(Neuf
heures trente et une minutes)
Le
Président (M. Villeneuve) :
Alors, je tiens à vous saluer toutes et tous. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Je salue évidemment
les gens qui nous écoutent. On m'entend bien? Oui? Plus ou moins? Alors, on va ajuster le volume de mon micro. Est-ce que c'est mieux comme ça? Alors, je tiens à vous
saluer, toutes et tous. Et évidemment je salue les gens qui nous écoutent par le
Web ou tout autrement.
Mme la ministre, vous êtes prête à commencer? De votre côté, ça va? Mme la députée de Chicoutimi, ça va aussi? Oui. Oui? Ça va? Tout le
monde est fin prêt? D'accord.
Alors,
à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission des institutions
ouverte. Je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est
réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant diverses lois concernant
principalement l'admission aux professions et la gouvernance du système
professionnel.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Boucher (Ungava) est remplacé par M. Bourgeois (Abitibi-Est); M. Merlini (La Prairie) est remplacé par M. Reid (Orford); Mme Montpetit (Crémazie) est remplacée par M. Busque (Beauce-Sud);
M. Rousselle (Vimont) est remplacé par M. Huot (Vanier-Les Rivières); M.
Leclair (Beauharnois) est remplacé par Mme Lamarre (Taillon); et Mme Maltais
(Taschereau) est remplacée par Mme Jean (Chicoutimi).
Le
Président (M. Villeneuve) :
Donc, nous débutons nos travaux ce matin par des remarques préliminaires et
puis nous entendrons les personnes des
organismes suivants, soit le Conseil
interprofessionnel du Québec, la
Chambre de la sécurité financière, la
Chambre de l'assurance de dommages et l'Institut de recherche et d'informations
socioéconomiques.
Les
interventions seront d'une durée maximale de 45 minutes, si je ne me
trompe pas. C'est ça, M. le
secrétaire? Et ça se
décortique un petit peu de cette façon-ci : donc le gouvernement aura six
minutes...
Une voix :
...
Le
Président (M. Villeneuve) : D'accord. Je m'excuse. Pour les remarques
préliminaires, ce n'est pas
45 minutes. Donc, je vous donne quand même
les temps pour les remarques
préliminaires : le gouvernement, six minutes — ça aurait été long, 45 minutes, j'avoue — l'opposition
officielle, 3 min 30 s, et le deuxième groupe d'opposition,
2 min 30 s.
Remarques préliminaires
J'invite
donc d'abord Mme la ministre de la Justice à faire ses remarques préliminaires
pour une durée de six minutes. À vous la parole, Mme la ministre.
Mme Stéphanie Vallée
Mme
Vallée : Alors, merci, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais saluer les collègues parlementaires. C'est un plaisir de vous
retrouver après la période estivale. Je sais que, pour certains d'entre nous,
les travaux ont débuté la semaine dernière,
mais c'est un plaisir de retrouver les visages que nous avons côtoyés au cours
de la dernière session, retrouver
également l'équipe de la commission, le secrétaire et tous ceux et celles qui,
au quotidien, nous accompagnent dans
les travaux parlementaires. Alors, c'est une rentrée, bien que la rentrée
officielle soit le 20 septembre, mais c'est quand même une rentrée
pour nos travaux parlementaires.
Donc,
M. le Président, aujourd'hui, je suis accompagnée, à ma droite, par Me Jean
Paul Dutrisac, le président de l'Office
des professions, et, à ma gauche, par Me Jad Barsoum, qui est conseiller
spécial. Et il y a aussi toute l'équipe de l'office qui nous accompagne
pour répondre aux questions, si cela est nécessaire.
Donc,
nous nous préparons aujourd'hui à écouter, pendant sept jours, en fait sept
journées d'auditions, celles et ceux qui gèrent le quotidien de notre
monde professionnel. Comme je l'ai mentionné lors de la présentation du projet de loi ou lors de mes différentes allocutions, le
gouvernement et le législateur seront en mode écoute des ordres et du Conseil
interprofessionnel. Je sais que tous les
ordres ont l'oreille attentive et bienveillante de l'Office des professions,
qui est leur partenaire permanent, leur partenaire du quotidien,
partenaire premier et privilégié lorsqu'il est question de la réglementation des professions et de l'évolution de la bonne application de leurs règles. De la
même manière, l'office joue auprès du
gouvernement un rôle essentiel pour maintenir la cohérence de
notre législation professionnelle, de l'équilibre du
système, et pour assurer avec les ordres la protection du public. Son
président, Me Dutrisac, est ici avec nous pour l'ensemble de cet exercice,
et je tiens à l'en remercier.
Dès
mon arrivée en fonction et à ma demande, l'Office des professions a entrepris
une mise à jour de la législation sur
des points importants, notamment la gouvernance des ordres, la sienne, mais aussi
sur l'optimisation des moyens de protection
du public, tout en améliorant encore les outils des ordres à cet égard. Le projet de loi n° 98, sur lequel le gouvernement et les législateurs ont souhaité
entendre les intéressés, répond donc non seulement à mes orientations
initiales, mais aussi à des demandes des ordres et du Conseil
interprofessionnel du Québec.
Outre cela,
il répond également à de nouvelles conjonctures sur lesquelles le système
professionnel a été interpellé. Pour
en résumer un petit peu, on a voulu prêter une attention concrète et rapide aux
situations qui ont été soulevées par la
commission Charbonneau en donnant suite déjà à quatre de ses recommandations.
On a saisi également l'occasion de renforcer
les moyens de la mobilité interprovinciale et internationale en optimisant les
mécanismes voués à la reconnaissance des
compétences en vue de l'admission. L'occasion s'est également présentée
d'améliorer les mécanismes de coordination de l'admission en général. Toutes ces améliorations sont vues par le
gouvernement non comme de simples désirs des milieux concernés et de notre société, ils correspondent à
des besoins ou à des manques qui engagent la responsabilité du gouvernement
et du législateur.
Par ailleurs,
l'exercice que nous entreprenons aujourd'hui a toute sa valeur. En effet, le
projet de loi n° 98 n'a rien de cosmétique,
il fait suite à de nombreux travaux au sein du système professionnel, et cette
consultation est la quatrième depuis
le début des travaux qui ont mené au dépôt du projet de loi. Donc, évidemment,
sans écarter à l'avance l'expression des
préoccupations qui n'auraient pas encore été traitées lors des consultations
précédentes, je m'attends à ce que nos travaux des prochains jours ajoutent à ce qui a été fait, en se concentrant, et
avec pertinence, sur l'amélioration des outils que nous nous donnons pour l'évolution des ordres et du
système. Il s'agit de partager mieux encore les perspectives d'amélioration
portées par le projet de loi n° 98.
Oui, l'autonomie des ordres a largement permis l'atteinte des objectifs de
protection du public avec l'appui d'une structure gouvernementale légère
et pertinente sous la forme de l'Office des professions du Québec. Mais le
système, l'office et le gouvernement sont aussi liés à la réalité de notre
époque.
Il ne faut
pas se tromper, on a appris encore dernièrement que nos professions pouvaient,
à l'occasion, être en difficulté ça
et là pour veiller à l'intégrité de leurs membres ou à actualiser en
conséquence les contours de la déontologie nécessaire. En effet, nous avons aussi appris que les réalités du monde
de l'industrie pouvaient comporter des défis jusque dans les professions
encadrées. Tout cela nous a menés à revoir les questions de moyens et de
procédure des syndics, l'organisation et la
gouvernance des ordres. Cela nous a également portés à ajuster les pouvoirs et
les moyens de l'Office des professions.
Il est
évident également que l'application des règles d'admission, apanage des ordres
au premier lieu, pouvait être complexe
et rendre également difficile la mise en oeuvre des ententes interprovinciales
ou internationales du Québec. Cela nous a naturellement portés à revoir
à la hausse les moyens et l'appui dont pouvaient bénéficier les ordres, les ministères et les maisons d'enseignement dans ce
domaine. Il fallait, pour cela, revoir les responsabilités et les domaines
d'intervention du commissaire aux plaintes, qui deviendra, nous l'espérons, le
commissaire à l'admission. Dans l'un comme
dans l'autre cas, le gouvernement a tiré les conséquences des résultats du
système et a pris les moyens de le garder efficace. Sur ce dernier point, il en allait de la crédibilité de la
signature du Québec sur la scène canadienne et internationale. Tout cela va d'ailleurs dans le sens de la crédibilité
de notre système professionnel lui-même, dans son ensemble.
Le projet de
loi que nous examinons est une chance pour nous de maintenir les équilibres
nécessaires pour que, malgré une
large autonomie, le système et les ordres conservent la capacité de protéger le
public et de fournir à l'économie du
Québec une palette de compétences, une offre de services professionnels
suffisants et organisés à tous les égards. Ainsi, nous avons principalement veillé à moderniser la
gouvernance des ordres, à revoir les moyens d'intervention d'office et du
commissaire afin de livrer au public et à notre économie une efficacité qui
requiert, entre autres choses, une mobilité professionnelle bien comprise.
Depuis près
de trois ans, nous avons bien avancé ensemble, et le projet de loi n° 98
est devant nous, résultat de nos efforts
et de la collaboration des professions depuis le début. Cette consultation sera
notre succès grâce à l'apport de celle et
de ceux qui viendront nous parler. Je me réjouis de constater déjà, par les documents reçus, l'intérêt que suscite
cette consultation particulière et je vois aussi dans la salle la
présence des intervenants, qui démontre l'intérêt également maintenu non
seulement par le dépôt de mémoires, mais aussi par leur présence en commission
parlementaire.
Donc, encore une fois, M. le Président,
j'écouterai. C'est la raison d'être de cette consultation. Ces journées à l'Assemblée nationale sont en effet une occasion
exceptionnelle de compléter le travail déjà fait ensemble. Cela étant, nous ne sommes plus au jour zéro de la réflexion.
Votre apport à l'achèvement de ce travail permettra une fois de plus
d'ajouter au succès à un dossier d'ailleurs largement non partisan. Merci de
votre attention.
• (9 h 40) •
Le Président (M. Villeneuve) :
Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition
officielle en matière de lois professionnelles et députée de Chicoutimi à faire
ses remarques préliminaires pour un maximum de 3 min 30 s. À
vous la parole, madame.
Mme Mireille Jean
Mme
Jean : Merci, M. le Président. Mme la ministre de la Justice, bonjour.
Chers confrères qu'on n'a pas vus de l'été,
je suis heureuse de vous revoir aujourd'hui. Mesdames messieurs qui êtes ici
aujourd'hui en train de participer et déposer
des mémoires pour ce projet de loi n° 98, bienvenue puis merci d'être ici
aussi avec nous. C'est très apprécié. On
voit justement, par rapport au nombre que vous êtes, à quel point ce projet de
loi vous tient à coeur. Donc, je vous félicite d'ailleurs de cet intérêt
et de cette implication. Merci.
Au
niveau de l'opposition officielle, on est très contents de voir qu'il y a le
dépôt de ce projet de loi là, qui a des visées, je dirais, très intéressantes. D'abord, la protection du public.
Actuellement, les ordres connaissent certaines lacunes au niveau de leur image, au niveau de ce qui se
passe par rapport à l'acceptation de la population en général, et, de revoir
certaines règles au niveau des ordres
professionnels, je pense que c'était quelque chose qui devait arriver, et que
la confiance du public est
essentielle, et que ce projet de loi là devrait redonner la confiance du
public. Il le fera de différents moyens, c'est-à-dire revoir la gouvernance, s'assurer que la protection du public
soit faite à son maximum et de la meilleure façon possible.
Les enjeux de
la gouvernance, on en a parlé, ça vient du fait qu'il y a des situations qui
sont arrivées au Québec, que ce soit
la commission Charbonneau qui a soulevé des enjeux à ce niveau-là, au niveau de
la gouvernance des ordres professionnels,
ou que ce soient les derniers événements touchant l'Ordre des ingénieurs, que
tout le monde a vus passer ou a été
au courant, a soulevé des problèmes majeurs. Donc, ça s'impose qu'on revoie
certains systèmes au niveau de la gouvernance des ordres professionnels.
La réforme du
code professionnel, qui date de 40 ans, on s'entend qu'après 40 ans
la société a changé, et je pense que
c'est essentiel qu'on puisse revoir justement ce code-là de manière à l'adapter
aux nouveaux besoins de la société d'aujourd'hui
et, oui, la recommandation de la commission Charbonneau, revoir le code
d'éthique, revoir les modes de gouvernance.
C'est une réponse du gouvernement qu'on attendait et qu'on est heureux qu'elle
se fasse. On considère que c'est un premier pas, puisque le Code des
professions sera à revoir dans les prochaines années ou prochains mois.
Donc, merci
encore. Moi, de mon côté, c'est la première fois où je participerai à une
commission de cet ordre-là, donc
j'offre mon entière collaboration. J'écouterai avec attention tout ce qui sera
dit de manière à ce que je puisse être
une valeur ajoutée à ce qui sera dit et faire en sorte que ce projet de loi
soit le meilleur pour le bien de la population en général. Merci.
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme la députée. J'invite maintenant
le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de justice et
député de Borduas à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de
2 min 30 s. À vous la parole.
M. Simon Jolin-Barrette
M.
Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Bien, vous me permettrez dès le départ de saluer les collègues,
de saluer Mme la ministre, mon
collègue de Vanier, mon collègue de Beauce-Sud, ma collègue de Chicoutimi ainsi
que ma collègue de Taillon, aussi de
saluer et de souligner la contribution et la présence des ordres
professionnels, des différents intervenants qui sont avec nous
aujourd'hui dans la salle et qui seront là au cours des prochains jours.
Donc, d'entrée de jeu, je vous dirais que nous
accueillons favorablement le dépôt du projet de loi n° 98 et son étude au cours des prochaines semaines parce que,
vous savez, le système professionnel, on ne le dit pas très souvent, mais ça touche la vie de nombreux Québécois sans
même le savoir. Il y a énormément... il y a des centaines de milliers de professionnels au Québec, et ils sont régis par
un système, par le Code des professions. Et c'est important, oui, d'actualiser
le Code des professions à la réalité, mais il
ne faut pas non plus oublier... C'est un premier pas dans une bonne direction,
de moderniser le code, mais il ne faut pas
oublier également les lois professionnelles de chacun des ordres
professionnels, souvent par lesquels
elles sont guidées, où il y a de la modernisation à faire également. Donc,
j'espère qu'éventuellement on pourra procéder à la modernisation de ces
lois-là, parce qu'il y a de nombreux dossiers de la modernisation des
lois qui traînent depuis plusieurs années et
où c'est important d'adapter ça à la
réalité du XXIe siècle, et surtout à la pratique des professionnels,
et surtout dans l'intérêt de la protection du public.
Donc, il y a plusieurs
éléments dans le projet de loi, on l'a dit, ça fait 40 ans que le code est
en place. Mais ce qu'il faut
dire aussi, c'est que, bon, la commission Charbonneau a fait des
recommandations, quatre recommandations relativement
au système professionnel, mais on constate aussi que le rôle du système
professionnel, pour le public, n'est pas
toujours bien compris, et même par certains professionnels aussi, le rôle de
l'ordre n'est pas toujours bien compris. Donc, j'espère que, dans cette commission-là, on va pouvoir, entre
autres, faire oeuvre pédagogique pour expliquer en quoi consiste le
système professionnel, puis ça va réussir à bonifier nos travaux.
Je vous
dirais qu'on va avoir certains sujets à explorer plus attentivement. J'ai
procédé moi-même à une consultation précommission
cet hiver, j'ai rencontré de nombreux présidents et directeurs généraux d'ordres
professionnels au cours des derniers
mois, et je crois comprendre qu'il y a plusieurs éléments, dans le projet de
loi, qui dérangent, qui titillent certains ordres professionnels et certains intervenants du milieu professionnel,
dont nous aurons l'occasion d'en discuter abondamment, notamment au niveau du commissaire aux plaintes,
qui deviendrait le commissaire à l'admission, notamment au niveau du rôle du président d'un ordre professionnel en
lien avec son conseil, notamment au niveau du rôle que l'office joue, des
pouvoirs qui lui seront délégués ou dans l'exercice de ses pouvoirs qui ont été
faits, du rôle que le politique, au niveau du provincial, va se garder,
notamment au niveau du ministère de la Justice.
Donc, ce
sera, je pense, une commission intéressante où on va réussir à bonifier le
projet de loi de façon à ce qu'on ait
un système professionnel, un code des professions adapté à la réalité
d'aujourd'hui, sans non plus négliger les bases du système professionnel, l'autonomie des ordres professionnels dans
laquelle elles ont évolué depuis la mise en place du système professionnel au Québec. Donc, dans un
souci de collaboration entre l'État et les ordres professionnels, je vous dirais que je suis enthousiaste à l'idée
d'étudier ce projet de loi, M. le Président. Et, comme ma collègue de
Chicoutimi, nous offrons notre entière collaboration afin de bonifier le
projet de loi.
Le Président (M. Villeneuve) :
Merci. Merci, M. le député, et merci pour vos remarques préliminaires.
Auditions
Nous allons
passer, proprement dit, à la période des auditions, et là c'est là que le
45 minutes entre en ligne de compte.
Il y a 10 minutes pour les représentants des organismes, donc, pour faire leurs exposés. Il y aura
32 minutes pour la période des
échanges et un trois minutes qui est pour la gouverne de la commission, pour s'assurer du bon déroulement.
Donc, je
tiens à saluer évidemment les représentants, qui sont déjà assis pour intervenir,
donc le Conseil interprofessionnel
du Québec. Comme je viens de le dire, vous avez 10 minutes pour faire votre
exposé. Je vous invite à vous présenter, madame, et à présenter les gens
qui vous accompagnent, et nous sommes prêts à entendre votre représentation.
Conseil
interprofessionnel du Québec (CIQ)
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Merci, M. le Président. Je suis Gyslaine Desrosiers. Je suis présidente
du Conseil interprofessionnel du Québec. Je suis accompagnée du secrétaire du conseil, M.
Claude Leblond, travailleur social, qui a cumulé plus de 16 ans d'expérience en tant que président de son
ordre, jusqu'à tout récemment, et de M. Jean-François Thuot, qui est
administrateur agréé et notre directeur général.
Nous vous remercions de nous donner l'occasion
de nous faire entendre dès l'ouverture des travaux du projet de loi n° 98. Le conseil s'est beaucoup impliqué au cours des trois dernières années dans
des travaux préliminaires et a même
pris l'initiative de proposer différents changements au code, notamment au plan
de la gouvernance.
Je tiens à
présenter... à mentionner le fait que le Conseil interprofessionnel est un organisme prévu au Code des professions depuis sa création, et la loi prévoit
que nous agissions comme organisme-conseil justement sur les enjeux du système professionnel dans une perspective large
de protection du public. Nous regroupons 46 ordres professionnels qui réglementent 54 professions. Au Québec, plus
de 385 000 personnes sont des professionnelles membres d'un ordre.
Et, d'entrée de jeu, je voulais
signaler que les ordres ne sont pas des organismes publics au sens strict du
terme, mais sont des émanations de
l'État, et que leurs pouvoirs réglementaires sont ceux que leur confie
justement l'État pour assurer l'excellence
des pratiques professionnelles et la protection du public. Donc, le Conseil
interprofessionnel ainsi que les ordres
se conçoivent comme des partenaires de l'État, un réseau de partenaires, si on
peut dire, avec l'Office des professions, justement pour favoriser la
protection du public et l'évolution de la société québécoise.
• (9 h 50) •
Je veux vous
dire que c'est dans cet esprit de partenariat
et de collaboration que nous avons analysé le projet de loi. Évidemment, dans le temps qui
nous est imparti, on ne pourra pas aller dans tous les détails. Nous partageons
les objectifs poursuivis par le projet de loi n° 98. Nous déposons un mémoire, qui est vraiment
à haut niveau sur les grands enjeux, mais
également une annexe juridique, beaucoup
plus technique, qui, j'espère, sera prise en considération, parce que
nos juristes ont remarqué beaucoup
d'éléments qui mériteraient des échanges avec l'office pour des précisions ou
des révisions.
Alors, le premier enjeu, qui est celui
d'accélérer l'intégration professionnelle, on pourrait dire «la favoriser», Mme
la ministre vient de dire «la mobilité internationale», évidemment nous
endossons cet objectif. D'ailleurs, les statistiques des dernières années
démontrent tout le travail accompli par les ordres à ce chapitre.
Alors,
quelques statistiques utiles : les ordres reçoivent et traitent environ 4 500 demandes par an en provenance
de candidats formés hors du Québec, et c'est
une hausse de plus de 500 % depuis l'an 2000. Or, le taux de
reconnaissance complète ou partielle
des demandes également s'est grandement amélioré, parce qu'on est passés de
66 % de reconnaissance dans les
années 2000 et aujourd'hui il oscille autour de 95 % de
reconnaissance des compétences. Et, entre 2012 et 2015, seulement 6,1 % des demandes ont été
refusées, alors qu'en 1997 le taux de refus avoisinait 30 %. Et je n'ai
même pas parlé des 1 700 permis qui ont été donnés en vertu de
l'entente France-Québec.
Donc,
beaucoup de chemin parcouru, des progrès immenses, mais évidemment des
difficultés subsistent, et nous les
reconnaissons. Ces difficultés-là, à notre avis, se situent beaucoup en aval de
la reconnaissance des compétences, parfois en amont, avant même qu'une personne ait complété son dossier ou sa
demande. Mais, quand on parle des difficultés en aval, ces difficultés-là échappent à l'autorité des
ordres professionnels, et ça interpelle d'autres acteurs socioéconomiques et
gouvernementaux que les ordres, et je parle
de la formation d'appoint ou des stages d'intégration. Sans oublier le fait que,
même quand tout ce processus-là est
complété, l'insertion sur le marché du travail lui-même, l'accès à l'emploi...
On le voit ces jours-ci, le cas d'un
médecin, le processus est terminé, mais il n'y a pas d'emploi offert ou il y a
un contingentement du côté des emplois, sans oublier tous les enjeux
reliés à l'importance de la maîtrise de la langue française.
Alors, cela
étant dit, compte tenu des progrès accomplis, on est vraiment déçus de
l'approche privilégiée par le projet de
loi, qui consiste à accroître le contrôle sur les ordres, le contrôle des
processus et des activités des ordres, autrement dit, à enquêter davantage sur le fonctionnement des ordres. Alors, la
question qui se pose : Pourquoi élargir les compétences du commissaire aux plaintes, qui est là pour
recevoir les doléances d'individus qui se sentiraient abusés ou mal traités,
injustement traités, pour en faire un commissaire à l'admission dont les
enquêtes porteraient dorénavant sur tous les candidats d'un ordre, pas
seulement ceux étrangers, mais également ceux formés au Québec? Cette
dimension-là est complètement nouvelle et
n'a même jamais fait l'objet d'échange entre les ordres et le conseil. Alors,
la majorité de ceux qui sont admis à
un ordre, évidemment, sont formés au Québec. Donc, un large pan de
responsabilités vient de s'ouvrir pour un supercommissaire.
Alors, on
pense que ce commissaire à l'admission viendra s'ajouter au travail de
surveillance déjà accompli par l'office.
Cette instance additionnelle et indépendante de vérification nous apparaît
devant alourdir le fonctionnement du système professionnel et devra
s'accompagner, on est sûrs, d'une augmentation significative des coûts. En
effet, la prétention de devenir un expert et une autorité dans
l'admission à 54 professions réglementées exigera sûrement la constitution
d'un bureau avec de larges ressources dédoublant celles des ordres.
Alors,
le conseil juge que cette proposition est inutile, est technocratique et
coûteuse. Elle n'est pas fondée sur des données probantes, elle constitue, en quelque sorte, un désaveu du
travail accompli par les ordres, alors que les ordres appliquent des règlements approuvés par l'office
et sanctionnés par le Conseil des ministres. On recommande donc le
retrait des articles 10 à 21 du projet de loi.
Également, le
projet propose un pôle de coordination enchâssé dans la loi, un comité qui
existe déjà depuis 2011, un comité
qui est voué au diagnostic des difficultés, d'identifier les problèmes, faire des collectes de données, alors que
l'état de situation sur les problèmes d'intégration aux professions a été largement
documenté, que ce soit en 2005, remis à jour
en 2015 par le Comité interministériel sur la reconnaissance des acquis et des
compétences du MIDI. Donc, on pense
que l'heure n'est plus à identifier les problèmes, mais bien à passer à
l'action. Il faut mobiliser des efforts sur des mesures concrètes,
innovantes, et les ordres et le conseil sont tous partie prenante à mettre de
l'avant des projets innovants, et non plus à être ciblés comme des boucs
émissaires ou des empêcheurs de tourner en rond.
Alors, un
lieu de concertation intersectoriel orienté sur la mise en oeuvre de mesures
ciblées et l'engagement des partenaires
nous apparaît éminemment souhaitable. C'est un peu l'esprit, dans le fond, de la proposition du pôle, mais on ne voit pas la nécessité de mettre le comité dans la loi et on pense que
ce comité-là devrait davantage relever de la ministre de l'Immigration, de
la Diversité et de l'Inclusion, qui
devrait utiliser ses prérogatives ministérielles pour rendre permanent un comité qui existe déjà,
qui a eu du financement, qui avait été mis de l'avant par l'autorité du premier ministre, et, à travers les projets concrets qui ont été mis au fil du
temps, ça devrait donner des résultats.
Le deuxième point que le projet de loi met de
l'avant, c'est renforcer les mécanismes de protection du public. De façon
générale, on endosse les recommandations qui sont mises de l'avant sur la formation
en éthique, la déontologie, etc. Toutefois, on a vu certaines
incohérences avec le projet de loi n° 87 et 107, il faudrait vraiment
regarder ça. Et on est vraiment... Un aspect nous apparaît un peu exagéré et
c'est celui du pouvoir discrétionnaire que le projet de loi accorderait
à l'Office des professions de mettre de l'avant des enquêtes sans même avoir
l'autorisation préalable du ministre responsable, alors qu'il a déjà beaucoup
de pouvoirs de vérification et de demande de renseignements. Il peut
largement documenter une situation
problématique, enfin sans aller jusqu'à l'enquête, parce qu'on y voit un enjeu de transparence et d'imputabilité qui requiert l'autorisation ministérielle, comme
c'est le cas dans d'autres ministères.
Finalement,
pour conclure, améliorer la gouvernance des ordres professionnels, le
conseil était partie prenante. Toutefois, on a été surpris de voir que le projet de loi propose un modèle unique de gouvernance. Je veux juste rappeler qu'il y a
des ordres qui ont 70 000 membres,
puis il y a des ordres qui en ont 100, il y a des ordres qui ont cinq employés,
puis il y a des ordres qui en ont 150. Donc, gérer un organisme de cinq
personnes demande beaucoup de flexibilité organisationnelle, et l'interface
entre le conseil et l'administratif devrait être révisée.
On ne recommande pas non plus l'obligation
d'avoir un directeur général.
Et finalement
on a été très surpris de la modification au rôle de président, qui perd son
pouvoir de surveillance générale,
alors qu'il a des devoirs d'agir en dehors même du conseil, et on pense que le
président devrait conserver son pouvoir de surveillance générale.
C'est un petit sprint, n'est-ce pas? Je vous
remercie de votre attention.
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci. Merci, Mme Desrosiers, vous êtes
dans les temps. Maintenant, nous allons passer à la période d'échange,
et je cède la parole, pour les 16 prochaines minutes, donc au côté
gouvernemental et à Mme la ministre. À vous la parole, Mme la ministre.
• (10 heures) •
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, Mme Desrosiers, M. Thuot, M. Leblond, bienvenue,
un plaisir de vous retrouver. On a eu la chance d'échanger sur le projet de loi
cet été. Évidemment, j'ai certaines questions, puis je ne sais pas si
j'aurai suffisamment de 16 minutes, mais bref.
Bon, je
comprends que le CIQ n'est pas à l'aise avec l'élargissement du pouvoir du
commissaire, commissaire aux plaintes
qui est maintenant commissaire à l'admission. La raison pour laquelle on
renomme, évidemment c'est parce que l'objectif,
c'est vraiment d'assurer l'admission au sein du système professionnel, et pas
nécessairement de voir le rôle du commissaire
comme un commissaire aux plaintes, on ne veut pas nécessairement mettre
l'accent sur ce qui ne va pas, mais
c'est un commissaire à l'admission en général. Parce que l'admission dans une
profession, elle et basée sur les critères premiers de protection du public, et, peu importe la formation et peu
importe où l'individu a obtenu sa formation, son admission va se baser sur ce critère de protection du public et est-ce
que le professionnel a les exigences requises pour assurer une
protection du public à l'intérieur du champ d'exercice bien particulier, alors
d'où l'utilisation du terme «commissaire à
l'admission», qui est beaucoup plus positif déjà en partant. Ce pouvoir... ce
commissaire-là qui est en place, qui
occupe ses fonctions depuis déjà six ans, qui a été créé ici, à l'Assemblée
nationale, a déjà des pouvoirs d'enquête, a déjà un pouvoir d'effectuer
des enquêtes administratives.
Donc,
moi, je me questionne en quoi le fait d'étendre la compétence du commissaire
pour l'ensemble des admissions, pour
tous les candidats en fait, pas seulement les candidats qui ont obtenu une
formation à l'étranger, le rendrait supercommissaire et menacerait, d'une certaine façon, parce que
c'est ce que je sens du discours, l'intégrité des ordres, l'indépendance des
ordres. Alors, j'imagine que vous avez des
craintes puis j'aimerais ça vous entendre, parce que la présentation a été très
sommaire et j'aimerais pouvoir vous entendre sur cet aspect-là de votre
mémoire.
Mme
Desrosiers (Gyslaine) : Oui.
Mme la ministre, on est un peu plus explicites dans le mémoire. Écoutez, on
connaît déjà les pouvoirs du commissaire à
l'admission... du commissaire aux plaintes, on sait qu'il a certains pouvoirs
d'enquête. Mais justement, là où le bât
blesse, c'est que c'est un enquêteur avec tous les pouvoirs prévus à la Loi sur
les commissions d'enquête, et on
l'élargit à l'admission même des Québécois, de tout Québécois formé au Québec,
au cégep, dans
les universités. Et c'est marqué qu'il va pouvoir enquêter sur les processus et
activités des ordres, des ministères et du gouvernement. Bien, «my God!» c'est... Et ce commissaire-là ne relève
pas de l'Assemblée nationale, relève de l'Office des professions, est
complètement indépendant.
On
ne se sent pas menacés, c'est qu'on est comme découragés de voir tous les
efforts qu'on va devoir mettre à répondre
à un commissaire sur des processus d'admission qui ont déjà été validés par
l'office et le Conseil des ministres. Les
ordres n'appliquent que des règlements déjà autorisés. Donc, pourquoi alourdir?
On voit là un monstre technocratique en
devenir. Déjà, les ordres nous ont dit que les demandes de questionnaires de
toutes sortes que le commissaire envoie, il faut mettre du personnel. Pendant qu'on répond à des questions du
commissaire, on retarde probablement des dossiers d'admission. Alors,
pourquoi nourrir cette technocratie-là?
Et,
à notre avis, quand on pense que les efforts... Et, s'il y a de l'argent à
mettre, mettons-le du côté des solutions. Parce que le problème des stages ou des formations d'appoint, c'est un
problème connu. Il n'y a pas... je ne sais pas... Dans le domaine de la santé, que je connais le
mieux, les hôpitaux universitaires n'ont pas de place... n'ont pas de personnel
pour superviser les stages, c'est connu. Est-ce que le ministre sectoriel est
intéressé à favoriser... La plupart des programmes sont contingentés déjà pour les Québécois. Donc, tous les
problèmes sont connus, alors pourquoi encore faire des enquêtes sur les
problèmes, au lieu de fonctionner avec le MIDI sur des projets concrets, par
exemple, de mise en ligne d'analyses des compétences, de minitests? En
fait, je pourrais... Là, je ne veux pas m'improviser, mais je sais qu'il y a eu
plusieurs expériences pilotes qui amènent des solutions.
Parce
que je ne peux pas vous l'expliquer autrement, on ne se sent pas menacés. Je
vous dirais que les ordres ont été découragés parce qu'on parle de centaines,
de milliers de demandes qui sont faites par année, et il va falloir aller...
Et l'office a déjà un pouvoir d'enquête, on
renchérit avec un commissaire à l'admission. Là, si, dans un cégep à quelque
part, ils ne sont pas contents, je ne
sais pas, moi, de l'examen ou de je ne sais pas... d'un processus quelconque
d'admission, au lieu de se plaindre
dans les mécanismes normaux du fonctionnement de l'enseignement, ils vont aller
se plaindre au commissaire, qui va rebondir dans un ordre. Ça ne finit
plus. Ça ne permet pas l'efficacité, madame.
Mme
Vallée : Le commissaire, actuellement... Bien, je vous entends,
je comprends ce que vous me dites, mais en même temps, je vous ai entendu tout à l'heure, vous dites : Le
pourcentage d'admissions, il est très élevé, il est au-delà de 95 %
maintenant. Donc, je présume que le commissaire ne sera pas saisi de 100 %
des demandes d'admission.
On
s'entend que le commissaire va être saisi des demandes d'admission
problématiques. Parce que l'objectif, c'est ça, c'est de permettre au commissaire, lors de situations d'admission
problématiques, de pouvoir émettre des recommandations,
pas de porter atteinte à l'autonomie des ordres. L'autonomie des ordres
demeure. Mais c'est un pouvoir
de recommandation, qu'il a déjà par
ailleurs et qui est étendu aux
admissions. Parce qu'il y a aussi des problématiques qui existent
au niveau d'un citoyen qui, par exemple, aurait eu une formation atypique.
Alors, pourquoi on aurait deux cheminements
différents? Alors, l'objectif, c'est d'avoir un commissaire qui aura un pouvoir
pour l'ensemble des citoyens, ceux qui ont une formation
atypique, ceux qui ont été formés à l'étranger. Et je comprends évidemment qu'il y a, quoi, un pourcentage de, quoi, 6 %
de refus, là, donc c'est vraiment... ce n'est pas majeur, mais c'est vraiment là-dessus que le commissaire va se
pencher.
Donc,
je tiens à vous rassurer, de notre évaluation, là, on ne crée pas une
superstructure avec un tas d'ETC, là. Ce
n'est pas du tout ce qui ressort. Parce que, justement, comme vous l'avez si
bien mentionné, le taux d'admission a grandement
évolué au cours des dernières années. Par contre, je pense qu'autour de la
table, dans nos bureaux de comté, on
a tous été sensibilisés à un moment ou un autre par des citoyens qui ont fait
face à certaines problématiques et pour lesquelles on avait peu ou pas
moyen de saisir les instances en question.
Donc,
j'essaie de comprendre en quoi ces pouvoirs-là seraient inutiles puis en quoi
ces pouvoirs-là qui sont confiés ne
permettraient pas plutôt une meilleure intégration, tout en reconnaissant, bien
entendu, l'indépendance des ordres, là.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : L'enjeu, ce n'est pas l'indépendance des ordres.
Vraiment, on l'a analysé sur toutes les
coutures. Déjà, c'est un mécanisme complexe, les demandes d'admission, il faut
les traiter, etc. On avait convenu, il y
a quelques années, que l'introduction d'un commissaire aux plaintes, c'est un
mécanisme de justice naturel qui permet à un individu qui penserait que
son dossier, bon, n'aurait pas été traité adéquatement... Donc, cette idée-là
qu'il puisse éventuellement enquêter sur ces cas-là, bravo!
Mais
on a un système professionnel, mais on a aussi un système d'éducation. Il n'y a
aucune donnée probante... On ne sait
même pas quel problème... Peut-être que certains individus... Mais d'où vient
cette idée... On n'est pas du tout en
état menace. On sait très bien que, quand on met de l'avant une nouvelle
structure, cette structure-là génère, comment dirais-je, un
fonctionnement. Il va falloir... Notre structure va vouloir se nourrir. Et on
est très loin de l'idée, je ne sais pas moi,
d'un bureau d'études ou d'expertise, avec l'idée d'un commissaire à
l'admission. Et vraiment il y a des ordres qui ont des milliers de candidats présentement au Québec dans un
processus de formation et d'admission. Alors là, dans le moment, on était sur le cas des personnes
récemment arrivées au Québec, formées à l'étranger, mais, s'il faut en plus
de ça être dans un mécanisme... Il existe
déjà des ombudsmans dans les universités et les cégeps. Vraiment, on ne voit
pas le lien entre le problème à
régler et la solution. Et avec unanimité des ordres, lors des dernières
consultations, sur l'idée qu'un commissaire à la mission sortait de
n'importe où, là.
Une voix :
...
Le Président (M.
Villeneuve) : Oui, peut-être, vous présenter avant de prendre la
parole, s'il vous plaît.
M.
Thuot (Jean-François) : Alors, Jean-François Thuot, directeur
général — merci,
Mme la présidente.
Alors,
rappelons que, pour le conseil et ses membres, l'enjeu, c'est l'intégration
professionnelle des immigrants, c'est
là-dessus que les efforts doivent se concentrer. Et la solution qui est
présentée, l'une des solutions qui est présentée par le projet de loi,
c'est d'élargir les compétences du commissaire à un domaine qui excède celui de
la question de l'intégration professionnelle
des immigrants, c'est celui de l'admission de tout candidat, formé au Québec ou
non. Alors, on parle ici de la majorité du contingent de demandeurs
d'exercice d'une profession.
Alors,
nous, on a posé la question lorsque cette proposition est arrivée sur la
table : Où est le problème? La question de l'intégration
professionnelle des immigrants, c'est une question qui a été documentée, elle a
été soulevée par la commission
Bouchard-Taylor, et la réponse, à laquelle nous étions favorables, était la
création d'un commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des
compétences. Créer un commissaire à l'admission pour résoudre quels problèmes
d'admission des candidats formés au Québec? Autrement dit, le projet de loi en
cette matière rate la cible.
• (10 h 10) •
Mme
Vallée : En fait, l'objectif, c'est d'avoir un portrait global,
parce que, si la situation est pareille, si on traite les gens sur un
même pied d'égalité, on aura une vision plus globale des problématiques. Il
faut que la situation de l'admission soit
traitée de la même façon, c'est-à-dire... Comme je le mentionnais d'entrée de
jeu, lorsqu'on regarde vers... pour l'admission de membres au sein d'une
profession, on ne regarde pas la provenance de l'individu, on regarde sa formation,
la formation est-elle adéquate, la formation... est-ce que le profil de l'individu est conforme aux
exigences de l'ordre professionnel.
Et cette analyse-là, elle doit être la même qu'il s'agisse d'un Québécois
ou d'un nouvel arrivant. Et actuellement force est de constater que ce n'est pas tout à fait la même chose. Il y a,
dans certains dossiers, des traitements qui sont... qui semblent être inéquitables, et l'objectif, c'est de
permettre au commissaire de dresser un portrait global pour émettre des recommandations, oui, au gouvernement. C'est normal que nous puissions
aussi, comme instance gouvernementale, recevoir
des recommandations quant aux modifications qui sont nécessaires d'être
apportées, normal que des recommandations soient émises, nonobstant l'indépendance des différents joueurs autour
de la table, pour permettre d'améliorer des choses, pour permettre à
tous les Québécois de pouvoir jouer un rôle au sein de notre économie, de
pouvoir participer à notre économie.
Alors,
c'est l'objectif que nous visons, c'est d'avoir cette vision globale pas... Et
il faut le voir comme un atout. Et le
commissaire est là. Le commissaire joue déjà ce rôle. Donc, je pense qu'il
faudrait... Il faut s'assurer de ne pas prétendre que nous inventons,
nous ajoutons. On institutionnalise le pôle qui existe déjà, auquel vous
participez.
Donc,
on fait simplement reconnaître le pôle. On ajoute des pouvoirs au commissaire,
certes, mais ce commissaire, il est
présent, il est déjà en place depuis six ans, et bon nombre de rapports ont
émis le souhait que le commissaire puisse avoir une vision plus globale pour pouvoir présenter des recommandations
qui auront plus de force, parce qu'actuellement les pouvoirs du
commissaire limitent le spectre d'évaluation, et ce qui fait en sorte qu'il
subsiste des problématiques.
Et
l'objectif, c'est d'avoir une vision beaucoup plus large. L'objectif aussi
d'institutionnaliser le pôle, c'est d'avoir tous les acteurs autour d'une table, d'une même table, pour vraiment
éviter de pointer du doigt l'un et l'autre. L'admission, la reconnaissance des acquis, c'est un tout, et on a
tous, chacun, un rôle à jouer dans cette reconnaissance-là. Alors, c'est
l'objectif, qui est de mettre un terme au
travail en silo finalement, qui constitue un obstacle à la reconnaissance des
acquis.
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Mme la ministre, le pôle existe déjà. Pourquoi mettre un
comité dans une loi? Peut-être dans deux ans,
il faudrait le faire évoluer, changer sa composition. On pense que c'est créer
une rigidité. Si vous jugez que le
pôle doit être maintenu, qu'il soit maintenu, c'est un comité, j'étais pour
dire... pas parmi d'autres, mais c'est un comité existant.
La
question, vraiment, on a de la difficulté à partager votre vision sur le fait
de dire qu'il n'y a rien là à élargir les pouvoirs du commissaire. Le système d'éducation au Québec est un système
complexe, et, contrairement à ce que certains prétendent, les ordres, c'est le gouvernement qui fixe les diplômes qui
mènent à l'admission d'une profession. Les ordres n'ont aucune discrétion là-dessus, ils n'ont
aucune indépendance. Alors, à partir du moment où le diplôme pour être admis
à une profession est fixé par le
gouvernement ici, c'est le gouvernement qui dit qu'est-ce qu'un Québécois doit
avoir pour devenir membre d'un ordre. Les processus sont bien établis.
Pourquoi un commissaire irait visiter... ou s'en mêler?
Deuxièmement,
la notion des équivalences, les règlements d'équivalence, et de formation, et
de diplôme est également...
Le
Président (M. Villeneuve) : Mme Desrosiers, je dois vous arrêter, le
temps imparti étant écoulé. Je vous rappelle que vous pouvez envoyer des documents supplémentaires à la commission,
au secrétariat de la commission, qui se fera un plaisir de les distribuer aux membres de la commission, donc aux
parlementaires. Merci beaucoup des beaux échanges.
Et
maintenant je céderais la parole pour les 9 min 30 s prochaines à Mme la députée
de Chicoutimi. À vous la parole.
Mme
Jean : Merci. Juste pour savoir : Est-ce que vous aimeriez avoir
encore quelques minutes pour terminer la réponse ou ça vous va?
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Non, parce qu'en fait c'était — je vous remercie beaucoup de me
l'offrir — une
répétition de ce qu'on avait déjà dit. Merci.
Mme
Jean : Parfait. Ma question porte sur le commissaire à l'admission et
le commissaire aux plaintes. Ce que je comprends
aujourd'hui, puis corrigez-moi si je me trompe, actuellement, lorsqu'il y a une
plainte d'une demande étrangère, d'un
demandeur étranger, c'est traité par le commissaire aux plaintes, et, s'il y a
une plainte faite par un Québécois,
c'est traité par l'Office des professions.
Mme
Desrosiers (Gyslaine) : C'est
traité... Premièrement, toute demande
de reconnaissance d'équivalence de diplôme
ou de formation peut faire l'objet d'un appel au sein d'un ordre. Il y a des
comités de révision et déjà il y a un processus
d'appel qui est là. Ensuite, ils peuvent aller, comme vous dites, au
commissaire aux plaintes, mais il y a eu, au cours des dernières années,
on a les statistiques, très peu de demandes, hein?
Mme Jean : Le parallèle. Dans le
fond, ma question...
Mme
Desrosiers (Gyslaine) : Mais,
pour les Québécois, c'est la première fois que nous entendons, nous, le conseil
et puis les ordres... On sait que, par exemple, dans certains ordres, il
y en a qui vont dire : Ah! l'examen d'admission à l'ordre, il est trop
difficile, ou ceci, ou cela. Mais, dans les faits, là aussi, il y a des
mécanismes de révision dans les conditions
d'admission à un ordre. Alors, tout d'un coup, cette notion-là de vision
globale, de s'assurer que l'équivalence de formation et diplôme entre quelqu'un qui est formé à l'étranger et un
Québécois... C'est le fondement même de l'équité, comment dirais-je,
entre les Québécois formés ici. Puis c'est des règlements transparents, connus
de tous.
Mme
Jean : Ma question était : S'il y a deux chemins différents,
justement, pour l'analyse des problématiques qui sont soulevées, que ce soit un Québécois ou que ce soit quelqu'un de
l'extérieur, est-ce que vous êtes d'avis que c'est une possibilité
d'inéquité qui pourrait s'intégrer, vu que ce n'est pas le même processus qui
est appliqué?
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Il existe
déjà des tables de concertation — M. Thuot pourrait vous en parler davantage — que ça soit au niveau collégial, que ça soit
au niveau universitaire. Et on est dans un univers complètement
différent, complètement différent.
Une voix : ...
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Oui, tu
voulais intervenir? Claude Leblond.
M. Leblond (Claude) : Bonjour,
Claude Leblond.
La majorité
des étudiants qui sont formés au Québec... c'est-à-dire qui font une demande
d'admission à un ordre sont formés au Québec, dans les programmes qui sont
nommés par le gouvernement dans son règlement sur les diplômes qui donnent accès à un ordre. L'autre partie des
gens qui font leurs demandes d'admission à un ordre à partir d'un autre programme le font via le règlement sur les
équivalences, et qui est le même règlement qui s'applique à ceux qui viennent
avec un diplôme de l'extérieur du Québec.
Donc, l'équité quant au traitement via le processus réglementaire d'équivalence
est le même pour les gens du Québec et pour
ceux de l'extérieur. Alors, ça, c'était pour répondre à votre question à ce
niveau-là.
À l'Ordre des
travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux, au-delà de
88 % des admissions sont faites
pour des gens qui ont étudié... qui obtiennent un diplôme que le gouvernement
du Québec nomme dans son règlement, là, sur les diplômes, qui donne
accès à la profession.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Je vais céder
la parole à M. Thuot, parce que, vraiment, il y a...
Le Président (M. Villeneuve) : Mme
Desrosiers, vous voulez que je cède la parole à monsieur...
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Excusez-moi,
excusez-moi, c'est parce que je voulais...
Le
Président (M. Villeneuve) : Il n'y a pas de problème. Alors, allez-y,
monsieur, en vous présentant, s'il vous plaît.
• (10 h 20) •
M. Thuot (Jean-François) : Merci.
Alors, Jean-François Thuot, directeur général.
Alors, pour
répondre à cette question-là du processus, il faut bien se rappeler
historiquement que la création du commissaire en matière de
reconnaissance des compétences, elle surgit d'une problématique spécifique. En
effet, le dossier du candidat à l'admission
à un ordre, lorsqu'il s'agit d'une personne formée hors du Québec, hors du
Canada, il peut y avoir des éléments
problématiques particuliers qui tiennent à son cheminement. Quels sont ces
problèmes particuliers? Le premier
problème peut être celui de l'évaluation de son dossier, étant donné que son
dossier ne présente pas les mêmes pièces que celles d'un candidat formé
au Québec. Première difficulté.
Deuxième difficulté, si le candidat a besoin
d'une formation d'appoint, se pose un problème d'accès à des formations adaptées, des formations sur mesure,
sans compter également l'accès au stage. Donc, la commission Bouchard-Taylor a reconnu qu'il y avait des éléments de
problématique spécifiques qui appelaient une réponse particulière, différente
de celle du code de la mécanique, du
Code des professions. La réponse a été le commissaire. Alors, dans ce sens-là,
il faut bien recontextualiser la
création du commissaire. Ce n'était pas l'idée d'avoir un processus équitable
pour tout le monde, on présume que
cette équité est assurée dans les règlements et le code, qui sont par ailleurs
validés par le Conseil des ministres, les députés, l'Office des
professions. On a voulu répondre à un problème particulier.
Et, répétons-le, l'enjeu qui est sur la table,
et il y a d'ailleurs une commission qui se tient présentement sur la planification dans la salle d'à côté, c'est l'enjeu
de l'intégration professionnelle des immigrants, c'est là-dessus que des
réponses constructives doivent être
apportées. La réponse du commissaire à l'admission n'en est pas une. Celle de
créer un comité interministériel sur
la reconnaissance des acquis, comme nous le proposons, un comité qui existe déjà au sein du ministère
de l'Immigration et que nous souhaitons qu'il devienne permanent, est, pour
nous, une voie constructive, au lieu
d'insérer au code non seulement un commissaire à l'admission, mais un pôle de
coordination, qui, existant depuis 2010, n'a donné aucun résultat.
Le Président (M. Villeneuve) : Oui.
Alors, Mme la députée de Taillon, à vous la parole.
