L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 22 novembre 2016 - Vol. 44 N° 153

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 113, Loi modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives en matière d’adoption et de communication de renseignements


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Stéphanie Vallée

Mme Véronique Hivon

M. Simon Jolin-Barrette

Auditions

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

Confédération des organismes familiaux du Québec inc. (COFAQ) et Fédération des parents
adoptants du Québec (FPAQ)

Grand Conseil des Cris, Administration régionale crie (ARC) et Conseil cri de la santé
et des services sociaux de la Baie-James (CCSSSBJ)

Association de parents pour l'adoption québécoise (APAQ)

Mouvement Retrouvailles

Autres intervenants

M. Stéphane Bergeron, vice-président

M. Guy Ouellet, président

Mme Lise Lavallée

*          M. Gérard Guay, CNQ

*          M. Nicolas Handfield, idem

*          M. Raphaël Amabili-Rivet, idem

*          Mme Mélanie Guignard, idem

*          Mme Marie Simard, COFAQ

*          Mme Anne-Marie Morel, FPAQ

*          M. Matthew Coon Come, Grand Conseil des Cris, ARC

*          M. James Bobbish, idem

*          M. Matthew Sherrard, idem

*          Mme Bella Moses Petawabano, CCSSSBJ

*          Mme Carolyne Belso, APAQ

*          Mme France Labrecque, idem

*          Mme Caroline Fortin, Mouvement Retrouvailles

*          Mme Réjane Genest, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trois minutes)

Le Président (M. Bergeron) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 113, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et de communication de renseignements.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. St-Denis (Argenteuil) est remplacé par M. Fortin (Pontiac) et Mme Roy (Montarville) est remplacée par Mme Lavallée (Repentigny).

Le Président (M. Bergeron) : Je vous remercie beaucoup. Nous débuterons cet avant-midi par les remarques préliminaires puis nous entendrons la Chambre des notaires du Québec.

Remarques préliminaires

Alors, nous débuterons évidemment avec les remarques préliminaires. J'invite donc Mme la ministre de la Justice et députée de Gatineau à faire ses remarques préliminaires pour une durée de six minutes.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, chers collègues, c'est un plaisir d'amorcer ce matin une nouvelle étape dans le projet de loi n° 113, un projet de loi qui a été fort attendu puis qui vient modifier le Code civil en matière d'adoption et de communication de renseignements.

Petit historique. La première loi québécoise en matière d'adoption remonte en 1923. Il y a eu des changements au fil des ans, évidemment, mais ce n'est qu'en 1923 que le Québec s'était doté de sa première loi en matière d'adoption. Aujourd'hui, bien, on est à une étape différente. La société a vraiment évolué. D'ailleurs, elle a pas mal évolué depuis les derniers amendements qui ont été portés vers la fin des années 80. Et, le 6 octobre dernier, on a déposé le projet de loi qui est un premier pas dans le cadre d'une plus grande réforme en matière de droit familial québécois. L'objectif, évidemment, c'est d'adapter le cadre législatif à la réalité contemporaine des familles, puisque la société québécoise, comme je le mentionnais, a évolué depuis les règles actuelles qui ont été mises en place en matière d'adoption, et il y a également plusieurs modèles familiaux, et le profil des enfants adoptables a aussi beaucoup changé.

L'adoption elle-même, elle est beaucoup mieux perçue, elle est acceptée par la société, ce qui n'a pas toujours été le cas, et ça explique les mesures qui sont présentées dans le projet de loi. Le changement, l'évolution de la société amène à apporter une autre façon de voir l'adoption et de l'intégrer dans la réalité des familles. Le projet de loi a un élément important, c'est-à-dire qu'il met une place importante, il accorde une place importante aux réalités autochtones qui sont relatives à l'adoption coutumière et, on l'espère, répond aux souhaits qui ont été exprimés notamment par les Innus et les Premières Nations, et également qui fait suite à un engagement pris par notre premier ministre.

L'objectif du projet de loi permet à des enfants de connaître leurs origines tout en étant adoptés par une nouvelle famille. Il va permettre aussi de donner des réponses à des milliers de Québécois qui sont en quête identitaire. C'est une mesure qui est revendiquée depuis longtemps.

Alors, dans un premier temps, évidemment, il est prévu, dans le projet de loi, de permettre que soient reconnus les liens qui sont préexistants de la filiation entre l'enfant et ses parents d'origine lorsqu'il en sera dans l'intérêt de l'enfant de conserver un lien significatif et une identification significative envers ces derniers, et, évidemment, cette reconnaissance des liens préexistants de la filiation va se traduire par une mention du nom des parents d'origine à l'acte de naissance de l'adopté, en plus du nom des nouveaux parents. Seulement, ce qui est prévu, c'est que l'enfant et la famille adoptive auront des droits et des obligations l'un envers l'autre. Les liens filiaux antérieurs, bien que reconnus, seront quand même rompus.

Le projet de loi prévoit également que la famille d'origine et la famille adoptive pourront conclure une entente de communication qui vise à faciliter l'échange de renseignements ou permettre des relations interpersonnelles entre l'enfant et ses parents d'origine, une entente qui pourrait être établie sans qu'une intervention judiciaire ne soit requise. Alors, l'objectif, évidemment, c'est de simplifier les démarches des familles, qui éviteront des frais et gagneront en autonomie et en temps.

Troisièmement, toujours dans l'idée d'atténuer la coupure avec la famille d'origine et de rompre la culture du secret qui entourait l'adoption, une autre mesure consiste à moderniser les règles de la communication des renseignements identificatoires entre l'adopté et ses parents d'origine tout en ayant le souci de maintenir un équilibre entre le droit à la vie privée et le besoin de connaître ses origines.

Pour les adoptions antérieures au projet de loi, le projet de loi prévoit que tout refus exprimé avant l'entrée en vigueur de la loi sera respecté. Une fois que la loi sera entrée en vigueur, les renseignements relatifs à l'identité du parent d'origine pourront être révélés, mais seulement après l'expiration d'un délai de 18 mois, si, durant cette période, aucun refus n'a été exprimé par le parent ou l'enfant. Par la suite, dès qu'une demande sera faite pour obtenir les renseignements identificatoires, le parent ne pourra plus inscrire le refus, et les renseignements seront communiqués à l'adopté. Pour les adoptions qui auront lieu après l'entrée en vigueur de la loi, la règle générale serait la communication des renseignements identificatoires, excepté dans de rares cas... dans de rares occasions, pardon, à savoir dans les seuls cas où le parent d'origine exprime un refus à la communication de son identité dans l'année qui suit la naissance de l'enfant, ce qui entraînera pour l'adopté un refus de plein droit de communication de son identité.

Dans tous les cas, il sera possible pour les personnes concernées de conserver un refus de contact. Un refus de contact pourra être retiré en tout temps, de même qu'un refus à la communication d'identité. D'ailleurs, un refus à la communication de l'identité cessera d'avoir effet un an après le décès de la personne concernée.

Le projet de loi permettra également au représentant légal d'une personne inapte ou, si celle-ci n'est pas représentée, à son conjoint, à un proche parent ou à tout individu qui lui démontre un intérêt particulier de donner son consentement pour que les informations sur cette personne puissent être communiquées. En plus des renseignements identificatoires, la communication des renseignements médicaux sera aussi facilitée par le projet de loi. Un patient pourra donc avoir un meilleur accès à son profil héréditaire sans avoir à prouver la gravité de son état de santé et sans l'autorisation du tribunal.

Bref, en conclusion, il y a la reconnaissance de l'adoption coutumière autochtone, soit, qui permet de reconnaître dans notre Code civil les effets de cette adoption, des mesures importantes. Six minutes, c'est trop peu pour parler du projet de loi, mais, chose certaine, je suis heureuse d'entamer ces consultations avec, aujourd'hui, la Chambre des notaires, avec les collègues des partis d'opposition.

Je suis persuadée que nos échanges seront très fructueux, comme ils le sont toujours dans de pareilles circonstances. Merci.

• (11 h 10) •

Le Président (M. Bergeron) : Merci infiniment, Mme la ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice et députée de Joliette à faire ses remarques préliminaires pour une période de 3 min 30 s.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je tiens tout d'abord à saluer la ministre et toute son équipe, son cabinet, les gens du ministère, bien sûr, les collègues, les collègues de la partie ministérielle et mes collègues de la deuxième opposition, le recherchiste qui m'accompagne, Martin Blanchette.

Et je veux saluer la présence de juristes de l'État qui sont parmi nous ce matin. Je dévoile mon intérêt, M. le Président. Je suis une ex-juriste de l'État. Mais je veux simplement leur dire que je leur souhaite un retour à la table de négociation, comme je nous le souhaite, et un retour rapide au travail, parce que j'imagine qu'ils aimeraient mieux être avec la ministre, de différentes manières, avec leurs ministères respectifs qu'être ici ce matin.

Oui, c'est un très important projet de loi dont nous débutons l'étude aujourd'hui, comme la ministre le soulignait, un projet de loi qui a beaucoup de chemin de franchi, c'est-à-dire qu'on en parle et on le travaille depuis des années. J'étais une toute nouvelle députée, et ça a été une de mes premières consultations, en janvier 2010, avec notre collègue qui est aujourd'hui ministre de l'Immigration, avec un avant-projet de loi. Par la suite, le leader du gouvernement actuel avait déposé, donc, un autre projet de loi en 2012, et nous avons, comme gouvernement, déposé, encore une fois, en 2013 un projet de loi, et là, finalement, nous amorçons cette étude aujourd'hui avec les consultations. J'espère que cette fois sera la bonne, que nous allons nous rendre au bout du processus. J'en suis fort confiante, parce que je pense qu'on est tous habités ici par la même volonté de procéder à cette réforme importante de l'adoption.

Trois éléments vraiment majeurs — évidemment, je voyais les gens du Mouvement Retrouvailles, qui travaillent depuis des dizaines d'années sur ce dossier-là, parmi nous ce matin : donc, toute la question de l'accès aux origines et à l'identité, qui est très importante, et c'est un pas essentiel que nous devrons franchir; la question, bien sûr, de la modernisation, de la reconnaissance des différentes formes, des différents visages de l'adoption aujourd'hui, en 2016, avec l'adoption avec reconnaissance du lien de filiation, donc, antérieure et la possibilité d'entente de communication; et, bien entendu, la question de l'adoption coutumière, donc, qui va faire entrer la reconnaissance des effets de cette coutume dans notre droit civil.

J'offre vraiment toute ma collaboration à la ministre et aux collègues pour que nous arrivions avec la meilleure loi possible, parce qu'évidemment ce sont des enjeux très, très importants auxquels on touche. L'intérêt de l'enfant est au coeur de toute cette démarche-là. Donc, c'est quelque chose à quoi on ne touche pas tous les jours, et donc on va le faire avec le plus grand sérieux, la plus grande rigueur.

Et, en terminant, vous me permettrez de réitérer notre volonté de voir aussi — la ministre ne sera pas surprise — une réforme globale du droit de la famille advenir très prochainement, et nous réitérons notre volonté de mettre sur pied une commission non partisane pour pouvoir l'aborder de manière globale, encore une fois, pour le meilleur intérêt de toutes les familles du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergeron) : Merci, Mme la députée. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de justice et député de Borduas à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de 2 min 30 s.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. À mon tour de saluer la ministre, de saluer les collègues, les gens qui ont déjà travaillé... et qui vont travailler sur le projet de loi au cours de nos travaux.

D'entrée de jeu, M. le Président, mes premiers mots vont pour la ministre. Je tiens à lui dire que, lorsqu'il y a des fleurs à lancer, on va les lancer. Enfin, je dirais, c'est une avancée d'avoir le projet de loi n° 113. Maintenant, je pense qu'on va avoir du travail à faire sur le projet de loi n° 113 pour aller un petit peu plus loin avec ce qui est proposé. Le droit à la connaissance des origines, c'est important. D'ailleurs, on a ici avec nous Mme Poitras ainsi que Mme Blouin, qui assistent... Et, vous savez, j'avais fait un point de presse au mois de mars dernier pour démontrer à quel point ça a un visage humain aussi, l'adoption. On peut en parler ici, autour de la table, mais, concrètement, ça touche la vie des gens. Donc, on a une obligation, Mme la ministre, de résultat, dans ce cas-ci, puis de réussir à livrer une partie de la réforme du droit de l'adoption à cette commission-ci, et ce, dans des délais qui doivent être quand même assez courts.

Mais, ceci étant dit, on va avoir également du travail à faire notamment sur la question de l'adoption plénière. Il y a des modalités qui sont couvertes par le projet de loi au niveau de l'adoption plénière, mais il y a des questionnements à avoir aussi : Est-ce qu'on fait une rupture complète des liens de filiation, est-ce qu'on maintient... Donc, on peut s'inspirer de plusieurs travaux qui ont été faits, notamment du rapport de Me Carmen Lavallée, Pour une adoption québécoise à la mesure de chaque enfant, l'avant-projet de loi de la collègue de Notre-Dame-de-Grâce, de ce que le leader du gouvernement a déposé en 2012, et également de l'ancien ministre de la Justice en 2013.

Donc, on va offrir toute notre collaboration, en compagnie de la députée de Repentigny, pour avoir le meilleur projet de loi possible. Mais c'est sûr que l'adoption fait partie du droit familial, fait partie de la façon dont notre société est construite, des règles dont on se dote, donc, nécessairement, il va falloir aborder aussi ces questions-là lors de la présente commission parlementaire, puis ce ne sera pas uniquement suffisant de se limiter à ce qu'il y a au projet de loi. Et j'espère qu'éventuellement on pourra amener les amendements et qu'ils seront étudiés sérieusement pour qu'on puisse bonifier le projet de loi. Donc, on offre toute notre collaboration aux collègues ainsi qu'à la ministre.

Le Président (M. Bergeron) : Je vous remercie, M. le député.

Auditions

Nous allons maintenant débuter les auditions. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Chambre des notaires du Québec. Je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé. Après quoi, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Guay (Gérard) : Alors, bonjour. Merci, M. le Président. Donc, je me présente, Gérard Guay. Je suis président de la Chambre des notaires du Québec. Je suis accompagné de Me Mélanie Guignard, notaire à l'étude PFD Notaires, et elle consacre entièrement sa pratique au droit familial successoral et au droit de la personne. Je suis également accompagné de Me Raphaël Amabili-Rivet, qui est notaire à la direction des affaires juridiques, et Me Nicolas Handfield, chef de service à la direction des services juridiques.

Alors, M. le Président, Mme la ministre et notaire générale du Québec, Mmes et MM. les députés, au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous remercie de votre invitation à cette consultation particulière portant sur le projet de loi n° 113, soit le premier volet d'une modernisation souhaitée et attendue au droit québécois de la famille. Ma participation l'est à titre de président de la Chambre des notaires du Québec avec un regard, comme à l'habitude, de spécialiste des procédures non contentieuses. Aussi, d'un point de vue plus personnel, ma participation aujourd'hui a une teinte particulièrement spéciale, étant donné que je suis moi-même père adoptant d'une petite fille maintenant devenue une adolescente.

Cela dit, nous sommes heureux de constater qu'une initiative dont les origines remontent à près d'une décennie connaisse enfin une suite. De fait, nous reconnaissons et saluons la volonté du gouvernement de répondre à certaines incohérences fondamentales qui traversent le droit québécois de l'adoption. Nous nous devons, en effet, de saluer toute forme d'avancée en cette matière, pour peu qu'elle vise à rencontrer les nouvelles réalités sociales et familiales du Québec. Et que dire de la reconnaissance des effets de l'adoption coutumière autochtone en droit québécois? La ministre de la Justice peut être fière de ces dispositions, qui constituent une victoire considérable pour les Inuits et les Premières Nations. Ces mesures donnent le ton à cette pièce législative et aux intentions du gouvernement du Québec à celles à venir.

Comme vous le constaterez à la page 6 de notre mémoire, l'intervention de la chambre est basée sur l'expérience des notaires dans les procédures non contentieuses liées à l'adoption, telles que mentionnées à l'article 303 du nouveau Code de procédure civile, et est essentiellement basée sur six axes fondamentaux.

Par ailleurs, nous constatons que certains éléments importants qui avaient été intégrés à des projets de loi antérieurs sur le même sujet sont absents du projet de loi n° 113. Ainsi en est-il de certains concepts se rapportant à l'autorité parentale. Mentionnons, par exemple, la tutelle dative déférée, qui aurait permis aux parents de confier à un proche l'enfant sur une base définitive et complète sans pour autant que le lien de filiation qui les lie à l'enfant ne soit rompu, ou le partage de l'autorité parentale, qui aurait pu faire bénéficier l'enfant de la protection que peut lui assurer le conjoint titulaire de l'autorité parentale sans perte de filiation avec son autre parent et son appartenance à sa parenté d'origine. Nous comprenons donc que ces aspects seront abordés et réévalués dans le cadre d'une réforme plus globale du droit de la famille. Toutefois, vous trouverez, dans notre mémoire, des pistes de réflexion à cet égard.

Notre recommandation principale, celle qui nous a animés dans tout le travail de réflexion qui a entouré la rédaction de notre mémoire, invite à entreprendre la réflexion et les travaux nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme globale du droit de la famille. Nous croyons que le gouvernement doit donner suite, dans les meilleurs délais, au rapport du Comité consultatif en droit de la famille et entreprendre la réflexion et les travaux nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme globale du droit de la famille. Le rapport constitue le fruit d'un travail d'une complexité et d'une ampleur inégalées depuis la réforme du Code civil du Québec.

S'engager dans la suite du processus placerait le Québec comme chef de file mondial en matière de protection des familles et plus particulièrement des enfants. Par exemple, le gouvernement pourrait profiter de l'effervescence entourant le projet de loi n° 113 pour mettre en place un forum d'information et d'échange. Cette plateforme pourrait d'abord avoir un but informatif auprès des familles québécoises quant aux différents enjeux entourant la réforme du droit de la famille et quant aux solutions avancées par le Comité consultatif sur le droit de la famille.

• (11 h 20) •

De plus, nous croyons que toute personne intéressée à se faire entendre sur les conclusions du rapport devrait pouvoir s'y présenter. Dans les circonstances ayant mené à la création du Comité consultatif du droit de la famille, il semble qu'un tel exercice démocratique s'impose. Nous réitérons donc notre volonté à collaborer et participer très activement avec la ministre de la Justice et son ministère afin d'amorcer ce processus de réforme.

Vous me permettrez maintenant de faire un survol rapide des autres recommandations de notre mémoire, particulièrement en ce qui concerne le maintien des liens identitaires qui peuvent exister entre l'enfant et sa famille d'origine en dépit de l'adoption.

Depuis les années 20, le droit québécois ne connaît qu'une seule forme d'adoption, soit l'adoption plénière. Au terme du jugement d'adoption, l'adopté cesse d'appartenir à sa famille d'origine. L'adoption plénière consacre, en quelque sorte, la reconnaissance de l'enfant en lui forgeant une toute nouvelle identité. Sans doute ce modèle juridique pouvait-il se justifier à une époque où les enfants adoptés n'avaient jamais été en contact direct ou indirect avec leurs parents d'origine. Or, la grande majorité des enfants qui font aujourd'hui l'objet d'une adoption ont connu leurs parents d'origine. Une proposition phare de l'avant-projet de loi proposait de briser ce modèle unique d'adoption plénière en intégrant le concept d'adoption sans rupture du lien de filiation. Or, le projet de loi n° 113 opte plutôt pour l'introduction d'une reconnaissance préexistante du lien de filiation antérieure, peu importe que l'adoption soit intrafamiliale ou issue du système de protection de la jeunesse. Cette proposition est d'une grande différence conceptuelle avec celle de l'avant-projet de loi. En effet, selon notre compréhension, cette mesure ne constitue qu'une simple modalité d'accès aux renseignements identitaires et ne préserve pas l'appartenance de l'enfant à sa lignée d'origine. Nous croyons donc qu'il faut éviter de présenter cette nouvelle option comme étant une forme particulière d'adoption. Il s'agit d'une adoption plénière avec conservation, dans l'acte de naissance de l'enfant, de la mention relative à son lien de filiation d'origine, bien que celui-ci soit rompu.

De plus, nous souhaiterions inciter le législateur à revenir sur sa position pour que soit introduite au projet de loi n° 113 l'adoption sans rupture du lien d'origine et que ce type d'adoption soit assorti de droits successoraux entre l'enfant et sa famille d'origine. Nous sommes d'avis que cela permettrait d'aller bien au-delà du simple objectif identitaire de l'enfant. Le législateur ne semble d'ailleurs pas voir de problèmes conceptuels à une telle éventualité, puisqu'en matière d'adoption autochtone il reconnaît qu'une adoption coutumière peut maintenir des droits et obligations entre l'enfant et ses parents d'origine, alors même que le lien de filiation préexistant aura été rompu. Pourquoi ne pourrait-il pas en être ainsi pour les autres adoptions issues du Code civil du Québec?

S'il est vrai que le maintien des droits successoraux entre l'enfant et sa famille d'origine suscitait beaucoup de résistance en ce qui concerne l'adoption d'enfants issus du réseau de la protection de la jeunesse, tel n'était pas le cas en matière d'adoption par le conjoint. L'idée selon laquelle l'enfant adopté par le nouveau conjoint de sa mère aurait pu conserver sa filiation paternelle d'origine et aurait pu éventuellement hériter ab intestat de ses grands-parents paternels d'origine serait susceptible de faire consensus. Nous suggérons donc d'intégrer au Code civil du Québec l'adoption sans rupture du lien d'origine dans les cas d'adoption par le conjoint avec subsistance des droits successoraux entre l'enfant et sa famille d'origine.

Par ailleurs, vous me permettrez de souligner que le phénomène des adoptions en faveur du conjoint est loin d'être marginal. Ces adoptions se font uniquement sur consentement spécial, hein? Vous avez le consentement général, par le processus de la protection de la jeunesse, et le consentement spécial en faveur de certaines personnes, dont le conjoint du parent, lesquels se donnent actuellement par écrit. Et ça, le consentement spécial se donne actuellement par écrit devant deux témoins avant que le tribunal ne donne suite au processus d'adoption, et je fais remarquer que le tribunal ne vérifie pas les consentements, il prend pour acquis qu'ils ont été donnés correctement.

Or, dans un souci de sécurité accru, nous croyons, à l'instar que ce que prévoient le code civil français, le Code civil belge, le Code civil italien, que ce type de consentement devrait être reçu par acte notarié, et ce, considérant que les consentements généraux sont exprimés à la suite d'une intervention du directeur de la protection de la jeunesse. Et je souligne qu'en vertu d'un protocole entre le notariat français et le notariat québécois signé en janvier dernier les notaires québécois reçoivent des consentements spéciaux pour des adoptions en France. Ils en ont fait plusieurs depuis quelque mois. L'entente est entrée en vigueur au printemps dernier.

Le notaire, à titre d'officier public et de juriste de la proximité, a pour fonction sociale de protéger les personnes en leur expliquant les tenants et aboutissants des décisions qu'elles s'apprêtent à prendre. En matière d'adoption, on peut penser aux impacts suivants : succession, partage de l'autorité parentale, etc. De plus, il doit s'assurer de leur consentement complet en les consignant dans des écrits authentiques qu'il a l'obligation de conserver. Il a le devoir de conseil. Notre recommandation s'inscrirait donc parfaitement dans ce cadre.

Pour conclure brièvement, notre dernier commentaire porte sur l'entente de communication et les mesures transitoires relatives à l'accessibilité aux dossiers d'adoption. D'abord, nous sommes heureux de retrouver les propositions relatives à la formalisation des ententes de communication en droit québécois. Cela marque une belle avancée en matière d'échange de renseignements et maintient des contacts entre l'enfant et sa famille d'origine. Notre mémoire fait toutefois état de certaines précisions à y être apportées.

Enfin, nous réitérons notre appui devant les propositions visant à faciliter l'accès aux dossiers d'adoption. En abandonnant le principe du secret, derrière lequel il s'était jusqu'à présent retranché, le Québec assume son passé avec ouverture et transparence, et nous le saluons.

Le Président (M. Bergeron) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Guay (Gérard) : Notre dernière recommandation vise d'ailleurs à renforcer ces objectifs et propose de circonscrire les effets du veto à la communication jusqu'à la majorité de l'enfant. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bergeron) : Je vous remercie de votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous. Le gouvernement dispose d'une période de 16 minutes pour ses échanges avec nos témoins.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, je veux remercier la Chambre des notaires, son président, Me Guay, pour leur participation, pour avoir brisé la glace ce matin dans le cadre de ces consultations.

