, les données du registre des
états civils entre autres, mais, sur la liste électorale, qu'il y a eu... Avant, tout était sur les poteaux. Ce n'est
pas si loin que ça, ça, là, quand même, parce que je m'en souviens quand c'était sur les poteaux. Le fait
que maintenant c'est confidentiel, tout ça, parce qu'il y a date de naissance,
etc., des informations, on peut se
questionner, oui. Mais en même temps moi, je pense qu'on a aussi évolué. Les
choses se sont faites correctement
parce qu'on a quand même... Les gens ont plus d'inquiétudes ou veulent se
rassurer par rapport à leurs renseignements personnels. Mais, encore là,
tous nos renseignements personnels, on met ça presque, sur Facebook puis
partout, n'importe comment. Ça fait que je comprends toute la problématique. Et
même vous écrivez dans votre mémoire que les solutions sont difficiles,
nécessairement, à trouver.
Mais,
sur la liste électorale, on est garants, comme députés, même, on est garants.
Nous autres, quand on reçoit la liste
électorale, on a la lettre du DGEQ qui nous dit, le Directeur général des
élections : Vous êtes responsable de la liste, et, si vous déléguez
des gens, il faut que ce soit d'une façon correcte. Mais on sait que la liste,
elle peut circuler, mais normalement elle ne
devrait pas circuler. Est-ce que c'est bien qu'elle circule ou qu'elle ne circule
pas? Là, je vois votre questionnement. Je comprends ça.
Mais
tout ça vient de ce que c'est, un renseignement personnel. Et ma question va
avec le Directeur de l'état civil : Quelles étaient les raisons du
directeur des registres d'état civil à ce que ce soit pour 100 ans
confidentiel? Pourquoi ça a reviré de bord comme ça, tout autant?
Le Président
(M. Hardy) : M. Racine.
Mme Léger :
En peu de temps, pour qu'on réussisse à avancer, mais...
M. Racine (Denis) : Il y avait deux raisons, madame. D'abord, on s'est inspirés de l'exemple
français. Ça, c'est à peu près...
Bon,deuxième chose, c'est qu'évidemment ils ont toujours peur du vol
d'identité. C'est sous-jacent dans
tout ce qu'on dit, ça, le vol d'identité.
Alors, c'est les deux principales raisons. Sauf que, comme je vous dis, c'est
qu'on s'est inspirés de l'État français, puis aujourd'hui l'État
français est plus libéral que nous.
Moi,
je pratique le droit. Savoir si une personne est vivante ou pas, là, c'est
comme important quand on fait des rapports
contractuels, etc. Qu'est-ce qu'on fait pour savoir si une personne est vivante
ou décédée? On peut bien faire une demande
de certificat de décès au Directeur de l'état civil, mais la solution la plus
simple, c'est d'aller voir sur Internet, parce que les décès sont
publiés.
Alors,
à un moment donné, là, le questionnement de base, c'est de savoir qu'est-ce
qu'un renseignement personnel. Qu'est-ce
qui devrait l'être puis qu'est-ce qui ne devrait pas l'être? Puis qu'est-ce qui
était public autrefois puis qui ne devrait
plus l'être aujourd'hui? Mais pas avec des rétroactions, parce qu'il y a du
monde qui ont consulté ça, il y a du monde qui ont ça chez eux, ces
informations-là.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Là, je comprends votre explication, mais aujourd'hui...
Parce que, dans une de vos recommandations, vous dites : «Reconnaître que le nom, la date et le lieu de
naissance, de mariage ou de décès, ou l'occupation d'une personne sont des informations publiques.» Alors, pour
vous, actuellement, un renseignement personnel qui serait confidentiel, c'est une chose. Mais qu'est-ce qui pourrait être
public? Est-ce que, pour vous, le nom, la date, le lieu de naissance, ce
que vous écrivez comme recommandation, ça serait, pour vous, des renseignements
qui devraient être publics, et non des renseignements qui sont personnels et
protégés?
Le Président (M.
Hardy) : M. Racine.
M.
Racine (Denis) : Bien, ça, c'est une de nos recommandations, il y en a
d'autres. Au paragraphe 7, j'ai un peu expliqué
de quoi il en retournait. On parle aussi, bien, d'un délai au
paragraphe 9, d'un délai de cinq ans pour les décédés. Parce que tout à l'heure on l'a abordée, cette question-là :
Quand une personne est décédée, est-ce qu'on a le droit de se servir des
renseignements personnels? Ce n'est pas clair, ça. Et, sinon, qui nous donne
l'autorisation? Le liquidateur? Tous les
successibles du de cujus? Ce n'est pas simple, ça. Puis ça dure combien de
temps, cette affaire-là? Vous avez dans
la Loi sur les archives, déjà, une prescription de 30 ans. Mais ailleurs
il n'y en a pas, de prescription. Alors, c'est la prescription de 100 ans. Alors,
imaginez-vous, on remonte à quelqu'un qui est mort depuis 100 ans, là,
puis d'aller chercher ses descendants pour avoir les autorisations, ça,
c'est un travail impossible.
Mme
Léger : Pour quelle raison, selon vous, pour que... Pourquoi ça
a été 100 ans? Pourquoi que le registre a demandé 100 ans?
M.
Racine (Denis) : C'est l'exemple français. Je n'ai pas d'autre réponse
à vous donner, c'est l'exemple français.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme
Léger : Et vous vous référez dans votre mémoire aussi au
contexte mondial. Des fois, c'est la référence au contexte mondial, vous donniez, entre autres, bon,
des exemples tout à l'heure, autant sur Internet... que les Américains
peuvent aller chercher vos données puis que... bon, en tout cas. Vous dites
qu'on devrait, en tout cas, au niveau de la suite des choses, se référer avec
ce qui se passe au niveau mondial. Qu'est-ce que vous... Pouvez-vous me
préciser ce que vous voulez dire par là?
Le Président (M. Hardy) : M. Racine.
M. Racine
(Denis) : Bien, écoutez, déjà, la commission en parle dans son
rapport. Aujourd'hui, les technologies de l'information, c'est mondial,
hein, on ne se limite pas qu'à des hébergeurs québécois, bon, c'est mondial. Et
l'information, ça circule, les généalogistes... pas juste les généalogistes,
d'ailleurs, mais tout le monde s'échange de l'information,
et des informations apparaissent sur des sites américains, même des
informations confidentielles, ce qu'on appelle
les renseignements personnels, se retrouvent sur des sites américains, et à tel
point que les généalogistes se posent la question : Quand on publie
nos informations, puis il y a des choses sur des personnes qui sont encore
vivantes ou des 100 dernières années,
puis là on dit, oui, bien, on ne risque pas de se faire poursuivre par la
Commission d'accès parce qu'une
personne va poser une objection? Dans un fichier, on vous l'explique, là, il y
a un fichier qui a été consulté des millions de fois, qui a été public
depuis 30 ans, puis aujourd'hui il y a une personne qui pose une objection,
puis on est pris avec la Commission d'accès
à l'information là-dessus encore. Alors, on se dit : Bien, ce n'est pas
compliqué, la solution, on va aller
publier à l'extérieur du Québec, c'est tout. Alors, l'information, ça circule,
puis la commission est bien
consciente de ça, elle en parle dans son rapport. À un moment donné, ces
informations-là, ce qui va arriver, c'est que ça va être les sites à l'étranger qui vont les récupérer et que les
institutions québécoises ne pourront rien faire par rapport à ça.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Mais je pense
qu'il veut compléter.
Le Président (M. Hardy) : Oui,
parfait. M. Pepin.
M. Pepin
(Jean-Pierre) : Ce que je
voudrais vous dire, madame, vous savez, il y a eu des commissions
itinérantes pour la protection du patrimoine funéraire, je vais vous donner ça
comme exemple, un autre exemple — vous en faisiez
partie à un moment donné, là — puis on a commencé à numériser toutes les
pierres tombales du Québec, tous les cimetières.
On en a, mettons, 1 000 sur 3 000 de faits, là. Bon, bien, ils sont
maintenant numérisés, sont indexés, et vous faites une recherche au nom de la famille Léger ou de la famille Pepin, puis
on va savoir tous les Léger et les Pepin qui sont sur une pierre tombale, au même niveau qu'une notice nécrologique,
puis l'information sur la date de naissance et la date de décès mentionnées sur la pierre tombale,
c'est une information qui va circuler. Et, quand elle va circuler, elle
va circuler mondialement, que ce soit en Allemagne, en Belgique, en France, aux
États-Unis ou en Alaska, là, tu sais.
Mme Léger : Mais ça, je pense
que je comprends qu'il y a des informations qui circulent à tout vent, un peu partout. Puis, est-ce qu'on peut les diffuser, pas
les diffuser, qu'est-ce qu'on a le droit, qu'est-ce qu'on n'a pas le
droit, qu'est-ce qui est susceptible d'une poursuite, qu'est-ce qui fait que
le... bon, je comprends ça, mais, il reste quand même, il y a une responsabilité de l'État, une responsabilité
gouvernementale par rapport aux renseignements personnels. Et en même
temps comment s'assurer qu'on ait accès à des informations, tout le dilemme est
là.
Alors, vous,
dans le fond, ce que vous réclamez... Ce que je comprends, c'est que vous
réclamez... Un, le 100 ans du
registre de l'état civil, je comprends que ça n'a pas de bon sens, selon ce que
vous apportez. Mais quel est pour vous ce qu'il y a de plus important, pour vous, par rapport avec s'il y avait
une loi? Qu'est-ce que vous aimeriez retrouver dedans, le fait de lever
les renseignements personnels à...
Le Président (M. Hardy) : M. Pepin.
M. Pepin
(Jean-Pierre) : Oui, ça,
c'est le premier élément. Vous savez, Mme Léger, si je ne peux pas vous
appeler Mme Léger, en fait, j'apporte un
numéro ou... puis, s'il y a 22 Nicole Léger au Québec, je vais être obligé
de vous rajouter un élément pour vous reconnaître. Alors, moi, je pense
que l'information nominative, la date de naissance, la date de mariage, le lieu de la résidence, ce sont des
informations personnelles, qui sont privées dans certains cas, mais qui
sont des informations personnelles et publiques pour qu'on puisse communiquer
ensemble.
Alors, moi,
je pense qu'au départ, quand on a créé la Direction de l'état civil, on a
oublié de dire que l'application que
lui va en faire... Il a décidé de son chef qu'il y avait une prescription de
100 ans, ce n'était pas écrit dans la loi qui gère la Direction de l'état civil, là. Et là on se
retrouve avec une patate chaude, qu'on n'est pas capable de régler, au
cours de la dernière décennie ou des deux dernières décennies, pour pouvoir
faire la recherche historique, généalogique ou journalistique adéquatement,
sans qu'on contrevienne à de nouvelles lois. Moi, je pense qu'en principe le
législateur ne devrait jamais parler pour ne
rien dire, et là, avec la loi sur le privé, l'article 1 vient... Puis je
le sais, là, dans les deux, trois,
quatre dernières poursuites que j'ai eues devant les tribunaux, j'ai toujours
été débouté, je suis obligé d'aller à la Cour du Québec puis après ça
aller à la Cour supérieure. Et je n'en sors pas, Mme Léger, parce que
l'information d'un généalogiste, c'est une
information qui est à la fois privée pour la personne mais publique pour
pouvoir la transmettre.
• (14 h 50) •
Mme Léger :
Quand vous parlez de l'article 1, en passant, là, vous parlez de la
partie : «La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention,
l'utilisation ou la communication de matériel journalistique, historique ou
généalogique à une fin d'information légitime du public.»
M. Pepin (Jean-Pierre) : Quand je me
présente à la cour, ça, Mme Léger, là, les juges n'en tiennent jamais compte parce
que c'est dilué dans l'ensemble
de toutes les autres lois. Ce qui fait que nous, on a un article
spécifique, pour la première fois, on a le mot «généalogiste» dedans. Et, quand je me présente à la cour
pour défendre le droit des généalogistes,
des historiens et des journalistes, je ne suis pas entendu et pas reconnu. Mais
on va continuer à le faire.
Le Président (M. Hardy) : M. Racine,
en 55 secondes.
M. Racine
(Denis) : Oui, juste
ajouter, dans ce cas-là, l'article 1, on se bute toujours sur le mot
«légitime». Les tribunaux, de façon unanime, tout ce qu'on fait, il n'y
a rien de légitime. C'est à peu près la conclusion. Je reviens sur l'état
civil.
Mme Léger : Qu'est-ce que
vous feriez? Vous l'enlèveriez, le mot?
M. Racine (Denis) : Oui, bien, c'est ce qu'on recommande. L'autre
chose, je reviens sur l'état civil, depuis 1994, c'est un sujet de discorde avec le Directeur de l'état civil. En 2006, j'étais président à la fédération, le Directeur de l'état civil est venu me rencontrer
à mon bureau pour me dire qu'il y aurait des allègements. Ils ont rencontré
deux fois la fédération depuis ce temps-là.
M. Parent, qui va témoigner demain, va vous le dire. En 2014, on a tenu un
colloque, ils sont encore venus nous
dire qu'ils faisaient des assouplissements à cette règle de 100 ans. Et on
est rendu, de 1994-2017, toujours au même point. Juste sur cette recommandation-là, si ça se réglait, on serait déjà contents, il y aurait
un pas de fait. Mais, encore là, encore là...
Le Président (M. Hardy) : Je vous
remercie. Ça passe vite. Le temps accordé à l'opposition officielle est maintenant
expiré. Je passe maintenant la parole à M. le député de Borduas,
pour la deuxième opposition. Vous avez un temps de neuf minutes.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. M. Pepin, M. Racine, M. Garceau-Bussières, bonjour. Merci de contribuer aux travaux de la commission.
Je vous écoutais tout à l'heure, puis ça me faisait penser, lorsque
vous parliez des registres au niveau du Registraire des entreprises, la
source d'information qui est disponible sur ces sites-là, dans le fond, accessible au public, je pensais... on avait un
bel exemple il y a quelque temps : l'ancien député de Saint-Jérôme,
ancien chef de parti du Parti québécois, qui
avait diffusé sur Twitter l'adresse personnelle du premier ministre parce que,
bon, le premier ministre avait une compagnie enregistrée au Registraire des
entreprises, puis son lieu de domicile était fixé. Et là on a envoyé ça dans la sphère publique, et là, dans le fond, tout
le monde savait où le premier ministre réside. Donc, il y a des questions à se poser aussi, à
savoir : Est-ce qu'on souhaite que ces renseignements-là soient diffusés?
Est-ce que l'adresse doit être publique? Est-ce que, les administrateurs,
ça doit être public?
Là, je
comprends qu'il y a un litige devant les tribunaux. Mais, pour les
généalogistes, il y a plusieurs possibilités de consulter, mais vous,
vous voulez de la clarté, dans le fond. Parce que, supposons au RDPRM, le
Registre des droits personnels et mobiliers, là le contrat de mariage est
publié, vous savez l'état civil, puis vous savez si la personne a renoncé au
patrimoine familial ou non avec la date de naissance. Ça fait qu'il y a comme
une incohérence. C'est ce que je comprends, là.
Une voix : ...
M.
Jolin-Barrette : O.K. Si on
apporte un changement législatif, au-delà du «légitime», là, dans la loi sur le
privé, est-ce qu'il y a d'autres changements législatifs qu'il faut apporter?
M. Racine (Denis) : C'est ce qu'on
explique dans notre mémoire, la...
Le Président (M. Hardy) : M. Racine.
M. Racine
(Denis) : Oui, merci, M. le Président. Je m'excuse, j'ai été trop
vite. Si la problématique est simple, entre
guillemets, à élaborer, les solutions le sont peut-être moins. On a donné dans
nos recommandations — c'est
moi qui ai rédigé, alors — des pistes. Ce n'est pas la panacée
universelle, ça, on en est tous conscients, c'est des pistes. Je pense qu'il va falloir étudier la question de façon plus
approfondie pour en arriver à des solutions. Nous, généalogistes, bien
sûr, on défend notre bout de pain, et il y a
peut-être d'autres considérations que... Et l'État, c'est sa responsabilité
d'encadrer tout ça puis de voir s'il n'y a
pas d'autres conséquences à ce qu'on demande, et c'est bien normal. Mais ce
qu'on veut, c'est qu'il y ait une
réflexion. Là, à l'heure actuelle, ça fait 20 ans qu'on se bute à des...
pas 20 ans, depuis 1994 qu'on se bute
à des problèmes. Avec la commission, on a des problèmes. Avec le Directeur de
l'état civil, il n'y a rien qui se règle. Et là on veut que la pratique de la généalogie, là, ça soit clair, qu'on
soit en sécurité juridique. C'est ça qu'on veut, et on fait des propositions. Ce n'est pas, je vous le
dis, ce n'est pas la panacée universelle, elles doivent être étudiées, on
doit en discuter, mais on veut de la sécurité juridique. À l'heure actuelle, on
est poursuivis de tous bords tous côtés.
