(Onze heures vingt-cinq minutes)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie
de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant diverses lois
concernant principalement l'admission aux professions et la gouvernance du
système professionnel.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Leclair (Beauharnois) est remplacé par Mme Lamarre (Taillon).
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
O.K. Puis Mme Roy, c'est la porte-parole. C'est correct.
Auditions (suite)
Nous entendrons cet avant-midi les organismes
suivants : l'Ordre des acupuncteurs du Québec, l'ordre...
Une voix : ...
Le
Président (M. Ouellette) :
Ah! c'est une erreur, c'est ce que je pensais. Donc, nous entendrons cet avant-midi
la Fédération des cégeps — c'est
mieux que les acupuncteurs, hein, bon, c'est correct — l'Ordre
des administrateurs agréés du Québec et l'Ordre des pharmaciens du Québec.
Représentant
la Fédération des cégeps, son président-directeur général, M. Bernard
Tremblay... qui allez nous faire la
présentation et qui allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent.
Vous avez 10 minutes, il y aura, après
ça, une période d'échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux
oppositions, la porte-parole officielle maintenant la députée de Chicoutimi, qui est rendue membre de notre
commission, et la députée de Montarville, qui se joint à nous pour la
dernière journée de nos consultations.
M. Tremblay, à vous la parole.
Fédération des cégeps
M. Tremblay (Bernard) : Bonjour.
Merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Tout d'abord, merci, évidemment, de nous recevoir pour
présenter le point de vue et les commentaires de la Fédération des cégeps
sur le projet de loi n° 98.
Alors, je me présente, Bernard Tremblay,
président-directeur général de la Fédération des cégeps. Je suis accompagné de
la présidente du conseil d'administration, Mme Marie-France Bélanger, qui est
également directrice générale du cégep de
Sherbrooke, ainsi que de ma collègue Mme Isabelle Laurent, qui est directrice
des affaires éducatives et de la recherche à la Fédération des cégeps.
Le projet de
loi n° 98 touche l'ensemble des 48 cégeps, puisque ceux-ci offrent
des programmes donnant ouverture aux
permis des ordres professionnels sous forme de diplômes d'études collégiales,
les D.E.C., et d'attestations d'études collégiales, les A.E.C.
À
l'automne 2015, près de 17 300 étudiants sont inscrits à l'un ou
l'autre de ces programmes donnant ouverture aux permis des ordres dans le domaine de la santé, soit 21,7 % de
tous nos étudiants cette année-là. Les cégeps contribuent ainsi largement à la formation des futurs membres
des ordres professionnels sur l'ensemble du territoire québécois, et ce,
tant en anglais qu'en français. Nos programmes sont en effet associés à
13 ordres professionnels.
Nous suivons
de très près l'évolution des travaux de modernisation du système professionnel
québécois et nous en faisons d'ailleurs une de nos priorités
stratégiques pour 2016-2017. Nous accordons aussi une importance toute particulière aux travaux de concertation avec les
ordres professionnels et avec les différentes instances qui les
encadrent, ainsi qu'avec les ministères et
organismes concernés par ces travaux, dans le respect de l'autonomie et dans le
respect des rôles et responsabilités de
chacun. Ainsi, depuis au moins 2010, la fédération a mis sur pied une table de
concertation sur la formation
collégiale avec le Conseil interprofessionnel du Québec et des membres des
ordres professionnels, et un pôle de
coordination a aussi été mis en place, et auquel nous participons, pour l'accès
à la formation prescrite par les ordres professionnels ainsi qu'aux
stages.
La fédération
accueille positivement certains éléments du projet de loi, notamment ceux qui
visent à assurer la bonne gouvernance
des conseils d'administration des ordres professionnels et une meilleure
représentativité des jeunes au sein des conseils d'administration. Cependant, la
fédération émet certaines réserves. Il s'interroge sur le bien-fondé de certains moyens proposés pour améliorer l'accès
aux formations prescrites par les ordres professionnels, notamment les pouvoirs d'enquête dévolus au futur commissaire à
l'admission aux professions auprès des cégeps et le fait que les A.E.C. ne font pas partie des exclusions prévues par le
législateur à l'article 16.10 de ce projet de loi. Pour ces motifs, nous
ne saisissons pas comment le législateur,
donc, a choisi d'élargir... Pour des motifs que nous ne saisissons pas, pardon,
le législateur a choisi d'étendre la portée
de l'article 16.10 révisé aux attestations d'études collégiales. Celles-ci
représentent la majorité des programmes où
se réalisent des formations d'appoint prescrites par les ordres professionnels,
même si nous offrons aussi des D.E.C. à la formation continue.
Nous
recommandons donc que les A.E.C. fassent partie des exclusions prévues
au projet de loi à l'article 16.10, puisqu'elles relèvent de l'autorité des
collèges tout comme les D.E.C. Mme Bélanger va poursuivre.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Bélanger.
• (11 h 30) •
Mme Bélanger(Marie-France) :
Nous nous interrogeons par ailleurs sur les pouvoirs d'enquête et de recommandation
donnés au commissaire à l'admission et aux professions en ce qui concerne
surtout leur caractère prescriptif, comme si les établissements d'enseignement
supérieur ne disposaient pas déjà de mécanismes d'enquête indépendants pour
évaluer les questions se rapportant à la pédagogie ou à toute autre matière.
Il faut rappeler que le Règlement sur le régime
des études collégiales et la Loi sur les collèges ont prévu des mécanismes de régulation et d'enquête pour
s'assurer de la saine administration et gestion des programmes et des
cégeps. Notamment, l'article 29 de la Loi sur les collèges prévoit que «le
ministre peut charger une personne qu'il désigne de vérifier si les dispositions de la présente loi et de ses textes
d'application sont observées par un collège ou d'enquêter sur quelque matière que ce soit se rapportant à la
pédagogie, à l'administration ou au fonctionnement d'un collège». De
plus, la réalisation des activités liées à
la mission éducative des collèges est soumise à un processus d'évaluation de la
qualité par un organisme indépendant du
ministère et externe aux cégeps, actuellement la Commission d'évaluation de
l'enseignement collégial.
Le pouvoir
d'enquête dévolu au futur commissaire à l'admission et aux professions nous
semble donc superflu, considérant les dispositions déjà prévues par la
Loi sur les collèges en matière d'enquête. Il nous semble au surplus surprenant que les articles se référant au pouvoir
du commissaire, qui étaient dirigés vers les ordres professionnels
incluent dorénavant les établissements d'enseignement.
Nous
profitons de l'occasion pour rappeler par ailleurs nos préoccupations en lien
avec les comités de formation des
ordres professionnels, qui ne sont pas l'objet de discussion dans ce projet de
loi, mais qui servent de principaux espaces de concertation entre les établissements d'enseignement, les ordres
professionnels et les ministères concernés. Ces comités, qui ont un statut consultatif, permettent aux
différents partenaires de partager des réflexions sur un programme,
d'échanger sur l'évolution des pratiques et
les impacts qui s'ensuivent sur la formation. Les représentants des collèges
font partie de 13 comités de formation associés aux programmes qui
donnent ouverture aux permis des ordres.
Nous investissons beaucoup d'énergie et d'efforts
pour cet objectif de concertation. La fédération a soulevé à quelques reprises
auprès de l'Office des professions du Québec que certains de ces comités vivent
des problèmes intrinsèques de fonctionnement
qui rendent difficile la concertation dans certains dossiers. Nous recommandons
donc qu'une réflexion sur les comités de formation soit amorcée dans le cadre
des travaux liés au projet de loi n° 98 et que celle-ci se fasse en
concertation avec les membres de ces comités.
En tant que membres du pôle de coordination
depuis sa création, nous nous questionnons également sur la disparition de la coresponsabilité de ses
activités entre l'Office des professions et le ministère de l'Enseignement
supérieur. Nous avons toujours apprécié le fait que le pôle soit sous la
coordination conjointe de l'Office des professions et du ministère de
l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, ce qui garantissait un équilibre
des prises de position et une certaine
indépendance des points de vue. Dans l'adéquation formation-emploi, il y a une
dualité, l'emploi évidemment est beaucoup
mieux assumé par des représentants d'employeurs, dont les ordres professionnels
et l'Office des professions, alors
que la formation, c'est notre champ d'expertise. Je pense qu'on a avantage à travailler
en collaboration, d'où le fait que,
dans un pôle qui soit assumé par les deux volets, ça nous semble une garantie
de succès. Donc, le pôle qui serait enchâssé dans la nouvelle loi, il
nous semble imprudent de le faire relever uniquement de la responsabilité de
l'Office des professions.
Nous souhaitons poursuivre les travaux dans une
optique de partenariat avec les ordres professionnels, dans une perspective de collaboration et de
complémentarité des interventions dans nos réseaux respectifs. Nous recommandons
donc que le pôle demeure sous la
responsabilité conjointe de l'Office des professions et du ministère de
l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et que sa présidence soit
assumée en alternance par ces deux organismes.
Rappelons que
le réseau collégial a subi une série de compressions budgétaires au cours des
sept dernières années, qui totalisent
155 millions de dollars. Ces coupes successives ont fragilisé l'offre de
services, notamment aux étudiants issus de l'immigration. Bien que les collèges bénéficient du soutien financier
du gouvernement pour le développement et l'offre de formation d'appoint, il faut insister sur le fait que les besoins des
étudiants issus de l'immigration dépassent le cadre de ces formations financées et qu'ils requièrent des
services d'accueil, de francisation, de reconnaissance des acquis et des
compétences, de soutien psychosocial et d'intégration socioprofessionnelle.
M. Tremblay (Bernard) : Je vais
conclure.
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
en conclusion.
M. Tremblay (Bernard) :
Donc, il nous apparaît que les mécanismes supplémentaires proposés pour
favoriser l'accès aux professions
réglementées empiètent, en quelque sorte, sur les règlements et lois qui
encadrent déjà les collèges et
contribueront à alourdir un dossier qui compte déjà toute une panoplie
d'acteurs. Alors, que les collèges
oeuvrent et innovent pour l'insertion
des personnes immigrantes, il nous semble que les moyens sont disproportionnés,
considérant les travaux de concertation, qui
se déroulent bien, somme toute, au sein du pôle de coordination et que des
changements positifs ont été observés au
cours des dernières années, comme en témoigne un rapport préparé par le pôle en
2014, qui mentionne que des progrès et des avancées ont été constatés en
matière de formation d'appoint au Québec.
Devant
ce constat positif, nous ne pouvons que souhaiter que cette collaboration se poursuive dans des conditions harmonieuses et dans un cadre qui laisse une place aux établissements d'enseignement. Changer le mandat de l'actuel commissaire aux plaintes et étendre la portée de
ses pouvoirs vers les maisons d'enseignement supérieur créent, selon nous, un précédent et sèment la confusion dans les
rôles et responsabilités des différents partenaires dans ce dossier.
Il nous semble aussi que les pouvoirs
dévolus à l'appareil professionnel dans ce projet de loi ne contribueront
qu'à exacerber cette confusion. Des lieux de concertation sont déjà
opérationnels.
Par ailleurs, dans le contexte des coupures, comme le mentionnait ma collègue, la fédération
rappelle que les cégeps doivent pouvoir compter sur toutes les
ressources financières pour développer et mettre en oeuvre non seulement les
formations d'appoint, mais celles en éthique et déontologie dorénavant exigées
par le projet de loi, et aussi tous les services
nécessaires à la réussite éducative des étudiants formés
hors Québec. Car, je le répète, il ne faut pas sous-estimer
les autres besoins des étudiants issus de l'immigration.
En
clair, nous souhaitons que l'autonomie des collèges quant à l'élaboration des
activités d'apprentissage et à la gestion
de leurs programmes d'études, qui, répétons-le, s'adaptent aux
besoins locaux et régionaux, soit prise en considération dans les
travaux de modernisation du système professionnel. Les ordres professionnels et
les maisons d'enseignement ont chacun des rôles et responsabilités distincts,
tout comme le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et celui de la Justice. Il ne faudrait pas, selon nous, qu'au
nom de la modernisation du système professionnel un glissement de responsabilités s'opère dans les champs de compétence des établissements d'enseignement. Je vous remercie.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci beaucoup, M. Tremblay. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci. Merci, M. le Président. Merci, M. Tremblay, pour votre présentation.
J'aimerais, d'entrée de jeu, vous rassurer :
L'objectif du projet
de loi, ce n'est pas du tout de
placer les établissements d'enseignement sous la juridiction de l'office, ce n'est pas ça pantoute, comme on
dit en bon québécois. Ce n'est pas non plus d'encadrer les collèges d'enseignement par le système professionnel, ce n'est pas la
volonté. Le projet de loi n'a pas aucune des intentions que vous lui
prêtez, il n'est pas rédigé non plus dans ce sens-là. Lorsque nous avons
élaboré le projet de loi, j'ai eu des échanges, j'ai rencontré ma collègue
la ministre de l'Enseignement supérieur. Le projet de loi s'est rédigé de
concert avec nos équipes respectives. Donc, il est faux de prétendre que nous
avons travaillé en silo, dans notre cave,
bien à l'abri des regards et des commentaires des équipes du ministère de l'Enseignement supérieur. Nous avons travaillé ensemble, parce que c'est comme
ça qu'on travaille dans notre équipe, ensemble.
Et par contre notre objectif
était de voir à bien reconnaître cette complémentarité, parce qu'elle existe,
la complémentarité. Dans l'admission aux
professions, il y a plusieurs éléments qui relèvent de l'office des ordres professionnels,
dont je suis la ministre responsable, il y a des éléments qui, immanquablement,
relèvent de ma collègue la ministre de
l'Enseignement supérieur, parce que les institutions d'enseignement dispensent
des formations d'appoint, notamment, et il
y a même des éléments qui vont
interpeller mon collègue de la Santé. On est condamnés à travailler ensemble. Et vous savez quoi? Vous êtes
condamnés à travailler avec nous, parce qu'à quelque part vous avez
des pouvoirs qui vous sont dévolus par les lois du gouvernement du Québec. On
n'a pas le choix.
Et on ne peut pas se
cacher sous notre indépendance, chacun d'entre nous, pour dire : Les problématiques
auxquelles on fait face au Québec,
ça ne me regarde pas, ça regarde l'autre. Et la volonté, dans ce projet de loi là, c'est justement d'attaquer cette mauvaise habitude parfois
que nous avons de travailler en silo ou parfois de regarder une problématique et d'être très heureux de travailler en silo pour pouvoir dire :
Ah! non, ce n'est pas moi. L'objectif, c'est d'avoir une entité qui réponde du gouvernement.
Parce qu'on s'entend,
là, le commissaire n'est pas une créature indépendante n'ayant aucun compte à
rendre. Le commissaire, il existe déjà, son
rôle est déjà prévu, il a déjà des pouvoirs de recommandation, et l'objectif,
c'est de permettre à cette tierce
partie d'avoir une vision d'ensemble et d'amener des recommandations. Donc, il a ces pouvoirs de recommandation actuellement, là, le projet
de loi ne vient pas changer le pouvoir
ultime du commissaire que de dire : Écoutez, il y aurait peut-être
une modification réglementaire à apporter, il y a peut-être une solution, que
je vois d'un regard externe, qui amène un
ordre professionnel et peut-être une maison d'enseignement à revoir une
façon de travailler.
Donc,
moi, j'essaie de comprendre comment un pouvoir de recommandation peut être
perçu comme une ingérence dans
l'indépendance de l'institution, qui n'est pas remise en cause, d'aucune façon,
dans le projet de loi, là. Et ça serait ma première question pour vous,
parce que j'essaie de comprendre en quoi un regard externe d'un fonctionnaire
nommé en vertu du Code des professions peut être considéré comme une ingérence.
• (11 h 40) •
Le Président (M.
Ouellette) : M. Tremblay.
M. Tremblay (Bernard) : Oui. Bien,
écoutez, Mme la ministre, nous sommes convaincus de vos intentions et nous avons bien compris dans quelle perspective
le projet de loi avait été écrit. Et je ne doute pas non plus qu'il y a
eu un travail de fait
avec les gens du ministère de l'Enseignement supérieur. Ce qu'on vous amène, en
fait, c'est notre point de vue. Et,
vu du point de vue, donc, des établissements... Il faut se rappeler que le
réseau des collèges c'est un... j'aime dire que c'est un grand réseau,
mais de petites organisations, de très petites organisations. Et, dans le
contexte où on doit rendre des comptes, de
façon très élaborée, à différents ministères, en commençant par le ministère de
l'Enseignement supérieur... On a une
commission de l'évaluation de l'enseignement collégial, comme on l'a mentionné,
donc on a un mécanisme d'assurance
qualité qui nous est propre, qui est très exigeant, qui demande des travaux et
des investissements importants, et, face, donc, à un contexte budgétaire
difficile, où on nous a dit : Concentrez-vous sur les services aux étudiants, diminuez la bureaucratie, ce qu'on vous
dit, c'est que, là, on parle d'un mécanisme qui existe, et qui va devenir
plus puissant, et qui va nous demander de rendre des comptes. On parle d'un
commissaire qui a des pouvoirs d'un commissaire
d'enquête, c'est important, qui va, oui, émettre des recommandations, mais à
qui on va devoir fournir des informations...
accompagner lors de ses enquêtes, répondre à ses recommandations dans un délai
de 60 jours. Il y a une exigence administrative qu'on ne peut pas
négliger.
Et, nous, ce qu'on privilégie, c'est une
approche de concertation, qui est déjà en place. Parce que je pense qu'il y a des mécanismes qui existent, de
concertation, et on a déjà des illustrations de situations où, lorsqu'on se
parle, avec l'office, avec les ordres
professionnels, on met le doigt sur des difficultés et on cherche des solutions
ensemble. Et donc cette mécanique-là nous semble plus porteuse qu'un
mécanisme d'enquête.
Et, encore
une fois, le mécanisme d'enquête, il faut le faire vivre, et ça, bien, on n'a
pas les ressources puis on n'a pas, je dirais, les moyens nécessaires
pour être en mesure de vraiment répondre de façon efficace. On a déjà des exemples de recommandations du commissaire qui,
malgré qu'il n'ait pas les pouvoirs, vient nous dire, par exemple, dans son dernier rapport, que, lors de la révision des
programmes de D.E.C., même si ce ne sont pas dans ses pouvoirs et ce ne sont pas dans ses capacités actuelles, donnant
ouverture aux permis des ordres, il faudrait porter une attention
particulière à certains écarts. Donc, on se
retrouve avec une mécanique additionnelle qu'on devra alimenter, et on ne peut
pas négliger les efforts administratifs qui vont devoir résulter de ça.
Et, même si
c'est juste un pouvoir de recommandation, je dois vraiment vous dire que c'est
pris avec beaucoup de sérieux par les
collèges. Quand un organisme ou un... oui, un organisme du gouvernement émet
des recommandations, même si c'est
juste de la nature d'une recommandation, il faut qu'on s'assoie, il faut qu'on
l'analyse, il faut qu'on réponde — ce sera dans le projet de loi, de toute
façon — donc, il
y a un effort associé à ça qui est énorme, et, pendant ce temps-là, on
ne se pose peut-être pas les vraies questions sur comment, concrètement, mettre
en place les meilleures mécaniques qui feraient en sorte qu'on réglerait les
problèmes sur le terrain. Donc, je pense que c'est ça, le sens de notre
message.
Le Président (M. Ouellette) : Trois
minutes, Mme la ministre.
Mme Vallée :
Mais vous avez, dans votre mémoire, fait référence à des données de l'Office
des professions, des données, je pense, qui vous sont utiles.
Actuellement, comment ça s'effectue, votre
collaboration avec les ordres?
M. Tremblay (Bernard) : ...ma
collègue Mme Laurent.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Laurent.
Mme Laurent (Isabelle) : Oui. Alors,
bien, comme on le disait tout à l'heure et dans notre mémoire, bien, l'instance majeure de collaboration avec les
ordres se fait évidemment dans les comités de la formation. L'ensemble
des ordres professionnels ont des comités de la formation,
où on discute essentiellement de la formation, des programmes, de leur actualisation, des besoins de part et d'autre, des moyens. Ça,
c'est vraiment des instances qui sont privilégiées. On note... On souhaite qu'il y ait des éléments sur
lesquels on réfléchisse plus en
termes de responsabilité, mais on est vraiment, comment dire, participants de façon très,
très active à ces comités de la formation. Ce sont les directeurs des études qui y siègent, et ça, je pense
que, de part et d'autre, on conçoit que ce sont vraiment
des lieux importants d'échange qu'il faut absolument maintenir.
Les autres
instances, comme on faisait référence aussi, c'est la table qu'on a mise en
concertation avec le CIQ, avec le Conseil interprofessionnel, à la suite
justement d'une volonté de se rapprocher, d'assurer... et je pense que ça correspondait aussi à la période où on commençait
à faire de plus en plus de formation d'appoint. On a créé, avec le CIQ, la table de concertation sur les programmes de
formation et surtout la formation d'appoint. Et, au-delà de ça aussi,
comme je le disais, on siège à l'office... au pôle de concertation, de
collaboration aussi.
Donc,
actuellement, on a plusieurs instances qui nous permettent continuellement
d'être à l'écoute des besoins des ordres professionnels, de discuter, de
voir quels sont les moyens qu'il faut mettre en oeuvre.
On parlait
aussi des recommandations que faisait le commissaire suite à sa mission sur la
formation d'appoint, d'analyse. Il y
a une des recommandations qui faisait référence déjà à une problématique que
les collèges avaient repérée, les
ordres, sur la question des prescriptions des ordres professionnels, qui, quand
elles sont envoyées dans les réseaux,
aussi bien au niveau universitaire que collégial... il y a souvent, bon, des
termes un peu différents, termes de prescription,
comment ça se conçoit dans le cadre d'une formation en termes de compétence. Il
y a un très beau projet actuellement,
d'expérimentation, justement pour faire en sorte qu'il y ait un
référentiel commun entre un ordre professionnel qui fait partie de l'expérimentation et les collèges, de façon à
arrimer le plus possible les besoins de formation d'appoint de ces personnes
et de rendre vraiment une démarche de plus en plus personnalisée,
individualisée pour les personnes qui ont besoin
de la formation d'appoint. Ça, ça se fait en
collaboration avec les collèges, avec l'ordre professionnel, dans ce
cas-là les technologistes médicaux. Ça se
fait évidemment avec le ministère de l'Enseignement, avec le MIDI. Ça se fait
aussi... l'office suit aussi cette expérimentation. L'objectif, à moyen terme,
c'est d'ouvrir aussi un plus large nombre de programmes.
C'est ce type de démarche, de référentiel commun. Donc, je pense que la
volonté, les moyens sont là, on met en oeuvre régulièrement des
nouvelles approches.
Il faut aussi
se rappeler que, la formation d'appoint, ce n'est pas si loin que ça, hein? Si
on le regarde, c'est quand même...
les besoins ne font qu'augmenter. On y répond, mais on remonte à quand même un nombre
d'années, je dirais, assez limité.
Les collèges
ont fait un travail énorme. Tout à l'heure, on parlait aussi de la nécessité
d'encadrer, d'accueillir ces étudiants-là.
Ce n'est pas juste dans les cours, ce n'est pas juste dans les stages, il faut
aussi... Là aussi, on a mis en place un
nombre de services. Donc, je pense que c'est ça qui démontre vraiment les
moyens de concertation puis de collaboration qu'on a mis en place. Je
vous remercie.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme Bélanger. Merci, Mme la ministre. C'est terminé. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Jean : Merci. Alors, bonjour, M.
Tremblay, Mme Laurent, Mme Bélanger. Bienvenue à l'Assemblée nationale et merci
de participer avec nous à l'exercice de l'analyse du projet de loi n° 98,
qui est très important.
Concernant
l'admission principalement et le pôle de concertation, de coordination dont il
est question, on comprend que... je
comprends que vous faites déjà partie du pôle de coordination actuel et que,
selon les témoignages qu'on a reçus jusqu'à maintenant, ce pôle-là ne
semble pas être des plus efficaces, mais je comprends que c'est une plateforme
de concertation que vous trouvez
intéressante à conserver. Comment, selon vous, pourrait devenir plus efficace
ce pôle-là? Qu'est-ce qu'il lui manque pour être efficace?
• (11 h 50) •
M.
Tremblay (Bernard) : C'est effectivement une bonne question. Moi, je
pense que c'est des mécanismes qui prennent
un certain temps avant d'avoir... je dirais, là, prendre leur vitesse de croisière.
Alors, nous, c'est sûr que... Puis je
me permettrais de faire une petite
parenthèse en disant : Il ne faut pas voir notre mémoire comme une
préoccupation... ou axé sur une
préoccupation de garder des privilèges, ou une autonomie, ou de rester seuls
sur notre planète. Au contraire, je pense
que ma collègue l'a bien mentionné, on a une volonté de collaboration et de
contribution partagée, mais en même temps
il faut aussi assurer que les gens qui sont les spécialistes de la formation
soient, je dirais, dans une perspective... un rapport d'égalité dans l'échange et dans la discussion. Et le mécanisme
actuel, qui est le pôle, il permet ça. Il permet de faire en sorte que les acteurs impliqués dans le
dossier soient vraiment au même niveau, et c'est là qu'on a les
meilleures collaborations, beaucoup plus que dans une dynamique, je dirais, un petit
peu autoritaire, où c'est un secteur qui dit à l'autre comment faire. C'est ça qu'on perçoit dans le projet de loi et qui, je dirais, nous inquiète, parce qu'on pense qu'à long terme ce n'est pas ce qui génère la
meilleure réponse.
Vous savez,
quand on nous émet des recommandations, les analyses, on y donne suite, mais,
des fois, on peut lui donner suite de
façon très mécanique, alors que, quand on est dans un lieu de partage et de
discussion... Donc, on pense qu'il faut continuer à renforcer le pôle
par justement des rencontres plus fréquentes, un arrimage plus établi,
peut-être une meilleure communication. Mais
c'est des mesures qui, à mon avis, ne sont peut-être pas de nature législative,
elles sont peut-être juste de nature organisationnelle.
Je ne sais
pas si mes collègues veulent ajouter là-dessus, mais, vous voyez, donc l'idée,
ce n'est surtout pas de rester seuls
dans notre tour d'ivoire, comme l'expression consacrée le dit, mais, au
contraire, de bien établir que
l'éducation doit travailler avec le monde professionnel, oui, mais vraiment
dans une dynamique d'égalité. Alors, nous, c'est cet aspect-là, en fait,
qui nous inquiète.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Jean : Il y a une proposition de
transformer le commissaire aux plaintes en commissaire à l'admission. L'objectif énoncé, c'est
d'avoir une personne avec des pouvoirs d'enquête pour pouvoir aller chercher
de l'information, avoir une vision globale de la situation,
au niveau de l'admission, on s'entend, et, à la limite, de
pouvoir faire des recommandations là-dessus, les pouvoirs sont grands, et tout. Est-ce que
vous pensez que d'avoir une personne comme
ça, qui va chercher de l'information avec autant de pouvoirs, pourrait être utile au
pôle de coordination, avec ce point de vue là général?
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
franchement, la réponse, c'est non, pour nous. Nous, on pense que, cette démarche-là, qui est quand même
une démarche, j'oserais dire, très intrusive, hein, parce qu'on est avec un commissaire qui a des pouvoirs d'enquête, encore une fois, on
n'est plus sur le terrain de la collaboration, on est dans une autre
dynamique. Et on a déjà des mécanismes qui
existent, qui font en sorte que, dans notre propre loi... S'il y avait
justement des cégeps, entre
guillemets, récalcitrants ou pour lesquels on avait des questionnements
importants en termes de fonctionnement, il y a, selon nous, tous les mécanismes, dans d'autres lois, qui permettent
de contraindre ces cégeps-là. Et donc on a de la peine à voir la valeur ajoutée, en fait, comment s'articulerait, là,
dans une journée type, là, la fonction du commissaire à l'éthique
parallèlement à ce que fait déjà la Commission d'évaluation de l'enseignement
collégial, parallèlement aux pouvoirs que la
ministre a et qu'elle peut exercer, la ministre de l'Enseignement supérieur,
par rapport aux établissements d'enseignement.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jean : Merci. Dans votre
mémoire, vous parlez du nombre d'acteurs et de la confusion du pouvoir qui superpose... ces différents acteurs là ont des
pouvoirs qui peuvent s'interposer. Donc, cette confusion-là, si, par exemple, le commissaire et le pôle de coordination, qui sont encore d'autres
acteurs qui peuvent intervenir... Si, dans le projet de loi ou dans la loi qui serait déposée, les pouvoirs
d'action et la mission, les mandats qui seraient donnés au commissaire
seraient plus précis, est-ce que vous pensez que ce serait plus acceptable pour
vous?
M. Tremblay (Bernard) : Là aussi, je
vous dirais, l'idée de base dans notre mémoire, c'est de valoriser la collaboration, donc, d'y aller juste par une précision
des pouvoirs, je ne crois pas que ce soit l'approche la plus porteuse.
Mais je vais laisser peut-être Mme Bélanger compléter.
Mme
Bélanger (Marie-France) : En
fait, ce qu'on vous dit depuis tout à
l'heure, c'est qu'il ne faut pas
penser que les gens... que tout le monde peut s'improviser expert en éducation sous prétexte qu'on a nous-mêmes
été éduqués. L'éducation, c'est un
champ de savoir, et il y a des expertises qui sont actuellement dans le réseau de l'éducation, on a des enseignants, on a des experts.
Tout comme on ne s'improvisera pas, nous, des experts du monde professionnel parce
que ce n'est pas notre métier. Et c'est pour ça que la collaboration est importante,
il faut cette dualité, il faut cette concertation-là, et c'est comme ça qu'on va
être plus forts.
Nous, on vous dit : On travaille déjà beaucoup
en concertation avec les différentes instances, les différents organismes du monde professionnel, que ce soient
des ordres professionnels, que ce soit la Commission des partenaires du marché
du travail, que ce soit... Bref, il y en a
toute une série, de gens avec lesquels on travaille. Et ce qu'on dit par contre, c'est : Laissez-nous notre champ d'expertise. Je pense
qu'on connaît bien le monde de l'éducation. Et, oui, ces gens-là peuvent avoir un apport à nous questionner, à
amener des éléments de réflexion, tout comme nous, on peut avoir un
apport dans la discussion, mais il faut
penser à un tandem, et je pense que c'est comme ça qu'on va être plus gagnants.
Donc, préciser les rôles, oui, mais le faire de manière égalitaire, ça nous
semble beaucoup plus porteur.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous tous. Mesdames, monsieur, bonjour, merci d'être là, merci pour le mémoire. Et je ne peux pas
m'empêcher de faire un petit commentaire. Mme Bélanger, l'Université de Sherbrooke, j'y suis allée et j'en garde d'excellents
souvenirs, alors je tenais à vous le dire. L'université, mais aussi le
cégep, naturellement, le cégep de Sherbrooke bien avant l'université, alors
c'était de beaux souvenirs.
Cela dit,
vous avez dit quelque chose, sur vos feuilles, lorsque vous nous faisiez la
lecture, et ça m'a interpellée, vous parliez
des personnes immigrantes, vous nous parliez d'une problématique à l'égard du financement. Et là j'ai pris des notes en bonne
ex-journaliste. Vous nous dites : Des coupes de services, notamment pour
les étudiants issus de l'immigration, donc, qui se répercutent sur la francisation, l'intégration
socioprofessionnelle. Est-ce que vous pourriez nous donner, de un, une idée
de grandeur des compressions, au fil des dernières années, qui touchent justement
les personnes immigrantes qui fréquentent nos cégeps, et également des
conséquences sur la vie de ces personnes?
M.
Tremblay (Bernard) : En
fait, on ne peut pas cibler précisément les coupures qui concerneraient la
clientèle immigrante. Vous comprendrez que les services ne sont pas déterminés
sur cette base-là, hein, c'est des services aux étudiants globalement. Mais, à partir du moment où on a vécu des
compressions très importantes, hein, parce
qu'encore une fois les budgets des cégeps,
là, c'est des petits budgets, c'est clair que c'est des services, donc, qui ont
été soit coupés, et ce qu'on voulait
mentionner... aux étudiants en général, y compris les étudiants, donc, qui sont
issus de l'immigration, et ce qu'on
veut souligner, c'est qu'au-delà, évidemment, des services usuels il y a des
besoins particuliers aussi d'accompagnement
puis de soutien pour que ces étudiants-là réussissent. Alors, c'est sûr qu'il y
a un effort additionnel, et ça, on n'est pas capables de suffire aux
besoins, ça, c'est clair.
Alors, si on
souligne que, pour l'ensemble de notre clientèle, il y a un manque de services,
c'est clair que... pour les étudiants
qui ont des besoins additionnels, que ce soient les étudiants en situation de
handicap ou les étudiants qui sont issus de l'immigration, bien, c'est
clair que, ces jeunes-là aussi, comment dire, on ne suffit pas à la tâche.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy :
Je vais poursuivre plus précisément : Est-ce qu'on peut mettre le doigt...
Vous nous avez dit : De façon générale,
francisation, intégration. Mais est-ce qu'il y a des choses qui ont disparu,
qui ont dû disparaître de certains de vos cégeps concernant les
étudiants immigrants? Ou est-ce que c'est trop pointu comme question?