Puis je vais prendre juste quelques minutes pour saluer, évidemment, les juristes de l'État qui se joignent à nous pour cette consultation. Alors, moi aussi, je souhaite un retour à la table de négo puis je pense que... en tout cas, je sais qu'il y a une volonté en ce sens, de notre côté de la Chambre. Alors, j'ose espérer qu'on puisse se parler, parce que, il me semble, c'est en se parlant autour d'une table qu'on arrive généralement à échanger, beaucoup plus qu'à se regarder, chacun, sans bouger. Alors, bref, simplement vous saluer puis saluer les juristes qui ont participé à l'élaboration du projet de loi, parce que chaque projet de loi, c'est la somme d'un travail qui est souvent méconnu de la part des gens et on sous-estime parfois la participation des professionnels, des juristes de l'État à l'élaboration des projets de loi que l'on amène par la suite ici, à l'Assemblée nationale.

Alors, ceci étant dit, je vais prendre la balle au bond quant à votre recommandation. Bon, vous nous invitez à donner suite au rapport sur le droit de la famille. On le prend différemment, on ne le prend pas dans un gros bloc, on y va en étapes. Aujourd'hui, moi, je suis très heureuse qu'on amorce le dossier, la question de l'adoption, qu'on aborde d'abord et avant tout cette réforme-là avec le dossier de l'adoption, qui, comme le mentionnaient mes collègues, est dans l'air et fait l'objet d'une grande réflexion depuis de nombreuses années. Il y a le rapport de Me Lavallée en 2007. Je sais qu'il y a eu beaucoup de travail fait par les parlementaires. Ma collègue de Joliette a participé aussi au dépôt d'un projet de loi, le projet de loi n° 47.

Dans votre mémoire, à la page 13, vous abordez la question du consentement général en matière d'adoption. Vous proposez, à l'instar d'autres juridictions, notamment la France et la Belgique, que le consentement à l'adoption soit reçu par acte notarié. Actuellement, le code prévoit que le consentement... Actuellement, ce n'est pas un changement majeur que... Le consentement est donné par écrit devant deux témoins. Est-ce qu'en exigeant... Si on devait donner suite à votre recommandation, est-ce qu'on ne complexifie pas la façon de faire actuelle? Première question. Et, bon, vous recommandez que l'acte notarié soit priorisé, que la reconnaissance, à travers cet acte-là, soit priorisée.

Est-ce qu'il y a actuellement, dans l'état du droit, dans la réalité, des enjeux, des problématiques qui ont été portés à la connaissance de la Chambre des notaires et qui justifient cette prise de position de la part de la Chambre des notaires?

• (11 h 30) •

M. Guay (Gérard) : Merci, Mme la ministre. Alors, d'abord, je précise que notre recommandation vise le consentement spécial. C'est évident que le consentement général est donné au directeur de la protection de la jeunesse. Et d'ailleurs vous savez comme moi que l'article 51 du projet de loi prévoit des règles sur les informations qui doivent être transmises par le directeur de la protection de la jeunesse auprès des personnes qui vont donner ce consentement général. On ne voit pas l'équivalent dans le consentement spécial. Et je crois que c'est là que le bât blesse, c'est que le consentement spécial se donne sans aucun cadre juridique, sans que la personne qui donne le consentement spécial n'ait eu d'information tant sur la question des obligations, les effets sur la filiation, l'autorité parentale, sur les questions d'information, parce qu'il va y avoir des droits d'information par la suite.

Donc, c'est pour ces raisons-là que nous croyons que le consentement spécial, qui est quand même un engagement très grand — on comprend que la personne consent à l'adoption de son enfant, là, c'est grave — donc, ça doit être pris dans les meilleures dispositions possible, et il doit être donné donc, effectivement, de façon formelle et de façon à ce que la personne sache bien le consentement qu'elle a donné. Et c'est pourquoi nous croyons que le recours au notaire, qui est un officier public que nous avons au Québec, qui est un juriste de proximité, qui est partout au Québec, serait l'avenue la plus simple et la plus efficace pour permettre que ce consentement soit donné en toute connaissance de cause et de façon à ce que la personne qui le signe soit bien au courant des obligations et des effets du consentement.

Le Président (M. Bergeron) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je comprends votre recommandation, je comprends très bien, vous aviez très bien expliqué le pourquoi, mais ma question, c'en était plus une de curiosité. Est-ce qu'il y a actuellement des situations qui militent pour que ce consentement soit donné par le biais d'un acte notarié devant notaire? Est-ce qu'il y a des situations où un consentement devant témoins n'aurait pas été donné en toute connaissance de cause par les parties? Est-ce que des situations comme ça ont été portées à l'attention de la chambre?

Le Président (M. Bergeron) : Me Guay.

M. Guay (Gérard) : Oui. Bien, par exemple, vous pourriez avoir le cas où le parent d'origine qui donne un consentement ne vient pas au bureau du professionnel, reçoit les documents par la poste, signe ça devant deux témoins.

Alors, actuellement, on n'a aucune balise qui confirme que la personne qui a donné son consentement l'a donné en toute connaissance de cause. Il l'a signé sans vraiment connaître les effets. Alors, effectivement, il y a des situations où le consentement peut être donné sans vraiment connaître les droits. On peut conseiller aux gens qu'ils pourraient y aller, au tribunal, par eux-mêmes sans recourir à un procureur. Donc, ça aussi, ils remplissent des formulaires, alors que, dans le fond, il y a vraiment des effets très grands à cela ici. Alors, c'est des situations qui militent en faveur d'une certaine formalité pour ce consentement comme c'est le cas pour d'autres actes que le législateur croit importants. Je crois que ce consentement est un des actes très importants, puisqu'on donne un consentement à l'adoption de son enfant. Il se doit de revêtir certaines formalités pour s'assurer qu'il soit donné en toute connaissance de cause, parce que sinon il peut être signé par les gens sur un coin de table avec deux témoins sans vraiment que la personne sache tous les effets de l'adoption.

Le Président (M. Bergeron) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Alors, je comprends vos représentations, mais j'essayais de savoir s'il y avait, actuellement, des enjeux, des dossiers particuliers qui avaient été portés. Je comprends la préoccupation puis je comprends le souci de la Chambre des notaires de s'assurer que les parties qui consentent à l'adoption comprennent les tenants et aboutissants du document qui est signé puis aient toute l'information, mais je me demandais tout simplement s'il y avait des cas, là, qui avaient été portés à l'attention qui militent en faveur de cette demande-là ou si c'est simplement une constatation, une recommandation qui fait suite à la lecture du projet de loi.

M. Guay (Gérard) : Mme la ministre, d'une part, ça fait partie vraiment de l'expérience du notaire, la mienne, celle de Me Guignard, et d'autres, de voir ce genre de situation là, donc ce n'est vraiment pas une recommandation qui se donne à l'abstrait, c'est vraiment une recommandation qui est basée sur les faits, sur l'expérience que l'on voit, où, effectivement, on voit que, dans des cas, les consentements sont donnés sans vraiment que les gens aient eu les informations. Et j'aimerais aussi signaler cette nouvelle réalité qui est la maternité de substitution, que les tribunaux ont acceptée, même si le code ne le prévoit pas encore, où, là aussi, ce consentement spécial revêt encore vraiment une grande importance.

Donc, tous ces éléments-là, toutes ces nouvelles réalités-là, comme la maternité de substitution, nous amènent à conclure que ce consentement spécial doit revêtir une certaine formalité pour s'assurer que la personne qui le signe connaisse bien les effets du document, puisqu'on parle vraiment, là, de quelque chose de très important quand on parle de filiation.

Le Président (M. Bergeron) : Mme la ministre.

M. Guay (Gérard) : Me Handfield aimerait peut-être compléter.

M. Handfield (Nicolas) : Peut-être en complément d'information...

Le Président (M. Bergeron) : Je vous demanderais, s'il vous plaît, pour les fins d'enregistrement, de bien vouloir vous présenter.

M. Handfield (Nicolas) : Bonjour. Nicolas Handfield, chef de service aux affaires juridiques à la chambre.

Donc, par exemple, en donnant ce consentement-là, il pourrait arriver qu'une personne donne son consentement mais que, préalable au consentement, il y ait eu une discussion sur : Même si tu donnes ton consentement, je vais te donner accès à l'enfant à Noël et à son anniversaire. Et là la base du consentement de la personne est basée sur : Ah! je vais quand même pouvoir le voir, alors que, malgré que ça va être balisé dans le projet de loi par rapport aux ententes de communication, on le sait quand même, qu'il n'a plus l'autorité parentale. Puis c'est le rôle du conseiller juridique qui est le notaire de lui expliquer c'est quoi, les principes derrière l'entente de communication, ça va être quoi, ses droits, par la suite. Mais ça, c'est un exemple concret sur lequel le consentement pourrait être biaisé s'il n'a pas toute l'information.

Le Président (M. Bergeron) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je vais me faire l'avocate du diable, parce que je sais aussi qu'il y a peut-être aussi des collègues du Barreau qui vous diraient : Bien, un consentement signé devant témoins, lorsqu'un avocat ou une avocate est présent, peut aussi assurer de garantir une bonne information transmise aux parties, et ça pourrait également faire l'objet... Parce qu'il y a souvent des gens qui, avant de signer un consentement, vont aller consulter un procureur.

Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a actuellement une possibilité pour les gens d'avoir accès à de l'information pour ce consentement? Là, on peint une situation un petit peu extrême lorsqu'on parle d'un consentement sur un coin de table, mais il ne faut pas oublier qu'il y a toute cette possibilité pour les parties aussi de recourir aux services, oui, d'un notaire mais aussi d'un membre du Barreau qui pourra expliquer les tenants et aboutissants, ne croyez-vous pas?

M. Guay (Gérard) : C'est évident que nos collègues du Barreau, ils peuvent sûrement très bien expliquer la situation. Mais il faut bien comprendre la différence fondamentale, c'est que, s'il est consenti par acte notarié, ça devient un acte authentique, et ça, dans notre droit, l'acte authentique, c'est comme les certificats de naissance, c'est comme les autres documents, donc, c'est un document officiel reconnu par l'État. C'est la différence fondamentale.

Alors donc, oui, au-delà des commentaires et... plutôt, des informations et conseils prodigués par nos collègues avocats, qui sont sûrement très bien, à leurs clients, il n'en demeure pas moins que l'acte notarié que le notaire recevrait fait preuve, donc, à ce moment-là, devant les tribunaux, irréfragable du consentement. Donc, c'est là un grand effet, c'est, je pense, la grande distinction. Et il n'est pas dit que le client qui va avoir un avocat qui lui donne certains conseils... Si le code prévoit l'acte authentique, prévoit l'acte notarié, à ce moment-là, le notaire pourra évidemment vérifier le consentement et donner ses propres conseils. Mais toujours est-il que le tribunal aura vraiment la preuve que c'est vraiment un consentement donné, et par un acte qui est valide, notre plus grand degré de preuve, soit l'acte authentique.

Le Président (M. Bergeron) : Mme la ministre. Et il reste moins de trois minutes.

• (11 h 40) •

Mme Vallée : Oui. Alors, on va aborder d'autres enjeux. Vous abordez, aux pages 19, 20 de votre mémoire... en fait, vous indiquez qu'il pourrait être souhaitable, dans le cas des adoptions par le conjoint, qu'il n'y ait pas de rupture des liens antérieurs de filiation. Dans le cadre de cette recommandation-là, est-ce qu'il serait souhaitable de maintenir les droits et obligations antérieurs? Et est-ce que, s'il y avait maintien des droits et obligations antérieurs, ça ne pourrait pas créer une certaine résistance, certains enjeux pour l'adoption d'enfants qui sont issus du réseau des centres jeunesse?

Est-ce que ça ne pourrait pas créer une certaine problématique? J'aimerais vous entendre sur cette question.

Le Président (M. Bergeron) : Me Handfield.

M. Handfield (Nicolas) : Ah! Oui. En fait, ce qu'on propose par rapport à la nouvelle forme, c'est un peu... c'est inspiré, comme en droit français, qu'ils appellent l'adoption simple, mais, contrairement au droit français, nous, on précise que c'est seulement par rapport aux droits successoraux et on le précise uniquement par rapport aux adoptions obtenues par consentement spécial, plus souvent qu'autrement par le conjoint qui a donné le consentement. On exclut dans notre mémoire complètement les adoptions issues du réseau de la protection de la jeunesse.

Le Président (M. Bergeron) : Mme la ministre, pour une minute.

Mme Vallée : Vous souhaitez préciser qui est visé par le terme «famille d'origine» pour les ordonnances de communication. Vous suggérez même de préciser que les grands-parents puissent y prendre part. Est-ce que des ententes pour... Pour permettre des ententes entre les grands-parents et puis l'enfant, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir discussion avec le parent d'origine?

Comment voyez-vous cette mise en place de cette communication élargie? Parce que vous élargissez cette entente de communication.

M. Guay (Gérard) : Me Amabili-Rivet va vous répondre.

Le Président (M. Bergeron) : Pour les fins de l'enregistrement, je vous prierais de bien vouloir vous identifier. Il reste moins de 20 minutes, par contre... de 20 secondes, pardon.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Raphaël Amabili-Rivet. J'ai un nom composé, des fois c'est... Ça ne prendra pas 20 minutes.

En fait, ce qu'on propose, c'est vraiment juste de le préciser, parce que «famille d'origine», ça va de... «famille adoptive», par contre, ça va de soi que c'est les parents, mais «famille adoptive», c'est plus large. Donc, c'est vraiment de préciser la portée, là, des termes.

Le Président (M. Bergeron) : Je vous remercie. J'invite maintenant la représentante du deuxième groupe d'opposition, la porte-parole en matière de justice et députée de Joliette, à entreprendre les échanges pour l'opposition officielle pour une période de 9 min 30 s.

Mme Hivon : Oui. Merci, M. le Président. Alors, très heureuse de vous entendre, M. le président de la chambre et les personnes fort instruites qui vous accompagnent ce matin.

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire, qui faisait un retour aussi assez exhaustif sur les différentes étapes dans le cheminement de cette réforme de notre droit en matière d'adoption. Juste revenir rapidement sur la question de l'acte notarié pour le consentement spécial. Mais en fait, lorsque le tribunal, donc, juge de la requête en adoption, il doit s'assurer de la validité et de la qualité du consentement. Pourquoi, pour vous, ce n'est pas suffisant?

Le Président (M. Bergeron) : Me Guay.

M. Guay (Gérard) : ...pour y avoir fait souvent ce genre de demande, au tribunal, le juge prend pour acquis que les consentements ont été donnés correctement sans vraiment d'autre vérification. Alors, peut-être que, si quelqu'un soulevait la question, il irait peut-être demander une preuve, mais jamais on ne va demander, exemple, que la personne qui a donné le consentement vienne le confirmer, ou quoi que ce soit, donc on le prend toujours pour acquis. Or, on voit bien qu'il y a des situations où le consentement peut avoir été donné alors qu'il n'y avait aucun juriste qui donnait l'information sur les effets du consentement ou, comme disait Me Handfield, qu'il s'était fait sous des représentations de certains avantages que pourrait conserver la personne, qui ne sont pas réels.

Donc, ce consentement spécial, compte tenu de son importance, nous croyons que les règles pour l'accorder doivent avoir une certaine formalité. Un consentement spécial d'adoption, c'est aussi important que bien d'autres actes qui sont dans notre code et qui sont soumis à des formalités importantes, que ce soit l'acte notarié ou d'autres façons. Donc, nous croyons donc que ce consentement spécial se doit d'être bien expliqué, avec les effets, et c'est pourquoi que le législateur a prévu, pour le consentement général, des règles précises à l'article 51.

Alors, le directeur de la protection de la jeunesse se doit de donner un certain nombre d'explications, et on comprend et on salue cette disposition, mais nous croyons que, pour le consentement spécial, donc, qui n'est pas donné dans le cadre du réseau de la protection de la jeunesse... se doit aussi de revêtir les mêmes garanties d'information et de conseil. Et c'est pourquoi nous croyons que le consentement par acte notarié, comme le font d'autres juridictions, est la forme préférable, puisque la personne va bénéficier des conseils d'un notaire et du devoir de conseil du notaire par un officier public — rappelons-le, un notaire est un officier public — donc, et qui va donner suite, par la suite, à un acte notarié, donc un acte authentique, qui va donc être déposé au tribunal et qui va faire s'assurer que le respect des droits et obligations des personnes a été fait, a été bien respecté.

Mme Hivon : Je vois quand même une différence dans... Il y a différentes circonstances dans lesquelles l'acte notarié est de mise dans notre droit civil, mais c'est sûr que, quand on va devant le tribunal puis qu'il y a une caution d'un juge, normalement cette qualité-là doit quand même être assurée, je dirais. Mais je comprends votre représentation, là, mais je vois quand même une différence entre, par exemple, bon, quand on vend notre maison, et tout ça, là. Ce n'est pas la même réalité.

J'aimerais revenir à deux choses. Je veux bien comprendre. Quand vous abordez la question de la tutelle dative, qui n'est plus dans le projet de loi, autant que la question de l'adoption sans rupture du lien de filiation, donc, vous militez pour que les deux options demeurent dans la loi. Est-ce que je comprends bien que, dans votre optique, autant l'une que l'autre, c'est essentiellement pour des réalités, adoption ou tutelle dative, intrafamiliales?

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Oui. La réponse, c'est oui. En fait, c'est sûr que les contextes sont propres à chaque situation, mais tout est derrière le besoin de renouveler l'adoption plénière. Puis ces deux propositions-là qui avaient été faites antérieurement, autant la tutelle dative que l'adoption sans rupture du lien de filiation, c'est, en fait, pour... Aujourd'hui, à chaque fois qu'il y a une incapacité parentale qui fait surface, bon, bien, c'est toujours l'adoption qui est la solution, il n'y a pas d'autre mesure alternative. Puis donc la tutelle dative permettait d'être une avenue, en fait, qui faisait en sorte que, le parent qui n'est pas capable d'exercer l'autorité parentale, ça donnait une solution sans rupture du lien de l'enfant, sans qu'il y ait perte de filiation.

Le Président (M. Bergeron) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Puis il y a quand même d'autres alternatives, comme le placement jusqu'à majorité, ou tout ça, sans qu'on passe par une tutelle dative. C'est des réalités, en protection de la jeunesse, qui existent, là. On s'éloigne de la réalité de l'adoption plus formelle, mais il y a quand même des mécanismes de protection qui existent pour un placement à plus long terme, je dirais.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : C'est ça, mais pour les besoins identitaires de l'enfant, pour ne pas qu'il y ait perte de son identité puis de sa filiation.

Mme Hivon : Oui, c'est ça. Là, je faisais plus référence à la question, peut-être, de la tutelle dative, mais je comprends que, dans votre logique, c'est vraiment dans la réalité intrafamiliale. C'est ça.

Là, si on revient à la question de l'adoption sans rupture du lien de filiation, je pense que la raison pour laquelle on est maintenant rendus avec cette réalité-là de la reconnaissance du lien primitif de filiation, c'est parce que, quand on avait eu des auditions, notamment ce qui avait beaucoup ressorti, c'était la nécessité identitaire, donc qu'un enfant, par exemple, plus âgé ne voie pas, du jour au lendemain, tout ça détruit. En même temps, ça posait beaucoup de questions, ça faisait une réalité avec, en quelque sorte, quatre parents, quatre parents qui étaient reconnus formellement sur l'acte de naissance, qui étaient encore dans le décor, même si c'était essentiellement pour des questions identitaires.

Donc, ce qui avait beaucoup ressorti, c'est que ça restait quelque chose de plus symbolique qu'avec des effets, d'où la réalité qui arrive aujourd'hui, donc. Et je comprends que vous aussi, vous reconnaissez que c'est d'abord pour une question de reconnaissance identitaire des liens et non pas d'effets légaux. Je vous suis... O.K.

• (11 h 50) •

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Ce qu'on ajoute, par contre, comme recommandation, c'est de dire : Faites attention, ce n'est pas une nouvelle forme d'adoption, ça reste une adoption plénière avec reconnaissance des liens. Puis, nous, dans nos recommandations — c'est la recommandation 4, d'ailleurs — c'est juste de dire, préciser que c'est une adoption plénière avec conservation, dans l'acte de naissance de l'enfant, de la mention relative à son lien de filiation d'origine, même s'il est rompu. Donc, l'effet plénier de l'adoption est là malgré cette nouvelle mesure là.

Mme Hivon : Je comprends bien, mais pourquoi vous tenez à ce qui serait une nouvelle institution de l'adoption sans rupture du lien de filiation? Il y a la question des droits successoraux, mais ça, on se comprend que ça peut se faire autrement — vous êtes bien placés pour le savoir — par acte notarié.

Donc, pourquoi vous tenez à ce qu'il y ait une adoption en bonne et due forme, sans rupture du lien de filiation plutôt que la simple reconnaissance, dans l'acte de l'état civil, du lien primitif?

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : C'est vraiment en lien avec les nouvelles réalités familiales du Québec. En fait, on pense aux enfants qui ont vécu déjà avec leurs parents, alors qu'avant, quand il y avait l'adoption plénière, l'enfant était confié, dès la naissance, à l'adoption. On pense aussi au rôle prépondérant des grands-parents aujourd'hui. Donc, c'est pour ne pas qu'il y ait de brisure, de cassure vraiment dans ces liens-là, puis qu'il y ait des effets aussi qui sont rattachés plus que la simple reconnaissance.

Mme Hivon : Pour vous, ça serait important qu'il y ait des effets automatiques, donc successoraux, dans ces cas-là. Est-ce que c'est la principale raison pour laquelle vous militez pour cette nouvelle réalité là dans la loi?

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Bien, en fait, on considérait que c'était une avenue intéressante, mais ce n'est pas systématique — en fait, ça va être propre à chaque situation — mais que cette possibilité-là soit là dans l'adoption, que ça ne soit pas juste un seul moule qui soit proposé dans la loi.

Mme Hivon : O.K. En terminant — il ne me reste vraiment pas beaucoup de temps — vous recommandez, là, pour la question des veto, qu'automatiquement, à la majorité, à 18 ans, le veto qui aurait pu être inscrit pour ne pas avoir accès aux renseignements pour une personne adoptée soit levé. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi?

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Bien, en fait...

Le Président (M. Bergeron) : Brièvement, s'il vous plaît.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Pardon?

Le Président (M. Bergeron) : Brièvement, s'il vous plaît.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Oui. Bien, en fait, c'est la raison même du veto. L'objectif du veto, c'est de protéger soit la mère, soit l'enfant, soit les deux. Quand l'enfant est confié à l'adoption, dans certaines communautés culturelles, par exemple, si l'enfant a été conçu en marge des normes sociales, la mère peut être à risque, puis l'enfant peut être à risque. Mais, au-delà de 18 ans, donc, ce risque-là, c'est sûr qu'il est toujours là, mais le besoin identitaire de l'enfant, le besoin de l'enfant de connaître ses origines est là, est un besoin fondamental, selon nous, et, de dire qu'à 18 ans on peut avoir accès à ces informations-là sans nécessairement entrer en contact avec le parent qui, lui, va toujours avoir le veto de contact, bien, on croit que c'est quelque chose qui est fondamental pour l'enfant à sa majorité.

Le Président (M. Bergeron) : Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant le député de Borduas et porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de justice à bien vouloir amorcer son tour de parole, période d'échange qui devra être d'une durée maximale de 6 min 30 s.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Guay, Me Handfield, Me Amabili-Rivet, Me Guignard, bonjour, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je vais y aller sur deux angles. Le premier, sur, bon, l'absence de rupture au niveau du lien de filiation. Vous proposez un modèle en trois possibilités, à la page 20 de votre mémoire. Souvent, en matière d'adoption, supposons, les grands-parents biologiques... Je vais vous donner un cas d'exemple, là. Supposons qu'avec ma conjointe on a un enfant, je décède, elle se fait un nouveau conjoint, marie un nouveau conjoint, donne un consentement à l'adoption au nouveau conjoint. Mes parents à moi, donc les grands-parents de l'enfant, biologiques, n'ont plus de droits sur l'enfant, à part s'ils vont à la cour puis ils se font reconnaître... tout ça.

