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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 16 août 2017 - Vol. 44 N° 207

Consultation générale et auditions publiques sur le rapport quinquennal 2016 intitulé « Rétablir l’équilibre – Rapport sur l’application de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé »


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Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Rita Lc de Santis

Mme Nicole Léger

M. Simon Jolin-Barrette

Auditions

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Association sur l'accès et la protection de l'information (AAPI)

Bureau d'assurance du Canada (BAC)

Institut généalogique Drouin

Groupe d'expertise en gestion des documents au gouvernement du Québec (GEGD)

M. Daniel J. Caron

Autres intervenants

M. Guy Hardy, président suppléant

M. Marc H. Plante

*          M. Jean Baril, CQDE

*          M. André Ouimet, AAPI

*          M. Martin M. Samson, idem

*          Mme Chantal Garcia, idem

*          Mme Johanne Lamanque, BAC

*          Mme Karine Iskandar, idem

*          M. Pierre Marc Bellavance, idem

*          M. Jean-Pierre Pepin, Institut généalogique Drouin

*          M. Denis Racine, idem

*          Mme Francine Légaré, GEGD

*          Mme Marie-Pierre Gagnon, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Hardy) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le rapport quinquennal 2016 intitulé Rétablir l'équilibre — Rapport sur l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Merlini (La Prairie) est remplacé par M. Plante (Maskinongé); M. Ouellette (Chomedey), par M. Hardy (Saint-François); et M. Marceau (Rousseau), par Mme Léger (Pointe-aux-Trembles).

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous débutons cet avant-midi par des remarques préliminaires, puis nous entendrons des organismes suivants : le Centre québécois du droit de l'environnement, l'Association pour l'accès et la protection de l'information et le Bureau d'assurance du Canada.

Remarques préliminaires

Nous débutons les remarques préliminaires. J'invite d'abord Mme la ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques et députée de Bourassa-Sauvé à faire ses remarques préliminaires pour une durée de six minutes.

Mme Rita Lc de Santis

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Merci aux représentants des groupes que nous allons entendre dans le cadre de cette commission parlementaire pour leur présence et leur travail de rédaction en lien avec le dépôt d'un mémoire. Je remercie également mes collègues parlementaires qui sont ici. Je remercie et je salue la députée de Pointe-aux-Trembles, le député de Borduas et le député de Maskinongé.

Évidemment, je remercie aussi la Commission d'accès à l'information pour ce rapport quinquennal qui a été rendu public l'année dernière. Le rapport qui fait l'objet de la présente commission permet d'amener la réflexion encore un peu plus loin quant à la manière la plus appropriée de faire évoluer nos deux lois québécoises qui protègent le droit au respect de la vie privée et le droit à l'information. Ces deux droits enchâssés dans la Charte des droits et libertés fondent le système démocratique tel que nous le connaissons.

• (9 h 40) •

Sachant leur importance et l'évolution très rapide des technologies, les lois protégeant ces droits doivent être adaptées aux réalités contemporaines et ainsi protéger les individus adéquatement. Elles doivent notamment simplifier le consentement donné par l'utilisateur, tout en facilitant davantage le partage des informations détenues par les ministères et organismes dans le domaine de la recherche et de l'innovation.

Les travaux de modernisation de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels sont actuellement très avancés et pourront se conclure prochainement, je l'espère, je l'espère sincèrement, avec le dépôt d'un projet de loi. Je rappelle que le travail de modernisation prend son assise sur les 31 orientations gouvernementales rendues publiques en 2015. Elles sont le fruit d'une importante analyse du gouvernement qui a été alimentée, entre autres, par les divers rapports de la Commission d'accès.

Le principe guidant le processus de modernisation est de faire de l'accès la règle, et la demande, l'exception. La diffusion proactive s'avère être la façon la plus bénéfique pour le citoyen de s'informer, de créer, d'innover. Il peut déjà le faire, et ça, c'est préliminaire, mais, sur le site donneesquebec.ca, en consultant ou téléchargeant les données ouvertes gouvernementales ou municipales. Par ailleurs, la divulgation trimestrielle des dépenses des cabinets ainsi que la publication des agendas des ministres et leurs rencontres avec les acteurs non gouvernementaux vont aussi dans la direction d'une plus grande transparence.

Quant à la loi sur le secteur privé, des travaux sont déjà en cours pour la réviser. Ils prennent appui sur ceux qui ont été effectués en matière de protection des renseignements personnels pour la révision de la Loi sur l'accès.

La tournée de sensibilisation à la protection des renseignements personnels et de la vie privée sur le Net, que j'ai terminée en juin dernier, m'a permis de constater à quel point la vie privée est devenue un enjeu global, d'abord pour les jeunes, mais aussi pour les personnes de tous les âges, en particulier pour nos aînés, afin de les protéger contre la fraude, le vol d'identité et la publicité ciblée. Cet enjeu nous touche chaque jour, lorsque nous ouvrons Facebook, partageons une photo sur Instagram ou créons une «story» sur Snapchat. Si nous n'apportons pas une attention particulière à la protection de nos renseignements personnels, de notre identité, qui est unique, nous pouvons perdre notre liberté de choix, et certains peuvent nous la voler, l'entacher ou perpétrer des infractions sous notre nom.

Les auditions qui débutent aujourd'hui s'insèrent dans des chantiers, certains très avancés, et d'autres qui avaient été entamés mais qui prendront désormais une vitesse de croisière plus importante. Elles prennent également pied dans un contexte plus large, celui du gouvernement ouvert, dont je suis responsable de la mise en oeuvre avec mon collègue le président du Conseil du trésor. Les trois axes d'un gouvernement ouvert sont la transparence, la collaboration et la participation. Cette année, nous avons adopté un cadre de référence gouvernemental sur la participation publique, qui met de l'avant sept principes servant de guides aux ministères et organismes lorsqu'ils désirent mettre en oeuvre une consultation publique.

Ce rapport quinquennal de 2016 qu'on va étudier, c'est un rapport sur l'application de la Loi sur l'accès et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, a fourni, avec ses 67 recommandations, plusieurs pistes permettant d'adopter nos lois à l'ère moderne. Alors, entamons ensemble l'approfondissement de celles-ci. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'accès à l'information et députée de Pointe-aux-Trembles à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de 3 min 30 s.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Oui, merci. M. le Président, bonjour. Bonjour à la ministre, à tous les collègues du gouvernement, de la deuxième opposition. Alors, salutations aux gens qui nous écoutent. Alors, évidemment, on va étudier le rapport quinquennal, et c'est toute une brique que la CAI, la Commission d'accès à l'information, nous a déposée, plusieurs recommandations. Dans le fond, quand on regarde les deux lois, la loi sur l'accès à l'information, c'est comme disait M. Chartier, entre autres, dans son introduction, c'est l'une des plus progressistes qu'elle était en 1982. Les experts maintenant nous disent qu'elle se situe maintenant au bas de l'échelle. Donc, c'est sûr qu'il y a des améliorations à faire à cause du contexte de l'environnement numérique actuel, les avancées technologiques, les nouvelles dynamiques, etc. Alors, c'est évident que c'est très opportun de faire ces audiences-là maintenant, surtout où le gouvernement s'est engagé à avoir plus de transparence, transparence plus accrue. Donc, c'est sûr qu'on va questionner à ce niveau-là.

Je lisais ce que M. Chartier dit dans son introduction, une phrase que j'ai beaucoup appréciée, c'est : «L'accès aux documents doit devenir la règle plutôt que l'exception.» Alors, évidemment, quand on veut rechercher cet équilibre-là entre l'accès aux documents et protéger les renseignements personnels, c'est un équilibre qui n'a toujours été pas facile à trouver, mais je pense que, depuis 1982, on a beaucoup de choses à améliorer, évidemment. En 2016, plus particulièrement, M. Chartier écrivait dans son introduction : «C'est à tous les jours que nous sommes sollicités tant par les médias sociaux, par les sites d'achats en ligne, par les programmes de fidélisation, par les services de musique continue, par un employeur ou un assureur.» C'est la donne d'aujourd'hui, maintenant.

Il y a tout le côté du secteur privé aussi, des lois aussi qui écartent l'application de la Loi sur l'accès. Alors, le nombre de dérogations qui sont demandées, je pense qu'il y a beaucoup de questions à ce niveau-là, les restrictions qui sont là, leur portée, leur durée. Il y a des refus d'accès à des documents sans justification, sans aucune obligation de la personne d'expliquer son refus, donc c'est des questionnements importants. Le gouvernement entre l'idéal de la primauté de l'intérêt public, je pense qu'il y a des aspects importants qu'on va écouter dans les audiences aujourd'hui, aujourd'hui, demain et les prochaines journées. Tout ce qui entoure le secret professionnel, il y a des recommandations à ce niveau-là, sur le consentement, les critères de consentement, sur les communications qu'on peut faire à l'extérieur du Québec. Sur toute la généalogie aussi, on a les gens dans ce secteur-là qui vont venir nous donner leur mémoire, vont venir nous présenter leur mémoire sur tous les aspects avec la disposition du Code civil, etc. Toute la notion des données ouvertes, on se questionne beaucoup à ce niveau-là.

Quand je vois aussi l'article de ce matin dans Le Journal de Montréal, Journal de Québec, de Rémi Nadeau, Fling flang au ministère de la Justice, c'est sûr que ça nous questionne au maximum. Son titre, c'est : La succession d'irrégularités dans le traitement des demandes d'information du journal laisse de moins en moins de doute sur l'existence de manipulation politique. Donc, on est en droit de se questionner à ce niveau-là comment se fait le processus, et je suis convaincue que la ministre va vouloir améliorer la situation qu'on vit présentement.

Alors, on aura beaucoup de questions, on est contents d'avoir les gens qui viennent présenter leurs mémoires, alors la suite dans les prochaines heures.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'accès à l'information et député de Borduas à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de 2 min 30 s.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Alors, bonjour, M. le Président. Je souhaite saluer tous les membres de la commission, en premier titre Mme la ministre, le collègue de Maskinongé, d'Argenteuil, la collègue de Pointe-aux-Trembles, les gens qui nous accompagnent, de remercier également la Commission d'accès à l'information pour le volumineux rapport, et un rapport bien fouillé également, donc, sur l'accès à l'information, que nous étudierons au cours des quatre prochains jours. Puis je remercie également les gens qui viennent nous parler, qui viennent déposer des mémoires également parce que ça va permettre éventuellement de bonifier la loi, je l'espère. Et on est dus pour une réforme depuis fort longtemps, fort, fort longtemps.

Donc, j'offre mon concours à la ministre pour qu'on puisse éventuellement adopter une loi qui saura répondre aux défis qu'on a aujourd'hui. Parce que — et c'est mentionné dans le rapport, hein? — on est, un, la 10e province sur 14, on est le 57e État derrière le Honduras en termes d'accès à l'information. Il y a des sérieuses lacunes au Québec relativement à l'accès à l'information. On doit être dans une ère où les gens doivent pouvoir avoir accès aux renseignements publics, aux renseignements de l'État, et il faut éviter toutes sortes de contraintes qui n'ont pas lieu d'être bien souvent. Parfois, il faut des exceptions dans une loi, mais il ne faut pas que l'exception devienne la règle. Et là-dessus je pense qu'on aura l'occasion d'entendre les différents intervenants, aujourd'hui et au cours des prochains jours, qui viendront nous expliquer, bien, comment ça se passe dans la réalité.

Il y a un autre point que je ne peux pas passer sous silence aujourd'hui, M. le Président, c'est le fligne-flagne au ministère de la Justice encore en matière d'accès à l'information. C'est tout à fait déplorable. Vous savez, M. le Président, on a actuellement une loi sur l'accès à l'information présentement. On a bien beau vouloir la bonifier, mais encore faudrait-il que le gouvernement libéral respecte cette loi actuellement. Et ce qu'on constate, et ce n'est pas la première fois, c'est qu'il y a de la manipulation politique, au niveau des cabinets politiques, au niveau de l'accès à l'information, c'est totalement inacceptable. Et, pour un gouvernement qui veut être le plus transparent possible, M. le Président, on constate que ce n'est pas le premier événement, ce n'est pas le deuxième événement, il y en a eu plusieurs. Il y en a eu au ministère des Transports du Québec. Il y en a eu au ministère de la Justice. Et on constate que la chef de cabinet... et ça a été rapporté dans les médias qu'on filtrait les demandes d'accès à l'information pour les députés de l'opposition et pour les journalistes, ce qui, dans notre démocratie, M. le Président, n'a pas lieu d'être.

Et vous allez être d'accord avec moi, M. le Président, qu'il faut respecter la loi et que le responsable de l'accès à l'information rende l'information disponible sans que ça passe par les cabinets. Est-ce que le gouvernement libéral peut enfin s'engager à ça? J'avais questionné la ministre lors de l'étude des crédits à ce niveau-là. Malheureusement, M. le Président, on est encore au même point. Je trouve ça déplorable.

• (9 h 50) •

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup, M. le député.

Auditions

Nous allons maintenant débuter les auditions. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Centre québécois du droit à l'environnement. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

M. Baril (Jean) : Merci, M. le Président. Mon nom est Jean Baril. Je suis avocat, docteur en droit, vice-président du Centre québécois du droit de l'environnement et professeur de droit au Département de sciences juridiques de l'UQAM. Ma thèse de doctorat en droit portait spécifiquement sur le droit d'accès à l'information environnementale, et l'Assemblée nationale m'avait donné le prix Jean-Charles-Bonenfant pour la qualité supposée de mes recherches, donc c'est un peu mon dada.

Et, pour ce qui est de... Je vous remercie, M. le Président, Mme la ministre, les différents parlementaires, de recevoir le CQDE, qui n'est pas un organisme spécifiquement dédié à la question de l'accès à l'information environnementale. Mais, en matière d'environnement, je dois vous rappeler que le seul ministère de l'Environnement reçoit en moyenne entre 12 000 et 15 000 demandes d'accès à l'information par année, ce qui montre l'appétit de la population pour l'accès à l'information en matière d'environnement. Et, même si le rapport de la commission Rétablir l'équilibre traite très peu d'information environnementale, je veux souligner à quel point le droit d'accès à l'information sur ces questions est essentiel et pourquoi la réforme législative qu'on nous promet depuis un certain temps... J'étais ici pour le rapport antérieur de la Commission d'accès à l'information, Mme la ministre, vous siégiez de l'autre côté à l'époque, et, là aussi, on nous promettait une réforme rapide de la loi sur l'accès à l'information. Donc, j'espère que ce coup-ci ça va aboutir.

Donc, la question environnementale a fait partie de... a motivé le législateur. Dès 1978, on adopte la Loi sur la qualité de l'environnement, et c'était une primeur, une nouveauté. On permettait à l'époque aux citoyens de faire des demandes d'accès à l'information au seul ministère de l'Environnement pour obtenir des renseignements sur les contaminants. C'était quatre ans avant que la Loi sur l'accès soit adoptée. Donc, c'était une nouveauté, c'est l'environnement qui a fait avancer cette question-là.

En 2006, l'Assemblée nationale a adopté la Loi sur le développement durable, et ce type de développement est devenu le nouveau mode de gestion, et un des 16 principes juridiques que la loi contient concerne spécifiquement le droit au savoir et l'accès à l'information. Par cette même loi de 2006, on a introduit dans notre charte québécoise un nouveau droit fondamental, soit celui du droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité. Donc, selon nous, au CQDE, il y a au moins deux droits fondamentaux : le droit à l'information, qui est reconnu dans la charte depuis 1975, et le droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité, qui sous-tendent, qui soutiennent le droit d'accès à l'information de nature environnementale au Québec.

La défense efficace de tous les droits fondamentaux qui sont reconnus dans une charte nécessite l'acquisition d'information préalable, mais la question de l'information environnementale occupe une place particulière dans les travaux du législateur québécois. Et, par exemple, récemment, en 2009, lorsque l'Assemblée nationale adopte la loi sur le caractère collectif des ressources en eau et visant leur protection, on fait de la transparence un des principes reconnus dans cette loi-là, et la loi énonce que toute personne a droit, dans les conditions et limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives aux ressources en eau détenues par les autorités publiques. Malgré le caractère progressiste et bienvenu de ce nouveau droit, de cette affirmation-là, il demeure que les conditions et limites définies par la loi sont celles de la Loi sur l'accès et de ses très nombreuses restrictions, qui sont demeurées pratiquement inchangées depuis 1982, donc depuis 35 ans, et ces restrictions-là diminuent nettement la portée du droit qu'on voulait reconnaître en adoptant la loi sur l'eau en 2009.

Donc, le CQDE est tout à fait d'accord avec l'affirmation du rapport de la Commission d'accès à l'information sur la nécessité de revoir l'ensemble des restrictions de la Loi sur l'accès.

Autre exemple de la question particulière de l'accès à l'information de nature environnementale, c'est que, dès l'adoption de la Loi sur l'accès, en 1982, le législateur avait prévu par son article 26 une exception aux restrictions, que certaines informations sur les questions environnementales, la contamination, pouvaient justifier qu'on écarte les restrictions de nature économique. Malheureusement, tous les auteurs de doctrine, que ce soit Me Raymond Doray, moi-même dans la thèse... entre 1983 et 2006, l'article 26 n'a jamais été utilisé par la Commission d'accès à l'information.

Donc, en 2006, on a... Lors de la dernière grande réforme de la Loi sur l'accès, on abroge cet article-là et on le modifie par l'actuel article 41.1. Malheureusement, on a retrouvé depuis 2006 seulement une décision de la Commission d'accès à l'information où l'article 41.1 a permis la divulgation d'informations de nature environnementale. Donc, selon nous, le rapport de la Commission d'accès à l'information mentionne l'article 41.1 comme étant un exemple de prise en compte de l'intérêt public, une disposition qui est si peu utilisée, une fois en 33 ans, nous semble un très mauvais exemple de disposition visant à protéger l'intérêt public.

Malheureusement, et on l'avait dit lors du précédent rapport de la Commission d'accès à l'information, le rapport passe sous silence toutes les dispositions, les nouvelles modalités législatives, les normes juridiques qui ont été adoptées depuis 2006 en vertu de la Loi sur le développement durable, de la loi sur l'eau et leur impact réel sur la pratique des organismes administratifs par rapport à la divulgation des informations. On n'a pas constaté sur le terrain que les organismes administratifs ont libéralisé leurs pratiques et leurs réponses aux demandes d'accès à l'information suite à l'affirmation du principe d'accès au droit au savoir, suite à l'affirmation du principe de droit à la reconnaissance à l'information sur les ressources en eau. Il n'y a pas eu de développement majeur de ce côté-là, et ça aurait été intéressant d'entendre la Commission d'accès à l'information faire un bilan et une évaluation de ces nouvelles dispositions qui ont été adoptées par vous, les législateurs, pour voir le résultat concret pour nous permettre, vous permettre d'améliorer la Loi sur l'accès.

Selon nous, il vient d'y avoir une réforme majeure de la Loi sur la qualité de l'environnement, le projet de loi n° 102 qui a été adopté en mars, et, la question de l'intérêt public, la disposition préliminaire de la LQE qui a été adoptée mentionne spécifiquement le caractère collectif et l'intérêt public de l'environnement. C'est pour ça que, selon nous, l'intérêt public, que tant la commission mentionne, doit prendre en compte les questions environnementales et les questions liées au développement durable, qui est le mode de gestion officiel, en vertu de la Loi sur le développement durable, de toute l'administration publique québécoise.

Donc, ce critère de développement durable qui implique une conciliation des intérêts économiques, environnementaux et sociaux devrait, selon nous, prévaloir sur les actuelles exceptions, les restrictions relatives aux tiers, les gens qui remettent les documents, les secteurs économiques, les articles, les fameux articles 23 et 24 qui donnent actuellement un droit de veto complet aux entreprises. Tous les ministères, les organisations, si un document a été remis par un tiers, si une condition d'autorisation environnementale se retrouve dans un document qui a été remis par le demandeur d'autorisation, le ministère n'a absolument pas le droit... et ce n'est pas facultatif comme toutes les autres restrictions de la Loi sur l'accès, c'est obligatoire, c'est impératif, doit refuser. Donc, les entreprises se sont vu, en 1982, donner un droit de veto sur les informations qu'elles ont l'obligation de remettre aux différents ministères, dont celui de l'Environnement, et ça, ça a amené une série de problèmes qui doivent absolument être corrigés. La question de l'intérêt public, dont la prise en compte du développement durable, devrait viser à réduire la prépondérance des restrictions sur les informations à caractère économique.

Et ce qui a été fait dans la dernière... Dans la Loi sur la qualité de l'environnement qui a été adoptée en mars 2017, il y a eu des changements positifs de ce côté-là. On a écarté les restrictions des articles 23 et 24, et on a déterminé que c'est le ministre de l'Environnement... Les entreprises peuvent demander que des renseignements qui portent sur les secrets industriels ou commerciaux confidentiels ne soient pas rendus publics, mais c'est au ministre à le décider, ce n'est pas eux qui... ou les entreprises, les demandeurs d'autorisation qui ont un droit de veto, et cette modalité devrait inspirer, selon nous, la prochaine réforme en droit de l'environnement.

• (10 heures) •

Le Code civil du Québec reconnaît que l'eau et l'air sont des choses communes. Selon nous, l'information sur l'eau et l'air devrait aussi être des choses communes et ne pas pouvoir être privatisée.

Dernier point qui est mentionné dans le rapport de la Commission d'accès, c'est l'application de l'article 137.1 qui permet aux organismes de demander à la commission d'écarter des demandes jugées abusives. Encore là, il n'y a pas de chiffre dans le rapport de la commission qui propose une réforme, changer 137.1. Mais nous, au CQDE, on reçoit de plus en plus — et ça nous inquiète — de demandes de groupes environnementaux qui nous disent qu'ils se font refuser des demandes d'accès à l'information en considérant que c'est un caractère abusif. Donc, dans le mémoire, on explique un peu cette disposition-là et comment elle devrait être améliorée.

Donc, le rapport Rétablir l'équilibre formule des propositions et des recommandations qui vont dans le bon sens, mais on trouve qu'elles ne vont pas assez loin. Et, dans notre mémoire, on a détaillé plus en détail — avec le temps qui me manque — certaines des recommandations qu'on espère qui seront prises en compte par le législateur.

Merci de votre attention, et je vais répondre à vos questions.

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour... côté gouvernemental, de 22 min 30 s.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup d'être là avec nous aujourd'hui et de votre présentation. J'écoute, j'entends et je crois que, quand je lis votre mémoire, vous avez même dit que le ministre de l'Environnement, lui aussi, il a écouté. Et je trouve des passages dans votre mémoire qui sont très favorables avec les modifications qui ont été faites à la Loi sur la qualité de l'environnement.

Maintenant, revenons à votre mémoire aujourd'hui. La convention d'Aarhus, O.K., prévoit «qu'en cas de menace imminente pour la santé ou l'environnement, qu'elle soit imputable à des activités humaines ou qu'elle soit due à des causes naturelles, toutes les informations susceptibles de permettre au public de prendre des mesures pour prévenir ou limiter d'éventuels dommages qui sont en la possession d'une autorité publique soient diffusées immédiatement et sans retard aux personnes qui risquent d'être touchées». Elle prévoit ça.

Moi, je vous demande : Est-ce que vous êtes favorables à ce que nous ajoutions à la loi sur l'accès à l'information une clause qui prévoit qu'un renseignement qui révèle un risque sérieux pour la vie, la sécurité ou la santé d'une personne ou un risque sérieux à l'atteinte à l'environnement doit être divulgué sans délai et de façon proactive, malgré toute restriction à la loi? Présentement, l'article 41.1 ne dit pas ça. 41.1, c'est plutôt un article qui dit que les restrictions ne s'appliquent pas quand il y a une demande d'accès dans certaines situations. Alors, qu'est-ce que vous pensez de cette proposition?

M. Baril (Jean) : Oui, absolument. La convention d'Aarhus, d'ailleurs, est un bon exemple et devrait sous-tendre la réflexion sur l'amélioration de nos mécanismes d'accès à l'information. Elle est d'ailleurs ouverte à la ratification par tous les États, dont le Canada.

Le libellé de la convention d'Aarhus spécifiquement sur cette question-là doit être jaugé aussi avec les mécanismes d'interprétation passés de la Commission d'accès à l'information, parce que c'était un peu ça, l'idée qui sous-tendait à la fois l'article 26 et l'article 41.1. Mais malheureusement une interprétation restrictive des termes employés, «danger imminent» ou «sérieux», «grave», etc. La commission exigeait des personnes qui demandaient le document... Et, quand on demande un document, on ne sait pas le contenu du document, on ne sait pas, donc on va à la pêche, si vous voulez, on ne connaît pas, et c'est seulement la commission elle-même qui peut établir si, effectivement, ce document-là peut être utile et peut correspondre à un danger réel. Et malheureusement on arrive devant la commission 22, 23, 24 mois après avoir fait notre demande, si on s'est fait dire non.

Donc, il faut que l'ensemble des intervenants comprennent très bien l'idée du législateur, que le libellé des mots soit très clair, que ce qu'on veut, c'est que les dangers liés à l'environnement, que ce soit la question des pesticides... Par exemple, en Europe, outre la convention d'Aarhus, il vient d'y avoir, il y a quelques mois seulement, un jugement de la Cour européenne des droits de l'homme qui a fait en sorte de dire que la question du secret industriel devait être écartée lorsqu'il y a des dangers qui touchent la santé humaine dans l'utilisation des pesticides. Donc, de plus en plus, on voit un lien se faire entre la question de l'environnement et de la santé humaine.

Dans le libellé d'une future réforme visant à moderniser, il faudrait faire attention au choix des mots pour faire en sorte que l'ensemble des intervenants, des responsables d'accès à l'information divulguent les informations qui touchent les questions environnementales. Et c'est pour ça qu'autant dans le mémoire, autant la convention d'Aarhus contient une définition d'information environnementale, ce qui est l'autre point. Nous, dans notre système législatif, autant la Loi sur la qualité de l'environnement que la loi sur l'accès à l'information, il n'y a pas de définition d'information environnementale, comme il n'y a pas de définition de ce qu'est un secret industriel. La convention d'Aarhus contient une définition de l'information environnementale, et le code français de l'environnement contient aussi une définition environnementale.

À l'annexe I du mémoire, vous retrouvez une proposition qui fait l'amalgame entre les deux définitions, tant de la convention d'Aarhus que du code français de l'environnement. S'il y avait une définition de ce qu'est une information de nature environnementale, ça serait nettement plus facile pour tous les responsables de l'accès à l'information de répondre oui, s'il y a lieu de faire une demande, ou, si on a adopté ce sur quoi on vise, des mécanismes de divulgation obligatoire automatique, via des registres, de mettre cette information environnementale là déjà sur les registres pour éviter d'avoir affaire avec des demandes d'accès à l'information et les délais. Et, dans ce sens-là, ça va dans le sens aussi du rapport quinquennal.

Mais, oui, l'idée, elle est tout à fait excellente, c'est le... Bien, vous le savez, vous êtes juristes, le choix des mots est très délicat sur cette question-là. Parce que, malheureusement, l'expérience de l'article 26 et 41.1 s'est avérée négative, même si l'objectif visé était grosso modo le même que celui que vous parlez aujourd'hui.

Mme de Santis : Alors, vous êtes d'accord qu'il devrait y avoir une divulgation proactive.

M. Baril (Jean) : Oui.

Mme de Santis : Parfait. Mais est-ce que vous êtes aussi en train de me dire que toute information environnementale devrait être divulguée proactivement?

M. Baril (Jean) : Toute information qui correspondrait à... Vous le savez, normalement les lois commencent par des définitions. L'article 1 d'une loi, c'est des définitions. Si vous avez une définition de ce qu'est une information de nature environnementale, à notre avis, oui. Si on définit ce qu'est une information de nature environnementale et qu'on considère que l'environnement, c'est quelque chose qui concerne l'ensemble de la population, qu'il n'y a pas personne qui peut s'accaparer pour lui-même le contrôle de cette information-là sur les mesures prises, sur le respect des mesures, sur les mesures de surveillance, oui, cette information-là devrait être divulguée. Ça correspond à un droit fondamental, le droit de vivre dans un environnement sain, et, à notre avis, oui, toute information correspondant à une éventuelle définition devrait être divulguée automatiquement sur des registres.

Mme de Santis : Mais alors comment trouver l'équilibre, parce que, parmi les informations environnementales, on va avoir des secrets industriels ou des secrets commerciaux? Alors, comment on joue l'équilibre là-dedans? Parce que vous ne pouvez pas me dire que tout... avec un mouvement de «brush», là, on va écarter tous les secrets industriels.

• (10 h 10) •

M. Baril (Jean) : Ça, je suis d'accord à 100 % avec vous, et on l'explique dans le mémoire. La question du secret industriel est tout à fait... La Loi sur l'accès, présentement, l'article 23, le premier... le début porte sur le secret industriel. À ma connaissance, il n'y a aucun groupe environnemental — et pas le CQDE — qui remet en question la question des droits de propriété intellectuelle, de la protection des secrets industriels. Par contre, le reste de l'article 23, ça porte sur les renseignements de nature industrielle, financière, technique et commerciale, et là tout renseignement environnemental est en essence... Essayez de réfléchir. Trouvez un renseignement de nature environnementale qui ne soit pas technique, scientifique, industriel ou commercial. Les renseignements de nature environnementale sont rarement de nature culturelle. Donc, c'est l'article 23, pas la section sur les secrets industriels, qui a causé tant de problèmes, c'est tout le reste. Et c'est pour ça qu'il faut qu'il soit amendé, qu'il soit changé.

La question du secret industriel, il faut faire attention, je sais qu'il va y avoir des intervenants qui vont... Parce que, dans la réforme sur la Loi sur la qualité de l'environnement, ça a été un assez gros débat, la question de la protection des secrets industriels versus les renseignements de nature industrielle. Le secret industriel, on peut l'agiter aussi comme un hochet, parce que le ministère de l'Environnement... Je vais donner un exemple qui va peut-être vous faire rire, mais, si l'entreprise Cadbury veut ouvrir une usine de fabrication, le ministère de l'Environnement ne va pas exiger le secret de la Caramilk, là, le ministère de l'Environnement ne va pas exiger des secrets de fabrication qui se passe à l'intérieur de l'usine. La Loi sur la qualité de l'environnement dit qu'elle s'applique seulement sur l'eau, l'air et le sol. Tout ce qui se passe à l'intérieur des usines ne concerne pas le ministère de l'Environnement ni la Loi sur la qualité de l'environnement. Les renseignements qui portent sur les secrets industriels... Un État voisin, le New Jersey, l'a spécifié : le secret industriel n'est valable qu'à l'intérieur de l'usine. S'il y a des émanations, la contamination, les eaux usées ou la pollution de l'air qui permettraient à des gens mal intentionnés de découvrir c'est quoi, le secret industriel ou le secret de fabrication de la compagnie, bien, il faut qu'ils s'installent des filtres en conséquence parce qu'ils n'ont pas... L'information sur l'environnement est considérée comme étant supérieure au respect du secret industriel. Tant et aussi longtemps que le secret industriel est à l'intérieur de l'usine, il est considéré... il a la primauté.

À mon sens et au sens du CQDE, il faut aller aussi dans ce sens-là d'une définition de ce qu'est un secret industriel, ce qu'il y a dans la convention d'Aarhus, ce qu'on n'a pas ici, pour justement éviter... et protéger tant les intérêts des entreprises... Parce que, quand on parle de développement durable, vous avez tout à fait raison, là, c'est de trouver une conciliation entre les intérêts économiques, sociaux et environnementaux. Il y a des secrets industriels, mais normalement les informations que vous devez remettre au ministère de l'Environnement pour être autorisé, ça ne concerne pas les secrets industriels dans votre usine, ça concerne : est-ce que vous êtes dans un milieu humide, combien de quantités de contaminants vous allez utiliser et ça va être quoi, vos mesures de récupération, de recyclage, etc., vos boues usées, vous allez les faire traiter comment, qu'est-ce qui est prévu. Ça, ce n'est pas des secrets industriels, c'est des informations environnementales d'intérêt public.

Mme de Santis : J'aimerais maintenant poser une question sur l'article 137.1, et c'est les demandes abusives. Vous mentionnez que l'invoquer pourrait avoir un effet dilatoire automatique, compte tenu des frais et des ressources engendrés. Est-ce que le coût d'un recours devant la CAI est aussi élevé que ça? Point numéro un.

Point numéro deux. Vous faites tout un argumentaire, mais je ne comprends pas, dans ce que vous proposez, c'est quoi exactement que vous proposez comme modification à cet article. Vous vous dites d'accord que, si l'organisme veut soulever l'article 137.1, que c'est une demande abusive, ça doit être fait dans un délai de 20 ou 30 jours. Vous vous dites d'accord avec cette recommandation de la CAI, mais vous voulez aller plus loin. Et aller plus loin, c'est quelle modification à cet article?

M. Baril (Jean) : Vous avez soulevé deux points. Le premier point, c'est les coûts devant la Commission d'accès à l'information. Il faut savoir que les groupes environnementaux sont des personnes morales qui, en vertu de la Loi sur le Barreau et des règles de la Commission d'accès à l'information, doivent être, quand ils sont devant la Commission d'accès à l'information, représentées par un avocat membre du Barreau. Vous savez comme moi qu'un avocat membre du Barreau, pour des petites organisations environnementales incorporées, ça peut représenter des coûts. Ça représente des délais aussi. On connaît tous la question des délais devant la Commission d'accès à l'information. Et l'exemple qu'on donne ici, c'est un exemple tout à fait réel, tout récent, où un groupe environnemental a fait une demande sur 150 rapports de forage qui avaient été approuvés, et on a dit que c'était une demande abusive. Mais, s'il y a eu 150 rapports de... 150 forages qui ont été autorisés par les services du ministère, c'est qu'ils avaient les ressources pour les traiter. Ce n'est pas de la faute des citoyens ou des groupes environnementaux s'il faut qu'ils demandent autant d'informations. S'il y en avait juste eu trois, ils auraient demandé trois.

Donc là, les citoyens se sont habitués à se faire refuser, à se faire reporter en disant que c'était abusif, que c'était trop pour le ministère de l'Énergie et Ressources naturelles ou trop pour le ministère de l'Environnement. Donc là, on a vu apparaître — vous savez, tout le monde essaie de trouver des solutions — 50 citoyens qui font une demande sur chacun trois forages. La réaction des ministères a été la même : encore là, c'est abusif. Mais qu'est-ce qui est abusif? C'est la situation en soi. S'il y a eu beaucoup d'autorisations, est-ce qu'on va dire aux citoyens : Bien, il y a eu beaucoup d'autorisations en matière d'environnement, mais ce serait abusif que vous les connaissiez toutes, donc on va vous en donner, faites des demandes sur 1 %, ou 2 %, ou 5 % des autorisations?

C'est dans ce sens-là qu'on considère que... C'est juste une piste de solution. On sait, au niveau juridique, qu'il y a ce qu'on appelle les gens querelleurs, il y a des... Dans le Code de procédure civile, on va écarter des gens qui font manifestement... qu'il y a un usage abusif du système juridique. Mais le libellé du Code de procédure civile est nettement plus restrictif et plus sévère, là. On ne voit pas ça à... Ce n'est pas courant, quand même, comparé à ce qui nous semble être une nouvelle tendance au sein des administrations. C'est très facile de dire : Bien, votre demande est abusive, et ça va demander trop de ressources de notre organisme, quand on sait que le ministère, par exemple, de l'Énergie et des Ressources naturelles, le ministère des Transports sont des organismes qui ont quand même un certain nombre de ressources, en tout cas, ressources qui permettent de faire un très grand nombre d'autorisations sur un très grand nombre de sujets qui suscitent de toute évidence une demande pour obtenir de l'information environnementale, demande que les gens sont obligés de faire.

Parce qu'au Québec on est très peu avancés, comme a dit le député tantôt, au niveau des registres publics et des mécanismes de divulgation automatique. Si cette information-là était transmise automatiquement sur des registres, parce qu'elle correspond à la définition d'information environnementale, il n'y aurait pas de demande abusive ou très peu parce qu'il n'y aurait pas nécessité de faire une demande. Tous les documents sont numérisés. Toute demande d'autorisation au gouvernement est numérisée, donc on la met... si elle correspond à la définition légale, on la met sur un site et on vient d'éviter un certain nombre, sinon un grand nombre de demandes jugées abusives par celui qui détient l'information.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. Baril. Mme la ministre.

Mme de Santis : Je crois que mon collègue aimerait poser une question. Combien de temps il reste?

Le Président (M. Hardy) : Il reste 7 min 30 s.

Mme de Santis : O.K., allez-y.

Le Président (M. Hardy) : Donc, je passe la parole au député de Maskinongé.

M. Plante : Merci beaucoup, M. le Président. Me Baril, bonjour, bienvenue. On s'est rencontrés sur le projet de loi n° 102. Je suis très, très fier que vous ayez vanté les mérites de mon collègue le ministre de l'Environnement — j'ai le privilège d'être son adjoint parlementaire — et de vous dire à quel point on est fiers d'avoir présenté justement une modernisation d'un régime qui, après de nombreuses années, donc, plus de 40 ans, n'avait pas été modifié.

Je vais juste revenir sur... parce que tantôt... Moi, j'ai un problème de cheveux, vous savez, des fois je frise quand j'entends des choses puis je veux juste être sûr qu'on a bien compris ou qu'on a bien entendu la question. Tantôt, vous avez parlé, bon... en parlant de secret professionnel, de divulgation, vous avez dit : Bien, tout ce qui est de nature environnementale, après avoir mis une définition bien claire, que ça soit un contaminant de l'eau, l'air, du sol, bien, c'est de nature publique. D'autres personnes qui viendront, mais on a entendu à d'autres commissions aussi, vont dire : Bien, bien au contraire. Parce que, le ministère de l'Environnement, quand on demande un certificat d'autorisation, on fait une demande de certificat d'autorisation, ce qu'on va leur demander, c'est de mettre justement... pas nécessairement le procédé, mais de nous dire, bon, les produits utilisés, ne serait-ce que s'ils ont un risque de contaminer l'air, l'eau ou le sol. Et ce qu'on demande avant d'émettre le certificat d'autorisation, c'est de contrer les émanations, les glissements, l'écoulement, etc., là, vous êtes bien au courant.

Alors, j'aimerais savoir... Parce que, si j'ai bien compris, vous, vous dites : Non, non, non, tout ce qui est en dehors, qui a un risque de contamination extérieure, sol, eau, air, bon, etc., c'est de nature publique. O.K., je comprends, mais, si la loi est modifiée puis inclut un règlement comme ça ou permet une chose comme ça, qu'est-ce qu'on répond à ceux qui disent : Bien, chaque matériau utilisé, ou procédé, ou etc., est de nature confidentielle et du secret professionnel? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Hardy) : M. Baril.

• (10 h 20) •

M. Baril (Jean) : Oui. Encore là, je reviens à la convention d'Aarhus, au code français de l'environnement, qui contiennent des définitions de ce qu'est un secret industriel, et ce secret industriel-là est protégé. Et nous, on serait tout à fait favorables à ce qu'il y ait une définition dans la Loi sur l'accès de ce qu'est un secret industriel et qu'il y ait une restriction qui va demeurer sur la question du secret industriel.

Et les 35 années parlent, la pratique et tous les rapports, là, pas seulement les environnementalistes comme moi, mais quelqu'un comme Me Raymond Doray le dit, lui aussi : On a élargi indûment la notion de secret industriel. Vous me parlez, par exemple... Un exemple, vous vous souvenez de l'épisode des gaz de schiste. Le CQDE avait fait une demande d'accès à l'information parce que les forages avaient été... on voulait savoir les produits qui étaient utilisés dans la fracturation hydraulique. Ça avait une importance énorme sur la question de l'eau potable, potentiellement. Et la loi sur l'eau existait, le fameux droit aux ressources en eau. Et on s'est fait dire non, pas que le ministère en soi était contre... Et ce n'est pas un secret industriel de savoir... Toute la liste des produits était publique. Les entreprises disaient ça, le ministère et le rapport du BAPE : les produits utilisés à travers le Québec, on savait les 35 produits chimiques qui étaient utilisés. Ce qu'on ne savait pas et ce qui est important de savoir en responsabilité civile... Quelqu'un, un producteur agricole qui voit son puits d'eau potable... son approvisionnement en eau potable contaminé par un produit chimique, il n'a absolument aucun recours s'il ne sait qu'une liste agrégée de l'ensemble des produits chimiques utilisés au Québec. Il n'a aucune preuve que l'entreprise qui a foré à 200 mètres de son puits a utilisé tel produit. Donc, l'information sur le produit, ce n'est pas un secret industriel, ça.

Les secrets industriels... Je vous ferai remarquer que... Dans les sites d'enfouissement, connaissez-vous beaucoup de secrets industriels? Dans le prolongement des routes, quand on autorise une nouvelle carrière-sablière à Chertsey, je ne pense pas qu'il y ait encore beaucoup de secrets industriels. Les Chinois, là — M. Trump parle beaucoup de secret industriel — ils ont beaucoup d'autres méthodes pour découvrir nos secrets industriels que faire des demandes d'accès à l'information.