M. Tremblay (Bernard) : Bien, en fait,
on pourrait vous répondre en vous disant, évidemment, qu'il y a des services de tout ordre, hein? La fédération
étudiante du collégial a d'ailleurs fait une enquête sur les services qui ont
été coupés dans les cégeps, et, je vous
dirais, encore une fois ça touche l'ensemble des étudiants. Mais c'est sûr que,
quand on touche à une clientèle qui est plus
vulnérable, l'effet de ces compressions-là est nécessairement augmenté. Et,
quand on a moins de services d'intégration, moins de services d'accueil, moins
de services d'accompagnement, moins d'aide pédagogique
individualisée, des services de placement qui ont été, là aussi, mis à mal,
c'est sûr que cette clientèle-là, elle en
souffre tout particulièrement. Et donc, dans une perspective où on se soucie de
façon plus marquée de cette clientèle-là ici, nous, on vous dit : Attention, là, il y
a un enjeu; au-delà des mécanismes de collaboration ou de contrôle, il y a un
enjeu, carrément, de ressources, là.
Mme Roy :
Et, tout comme vous, nous nous soucions de l'intégration justement des nouveaux
arrivants, et vous nous donnez des
motifs à l'effet que force est de constater qu'il y a des lacunes parce qu'il y
a eu des compressions, donc il y a des manques de services. J'ai
apprécié l'entendre et le comprendre de votre part.
Maintenant,
vous nous dites... en recommandations neuvième et dixième, vous nous parlez
que, dans le contexte de ces
compressions budgétaires, de façon générale, ayant affecté le réseau collégial
depuis les sept dernières années — alors, c'est quelque chose de
récurrent — «le
ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur s'assure que les collèges publics puissent recevoir le financement
adéquat pour le déploiement des formations d'appoint prescrites par les ordres professionnels, tant pour [le] D.E.C. que
pour les A.E.C., ainsi que pour les services aux étudiants qui
soutiennent la réussite éducative».
De un, des jeunes dans les cégeps, il y en a
moins ou il y en a plus? Et, de deux, actuellement est-ce que vous suffisez... Pardon. Actuellement, est-ce que les
sommes... le financement est au rendez-vous? Et dans quelle mesure il en
manque? Et dans quelle mesure, avec l'application du p.l. n° 98, qui
deviendra loi, il va vous en manquer? Vous estimez à combien le manque à
gagner?
M. Tremblay (Bernard) : Alors, là
aussi...
Le Président (M. Ouellette) : Une
courte réponse.
• (12 heures) •
M.
Tremblay (Bernard) : Pardon. Là aussi, c'est difficile de cibler un
chiffre précis, mais on vous parle, donc, de compressions de 155 millions. Donc, il y a 155 millions de
moins dans le système, en partant. Donc, comme je le disais, pour l'ensemble des étudiants, il y a des services
en moins. Mais, quand on ajoute à ça le fait que les formations
d'appoint sont financées à même notre enveloppe de la formation continue, qui
est une enveloppe fermée, si on augmente les besoins dans cette enveloppe-là,
nécessairement il reste moins d'argent pour les autres formations. Et les
besoins de formation continue sont énormes
au Québec, on l'a dit, on parle d'adéquation formation-emploi, mais
présentement on doit refuser des gens
qui veulent se former au Québec, dans nos cégeps, parce qu'il manque d'argent.
Alors, c'est clair que cet enjeu-là, évidemment, joue aussi ici.
Si on ajoute
des formations d'appoint et qu'il n'y a pas de financement additionnel, on
vient encore plus prendre une portion
de la tarte, et la tarte, elle n'est pas plus grande. Puis il y a toutes les
formations à temps partiel, en plus,
qui ne sont pas financées dans le régime actuel. Au-delà de ça, on ajoute des
obligations au niveau de l'éthique ici,
et donc il y a des formations qui vont devoir se donner, qui... Puis on en est,
on est d'accord avec ça, mais, encore une fois, s'il n'y a pas d'argent neuf, ça devient encore une fois des
sommes qu'on doit récupérer à l'intérieur des enveloppes actuelles, et
donc il y a nécessairement une portion de la tarte, comme je disais, qui va
diminuer dans ce contexte-là.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, M. Bernard Tremblay, Mme Isabelle Laurent, Mme Marie-France
Bélanger, de la belle région de
Sherbrooke — je
partage entièrement l'opinion de Mme la députée de Montarville — représentant
la Fédération des cégeps du Québec, d'être venus déposer en commission
parlementaire.
Je vais suspendre quelques minutes et je vais
demander à l'Ordre des administrateurs agréés du Québec de bien vouloir
s'avancer.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 12 h 4)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Ordre des
administrateurs agréés du Québec et son
président, M. Jacques Grisé. Vous allez nous présenter les personnes qui vous
accompagnent. Vous avez 10 minutes pour
faire votre présentation. Après, il y aura un échange avec Mme la ministre et
les porte-parole des deux oppositions. M. Grisé, à vous la parole.
Ordre des
administrateurs agréés du Québec (OAAQ)
M. Grisé
(Jacques) : Oui, bonjour. Merci, M. le Président. Mon nom est Jacques
Grisé, je suis président de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec
depuis un peu plus d'un an. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Francine Sabourin, qui est directrice générale de l'ordre,
et de M. Simon Denault, à ma gauche, qui est secrétaire et directeur des
affaires professionnelles.
M. le
Président, Mme la ministre, M. le président de l'Office des professions,
messieurs et mesdames, membres de la
commission, l'Ordre des administrateurs agréés du Québec est le seul ordre
professionnel consacré à la gestion et à la gouvernance. Ses
1 400 membres, des dirigeants, des gestionnaires, des conseillers,
oeuvrent dans tous les secteurs d'activité économique du Québec.
L'ordre se
réjouit de la modernisation du Code des professions. L'important volet du projet
de loi portant sur la gouvernance interpelle plus directement notre ordre, étant donné qu'il touche
l'expertise professionnelle détenue par les administrateurs agréés. C'est donc avec beaucoup
d'intérêt que nous participons à cette consultation. D'ailleurs, notre organisation a procédé à une
réforme complète de sa gouvernance en 2011.
L'ordre est d'accord
avec la proposition de centrer les fonctions du conseil
d'administration sur la surveillance des
activités et l'établissement des orientations stratégiques,
sans s'ingérer dans la gestion opérationnelle de l'ordre, ou des ordres.
Ce partage des responsabilités entre gouvernance et gestion, management, fait
également partie de la réalité de notre ordre.
Nous
soutenons l'inclusion du rôle de directeur général au Code des professions. Il
s'agit d'un message clair : les ordres doivent se doter d'une
structure administrative permanente afin d'exercer leurs missions, et ce, sans
égard aux changements politiques. Toutefois, nous sommes d'avis qu'il n'y a pas
lieu d'inscrire au code le rôle de porte-parole et qu'il faut laisser les
ordres faire leurs propres choix en fonction de leurs réalités.
L'ordre croit également nécessaire que le nombre
d'administrateurs soit réduit. Cette tendance mondiale contemporaine amène plus de dynamisme au sein des conseils, plusieurs
études le montrent, amène aussi un fonctionnement plus efficace et un
meilleur engagement des administrateurs, une plus grande mobilisation. Nous
sommes également d'accord avec l'imposition d'un seuil minimum de 25 %
d'administrateurs nommés.
Enfin, la
recherche d'une diversité de compétences et de profils socioprofessionnels
d'administrateurs devrait animer les conseils d'administration.
Dès 2011,
nous avons réduit significativement la taille de notre ordre professionnel, le
nombre d'administrateurs passant de
17 à huit. De ce nombre, deux administrateurs sont nommés par l'Office des
professions. Le comité exécutif a été
mis en veille, puisqu'il n'est plus nécessaire dans les circonstances, et
remplacé par un comité d'audit et un comité de gouvernance et de ressources humaines, lesquels comportent
obligatoirement un minimum d'un membre nommé par l'office.
L'ordre croit
essentiel que les conseils d'administration se dotent de codes d'éthique. Ce
code devrait être adopté comme politique de gouvernance plutôt que par
voie de règlement, et ce, afin de laisser une souplesse dans son élaboration et
sa modification. D'ailleurs, notre ordre a adopté une politique réunissant les
principes devant guider la conduite des administrateurs.
Enfin, l'ordre appuie l'obligation pour les
administrateurs de se soumettre à une formation en matière de gouvernance et d'éthique. Étant donné que ces
thématiques relèvent directement du champ d'expertise ou d'activité de
notre ordre et de nos membres, nous souhaitons contribuer à la mise en place de
ces formations, et cela, avec la participation de nos collaborateurs.
Quant au
volet du projet de loi portant sur l'élargissement du rôle du commissaire aux
plaintes, nous souhaitons simplement vous exprimer notre inquiétude.
L'augmentation possible de la bureaucratie entraînera un effet sur le fonctionnement des ordres et sur les frais de
cotisation déjà élevés et assumés par les membres, d'autant plus que
cette problématique de l'admission ne semble pas suffisamment documentée, en ce
qui nous concerne.
Le projet de
loi donne également suite à des recommandations de la commission Charbonneau.
Celle-ci a mis en lumière de sérieuses, de nombreuses faiblesses dans la
pratique de la gestion. L'ordre souhaite que la réflexion sur la contribution du système professionnel au défi de
l'intégrité soit l'occasion de réfléchir au potentiel lié à la
professionnalisation de la gestion.
C'est un axe qui a été malheureusement occulté dans les suites données à la
commission Charbonneau. En effet, le rôle joué par certains
professionnels de la gestion a été remis en question. En sa qualité d'ordre
professionnel encadrant la pratique des
gestionnaires, l'ordre peut compléter le dispositif en place pour limiter les
risques d'inconduite dans le domaine
de l'administration. L'ordre interpelle l'État et l'invite à favoriser
l'adhésion de ses dirigeants aux systèmes professionnels, dont le nôtre,
si c'est possible.
• (12 h 10) •
L'ordre
appuie la volonté gouvernementale visant à assurer une meilleure efficacité des
ordres dans leur mission de
protection du public. Toutefois, les ordres à titre réservé, comme le nôtre,
doivent avoir pleinement les moyens pour remplir cette mission. Cette consultation sur la réforme du Code des
professions est l'occasion d'exprimer nos attentes légitimes. Alors que l'ordre doit renforcer ses
mécanismes de protection du public, il doit aussi relever le défi de
recruter des membres qui se soumettent à des devoirs déontologiques sans
bénéficier d'actes réservés.
Ici, il nous faut saluer l'adhésion volontaire
et même exemplaire de nos membres en faveur d'une pratique encadrée de leur profession. En 2006, l'Office des
professions nous demandait d'actualiser notre réglementation. Notre ordre a
effectué un travail, je dirais, colossal à cet égard. Si cela a servi l'objectif
de protection du public, cela a rendu plus
ardus la rétention et le recrutement de nos membres. L'ordre a, en fin de
compte, un solide corpus réglementaire, mais il n'encadre malheureusement
qu'un nombre limité de professionnels. Au même moment, on observe l'émergence d'organismes non universitaires offrant une
panoplie de certifications en gestion à
l'extérieur du système professionnel. Or, ces organismes délivrent des titres sans
imposer d'exigence réglementaire de surveillance de la profession et sans
avoir à composer avec la surcharge
administrative propre au système professionnel. Cette concurrence de titres à jeu
inégal nuit grandement à la capacité de recrutement de notre ordre. Nous
croyons également que cela crée une confusion pour le public, qui peut difficilement
faire la différence entre un praticien régi par un ordre professionnel et des
détenteurs de certification, puisqu'on ajoute toutes sortes de symboles à la
fin d'un nom maintenant, c'est rendu assez incroyable.
Nous sommes
très déçus aussi de constater que le projet de loi ne comporte pas de
disposition modernisant les champs
descriptifs des ordres du secteur des affaires. Pourtant, en 2012, lors des
consultations sur le projet de loi sur les CPA, le ministre de la Justice de l'époque avait donné ce mandat à
l'office. Je le cite : «Je suis de ceux qui pensent que des libellés peuvent être trouvés assez rapidement.
Alors, je ne crois pas qu'on doive se donner des délais trop longs.
[...]Sortez vos crayons, commencez à
travailler, la balle est dans votre camp autant que dans le mien.» Or, les
travaux sont terminés depuis 2014, et l'inaction dans ce dossier nuit à
notre ordre. En effet, le champ descriptif — ce qu'on appelle le champ évocateur aussi — de notre ordre n'a pas été modernisé depuis
1974. Il ne reflète évidemment plus l'évolution de notre profession. Le nouveau champ descriptif
approuvé par l'office consacre l'administrateur agréé comme un
généraliste de l'administration, ce qui le
distingue des autres professions. L'ordre est également en attente de mesures
législatives pour la réserve d'acte en gestion de copropriété, une action
recommandée par l'office.
En terminant, nous sommes convaincus que le
gouvernement souhaite renforcer l'efficacité de son système professionnel et
croit aux avantages de l'autorégulation des professions. L'ordre l'a exposé
dans son mémoire, la professionnalisation de
la gestion sert l'intérêt collectif. En 1973, l'État québécois faisait le choix
courageux de consacrer la discipline
de l'administration comme profession. 42 ans se sont écoulés depuis, et,
après une vaste commission d'enquête qui
a exposé pendant 246 jours d'audiences une série de dérives administratives, il
nous apparaît plus pertinent que jamais que les Québécois puissent
compter sur un ordre professionnel de la gestion robuste. Merci de votre
attention.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
M. Grisé. Mme la ministre.
Mme Vallée : Merci. Merci, M.
Grisé. D'entrée de jeu, je veux simplement vous mentionner que les travaux font... sont toujours en cours pour l'encadrement
du champ de pratique en lien notamment avec le dossier de la
copropriété. Alors... vous rassurer, on
n'est pas restés les bras croisés. Il y a quand même pas mal de projets de loi qui
sont passés ici, à l'Assemblée, au cours des
deux dernières années. Mais les travaux sont en cours, alors gardez espoir. Je
veux simplement vous passer le message pour faire suite à vos dernières...
M. Grisé (Jacques) : Mme la
ministre, qu'est-ce que ça impliquerait, les travaux en cours?
Mme Vallée : On en parlera en
temps opportun. Je ne...
M. Grisé (Jacques) : Oui. J'ai bien
hâte.
Mme Vallée :
Mais il y a des travaux actuellement en cours sur cet aspect-là. Il y a quand
même beaucoup de... Vous savez, dans l'appareil, il y a quand même
plusieurs projets de loi qui peuvent cheminer en parallèle.
Dans un
premier temps, j'apprécie vos commentaires, puisque vous abordez, et peu l'ont
fait, la gouvernance, la question de la gouvernance de l'Office des
professions. Dans votre mémoire, vous... Et quels seraient les critères de
compétence, les critères de diversité de profils que vous pourriez proposer à
l'égard de la nomination des membres de l'office?
Le Président (M. Ouellette) : M.
Grisé.
M. Grisé
(Jacques) : Oui. Alors, si on regarde un peu l'expérience de notre
ordre, depuis plusieurs années les personnes qui ont été nommées par
l'Office des professions ont toujours été des candidats de grande qualité. Il
faut dire qu'il y a quand même une
concertation, d'une certaine façon, une communication entre l'office et puis
l'ordre pour nommer des personnes qui
viennent complémenter un peu les autres membres du conseil d'administration.
C'est de plus en plus important parce que nous, on est seulement huit
personnes, donc six personnes qui sont élues, en quelque sorte, et deux personnes qui sont nommées membres de
l'office. Donc, nous sommes extrêmement fiers des personnes qui sont
avec nous, parce qu'ils ont toute l'expérience requise et surtout ils ont une
expérience de plusieurs autres ordres professionnels, ce qui est très important
en ce qui nous concerne.
Maintenant, je ne sais pas si j'ai répondu à
votre question complètement, là.
Mme Vallée : Bien, en fait,
je me demandais si vous aviez en tête des...
M. Grisé (Jacques) : Il y a une
grille de compétences.
Mme Vallée : ... — oui — des
enjeux... des éléments particuliers qui devraient être portés à l'attention,
qui touchent le profil de ces membres-là,
les compétences détenues par les membres. Est-ce que vous avez des
préoccupations particulières?
M. Grisé
(Jacques) : Bien, certainement qu'une expérience de gouvernance de
conseil d'administration dans le passé
serait presque essentielle, là, dans notre cas à nous, en tout cas. Et on
pourrait aussi mentionner qu'il serait intéressant d'avoir peut-être plus de femmes pour accroître la
diversité au niveau des différents ordres professionnels, plus de jeunes
aussi, plus de personnes des minorités culturelles... des minorités
culturelles, en effet.
Maintenant,
est-ce qu'il faut avoir un guide de compétences, là, assez arrêté? Non, je
pense qu'il faut que ce soit établi avec chacun des ordres
professionnels, qui ont des besoins bien différents.
Mme Vallée : Votre ordre appuie les principaux
éléments qui concernent la gouvernance des ordres professionnels que l'on retrouve à l'intérieur du projet de loi,
notamment en lien avec les nouvelles responsabilités du conseil d'administration, la distinction de la fonction de
président, directeur général, l'obligation d'adopter un code de déonto. C'est quand même important pour nous, cet
appui-là, compte tenu de votre expertise, de votre expertise fine en
matière de gestion et de gouvernance. Alors,
j'aimerais vous entendre davantage sur la question des pratiques de
saine gestion, des pratiques de saine gouvernance et comment le projet de loi
n° 98 pourrait y répondre davantage.
Je vous pose la question parce que, notamment
hier, on a eu certains ordres qui nous ont dit : Ne touchez pas à
notre gouvernance actuelle, elle nous sert bien, et il n'y a pas de problème.
D'autres ont formulé des commentaires différents. Compte tenu de votre
expertise, est-ce que... quels seraient les méthodes, les moyens qui
permettraient au projet de loi n° 98 de répondre davantage aux principes
de saine gouvernance à l'intérieur des ordres, notamment?
• (12 h 20) •
M.
Grisé (Jacques) : Bien, c'est un peu difficile. Je peux concevoir que
certaines des dispositions du projet de loi ne conviennent pas à tous les ordres professionnels et que certains
ordres souhaiteraient qu'il y ait beaucoup plus de souplesse sur ce plan-là. Par contre, nous, on exprime notre avis en ce qui a trait à la gouvernance générale, là, lorsqu'on examine un peu ce qui se passe, là, dans le milieu des organisations, dans le milieu des affaires, sur les conseils d'administration, par exemple. Et ce qui est proposé dans
le projet de loi correspond tout à fait, tout à fait. D'ailleurs, ce sont les règles de gouvernance que nous-mêmes,
on a appliquées à l'ordre. Par exemple, la diminution du nombre de personnes au conseil d'administration. Vous le
savez, M. Nadeau est venu vous le dire, lorsqu'un conseil d'administration
a 25 membres, 20 membres,
30 membres, dans certains cas, ça devient impossible de gérer cette
situation-là. Ça devient impossible
de créer une dynamique, là, qui soit consensuelle, en quelque sorte, au sein du
conseil d'administration. Et vous
savez ce qui se passe : c'est le conseil exécutif qui, à toutes fins
pratiques, là, dans chacun de ces ordres-là, s'occupe de tout, conseil
exécutif composé de cinq à sept membres, beaucoup de monde, qui se réunissent
souvent et qui sont rémunérés aussi.
Donc,
moi, je pense que... Si on reprenait chacun des points qui sont dans le projet
de loi, je pense que c'est tout à fait
conforme avec les principes reconnus de saine gouvernance que nous, on
enseigne, qu'on enseignait, que j'enseignais à l'université et puis au
Collège des administrateurs de sociétés. Je pense que c'est tout à fait conforme.
Mme Vallée :
Est-ce qu'il y aurait... est-ce qu'il y aurait un...
M.
Grisé (Jacques) : Là, je vous parlais de la réduction du nombre
d'administrateurs. Nous, on proposerait... Comme vous voyez dans le mémoire, là, 10, on trouve que ce n'est quand
même pas si mal. On est huit, là, présentement. Mais je sais que le mémoire propose... je pense que c'est 15, là, un
maximum de 15, et sûrement qu'il y a des ordres qui doivent s'opposer à ça. Mais je pense que ça fait
du sens. Si on veut vraiment s'assurer que le conseil d'administration
est efficace, bien, il faut, je pense, aller là, il faut aller jusque-là.
Mme
Vallée : Vous critiquez la modification, apportée au projet de
loi, qui permettrait à l'office d'entreprendre une enquête sans préalablement avoir obtenu une autorisation
ministérielle. Évidemment, cette enquête-là doit quand même être portée à l'attention de la ministre par un
avis. Donc, quelle est la distinction entre les deux, pour vous? Puis
qu'est-ce qui vous amène à manifester
certaines craintes à l'effet de ce changement-là? Vous ne croyez pas que c'est
plus efficace de permettre à l'office
de pouvoir intervenir en amont plutôt que de devoir attendre parfois une
autorisation ministérielle qui pourrait, dans certains cas... on ne le
sait pas, mais pourrait ajouter des délais avant d'intervenir?
M.
Grisé (Jacques) : Pas vraiment. Nous, on pense que... Puis ce n'est
pas une critique, non plus, qu'on formule, là. On peut très bien vivre
avec ça, là. Mais il reste que, non, on ne croit pas vraiment que c'est une
mesure qui est efficace. Il faut dire qu'on
n'a pas apporté une grande attention à ce point-là. Ce n'est pas un sujet, là,
disons, qui est un enjeu pour nous. Mais il reste que c'est... On n'en
fait pas une critique, là.
Le Président (M.
Ouellette) : Deux minutes, Mme la ministre.
Mme Vallée :
Je comprends que vous ayez manifesté certaines préoccupations quant à
l'élargissement du regard du commissaire et
les pouvoirs. Le fait de permettre au commissaire d'avoir un regard sur
l'ensemble des acteurs de
l'admission, qui ne sont pas que les acteurs du système professionnel, on
s'entend, est-ce que vous ne croyez pas que ça permet aux candidats d'avoir un recours un petit peu plus efficace
lorsqu'il y a des différends avec des tierces parties? Et puis est-ce que vous ne croyez pas que ça
donnerait un outil supplémentaire pour assurer la cohérence de l'action
de la réglementation professionnelle?
Parce
que je le mentionnais... puis je ne sais pas si vous étiez dans la salle, mais,
avec la Fédération des cégeps, ce que je mentionnais, c'est qu'à quelque
part on est condamnés pour travailler ensemble, parce que, oui, les ordres professionnels vont établir les conditions pour
faire partie d'un ordre, et tout ça avec l'objectif de protéger le public,
mais cette formation-là qui amène un
candidat à avoir les compétences requises, elle est dispensée par des tiers, et
il y a plein d'exigences qui relèvent
de tiers. Alors, est-ce que vous ne croyez pas que le commissaire, en ayant un
regard beaucoup plus distancé, pourrait permettre d'assurer une
meilleure cohésion?
M.
Grisé (Jacques) : Nous, vu de notre point de vue, là, on ne voit pas
ce que ça peut ajouter à part une lourdeur administrative en ce qui nous
concerne. On pense que le commissaire aux plaintes fait très bien son travail. En
ce qui nous concerne, on n'a pas vraiment regardé ça de façon... je ne sais pas
si mes collègues, ici, veulent ajouter...
Le Président (M.
Ouellette) : On n'a plus de temps.
M. Grisé
(Jacques) : ...un petit mot à ça.
Mme Sabourin (Francine)
:
Oui, si on peut rajouter.
Le Président (M.
Ouellette) : Oups!
Mme Sabourin (Francine)
:
Francine Sabourin.
En fait, pour nous, la mission, c'est plutôt
simple. On comprend que les ordres de la santé ont des processus d'admission plus complexes, et ils ont bien fait
leurs devoirs. Ils ont analysé ça pour eux. Pour nous, en fait, ce qu'on
se dit, c'est : une lourdeur
administrative, ça va amener des coûts supplémentaires. Comme tout coûte quelque chose, si on veut ajouter pour nos membres, on préférerait que
ça soit des coûts qui leur soient refilés sur une problématique qu'on vit et non sur une problématique que tous les
ordres ne semblaient pas vivre. Donc, on est allés plutôt modestement,
on se disait que nos collègues de la santé ont bien analysé le tout.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme Sabourin. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme
Jean : Merci. Alors,
bonjour, M. Grisé, Mme Sabourin, M. Denault. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci d'être avec
nous. Vous êtes des experts de l'administration.
Donc, dans
les dépôts de mémoires qu'on a eus, les autres témoins qu'on a eus, les
autres présentations qu'on a eues, certains ont émis des réserves quant
à l'obligation de séparer le poste de directeur général et de président, donc voulaient pouvoir cumuler les deux postes. On
parle de gouvernance, on parle de gestion. L'intention du projet de loi, c'est de séparer les deux. Mais il y a des ordres qui émettaient des
réserves là-dedans. J'aimerais vous entendre justement sur
votre vision sur le cumul de ces deux postes-là ou la séparation de ces deux
postes-là.
M. Grisé
(Jacques) : Oui, enfin, pour
moi puis pour l'ordre, il n'y a aucune ambiguïté sur ce point-là, et je
pense que, dans le monde des organisations,
c'est la réalité, on retrouve une séparation effective des pouvoirs. Par exemple, au Canada, il y a 14 %, seulement, où il y a une cumulation, là, du
rôle de «chairman» puis le rôle de chef et président de direction. Aux États-Unis, c'est un peu différent,
là, c'est un petit peu plus... mais ça va dans le sens, là, si on veut,
de la séparation nette des pouvoirs, pour
éviter, évidemment, les conflits d'intérêts éventuels qui peuvent se produire
entre les deux instances. Le conseil
d'administration surveille ce que le management fait et le conseil
d'administration... c'est le conseil
d'administration qui engage, évalue et peut éventuellement, évidemment,
recommander sa démission. Non, c'est vraiment, là... C'est dans la ligne
de la bonne gouvernance.
Mme
Jean : Dans un esprit de flexibilité, de souplesse, est-ce que ce
serait quelque chose que vous verriez d'un bon oeil qu'un ordre demanderait une dérogation à ce niveau-là, de
pouvoir cumuler les deux postes, qu'une personne pourrait cumuler les
deux postes?
M. Grisé (Jacques) : Non, je n'ai
pas de difficulté, là, à ça, mais il reste qu'on peut voir peut-être des petits
ordres, là... mais j'imagine très mal un ordre professionnel de grande
envergure, là, disons, qui voudrait cumuler les deux fonctions. J'aurais beaucoup de difficultés avec ça. Je sais qu'il y en
a quand même un certain nombre, là, mais, s'il y a un changement important,
là, dans ce projet de loi là, c'est bien celui-là.
Mme
Jean : Concernant le code d'éthique, par rapport à ce qu'on a dans le
projet de loi, l'Office des professions pourrait par règlement imposer le code d'éthique aux ordres. Est-ce que
c'est quelque chose avec lequel vous êtes d'accord?
M. Grisé
(Jacques) : Absolument. Absolument. Puis non seulement on est
d'accord, mais en même temps on offre toute notre collaboration pour
pouvoir travailler à mettre en place les programmes de formation appropriés.
Mme Jean : D'accord. Et, encore une
fois, plusieurs présentateurs, plusieurs ordres nous ont démontré leur intérêt
ou leur besoin d'avoir de la flexibilité dans le code d'éthique, donc on
parlait peut-être plus de balises ou d'encadrement pour laisser une flexibilité
sur l'application au sein des ordres.
M. Grisé (Jacques) : Vous me mettez
des mots dans la bouche.
Mme Jean : Est-ce que c'est quelque
chose qui...
M. Grisé
(Jacques) : Oui, c'est exactement ça. On pense qu'il peut y avoir une
espèce de règlement-cadre, en quelque
sorte, qui balise un peu, là, le futur code d'éthique et déontologie, mais
c'est à peu près ce qu'on propose dans notre mémoire, là.
Mme Jean : Donc, c'est...
Mme Sabourin (Francine)
: En
fait, pour rajouter, on le sait, des règles, on peut en ajouter avec
l'évolution d'une organisation. Des fois, on a des oublis, et, on le voit quand
c'est dans un règlement, c'est plutôt long à faire changer, évoluer. On le vit, donc on préférerait que ce soit dans une
politique où on peut justement adapter rapidement pour s'assurer de
rester avec des saines pratiques de gouvernance dans l'organisation.
• (12 h 30) •
Mme Jean : Vous parlez de temps qui est requis à l'Office des professions
pour changer un règlement. Est-ce
que vous pouvez m'informer sur les raisons de pourquoi ça peut prendre autant
de temps?
M.
Grisé (Jacques) : Je me pose
souvent la même question, hein? Tantôt, dans mon exposé, on disait que nous, on a travaillé
pendant près de deux ans à s'assurer que le champ descripteur entre les... dans
le domaine des affaires avait été...
On avait pris deux ans, à peu près, pour arriver à s'entendre, et là ça fait
déjà deux ans de ça, et là, aujourd'hui, là, on se serait attendu à ce que ce soit dans le projet de loi, là. Je sais
que la ministre n'en a pas parlé tantôt, mais on s'attend encore à ce que ce le soit. Donc, on pense qu'un
projet de loi comme celui-là, là... Si on est convoqués pour pouvoir
dire des choses, bien là, ce n'est pas très
compliqué, à l'article 37i, d'ajouter les champs évocateurs et les champs
descriptifs, là, des trois ordres professionnels en question, tout au moins.
Parce que le travail est fait, le travail est fait depuis deux ans. Alors, ça, on s'explique mal par contre
pourquoi ce n'est pas dans le projet de loi. J'ai peut-être débordé un
peu, là, mais j'ai un message à passer.
Mme Jean :
Ça va, ça va bien. Bien, merci. Une question sur la composition du conseil
d'administration. C'est invoqué dans le
projet de loi qu'on pourrait nommer ou conserver un poste pour quelqu'un... un
jeune, en tout cas moins de 10 ans de
profession. Est-ce que vous, vous avez des politiques de représentativité ou
d'équité hommes-femmes, par exemple? Est-ce que c'est quelque chose sur
lequel vous avez travaillé?
M.
Grisé (Jacques) : On ne peut pas dire qu'on a vraiment travaillé, mais
on est vraiment pour la diversité la plus totale possible au niveau du conseil d'administration. Là, présentement,
le conseil d'administration est composé, si je me souviens bien, de
trois femmes et...
Une voix :
...
M.
Grisé (Jacques) : ...pardon, de 40 %, plus une directrice
générale. Donc, je pense que, de ce côté-là, nous, on a fait notre part. Mais on vise la parité, et ce
n'est pas si simple que ça à faire, lorsque ce sont les élections, là, on
n'est pas toujours... hein? Ce n'est pas nous qui menons tout, là. Mais il
reste qu'on vise ça. Et c'est la même chose pour les autres aspects qui
concernent soit les régions ou soit qui concernent les autres aspects, là, de
la diversité culturelle.
Mme
Jean : Est-ce que l'avenue d'un poste électif ou de mettre des postes
électifs, préciser justement la composition d'un conseil
d'administration serait quelque chose qui serait peut-être à étudier?
M. Grisé
(Jacques) : Pouvez-vous reformuler la question?
Mme
Jean : Un poste de... de justement déterminer par postes électifs de
comment devrait être composé un conseil d'administration, pour assurer
sa diversité, justement.
M. Grisé
(Jacques) : Oui, je sais que ça a été avancé. Mais, avec ce qu'on
propose dans le projet de loi, il va y avoir
une diminution du nombre de membres du conseil d'administration. Donc, il va y
avoir un certain réaménagement des régions pour faire en sorte qu'il y
ait moins de personnes qui viennent de différentes régions, là, qui viennent de
20 régions différentes, disons. Nous
autres, il y a trois régions seulement. Donc, je pense que ça peut régler une
grande partie du problème, ça.
Mme Jean :
Parfait. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Madame, messieurs, merci
d'être là. Ce que je trouve fascinant avec le mandat de députée actuellement, c'est que j'apprends des choses, et
là vous m'en apprenez. J'ai lu votre mémoire, et, pour le bénéfice des
gens qui nous écoutent, vous nous dites : «Bien que cela soit le cas pour
la quasi-totalité des professionnels des
45 autres ordres professionnels, à ce jour aucun acte n'a été réservé aux
administrateurs agréés.» Et je lis votre
mémoire et je vois qu'il y a plusieurs de vos recommandations qui portent
justement sur la reconnaissance de votre ordre et sur ces fameux actes
réservés.
Et
je vous amène à la page 17. Vous nous dites, et là je vais lire pour les
gens qui nous écoutent : «En octobre 2014, [notre ordre] a déposé à l'office un mémoire
détaillé soutenant une demande d'activité réservée en gestion de
copropriété pour la gérance d'immeubles de
plus de deux étages et de plus de huit unités. En février 2016, après une
analyse approfondie, l'office a émis une recommandation favorable à
l'octroi d'une telle réserve. Depuis, nous sommes sans information sur l'état
d'avancement de ce dossier.» Mme la ministre vous a répondu tout à l'heure, on
a appris un petit peu de choses. On a appris
qu'il y a des travaux qui sont en cours, c'est ce qu'elle vous a dit :
Gardez espoir. Moi, je l'apprends, ça, aujourd'hui.