Mme
Lamarre : Merci. Si on
comprend bien, en fait, le problème avec le commissaire, c'est qu'actuellement ce commissaire ne peut
intervenir que sur des plaintes. Et on se rend compte qu'il y a, semble-t-il,
des perspectives beaucoup plus globales qui doivent assurer que, lorsqu'un
candidat étranger commence son exercice ici, le parcours ne s'interrompt pas à cause d'un manque de stages, par exemple. Alors, je pense que c'est là qu'est l'enjeu et c'est ça qu'on doit... Et je pense que l'objectif
de dire «on veut un commissaire à l'admission» vise cet objectif-là.
Maintenant, je pense que je vous rejoins bien, l'admission,
de façon qu'elle est très peu définie dans ce projet de loi là, est un... vraiment, est très, très, très large et
ouvre énormément de portes qui ne sont pas nécessairement
favorables à l'intégration réelle des Québécois d'adoption au marché...
des professionnels au marché.
Alors, moi,
je pense que ce qu'on veut, c'est permettre, par exemple, qu'on n'ait plus
cet argument de dire : Bien, les
étudiants, les candidats médecins, c'est à cause d'un manque de stages que ça
ne marche pas. Alors, comment on peut faire
pour que ces stages-là soient disponibles pour ces candidats-là? On leur a
dit... Ils ont fait un parcours parfois de plusieurs années puis ils
sont bloqués à cause des stages. Alors, le commissaire à l'admission n'est peut-être
pas la solution, mais, clairement, il faut trouver des solutions qui garantissent qu'un candidat étranger
qui arrive ici a un parcours clair.
Avez-vous une solution concrète? Parce que je
pense que c'est là qu'on est, c'est ça, l'enjeu, actuellement.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Merci, Mme la
députée. Oui, vous touchez exactement... L'exemple que vous donnez... Le commissaire à l'admission a produit
cette année... Premièrement, vous dites : Il n'analyse que les plaintes.
Non, il a le droit de faire des études, des
enquêtes, donc, de sa propre initiative. Il l'a fait pour les stages en milieu
collégial et les formations d'appoint
en milieu universitaire, et la seule recommandation qui a abouti,
c'est : veuillez vous concerter davantage. Alors, quand vous donnez l'exemple d'un candidat
en médecine, ou ça pourrait être en pharmacie ou en sciences infirmières, et qu'il n'y a pas de stage, une des
solutions qu'on met de l'avant, c'est le fameux comité interministériel,
parce qu'il faut que les ministres
sectoriels se sentent interpellés. Si le ministre sectoriel a bloqué le
nombre de places de stage en hôpitaux
universitaires, bien, ça s'arrête là. Quand bien même qu'un
commissaire dirait : C'est donc de valeur, c'est donc de valeur, concertez-vous, concertez-vous, il faut que...
Alors, dans le comité mis de l'avant, dans les deux dernières années,
par le ministère de l'Immigration, justement les ministres
sectoriels étaient interpellés, et certaines solutions ont été mises de l'avant. À défaut de ça, on en a encore
pour 10 ans à dire : C'est donc de valeur, il n'y a pas de stage,
c'est donc de valeur, il n'y a pas de
formation, parce que c'est la même chose du côté du ministère
de l'Enseignement supérieur. Écoutez,
ce n'est pas gratuit, ouvrir des places de
stage, puis ils sont contingentés. Alors là, vous voyez bien que la dynamique
est en dehors des ordres, et on ne
comprend pas que le commissaire à l'admission serait une solution constructive
et concrète.
Puis, deuxièmement, on insiste sur le fait... pourquoi analyser l'admission aussi des
dizaines de milliers de Québécois qui sont dans les processus normaux de
diplomation. Ça, là, vraiment, c'est la grande trouvaille de ce projet de loi.
Mme
Lamarre : Bien, effectivement, je pense que, là, on va beaucoup trop large, mais il semble y avoir quelque part un dénominateur commun par rapport à la difficulté de passer d'un système à l'autre. Et, si les
stages sont entièrement dédiés aux diplômés québécois, bien, c'est sûr
qu'il n'y a plus de place pour les Québécois d'adoption. Donc, je pense que c'est à ce
niveau-là.
Le comité intersectoriel, vous le voyez présent.
Moi, je vois le rôle du commissaire un peu comme celui du Vérificateur général, c'est-à-dire de donner l'alerte et de cibler les points d'entrée. Parce que le
comité intersectoriel, jusqu'à maintenant, il faut dire qu'on n'a pas vu
encore beaucoup de réalisations.
Le
Président (M. Villeneuve) : Mme la députée de Taillon, je dois vous interrompre, le temps
imparti étant écoulé pour vos échanges avec Mme Desrosiers.
Alors, je
cède la parole maintenant au deuxième
groupe d'opposition. Alors, M. le député de Borduas, vous avez 9 min 30 s à votre disposition.
Six minutes, excusez-moi, 6 min 30 s. Désolé.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Vous venez de me couper de trois, là. Mme Desrosiers, M. Thuot,
M. Leblond, merci de votre présence, merci de contribuer aux travaux de la
commission.
J'ai quelques
questions. J'ai très bien saisi, je crois, votre position sur le commissaire
aux plaintes, commissaire à
l'admission, si jamais il est maintenu tel que tel dans le projet de loi. J'avais
deux questions relativement à ce qui est proposé par le gouvernement, par la ministre de la Justice. Certains vous
diront : On veut confier un peu le rôle d'ombudsman au commissaire aux plaintes en élargissant son mandat, parce
qu'il n'y a pas vraiment personne qui fait des recommandations sur le
processus global. Qu'est-ce que vous répondez à cet argument-là?
Mme
Desrosiers (Gyslaine) : Bien,
c'est une option qui aurait pu être possible, mais en même temps, là, on est...
C'est parce qu'il faut qu'il y ait un lien direct entre le problème et la
solution. Le gouvernement, les différents ministres qui sont venus rencontrer le CIQ ont dit : Il
faut améliorer ou aider la mobilité internationale et l'accès des Québécois
formés à l'étranger, leur intégration. Donc
là, le commissaire aux plaintes s'occupe des plaintes de ces personnes-là. Donc,
est-ce qu'il y a d'autres matières à plainte dans le système professionnel?
Bien là, il faudrait élargir la discussion.
M. Jolin-Barrette : Mais je vous donne l'exemple... Supposons un
candidat à l'admission au Barreau. À partir du moment où il s'en va passer l'examen du Barreau, puis il arrive une
situation x, il n'est pas satisfait de l'examen, tout ça, bon, il peut faire appel au sein des différents
comités du Barreau, mais, ultimement, à partir du moment où sa cause est
entendue par le Barreau puis que le comité
ne bouge pas — puis
c'est un comité de pairs — à ce moment-là, sa seule option, c'est de saisir la Cour
supérieure.
Est-ce
que le fait d'avoir un commissaire aux plaintes qui aurait un mandat élargi, ça
permettrait de dire : Bien, écoutez, peut-être que, dans ce cas-là,
il y aurait peut-être eu une voie appropriée à suivre, une autre voie?
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien, les termes ne sont pas neutres. Si la
ministre ou si le gouvernement veut un ombudsman
du système professionnel, ça va toucher tous les aspects. On a lu dans le
rapport annuel, par exemple, de l'office qu'ils reçoivent 2 500 questions
puis des fois un certain nombre de plaintes, lorsque quelqu'un
se plaint d'un ordre, se plaint de
ceci, de cela, mais il n'y a pas de transparence là-dessus.
Mais ce n'est pas prévu dans le rôle du commissaire. Lui, il est vraiment
ciblé sur l'admission.
Est-ce qu'il y a
lieu... Je n'ose pas ouvrir trop la discussion là-dessus parce qu'il faudrait y
réfléchir dans son entièreté. C'est vrai
que, dans tous les systèmes, il existe des ombudsmans. On n'en a pas fait la
proposition directement parce que
déjà on voulait régler ou travailler sur un lieu où il y aurait des mesures
concrètes pour l'admission des personnes formées à l'étranger.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question des demandes de l'extérieur, vous dites : On
en reçoit 4 500 par année. Maintenant,
il y a un taux de reconnaissance de 95 %, que ce soit partiel ou complet.
Sur le partiel, est-ce que vous avez évalué
le temps, le processus qui est requis? Est-ce que vous avez des statistiques
par rapport à ça, pour quelqu'un qui obtient une reconnaissance
partielle, puis on le dirige vers un programme d'études adapté, ou un stage, ou
tout ça?
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Je vais demander au directeur général de
compléter. Parce que les statistiques que moi, j'ai lues, c'est que la moitié,
à peu près, requérait des stages d'appoint, ou des stages d'intégration, ou des
formations d'appoint, et là c'est le
goulot d'étranglement. Et c'est connu, là, c'est documenté, on n'a pas besoin
de le documenter davantage. Il faudrait chercher des solutions.
M. Thuot
(Jean-François) : Alors, des statistiques...
Le Président (M.
Villeneuve) : ...vous présenter, encore une fois.
M. Thuot
(Jean-François) : Jean-François Thuot, directeur général.
Alors, en réponse à
votre question, donc, oui, en effet, 50 % de demandes de reconnaissance
partielle qui se traduisent en prescription
de formation d'appoint et de stage. La durée? Nous n'avons pas de statistique
qui nous permet de dire : Ça
prend six mois, un an. Ce que nous savons, selon des cas qui nous ont été
évoqués, c'est que la durée peut être extrêmement variable en fonction
de la disponibilité de la formation, du stage dans les lieux qui sont
appropriés pour le faire. On sait qu'il n'y
a pas d'uniformité d'un ordre à l'autre, ça peut varier d'un candidat à
l'autre, d'une session à l'autre, par exemple la formation n'est pas
donnée par un cégep au même moment. Donc, c'est une durée variable.
Nous
soupçonnons qu'il y a un goulot d'étranglement et que cette durée soit
suffisamment longue, malheureusement, pour
décourager certains candidats. On le suppose. Nous en faisons l'hypothèse. Nous
n'avons malheureusement pas de statistiques, étant donné que les
organismes concernés ne se sont pas encore entendus sur une manière de dresser
un portrait global. Et croyez bien que ça échappe au contrôle et à la
compétence du conseil.
M. Jolin-Barrette : Je comprends que, dans ce cas-là, le CIQ et les ordres ne sont pas
nécessairement... ce n'est pas leur responsabilité, s'il n'y a pas de
stage, tout ça. Ils se retrouvent face à l'appareil.
M. Thuot
(Jean-François) : ...situation.
M.
Jolin-Barrette : C'est ça, où ils n'ont pas de contrôle là-dessus.
• (10 h 30) •
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Si vous me permettez un petit bémol, pour avoir
été moi-même présidente d'un ordre pendant 20 ans, on a la liste des
personnes qui sont dans la file d'attente, on a les noms, bon, on peut les déclarer
dans le rapport annuel. On sait que,
je ne sais pas, il y a 32 personnes qui ont été reconnues et qui
sont en attente d'un stage, on le
sait, et on peut mesurer s'ils sont là depuis longtemps. Je veux dire, on
peut faire le... Comment dirais-je? Chaque ordre peut vous faire un portrait, puis ça pourrait être colligé par
l'office, puis vous l'auriez, le portrait. Je veux dire, on a... Parce
qu'à partir du moment où on leur donne une reconnaissance partielle ils sont
dans le système, ils ne sont pas...
Pourquoi
ils n'obtiennent pas de stages? Bien là, encore là, ça dépend si vous êtes dans
le domaine de l'agronomie — il y en a qui vont venir vous en parler — ou du
système de santé. Ça peut dépendre du domaine et du secteur. Et c'est sûr que plus le secteur est contingenté ou en restrictions budgétaires, moins les portes s'ouvrent pour ouvrir des stages
supplémentaires.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur un autre volet, la recommandation 6, la suppression de l'obligation
de l'autorisation ministérielle pour mener une enquête, j'aimerais vous
entendre davantage sur cette question-là. Est-ce que vous considérez
que l'office aurait fait plus d'enquêtes s'il n'avait pas eu à avoir une
autorisation ministérielle? Parce que, bon...
Mme Desrosiers (Gyslaine)
: Bien, on a vu dans le...
Le
Président (M. Villeneuve) :
Excusez, Mme Desrosiers, M. le député de Borduas, je dois vous interrompre. Malheureusement,
le temps est écoulé. Vous pouvez toujours répondre par le biais du secrétariat
à la commission. Mme Desrosiers, M. Thuot et M. Leblond, je vous remercie pour
votre participation aux travaux de la commission.
Et
j'inviterais le prochain groupe à prendre place, soit la Chambre de la sécurité
financière, et je suspends les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 32)
(Reprise à 10 h 35)
Le
Président (M. Villeneuve) :
Alors, on reprend les travaux de la commission. Je m'excuse de vous interrompre à l'arrière. Merci. On va reprendre les travaux de
la commission, vous rappeler que nous avons un horaire chargé
et que le temps qui est perdu malheureusement ne se rattrape jamais. Alors, je vais vous demander votre collaboration pour la suite des travaux.
Donc, nous
recevons la Chambre de la sécurité financière. Je vous rappelle que vous avez
10 minutes pour faire votre
exposé et que par la suite il y aura des échanges avec les parlementaires. Alors, je vous demande de vous présenter et de présenter les gens
qui vous accompagnent. À vous la parole.
Chambre de la sécurité
financière (CSF)
Mme Gagné(Lyne) : Bonjour, M. le Président, Mme la ministre et membres de la commission. Mon nom est
Lyne Gagné. Je suis présidente du conseil d'administration de la Chambre de la
sécurité financière.
Des voix : ...
Le
Président (M. Villeneuve) :
Je vous demanderais le silence, s'il
vous plaît, pour qu'on puisse bien
comprendre et entendre madame. Continuez, madame.
Mme Gagné
(Lyne) : D'accord.
Donc, je suis présidente du conseil d'administration de la Chambre de la
sécurité financière. Mon nom est Lyne
Gagné. Je suis accompagnée de la présidente et chef de la direction, Me
Marie-Elaine Farley, et, complètement à ma gauche, par Me Johanne Loyer,
avocate sénior aux affaires juridiques.
Donc, nous
remercions de nous offrir l'occasion de partager l'expérience de la Chambre de la
sécurité financière en matière de structure de gouvernance et d'encadrement
des 32 000 membres professionnels québécois des services financiers. Les membres de la Chambre de la sécurité financière oeuvrent dans
cinq disciplines de sécurité financière, à savoir l'épargne collective, l'assurance individuelle de personnes,
l'assurance collective de personnes, les plans et bourses d'études, et
la planification financière.
La Chambre de la sécurité financière, dont
l'unique mission est la protection du public, présente plusieurs similitudes avec les ordres professionnels, dont
son fonctionnement déontologique et disciplinaire, qui repose en partie
sur le Code des professions. Tout comme les
membres des ordres, nos membres sont des professionnels assujettis à un encadrement similaire. Ils ont notamment l'obligation légale de voir en tout temps aux meilleurs
intérêts de leurs clients, d'exercer
un jugement objectif et indépendant dans leurs recommandations et d'éviter les situations de conflit
d'intérêts. Bien que l'évolution de la gouvernance et des pratiques de la chambre diffère de celles
des ordres professionnels, nous estimons
que les pratiques de saine gouvernance que nous avons mises en place constituent un
cheminement parallèle pouvant servir
de référence aux membres de la commission dans leurs travaux subséquents concernant le
projet de loi n° 98.
Notre
présidente et chef de la direction hésite parfois à se vanter, mais je tiens à
mentionner : l'efficacité de notre organisation a été reconnue par les Grands Prix québécois
de la qualité en 2014. Il s'agit, comme vous le savez, de la plus haute distinction remise par le gouvernement du Québec aux organisations qui se démarquent par leur qualité de gestion
et par leur performance globale. Il y a, bien sûr,
toujours place à l'amélioration, et soyez assurés que la chambre y travaille
très fort.
Notre conseil
d'administration est composé de 13 membres, dont huit sont élus à des
postes qui, de par la Loi sur la distribution, sont répartis par
disciplines de sécurité financière. Cinq autres administrateurs, soit 38 %
du conseil d'administration, sont nommés par
le ministre des Finances sur recommandation du conseil d'administration. Ils ne
sont pas de l'industrie et doivent
respecter les critères d'indépendance prévus à notre règlement intérieur. Nous
estimons que cette combinaison
d'administrateurs rend notre conseil plus efficace dans l'exécution de ses
responsabilités. Il est un pouvoir de supervision des affaires
réellement indépendant plutôt qu'un collaborateur, réel ou perçu, de la
direction. C'est évidemment essentiel pour
s'assurer qu'un organisme d'autoréglementation comme la chambre demeure fidèle
à son unique mission, soit la protection du public.
En ma qualité de présidente du conseil, j'ai la
responsabilité de voir au bon fonctionnement du conseil d'administration de la chambre, j'en préside les séances, je veille à
l'amélioration continue de sa performance et assure le suivi de certains mandats. Bien sûr, nous
supervisons l'équipe de direction dans sa gestion des orientations données par
le conseil.
La première observation que nous
partageons avec vous a trait à l'importance de distinguer clairement les rôles
du conseil d'administration de ceux de la
direction. Il nous apparaît que la répartition des responsabilités et des rôles
proposée au projet de loi n° 98,
tout comme l'exercice équivalent réalisé à la chambre, produit un résultat qui,
dans les deux cas, respecte les pratiques exemplaires de gouvernance. Nous
croyons que les dispositions du projet de loi n° 98 viennent encadrer le nombre d'administrateurs ainsi que la
durée de leur mandat... et qui vient séparer les fonctions associatives
de celles liées à la protection du public sont de nature à permettre aux ordres
professionnels de remplir avec encore plus d'efficacité leur mission.
Nous
désirons toutefois attirer l'attention des membres de la commission sur
l'importance que les conseils soient composés d'administrateurs qui,
même s'ils siègent à titre d'indépendants et qu'ils ne sont pas membres de
l'ordre, possèdent les compétences nécessaires pour exécuter leurs fonctions.
C'est pourquoi le conseil d'administration de la chambre s'est doté de critères d'indépendance et d'un profil de
compétence qui permettent au C.A. de proposer au ministre des Finances
des candidats indépendants et avec les compétences requises.
Le
critère de non-appartenance à un ordre pourrait ainsi être bonifié, vu
l'importance de la mission d'un ordre et
de son conseil d'administration. À titre d'exemple, pour se qualifier comme
administrateur indépendant à la chambre, des balises sont établies par le règlement intérieur et elles s'assurent
d'un profil de compétence approprié pour les candidats. Nous nous permettons de suggérer d'utiliser
l'expertise des ordres professionnels et de leur confier la responsabilité de
retenir les critères d'indépendance et d'expertise qu'ils jugent pertinents
à la réalité propre de leur profession.
Je vous proposerais
maintenant, M. le Président, de céder la parole à Me Farley.
• (10 h 40) •
Le Président (M.
Villeneuve) : À vous la parole, Me Farley.
Mme
Farley (Marie-Elaine) : Alors, bonjour à tous. Je vais poursuivre avec
certaines remarques. Mais, avant de
ce faire, j'aimerais souligner que la Chambre de la sécurité financière se
prononce en faveur d'une vaste majorité des dispositions du projet de loi n° 98, même si nous nous permettons
de formuler quelques suggestions qui nous apparaissent susceptibles de
bonifier le projet de loi sur certains aspects.
Alors,
les efforts constants de la chambre pour améliorer ses pratiques lui ont permis
de constater le lien étroit entre la
confiance du public et une saine gouvernance, dotée d'une organisation efficace
et flexible. Ce dernier critère, la
flexibilité, est un élément important à l'efficacité des organismes chargés
d'encadrer la pratique de centaines, voire de milliers de professionnels présents dans toutes les régions du
Québec. À cet égard, l'autoréglementation est l'un des moyens d'intervention qui s'est révélé le plus
efficace, tant dans le secteur financier que pour les différents ordres professionnels. En effet, la délégation par l'État
de la responsabilité de développer et d'appliquer les règles spécifiques à un
secteur d'activité à une organisation formée de gens de ce même secteur
favorise l'atteinte du public et d'un équilibre entre la pratique des professionnels et la protection du public. De
plus, l'autoréglementation offre un avantage indéniable à l'État,
puisqu'elle s'autofinance.
Que
ce soit pour les ordres professionnels ou pour un organisme comme la Chambre de
la sécurité financière, nous invitons
le gouvernement de continuer à miser sur l'expertise et l'efficacité des
organisations qui travaillent directement sur le terrain et qui ont une connaissance fine de leur secteur
d'activité, et ce, au bénéfice, bien sûr, de l'intérêt du public qu'ils
sont chargés de protéger.
Nous
avons constaté au projet de loi n° 98 une volonté de doter l'office de
pouvoirs d'encadrement additionnels, de
lui accorder plus d'indépendance et d'autonomie dans l'exercice de ses pouvoirs
et de le doter d'une capacité d'adopter par règlement des normes minimales d'éthique et de déontologie,
obligatoires pour les membres d'un conseil d'administration d'ordre
professionnel. Ces normes viendront guider la façon dont les administrateurs
des ordres devront adopter et se conformer
aux normes d'éthique et de déontologie auxquelles ils s'assujettissent
eux-mêmes par règlement de l'ordre. Ces nouveaux pouvoirs, bien sûr,
sont de nature à favoriser la protection du public.
L'un
des points d'amélioration possibles concerne la façon dont le projet de loi se
propose de modifier les pouvoirs de
l'Office des professions à l'endroit des ordres. Par exemple, les
articles 5 et 46 du projet de loi nous semblent présenter une source probable de difficultés d'application
concernant la duplication des mêmes pouvoirs réglementaires au niveau de l'office et au niveau des ordres. Ces deux
instances peuvent réglementer les mêmes choses différemment, il pourrait
devenir difficile pour un
administrateur de déterminer s'il se conforme bien aux règles d'éthique et de
déontologie qui le régissent.
À
la chambre, comme l'est un ordre avec l'office, nous sommes assujettis à des
pouvoirs de surveillance et de contrôle
de l'Autorité des marchés financiers, et même ces pouvoirs sont beaucoup plus
étendus que ceux que le Code des professions accordera à l'office, une fois
modifiés par le projet de loi, et ne créent aucun chevauchement entre
l'autorité et la chambre quant à
l'adoption des règles d'éthique et de déontologie des administrateurs. À titre
d'exemple, c'est le conseil d'administration
de la chambre qui adopte par règlement et applique les règles touchant
l'éthique et la déontologie des administrateurs
et fait ensuite rapport à l'autorité de leur application, qui, elle, dispose
des pouvoirs nécessaires pour obtenir les correctifs si elle le juge
nécessaire.
Nous
comprenons l'idée de conférer à l'office la capacité de donner des orientations
sur le plan des principes et des valeurs à promouvoir dans le code de
déontologie des ordres. Pour y arriver sans introduire un dédoublement, nous suggérons d'accorder à l'office un pouvoir
d'émettre des lignes directrices, comme l'Autorité des marchés financiers,
qui le fait pour les institutions financières.
Le Président (M.
Villeneuve) : Il reste une minute, alors je vous invite à la
conclusion.
Mme Farley
(Marie-Elaine) : Alors, en terminant, j'aimerais aborder l'aspect de
la formation continue obligatoire qu'on
propose, où nous voyons vraiment une bonne amélioration. Mais, pour nous, ces
mesures auraient avantage peut-être d'aller plus loin, notamment parce que nos
professionnels, en matière de prévention et de protection du public, sont
assujettis à des normes de formation
continue obligatoire, dont un cours de formation obligatoire en matière d'éthique
qui est dispensé par la chambre... et
dont le contenu est dispensé par la Chambre de la sécurité financière à tous
les quatre ans. Donc, c'est une formation continue obligatoire.
Alors,
en ce sens, les dispositions du projet de loi pourraient aller davantage plus
loin, et, pour ce faire, bien, le projet de loi n° 98 constitue des
orientations qui, bien sûr...
Le
Président (M. Villeneuve) : Je dois malheureusement vous interrompre.
Merci pour votre exposé, et vous aurez
l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Alors, sur ce, je cède la parole
à Mme la ministre pour les 16 prochaines minutes. À vous la parole, Mme
la ministre.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour
votre présentation. Je sens qu'à la fin de votre présentation vous étiez un petit peu pressée par le temps. Donc, si vous
souhaitez poursuivre, là, il me fera plaisir de vous entendre, parce que vous abordez la question de la
bonification de la formation continue obligatoire. Alors, je vous cède la parole.
Mme
Farley (Marie-Elaine) : Oui. En fait, pour nous, la formation continue
obligatoire est quelque chose qui mise
beaucoup les aspects... qui favorise beaucoup la prévention et la protection du
public. Alors, pour nous, nos professionnels
sont assujettis à des 30 heures d'obligation de formation continue
obligatoire par cycle de deux ans, ça, c'est
le minimum, dont 10 heures de formation continue en matière de conformité
et de normes éthiques. Et par ailleurs, à tous les quatre ans, là c'est 10 unités de formation continue
obligatoire en matière d'éthique. Nos professionnels doivent suivre trois heures de formation continue en ces
matières, dont le contenu est élaboré pas la chambre, est dispensé par la
chambre. Alors, c'est une initiative que nous avons mise en place récemment, en
2011.
Mme
Vallée : Et est-ce que vous avez senti une difficulté
d'intégrer ces formations-là auprès de vos membres? Est-ce qu'il y a eu
de la résistance ou est-ce que ça se fait quand même relativement bien?
Mme
Farley (Marie-Elaine) : C'est un processus qui s'est passé en
collaboration, avec des consultations que nous avons faites au préalable, et puis, cette année, en 2015, ça a été
la première fois où, premièrement, les membres ont dû suivre le cours
obligatoire en éthique imposé par la chambre. Je me plais à dire que cette
formation-là a été jugée satisfaisante par
94 % de nos membres, et c'est 97 % des membres qui l'ont suivie au
complet. Donc, le taux de conformité à cette obligation spécifique de
formation continue obligatoire a été observé.
Puis
c'était la première fois que le cycle de quatre ans se terminait en novembre.
Puis, pour le restant, bien, en fait, c'est
des obligations de formation continue obligatoire d'ordre général qui sont
balisées, bien sûr, par un règlement au niveau de l'accréditation, et ces mesures sont imposées depuis le début
de la Chambre de la sécurité financière, en 1998. Donc, c'est une bonne
expérience pour nos membres, mais ils sont habitués de suivre ces
formations-là.
Mme
Vallée : Dans votre mémoire, vous proposez de bonifier des
critères d'indépendance des administrateurs, aller, dans le fond, au-delà de l'interdiction de siéger sur le conseil
d'administration d'une association professionnelle ou d'un regroupement de membres de l'ordre.
Pourriez-vous me préciser les critères d'indépendance des administrateurs
qui pourraient s'appliquer au contexte particulier des ordres professionnels?
• (10 h 50) •
Mme
Farley (Marie-Elaine) : Bien, en fait, le critère d'indépendance,
c'est pour nous... Si on recule un peu dans le temps, nous avions des représentants du public, et l'indépendance,
par exemple, pour nous, c'est d'avoir une certaine distance par rapport à l'activité des professionnels
qui sont encadrés par la chambre, donc l'obligation de ne pas avoir siégé à titre d'administrateur, de ne pas avoir
été membre depuis au moins 10 ans de la Chambre de la sécurité financière
ou avoir oeuvré dans un secteur de l'industrie qui est connexe, aussi de ne pas
être membre d'une association, à titre d'administrateur,
qui est affiliée ou qui est chargée de défendre l'intérêt des membres. Et aussi
ce qui est bien important, c'est de
s'assurer, par le biais d'un profil de compétence, que les administrateurs indépendants puissent composer
d'une diversité de compétences qui
sont bénéfiques pour le secteur dans lequel nous oeuvrons. Alors, c'est sûr que
c'est des critères qui peuvent
être... qui doivent correspondre à chacun des secteurs. Donc, on y voit une
certaine bonification pour les ordres
professionnels, de pouvoir compter sur l'apport de personnes qui ont des
compétences propres aux secteurs spécifiques des ordres professionnels.
Alors,
c'est pour ça qu'on dit de laisser la flexibilité aux ordres professionnels, qui connaissent bien leurs secteurs, ça
nous apparaît bénéfique, et de les soumettre en recommandation à l'office pour
leur nomination.
Mme
Vallée : Parce que
certains commentaires qui ont été formulés, par exemple, c'est qu'il fallait
éviter d'être trop restrictif. Par exemple, si on a un médecin qui siège
sur le conseil canadien en cardiologie, est-ce que ça le rend de facto... ou est-ce que ça le rendrait de facto
inapte à siéger au Collège des médecins? Donc, pour certains, le fait de
pouvoir siéger sur certains organismes
pancanadiens, ou même internationaux, vient bonifier le rôle de protection du
public qu'a l'ordre professionnel. Mais parfois cette ligne-là, elle est délicate,
elle n'est pas toujours évidente. Est-ce que vous avez ce type de situation
au sein de la chambre?
Mme Gagné
(Lyne) : Bien, écoutez, huit
de nos administrateurs sont des représentants de notre industrie. Donc, pour nous, le lien d'indépendance est là. Si
jamais quelqu'un vient de l'industrie, il n'est pas reconnu comme indépendant
au sein de notre conseil d'administration.
Donc, pour nous, c'était très
important qu'il y ait une distinction très nette pour le statut, le critère
d'indépendance. Donc, Marie-Elaine, tu veux peut-être vouloir compléter.
Mme Farley (Marie-Elaine) : Oui. Aussi, en fait, c'est que, dans le temps,
nous avons limité pour les administrateurs non membres d'un ordre certaines durées dans le temps de leur
implication dans un secteur qui est connexe à la Chambre de la sécurité financière pour justement favoriser
leur indépendance d'esprit, en termes d'implication au sein du conseil.
Mais bien sûr leurs connaissances apportent aussi, et c'est pour ça que c'est
important de définir les compétences des administrateurs
via un profil de compétence, pour justement s'assurer qu'ils apportent une contribution positive à l'ordre
professionnel via son conseil d'administration.
Mme Vallée : Vous avez dit, d'entrée de jeu, qu'il y a, au sein de votre
organisation, un partage de responsabilités entre la présidence du conseil et le chef de la direction. Comment cette
séparation-là, pour vous, vous a amenés vers une saine gouvernance? Parce que, vous avez peut-être entendu, on nous
disait : Il ne faut pas faire du mur-à-mur. Certains ordres sont plus
petits, et ce n'est pas à propos de faire cette distinction entre la présidence
et le chef de direction.
J'aimerais
vous entendre sur ce que ça a apporté, que de mettre en place ces règles de
gouvernance là au sein de votre organisme.
Mme
Farley (Marie-Elaine) : Bien, en fait, pour nous, la présidence du
conseil... les membres du conseil d'administration sont à 38 %
indépendants, puis le reste, c'est des gens qui sont de l'industrie. Donc, à
partir de là, la présidente du conseil, qui est aussi un administrateur, siège au conseil d'administration et a,
elle, les pouvoirs de voir au bon fonctionnement du conseil, dans les orientations que le conseil détermine. Donc, bien
sûr, pour nous, c'est d'une efficacité, puisque c'est le conseil qui détermine, de concert avec la
direction, mais c'est lui qui est porteur des orientations stratégiques, et qui
approuve le budget de l'ordre... pardon, de la Chambre de sécurité
financière, et donne les indications très claires quant aux orientations stratégiques que la direction doit
suivre. Alors, ça opère une certaine... un sain partage des responsabilités,
des rôles.
Le
fait qu'ils soient déterminés, ça permet, par exemple, à la direction d'assurer
un suivi dans le temps, puisque les
membres des conseils d'administration sont élus pour des mandats de trois ans.
Ils peuvent être renouvelés de façon consécutive,
mais ce n'est pas des gens qui travaillent au sein de l'ordre, tant la
présidente du conseil... Ce qui me semble être un peu différent peut-être des ordres professionnels. Mais, pour
nous, la présidente du conseil, c'est un administrateur également, et, dans la loi, le chef de la
direction, pour lequel je suis nommé par le conseil, est le fondé de pouvoir et
est responsable de l'exécution des
décisions du conseil, et la relation... et la dynamique, pour nous, elle est
bénéfique à ce niveau-là. Ça permet un suivi constant dans les représentations
d'un moment, dans les grands dossiers de la chambre, même si le conseil d'administration peut se renouveler à quelques... au
moment précis lors de la fin de leur mandat, bien évidemment, ça permet
une continuité des affaires de la chambre.
Mme
Vallée : Et donc ça permet de maintenir une mémoire corporative
au sein de l'organisation, entre autres.
Mme Farley
(Marie-Elaine) : Exactement.
Mme
Gagné (Lyne) : Si je peux compléter, la gouvernance également se doit
d'évoluer au sein d'une organisation, dont
la chambre également. On a évolué en termes de la structure du conseil
d'administration dans sa forme actuelle. La chambre a déjà été plus petite, si
vous désirez, et on a évolué à travers le temps. Donc, je pense que d'avoir...
le fait d'avoir les deux rôles
séparés a permis de faire évoluer la structure de gouvernance de façon plus
efficace pour répondre aux besoins de l'organisation.
Mme
Vallée : Et vous êtes favorables aussi à la question à l'effet
que les administrateurs, puisqu'on est dans la gouvernance, ne soient pas là pour représenter une région. Alors, ça,
c'est un enjeu très sensible au sein des ordres. Lorsque nous avons modifié la
Loi sur le Barreau, ça avait fait ressortir certains sentiments d'appartenance
au milieu. Mais j'aimerais vous
entendre à cet égard, parce que vous avez... vous mentionnez que c'est
favorable de ne pas avoir de
représentants territoriaux. Alors, on a des visions qui s'opposent, on a des
gens qui considèrent qu'au sein des ordres cette représentation territoriale, elle est importante, cette
représentation régionale, elle est importante afin de bien cerner ce qui se passe sur le terrain et également pour
la protection du public. Mais vous avez une opinion quelque peu différente.
Mme
Farley (Marie-Elaine) : Alors, bien, la représentation régionale,
nous, ce qu'on dit, c'est que ça ne doit pas être... c'est important dans une certaine... C'est important d'avoir
une représentation régionale dans les structures, sauf qu'elle ne doit pas être le critère qui guide
les administrateurs pour prendre leurs décisions en termes de particularités
régionales pour lesquelles ils sont élus.
Chez
nous, à la chambre, si nous avons des administrateurs qui représentent... La
diversité s'exprime autrement au sein
du conseil de la chambre, c'est-à-dire qu'elle s'exprime par l'élection
d'administrateurs qui sont... qui oeuvrent dans les cinq champs de pratique que la Chambre de la sécurité
financière encadre. Donc, c'est une diversité. Mais ce n'est pas parce qu'ils représentent une diversité
et qu'ils sont élus parmi leurs membres de leur... comme les planificateurs
financiers élisent parmi eux un
planificateur financier pour siéger au conseil. Alors, pour nous, les décisions
du conseil d'administration doivent
être prises dans l'unique intérêt de la chambre. Ils apportent, par leur
diversité, une expertise dans leur
domaine précis, mais ce n'est pas pour représenter un groupe d'intérêts. Donc,
c'est le parallèle qu'on peut faire aussi
avec la représentation régionale, qui n'est pas là pour défendre un groupe
d'intérêts, mais de s'assurer que la profession dans son ensemble, elle
est bien représentée par une diversité. Alors, c'est le point de vue.
Et
on a aboli aussi l'élection des membres par région au sein des membres du
conseil d'administration des différentes disciplines. Et puis on a instauré
aussi un collège électoral, qui est notre assemblée des membres, alors ce
collège électoral là, par contre, qui vient participer aux décisions à
l'assemblée générale des membres et est établi selon une diversité
régionale. Mais ce n'est pas au conseil d'administration que cela s'exprime.
Mme Gagné (Lyne) : Et j'apporterais
aussi...
Le Président (M. Villeneuve) : Oui.
Juste vous présenter. Excusez.
Mme Gagné (Lyne) : Lyne Gagné,
présidente du conseil.
Je voudrais
apporter un complément. Au collège électoral, il y a un administrateur qui est
élu. Donc, il y a une possibilité
d'avoir une représentation régionale, si vous vous l'appelez ainsi, lors de
l'élection de cet administrateur-là qui est élu parmi le collège
électoral lors de l'assemblée générale annuelle.
• (11 heures) •
Mme Vallée :
Donc, votre collège électoral représente la diversité régionale des membres, et
au sein de ce collège peut être élu
un représentant qui sera au conseil d'administration, et, au sein du conseil,
vous assurez la diversité comme étant la diversité de champs d'expertise
au sein de l'ordre.
Est-ce que la
diversité, dans son ensemble, parce qu'il est question aussi... Dans certains
mémoires, on le verra un peu plus
tard, certains recommandent d'avoir... d'assurer une meilleure diversité
culturelle, diversité d'âge, assurer la
parité hommes-femmes au sein de l'ordre. Comment assurez-vous aussi que cette
diversité, à son sens plus large, soit également présente au sein de
votre conseil d'administration?
Mme Farley
(Marie-Elaine) : Bien, en fait, pour nous, le critère premier, c'est
d'avoir des gens compétents, bien sûr,
au sein du conseil d'administration. Maintenant, on comprend que des critères,
parfois, de certains quotas peuvent être
importants, notamment l'indépendance... les membres de conseil d'administration
qui sont non membres à l'ordre qui
représentent... non-membres de la chambre qui représentent 38 % des
membres du conseil d'administration. Alors, pour nous, si mon calcul est bien fait ou si... Au niveau de la
diversité, il n'y a pas de règle précise autre que celle qui se fait de façon
normale. Et je pense que c'est 50 % des femmes qui sont au sein du
conseil... 54 %, 54 % des gens au conseil d'administration qui sont des femmes, mais aucun
quota précis n'est imposé. Donc, pour le moment, ce n'est pas présenté
comme nécessaire, des mesures spécifiques, à ce sujet-là.
Mme Vallée : ...
Le Président (M. Villeneuve) : Mme
la ministre, Mme la ministre, désolé de vous interrompre...
Mme Vallée : C'est terminé?
Le Président (M. Villeneuve) : ...on
doit mettre fin aux échanges entre vous et les gens...
Mme Vallée : Nos temps
d'échange sont vraiment trop courts, M. le Président.
Le
Président (M. Villeneuve) : ...de la Chambre de la sécurité
financière. Alors, pour les 9 min 30 s qui suivent, je
céderais la parole à la députée de Chicoutimi. Alors, à vous la parole.
Mme
Jean : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gagné, présidente du
conseil d'administration, Mme Farley, chef
de direction, bonjour, et Mme Loyer. Merci d'être ici. Merci pour la
présentation. Je comprends que la Chambre de la sécurité financière a fait ses devoirs et a fait des travaux assez
importants justement au niveau de la gouvernance, et je vous en
félicite, c'est intéressant de voir l'expérience et que vous soyez ouvertes à
venir la partager avec nous.
Je suis
heureuse aussi du constat... ou de ce que je vois. J'étais déjà heureuse de
voir qu'il y avait trois femmes qui
étaient ici pour représenter la chambre et je viens d'apprendre qu'il y avait
plus de 50 % du conseil d'administration qui est nommé par les femmes. Alors, bravo pour cette réalisation. Il
faudra qu'un jour vous m'expliquiez comment vous êtes arrivées à ça,
parce que ce n'est pas régulier dans nos conseils d'administration. Donc, on
pourra en parler à ce niveau-là.
Ma première
question, on fait la distinction... au niveau de la gouvernance, c'est
important de faire une distinction, je pense, entre la surveillance et
la direction d'un ordre professionnel de manière à ce que la population ait
confiance au fonctionnement et qu'on ne centralise pas les pouvoirs aux mains
d'une même personne. Donc, on parle de séparer le poste de président du conseil d'administration du poste de directrice ou
de directeur général d'une organisation. Je pense que c'est louable et que
c'était important que ça se fasse. Par contre, on a soulevé la problématique
potentielle des plus petits ordres.
Donc, lorsque les ressources humaines et les ressources financières sont moins
importantes, donc, elles se retrouvent
peut-être à une certaine difficulté de séparer ces deux postes-là. Qu'est-ce
que vous en pensez? Avez-vous des pistes de solution à ce niveau-là?
Mme Farley (Marie-Elaine) : Bien, en
fait, nous, on a partagé notre expérience à titre d'organisation qui est
composée de 32 000 personnes.
Une
voix : ...
Mme
Farley (Marie-Elaine) : ...oui, 32 000, nous encadrons
32 000 membres. Et puis, bien qu'on soit sensibles à certaines difficultés, pour nous, peut-être que
ça peut se représenter dans la taille des conseils d'administration, mais, de
ce que nous comprenons, c'est qu'au niveau
des ordres professionnels les membres sont élus, notamment au niveau de leurs conseils d'administration, et il y a une
direction qui opère les décisions du conseil d'administration. Alors, dans un
souci d'efficacité, bon, c'est peut-être de
moduler la taille de la direction versus le conseil d'administration. Mais,
quand les rôles et les responsabilités sont départagés entre le conseil,
qui est habituellement là pour décider des orientations, s'assurer que la direction fasse son travail dans
l'intérêt de la mission de l'organisme... bien, ça nous apparaît plus efficace
en termes de responsabilités.
Peut-être
qu'on n'est pas au fait nécessairement des particularités de certains ordres,
alors je fais ces commentaires-là avec
toute déférence pour l'expertise et les particularités de certains ordres qui
ont des différences, mais, pour nous,
un conseil d'administration, c'est là pour surveiller la direction mais
aussi d'implanter des orientations stratégiques. Et souvent les gens qui sont impliqués au sein de conseils d'administration ont une carrière parallèle. Donc, c'est pour ça
que, dans la continuité des affaires
de la chambre, par exemple, ça nous apparaît efficace d'avoir une organisation qui est forte sur le plan opérationnel des orientations qui sont
dictées par le conseil d'administration.
Mme
Jean : Alors, merci.
Question : Le conseil
d'administration, la nomination
des... Bon. La composition d'un conseil d'administration doit être
diversifiée, comprend des gens qui sont membres de l'ordre et comprend aussi
des administrateurs indépendants. Vous parliez
de la manière d'encadrer la nomination des administrateurs indépendants par
des bases qui se porteraient sur des
compétences et une indépendance aussi. Ce que je comprends, c'est que le modèle
proposé ferait en sorte que le profil des
compétences ou du style d'indépendance qui serait nécessaire serait déterminé par l'ordre en question. Chacun des ordres
pourrait, ou se recommanderait, ou s'encadrerait à ce niveau-là. Selon vous,
le fait que ce soit l'ordre elle-même qui
détermine ça, est-ce qu'à un moment
donné de mettre elle-même des compétences, et tout pourrait, quelque
part, risquer peut-être de faire un certain profilage qui fait que les
indépendants pourraient toujours correspondre à un type particulier de profil
et que ça fait une sélection, finalement, à sa nomination?
Mme
Farley (Marie-Elaine) : Bien, je comprends votre question, mais, pour
nous, c'est important aussi d'avoir des critères qui évoluent dans le
temps. Donc, c'est pour ça que les ordres professionnels, selon leur
situation... Puis, encore là, je vais
ramener plutôt à nous. Selon notre situation, bien, c'est bien que nous ayons
des administrateurs qui puissent se... qui peuvent se renouveler et qui
puissent avoir une diversité de compétences. Donc, il y a des critères, bien
sûr, d'indépendance qui sont établis, dont
le fait de ne pas être membre de l'organisation et aussi de ne pas être membre
d'une association qui est là pour
représenter et défendre les intérêts, tout comme les membres élus du conseil
d'administration ne peuvent pas le
faire. Alors, c'est les deux catégories qui ne peuvent pas être membres d'une
association de membres chargée de
défendre l'intérêt des membres. Alors, pour nous, ça, c'est des critères qui
favorisent l'indépendance, puisque, dans
le fond, ils ne sont pas en conflit d'intérêts avec... structurel de par le
fait qu'ils soient à l'extérieur. Ça fait que c'est des critères qui nous semblent, bien sûr, de base
pour les conflits d'intérêts, qui ne doivent pas exister au sein d'un conseil d'administration, parce que ça ne facilite pas non plus
la dynamique.
Donc,
pour ça, toutefois, pour déterminer quel type de compétences le
conseil a besoin pour prendre ses décisions en matière d'orientations stratégiques, notamment, eh bien, il y a un
comité de gouvernance chez nous qui, selon le cas, bien, détermine, fait le profil des compétences
recherchées pour, par exemple, recommander au ministre la nomination de
certains membres du conseil. Alors, on a eu chez nous des gens qui
représentaient une diversité, dans les dernières nominations, qui étaient issus de compétences en communications, en
informatique, aussi en juridique, bien sûr, parce qu'on est dans une profession très réglementée.
Alors, pour nous, le fait que le conseil puisse aussi déterminer des critères
selon un profil de compétence et soumettre
au ministre, ça nous semble une bonne façon d'opérer et de faciliter pour les
ordres et, oui, ici, pour nous, justement, une bonne complémentarité
d'expertises au sein du conseil.
Et
bien sûr nous, nous sommes — ça, je tiens à le dire aussi — sujets à la supervision et au contrôle de
l'Autorité des marchés financiers, qui peut, elle, lorsque nous édictons
des règlements, apporter des commentaires ou émettre certaines opinions sur la façon dont on se gouverne, par un plan de
supervision qui est établi de façon consensuelle. Alors, c'est peut-être différent au niveau de la relation
des ordres vis-à-vis l'office, parce que les pouvoirs qui sont... auxquels
nous sommes assujettis, de contrôle et de
surveillance par l'Autorité des marchés financiers, sont quand même assez
vastes.
Alors,
ça favorise un équilibre, mais tout ça, ça ne compromet pas non plus l'agilité
et la flexibilité nécessaires à un ordre professionnel d'être bien placé pour savoir
ce dont il a besoin, donc, nous, ce dont nous avons besoin à la chambre,
bien que nous ne soyons pas un ordre professionnel.
• (11 h 10) •
Mme
Jean : On parle
d'autorégularisation des ordres professionnels, vous l'êtes aussi. Vous venez
de mentionner que vous avez l'office
des services financiers qui supervise, ou qui fait des audits, j'imagine, ou
qui regarde le fonctionnement de votre association, de la chambre. Parmi les ordres professionnels actuellement, c'est autorégularisé, est-ce que
vous voyez un lien entre le fait de
l'arrivée... ou le changement de mandat ou l'étendue du mandat du commissaire,
qui était le commissaire aux plaintes, qui devient un commissaire à
l'admission? Est-ce que quelqu'un... le commissaire à l'admission, avec le mandat qui lui serait donné, vous le verriez comme quelqu'un
qui pourrait, à la limite, être la personne ou l'organisme qui viendrait voir le fonctionnement de l'admission
des ordres, il porte un jugement, il peut être... voir l'amélioration
des règles que se sont autodonnés chacun des ordres? Est-ce que c'est quelque
chose qui...
Le Président (M. Villeneuve) : En
20 secondes, Me Farley, s'il vous plaît.
Mme
Farley (Marie-Elaine) : Oui. Bien, pour nous...
Mme Jean :
C'est vrai que c'est court.
Mme
Farley (Marie-Elaine) :
Nous, nous avons... nos commentaires se limitent à la gouvernance, aux mesures
qui améliorent les mécanismes de protection,
et nous ne nous sommes pas penchés et prononcés sur le commissaire aux plaintes, etc. Donc, pour nous, d'ordre général,
ça prend un bon équilibre entre les pouvoirs de l'organisation qui est chargée
de notre surveillance, qui est l'Autorité des marchés financiers, mais le fait de nous confier, parce que
nous sommes un organisme d'autoréglementation, la supervision...
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Et je
céderais maintenant la parole au député de Borduas pour les
6 min 30 s prochaines.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Gagné, Me Farley, Me Loyer, merci pour votre
contribution aux travaux de la commission. Mes questions
vont porter principalement sur la gouvernance, parce
que c'est l'objet de votre mémoire.
Je vous en remercie parce que ça permet d'avoir une vue plus globale.
Dans
le Code des professions, dans le projet
de loi on prévoit que n'importe qui membre d'un ordre professionnel pourrait soumettre sa
candidature à titre de président. Parfois, il y avait certains critères selon
le fait que vous deviez avoir déjà
siégé sur le conseil d'administration au cours des dernières années, vous aviez
été sensibilisé à la gouvernance.
Le fait d'avoir quelqu'un
qui n'aurait pas d'expérience à titre d'administrateur
d'un ordre professionnel ou qui n'aurait pas siégé sur le conseil, comment vous voyez ça, qu'il puisse se
présenter aux élections pour devenir président d'un ordre professionnel?
Mme Farley (Marie-Elaine) : En fait, nous, ce qu'on est venues dire, c'est
que ça fait du sens qu'un administrateur soit président du conseil, c'est notre mode de fonctionnement. Alors, on
peut comprendre qu'il y a certaines particularités, au sein d'ordres professionnels, pour lesquelles
nous sommes moins familiers, mais, pour nous, le choix d'un président d'un conseil d'administration, ce qui est
différent d'un président, peut-être, de l'ordre, en termes de
responsabilités... Notre président du
conseil d'administration est là pour assurer le bon fonctionnement du conseil
d'administration et aussi de faire un lien avec la direction.