Donc, nous, la lumière orange ou rouge qu'on essaie d'allumer, c'est de faire attention de... On est d'accord que le secret industriel, les droits de propriété intellectuelle, tout ça, ça nécessite protection et que c'est possible de protéger ça tout en protégeant l'intérêt public et la question de l'accès à l'information environnementale. C'est possible de le faire.

Il y a eu une tentative en 1982 avec la Loi sur l'accès de faire un petit accommodement en vertu de l'accès à l'information, qui n'a pas donné aucun résultat. Et, nous, ce qu'on espère, c'est justement que le législateur encadre, qu'il définisse c'est quoi, un secret industriel. Comme ça, les entreprises sauront : ça, c'est un secret industriel, et je n'ai pas à le divulguer, et le ministre, aucun ministère ni aucun organisme n'a à le divulguer.

Le Président (M. Hardy) : 2 min 20 s.

M. Plante : Je peux continuer? O.K.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Maskinongé.

M. Plante : Alors, merci beaucoup. On avait une question de temps, le temps est restreint, hein? Bon, O.K. Puis ça, je le comprends bien. Je vais revenir aussi sur la question des pesticides. Bon, on a effleuré, je crois, un petit peu dans le document. Avec la modification, vous avez vu notre nouveau code de gestion, tout ça, au niveau des pesticides, beaucoup plus restreint, bon, on élimine les néonicotinoïdes, et on sait qu'ici, au Canada, il faut que ce soit approuvé, bon, il y a un long processus d'approbation, etc. Pour avoir une meilleure information et pour aller soit à l'utilisation, parce qu'on sait qu'on va demander une autorisation, ça va prendre un agronome ou quelqu'un d'agréé pour pouvoir permettre l'utilisation de pesticides. Mais vous, vous verriez... Dans un monde idéal, quelle serait la façon de fonctionner qui serait le mieux?

M. Baril (Jean) : Bien, dans un monde idéal, c'est de reprendre ce qui est avancé par la Commission d'accès, c'est la divulgation proactive, c'est des registres. Et, à l'heure actuelle, malgré toutes les bonnes intentions qui pourraient entourer la Loi sur les pesticides, les registres qui sont obligatoires en vertu de la loi, c'est des registres que j'appellerais privés. Ceux qui utilisent et ceux qui répandent des pesticides dans l'environnement doivent tenir un registre qui peut être consulté par le ministre, et ils doivent le consulter pendant cinq ans. Si le ministre décide d'aller consulter et que quelqu'un fait, actuellement, une demande d'accès à l'information, parce que c'est le ministère qui a cette information-là, qui a vu le registre et puis qui s'est aperçu que, l'année dernière, il y a eu telle quantité de tel produit de pesticide, bien, les restrictions de l'article 23, 24, c'est nécessairement l'utilisation d'un pesticide, un renseignement de nature technique, industrielle, commerciale, peut-être même financière, parce qu'il y a eu du développement, donc ça va être non. C'est un registre. On oblige le producteur, le vendeur, ceux qui ont des certificats à tenir un registre, mais c'est un registre privé qui est à la seule fin de contrôle — et c'est correct qu'il y en ait un — à la seule fin de contrôle de l'administration, du ministère. Mais, pour le public, pour l'accès à l'information, pour la divulgation des informations, à l'heure actuelle la Loi sur l'accès, comme elle a fait sur plusieurs des mesures de la Loi sur la qualité de l'environnement, viendrait mettre un frein à la volonté de divulguer ce type d'information là. Et c'est pour ça que c'est très important que l'ensemble des restrictions soient revues. Mais, à notre avis, les restrictions des articles 23 et 24 ont joué un rôle très négatif, et il y a une attention qui doit être portée spécifiquement à cette question-là.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Le temps accordé du côté gouvernemental étant expiré, nous poursuivons la période d'échange avec Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, pour l'opposition officielle, pour une durée maximum de 13 min 30 s.

Mme Léger : Bonjour, M. Baril. J'aurais beaucoup de questions, parce qu'il y a beaucoup de choses que vous avez élaborées, là, on va essayer d'être plus concis. Tout à l'heure, vous donniez l'exemple du gaz de schiste, entre autres, où on avait une demande d'accès particulièrement sur le produit. La raison qu'on vous a donnée pour ne pas vous donner l'accès, c'est la raison du secret professionnel?

Le Président (M. Hardy) : M. Baril.

M. Baril (Jean) : Ce n'est pas le secret professionnel, c'est le secret industriel, l'article 23.

Mme Léger : Industriel, excusez-moi, c'est moi qui s'est trompée.

M. Baril (Jean) : Le secret industriel. Bien, la raison qu'on nous a donnée... Parce que l'article 23, il mentionne «secret industriel» puis il mentionne après ça les renseignements de nature industrielle, commerciale, technique, financière ou scientifique, donc on nous dit : C'est l'article 23. On ne sait pas si c'est un secret parce que c'est jugé secret industriel ou si c'est juste un renseignement jugé de nature industrielle. C'est deux choses totalement distinctes.

Donc, à l'époque, c'est les entreprises... le ministère avait demandé aux entreprises, à toutes les entreprises productrices qui avaient fait les forages, et toutes les entreprises, sans exception, avaient dit non. Et donc il y a eu un veto. On est allés devant la Commission d'accès à l'information, et ça a pris presque trois ans et un mois avant d'être entendus, de comparaître devant la Commission d'accès à l'information. Au niveau international, par exemple, la station internationale de l'énergie disait à tous ses membres : Divulguez les produits que vous utilisez parce que la controverse qui a existé partout sur la planète... C'est mieux que vous disiez les produits que vous alimentiez des théories de complot, là — parce que ça existe, là — en cachant l'information. Et toutes les grandes entreprises ont accepté et ont modifié, donc ont levé leur veto, c'est-à-dire que le CQDE a obtenu, après 35 mois, les renseignements sur les produits utilisés, et on les a diffusés. Puis ce n'était pas la guerre atomique, effectivement, il y a des scientifiques qui les ont regardés, mais ce n'était pas un secret industriel, c'était juste une volonté à l'époque d'un secteur industriel de ne pas divulguer cette information-là. Et, avec le temps, bien, cette volonté-là a changé. Et moi, je salue cette ouverture-là et j'espère que les représentants des entreprises qui vont venir comprennent que le développement durable fait en sorte que le veto qu'ils avaient auparavant ne peut plus être maintenu.

Mme Léger : M. Baril, vous voulez une meilleure définition du secret industriel, d'une part, mais vous faites aussi allusion à la notion industrielle. Alors, où vous voyez la barre entre les deux, là, entre le secret et la notion? Comment on peut mieux définir le secret tout en sachant que, dans les termes qu'on voit, il y a aussi «notion industrielle»?

M. Baril (Jean) : O.K. Bien, il y a la jurisprudence, les tribunaux, autant en common law que... Il y a une définition qui a été élaborée par les tribunaux canadiens de ce qu'est un secret industriel. C'est quelque chose que vous êtes le seul à posséder et que, si vous le possédez, ça a une valeur monétaire parce que vous êtes le seul. Si j'avais découvert quelque chose, là, d'unique, là — ce qui n'est pas mon cas — je suis seul à posséder ça, je suis capable de le faire profiter, j'ai un brevet, ou peu importe, et je... Mais savoir que c'est... je ne sais pas le nom chimique, là, mais c'était comme l'équivalent de l'eau de Javel qu'on met dans l'eau et le sable pour faire de la fracturation hydraulique, ce n'est pas un secret industriel, ça, l'eau de Javel. Peut-être pour la compagnie qui l'a inventé, je ne le sais pas, mais l'utilisation de ça, ce n'est pas un secret industriel.

Donc, je ne suis pas un spécialiste du secret industriel, mais malheureusement on s'est buté... C'est une notion qui est tout le temps, tout le temps... parce qu'elle est amalgamée dans l'actuel article 23. Et c'est pour ça qu'on était d'accord avec le compromis qui a été proposé dans la Loi sur la qualité de l'environnement, parce que, là, on a considéré que le secret industriel et commercial... on a ajouté «confidentiel», à mon avis, un secret est confidentiel en partant, mais, bon, c'est ce que dit le nouvel article 23.1. Et ça, c'est au ministre... L'entreprise dit : Moi, je considère que c'est un secret industriel et commercial confidentiel. Je vous demande de ne pas le divulguer. Et le ministre a la faculté de dire oui ou non.

Le Président (M. Hardy) : On va laisser la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Elle a d'autres questions à vous poser.

Mme Léger : Merci. On a beaucoup de questions, mais en même temps c'est intéressant, là, tout ce que vous apportez. Je veux revenir sur les chiffres de la CAI aux crédits de 2017-2018, dans les renseignements particuliers. Elle a reçu, la CAI, 81 demandes de la part des ministères ou organismes afin, en fin de compte, de ne pas répondre à la demande d'accès à cause du caractère abusif qu'on a indiqué. Sur l'ensemble de ces demandes-là, dans tous les ministères, il y en a 28 qui viennent du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, sur 81 demandes. Comment vous expliquez ça, ce nombre aussi grand de l'Énergie et des Ressources naturelles? Et, si je fais une comparaison aussi à l'année précédente... Parce que, dans les crédits de 2016-2017, au lieu de 81 demandes, il y en a eu 67, puis, dans Énergie et Ressources naturelles, il y en avait eu quatre seulement. Et là, en 2017-2018, il y en a 28 sur les 81 demandes. C'est beaucoup.

Le Président (M. Hardy) : M. Baril.

• (10 h 30) •

M. Baril (Jean) : Bien, on n'a pas l'explication de ce qui se passe derrière les murs, mais c'est justement, c'est que, nous, au CQDE, comme il y a beaucoup de monde qui nous approche pour préparer des demandes d'accès à l'information, pour voir si on peut les épauler s'ils vont devant la Commission d'accès, il y a de plus en plus de monde, effectivement, avec le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, qui nous disent : Bien là, on nous dit dès le départ que notre demande est abusive. Je disais tantôt l'exemple des forages, des autorisations, c'est ce ministère-là. Et effectivement il semble y avoir une augmentation de ce type de recours dans ce ministère-là particulièrement, et c'est ce qui nous inquiète, et c'est pour ça que, dans une réforme, il faudrait voir à ça, parce que c'est très simple, c'est facile, si on a l'idée. Et il y a une culture du secret dans toutes les administrations publiques, le Québec ne fait pas exception, si on veut, c'est une nouvelle méthode : on a juste à dire que la demande est abusive parce qu'elle porte sur un grand nombre de documents. Et, de notre expérience, bien, la majorité des citoyens et des groupes laissent tomber, parce que, là, ils se voient déjà pris dans un engrenage de temps et de frais d'avocats, si c'est des groupes qui sont constitués en personnes morales. Et donc ça, il faut que ça soit...

Mme Léger : Est-ce que c'est ça que vous appelez, dans votre mémoire, l'effet dilatoire automatique?

M. Baril (Jean) : Oui, parce que l'effet dilatoire, c'est de reporter... Parce que, déjà, l'organisme, il considère que c'est abusif. Il n'a même pas à dire en vertu de telle restriction, c'est 23 ou 24, ou la restriction sur les analyses, ou n'importe quoi. Il n'a même pas à dire la restriction de la Loi sur l'accès qui lui sert de base à refuser. Il dit : C'est abusif. C'est à 137.1. Ce n'est pas dans la sous-section sur les restrictions. C'est 137.1 : est abusif...

Donc, il repousse dans les mains de la Commission à l'accès à l'information la décision, à savoir est-ce que c'est abusif ou non. La commission va dire... Si ce n'est pas abusif, là le ministère va devoir considérer : Bon, O.K., elle n'est pas abusive, est-ce qu'il y a une restriction qui s'applique. Et, si c'était 23, 24, ou peu importe, bien, on recommence le processus.

Donc, c'est une façon dilatoire de gagner du temps. Et, en information, le temps, c'est superimportant. Les gens qui font les demandes d'accès à l'information, c'est parce qu'il y a un projet qui s'en vient, il y a une élection, il y a quelque chose, un événement dans l'actualité. S'ils obtiennent l'information dans deux ans, bien, ce n'est pas tellement intéressant, et ils abandonnent.

Mme Léger : Sur un autre ordre d'idées, voulez-vous me parler davantage de... le fardeau de la preuve dans l'article 41.1 de la Loi sur l'accès? Dans votre mémoire, vous dites qu'«en effet, rien dans le libellé du premier alinéa de l'article 41.1 n'a changé au fait que le renseignement doive permettre de connaître ou confirmer l'existence d'un risque immédiat», etc., là. «C'est donc dire que le même fardeau de preuve continue de s'appliquer et qu'il appartient toujours au demandeur de fournir un début de preuve de l'application de l'article 41.1...»

M. Baril (Jean) : Oui. Bien, ça, ça avait été souligné bien avant le CQDE par Me Raymond Doray, qui est le spécialiste de l'accès à l'information, au moment où on abrogé l'article 26. C'est lui-même, avec Me Chevrette, qui avait souligné que cet article-là n'avait donné lieu à aucune décision positive de la Commission d'accès, parce que les critères qu'on exige... Encore là, dans ma thèse, c'est les décisions de la commission qui se sont penchées là-dessus... On demande pratiquement à la personne... Parce que, quand elle a fait une demande d'accès, puis qu'elle est refusée, puis qu'on considère que 26, 41.1 — 26 à l'époque et 41.1 plus tard — ne s'appliquent pas... Je conteste. Il faut encore que les gens contestent. Deux ans plus tard, je suis entendu par la Commission d'accès à l'information et j'essaie de faire valoir, bien, que l'exception de 41.1 s'applique. Bien, à la Commission d'accès à l'information, on a considéré : Bien, vous avez l'air, deux ans plus tard, en parfaite santé. C'était quoi, le risque pour votre santé, etc.?

Et je ne caricature pas, il y a une décision qui est... c'était exactement ça qui s'est passé. Et comme Me Doray le disait : «En toute déférence, on peut sérieusement se demander comment le demandeur qui n'a pas en main les documents en litige peut raisonnablement assumer un tel fardeau de preuve.» Et il disait en 1999 : «Autant dire que l'article 26 ne [trouverait] à peu près jamais application, ce qui est d'ailleurs amplement démontré», et qui s'est perpétué.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Il reste 3 min 45 s.

Mme Léger : Oui. J'ai un autre sujet à vous parler, celui de l'effet que pourrait avoir le retard de la réforme de la Loi d'accès sur l'interprétation de l'article 23.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Quel effet ça va...

Le Président (M. Hardy) : M. Baril.

M. Baril (Jean) : Bien, justement le député de Maskinongé, à raison, tantôt... Et c'est un compromis qui a été trouvé, au moment de l'adoption du projet de loi n° 102, parce que les regroupements d'entreprises avaient obtenu un amendement qui faisait en sorte que les restrictions des articles 23 et 24 auraient été expressément mentionnées et que, les documents qui auraient été divulgués sur le registre public de la Loi sur la qualité de l'environnement, bien, les restrictions des articles 23 et 24, les documents remis par les tiers, se seraient appliquées.

On s'est élevés contre ça. Il y a eu un compromis qui a été trouvé parce que... Et justement, donc, ce compromis-là, il y a plusieurs personnes qui nous ont approchés pour savoir qui va trancher. Admettons, la décision du ministre de l'Environnement de considérer que, selon 23.1, c'est un secret industriel ou commercial confidentiel ou ce n'est pas un secret industriel, commercial, est-ce que c'est le Tribunal administratif du Québec — quand c'est des décisions relatives aux autorisations, c'est là que ça va, devant le TAQ — ou c'est la Commission d'accès à l'information?

À mon avis — il y a de la jurisprudence là-dessus — c'est la Commission d'accès à l'information qui va devoir... Si on veut contester la décision du ministre, peu importe laquelle, ça va être à la Commission d'accès à l'information de trancher. Et ça va être à la Commission d'accès à l'information de nous déterminer, par la force des choses, s'il n'y a pas de changement législatif, c'est quoi, la différence entre un secret industriel et commercial confidentiel versus ce qui était auparavant l'article 23, les renseignements de nature industrielle, commerciale, etc.

Donc, il s'en vient... Si le législateur ne bouge pas, la Commission d'accès à l'information va devoir trancher cette nouvelle norme juridique, qui est différente de ce qui existe dans la Loi sur l'accès et qui, à mon sens, va dans le bon chemin. Ce qui a été adopté, le compromis de 23.1, on devrait le retrouver, l'essence de ça devrait se retrouver dans la modification aux restrictions des articles 23 et 24 sur les tiers.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Hardy) : 1 min 25 s.

Mme Léger : Il ne reste pas grand temps. Dans tout ce que vous apportez dans votre mémoire, quelle est, pour vous, l'urgence?

M. Baril (Jean) : Bien, l'urgence, c'est vraiment les restrictions des articles 23 et 24. Au niveau environnemental, le ministère de l'Environnement, ce n'est pas lui qui produit... Il produit de l'information environnementale, des rapports. Mais la majorité de l'information environnementale, la majorité des demandes d'accès à l'information environnementale porte sur des documents qui sont remis par des demandeurs d'autorisation, de subvention, d'aide de tout ordre au ministère.

Parce que ce n'est pas le ministère qui fait les projets, ce n'est pas lui qui sait comment on ouvre une carrière-sablière, puis qu'est-ce qu'on va faire, puis est-ce que les camions vont se promener la nuit, le tonnage, etc., c'est le promoteur qui dépose ces documents-là, et ça devient des documents de tiers.

Et le registre public qui avait été créé en 1978 s'est heurté, à partir des années 90, aux restrictions des articles 23 et 24. Donc, s'il y a quelque chose qui doit être... Et c'est pour ça qu'on parle de développement durable, de conciliation intérêts économiques et environnementaux : la primauté, le droit de veto qui est accordé présentement au secteur économique, aux tiers qui font des demandes d'autorisation, doit être modéré, tempéré en vertu des principes du développement durable.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup, Mme la députée. La période d'échange est terminée pour l'opposition officielle. Maintenant, nous poursuivons la période d'échange avec M. le député de Borduas, pour la deuxième opposition, pour un temps de neuf minutes.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, Me Baril. Merci de contribuer aux travaux aujourd'hui, on est heureux de vous recevoir. J'ai écouté depuis tout à l'heure. En fait, ce que je comprends de votre position: ça nous prend un changement de paradigme, un peu, supposons, par rapport à l'article 137, comment est-ce qu'on traite, dans le fond, les dossiers. Et, supposons, les demandeurs avec de multiples demandes, ils veulent avoir accès aux documents. Et là le ministère, l'État québécois leur dit : Bien, écoutez, la quantité que vous demandez, c'est une quantité astronomique, donc on vous considère un peu, en vertu de 137, comme des quérulents, puis nous, on considère que ce n'est pas justifié que vous en demandiez autant.

Dans le fond, on fait une analyse subjective, un peu en fonction de la position de l'État, puis de dire : Bien, écoutez, nous, ça nous demande des ressources — parce qu'ultimement c'est ça, un peu — ça nous demande des ressources, puis je n'affecterai pas tant d'employés à demander tous les documents que vous avez. C'est un peu ça.

• (10 h 40) •

M. Baril (Jean) : Bien, vous avez tout à fait raison. Mais tantôt, dans votre discours d'introduction, vous avez mentionné les classements internationaux dans lesquels le Québec se retrouve maintenant en queue de peloton. Je suis tout à fait d'accord avec Me Chartier, le président de la Commission d'accès à l'information, qu'à l'époque on était dans l'avant-garde, mais aujourd'hui on a beaucoup de rattrapage à faire.

Et c'est le changement de culture... Parce qu'au Québec, par exemple, les chiffres du ministère de l'Environnement, il y a seulement une demande d'accès à l'information sur quatre qui est répondue totalement positivement, ce qui est très peu. Quand on parle de ressources, le changement de paradigme, c'est que, plutôt que d'avoir des gens qui sont là, puis qui attendent, puis qui répondent à des demandes d'accès à l'information, puis qui doivent aller vérifier avec les tiers s'ils sont d'accord ou pas d'accord, fouiller un peu partout... Tout est numérisé maintenant. S'il y a des registres publics et s'il y a des définitions précises de c'est quoi, une information de tel type, versus secret industriel, etc., bien, ces gens-là seraient beaucoup plus efficaces.

Je ne crois pas que ça soit très compliqué de mettre les rapports d'analyse de 125 forages, qui sont numérisés, sur un site Internet. C'est très compliqué si vous recevez une demande d'accès à l'information et que, là, vous devez décider, ces rapports de forage là, est-ce qu'il y a des documents qui... est-ce qu'il y a des parties du document qui proviennent de tiers. Si oui, je dois aviser les tiers, je dois leur... J'attends. S'ils me disent non, c'est automatiquement bloqué. Donc, oui, c'est toute une mécanique globale et un changement de paradigme qui correspond à ce qui a été dit tantôt : L'accès, la divulgation automatique doit devenir la règle, et, vraiment, le refus... les restrictions, il va toujours y en avoir, mais l'exception. À l'heure actuelle, la pratique démontre le contraire.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que c'est invoqué souvent, l'article 137, pour dire, dans le fond : En matière environnementale, ce que vous demandez, c'est trop? Là, vous donnez un exemple du ministère de l'Énergie et Ressources naturelles. Est-ce que ça arrive fréquemment que l'État utilise... les organismes publics utilisent ce genre d'exception? Parce que c'est un peu particulier que l'État dise aux citoyens : Bien, vous faites une demande d'accès, puis on trouve que vous en demandez trop. En gros, c'est un peu ça, là.

M. Baril (Jean) : Oui. Mais juste les chiffres que la députée précédente a mentionnés, 80 quelques dans l'année, ça, c'est ce qui s'est rendu à la Commission d'accès à l'information. Autrement dit, la personne qui se fait dire ça a décidé de contester cette interprétation-là, que sa demande est abusive, et qu'elle a attendu, et qu'elle s'est présentée devant la Commission d'accès à l'information.

D'expérience tout à fait récente, il y a plusieurs personnes qui, comme elle, se font dire que leur demande est abusive, que ça devra passer et être décidé par la Commission d'accès à l'information, n'y vont simplement pas. Donc, ces chiffres-là, ces personnes-là, ils n'apparaissent pas dans les statistiques des 81 ou 87 qui ont été mentionnées tantôt. Ça peut paraître pas beaucoup, mais ce qui nous préoccupe, c'est que ça semble, en tout cas au sein de ce ministère-là, être une nouvelle façon de reporter les décisions et de refuser, en fait, l'accès à l'information.

M. Jolin-Barrette : Parce que ça, je pense, c'est bien important, là, pour que les gens qui nous écoutent comprennent : à partir du moment où vous faites une demande d'accès à l'information, l'organisme public a 20 jours et un 10 jours supplémentaire, c'est possible, donc 30 jours, pour répondre à votre demande. Et là ça se peut que le ministère ou organisme dise : Écoutez, non, on ne vous transmet pas l'information parce qu'il s'agit d'un renseignement protégé en vertu de x, y exception.

Et là, par la suite, il y a une autre étape à faire, où, là... si la personne veut faire la révision de la décision, d'aller devant la Commission d'accès à l'information. Et là vous avez dit... Supposons, pour le gaz de schiste, les gens qui voulaient savoir qu'est-ce qui était injecté. C'est légitime de le savoir parce qu'on parle des nappes phréatiques, on parle des puits qui alimentent plusieurs communautés. Et j'en ai moi-même, dans ma circonscription, où c'est vraiment problématique, puis il n'y a pas de consensus social pour ça, supposons dans la vallée du Richelieu, puis il faut comprendre les gens à ce niveau-là.

Mais la question, c'est : Est-ce que, si, lors d'une réponse d'un organisme public ou d'un ministère, on donnait davantage d'informations dans le refus, vous pensez que ça pourrait aider?

Le Président (M. Hardy) : M. Baril. Très rapidement.

M. Baril (Jean) : Oui, parce que, comme je l'ai dit tantôt, l'exemple des gaz de schiste, si on nous dit seulement : C'est en vertu de l'article 23, et qu'en vertu de la loi on vous envoie la disposition, l'article 23, mais vous ne savez pas si c'est parce qu'on considère que c'était un secret industriel ou un renseignement de nature industrielle, et, la jurisprudence, il y a des critères différents, donc, pour les citoyens qui ne sont pas des juristes, ça ne leur dit pas grand-chose.

Et c'est pour ça que, les mécanismes de divulgation automatique, ce qu'il faut viser, après l'adoption de la nouvelle loi, c'est que le ministère de l'Environnement ne reçoive plus 12 000 à 15 000 demandes d'accès à l'information, mais qu'il en reçoive 500, 600 par année, parce que c'est des registres publics, l'information sera accessible directement. Ça économiserait des coûts et ça faciliterait la participation, l'engagement des citoyens, ce que tout le monde ici souhaite.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Je veux juste qu'on aille sur l'article 24. Dans votre mémoire, vous en parlez, vous dites... Lorsqu'on parle du risque de préjudice éventuel, donc là, on refuse l'accès aux documents ou l'accès à l'information sur un hypothétique risque de préjudice. Donc là, le tiers a seulement à dire : Bien, écoutez, ça risque de me causer préjudice dans le cadre de ma négociation commerciale, donc ça gèle là, on ne peut pas donner l'information. Ça, c'est un problème en matière environnementale.

M. Baril (Jean) : Oui, parce que les deux vont ensemble, l'article 23, c'est sur la nature des renseignements, puis l'article 24, c'est les préjudices éventuels, la nature des préjudices. En matière environnementale, et ça a été plaidé et gagné par des entreprises, ça peut être un risque de préjudice si la population sait ce que je rejette dans l'eau du fleuve ou de la rivière, dans telle municipalité, même si c'est parfaitement légal et autorisé, là, il n'y a pas de doute par rapport à ça, ça a été autorisé.

Mais les gens, ils voudraient savoir c'est quoi, la quantité, et c'est quoi, le type de produit, s'il y a eu des analyses de faites. Et peut-être que ça peut être un risque, un préjudice, parce que j'ai des compétiteurs qui, eux, font mieux que moi. Ils produisent le même type de produit que moi, mais... Et c'est pour ça qu'aux États-Unis on vise de plus en plus la réglementation par l'information... Ce n'est pas des règlements, mais on oblige les entreprises à divulguer de l'information. Et, comme ça, les banquiers, les compagnies d'assurance, le législateur, les élus municipaux, les citoyens, etc., les actionnaires peuvent se rendre compte : Écoutez, comment ça se fait que vous, vous polluez, vous utilisez tant de produits chimiques annuellement et que votre compétiteur direct, qui fait le même genre de production, lui, envoie dans l'air 50 % moins de contaminants, dans l'eau, et récupère...

On peut savoir ces chiffres-là. Mais il y a des entreprises qui, en vertu de 24, disaient : Ça peut me causer un préjudice parce que, justement, mes clients, les groupes environnementaux, l'opinion publique peuvent se saisir de ces chiffres-là. Et ça a été un argument qui a été adopté, que c'est un... Mon image d'entrepreneur, d'entreprise propre peut être affectée par la divulgation de ce que j'envoie dans l'environnement. C'est un préjudice, et ça, ça n'a rien à voir avec le secret industriel. Et les préjudices commerciaux aussi ont été souvent... Donc, les 23, 24.

Le Président (M. Hardy) : ...le député de Borduas, une minute.

M. Jolin-Barrette : Sur l'appréciation du critère relativement à ça, dans le fond, vous dites : Bon, c'est supposé être un critère objectif, mais parfois ça devient un critère subjectif. Supposons, si on le modifie, comment on devrait le modifier pour vraiment avoir un critère, qui serait approprié, d'appréciation?

M. Baril (Jean) : Bien, ça ne peut pas être seulement un point. C'est la question de la divulgation automatique, donc que la majorité des renseignements se retrouve sur des registres publics sans nécessiter de faire des demandes d'accès. Il faut qu'on resserre les restrictions et que ça ne soit pas aux seules entreprises à déterminer : moi, j'ai un droit de veto.

Et, pour avoir assisté à des webinaires qui sont donnés par des collègues, là, en accès à l'information, mais pour les entreprises et les grands cabinets d'avocats, c'est ce qu'on leur dit : Vous avez deux outils extraordinaires pour refuser la divulgation d'information. Vous traitez vos documents de matière confidentielle, vous mettez des tampons «confidentiel», «confidentiel», vous les rangez le soir dans des archives barrées, et vous avez juste à dire à la Commission d'accès à l'information...

Le Président (M. Hardy) : ...je vous remercie, M. Baril. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Association pour l'accès et à la protection de l'information de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 47)

(Reprise à 10 h 49)

Le Président (M. Hardy) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association pour l'accès et la protection de l'information. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Association sur l'accès et la protection de l'information (AAPI)

M. Ouimet (André) : Merci, M. le Président. Alors, Mme la ministre, Mme, MM. les députés, mon nom est André Ouimet. Je suis avocat à la retraite et je préside l'association sur l'accès à l'information, mieux connue sous son acronyme AAPI.

• (10 h 50) •

Nous vous remercions de cette invitation à présenter notre mémoire et à échanger avec vous sur certains aspects du rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.

Alors, M. le Président, comme vous m'invitez à le faire, permettez-moi d'abord de présenter les personnes qui m'accompagnent : à ma droite, Mme Chantal Garcia, qui est vice-présidente de l'AAPI, secrétaire générale de la Régie de l'assurance maladie du Québec et responsable de l'accès à la Régie de l'assurance maladie; à ma gauche, M. Martin Samson, vice-président du Groupe CyberSwat, membre du conseil d'administration de l'AAPI. Ces personnes, vous l'aurez compris, représentent aujourd'hui l'AAPI, et non leurs organismes propres. Néanmoins, en nommant les fonctions qu'occupent ces personnes vous constatez que l'AAPI oeuvre auprès de praticiens, des personnes en accès à l'information et en protection de renseignements personnels.

L'AAPI regroupe ainsi quelque 500 personnes tant dans le vaste secteur public — majoritairement, je dois le dire — que celui du privé. Depuis plus de 25 ans, l'AAPI fournit une expertise en gouvernance et en développement de compétences, et elle offre un accompagnement professionnel. Au besoin, si vous le désirez, nous serons en mesure d'expliciter plus précisément les fonctions qu'exerce l'AAPI.

Pour ma part, je dois confesser d'entrée de jeu certains intérêts. En effet, durant plus de 17 ans, soit de 1985 à 2002, j'ai occupé le poste de secrétaire et directeur des affaires juridiques à la Commission d'accès à l'information. Et, depuis mon retrait de la fonction publique, j'enseigne notamment l'accès à l'information et la protection de la vie privée à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke. Maintenant que j'ai révélé certains éléments de ma vie privée, j'entame le résumé du mémoire de l'AAPI.

Quant au droit à l'information, sans revenir sur les règles juridiques dont s'est dotée notre société en matière d'accès à l'information, on retiendra l'importance du droit à l'information comme un droit qui s'exerce préalablement aux autres droits. Par exemple, avant de décider d'un traitement médical, on reconnaît que le patient a le droit de savoir les risques qu'il encourt. De même, on vient de le voir, comment peut-on évaluer les risques environnementaux si nous ne disposons pas de l'information nous permettant de connaître ces risques?

En même temps, comme je l'indique souvent à mes étudiants, tout est question d'équilibre. Le législateur doit édicter la loi qui permettra le mieux au citoyen d'avoir accès aux documents qui lui permettront de participer aux débats de la société, ainsi qu'aux politiciens et administrateurs publics de rendre compte de leur saine gestion des fonds publics, tout en préservant la nécessaire confidentialité qui entoure notamment certains documents, dont ceux reliés à la sécurité ou aux relations internationales, pour ne nommer que ceux-là.

Pour ce faire, dans toutes les lois d'accès à l'information, les législateurs ont reconnu des restrictions obligatoires et d'autres facultatives. S'agissant de ces dernières, force est de constater, plusieurs années plus tard, qu'on invoquera trop souvent, par automatisme, des restrictions que le législateur a voulu facultatives. Comment changer cet état de fait? Comment faire, notamment, pour que des restrictions que vous avez voulues facultatives obéissent à un processus discrétionnaire, et non à un automatisme?

Comme vous pouvez l'imaginer, ce matin, en nous présentant devant vous, nous avons un élément de réponse que nous souhaitons partager. Notre réponse est en fait : une culture de la transparence. Une culture de la transparence doit s'imposer dans les règles de la gouvernance des organismes publics. Aussi, cette culture de transparence peut s'opérer en confiant aux responsables de l'accès une plus grande autonomie, elle-même reposant sur ses compétences et lui permettant d'exercer une influence déterminante dans l'évolution de la culture et des pratiques de son organisme, pour une diffusion proactive de l'information dans l'intérêt général des citoyens.

À notre avis, il est donc temps de formuler un certain nombre d'obligations à l'égard des responsables de l'accès à l'information, tel que nous l'avons détaillé dans notre mémoire. Pour leur mise en oeuvre, nous estimons que, conformément au principe de la séparation des pouvoirs énoncé par Montesquieu, le législateur doit clairement orienter l'exécutif, soit le gouvernement, vers l'adoption de règles qui obligent les plus hauts dirigeants à les intégrer à leurs règles de gouvernance et aux pratiques opérationnelles liées à l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels.

En conséquence, les personnes que l'on dit être les responsables de l'accès à l'information deviendraient, à la faveur de formations adaptées à leur réalité, de véritables professionnels de l'accès à l'information. De ce fait, ils susciteront de la confiance. Voilà, le mot est lancé, un mot passablement utilisé ces dernières années, mais qui certes traduit l'intention du législateur. N'est-ce pas en effet le but premier de toutes les lois d'accès à l'information, de renforcer, voire donner confiance aux citoyens dans leurs institutions? Le responsable de l'accès à l'information doit incarner cette confiance et, pensons-nous, non seulement auprès des hauts dirigeants de son organisation, mais aussi et surtout auprès des citoyens demandeurs d'accès à l'information.

Je passe maintenant à la protection des renseignements personnels. Plusieurs internautes ont accolé le mot «j'aime» sur le mur de médias sociaux qui diffusent l'anecdote suivante — j'ouvre les parenthèses : «Comme je n'ai pas de Facebook, j'essaie de me faire des amis en dehors du vrai Facebook en appliquant les mêmes principes. Tous les jours, je descends dans la rue et j'explique aux passants ce que j'ai mangé, comment je me sens, ce que j'ai fait la veille, ce que je suis en train de faire et ce que je vais faire demain. Je leur donne une photo de ma conjointe, du chien, de mes enfants, de moi en train de laver la voiture, de ma femme en train de coudre. J'écoute aussi leurs conversations et je leur dis "j'aime". Ça marche! Il y a déjà quatre personnes qui me suivent : deux policiers, un psychiatre et un psychologue — je ferme la parenthèse.»

Il s'agit d'une caricature, évidemment. Elle n'en pose pas moins les défis, le paradoxe de la protection de la vie privée au XXIe siècle. On demande à l'État de bien vouloir adopter des lois visant à sauvegarder, d'une part, notre vie privée, alors que, d'autre part, nous exposons de grands pans de celle-ci à quiconque veut devenir notre ami. Dans ce contexte, les meilleures lois du monde auront tôt fait d'être dépassées, voire obsolètes.

En réponse, souvent, aux souhaits des citoyens et des consommateurs, le commerce en ligne et les échanges électroniques, et autres, avec les gouvernements et les entreprises se multiplient. Mais que dire des menaces qui, trop souvent, les accompagnent? En effet, les médias rapportent régulièrement les bris de confidentialité, les vols d'identité, les cyberattaques et tous les autres gestes déplorables de ce que j'appelle les délinquants des temps modernes. Mon collègue de gauche, Martin, est un expert et il pourrait vous en dire long à ce sujet.

En réaction, plusieurs législateurs agissent en adoptant ou en révisant leurs lois. C'est le cas, par exemple, de l'Union européenne qui, par la voie unanime de ses 27 membres, a édicté un règlement qui reconnaît de nouveaux droits aux citoyens et qui contient des règles très précises à l'égard des entreprises. Il entrera en vigueur en mai 2018. Et, comme son ancêtre, la directive européenne sur la protection des données, il contient des dispositions relatives à la protection des données personnelles qui seront dirigées vers des États tiers, dont le Québec. Notre législation sera-t-elle toujours reconnue comme étant adéquate par les partenaires européens?

Quelle solution préconiser alors? Selon nous, il convient de revenir au principe de base, tout particulièrement le consentement, un consentement éclairé, lorsqu'il s'applique. Pour que les citoyens saisissent bien le sens de l'expression «protéger sa vie privée» avant qu'on y porte atteinte, il ne suffit pas de demander à tout nouvel abonné de lire les volumineux contrats qui nous lient par consentement, par exemple, aux entreprises de médias sociaux. La réponse nous apparaît plutôt résider dans un maître mot : «pédagogie». Jeunes, ados, adultes, aînés, tous devraient avoir l'opportunité de s'initier aux façons de protéger leur vie privée, et que, s'ils conviennent d'en dévoiler une partie, ce soit en pleine connaissance.

S'agissant des organismes publics, en raison des quantités phénoménales de renseignements personnels qu'ils recueillent, utilisent, conservent et communiquent, résultat d'un État providence, selon nous, des mesures plus incisives doivent être adoptées.

L'AAPI recommande que le législateur donne suite aux propositions de la Commission d'accès à l'information. De plus, l'AAPI formule ses recommandations dans son mémoire.

En conclusion, vous l'aurez compris, certaines lois québécoises d'accès à l'information doivent être réformées dans le sens recommandé par la commission. Mais il faut plus. Les règles de bonne gouvernance doivent intégrer les principes d'accès à l'information et de protection de renseignements personnels tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Et une insistance doit être mise sur la formation des plus hauts dirigeants et des responsables des organismes publics et privés. Quant aux citoyens, ils devraient se voir offrir la possibilité de comprendre les règles d'accès à l'information et les mécanismes qui pourraient mettre en péril leur droit à la vie privée.

Merci de votre écoute. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions et à échanger avec vous. Une dernière petite chose : je vous souligne, à l'arrière, la présence de Mme Linda Girard, directrice générale de l'association, cheville ouvrière de notre association, et de M. Bérubé, qui collabore aux travaux de l'AAPI. Merci.

• (11 heures) •

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie pour votre exposé, M. Ouimet. Je tiens à vous signaler que Mme la ministre vous a donné encore un petit peu de temps sur son temps à elle pour que vous puissiez faire votre conclusion.

M. Ouimet (André) : Je l'apprécie, merci.

Le Président (M. Hardy) : Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour 22 min 20 s.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci, M. Ouimet, Mme Garcia, M. Samson, Mme Girard, M. Bérubé. Merci d'être là avec nous aujourd'hui.

Alors, je constate que l'AAPI a été constituée en 1991, et depuis vous avez comme mission de favoriser le développement et la compétence dans l'accès à l'information et la protection de la vie privée dans tous les secteurs, y compris privé et public. Donc, déjà, vous avez une certaine relation avec les responsables d'accès à l'information qui se retrouvent à travers l'appareil de l'administration publique. Maintenant, si je comprends bien, cela n'a pas été suffisant pour s'assurer que la culture soit une culture de divulgation, mais plutôt une culture où on dit non avant qu'on dise oui.

J'aimerais comprendre d'une façon beaucoup plus terre à terre qu'est-ce qu'il faut faire vraiment pour changer la culture. Changer la culture qui existe à l'intérieur d'un appareil gouvernemental, ça ne se fait pas d'un jour à l'autre, et je crois que vous avez essayé, quand même, depuis 1991 de donner aux gens avec qui vous avez des... à qui vous faites vos présentations, vous encouragez la divulgation. Alors, pouvez-vous être un peu plus précis, s'il vous plaît?

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Merci, M. le Président. Alors, plusieurs choses. D'abord, effectivement, depuis 1991, l'AAPI offre un programme de formation professionnelle qui est reconnu par la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal, un programme de formation continue, des journées en matière professionnelle, des documents pédagogiques, un site Web qui comprend des ondes réservées, etc. Donc, depuis 1991, vous avez raison de dire que plusieurs personnes, plusieurs responsables ont participé aux formations de l'AAPI. Actuellement, on a à peu près 500 personnes. Or, selon certaines évaluations, il peut y avoir environ 3 000 organismes publics. Des entreprises privées, il y en a des centaines de milliers. Donc, le potentiel de personnes qui pourraient suivre les formations de l'AAPI est énorme. Ça, c'est une chose. Donc, les formations vont aider les responsables de l'accès à mieux comprendre leurs responsabilités en vertu de la Loi sur l'accès.

Or, on doit constater, comme je le disais tantôt, que souvent le responsable de l'accès va s'en référer uniquement aux dispositions de la loi. Alors, je reviens à votre question : Qu'est-ce qu'on fait pour changer la culture puis en faire une culture de transparence? Il y a plusieurs choses. D'abord, une responsabilité du législateur, à mon avis, de reconnaître cette culture de transparence. Je prends un exemple : dans mon ancienne vie, j'ai déjà été au bureau du Commissaire au lobbyisme. Or, la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme reconnaît à l'article 1 la légitimité du lobbyisme. Depuis cette époque, on ne doit plus questionner la légitimité du lobbyisme, parce que le législateur a reconnu que c'était une activité qui était légitime.