Alors,
moi, ça m'intéresse. J'aimerais savoir qu'est-ce que vous demandez et quel est
cet acte plus précisément que vous voulez qu'il soit réservé pour votre
ordre professionnel, relativement à la garde de la gestion des copropriétés?
Qu'est-ce que vous voulez?
M. Grisé (Jacques) : Moi, je veux
bien m'épancher là-dessus, mais je peux laisser peut-être mon...
Mme
Roy : Ah! bien, vous pouvez, mon cher monsieur.
M. Grisé
(Jacques) : ...le secrétaire, M. Denault, peut-être...
Mme Roy :
D'accord.
M.
Denault (Simon) : Bonjour. En fait, bien, le Québec a pris un certain
retard dans la réglementation au niveau de la gestion de copropriété, que ça soit au niveau de la formation ou
de l'encadrement. Nous, en ce moment, à l'ordre, on le fait. Donc,
on a une cinquantaine de gestionnaires de copropriétés, donc, qui sont
inspectés, qui sont encadrés par un règlement notamment pour la gestion
des comptes en fidéicommis. Il faut comprendre qu'un condo, c'est un actif extrêmement important pour... probablement
l'actif le plus important pour un individu, et, en ce moment, c'est le far
west. Donc, on pense que c'est extrêmement
important qu'il y ait un encadrement. Nous, à l'Ordre des administrateurs, on
a l'expertise, on a la compétence, on a développé un programme de formation
avec l'Université McGill à ce sujet-là.
Donc, il y a du
retard qui a été accumulé au Québec dans ce domaine-là, et on pense qu'il est
temps d'agir.
Mme Roy :
Vous dites : Il est temps d'agir. Précisément, vous demandez quoi?
M.
Denault (Simon) : Bien, un acte réservé, pas nécessairement réservé
exclusivement à l'Ordre des administrateurs.
Mais maintenant les représentations ont été faites à l'office, il y a une
demande qui a été faite, et l'office a émis une recommandation
favorable. Maintenant, c'est au législateur à agir pour réserver cet acte.
M.
Grisé (Jacques) : Oui, on a
aussi un mémoire qui a été produit à cet effet-là, il y a déjà un
certain temps. Et là on attend toujours, évidemment, des nouvelles de
ça. Il y a deux autres ordres professionnels, là, aussi qui pourraient
contribuer.
Mme
Roy : Si je comprends bien, quand vous dites : Actuellement,
c'est le far west, c'est qu'actuellement, en ce qui concerne la
copropriété et les condos, et Dieu sait qu'il y en a de plus en plus, maintenant, des gens qui achètent des condos, ce sont
que... les gestionnaires, il n'y a aucune surveillance qui se fait, il n'y a
aucune...
M.
Grisé (Jacques) :
...encadrement. Il peut y avoir peut-être... Il y a peut-être des condos qui sont
bien gérés puis qui sont gérés par
des administrateurs agréés, mais,
dans l'ensemble, ce n'est pas le cas du tout. Donc, les gestionnaires de
copropriétés, et ça va aussi pour, évidemment, le conseil d'administration
composé de membres, mais surtout les gestionnaires de copropriétés, ne sont
nullement encadrés ici, au Québec, alors qu'ils le sont dans d'autres provinces
canadiennes, dont l'Ontario.
Mme
Roy : Bon, alors, ça, c'est un bon point de réglé. On va
attendre de voir ce qui va se passer à cet égard-là. Je vous remercie de
m'avoir informée. C'est quand même... Il me reste un petit peu de temps, M. le
Président?
Le Président (M.
Ouellette) : 30 secondes.
Mme Roy :
Misère, c'est trop court!
Le Président (M.
Ouellette) : Oui, mais vous me l'avez demandé.
Mme
Roy : Merci. En ce qui a trait aux cotisations annuelles, le
projet de loi recommande que ce soit le C.A. qui les détermine au lieu
des membres. Vous, qu'en pensez-vous?
M. Grisé
(Jacques) : Bien, il ne fait aucun doute que le conseil
d'administration, qui connaît très bien les activités
puis la situation financière de l'ordre, puisse être l'organisme, là, l'entité,
en quelque sorte, qui recommande les cotisations, et non l'assemblée
annuelle.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. Jacques Grisé, Mme Francine Sabourin et Me
Simon Denault, représentant l'Ordre des
administrateurs agréés du Québec. Merci d'être venus rencontrer les membres de
la commission.
Je vais suspendre
quelques minutes. Je demanderais à l'Ordre des pharmaciens du Québec de
s'avancer, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à
12 h 38)
(Reprise à 12 h 40)
Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant
l'Ordre des pharmaciens du Québec et son président, M. Bertrand Bolduc, qui fera la
présentation. M. Bolduc, vous allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et après il y aura
discussion avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. À vous la parole, M. Bolduc.
Ordre des pharmaciens du Québec
(OPQ)
M. Bolduc
(Bertrand) : Merci, M. le Président. Mme la
ministre, messieurs dames les parlementaires, je suis accompagné de Mme Manon Lambert, directrice générale
et secrétaire de l'ordre, et nous avons la chance d'être accompagnés également de M. Jean Landry,
qui est un administrateur externe, donc nommé par l'Office des professions, et président de
notre comité de gouvernance, et président de notre comité d'audit également.
Alors, nous
vous remercions de l'opportunité qui nous est donnée de vous donner notre point de vue sur le projet de loi n° 98. En général, l'ordre accueille
bien, favorablement les modifications proposées au Code des professions, exception faite de l'élargissement des pouvoirs du
commissaire à l'admission. Mais nous pensons aussi que les modifications ne vont pas suffisamment loin en
matière de bonification des
mécanismes de protection du public. Nous allons vous soumettre plusieurs
suggestions qui seront, nous l'espérons, de nature à alimenter vos réflexions.
Ces suggestions sont basées sur une longue
et concrète expérience de la poursuite de la mission d'un ordre professionnel. Nous vous demandons de faire
preuve d'audace et de profiter de l'occasion pour véritablement nous donner les moyens de bien remplir
notre mission, qui est celle de protéger adéquatement le public.
La première recommandation dont j'aimerais vous faire part porte sur-le-champ d'action de l'ordre.
Nous vous demandons d'étendre
l'autorité des ordres sur les sociétés auxquelles nos membres sont affiliés, par exemple les chaînes ou bannières en
pharmacie. Nul besoin de revenir sur les dossiers épiques que l'ordre a eu à
traiter en lien avec des tiers pour
lister ce besoin. Ce nouveau champ d'activité devra toutefois être assorti d'une contribution financière de la part de ces sociétés afin de rendre cet
éventuel nouveau pouvoir réellement effectif.
Considérant
que l'ordre doit dès maintenant disposer de meilleurs moyens d'action sur les tiers,
l'ordre suggère que, sans plus attendre, le syndic soit investi des
pouvoirs de commissaire enquêteur. En effet, en comparaison du commissaire aux plaintes à l'admission, déjà
investi d'un tel pouvoir, le syndic de notre ordre doit obtenir des renseignements d'individus ou d'organisations beaucoup moins enclins à collaborer que ne le sont les
ordres, les maisons d'enseignement ou les ministères visés, où qui le seront, par le commissaire. De
plus, pour les appuyer concrètement dans leur travail, les syndics devraient aussi pouvoir compter sur une
protection accrue du législateur au profit des lanceurs d'alerte, qui ne
devraient pas être freinés dans leur élan par peur de perdre leur emploi, par
exemple.
De façon
générale, tous les ordres devraient pouvoir évaluer la conduite et les bonnes
moeurs des demandeurs à l'admission. Cette mesure permettrait
d'interdire l'accès à la profession aux candidats qu'ils jugent insensibles aux
formations en éthique et déontologie. Ces
formations sont très pertinentes pour la majorité de nos
professionnels, mais, dans certains
cas, il est inutile de tenter d'insuffler un comportement moral à certains
individus, et nous souhaitons les priver d'un accès à la profession qui compte des responsabilités aussi vitales
que la nôtre. En tout temps, le droit d'exercer une profession ne peut primer sur l'intérêt supérieur
de la protection du public. Cela doit se traduire clairement
dans la loi.
À l'instar de
nos amis du Collège des médecins du Québec, nous demandons aussi que les ordres puissent
conclure des ententes simples et efficaces
avec les détenteurs de certaines bases de données gouvernementales pour obtenir de façon préventive des renseignements
reflétant les pratiques professionnelles de nos membres.
Sur le plan
de la gouvernance, nous souhaitons et nous soutenons la proposition de séparer les pouvoirs politique et exécutif en éliminant le
cumul des fonctions de président et de directeur général. À l'égard de la
composition du conseil d'administration,
l'ordre est déçu de la réduction proposée du nombre d'administrateurs. Nous appuyons par
ailleurs la proposition de lui confier la responsabilité de fixer le montant de
la cotisation. En contrepartie, nous préconisons toutefois une reddition de
comptes financière accrue pour tous
les ordres et la possibilité pour l'Office
des professions de procéder à un audit sur leur gestion, le cas échéant.
Afin de mieux
répondre à la volonté exprimée d'éviter les conflits d'intérêts de ses membres
élus, nous demandons la révision de
la proposition actuelle sur l'inéligibilité du poste d'administrateur. Ceux qui
siègent déjà dans des associations de
services qui n'antagonisent pas le mandat d'un ordre, comme, chez nous,
Pharmaciens sans frontières, par exemple, devraient être autorisés à se présenter. Par contre, ceux qui sont liés à des parties prenantes visées
directement ou indirectement avec les actions de
l'ordre devraient être disqualifiés.
Finalement, l'ordre ne soutient pas
l'élargissement du pouvoir du commissaire aux plaintes à l'admission à l'ensemble
du processus d'admission et émet de sérieux doutes quant à l'efficacité de cette mesure. De plus, à l'instar du Barreau, l'ordre croit qu'avec les modifications proposées le
commissaire disposera d'un mandat dont les limites seront soumises à sa seule discrétion, avec des pouvoirs
trop larges et trop imprécis. Il préconise plutôt une plus grande
coordination des multiples intervenants et un meilleur financement
des initiatives porteuses pour accroître l'intégration des personnes
diplômées hors Québec au marché du travail.
En terminant, j'aimerais laisser quelques
minutes à M. Landry pour le mot de la fin.
Le Président (M. Ouellette) : M.
Landry.
M. Landry(Jean) : Merci, M.
Bolduc. À titre de représentant du public au sein du conseil d'administration de l'Ordre des pharmaciens, je suis en mesure de
témoigner des réussites de l'ordre sur le plan de la gouvernance. J'ai aussi, au cours des dernières années, été témoin
des combats majeurs qui ont été menés à l'encontre de joueurs importants
de l'industrie, ceci afin que l'ordre puisse
assumer sa mission de protection du public. Et c'est d'ailleurs au nom de
cette protection du public qu'il m'apparaît
que l'élargissement de l'autorité des ordres envers certains organismes et
évidemment le financement qui doit y être
associé ne doivent pas rester des voeux pieux. Les changements profonds de
l'environnement commercial des professions, depuis l'introduction du Code des
professions en 1974, justifient que cette demande soit sérieusement prise en
considération.
J'aimerais ajouter quelques mots sur un
sujet qui me tient à coeur, les fonds d'assurance responsabilité professionnelle. Les fonds d'assurance sont un
outil important dont disposent les ordres professionnels pour
s'acquitter de leur mission de protection du
public. Pour s'en convaincre de façon concrète, il suffit de constater qu'au
31 décembre dernier cinq fonds
d'assurance en opération au Québec avaient accumulé 350 millions de
dollars, 350 millions de dollars qui
étaient immédiatement disponibles pour le client et, dans notre cas, pour les
patients qui subiraient un préjudice par la faute ou par une erreur professionnelle d'un professionnel. Il nous
apparaît que ces 350 millions accumulés au cours des années doivent continuer de bénéficier d'une
gestion spécialisée et rigoureuse. Or, selon ce que nous en savons,
certains changements envisagés, qui d'ailleurs apparaissaient dans les
premières versions du projet de loi, pourraient, s'ils se matérialisaient,
entraîner des modifications importantes à la gouvernance des ordres et de leurs
fonds d'assurance en introduisant, entre autres, des notions imprécises en ce
qui a trait à la gestion des sommes accumulées.
Malgré
certaines difficultés opérationnelles réelles, mais qui ont trouvé des
solutions dans plusieurs ordres, nous ne
croyons pas judicieux de changer profondément un système qui a fait ses
preuves. S'il devait y avoir des changements, ces derniers devraient,
selon nous, être débattus dans une perspective de protection du public, et non
de difficultés opérationnelles ponctuelles,
qui, de toute façon, ont déjà trouvé des solutions. Pourquoi ne pas tout
simplement s'inspirer des ordres qui ont réussi? Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
• (12 h 50) •
Mme
Vallée : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation. En
fait, vous formulez de nombreux commentaires, dans votre mémoire et dans votre présentation, qui sont très
constructifs puis, je pense, qui vont bonifier, oui, le texte... vont probablement nous aider à bonifier le texte
du projet de loi, mais j'ai l'impression que ça nous amène aussi un peu
plus loin, parce qu'il y a des réflexions
sur... Parce que, vous savez, on aborde la réforme du Code des professions en
étapes et, tout ce qui est en lien avec la justice disciplinaire, on souhaitait
l'aborder dans une deuxième étape.
Vous
avez quand même formulé des recommandations fort intéressantes quant au rôle du
syndic. J'aimerais vous entendre
davantage sur cet aspect-là, parce que je sais que nous aurons cet après-midi
des représentations à l'effet que les syndics
vont trop loin et ont trop de pouvoirs, et donc on aura des représentations
partagées sur cette question-là. Mais j'aimerais vous entendre... Parce
que le syndic est un peu le chien de garde de la protection du public, est
celui ou celle qui doit intervenir lorsque
des questions importantes sont soulevées, notamment en matière de pratique
illégale, et donc j'aimerais vous entendre quant à ces pouvoirs accrus que vous
recommandez, dont le fait d'être investi du pouvoir de commissaire enquêteur. Il y a certainement des enjeux auxquels vous avez fait face, ou votre ordre a fait face, au
cours des dernières années. Donc, j'aimerais que vous puissiez l'illustrer davantage
pour les fins de nos travaux.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Lambert.
Mme Lambert
(Manon) : Oui, bien, en fait, je vais vous exprimer... je vais vous
expliquer un exemple qu'on a eu, qui est un
exemple public, le dossier Pharmascience, dossier des avantages non autorisés
que les pharmaciens ont reçus, qu'on a traité sur une période de
10 ans. Ça a pris 10 ans, traiter ce dossier-là, parce qu'il nous
fallait, ou il fallait à notre syndic des
renseignements de tiers pour pouvoir avancer dans ses enquêtes. Or, il nous a
fallu aller jusqu'en Cour suprême
pour obtenir des données. On comprend qu'aller en Cour suprême, là, ce n'est
pas à la portée de n'importe quel ordre. C'est plusieurs centaines de
milliers de dollars d'avocats pour aller là.
Malgré qu'on soit
allés en Cour suprême et que l'ordre ait établi un principe fondamental au
niveau de notre système professionnel, c'est-à-dire que le syndic pouvait
requérir des renseignements de tiers, ce qui n'était pas nécessairement si évident auparavant, quand notre
syndic, par la suite, a demandé les renseignements à d'autres compagnies
pharmaceutiques que Pharmascience, une autre
compagnie, la compagnie Apotex, a recontesté de nouveau le pouvoir de
notre syndic d'obtenir les renseignements, et c'est allé de nouveau jusqu'en Cour
d'appel.
Alors,
je pense que je ne peux pas illustrer de meilleure façon le besoin. Malgré une
décision de la Cour suprême, on nous a ramenés jusqu'en Cour d'appel
pour avoir ces renseignements-là. Il nous semble que, dans une situation comme celle-là, le pouvoir de commissaire
enquêteur aurait été tout à fait le bienvenu, si on veut agir avec diligence
et investir les sommes correctement. Parce
que les sommes qu'on a investies dans ces poursuites-là, elles n'ont pas pu
être investies dans d'autres mécanismes de protection du public.
Mme Vallée :
Et vous avez également fait référence à une meilleure protection des lanceurs
d'alerte. Il y a, à l'intérieur du projet de
loi, des dispositions permettant évidemment d'analyser certains dossiers et d'accorder
une immunité à un lanceur d'alerte, mais
j'aimerais vous entendre : Quels seraient des moyens additionnels qui
pourraient ou devraient être mis en place et pourquoi?
Mme Lambert (Manon) : En fait, le projet de loi constitue une belle amorce, c'est-à-dire
qu'il y a une immunité pour la
personne, le pharmacien dans notre cas, le professionnel qui pourrait lui-même
s'incriminer auprès du syndic en matière
de justice disciplinaire, donc de lui accorder une immunité. Nous, ce qu'on a
vu dans le passé, et quand on vous disait
que les recommandations qu'on fait sont le fruit de choses qu'on a vécues,
d'une longue expérience de gestion, bien, nous, on a vu que, parfois, c'est des employés des pharmaciens, par
exemple, qui donnent l'alerte. Ces employés-là ne sont pas
nécessairement des membres, et on a vu des cas où certaines de ces personnes-là
ont subi des représailles par la suite, pouvant aller jusqu'à la perte
d'emploi.
Évidemment, on est
conscients que le Code des professions actuellement ne s'applique pas à ces
gens-là. C'est peut-être difficile sur le
plan technique et juridique de donner suite à cette recommandation-là, mais il nous semble opportun
d'en discuter. Est-ce qu'on peut inclure une protection dans le code pour des
gens qui ne seraient pas des
professionnels? Ça sera aux avocats de le décider, mais il nous semble
important de le faire, parce que, nous, de notre côté, c'est souvent des
employés non professionnels... parfois des employés non professionnels qui
lancent l'alerte.
Et,
lorsqu'il est question de pratiques commerciales, lorsqu'il y a une main
donnante et une main recevante, c'est extrêmement
difficile pour nos syndics de pouvoir avoir accès à l'information pour amorcer
ou continuer une enquête.
Mme
Vallée : Donc, je comprends que votre préoccupation serait
peut-être de trouver un moyen, qu'il s'agisse peut-être des normes du travail ou d'un... de trouver un moyen pour
protéger le lanceur d'alerte employé d'un membre d'un ordre
professionnel, qui dénoncerait des pratiques contraires à l'intérêt, à la
protection du public.
Mme Lambert
(Manon) : Absolument, quant à la protection de l'emploi, quant à la
protection contre le harcèlement, ce genre
de... Toute la question de la protection des renseignements personnels. Est-ce
que le lanceur d'alerte, dans ce
contexte-là, ne va pas devoir fournir des renseignements personnels? Donc, est-ce
qu'il pourrait être poursuivi
par son employeur pour l'avoir fait, alors
que ces renseignements-là sont utiles
dans la suite de l'enquête? C'est ce genre de protection là, je pense, qu'il faudrait donner. Parce que la réalité...
Jean Landry en a parlé, l'environnement commercial change, et on voit de
plus en plus des problèmes qui sont liés aux pratiques commerciales.
Mme
Vallée : Et d'ailleurs c'est aussi une des raisons pour
laquelle vous demandez, au même titre que le Collège des médecins l'a demandé la semaine dernière,
d'avoir accès aux banques de données de la RAMQ, pour permettre à vos syndics aussi d'avoir des données supplémentaires
pour intervenir en amont. Je comprends que cette question-là va être
abordée ou est abordée dans le projet de loi n° 92, là, il y a des
amendements qui ont été déposés. Donc, on travaille ensemble, on travaille en collaboration. Mais je pense qu'il y a une
volonté d'y voir, là, dans les travaux qui ne sont pas de cette
commission-là mais, bref, qui sont de notre grande équipe.
Sur la question de
l'éthique et de la déontologie, vous avez abordé un élément intéressant en
disant : Bien, en dehors des critères qui sont déjà prévus à
l'article 45, nous, on vous propose d'ajouter le critique... pas une
critique, mais d'ajouter qu'on puisse
refuser la délivrance du permis à une personne qui ne présente pas les
sentiments moraux qu'on recherche chez un professionnel, basés sur les
moeurs et la conduite. Alors, comment on pourrait encadrer ça? Puis qu'est-ce que vous voulez dire? Parce que ça
semble très subjectif comme élément, et peut-être difficile de mettre en
application puis d'assurer qu'il n'y ait pas d'utilisation, disons, qui ne
serait pas celle souhaitée.
Mme Lambert (Manon) : En fait, ce n'est pas une innovation qu'on vous propose, c'est déjà un
mécanisme qui est prévu à la Loi sur le Barreau et pour la Chambre des
notaires. Il y a déjà de la jurisprudence qui est venue établir deux choses. La première, c'est que c'est vrai que
c'est un pouvoir discrétionnaire et large, mais qui ne peut pas être
exercé sans tenir compte des principes de
justice naturelle, de l'équité procédurale, et les tribunaux sont venus
circonscrire ce pouvoir-là. Il y a
déjà de la jurisprudence, et un ordre qui l'utiliserait pour des fins autres
que celles qu'on propose dans notre mémoire pourrait être sujet à un
mécanisme de révision par les tribunaux.
Mme
Vallée : Donc, pour vous, pour les fins de la protection du
public, il serait opportun que ce critère-là ne se retrouve pas
simplement dans les lois propres à un ordre mais qu'il s'agisse d'un critère
général auquel l'ensemble des ordres sont assujettis?
Mme Lambert (Manon) : Bien, en fait, ça pourrait être un pouvoir, c'est-à-dire pas une
obligation, donc un ordre qui veut s'en prémunir. Mais, comme on le dit
dans notre mémoire, on est d'accord pour les cours d'éthique et de déontologie,
mais de tenter d'enseigner l'éthique à quelqu'un qui n'a pas la motivation
d'agir de façon éthique, ça ne fonctionnera
pas. Et c'est dans cette optique-là... C'est rare que ce pouvoir-là va être
utilisé, mais on a peut-être un ou deux
exemples en tête, de notre côté, où, effectivement, on a eu des signalements
alors que la personne était étudiante, mais, comme il n'y a pas eu vraiment d'infraction criminelle, on ne pouvait
pas utiliser... je pense que c'est 45 du code, on ne pouvait pas utiliser cette disposition-là et on ne
pouvait à peu près rien faire avec le signalement. Parce que, dans notre
cas, le processus d'admission est
extrêmement technique : la personne a son diplôme, elle paie sa
cotisation, elle fournit les informations, elle est inscrite, point
final.
Le Président (M.
Ouellette) : 30 secondes.
Mme
Vallée : Aïe! Sur la question du pôle de coordination, vous
suggérez que l'ordre soit consulté avant que le pôle identifie des
besoins de collecte. Pourquoi?
M. Bolduc (Bertrand) : Bien, nous, dans notre structure actuelle, on a
réussi à faire des grands avancements. On a déjà mis en place un
programme universitaire pour les diplômés hors Québec. Dans la structure
actuelle, avec une concertation qui s'est
faite de façon assez efficace, grâce à un financement de cette
initiative-là, il y a une trentaine de pharmaciens formés hors Québec qui sont diplômés de ce programme de l'Université de Montréal à tous les ans et qui rejoignent la profession tous les ans. Donc,
c'est faisable de le faire sans changer le mécanisme. On n'est pas contre
un pôle d'information, mais évidemment on doit jouer un bon rôle là-dessus.
• (13 heures) •
Mme
Lambert (Manon) :
Précisément, votre question, c'est que, parfois, quand on demande des statistiques,
on n'a pas nécessairement conscience du travail qui est requis pour fournir ces
statistiques-là, des changements qui sont requis
au niveau des systèmes d'information, des coûts que ça occasionne. Donc, il faut
s'assurer que les données qu'on va
demander sont facilement collectables par les ordres sans induire un
travail... Parce qu'encore une fois
les ordres, ce n'est pas des
organisations très riches pour la plupart. Donc, ce qu'on met comme ressources
d'un côté, on ne le met pas de l'autre, dans nos autres mécanismes de
protection du public.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme Lambert. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme
Jean : Merci. Alors, bienvenue, M. Bolduc, Mme Lambert, M. Landry,
merci de partager avec nous votre expérience
et vos recommandations. Sans plus tarder, j'inviterais ma consoeur députée de
Taillon de poser ses questions à...
Mme Lamarre : Merci. Ça vous va, M.
le Président?
Le Président (M. Ouellette) : Bien
oui, bien, ça s'en va à Taillon, c'est sûr.
Mme
Lamarre : C'est bon? Merci. Alors, bienvenue à vous trois. Très
contente de voir que vous avez invité un administrateur nommé pour cette
présentation qui concerne la gouvernance dans le projet de loi n° 98.
C'est un enjeu majeur. M. Landry, vous êtes président du comité de gouvernance
et d'audit. Le comité antérieur, en fait, c'était un administrateur nommé qui était aussi président avant vous. Est-ce que
vous en feriez une recommandation? Est-ce que l'ordre en ferait une recommandation? Parce qu'on est dans un... Le
projet de loi n° 98 a comme objectif d'améliorer la confiance du public. Est-ce que d'avoir un
administrateur nommé comme président d'un comité de gouvernance, ce
n'est pas un signal intéressant?
M. Landry (Jean) : Bien, écoutez, je
suis en conflit d'intérêts pour répondre à votre question, mais...
Mme Lamarre : On reconnaît votre...
M. Landry (Jean) : ... mais,
objectivement, je crois...
Mme Lamarre : Mais le président peut
répondre.
M. Landry
(Jean) : Je croirais qu'objectivement ce qui devrait guider les ordres
pour nommer un président, c'est les
compétences de la personne, ses expériences passées, et tout. Ça peut être un
administrateur nommé. Ça pourrait, dans notre cas, être un pharmacien. Évidemment, l'avantage d'un
administrateur nommé, c'est que, lors des nominations par l'office, on peut préciser notre demande, un
objectif avec un profil qui va vers, dans mon cas, le comité d'audit ou le
comité de gouvernance. Mais je pense que ce
qui doit primer, c'est l'expérience, les connaissances, les compétences de la
personne.
Mme Lamarre : Merci. On n'a que
6 min 24 s en tout. Alors, pour le tiers, la ministre a posé de
très bonnes questions, mais ce que
j'entends... vous avez présenté, hier on a eu l'ordre des vétérinaires, le
Collège des médecins, l'Ordre des optométristes, je crois qu'il y a une
urgence à vraiment légiférer et donner le pouvoir aux ordres au niveau des tiers. Il y a 40 ans, ce n'était pas dans le
profil des ordres, c'était une autorité par rapport à un membre, mais là on se
rend compte qu'on a énormément d'autres
personnes, personnes morales ou physiques, qui interviennent. Alors, c'est
bien entendu de ce côté-là.
Vous avez
parlé du fonds d'assurance responsabilité professionnelle et vous souhaitez le
garder dissocié du budget, dans le fond, de l'ordre. Vous êtes les
premiers à nous en parler. Est-ce que vous pouvez nous donner un peu plus de
détails? Mais j'aurais encore une question après, je vous le dis, sur le
commissaire à l'admission.
M. Landry
(Jean) : Écoutez, notre point là-dessus, c'est que les fonds
d'assurance... Et puis, pour peut-être mettre les choses en perspective, depuis une quinzaine d'années, j'ai participé
sur des conseils d'administration de trois fonds d'assurance, et les fonds d'assurance sont un mécanisme extrêmement
rigoureux pour assurer, comme je le disais tout à l'heure, que les ordres professionnels ont
toujours... sont en mesure de cumuler des fonds pour protéger le public en
cas d'erreur professionnelle. Ces
mécanismes-là fonctionnent très bien. Ils sont encadrés par l'AMF, l'Autorité
des marchés financiers. Certains
disent : L'AMF va trop loin, trop pointilleux. Bien, peut-être. Mais moi,
j'ai été conscient de l'évolution de
la qualité de la gouvernance des fonds depuis une quinzaine d'années. Je peux
vous dire que, grâce à l'intervention de l'AMF, la rigueur qui est maintenant appliquée dans les fonds que je
connais, à tout le moins, elle est extrêmement... elle a changé complètement, et je devrais dire que
cette rigueur-là se compare presque à la rigueur qui est appliquée aux
grandes compagnies, que ce soit Intact, que
ce soit Desjardins, assurances générales. Et c'est là, des fois, que le bât
blesse, c'est que l'AMF n'a pas nécessairement la marge de manoeuvre
pour de temps en temps dire : Bien, j'applique une ligne directrice à tout
le monde, puis, quand il arrive dans un petit fonds... comme celui, par
exemple, des pharmaciens, il l'applique de la même façon, ce qui devient une
charge assez importante, je l'admets.
Mais, ceci
étant dit, ça a permis une amélioration importante de la gouvernance. Et il
faut se rappeler que c'est un domaine extrêmement technique et que ce
n'est pas... Je prends toujours l'exemple des pharmaciens, ce n'est pas évident
qu'on va trouver, parmi les pharmaciens, des actuaires, les comptables
spécialisés, des avocats spécialisés dans ce domaine-là. Alors, moi, je pense que c'est un
mécanisme qui a fait ses preuves, qui a connu quelques difficultés de
fonctionnement, mais qui ont été résolues par les ordres professionnels, chez
nous et ailleurs.
Donc, je me
dis : Plutôt que de changer un système qui a très bien fonctionné, qui a
fait ses preuves... 350 millions,
excusez l'expression, ce n'est pas des pinottes, bien, c'est là et c'est
disponible pour la protection du public.
Mme
Lamarre : Je vois aussi le
fait que, pour un professionnel, puis je prends l'exemple d'un pharmacien,
le fait... On insiste beaucoup
pour que les gens déclarent volontairement maintenant leurs erreurs. Si
l'organisme qui reçoit la déclaration
d'erreur est celui qui est susceptible de la sanctionner comme étant l'ordre,
on peut briser ce qu'on essaie de, finalement, favoriser dans la
déclaration des erreurs.
Je vais juste vous faire parler quelques minutes
sur le commissaire à l'admission et sur le modèle qui a été développé au niveau de la qualification en pharmacie,
parce que vous avez un modèle, je pense,
qui a été financé et qui a donné des résultats. Donc, je vous laisse le
temps qui reste pour le préciser.
Le Président (M. Merlini) : Il vous
reste 45 secondes.
M. Bolduc (Bertrand) : Voilà. Les intervenants,
que ce soient les universités, l'ordre, le ministère de l'Immigration... le ministère de l'Éducation et de l'Immigration, se mettent ensemble,
on a une problématique, on crée un programme universitaire de qualification qui dure un an, plus un stage de
quatre mois qui suit. On a, nous, prêté notre directrice à l'admission
pendant plus d'un an pour monter ce programme-là. Aujourd'hui, plus d'une
trentaine de pharmaciens diplômés hors Québec, à tous les ans, graduent de ce programme-là,
et ça fonctionne très, très bien. Évidemment,
c'est contingenté, comme l'entrée en pharmacie régulière, les programmes
de pharmacie le sont aussi, mais, parce que ce programme-là a été bien
coordonné, bien financé, ça fonctionne très, très bien.
Alors, on
peut avoir une vision d'intégrer les diplômés hors Québec,
mais une vision sans financement, c'est une hallucination. Alors, quand on est bien financés, que les gens veulent
bien travailler ensemble, ça fonctionne très, très bien, on n'a pas besoin de changer tout le cadre
autour de ça.
Mme Lamarre : Vous avez été financés
pour ce programme à quelle hauteur, de quelle façon?
Mme
Lambert (Manon) : Ma mémoire
fait défaut, mais c'était autour de 1,2 ou 1,6 million de dollars qu'on a reçus en subvention pour développer le programme. En fait, ce n'est pas
nous, c'est l'université qui a reçu la subvention pour développer le
programme.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup pour cette réponse. On va
maintenant à la députée de Montarville. À vous la parole.
Mme Roy :
Merci, M. le Président. Madame, messieurs, merci d'être là. Mémoire étoffé,
beaucoup de détails. Chose
intéressante, je vous amène tout de suite à la page 2, un sujet que nous
n'avons pas encore abordé. Vous nous parlez du commissaire aux plaintes et vous nous dites, c'est une de vos
dernières recommandations : «Finalement, l'ordre ne soutient pas l'élargissement des pouvoirs du
commissaire aux plaintes à l'ensemble du processus d'admission et émet
de sérieux doutes quant à l'efficacité de cette mesure.» Pourquoi est-ce que
vous émettez des doutes quant à l'efficacité de cette mesure?
Mme
Lambert (Manon) : On a
vérifié les données financières et le nombre de traitements de dossier. Alors,
juste pour vous faire un parallèle, si on
compare au syndic à l'Ordre des pharmaciens, au syndic à l'Ordre des
pharmaciens, quand je regarde le budget et
le nombre d'enquêtes traitées, on est à peu près à 5 000 $ par
enquête traitée, ce qui n'est pas rien, mais qui... Quand je fais les
chiffres de la dernière année du commissaire, avec un budget de
530 000 $ puis une quinzaine d'enquêtes, bien, ça nous mène à
35 000 $ à 40 000 $ par enquête. Dans un contexte où on
veut utiliser les ressources sainement, il nous semble que, si on veut étendre
à l'ensemble du processus d'admission, il faut avoir, premièrement, des données : Qu'est-ce qu'on veut corriger? On n'a
pas... Où sont les problèmes dans l'admission des étudiants... des professionnels québécois? Quel
est le problème du parcours? On nous a parlé de parcours particuliers,
mais encore.
