(Quinze heures trente-deux minutes)
Le
Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses
travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur
le projet de loi n° 62, Loi favorisant le respect de la neutralité
religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes
d'accommodements religieux dans certains organismes.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Non, M. le
Président, il n'y a pas de remplacement.
Le Président (M. Ouellette) : Nous
débuterons cet après-midi par des remarques préliminaires, puis nous entendrons les organismes suivants : Pour les
droits des femmes du Québec et l'Association des commissions scolaires
anglophones du Québec.
Remarques préliminaires
Nous débutons avec les remarques préliminaires.
J'invite maintenant Mme la ministre de la Justice.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée : Alors, bonjour,
M. le Président. Merci. Alors, vous me permettrez de souhaiter la bienvenue à l'ensemble des collègues parlementaires et au
public qui vont suivre avec intérêt nos travaux, je suis bien heureuse
de vous retrouver, puisque nous avons passé de longues heures ensemble l'an
dernier, alors je suis persuadée qu'on aura encore
beaucoup de plaisir à échanger lors de cette commission parlementaire;
soulignez la participation de ma collègue de Crémazie, mon collègue de
La Prairie et mon collègue d'Ungava, des complices de la Commission des
institutions.
M. le
Président, tel que je le mentionnais un petit peu plus tôt aujourd'hui,
j'ouvre, j'amorce ces consultations en nous
invitant tous, parlementaires, groupes, à participer avec ouverture, avec
l'ouverture qui nous caractérise si bien, nous, les Québécois, et dans
le respect des autres.
Le projet de loi qui est proposé vise à encadrer
les demandes d'accommodement dans certains organismes publics. Il a été présenté à l'Assemblée nationale le
10 juin 2015. C'est un projet de loi qui est le reflet des
convictions profondes du gouvernement, qui
fait le choix de la neutralité religieuse de l'État, qui est reconnue par la
jurisprudence en tant que corollaire de la liberté de conscience et de
religion. Notre gouvernement privilégie les valeurs de libertés individuelles, et nous croyons fermement qu'il ne
faut pas prendre des mesures qui les restreindraient de façon
injustifiée.
Il faut se
rappeler que la Cour suprême s'est prononcée sur la liberté de conscience et
religieuse le 15 avril 2015 dans
le dossier Mouvement laïque québécois contre ville de Saguenay, et, à
propos de l'obligation de neutralité religieuse de l'État, elle a cité ce qui suit :
«L'évolution de la société canadienne a engendré une conception de la
neutralité suivant laquelle l'État ne
doit pas s'ingérer dans le domaine de la religion et des croyances. L'État doit
plutôt demeurer neutre à cet égard. Cette neutralité exige qu'il ne favorise ni ne
défavorise aucune croyance, pas plus du reste que l'incroyance. [La
neutralité religieuse de l'État requiert de celui-ci] qu'il s'abstienne de
prendre position et évite ainsi d'adhérer à une croyance particulière.»
Je tiens à rappeler que le projet de loi ne vise
pas le port de vêtements en général ni l'interdiction de certains signes religieux. Il définit plutôt la neutralité
religieuse pour les organismes publics et les agents de l'État, tout en
édictant les demandes d'accommodement. Il
est indéniable que les règles entourant certains agents de l'État ont leurs
raisons d'être. Notre projet de loi est neutre. Il affirme que les agents de l'État doivent agir de façon
neutre, peu importe leur appartenance ou
non à une religion ou celle des personnes à qui les services sont rendus. Cependant,
le projet de loi établit un principe objectif qui peut
avoir un impact sur le port de certains vêtements. Il énonce la règle qu'il
faut offrir et recevoir les services de
l'État à visage découvert, et ce, pour des motifs de sécurité, d'identification
et de communication. Tel que mentionné,
des accommodements à cette règle seront possibles uniquement
dans certaines circonstances bien définies.
Je
rappelle que le projet de loi protège le patrimoine culturel et religieux du Québec.
La première mesure du projet de loi prévoit qu'un membre du personnel d'un organisme
public doit faire preuve de neutralité dans l'exercice de ses fonctions. Ça veut dire que les services offerts
par l'État ne doivent pas être influencés par les croyances religieuses
ou l'absence de croyance de leurs employés
ni par celles des personnes à qui les services sont rendus. Cette mesure
s'applique aux membres du personnel de
certains organismes publics, et on peut notamment penser aux ministères,
aux organismes dont le personnel est
nommé suivant la Loi sur la fonction publique, aux commissions scolaires, aux collèges d'enseignement
général et professionnel, aux universités, aux établissements de santé, aux
agents de la paix, aux médecins et aux dentistes
lorsqu'ils exercent leur profession dans un établissement public de santé.
L'obligation de neutralité précédemment énoncée ne s'applique pas à un membre
du personnel qui offre des services d'animation spirituelle ni à une personne
chargée de dispenser un enseignement de nature religieuse.
En
plus de faire preuve de neutralité dans l'exercice de leurs fonctions, les
agents de l'État doivent exercer leurs fonctions
à visage découvert, sauf évidemment s'ils sont tenus de le couvrir totalement
en raison de leurs conditions de travail
ou des exigences propres à leurs fonctions. L'obligation d'exercer les
fonctions à visage découvert serait tempérée par la possibilité de demander un accommodement permettant aux agents de
l'État de porter certains vêtements dans le cadre de leur travail. Tel que modifié... tel que mentionné, un
accommodement devrait toutefois être refusé si, compte tenu du contexte, des motifs portant sur la sécurité et
l'identification et, une fois de plus, le niveau de communication le
justifient.
Il est également
proposé qu'un service fourni par un agent de l'État doit être reçu à visage
découvert. Cette mesure vise ainsi non seulement les agents de l'État, mais les gens qui voudront recevoir des services
de l'État. Les motifs qui le
justifient sont les mêmes que pour les agents de l'État, à savoir :
sécurité, communication et surtout identification. On s'assure que le
service est rendu à la personne qui y a droit.
Donc,
il est proposé d'apporter une modification à la Loi sur les services de garde éducatifs afin
de prévoir que les services de garde
subventionnés doivent notamment s'assurer que l'admission des enfants n'est pas
liée à un apprentissage d'une
croyance, d'un dogme ou de la pratique d'une religion et que les activités et
les échanges éducatifs ne sont pas fondés sur les mêmes pratiques.
Donc,
un des principes du projet de loi, c'est d'énumérer les principes qui s'appliqueront
en matière d'accommodement, qui est une obligation découlant
de nos chartes. Alors, les demandes d'accommodement seront évaluées
selon les motifs prévus à l'article 10.
Bref,
M. le Président, c'est un projet de loi qui encadre les demandes
d'accommodement religieux et un projet de loi qui assure un équilibre entre les
droits de tous et chacun. Et je nous invite à amorcer ces consultations dans le
plus grand respect de la diversité. Et je remercie à l'avance pour leur
contribution tous ceux et celles qui auront accepté notre main tendue de
contribuer à nos échanges. Alors, je vous remercie de votre attention.
• (15 h 40) •
Le Président
(M. Ouellette) : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant la
porte-parole de l'opposition officielle, Mme la députée de Taschereau.
Mme Agnès Maltais
Mme Maltais :
Merci, M. le Président. Mme la ministre, chers collègues, tous et toutes,
bienvenue. Je suis heureuse de vous retrouver. Après le projet de loi
n° 59, nous allons maintenant étudier le projet de loi n° 62. Les
deux avaient été présentés de front comme étant les réponses du gouvernement,
entre autres, à la lutte à l'intégrisme.
Est-ce
que ce projet de loi sur la neutralité religieuse assure la laïcité de l'État?
Non. Nulle part dans cette loi la laïcité
n'est inscrite. Il y a une différence entre la laïcité et la neutralité. La
laïcité, c'est l'État qui adopte un principe : nous sommes laïcs. Et cette position, ensuite, permet
aux agents de l'État de travailler en fonction de cette déclaration qui
est la laïcité. La neutralité religieuse,
c'est très différent. La neutralité religieuse, c'est que toutes les religions
peuvent s'afficher, cohabiter à l'intérieur de l'État, mais l'État ne
prend pas position, il est neutre. Il accommode, il arrange, il ordonne, coordonne, mais ne prend pas position. C'est
décevant. Nous croyons, nous, que nous pourrions inscrire la laïcité,
qui n'est inscrite nulle part dans les lois du Québec. La séparation entre
l'Église et l'État n'est inscrite à aucun endroit de notre corpus législatif.
Nous aurions ici une belle occasion de l'inscrire.
Deuxièmement,
il y a consensus autour du principe qui nous a été amené par le rapport
Bouchard-Taylor, qui date de 2007, à
l'effet que nous avons... les officiers de l'État, personnes en position
d'autorité, ne devraient pas porter de signes religieux. Dommage, ce
n'est pas dans la loi. Nous croyons encore que, si le gouvernement recherche le
consensus, il pourrait nous l'amener.
Les municipalités ne
sont pas inscrites dans la loi. Les accommodements raisonnables, il y a une
bonne partie là-dedans qui est intéressante,
qui ressemble d'ailleurs à ce que le Parti québécois avait déjà déposé. Qui
ressemble. C'est presque la même chose. Mais les municipalités étaient
dedans. Pourquoi les municipalités sont-elles exclues? Ça va être intéressant
d'entendre ça.
Deuxièmement,
pourquoi cette nuance entre ce que nous avons apporté et ce que le gouvernement
apporte? C'est-à-dire que nous disions qu'un organisme — un
organisme — doit
s'assurer d'une politique d'accommodement raisonnable et un organisme doit
trancher. Mais là tout le fardeau n'est plus sur l'organisme mais sur le membre
du personnel. Donc, c'est pièce à pièce,
personne par personne qu'on va juger de la capacité d'accorder un
accommodement raisonnable. C'est une nuance qui va mériter beaucoup d'explications,
puis je vais être contente d'entendre les gens.
Enfin,
oui, il y aura maintenant, grâce à cela, services donnés ou rendus à visage
découvert, sauf exception. Sauf exception. L'article 1 de la loi
dit : Les fonctionnaires doivent être neutres de façon religieuse. Mais,
quand on va à l'article 9, ils ont
droit à des exceptions. Ce n'est pas seulement les services, là, c'est toute la
fonction publique à qui on accorde
une exception. C'est très différent de ce qu'on avait pensé avant et de ce qui
avait été écrit avant. Donc, des questions.
Nous accueillons avec
ouverture ce projet de loi, mais nous n'écarterons pas indûment des questions
qui méritent d'être posées et auxquelles on mérite d'avoir des réponses.
Alors,
voilà à peu près l'ensemble des travaux que nous voulons mener avec les
collègues. Et évidemment je ne passerai
sous silence que, si nous avons le visage découvert, le niqab et le tchador
demeurent encore un sujet de discussion qui méritera d'être soulevé
pendant cette commission.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Taschereau. J'invite
maintenant la porte-parole de la deuxième
opposition, du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Montarville,
pour ses remarques préliminaires.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre, membres de la commission.
Après 10 ans de tergiversation, le
Parti libéral aujourd'hui nous montre qu'il est incapable d'encadrer le port de
signes religieux pour les employés de
l'État en position d'autorité coercitive. Il faut dire, M. le Président, que
c'est ce que nous recommandait la commission
Bouchard-Taylor. Alors, pour nous, c'est très dommage puisque c'est une
position, une position légitime que nous défendions et que nous
défendons encore aujourd'hui.
Donc,
pour notre part, le projet de loi n° 62 ne va nulle part. Bien sûr, le
projet de loi va légiférer sur les services de l'État à visage découvert, mais, en ignorant complètement les symboles
religieux, le projet de loi, pour nous, est incomplet.
Le
projet de loi n° 62 vient donc, par omission, légitimer, par exemple, le
port du tchador pour les employés de l'État.
Avec le projet de loi n° 62 dans sa forme actuelle, un policier pourra
porter un turban, ou une enseignante, le tchador, et une juge, le hidjab. D'ailleurs, la question a
été posée cet après-midi. Un journaliste a demandé à la ministre :
Seriez-vous à l'aise qu'un juge ou qu'une juge porte un hidjab? La ministre a
répondu aujourd'hui même : Bien, qu'est-ce que ça change? La neutralité
est dans ses actions. Alors, voilà révélé en peu de mots toute la finesse de la
réflexion du gouvernement sur la question : Qu'est-ce que ça change?