Donc, le législateur a un devoir de reconnaître encore plus... comme dit la Commission d'accès dans son rapport, de reconnaître le droit à l'information. À une certaine époque, la Commission d'accès — j'y étais — a recommandé que le droit à l'information soit même reconnu comme un droit fondamental, parce qu'actuellement il est à l'article 44, dans la partie de la charte qui n'est pas droit fondamental. On n'entrera pas dans toutes ces discussions juridiques, mais le législateur a donc un rôle à jouer, lui, pour cette reconnaissance.

Le gouvernement a un rôle à jouer. Dans le document qui s'intitule Orientations gouvernementales pour un gouvernement plus transparent, dans ses orientations, il y avait beaucoup de dispositions qui démontraient clairement, mais elles sont toujours là, beaucoup de recommandations, donc, qui visent à rendre cette culture de transparence dans les organisations gouvernementales. Quant au citoyen, comme je le disais tantôt, il faut, lui aussi, qu'il soit informé de tous ses droits, plus qu'il ne l'est aujourd'hui. Donc, le changement de culture devrait s'opérer, en résumé, autant par l'action législative, gouvernementale que l'information auprès des citoyens.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Ça m'amène à ce questionnement que j'ai. On peut avoir la meilleure loi au monde, et même, avant qu'on clique sur «j'accepte», que les dispositions soient beaucoup plus claires qu'elles le sont présentement, quand quelqu'un veut avoir accès à une application ou à n'importe quoi sur le Net, est-ce qu'ils vont véritablement prendre note, même si c'est clair dans son explication, à quoi ils donnent leur consentement quand ils disent «j'accepte»? Et quoi faire pour s'assurer que le public comprend vraiment les enjeux?

J'ai rencontré des étudiants d'environ 50 écoles secondaires depuis janvier dernier pour essayer de les sensibiliser à l'importance de la protection des renseignements personnels, et, quand je leur demandais : Est-ce que vous voulez que vos parents sachent où vous êtes 24 heures par jour?, ils disaient : Non, absolument pas. Et je leur demandais : Mais alors, votre téléphone intelligent, combien d'entre vous avez activé à tout moment le GPS? C'était presque tout le monde. Et je disais : Qu'est-ce que ça veut dire quand vous avez ça qui est ouvert et disponible? Et ils ne font pas le lien.

Alors, comment on peut sensibiliser notre public aux enjeux? Parce que changer uniquement la loi, rendre le consentement plus clair avant que tu fasses le clic... Il faut que les gens prennent le moment de réfléchir. Et est-ce qu'on devrait peut-être obliger aussi que certaines applications soient disponibles même si les gens disent non?

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Alors, moi, je reviens à ce que je disais dans notre mémoire, le mot «pédagogie». Vous l'avez fait, Mme la ministre, auprès de jeunes. L'AAPI a des trousses pédagogiques pour des étudiants du secondaire. Quand j'arrive, moi, à mon cours à l'université, au premier cours, ce sont des étudiants de troisième année en droit qui ont pris ce cours optionnel, je leur montre le contrat qu'ils ont signé avec Facebook, notamment, avec Google, peu importe, qui est très, très détaillé quant à la protection de la vie privée. En fait, là, si on le mettait sur du papier, il ferait probablement une quarantaine de pages, c'est donc très détaillé. Et, comme vous dites, personne ne lit ces contrats-là, parce que les gens veulent le service, point. Sauf que, dans l'utilisation de ces services, des médias sociaux, très souvent les gens ne savent pas quels mécanismes ont été mis en place pour protéger leur vie privée.

Moi, je vous donne un exemple personnel. Ma conjointe a un compte Facebook. Elle utilise ça pour parler à des amis qui lui sont très proches. Elle envoie des photos. Elle envoie de l'information. Quand ma fille vient à la maison, elle dit : Bien, non, maman, il ne faut pas que tu fasses ça comme ça, voici comment on va ajuster les paramètres. Alors, il y a une classe de la population qui est informée, qu'on doit informer, mais il faut informer toutes les couches de la population, pas juste les jeunes, les ados, les adultes, les aînés qui utilisent tous ces systèmes sans souvent se prémunir au niveau de leur droit à la vie privée. Alors, moi, le mot, c'est «pédagogie».

Je ne sais pas si mon collègue veut ajouter sur un sujet qu'il connaît beaucoup mieux que moi?

M. Samson (Martin M.) : Si vous permettez?

Le Président (M. Hardy) : M. Samson.

• (11 h 10) •

M. Samson (Martin M.) : Entre autres, dans les entreprises, on regarde souvent les méthodes de protection pour sécuriser l'information, etc., mais le côté humain souvent est laissé de côté. Alors, ça va... Du même point de vue, non seulement la population, mais au niveau des entreprises aussi, quand on parle du maillon le plus faible où les groupes organisés vont chercher l'information, c'est l'être humain. Alors, la sensibilisation à la sécurité puis à la protection des informations personnelles dans l'entreprise, c'est quelque chose qu'il faut aussi mettre de l'emphase dessus. Alors, contrairement aux gens qui tentent de vendre des technologies pour sécuriser, la première personne qui va permettre aux groupes mal intentionnés d'entrer dans l'entreprise, c'est l'être humain qui va aller cliquer sur un lien ou qui va ramasser une clé USB qui traînait. Alors, c'est ce groupe-là, le côté pédagogique, le côté sensibilisation aussi à travers les entreprises.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Vous semblez être d'accord qu'on devrait avoir un responsable de la protection des renseignements personnels dans les entreprises, de toute nature, dans le secteur privé. Nous savons que 52 % de nos entreprises sont des petites, petites entreprises, moins de cinq employés. Comment gérer ça dans un monde où la plupart de nos entreprises sont vraiment des toutes petites et, en grande partie, plus que 90 % ont 10 personnes et moins employées?

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Alors, effectivement, on est conscients de cette réalité des PME au Québec. Toutefois, les effets sur la vie privée peuvent être aussi importants si c'est une petite entreprise ou une grande entreprise. Mais il faut, pensons-nous, comme la Commission d'accès à l'information le recommande, qu'une personne dans l'entreprise privée ait cette préoccupation face à la vie privée. De nos expériences, on constate que souvent les personnes qui agissent en ressources humaines ont déjà une préoccupation de protection des renseignements personnels en raison des dossiers qu'ils gèrent, qu'ils ont à traiter. Cette préoccupation doit dépasser le secteur des ressources humaines et la gestion de tous les renseignements personnels.

On en parlait, encore une fois avec mon collègue, sur tous... Par exemple, tous les développements informatiques qui se font, s'il n'y a pas une préoccupation au départ pour la protection des renseignements personnels, c'est là qu'il y a un risque éventuellement de bris à la confidentialité. Parce que les experts en sécurité, les experts en technologie — et il y aura toujours quelqu'un en technologie, même si c'est dans une petite entreprise, elle sera soit à l'emploi de l'entreprise ou soit à contrat avec l'entreprise — ces experts-là doivent être mis à contribution à partir de la conception du projet jusqu'à la fin. Donc, on pense qu'il devrait y avoir toujours quelqu'un qui a cette préoccupation et à qui on peut référer en matière de protection des données personnelles.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Merci. Vous parlez d'une personne responsable des ressources humaines. Vous savez, dans les petites, petites entreprises, ça n'existe pas. Alors, comment faire vraiment, comment réussir à sensibiliser ces petites, petites entreprises à cet enjeu? Parce que ça va être le moindre de leurs soucis quand ils sont en train de se constituer. Il y a des problèmes de trouver le bon personnel, le financement, les locaux, se faire connaître, etc.

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Mais en même temps, comme le risque de sécurité et de bris de confidentialité est aussi élevé que dans une grande entreprise, parce que, peut-être, ils ne prendront pas toutes les mesures de protection, raison de plus pour que, d'abord, on informe les entreprises des risques qu'ils encourent s'il y a bris de confidentialité et qu'une personne ait cette préoccupation. Encore une fois, cette personne peut être le responsable de l'entreprise, le propriétaire de l'entreprise ou quelqu'un qui est là, mais que quelqu'un ait toujours en tête cette préoccupation, parce qu'encore une fois le risque est aussi présent, de divulgation de renseignements personnels, que dans une grande entreprise, et très souvent les renseignements vont être encore plus confidentiels dans certaines petites entreprises que dans les grandes entreprises.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Merci. Je comprends ce que vous dites et je suis tout à fait d'accord, parce que le problème est le même que vous soyez toute petite ou très grande, particulièrement dans un monde où la technologie va devenir plus importante pour tout le monde.

Pouvez-vous m'expliquer un peu plus qu'est-ce que vous voulez dire par des «nouveaux processus de gouvernance», à quoi vous faites référence exactement?

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Alors, tout à fait. Il y a beaucoup de lois, maintenant, de règlements qui ont obligé les organismes publics à adopter des règles de gouvernance. En fait, tout organisme public et toute entreprise qui se respecte a maintenant un plan stratégique, des règles de gouvernance, et tout. Alors, nous, un peu comme le suggéraient d'ailleurs les orientations gouvernementales et la Commission d'accès, on devrait formaliser et obliger les organismes publics et les entreprises à intégrer dans les règles de gouvernance les principes d'accès et de protection de renseignements personnels, et détailler ces principes de telle sorte qu'il soit de la responsabilité des hauts gestionnaires de voir à ce qu'on les respecte en cours de mandat. Dans ce cas, il nous apparaît que c'est une façon de changer la culture et d'apporter une culture de transparence, puisque ce serait écrit dans les documents, et on sait très bien qu'avant de faire ces documents il y a une réflexion des cadres de l'organisation qui fait en sorte qu'on y réfléchisse, à ces questions d'accès et de protection de la vie privée.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : On parlait de consentement, parlons de jeunes qu'eux aussi ont accès très facilement à le Net. Est-ce que vous êtes pour une protection plus importante pour les jeunes et, si oui, comment s'exprimerait cette protection? Comment cette protection se ferait?

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Je vous avoue très candidement qu'on n'a pas réfléchi de façon très précise à cette question-là : Est-ce que les jeunes ont besoin d'une plus grande protection? Spontanément, je vous dirais que le fait que les jeunes soient de grands utilisateurs, ils ont sans doute besoin d'une protection particulière. Toutefois, je pense qu'il ne faut jamais oublier aussi que les technologies, si vous me permettez l'expression, ont séduit beaucoup les aînés, et qu'ils sont de grands utilisateurs d'Internet, de médias sociaux, etc., et qu'eux aussi ont besoin d'une protection, et je pense qu'il faudrait regarder plus attentivement les mesures particulières qui devraient être adoptées pour ces personnes-là. Mais, encore une fois, moi, je pense, et je sais que vous partagez un peu ce point de vue puisque vous avez fait toute cette tournée des écoles, que la pédagogie est très, très importante. Il faut informer toutes les couches de la population des risques de l'utilisation. Et, comme je le disais tantôt, une personne informée va utiliser mais en sachant quelles sont les conséquences de l'utilisation des technologies modernes.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Dans votre mémoire, vous parlez de changement de culture, changement de nouveaux processus de gouvernance, mais aussi changement dans la gestion de l'information. Pouvez-vous nous expliquer qu'est-ce que vous voulez dire par cela?

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet. M. Samson.

M. Samson (Martin M.) : Si vous permettez. Au niveau de l'information comme telle, ce qui est important, c'est de savoir que tout ce qui transite par Internet, tout ce qui est... il faut que les gens aient... encore là on revient avec le terme «pédagogie», que le changement de l'information soit à ce moment-là diffusé, qu'il y ait beaucoup de données qui sont diffusées, mais aussi que l'information sur le potentiel de ces données-là soit connue des gens qui les utilisent puis aussi des gens du gouvernement ou des entreprises qui les mettent à la disponibilité des internautes.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Ça n'allait pas au-delà de la gestion de la documentation? Est-ce que vous incluez dans votre réflexion aussi un devoir de documenter? Est-ce que vous êtes allés aussi loin que ça?

• (11 h 20) •

Le Président (M. Hardy) : M. Samson.

M. Samson (Martin M.) : Je vous donne mon opinion personnelle là-dessus : c'est très important, la documentation. Quand on parle de projet informatique, quel qu'il soit, si le projet n'est pas documenté d'un point de vue de la sécurité à partir du début, comme le mentionnait M. Ouimet tantôt, à ce moment-là, la sécurité risque de tomber à l'eau, ou on risque d'arriver au milieu ou la fin d'un projet puis de se retrouver avec des besoins de sécurité qui arrivent comme ça, à la dernière minute, et qui empêchent les projets d'arriver, ou, si le projet est quand même mis en place, à ce moment-là il y a un risque qui est augmenté d'avoir de la perte de données personnelles.

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Alors, si vous permettez, M. le Président, je sais que la Commission de l'accès a recommandé justement, notamment, qu'on documente toutes les décisions ou tout ce qui est document qui soutient le processus de décision. Je pense que tout ça vient notamment du fait que... L'un des effets de la Loi sur l'accès, c'est qu'on a vu dans certains organismes de moins en moins de documents, d'écritures justifiant des décisions qui étaient prises, de telle sorte qu'il y a eu comme un effet pervers. Pour être certain qu'on n'avait pas de demandes d'accès ou qu'on n'aurait pas à répondre à des demandes d'accès, on n'a pas produit de document. Alors, en absence de document, la Loi d'accès ne s'applique pas. Alors, la Commission d'accès recommande une plus grande ouverture de ce côté, et nous, on a proposé que, toutes les recommandations de la Commission d'accès, vous y donniez suite, et c'est une proposition, je pense, qui est intéressante parce qu'elle permettrait de conserver l'histoire dans les organismes publics. On voit trop souvent aujourd'hui des organismes publics qui n'ont pas de document justifiant certaines décisions prises par l'organisme.

Mme de Santis : Et comment on appliquerait une telle disposition? Quelle serait la sanction?

M. Ouimet (André) : En fait, c'est intéressant, oui, parler de sanctions parce qu'on essaie de voir... Si on oblige à faire quelque chose, il faut bien qu'il y ait une sanction qui va avec ça. Moi, je dirais, avant la sanction, il faudrait la pédagogie, encore, hein, il faudrait informer et avoir des responsables qui sont des professionnels et donc qui sont en mesure, là, dans leur organisation, de prêcher cette bonne nouvelle et de dire qu'il faut le faire. Donc, avant la sanction, la pédagogie.

Pour ce qui est de la sanction, elle viendrait le jour où la Commission d'accès, soit par la voie de son pouvoir d'enquête ou son pouvoir de révision, sanctionnerait le fait que l'organisme n'a pas de document.

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie beaucoup. Le temps qui est accordé au niveau gouvernemental est expiré. Nous poursuivons la période d'échange avec Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, pour l'opposition officielle, pour un temps de 13 min 30 s, et je vous demanderais... vous allez avoir des questions courtes, des réponses courtes, s'il vous plaît. Merci. Mme la députée.

Mme Léger : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Ouimet, et toute l'équipe qui vous accompagne. Très intéressant, on n'a pas assez de 10 minutes de parler avec vous parce qu'il y a beaucoup d'éléments qui vont au-delà de juste faire une loi, c'est aussi toute la vision de l'accès à l'information. Je salue votre expertise. Vous avez été à la CAI, été à l'équipe du Commissaire au lobbyisme, la formation que vous donnez, alors vous êtes expert, dans le fond, dans la matière, et aidé avec une belle équipe que vous avez autour de vous.

J'ai bien aimé quand vous parlez de votre exemple de comment sauvegarder la vie privée, notre intérêt de sauvegarder la vie privée, puis, en même temps, qu'on étale sur les réseaux sociaux n'importe quoi. Mais, en même temps, on veut avoir le droit de protéger nos renseignements, mais, en même temps, la liberté d'en faire ce qu'on veut. Alors, c'est toujours un paradigme que je pense qu'on vit tous. Mais, en même temps, lorsqu'on voit que j'autorise mon consentement, quand on fait notre consentement d'un texte qui est là, on ne comprend rien, puis on fait le petit crochet que, oui, on autorise, plein de gens qui nous écoutent font ça régulièrement sur les réseaux sociaux, ou sur Internet, ou peu importe, sur différents contrats qu'on a avec différentes entreprises. C'est comme rendu normal de faire ça. Mais on ne lit pas qu'est-ce qu'il y a dessus parce que c'est incompréhensible. On peut-u se le dire, que c'est incompréhensible? Quand on commence à lire puis...

Alors, le goût de l'instantanéité, d'avoir l'outil, le service qu'on veut apporte une très grande problématique avec bien lire ce qu'on nous donne, le consentement qu'on va donner. Alors, la formation, à mon avis, ne suffira pas. Simplement ça, de former les gens ou que les gens soient davantage informés de ce qu'ils signent... Parce que, même si je voudrais être une citoyenne bien avisée, là, quand je lis tout ça, je n'en comprends pas la moitié. Tu sais, on ne comprend pas qu'est-ce qui est là. Alors, comment on peut ajuster ça ou comment on peut s'assurer que nos informations puis nos renseignements personnels soient bien protégés, c'est un lourd défi. Je vous relance la problématique.

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Merci, M. le Président. En fait, effectivement, c'est un grand défi et c'est pour ça que je dis que tout le monde a une responsabilité. Le législateur a une responsabilité. La Commission d'accès le recommande dans plusieurs de ses recommandations, elle demande, là, que le législateur intervienne, qu'on mette la Loi sur l'accès, dans son volet Protection des renseignements personnels, au niveau des législations, notamment de la législation européenne. On n'aura pas le temps d'en parler, mais il y a beaucoup de choses intéressantes dans le nouveau règlement européen. Deuxièmement, le gouvernement a des choses aussi à faire. Il y a eu un document d'orientation qui pourrait être mis en vigueur. Il y a eu une commission parlementaire, vous vous rappelez, là-dessus en 2015. Et la pédagogie est le troisième outil que j'estime utile pour informer les citoyens.

Vous dites : C'est difficile à comprendre, ces contrats. C'est vrai, il est difficile à comprendre non seulement par le langage utilisé, mais par la longueur du texte. Il y a beaucoup, beaucoup de choses. C'est vrai que, si on prend le temps de lire tout ça, on va finir par comprendre. Mais il y a beaucoup de choses. Donc, un outil de vulgarisation pourrait être utile aussi pour expliquer aux citoyens à quoi ils s'engagent quand ils contractent avec, par exemple, un Facebook ou un Google, et apprendre notamment que ces entreprises peuvent utiliser les photos, les documents, etc., parce qu'ils ont déjà un consentement.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Vous disiez tout à l'heure que le législateur a un rôle à faire, vous le redites encore, entre autres de reconnaître le droit à l'information. Vous avez fait le lien avec l'article 1 du Commissaire au lobbyisme, sur la loi sur le lobbyisme, où qu'on reconnaît que «le lobbyisme constitue un moyen légitime d'accès aux institutions parlementaires». Quand je regarde l'article 1 de la Loi sur l'accès à l'information, on est loin du compte. À l'article 1, on commence : «La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses...» Écoutez, on n'est vraiment pas à la bonne place, là, ce n'est pas... Normalement, un article 1 est quand même fort, donne le ton. Là, sur notre loi, je vois qu'avec ce que vous dites on ne l'a pas du tout. J'imagine qu'il y a beaucoup de conséquences à ça, de mettre dans son article 1 de la reconnaissance du droit à l'information. Est-ce que vous pouvez nous en dire quelques mots?

M. Ouimet (André) : Oui, tout à fait.

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : M. le Président, la Commission d'accès reconnaît aussi que l'article 1 d'une loi doit bien poser ce que vise cette loi-là, donc, dans ce cas-ci, reconnaître le droit à l'accès à l'information, reconnaître le droit à la protection des renseignements personnels. Et, vous savez, dans cette loi d'accès à l'information que nous avons actuellement... Cette loi, elle est prépondérante. Donc, elle a une valeur de charte de droits et libertés, elle est prépondérante sur les autres lois. Sauf qu'à la faveur des années on s'aperçoit que... et là je feuillette des pages, des dizaines de pages de l'annexe du rapport quinquennal où on voit que le législateur a adopté des dispositions dérogatoires. Quand j'explique à mes étudiants le droit d'accès et que je leur soumets un cas pratique, je leur dis : Maintenant, avant d'aller voir la Loi sur l'accès, allez voir la loi sectorielle, parce qu'il est fort possible qu'il y ait des dispositions dérogatoires. Donc, au fil des ans, la Loi sur l'accès est devenue presque secondaire par rapport aux autres lois qui contiennent des dérogations à la Loi sur l'accès. Or, la commission, avec raison, invite le législateur à la réflexion là-dessus et à poser bien clairement l'objectif et les principes de cette Loi d'accès en article 1.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

• (11 h 30) •

Mme Léger : Je comprends très bien votre propos. Vous parlez beaucoup — vous en avez discuté avec la ministre — du changement de culture. La ministre vous a posé quelques questions à ce niveau-là. Vous donnez beaucoup d'importance à revoir, en tout cas, le responsable dans les organismes publics, le responsable de l'accès à l'information, vous donnez beaucoup d'importance à son rôle. Le rôle semble davantage... puis on voit plusieurs exemples ces temps-ci aussi puis dans les dernières années, vous... Ce n'est pas simplement une personne qui dispose de la loi ou qui interprète la loi qui est devant elle, là, d'une façon technique, là. Vous y voyez un rôle pas mal plus proactif, vous y voyez un professionnel, là, quand vous dites que vous... Puis effectivement je pense que c'est très, très adéquat, ce que vous dites. Je vois, entre autres, un journaliste qui a posé... J'ai un petit tweet d'un journaliste, le 12 mai 2017, le tweet d'Alexandre Shields, du Devoir, qui écrivait : «Demande d'accès à l'information refusée par le ministère des Forêts, Faune et Parcs — refusée par le ministère. On nous refuse aussi le droit de parler au responsable de l'accès.» C'est un tweet qu'il a fait dernièrement. C'est l'exemple d'un journaliste, là, sûrement qu'on en aurait d'autres types, de ces refus d'accès.

Le rôle du responsable de l'accès... Je pense qu'il y a un travail immense à faire. Quand vous parlez de changement de culture, oui, il y a un changement de culture, la vision de la ministre et de l'appareil gouvernemental, qui parle davantage de faire de la transparence accrue, mais ça commence, entre autres, par une bonne formation de nos responsables, vous avez tout à fait raison à ce niveau-là, mais aussi son mandat. S'il est un professionnel... responsable de l'accès à l'information, mais qu'il est un professionnel, je pense que ça va beaucoup plus loin que ce qu'on a présentement. Je vois dans certains ministères qu'il y en a qui sont... N'importe qui peut être responsable. Je ne veux pas enlever l'importance de plusieurs, qui y mettent du coeur puis qui font leur rôle correctement, là. Je ne veux pas négliger ça, là, ce n'est pas dans cet objectif-là. Mais on voit aussi qu'il y en a qui ne sont pas du tout formés, qui sont là sans connaître nécessairement, plus ou moins, leur mandat. Je pense que vous allez convenir avec moi que le rôle du responsable, il y a beaucoup de travail à faire, puis vous l'indiquez d'une façon très, très, très claire.

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Alors, M. le Président, effectivement, nous, c'est le sens de nos recommandations, que les responsables doivent devenir des professionnels, et non pas simplement... Et je suis d'accord avec vous aussi, Mme la députée, que beaucoup de responsables font un travail remarquable, là. Ça l'était quand j'étais à la Commission d'accès à l'information. Je côtoie des personnes responsables de l'accès qui font un travail extraordinaire. Mais force est de constater que, dans bien des cas, on se contente de répondre à des demandes d'accès en invoquant des articles de loi. À notre avis, le rôle d'un responsable, c'est beaucoup plus que ça dans une organisation.

Et justement, si le législateur décidait de mettre certaines obligations qui apparaissent dans notre mémoire sur les épaules du responsable de l'accès, ces personnes-là auraient une responsabilisation accrue et seraient impliquées dans l'organisation comme de véritables professionnels de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. Et cet engagement-là ferait en sorte que les citoyens, à notre avis, auraient confiance dans les organisations parce qu'ils auraient un répondant en qui on aurait confiance.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Parce qu'on voit effectivement qu'il y a une inégalité de cette fonction-là d'un organisme à l'autre. Ce n'est pas parce que Mme Garcia, qui est à côté de vous, qui peut faire un rôle, un très bon... Son mandat, elle l'exécute d'une façon peut-être extraordinaire, mais, en même temps, est-ce que c'est de sa volonté personnelle? Je ne veux pas en faire un cas personnel, là, ça, mais des fois c'est la volonté de la personne. Mais, une formation ou un équilibre qu'il peut y avoir dans l'ensemble des organismes publics, d'une part, puis au privé aussi, là, on reviendra, mais évidemment je pense que ça mérite vraiment d'être entendu.

Je ne sais pas si vous avez vu l'article de ce matin, Fling flang au ministère de la Justice. Ça n'a pas lieu d'être. Est-ce que vous en voyez, des cas de ce type-là où il y a un processus plus politisé de la chose? Il faut enlever la politicisation du rôle du responsable de l'accès à l'information.

Le Président (M. Hardy) : Mme Garcia.

Mme Garcia (Chantal) : Je peux ajouter de ma propre expérience, et donc, effectivement, vous avez raison. Premièrement, j'avais l'intérêt, dans mon cas, j'ai suivi le programme de certification de l'AAPI. Ça m'a beaucoup aidée, parce qu'il n'était pas juste question d'interprétation technique des dispositions, mais des principes eux-mêmes, alors de faire vivre ces principes-là d'accès et de protection. J'ai beaucoup plus compris comment mettre ça en relation, ce qu'avant j'aurais été incapable de faire.

Alors, aujourd'hui, ce qui se passe, c'est que je pense que les responsables d'accès, étant donné qu'on est dans une société numérique et que, forcément, les renseignements sont intégrés, sont intégrés à des finalités de prestation de services, à des finalités d'administration de programmes, de prévention du crime, de recherche... Alors donc, il faut, à ce moment-là, que les responsables d'accès soient au coeur des projets.

Mme Léger : Est-ce que vous suggéreriez d'avoir une formation obligatoire?

Le Président (M. Hardy) : Mme Garcia.

Mme Garcia (Chantal) : Ah! je trouve ça difficile de dire que ce soit obligatoire. Écoutez, là, c'est parce que je ne veux pas non plus prôner notre propre formation, mais je pense que c'est important d'être compétent puis d'être formé pour pouvoir bien conseiller. Il faut oser avoir ce rôle d'influence là. On a parlé de structure, de gouvernance tout à l'heure, il faut être aussi dans les plateformes de gouvernance. Il y a un comité d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels qui est prévu au règlement sur la diffusion. On propose, on suggère fortement que ce soit présidé par le président de l'organisation ou le chef de direction. Donc, il faut être... On a parlé de plan stratégique aussi, tout à l'heure... donc que ces questions-là soient intégrées.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, en 45 secondes.

Mme Léger : Mais vous pouvez voir quand même qu'il y a des écarts de conduite par rapport à un responsable. Je veux revenir sur l'article de ce matin. Ce n'est pas rien, cet article-là, là. C'est quand même un responsable d'accès à l'information qui... où on politise la chose, et il y a un accord du cabinet. Ça ne devrait pas exister, selon vous, là, ça ne devrait pas être une manière de faire?

Le Président (M. Hardy) : Mme Garcia, 15 secondes.

Mme Garcia (Chantal) : Je ne connais pas les circonstances précises de l'événement de ce matin. Ce qui est certain, c'est que, lorsqu'on repère les documents, quand on a une demande d'accès à l'information, le processus doit être intègre. On a le devoir aussi de fournir assistance. On doit s'assurer qu'on a les documents. Alors, c'est sûr que ça fait partie du rôle de responsable. Lorsqu'il y a des restrictions de niveau discrétionnaire, il faut avoir des échanges aussi avec les équipes, il faut bien comprendre les risques qui sont associés à ça. Puis, je pense, il faut se projeter dans le futur, si on allait en audition à la commission, comment on répondrait. Alors, je pense que notre processus doit... Le responsable de l'accès est le gardien d'un processus intègre, c'est clair, là, pour moi. Je ne sais pas si... ça ne répond peut-être pas, là, mais...

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Disons que le temps accordé à l'opposition officielle est expiré. Nous allons maintenant faire l'échange avec le député de Borduas, pour la deuxième opposition, pour un temps de 8 min 36 s.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Ouimet, Mme Garcia, M. Samson, bonjour. Merci de votre contribution aux travaux de la commission. Je vais poursuivre sur le même thème. Parce que, depuis le début de la présentation de votre mémoire, vous revenez souvent sur la question de la confiance, la question de la confiance dans les institutions, et l'intégrité du processus également.

Ce que l'on constate à de multiples reprises... Supposons qu'on parle du gouvernement et des ministères, et on le vit en tant que députés de l'opposition, moi-même, je l'ai vécu avec des demandes d'accès au ministère de la Justice, et on constate qu'il y a des journalistes, ce matin également, Annabelle Blais, du Journal de Montréal, qui a fait une demande d'accès à l'information... puis ça s'est fait également dans le passé, là, au mois de mars également, ça s'est fait au MTQ, où, manifestement, ça passe par le cabinet du ministre, par son chef de cabinet.

Et l'article 8 de la Loi sur l'accès nous dit : Bon, c'est la personne ayant la plus haute autorité qui est responsable ultimement de l'accès à l'information. Donc, théoriquement, c'est le ministre. Mais la pratique veut qu'au gouvernement on délègue quelqu'un, on va le donner à un fonctionnaire, tout ça. Mais, pratico-pratique, là, dans la machine à saucisses, ce qu'il se passe, c'est que cette personne-là reçoit la demande d'accès à l'information, va vouloir répondre à la demande d'accès, mais, avant de peser sur «envoyer», bien, il y a un filtre politique qui est mis en place. Au niveau du processus, au niveau de l'intégrité, je veux avoir votre opinion là-dessus : Est-ce que, de la façon dont le gouvernement fonctionne actuellement, c'est approprié d'avoir ce mécanisme-là, d'avoir un filtre politique à travers ça?

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Bien, vous aurez compris que, par nos propositions, on dit : Donner une plus grande autonomie au responsable de l'accès. Nous, on pense que le responsable devrait être en mesure d'agir lui-même, de prendre la décision et de communiquer ou non, en exprimant pourquoi il ne communique pas. Et, comme disait Mme Garcia tantôt, aussi, le responsable est là pour prêter assistance. Et il ne faut pas oublier... Moi, dans une vie antérieure aussi, j'ai été secrétaire du Conseil de la magistrature et j'ai participé à des groupes sur l'accès à la justice. Quand on va devant un tribunal, il y a un échec des relations entre des individus. Quand on doit aller devant la Commission d'accès, c'est qu'il y a eu un échec. Donc, il faut favoriser la discussion entre le responsable de l'accès et le citoyen. Dans ce contexte-là optimal, le responsable de l'accès aurait toutes les marges de manoeuvre complètes.

Maintenant, vous l'avez dit vous-même, en vertu de l'article 8, actuellement, si on prend l'exemple du gouvernement, c'est le ministre qui est responsable de l'accès. Donc, on peut comprendre qu'actuellement il y ait des... dans certains ministères, qu'on fonctionne de cette façon-là. Alors que nous, on pense qu'à l'avenir on devrait donner une plus grande autonomie au responsable de l'accès, qui aurait évidemment la formation pour répondre aux demandes d'accès, notamment.

• (11 h 40) •

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Lorsqu'on parle d'autonomie, on parle d'une autonomie institutionnelle, donc de venir l'inscrire dans la loi, supposons, pour chacun des ministères, de dire : Bien, cette personne-là est responsable de l'accès à l'information. Est-ce que vous feriez en sorte de créer un poste complètement indépendant, avec les garanties d'emploi associées à cette indépendance-là?

Parce que c'est toujours ça, la question : à partir du moment où la personne est nommée en vertu de la Loi sur la fonction publique et qu'elle n'est pas nécessairement désignée avec une indépendance complète et partielle, bien, l'intégrité du processus peut toujours être remise en cause en fonction des pressions politiques. Est-ce que vous pensez que ça prend dans la loi, très clairement, là, pour les organisations publiques, une indépendance complète et impartiale, indiquée dans la loi?

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Écoutez, c'est une très bonne question. Nous, on n'est pas allés jusque-là. On sait que ça existe, par exemple pour les vérificateurs internes des organismes, où ils ont une certaine indépendance par rapport à l'organisme qu'ils vérifient. Théoriquement, ça serait possible que ça existe, mais on n'est pas allés dans notre mémoire jusqu'à proposer que cette personne-là, là, soit complètement distincte du ministère, en l'occurrence, là. Mais c'est une possibilité que vous pouvez examiner comme législateurs, effectivement.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Et, au niveau de l'indépendance, au niveau de l'intégrité du processus, est-ce que, dans une éventuelle loi, on devrait venir dire que le processus n'est pas assujetti à quelconque contrôle, dans le fond, que le responsable de l'accès à l'information reçoit la demande et la traite lui-même sans autre critère, dans le fond? Est-ce qu'on devrait le souligner dans la loi précisément?

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Alors, dans un cas comme ça, là, on est plus dans la rédaction de la loi comme telle. Nous, on dit : Il faut donner une grande autonomie à cette personne-là. Comment on va rédiger le texte de la loi? Je pense qu'on se reverra lorsqu'on aura un projet de loi. Mais, d'ici là, il y a toutes sortes de façons de l'écrire, et de rendre plus autonome ou plus indépendant le responsable de l'accès.

Le Président (M. Hardy) : M. le député.

M. Jolin-Barrette : Parce que, lorsque vous nous dites : D'ici là, avant qu'on ait le dépôt d'un projet de loi, qu'on étudie un projet de loi, est-ce que vous pensez qu'on devrait déjà changer la culture actuellement qui prévaut dans nos sociétés d'État, au sein du gouvernement? Est-ce que ça serait une recommandation que votre groupe ferait?

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Alors, nous, on était d'accord avec les orientations gouvernementales pour un gouvernement plus transparent, qui donnaient une plus grande marge de manoeuvre aux responsables. On est toujours en accord avec ça aussi.

M. Jolin-Barrette : O.K. J'ai une question au niveau de la protection des renseignements personnels. Tout à l'heure, vous avez bien illustré avec votre exemple sur Facebook. J'ai trouvé ça très comique, mais vous avez réussi à démontrer très clairement, dans le fond, c'est quoi, la conséquence d'exposer sa vie, puis, dans le fond, le filtre virtuel : les gens exposent la totalité de leur vie et pensent qu'il n'y a pas de conséquences.

Vous avez parlé beaucoup de pédagogie. Pédagogie, oui. Quelle forme ça devrait prendre? Parce qu'on peut avoir des tournées dans les écoles, malgré la bonne volonté de la ministre, je la félicite pour la... Elle a fait de nombreuses écoles, mais elle ne peut pas faire toutes les écoles puis elle ne peut pas voir tous les élèves du Québec, notamment. Quelle forme ça prend, cette pédagogie-là, concrètement?

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet.

M. Ouimet (André) : Alors, concrètement, il y a plusieurs façons de le faire. La ministre l'a fait d'une façon. Bien humblement, je vous dirais, moi, je le fais d'une façon avec des étudiants en droit. J'ai quand même 35 étudiants en droit chaque année. Et j'ai une demande... J'ai été obligé de limiter le nombre à 35 parce qu'on a une grande demande à cet égard. D'autres, comme Me Éloïse Gratton, offrent un cours de maîtrise à l'université, le professeur Pierre Trudel, à Montréal. Éducaloi fait son bout. Il y a toutes sortes de façons de faire de la pédagogie auprès de toutes les clientèles possibles. Je les rappelle, là : les jeunes, les ados, les adultes et les aînés, viser toutes ces clientèles. Nous, on a fait des documents pédagogiques, à l'AAPI, pour les jeunes, primaire, secondaire. Ce sont des outils qui existent. Alors, la pédagogie, elle peut prendre toutes sortes de formes et elle devrait prendre toutes les formes possibles pour qu'on rejoigne ces clientèles.

Le Président (M. Hardy) : ...député de Borduas. Une minute.

M. Jolin-Barrette : Oui. Sur la question du consentement, de la validité du consentement, vous l'avez dit tantôt, les gens ne comprennent pas nécessairement ce à quoi ils consentent. Comment est-ce qu'on fait pour s'assurer d'avoir un consentement libre et éclairé, si je peux dire, sur l'utilisation des médias sociaux? Parce qu'on fait face à des entreprises multinationales qui, oui, doivent respecter le cadre réglementaire, mais comment est-ce qu'on réussit à s'assurer que le consentement est valide, des gens?

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet, en 30 secondes.

M. Ouimet (André) : Alors, je vous dirais d'abord, effectivement, la pédagogie, d'une part. D'autre part, comme le dit la commission, en intégrant la définition de consentement dans la Loi sur l'accès, ce serait déjà un autre pas qui serait fait. Et toute la question du consentement est beaucoup liée à la compréhension qu'a l'organisme, donc une formation aussi du responsable. Je m'explique très rapidement.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Le temps est déjà écoulé.

M. Ouimet (André) : On se reparle.

Le Président (M. Hardy) : M. Ouimet, Mme Garcia, M. Samson, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du Bureau d'assurance du Canada de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 46)

(Reprise à 11 h52)

Le Président (M. Hardy) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Bureau d'assurance du Canada. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Bureau d'assurance du Canada (BAC)

Mme Lamanque (Johanne) : Merci. Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mme la députée, M. le député, et membres de la commission, je suis Johanne Lamanque, vice-présidente pour le Québec du Bureau d'assurance du Canada. Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Marie-Pierre Grignon, qui est directrice des affaires techniques et juridiques également pour le BAC; Me Karine Iskandar, qui est conseillère juridique principale pour Intact; de même que M. Pierre Marc Bellavance, qui est vice-président, Affaires juridiques, et secrétaire général pour La Capitale. Alors, ces derniers s'ajouteront à la discussion suite à mon exposé, qui devrait durer tout au plus le 10 minutes, tel que prévu.

Alors, permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour l'invitation qui a été faite au Bureau d'assurance du Canada, de nous permettre de vous faire part et de nos commentaires, mais également de nos préoccupations, et de participer aux auditions publiques relatives, là, au rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.

Je tiens à rappeler la mission du Bureau d'assurance du Canada, qui est de représenter les intérêts des sociétés membres, soit les compagnies d'assurance de dommages. Et on précise que ce sont les compagnies qui assurent les automobiles, les habitations de même que les entreprises, et non pas le secteur de l'assurance vie. Donc, vous rencontrerez la CAP la semaine prochaine, dans le même cadre des consultations.

Le BAC est le porte-parole de plus de 100 membres. Donc, on parle, en termes de parts de marché, de plus de 90 % des parts de marché du marché de l'assurance de dommages au Québec. Ce sont des acteurs d'importance dans l'économie québécoise, également canadienne, tant au plan des emplois que de la fiscalité. Également, je tiens à souligner que le BAC joue un rôle qui est aussi important auprès des consommateurs en termes d'éducation et d'information.

D'abord, le BAC salue la réflexion et tout le travail qui ont été faits par la Commission d'accès à l'information dans sa volonté à moderniser le cadre juridique qui protège les renseignements personnels au Québec, puisqu'il nous apparaît évident que ce cadre est maintenant dépassé et qu'il ne répond plus aux attentes.

La Loi sur la protection des renseignements personnels doit s'arrimer avec les lois semblables qui sont présentes dans les autres juridictions, tant provinciales que fédérales. Il va sans dire que l'arrivée des technologies bouscule, voire perturbe beaucoup les façons de faire, et nos membres sont grandement préoccupés par tous les risques que cette technologie amène.

Dans l'ensemble, ces derniers se disent plutôt en accord avec les recommandations qui sont contenues dans le rapport de la Commission d'accès à l'information, et c'est en leur nom que nous avons émis dans notre mémoire des commentaires pour 13 des 67 recommandations qui pourraient avoir un impact sur leurs opérations. On souhaite donc mettre à profit le temps que vous nous accordez aujourd'hui pour revenir sur les enjeux les plus importants pour eux.

Avant d'aller plus loin, je pense important d'expliquer le contexte dans lequel les compagnies d'assurance de dommages évoluent et de souligner le fait qu'elles sont soumises à d'autres règles, hors du Québec, lorsqu'elles font affaire ailleurs au pays. Et c'est souvent le cas pour la majorité d'entre elles. Ces sociétés sont en effet déjà rigoureusement encadrées. Plusieurs lois, règlements, on parle d'une vingtaine de lignes directrices qui s'appliquent à leurs activités au Québec, pour lesquelles elles doivent toutes rendre compte au ministère des Finances de même qu'à l'Autorité des marchés financiers. Une harmonisation est donc essentielle entre les différentes instances afin d'éviter les redondances et les possibles risques d'incohérence.

À titre d'exemple, certains aspects qui ont été visés par la présente consultation, notamment les incidents de sécurité et les communications à l'extérieur du Québec, sont déjà encadrés par les lignes directrices de l'Autorité des marchés financiers. Ajouter de nouvelles règles ne ferait qu'alourdir le processus et donner lieu à des contradictions potentielles. D'autre part, lorsque nous référons aux autres législations, ce n'est pas, pour nous, de suggérer qu'une loi soit meilleure qu'une autre, mais plutôt de souligner l'importance d'harmoniser les lois dans un contexte fédéral canadien de façon à en faciliter l'application. À ce titre, la loi fédérale nous apparaît souvent plus appropriée, d'autant plus qu'elle a fait l'objet, déjà, de révisions.