Parce qu'au
niveau québécois on a déjà un autre mécanisme qui est prévu au Code des
professions pour discuter de ces
problèmes-là, et ça, ça s'appelle les comités de formation, donc, où le
ministère de l'Éducation, les facultés ou les cégeps et les ordres
professionnels s'assoient pour évaluer les programmes, pour évaluer la qualité,
pour discuter des problèmes. Bien que ce
mécanisme-là ne fonctionne pas correctement dans tous les ordres, je pense qu'on
devrait regarder ce mécanisme-là,
pour ce qui est des diplômés québécois, parce que c'est un mécanisme qui,
lorsqu'il est bien utilisé, c'est le
cas chez nous, lorsqu'il est bien utilisé, nous permet d'avoir des discussions
fort intéressantes avec nos vis-à-vis de l'Éducation.
Mme Roy :
Si je vous comprends bien, vous êtes en train de me dire que ça coûte cher
d'enquête, puis, les résultats, on pourrait peut-être arriver avec des
résultats intéressants sans nécessairement étendre les pouvoirs du commissaire?
• (13 h 10) •
Mme Lambert (Manon) : Bien, en fait, si on en savait davantage sur les problèmes du parcours
des Québécois et ce qu'on veut
régler, on serait davantage en mesure de dire : Est-ce que l'élargissement
des pouvoirs du commissaire, c'est vraiment la solution? Est-ce que c'est le moyen le
plus efficace, le plus efficient? Mais, pour le moment, honnêtement, on
n'a pas ces données-là.
Mme
Roy : Vous nous
parlez de plaintes... des enquêtes à l'égard du nombre de plaintes qui sont
portées à l'égard de votre ordre au commissaire aux plaintes. Vous
nous dites que c'est à peu près 5 000 $
par plainte, traiter un dossier?
Mme Lambert
(Manon) : C'est au syndic, ça.
Mme
Roy : Au syndic,
pardon. Si on revient au commissaire aux plaintes, dans quelles mesure la
pertinence de l'étendre... Enfin,
vous vous questionnez... Je reprends ma question à l'envers, là. Vous
vous questionnez sur l'efficacité et vous soumettez qu'il
y aurait peut-être une autre façon d'y arriver.
Mme Lambert (Manon) : Bien, effectivement, vous avez tout à fait raison, vous avez
bien compris notre propos. Mais, en
amont de ça, je dirais que notre recommandation serait encore plus pertinente si nous savions
quels problèmes on veut traiter. En pharmacie puis en médecine, on
commence d'abord par faire le diagnostic, et ensuite on applique le traitement, on donne le bon médicament pour la
bonne maladie. Actuellement, on ne sait pas trop quelle est la maladie
pour ce qui est du parcours des Québécois. Le diagnostic est un peu flou.
Mme
Roy : Donc, il y a
des réserves à cet égard-là. Je vous amène à la page 5 maintenant,
lorsqu'on parle de la composition du... pas de la
composition, mais des prérogatives du C.A., entre autres à l'effet de faire en
sorte que ce soit le C.A. qui a la responsabilité de fixer les montants de la cotisation annuelle des membres. Parce que,
Dieu sait, quand on fait partie d'une
corporation professionnelle, la cotisation annuelle, c'est quelque chose qui nous intéresse. Je
pose la question. Je l'ai posée aux
organismes avant vous, aux ordres avant vous. Vous êtes également favorables à
ce que ce soit le C.A. qui détermine
le montant, mais vous nous arrivez avec une suggestion intéressante : une
forme d'obligation de transparence. J'aimerais que vous m'en parliez
pour le temps qu'il reste.
Le Président (M.
Merlini) : En une minute.
M. Bolduc
(Bertrand) : Présentement, c'est les membres qui décident puis qui
approuvent la suggestion d'augmentation de
cotisation. Donc, on est soumis au bon vouloir de nos membres de nous financer.
Si on transfère tout le pouvoir du
côté du conseil d'administration, ce qu'on dit, c'est : Bon, bien,
maintenant les membres vont être en otages vis-à-vis du conseil d'administration. Ce qu'on dit : Bien, plus
facile par le conseil d'administration de juger qu'est-ce que ça prend, mais il faut être raisonnable, il faut
être transparent et il faut avoir un mécanisme de compensation potentiel
par un audit de l'office si on exagère.
Alors, pour une bonne gestion des fonds que les membres nous confient et qu'on
dédie à la protection du public, il faut
quand même être sérieux et avoir un mécanisme de contrôle pour être sûr que les
sommes sont bien utilisées.
Le Président (M.
Merlini) : Mme Lambert, M. Bolduc et...
Mme Lambert
(Manon) : Ah...
Le Président (M.
Merlini) : Vous avez un complément? Allez-y. Je vais vous permettre le
complément.
Mme Lambert (Manon) : Bien, en d'autres termes, il ne faut pas passer d'un côté du balancier
à l'autre sans passer par le milieu puis avoir un certain équilibre.
Le
Président (M. Merlini) : Alors, Mme Lambert, M. Bolduc et M. Landry,
représentant l'Ordre des pharmaciens du Québec, je vous remercie pour
votre contribution aux travaux de la commission.
La commission suspend
donc ses travaux jusqu'à 15 heures, où nous continuerons notre mandat, à
la salle La Fontaine. Merci et bon appétit.
(Suspension de la séance à
13 h 13)
(Reprise à 15 h 3)
Le
Président (M. Merlini) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande
à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 98,
Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux
professions et la gouvernance du système professionnel.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements cet après-midi?
Le Secrétaire : Non, c'est le
même remplacement que ce matin.
Le
Président (M. Merlini) : Très bien. Alors, nous entendrons cet
après-midi les organismes suivants : l'ordre des technologues en imagerie médicale, en
radio-oncologie et en électrophysiologie du Québec, l'Ordre des
technologues professionnels du Québec, Les
Entreprises Daniele Henkel et le Commissaire aux plaintes en matière de
reconnaissance des compétences professionnelles de l'Office des professions du
Québec.
Alors, nous
avons maintenant devant nous l'Ordre des technologues en imagerie médicale.
Alors, je vous inviterais à vous identifier. Vous avez 10 minutes
pour votre présentation, et suivront les échanges avec Mme la ministre et les
porte-parole des deux groupes d'opposition. Alors, à vous la parole, et
bienvenue à la Commission des institutions.
Ordre des technologues
en imagerie médicale, en radio-oncologie
et en électrophysiologie médicale du Québec (OTIMROEPMQ)
Mme Boué (Danielle) : M. le
Président, Mme la ministre, chers membres de la commission, bonjour. Je suis Danielle Boué, présidente de l'Ordre des
technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en
électrophysiologie médicale du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de M.
Alain Cromp, directeur général et secrétaire de l'ordre.
D'entrée de
jeu, nous souhaitons vous remercier de nous accueillir aujourd'hui dans le
cadre de cette consultation.
Fondé il y a
75 ans maintenant, notre ordre encadre la pratique professionnelle de plus
de 6 000 technologues
issus de quatre professions distinctes. Afin de mieux nous connaître et savoir
qui nous sommes, je vous précise que les technologues
en imagerie médicale utilisent des techniques ayant pour but de produire des images
qui servent à établir un diagnostic
chez les patients. Ce sont eux, entre autres, qui réalisent les examens, les
images de médecine nucléaire, les images en échographie, en mammographie
et en résonance magnétique, pour ne nommer que ceux-ci. Ce sont les technologues en radio-oncologie qui traitent les
patients atteints du cancer en appliquant les traitements de
radiothérapie. Et finalement, si vous passez
un électrocardiogramme à l'effort, c'est-à-dire un célèbre tapis roulant, c'est
fort probablement un technologue en électrophysiologie médicale qui
s'occupera de vous cette journée-là.
Alors, avec
le respect... afin de respecter, pardon, le temps qui nous est imparti
aujourd'hui, nous irons directement droit au but sur les points qui nous
préoccupent.
Le projet de
loi n° 98 propose de transformer le commissaire aux plaintes en un
commissaire à l'admission en élargissant ses pouvoirs. Pourquoi? Nous
nous questionnons sur les résultats que nous attendons d'une telle mesure.
Prenons
l'exemple manifeste des candidats étrangers. Le réel problème, pour nous, c'est
l'accès aux stages. Les établissements
de santé, qu'ils soient publics ou privés, n'offrent pas suffisamment de places
de stage. Bien que notre ordre
admette les candidats étrangers sur la base de l'accord de reconnaissance
mutuelle de compétences en leur accordant un permis temporaire, ils
doivent malgré tout faire un stage pour obtenir un permis régulier. Quelques
chiffres pour mettre le tout en images.
Depuis 2012, dans le cadre de l'accord avec la France, nous avons reçu
59 demandes de permis de candidat.
100 % des demandes d'équivalence ont été acceptées par le comité, avec une
obligation de stage. De ce 100 %, encore
aujourd'hui, 37 % des candidats sont toujours en attente d'une place de
stage. Donc, vous comprenez bien, par ces chiffres, que la problématique
n'est pas située à l'ordre professionnel.
Je vous raconte un cas pratique, qui est le cas
de Frédéric. Donc, Frédéric est un candidat français à qui nous avons donné un permis temporaire. Il doit bien sûr
réaliser un stage, un stage en échographie afin de pratiquer dans le secteur. Frédéric a fait des démarches auprès de
22 établissements de la santé, qui lui ont tous refusé l'accès aux
stages. Il a écrit au président de l'Office
des professions, au ministre de la Santé et des Services sociaux, rien à faire,
aucune place de stage pour Frédéric.
Les établissements publics n'ont pas de budget, pas de personnel. Quant aux
cliniques privées, elles ne prennent tout simplement pas de stagiaire.
Dites-moi comment, maintenant, le nouveau commissaire à l'admission pourrait
faire en sorte que Frédéric ait accès au marché du travail?
Peut-être
pensez-vous que le pôle de coordination aura plus d'efficacité. Nous en
doutons, car, déjà en 2011, nous écrivions à l'Office des professions
pour sonner l'alarme sur l'absence de milieux de stage. Le président de
l'office partageait alors la préoccupation qui est la nôtre et nous précisait
que, justement, le pôle de coordination avait pour mandat de se pencher sur ce problème. Cinq ans plus tard, force est de
constater que, malgré tout ça, malgré le fait qu'il s'agissait d'une
priorité dans le plan d'action du pôle, il n'y a toujours rien de fait. Nous
n'avons toujours pas de place de stage.
Alors, pour
nous, qu'on l'appelle le commissaire aux plaintes, le commissaire à
l'admission, le pôle de coordination ou toute autre table de
concertation qu'on pourrait imaginer, ça va prendre une volonté politique
d'exiger des établissements qu'ils ouvrent
des places de stage. Si vous souhaitez vraiment être efficaces dans ce dossier,
il faut asseoir des décideurs autour de la table et qu'ils puissent
décider de mesures concrètes, plutôt que de créer un pôle ou un commissaire qui
vont justement nous refaire des recommandations que nous connaissons très bien.
C'est pour toutes ces raisons que notre ordre
recommande que soit retirée du projet de loi la désignation du commissaire à
l'admission de même que ses nouveaux pouvoirs. Quant au pôle de coordination,
nous appuyons la recommandation du Conseil interprofessionnel du Québec voulant
que le comité interministériel prenne les mesures nécessaires pour bonifier
l'offre de places de stage.
• (15 h 10) •
M. le Président, nous souhaitons aussi sensibiliser les parlementaires aujourd'hui à un autre enjeu majeur auquel font
face plusieurs ordres professionnels : la lourdeur du processus
réglementaire. Sachez que modifier ou adopter
une loi constituante ou un règlement est un
parcours laborieux pour les ordres. Les délais, les étapes, la lourdeur des
processus paralysent nos organisations.
Pire, lorsqu'il est simplement question de demander une mise à jour de la
formation initiale de nos membres,
les ordres doivent composer avec différents ministères dont les officiers sont
souvent très mal coordonnés. À preuve, notre ordre demande depuis 2010 déjà la
création d'une formation distincte en échographie et une formation
plus approfondie dans le secteur de la mammographie, entre autres. Notre
dossier de correspondance, de résumés de réunions se compte par centaines de
pages. Comités au ministère de l'Enseignement supérieur, comités au ministère
de la Santé et des Services sociaux, comités interministériels, tables de
concertation, ça ne finit plus, les représentations.
Pourtant, il s'agit d'un dossier où
on veut mieux former nos technologues, qui réalisent des examens ou qui
appliquent des traitements contre des maladies graves comme le cancer.
Il
faut que l'office soutienne les ordres dans leurs démarches, leur ouvre des
portes et qu'ils s'impliquent auprès
des différents intervenants, pour nous permettre de remplir mieux notre mission
de protection du public.
C'est
pour cette raison, M. le Président, que nous demandons que le comité
interministériel supervise la révision systématique,
tous les cinq ans, des programmes de formation collégiale afin d'assurer
l'adéquation entre les programmes de formation et les besoins des
différentes professions.
En terminant, nous
aborderons trois points relatifs à la gouvernance. En ce qui a trait au code
d'éthique des administrateurs, nous sommes parfaitement en accord. De fait,
notre ordre a déjà ce type de code depuis 2005. Nous souhaitons cependant vous proposer la simplicité, encore une fois. Tel
que rédigé, le projet propose que l'office adopte un règlement qui viendrait dicter le contenu du code
pour qu'ensuite chaque ordre adopte à son tour un nouveau règlement pour son propre code. A-t-on besoin d'un
règlement? De grâce, simplifions les choses. Nous proposons un seul
règlement, celui de l'office, et la possibilité que le code soit adopté par
simple résolution du conseil.
Deuxième
point, nous comprenons la volonté de réduire la taille des conseils
d'administration des ordres. Puisque notre
ordre regroupe quatre professions différentes, nous serons placés devant un
défi, d'assurer un juste équilibre entre la diversité régionale et les profils de compétence requis pour exercer
notre mandat. Plus tôt, je vous parlais de la lourdeur administrative
lorsque vient le temps d'adopter des règlements. Alors, nous souhaitons que
l'office fasse preuve de flexibilité et d'ouverture lorsque viendra le temps de
modifier nos règlements.
Dernier
point, sur le rôle du président au sein des ordres. Le président est un élu et,
en ce sens, il est imputable des activités
de l'ordre. Cela signifie qu'il a la capacité d'agir en dehors des séances du
conseil d'administration. Dans les faits, cette responsabilité est en parfaite continuité avec son rôle au sein du
conseil. Cela fait de lui un leader imputable, bien sûr, mais aussi un porte-parole pertinent, crédible
pour toute l'organisation. Notre ordre recommande donc de conserver la
responsabilité de surveillance générale au président.
En
conclusion, nous souhaitons souligner que nous appuyons sans réserve toutes les
propositions visant à accroître l'éthique et à accorder l'immunité
disciplinaire aux lanceurs d'alerte. Il en va, évidemment, de la confiance du
public à l'égard du système professionnel québécois.
En
vous remerciant de votre attention, nous sommes maintenant disposés à répondre
à l'ensemble des questions. Merci.
Le Président (M.
Merlini) : Merci beaucoup, Mme Boué, pour votre exposé. Alors,
nous allons maintenant débuter la période des échanges avec Mme la ministre et
députée de Gatineau. À vous la parole.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, Mme Boué,
bienvenue. Bien, en fait, je vous dis «bienvenue», mais vous êtes ici à
tous les jours depuis le début de nos travaux. Alors, vous êtes dans la salle,
bien discrète. Alors, j'ai l'impression que
vous savez déjà, d'ores et déjà, les questions que je risque de vous poser et
les angles, parce que vous avez su nous observer et observer les
échanges.
D'abord, merci.
Évidemment, pour moi, c'est important, là, quand même, de réitérer, même si
vous m'avez entendue le dire abondamment, la
volonté... notre volonté, ce n'est pas de créer des structures additionnelles.
Parce que vous laissez sous-entendre
dans votre présentation que l'objectif... que l'une des conséquences du projet
de loi, c'est de créer des structures
additionnelles et puis des structures lourdes qui ne viendront pas répondre à
un besoin concret. Et notre volonté, avec le projet de loi, justement,
ce n'est pas de créer des structures, c'est d'utiliser les outils que nous
avons actuellement, les rôles qui sont
déjà... Le commissaire existe déjà. Donc, on a un commissaire qui a des
fonctions, qui a des pouvoirs, qui est déjà en place et qui connaît déjà
pas mal le système professionnel pour avoir eu, au cours des six dernières années, à y oeuvrer et à émettre des
recommandations. C'est de l'utiliser et de lui donner ce pouvoir un peu plus large, d'avoir un regard élargi, parce que
(interruption) — excusez-moi — il y a différents enjeux, je pense, qui
sont pour nous importants, notamment
d'assurer l'équité dans le traitement des demandes, que ce soit demande d'un
citoyen du Québec, ou qui a fait son profil,
son parcours ici, ou un candidat qui a reçu une formation à l'étranger, et aussi de porter son regard sur des
organismes, des tierces parties qui sont en dehors du système professionnel.
Parce
que vous l'avez très bien indiqué dans votre mémoire, dans votre plaidoyer — parce
qu'on sentait votre passion — qu'il y a d'autres intervenants qui ont un
rôle à jouer dans l'entrée dans le système professionnel, pour faciliter
l'entrée dans le système professionnel. Vous, vous avez un rôle d'assurer la
protection du public, d'assurer que les candidats
et les candidates vont avoir les compétences et vont avoir tout le bagage qui
est requis pour assurer la protection du
public à l'intérieur d'un champ de pratique très particulier, mais il y a
d'autres intervenants autour de la table qui vont avoir... qui vont offrir les formations, qui vont
émettre un certain nombre de règles et qui sont interpellés par la
question. Donc, l'objectif, c'est vraiment
d'avoir cette concertation-là, d'avoir des outils, d'utiliser plus efficacement
ce qui existe déjà.
On
institutionnalise le pôle justement pour permettre d'avoir... de lui donner ce
statut qui est important. Et il est faux de prétendre que le pôle n'amènera pas aux décideurs les enjeux. Parce
qu'en ayant des représentants des ministères autour de la table, en ayant les ministères autour de la
table, bien, vous avez directement le lien avec le ministre ou la
ministre responsable du secteur. Et
l'objectif, c'est aussi... c'est d'assurer que les préoccupations, les enjeux
seront portés à ceux et celles qui ont le pouvoir de modifier la façon
de faire les choses, comme ça a été le cas dans le passé. Parce que vous n'êtes
pas sans savoir que le commissaire a, par le passé, fait des recommandations
qui ont amené des modifications réglementaires, qui ont amené à modifier
certains textes afin de contourner une problématique qui était rencontrée.
Dans
votre représentation, vous dites que... vous abordez la question du manque de
places de stage. Je ne veux pas vous
reciter, parce que vous avez été très claire à cet effet-là, mais est-ce que
vous pensez que la question des places de
stage, c'est vraiment juste une question d'argent? Parce qu'il y a plus que ça.
Il n'y aurait pas d'autres enjeux que les questions monétaires derrière
la pénurie ou la recherche de places de stage? Parce que vous en avez fait une
question plus financière que d'autres choses, mais il y a plus que ça derrière
le manque de places de stage, non?
Mme Boué
(Danielle) : Effectivement, Mme la ministre — merci pour la question — effectivement, il y a plus que ça, on a fait un portrait succinct. Il y a le
nombre de places de stage, en partant. Historiquement, il faut
comprendre que dans les secteurs qui ont été en pénurie, comme les nôtres, au
cours des 10 dernières années, se sont multipliées les places de formation, donc les sites de formation ont été multipliés. Ça
occupe déjà beaucoup le bassin des places de stage. Donc, ces places-là se font déjà rares au départ.
Même pour les candidats, là, qui sont en cheminement régulier, là, dans
nos collèges québécois, il y a déjà des
difficultés. Donc, ajouter des candidats supplémentaires sur le nombre, ça met
de la pression. Et c'est ce qu'on
avait signalé en 2011 au pôle de coordination, et ça faisait partie des
discussions que j'avais eues avec M. le président de l'Office des
professions.
Mais
évidemment il y a toujours un enjeu financier aussi. On sait que le réseau de
la santé, actuellement, est en restrictions
budgétaires, à tout le moins, donc il y a des coûts qui sont associés à
l'accueil de candidats stagiaires, donc, et c'est indépendamment de notre volonté. Donc, nous, on offre aux
candidats... On vous a donné aux pages 6 du mémoire l'ensemble des
processus qu'on a pour l'admission tant des candidats québécois que des
candidats qui sont formés à l'étranger. Et
on leur offre, évidemment, aux candidats de pays étrangers, des listes de
centres de stage, mais, au-delà de ça, nous, on ne peut pas imposer à un
milieu d'accepter des stagiaires.
Mais,
essentiellement, Mme la ministre, pour répondre à votre question, c'est le
nombre de places et les coûts, en termes
financiers, mais aussi en ressources humaines, je pense qu'il faut comprendre,
là, au niveau des restrictions aux ressources humaines.
• (15 h 20) •
Mme Vallée :
Mais il y a quand même...le pôle a quand même donné... puis je pense qu'il
faut le reconnaître, le pôle a quand
même permis de mettre en place des moyens, des mesures pour améliorer cet enjeu
de places de stage. Je pense,
l'ouverture du MEES, qui a permis le financement des places de stage, ça
découle d'une recommandation du pôle, ça.
Mme Boué
(Danielle) :
Malheureusement, ça n'a eu aucun impact dans notre secteur. Donc, on a des
candidats qui...
Mme Vallée : Mais il faut
penser... Là, je pense que... Oui, je comprends...
Mme Boué (Danielle) : Oui, là, je
vais parler pour moi, là...
Mme Vallée : Vous parlez pour
vous, mais je sais que vous êtes très active au sein du CIQ, donc vous parlez
aussi pour l'ensemble des ordres.
Mme Boué (Danielle) : Oui, mais je
parle pour moi aujourd'hui.
Mme Vallée : Mais il y a
quand même... Je comprends que, pour votre secteur, peut-être que...
Mme Boué (Danielle) : Ça n'a pas eu
d'impact.
Mme Vallée :
...l'impact a peut-être été moindre, et il y a peut-être d'autres ordres aussi
pour lesquels... Parce qu'on a des
ordres qui nous ont dit : Bien, nous, on n'a pas eu d'enjeu particulier au
cours des dernières années. Mais le pôle
a quand même permis de dégager des pistes de solution par le passé parce que,
justement, les gens, les intervenants étaient
autour d'une même table et ensemble pouvaient arriver à trouver une solution
commune. Vous ne croyez pas que de l'institutionnaliser, ça va donner
une impulsion additionnelle, et puis c'est encore plus important lorsqu'on crée
une table de concertation informelle, il y a
peut-être moins de pressions que lorsque la table de concertation devient
encadrée à l'intérieur d'un texte législatif
et est institutionnalisée. Elle a donc tout... Elle a une reconnaissance, sa
raison d'être a une reconnaissance, et, d'une certaine façon, ça amène
une imputabilité aussi qui est encore plus grande, parce qu'elle est beaucoup plus visible, et, ses pouvoirs étant
inscrits dans un texte législatif, bien, il y a une obligation, d'une certaine
façon, d'en arriver à des recommandations, et à tendre vers l'objectif derrière
son institutionnalisation, et d'en arriver à des solutions, et de se pencher
sur les véritables questions qui sont des freins à l'admission,
c'est-à-dire : Quels sont les freins à l'admission aux professions et
comment pouvons-nous réduire ces freins-là, limiter ces freins-là ou les faire
disparaître, finalement?
Mme Boué (Danielle) : Plusieurs
choses, Mme la ministre.
Mme Vallée : Oui, en effet.
Mme
Boué (Danielle) : Si vous le permettez, dans un premier temps,
écoutez, je parle pour notre organisation, avec les situations qui nous ont été rapportées, que ce soit le cas de
Frédéric, que je citais en exemple dans mon allocution, ou même d'autres
cas de retour à la profession qui, malheureusement, ont dû abandonner leurs
projets parce qu'ils ne réussissaient pas à trouver de
places de stage. Pour nous, on n'est plus à l'heure des diagnostics. Donc, pour
nous, le diagnostic, il a été fait, c'est
des places de stage. Donc, si on veut passer en mode action et qu'on veut
vraiment faire une différence pour
ces candidats-là qui veulent un permis d'exercice complet, régulier dans nos
secteurs d'activité, il faut asseoir des décideurs qui ont le pouvoir
d'ouvrir des places de stage.
Donc,
pour nous, c'est intéressant, mais ce n'est pas la bonne mesure, et on
questionne encore la raison. Puis vous l'avez dit tout à l'heure, j'ai
assisté... effectivement, j'ai eu le plaisir d'assister aux différentes
présentations de mes collègues au cours des
journées de la commission, et plusieurs ont questionné, et je me pose toujours
la même question après ces
journées : Quelle est la véritable chose qu'on veut solutionner par
l'élargissement de ce pouvoir du commissaire? Quand on regarde que nous,
au cours des années, on a eu un cas de dénoncé au commissaire aux plaintes, il
n'en a résulté aucune, aucune
recommandation. Donc, on n'avait aucuns travaux à faire là-dessus. Les seuls
travaux qu'on a faits, qui ont été
suite au commissaire, ce sont les demandes d'études qui créent une pression
supplémentaire sur nos organisations et, en bout de ligne, qui finissent
par coûter aussi des sous à chacun des membres des ordres professionnels.
Donc,
peut-être que, pour d'autres organisations, ça peut être pertinent. En ce qui
nous concerne, le diagnostic est clair,
c'est un problème de manque de stages et ça prend des gens qui vont être en
pouvoir de décider d'ouvrir ou non... c'est une volonté politique,
d'ouvrir ou non des places de stage.
Mme
Vallée : Est-ce que vous ne croyez pas... Parce que vous
demandiez : Pourquoi l'élargissement du rôle du commissaire? Il y a
des similitudes entre le parcours des candidats qui sont formés à l'étranger
puis le parcours des candidats
qui sont formés au Québec. Ils ont quand même des similitudes à l'intérieur du
parcours d'admission. Donc, est-ce
que vous ne croyez pas que c'est
inéquitable que, pour le candidat formé à l'étranger, il y ait
un recours, il y ait
une possibilité d'avoir un traitement d'une plainte, alors que ce
recours-là, le recours au commissaire, n'est pas ouvert à un candidat
qui a fait son parcours de formation ici, au Québec? Est-ce que vous ne voyez
pas qu'il y a une certaine inéquité?
Prenons-le du point
de vue de l'étudiant qui a fait sa formation au Québec. Prenons un étudiant
étranger, par exemple, qui a fait sa formation au Québec. Donc, toute sa
formation a été faite au Québec, mais son admission...
il rencontre des enjeux au niveau de l'admission. Et lui n'aurait pas recours au
commissaire, alors que l'étudiant étranger qui arrive avec une formation
reçue de l'étranger, souhaite intégrer un ordre, cette personne-là a recours au commissaire aux plaintes actuellement. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a une inéquité
dans ce traitement-là?
Parce que,
comme je vous le mentionnais, c'est l'objectif. L'objectif, c'est d'avoir une équité entre les
candidats, c'est d'avoir ce recours-là,
cette possibilité de regard externe du commissaire aux plaintes, toujours
investi évidemment de la mission qui
est celle de la protection du public. Donc, pas question, comme certains le
prétendaient, de tourner les coins ronds et d'accepter pour certains
profils de candidat que les compétences ne soient pas au rendez-vous.
Mme
Boué (Danielle) : Écoutez,
pour nous, non, il n'y a pas d'inéquité dans la mesure où les candidats
québécois ont également un recours. Donc, ils peuvent également en appeler et
faire un appel au conseil d'administration de l'ordre
s'ils se sentaient lésés de quelque façon que ce soit. Mais les années
derrière nous nous démontrent que ce n'est pas... on n'a pas ce type de problématique là. Si on avait soulevé, au cours des dernières
années, des éléments qui nous amenaient à se questionner sur certains
aspects, peut-être que, oui, on aurait eu cette préoccupation-là qu'il pourrait
peut-être exister une inéquité. Mais on n'a pas ce profil-là derrière nous ou ce
portrait-là devant nous. Donc, non, pour nous, il n'y a pas d'inéquité
en la matière.
Les processus sont
clairs. Ils sont transparents. Les candidats les connaissent, surtout pour les
candidats québécois, depuis leur première année de formation au niveau
collégial. Donc, pour nous, c'est clair pour tous. Et il n'y a pas d'inéquité sur cet aspect-là. Et, c'est
justement pour ça, on cherche quel est donc le problème qu'on cherche à solutionner par ça, compte tenu qu'on semble
plusieurs à avoir dit autour de cette même table qu'on ne le comprenait
pas, le problème réel, et qu'on ne le voyait pas. Donc, quel est-il et où se
cache-t-il?
Le Président (M.
Merlini) : Merci. Merci beaucoup pour cet échange, Mme la ministre.
Maintenant, vers l'opposition officielle et
Mme la députée de Chicoutimi. La parole est à vous pour votre temps d'échange
avec nos invités.
Mme
Jean : Merci. Merci beaucoup. Alors, bonjour, Mme Boué et M. Cromp.
Bienvenue à l'Assemblée nationale. Et merci pour votre mémoire, et merci
pour vos précieux commentaires, et de participer à cet exercice.
Vous
dites haut et fort, assez clairement, je dirais, que le problème est déjà
connu. Et vous vous attendez à ce qu'on passe à l'action. Et, pour passer à l'action, ce que moi, j'entends dans
votre discours, c'est que ça prendrait des décideurs quelque part.
Première
question : Qui sont, selon vous, ces décideurs qui pourraient justement
passer à l'action? Avez-vous des pistes à nous donner? À qui vous pensez
lorsque vous parlez de décideurs?
Mme
Boué (Danielle) : Écoutez, pour moi, simplement, je pense qu'un
ministre de la Santé doit avoir le pouvoir d'ouvrir des places de stage ou de se tremper dans le dossier. Donc,
quand on parlait de comité interministériel, je pense que les décideurs, ultimement, ce sont des personnes
qui, politiquement, sont en mesure d'agir. Donc, on ne peut pas penser
ou aspirer à ce qu'il y ait des nouvelles
places de créées sans que ça passe par le ministre de la Santé. Donc, moi, je
pense qu'il y a, là, un enjeu, là, qui est connu et clair pour nous.
• (15 h 30) •
Mme
Jean : Merci. C'est clair. Vous avez mentionné que, bon, il n'y a pas
de place de stage, mais il y a des cliniques
privées qui n'acceptent pas d'avoir de stagiaire. Est-ce que ça a déjà été
étudié ou ça a déjà été pensé que les cliniques privées pourraient avoir
une obligation d'accueillir des stagiaires?
Mme
Boué (Danielle) : Écoutez, ce n'est pas à nous à imposer aux
établissements privés d'accueillir des étudiants. Je sais qu'il y a des
expertises, il y a des expériences qui sont développées dans certaines maisons d'enseignement
collégial en partenariat avec certaines
cliniques privées, mais ce n'est pas le modus operandi standard. Mais nous,
nous croyons qu'effectivement... compte tenu maintenant du fait que plusieurs
des examens d'imagerie se font autant en établissement privé qu'en
établissement public, nous croyons qu'ils devraient participer à la formation
de la relève, évidemment.
Mme
Jean : Est-ce que vous pensez qu'il y aurait un ministre, un ministère
ou quelque part qui aurait le pouvoir... Ça se situerait où, le pouvoir
de... À l'office?
Mme
Boué (Danielle) : J'imagine que ça doit se discuter à des tables
décisionnelles, que le ministre de la Santé doit être impliqué là-dedans
et qu'il doit travailler avec l'association ou les fédérations de médecins
spécialistes.
Mme Jean :
D'accord, merci. Question 3... On parle du pôle de coordination. Vous avez
parlé du pôle de coordination. Donc, vous n'êtes pas d'accord avec la manière
comment il est proposé dans le projet de loi. Mais vous adhérez à la
proposition du CIQ, qui propose un pôle... ou un comité intersectoriel. Il
existe actuellement, le comité interministériel. Il existe un pôle. Le pôle en
question, bon, selon les témoignages qu'on a eus, n'est pas tellement performant. Le comité interministériel, ce que je
comprends, c'est qu'il manque des joueurs, parce que c'est ministériel. Donc, à ce moment-là, vous, vous pensez que d'avoir
une plateforme comme un pôle... non, un comité intersectoriel, tel que
proposé par le CIQ, pourrait faire une plateforme efficace pour pouvoir
identifier des problématiques et apporter des solutions?
Mme Boué
(Danielle) : Écoutez, nous, on a... Puis j'étais en réponse à Mme la
ministre tout à l'heure. Notre expérience avec le pôle, malheureusement, elle
n'a pas été concluante dans notre secteur d'activité. Et on regarde du côté du... voyons! du comité interministériel, où
il y a eu des résultats probants avec, entre autres, le MIDI, là, qui
était responsable de cette instance-là, donc
quand on regarde, et qu'on compare les deux, et qu'on regarde un qui a du
succès et l'autre qui n'en a pas, bien,
c'est sûr que j'ai le goût de vous recommander qu'on ait du succès. Parce que
ce qu'on veut tous ici ultimement,
c'est régler cette problématique-là, là, nous comme vous autres, très
certainement. Donc, c'est pourquoi...