Est-ce que votre modèle permettrait de corriger cette situation-là? Puis, subsidiairement, j'aimerais vous entendre sur : Comment on fait pour corriger cette situation?

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Bien, en fait, le modèle qu'on propose, c'est, d'une part, des effets juridiques, comme je l'ai mentionné un peu plus tôt. Donc, ce n'est pas nécessairement sur le contact, mais vraiment sur les effets juridiques. Donc, dans votre exemple que vous donnez, si vos parents décèdent à leur tour, ça serait logique que l'enfant, qui a toujours connu ses grands-parents et qui a une relation, il puisse avoir avantage... c'est peut-être mal dit, là, mais qu'il puisse avoir avantage de la succession qui lui soit dévolu. Puis on parle de succession légale aussi, il faut faire attention, on ne parle pas de succession testamentaire. Mais il y a l'aspect contact, il y a l'aspect identité, mais il y a aussi le volet effet juridique.

M. Jolin-Barrette : Donc, vous nous invitez à considérer que le patrimoine des grands-parents pourrait légalement, par les règles de la succession, descendre vers l'enfant biologique au niveau de la filiation biologique.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Exactement. Puis, si vous me permettez, c'est sûr qu'au début on voyait un problème de logique juridique, parce que, selon l'adoption plénière, le lien est rompu. Donc, comment on peut reconnaître des effets juridiques avec des grands-parents si le lien paternel, par exemple, est rompu? Puis, en fouillant un peu plus, on a réalisé que, dans tout ce qui était droit autochtone, au projet de loi n° 113, ça, c'est admis. Donc, nous aussi, c'est un peu, si on faisait du pouce sur ce volet-là, en fait, pourquoi... Si, pour les droits autochtones, il y a des effets juridiques qui sont connus, même si la filiation est rompue, pourquoi est-ce qu'on ne peut pas reconnaître ça pour les adoptions qui sont issues du Code civil du Québec?

Une voix : Allez-y, Me Guignard.

Mme Guignard (Mélanie) : Oui. Mélanie Guignard, notaire. Alors, pour revenir à l'histoire des droits successoraux, pour vous donner un aspect un petit peu plus pratique, dans ma pratique quotidienne, très souvent, quand un grand-parent fait son testament, il va dire : Bon, je lègue ça à mes enfants. À défaut, je lègue ça à mes petits-enfants. Mais des fois on ne prend pas la peine d'indiquer tout le nom des petits-enfants. Alors, imaginons le grand-parent que son fils est décédé, le lien avait été rompu. S'il a mis «mes petits-enfants», bien, le petit-enfant qui a été adopté, il ne peut plus hériter de sa succession. Alors, ce n'est pas juste en cas de dévolution légale où il n'y a pas de testament, c'est également s'il y avait un testament mais qu'on avait utilisé le terme général «grands-parents» que, là, ça peut devenir très utile, notre recommandation.

M. Jolin-Barrette : O.K. À la page 14, vous nous invitez à étudier et à mettre peut-être en place la réforme qui a été proposée par le Comité consultatif sur le droit de la famille notamment sur la procréation assistée, sur la maternité de substitution puis vous soulevez un peu l'incohérence entre la décision de la Cour d'appel qu'il y a eu récemment et l'article 541 du Code civil du Québec. Puis là vous nous dites : Écoutez, surtout, particulièrement là-dessus, on devrait passer devant le notaire pour donner le consentement spécial. Donc, pour vous, c'est une question d'ordre public.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : O.K. Pour le législateur, là, sur la question des mères porteuses, il y a comme un vide juridique. Parce que tout le monde sait que ça se fait, qu'il existe des contrats puis qu'en matière d'adoption, bien, présentement, un enfant qui naît, avec la décision de la Cour d'appel, bien, on se retrouve dans une situation où la mère peut dire : Mère x, mère inconnue, puis le tribunal pourrait entériner actuellement. Quelle est votre opinion là-dessus?

M. Guay (Gérard) : Bien, c'est évident, c'est sûr qu'il y a un vide juridique, et c'est pour ça qu'on invite le législateur à établir des règles sur le sujet pour que ce soit bien clair, parce qu'effectivement, actuellement, on a des décisions des tribunaux, mais il n'y a aucune disposition au code sur le sujet, donc je pense qu'on est un peu... On invite le législateur à émettre des règles claires à ce sujet, où on voit bien que la pratique existe, qu'elle est reconnue par les tribunaux et que je pense qu'il faut... ça devient important qu'il y ait des règles que cette Assemblée nationale puisse adopter.

M. Jolin-Barrette : Et est-ce que la chambre a des propositions pour l'encadrement ou elle se réfère à ce qui avait été proposé dans le rapport du Comité consultatif?

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : En fait, si je peux ajouter, une des propositions — ça se trouve à être la recommandation 2 — l'effet du consentement spécial est immédiat. Donc, il y a une délégation de l'autorité parentale à partir du moment où le parent donne son consentement à l'adoption.

La nouvelle réalité de la maternité de substitution, comme vous le disiez, même si c'est proscrit pour l'entente de gestation pour autrui par le Code civil, les jugements viennent dire qu'on ne peut invoquer une notion d'ordre public en provenance du droit des obligations dans un tel contexte. Ils disent que cette mesure-là n'a pas un caractère souverain et péremptoire devant l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce contexte-là, ce qu'on amène avec le consentement par acte notarié pour le consentement spécial, c'est de dire que la mère... l'intention, que la mère qui est mère porteuse, que le père, ils soient tous avisés des répercussions qu'un tel consentement à l'adoption peut faire, puisque c'est admis par les tribunaux. Donc, on ne s'est pas penchés en profondeur sur la question. C'est sûr qu'on est en train d'évaluer le rapport du Comité consultatif, mais ça, ça pouvait être une avenue intéressante à court terme à intégrer à un projet de loi qui est en cours.

Le Président (M. Bergeron) : Je vous remercie infiniment. Alors, Me Guay, Me Handfield, Me Guignard, Me Amabili-Rivet, je vous remercie de votre contribution aux travaux de cette commission. Je remercie les collègues.

La commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes, soit vers 15 heures cet après-midi. Je vous remercie infiniment.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 113, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et de communication de renseignements.

Nous entendrons, cet après-midi, les organismes suivants : la Fédération des parents adoptants du Québec conjointement avec la Confédération des organismes familiaux du Québec; le Grand Conseil des Cris conjointement avec le Gouvernement de la nation crie et le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James; l'Association des parents pour l'adoption québécoise; et le Mouvement Retrouvailles.

Nous recevons comme premier groupe Mme Marie Simard et Mme Anne-Marie Morel, si je ne m'abuse, représentant la Confédération des organismes familiaux du Québec et la Fédération des parents adoptants du Québec. C'est Mme Simard qui va débuter, je pense. Donc, Mme Simard, vous avez, à moins que ça ait changé, là, 10 minutes pour faire votre présentation, et il y aura une période d'échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Je vous laisse la parole, Mme Simard.

Confédération des organismes familiaux du Québec inc. (COFAQ)
et Fédération des parents adoptants du Québec (FPAQ)

Mme Simard (Marie) : Alors, M. le Président, merci. Merci à tous les élus de nous accueillir ici, les organismes communautaires, la Confédération des organismes familiaux du Québec. Et c'est un mémoire qu'on dépose, qui est cosigné avec quatre autres organisations communautaires autonomes qui oeuvrent dans le domaine de l'adoption. Merci de nous recevoir et d'entendre nos bons coups, ce que l'on salue, et nos préoccupations.

La confédération, rapidement, est un organisme qui date de 1972. Les principes, c'est de regrouper, soutenir et représenter ses membres dans le but de faire la promotion et la défense des intérêts de la famille. Les principaux piliers de la COFAQ sont la reconnaissance du rôle social de la famille dans une politique familiale globale, la reconnaissance du rôle social des parents comme premiers responsables éducatifs des enfants, la reconnaissance de la famille comme pilier de la société et la responsabilité collective envers les familles. Si l'État ne peut pas se décharger, la famille ne peut pas non plus se décharger. C'est d'une commune responsabilité.

L'historique de la COFAQ, juste rapidement, encore une fois. Depuis 2005, la COFAQ aborde les questions que vous avez soumises dans différents projets de loi qui sont morts au feuilleton, disons. Depuis 2005, 2007, 2009, 2012, 2013, il y a eu de nombreux projets de loi déposés, de nombreuses tentatives pour soit améliorer le dossier de l'adoption, ou le dossier de la filiation, ou le dossier d'information.

On a fait notre mémoire que l'on dépose avec... La façon qu'on a fonctionné, quand on a revu le projet de loi n° 113, on a mandaté les organisations, on s'est assis ensemble et on a travaillé. Ça nous a permis, parce qu'en peu de temps... et un projet de loi, c'est probablement votre quotidien, mais, pour nous, de travailler un projet de loi et d'en comprendre les sens à partir de notre sensibilité et de la réalité que l'on voit dans nos différentes organisations, ça a demandé un travail. Ça a été un travail très enrichissant, j'appellerais ça un petit travail d'éducation populaire, entre nous. On a appris plein de choses et on a appris à se connaître entre nous. C'est fantastique. C'est un beau travail qui va rester, et on va continuer à travailler ensemble grâce à vous.

Alors, ce qui nous unit. Je vous dirais que, la volonté de moderniser la loi sur l'adoption et la communication des renseignements, on était tous unis alentour de la table pour dire : Bravo! oui, allons-y, c'est une bonne chose. 2005, 2007, 2009, 2012, 2013; on comprend que ceux qui ont écrit le p.l. n° 113, disons, ont retenu ce qui avait été déposé par les différentes organisations au cours des différentes commissions parlementaires que vous avez tenues. Donc, force est de constater que vous avez retenu certains messages, parce que le projet de loi n° 113, somme toute, a de très belles avancées. Nous étions unis aussi sur la vision que l'adoption est une solution souhaitable pour certains enfants pour leur permettre de s'enraciner dans un nouveau chemin de vie. Nous sommes persuadés que l'enracinement d'un enfant demande de la stabilité sans nécessairement renoncer à la filiation première.

Nous avons aussi lu entre les lignes le grand principe, ni plus ni moins, qui ressortait de la proposition de la réforme du droit de la famille qui a été rédigée par l'équipe mais, entre autres, M. Roy, là, qui a été colligée. L'intérêt supérieur de l'enfant, donc, on sent que c'est ce qui est au coeur du projet de loi. Nous étions unanimes à dire bravo et nous avons aussi maintenu cette espèce d'esprit là à travers nos commentaires : Est-ce que nous étions toujours en phase avec l'intérêt de l'enfant doit primer?

Alors, allons-y, bravo. L'importance du droit à l'information identitaire pour l'adopté, on sent que nous sommes entre bonnes mains et nous espérons que ce projet de loi va passer à une loi et qu'il y aura enfin une réalisation de l'accès identitaire pour l'adopté. Accès facilité en matière d'information identitaire médicale, bravo, amélioration, il reste des petites choses, mais bravo, donc on voit qu'il y a une réelle volonté. L'ouverture à la mise en place d'une nouvelle forme d'adoption. On va appeler ça de l'adoption sans bris de filiation, mais, dans le document, «adoption simple», «adoption sans bris de filiation»... enfin, nous, on s'est entendus pour dire qu'adoption simple équivaut à adoption sans bris de filiation, parce qu'il n'y avait pas de définition dans le projet de loi. Ça fait qu'on n'était pas toujours certains. Mais, pour le bien de notre rencontre, c'est ce qu'on entend et dans notre document.

Le maintien de l'adoption plénière, bravo. Il y a un maintien de l'adoption plénière comme étant une des solutions, dans la mesure où c'est pour le bien de l'enfant, c'est maintenu. C'est une bonne chose. Et, l'ouverture à l'adoption coutumière autochtone, bravo, nous pensons que c'est une ouverture qui était nécessaire et qui est une bonne chose. Donc, bravo.

Ce qui nous préoccupe. On va, d'entrée de jeu, rentrer dans ce qui nous préoccupe. Si l'intérêt supérieur de l'enfant est au coeur du projet de loi n° 113, on est inquiets que d'y aller de façon morcelée nous empêche de garder le fil. On réitère qu'il y a une réforme du droit de la famille qui a été abondamment documentée avec des spécialistes qui s'y connaissent, qui ont travaillé de concertation et on sent que, dans l'adoption, avec l'ensemble des différents modes d'adoption, que ça soit par don de gamètes... c'est complexe, et, d'y aller par morceau, on peut échapper des morceaux et causer des préjudices. Donc, on pense que ça nous préoccupe d'y aller par morceau. On constate aussi dans le document qu'il y a une certaine vision de trilogie dans la vision de l'adoption : les parents adoptants, l'enfant et les parents bios. On considère qu'au-delà de ça il y a toute la question de rechercher sa fratrie. On en profiterait aussi pour dire : On peut peut-être redonner un peu d'espace au père d'origine. Donc, il y a encore une vision lien maternel. Donc, de vraiment travailler sur la reconnaissance de la paternité, la fratrie. Ce n'était pas beaucoup dans le document... ou on ne l'a pas lu. Ça se peut que ce soit de notre part.

Le volet grands-parents, qui était largement documenté dans la réforme de M. Roy; dans le projet de loi n° 113, absence de grands-parents, on les voit moins. Donc, il y a l'importance de les consulter quand ils ont une relation significative avec les enfants, bien entendu. Dans le Code de procédure civile, «afin d'impliquer davantage les grands-parents», on le voit peu dans le projet de loi n° 113, ce qui est peut-être une perte dans le temps. Il y a peut-être là une perte, là, à laquelle il faudrait faire attention. En matière d'adoption intrafamiliale, on n'a pas vu spécifiquement ces cas-là, mais, les adoptions intrafamiliales, on pense que ça serait fort probablement un lieu de favoriser l'adoption simple ou l'adoption sans bris de filiation, que cette forme d'adoption là ait préséance, dans la mesure où c'est pour le bien de l'enfant, ou, à tout le moins, entendre la famille élargie, donc les grands-parents.

• (15 h 20) •

Droit à l'information médicale. On s'échangeait entre nous la question que, exemple, un enfant de Banque-mixte aujourd'hui peut avoir son profil bio de ses parents de 20 ans, 25 ans, mais, dans 20 ans, est-ce qu'il aura encore le droit? Donc, on n'était pas certaines que l'accès à l'information identitaire médicale reste tout le temps. On le souhaite. Ça fait que juste s'assurer qu'on le comprenne bien. Des fois, c'est dans la compréhension de la loi que... Mais on était ensemble et on n'était pas toujours certains. On n'est pas des spécialistes, cela dit, hein? Alors donc, voilà.

Ensuite, petite préoccupation, l'accès à l'information. Actuellement, nos enfants de 14 ans et plus, ils ont le droit de demander leurs antécédents bios et les droits de rencontre et des droits de contact avec la famille biologique à partir de 14 ans sans le consentement des parents adoptants. C'est déjà prévu dans la loi. Alors, on en a largement parlé, ce sont des enfants qui sont fragilisés, vulnérables et qui sont, à l'adolescence, en recherche identitaire, là... tous les enfants, mais ceux-là peut-être un peu plus, et, que ce soit fait sans que les parents adoptants soient au courant, on était vraiment inquiets. Et on a demandé à ce qu'on révise ce point-là pour peut-être le remettre à 18 ans ou sinon, quel que soit l'âge, avec le consentement des parents adoptants, on pense que c'est une démarche qui est certainement saine et louable, mais, de le faire à l'insu des parents adoptants, il y a probablement signal et matière à réflexion, avant 18 ans en tout cas, parce qu'après 18 ans...

Et, cela dit, quel que soit l'âge...

Une voix : ...

Mme Simard (Marie) : Oui, je vais aller vite. Quel que soit l'âge des enfants adoptés, d'offrir des services pour les suivre tout au long de la démarche, non seulement eux, mais la famille adoptive. Quel que soit l'âge, les parents biologiques qui refusent le droit d'accès, le droit de contact avec leurs enfants, on leur offre des services, que nous ayons des services pour qu'on puisse voir s'il n'y a pas là, du moins dans la mesure où ils le veulent, une tristesse qui n'a plus besoin d'être en matière d'adoption.

Préoccupation majeure, tous les services postadoption. Vous nous laissez dans le projet de loi n° 113 beaucoup, beaucoup d'espace pour travailler avec nous-mêmes en ententes de service, les parents adoptants et les familles biologiques, pour le bien de l'enfant, vous nous laissez énormément de latitude, et j'espère que vous allez entendre qu'on aura besoin de services. Donc, oui, c'est bon de déjudiciariser le processus, mais il faut certainement des services sur le terrain pour nous aider à nous suivre.

On vous invite donc à nous mandater, avec les experts et tout le monde, pour qu'on se retrouve, au maximum, dans cinq ans, au jour d'aujourd'hui ou quand la loi sera déposée, à tout le moins, pour qu'on se voie, pour qu'on puisse évaluer... parce qu'après tout on fait ça pour permettre à des enfants de reprendre un chemin de vie et d'avoir une meilleure stabilité. Alors, est-ce qu'on aura réussi? Qui aura fait des demandes d'information, combien d'enfants adoptés auront... et fait en plénier, en simple, en coutumier, pour qu'on ait des données pour qu'ensemble on s'évalue?

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Simard. Je comprends que vous avez juste fait un petit lapsus, parce que la loi est déposée. Vous vouliez probablement dire : Quand la loi va être adoptée, pour se retrouver dans cinq ans. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci beaucoup, Mme Simard, Mme Morel. Merci de votre présence aujourd'hui.

Vous avez fait un travail quand même assez rigoureux sur l'analyse du projet de loi. Malgré les préoccupations que vous avez soulevées, je pense que votre mémoire est quand même assez complet puis reflète vos préoccupations. Et une de ces préoccupations-là, ça concerne la communication des renseignements qui sont relatifs à l'identité d'un adopté ou d'un parent d'origine puis la possibilité de prendre les contacts. Vous émettez un bémol... bien, en fait, vous n'émettez pas de bémol, mais vous soulevez quand même un certain nombre d'interrogations sur l'à-propos de permettre à un mineur de consentir à une telle reprise de contact en l'absence du consentement de sa famille, la famille adoptante.

J'aimerais vous entendre. Est-ce qu'il y a des situations particulières qui vous amènent à soulever cet enjeu-là? Parce que vous nous dressez votre mémoire, mais j'imagine que cette préoccupation-là que vous soulevez, bien, elle est soulevée à la lumière peut-être de témoignages que vous avez pu entendre dans le passé. Puis, en même temps, je vous invite peut-être aussi à le préciser, parce qu'en plus de cette préoccupation-là vous suggérez qu'il y ait un accompagnement, une aide qui soient offerts à l'enfant. Un peu plus loin, vous suggérez aussi une aide pour les parents. Et je me demandais : Est-ce que, cette aide-là, vous souhaitez qu'elle soit aussi offerte aux personnes majeures? Puis vous entendre un petit peu plus sur la forme que ça pourrait prendre, parce qu'il existe actuellement des services, mais j'essaie de comprendre le type d'aide auquel vous faites référence.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Morel.

Mme Morel (Anne-Marie) : Oui. Je vais commencer, et puis Marie pourra compléter. Moi, évidemment, je représente les parents adoptants, donc je vais être capable de vous donner quelques exemples. Mais vous aviez plusieurs sous-questions. Je vais essayer de me rappeler de toutes celles-là.

La première, au niveau des états de situation, c'est sûr qu'il y a des enfants ou il y a des familles où vraiment il y a des gros problèmes d'attachement. C'est davantage PETALES Québec, qui était un des signataires du mémoire, qui pourrait aujourd'hui, là, vous nourrir d'exemples très, très concrets mais des familles où il y a des conflits et où le rajout de cette composante-là, à ce moment de vulnérabilité là, peut venir briser des liens ou nuire à l'identité. Donc, malheureusement, je vous référerais plus à PETALES pour ces exemples concrets là.

Moi, j'ai plus affaire avec des familles classiques, en fait, d'adolescents qui vont reposer, des fois... avec un refus classique d'adolescent : Maman, tu n'es pas fine aujourd'hui, puis qui vont aller se diriger vers une démarche comme ça pour des raisons de maturité, en fait, puis de vulnérabilité. Puis ce n'est pas qu'on veut leur refuser le droit, c'est que ça bouleverse l'enfant, ça bouleverse la famille. Puis tout dépend de l'accueil de l'autre côté. Est-ce que le parent adoptant va... le parent biologique, pardon, est-ce qu'il va l'accueillir comme dans ses rêves, avec toute la joie et le bonheur de le revoir, ou il va refuser de le rencontrer, puis ça va être un autre abandon, ça va être un autre questionnement? Puis l'enfant a besoin, à ce moment-là, d'un certain filet. Et c'est sûr que, la majorité des familles, les relations sont bonnes, et il y a de l'ouverture, mais l'adolescent peut avoir un conflit de loyauté quand il aborde cet enjeu-là avec son parent adoptif, parce qu'ils les aiment profondément, leurs parents biologiques, qui leur ont donné la vie, qui est un lien de sang, mais qu'ils ne connaissent pas, en fait, dans la plupart des cas, mais ils aiment aussi profondément leurs familles et puis ils sont, des fois, embêtés. C'est vraiment compliqué, en fait, pour un enfant de cet âge-là de faire la part des choses et de ne pas vouloir blesser un, de vouloir protéger l'autre. Donc, c'est vraiment dans un contexte général.

Puis je me permettrais de citer une psychologue, ce n'est pas ma profession, donc, une psychologue qui parlait de cet âge-là. On l'a mis dans la lettre que la fédération a mise en annexe au mémoire qui vous a été remis par la COFAQ. Elle disait : «L'adolescence est certes de loin le moment le plus risqué pour favoriser des retrouvailles parce que, dans son exaltation, son impatience, son immaturité et en dépit de son besoin de dépendance, l'adolescent, porté par la possibilité de la rencontre avec la mère idéale, peut gonfler un espoir mythique à la mesure de son rêve, esquiver toute contrainte normale imposée par ses parents adoptifs, instaurer sa relation sur un mode de chantage qui éventuellement entraînera leur épuisement, sinon leur démission et possiblement un nouvel abandon.» Donc, elle, elle le reflétait comme ça. Donc, il y a de l'adolescence de base puis il y a les troubles d'attachement, qui sont deux composantes qui peuvent nuire dans ce processus-là, et c'est pourquoi on disait : Si vous finissez par garder «14 ans», cette période-là, de 14 à 18 ans, elle ne peut pas venir sans un accompagnement vraiment intense. C'est vraiment une période de grande fragilité.

Puis même, si on pousse plus loin la réflexion, on se demandait pourquoi l'enfant peut obtenir contact avec son parent biologique de son côté à 14 ans mais que, le parent biologique, lorsqu'il fait une demande, c'est juste à 18 ans que... du moins, dans certains cas, à 18 ans que la famille et l'enfant vont en être informés. Alors, si on croit qu'à 14 ans un enfant peut être mûr pour ça, pourquoi est-ce que les parents adoptants ne sont pas informés que le parent biologique a fait une demande avant l'âge de 18 ans? Donc, on essayait de comprendre la logique du 18 ans, d'un côté; du 14 ans, de l'autre, puis on n'y est pas arrivés en le temps qu'on a eu. Donc, c'est à peu près ça.

Mme Simard (Marie) : Et je vous dirais qu'au-delà de l'âge physiologique les enfants adoptés sont des enfants qui n'ont pas la maturité comparable à un enfant de 14 ans, donc c'est souvent des enfants qui ont une immaturité. Des enfants qui ont été adoptés à deux ans, deux ans et demi et trois ans, c'est des enfants qui ont très souvent deux ans, deux ans et demi et trois ans de moins de maturité que leur âge physiologique... affective, donc une maturité affective. Donc, on place des jeunes... Et ce n'est pas du tout de vouloir le bloquer, mais c'est de le dire et c'est à l'insu... en fait, c'est le fait que ce soit à l'insu de la famille adoptive. La famille adoptive a peut-être tort de refuser ça, mais aidons-la à trouver le sens positif que son enfant puisse vouloir, donc... Mais là on dit : Oui, mais ils ne peuvent pas le dire, ça fait qu'on est comme dans la quadrature du cercle. Ça fait que vous permettez quelque chose qui est comme... c'est complexe, et je crois profondément que c'est dans la famille que ça va se régler. Il a des frères, des soeurs, cet enfant-là. Souvent, là, il y a des frères, des soeurs.