M.
le Président, appliquer les recommandations de Bouchard-Taylor, qu'est-ce que
ça change? Affirmer la laïcité de
l'État et la primauté de l'égalité hommes-femmes, qu'est-ce que ça change?
Voilà l'intention réelle du gouvernement : enterrer ce débat qui
nous anime depuis 10 ans au Québec parce qu'au fond qu'est-ce que ça
change?
En
fait, le projet de loi n° 62 traduit surtout le malaise du Parti libéral à
défendre les valeurs des Québécois, la laïcité de l'État et l'égalité entre les hommes et les femmes, un malaise si
évident que le mot «laïcité« n'apparaît même pas dans le projet de loi n° 62, pas une seule fois. Le Québec est un État laïque, c'est un état de fait qui
doit être enchâssé dans la loi.
J'ajoute en terminant
qu'il n'est pas question pour nous d'utiliser les travaux de la commission à
des fins stratégiques. Je m'engage en mon
nom et au nom de ma formation
politique, devant les Québécois,
à rester fidèle à mes convictions, à
défendre le réel consensus des Québécois sur la laïcité de l'État et pour l'interdiction
des signes religieux pour les employés
de l'État en position d'autorité coercitive. J'espère que
la ministre, d'ici la fin des consultations
publiques, trouvera un peu de courage pour
proposer une réponse adéquate aux préoccupations réelles et légitimes des Québécois. Merci,
M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme la députée de Montarville.
Auditions
Mme
Sirois, vous êtes prête déjà depuis 15 minutes, là. Je sais que vous
attendez que je vous fasse signe. Mais je vous fais signe. Je souhaite
la bienvenue aux représentants de l'organisme Pour les droits des femmes du Québec,
sa présidente, Mme Michèle Sirois. Vous
allez nous présenter, Mme Sirois, les gens qui vous accompagnent. Vous
disposez de 10 minutes — je
pense que vous connaissez les us et coutumes de la commission — et après il y aura un échange avec
les membres du gouvernement et des deux oppositions. Sans plus tarder, Mme
Sirois, à vous la parole.
Pour les droits des femmes du
Québec (PDF Québec)
Mme Sirois(Michèle) :
Alors, bonjour. Je voudrais d'abord remercier les membres de cette commission parlementaire de nous recevoir aujourd'hui pour
présenter notre point de vue sur le projet de loi n° 62. Mme El-Mabrouk,
Nadia El-Mabrouk, et Mme Diane Guilbault, et
moi-même représentons les membres de Pour les droits des femmes du Québec, ou PDF Québec. On est un organisme
féministe qui regroupe des femmes et des hommes de toute origine, de
tout âge et de toute allégeance politique.
Le
projet de loi n° 62 est parrainé par la ministre de la Justice, ce dont
nous nous réjouissons, car cela démontre que le législateur considère que la question de la neutralité religieuse
concerne tous les citoyens et citoyennes du Québec, et pas seulement les personnes immigrantes, comme
semblait... cela semblait supposer le défunt projet de loi n° 94, qui
était défendu par la ministre de l'Immigration en 2010.
Selon
nous, ce projet de loi rate sa cible. Rappelons que le projet de loi n° 62
a été déposé dans un contexte de lutte à la radicalisation. Mais on ne
voit pas, absolument pas comment, s'il était adopté, il pourrait prévenir le
départ de jeunes fanatisés vers l'État
islamique. D'autre part, ce projet de loi ne répond pas aux attentes de la
population quant à la laïcité en
proposant un concept de neutralité religieuse qui reste flou et incomplet. Le
projet de loi n° 62 rate aussi sa cible parce qu'il intègre des symboles religieux dans le fonctionnement de
l'État et ouvre la porte à de nombreux accommodements religieux, ce qui est totalement inapproprié pour
assurer la séparation de l'État et des religions. D'ailleurs, nous avons
été assez étonnés de constater que le projet de loi est totalement muet sur
cette nécessaire séparation entre les religions et l'État, ce qui est la base
même de tout État démocratique.
En
2015, un sondage La Presse démontrait que 69 %, donc
près de 60 %, des Québécois étaient en faveur d'une charte de la laïcité. Plus de
60 000 personnes ont signé en 2013 la déclaration du Rassemblement
pour la laïcité. Même le rapport final de la commission Bouchard-Taylor,
en 2008, avait conclu qu'il fallait un livre blanc sur la laïcité où le gouvernement présenterait une problématique, des
objectifs, et les moyens pour la mise en oeuvre, et finalement l'option
qu'il privilégie. Rien de tout cela n'a été fait.
Après les nombreuses critiques
adressées au gouvernement précédent sur l'absence d'études pour soutenir le
projet de charte de la laïcité, on aurait espéré que ce gouvernement priorise
des études avant de déposer ce projet de loi.
La
neutralité religieuse n'est aucunement définie et pourrait ainsi prêter flanc à toutes
sortes d'interprétations. Qui plus
est, le projet de loi est lui-même en flagrante contradiction. En effet,
permettre des accommodements religieux, c'est appuyer des revendications religieuses et non pas être neutre. De plus,
l'État ne peut rester neutre face à des dispositions religieuses discriminatoires à l'égard
des femmes, et elles sont nombreuses, ces discriminations, et avérées.
Comment l'État pourrait-il prétendre, avec tout ça, rester neutre, alors qu'il
a d'abord le devoir de garantir les lois qu'il a fait adopter, comme par
exemple les lois sur l'égalité entre les hommes et les femmes?
Finalement, le
processus de sécularisation du Québec moderne n'a jamais abouti à officialiser
la laïcité dans nos lois. Donc, il est important que la laïcité ait une
protection quasi constitutionnelle. Voilà pourquoi PDF Québec demande
d'officialiser légalement la laïcité de l'État. Je passe la parole à Diane
Guilbault.
• (15 h 50) •
Mme
Guilbault (Diane) : Le projet de loi ne fait aucune mention de l'affichage des signes religieux. Évidemment,
il s'agit d'un sujet délicat sur lequel la société
québécoise est divisée. C'est pourtant une question qu'un projet de loi sur la neutralité ne peut se permettre d'escamoter. En effet,
s'il est interdit à n'importe quel fonctionnaire de l'État d'afficher ses convictions
politiques, il est difficile de comprendre pourquoi il serait acceptable
d'afficher un signe religieux. Un tel signe vise à marquer la différence et, de
ce fait, nie l'obligation de l'État d'être areligieux autant qu'apolitique.
Quand
on est au service des citoyens et qu'on porte un signe religieux durant les
heures de travail, on affiche son appartenance
à un groupe religieux, ce qui favorise la juxtaposition de communautarisme. En
restant muet sur l'affichage des
signes religieux, ce projet de loi risque d'ouvrir la porte à des dérives de toutes
sortes et il peut également
favoriser les intégristes religieux qui exigent que leurs signes identitaires
religieux soient protégés et qu'ils puissent être portés en tout temps par des
gens d'autorité dans l'exercice de leurs fonctions.
Les
services à visage découvert maintenant. Ce qui n'est pas dit dans le projet de loi, c'est que ce sont le niqab et la burqa qui sont visés et que ces vêtements sont portés exclusivement par
des femmes, et non pas par des hommes. L'autre étrangeté de cette
section, c'est que cette interdiction n'en est pas vraiment une, puisqu'un
accommodement peut être accordé si la femme qui porte ce costume fait la preuve
que ce n'est pas dangereux, qu'elle n'a pas à communiquer ou qu'elle a pu être
identifiée autrement.
PDF
déplore que le gouvernement n'ait pas du tout invoqué le droit à la dignité des
femmes pour interdire niqab, burqa et
tchador. Rappelons que ces vêtements d'origine saoudienne et afghane sont même
interdits lors des pèlerinages à La
Mecque, sans compter d'autres pays musulmans qui les ont interdits. Pourtant,
le Québec est signataire de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des
femmes, appelée la CEDEF. Et l'article 2f, je vous le cite, dit que les États doivent «prendre toutes
les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour
modifier [...] abroger toute loi,
disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination
à l'égard des femmes».
Les femmes du Québec
s'attendent à ce que leurs élus respectent les engagements que le Québec a pris
en souscrivant à la plus importante convention internationale en faveur des
femmes qu'est la CEDEF. Et, parce qu'il est une atteinte à la dignité des
femmes et au nom de l'ordre public, PDF Québec demande d'interdire partout le
port du voile intégral.
Les
accommodements religieux maintenant. Les gens demandent des accommodements
religieux parce qu'ils font une
interprétation stricte, voire intégriste, pour certains, de ce que seraient
leurs obligations religieuses. Les accommodements sont souvent des
signes avant-coureurs d'un intégrisme religieux et un début de rupture avec la
société. Accorder des accommodements
religieux sous prétexte d'ouverture à la différence, c'est appuyer la partie
obscure des religions. Quand les
autorités scolaires acceptent de boucher les oreilles d'une petite fille pour
ne pas qu'elle entende de la musique, c'est un point de plus pour le
camp obscurantiste. Quand on accepte que les dirigeants municipaux autorisent
des horaires de piscine sur la base de la
ségrégation sexuelle, c'est un autre point pour le camp de l'obscurantisme.
Quand on accepte que des employés des
services publics qui doivent porter un uniforme portent en plus leurs uniformes
religieux, on donne toute la
visibilité voulue aux obscurantistes. On nous explique que les demandeurs
d'accommodement religieux doivent respecter certaines obligations
religieuses. Ces obligations religieuses n'ont de sens que dans une théocratie.
En démocratie, ce ne sont que des choix personnels.
On
dit souvent que les accommodements religieux servent à mieux intégrer les
immigrants. Nadia El-Mabrouk va nous expliquer pourquoi il n'en est
rien.
Mme El-Mabrouk (Nadia) : Oui, bonjour. Alors donc, en tant que Québécoise
d'origine tunisienne, membre de PDF Québec, j'aimerais insister sur le
fait que les accommodements religieux sont toxiques au vivre-ensemble et à l'intégration des immigrants qui proviennent de
pays musulmans, comme moi. Cette possibilité de dérogation aux lois et
aux règlements émane d'une interprétation abusive de la liberté de religion.
Celle-ci devrait être comprise comme la liberté de croire ou de ne pas croire,
et non pas comme la liberté d'exprimer sa religion partout et en tout temps.
Une
telle conception de la liberté religieuse revient à appuyer implicitement la
position des intégristes ou d'agents de
radicalisation, comme on l'a vu au cégep Maisonneuve, qui affirment que la loi
de Dieu doit prévaloir sur la loi des hommes,
et ce qui revient, en fait, à nier la démocratie. Dans le cas de l'islam, cette
liberté religieuse est instrumentalisée par la frange la plus provocatrice, la plus revendicatrice, la plus
politisée des musulmans du Québec, pensons, par exemple, à l'imposition
du voile, du niqab, à la demande de lieux de prière.
Toutes
les demandes d'accommodement religieux mettent les employeurs dans l'embarras
et peuvent, à la longue, les rebuter.
Plutôt que de les accuser d'islamophobie, plutôt que de pointer le racisme
systémique, qui serait un mal fictif qui rongerait le Québec, est-ce qu'il ne serait pas le temps d'appeler un
chat un chat et de considérer les véritables entraves à l'embauche de
certains immigrants?
Évidemment, les raisons du
chômage sont multiples, et puis je ne vais pas ici en faire la liste, mais
j'aimerais alerter sur l'effet pervers des
accommodements religieux qui sont, à mon avis, une entrave à l'intégration du
plus grand nombre d'entre nous, de
nos concitoyens de culture musulmane. En très grande majorité, nous sommes en
parfait accord avec les lois et les
règles en vigueur ici, et nous ne demandons qu'à contribuer, par notre travail,
aux progrès économiques du Québec
mais également culturels, littéraires, artistiques. Se prémunir contre les
demandes des extrémistes et éviter les communautarismes,
c'est essentiel pour permettre l'intégration de tous. C'est ainsi qu'on pourra,
justement, préserver cette diversité culturelle qui fait la richesse du
Québec.
D'autre part, loin de contribuer à la lutte
contre la radicalisation, nous pensons au contraire que favoriser les accommodements religieux alimente les mouvements
religieux extrémistes qui veulent imposer leurs visions, leurs modes de
vie. Ce n'est pas à l'État d'aménager les lois pour accommoder les pratiques
religieuses, c'est plutôt aux individus d'adapter
leurs pratiques pour qu'elles soient compatibles avec les lois et les
règlements du Québec. D'ailleurs, la religion musulmane prévoit des
aménagements qui permettent aux croyants d'adapter leurs pratiques à la
modernité.