M. Jolin-Barrette : Mais ma question, elle est plus sur le fait qu'un membre d'un ordre
professionnel se présente aux
élections sans jamais avoir siégé sur le conseil de l'ordre. Le fait de ne pas
avoir d'expérience d'administrateur, est-ce que, pour vous, c'est un enjeu majeur? Est-ce que ça crée un blocage ou
la chambre est ouverte à dire : Bien, écoutez, on n'a pas nécessairement besoin d'avoir déjà siégé
sur le conseil d'administration pour pouvoir accéder, supposons, à la
présidence?
Mme Gagné
(Lyne) : Lyne Gagné, présidente du conseil.
Si
je peux me permettre de répondre, nous avons mis comme règle que, pour être
président du conseil d'administration
de la chambre, il faut avoir siégé au moins un an au conseil d'administration
de la chambre, une des raisons étant
de connaître les enjeux auxquels la chambre est confrontée et comment on peut
faire avancer la chambre encore plus dans ses mandats, dans la
réalisation de ses mandats. Pour avoir été, depuis quelques années, au conseil d'administration de la chambre, je pense que,
d'avoir fait le tour pendant un an de temps, c'est un minimum, si on peut
le dire. Cependant, on n'empêche pas... Des
membres qui souhaitent poser leur candidature à l'élection pour être élus au
conseil d'administration ne sont pas obligés
d'avoir une expérience comme administrateurs, simplement, comme président
du conseil, on demande qu'ils aient siégé un an au conseil.
M. Jolin-Barrette : Dans votre mémoire, vous dites : Dans le fond, c'est bien que le
syndic... à la page 33, là, c'est
bien que le syndic ait la possibilité d'accorder l'immunité à un membre qui,
bon, se met à la table pour avouer certains gestes non conformes. Je sors un petit peu du projet de loi puis je vous amène au projet de loi, là, qui est présenté par le collègue de la Sécurité publique, notamment
sur le fait que le Directeur des poursuites criminelles et pénales pourrait accorder l'immunité à un individu, et notamment
en matière disciplinaire. Donc, on
vient dire, dans le fond : En matière criminelle, on englobe tout
type de poursuite, et on se retrouve avec quelqu'un qui aurait pu commettre une
faute disciplinaire, et le syndic n'aurait pas nécessairement la possibilité de
le poursuivre. Comment vous voyez ça pour la protection du public?
Mme
Farley (Marie-Elaine) : Bien, en fait, nous, dans les mesures qui sont
proposées par le projet de loi, qui renforcent les mécanismes de
protection du public, dont au niveau des pouvoirs du syndic, nous avons émis
que nous soyons... on est favorables envers
ces protections-là, mais par contre on est conscients que peut-être certains
aménagements devraient être étudiés plus à fond, notamment au niveau de
certaines autres lois qui pourraient permettre ce genre d'immunité là afin d'assurer une efficacité dans les mesures. Mais on ne
s'est pas... notre étude ne s'est pas prononcée au-delà de dire qu'on voyait d'un bon oeil des mesures qui pouvaient
accroître la protection et ainsi la marge de manoeuvre d'un syndic, qui
est assez importante.
M.
Jolin-Barrette : Vous
appuyez également, à la page 7 de votre mémoire, le fait que désormais l'Office
des professions n'aurait plus besoin
de demander l'autorisation ministérielle pour mener une enquête. En quoi le
fait d'avoir une autorisation ministérielle était
peut-être problématique, ou tout ça? Pouvez-vous nous expliquer la position de
la chambre là-dessus?
Mme Farley
(Marie-Elaine) : Bien, en fait, c'est... Nous, on ne l'a pas vu du
fait que ce soit problématique, on l'a vu
comme une mesure d'efficacité au sein de l'office, qui est là quand même, selon
notre compréhension, pour avoir un certain pouvoir de surveillance et de
contrôle sur les ordres, c'est son expertise. Donc, nous, si on compare avec
les pouvoirs de surveillance que l'Autorité
des marchés financiers exerce sur la chambre via des règles bien définies qui
évitent les chevauchements, bien, pour
nous, ça nous semblait être une mesure d'efficacité. Bien sûr, il y a peut-être
des particularités qui nous ont
échappé, dont... Je suis certaine que les autres organismes pourront faire part
de leurs commentaires, mais ça nous semblait être une mesure qui
permettait l'efficacité de l'Office des professions dans son mandat que le
gouvernement lui confère.
Le Président (M. Villeneuve) :
...30 secondes, M. le député.
M. Jolin-Barrette : Oui. Peut-être
une question rapide sur le rôle du directeur général. On vient l'inscrire directement dans le projet de loi. Peut-être nous
dire... Vous, vous disiez tout à l'heure, bon : C'est la mémoire de
l'organisation. Mais, pour un
président élu, est-ce que, si jamais il y a une difficulté de vision avec le
directeur général, ça ne pose pas un problème, avec quelqu'un qui a un
mandat élu, avec un programme?
Mme Farley (Marie-Elaine) : Je ne
suis pas certaine de comprendre votre question, mais...
M.
Jolin-Barrette : Bien, en
fait, le président qui est élu arrive avec un mandat de ses membres au niveau
de la protection du public, tout ça, et il se retrouve avec quelqu'un
qui est déjà en place au niveau de la direction générale, et là on prévoit dans le code que maintenant ça va
être aux deux tiers... en bas des deux tiers pour le conseil d'administration.
Donc, votre perception, votre position par
rapport à ça, du fait qu'on vient permanentiser le directeur général un peu,
là?
Le Président (M. Villeneuve) : Très
rapidement, le temps est écoulé...
Mme Farley
(Marie-Elaine) : Bien, en fait, pour nous, je suis le fondé de pouvoir
du conseil d'administration. Bien
sûr, pour avoir une certaine liberté d'implantation des orientations du
conseil, le conseil peut me destituer à deux tiers du pourcentage des voix. Mais c'est une mesure qui
nous apparaît bénéfique pour assurer une certaine indépendance dans la
direction et l'opérationnalisation, pour être à l'abri aussi, peut-être, de
pressions, qui ne viendraient peut-être pas directement
du conseil d'administration. Mais la notion de confiance entre le conseil
d'administration et la direction est essentielle,
sinon ça ne peut pas fonctionner dans les faits, et au-delà de tout règlement
ou limitation. Donc, c'est bien important.
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme Farley. Merci beaucoup, Mme
Farley. Merci, Mme Gagné, Me Loyer. Merci à vous trois et merci de votre
contribution aux travaux.
Je vais
suspendre la commission quelques instants afin de permettre aux représentants
de la Chambre de l'assurance
de dommages de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 20)
(Reprise à 11 h 22)
Le
Président (M. Villeneuve) :
Alors, nous allons reprendre nos travaux. Je m'adresse aux parlementaires : avec le privilège et le plaisir de présider cette
commission vient aussi le devoir d'être le gardien du temps, et nous avons pris
quelques... très peu de retard, mais il faut
quand même prévoir rentrer dans l'horaire que nous avons, et, étant donné que
l'heure du dîner est courte, je vous propose
que nous retranchions quelques minutes pour les deux prochains groupes, sans
toucher évidemment aux 10 minutes de leurs exposés. Est-ce que ça vous
convient? On parle de trois minutes par groupe
ou 3 min 30 s par groupe. Est-ce que ça vous convient?
Donc, le temps sera réparti d'une façon différente, et tout ça
proportionnel évidemment au poids politique de chacun des groupes
parlementaires.
Alors, sur ce, je vous souhaite la bienvenue et
je vous demande donc, Mme Beaudry, Mme Raic et Me Desforges — c'est
ça? — alors de bien vouloir vous présenter, et présenter
les gens qui vous accompagnent, et de commencer votre exposé. Merci.
Chambre de l'assurance
de dommages (CHAD)
Mme Raic
(Maya) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et
MM. les députés, membres de la commission, ça nous fait évidemment
extrêmement plaisir d'être ici ce matin.
Je me
présente : Maya Raic, je dirige la Chambre de l'assurance de
dommages, un organisme d'autoréglementation semblable à l'organisme qui
m'a précédée mais qui a comme seule mission évidemment la protection du public. Nous encadrons
15 000 professionnels dans l'industrie de l'assurance de
dommages : agents, courtiers, experts en sinistres. Tous les Québécois ont affaire une fois, à un
moment dans leur vie, avec des agents, des courtiers ou des experts en
sinistres. La chambre n'est pas
formellement un ordre professionnel, mais ses objets sont similaires, et elle
est assujettie à une portion du
Code des professions.
Je suis
accompagnée ce matin par Diane Beaudry, qui est présidente du conseil d'administration de la chambre, elle est aussi CPA, CA, donc membre d'un ordre professionnel — et
j'en suis un, moi aussi, je suis membre de l'Ordre des administrateurs
agréés; et Me Jannick Desforges, qui est membre du Barreau, qui est
directrice des affaires institutionnelles et de la conformité des pratiques à
la chambre.
Nous sommes ici devant vous aujourd'hui pour
vous faire part de notre vécu. Vous vous souviendrez, il y a quelques
années, l'industrie des services
financiers a été entachée par quelques
scandales menés par certains professionnels, et
alors la confiance des consommateurs fut passablement ébranlée. Après tout, la
relation entre le public et ses professionnels est
basée sur la confiance, puisque ces derniers possèdent les connaissances que le consommateur n'a pas. C'est ce qu'on appelle le déséquilibre informationnel. C'est d'ailleurs pour réduire les préjudices potentiels pour le public que les ordres professionnels et la chambre encadrent ces
professionnels. En plus, vous le
savez tout autant que moi, cette confiance du public est intimement liée
à l'essor économique et aux saines industries, d'où l'importance de donner les
pouvoirs nécessaires aux ordres
professionnels pour qu'ils puissent
assumer pleinement leur mission de protection du public. Il ne faut pas attendre une autre crise
pour agir.
Je disais donc que nous sommes ici pour vous
faire part de notre vécu. Après ces scandales, la chambre a procédé à une réflexion majeure pour voir si elle
pouvait mieux assumer sa mission protection du public. Nous nous sommes entre autres penchés sur trois axes : un conseil d'administration
crédible et exemplaire, des bonnes pratiques de gouvernance, des mesures préventives de formation
auprès des professionnels, pour empêcher en amont les lacunes et les
scandales, et des mesures coercitives
exemplaires qui consolident et même renforcent la confiance du public envers
les professions. Ainsi,
plusieurs points proposés dans le projet de loi n° 98 ont été implantés chez nous il y a quelques
années. Nous pouvons donc témoigner aujourd'hui, avec une humble crédibilité, des propositions qui, nous
croyons, répondront à ces objectifs.
Je laisse maintenant la parole à Mme Diane
Beaudry, CPA, CA, diplômée de l'Institut des administrateurs de sociétés, administratrice indépendante de la
chambre et présidente de son conseil
d'administration. Elle vous
présentera le premier axe, à l'égard de la gouvernance.
Mme
Beaudry(Diane) : Alors,
bonjour. J'ai eu la chance au cours de ma carrière d'administrer plusieurs
sociétés et, depuis plus de 20 ans, de siéger à titre
d'administratrice sur plusieurs conseils d'administration, ce qui m'a permis,
je crois, d'avoir acquis de bonnes
connaissances en matière de gouvernance. J'ai constaté au fil des ans que les organismes
efficaces, qui réussissent à assumer
pleinement leur mission ont un point fort en commun, soit une bonne
gouvernance, et cette bonne gouvernance réside dans un conseil
d'administration solide, crédible et diversifié.
La chambre
est en accord avec la majorité des articles proposés mais souhaite une réforme
plus assumée pour la protection du public. Par exemple, le changement de
proportion des administrateurs non membres au sein des ordres à un minimum de 24 % pourrait être plus
important. En 2012, la chambre a modifié sa gouvernance, menant à 38 % la
présence d'administrateurs indépendants, soit cinq personnes issues du public
pour un conseil d'administration de 13 administrateurs.
Cette mesure fut favorable à la protection du public puisque les décisions sont
prises sans influence indue des
enjeux de l'industrie. Cette indépendance d'esprit amène aussi beaucoup de
crédibilité qui, du coup, croît la confiance du public.
Dans la même indépendance d'esprit, la chambre
est favorable au fait qu'un administrateur ne puisse plus représenter la région de laquelle il est issu.
Tous les administrateurs doivent se concentrer sur la mission principale de
l'ordre, soit la protection du public. La
chambre souhaite la parité hommes-femmes et, de plus, quant aux groupes d'âge
et aux communautés culturelles...
Pour
l'élection du président du conseil d'administration, le projet de loi propose
deux modes de scrutin. Or, le suffrage
universel n'est pas souhaitable. La chambre préconise plutôt la nomination par
les administrateurs, puisqu'il est beaucoup plus efficace de présider un
conseil d'administration lorsque les administrateurs en ont choisi le
président. De plus, nous proposons que tous
les administrateurs puissent être éligibles à ce poste, qu'ils soient élus ou
issus du public.
Enfin, la bonne gouvernance passe aussi par la
formation. L'idée d'offrir une formation sur le rôle du conseil d'administration, particulièrement en éthique et
en gouvernance, est fort utile. Mais la périodicité doit aussi avoir sa place
pour assimiler la matière afin de permettre aux administrateurs d'oeuvrer au
bon niveau, soit au niveau stratégique.
Alors, pour le deuxième axe, soit la formation
des membres de l'ordre, je cède la parole à Maya.
• (11 h 30) •
Mme Raic
(Maya) : Merci, Diane. Alors, la protection du public ne se limite pas
à la coercition. Il ne faut pas attendre des problèmes ou, pire, des
scandales pour agir. Il faut plutôt adopter une approche préventive auprès des
professionnels qui contribue à réduire les risques d'infraction ou de faute
disciplinaire. En matière de prévention, la formation
continue représente un formidable outil qui permet aux membres d'un ordre de
maintenir, voire même d'améliorer leurs pratiques professionnelles.
L'idée
d'obliger la réussite d'une formation en éthique et en déontologie pour les
candidats à la profession, comme proposé
dans le projet de loi, est définitivement
un pas dans la bonne direction. La chambre va toutefois plus loin dans
sa recommandation. Puisque les membres qui se retrouvent devant le comité de
discipline ont en moyenne plus de 15 ans d'expérience, force est de constater que le cours en éthique effectué en
début de parcours ne soit plus d'actualité, ou même oublié. Il ne fait aucun doute dans notre esprit
que le sens de l'éthique est comme la corde d'un arc, elle doit demeurer
tendue pour fonctionner. Par conséquent, la chambre propose qu'une telle
formation soit offerte à l'ensemble des membres, et ce, de façon périodique. Des exemples récents de réussite à cet
égard : le Barreau, la Chambre de la sécurité financière, que vous venez d'entendre
ce matin, l'institut de planification financière du Québec et à la Chambre de
l'assurance de dommages, qui avons
récemment introduit des cours obligatoires en conformité pour tous les membres.
Même le rapport de la commission Charbonneau suggérait de rendre
obligatoire une formation en éthique et en déontologie de tous les membres. Il s'agit là d'une mesure préventive qui
permettrait d'outiller les professionnels périodiquement dans leur pratique
professionnelle et dans le service qu'ils
rendent aux consommateurs et ainsi de réduire ou d'enrayer des lacunes pouvant
menacer la protection du public.
Enfin,
pourra-t-on jamais enrayer toutes les lacunes? Malgré plusieurs efforts en matière
de prévention, il arrive que certains
manquent à leurs obligations déontologiques et se retrouvent devant le conseil
de discipline. Ce qui m'amène à parler du dernier axe, la discipline. Les
mesures coercitives sont nécessaires non seulement pour réprimander
l'intimé ou tout au moins en avoir plutôt un
effet dissuasif pour les professionnels. Les sanctions servent donc
d'exemples pour les membres de la
profession. Et enfin elles doivent permettre de redonner confiance à la
population à l'égard du système disciplinaire.
En effet, un sondage CROP réalisé en 2013 par le Conseil interprofessionnel du
Québec mentionnait que 57 % des
Québécois considèrent les sanctions peu sévères. C'est pour toutes ces raisons
que la proposition d'augmenter les montants des sanctions est très
pertinente, et d'ailleurs la chambre a emboîté le pas dès 2009.
Pour
être en mesure d'assurer la protection du public, la chambre est également
favorable à l'élargissement des pouvoirs du syndic et du conseil de
discipline, qui sont prévus au projet de loi, quant à la possibilité d'imposer
une suspension ou une limitation d'exercice
lorsque le professionnel est poursuivi pour une infraction punissable de cinq
ans d'emprisonnement ou celui d'accorder une immunité contre
dénonciation.
En
dernier lieu, j'aimerais citer le rapport de la commission Charbonneau, qui
précisait qu'actuellement le Québec est
la seule juridiction au Canada à ne pas permettre à un ordre d'imposer des
sanctions disciplinaires à une société offrant des services professionnels — là,
on parle évidemment de la différence entre la personne physique et la personne morale — même si celle-ci, «par les gestes de ses
plus hauts dirigeants ou propriétaires, encourage les professionnels à
adopter des pratiques déviantes».
Il
n'y a pas de mention à cet égard dans le projet de loi actuel, mais la chambre
suggère fortement d'aller en ce sens,
considérant que le projet de loi est, si nous avons bien saisi l'intention de
la ministre de la Justice, une première étape d'une réforme majeure.
Le Président (M.
Villeneuve) : Je dois... Il vous en reste pour longtemps? Je vous
donne...
Mme Raic
(Maya) : Non.
Le Président (M.
Villeneuve) : 10 secondes, ça va? Allons-y.
Mme
Raic (Maya) : Oui. Nous proposons donc, comme tout... comme le rapport
Charbonneau, que le Conseil interprofessionnel
du Québec et comme plusieurs ordres professionnels, on puisse encadrer non
seulement les individus, mais les cabinets dans lesquels ces
professionnels oeuvrent.
Parce que la chambre vise toujours à mieux
protéger le public par une approche préventive et coercitive, elle demeurera disponible,
à l'affût des modifications législatives, des demandes de consultation et des
efforts gouvernementaux en ce sens. Vous pouvez donc compter sur nous pour
vous soutenir dans cette démarche et dans ce chemin vers l'encadrement des
professionnels.
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme Raic, merci, mesdames. Et je
cède la parole maintenant à Mme la ministre, avec les nouveaux temps qui
vous ont été distribués. À vous la parole.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation, qui
suscite plein de questionnements, mais je
tiens aussi à vous préciser que nous n'avons pas mis de côté du tout cette
recommandation de la commission Charbonneau pour l'encadrement de
l'exercice en cabinet, en société, un chantier qui est en cours, puis j'espère
arriver à proposer possiblement quelque chose qui pourrait peut-être s'intégrer
dans le projet de loi, mais évidemment il y a
des consultations avec les ordres professionnels, avec le CIQ. Mais il y a
vraiment une volonté de donner suite
à cette recommandation, il s'agit tout simplement de trouver le véhicule, la
façon dont le tout pourrait s'exprimer à l'intérieur de nos textes
législatifs. Mais soyez assurées qu'il en est de notre intention d'aller de
l'avant.
Maintenant,
pour ce qui est... On va y aller quand même assez rondement. Vous recommandez
qu'il y ait une meilleure diversité,
qu'une meilleure diversité soit présente au sein des ordres, une diversité qui se décline au niveau de la parité
hommes-femmes, au niveau de la présence des communautés culturelles, des
jeunes, des gens de tous âges. C'est une volonté, je pense, qui est partagée par tous, mais la question
est toujours : On y arrive comment, puisqu'il s'agit de postes
électifs? Alors, comment assurer cette
diversité au sein de notre ordre professionnel, au sein d'un ordre
professionnel tout en respectant
aussi certains paramètres? Alors, j'aimerais vous entendre. J'imagine que vous
avez peut-être des pistes de solution à nous proposer.
Mme Beaudry
(Diane) : Alors, à la chambre...
Le Président (M.
Villeneuve) : ...vous présenter, s'il vous plaît. Merci.
Mme Beaudry
(Diane) : Diane Beaudry, présidente du conseil d'administration.
Alors, à la
Chambre de l'assurance de dommages, il
y a huit membres élus provenant de l'industrie et cinq membres indépendants.
Alors, c'est des membres socioéconomiques indépendants de différents milieux.
Et on préconise aussi, je vais aller sur... tout en répondant à votre question,
mais un petit peu plus loin au niveau de la gouvernance, on demande
des gens avec des formations.
Le plus possible, on essaie d'avoir des gens qui sont diplômés de l'Institut
des administrateurs de sociétés ou Collège des administrateurs de
sociétés. On regarde... on a un comité de nomination qui regarde aussi les
besoins au niveau du conseil d'administration pour avoir une diversité aussi au
niveau des membres, donc autant, je dirais,
féminins que masculins, mais aussi, je dirais, ça peut être des gens en
communications, Barreau, financier, comptable, pour vraiment avoir une
diversité au sein du conseil d'administration.
Alors, c'est
sûr que c'est plus difficile avec les membres, je dirais, élus d'arriver à la
parité puis aussi d'aller chercher la
diversité. On encourage les gens à se présenter, mais c'est quand même un
processus qu'on ne contrôle pas. Mais, au niveau des administrateurs indépendants, ça nous permet d'y arriver.
Présentement, on a la parité hommes-femmes au sein du conseil
d'administration.
Mme Vallée :
Donc, si je comprends bien, vous palliez à votre manque de diversité via les
administrateurs nommés et non... Alors,
une fois le conseil élu, vous allez chercher les éléments, les aspects qui vont
venir bonifier le conseil, les caractéristiques, dans le fond, requises pour
atteindre une meilleure diversité au sein du conseil.
Mme Beaudry (Diane) : Tout à fait.
Mme Vallée : D'accord. Bon,
vous avez émis une recommandation qui vise à interdire la rémunération des administrateurs membres, vous en parlez dans votre
mémoire. J'aimerais vous entendre davantage sur cet aspect-là également.
Mme
Beaudry (Diane) : En fait, pour
les administrateurs issus de l'industrie, il n'y a aucune rémunération parce
que c'est... en fait ils participent à leur
ordre professionnel, si je peux l'appeler ainsi, même si c'est la chambre.
Alors, c'est une contribution qui est faite par les gens de l'industrie.
Par contre, pour avoir des administrateurs indépendants aujourd'hui, avec tout le rôle et les responsabilités qui viennent avec
les fonctions d'administrateur, on se doit de rémunérer les
administrateurs indépendants.
Mme Vallée : Donc, c'est à
cet égard.
Vous avez
aussi abordé un aspect que peu ont abordé dans les mémoires, vous proposez de
donner au directeur général le rôle de porte-parole de l'ordre professionnel et
au président du conseil d'administration le rôle de porte-parole du C.A. Actuellement, ce n'est pas toujours comme
ça que ça se décline. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, quand même, on parle des fonctions, l'encadrement
du C.A., les affaires administratives, mais là on est vraiment dans la question du porte-parole. Est-ce que vous ne
croyez pas qu'il pourrait y avoir, à certains égards, parfois, des messages
contradictoires?
Mme
Beaudry (Diane) : Il pourrait
arriver, tout peut arriver. Mais, comme tel, le rôle du C.A. est bien
défini. Le rôle du C.A. a un rôle
stratégique, aussi, je dirais, avoir la pérennité au niveau de s'assurer de sa
mission, soit la protection du public
par l'encadrement des professionnels. Alors, au niveau du porte-parole du C.A.,
c'est vraiment, je dirais, tout le côté stratégique et tout le côté
visionnaire.
Au niveau du directeur général... Et aussi le
rôle du conseil d'administration est de choisir et de nommer le P.D.G., alors, qui veille au côté, je dirais, plus
opérationnel de l'organisme. Alors, les rôles ne sont pas nécessairement
les mêmes des deux côtés.
Alors, Maya, peut-être, tu peux compléter?
• (11 h 40) •
Mme Raic (Maya) : Je pense aussi que...
Le Président (M. Villeneuve) : ...que
Mme Raic prenne la parole? À vous, Mme Raic.
Mme Raic (Maya) :
Merci. On s'est inspirés aussi beaucoup de la loi sur les sociétés d'État, que
le gouvernement a adoptée en 2006,
qui venait séparer les rôles de la présidence du conseil de celle des
opérations, et, dans cette foulée-là, c'est
évident qu'à ce moment-là c'est le président-directeur général, dans mon cas,
qui assume le rôle de porte-parole de la chambre. Parce que le président du
conseil n'est pas là à temps plein. Il est là pour présider aux activités du
conseil d'administration et, comme
l'a très bien dit Diane Beaudry, à réfléchir sur la vision de l'organisation.
Et le porte-parole, à ce moment-là,
de l'ordre, ou de la chambre dans mon cas, ça appartient évidemment au P.D.G.
C'est la même dynamique que celle qui est prévue dans la loi sur les
sociétés d'État.
Mme Vallée :
Parce que nous avons eu des représentations faites un peu plus tôt ce matin à
l'effet qu'on ne peut pas vraiment
faire du mur-à-mur parce que certains ordres professionnels sont très petits,
d'autres ont de nombreux membres. Est-ce
que vous croyez que cette distinction entre les rôles peut être adaptée à tout
ordre, peu importe le nombre de membres au sein de son organisation?
Mme
Beaudry (Diane) :
Personnellement, je n'y crois pas. Pour les bonnes pratiques de gouvernance,
alors, on se doit d'avoir un président du conseil qui est différent du
P.D.G. de l'organisation. Pour moi, c'est...
Mme Vallée : Donc, pour vous,
peu importe la grosseur de l'ordre...
Mme
Beaudry (Diane) : Peu importe, oui.
Une voix :
...
Mme
Vallée : Excusez-moi. Peu importe le nombre de membres que
comporte l'ordre, il ne devrait pas y avoir de distinction, il ne
devrait pas y avoir de possibilité de mettre en place un encadrement différent.
Mme Beaudry (Diane) : Pour moi, au niveau des principes de gouvernance, non. Comme je l'ai
mentionné tantôt, une des
responsabilités du conseil d'administration est de nommer le P.D.G. Donc, à un
moment donné, on ne peut pas être
juge et partie non plus, de se nommer soi-même et se destituer soi-même. Alors,
c'est un rôle de surveillance, et, pour la protection du public, je
crois sincèrement que ces deux postes-là se doivent d'être séparés.
Mme
Vallée : Vous encadrez de façon préventive... Dans votre
mémoire, vous parlez d'un encadrement préventif de la pratique
professionnelle. Qu'est-ce que vous entendez par la «prévention»,
l'«encadrement préventif»?
Mme
Raic (Maya) : Ça ressemble beaucoup aux ordres professionnels.
C'est-à-dire que nous considérons que la prévention, ça touche, entre autres... ça couvre l'inspection
professionnelle, ça couvre la formation continue obligatoire. Ça couvre aussi les outils que nous bâtissons pour
chacun des professionnels, pour mieux exercer dans leur quotidienneté.
Il y a une portion coercition, qui est celle, évidemment, du bureau du syndic
et du comité de discipline à la chambre. Même si ça s'appelle conseil de
discipline dans les ordres, c'est la même chose, c'est les mêmes structures.
Alors, c'est pour ça
qu'on parle de prévention. L'action première d'un ordre, comme de la chambre,
c'est de prévenir, plutôt que strictement
que de guérir. Alors, on veut travailler en amont et éviter, évidemment, que
les professionnels se retrouvent devant le comité de discipline. Alors,
nos actions sont, évidemment, éminemment préventives.
Mme
Vallée : Donc, c'est dans cette optique-là que... Vous
souhaitez, dans le fond, que l'obligation de formation en éthique et en
déontologie soit étendue de façon beaucoup plus large.
Mme
Raic (Maya) : Oui, qu'elle soit donnée par la chambre, dans notre cas,
ou par un ordre professionnel, pour éviter
d'avoir des interprétations différentes de ce qu'est la pratique
professionnelle. Au cours des ans, un ordre professionnel finit par dessiner la pratique professionnelle
avec non seulement ses actions en matière de prévention, mais aussi par les
différentes décisions du comité de
discipline, et comité de discipline où siègent aussi des professionnels de
l'industrie. Alors, ce dessin de la
pratique professionnelle évolue dans le temps, et il faut avoir une formation
qui est donnée de façon régulière aux
membres de l'ordre et qui touche la conformité des pratiques. Il y en a, pour
certains, que ce sera de la nouveauté
et, pour d'autres, des rafraîchissements. Mais, dans un cas comme dans l'autre,
c'est toujours utile.
Mme Vallée :
Vous abordez également la question de la cotisation. Ça a fait couler beaucoup
d'encre. Vous recommandez évidemment
qu'elle soit fixée par le C.A. Et vous abordez l'utilisation de la cotisation.
Vous militez pour une meilleure transparence.
Mme Raic
(Maya) : Je pense que c'est important de faire état des sommes qui
sont dépensées ou mises à la disposition de
l'ordre, ou de la chambre dans notre cas, mais effectivement je pense que ça
serait pour les mêmes raisons que Mme Beaudry évoquait tout à l'heure en
termes de responsabilités des administrateurs ou conflit d'intérêts. Nous croyons qu'effectivement le membre d'un ordre
professionnel ou de la chambre, c'est... de voter pour une augmentation de cotisation, il est comme un peu en conflit d'intérêts. Alors, je
pense que la suggestion, effectivement, que ce soit le conseil d'administration de l'ordre qui détermine la cotisation mais que
la transparence soit requise quant à l'utilisation des
fonds, soit d'une mesure d'équilibre finalement.
Mme
Vallée : Croyez-vous,
à cet égard, qu'il pourrait être utile que l'ordre rende publique à même son rapport
annuel la rémunération qui est versée à
sa haute direction? Parce que certains ont abordé cette question-là. Est-ce que
ça fait partie de la transparence à laquelle vous faites référence?
Mme Beaudry (Diane) : Je vous avoue que, comme CPA, CA, je peux juste être en accord avec
cette pratique-là. Ça fait partie des
normes comptables des sociétés publiques et des grosses corporations. Alors, je
ne vois pas pourquoi ça ne
pourrait pas être la même chose au niveau des ordres professionnels. Et, au
niveau de la chambre, je suis... je vais justement être le porte-parole du conseil d'administration. Je suis certaine que
c'est une pratique et ça fait partie des bonnes pratiques qu'on pourrait mettre de l'avant, même au niveau de la Chambre
de l'assurance de dommages présentement.
Mme Vallée :
Et quel autre type d'information devrait se retrouver dans cette reddition,
dans cet exercice de transparence?
Mme
Raic (Maya) : C'est évidemment...
Ça fait partie des rapports annuels des différents ordres, on peut décliner
les sommes que l'on retrouve en... dont on
dispose pour l'inspection professionnelle, par exemple, pour les travaux
du syndic, du bureau du syndic,
qu'est-ce qu'on attribue aussi à la formation continue obligatoire. Alors, si
on décline les différents... dans les
différents postes les sommes allouées, on se trouve à expliquer, évidemment, où sont dépensés les argents qui nous sont confiés.
Le Président (M.
Villeneuve) : Mme la ministre, cela met fin au temps imparti. Merci
beaucoup. Alors, à ce stade-ci, je céderais
la parole à Mme la députée de Chicoutimi. À vous la parole, avec les nouveaux temps qui
vont ont été distribués.
Mme Jean : Merci. Veux-tu la prendre
toute de suite?
Le
Président (M. Villeneuve) :
Ah! Mme la ministre... Mme
la ministre! Mme la députée de Taillon, à vous la parole.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Beaudry, Mme
Raic, Me Desforges, bienvenue. Merci
pour votre mémoire succinct, concret, avec des applications vraiment très
directes. Je vais aller à des sujets qui n'ont pas été nécessairement
abordés, parce que Mme la ministre a quand même couvert plusieurs éléments.
La dimension
des sanctions. On voit à l'article 66 du projet de loi n° 98 qu'on
les fait passer de 1 000 $ à 2 000 $
et donc de... au maximum 25 000 $.
Vous préconisez 50 000 $. Et je profite de la tribune que j'ai,
puisque, dans d'autres projets de
loi, en santé, on nous a dit que ça relevait de la ministre de la Justice, le
fait que les plages de sanction soient déterminées
et uniformes. Mais je pense sincèrement qu'en 2016 il y a des sanctions qui
n'ont pas l'effet exemplaire et dissuasif
qu'elles devraient avoir et qu'un rehaussement envoie un message beaucoup plus clair.
Parce qu'on est dans un lien de
confiance entre le public, et des amendes de 1 000 $, ce n'est pas
très, très coercitif actuellement du point de vue du public. Mais au
moins, le 25 000 $ à 50 000 $, comment vous êtes arrivés...
• (11 h 50) •
Mme Raic
(Maya) : J'aimerais préciser quelque chose. On fait juste, dans notre
mémoire, dire quelles sont les sanctions qui sont applicables dans notre
univers, c'est-à-dire l'univers des services financiers. On ne préconise pas nécessairement 50 000 $ plutôt que
25 000 $, mais on dit effectivement que nos sanctions vont jusqu'à
50 000 $. Et évidemment ça appartient au président du comité
de discipline de déterminer la sanction avec les assesseurs qui l'accompagnent. Et il le fait en se fiant à une
série de critères, qui est la nature des faits reprochés. Et les sanctions, je
vous le rappelle aussi, sont par chefs d'accusation.
Alors, des fois, ça peut être 1 000 $,
mais des fois ça peut être beaucoup plus, parce que, s'il y a plusieurs
chefs d'accusation, ça s'additionne.
Alors, je ne
sais pas si tu voudrais compléter, Jannick, si tu as quelque chose à dire de
supplémentaire là-dessus.
Le Président (M. Villeneuve) : Mme
Desforges, vous voulez intervenir ou non?
Mme Desforges (Jannick) : Non,
effectivement, comme Maya l'a mentionné, ce n'était pas une suggestion d'augmenter ça à 50 000 $, c'est juste
de faire état que, nous, depuis 2009, les sanctions ont été augmentées, comme
amende minimale, à 2 000 $ et, maximale, à 50 000 $.
Mme Lamarre : Est-ce qu'actuellement
j'ai compris que vous aviez parfois des sanctions qui pouvaient s'appliquer à des cabinets, donc à des sociétés,
pour d'autres ordres, et ça ne peut quand même pas dépasser 50 000 $?
Est-ce que c'est ce que je comprends?
Mme
Desforges (Jannick) : Non, ce n'est pas tout à fait ça. L'encadrement
du cabinet dans l'univers des services financiers
relève de l'Autorité des marchés financiers. Alors, l'Autorité des marchés
financiers s'occupe de l'encadrement des
cabinets et a son propre tribunal administratif, qui vient tout juste, là, de
changer de nom, mais qui s'appelait antérieurement,
là, le Bureau de décision et de révision, et les amendes peuvent être encore
plus substantielles pour les cabinets.
Le rôle de la chambre est d'encadrer la personne physique, et ces amendes-là
s'appliquent à la personne physique uniquement, et le rôle du comité de
discipline, c'est uniquement pour encadrer l'individu.
Mme
Lamarre : D'accord. Donc, pour les cabinets ou pour l'exercice en
société... dans l'exercice... Parce qu'on sait, là, il y a des organisations qui sont capables d'avoir...
d'engendrer des frais de l'ordre de millions de dollars pour les ordres
professionnels, et ça, ça a un effet nettement dissuasif dans l'application de
certaines lois ou règlements.
Le suffrage
universel, le projet de loi permet deux modes. Maintenant, vous avez une
expérience... en tout cas, vous
semblez dire non au suffrage universel. Dans certaines expériences d'ordres que
je connais, il y a eu une façon quand même
de défaire — et le
terme n'est pas agréable, mais c'est ce qui décrit le mieux — certaines cliques au sein de conseils
d'administration par un suffrage universel,
d'autant plus que, si on met un profil de compétence qu'on attend, ça peut
aider finalement l'ensemble des membres à dire : Bien, moi, je
choisis quelqu'un en fonction de ces compétences qui sont demandées, là, par le
conseil d'administration. Quelle est votre expérience avec le suffrage
universel?
Mme
Beaudry (Diane) : Bien, le
suffrage universel est fait au niveau des membres de l'industrie, mais, pour
les membres indépendants, ce n'est
pas un suffrage universel, c'est vraiment : un comité de nomination fait
des appels de candidats, tout
dépendant du profil de compétence, et on va dans des banques de candidats
aussi. Ça se fait avec... tantôt, je
mentionnais l'Institut des administrateurs de sociétés ou Collège des
administrateurs, pour aller chercher les candidats. Les candidats postulent aussi sur les postes
d'administrateur. Alors, le suffrage universel, à ce moment-là, serait
difficile à faire pour les administrateurs indépendants.
Mme
Lamarre : Mais, pour le président, vous recommandez quand même que ce
soient les administrateurs qui le choisissent et non pas le suffrage
universel.
Mme
Beaudry (Diane) : Tout à fait.
Par l'expérience aussi, c'est qu'on peut avoir aussi un membre indépendant
qui... Comme moi, je suis la première
indépendante à avoir... à être présidente du conseil d'administration, et,
comme tel, c'est quelque chose qui ne
peut pas se faire au suffrage universel, à cause des indépendants aussi. Puis
ça donne aussi... il y a une
expérience aussi, sans que ça soit écrit dans nos règlements... Ce matin, la
Chambre de la sécurité financière parlait
d'un an avant d'avoir la présidence du conseil. Nous, la présidence du conseil,
on demande que les gens s'impliquent au
niveau des comités. Alors, on n'a pas nécessairement un an ou plusieurs années,
mais c'est aussi la connaissance de l'organisme, soit la Chambre de
l'assurance de dommages, et le travail d'équipe est plus, je dirais, facile
aussi, et de travailler ensemble comme
conseil d'administration quand c'est les administrateurs qui décident, qui
votent pour le président du conseil.
Mme Lamarre : Je vais céder la
parole à la députée de...
Le Président (M. Villeneuve) : Mme
la députée de Chicoutimi, à vous la parole.
Mme
Jean : Merci. Alors, bonjour à vous trois et merci d'être ici. Encore
félicitations, trois femmes qui représentent un groupe. Bravo! Et
50 % de la parité au conseil d'administration, je ne peux que saluer vos
résultats.
Ma question
porte sur l'idée d'être porte-parole. Comme présidente-directrice générale,
vous êtes porte-parole de votre
association. Je me demandais comment vous vous y prenez pour vous assurer que,
lorsque vous prenez position... Parce
que, lorsque vous êtes porte-parole, vous prenez position au nom de votre
association. Comment vous vous assurez que
c'est bien la position de l'ensemble de vos membres et non pas la position de
quelques personnes ou de vous-même personnellement?
Mme Raic
(Maya) : C'est la position de la chambre. Alors, c'est le conseil
d'administration de la chambre qui incarne
la position de la chambre. Évidemment, il y a des comités au sein de la
chambre, il y a des comités du conseil d'administration
et il y a des comités de la chambre. Il y a quatre comités du conseil, si je ne
m'abuse : Comité de gouvernance, Comité
de vérification, Comité de nomination et Comité sur les affaires de régulation.
Et il y a deux autres comités de la chambre
elle-même, qui sont le Comité de déontologie et de règles de pratique et le
Comité de développement professionnel. Alors,
on tire nos sources de ces comités et on tire la vision ou la stratégie de
l'organisation du conseil lui-même. Alors, je deviens à ce moment-là
porte-parole de la chambre.
Évidemment,
s'il y a des choses qui sont différentes et qui doivent être décidées par le
conseil pour une prise de position x, y ou z, le meilleur exemple
étant : nous sommes actuellement en processus de révision de notre propre
loi constitutive, la Loi sur la distribution
de produits et services financiers, je me tourne vers le conseil
d'administration et le Comité sur les
affaires de régulation du conseil pour déterminer quelle est la position de la
chambre à cet égard-là, et j'en porte la parole, c'est carrément ça.
Mais, voilà, c'est comme ça qu'on procède.
Le Président (M. Villeneuve) : Il
reste 30 secondes, Mme la députée.
Mme Jean : Peut-être une petite
question, 30 secondes. Au niveau de la formation, vous...
Mme Beaudry (Diane) : Je voudrais
juste ajouter aussi.
Mme Jean : Ah!
Mme
Beaudry (Diane) : Au niveau du conseil
d'administration, c'est de voir aussi
à la pérennité de la mission de la
chambre, soit la protection du public avec l'encadrement du professionnel.
Alors, oui, c'est au niveau P.D.G., oui, au niveau des membres aussi, sans
oublier les membres, mais c'est aussi notre mission qui est toujours là.
Le Président (M. Villeneuve) : Merci
beaucoup. Ça met fin à l'échange. Alors, je cède maintenant la parole à M. le
député de Borduas. À vous la parole.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Beaudry, Mme Raic,
Me Desforges, bonjour et bienvenue à l'Assemblée nationale. Quelques
questions, la première relativement à la rémunération des administrateurs, à la
page 18 de votre mémoire. Vous mentionnez : oui, pour la
rémunération pour les membres nommés par l'office, donc les non-membres de l'ordre...
Une voix : ...
M.
Jolin-Barrette : ... — supposons, prenons le modèle de l'ordre
professionnel — ainsi
que non-rémunération pour les membres
d'un ordre professionnel qui seraient sur le conseil d'administration. Je
voudrais juste comprendre comment est-ce qu'on va réussir à motiver
certains membres d'ordres professionnels à se retrouver sur leurs conseils d'administration, à s'impliquer, considérant qu'il
y a beaucoup de professionnels qui oeuvrent à leur compte. Supposons, prenons des chiros, prenons des physiothérapeutes,
ou même prenons des pharmaciens qu'une journée complète de travail, ça représente beaucoup d'argent, et où, dans
certains petits ordres professionnels, c'est difficile de trouver des gens qui veulent s'impliquer dans l'ordre, s'investir. Si,
au niveau financier, ils perdent une journée complète de travail et qu'ils
ne sont pas compensés,
si je puis dire, au niveau de leur présence, avec un jeton de présence sur
l'ordre professionnel, comment est-ce
qu'on va réconcilier tout ça, là? Comment est-ce qu'on va susciter l'adhésion
des membres des ordres professionnels pour se retrouver sur le conseil
d'administration?
Mme Raic
(Maya) : Encore là, le mémoire de la chambre exprime un vécu, et c'est
basé sur une réflexion qui a été
amorcée par le conseil d'administration dès 2009 et qui s'est traduite en 2012
par des modifications législatives. Et cette
réflexion-là s'est faite avec l'ENAP, l'École nationale d'administration
publique, l'IGOPP, l'Institut de gouvernance, et Me Stéphane Rousseau, qui est un éminent avocat, collègue dans
votre cas, qui nous a conseillé aussi à cet égard-là. On a regardé aussi ce qui se fait dans le domaine des
services financiers, à l'organisme, entre autres, qui encadre les gens en
valeurs mobilières.
Le principe
général, c'est que le professionnel a un intérêt à investir dans sa profession.
Alors, c'est pour ça qu'il se présente et qu'il devient membre, il
souhaite être administrateur du conseil d'administration de l'ordre, ou de la chambre dans notre cas. Tandis que, l'indépendant,
pour l'intéresser à venir travailler au conseil d'administration de la chambre et venir compléter les compétences
requises pour le conseil, c'est là que la rémunération devient un facteur
d'attraction.
Mais, encore
là, on est venus vous exprimer notre vécu. Dans les services financiers, c'est
une réalité qui est propre aux services financiers. Ce que vous évoquez, c'est
aussi quelque chose, je suppose, à considérer, mais le principe de base
qui nous a guidés, c'était vraiment l'intérêt pour le professionnel au développement
de la profession.
• (12 heures) •
M.
Jolin-Barrette : Je vous remercie. À la page 22 du mémoire, relativement au remboursement des enquêtes, le projet de loi fait part que, désormais,
suite à une enquête du syndic, on pourrait réclamer les frais de l'enquête à la
personne fautive. Je crois comprendre
dans votre mémoire que vous êtes en faveur de cette proposition, mais vous suggérez des balises. Quelles seraient les balises,
selon vous, là?
Mme Raic (Maya) : Je demanderais à
Me Desforges de répondre.
Mme
Desforges (Jannick) : Oui. Effectivement, on trouve que c'est judicieux comme proposition de modification au projet de loi. Toutefois, je suis sûre même que les présidents du
comité de discipline aimeraient également avoir des balises. On a donné l'exemple, par
exemple, de ce qui se passe du côté de
l'Autorité des marchés financiers lorsqu'ils se retrouvent devant le Bureau de
décision et de révision, ils peuvent demander, par exemple, selon un tarif
horaire du nombre d'enquêteurs qui ont
travaillé sur le dossier, ils peuvent demander à être remboursés. Ce n'est pas
un remboursement qui est
automatique, c'est une demande. Et l'intimé qui se retrouve devant, par exemple,
le conseil de discipline peut également contester et il peut faire des représentations. Mais je pense que l'idée, c'est
que l'ordre professionnel qui engage des
frais, et, somme toute, des frais qui sont importants, puisse à tout le moins
en récupérer, là, une partie. Donc, l'idée de base, c'est qu'on est d'accord avec le remboursement de certains frais,
mais il faudrait juste les baliser. On n'est pas arrêtés sur une façon de faire, mais au moins de guider,
là, en donnant certaines balises de ce qui peut être remboursé ou non.
M.
Jolin-Barrette : Parce que
ça suscite quand même une question intéressante sur le rôle du syndic. On
comprend que le syndic est financé à
même les cotisations des membres, puis ça constitue une source de dépenses
importante lorsqu'il entreprend des
poursuites, il consacre beaucoup de ressources, mais la question, c'est :
Supposons que quelqu'un commet une
faute déontologique, et il est poursuivi, et il veut plaider coupable à la
première occasion, mais que le syndic décide d'enquêter plus largement et de développer des ressources, alors on se
retrouve dans une situation où le professionnel fautif va devoir se retrouver peut-être à la cour pour plaider que son
mémoire de frais devrait être moindre. Donc, c'est dans cette
conception-là que je vous posais la question.
Sur un autre...
Mme Raic (Maya) : ...
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Raic (Maya) : ...à cet égard-là,
en parlant de balises à définir.
Le
Président (M. Villeneuve) : Alors, je me dois de vous arrêter,
malheureusement, le temps imparti étant écoulé. Je tiens à vous remercier, donc, Mme Beaudry, Mme Raic, Me Desforges,
pour votre participation aux travaux de la commission.
Et je
demanderais au prochain groupe de bien vouloir prendre place, donc, l'Institut
de recherche et d'informations, et je suspends les travaux quelques
instants.
(Suspension de la séance à 12 h 3)
(Reprise à 12 h 5)
Le
Président (M. Villeneuve) :
Alors, bonjour, monsieur, bonjour, madame. Bienvenue. Et, comme vous connaissez
la procédure, vous avez 10 minutes pour
faire l'exposition de votre mémoire, et je... Mme la ministre? Oui, tout le monde est prêt? Alors, quand vous
voulez. Si vous voulez vous présenter, bien sûr, d'abord.
Institut de recherche et d'informations
socioéconomiques (IRIS)
Mme Sully
(Jennie-Laure) : Merci, M. le Président. Merci aux membres de la
commission. Mon nom est Jennie-Laure Sully, je suis accompagnée de mon collègue
Guillaume Hébert. Nous sommes chercheurs à l'Institut de recherche et d'informations
socioéconomiques.
Alors,
pour ce qui est de notre mémoire, je vais commencer d'abord
par vous présenter quatre problèmes que nous avons identifiés par
rapport au système des ordres professionnels. Mon collègue va par la suite vous
présenter les recommandations qui, selon nous, devraient être appliquées pour
solutionner ces problèmes-là.
Alors,
je commence immédiatement avec le premier problème que nous avons observé,
c'est celui de la confiance des
citoyens envers les ordres
professionnels, en fait plutôt le
manque de confiance. Seulement 12 %
de la population québécoise dit
savoir que les ordres professionnels ont pour mandat de protéger le public.
Alors, c'est un problème majeur qui,
année après année, reste inchangé, cette statistique ne change pas. Les gens ne
considèrent pas que le mandat des ordres professionnels, c'est de
protéger le public, ou ne le savent pas.
Le deuxième problème
qui se pose, c'est celui de la représentativité. On sait que les ordres
professionnels regroupent... les membres des
ordres professionnels regroupent beaucoup de femmes, 60 % des membres sont
en fait des femmes, et pourtant il
n'y a pas de parité hommes-femmes sur... quand on regarde l'ensemble des
conseils d'administration des ordres professionnels.