Nous,
dans le fond... Écoutez, le nom, là, honnêtement, là, on ne s'accrochera pas
dans un pôle, dans un comité interministériel,
intersectoriel. Ce qu'on veut, c'est une instance décisionnelle qui est
composée des bons acteurs, et qu'il puisse
y avoir des décisions pas dans trois ans, pas dans cinq ans, parce qu'ils vont
avoir un pouvoir de recommandation, mais qu'ils soient en instance de
décider, en capacité de décider.
Mme
Jean : Est-ce que vous pensez que d'enchâsser la composition d'un tel
comité ou d'un pôle, peu importe le nom
qu'on lui donne, dans la loi ne pourrait pas donner justement cette
impulsion-là, pour que le comité soit mieux outillé pour pouvoir devenir
décisionnel dans ses recommandations ou dans ses conclusions?
Mme
Boué (Danielle) : Écoutez, on n'a pas nécessairement analysé tout cet
aspect-là, là, sur toutes ses facettes. Probablement que le fait
d'institutionnaliser, effectivement, dans une loi donne plus de poids à une
instance. Mais encore une fois moi, j'insiste sur l'importance de la
composition qu'on donnera à cette instance-là.
Mme
Jean : D'accord. Vous avez parlé qu'à l'ordre vous rencontrez de la
lourdeur administrative par le biais de comités ministériels, par les règlements, qui prennent du temps. Selon
vous, qu'est-ce qui explique cette lourdeur-là, cette lourdeur administrative là, qui fait qu'un ordre,
dans le fond, se trouve devant quelque chose d'incommensurable, ça prend
des années? Qu'est-ce qui explique cette lourdeur, selon vous?
Mme
Boué (Danielle) : Bien, d'une part, j'ai parlé de lourdeur du
processus réglementaire, et ça, je vous invite à regarder comment on
doit fonctionner, quelles sont toutes les étapes derrière le processus
réglementaire. Juste vous donner un exemple
concret : nous, on a eu un règlement qui a pris 12 ans avant d'entrer
en vigueur. Pourtant, au cours des cinq
dernières années, tous les acteurs étaient d'accord avec le processus. Mais
c'était dans les démarches administratives, là, qu'on se perdait un petit peu. Donc, tout ça, il me semble qu'il y
aurait moyen d'être plus efficace, dans tout cet aspect du processus
réglementaire.
L'autre
aspect, sur la lourdeur, c'était, entre autres, quand on disait... oui, des
centaines de pages. On parle ici... On fait référence aux révisions des
programmes de formation collégiale, entre autres, par le ministère de
l'Enseignement supérieur. Ça aussi, c'est un processus qui est excessivement
lourd et laborieux, auquel on participe, pas suffisamment à notre goût,
mais qui est excessivement long aussi.
Vous
savez, nous, on a un programme en radiodiagnostic de formation
qui a été fait sur un portrait de la profession en 1991. Vous imaginez? On est en 2016. Vous imaginez un secteur de technologie comme le nôtre où les collèges doivent implanter le devis ministériel qui a été signé en 1998, mais sur une image de
1991? Et ça fait depuis 2010 qu'on est en révision, et on n'est toujours pas près d'ouvrir la bouteille de champagne pour
festoyer l'arrivée du nouveau programme. C'est lourd, c'est excessivement
long, et c'est semé de plein d'étapes.
Mme
Jean : Et ces étapes-là, c'est dans des règlements ou c'est...
Mme Boué
(Danielle) : Non, ce n'est pas dans les règlements. Donc, c'est dans
le processus du ministère de l'Enseignement
supérieur. Il y a différentes façons de faire et il y a des interventions de
notre part, à différents moments, quand
on nous consulte, mais, des fois, entre deux rencontres, il peut se passer huit
mois, puis on n'a aucun... huit mois, un
an, puis on a à peu près aucune nouvelle de ce qui se passe, là. Donc, on est
même inquiets si finalement le dossier n'est
pas tombé entre deux fentes de plancher, comme on dit souvent, là. Donc, il
peut se passer des délais assez longs avant qu'on ait des nouvelles.
Mme Jean :
Pensez-vous qu'à ce moment-là le pôle de coordination pourrait être utile pour
trouver où est-ce qu'il y a de la lourdeur
administrative dans les processus et peut-être trouver des solutions à ça?
Est-ce que ça pourrait être une plateforme pour travailler là-dessus,
selon vous?
Mme
Boué (Danielle) : Je ne vois
pas, honnêtement, je ne vois pas comment, là. Vous savez,
chacune des organisations, que ce soit la Santé ou l'Éducation, on travaille avec les deux, a chacun leur façon de faire. On parle beaucoup d'optimisation des processus, hein? Je pense
qu'il y aurait peut-être un peu de travail à faire sur cet aspect-là
sur l'ensemble des processus qu'on a, gouvernementaux.
Mme
Jean : Est-ce que
c'est parce que, selon vous, les ministères travaillent en
silo, puis il n'y a pas assez de communication entre les deux?
Mme Boué
(Danielle) : Ça, c'est clair. Ça, c'est clair, qu'il y a des silos. Ça
prend beaucoup de travail pour être capable
de s'asseoir tous à une même table. On y arrive parce qu'on est là quelques
années, on finit par développer des contacts et on a la bonne idée
d'asseoir tout le monde à la table, mais ce n'est pas, je dirais, instinctif.
Le Président (M.
Merlini) : Merci beaucoup, Mme Boué, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jean :
Merci.
Le Président (M.
Merlini) : Maintenant, je me tourne vers le deuxième groupe
d'opposition, et, le député de Borduas, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Boué, M. Cromp, bonjour, bienvenue à l'Assemblée nationale. C'est un plaisir de
vous entendre.
D'entrée de jeu, vous avez parlé de la difficulté d'obtenir des stages, que c'était une décision politique.
Vous n'êtes pas les seuls à être
venus nous voir pour nous dire : Écoutez, il y a une problématique. Au
niveau de l'ordre, ça va, au
niveau de l'Éducation, ça va souvent, mais, des fois, c'est au niveau du
ministère de la Santé, c'est problématique.
D'une
façon large, là, depuis qu'il y a eu la réforme du réseau de la santé du
gouvernement libéral, comment ça va pour
vos professionnels à l'intérieur du réseau? Dans leur application quotidienne,
là, de leur tâche, de leur travail, c'est quoi, les enjeux qui les
touchent, les difficultés auxquelles ils font face, professionnellement?
Mme
Boué (Danielle) : Professionnellement, bien, écoutez, j'imagine que,
comme tous les autres professionnels du
réseau, la lourdeur de la tâche, les restrictions budgétaires... Nous, on
déplore aussi les coupures en formation. Donc, ça, c'est important pour
nous. On invite nos professionnels... On a même un règlement, on fait plus que
les inviter, on leur impose un règlement sur la formation continue obligatoire.
On se retrouve des fois avec des technologues qui ne peuvent pas participer aux activités de formation parce qu'ils ne sont
pas libérés, parce qu'ils n'ont pas le temps ou ils n'ont pas les budgets. Donc, c'est un peu le
quotidien, là, de tous les professionnels et de tout ce qu'on lit. On n'est
pas différents de ce qui se passe en soins infirmiers ou ailleurs.
M. Jolin-Barrette : Donc, le technologue qui souhaite avoir ses compétences à jour ne peut
pas être libéré par son employeur pour pouvoir parfaire ses
connaissances. C'est ce que je comprends.
Mme
Boué (Danielle) : Ça arrive! Malheureusement, c'est des choses qui
arrivent. On l'a observé, nous, par le taux
de participation à nos différentes sessions de formation, à notre congrès
annuel. Donc, on a beaucoup de technologues qui déplorent le fait qu'ils
n'ont pas pu être libérés de leur travail, par exemple.
M.
Jolin-Barrette : Et, déontologiquement, ils ont l'obligation de suivre
de la formation et de s'adapter.
Mme Boué
(Danielle) : Ah oui!
M.
Jolin-Barrette : Ils sont pris un peu entre les deux, là.
Mme Boué
(Danielle) : Oui, entre l'employeur et nous, tout à fait.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Au
niveau de votre recommandation n° 5, vous dites, et, ça, c'est les
organisations liées, vous
dites : On voudrait permettre que nos membres, nos professionnels puissent
siéger sur des conseils d'administration mais qui ont un intérêt au niveau de la protection du public. Dans votre
domaine, dans le domaine de votre ordre, c'est quel type de conseils
d'administration? Est-ce que vous avez des exemples en tête de ces conseils-là?
• (15 h 40) •
Mme Boué (Danielle) : Oui. Merci
pour la question. En fait, cette recommandation-là vient justement d'un exemple concret. Parce qu'il existe nous, dans
notre secteur d'activité, une alliance nationale des professions
réglementées, donc une alliance canadienne,
qui a des mandats qui sont évidemment sur toute la réglementation qui se fait
dans les autres provinces, des mêmes professions que la nôtre.
Ce qu'on lit
du projet de loi... On comprend le sens, là, que c'est important d'être
transparent là-dessus puis qu'un membre
d'un conseil d'administration ne peut pas siéger, par exemple, sur... un membre
d'un autre conseil où il aurait des intérêts
socioéconomiques pour les membres, et ça, on adhère tout à fait à ça. Mais on
considère que, sur cet aspect-là particulièrement,
sur des organisations qui ont les mêmes mandats que nous, à l'inverse, ça nous
prive et ça prive le Québec d'informations importantes. Donc, vous
savez, on a plein d'ententes, là, canadiennes, donc, si on n'est pas présents, bien, on ne fait pas partie du débat, puis on ne
fait pas partie des enjeux, puis on ne fait pas partie du dossier. Donc,
pour nous, il y aurait plus de désavantages
à ne pas être là par rapport à l'ensemble de la réglementation sur la
profession. Donc, c'est vraiment dans cette optique-là qu'on a fait
cette recommandation-là.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Une
question plus large, là : Le fait de gérer à l'intérieur de l'ordre
plusieurs professions, est-ce que ça amène des enjeux, des défis au
niveau de la coordination, par rapport aux ressources que vous avez, par
rapport, dans le fond, à l'application des normes puis par rapport au travail
du syndic?
Mme Boué (Danielle) : C'est
intéressant, votre question. Oui, c'est un défi, on a quand même trois permis
d'exercice, quatre professions distinctes qui sont soutenues par quatre
formations collégiales différentes. Au niveau administratif, évidemment, on a
une composition du conseil qui inclut des gens qui ont les compétences de chacun de ces domaines d'exercice
là. Pour nos comités, non, ça, ça va bien, ça, ça va bien parce qu'on a des représentants. Il faut se discipliner puis
avoir des représentants de chacun de nos secteurs d'activité sur chacun
des comités de l'ordre. Et, bien, il faut
être ouvert puis aller chercher des collaborations pour les autres secteurs.
Évidemment, radiodiagnostic est le plus gros partenaire, plus de
4 000 membres sur les 6 000. Les autres sont autour de 700, 800 membres par domaine d'exercice. Mais,
oui, ça nous demande une dynamique différente et ça nous donne une
pression supplémentaire, mais on vivait
déjà, jusqu'à 2012, avec trois domaines, puis on en a adopté un autre en 2012,
avec l'électrophysiologie.
M.
Jolin-Barrette : Puis la
réalité sur votre conseil d'administration... Parce que, tu sais, souvent on
entend des professionnels...
Supposons des avocats, je vais prendre mon ordre professionnel, mais on va
avoir les membres qui sont désignés
par l'Office des professions, les membres du public, et vous allez avoir 12 ou
13 juristes autour de la table pour la balance. Là, sur votre conseil d'administration, vous avez des gens qui
proviennent de champs différents, donc la réalité sur le conseil
d'administration, comment ça se passe?
Le Président (M. Merlini) : En 30 secondes,
Mme Boué.
Mme Boué
(Danielle) : Oh! Oui, d'accord. Alors, en 30 secondes, écoutez, on a
10 membres élus du secteur de radiodiagnostic qui sont élus par région
administrative et, pour les autres domaines d'exercice, on a deux membres pour chacun des domaines, donc qui complètent à
16 membres élus, à 16 technologues. Et ce dernier règlement là est
entré en vigueur en 2012, après avoir
travaillé avec l'Office des professions, qui exigeait qu'on ait des présences
au sein du conseil d'administration
de chacun de nos domaines d'exercice. Donc, vous comprenez que, pour nous,
cette réflexion-là, là, elle profonde
parce que ça vient faire un choc de cultures. Et vous avez vu que, dans notre
historique aussi — donc je
vous invite à lire notre mémoire — on était passés de 24 membres à 16
membres, de 16 membres à 20 membres suite à l'intégration des
TEPM, et là on va revenir à 15. Donc, on doit avoir beaucoup de capacité
d'adaptation.
Le
Président (M. Merlini) : Mme Boué et M. Cromp, merci de
votre présence cet après-midi en commission. Merci de votre
participation et votre contribution aux travaux de la commission.
Et je
suspends quelques instants et j'invite l'Ordre des technologues professionnels du Québec à venir prendre place à notre table. Alors,
nous suspendons quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 44)
(Reprise à 15 h 47)
Le Président (M. Merlini) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Alors, j'aimerais
souhaiter la bienvenue à M. Alain Bernier, de l'Ordre des technologues
professionnels du Québec. Bienvenue à la Commission
des institutions. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
faire votre exposé et je vous invite à présenter les gens qui vous
accompagnent également. Et suivra votre exposé, évidemment, la période
d'échange avec les membres de la commission. Alors, à vous la parole, M.
Bernier.
Ordre
des technologues professionnels du Québec (OTPQ)
M. Bernier
(Alain) : Merci. Donc, Alain
Bernier, président de l'Ordre des technologues professionnels du Québec;
à ma gauche, le vice-président aux affaires
professionnelles, M. Richard Legendre, technologue en sciences
appliquées et administrateur de société certifiée; à ma droite, le directeur
général et secrétaire de l'ordre, Denis Beauchamp.
M. le Président de la commission, Mme la
ministre, Mmes, MM. les députés, l'objectif principal du projet de loi n° 98 est de revoir et renforcer le
modèle de gouvernance du système professionnel québécois. Notre ordre
applique, nous en sommes convaincus, de
bonnes pratiques de gouvernance et les révise et les fait évoluer
périodiquement par son processus d'amélioration continue
organisationnel. Ceci nous est confirmé par les témoignages des administrateurs
nommés siégeant à notre conseil d'administration.
Nous nous
gouvernons de façon professionnelle et nous partageons les objectifs du projet
de loi sur ce plan. Par contre, notre
mémoire expose des commentaires analytiques et des réflexions sur certaines
dispositions et des moyens retenus
dans ce qui est proposé par le texte actuel. Nous avons utilisé, comme cadre et
fondement à notre analyse et à nos observations pour notre mémoire, une
définition courante et les grands principes reconnus d'une bonne gouvernance,
nous allons y référer.
À ce titre,
la gouvernance peut être définie comme l'ensemble des mesures et des règles.
Pour nous, ici, le Code des professions, les règlements et les
politiques internes des ordres, par exemple. La gouvernance inclut également
les organes de décision. Pour nous, conseil
d'administration, comité exécutif des ordres, de l'Office des professions,
comités composant des ordres, comme
l'inspection professionnelle, syndic, discipline, et autres. La gouvernance est
complétée aussi par la gestion de
l'information et des activités de surveillance. Pour nous, le rapport annuel
des ordres, le rôle de surveillance de l'office, entre autres.
L'ensemble de tout ceci devant permettre d'assurer le bon fonctionnement et le
contrôle d'un État, par le ministère de la Justice dans notre cas, du moins, en
partie, d'une institution, l'Office des professions, ou d'une organisation
comme les ordres professionnels pour l'assumation de leur mission. Le système professionnel vit dans un régime impliquant donc
trois niveaux de gouvernance : le gouvernement, l'Office des
professions et les ordres professionnels.
Ces trois niveaux doivent donc être efficients et prendre des actions
appropriées pour atteindre la performance et la bonne gouvernance
globale du système professionnel.
• (15 h 50) •
Nous, à
l'Ordre des technologues professionnels, nous croyons que nous faisons pour le
mieux avec les moyens que le système
nous permet. Nous assumons, dans les limites que nous avons, en particulier
avec le statut de profession à titre
réservé, notre mission première de protection du public par l'encadrement des
professionnels qui veulent bien être inscrits à l'ordre. Or, comment
assumer pleinement la gouvernance de la mission de protection du public envers
des pratiques à risque, ce qui est le
principe de l'article 25 du Code des professions, à la base de la réserve
d'actes et de la création d'un ordre,
si les praticiens des activités à risque sont, à leur discrétion, mais à leur
bon vouloir, libres de s'assujettir au contrôle de la gouvernance d'un
ordre?
Le statut de pratique et d'ordre à titre réservé
demeure donc une incohérence systémique et dysfonctionnelle du système professionnel encore enchâssé dans le
Code des professions et non réglé par la réforme du code à l'étude ici. Notre mémoire expose notre incapacité à agir pour
assumer notre mandat de protection du public sur la grande majorité des
praticiens en technologies des sciences appliquées. La nature de l'ordre à
titre réservé est anticartésienne. Aucune pratique de gouvernance bonifiée ne
peut changer cet état de fait.
Autre illogisme fonctionnel traité dans notre
mémoire : les ordres qui se voient autoriser des actes par les dispositions de l'article 94h du code sont dans
l'impossibilité de poursuivre eux-mêmes pour exercice illégal. Un
exemple concret est décrit dans notre mémoire à la page 9 et, la mécanique
légale, à la page 10.
Voici
clairement identifiées ici, et exposées dans notre mémoire, deux failles
majeures au principe de capacité effective
de gouvernance de notre mission : la bonne gouvernance veut que l'on mette
en place les structures, les règles, les mécanismes, les pouvoirs, les moyens d'agir concrètement pour remplir sa
mission. La capacité de gouverner effectivement dans le but d'assumer une mission nécessite des structures
fonctionnelles et des moyens conséquents. Ces deux limites majeures exposées qui nous affectent, et qui
affectent l'ensemble des ordres à titre réservé d'ailleurs, ne sont pas
corrigées par le contenu du projet de loi n° 98.
La gouvernance effective implique également, ce
qui est un incontournable, de prendre des décisions, des décisions fondées, éclairées et responsables, et
aussi des décisions courageuses parfois, d'arbitrer, de trancher lorsque
requis. Également, un système bien gouverné
assure son évolution, son adaptation sans déphasage temporel excessif,
dans des délais adéquats. Force est de prendre acte, dans notre cas, et pour
d'importants dossiers dans le domaine des sciences et technologies, que ces
principes de bonne gouvernance sont inopérants. Notre mémoire expose les
démarches infinies et multiples et les
délais sans fin pour la modernisation et l'actualisation des lois
professionnelles dans le domaine des sciences et technologies. Après
20 ans, de 1996 à 2016, aucun résultat tangible à se mettre sous la dent.
Dans la
gouvernance du système, il y a nécessité d'un rôle d'arbitre, de gardien
suprême de l'intérêt public et du bien
collectif. Cet arbitre ne peut être autre que l'État. Ce rôle doit être assumé
par l'État, dont vous êtes ici partie des décideurs. Force est de constater que les décisions courageuses et les
arbitrages de l'État sont traités plus rapidement dans l'organisation
des services de taxi que dans l'organisation des services professionnels.
Pour ce qui
est présent dans le projet de loi, nous partageons pour l'essentiel les
analyses et propositions du Conseil interprofessionnel du Québec, comme
il est exposé dans notre mémoire.
Je veux
signaler et renforcer le message ici que nous désirons conserver un espace
nécessaire de configuration responsable
de notre fonctionnement organisationnel. Le principe d'une autogestion balisée,
certes, mais avec latitude et responsabilisation sont des fondements du
modèle retenu par le législateur pour le système professionnel. Ce n'est pas le modèle d'une régie générale de l'État, comme la RBQ,
qui a été retenu à l'origine ni envisagé à ce jour, à ma compréhension.
Le modèle et
les règles d'application de la gouvernance doivent permettre une souplesse
d'adaptation aux réalités variées des
ordres, comme les statuts à pratique exclusive versus à titre réservé, la
variété de disciplines encadrées — on a à peu près 60 diplômes à l'ordre — des effectifs de professionnels où il y a
des ordres à 300, 400, 500 membres, il y en a jusqu'à 70 000,
entre autres.
Sur un autre
plan, vous serez... vous verrez aussi que le terme «membre» n'apparaît pas dans
notre mémoire. C'est une décision
volontaire. Les mots que nous choisissons expriment nos perceptions et
influencent subtilement nos valeurs et nos
réactions. Le terme «membre» devrait être retiré du code et dans nos échanges
et communications dans le système professionnel.
Il transporte une connotation fausse. Un professionnel est un titulaire de
permis de pratique encadrée par son ordre.
Autant chez le professionnel encadré, le public et les acteurs du système
professionnel, il supporte une ambiguïté sur la mission fondamentale du
système professionnel.
Merci de votre attention.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
monsieur...
M. Bernier
(Alain) : Nous avons voulu
aller dans les pistes un petit peu différentes de ce qui était traité dans
le mémoire, parce qu'on sait que vous avez
eu beaucoup de présentations sur des thèmes récurrents. On va aller dans
des nouvelles pistes.
Le
Président (M. Ouellette) :
Probablement que Mme la ministre va aussi aller dans des questions
différentes, vous allez voir. Mme la ministre.
Mme Vallée :
M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation, hein? C'est
quand même bien qu'on aborde d'autres enjeux que ceux qui étaient le
thème commun des membres du CIQ.
J'aimerais revenir sur la dernière portion de
votre présentation, parce que vous avez abordé quelque chose d'intéressant. En fait, vous avez abordé plusieurs enjeux intéressants, mais, lorsque
vous abordez la question des titulaires versus les membres, je vous
avoue que ça m'interpelle. Je trouve ça intéressant parce que ça nous rapproche
aussi de certaines représentations qui nous
ont été faites au tout début de nos consultations, au mois d'août, lorsqu'on
nous disait : La seule mission
d'un ordre professionnel, c'est la protection du public, c'est l'unique
mission. Il ne devrait pas y avoir de principale
mission. Le but, la raison d'être d'un ordre, c'est la raison de la protection
du public, et on perçoit parfois une incompréhension de cette
mission-là, et la façon dont chaque ordre a pu évoluer a peut-être laissé
place, à certains égards, à cette... a contribué à cette incompréhension.
Alors,
j'aimerais vous entendre davantage, parce
que c'est intéressant et c'est
spécifique à votre mémoire, à votre présentation, cet enjeu-là.
M. Bernier
(Alain) : Si on prend
l'entendement général de «membre dans la société», si je suis membre
d'une chambre de commerce, si je suis membre
d'une association professionnelle, bien, plusieurs pratiques encadrées par
des ordres ou, en parallèle, des associations
professionnelles, même le praticien de la profession devient un peu confus
entre sa participation comme membre à son
ordre et sa participation comme membre à son association professionnelle. Puis
un membre, ça s'attend à être protégé,
appuyé, défendu, etc., là, être promu dans la société par son association,
sans ça, il ne serait pas là, n'est-ce pas? Et ce n'est pas notre rôle, puis on
voit, des fois, des confusions sur la place publique.
Mme Vallée : C'est
intéressant, parce que certains diront : Des modifications de cet ordre-là
sont purement cosmétiques, mais qu'est-ce que vous pourriez dire à l'encontre
d'un commentaire comme ça?
M. Bernier
(Alain) : Je l'ai prononcé
dans les derniers paragraphes de ma présentation. Les mots viennent
teinter, viennent court-circuiter les
neurones avec le temps, à force de les répéter, et créer des valeurs, créer des
façons de voir la société, des
réflexes de réaction qui peuvent être pernicieux à la longue. Donc, il faut
toujours faire attention aux termes qu'on
utilise. C'est une question de précision, de clarté, puis, comme ça, les rôles
de chacun sont clairs dans la tête de tout le monde, y compris dans les
journalistes, qui, souvent, font des confusions de genres à tout crin avec le
système professionnel, les éternels que «tous les ingénieurs sont chauffeurs de
taxi», puis toutes sortes de patentes. Ça, ça n'a ni queue ni tête, cette
affaire-là. Ça va nous éloigner un peu de toutes ces affaires-là, là, le folklore.
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
en complément, M. Beauchamp.
M. Beauchamp (Denis) : Denis
Beauchamp.
Un membre se
voit comme un client, hein, et puis, souvent, quand il nous appelle :
Qu'est-ce que vous pouvez faire pour
nous? Qu'est-ce qu'il y a là-dedans pour moi? Qu'est-ce que ça me donne de plus
comme valeur ajoutée, etc.? Et puis, en plus, c'est un membre, c'est un
client, donc, à quelque part dans sa tête : c'est moi, le patron, donc
toi, qu'est-ce que tu fais pour moi? C'est
moi, avec mes cotisations, qui paie ton salaire. Donc, la dynamique n'est pas
la même.
Mme Vallée : J'aime bien votre approche. Je voulais vous dire aussi publiquement...
Parce que vous avez abordé la question
de la modernisation des champs de pratique, les enjeux et les attentes que vous
aviez. Je veux simplement vous réitérer qu'au même titre qu'on l'a mentionné avec
d'autres de vos collègues des sciences appliquées il y a un travail très
concret qui se fait, et, sans pouvoir aller... et vous expliquer exactement et
vous donner des dates et des échéances, je
veux simplement vous dire qu'il y a quand même un avancement dans les travaux,
et, pour nous, c'est très important.
Pour moi, c'est important. C'est important aussi pour d'autres collègues.
Alors, je pense que... J'ose espérer qu'on saura répondre à vos attentes
dans un avenir pas trop lointain.
Vous
avez abordé, bon, des enjeux de gouvernance qui ont été abordés par d'autres
ordres. Vous avez un conseil d'administration qui est composé de
24 membres. Vous vous opposez à la réduction de la taille du C.A. Un peu
plus tôt, on a eu des représentations à l'effet que tout C.A. de plus de
20 membres était difficilement fonctionnel, pouvait... On va moins chercher l'adhésion des membres lorsque
l'équipe est plus grande... pas des membres, mais des membres du C.A., là, lorsque l'équipe est plus grande et
qu'ultimement, en bout de ligne, ce sont les membres du conseil exécutif
qui font aller la boîte, qui prennent les
décisions au quotidien, et il y a moins d'implication personnelle et
d'appropriation de la part des autres membres du conseil d'administration. Face
à ça, quelle est votre perception de cette affirmation?
• (16 heures) •
M. Bernier
(Alain) : De notre côté, avec la variété de domaines — on
est en foresterie, en agronomie, en ingénierie,
en architecture, puis j'en passe, là — ça nous prend des expertises variées de
personnes qui pratiquent autour de la table pour parler des vraies
choses. Également, il faut avoir une représentation sur le territoire. Les
pratiques commerciales, industrielles, les
besoins de compétence, la façon d'utiliser les professionnels est différente en
milieu très urbanisé, grandes industries, en milieu rural, en petites
villes. Il y a des régions de ressources, il y a des régions du savoir, il y a toutes sortes d'affaires. C'est des
intrants qu'on a besoin si on veut être capables de couvrir l'ensemble
des réalités de la pratique. C'est un aspect important.
On est 24. Nos
réunions se déroulent avec un très bon climat, rondement, les décisions se
prennent de façon efficace. Tout est dans la
préparation, conserver un bon climat d'échange, y aller avec des décisions consensuelles,
que les objectifs soient partagés autour d'un plan stratégique, d'une
planification stratégique des grands objectifs. Bien là, c'est peut-être lié aussi au style de certains
leaders, là, mais je n'ai pas de difficulté, là. C'est peut-être personnel,
mais je n'ai pas de difficulté avec un conseil d'administration de 24.
Et
ce n'est pas vrai, chez nous, que c'est le comité exécutif qui décide de tout.
C'est sûr que c'est des personnes qui désirent y mettre plus de temps
qui vont préparer les dossiers, mais l'information est distribuée à tout le
monde. On prend les inputs, puis les
enrichissements, puis les points de vue de tout le monde, on consolide, on
revient, on laisse le temps qu'il faut, là, pour que les bonnes
décisions se prennent, éclairées. C'est manageable, c'est...
Mme
Vallée : Comment vous arrivez à assurer l'efficacité de tout
ça? Parce que c'est également un enjeu qui a été soulevé. On nous
disait : Plus l'équipe est grosse, moins le travail est efficace, plus
c'est lourd, plus c'est complexe. Alors, comment vous le vivez au sein de votre
ordre?
M. Bernier (Alain) : Nous, les documents sont préparés pas mal à l'avance d'une réunion.
Tout est bien expliqué, supporté. D'ailleurs, nos administrateurs nommés
nous le disent. L'information est structurée, elle est claire, elle est complète, ils l'ont à l'avance, ils ont le temps
de se préparer, de réfléchir. Puis on ne se gêne pas pour se parler, là.
On se fait des courriels, on a des contacts
entre les réunions. Si on garde ça avec une bonne volonté de tout le monde pour
avoir des résultats puis qu'on fait ce qu'il faut comme fonctionnement
en conséquence, ça va très, très bien. Plus qu'il y a de têtes, plus qu'il y a
d'idées aussi, hein?
M. Legendre(Richard) :
Je me permettrais peut-être un petit commentaire.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Legendre.
M. Legendre
(Richard) : Il faut comprendre, effectivement, quand on regarde les
grands principes de gouvernance... J'ai déjà
participé, d'ailleurs, à l'implantation de la Loi de la gouvernance des
sociétés d'État par le passé, là, lorsque
ça a vu le jour. Donc, il y avait toutes sortes de discussions sur toutes
sortes de théories de gouvernance. Il faut comprendre la spécificité des
organisations dont on parle de gouvernance. Dans le cas présent, on parle
d'ordres professionnels qui ne sont ni des sociétés d'État, ni des conseils
d'administration d'entreprise, et ni des conseils d'administration d'association professionnelle. C'est quelque chose de
très particulier. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on vous a parlé tantôt de
la notion de membre versus titulaire de permis.
Alors,
toute cette dynamique-là fait en sorte que ces principes de gouvernance là
s'appliquent, oui, effectivement, pour des organisations, on pourrait
dire, différentes et des organisations qu'on pourrait même peut-être qualifier
de monochromes, donc des gens qui sont tous
du même domaine. Le fait d'être multidomaine, dans notre cas, ça
amène... ces problèmes-là qui sont soumis n'existent pas.
Mme
Vallée : Dans votre mémoire, vous avez mentionné que l'office
n'a pas... a tous les outils nécessaires pour intervenir lorsqu'il survient une problématique à l'intérieur d'un ordre
professionnel. Vous dites que
l'office peut et doit se servir de
tous les leviers que lui procure le code, et vous craignez que l'on étende une
façon d'intervention à l'ensemble des
ordres, mais que ce ne soit pas nécessaire de modifier les méthodes d'intervention de
l'office, par ricochet, j'imagine, de pouvoir enquêter sans autorisation
préalable. Je présume.
Est-ce que vous
pourriez nous expliquer davantage votre point de vue?
M. Bernier
(Alain) : On a déjà des contacts fréquents avec l'office, ils peuvent
nous demander toutes sortes d'informations, ils peuvent nous rencontrer, ils ont nos rapports annuels, mais, s'ils
nous questionnent, on va répondre à livre
ouvert, il n'y a aucun problème. Puis ça va, dans les mécanismes actuels, très, très
loin, là, ça va jusqu'à la tutelle. D'ailleurs, bon, on n'en parlera pas, mais... Ça fait qu'en
pratique moi, je pense que — puis le CIQ le pensait — que l'office a beaucoup de moyens dans son coffre à outils actuel et que, quand on
est rendu à une enquête, c'est tout de même un cas assez spécial. Pour qu'il y ait une autorisation
de haut niveau, pour se rendre jusqu'à ce niveau d'intervention, je
pense que c'est comme une sûreté, c'est une sûreté, puis ça montre aussi, en
même temps dans ce cas-là, le côté solennel de l'intervention. Si ça doit être autorisé par le ou la ministre, l'ordre
va comprendre que c'est un cas très spécial, on est à haut niveau, là, d'inquiétude dans les organismes de
surveillance, et qu'il y a un côté, là, très formel à ce qui va se passer,
donc il ne faudra pas banaliser l'enquête.
L'enquête, c'est tout de même un niveau qui est assez élevé, d'alerte, si on
peut dire.
Mme Vallée : Mais est-ce que
vous ne croyez pas que certaines informations portées à l'attention de l'office
pourraient militer pour une intervention rapide et que l'obligation d'obtenir
préalablement l'autorisation ministérielle pourrait,
dans un cas bien particulier, peut-être contribuer à... pourrait être un enjeu
qui ne serait pas dans l'intérêt du public? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il pourrait y avoir des situations qui
commandent une intervention rapide pour valider des faits ou pour valider certaines informations et que l'obligation
d'intervenir, bien, empêche l'office d'obtenir l'information requise? Parce que parfois on dit : Bien, l'office
n'a pas suffisamment de dents, n'a pas suffisamment de crocs. Vous, vous
dites : Les crocs sont là, ils sont suffisamment limés, n'en donnez pas
davantage.