Par ailleurs, l'accès aux renseignements personnels et financiers ainsi que le traitement, l'analyse, l'enregistrement de ces données sont une nécessité fondamentale et intrinsèque aux activités d'assurance. La collecte d'informations est en effet une opération qui est vitale puisque ce sont elles qui vont permettre d'évaluer un risque et de donner un portrait plus juste à un assureur. Ces derniers utilisent donc des modèles qui sont prédictifs, qui sont basés sur de nombreuses informations. Ils doivent fonder leur analyse sur des données qui sont nombreuses et variées.

De par la nature de leurs activités, les assureurs accordent déjà, depuis très longtemps, beaucoup d'importance à la protection des renseignements personnels de leurs clients. Ils savent en effet très bien que tout manquement à cet égard pourrait briser le lien de confiance établi au fil du temps avec leurs assurés et, par conséquent, nuire grandement à leur réputation. Les commentaires qui ont été émis dans notre mémoire et ceux que nous vous soumettons aujourd'hui s'inscrivent donc dans cette double réalité à l'intérieur de laquelle les assureurs évoluent, soit un secteur d'activité qui est hautement réglementé et une activité basée sur le risque, qui s'évalue à partir de l'information obtenue.

En matière de protection des renseignements personnels, le BAC est d'accord avec la recommandation qui vise à réviser la notion de dossier pour adopter une approche basée sur la finalité de la collecte, comme c'est le cas également au fédéral. Aussi, nous soulignons l'importance de prévoir comment les renseignements personnels peuvent être transférés d'une entreprise à une autre faisant partie d'un même groupe financier ou suite à une fusion ou à une acquisition. Mentionnons que l'industrie de l'assurance vit des transformations majeures et que bon nombre de transactions de fusion, acquisition ont cours. Lors de telles transactions, la loi actuelle ne permet pas le transfert des renseignements personnels entre les entreprises en question sans obtenir le consentement préalable de chaque assuré concerné. Cette situation prévaut pour les transactions effectuées tant au Québec que hors Québec.

À cet égard, le BAC souhaite qu'une exception soit faite concernant la loi sur le privé afin qu'un tel transfert puisse se faire, comme c'est le cas au fédéral et également dans d'autres juridictions. L'obligation de contacter chacun des clients rendrait le processus complexe et inefficace.

Dans le même ordre d'idées, considérant l'existence des lois responsabilisant les entreprises en matière de renseignements personnels dans les autres provinces canadiennes, une mesure restreignant la communication des renseignements personnels entre provinces nous apparaît injustifiée et beaucoup trop contraignante. Aussi, le BAC tient à souligner que des exigences spécifiques sur ce plan sont déjà présentes dans certaines lignes directrices. Il serait plus approprié que l'obligation d'effectuer une étude d'impact et de risque ne s'applique qu'en présence d'une transmission de renseignements personnels à l'extérieur du pays et en précisant les critères requis.

• (12 heures) •

En ce qui concerne les incidents de sécurité, la ligne directrice sur les pratiques commerciales prévoit déjà l'obligation pour les assureurs d'informer l'Autorité des marchés financiers de tout manquement à la protection des renseignements personnels susceptible de nuire aux intérêts et aux droits des consommateurs. De façon plus spécifique, d'autres lignes directrices exigent des assureurs qu'ils mettent en place des mécanismes appropriés ou des processus d'urgence en cas d'incident majeur ou de violation de la confidentialité.

En ce qui concerne les communications à l'extérieur du Québec, le BAC tient à souligner que des exigences spécifiques sur ce plan sont déjà présentes dans la Ligne directrice sur la gestion des risques liés à l'impartition de même que dans la ligne directrice du traitement transfrontalier des données personnelles du commissariat à la vie privée du Canada. Encore une fois, il y aurait lieu d'harmoniser l'ensemble de ces dispositions.

Une réalité qui est propre à l'industrie, c'est : en assurance de dommages, la fraude représente plus de 15 % des indemnités versées. En chiffre absolu, on parle, à travers le pays, d'un peu plus de 1 milliard de dollars à chaque année. Les assureurs doivent donc être vigilants, car, en fin de compte, ce sont tous les assurés qui paient pour ce fléau.

À cet égard, l'industrie de l'assurance de dommages souhaite que la communication entre assureurs de certaines informations relatives à la fraude soit clairement permise. L'article 18 de la loi sur le privé donne déjà aux entreprises le droit de communiquer entre elles des renseignements personnels lorsqu'elles ont des motifs raisonnables de croire que la personne concernée a commis ou est sur le point de commettre un crime ou une infraction à la loi.

Finalement, nous rappelons l'importance de protéger les informations confidentielles ou de nature stratégique transmises par les assureurs à l'Autorité des marchés financiers dans le cadre de la surveillance qu'elle effectue. Les dérogations prévues à cet égard dans la loi doivent donc être maintenues.

En conclusion, nous insistons sur l'importance d'harmoniser les différentes législations applicables aux assureurs de dommages, tant au Québec que dans le reste du pays, de retenir une approche par principe plutôt que par règle. Nous demandons également de tenir compte de l'existence d'un encadrement rigoureux et spécifique aux assureurs mis en place par l'Autorité des marchés financiers. Cet encadrement par cet organisme de surveillance dédié à l'industrie applique parfois des critères et standards plus élevés que ce qui s'applique à d'autres industries. Par ailleurs, le cadre législatif doit être suffisamment flexible et permettre l'utilisation de moyens pour contrer la fraude, cette réalité qui affecte les compagnies d'assurance. On préconise donc une utilisation adéquate et encadrée des renseignements personnels des assurés.

Alors, c'est ce qui termine mon exposé, donc je vous retourne la parole, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup, Mme Lamanque. Maintenant — merci pour votre exposé — nous allons débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour 20 minutes.

Mme de Santis : Merci. D'abord, bienvenue, merci d'être là, Mme Lamanque, Mme Grignon, M. Bellavance et Mme Iskandar. J'ai lu avec énormément d'intérêt votre mémoire, mais j'ai quelques questions.

Quelle est la bonne information qu'on devrait remettre à un consommateur pour que, quand le consommateur prend la décision de cliquer sur «j'accepte», le consommateur sait exactement c'est quoi, qu'il accepte? À la page 83 du rapport quinquennal, la CAI fait mention que certaines législations européennes obligent les entreprises à afficher un bandeau qui est mis en évidence sur leur site pour informer l'internaute de l'utilisation de traceurs, cookies ou fichiers témoins et assure un consentement manifeste de celui-ci. Alors, cette obligation semble s'appliquer à l'ensemble des compagnies d'assurance en Europe. Est-ce que vous seriez favorables à l'ajout d'une obligation similaire ici, au Québec? Et, sinon, comment on pourrait s'assurer que, quand il y a un consentement, le consentement qui est donné par le consommateur ou l'internaute soit éclairé lors de la collecte de renseignements à son insu, comme ceux collectés par des traceurs?

Le Président (M. Hardy) : Mme Lamanque.

Mme Lamanque (Johanne) : Alors, concernant le consentement, est-ce que Karine...

Le Président (M. Hardy) : Mme Iskandar?

Une voix : Iskandar, oui.

Mme Iskandar (Karine) : Oui. Mme la ministre, c'est une très, très bonne question. C'est très vaste aussi, ce que vous demandez. Je pense qu'aujourd'hui ce qu'on peut dire de ce que la loi sur le privé prévoit, c'est qu'il n'y a pas cette obligation d'afficher ou, en tout cas, de préciser qu'un fichier témoin est suivi ou je ne sais pas si... les cookies, c'est ça. Toutefois, l'obligation, c'est d'informer le consommateur qu'on recueille des informations et qu'est-ce qu'on va faire avec. Donc, la majorité... en tout cas, je sais que certaines entreprises au Québec utilisent déjà des... Sans nécessairement parler du bandeau auquel vous faites référence, les conditions d'utilisation d'un site Web parlent généralement des fichiers témoins. Donc, je pense que déjà les entreprises au Québec, notamment les assureurs, prennent en compte leurs obligations qui sont déjà prévues dans la loi sur le privé.

Est-ce que ça serait nécessaire d'avoir un bandeau qui défile qui affiche aux consommateurs que leurs fichiers témoins sont placés sur leur navigation? Je pense qu'on peut en débattre, là, mais l'obligation, quant à moi, elle est déjà présente dans la loi, d'aviser un consommateur. Maintenant, c'est sûr qu'un bandeau, ça serait plus explicite que des termes et conditions sur un site Web, là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Vous savez, vous, vous êtes défavorables à la recommandation 30. La recommandation 30, c'est de modifier la loi pour qu'elle précise que le consentement ne permette pas une collecte de renseignements personnels non nécessaires. Alors, toute cette question de consentement, pour moi, c'est très, très important, et j'aimerais vraiment vous entendre un peu plus là-dessus. Quels renseignements donner aux consommateurs pour que, quand ils disent «oui, j'accepte», ils savent à quoi accepter?

Parce que vous nous dites dans votre mémoire que c'est le consommateur qui devrait avoir la liberté de décider s'il consent ou non à fournir une information. Et vous, vous le demandez. Le consommateur s'attend à ce que vous le demandiez parce que c'est nécessaire pour son contrat ou pour être traité par vous. Alors, si vous allez au-delà de ça, à quel point le consommateur sait exactement à quoi il consent? Parce que vous voulez collecter beaucoup plus que les renseignements nécessaires pour les fins du contrat.

Le Président (M. Hardy) : Mme Iskandar.

• (12 h 10) •

Mme Iskandar (Karine) : Je vais vous expliquer un peu un principe de base qui va peut-être éclaircir un peu le pourquoi on dit ça dans notre mémoire. En assurance, c'est le principe de la mutualité qui s'applique, dans le fond, et ce que ça veut dire, en termes communs, c'est que les primes de tous servent à payer les sinistres de certains. Donc, c'est très, très important qu'un assureur fasse son travail et réussisse à tarifer et à souscrire un risque de la manière la plus précise possible pour qu'éventuellement madame X paie la prime qui est nécessaire suivant son profil de risque, et monsieur Y paie la prime nécessaire suivant son profil de risque, qui ne sont nécessairement pas les mêmes. Donc, pour faire cette tarification et cette souscription de façon précise, ce qu'il faut, c'est des données. C'est ce qu'un assureur fait, dans le fond, il collecte le plus d'informations possible, nécessaires ou utiles, pour réussir à faire cette tarification-là. Donc, quand on dit qu'il faudrait nous permettre de recueillir des renseignements non nécessaires à la tarification, mais utiles, c'est ça qu'on veut dire ici.

Je peux vous donner un exemple. Par exemple, la cote de crédit, qui est un renseignement personnel, nous permet, comme assureurs, en tout cas ceux qui l'utilisent... c'est non nécessaire à la tarification. Ce que ça veut dire, c'est que, si vous appliquez... si vous allez voir un assureur, vous lui demandez une assurance, il ne va pas vous refuser de souscrire un contrat si vous dites : Non, je ne veux pas que vous ayez accès à ma cote de crédit. Toutefois, si vous lui donnez accès à cette information-là, l'évaluation de la prime, de la tarification se fera de façon plus précise, et vous pourriez avoir une... pas une flexibilité, mais un ajustement de prime dépendamment de cette cote de crédit.

Un autre exemple, le courriel. Ce n'est pas nécessaire pour souscrire une police d'assurance de donner son courriel à l'assureur. Toutefois, si, dans le futur... Parce que la technologie évolue, et les pratiques d'un assureur évoluent avec, un assureur pourrait décider de faciliter la vie des consommateurs, de répondre à leurs besoins — parce que c'est ça, l'objectif d'un assureur, c'est de répondre à leurs besoins — il pourrait décider de délivrer les polices d'assurance, les documents par voie électronique, donc le courriel devient alors nécessaire, mais au début peut-être qu'il ne l'était pas. Donc, c'est ça un peu, ce qu'on veut dire.

J'ai plein d'autres exemples que je pourrais vous donner : des programmes de télématique. Je ne sais pas si vous êtes familiers avec la télématique. C'est des programmes qui sont mis en place par des assureurs pour suivre la conduite d'un assuré, et la prime est soit ajustée, soit ça fait l'objet d'un rabais, dépendamment de la conduite satisfaisante d'un assuré ou pas. Si un assureur recueille la position GPS d'un véhicule, peut-être que cette donnée... c'est une donnée quand même personnelle, puisque ça identifie la localisation d'une personne, cette donnée n'est peut-être pas nécessaire à la tarification ou à la souscription du contrat d'assurance mais pourrait être nécessaire pour évaluer d'autres paramètres qui, eux, sont utilisés pour la souscription. Je donne un exemple : la vitesse, un freinage brusque ou des choses comme ça. Donc, voilà encore un exemple de c'est non nécessaire à la souscription, mais ici c'est très utile, même nécessaire éventuellement pour déterminer d'autres paramètres. Ça fait que je pense que c'est très, très important pour un assureur, ce genre de collecte là d'informations qui sont non nécessaires mais utiles.

Le Président (M. Hardy) : M. Bellavance.

M. Bellavance (Pierre Marc) : Juste pour rajouter, si vous me permettez, pour essayer de compléter la réponse et puis pour répondre à votre question, Mme la ministre. Ce qui est très important pour nous, pour l'industrie, et on en a fait part dans notre mémoire, à la section 2.7, là, c'est vraiment : avec la nouvelle loi, la modification de la loi sur le privé, ça serait de préciser l'objet du dossier, cette notion-là d'objet du dossier qui, pour nous, est une notion qui est obsolète un peu plus, puis aller vers les fins pour lesquelles vous demandez le consentement. Puis, pour répondre à votre question, je pense, pour que ce soit clair pour un consommateur... Puis je suis tout à fait d'accord avec l'orientation de votre question, c'est : il faut que ça soit clair pour le consommateur, les fins pour lesquelles on lui demande certaines informations. Et il faut que ça soit des informations qui sont nécessaires aux produits d'assurance, je suis tout à fait d'accord, mais les fins pour lesquelles on demande ces informations-là doivent être clairement, à mon avis, énoncées.

Alors, que ce soit le moyen... par Internet, par un traceur, le moyen est important, mais ce qui est très important, c'est que le consommateur comprenne son consentement qu'il va donner. Et la façon dont la loi est rédigée présentement, avec l'objet du dossier... La notion d'objet du dossier, bien, nous, on était d'opinion que cette notion-là, maintenant, devrait plutôt être harmonisée vers les fins pour lesquelles vraiment on a besoin de l'information. Ça, on rejoint un peu notre mémoire et le fédéral, là-dessus, on pense qu'elle est peut-être un petit peu plus proche de ce qu'on voudrait avoir, là, comme modification éventuelle à la loi, les fins pour lesquelles on collecte l'information.

Le deuxième point, pour compléter, là, c'est le consentement explicite versus implicite où là vraiment on sent qu'il y a une différence entre la loi provinciale et la fédérale. Et on pense effectivement qu'il y aurait lieu de clarifier est-ce que véritablement... le consentement implicite, tel qu'il est explicité dans le mémoire de la commission, est-ce que véritablement c'est suffisant ou pas. Alors, cette notion-là de consentement implicite et explicite nous apparaît être un élément fondamental, là, dans les amendements à venir, s'il y a lieu. Alors, le fédéral, encore une fois, à cet égard-là, dans l'annexe 1 de sa loi, là, de PIPEDA, donne certains paramètres ou aide un peu à la compréhension dans quel cas ça devrait être explicite, dans quel cas ça devrait être implicite. Et le BAC s'est prononcé là-dessus dans son mémoire.

Alors, je voulais juste compléter là-dessus, sur ces deux éléments-là qui nous apparaissent des éléments fondamentaux, là, à venir.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Vous savez, vous dites que vous êtes déjà assujettis à la Loi sur l'Autorité des marchés financiers et vous parlez de votre situation particulière en tant que compagnie d'assurance. Est-ce que vous êtes en train de me dire que vous voulez vous extraire de la loi sur l'accès à l'information? Parce que la loi est là pour des entreprises, des personnes, des entités qui sont beaucoup plus que simplement des compagnies d'assurance.

Le Président (M. Hardy) : Mme Lamanque.

Mme Lamanque (Johanne) : Oui. En fait, non, absolument pas, Mme la ministre. Ce qu'on tente, par contre, de porter à votre attention, c'est qu'il y a déjà, quand même, en parallèle, d'autres encadrements qui existent, d'autres mécanismes, mais il faudrait en tenir compte. Les lignes directrices s'appliquent à tous les assureurs qui font affaire au Québec, les lignes directrices de l'Autorité des marchés financiers. Comme c'est l'organisme de surveillance privilégié, bien, il faudrait peut-être tenir compte de ce qui est déjà là pour éviter ou des incohérences ou simplement qu'il y ait un double...

Mme de Santis : ...aujourd'hui, où est l'incohérence? Parce que pas tout le monde est assujetti à l'autre loi, la loi sur la... les autorités des marchés financiers. Alors, où est l'incohérence, d'après vous?

Mme Lamanque (Johanne) : Bien, par exemple, au niveau des incidents de sécurité, s'il y a déjà un mécanisme en place qui oblige les assureurs à rapporter un élément, un incident qui peut nuire à un consommateur, bien, si, en parallèle, la même démarche doit être faite auprès d'un autre organisme pour le même incident, bien, c'est là où ça devient redondant. Alors, c'est plus de tenir compte de la réalité qui est peut-être propre à l'industrie de l'assurance et qu'on ne retrouve pas dans d'autres industries.

Mais on ne peut pas passer sous silence le fait que les assureurs sont soumis à un cadre, mais ce n'est absolument pas pour se soustraire, c'est peut-être simplement de dire : Là où il y a un système qui est plus rigoureux, bien, peut-être que c'est celui qui doit prévaloir. Mais c'est simplement pour porter à votre attention cet élément-là.

Mme de Santis : Combien qu'il me reste?

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre, six minutes.

Mme de Santis : O.K. Mon collègue voulait poser des questions. Je vais lui permettre de poser la question...

Une voix : ...

Mme de Santis : Non, j'en ai d'autres, mais allez-y.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Maskinongé.

M. Plante : Merci, M. le Président. Donc, deux choses. Je vais faire ça court parce que Mme la ministre a d'autres questions. Je vais faire ça court puis je voulais revenir sur ce que vous avez dit parce que j'ai eu un petit peu de difficultés. Quand vous dites que vous pouvez demander, sous consentement, là, mais les données GPS d'un véhicule, je vous dirais, je trouve que ça va loin un petit peu. Je comprends que ça peut être des informations utiles, mais, dans mon cas, personnellement je trouve que ça va loin, et c'est une grosse intrusion dans la vie privée des gens, ça. C'est un peu mon opinion. Mais je comprends que vous pouvez en avoir besoin pour certaines données. Et je comprends que vous avez un domaine particulier qui fait la différence.

Moi, j'ai deux questions. Il y a des groupes qui ont passé avant vous qui nous parlaient de bien définir la notion de secret industriel ou de secrets commerciaux. Qu'est-ce que vous en pensez? Et quelle serait, pour vous, la définition la plus optimale?

Et j'ai vu dans votre mémoire que vous, vous n'êtes pas pour la destruction des renseignements personnels, mais bien pour la... j'ai le bon mot, «dépersonnalisation». Pourquoi? Pourquoi ne pas détruire? Et quelle est la différence? Et quel est l'impact sur votre domaine de travail? Merci.

Le Président (M. Hardy) : M. Bellavance.

M. Bellavance (Pierre Marc) : Pour répondre peut-être à votre première question, là, sur les secrets industriels, que vous avez dit, là, informations commerciales ou... pour nous, évidemment, c'est un aspect qui est important parce que, par exemple, si on donne des informations... On fait des autoévaluations, les compagnies d'assurance, on donne de l'information à l'Autorité des marchés financiers, par exemple, où on pourrait y retrouver nos normes de souscription, par exemple. Alors, à ce moment-là, on est d'avis que, ces informations-là, qui sont vraiment de nature commerciale, propres à un assureur, cet assureur-là ne veut pas nécessairement que ce soit divulgué à d'autres, et que ça demeure dans une relation avec le régulateur, avec l'Autorité des marchés financiers, donc que ces informations-là de nature commerciale restent confidentielles.

Alors, il y a un mécanisme qui existe déjà dans la loi, hein, l'article 16, et qui permet donc ces échanges-là, ces autoévaluations-là. Ce sont ce type de... Les normes de souscription en sont un exemple, là. Pour nous, je pense que les assureurs veulent bien collaborer, donner de l'information à l'autorité, mais ne voudraient pas que l'autorité, par la suite, par la Loi d'accès, par exemple, vienne donner des secrets commerciaux à des assurés quand, finalement, l'objectif n'était pas cela du tout à la base, là. Alors, c'est dans ce sens-là.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Maskinongé.

M. Plante : O.K. C'est bon. Mais peut-être... Je pense qu'elle veut répondre au deuxième volet de la question.

Le Président (M. Hardy) : Mme Iskandar.

• (12 h 20) •

Mme Iskandar (Karine) : Oui, je répondrais à votre question, là, pour la conservation, en fait. Comme on est une industrie spécialisée ou, en tout cas, très réglementée, on a justement de la réglementation qui prévoit que certaines... bien, en fait, les données clients doivent être conservées pendant un certain laps de temps depuis la fin du dossier, donc, ce qui nous empêcherait, à la base, de tout de suite détruire une information. Justement, comme je vous disais tout à l'heure, là, l'information, c'est ce sur quoi un assureur bâtit toute sa tarification. Donc, pour nous, de détruire de l'information, c'est détruire, en fait, notre gagne-pain, bon, si vous voulez.

Ça fait que c'est pour ça que, pour nous, la dépersonnalisation, c'est peut-être plus faisable que la destruction, tout simplement. Puis il y a même d'autres... Il y a, tu sais, des problèmes... pas des problèmes, mais des facteurs informatiques qui font en sorte que, même si on le détruit du dossier client, le fait qu'on fait des sauvegardes informatiques de façon régulière, ça empêche, en fait, la destruction, tu sais, complète, là, de l'information.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : J'aimerais ajouter un petit point, là, si vous permettez.

Le Président (M. Hardy) : ...

Mme de Santis : Vous dites que, lorsqu'un même support comporte à la fois l'information actuelle et l'information obsolète, alors c'est le même support et que, pour cette raison-là, la destruction est difficile pour l'information obsolète. Est-ce que c'est moins difficile pour dépersonnaliser l'information obsolète? Pourquoi un est difficile et l'autre ne l'est pas? Et, en plus... O.K., répondez d'abord à ça, s'il vous plaît.

Le Président (M. Hardy) : Mme Iskandar.

Mme Iskandar (Karine) : Oui. En fait, ça rejoint un peu ce que je viens de dire à M. le député. Dans le fond, quand on a un dossier client... Mettons que vous êtes assurée chez un assureur depuis 10 ans, vous avez déménagé trois fois, l'information obsolète, c'est vos deux résidences passées, dans le fond, je n'en ai plus besoin puisqu'aujourd'hui vous êtes dans votre maison x, puis c'est ça, l'information actuelle dont j'ai besoin pour vous assurer aujourd'hui. Donc, comme c'est votre dossier client, je ne peux pas prendre la moitié de votre dossier puis dire : Je m'en départis. J'ai une réglementation qui me dit que je dois la garder. Donc, c'est pour ça que c'est difficile de séparer actuel d'obsolète, là.

Mme de Santis : Mais alors comment dépersonnaliser ça? Parce que vous parlez de... dépersonnaliser est plus facile. Parce que, si vous n'allez pas le détruire, vous dites : On va le dépersonnaliser. Moi, je ne comprends pas.

Mme Iskandar (Karine) : Quand ça sera le temps de... qu'on n'aura plus besoin de ces informations-là, donc après les délais prévus dans nos législations, ça serait plus facile de dépersonnaliser, puisque nous, on veut quand même... Il faut comprendre qu'un assureur a besoin de l'information pour, tu sais, comment qu'on dit ça... mais réussir à...

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie. Le temps accordé du côté gouvernemental étant expiré, nous poursuivons la période d'échange avec Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, pour l'opposition officielle, pour une durée de 13 minutes.

Mme Léger : Oui, merci, M. le Président. Alors, bonjour à Mme Lamanque et tous les gens qui vous accompagnent. Toujours intéressant de voir le BAC, parce que c'est quand même... tu sais, c'est toujours à bon escient de se retrouver sous un même chapeau quand vous êtes toutes des compagnies, quand même, des compagnies différentes et concurrentes aussi, qui réussissent à travailler ensemble. Donc, je vous salue.

Je voulais revenir sur un peu ce que la ministre parlait tout à l'heure, de la collecte de renseignements nécessaires ou non nécessaires. C'est sûr que les compagnies d'assurance, particulièrement assurance hypothèque, hypothèque, peut-être habitation, ou d'autres, il y a quand même des demandes sur les états de santé des gens, tu sais, il y a des choses qui seraient plus aussi personnelles. La cueillette de données sur la santé, particulièrement, m'interroge, dans le fond. Comment, des fois, ne pas donner son consentement ou l'accès à des informations sans pour autant que la personne qui demande une assurance ne soit pas... qu'il n'y ait pas des conséquences sur le refus de l'assurance, parce que je vois... dans le domaine de la santé plus particulièrement? Alors, j'aimerais ça vous entendre à ce niveau-là.

Le Président (M. Hardy) : Mme Lamanque.

Mme Lamanque (Johanne) : Oui, peut-être juste pour apporter une précision, pour revenir peut-être plus à l'élément nécessaire, non nécessaire. Le BAC, les membres, ce sont des assureurs de dommages. Alors, tout ce qui a trait à la santé des individus, ce sera l'ACCAP, donc, que vous rencontrerez la semaine prochaine, qui pourra traiter de cette question. Mais, si vous souhaitez qu'on revienne, donc, à l'aspect d'information nécessaire, non nécessaire, est-ce que Me Iskandar...

Le Président (M. Hardy) : Mme Iskandar.

Mme Iskandar (Karine) : Si je comprends bien, vous voulez savoir, si quelqu'un refuse de donner son consentement, qu'est-ce qu'on... C'est-u ça exactement, votre...

Mme Léger : Dans le sens que, quand on demande des informations, des renseignements qu'on demande à l'individu et que... Les gens qui nous écoutent vont sûrement... Premièrement, je voudrais poser cette question-là à vous, du fait que, si tu ne donnes pas tous les renseignements nécessaires, entre guillemets, peuvent être considérés peut-être non nécessaires à la personne, mais que l'assureur le demande, les gens ont de l'inquiétude à savoir si leur assurance va être refusée.

Le Président (M. Hardy) : Mme Iskandar.

Mme Léger : Comprenez-vous ma question?

Mme Iskandar (Karine) : Oui. C'est sûr qu'il y a certaines informations de base qui sont nécessaires pour qu'un assureur puisse émettre une police d'assurance. Donc, ça, on ne peut pas contourner ces choses-là, là, parce que c'est comme ça que tout est bâti. Vous répondez aux questions qu'on vous pose. C'est sûr qu'il y a certaines questions qui sont orientées vers d'autres... qui ont d'autres buts que l'émission d'une police d'assurance. Donc, ceux-là, généralement, un assureur ne va pas refuser d'offrir une assurance parce que la personne dit non à ces questions-là. Mais les questions qui sont nécessaires, généralement, elles sont nécessaires, là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Oui, mais il y a quand même possibilité de l'assureur de refuser ou de ne pas refuser, dépendant du type d'information que la personne qui veut être assurée peut donner. C'est l'inquiétude de la personne assurée de ne pas donner des informations puis qui pourrait avoir des conséquences pour lui. C'est ça que j'essaie de vous poser comme question. Mais j'en ai bien d'autres, alors on a le temps d'aller à d'autres...

Je veux revenir sur l'allègement particulièrement qui est demandé des entreprises, qui trouvent qu'il y a beaucoup de bureaucratie, beaucoup de documents, beaucoup de ci, beaucoup de ça. Tout à l'heure, l'association pour l'accès à la protection de l'information, l'organisme précédent, demanderait de créer un responsable de la protection des renseignements personnels. Vous avez un peu de la réticence à ce niveau-là. Je peux la comprendre, la réticence, dans le sens qu'il y a beaucoup de demandes de toute forme qu'un gouvernement peut demander à ces entreprises, et on est quand même dans le processus d'allègement réglementaire, puis bon... Alors, je fais le lien, là, dans tout ça. Mais vous voyez d'un mauvais oeil pourquoi? Parce que, si c'est quelqu'un... Un citoyen veut appeler l'entreprise que vous représentez. Elle s'adresse à qui? Il n'y a pas nécessairement un responsable, chez les entreprises que vous représentez, qui est responsable de l'accès à l'information. Alors, comment vous voyez la... pour répondre à cette difficulté-là?

Le Président (M. Hardy) : Mme Iskandar.

Mme Iskandar (Karine) : En fait, juste pour préciser, là, on n'est pas contre l'implantation d'une obligation disant que quelqu'un soit responsable. Ce n'est pas ça, dans les faits, au contraire, c'est même très bien. En fait, ce qu'on voulait porter à votre attention, c'était la nomination spécifique de quelqu'un, donc madame X, personne responsable des demandes d'accès. C'est plutôt ça, puisque, dans le fond, ce qui est bénéfique pour le consommateur, c'est que la minute qu'il a une demande d'accès à faire, il y a quelqu'un qui répond de l'autre côté, peu importe si c'est une personne en particulier ou une équipe complète qui gère les demandes d'accès. Donc, c'est plutôt ça qu'on voulait dire.

Mme Léger : Pour information, pour nous tous, si quelqu'un demande une information, un accès à l'information chez vous, qui répond actuellement, là? Comment ça fonctionne?

Le Président (M. Hardy) : Mme Iskandar.

Mme Iskandar (Karine) : Bien, je peux parler pour certaines compagnies, là, je ne peux pas parler pour tout le monde, mais, dans certaines compagnies, il y a déjà des équipes dédiées qui sont mises en place pour répondre aux demandes d'accès.

Mme Léger : Admettons, j'ai besoin d'une information, je vais sur votre site Internet, y a-t-il quelqu'un d'identifié «responsable de l'accès à l'information» d'une façon telle qu'elle?

Mme Iskandar (Karine) : Oui. Bien, comme je vous dis...

Mme Léger : Ce n'est pas un nom.

Mme Iskandar (Karine) : Ce n'est pas un nom, mais c'est des coordonnées, là. Comme le fait la CAI, dans le fond, là.

Mme Léger : Un numéro de téléphone, quelque chose du genre?

Le Président (M. Hardy) : Mme Lamanque.

Mme Lamanque (Johanne) : Bien, si vous me permettez de faire une analogie avec un mécanisme qui existe déjà au niveau des plaintes, parce que les assureurs ont des mécanismes en place pour recevoir des plaintes, bien, c'est dépersonnalisé en ce sens qu'on appelle le responsable des plaintes. Et, à l'intérieur de chaque entité, la mécanique, elle est déjà organisée. Donc, on désigne des personnes qui sont dans des fonctions, des personnes de relève au besoin aussi, et il y a des gens qui vont traiter, s'assurer d'un retour, etc. Donc, c'est un peu... Comme disait Me Iskandar, on n'est pas contre, au contraire, c'est plutôt de désigner une personne très, très spécifique qui risque de nuire un peu à la fluidité ou à la flexibilité qu'on aurait autrement en parlant d'un responsable de la protection des renseignements personnels.

• (12 h 30) •

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Mais, Mme Lamanque, vous me répondez en me spécifiant particulièrement pour les plaintes, mais ma question est vraiment : Est-ce qu'il y a quelqu'un responsable de l'accès à l'information? Si je demandais un accès à l'information, qui est responsable? Est-ce que c'est la même chose que les plaintes? Il y a un numéro de téléphone seulement ou... Comment ça fonctionne?

Le Président (M. Hardy) : Mme Lamanque.

Mme Lamanque (Johanne) : Bien, en fait, il y a un courriel. Il y a un courriel qui entre dans une équipe, et ce courriel-là est pris en charge par une équipe. Alors, si vous allez à l'intérieur d'une organisation, on serait capable de vous dire : Oui, c'est telle personne, telle personne, telle personne. Mais, pour s'assurer justement que la prise en charge se fait rapidement et que ça ne tombe pas entre deux chaises, bien, c'est probablement le système le plus efficace pour que ça fonctionne bien.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Alors là, vous proposeriez, dans le fond, qu'il n'y ait pas nécessairement une personne responsable, mais qu'il y ait une équipe responsable, là, c'est ce que je comprends. C'est quoi, la solution, là?

Le Président (M. Hardy) : M. Bellavance.

M. Bellavance (Pierre Marc) : Bien, ou une fonction, parce que de la façon dont ça fonctionne, là, ce n'est pas très compliqué, hein, il y a une politique de protection des renseignements personnels et de droit d'accès qui est adoptée par les conseils d'administration des assureurs. Chacun doit faire la même chose, j'imagine, et il y a des procédures.

Pour répondre à votre question, là, de façon précise, il y a des procédures qui sont mises en place, puis sur les sites Internet également, où là on va pouvoir trouver soit un extrait de la politique, soit la politique avec les coordonnées, comme Mme Lamanque l'a exposé très bien, là, de la fonction responsable, et non pas de M. Bellavance, par exemple. Mais il va avoir demande d'accès pour toute demande d'accès ou communication d'information, de renseignements : communiquer avec tel numéro de téléphone ou à telle adresse courriel.

Alors, ce n'est pas compliqué, et je peux vous dire que c'est pris extrêmement au sérieux, là. Alors, c'est mis en place chez les assureurs, là, sans aucun doute.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : ...exemple de chez vous, plus particulièrement, mettons, chez La Capitale, est-ce que je vais sur le site Internet...

M. Bellavance (Pierre Marc) : Alors, sur le site Internet, il va avoir accès à la politique avec nos directives, et c'est à ce moment-là qu'il va avoir le numéro où communiquer ou le courriel, alors, pour faciliter au consommateur l'accès à l'assureur, là, et c'est pris en charge par les gens et des opérations et, souvent, des affaires juridiques, qui entrent en jeu à ce moment-là pour aider, supporter évidemment les gens des opérations pour bien répondre aux clients, aux consommateurs.

Mme Léger : Donc, dans votre façon de faire, est-ce que vous considérez qu'il y a lieu de modifier la loi par rapport à votre façon de faire, vous considérez qu'elle est correcte, la façon de faire actuelle?

M. Bellavance (Pierre Marc) : Oui, je pense qu'elle est correcte, oui, tout à fait, madame. Et je pense que le point qu'on voulait mentionner, c'est juste de ne pas cibler le nom d'une personne, parce que, vous le savez, les gens quittent, changent d'emploi, etc., puis là ça oblige à faire des changements sur le site, un peu partout. Alors, on met souvent, nous, des fonctions, alors, d'une personne qui est la responsable des demandes d'accès. Ça va être la responsable des demandes d'accès, ça ne sera pas M. Bellavance, là, ou Mme Lamanque, là.

Mme Léger : Et comment vous améliorez son rôle, son autonomie à cette personne-là dans vos entreprises? Parce que, si on regarde... Vous avez écouté, je pense, ceux qui vous précédaient, ils avaient des questionnements sur toute la formation de ces gens-là. Alors là, vous parlez que c'est quand même le conseil d'administration qui élabore les politiques, là, puis comment elle se fait, la confidentialité des renseignements. Mais est-ce qu'en dehors de votre entreprise ou de l'entreprise elle-même... est-ce qu'elle regarde ailleurs ce qui se fait? Comment on améliore les pratiques?

M. Bellavance (Pierre Marc) : Bien, c'est une très bonne question, et...

Le Président (M. Hardy) : M. Bellavance.

M. Bellavance (Pierre Marc) : Merci. Et évidemment on a mis en place, nous, de la formation, hein, la formation en ligne. Alors, les Affaires juridiques ont collaboré. Évidemment, les gens de la conformité aussi collaborent à la rédaction de formations pour l'ensemble des employés des entreprises. Pourquoi? Parce que la protection des renseignements personnels, c'est fondamental. Alors, on fait donc de la formation partout, hein, dans les opérations pour que les gens soient bien formés pour répondre à ces questions-là, et plus particulièrement aux gens qui vont en être évidemment responsables. Alors là, la politique va être exposée, la procédure va être expliquée, le mécanisme va être... et il va y avoir un processus qui va être également élaboré dans les lignes d'affaires, pour s'assurer que les réponses vont être données aux consommateurs. Et je suis convaincu que c'est la même chose chez ma consoeur, là.

Mme Léger : Sur un autre ordre d'idées, vous avez tout à l'heure élaboré un peu le secret commercial, là, les secrets commerciaux. On a eu une bonne discussion avec le Centre québécois du droit à l'environnement qui vous précédait tout à l'heure, ce matin. On parlait du secret industriel en lui-même, de mieux le définir. Est-ce que vous considérez que le secret commercial devrait être, encore, aussi mieux défini?

M. Bellavance (Pierre Marc) : Il pourrait peut-être l'être.

Le Président (M. Hardy) : M. Bellavance.

M. Bellavance (Pierre Marc) : Oui, merci. Il pourrait peut-être l'être, effectivement, mieux défini. Quand vous voulez dire «mieux défini», ça serait dans la nouvelle réglementation? C'est ce que vous voulez dire. Peut-être. Écoutez, pour nous, je pense que la définition devrait être assez large par ailleurs, là, si je peux me permettre, pour essayer évidemment de protéger ces secrets commerciaux là, qui finalement...

Mme Léger : Excusez-moi, mais, quand vous parlez... quand tout à l'heure je vous entendais parler de secret commercial, c'est plutôt par rapport à l'Autorité des marchés financiers, d'une part, puis la concurrence qu'il peut y avoir avec une autre entreprise de même type que vous. Alors, le secret commercial, pour vous, c'est à ce niveau-là que vous le définissez?

M. Bellavance (Pierre Marc) : Oui, pour ma part, je le définis plus là. Entre nous, je pense qu'on travaille bien ensemble, vous l'avez souligné en introduction, mais, quand même, chaque assureur a ses pratiques, ses secrets commerciaux, entre guillemets, ou sa façon de faire des affaires, puis je pense qu'on veut... on est jaloux quand même un peu, pas trop, mais, quand même, on veut garder nos recettes.

Mme Léger : Est-ce que vous vous confrontez, par les demandes d'accès à l'information, sur ces secrets commerciaux? Est-ce que ça vous arrive régulièrement?

Le Président (M. Hardy) : M. Bellavance, en 10 secondes.

M. Bellavance (Pierre Marc) : C'est une bonne question. Alors, je ne pense pas, là, que ce soit vraiment, sur une demande d'accès, une question épineuse.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Le temps accordé à l'opposition officielle est maintenant expiré. Je passe la parole à M. le député de Borduas, pour la deuxième opposition, pour une période de neuf minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Lamanque, Mme Grignon, M. Bellavance et Mme Iskandar, bonjour, merci d'être présents aujourd'hui. Pour débuter, au point 3.2 de votre mémoire, la page 15, les informations commerciales, vous indiquez : «Le BAC est conscient de l'importance pour les assurés d'avoir accès à une copie de leur dossier. Néanmoins, les dossiers des assurés contiennent des informations confidentielles de nature commerciale qui ne doivent pas être partagées avec ceux-ci.»

Le principe de base, c'est qu'on a droit aux renseignements qu'on divulgue. Mais quelle sorte de renseignements commerciaux se retrouvent dans le dossier d'un particulier qui va faire affaire avec une compagnie d'assurance auxquels il n'aurait pas droit?

Le Président (M. Hardy) : M. Bellavance.

M. Bellavance (Pierre Marc) : Je vais essayer de répondre à votre question. Les secrets commerciaux, ça revient un peu encore, je pense, aux normes de souscription, à la tarification, à la façon de tarifer les clients. Je pense que c'est plus, pour répondre à votre question, pour être assez précis, là, je pense que c'est plus ce genre d'informations là qui peuvent être... qu'on voudrait garder pour nous, plutôt que de... Puis on ne pense pas que ce sont des informations qui peuvent véritablement aider le consommateur ou aider le client à bien comprendre sa tarification, donc.

Le Président (M. Hardy) : M. le député.

M. Jolin-Barrette : Mais, effectivement, c'est son taux de cotation, ça ne serait pas les commentaires qui sont indiqués dans son dossier.

M. Bellavance (Pierre Marc) : Tout à fait, vous avez raison. Oui, parce qu'il a droit à ses commentaires dans son dossier. Effectivement, s'il y a une analyse ou s'il y a quelqu'un qui prend des notes, au bout de l'exercice, s'il y avait une demande d'accès, il aurait droit aux notes manuscrites ou aux notes tapées dans l'ordinateur sur...

M. Jolin-Barrette : À l'ordinateur. O.K.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Donc, c'est vraiment sur l'aspect cotation, sur l'aspect évaluation?

M. Bellavance (Pierre Marc) : Cotation, oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Au niveau des antécédents judiciaires, au point 2.3.1, vous l'abordez, et là la Commission d'accès recommande, dans le fond, de limiter, dans le fond, le fait de réclamer ce genre de renseignements là. Vous, vous dites, de l'autre côté : Bien, écoutez, pour nous, c'est très important d'avoir ces... Pouvez-vous nous expliquer votre position?

Le Président (M. Hardy) : M. Bellavance.