Alors, finalement, pour ce qui est de
l'obligation du visage découvert, nous pensons que le voile intégral, ce vêtement lié au wahhabisme, au salafisme et aux
visions les plus rigides de l'islam et les plus discriminatoires envers
les femmes, c'est un instrument politique
qui est utilisé pour défier les lois du pays. Alors qu'une interdiction aurait
permis de neutraliser de telles attaques à
notre démocratie, une interdiction qui est accompagnée d'une ouverture à
l'accommodement, eh bien, c'est du pain béni pour l'agenda politique des
islamistes.
Le Président (M. Ouellette) : Merci
beaucoup. On est maintenant rendus...
Une voix : Est-ce qu'on a
fini notre 10 minutes?
Le
Président (M. Ouellette) :
Bien oui, déjà. Même, vous avez dépassé un petit peu. Ça fait que, bien,
sûrement que, dans les échanges avec Mme la ministre et les deux porte-parole,
vous aurez l'opportunité soit de conclure ou de bonifier certaines de vos
remarques, mesdames. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Sirois, Mme El-Mabrouk et Mme Guilbault.
Toujours un plaisir de vous retrouver en
commission parlementaire. Je pense que vous en êtes à votre troisième
prestation lors de mes dépôts de
projet de loi ou de règlement. Je pense que la dernière fois qu'on s'était
rencontrés, c'était dans le cas du projet de loi sur les trans, auquel
vous vous opposiez beaucoup.
Pour ce qui
est du préambule, je pense, Mme Sirois, vous avez dit... Bien, vous avez cité
un certain nombre de sondages, un
certain nombre de constats, là. Je veux simplement rappeler que ce projet de
loi là, il découle d'un engagement que
notre parti politique a pris lors de la dernière campagne électorale. Donc, je
ne pense pas qu'on n'ait surpris personne en déposant un projet de loi sur la neutralité religieuse, en déposant un
projet de loi qui respecte les libertés individuelles, puisque c'est un
peu notre marque de commerce, ça fait partie des valeurs libérales auxquelles
les membres de notre aile parlementaire ont souscrit, les membres de notre
parti souscrivons. Et donc ce projet de loi là, il...
Et justement
il n'est pas le projet de loi n° 60. Alors, c'est clair qu'on n'aurait pas
présenté le projet de loi n° 60, on est plusieurs, ici, collègues
parlementaires à s'y être opposés farouchement lors de son dépôt par notre
ex-collègue M. Drainville. Alors, c'est
certain qu'on n'était pas pour reprendre des mesures qui ne faisaient pas...
dans lesquelles on ne se retrouvait pas comme libéraux, comme individus. Et je
pense que c'est important de mettre
la table. Ce n'est pas un projet de loi péquiste, c'est le projet de loi du
Parti libéral. Alors, il y a des chances qu'il y ait des petites nuances entre les deux, oui. Et là-dessus on va
échanger puis on va le faire dans le respect, évidemment, comme le veut nos habitudes ici, à l'Assemblée,
même si on n'est pas d'accord, on se le dit, on jase puis on en discute.
Au Québec, puis
au Canada aussi, le rapport entre l'État puis les religions, il repose vraiment
sur... C'est une obligation juridique
qui est celle de la neutralité religieuse. Et on s'y réfère dans le projet de
loi parce que cette neutralité religieuse
là, elle découle du respect de la liberté de conscience, puis de la liberté de
religion, et évidemment du droit qui est protégé aussi par la Charte canadienne des droits et libertés de la
personne et aussi la charte québécoise. Donc, cette liberté de conscience, cette liberté de religion, ce sont des
principes enchâssés dans nos chartes, et elles commandent à l'État d'être neutre à l'égard des gens... Ça a
été d'ailleurs réitéré par la Cour suprême en 2015, et je l'ai mentionné
lors de mes remarques préliminaires. Et la
Cour affirmait, malgré les fondements religieux du droit romain, du droit civil
français, dont est issu le droit civil
québécois, que l'État québécois soit neutre, du point de vue religieux, ne
devrait faire aujourd'hui aucun doute.
Alors, moi, j'aimerais vous entendre. Parce que
vous nous avez dit quelque chose lors de vos remarques, Mme Sirois, vous avez dit que la démocratie et la neutralité
étaient des notions incompatibles. Et je voulais juste m'assurer : Est-ce
que c'était... C'est parce que vous faites non de la tête. Alors, peut-être simplement vous
permettre de réitérer, parce que je crois que ça a pu être perçu comme
ça dans vos remarques.
• (16 heures) •
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Guilbault.
Mme
Guilbault (Diane) : Oui.
Bonjour. Alors, écoutez, je voulais juste dire que nous, on ne répond pas
à un projet libéral. On répond à un
projet du gouvernement. Pour nous, on s'adresse au gouvernement. Alors, le passé, les projets de loi présentés antérieurement,
oui, mais, nous, la préoccupation, c'est la laïcité.
Et, par rapport à votre remarque que vous venez de terminer, non, on ne dit pas que la
neutralité est incompatible avec la démocratie.
Ce qui est incompatible avec la démocratie, c'est l'absence de séparation claire entre les
religions et l'État. Ça, c'est... La démocratie repose sur la
parole du peuple, et non pas sur la parole de Dieu. Et la séparation
nette, claire entre les religions et l'État, elle doit être affirmée. Et là on
ne la trouve pas affirmée.
La
neutralité, je comprends le principe, on le comprend très bien,
sauf que, tout seul, ce n'est pas suffisant pour assurer ou organiser la gestion des rapports ou des non-rapports du
religieux avec l'État. Les rapports des citoyens avec l'État
ne doivent pas reposer sur une appartenance confessionnelle. C'est ça, la démocratie.
Et c'est ça, l'évolution qu'on
a connue depuis la sécularisation du Québec,
où, pendant longtemps, les paroles de la religion étaient aussi paroles
de loi. Alors, la démocratie
exige qu'il y ait une nette séparation entre le religieux et l'État
et que les rapports que les citoyens entretiennent
avec l'État, de même que les rapports que l'État
entretient avec les citoyens, soient en dehors complètement des
religions. Et ça, ça prend un régime de laïcité pour l'affirmer clairement,
ouvertement.
Parce que
la neutralité, ce que ça donne comme résultat, c'est plutôt de la
multiconfessionnalité. Alors là, on n'a pas... L'État gère ses rapports avec ses citoyens
encore sur la base de leur appartenance religieuse. On pense que l'évolution
de la démocratie exige une plus
grande séparation entre le religieux et l'État pour ne pas faire,
comme par exemple... Je ne sais
pas si, après la Cour suprême, la municipalité de Toronto a continué à faire ses prières, mais
c'était rendu à huit prières pour
ouvrir l'assemblée. Parce
que c'est sûr qu'il y a toujours
des nouvelles religions qui s'ajoutent et qui s'ajoutent. Alors, je
pense que le Québec ne s'en allait pas dans cette direction-là. En 1976, c'est
le Parti québécois qui avait instauré, plutôt que la prière, une minute de
silence. Et ça, c'est tout à fait respectueux justement d'un État qui se sépare
du religieux complètement.
Alors, nous,
on plaide toujours et encore, et même depuis beaucoup
de... plusieurs années, parce
que la plupart d'entre nous
qui avons milité pour la laïcité, on a commencé ça dans les années 80,
quand nos enfants rentraient à l'école,
alors... parce que, déjà, il y
avait l'enseignement religieux qui
était à l'école, et on a beaucoup travaillé. On s'est réjoui en 1997 que le Québec
ait l'audace de demander un amendement constitutionnel. C'est la seule province qui l'a fait. Les catholiques et les protestants ont renoncé à
des droits constitutionnels pour permettre le vivre-ensemble. Justement,
dans
des écoles, il y a un système scolaire où l'appartenance religieuse n'aurait
aucune importance, aucune incidence. Or, là, on arrive avec des accommodements
religieux où, finalement,
des citoyens reçoivent des bénéfices liés à leur
appartenance religieuse. Alors, on est loin
de la laïcité. Et on est loin aussi de la neutralité. Et on est
loin de la séparation entre l'État et le religieux.
Tu veux rajouter quelque chose?
Mme Sirois (Michèle) : Bien, moi,
j'aurais aimé ajouter...
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Sirois, en complément.
Mme Sirois
(Michèle) : O.K.
Merci. J'aurais aimé ajouter : Justement, c'est encore plus flagrant comme problème
de la neutralité quand on regarde les
services de garde où les enfants... l'âge mineur. Alors, à ce moment-là, on dit dans le projet de loi qu'il faut... n'a plus à assujettir
l'apprentissage d'une croyance ou d'un rituel de pratiques religieuses.
Ah, que c'est beau en théorie, mais tout le
restant est contradictoire, hein? On le sait, nous, il y a
des parents qui sont venus nous le dire.
Exemple, l'appel à la prière par ordinateur, qui est déclenché. Ce n'est pas
une pratique, mais, indirectement, on habitue l'enfant, qu'il soit de famille croyante ou non croyante, on l'habitue à
des pratiques religieuses. Officiellement il n'y en a pas. C'est juste une musique de fond. Et ça, c'est
des cas qu'on nous a amenés.
Même chose, l'éducatrice qui est voilée normalement. Bien,
quand elle est avec les enfants, elle ne porte pas son voile. Alors,
quand un parent cogne à la porte pour venir chercher l'enfant, l'éducatrice
demande : Est-ce le papa ou la maman?
Ah, elle n'a pas transmis des croyances officiellement. Mais, si c'est le papa
qui répond, vite elle met son voile. Et
qu'est-ce que l'enfant y comprend? C'est qu'elle doit cacher ses cheveux devant
un homme. C'est ça qui est... pour nous, on a oublié.
Et surtout, quand on limite ça à la question
des agents de l'État qui sont en autorité coercitive, eh bien, on
oublie les enfants, et nous, pour nous, les
jeunes enfants, les enfants mineurs, on doit respecter leur liberté de
conscience, ce sont des êtres humains qui sont encore vulnérables et
influençables. Et là-dessus, dans le projet de loi, il n'y a rien. Pourtant,
Jean Charest, le 8 février 2007, a dit qu'une des valeurs importantes
du Québec qui n'aurait pas d'accommodement,
c'est la séparation de l'Église, des religions et de l'État. C'est une
déclaration solennelle qu'il a faite, et pourtant c'était le Parti
libéral, et on ne retrouve pas ça là-dedans.
On a
l'impression qu'on vient d'effacer et qu'on revient en arrière, qu'on ne sent
pas... Il y a beau avoir dans le projet
de loi, exemple, l'article 10 qui parle... il y a une ligne et un petit
quart qui parle de faire respecter l'égalité hommes-femmes, mais, tout le restant, on a l'impression
qu'il n'y en a plus, de rempart pour l'égalité hommes-femmes. On peut même faire des accommodements aux questions du
visage découvert. Alors, ça, on trouve ça inacceptable pour les femmes,
et c'est une rupture par rapport à l'histoire du Québec moderne.
Alors donc,
on demande et on souhaite de retirer ce projet de loi pour faire enfin un
travail comme recommandé par... un livre blanc qui va étudier les
questions, et surtout qu'on n'oubliera pas les enfants. Les enfants, on a vu
des éducatrices qui se promenaient à Verdun
à visage couvert. Est-ce que ça, ça va être acceptable? Une employée dans
les municipalités, est-ce qu'elle va pouvoir avoir un visage couvert également?
Parce qu'on ne parle jamais de la dignité des
femmes, et pourtant vous avez invoqué... Encore tout à l'heure, vous avez parlé
de trois motifs. Eh bien, la dignité des femmes, il ne faut pas ouvrir la porte à l'atteinte à la dignité des
femmes, et pourtant un voile intégral, un niqab puis une burqa, c'est une atteinte aux droits des femmes et
à leur dignité. J'ai hâte qu'il y ait un projet de loi qui parle de la
dignité des femmes, parce qu'on ne l'entend
pas dans la bouche du gouvernement, et j'aimerais qu'on le reprenne, ça, et
qu'on pense aux enfants également.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
J'aurais beaucoup de questions. Parce que vous en avez contre les
accommodements religieux. Les
accommodements découlent d'un droit qui est prévu à la charte, c'est-à-dire que
les... Il existe dans notre société des accommodements non seulement
religieux, mais des accommodements, par exemple, offerts envers les personnes handicapées, qui sont offerts envers des
gens en fonction de motifs prévus à l'article 10 de la charte. Alors, le projet de loi vient codifier ce
que la jurisprudence a dégagé, et ça vise à faciliter une espèce
d'uniformité dans l'analyse, dans le traitement des demandes d'accommodement.