Je vous l'ai dit tout à
l'heure, un fichier, le formulaire des mariages, qui est public depuis 1986,
tenu par le ministère de la Santé, il y a
une personne, depuis 30 ans, qui s'est plainte, puis là on est pris avec
la Commission d'accès à l'information
qui nous dit, peut-être, de retirer le fichier pour tout le monde, pour les 5 millions
de mariages, ou, encore, de biffer des informations. Puis le ministère
de la Santé nous dit : Faire ça, ça va coûter 700 000 $.
Pensez-vous sincèrement que le ministère de
la Santé a 700 000 $ à dépenser dans un truc comme ça? C'est de la
clarté juridique qu'on veut avoir, et c'est ce qu'on demande.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Et puis,
tout à l'heure, vous en avez parlé, la généalogie, ce n'est pas encadré. Dans
le fond, tout le monde peut en faire s'ils souhaitent en faire. Entre
les amateurs, les professionnels...
M. Racine (Denis) : ...il y a deux
éléments.
Le Président (M. Hardy) : M. Racine.
M. Racine (Denis) : Il y a ceux qui
sont membres des sociétés, puis il y a ceux qui ne sont pas membres des sociétés. Ceux qui ne sont pas membres,
évidemment, c'est difficile de les encadrer. Ceux qui sont membres des
sociétés qui sont regroupées dans une
fédération, il y a un code d'éthique des généalogistes. Demain, la fédération
des sociétés de généalogie, qui va comparaître devant vous, là, va vous
expliquer ça. Mais il y a un code d'éthique là-dessus.
Le
Président (M. Hardy) : Juste une information à vous donner, M. le
député de Borduas et les messieurs qui sont
là : Laissez-moi le temps de vous nommer pour que la retranscription soit
efficace, les gens qui prennent des notes ici... Merci. M. le député de
Borduas.
M.
Jolin-Barrette : On va
tenter d'être plus disciplinés, M. le Président. Mais je veux juste faire le
lien avec la modification que vous
demandez à l'article 150 du Code civil du Québec pour rendre ça disponible
aux chercheurs. C'est votre
recommandation 1, dans le fond. Donc, pour vous, un chercheur, ce serait
quelqu'un qui serait, supposons, membre d'une société de généalogie? Parce que, dans le fond, la société de
généalogie, c'est une adhésion volontaire. Supposons, moi, demain matin, je m'intéresse à la généalogie,
je deviens membre de ce genre de société là, et donc je m'engage de
bonne foi à respecter le code de déontologie de cette société-là.
Le Président (M. Hardy) : M. Racine.
M. Racine
(Denis) : J'ai été faire de la recherche au Connecticut en 1972, je
crois. C'était une des conditions, d'être membre d'une société
généalogique locale, pour pouvoir avoir accès à l'état civil. Ce n'est pas
partout, mais je me souviens de cet exemple-là en particulier. Ça pourrait être
ça. Ça pourrait être ça.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, pour
l'article 150, vous feriez le lien avec ça ou non, lorsque vous dites «les
chercheurs»?
Le Président (M. Hardy) : M. Pepin.
• (15 heures) •
M. Pepin
(Jean-Pierre) : Merci. Vous
savez, je pense qu'on ne peut pas circonscrire le milieu généalogique à leur participation à une association de familles
ou à une société d'histoire, une société de patrimoine ou une société de
généalogie. Si on regarde sur la Toile
actuellement, les centaines... parce qu'on a 100 000 généalogistes...
bien, il y a au moins 300 000,
400 000, 500 000 personnes qui sont abonnées à des sites de
généalogie du Québec sur la Toile. Et ces gens-là ne font pas partie d'aucune association, ne font pas partie
d'aucune société de patrimoine. Et ces gens-là viennent pour un intérêt, une passion personnelle, un
besoin aussi de connaître s'ils ont des origines autochtones, s'ils ont des
origines européennes, et quelles en sont, et
de pouvoir retrouver les documents, qu'eux-mêmes n'ont pas, de leurs grands-parents,
leurs actes de naissance, leurs actes de
décès, retrouver des cartes mortuaires, retrouver des contrats notariés, des
contrats de maison. Ils vont s'adresser à des sociétés de généalogie sur
Internet pour faire le tout.
Et ce qui est
d'abord dans les registres d'état civil, cette information-là... Le
législateur, là, vous n'avez pas parlé pour
ne rien dire en permettant la création du Directeur de l'état civil, mais vous
n'avez pas parlé pour ne rien dire non plus
en permettant la continuation de cette consultation-là. Moi, là, j'ai été
numériser, photographier des dizaines de milliers de pages dans les
palais de justice, que ça soit à Saint-Jérôme, à Longueuil, à La Prairie, à
Sainte-Julie, ou etc., et ces pages-là aujourd'hui compliquent la situation en
disant : Bien, vous ne pouvez plus.
Moi, quand je
pense que... Quand vous allez passer une loi, je pense que, si elle est
rétroactive, ou bien vous faites un
fichier, à un moment donné, parce qu'on n'a pas de carte de citoyen au Québec
encore, puis... Pour rentrer ici, ça m'a pris ma carte d'assurance maladie ou mon permis de conduire pour
m'identifier puis me laisser passer. Bien, les outils que nous avons actuellement, c'est mon nom, puis
je n'ai pas de pièce. Si je n'ai pas mon passeport... Je n'en ai pas, de
passeport, moi. Puis ma carte d'assurance
maladie, mon permis de conduire, là, en principe, quand ils me les
demandent, ils n'ont pas le droit de me le
demander, là. Ce n'est pas un hôpital, ici, là, pour avoir ma carte d'assurance
maladie. Puis ce n'est pas un policier, dans certains cas, dans un
centre d'archives, qui me demande ma pièce d'identité. Et tous ces gens-là contreviennent à la loi. Et j'ai pour mon
dire : Écoutez bien, là, je pense qu'on est capable de distinguer l'information qui était publique, qu'elle le
demeure, publique, et que cette information-là, à partir... Mon partenaire, qui est en arrière, là, sa
femme va accoucher à la mi-décembre, là. Bien, son enfant pourrait faire partie
de la prescription de 100 ans. Mais moi, mes acolytes, chacun d'entre vous
ici, là, vous étiez nés avec la création de l'État civil, donc l'information devrait continuer à être publique — et
vos renseignements personnels devraient continuer à être disponibles.
C'est clair, c'est net, ils le sont déjà puis ils le sont partout.
Alors, c'est encore plus grave, parce que nous,
on nous aborde, après ça, avec la Commission d'accès à l'information, dans certaines
poursuites, ou par le Directeur
général des élections, ou par le Directeur de l'état civil, on nous
dit : Ah! bien, vous n'avez pas le droit de faire cette diffusion-là.
Bien, je regrette, là, l'information, non seulement on l'a eue... on a eu l'autorisation du gouvernement pour utiliser les formulaires de mariage du ministère de la Santé, on a eu l'autorisation du Directeur de
l'état civil pour faire certaines choses puis on a l'autorisation du ministre
de la Justice pour effectuer d'autres démarches généalogiques.
Alors, moi,
je pense que... Quand vous allez faire une loi, comme législateurs,
assurez-vous que, nos droits, vous allez aussi les respecter, parce que,
quand vous modifiez une loi puis que vous en donnez une nouvelle, moi, je suis obligé de l'apprendre, cette loi-là. Puis je ne
suis pas avocat, moi. Je suis obligé de consulter mes avocats pour dire :
Bien, que c'est que j'ai le droit de faire aujourd'hui, là? Je n'ai plus le droit de rien
faire parce qu'il y en a tellement, de lois, que... Vous parliez de la
loi sur la régie du loyer, la loi sur le transport, la loi sur... Je regardais
juste la loi sur le bien culturel, qui a été
faite en 2008, là, bon, puis, quand ils l'ont faite... à l'intérieur de ça,
vous avez des éléments qui sont aujourd'hui sur le même pied qu'en 2001.
Le
Président (M. Hardy) : Je vous remercie. M. Racine, M. Pepin, M.
Bussières, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends
les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du Groupe
d'expertise en gestion des documents du gouvernement du Québec de
prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 2)
(Reprise à 15 h 6)
Le
Président (M. Hardy) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite la
bienvenue aux représentants du Groupe
d'expertise en gestion des documents du gouvernement
du Québec. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite
donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.
Groupe d'expertise en
gestion des documents
au gouvernement du Québec (GEGD)
Mme Légaré
(Francine) : Bonjour. Je
suis Francine Légaré, présidente du Groupe d'expertise en gestion des documents
au gouvernement du Québec. J'oeuvre
dans le domaine depuis maintenant 25 ans et puis je suis membre du
GEGD depuis 2007. Je vais laisser Marie-Pierre se présenter.
Mme Gagnon(Marie-Pierre) : Marie-Pierre Gagnon. Je suis sur le conseil
exécutif du GEGD depuis trois ans et oeuvre en gestion documentaire
depuis une vingtaine d'années.
Le Président (M. Hardy) : Merci.
Mme Légaré
(Francine) : Donc, avant de débuter, on aimerait seulement souligner
que les propos qu'on va tenir aujourd'hui engagent les membres du GEGD à
titre de professionnels de la gestion des documents et aucunement les
institutions qu'il représente.
Donc, notre
principal intérêt d'être ici aujourd'hui, c'est naturellement sur toutes les
questions concernant la gestion documentaire.
Puis ce n'est pas d'hier qu'on note que la gestion documentaire est un domaine
qui est moins visible que les autres domaines dans la fonction publique.
Déjà en 1991, dans son rapport annuel déposé à l'Assemblée nationale, le Vérificateur général du Québec soulignait que ce
domaine-là était moins représenté. Et il ajoutait que celle-ci n'en
demeurait pas moins une activité de première importance et recommandait, entre
autres, de faciliter les communications et les échanges d'information entre les
organisations.
C'est sûr
que, depuis ce temps, il y a des actions qui ont été prises et puis il y a des
choses qui se sont beaucoup améliorées
pour promouvoir la gestion des documents. Une de celles-ci est naturellement la
création du Groupe d'expertise
en gestion des documents
au gouvernement du Québec. Le GEGD,
c'est une communauté de pratique qui est constituée de personnes qui oeuvrent dans le domaine. Ce sont
des personnes formées, spécialisées et dédiées à la gestion
documentaire. Le GEGD regroupe 176 membres en provenance de
70 ministères et organismes.
Nos
travaux se font dans un esprit de partenariat avec les ministères et les
organismes. Et on s'est donné comme mission
de promouvoir l'excellence, dans le domaine de la gestion des documents, entre
les spécialistes du domaine de la gestion
des documents et de tout autre groupe apparenté qui oeuvre dans le domaine ou
bien de toute autre instance. Nos objectifs sont de favoriser et de faciliter la
concertation et l'échange du savoir-faire entre les spécialistes en gestion
des documents, de promouvoir l'importance de
la gestion des documents comme moyen de favoriser l'efficacité et
l'efficience au sein des organismes, de
fournir des avis et des expertises ainsi que de faire des représentations
auprès des organismes concernés sur toute question ou orientation ayant
une incidence sur la gestion des documents, et de promouvoir la formation et le
perfectionnement des spécialistes qui oeuvrent dans le domaine.
En gros, quand la
gestion des documents vise à retrouver... Quand on fait de la gestion de
documents, on vise à retrouver les bonnes informations au moment opportun. Dans
un contexte de croissance et de circulation toujours plus rapides de l'information, afin d'en assurer et de maintenir une
gestion efficace, pour le bénéfice du gouvernement du Québec et de tous les acteurs, les membres du GEGD
souhaitent contribuer par leur expertise à la solution que pose cet
enjeu dans les organisations.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Gagnon.
• (15 h 10) •
Mme
Gagnon (Marie-Pierre) : En septembre 2016, la Commission d'accès
à l'information a déposé un rapport quinquennal.
De par ses recommandations, ce rapport vise l'amélioration du régime d'accès
aux documents et la protection des renseignements personnels au Québec.
De manière plus précise, la section 2.2.3.2 du rapport porte sur la
gestion documentaire et l'obligation de
documenter le processus décisionnel. Ces deux points intéressent
particulièrement le GEGD.
Le
GEGD croit que la gestion des documents devrait être une priorité pour
l'appareil gouvernemental, mais il constate
que ce n'est pas toujours le cas. L'adoption, en 1995, de la politique
administrative concernant la gestion des documents actifs au gouvernement prévoyait d'assurer une gestion
effective et efficace des documents au même titre que la gestion des ressources humaines, financières,
matérielles dans les organismes publics, d'amener les organismes publics
à affecter les ressources humaines, financières et matérielles requises pour la
gestion, l'application et le maintien des systèmes de gestion des documents
actifs.
Le GEGD croit qu'il
est essentiel d'avoir un engagement clair et précis de la part du gouvernement
afin de se donner les moyens pour mettre en oeuvre ses ambitions, entre autres
en matière d'accès, de transparence et de démocratisation
de l'information. Ceux-ci passent également par une reconnaissance accrue du
rôle indispensable des spécialistes
dédiés à la gestion des documents dans les ministères et organismes. Le GEGD
estime donc que le gouvernement aurait intérêt à se doter d'une
gouvernance renouvelée en gestion de l'information.
D'ailleurs,
dans le rapport annuel du Vérificateur général du Québec de l'hiver dernier, le
chapitre 7 présente une étude qui vise à dresser un portrait de la
situation dans le secteur des technologies de l'information. Ce portrait de la gouvernance et de la gestion des TI au
gouvernement du Québec précise que, dans les entités consultées, la haute
direction et les premiers dirigeants
responsables des TI estiment ne pas avoir l'assurance que le système de
gouvernance fonctionne efficacement,
que chacun des investissements génère une valeur optimale, que les risques
critiques liés aux TI sont gérés efficacement et que leur impact est
connu, que les besoins en ressources sont comblés efficacement et que celles-ci
sont utilisées de façon optimale.
Selon nous, cet
engagement du gouvernement devrait se traduire par l'adoption d'un cadre de
gouvernance intégrée en gestion de l'information gouvernementale qui inclut la
gestion des documents. À la lecture du rapport du Vérificateur général, le GEGD voit l'occasion de mettre en place cette
nouvelle gouvernance de l'information qui inclut et implique tous les intervenants en la matière. Selon la littérature en
gouvernance de l'information, les objectifs d'une telle gouvernance tendent à améliorer la rapidité
et l'efficacité des décisions et des processus, à créer de la valeur par
une utilisation optimale de l'information et bien sûr à réduire les coûts et
les risques pour l'organisation.
Dans
son rapport quinquennal 2016, la CAI recommande aussi d'«inclure dans la
loi une disposition [...] obligeant les
organismes publics à créer des documents dans le but d'étayer le processus
décisionnel — réflexions,
délibérations, mesures et décisions
importantes — assortie
de sanctions appropriées en cas de non-conformité». Le GEGD appuie cette
recommandation et est d'avis que la
gouvernance de la gestion de l'information gouvernementale devrait se traduire
par un engagement formel en ce sens. Cette
obligation de documenter inclurait nécessairement la création des
documents, l'enregistrement institutionnel
et le référencement, c'est-à-dire l'indexation de ces documents à des fins de
repérage afin d'assurer une gestion efficace et efficiente.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Légaré.
Mme
Légaré (Francine) : La mise en oeuvre de ce cadre de gouvernance
intégrée en gestion de l'information gouvernementale
nécessite qu'on y affecte les ressources informationnelles, humaines,
financières et matérielles requises pour la gestion, l'application et le
maintien des systèmes de gestion de documents dans les différents ministères et
organismes. Le GEGD recommande donc dans son mémoire que le gouvernement du
Québec s'engage à dédier des ressources
spécialisées à la gestion des documents dans ses ministères et ses organismes,
de se doter d'un système de gestion de
documents permettant de gérer l'ensemble du cycle de vie des documents et se
doter d'un système de gestion intégrée des
documents permettant de gérer les documents sur support papier et sur support
électronique. Le GEGD recommande enfin que le gouvernement du Québec
mette en place un mécanisme de reddition de comptes sur l'application, dans les
ministères et organismes, de son cadre de gouvernance en gestion intégrée de
l'information documentaire.