• (12 h 40) •

M. Bellavance (Pierre Marc) : Bien, pour nous, évidemment, c'est important pour... je pense, pour les assureurs, vous allez très bien le comprendre, parce que l'assurance, c'est avant tout, hein... c'est un risque moral, hein, en quelque sorte, hein, c'est un... On assure quelqu'un sur la foi de ses représentations puis des informations que cette personne-là va nous transmettre. Alors, c'est un contrat conclu de bonne foi entre les parties, de la plus haute bonne foi.

Alors, c'est évident que, pour un assureur, avoir l'information de nature criminelle, on ne parle pas, là, de nature civile, une poursuite civile, on ne parle pas de familiale, on ne parle pas de... rien d'autre que de nature criminelle, l'information qui peut être importante pour un assureur, c'est une information qui est liée au risque qui va être assuré. Alors, il faut qu'il y ait ce qu'on appelle un lien de causalité, quand même, entre l'infraction qui a pu être commise ou le crime qui aurait pu être commis au niveau criminel et l'assurance.

Par exemple, si quelqu'un a été condamné pour avoir mis le feu à... incendié deux entrepôts, bien, c'est sûr que l'assureur risque d'avoir une réticence à assurer cette personne-là, si, dans le passé, elle a commis des actes semblables, par exemple. S'il y avait des vols dans le passé avec une automobile, c'est évident que pour un assureur ce sont des choses qu'il veut... des éléments qui sont intéressants de connaître, mais il faut que ça soit lié au risque assuré, et ça, la jurisprudence, là, est constante là-dessus, là, au fil des dernières années. Alors, c'est ce qu'on veut regarder.

Puis j'aimerais juste attirer l'attention des gens ici que la charte québécoise restreint la notion, hein, de discrimination selon les antécédents judiciaires mais uniquement dans un contexte d'emploi, là, hein? Alors donc, nous, on pense qu'au niveau de l'assurance ce n'est pas discriminatoire du tout de vérifier ces choses-là, là. Alors, d'ailleurs, comme je viens de le dire, la charte québécoise serait restreinte dans un spectre très précis qui est le spectre de l'emploi, là, alors à l'article.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Mais, sur ce point-là, dans le cadre de votre analyse, est-ce que votre conception de la chose, c'est à partir du moment où il y a eu une déclaration de culpabilité? Parce que, dans le fond, bien souvent lorsqu'on souscrit à une assurance ou lorsqu'on veut avoir une cotation, l'assureur va nous demander : Est-ce que vous avez déjà eu ou vous avez... ou vous êtes en litige, vous avez déjà eu des condamnations, ou avez-vous des démêlés avec le système de justice? Et là cette question-là, elle est interprétée très largement parce que si... Supposons que je suis accusé d'une infraction criminelle mais non reconnu coupable, est-ce que ça, ça rentre dans cette conception-là?

Le Président (M. Hardy) : M. Bellavance.

M. Bellavance (Pierre Marc) : Bien là, à ce moment-là, il faudrait poser la question à certains assureurs, chacun individuellement. Chacun a ses règles au niveau de l'indemnisation, est-ce que oui ou non... Mais je pense qu'il faut que, ce soit... quelqu'un soit coupable, hein, il faut qu'il y ait un jugement. Alors, est-ce que tu as été accusé, puis il n'y a pas eu de condamnation? Bien, je ne pense pas, là, qu'on puisse en tenir compte. Donc, il faut vraiment qu'il y ait une condamnation. Il faut vraiment qu'il y ait des éléments importants pour en tenir compte, et par la suite, s'il y a un débat devant les tribunaux, à ce moment-là, je suis convaincu que les avocats vont être bien armés s'ils ont un dossier solide avec une condamnation, donc, au punitif.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Bellavance (Pierre Marc) : J'aimerais juste rajouter là-dessus...

Le Président (M. Hardy) : Excusez-moi.

M. Bellavance (Pierre Marc) : ...qu'au niveau criminel le punitif, c'est public, hein, c'est une donnée qui est publique. Alors, même les causes civiles, mais ils n'en tiennent pas compte, là, on se limite aux antécédents criminels, c'est public. Alors, le punitif, les gens peuvent y avoir accès par eux-mêmes. Donc, ce n'est pas quelque chose... c'est quelque chose qui est accessible pour les assureurs d'aller chercher.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Mais, cela étant dit, de nombreuses compagnies d'assurance utilisent quand même... demandent à leurs clients : Avez-vous déjà été ou êtes-vous en litige en matière civile ou en matière criminelle aussi? Et ça, ça peut avoir un impact sur la volonté de l'assureur d'assurer la personne, et c'est possible que ça se solde par une poursuite non fondée ou par un retrait des accusations pour x, y raisons.

Sur l'aspect des jeunes, j'ai vu ça dans votre mémoire, dans le fond, on dit, au point 2.6.2, la Commission d'accès dit : Il faudrait «encadrer davantage la collecte et l'utilisation des renseignements personnels concernant les jeunes». Vous, vous nous dites : Bien, le Code civil est déjà là.

Le Président (M. Hardy) : Mme Iskandar.

Mme Iskandar (Karine) : Oui, en fait, on voulait juste porter à l'attention de la commission que, comme le droit québécois permet à des jeunes d'avoir des autos, des scooters, c'est aussi jeune que 14 ans, là, qu'un jeune peut conduire un scooter, puis comme l'assurance responsabilité pour les dommages causés à autrui, c'est obligatoire, bien, on n'a pas le choix que d'offrir nos services à ces jeunes-là qui doivent être assurés. Donc, veux veux pas, on est obligés de recueillir les renseignements... En fait, c'est ce qu'on veut protéger, dans le fond, c'est que ces renseignements-là puissent être recueillis dans le cadre ordinaire de nos activités.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Donc, dans le fond, à partir de 14 ans, il est mineur, il souscrit à une police d'assurance, bien, vous allez protéger les renseignements.

Mme Iskandar (Karine) : Oui, comme un adulte.

M. Jolin-Barrette : Comme n'importe quel autre client.

Mme Iskandar (Karine) : C'est ça, comme n'importe qui, oui.

M. Jolin-Barrette : Ça ne va pas plus loin que ça au niveau des jeunes.

Mme Iskandar (Karine) : On ne fait pas plus de distinction que ce soit une personne de 18 ans, de 35 ans ou de 14 ans, dans le fond, là.

M. Jolin-Barrette : C'est la même chose...

Mme Iskandar (Karine) : C'est la même protection, oui.

M. Jolin-Barrette : O.K., parfait.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. À la page 8, 2.6.1, au niveau des renseignements sensibles, donc là la Commission d'accès nous dit : «Prévoir que la communication de renseignements sensibles ou leur utilisation à d'autres fins qu'à celle de leur collecte ne soit possible qu'avec le consentement explicite de la personne concernée ou [avec] l'autorisation de la loi.»

Au niveau des renseignements sensibles, vous, c'est quel genre de renseignements sensibles que vous avez à traiter pour les compagnies d'assurance?

Le Président (M. Hardy) : M. Bellavance, en 25 secondes.

M. Bellavance (Pierre Marc) : En 25 secondes. Les renseignements sensibles, premièrement, c'est une notion très subjective, hein, alors chacun peut avoir son idée de ce que c'est, mais, en assurance de dommages, je pense que le revenu peut être un renseignement sensible. En assurance de personnes, ce serait d'autre chose, mais, en assurance de dommages, le revenu en est un, l'âge pourrait en être un, le statut, est-ce que quelqu'un est marié ou pas, ça aussi pourrait en être un, la langue pourrait en être un. Ça dépend toujours de la... C'est très subjectif. Et ce qu'on demande...

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup, merci beaucoup. Le temps étant écoulé, Mme Grignon, Mme Lamanque, Mme Iskandar, M. Bellavance, je vous remercie pour votre contribution aux travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 46)

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Hardy) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le rapport quinquennal 2016 intitulé Rétablir l'équilibre  Rapport sur l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Nous entendrons cet après-midi les personnes et les organismes suivants : l'Institut généalogique Drouin, le Groupe d'expertise en gestion des documents du gouvernement du Québec, et M. Daniel J. Caron.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Institut généalogique Drouin. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé. Merci.

Institut généalogique Drouin

M. Pepin (Jean-Pierre) : Merci, M. le Président. Alors, mon nom est Jean-Pierre Pepin. Je suis accompagné de deux de mes procureurs : Me Denis Racine, qui est un généalogiste international; et Me Jean-Pierre Garceau-Bussières, qui s'occupe de différents volets, entre autres sur les poursuites que j'ai eues sur les adoptions.

Alors, voici, je suis le propriétaire de l'Institut Drouin depuis... qui existe depuis 1899, et j'en suis le propriétaire depuis 1997. On a pris une orientation rapide dans le développement numérique, et notre diffusion d'information se fait maintenant en ligne. Et déjà en 2002, on avait plus de 11,2 millions d'images de registres de naissances, baptêmes, mariages, décès, sépultures et autres documents généalogiques. Et, en 2017, on est rendu à 43 millions de données généalogiques et d'images. Et la fréquentation de nos sites généalogiques, il y a quand même plus de... Déjà en 2006, la période de cinq ans, 2006-2010, il y a eu plus de 10 millions de personnes qui sont venues voir, télécharger des données généalogiques. Et, en 2014-2015, donc pour une seule année, on est rendu à plus de 35 millions, donc, de consultations.

Alors, vous comprendrez que le cheminement qu'on est en train de vivre dans la recherche et la diffusion de l'information généalogique au Québec a considérablement changé, et que le Québec, maintenant, n'est plus restreint à une province, mais à un actif international, autant en Europe qu'aux États-Unis, et que l'information se joue entre les registres de l'état civil, les contrats notariés, les cimetières, les notices nécrologiques.

Exemple, les notices nécrologiques : en 2016, il est décédé 63 000 personnes. Et notre organisme, nous avons ramassé quand même plus de 57 000 de ces décès-là, ce qui représente 87 % des décès du Québec en 2016, pour un total de, minimalement, 1,3 million de personnes qui sont nommées dans ces notices nécrologiques là. Alors, quand le Directeur de l'état civil met une prescription de 100 ans sur la consultation des naissances, des mariages, des décès, bien, vous comprendrez qu'il y a déjà, juste en 2016, plus de 1,3 million de personnes sur les 8 millions constituant le Québec qui sont donc connues et affichées pour le milieu général, au public, et de la recherche généalogique.

Alors, l'Institut Drouin, son objectif demeure de mettre en application notre devise : Je me souviens. Nous tentons de protéger le patrimoine funéraire, le patrimoine familial et de s'associer à la recherche universitaire pour s'assurer que les données que nous produisons sont de qualité supérieure.

Vous savez, il y a 20 ans, 25 ans, 50 ans, la recherche généalogique, il y avait un taux d'erreur de peut-être 5 %. Il y a 10 ans, elle était peut-être de 1 % et actuellement — les départements de démographie à travers les universités du Québec — est de l'ordre de ¼ de 1 % sur la qualité des recherches indexées au Québec. Alors, ça demeure que le Québec est le terreau mondial le plus utilisé dans son ensemble, parce que nous avons 98 %, 99 % de notre documentation d'archives conservée. Ils ne sont pas tous indexés, mais nous demeurons un chef de file en ce qui concerne ce patrimoine. Je vais quand même laisser à Denis Racine, à mon procureur, le soin de vous présenter l'ensemble de ce qu'on est venus discuter avec vous aujourd'hui.

Le Président (M. Hardy) : M. Racine.

• (14 h 10) •

M. Racine (Denis) : Merci. Merci, M. le Président. Je ne vous ferai pas un long exposé sur la généalogie au Québec, je pense que M. Pepin en a parlé, sinon pour vous dire que la généalogie, c'est vieux comme le monde. Déjà, dans la Bible, il y a deux évangélistes qui font la généalogie du Christ. Et aujourd'hui, Jean-Pierre l'a mentionné, au niveau international, le Québec est le paradis de la généalogie à cause justement de la richesse de notre patrimoine archivistique et le fait qu'il n'a pas été affecté par des guerres, etc.

Aujourd'hui, c'est 100 000 généalogistes qui pratiquent cette science au Québec. Alors, je vous invite à lire les pages 6 et 7 de notre mémoire, en vous disant que, dans les sources, les origines des Québécois, j'ai mentionné plusieurs nationalités et j'ai oublié nos collègues irlandais, je m'en excuse. Ça devrait être là.

Bon, si on en vient au fond de notre mémoire, depuis 1975, lorsque le Parlement a adopté la charte des droits, la charte québécoise où on protège la vie privée, il y a eu plusieurs lois qui ont été consécutives à ça. Il y a eu, bien sûr, le Code civil en 1994, je reviendrai, et la Loi d'accès, et la Loi sur la protection. Autrement dit, là, pour les fins de la discussion, quand je vais parler de la Loi d'accès, c'est la Loi d'accès aux documents, et, quand je vais parler de la loi sur le privé, c'est la Loi sur la protection des renseignements personnels pour le secteur privé.

Alors donc, ça a apporté beaucoup de développements et ça a beaucoup transformé le travail des généalogistes. Déjà en 1994, avec le nouveau Code civil, on a créé le Directeur de l'état civil, on a modifié la façon de tenir les registres de l'état civil et on les a centralisés. Et surtout le Directeur de l'état civil a décidé que l'état civil des 100 dernières années était devenu quelque chose de confidentiel. Autrement dit, au 31 décembre 1993, l'état civil, les registres de l'état civil étaient publics, et j'en parle, les auteurs étaient d'accord là-dessus, puis on allait facilement les consulter, puis, à partir du 1er janvier, le lendemain, c'est devenu une information hautement confidentielle. Et vous savez que les registres de l'état civil, c'est le matériel premier dont se servent les généalogistes pour établir justement les généalogies.

Donc, on a un trou de 100 ans. Et ce qu'on fait les généalogistes, ils se sont tournés vers d'autres sources d'information, parce qu'évidemment la vie continue, et il fallait bien aller chercher cette information. Et, ce faisant, on s'est heurtés de plein fouet avec les dispositions du Code civil et surtout des deux lois, Loi de l'accès et la loi sur le privé.

Dans ces lois, on définit qu'est-ce qu'un renseignement personnel. On dit qu'un renseignement personnel, c'est des «renseignements qui concernent — l'article 54 de la Loi d'accès — une personne physique et permettent de l'identifier». L'article 56 précise : «Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement personnel, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement personnel concernant cette personne.» Alors, déjà là, on voit que la définition est assez restrictive, de sorte que c'est un fourre-tout. On me demande mon nom, puis, au-delà de ça, le restant, c'est confidentiel. Je reviendrai un peu là-dessus tout à l'heure.

Et l'article 55 précise qu'«un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas soumis aux règles de protection des renseignements [...] prévues [dans] le présent chapitre». Alors, le principe général de l'article 35 du Code civil qui dit que «toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. [Et] nulle atteinte ne peut être portée à la vie [...] d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise.»

En 1993, la loi sur le privé est entrée en vigueur. Alors, évidemment, ce qui se produit, c'est que les généalogistes... Par définition, les historiens vont s'intéresser aux grandes questions nationales, alors c'est plus de l'information de masse, alors que les généalogistes s'intéressent, par définition, à des renseignements personnels. On s'intéresse à des individus qui n'ont pas joué un grand rôle dans la société. Si c'était le cas, bien, l'arrêt Aubry de la Cour suprême viendrait nous aider. Mais ce n'est pas le cas, on s'intéresse à des gens qui ont eu des carrières modestes, des gens qui n'ont pas joué des rôles importants, qui ont eu souvent une grosse famille, qui ont eu de nombreux descendants. Ça, c'est le terreau des généalogistes. C'est à ça donc... c'est ces gens-là qui nous intéressent.

Évidemment, ce faisant, pour les 100 dernières années, on se heurte de plein fouet aux dispositions que j'ai mentionnées. Et d'ailleurs ça fait longtemps que le problème dure. Le rapport de la commission l'indique clairement : ça fait 20 ans que le problème existe. Les généalogistes, entre 1998 et 2005, sont venus cinq fois, six fois...

Une voix : ...

M. Racine (Denis) : ... — une minute? oh! on va faire ça vite — six fois ici. Et là le problème, c'est la contradiction entre la loi et la réalité. Vous savez, les registres, le registre foncier... Le registre foncier, tous les actes sont là, mon nom, mon adresse, tout est là, mon statut matrimonial. La Loi d'accès ne s'applique pas à ça. Mais l'information est là. Les listes électorales, c'est hautement confidentiel, les listes électorales. Vous savez, quand on fait des élections — j'ai moi-même été élu — les listes électorales, ça circule tant et plus, mais c'est, en principe, confidentiel.

Le Président (M. Hardy) : En conclusion.

M. Racine (Denis) : Oui. En conclusion — on poursuivra dans la discussion — bien, écoutez, ce qu'on dit, c'est qu'il y a une réflexion importante à tenir sur cette question-là pour modifier la définition de renseignements personnels et la relation avec la généalogie. Parce qu'en 2001 il y a eu un amendement, et, cet amendement-là, qui a été proposé devant les tribunaux, chaque fois les généalogistes se sont fait revirer, et il mettait la généalogie sur le même pied que les journalistes. Je peux vous dire qu'avec ces jugements-là, si, au lieu d'être généalogistes, on avait été...

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie...

M. Racine (Denis) : ...voilà.

Le Président (M. Hardy) : ...pour votre exposé. C'est court, ça va vite. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour 22 min 30 s.

Mme de Santis : Merci beaucoup. Alors, je souhaite la bienvenue à M. Pepin, à M. Racine et aussi à monsieur...

Le Président (M. Hardy) : Bussières.

Une voix : Garceau-Bussières.

Le Président (M. Hardy) : Garceau-Bussières.

Mme de Santis : Merci, je m'excuse. Alors, une de vos recommandations, votre recommandation 10, fait référence à un service d'archives agréé ou à une société sans but lucratif oeuvrant dans la recherche historique ou généalogique. Ce que j'aimerais comprendre d'abord : C'est quoi, un service d'archives agréé? Parce que vous parlez de 100 000 personnes qui se disent généalogistes au Québec, comment ces gens sont reconnus en tant que généalogistes? Est-ce qu'il y a une loi qui existe qui... ou est-ce qu'il y a... «I mean», comment une personne peut se présenter comme généalogiste? Parce qu'une fois que je comprends ça mes autres questions vont se poser.

Le Président (M. Hardy) : M. Pepin.

M. Pepin (Jean-Pierre) : Alors, le généalogiste, généralement, fait partie d'une association de familles, fait partie d'une société d'histoire, société de généalogie. Et la fédération des sociétés de généalogie... Il existe un BQACG, un bureau québécois d'attestation de compétence en généalogie. Parce qu'il faut savoir que, dans les universités, il n'y a pas de cours spécifique d'attribué à la généalogie. Il y en a en histoire, il y en a en patrimoine, il y en a dans le classement de documents, comme archiviste. Vous avez un cours d'un mois ou quelques semaines pour la généalogie, où apprendre comment déchiffrer des anciens contrats ou des anciennes écritures. Mais le généalogiste comme tel n'a pas de statut.

Et, quand on a fait l'article 1, là, de la loi sur le privé, pour dire que le journaliste, l'historien et le généalogiste... Il n'y a pas de définition d'accordée à l'intérieur de cette loi-là pour préciser c'est quoi, un généalogiste, parce qu'il n'a pas de statut spécifique d'accordé. Donc, un généalogiste peut être amateur, peut être professionnel, et tout le monde peut se prétendre généalogiste dès que vous faites de la généalogie.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Et le service d'archives agréé, c'est quoi?

M. Pepin (Jean-Pierre) : O.K. Au Québec, vous avez les archives qui relèvent de BANQ, de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, et, à l'intérieur de ça, vous avez les Archives nationales du Québec. Les Archives nationales du Québec reconnaissent, à l'intérieur de différentes régions du Québec, des organismes privés ou sans but lucratif, comme à Saint-Hyacinthe, à Sorel, et etc., puis ils développent un centre d'archives régional, à lequel des ministres, des députés, des individus vont venir donner des fonds d'archives pour que ça reste à l'état régional. Alors, ils sont subventionnés par le gouvernement du Québec en partie, puis il y a une partie qui vient de leur fonctionnement autonome.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Maintenant, dans votre 10e recommandation, vous faites référence à l'article 68 de la loi sur le privé. Je ne crois pas que c'est le bon article. Est-ce que c'est bien l'article 68? Parce que l'article 68 dit : «La Cour du Québec peut, en la manière prévue par la Loi sur les tribunaux judiciaires, adopter les règlements jugés nécessaires...» Je ne crois pas que c'est l'article dont vous faites référence.

Le Président (M. Hardy) : M. Racine.

M. Racine (Denis) : Il y a probablement une erreur.

Une voix : C'est la Loi d'accès.

Mme de Santis : C'est dans la Loi de l'accès?

M. Racine (Denis) : Non, ça doit être dans le privé, ça.

Mme de Santis : Est-ce que vous faites référence à la loi privée ou la Loi sur l'accès?

M. Racine (Denis) : La loi sur le privé.

Mme de Santis : Mais alors c'est quel article?

M. Racine (Denis) : Je n'ai pas ma loi.

Mme de Santis : O.K. Vous n'avez pas votre loi.

M. Racine (Denis) : Je pourrais vous envoyer...

• (14 h 20) •

Mme de Santis : O.K. Parce que vous dites : «...qu'une personne qui exploite une entreprise puisse, sans le consentement de la personne concernée, communiquer des renseignements personnels contenus dans un dossier qu'elle détient sur autrui à un service d'archives agréé ou à une société sans but lucratif oeuvrant dans la recherche historique ou généalogique si ces renseignements sont communiqués dans le cadre d'une cession ou d'un dépôt des archives de l'entreprise.»

Ça, c'est très large, parce que vous êtes en train de dire qu'on peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer des renseignements personnels à quelqu'un qui n'a aucune obligation de tenir ces renseignements confidentiels.

Le Président (M. Hardy) : M. Pepin. M. Racine.

M. Racine (Denis) : Oui, ce n'est pas tout à fait ça, Mme la ministre. C'est que, lorsqu'une entreprise a des dossiers, des archives contenant des renseignements personnels, et toutes les entreprises en ont forcément, et qu'arrive le temps de céder ça à un service agréé d'archives, donc autre que les Archives nationales, normalement, ces dossiers-là qui contiennent de l'information publique, pour la transmettre, ça prend la permission des gens qui sont cités dans les renseignements personnels.

Alors, ce qu'on dit, c'est qu'on peut permettre le transfert de ces fonds-là à des services d'archives agréés ou des sociétés sans but lucratif oeuvrant dans la recherche historique et généalogique. Ça ne va pas plus loin que ça, là. C'est permettre le transfert. Sinon, le choix qu'a cette entreprise-là, c'est de détruire les archives.

Le Président (M. Hardy) : Je crois que c'est dans l'article 18.

Mme de Santis : C'est l'article 18...

Une voix : Vous avez une coquille. Ça, effectivement...

Mme de Santis : C'est l'article 18.

Une voix : ...

Mme de Santis : Non, mais on l'a trouvé de ce côté ici aussi, alors ce n'est pas grave. Mais c'est l'article 18.

Une voix : ...

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Il y a, dans la loi sur le privé aussi, l'obligation qu'une fois qu'on n'a plus besoin de renseignements personnels — il y a une vie effective des renseignements personnels — il y a l'obligation de détruire. Et donc, s'il y a une obligation de détruire les renseignements personnels, comment on pourrait transférer ces renseignements à une tierce partie? La question reste : Comment on s'assure, si jamais on permettait qu'il y ait un transfert, que, ces renseignements, qui étaient toujours et demeurent toujours des renseignements personnels, la confidentialité soit maintenue?

Le Président (M. Hardy) : M. Racine.

M. Racine (Denis) : Le service d'archives, c'est leur responsabilité, madame.

Mme de Santis : Mais le «généalogue», lui, il n'a aucun... il n'est pas assujetti à aucune loi. Il n'a pas de statut.

M. Racine (Denis) : Ah! non, attention, là. Je ne vous parle pas de généalogiste, je vous parle de services d'archives agréés, donc il y a un statut...

Mme de Santis : Ou une société sans but lucratif...

M. Racine (Denis) : Oui, oeuvrant dans le domaine de la recherche historique ou généalogique. Donc, souvent, c'est des sociétés de généalogie ou historiques, là, qui sont connues, qui sont des organismes sans but lucratif. On ne parle pas d'individus personnels, là. Et ces gens-là sont assujettis à la loi et ils ne peuvent pas transmettre à n'importe qui les renseignements confidentiels, les renseignements personnels.

Mme de Santis : En vertu de quoi ils ne peuvent pas transmettre? Il y a des...

M. Racine (Denis) : En vertu de la loi.

Mme de Santis : Quelle loi?

M. Racine (Denis) : Bien, la loi sur le privé.

Mme de Santis : O.K.

M. Pepin (Jean-Pierre) : Je peux peut-être rajouter que, dans les transferts...

Le Président (M. Hardy) : M. Pepin.

M. Pepin (Jean-Pierre) : ...de fonds d'archives, Mme la ministre, il ne faut pas oublier que vous avez des associations de familles, vous avez des instituts de recherche. C'est comme si demain matin, au lieu de fermer mes portes puis que je lègue ça à mes partenaires actuels pour la continuité, puis que je décidais demain matin de mettre le fonds d'archives de l'Institut Drouin dans un fonds privé, à Saint-Hyacinthe, ou à Sorel, ou à La Prairie, ou etc., qui ont des centres d'archives agréés, bien, le contenu des 43 millions d'images, et de données, et de contenus généalogiques, là, il va se retrouver diffusable et consultable dans le centre d'archives agréé.

Et, à moins d'y mettre une période de prescription de 30 ans, 40 ans, 50 ans, comme le font les Archives nationales du Québec... Ils reçoivent un fonds, ils mettent une période de prescription s'il n'y en a pas eu de commandée, alors que la personne n'en a pas placé, de restriction, et c'est les archives qui vont décider de mettre une restriction de 150 ans ou de 100 ans, là.

Mais, nous, là, quand nous donnons un fonds d'archives ou que nous en recevons un, ces informations-là, et son contenu, qui contiennent des informations personnelles vont continuer à être transférées et utilisées d'une façon individuelle sans le consentement des individus, parce que, la recherche généalogique, on ne peut pas demander, dans une banque de données de 40 millions, de faire signer les 8 millions de Québécois qui sont concernés là-dedans. C'est juste une précision.

Mme de Santis : Une partie de ces gens-là sont morts...

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Je présume qu'un nombre de ces personnes sont mortes.

M. Pepin (Jean-Pierre) : Oui, mais, vous savez, la partie active actuellement qu'on a au Québec, sur les 8 millions, là... Il meurt une soixantaine de mille personnes par année, puis on a au moins 70 000, 75 000, 80 000 naissances par année. Ça fait qu'on a un plus qui s'ajoute à la population actuelle. Et, si vous prenez la population de 1940 par rapport à la population de 2017, et les gens vivent plus longtemps qu'ils vivaient, alors vous avez actuellement, quand même, plusieurs dizaines, voire centaines de centenaires au Québec. Alors, ces gens-là, à 100 ans, ils perdent tous leurs droits, parce qu'on a le droit de parler d'eux autres, de tout divulguer leurs renseignements personnels. Puis ils ont 100 ans, du jour au lendemain ça devient public parce qu'il n'y a plus de prescription. Alors, on en a 3 000 au Québec qui sont centenaires, là. Vous faites quoi avec, là? Alors, leur statut d'éléments privés, il n'existe plus, là, puisque la prescription est de 100 ans. Alors, c'est le genre qui est là.

Ça fait que, quand on parle de... Quand je vous mentionnais tantôt, là, que 57 000 personnes sont décédées en 2016, ça représente 1,3 million de personnes, sur le 1,3 million, là, qui sont dedans, il y en a rien que 50 000 ou 100 000 qui sont décédées, les autres sont encore vivantes, là, tu sais, dans la population active du Québec.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : O.K. Je vais à un autre point. Vous voulez éliminer le mot «légitime» dans le texte de l'article 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Pouvez-vous m'expliquer... Pouvez-vous m'expliquer comment cela va changer votre situation?

M. Pepin (Jean-Pierre) : Bon. D'abord, parce que le mot «légitime»... Dans les poursuites que j'ai eues dans les dernières années, le problème, c'est que, quand j'amène un dossier à la cour suite à... ça peut être une plainte à la Commission d'accès à l'information ou toute autre, là, et qu'on attend un jugement, quand le jugement ou la décision administrative va sortir, ils vont tenir compte de la charte fédérale, la charte québécoise, le Code civil du Québec puis une des 30, 40, 50 lois qui sont sur le même niveau, puis après ça ils vont regarder dans la loi sur le privé, avec l'article 1, puis ils vont dire : Est-ce que c'est un besoin légitime de connaissance au public?

Alors que le généalogiste, quand il fait sa recherche, il ne se pose pas la question si c'est légitime. Je fais la recherche sur votre père, votre mère, vos grands-parents, vos frères et soeurs, vos neveux, vos nièces, et on fait toute une fratrie, et la masse de documentation qui est là, elle, elle a besoin de ne pas être sous la coupole, nécessairement, d'avoir le consentement individuel des gens. Je vais laisser Me Racine continuer.

Le Président (M. Hardy) : M. Racine.

M. Racine (Denis) : Oui. Ce mot-là est apparu en 2001, lorsque l'amendement à l'article 1 est arrivé, là, on avait négocié avec le ministre Paul Bégin, à l'époque, ministre de la Justice. Quand on arrive devant les tribunaux, et on se le fait opposer à tout bout de champ, c'est : Est-ce que l'information dont on veut divulguer, et en application à l'article 1, c'est de l'information légitime? Et il s'agit là d'un concept assez flou dans la jurisprudence et dans les décisions. Et on s'aperçoit que, généralement face aux généalogistes... les journalistes, c'est peut-être une autre affaire, là, mais, face aux généalogistes, on se bute toujours sur ce mot-là.

Ceci étant dit, on ne vous demande pas de faire une réforme en enlevant seulement le mot «légitime», parce que ça serait tout à fait incomplet. En 2001, on a fait une réforme en ajoutant cet amendement-là à l'article 1 et on s'aperçoit qu'on ne s'en va nulle part avec ça, donc le problème est plus large.

Si la problématique est facile à énoncer, les solutions le sont peut-être un peu moins. On vous offre des pistes de réflexion. J'ai puisé dans les audiences de la commission qui avait eu lieu en 2001 ou 2002 sur le sujet. Il y a une réflexion à tenir. C'est sûr que le mot «légitime» pose un problème. Et de toute façon il y a d'autres barrières, parce que la Cour d'appel avait décidé que... On avait plaidé dans une cause la liberté d'expression, et la Cour d'appel a mis en balance la liberté d'expression et la vie privée, et en disant, en suivant les enseignements de la Cour suprême, que la vie privée l'emporte toujours.

Alors, on a un problème là. C'est un élément, là... On s'est butés beaucoup... Parce que, chaque fois qu'on plaide sur ces questions-là, la commission nous revient toujours... ou les procureurs de la commission nous arrivent toujours avec le mot «légitime». Et, au début, il n'y avait pas beaucoup de jurisprudence. Là, il commence à y en avoir, mais on s'aperçoit que c'est un concept un peu difficile à manier.

Et l'autre élément, c'est que, dans la loi, on parle de la collecte de... je n'ai pas les mots, là... la diffusion, etc. Quand on fait la recherche, là, on ne se pose pas cette question-là. Quand on la publie, je veux bien, là. Mais, sinon, avec ce mot-là, on est rendu avec Big Brother, là, on vient nous voir par-dessus notre épaule pour savoir qu'est-ce qu'on fait quand on fait nos recherches.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Est-ce que vous connaissez la pratique ailleurs au Canada? Est-ce que les renseignements qu'on retrouve dans le registre d'état civil, par exemple, ailleurs au Canada, c'est traité différemment qu'au Québec?

• (14 h 30) •

Le Président (M. Hardy) : Me Racine.

M. Racine (Denis) : Au Canada, je ne saurais vous dire. En France, c'est différent, parce que, quand la loi a été faite, en 1994, on s'était inspiré de l'exemple français qui fermait l'état civil pour les 100 dernières années. Or, depuis une dizaine d'années, l'État français a changé ça, et aujourd'hui je pense que c'est soit 25 ans ou zéro pour le décès, 50 ans pour les mariages puis 75 ans pour les naissances. Il y a deux États — j'en parle dans le mémoire deux États américains aussi qui ont une législation un peu plus ouverte là-dessus, sur l'état civil.

Mme de Santis : Mais, la situation au Canada, vous ne la connaissez pas.

M. Racine (Denis) : Non, on n'a pas fait d'étude.

M. Pepin (Jean-Pierre) : Bien, si je peux rajouter, au niveau de l'Ontario...

Le Président (M. Hardy) : M. Pepin.

M. Pepin (Jean-Pierre) : Merci de me donner la parole. Je la prends automatique, excusez-moi. Vous dire qu'en Ontario c'est sensiblement la même chose qu'au Québec, sauf qu'en ce qui concerne le volet Adoption le Canada a été blâmé par l'ONU, puis les autres provinces avaient toutes corrigé leurs lois, et le Québec vient de le faire, là, en juin dernier, là, pour ouvrir les dossiers aux adoptés, là. Mais, sur l'ensemble de la documentation, exemple sur les choses de diffusion électorale, le fédéral diffuse la liste électorale avec les dates de naissance et les lieux jusqu'en 1986 ou 1988 sur leur site Internet, alors qu'au Québec, dans une des poursuites, là, qu'on a eues, ils considèrent qu'on n'a pas le droit de l'utiliser, point à la ligne, alors qu'on a dans les archives, partout, des milliers de pages d'information sur des conseillers municipaux qui ont donné leur fonds d'archives avec leurs listes électorales dans leurs circonscriptions, ou dans leurs comtés, ou dans leurs quartiers, et c'est tout déposé dans des centres d'archives. Et c'est la même chose pour les députés provinciaux, les ministres, qui ont déposé... Alors, on retrouve de cette documentation-là comme on le fait en Ontario, et vous avez différents organismes en Ontario qui gèrent d'une façon à peu près similaire, là, dans des centres de recherche sur la diffusion.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Mais les listes électorales sont aujourd'hui confidentielles. Et, si les personnes utilisent les renseignements qu'on retrouve sur les listes électorales à l'encontre de ce qu'on retrouve dans la Loi électorale, ce n'est pas permis et il y a des sanctions. Alors, si les gens utilisent ces renseignements-là incorrectement ou ne s'assurent pas que les renseignements qui sont contenus sur les listes électorales soient protégés, ils vont à l'encontre de la loi. Et, donner l'exemple que les personnes le font, ce n'est pas parce qu'ils le font que c'est correct. Les gens ne devraient pas le faire. Vous n'êtes pas...

Le Président (M. Hardy) : M. Racine.

M. Racine (Denis) : Vous mettez le doigt directement sur le bobo, Mme la ministre. La vie parlementaire au Québec, ça existe depuis 1792. Il y a eu des habitudes qui se sont créées. La liste électorale, quand j'étais plus jeune, c'était affiché sur les poteaux de téléphone. Aujourd'hui, on a dit : Non, non, c'est maintenant confidentiel. Ça sert juste durant les périodes électorales. Ce n'était pas bien, bien difficile de se trouver des listes électorales qui circulaient avant, pendant et après les élections. Depuis quelque temps, et depuis notamment la cause avec M. Pepin, le Directeur général des élections a resserré tout ça.

Mais, vous savez, c'est la même chose avec l'état civil, il était publié jusqu'en 1994. C'est facile de rendre une information privée... de la rendre publique, mais prendre une information publique puis rentrer la pâte à dent dans le tube, c'est pas mal plus difficile. Et, qu'est-ce que vous voulez, les informations étaient publiques. L'état civil, c'était public jusqu'au 31 décembre 1993. Et aujourd'hui, après, c'est sûr qu'on n'y a pas accès, le Directeur de l'état civil ne veut pas. Mais l'information, elle a circulé. L'état civil du Québec est disponible sur Internet jusqu'en 1940, alors que le Directeur de l'état civil dit : C'est 100 ans. Puis, jusqu'en 1967 en Outaouais, c'est disponible sur un site Internet au Québec puis c'est disponible sur un site Internet américain. Et là on nous dit : Ah! non, ça, c'est hautement confidentiel, vous n'avez pas le droit.

Vous savez, il va falloir se brancher à un moment donné. Comment ça se fait que, moi, comme administrateur d'une société, on pitonne sur le Registre des entreprises puis on a mon nom puis mon adresse, puis, si je me fie à la loi sur les informations sur le privé, c'est de l'information confidentielle? Comment ça se fait que, quand je vais sur le Registre foncier, mon nom, mon régime matrimonial, mon adresse, ma profession et, dans certains cas, entre 1994 et 1996, mon numéro d'assurance sociale étaient indiqués, puis, quand on va dans la Loi d'accès ou la loi sur le privé, c'est hautement confidentiel?

Des exemples comme ça, on pourrait vous en donner longtemps, et ce qu'on dit, nous autres, là, c'est : Ou bien la définition sur les renseignements confidentiels est mal faite, puis il faut la réviser, ou encore reconnaissons que ce qui était public à l'époque est public, puis évidemment, si on veut rendre ça... changer les choses pour l'avenir, je veux bien, mais on passe des lois rétroactives puis on nous dit... Là, ce n'est pas des rétroactions d'un an, deux ans, c'est des rétroactions de 100 ans. À un moment donné, ça ne fonctionne plus, là. Et les généalogistes se heurtent tous les jours par rapport à ça. Il y a un généalogiste qui est un collègue juriste, qui fait de la généalogie, il a intitulé ça Une promenade au flambeau dans une poudrière. Ça, c'est ça, la recherche généalogique aujourd'hui.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Alors, si je comprends bien, ce que vous me dites, c'est : Ce qui était déjà public, parce qu'en vertu de la loi qui existait à l'époque, ça pouvait être public, dire aujourd'hui que ce n'est plus public, ça ne semble pas avoir du bon sens, parce que, dans tous les cas, on le retrouve sur des sites ailleurs. Mais vous êtes prêts à accepter qu'à partir du moment où on dit que ces renseignements sont privés, les renseignements sont privés ou confidentiels.

M. Racine (Denis) : Exactement. Ce qu'on dit, Mme la ministre : Regardons la définition du renseignement confidentiel. Il y a des choses qui sont confidentielles. Mon rapport d'impôt, là, je ne suis pas intéressé à ce qu'il circule sur Internet. Mon dossier médical, je ne suis pas intéressé que ça circule, mon numéro d'assurance sociale aussi. Il y a des choses qu'on sait qu'il y a un consensus qui dit que c'est confidentiel. Il y a d'autres choses par contre qui nous mènent à des contradictions. Il y a une cause pendante, là, où on dit : Si c'était sur la loi du public, c'est public; mais, comme nous, on est des privés, bien, c'est la loi du privé, c'est confidentiel. Bien, voyons donc, c'est quoi, ces histoires-là?

Alors, c'est un méli-mélo. Et puis, évidemment, quand on arrive devant la commission, on a l'impression, pour paraphraser M. Duplessis, que c'est comme la tour de Pise : ça penche toujours du même bord.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre. Ah...

Une voix : ...on parle de la Commission d'accès, naturellement.

Mme de Santis : Une autre de vos recommandations, c'est que... «Déclarer que toutes les informations apparaissant dans un registre public sont publiques...» O.K. D'après vous, c'est quoi, un registre public? Quand vous faites cette recommandation, à quoi vous faites référence?

M. Racine (Denis) : Je vais vous dire...

Mme de Santis : Et est-ce que tous les renseignements qu'on retrouve dans un tel registre, parce que ça pourrait inclure votre numéro d'assurance sociale, devraient, dans ce moment-là, être publics?

Le Président (M. Hardy) : M. Racine, en 40 secondes.

M. Racine (Denis) : Oui. Un registre public, on fait référence principalement à l'état civil. Il y a une cause pendante actuellement. Dans l'état civil, jusqu'en 1994, les adoptions — bon, les dossiers d'adoption sont confidentiels depuis 1960, il n'y a pas de problème — on envoyait un certificat de jugement et qui était transcrit dans les registres de l'état civil. Alors, jusqu'au 1er janvier 1994, c'était public. Maintenant, il y a une décision de la Commission d'accès récemment, et c'est rendu confidentiel. On dit : Voyons donc, c'est quoi, ces histoires-là? Alors, ce qui était public devrait l'être. Puis évidemment, bien... C'est ça.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Le temps que nous avions du côté gouvernemental est expiré. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, pour l'opposition officielle, pour un temps de 13 min 30 s.

Mme Léger : Oui. Bonjour, messieurs. Un plaisir de vous recevoir. J'avais hâte de vous entendre, même si on a votre mémoire en main. Je vois votre cri du coeur, toute la passion que vous avez pour ce que vous faites. Effectivement, j'ai aimé la question de la ministre par rapport... comment on est généalogiste, comment on est... quelle est la formation. Je vous ai entendu à ce niveau-là. C'est aussi par passion, parce que c'est... Au départ, je veux dire, c'est par loisir, par récréatif que vous faites ce travail-là.