Donc, dans la réaction de se chercher des parents de substitution fantasmés, absolument, n'importe quel adolescent souhaite que les parents du voisin sont bien plus fins que les siens. Ça fait qu'imaginez, là, c'est les parents biologiques, donc. Et les histoires qu'on raconte du pourquoi ils ont été donnés en adoption, dans les cas des Banques-mixtes, ce n'est pas la mère... À l'époque, ce n'est pas de l'adoption des années 60, là, qui est... Ça fait que c'est des contextes complexes. Alors, je vous invite à repenser à ça.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Ouellette) : Mme Morel, vous aviez un commentaire additionnel?

Mme Morel (Anne-Marie) : Un petit ajout, oui. Je me permets de rajouter : on parle d'une loi qui modifie en matière d'adoption, mais moi, je mettrais un «s» à adoption, parce que c'est ce que tous les groupes, on se posait comme question à chacun des articles du projet de loi : De quelle adoption? Quelle adoption ils avaient en tête? Est-ce qu'il y avait l'adoption régulière d'un petit nouveau-né ou c'est un enfant en Banque-mixte qui a été retiré de sa famille ou un enfant placé avec un parent biologique qui est présent? Donc, on a essayé, à chacun, de voir... Mais il y a plein d'adoptions puis, dans certains cas... puis, particulièrement, de Banque-mixte, puis c'est pour ça qu'on était heureux que l'association pour l'adoption québécoise, qui fait partie du mémoire, va être toute seule. Donc, elle va avoir un 45 minutes pour vous, parce qu'on voulait que les cas de Banque-mixte ressortent vraiment parce que c'est des situations très délicates. Donc, voilà.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Et, lorsque vous parlez de l'accompagnement, du besoin d'accompagnement de l'enfant, à quel type d'accompagnement pensez-vous?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Morel.

Mme Morel (Anne-Marie) : Bien, vous voyez, j'ai oublié une sous-question.

Donc, en fait, au départ, on sait que l'offre de services est différente d'un centre jeunesse à l'autre, hein, c'est régional. Il y a des endroits où on nous disait : C'est environ trois rencontres, donc une rencontre de préparation, la rencontre... et tout ça, mais très autour du moment de cette première rencontre là, alors que les effets, des fois, c'est six mois plus tard. Au début, on est sur un nuage rose parfois. Donc, les effets sont plus tard, puis le service, à ce moment-là, il n'est plus là. Donc, pour l'enfant, on voyait ça comme étant très important.

Pour le parent adoptant, nous, on est un oublié aussi dans ces cas-là, parce qu'on dirait qu'on oublie... quand on parle de la retrouvaille, là ça devient le parent biologique et l'enfant adopté, mais l'impact sur la famille, au quotidien, il est vécu par le parent adoptant à la maison. Et puis on n'a pas aucune formation, aucun outil pour nous préparer à accompagner notre enfant puis pour aussi nous préparer à notre vécu personnel à nous, parce que, veux veux pas, c'est une situation qui est émotive. On souhaite tous que notre enfant n'ait pas de trou dans son identité, qu'il soit heureux, puis ce n'est pas toujours ce que la retrouvaille va donner non plus. Donc, on a des inquiétudes, comme parents, puis ça peut venir nous chercher nous-mêmes aussi au niveau de notre place parentale, hein? Vous l'entendez dans la société : C'est qui, sa vraie mère, c'est qui, son vrai père? Donc, il y a toutes sortes d'éléments qui viennent... puis il n'y a rien qui est offert aux adoptants pour connaître le spectre des possibilités dans ce moment-là, dans cette recherche d'identité là : Comment je soutiens mon enfant puis comment moi, je le vis? On n'a rien.

Donc, ça fait partie des éléments, pour la Fédération des parents adoptants, qui, nous, nous inquiétaient. Donc, une certaine formation où on explique le spectre des possibles... je sais que ça se fait maintenant chez les enfants adoptés à l'international. Entre eux, ils vont se faire des formations pour se préparer à ces rencontres-là, mais au niveau plus local, au niveau du parent, il n'y a pas ces ressources-là. Ça fait partie, pour mon organisation, vraiment, d'un aspect qui est prioritaire.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Simard, en complémentarité?

Mme Simard (Marie) : Bien, à l'instar d'autres... les règlements, la médiation qui a été entreprise depuis quelques années, il y a un certain nombre d'heures, il y a un certain nombre de services, il y a un certain nombre... qui sont offerts. Ça peut être aléatoire. Une famille peut décider que ce serait chez un psychologue, ce serait avec un travailleur social, avec un psychoéducateur. À travers les relations, souvent, de ces familles-là, il y a eu des spécialistes, et leur laisser la latitude d'avoir des services d'un spécialiste en qui ils auront confiance... parce qu'il faut que ce soit une confiance mutuelle, encore là. Et, effectivement, les parents, la remise en question sur : Moi, le rôle de mère, ou le rôle de père... mais il y a toute cette remise en question là, qui est normale, qui est prévisible. Et on peut aussi renforcer les associations. Les associations peuvent servir, mais il faut les outiller, il faut les aider à outiller... Il faut que les parents qui adoptent des enfants sachent que les fédérations existent, que les associations existent.

Ça fait que c'est un ensemble de mesures. Encore une fois, les solutions simples n'existent pas, mais c'est un ensemble de mesures, mais c'est des services concrets, probablement qu'effectivement de permettre aux familles de choisir avec l'enfant, que ce soit un travailleur social, un psychoéducateur, un psychologue, mais de choisir dans sa ressource de confiance, dans son milieu aussi. Les milieux ne sont pas tous les mêmes. Montréal, puis Gatineau, Gaspésie, ce n'est pas toujours les mêmes possibilités.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre, deux minutes.

Mme Vallée : J'aimerais passer à la question des ententes entre les parents, les ententes de communication. Vous faites état dans le mémoire qu'il existe des rapports de force.

Il y a actuellement la possibilité de conclure de telles ententes. Nous, on prévoit la possibilité de conclure de telles ententes sans nécessairement passer par le processus judiciaire, qui, parfois, amène des délais et amène son lot de procédures. Et je souhaite vous entendre un peu sur les problèmes que vous envisagez, parce, nous, dans le fond, ce qu'on prévoit au projet de loi, c'est de mentionner : L'adoption n'empêche pas le maintien de contacts entre la famille qui adopte et la famille biologique.

Maintenant, cette question-là de jeux de pouvoir, pour moi, elle a suscité une interrogation, donc j'aimerais vous entendre.

Le Président (M. Ouellette) : 50 secondes, Mme Morel.

Mme Morel (Anne-Marie) : Je vais faire ça vite. Écoutez, en fait, ce qu'on essayait de juste voir... Parce qu'effectivement il y a des familles où ça se passe à merveille. Puis c'est la meilleure des choses, qu'est-ce que vous proposez, puis c'est là où je rapporte l'adoption avec un «s».

Il y a aussi des familles où c'est un peu plus difficile, où le parent adoptant veut bien faire pour son enfant. Parce qu'on lit dans les livres qu'il faut laisser la place le plus possible aussi aux parents biologiques. Donc, au départ, les intentions sont bonnes, on laisse de la place, puis finalement, par la suite, ça ne va pas nécessairement donner des retombées positives, il peut y avoir un certain envahissement. Puis c'était plus dans ces questions-là, on se demandait : C'étaient des questions... Comme vous l'avez vu dans le mémoire, hein, les organismes, on se demandait : Qu'est-ce qui arrive si le parent adoptant, il veut rompre l'entente mais que le parent biologique n'est pas d'accord, ou vice versa? On se demandait juste : En dehors du processus, qu'est-ce que ça va être, les outils, est-ce qu'il y a de la médiation qui va être prévue si jamais il arrive quelque chose?, puis toujours avec le regard de l'enfant au centre.

Donc, c'étaient beaucoup plus des questions. On ne vous aidera pas beaucoup aujourd'hui avec des réponses très précises.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Morel. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Alors, merci beaucoup à vous deux, Mme Simard, Mme Morel, pour votre mémoire, votre présentation, votre passion. On se revoit. Moi, je revois des gens que j'avais vus il y a plusieurs années, donc c'est beau de voir que la passion est toujours intacte pour défendre ces dossiers-là très importants. Je veux saluer à nouveau... Je pense qu'on est accompagnés de beaucoup de juristes de l'État cet après-midi, donc je salue leur présence.

Écoutez, pour rester sur le même thème, c'est quelque chose qui avait été beaucoup soulevé à l'époque des autres auditions, la question qu'il puisse y avoir un certain marchandage, parce que le parent adoptant, pour obtenir un consentement à l'adoption — on pense aux Banques-mixtes, bon, tout ça — pourrait être prêt à accepter beaucoup de choses pour que le parent biologique puisse dire oui, comme par exemple dire : Il va y avoir une entente de communication. Donc, il va y avoir un échange d'information, sans que ce soit vraiment l'intérêt de l'enfant qui soit nécessairement au coeur de ça, mais peut-être l'intérêt de l'enfant d'un point de vue de parent, de dire : O.K., bien, on va régler le dossier si c'est ça, la condition que ça prend pour obtenir un O.K. à l'adoption.

Est-ce que c'est des réalités qui, déjà... Parce que, dans l'état actuel des choses, ça peut se faire de manière informelle. Est-ce que c'est des réalités avec lesquelles vous composez déjà, je vous dirais, de sentir... Parce que, moi aussi, ça m'a interpellée quand j'ai vu ça, cette espèce de jeu de pouvoir là pour que l'adoption puisse aller de l'avant.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Morel.

Mme Morel (Anne-Marie) : En fait, je vais vous référer plus à l'association, qui va passer tout à l'heure, pour l'adoption québécoise, que leurs membres sont essentiellement des membres de Banque-mixte ou de... ce que vous proposez. Moi, je n'en ai pas beaucoup, de cas, honnêtement. Je suis chanceuse de voir des parents où ça s'est assez bien passé mais où le parent adoptant avait mis aussi certaines limites assez importantes. On le sent, dans le projet de loi, à la lecture, que le projet de loi veut pallier aussi à une réalité de plus en plus courante, qui est le placement à majorité. C'est notre impression, du moins, qu'on a lorsqu'on lit ça. Parce qu'actuellement ce qui arrive, c'est qu'il n'y a pas ce marchandage-là. Pour ne pas allonger le délai, on va placer l'enfant à majorité, puis là, au niveau de la filiation, de l'identité, on voit des problèmes.

Donc, on ne veut pas empêcher ce processus-là, puis que ce soit clair, mais je ne pourrais pas, malheureusement, vous donner, là, comme ça des exemples très concrets.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Juste pour bien comprendre. Vous dites que vous ne voulez pas empêcher quel processus?

Mme Morel (Anne-Marie) : En fait, dans les cas d'adoption simple ou ouverte que vous proposez dans le projet de loi, pour nous, c'est le marchandage en question pour permettre une adoption, voyez-vous? On le voit un peu comme ça, parce qu'actuellement, quand le parent biologique reste présent dans les cas où ça va bien, où il y a une certaine présence, au lieu d'avoir une adoption, il va y avoir souvent un placement à majorité qui va se faire, et puis ça, on voit que, dans certains cas, c'est bon pour l'enfant, dans certains cas ce n'était peut-être pas le meilleur projet de vie. Puis donc l'adoption ouverte qui va permettre plus qu'une filiation, pour nous, c'est une belle réponse à diminuer peut-être ce type de chemin de vie là. C'est ce que je veux dire.

Donc, on n'a peut-être pas le marchandage, puisqu'il y a une nouvelle forme d'adoption que vous rendez possible.

• (15 h 40) •

Mme Hivon : Puis, peut-être juste pour clarifier, en fait, l'adoption que vous dites ouverte, c'est une adoption... la ministre me corrigera éventuellement, là, mais, en fait, l'adoption avec entente de communication, ça demeure une adoption plénière qui ne fait pas en sorte qu'il y a rupture du lien de filiation, donc la... C'est-à-dire qu'il y a rupture du lien de filiation. On est dans une adoption plénière traditionnelle mais à laquelle on jumelle une entente de communication. On se comprend bien? Par ailleurs, il y a la possibilité d'avoir une adoption avec une reconnaissance du lien de filiation. C'est ça. O.K.

Puis, pour revenir à l'autre question, sur la recherche, donc, d'identité pour les adolescents de 14 à 18 ans, je comprends que vous êtes d'accord, dans la mesure où les parents adoptants donnent leur consentement. Donc, vous, vous dites oui si les parents adoptants sont là pour soutenir l'enfant dans ce processus-là. C'est ça, votre position?

Mme Simard (Marie) : ...et même on ajouterait — on l'a écrit : dans la mesure où les parents adoptants donnent leur consentement, on n'a pas nécessairement besoin d'attendre 14 ans ou on n'a pas besoin... De toute façon, c'était 14 ans ou plus sans le consentement des parents ou avec le consentement des parents. Donc, c'est à ce niveau-là, quel que soit... Ça fait qu'on revient un peu... on est en accord avec vous. Quand on a le consentement des parents, il n'y a pas une notion d'âge «avant 18 ans», «après 18 ans», il n'y a pas de notion d'âge, mais, même après 18 ans, je vous dirais, c'est un processus qui touche l'ensemble d'une famille. C'est sûr que nos enfants peuvent, à 22 ans, décider de faire des choix — Dieu sait que je le sais — mais il reste que cette démarche d'adoption là remet en question chez des parents adoptifs leur engagement qu'ils ont eu, à tort ou à raison, la remise en question du rôle qu'ils ont fait : leur enfant n'en a pas eu assez. On peut comprendre que nos enfants adoptés font une démarche et en ont grandement besoin, mais cela ne veut pas dire que nous, on n'est pas affectés par ça. Donc, c'est de l'offrir en support et, oui, quel que soit l'âge. Mais, les 14-18, on vous conseille d'y réfléchir ardemment, dans cette crise identitaire là des 14-18 pour des enfants ordinaires, que j'appelle.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Ça va être intéressant d'entendre le Mouvement Retrouvailles, juste un peu plus tard cet après-midi, sur le point de vue, parce que certains diraient que ça peut aider... je spécule, moi, je ne suis pas une spécialiste, mais, pour en avoir entendu, que ça peut aider la crise d'identité d'un adolescent de pouvoir avoir accès à des éléments manquants de son identité, donc, d'où, je pense, votre suggestion de dire que, s'il pouvait y avoir des services d'accompagnement... Et ça, je pense qu'on va tous s'entendre que ce serait un gros plus au Québec, parce que l'adoption se complexifie énormément, les enfants sont de plus en plus âgés, et tout ça, et donc autant pour l'enfant que pour la famille ce serait une excellente chose.

Est-ce que vous, vous les voyez... juste poursuivre sur ce que vous disiez tantôt à la ministre, vous les voyez dispensés par les centres jeunesse un peu comme un suivi ou vous les voyez plus comme un service qui serait au loisir de chaque parent avec un remboursement de l'État ou vous voyez vraiment une prise en charge des centres jeunesse, qui pourraient assurer un meilleur accompagnement, dans le temps, des parents et des familles qui vivent l'adoption?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Simard.

Mme Simard (Marie) : Oui. Moi, je vous dirais qu'à ce niveau-là de faire une règle... c'est comme n'importe quoi, il n'y a rien de parfait, de faire une règle... Je pense qu'on peut laisser la latitude aux parents avec un remboursement, mais force est de constater que trouver des spécialistes qui connaissent la problématique de l'attachement... Puis, là encore, PETALES étaient avec nous pour rédiger... mais c'est vraiment eux qui sont spécialistes en postadoption... du moins, pas en postadoption, mais en troubles d'attachement, puis il y a des troubles d'attachement chez des enfants non adoptés, là, mais je pense que de connaître les services... Parce que, quand on est une famille, Montérégie, Montréal, peut-être... mais, même Montérégie, de connaître les ressources, de se connaître entre nous, ce n'est pas toujours si simple que ça. On fait des projets, on les fait entre nous. Et puis, bon, veux veux pas, les services sociaux, une fois qu'ils nous ont donné nos enfants en adoption, ils s'effacent, et c'est une bonne chose. Ils nous demandent de devenir des parents pleinement responsables. Donc, s'ils étaient là tous les jours, on se sentirait déresponsabilisés. Mais c'est dans cette espèce de jeu là, qui est mitoyen, je vous dirais, peut-être d'essayer de penser à des mesures qui sont malléables. C'est plus complexe à gérer, mais ça répond plus aux besoins de chacun.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Morel, quelque chose à rajouter là-dessus?

Mme Morel (Anne-Marie) : Je ne veux pas la contredire. Non, en fait, oui, mais moi, j'aurais tendance à dire, là, connaissant l'ensemble des membres qui veulent un accès universel : Donc, s'assurer que tout le monde... Parce que, des fois, on n'a pas les moyens d'avancer tout le temps l'argent pour les spécialistes puis les trouver, puis les temps d'attente... Donc, j'aurais eu tendance à dire : Profitons de l'expertise de nos centres jeunesse et déployons le service à cet endroit-là. Par contre, s'il y a une possibilité de faire une formule hybride, bien, donnons la souplesse et allons-y, mais ne les oublions pas. C'est ça, notre message.

Le Président (M. Ouellette) : 20 secondes, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bien, écoutez, ça va. J'avais une énorme question à vous poser, mais, en vingt secondes, ça va être...

Le Président (M. Ouellette) : Ah! bien là...

Mme Hivon : C'est beau.

Le Président (M. Ouellette) : Je vais aller avec Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Bonjour. Cet avant-midi, on a rencontré des représentants de la Chambre des notaires du Québec qui parlaient du consentement spécial lorsqu'on maintient les liens, puis eux autres nous encourageaient à parler d'un consentement qui serait reçu devant notaire pour s'assurer de la qualité des consentements par les parties impliquées. Est-ce que, de votre côté, vous aviez une opinion à ce sujet-là?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Simard.

Mme Simard (Marie) : Merci, M. le Président. Je vous dirais que je pense que c'est bien, parfois, de signer des documents devant notaire, avec des spécialistes qui nous aident à officialiser, mais c'est au jour le jour que ces ententes-là se vivent. Je pense qu'à ce moment-là l'expérience qui se vit en médiation dans les relations de séparation sont des bons exemples. La déjudiciarisation est une chose excellente, mais il faut comprendre que ça se vit au quotidien. Il faut offrir des services où on a de la communication facile, parce que, de faire respecter une entente, ça dépend de la façon qu'on la lit, ça dépend de l'interprétation, ça dépend du temps, et il y a, malheureusement, dans des relations humaines, toute l'espèce d'appréhension, de dire : Je pense qu'il veut ça ou... Alors, oui, je comprends les notaires de dire qu'il faut que ce soient des ententes formelles, qu'il y ait un aspect formel, mais la vie ne se vit pas dans la formalité, et les visites ne se font pas dans la formalité, donc il restera toujours du gris.

Mme Lavallée : ...la qualité du consentement qui... de la validité et de la qualité du consentement, le fait que le notaire est une personne qui est à l'extérieur, qui représente les différentes parties, s'assurer que chacun comprend les engagements, les obligations et les conséquences du geste qu'ils vont poser, est-ce que, pour vous, vous trouvez que c'est un geste important puis ça peut... je ne sais pas le comment dire, rassurer le geste qu'on est en train de poser, s'assurer que chacun comprend ce qu'il est en train de signer?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Morel.

Mme Morel (Anne-Marie) : Bien, en fait, malheureusement, je ne connais pas tant ce processus-là, donc je vais me faire très brève. Mais je me dis : Actuellement, est-ce qu'il y a des travailleurs sociaux impliqués là-dedans? Il y a des professionnels de la santé qui vont peut-être expliquer les retombées au niveau... Donc, est-ce que ça prend nécessairement le notaire pour valider ce consentement-là? Je ne me prononce pas à cet effet-là. Peut-être que le mécanisme actuel est déjà adéquat. Par contre, d'un point de vue du parent adoptant, ce que je peux vous dire, c'est très important, pour nous, d'être légitimes comme parents puis d'être certains que ce parent biologique là n'aurait pas voulu garder son enfant, qu'il n'a pas été manipulé. Donc, pour regarder notre enfant dans les yeux tous les jours, on veut être sûrs que le consentement soit bien fait, c'est certain.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Mme Simard, Mme Morel, bonjour. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Dans votre allocution, Mme Simard, vous avez dit : Bon, l'adoption plénière, c'est bien, vous la conservez, bravo. Est-ce que vous voulez qu'on la maintienne en intégralité ou qu'on l'adapte, l'adoption plénière? Parce que, dans le fond, l'adoption plénière, là, on parle de rupture des liens de filiation. Ici, dans le projet de loi, avec 113, on vient reconnaître les liens préexistants, mais par contre ça demeure de l'adoption plénière quand même. On casse les liens complets, puis ça peut entraîner des difficultés. Vous l'abordez aussi, là, dans votre mémoire, sur la question des grands-parents. Supposons, les grands-parents biologiques, s'il y a un décès... Tout à l'heure, j'avais donné cet exemple-là aussi avec la Chambre des notaires.

Donc, je voulais savoir : Est-ce que vous voulez maintenir l'adoption plénière?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Simard.

• (15 h 50) •

Mme Simard (Marie) : M. le Président, moi, je vous dirais que de maintenir l'ouverture... Vous avez maintenu une forme d'adoption plénière, qu'elle soit dans le vieux mode... vous savez, même dans un mode plénier où il y a des cas où on pouvait, comme parents, décider de mettre les noms de famille dans l'acte de naissance de notre enfant pour qu'il ait ça, et on dirait : Ne nous obligez pas à le faire...

Je pense que ce qu'on essaie de dire, les parents adoptants — du moins, ce que j'ai entendu de ce qu'ils disaient — c'est de dire : Laissez les modes, les options possibles et outils et aidez-nous à prendre la meilleure décision pour le bien de l'enfant, donc que le plénier soit encore là dans sa façon traditionnelle, jusqu'à date, que le plénier, avec un nouvel ajout... de la façon que la députée de Joliette expliquait, le plénier vu actuellement. Donc, même là, dans la définition de «plénier» — et, honnêtement, je pense qu'alentour de la table on n'avait pas tout à fait compris que c'était un plénier modifié, on pensait que c'était une adoption simple — il y a un petit peu de gris. En même temps, ce n'est pas très grave de maintenir du gris, il faut appeler les choses par leur nom, mais le gris laisse de la latitude.

C'est bien, de la latitude, quand on est outillés pour comprendre et qu'on peut échanger entre parents adoptants dans un processus d'adoption, dans nos associations, comprendre ce qui s'est fait, comprendre l'impact sur nos enfants, comprendre nos enfants. Est-ce qu'on empêche nos enfants d'avoir accès à leurs parents biologiques? Non, pas nécessairement. Donc, je vous dirais, laissez de la souplesse, mais aidez-nous, avec des ressources terrain, la DPJ, avec des gens qui connaissent ça, aidez-nous à prendre la meilleure des décisions.

Le Président (M. Ouellette) : Un complément, Mme Morel, pour finir?

Mme Morel (Anne-Marie) : Ça va être très, très rapide. Je vais simplement répéter qu'il existe des adoptions puis il y a certains cas où la filiation n'est pas nécessairement la bonne chose pour l'enfant. On a des cas d'enfants qu'il y a eu de la violence, toutes sortes d'abus. Il y a des choses où ce n'est pas ce qui est désiré non plus. Donc, laisser une gamme d'outils, ce serait aussi notre approche.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Anne-Marie Morel, Mme Marie Simard, représentant la Confédération des organismes familiaux du Québec et la Fédération des parents adoptants du Québec.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais au Grand Conseil des Cris, au Gouvernement de la nation crie et au Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James de s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 52)

(Reprise à 15 h 55)

Le Président (M. Ouellette) : Nous recevons maintenant le Grand Conseil des Cris Eeyou Istchee, le Gouvernement de la nation crie et le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James.

It's always a pleasure, Grand Chief Matthew Coon Come, to receive you in our commission. You understand the rules also. You have 10 minutes for your presentation, and after that there will be an exchange with the Minister and the two spokespersons of the official and second oppositions. I understand that your presentation will be in English. We have the translation already. And I also understand that you gave the French version to the translator to make sure that everybody will copy what you're going to say in your presentation. So you may present the three persons who are with you, and it's all yours.