En
conclusion, nous croyons que nos recommandations permettront de concourir à
résoudre les problèmes évoqués dans le rapport quinquennal 2016 de
la Commission d'accès à l'information concernant la gestion documentaire et l'obligation de documenter les processus
décisionnels. Les membres du GEGD souhaitent ardemment être mis à contribution à titre de spécialistes formés, dédiés et engagés en gestion des documents
afin de participer à l'amélioration du régime d'accès à l'information
ainsi qu'à la sauvegarde et à la pérennité du patrimoine documentaire
québécois.
Le
Président (M. Hardy) : Bien, je vous remercie pour votre exposé. Nous
allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la
période est à vous pour 22 minutes.
Mme de
Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Légaré, Mme
Gagnon. J'apprécie énormément votre présentation parce que ça apporte un
autre élément à la discussion de la loi sur l'accès et la protection des renseignements dans le secteur privé. Et ce n'est
pas un sujet qui est très sexy mais est très important. D'abord, on
parle de la gestion documentaire, de la
gestion de documents. Pour que les gens qui nous écoutent comprennent, quand on
parle de la gestion de documents, de quoi parle-t-on?
Mme Légaré
(Francine) : La gestion des documents qui sont créés ou reçus dans les
ministères et organismes. On en crée
à chaque jour, on en reçoit à chaque jour. Il faut les gérer. Ces documents-là
passent théoriquement par trois stades de
vie : l'actif, du semi-actif et de l'inactif. À l'actif, ce sont les
documents qui sont consultés quotidiennement, fréquemment, et qui sont nécessaires à la prise de décision dans un
ministère ou un organisme. C'est les documents qu'il faut avoir sous la
main pour répondre à des besoins quotidiens dans la gestion du ministère ou de
l'organisme.
Ces documents-là, après un certain temps,
peuvent être moins consultés mais tout aussi utiles, ou doivent être conservés pour des périodes prescrites par des
lois, comme par exemple les documents financiers, qui doivent être
conservés pendant sept ans. Ils ne sont pas
nécessairement consultés à chaque jour, mais les lois nous obligent à les
consulter. On peut donc les gérer
d'une façon plus... Souvent, dans le monde papier, on les met en boîte, et on
les met dans un entrepôt, puis on peut ensuite les rappeler quand on en
a besoin.
Arrivés au
stade inactif, bien, les documents qui ont une valeur historique et
patrimoniale sont versés à Bibliothèque et Archives nationales du Québec
en vertu de la Loi sur les archives, et les documents qui n'ont pas de valeur patrimoniale ou historique sont détruits. Donc, la
gestion des documents, c'est la gestion du cycle de vie que je viens de
vous expliquer, et ce, tant pour les
documents papier que pour les documents électroniques dans les systèmes
d'information.
Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme
Légaré. Mme la ministre.
Mme de
Santis : Est-ce que ça inclut, par exemple, les courriels que moi, je
peux recevoir en tant que ministre? Est-ce que ça inclut les textos?
Est-ce que ça inclut les messages et les renseignements envoyés par d'autres
modes de communication?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Gagnon.
Mme Gagnon (Marie-Pierre) : En fait,
si on se réfère à la Loi sur le cadre juridique des technologies de l'information, on définit ce qu'est un document.
Et un document, c'est de l'information sur un support. Alors, pour
répondre à votre question : Oui, un
texto, un courriel, toutes les informations qui sont portées par un support
sont considérées comme des documents. Ça peut être un enregistrement
téléphonique, ça peut être une photo, un enregistrement vidéo. De l'information sur un support, c'est considéré
comme des documents et ça doit être pris en charge dans nos secteurs de
gestion documentaire.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme de Santis : Actuellement,
comment sont traités les courriels que je reçois, ou qu'un ministre reçoit, ou
un député reçoit?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Légaré.
Mme Légaré
(Francine) : Ce sont des pratiques qui sont mises en place par les
différents ministères et organismes, et
ce n'est pas uniforme d'un organisme à un autre. On s'entend tous pour se dire
que c'est effectivement une information. Certains ministères et
organismes vont obliger leurs membres à enregistrer les courriels dans un
système de gestion documentaire dédié qui
est utilisé par tous les membres du ministère et de l'organisme. Dans certains
autres cas, on va les gérer sur le serveur courriel de l'organisme. Il y
en a qui les gèrent aussi sur des serveurs autres que celui du courriel. Donc, il y a plusieurs façons de les traiter. Mais
il faut vraiment savoir que c'est de l'information qu'il faut traiter,
mais il n'y a pas de façon uniforme à travers l'appareil gouvernemental pour
traiter un courriel.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
• (15 h 20) •
Mme de Santis : Dans votre mémoire,
vous parlez de l'obligation à documenter. Comment exprimer cette obligation légalement? Et qui devrait s'assurer du
respect de cette obligation? Qui serait responsable? Et, si la personne
responsable ne le fait pas, c'est quoi, les sanctions?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Légaré.
Mme
Légaré (Francine) : En 2009,
lors de l'adoption du Règlement sur la diffusion de l'information, on avait parlé à ce moment-là de la mise en place d'un comité d'accès à l'information qui regroupait... on disait, à l'époque : Le cas échéant, le
responsable de la gestion des documents dans le ministère ou l'organisme. Ce
rôle-là est présent dans certains cas
mais ne l'est pas dans d'autres. Donc, la loi devrait, au lieu de dire :
Le cas échéant... C'est-à-dire, le règlement devrait, plutôt que de dire : Le cas échéant, vraiment
forcer les ministères et organismes à nommer un responsable de la gestion des documents
dans son organisation et lui donner des rôles et responsabilités qui vont en ce
sens-là.
La
façon de voir si c'est appliqué, et tout ça, c'est, comme on disait dans notre
mémoire, par des rendre compte qui
peuvent prendre, naturellement, différentes formes. Ça peut être une lettre
déclarative, ou des choses comme ça, pour dire que, oui, on se conforme
aux exigences en gestion documentaire qui sont demandées dans les lois.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme de
Santis : J'aimerais comprendre. Où se trouve l'obligation d'avoir un
responsable de la gestion de la documentation?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Légaré.
Mme Légaré
(Francine) : Il n'y a pas d'obligation. Le Règlement sur la diffusion
de l'information et sur la protection des
renseignements personnels parle d'un comité sous la responsabilité de la
personne responsable de l'accès à l'information, auquel peuvent siéger
différentes personnes. Et, dans le texte, c'est écrit : Le responsable de
la gestion documentaire, le cas échéant.
Mme
de Santis : Ah! Mais est-ce qu'il existe ailleurs une référence à
cette personne, que dans le règlement? Parce que, dans le règlement, je
sais que c'est... J'ai vu, j'ai lu, mais est-ce que ça existe ailleurs?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Légaré.
Mme
Légaré (Francine) : Malheureusement, non. Même dans la loi...
Présentement, la loi actuelle, la Loi sur les archives ne va pas dans ce sens-là. Le GEGD a déjà fait des
pressions à d'autres niveaux pour, au moment où il y aura une révision de la Loi sur les archives, instaurer
ce genre de responsabilité là officiellement dans les ministères et organismes.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : Alors, est-ce que je comprends bien qu'une recommandation
serait d'avoir un responsable de la gestion
documentaire, un responsable peut-être qui pourrait être partagé par plusieurs
organismes, le même, ou... mais qu'il y ait, pour chaque organisme, un
responsable?
Mme Légaré
(Francine) : Tout à fait.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : Merci. Vous
dites qu'il y a une diminution du nombre de ressources oeuvrant dans le
domaine de la gestion documentaire depuis
2013. Pouvez-vous m'expliquer qu'est-ce que vous voulez dire par cela? Est-ce
que vous avez une étude scientifique
là-dessus? Et pouvez-vous me donner le portrait actuel de la gestion
documentaire en ce qui concerne les ressources?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Légaré.
Mme
Légaré (Francine) : Oui, on
a fait un sondage auprès de nos membres. C'est sûr que ça s'est fait
pendant la période d'été, donc on n'a pas eu
des réponses de l'ensemble de nos membres, mais on peut quand même
en tirer les conclusions qu'on a mises dans notre mémoire, comme quoi il
y a vraiment une diminution de ces postes-là.
Mme de
Santis : De quels postes...
Mme
Légaré (Francine) : Les postes dédiés à la gestion des documents dans
les ministères et les organismes. C'est
surtout au niveau du nombre des techniciens qu'on voit une diminution de
postes. On a fait une étude comparative 2010-2017. À ce moment-là, pour les... Il y a 21 ministères et
organismes qui ont répondu à notre sondage, comme je vous disais, qui s'est quand même fait pendant la
période estivale. En 2010, ces organismes-là avaient un total de
42,5 ressources, nombre de
techniciens. Et, sept ans plus tard, c'est passé à 34,6 personnes. C'est
une diminution quand même, bon, vous allez
dire, de 8 %, ce qui peut peut-être ne pas paraître si énorme que ça. Par
contre, il ne faut pas oublier que l'information maintenant double à
tous les deux ans. Donc, le nombre d'informations à gérer augmente, et le
personnel dédié à cette gestion-là diminue.
On
a fait aussi des études comparatives pour voir d'un ministère à l'autre combien
de gens... combien d'employés ces gens-là doivent supporter quotidiennement dans
la gestion des documents. Parce que la gestion des documents, ça se fait à
tous les niveaux, ça peut être le support administratif qui en fait, ça peut
être une secrétaire, ça peut être des spécialistes
comme nous. Tout le monde gère son information. Et, dans certains ministères,
des gens doivent appuyer plus de 500 personnes pour les aider à
faire leur gestion documentaire.
Le
Président (M. Hardy) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : Vous recommandez que le gouvernement mette en place un
mécanisme de reddition de comptes en gestion documentaire. C'est quoi,
la nature de cette reddition de comptes que vous suggérez?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Légaré.
Mme
Légaré (Francine) : De s'assurer qu'il y a des gens dédiés à la
gestion documentaire, qu'il y a des responsables
de la gestion documentaire, parce que, comme on le disait en début de présentation,
l'information est une ressource qui
est aussi importante que les ressources humaines, matérielles et financières,
ressources qui sont contrôlées et sur
lesquelles on a des statistiques annuellement : sur les effectifs, sur les
dépenses du gouvernement, tout ça. Mais on ne sait jamais qu'est-ce qu'ils font avec leur information. On demande
d'être plus transparent. On demande de contribuer à l'efficience et l'efficacité du système
gouvernemental, mais on ne dédie pas les ressources qui pourraient nous
aider à le faire. Donc, en demandant une
reddition de comptes, ça obligerait les ministères et les organismes à se doter
de personnel qui pourrait vraiment les aider. Et on espère que, dans le
prochain rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information, on ne dira pas qu'on ne retrouve pas l'information à
cause d'une gestion documentaire qui est déficiente.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : Mais une reddition de comptes serait, de mon avis, beaucoup
plus que simplement le nombre d'effectifs,
ce serait aussi un rapport sur l'efficience du système : Est-ce qu'on
atteint les objectifs voulus? Ce n'est pas le nombre de personnes seulement qui travaillent dans ce domaine-là. Donc,
si on fait une reddition de comptes, comment on prend note de
l'efficience du travail qui est fait?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Légaré.
Mme
Légaré (Francine) : Il faudrait que ce soit fait à partir d'une
gouvernance de l'information qui aurait des objectifs gouvernementaux, premièrement, et ensuite par ministère et
organisme, pour voir comment... Parce que tous les ministères et
organismes ne sont pas au même niveau en termes de gestion documentaire. Il y a
des ministères et des organismes qui ont des
systèmes implantés depuis plusieurs années et où ça fonctionne bien. Il y en a
d'autres encore que les systèmes de
gestion documentaire pour les documents papier et pour les documents
électroniques sont complètement séparés.
C'est des recherches dans deux systèmes différents quand vient le temps de
répondre à une demande, ou deux façons de
déclasser ou de classer. Alors, il faudrait des objectifs gouvernementaux,
premièrement, d'atteinte d'objectifs en termes d'efficience, et des choses comme ça, et comment chaque ministère et
organisme peut s'organiser à chaque année pour atteindre graduellement
ces objectifs-là.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme de
Santis : Si je vous demanderais d'établir les objectifs
gouvernementaux, qu'est-ce que vous me donneriez
comme réponse? Parce que je veux saisir, comprendre, O.K., parce que c'est
encore très... Alors, quel serait l'objectif gouvernemental tangible que
je pourrais comprendre?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Légaré.
• (15 h 30) •
Mme
Légaré (Francine) : À court terme, je vous dirais, de nommer un
responsable de la gestion des documents dans chacun des ministères et des organismes, de s'assurer qu'il réponde
aux exigences des lois existantes présentes, donc d'avoir un plan de classification, tel que demandé
par la Loi sur l'accès, et un calendrier de conservation, tel que
demandé par la Loi sur les archives.
Ensuite,
on pourrait s'assurer que ce qui doit être diffusé en vertu du règlement l'est
effectivement sur les sites Internet
de chacun des ministères et des organismes, s'assurer aussi annuellement que
les ministères et les organismes versent
à BANQ les documents qui ont une valeur historique et patrimoniale. Et on
pourrait aussi demander qu'est-ce qui est détruit dans chacun des ministères
et des organismes, tant au niveau des documents papier que des documents
électroniques.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : Nous avons déjà, depuis 1985, une politique administrative
concernant la gestion des documents. Ce
n'est pas quelque chose qui est de la responsabilité de la ministre ou le
ministre responsable de la Loi sur l'accès, c'est vraiment le ministre de la Culture ou même le
Conseil du trésor. Alors, je comprends bien ce que vous me dites aujourd'hui.
Comment
ce que vous dites, là, aujourd'hui pourrait être incorporé dans une loi accès à
l'information? Parce que cela, c'est de la responsabilité d'autres
ministères, à ce moment-ci.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Légaré.
Mme
Légaré (Francine) : Comme vous dites, la politique date de 1985, elle
n'a jamais été revue depuis. Premièrement,
c'est une politique qui est beaucoup axée sur la gestion papier des documents,
et je pense que, depuis 1985, aussi
la notion d'information a beaucoup évolué. Je pense qu'on devrait gérer
l'information d'une façon beaucoup plus large, en incluant des documents, en incluant l'accès à ces
documents-là, en incluant la façon qu'on gère aussi les systèmes d'information, donc tout le volet technologie de l'information,
et pour que la Loi sur l'accès soit une espèce de loi qui chapeaute les autres lois qui gèrent aussi
l'information. Parce que la Loi sur les archives date aussi de 1983, on ne
voit pas le jour où elle va être revue et
si, par des lois sur l'accès à l'information nous obligeant à poser des actions
concrètes au niveau de la gestion de
l'information, ça pourrait nous obliger à mieux gérer et à mieux coordonner les
travaux de tout le monde puis avoir enfin quelque chose d'efficace et
d'efficient.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme de
Santis : Merci. Mon collègue va poser une question.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Maskinongé, à vous la parole.
M. Plante :
Il reste combien de temps?
Le Président (M.
Hardy) : Il reste 4 min 42 s.
M.
Plante : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, bon
après-midi. Alors, je vous entendais tantôt, et la ministre vous a questionnées sur la reddition de comptes, bon,
j'avoue que ce n'est pas simple puis que c'est surtout difficile d'y mettre des objectifs. On a entendu
un petit peu votre opinion sur les objectifs qui devraient être faits.
Mais moi, je veux revenir... Parce que, dans votre présentation, vous avez
parlé d'instaurer un système de gestion. En plus d'utiliser des ressources spéciales, que vous recommandez, vous avez
parlé d'instaurer un système de gestion uniforme à tout l'appareil gouvernemental, quand vous nous
exprimez, d'une autre part, qu'aucun ministère ni organisme ne gère les
documents de la même façon.
Et
là j'aimerais savoir, selon vous, quel système de gestion ou quelle serait la
façon la plus optimale de mettre ça de façon
égalitaire pour chacun des ministères, chacun des organismes. Et en plus, puis
je ne pensais pas, mais vous nous avez dit
que les documents en papier, c'est une chose, mais après ça il y a toutes les
technologies de l'information qui est une autre chose. Donc, quelle est la façon la plus efficiente et... Parce
que ça m'a fait un petit peu peur, là, parce que j'avais comme
l'impression que vous parliez de l'implantation d'un nouveau système, comme,
informatique, ou une chose comme ça. J'étais comme un petit peu craintif ou je
n'étais pas sûr de la recommandation. Donc, j'aimerais que vous élaboriez un petit
peu là-dessus.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Légaré.