M. Bernier (Alain) : Ce n'est pas de
ne pas en donner davantage, c'est que, si on monte jusqu'au niveau de l'enquête, moi, je considère qu'il y a un message,
un message de gravité de situation. Si c'est urgent, bien, je pense que vous avez des contacts étroits, de toute manière,
entre le cabinet puis l'office, donc ça pourrait se régler sans que ça
prenne...
Mme Vallée : Oui, mais...
Nous, oui, on s'entend très bien, mais il faut aussi penser à... Il faut aussi
penser à d'autres situations qui pourraient survenir où la communication n'est
pas aussi fluide.
M. Bernier
(Alain) : Alors, ça voudrait
dire que notre gouvernance à trois
niveaux n'est pas très fonctionnelle.
Mme Vallée :
Mais vous ne croyez pas que cette étape-là... Puis il peut survenir des
situations où le temps est un facteur important, parce qu'on ne veut
pas... on veut éviter la destruction, par exemple, de preuves, la destruction
de documents. Il pourrait, bon... On ne sait
pas, là, ce qui... On est dans des situations que l'on projette, des
projections, mais ne croyez-vous pas que, c'est ça, ce délai-là puisse
compliquer ou...
M. Bernier
(Alain) : Dans ce cas-là, on
pourrait baliser l'initiative d'une enquête qui devrait rapidement
être... dont la continuation devrait être
rapidement autorisée par le niveau ministériel. C'est-à-dire, peut-être qu'on
pourrait permettre à l'office, dans le libellé, d'enclencher une enquête
d'urgence, mais rapidement aller chercher son mandat.
• (16 h 10) •
Mme Vallée :
Mais l'office a comme mandat d'assurer la protection du public au sein des
ordres, alors c'est pour ça que je...
L'enquête n'est-elle pas en soi un élément et un des moyens pour l'office
d'assurer son mandat et d'assurer la continuité
de son mandat? Donc, de l'assujettir
à une autorisation ministérielle, est-ce
que ce n'est pas, à quelque part, attacher un peu les mains de l'office que d'assujettir ce pouvoir-là à
une autorisation ministérielle? Parce
qu'on parle d'une enquête, et
non des recommandations, et non d'une tutelle, là. On n'en est pas là, là.
M. Bernier
(Alain) : Bien, des fois,
pour des mandats de perquisition, il faut aller voir le juge, en tout cas, mais...
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
ce serait une bonne idée. Là-dessus, on va se laisser puis on va aller à Chicoutimi.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme
Jean : Alors, bonjour, M.
Bernier, M. Beauchamp et M. Legendre. Bienvenue à l'Assemblée nationale et merci d'être ici
avec nous pour partager votre opinion puis vos expériences.
Les technologues professionnels, je comprends que
l'ordre n'est pas un ordre qualifié d'exclusif, donc quelqu'un peut se qualifier de technologue même s'il n'est
pas membre de l'Ordre des technologues. Vous avez soulevé ça d'entrée de
jeu en mentionnant qu'un ordre est là pour protéger le public, donc, et vous
avez cette mission-là, en ayant cette mission-là,
vous dites : C'est assez difficile de faire respecter ça s'il y a des
technologues qui sont sur le terrain, sur le marché sur lesquels vous
n'avez pas rien à dire, si j'ai bien compris votre commentaire...
M. Bernier (Alain) : C'est en plein
ça. C'est en plein ça.
Mme
Jean : ...ce que vous avez appelé, vous, une incohérence, et, selon
vous, le projet de loi n° 98 ne règle pas cette incohérence.
Le Président (M. Ouellette) : Bougez
pas, je veux avoir votre réponse dans le micro parce que...
M. Bernier (Alain) : Oui, O.K. Bon,
si on prend...
Mme
Jean : Ce n'était pas ma question!
Le Président (M. Ouellette) : Non, mais je comprends, mais c'est parce qu'il a
fait des signes de tête, puis je pense que c'est important, puis je veux
l'avoir sur l'audio, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jean :
Ah! excusez-moi.
Le Président (M.
Ouellette) : Si vous êtes d'accord, ça va nous aider dans la précision
de votre question.
M. Bernier
(Alain) : Pleinement d'accord avec vous.
Mme
Jean : Merci. Ma question maintenant : Selon vous, qu'est-ce que
ça prendrait dans le projet de loi pour régler le problème d'incohérence
que vous avez soulevé?
M. Bernier (Alain) : C'est que, dès que des services, dès que des axes sont à risque de
préjudice, selon la logique de
l'article 25, puis c'est là qu'on... Donc, si on veut être cohérents puis
logiques, là, si on veut protéger le public contre les risques de préjudice, il faut que ces actes-là
soient réservés aux seules personnes qui sont encadrées par l'ordre qui
est dans le domaine, sans ça, ce n'est pas
fonctionnel. On n'a aucune emprise sur ces personnes-là. On rêve, à notre ordre, puis on en parle au conseil d'administration...
On veut les meilleures pratiques, on veut mettre en place un règlement sur la formation continue. C'est
nécessaire, dans les sciences et technologies, de se garder à jour, mais on
est pris avec le dilemme suivant,
c'est : si on met ça en place, une formation obligatoire, il y a un
certain nombre de personnes qui, sous
cette contrainte, les frais, le temps que ça prend, etc., vont tout simplement
ne plus s'inscrire à l'ordre. Donc, on ne met pas de formation, on ne
peut pas leur faire d'inspection, on ne peut pas enquêter une plainte, on ne
peut pas les obliger à avoir des assurances professionnelles, c'est zéro. On
recule au lieu d'avancer en termes de couverture, de protection du public. On
est menottés.
Mme Jean :
Et la solution est?
M. Bernier
(Alain) : C'est qu'il y ait des actes...
Mme Jean :
Pardon?
M. Bernier (Alain) : ...que, toutes les professions où il y a un risque de préjudice, l'acte
soit réservé aux personnes qui sont encadrées, aux titulaires de permis.
C'est la seule solution. Pour conduire...
Mme Jean :
C'est clair.
M. Bernier (Alain) : ...ou avoir une licence d'entrepreneur, il n'y a pas deux régimes, il
n'y a pas «si ça te tente». Tu es titulaire d'un permis de la RBQ ou tu
es titulaire d'un permis de conduire. Sans ça, bien, tu n'as pas le droit. Ça
ne marche pas avec des régimes à titre réservé que je me prends pour un
entrepreneur de construction, hein?
Mme
Jean : Merci. Un des objectifs du projet de loi n° 98 est de
redonner confiance au public par rapport aux ordres professionnels. Il y a des réputations des ordres professionnels
par rapport justement à ce que vous avez soulevé, le fait que les membres souvent vont prendre l'ordre
professionnel comme étant un organisme qui devrait les défendre, et c'est original, j'ai trouvé originale votre
suggestion qu'à la limite... mais peut-être, même, c'est une vraie suggestion,
je n'en sais rien, de ne plus appeler ça des
membres, parce qu'effectivement, quand on est membre de quelque chose,
on se dit : Bien, ça devrait me
protéger, je suis membre, donc peut-être trouver un autre qualificatif aux gens
qui sont justement des professionnels accrédités par un ordre professionnel.
En
même temps, vous mentionnez que votre ordre est transversal, ce que moi,
j'appelle transversal, ça veut dire que
votre ordre se retrouve avec des technologues qui vont être en architecture, en
génie, en foresterie, nommez-les, vous avez à peu près toutes les
applications, et, à ce moment-là, ça vous impose un peu d'avoir des
représentativités de ces gens-là. Dans la
même pensée, votre pensée, le projet de loi tente d'éliminer ou, en tout cas,
contrôler le fait que, dans les conseils
d'administration, on demandait... ou la majorité, la culture faisait qu'on
tentait de représenter selon les régions. Là, on tente d'enlever ça pour
que, justement, les... — je
ne sais pas comment les appeler autrement que les membres, aujourd'hui je vais
les appeler les membres — comment
les membres peuvent ne pas penser qu'ils sont représentés par l'ordre, vu
qu'ils sont représentés régionalement.
Bref,
là où j'arrive, moi, avec une incohérence par rapport à ce que j'entends, c'est
que vous aimeriez pouvoir avoir un conseil d'administration de 20, 25,
30 pour avoir de la représentativité. Mais en même temps, lorsqu'on parle de
représentativité, ça veut aussi dire : Ah, je vais m'attendre à ce qu'ils
me défendent, moi, comme technologue en architecture ou, moi, comme représentante
habitant la région de Québec. Comment on concilie les deux?
M. Bernier
(Alain) : C'est parce que ce concept de représentativité là, c'est une
représentativité de vécu professionnel, de
domaine de formation et de vécu des pratiques régionales dans sa profession,
des besoins, des besoins des entreprises, des citoyens dans sa région. Ce n'est pas venir
défendre sa gang de sa région. Ce n'est pas ça, l'idée, là. C'est : pour le bien collectif, j'amène mon
expertise autour de la table. Et après ça, bien, on la généralise à la
province : certaines personnes des grandes villes, certaines personnes
plus dans la campagne, certaines personnes plus en génie électrique, d'autres
dans d'autres domaines. Puis, jusqu'à maintenant, on réussit à gérer un peu le
croisement des deux bases, la base régionale et la base professionnelle, parce
que le hasard des élections puis des remplacements de personne fait que, dans
telle région, ils n'enverront pas toujours quelqu'un en foresterie, ils
n'enverront pas toujours quelqu'un en
agroalimentaire. Des gens d'intérêts différents, région par région, présentent
leurs candidatures et sont élus.
Donc,
si on est assez nombreux, le jeu des hasards fait d'habitude un croisement
raisonnable. Quand il nous manque une
expertise pour travailler un dossier, on a des comités sectoriels experts. On a
des comités en agroalimentaire, on en a dans différents domaines, en inspection préachat, des affaires dans ce
genre-là. Et des gens de la permanence et des élus vont parler à ces gens-là pour avoir les inputs de
vécu, de qu'est-ce qui se passe dans la pratique, qu'est-ce qui se passe
sur le terrain, c'est quoi, les besoins, ça
serait quoi, les solutions. C'est une façon aussi de travailler. Parce qu'on ne
pourra pas jamais, nous, avoir un éventail
total de toutes nos pratiques, mais on marche sur échantillonnage et complément
de prise d'information, puis ça nous a bien rendu service jusqu'à
maintenant pour comprendre ce qui se passe.
Mme
Jean : Est-ce qu'à ce moment-là... Si on voulait avoir un compromis
entre les deux, est-ce que ça serait envisageable,
parce que vous avez une philosophie ou une approche de comité, lorsque vous
manquez de représentativité sur votre
conseil d'administration... Admettons qu'on prenait que l'approche d'avoir
15 administrateurs est une approche qu'on trouverait intéressante
et que, pour pallier justement à votre nécessité d'avoir de la représentativité
dans les différents secteurs d'activité, vous pourriez utiliser la notion de
comité comme ça?
M. Bernier (Alain) : Oui, ce serait un outil que... On pourrait augmenter l'utilisation de
cette pratique et de cet outil de
soutien à l'information puis à la connaissance réelle et précise des sujets
qu'on traite, des vrais problèmes, des vraies solutions de ce qui se
passe. Oui.
Mme
Jean : Une dernière question, il ne me reste pas beaucoup de secondes.
Est-ce qu'encore une fois, pour la composition
du conseil d'administration, dans un cas comme le vôtre, qui est quand même
atypique... Est-ce que, si la loi passait
telle qu'elle était, d'avoir une possibilité de demander une dérogation, ça
serait quelque chose d'intéressant pour vous?
M. Bernier (Alain) : Certainement. Parce qu'on dit dans notre mémoire que le modèle unique à
tout le monde, ce n'est pas non plus
la meilleure façon de gouverner. Quant à moi, dans ma petite connaissance de la
gestion, là, ce n'est pas... Le modèle unique, c'est... Ça fait puis ça
ne fait pas, hein?
Mme Jean :
Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Bernier, M. Beauchamp, M.
Legendre, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre
contribution aux travaux de la commission.
D'entrée de jeu vous
parlez du virus de la commission Charbonneau et de dire: On ne souhaite pas
que, la réponse, on généralise à tous les
ordres professionnels. Qu'est-ce que vous voulez dire par là dans votre
mémoire, lorsque vous dites : «Le virus de la commission
Charbonneau»?
• (16 h 20) •
M. Bernier (Alain) : Bien, on peut, si on lit certains... Bien, si on regarde certains
éléments de la réforme du code, on
peut sentir la provenance de ce qu'on essaie d'éviter, éviter certaines
situations, répétitions, etc. Puis
c'est ça que ça veut dire. C'est
qu'un cas n'est pas la situation générale des ordres, puis de mettre une armada de
nouvelles règles pour un cas isolé, bon, c'est une façon de faire.
M. Jolin-Barrette : Donc, est-ce que vous trouvez que, supposons, l'office ou la ministre
aurait dû intervenir plus promptement dans certaines situations
spécifiques plutôt que de modifier le Code des professions pour tout le monde?
Est-ce qu'il y a une nécessité de
moderniser, de modifier le Code des professions pour tout le monde ou,
pour les autres ordres professionnels, ça fonctionnait?
M. Bernier (Alain) : Je crois que là-dessus on peut revenir à ma section de la présentation
sur notre régime de gouvernance à
trois niveaux. Puis, comme j'ai dit, pour que ce soit fonctionnel et
performant, il faut que chacun bouge quand
c'est le temps de bouger. Aux ordres, on a notre job à faire, à l'office, ils
ont du travail à faire, puis, à un moment donné, il faut que ça monte
jusqu'au ministère. Puis nous, on n'est pas là pour faire le travail des
autres, là, on va essayer de faire le nôtre
bien. Après ça, bien, on va rentrer dans les règles que l'État nous donne puis
on va faire le mieux qu'on peut avec
les moyens qu'on a. On est des gens de bonne volonté. On va vivre avec ce que
vous allez nous donner, au Parlement, puis il n'y a aucun problème. Ça
va?
D'ailleurs, il y a
beaucoup d'éléments, on en a fait une liste dans notre mémoire, qu'on est pour
les bonnes pratiques puis on les applique
déjà. Ça fait qu'il y a un code d'éthique, un code de bonne gouvernance, de la
formation en gouvernance. Tous nos
administrateurs, y compris les nommés, quand ils arrivent chez nous, là, ils
rencontrent pendant une demi-journée le directeur général
avec tous les documents de l'ordre. Il les met au courant de comment ça marche, nos règles de fonctionnement, ils les
mettent au parfum, on demande à tous nos nouveaux administrateurs
d'aller aux formations du CIQ sur la bonne
gouvernance, puis c'est quoi, le rôle d'un administrateur. On fait tout ça.
Puis, si vous en demandez plus, on va
en faire plus. On pense déjà qu'on est pas mal dedans. On n'aura pas
grand-chose à faire de plus chez nous si vous envoyez tout le paquet,
là. On très capables de vivre avec ça.
M. Jolin-Barrette : O.K. Dans le projet de loi n° 98, on prévoit que, désormais,
l'Office des professions pourra mener une enquête sans demander
l'autorisation ministérielle. Comment vous percevez cette nouvelle disposition
législative?
M. Bernier (Alain) : Comme j'ai répondu tantôt, c'est qu'il devrait y avoir un niveau de
solennité à une enquête. Si on
banalise l'enquête, on passe un message aux organisations, aux citoyens, un peu
partout, là, que ça ne va pas si bien que
ça dans le système professionnel, qu'il faut avoir la gâchette sur l'enquête à
tout moment. C'est ça, ça ne donnera pas de meilleure confiance au public de dire : C'est un système sous
permanente possibilité d'enquête d'urgence à répétition. En tout cas, je ne vois pas en quoi ça va
améliorer, là. Si on a une gouvernance agile, là, puis des communications
rapides entre les partenaires, aucun ordre ne devrait se rendre à l'enquête,
normalement, là. Si c'est des gens corrects et de bonne volonté dans les conseils d'administration, là, les
professionnels, des bons praticiens, là, ils ne devraient pas se rendre là. Puis, quand ils ont des «warnings» de
l'office, ils devraient se réveiller, faire ce qu'ils ont à faire. Tu n'attends
pas... À un moment donné, on a de l'orgueil
puis de l'honneur, là-dedans, là. On n'attend pas d'être rendu là avant de faire
son ménage.
M. Jolin-Barrette : Donc, pour vous, pour l'ordre, on pourrait maintenir l'autorisation
ministérielle à l'enquête.
M. Bernier
(Alain) : Moi, je pense que...
M.
Jolin-Barrette : C'est ce qui serait préférable.
M. Bernier (Alain) : Je pense que ça passe un message que c'est grave. Quand tu es rendu là,
c'est grave, hein? Ce n'est pas banal, hein?
M. Jolin-Barrette : Au niveau de la profession des technologues, qui est à titre réservé,
ma collègue de Chicoutimi vous a un peu questionné relativement à ça,
vous dites : Bon, ça serait pertinent d'avoir des actes dans chacun des
domaines pour s'assurer de pouvoir aller chercher le professionnel. Il y a
certains ordres qui soulèvent le fait qu'en attendant
ils sont un peu assis entre deux chaises, parce qu'ils font un peu de la
publicité pour dire : Bien, voici, lorsque vous êtes membre, bien, vous avez une reconnaissance,
tout ça, mais, d'un autre côté, bien, il y a le syndic qui est présent,
il y a des obligations rattachées à ça, je
comprends. Pour la protection du public, vous, ça vous le prendrait rapidement,
ça?
M. Bernier (Alain) : Oui, bien, on est dans plusieurs pratiques, disons, complexes et vécues
par le citoyen. Je donnais des exemples, l'inspection préachat, c'est un
bourbier, c'est non réglementé, c'est n'importe qui, n'importe comment. Puis c'est une grosse décision, d'acheter
une propriété, dans la vie, là. On en a quelques-uns chez nous. Ça, c'est...
M.
Jolin-Barrette : Mais ça, ça veut dire, là, qu'une famille qui décide
de s'acheter une maison contacte un individu,
et il n'a pas besoin d'être membre de l'Ordre des technologues, il peut
dire : Bien, oui, achetez cette
maison-là, moi, je la regarde, elle est bien
correcte, je fais l'inspection visuelle, puis il ne sera jamais sanctionné, à
part s'il y a une petite
assurance responsabilité. Puis la famille qui a acheté sa maison, son plus gros
achat de toute sa vie, 300 000 $, 350 000 $
n'est aucunement protégée par le système professionnel, puis elle se retrouve
avec son prêt à la banque, puis elle se retrouve peut-être à faire
faillite parce qu'elle a fait affaire avec quelqu'un qui n'était pas un
professionnel.
M. Bernier
(Alain) : Il y a de la pyrite dans le sous-sol, comme à Trois-Rivières.
Le Président (M. Ouellette) : On va finir sur la pyrite. Merci, M. Alain
Bernier, c'était rafraîchissant comme présentation, M. Beauchamp, M.
Legendre, représentant l'Ordre des technologues professionnels du Québec.
Je
suspends quelques minutes et je demanderais à Mme Daniele Henkel de bien
vouloir prendre place à l'avant, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à
16 h 26)
(Reprise à 16 h 28)
Le Président (M.
Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons Les Entreprises
Daniele Henkel et sa présidente, Mme Henkel,
bienvenue. Vous allez avoir 10 minutes pour votre présentation. Vous allez
nous présenter les gens qui vous accompagnent, et après il y aura une
période de questions avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions, Mme la députée de Chicoutimi
et Mme la députée de Montarville. Mme Henkel, à vous la parole.
Les Entreprises Daniele Henkel
inc.
Mme
Henkel (Daniele) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, très sincèrement, merci de nous recevoir dans
le cadre de vos travaux. D'emblée, je vous présente également
les personnes qui m'accompagnent : M. Gilles Brisson, président et
directeur scientifique du laboratoire BNK et éminent biologiste... biochimiste,
pardon, excusez-moi; ainsi que M. Guy R. Brisson, professeur titulaire retraité
de l'INRS.
Et,
avant d'aller plus loin, je veux aussi vous remercier de l'intérêt que vous
portez à notre mémoire et surtout aux recommandations que nous vous
soumettons relativement à ce projet de loi.
• (16 h 30) •
En
effet, en tant que chef d'entreprise dans le domaine de la santé et du
mieux-être, j'ai dû et j'ai encore à faire face aux ordres
professionnels, et malheureusement à leur manque de transparence, et à leur
gouvernance, selon nous, inéquitable. Ces
nombreuses expériences me permettent aujourd'hui de vous proposer un témoignage
sur l'importance d'instaurer un contre-pouvoir au syndic et d'améliorer
la transparence des ordres professionnels. Tout comme vous, nous déplorons le fait que neuf citoyens
sur 10 considèrent les ordres comme des outils au service des
professionnels, alors qu'ils devraient être
reconnus pour être au service du public. L'Office des professions multiplie les
efforts pour que se résorbe ce
déficit de crédibilité et pour que le public regagne confiance en cette
structure pourtant unique et importante.
Le projet de loi
n° 98, tout comme notre présence ici, s'inscrit dans cette volonté de
redonner au système professionnel ses
lettres de noblesse. Notre intention se situe particulièrement dans le
sillage de Mme la ministre qui, en remarques
préliminaires, précisait sa volonté,
et je la cite, «de revoir les moyens et les procédures des syndics,
l'organisation et la gouvernance des ordres».
Des
moyens? Les syndics en ont, et leurs pouvoirs sont considérables. En
contrepoids, toutefois, les outils pour encadrer ces pouvoirs sont défaillants et entraînent un manque d'équité
et de ressources qui nous empêche d'effectuer un débat public sur des
enjeux soulevés par les ordres. Le test ImuPro, accrédité par Santé Canada, est
effectué par notre laboratoire depuis 2007,
soit depuis 10 ans. Ce n'est que depuis deux ans qu'il est soumis à des vérifications, des mises en garde et des
enquêtes du Collège des médecins et du syndic de l'Ordre des chimistes, sans
qu'aucune explication n'ait été présentée
à notre connaissance. Notre témoignage veut souligner comment un déficit de
gouvernance permet à un syndic des
comportements que nous jugeons inexplicables, comportements préjudiciables tant
pour le professionnel visé que pour la compagnie que je dirige.
Voici
quelques éléments qui résument nos propos. Un, plus de 670 jours se sont
écoulés depuis que le syndic a lancé
une enquête contre un de nos professionnels. Deux, après tout ce temps, notre
professionnel ignore toujours qui s'est plaint de ses services et quelle est la nature de la plainte contre lui.
Trois, sans avoir l'autorité de le faire, le syndic exige un arrêt des activités analytiques sans fournir aucun
argumentaire pour appuyer ses exigences. Quatre, le syndic annonce à notre professionnel qu'il remet son dossier
d'enquête au conseil de discipline, ce qui s'est révélé être faux jusqu'à
ce jour. Cinq, le test analytique
concerné est soumis à une mise en garde du Collège des médecins depuis le
22 janvier 2016 sans que nous n'ayons pu obtenir l'ombre d'une
étude ou d'un témoignage qui expliquerait cette décision, et ce, malgré nos
multiples demandes.
Inutile de vous
mentionner la pression psychologique qu'un tel comportement exerce sur le
professionnel intimé ou les préjudices
monétaires sur l'entreprise quand, sans aucune preuve scientifique connue, on
nous ordonne de mettre fin à nos
activités analytiques, qu'elles soient pour le Québec ou à l'extérieur du Québec.
De plus, il faut savoir que
ces mêmes tests sont prescrits dans de nombreuses juridictions aussi proches de
nous que l'Ontario.
Dans
nos États de droit, il existe toujours un dispositif de surveillance, surtout quand il
s'agit de la surveillance d'enquêteurs
détenant d'énormes pouvoirs d'investigation. Mais où trouver le contre-pouvoir
qui pourrait assurer cette veille déontologique et, le cas échéant,
dénoncer les abus? Ce contre-pouvoir, cette veille est impossible sans une
mécanique de surveillance.
Nous
soumettons donc à votre attention une nouvelle approche : que soit confiée
à un comité réformé de révision des
plaintes la responsabilité de s'assurer que le syndic respecte les règles de
l'art propres à sa profession. Le comité de révision des plaintes est une structure déjà familière avec l'analyse
des enquêtes du syndic. Le seul fait de modifier le mandat du comité pour lui ajouter une fonction de
veille déontologique évite une structure supplémentaire et répond aux préoccupations du Barreau sur le respect de la confidentialité. Il s'agirait d'un
comité d'appel qui demeure non décisionnel, le cas échéant, il émettra un avis destiné aux responsables de la
gouvernance de l'ordre, qui décideront des actions à prendre.
De
plus, nous avons également déposé 10 autres recommandations qui permettraient de favoriser une meilleure transparence des
ordres et d'éviter les abus. Les voici :
Nous
proposons que l'Office des professions soit assisté de quelques
représentants du public expérimentés pour faire la sélection des citoyens
susceptibles de siéger au sein des comités de révision des plaintes à titre de
représentant des citoyens.
Nous
proposons que les citoyens retenus pour siéger à titre de représentants du public au sein des 46 comités de révision des plaintes
reçoivent de l'office une formation spéciale à cet effet.
Nous proposons que
les représentants du public nommés comme membres des comités de révision des
plaintes le soient par l'Office des professions, et non par les ordres professionnels.
Nous
proposons que les représentants du public nommés comme membres des comités de
révision des plaintes ne soient pas des professionnels au sens de la
loi.
Nous
proposons que le comité de révision des plaintes soit obligatoirement présidé par le représentant du
public.
Nous
proposons que les membres du comité de révision des plaintes reçoivent copie
tant de la demande d'enquête que du
libellé du rejet pour toutes les demandes d'enquête qui ne font pas l'objet
d'un appel en révision ou qui ne sont pas déposées au secrétariat du
conseil de discipline.
Nous
proposons que les membres du comité de révision des plaintes puissent, à la
lecture des allégations faites par le
plaignant et des raisons de leur rejet par le syndic, examiner l'ensemble du
dossier et, le cas échéant, faire rapport aux membres du conseil
d'administration réunis à huis clos.
Nous
proposons qu'un professionnel intimé qui se croit abusé par les démarches
d'enquête du syndic puisse en demander
l'examen au comité de révision des plaintes. Le cas échéant, le comité en
référera au conseil d'administration de l'ordre.
Nous
proposons que les membres du comité de révision qui constatent, lors de
l'analyse d'une plainte portée en appel,
une situation particulière au bureau du syndic puissent transmettre leurs
observations au conseil d'administration ou à un comité formé à cet
effet par le conseil d'administration.
Et finalement nous proposons que l'obligation
soit faite au syndic de faire régulièrement rapport aux membres du conseil d'administration et que ledit rapport inclue :
un, pour chaque dossier ouvert depuis
plus de 150 jours, les raisons
en empêchant la fermeture, deux, pour chaque dossier fermé, le nombre de jours
écoulés depuis son ouverture.
Ces propositions permettront, selon nous, d'améliorer grandement la transparence des
ordres et de favoriser une meilleure
équité pour les différents publics en relation avec eux. Ce serait également
une façon d'éviter une judiciarisation coûteuse
des différends entre les ordres, les syndics, les professionnels
et le public. Nous espérons que cette contribution au débat sera
entendue et qu'elle nous permettra aussi de rendre les ordres et les syndics
plus transparents. Il en va de l'intérêt du public et de la crédibilité de tout
notre système professionnel.
Merci de votre attention, et nous sommes maintenant
prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme Henkel. Mme la ministre.
Mme Vallée : Merci beaucoup.
Merci, Mme Henkel, de votre participation aux travaux de la commission. Vos recommandations sont non pas similaires mais s'inscrivent un peu
dans les recommandations... ou dans le type de recommandations, dans l'esprit des recommandations que nous a formulées la Protectrice du citoyen.
La Protectrice du citoyen recommandait aux membres de la commission,
nous recommandait de soustraire les syndics à des codes de déontologie particulière, un code d'éthique et de déontologie
pour l'exercice de leur mandat de syndic, et qui serait vraiment,
bon, applicable aux membres des bureaux de syndic, et que l'office soit désigné
comme étant l'autorité qui sera ou qui
serait chargée d'enquêter et d'imposer des sanctions appropriées s'il devait y
avoir manquement à ce code d'éthique et de déontologie.
Qu'est-ce que
vous pensez des propositions de la Protectrice du citoyen? Est-ce que vous croyez que la mise en place
d'un code de déontologie qui chapeauterait le travail des syndics pourrait,
d'une certaine façon, venir répondre à certaines problématiques?
• (16 h 40) •
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Henkel.
Mme Henkel (Daniele) : Merci. Je
vais passer la parole, si vous permettez, à mon spécialiste, M. Brisson.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Brisson. Guy Brisson.
M. Brisson (Guy R.) : Oui, oui, oui.
Le
Président (M. Ouellette) :
O.K. C'est parce que, là, j'ai deux Brisson, et, la prochaine question, je vais
vous demander si vous êtes parents, mais ça viendra plus tard.
Mme Henkel (Daniele) : Non,
justement. Justement non, c'est assez surprenant.
Le Président (M. Ouellette) : Mais
juste pour l'audio : M. Guy Brisson.
M. Brisson (Guy R.) : Mais je pense
que la Protectrice du citoyen disait que le code de déontologie du professionnel n'est pas tout à fait adapté parce
que ce n'est pas un praticien, le syndic, à ce moment-là, hein? Et je
pense que c'est souhaitable qu'ils aient un code de déontologie. Mais faut-il
en vérifier l'application? Il peut avoir un code de déontologie, comme je suis
certain qu'il y a beaucoup de syndics qui ont un code de déontologie à eux, ils
ont des valeurs, etc., mais qui en surveille les dérogations? Il n'y a pas de
mécanique actuelle.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme
Vallée : Bien, en fait, c'était un peu... La recommandation de
la Protectrice du citoyen, c'est d'assujettir tout ça au pouvoir de l'office pour avoir un regard
indépendant qui n'est pas celui de l'ordre, qui est celui de l'organisme
de contrôle. Et donc je me demandais :
Est-ce que vous auriez des représentations additionnelles ou des
recommandations qui pourraient s'inscrire
dans cet ordre-là? Est-ce que vous pensez qu'il est opportun d'assujettir les
syndics à un code d'éthique, un code
de déontologie propre à leur fonction de syndic? Parce que c'est de ça dont il
est question, c'est : le professionnel qui exerce la fonction de syndic, comment doit se comporter ce
professionnel-là, et comment doit se dérouler l'enquête, et quelle
reddition de comptes doit être faite en cours de route? Je pense que votre
intervention vise surtout cet aspect important
de la reddition de comptes aussi, que vous croyez qui n'est pas suffisante,
parce que, malgré le fait que le code prévoie que le syndic fasse rapport annuellement à
son ordre ou à l'ordre auquel il se rapporte, vous ne voyez pas, dans
cette disposition-là, un élément qui vient contrebalancer le pouvoir dont est
investi le syndic.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Henkel.
Mme
Henkel (Daniele) : Les rapports qui sont donnés annuellement sont des
rapports globaux, on ne rentre pas dans le détail de chacun des
rapports. Et souvent ces rapports-là contiennent... il y a très rarement, je
dirais, des contre... d'amener un droit à
dire : Je ne suis pas d'accord avec la décision du syndic, sont rares. Et
vous le remarquerez d'ailleurs, je
l'ai observé sur le site Internet de l'ordre qui nous intéresse et, je ne sais
pas, je crois qu'il y a eu
10 plaintes à peu près.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Brisson, Guy Brisson.
M.
Brisson (Guy R.) : Oui. C'est qu'en général... Écoutez, moi, j'ai
siégé peut-être sur une quinzaine d'ordres, les conseils
d'administration, et dans des comités de révision des plaintes. Et donc j'ai
commencé ma carrière avec M. Mulcair
lorsqu'il était président de l'ordre, donc il y a un certain temps. Et, les
rapports que font les syndics en C.A., ils
vont dire : Bien, on a ouvert 42 dossiers durant l'année et on en a
fermé 36 ou... tu sais. Mais, en dehors de ça, on n'a pas, O.K.,
beaucoup d'informations. Et c'est toujours... il y avait cette Muraille de
Chine, là, qu'on a mise sur pied en
1994 — j'imagine,
là, M. le président Dutrisac? Je ne veux pas vous poser de question — pour préserver tout ça, O.K.? Alors,
il n'y a pas d'information qui est véhiculée au C.A. à cet effet.
Donc,
c'est pour ça qu'une des recommandations, c'est dire, bien : Le
législateur a prévu 90 jours pour
une enquête, et après ça, aux 60 jours, si ça s'allonge, d'envoyer un avis
comme quoi ça se poursuit. Mais, quand on est rendu à 700 jours... C'est pour ça que, si... La
recommandation, là, on dit : Bien, on a fermé tant d'enquêtes après
tant de jours, etc., ça donne déjà au C.A.
une idée. Et, si ça déborde... Je pense que, sans entrer dans la confidentialité,
O.K., on peut informer, tu sais.