Et ma première question... Tout à l'heure, vous parliez de toutes les incongruités, dans le fond, qu'on peut retrouver, effectivement. Je pensais que vous étiez pour m'éclairer un peu plus, mais je me sens un peu plus mêlée. On va prendre le temps de décortiquer quelques éléments. D'abord, comment les généalogistes vont chercher leur information? Vous dites que vous avez cumulé beaucoup d'informations tout en n'ayant pas accès à plusieurs informations, parce que c'est confidentiel, le 100 ans des registres civils. Comment vous allez les chercher, ces informations-là?

• (14 h 40) •

M. Pepin (Jean-Pierre) : Mme Léger, je vais vous répondre très succinctement, mais clairement. Premièrement, moi, je suis le propriétaire, j'ai acheté l'Institut Drouin en 1997. L'Institut Drouin, dans les années 1940, avait numérisé... avait photographié et mis sur microfilms l'entièreté des registres d'état civil de 1621 à 1940, jusqu'en 1967, après, dans la région de l'Outaouais, et les sociétés de généalogie ou des chercheurs en particulier l'ont fait directement dans les paroisses et ont continué à le faire encore dans les paroisses. Même si on n'a plus accès aux registres d'état civil du Directeur de l'état civil, on a encore accès dans les paroisses, pour avoir les paroisses pour les NBMDS, naissances, baptêmes, mariages, décès, sépultures. Alors, ça, c'est le premier créneau.

Et, quand moi, j'ai acheté l'Institut Drouin, les 11 695 000 actes de naissance, baptême, mariage, décès, sépulture qu'il y avait, je les ai entièrement numérisés. On les a mis en bases de données, et ils sont accessibles en ligne. Et, le deuxième développement qu'on a fait, on s'est rendus en 1967. Et le troisième développement qu'on fait, c'est au fur et à mesure qu'on peut rentrer dans une paroisse... parce que la paroisse est autonome, ça ne relève pas du cardinal ou du monseigneur, chaque paroisse est autonome dans son cheminement, et, à partir de là, l'information a été ramassée, elle a été colligée puis elle a été diffusée, et elle continue à l'être.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. Pepin. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Je comprends aussi, quand vous parliez... La ministre, elle parlait de la liste électorale, puis tout ça, puis vous parliez que ça l'était avant 1993, d'une part, les données du registre des états civils entre autres, mais, sur la liste électorale, qu'il y a eu... Avant, tout était sur les poteaux. Ce n'est pas si loin que ça, ça, là, quand même, parce que je m'en souviens quand c'était sur les poteaux. Le fait que maintenant c'est confidentiel, tout ça, parce qu'il y a date de naissance, etc., des informations, on peut se questionner, oui. Mais en même temps moi, je pense qu'on a aussi évolué. Les choses se sont faites correctement parce qu'on a quand même... Les gens ont plus d'inquiétudes ou veulent se rassurer par rapport à leurs renseignements personnels. Mais, encore là, tous nos renseignements personnels, on met ça presque, sur Facebook puis partout, n'importe comment. Ça fait que je comprends toute la problématique. Et même vous écrivez dans votre mémoire que les solutions sont difficiles, nécessairement, à trouver.

Mais, sur la liste électorale, on est garants, comme députés, même, on est garants. Nous autres, quand on reçoit la liste électorale, on a la lettre du DGEQ qui nous dit, le Directeur général des élections : Vous êtes responsable de la liste, et, si vous déléguez des gens, il faut que ce soit d'une façon correcte. Mais on sait que la liste, elle peut circuler, mais normalement elle ne devrait pas circuler. Est-ce que c'est bien qu'elle circule ou qu'elle ne circule pas? Là, je vois votre questionnement. Je comprends ça.

Mais tout ça vient de ce que c'est, un renseignement personnel. Et ma question va avec le Directeur de l'état civil : Quelles étaient les raisons du directeur des registres d'état civil à ce que ce soit pour 100 ans confidentiel? Pourquoi ça a reviré de bord comme ça, tout autant?

Le Président (M. Hardy) : M. Racine.

Mme Léger : En peu de temps, pour qu'on réussisse à avancer, mais...

M. Racine (Denis) : Il y avait deux raisons, madame. D'abord, on s'est inspirés de l'exemple français. Ça, c'est à peu près... Bon,deuxième chose, c'est qu'évidemment ils ont toujours peur du vol d'identité. C'est sous-jacent dans tout ce qu'on dit, ça, le vol d'identité. Alors, c'est les deux principales raisons. Sauf que, comme je vous dis, c'est qu'on s'est inspirés de l'État français, puis aujourd'hui l'État français est plus libéral que nous.

Moi, je pratique le droit. Savoir si une personne est vivante ou pas, là, c'est comme important quand on fait des rapports contractuels, etc. Qu'est-ce qu'on fait pour savoir si une personne est vivante ou décédée? On peut bien faire une demande de certificat de décès au Directeur de l'état civil, mais la solution la plus simple, c'est d'aller voir sur Internet, parce que les décès sont publiés.

Alors, à un moment donné, là, le questionnement de base, c'est de savoir qu'est-ce qu'un renseignement personnel. Qu'est-ce qui devrait l'être puis qu'est-ce qui ne devrait pas l'être? Puis qu'est-ce qui était public autrefois puis qui ne devrait plus l'être aujourd'hui? Mais pas avec des rétroactions, parce qu'il y a du monde qui ont consulté ça, il y a du monde qui ont ça chez eux, ces informations-là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Là, je comprends votre explication, mais aujourd'hui... Parce que, dans une de vos recommandations, vous dites : «Reconnaître que le nom, la date et le lieu de naissance, de mariage ou de décès, ou l'occupation d'une personne sont des informations publiques.» Alors, pour vous, actuellement, un renseignement personnel qui serait confidentiel, c'est une chose. Mais qu'est-ce qui pourrait être public? Est-ce que, pour vous, le nom, la date, le lieu de naissance, ce que vous écrivez comme recommandation, ça serait, pour vous, des renseignements qui devraient être publics, et non des renseignements qui sont personnels et protégés?

Le Président (M. Hardy) : M. Racine.

M. Racine (Denis) : Bien, ça, c'est une de nos recommandations, il y en a d'autres. Au paragraphe 7, j'ai un peu expliqué de quoi il en retournait. On parle aussi, bien, d'un délai au paragraphe 9, d'un délai de cinq ans pour les décédés. Parce que tout à l'heure on l'a abordée, cette question-là : Quand une personne est décédée, est-ce qu'on a le droit de se servir des renseignements personnels? Ce n'est pas clair, ça. Et, sinon, qui nous donne l'autorisation? Le liquidateur? Tous les successibles du de cujus? Ce n'est pas simple, ça. Puis ça dure combien de temps, cette affaire-là? Vous avez dans la Loi sur les archives, déjà, une prescription de 30 ans. Mais ailleurs il n'y en a pas, de prescription. Alors, c'est la prescription de 100 ans. Alors, imaginez-vous, on remonte à quelqu'un qui est mort depuis 100 ans, là, puis d'aller chercher ses descendants pour avoir les autorisations, ça, c'est un travail impossible.

Mme Léger : Pour quelle raison, selon vous, pour que... Pourquoi ça a été 100 ans? Pourquoi que le registre a demandé 100 ans?

M. Racine (Denis) : C'est l'exemple français. Je n'ai pas d'autre réponse à vous donner, c'est l'exemple français.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Et vous vous référez dans votre mémoire aussi au contexte mondial. Des fois, c'est la référence au contexte mondial, vous donniez, entre autres, bon, des exemples tout à l'heure, autant sur Internet... que les Américains peuvent aller chercher vos données puis que... bon, en tout cas. Vous dites qu'on devrait, en tout cas, au niveau de la suite des choses, se référer avec ce qui se passe au niveau mondial. Qu'est-ce que vous... Pouvez-vous me préciser ce que vous voulez dire par là?

Le Président (M. Hardy) : M. Racine.

M. Racine (Denis) : Bien, écoutez, déjà, la commission en parle dans son rapport. Aujourd'hui, les technologies de l'information, c'est mondial, hein, on ne se limite pas qu'à des hébergeurs québécois, bon, c'est mondial. Et l'information, ça circule, les généalogistes... pas juste les généalogistes, d'ailleurs, mais tout le monde s'échange de l'information, et des informations apparaissent sur des sites américains, même des informations confidentielles, ce qu'on appelle les renseignements personnels, se retrouvent sur des sites américains, et à tel point que les généalogistes se posent la question : Quand on publie nos informations, puis il y a des choses sur des personnes qui sont encore vivantes ou des 100 dernières années, puis là on dit, oui, bien, on ne risque pas de se faire poursuivre par la Commission d'accès parce qu'une personne va poser une objection? Dans un fichier, on vous l'explique, là, il y a un fichier qui a été consulté des millions de fois, qui a été public depuis 30 ans, puis aujourd'hui il y a une personne qui pose une objection, puis on est pris avec la Commission d'accès à l'information là-dessus encore. Alors, on se dit : Bien, ce n'est pas compliqué, la solution, on va aller publier à l'extérieur du Québec, c'est tout. Alors, l'information, ça circule, puis la commission est bien consciente de ça, elle en parle dans son rapport. À un moment donné, ces informations-là, ce qui va arriver, c'est que ça va être les sites à l'étranger qui vont les récupérer et que les institutions québécoises ne pourront rien faire par rapport à ça.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Mais je pense qu'il veut compléter.

Le Président (M. Hardy) : Oui, parfait. M. Pepin.

M. Pepin (Jean-Pierre) : Ce que je voudrais vous dire, madame, vous savez, il y a eu des commissions itinérantes pour la protection du patrimoine funéraire, je vais vous donner ça comme exemple, un autre exemple — vous en faisiez partie à un moment donné, là — puis on a commencé à numériser toutes les pierres tombales du Québec, tous les cimetières. On en a, mettons, 1 000 sur 3 000 de faits, là. Bon, bien, ils sont maintenant numérisés, sont indexés, et vous faites une recherche au nom de la famille Léger ou de la famille Pepin, puis on va savoir tous les Léger et les Pepin qui sont sur une pierre tombale, au même niveau qu'une notice nécrologique, puis l'information sur la date de naissance et la date de décès mentionnées sur la pierre tombale, c'est une information qui va circuler. Et, quand elle va circuler, elle va circuler mondialement, que ce soit en Allemagne, en Belgique, en France, aux États-Unis ou en Alaska, là, tu sais.

Mme Léger : Mais ça, je pense que je comprends qu'il y a des informations qui circulent à tout vent, un peu partout. Puis, est-ce qu'on peut les diffuser, pas les diffuser, qu'est-ce qu'on a le droit, qu'est-ce qu'on n'a pas le droit, qu'est-ce qui est susceptible d'une poursuite, qu'est-ce qui fait que le... bon, je comprends ça, mais, il reste quand même, il y a une responsabilité de l'État, une responsabilité gouvernementale par rapport aux renseignements personnels. Et en même temps comment s'assurer qu'on ait accès à des informations, tout le dilemme est là.

Alors, vous, dans le fond, ce que vous réclamez... Ce que je comprends, c'est que vous réclamez... Un, le 100 ans du registre de l'état civil, je comprends que ça n'a pas de bon sens, selon ce que vous apportez. Mais quel est pour vous ce qu'il y a de plus important, pour vous, par rapport avec s'il y avait une loi? Qu'est-ce que vous aimeriez retrouver dedans, le fait de lever les renseignements personnels à...

Le Président (M. Hardy) : M. Pepin.

M. Pepin (Jean-Pierre) : Oui, ça, c'est le premier élément. Vous savez, Mme Léger, si je ne peux pas vous appeler Mme Léger, en fait, j'apporte un numéro ou... puis, s'il y a 22 Nicole Léger au Québec, je vais être obligé de vous rajouter un élément pour vous reconnaître. Alors, moi, je pense que l'information nominative, la date de naissance, la date de mariage, le lieu de la résidence, ce sont des informations personnelles, qui sont privées dans certains cas, mais qui sont des informations personnelles et publiques pour qu'on puisse communiquer ensemble.

Alors, moi, je pense qu'au départ, quand on a créé la Direction de l'état civil, on a oublié de dire que l'application que lui va en faire... Il a décidé de son chef qu'il y avait une prescription de 100 ans, ce n'était pas écrit dans la loi qui gère la Direction de l'état civil, là. Et là on se retrouve avec une patate chaude, qu'on n'est pas capable de régler, au cours de la dernière décennie ou des deux dernières décennies, pour pouvoir faire la recherche historique, généalogique ou journalistique adéquatement, sans qu'on contrevienne à de nouvelles lois. Moi, je pense qu'en principe le législateur ne devrait jamais parler pour ne rien dire, et là, avec la loi sur le privé, l'article 1 vient... Puis je le sais, là, dans les deux, trois, quatre dernières poursuites que j'ai eues devant les tribunaux, j'ai toujours été débouté, je suis obligé d'aller à la Cour du Québec puis après ça aller à la Cour supérieure. Et je n'en sors pas, Mme Léger, parce que l'information d'un généalogiste, c'est une information qui est à la fois privée pour la personne mais publique pour pouvoir la transmettre.

• (14 h 50) •

Mme Léger : Quand vous parlez de l'article 1, en passant, là, vous parlez de la partie : «La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique, historique ou généalogique à une fin d'information légitime du public.»

M. Pepin (Jean-Pierre) : Quand je me présente à la cour, ça, Mme Léger, là, les juges n'en tiennent jamais compte parce que c'est dilué dans l'ensemble de toutes les autres lois. Ce qui fait que nous, on a un article spécifique, pour la première fois, on a le mot «généalogiste» dedans. Et, quand je me présente à la cour pour défendre le droit des généalogistes, des historiens et des journalistes, je ne suis pas entendu et pas reconnu. Mais on va continuer à le faire.

Le Président (M. Hardy) : M. Racine, en 55 secondes.

M. Racine (Denis) : Oui, juste ajouter, dans ce cas-là, l'article 1, on se bute toujours sur le mot «légitime». Les tribunaux, de façon unanime, tout ce qu'on fait, il n'y a rien de légitime. C'est à peu près la conclusion. Je reviens sur l'état civil.

Mme Léger : Qu'est-ce que vous feriez? Vous l'enlèveriez, le mot?

M. Racine (Denis) : Oui, bien, c'est ce qu'on recommande. L'autre chose, je reviens sur l'état civil, depuis 1994, c'est un sujet de discorde avec le Directeur de l'état civil. En 2006, j'étais président à la fédération, le Directeur de l'état civil est venu me rencontrer à mon bureau pour me dire qu'il y aurait des allègements. Ils ont rencontré deux fois la fédération depuis ce temps-là. M. Parent, qui va témoigner demain, va vous le dire. En 2014, on a tenu un colloque, ils sont encore venus nous dire qu'ils faisaient des assouplissements à cette règle de 100 ans. Et on est rendu, de 1994-2017, toujours au même point. Juste sur cette recommandation-là, si ça se réglait, on serait déjà contents, il y aurait un pas de fait. Mais, encore là, encore là...

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie. Ça passe vite. Le temps accordé à l'opposition officielle est maintenant expiré. Je passe maintenant la parole à M. le député de Borduas, pour la deuxième opposition. Vous avez un temps de neuf minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Pepin, M. Racine, M. Garceau-Bussières, bonjour. Merci de contribuer aux travaux de la commission. Je vous écoutais tout à l'heure, puis ça me faisait penser, lorsque vous parliez des registres au niveau du Registraire des entreprises, la source d'information qui est disponible sur ces sites-là, dans le fond, accessible au public, je pensais... on avait un bel exemple il y a quelque temps : l'ancien député de Saint-Jérôme, ancien chef de parti du Parti québécois, qui avait diffusé sur Twitter l'adresse personnelle du premier ministre parce que, bon, le premier ministre avait une compagnie enregistrée au Registraire des entreprises, puis son lieu de domicile était fixé. Et là on a envoyé ça dans la sphère publique, et là, dans le fond, tout le monde savait où le premier ministre réside. Donc, il y a des questions à se poser aussi, à savoir : Est-ce qu'on souhaite que ces renseignements-là soient diffusés? Est-ce que l'adresse doit être publique? Est-ce que, les administrateurs, ça doit être public?

Là, je comprends qu'il y a un litige devant les tribunaux. Mais, pour les généalogistes, il y a plusieurs possibilités de consulter, mais vous, vous voulez de la clarté, dans le fond. Parce que, supposons au RDPRM, le Registre des droits personnels et mobiliers, là le contrat de mariage est publié, vous savez l'état civil, puis vous savez si la personne a renoncé au patrimoine familial ou non avec la date de naissance. Ça fait qu'il y a comme une incohérence. C'est ce que je comprends, là.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : O.K. Si on apporte un changement législatif, au-delà du «légitime», là, dans la loi sur le privé, est-ce qu'il y a d'autres changements législatifs qu'il faut apporter?

M. Racine (Denis) : C'est ce qu'on explique dans notre mémoire, la...

Le Président (M. Hardy) : M. Racine.

M. Racine (Denis) : Oui, merci, M. le Président. Je m'excuse, j'ai été trop vite. Si la problématique est simple, entre guillemets, à élaborer, les solutions le sont peut-être moins. On a donné dans nos recommandations — c'est moi qui ai rédigé, alors — des pistes. Ce n'est pas la panacée universelle, ça, on en est tous conscients, c'est des pistes. Je pense qu'il va falloir étudier la question de façon plus approfondie pour en arriver à des solutions. Nous, généalogistes, bien sûr, on défend notre bout de pain, et il y a peut-être d'autres considérations que... Et l'État, c'est sa responsabilité d'encadrer tout ça puis de voir s'il n'y a pas d'autres conséquences à ce qu'on demande, et c'est bien normal. Mais ce qu'on veut, c'est qu'il y ait une réflexion. Là, à l'heure actuelle, ça fait 20 ans qu'on se bute à des... pas 20 ans, depuis 1994 qu'on se bute à des problèmes. Avec la commission, on a des problèmes. Avec le Directeur de l'état civil, il n'y a rien qui se règle. Et là on veut que la pratique de la généalogie, là, ça soit clair, qu'on soit en sécurité juridique. C'est ça qu'on veut, et on fait des propositions. Ce n'est pas, je vous le dis, ce n'est pas la panacée universelle, elles doivent être étudiées, on doit en discuter, mais on veut de la sécurité juridique. À l'heure actuelle, on est poursuivis de tous bords tous côtés.

Je vous l'ai dit tout à l'heure, un fichier, le formulaire des mariages, qui est public depuis 1986, tenu par le ministère de la Santé, il y a une personne, depuis 30 ans, qui s'est plainte, puis là on est pris avec la Commission d'accès à l'information qui nous dit, peut-être, de retirer le fichier pour tout le monde, pour les 5 millions de mariages, ou, encore, de biffer des informations. Puis le ministère de la Santé nous dit : Faire ça, ça va coûter 700 000 $. Pensez-vous sincèrement que le ministère de la Santé a 700 000 $ à dépenser dans un truc comme ça? C'est de la clarté juridique qu'on veut avoir, et c'est ce qu'on demande.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Et puis, tout à l'heure, vous en avez parlé, la généalogie, ce n'est pas encadré. Dans le fond, tout le monde peut en faire s'ils souhaitent en faire. Entre les amateurs, les professionnels...

M. Racine (Denis) : ...il y a deux éléments.

Le Président (M. Hardy) : M. Racine.

M. Racine (Denis) : Il y a ceux qui sont membres des sociétés, puis il y a ceux qui ne sont pas membres des sociétés. Ceux qui ne sont pas membres, évidemment, c'est difficile de les encadrer. Ceux qui sont membres des sociétés qui sont regroupées dans une fédération, il y a un code d'éthique des généalogistes. Demain, la fédération des sociétés de généalogie, qui va comparaître devant vous, là, va vous expliquer ça. Mais il y a un code d'éthique là-dessus.

Le Président (M. Hardy) : Juste une information à vous donner, M. le député de Borduas et les messieurs qui sont là : Laissez-moi le temps de vous nommer pour que la retranscription soit efficace, les gens qui prennent des notes ici... Merci. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : On va tenter d'être plus disciplinés, M. le Président. Mais je veux juste faire le lien avec la modification que vous demandez à l'article 150 du Code civil du Québec pour rendre ça disponible aux chercheurs. C'est votre recommandation 1, dans le fond. Donc, pour vous, un chercheur, ce serait quelqu'un qui serait, supposons, membre d'une société de généalogie? Parce que, dans le fond, la société de généalogie, c'est une adhésion volontaire. Supposons, moi, demain matin, je m'intéresse à la généalogie, je deviens membre de ce genre de société là, et donc je m'engage de bonne foi à respecter le code de déontologie de cette société-là.

Le Président (M. Hardy) : M. Racine.

M. Racine (Denis) : J'ai été faire de la recherche au Connecticut en 1972, je crois. C'était une des conditions, d'être membre d'une société généalogique locale, pour pouvoir avoir accès à l'état civil. Ce n'est pas partout, mais je me souviens de cet exemple-là en particulier. Ça pourrait être ça. Ça pourrait être ça.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, pour l'article 150, vous feriez le lien avec ça ou non, lorsque vous dites «les chercheurs»?

Le Président (M. Hardy) : M. Pepin.

• (15 heures) •

M. Pepin (Jean-Pierre) : Merci. Vous savez, je pense qu'on ne peut pas circonscrire le milieu généalogique à leur participation à une association de familles ou à une société d'histoire, une société de patrimoine ou une société de généalogie. Si on regarde sur la Toile actuellement, les centaines... parce qu'on a 100 000 généalogistes... bien, il y a au moins 300 000, 400 000, 500 000 personnes qui sont abonnées à des sites de généalogie du Québec sur la Toile. Et ces gens-là ne font pas partie d'aucune association, ne font pas partie d'aucune société de patrimoine. Et ces gens-là viennent pour un intérêt, une passion personnelle, un besoin aussi de connaître s'ils ont des origines autochtones, s'ils ont des origines européennes, et quelles en sont, et de pouvoir retrouver les documents, qu'eux-mêmes n'ont pas, de leurs grands-parents, leurs actes de naissance, leurs actes de décès, retrouver des cartes mortuaires, retrouver des contrats notariés, des contrats de maison. Ils vont s'adresser à des sociétés de généalogie sur Internet pour faire le tout.

Et ce qui est d'abord dans les registres d'état civil, cette information-là... Le législateur, là, vous n'avez pas parlé pour ne rien dire en permettant la création du Directeur de l'état civil, mais vous n'avez pas parlé pour ne rien dire non plus en permettant la continuation de cette consultation-là. Moi, là, j'ai été numériser, photographier des dizaines de milliers de pages dans les palais de justice, que ça soit à Saint-Jérôme, à Longueuil, à La Prairie, à Sainte-Julie, ou etc., et ces pages-là aujourd'hui compliquent la situation en disant : Bien, vous ne pouvez plus.

Moi, quand je pense que... Quand vous allez passer une loi, je pense que, si elle est rétroactive, ou bien vous faites un fichier, à un moment donné, parce qu'on n'a pas de carte de citoyen au Québec encore, puis... Pour rentrer ici, ça m'a pris ma carte d'assurance maladie ou mon permis de conduire pour m'identifier puis me laisser passer. Bien, les outils que nous avons actuellement, c'est mon nom, puis je n'ai pas de pièce. Si je n'ai pas mon passeport... Je n'en ai pas, de passeport, moi. Puis ma carte d'assurance maladie, mon permis de conduire, là, en principe, quand ils me les demandent, ils n'ont pas le droit de me le demander, là. Ce n'est pas un hôpital, ici, là, pour avoir ma carte d'assurance maladie. Puis ce n'est pas un policier, dans certains cas, dans un centre d'archives, qui me demande ma pièce d'identité. Et tous ces gens-là contreviennent à la loi. Et j'ai pour mon dire : Écoutez bien, là, je pense qu'on est capable de distinguer l'information qui était publique, qu'elle le demeure, publique, et que cette information-là, à partir... Mon partenaire, qui est en arrière, là, sa femme va accoucher à la mi-décembre, là. Bien, son enfant pourrait faire partie de la prescription de 100 ans. Mais moi, mes acolytes, chacun d'entre vous ici, là, vous étiez nés avec la création de l'État civil, donc l'information devrait continuer à être publique — et vos renseignements personnels devraient continuer à être disponibles. C'est clair, c'est net, ils le sont déjà puis ils le sont partout.

Alors, c'est encore plus grave, parce que nous, on nous aborde, après ça, avec la Commission d'accès à l'information, dans certaines poursuites, ou par le Directeur général des élections, ou par le Directeur de l'état civil, on nous dit : Ah! bien, vous n'avez pas le droit de faire cette diffusion-là. Bien, je regrette, là, l'information, non seulement on l'a eue... on a eu l'autorisation du gouvernement pour utiliser les formulaires de mariage du ministère de la Santé, on a eu l'autorisation du Directeur de l'état civil pour faire certaines choses puis on a l'autorisation du ministre de la Justice pour effectuer d'autres démarches généalogiques.

Alors, moi, je pense que... Quand vous allez faire une loi, comme législateurs, assurez-vous que, nos droits, vous allez aussi les respecter, parce que, quand vous modifiez une loi puis que vous en donnez une nouvelle, moi, je suis obligé de l'apprendre, cette loi-là. Puis je ne suis pas avocat, moi. Je suis obligé de consulter mes avocats pour dire : Bien, que c'est que j'ai le droit de faire aujourd'hui, là? Je n'ai plus le droit de rien faire parce qu'il y en a tellement, de lois, que... Vous parliez de la loi sur la régie du loyer, la loi sur le transport, la loi sur... Je regardais juste la loi sur le bien culturel, qui a été faite en 2008, là, bon, puis, quand ils l'ont faite... à l'intérieur de ça, vous avez des éléments qui sont aujourd'hui sur le même pied qu'en 2001.

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie. M. Racine, M. Pepin, M. Bussières, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du Groupe d'expertise en gestion des documents du gouvernement du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 2)

(Reprise à 15 h 6)

Le Président (M. Hardy) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Groupe d'expertise en gestion des documents du gouvernement du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Groupe d'expertise en gestion des documents
au gouvernement du Québec (GEGD)

Mme Légaré (Francine) : Bonjour. Je suis Francine Légaré, présidente du Groupe d'expertise en gestion des documents au gouvernement du Québec. J'oeuvre dans le domaine depuis maintenant 25 ans et puis je suis membre du GEGD depuis 2007. Je vais laisser Marie-Pierre se présenter.

Mme Gagnon(Marie-Pierre) : Marie-Pierre Gagnon. Je suis sur le conseil exécutif du GEGD depuis trois ans et oeuvre en gestion documentaire depuis une vingtaine d'années.

Le Président (M. Hardy) : Merci.

Mme Légaré (Francine) : Donc, avant de débuter, on aimerait seulement souligner que les propos qu'on va tenir aujourd'hui engagent les membres du GEGD à titre de professionnels de la gestion des documents et aucunement les institutions qu'il représente.

Donc, notre principal intérêt d'être ici aujourd'hui, c'est naturellement sur toutes les questions concernant la gestion documentaire. Puis ce n'est pas d'hier qu'on note que la gestion documentaire est un domaine qui est moins visible que les autres domaines dans la fonction publique. Déjà en 1991, dans son rapport annuel déposé à l'Assemblée nationale, le Vérificateur général du Québec soulignait que ce domaine-là était moins représenté. Et il ajoutait que celle-ci n'en demeurait pas moins une activité de première importance et recommandait, entre autres, de faciliter les communications et les échanges d'information entre les organisations.

C'est sûr que, depuis ce temps, il y a des actions qui ont été prises et puis il y a des choses qui se sont beaucoup améliorées pour promouvoir la gestion des documents. Une de celles-ci est naturellement la création du Groupe d'expertise en gestion des documents au gouvernement du Québec. Le GEGD, c'est une communauté de pratique qui est constituée de personnes qui oeuvrent dans le domaine. Ce sont des personnes formées, spécialisées et dédiées à la gestion documentaire. Le GEGD regroupe 176 membres en provenance de 70 ministères et organismes.

Nos travaux se font dans un esprit de partenariat avec les ministères et les organismes. Et on s'est donné comme mission de promouvoir l'excellence, dans le domaine de la gestion des documents, entre les spécialistes du domaine de la gestion des documents et de tout autre groupe apparenté qui oeuvre dans le domaine ou bien de toute autre instance. Nos objectifs sont de favoriser et de faciliter la concertation et l'échange du savoir-faire entre les spécialistes en gestion des documents, de promouvoir l'importance de la gestion des documents comme moyen de favoriser l'efficacité et l'efficience au sein des organismes, de fournir des avis et des expertises ainsi que de faire des représentations auprès des organismes concernés sur toute question ou orientation ayant une incidence sur la gestion des documents, et de promouvoir la formation et le perfectionnement des spécialistes qui oeuvrent dans le domaine.

En gros, quand la gestion des documents vise à retrouver... Quand on fait de la gestion de documents, on vise à retrouver les bonnes informations au moment opportun. Dans un contexte de croissance et de circulation toujours plus rapides de l'information, afin d'en assurer et de maintenir une gestion efficace, pour le bénéfice du gouvernement du Québec et de tous les acteurs, les membres du GEGD souhaitent contribuer par leur expertise à la solution que pose cet enjeu dans les organisations.

Le Président (M. Hardy) : Mme Gagnon.

• (15 h 10) •

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : En septembre 2016, la Commission d'accès à l'information a déposé un rapport quinquennal. De par ses recommandations, ce rapport vise l'amélioration du régime d'accès aux documents et la protection des renseignements personnels au Québec. De manière plus précise, la section 2.2.3.2 du rapport porte sur la gestion documentaire et l'obligation de documenter le processus décisionnel. Ces deux points intéressent particulièrement le GEGD.

Le GEGD croit que la gestion des documents devrait être une priorité pour l'appareil gouvernemental, mais il constate que ce n'est pas toujours le cas. L'adoption, en 1995, de la politique administrative concernant la gestion des documents actifs au gouvernement prévoyait d'assurer une gestion effective et efficace des documents au même titre que la gestion des ressources humaines, financières, matérielles dans les organismes publics, d'amener les organismes publics à affecter les ressources humaines, financières et matérielles requises pour la gestion, l'application et le maintien des systèmes de gestion des documents actifs.

Le GEGD croit qu'il est essentiel d'avoir un engagement clair et précis de la part du gouvernement afin de se donner les moyens pour mettre en oeuvre ses ambitions, entre autres en matière d'accès, de transparence et de démocratisation de l'information. Ceux-ci passent également par une reconnaissance accrue du rôle indispensable des spécialistes dédiés à la gestion des documents dans les ministères et organismes. Le GEGD estime donc que le gouvernement aurait intérêt à se doter d'une gouvernance renouvelée en gestion de l'information.

D'ailleurs, dans le rapport annuel du Vérificateur général du Québec de l'hiver dernier, le chapitre 7 présente une étude qui vise à dresser un portrait de la situation dans le secteur des technologies de l'information. Ce portrait de la gouvernance et de la gestion des TI au gouvernement du Québec précise que, dans les entités consultées, la haute direction et les premiers dirigeants responsables des TI estiment ne pas avoir l'assurance que le système de gouvernance fonctionne efficacement, que chacun des investissements génère une valeur optimale, que les risques critiques liés aux TI sont gérés efficacement et que leur impact est connu, que les besoins en ressources sont comblés efficacement et que celles-ci sont utilisées de façon optimale.

Selon nous, cet engagement du gouvernement devrait se traduire par l'adoption d'un cadre de gouvernance intégrée en gestion de l'information gouvernementale qui inclut la gestion des documents. À la lecture du rapport du Vérificateur général, le GEGD voit l'occasion de mettre en place cette nouvelle gouvernance de l'information qui inclut et implique tous les intervenants en la matière. Selon la littérature en gouvernance de l'information, les objectifs d'une telle gouvernance tendent à améliorer la rapidité et l'efficacité des décisions et des processus, à créer de la valeur par une utilisation optimale de l'information et bien sûr à réduire les coûts et les risques pour l'organisation.

Dans son rapport quinquennal 2016, la CAI recommande aussi d'«inclure dans la loi une disposition [...] obligeant les organismes publics à créer des documents dans le but d'étayer le processus décisionnel — réflexions, délibérations, mesures et décisions importantes — assortie de sanctions appropriées en cas de non-conformité». Le GEGD appuie cette recommandation et est d'avis que la gouvernance de la gestion de l'information gouvernementale devrait se traduire par un engagement formel en ce sens. Cette obligation de documenter inclurait nécessairement la création des documents, l'enregistrement institutionnel et le référencement, c'est-à-dire l'indexation de ces documents à des fins de repérage afin d'assurer une gestion efficace et efficiente.

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : La mise en oeuvre de ce cadre de gouvernance intégrée en gestion de l'information gouvernementale nécessite qu'on y affecte les ressources informationnelles, humaines, financières et matérielles requises pour la gestion, l'application et le maintien des systèmes de gestion de documents dans les différents ministères et organismes. Le GEGD recommande donc dans son mémoire que le gouvernement du Québec s'engage à dédier des ressources spécialisées à la gestion des documents dans ses ministères et ses organismes, de se doter d'un système de gestion de documents permettant de gérer l'ensemble du cycle de vie des documents et se doter d'un système de gestion intégrée des documents permettant de gérer les documents sur support papier et sur support électronique. Le GEGD recommande enfin que le gouvernement du Québec mette en place un mécanisme de reddition de comptes sur l'application, dans les ministères et organismes, de son cadre de gouvernance en gestion intégrée de l'information documentaire.

En conclusion, nous croyons que nos recommandations permettront de concourir à résoudre les problèmes évoqués dans le rapport quinquennal 2016 de la Commission d'accès à l'information concernant la gestion documentaire et l'obligation de documenter les processus décisionnels. Les membres du GEGD souhaitent ardemment être mis à contribution à titre de spécialistes formés, dédiés et engagés en gestion des documents afin de participer à l'amélioration du régime d'accès à l'information ainsi qu'à la sauvegarde et à la pérennité du patrimoine documentaire québécois.

Le Président (M. Hardy) : Bien, je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la période est à vous pour 22 minutes.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Légaré, Mme Gagnon. J'apprécie énormément votre présentation parce que ça apporte un autre élément à la discussion de la loi sur l'accès et la protection des renseignements dans le secteur privé. Et ce n'est pas un sujet qui est très sexy mais est très important. D'abord, on parle de la gestion documentaire, de la gestion de documents. Pour que les gens qui nous écoutent comprennent, quand on parle de la gestion de documents, de quoi parle-t-on?

Mme Légaré (Francine) : La gestion des documents qui sont créés ou reçus dans les ministères et organismes. On en crée à chaque jour, on en reçoit à chaque jour. Il faut les gérer. Ces documents-là passent théoriquement par trois stades de vie : l'actif, du semi-actif et de l'inactif. À l'actif, ce sont les documents qui sont consultés quotidiennement, fréquemment, et qui sont nécessaires à la prise de décision dans un ministère ou un organisme. C'est les documents qu'il faut avoir sous la main pour répondre à des besoins quotidiens dans la gestion du ministère ou de l'organisme.

Ces documents-là, après un certain temps, peuvent être moins consultés mais tout aussi utiles, ou doivent être conservés pour des périodes prescrites par des lois, comme par exemple les documents financiers, qui doivent être conservés pendant sept ans. Ils ne sont pas nécessairement consultés à chaque jour, mais les lois nous obligent à les consulter. On peut donc les gérer d'une façon plus... Souvent, dans le monde papier, on les met en boîte, et on les met dans un entrepôt, puis on peut ensuite les rappeler quand on en a besoin.

Arrivés au stade inactif, bien, les documents qui ont une valeur historique et patrimoniale sont versés à Bibliothèque et Archives nationales du Québec en vertu de la Loi sur les archives, et les documents qui n'ont pas de valeur patrimoniale ou historique sont détruits. Donc, la gestion des documents, c'est la gestion du cycle de vie que je viens de vous expliquer, et ce, tant pour les documents papier que pour les documents électroniques dans les systèmes d'information.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme Légaré. Mme la ministre.

Mme de Santis : Est-ce que ça inclut, par exemple, les courriels que moi, je peux recevoir en tant que ministre? Est-ce que ça inclut les textos? Est-ce que ça inclut les messages et les renseignements envoyés par d'autres modes de communication?

Le Président (M. Hardy) : Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : En fait, si on se réfère à la Loi sur le cadre juridique des technologies de l'information, on définit ce qu'est un document. Et un document, c'est de l'information sur un support. Alors, pour répondre à votre question : Oui, un texto, un courriel, toutes les informations qui sont portées par un support sont considérées comme des documents. Ça peut être un enregistrement téléphonique, ça peut être une photo, un enregistrement vidéo. De l'information sur un support, c'est considéré comme des documents et ça doit être pris en charge dans nos secteurs de gestion documentaire.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Actuellement, comment sont traités les courriels que je reçois, ou qu'un ministre reçoit, ou un député reçoit?

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : Ce sont des pratiques qui sont mises en place par les différents ministères et organismes, et ce n'est pas uniforme d'un organisme à un autre. On s'entend tous pour se dire que c'est effectivement une information. Certains ministères et organismes vont obliger leurs membres à enregistrer les courriels dans un système de gestion documentaire dédié qui est utilisé par tous les membres du ministère et de l'organisme. Dans certains autres cas, on va les gérer sur le serveur courriel de l'organisme. Il y en a qui les gèrent aussi sur des serveurs autres que celui du courriel. Donc, il y a plusieurs façons de les traiter. Mais il faut vraiment savoir que c'est de l'information qu'il faut traiter, mais il n'y a pas de façon uniforme à travers l'appareil gouvernemental pour traiter un courriel.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

• (15 h 20) •

Mme de Santis : Dans votre mémoire, vous parlez de l'obligation à documenter. Comment exprimer cette obligation légalement? Et qui devrait s'assurer du respect de cette obligation? Qui serait responsable? Et, si la personne responsable ne le fait pas, c'est quoi, les sanctions?

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : En 2009, lors de l'adoption du Règlement sur la diffusion de l'information, on avait parlé à ce moment-là de la mise en place d'un comité d'accès à l'information qui regroupait... on disait, à l'époque : Le cas échéant, le responsable de la gestion des documents dans le ministère ou l'organisme. Ce rôle-là est présent dans certains cas mais ne l'est pas dans d'autres. Donc, la loi devrait, au lieu de dire : Le cas échéant... C'est-à-dire, le règlement devrait, plutôt que de dire : Le cas échéant, vraiment forcer les ministères et organismes à nommer un responsable de la gestion des documents dans son organisation et lui donner des rôles et responsabilités qui vont en ce sens-là.

La façon de voir si c'est appliqué, et tout ça, c'est, comme on disait dans notre mémoire, par des rendre compte qui peuvent prendre, naturellement, différentes formes. Ça peut être une lettre déclarative, ou des choses comme ça, pour dire que, oui, on se conforme aux exigences en gestion documentaire qui sont demandées dans les lois.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : J'aimerais comprendre. Où se trouve l'obligation d'avoir un responsable de la gestion de la documentation?

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : Il n'y a pas d'obligation. Le Règlement sur la diffusion de l'information et sur la protection des renseignements personnels parle d'un comité sous la responsabilité de la personne responsable de l'accès à l'information, auquel peuvent siéger différentes personnes. Et, dans le texte, c'est écrit : Le responsable de la gestion documentaire, le cas échéant.

Mme de Santis : Ah! Mais est-ce qu'il existe ailleurs une référence à cette personne, que dans le règlement? Parce que, dans le règlement, je sais que c'est... J'ai vu, j'ai lu, mais est-ce que ça existe ailleurs?

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : Malheureusement, non. Même dans la loi... Présentement, la loi actuelle, la Loi sur les archives ne va pas dans ce sens-là. Le GEGD a déjà fait des pressions à d'autres niveaux pour, au moment où il y aura une révision de la Loi sur les archives, instaurer ce genre de responsabilité là officiellement dans les ministères et organismes.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Alors, est-ce que je comprends bien qu'une recommandation serait d'avoir un responsable de la gestion documentaire, un responsable peut-être qui pourrait être partagé par plusieurs organismes, le même, ou... mais qu'il y ait, pour chaque organisme, un responsable?

Mme Légaré (Francine) : Tout à fait.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Merci. Vous dites qu'il y a une diminution du nombre de ressources oeuvrant dans le domaine de la gestion documentaire depuis 2013. Pouvez-vous m'expliquer qu'est-ce que vous voulez dire par cela? Est-ce que vous avez une étude scientifique là-dessus? Et pouvez-vous me donner le portrait actuel de la gestion documentaire en ce qui concerne les ressources?

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : Oui, on a fait un sondage auprès de nos membres. C'est sûr que ça s'est fait pendant la période d'été, donc on n'a pas eu des réponses de l'ensemble de nos membres, mais on peut quand même en tirer les conclusions qu'on a mises dans notre mémoire, comme quoi il y a vraiment une diminution de ces postes-là.

Mme de Santis : De quels postes...