Mme
Légaré (Francine) : Oui. En fait, il y a différentes façons qu'on
pourrait implanter un système uniforme. Déjà au niveau du calendrier de conservation, Bibliothèque et Archives
nationales du Québec publie des recueils de délais communs à l'ensemble des ministères et des
organismes. Donc, on pourrait, dans certains cas, au niveau du
calendrier de conservation, imposer les
mêmes délais pour les mêmes types de documents à chacun des ministères et des
organismes. Ça faciliterait de beaucoup le travail de chacun parce que ce
serait uniforme partout.
Au
niveau de la classification des documents, déjà la Loi sur l'accès prévoit que
les ministères et les organismes doivent
avoir un plan de classification et de le diffuser. Je crois qu'au niveau du
plan de classification on pourrait aussi tendre vers des structures à haut niveau qui sont identiques pour les
ministères et organismes, parce que chacun gère des ressources
financières, des ressources matérielles, des ressources humaines et tout le
volet administratif aussi de leur ministère. Alors, ils pourraient aussi, au niveau de la classification, avoir des classifications uniformes pour que le
repérage de ces documents-là se fasse de
façon beaucoup plus rapide et beaucoup plus simple. Parce
que ce n'est pas évident de naviguer
d'une structure à l'autre, d'un ministère à l'autre, quand on ne sait pas où chercher.
Alors, je crois qu'à haut niveau il
pourrait y avoir un niveau d'uniformité qui va toujours nécessiter des applications particulières, ne serait-ce que par la mission qui est
particulière à chacun des ministères ou des organismes, mais qui se
raccrocherait à un cadre général qui faciliterait le repérage, autant pour les
gens qui travaillent dans les ministères que les citoyens qui voudraient
s'adresser à ces ministères-là.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Maskinongé, 1 min 25 s.
M.
Plante : D'accord. Écoutez,
je comprends bien ce que vous nous dites, puis je ne veux pas vous mettre
dans l'embarras par ma dernière question, mais peut-être que vous allez pouvoir
me répondre. J'aimerais savoir, à votre connaissance, aujourd'hui, actuellement,
quel ministère ou quel organisme a la meilleure structure de gestion de ses
documents et si cette structure-là pourrait être importable dans d'autres ministères
ou organismes.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Légaré ou Mme Gagnon.
Mme Gagnon (Marie-Pierre) : Je ne
pense pas qu'on peut répondre comme ça à cette question-là, puis je ne pense
pas que c'est totalement importable d'un ministère à l'autre de par le fait
qu'évidemment, hormis la gestion humaine, financière, les communications, les grands éléments de gestion
de base qui sont communs à tous les ministères et organismes, et même à des organismes beaucoup plus petits, pour le
reste, c'est très spécifique. Par contre, ce qui serait déjà intéressant, c'est... On a l'obligation par
la Loi sur l'accès d'avoir un plan de classification, on a l'obligation par
le règlement à diffuser ce plan-là. Ce qui
deviendrait intéressant, c'est de voir peut-être en termes de reddition de
comptes si ces plans de classification là
sont vraiment implantés dans les différents ministères et organismes, tant pour
les documents papier que pour les documents électroniques. Et là je
pense qu'on pourrait être surpris des réponses qu'on aurait.
Le
Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Vous vous en êtes très bien sortie avec votre réponse au député de Maskinongé. Maintenant, le temps
accordé du côté gouvernemental est expiré. Je laisse la parole à Mme la députée
de Pointe-aux-Trembles pour 13 minutes.
Mme Léger : Oui, merci,
M. le Président. Bonjour, mesdames.
Je ne pensais pas m'intéresser autant à la question de la gestion des documents. Vous nous avez... en tout cas,
moi, vous m'avez passionnée, parce que votre rôle est méconnu, et vous travaillez dans l'ombre, dans les ministères
particulièrement ou dans les organismes publics, et, comme votre
travail, la fonction, le mandat, est en
décroissance, alors évidemment on ne voit pas nécessairement toute l'importance
du rôle que vous avez. Vous le
démontrez quand même assez clairement, parce que, dans votre mémoire,
quand vous parlez de la gestion
documentaire, qu'est-ce que c'est... Parce que la ministre
va poser la question. Oui, oui, effectivement, c'est quoi, la gestion documentaire?
Et je faisais
le lien quant à la décroissance, c'est peut-être parce que la gestion documentaire, c'est juste
documents papier puis que, là, aujourd'hui, on numérise, aujourd'hui, des documents électroniques, c'est... Alors,
probablement que votre fonction
n'était pas nécessairement en diminution à cause de ça, mais ce n'est pas ça
que vous nous répondez. C'est que
c'est autant... ça peut aller jusqu'aux textos, puis vous nous avez un peu
excités, là, quand vous nous avez dit ça, là, parce qu'évidemment c'est tous les courriels électroniques et les
courriels envoyés au ministre, comment qu'on gère tout ça? C'est évidemment qu'il
n'y a aucun ministère
qui a la même façon de faire, et ça vous donne l'occasion aujourd'hui vraiment
d'exposer cette problématique-là. Parce que, si je regarde, bien, dans la loi sur
l'accès à l'information, l'article 16 : «Un organisme public doit classer ses documents
de manière à en permettre le repérage. Il doit établir et tenir à jour
une liste de classement indiquant l'ordre selon lequel les documents sont
classés. Elle doit être suffisamment précise pour faciliter l'exercice du droit
d'accès.»
Et
l'explication que vous donnez dans votre mémoire dit vraiment... ou la problématique : «Les organismes publics [qui] invoquent de plus en plus souvent
l'inexistence de documents en réponse aux demandes d'accès», et parfois
même les documents qu'on va fournir ne sont pas nécessairement les documents
pertinents ou les documents qui répondent à la demande de l'accès à l'information.
Alors, je vois toute l'importance de la gestion des documents et de votre
travail.
Quel est le
lien que vous avez avec... le responsable d'accès à l'information dans un organisme
et vous comme responsable de la gestion des documents? À part de ce que
vous parliez tout à l'heure, d'un
comité possible où vous pouvez faire
partie, ça semble être inégal, là, mais ce lien-là est absolument important
entre le gestionnaire de documents et le responsable de l'accès à
l'information.
• (15 h 40) •
Le Président (M. Hardy) : Mme
Légaré.
Mme Légaré (Francine) : Bien, tout à
fait, et, encore là, ça varie d'un ministère à un autre. Dans certains organismes, le service de gestion documentaire est
au secrétariat général, souvent au même endroit où se trouvent les gens,
les responsables de l'accès à l'information.
Dans d'autres organismes, la gestion documentaire est vue comme étant
des gens qui manipulent des boîtes et du
papier, et ils sont dans des services de ressources matérielles ou de... un peu
partout, en fait. Mais ça ne veut pas dire
qu'ils ne sont pas bien connus dans leur ministère ou leur organisme, mais
souvent où ils se situent dans la
structure organisationnelle de leur ministère ou de l'organisme va faciliter
l'accès aux responsables de l'accès à l'information ou d'autres gens qui
pourraient vraiment les aider à mieux faire leur travail.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Mais, dans la loi à l'accès à l'information, l'article 16 dit qu'«un
organisme public doit classer ses documents»,
donc il y en a plein d'organismes publics ou de... qui ne classent pas
adéquatement puis qui contreviennent à cet article-là.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Gagnon.
Mme Gagnon
(Marie-Pierre) : En fait, ce n'est pas comme ça que je l'exprimerais.
Par rapport à la question que vous
avez posée précédemment, dans certains ministères, la personne qui est
responsable de l'accès est parfois aussi responsable de la gestion documentaire, ça facilite les choses dans ces
cas-là. Dans d'autres cas, lorsqu'il y a une demande d'accès à
l'information, on va interpeler les gens de gestion documentaire en fin de
course, lorsqu'on n'arrive pas à retrouver
le document, et ce qu'on évoquait dans notre mémoire, c'était un peu ça. Si le
document n'est pas enregistré institutionnellement,
pour un responsable de l'accès à l'information qui me demande à moi, comme
responsable de la documentation, où
est le document, s'il n'est pas enregistré institutionnellement, je ne peux
pas, moi, garantir que je vais réussir
à trouver l'information, même si elle existe quelque part dans l'organisation.
Ça, je pense que c'est un élément qui est important à avoir en tête.
Mais, pour répondre à la question que
vous posiez, bien, c'est ça, d'un organisme à l'autre, ça peut vraiment
être très variable. Je pense que tous les ministères et organismes font de gros
efforts pour classer de façon adéquate leurs informations, mais de là à
prétendre qu'un seul individu ou trois individus peuvent s'assurer que les
documents de 500 ou 600 collègues, dans
un ministère de plus grande envergure... classent tout en fonction du plan qui
est établi, bien là, ça devient un peu difficile, surtout si on n'a pas
en place un système de gestion intégrée qui permet de gérer des documents
papier et électroniques, par exemple.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée.
Mme Léger :
Donc, ça peut être réel qu'une demande d'accès à l'information, quand on leur
dit que le document n'existe pas, parce que
l'information qu'on a est celle-là, mais qu'en réalité peut-être elle peut
exister, mais, comme on n'a pas un
système de gestion intégrée ou qu'on n'a pas un système de classement qui
permet d'aller... d'avoir cette information-là, ça donne ce genre de
risque là ou ce genre de conséquence de ça.
Alors,
évidemment, il n'y a pas de directive... Il y a la Loi sur les archives, la loi
sur l'accès à l'information, d'autres types
de lois sur la documentation... des politiques de documentation administrative,
là, en tout cas, de ce que je peux voir, mais il n'y a rien d'uniforme
nécessairement, parce que chaque ministère a sa façon de faire.
Alors,
c'est sûr que, quand on arrive à réviser la loi sur l'accès à l'information,
puis le rapport quinquennal vous le
dit clairement, soit la recommandation... dans le rapport quinquennal, c'est la
recommandation 6 : «Inclure dans la loi une disposition
générale obligeant les organismes publics à créer des documents dans le but
d'étayer le processus décisionnel», réflexions,
délibérations, entre autres, sur le processus décisionnel, mais d'avoir
vraiment un système de classement adéquat pour qu'on puisse être
capables de repérer les documents.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Gagnon, Mme Légaré? Mme Légaré.
Mme
Gagnon (Marie-Pierre) : Oui, tout à fait, parce qu'on peut créer plein
de documents, mais, s'ils ne sont pas bien classés, s'ils ne sont pas
indexés, on ne les retrouvera jamais. L'avantage d'un système intégré
permettrait justement d'avoir au même
endroit les documents papier et électroniques. Et l'avantage d'avoir un
responsable de la gestion documentaire dans un organisme forcerait les
gens à s'y conformer.
Je
le disais tantôt pour les courriels, il y a certains courriels qui sont
conservés dans la boîte courriel, d'autres dans des systèmes de gestion documentaire. Mais, pour les papiers, c'est
pareil, il y en a qui conservent ça sur leurs disques durs personnels, il y en a qui le mettent sur des
serveurs partage, il y en a qui le mettent dans un système intégré, il y
en a qui impriment leurs documents puis qui
les mettent dans un classeur. Il y a autant de façons de faire qu'il y a de
gens, dans le fond, là.
Le Président
(M. Hardy) : Mme la députée.
Mme Léger :
Qui est responsable de la politique d'administration de la gestion des
documents? Qui qui est responsable au niveau de... c'est-u le Conseil du
trésor?
Le Président
(M. Hardy) : Mme Légaré.
Mme Légaré
(Francine) : C'est une politique qui émane de Bibliothèque et Archives
nationales. Donc, à l'époque, en 1985, c'était le ministère de la
Culture. Maintenant, Bibliothèque et Archives nationales a un statut plus
d'agence gouvernementale, mais c'est toujours sous leur gouverne.
Le Président
(M. Hardy) : Mme la députée.
Mme Léger :
En tout cas, si on réfléchit à comment s'assurer que la gestion des documents,
ou qu'il y ait système intégré de documents, soit quand même plus
uniforme que ce qu'on voit là puis être capables de répondre à l'accès à l'information d'une façon adéquate pour aller
retrouver un document, il y a un... La question de la ministre, elle était,
tout à l'heure, par rapport à ça, dans le
fond, qu'elle n'est pas responsable directement comme ministre par rapport à
ça. Mais il y a quelque part
quelqu'un qui doit donner le signal qu'il faut travailler ça dans l'ensemble du
gouvernement, dans les organismes publics. J'ai l'impression que ça
devrait être le Trésor, le Conseil du trésor parce que c'est des personnes responsables de créer la fonction. Elle existe, la
fonction, mais qu'elle soit... que cette fonction-là soit partout d'une
façon claire. Les critères ou la fonction
d'un gestionnaire de documents, ça doit peut-être venir du Trésor, vous ne
pensez pas?
Le Président
(M. Hardy) : Mme Légaré.
Mme Légaré (Francine) : Ça serait effectivement une bonne idée que ça
soit du Trésor parce que c'est quand même haut placé dans l'appareil gouvernemental, puis généralement les
directives du Conseil du trésor sont bien suivies. Notre souci, nous, comme on disait, c'est qu'il y
a beaucoup de gens maintenant qui oeuvrent en information. Il y a
l'accès à l'information, il y a les TI, il y
a la gestion documentaire. L'important, c'est que ces gens-là puissent se
parler, et trouver des façons communes de faire, et s'entendre sur les
objectifs d'une bonne gestion de l'information.
Le Président (M. Hardy) : Mme
la députée.
Mme Léger :
Est-ce que le gestionnaire, la personne responsable de la gestion des documents
et toutes les ressources informatiques et de
documentation numérisée... Est-ce que parfois ça peut être plus l'équipe
informatique d'un ministère qui
s'occupe plus de ces types de documents là et puis qui fait que les
gestionnaires de documents soient plutôt des gestionnaires de documents
de papier? Est-ce qu'il y a cette tendance-là dans...
Le Président (M. Hardy) :
Mme Gagnon.
Mme Gagnon
(Marie-Pierre) : Ce n'est pas comme ça vraiment que ça fonctionne sur
le terrain. Je dirais que souvent les
équipes de technologies de l'information vont s'occuper de l'outil logiciel ou
des technologies en tant que telles et moins du contenu. Nous, notre
responsable, c'est vraiment le contenu, l'information, mais dans l'esprit du contenu, puis habituellement les gens qui
s'occupent de l'information au niveau papier sont les mêmes qui
s'occupent de l'information au niveau
électronique. La problématique, c'est que, dans plein de cas, au niveau papier,
on a de l'expérience depuis des
années de comment ça fonctionne, on a des entrepôts effectivement, alors qu'au
niveau électronique, souvent, c'est beaucoup pris en charge par les TI,
mais moins... pas tant pour le contenu, mais pour comment vont être utilisés
les outils.
Alors, ce
qu'on souhaiterait, c'est être beaucoup plus impliqués lorsque c'est le temps
de prendre en charge ou de mettre en
place des systèmes qui permettraient de faire une gestion intégrée des
documents, de se positionner par rapport justement aux courriels, aux textos, à plein d'éléments. Et là les
décisions sont prises du côté des TI, et nous, après, bien, on fonctionne avec ce qui est mis en place, on est
moins impliqués directement. Et je pense que, peu importe qui prend la décision, pour moi, ce qui serait important, c'est
que le rôle de gestionnaire de documents
soit défini, qu'est-ce que ça implique,
et ça, dans les différents ministères et organismes. Et, même au niveau de
l'appareil gouvernemental, ce n'est pas tellement défini. On sait ce
qu'on attend des gens de technologies de l'information. Au niveau des gens de
gestion documentaire, c'est un peu moins clair.
• (15 h 50) •
.15415 Le
Président (M. Hardy) : Mme la députée, 35 secondes.
Mme Léger : Quelle est la
conséquence, et les risques, d'une mauvaise gestion des documents?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Légaré...
Mme Légaré (Francine) : Perte d'information...
Le Président (M. Hardy) : ...en
20 secondes.
Mme Légaré
(Francine) : Perte d'information, augmentation des coûts reliés à la recherche, reliés à la...