Alors, j'aimerais ça vous entendre, parce que
moi, je ne comprends pas. Vous dites : Il ne doit pas y avoir d'accommodement religieux, on ne doit pas accommoder
les gens. Alors, comment on concilie les libertés, comme je le mentionnais tout à l'heure, la liberté de
conscience, la liberté de religion, qui sont prévues, qui sont enchâssées dans
nos chartes, avec votre demande de
dire : Il n'y a pas d'accommodement, les accommodements religieux n'ont
pas leur place dans notre société? C'est un peu le message que vous nous
passez aujourd'hui.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Guilbault.
• (16 h 10) •
Mme
Guilbault (Diane) : Oui, je vais me permettre de répondre. Alors,
c'est intéressant que vous souleviez ce point-là. Je suis contente parce
qu'on ne l'avait pas mentionné dans notre allocution. On a un projet de loi qui
porte spécifiquement, dans le titre, sur les
accommodements religieux. Pourquoi? Parce que c'est clair que ce n'est pas le
même genre d'accommodement qui est accordé.
Un accommodement religieux porte sur un choix d'une personne, c'est-à-dire
une personne fait un choix de vie et elle
demande que la société le respecte. Tandis qu'un accommodement pour une
personne handicapée, par exemple, c'est
qu'on vise l'intégration de cette personne dans le marché du travail, et donc
on a... et je pense que la société,
là-dessus, est en grand, grand, grand appui sur ces accommodements qui
découlent d'une situation que la personne subit, et non pas qu'elle
choisit. Donc, ça, c'est une première dimension importante.
D'autre part,
les accommodements, les balises que la Cour suprême a fixées, elle les a fixées
dans une cause qui impliquait un employeur et une employée, donc la
contrainte excessive, l'argent, etc., et on l'applique, on calque ces balises à
une situation complètement différente, où là c'est l'État qui est en lien avec
des citoyens qui demandent des accommodements.
Et, dans certains cas, ces demandes d'accommodement sont des demandes de
dérogation à la loi. Je vais donner
l'exemple, par exemple, des gens... des sikhs, de certains sikhs qui demandent
d'être exemptés de la Loi sur la santé et
sécurité au travail, d'être exemptés partiellement, de leur obligation de
porter le casque, mais je ne suis pas sûre qu'ils renoncent aux
indemnisations si jamais il y a un accident. Cette loi-là, c'est un contrat
social, la société indemnise un travailleur
ou sa famille s'il y a un accident. En contrepartie, l'employé fait son bout de
chemin, et fait son rôle, et porte son casque.
Là, quand une personne comme ça demande d'être exemptée de respecter la loi,
que ça soit aussi le Code de la sécurité
routière, on n'est pas dans le même niveau employeur-employé, on est sur
quelqu'un qui conteste une loi et qui dit :
Cette loi ne devrait pas s'appliquer à moi. Alors, nous, on pense que, s'il y a
des lois qui doivent être modifiées, elles devraient être modifiées pour tout le monde, pas juste pour une personne
qui invoque un choix de vie, mais l'ensemble des personnes. Si on trouve
que la loi est discriminatoire, à ce moment-là, modifions-la.
D'autre part,
les accommodements religieux ont une autre caractéristique, c'est que, très
souvent, une fois qu'ils ont été
accordés à un pratiquant, c'est tout le groupe de la même religion qui
bénéficie de cet accommodement. On n'est plus dans le cas individuel, du cas par cas, et on l'a vu avec l'exemple de
la SAAQ : quand un groupe de juifs orthodoxes ont demandé de
ségréguer les femmes et de ne pas faire affaire avec des femmes examinatrices,
c'est tout le groupe qui a bénéficié d'une mesure totalement discriminatoire et
ségrégationniste, même si c'était avec l'aval de la Commission des droits de la
personne.
Donc, la
dimension particulière des accommodements religieux, nous, on insiste beaucoup
dans le document, dans notre mémoire,
on dit : Pourquoi on ne fait pas des études d'impact, pourquoi on ne fait
pas des études sur, un, qu'est-ce que ça change dans la société, est-ce
qu'il y a des effets sur la communautarisation, est-ce qu'il y a des bienfaits
pour l'intégration des personnes, ou
peut-être qu'il y a des bienfaits pour la désintégration de la société? Je
pense que c'est une question qui mérite
d'être étudiée, analysée avant de légiférer. Parce qu'actuellement c'est une
obligation juridique, bon, qui nous
vient des tribunaux, d'une interprétation, mais je pense que la nature des
accommodements religieux devrait nous obliger à faire une réflexion
beaucoup plus approfondie avant de calquer le modèle des contraintes et des
consignes d'accommodement pour
employeur-employé — «time
out», j'ai compris. Bon, alors donc, voilà, des études, des études et
des études d'impact pour vérifier l'importance et les conséquences de ces
accommodements.
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
il va falloir allonger notre temps, Mme Guilbault. Mme la députée de
Taschereau.
Mme
Maltais : Merci. Bonjour, mesdames, bienvenue. Évidemment, je viens de
sourciller en entendant dire que c'est un projet de loi libéral versus
un projet de loi péquiste. On a montré beaucoup d'ouverture sur ce projet de
loi en disant : Il y a moyen de le
bonifier, et tout. Mais je pense que ce qu'on veut, c'est un projet de loi de
vivre ensemble. Nous n'avions pas
l'impression de déposer un projet de loi péquiste, nous avions l'impression,
quand nous l'avons fait, de déposer
un projet de loi qui permette à la société québécoise d'évoluer et d'avancer.
Je pense que ce que nous cherchons, ce n'est
pas un projet de loi péquiste ou libéral — et surtout je ne ferai pas comme la
ministre, je n'embarquerai pas dans cette opinion-là, qu'on peut
avoir — on
cherche un projet de loi qui fasse évoluer le vivre-ensemble de la meilleure
façon. D'autant que ce que vous demandez est
venu d'un gouvernement libéral. Le rapport Bouchard-Taylor a été
commandé par M.
Charest à l'époque, le premier ministre. Donc, là-dedans, on n'est pas dans
Parti québécois ou dans Parti libéral, on est dans des gens qui nous ont
proposé une solution, qui fait consensus actuellement, sauf de l'autre côté de
la table que j'ai devant moi.
Vous parlez
de la laïcité. Moi, j'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu en quoi ça
pourrait changer les choses, ce en
quoi je crois profondément, mais je veux vous entendre sur le fait d'inscrire
que l'État québécois est laïque. Est-ce que ça aurait une portée sur le
comportement du personnel? Est-ce qu'il y aurait une meilleure compréhension
quand on va aux accommodements raisonnables? J'aimerais ça vous entendre
là-dessus.
Mme Sirois
(Michèle) : Pour moi, c'est
évident que ça fait une différence. C'est-à-dire qu'il faut donner des
balises aux gestionnaires, aux juges,
administratifs ou en cour, il faut des balises pour ne pas arriver à ouvrir des
portes à toutes sortes
d'accommodements. Pourquoi particulièrement pour les femmes? Parce qu'on
cherche un rempart solide qui va permettre de dire non à des
discriminations par rapport aux femmes. Alors donc, ça, on n'en veut pas.
La laïcité,
pour nous, ça fait une différence avec la neutralité. Exemple, la neutralité,
il suffit de dire oui à tout le monde,
pas à quelqu'un de privilégié. Alors, quelqu'un veut une salle de prière, oui,
tout le monde peut avoir une salle de prière.
La laïcité, elle, va dire non à toutes les salles de prière. Pourquoi? Parce
qu'elle fait un barrage par rapport... et elle veut éviter les dérives. Si on n'officialise pas la laïcité et qu'on ne
laisse pas... que ce ne soit pas important de marquer la séparation claire et nette entre l'État et les
religions, on va se retrouver... c'est une porte ouverte à toutes sortes de
dérives. Et ce seront les femmes qui seront
les premières victimes, parce que les religions sont patriarcales, c'est des
religions qui sont très fortement, la
plupart du temps, discriminatoires par rapport aux femmes. Donc, quand on dit
oui à toutes sortes d'éléments religieux, on est obligé de dire oui à
plein de choses.
Est-ce qu'on
va dire oui aux salles de prière pour la méditation sensuelle des raëliens? Au
nom de quoi on va les empêcher?
Alors, vous voyez, c'est qu'on ouvre la porte à n'importe quoi, on ne sait pas
à quoi on va arriver. Est-ce que ça va être la ministre de la Justice,
c'est un juge?
Et aussi c'est dangereux pour le vivre-ensemble,
parce qu'à chaque fois que quelqu'un demande... c'est une plainte, et les
employeurs, que vont-ils faire? Est-ce qu'ils vont éviter d'avoir des problèmes
en faisant une sorte, malheureusement — j'espère que non — de profilage ethnoreligieux? À ce moment-là,
on va arriver à ne pas favoriser l'emploi,
tout au contraire. Et ça, c'est beaucoup de gens de la communauté maghrébine
qui nous ont dit : On a déménagé ici parce qu'on était poursuivi,
on ne veut pas revoir la même chose ici, faites attention.
Mme
Maltais : Merci.
Une voix : ...
Mme Maltais : Oui, bien, c'est parce
que j'aimerais ça avoir le temps de poser quelques questions, mais allez-y.
Allez pour votre commentaire.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : Bien, écoutez,
moi, je dis que... Bien, une entorse flagrante à la laïcité...
C'est bien de l'inscrire, mais il faudrait aussi que ce soit appliqué dans les
faits. Une entorse flagrante à la laïcité au Québec, c'est le cours
Éthique et culture religieuse, qui est une vraie promotion du fait
religieux — donc,
j'ai travaillé là-dessus, donc je voudrais
quand même, O.K., en dire un mot ici — quand on dit à l'enfant de parler de sa
religion, qu'est-ce qu'il fait à la maison,
qu'est-ce qu'il mange? En plus, on l'incite à s'identifier à une religion et à
une pratique religieuse. Alors, moi, je voulais juste mettre un mot
ici : ça, clairement, c'est une entrave complète, c'est une entorse à la
laïcité.
Mme
Maltais :
...vos travaux, Mme El-Mabrouk, sur le cours Éthique religieuse. Écoutez, ici,
on est devant des... Sur les
accommodements raisonnables, on est devant une compréhension différente de la
charte, carrément, là. Pour moi, liberté
de conscience et liberté de religion sont assurées par la charte, mais l'État a
le droit d'imposer un vêtement, comme employeur, ça n'empêche pas la
personne de croire. Ce n'est pas du prosélytisme, on n'enlève pas ses
convictions à quelqu'un quand on lui
dit : Tu dois, tu ne peux pas porter de vêtement si tu travailles ici,
pour l'État québécois. D'ailleurs, j'ai été ministre du Travail. Un
employeur peut imposer un vêtement ou des conditions vestimentaires à condition
qu'il le fasse dès l'embauche, que les
choses soient claires. Ça, c'est le droit du travail, le droit du travail
permet ça. Si le droit du travail permet ça,
qu'on me dise que le droit du travail ne correspond pas à la charte québécoise,
j'ai un problème. Mais vous
comprenez, là, il y a comme facile... c'est facile de se cacher derrière la
charte, là. La Charte des droits et libertés, elle protège la liberté de
conscience, la liberté de religion, c'est très précieux, mais il ne faut pas
lui faire dire n'importe quoi.
Bouchard-Taylor, d'accord, laïcité. Les
accommodements raisonnables, la personne, au lieu de l'organisme, maintenant, va devoir juger, c'est ce que propose
le gouvernement. Ce n'est pas un organisme qui va avoir une politique
d'accommodement raisonnable, c'est chaque membre du personnel qui, de lui-même,
d'elle-même, à partir de ces balises-là, va décider si l'accommodement
raisonnable doit être accordé ou pas, donc portera aussi tout le poids de la
décision et des poursuites éventuelles. Ce n'est pas l'organisme qui décide,
c'est le membre du personnel qui décide.