Mme Vallée :
Ce que je comprends, c'est que vous nous dites : La Muraille de Chine,
donc l'indépendance nécessaire du syndic, a
peut-être été poussée à un degré où
le conseil d'administration n'a pas les outils nécessaires pour pouvoir intervenir et utiliser le contre-pouvoir
dont il dispose. Parce que, pour les gens qui nous écoutent, les conseils
d'administration ont aussi la possibilité... il existe des
moyens de destituer un syndic qui ne serait pas capable d'agir ou qui
aurait un comportement ou une conduite inappropriés. Mais ce que vous nous
indiquez aujourd'hui, c'est que les rapports
transmis aux conseils
d'administration ne sont pas
suffisamment détaillés et ne permettent pas aux conseils d'administration
de pouvoir analyser adéquatement l'information. Et c'est pour ça que vous
demandez d'ajouter à l'obligation des syndics.
M. Brisson (Guy
R.) : Vous avez tout compris.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Brisson.
M. Brisson (Guy
R.) : Excusez, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Non, c'est beau. C'est juste... Je ne voulais pas
vous couper la parole. C'est juste pour les besoins de l'audio et que je
veux enregistrer votre réponse. Donc, votre réponse, M. Brisson, c'était?
M.
Brisson (Guy R.) : Mme la ministre a tout à fait raison. À moins d'un
dérapage catastrophique, le C.A. n'est pas au courant, sous le chapeau
de la confidentialité, hein?
Mme Vallée :
Ce qui est normal. La confidentialité d'une plainte, c'est important de la
maintenir.
M. Brisson (Guy
R.) : Oui, absolument.
Mme
Vallée : Alors, ce n'est pas... vous ne venez pas du tout...
Vos représentations ne sont pas à l'effet qu'on devrait ouvrir davantage sur qui fait l'objet de la plainte et quel est
le contexte, mais ce que vous souhaitez, c'est que, le nombre de plaintes, bien, il y ait une reddition
de comptes quant aux... La plainte n° 1, elle est en cours depuis
30 jours, 35 jours, la plainte
n° 2, elle a été fermée. Et, si je comprends bien votre recommandation,
vous souhaitez que le motif qui a amené la fermeture du dossier soit
aussi indiqué.
M. Brisson (Guy
R.) : Non.
Mme Vallée :
Non? Parce que je croyais...
M.
Brisson (Guy R.) : M. le Président, uniquement celles qui dépassent 150 jours,
le dossier n'est toujours pas fermé après 150 jours d'enquête.
Mme Vallée : Expliquer les
motifs, justifier.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Henkel, vous aviez des commentaires?
Mme Henkel
(Daniele) : Oui, s'il vous plaît. J'irais un petit peu plus loin. Je
dirais que oui, un code de déontologie et d'éthique et, bien entendu,
d'avoir à donner les raisons qui font qu'un dossier n'est pas fermé pour
peut-être plus que 150 jours. Mais
j'irais plus loin. Je dirais qu'aujourd'hui, de par l'expérience que nous avons
vécue, Mme la ministre, nous sommes
ici parce qu'on veut vraiment parler de contre-pouvoir, puisque nous avons
essayé, dans les règles de l'art, de ce
que la loi nous permet de faire... Donc, on a suivi tout le cheminement possible,
ouvert, qui est accessible à un citoyen de pouvoir adresser sa plainte ou sa requête. Eh bien, nous nous sommes
rendu compte qu'elle n'était aucunement possible et que nous étions devant un mur de Chine. Donc, nous
sommes ici pour parler de contre-pouvoir qui serait donné par une
personne qui serait normalement un non-professionnel puis qui pourrait
peut-être être expérimentée suffisamment, n'avoir
aucun intérêt et être capable, s'il le souhaite, de demander un petit peu plus
d'information, des comptes, de par les agissements d'un syndic, et de
les rapporter ensuite, que ce soit à un comité ou à son C.A. pour agissement.
Ce n'est pas un conseil qui aurait un droit
d'agir, mais plutôt un droit de regard, toujours dans la confidentialité, qui
est requis.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
• (16 h 50) •
Mme Vallée : Ce matin, nous
avions l'Ordre des pharmaciens qui émettait des recommandations demandant que les syndics soient investis de plus
de pouvoirs, que les syndics puissent être investis de pouvoirs de commissaire enquêteur. Et j'avais pris
connaissance de vos représentations, alors je suis curieuse de savoir ce
que vous pensez de cette demande-là. Parce qu'à l'intérieur de certains ordres
on nous dit qu'il devient très difficile d'intervenir
lorsqu'il y a de la pratique illégale et on souhaite avoir plus de pouvoirs
pour protéger le public contre
des utilisations abusives de titres professionnels, des fausses représentations. Bref, il y a quand même des
enjeux importants de protection du public qui ont fait les manchettes au
cours des dernières années. Que pensez-vous de ce pouvoir additionnel là qui
pourrait être accordé aux syndics?
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Henkel.
Mme Henkel
(Daniele) : Avec votre
permission, Mme la ministre, M. le
Président, vous savez, si on
commence à regarder chacun des ordres, nous
allons déterminer que chacun des ordres a des besoins spécifiques parce qu'ils ont vécu des événements spécifiques. Nous essayons de rester
dans la globalité pour être adressée de façon juste et de façon transparente. Nous ne sommes ici que pour une
seule raison. Je ne viens pas parler de nous, je viens parler d'un événement
qui s'est produit, et, au lieu de ne référer
qu'à cet événement, nous avons regardé la globalité d'un pouvoir de
syndic et d'un contre-pouvoir qui
devrait aussi obliger un syndic... Parce
qu'il y a des syndics que je connais
qui sont impeccables, qui font un travail exceptionnel. Et ce n'est pas
de ça dont nous parlons aujourd'hui, nous parlons d'une transparence
obligatoire, c'est ce que le citoyen demande. On est rendu que neuf citoyens
n'ont plus confiance à leurs ordres professionnels. Ce n'est pas normal. Donc,
nous disons qu'il doit être possible...
Et, si on
parle de donner plus de pouvoirs pour enquêter, je crois que, si un syndic
reste dans son obligation, par exemple, de 90 jours ou de
150 jours, à rassurer autant son C.A. que ses comités, qu'il est
transparent et qu'il a des raisons réelles de continuer une enquête, bien, absolument.
Nous ne
parlons que de transparence. Aujourd'hui, notre requête, c'est parce que
nous n'arrivons pas à savoir de quoi nous sommes accusés et pourquoi
nous sommes accusés malgré nos demandes, malgré notre demande de débat public. Nous voulons un débat transparent. Nous ne
savons pas ce que nous avons fait et nous nous sommes rendu compte que, même en tapant aux portes qui sont à la disposition du citoyen aujourd'hui, il n'y
a aucune possibilité d'avoir une réponse de quiconque. Ce n'est pas normal. C'est
tout.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre, une minute.
Mme Vallée : Donc, si
je comprends bien... Bien, je voulais
vérifier... Le contre-pouvoir actuel qui est accordé au conseil
d'administration n'est pas suffisant et mériterait d'être encadré davantage.
Sur la nomination des membres citoyens,
j'aimerais vous entendre sur cette recommandation... en fait, vos recommandations qui visent à mieux identifier les membres citoyens. Est-ce que
vous auriez des commentaires à formuler en plus de votre...
Le Président (M. Ouellette) : M. Guy
Brisson.
M. Brisson
(Guy R.) : Oui, oui, oui!
Écoutez, ce n'est pas toujours évident de siéger avec deux professionnels
et de jouer ce rôle qui est essentiel, parce que,
sur un comité de révision des plaintes actuellement, on signe les avis, O.K., autant que les
deux professionnels qui siègent actuellement, O.K., mais il faut comprendre la
dynamique, il faut connaître le code de
déontologie de l'ordre en question, il faut connaître c'est quoi, le mandat du
syndic, c'est quoi, ses pouvoirs d'enquête, c'est quoi, ses obligations,
comment il doit répondre à des allégations, etc. Donc, il faut... et être objectif
dans ça.
C'est pour ça
qu'il y a une recommandation qui dit que ça ne devrait pas être des
professionnels qui sont nommés à cette
fonction-là. Donc, il faut une formation particulière pour les gens qui vont
occuper ce genre de poste là. Et je pense qu'il y a plusieurs
représentants du public qui siègent là depuis 20 ans, et qui
ont une expérience, et qui peuvent la partager, hein,
et aider à ce que le public soit mieux représenté à cette table-là, O.K., qui
est bougrement importante, mais qui est méconnue.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la ministre, M. Brisson. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme
Jean : Merci. Alors,
bonjour, Mme Henkel, bonjour, MM. Brisson. Bienvenue à l'Assemblée nationale et merci de partager votre expérience avec nous et de
travailler à améliorer le projet de
loi n° 98. C'est très
intéressant de voir une nouvelle façon, une nouvelle approche, justement,
à ce projet de loi.
Je comprends
que, par votre expérience avec le syndic, qui a des grands pouvoirs, des
pouvoirs importants dans les
ordres professionnels, vous cherchez à savoir quel serait ou quel
pourrait être le contre-pouvoir lorsque ce syndic a des comportements qualifiés d'inappropriés. Le contre-pouvoir que je vois dans
votre mémoire ou dans votre proposition, si j'ai bien
compris, c'est le comité de révision des plaintes. Est-ce que c'est bien ça?
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Henkel?
Mme Henkel
(Daniele) : C'est cela.
Puisqu'il existe déjà, puisqu'il est déjà forgé à cette pratique,
je crois que... Au lieu d'ajouter encore une fois dans le système quelque chose de coûteux ou une autre façon de faire, pourquoi
ne pas utiliser ce qui existe, qui est déjà rodé, qui comprend bien la
procédure et qui pourrait juste avoir peut-être une façon différente de faire?
C'est pour ça qu'on l'a appelé un conseil révisé.
Mme Jean : Le fameux comité de
révision des plaintes, pour pouvoir prendre en considération un dossier, comment est-ce que vous voyez... comment il est
informé de la problématique? Est-ce
que ça vient d'une autre
plainte ou est-ce que ça vient d'une diligence ou de vérifications? Donc, le comité, en tant
que tel, aurait certains pouvoirs
pour aller faire des vérifications? Dans votre vision, comment vous
voyez ça?
Mme Henkel (Daniele) : M. Brisson.
Le Président (M. Ouellette) : M. Guy
Brisson.
M. Brisson
(Guy R.) : Merci, M. le Président. Écoutez, il y a un élément des recommandations qui demande
à ce que le comité de révision des plaintes,
mais modifié avec un mandat, là, ajusté en conséquence, reçoive une copie de
la lettre adressée à la personne qui a
demandé l'enquête et une copie aussi de la lettre adressée au professionnel lorsque le syndic ferme son dossier. Donc,
la majorité des dossiers du syndic sont fermés, et la plainte est rejetée parce
que les allégations n'ont pas pu être
vérifiées, et je pense que le gros de la problématique est peut-être
à ce niveau-là. Parce
que, dans notre mémoire, on a souligné un tel mémoire... un tel dossier qui a
été fermé par le syndic, qui a été rejeté par le comité de révision des plaintes, et la personne a pris son dossier et
est allée en plainte privée, directement en discipline, et, vu que c'était une avocate, O.K., donc avec le
sens de la plaidoirie, etc., elle a renversé la décision et elle a gagné sa
cause.
C'est
simplement pour vous dire que M. Tremblay, dont la plainte a été rejetée par le
syndic, n'a pas nécessairement les
outils pour aller déposer une plainte privée et la défendre lui-même. Donc, si
une copie du dossier fermé était remise au comité de révision des
plaintes modifié, il pourrait regarder et voir que, bon, les allégations ont
bien été répondues, et il n'y a rien qui semble... Sinon, on pourrait aller
plus loin.
Mme
Jean : Le conseil d'administration... O.K. Donc, il y a le comité de
révision des plaintes que vous voyez comme le contre-pouvoir qui
pourrait peut-être satisfaire la faille que vous avez identifiée dans le
système...
M. Brisson (Guy R.) : C'est un
lanceur d'alerte — excusez — plus.
Il n'a pas de pouvoir, lui. Il lance des alertes au C.A.
Mme Jean : Le comité de révision,
vous parlez?
M. Brisson (Guy R.) : Oui.
Mme
Jean : C'est un lanceur d'alerte. Donc, en analysant les fameuses
lettres, il pourrait dire : Oups! Il y a quelque chose de louche
et...
M. Brisson (Guy R.) : Tu sais, puis,
pfft! au C.A.
Mme Jean : Envoie ça au C.A.?
M. Brisson (Guy R.) : Oui.
Le Président (M. Ouellette) : Le
«pfft», ce n'est pas bon pour l'audio!
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M.
Ouellette) : Traduisez-moi le «pfft», s'il vous plaît!
Mme Jean : Le transmet au C.A., le
transfère au C.A.
M. Brisson (Guy R.) : Excusez-moi!
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme
Jean : Merci. Dans votre 10e recommandation, vous êtes assez
précis dans... non, la 11e recommandation, vous êtes assez précis dans cette recommandation-là en mentionnant que
les dossiers, en faisant référence à un nombre de jours pour des raisons empêchant la fermeture,
donc le nombre de jours entre sa fermeture et le fait qu'il ne soit pas
fermé après 150 jours, devraient se
retrouver au conseil d'administration. D'où viennent ces chiffres-là...
(Interruption) Ce n'est pas ce que... Allez-y. Précisez-moi.
M. Brisson (Guy R.) : Si vous
permettez, M. le Président?
Le Président (M. Ouellette) : Bien
oui, je vous permets, monsieur.
• (17 heures) •
M. Brisson
(Guy R.) : Donc, ce ne sont pas les dossiers, c'est... Le syndic
pourrait dire au C.A., lorsqu'il comparaît :
Voici, j'ai un dossier qui est rendu à 180 jours, O.K. — parce qu'on aurait dépassé un seuil que...
c'est 150, mais ça pourrait être 160 — et, pour telles raisons, je
n'ai pas pu le fermer avant. Il n'a pas à détailler. Il n'y a pas de nom, il n'y a pas de problématique, tu sais, à moins
qu'il veuille saisir le C.A. du problème qu'il rencontre, mais, en
général, une explication : que c'est plus compliqué, etc.
Mme Jean : Expliquez-moi en quoi
serait utile cette information au conseil d'administration si c'est une information unique, donc elle n'est pas mise en
contexte. On sait que... Et ça peut être des cas par cas, ça peut se
justifier, ou etc. Comment cette information peut être interprétée par un
conseil d'administration?
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Henkel.
Mme Henkel
(Daniele) : Merci, M. le Président. Je crois que, lorsqu'il y a
dépassement dans le temps, par exemple et
que, de par les nouvelles exigences, un syndic doive se justifier, le C.A.
serait capable de voir que, dans ce dossier... ou le conseil, le comité
spécial de révision des plaintes pourrait voir qu'il y a matière peut-être à
poser des questions, dans le cadre de la
confidentialité. Mais cette confidentialité, dans un conseil d'administration,
elle est d'emblée, elle est là. Je veux
dire, un conseil d'administration se doit de respecter la confidentialité d'une
information. Donc, si on dépasse le temps, on se peut de dire ce qui se passe, et un petit peu plus de précision,
parce qu'il y a peut-être matière à poser la question.
Donc, c'est
là où s'enclenche le fameux déclencheur de contre-pouvoir : j'ai besoin de
savoir, je veux comprendre, peut-on me montrer? Et, si tout est beau, on
continue. Sinon, il y aurait matière à explication.
Mme
Jean : Si je comprends bien, lorsqu'il y a un dépassement de
150 jours, peut-être que quelque chose est mystérieux... bon, 150 jours, 200, moi, je n'en sais rien, d'où
vient le chiffre du 150 jours, et le conseil d'administration,
selon vous, pourrait être légitimé de poser des questions au syndic. Dites-moi,
comment on peut, à ce moment-là, effectivement,
conserver la confidentialité? Donc, le niveau de confidentialité devient ouvert,
on en dit plus. Donc, ce n'est plus
coupé, il n'y a plus de mur entre le syndic et les membres du conseil
d'administration, là. Il y a de l'information qui va se filtrer. À moins
que je n'aie pas bien compris, là.
M. Brisson (Guy R.) : M. le Président?
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
M. Brisson, c'est à vous, la parole.
M. Brisson
(Guy R.) : L'article 124 du Code des professions permet déjà un
échange d'information au-delà du secret de confidentialité, en autant
que c'est pour la protection du public. Le projet de loi n° 98, dans
l'article 62.0.1, quelque chose du
genre, précise davantage, selon moi, l'article 124 du code en
disant : Bien, les administrateurs sont aussi susceptibles de
pouvoir échanger des informations confidentielles. Et le serment de
confidentialité ne tient pas, O.K., à
l'intérieur du conseil d'administration en autant que la protection du
public... si la protection du public est mise en jeu. Et le mémoire fait allusion à la loi n° 18,
médicale. Regardez le nombre de personnes dans ce... par cette loi,
lorsqu'on lance une enquête, il y a des...
j'allais dire une centaine, mais il y a... de monde qui sont dans la
confidentialité, et c'est fonctionnel, hein?
Mme
Jean : Puisque c'est confidentiel et que c'est le syndic qui va
présenter, donc est-ce que c'est le syndic, selon vous, qui décide qu'est-ce qui est considéré comme
lié à la protection du public ou est-ce qu'il ne l'est pas? Qui décide
que l'information est liée à la protection du public? Est-ce que le syndic se
retrouve avec...
Le Président (M. Ouellette) : En
30 secondes.
Mme Jean : ...se retrouve,
dans le fond, avec, lui-même, l'information en disant : Non, je ne peux
pas vous le dire parce que ça pourrait toucher la protection du public?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Henkel, en 30 secondes.
Mme Jean :
Une question comme ça, là.
Mme
Henkel (Daniele) : Oui. Écoutez, le syndic est supposé, de par ses
droits et ses fonctions, savoir, si c'est en toute transparence, ce qui
pourrait être pour la protection du public ou pas. Et je considère qu'un syndic
devrait être au-dessus de tout soupçon et qu'il devrait être la personne qui me
protège en tout temps. Merci.
M.
Brisson (Guy R.) : Et, juste pour ajouter, Mme Jean, le comité modifié
de révision des plaintes, O.K., pourrait demander à voir
confidentiellement, O.K., les données pour voir si c'est justifié de ne pas
ouvrir au C.A.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. Brisson. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy :
Merci beaucoup, M. le Président. Mme Henkel, un plaisir de vous voir. MM.
Brisson, bonjour. Merci d'être là.
Mémoire
étoffé, je viens de lire le résumé ici. Vous nous dites qu'il faut instaurer
donc un contre-pouvoir au syndic et
avoir plus de transparence. Plus de transparence, j'en suis. Contre-pouvoir
peut être une chose très importante,
on le voit dans nos démocraties à certains égards, donc un contrepoids.
Et vous nous faites 11 recommandations.
Pour
le bénéfice des gens qui nous écoutent, je vous amène à la recommandation n° 9, je vais juste la lire parce que je pense
que ça centre très, très bien le noeud de la problématique que vous nous
soumettez aujourd'hui. Vous nous dites à la
neuvième recommandation : «Qu'un
professionnel intimé qui se croit abusé par les démarches d'enquête du syndic puisse en demander l'examen au comité de
révision des plaintes; le cas échéant, le comité en référera au C.A. de l'ordre.» Dites-moi si je me trompe, mais c'est
bien là, le noeud du problème, le fait que le syndic ait tant de poids,
qu'il n'y ait pas personne d'autre pour venir faire un contrepoids.
Et
dans quelle mesure... Alors, dans quelle mesure ça impacte, justement... Vous
êtes ici en tant que patronne, qu'entrepreneure, vous engagez de ces
professionnels qui ont à vivre avec les ordres professionnels et les syndics de
chacun de leur ordre respectif, dans quelle mesure ça vous impacte, le fait
qu'il n'y ait pas ce contrepoids?
Mme
Henkel (Daniele) : Bien, écoutez, ça fait plusieurs jours, comme je le
disais, plus de 700 jours aujourd'hui... ou je parlais, tout à l'heure, même de la faiblesse, même, au niveau
psychologique, lorsqu'on accuse ou qu'on dit qu'on fait une enquête sur un professionnel et que ce
professionnel, entre autres dans notre cas, si on parle de notre cas, qui
a été décoré en 2015 comme étant le
professionnel le plus reconnu dans son domaine et à qui on a demandé deux
fois... donc son ordre a demandé par deux fois de venir parler pour
informer de ce que c'est que les tests sur les hypersensibilités alimentaires. Je crois que c'est un bel exemple de
dire qu'on a le droit de savoir pourquoi ce professionnel aujourd'hui
est accusé et de quoi, surtout après tant de temps.
Mme
Roy : Merci, M. le Président. Ce que j'aime, c'est que c'est un exemple
concret du système, de ce système de plainte. Et vous poursuivez en nous disant qu'il faut
avoir... qu'on puisse faire ce contrepoids, ce contrepoids au pouvoir du syndic, parce qu'il a beaucoup de pouvoirs, et les conséquences, c'est qu'on ne
sait pas toujours tout quand il y a une plainte qui est portée contre
nous.
Vous parliez
également du temps, ça peut être très, très long, il serait bien qu'on sache
avant que le temps s'écoule ce qui se passe pour la personne qui est concernée,
les entreprises aussi qui l'engagent.
Vous
voulez, dans votre mémoire, aussi faire une plus grande place, qu'on
accorde une plus grande importance aux membres du public dans la composition de
ce comité de révision des plaintes. Expliquez-nous pourquoi.
Mme Henkel
(Daniele) : On parle de protection du citoyen, alors je crois que, si
le citoyen est au coeur de la préoccupation, il faudrait que ce citoyen soit
partie intégrante, parce que, s'il n'a pas, je dirais, d'intérêt et qu'il est totalement non biaisé par quelques ordres ou
quelques intérêts personnels, son rôle serait même d'apporter une
protection, je dirais, c'est drôle à dire,
mais aux ordres professionnels et aux syndics en disant : Je sais que ça
se fait, c'est comme ça parce que c'est vrai. Un exemple que je vous
donne.
Donc,
l'implication, plus on va impliquer le citoyen, plus on va lui démontrer que
nous sommes transparents, que la gouvernance...
que les lois sont respectées, et plus il y aura probablement moins de
judiciarisation du système, beaucoup moins lourd pour tout le monde. Et
on regagne confiance. C'est un peu le but de notre présentation aujourd'hui.
Et,
avec votre permission, puisqu'on s'en va dans cette direction, j'aimerais céder
la place à M. Brisson, qui est ici,
puisqu'on parle aussi de faits, et, vous comprendrez, je vais laisser M.
Brisson expliquer la raison qui fait qu'il soit ici de façon
professionnelle, et non personnelle.
Le Président (M.
Ouellette) : Bon. Lui, c'est Gilles Brisson.
Mme Henkel
(Daniele) : M. Gilles Brisson.
M. Brisson
(Gilles) : C'est ça.
Le Président (M. Ouellette) : Oui.
En complémentaire, M. Gilles Brisson.
M. Brisson
(Gilles) : Alors, Mme la ministre, M. le Président, moi, je suis ici
en tant que président et directeur scientifique d'un laboratoire qui n'a
aucun lien d'affaires direct avec Mme Henkel. Et j'ai reçu de l'Ordre des chimistes, du syndic une note, une missive
disant : Est-ce que vous effectuez ces tests-là? Alors, le laboratoire ne
fait pas ces tests-là et les envoie ou les réfère au laboratoire de Mme
Henkel. Et on m'a même dit que, si je ne respectais pas cette missive du
syndic, je pourrais être poursuivi, autant pour ne pas... pour faire les tests,
que les référer à un autre laboratoire. Alors, ça fait un petit peu bizarre de
ce côté-là.
Alors, dans ce sens-là, le laboratoire BNK, qui
agit dans le domaine clinique, etc., bien, on se sent lésé, tout simplement, parce que les demandes à qui on
répondait relevaient d'une prescription médicale, tel que c'était requis.
Et, à partir de là, on respectait tous les
éléments d'une prescription médicale en fonction d'une analyse qu'un médecin
pouvait demander. Et là, actuellement, peu
importe qu'est-ce que j'avais répondu au syndic, j'ai dit : Si j'ai une
demande par un médecin, donc, je
respecte tous les éléments pour répondre à une demande. Et on m'a dit :
Non. Même s'il y avait une demande faite par un médecin, nous vous demandons
de ne pas répondre et de ne pas faire faire les analyses, ni ailleurs ni à
l'intérieur de mon laboratoire.
• (17 h 10) •
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Dr Brisson. Il reste 20 secondes, Mme la députée de Montarville.
Mme Roy : 20 secondes,
je vous laisse aller, dans la mesure où ce que vous dites est intéressant.
M. Brisson
(Gilles) : Bien, je veux peut-être
faire référence aussi à qu'est-ce
qu'on a dit tantôt, lorsqu'on
a fait référence à 150 jours, c'est que, dépassé 150 jours, il
doit y avoir un mécanisme qui fait en sorte qu'on s'interroge. Rendu à 660...
600 jours, ou deux ans, moi, je pense que c'est un abus de pouvoir, et ça
devient du harcèlement d'un professionnel, et surtout, bon, pour... dans ce sens-là, que le professionnel a été invité à donner des conférences sur le
sujet par le même ordre à une assemblée générale. Alors, il y a une
contradiction ouverte de ce côté-là qui fait en sorte qu'il y a un professionnel
qui est lésé, un laboratoire qui est lésé, et un deuxième laboratoire qui ne
peut pas faire son travail.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Dr Gilles Brisson. Merci, Dr Guy Brisson. Merci, Mme Daniele
Henkel, représentant Les Entreprises Daniele Henkel.
Je suspends quelques minutes et je demande au
Commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des compétences professionnelles
de l'Office des professions du Québec de bien vouloir s'avancer, s'il vous
plaît.
(Suspension de la séance à 17 h 12)
(Reprise à 17 h 15)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant notre dernier
intervenant pour les consultations, qui est le Commissaire aux plaintes
en matière de reconnaissance des compétences professionnelles de l'Office des professions du Québec. Donc, nous
recevons M. le commissaire, Me André Gariépy. Je pense que vous
connaissez les règles, je n'ai pas besoin de vous les rappeler,
10 minutes, et par la suite questionnement par Mme la ministre et les
porte-parole de l'opposition.
Donc, Me Gariépy — j'ai brûlé du temps
pour vous permettre votre verre d'eau — à vous la parole.
Commissaire aux
plaintes en matière de reconnaissance
des compétences professionnelles
M. Gariépy
(André) : Alors, merci, M.
le Président. Je salue les personnes avec qui j'ai eu le plaisir de
travailler au quotidien et d'autres personnes que j'ai pu connaître par le
passé.
Alors, M. le
Président, vous m'avez présenté, alors je suis André Gariépy, avocat et membre
fellow de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec. Je suis le
premier titulaire du poste de Commissaire aux plaintes en matière de
reconnaissance des compétences professionnelles, créé en 2009 par une loi de
l'Assemblée nationale.
Je remercie
la commission de l'occasion d'être entendu sur un projet de loi qui propose de
modifier les outils de veille et
d'intervention de l'État sur la question sensible, mais stratégique de
l'admission aux professions réglementées.
Voilà
maintenant six ans que j'occupe le poste de commissaire. Contrairement à
certaines affirmations véhiculées, la
connaissance acquise et les travaux réalisés par le bureau du commissaire, et
ça ne concerne pas seulement les plaintes, ont mis en lumière des enjeux et des problèmes aux différentes étapes du
parcours d'admission, incluant celles sous la responsabilité directe des
ordres professionnels. En prenant connaissance des rapports que nous avons
produits au fil des ans, on comprendra qu'aucune loi, aucun règlement, aucune
organisation ne peut prétendre à l'infaillabilité... l'infaillibilité — j'ai
été faillible ici. Notre mémoire expose la situation telle qu'elle a été
révélée par nos travaux.
Les parcours
d'admission aux professions sont variés. Il y a le parcours habituel de la
formation initiale québécoise et les
parcours de formation atypiques, au Québec ou à l'étranger. Tous les profils de
candidature doivent répondre aux mêmes exigences fondamentales de connaissances et
d'habilités établies pour assurer la protection du public dans des activités professionnelles qui comportent des
risques. Toutefois, les conditions d'admission s'énoncent dans des
textes réglementaires, des politiques et des processus propres à chaque
parcours et à chacun des ordres professionnels. Un tel échafaudage comporte des
risques d'incohérence et de glissement par rapport aux exigences fondamentales.
Ces risques se manifestent aussi dans
l'application des textes réglementaires où les ordres ont une latitude.
L'admission doit être pensée,
appliquée et critiquée de façon intégrée pour en assurer la cohérence au regard
de la protection du public, mais aussi l'équité entre les différents
profils de candidate et candidat.
Six ans plus tard, la réalité est aujourd'hui
mieux comprise, et le commissaire doit adapter son regard, son intervention et sa compétence. Le Québec a des
obligations internationales dans le traitement des demandes d'admission
aux professions réglementées, des obligations qui vont se préciser et
s'accentuer avec les accords de commerce et d'autres instruments internationaux
en cours de discussion.
Quant au
contenu du projet de loi, j'estime que la nouvelle compétence proposée pour le
poste de commissaire répond de façon adéquate et mesurée aux changements
requis par la situation et par les enjeux actuels et futurs de l'admission aux
professions réglementées.
Pour ce qui
est de l'accès à la formation d'appoint et aux stages, le Québec est confronté
à une complexité et une multiplicité
d'acteurs et de dispositifs gouvernementaux, et autres. Nous sommes en présence
de cultures institutionnelles parfois
fortes, dont les interactions des dernières années n'ont pas donné tous les
fruits attendus. Devant cette situation, je crois indiquée et prometteuse la mesure, proposée par le projet de loi,
qui, par un acte d'autorité de l'Assemblée nationale,
institutionnaliserait la contribution et la coordination des acteurs avec de
nouvelles modalités de reddition de comptes aux plus hautes autorités de
l'État.
En terminant,
et avant nos échanges, je dois vous confier que le poste de commissaire a un
rôle ingrat parce qu'il porte un
regard indépendant et critique et doit quelquefois poser des questions, amener
des faits ou des perspectives qui confrontent
des certitudes, des cultures institutionnelles, certaines bien ancrées.
Pourtant, ce poste est essentiellement voué à l'amélioration des
pratiques d'admission et au maintien de la confiance du public dans le système
professionnel.
Aujourd'hui,
du fait de ses fonctions, le commissaire doit faire montre de réserve face à des
postures politiques et des procédés
rhétoriques. Donc, à la fin des auditions sur le projet de loi, où bien des
choses ont été dites et affirmées, je suis
ici pour simplement vous présenter des enjeux, des perspectives et des faits
sur l'interaction délicate entre la protection du public, les intérêts
des uns et des autres et le traitement équitable de toutes les personnes qui
désirent exercer leurs professions et faire avancer le Québec. Merci, M. le
Président.
• (17 h 20) •
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Me Gariépy. Mme la ministre.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Me Gariépy, merci de votre présentation, merci de votre présence aux
travaux de la commission. Je pense que vous
avez suivi, comme nous, l'ensemble des consultations. J'aimerais que
vous puissiez vous exprimer sur les enjeux,
les défis auxquels vous avez fait face de façon concrète au cours des six
dernières années, qui vous amènent à constater qu'il est important d'aller de
l'avant avec l'élargissement des pouvoirs qui sont confiés au commissaire, je ne dirais pas à vous, parce que vous êtes un
représentant du commissaire, mais le commissaire est l'institution qui est créée, qui est distincte de l'individu
évidemment, ça aussi, c'est important de le mentionner. Et j'aimerais vous entendre sur l'importance, pour la
protection du public, d'accroître le spectre du commissaire. Parce qu'on
nous a dit abondamment que, bon, il n'y
avait pas de chiffres, il n'y avait pas de statistiques, il n'y avait pas eu de démonstration de l'importance et du
besoin d'élargir ce spectre-là. Vous avez occupé des fonctions pendant six ans, vous avez sans doute fait face à des
défis, fait face à des obstacles, et c'est sur ça, sur ces exemples concrets
là que j'aimerais vous entendre cet après-midi.
Le Président (M. Ouellette) : M.
Gariépy.
M. Gariépy
(André) : Merci. M. le
Président, je remercie la ministre pour sa question vaste, on en a écrit
pour une quarantaine de pages.
Essentiellement, le commissaire a été défini, en
2009, de façon très, très, très circonscrite, et on voit bien, là, on sent qu'il y a eu toute une négociation, là, on
découpe ça comme un gruyère, on tourne autour d'une roche pour être sûr que le chemin n'enlève pas la roche. Il y a toutes
sortes de choses, et, lorsque je suis arrivé au poste de commissaire,
avec mon équipe on a commencé à regarder ça,
et à utiliser les pouvoirs, et à regarder le terrain qu'on occupait. Et
rapidement on s'est aperçus qu'on n'était pas en mesure de livrer l'ambition
qu'il y avait derrière ce poste-là.