Si on ne trouve pas un document, des
fois on demande de le refaire. Donc, il
y a toujours des coûts d'associés
au fait de ne pas retrouver une information. Alors, je vous dirais que
c'est vraiment à ce niveau-là qu'il faut travailler.
Le
Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Le temps accordé à l'opposition
officielle étant expiré, maintenant je laisse la parole au deuxième
groupe d'opposition. M. le député de Borduas, pour neuf minutes.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Légaré, Mme Gagnon, bonjour. Merci d'être présentes avec
nous aujourd'hui. D'entrée
de jeu, je voudrais commencer à la
page 6, là, de votre mémoire, le point 2, Obligation
de documenter le processus
décisionnel. La Commission d'accès à l'information fait une recommandation, dit : Bien, écoutez, il faudrait, oui, documenter les consensus, la décision finale.
Mais par la suite, la recommandation 6, elle nous dit : Bien, il
faudrait documenter les réflexions, les délibérations, les mesures, les
décisions importantes.
Je serais
curieux de savoir : Au gouvernement
du Québec, là, pour arriver,
supposons, à une décision, est-ce
que ça passe par un outil informatique, que ça soit aux différents niveaux,
là? Est-ce que c'est documenté de façon informatique? Est-ce que vous travaillez avec un logiciel
quelconque? Je donne un exemple, là. Moi, dans mon ancienne vie, j'étais
à la ville de Montréal, puis on avait un
outil qui s'appelait la GDD, la gestion des dossiers décisionnels. Puis là
chacun des intervenants au dossier,
il fallait qu'il documente la décision qui explicitait pourquoi est-ce qu'il
recommandait ultimement vers le
conseil, ou vers le directeur de premier niveau, ou le chef de division, ou
tout ça. Est-ce que c'est la même chose ici, au gouvernement du Québec?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Légaré.
Mme Légaré
(Francine) : Non. Encore là, le processus de décision varie beaucoup
d'un organisme à l'autre. Dans
certains cas, le processus de décision se traduit par un procès-verbal ou un
compte rendu d'une réunion, qui, dans certains
cas, peut être détaillé, dans certains cas, l'est moins. Puis les conséquences
que ça a, au niveau de la gestion des documents
naturellement, quand on se fait poser des questions sur pourquoi cette
décision-là a été prise puis comment elle a été prise, des fois on ne
peut pas répondre parce qu'on n'a pas l'information nécessaire.
Et, quand on
disait qu'on s'occupe des trois cycles de vie de l'information, au niveau
historique de la chose, il va y
avoir, comment je pourrais dire ça, un peu une perte de mémoire à long terme
pour comment le processus décisionnel de
l'État était et comment ça fonctionnait, donc d'où notre intérêt à ce que ce
soit documenté. Parce qu'il faut dire que Mme Gagnon et moi, on a aussi deux formations en
histoire, alors c'est quelque chose qui nous interpelle aussi pour le
futur.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Je pense que Mme
Gagnon voulait rajouter quelque chose.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Gagnon.
Mme Gagnon
(Marie-Pierre) : Oui, en complément d'information, je dirais
qu'effectivement ce n'est pas à nous, je
crois, de déterminer comment devrait être fait le processus de prise de
décision puis comment les dossiers devraient être structurés ou créés, si c'est nécessaire de mettre
des gabarits, par exemple, pour s'assurer qu'on a toujours un ordre du
jour, un procès-verbal lorsque des décisions importantes sont prises. Notre
rôle à nous, c'est de prendre en charge les documents une fois qu'ils sont
créés. Donc, je pense que... Et cette prise en charge là devrait donc se
traduire par un enregistrement
institutionnel dans un système dédié à la gestion documentaire. Actuellement,
si vous faites le tour des ministères et organismes, certains ministères
n'ont pas ces systèmes-là.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député.
M.
Jolin-Barrette : Donc, ce
que vous me dites, c'est que c'est un peu à la va comme je te pousse, en
fonction de l'organisme ou du ministère. Dans
le fond, il n'y a pas de track préétablie, même quand qu'il y a un conseil
d'administration pour dire : Bien, au
niveau gouvernemental ou au niveau para, là, bien, ça va être : voici la
ligne. Puis, supposons, il y a un conseil d'administration, il y a une
prise de décision, bien, ça va être... il va y avoir le justificatif, puis ça
peut être juste un p.-v., de façon très succincte, là.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Gagnon.
Mme Gagnon
(Marie-Pierre) : En fait, je dirais, c'est aussi ce que le rapport
quinquennal dit. La Commission d'accès
à l'information le souligne : Dans certains cas, les décisions ne sont pas
documentées. Moi, je peux prendre en charge
des documents qui existent. Évidemment, si l'entente se fait de façon verbale, ça
devient plus difficile pour moi de faire mon travail, là.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député.
M.
Jolin-Barrette : Je comprends. Je vous dirais, c'est un peu inquiétant aussi qu'il n'y ait pas de processus puis qu'on ne connaisse pas les arguments qui mènent,
supposons, à la décision ultime, là, qu'il
y a de l'amélioration à faire au sein de l'État québécois.
Vous avez
parlé tout à l'heure du calendrier des archives. Là, ce que je comprends, c'est que ce n'est pas dans tous
les ministères et les organismes qu'il y a un calendrier qui dit, dans le fond : Bien, au bout de 10
ans, ces archives-là, on peut les
élaguer, supposons, ou ceux-là, il faut les envoyer, je ne sais pas, au
deuxième sous-sol puis que... tout ça. Dans le fond, à la grandeur de
l'État québécois, ce n'est pas uniforme, ça non plus, au niveau du calendrier
des archives.
Mme Gagnon
(Marie-Pierre) : En fait, la Loi sur les archives dit clairement que
chaque ministère et organisme doit mettre en place un calendrier. Ça, je
pense que, dans tous les ministères et organismes, ça existe. Est-ce que ce calendrier-là est semblable dans tous les
ministères? Non. Est-ce que, dans certains cas, il y a des révisions qui
devraient être faites de ces règles dans ces
calendriers-là? Tout à fait, parce que, pour plusieurs, ça date des
années 80, à l'époque on était uniquement en information papier.
Donc, maintenant, on ne répond pas tout à fait, là, pour ce qui est des éléments électroniques. Je pense que tous les
ministères ont le calendrier, mais est-ce qu'il est implanté de façon
égale dans tous les ministères? Ça, je n'affirmerais pas ça.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Puis
même chose, là, tout à l'heure, vous avez dit : Sur la base informatique,
c'est plus les TI qui s'en occupent
plutôt qu'un responsable de la gestion documentaire. Et là je comprends encore
une fois que chacun des ministères
là-dedans gère, au niveau informatique, de façon indépendante puis que... Dans
le fond, les serveurs, les bases de
données, tout ça, est-ce que, selon votre connaissance, c'est concentré à
travers les différents ministères ou c'est vraiment chacun des ministères qui contracte, supposons, pour avoir ce
serveur puis au niveau de l'archivage? Savez-vous?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Gagnon.
Mme Gagnon (Marie-Pierre) : C'est
chaque ministère qui est indépendant, là, oui, tout à fait.
M. Jolin-Barrette : Juste une sous-question.
Savez-vous si ça passe par le Centre de services partagés ou même pas...
Mme Gagnon
(Marie-Pierre) : Dans certains cas, oui.
M. Jolin-Barrette : Puis dans
d'autres, non.
Mme Gagnon
(Marie-Pierre) : Dans certains cas, ça passe par le Centre de services
partagés, effectivement. Je ne
pourrais pas affirmer, là, que c'est le cas dans tous les cas. Je sais qu'il y
a certains ministères et organismes où on gère l'ensemble du cycle de vie, puis je ne pense pas que ça passe par le
Centre de services partagés. Mais on s'entend que ce n'est pas les TI
qui vont gérer les documents électroniques, mais ils sont évidemment
responsables de l'appareil pour pouvoir...
pour permettre de le faire, et c'est là qu'on est souvent moins interpelés pour
nous assurer que ça répond bien à des besoins en termes de gestion
documentaire.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député, 1 min 35 s.
M.
Jolin-Barrette : Vous
parliez du fait que c'est important d'avoir des gens qui sont responsables spécifiquement
de la gestion des dossiers documentaires. Je
reviens à l'uniformité. Pour des gens qui travaillent comme vous en
gestion documentaire, le fait de ne pas
avoir de politique uniforme, comment ça se traduit dans le concret, au niveau de l'efficacité, au niveau de
l'efficience pour faire la gestion documentaire? C'est quoi, les conséquences à
ne pas avoir de politique uniforme?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Gagnon.
Mme Gagnon (Marie-Pierre) : Moi, je
dirais que c'est sûr que le fait de ne pas avoir quelque chose qui est uniforme, ça devient d'abord
plus difficile entre spécialistes dans le domaine de s'entraider d'un ministère
à l'autre, d'un organisme à l'autre.
Mais il y a un certain nombre de choses qui le sont,
uniformes. Tout le monde a les mêmes outils, tout le monde
a l'obligation d'avoir un plan, d'avoir un calendrier. C'est la
mise en place de ces outils-là qui n'est pas uniforme, parce que l'implantation
n'est pas la même partout, et, je dirais, l'importance qu'on accorde au rôle de
la gestion documentaire n'est pas la même partout non plus.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député, 25 secondes.
M. Jolin-Barrette : Donc, quand vous
dites «l'importance», dans le fond, c'est en fonction des priorités du ministère,
de la sensibilité, c'est ça?
Mme Gagnon (Marie-Pierre) : Tout à
fait.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Bien,
je vous remercie grandement d'avoir contribué aux travaux de la
commission.
Le
Président (M. Hardy) : Mme
Légaré, Mme Gagnon, je vous remercie pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
de permettre à M. Daniel J. Caron de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprise à 16 h 3)
Le
Président (M. Hardy) : Nous
reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à M. Daniel J. Caron. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.
M. Daniel J. Caron
M. Caron (Daniel J.) : Merci, M. le
Président. Mme la ministre, membres du comité, merci beaucoup de m'accueillir aujourd'hui. Alors donc, moi,
je suis professeur à l'ENAP, donc, j'ai une chaire de recherche sur
l'exploitation des ressources informationnelles, donc, sujet qui me passionne
depuis bon nombre d'années.
Alors, mes
efforts tournent autour justement de toutes ces questions d'accès, données
ouvertes, et aussi, j'en parlerai dans
mon exposé aujourd'hui, sur les implications du numérique, donc, dans le
fonctionnement de nos organisations, et toutes ces questions de transparence
et de gouvernement ouvert.
J'aimerais d'abord souligner la qualité du
rapport, donc, quinquennal, hein, qui donne encore une fois une belle occasion, qui ouvre la porte, finalement, à soulever de nombreuses questions et réflexions, en amont des constatations
comme telles, qui, elles, portent surtout
sur la fonction légale, en fait, de l'accès
à l'information pour les citoyens.
Pour un chercheur, ce que ça montre en fait,
c'est qu'il y a des problématiques
qui sont bien en amont, bien au-delà, qui vont bien au-delà de la simple
rédaction de la loi, ou, finalement, de la formulation, ou des articles qu'on
pourrait retrouver dans la loi.
Donc,
depuis deux, trois ans, en fait, la chaire de recherche, d'ailleurs, j'aimerais
souligner, qui est appuyée par la ville de Gatineau, donc, travaille sur
l'analyse, entre autres, des instruments, de tous les instruments de
gouvernance, c'est-à-dire toutes les lois,
les politiques. On est en train de regarder en fait tout ce qu'il y a au
Québec, au Canada et on a commencé
cet été à regarder l'Australie et la Grande-Bretagne pour voir un petit peu,
justement, toute l'instrumentation, lois
et instruments, donc, de politiques publiques et de politiques administratives,
donc, à l'interne des ministères pour voir un peu comment les choses
fonctionnent.
On s'intéresse aussi à regarder, à travers des
recherches-actions, donc, comment les ministères travaillent, les ministères
ou des organisations publiques en fait, lorsqu'ils
gèrent leur information et qu'ils implantent, mettent en oeuvre de nouvelles technologies d'information. Donc, on essaie de voir un
petit peu comment ces choses-là se
passent, toujours dans le contexte de la gestion de l'information.
Et finalement
le troisième grand volet de nos recherches porte sur les changements de
paradigme qui sont causés par le numérique, changements très, très importants
et dont on oublie souvent, en fait, toutes les conséquences sur la manière de
créer l'information, de la gérer, et ses usages, de l'exploiter. Alors, c'est
le modèle un peu qu'on utilise.
Et ce qui
m'amène, finalement, à quatre grandes constatations, dont je vous
fais part, là. Premièrement, les assises. Quand on analyse les différentes politiques et les différents
instruments qui sont en place, incluant la Loi sur l'accès, ou les politiques internes, donc elles sont généralement peu liées aux besoins institutionnels et aux besoins organisationnels, donc elles sont un petit peu éparses ici et
là. Donc, on ne sent pas que nos assises pour la Loi d'accès, par exemple, sont liées ou suffisamment liées à ce qui se passe dans la société et ce que la société
attend, finalement, d'un gouvernement
ouvert, par exemple. On voit qu'on a créé avec la Loi d'accès un canal, donc,
pour accéder à de la documentation physique, finalement. Donc, on n'est pas dans l'institutionnel, on est plus dans obtenir une documentation. Et ça, pour
moi, c'est très important.
Donc, les
assises doivent, à mon point de vue... devront éventuellement s'élargir pour
être capables de répondre à tous ces besoins institutionnels, qui sont
créés justement par les mouvements démocratiques, et aussi les besoins organisationnels.
Parce que ça, c'est l'autre difficulté, c'est que souvent on va parler d'accès...
Et on a fait des études justement en recherche-action qui ont montré qu'il y avait
des coûts à la transparence parce que les éléments de transparence sont mal définis. Donc, les gens à l'interne,
quand on les questionne, ils disent : Bien, je ne sais pas, est-ce que
c'est un document qui sera accessible, est-ce qu'il ne sera pas
accessible? Ça amène des comportements des fois qui ne sont peut-être
pas souhaitables, donc, de ne pas produire de l'information ou de ne pas la
consigner convenablement. Quand on
utilise un texto, les serveurs ne retiennent pas ces informations-là, donc on ne les a pas. Alors, ça pose un certain nombre de questions. Il
faut réconcilier dans ces assises...
Ce qu'on observe, en fait, c'est qu'il
faudrait réconcilier à la fois les besoins
organisationnels de décision, hein, et donc le besoin de discrétion, par
exemple, et les besoins institutionnels de gouvernement ouvert, donc
d'ouverture des données, donc, de partage de l'information.
Il faut
aussi, deuxièmement, je pense, penser l'information — et c'est ce que montrent, en fait, les
politiques, c'est que les politiques
ne le font pas — en flux
et non en stock. C'est-à-dire qu'on fait souvent allusion justement à
l'utilisation de papier, d'électronique. Et,
sous électronique, on a le courriel, on a un document attaché, on a le texto,
le «pin», etc., donc le document
comme tel n'existe plus en stock, il n'est plus arrêté. Avant, on avait ce
document qui disait : Bon, voici le
dossier. Maintenant, il se forme, il naît, renaît, s'efface et peut rebondir on
ne sait pas quand, parce qu'on le voit d'ailleurs dans les médias de temps à autre, donc on retrouve
de l'information. Alors, l'information ne circule plus de la même façon,
et il faut penser l'information dans ce
contexte-là. Donc, ça dépasse beaucoup simplement l'adaptation à une loi, ça
va profondément dans la manière dont l'État
fonctionne, dont l'organisation à l'intérieur de l'État est pensée, est
réfléchie.
Le troisième ingrédient qui m'apparaît évident
quand on fait nos recherches sur le terrain, c'est que nous n'informons pas l'algorithme. Alors, je vais
l'expliquer un petit peu. Les technologues travaillent un peu seuls.
Donc, on leur demande de changer un système
mission. On leur demande d'installer un nouveau logiciel, donc de mettre à
jour, de mettre à niveau, en fait, nos équipements informatiques. Mais ce sont
ces équipements informatiques qui aujourd'hui transportent
l'information, hein, ce sont nos outils de communication, ce sont nos outils de
transmission et aussi, en fait, d'archivage.