Ce que je
voudrais savoir : Est-ce qu'il y a des choses qui pourraient être
ajoutées? Vous avez parlé peut-être de droit
à la dignité, est-ce qu'il y a des choses qui pourraient... des mots qui
pourraient être ajoutés, qui nous permettraient de dire : Au moins, le membre du personnel, la membre du personnel
a entre les mains ce qu'il faut pour juger en fonction des droits des femmes? Parce que vous êtes là
parce que vous êtes PDF, Pour les droits des femmes, et nous savons
aussi que, si cette loi existe, là, c'est parce qu'on veut protéger l'égalité
entre les hommes et les femmes.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Guilbault.
Mme
Guilbault (Diane) : Oui. Merci. Alors, écoutez, je pense qu'un membre
du personnel ne peut pas faire ce travail
à lui-même, et une politique devrait suivre des études, des études d'impact,
dont j'ai parlé tout à l'heure. Parce que moi, j'ai vu... Bon, en milieu de travail, j'ai vu des personnes
handicapées demander des accommodements, et il fallait qu'elles aient un
billet du médecin, plusieurs... employeur précédent, des preuves à montrer pour
dire : J'ai besoin de cet accommodement.
Dans le cas
d'un accommodement religieux, par exemple un employé veut aller faire ses
prières tous les vendredis après-midi
parce que c'est obligatoire, on sait très bien qu'il y a plein de personnes qui
sont musulmanes et qui ne font pas la prière
le vendredi après-midi. Elles la font le vendredi soir, puis ça fait pareil. Et
là l'employeur est démuni, le gestionnaire est démuni. Il ne pourra pas vraiment décider. Alors, la chose la plus
sûre qu'il va faire, c'est l'accorder. C'est pas mal plus simple. On
achète la paix. Et c'est ça qui s'est produit dans beaucoup d'organisations.
Par rapport
aux droits des femmes, est-ce que la ségrégation sexuelle, c'est une atteinte
aux droits des femmes? Nous, on pense
que oui. Mais, quand on voit que la Commission des droits de la personne a dit
à la SAAQ que le fait que ce ne soit pas une employée en particulier qui
ait été discriminée, donc il n'y avait pas de discrimination... C'est juste... «Entrée réservée aux Noirs», «entrée réservée aux
Blancs», il n'y aurait pas de discrimination parce que ce n'est pas une
personne en particulier qui est visée, mais, quand c'est pour les femmes et
pour les hommes, alors, ça, c'est comme acceptable. Alors, on pense que c'est...
Un gestionnaire, un supérieur, quelqu'un qui est responsable d'un groupe d'employés ne peut pas gérer ça à lui-même. On a
beau rajouter des balises, s'il risque en plus les poursuites... Moi, si
j'étais à sa place, je dirais : Oui, merci beaucoup, allez-y.
• (16 h 20) •
Le Président (M. Ouellette) : ...Mme
la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Oui. Et, si on ajoutait... Je sais qu'en France, par exemple, ils ne se sont
pas basés sur l'égalité entre les
hommes et les femmes pour permettre des lois sur, par exemple, le niqab, la
burqa, le burkini. Ils se sont basés sur le vivre-ensemble. Est-ce qu'il y a ce genre... J'aimerais ça que vous
réfléchissiez à quel genre de notion on pourrait amener qui nous
permettrait d'atteindre le but, l'objectif qui est fixé dans cette idée
d'accommodement raisonnable.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Malbrouk?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : Oui. Moi, je ne
comprends toujours pas quel lien avec la neutralité... Alors donc, la définition de la neutralité comme je l'ai trouvée
dans le projet de loi, c'est de «ne pas favoriser ni défavoriser une
personne en raison de l'appartenance ou non de cette dernière à une religion».
Mais, quand, dans les universités... Moi, je suis professeure à l'Université de Montréal et je sais bien qu'on en a
beaucoup, des demandes d'accommodement religieux pour le fait... par exemple lorsqu'il y a des examens
le samedi ou pendant les... Voilà. Alors, en fait, on donne, hein? Là,
on n'a pas le choix, finalement. Je ne sais pas. Bon.
Mais alors
ça, c'est quelque chose qu'on donne pour une raison religieuse, qu'on ne donne
pas à quelqu'un qui n'a pas de
religion. Quelqu'un... On ne donnerait pas... On ne dirait pas oui de ne pas
passer un examen à quelqu'un pour des raisons familiales. On leur dit
oui parce que c'est un Juif. Et comment, alors, on peut dire que c'est une
neutralité par rapport à la religion? Non,
c'est favoriser quelqu'un qui a une religion. Moi, je ne sais pas comment on
peut encadrer ça.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy :
Merci beaucoup, M. le Président. J'ai peu de temps. Mme Sirois, Mme Guilbault,
Mme El-Mabrouk, merci pour votre
mémoire. Juste pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, PDF Québec, ce
n'est pas un petit groupe, là, c'est
un groupe composé de 300 membres, créé en 2013. Vous êtes des
universitaires, vous êtes des chercheures, et je trouve que vous nous
avez fourni un document très étoffé, que plusieurs auraient avantage à lire.
Mme El-Mabrouk,
vous étiez en train de faire une présentation lorsque le temps s'est terminé.
Vous nous parliez, naturellement...
Vous nous parliez, entre autres, des signes religieux. Vous nous disiez que
c'est souvent un instrument politique
utilisé pour défier les lois des pays. Et là vous nous parliez justement du
fait que, pour les nouveaux arrivants, pour les immigrants... la majorité des immigrants ne font pas de demande, ou
etc. J'aimerais que vous poursuiviez dans votre présentation, puisque
vous avez été interrompue par le temps.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : Oui, en fait, moi,
j'avais fini. C'est surtout Michèle qui avait... Enfin. Mais, oui, moi, je pense que c'est loin de favoriser
l'intégration. Tout au contraire, ça met l'accent... En fait, c'est ça, ça met
le spot, là, sur des personnes qui... des extrémistes. Qui c'est qui
demande des accommodements religieux pour aller faire... Mais il n'y a pas que les musulmans, hein? Je veux dire,
il y a aussi les Juifs, mais enfin moi, étant donné que je connais plus l'islam, je parle de l'islam. Et, oui, je pense
que ça nous cause des préjudices. Ça met les employeurs en... Je ne sais
pas. Au bout d'un moment, quand ils voient que les demandes viennent d'un
certain groupe, c'est sûr qu'ils deviennent plus mal à l'aise d'embaucher des gens qui ont des noms arabes ou alors des
gens qui viennent de pays musulmans. Bon. Mais la majorité d'entre nous,
nous ne demandons pas ça. Moi, je ne vois pas en quoi ça peut aider les gens.
Bon, là, on parlait pour les écoles, par
exemple, là. Il y a beaucoup de parents qui viennent du Maghreb, par exemple des Algériens, qui ont vécu la guerre
civile, qui ont vécu des problèmes. Bon, est-ce qu'ils ont tellement
envie... Est-ce qu'ils sont contents de voir
que la majorité des éducatrices en service de garde, c'est des femmes voilées?
Ce n'est pas...
C'est ça, donc la laïcité, ça permettrait d'intégrer tout le monde. Moi, je
pense que le Québec a une grande histoire d'intégration de tout le monde. On a des problèmes avec l'extrémisme, et
c'est tous les Québécois, hein? La laïcité, ça permettrait d'intégrer
tout le monde, de permettre de ménager la sensibilité, de protéger la liberté
de conscience de tout le monde. Voilà, c'est ça.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy :
Oui. Merci. Je vais poursuivre avec quelques questions. À cet égard-là, le
projet de loi n° 62, comme vous l'avez mentionné avec justesse, ne
touche pas du tout, du tout aux signes religieux. Et naturellement nous, nous préconisions les conclusions du rapport
Bouchard-Taylor à l'effet qu'il fallait interdire le port de signes religieux à
certains employés de l'État en position
d'autorité coercitive, et ils étaient très bien définis. Comme vous vous êtes
penchée sur la question, est-ce que cette position-là, selon-vous, selon
les gens que vous connaissez, que vous fréquentez... Vous connaissez plus la communauté, est-ce que c'est
quelque chose qui serait bien accepté, que ces recommandations de la commission Bouchard-Taylor, auprès de la
communauté maghrébine ou d'origine... de confession musulmane, par exemple?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : Je pense qu'un
voile, c'est un voile dans... Puis il faut savoir ce qu'on entend par
«la coercition», hein? Je ne sais pas qui a une position coercitive.
Mme Roy :
Selon M. Bouchard, on parlait ici de la police, des gardiens de prison,
des juges et des procureurs de la couronne.
Mme El-Mabrouk (Nadia) : Oui.
Je vais laisser Michèle... Michèle.
Mme Sirois
(Michèle) : J'aimerais
répondre qu'à chaque fois qu'on a demandé à M. Bouchard : Que faites-vous
des enseignantes, des éducatrices en
garderie qui exercent une autorité morale extrêmement importante... On a
retiré les crucifix des salles de classe
parce que ça influencerait les enfants, alors que les enfants ne les
regardaient à peu près pas, ils
faisaient partie des murs, les crucifix. Par contre, il voit son enseignante ou
son enseignant, et, si cette enseignante, et enseignant, porte un signe religieux, il lui transmet des valeurs, il
lui transmet des croyances. Qu'est-ce qu'elle va répondre, la dame qui porte un foulard et qui enseigne à un
enfant de six ans qui va lui demander : Pourquoi vous portez ça sur
la tête? Elle va répondre : Non, je
n'ai pas le droit de le mentionner? Elle va répondre : Parce que c'est mon
Dieu, parce que c'est mon mari, mon
fils, ou l'imam, ou moi-même? Qu'est-ce qu'elle va répondre? Mais aussitôt
qu'elle va répondre à la question de l'enfant... Ne pas répondre, c'est
envoyer un message, répondre, c'est envoyer aussi un message.
Alors, j'aimerais dire aux partis ici et au
gouvernement que PDF Québec ne se contenterait pas seulement de Bouchard-Taylor, parce que même M. Bouchard,
à chaque fois qu'on lui demande les enseignants, il dit : Ah! c'est
vrai et... Alors donc, ce serait tronqué.
Parce que
c'est tout l'avenir, les enfants. On
a enlevé les crucifix, eh bien, la population québécoise va considérer que c'est des privilèges qu'on accorde à des enseignants, alors qu'on a
enlevé certains signes religieux, que c'est deux poids, deux mesures, et
ça, ce n'est pas pour favoriser la paix sociale.
Mme Guilbault (Diane) : Si je
peux me permettre?
Mme Roy : Oui, oui,
allez-y.
Mme Guilbault
(Diane) : J'ai un symbole
ici, tout le monde peut le lire. Hein, un symbole, ça veut dire
plein de choses, même un
enfant de deux ans est capable de décrypter qu'est-ce qu'il y a en arrière
de ça. Si je portais ça sur moi ou
que j'avais ça dans mon bureau, est-ce
qu'on dirait que je fais de l'annonce
pour cette compagnie? Je pense qu'on dirait que je fais de l'annonce. On
ne peut pas dire que l'affichage est neutre. L'affichage, c'est le contraire de
la neutralité. Afficher quelque chose, c'est afficher un message, c'est partager ses convictions, et on ne
peut pas parler de neutralité quand
on affiche un signe religieux. Alors, comme on ne peut pas afficher un signe politique,
on devrait ne pas afficher de signes religieux quand on travaille dans
les services publics au service des citoyens et des citoyennes.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Guilbault. Mme Michèle Sirois, Mme Diane
Guilbault, Mme Nadia El-Mabrouk,
représentant l'organisme Pour les droits des femmes du Québec, merci d'être
venues déposer en commission.
Je vais
suspendre quelques minutes. Je vais demander à l'Association des commissions
scolaires anglophones du Québec de bien vouloir s'avancer.
(Suspension de la séance à 16 h 29)
(Reprise à 16 h 32)
Le Président (M. Ouellette) : Nous
reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec et
nous recevons sa vice-présidente, Mme Suanne Stein Day. Et en prime nous
avons le député de D'Arcy-McGee qui vient assister à nos travaux. Et vous allez
nous présenter, Mme Day, les gens qui vous accompagnent, que l'on connaît parce qu'on les voit
souvent, mais vous allez nous les représenter, et vous avez
10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, il y aura un échange
avec Mme la ministre et les collègues de l'opposition. Mme Stein Day, à vous la
parole.