Le
troisième problème que nous avons observé porte sur l'éthique. Alors, on a pu
voir, entre autres à travers tous les scandales qui ont été étalés lors de la
commission Charbonneau, entre autres avec l'Ordre des ingénieurs, qu'il y avait
vraiment un problème d'éthique. Les ordres
professionnels semblent fonctionner davantage comme des lobbys plutôt que
comme des organisations censées protéger le
public. Là, c'est un véritable problème, qui a été d'ailleurs soulevé par le
Commissaire au lobbyisme, et la commission
Charbonneau a jugé que l'Office des professions a fait un travail qui était
nettement insuffisant en termes de surveillance et de contrôle, notamment en ce
qui concerne l'Ordre des ingénieurs.
On
peut citer aussi... Quand on parle de la question d'éthique, on peut citer le
cas des frais accessoires. On estime à
1 million de dollars par semaine les frais accessoires qui sont exigés
illégalement aux patients par les médecins au Québec. Et, face à ce fléau, le Collège des médecins semble se
traîner les pieds, alors qu'il a reconnu que les frais accessoires contrevenaient au code de déontologie du Collège
des médecins. Et donc les plaintes s'accumulent, mais le Collège des
médecins ne semble pas vouloir sévir par rapport à cette question.
Et
finalement le quatrième problème qui se pose, c'est celui de
savoir si les ordres professionnels sont bien là pour protéger le public ou plutôt pour protéger un marché. Donc, ce
problème-là... Quand on regarde spécifiquement le cas des travailleurs
sociaux, on constate qu'il y avait une activité, celle de l'évaluation
psychosociale, qui était, avant 2009, effectuée
par plusieurs professionnels, qui maintenant
n'est effectuée que par les travailleurs sociaux, et ça, ça a eu comme impact de créer des listes d'attente dans les
CLSC. Les gens se sont tournés vers un marché privé pour obtenir ce service.
Donc, il semble qu'il y a
eu création d'un marché, création d'une chasse gardée par rapport à l'évaluation psychosociale pour les travailleurs sociaux. C'est d'autant plus un problème quand
on pense à l'enjeu de l'interdisciplinarité. Dans le système de santé, on reconnaît l'importance de l'interdisciplinarité, et là, avec la création
de chasses gardées, c'est clair qu'on ne se dirige pas vers plus
d'interdisciplinarité.
Alors,
c'est en gros les quatre problèmes qu'on a identifiés. Maintenant,
mon collègue va vous parler des recommandations par rapport à tout cela.
Le Président (M.
Villeneuve) : ...vous bien vous présenter d'abord?
• (12 h 10) •
M. Hébert
(Guillaume) : Oui. Mon nom est Guillaume Hébert. Je suis également
chercheur à l'IRIS.
Donc,
oui, huit recommandations, c'est ce qu'on a mis dans le mémoire qu'on vous
soumet aujourd'hui. Donc, je vais les présenter.
Donc,
les deux premières portent sur la composition des ordres professionnels, donc une première recommandation qui suggère de
s'inspirer de ce qu'on fait dans le projet
de loi pour les jeunes et de l'étirer
peut-être pour assurer davantage de représentativité
des femmes, ou encore des minorités culturelles, ou encore de quelconque catégorie
sociodémographique qu'on souhaiterait
mieux représenter dans les ordres
professionnels. Donc, c'est la
première chose qu'on pourrait faire.
La deuxième recommandation porte sur la composition
des sièges au conseil d'administration des ordres professionnels. On propose une division d'un tiers
de représentants, de membres des ordres, un tiers de représentants du public, une formule similaire à celle qui existe
présentement, et un autre tiers qui serait composé de représentants de regroupements de consommatrices et de
consommateurs visés par le champ d'action de l'ordre en question. On s'inspire
pour ça de propositions qui avaient déjà
circulé et on s'inspire aussi de sondages qui avaient déjà été faits, qui
montraient que la confiance de la
population est très grande envers les organisations de consommateurs.
Contrairement à la méconnaissance
qu'il peut y avoir par rapport aux ordres professionnels, par rapport aux
organisations de consommateurs, il y
avait quand même une confiance qui est assez grande. Et, au Québec, on a un
réseau, un réseau des ACEF, ce genre de réseau là qui existe, qui
pourrait fournir des personnes, qui pourrait fournir des idées assez utiles
pour des ordres professionnels, pour les C.A.
Les
recommandations 3, 4, 5, 6 portent sur la transparence. Donc, la
recommandation n° 3, sur le processus de nomination. On ne le connaît pas très bien, le processus de nomination.
Il y a des listes qui sont faites à partir des candidatures sur
Internet, mais on ne sait pas trop qu'est-ce qui se passe après ça, qu'est-ce
qui va déterminer qu'une personne va effectivement
se retrouver sur un C.A. d'ordre professionnel à représenter le public. Donc,
ça, on pense que ça pourrait être plus clair.
La
recommandation n° 4, c'est la question des séances publiques. Encore là,
la mission des ordres professionnels est
souvent méconnue, c'est encore plus méconnu, le fait qu'il y a beaucoup de
séances qui sont publiques, les séances du conseil disciplinaire, par exemple. Et, si on va sur les sites
Internet des ordres professionnels, ce n'est pas évident non plus de le trouver. Une exception notable, c'est le
Barreau. Si on va sur le site du Barreau, c'est très, très clair, on nous
guide, on nous montre les dates, on
montre comment on peut assister à ça. Dans plusieurs autres cas, ce n'est pas
du tout le cas, même on ne mentionne aucunement qu'il y a des séances
qui sont publiques.
Notre
cinquième recommandation, c'est sur, bon, l'article 37 du projet de loi,
qui parle des groupes socioéconomiques, de consulter des groupes plutôt que les groupes. Donc, on va dans une
procédure qui est moins rigoureuse, alors que je pense qu'on devrait
aller dans le sens inverse, donc d'avoir quelque chose qui est, au contraire,
plus exhaustif.
Recommandation
n° 6, c'est de confier à l'Office des professions la responsabilité de
colliger, d'uniformiser, de rendre publiques des statistiques globales sur les
plaintes ou quelconque type d'information qu'on trouve dans les rapports
annuels. On a fait l'exercice de passer à
travers tous les rapports annuels, ça peut être difficile de trouver les
correspondances d'un rapport à
l'autre, qui dit quoi, qui fonctionne comment. Donc, je pense qu'on pourrait
centraliser tout ça, et ce serait un gain indéniable en termes de
transparence.
Nos deux
dernières recommandations, 7 et 8, portent sur le rétablissement de la
confiance, un système qui a écopé dans
les dernières années. Donc, la première... en fait, la septième recommandation,
c'est assujettir les firmes de services professionnels au pouvoir d'encadrement des ordres professionnels dans
leur secteur d'activité. Alors là, vous reconnaîtrez peut-être la
recommandation de la commission Charbonneau, qui n'a pas été incluse dans le
projet de loi n° 98. Nous pensons que
ce serait important d'inclure cette recommandation-là et de l'avoir pour
l'ensemble des services professionnels.
Recommandation n° 8, notre dernière et pas
la moindre, on propose de confier la responsabilité du contrôle disciplinaire des ordres professionnels à l'Office
des professions plutôt que de l'avoir tel qu'il existe présentement dans
les ordres professionnels. C'était une
recommandation qu'avait déjà formulée le Protecteur du citoyen, il y a un
moment déjà, mais je pense qu'il y a
là une façon, là, une piste intéressante de ramener davantage de confiance
envers les ordres professionnels et la structure du système
professionnel en général.
Donc, pour
conclure, je pense que le projet de loi n° 98 qu'on a est une belle
occasion de réformer notre système professionnel,
une réforme qui se fait attendre depuis un moment maintenant. Il faudrait que
ce soit une vraie réforme toutefois, donc ça pourrait aller plus loin que ce
qui est dans le projet de loi n° 98. Les recommandations qu'on vous
soumet aujourd'hui permettent d'atteindre
les objectifs en termes de confiance, de transparence et d'éthique.
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci, M. Hébert. Vous êtes pile dans les
temps. Merci, Mme Sully. Maintenant, on commence la période d'échange,
et à vous la parole, Mme la ministre.
Mme Vallée :
Alors, Mme Sully, M. Hébert, merci de
votre présentation. Je pense que vous étiez dans la salle tout à l'heure, lorsque j'ai rassuré le groupe précédent quant à notre
intention de vraiment aller de l'avant avec l'ensemble des recommandations de la commission Charbonneau. Alors, il y a
un chantier qui est en cours pour voir à la façon dont nous pouvons bien
encadrer la pratique au sein des corporations, au sein des cabinets. Donc,
soyez rassurés, il y a une volonté réelle d'aller dans ce sens.
Maintenant,
je vous entends très bien concernant le besoin d'assurer une meilleure
représentativité au sein des ordres
professionnels. Tout à l'heure, j'ai questionné des groupes à cet effet, de quelle façon on
peut s'assurer qu'au sein d'un ordre
on ait cette représentativité, bien qu'on ait des postes électifs. Alors,
comment croyez-vous que ça devrait se traduire dans un texte législatif? Et pensez-vous que, par
exemple, la proposition qui est faite, c'est-à-dire de s'assurer que les administrateurs nommés puissent venir suppléer ou combler l'absence
de représentativité qui pourrait survenir suite à une élection... Est-ce
que vous avez d'autres mécanismes qui
pourraient nous aider à traduire cette volonté, je pense, qui est
partagée autour de la table puis qui est partagée généralement, en un texte
clair?
M. Hébert
(Guillaume) : On n'a pas été
dans le détail là-dessus. Il y a déjà, à
l'intérieur des ordres — je ne sais pas s'ils l'ont tous, il me semble que oui — des dispositions par rapport à la
représentation géographique régionale. On a avancé avec des propositions pour ce qui est de la représentation des
jeunes. Donc, dans le détail du mécanisme, on ne l'a pas, mais je sais qu'on peut trouver — ça, ça ne m'inquiète pas — des façons de s'assurer, par des formes de
collèges électoraux, là, si on veut,
des façons d'atteindre plus de représentativité. Donc, on n'a pas creusé le
mécanisme précis.
Mme Vallée :
Croyez-vous que ça pourrait être un enjeu... On a certains ordres qui sont très
grands, très gros, parce qu'ils
comptent plusieurs membres, puis on a des ordres qui sont beaucoup plus petits.
Croyez-vous que ça pourrait susciter
un enjeu au sein de certains ordres si on devait, de façon très catégorique,
légiférer ou encadrer ce besoin d'une diversité beaucoup plus grande?
M. Hébert (Guillaume) : J'imagine
qu'encore là des dispositions pourraient prévoir qu'un ordre qui est plus petit, qui a, je ne sais pas,
3 000 membres, un ordre qui est plus grand que 10 000 pourraient
être soumis à différents critères. Je
pense qu'il y a tout un pas qu'on peut faire encore en termes de
représentativité, qu'on peut faire avant d'atteindre ce type de limite
là qu'on frapperait, étant donné la petitesse de certains.
Mme Vallée : Donc, pour vous,
ce serait vraiment d'adapter les mesures en fonction de la réalité de l'ordre?
M. Hébert (Guillaume) : Bien, il
pourrait y avoir, c'est ça, des...
Une voix :
...
M. Hébert
(Guillaume) : Oui, en
fonction de la taille, hein? On le fait, par exemple... Sur la taille des C.A.,
par exemple, c'est... Bon, jusqu'à
maintenant, la façon dont on a procédé, c'est... moi, je ne me rappelle pas des
chiffres exacts, mais quand on a un
ordre... est-ce que c'est 10 000, la ligne... quand on est en dessous de
ça, on peut avoir un certain nombre d'administrateurs,
au-dessus on a un autre nombre. Donc, de la même façon, je pense qu'on pourrait
être plus ou moins exigeant en fonction de ce que c'est, l'ordre.
Mme Vallée :
On revoit justement, dans le projet de loi, le nombre d'administrateurs, on
revoit la composition du C.A., là,
pour une saine gouvernance aussi. D'ailleurs, la question de la
représentativité régionale, on l'a abordée, c'est quelque chose qui est mis de côté. On est plus
dans une question de compétence au sein d'un conseil d'administration
puis de représentation d'un territoire donné. Qu'est-ce que vous en pensez?
• (12 h 20) •
M. Hébert
(Guillaume) : Moi, je pense
que c'est un problème. En fait, l'IRIS a beaucoup publié sur les questions
de gouvernance, on l'a étudié beaucoup en
éducation, on l'a étudié en santé, et le simple usage du mot «gouvernance»,
en soi, c'est une façon que... Je pense que
même des parlementaires devraient prendre un moment pour bien s'arrêter pour voir
qu'est-ce qu'on est en train de faire comme
concession quand on parle de gouvernance plutôt que de parler d'administration.
Si vous regardez les rapports
gouvernementaux produits par l'État québécois partout, le mot «gouvernance»,
avant le début des années 2000,
n'existe pas, il n'est pas nulle part. Et maintenant on a beaucoup de mal à
s'exprimer sans mentionner ce mot-là,
et pourtant les mots ne sont pas innocents. «Gouvernance», c'est beaucoup
inspiré par ce que vous avez décrit, hein?
On va souvent parler d'ajouter, par exemple, des administrateurs externes, des
gens reconnus pour des compétences
de gestion, souvent en finance, en administration, etc. Je pense qu'il y a un risque de perdre beaucoup
en termes de démocratie quand
on fait ce type de transition là.
Donc, je pense que... Si on veut des structures
qui sont démocratiques, si c'est de ça qu'on parle, si on parle de l'État, ou d'extensions de l'État, ou de
structures représentatives, je pense qu'on doit avoir un souci de préserver
cette chose-là. Je pense qu'il
faut... On a vu à plusieurs endroits que de rajouter des comptables ou des gens
qui sont spécialistes des finances
sur des conseils d'administration, ça n'empêche pas d'avoir des dérives de toutes
sortes, de un, et, de deux, on perd beaucoup en termes de ce que c'est,
une pratique démocratique. Et pratique démocratique, c'est aussi faire la
représentation, et vous êtes les meilleures personnes pour le savoir.
Mme Vallée : Mais je suis... C'est intéressant, ce que vous
dites, parce que, dans votre proposition, vous proposez
que le conseil d'administration soit
composé d'un tiers de membres, un tiers de membres du public et un tiers de
membres de regroupements de
consommateurs. Alors, comment concilier ce besoin, cet enjeu démocratique et la nomination de représentants,
par exemple, des regroupements de consommateurs? Comment
arrivons-nous à concilier ces deux enjeux?
M. Hébert
(Guillaume) : Bien, on est
sur la ligne, effectivement. L'ordre
professionnel, il a sa particularité.
Dans le cas d'une institution comme un cégep ou une université,
un hôpital, on a quelque chose... Et, dans ce cas-ci, on est dans quelque chose de différent, parce qu'on veut... on cherche à exercer un
contrôle. On cherche à défendre le public, même c'est tout le rapport un peu, là, schizophrénique d'une personne qui est
élue comme président d'un ordre mais qui représente le public. Il n'est
pas censé représenter uniquement les gens qui l'ont élu. Donc, on a conscience
qu'il y a, disons, un glissement possible.
Cela étant
dit, dans ce cas-ci, c'est moins en termes de spécialistes qu'on a pensé
d'élire des gens, c'est en termes de gens
qui sont directement dans des organisations regroupées sur des enjeux de
consommation ou ce qu'on appelle des fois,
au Québec, l'éducation familiale. Donc, on les a moins vus en tant que
spécialistes que vraiment de représentation de la population. Donc, on ne le voit pas comme un détournement vers des
experts, on le voit comme vraiment une autre façon d'assumer la
représentation démocratique.
Là, le
troisième volet restant, celui qui existe déjà, des gens qui sont nommés, bon,
par la façon dont ils sont nommés présentement.
Le Président (M. Villeneuve) : Mme
Sully, vous voulez intervenir?
Mme Sully
(Jennie-Laure) : Oui. J'aimerais juste rajouter un point par rapport à
la question de la compétence. Je
comprends le souci de s'assurer que
les personnes qui sont nommées et qui oeuvrent au sein des conseils d'administration puissent faire preuve d'un certain niveau de
connaissance et de compétence, mais si on a à faire... contrebalancer, à
choisir entre compétence et représentativité, je pense qu'il faut garder
en tête qu'un déficit démocratique est pratiquement impossible à combler, tandis qu'un manque de compétence peut se régler
par de la formation. Et les ordres professionnels ont les moyens de
s'offrir la formation adéquate pour aller chercher des compétences. Mais, s'il
y a un manque de représentativité dès le départ, c'est vraiment problématique
de le régler plus tard. Donc, je pense qu'au niveau de la représentativité il
faut dès le départ établir des règles très claires et se dire qu'en matière de
compétence et de bonne gouvernance c'est
toujours possible par la suite d'aller chercher la formation nécessaire pour
avoir la compétence voulue.
Mme Vallée :
Vous avez proposé... Puis vous abordez qu'il serait intéressant que la
nomination et la sélection des
administrateurs, des administratrices qui représentent le public au sein de
l'ordre soient beaucoup plus transparentes, plus claires. Quelle serait
votre proposition? Quelle serait, pour vous, la façon de répondre à votre
préoccupation? Je comprends que vous nous avez suggéré
une composition, mais, encore là, les membres du public et les membres du regroupement de consommateurs, de quelle façon
devraient-ils être sélectionnés et de quelle façon tout ça devrait-il être
rendu public?
Mme
Sully (Jennie-Laure) : En ce moment, il y a sur Internet un processus,
qui n'est pas transparent, il y a certaines informations par rapport à la sélection. La première chose, ce serait
d'inviter la population... d'informer davantage. Ça, c'est la première
des choses.
Pour ce qui est du mécanisme précis, c'est un
mécanisme qui doit être mis en place. On n'a pas un mécanisme précis à vous proposer, il faut
commencer par s'assurer d'informer les gens, s'assurer qu'il y a
une plus grande participation dans ce
processus, une plus grande participation de la population. Pour ce qui est du
mécanisme exact, je ne crois pas que, là, en ce moment, on a des détails
à vous fournir précisément à ce sujet. C'est à bâtir.
Mme
Vallée : Qu'est-ce qui actuellement, à votre avis, pourrait
être un frein à une plus grande participation du public? Comment susciter cet intérêt de soumettre sa candidature?
Comment s'assurer qu'on aura un bassin de candidats et de candidates qui
ont cet intérêt que de siéger au conseil d'administration d'un ordre
professionnel? Comment les rejoindre? Parce
que c'est aussi ça, le défi, c'est d'assurer de rejoindre. On a des gens
compétents sur le territoire, mais, bien
souvent, ces gens-là, on n'arrive pas à aller les chercher, à susciter leur
intérêt. Est-ce que vous avez une idée sur les outils et la façon qu'on pourrait mettre en place... Qu'est-ce qui
pourrait être, peut-être, le levier ou l'élément, l'étincelle nous
permettant d'aller rejoindre les gens? Parce qu'il y en a, des gens compétents
et intéressés, ça, c'est certain.
M. Hébert (Guillaume) : Bien, moi, je pense qu'il y a deux choses. La première
chose, c'est, pour faire suite à ce
que ma collègue disait il y a quelques secondes, la question de l'information.
S'il y a 12 % seulement de la population qui sait à quoi servent les ordres professionnels, bien, manifestement,
il ne doit pas y avoir tant de gens que ça, dans la population, qui savent qu'on peut postuler...
faire partie d'un ordre professionnel, hein, je pense qu'on sait que c'est
assez méconnu. Donc, faire plus
d'information, des campagnes d'information, là, c'est une chose qui est
possible, il y a des façons de procéder pour faire ça. C'est la première
chose.
La
deuxième, la deuxième qui peut susciter cette étincelle-là, puis qui est
probablement plus importante encore, c'est
la confiance dans le système. Si les gens ont l'impression qu'ils vont dans un
système qui ne fait pas la différence, s'il
y a un scepticisme par rapport aux résultats de ce que ça va faire, un
processus de plainte, s'il y a des doutes, bien, évidemment, ce n'est pas du tout tentant pour des gens d'aller s'investir
dans une structure où on a l'impression que les dés sont pipés. Puis, dans certains cas, c'est l'impression que les gens
ont. Donc, je pense que cet ingrédient-là est absolument fondamental et
je pense que c'est pour ça qu'on a un projet de loi présentement, aujourd'hui.
Mme
Vallée : Justement,
l'objectif du projet de loi fait partie de cette volonté de redonner aux
ordres toutes leurs lettres de
noblesse, parce que les ordres font un travail essentiel, et la
protection du public, c'est quand
même... ce n'est pas négligeable, là, c'est majeur comme mission.
Et, vous avez raison, il y a beaucoup de travail de communication qui est nécessaire,
parce qu'on a trop souvent regardé... porté notre regard,
dirigé notre regard vers des ordres qui avaient certains problèmes,
mais, pour l'ensemble des ordres, ce n'est pas nécessairement
le cas, on a des ordres qui sont très,
très, très... En fait, lorsqu'on rencontre les présidents des ordres, les présidentes
des ordres, je pense que tous ont à coeur la protection du public, et ils sont tous très motivés par le
travail que nous avons à faire de redonner aux ordres leurs lettres de
noblesse. Et là-dessus, la communication, elle est nécessaire, vous avez
tout à fait raison.
Est-ce que les modifications...
Et, je ne sais pas, vous ne l'avez pas abordé, mais on donne, à travers le projet
de loi n° 98, un rôle plus important au commissaire aux plaintes, qui
devient... que l'on rebaptise «commissaire aux admissions», dans un souci d'assurer une équité pour le traitement des
citoyens. Alors, que pensez-vous de cette question?
Le
Président (M. Villeneuve) :
Oui, très brièvement, sinon par écrit à la commission, mais c'est effectivement une très bonne question,
j'avoue.
M. Hébert (Guillaume) : Le mot... On pourrait aller plus loin, c'est le
sens dans lequel va notre recommandation n° 8,
ça pourrait aller plus loin que ça. Je pense
que cette structure-là, qu'on élargit un petit peu présentement, c'est un pas
dans la bonne direction, mais ça ne suffit pas.
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci. Alors, je cède maintenant la parole
à Mme la députée de Chicoutimi, à vous la parole.
• (12 h 30) •
Mme
Jean : Merci. Alors, bienvenue à vous deux, M. Hébert et Mme Sully.
Nous sommes heureuses que vous soyez
ici. Heureuses aussi de constater que des gens comme vous font des réflexions
de base sur des enjeux importants comme les professions, les ordres
professionnels. Donc, bravo pour votre travail!
Je
ferais peut-être du chemin par rapport à la dernière question, je vous
permettrais peut-être d'aller plus loin, parce qu'on sent que la renomination du commissaire aux plaintes, maintenant
qui deviendrait le commissaire à l'admission, rencontre certaines résistances par rapport aux ordres, qui trouvent que
ça va déjà trop loin, et vous, vous semblez dire que c'est dans la bonne
direction et il faut aller plus loin. Est-ce que vous pouvez élaborer un petit
peu là-dessus? Ça m'intéresse de savoir votre idée.
Le Président (M. Villeneuve) : M.
Hébert, allez-y.
M.
Hébert (Guillaume) : Oui.
Donc, quand il y a eu création du commissaire aux plaintes, si ma compréhension
est bonne, c'était pour donner plus d'outils
à l'office, un endroit de plus ou un acteur de plus dans ce système-là, où on
peut, disons, passer par un autre chemin
qu'uniquement celui de l'ordre pour adresser des doléances. Moi, je pense qu'on
est rendu à faire un pas de plus que ça,
c'est ce que je veux dire par rapport à «la réforme est trop étroite». Là, on
veut donner plus de pouvoirs à une
structure. Je pense que c'est la structure qu'il faut changer un peu plus
présentement, pas juste élargir ses pouvoirs, et c'est pour ça qu'on a
proposé de carrément donner le contrôle disciplinaire des ordres
professionnels, donner sa responsabilité à l'office. Donc là, on parle d'un
changement beaucoup plus en profondeur du
système de professionnels actuel, et je pense qu'on est mûr pour ça, et je
pense que ça, on va commencer à réunir les conditions pour rétablir la
confiance avec la population.
C'est quand même une proposition qui avait été
formulée par le Protecteur du citoyen. Quand on a fait nos recherches, on est tombés là-dessus et on a trouvé
que, franchement, c'était une proposition qui avait du coffre, comparée à plusieurs autres qui, je pense, risquent d'être
prises comme des modifications qui sont... qui restent trop en surface. Bon,
voilà. Je pense que ça, on est en train de
faire un pas réel, on est réellement en train de changer cette structure-là,
sans la démonter complètement, parce qu'on continue d'avoir ce système d'ordres
professionnels qui sont malgré tout autogérés, autoreprésentés, etc.,
autofinancés même.
Mme
Jean : Dans le même ordre d'esprit, je me posais une question :
Lorsque tu as un système disciplinaire, un syndic qui a à émettre une sanction contre un professionnel, il a à
équilibrer le fait de nuire à la carrière du professionnel, donc va faire un peu attention aux sanctions pour
ne pas nuire au futur, au futur de la carrière de la personne en question, mais
en même temps cette attitude-là, vue par le public, mine un petit peu la
confiance, parce qu'il n'y a pas de conséquence à certains gestes. Donc,
comment on peut, selon vous, équilibrer ce côté-là, oui, de faire attention de
ne pas miner la carrière de
quelqu'un, parce que peut-être que l'infraction est unique ou je ne sais pas
quoi, et par rapport à la confiance du public qui se dit : Mais il
a fait une infraction, il devrait être puni?
M. Hébert
(Guillaume) : On n'a pas été
très loin dans les responsabilités du syndic. On s'est posé la question, on ne
s'est pas rendus très loin. On n'a pas essayé de développer une nouvelle façon
qu'on peut départager exactement les responsabilités
au sein du syndic, ou par rapport à la responsabilité du syndic, ou des façons
de procéder du syndic. La seule
chose, moi, je pense, j'ai l'impression que ce qui va... Je pense que tous les
professionnels sortiraient gagnants qu'on rétablisse la confiance à la
base. Donc, je pense que c'est là que ça se joue ultimement.
Mme Jean : Avais-tu une question?
Mme Lamarre : Oui.
Le Président (M. Villeneuve) : Oui,
Mme la députée de Taillon.
Mme
Lamarre : Alors, bienvenue, M. Hébert, Mme Sully. Moi, je suis
contente que vous abordiez le dossier des frais accessoires. C'est un dossier sur lequel j'ai travaillé beaucoup
parce que ça incarne, pour moi, une iniquité profonde dans notre système de santé. Et les Québécois ont
clairement choisi de vouloir qu'il n'y ait pas cette atteinte discriminatoire
à l'équité en santé, que ce ne soit pas par
notre richesse qu'on réussisse à accéder plus facilement à la santé, mais bien
par l'urgence et la gravité de la situation.
J'essaie de voir le lien, quand même, entre ce
que vous présentez au niveau des frais accessoires et votre recommandation 8, c'est-à-dire vous
dites : On devrait transférer tous les dossiers disciplinaires à l'Office
des professions. De quelle façon vous
voyez que l'Office des professions aurait pu gérer ce dossier-là différemment?
Est-ce que vous voulez vraiment que
l'Office des professions devienne juge de ces situations-là ou si vous voulez
qu'elle exerce un devoir de surveillance, de vérification? Parce qu'il y a plusieurs ordres, et c'est sûr que, là, ça
fait un tribunal qui serait très, très, très sollicité.
Mme Sully
(Jennie-Laure) : Bien, je pense qu'effectivement c'est une question de
surveillance accrue de l'office professionnel
qui doit être effectuée. Ça va dans le sens de ce qui était dit lors de la
commission Charbonneau, donc que l'Office
des professions fasse un travail de contrôle et de surveillance au niveau
disciplinaire, donc le syndic aurait toujours son travail à faire. Il
faudrait trouver un mécanisme. Là encore, on peut faire preuve d'une certaine
flexibilité, mais il faudrait impliquer
davantage l'Office des professions, parce que visiblement il y a un problème au
niveau du nombre de plaintes qui se
rendent jusqu'au conseil disciplinaire. Il y a un certain nombre de plaintes
qui sont portées par les citoyens au
syndic, mais le pourcentage... qui finalement sont traitées par le conseil
disciplinaire, semble plutôt faible, et c'est là que l'Office des
professions pourrait notamment intervenir. Par quel mécanisme exact?
M. Hébert
(Guillaume) : Pour reprendre
le cas, l'illustration des frais accessoires, présentement, si on prend le...
Il y a eu trois décisions du Collège des
médecins. On a reconnu... Hein, c'est en décembre dernier où on a reconnu que
le code de déontologie n'avait pas
été respecté, et il y en a eu une autre, décision, c'était en mars, je pense,
et ces quatre décisions-là ne se sont
rendues à rien. Le collège a jugé que, là, «on n'est pas trop sûrs, on va
peut-être avoir une nouvelle voie». Et le collège n'a d'aucune façon
montré une volonté d'agir.
Même chose,
cette fameuse tendance du collège, hein, quand il y a des plaintes qui sont
formulées, les gens peuvent soit
demander d'être remboursés ou soit demander à ce qu'il y ait une enquête, une
investigation qui soit faite, et on a vu plusieurs cas où les gens demandaient des
investigations parce qu'ils voulaient aller au bout de l'affaire, et on leur
proposait, on leur envoyait des
montants d'argent pour leur demander de... pour fermer le dossier, finalement.
Le Collège des médecins sur cette
question-là, à notre avis, a montré que l'ordre professionnel, dans ce cas-ci,
n'est pas en mesure d'assumer le rôle
du système disciplinaire. Ça, je pense que c'est un des cas, qui est des plus
flagrants, qu'on a vus dans les dernières années. Voilà.
Mme Lamarre :
Il y a de nouveaux joueurs maintenant. Je pense que les ordres ont été conçus
en 1974, à un moment où l'autorité d'un
ordre concernait principalement un individu, un membre. Donc, quand il y avait
des infractions qui étaient causées
ou des défis, c'était toujours en lien avec un membre. Maintenant, autant pour
les ingénieurs, on le voit pour les
avocats, on le voit en pharmacie, on le voit pour les médecins, il y a des
multinationales qui gravitent autour de ces gens-là.
Est-ce
que le projet de loi vous semble réagir en fonction de faire en sorte que les
ordres aient plus de capacité de
résister à ces... ou, en tout cas, d'intervenir lorsque des sociétés, des
grandes organisations essaient d'influencer des membres d'ordre à
contourner leur code de déontologie ou d'éthique, par exemple?
Le Président (M.
Villeneuve) : En 15 secondes, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, peut-être... La réponse m'intéresse,
peut-être le prendre sur mon temps.
Le Président (M.
Villeneuve) : Oui. Vous voulez intervenir, M. le député de Borduas?
M.
Jolin-Barrette : Non, juste le prendre sur mon temps, M. le Président.
Le
Président (M. Villeneuve) : Bien, vous le prendrez sur votre temps.
S'ils veulent prendre les 15 secondes que je leur donne, ils
pourront continuer sur votre temps par la suite.
• (12 h 40) •
M. Hébert (Guillaume) : Bien, deux choses là-dessus. C'est dans cette
direction-là qu'on va avec la recommandation n° 7, de pouvoir
traiter des firmes, de pouvoir élargir, là, les pouvoirs des ordres
professionnels de demander des documents, donc, oui, leur donner plus d'outils
par rapport à ces firmes-là.
La
deuxième chose qu'on a mentionnée, on a mentionné... je pense qu'on le... pas
dans le mémoire, on en a parlé dans un document qu'on a publié récemment, où on
mentionne les questions de libre-échange aussi. On a vu les ordres professionnels être convoqués à jouer un rôle,
hein, quand on parle de standardiser des pratiques d'une juridiction à l'autre
pour... bon, c'est ça. Et ça, ça va. La
seule chose, c'est qu'il y a un... Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui
voient dans le libre-échange
maintenant moins des questions de baisse tarifaire, hein? Les tarifs du
commerce dans le monde présentement sont
assez bas, hein? Ce qu'on voit présentement beaucoup avec le libre-échange,
c'est quoi? C'est de la standardisation de politiques... des mécanismes juridico-politiques, là, des
infrastructures juridiques qu'on est en train de développer pour permettre l'extension, hein, de grandes firmes
transnationales, qui ont besoin de cette compatibilité-là pour fonctionner
un peu partout.
Ce
serait bien que, dans ce portrait-là, dans ce contexte-là où on voit ces genres
de standardisation, on ait un ordre, qu'on
puisse faire confiance à l'ordre aussi pour demeurer vigilant par rapport à ça,
et donc avoir les moyens de le faire aussi.
Je pense que ça me semble être primordial. Donc, je pense que ça aurait pu être
même plus explicite peut-être dans notre recommandation n° 7.
Le Président (M.
Villeneuve) : M. le député de Borduas, à vous la parole.
M. Jolin-Barrette : Merci. Bonjour, merci de contribuer aux travaux
de la commission. Dans le même ordre d'idées, dans le cadre de vos études, est-ce que vous avez constaté que des
professionnels font l'objet de pressions, dans le fond, lorsqu'ils travaillent pour une société ou une
corporation, au niveau de leur indépendance professionnelle, si je pourrais
dire?
Mme
Sully (Jennie-Laure) : Pas dans le cas de nos études, mais c'est une
question qui peut se poser avec la tendance à l'incorporation. Est-ce que, maintenant, à travers le fait que les
professionnels se retrouvent maintenant dans des sociétés incorporées, il y aura une pression sur leurs
pratiques, sur leurs façons de faire? C'est une question qui peut se poser. Je
ne sais pas si c'est par rapport à ça que vous posez la question?
M. Jolin-Barrette : Oui, bien, c'est sûr que le professionnel qui est à l'emploi unique
d'une entreprise et que c'est son
seul client a certaines normes à respecter en vertu de son code de déontologie.
Et, lorsqu'il se retrouve avec un client unique, et, supposons, à titre de salarié, il peut se retrouver, comme
on dit, entre l'arbre et l'écorce dans certaines situations. Mais c'est
pour ça que j'amenais ce questionnement.
Mais je voudrais vous
parler de votre recommandation 4 et de la recommandation 8,
relativement au pouvoir de l'office en matière disciplinaire et relativement
aussi au fait que la justice doit être rendue publiquement. Donc, je comprends, pour vous, que le public n'est pas bien
informé, en fait, du travail du syndic ou du travail du conseil de discipline,
parce que ce n'est pas assez médiatisé.
M. Hébert
(Guillaume) : Bien, il y a
des dispositions qui garantissent que les séances sont publiques. Or, comme
je vous ai dit tout à l'heure, quand on va sur un site d'un ordre, ça va être
difficile, voire impossible de savoir, de un, l'information, que c'est public, et, de deux, de
connaître les horaires des séances. Donc, moi, je pense que ça pourrait être
mis beaucoup plus de l'avant. Et, comme je
le mentionnais aussi, certains le font. Dans le cas du Barreau, on ne peut pas
le manquer, hein? C'est vraiment très, très clair qu'on peut consulter...
Ce n'est pas le cas partout.
M.
Jolin-Barrette : Puis, à votre
recommandation 8, vous venez citer, là, la Protectrice du citoyen, puis
notamment ça fait référence à des
tribunaux indépendants et impartiaux en matière administrative. Est-ce que vous
jugez qu'il y a un manque
d'impartialité des tribunaux dans le domaine administratif? Parce que,
peut-être pour vous mettre en contexte, là, dans le domaine de la
justice administrative, il y a un rapport, le rapport Noreau, qui a été déposé
en 2014 aussi.
Puis je tends la main à ma collègue, justement
si on pourrait réformer le processus de nomination pour la
saison 2016-2017. On va avoir du temps, donc ce serait peut-être dans
l'air du temps.
Mais je voudrais avoir votre opinion là-dessus,
sur le fait que vous citez la Protectrice du citoyen.
M. Hébert
(Guillaume) : Je pense que
la confiance envers ce système-là est amochée, et donc ce serait un des
gestes à poser pour la renforcer. Donc, c'est de...
M. Jolin-Barrette : Mais elle est
amochée en raison de quoi au niveau des tribunaux administratifs?
M. Hébert
(Guillaume) : La quantité de
plaintes, hein, qui sont déposées et qui vont parcourir tout le chemin, qui vont faire l'ensemble du chemin, qui vont
partir du syndic, qui vont peut-être passer par le conseil de discipline, le
conseil de révision, etc., il n'y en a pas
beaucoup qui se rendent. Et, à mon avis, si on voulait le rendre plus crédible,
bien, on aurait intérêt à ce que ce ne soit pas une partie qui est
autogérée par les ordres.
M.
Jolin-Barrette : Tout à
l'heure, vous avez donné l'exemple des frais accessoires. Est-ce que vous avez
d'autres exemples du système professionnel qui pourraient dire :
Comme dans ce cas-là aussi, là, il y a une problématique de confiance, de la
façon que ça a été traité?
M. Hébert (Guillaume) : On a mis
beaucoup l'accent sur frais accessoires. On en a vu d'autres dans le cas...
C'étaient des hygiénistes dentaires, si je me rappelle bien. Il faudrait que je
sorte l'info exactement.
Le
Président (M. Villeneuve) : Vous pourrez y revenir par le secrétariat,
pour la réponse. Mme Sully, M. Hébert, je vous remercie d'avoir
participé aux travaux de la commission.
Sur ce, je suspends la commission jusqu'à
14 heures. Bon appétit à tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
(Reprise à 14 h 2)
Le Président (M. Villeneuve) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Alors, tout comme ce matin, je demande
aux gens qui ont des appareils électroniques de fermer les sonneries, s'il
vous plaît.
Nous
poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 98, Loi
modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux
professions et la gouvernance du système professionnel.
Nous
entendrons cet après-midi les organismes suivants : l'Institut sur la
gouvernance d'organisations privées et publiques — alors immédiatement
je souhaite la bienvenue à M. Nadeau; le Protecteur du citoyen; le Bureau
de coopération interuniversitaire; l'Ordre des chimistes du Québec;
Mme Louise Champoux-Paillé.
Ceci étant,
on débuterait immédiatement, donc, la présentation faite par M. Nadeau.
Et, je veux juste m'assurer que je le dis bien, donc, c'est sûr, vous
représentez l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques.
M. Nadeau, à vous la parole.
Institut sur la
gouvernance d'organisations
privées et publiques (IGOPP)
M. Nadeau
(Michel) : Merci beaucoup, M. le Président. Nous sommes très heureux, au
nom de l'Institut sur la gouvernance, de faire cette présentation devant
la Commission sur les institutions. Mon collègue et associé, le Pr Yvan Allaire, malheureusement, a eu un
empêchement de toute, toute dernière minute, ce qui l'empêche d'être avec
nous aujourd'hui. Mais, le projet que je
vais... le document dont je vais parler cet après-midi, nous l'avons travaillé
ensemble.
Donc, lorsqu'il s'agit de gouvernance, notre
organisme qui joue un rôle assez particulier au Québec dans ce domaine... Nous sommes, rappelons-le, un OBNL qui
existe depuis 11 ans. Nous n'intervenons que dans le domaine de la gouvernance. Nous travaillons avec les petites,
moyennes entreprises, avec les sociétés d'État, les coopératives, avec les
caisses de retraite, et naturellement les
ordres professionnels. Nous sommes intervenus dans plusieurs dossiers d'ordres
professionnels et actuellement nous sommes
encore impliqués dans des débats. On parlait hier... le débat de la fédération,
ce n'est pas des médecins professionnels,
mais c'est des professionnels, la Fédération des médecins omnipraticiens, où,
là, on voulait instaurer le vote électronique.
Donc,
les ordres professionnels, il faut dire au départ qu'il y a peut-être une
certaine ambiguïté. La loi pourtant, à l'article 12
et 23, est très claire, l'existence du système professionnel au Québec existe
pour la protection du public. Donc, c'est
la protection du public, les articles 12 et 23 sont très clairs. Pourtant,
il y a eu, au cours des dernières années, une crise de confiance par rapport à plusieurs ordres professionnels, dans le
domaine du génie-conseil, le Barreau, la rémunération des médecins spécialistes, la mise sous tutelle de l'Ordre
des ingénieurs. Tout ça, on sème le
doute sur plusieurs citoyens.
Donc, pour beaucoup de gens, soyons sérieux, soyons réalistes, les ordres professionnels, ce n'est pas évident qu'ils assurent la protection des membres... la
protection du public et est-ce qu'ils travaillent d'abord pour la protection du
public ou plutôt la défense des intérêts de leurs membres.
À titre
d'exemple, si vous me permettez, je vais prendre le numéro du Journal du
Barreau de ce mois-ci. Alors donc,
ce sont des gens obsédés, obsédés, par l'accès et les lenteurs du système de
justice. Alors, quelle est la manchette? Le golf sera-t-il déductible
de nos impôts? Et là vous... «[Le] nouveau projet de loi privé cherche à
rendre le golf admissible au titre de
dépense d'entreprise déductible. Les golfeurs — avocats — sont-ils
en voie de corriger un handicap?» Et il y a un cahier spécial sur la Journée
du Barreau, et là on traite de tous les problèmes touchant les membres et
les employés du Barreau, mais rien, rien,
rien sur les clients, la population qui utilise les services du Barreau. En ce sens,
je dois... je ne veux pas
singulariser cet ordre professionnel, mais, à plusieurs reprises, on m'a invité à leur assemblée annuelle,
et je leur ai dit que, sous beaucoup
d'aspects, le Barreau est un gros club automobile qui vend des services à ses
membres pour ramasser des sous pour
faire, entre guillemets, la défense du public. Donc, dans ce contexte-là, il
faut s'interroger, il y a un sérieux problème de crédibilité.
Évidemment, les ordres professionnels, au nom de
l'intérêt du public, ils ont une fonction secondaire qui est importante,
c'est qu'ils décident qui pratique. Alors donc, ils font... sont responsables
de la sélection et de la gestion de la conformité
de la pratique. Donc, c'est pour ça que ça peut être souvent associé, cette
fonction-là de sélection, au combat d'un
syndicat professionnel qui veut limiter l'accès à la profession et ainsi
protéger les revenus de ses membres. Donc, nous ne posons pas de
jugement, mais la perception du public est souvent celle-là.
Alors, mon
intervention cet après-midi va porter sur trois sujets : la place des
membres externes, la sélection des membres externes et la formation des
membres externes. Et nous allons terminer avec six petits points concernant l'amélioration
de la gouvernance des ordres professionnels.
Les membres
externes. Alors là, actuellement, 80 %
des membres des comités... des conseils des ordres sont des membres élus par leurs pairs. 80 % sont
effectivement des professionnels qui assurent comme ça la protection du public.
Alors, le conseil typique d'un ordre est de
16 personnes, dont trois membres externes, environ 20 %. Le projet de
loi n° 98 propose de porter de
20 % à 25 % cette proportion des membres nommés au conseil des
ordres. Or, pour nous, c'est vraiment, mais vraiment trop peu, trop peu,
beaucoup trop peu.
Alors, nous
avons étudié la mécanique, la dynamique dans un conseil d'administration. Si
vous n'avez pas 35 % des membres
dans un conseil d'administration, 35 % des membres... Quand vous êtes
devant un groupe homogène, si vous
n'avez pas une minorité de 35 %, ça, ça vaut pour les femmes, ça vaut pour
les francophones, ça vaut pour tous les groupes, la dynamique ne passe pas. Vous devenez une quantité
négligeable. Alors, si vous avez, évidemment... Pensons à l'ancien Barreau, 38 membres, de vénérables
avocats, 34 étaient... il y avait quatre représentants du public. Ça a changé,
la gouvernance du Barreau — bravo! — a changé cette réalité-là. Mais encore une
fois rappelons-nous que l'administrateur qui arrive de l'extérieur a
un gros handicap. Il y a une asymétrie de l'information. Il ne possède pas les
dossiers aussi bien que les membres
élus par leurs pairs. Donc, pour nous, c'est extrêmement important que, dans
les conseils d'administration, il y ait un plus grand nombre de
représentants associés au public.
• (14 h 10) •
D'abord, on
tient à féliciter la ministre d'avoir abordé le problème de la taille,
15 %... Un conseil d'administration, quand vous avez plus que 20 personnes, vous êtes rarement efficace,
rarement efficace. Là, il faut que vous envoyiez le travail en comité. Mais, plus que 20, là — la dynamique des conseils, ça, on pourrait
vous citer des tas d'études, là — il faut
qu'il y ait du travail en comité. Mais décider à 20... Plus on est nombreux,
moins on se connaît bien, moins on intervient, c'est toujours les mêmes qui parlent, etc. La dynamique est moins bonne.
Donc, face à un groupe homogène d'administrateurs professionnels, élus par leurs pairs, il est
important, pour nous, de passer à au moins 40 %, 40 % des membres des ordres professionnels devraient provenir... être des gens nommés par l'Office
des professions à partir d'une banque de données. On va en reparler tout à l'heure. En ce sens-là,
on ne ferait qu'imiter l'Ontario, l'Ontario qui a 40 % des membres des ordres
professionnels. Alors, dans ce contexte-là, nous, pour raffermir, pour
convaincre le public de la réalité que les ordres
professionnels existent pour la protection de la population, qu'on veut
favoriser l'accès, qu'on veut favoriser... réduire les coûts, il est important d'être sérieux. Et,
à 20 %, 25 %, on ne l'est pas. Donc, au moins
40 %. Alors donc, c'est mon premier point.
Le deuxième point, c'est au niveau de la
sélection. Actuellement, les cinq membres de l'office choisissent les membres. Alors donc, nous, on dit qu'on devrait
confier à un comité de sept personnes, dont deux membres de l'office, deux des trois membres... Sur l'office, il devrait
y avoir trois personnes provenant du public, au lieu d'un ou deux comme c'est le cas actuellement, mais trois sur
sept, trois sur sept, on veut monter de cinq à sept, trois sur sept devraient
être des non professionnels ou des
professionnels qui ne sont plus actifs. Et il est très important
en ce sens-là que... Il
faut que le nombre soit mieux réparti. Donc, il devrait y
avoir un comité de sélection des membres et ça ne devrait plus être que les
cinq membres de l'office, mais deux membres
de l'office, deux des trois membres externes, les trois personnes nommées
par le gouvernement. Alors donc, c'est notre proposition 3 à la
page 10 de notre rapport, sur un comité de sélection deux-deux-trois. Ces
personnes-là devraient choisir des gens d'expérience.
Et notre
dernier point, c'est la formation de ces membres-là. Si on veut avoir des
membres qui vivent... qui sont capables de jongler avec cette
asymétrie-là de l'information, il est important que les membres aient une
formation à trois
niveaux : d'abord, bien comprendre c'est quoi, le problème de substance
des problèmes de l'ordre, le modèle de l'ordre, le modèle financier de
l'ordre en question; deuxièmement, la gouvernance de cet ordre-là, la
gouvernance d'un ordre professionnel; et,
troisièmement, une formation en éthique et en déontologie. Donc, dans ce
contexte-là, nous croyons que ça ne
devrait plus être l'Office des professions, ça ne devrait plus être l'Office
des professions qui fournit la formation, mais des organismes — il
y en a plusieurs au Québec, oui, il y a l'IGOPP, mais il y en a beaucoup
d'autres — qui
devraient offrir une formation concrète et pratique sur la gouvernance
des ordres professionnels.
C'est important dans
la sélection, je reviens là-dessus...
Le Président (M.
Villeneuve) : ...M. Nadeau.
M.
Nadeau (Michel) : ...il est important qu'on choisisse des gens...
Actuellement, on a fait des enquêtes sur les 150 personnes nommées par l'office. 75 personnes, ça ne donne
rien sur Internet, aucune référence. Alors, comment on les choisit? Est-ce que ces gens-là ont une expérience
de gestion? Est-ce qu'ils ont déjà géré quelque chose dans leur vie? Est-ce qu'ils sont sensibles aux problèmes
d'éthique? Est-ce qu'ils sont sensibles à la protection du public? On ne le
sait pas, on ne le sait pas.
Donc,
pour nous, il est important que les gens qu'on choisit soient mieux formés et
que ce soient des gens qui ont de
l'expérience, qui ont un vécu comme gestionnaires, comme anciens gestionnaires,
comme administrateurs. Alors, dans ce
contexte-là, pour nous, il est très important d'avoir des membres externes un
peu plus nombreux, 40 %. Le projet de M. Leitão dans le cas des
courtiers en valeurs immobilières, c'est la parité, la parité. Dans le cas de
M. Barrette...
Le
Président (M. Villeneuve) : M. Nadeau, je vous arrête deux secondes,
juste vous dire que, présentement, vous êtes sur le temps de Mme la ministre. Elle est d'accord avec ça, mais,
si vous pouvez faire la conclusion dans le prochain 30 secondes, ce
serait apprécié. Merci.
M.
Nadeau (Michel) : Donc, si vous voulez... Donc, pour nous, il est très
important qu'il y ait plus de membres externes.
On hésite encore à recommander la parité, la moitié. Dans le domaine de la
santé, on a la majorité de membres externes.