Donc, il faut que, derrière ces technologues, ou en fait à côté ou ensemble, on
ait un groupe de gens qui... Ceux qui
sont responsables de l'accès, ou de l'archivage, ou de la gestion documentaire,
etc., il faut qu'il y ait une collaboration beaucoup plus grande pour qu'on dise à l'algorithme ce qu'on veut. Parce
que, l'algorithme seul, bon, on peut le programmer, mais, si on ne lui
dit pas quoi faire, il ne fera pas ce qu'on attend de lui. Donc, il est
important que les technologies... l'architecture d'information soit conçue de
façon intégrale, de façon à ce que tous les besoins en information soient, en
fait, pris en considération.
• (16 h 10) •
Je vous donne
un petit exemple. On faisait une recherche — on travaille
avec un groupe, en fait, et ils sont en
train de mettre en place un système informatique — et on a posé la question aux
technologues : Bon, est-ce que vous avez pensé que peut-être que les données qui vont transiter à l'intérieur
de ce système seront des données ouvertes? Et ils nous
ont répondu : Non, non, ça, ce n'est
pas notre travail. Mais, si on ne pense pas en amont que ces données pourront peut-être être ouvertes, et on a besoin de direction pour être capable de le décider,
ça veut dire qu'on va être obligé de tout refaire le chemin après, le
chemin inverse, pour repenser la manière dont l'information a été créée et
revoir toute la procédure. Donc, c'est très coûteux, et on ne bénéficie pas, à
mon point de vue, de ce que la technologie peut nous donner.
Le
dernier point que je vais soulever, donc, c'est... et là je ne l'avais pas
touché directement dans mon mémoire, mais, en fait, c'est toute la question qui est soulevée dans le rapport sur la question
de la protection des renseignements personnels.
Et je veux simplement mentionner que les nouvelles technologies, en
fait, amènent beaucoup de possibilités pour diminuer l'asymétrie d'informations, donc, entre les différentes personnes, que ce
soit l'assureur, l'assuré, on le voit. Et
donc il va falloir qu'il y ait une réflexion. Il n'y a pas de réponse immédiate à ça, mais il va devoir y avoir une
réflexion, parce que les technologies ne feront que
progresser dans ce sens-là, permettront de diminuer, donc, cette asymétrie
d'informations entre les personnes, et certains voudront participer à tout ça,
d'autres pas.
On a vu récemment le
Fitbit, là, qu'on peut mettre à son bras et qui est connecté à son assureur, et
qui sait exactement ce qu'on fait comme
exercice, et donc qui peut diminuer ses primes, ou on avait Ajusto, ou
d'autres, et ça, ça va poser
d'énormes questions au niveau de qu'est-ce qu'on fait avec cette information.
Et il faudra avoir une réflexion, en fait,
au niveau de la société, pour décider dès maintenant qu'est-ce qu'on veut faire
avec tout ça, parce que ça va ne faire que croître. Et, cette asymétrie
d'informations, donc, les technologies vont permettre de la réduire
constamment. C'est ce qu'on fait d'ailleurs avec la transparence, on donne plus
d'informations aux citoyens, etc.
Donc,
je pense qu'il est important, dans la réflexion que vous faites autour de
l'accès... L'accès doit être clarifié, fonctionné
de manière fluide, à mon point de vue, car, et ça, c'est important, s'appuyer
sur une bonne documentation, c'est plus que la transparence, c'est
aussi, en fait, un antidote à la corruption et un levier à l'efficience
organisationnelle.
Il ne faut pas
oublier qu'on est en organisation pour justement réduire nos incertitudes et
avoir une meilleure compréhension des
différents enjeux. Donc, je pense qu'il va falloir qu'on réfléchisse peut-être
plus globalement à toutes ces questions d'information et peut-être
quitter un peu notre côté un peu parcellaire de la façon d'approcher ces
questions. Merci.
Le Président (M.
Hardy) : Merci, M. Caron, pour votre exposé. Nous allons maintenant
débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour
22 minutes.
Mme de
Santis : Merci beaucoup, M. le Président. M. Caron, merci beaucoup
d'être présent. Je me rappelle quand vous
avez fait votre présentation lors de l'étude sur les orientations, vous nous avez causé... vous nous avez bousculés un peu et vous nous avez demandé de réfléchir peut-être,
à ce moment-là, à des choses auxquelles on n'avait pas
réfléchi, et peut-être depuis on y pense un peu plus. Alors, aujourd'hui, vous avez commencé en parlant d'élargir les
assises, lier les assises. C'est quoi, les assises?
Le Président (M.
Hardy) : M. Caron.
M.
Caron (Daniel J.) : Alors,
les assises dans les recherches que l'on mène nous amènent à, en fait, trois
grands thèmes. D'abord, les assises institutionnelles, c'est-à-dire la
démocratie. Je regardais ce que... En fait, un ex-ministre islandais
intervenait récemment à propos de l'importance justement d'assurer que les
institutions répondent bien aux exigences
sociales, sinon on se retrouve avec des WikiLeaks qui sont dommageables, en
fait. Si on le fait de cette façon-là, ce
n'est peut-être pas la bonne manière d'être transparents. Donc, c'est des
assises institutionnelles. On parle de données ouvertes aussi de ce
côté-là. Donc, la société le souhaite. On peut le faire.
Mais en même temps, deuxième assise, deuxième
thème, on parle d'organisation, hein? De l'honnête dissimulation, on pourrait dire. Donc, il est important que
l'organisation puisse fonctionner elle aussi, donc pas complètement
ouverte. Donc, il y a des choses qui doivent
se discuter, qui doivent être peut-être à huis clos à certains moments donnés.
Mais il faut le décider. Il faut que ce soit annoncé. Il faut que ce soit
clair, donc, de sorte que l'organisation puisse fonctionner.
Quand
on a fait notre étude sur les coûts de la transparence, ce qu'on a réalisé,
c'est que les gens sont inquiets parce qu'ils
ne savent plus est-ce que ça sera accessible ou non, etc. Qu'est-ce qu'on
discute? Qu'est-ce qu'on note? Bon. Donc, ce sont des questions tout à fait légitimes. On est en organisation.
Donc, deuxième assise, les besoins organisationnels.
Et
la troisième... Troisième thème de ces assises à mon point de vue, c'est les
assises sociotechniques, c'est-à-dire qu'est-ce que nous permet la
technologie, qui évolue à une rapidité incroyable, et donc il faut en tenir
compte, et qui outille la société aussi. On s'entend que la société, donc, les
gens dans la société sont de plus en plus outillés, ont des applications, souhaitent avoir des applications,
et donc travaillent de plus en plus avec ces instruments-là. Et ça
change leur comportement, ça change leurs attentes aussi par rapport à ce que
l'État fera.
Donc, ce sont les
trois assises. Donc, il faut élargir, dans le sens où il faut peut-être ne plus
voir l'information simplement comme de la
documentation, qui est une vision peut-être un petit peu physique de la chose.
Il faut le voir d'une façon beaucoup plus grande et se redonner des
objectifs en fonction des volontés institutionnelles, organisationnelles et du
contexte sociotechnique.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme de Santis :
Ça, c'est élargir les assises. Maintenant, comment les lier? Parce que vous,
vous avez parlé de lier les assises.
Le Président (M.
Hardy) : M. Caron.
M.
Caron (Daniel J.) : Oui, je pense qu'il est assez, j'ai presque envie
de dire, facile de le faire, en ce sens où, en fait, nos organisations
publiques fonctionnent à l'intérieur de nos institutions, donc, une fois qu'on
a décidé où les institutions s'en vont...
Et, quand je parle d'institution, je pense, par exemple, aux déclarations que
les gouvernements ont faites au cours
des dernières années par rapport au gouvernement ouvert, donc qui sont de
grandes initiatives, donc, pour assurer que le gouvernement allait être
transparent, que ses données allaient être ouvertes, etc. Donc, ça, ce sont, au
niveau institutionnel, des assises qui sont assez claires.
Une fois qu'on a ça,
ça veut dire que les instruments à l'intérieur des organisations, qu'on pense à
toutes les organisations publiques, à commencer évidemment par les institutions
centrales comme le Secrétariat du Conseil du trésor, qui
donne, finalement, le cadre opérationnel, donc, à l'administration publique...
Donc, que l'on soit capable d'indiquer aux
ministères : Voici comment on peut procéder, comment vous devriez procéder
pour qu'à la fois vous soyez capable
de fonctionner comme ministère... Hein, si vous êtes, par exemple, à la
Sécurité publique, il y a des choses qui vont être plus confidentielles que d'autres. Et donc chaque ministère a ses
spécificités. Donc, on doit le regarder sur ce plan-là aussi, mais
l'accrocher, si je puis dire, s'assurer qu'on l'accroche aux volontés de
gouvernement ouvert, aux volontés institutionnelles.
Et on travaille toujours, évidemment, sur le plan sociotechnique, je pense que
c'est plus facile de le faire, là, avec les moyens technologiques que
nous avons.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme de
Santis : Vous énoncez que les modifications législatives ne suffisent
pas pour établir un cadre documentaire conforme, à jour et efficient. Est-ce
que vous pouvez dire... avantage?
Le Président (M.
Hardy) : M. Caron.
M.
Caron (Daniel J.) : Oui. La loi est nécessaire, bien sûr. La loi,
c'est un outil qui permet et qui garantit, donc, aux citoyens un certain nombre d'éléments, un certain nombre de choses.
Cependant, ça ne garantit rien par rapport à ce qui se passe à l'intérieur des ministères. Et c'est là que j'ai un
questionnement, à savoir, dépendant des politiques que nous avons à l'intérieur des ministères... On a
analysé toutes les politiques du gouvernement du Québec — donc on va préparer un rapport de recherche — et une dizaine de ministères, donc, et, pour
la plupart, en fait, on était un peu étonnés. C'est assez superficiel. Il n'y a pas beaucoup de moyens et il n'y a pas
beaucoup non plus, je dirais, de direction qui est donnée pour assurer,
justement, que l'information, la documentation est bien faite, bien construite,
complète et éventuellement accessible. Ça ne
veut pas dire de tout garder, mais ça veut dire d'avoir des lignes directrices,
donc, qui seraient assez claires pour
qu'un nouvel arrivant, un nouveau fonctionnaire, donc, comprenne quelles sont
ses obligations selon le poste qu'il occupe. Alors, c'est ce qui est
nécessaire.
Donc,
il faut aller dans les ministères. La loi comme telle n'est pas suffisante. Ce
n'est pas un outil qui est suffisant. Il faut qu'il s'accroche, il faut
qu'il y ait une cohérence avec les outils internes.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme de
Santis : Est-ce que vous avez un exemple de système d'information
permettant une gestion documentaire
efficiente, rigoureuse, conforme, etc.? Parce que j'entends les mots et je
voudrais être capable de saisir et de comprendre. Alors, est-ce que vous
avez un exemple pour moi?
Le Président (M.
Hardy) : M. Caron.
• (16 h 20) •
M.
Caron (Daniel J.) : Oui. En fait, bien, ce sera un exemple que je
pourrais vous donner, un exemple fictif. Si on regarde ce qui se passe ailleurs, non, il n'y a pas d'exemple. En
fait, il n'y a pas de... Tout le monde travaille un peu dans la même direction. Je dirais que les
Australiens et les Britanniques avancent peut-être un petit peu plus
rapidement. Quand on regarde les normes ISO, il y a des choses intéressantes
aussi.
Est-ce
que les gens ont mis en place des choses? Je dirais que, pour l'instant, on n'a
pas repéré de système qui serait
vraiment bien conçu. Parce que, généralement, on travaille en aval,
c'est-à-dire qu'on donne des messages, donc, qui concernent l'interface entre l'État et la population, mais on ne va
pas jusqu'à, je dirais, contraindre l'administration, donc, avec, par
exemple, ce que dit le rapport et qu'on a mentionné plusieurs fois,
c'est-à-dire l'acte documenté.
Moi, je vous dirais
qu'une chose qui fonctionnerait bien sur le plan institutionnel et qui serait
complètement efficiente, cohérente et donc
rigoureuse, ça serait... Prenons l'exemple des données ouvertes, parce que
c'est plus simple, mais, si on dit qu'un ministère crée un certain type
de données, si nous savons dès le départ que ces données seront accessibles, à l'interne on va les créer en
fonction de cette accessibilité-là. Donc, on créera une base de données,
donc, qui ne sera pas obligée d'être revue
constamment pour des questions d'anonymat, ou etc. Donc, on le fera dès le
départ. De la même façon, pour la
documentation qui est produite au niveau d'un dossier ou d'une question de
politique publique, donc on peut dès maintenant s'entendre avec des
normes documentaires qui viendront s'accrocher, donc, à cette volonté de
transparence et d'accès à l'information.
Si
vous me permettez, je vais tout simplement rajouter que ce qui est important,
je pense, dans la transparence, c'est
que la population sache qu'il y a bel et bien documentation et ce à quoi elle a
accès. Ça ne veut pas dire d'avoir accès à tout. Il y a des documents du cabinet, on est d'accord, le Conseil des
ministres, tout ça, ce sont des choses qui sont protégées.
Le Président
(M. Hardy) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : Alors, quand vous faites référence au flux informationnel
qui devrait être encadré par des règles le prenant en compte dès sa création jusqu'à son exploitation, j'aimerais
que vous parliez un peu plus de cela, mais aussi est-ce que cela
comprend la destruction de l'information?
Le Président
(M. Hardy) : M. Caron.
M.
Caron (Daniel J.) : Oui, tout à fait. Et, quand je parle des usages,
donc... Parce que je vois trois temps : la création, donc, la gestion et l'exploitation. On ne peut plus, je
pense... Avec les technologies d'aujourd'hui et ce qu'on observe dans les politiques, c'est qu'elles n'ont
pas fait ce bond encore pour aller rejoindre le monde numérique où on ne
peut plus séparer, en fait, les trois
moments, c'est-à-dire qu'on crée de l'information qui devra être gérée selon,
justement, la sécurité requise, l'anonymat et ensuite les usages, qui incluent
effectivement la destruction. Actuellement, il y a une paralysie dans les différents gouvernements, donc ce n'est pas
simplement au Québec, c'est qu'on ne sait plus qu'est-ce qu'on peut
jeter et qu'est-ce qu'on ne jette pas, donc on crée, on garde, et puis les
serveurs, donc, deviennent assez volumineux,
et il y a de l'information là-dedans qui est probablement totalement inutile.
Donc, on serait mieux d'avoir quelque
chose d'un petit peu plus rigoureux, donc, à partir de la création jusqu'à
l'exploitation. Et c'est ça, la gestion de l'information, dans le fond,
c'est d'être capable de gérer ce flux informationnel par rapport aux questions.
Donc, si on est dans le développement d'une politique publique, qu'est-ce que
je dois créer et à quels usages?
Le Président (M. Hardy) : Mme
la ministre.
Mme de Santis : Vous parlez aussi
d'un cadre global. C'est quoi, un cadre global, là-dedans?
Le Président (M. Hardy) :
M. Caron.
M. Caron (Daniel J.) : Oui.
Pour moi, ce cadre global inclut ce que je viens de dire d'abord, donc cette conception, cette vision globale de l'information.
Et ça veut dire aussi une gouvernance intégrée, c'est-à-dire que je
pense qu'avec les années il va falloir repenser la manière dont on a organisé
les fonctions responsables de la gestion de l'information,
parce qu'on a des gens aux archives, on a des gens en technologie, on a des
gens en accès à l'information, en
fait, toutes ces personnes travaillent autour d'un même élément, d'une même
richesse, donc, qui est l'information, et ce cadre global devrait avoir justement pour mission de s'assurer qu'on a
bien intégré création, gestion, exploitation, et aussi qu'on met ensemble les forces vives pour que cette
gestion de l'information, donc, soit bien faite, donc, de la création
jusqu'à l'usage.
Le Président (M. Hardy) : Mme
la ministre.
Mme de
Santis : Dans votre rapport aussi, vous énoncez qu'il ne faut pas
catégoriser l'information et les données selon le type de support ou selon la nature des informations. Est-ce
qu'il n'y a pas des exigences documentaires distinctes selon la nature
des informations?
Le Président (M. Hardy) :
M. Caron.
M. Caron (Daniel J.) : Oui. Je
pense qu'il faut être prudent par rapport à ces questions, donc. Et, quand je pense à support, donc, on peut penser papier
versus électronique, mais, en fait, c'est par rapport à des thématiques. Si vous avez
une conversation comme ministre par
rapport à un enjeu de politiques
publiques, donc, c'est toute cette conversation qui est intéressante, qu'elle ait lieu, dans vos fonctions j'entends,
sur papier, qu'elle ait lieu au téléphone, donc peut-être qu'il y aura une prise de notes qui devrait
suivre, qu'elle soit par texto. Alors, c'est dans ce sens-là, je pense, qu'il
faut regarder l'information comme étant un
flux, et non pas simplement un stock. C'est un ensemble d'éléments qui
forment le dossier aujourd'hui, contrairement à il y a 30 ou 40 ans.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme de Santis : J'aimerais, sur le
plan pratique maintenant... O.K. Qu'est-ce qu'il faut faire pour arriver au
point que vous suggérez? Parce qu'il y a beaucoup de cheminement à faire avant
qu'on arrive là. Et c'est quoi, vos propositions pratiques?