Association des
commissions scolaires
anglophones du Québec (ACSAQ)
Mme Stein
Day (Suanne) : Merci, M. le
Président, M. Ouellette. Mmes et MM. les députés, M. Birnbaum. Je suis
Suanne Stein Day, je suis la vice-présidente de l'Association des commissions
scolaires anglophones du Québec et la présidente de la commission scolaire
Lester-B.-Pearson. Je suis accompagnée de M. Stephen Burke, président de la
commission scolaire Central Québec ainsi que membre de l'exécutif de l'ACSAQ,
et de M. Marcus Tabachnick, directeur général de l'ACSAQ.
L'Association des commissions scolaires
anglophones du Québec, l'ACSAQ, soumet par la présente ses observations sur le
projet de loi n° 62. Bien qu'il s'agisse d'un projet de loi plus léger et
plus mesuré que le projet de loi n° 60 existant, il suscite tout de même
des préoccupations au sein de nos neuf commissions scolaires anglophones non
religieuses.
Les neuf commissions scolaires membres de
l'ACSAQ desservent quelque 100 000 élèves dans 340 écoles primaires et secondaires, centres de formation
pour les adultes et centres de formation professionnelle partout au
Québec. Chaque commission a une démographie,
des orientations et une histoire particulières. Elles offrent toutes des
services d'enseignement public avec une
sensibilité anglo-québécoise, qui accorde une même importance à toutes les
croyances, religions et cultures. Cette
sensibilité est d'une importance vitale pour le débat du projet de loi
n° 62, qui, selon les propos du premier
ministre, est censé définir la façon dont les Québécois vivront ensemble à
l'avenir. L'ACSAQ aimerait souligner au moins quatre éléments qui
décrivent cette sensibilité anglo-québécoise
:
Un, une approche pédagogique axée sur
l'apprentissage de l'élève plutôt que sur l'enseignement du sujet, c'est-à-dire qui,
conformément à l'esprit de la réforme des programmes d'études au Québec, met
l'accent sur l'acquisition de compétences et de connaissances afin
d'encourager l'esprit critique, le comportement citoyen, le questionnement et
le travail d'équipe.
Deux, la participation des parents et de la collectivité. Puisque nos
commissions scolaires sont redevables devant les contribuables, nos
écoles doivent être accessibles ou transparentes vis-à-vis des parents et de la
collectivité.
Trois, un
engagement à préparer l'avenir de nos élèves au Québec. Cet engagement commence
avec l'apprentissage approfondi du
français comme langue seconde. Chacune de nos commissions scolaires se donne
pour mission d'offrir à chaque élève
la possibilité de maîtriser le français. Cet engagement contribue à la
francisation du Québec puisqu'il se transpose
dans une approche générale visant l'enseignement des arts, de la littérature,
de l'histoire et qu'il s'étend même aux activités parascolaires,
représentant ainsi une approche consciente et respectueuse de la personnalité
riche et unique du Québec.
Quatre, une reconnaissance de notre statut
particulier en tant qu'institutions anglophones. La communauté anglophone du Québec, dans toute sadiversité,
ne cesse de contribuer au riche tissu social du Québec. Lescommissions
scolaires anglophones, qui représentent le
seul ordre de gouvernement élu redevable à cette communauté, assument
dans le cadre de leur mission la tâche d'enseigner cette contribution
fondamentale et d'y contribuer.
Le projet de
loi n° 62 semble reposer sur la supposition qu'il existe un
affrontement à l'intérieur de la province entre les valeurs religieuses
et culturelles conflictuelles et celles réputées être des valeurs communes à la
population québécoise. En tant que
représentante des neuf commissions scolaires anglophones du Québec, l'ACSAQ a
constaté bien peu de preuves à cet
effet. Nos 340 écoles publiques anglophones contribuent à la vigueur
future de la langue française en offrant
des programmes de français langue seconde intensifs et d'avant‐garde qui dépassent largement les exigences
du programme prescrit par le gouvernement.
Un pourcentage croissant d'élèves fréquentent les écoles publiques
anglophones, complètent l'examen de français
langue maternelle à la fin de leurs études secondaires et réussissent aussi
bien, sinon mieux que leurs concitoyens francophones. La sécularisation
progressive de l'enseignement public au Québec, à laquelle l'ACSAQ souscrit
pleinement, représente un autre élément de cette réussite. Le remplacement de
l'enseignement confessionnel par un
programme d'éducation et de culture religieuse de plus en plus reconnu aide nos
élèves à apprendre la leçon
importante que la diversité raciale et religieuse enrichit le Québec et qu'elle
complète, plutôt qu'elle ne menace, le sentiment d'unité autour des
valeurs québécoises.
Ce message
d'inclusion prédominant revêt une signification d'autant plus grande en raison
de la détermination de nos
commissions scolaires anglophones d'inclure autant que possible les élèves de
la gamme complète de potentiel et de déficiences
à tous les aspects de la vie scolaire. Pour ce faire, nous nous appuyons sur
une approche distincte et, encore une fois,
complémentaire au rôle unique qui nous incombe en tant que réseau d'écoles en
langue minoritaire résolu à préparer l'avenir de ses élèves dans un
Québec où la langue commune est le français.
D'après notre
expérience, notre système n'a jamais eu à imposer par une loi aux enseignants,
aux professionnels, ni au personnel de soutien l'obligation de respecter
quelque code de conduite qui soit, encore moins la neutralité religieuse. La liberté de religion au Canada, un
droit protégé par la Constitution, confère aux croyants la liberté de
réunion et de culte sans limitation ni interférence.
Par ailleurs,
de nombreux tribunaux canadiens se sont prononcés sur diverses causes portant sur
l'accommodement pour motifs religieux,
exemple : le Canada contre Ishaq 2015. Et, en fonction de cette
décision de la Cour fédérale et de la Cour
d'appel fédérale, ce projet de loi est fort susceptible de se révéler
inconstitutionnel : il porte atteinte à la liberté de religion et au droit de la communauté minoritaire
d'expression anglaise de gérer et de contrôler ses institutions d'enseignement.
Il
existe une charte des droits et libertés, laquelle a toujours servi les citoyens de ce pays avec
dignité et respect. En plus d'être inutile, une loi de substitution
n'est pas conforme aux décisions subséquentes des tribunaux en matière d'accommodement pour motifs religieux et de
neutralité religieuse. Durant les années 1960 au Québec, Jean Lesage
et son gouvernement ont réussi à atteindre l'objectif de séparer l'Église et
l'État. Cette séparation est toujours pertinente et elle doit continuer à être
respectée durant le XXIe siècle.
L'ACSAQ
appuie la séparation de l'Église et de l'État. En vertu de la Loi sur
l'instruction publique du Québec et de
la philosophie selon laquelle on fonctionne, nos commissions scolaires et nos
écoles assurent la séparation de l'Église et de l'État. Nous sommes confiants que nos enseignants et nos administrateurs
ont les compétences voulues pour véhiculer ce respect au sein de toutes nos institutions. Nous sommes d'avis que le
projet de loi n° 62 est inutile et qu'il sème la discorde, comme la
majorité de ces discussions l'ont fait au cours des dernières années.
• (16 h 40) •
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme Stein Day. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci. Alors, bonjour, Mme Stein Day, M. Burke, M. Tabachnick. Merci de votre
participation aux travaux de la commission.
J'essaie
de... Je vous écoutais avec beaucoup d'intérêt, parce que j'ai l'impression que
nous avons les mêmes... on est
motivés par les mêmes principes de base, c'est-à-dire, oui, on souhaite
respecter les droits qui sont garantis par nos chartes, la charte québécoise, la Charte canadienne. Et c'est pour ça
que nous allons de l'avant avec cette notion de neutralité religieuse dans la prestation de services, mais
pas dans l'expression de l'individu, et donc on respecte... Et c'est pour
ça qu'on n'encadre pas comme des gens... Le
groupe qui vous précédait souhaitait que l'on interdise, par exemple, le
port de tout signe religieux chez les
enseignants, qui sont pour la plupart des gens avec qui vous travaillez au
quotidien. Nous, on ne va pas
jusque-là dans l'encadrement parce qu'on considère... parce qu'on respecte
évidemment ce droit à la croyance, ce droit
à la liberté de conscience, à la liberté de religion. Et on sait très bien, et
la Cour suprême nous l'a très bien dit, que l'État est neutre, et les individus qui agissent, qui interagissent avec
l'État, eux, ont leurs propres convictions ou parfois n'ont pas de conviction religieuse, ça aussi, il faut le
respecter. Il faut respecter, en fait, la croyance ou l'absence de croyance
et traiter et interagir avec la personne sans avoir de préjugés en raison de
cette croyance ou cette absence de croyance.
Alors, c'est
ce que nous prévoyons, ce que nous présentons dans le projet de loi, et nous
venons codifier à l'intérieur du
projet de loi le processus d'accommodement, alors comment procéder, comment
agir lorsqu'est soumise une demande d'accommodement
basée sur un motif religieux, alors quels sont les grands guides pour guider le
gestionnaire, pour guider celui ou
celle à qui est présentée la demande, mais vers quoi se tourner pour s'assurer
que la demande d'accommodement pourra être considérée, comme on le
mentionnait, un accommodement raisonnable.
Et donc
j'aimerais ça vous entendre parce que vous n'êtes pas nécessairement de la même
opinion, vous ne partagez pas notre opinion.
Selon vous, la codification ou l'enchâssement dans un texte de loi de ces
principes-là ne semble pas nécessaire. Vous
dites : Il n'y a pas de discorde au Québec. Pourtant, vous avez entendu,
il y a beaucoup de débats sur cette
question-là, puis on n'a pas... L'encadrement législatif des demandes
d'accommodement religieux n'est pas...
n'existe pas, on se fie au guide jurisprudentiel. Et ce principe de la
neutralité religieuse, bien, oui, il nous est enseigné par la jurisprudence, par la Cour suprême, mais on
ne le retrouve pas dans un texte de loi. Pour nous, c'est important
de le retrouver dans un texte de loi pour justement
venir bien camper que l'individu et les droits des individus doivent être
respectés.
Donc, j'étais un petit peu étonnée parce qu'on
a... Je crois qu'on a les mêmes convictions profondes quant à l'importance de respecter les droits individuels. On le voit peut-être
d'une façon différente dans la façon, dans la mise en oeuvre
de ce respect-là. Alors, là-dessus, j'aimerais vous entendre. Puis je sais qu'à l'intérieur de vos associations vous avez...
vous mentionnez 340 écoles, ce n'est quand même pas rien. Donc, peut-être
que vous avez des exemples, aussi, concrets, là, qui pourraient être
apportés pour le bénéfice des membres de la commission.
Mme Stein Day (Suanne) : M. Burke,
vous répondez à ça?
Le Président (M. Ouellette) : M.
Burke, s'il vous plaît.
M. Burke
(Stephen) : M. le Président. Écoutez, notre expérience à nous, c'est qu'on n'a pas
cette problématique-là. Et vous avez
raison de dire que, 340 écoles, s'il
y avait à avoir problème, probablement que nous l'aurions, mais nous... En fait, c'est une question de
gros bon sens. Notre priorité à nous, c'est le succès de nos élèves. Et d'ailleurs
vous connaissez — dans
d'autres tribunes, on vous en a parlé — comment
les écoles anglophones réussissent à graduer à un taux de diplomation assez exceptionnel, et nous en
sommes fiers. La raison est que — et
je vais employer un mot anglophone, «focus» — notre
focus est sur le succès de l'élève. Alors, par conséquent, tout ce qui irait à
l'encontre du succès d'un élève, tout
ce qui pourrait faire en sorte qu'un enseignant serait distrayant, ne donnerait
pas la qualité de travail à laquelle nos jeunes ont droit, là on agirait. On agirait parce qu'on est élus par nos communautés pour s'assurer que les élèves ont une
qualité d'enseignement de grande qualité, une grande qualité d'enseignement.
Donc, c'est
pour ça que... Vous savez, c'est un peu comme traiter une maladie sans que le
malade soit malade : ça peut lui
créer plus de trouble que si on l'avait tout simplement... si on avait
attendu qu'il soit malade. Alors, la médication, dans ce cas-ci... Et on le sent, il y a eu beaucoup
de discussions au sein de la société québécoise, qui font en sorte que... Et, en plus,
on a nos amis au Sud qui vivent une élection, dans le moment, qui fait en sorte
que les gens exagèrent beaucoup.
Nous, on n'en a pas, on n'a pas de problématique
dans nos écoles. Alors, je vais vous parler de 340 écoles, neuf commissions scolaires, plein de
confessionnalités qui travaillent ensemble. On n'a pas personne qui vient
devant ses élèves à visage couvert. On n'a
pas personne qui nous demande des accommodements qui seraient tels que...