La Loi sur la gouvernance des sociétés d'État, une loi extraordinaire, soit dit
en passant, qui a permis aux femmes d'avoir
la parité. Donc, il y a une majorité de membres indépendants. Donc, dans ce
contexte-là, nous, on dit : Au moins 40 %, au moins 40 %
de membres externes, qu'ils soient donc plus nombreux...
Le Président (M.
Villeneuve) : Voilà. M. Nadeau.
M.
Nadeau (Michel) : ...et
qu'ils soient beaucoup mieux choisis par des organismes indépendants. Et
finalement...
Le
Président (M. Villeneuve) :
Merci. Vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Alors, sur ce,
Mme la ministre, on continue toujours sur votre temps.
Mme
Vallée : Oui. Alors,
merci, M. Nadeau. Vous êtes passionné, puis nul doute de cela cet après-midi. J'aimerais vous entendre... J'ai plein de questions. Je sais
que le temps est limité. J'aimerais vous entendre sur le mandat que nous
avons... le nouveau mandat ou les pouvoirs
élargis qui sont accordés au commissaire aux admissions, commissaire aux
plaintes qui est maintenant le commissaire
aux admissions. Je sais que vous aviez, dans votre mémoire, certaines... une
réflexion sur la question. J'aimerais vous entendre.
M.
Nadeau (Michel) : Bien, nous, on... je trouve que c'est une très
bonne... avec le pôle, c'est une très bonne initiative. Bravo! Le point qui est important, c'est que, le
commissaire, actuellement le commissaire aux plaintes ou le commissaire à
l'admission, il faut que son rapport ne soit pas... ne disparaisse pas dans la
bureaucratie professionnelle, du système professionnel. Il faudrait que
le commissaire vienne en commission à chaque année présenter son rapport, qu'il fasse une conférence de presse, mais que...
Il faut qu'il soit entendu que ses remarques, ses réflexions sur
l'admissibilité, l'élargissement...
C'est une question d'élargissement d'accès. Alors, il faut que ce
commissaire-là ait une meilleure écoute et un meilleur haut-parleur, donc c'est qu'on lui garantisse... tout en
faisant partie de l'office, on ne remet pas ça en question. Mais là, encore une fois, actuellement, j'ai lu
les rapports de plusieurs... du commissaire aux plaintes, mais malheureusement
ça tombe dans l'oubli et l'indifférence totale.
Mme Vallée :
Croyez-vous que ce rôle-là vient porter atteinte à l'indépendance des ordres
professionnels?
M.
Nadeau (Michel) : Non. Moi, je crois que... et au contraire. Tout
pouvoir doit avoir un contre-pouvoir. Les ordres professionnels ont un énorme pouvoir, énorme pouvoir, alors c'est
pour ça que, nous, au moins ici, si on met un peu plus de représentants du public, là... Mais il faut que les ordres
professionnels acceptent qu'en termes de gestion de la conformité, gestion de la sélection, il y ait
quelqu'un qui regarde ça attentivement. Et nous sommes pleinement d'accord
avec votre approche sur le pouvoir de ce... les nouveaux pouvoirs de ce
commissaire.
Mme
Vallée : Lors des auditions, certains groupes ont suggéré que
les conseils d'administration soient assujettis à des normes plus strictes en fait de parité, avec comme objectif
d'atteindre une meilleure diversité au sein de leurs conseils d'administration. Qu'en pensez-vous? Comment
est-il possible de concilier tous les différents paramètres, le respect de la
démocratie, le respect de la diversité ou la représentativité au sein d'un
conseil d'administration?
M. Nadeau (Michel) : C'est
un profil de compétence. On dit : On veut avoir, mettons, bon, les membres
nommés, les membres élus. Dans les membres élus, vous avez... Chacun des
sièges porte un numéro. Le siège n° 3, c'est pour quelqu'un qui est au tableau de l'ordre depuis moins de 10 ans.
Alors, le problème que vous abordez, là, en ajoutant un membre, moi, je
trouve que ce n'est pas une bonne façon, ça. Alors donc, le siège n° 3,
là, si vous voulez postuler au siège
n° 3, vous devez avoir moins de 10 ans. Alors donc, si vous voulez,
les sièges 5 et 6, c'est pour les gens des régions. Les sièges 1, 2, c'est pour les gens de
Montréal. Alors donc, on identifie les sièges comme ça. Le siège 7, c'est
pour les... quelqu'un d'un grand
bureau. Le siège 8, c'est quelqu'un... un travailleur professionnel
indépendant. Donc, il s'agit pour chacun
des ordres d'avoir un profil de la diversité en assignant pour chacun des
sièges une variable que l'on veut entendre autour de la table. Alors
donc, les jeunes, c'est le siège n° 3.
Évidemment, la
question de la représentation féminine, je pense que l'équilibre va se faire.
Je le souhaite, évidemment. On voit que les
femmes constituent la majorité des membres des ordres. J'espère que la
réflexion va... le processus
électoral va amener une majorité d'élues aux hauts niveaux, ce qui n'est pas le
cas dans certains ordres professionnels, mais quand même.
Mme
Vallée : Certains organismes nous ont dit que, pour assurer la
protection du public, il importait davantage d'avoir des membres qui exerçaient
dans un certain profil plutôt que d'avoir des membres qui étaient des
représentants régionaux. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
• (14 h 20) •
M.
Nadeau (Michel) : Je suis d'accord avec ça. Je suis d'accord avec ça.
Moi, j'ai eu des grands débats avec mes amis pharmaciens des fois. Alors, moi, je pense qu'un pharmacien de
Saint-Hyacinthe puis un pharmacien de Saint-Jérôme, là, les Laurentides puis la Montérégie, là, je ne suis
pas prêt à dire comme M. Chrétien, qui disait : Un mal de tête à
Québec puis un mal de tête à
Vancouver, c'est le même mal de tête, la santé doit être fédérale. Mais je
pense qu'il faut quand même avoir... La ventilation régionale, je mettrais les grands
centres urbains et les régions, mais c'est deux distinctions-là. C'est important
d'avoir un ou deux membres de Montréal et de Québec et un ou deux membres de l'extérieur de ces
grands centres là. Mais, les nuances,
là... Je ne crois pas que, sur la Côte-Nord, le travail des acupuncteurs, par rapport à ceux du Bas-Saint-Laurent, soit très, très différent.
Mme
Vallée : Et, pour ce
qui est des fonctions de président, présidente et de directeur général, directrice générale, on a
eu des représentations à l'effet que certains ordres comportaient moins de
membres que d'autres et qu'on ne devait pas faire du mur-à-mur en
modifiant le Code des professions pour assujettir les ordres professionnels à
un nombre restreint d'administrateurs, pour
assujettir l'ensemble des ordres à certains principes. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce
que
vous pensez que, peu importe la taille de l'ordre, il y a quand même
des principes de base qui devraient nous guider?
M. Nadeau
(Michel) : Oui. Moi, je pense que nous avons fait un point... Nous
avons six points que nous discutons, en
annexe de notre mémoire, ce que j'appelle les petits ordres. Il y a
10 petits ordres, moins de 1 000 membres.
Alors, ça, évidemment, moi, je vous dis,
dans ces 10 petits ordres, la capacité de protéger le public, là, elle est
plus limitée. Je pense qu'il devrait
y avoir, sous le parapluie de l'office, des regroupements de services et je
crois que, les petits ordres, avec des budgets de 600 000 $,
700 000 $, là, votre mandat de protéger le public est plus limité.
Alors, dans ce
contexte-là, moi, je pense qu'il est important qu'on donne des ressources, on
tienne compte qu'il y a des petits ordres,
mais les principes de défense... Il faut donner aux 46 ordres les moyens
de protéger la population du Québec,
et, dans ce sens-là, il ne devrait pas y avoir de problème. Et là, s'il faut
que le problème des ingénieurs, où là vous
aviez des professionnels qui refusaient de majorer leurs cotisations parce que
la protection du public, c'était l'affaire de Mme Charbonneau... Alors donc, dans ce contexte-là, c'est
inacceptable. Alors, il faut que les ordres aient les moyens.
Et
ça, je pense que l'office devrait exercer un leadership de regroupement de ces
ordres. Et le paramètre de ça : Est-ce que les ordres
professionnels devraient continuer d'assurer toutes sortes de services
d'assurance, là, assurance professionnelle, assurance santé, assurance
retraite, tout ça, là? Moi, je pense que l'Office des professions devrait
regrouper... Puis là vous donnez même le droit d'acheter une compagnie
d'assurance. Chacun des 46 ordres pourrait acheter une compagnie d'assurance, ça n'a pas de bon sens! Il faut que
les ordres arrêtent de... Évidemment, c'est une grande préoccupation, le
Barreau, là, la protection professionnelle. Mais, encore une fois, est-ce qu'il
n'y aurait pas moyen de consolider ça dans une corporation, ou avec l'office,
ou... Je pense que ce sont des questions qui distraient l'agenda des ordres professionnels, et qu'encore une fois les petits
ordres devraient être un petit peu soulagés, n'ayant pas cette fonction de protection de leurs membres sous
différents aspects, et que ce soit consolidé, 350 000 personnes et
plus... 385 000 personnes,
voilà un beau public, un beau marché. Je suis certain qu'il y aurait un paquet
d'assureurs qui seraient très heureux
d'assurer tout ce monde-là à des tarifs... Et il y aurait une économie
d'échelle, naturellement, en regroupant toutes ces assurances-là.
Mme
Vallée : Vous avez abordé tout à l'heure la réduction de la
taille du conseil d'administration, l'importance d'avoir... de réduire les conseils d'administration. Certains ordres
s'inscrivent en faux contre cette affirmation. Qu'est-ce qui vous amène
à...
M.
Nadeau (Michel) : Bon, je pense que, si vous voulez des études, là...
Nous, on dit : La gouvernance, c'est plus que... il y a des études, 15 à 20, on peut aller jusqu'à 20. Mais,
dans le monde des entreprises, là, partout, tout le monde a réduit à 15 personnes. Alors, ça va de neuf à
11. Il y a des PME, ça va de cinq à sept. Je n'irai pas jusqu'à M. Agnelli qui
disait — l'ancien
président de FIAT — que,
pour lui, la meilleure gouvernance devait être un nombre impair et que trois
est un trop grand chiffre. Mais je pense que, dans un contexte comme ça, il
faut avoir un réalisme.
Vous êtes une équipe. Un conseil d'administration, c'est une équipe, c'est une équipe. Et moi, j'ai
vu des ordres où il y avait 20, 25 personnes, et ça ne marche pas,
ça ne marche pas, il y en a 10 qui ne parlent jamais, alors que, si vous êtes 11, 12, 13, vous devez parler, vous
devez de temps en temps montrer que vous êtes en vie, parce que
vous êtes... Puis, si vous siégez en plus sur des comités, ça, c'est...
Toutes les études en gouvernance le montrent, que, plus que 15, 16, 17, là, il y a une espèce d'effet
critique, bien, vous dites : Ah! Il
y a les grandes gueules, là! Bon. On
donne des cours sur la dynamique des
conseils, il y a toujours trois, quatre grandes gueules qui vont meubler
les silences, et tout ça, ce qui va
faire l'affaire de tout le monde. Donc, pour nous, c'est très clair, vous ne
pouvez pas bâtir une équipe, vous ne pouvez pas bâtir une équipe avec
plus que 15 personnes sur la glace.
Mme Vallée : D'accord. Merci. Bien, il me restait une minute. Trois
minutes? Bon. Les nouvelles fonctions du conseil d'administration qui
sont prévues au projet de loi, qui portent notamment sur la surveillance
générale de l'ordre, étaient auparavant octroyées au président. Qu'est-ce
que vous pensez de cette modification-là?
M. Nadeau
(Michel) : Tout à fait
d'accord. Moi, je pense que la surveillance, c'est... Il y a des
comités de gouvernance dans les entreprises.
Nous nous opposons fermement, nous, à la présence d'un comité exécutif. Là,
vous avez deux classes de comité...
deux classes d'administrateurs, les
«happy few», le petit groupe qui a du plaisir, qui décide de tout, là, et qui entend avant tout le monde les
propositions de la permanence, et ensuite les autres membres, qui jouent
du coude pour «rubber-stamper» les décisions
préparées par le comité exécutif. Donc, il y a des comités maintenant dans la gouvernance : le comité de ressources
humaines, le comité d'audit, le comité d'éthique, comité de surveillance du
conseil, donc on a un nombre suffisant de comités, et ça, je pense que
c'est beaucoup mieux que ça soit ces comités-là que le président ou le comité
exécutif qui fassent cette fonction-là.
Mme Vallée : L'IRIS, ce matin, nous disait qu'au niveau des
membres indépendants on devait en avoir davantage au sein du conseil d'administration et
proposait même d'aller jusqu'à avoir un tiers des représentants élus, un tiers qui
proviennent du public et un tiers provenant
d'associations de consommateurs. Donc, il recherchait davantage des représentants du public que des membres
d'un conseil d'administration qui avaient des connaissances spécifiques. Qu'est-ce que vous pensez de ce type de proposition?
M. Nadeau
(Michel) : Moi, j'ai été
président de Protégez-Vous durant 11 ans. Alors, vous permettrez que je
remette quelques instants mon
chapeau. Moi, je fais confiance au comité de sélection. Si le comité de
sélection est moins corporatiste et
moins entre les mains du Conseil interprofessionnel, je pense qu'on pourra
faire beaucoup mieux. Si on a des membres du comité de sélection qui ont... Je vous dis, il y aurait
deux membres de l'office, deux des trois membres qui proviendraient du public, que le gouvernement nommerait, et
trois autres personnes au niveau de l'office, là. Si ce comité de sélection là
représente des gens qui sont proches des
consommateurs... C'est au niveau du comité de sélection, c'est au niveau du comité
de sélection de l'office, moi, je crois que
c'est là qu'on doit trouver des gens qui sont sensibles aux préoccupations du public, qui sont
sensibles à l'accès, et aux coûts, et à la durée, et à la lenteur des
procédures juridiques. Alors donc, ça, c'est
là où le bât blesse, c'est qu'on n'a pas de gens qui parlent au nom... qui sont
préoccupés par l'accès, on ne voit pas ce problème-là. Alors donc...
Le Président (M. Villeneuve) :
Merci. Merci, M. Nadeau.
M. Nadeau (Michel) : ...ne sont pas
là.
Le
Président (M. Villeneuve) :
Merci, M. Nadeau. Merci, Mme la
ministre. Nous allons passer maintenant
du côté de l'opposition officielle, et je reconnais Mme la députée de Chicoutimi.
À vous la parole.
• (14 h 30) •
Mme
Jean : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Nadeau. Merci d'être ici et merci de
partager avec nous et vos connaissances et votre enthousiasme. C'est très apprécié.
J'ai été sensible à votre commentaire concernant
la représentativité sur les conseils d'administration et de pouvoir peut-être préciser, qualifier certains sièges. Vous disiez,
bon : Un siège pour les jeunes, peut-être un siège pour les... deux sièges pour les régions, deux sièges pour les grands
centres. Je trouve l'idée, en tout
cas, porteuse et intéressante d'être analysée. Lorsqu'on parle, naturellement, de la parité hommes-femmes, on arrive face à un plus grand problème
que... à mon avis, difficilement solutionnable par lui-même ou ne se
solutionnera pas de lui-même, par l'espoir. Par contre, votre idée de faire
des sièges qualifiés, je trouverais ça inspirant, puis ma question
est celle-ci : Est-ce que ce serait envisageable, lorsqu'on prévoit un conseil d'administration et qu'on
qualifie des sièges comme ça, qu'à toutes les fois on prévoie qu'il y ait un siège pour
homme et un siège pour femme, et, à
ce moment-là, on assurerait un
minimum de parité hommes-femmes?
M.
Nadeau (Michel) : Bien, moi,
je ne le sais pas. La question que je vous renverrais : Est-ce qu'il y a un problème? Moi, je regarde...
Vous avez vu en annexe, on a mis la proportion hommes-femmes dans tous les ordres professionnels, l'annexe n° 1, et on voit qu'il y a quand même
beaucoup d'ordres... les acupuncteurs, 72 % de femmes. Alors là, ma question,
c'est : Est-ce qu'il y a un problème? S'il y avait un problème... Là, je
n'ai pas les chiffres, je n'ai pas les chiffres, malheureusement, sur les 46 ordres, là, le pourcentage d'hommes,
c'est peut-être certains hommes. J'imagine évidemment que les
infirmières et les hygiénistes dentaires, il y a 98 % de femmes. Mais je
suis certain qu'il y a d'autres ordres, notamment dans le domaine de la santé, où là il
pourrait y avoir beaucoup plus de femmes. Mais ce que je... J'aimerais
voir d'abord est-ce qu'il y a un problème.
Deuxièmement,
bien là, ça se pourrait bien qu'à un moment donné, s'il y avait, mettons... si
on tombait en bas de 35 % pour l'un ou l'autre des deux sexes, l'un
ou l'autre des deux sexes... Nous, notre politique à l'Institut sur la
gouvernance, chacun des deux sexes... on n'a pas pensé encore aux LBGT, là,
mais chacun des deux sexes doit avoir 40 %
de membres sur un conseil d'administration, hommes, femmes, 40 %, mais on
ne s'enfarge pas dans la parité, là, mais
40 % d'hommes, 40 % de femmes, puis ça peut monter à 60 % d'un
bord comme de l'autre. Donc, si jamais on tombait à 40 %, en bas, bien là, il pourrait
peut-être y avoir un mécanisme qui ferait que, bon, bien là, pour la prochaine
année, mettons, les sièges, un des trois, ça devrait être des candidats féminins
ou masculins. Il faudrait que ça joue dans les deux côtés, là.
Mme Jean : Absolument.
M. Nadeau
(Michel) : Mais vous avez... je vous dis que, dans certains cas, on va
avoir de la difficulté à trouver des hommes, là : criminologie,
86 % de femmes...
Mme
Jean : Je vais reprendre ma question. Est-ce qu'on s'est posé la
question s'il manquait de jeunes, ou de gens en région, ou de gens des grands
centres? Je pense que les questions, ils sont tous à poser à ce moment-là,
autant les hommes que les femmes. Donc, ici, c'est la prémisse.
Je vais
reposer ma question : Si effectivement il y aurait une problématique qui
est constatée, est-ce que ça pourrait être
une avenue intéressante si on décidait, par exemple, de prime abord, qu'il y
ait des problèmes ou pas, région et au niveau des âges... Est-ce que ça
serait, selon vous, avec votre expérience, une avenue intéressante?
M. Nadeau
(Michel) : Bien oui, je pense que la contrainte... Mais, avant d'aller
à la contrainte, moi, je pense que, si
le conseil d'administration disait : Regardez, là, nous avons trois
membres masculins sur 15, là, et on aimerait cette année que vous fassiez un effort, on aimerait que
la majorité des membres pensent à un meilleur équilibre, alors donc votez
pour qui vous voulez, mais essayez de donner
un biais favorable aux gens qui sont en défaveur pour essayer de rétablir
l'équilibre, avant d'arriver à une
contrainte paritaire, où là j'ai un petit peu plus de problèmes, mais, s'il
fallait y arriver, si on démontrait qu'il
y a effectivement un problème, une grave injustice de la part d'hommes ou de
femmes, d'un côté comme de l'autre... Moi, s'il faut aller là, on peut
faire ça, mais avant un incitatif aux gens, de dire : Faites un effort, il nous manque... on devrait avoir plus... Ça, je
pense que les gens ne sont pas bêtes, les membres ne sont pas bêtes, et là,
si vous avez un candidat masculin ou féminin
puis s'il manque, disons, de femmes, bien là, vous allez voter parce qu'on
vous a... on favorise cette année les candidates.
Mme
Jean : Parfait. Merci. Questions au niveau de la formation des
membres. Naturellement, vous préconisez la formation pour améliorer... comprendre l'ordre, par rapport surtout
aux indépendants ou ceux qui sont non membres, donc comprendre l'ordre, la gouvernance, l'éthique, la déontologie. Deux
questions. La première : Est-ce que vous verriez une récurrence dans cette formation-là pour que ça
se répète dans le temps? Et, si tel est le cas, est-ce qu'il y aurait une
modulation de la formation en fonction du
nombre d'années qui sont... quelqu'un qui vient d'arriver ou pas? Et ma
deuxième question concernant ça
était : Pourquoi — puis vous l'avez peut-être mentionné — vous préconisez que la formation vienne
de l'extérieur de l'Office des professions?
M. Nadeau
(Michel) : Parce que moi, je pense que la formation, c'est sérieux. Il
faut que ça soit des gens expérimentés. La gouvernance, même bien
intentionné, là, il faut avoir une expérience de vécu de gestion. Vous vous
retrouvez sur un CISSS ou un CIUSSS actuellement, le budget moyen d'un CISSS,
c'est 1,5 milliard de dollars, il y a
10 000 employés, il faut avoir... il faut que la très grande majorité
des gens aient déjà géré quelque chose dans leur vie ou déjà été au conseil d'administration de quelque chose. J'ai
beaucoup de sympathie pour les membres de groupes communautaires, mais qu'il y
en ait un ou deux, c'est très bien, ça va donner une saveur, mais il faut que
la majorité des gens, par rapport aux permanents, par rapport aux cadres,
comme interface, pour challenger les cadres... Si vous n'avez jamais
rien géré, le D.G. va vous raconter ce qu'il veut.
Alors donc,
dans ce contexte-là, nous, on dit : La formation, soyons sérieux, soyons
sérieux. Je dis ça parce que j'ai
une arrière-pensée. Moi, les 30 heures de certains ordres professionnels
au Centre Bell, je trouve que c'est moyennement sérieux. En tout cas, je referme la parenthèse. Mais ce que je dis,
moi, c'est qu'il faut comprendre le modèle financier, il faut
comprendre la gouvernance, et ça, la gouvernance, nous, le Collège des
administrateurs l'a fait, l'Institut des administrateurs,
l'IGOPP l'a fait. Il y a d'autres gens qui peuvent donner des formations en
gouvernance, mais il faut que ce soient des formations challengeantes,
là.
Vous dites...
Vous venez là représenter le public, là, vous êtes les porte-parole de gens qui
veulent de l'accès puis des tableaux comparatifs des honoraires des
professionnels, alors donc vous venez demander ça, que ce soit transparent,
puis tout ça, alors donc il faut avoir des
gens qui sont préparés, qui sont mieux équipés, qui comprennent le modèle de
l'ordre, un modèle financier de l'ordre, et,
deuxièmement, qui comprennent qu'un administrateur, c'est le boss. Quand la
D.G. dit: Mon conseil m'a fait ci ou mon
conseil... C'est inacceptable que le directeur général, qui devrait être
l'employé du conseil d'administration, maîtrise tellement bien le
processus de nomination, c'est son conseil à elle ou à lui.
Donc, dans ce
contexte-là, moi, je pense qu'il est très important d'avoir des gens bien
choisis, mieux formés et plus nombreux.
Mme Jean :
Puis, la récurrence, vous êtes d'accord avec le fait que ça revienne ou...
M. Nadeau
(Michel) : Bien, ça, je pense qu'encore une fois ce n'est pas de la
chimie nucléaire, la gouvernance, hein,
il y a quelques grands principes, en une journée, deux jours, là, je pense,
qu'on prenne le modèle financier... Moi, je crois qu'en quatre, cinq
jours de formation, là, vous avez... Nous avions proposé au ministre de la
Santé quatre, cinq jours, on a préféré faire
un jour de formation, bien, moi, je trouve que c'est un peu court, un jour de
formation, pour comprendre le modèle financier, la gouvernance et
l'éthique, ce n'est pas suffisant.
Mme
Jean : La troisième partie de ma question portait sur le fait que vous
préconisez que ce ne soit pas l'Office des professions qui dispense la
formation, j'aimerais savoir pourquoi, rapidement. Il nous reste...
M. Nadeau
(Michel) : Parce que
moi, je pense que l'office peut dispenser la formation
en éthique, en déontologie, c'est son
domaine, mais la gouvernance, ça prend des gens qui connaissent la réalité d'un
conseil d'administration. Le conseil
d'administration, c'est une game de
pouvoir, il y a des interfaces, il y a toutes sortes de jeux.
Alors donc, ce n'est pas juste
dire : Si vous avez suivi votre cours au collège, on va vous choisir. Non,
il y a le processus de sélection, ça prend des gens qui ont un certain vécu. Je pense que nous avons aidé le Dr Barrette, dans le cas de la santé, à
choisir des membres sur les conseils des CISSS et des CIUSSS, d'autres
pourraient le faire, l'ENAP pourrait le faire, et d'autres.
Alors
donc, moi, je suis convaincu qu'il est très important, très important
que ce soit... que l'ordre... l'office, pardon, fasse la formation en éthique et s'assure que chacun des membres des
ordres et qu'en plus les conseils
d'administration des ordres aient une
bonne formation en déontologie, éthique, mais que, pour ce qui est de la gouvernance, ça soit des gens qui se connaissent qui fassent
ça.
J'ajouterais
un complément d'information. Je demande beaucoup aux membres, c'est
pour ça que moi, j'irais à une rémunération. Pour nous, la rémunération
des membres des ordres...
Le Président (M. Villeneuve) : M.
Nadeau...
M. Nadeau (Michel) : ...je déplore
que, dans le domaine...
Le Président (M. Villeneuve) : ...je
dois vous interrompre.
M. Nadeau (Michel) : ...
Le
Président (M. Villeneuve) :
Voilà. Merci. Alors, nous allons passer au deuxième groupe d'opposition,
alors j'invite M. le député de Borduas à prendre la parole.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Nadeau. Merci de participer à la commission parlementaire. D'entrée de jeu,
vous avez débuté avec le Journal du Barreau en nous disant : Mais
parfois ce n'est peut-être pas nécessairement
l'intérêt public qui est la priorité des ordres professionnels. On pourrait
dire aussi : À l'aéroport, il y a un ordre professionnel qui a placardé, aussi, de publicités un mur de
l'aéroport aussi, en ce sens-là. Puis il y a de la publicité aussi,
parfois, où voit peut-être que c'est de la protection de marché.
Partant de là, vous abordez la question du
commissaire aux plaintes, ou commissaire à l'admission, dans le projet de loi,
puis vous dites : C'est correct d'avoir un contre-pouvoir. Mais est-ce que
ce n'est pas le rôle de l'office lui-même de s'assurer du contrôle des ordres
professionnels?
• (14 h 40) •
M.
Nadeau (Michel) : Oui, l'office doit s'assurer, mais, encore une fois,
l'office est proche du Conseil
interprofessionnel, il y a des liens entre les deux. Moi, je pense qu'il
y a tellement une énorme machine, là, les 46 ordres professionnels qui poussent chacun avec sa priorité, son agenda,
et, le pauvre public, là, donnez-lui au moins les outils. Donnez-lui plus
de membres sur les conseils, plus trois des sept membres à l'office. Donnez-lui
le commissaire à l'admissibilité.
Alors, moi,
je pense qu'on part de loin. Le scepticisme du public face aux ordres professionnels est immense. Alors donc, il y a beaucoup de doutes sur est-ce que les ordres professionnels travaillent vraiment au service du public.
Alors donc, moi, je pense qu'il faut
prendre tous les moyens, avoir différents canaux pour mieux faire entendre les
intérêts du public et ainsi assurer
un meilleur équilibre entre des ordres
professionnels qui légitimement ont
droit de maintenir des standards. Évidemment,
en maintenant des standards, vous maintenez les honoraires correspondants. Il
ne faut pas se cacher, hein? Alors donc... mais que le public soit aussi
bien entendu.
M.
Jolin-Barrette : Puis, au niveau
de la structure actuelle du commissaire aux plaintes, si on choisissait
d'adopter le projet de loi tel qu'il est... Le commissaire aux plaintes actuellement relève de l'Office des professions. Il n'y a pas de budget distinct, il n'y a pas une indépendance
formelle, il ne vient pas témoigner en commission
parlementaire, comme vous l'avez mentionné. Est-ce que vous trouvez que
le modèle de gouvernance actuel, pour le rôle du commissaire aux
plaintes ou commissaire à l'admission, est approprié, avec votre lorgnette, là,
de votre organisation?
M. Nadeau
(Michel) : J'ai fait la
démarche que vous venez de dire, puis moi... Évidemment, je ne voulais pas
créer une structure additionnelle, là, mais
je... Ce que vous me dites me plaît beaucoup. Ce que vous me dites me plaît beaucoup.
Évidemment, il faut que
l'ombudsman ou le Commissaire au lobbyisme, et tout ça, ce sont des structures
autonomes et indépendantes, à l'extérieur des groupes visés. Là, dans ce
contexte-là, il est à l'intérieur, mais je ne voulais pas compliquer le système professionnel — vous
avez le diagramme, là, à la page 4 — alors
donc, c'est pour ça que je me suis...
je l'ai laissé à l'intérieur. Avec mon collègue, nous en avons beaucoup discuté — à la page 3 — nous avons beaucoup discuté où est-ce que... Ce commissaire aux
plaintes là, on l'a mis une case à part, là, mais normalement il devrait être
un petit rond à l'intérieur de l'office, là.
Mais, si j'avais quelqu'un... Si la ministre voulait le prendre sous son
chapeau, je n'aurais aucune objection majeure, hein? Mais il se rapporte
à qui, là?
M. Jolin-Barrette : Et puis l'argument des ordres professionnels, c'est de dire : Nous
avons un pouvoir délégué notamment au
niveau de l'admission. On gère les admissions en vertu d'un règlement qui est
sanctionné par le Conseil des
ministres, qui est approuvé, bon, par l'office puis qui suit le processus
législatif, qui est publié à la Gazette, tout ça.
Quelle est la
nécessité d'avoir une autre personne qui s'interfère dans le processus?
M.
Nadeau (Michel) : C'est parce que vous avez ce pouvoir-là, qui est
légitime, parce que vous avez l'expertise. Mais il y a un danger de conflit d'intérêts. C'est que vous pouvez
utiliser ce pouvoir-là pour restreindre l'offre. Alors, vous avez, dans beaucoup de secteurs industriels,
les quotas, vous avez tout ça. Alors, moi, si vous me donnez... Je fabrique
tel produit, si j'ai le monopole sur la
fabrication de ce produit-là, je vais vous garantir un bon produit, mais à quel
prix, à quel prix? Parce que j'ai le monopole. Évidemment, je vais
restreindre l'ordre.
Moi,
j'ai été président d'une chambre de commerce avec l'Europe puis j'ai essayé de
faire venir des professionnels dans
le domaine de la santé, de la Belgique, pour ne pas la nommer. Eh mon Dieu! Je
me suis fait ramasser par l'ordre, en disant : Mêle-toi de tes
affaires, là. Il n'est pas question d'augmenter le nombre de membres, on est
assez.
Alors
donc, il y a... C'est vrai que vous avez un pouvoir, mais tout pouvoir doit
avoir un contre-pouvoir. Et ça serait
déraisonnable que les ordres puissent faire tout ce qu'ils veulent dans la
gestion de l'offre, dans la gestion de l'offre, en limitant le nombre de candidats, ce qui permet,
évidemment, de majorer les honoraires. Dans le domaine de la police au Québec, on gère l'offre actuellement. Les gens
font du surtemps, ils sont aux lumières puis agitent les petits boutons, parce
qu'évidemment on veut faire monter les revenus des membres.
M. Jolin-Barrette : Sur l'aspect des activités commerciales des ordres professionnels, vous
le traitez un peu puis vous avez
joint, là, à l'annexe 2, je pense, de votre mémoire, dans le fond, les actifs
des ordres professionnels. Ce que vous nous
dites, c'est que les ordres professionnels ne devraient pas avoir d'activités
commerciales, outre que la protection du public?
M.
Nadeau (Michel) : Bien, moi, je vous dis que ce n'est pas souhaitable,
ce n'est pas souhaitable. Évidemment, il
y a une question de financement, là, je comprends que chacun doit gagner sa
vie, là. Mais je regarde les
ingénieurs, là, ils ont laissé les activités
commerciales au Réseau des ingénieurs, puis tout ça. Mais ma conjointe, qui est
avocate, elle reçoit chaque semaine
des propositions pour acheter toutes sortes de... des fonds
mutuels, des contrats de ci, des voyages de ça. Alors, les courriers
rentrent à chaque semaine sur toutes sortes d'objets à consommer. Alors, moi, je
pense que ça serait préférable, mais qu'au
moins au niveau de... les services commerciaux, l'assurance vie, tout ça, mais les grands régimes
de protection professionnelle, les régimes de retraite, les grands
régimes, là, ça devrait être centralisé à l'Office des professions.
Le
Président (M. Villeneuve) :
Merci. Merci beaucoup, M. Nadeau, de votre participation aux travaux de la commission. Je demanderais aux représentants du Protecteur
du citoyen de bien vouloir prendre place.
Et on suspend les
travaux pendant quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
14 h 46)
(Reprise à 14 h 47)
Le Président (M.
Villeneuve) : Alors, nous reprenons nos travaux. Alors, je veux saluer
M. Dominingue... Domingue, pardon, c'est ça,
voilà, Mme Saint-Germain et Me Vallières. Bienvenue à la commission.
Vous avez 10 minutes pour faire
votre présentation, et, sur ce, je
cède la parole à Mme la ministre... Excusez-moi. C'est parce que j'ai pris mon
café... non, j'ai pris... oui, je n'ai pas
pris mon café. Je recommence, je vous cède la parole pour votre exposé de
10 minutes. Merci.
Protecteur du citoyen
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. Mme la ministre,
Mmes, MM. les membres de la commission,
je vous remercie de votre invitation. D'emblée, je vous fais part que je
souscris généralement aux modifications du Code des professions qui sont proposées par le projet de loi
n° 98. J'y souscris parce que je suis d'avis que les pouvoirs
additionnels de surveillance, de vérification et d'enquête que sa sanction
conférerait à l'Office des professions du Québec
permettraient d'accroître ses capacités de détection et d'intervention et,
normalement, ses actions correctrices. L'absence
de tels pouvoirs a, au fil du temps, empêché l'office de faire des
interventions préventives. Ces interventions et ces sanctions en temps
opportun auraient pourtant été du plus grand intérêt pour la protection du
public.
Entre autres, je note avec
satisfaction l'ajout d'un représentant du public au sein de l'instance centrale
du système professionnel, les faisant
passer d'un à deux. La présence de représentants qualifiés — j'insiste sur ce mot — représentants qualifiés du public au sein des instances qui exercent les pouvoirs de
surveillance et de contrôle est en effet de nature à améliorer la
crédibilité des mécanismes qui visent justement la protection du public.
Je
souscris également à la disposition qui permettrait à un syndic d'un ordre
professionnel, malgré son serment de
confidentialité, d'échanger des renseignements ou des documents utiles avec les
syndics des autres ordres professionnels. Les éléments qui pourront être communiqués sont circonscrits, et la
disposition prévoit explicitement l'exclusion d'échanges protégés par le secret professionnel qui lie
l'avocat ou le notaire à son client. C'est une mesure qui devrait favoriser les
impératifs d'efficacité de certaines enquêtes en renforçant la collaboration
entre les ordres professionnels.
• (14 h 50) •
Notre
analyse de l'ensemble des dispositions du projet de loi est présentée dans
notre mémoire. Je souhaite, dans le
temps qui m'est imparti, vous présenter plus en détail deux recommandations que
je vous formule dans la perspective de renforcer la protection du public
en complément aux mesures qui sont prévues dans le projet de loi.
La première recommandation concerne l'encadrement déontologique des syndics. Les syndics disposent déjà de
larges pouvoirs discrétionnaires et d'une
grande indépendance pour accomplir leurs fonctions. Un encadrement déontologique serait dorénavant
d'autant plus nécessaire que, par ce projet de loi, deux autres
pouvoirs additionnels de grande portée leur seraient dévolus, soit celui
d'accorder une immunité aux lanceurs d'alerte et celui de requérir la suspension ou la limitation provisoire du
droit d'exercice d'un professionnel accusé d'une infraction criminelle grave.
À cet égard, je note que la dernière modification au Code
des professions, en 2015, aura pour
effet, lorsqu'elle sera en
vigueur, d'assujettir les présidents
des conseils de discipline à la compétence du Conseil de la justice administrative
relativement à l'application d'un code de déontologie qui leur est propre.
Quant
aux syndics, ils ne sont assujettis à aucun encadrement déontologique
distinct relatif à leurs fonctions. Les syndics des ordres
professionnels sont des acteurs dont le rôle est déterminant pour renforcer la
confiance du public envers le système professionnel.
S'ils sont assujettis au code de déontologie de leur profession
en tant que membres de leur ordre, ils n'ont à respecter aucune norme
particulière qui régisse les aspects réservés à leurs fonctions de syndic.
La réforme du Code
des professions est un vaste chantier, et la ministre a exprimé clairement la
volonté du gouvernement de procéder par étapes. Cela est en effet
souhaitable. Cependant, la frontière entre la gouvernance et les
enjeux disciplinaires n'est pas nette. D'ailleurs, dans le projet de loi lui-même
qui porte sur la gouvernance, cette frontière
est franchie par l'octroi notamment de pouvoirs additionnels aux syndics et aux
conseils de discipline des ordres
professionnels. Et cela se comprend parce
que tant la gouvernance que la
justice disciplinaire ont une incidence sur la protection du public.
Quant
à la surveillance de l'application de cet éventuel encadrement déontologique qui
serait propre aux syndics, l'Office
des professions du Québec constitue
l'instance la mieux placée pour en assurer le respect. Le projet de loi propose d'ailleurs de préciser davantage sa fonction de surveillance
en ajoutant à la description de son mandat que l'office peut, s'il
l'estime nécessaire pour assurer la protection du public, requérir d'un ordre
qu'il se soumette à toute mesure qu'il détermine, dont des mesures de
surveillance et d'accompagnement.
En conséquence, je recommande que le projet
de loi soit amendé de façon à prévoir
que l'Office des professions du Québec
détermine les normes d'éthique et de déontologie particulières applicables aux
membres des bureaux des syndics des ordres professionnels et qu'il soit désigné comme l'autorité chargée
d'enquêter et d'imposer les sanctions appropriées en cas de
contravention à ces normes.
Ma deuxième recommandation
portera sur la normalisation des délais de prescription de certaines poursuites
pénales. Donnant suite à la recommandation n° 37 du rapport de la Commission d'enquête sur
l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la
construction, le projet de loi propose de modifier le Code des professions afin de fixer des délais de
prescription pour certaines infractions. Les infractions en question
sont principalement celles qualifiées d'actes dérogatoires à la dignité de la profession, c'est-à-dire des actes qui impliquent de la collusion, de la corruption, de la malversation, de l'abus de confiance ou du
trafic d'influence. Ces délais sont de trois ans depuis la date de la connaissance par le poursuivant de la perpétration de l'infraction, avec une limite
de sept ans depuis la date de l'infraction elle-même. Il concorde avec
ceux inclus dans plusieurs projets
de loi contemporains. Le calibrage de
ces délais apparaît adéquat puisque,
d'une part, la loi octroierait aux ordres professionnels des délais suffisants afin d'intenter des
poursuites pénales contre toutes les
infractions prévues à l'article visé et que, d'autre part, ceux-ci ne
contribueraient pas à l'accroissement indu des délais du système de
justice disciplinaire.
Tout
en souscrivant à la modification proposée, je note que les délais de prescription
diffèrent pour les poursuites que
peuvent intenter les ordres
professionnels à l'égard
des infractions qui sont prévues à l'article 189.0.1 du Code criminel... du Code
des professions, pardon, et qui ont principalement trait à l'exercice illégal d'une profession et à l'usurpation
d'un titre qui est réservé aux
membres d'un ordre professionnel. Pour ces infractions, qui sont, elles aussi,
liées à la protection du public, la
prescription pour une poursuite pénale est d'un an depuis la date de la connaissance par le poursuivant de sa perpétration,
avec une limite de cinq ans depuis la date de l'infraction. Il est important
que les mêmes délais de prescription soient
appliqués à toutes les infractions liées à la protection du public, cela pour
prévenir qu'un ordre professionnel donné manque
de temps après la connaissance de la perpétration d'une infraction pour étayer
un dossier et intenter une poursuite pénale.
C'est
pourquoi je recommande que le projet
de loi soit amendé de façon à ce que
les délais de prescription soient fixés
uniformément pour l'ensemble des infractions prévues au chapitre VII, c'est-à-dire les dispositions pénales, et que, pour toute infraction, une poursuite pénale se prescrive par trois ans
depuis la date de la connaissance par
le poursuivant de la perpétration de
l'infraction, et qu'aucune poursuite ne puisse être intentée s'il s'est écoulé
sept ans depuis la date de la perpétration de l'infraction.
Je
conclus, M. le Président, en précisant que ces deux recommandations sont de
nature, à mon avis, à améliorer l'atteinte
de l'objectif fondamental du projet de loi, qui est de renforcer la gouvernance
du système professionnel afin d'assurer une protection accrue du public.
Pour que cet
objectif fondamental se traduise par des résultats optimaux et concrets, il
importe que toutes les lois que
l'Assemblée nationale adopte soient mises en oeuvre avec diligence. En matière
de régie des ordres professionnels, force est de constater que ce n'est
pas encore le cas. J'en prends pour exemple le Code de déontologie applicable
aux présidents et aux autres membres des
conseils de discipline des ordres professionnels requis en vertu du projet de
loi n° 17 qui modifiait le Code des professions en matière de justice
disciplinaire, qui a été sanctionné le 12 juin 2013. Bien que sa
mise en oeuvre soit possible depuis lors et
bien qu'un projet de règlement à cet effet ait été publié pour consultation en
juillet 2015, le gouvernement n'a encore édicté aucun code.
Cela a aussi pour conséquence de retarder
l'assujettissement des présidents des conseils de discipline à la compétence du Conseil de la justice administrative
pour l'application de ce code de déontologie. En effet, les dispositions
pertinentes du projet de loi n° 51, qui
visaient notamment à rendre l'administration de la justice plus efficace et les
amendes aux mineurs plus dissuasives, adoptées en novembre 2015, ne
sont, elles non plus, toujours pas en vigueur.
Étant donné
l'importance des enjeux en présence, il faut que les mesures législatives déjà
sanctionnées tout comme celles
introduites par le projet de loi n° 98 se concrétisent rapidement afin
qu'elles puissent produire leur plein effet, et ce, au nom de la
protection du public. Je vous remercie.
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme Saint-Germain. Nous allons
débuter la période d'échange et nous allons commencer avec la partie
gouvernementale. Mme la ministre, à vous la parole.
Mme Vallée :
Merci beaucoup. Alors, Mme Saint-Germain, M. Domingue, Me Vallières, merci de
votre présence.
J'aimerais
aborder, dans un premier temps, votre première recommandation, qui concerne les
bureaux de syndics. Alors, quel serait le processus déontologique qui
pourrait être mis en place pour encadrer les bureaux de syndics? Je comprends que, pour vous, il est important d'avoir
une distinction entre les normes d'éthique et de déontologie auxquelles sont assujettis les membres de l'ordre et celles
auxquelles sont assujettis les syndics qui ont à intervenir auprès de leurs
collègues, finalement, membres du même ordre. Alors, comment tout ça pourrait
prendre place, selon vous?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Dans un premier temps, sur la pertinence,
et votre compréhension est la bonne,
c'est qu'un syndic n'est pas un praticien de sa profession, il est, d'abord et
avant tout, un enquêteur et un poursuivant. Donc, dans un premier temps, la nature... ou l'encadrement au niveau
déontologique devrait s'inspirer de ce qui se fait notamment au niveau
du code de déontologie, par exemple, des procureurs de la couronne, et il y a
aussi les codes de déontologie qu'on
rencontre dans d'autres situations, notamment celui qui est attendu au niveau
des présidents des conseils de discipline, il y a des enjeux comparables. On a
vu aussi... Et personnellement, comme Protectrice du citoyen, j'ai un
code de déontologie qui s'applique à la protectrice et au vice-protecteur qui,
dans à la fois nos fonctions de commissaires
enquêteurs et d'institution de l'Assemblée nationale, présente des
caractéristiques qui pourraient... dont certaines pourraient inspirer un
éventuel code pour les syndics.
Quant à la
procédure, au processus qui pourrait être suivi, d'une part, le projet de loi,
dans la mesure où il serait sanctionné
tel quel, prévoit déjà le renforcement des pouvoirs de l'office, et je pense
qu'un peu comme on le fait au niveau des conseils de discipline l'office
pourrait s'associer les ordres professionnels pour consulter et édicter,
préparer l'édiction d'un code d'éthique et
de déontologie. Alors, le processus m'apparaît assez simple. Évidemment, il
passe par la consultation des syndics
et l'association avec... la collaboration avec les ordres professionnels. Mais
il y a des références qui existent
déjà, et je crois qu'il est important, si on veut véritablement renforcer les
pouvoirs de l'ordre... de l'office, pardon,
s'assurer de son leadership auprès
des ordres, que l'office puisse effectivement être... assumer un leadership dans la
préparation d'un tel code.
• (15 heures) •
Mme Vallée : Donc, tout ça malgré... Parce qu'il y a actuellement un mécanisme de destitution des syndics qui est prévu à l'article 85. Donc, si je vous comprends bien, en plus
du processus qui est actuellement en place ou en parallèle au processus qui est en place, vous suggérez l'instauration
d'un code de déontologie, un code d'éthique propre à l'ensemble des syndics, donc peu importe
l'ordre professionnel auquel le syndic se rattache, qui serait monitoré par
l'office.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, c'est ce que je suggère, parce que ce qui existe n'est pas de
nature, d'une part, préventive. On agit de manière corrective. Lorsqu'un syndic
est destitué, c'est qu'il a été constaté qu'il
y a eu un manquement grave à sa pratique. Et, oui, ce code devrait s'appliquer
à l'ensemble des syndics, parce que le syndic n'est pas en pratique professionnelle,
régi par le code d'éthique de sa profession. Il est en pratique à titre de
syndic, donc d'enquêteur et de
poursuivant. Et c'est un peu à l'instar de ce qui est recommandé pour les
présidents des conseils de discipline. Je pense qu'il y a une logique
qui est comparable.
Mme Vallée : Pour ce qui est
de l'élargissement des fonctions ou de l'expertise du champ d'intervention du commissaire à l'admission, on a entendu ce matin
le CIQ qui se questionne sur la faisabilité d'élargir le champ d'application, sur la capacité qu'aurait le
commissaire de pouvoir intervenir non seulement sur les admissions des nouveaux
arrivants, mais aussi sur les
admissions des Québécois en
général, parce qu'on dit : Bon,
c'est trop, ça va prendre une connaissance
fine, une connaissance approfondie de
chaque ordre professionnel. C'est trop demander à une organisation. On élargit puis on va vraiment trop large.
Puis je pose la question,
parce que, comme Protectrice du citoyen, vous avez vraiment un regard aussi
très transversal sur l'appareil gouvernemental, vous avez un regard critique, et vous êtes arrivée quand même
à intervenir. De par l'expérience que
vous avez au sein de votre organisation, qui justement a aussi ce regard transversal sur l'appareil
gouvernemental, comment voyez-vous un argument tel que celui qui a été soulevé par
le CIQ pour dire : Attendez, ce n'est
pas la bonne voie, il y a des problèmes, mais ce n'est pas de cette façon-là
qu'on va les régler, les problèmes? Est-ce que vous croyez que c'est vraiment si épouvantable, que d'étendre le regard du
commissaire sur l'ensemble du processus
d'admission? Parce que, derrière tout ça,
nous, notre objectif, c'est que l'admission pour un Québécois
ayant un parcours atypique et pour un
nouvel arrivant ayant eu une formation à l'extérieur... que la façon dont on
aborde et qu'on regarde la mission
soit la même, qu'il n'y ait pas de distinction due au fait qu'il s'agisse de
nouveaux arrivants ou... Parce que, veux veux pas, la protection du public, c'est ça, l'enjeu premier, c'est ça,
la préoccupation première de l'ordre. Ce n'est pas la
provenance de celui ou de celle qui souhaite intégrer l'ordre.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, je vais répondre oui à titre de Protectrice du citoyen, mais
en m'inspirant aussi de l'expérience de cinq ans que j'ai eu comme sous-ministre
de l'Immigration. Ce que je trouve épouvantable,
c'est qu'il n'y ait personne de responsable de tout ça. Tout ça étant que des
immigrants arrivent ici avec des
compétences professionnelles qu'ils ont beaucoup de difficultés à
faire reconnaître, que tout le monde se renvoie la balle. Selon les ordres professionnels, c'est l'exigence
des universités. Selon les universités, c'est la difficulté avec les ordres
professionnels, avec les ministères,
que ce soit l'Éducation ou la Santé dans le cas des disciplines de santé et de services sociaux.
Et je déplore aussi que, quelque part, l'office ait eu peu d'impact ou
d'influence. Ce n'est pas une critique. L'office a souvent évoqué son absence de pouvoir et l'office disait aussi :
Bon, ça relève des ordres, ça relève des universités, ça relève du ministère.