Le Président (M. Hardy) : M. Caron.
M. Caron
(Daniel J.) : Oui. Alors,
ça, c'est une question délicate parce
que ça touche à l'organisation du travail, évidemment. Je dirais que, concrètement, je pense qu'il
faut revoir justement les rôles et responsabilités à l'intérieur du gouvernement, et ça
commence avec le Secrétariat du Conseil du trésor, avec, donc, le rôle du
dirigeant principal de l'information, le rôle des gens de l'accès, le rôle des gens
des archives. Donc, tout ça doit être repensé, refondu ensemble. Concrètement, c'est ce qui va mener possiblement à avoir une vision complète,
intégrée, et, en fait, pratiquement, de gérer l'information à l'ère
numérique.
Donc, tant et
aussi longtemps qu'on aura des efforts qui sont séparés, qui sont segmentés, ça
va être extrêmement difficile
d'arriver, justement... concrètement, d'arriver à cette gestion de
l'information. Donc, il faut mettre concrètement tous ces gens-là ensemble. Et je crois que certains ministères
commencent à le voir de cette façon-là aussi au Québec. Donc, ils ont commencé à regrouper autour soit de
l'informatique, etc., mais tous ces gens qui... de sorte qu'ils puissent
travailler ensemble pour qu'on développe la
gestion de l'information, donc, avec ses outils, ses usages et, il restera
toujours, donc, ses exigences de
création, qui... Bon, ça prendra probablement aussi des décisions. Est-ce qu'on
doit avoir des normes documentaires
selon les postes qu'on occupe, de façon à créer la bonne information? Ça reste
à voir. Mais moi, je pense que ça commence au niveau de cette gouvernance, donc, ramener les
instruments ensemble. Donc, il y a beaucoup de lois, hein, je ne sais
plus combien j'en ai recensé, mais il y en avait beaucoup qui touchent à
l'information, et donc les ramener ensemble et les amener sous une gestion
commune, donc, et non pas le diviser, comme on l'a actuellement.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme de
Santis : Vous avez abordé la question de la protection des
renseignements personnels. Il y a toute une question sur le consentement et la protection des renseignements
personnels. Je ne suis pas convaincue que le consentement qu'on donne chaque fois qu'on clique sur
«j'accepte» soit vraiment un consentement éclairé. Alors, je vous pose la
question à vous : Quoi faire pour s'assurer que le citoyen ou le
consommateur comprend exactement ce qu'il fait quand il clique sur «j'accepte»?
Le Président (M. Hardy) : M. Caron.
M. Caron
(Daniel J.) : C'est une question qui va venir, en fait, probablement,
je l'espère, avec les années, donc, à
travers le système d'éducation, que les gens soient sensibilisés à ces
questions-là. Je suis entièrement d'accord avec vous, parce que, bon, il suffit d'avoir une mise à jour
de ces bidules à Apple pour savoir que personne ne lit 50, 60 pages,
donc, mais tout le monde accepte. Donc, on ne sait pas ce qu'il y a dedans.
Alors, c'est très clair.
Alors,
comment faire? Est-ce qu'on veut réglementer pour simplifier? Ça, c'est une
possibilité. Mais en même temps je pense qu'il y aura une partie qui
devra venir aussi des citoyens, de l'éducation. Donc, à travers une bonne éducation, les citoyens devraient être
sensibilisés, donc, à ces différents enjeux et savoir ce que signifie, donc,
accepter de partager ces renseignements ou accepter qu'un site a des cookies,
ou etc. Donc, ce sont des terminologies, pour la majorité des gens qui souhaitent accéder à une information, qu'ils ne
comprennent pas. Alors, ça va venir en grande partie par l'éducation, ça
va être très difficile, je pense, de réglementer, mais il peut y avoir quand
même un cadre qui peut être appliqué.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme de
Santis : Si on ne peut pas réglementer, qu'est-ce qu'on doit faire? Et
aussi est-ce qu'on est en retard, très en
retard? Parce que vous parlez d'éduquer, sensibiliser. Ça, ça prend du temps,
ça prend des années. Et on est rendus à un certain moment, dans le monde numérique et dans l'application des
technologies d'information, où c'est autour de nous. On accède déjà à
beaucoup de renseignements en cliquant sur l'accès. Est-ce que c'est trop tard?
Le Président (M. Hardy) : M. Caron.
• (16 h 30) •
M. Caron
(Daniel J.) : Non, je pense qu'il n'est jamais trop tard. Et, comme je
le disais un peu plus tôt, comme les technologies vont aller toujours en se développant davantage, elles vont devenir de plus
en plus subtiles, et on en aura de moins en moins... on en sera de moins
en moins conscients. Donc, on accepte certaines choses. C'est d'ailleurs le cas
maintenant, souvent, avec des applications,
même dans les voitures. Parce qu'on cherche une direction, ou quoi que ce soit, donc, on accepte d'être
localisé, etc.
Alors, je
pense qu'on peut travailler la réglementation. Il y a une problématique aussi de frontières, hein, on
le sait. Donc, les compagnies sont des
compagnies qui sont sans frontières. Donc, ça, c'est difficile. Mais je pense
qu'il n'est jamais trop tard pour commencer à éduquer les citoyens.
Et je crois qu'il y a des efforts à faire. Il s'en fait dans certains autres
pays, et ça, c'est certainement quelque chose qui peut démarrer et qui est
essentiel. Donc, que les citoyens soient bien informés, responsabilisés
par rapport à ces questions-là, je pense que ça, c'est une avenue très
importante qu'il faut poursuivre.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme de
Santis : Est-ce que vous croyez que vraiment le citoyen trouve que
c'est important? Parce qu'on veut accès
à un service, on veut accès à une application et on réfléchit très peu avant de
payer le prix. Payer le prix, ce n'est pas en dollars, mais c'est en
cliquant le «J'accepte».
Le Président (M. Hardy) : M. Caron.
M. Caron
(Daniel J.) : Alors, est-ce que le citoyen... Vous avez raison de dire
que le citoyen, en fait, n'y verra rien jusqu'à tant qu'il y ait une
conséquence négative qui se produise. Mais justement c'est de développer, dans
cette éducation, le réflexe de questionner.
Donc, quelles sont les conséquences de telle ou telle chose? On peut
réglementer un certain nombre de choses,
mais on ne peut pas tout réglementer. Donc, ça sera au citoyen aussi de se
prendre en main.
Quand on
voyait l'exemple, la semaine dernière, je crois, ou il y a deux semaines, sur
les Fitbits, donc les bracelets qui
permettent de suivre l'activité physique d'un individu, donc, ça a fait débat.
Parce qu'il y a des gens qui disent : Moi, je suis preneur parce que ça baisse ma prime
d'assurance, donc l'asymétrie d'informations entre moi et mon assureur
est moins grande, il sait ce que je sais,
puis... Et donc on est capable de s'assurer de ça. D'autres seront pris par
tout ça. Donc, il faut que les gens soient capables de se poser les
bonnes questions avant de cliquer.
Le
Président (M. Hardy) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : On n'a que deux minutes. Est-ce qu'il y a un dernier
message que vous voudriez faire, avec lequel vous voulez nous laisser?
M. Caron (Daniel
J.) : Moi, j'aurais envie de vous dire...
Le Président (M.
Hardy) : M. Caron.
M.
Caron (Daniel J.) : Si vous me permettez, j'aurais envie de vous dire que je pense que ça
prend une réflexion plus globale sur l'information, au XXIe siècle. Je
ne sais pas comment le faire, un groupe de travail, un groupe de réflexion, mais qui regarderait ces questions-là
justement à partir des différentes assises organisationnelles,
institutionnelles et sociotechniques.
Donc,
on le fait beaucoup à la pièce, c'est un petit peu ce que je trouve qui est
dommage, et c'est très difficile de réconcilier
ces morceaux-là. Donc, on peut changer une politique, on peut changer une loi,
mais en fait c'est l'ensemble qui doit
être revu, pour assurer cette cohérence-là. Donc, si on veut vraiment... Parce que
c'est inévitable, on continue donc dans
cette voie du numérique et des technologies numériques, donc je pense qu'il est
important qu'on se prépare. Et il n'est jamais trop tard pour se préparer sur ces choses-là. On va avoir les
voitures électriques, etc., donc toutes ces choses vont changer nos vies, encore. Donc, je crois qu'il y a
une réflexion, et c'est toujours autour de l'information, c'est
l'information derrière tout ça. Donc, je
pense qu'un groupe de travail, un groupe de réflexion qui pourrait amener
certaines recommandations serait certainement quelque chose qui serait
utile.
Mme de
Santis : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Donc, je cède la parole au groupe de l'opposition officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles,
à vous la parole pour 13 minutes.
Mme Léger :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Caron, bienvenue à ces auditions publiques.
La première question, je voudrais revenir
sur le cadre global, parce que, dans «cadre global», lorsque,
dans votre mémoire, vous dites que...
«...j'entends l'accès, la divulgation proactive tout aussi bien que les données
ouvertes. Lorsque le rapport quinquennal suggère "une gouvernance et un cadre à
définir" en conclusion de la section sur les données ouvertes, il ne
pourrait mieux dire. Toutefois,
c'est un cadre global pour l'ensemble de la production documentaire — informations
et données — qui
est nécessaire.» Et ensuite vous parlez un
peu des règles de gestion de ça. Vous avez dit tout à l'heure que c'était de
la création à l'usage. Donc, pratiquement,
dans un organisme public, comment vous voyez cette résolution-là
de problème, parce que c'est quand même une problématique, de s'assurer
de ce processus-là de gestion d'un document?
Le Président (M.
Hardy) : M. Caron.
M. Caron (Daniel
J.) : Oui. Alors, merci. La façon de le faire, à mon point de vue, je
l'ai mentionné sans le définir, c'est
d'avoir des normes documentaires, c'est-à-dire qu'on ne peut pas... Si on le pense au niveau
global d'une organisation, évidemment, ça a l'air énorme, c'est un chantier qui est
très grand. Cependant, quand on occupe un poste dans l'Administration, on a certaines responsabilités, on joue
certains rôles, on a des fonctions, et donc on peut... Et d'ailleurs les
normes ISO internationales, là, 15489
pour ne pas la nommer, donnent des réponses à tout ça, pour dire : Bien,
écoutez, vous devez créer certains documents
d'activité, bon, etc. Donc, c'est à ce moment-là et c'est au niveau plus micro, en fait, qu'on peut demander à l'organisation de s'assurer que chacun des cadres de l'organisation a un plan
documentaire avec ses normes, comme
on le fait pour les finances, comme on le fait pour les ressources humaines. Donc, pourquoi on n'aurait pas un plan documentaire qui dirait,
par exemple : voici la façon dont ce secteur de l'organisation documente?
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée.
Mme Léger :
Donc, c'est une politique de gestion des documents que vous suggérez.
M.
Caron (Daniel J.) : De l'information plus globale, c'est-à-dire quels sont les actes que vous allez
documenter. Donc, si vous êtes dans un
secteur de développement de politiques publiques, donc, ou de... Prenons, par exemple, je ne sais pas, moi, sur la
criminalité, bon, bien, vous allez dire : Voici comment mon secteur, moi,
documente l'information. Alors, il y a
des réunions, il y a des conversations. Donc, c'est le principe du
dossier mais qui n'est pas physique, qui est bâti autour de l'ensemble des supports que l'on peut utiliser, parce qu'on utilise beaucoup la technologie, donc,
mais on utilise encore le papier. Donc, c'est un mixte.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée.
Mme
Léger : Quel est le lien avec l'accès à l'information? Parce
que tout à l'heure on a rencontré les gestionnaires de documents, puis
un des éléments qu'ils disaient, c'était souvent une existence de documents au
niveau de faire... lorsqu'on fait des
demandes d'accès. Alors, quelle est, pour vous, la... Comment cela, ce que vous
apportez, solutionnerait cet accès-là aux documents?
Le Président (M.
Hardy) : M. Caron.
M. Caron
(Daniel J.) : Si vous avez des normes documentaires, la première
chose, c'est que ces normes... Moi, mon
credo là-dessus a toujours été que les normes devraient être publiques. Donc,
les normes documentaires publiées nous
diraient que, dans tel secteur ou dans tel ministère, à tel endroit, il y a tel
type de documentation qui existe, tel type de dossier. Donc, on documente de telle façon. Ça, c'est la première chose.
Donc, on sait que ça existe, c'est moins une partie de pêche. Et donc, normalement, ça devrait
exister. Actuellement, en fait, il n'y a personne qui oblige, ou très peu.
En fait, il y a les ordres professionnels,
il y a certaines obligations. Alors, ce que ça permettrait, c'est de savoir ce
qui existe. Et ensuite il reste à décider ce qui est ou non accessible.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée.
Mme Léger :
Je veux revenir sur la primauté de l'intérêt public. J'ai beaucoup lu sur
l'intérêt public, qu'est-ce qui est
l'intérêt public, quand est-ce que c'est la primauté de l'intérêt public,
qu'est-ce qui est le bien commun, quelle est la responsabilité gouvernementale de protéger l'intérêt public. Ce n'est
pas simple. Ce n'est pas simple. Vous en parlez. Vous parlez, entre autres : «C'est très bien, et le rapport
rappelle, pour ne pas dire insiste avec justesse et d'entrée de jeu sur la notion de la primauté de l'intérêt public — ce que le rapport nous parle. Jusqu'ici, les
réflexions et même les recherches sur la transparence se sont beaucoup
penchées sur cette dimension de l'enjeu, soit sa dimension démocratique...»
Pouvez-vous élaborer?
Le Président (M. Hardy) : M. Caron.
M. Caron (Daniel J.) : Oui. Alors,
justement, ça revient à cette nécessité de gérer l'information aussi pour l'organisation, c'est-à-dire que l'intérêt public,
c'est aussi que l'organisation, le ministère, l'agence soit bien géré.
Donc, il faut s'assurer que...
On a regardé
beaucoup toute la littérature. En fait, quand je travaille, on fait des revues
de littérature sur ce qui se passe au
niveau de la transparence, les données ouvertes, etc. C'est beaucoup :
donnez-nous l'entrepôt, on veut avoir toute l'information. C'est bien, mais en même temps les gens me disent, dans
mes recherches sur le terrain : Oui, mais il y a des choses qui
nécessitent un peu plus de discrétion, dans l'intérêt public. Ce n'est pas
nécessairement une bonne chose que tout soit
divulgué en tout temps, tout le temps. Donc, l'intérêt public, c'est
effectivement très difficile, c'est un équilibre. C'est un débat qui va, à mon point de vue... qui
doit, en fait, constamment avoir lieu, évoluer, etc., donc en fonction
des nécessités et des différentes situations.
Alors, ce
qu'il faut, c'est trouver justement cet équilibre entre qu'est-ce que je donne,
qu'est-ce qui est important pour la population et qu'est-ce qui est
important pour l'organisation.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée.
Mme Léger :
Alors, qu'est-ce que c'est, pour vous, la définition de l'intérêt public? Et
qu'est-ce que c'est, pour vous... Quand c'est, pour vous, la primauté?
Le Président (M. Hardy) : M. Caron.
• (16 h 40) •
M. Caron
(Daniel J.) : Oui. Alors, l'intérêt public et la primauté de l'intérêt
public, pour moi, ce que ça veut dire, c'est
que les institutions vont perdurer et fonctionner, donc, selon le régime que
nous nous sommes donné, donc un régime démocratique, et en même temps
que les organisations vont être capables de fonctionner aussi de façon
efficiente et efficace. C'est dans l'intérêt
du public que nos organisations fonctionnent bien, et ça peut vouloir dire,
donc, une façon de gérer l'information qui n'est peut-être pas aussi
ouverte, où est-ce qu'on va donner toutes les données, par exemple, du
ministère de la Santé, etc. On s'entend que non.