Grand Conseil des Cris, Administration régionale crie (ARC)
et Conseil cri de la santé et des services sociaux
de la Baie-James (CCSSSBJ)

M. Coon Come (Matthew) : (S'exprime dans une langue autochtone).

I want to acknowledge, of course, our presence here today in the traditional territory of the Huron-Wendat Nation. I thank them for receiving us.

I am accompanied by Bella Petawabano — on my far right — she's the current chairperson of the Cree Health Board, and, on my right, James Bobbish, he's the former chairperson. Mr. Bobbish was also the Cree representative on the Working Group on Customary Adoption in Aboriginal Communities. One of our legal advisers, Matthew Sherrard, is also with us today.

So I want to thank the Committee for inviting us to share our views on Bill 113. The Grand Council of the Crees of Eeyou Istchee is the political body that represents the, approximately, 18,000 Cree of Eeyou Istchee, our traditional homeland. The Cree Nation Government exercises governmental functions on behalf of the Cree. The Cree Health Board provides health and social services in Region 18 to persons, ordinarily resident or temporarily present, in the region, the vast majority of whom are Cree. This region is made up of Category I and II lands of Eeyou Istchee and includes nine Cree communities.

Our presentation focuses on the aspects of Bill 113 regarding customary adoption. I want to clearly express the support of the Cree Nation for Bill 113 and our support for the collaboration process between Québec and the indigenous stakeholders, including the Cree, that led to its development. We welcome the collaborative approaches to the legislative process. This undoubtedly contributed to our support of Bill 113 today.

Customary adoption has been practiced by the Cree for generations. Despite the dark period of the residential schools and the so-called Sixties Scoop, customary adoption is still practiced today. It remains an integral part of our Cree culture and identity. Customary adoption allows parents to share or transfer their parental responsibilities to family and community members if parents cannot assume them. Some customary adoptions are temporary arrangements, while others result in the child being part of their adopted families permanently. Cree customary adoption is an aboriginal right confirmed by the James Bay and Northern Québec Agreement, a constitutionally protected modern treaty. The Cree have the right to benefit from customary adoption over an adoption process under Québec legislation, if they choose. As stated in our brief, legal effects of Cree customary adoption are already recognized in provincial and federal legislations. In some, Cree customary adoption is valid under Cree customs and domestic law and, as legal effects, it is constitutionally protected.

However, these legal effects are not always recognized by non-Cree third parties. Bill 113 would help to address this problem. This bill begins to harmonize provincial laws with Cree aboriginal and treaty rights regarding adoption. It also reflects the rights of indigenous nations to govern affairs regarding their children. However, the administrative and legal regime proposed by Bill 113 does not affect the aboriginal and treaty rights of the Cree regarding customary adoption. In other words, this regime in no way replaces or changes the constitutionally protected traditional Cree customary adoption regime and its effects. These two regimes would exist in parallel. Cree families could choose whether or not to have a customary adoption attested to by the Cree competent authority under Bill 113. Even if not attested, Cree customary adoptions, in all their forms, continue to have legal effect.

So I thank you for your attention. I will pass the microphone now to James Bobbish, who worked with the Working Group.

• (16 heures) •

M. Bobbish (James) : «Meegwetch». Thank you. Merci. While the Cree have the required jurisdiction and rights to deal with adoption matters, we have always supported the idea of clarifying the Civil Code to facilitate the recognition of the effects of customary adoptions. Cree families have had problems where third parties, such as non-Cree authorities and officials, did not recognize our customary adoptions. In some cases, it even resulted in children being taken away from the Cree. This is a chilling reminder of the days of residential schools and the so-called Sixties Scoop.

In 2008, the Working Group on Customary Adoption was formed to make recommendations on the legislative clarification of effects of customary adoption, among other things. This Working Group was made up of representatives from Québec, the Inuit and First Nations organizations, including myself, designated to represent the Cree Nation. Our Working Group helped to facilitate important discussions regarding customary adoption, including collaborative efforts to consider how its legal effects could be reflected in the Civil Code. The report of the Working Group makes important findings and recommendations, including legislative proposals, to clarify legal effects of certain customary adoptions, many of which are now reflected in Bill 113. As recommended by the Working Group, Bill 113 provides that it's up to an indigenous nation to determine if an adoption has been carried out according to custom. This is done through the competent authority that it designates. This approach is consistent with the Working Group's findings and the Cree position that customary adoption is not subject to a court decision or to an assessment by a Director of Youth Protection to have effect.

Cree customary adoption takes place in the interest of the child, while taking into account that for the Cree Nation the notion of interest includes the interest of the family, of the community and of the Cree Nation. Under Bill 113, where the adopter and child are of different nations, only the competent authority of the child can attest to the adoption. This is consistent with our position and that only the Cree can confirm that the adoption of a Cree child is carried out according to our Cree customs. «Meegwetch». Thank you. Merci. I would like to pass the microphone to...

Le Président (M. Ouellette) : Mrs. Moses.

Mme Petawabano (Bella Moses) : «Meegwetch». Thank you. As mentioned by the Grand Chief, we support Bill 113 and the collaborative process that let to its development. Its approach regarding consent and the interest of the child is consistent with the Cree customary adoption. This has always been a consensual process between Cree families with the support of the community and, in certain cases, its entities. As a reflection of our oral culture, it is usually a verbal agreement with no written documentation. Traditionally, the Cree ensured that our children were duly taken care of and that their interests were protected. The Cree Nation will take appropriate measures to help to ensure that this continues to be the case.

Under Bill 113, an aboriginal customary adoption that recognizes a pre-existing bond of filiation may also, according to custom, allow rights and obligations to subsist between the child and the biological family. This will provide clarity to third parties regarding legal effects. However, Bill 113 needs to be clarified so that there is no ambiguity regarding these pre-existing bonds and any subsisting rights and obligations between the child and the biological parents. As detailed in our brief, this comment applies specifically to the new proposed sections 577 and 577.1 of the Civil Code. Bill 13 is a positive first step in creating a bridge between indigenous customary adoptions and the provincial adoption regime. It clarifies legal effects of customary adoptions resulting in a change of filiation in a way that will be easily recognized by third parties. Ultimately, this bill will help facilitate the exercise of parental authorities and responsibilities in a manner that is clearly recognized by third parties. We will need to continue working together to give clear legal effects to all forms of customary adoptions, including those that are temporary in nature and do not result in a change of filiation.

Adequate resources will also be needed to implement Bill 113, including to support interactions between the indigenous mechanisms and provincial authorities, and to raise awareness of this regime in indigenous communities. We expect that Bill 113 will proceed through the legislative process in a way that respects the results of the collaborative processes implemented through the Working Group and in the development of this bill to date.

We thank the Committee for its attention and we welcome any questions that its members may have. So «meegwetch». Merci. Thank you.

Le Président (M. Ouellette) : You have a conclusion, Grand Chief, or are you ready for the exchange with the Minister?

M. Coon Come (Matthew) : We are ready for the exchange.

Le Président (M. Ouellette) : O.K. Mme la ministre.

Mme Vallée : Well, thank you, «meegwetch», for your collaboration with the Working Group. I think you expressed your thanks, but I wish to express ours, because arriving to this kind of piece of legislation was quite important for us but, at the same time, it was quite important to do it with you. And your collaboration throughout the process is very appreciated, and I wish to extend my thanks to everyone who worked on this in a respectful way.

My first question would be for you to explain... because you talked about the customary adoption and the importance to recognize customary adoption, but, from one nation to another, customary adoption may differ. It may be different from one nation to another, so that's a specificity of the customary adoption.

I would like you to explain to the members of this commission how is customary adoption in the Cree Nation. What does it mean for the Cree Nation when we're talking about a customary adoption? It's important for us, but it's also important for the people who are watching the work of this Committee to understand what we're talking about when we're talking about customary adoption.

Une voix : Mr. Bobbish.

M. Bobbish (James) : I'll try to answer a bit of the question. Thank you.

Customary adoption has been around, as far as I can remember, as far as our grandfathers and forefathers, and it has a lot to do with the existence of a hunting society, which we are, but much more so in the past : it was a means of survival among our groups. And so it was taken upon certain parents that, if another family needed more help, a child would be adopted by another family for the sake of being able to do things within a camp or a community setting.

So it has been around for many generations, and I believe that it has contributed to the continuity of our way of life and that it had allowed a good distribution of resources within the communities and within our families.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Bill 113 provides that each nation will determine the competent authority to determine whether or not we're talking about a customary adoption or if it respects the definition and the customary adoption of the nation.

Have you identified the competent authority that would be in charge for the Cree Nation?

Le Président (M. Ouellette) : Grand Chief.

M. Coon Come (Matthew) : Yes. Thank you very much, Madam Minister. We too appreciate the inclusion of First Nations in the drafting of this Bill 113, and certainly your counterparts contributed to a better understanding of the legal framework for adoption, as provided for under your Civil Code, in recognizing that the Cree, in our case, have always given a choice to our beneficiaries : if they wanted to pursue and follow the Civil Code of adoption, the provincial regime or the customary adoption.

For us, we do have institutions and structures in place. The Grand Council, as you know, is a political body, the Cree Nation Government provides programs and services, and we have an entity of which the chairperson here is present, Bella, who is the chairperson for the Cree Health and Social Services, but they do have other functions, of course, that provide for under the agreement in delivering the programs and services to our people. So we expect that we will pass this responsibility to the Cree Health Board, who has all the expertise, but we do have to have a competent authority, as provided for under the bill. We would probably have to look at a separate... what's that called?, maybe an entity or a separate body under the Cree Health Board and Social Services that could implement, that can do the community consultations, because we still have to explain this document to our people, and would allow each Cree community to be able to contribute towards explaining the customs and how we can address certain issues, all, of course, in the interest of the child, of involving the parents, of involving the community, of also not segregating the biological parents. That is what has made our nation strong, is that we recognized the responsibilities of parents, and, for whatever reason, if they could not carry out their responsibilities, other family members did, the community participated. We even had temporary arrangements. So all these would have to be taken into consideration.

So we will have a competent authority. I believe the Cree Health Board has demonstrated that they can provide social services. They do have a director of youth protection there that can provide with, they do have social workers that can contribute if there's any assessment that needs to be done to the parents or to the adopted... parents, but we do recognize the need to have, probably, a separate department, let's say, that would be the sole responsibility... for implementing.

M. Bobbish (James) : Also, I would like to add that, since this process of customary adoption is to be recognized in the Civil Code, we also have to have the confidence of the Government to realize the works of these competent authorities. So it's not going to be created in isolation of the community or the nation, but it will be a connection between our working levels at the community level and with the governments concerned.

Mme Vallée : How long do you think it's going to take to put in place that process? I'm asking the question because, obviously, we always take into consideration the time where the bill will be put in force.

So how long do you think it will be necessary for you to do the work with the communities and the implementation of that body that would be the competent authority?

M. Bobbish (James) : Yes. I think it's a very good question, and we have to talk about the practical application. It cannot be done, because the words are there now in the law here. We have to build a system, within our communities, that is not there at the moment, and it has to have the confidence both of the third parties we deal with and also with our communities. So there will be a lot of information sessions, and information campaigns, and development of tools that would allow the process to take place.

Mme Vallée : Do you have the number of the... the average, the number of customary adoptions that do take place within the Cree Nation on a yearly basis?

M. Bobbish (James) : Well, being an oral culture, it's... you know, these types of things are based on trust and the word of one family to the other or between different individual families. There is no statistical information, as far as that goes, if it had not been through the regular process that is in place right now, because, the way that these types of adoptions are taken, some are done through the court system, so these may be registered, but there are a lot of, I would say, informal arrangements at the local level, and it's very hard to keep track of exactly what it is in terms of statistics.

Mme Vallée : You are mentioning in your brief that some sections will need some additional clarifications and you're referring to section 577 and section 132. What are your interrogations with regards to these sections?

M. Sherrard (Matthew) : If I may. With respect to that, I think, in the work of the Working Group and in the development of the bill, it was clear the intention is really to ensure that where the custom... And, I guess, to take a step back, you know, fundamentally, the purpose here is to provide a legal and practical regime to give effect to what already has legal effect but is not easily recognized by third parties.

So, in the case of the Cree, there is already a legal effect in the James Bay and Northern Québec Agreement, there is already a legal effect to customary adoption in federal legislation, in provincial legislation, but what this regime provides is a more readily accessible, more widely accessible way to give effect to those customs so that third parties can understand what the legal effects are and that, you know, a family doesn't have to go to court, let's say, in order to prove through all the evidence what their custom is, what the effects are with, you know... with the facts in the case were. And so an important aspect here — and I'm getting to your question, Madam Minister — is to clarify that, for those customary adoptions where there is a pre-existing bond of filiation... is maintained and there are subsisting rights and obligations that continue to exist between the biological parent and an adopted child, that there is no confusion in that regard.

And so, I think, our concern was that, in the new section that is proposed for 577 and 577.1, the general... the way it's presented, it's : the general rule is that there's a rupture of filiation, OK, and, in 577.1, in the latter part, it provides, you know, essentially... unless subject to whatever is provided for in the certificate of the aboriginal authority with regard to subsisting rights and obligations, and I think that is what our concern is. It's not that the bill doesn't reflect what the intention is, but that perhaps there could be room for misinterpretation as to what, you know, the fact that this certificate, where it mentions that there is a subsisting right and obligation between the biological family and the child... that that is given effect and, in fact, that that prevails over the general rule that there is a rupture in the bond of filiation.

So, in essence, there is almost, like, threads of filiation that can be maintained for specific purposes according to custom.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Ouellette) : Thank you. Mme la députée de Joliette, I understand your question will be in French?

Mme Hivon : Oui. Vous comprenez bien.

Le Président (M. Ouellette) : OK. So I will let our guests put the ears on... OK.

Mme Hivon : Parfait. Alors, merci beaucoup de votre présence, M. le grand chef, Mme Moses, M. Bobbish et, votre conseiller juridique, M. Sherrard.

Alors, c'est un plaisir de vous avoir parmi nous, et je pense que votre présence parmi nous, M. le grand chef, montre à quel point votre nation prend cette question-là de l'adoption coutumière au sérieux et comment c'est une question qui est fondamentale pour vous. Je dois vous dire que je suis très heureuse qu'on puisse avancer sur cet aspect-là, qui a fait l'objet de longs travaux. Je regardais les mémoires et je vois que c'est depuis 2008, donc, que vous avez travaillé sur cette question-là au sein d'un groupe de travail. Ça avait fait partie d'un projet de loi que notre gouvernement avait déposé aussi, repris, avec quelques changements, par l'actuel gouvernement, qui en avait aussi déposé un avant nous en 2012. Donc, il y a eu beaucoup de travail. Alors, c'est important de voir aujourd'hui la lumière et de voir qu'on est près d'y arriver, à cette reconnaissance, qui, je pense, est très importante pour votre nation et la nôtre aussi.

Et, justement, je voulais peut-être poursuivre sur ce qui vient d'être dit. Je comprends que l'adoption coutumière, elle est formellement reconnue dans la Convention de la Baie James et donc je voulais mieux saisir pourquoi c'est important qu'elle soit reconnue formellement, que ses effets soient reconnus formellement dans le Code civil pour vous, puisque, déjà depuis des décennies, c'est une pratique qui est reconnue pleinement dans la Convention de la Baie James. Est-ce que c'est parce que, dans le quotidien, il y avait des écueils? Et, si oui, quelles formes de problèmes vous avez vécues, peut-être, au quotidien pour la reconnaissance de la pratique?

Le Président (M. Ouellette) : Mr. Bobbish.

M. Bobbish (James) : It has more to do with third parties that the Cree Nation deals with and that the recognition is real in the community, but a lot of the legal effects cannot take place, and we're talking about, you know, the specific responsibilities of parents. How they are recognized by third parties is the main issue. I think that it will be clearer for us and so much more easier to work with the Government, because, in the implementation process, there will have to be a good dialogue on how it will be done, because it would take the mystery out of it and because we also have to live a practical life in terms of whatever issues and programs are in place. Then, it is only practical that this also be recognized in the Civil Code and that it is understood by the third parties.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Quand vous faites référence aux tierces parties, est-ce que je comprends que c'est essentiellement à l'extérieur de la communauté crie, donc c'est dans toutes les relations avec les organismes de l'État québécois, du gouvernement où il y a eu des problèmes? Je sais que, par exemple, pour les Inuits, le Directeur de l'état civil a développé un peu une pratique qui n'avait pas nécessairement d'assise formelle.

Est-ce que c'est une réalité à laquelle vous avez été aussi confrontés, en lien, par exemple, avec le Directeur de l'état civil?

M. Sherrard (Matthew) : If I may, I will answer in English and I could provide clarifications in French, if you like. I think, to return to your initial question, in the James Bay and Northern Québec Agreement and in the... Vous n'avez pas la traduction, là, je pourrais le dire en français.

Une voix : ...

M. Sherrard (Matthew) : En anglais. In the James Bay and Northern Québec Agreement, in the legislation, it refers in a very general way and recognizes that adoption can be either adoption under the general laws or under customs, but there is no mechanism in the legislation for how those customary adoptions that change families, let's say, would result in the change of a birth certificate or would be otherwise communicated in a way that is easily recognized by third parties such as, you know, a health institution, or a school board for the registration of a child, or, you know, the issuance of «carte de la RAMQ», something like that. And so this is really where the... as Mr. Bobbish was saying, in interactions with third parties, being Government officials and Government departments, that it's... there's no clear mechanism for them to understand and to give effect to these adoptions. And this is a practical regime, essentially, that is being proposed here, that would help to do that in a way that it's not an undue burden and it also respects that it's up to the nation to decide whether or not something is in accordance with its customs, to decide whether an adoption is... or not.

Mme Hivon : Il me reste très peu de temps, et j'ai beaucoup de questions, vous êtes les premiers à venir témoigner, donc, sur la réalité de l'adoption coutumière, donc je vais vous en donner deux ou trois, puis vous pourrez me répondre.

La ministre y a fait allusion, mais, en proportion, parce que, bon, vous avez votre direction de la protection de la jeunesse, vous avez des adoptions qui sont faites qui peuvent ressembler au processus que l'on connaît chez les allochtones aussi, en proportion, est-ce que vous seriez capables de nous donner une idée de combien vous pensez qu'il y a d'adoptions qui sont faites en vertu de la coutume versus le système que nous, on connaît... ou plus similaire à celui général que l'on connaît ici?

L'autre question. Vous avez fait référence, quand vous avez dit qu'il pourrait y avoir matière à clarification, sur la rupture ou non des liens de filiation premiers, donc d'origine. De manière générale, est-ce que, dans l'adoption coutumière crie, ces liens-là subsistent ou non et est-ce que vous allez avoir une pratique uniforme, c'est-à-dire que, dans tous les cas, l'autorité compétente va faire en sorte que ces liens-là vont être maintenus, ou non? J'étais curieuse de savoir comment ça se passait dans la communauté crie.

M. Bobbish (James) : The way it was done in the community. First of all, there is a discussion between two sets of parents to have a child adopted, and it really centers on the care of the child and what is the best interest of the child, but, when the transfer of that child under somebody else's care is there, that child can still go back to their biological parents, but their biological parents will not have the parental authority as what the other group... that the child that is adopted mays also contribute to the other... his blood family. So there is no real barrier. Once that arrangement is made, the child has official parents for, you know, things like care, and discipline, and, what Matthew was saying, about education and health.

So one set of parents has that responsibility, but that child is not stuck not being able to go back and talk with their mother or their father, you know... their biological mother or father. I don't know if I'm answering your question properly.

Le Président (M. Ouellette) : She won't be able to ask another question. Grand Chief.

• (16 h 30) •

M. Coon Come (Matthew) : The Cree, as you know, signed the agreement in 1975. We ensured that we can continue the practice of the customary adoption. So we never really kept statistics since 1975, but it would probably tell our story of how we got adopted, you know, but I won't go into that.

But I think everybody knows now that indigenous peoples have the right to belong to an indigenous community, be raised by that community in accordance with their customs and traditions, I think, maybe also recognizes that the child should not be deprived of the family environment. In our case, the family environment is... and when we say «family», of course, it's the parents, it's the grandparents, it's the aunts, it's the uncles, it's the community that can really raise a child because of the culture that we have. We're hunters, we're fishermen and trappers, and certainly anyone can understand that a child cannot be denied the enjoyment of their culture, because it's about a preservation of a way of life and teaching those customs, those traditions, those values that the child should be able to learn.

So maintaining statistics is pretty difficult, but, I think, if you give us the recognition, which the bill will do, of a competent authority, I'm sure there could be statistics that could be set up so that we have an idea of... Certainly, I'd like to know where Cree are and where people are, where the young children are raised. And certainly we want to maintain that bond with family, you know, and to us that is very crucial, as for Quebeckers, who want to have their own identity, their own culture.

Le Président (M. Ouellette) : Thank you, Chief.

M. Sherrard (Matthew) : If I may, just a quick point, because I think it's an excellent question, it's an important question. I'll be very brief. As an outsider involved in this work with the Cree, it has struck me to what extent... in speaking with people of different generations, how many people had experienced customary adoptions directly or indirectly in their families. It's alive and an active practice.

And the other point I would like to make is, in the work of the Working Group, there were consultations carried out in the communities that confirmed the extent to which customary adoption was practiced and continues to be practiced in the Cree communities. So I think it's very important to underline it's difficult to get statistics because it's not something that is done through the Director of Civil Status, it's a less formal process, but it certainly seems... as an outsider, it seems very present.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Nous allons passer à la... to the Second Opposition, and the question will be in French, by Mme la députée de Repentigny and by M. le député de Borduas. OK. It's going to be M. le député de Borduas to start.

M. Jolin-Barrette : Madame, messieurs, bonjour, merci de votre présence et de votre contribution aux travaux de la commission. J'aimerais, dans un premier temps... si vous pouviez vulgariser l'adoption coutumière. Parce qu'on parle beaucoup, là, depuis le début de la séance... Tout à l'heure, on dit : Bon, bien, dans le n° 113, on va venir le formaliser, surtout pour les tiers, qui ne sont pas dans la communauté, pour faciliter, dans le fond, au niveau de la reconnaissance. Mais, concrètement, vous avez abordé un petit peu le sujet, vous dites : Bon, c'est des familles puis... qui déterminent, dans le fond, qui va s'occuper, par rapport à l'enfant... au niveau de l'adoption coutumière. Mais comment, concrètement, ça se passe, là, dans la communauté?

Le Président (M. Ouellette) : Mr. Bobbish.

M. Bobbish (James) : I can give one example that I'm aware of and close to my family system.

We were still spending a lot of time in a hunting society and we had a family camp. There were two sisters, and one sister had quite a few children, including sons, and one sister was having children, but they died at an early age for some medical reason that was not known at the time, but, because it was a hunting society at large at that time, the one sister allowed one of her sons... and gave that son to live with her sister because they needed help around the camp. Later on in her life, her medical issue became resolved, because she had lost two or three children, and then she started having children that were healthy, and that son that she had that was given by her sister went back to the family. So it was an adjustment made during a time of difficulty.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas. Oh! non. Mrs. Moses, yes.

Mme Petawabano (Bella Moses) : Oh! OK. When we talked about customary adoption, you wanted to know the numbers. Perhaps, maybe, I could say that I am one who has gone through that, because it was my grandparents that had adopted me into their... And it was very easy for that to happen, because I was under their care until I went to residential school, which was when I was 10 years old. But we lived in the same camp, same lodge from year to year and, if we moved, we didn't move very far. But we still were on the land, we traveled, and, when we were back into the community, I was still around the extended family, perhaps... maybe my parents lived in another camp, but I was still in the same, so the bond was still there. And, even as I grew up, we still continued to do celebrations that included not only my grandparents and my family, my aunts and my uncles, but the whole community. So there was no... how would I say, any separation of any bonds from the extended family, except when I went to residential school.

Le Président (M. Ouellette) : ...for the last word.

M. Coon Come (Matthew) : Yes. Maybe just another example, you know, of customary adoption that allows parents to transfer their parental responsibilities to a particular family. So I'm a son of a hunter and I have three sisters. My oldest sister has nine children. So, to help the family, my father then adopted his grandson, raised him up from the time he was very small, and that was customary. What was he doing? He was assisting my oldest sister, who had nine children. He's raising and teaching his grandson how to live off the land, how to survive and how to provide for his own family. And there was no exchange of papers, or documents, or anything like that, but it was understood that the grandparent, in this case, would be raising the child.