Et tout ça est vrai. Ça relève d'un peu trop de monde sans qu'il n'y ait un
leadership. Et mon commentaire ne porte pas...
je pense que, quand on modifie un projet de loi et qu'on prévoit une fonction
élargie pour un commissaire... ne
porte pas sur toute personne qui exerce présentement ou qui exercerait plus
tard la fonction. C'est sur la fonction elle-même.
Dans le mémoire, ce qui est exprimé, c'est que
le Protecteur du citoyen exprime l'attente que ce soit fait avec rigueur, avec diligence et, j'ai envie de dire,
avec leadership. Là, il y aura des pouvoirs. Cette fonction, elle est
nécessaire. Si ce n'est pas l'Office
des professions qui est chargé de la protection du public, qui est chargée
d'une certaine forme de régie du système de justice et des ordres
professionnels, qui va s'en occuper? Alors, moi, je pense que l'office est
vraiment l'instance qui est, à mon avis,
mandatée et habilitée, et le sera de mieux en mieux si le projet de loi... si
ces dispositions du projet de loi sont sanctionnées.
Alors, je
pense que c'est une bonne idée, mais j'espère que ça va se faire avec beaucoup
de rigueur et de diligence, parce que
c'est un travail qui est colossal. Ça prend du leadership, ça prend une grande
compétence. Et il faut être capable de
concilier les impératifs des ordres professionnels, les impératifs des
ministères, mais aussi de le faire dans une perspective d'actions
concrètes et de corrections rapides. C'est une problématique qui dure depuis
trop longtemps. On voit encore des
situations et, par certaines de nos plaintes... des étudiants, oui, étrangers,
mais qui ont étudié... ils ont fait l'ensemble
de leurs parcours professionnels au Québec, ils sont au niveau de la maîtrise
et du doctorat, ils ne sont pas nécessairement facilement placés sur le
marché de l'emploi. Donc, il y a différents enjeux, qui interpellent aussi le
Conseil interprofessionnel.
Alors, moi,
je pense que rien n'est gagné. J'avoue espérer mais ne pas être capable d'être
si optimiste. Mais, si ce n'est pas là, où ce serait? Et je pense que le
rôle de ce commissaire-là, il est important, et il sera difficile, et il faudra
qu'il soit appuyé.
Mme Vallée :
Vous mettez l'accent sur une attente très claire de rigueur, de digilence.
Qu'est-ce que ça signifie concrètement
pour vous? Lorsque vous parlez de vos attentes, là, vous dites : Ce
pouvoir-là doit être exercé avec rigueur, avec digilence. On a un
commissaire qui existe, qui est en place depuis six ans déjà, à qui on donne...
on accorderait justement ces pouvoirs
élargis. Puis vous avez très bien exprimé l'enjeu aussi pour la formation
offerte au Québec et la reconnaissance
de la formation offerte au Québec. Oui, dans certains cas, les enjeux, les
difficultés sont vécues par des étudiants étrangers ayant eu une formation ici,
au Québec, puis il faut savoir le reconnaître pour arriver à apporter des
recommandations, des recommandations qui pourront toucher plusieurs
intervenants.
Mais cette
rigueur et cette diligence, elles s'expriment concrètement, de quelle façon
pour vous? Et quelles sont les lumières rouges que vous souhaiteriez
porter à notre attention toute particulière?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Rigueur et diligence, ça veut dire d'abord
un bon diagnostic sur les causes, et
les causes ne sont pas toutes liées à la formation universitaire, à la
reconnaissance des diplômes. Plusieurs sont liées à une certaine forme
d'inadaptation des formations eu égard à certains besoins du marché du travail.
D'autres sont liées, particulièrement
dans le cas soit des membres des communautés culturelles, en particulier les
membres qui sont dits des minorités
visibles, ou des étudiants étrangers, à un phénomène de discrimination, qu'il
ne faut pas généraliser mais qu'il faut
reconnaître, et, j'ose le dire, à, dans certains cas, une forme de
protectionnisme des ordres professionnels. Et je ne suis pas de ceux qui
critiquent aveuglément les ordres professionnels. Je pense qu'un travail
remarquable s'est fait. Et personnellement
j'ai à travailler avec les ordres professionnels, en particulier ceux du
domaine de la santé et des services sociaux, et j'ai beaucoup de
commentaires positifs à faire sur leur travail.
Mais je pense
que ça prend un commissaire qui, une fois qu'il aura ces pouvoirs, travaille de
manière très concrète, est
rassembleur, a une vision d'ensemble — les pouvoirs, d'ailleurs, additionnels qu'il
aurait lui permettent d'avoir cette vision
d'ensemble — et sait
travailler avec notamment la Commission des droits de la personne, notamment la
Commission des
partenaires du marché du travail, les universités, ministères de l'Éducation,
Santé, les ordres professionnels. Ça prend quelqu'un... Ça prend un leader, là, qui connaît ce qui est à faire et
qui agit au-delà de politiques, de grands plans d'action, qui agit de manière concrète et efficace. On le
sait, présentement il y a des pénuries dans différents domaines. Elles sont
identifiées. Les différents groupes
d'associations professionnelles les font connaître. Alors, ça prend quelqu'un qui est capable d'agir de manière convaincante, de manière
probante, et d'utiliser aussi les pouvoirs additionnels que la loi va lui
conférer, si elle est sanctionnée — que
le projet de loi, pardon — de
manière à obtenir les résultats qui sont recherchés, et toujours, évidemment,
dans la perspective de protéger le public.
• (15 h 10) •
Mme Vallée : Comment voyez-vous, justement,
l'institutionnalisation, donc la reconnaissance plus formelle
du pôle de coordination?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
Ça, M. le Président, je dois vous dire que le pôle, il existe déjà, il
est déjà, donc, présidé par l'office. Alors, je me suis
dit : Dorénavant, la loi étant sanctionnée, il y a
des pouvoirs additionnels. Oui, on va
pouvoir invoquer la loi, mais encore une fois, au-delà de dire : La loi me
permet de, je pense qu'il faudra agir d'une manière très pragmatique, très stratégique avec tous les acteurs. Alors, oui, ce
sera un plus. J'ai présumé qu'on opposait à l'office l'absence de pouvoir, l'absence de référence législative,
mais l'adoption d'une loi en soi ne suffira pas. C'est bien, c'est ce que notre mémoire fait valoir, mais
il faudra être convaincant, assumer le leadership et avoir une valeur ajoutée.
Mme Vallée :
Mais, pour nous, une de ces valeurs ajoutées là était d'ajouter autour du pôle
des membres qui étaient absents.
Parce que l'équation, vous l'avez bien mentionné, ce n'est pas l'affaire que
d'un groupe, d'une organisation, mais je
pense que les enjeux auxquels on est confrontés sont des enjeux qui
interpellent plusieurs joueurs, et, au sein du pôle, on a souhaité ajouter...
non seulement l'institutionnaliser, le consacrer à l'intérieur de la loi, mais
également ajouter autour de la table
des acteurs qui n'y étaient pas et qui, trop souvent, se faisaient lancer la
balle à l'externe ou lançaient la
balle à l'interne. Parce qu'on lance la balle, et ce n'est pas de mauvaise foi,
mais c'est... Parfois, les problématiques sont beaucoup plus complexes et interpellent plusieurs joueurs. Alors,
on a souhaité ajouter de cette façon-là justement pour peut-être être un
petit peu plus proactifs.
Tout à
l'heure, le Pr Nadeau disait : Le commissaire doit pouvoir faire
rapport à l'Assemblée nationale. Est-ce que c'est quelque chose qui, pour vous, pourrait être d'intérêt et
pourrait ajouter à la protection du public et aux pouvoirs accrus qui
sont donnés au commissaire?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : En fait, M. le Président, moi, je vois les
choses différemment. Il a aussi été suggéré
que le commissaire relève directement de la ministre. Je vois vraiment les
choses directement... autrement, parce que
ce serait une approche extrêmement hiérarchique, alors que le mandat même de
l'Office des professions est de s'assurer que les ordres professionnels agissent dans l'intérêt du public. Alors,
pourquoi un commissaire à l'intérieur de l'Office des professions aurait-il besoin d'une telle
indépendance qu'on doit soit le faire se rapporter à un membre du gouvernement,
en l'occurrence la ministre de la Justice,
ou directement à l'Assemblée nationale? À mon avis, l'enjeu n'est pas là. L'enjeu
est que l'ensemble du mandat et de la
mission de l'office soit davantage reconnu, que l'office soit davantage
habilité, et le projet de loi y concoure sur le plan législatif, et...
Le Président (M. Villeneuve) :
...madame, en terminant.
Mme Saint-Germain (Raymonde) :
Pardon?
Le Président (M. Villeneuve) : Je
vous laisse quelques secondes pour terminer.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Et donc que ce travail s'effectue, mais non
pas qu'on crée des structures et des liens de reddition de comptes
parallèles et additionnels.
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme la ministre. On va se diriger
du côté de l'opposition officielle, et je reconnais Mme la députée de
Chicoutimi. À vous la parole.
Mme Jean : Merci. Alors, bonjour,
madame, bonjour à vous tous. Merci d'être ici et merci de répondre aux questions
de façon aussi éclairante, et aussi, pour votre mémoire, c'est très intéressant.
Vous parliez
du commissaire. Pour vous, avoir un commissaire avec un mandat élargi, c'est quelque...
ça pourrait être une solution à la
problématique qu'on rencontre actuellement. Ce que je comprends, le commissaire, avec son
mandat élargi, son pouvoir élargi à
même l'Office des professions et en
complémentarité du comité... du pôle interdisciplinaire, ça serait, selon vous, une formule qui permettrait
justement d'analyser la situation et de s'assurer d'une meilleure gouvernance
des ordres.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Disons que je fais certaines nuances, quand
même. Je pense que de donner plus de
pouvoirs au commissaire lui permettait d'agir de manière plus efficace, mais ce
n'est pas parce qu'il aurait plus de pouvoirs,
si d'autres conditions ne sont pas remplies, que ça constituera une solution à
un problème qui est quand même vaste
et complexe. Mais je pense quand même qu'on a vu, avec le temps, dans
différentes situations où l'office n'intervenait pas ou disait ne pas pouvoir intervenir par absence de pouvoir... Je
pense que ce projet de loi, une fois sanctionné, donne les pouvoirs à l'office.
Maintenant, il faut les exercer. Il y a un pouvoir d'initiative, c'est un
pouvoir important, un pouvoir d'initiative,
qu'il faut savoir exercer de manière judicieuse et en temps opportun, et je
pense que c'est pertinent de donner un
tel pouvoir à l'office présentement. Alors, oui, ces pouvoirs sont pertinents.
Maintenant, la manière de les exercer sera très importante.
Mme
Jean : Je comprends. Et
M. Nadeau en a parlé tout à
l'heure, du pouvoir et du
contre-pouvoir. Donc, en implantant
une telle structure, ce que je
comprends, c'est qu'on met un
contre-pouvoir au pouvoir actuel qu'il
y a de façon très forte auprès des
ordres professionnels. Maintenant, en mettant un contre-pouvoir comme ça, est-ce qu'on arrive à dire que ça
prendrait un contre-pouvoir du contre-pouvoir, lorsqu'on pense, par exemple, à la suggestion d'avoir un dépôt d'un rapport ici, à une commission, ou d'être sous la ministre?
Qui est-ce qui pourrait encadrer
justement ce grand pouvoir là
qu'on donnerait à un groupe, à une personne ou à un groupe?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Encore une fois, M. le Président, moi, je
vois les choses très, très différemment. Cette notion de contre-pouvoir, à la limite c'est très théorique, et, si on la pousse jusqu'au
bout, un contre-pouvoir annule un pouvoir. Alors, on arrête tout, là, on
va...
Je
vois le rôle du commissaire comme un rôle d'alerteur, de médiateur, de
rassembleur, quelqu'un de très pragmatique
qui va assumer un leadership et qui va s'assurer progressivement que les ordres professionnels
agissent de manière à faire en sorte
que l'admission aux professions soit de plus en plus efficace, en temps
opportun, pour répondre à la protection du public, pour répondre aux besoins
du marché du travail, et que son leadership, tant auprès du gouvernement, via ses rapports à la ministre, via
les rapports que le gouvernement fera à l'Assemblée nationale, puisse
permettre de sensibiliser tous les acteurs et de faire avancer les choses.
Parce
qu'encore une fois il y a beaucoup, beaucoup d'acteurs et de dimensions dans
cette problématique-là. Je vais vous
donner un seul exemple. On parle des pénuries dans certains domaines de la
santé. On dit : Les ordres professionnels sont souvent très
protectionnistes, ne prennent pas, bon, soit des immigrants, ou ne veulent pas
élargir le nombre de personnes qu'ils
admettent en leurs rangs pour protéger un certain marché, entre guillemets. Il
faut aussi voir que, parallèlement dans
certaines situations, les postes dans les universités ont été limités, que ce
soit pour des raisons budgétaires ou autres. Alors, ça aussi, c'est un
enjeu. Alors, ce commissaire comme l'Office des professions, par des rapports
documentés, intelligents et éclairés, pourront
sensibiliser le gouvernement et l'Assemblée nationale à ce volet qui est aussi
déterminant et qui, là, ne concerne plus les ordres professionnels, ne
concerne plus la discrimination. Donc, c'est un ensemble de facteurs, et encore
une fois, pour moi, on n'est pas dans un enjeu de pouvoir et de contre-pouvoir.
Mme Jean :
Donc, si je comprends bien votre commentaire, pour être sûre que j'ai bien
compris, le pouvoir étendu... en tout cas,
le pouvoir d'action plus grand du commissaire actuel permettrait d'aller
chercher des informations qui
actuellement sont difficiles à aller chercher dans cette espèce d'univers
complexe du monde de la formation et des professions. En ayant ces accès-là, il pourrait dresser un tableau
général, et non pas porter jugement, et ce n'est pas... ne devient pas
en façon hiérarchique un dirigeant des ordres. Il devient plutôt, comme vous
dites, quelqu'un qui a accès à
l'information, qui en dresse un tableau et qui fait des rapports à la société
qui est en l'occurrence ici. Est-ce que c'est bien ça que je dois
comprendre?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Effectivement, c'est ça. Quelqu'un qui a
tout à fait l'habilitation légale pour mener
des enquêtes, y compris de sa propre initiative, bien documenter les dossiers,
et faire rapport aux autorités, que ce soit au président de l'office, à
la ministre et éventuellement à l'Assemblée nationale.
Une voix :
...
• (15 h 20) •
Mme
Lamarre : Oui, en fait, je veux... Bonjour. Bonjour,
Mme Saint-Germain. Bonjour à votre équipe également,
Mme Vallières et M. Domingue.
Il y a un enjeu dont
on ne parle pas par rapport aux difficultés qu'on rencontre, ce sont les coûts.
Je prends, exemple — je vois que le recteur de l'Université de
Montréal est entré — en
pharmacie, à la Faculté de pharmacie, on a développé un programme qui s'appelle Qualification en pharmacie, qui est
un programme qui ne donne pas de faux espoirs, c'est-à-dire que les gens qui s'inscrivent à ce programme sont à peu
près assurés d'avoir leurs permis d'exercice, parce qu'il n'y a pas de problème de stages en route, on
s'engage... l'université s'engage à trouver les stages. Mais, au moment de le mettre en place, il a fallu une coordination
de multiples intervenants. Il a fallu les ordres, mais l'université, même
entre les deux universités, laquelle, entre l'Université Laval et l'Université
de Montréal, offrirait ce programme, qui financerait
le programme, qui donnerait les ressources humaines spécialisées. Alors, par
exemple, l'Ordre des pharmaciens a fourni
une ressource qui était quelqu'un qui s'occupait des équivalences. Du côté du
ministère de l'Immigration, il y a eu un
financement majeur pour l'élaboration du programme, et puis, ensuite, le
programme s'est autofinancé. Mais, cette synergie et cette volonté commune, là, ce qu'on présume, c'est que ça va
être le commissaire à l'admission qui va avoir... et moi, je ne suis pas
sûre que, dans le projet de loi, on donne ce pouvoir-là.
Et
l'autre dimension, ce sont les délais, alors là j'aurais énormément... mais les
délais autant pour les syndics quand ils
ont à faire des dossiers, autant pour... Si on prend le modèle que vous
préconisez, est-ce qu'on ne va pas générer des délais, créer une forme
d'entonnoir? Comment gérer, en tout cas, ces délais-là, parce qu'ils sont
nombreux? Plus on concentre, plus on
augmente ces délais. Alors, peut-être... Est-ce que vous croyez qu'on répond
bien, dans la première partie, à
créer les... à forcer, jusqu'à un certain point... Il faut la stimuler, cette
volonté de mise en commun, pour obtenir des résultats, parce
qu'actuellement je pense que les pouvoirs ne donnent pas les résultats
attendus.
Mme Saint-Germain (Raymonde) :
Les pouvoirs, non, ne donnent pas les résultats attendus. Est-ce qu'avec
les pouvoirs actuels tous les résultats
attendus auraient pu être obtenus? Je pense que non. Donc, je pense que les
pouvoirs additionnels sont vraiment importants.
Sur
la question des coûts, deux éléments. Il faut effectivement avoir en tête que
les ordres professionnels ont quand même
des moyens qui ne sont pas tous égaux. Certains ordres sont quand même très
petits, ils ont des financements, de la
part des membres, très particuliers, et c'est quand même important de savoir
que les membres cotisent pour assurer la protection du public contre certains de leurs pairs qui manqueraient, au
fond, à leur code de déontologie. Je ne vois pas, par rapport à ce qui est préconisé et ce qu'on
préconise, l'addition de coûts qui soient vraiment importants et majeurs.
Plusieurs, par exemple, des formations qui
sont liées à l'éthique sont des formations qui ne sont pas si coûteuses que ça.
Il y a beaucoup de programmes qui sont établis et qui sont déjà bien adaptés.
Le travail... Oui?
Mme
Lamarre : Bien, en fait, si on veut que le commissaire joue ce rôle de
grand conciliateur et de coordonnateur, ça va lui prendre énormément de ressources, là. On le voit, on a une
cinquantaine d'ordres, il va falloir que ces échanges et cette... il va falloir déployer... Ça devient
un gros commissariat, là, ça devient vraiment un commissaire avec de nombreuses
personnes qui vont devoir y contribuer.
Le Président (M.
Villeneuve) : En 20 secondes, Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Je ne vois pas son rôle comme le
coordonnateur des ordres professionnels. Il a un rôle d'enquête et de
recommandation. Il existe déjà beaucoup d'instances qui regroupent les ordres,
notamment la Commission des partenaires du marché du travail. Donc, il
n'a pas à travailler de manière à être un empereur, il a à travailler de manière à être un accélérateur, à
faire de la synergie, à trouver des solutions à des problèmes déjà bien connus
et souvent documentés. Et c'est les actions
et la volonté de rejoindre tous les participants et les faire travailler
ensemble qui ne sont pas là. Alors, je ne vois pas des coûts majeurs
additionnels.
Le Président (M.
Villeneuve) : Merci beaucoup, mesdames de l'opposition officielle. Je
passerais la parole maintenant à la personne... M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Saint-Germain, Me Vallières, M. Domingue,
bonjour. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.
D'entrée de jeu, je
vous réfère à la page 9 de votre mémoire. On élargit un petit peu
relativement au projet de loi n° 107,
les lanceurs d'alerte, l'immunité, on n'a pas abordé encore ce sujet-là,
puis — les
précédents intervenants l'ont un peu
abordé — sur la
question de l'opinion du syndic, est-ce qu'on va prendre en compte son opinion.
Et j'aimerais qu'on situe la
discussion dans l'optique aussi de protection du public. Parce que supposons
que vous avez, je ne sais pas, un
avocat véreux qui se met à table avec le DPCP, puis le DPCP dit : Je vais
vous donner l'immunité, mais que par ailleurs... et il obtient une immunité également en matière disciplinaire, on se
retrouverait dans une situation où des clients iraient voir cet avocat-là ne sachant pas qu'il a commis
des fautes déontologiques. Donc, j'aimerais avoir votre opinion, là, par
rapport à ça, sur l'application de l'immunité des lanceurs d'alerte et du
professionnel fautif.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Bon.
Dans cette situation-là, je dois dire, M. le Président, que notre
opinion se base sur le fait que le Directeur des poursuites criminelles et pénales lui-même, avant d'intenter une poursuite, doit avoir quand
même des preuves et agir sur la base
de la conviction que les... il y a des motifs raisonnables qui font en sorte qu'il
peut croire à une éventuelle condamnation. Ça, c'est premièrement.
Deuxièmement — et je
vais souhaiter, M. le Président, si vous n'avez pas d'objection, que Me
Vallières, qui s'occupe particulièrement de ces questions, puisse compléter ma
réponse — deuxièmement,
je suis d'avis qu'il y a un enjeu là de
protection du public, et on parle d'accusations qui sont quand même des
accusations graves, en matière criminelle
ou pénale, qui mènent éventuellement à des peines d'emprisonnement de cinq ans
et plus. Je pense qu'il y a un enjeu de protection du public en temps
opportun, un enjeu préventif, et c'est une dimension importante.
Est-ce que je puis
donner...
Le Président (M.
Villeneuve) : Bien sûr. Me Vallières, à vous la parole.
Mme
Vallières (Hélène)
: M. le Président, merci. Si je comprends
bien, la question concerne l'interaction entre le projet de loi n° 107 et le pouvoir qui serait accordé dans le
cadre du projet de loi n° 107, d'accorder une immunité, là, en matière disciplinaire. Alors, c'est sûr que nous,
on a regardé les deux projets de loi en parallèle, les deux projets de loi sont encore au stade de projets de loi. On voit
une question de cohérence entre les deux pouvoirs qui sont accordés, et la
lecture qu'on fait du projet de loi n° 107 est qu'il y a un genre de
prépondérance qui serait accordée au Directeur des poursuites criminelles et pénales de donner une immunité pour une
personne, là, qui serait dans une entente de collaboration. Donc, évidemment, on aura des commentaires,
j'imagine, à faire, là, plus particulièrement sur le projet de loi n° 107.
On voulait soulever ici, là, la
nécessité d'avoir un arrimage entre ces deux pouvoirs-là, donc le pouvoir
accordé au syndic d'accorder ce genre d'immunité là, avec les critères qui sont
prévus au projet de loi n° 98, et les pouvoirs qui seront
éventuellement, là, si le projet de loi n° 107 est adopté, accordés au
Directeur des poursuites criminelles et
pénales.
M. Jolin-Barrette : Merci. Sur le fait que, dans le projet de loi, on
élargit un peu la notion, si je peux dire, de... on lève un peu le secret professionnel pour que les
syndics puissent communiquer ensemble, j'aimerais ça vous entendre
là-dessus, sur quelle est votre perception. Puis est-ce que vous voyez des
avancées là-dessus?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : En fait, on lève le secret professionnel
mais dans un contexte quand même qui
est balisé, dans un contexte où on a des raisons très sérieuses de croire que
la protection du public ne serait pas assurée, et ça se fait dans des conditions très particulières.
Alors, moi, je pense que c'est souhaitable, qu'il faut que ce soit très balisé,
que ce soit dans les circonstances qui sont
prévues et que ce soit à des fins préventives, encore une fois. Parce qu'on a
vu... puis il faut déplorer aussi la
lenteur du système de justice disciplinaire, on a vu des situations où
l'absence de capacité d'agir pendant
ou en attente d'une condamnation au niveau criminel a contribué à léser
d'autres citoyens. Alors, je pense que,
dans les conditions qui sont prévues, encore une fois dans l'objectif de
prévenir et de protéger le public, ça m'apparaît raisonnable.
M. Jolin-Barrette : Et, sur la question de la radiation, supposons, temporaire en prévision
de... vous dites, bon : Le
président du conseil de discipline est assujetti en code de déontologie
maintenant. Par contre, les deux assesseurs ne le sont pas, à l'exception de leur code de
déontologie à eux. Ceci étant dit, vous dites, bon : C'est un pouvoir extraordinaire
qu'on donne au conseil de discipline puis
c'est important que, dans le fond, les garanties procédurales soient accordées.
Est-ce qu'il y aurait un moyen de s'assurer que, pour le pouvoir que l'on donne
au conseil de discipline, les garanties procédurales soient présentes?
• (15 h 30) •
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : D'une part, le code auquel vous référez,
malheureusement — j'en ai
parlé en conclusion — n'est pas encore en vigueur, et je pense que
ce sera important qu'il le soit, notamment parce que le Conseil de la justice administrative aura compétence et
effectivement il fera... À mon avis, dans un code d'éthique et de déontologie
qui s'appliquera au président des comités de
discipline, l'enjeu de l'équité procédurale, l'enjeu de la diligence d'agir
aussi, compte tenu des conséquences également pour le professionnel, il
faut en tenir compte, là. On est dans un équilibre entre — et c'est
un enjeu de fond — la
protection du public mais aussi le respect des droits d'un professionnel qui
n'est pas encore accusé, donc qui doit bénéficier de la présomption
d'innocence, et c'est l'équilibre entre les deux. Donc, il y a là des enjeux importants, d'où l'importance de mettre en vigueur
les dispositions qui permettront, d'une part, la mise en vigueur du code
d'éthique et, deux, le recours au Conseil de la justice administrative.
Le Président (M.
Villeneuve) : Il vous reste 20 secondes. Me Vallières, vous
vouliez intervenir? Non?
M. Jolin-Barrette : ...de votre deuxième recommandation au niveau de la prescription. On ne
l'a pas beaucoup abordée. Vous voulez ce que la commission Charbonneau
propose?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Oui, on est tout à fait d'accord, mais
c'est qu'il y a un enjeu présentement, dans certaines situations de justice
disciplinaire, la prescription est d'un an après la connaissance des faits. Ce
serait mieux que ce soit trois ans,
ça donne plus le temps aux ordres professionnels d'enquêter, et après ça que ça
puisse être un maximum de sept ans
plutôt que cinq ans, ce qui est déjà prévu. Alors, il y a une question à la
fois de concordance, mais c'est dans le meilleur intérêt de la pratique
pour les ordres et la protection du public.
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci beaucoup, Mme Saint-Germain. Merci,
Me Vallières. Merci, M. Domingue. Et
j'invite les gens du prochain groupe à bien vouloir se présenter à l'avant,
donc le Bureau de coopération interuniversitaire.
Et nous allons
suspendre les travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à
15 h 31)
(Reprise à 15 h 34)
Le Président (M.
Villeneuve) : Alors, comme je le précisais tantôt, nous recevons le
Bureau de coopération interuniversitaire.
Bonjour, messieurs. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation.
Suivra un échange avec les parlementaires.
Alors, je demanderais à la personne qui vous représente de se nommer et de bien
vouloir présenter les gens qui l'accompagnent.
Bureau de coopération interuniversitaire (BCI)
M. Breton (Guy) : Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, nous souhaitons vous
remercier de nous offrir l'occasion
de présenter le point de vue des établissements universitaires, de tous les
établissements universitaires au sujet de ce projet de loi n° 98.
Je
suis Guy Breton. Je suis le président du conseil d'administration du BCI, je
suis aussi le recteur de l'Université de Montréal et je suis médecin. Je
suis accompagné de Daniel McMahon, qui est recteur de l'Université du Québec à Trois-Rivières, qui est fellow comptable
professionnel agréé et qui est l'ex-président de l'Ordre des comptables agréés
du Québec; de M. René Côté, président du
Comité des affaires académiques du BCI, vice-recteur à la vie académique de
l'Université du Québec à Montréal, aussi avocat; et Claude Bédard, directeur
général du BCI, qui est ingénieur.
Si d'entrée de jeu j'ai mentionné nos
titres professionnels, c'est pour bien montrer que notre connaissance des
enjeux soulevés par le projet de loi
n° 98 s'appuie non seulement sur notre expérience à titre universitaire,
mais également sur nos pratiques du
système professionnel québécois. Je souhaite également préciser que notre
mémoire, celui que vous avez reçu, a été appuyé par l'ensemble des chefs
d'établissement universitaire du Québec.
Notre position se
résume ainsi : le législateur va trop loin, et on ne comprend pas
pourquoi. Nous estimons essentiel d'exclure
les établissements d'enseignement et l'ensemble des activités universitaires du
périmètre d'action de l'OPQ et du commissaire. Cette position s'appuie
sur les arguments suivants : les modifications proposées pourraient compromettre l'autonomie des universités et
restreindre leur droit d'admettre des étudiants et d'évaluer leur capacité
à entreprendre et à réussir des études universitaires.
L'admission
à l'université, dans un programme, qu'il soit de grade ou non, ou à des
activités universitaires, relève de la gestion interne des universités, de
chacune des universités, qui en déterminent les conditions et qui possèdent
toutes les compétences à cet égard.
Si le projet de loi n° 98 était adopté dans son état actuel, il s'agirait
d'une situation que l'on considère
d'ingérence, inacceptable dans l'élaboration des conditions d'admission à des
programmes qui peuvent concerner un public bien plus large que les
futurs membres des ordres professionnels.
Les
modifications proposées pourraient également altérer l'équilibre entre le
système professionnel et le système universitaire en érodant la
juridiction des universités au bénéfice d'instances du système professionnel
relevant du ministère de la Justice.
Les universités
n'évoluent pas sans encadrement juridique, je peux vous le garantir. Il revient
au ministère de l'Éducation d'en encadrer
les activités, et non au ministère de la Justice par l'intermédiaire de l'OPQ
et du commissaire.
Les
universités ne sont pas des ordres professionnels, et l'OPQ n'a pas juridiction
à l'égard des universités. Les universités
et les ordres professionnels, y compris l'OPQ et le CIQ, ont des missions, des
juridictions et des champs de compétence qui leur sont propres, et les défis
qu'ils doivent relever ne sont pas toujours convergents. Toutefois, ces
distinctions doivent être maintenues sous peine de nuire à l'équilibre fragile
de la relation entre ces divers partis.
Il faut éviter
d'alimenter les conflits de juridiction entre les instances relevant du
ministère de la Justice et les universités.
Il faut respecter l'autonomie respective et nécessaire des ordres et des
universités, que ce soit en matière de protection
du public, d'une part, ou d'admission et de contenu de programmes de formation,
d'autre part. Le projet de loi
n° 98 introduit, selon nous, un déséquilibre dans la relation
universités-ordres professionnels en donnant à l'OPQ, en particulier au
commissaire et au pôle de coordination des pouvoirs qui viennent compromettre
cet équilibre.
Il
n'est pas souhaitable, selon nous, que les acteurs du système professionnel
dictent aux universités comment elles
doivent se comporter en matière d'admission, de développement de programmes ou
de leur contenu, contenu des programmes. Si on proposait aux ordres
professionnels que les universités disposent des pouvoirs d'enquête sur leurs pratiques et sur leurs manières de protéger le public,
que diraient les ordres professionnels? Cette assimilation des universités,
au même titre qu'un ordre, dans le cadre d'une démarche d'enquête ou de
cueillette de renseignements de la part du commissaire
ou de l'office, ainsi que la disparition de la notion de plainte contre l'ordre
ouvrent, selon nous, une brèche très inquiétante.
Les
responsabilités et les défis que doivent relever les universités et les ordres
professionnels au Québec doivent demeurer
distincts et complémentaires. Il ne faut pas oublier que les universités ne
forment pas exclusivement de futurs membres
des ordres professionnels. Comme le soulignait le rapport Bissonnette-Porter,
l'université n'est pas une entreprise, elle
n'est pas non plus une institution financière, sociale, culturelle,
hospitalière, communautaire issue d'une réponse à des besoins ponctuels et changeants. L'université est
l'institution fiduciaire des acquis et du développement d'une culture du
savoir et des savoirs dont elle assure librement, au premier rang, la création,
la transmission, la démocratisation et la critique des usages. C'est ça, une
université.
• (15 h 40) •
Avec
les dispositions introduites par la loi n° 98, les universités pourraient
être soumises aux décisions d'instances qui ne possèdent pas, selon nous, les compétences requises en matière de
formation et de réussite étudiante, ne relèvent pas du ministère de la
Justice, ne financent pas les formations universitaires, risquent d'introduire
un double système d'admission avec double
standard dans les formations et activités universitaires, l'un pour les
candidats détenteurs d'un diplôme québécois et l'autre pour les
détenteurs de diplôme obtenu à l'étranger.
Les
mesures proposées nous semblent en contradiction avec l'orientation générale du ministère de
l'Éducation qui cherche, avec nous, présentement à revoir les nombreuses exigences réglementaires et de reddition de comptes auxquelles sont soumises les universités afin d'en réduire le
nombre et la complexité. Le projet de loi va dans le sens contraire en ajoutant de nouvelles exigences et en
introduisant un nouvel acteur auquel seraient assujetties les universités afin
de répondre à des contrôles et à des
mesures de suivi diverses. Poursuivre dans cette voie ne peut qu'alourdir et
complexifier le système et ajouter
des coûts supplémentaires pour les universités, qui sont déjà, je vous le
garantis, confrontées à des contraintes budgétaires majeures, majeures.
L'OPQ
ne peut pas jouer à la fois un rôle de concertation, comme la création du pôle
le suggère, et en même temps un rôle
de policier, juge et arbitre vis-à-vis les universités, comme certaines
dispositions du projet de loi le laissent entendre, selon nous. Pour octroyer à
l'OPQ une juridiction aussi large et d'une portée jusqu'à présent inédite pour
obtenir des informations qui sont d'ailleurs déjà largement disponibles... À
quelles fins et avec quelle autorité l'OPQ, qui relève du ministère de la Justice, demanderait-il aux
universités de lui fournir des renseignements à l'égard de toute formation
qu'un ordre professionnel exige d'une
personne diplômée à l'étranger? Nous jugeons que ces informations pourraient
être d'emblée recueillies par l'OPQ auprès
des ordres professionnels. À notre avis, l'approche collective est plus
indiquée et plus susceptible de produire de meilleurs résultats.
Il faut
également souligner que, dans les mesures où les demandes de l'OPQ pourrait...
que les demandes que l'OPQ pourrait adresser aux universités, cela
risque de concerner des renseignements relatifs à un candidat en particulier.
La modification proposée pourrait placer les universités
dans une situation intenable eu égard à leurs obligations liées à la loi sur
l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels.
Concernant le
commissaire, le projet de loi ne vient pas seulement remplacer son nom, il
accroît ses compétences et propose un
nouveau cadre très élargi d'exercice du pouvoir. Le commissaire disposerait de
responsabilités et de pouvoirs similaires
à ceux d'un ombudsman, et il pourrait les exercer auprès des universités
lorsque cela toucherait la formation universitaire
associée aux professions réglementées, incluant les programmes de grade.
Considérant que les universités ont
déjà des ombudsmans ou des mécanismes administratifs équivalents qui ont une
juridiction similaire à celle qui serait attribuée au commissaire, nous
nous interrogeons sur la pertinence d'étendre aux universités les fonctions de
ce commissaire — ça,
ça veut dire une minute?
Le Président (M. Villeneuve) : Une
minute. Exact. Vous êtes perspicace.
M. Breton
(Guy) : Écoutez, je vais donc
essayer de conclure. On va vous donner un exemple. M. le Président, je veux vous rapporter une recommandation formulée par
le commissaire dans un rapport publié en juillet dernier. Le commissaire
recommande aux universités que, dans la planification...
Le
Président (M. Villeneuve) : M. Breton... M. Breton, prenez votre
temps, la ministre vous accorde de son temps. Alors, prenez quelques
minutes supplémentaires. Disons, on s'entend pour deux minutes supplémentaires.
On y va?
M. Breton
(Guy) : Parfait. J'apprécie.
Alors, je reviens à l'exemple qu'on veut vous donner. Le commissaire recommande
aux universités que, «dans la planification de l'offre de cours pour les
programmes d'études réguliers, [elles]
tiennent compte du contenu des prescriptions des ordres [...] et évite les
conflits d'horaire entre les cours les plus fréquemment prescrits». Les universités, collectivement, accueillent
plus de 310 000 étudiants au Québec. Les candidats formés à
l'étranger visés ici, devant subir une formation d'appoint, sont environ
2 250 sur 310 000, ce qui fait moins de 1 %, 0,72 %. Leur prescription peut avoir été rédigée par
l'un ou l'autre des 34 ordres professionnels. Donc, si vous divisez 2 250 par 34 ordres par
18 établissements, ça fait des nombres tellement petits que c'est de la
science-fiction de penser qu'on va être capables de faire que les
horaires vont fonctionner, là. C'est impensable.
Nous
souhaitons transmettre un message clair : nous voulons vous aider, nous
voulons que ça fonctionne bien, mais
il ne faut pas remettre en cause la mission et l'autonomie universitaire de
quelque façon que ce soit. Celle-ci doit demeurer une prérogative
fondamentale et immuable, car elle est garante de notre contribution pleine et
entière à la société d'aujourd'hui et celle de demain.
Le projet de
loi n° 98 propose également d'enchâsser dans le Code des professions un
pôle de coordination pour l'accès à
la formation. Cette instance existe depuis 2010 sous le nom de Pôle de
coordination pour l'accès à la formation prescrite par les ordres professionnels ainsi qu'aux stages et est
présidée par le président de l'OPQ en collaboration
avec les sous-ministres adjoints concernés et le ministère de l'Éducation. Son
secrétariat est assuré en collaboration par l'OPQ et le ministère de
l'Éducation. En regard de la situation
actuelle, un changement majeur affecte la gouvernance du pôle, qui serait présidé par le président de
l'office, sans collaboration du ministère
de l'Éducation. Est-ce bien la
meilleure façon d'assurer une bonne collaboration, d'éliminer le ministère
de l'Éducation?
Nous croyons
qu'une approche de concertation est de beaucoup
supérieure et, dans ce sens-là, nous
proposons même une composition à ce
comité, qui devrait être une composition paritaire. On recommande que le pôle
soit composé, à parité, de sept
représentants des ordres professionnels, de cinq représentants universitaires
désignés par notre bureau et de deux membres désignés par la Fédération
des cégeps, de façon paritaire pour que l'on puisse avoir, grâce à cette
composition, une capacité de concertation beaucoup plus grande.
Écoutez, le temps passant...
Le
Président (M. Villeneuve) :
M. Breton, vous pourrez, je pense, avec les échanges que vous aurez avec les
parlementaires, probablement compléter votre exposé. Merci de la partie que
vous avez pu nous donner. Je vais maintenant
donner la parole à la partie gouvernementale pour le début des échanges. Alors,
Mme la ministre.
Mme Vallée : Merci
beaucoup. Merci, messieurs. M.
Breton, merci de votre présentation. Je suis un petit peu perplexe tant à
la lecture de votre mémoire qu'au ton de vos propos, vos propos sont très
défensifs, vous présentez le projet
de loi comme étant très invasif de votre autonomie, et le vocabulaire est fort
aussi.
Je regarde le projet de loi puis je me dis :
Bien, est-ce qu'on parle du même texte, d'autant... Parce que vous parlez qu'on compromet l'autonomie des
universités, on restreint le droit d'admettre, on intervient dans les
admissions des étudiants, il y a une tentative d'empiètement, il y a de
l'ingérence, des mesures de contrôle et de suivi qui ne sont pas acceptables. On parle de l'office comme un
policier, juge et arbitre. Vous laissez sous-entendre que l'objectif
est de placer les universités sous la
juridiction de la ministre de la
Justice. Croyez-moi, ce n'est pas ça,
le projet de loi, là. Puis même vous concluez par un message qui est très clair : «Aucun projet de loi ne peut remettre en cause la mission [...] l'autonomie universitaire de quelque façon que ce soit. Celle-ci doit demeurer une
prérogative fondamentale [...] immuable...» Ce n'est pas... Moi, je veux vous rassurer... Si j'ai un
message à vous passer cet après-midi, c'est bien de vous rassurer. L'objectif,
ce n'est pas de...
Les
intentions que vous prêtez au projet
de loi ne sont pas les intentions du projet de loi. Le projet de loi n'est pas
rédigé pour avoir ces effets-là. D'ailleurs, j'en ai parlé avec ma collègue,
avec ma collègue Hélène David, qui... Et d'ailleurs Hélène et moi avons eu une rencontre
avec vous un peu plus tôt cet été. On a travaillé en collaboration, soyez-en assuré. L'objectif, c'était de travailler en collaboration avec les gens, les gens de l'office, les gens au sein du ministère, pour apporter des précisions au projet
de loi, s'assurer que, justement,
vous n'auriez pas cette perception d'atteinte à votre autonomie. On a des problématiques, tout le monde en a parlé, puis, croyez-moi, un
peu plus tôt la Protectrice du citoyen en faisait état, on a des problèmes d'admission
aux professions pour les étudiants étrangers, pour les nouveaux arrivants,
on a une problématique au Québec. Tout le monde se lance la balle, puis ça, c'est le message que je vous ai passé
lorsque je vous ai rencontré, tout le monde se lance la balle. Et l'objectif, par l'élargissement des pouvoirs accordés au
commissaire aux admissions à la
profession, pas aux admissions à l'université, c'est un pouvoir de recommandation. Ce n'est pas un pouvoir
d'ingérence, et le rôle du commissaire n'est pas de venir jouer, par exemple, dans les platebandes de l'autonomie universitaire, mais d'avoir
cette vision plus macro et de venir aussi... de prendre acte des réalités qui
sont devant nous en 2016 et du rôle tant du système professionnel que du
système d'éducation.
• (15 h 50) •
On
a des acteurs qui, à l'intérieur de leurs champs d'action respectifs,
contribuent à doter le Québec de professionnels
qualifiés, et on ne peut pas vivre en vase clos et prétendre : Bien là, on
a l'Office des professions, on a les
ordres, on a les universités, et, chacun, on
fait notre petite affaire, et nos décisions n'ont pas d'impact les uns sur les
autres et n'ont pas d'impact sur l'admission aux professions.
Il
y a des problèmes de communication, il y a des problèmes de cohérence, de
coordination, en tout et partout, que
ce soit au niveau de la formation initiale, de la formation d'appoint. Parce
qu'on a des gens qui ont besoin d'aller chercher des formations additionnelles pour se réaliser. On a des gens qui
parfois ont besoin de compléter une formation qu'ils ont reçue à l'étranger pour pouvoir faire leur
entrée dans un ordre professionnel. On a des gens qui arrivent ici et qui ont
besoin... Et, ces besoins-là, bien, on les retrouve dans différents domaines.
Il
y a des rapports. La commission des droits de la personne et de la jeunesse a
notamment, en 2010, fait un rapport quand
même très clair, avec des conclusions qui étaient très conséquentes, et donc...
Et le commissaire, aussi, a rendu publiques
certaines informations. C'est dans ce contexte-là qu'on tente de
voir est-ce qu'on ne peut pas trouver un forum, trouver une façon de partager l'information, tout
en respectant l'autonomie de tous et chacun, partager l'information et poser un diagnostic, pas de devenir un juge, de
devenir un médiateur et d'imposer, mais plutôt de poser un diagnostic, d'émettre des recommandations, des recommandations
qui peuvent aussi toucher l'appareil gouvernemental. Le gouvernement
n'est pas exclu de tout ça. Mais on doit faire mieux. On a le devoir de faire
mieux, tous et chacun, tout en...
Et
je suis bien d'accord que... Et loin de moi la volonté que de venir porter
atteinte à l'autonomie des universités. Pour moi, cet après-midi, c'était important de vous transmettre ce
message-là encore une fois. Je sais que ma collègue vous l'a transmis. C'est parce que je sais qu'on a
eu de nombreux échanges, tout ça s'est fait quand même d'une façon très ouverte, parce que c'est la façon dont on
travaille. Et j'essaie de comprendre cette position très ferme qu'est la vôtre,
alors qu'il y a des enjeux très importants
pour notre société. Je pense que... Vous le reconnaissez également, qu'il y a
des enjeux. Puis on ne peut pas
constamment se lancer la balle, pointer du doigt les ordres professionnels,
pointer du doigt les universités. Il
faut le voir de façon macro et aborder l'enjeu de façon macro pour en arriver
peut-être à trouver des pistes de solution qui vont changer la donne.
Mais
l'objectif n'est pas de venir toucher à l'autonomie, ce n'est qu'un pouvoir...
Ce que le commissaire a demeure un
pouvoir de recommandation. Et ce n'est pas... Et, en soi, ma question serait
ça : Comment pouvez-vous percevoir un pouvoir de recommandation
comme étant une ingérence au sein de votre organisation?
M. Breton (Guy) : Oui, il y a des enjeux, on est bien d'accord. Je l'ai dit, nous voulons
travailler avec vous, mais, je l'ai
évoqué, nous croyons qu'une approche de concertation est mieux qu'une approche
de nature prescriptive. D'avoir un
commissaire qui prescrit, même si c'est juste de nature de recommandation,
telle chose ou telle chose, on ne croit pas que c'est une façon de régler les enjeux. Nous, ce que nous vous
offrons, c'est : on vous tend la main pour qu'on trouve, justement par ces tables-là, et il y en a au
niveau des différents ordres, des façons d'analyser les enjeux et de voir
comment on peut les régler sans créer
un mécanisme de double standard. Il y a l'autonomie universitaire qui est en
jeu ici, mais il y a aussi cette
préoccupation que nous avons d'un double standard où certains, les étudiants
avec diplômes québécois, eux, auraient un standard et ceux qui
bénéficieraient d'une approche prescriptive du commissaire auraient un autre
standard. Nous avons des inquiétudes avec ça.
Donc,
la lecture que l'on a, c'est que votre projet de loi a une approche
prescriptive, et on croit qu'une approche de concertation, avec les ordres, avec les établissements, à regarder
les enjeux est une meilleure approche. Parce que la solution n'est pas juste à un endroit. Elle
implique souvent les employeurs, le marché du travail, les universités, la
formation antérieure, le législateur. La solution, elle n'est pas qu'à
un endroit, de l'importance d'avoir des bons mécanismes de concertation, et non
pas une approche juste d'enquête et de prescription.
Mme
Vallée : D'où le pôle. Mais là j'ai un de vos collègues qui a
aussi des questions, alors je ne veux pas prendre tout le temps.
Le
Président (M. Villeneuve) : Oui, Mme la ministre. M. le député
d'Orford, vous voudriez prendre la parole?
M.
Reid :
Oui, s'il vous plaît.
Le Président (M.
Villeneuve) : Alors, allez-y.
M.
Reid : En fait,
c'est dans le même sujet, là. Moi, j'ai déjà été assis à la place de nos
invités pour défendre à peu près la même
problématique, le même enjeu, qui est une des forces de l'université
québécoise. Le Québec a donné à ses universités un pouvoir qui lui permet... qui a
permis à ces universités-là de se propulser et puis de le faire encore. Et j'ai
vécu aussi, moi, des problèmes avec les ordres professionnels, quand on parle
de développement de programmes, de contenu,
alors qu'il n'y avait pas vraiment de pouvoir, mais je pense surtout, par
exemple, à droit, comptabilité, ça n'a pas toujours été facile à la fois
de définir les nouveaux programmes, les faire évoluer sur les contenus.
Mais en même temps
je suis resté un peu sur mon appétit dans la présentation que vous avez de la
solution que vous proposez. Parce
que, généralement dans des problèmes qui touchent à l'autonomie... même, des
fois, ce n'est pas que ça rentre dedans, mais ça frotte fort sur
l'autonomie puis ça peut causer différents problèmes, disons, de qualité ou autrement. Mais il est clair qu'il y a des
difficultés, qu'il y a un problème qui existe, là, au niveau des étrangers.
Enfin, il y a un certain nombre de
problèmes qui existent. Il est clair aussi qu'on se renvoie la balle de
différentes façons, pas méchamment, mais, au total, le résultat n'est
pas là.
Et, dans
l'histoire des universités au Québec, j'ai déjà été dans certains enjeux comme
ceux-là. Les universités, pour ne pas
justement devoir être... subir un pouvoir même de prescription, ont proposé des
éléments qui étaient vraiment aptes à
amener des solutions. Et moi, je suis resté sur mon appétit dans l'explication
que vous avez donnée, j'aimerais ça
que vous alliez un petit peu plus loin pour montrer que ce que vous proposez,
là, de forme de concertation, ce n'est pas
juste des mots, mais c'est quelque chose qui peut vraiment avoir un résultat.
Parce qu'on est très bon comme universitaire, effectivement, pour expliquer des choses, mais j'aimerais ça que vous
vous approchiez beaucoup de ce qui est des résultats potentiels qui permettent de dire : Peut-être
que ça vaut la peine de regarder d'un peu plus près, on est là pour discuter
de ça. Mais moi, je suis resté sur mon
appétit dans votre présentation tantôt, vous n'avez eu peut-être pas assez de
temps, pourriez-vous nous en dire un peu plus?
M. Breton (Guy) : Je pense que je
vais passer la parole, puis je vais compléter après, à mon collègue ici.
Le Président (M. Villeneuve) : Je
vous laisse vous présenter, monsieur.
M. McMahon(Daniel) : Oui. Bonjour.
Daniel McMahon, je suis recteur à l'Université
du Québec à Trois-Rivières et j'ai eu la chance d'oeuvrer dans le
système professionnel pendant 12 ans.