Mme Légaré (Francine) : Les postes dédiés à la gestion des documents dans les ministères et les organismes. C'est surtout au niveau du nombre des techniciens qu'on voit une diminution de postes. On a fait une étude comparative 2010-2017. À ce moment-là, pour les... Il y a 21 ministères et organismes qui ont répondu à notre sondage, comme je vous disais, qui s'est quand même fait pendant la période estivale. En 2010, ces organismes-là avaient un total de 42,5 ressources, nombre de techniciens. Et, sept ans plus tard, c'est passé à 34,6 personnes. C'est une diminution quand même, bon, vous allez dire, de 8 %, ce qui peut peut-être ne pas paraître si énorme que ça. Par contre, il ne faut pas oublier que l'information maintenant double à tous les deux ans. Donc, le nombre d'informations à gérer augmente, et le personnel dédié à cette gestion-là diminue.

On a fait aussi des études comparatives pour voir d'un ministère à l'autre combien de gens... combien d'employés ces gens-là doivent supporter quotidiennement dans la gestion des documents. Parce que la gestion des documents, ça se fait à tous les niveaux, ça peut être le support administratif qui en fait, ça peut être une secrétaire, ça peut être des spécialistes comme nous. Tout le monde gère son information. Et, dans certains ministères, des gens doivent appuyer plus de 500 personnes pour les aider à faire leur gestion documentaire.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Vous recommandez que le gouvernement mette en place un mécanisme de reddition de comptes en gestion documentaire. C'est quoi, la nature de cette reddition de comptes que vous suggérez?

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : De s'assurer qu'il y a des gens dédiés à la gestion documentaire, qu'il y a des responsables de la gestion documentaire, parce que, comme on le disait en début de présentation, l'information est une ressource qui est aussi importante que les ressources humaines, matérielles et financières, ressources qui sont contrôlées et sur lesquelles on a des statistiques annuellement : sur les effectifs, sur les dépenses du gouvernement, tout ça. Mais on ne sait jamais qu'est-ce qu'ils font avec leur information. On demande d'être plus transparent. On demande de contribuer à l'efficience et l'efficacité du système gouvernemental, mais on ne dédie pas les ressources qui pourraient nous aider à le faire. Donc, en demandant une reddition de comptes, ça obligerait les ministères et les organismes à se doter de personnel qui pourrait vraiment les aider. Et on espère que, dans le prochain rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information, on ne dira pas qu'on ne retrouve pas l'information à cause d'une gestion documentaire qui est déficiente.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Mais une reddition de comptes serait, de mon avis, beaucoup plus que simplement le nombre d'effectifs, ce serait aussi un rapport sur l'efficience du système : Est-ce qu'on atteint les objectifs voulus? Ce n'est pas le nombre de personnes seulement qui travaillent dans ce domaine-là. Donc, si on fait une reddition de comptes, comment on prend note de l'efficience du travail qui est fait?

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : Il faudrait que ce soit fait à partir d'une gouvernance de l'information qui aurait des objectifs gouvernementaux, premièrement, et ensuite par ministère et organisme, pour voir comment... Parce que tous les ministères et organismes ne sont pas au même niveau en termes de gestion documentaire. Il y a des ministères et des organismes qui ont des systèmes implantés depuis plusieurs années et où ça fonctionne bien. Il y en a d'autres encore que les systèmes de gestion documentaire pour les documents papier et pour les documents électroniques sont complètement séparés. C'est des recherches dans deux systèmes différents quand vient le temps de répondre à une demande, ou deux façons de déclasser ou de classer. Alors, il faudrait des objectifs gouvernementaux, premièrement, d'atteinte d'objectifs en termes d'efficience, et des choses comme ça, et comment chaque ministère et organisme peut s'organiser à chaque année pour atteindre graduellement ces objectifs-là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Si je vous demanderais d'établir les objectifs gouvernementaux, qu'est-ce que vous me donneriez comme réponse? Parce que je veux saisir, comprendre, O.K., parce que c'est encore très... Alors, quel serait l'objectif gouvernemental tangible que je pourrais comprendre?

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

• (15 h 30) •

Mme Légaré (Francine) : À court terme, je vous dirais, de nommer un responsable de la gestion des documents dans chacun des ministères et des organismes, de s'assurer qu'il réponde aux exigences des lois existantes présentes, donc d'avoir un plan de classification, tel que demandé par la Loi sur l'accès, et un calendrier de conservation, tel que demandé par la Loi sur les archives.

Ensuite, on pourrait s'assurer que ce qui doit être diffusé en vertu du règlement l'est effectivement sur les sites Internet de chacun des ministères et des organismes, s'assurer aussi annuellement que les ministères et les organismes versent à BANQ les documents qui ont une valeur historique et patrimoniale. Et on pourrait aussi demander qu'est-ce qui est détruit dans chacun des ministères et des organismes, tant au niveau des documents papier que des documents électroniques.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Nous avons déjà, depuis 1985, une politique administrative concernant la gestion des documents. Ce n'est pas quelque chose qui est de la responsabilité de la ministre ou le ministre responsable de la Loi sur l'accès, c'est vraiment le ministre de la Culture ou même le Conseil du trésor. Alors, je comprends bien ce que vous me dites aujourd'hui.

Comment ce que vous dites, là, aujourd'hui pourrait être incorporé dans une loi accès à l'information? Parce que cela, c'est de la responsabilité d'autres ministères, à ce moment-ci.

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : Comme vous dites, la politique date de 1985, elle n'a jamais été revue depuis. Premièrement, c'est une politique qui est beaucoup axée sur la gestion papier des documents, et je pense que, depuis 1985, aussi la notion d'information a beaucoup évolué. Je pense qu'on devrait gérer l'information d'une façon beaucoup plus large, en incluant des documents, en incluant l'accès à ces documents-là, en incluant la façon qu'on gère aussi les systèmes d'information, donc tout le volet technologie de l'information, et pour que la Loi sur l'accès soit une espèce de loi qui chapeaute les autres lois qui gèrent aussi l'information. Parce que la Loi sur les archives date aussi de 1983, on ne voit pas le jour où elle va être revue et si, par des lois sur l'accès à l'information nous obligeant à poser des actions concrètes au niveau de la gestion de l'information, ça pourrait nous obliger à mieux gérer et à mieux coordonner les travaux de tout le monde puis avoir enfin quelque chose d'efficace et d'efficient.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Merci. Mon collègue va poser une question.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Maskinongé, à vous la parole.

M. Plante : Il reste combien de temps?

Le Président (M. Hardy) : Il reste 4 min 42 s.

M. Plante : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, bon après-midi. Alors, je vous entendais tantôt, et la ministre vous a questionnées sur la reddition de comptes, bon, j'avoue que ce n'est pas simple puis que c'est surtout difficile d'y mettre des objectifs. On a entendu un petit peu votre opinion sur les objectifs qui devraient être faits. Mais moi, je veux revenir... Parce que, dans votre présentation, vous avez parlé d'instaurer un système de gestion. En plus d'utiliser des ressources spéciales, que vous recommandez, vous avez parlé d'instaurer un système de gestion uniforme à tout l'appareil gouvernemental, quand vous nous exprimez, d'une autre part, qu'aucun ministère ni organisme ne gère les documents de la même façon.

Et là j'aimerais savoir, selon vous, quel système de gestion ou quelle serait la façon la plus optimale de mettre ça de façon égalitaire pour chacun des ministères, chacun des organismes. Et en plus, puis je ne pensais pas, mais vous nous avez dit que les documents en papier, c'est une chose, mais après ça il y a toutes les technologies de l'information qui est une autre chose. Donc, quelle est la façon la plus efficiente et... Parce que ça m'a fait un petit peu peur, là, parce que j'avais comme l'impression que vous parliez de l'implantation d'un nouveau système, comme, informatique, ou une chose comme ça. J'étais comme un petit peu craintif ou je n'étais pas sûr de la recommandation. Donc, j'aimerais que vous élaboriez un petit peu là-dessus.

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : Oui. En fait, il y a différentes façons qu'on pourrait implanter un système uniforme. Déjà au niveau du calendrier de conservation, Bibliothèque et Archives nationales du Québec publie des recueils de délais communs à l'ensemble des ministères et des organismes. Donc, on pourrait, dans certains cas, au niveau du calendrier de conservation, imposer les mêmes délais pour les mêmes types de documents à chacun des ministères et des organismes. Ça faciliterait de beaucoup le travail de chacun parce que ce serait uniforme partout.

Au niveau de la classification des documents, déjà la Loi sur l'accès prévoit que les ministères et les organismes doivent avoir un plan de classification et de le diffuser. Je crois qu'au niveau du plan de classification on pourrait aussi tendre vers des structures à haut niveau qui sont identiques pour les ministères et organismes, parce que chacun gère des ressources financières, des ressources matérielles, des ressources humaines et tout le volet administratif aussi de leur ministère. Alors, ils pourraient aussi, au niveau de la classification, avoir des classifications uniformes pour que le repérage de ces documents-là se fasse de façon beaucoup plus rapide et beaucoup plus simple. Parce que ce n'est pas évident de naviguer d'une structure à l'autre, d'un ministère à l'autre, quand on ne sait pas où chercher. Alors, je crois qu'à haut niveau il pourrait y avoir un niveau d'uniformité qui va toujours nécessiter des applications particulières, ne serait-ce que par la mission qui est particulière à chacun des ministères ou des organismes, mais qui se raccrocherait à un cadre général qui faciliterait le repérage, autant pour les gens qui travaillent dans les ministères que les citoyens qui voudraient s'adresser à ces ministères-là.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Maskinongé, 1 min 25 s.

M. Plante : D'accord. Écoutez, je comprends bien ce que vous nous dites, puis je ne veux pas vous mettre dans l'embarras par ma dernière question, mais peut-être que vous allez pouvoir me répondre. J'aimerais savoir, à votre connaissance, aujourd'hui, actuellement, quel ministère ou quel organisme a la meilleure structure de gestion de ses documents et si cette structure-là pourrait être importable dans d'autres ministères ou organismes.

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré ou Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : Je ne pense pas qu'on peut répondre comme ça à cette question-là, puis je ne pense pas que c'est totalement importable d'un ministère à l'autre de par le fait qu'évidemment, hormis la gestion humaine, financière, les communications, les grands éléments de gestion de base qui sont communs à tous les ministères et organismes, et même à des organismes beaucoup plus petits, pour le reste, c'est très spécifique. Par contre, ce qui serait déjà intéressant, c'est... On a l'obligation par la Loi sur l'accès d'avoir un plan de classification, on a l'obligation par le règlement à diffuser ce plan-là. Ce qui deviendrait intéressant, c'est de voir peut-être en termes de reddition de comptes si ces plans de classification là sont vraiment implantés dans les différents ministères et organismes, tant pour les documents papier que pour les documents électroniques. Et là je pense qu'on pourrait être surpris des réponses qu'on aurait.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Vous vous en êtes très bien sortie avec votre réponse au député de Maskinongé. Maintenant, le temps accordé du côté gouvernemental est expiré. Je laisse la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles pour 13 minutes.

Mme Léger : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Je ne pensais pas m'intéresser autant à la question de la gestion des documents. Vous nous avez... en tout cas, moi, vous m'avez passionnée, parce que votre rôle est méconnu, et vous travaillez dans l'ombre, dans les ministères particulièrement ou dans les organismes publics, et, comme votre travail, la fonction, le mandat, est en décroissance, alors évidemment on ne voit pas nécessairement toute l'importance du rôle que vous avez. Vous le démontrez quand même assez clairement, parce que, dans votre mémoire, quand vous parlez de la gestion documentaire, qu'est-ce que c'est... Parce que la ministre va poser la question. Oui, oui, effectivement, c'est quoi, la gestion documentaire?

Et je faisais le lien quant à la décroissance, c'est peut-être parce que la gestion documentaire, c'est juste documents papier puis que, là, aujourd'hui, on numérise, aujourd'hui, des documents électroniques, c'est... Alors, probablement que votre fonction n'était pas nécessairement en diminution à cause de ça, mais ce n'est pas ça que vous nous répondez. C'est que c'est autant... ça peut aller jusqu'aux textos, puis vous nous avez un peu excités, là, quand vous nous avez dit ça, là, parce qu'évidemment c'est tous les courriels électroniques et les courriels envoyés au ministre, comment qu'on gère tout ça? C'est évidemment qu'il n'y a aucun ministère qui a la même façon de faire, et ça vous donne l'occasion aujourd'hui vraiment d'exposer cette problématique-là. Parce que, si je regarde, bien, dans la loi sur l'accès à l'information, l'article 16 : «Un organisme public doit classer ses documents de manière à en permettre le repérage. Il doit établir et tenir à jour une liste de classement indiquant l'ordre selon lequel les documents sont classés. Elle doit être suffisamment précise pour faciliter l'exercice du droit d'accès.»

Et l'explication que vous donnez dans votre mémoire dit vraiment... ou la problématique : «Les organismes publics [qui] invoquent de plus en plus souvent l'inexistence de documents en réponse aux demandes d'accès», et parfois même les documents qu'on va fournir ne sont pas nécessairement les documents pertinents ou les documents qui répondent à la demande de l'accès à l'information. Alors, je vois toute l'importance de la gestion des documents et de votre travail.

Quel est le lien que vous avez avec... le responsable d'accès à l'information dans un organisme et vous comme responsable de la gestion des documents? À part de ce que vous parliez tout à l'heure, d'un comité possible où vous pouvez faire partie, ça semble être inégal, là, mais ce lien-là est absolument important entre le gestionnaire de documents et le responsable de l'accès à l'information.

• (15 h 40) •

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : Bien, tout à fait, et, encore là, ça varie d'un ministère à un autre. Dans certains organismes, le service de gestion documentaire est au secrétariat général, souvent au même endroit où se trouvent les gens, les responsables de l'accès à l'information. Dans d'autres organismes, la gestion documentaire est vue comme étant des gens qui manipulent des boîtes et du papier, et ils sont dans des services de ressources matérielles ou de... un peu partout, en fait. Mais ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas bien connus dans leur ministère ou leur organisme, mais souvent où ils se situent dans la structure organisationnelle de leur ministère ou de l'organisme va faciliter l'accès aux responsables de l'accès à l'information ou d'autres gens qui pourraient vraiment les aider à mieux faire leur travail.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Mais, dans la loi à l'accès à l'information, l'article 16 dit qu'«un organisme public doit classer ses documents», donc il y en a plein d'organismes publics ou de... qui ne classent pas adéquatement puis qui contreviennent à cet article-là.

Le Président (M. Hardy) : Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : En fait, ce n'est pas comme ça que je l'exprimerais. Par rapport à la question que vous avez posée précédemment, dans certains ministères, la personne qui est responsable de l'accès est parfois aussi responsable de la gestion documentaire, ça facilite les choses dans ces cas-là. Dans d'autres cas, lorsqu'il y a une demande d'accès à l'information, on va interpeler les gens de gestion documentaire en fin de course, lorsqu'on n'arrive pas à retrouver le document, et ce qu'on évoquait dans notre mémoire, c'était un peu ça. Si le document n'est pas enregistré institutionnellement, pour un responsable de l'accès à l'information qui me demande à moi, comme responsable de la documentation, où est le document, s'il n'est pas enregistré institutionnellement, je ne peux pas, moi, garantir que je vais réussir à trouver l'information, même si elle existe quelque part dans l'organisation. Ça, je pense que c'est un élément qui est important à avoir en tête.

Mais, pour répondre à la question que vous posiez, bien, c'est ça, d'un organisme à l'autre, ça peut vraiment être très variable. Je pense que tous les ministères et organismes font de gros efforts pour classer de façon adéquate leurs informations, mais de là à prétendre qu'un seul individu ou trois individus peuvent s'assurer que les documents de 500 ou 600 collègues, dans un ministère de plus grande envergure... classent tout en fonction du plan qui est établi, bien là, ça devient un peu difficile, surtout si on n'a pas en place un système de gestion intégrée qui permet de gérer des documents papier et électroniques, par exemple.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée.

Mme Léger : Donc, ça peut être réel qu'une demande d'accès à l'information, quand on leur dit que le document n'existe pas, parce que l'information qu'on a est celle-là, mais qu'en réalité peut-être elle peut exister, mais, comme on n'a pas un système de gestion intégrée ou qu'on n'a pas un système de classement qui permet d'aller... d'avoir cette information-là, ça donne ce genre de risque là ou ce genre de conséquence de ça.

Alors, évidemment, il n'y a pas de directive... Il y a la Loi sur les archives, la loi sur l'accès à l'information, d'autres types de lois sur la documentation... des politiques de documentation administrative, là, en tout cas, de ce que je peux voir, mais il n'y a rien d'uniforme nécessairement, parce que chaque ministère a sa façon de faire.

Alors, c'est sûr que, quand on arrive à réviser la loi sur l'accès à l'information, puis le rapport quinquennal vous le dit clairement, soit la recommandation... dans le rapport quinquennal, c'est la recommandation 6 : «Inclure dans la loi une disposition générale obligeant les organismes publics à créer des documents dans le but d'étayer le processus décisionnel», réflexions, délibérations, entre autres, sur le processus décisionnel, mais d'avoir vraiment un système de classement adéquat pour qu'on puisse être capables de repérer les documents.

Le Président (M. Hardy) : Mme Gagnon, Mme Légaré? Mme Légaré.

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : Oui, tout à fait, parce qu'on peut créer plein de documents, mais, s'ils ne sont pas bien classés, s'ils ne sont pas indexés, on ne les retrouvera jamais. L'avantage d'un système intégré permettrait justement d'avoir au même endroit les documents papier et électroniques. Et l'avantage d'avoir un responsable de la gestion documentaire dans un organisme forcerait les gens à s'y conformer.

Je le disais tantôt pour les courriels, il y a certains courriels qui sont conservés dans la boîte courriel, d'autres dans des systèmes de gestion documentaire. Mais, pour les papiers, c'est pareil, il y en a qui conservent ça sur leurs disques durs personnels, il y en a qui le mettent sur des serveurs partage, il y en a qui le mettent dans un système intégré, il y en a qui impriment leurs documents puis qui les mettent dans un classeur. Il y a autant de façons de faire qu'il y a de gens, dans le fond, là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée.

Mme Léger : Qui est responsable de la politique d'administration de la gestion des documents? Qui qui est responsable au niveau de... c'est-u le Conseil du trésor?

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : C'est une politique qui émane de Bibliothèque et Archives nationales. Donc, à l'époque, en 1985, c'était le ministère de la Culture. Maintenant, Bibliothèque et Archives nationales a un statut plus d'agence gouvernementale, mais c'est toujours sous leur gouverne.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée.

Mme Léger : En tout cas, si on réfléchit à comment s'assurer que la gestion des documents, ou qu'il y ait système intégré de documents, soit quand même plus uniforme que ce qu'on voit là puis être capables de répondre à l'accès à l'information d'une façon adéquate pour aller retrouver un document, il y a un... La question de la ministre, elle était, tout à l'heure, par rapport à ça, dans le fond, qu'elle n'est pas responsable directement comme ministre par rapport à ça. Mais il y a quelque part quelqu'un qui doit donner le signal qu'il faut travailler ça dans l'ensemble du gouvernement, dans les organismes publics. J'ai l'impression que ça devrait être le Trésor, le Conseil du trésor parce que c'est des personnes responsables de créer la fonction. Elle existe, la fonction, mais qu'elle soit... que cette fonction-là soit partout d'une façon claire. Les critères ou la fonction d'un gestionnaire de documents, ça doit peut-être venir du Trésor, vous ne pensez pas?

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : Ça serait effectivement une bonne idée que ça soit du Trésor parce que c'est quand même haut placé dans l'appareil gouvernemental, puis généralement les directives du Conseil du trésor sont bien suivies. Notre souci, nous, comme on disait, c'est qu'il y a beaucoup de gens maintenant qui oeuvrent en information. Il y a l'accès à l'information, il y a les TI, il y a la gestion documentaire. L'important, c'est que ces gens-là puissent se parler, et trouver des façons communes de faire, et s'entendre sur les objectifs d'une bonne gestion de l'information.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée.

Mme Léger : Est-ce que le gestionnaire, la personne responsable de la gestion des documents et toutes les ressources informatiques et de documentation numérisée... Est-ce que parfois ça peut être plus l'équipe informatique d'un ministère qui s'occupe plus de ces types de documents là et puis qui fait que les gestionnaires de documents soient plutôt des gestionnaires de documents de papier? Est-ce qu'il y a cette tendance-là dans...

Le Président (M. Hardy) : Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : Ce n'est pas comme ça vraiment que ça fonctionne sur le terrain. Je dirais que souvent les équipes de technologies de l'information vont s'occuper de l'outil logiciel ou des technologies en tant que telles et moins du contenu. Nous, notre responsable, c'est vraiment le contenu, l'information, mais dans l'esprit du contenu, puis habituellement les gens qui s'occupent de l'information au niveau papier sont les mêmes qui s'occupent de l'information au niveau électronique. La problématique, c'est que, dans plein de cas, au niveau papier, on a de l'expérience depuis des années de comment ça fonctionne, on a des entrepôts effectivement, alors qu'au niveau électronique, souvent, c'est beaucoup pris en charge par les TI, mais moins... pas tant pour le contenu, mais pour comment vont être utilisés les outils.

Alors, ce qu'on souhaiterait, c'est être beaucoup plus impliqués lorsque c'est le temps de prendre en charge ou de mettre en place des systèmes qui permettraient de faire une gestion intégrée des documents, de se positionner par rapport justement aux courriels, aux textos, à plein d'éléments. Et là les décisions sont prises du côté des TI, et nous, après, bien, on fonctionne avec ce qui est mis en place, on est moins impliqués directement. Et je pense que, peu importe qui prend la décision, pour moi, ce qui serait important, c'est que le rôle de gestionnaire de documents soit défini, qu'est-ce que ça implique, et ça, dans les différents ministères et organismes. Et, même au niveau de l'appareil gouvernemental, ce n'est pas tellement défini. On sait ce qu'on attend des gens de technologies de l'information. Au niveau des gens de gestion documentaire, c'est un peu moins clair.

• (15 h 50) •

.15415            Le Président (M. Hardy) : Mme la députée, 35 secondes.

Mme Léger : Quelle est la conséquence, et les risques, d'une mauvaise gestion des documents?

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré...

Mme Légaré (Francine) : Perte d'information...

Le Président (M. Hardy) : ...en 20 secondes.

Mme Légaré (Francine) : Perte d'information, augmentation des coûts reliés à la recherche, reliés à la... Si on ne trouve pas un document, des fois on demande de le refaire. Donc, il y a toujours des coûts d'associés au fait de ne pas retrouver une information. Alors, je vous dirais que c'est vraiment à ce niveau-là qu'il faut travailler.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Le temps accordé à l'opposition officielle étant expiré, maintenant je laisse la parole au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, pour neuf minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Légaré, Mme Gagnon, bonjour. Merci d'être présentes avec nous aujourd'hui. D'entrée de jeu, je voudrais commencer à la page 6, là, de votre mémoire, le point 2, Obligation de documenter le processus décisionnel. La Commission d'accès à l'information fait une recommandation, dit : Bien, écoutez, il faudrait, oui, documenter les consensus, la décision finale. Mais par la suite, la recommandation 6, elle nous dit : Bien, il faudrait documenter les réflexions, les délibérations, les mesures, les décisions importantes.

Je serais curieux de savoir : Au gouvernement du Québec, là, pour arriver, supposons, à une décision, est-ce que ça passe par un outil informatique, que ça soit aux différents niveaux, là? Est-ce que c'est documenté de façon informatique? Est-ce que vous travaillez avec un logiciel quelconque? Je donne un exemple, là. Moi, dans mon ancienne vie, j'étais à la ville de Montréal, puis on avait un outil qui s'appelait la GDD, la gestion des dossiers décisionnels. Puis là chacun des intervenants au dossier, il fallait qu'il documente la décision qui explicitait pourquoi est-ce qu'il recommandait ultimement vers le conseil, ou vers le directeur de premier niveau, ou le chef de division, ou tout ça. Est-ce que c'est la même chose ici, au gouvernement du Québec?

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré.

Mme Légaré (Francine) : Non. Encore là, le processus de décision varie beaucoup d'un organisme à l'autre. Dans certains cas, le processus de décision se traduit par un procès-verbal ou un compte rendu d'une réunion, qui, dans certains cas, peut être détaillé, dans certains cas, l'est moins. Puis les conséquences que ça a, au niveau de la gestion des documents naturellement, quand on se fait poser des questions sur pourquoi cette décision-là a été prise puis comment elle a été prise, des fois on ne peut pas répondre parce qu'on n'a pas l'information nécessaire.

Et, quand on disait qu'on s'occupe des trois cycles de vie de l'information, au niveau historique de la chose, il va y avoir, comment je pourrais dire ça, un peu une perte de mémoire à long terme pour comment le processus décisionnel de l'État était et comment ça fonctionnait, donc d'où notre intérêt à ce que ce soit documenté. Parce qu'il faut dire que Mme Gagnon et moi, on a aussi deux formations en histoire, alors c'est quelque chose qui nous interpelle aussi pour le futur.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Je pense que Mme Gagnon voulait rajouter quelque chose.

Le Président (M. Hardy) : Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : Oui, en complément d'information, je dirais qu'effectivement ce n'est pas à nous, je crois, de déterminer comment devrait être fait le processus de prise de décision puis comment les dossiers devraient être structurés ou créés, si c'est nécessaire de mettre des gabarits, par exemple, pour s'assurer qu'on a toujours un ordre du jour, un procès-verbal lorsque des décisions importantes sont prises. Notre rôle à nous, c'est de prendre en charge les documents une fois qu'ils sont créés. Donc, je pense que... Et cette prise en charge là devrait donc se traduire par un enregistrement institutionnel dans un système dédié à la gestion documentaire. Actuellement, si vous faites le tour des ministères et organismes, certains ministères n'ont pas ces systèmes-là.

Le Président (M. Hardy) : M. le député.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous me dites, c'est que c'est un peu à la va comme je te pousse, en fonction de l'organisme ou du ministère. Dans le fond, il n'y a pas de track préétablie, même quand qu'il y a un conseil d'administration pour dire : Bien, au niveau gouvernemental ou au niveau para, là, bien, ça va être : voici la ligne. Puis, supposons, il y a un conseil d'administration, il y a une prise de décision, bien, ça va être... il va y avoir le justificatif, puis ça peut être juste un p.-v., de façon très succincte, là.

Le Président (M. Hardy) : Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : En fait, je dirais, c'est aussi ce que le rapport quinquennal dit. La Commission d'accès à l'information le souligne : Dans certains cas, les décisions ne sont pas documentées. Moi, je peux prendre en charge des documents qui existent. Évidemment, si l'entente se fait de façon verbale, ça devient plus difficile pour moi de faire mon travail, là.

Le Président (M. Hardy) : M. le député.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Je vous dirais, c'est un peu inquiétant aussi qu'il n'y ait pas de processus puis qu'on ne connaisse pas les arguments qui mènent, supposons, à la décision ultime, là, qu'il y a de l'amélioration à faire au sein de l'État québécois.

Vous avez parlé tout à l'heure du calendrier des archives. Là, ce que je comprends, c'est que ce n'est pas dans tous les ministères et les organismes qu'il y a un calendrier qui dit, dans le fond : Bien, au bout de 10 ans, ces archives-là, on peut les élaguer, supposons, ou ceux-là, il faut les envoyer, je ne sais pas, au deuxième sous-sol puis que... tout ça. Dans le fond, à la grandeur de l'État québécois, ce n'est pas uniforme, ça non plus, au niveau du calendrier des archives.

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : En fait, la Loi sur les archives dit clairement que chaque ministère et organisme doit mettre en place un calendrier. Ça, je pense que, dans tous les ministères et organismes, ça existe. Est-ce que ce calendrier-là est semblable dans tous les ministères? Non. Est-ce que, dans certains cas, il y a des révisions qui devraient être faites de ces règles dans ces calendriers-là? Tout à fait, parce que, pour plusieurs, ça date des années 80, à l'époque on était uniquement en information papier. Donc, maintenant, on ne répond pas tout à fait, là, pour ce qui est des éléments électroniques. Je pense que tous les ministères ont le calendrier, mais est-ce qu'il est implanté de façon égale dans tous les ministères? Ça, je n'affirmerais pas ça.

Le Président (M. Hardy) : M. le député.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis même chose, là, tout à l'heure, vous avez dit : Sur la base informatique, c'est plus les TI qui s'en occupent plutôt qu'un responsable de la gestion documentaire. Et là je comprends encore une fois que chacun des ministères là-dedans gère, au niveau informatique, de façon indépendante puis que... Dans le fond, les serveurs, les bases de données, tout ça, est-ce que, selon votre connaissance, c'est concentré à travers les différents ministères ou c'est vraiment chacun des ministères qui contracte, supposons, pour avoir ce serveur puis au niveau de l'archivage? Savez-vous?

Le Président (M. Hardy) : Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : C'est chaque ministère qui est indépendant, là, oui, tout à fait.

M. Jolin-Barrette : Juste une sous-question. Savez-vous si ça passe par le Centre de services partagés ou même pas...

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : Dans certains cas, oui.

M. Jolin-Barrette : Puis dans d'autres, non.

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : Dans certains cas, ça passe par le Centre de services partagés, effectivement. Je ne pourrais pas affirmer, là, que c'est le cas dans tous les cas. Je sais qu'il y a certains ministères et organismes où on gère l'ensemble du cycle de vie, puis je ne pense pas que ça passe par le Centre de services partagés. Mais on s'entend que ce n'est pas les TI qui vont gérer les documents électroniques, mais ils sont évidemment responsables de l'appareil pour pouvoir... pour permettre de le faire, et c'est là qu'on est souvent moins interpelés pour nous assurer que ça répond bien à des besoins en termes de gestion documentaire.

Le Président (M. Hardy) : M. le député, 1 min 35 s.

M. Jolin-Barrette : Vous parliez du fait que c'est important d'avoir des gens qui sont responsables spécifiquement de la gestion des dossiers documentaires. Je reviens à l'uniformité. Pour des gens qui travaillent comme vous en gestion documentaire, le fait de ne pas avoir de politique uniforme, comment ça se traduit dans le concret, au niveau de l'efficacité, au niveau de l'efficience pour faire la gestion documentaire? C'est quoi, les conséquences à ne pas avoir de politique uniforme?

Le Président (M. Hardy) : Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : Moi, je dirais que c'est sûr que le fait de ne pas avoir quelque chose qui est uniforme, ça devient d'abord plus difficile entre spécialistes dans le domaine de s'entraider d'un ministère à l'autre, d'un organisme à l'autre. Mais il y a un certain nombre de choses qui le sont, uniformes. Tout le monde a les mêmes outils, tout le monde a l'obligation d'avoir un plan, d'avoir un calendrier. C'est la mise en place de ces outils-là qui n'est pas uniforme, parce que l'implantation n'est pas la même partout, et, je dirais, l'importance qu'on accorde au rôle de la gestion documentaire n'est pas la même partout non plus.

Le Président (M. Hardy) : M. le député, 25 secondes.

M. Jolin-Barrette : Donc, quand vous dites «l'importance», dans le fond, c'est en fonction des priorités du ministère, de la sensibilité, c'est ça?

Mme Gagnon (Marie-Pierre) : Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, je vous remercie grandement d'avoir contribué aux travaux de la commission.

Le Président (M. Hardy) : Mme Légaré, Mme Gagnon, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à M. Daniel J. Caron de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 3)

Le Président (M. Hardy) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à M. Daniel J. Caron. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

M. Daniel J. Caron

M. Caron (Daniel J.) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, membres du comité, merci beaucoup de m'accueillir aujourd'hui. Alors donc, moi, je suis professeur à l'ENAP, donc, j'ai une chaire de recherche sur l'exploitation des ressources informationnelles, donc, sujet qui me passionne depuis bon nombre d'années.

Alors, mes efforts tournent autour justement de toutes ces questions d'accès, données ouvertes, et aussi, j'en parlerai dans mon exposé aujourd'hui, sur les implications du numérique, donc, dans le fonctionnement de nos organisations, et toutes ces questions de transparence et de gouvernement ouvert.

J'aimerais d'abord souligner la qualité du rapport, donc, quinquennal, hein, qui donne encore une fois une belle occasion, qui ouvre la porte, finalement, à soulever de nombreuses questions et réflexions, en amont des constatations comme telles, qui, elles, portent surtout sur la fonction légale, en fait, de l'accès à l'information pour les citoyens. Pour un chercheur, ce que ça montre en fait, c'est qu'il y a des problématiques qui sont bien en amont, bien au-delà, qui vont bien au-delà de la simple rédaction de la loi, ou, finalement, de la formulation, ou des articles qu'on pourrait retrouver dans la loi.

Donc, depuis deux, trois ans, en fait, la chaire de recherche, d'ailleurs, j'aimerais souligner, qui est appuyée par la ville de Gatineau, donc, travaille sur l'analyse, entre autres, des instruments, de tous les instruments de gouvernance, c'est-à-dire toutes les lois, les politiques. On est en train de regarder en fait tout ce qu'il y a au Québec, au Canada et on a commencé cet été à regarder l'Australie et la Grande-Bretagne pour voir un petit peu, justement, toute l'instrumentation, lois et instruments, donc, de politiques publiques et de politiques administratives, donc, à l'interne des ministères pour voir un peu comment les choses fonctionnent.

On s'intéresse aussi à regarder, à travers des recherches-actions, donc, comment les ministères travaillent, les ministères ou des organisations publiques en fait, lorsqu'ils gèrent leur information et qu'ils implantent, mettent en oeuvre de nouvelles technologies d'information. Donc, on essaie de voir un petit peu comment ces choses-là se passent, toujours dans le contexte de la gestion de l'information.

Et finalement le troisième grand volet de nos recherches porte sur les changements de paradigme qui sont causés par le numérique, changements très, très importants et dont on oublie souvent, en fait, toutes les conséquences sur la manière de créer l'information, de la gérer, et ses usages, de l'exploiter. Alors, c'est le modèle un peu qu'on utilise.

Et ce qui m'amène, finalement, à quatre grandes constatations, dont je vous fais part, là. Premièrement, les assises. Quand on analyse les différentes politiques et les différents instruments qui sont en place, incluant la Loi sur l'accès, ou les politiques internes, donc elles sont généralement peu liées aux besoins institutionnels et aux besoins organisationnels, donc elles sont un petit peu éparses ici et là. Donc, on ne sent pas que nos assises pour la Loi d'accès, par exemple, sont liées ou suffisamment liées à ce qui se passe dans la société et ce que la société attend, finalement, d'un gouvernement ouvert, par exemple. On voit qu'on a créé avec la Loi d'accès un canal, donc, pour accéder à de la documentation physique, finalement. Donc, on n'est pas dans l'institutionnel, on est plus dans obtenir une documentation. Et ça, pour moi, c'est très important.

Donc, les assises doivent, à mon point de vue... devront éventuellement s'élargir pour être capables de répondre à tous ces besoins institutionnels, qui sont créés justement par les mouvements démocratiques, et aussi les besoins organisationnels. Parce que ça, c'est l'autre difficulté, c'est que souvent on va parler d'accès... Et on a fait des études justement en recherche-action qui ont montré qu'il y avait des coûts à la transparence parce que les éléments de transparence sont mal définis. Donc, les gens à l'interne, quand on les questionne, ils disent : Bien, je ne sais pas, est-ce que c'est un document qui sera accessible, est-ce qu'il ne sera pas accessible? Ça amène des comportements des fois qui ne sont peut-être pas souhaitables, donc, de ne pas produire de l'information ou de ne pas la consigner convenablement. Quand on utilise un texto, les serveurs ne retiennent pas ces informations-là, donc on ne les a pas. Alors, ça pose un certain nombre de questions. Il faut réconcilier dans ces assises... Ce qu'on observe, en fait, c'est qu'il faudrait réconcilier à la fois les besoins organisationnels de décision, hein, et donc le besoin de discrétion, par exemple, et les besoins institutionnels de gouvernement ouvert, donc d'ouverture des données, donc, de partage de l'information.

Il faut aussi, deuxièmement, je pense, penser l'information — et c'est ce que montrent, en fait, les politiques, c'est que les politiques ne le font pas — en flux et non en stock. C'est-à-dire qu'on fait souvent allusion justement à l'utilisation de papier, d'électronique. Et, sous électronique, on a le courriel, on a un document attaché, on a le texto, le «pin», etc., donc le document comme tel n'existe plus en stock, il n'est plus arrêté. Avant, on avait ce document qui disait : Bon, voici le dossier. Maintenant, il se forme, il naît, renaît, s'efface et peut rebondir on ne sait pas quand, parce qu'on le voit d'ailleurs dans les médias de temps à autre, donc on retrouve de l'information. Alors, l'information ne circule plus de la même façon, et il faut penser l'information dans ce contexte-là. Donc, ça dépasse beaucoup simplement l'adaptation à une loi, ça va profondément dans la manière dont l'État fonctionne, dont l'organisation à l'intérieur de l'État est pensée, est réfléchie.

Le troisième ingrédient qui m'apparaît évident quand on fait nos recherches sur le terrain, c'est que nous n'informons pas l'algorithme. Alors, je vais l'expliquer un petit peu. Les technologues travaillent un peu seuls. Donc, on leur demande de changer un système mission. On leur demande d'installer un nouveau logiciel, donc de mettre à jour, de mettre à niveau, en fait, nos équipements informatiques. Mais ce sont ces équipements informatiques qui aujourd'hui transportent l'information, hein, ce sont nos outils de communication, ce sont nos outils de transmission et aussi, en fait, d'archivage. Donc, il faut que, derrière ces technologues, ou en fait à côté ou ensemble, on ait un groupe de gens qui... Ceux qui sont responsables de l'accès, ou de l'archivage, ou de la gestion documentaire, etc., il faut qu'il y ait une collaboration beaucoup plus grande pour qu'on dise à l'algorithme ce qu'on veut. Parce que, l'algorithme seul, bon, on peut le programmer, mais, si on ne lui dit pas quoi faire, il ne fera pas ce qu'on attend de lui. Donc, il est important que les technologies... l'architecture d'information soit conçue de façon intégrale, de façon à ce que tous les besoins en information soient, en fait, pris en considération.

• (16 h 10) •

Je vous donne un petit exemple. On faisait une recherche — on travaille avec un groupe, en fait, et ils sont en train de mettre en place un système informatique — et on a posé la question aux technologues : Bon, est-ce que vous avez pensé que peut-être que les données qui vont transiter à l'intérieur de ce système seront des données ouvertes? Et ils nous ont répondu : Non, non, ça, ce n'est pas notre travail. Mais, si on ne pense pas en amont que ces données pourront peut-être être ouvertes, et on a besoin de direction pour être capable de le décider, ça veut dire qu'on va être obligé de tout refaire le chemin après, le chemin inverse, pour repenser la manière dont l'information a été créée et revoir toute la procédure. Donc, c'est très coûteux, et on ne bénéficie pas, à mon point de vue, de ce que la technologie peut nous donner.

Le dernier point que je vais soulever, donc, c'est... et là je ne l'avais pas touché directement dans mon mémoire, mais, en fait, c'est toute la question qui est soulevée dans le rapport sur la question de la protection des renseignements personnels. Et je veux simplement mentionner que les nouvelles technologies, en fait, amènent beaucoup de possibilités pour diminuer l'asymétrie d'informations, donc, entre les différentes personnes, que ce soit l'assureur, l'assuré, on le voit. Et donc il va falloir qu'il y ait une réflexion. Il n'y a pas de réponse immédiate à ça, mais il va devoir y avoir une réflexion, parce que les technologies ne feront que progresser dans ce sens-là, permettront de diminuer, donc, cette asymétrie d'informations entre les personnes, et certains voudront participer à tout ça, d'autres pas.

On a vu récemment le Fitbit, là, qu'on peut mettre à son bras et qui est connecté à son assureur, et qui sait exactement ce qu'on fait comme exercice, et donc qui peut diminuer ses primes, ou on avait Ajusto, ou d'autres, et ça, ça va poser d'énormes questions au niveau de qu'est-ce qu'on fait avec cette information. Et il faudra avoir une réflexion, en fait, au niveau de la société, pour décider dès maintenant qu'est-ce qu'on veut faire avec tout ça, parce que ça va ne faire que croître. Et, cette asymétrie d'informations, donc, les technologies vont permettre de la réduire constamment. C'est ce qu'on fait d'ailleurs avec la transparence, on donne plus d'informations aux citoyens, etc.

Donc, je pense qu'il est important, dans la réflexion que vous faites autour de l'accès... L'accès doit être clarifié, fonctionné de manière fluide, à mon point de vue, car, et ça, c'est important, s'appuyer sur une bonne documentation, c'est plus que la transparence, c'est aussi, en fait, un antidote à la corruption et un levier à l'efficience organisationnelle.

Il ne faut pas oublier qu'on est en organisation pour justement réduire nos incertitudes et avoir une meilleure compréhension des différents enjeux. Donc, je pense qu'il va falloir qu'on réfléchisse peut-être plus globalement à toutes ces questions d'information et peut-être quitter un peu notre côté un peu parcellaire de la façon d'approcher ces questions. Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. Caron, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour 22 minutes.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. M. Caron, merci beaucoup d'être présent. Je me rappelle quand vous avez fait votre présentation lors de l'étude sur les orientations, vous nous avez causé... vous nous avez bousculés un peu et vous nous avez demandé de réfléchir peut-être, à ce moment-là, à des choses auxquelles on n'avait pas réfléchi, et peut-être depuis on y pense un peu plus. Alors, aujourd'hui, vous avez commencé en parlant d'élargir les assises, lier les assises. C'est quoi, les assises?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Alors, les assises dans les recherches que l'on mène nous amènent à, en fait, trois grands thèmes. D'abord, les assises institutionnelles, c'est-à-dire la démocratie. Je regardais ce que... En fait, un ex-ministre islandais intervenait récemment à propos de l'importance justement d'assurer que les institutions répondent bien aux exigences sociales, sinon on se retrouve avec des WikiLeaks qui sont dommageables, en fait. Si on le fait de cette façon-là, ce n'est peut-être pas la bonne manière d'être transparents. Donc, c'est des assises institutionnelles. On parle de données ouvertes aussi de ce côté-là. Donc, la société le souhaite. On peut le faire.