Mais c'est un
exemple facile pour dire simplement : il y a des choses, dans l'intérêt
public, qu'on ne partagera pas. Donc,
l'intérêt public, c'est cet équilibre justement entre le fonctionnement de nos
institutions et de nos organisations publiques
pour que des décisions puissent se prendre, qu'il puisse y avoir des
délibérations honnêtes qui se fassent, et en même temps que les citoyens
soient bien informés de ce qui est important, donc, pour eux.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée.
Mme Léger : Mais votre réflexion est aussi que l'intérêt public... et que l'organisation interne de l'organisme public
soit efficiente, là. C'est votre définition de l'intérêt public pour l'interne.
Mais comment on peut déterminer, face à un individu ou à une société, l'intérêt
public qu'il a par rapport à l'accès à un document?
Le Président (M. Hardy) : M. Caron.
M. Caron (Daniel
J.) : Oui, alors, quand je dis : L'intérêt public est bien servi
par une organisation qui est efficiente et efficace, ça peut vouloir dire
qu'effectivement il doit y avoir un arbitrage, comme il y en a actuellement d'ailleurs dans la loi, la loi le prévoit, donc
entre ce que le citoyen aura comme accès ou non. Donc, cette situation-là,
elle existe déjà. Elle
est déjà prévue dans la loi. Elle doit certainement évoluer. D'ailleurs, le
rapport en parle. Donc, il y a des exceptions qu'on veut, qu'on ne veut
pas, etc., mais c'est un débat.
Ce
que j'essaie de dire à travers ça, c'est que l'organisation a aussi ses
besoins, et l'organisation, elle est un peu oubliée. On parle beaucoup d'accès. On parle beaucoup — et ce qui est très bien — de données ouvertes, d'ouverture,
etc., mais l'organisation, elle doit être
capable de fonctionner aussi. Et c'est dans l'intérêt public que l'organisation
fonctionne bien.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée.
Mme Léger :
Oui, merci. Vous êtes titulaire de la Chaire de recherche en exploitation des
ressources informationnelles, donc c'est, je
pourrais dire, votre priorité puis votre passion, là, en ce moment. Je voudrais
revenir sur les données ouvertes, là.
Comment vous voyez ce dossier-là, dans le fond, des données ouvertes, si vous
êtes... que vous avez l'air à être... que ça a l'air à être un sujet
important que vous travaillez puis que vous avez des réflexions sur ça? Comment
vous voyez actuellement où on en est, l'appareil public et le gouvernement,
actuellement, par rapport à ce dossier-là des données ouvertes?
Le Président (M.
Hardy) : M. Caron.
M. Caron (Daniel
J.) : Alors, dans le dossier des données ouvertes, je dirais que nous
ne sommes pas particulièrement avancés, mais nous ne sommes pas non plus particulièrement en retard. Quand on regarde à l'extérieur... Je regarde dans certaines autres provinces où,
bon, des fois, il y a un bon coup et on fait beaucoup
de publicité autour d'un bon coup. Quand on gratte un peu, bon, on se
rend compte que ce n'est peut-être pas si répandu.
Je
pense qu'au niveau des données ouvertes l'étude qu'on a faite, mon collègue
et moi, donc avec le CEFRIO, dans les
ministères et dans les municipalités, montre qu'on
est en attente de direction. Ça prend de la direction. Qu'est-ce qui va être ouvert? Qu'est-ce qui peut être
ouvert? Les gens, quand on les rencontrait dans les différents services, ce
qu'ils nous disaient, c'est : Je ne
sais pas comment faire. Qu'est-ce que ça veut dire, «une donnée ouverte»? Il y a
des coûts à l'ouverture des données.
Les
gens développent des bases de données, donc, pour leurs besoins internes
ministériels. Et donc, là, on leur dit tout
à coup : Ça, ça s'en va à
l'extérieur. Bon, je pense que je vais retourner voir un peu pour m'assurer que
ma base de données, elle est de grande qualité. Et puis moi, je la
connais, ma base de données. Ce n'est pas du travail mal fait, simplement que, quand on sort, bon, au restaurant,
on s'habille un petit peu plus chic, peut-être, que quand on mange chez soi. Donc, c'est un peu ça qui se passe, et les
gens ont besoin de direction, ont besoin d'appui. Et donc on n'a pas eu
encore un débat à l'interne.
Ce
qui ressortait des études, c'est vraiment qu'on a besoin de leadership, on a
besoin de savoir qu'est-ce que le gouvernement souhaite libérer comme données, et donc qu'on nous
donne des directives, qu'on puisse le faire correctement, dans les
règles de l'art, parce que ça prend... Il faut guider cette réflexion-là.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée.
Mme
Léger : Pour la
compréhension de tous et savoir votre compréhension à vous, qu'est-ce que
c'est, pour vous, une donnée ouverte?
M. Caron (Daniel
J.) : Alors, bien, les... Oui?
Le Président (M. Hardy) :
M. Caron.
M.
Caron (Daniel J.) : Les
données ouvertes, c'est des données qui sont produites, bon, il y a
toute une série de critères, là, une
dizaine de critères : il faut qu'elles soient gratuites, donc il faut que
ce soit dans un logiciel qui soit lisible par la population, etc., donc
c'est une donnée qui est brute, qu'on peut retravailler. Alors, c'est beaucoup
d'informations.
Et
beaucoup de ministères ont énormément de données que l'on peut ouvrir.
C'est pour ça que ça va prendre une réflexion,
parce qu'est-ce qu'on ouvre toutes les données? J'ai
rencontré des gens, dans les recherches, justement, qui me disaient : C'est malheureux, parce qu'on a ouvert nos données, mais
on se rend compte que personne ne les utilise. Mais il y a un coût à les
mettre à jour, etc. Donc, c'est une réflexion qui est nécessaire.
Alors,
les données ouvertes, c'est les données qu'on produit, les données
administratives, finalement, qui sont mises donc à la disposition du
public pour que le public... ou, en fait, les firmes spécialisées puissent les
utiliser et développer des applications,
etc. Mais il y a des critères, il y a une dizaine de critères, là, pour définir
qu'est-ce qu'une donnée ouverte exactement.
Il y en a beaucoup à
la RAMQ, il y a beaucoup de données à la RAMQ, par exemple, qui pourraient être
des données ouvertes. Il y en a à la SAAQ.
Donc, il y a beaucoup... Les ministères qui produisent énormément de
données opérationnelles ont beaucoup de
données ouvertes. Les municipalités ont énormément de potentiel de données
ouvertes parce qu'elles disposent d'une grande masse d'informations, et qu'on
peut mettre à la disposition, donc, du public.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée, 50 secondes.
Mme Léger : Ça va. Merci.
Le
Président (M. Hardy) : Bon, bien, merci. Donc, le temps accordé à
l'opposition officielle est écoulé. Maintenant, je passe au deuxième groupe
d'opposition, M. le député de Borduas, pour un temps de neuf minutes.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Caron. Merci d'être présent avec
nous aujourd'hui. Je voudrais
poursuivre sur la question des données ouvertes. Tout à l'heure, vous avez eu
une discussion avec ma collègue de Pointe-aux-Trembles sur l'intérêt public, la primauté de l'intérêt public. Est-ce que les
données ouvertes vont de pair avec l'intérêt public, la primauté de
l'intérêt public dans l'analyse du cadre?
Parce que
c'est toute une discussion. Les gouvernements se demandent parfois :
Est-ce qu'on doit divulguer? Est-ce qu'on
doit faire une approche de données ouvertes? Oui? Non? Mais on peut se
questionner sur le fait de savoir : Bien, ça ne serait pas dans l'intérêt de la population
d'avoir ce genre de données là. Parce
que, dans le fond, on joue à cache-cache
bien souvent avec la non-divulgation des renseignements. Donc, est-ce qu'on pourrait assimiler les deux en
ce sens-là?
Le Président (M.
Hardy) : M. Caron.
M.
Caron (Daniel J.) : Alors, il n'y a
pas de... C'est difficile de trancher ce qui est bon, ce qui n'est pas bon
de façon générale, parce qu'il y a des données... comme pour les
documents, etc., il y a des données qui vont bien servir la population, qui vont aider la population, qui vont
permettre de développer des applications, etc., donc qui vont être très
utiles. Il y a peut-être d'autres données où, donc, il y aura peut-être des
risques à divulguer ces données-là. Donc, il faut sous-peser.
Et
c'est le cadre, donc, que demandaient les gens à l'intérieur des différentes
organisations. Qu'est-ce que... J'ai rencontré
des services de police, par exemple, dans des municipalités. Alors, qu'est-ce
que je divulgue exactement? Donc, on
me dit qu'on a une politique de données ouvertes. Alors, moi, j'ai plein
d'informations. À partir du moment où je fais une visualisation, par
exemple, d'où se passe le crime dans ma ville, est-ce que j'ai un impact sur la
valeur mobilière des résidences? Peut-être. Donc, il y a des conséquences.
Alors,
c'est ces choses-là auxquelles il faut réfléchir, donc, pour décider qu'est-ce
qui est à l'avantage et qu'est-ce qui, peut-être... sans vouloir cacher
l'information, qu'est-ce qui sert bien l'intérêt public. Et ça prend des
débats.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Je comprends que ça prend des débats, mais, à ce compte-là, dans le
fond, on peut dire... On peut mettre
énormément de restrictions, dans le fond, parce que tout peut avoir une
incidence. L'accès à l'information des données
ouvertes, le fait que cette donnée-là puisse être distribuée à la population en
général, c'est sûr que ça va avoir des conséquences.
Mais est-ce que... Supposons avec la Loi sur l'accès, on est avec une série
d'exceptions, hein? Les gens disent :
Bien là, ce n'est pas une loi d'accès, c'est une loi de non-accès. Si on va
dans une politique de données ouvertes et
là on débute en disant : «Bien, écoutez, ça, ça ne devrait pas être
divulgué; ça, ça ne devrait pas être divulgué», où est-ce qu'on arrête, dans le fond? Oui, il faut en
débattre, mais comment est-ce... Est-ce qu'on peut s'inspirer d'autres États
qui, eux, ont fait l'exercice puis ont
balisé ça? Est-ce qu'il y a des exemples d'États étrangers qui ont bien fait
les choses en ce sens-là, en matière d'une politique de données
ouvertes, où ils ont une approche pondérée, balancée, tout ça?
Le Président (M.
Hardy) : M. Caron.
• (16 h 50) •
M.
Caron (Daniel J.) : Alors, oui, bien, en fait, on peut aller en
Ontario. On peut aller aussi... je ne me souviens plus si c'est l'Alberta ou peut-être la
Colombie-Britannique où il y a des politiques de données ouvertes par défaut,
par exemple. Si c'est à ça que vous voulez en
venir, c'est une solution. On y va par défaut et on doit démontrer le
contraire. Au lieu d'aller vers l'exception,
donc, on dit : Les données que vous produisez sont ouvertes par défaut, à
moins d'être capables de démontrer
qu'il y aurait des incidences négatives. Alors, c'est une approche qui peut
être prise. Et c'est du cas par cas,
les données, parce que, dépendant du type de secteur dans lequel vous êtes,
vous avez des données très personnelles, il y a toute sorte
d'information à l'intérieur de ça.
Et
ce qui revient aussi de plus en plus comme questionnement, c'est la possibilité
de croiser les données aussi. Peut-être
qu'un secteur... un ministère décide de libérer ses données, mais un autre
ministère qui... les gens ne se sont pas parlé, libère ses données, on fait des croisements puis, woups! on découvre
autre chose. Alors, avec le big data, l'intelligence artificielle, c'est
tout des choses qui sont en train de se produire. C'est pour ça que ça prend
une bonne réflexion.
Mais
l'approche de données ouvertes par défaut peut être une très bonne approche. Et
donc on demande aux gens finalement : Bien, faites la preuve que ce
n'est pas nécessaire. On avait, au gouvernement fédéral, aussi pensé à cette approche-là pour l'accès à l'information de façon
générale. On disait : Bien, tous les documents sont accessibles, à
moins de démontrer qu'ils ne le sont pas. Mais donc ça n'a pas pris. C'est
compliqué, évidemment, aussi à mettre en oeuvre, ce type de politique là.
Un élément qui peut
être intéressant, c'est la divulgation proactive. Plus il y aura de divulgation
proactive, je pense, plus on sera riches au
niveau de cette transparence et de l'ouverture gouvernementale, parce que la
divulgation proactive, donc, elle force
l'organisation à penser en amont comment elle va rendre accessible son
information. Alors, ça, c'est un entre-deux qui est intéressant.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Mais, dans les grandes organisations publiques, là,
est-ce que ça ne demande pas plus de ressources
d'y aller par une divulgation proactive que d'y aller avec une politique de
données ouvertes? Je m'explique, là. Si
la divulgation proactive, c'est de dire : Bon, bien, ça, je vais rendre ça
accessible; ça, je vais rendre ça accessible, dans le fond, ça demande davantage de ressources
humaines, supposons, pour faire le tri. Tandis qu'à l'inverse, avec
l'exemple que vous donniez, d'avoir un par défaut, on enlève les données
ouvertes qu'on ne souhaite pas rendre accessibles pour x, y raisons, on ne se retrouve pas dans une situation qui est plus
simple, qui est plus facile à gérer pour le système, pour l'État, en
termes de coûts, en termes de main-d'oeuvre, en termes d'infrastructures,
supposons, numériques ou...
Le Président (M. Hardy) : M. Caron.
M. Caron (Daniel J.) : En fait,
quand on dit «par défaut», ce qu'on observe, c'est quand même... il y a une réflexion qui est faite. On dit par défaut, mais
on fait la réflexion, à savoir : Est-ce qu'il y a des choses à l'intérieur
de ça qui pourraient être dommageables? Donc, c'est simplement une approche,
une attitude de dire que les données seront accessibles par défaut, où les
documents seront accessibles par défaut, mais les gens font la réflexion quand
même. Alors, est-ce que c'est moins cher ou plus cher? Je ne suis pas convaincu
qu'il y a une différence de ce côté-là.
Mais il est
certain, parce que vous soulevez un point important : plus on sera dans
l'ambiguïté, c'est ce qui est ressorti
d'une étude qu'on termine dans une ville, donc plus on est dans l'ambiguïté,
plus il y a des coûts à la transparence, parce que les gens ne savent
pas comment s'y prendre, quoi faire, comment le faire.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député.
M.
Jolin-Barrette : Puis, selon
vos études, les différentes organisations, est-ce qu'elles ont l'infrastructure
pour le faire, dans le fond, en termes
d'infrastructures numériques, tout ça, ou on se retrouve face à des
organisations publiques qui sont
dépourvues pour répondre à cette demande de données ouvertes là, à davantage de
divulgation en matière d'accès à l'information?
Le Président (M. Hardy) : M. Caron.
M. Caron
(Daniel J.) : Oui. Ma réponse, dans ce qu'on a vu, c'est que, non,
elles ne sont pas assez outillées pour être
capables de le faire, autant sur le plan technologique souvent que sur le plan
humain aussi, parce que ça prend des cadres
d'opération, etc. Ça ne veut pas dire que c'est hypercher, ça veut dire
simplement qu'il faut réfléchir en amont. Donc, il faut se poser la question dès le début et faire en
sorte que, quand on fait des choix technologiques, on fait nos
architectures d'information bâties de cette façon-là. Et ça revient au point de
départ de ce que je disais au début, c'est qu'il faut qu'il y ait une gouvernance qui soit beaucoup plus intégrée, où tout le
monde est autour, avec des instruments, donc des directions qui sont claires pour les employés, qui disent : Bon,
bien, O.K., nos informations seront en divulgation proactive ou nos données seront ouvertes. Donc, dès le
départ, quand on conçoit une architecture d'information, on le fait dans
ce cadre-là, c'est-à-dire qu'on met la
sécurité qui est nécessaire, on s'assure de l'anonymat, donc tout ça est fait
dès le départ.
Alors, ce
n'est pas... Moi, je pense que, si on arrive à travailler comme ça, il n'y aura
pas d'énormes différences dans les coûts. On sera beaucoup plus
efficients, par exemple.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député, en 55 secondes.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bien,
je vais en profiter pour vous remercier pour votre passage à la commission.
Merci.
M. Caron (Daniel J.) : Merci.
Le Président (M. Hardy) : Merci. M.
Caron, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.
La commission ajourne ses travaux à demain,
jeudi le 17 août 2017, à 9 h 30, où elle poursuivra son
mandat. Bonne soirée à tous.
(Fin de la séance à 16 h 55)