La clé, c'est
vraiment la concertation. Si on regarde... Vous avez parlé de l'exemple de la
comptabilité, ça adonne bien, je vais
prendre cet exemple-là parce que je l'ai vécu moi-même par unification de la
profession comptable. On n'a eu
aucune difficulté avec les universités parce qu'on s'est assis avec les
universités en définissant exactement quel était le champ de compétence qu'on croyait qui devrait être
dispensé, mais après on a laissé à l'université toute l'autonomie de définir la façon dont ils voulaient livrer le
programme. Donc, on a trouvé, en fait, en s'assoyant ensemble et en travaillant
beaucoup avec l'Office des professions — également, je veux saluer M. Dutrisac ici
aujourd'hui — par la
concertation, par la force de la concertation, et non pas par une mesure
de prescription, à définir les solutions.
Et, dans la
situation qui nous préoccupe ici, lorsqu'on dit qu'on a des problèmes, moi, je
pense que les problèmes, ils sont multidimensionnels et
multijuridictionnels. Si on veut les adresser... Si on parle de stage, par
exemple, accès à des stages, ça peut toucher
à la fois le ministère de l'Éducation, à la fois le ministère de la Santé, à la
fois l'aspect du ministère de la Justice. Et, cet élément-là, la seule
façon d'arriver à un résultat tangible, c'est d'asseoir les véritables intervenants autour de la table, et de dire :
Voici le problème que l'on veut résoudre précisément, et d'avoir un objectif
de résultat à la table de concertation.
Moi, je crois
beaucoup plus au pôle de concertation qu'à la création d'un commissaire
enquêteur, parce que les véritables détenteurs de la connaissance, ce
sont ceux qui seraient autour de la table du pôle de concertation. C'est
beaucoup plus simple, à mon avis, de procéder de cette façon-là.
• (16 heures) •
M. Breton (Guy) : Je vais vous
donner un exemple concret : les médecins étrangers, sujet qui a fait
couler beaucoup d'encre, où, avec le ministère de l'Éducation, le ministère de
la Santé, les universités dotées de facultés de médecine, nous avons travaillé ensemble et avons fait une proposition
pour maximiser la capacité d'accueil, de standardiser les structures d'accueil, mais d'inclure aussi les
autres acteurs qui sont, d'une part, le Collège des médecins, les critères
d'acceptabilité des formations, de maîtrise du français, le ministère de
la Santé, parce que les stages sont beaucoup contrôlés
par le ministère de la Santé. Donc, voilà un exemple où je pense que les
universités se sont comportées comme des
bons partenaires, mais il faut que tous les acteurs acceptent de travailler ensemble,
parce qu'on n'en sortira jamais.
Vous avez
raison, Mme la ministre, il y a des enjeux, mais il faut les regarder de
façon globale. Et de façon globale, ce
n'est pas une personne qui peut avoir une vision globale, c'est l'ensemble
des acteurs qu'on doit asseoir à la même table en même temps pour
chercher des solutions pratiques. Il n'y aura pas de solution magique. Ce sont
des enjeux complexes et, ceux qui pensent
qu'il y aura zéro problème à maturité, il y aura toujours des difficultés. Mais
moi, j'insiste, nous, les
universités, on veut travailler avec les autres partenaires, autant le
législateur, les employeurs, les ordres professionnels, mais on veut
qu'on respecte notre autonomie puis on ne veut pas avoir deux standards.
Le
Président (M. Villeneuve) :
Merci. Je pense que la discussion va assurément se poursuivre en dehors de ces
murs ou à l'intérieur même de ces murs, mais
je dois arrêter la discussion parce que le temps de la partie gouvernementale est écoulé. Et je
passerais donc à l'opposition
officielle et je reconnais Mme la députée de Chicoutimi. À vous la parole.
Mme
Jean : Merci, M. le Président. Bonjour, MM. Breton, Bédard, Côté et McMahon.
Bienvenue ici. Je suis contente de vous rencontrer. On ne se connaît
pas. Vous semblez connaître beaucoup de monde, mais moi, je ne vous connais
pas. Heureuse de vous connaître.
Je comprends bien, je pense, au niveau de... Votre message est clair que vous préconisez une
approche de concertation plutôt
qu'une approche de réquisition, prescription ou même des recommandations. Je comprends aussi qu'il existe une plateforme, actuellement, d'un comité de coordination ou de concertation,
qui existe déjà et qui semble ne pas donner de résultats très concrets. Les rencontres
se font, mais ça ne solutionne pas les problèmes. Donc, on en conclut
que d'avoir une plateforme de concertation ne suffirait pas.
Vous parlez aussi qu'il est important de
préserver l'autonomie et d'être... et que ça, c'est des chasses gardées qu'on ne doit pas toucher. Donc, on se retrouve un petit peu avec des éléments ou des institutions qui fonctionnent un petit peu en silo.
Pour toute concertation, je comparerais ça, moi,
peut-être — vous
me direz si je me trompe ou si ça pouvait s'appliquer
à cette situation-là — à
toute réaction chimique, c'est-à-dire : lorsqu'on veut que quelque chose
se passe, qu'on ait un résultat, on
met les éléments de la recette ensemble, mais, si on les met ensemble
sans catalyseur, ça ne change rien. Si on fait une table de concertation mais
qu'il n'y a pas d'élément qui permet justement que cette concertation-là arrive à un résultat,
bien, une table de concertation, ça ne sert à rien, et c'est peut-être ça qu'on
voit aujourd'hui.
Est-ce qu'à ce moment-là d'avoir une personne qui serait mandatée de prendre des éléments de tout le monde et d'avoir, justement,
cette vision-là globale, et non pas de l'intérieur de chacun d'eux, mais serait
le catalyseur pour, justement,
qu'on en arrive à des solutions aux problématiques... Est-ce que le commissaire qu'on appelle à l'administration, puis
je reviendrai à ma deuxième question là-dessus...
à l'admission, ou la personne, ou le poste en question pourrait servir
de catalyseur pour arriver à une solution lorsque le problème serait arrivé sur
une table de concertation?
M. Breton
(Guy) : Vous dites que la
table de concertation ne fonctionne pas, donc il ne faut pas avoir de table
de concertation. Je me permets...
Mme Jean : Ça les prend, les
éléments, pour trouver une solution.
M. Breton
(Guy) : Je pense qu'il est important
d'avoir à la table de concertation les bons acteurs. Je pense qu'on va rapidement se mettre d'accord là-dessus. Nous, on a fait une
proposition. Que le commissaire ou que l'office propose...
ait des participants, on n'a pas de problème
avec ça, ce que l'on dit, c'est que les ordres professionnels et que le monde
de l'éducation postsecondaire
doivent être présents. Si les bons acteurs sont présents, et ça n'exclut pas
l'office là-dedans, c'est
l'endroit, j'en suis convaincu, qui va nous permettre de solutionner les
enjeux, et pas juste en situation de crise. On a une tendance à ne pas voir
les travaux sur une base continue, d'amélioration continue, mais de voir en
réaction à telle situation, à telle
nouvelle, à telle situation comme ça... Je pense qu'il y a moyen de le faire.
De laisser dans les mains d'une seule
personne ce que vous dites, le catalyseur de la réaction chimique, je ne crois
pas que ce soit la bonne façon d'arriver à la bonne solution.
Écoutez, moi,
je suis médecin. J'ai vécu toute ma vie comme médecin dans le milieu
académique. La complexité des dossiers fait qu'en toute humilité je
n'aurais pas pu régler tout seul le dossier dont je vous ai parlé il y a
quelques minutes. Il y a plusieurs acteurs
et il faut être capable d'asseoir tous les acteurs concernant un enjeu si on
veut avoir la bonne solution, qui va
être pérenne et qui va nous permettre d'évoluer et de faire qu'au Québec
on solutionne ces enjeux qui existent.
Mme Jean : Si je fais du pouce là-dessus
ou du chemin par rapport à ce que vous venez de mentionner, ma compréhension — puis, encore
une fois, vous pourrez peut-être
m'expliquer d'autre chose là-dessus — ma
compréhension de la position du
commissaire à l'admission : est un élément complémentaire au pôle de
concertation ou de coordination qui
est proposé, je ne pense pas que l'un va sans l'autre. Est-ce qu'à ce moment-là votre commentaire qui dit, bon : Ça prend une table, la table de concertation... Est-ce que je comprends que
le pôle de coordination serait une forme de table de concertation, à ce moment-là, et que la présence d'un commissaire qui fait le travail
de diligence, de recherche et un peu
un travail que... la personne tout à l'heure disait «alerteur», ne serait pas
intéressant justement dans ce contexte-là, pour pouvoir solutionner,
trouver des solutions concrètes à des problématiques soulevées sur ce pôle-là?
M. Breton (Guy) : Je vais demander à
mon collègue Côté de répondre à cette question.
M. Côté
(René) : C'est parce que
je voudrais revenir sur la question du pôle de concertation qui existe présentement. Il n'y a qu'un représentant des universités qui siège à ce pôle de concertation, les autres,
c'est des représentants des ordres professionnels. Donc, sur les neuf membres, il
y a un représentant des... Alors, ce
qu'on dit, c'est que, présentement, peut-être que ça ne fonctionne pas très bien,
mais c'est parce que les acteurs autour de la table, ils auront
beau parler à la représentante des universités, ça n'amènera pas beaucoup de
changements.
Il y a
un autre forum qui est un forum adéquat pour ce genre de discussion là, c'est
les comités de formation qui existent
en fonction de la loi, et qui permet des représentants de
l'ordre, des représentants des universités, un représentant
du ministère
de l'Enseignement supérieur qui est également... qui fait partie de ces lieux
de concertation, et c'est par là que se fait normalement la
concertation, et qui pourrait, nous semble-t-il, faire des avancées lorsqu'il y
a des problèmes.
Mais, des
problèmes, vous avez... j'ai l'impression, en vous entendant, qu'il y en a
beaucoup. Or, ce qu'on parle dans le
mémoire de nos amis du CIQ, on parle de 45 plaintes depuis 2010. Alors, on
n'est pas devant des hordes de cas problématiques qui sont déposés
devant le commissaire. Et il nous semble que les pouvoirs qui seraient donnés
au commissaire vont au-delà de ce qui est
nécessaire pour régler les problèmes, qui sont, à notre point de vue, pas si
nombreux que cela.
Une voix :
...une question.
Le Président (M. Villeneuve) : Oui.
Mme la députée de Taillon.
Mme
Lamarre : Merci, M. le Président. Bonjour à tous. Simplement pour souligner à la
ministre peut-être et voir...
Il y a quand même des mots qui sont très forts dans le changement législatif
du projet de loi n° 98, en
termes de pouvoir donné à ce commissaire à la pratique... à l'admission,
c'est-à-dire. Alors, je regarde, là, à la page 9 : «Le commissaire peut désigner toute personne pour
effectuer l'enquête», donc on parle vraiment d'un processus d'enquête, on ne parle pas seulement de quelqu'un
qui vient favoriser les échanges, les relations. Il y a vraiment
un esprit d'enquête qui est confié à ce moment-là, une volonté, un rôle d'enquêteur qui est prévu par le commissaire.
C'est un peu à la lumière de cette
lecture-là que vous arrivez à la conclusion de dire que le commissaire
deviendrait un peu un enquêteur, c'est bien ça?
M. Breton (Guy) : Absolument.
Mme
Lamarre : Et donc est-ce que
le problème, il n'est pas plus dans l'équilibre entre les pouvoirs de la table du
conseil intersectoriel et les pouvoirs du commissaire, un commissaire à
l'admission qui... Vraiment, ça, c'est très large, moi, je
pense qu'on a vraiment
un problème avec le terme «commissaire à l'admission», parce que
ça concerne tout le monde, ça concerne tous les diplômés du cégep et des...
de tous les cégeps et de toute l'Université
du Québec. Alors, il y a un problème
certainement dans le choix du terme.
Est-ce que
vous avez pensé à une autre option qui décrirait mieux le rôle que vous
attendez de ce commissaire? Entre le
«commissaire aux plaintes» et le «commissaire
à l'admission», est-ce qu'il n'y aurait pas un terme intermédiaire qui
définirait mieux le rôle que vous voyez au niveau de ce commissaire?
• (16 h 10) •
M. Breton
(Guy) : Bien, écoutez,
je l'ai dit, je me répète, on ne pense pas qu'une approche prescriptive est
bonne, c'est une approche de
concertation. Madame a utilisé un vocable chimique, de dire «le catalyseur», peut-être
que M. le commissaire devrait être le
catalyseur, donc le commissaire à la concertation, celui qui a le mandat de
s'assurer que la table fonctionne
bien, qu'elle est bien représentative et qu'elle répond aux enjeux, comme Mme la ministre a mentionné.
Il y a
des enjeux, on est d'accord. On a quelques dizaines de dossiers. Ce n'est pas parce qu'il y en a peu qu'il ne faut pas les régler. Et je pense que le mandat serait beaucoup
plus utile, beaucoup plus structurant si le commissaire n'était
pas un inquisiteur mais plutôt quelqu'un qui s'assure que cette table va bien
fonctionner, avec un équilibre et un respect
des prérogatives des différentes composantes, et en s'assurant que tous les
acteurs sont présents. Parce que, parfois,
ce n'est pas juste les ordres
professionnels et les universités,
parfois ça inclut le marché du
travail et d'autres organismes.
Le Président (M. Villeneuve) :
Merci.
M. Breton
(Guy) : Donc, je pense
que le commissaire pourrait avoir ce beau devoir, et ce serait plus structurant
et beaucoup mieux reçu de nous. Parce que,
nous, un commissaire à l'admission, là, ça ne nous plaît pas du tout, du tout.
Le Président (M. Villeneuve) : Nous
allons passer au deuxième groupe d'opposition. Alors, M. le député de Borduas,
à vous la parole.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci pour votre contribution. Donc, j'ai bien saisi votre message, que vous souhaitez une
approche de collaboration plutôt qu'une approche où vous allez vous faire
imposer quelqu'un qui va venir jouer dans
vos platebandes universitaires, si je puis dire. Et vous, vous chérissez
l'autonomie. C'est un peu le même argument qui est présenté par les
ordres professionnels, par le Conseil interprofessionnel, une approche de
collaboration.
Au niveau du
pôle ou le comité qui est actuellement en place, qui n'est pas encore dans la
loi, le comité que l'on souhaite formaliser, est-ce que vous trouvez que le
fait de le formaliser dans la loi, ça va amener davantage de résultats?
M. Breton
(Guy) : Bien, qu'on
officialise qu'il y ait un lieu commun où, de façon bien représentée, les
différents acteurs auront à se concerter, je pense que ça, c'est quelque
chose qui est intéressant.
M.
Jolin-Barrette : Mais est-ce
que vous pensez qu'on va réussir par ce comité-là a vraiment faire déboucher
les dossiers? Je comprends qu'on va
travailler ensemble, mais, l'objectif de l'atteinte du résultat, comment on va
y arriver? Parce qu'on vient se doter
d'une structure. Là, vous nous dites : C'est une approche de
collaboration. Mais c'est quoi, la garantie d'arriver à un résultat, de
faire avancer les choses?
M. Breton
(Guy) : Bien, mon collègue a
évoqué aussi les comités dans les ordres professionnels, les comités de
formation. Donc, je pense que c'est la combinaison de ces différents groupes là
qui vont... moi, je n'aime pas ça, rien garantir
dans la vie, hein, je veux dire, mais qui sont les plus susceptibles de faire
que les choses vont fonctionner, là, au niveau du comité central, mais
aussi dans les comités de formation dans les divers ordres.
M. Jolin-Barrette : À la page 8
de votre mémoire, vous dites : Si l'Office des professions du Québec
obtient davantage de pouvoirs, comme ce qui est proposé dans le mémoire, vous
souhaitez obtenir des sièges au niveau du conseil d'administration. Pouvez-vous nous
expliquer cette proposition de passer de sept à 10? C'est pour vous assurer,
dans le fond, que votre point de vue va être entendu?
M. McMahon
(Daniel) : Oui. Bien, en
fait, c'est que si... Dans le projet de loi, vous remarquerez qu'à de nombreux
paragraphes on inclut l'expression «maison
d'enseignement», même si on nous dit que ce n'est pas ce qui est visé, on
retrouve dans de très nombreux paragraphes
l'expression «maison d'enseignement». À partir du moment où on voudrait maintenir cette orientation-là, bien, à ce
moment-là, il serait logique qu'au sein du conseil d'administration de l'Office
des professions, qui aura dorénavant matière
en la matière, si vous me permettez l'expression... il serait logique qu'il y
ait des représentants, à ce
moment-là, des maisons d'enseignement qui siègent également au sein du conseil
d'administration de l'office.
M.
Jolin-Barrette : Donc, c'est
un peu un moindre mal pour vous, première option. Dans le fond, on n'élargit
pas les pouvoirs au niveau du commissaire,
ou, si jamais on les élargit, bien, on souhaite avoir des représentants, on
souhaite avoir... au niveau du conseil d'administration.
M. Breton
(Guy) : Bien, je pense que
c'est deux choses distinctes, là. Je veux dire, le commissaire, c'est une
chose. Nous, on vous a dit que la
façon dont c'est défini, on ne pense pas que ça va solutionner les problèmes.
On vous a proposé quelque chose
d'autre. Puis, qu'il y ait des représentants des maisons d'enseignement, on
pense que c'est une valeur ajoutée qui est intéressante dans le
contexte, dans l'esprit de la loi.
M. Jolin-Barrette : À la page 16 du mémoire, vous abordez deux
sujets. Donc, vous indiquez que le Code des professions ne devrait pas contenir
de dispositions relativement à l'éthique et à la déontologie et qu'on devrait
plutôt laisser une place à la discussion entre les ordres professionnels
et entre les universités. Considérant le rapport de la commission Charbonneau puis les lacunes qu'on a constatées de certains
membres d'ordres professionnels au niveau de l'éthique et de la
déontologie, j'aimerais ça que vous nous expliquiez votre point de vue sur ce
point-là.
M. McMahon
(Daniel) : Si vous me
permettez, je vais répondre à cette question-là. Je pense que ce qui est bien
important, c'est de faire la distinction entre la formation initiale et la
formation continue. En fait, ce qu'on dit dans le mémoire, c'est que, lorsqu'on
forme un futur professionnel, il y a, dans le cursus, de la formation en
éthique et en déontologie. Donc, on n'a pas
besoin de se faire dicter d'inclure ces éléments-là, c'est la base même
maintenant de la pratique. Ce qui est
par contre fondamental, à notre avis, c'est que, lorsqu'on parle de formation
continue, il devrait y avoir des mesures
prises qui forcent les professionnels en exercice à minimalement avoir un
rafraîchissement en matière d'éthique et de déontologie à une certaine
fréquence dans le temps.
M.
Jolin-Barrette : Puis, sur
les conditions supplémentaires déterminées par règlement, un peu plus bas, là,
donc, lorsque les ordres
professionnels modifient les conditions d'admission, vous souhaiteriez qu'il y
ait un processus formel de consultation avec les universités, dans le
fond, que ça soit ensemble que les conditions soient établies.
M. Breton
(Guy) : Bien, ça a un impact
sur nous, hein? Si on veut bien répondre à l'ajustement, il faut être partie
prenante à ce qui est décidé, là. Je pense que ça tombe sous le sens.
M. Jolin-Barrette : Même si,
supposons, les ordres professionnels prennent sur eux de donner la formation
complémentaire?
M. Côté (René) : Ce n'est pas de la formation
complémentaire dont il est question normalement, c'est soit la passation d'examen ou encore des stages. On
souhaiterait que, dans une situation comme celle-là, il y ait une concertation.
Un ordre
professionnel, il y en a
un, récemment encore, qui a évoqué la possibilité de mettre des conditions supplémentaires de passation d'examen. Et le
processus actuel n'oblige personne à consulter les universités
à ce niveau-là. On pense qu'on devrait être consultés en
cette matière.
M.
Jolin-Barrette : Pour le Collège des médecins, dans le projet de loi, on prévoit, dans le fond, la suppression
de certains sièges qui étaient réservés aux universités.
C'est quoi, l'impact, si jamais on supprime ces sièges-là au niveau du Collège des médecins, au
niveau des sièges des quatre facultés de médecine?
M. Breton
(Guy) : Bien, je pense que
vous avez vu la proposition, dans notre mémoire, que nous faisons. Ça fait
170 ans que ça existe, que les
universités qui ont des facultés de médecine sont, sur une base régulière,
participantes à la gestion du Collège
des médecins, tenant compte de la complexité des formations prémédicales,
résidences, fellowships, et, à ce que
je sache, cela a bien fonctionné. Nous proposons une position de compromis où
on dit : On passe de quatre à deux, qui sont désignés par les
universités pour s'assurer de cet arrimage.
Et je pense
qu'un mot que vous devriez... que vous pourriez retenir de notre présentation,
c'est «concertation», qu'on travaille ensemble. Puis ce n'est pas
d'opposer les gens les uns avec les autres, mais de les faire travailler ensemble. Donc, dans ce sens-là, notre
proposition, c'est de passer de quatre à deux, mais de s'assurer que les
facultés de médecine et les
universités dotées de facultés de médecine sont encore très près de ce qui se
passe au niveau du Collège des médecins.
Le Président (M. Villeneuve) :
M. Breton, M. McMahon, M. Côté, M. Bédard, représentants,
donc, du Bureau de coopération interuniversitaire, merci de votre
participation aux travaux de la commission.
Et,
à ce moment-ci, j'inviterais les représentants de l'Ordre des chimistes du
Québec à bien vouloir prendre place, et on va suspendre quelques
instants.
(Suspension de la séance à
16 h 19)
(Reprise à 16 h 21)
Le
Président (M. Villeneuve) :
Alors, s'il vous plaît, si
vous voulez bien prendre place, les
gens dans la salle. Mmes, MM. les parlementaires, nous avons pris quelques minutes de retard. Je vous propose la même
solution que nous avons appliquée cet
avant-midi. Est-ce
que ça vous convient? Ça va? Mme la députée de Chicoutimi, ça va? On a pris quelques minutes de retard et on prendrait la même solution que ce
matin, retrancher trois minutes pour vos échanges, et pour le prochain
groupe aussi.
Alors,
je veux saluer, donc, l'Ordre des chimistes du Québec. Vous avez
10 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire, et je vous
demanderais de vous présenter et de présenter vos collègues, s'il vous plaît.
Ordre des chimistes du Québec
M. Collin (Guy) :
Bonjour à tous. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je
m'appelle Guy Collin et je suis président de
l'Ordre des chimistes du Québec. Je suis accompagné de M. Martial Boivin, qui est
le président-directeur général, à ma droite, ainsi que de Me Alexandre Racine,
qui est avocat et qui nous conseille, bien
sûr, dans les affaires juridiques.
Merci
de nous accueillir ici, au parlement du Québec. C'est un honneur pour
nous d'être assis à cette table, dans un milieu hautement symbolique.
L'Ordre
des chimistes du Québec fait partie des corporations professionnelles
encadrées par la loi. Nous regroupons plus
de 3 000 chimistes répartis
dans toutes les régions du Québec. La majorité oeuvrent dans les domaines de la santé, de l'environnement,
dans le monde judiciaire, alimentaire ou en recherche fondamentale et
appliquée.
Notre fonction, évidemment, est d'assurer la
protection du public québécois en
matière d'exercice de la chimie. La
pertinence de l'encadrement rigoureux de la profession de chimiste est évidente
dès qu'on prend conscience de son existence. Quels que soient les
matériaux, les médicaments ou les aliments, il est essentiel de pouvoir
identifier avec exactitude la nature des
molécules que l'on manipule, leur dosage ou leurs réactions prévisibles. La
protection du public en matière de
chimie est donc une tâche d'envergure, considérant l'omniprésence de cette
science dans nos vies. Dans ce sens, la présence d'un ordre
professionnel pour encadrer notre travail est tout à fait justifiée.
La présente
commission parlementaire se déroule sur un fond de crise de l'image du système
professionnel. L'objectif du projet de loi
n° 98 est de renouveler l'encadrement du système par rapport à la
gouvernance, à la formation et à l'admission aux ordres professionnels.
D'emblée, l'Ordre des chimistes croit que les modifications législatives proposées par le projet de loi sont pertinentes
dans le contexte actuel des choses. Nous nous plaçons donc en appui à la
majorité des dispositions du projet de loi.
À
propos des éléments du projet de loi qui concernent la gouvernance, vous pouvez
constater que nous sommes tous les
deux à cette table, le président-directeur général et le président du conseil.
L'Ordre des chimistes a déjà adopté un fonctionnement
dans lequel le directeur général occupe un rôle clé complémentaire à celui du
président. Nous fonctionnons ainsi
depuis l'an 2000 et nous considérons cela comme étant une bonne pratique de
gouvernance. À nos yeux, notre ordre est
une démonstration concrète de la pertinence des modifications inscrites dans le
projet de loi n° 98. Inscrire cela dans le Code des professions
est, à notre avis, un pas dans la bonne direction.
Au
même titre, nous considérons que les formations obligatoires en éthique, en
déontologie et en gouvernance, telles
qu'elles sont prévues par le projet de loi, sont pertinentes. La formation en
éthique existe déjà dans la majorité des programmes de formation universitaire du Québec en chimie. Quant à
l'idée de renforcer les pouvoirs de l'office et des syndics en matière
d'éthique et de déontologie, nous n'avons aucune objection non plus.
De
la même manière, les éléments en lien avec la reconnaissance des compétences
professionnelles des nouveaux arrivants ne posent pas de difficultés
particulières pour notre ordre. Disons simplement que la chimie des éléments
est la même peu importe qu'elle soit en Asie, en Amérique latine ou en Amérique
du Nord. L'Ordre des chimistes souhaite donc
exprimer son accord avec les dispositions du projet de loi instituant le
commissaire à l'admission et aux professions. Selon nous, cela pourra
favoriser une meilleure pratique professionnelle, au bénéfice du public.
Le
seul bémol que nous avons à apporter au projet de loi concerne la pertinence
d'inclure le Pôle de coordination pour
l'accès à la formation dans le Code des professions. Là-dessus, sans y être
formellement opposés, nous demandons simplement
à être convaincus de sa nécessité. Cela résume bien, je crois, les positions de
l'ordre par rapport aux éléments du projet de loi n° 98.
Je
souhaite maintenant, à titre de président de l'Ordre des chimistes du Québec,
vous parler de l'enjeu qui nous concerne de façon plus immédiate, et, si
vous me permettez, je vais vous parler des vraies affaires. Le rôle d'un ordre professionnel est d'assurer la protection du
public. Vous allez l'entendre très souvent au cours des prochaines semaines,
cela ne fait aucun doute. S'il est vrai que, pour bien des ordres
professionnels, la réforme en matière d'éthique et de gouvernance aidera à protéger contre des abus potentiels, dans le cas de
la chimie, c'est la précision du champ de pratique qui pourra augmenter
la protection du public.
Dans
les dernières années, nous avons eu quelques exemples majeurs de l'importance
de la protection du public dans notre domaine. Je parle ici de la crise
de la légionellose, à Québec, qui a causé 13 morts et près de 200 cas
de contamination en 2012. Cette crise a mené
à l'adoption de nouvelles normes en matière de bâtiments. Je parle de
l'explosion de l'usine Neptune
Technologies, à Sherbrooke, qui a fait trois morts et 19 blessés en 2013.
Dans ces deux cas particuliers, les processus chimiques étaient en
cause.
La pertinence du chimiste professionnel ne
s'arrête pas à des manipulations complexes ou aux applications industrielles. La chimie est partout. Pensez à la
qualité de l'air, celle que l'on respire ici même, par exemple, à la qualité
de l'eau que vous avez dans votre verre
devant vous. Savez-vous si un chimiste a collaboré aux vérifications diligentes
et nécessaires? L'apport d'un chimiste pour la sécurité et la santé du public
est tout simplement inestimable.
Imaginez
maintenant l'impact de la chimie dans le milieu agroalimentaire. Il est
inconcevable de penser qu'on puisse
mettre des produits qui n'ont pas été contrôlés comme il se doit sur les
étagères des épiceries et dans le garde-manger des citoyens. Pourtant, dans ce cas spécifique, l'application de la Loi
sur les chimistes professionnels est remise en cause... est remise en question. Nous y voyons là la
démonstration que l'encadrement de notre expertise est actuellement incomplet.
Présentement,
l'Ordre des chimistes du Québec regroupe 3 000 membres, mais, selon les
données de Statistique Canada, c'est
près de 5 000 personnes qui affirment travailler en tant que
chimistes au Québec. C'est donc dire qu'une personne sur trois pratique la chimie professionnelle dans la province,
elle le fait illégalement ou sans contrôle adéquat. Objectivement, c'est une situation inadmissible
pour notre ordre professionnel. L'objectif de protection du public devient
ingérable, puisque l'ordre n'a pas les
capacités légales d'englober l'ensemble des activités chimiques. Le
gouvernement doit agir avant que d'autres situations... ou le mauvais
contrôle d'opérations chimiques mène à des drames.
Nous vous
appelons donc, M. le Président, Mme la ministre, et Mmes et MM. les députés, à
amorcer dès maintenant la réflexion
sur la modernisation de notre champ de pratique. Cela dit, deux gouvernements
précédents ont proposé la révision de
l'encadrement de notre profession sans adoption de projet de loi. Comme le
projet de loi n° 98 le fait avec l'encadrement
des ordres des notaires, nous proposons que des améliorations de la Loi sur les
chimistes professionnels soient
directement incluses dans le présent projet de loi. La science et la pratique
de la chimie avancent à pas de géant chaque
année. Pourtant, notre loi constitutive, elle, elle date de 1964. Nous croyons
donc que la mise à jour de notre loi constitutive
serait hautement souhaitable, dans l'intérêt du public. Nous vous offrons toute
notre collaboration pour y arriver dans le cadre de ce projet de loi.
• (16 h 30) •
Pour
terminer, je souhaite porter à votre attention les recommandations qui sont
inscrites dans notre mémoire : adopter les dispositions du projet
de loi n° 98 portant sur la composition et la désignation des membres du
conseil d'administration de l'Office des
professions et des ordres professionnels; adopter les dispositions portant sur
la définition des rôles du conseil
d'administration, du président, du secrétaire et du directeur général d'un
ordre professionnel selon les principes reconnus d'une saine gouvernance
d'organisation; adopter les dispositions prévoyant la création d'un commissaire à l'admission aux professions afin de
faciliter la reconnaissance des compétences des professionnels étrangers;
rendre obligatoire pour tous les
professionnels de suivre une formation générale en éthique et en déontologie
offerte par leur ordre; rendre
obligatoire pour tous les administrateurs d'un ordre professionnel de suivre
une formation en gouvernance et
éthique dans le contexte d'un conseil d'administration; renforcer les pouvoirs
de l'Office des professions du Québec, notamment
en lui accordant des pouvoirs accrus en matière d'enquête et de vérification
indépendantes et en lui permettant de déterminer les normes minimales
d'éthique et de déontologie que devront respecter les administrateurs d'un
ordre professionnel; renforcer les pouvoirs
du syndic de requérir une limitation ou une suspension de droit de pratique;
moderniser la définition du champ de
pratique réservée des chimistes professionnels par l'adoption immédiate de
dispositions inspirées du défunt
projet de loi n° 49 de 2013; permettre la réalisation de tests chimiques
restreints par des non-professionnels, à la condition stricte que seul un chimiste ou un autre professionnel
qualifié réalise l'analyse des résultats et leur interprétation; maintenir dans le secteur agroalimentaire toutes
les activités actuellement réservées aux chimistes professionnels, afin
de protéger la santé publique.
Enfin, comme
l'a dit ce matin Mme la ministre, si je me souviens bien, à propos de
l'objectif ultime de ce projet de
loi, qui est la protection du public, nos recommandations vont dans ce sens, et
nous collaborerons très volontiers aux travaux
qui vont se poursuivre dans le cadre de ce projet. Je vous remercie de votre
attention. Et nous sommes prêts, bien sûr, à répondre à vos questions.
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci, M. Boivin, pour votre
présentation. Et, oui, nous allons débuter la période d'échange et nous
commençons avec la partie gouvernementale. Mme la ministre, à vous la parole.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, M. Collin, M. Boivin, M. Racine, merci.
Merci de votre présence en commission parlementaire.
Avant
d'aborder le projet de loi comme tel, je pense qu'il me revient de prendre le
taureau par les cornes quant à la
proposition d'amendement que vous nous présentez. Je suis très consciente de
vos attentes quant à la modernisation du
champ de pratique. C'est un chantier qui avance, parce que vous n'êtes pas sans
savoir que l'office, suite au dépôt du projet
de loi n° 49, qui avait suscité quand même plusieurs réactions, a amorcé
un chantier pour assurer qu'on puisse quand même aller de l'avant, et ça
sera abordé de façon distincte.
Il y a plusieurs modifications dans certains
ordres professionnels qui sont attendues. J'aimerais bien pouvoir tout faire en
même temps. Mais, à un certain moment donné, on ne peut pas avoir des projets
de loi qui ont 4 000, 5 000,
6 000 articles et tout mélanger, on va y aller... on va aborder les
dossiers par thèmes, puis on va continuer d'avancer de cette façon-là.
Mais sachez que... puis, en fait, vous le savez, mais je pense qu'il est
important de mentionner aux membres de la commission et
aux gens qui nous écoutent aujourd'hui que le travail est en marche et que nous
avons l'intention d'aller de l'avant.
Maintenant,
je comprends que vous saisissez la balle au bond en faisant le parallèle et en
saisissant la modification qui est apportée au projet de loi... qui est
présentée au projet de loi, de permettre de reconnaître la signature
électronique pour les notaires. Mais, on s'entend, on ne vient pas ici
modifier un champ de pratique, on ne vient pas toucher à des compétences exclusives, on vient tout simplement
apporter une petite modification qui est très ponctuelle. Alors, il n'est
pas question, à travers le projet de loi
n° 98, là, de venir jouer sur-le-champ de pratique, par exemple, ou des
compétences exclusives des notaires.
Alors, il
faut quand même faire attention, parce que les demandes qui sont formulées par
votre ordre sont quand même des
demandes qui vont susciter probablement des réactions, et, dans ce contexte-là,
ça prendra des consultations mais
particulières. Mais soyez assurés qu'il s'agit de l'un des nombreux chantiers
qui nous animent et pour lesquels nous entendons
progresser et aller de l'avant. Puis on a eu la chance de se croiser et d'en
discuter lors d'événements, alors je tenais à vous le réitérer publiquement.
Maintenant,
pour ce qui est du projet de loi, je suis curieuse de vous entendre, parce que
certains groupes qui se sont
présentés devant nous aujourd'hui nous ont dit : Attention, il est
important, au niveau de la gouvernance des ordres, de la composition du conseil d'administration, de
la scission entre le rôle de la présidence et de la direction générale, de
faire une distinction entre les gros ordres
et les ordres de plus petite taille. Vous ne pouvez pas faire du sur-mesure,
vous ne pouvez pas appliquer... et vous devez avoir une approche
distincte.
Je constate
que vous avez quand même un ordre qui est composé de quelque
3 000 membres, vous avez neuf
administrateurs, sept élus, deux nommés. Le projet de loi viendra changer un
petit peu la donne. Qu'est-ce que ça apporterait
chez vous? Est-ce que ça pose une problématique quelconque ou, pour vous, tout
est quand même... pourra se faire de façon correcte, sans poser de
problématique particulière?
M. Collin
(Guy) : Comme je l'ai dit dans
mon allocution, si vous me le permettez, nous avons institué un système de gestion qui suit, disons, les règles de bonne
gouvernance depuis l'an 2000. Donc, nous sommes habitués à fonctionner
dans ce système-là. Le rôle du
président-directeur général est bien défini. Nous avons les politiques de
gouvernance à cet effet. Le rôle du conseil d'administration également
est bien défini, c'est lui qui s'occupe des enjeux. La direction générale s'occupe de l'opérationnalisation des
commandes, je dirais, du conseil d'administration. Donc, le fait d'ajouter,
d'enrichir le conseil d'administration de deux ou trois personnes, a priori,
cela ne pose pas de problème. Je rappelle qu'il
y a déjà quelques années nous étions 15 ou 16 autour de la table du conseil
d'administration et que le fait de réduire nous a permis effectivement d'être beaucoup plus efficaces. Mais le fait
de passer de neuf à 12, je ne pense pas que ça pose là de problème
majeur, en tout cas on n'anticipe pas de tels problèmes.
Mme Vallée : Lorsque vous
avez fait vos modifications dans votre propre gouvernance, qu'est-ce que ça a apporté comme changements? Quels ont été les défis
auxquels vous avez été confronté? J'aimerais vous entendre sur votre
expérience, parce que vous avez quand même été, justement, très proactifs dans
cette voie-là.
M. Collin
(Guy) : Si vous permettez, je
vais demander à mon directeur général de répondre, parce que je n'étais pas là à ce moment-là. Ce que je peux vous dire,
moi, c'est : Depuis que je suis au conseil d'administration de l'ordre,
tout... j'allais dire «tout baigne dans
l'huile», peut-être pas, là, mais quand même ça fonctionne bien. Voulez-vous
ajouter quelques éléments?
M. Boivin(Martial) : Tout simplement pour mentionner qu'on est passés d'un
mode traditionnel, appelons-le ainsi, à un modèle de gouvernance. Donc, c'est
un système de gouvernance, donc c'est un ensemble d'éléments. Il y a des principes,
il y a des prémisses, il y a un système à mettre en place, dont l'une qui
est...
Bien sûr, il
y avait des incertitudes, parce qu'on ne peut pas tout inscrire. Par exemple,
dans le Code des professions, on
mentionne des changements, mais on ne peut pas aller dans le détail. Par
contre, la manière de l'adresser, c'est en vertu de la politique dans laquelle l'administrateur fait part de ses
préoccupations, et la politique est écrite en conséquence de cela. Donc, ce serait pour encadrer son propre
fonctionnement de conseil, ou encadrer le fonctionnement du P.D.G., ou encadrer le fonctionnement des comités. Là-dedans,
c'est l'unique façon d'assumer ou d'assurer, si on veut, une cohérence
dans le temps, c'est le développement de politiques qui nous permet de statuer
sur qui fait quoi, quand et comment.
Et bien sûr,
rattaché à ça, c'est de la formation continue. Je veux dire, on ne peut pas
faire ça... Exemple, on l'a fait en 2000, mais, à chaque année, on
répète la formation auprès des administrateurs, ne serait-ce que ceux qui sont
présents pour réitérer les principes ou les nouveaux qui s'adjoignent à l'ordre
au fil du temps, et c'est notre façon de maintenir la pérennité et la cohérence
par rapport aux fonctions du conseil et aux fonctions de la direction.
Mme Vallée :
Le CIQ nous a proposé ce matin que les ministres porteurs de dossiers
sectoriels qui sont liés aux champs
de pratique des professions réglementées s'impliquent davantage dans
l'amélioration de l'intégration professionnelle des personnes
immigrantes. Qu'est-ce que vous pensez de cette recommandation et qui serait,
par exemple, pour les chimistes, les ministres porteurs?
• (16 h 40) •
M. Collin
(Guy) : J'avoue que notre
expérience nous conduit à l'observation suivante. Comme je vous ai dit dans
mon allocution, dans la chimie, qu'elle soit
enseignée en Chine, en Amérique latine ou ici, c'est la même. Par conséquent,
en termes de problématique d'acceptation de nouveaux arrivants, qu'ils
viennent du Québec dans des programmes non présents sur la liste ministérielle ou qu'ils
proviennent de l'extérieur du Québec, en règle générale, on n'éprouve aucune
difficulté à trouver les moyens... à trouver
les correspondances qui permettent effectivement de reconnaître les formations
préalables ou encore la formation
expérientielle pour pouvoir admettre ces gens à l'intérieur de l'ordre. En
conséquence, on a très peu de refus.
Je dois
préciser que, même si nous sommes un petit ordre, là, il y a
certaines années où nous avions 30 %,
50 % de nouveaux membres qui
provenaient de l'immigration. Ce n'est quand même pas négligeable. Et, en règle
générale, on a eu très peu, très peu
de plaintes. Quelquefois, des éléments se présentaient à la mauvaise porte.
C'était plutôt la mauvaise orientation. Mais, en règle générale, la
plupart, la grande majorité des arrivants sont intégrés.
Donc, la
problématique, la question que vous posez, là, j'aurais de la difficulté à y
répondre, pour la bonne raison qu'on n'a jamais eu de problème majeur.
Mme Vallée :
Puis je crois aussi que vous intervenez dans un vaste champ d'intervention.
Alors, c'est pour ça... En fait,
c'est pour ça que je vous posais la question, parce que vous êtes appelés à
intervenir dans le dossier de la santé, dans le secteur de l'environnement, dans le secteur, même, judiciaire,
alors j'étais curieuse, suite à cette recommandation, de voir votre
perception de qui pourrait être le ministre porteur de l'Ordre des chimistes.
M. Collin
(Guy) : Si M. le président me
donnait 10 minutes, je pourrais peut-être vous expliquer les détails,
mais, très rapidement, on a dû
évoluer au cours des dernières années, en particulier dans le cadre de la
mobilité des professionnels, les
ententes avec la France et la mobilité interprovinciale. Nous avions, jusqu'à
il y a cinq ans à peu près, des normes très sévères ou très rigoureuses d'acceptation des nouveaux membres, en termes
définis. Puis je ne veux pas vous abreuver de termes techniques, là, mais c'était tellement défini d'une façon
archaïque qu'on avait des problèmes et qu'on a dû s'adapter pour pouvoir admettre des étudiants qui nous
venaient, en particulier, de la France ou des autres provinces canadiennes,
ce qui fait qu'on a changé nos critères
d'acceptation, je dirais, au membership de l'ordre, sans diminuer pour autant
les chances de qualité. Donc, on a
modifié nos critères et, ce faisant, nous avons un modèle qui nous permet,
effectivement, de répondre très rapidement.
Quels
seraient le ministère ou les ministères qui seraient concernés, j'aurais bien
de la difficulté à vous répondre tant
la diversité de nos interventions, enfin, des interventions de nos membres est
grande dans le champ de la pratique de la chimie au Québec.
Mme Vallée :
Vous avez abordé... Vous venez d'aborder un enjeu qui soulève ma curiosité.
Vous avez dit : De façon unilatérale, en fait, nous avons apporté des
modifications à certaines règles de régie interne pour venir répondre à des problématiques. Est-ce que vous agissiez suite
à des recommandations qui vous avaient été faites? Qu'est-ce qui vous a
amenés initialement à apporter ces modifications-là?
M. Collin (Guy) : Vous parlez dans
le cadre des ARM?
Mme Vallée : Oui.
M. Collin
(Guy) : Bien, nous avions la
commande très précise de la part du gouvernement de faire en sorte de favoriser la mobilité des professionnels. Donc, on
a dû, effectivement, adapter nos éléments d'étude des dossiers pour
pouvoir, effectivement, rencontrer les exigences gouvernementales en cette
matière. Mais, rassurez-vous, on le fait à l'intérieur des règlements et des
lois qui nous gouvernent.
Mme Vallée :
Vous vous questionnez sur, un petit peu, le rôle du pôle ou
l'institutionnalisation du rôle du pôle. En fait, l'objectif de le faire, c'est vraiment d'arriver avec un...
Bien, d'une part, c'est qu'on souhaite avoir un plan global, là, d'intégration et d'optimisation de la mobilité de
la main-d'oeuvre puis de l'intégration professionnelle, et aussi un meilleur
accès aux différentes mesures qui sont
prescrites par les ordres, les mesures compensatoires. Et l'objectif du pôle,
c'est vraiment... Et la raison pour laquelle on l'incarne à l'intérieur, on
l'institutionnalise, c'est d'officialiser ce rôle, qui est de dresser un état de situation, de soulever aussi,
d'identifier certaines problématiques. Peut-être que ça vous interpelle moins,
mais on a vu dans certains domaines qu'il y
avait quand même des enjeux. Et le pôle va aussi venir, bien, souligner les
problématiques notamment qui sont liées à la
formation des stages. Et il y aura aussi un travail à faire avec les comités
de formation.
Donc, comment, par exemple, votre comité de
formation pourrait inclure celui du pôle? Est-ce que vous croyez que
vous pourriez... votre comité de formation pourrait être mis à contribution?
M. Collin
(Guy) : Ça, c'est une bonne
question. J'aurais de la difficulté à lire la boule de cristal, que je n'ai
pas, là. L'expérience qu'on a eue
avec le comité de la formation a été bénéfique. Par exemple, il y a quelques
années déjà, suite à une enquête qui avait été réalisée parmi les
chimistes en activité, parmi les étudiants en dernière année de formation universitaire, on a demandé aux universités
d'inclure déjà... aux alentours des années 2008, d'inclure les cours en
éthique et en déontologie. Donc, ça
s'est fait naturellement à l'intérieur de comités de formation, et après les
universités ont pris le relais... comme je vous l'ai mentionné, la
majorité des programmes universitaires.
Donc, il y a un fonctionnement qui est tout à
fait, je dirais, une bonne complicité ou, en tout cas, une bonne concertation entre les membres du comité de la
formation et leurs membres, et les universités évidemment, par conséquence.
Est-ce qu'un commissaire ayant des pouvoirs
accrus... je ne saurais pas vous le dire.
Le Président (M.
Villeneuve) : Merci. Merci beaucoup. On passerait du côté de
l'opposition officielle, et je reconnais la députée de Chicoutimi.
Mme Jean : Bonjour.
Le Président (M. Villeneuve) : Mme
la députée de Taillon?
Une voix : Après.
Le Président (M. Villeneuve) :
Après. Alors, à vous la parole, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jean :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. M. Collin, M. Boivin, M. Racine,
bienvenue. Merci pour le travail que vous avez fait et la présentation
que vous venez de faire aussi.
Je vous poserais une question. Je comprends que,
pour vous, l'équivalence et la formation nécessaire aux nouveaux arrivants n'est pas une problématique majeure, parce que, comme
vous dites, la chimie est pareille partout, donc l'apprentissage doit se
ressembler un peu partout. On se retrouve aujourd'hui avec un projet de loi qui
propose quand même deux éléments qui portent
sur cet enjeu-là : d'abord, le commissaire, qui s'appellerait maintenant
le commissaire à l'admission, avec
lequel... vous semblez être d'accord avec l'idée qu'il y ait des pouvoirs plus
vastes et changement de nom,
changement de vocation; et un deuxième élément qui est le pôle de coordination.
Ma perception à moi était que ces
deux éléments-là sont un peu complémentaires dans l'optique de la problématique
de la reconnaissance des équivalences. Vous
ne semblez pas d'accord avec le pôle de coordination, mais vous semblez
d'accord avec le commissaire. Est-ce que vous pouvez m'expliquer un peu quelle différence vous voyez entre les
deux ou si vous ne voyez pas de complémentarité, et pourquoi vous êtes
contre... vous n'êtes pas d'accord ou vous avez des réserves vis-à-vis le pôle
de coordination?
M. Collin
(Guy) : Bien, comme je l'ai
mentionné déjà au moins une fois, là, l'expérience vécue à l'intérieur de
l'ordre ne nous montre pas qu'on ait des problématiques particulières à ce
niveau-là. Donc, qu'est-ce que vont apporter les propositions qui sont dans le projet de loi n° 98, j'aurais de
la difficulté à bien les envisager. Donc, j'ai de la difficulté,
autrement dit, à trouver une réponse convenable.
Mme Jean : D'accord.
Le Président (M. Villeneuve) : Mme
la députée de Taillon, à vous la parole.
Mme Lamarre : Merci, M. le Président.
Alors, bonjour, M. Collin, bonjour, M. Boivin, Me Racine, bonjour.
Moi, ce que
je vois... Tantôt, j'avais des représentants d'un autre ordre qui me disaient que, l'obligation
de suivre une formation générale en
éthique et déontologie, eux, ils voyaient plus ou moins la pertinence de ça. On
pourrait penser qu'en chimie il n'y a
pas un lien immédiat avec la profession... avec le public, mais vous considérez
quand même... Dans vos
recommandations, vous dites qu'on doit rendre obligatoire pour
tous les professionnels de suivre une formation générale en éthique et
déontologie.
Donc, dans
quel contexte vous voyez que ça pourrait se faire? Est-ce que, par exemple, les formations qui sont offertes
par l'office de façon régulière, là, avec les formations de deux jours à tous
les deux ans, ça suffit — il y a souvent des cours d'éthique
et de déontologie à l'intérieur de ces formations-là — ou si c'est une formation vraiment au niveau
du curriculum universitaire?
• (16 h 50) •
M. Collin
(Guy) : Bien, je pense qu'il faut
prêcher par l'exemple et puis je pense que c'est sain, en 2016, je pense,
de prévoir que les professionnels, qui sont
des gens importants dans l'avenir, dans le développement de la société québécoise... Je pense qu'il est important que ces
gens-là aient des notions minimums en tout cas en éthique et en déontologie.