Mais en même temps, deuxième assise, deuxième thème, on parle d'organisation, hein? De l'honnête dissimulation, on pourrait dire. Donc, il est important que l'organisation puisse fonctionner elle aussi, donc pas complètement ouverte. Donc, il y a des choses qui doivent se discuter, qui doivent être peut-être à huis clos à certains moments donnés. Mais il faut le décider. Il faut que ce soit annoncé. Il faut que ce soit clair, donc, de sorte que l'organisation puisse fonctionner.

Quand on a fait notre étude sur les coûts de la transparence, ce qu'on a réalisé, c'est que les gens sont inquiets parce qu'ils ne savent plus est-ce que ça sera accessible ou non, etc. Qu'est-ce qu'on discute? Qu'est-ce qu'on note? Bon. Donc, ce sont des questions tout à fait légitimes. On est en organisation. Donc, deuxième assise, les besoins organisationnels.

Et la troisième... Troisième thème de ces assises à mon point de vue, c'est les assises sociotechniques, c'est-à-dire qu'est-ce que nous permet la technologie, qui évolue à une rapidité incroyable, et donc il faut en tenir compte, et qui outille la société aussi. On s'entend que la société, donc, les gens dans la société sont de plus en plus outillés, ont des applications, souhaitent avoir des applications, et donc travaillent de plus en plus avec ces instruments-là. Et ça change leur comportement, ça change leurs attentes aussi par rapport à ce que l'État fera.

Donc, ce sont les trois assises. Donc, il faut élargir, dans le sens où il faut peut-être ne plus voir l'information simplement comme de la documentation, qui est une vision peut-être un petit peu physique de la chose. Il faut le voir d'une façon beaucoup plus grande et se redonner des objectifs en fonction des volontés institutionnelles, organisationnelles et du contexte sociotechnique.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Ça, c'est élargir les assises. Maintenant, comment les lier? Parce que vous, vous avez parlé de lier les assises.

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Oui, je pense qu'il est assez, j'ai presque envie de dire, facile de le faire, en ce sens où, en fait, nos organisations publiques fonctionnent à l'intérieur de nos institutions, donc, une fois qu'on a décidé où les institutions s'en vont... Et, quand je parle d'institution, je pense, par exemple, aux déclarations que les gouvernements ont faites au cours des dernières années par rapport au gouvernement ouvert, donc qui sont de grandes initiatives, donc, pour assurer que le gouvernement allait être transparent, que ses données allaient être ouvertes, etc. Donc, ça, ce sont, au niveau institutionnel, des assises qui sont assez claires.

Une fois qu'on a ça, ça veut dire que les instruments à l'intérieur des organisations, qu'on pense à toutes les organisations publiques, à commencer évidemment par les institutions centrales comme le Secrétariat du Conseil du trésor, qui donne, finalement, le cadre opérationnel, donc, à l'administration publique... Donc, que l'on soit capable d'indiquer aux ministères : Voici comment on peut procéder, comment vous devriez procéder pour qu'à la fois vous soyez capable de fonctionner comme ministère... Hein, si vous êtes, par exemple, à la Sécurité publique, il y a des choses qui vont être plus confidentielles que d'autres. Et donc chaque ministère a ses spécificités. Donc, on doit le regarder sur ce plan-là aussi, mais l'accrocher, si je puis dire, s'assurer qu'on l'accroche aux volontés de gouvernement ouvert, aux volontés institutionnelles. Et on travaille toujours, évidemment, sur le plan sociotechnique, je pense que c'est plus facile de le faire, là, avec les moyens technologiques que nous avons.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Vous énoncez que les modifications législatives ne suffisent pas pour établir un cadre documentaire conforme, à jour et efficient. Est-ce que vous pouvez dire... avantage?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Oui. La loi est nécessaire, bien sûr. La loi, c'est un outil qui permet et qui garantit, donc, aux citoyens un certain nombre d'éléments, un certain nombre de choses. Cependant, ça ne garantit rien par rapport à ce qui se passe à l'intérieur des ministères. Et c'est là que j'ai un questionnement, à savoir, dépendant des politiques que nous avons à l'intérieur des ministères... On a analysé toutes les politiques du gouvernement du Québec — donc on va préparer un rapport de recherche — et une dizaine de ministères, donc, et, pour la plupart, en fait, on était un peu étonnés. C'est assez superficiel. Il n'y a pas beaucoup de moyens et il n'y a pas beaucoup non plus, je dirais, de direction qui est donnée pour assurer, justement, que l'information, la documentation est bien faite, bien construite, complète et éventuellement accessible. Ça ne veut pas dire de tout garder, mais ça veut dire d'avoir des lignes directrices, donc, qui seraient assez claires pour qu'un nouvel arrivant, un nouveau fonctionnaire, donc, comprenne quelles sont ses obligations selon le poste qu'il occupe. Alors, c'est ce qui est nécessaire.

Donc, il faut aller dans les ministères. La loi comme telle n'est pas suffisante. Ce n'est pas un outil qui est suffisant. Il faut qu'il s'accroche, il faut qu'il y ait une cohérence avec les outils internes.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Est-ce que vous avez un exemple de système d'information permettant une gestion documentaire efficiente, rigoureuse, conforme, etc.? Parce que j'entends les mots et je voudrais être capable de saisir et de comprendre. Alors, est-ce que vous avez un exemple pour moi?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

• (16 h 20) •

M. Caron (Daniel J.) : Oui. En fait, bien, ce sera un exemple que je pourrais vous donner, un exemple fictif. Si on regarde ce qui se passe ailleurs, non, il n'y a pas d'exemple. En fait, il n'y a pas de... Tout le monde travaille un peu dans la même direction. Je dirais que les Australiens et les Britanniques avancent peut-être un petit peu plus rapidement. Quand on regarde les normes ISO, il y a des choses intéressantes aussi.

Est-ce que les gens ont mis en place des choses? Je dirais que, pour l'instant, on n'a pas repéré de système qui serait vraiment bien conçu. Parce que, généralement, on travaille en aval, c'est-à-dire qu'on donne des messages, donc, qui concernent l'interface entre l'État et la population, mais on ne va pas jusqu'à, je dirais, contraindre l'administration, donc, avec, par exemple, ce que dit le rapport et qu'on a mentionné plusieurs fois, c'est-à-dire l'acte documenté.

Moi, je vous dirais qu'une chose qui fonctionnerait bien sur le plan institutionnel et qui serait complètement efficiente, cohérente et donc rigoureuse, ça serait... Prenons l'exemple des données ouvertes, parce que c'est plus simple, mais, si on dit qu'un ministère crée un certain type de données, si nous savons dès le départ que ces données seront accessibles, à l'interne on va les créer en fonction de cette accessibilité-là. Donc, on créera une base de données, donc, qui ne sera pas obligée d'être revue constamment pour des questions d'anonymat, ou etc. Donc, on le fera dès le départ. De la même façon, pour la documentation qui est produite au niveau d'un dossier ou d'une question de politique publique, donc on peut dès maintenant s'entendre avec des normes documentaires qui viendront s'accrocher, donc, à cette volonté de transparence et d'accès à l'information.

Si vous me permettez, je vais tout simplement rajouter que ce qui est important, je pense, dans la transparence, c'est que la population sache qu'il y a bel et bien documentation et ce à quoi elle a accès. Ça ne veut pas dire d'avoir accès à tout. Il y a des documents du cabinet, on est d'accord, le Conseil des ministres, tout ça, ce sont des choses qui sont protégées.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Alors, quand vous faites référence au flux informationnel qui devrait être encadré par des règles le prenant en compte dès sa création jusqu'à son exploitation, j'aimerais que vous parliez un peu plus de cela, mais aussi est-ce que cela comprend la destruction de l'information?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Oui, tout à fait. Et, quand je parle des usages, donc... Parce que je vois trois temps : la création, donc, la gestion et l'exploitation. On ne peut plus, je pense... Avec les technologies d'aujourd'hui et ce qu'on observe dans les politiques, c'est qu'elles n'ont pas fait ce bond encore pour aller rejoindre le monde numérique où on ne peut plus séparer, en fait, les trois moments, c'est-à-dire qu'on crée de l'information qui devra être gérée selon, justement, la sécurité requise, l'anonymat et ensuite les usages, qui incluent effectivement la destruction. Actuellement, il y a une paralysie dans les différents gouvernements, donc ce n'est pas simplement au Québec, c'est qu'on ne sait plus qu'est-ce qu'on peut jeter et qu'est-ce qu'on ne jette pas, donc on crée, on garde, et puis les serveurs, donc, deviennent assez volumineux, et il y a de l'information là-dedans qui est probablement totalement inutile. Donc, on serait mieux d'avoir quelque chose d'un petit peu plus rigoureux, donc, à partir de la création jusqu'à l'exploitation. Et c'est ça, la gestion de l'information, dans le fond, c'est d'être capable de gérer ce flux informationnel par rapport aux questions. Donc, si on est dans le développement d'une politique publique, qu'est-ce que je dois créer et à quels usages?

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Vous parlez aussi d'un cadre global. C'est quoi, un cadre global, là-dedans?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Oui. Pour moi, ce cadre global inclut ce que je viens de dire d'abord, donc cette conception, cette vision globale de l'information. Et ça veut dire aussi une gouvernance intégrée, c'est-à-dire que je pense qu'avec les années il va falloir repenser la manière dont on a organisé les fonctions responsables de la gestion de l'information, parce qu'on a des gens aux archives, on a des gens en technologie, on a des gens en accès à l'information, en fait, toutes ces personnes travaillent autour d'un même élément, d'une même richesse, donc, qui est l'information, et ce cadre global devrait avoir justement pour mission de s'assurer qu'on a bien intégré création, gestion, exploitation, et aussi qu'on met ensemble les forces vives pour que cette gestion de l'information, donc, soit bien faite, donc, de la création jusqu'à l'usage.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Dans votre rapport aussi, vous énoncez qu'il ne faut pas catégoriser l'information et les données selon le type de support ou selon la nature des informations. Est-ce qu'il n'y a pas des exigences documentaires distinctes selon la nature des informations?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Oui. Je pense qu'il faut être prudent par rapport à ces questions, donc. Et, quand je pense à support, donc, on peut penser papier versus électronique, mais, en fait, c'est par rapport à des thématiques. Si vous avez une conversation comme ministre par rapport à un enjeu de politiques publiques, donc, c'est toute cette conversation qui est intéressante, qu'elle ait lieu, dans vos fonctions j'entends, sur papier, qu'elle ait lieu au téléphone, donc peut-être qu'il y aura une prise de notes qui devrait suivre, qu'elle soit par texto. Alors, c'est dans ce sens-là, je pense, qu'il faut regarder l'information comme étant un flux, et non pas simplement un stock. C'est un ensemble d'éléments qui forment le dossier aujourd'hui, contrairement à il y a 30 ou 40 ans.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : J'aimerais, sur le plan pratique maintenant... O.K. Qu'est-ce qu'il faut faire pour arriver au point que vous suggérez? Parce qu'il y a beaucoup de cheminement à faire avant qu'on arrive là. Et c'est quoi, vos propositions pratiques?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Oui. Alors, ça, c'est une question délicate parce que ça touche à l'organisation du travail, évidemment. Je dirais que, concrètement, je pense qu'il faut revoir justement les rôles et responsabilités à l'intérieur du gouvernement, et ça commence avec le Secrétariat du Conseil du trésor, avec, donc, le rôle du dirigeant principal de l'information, le rôle des gens de l'accès, le rôle des gens des archives. Donc, tout ça doit être repensé, refondu ensemble. Concrètement, c'est ce qui va mener possiblement à avoir une vision complète, intégrée, et, en fait, pratiquement, de gérer l'information à l'ère numérique.

Donc, tant et aussi longtemps qu'on aura des efforts qui sont séparés, qui sont segmentés, ça va être extrêmement difficile d'arriver, justement... concrètement, d'arriver à cette gestion de l'information. Donc, il faut mettre concrètement tous ces gens-là ensemble. Et je crois que certains ministères commencent à le voir de cette façon-là aussi au Québec. Donc, ils ont commencé à regrouper autour soit de l'informatique, etc., mais tous ces gens qui... de sorte qu'ils puissent travailler ensemble pour qu'on développe la gestion de l'information, donc, avec ses outils, ses usages et, il restera toujours, donc, ses exigences de création, qui... Bon, ça prendra probablement aussi des décisions. Est-ce qu'on doit avoir des normes documentaires selon les postes qu'on occupe, de façon à créer la bonne information? Ça reste à voir. Mais moi, je pense que ça commence au niveau de cette gouvernance, donc, ramener les instruments ensemble. Donc, il y a beaucoup de lois, hein, je ne sais plus combien j'en ai recensé, mais il y en avait beaucoup qui touchent à l'information, et donc les ramener ensemble et les amener sous une gestion commune, donc, et non pas le diviser, comme on l'a actuellement.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Vous avez abordé la question de la protection des renseignements personnels. Il y a toute une question sur le consentement et la protection des renseignements personnels. Je ne suis pas convaincue que le consentement qu'on donne chaque fois qu'on clique sur «j'accepte» soit vraiment un consentement éclairé. Alors, je vous pose la question à vous : Quoi faire pour s'assurer que le citoyen ou le consommateur comprend exactement ce qu'il fait quand il clique sur «j'accepte»?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : C'est une question qui va venir, en fait, probablement, je l'espère, avec les années, donc, à travers le système d'éducation, que les gens soient sensibilisés à ces questions-là. Je suis entièrement d'accord avec vous, parce que, bon, il suffit d'avoir une mise à jour de ces bidules à Apple pour savoir que personne ne lit 50, 60 pages, donc, mais tout le monde accepte. Donc, on ne sait pas ce qu'il y a dedans. Alors, c'est très clair.

Alors, comment faire? Est-ce qu'on veut réglementer pour simplifier? Ça, c'est une possibilité. Mais en même temps je pense qu'il y aura une partie qui devra venir aussi des citoyens, de l'éducation. Donc, à travers une bonne éducation, les citoyens devraient être sensibilisés, donc, à ces différents enjeux et savoir ce que signifie, donc, accepter de partager ces renseignements ou accepter qu'un site a des cookies, ou etc. Donc, ce sont des terminologies, pour la majorité des gens qui souhaitent accéder à une information, qu'ils ne comprennent pas. Alors, ça va venir en grande partie par l'éducation, ça va être très difficile, je pense, de réglementer, mais il peut y avoir quand même un cadre qui peut être appliqué.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Si on ne peut pas réglementer, qu'est-ce qu'on doit faire? Et aussi est-ce qu'on est en retard, très en retard? Parce que vous parlez d'éduquer, sensibiliser. Ça, ça prend du temps, ça prend des années. Et on est rendus à un certain moment, dans le monde numérique et dans l'application des technologies d'information, où c'est autour de nous. On accède déjà à beaucoup de renseignements en cliquant sur l'accès. Est-ce que c'est trop tard?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

• (16 h 30) •

M. Caron (Daniel J.) : Non, je pense qu'il n'est jamais trop tard. Et, comme je le disais un peu plus tôt, comme les technologies vont aller toujours en se développant davantage, elles vont devenir de plus en plus subtiles, et on en aura de moins en moins... on en sera de moins en moins conscients. Donc, on accepte certaines choses. C'est d'ailleurs le cas maintenant, souvent, avec des applications, même dans les voitures. Parce qu'on cherche une direction, ou quoi que ce soit, donc, on accepte d'être localisé, etc.

Alors, je pense qu'on peut travailler la réglementation. Il y a une problématique aussi de frontières, hein, on le sait. Donc, les compagnies sont des compagnies qui sont sans frontières. Donc, ça, c'est difficile. Mais je pense qu'il n'est jamais trop tard pour commencer à éduquer les citoyens. Et je crois qu'il y a des efforts à faire. Il s'en fait dans certains autres pays, et ça, c'est certainement quelque chose qui peut démarrer et qui est essentiel. Donc, que les citoyens soient bien informés, responsabilisés par rapport à ces questions-là, je pense que ça, c'est une avenue très importante qu'il faut poursuivre.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Est-ce que vous croyez que vraiment le citoyen trouve que c'est important? Parce qu'on veut accès à un service, on veut accès à une application et on réfléchit très peu avant de payer le prix. Payer le prix, ce n'est pas en dollars, mais c'est en cliquant le «J'accepte».

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Alors, est-ce que le citoyen... Vous avez raison de dire que le citoyen, en fait, n'y verra rien jusqu'à tant qu'il y ait une conséquence négative qui se produise. Mais justement c'est de développer, dans cette éducation, le réflexe de questionner. Donc, quelles sont les conséquences de telle ou telle chose? On peut réglementer un certain nombre de choses, mais on ne peut pas tout réglementer. Donc, ça sera au citoyen aussi de se prendre en main.

Quand on voyait l'exemple, la semaine dernière, je crois, ou il y a deux semaines, sur les Fitbits, donc les bracelets qui permettent de suivre l'activité physique d'un individu, donc, ça a fait débat. Parce qu'il y a des gens qui disent : Moi, je suis preneur parce que ça baisse ma prime d'assurance, donc l'asymétrie d'informations entre moi et mon assureur est moins grande, il sait ce que je sais, puis... Et donc on est capable de s'assurer de ça. D'autres seront pris par tout ça. Donc, il faut que les gens soient capables de se poser les bonnes questions avant de cliquer.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme de Santis : On n'a que deux minutes. Est-ce qu'il y a un dernier message que vous voudriez faire, avec lequel vous voulez nous laisser?

M. Caron (Daniel J.) : Moi, j'aurais envie de vous dire...

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Si vous me permettez, j'aurais envie de vous dire que je pense que ça prend une réflexion plus globale sur l'information, au XXIe siècle. Je ne sais pas comment le faire, un groupe de travail, un groupe de réflexion, mais qui regarderait ces questions-là justement à partir des différentes assises organisationnelles, institutionnelles et sociotechniques.

Donc, on le fait beaucoup à la pièce, c'est un petit peu ce que je trouve qui est dommage, et c'est très difficile de réconcilier ces morceaux-là. Donc, on peut changer une politique, on peut changer une loi, mais en fait c'est l'ensemble qui doit être revu, pour assurer cette cohérence-là. Donc, si on veut vraiment... Parce que c'est inévitable, on continue donc dans cette voie du numérique et des technologies numériques, donc je pense qu'il est important qu'on se prépare. Et il n'est jamais trop tard pour se préparer sur ces choses-là. On va avoir les voitures électriques, etc., donc toutes ces choses vont changer nos vies, encore. Donc, je crois qu'il y a une réflexion, et c'est toujours autour de l'information, c'est l'information derrière tout ça. Donc, je pense qu'un groupe de travail, un groupe de réflexion qui pourrait amener certaines recommandations serait certainement quelque chose qui serait utile.

Mme de Santis : Merci beaucoup.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Donc, je cède la parole au groupe de l'opposition officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, à vous la parole pour 13 minutes.

Mme Léger : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Caron, bienvenue à ces auditions publiques. La première question, je voudrais revenir sur le cadre global, parce que, dans «cadre global», lorsque, dans votre mémoire, vous dites que... «...j'entends l'accès, la divulgation proactive tout aussi bien que les données ouvertes. Lorsque le rapport quinquennal suggère "une gouvernance et un cadre à définir" en conclusion de la section sur les données ouvertes, il ne pourrait mieux dire. Toutefois, c'est un cadre global pour l'ensemble de la production documentaire — informations et données — qui est nécessaire.» Et ensuite vous parlez un peu des règles de gestion de ça. Vous avez dit tout à l'heure que c'était de la création à l'usage. Donc, pratiquement, dans un organisme public, comment vous voyez cette résolution-là de problème, parce que c'est quand même une problématique, de s'assurer de ce processus-là de gestion d'un document?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Oui. Alors, merci. La façon de le faire, à mon point de vue, je l'ai mentionné sans le définir, c'est d'avoir des normes documentaires, c'est-à-dire qu'on ne peut pas... Si on le pense au niveau global d'une organisation, évidemment, ça a l'air énorme, c'est un chantier qui est très grand. Cependant, quand on occupe un poste dans l'Administration, on a certaines responsabilités, on joue certains rôles, on a des fonctions, et donc on peut... Et d'ailleurs les normes ISO internationales, là, 15489 pour ne pas la nommer, donnent des réponses à tout ça, pour dire : Bien, écoutez, vous devez créer certains documents d'activité, bon, etc. Donc, c'est à ce moment-là et c'est au niveau plus micro, en fait, qu'on peut demander à l'organisation de s'assurer que chacun des cadres de l'organisation a un plan documentaire avec ses normes, comme on le fait pour les finances, comme on le fait pour les ressources humaines. Donc, pourquoi on n'aurait pas un plan documentaire qui dirait, par exemple : voici la façon dont ce secteur de l'organisation documente?

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée.

Mme Léger : Donc, c'est une politique de gestion des documents que vous suggérez.

M. Caron (Daniel J.) : De l'information plus globale, c'est-à-dire quels sont les actes que vous allez documenter. Donc, si vous êtes dans un secteur de développement de politiques publiques, donc, ou de... Prenons, par exemple, je ne sais pas, moi, sur la criminalité, bon, bien, vous allez dire : Voici comment mon secteur, moi, documente l'information. Alors, il y a des réunions, il y a des conversations. Donc, c'est le principe du dossier mais qui n'est pas physique, qui est bâti autour de l'ensemble des supports que l'on peut utiliser, parce qu'on utilise beaucoup la technologie, donc, mais on utilise encore le papier. Donc, c'est un mixte.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée.

Mme Léger : Quel est le lien avec l'accès à l'information? Parce que tout à l'heure on a rencontré les gestionnaires de documents, puis un des éléments qu'ils disaient, c'était souvent une existence de documents au niveau de faire... lorsqu'on fait des demandes d'accès. Alors, quelle est, pour vous, la... Comment cela, ce que vous apportez, solutionnerait cet accès-là aux documents?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Si vous avez des normes documentaires, la première chose, c'est que ces normes... Moi, mon credo là-dessus a toujours été que les normes devraient être publiques. Donc, les normes documentaires publiées nous diraient que, dans tel secteur ou dans tel ministère, à tel endroit, il y a tel type de documentation qui existe, tel type de dossier. Donc, on documente de telle façon. Ça, c'est la première chose. Donc, on sait que ça existe, c'est moins une partie de pêche. Et donc, normalement, ça devrait exister. Actuellement, en fait, il n'y a personne qui oblige, ou très peu. En fait, il y a les ordres professionnels, il y a certaines obligations. Alors, ce que ça permettrait, c'est de savoir ce qui existe. Et ensuite il reste à décider ce qui est ou non accessible.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée.

Mme Léger : Je veux revenir sur la primauté de l'intérêt public. J'ai beaucoup lu sur l'intérêt public, qu'est-ce qui est l'intérêt public, quand est-ce que c'est la primauté de l'intérêt public, qu'est-ce qui est le bien commun, quelle est la responsabilité gouvernementale de protéger l'intérêt public. Ce n'est pas simple. Ce n'est pas simple. Vous en parlez. Vous parlez, entre autres : «C'est très bien, et le rapport rappelle, pour ne pas dire insiste avec justesse et d'entrée de jeu sur la notion de la primauté de l'intérêt public — ce que le rapport nous parle. Jusqu'ici, les réflexions et même les recherches sur la transparence se sont beaucoup penchées sur cette dimension de l'enjeu, soit sa dimension démocratique...» Pouvez-vous élaborer?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Oui. Alors, justement, ça revient à cette nécessité de gérer l'information aussi pour l'organisation, c'est-à-dire que l'intérêt public, c'est aussi que l'organisation, le ministère, l'agence soit bien géré. Donc, il faut s'assurer que...

On a regardé beaucoup toute la littérature. En fait, quand je travaille, on fait des revues de littérature sur ce qui se passe au niveau de la transparence, les données ouvertes, etc. C'est beaucoup : donnez-nous l'entrepôt, on veut avoir toute l'information. C'est bien, mais en même temps les gens me disent, dans mes recherches sur le terrain : Oui, mais il y a des choses qui nécessitent un peu plus de discrétion, dans l'intérêt public. Ce n'est pas nécessairement une bonne chose que tout soit divulgué en tout temps, tout le temps. Donc, l'intérêt public, c'est effectivement très difficile, c'est un équilibre. C'est un débat qui va, à mon point de vue... qui doit, en fait, constamment avoir lieu, évoluer, etc., donc en fonction des nécessités et des différentes situations.

Alors, ce qu'il faut, c'est trouver justement cet équilibre entre qu'est-ce que je donne, qu'est-ce qui est important pour la population et qu'est-ce qui est important pour l'organisation.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée.

Mme Léger : Alors, qu'est-ce que c'est, pour vous, la définition de l'intérêt public? Et qu'est-ce que c'est, pour vous... Quand c'est, pour vous, la primauté?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

• (16 h 40) •

M. Caron (Daniel J.) : Oui. Alors, l'intérêt public et la primauté de l'intérêt public, pour moi, ce que ça veut dire, c'est que les institutions vont perdurer et fonctionner, donc, selon le régime que nous nous sommes donné, donc un régime démocratique, et en même temps que les organisations vont être capables de fonctionner aussi de façon efficiente et efficace. C'est dans l'intérêt du public que nos organisations fonctionnent bien, et ça peut vouloir dire, donc, une façon de gérer l'information qui n'est peut-être pas aussi ouverte, où est-ce qu'on va donner toutes les données, par exemple, du ministère de la Santé, etc. On s'entend que non.

Mais c'est un exemple facile pour dire simplement : il y a des choses, dans l'intérêt public, qu'on ne partagera pas. Donc, l'intérêt public, c'est cet équilibre justement entre le fonctionnement de nos institutions et de nos organisations publiques pour que des décisions puissent se prendre, qu'il puisse y avoir des délibérations honnêtes qui se fassent, et en même temps que les citoyens soient bien informés de ce qui est important, donc, pour eux.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée.

Mme Léger : Mais votre réflexion est aussi que l'intérêt public... et que l'organisation interne de l'organisme public soit efficiente, là. C'est votre définition de l'intérêt public pour l'interne. Mais comment on peut déterminer, face à un individu ou à une société, l'intérêt public qu'il a par rapport à l'accès à un document?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Oui, alors, quand je dis : L'intérêt public est bien servi par une organisation qui est efficiente et efficace, ça peut vouloir dire qu'effectivement il doit y avoir un arbitrage, comme il y en a actuellement d'ailleurs dans la loi, la loi le prévoit, donc entre ce que le citoyen aura comme accès ou non. Donc, cette situation-là, elle existe déjà. Elle est déjà prévue dans la loi. Elle doit certainement évoluer. D'ailleurs, le rapport en parle. Donc, il y a des exceptions qu'on veut, qu'on ne veut pas, etc., mais c'est un débat.

Ce que j'essaie de dire à travers ça, c'est que l'organisation a aussi ses besoins, et l'organisation, elle est un peu oubliée. On parle beaucoup d'accès. On parle beaucoup — et ce qui est très bien — de données ouvertes, d'ouverture, etc., mais l'organisation, elle doit être capable de fonctionner aussi. Et c'est dans l'intérêt public que l'organisation fonctionne bien.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée.

Mme Léger : Oui, merci. Vous êtes titulaire de la Chaire de recherche en exploitation des ressources informationnelles, donc c'est, je pourrais dire, votre priorité puis votre passion, là, en ce moment. Je voudrais revenir sur les données ouvertes, là. Comment vous voyez ce dossier-là, dans le fond, des données ouvertes, si vous êtes... que vous avez l'air à être... que ça a l'air à être un sujet important que vous travaillez puis que vous avez des réflexions sur ça? Comment vous voyez actuellement où on en est, l'appareil public et le gouvernement, actuellement, par rapport à ce dossier-là des données ouvertes?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Alors, dans le dossier des données ouvertes, je dirais que nous ne sommes pas particulièrement avancés, mais nous ne sommes pas non plus particulièrement en retard. Quand on regarde à l'extérieur... Je regarde dans certaines autres provinces où, bon, des fois, il y a un bon coup et on fait beaucoup de publicité autour d'un bon coup. Quand on gratte un peu, bon, on se rend compte que ce n'est peut-être pas si répandu.

Je pense qu'au niveau des données ouvertes l'étude qu'on a faite, mon collègue et moi, donc avec le CEFRIO, dans les ministères et dans les municipalités, montre qu'on est en attente de direction. Ça prend de la direction. Qu'est-ce qui va être ouvert? Qu'est-ce qui peut être ouvert? Les gens, quand on les rencontrait dans les différents services, ce qu'ils nous disaient, c'est : Je ne sais pas comment faire. Qu'est-ce que ça veut dire, «une donnée ouverte»? Il y a des coûts à l'ouverture des données.

Les gens développent des bases de données, donc, pour leurs besoins internes ministériels. Et donc, là, on leur dit tout à coup : Ça, ça s'en va à l'extérieur. Bon, je pense que je vais retourner voir un peu pour m'assurer que ma base de données, elle est de grande qualité. Et puis moi, je la connais, ma base de données. Ce n'est pas du travail mal fait, simplement que, quand on sort, bon, au restaurant, on s'habille un petit peu plus chic, peut-être, que quand on mange chez soi. Donc, c'est un peu ça qui se passe, et les gens ont besoin de direction, ont besoin d'appui. Et donc on n'a pas eu encore un débat à l'interne.

Ce qui ressortait des études, c'est vraiment qu'on a besoin de leadership, on a besoin de savoir qu'est-ce que le gouvernement souhaite libérer comme données, et donc qu'on nous donne des directives, qu'on puisse le faire correctement, dans les règles de l'art, parce que ça prend... Il faut guider cette réflexion-là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée.

Mme Léger : Pour la compréhension de tous et savoir votre compréhension à vous, qu'est-ce que c'est, pour vous, une donnée ouverte?

M. Caron (Daniel J.) : Alors, bien, les... Oui?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Les données ouvertes, c'est des données qui sont produites, bon, il y a toute une série de critères, là, une dizaine de critères : il faut qu'elles soient gratuites, donc il faut que ce soit dans un logiciel qui soit lisible par la population, etc., donc c'est une donnée qui est brute, qu'on peut retravailler. Alors, c'est beaucoup d'informations.

Et beaucoup de ministères ont énormément de données que l'on peut ouvrir. C'est pour ça que ça va prendre une réflexion, parce qu'est-ce qu'on ouvre toutes les données? J'ai rencontré des gens, dans les recherches, justement, qui me disaient : C'est malheureux, parce qu'on a ouvert nos données, mais on se rend compte que personne ne les utilise. Mais il y a un coût à les mettre à jour, etc. Donc, c'est une réflexion qui est nécessaire.

Alors, les données ouvertes, c'est les données qu'on produit, les données administratives, finalement, qui sont mises donc à la disposition du public pour que le public... ou, en fait, les firmes spécialisées puissent les utiliser et développer des applications, etc. Mais il y a des critères, il y a une dizaine de critères, là, pour définir qu'est-ce qu'une donnée ouverte exactement.

Il y en a beaucoup à la RAMQ, il y a beaucoup de données à la RAMQ, par exemple, qui pourraient être des données ouvertes. Il y en a à la SAAQ. Donc, il y a beaucoup... Les ministères qui produisent énormément de données opérationnelles ont beaucoup de données ouvertes. Les municipalités ont énormément de potentiel de données ouvertes parce qu'elles disposent d'une grande masse d'informations, et qu'on peut mettre à la disposition, donc, du public.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée, 50 secondes.

Mme Léger : Ça va. Merci.

Le Président (M. Hardy) : Bon, bien, merci. Donc, le temps accordé à l'opposition officielle est écoulé. Maintenant, je passe au deuxième groupe d'opposition, M. le député de Borduas, pour un temps de neuf minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Caron. Merci d'être présent avec nous aujourd'hui. Je voudrais poursuivre sur la question des données ouvertes. Tout à l'heure, vous avez eu une discussion avec ma collègue de Pointe-aux-Trembles sur l'intérêt public, la primauté de l'intérêt public. Est-ce que les données ouvertes vont de pair avec l'intérêt public, la primauté de l'intérêt public dans l'analyse du cadre?

Parce que c'est toute une discussion. Les gouvernements se demandent parfois : Est-ce qu'on doit divulguer? Est-ce qu'on doit faire une approche de données ouvertes? Oui? Non? Mais on peut se questionner sur le fait de savoir : Bien, ça ne serait pas dans l'intérêt de la population d'avoir ce genre de données là. Parce que, dans le fond, on joue à cache-cache bien souvent avec la non-divulgation des renseignements. Donc, est-ce qu'on pourrait assimiler les deux en ce sens-là?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Alors, il n'y a pas de... C'est difficile de trancher ce qui est bon, ce qui n'est pas bon de façon générale, parce qu'il y a des données... comme pour les documents, etc., il y a des données qui vont bien servir la population, qui vont aider la population, qui vont permettre de développer des applications, etc., donc qui vont être très utiles. Il y a peut-être d'autres données où, donc, il y aura peut-être des risques à divulguer ces données-là. Donc, il faut sous-peser.

Et c'est le cadre, donc, que demandaient les gens à l'intérieur des différentes organisations. Qu'est-ce que... J'ai rencontré des services de police, par exemple, dans des municipalités. Alors, qu'est-ce que je divulgue exactement? Donc, on me dit qu'on a une politique de données ouvertes. Alors, moi, j'ai plein d'informations. À partir du moment où je fais une visualisation, par exemple, d'où se passe le crime dans ma ville, est-ce que j'ai un impact sur la valeur mobilière des résidences? Peut-être. Donc, il y a des conséquences.

Alors, c'est ces choses-là auxquelles il faut réfléchir, donc, pour décider qu'est-ce qui est à l'avantage et qu'est-ce qui, peut-être... sans vouloir cacher l'information, qu'est-ce qui sert bien l'intérêt public. Et ça prend des débats.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Je comprends que ça prend des débats, mais, à ce compte-là, dans le fond, on peut dire... On peut mettre énormément de restrictions, dans le fond, parce que tout peut avoir une incidence. L'accès à l'information des données ouvertes, le fait que cette donnée-là puisse être distribuée à la population en général, c'est sûr que ça va avoir des conséquences. Mais est-ce que... Supposons avec la Loi sur l'accès, on est avec une série d'exceptions, hein? Les gens disent : Bien là, ce n'est pas une loi d'accès, c'est une loi de non-accès. Si on va dans une politique de données ouvertes et là on débute en disant : «Bien, écoutez, ça, ça ne devrait pas être divulgué; ça, ça ne devrait pas être divulgué», où est-ce qu'on arrête, dans le fond? Oui, il faut en débattre, mais comment est-ce... Est-ce qu'on peut s'inspirer d'autres États qui, eux, ont fait l'exercice puis ont balisé ça? Est-ce qu'il y a des exemples d'États étrangers qui ont bien fait les choses en ce sens-là, en matière d'une politique de données ouvertes, où ils ont une approche pondérée, balancée, tout ça?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

• (16 h 50) •

M. Caron (Daniel J.) : Alors, oui, bien, en fait, on peut aller en Ontario. On peut aller aussi... je ne me souviens plus si c'est l'Alberta ou peut-être la Colombie-Britannique où il y a des politiques de données ouvertes par défaut, par exemple. Si c'est à ça que vous voulez en venir, c'est une solution. On y va par défaut et on doit démontrer le contraire. Au lieu d'aller vers l'exception, donc, on dit : Les données que vous produisez sont ouvertes par défaut, à moins d'être capables de démontrer qu'il y aurait des incidences négatives. Alors, c'est une approche qui peut être prise. Et c'est du cas par cas, les données, parce que, dépendant du type de secteur dans lequel vous êtes, vous avez des données très personnelles, il y a toute sorte d'information à l'intérieur de ça.

Et ce qui revient aussi de plus en plus comme questionnement, c'est la possibilité de croiser les données aussi. Peut-être qu'un secteur... un ministère décide de libérer ses données, mais un autre ministère qui... les gens ne se sont pas parlé, libère ses données, on fait des croisements puis, woups! on découvre autre chose. Alors, avec le big data, l'intelligence artificielle, c'est tout des choses qui sont en train de se produire. C'est pour ça que ça prend une bonne réflexion.

Mais l'approche de données ouvertes par défaut peut être une très bonne approche. Et donc on demande aux gens finalement : Bien, faites la preuve que ce n'est pas nécessaire. On avait, au gouvernement fédéral, aussi pensé à cette approche-là pour l'accès à l'information de façon générale. On disait : Bien, tous les documents sont accessibles, à moins de démontrer qu'ils ne le sont pas. Mais donc ça n'a pas pris. C'est compliqué, évidemment, aussi à mettre en oeuvre, ce type de politique là.

Un élément qui peut être intéressant, c'est la divulgation proactive. Plus il y aura de divulgation proactive, je pense, plus on sera riches au niveau de cette transparence et de l'ouverture gouvernementale, parce que la divulgation proactive, donc, elle force l'organisation à penser en amont comment elle va rendre accessible son information. Alors, ça, c'est un entre-deux qui est intéressant.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Mais, dans les grandes organisations publiques, là, est-ce que ça ne demande pas plus de ressources d'y aller par une divulgation proactive que d'y aller avec une politique de données ouvertes? Je m'explique, là. Si la divulgation proactive, c'est de dire : Bon, bien, ça, je vais rendre ça accessible; ça, je vais rendre ça accessible, dans le fond, ça demande davantage de ressources humaines, supposons, pour faire le tri. Tandis qu'à l'inverse, avec l'exemple que vous donniez, d'avoir un par défaut, on enlève les données ouvertes qu'on ne souhaite pas rendre accessibles pour x, y raisons, on ne se retrouve pas dans une situation qui est plus simple, qui est plus facile à gérer pour le système, pour l'État, en termes de coûts, en termes de main-d'oeuvre, en termes d'infrastructures, supposons, numériques ou...

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : En fait, quand on dit «par défaut», ce qu'on observe, c'est quand même... il y a une réflexion qui est faite. On dit par défaut, mais on fait la réflexion, à savoir : Est-ce qu'il y a des choses à l'intérieur de ça qui pourraient être dommageables? Donc, c'est simplement une approche, une attitude de dire que les données seront accessibles par défaut, où les documents seront accessibles par défaut, mais les gens font la réflexion quand même. Alors, est-ce que c'est moins cher ou plus cher? Je ne suis pas convaincu qu'il y a une différence de ce côté-là.

Mais il est certain, parce que vous soulevez un point important : plus on sera dans l'ambiguïté, c'est ce qui est ressorti d'une étude qu'on termine dans une ville, donc plus on est dans l'ambiguïté, plus il y a des coûts à la transparence, parce que les gens ne savent pas comment s'y prendre, quoi faire, comment le faire.

Le Président (M. Hardy) : M. le député.

M. Jolin-Barrette : Puis, selon vos études, les différentes organisations, est-ce qu'elles ont l'infrastructure pour le faire, dans le fond, en termes d'infrastructures numériques, tout ça, ou on se retrouve face à des organisations publiques qui sont dépourvues pour répondre à cette demande de données ouvertes là, à davantage de divulgation en matière d'accès à l'information?

Le Président (M. Hardy) : M. Caron.

M. Caron (Daniel J.) : Oui. Ma réponse, dans ce qu'on a vu, c'est que, non, elles ne sont pas assez outillées pour être capables de le faire, autant sur le plan technologique souvent que sur le plan humain aussi, parce que ça prend des cadres d'opération, etc. Ça ne veut pas dire que c'est hypercher, ça veut dire simplement qu'il faut réfléchir en amont. Donc, il faut se poser la question dès le début et faire en sorte que, quand on fait des choix technologiques, on fait nos architectures d'information bâties de cette façon-là. Et ça revient au point de départ de ce que je disais au début, c'est qu'il faut qu'il y ait une gouvernance qui soit beaucoup plus intégrée, où tout le monde est autour, avec des instruments, donc des directions qui sont claires pour les employés, qui disent : Bon, bien, O.K., nos informations seront en divulgation proactive ou nos données seront ouvertes. Donc, dès le départ, quand on conçoit une architecture d'information, on le fait dans ce cadre-là, c'est-à-dire qu'on met la sécurité qui est nécessaire, on s'assure de l'anonymat, donc tout ça est fait dès le départ.

Alors, ce n'est pas... Moi, je pense que, si on arrive à travailler comme ça, il n'y aura pas d'énormes différences dans les coûts. On sera beaucoup plus efficients, par exemple.

Le Président (M. Hardy) : M. le député, en 55 secondes.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, je vais en profiter pour vous remercier pour votre passage à la commission. Merci.

M. Caron (Daniel J.) : Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci. M. Caron, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux à demain, jeudi le 17 août 2017, à 9 h 30, où elle poursuivra son mandat. Bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 16 h 55)

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