On peut faire beaucoup de travail, on s'occupe
de la reconnaissance des compétences, qui est un gros bloc de situations
litigieuses avec les personnes immigrantes, mais on s'aperçoit rapidement que,
pour aller aux sources des choses, il faut
regarder ailleurs. Il faut aussi aller, pour ces personnes qui passent par la
reconnaissance des compétences, aux
autres étapes du processus d'admission, comme les conditions supplémentaires.
Parce qu'il y a, là aussi, des enjeux, et nous avons recensé une vingtaine de plaintes de gens qui... à l'étape
des conditions supplémentaires, que ce soit pour la formation
professionnelle, que ce soit pour l'examen, que ce soit pour le stage ou en
conditions supplémentaires, où, là, se
retrouvent à la fois les gens qui nous viennent du profil québécois de la
formation du diplôme désigné et les gens qui nous viennent de l'équivalence ou de la reconnaissance des compétences.
Les gens se retrouvent — vous l'aurez vu dans le schéma qu'on a livré dans notre
mémoire — tous
à ce même endroit.
Et j'ai dû
dire à des gens : Écoutez, je m'occupe de ça, mais, telle autre chose qui
est un continuum pour votre intégration
et pour votre perspective, et pour laquelle on voit bien que, du fait de votre
profil atypique — pour ce qui
est des personnes
immigrantes — vous
rencontrez les mêmes obstacles à cette étape de conditions supplémentaires que
les obstacles que vous avez rencontrés à l'étape de l'équivalence, bien, je ne
peux rien faire, ainsi est écrite la loi. Alors, vous ne pouvez pas vous imaginer les situations. Parce que nous, nous
rencontrons des êtres humains, hein? On ne parle pas de statue, nous rencontrons des êtres humains. C'est très difficile
de voir que, dans ce continuum, la loi n'accompagne pas le continuum.
Donc, on a fait face à des choses comme ça.
Les
règlements, c'est bien, mais l'application, c'est autre chose, quelquefois. Et, malgré ce qu'on dit, tout n'est pas dans le règlement. Et il y a
une latitude qui est laissée aux ordres
professionnels. Ils adoptent des politiques,
même, des fois, des interprétations. Et vous
aurez bientôt un rapport qui va vous montrer aussi que, quelquefois, les règlements ne sont même pas appliqués. L'ordre fonctionne en
parallèle avec son règlement.
Alors, ces
regards impressifs des différentes choses, ça prendrait beaucoup
de temps pour décortiquer. Mais, lorsque vous prenez le schéma qui se
trouve en annexe de notre mémoire, vous allez voir ces zones, ces bulles qui ne
sont pas en ombré et où le commissaire n'a
pas compétence, où il y a des enjeux documentés que nous avons
recensés depuis six ans. Et, quand une personne fait sa demande à
l'ordre, elle ne perçoit pas toutes ces nuances-là. Elle rencontre un problème,
elle veut être capable de faire regarder par un tiers impartial est-ce que
tout ce processus-là a été traité de façon correcte, est-ce que mon dossier a été traité de façon
équitable, avec des normes, et des processus, et des méthodes objectives,
impartiales. C'est, d'entrée de jeu, ce que je vous dirais.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Le CIQ... Et il
y a eu plusieurs ordres qui ont soulevé, au cours des consultations, que le commissaire avait reçu peu de plaintes, qu'il y a
peu de refus des ordres, donc il n'y a pas de problème et il n'y a pas
de raison... il n'y a pas de raison et ni de
démonstration concrète du besoin d'élargir. Selon certains, ce besoin d'élargir
le spectre d'interventions ou le regard du commissaire n'est pas fondé.
M. Gariépy
(André) : À ça, Mme la
ministre, M. le Président, ce qu'il faut répondre, c'est que tout n'est pas
dans les rapports d'examen de plainte. Même
dans les plaintes pour lesquelles le plaignant a décidé de retirer sa plainte,
nous avons capté des choses. Mais, devant le
refus, pour toutes sortes de raisons, de quelqu'un de poursuivre sa plainte,
bien, il a fallu se taire. Mais la mémoire
est là. Et il faut comprendre aussi que... Et j'en parlais, j'ai fait une
tournée du Québec, des organismes de
soutien aux personnes immigrantes, pour ce qui est de sa clientèle, tous me
disent : Les gens ont peur de se plaindre.
Ils arrivent au Québec. Ils ne veulent pas déranger. Et certains même se
résignent et se disent : Bien, ce sera pour mes enfants. Des choses
comme ça doivent être inacceptables pour le Québec.
Alors,
lorsqu'on vous dit qu'il y en a peu, ce n'est pas le signe qu'il n'y a pas de
problème. Tous les organismes qui sont
habilités à recevoir des plaintes, que ce soit ici ou même à l'international,
pour certains à qui j'ai pu parler, ils m'ont dit : Ça ne peut pas être un indicateur qu'il n'y a pas de
problème. Mais, vous savez, même les quelques plaintes qu'on a reçues
nous ont permis de découvrir des choses assez intéressantes, c'est-à-dire des
conditions d'admission dont la justification
est discutable, des processus lourds et coûteux, des communications
déficientes, une application inadéquate de la loi, et des règlements, et des politiques, et parfois une conduite,
c'est-à-dire une attitude des acteurs, qui est critiquable. Même avec le
peu de plaintes, voici ce qu'on a pu découvrir.
Alors,
sommes-nous devant le phénomène de la pointe de l'iceberg? Je pense que oui. Et
c'est pour ça qu'il y a aussi le
pouvoir de vérification. Parce que le pouvoir de vérification, ça permet de
compléter l'examen de plainte. C'est le pouvoir d'initiative du commissaire. D'ailleurs, plusieurs plaintes que
j'ai dû fermer du fait que la personne ne voulait pas s'avancer pour se plaindre, et qu'on continue
d'examiner sa plainte, et que ça soit mis à la connaissance de l'ordre,
eh bien, plusieurs de ces plaintes nous ont
servi de base pour lancer des vérifications auprès des ordres. L'un ne va pas
sans l'autre. L'un alimente l'autre. Et
l'un, justement, permet de contrecarrer la dynamique personnelle psychologique,
qu'on ne doit pas juger, mais qui est réelle, des gens qui craignent de se
plaindre.
Vous savez,
la Commission des droits de la personne en 2010 a produit un rapport sur les
pratiques discriminatoires des
facultés de médecine pour l'admission des médecins résidents. Vous savez que,
depuis 2010, la Commission des droits de
la personne, qui a rencontré des centaines de médecins sur cette problématique,
n'a pas trouvé un médecin pour être le médecin
qui va porter plainte au Tribunal des professions, être le cas qui va établir
la jurisprudence et casser ces pratiques discriminatoires des universités. Donc, la Commission des droits de la
personne est affectée également par ce phénomène des gens qui se disent : Pourquoi moi, je serais l'agneau
sacrificiel de tout le système? Pourquoi ma famille va y passer? Moi, je
veux juste m'intégrer au Québec. Alors, voilà la réponse qu'il faut donner à
ça. Il ne faut pas minimiser ces choses-là.
À certains égards, ça démontre une certaine insensibilité à l'égard des
personnes qui vivent ces situations-là.
• (17 h 30) •
Mme Vallée :
M. Gariépy, je sais que le temps
file, et votre témoignage est fort intéressant. Le CIQ et les ordres
craignent une explosion des coûts, et c'est l'un des motifs à l'appui du rejet
de cette portion du rapport. D'autres ordres
nous disent qu'il s'agit là d'une réforme purement cosmétique, que ça
n'aurait pas d'effet, puisqu'il ne s'agit que d'apporter des structures et
que ça n'aura pas d'effet direct. Alors, j'aimerais vous entendre sur ces deux
éléments-là, s'il me reste du temps.
M. Gariépy (André) : Bien, pour ce qui est des coûts, écoutez, quand on est contre quelque chose, c'est presque une figure
obligée de dire que ça va coûter quelque
chose, et puis c'est bien auprès des parlementaires d'avoir ce souci de s'assurer qu'on ne part pas en peur avec les
sommes qui sont confiées aux titulaires de charge publique. Mais, au
fond, écoutez, le commissaire s'occupe en ce moment d'une fonction de
l'admission, c'est-à-dire la reconnaissance des compétences,
qui est la plus complexe. Alors, de se porter pour aller chercher cette
cohérence du regard, pour aller chercher les
cas aux autres étapes du processus d'admission qui posent problème aussi, ça ne
devrait pas représenter une multiplication
des coûts. En fait, pour être complètement transparent, je pense que seulement
l'ajout d'une personne suffira.
Mme
Vallée : Et qu'en
est-il de la critique quant à l'efficacité réelle des pouvoirs du commissaire et de l'institutionnalisation
du pôle?
M. Gariépy (André) : Bien, il s'agit de deux choses très différentes. Pour ce qui est du commissaire, je dois vous dire,
la plupart des recommandations ont été appliquées. Certaines sont en attente de
discussions avec l'office et l'ordre, il y a des réflexions qui doivent
se tenir, la plupart ont été appliquées. D'ailleurs, je dois vous dire,
la plupart — et c'est ce qui m'étonne de ce qu'on est venu vous dire — la plupart des ordres professionnels, quand
on leur dit qu'on travaille sur une chose,
nous disent : J'ai hâte d'avoir votre rapport parce que ça va me permettre
de revoir mes choses un peu... améliorer mes pratiques. Et la plupart
ont eu une très bonne réaction.
À l'égard du pôle, je
comprends pourquoi les gens taxent ça de cosmétique. Pourquoi? Parce qu'on
prend quelque chose, on met ça dans une loi. Qu'est-ce que ça change? Mais,
lorsqu'on connaît le fonctionnement de la machine gouvernementale, ça change
tout. Parce que le problème du pôle — et on pourra en parler avec
les autres questions — le problème du pôle, c'est que les gens sont
là, ils ont leur mission par leur loi constitutive puis ils se
disent : Mais qu'est-ce que je fais
ici? Et puis je reste dans mes petites affaires, poliment je participe, mais je n'ai pas à m'engager, je n'ai pas à en faire plus et, rapidement, je peux toujours dire : Bien, moi, je suis autonome, j'ai ma
loi constitutive, et tout, et tout. Lorsqu'on
met dans une loi de l'Assemblée
nationale ce devoir de contribution
et ce devoir de participer aux solutions
sur cette problématique fondamentale pour le Québec, bien, ça fait en sorte
que ça entre dans les paramètres institutionnels de toutes ces organisations
qui, jusqu'à maintenant, ont beau jeu de dire : J'ai ma mission, ma loi constitutive, je suis autonome, et tout, et tout.
C'est le signal que vous lancez comme parlementaires à tel ministère, à tel organisme,
à tel établissement d'enseignement : La chose fait maintenant partie des
considérations institutionnelles que vous devez intégrer dans vos opérations. C'est ça que ça veut dire. Ça lance
ce signal fort. D'autant plus que les mesures que vous apportez amènent,
et je le sais, en complément, des redditions de comptes aux plus hautes
autorités, au Conseil des ministres, au sein
de l'appareil gouvernemental. Ça va changer la donne complètement. Plus
personne ne pourra s'esquiver, plus
personne ne pourra invoquer je ne
sais quoi pour ne pas donner l'information, pour ne pas vraiment participer et
pour ne pas se sentir responsable de l'enjeu commun.
Le Président (M.
Ouellette) : Dernière question.
Mme
Vallée : Et est-ce que...
Au cours des six dernières années, j'imagine que vous l'avez constaté, le
problème de coordination entre les tierces parties et les ordres. Pouvez-vous
nous en parler un petit peu?
M. Gariépy (André) : Bien, je vais vous donner un beau cas, et je vais mentionner l'ordre professionnel parce que l'ordre
professionnel est avisé que j'en parle dans mon rapport annuel qui s'en vient.
Je vous donne un scoop, là, je reprends un
peu. Alors, il s'agit de l'ordre de la physiothérapie et d'un collège.
Le collège décide de mettre fin à la cohorte de formation d'appoint, parce
qu'à la toute dernière minute, au mois de juin, on s'aperçoit qu'il manque
quelques personnes pour que la cohorte soit
bien financée, n'avise personne, avise les candidats et les étudiants :
C'est terminé. Merci, bonjour.
L'ordre professionnel apprend bien après
la chose. L'ordre professionnel
indique à ceux qui s'en plaignent d'aller
voir le commissaire. J'apprends plusieurs mois après que cette chose-là s'est
passée. Le collège n'a pas communiqué avec
l'ordre pour dire : Je commence à avoir un problème, il nous manque des
gens, est-ce que tu en as dans le pipeline, de tes... je sais que ce n'est pas la mode de parler de pipeline ces
temps-ci, mais, dans le processus, est-ce qu'il y en a, est-ce qu'on peut les faire accélérer? S'il leur
manque des papiers du ministère de l'Immigration, on peut peut-être
appeler pour que la cohorte se tienne. Eh
bien, là, ça s'est tout simplement affaissé, rien n'était là au rendez-vous, et
les gens, au lieu de prendre six mois pour faire leur formation, sont
condamnés à aller grappiller dans un cours par-ci, par-là dans le programme
régulier de jour, ce qui va leur prendre deux à trois ans.
Alors,
personne n'a réagi. Le collège ne s'est pas senti responsable des impacts
externes. Il est autonome dans son fonctionnement,
j'en conviens. Il peut prendre cette décision. Mais peut-il la prendre de façon
totalement déconnectée des impacts
sur les individus, sur les autres processus? Eh bien, c'est non. Qu'est-il
arrivé? J'ai insisté auprès de l'ordre pour, malgré que ce n'est pas tout à fait son rôle... de saisir l'office, de
s'engager à réunir les parties. Une solution a été trouvée huit mois plus tard, qui va peut-être être mise en
place en ce moment. Pendant ce temps-là, il y a des gens qui attendent.
Le Président (M. Ouellette) : Gardez-nous le scoop pour votre rapport annuel.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jean : Merci. Bonjour, M. Gariépy. Bienvenue à l'Assemblée nationale et merci
pour participer à cet exercice.
Bon,
votre exemple, vous êtes en train d'expliquer un exemple, je comprends où
est-ce que vous désirez aller. Ma question
va être : Comment l'existence du commissaire à l'admission, avec ses
pouvoirs étendus, aurait pu solutionner ce problème-là ou aurait pu être
au courant? Tu sais, ce n'est pas parce qu'on existe que, tout d'un coup, tout
ce qui va se passer dans les collèges et partout va arriver sur votre bureau.
M. Gariépy
(André) : Bien,
premièrement, c'est de connaître, d'avoir la capacité de connaître. Le collège
ne s'est pas vanté de la chose. L'ordre s'est dit : Bien, ce n'est pas
tout à fait... ça ne relève pas de moi, et tout, et tout. Alors donc, de connaître, et d'alerter. Et, quand
on alerte, d'habitude on suit puis on se dit, quelques mois plus tard :
Que se passe-t-il? C'est ce que je fais, d'ailleurs,
dans le dossier, je téléphone et je pose des questions : Ne trouvez-vous
pas que ça commence à faire longtemps?, et tout, et tout.
Alors, oui,
le commissaire va s'assurer que, s'il y a des problèmes dans la coordination
des acteurs, il alerte au bon moment pour éviter que la situation
empire. Donc, le commissaire, c'est un mécanisme pour connaître, parce que les
systèmes ne sont pas toujours en mesure de connaître, et d'alerter, et donc un
peu de responsabiliser.
Mme
Jean : Ma question, je la repose : Justement, comment un
commissaire, avec les ressources que vous avez actuellement, une personne de plus, pourrait connaître ces dossiers-là?
Qu'est-ce qui vous assure qu'un commissaire, avec ses pouvoirs étendus ou non étendus, vous n'avez
peut-être même pas besoin d'avoir les pouvoirs... Comment vous allez
vous assurer pour connaître ça avec une équipe aussi restreinte que celle que
vous avez actuellement?
M. Gariépy
(André) : Bien, déjà, avec
les éléments que nous avons, c'est que les gens nous parlent, il y a des
gens qui savent, il y a des gens qui savent
qu'on peut avoir une influence, et, avec des pouvoirs étendus, ils vont savoir
que nous avons un rôle clair là-dessus. Et il y a des gens qui nous parlent.
Mme Jean : Vous vous attendez d'être
augmenté.
M. Gariépy
(André) : Il y a des ordres
professionnels qui nous ont parlé, qui se disent... Parce qu'il y a des
gens quand même qui se disent : Ça n'a
pas de bon sens, peux-tu faire quelque chose? Et, si j'ai un mandat clair là-dessus,
oui, on va pouvoir. Il y a même des
individus, avec cet élargissement-là, qui pourront venir nous voir directement
pour nous dire : Il y a quelque
chose qui se passe dans l'organisation de la formation d'appoint, j'ai été
bloqué à telle étape, et tout, et tout, et ce n'est pas un jugement sur ma personne, c'est le mode de
fonctionnement et d'organisation de ça qui ne va pas. Parce que moi, je ne vais pas aller mettre mon nez dans les
décisions des gens, mais certainement dans la façon de faire qui amène
des fois des décisions discutables.
Mme
Jean : Merci. On a entendu plusieurs ordres professionnels qui sont
venus présenter leurs mémoires et leurs opinions sur le projet de loi, et vous devez être au courant qu'il y a
une résistance très forte de la grande majorité des ordres
professionnels. Donc, si je peux m'exprimer ainsi, il n'y a pas d'acceptation
actuellement dans le milieu vis-à-vis d'augmenter le pouvoir du commissaire
actuel.
J'aimerais
savoir, selon vous... Parce que les gens qu'on a rencontrés, c'est des gens, je
pense, bien intentionnés, qui veulent
faire bien leur travail, qui veulent protéger le public, qui veulent être
équitables. Je pense qu'il faut leur donner le bénéfice du doute
là-dessus et je pense qu'ils étaient sincères. Selon vous, comment
expliquez-vous cette résistance extrêmement
forte de la part des ordres professionnels à cet article-là, à votre nouveau
titre et vos nouveaux pouvoirs?
• (17 h 40) •
M. Gariépy
(André) : Je pense que c'est
une question de compréhension. Parce que,
lorsqu'on lit bien le projet de loi et lorsqu'on
lira le mémoire que nous avons produit, où on ne se lance pas
dans des discussions plutôt
symboliques avec des craintes sur quoi que
ce soit, on regarde l'effet concret, et c'est la... Moi, quand j'ai vu les
choses aller, je me suis dit : Ah,
non, on va rédiger un mémoire concret, on va expliquer les choses, et les gens
de bonne volonté vont bien voir que, franchement, ce n'est pas si grave
que ça, et même c'est un levier pour les ordres professionnels.
Moi, j'ai
reçu... et c'est
ça qui m'étonne dans le ton qui est
amené, au fil des six dernières années, j'ai reçu beaucoup
de témoignages très positifs sur notre
action, sur notre action facilitante. J'ai même des cartes de Noël là-dessus. Alors donc, ça m'étonne, et là
je me dis : Bien, c'est peut-être un effet réflexe. Et là-dessus
j'ajouterais à ma réponse ce que la Protectrice
du citoyen a dit quand elle a dit
qu'elle avait eu une vie antérieure comme sous-ministre à l'Immigration, ma vie antérieure, ça a été de diriger le Conseil interprofessionnel
pendant près de 10 ans, le regroupement des ordres professionnels. Je comprends leur réflexe, mais c'est un réflexe. Lorsqu'on s'assoit, lorsqu'on
regarde... Et j'espère qu'à la lecture
de notre mémoire ils vont comprendre que c'est tout à leur
avantage, c'est à l'avantage de la cohérence du système professionnel,
de son efficacité, et qu'au fond nous sommes là pour les aider. Et c'est ce que
la plupart nous ont dit.
Mme
Jean : Je pense que les ordres... j'ai constaté, pas «je pense», j'ai
constaté que les ordres professionnels avaient
fait un travail très sérieux. Ils avaient regardé la loi... le projet de loi et
ils avaient émis une opinion là-dessus. Je comprends votre commentaire ou votre réponse à l'effet qu'il y a
peut-être une incompréhension du but, ou de l'objectif, ou des effets, ou même peut-être de l'ampleur du
pouvoir que le nouveau commissaire aurait. Est-ce qu'on pourrait
soupçonner que la manière de comment c'est
libellé actuellement se retrouve avec peut-être de la confusion ou peut-être
manque de précision, ce qui fait que
la lecture du projet de loi, en tant que tel, porte à l'interprétation
différente que celle du but avoué du projet actuellement? Est-ce que ça
pourrait se situer à ce niveau-là?
M. Gariépy (André) : Bien, ça m'est difficile de croire cette chose-là parce que, le projet
de loi, là, mis à part la question de la désignation du poste, là, on
s'accroche là-dessus et puis on construit quelque chose. Regardez dans le détail l'article 16.10 avec les exclusions,
avec les limites qui sont placées, lisez notre mémoire, vous allez voir que
c'est des interventions très chirurgicales sur des choses très précises. Et
aussi nous exposons dans les différents tableaux de notre mémoire les enjeux documentés à chacun de ces éléments-là des
processus d'admission des ordres, nous les avons ciblés, et ce n'est pas pour rien que c'est là. Alors, je pense qu'il ne
faut pas s'arrêter à la désignation du
poste, il faut regarder la réalité des interventions législatives pour voir ce
qu'on vient toucher et les réalités qui ont été recensées, des enjeux autour de ça, et j'ai
l'impression que les gens vont se dire : Bien oui, et pourquoi pas un
recours, et pourquoi pas un regard?
Mme
Jean : Plusieurs des témoignages qu'on a eus ont soulevé le fait que
les pouvoirs qui vont être donnés au nouveau
commissaire à l'admission sont déjà inscrits dans des pouvoirs que l'office
aurait déjà entre les mains. Alors, la question
est : Pourquoi ne pas utiliser, justement, le levier de l'office qui
existe déjà pour pouvoir faire le travail? Parce qu'ils ont déjà des pouvoirs d'enquête, ils ont déjà des pouvoirs de
faire ce genre de travail, pourquoi en créer un parallèle?
M. Gariépy (André) : Oui. Bien, écoutez, à ce compte-là, on pourrait demander pourquoi il
faut un contrôleur dans un ministère
et un vérificateur général à l'extérieur du ministère. Il est possible que, sur
les mêmes objets, on ait des regards
qui s'ajoutent mais avec des perspectives différentes. Je dois souligner que
l'Office des professions a un mandat, répond aussi à des priorités
gouvernementales sur certains aspects. L'office est aussi un joueur décisionnel
dans les mécanismes d'admission, il adopte
les règlements. Or, quelquefois, et quand on a le regard distant comme le
commissaire l'a, on a vu que, dans
l'application et dans la cohérence... certains éléments du texte réglementaire
qui ont pu échapper à l'office. Parce
que, bon, quand on arrive avec un texte pour l'avenir, on ne sait pas trop
toujours comment ça va atterrir. On pense à des choses, mais, la réalité, nous, nous la voyons par nos
plaintes, nous la voyons par nos vérifications,
et ça nous permet d'apporter des
choses. Alors, une vérification sur les mêmes objets mais avec une posture
différente, ce n'est pas incongru
dans la chose publique, et c'est même souhaitable, et je pense que l'Office des
professions l'accepte très bien, au point que même, quelquefois dans la
préparation de certains règlements, je suis consulté pour voir s'il y a des
petites choses que je pourrais dire là-dessus.
Mme Jean :
Je vous remercie.
Le Président (M. Ouellette) : J'aurais voulu donner la parole à M. le
député de Bourget,
mais, en 30 secondes, vous ne pouvez pas poser une question puis
avoir une réponse, hein?
M. Kotto :
C'est bon, j'ai eu des réponses à mes questions...
Le Président (M.
Ouellette) : Vous avez eu des réponses, bien...
M. Kotto :
...suggérées de façon subliminale.
Le Président (M. Ouellette) : J'en suis très heureux! Je sais que vous avez
l'habitude de lire le deuxième niveau de lecture, M. le député de Bourget,
on connaît votre...
M. Kotto :
Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, Me Gariépy, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre contribution aux
travaux.
Vous
avez suivi les travaux. Les nouvelles fonctions du commissaire aux plaintes,
commissaire à l'admission sont
contestées par de nombreux ordres
professionnels. La question que j'ai envie de vous poser : Au moment de la
création du poste, ça faisait suite à
Bouchard-Taylor puis c'était véritablement dirigé vers les candidats issus de
l'immigration. Là, on arrive... le
gouvernement arrive avec une proposition d'élargir votre champ de compétence.
On comprend qu'en tant que commissaire, en fonction de votre expérience,
vous militez en faveur de l'élargissement du champ de compétence du commissaire. Outre le commissaire lui-même, le
milieu comme tel, on n'a pas entendu beaucoup d'intervenants qui
militent en faveur de l'élargissement des champs. Qu'est-ce que vous répondez à
ça?
M. Gariépy (André) :
Bien, ce que je pourrais vous dire, c'est que peut-être que les candidats
québécois qui arrivent à l'étape des
conditions supplémentaires ne sont pas au courant de leurs problèmes, mais,
vous savez, certains le sont. Quand est arrivé l'examen... le problème
de traduction à l'examen des infirmières, qui a fait les journaux il y a
quelques mois, ils n'avaient personne vers qui se tourner. Alors, ils
interpelaient sur la place publique, l'Ordre des infirmières était un peu juge
et partie à défendre la traduction de son examen. S'il y avait eu un
commissaire à cette condition... pour
entendre les recours sur la condition supplémentaire, on n'aurait pas eu ce
problème-là, et l'ordre aurait eu
peut-être un propos du commissaire qui... bien, il y a telle chose à modifier,
pourquoi pas, et faisons-le, ou de dire : Bien, ça va bien. Puis un tiers impartial aura dit aux personnes qui se
plaignaient de la traduction : Non, le processus de l'ordre pour
concevoir cet examen a été correct, et x, y, z.
Alors
donc, ces gens-là, ils ne peuvent pas militer pour... comme vous le dites parce
qu'ils ne sont pas conscients que,
face à des problématiques... Vous savez, les plaignants ne sont même pas,
quelquefois, conscients des vrais problèmes. Ils nous arrivent avec une idée du problème, dans leur cas, mais nous,
on trouve le vrai problème autrement. Parce que le système professionnel, c'est très hermétique,
c'est très complexe. Il faut vraiment le connaître de l'intérieur, et ça
prend quelque temps pour bien le connaître.
Alors, comment voulez-vous que quelqu'un qui arrive, qui cogne à une
porte d'un ordre professionnel pour
l'admission, il puisse détecter qu'il y a quelque chose de pas correct dans les
processus et les méthodes? Certains le font, mais pas tout le monde.
Et
nous avons quand même une vingtaine de gens qui sont venus nous voir, et il y a
des gens qui ont un profil dit québécois, mais aussi des gens au profil
atypique à l'étranger qui sont venus nous voir pour l'étape des conditions supplémentaires, pour dire : Il y a quelque
chose qui ne va pas. Aussi, il y a l'étape de l'article 45.3 que j'évoque
dans mon mémoire. Mais, pour ceux qui sont
franchement au courant des biais systémiques, des problématiques quand on
parle des personnes immigrantes, je crois
que vous avez entendu les gens de la TCRI, la table de concertation des
organismes en soutien aux personnes
immigrantes et réfugiées, qui sont venus vous dire : Écoutez, il y a des
problèmes à d'autres étapes. Tout le
processus est à risque de biais systémiques, et il est important d'élargir le
mandat du commissaire à toute la démarche d'admission.
Et, quand vous dites que je milite, moi, je
pourrais faire mes petites affaires, à la limite. Mais moi, je trouve qu'il y avait une ambition, Bouchard-Taylor avait
touché à un point, parce que c'était l'actualité du moment, mais il y a
plus, et il ne faudrait pas attendre que l'actualité du moment soit des accords
de commerce internationaux qui remettent en question nos pratiques en matière
d'admission, et pas seulement pour les personnes issues de l'immigration. Parce
que ça s'en vient.
M. Jolin-Barrette : Mais, lorsque
vous abordez le mémoire de la TCRI, c'est concentré sur les personnes immigrantes, issues de l'immigration. Donc, si
votre champ était élargi vraiment... Parce que ce qu'on comprend du
propos, c'est que vous avez déjà un certain
champ de compétence sur les personnes immigrantes, mais il manque peut-être
un petit bout, hein, pour avoir le
complément. Si on élargissait le pouvoir du commissaire vraiment sur l'ensemble
du parcours de la personne
immigrante, est-ce que vous pensez que ça pourrait être une situation de
compromis avec les ordres professionnels?
• (17 h 50) •
M. Gariépy
(André) : Bien, lorsqu'on
regarde le schéma, l'élargissement, c'est d'ajouter ces étapes-là ici.
Or, à ces étapes-là, il n'y a pas que les
personnes qu'on dit immigrantes, il y a aussi les autres qui viennent se
joindre au lot. Et, comme la Commission des droits de la personne le dit
dans un document commentant ces choses-là sur le plan administratif au fil du temps, il faudrait que tout le monde,
puisqu'on est dans la même situation... Pourquoi, lorsqu'arrivés aux
conditions de délivrance, les autres conditions de délivrance, ce qu'on appelle
les conditions supplémentaires, seulement
ceux qui nous viennent de la filière atypique de la reconnaissance
d'équivalence auraient le droit de se plaindre du même problème avec l'ordre professionnel et pas les gens qui nous viennent
de la diplomation par le diplôme désigné? Alors, c'est une question d'équité, là. Et la Commission des droits de
la personne l'a clairement dit qu'il faut que ça s'ouvre à tout le monde, parce que, là, on est dans une
situation où ils sont dans la même marmite. On ne peut pas dire :
Bien, toi, tu as un recours, mais pas l'autre. Ils sont face au même problème.
M.
Jolin-Barrette : Mais les
gens ne se retrouvent pas nécessairement face à une absence de recours. Ils
peuvent, à l'intérieur de l'ordre professionnel, saisir et puis porter à
l'attention de l'ordre.
M. Gariépy
(André) : Oui, ça, c'est la
première démarche, d'ailleurs que nous recommandons aux
plaignants : Posez la question à
l'ordre, il doit vous donner des explications, et après vous reviendrez nous
voir. Mais il ne faut pas confondre
les recours. Il y a le recours en révision, qui est un appel au sein de l'ordre
pour changer... D'ailleurs, ce que nous disons aux plaignants : Avez-vous exercé votre recours en révision?
Allez faire cette démarche-là, et après on verra. Et ça donne l'occasion à l'ordre de comprendre, de
s'amender. Mais, si ça ne fonctionne pas et on voit que ce n'est pas la
décision même mais les méthodes, et les
approches, et la construction des normes et des processus qui créent problème,
et qui a pu avoir un impact dans la
décision, bien là, il faut un autre genre de recours. Ce n'est pas un appel,
c'est un regard critique sur les processus et sur la construction des
approches de l'ordre professionnel pour traiter ce genre de dossier.
Le
Président (M. Ouellette) :
...sur ces belles paroles. Je vous garde, Me Gariépy, je vais vous remercier
dans quelques minutes, parce que je ne veux
pas tous qu'ils partent puis qu'ils s'en aillent, là, parce que j'ai des choses
à vous dire, pas juste à vous, mais j'ai des choses à dire aux gens qui
nous écoutent.
Avant de
conclure les auditions, je vais procéder au dépôt des mémoires des organismes
qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques et de la
correspondance que nous avons reçue.
Mémoires déposés
Nous avons
reçu des mémoires de Martin Benoît Gagnon, Martin Moisan, l'Ordre des
acupuncteurs du Québec, l'Ordre des
orthophonistes et audiologistes du Québec, l'Ordre des sages-femmes du Québec,
l'Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec,
l'Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec, l'Ordre professionnel
des sexologues du Québec.
Documents déposés
Nous avons
aussi reçu 17 lettres d'appui au mémoire de la Table de concertation des
organismes au service des personnes
réfugiées et immigrantes de la part de 17 organismes. Et finalement nous
avons reçu une lettre de Me Maryse Bélanger,
vice-présidente de l'Association des avocats et avocates de province, qui nous
a envoyé une correspondance pour nous
faire part de ses commentaires relativement au projet de loi n° 98. Et je
vous ai gardé le meilleur pour la fin. Nous avons reçu une lettre de Me
Gilles Ouimet, notre ancien collègue, qui voulait nous faire connaître sa
position relativement à l'égard de l'article 65 du projet de loi
n° 98. Je savais que ça vous intéresserait, à voir vos visages.
Je
veux vous remercier, Me Gariépy. Vous allez être très utile pour la période des
crédits qui va venir au mois de mars. Et, juste pour votre information,
nous avons reçu, lors de ces auditions, 54 mémoires, 17 lettres
d'appui et les deux dernières lettres que je
vous ai mentionnées. Donc, beaucoup de travail en perspective pour M. le
notaire de l'ordre des professions et
les gens du ministère. Donc, Me Gariépy, qui est Commissaire aux plaintes en
matière de reconnaissance des
compétences professionnelles de l'Office des professions du Québec, merci. Je
vous remercie, tout le monde, de votre contribution à nos travaux.
La commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux au mardi 27 septembre, à 10 heures, où elle poursuivra les auditions dans le cadre de l'étude
du Rapport sur la mise en oeuvre du Code d'éthique et de déontologie des
membres de l'Assemblée nationale. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 55)