Le Président (M. Ouellette) : Thank you — merci — Grand Chief Matthew Coon Come, Mrs. Bella Moses Petawabano, Mr. James Bobbish et Me Matthew Sherrard, représentant le Grand Conseil des Cris, le Gouvernement de la nation crie et le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James, de votre présentation aujourd'hui.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais à l'Association des parents pour l'adoption québécoise de s'avancer.

(Suspension de la séance à 16 h 38)

(Reprise à 16 h 41)

Le Président (M. Ouellette) : Nous recevons maintenant l'Association des parents pour l'adoption québécoise. Mme Carolyne Belso, qui est la présidente de l'association, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Après, il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Vous allez nous présenter la personne qui vous accompagne. Je vous laisse la parole.

Association de parents pour l'adoption québécoise (APAQ)

Mme Belso (Carolyne) : Alors, bonjour. Je vous présente France Labrecque, qui est aussi membre de l'APAQ. Notre mission, c'est de promouvoir l'adoption des enfants québécois, donc, en faisant connaître les réalités de l'adoption québécoise et en faisant connaître la situation de l'adoption locale et ensuite pour favoriser l'entraide, le partage et le soutien mutuel entre les parents qui vivent l'adoption. Ça, c'est notre mission, notre mandat depuis le dernier 20 ans.

Nous remercions la Commission des institutions de l'Assemblée nationale pour l'invitation à se prononcer sur le dépôt du projet de loi n° 113. Malgré le court délai, on a réussi à rencontrer d'autres organismes touchés par l'adoption. Comme l'a présenté Mme Simard, de la COFAQ, on a participé à la rédaction du mémoire qu'elle a présenté. Notre mémoire va être envoyé par courriel dans les prochains jours.

Nous sommes plusieurs à se soucier de l'impact que ce projet de loi aura sur la vie quotidienne des familles touchées par l'adoption, mais, étant donné notre propre réalité, nous sommes reconnaissants de pouvoir soumettre nos préoccupations face aux enjeux qui touchent les familles de l'APAQ. Malgré la tendance actuelle des ordonnances de placement à majorité, beaucoup d'enfants issus de la Banque-mixte ont reçu, depuis plusieurs années, des jugements d'adoption plénière entraînant la rupture de liens de filiation. Les placements de ces enfants de la Banque-mixte font suite à une intervention de la protection de la jeunesse lorsque le développement et leur sécurité sont compromis. C'est dans ce contexte où il est nécessaire de retirer l'enfant d'un environnement violent ou malsain et de négligence que nous souhaitons préciser nos préoccupations. Il faut donc considérer les besoins spécifiques de cette clientèle particulière dans l'énoncé de nos inquiétudes.

En particulier, on voulait regarder... ça a déjà été mentionné avant, alors il y a des préoccupations qui reviennent, effectivement, on voudrait souligner l'importance du soutien de la famille adoptive lors des retrouvailles puis on est préoccupés avec les droits d'un jeune de 14 ans à pouvoir entamer les procédures de retrouvailles sans le consentement des parents. Alors, les préoccupations qui suivent sont en particulier avec ça.

Alors, dans un premier temps, il y a certaines circonstances où le contact avec un parent d'origine pourrait ne pas être bénéfique pour un enfant adopté, surtout lorsqu'il y a un historique de violence ou d'abus. La famille d'où proviennent ces enfants est souvent vulnérable et démunie et représente un réel risque de retrouvailles particulièrement difficiles pour l'adopté. Même si le parent d'origine n'est pas physiquement violent, l'adopté, même adulte, pourrait se retrouver soudainement et involontairement à gérer la précarité ou les dépendances en toxicomanie de son parent biologique et vivre un malaise et un sentiment de culpabilité qui nuiraient à son bien-être. Dans les pires cas, certains parents d'origine pourraient chercher à exploiter la stabilité financière de l'adopté. Alors, c'est des affaires qu'on se pose la question : Qu'est-ce qui est le mieux pour l'enfant?

Il y a un article... 583.2 indique qu'un adopté qui entre en contact avec son parent d'origine, lorsque celui-ci a manifesté un refus de communication, peut être tenu à des dommages-intérêts punitifs. Notre préoccupation avec les enfants qui ont le droit de le faire sans consentement à partir de 14 ans fait que, si un de ces enfants-là, sans malice, faisait des recherches sur ses antécédents avec les médias sociaux et entrait en contact malgré tout... qui est-ce qui serait responsable? D'après nous, ça serait probablement les parents adoptants, qui ne seraient même pas au courant des démarches de l'enfant. Alors, ça, c'est une préoccupation pour nous.

Là, quand on regarde des recherches d'antécédents et retrouvailles avec les différents contextes mis en lumière, l'APAQ maintient qu'il faut faire la distinction entre effectuer des recherches d'antécédents et entamer les procédures de retrouvailles. C'est notre conviction que toutes les informations pertinentes aux antécédents de l'adopté lui appartiennent. Par contre, nous sommes d'avis que la famille adoptive, c'est la mieux placée pour déterminer où et comment l'adopté est apte à vivre les répercussions des révélations de ses origines, parfois troublantes et douloureuses compte tenu de la fragilité émotionnelle de l'adolescent et encore plus particulièrement de l'adopté. Alors, encore une fois, nous, on pousse à revenir à un droit légal à 18 ans. Alors, nous considérons qu'il est primordial que les parents adoptifs soient informés des démarches de recherche d'antécédents de leurs enfants adoptés afin de les soutenir tant au niveau psychologique que moral. Alors, on ne peut pas les aider quand on ne sait pas qu'est-ce qui se passe.

Je pourrais lire le reste, mais finalement ce qu'on regarde, c'est... Nous convenons qu'il serait bénéfique que la famille entière reçoive un soutien postadoptif spécialisé pour de telles démarches afin d'avoir les outils nécessaires pour affronter la réalité d'un contact ou même les conséquences d'un refus et des réactions intenses et parfois douloureuses qui souvent les accompagnent. Alors, on a parlé déjà de soutien postadoptif. Effectivement, on est préoccupés par ça aussi.

Pour l'accès à l'information, nous accueillons favorablement toute mesure d'amélioration à l'accès aux informations médicales, puisqu'il est dans l'intérêt de l'adopté de connaître ses antécédents. Cependant, nous croyons que le projet de loi n° 113 doit porter une attention particulière à l'importance du partage de toute information pertinente à l'adopté lorsqu'elle est disponible. Notre expérience a révélé un manque d'information quant aux antécédents de la paternité même quand le père est connu. Par contre, nous voulons souligner que nous ne sommes pas d'accord avec la notion d'un certificat de naissance qui invoque l'adoption. Ça, on fait juste le mentionner pour que ça soit su. Avant l'âge adulte, le certificat de naissance est requis à plusieurs occasions, lors des inscriptions à l'école ou lors d'une demande de passeport. Nous, ce qu'on tient vraiment, c'est que nous estimons que la divulgation du statut d'adopté appartient à la personne adoptée lorsqu'elle juge pertinent de partager cette information. Donc, avec un certificat qui a déjà une mention dessus, l'information révélant les particularités de la famille de l'adopté serait divulguée à l'insu de celui-ci. Et en plus cette information serait automatiquement disponible à toutes les occasions où le certificat de naissance est requis, peu importe la volonté de l'adopté à partager ou non cette information. Toutefois, inclure une case à cocher, au formulaire de demande de certificat de naissance, indiquant la volonté d'être informé du statut d'adopté nous semble tout à fait acceptable.

Nous, on croit qu'il y aurait des points à clarifier, des zones grises. Par exemple, nous constatons que le projet de la loi n° 113 contient des zones grises. Comme par exemple, bon, il nous apparaît important d'assurer que la loi soit clairement applicable. L'exemple que je voulais revenir, c'est celui-ci, de l'article 579 : «Une entente visant à faciliter l'échange de renseignements ou des relations interpersonnelles peut être conclue entre la famille adoptive et la famille d'origine. L'entente n'a d'effet que si l'enfant âgé de 10 ans et plus y consent, à moins que celui-ci ne soit dans l'impossibilité de manifester sa volonté.» Là, c'est sûr qu'on n'est pas des experts, mais nous considérons qu'il manque de précisions quant à l'enfant et dans quel contexte cet article s'appliquerait. Les enfants, aujourd'hui, sont très à l'affût de l'information, ils sont capables de s'informer, puis ça serait bien plate pour nous autres d'avoir un enfant de 11, 12 ans dire : Aië! j'ai le droit, c'est écrit. Alors, ça serait le fun que ça soit clarifié.

• (16 h 50) •

Dans des circonstances où un parent d'origine a eu un historique de violence, d'abus, ou de maladie mentale, ou même de toxicomanie, permettre l'échange de renseignements ou d'inciter à des relations interpersonnelles ne serait pas toujours souhaitable, même si l'enfant le désirait. De plus, nous nous questionnons à savoir qui trancherait pour déterminer si de tels échanges seraient bénéfiques pour l'adopté sans passer par un processus juridique.

Finalement, nous voulons souligner le manque de services postadoption. L'arrêt complet de services postadoption pour la Banque-mixte, c'est une réalité vécue par nos membres, bien que les besoins des enfants et des familles s'intensifient après un jugement d'adoption et encore plus à l'âge scolaire — dans ce cas-ci, on peut même parler d'adolescence — parce que certains enfants de la Banque-mixte sont adoptés à l'âge scolaire. Le projet de loi n° 113 ne semble pas souligner le financement nécessaire pour soutenir les besoins actuels ni projetés suivant la réforme proposée en matière d'adoption et de communication de renseignements. Dans un tel contexte, il est essentiel de reconnaître et d'appuyer financièrement les organismes qui travaillent à soutenir les familles en adoption.

Pour conclure, nous demeurons convaincus que les modifications visées par la loi n° 113 pourraient avoir un impact positif sur le bien-être des enfants adoptés tant que la loi continue à reconnaître l'importance de maintenir une diversité d'alternatives en matière d'adoption. Nous croyons que le projet de loi implique une reconnaissance de la nécessité d'étudier les circonstances propres de chaque dossier, mais nous décourageons tout glissement vers une approche unique qui nuirait à l'épanouissement de certains enfants et irait à l'encontre de l'intérêt supérieur de ceux-ci. Nous sommes toutefois inquiets quant à la facilité d'accès et la quantité d'informations via le Web et les médias sociaux qui pourraient avoir un impact majeur dans la vie d'un adopté et de sa famille sans en avoir été adéquatement préparés.

Nous espérons que l'APAQ et les organismes concernés soient à nouveau interpellés d'ici une période maximale de cinq ans afin de faire le point sur les modifications apportées et les répercussions en matière d'adoption. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Belso. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci beaucoup, mesdames, de votre participation à nos travaux. Je comprends que vous nous indiquez qu'en plus de votre présentation il y a un mémoire qui suivra, alors je vous remercie de bonifier votre présentation par un document qui servira d'outil de référence dans la suite des choses.

Vous vous interrogez sur l'impact sur les familles. Vous avez mentionné en début de votre présentation qu'il y avait un certain nombre d'adoptions qui faisaient suite à des placements en Banque-mixte, qu'il y avait des contextes particuliers qui amenaient ces adoptions-là et que les familles adoptives, finalement, jouaient un rôle très important auprès des enfants dans des contextes parfois où on vit de l'abandon, où on a des parents biologiques qui ont des problèmes, des enjeux importants, notamment en matière de toxicomanie, et vous nous dites : Nous, on a une préoccupation à certains égards, entre autres sur cette ouverture qui est faite dans le projet de loi à reconnaître, sur le certificat de naissance de l'enfant, sa filiation d'origine. Et vous avez aussi certaines préoccupations quant au maintien des contacts entre l'enfant... les ententes de communication entre les parents et l'enfant.

J'aimerais vous entendre un petit peu davantage, parce que l'objectif de maintenir la référence aux parents d'origine, c'est évidemment dans les contextes où l'intérêt de l'enfant le justifie. Alors, ce n'est pas dans tous les cas, c'est une possibilité qui s'offre dans un éventail de possibilités. Et en quoi c'est préoccupant pour vous? Prenons l'exemple de grands-parents qui vont adopter leur petite-fille. Est-ce qu'il n'est pas important pour cette petite-fille-là que soit reconnu à son certificat de naissance son parent d'origine, avec qui elle va potentiellement maintenir des liens tout au long de sa vie? Vous nous dites : Nous, notre préoccupation, c'est qu'en reconnaissant ce droit-là d'avoir les noms sur le certificat de naissance on vient officiellement indiquer à tous ceux et celles qui auront accès au certificat de naissance le statut d'adopté de l'enfant.

Puis vous, vous apportez un bémol, vous amenez un bémol en disant : Pas certain que ça soit dans le meilleur intérêt de l'enfant. Puis là-dessus j'aimerais vous entendre, parce que, pour certains, l'intérêt de l'enfant, c'est de maintenir ce lien avec le parent, de maintenir ce lien, cette identité et puis là vous nous dites : Bien, il peut y avoir un enjeu à ce que l'enfant soit identifié comme étant un enfant adopté.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Labrecque.

Mme Labrecque (France) : Bien, moi personnellement, j'ai laissé les noms, même de famille, dans les prénoms de certificat de naissance de mes enfants parce que je ne sentais pas de danger pour eux. Mais, dans certains cas de certains de nos enfants, l'adoption plénière, qui ne divulgue pas à tout un chacun... Je vois mal, moi, le certificat de naissance de mon enfant arriver, à la commission scolaire, à la secrétaire et qui voit tout ça, dans un contexte d'adoption difficile qui pourrait mettre en péril l'identité de mon enfant adopté. C'est juste dans des cas... On n'est pas contre l'adoption simple, on n'est pas contre l'adoption coutumière comme les Cris viennent de parler : c'est comme un rêve, là. On passe après eux, c'est comme difficile de justifier notre façon de protéger nos enfants, parce que les enfants en Banque-mixte, c'est des enfants particuliers. Si jamais vous allez à une réunion d'information pour être admissible à vouloir devenir parent d'accueil Banque-mixte, je peux vous dire qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de postulants qui tournent de bord puis qui disent : Ce n'est pas pour nous.

Alors, c'est juste pour mettre en contexte que nous, l'adoption plénière, on y tient dans certains cas, pas nécessairement dans tous les cas. Il y a des cas où ça pourrait, dépendamment du parent adoptant, là, être une adoption ouverte, ça pourrait, mais...

Mme Vallée : Ce concept d'adoption ouverte. C'est ça. Vous, vous dites : Bon, l'adoption plénière, nous, ça nous convient...

Mme Labrecque (France) : ...a existé, oui.

Mme Vallée : ...l'adoption ouverte, on n'est pas complètement fermés, mais toujours en maintenant l'intérêt de l'enfant.

Mme Labrecque (France) : C'est ça. Pour nous, c'est ça, c'est l'intérêt de l'enfant...

Mme Vallée : On dit la même chose.

Mme Labrecque (France) : ...qui est primordial, et non pas l'intérêt du parent biologique ou l'intérêt du parent adoptant. C'est l'intérêt de l'enfant, les circonstances de cet enfant-là en particulier. On ne peut pas faire une généralisation. C'est pour ça qu'on est ravis du projet de loi n° 113, parce que justement ça donne l'ouverture à plusieurs types d'adoption. Et c'est pour...

Le Président (M. Ouellette) : Oui. Continuez.

Mme Labrecque (France) : Et c'est pour ça que le Mouvement des Retrouvailles, à 14 ans... Il y a certains de nos enfants qui nous arrivent qui sont déjà très perturbés à deux ans, trois ans, quatre ans, qui nous demandent de l'énergie et des soins. Vraiment, là, il faut travailler fort pour les ramener à une stabilité puis leur offrir une permanence et qu'ils croient à cette permanence de lien là. On y travaille très fort. Quelquefois, on n'est même pas capables d'arriver à rendre ces enfants-là en confiance assez pour nous considérer comme leurs parents. Puis là vous lui donnez, à cet enfant-là perturbé, à 14 ans... Oh! va voir ta maman biologique, et c'est sans préparation. On ne dit pas non, on dit que nous, on soit informés et qu'il soit aidé par quelqu'un, pas qu'il soit, avec tout son passé et ses difficultés, laissé à lui-même à aller cogner à la porte de ses parents biologiques, de qui il a été retiré dans des circonstances, des fois, assez difficiles. C'est juste pour protéger cet enfant-là de dérapages. Il a déjà été abandonné. Il peut arriver très bien qu'il soit devant un nouveau refus en étant déjà fragilisé.

Alors, c'est juste pour protéger cet enfant-là qu'on demande que les parents adoptants, entre 14 et 18 ans, soient informés de son projet. On n'est pas contre les retrouvailles, ce n'est absolument pas ça, c'est juste de prendre en note l'impact que ça peut avoir.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

• (17 heures) •

Mme Vallée : Dans le fond, vous soulevez ce que vos collègues ont soulevé un petit peu plus tôt cet après-midi, vous dites : Bien, dans certains cas, ça peut être tout à fait opportun. Dans d'autres cas, il serait important pour la famille d'être informée minimalement pour être capable, à la maison, dans le quotidien, de gérer ce qui pourrait suivre.

Moi, je faisais un parallèle, parce que je comprends ce que vous dites, mais, en même temps, on a des enfants de 14 ans qui peuvent consulter des psychologues, qui peuvent d'eux-mêmes, sans parler à leurs parents, dans un contexte de crise d'adolescence parfois, avoir besoin d'aller parler, de se confier à d'autres, d'aller rechercher... Et c'est souvent dans cette période-là, qui est un petit peu colorée, je dirais, à titre de maman d'adolescente, que nos jeunes parfois vont être appelés à se tourner vers d'autres adultes puis c'est ça qui va amener parfois ce besoin de retrouver ses origines. Alors, je comprends ce que vous nous dites. Humainement puis comme maman, je comprends le message que vous nous portez. En même temps, je me dis : Est-ce que ce n'est pas important de respecter cet espace privé de l'enfant qui, peu importe son statut, peut, sans le consentement de ses parents, consulter, aller voir un médecin, et ce qui pourrait amener aussi d'autres impacts?

Donc, est-ce qu'il n'y aurait pas un écart important entre ce droit de l'enfant, à partir de l'âge de 14 ans, d'avoir un contrôle un peu sur sa personne mais de dire à l'enfant de 14 ans : Tu ne pourras pas entamer ces démarches-là, qui sont peut-être importantes pour toi, sans le consentement de la famille adoptée? Je vous pose la question. Puis, en même temps, je me place dans vos souliers puis je comprends aussi la difficulté que des familles pourraient avoir à recevoir cette information-là puis à gérer aussi les réactions qui pourraient s'ensuivre.

Mme Labrecque (France) : Si l'enfant ne nous dit pas qu'il a fait cette consultation-là, comment on va pouvoir l'aider à réagir face à ses réactions? Puis c'est parce que ça n'implique pas juste lui, ça implique la famille biologique, avec laquelle il va peut-être être en contact. Je comprends, il a le droit, médicalement, à aller chercher toute l'information, et tout ça, mais là ça dépasse sa petite personne à lui, ça implique beaucoup d'autres personnes. C'est ça. À 14, 15 ans, est-ce que... Bien, c'est ça, c'est ce que je veux dire, là.

Le Président (M. Ouellette) : En complément, Mme Belso.

Mme Belso (Carolyne) : J'allais dire : Il faut se rappeler le contexte qu'on regarde. Quand on a des enfants en Banque-mixte, souvent c'est des enfants où est-ce qu'ils ont, par exemple, pour une période, des fois, minime mais, des fois, prolongée... de revoir les parents. Puis là il y a tout un vécu qui se fait là-dedans qui est très, très, très difficile à l'enfant de se retrouver puis d'être en sécurité : Puis, bon, bien, si on n'arrête pas de me forcer d'aller voir un parent qui m'a fait du mal, est-ce que ça veut dire qu'un jour on va me laisser là-bas puis je ne peux pas retourner?

Il y a toutes sortes d'affaires qu'on vit avec cet enfant-là, des fois, quand ils sont tout petits et puis un parcours qu'on fait de guérison en famille, qu'on les soutient là-dedans, puis là c'est drôle, à 14 ans, de nous faire enlever ce droit-là, comme adoptant, de les soutenir. Parce que ce qui arrive, c'est qu'on a besoin d'outils, comme parents, de toute façon, dans tous les contextes, mais là, quand on arrive à l'adolescence et puis on a un enfant qui est déjà perturbé, peut-être un enfant... Ce n'est pas ça qu'on dit. C'est pour ça qu'on veut l'ouverture, parce qu'il y a des enfants qui en ont besoin à sept ans, ou 10 ans, ou 12 ans. On n'a pas d'âge quand c'est avec le consentement des parents. Quand on enlève le consentement des parents, bien là l'enfant, il se retrouve complètement tout seul. On a eu la présidente de PETALES qui nous disait qu'il y avait un membre de leur groupement que la petite fille, à 14 ans, elle s'est fait avorter. Elle ne l'a pas dit à ses parents. Elle est devenue en dépression, elle s'est suicidée. Les parents l'ont su après. Ils ont dit : Si on l'avait su, on aurait pu l'aider.

Alors, c'est le même genre de situation qu'on regarde puis qu'on dit : L'enfant, il va peut-être vivre ça difficilement, puis, si on est outillés pour l'aider, même si on lui laisse le droit de le faire tout seul, s'il veut le faire avec un intervenant à la place d'avec nous autres, c'est son droit de le faire, mais qu'on soit au courant pour que, quand il revient à la maison, puis qu'il braille, puis qu'il s'enferme dans sa chambre... Pourquoi? Ah! bien, c'est drôle, c'est parce qu'il vient de rencontrer sa mère puis ça n'a pas bien été. Alors, c'est des petites affaires comme ça qu'on se dit : Si les parents sont au moins avisés... C'est pour ça qu'on mentionne le 18 ans, pas parce qu'on l'empêche à 14 ans, c'est parce que ça peut être n'importe quand avant 18 ans, avec le consentement de l'adulte, des parents, mais le parent adoptant, il a un rôle à jouer là-dedans. Nous autres, on croit vraiment à ça dans le cas de certains de ces enfants qu'on essaie de protéger.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup à vous deux, Mme Belso, Mme Labrecque. Je pense qu'on entend vraiment votre cri du coeur puis à quel point vous nous dites d'être vigilants, dans un sens, tout en disant, quand on a l'intérêt de l'enfant à coeur... je veux dire, les parents adoptants, ils ont l'intérêt de l'enfant à coeur. Puis, à travers tout ce que les parents aussi en Banque-mixte peuvent vivre, je pense que c'est clair qu'il y a beaucoup, beaucoup d'engagement et d'amour pour ces enfants-là. Donc, soyez certaines qu'on entend bien ça.

Moi, ça me ramène aux auditions qu'on avait eues en 2010, on dirait que ça ne fait vraiment pas longtemps, puis il y avait eu une mère qui avait dit, justement, qui avait décrit le parcours un peu de combattant, de quand on s'embarque dans un cheminement en Banque-mixte et que, pendant des années, des fois, c'est des allers-retours parce qu'il y a des droits de visite supervisés avec les parents biologiques jusqu'à tant qu'un consentement à l'adoption arrive... ou, bon, tout ça, et que ça fait des enfants aussi qui vivent des choses très difficiles, qui n'ont pas de repère dans leur attachement ou qui ne savent plus trop, qui ont des conflits de loyauté. Et il y a comme, à un moment donné, une soif de stabilité, et je pense que le rôle des parents adoptants, c'est d'assurer cette stabilité-là. Donc, moi, ce que vous nous dites, je le ressens beaucoup comme un message de nous dire : Assurez au maximum la stabilité émotive de ces enfants-là puis au niveau de leur attachement pour ne pas fragiliser les acquis qu'on peut avoir peut-être durement bâtis au fil des ans puis que bang, ils arrivent à 14 ans... Donc, je pense qu'on... Est-ce que je décris à peu près ce que vous... O.K.