Tantôt, j'ai donné une entrevue... À Central
Québec, moi, on est à Québec, notre territoire couvre le Saguenay, Chibougamau,
Shawinigan, Trois-Rivières, ma collègue,
dans la région de Montréal, c'est sûr que, si on nous demandait quelque
chose avec laquelle on ne pourrait pas vivre, on agirait, parce qu'on est élus
pour ça. On pense qu'on a les moyens pour. Et, jusqu'à date, notre expérience,
c'est qu'on n'en a pas eu besoin.
Alors, c'est
pour ça qu'on dit... Je comprends que ça peut être difficile, là, pour les gens
qui arrivent avec un projet de loi,
de se faire dire que nous, on croit qu'il est inutile, et on le dit avec
beaucoup de respect, on le dit en fonction de notre expérience. C'est ça qu'on vient vous dire. Si on
avait une expérience tout à fait négative et qui nous faisait croire
qu'on a des gens, à tous les jours, qui nous
demandent des choses qui sont au-delà de notre capacité de donner, bien, on
aurait un discours différent. Est-ce que ce sera le même discours... Mais, dans
le moment, c'est le discours qu'on entretient.
Mme Vallée :
Parce que je suis un petit peu... Je suis étonnée, mais en même temps c'est
tout à votre honneur. On avait, en
septembre, au début septembre, Mme Harel-Bourdon, à Montréal, qui réclamait
haut et fort du gouvernement des balises
claires pour l'encadrement des accommodements religieux. Il y avait un enjeu
qui a fait l'objet d'une couverture médiatique. Et donc, évidemment,
cette demande-là, bien, le projet de loi, bien que déposé bien avant l'enjeu,
venait justement donner un certain paramètre
pour guider notamment les commissions scolaires dans le cadre de ces
demandes d'accommodement. Donc, je comprends
que, vous, à l'intérieur de votre regroupement, il n'y a pas eu de
problématique, c'est-à-dire... Mais j'imagine que vous avez à l'occasion des
demandes d'accommodement pour motifs religieux, et vous y répondez sans
problème.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Stein Day.
Mme Stein Day (Suanne) : Si vous
permettre, je veux répondre en anglais.
Mme Vallée : Pas de problème.
• (16 h 50) •
Mme
Stein Day (Suanne) : The approach, the focus that Mr. Burke talked about is very different, I believe, in our English schools. I can't speak for commission scolaire de
Montréal. They're not part of our association. But in our schools, there are
religious differences. I personally know a teacher who wears a hijab. I know an
Orthodox Jewish teacher who has a kippah and
eats his own kosher food in a public school. Our teachers take these
opportunities to have teachable
moments. They take these opportunities to not only talk about the differences
in different religions, cultures and races,
but also the similarities. And we hope, by explaining how similar we all are,
despite certain differences, to children at a very young age, we will
raise children who are not fearing the differences, who are not developing any
racist or discriminatory opinions of their own.
My
children were raised in a very different environment that I was raised in, and
I see the difference. They don't see color, and race,
and religion as obstacles to friendship, to marriage, to a future together, a
working relationship in Québec. And I think we need to grow to
eliminate any xenophobia, to eliminate any racism and the like, and to expose our children to these elements at a very young age.
And Mr. Burke said, «To date,
our staff have not taken advantage of anything.» We've had to make minor
accommodations. There are certain teachers who won't work during the Muslim
high holiday or Yom Kippur, in the religious holidays, but it's not abused. It's
not abused.
Le Président (M. Ouellette) : M.
le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci,
M. le Président. Bonjour,
Mme Stein Day, M. Burke, M. Tabachnick. On a eu le
plaisir, pour plusieurs années, de travailler ensemble. Alors, je connais bien
le réseau, dont vous êtes fiers, comme moi et comme
nous tous, je crois. C'est des écoles, des commissions scolaires qui
s'illustrent sur le plan pan-Québec. Vous l'avez noté, à juste titre, que, sans exception, les neuf commissions scolaires et chacune des 300 quelque 40 écoles se
donnent comme un des aspects de leur mission
de participer dans la francisation du Québec, en quelque part, il faut le dire, alors,
dans la pleine participation.
Je vais poursuivre les autres questions de la ministre.
Dans un premier temps, il me semble qu'on partage le même objectif, en quelque part : c'est de miser en général sur la
bonne foi de nos concitoyens, Québécoises et Québécois, sur leur bonne foi et leur gros bon sens. Vous l'avez dit à juste titre.
C'est pourquoi vous avez devant vous, comme nous tous, un projet
de loi qui cherche à circonscrire nos
discussions et d'en quelque part offrir une valeur ajoutée, mais à miser
sur ce qui est en place déjà. C'est une société ouverte et prête à accueillir
les différences.
Mais en même temps je veux vous inviter à élaborer sur le quotidien, comment ça marche sur
le plan quotidien. On a donné l'exemple d'une autre commission scolaire
où il y avait une demande de congé, et tout ça, qui a semé des difficultés.
Alors, je veux vous inviter, dans un premier temps, d'élaborer sur des exemples
concrets sur le terrain, et de vous poser la
question si les genres de balises qu'on propose risquent de nuire à quoi que ce
soit. Si c'est chose faite déjà, tant
mieux. Est-ce que ça ne peut pas peut-être aider les autres écoles et commissions scolaires à faire de quoi? Alors, comme, sur le plan quotidien, un prof demande un
congé à cause de ses croyances religieuses, comment ça se réconcilie
avec des autres membres de l'équipe-école? Est-ce qu'il y a des fois des
questions... Bon, voilà. Cette personne a eu deux
journées de congé que moi, je n'ai pas eues. Une demande d'une élève musulmane
de se désister d'une classe de natation.
Comment vos écoles s'adressent à ces défis-là et y a-t-il problème si les
balises sont en place pour les commissions scolaires qui risquent de les
avoir besoin?
Le Président
(M. Ouellette) : M. Burke.
M. Burke
(Stephen) : Bien, M. le Président, j'aurais tendance à dire que tout est dans la manière. Vous savez,
quand vous demandez des choses... On est
probablement tous parents ici, il y a une façon pour un enfant de
demander... Là, je vous fais une analogie avec un enfant, mais mettons avec
un... il y a une façon de demander les choses. Quand on demande des choses puis
qu'on est prêt à mettre un poing sur la table, ce n'est plus une demande, c'est
une exigence. À ce moment-là, moi, dans mon cas de président d'une commission
scolaire, j'aurais de la difficulté à accepter que quelqu'un exige.
On a compris que, quand quelqu'un demande un
accommodement... Et, d'après moi, je ne suis pas un terminologue, mais accommoder, c'est dans un sens positif, on
s'accommode, on trouve une façon de s'entendre. Si cet élément, cette personne-là, dans l'équipe-école,
est une bonne... est une personne qui entretient de bonnes relations, et
c'est ce qu'on a compris tout à l'heure, qui
entretient de bonnes relations, qu'on voit que le port de la kippa, ce n'est
pas pour faire du trouble à son
collègue qui est d'une autre religion, c'est beaucoup plus parce que ça fait
partie de sa coutume, et c'est accepté
dans l'école... Nous, à Central Québec, vous savez, Chibougamau, Shawinigan,
Trois-Rivières, région de Québec, on n'a pas beaucoup de ces
exemples-là. Mais, si on en avait, on ferait la même chose que ma collègue. Si
c'est fait d'une façon...
Et justement j'aime l'idée que nous, dans nos
écoles, on habitue l'élève à vivre dans un monde qui est plein, qui est plein de différences. Moi, je suis un
Irlandais de la région de Québec, et combien de temps les gens, quand je
parlais anglais, pensaient que j'étais
protestant. Ce n'est pas grave d'être protestant, hein? Ce n'est pas plus grave
que ça. Mais, dès qu'on parlait
anglais, quand j'étais petit gars, on était des Anglais. On ne savait pas qu'un
Irlandais, un Écossais, etc.
La beauté de
notre association à nous, de Québec English School Boards Association, c'est
qu'on est une multitude de gens qui
ont un seul but, c'est d'assurer le succès de nos élèves. Et, si on sent qu'un
enseignant, de par ses demandes, nuit
à ça, c'est là qu'on va agir. S'il nuit au succès de nos élèves, on va agir.
Mais ça n'arrive pas, et c'est ce que j'ai compris. Parce que c'est sûr que, dans la région de
Montréal, ils ont des cas beaucoup plus problématiques que nous, on
pourrait avoir dans Central Québec. Mais, si
on en avait, c'est sûr que ma priorité à moi et celle de mes collègues
commissaires d'école, ce serait : Cet
enseignant-là, ce qu'il va faire en classe, est-ce que ça va nuire à nos
élèves? Si la réponse, c'est non, si, au contraire, ça va aider à nos
élèves d'être plus ouverts à une terre qui est de plus en plus petite, on
n'aurait pas de problème.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
M. Burke. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci. Bonjour, Mme Stein Day. M. Burke, bonjour. M.
Tabachnick. Bienvenue à l'Association des
commissions scolaires anglophones. Toujours vivante, toujours présente. C'est
un plaisir de voir que vous êtes toujours là.
Écoutez, je vous écoutais avec attention. Bien
sûr, je comprends que vous n'êtes pas satisfaits de la loi, au point de dire : Écoutez, on n'en a pas
besoin. Maintenant, ce n'est pas tellement le message qu'on entend à travers le
Québec actuellement, mettons, alors on
essaie de trouver une solution. Mais, tant qu'à proposer quelque chose, il faut
que ça serve à quelque chose.
L'utilité, c'est : Quel est le problème? Quelle est la solution? En
général, c'est comme ça qu'on légifère.
Je vous
écoutais bien. J'ai lu votre mémoire. Vous parlez des années 60 au Québec,
où on a vraiment, on dit ça comme ça,
sorti la religion des écoles. Ça s'est fait simplement, calmement. Et
aujourd'hui nous serions un peu atterrés de voir une école où il y aurait plein de soeurs en cornette et de
religieux en soutane avec la grosse croix. Et on s'inquiéterait. Moi, je m'inquiéterais. Je dirais : Qu'est-ce
qui se passe? On n'est plus là-dedans. On a justement évacué cette
impression-là en disant : Il faut
donner à nos écoles et à nos étudiants une impression que l'univers n'est pas
un univers religieux, l'univers est un univers laïque.
Vous dites
d'ailleurs, dans votre mémoire : «L'ACSAQ appuie la séparation de l'Église
et de l'État», clairement. À quel
endroit c'est inscrit dans la Loi sur l'instruction publique qu'il y a
séparation de l'Église et de l'État ou que l'État est laïque? Je n'en ai
trouvé aucune. Peut-être que vous, vous pouvez m'aider, mais nulle part c'est
écrit dans nos lois.
Le Président (M. Ouellette) : M. Burke.
M. Burke
(Stephen) : Bien, je
reviendrais à... Nous, vous savez, la façon anglophone de regarder des
choses, il y a un principe, ça s'appelle KISS : «Keep it simple, stupid.»
Je n'aime pas dire ce mot-là ici, «stupid», là, mais vous comprendrez que, quand on garde les choses
simples... On peut complexifier tout dans la vie, tout peut être
complexe. On peut rendre la vie de tout le monde absolument exécrable et
invivable.
Ce n'est pas ce qu'on vit dans nos... Vous
savez, on est neuf commissions scolaires, 340 écoles, ce n'est pas beaucoup.
100 000 élèves, ce n'est
pas beaucoup. On n'a pas le temps, nous, de se battre et de ne pas s'entendre
sur les choses importantes. Et c'est pour ça que, je dis encore, on vise
le succès des élèves. C'est sûr que vous avez raison, M. le Président, Mme Maltais a raison que ce n'est pas écrit en nulle
part, mais, encore là, c'est du gros bon sens. Si jamais cette loi-là
est adoptée, écoutez, on vit déjà sans elle, on va probablement vivre aussi
bien avec elle, mais vous nous demandiez notre opinion, alors ce qu'on vous
dit, c'est qu'elle n'est pas nécessaire dans notre quotidien à nous.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Stein Day.
Mme Stein Day
(Suanne) : ...it does say in the Education Act
that we must follow the basic...
• (17 heures) •
Mme
Maltais : Madame. Excusez-moi, si vous voulez parler en
anglais, pas de problème, mais parlez lentement, s'il vous plaît. Je
n'ai pas cette fluidité.