Ceci étant
dit, il existe, effectivement... Le fait de ne pas avoir cette formation-là
mène certains membres, éventuellement...
peut mener certains membres à hésiter sur les décisions à prendre. Je pense
que, dans la mesure où ils auront un
schème de référence qui leur permettra de mieux apprécier les actes qu'ils
posent ou qu'ils vont poser, je pense, c'est de nature à améliorer la
protection du public.
Mme
Lamarre : Je le crois aussi, mais je suis contente de vous l'entendre,
parce que... de vous l'entendre dire. Je
pense qu'effectivement, l'éthique et la déontologie dans nos ordres... Dans nos
codes de déontologie, maintenant, on a
«honneur» et «dignité». Ce sont des mots qui ont un petit peu perdu de leur
sens, et je pense que, si on veut les actualiser, c'est vraiment «éthique», «déontologie» et
«gouvernance» également, là, qui est souvent retracé. Donc, qu'un ordre comme
l'Ordre des chimistes témoigne de cette
pertinence-là, moi, je trouve que c'est un message qui est fort et qui nous
convainc que tous les ordres... en fait, toutes les disciplines, les
disciplines professionnelles et même, dans certains cas, non professionnelles,
doivent avoir des cours d'éthique et de déontologie.
La septième recommandation, vous dites :
«Renforcer les pouvoirs du syndic, notamment en lui accordant le pouvoir, dans certaines situations mettant en cause
l'intégrité d'un professionnel, de requérir une limitation ou une suspension de son droit de pratique.» C'est ce qui
est dans le projet de loi n° 98, mais on a eu d'autres groupes... dont le
Protecteur du citoyen, qui va beaucoup plus
loin et qui recommande, par exemple, qu'il y ait la possibilité d'avoir un
partage d'information entre les
syndics de différents ordres. Et on le sait, par exemple, les chimistes
travaillent dans des laboratoires, laboratoires qui peuvent servir à la synthèse ou à
la fabrication d'un médicament, par exemple. Donc, les collaborations
entre syndics de l'Ordre des chimistes et de l'Ordre des pharmaciens, ou du
Collège des médecins, ou de l'Ordre des infirmières, est-ce que vous voyez ça
d'un bon oeil?
M. Collin (Guy) : Relativement à la dernière question, oui, nous sommes tout à fait
ouverts à ce qu'effectivement il y ait une bonne collaboration entre les
syndics. Pour les remarques précédentes que vous venez de faire, si vous me
permettez, je vais demander à mon conseiller juridique de vous répondre plus
précisément.
Le Président (M.
Villeneuve) : Alors, M. Racine, à vous la parole.
M.
L. Racine (Alexandre) : En fait, comme vous le précisiez, le nerf de
la guerre, c'est l'information, là. C'est clair que le partage de l'information entre les syndics d'ordres
professionnels est primordial pour assurer la protection du public et puis c'est certainement quelque chose
qui devrait être confirmé dans la loi. Ça ne sera jamais assez clair par rapport à ça. Sur le terrain, il nous est arrivé
de voir des problématiques où des personnes qui sont impliquées dans des
litiges littéralement se retrouvent à essayer de, justement, bloquer des
enquêtes, justement, en lien avec le partage des informations. Et puis ça va de soi que... Je vois difficilement comment
on pourrait s'opposer à ça, en fait. Et le système d'ordre professionnel ne doit pas être des silos
séparés. Ça doit fonctionner globalement, et puis je crois que c'est quelque
chose qui devrait être encouragé.
Mme
Lamarre : La protection du public, ça implique toute une série de
processus et de professionnels qui sont impliqués.
M.
L. Racine (Alexandre) : Si je peux me permettre de conclure. Si, par
exemple, une demande est faite à l'Ordre des chimistes et puis que ça ne concerne pas nécessairement juste
l'Ordre des chimistes, bien, ça va de soit que le partage à un ordre
connexe peut faire quand même toute une différence, là, pour assurer la
protection du public.
Mme Lamarre :
Merci. Une autre proposition qui a été faite...
Une voix :
Vous me permettez...
Mme
Lamarre : ...vous pouvez peut-être combiner la réponse, mais c'est de
conférer une forme d'immunité... que
le syndic ait le pouvoir de conférer une certaine immunité à des lanceurs
d'alerte. J'imagine que, vos membres qui travaillent, par exemple, dans une industrie, avant de dénoncer une
approche qui ne serait pas conforme, ça peut poser un problème. Est-ce que ce genre d'immunité qui...
en fait, de pouvoir qui serait confié au syndic, de pouvoir conférer une
immunité à des lanceurs d'alerte, est-ce que c'est quelque chose qui pourrait
être pertinent aussi?
M. Collin (Guy) :
Je vais demander à mon...
Le Président (M.
Villeneuve) : M. Collin.
M. Collin (Guy) : Oui.
Je peux demander à mon directeur général de répondre?
Le Président (M.
Villeneuve) : Oui, bien sûr.
M.
Boivin (Martial) : Je parlais récemment... J'ai un cas en tête, qui me
vient suite à votre question. Souvent, le problème que ces gens-là ont une fois
qu'ils savent qu'ils pourraient être protégés dans ce cas-là, c'est surtout,
l'autre élément : Je vais perdre
mon emploi. Parce que cette protection-là n'existe pas. Puis je parlais à un
collègue là-dessus, puis il avait beaucoup de cas à me présenter, mais
rien à me donner de concret, parce qu'il dit : Si je le fais, même si je
suis protégé dans ce processus-là, je sais qu'il faut que je me cherche un
emploi après. Souvent, c'est la difficulté. Il
y a des gens qui ont travaillé fort pour atteindre ce niveau-là, puis ils sont
interpellés, là, dans ce déséquilibre-là, en disant : Oui, je vais être protégé par mon ordre, mais je
ne le serai pas au niveau des normes du travail, parce que c'est la fin de
mon emploi. Et, à moins de garder, je
dirais, la confidentialité de tout ça... Puis on sait que tout vient à sortir,
ça semble être un côté de la médaille que ça n'est pas pris en compte
dans l'équation, selon les personnes concernées.
Le Président (M.
Villeneuve) : En 20 secondes, Mme la députée de Taillon.
Mme
Lamarre : On revient peut-être à nos cours d'éthique et de
déontologie, parce qu'effectivement ça prend beaucoup de courage, mais je pense que, quand on est un professionnel,
l'enjeu de la protection du public doit trouver... Et il faudrait peut-être voir à protéger ces
gens-là. Je sais que, dans d'autres projets de loi où on a travaillé... Par
exemple, au niveau de la Régie de l'assurance maladie du Québec, on a
également prévu des alinéas où il y aurait aussi une protection pour les
lanceurs d'alerte, c'est-à-dire une garantie que leur emploi ne sera pas
compromis après cette...
Le Président (M. Villeneuve) : Ça va
être... malheureusement le temps que nous avons. Merci beaucoup, Mme la députée de Taillon. Et nous allons passer
au deuxième groupe d'opposition. Alors, la parole est à M. le député de
Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. M. Collin, M. Boivin, Me Racine, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée
nationale.
Pour
continuer sur ce que vous disiez relativement aux normes du travail, quelqu'un
qui serait protégé, qui serait un lanceur d'alerte, qui serait protégé
par le syndic de l'ordre professionnel, vous dites qu'il pourrait éprouver des problématiques au niveau de la perte de son
emploi. Pouvez-vous spécifier votre pensée, parce que vous dites qu'il ne
serait pas protégé au niveau des normes?
M. Boivin
(Martial) : À date, les constats qu'on a, par les éléments qui nous
ont été rapportés, c'est que ceux qui ont
fait leur travail déontologique, habituellement ils se retrouvent sur le marché
de l'emploi quelque temps après. C'est la situation qu'on nous rapporte, d'où l'importance, je pense, de refaire
la formation en éthique et déontologie même aux personnes en pratique depuis plusieurs années. Parce que c'est déjà
présent dans la déontologie de déclarer ces situations-là. Par contre, au fil du temps, les gens... on dirait
que la poussière s'accumule sur ces éléments-là, puis le niveau de risque
associé à la perte d'emploi devient supérieur à son obligation professionnelle.
Donc, c'est important de réitérer ces informations-là
par, disons, la formation périodique qui montrerait l'importance... Mais en
même temps il faudrait être capable
d'offrir quelque chose en contrepartie, on y pense au niveau du syndic. Mais
ces gens-là ont un emploi aussi, puis il y a des réactions reliées à ça.
C'est réel.
M. Jolin-Barrette : Mais par ailleurs, théoriquement peut-être,
puisqu'on est en commission parlementaire, les gens qui seraient congédiés pour le fait qu'ils auraient dénoncé une
situation, s'il n'y a pas de faute lourde de leur part, théoriquement,
ils sont protégés puis ils peuvent faire appel aux normes du travail.
M. Boivin
(Martial) : Oui, il faut qu'ils fassent appel aux normes, il faut
qu'ils fassent la démonstration. Donc, c'est un processus quand même...
M. Jolin-Barrette : Plus ardu.
M. Boivin (Martial) : ...plus lourd,
plus ardu, et il y en a qui ne veulent pas aborder cette question-là.
M.
Jolin-Barrette : Sur la
question de la Loi sur les chimistes professionnels, vous réclamez la
modernisation de la loi. Depuis
combien de temps l'ordre a fait cette demande-là à l'office? Quand les travaux
ont-ils débuté de votre part? Ça fait combien de temps que, comme on
dit, la saucisse est dans la machine?
M. Collin
(Guy) : De mémoire, si vous me
permettez, de mémoire, ça remonte à sept ans, puis je ne suis pas sûr
que ce n'est pas huit.
M. Jolin-Barrette : Donc, on parle
des années 2008-2009, environ?
M. Collin (Guy) : Voilà. 2009, oui.
M. Jolin-Barrette : 2009, donc il y
a quand même urgence pour vous de moderniser la loi.
M. Collin
(Guy) : Bien, comme je vous l'ai
dit dans ma présentation, si vous me permettez, ce qui est dans notre loi qui nous gouverne actuellement, là, date de
1964, vous pouvez vous imaginer que la chimie et la technologie, la science
en général a évolué considérablement et que
cette loi-là est tout à fait désuète en ce qui a trait à l'exercice de la
chimie.
M.
Jolin-Barrette : Et je
comprends pour... il y a un volet protection du public aussi, au niveau de la
modernisation du champ de la loi, qui est important.
Le Président (M. Villeneuve) : Oui,
allez-y, M. Collin.
M. Collin (Guy) : M. Boivin.
M. Boivin (Martial) : C'est qu'en donnant... en augmentant les pouvoirs
qu'on veut conférer dans le projet de loi
n° 98, c'est-à-dire qu'on bonifie le Code des professions, qui est une
loi, la loi-cadre du système professionnel. Il faut comprendre aussi que les détenteurs de lois
particulières comme nous, on est aussi forts que les deux lois vont être, je
veux dire, les lois s'interprètent les unes
par rapport aux autres. Donc, au fur et à mesure qu'on va bonifier un code, il
faut nécessairement que le décalage horaire, notamment dans notre cas, se
réduise, sinon on est encore en décalage, à l'heure reculée.
Donc, c'est
pour ça que... notre proposition de dire : Il faut aussi s'attaquer à la
loi, pas parce qu'on voulait profiter de l'opportunité, mais on voit l'un qui
bouge dans une direction et l'autre qui se maintient. Donc, ça veut dire que le
décalage augmente, en termes de protection du public, entendons-nous.
M.
Jolin-Barrette : Mais c'est
tout à fait légitime de votre part aussi, puis on a bien entendu la ministre
nous dire que c'était en chantier, mais il faut que les chantiers se
terminent un jour également.
Ceci
étant dit, est-ce que le fait... Vous n'avez pas abordé dans votre mémoire
l'autorisation... la suppression de l'autorisation ministérielle pour
mener une enquête de la part de l'office. Donc, maintenant, l'office, si on
adopte le projet de loi tel que tel,
l'office pourrait d'elle-même faire une enquête. Est-ce que vous êtes en faveur
ou vous adoptez la position du CIQ?
M. Collin (Guy) : Je dois vous dire que
ce n'est pas nécessairement là une préoccupation majeure qui nous concerne, ce qui fait qu'on ne s'est pas posé la
question suffisamment profondément pour pouvoir vous donner une réponse
qui soit convenable.
• (17 heures) •
M.
Jolin-Barrette : Sur la
question des lanceurs d'alerte, on a débuté
l'intervention sur ça, il
y a le projet de loi n° 107
aussi qui a été déposé, relativement au fait que le Directeur des
poursuites criminelles et pénales
pourrait dire à un syndic : Bon,
bien, ne poursuis pas, on accorde l'immunité. Comment est-ce que
vous voyez ça pour la protection du public le fait que, dans le fond, un
professionnel fautif serait exonéré de responsabilité déontologique?
M. Collin (Guy) : Je vais demander,
si vous permettez, à Me Racine de répondre.
Le Président (M. Villeneuve) : Me
Racine, à vous la parole.
M. L.
Racine (Alexandre) :
Bonjour. J'étais présent, en fait, ce matin, j'ai entendu, vous avez posé la question à un autre intervenant. À première
vue, on a certaines préoccupations par rapport à ça parce que ça serait comme la
première fois qu'il y aurait une forme d'ingérence, on pourrait dire, d'un
autre palier, en fait, en lien avec le système professionnel. Et notre
perception du système professionnel, c'est qu'il n'y a pas une hiérarchisation
des droits, là, il n'existe pas le droit
criminel qui chapeaute le droit professionnel ou... C'est des systèmes qui sont en
parallèle, et finalement
qu'une instance qui n'a rien à voir avec les ordres professionnels puisse
accorder une immunité de toute poursuite disciplinaire,
à première vue, en tout cas, ça suscite des questionnements. Donc, je vous
dirais qu'on a une certaine réserve, là. Il faudrait investiguer davantage, là, pour vous amener quelque chose de
plus précis, mais, à première vue, on a des préoccupations.
Le Président (M. Villeneuve) :
Merci. Merci, M. Collin... enfin, voilà, M. Collin, M. Boivin et
Me Racine, représentants de l'Ordre des chimistes du Québec, pour votre
participation aux travaux de la commission. Et, à ce moment-ci, je demanderais
à Mme Louise Champoux-Paillé de bien vouloir s'avancer.
Et nous allons suspendre les travaux de la
commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 2)
(Reprise à 17 h 3)
Le
Président (M. Villeneuve) : Alors, nous allons reprendre nos travaux.
Donc, je veux saluer Mme Champoux-Paillé, bienvenue à la commission.
Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé...
Des voix : ...
Le
Président (M. Villeneuve) : Juste un instant, madame, je vais demander
aux gens dans la salle de bien vouloir... s'ils ont des discussions à
avoir, de les avoir à l'extérieur de la salle, s'il vous plaît. Voilà. Merci.
Donc, vous avez 10 minutes pour faire votre
exposé, et, sur ce, je vous laisse la parole.
Mme Louise
Champoux-Paillé
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : Bien, merci beaucoup, M. le Président, Mme
la ministre, mesdames et messieurs, membres
de la commission. Alors, mon nom est Louise Champoux-Paillé, et je siège depuis
près de 25 ans auprès des ordres professionnels. C'est un peu à ce
titre que j'ai rédigé le mémoire.
Depuis mes
débuts dans le milieu, je peux dire que la gouvernance au sein des ordres a
beaucoup évolué, comme celle d'ailleurs des organisations à but
lucratif. Et j'ai siégé autant de temps dans les organisations à but lucratif. Permettez-moi de rappeler qu'au début des
années 90 le conseil d'administration d'un ordre avait pour appellation
«bureau», et l'accent était mis sur
les fonctions d'entrée dans la profession, de contrôle, d'inspection et de
discipline. Les fonctions de
planification et d'orientations stratégiques avaient une place très restreinte.
Les administrateurs nommés se retrouvaient dans un monde de gouvernance, comme moi, qui nécessitait une période de
familiarisation que je qualifierais de longue et ardue. Il y avait très peu de formation sur la spécificité de la
gouvernance des ordres professionnels pour les administrateurs, la durée de nos mandats était brève, et les
structures de gouvernance multiples. Vous aviez les présidents qui cumulaient
la fonction de direction générale, il y en
avait... il y avait la séparation de fonctions. Bien, bref, on avait toutes
sortes de structures de gouvernance au sein des ordres.
Avec la
réflexion qui fut entreprise au début des années 2000, l'appellation
«bureau» a changé en celle de «conseil d'administration», et le rôle
d'encadrement sur le plan de gouvernance a pris progressivement forme. Ceci
reflétait une
préoccupation de plus en plus forte pour la gouvernance qui prenait forme dans
le secteur privé également. Des écoles de
gouvernance ont été créées, comme le Collège des administrateurs de sociétés,
et la communauté d'affaires et des groupes de réflexion s'interrogeaient
sur différents aspects, comme nous nous interrogeons aujourd'hui :
l'indépendance des administrateurs, la
séparation des fonctions entre le président du conseil et le président des
opérations, les compétences souhaitées
pour les administrateurs et leur formation, la taille des conseils
d'administration et leur mandat, le rôle des comités et la rémunération des hauts dirigeants et des
administrateurs. Les conseils d'administration des ordres se sont alors plus
intensivement dotés de politiques de
gouvernance, et tant les ordres que l'Office des professions et le Conseil
interprofessionnel ont intégré cette préoccupation.
Alors que j'étais présidente du Cercle des administrateurs
de sociétés certifiés, nous incitions fortement nos membres titulaires de la désignation ASC à s'inscrire dans la banque des
administrateurs de l'office afin qu'ils puissent acquérir une expérience en gouvernance dans le domaine des ordres
professionnels. Aujourd'hui, il faudrait comptabiliser combien nous avons d'ASC qui siègent à des ordres professionnels, mais je
pourrais vous dire que nous en avons au moins une trentaine sur
150 membres nommés.
Pour moi, ce
virage gouvernance doit être accentué. Comme ceci s'effectue dans les entreprises
cotées en bourse, le projet de
révision qui nous est soumis aujourd'hui comporte de nombreuses améliorations que je me suis permis de commenter
dans mon mémoire. Je saisirai toutefois cette opportunité de ce soir de vous présenter...
plus particulièrement de
soulever quatre points, en particulier.
Premièrement,
le rôle du conseil d'administration. Le projet de loi propose de définir le
rôle du conseil dans des termes de
surveillance générale de l'ordre, d'encadrement et de conduite des affaires de l'ordre, alors que, dans le code
actuel, celui-ci se limite à l'administration générale des affaires de l'ordre.
Une telle définition permettra de bien délimiter
le mandat du conseil et celui de la direction générale, le premier se situant
au niveau des orientations, le conseil, et l'autre en ce qui a trait à l'exécution des décisions du conseil. Une telle
définition repose sur une formation en gouvernance
de tous les administrateurs et des hauts dirigeants des ordres afin de bien
informer toutes les parties impliquées de leurs rôles et responsabilités.
À cet égard, je me permettrais de bonifier votre
recommandation en y ajoutant d'imposer une formation de mise à niveau en gouvernance pour tous les administrateurs, qu'ils
soient nommés par l'office ou élus, dans les trois premiers mois de leur arrivée en fonctions et de donner au
conseil l'obligation de mettre en place un processus d'accueil des
nouveaux administrateurs. Je peux
vous dire qu'au sein des ordres, quand on vient de l'extérieur, ce n'est pas
simple. Le processus, le système
professionnel est difficile de compréhension au départ. Donc, d'avoir un
processus d'accueil qui viendrait définir c'est quoi, un ordre
professionnel, avec toutes ses particularités, me semble fort important.
• (17 h 10) •
Si, dans les
conseils d'administration du secteur privé, les mandats des administrateurs
ont une durée moyenne de sept ans, il
est permis de penser que cette durée est beaucoup plus courte dans le système
professionnel, compte tenu des
limites de mandat actuelles, tant du côté des administrateurs élus ou nommés.
Comme vous avez pu le constater dans mon mémoire, à la page 9, la valeur
ajoutée d'un administrateur se développe progressivement. Dans le système professionnel, cet enjeu est majeur. Cette
question de la durée des mandats est pour moi importante. Le nouveau projet de loi devrait prévoir un minimum de durée de mandat de quatre ans et un
maximum de huit ans pour les administrateurs, qu'ils soient élus ou
nommés, afin de maximiser leur contribution à l'ordre professionnel. Cet
allongement souhaité de la durée de mandat doit être lié à une recommandation
additionnelle, soit que les conseils se dotent d'un processus d'évaluation de leur fonctionnement de manière à
s'assurer que leurs administrateurs aient en tout temps les compétences
et les expériences appropriées pour remplir leurs fonctions.
Enfin, en ce
qui a trait aux responsabilités du conseil, je me permettrais d'ajouter les
responsabilités suivantes : s'assurer de la pertinence, et de la qualité,
et de l'efficacité des services mis en place pour la protection du public;
veiller à la mise en place d'un
processus de gestion de risque, parce que, dans les ordres professionnels, nous
y sommes confrontés; et s'assurer du traitement diligent des demandes
d'enquête et des signalements.
Maintenant, j'aimerais aborder une autre
question, les administrateurs indépendants ou nommés par l'office. Le projet de loi précise, à l'article 65, que
les administrateurs élus ne représentent pas les professionnels de la région
dont ils sont issus. C'est encore une
perception que certains membres peuvent avoir lorsqu'ils sont élus. Une telle
précision permettra également de
combattre la perception de certaines personnes du public qu'un ordre
professionnel est aussi une association professionnelle qui se porte à
la défense de ses membres.
Ceci me
conduit à formuler une autre recommandation afin d'éviter que certains
administrateurs aient des droits et
d'autres pas. Je me permets de vous suggérer que les administrateurs nommés par
l'office aient les mêmes droits que les
administrateurs élus en regard des éléments suivants, ce qui n'est pas le cas
actuellement. Nous n'avons pas le droit d'élire le président de l'ordre. Nous n'avons pas le droit d'élire des
membres du conseil d'administration. Nous n'avons pas... nous ne pouvons pas participer à une
élection pour combler une vacance à un poste d'administrateur. Nous ne pouvons
pas élire des administrateurs au comité exécutif et nous ne pouvons pas voter
lors d'une assemblée générale.
Enfin, je me
permettrais de soulever la question du nombre d'administrateurs nommés par
l'office. Ce nombre est-il suffisant
pour assurer un éclairage différent pour la prise de décision et assurer
l'équilibre dans les points de vue? Je
me permettrais de vous dire, à ce chapitre, que, lorsqu'on se retrouve devant
deux groupes différents, pour que le groupe qui est minoritaire puisse avoir un impact sur une décision, il faut
qu'il y ait au moins une représentation de 40 %. C'est un domaine que je connais plutôt bien, puisque je
fais de l'action féminine. Et, lorsqu'on parle à des conseils d'administration
de l'impact des femmes, on demande cette
masse critique de présence féminine au sein des conseils d'administration pour
que cette voix différente soit entendue.
Maintenant, je...
Le Président (M.
Villeneuve) : En terminant, madame...
Mme Champoux-Paillé (Louise) : Oui,
l'importance d'une... avec plaisir.
Le Président (M. Villeneuve) : Je
vous donne 30 secondes pour votre conclusion. Allons-y.
Mme
Champoux-Paillé (Louise) :
C'est l'éthique, c'est l'éthique, c'est mon champ... c'est mon autre champ
de bataille, alors l'éthique et la
déontologie. Je crois que, tant au niveau des membres des
ordres qu'au niveau des membres du
conseil d'administration, on se doit d'avoir une formation en éthique et
en déontologie, mais qu'on doit s'assurer d'un minimum d'heures dans ces formations et faire en sorte qu'à tous les
cinq ans il y ait des rappels, puisqu'on oublie parfois,
plutôt souvent, ces principes qui doivent guider notre action en tant
qu'administrateur.
Alors, je vous remercie, M. le Président, et
j'espère avoir respecté mon temps.
Le
Président (M. Villeneuve) :
Merci, madame, merci pour votre exposé. Et maintenant je passe la parole
du côté gouvernemental, Mme la ministre.
Mme Vallée : Merci. Alors, merci beaucoup, Mme
Champoux-Paillé, merci de votre... d'avoir partagé avec nous, je crois,
le fruit de votre expérience personnelle et les constats que vous avez dressés
au cours, justement, de ces 25 années d'implication au
sein des différents ordres.
Vous avez terminé en parlant de la formation
éthique, de l'importance d'en faire la promotion. Quel serait, selon vous, le
nombre d'heures qui devrait être consacré pour une formation en éthique et en
déontologie qui serait suffisante, qui
permettrait, là, de vraiment sensibiliser les membres à l'importance de... et à
tous ces enjeux qui parfois surviennent au cours d'une pratique
professionnelle? Donc, quelle serait l'étendue de cette formation-là?
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : Grande question, moi qui l'enseigne au
niveau universitaire. Mais je vous dirais
qu'il s'agit de développer un réflexe dans tout ça et que c'est une question de
développer l'approche décisionnelle en
matière d'éthique. Donc, pour moi, une formation qui serait de 30 heures,
pour moi, serait une formation qui serait intéressante pourvu qu'elle
soit donnée avec des exemples pratiques, puisque, dans les ordres
professionnels, nous sommes souvent
confrontés à des décisions éthiques. Et, pour moi, il faut qu'on ait... qu'on
développe ce comportement... cette
approche réflexive là, qu'on la développe auprès des administrateurs et de la
direction des ordres. Alors, c'est en faisant des cas aussi qu'on
apprend, qu'on développe ce réflexe éthique.
Mme Vallée :
Vous parlez également... Vous suggérez également qu'il y ait un rappel aux cinq
ans. Et qu'est-ce qui vous amène à ce
rappel périodique là? Parce qu'on a eu certaines recommandations, entre autres
des recommandations, un peu comme
vous le mentionniez, qui nous recommandent d'assurer que tout le monde ait
accès à cette formation-là, pas
seulement que les nouveaux membres, ceux et celles qui vont se joindre, mais
tout le monde. Pour toutes sortes de raisons,
on nous dit que ceux et celles qui pratiquent depuis des années et qui n'ont
peut-être pas eu de formation ou qui ont
eu une formation il y a 15, 20, 30 ans devraient à tout le moins
rafraîchir leurs connaissances. Et vous allez encore plus loin, parce que vous nous dites : Bien,
périodiquement, aux cinq ans, on doit revoir. Donc, qu'est-ce qui vous amène
à nous faire cette recommandation-là?
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : Je vous dirais que, dans les conseils
d'administration auxquels je participe, tant dans le secteur des ordres mais aussi dans le secteur à but non
lucratif et lucratif, je me permets souvent de rappeler avant chacun des
conseils la question de conflit d'intérêts, la question d'éthique, de se
remettre dans une situation où, lorsqu'on
prend une décision, il faut se rappeler les valeurs auxquelles nous adhérons.
Alors, à tous les cinq ans, pour moi, ça
m'apparaît une... Si je le fais à peu près à toutes les présences que j'ai au
sein des conseils d'administration, à tous les cinq ans, ça ne
m'apparaît pas une demande excessive.
Mme Vallée :
Vous avez également apporté des recommandations sur la durée du mandat. Puis,
je dois vous dire, pour avoir assisté
à certaines présentations, je sais que ça suscite, au sein des ordres... ça
vient chercher... Ça fait vibrer des
passions, cette question de limite de mandat. On dit : Bon, ce n'est pas
parce qu'on est en poste pendant 20 ans que l'on n'a pas à coeur l'intérêt de la protection du public. Et donc,
évidemment, ça enflamme les discussions. Qu'est-ce que vous croyez que
ça pourrait avoir d'abord comme effet sur le recrutement des administrateurs,
que de limiter le mandat, que de prévoir une durée de mandat entre quatre et
huit ans? Et qu'est-ce qui vous amène également à cette recommandation-là? Parce que,
pour certains, de venir limiter le mandat, c'est une attaque frontale à ce
qu'ils ou elles ont pu représenter au cours de leur passage à la tête
d'un ordre professionnel.
• (17 h 20) •
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : Je vous dirais, Mme la ministre, que la
première raison qui m'a amenée à formuler cette recommandation est le fait
qu'il y avait souvent des changements au sein des ordres professionnels et des membres, que ce soit au niveau des élus ou au
niveau des représentants du public. Pour
moi, comme je le démontrais dans mon mémoire, il y a une courbe
d'apprentissage pour devenir un administrateur efficient. Cette courbe, on peut
dire qu'après quatre ou six ans un administrateur peut être à l'aise dans ses
fonctions. Alors, lorsqu'un administrateur ne siège
qu'un an, deux ans, pour moi, on a investi dans cette personne, mais on n'a pas
tous les bénéfices pour la prise de décision. Donc, voilà la raison pour
laquelle j'ai parlé de quatre ans.
Après,
huit ans, huit ans, pour moi, ça m'apparaît, dans les... Il est vrai qu'on a
beaucoup... Tant dans le secteur... dans
les organismes à but lucratif que non lucratif, la limite des mandats est
souvent questionnée. Mais, après un certain temps, je pense qu'on a besoin de renouvellement, et ça apporte du sang
neuf dans la prise de décision. Et il me semble qu'après huit ans ou neuf ans un administrateur aussi a développé une
certaine familiarité avec la direction générale, si on peut s'exprimer ainsi, donc ça permet moins
d'indépendance. Donc, de manière à assurer une plus grande indépendance,
c'est pour cela que je formulais cette recommandation.
Mme Vallée : Lors des
auditions, ce matin, l'IRIS a recommandé, a suggéré que non seulement il y ait
des membres du public, mais aussi des
membres provenant d'associations de consommateurs qui soient appelés à siéger
au sein des ordres pour vraiment
venir assurer une protection du public. Vous avez une expérience à titre de
membre du public. Comment voyez-vous cette recommandation-là?
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : Je vous dirais que les membres qui sont
nommés par l'office sont des membres qui
peuvent être aussi des consommateurs. Moi, en tout cas, dans mon expérience de
près de 25 ans, j'ai toujours entendu les membres nommés interpeller beaucoup les membres élus sur des
questions qui leur apparaissent évidentes mais que, pour nous, bien, on ne comprend pas pourquoi on
pose tel geste ou on a tel comportement. Donc, il y a cette confrontation
qui est faite au sein des ordres professionnels.
La
problématique est la suivante : c'est que nous ne sommes peut-être pas en
nombre suffisant pour venir... Si j'avais
à privilégier un aspect pour faire en sorte qu'il y ait une... disons, que le
public soit davantage représenté, je vous dirais que je privilégierais d'augmenter le nombre des représentants du
public plutôt... bien, pas plutôt, mais c'est parce que nous représentons, d'une certaine façon, les
intérêts des consommateurs de ces services. La problématique est que ce
n'est peut-être pas en nombre suffisant pour être tout le temps là. Parce qu'à
trois il peut en manquer un, il peut en manquer
deux. Il faut être en nombre suffisant et en force suffisante pour venir
interpeller les gens des ordres, qui, eux, sont dans leur bulle de professionnels. Donc, pour moi, s'il y avait une
amélioration, peut-être, c'est qu'il y ait moins... lorsqu'on nomme des
administrateurs représentant... bien, représentant le public, nommés par
l'office, qu'il y ait peut-être davantage de
gens qui ne proviennent pas d'ordres professionnels. Peut-être que ça pourrait
être une autre vision qui pourrait être appréciée par vos équipes.
Mme Vallée : Donc, pour vous,
ça pourrait être intéressant d'avoir des gens qui n'ont pas cette expérience d'appartenir à un ordre professionnel et qui ont
une vision encore plus dégagée, je vous dirais, de la protection du public,
une distance.
Mme Champoux-Paillé (Louise) : Une
distance et également un esprit... Il faut qu'ils soient courageux, ces gens-là, parce que je vous dirais que ce n'est pas
facile d'aller exprimer son opinion lorsqu'on se retrouve dans un conseil d'administration où on a peut-être neuf administrateurs
qui sont des professionnels, puis nous sommes trois ou deux qui représentons le public. C'est pourquoi il faut
avoir véritablement une masse critique suffisante pour pouvoir avoir la force
du nombre, au fond, pour soulever les questions les plus pertinentes.
Mme Vallée : M. Nadeau, cet
après-midi, nous recommandait une proportion de 40 %, c'est quand même beaucoup. Il disait qu'on a fait un pas, mais ce
n'est pas suffisant, on doit aller beaucoup plus loin. Vous n'indiquez pas de
nombre précis, mais je comprends, là, que, pour vous, là, c'est important
d'augmenter davantage...
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : Oui. J'en ai parlé un peu en donnant un
exemple, je pense, à la page... Mon Dou! Seigneur! Vous allez le retrouver, mais c'est... 40 % m'apparaît un
nombre avec lequel je serais... j'agréerais facilement. Je pense que j'en
ai discuté à la page 14, en haut.
Mme Vallée : Oui, en effet,
vous avez raison, vous avez raison.
Qu'en est-il... parce
qu'un autre élément on dit : Bien, c'est important d'assurer une
meilleure diversité au sein des
ordres professionnels, une meilleure représentativité, parité hommes-femmes,
aussi diversité culturelle. Bon, vous nous
indiquez clairement que la représentation régionale, c'est quelque chose qui... à votre avis, c'est important de le mettre de côté. Mais qu'en est-il de
la question de la diversité, de la représentation de la diversité au sein des
ordres? Vous avez abordé la question
des jeunes, mais, quant à certaines recommandations qui ont été formulées,
d'aller de l'avant avec un encadrement peut-être plus rigide de la
diversité, qu'est-ce que vous pensez à cet égard?
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : Il doit y avoir des indications de données,
parce que, dans mes 25 ans, je n'ai malheureusement peut-être rencontré qu'une ou deux fois des
administrateurs qui provenaient de d'autres ethnies. Alors, je pense que
c'est une lacune, c'est une lacune importante. Je sais que l'office, dans sa
sélection d'administrateurs, a mis un accent
sur ce recrutement. Et c'est une problématique qu'on retrouve également dans le
secteur privé. Je crois qu'on doit
faire davantage d'efforts pour que ces... Ils sont aussi citoyens que nous,
donc on se doit d'avoir des mécanismes pour les inclure.
Mme Vallée :
Certaines représentations sont faites à l'effet qu'il peut être difficile de
distinguer la fonction de direction
générale et présidence en raison de la taille d'un ordre. J'aimerais vous
entendre à cet effet... un enjeu en lien avec la taille de l'ordre.
Mme Champoux-Paillé
(Louise) : Disons que l'enjeu majeur peut se retrouver au niveau du
conseil d'administration, où on fait
face à un cumul... le cumul de fonctions entre le président du conseil
d'administration et président de l'ordre, au fond c'est la même
personne, puis en même temps il est à la direction générale. Mais on scinde
présentement ces deux fonctions, ça n'existe plus, cette séparation-là. Mais je
crois que, s'il y avait cette situation, il y a toujours la possibilité, et on retrouve ça dans le secteur
privé, d'avoir un administrateur qui est indépendant, qui peut présider le
conseil dans les circonstances où il y a conflit...
Le Président (M.
Villeneuve) : Merci...
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : ...il peut y avoir un conflit d'intérêts dû
au fait de ce cumul de responsabilités...
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci, madame, je dois vous interrompre,
on a déjà dépassé un peu le temps de Mme la ministre. Ce n'est pas de
votre faute, c'est de la mienne, j'en assume totalement la décision.
On
va passer du côté de l'opposition officielle. Alors, je cède la parole
maintenant à Mme la députée de Chicoutimi.
• (17 h 30) •
Mme
Jean : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Champoux-Paillé, ça me
fait plaisir de vous rencontrer, de voir une femme qui s'est impliquée
depuis longtemps dans des postes importants, comme postes de... sur les
conseils d'administration. Bravo pour votre cheminement!
Merci
aussi pour le partage d'expériences que vous faites par le biais de votre
mémoire. C'était très intéressant à
lire et ça fait aussi du bien... ou très intéressant de lire quelqu'un qui l'a
vécu sur le plancher et avec aussi un oeil externe, donc d'une personne
qui n'est pas membre des ordres, mais qui est... qui représente la société civile.
Je
ne vous ai pas entendu parler concernant... J'aurais voulu avoir votre opinion.
Vous savez, il y a une proposition d'ouverture
du pouvoir du commissaire aux plaintes pour la reconnaissance des équivalences
pour les nouveaux arrivants. L'étendue
plus grande de pouvoir pour cette personne-là, pour vous, est-ce que, du fait
que vous avez siégé beaucoup sur les
conseils d'administration des ordres, vous voyez ça, vous, comme une attaque,
ou un danger, ou une... une attaque à l'intégrité, ou une difficulté, ou
une résistance qu'on devrait avoir de la part, justement, des ordres
professionnels, d'avoir ce pouvoir-là supplémentaire qui pourrait les
influencer?
Mme Champoux-Paillé (Louise) : Je vous dirais qu'au sein des ordres auprès
desquels j'ai siégé je n'ai jamais été confrontée à des problématiques
dans ce domaine. Par ailleurs, j'ajouterais qu'il y a des enjeux systémiques
dans l'accès aux professions, et, pour moi, là, le commissaire aux plaintes,
l'élargissement des pouvoirs pourrait être une formule intéressante à explorer. Mais je vous dirais qu'au sein de
chacun des ordres, le travail qui est fait et l'ouverture qui peut être témoignée, je peux en témoigner que,
pour moi, ce travail est adéquatement fait. Mais c'est peut-être sur le
plan systémique que le rôle du commissaire pourrait être utile.
Mme
Jean : D'accord, merci. Vous avez parlé de la formation des nouveaux
administrateurs. Un administrateur arrive. Selon vous, quel est le
minimum de formation, d'expérience qui est requise pour être fonctionnel
rapidement, assez rapidement, sur le conseil
d'administration d'un ordre professionnel, qui est un univers, quand même, en
soi? On s'entend que, lorsqu'on est à l'extérieur, on ne connaît pas
grand-chose du fonctionnement de l'ordre professionnel et, si on se retrouve à avoir un poste de décision et
qu'on n'est pas familier à ça, on part de loin. De quel niveau, selon vous, on
pourrait partir pour que ça soit acceptable, sans dire que ce n'est pas
quelqu'un qui sort d'un ordre professionnel?
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : Je vous dirais que nous avons été
confrontés à cette problématique quand j'étais présidente du Cercle des administrateurs de sociétés. Ce sont les
finissants qui proviennent du Collège des administrateurs de sociétés qui sont formés pour siéger au sein de
conseils d'administration, tant publics que privés. Et je me souviens
d'avoir rédigé un texte d'une quinzaine de pages pour informer nos membres qui
souhaitaient siéger à des conseils d'administration
d'ordres professionnels de la particularité du système. Et c'était un enjeu
majeur, parce que le temps qu'il faut
pour se familiariser avec les caractéristiques uniques du système professionnel
fait en sorte que l'administrateur n'est pas efficient.
Donc,
une formation de la gouvernance, en termes d'ordres professionnels, serait fort
utile. Et, quand vous parlez d'heures minimums, j'aurais de la
difficulté à fixer. Mais d'avoir une formation spécifique, qu'elle provienne
soit de l'office ou du Conseil
interprofessionnel, sur la gouvernance des ordres professionnels et de ses
enjeux me semble important. Est-ce que
c'est un deux jours de formation qui pourrait être donné? Est-ce que c'est plus
large comme formation? Il n'empêche
que la majorité arrive avec très peu de formation sur le caractère particulier.
Même les gens qui proviennent des ordres professionnels n'ont pas... ne
connaissent pas toutes les ramifications de la gouvernance d'un ordre. Donc, il
est important que les deux côtés soient formés à ces particularités.
Mme
Jean : Merci. Ma question portait sur les compétences minimums de
quelqu'un qui peut se présenter aux postes d'administrateurs. Après,
oui, il y a une formation, je comprends, qu'on peut donner, mais, pour être
capable d'assimiler la formation en question, est-ce que vous établissez que le
profil minimum d'une personne qui peut être administrateur
sur un conseil d'administration d'un ordre professionnel peut être établi, ou
encore, non, n'importe qui pourrait, à la limite...
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : Je serais très mal placée pour vous dire
que n'importe qui peut siéger à un conseil
d'administration, ayant une formation spécifique en tant que membre de conseil
d'administration. Donc, il y a une formation de base qu'on devrait avoir. Est-ce une
formation de... l'équivalence d'un certificat universitaire? Ça, c'est à vous
d'en décider. Mais il n'en demeure pas moins qu'il faut qu'à la base il y ait...
que les gens... Mais je crois qu'avec l'enrichissement
qu'on fait présentement au niveau des programmes universitaires on pourra en
arriver, dans le temps... Mais il
faudrait mettre l'accent immédiatement sur cette formation des membres actuels
dans le domaine de la gouvernance et de l'éthique.
Mme
Jean : Dernière question, pour les deux minutes et quelques qui nous
restent. On parlait de la représentativité sur les conseils d'administration. On parle des jeunes, on parle des
nouveaux arrivants ou des minorités ethniques, et tout. On va parler aussi des hommes et des femmes, qui,
en soi, n'est pas une minorité, mais 50 % de la population, et qui...
Force est de constater qu'il y a un déficit
quand même important et marqué dans l'ensemble des conseils d'administration.
J'ignore si, l'ensemble des ordres, d'ailleurs, ce déficit-là existe. Mais,
avec votre expérience, puis selon vous, est-ce qu'il y a des avenues pour
pouvoir pallier au déficit de la représentativité des hommes et des femmes sur
les conseils d'administration des ordres professionnels?
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : Est-ce que vous... La question est :
Est-ce qu'on devrait avoir des quotas? Mais
il y a une particularité au système professionnel, qu'on se doit de respecter,
à savoir que c'est électif. Donc, il est difficile de dire : Pour une région donnée, vous aurez une femme à
élire, puis une autre, c'est un homme. Donc, c'est difficile à... Disons
que c'est un concept qui est difficile à appliquer.
Par ailleurs,
j'ai vu, dans certains conseils d'administration qui ont des nombres
d'administrateurs fixes, là, disons, 12,
ils vont prévoir un nombre de sièges additionnels pour prévoir ces
circonstances-là, pour venir ajouter... C'est-à-dire qu'il y a un nombre additionnel d'inscrit dans la
loi pour permettre cet ajustement, pour répondre à des besoins de présence
féminine, de présence aussi d'autres ethnies, pour permettre cette souplesse
qui est essentielle. Pour que les conseils d'administration
soient efficients, quant à moi, il faut une représentation égale hommes-femmes
et il faut que les ethnies soient davantage représentées au sein de nos
conseils, ainsi que les jeunes.
Le Président (M. Villeneuve) : En
20 secondes.
Mme Lamarre : 20 secondes? En
fait, vous avez défini plusieurs façons d'améliorer la représentation des membres nommés, donc des membres non membres d'un
ordre. Est-ce que vous préconisez que ce soit... par exemple, le président du comité de gouvernance soit un
administrateur nommé? Parce que j'ai vu dans... Vous avez d'excellentes recommandations, assez précises. Mais j'ai vu dans
certains ordres que le président du comité de gouvernance était un
membre nommé, et non pas un membre membre professionnel de cet ordre.
Mme Champoux-Paillé (Louise) : Mais
je pense que le tout vient du fait que les ordres vont... demandent à l'office — parce que c'est l'office qui nomme les
administrateurs nommés — des gens qui ont une expérience dans la gouvernance. Et c'est comme ça qu'on se retrouve
comme président de comité de gouvernance. Mais il faudrait en arriver un
jour qu'il y ait un président de comité de gouvernance qui provienne... qui
soit un administrateur élu.
Le
Président (M. Villeneuve) : Merci. Maintenant, on va aller du côté du
deuxième groupe d'opposition, et la parole est à M. le député de
Borduas. À vous la parole.
M.
Jolin-Barrette : Bonjour,
Mme Champoux-Paillé. Merci de nous partager votre expérience par le biais de
votre mémoire puis de votre témoignage aujourd'hui.
À la
page 18 de votre mémoire, la recommandation 12, vous dites : Ce
serait bien d'avoir des pouvoirs d'inspection accrus pour les ordres
professionnels. Qu'est-ce que vous entendez par «pouvoirs d'inspection accrus»?
• (17 h 40) •
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : Je parle surtout de pouvoir inspecter les
cabinets. C'est un peu dans la foulée
des recommandations de la commission Charbonneau, et je pense que les cabinets qui
emploient des professionnels se devraient également de faire l'objet
d'une inspection.
M.
Jolin-Barrette : Parce que, dans le fond, quand le syndic se présente, présentement ils ont un certain pouvoir déjà
pour faire une inspection en lien avec différents règlements,
les ordres, au niveau de la tenue de livres ou au niveau des
dossiers, et tout ça. Donc, vous, vous dites : La partie qui ne serait pas
couverte déjà par les obligations du professionnel en vertu des règlements
de l'ordre?
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : C'est-à-dire que ça... C'est que les entreprises ont quand
même un certain pouvoir sur leurs professionnels qu'ils
embauchent... et peut amener parfois à des dérogations, donc il est important
aussi qu'il y ait une inspection qui se fasse au niveau des politiques
de ces cabinets.
M. Jolin-Barrette : Au niveau des politiques,
donc...
Mme Champoux-Paillé (Louise) : Des politiques
d'encadrement des professionnels.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Donc, il y a une évaluation de la façon dont ça se passe pour le membre d'un
cabinet.
Mme Champoux-Paillé
(Louise) : Oui. Sur le plan éthique, etc.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Au niveau
de la recommandation 10, vous dites qu'il faut définir la protection du
public dans le Code des professions,
donc d'avoir une définition formelle puis de venir bien asseoir, dans le fond, qu'est-ce que la protection du public. C'est ça?
Mme
Champoux-Paillé (Louise) :
Oui. Oui. Lorsque nous en discutons dans nos conseils d'administration, la protection du public, ça
demeure un concept qui est assez flou, qu'est-ce que ça veut dire en soi? Et il
me semble que, dans le Code des professions, dans les remarques
liminaires qu'on a du code, on devrait bien définir ce que c'est, la protection
du public, et jusqu'où ça va.
M.
Jolin-Barrette : Puis, dans
le Code des professions, on vient notamment dire... bon, je n'ai pas le libellé exact,
là, mais que l'objectif d'un ordre professionnel, c'est notamment la protection
du public. Et on a eu des intervenants, plus
tôt, qui sont venus nous dire aujourd'hui que peut-être qu'on devrait limiter les activités commerciales,
puis j'ai lu dans certains mémoires
qu'on disait «principalement la protection du public» ou «uniquement la
protection du public». Est-ce que vous iriez en ce sens-là pour
supprimer le pouvoir inhérent des ordres professionnels à avoir des activités
commerciales?
Mme
Champoux-Paillé (Louise) :
Ça, je ne l'ai pas vu dans cette direction, mais je vous dirais que moi, quand j'ai pensé à définir la protection du public, je
pensais à un élargissement pour que les professionnels qui sont membres
du système professionnel aient aussi un engagement dans notre société. Et c'est
dans ce terme-là que j'ai pensé qu'il devrait y avoir une définition du concept
«protection du public» adaptée à l'ère nouvelle de responsabilité sociale.
M. Jolin-Barrette : ...tout le monde
soit sur la même page au niveau de l'interprétation.
Mme Champoux-Paillé (Louise) : Oui.
M.
Jolin-Barrette : O.K. À
la page 12 du mémoire, vous traitez, dans le fond, de la fonction
de directeur général d'un ordre professionnel puis de la réalité des
petits ordres professionnels, où, là, bien souvent, eux, ils avaient une
fonction de président et directeur général qui était cumulée, et vous amenez le concept d'administrateur principal. Donc, en quoi ça
consisterait, la notion d'administrateur principal, pour un petit ordre qui
déciderait de se doter de cette structure-là?
Mme
Champoux-Paillé (Louise) : C'est qu'au sein du conseil
d'administration, quand il y a cumul de fonctions, comme on vient de
dire, que le président de l'ordre soit à la fois le directeur général, il y a
des décisions, comme sur la rémunération du directeur général. Est-ce que le
président va rester là? C'est lui qui est en cause. Donc, dans ces circonstances-là, l'administrateur principal,
c'est un administrateur indépendant qui siège en lieu et place du président
du conseil pour ces décisions qui ont un aspect de conflit d'intérêts.
Le Président (M. Villeneuve) : Il
reste 20 secondes, M. le député.
M.
Jolin-Barrette : Je vais en
profiter, Mme Champoux-Paillé, pour vous remercier pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Mme Champoux-Paillé (Louise) :
Merci.
Le
Président (M. Villeneuve) : Nous faisons tous de même, madame, pour
votre contribution aux travaux de la commission. Alors, merci d'y avoir
participé.
Et la
commission ajourne ses travaux à demain, mercredi le 24 août 2016, à
10 h 15. Merci beaucoup, tout le monde.
(Fin de la séance à 17 h 45)