Puis j'aimerais ça, justement, vu que vous avez cette expertise-là... On est dans une réalité qui est complètement différente. L'adoption, aujourd'hui, la majorité des cas d'adoption, je dirais, au Québec, proviennent de la Banque-mixte : des enfants qui souvent sont un petit peu plus âgés, vont avoir quelques années, même plus. Donc, la réalité de ne pas connaître ses origines, là, c'est-à-dire, en termes de l'identité des parents... Évidemment, les parents adoptants, en général, la connaissent. Ils les ont même déjà vus, parce qu'il y a eu, de différentes manières, mais il y a eu des présences, des visites. Donc, les parents adoptants déjà ont cette responsabilité-là de voir à quel moment ils communiquent ces informations à leurs enfants.

Mais est-ce que vous nous diriez que, de manière générale, maintenant la plupart des enfants adoptés au Québec connaissent l'identité de leurs parents biologiques... je ne dis pas qu'ils les voient, là, qu'il y a un contact, mais qu'ils connaissent un peu c'est qui puis un peu leur histoire, parce qu'ils peuvent avoir des souvenirs, aussi, de visite, ou ça varie beaucoup d'un cas à l'autre?

Mme Belso (Carolyne) : Mais ça varie aussi de l'âge, parce que, si on regarde un enfant qui est placé à quatre, cinq, six ans, oui, il aura des souvenirs très, très forts, mais un enfant qui a moins de trois ans, il va peut-être avoir des souvenirs que : Oh! je suis rentré ici puis je pouvais marcher, moi, là, là, j'ai rencontré mon frère puis ma soeur puis j'étais capable de leur parler.

Alors, il y a des affaires qu'ils peuvent se souvenir sans nécessairement se souvenir exactement dans quel contexte qu'ils sont venus. Ils ont des souvenirs, oui, mais là ils ne sont peut-être pas capables de les vocaliser. Puis c'est sûr que, quand on parle de l'identité de leur famille d'origine, c'est perdu, là. Alors, quand on arrive à l'adolescence, que ça soit 13, 14, 18, il y a des choses que... il faut le refaire de nouveau. Puis, de toute façon, ce qu'ils se rappellent de ce moment-là, est-ce que c'est la réalité aussi? Il y a des affaires qu'ils peuvent même voir les affaires plus en beauté puis il y en a d'autres qui peuvent le voir plus atroce aussi. Alors, la réalité des choses : ça peut être un choc, même, quand ils se le rappellent un petit peu.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Labrecque.

• (17 h 10) •

Mme Labrecque (France) : Oui. Moi, je dirais que la plupart des parents disent à leur enfant qui étaient leurs parents biologiques et pourquoi et très tôt, là, tu sais. Ça fait partie maintenant... Je pense qu'il n'y a plus un... c'est très rare, les parents qui cachent ce qui s'est passé. Puis on va avec eux aux visites avec leurs parents. Ils ont quatre, cinq, six ans, tu sais. On ne peut pas cacher ça, là, c'est là.

Mme Hivon : Exact. Je pense que c'est important de le faire ressortir, parce qu'il y a des gens qui pourraient être encore dans un modèle un peu plus traditionnel de l'adoption qu'on voyait dans les films, là. Ce n'est pas exactement la même chose.

Donc, de ce fait-là, votre crainte, elle est beaucoup liée, là, pour la période de 14-18 ans, si les parents ne sont pas informés, à l'idée des retrouvailles, et pas tant à l'idée de connaître, par exemple, le nom des parents ou les antécédents. Mais c'est vraiment la notion de contact et de retrouvailles qui vous inquiète. Est-ce que c'est ça?

Mme Belso (Carolyne) : ...parlait de certificats de naissance tantôt. Il y avait aussi la mention, l'idée que l'enfant, s'il a de la misère à bâtir son identité pour des raisons x... on parle aussi de problèmes d'attachement, dans certains enfants, dans ce contexte-là, quand on travaille tellement fort pour qu'ils se bâtissent ça puis qu'on leur enlève cette identité-là avec leur certificat de naissance, qu'à tout bout de champ ils se font... Finalement, il y a des cas comme France, qui a vécu des expériences avec les enfants où est-ce que, quand l'adoption a eu lieu, c'était un soulagement pour l'enfant. Alors, de se faire littéralement frapper en pleine face avec l'adoption à tout bout de champ, ça peut être nuisible puis ça peut blesser. Alors, c'est pour ça que nous autres, on regarde le droit de l'enfant d'être capable de partager cette information-là, que lui-même va faire sa propre identité. Puis même, les enfants, aujourd'hui, on sait que, des fois, ils vont prendre plus du côté de la mère, plus du côté du père ou bien ils vont prendre le... si c'est un nom composé, ils vont en choisir un.

Il y a des choix qu'ils font, pendant leur adolescence, pour devenir l'adulte qu'ils sont, mais là, ici, on veut juste leur donner ce choix-là.

Mme Hivon : O.K. Il me reste 1 min 30 s, je vais vous poser mes deux questions. Donc, vous savez combien de temps vous avez.

Dans le rapport du groupe qui vous a précédés plus tôt, on parlait que, dans les ententes de communication, pour avoir une entente de communication, il pourrait jouer peut-être certains rapports de force en disant qu'il pourrait y avoir un consentement à l'adoption, par exemple, si on garantit, comme parent biologique, que je vais avoir une entente de communication. J'aimerais ça vous entendre pour savoir si c'est des réalités qui vous font peur, si c'est des choses que vous voyez. Et l'autre élément, c'est... je comprends ce que vous dites pour le certificat de naissance, mais, en fait, l'idée, c'est de dire qu'il y aurait une reconnaissance, dans certains cas, quand l'intérêt de l'enfant le requiert, de la filiation biologique d'origine. S'il n'y a pas cette reconnaissance-là sur le certificat de naissance, il n'y a pas d'autre effet, en fait, à cette... Est-ce que vous diriez que, dans ce cas-là, on devrait complètement éliminer cette possibilité-là? Donc, c'est mes deux questions.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Labrecque.

Mme Labrecque (France) : Pas nécessairement dans tous les cas, mais dans certains cas où, encore une fois, c'est l'intérêt de l'enfant.

Moi, j'ai fait trois adoptions à l'international puis je dis souvent à mon enfant en Banque-mixte : Toi, tu as la chance... tu connais toutes tes origines, tu les as toutes, tu sais. Puis ça le sécurise, sauf qu'il ne veut pas nécessairement que ça soit su par tout le monde, là. C'est à lui, ça lui appartient, ses origines.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Labrecque. M. le député de Borduas. Non? Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Oui. Ce n'est pas tout à fait clair, ce que vous dites concernant la mention dans le certificat de naissance. En tout cas, pour moi, ce n'est pas clair, la mention, dans le certificat de naissance, de la mention «adopté», versus le fait d'en parler à l'enfant. Parce que je prenais connaissance d'une lettre d'appui de la Fédération des parents adoptants du Québec qui disait, bon : «Ensuite, la connaissance du statut d'adopté est, pour nous, un droit de l'enfant. L'expérience a démontré les effets néfastes du secret [et] du mensonge.»

Est-ce que vous faites une nuance entre le fait qu'il y ait une mention au certificat de naissance et le fait de le dire à notre enfant? Pour vous, ce n'est pas pareil, là.

Mme Labrecque (France) : Les noms peuvent être là, mais pas que ce soit marqué «adopté» sur son certificat de naissance et que ce soit marqué «remplacement d'un ancien certificat». C'est ses origines. Ça peut être indiqué, mais pas que ce soit «adopté» ou «nouveau document». Le certificat de naissance, ça va partout, là. Le nombre de fois qu'on utilise ça dans notre vie, il y en a beaucoup. Ces noms sont là, mais ce n'est pas nécessairement que ce soit flashé, en gros, «adopté», «deuxième certificat». Ce n'est pas nécessaire. Lui, il le sait que c'est...

Mme Belso (Carolyne) : C'est sûr qu'on est dans un contexte social où est-ce que la plupart des adoptés savent qu'ils sont adoptés. Ce n'est pas comme il y a plusieurs décennies, où est-ce que c'était toujours caché. Aujourd'hui, les cas de cachette, c'est de plus en plus rare. Alors, c'est pour ça qu'on dit : Oui, s'il y a une place à cocher, pour dire : Aïe! est-ce que je suis adopté?, bien oui, je veux le savoir, tandis que, la plupart des cas, ils le savent déjà. Alors, quand on donne un certificat à quelqu'un d'autre, c'est la mention d'adoption comme... On parle de l'école; bien là, à ce moment-là, tu peux avoir un professeur : Hein? Tu es adopté, toi?, puis là ça va mettre l'enfant en une situation : Bien oui, bien, ce n'est pas normal, pourquoi on m'en parle? Pourquoi on me parle de ça? Je ne veux pas en parler, moi, je ne suis pas prête à en parler.

Alors, qu'il le sache, c'est une chose, mais d'être prêt à le divulguer, ça, c'est quelque chose d'autre. Puis c'est ça qu'on essaie de protéger maintenant : pas le parent, mais l'enfant lui-même.

Mme Lavallée : Qu'est-ce qu'on fait? Parce que vous dites : Dans la plupart des cas, ils le savent. Donc, il y a des cas où ils ne le savent pas, parce que les parents ne veulent pas en parler.

Mme Belso (Carolyne) : On assume, on ne peut pas le savoir.

Mme Lavallée : C'est ça. Donc, à ce moment-là, comment on s'assure que l'enfant ait le droit de connaître sa situation d'adopté si on ne met plus de mention au certificat de naissance? Comment on fait pour que l'enfant puisse le savoir, dans des cas où les parents ne veulent pas en parler, là?

Mme Labrecque (France) : On a un formulaire. Il fait la demande au certificat de naissance qu'il joint une feuille, mais pas que ce soit étampé sur son certificat de naissance, que ce soit une feuille, vous voyez, joint...

Mme Lavallée : ...le Directeur de l'état civil qui serait remis mais qui...

Mme Labrecque (France) : Oui, mais ça, c'est dans les cas... je pense que le Mouvement Retrouvailles peut en parler plus que nous, là, parce que, dans le cas de nos enfants, mon Dieu! je ne le sais pas, s'il y en a qui ne le savent pas, là.

Mme Belso (Carolyne) : Nous autres, on n'a pas eu accès du tout à des parents qui ne l'ont pas mentionné. Non, ce n'est pas quelque chose qu'on a vécu.

Mme Lavallée : J'avais aussi une autre question, parce que, tout à l'heure, vous avez parlé de l'article 583.2, où on parle des dommages-intérêts punitifs. Effectivement, on ouvre une porte, mais on ne sait pas à quoi, parce que, si, exemple, un enfant recherche son parent qui, lui, ne veut pas être retracé... Puis on sait qu'avec les médias sociaux la planète est ouverte, on ouvre une porte à de l'inconnu, là.

Donc, c'est quoi, les dommages-intérêts punitifs? Dans un cas comme ça, ça peut être autant pour le parent, mais ça peut être pour l'enfant qui veut à tout prix le trouver, son parent. Puis, quand ils veulent trouver quelque chose, ils sont capables. Qu'est-ce que vous feriez à la place pour justement qu'on respecte le parent qui, lui, ne veut pas qu'on... pas que l'enfant ne sache pas c'est qui, mais il ne veut pas être mis en contact? Qu'est-ce que vous verriez, autre que ce qui est écrit là?

Mme Labrecque (France) : ...

Le Président (M. Ouellette) : Mme Labrecque...

Mme Labrecque (France) : Excusez-moi. À partir de 18 ans, il est responsable de ses agissements, je vous dirais, mais, entre 14 et 18 ans... Les dommages-intérêts après 18 ans, ça va, ça va lui appartenir, mais, de 14 à 18 ans, vous allez faire quoi? Vous allez faire des dommages et intérêts à un enfant de 15 ans qui a retrouvé sa mère, qui ne voulait pas être retracée?

Mme Lavallée : Le danger, ce serait que le parent adoptant soit celui qui paie.

Mme Labrecque (France) : C'est notre gros point d'interrogation.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Repentigny. Mme Carolyne Belso, Mme France Labrecque, représentant l'Association des parents pour l'adoption québécoise, merci d'être venues rencontrer les membres de la commission.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais aux gens du Mouvement Retrouvailles de s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 19)

(Reprise à 17 h 21)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons le Mouvement Retrouvailles et sa présidente et coordonnatrice provinciale, Mme Caroline Fortin. Mme Fortin, vous allez nous présenter la personne qui vous accompagne. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Après, il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Mme Fortin, à vous la parole.

Mouvement Retrouvailles

Mme Fortin (Caroline) : Alors, premièrement, nous aimerions remercier les membres de la Commission des institutions de nous recevoir ici aujourd'hui dans le cadre de ces consultations particulières, qui nous interpellent directement.

À mes côtés, Mme Réjane Genest. C'est notre secrétaire exécutive, au Mouvement Retrouvailles. Elle est mère adoptive et elle est tante d'une personne qui a été confiée à l'adoption. Elle est dans l'organisation depuis plusieurs années. Quant à moi, Caroline Fortin, je suis une personne qui a été adoptée. J'ai retrouvé ma mère biologique en 1996 et je suis la présidente et la coordonnatrice du Mouvement Retrouvailles.

Donc, vous avez probablement tous lu le document de présentation qu'on vous a fait parvenir la semaine dernière, vous comprendrez donc que nous sommes heureux que le Québec ait enfin décidé d'emboîter le pas, comme la majorité des autres provinces, avec le projet de loi n° 113. Nous sommes ici aujourd'hui pour discuter de certains points qui ont été omis ou qui méritent encore des discussions. Nous ne reprendrons pas l'intégralité de notre mémoire, mais on va toucher à certains points.

Le Mouvement Retrouvailles est ici aujourd'hui pour vous présenter son point de vue uniquement en ce qui a trait aux recommandations touchant au droit à l'identité, soit l'accès aux informations nominatives contenues au dossier d'adoption pour l'adopté et son parent d'origine. La plupart sont déjà connues par les différents partis et ministres en poste au cours des dernières années, et c'est pourquoi nous de les reprendrons pas toutes. Comme le disait quelqu'un à l'arrière, on pourrait repasser les bobines, là, des années... depuis 2009, 2010, 2012, 2013, ce n'est pas la première fois, mais, bon, on va répéter quand même ce que l'on désire. Il nous est permis de croire que nos recommandations ont suscité suffisamment d'intérêt au sein du gouvernement pour qu'enfin les lois actuelles soient révisées et mises à jour. Il est urgent que le Québec ouvre la valve et emboîte le pas à la majorité des autres provinces canadiennes.

Mme Genest (Réjane) : Nous constatons que le gouvernement du Québec semble être prêt pour une avancée majeure mais très prudente en ce qui a trait aux lois régissant certains critères du monde de l'adoption et sur la communication des renseignements.

En ce qui concerne les adoptions antérieures à l'éventuelle mise en vigueur des nouvelles dispositions proposées, celles-ci prévoient des changements uniquement en ce qui a trait au droit à l'identité pour l'adopté. Nous aurions souhaité que le parent d'origine puisse également avoir accès à l'identité postadoption de l'adulte qu'est devenu l'enfant confié à l'adoption. En incluant d'office un refus d'information dans tous les dossiers des adoptés, ceci n'apporte aucun changement au procédé actuel pour le parent d'origine. Au cours de ces dernières années, nous avons toujours mentionné que l'ouverture des dossiers d'adoption devait fonctionner dans les deux sens, ce qui n'est pas le cas avec le projet de loi n° 113. Nous demandons d'enlever l'article 583.1, lequel vient priver l'adopté de son nom d'origine s'il y a refus d'information au dossier. Nous vous demandons : Pourquoi avoir prévu un article spécialement pour les adoptions antérieures, ce qui en fait encore une classe à part?

Nous vous demandons de retirer l'article 583.5, qui vient en contradiction avec l'article 583. Aucun mécanisme pouvant confirmer le statut d'adopté n'a été mis en place, si ce n'est que le directeur de la protection de la jeunesse pourra maintenant informer le requérant qui l'interroge à cet effet. La responsabilité demeure celle du parent adoptant. Pourquoi ne pas prévoir un mécanisme à l'État civil pour informer une personne que son acte de naissance primitif a été modifié par un jugement d'adoption? Ceci pourrait être fait, par exemple, sur demande lorsqu'une personne remplit le formulaire de demande d'un acte de naissance.

Les informations nominatives contenues au dossier de l'adopté pourront être fournies après une période moratoire de 18 mois, sauf s'il y a refus d'information au dossier. Ce refus pourra être inscrit durant une période moratoire de 18 mois suivant l'entrée en vigueur de la loi. Nous considérons que, si une telle période moratoire devait s'appliquer, une période de 12 mois serait suffisante. Il est vrai que ceci permettra à plusieurs personnes du Québec de connaître leurs origines. Par contre, il serait préférable d'ouvrir les dossiers pour tous, tant pour l'adopté que pour le parent d'origine, sans droit de refus à l'information. Nous vous rappelons que plusieurs personnes arrivent à trouver leurs origines via des banques de données génétiques basées sur l'ADN. Lorsqu'ils arrivent à trouver l'identité de la personne recherchée, rien ne les arrête. Cette façon de faire est très répandue de par le monde et au Québec également. Il serait tellement plus facile de dévoiler sa vérité à tous et chacun. Il faut se rappeler qu'en plus des autres faits mentionnés au présent document une personne ignorant son statut d'adopté fournira, sa vie durant, des informations erronées quant à ses antécédents médicaux familiaux et à ceux de sa descendance.

Mme Fortin (Caroline) : Un refus de contact pourrait être mis ou retiré en tout temps. À cet effet, nous suggérons que des informations sur les antécédents médicaux familiaux à jour soient jointes à la demande de refus de contact. À tout le moins, si l'adopté ne peut entrer en contact avec son parent d'origine, il pourra obtenir des informations médicales à jour pour son usage personnel et pour les transmettre à ses descendants.

Les informations nominatives pourront être délivrées un an après le décès du parent d'origine. Ceci est un point très intéressant pour de nombreuses personnes qui savent déjà que la personne recherchée est décédée. On a ici deux personnes, d'ailleurs, qui sont dans cette situation. Alors, il y a énormément de gens qui seraient touchés par cette ouverture, et ça, on doit dire un gros bravo là-dessus. Dans le cas où un refus est déjà inscrit au dossier, celui-ci sera considéré comme un refus d'information et de contact lors de l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi mais sera annulé au décès. Lors de la mise en vigueur d'une éventuelle loi, il serait intéressant de rappeler aux gens qui ont déjà placé un refus à leurs dossiers qu'ils peuvent changer leurs décisions du passé et être accompagnés dans ce processus. Par exemple, une mère qui, à 60 ans, a refusé de rencontrer son fils ou sa fille pour une raison x peut revenir sur sa décision et avoir tout le support nécessaire pour l'aider à vivre cette démarche. Avant de communiquer son identité, la personne recherchée en sera informée et pourra placer un refus de contact. Nous considérons que cette procédure retardera indûment le processus. Dans le cas des personnes introuvables, les informations nominatives pourront être également transmises au requérant après la période moratoire prévue si cette personne n'a pas inscrit de refus. Auquel cas, il ne porte plus le statut d'introuvable.

Considérant nos deux derniers points, nous demandons à ce que l'article 583.7 du projet de loi soit retiré.

Dans le cas où une personne est déclarée inapte, la personne désignée dans son mandat d'inaptitude ou autre personne définie au projet de loi pourra agir en son nom à certains égards. Par contre, il serait important de spécifier si cette ouverture s'élargira à la demande de renseignements. Il est important d'ouvrir à la fratrie les possibilités d'accéder aux informations concernant le parent d'origine, de son parent adopté ou de pouvoir faire une demande de recherche pour un frère ou une soeur confiés jadis à l'adoption par son parent. À ce jour, la fratrie, les personnes concernées par la filiation ou parenté ne peuvent être contactées, à moins qu'il y ait concordance au dossier, soit que le requérant et que quelqu'un de la fratrie aient présenté une demande et que l'intervenant au dossier soit à jour dans ses dossiers réguliers.

La fratrie n'est pas considérée dans les dossiers d'adoption, et le présent projet de loi demeure axé sur la triade, soit l'enfant, le parent d'origine et le parent adoptif. Il faut élargir à la fratrie. Il ne serait plus nécessaire de prouver que le fait d'ignorer ses antécédents médicaux cause un préjudice grave pour avoir accès, via les autorités médicales, aux antécédents médicaux familiaux. Ceci est une lourdeur administrative de moins et qui devrait être très utile.

• (17 h 30) •

Mme Genest (Réjane) : Les recommandations que nous suggérons s'appliquent tant pour l'adoption publique, via les services sociaux, que pour l'adoption privée, celles qui ont été faites par les notaires, les avocats, les curés, et autres. Les dispositions suggérées concernant les personnes adoptées s'appliquent également aux personnes ayant fait l'objet d'un consentement à l'adoption mais qui n'ont pas été adoptées, comme déjà prévu au projet de loi n° 113. Comme nous l'avons mentionné à plusieurs reprises et à différents niveaux, la personne concernée par l'adoption ignore la vérité face à ses origines. D'où vient-elle? Qui lui a donné la vie? Où sont ses racines? Quels sont ses antécédents médicaux familiaux? Où sont ses frères et soeurs d'origine? Ce casse-tête ne sera jamais résolu tant et aussi longtemps que les lois demeureront inchangées. Il est un acte intentionnel d'adopter un enfant. Le confier à l'adoption ne l'était pas à l'époque et ne l'est pas encore aujourd'hui. Dans les deux cas, l'enfant doit être le sujet de l'adoption, et non l'objet. Ses droits et ses intérêts se doivent d'être respectés.

plusieurs personnes confiées à l'adoption devenues adultes. Certes, il se peut que certaines personnes ne soient pas entièrement satisfaites des modifications suggérées, mais il faut retenir qu'il s'agit ici d'un grand pas vers l'avenir. Nous sommes conscients qu'il restera toujours des cas plus délicats ou problématiques, mais il ne faudrait pas priver la majorité de leurs droits pour quelques cas qui peuvent être gérés de façon plus particulière.

De plus, il est important de se rappeler que le fait de connaître son statut d'adopté et son identité ne mène pas automatiquement à des retrouvailles, ou ce qu'on appelle un contact, et que le fait de se retrouver ne donne aucun droit et/ou responsabilité légale aux parties concernées. Ne pas dévoiler l'identité des parties inscrites au dossier d'adoption aux personnes concernées est tout comme de commettre un acte illégal comme celui qui a jadis été posé en procédant à la falsification légalisée des certificats de naissance et/ou de baptême de l'époque sous prétexte de conserver le secret. Nous ne pouvons refaire le passé, mais nous pouvons en corriger des erreurs. Est-ce que le Québec est enfin prêt? Nous le souhaitons ardemment.

Nous vous remercions de l'attention portée à nos recommandations et espérons sincèrement que le gouvernement du Québec adoptera rapidement les nouvelles mesures suggérées, et autres dispositions, lesquelles sont plus adéquates aux valeurs d'aujourd'hui et surtout au respect du droit de l'identité pour tous et chacun. Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Fortin. Mme la ministre.

Mme Vallée : Mme Fortin, Mme Genest, c'est un plaisir de vous revoir. Vous faites partie de ces visages qui sont connus ici des parlementaires parce que vous êtes très impliquées dans ce dossier depuis de nombreuses années. Donc, je pense que c'est opportun de vous remercier de votre participation, encore une fois, aux travaux de la commission.

J'aimerais revenir sur certains éléments que vous abordez dans votre mémoire. Lorsqu'on aborde la période du moratoire à travers... bien, la période où on peut inscrire le droit de refus à la communication des renseignements, vous suggérez plutôt une période de 12 mois plutôt que le 18 mois. J'aimerais vous entendre sur ce qui vous amène à proposer 12 mois plutôt que le 18 mois qu'on retrouve au projet de loi.

Mme Fortin (Caroline) : Parfait. Alors, en fait, on ne préfère aucune période. Donc, ça, c'est clair dès le départ. On préférerait qu'il n'y ait pas question de veto d'information, qui est différent du veto de contact, là. On en fait bien la différence.

Mais, bien, pourquoi 12 mois au lieu de 18? C'est que, comme on traite des adoptions du passé, les membres qui sont chez nous sont des personnes qui attendent depuis des lunes, des années, des dizaines d'années, alors pourquoi encore, en plus, leur remettre un 18 mois? Donc, je pense que 12 mois, bon, c'est trop, mais ce serait plus acceptable, là, selon nous. Je pense qu'en dedans de 12 mois il y aurait moyen, là, de mettre les effectifs en place et de faire en sorte que...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Donc, votre recommandation vise les gens qui sont en attente depuis des années. Vous dites : Là, on fait un pas vers l'avant avec le projet de loi, est-ce qu'on peut réduire le délai d'attente pour des gens qui, depuis des années, souhaitent avoir, obtenir certaines informations?