Mme Stein
Day (Suanne) : Je m'excuse. It does say in the Education Act that
we must follow the basic school regulation. And that, as you know, has eliminated all religious courses
and replaced it with the Ethics and Religious Culture, which we very
much support and very much feel that it is adding benefit to our schools and
keeping the neutrality in our schools.
Mme
Maltais :
Parfait. Merci. Ce n'était pas une colle, là, c'était pour... Parce que c'est
un point que je souligne, c'est que
la laïcité... La laïcité, vous savez, moi aussi, je vais vous dire — M. Burke, on se connaît un peu — c'est simple. C'est assez simple et
ça s'enseigne aussi. Et c'est même, pour moi, beaucoup plus simple que la
neutralité. Et ça ne changerait pas non plus, je pense, votre expérience
scolaire. Bien, ça ne bouleverserait pas l'expérience scolaire.
Vous dites
dans votre mémoire que la loi, cette loi, porte atteinte à la liberté de
religion, bon, ça, on peut débattre, mais surtout vous dites : «au
droit de la communauté minoritaire d'expression anglaise de gérer et de
contrôler ses institutions d'enseignement».
J'aimerais ça que vous nous dites vraiment à quel point ça vous empêcherait de
gérer, de contrôler vos institutions d'enseignement, parce que ce n'est
qu'une proposition d'accommodement raisonnable qu'il y a là-dedans, de façon de gérer. Vous allez loin dans cette phrase-là,
à mon avis. Je sais que c'est très précieux pour la communauté anglophone, on a eu bien des débats
là-dessus, mais j'aimerais ça que vous m'expliquiez à quel point ça peut
aller jusqu'à, je vous dirais, cette
perception que vous avez que c'est un empêcheur de tourner en rond dans vos
institutions d'enseignement.
M. Burke
(Stephen) : M. le Président,
j'aurais tendance à penser... Bon, peut-être, nos mots sont forts un
peu, mais ce qu'on veut dire, c'est qu'on
est capables de gérer sans ce projet de loi là. C'est ce qu'on veut dire. C'est
peut-être un peu fort. Ça nous arrive, des fois, de ne pas toujours avoir
raison. Très peu souvent, mais...
Mme
Maltais :
Oui, bien sûr! Non, mais c'est parce que c'est quelque chose de très précieux
pour vous. Alors, quand vous
l'employez, je voulais être sûre que c'est... il y a une impression, donc,
d'ingérence dans la façon dont vous travaillez avec vos enseignants,
c'est... J'essaie de le traduire mieux.
M. Burke (Stephen) : Je pense que
vous avez... vous nous aidez énormément, parce que vous savez qu'il y a d'autres projets de loi qui sont à l'étude
actuellement et d'autres précédents qui font en sorte qu'on est des assidus
ici, et, à chaque fois qu'on peut rappeler qu'on a le droit de gérer nos
institutions et qu'on y tient, bien, on le fait.
Mme
Maltais :
Oui. Vous travaillez avec les enseignants sur la base de relations de
confiance, sur la base, comme vous
dites, de gros bon sens. Vous avez une version pourtant, dans votre mémoire,
assez... je dirais, de la ligne dure en matière de liberté de religion : «...un droit protégé par la
Constitution, confère au croyant la liberté de réunion [...] de culte
sans limitation ni interférence.»
Oui, tout à
fait. Mais est-ce qu'on ne peut pas dire que le lieu de culte, par exemple, ne
doit pas... la limitation qui est
acceptable dans une société, c'est que ce lieu de culte ne doit pas se
retrouver dans une école? C'est que «limitation, interférence», c'est par rapport à l'humain doit pouvoir se réunir dans
un lieu de culte, doit pouvoir vivre sa religion en toute liberté, mais qu'on a le droit d'établir des
règles du vivre-ensemble dans une institution d'enseignement? Bien, en
tout cas, moi, c'est mon impression. C'est que la limite... Sans limitation ni
interférence... C'est quand même à travers les règles du vivre-ensemble, à travers l'acceptation que l'autre, que les
institutions sont... enfin, on pense, qu'elles sont laïques et que
l'autre aussi doit être respecté. Il y a quelque chose quand même dans ce
vivre-ensemble qui est un essai de codification pour moi, dans 62, simplement
un essai de codification de ce qui est accepté comme vivre-ensemble.
Mme Stein Day (Suanne) : We agree with that, we agree with
that. Again, we're trying
to solve a problem that we haven't identified as a
problem.
M. Burke (Stephen) : En fait, c'est ça — excusez-moi — si on avait un problème, on serait
probablement... on aurait un discours différent, mais on ne le vit pas.
Mais, je suis tout à fait d'accord avec vous, et on est unanimes, si quelqu'un voulait faire en sorte de changer de A à
Z la paix, la paix sociale dans une école par sa façon d'agir, on
agirait immédiatement. Et c'est pour ça qu'on dit qu'on n'a pas besoin de cette
loi-là, parce qu'on agirait même sans la loi, on ne laisserait pas quelqu'un
perturber une école au point où le succès des élèves serait mis en cause.
Mme
Maltais : Avez-vous une opinion sur le fait que des personnes en
situation d'autorité, policiers, juges de paix, les gens qui peuvent pénétrer dans les écoles, portent des signes
religieux? C'est ce qu'on appelle le Bouchard-Taylor... le consensus Bouchard-Taylor, que les juges, les
policiers, les personnes en situation d'autorité ne devraient pas porter
de signes religieux ostentatoires.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Stein Day.
Mme Stein Day (Suanne) : I can't say, as I've given that much
thought... I would agree that those people shouldn't
cover their faces, but, if they are wearing a cross or a Star of David, I don't
think it would affect anything.
Mme Maltais : On n'est pas
dans porter une croix, we're not in wearing a cross, on est plutôt dans, par
exemple, le hidjab, le turban pour les
policiers, des choses comme ça, on sait qu'il y a des... C'est plus cette
situation-là, on n'est pas dans... La
petite croix, là, il n'y a personne au Québec... ou le petit croissant,
personne au Québec ne va s'énerver avec ça, là, mais plus dans les
signes religieux, j'ai dit, ostentatoires.
Vous n'avez pas
d'opinion là-dessus? Vous n'avez pas suivi le débat? Vous n'avez pas de prise
de position comme commission scolaire?
Mme
Stein Day (Suanne) : I have no problem if a police officer is wearing a turban or a hijab.
Again, I agree with
what's stated in the «projet de loi», that the faces should not be covered when
giving this type of service, but I don't know... I haven't even seen in Montréal anybody wearing a niqab or a
burqa, I can't remember in how long. How many people in la Belle Province actually are affected by that particular
law? I believe I read today that nobody in the public service, in the Government of Québec's public
service wears a niqab or a burqa. I don't know if anybody in any of our schools... We asked our chairman and we are
unaware of any teacher, administrator, whatever who would like to cover
their faces while delivering service.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme Stein Day. Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy : Oui. Merci, M. le Président. Oui, bonjour, madame,
messieurs. Merci. Merci pour le mémoire. Je l'ai lu. Je vais commencer par la conclusion, pour le bénéfice des gens qui
nous écoutent. Vous nous dites, en conclusion : «Nous sommes d'avis que le projet de loi
n° 62 est inutile et qu'il sème la discorde, comme la majorité de ces
discussions l'ont fait au cours des dernières années.»
Maintenant, je vais
vous amener aux motifs pour lesquels vous dites que le projet de loi n° 62
est inutile. Ma collègue en a fait allusion.
Vous nous dites : «...ce projet de loi est fort susceptible de se révéler
inconstitutionnel : il porte atteinte
à la liberté de religion et au droit de la communauté minoritaire d'expression
anglaise de gérer et de contrôler ses institutions d'enseignement.»
J'ai
lu la loi et je ne vois rien dans la loi qui correspond à vos craintes dans la
mesure où il n'y a aucune interdiction à l'égard des signes religieux,
il n'y a aucune interdiction à l'égard des accommodements religieux. Au
contraire, Mme la ministre les a écrits, elle définit la jurisprudence que vous
appliquez déjà, c'est ce que je comprends. Donc, qu'est-ce qui vous irrite dans
ce projet de loi?
M. Burke (Stephen) : Je me répète, là, mais, quand il n'y a pas de problème... On ne voit
pas la nécessité d'avoir ce projet de
loi là parce qu'on n'en a pas, de problème. Tantôt, je vous disais : Si
quelqu'un voulait, de par son entêtement, de par son vouloir de faire un point : «je vais leur montrer, moi,
à la commission scolaire, comment je me chauffe puis je vais le porter
ce... je vais me masquer pour enseigner aux élèves...» Moi, je vous
garantis — je
parle pour le Central Québec, là — il n'y a personne qui va enseigner à nos
enfants avec un masque, là, ou masqué. Ça n'arrivera pas tant que je serai le
président, parce que je suis en désaccord avec ça.
Donc,
je dis : J'ai le droit, moi, de gérer. C'est mon droit de gérance, et je
pense que le gros bon sens me permettrait de dire... Et je serais
surpris que les parents viendraient me dire, la communauté me dirait: M. Burke,
vous n'êtes pas accommodant. Je veux dire, on n'enseignera pas aux enfants le
visage recouvert, en tout cas à Central Québec.
• (17 h 10) •
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy : Merci, M. le Président. Donc, si je vous comprends, c'est
l'article qui nous dit que les services doivent être reçus et donnés à
visage découvert qui pourrait, s'il est appliqué, vous déranger, dans l'exemple
que vous venez de donner là.
M. Burke (Stephen) : C'est-à-dire qu'on n'en a pas besoin, parce que nous, on
l'appliquerait, ça. On l'applique, tu sais.
C'est un peu... Dans le fond, on n'est pas tellement loin, là, mais on est
peut-être deux parallèles, là, mais on n'est peut-être pas tellement
loin. Mais ce que je vous dis, c'est que nous, on n'en a pas besoin parce qu'on
croit être capables de gérer ces situations-là.
Mme
Roy : Mais oui, mais vous êtes conscients aussi que nous vivons
dans un pays où une femme peut prêter serment avec un niqab. Donc, il
est possible qu'une enseignante vous demande de le porter, et là vous
l'accepteriez. C'est ce que vous nous dites?
M. Burke
(Stephen) : Ah! non, non, non.
Mme Roy :
Vous n'accepteriez pas?
M. Burke (Stephen) : Bien, moi personnellement... Moi, je vais vous donner ma réponse, là,
je ne parle pas pour l'association,
je parle de président d'une commission scolaire : je ferais tout en mon
pouvoir pour qu'on... parce que je pense que ça peut nuire dans une classe de voir quelqu'un arriver, là, masqué
du jour au lendemain, là, je veux dire, ce n'est pas l'Halloween, là.
Mme
Roy : Alors, quand vous nous dites en conclusion: «Nous sommes
d'avis que le projet de loi n° 62 est inutile et qu'il sème la discorde», je dois m'inscrire en
faux, je suis en désaccord avec vous, parce que je crois qu'il est utile
de discuter de neutralité religieuse et de
laïcité de l'État justement pour ne pas qu'il arrive des cas comme celui dont
vous faites mention.
M. Burke
(Stephen) : Vous me
permettrez, le danger dans les discussions, c'est d'encourager des gens qui
ne veulent pas comprendre, qui ne cherchent pas de l'accommodement, qui
cherchent de l'affrontement. C'est ça, le problème.
C'est ça que, peut-être, on vit dans nos sociétés. C'est qu'à force d'en parler
beaucoup on crée chez certaines personnes
une crainte — ça, je
peux comprendre, là, il faut les aider à vaincre cette crainte-là — mais on peut aussi créer chez d'autres... Il y a des gens qui ne cherchent
que ça, des causes pour faire du trouble. Et nous, on dit: C'est que,
dans nos écoles, on n'en a pas. Est-ce qu'il
y en a? Jusqu'à date, ils ne se sont pas fait connaître, et j'espère que de
nous voir ici aujourd'hui ne les réveillera pas, là, mais, si ça les
réveille, on est prêts.
Mme Roy : Je vous remercie
infiniment. Merci beaucoup.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme Suanne Stein Day, M. Stephen Burke et M. Marcus Tabachnick, représentant l'Association des commissions
scolaires anglophones du Québec, d'être venus déposer à notre
commission.
La commission ajourne ses travaux au mardi
25 octobre 2016, à 10 h 30, où elle poursuivra son mandat.
(Fin de la séance à 17 h 13)