Mme Fortin (Caroline) : C'est ça.

Mme Vallée : Je pense que c'est important d'échanger. Il y a une raison derrière cette possibilité d'inscrire le refus de communication, d'information. Puis, en fait, je vous tends la perche à savoir comment on pourrait éviter certaines situations.

C'est parce que, si tout est ouvert et l'information est transmise, est-ce que vous ne croyez pas qu'on pourrait se retrouver devant des situations que d'autres provinces ont pu rencontrer, qu'on appelle notamment les boîtes à bébés, où les gens allaient déposer des enfants dans les boîtes à bébés dans les hôpitaux pour ne pas être identifiés? Est-ce qu'on ne met pas à risque la santé et la sécurité des nouveau-nés? Parce que le parent biologique ne veut pas divulguer l'information, donc ne veut pas que personne sache qu'elle a mis au monde un enfant. Est-ce que vous ne croyez pas que de... Je comprends que vous dites : Idéalement, nous, on n'aurait pas cette période-là, où on peut avoir un droit de refus. Mais est-ce que vous ne croyez pas qu'on protège, d'une certaine façon, les enfants contre des réflexes, parfois, de protection de la mère qui accouche, dans toutes sortes de circonstances, et qui n'a pas envie que son identité soit divulguée, soit connue?

Mme Fortin (Caroline) : On parle...

Mme Vallée : Et je ne parle pas des adoptions du passé, là, évidemment.

Mme Fortin (Caroline) : Bien, c'est ça, c'est que ce ne sont pas les mêmes types d'adoption.

Mme Vallée : Tout à fait. On s'entend.

Mme Fortin (Caroline) : Combien a-t-on d'adoptions au Québec? Je ne parle pas de Banque-mixte, là, je ne parle pas de... bon, je parle d'adoption standard. Il n'y en a pas énormément. On parle de, quoi, peut-être 200, 300, maximum, puis, même, 200, je pense que c'est le maximum. Je ne crois pas que ça pourrait causer de problèmes majeurs en ce sens-là. Des boîtes à bébés, ces choses-là, sincèrement, non, personnellement, là, puis je ne pense pas qu'au Mouvement Retrouvailles non plus c'est le genre de choses qu'on voit en 2016. Je ne vous dis pas : Si on était en 1940. On est en 2016.

Mme Vallée : Il y a eu des situations quand même assez contemporaines dans d'autres provinces où on s'est retrouvé dans des situations d'abandon d'enfant dans des contextes qui n'étaient pas toujours simples, d'où l'importance de maintenir pour les adoptions futures cette période où la mère peut prononcer, peut identifier son refus. Maintenant, vous, je comprends, votre réduction du délai et votre volonté d'ouvrir, ce n'est pas pour les adoptions futures, mais pour les adoptions passées.

Mme Fortin (Caroline) : Les adoptions du futur, il me semble que c'est mentionné dans le projet de loi, on parle d'un an après la naissance de l'enfant, O.K.? Mais là moi, je parle des adoptions qui sont déjà faites en date d'aujourd'hui. Pourquoi faire attendre encore une période de 18 mois? Il est là, le point, là. Je ne parle pas de la période d'un an après la naissance de l'enfant. Ça, je peux le comprendre.

Mme Vallée : La période d'un an après la naissance, le Mouvement Retrouvailles n'a pas d'enjeu particulier sur cet aspect-là?

Mme Fortin (Caroline) : Bien, c'est sûr qu'on préférerait... non, mais je pense qu'il faut à un moment donné faire quelques compromis. Puis là-dessus, bien, je pense, c'est plus aussi les organismes, là, de parents adoptants et organismes qui vivent avec les situations d'adoption d'aujourd'hui qui pourraient se prononcer sur ça.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Vous suggérez aussi de modifier le projet de loi pour ne pas protéger le refus à la communication à partir du moment où l'enfant adopté a atteint son 18 ans, à partir de l'âge adulte. Donc, dans le fond, pour vous, selon la proposition que vous avez à la page 9, un adopté qui a 40 ans aujourd'hui, par exemple, pourrait recevoir un coup de fil pour se faire dire que son parent d'origine le cherche ou la cherche sans même savoir qu'il a été adopté ou qu'elle a été adoptée.

Une voix : ...

• (17 h 40) •

Mme Vallée : Et la raison pour laquelle on a prévu la disposition, c'est qu'il y avait une espèce de pacte social à l'époque. Et est-ce que ça ne viendrait pas briser ce pacte social là, où, à une certaine époque, l'adoption avait cours et on s'entendait très bien à l'effet qu'il y aurait un secret absolu et on protégerait ce secret?

Est-ce que vous ne croyez pas que ça viendrait briser ce pacte social là, qui existait? Et est-ce que ça ne pourrait pas perturber les gens? Je vous pose la question, parce que le projet de loi a été bâti dans cet objectif-là, de maintenir une certaine cohésion entre, oui, le besoin de connaître ses origines, de permettre aux gens d'entrer en communication, s'il y avait cette volonté, mais aussi de respecter pour les adoptions du passé certaines situations qui étaient particulières et où, pour toutes sortes de raisons, on a voulu maintenir une distance entre l'adopté et ses parents d'origine.

Le Président (M. Ouellette) : Juste avant que je passe la parole à Mme Genest, je voulais entendre, Mme Fortin, votre oui, parce que j'en ai besoin pour l'enregistrement, là. Je ne sais pas si vous avez un commentaire sur le questionnement de la ministre. Puis après je vais aller à Mme Genest, là. Parce que votre oui, il n'est pas enregistré à l'audio.

Mme Fortin (Caroline) : Oui.

Le Président (M. Ouellette) : C'est bon. Et Mme Genest.

Mme Genest (Réjane) : C'est parce que, quand vous parlez de pacte social... Moi, j'ai adopté dans les années 60. On ne nous promettait pas de confidentialité dans le temps. Alors, moi, quand j'entends toujours parler de pacte social, de confidentialité... Non, on adoptait des enfants, mais il n'était pas question... on ne nous disait pas : Oh! là, il y a de la confidentialité dans les dossiers, et votre enfant ne saura jamais qui sont ses parents biologiques. C'était, sans doute, par défaut, j'imagine, mais, de pacte social, là, il n'y en avait pas, là, ce n'était pas écrit noir sur blanc quelque part. Ça fait qu'aujourd'hui le pacte social, en tout cas, pour moi, ce n'est pas quelque chose, là, qui est important.

Ce qui est important, c'est qu'en 2016, là, les personnes qui ont été confiées à l'adoption devraient avoir le nom de leurs parents biologiques, en tout cas, au début, commençant par la mère et, ensuite, le père quand c'est possible, et le parent d'origine qui a confié un enfant à l'adoption devrait connaître aussi le nom de son enfant devenu adulte. Alors, ça, c'est ma position, là. Alors, le pacte social, je ne connais pas ça.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : Oui. Moi, j'aimerais, bien, peut-être renchérir un peu et répondre aussi à la question de Mme Vallée. Une personne de 40 ans qui reçoit un téléphone aujourd'hui et qui ne connaît pas son statut d'adopté, vous ne trouvez pas ça étrange? Une question comme ça.

Mme Vallée : Non, mais je vous pose la question, parce qu'il peut y avoir toutes sortes de circonstances qui vont avoir amené une famille à faire le choix de l'adoption et à ne pas en avoir parlé à l'enfant, pour toutes sortes de raisons.

Moi, je pose la question parce qu'on essaie de trouver cette voie entre certaines personnes, certains groupes qui, dans le passé, ont dit : Il faut quand même faire attention de protéger ceux ou celles qui ont soit été adoptés et qui n'ont jamais su de toute leur vie qu'ils étaient des enfants adoptés... et protéger cet équilibre-là. Il pourrait survenir un choc, il pourrait y avoir toutes sortes de conséquences. Oui, je comprends, vous nous dites : Non, c'est important pour la personne qui est adoptée de connaître son origine, de savoir qui je suis, d'où je viens réellement. Il ne devrait pas y avoir de raison de ne pas divulguer cette information-là. Moi, je vous dis : Bien, il y a d'autres personnes qui vont dire : Bien, écoutez, pour toutes sortes de raisons, l'enfant a été adopté, on a fait le choix de ne pas expliquer à l'enfant qu'il ou elle était adopté. Il a grandi, elle a grandi avec ses frères et soeurs, et, pour des circonstances qui nous sont propres, on a fait ce choix-là, et tout va bien. Puis est-ce que d'apprendre soudainement, rendu à une certaine étape de sa vie, qu'il ou elle est adopté, ça ne peut pas causer un risque? Je vous pose la question. Je ne vous dis pas que je ne suis pas... C'est parce qu'on doit... Lorsqu'on légifère, il faut essayer de trouver un équilibre entre différentes positions qui sont parfois assez loin l'une de l'autre.

Le Président (M. Ouellette) : ...réponse, Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : Alors, une rapide réponse, oui. Je comprends très bien puis je comprends la question, et tout ça, puis c'est pourquoi, d'ailleurs, qu'on fait mention de l'importance de connaître son statut d'adopté. Justement, bon, on vous a mentionné, là, dans le mémoire, puis on en a parlé tout à l'heure, de faire en sorte qu'une personne peut connaître son statut d'adopté. Donc, lorsque quelqu'un l'appellera à 40 ans pour lui dire que sa mère la recherche, bien, elle le saura, là. Donc, je pense que c'est important à la base. Puis le fait qu'il ne le sache pas... Bien, ça, c'était la responsabilité de ses parents adoptants. Ils ont fait le choix de ne pas leur dire. Je pense que c'est de pénaliser leur enfant devenu adulte de ne pas l'avoir fait.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Fortin. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Je vais continuer sur le même thème, donc ça va.

Le Président (M. Ouellette) : Ah! O.K. Donc, vous allez sûrement avoir l'opportunité, Mme Genest, de rajouter. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Alors, merci beaucoup à vous deux, Mme Fortin, Mme Genest. Vous êtes très importantes, votre mouvement est très important, évidemment en lien avec ce dont nous discutons aujourd'hui.

Donc — rapidement, pour poursuivre — je comprends que, pour vous, ça doit être un droit de connaître son statut d'enfant adopté, je comprends tout à fait. Ceci dit, il y a des circonstances qui peuvent être plus idéales pour le connaître, d'autres moins, donc plus propices au choc, moins propices au choc. Donc, évidemment, on souhaite que les parents le disent à leur enfant. Et je pense que, dans la réalité d'aujourd'hui, c'est le cas du fait de comment l'adoption se fait, mais, compte tenu qu'on vit avec le passé et qu'il y a des gens qui ne pourraient pas le savoir, je veux bien comprendre comment vous articuleriez ce droit-là, c'est-à-dire comment les gens, dans un monde idéal, devraient pouvoir connaître leur statut de personne adoptée.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : En fait, ce qu'on... Bien, est-ce que tu avais quelque chose à ajouter là-dessus?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Genest.

Mme Genest (Réjane) : C'est juste pour dire que la personne qui ne connaît pas son statut d'adopté, toute sa vie, elle va fournir des informations médicales erronées sur sa personne. Alors, ça, c'est très important, là. Tu sais, quand tu ne le sais pas, que tu es adopté, tu donnes des informations de ta famille adoptive, des informations médicales, ce qui est faux, là. Alors, tu peux continuer.

Mme Fortin (Caroline) : Donc, pour revenir à la question, bien, le mécanisme qu'on prévoyait, en fait, c'est qu'une personne... bon, ça a été soulevé tout à l'heure par l'association de l'adoption québécoise, parce que nous, on l'a amené sur le sujet avec la COFAQ, de prévoir... lorsqu'il y a une demande d'acte de naissance, il y a moyen d'ajouter une petite question : Si votre certificat de naissance primitif a été modifié par jugement d'adoption, désirez-vous en être informé? Bon, c'est une idée qu'on lance comme ça, mais la personne qui voudra le savoir, bien, elle cochera oui et elle le saura. Donc, ça, déjà, ça va être une façon de faire. C'est sûr qu'on préférerait qu'à 18 ans, automatiquement, il y a une lettre qui soit envoyée, mais, ça, bon, on en a parlé avec plusieurs, ce n'est peut-être pas la meilleure solution. Mais il faut faire en sorte qu'il y ait un mécanisme, que la personne qui a un doute sur son statut ou même, tu sais, qui veut juste savoir... mais ça ne lui donnera pas automatiquement son identité, mais elle va savoir qu'elle est adoptée et, suite à ça, elle pourra décider d'aller chercher son identité, et tout ça, avec les autres processus qui vont s'ensuivre.

Mme Hivon : Je comprends que vous avez dit d'entrée de jeu que vous estimez que c'est à double sens et donc que vous ne comprenez pas pourquoi un enfant qui a été adopté qui peut être devenu un adulte pourrait garder le droit de ne pas vouloir que son identité soit connue de ses parents. Est-ce que je vous comprends bien quand vous dites ça, quand vous faites référence à l'article 583.1 puis que vous parlez que, l'enfant adopté, son identité, lui, il pourrait décider, bon, de ne pas la révéler puis il a comme plus de droits, de ce que vous dites, que le parent biologique? Est-ce que je vous ai compris correctement ou...

Mme Fortin (Caroline) : En fait, ce que ça dit, le 583.1, de ce qu'on en comprend, c'est qu'il y a un refus à la communication de l'identité d'un parent d'origine. Exemple, je suis un parent d'origine, je mets un refus d'information au dossier, O.K.? Mon enfant, devenu adulte, fait une demande d'identité. Il ne pourra même pas avoir son nom d'origine sans que ce soit mon identité, là, je veux dire, dans le sens que : Je m'appelle Caroline Fortin, j'ai mis une enfant au monde, je l'ai confiée à l'adoption, elle s'appelait Catherine Fortin avant d'être adoptée sous le nom de Réjane Genest, par exemple; bon, bien, si moi, j'ai mis un veto d'information dans le dossier, elle ne pourrait avoir que Catherine comme prénom, et non pas Fortin, parce que ça vient dévoiler mon identité.

Alors, c'est pour ça qu'on veut que le 583.1 soit enlevé. Par le passé, ça se faisait, et depuis peut-être, 10, 12, 13 ans, là... je n'ai pas de date exacte, les centres jeunesse ont décidé d'enlever cette information-là, qui était donnée aux enfants...

• (17 h 50) •

Mme Hivon : Juste le prénom.

Mme Fortin (Caroline) : ...O.K., donc en donnant seulement que le prénom maintenant. Donc, ça, c'est la raison pour laquelle on demande que le 583.1 soit enlevé.

Mme Hivon : Parfait. Autre question : Est-ce que vous estimez que le veto de contact... Donc, on comprend que, dans la loi, quelqu'un peut décider de mettre un veto sur l'identité et le contact ou dire : O.K. à mon identité, mais je ne veux pas de contact, bon, tout ça. Est-ce que vous estimez qu'aujourd'hui, avec les moyens technologiques, avec... Tantôt, on nous parlait, bon, de toutes sortes, évidemment, de pistes, avec Internet, avec des personnes qui peuvent se spécialiser dans, justement, comment retrouver quelqu'un.

Est-ce que ça devient un peu illusoire de penser qu'il va vraiment pouvoir y avoir un veto de contact qui va être respecté à partir du moment où on a l'identité de quelqu'un?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : Bon, un veto de contact... C'est certain qu'on ne peut pas obliger deux personnes à se rencontrer. Ça, je pense que tout le monde est d'accord là-dessus. La possibilité de mettre un veto de contact dans des procédures de recherche d'identité via les centres jeunesse, et tout ça, qu'on sait qu'il y a un veto de contact, qu'on en est informé, bon, je pense qu'on est mieux de ne pas aller là, tu sais, dans le sens qu'on est mieux de ne pas aller tenter de contacter la personne, sachant qu'il y a un veto de contact.

Par contre, c'est certain que les gens vont être tentés d'aller voir sur Facebook, d'aller voir sur LinkedIn, d'aller voir... bon, nommez-les, des tests d'ADN comme on parlait tout à l'heure. Les gens ne s'arrêteront pas, ils vont... pour la plupart, je vous dirais, ils vont foncer, ils vont essayer d'aller voir, d'aller chercher de l'information. O.K., il y en a qui vont dire : O.K., elle ne veut pas de contact, je vais respecter ça, puis c'est correct, mais il y en a d'autres, d'un autre côté... Bon, un, les gens qui ne savent pas qu'il y a un veto de contact dans le dossier, comment vont-ils le savoir? Tu sais, une personne qui ne fait pas de demande d'identité puis qui va juste, avec les tests d'ADN, parce que, ça, il y en a de plus en plus... et elle arrive à faire des liens et à retrouver la personne tant recherchée, mais elle ne le sait pas, qu'il y a un veto de contact. Alors, comment on va régir ça, je ne le sais pas.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. En terminant, 583.7 : «Avant la communication de son identité, la personne recherchée doit être informée de la demande qui la concerne et avoir l'occasion d'inscrire un refus au contact — donc pas à l'identité.» Mais on comprend que, de ce qui est prévu, «refus de contact», dès lors qu'on le demanderait, quelqu'un peut en tout temps dire : Je l'inscris. Vous, vous voulez qu'on retire carrément ça. Donc, vous voudriez que ça soit juste au moment de l'adoption qu'on puisse l'inscrire ou, là, dans la période de transition.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Fortin, 30 secondes.

Mme Fortin (Caroline) : Déjà, on a une période moratoire, O.K., qui permet à la personne de mettre un refus d'information ou un refus de contact. S'il faut, lorsqu'on demande l'identité, au bout du 18 mois, localiser la personne puis lui dire : Bon, bien, regarde, on va donner ton information parce que la loi nous le permet, combien de temps ça va prendre avant de localiser toutes ces personnes-là? Ça va être épouvantable. Actuellement, là, il y a des centres jeunesse, pour avoir juste des antécédents sociobiologiques, ne pas entamer de recherche, là, ça prend deux ans. Alors, si ça arrive, si le projet de loi passe tel qu'il est là, avec cette clause-là, combien de temps vous pensez que ça va prendre avant que la personne ait accès à son identité? Ça va être 18 mois plus deux, trois, quatre, cinq ans. C'est illogique.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Oui. Merci beaucoup. Dans votre document, à la page 4, vous parlez du consentement des parents d'origine dans le consentement à l'adoption. J'imagine que c'est à ça que vous faites référence.

Une voix : ...

Mme Lavallée : «Avant que l'adoption ne soit envisagée, nous considérons qu'il est primordial que le consentement des parents d'origine ait été obtenu en toute connaissance de cause».

Mme Fortin (Caroline) : Oui, oui.

Mme Lavallée : Ma question est : Comment encadrer ce consentement-là, s'assurer de la validité et de la qualité du consentement et que le consentement soit donné de façon libre et éclairée? Parce que c'est sûr qu'il y a toujours plein d'émotions lors de la prise de décision, lorsqu'on est face à ce choix-là, et de dire qu'on doit s'assurer du consentement des parents, mais comment s'assurer que ce consentement-là, il est vraiment libre et éclairé?

Mme Fortin (Caroline) : Bien, j'imagine, j'espère, j'ose croire — je ne sais pas quel mot employer — que les services sociaux font en sorte que cette mesure-là est prise avant qu'une personne puisse définitivement donner son consentement à l'adoption. J'espère bien qu'elle est bien entourée, qu'elle a toutes les informations nécessaires, qu'elle est accompagnée dans tout ça avant de pouvoir donner une décision finale. Mais on parlait aussi dans ce point-là qu'il était important que la famille immédiate de l'enfant soit aussi concernée. Bon, tout à l'heure, on en a parlé avec la COFAQ, des grands-parents, bon, et d'autres membres de la famille. Donc, avant qu'un enfant soit complètement retiré de son milieu et... dans une autre famille, je pense que le lien de filiation doit être vraiment pris en considération avant de poser l'étampe finale d'adoption dans le dossier, là.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Donc, pour vous, le fait d'avoir eu les services de professionnel, ce serait suffisant? Parce que cet avant-midi il y avait des représentants de la Chambre des notaires qui parlaient d'un encadrement juridique, donc d'avoir une personne extérieure qui explique toutes les conséquences juridiques de la décision qui va être prise, et de s'assurer de ce consentement-là en leur faisant signer un acte officiel. Est-ce que, pour vous, c'est trop? Vous dites, par expérience, que le travail qui est fait avant, c'est suffisant.

Mme Fortin (Caroline) : Bien, je ne pourrais pas vous dire «par expérience», parce que, comme vous le savez, le Mouvement Retrouvailles, nous, on traite plus les adoptions, donc, qui ont déjà été faites, on ne traite pas vraiment des adoptions qui s'en viennent et des Banques-mixtes, et tout ça. Donc, je vous dirais que je ne peux pas élaborer, là, ma réponse là-dessus. J'aime mieux être franche avec vous.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas, pour la dernière ronde de questions.

M. Jolin-Barrette : Oui. Mme Genest, Mme Fortin, merci d'être présentes.

Vous avez abordé sommairement tantôt la question de la fratrie. Pouvez-vous développer un petit peu? Parce que, là, présentement, avec le modèle qu'on propose, bon, ce serait l'accès aux origines, mais la fratrie, ça demeure une problématique. Donc, quelle est-elle, si on conserve la structure actuelle du projet de loi?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Genest.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Ah! Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : C'est beau. Bien, en fait, on a des cas actuellement, des membres d'une même famille, une mère qui a dû confier à l'adoption deux, trois, quatre enfants, O.K., et ces enfants-là ont difficilement des possibilités de pouvoir se retrouver s'il n'y a pas consentement de la mère, s'ils n'ont pas le même père, puis, en tout cas, c'est assez complexe. Donc, ça, c'est quelque chose qui devrait être réglé.

Au niveau fratrie aussi, on va parler d'adultes qui apprennent que leurs parents ont dû confier un enfant à l'adoption par le passé. Ces personnes-là ne sont pas en mesure de faire des démarches pour retrouver cette personne-là, à moins qu'il y ait un intérêt dans les deux dossiers, O.K., donc que l'adopté ait mentionné dans son dossier l'intérêt à connaître d'autres membres de la famille s'ils font une demande, et vice-versa. Donc, ils ne feront pas la localisation de la fratrie, même s'il y a un décès ou quoi que ce soit. Donc, je pense qu'à ce niveau-là c'est vraiment important qu'on puisse élargir, là. Puis, pour la personne qui est adoptée qui a des enfants, en privant l'adopté de son identité, les descendants sont également privés de leur identité, et ces descendants-là ne peuvent pas faire la démarche au nom de leur parent adopté qui est décédé, par exemple. Donc, ça serait important, là, d'ouvrir un peu sur la fratrie... un peu beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : Dernier commentaire, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, en fait, est-ce que vous nous suggérez d'adopter la même approche que l'on fait par rapport aux enfants, par rapport aux parents pour la fratrie ou... tu sais, comment vous verriez ça? Vous nous dites : Il faut ouvrir vers la fratrie. Est-ce que vous trouvez qu'on devrait mettre les mêmes mécanismes? Là, vous me dites : Si la personne, dans son formulaire, elle ne coche pas «Je veux avoir les informations sur les autres membres de la famille»... Est-ce que ça devrait être : dès que vous faites la demande, bien, automatiquement, vous avez accès à l'ensemble de la famille?

Mme Fortin (Caroline) : En fait, oui. Je veux dire, si moi, en tant que fille d'une mère qui a été adoptée, je fais une demande pour retrouver l'enfant qu'elle a dû... pas l'enfant, mais, je veux dire, son parent qui l'a confiée à l'adoption, oui, je pense que ça devrait être les mêmes procédures, là, elle devrait être au même niveau que soit l'adopté soit le parent d'origine, là, dépendant...

Le Président (M. Ouellette) : Merci beaucoup, Mme Caroline Fortin, Mme Réjane Genest, représentant le Mouvement Retrouvailles, d'être venues déposer en commission.

La commission ajourne ses travaux à demain, le mercredi 23 novembre 2016, après les affaires courantes, où elle poursuivra son mandat ici même, au salon rouge.

(Fin de la séance à 18 heures)

Document(s) associé(s) à la séance