(Dix heures quatre minutes)
Le
Président (M. Hardy) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi
édictant la Loi concernant la prévention
et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence
et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la
protection des personnes.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Boucher (Ungava) est remplacé par M. Reid (Orford);
M. Ouellette (Chomedey) est remplacé par M. Hardy (Saint-François); M. Tanguay
(LaFontaine) est remplacé par M. Carrière (Chapleau); Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Kotto
(Bourget); et M. Leclair (Beauharnois) est remplacé par
M. Rochon (Richelieu).
Étude détaillée (suite)
Le
Président (M. Hardy) : Merci. Lors de l'ajournement de nos
travaux le jeudi 28 avril 2016, nous discutions d'un amendement
proposé par le député de Richelieu au premier alinéa de l'article 2 de la
loi édictée par l'article 1 du projet de loi.
Je
vais relire l'amendement pour nous rafraîchir la mémoire : Modifier
l'article 2 de la loi proposée par l'article 1 du projet de loi en ajoutant dans le premier
alinéa, après les mots «est interdit», les mots «à toute personne de
18 ans ou plus».
Donc, je cède la
parole au député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. Merci, M. le Président. Alors, cet alinéa auquel vous référez se lirait
comme suit après l'amendement que je soumets
à cette commission : «Il est interdit à toute personne de 18 ans ou
plus de tenir ou de diffuser un discours visé à l'article 1.»
Nous
souhaitons donc que ce projet de loi ne s'applique qu'aux personnes de
18 ans ou plus et nous nous fondons, pour soumettre à la commission ce point de vue, à des points de vue que
nous avons entendus ici. Je vais vous en rappeler deux brièvement en
citant des extraits du mémoire qu'ils ont déposé à notre commission.
D'abord, les
directeurs de la protection de la jeunesse, qui disent : «Nous n'avons pas
de recommandation à formuler en ce qui
concerne l'application de ces procédures aux adultes. Toutefois, nous tenons à
vous faire part de nos vives
inquiétudes quant au fait que le projet de loi ne crée pas de distinction entre
les personnes mineures et majeures. Ce
dernier aspect nécessite, selon nous — ce sont les directeurs de la protection de
la jeunesse qui parlent — une révision. Notre
système juridique établit généralement cette distinction afin de prendre en
compte la vulnérabilité des mineurs et reconnaît l'importance d'agir
avec célérité et efficacité pour prévenir la récidive et ainsi bien protéger la
société.
«Le
regard que nous portons sur cet aspect du projet de loi se fonde
essentiellement sur les connaissances scientifiques, notre expérience clinique et l'efficacité
largement reconnue de nos interventions en matière de délinquance. En tant que
directeurs de la protection de la jeunesse,
et à l'instar de nos partenaires québécois en cette matière, nous sommes
convaincus que la portée de nos
interventions est tributaire des grands principes qui guident nos actions et nos
décisions. Ces principes sont les
suivants : la responsabilité du jeune face à ses comportements; la
primauté de l'autorité parentale et la participation active des parents
à l'intervention; la prise en compte des caractéristiques particulières du
jeune et de sa situation; la réadaptation et
la réinsertion sociale au premier plan des objectifs de nos interventions;
l'utilisation d'approches consensuelles telles la médiation ou autres
mesures non judiciaires.
«Ces principes
doivent en tout temps guider nos interventions à l'égard des jeunes, et il ne
devrait en être autrement dans le présent
projet de loi — "il
ne devrait en être autrement dans le présent projet de loi",
écrivent les directeurs de la protection de la jeunesse.
«Les
connaissances cliniques et la jurisprudence le démontrent — écrivent-ils dans leur mémoire :
l'adolescent est un individu en développement qui n'a pas atteint sa
maturité et qui, à ce titre, a des besoins différents de ceux [de l'adulte].
L'intervention doit donc être appropriée à ce stade de développement. En ce
sens, le projet de loi ne précise nullement des modalités pouvant
spécifiquement s'appliquer aux mineurs, ce qui est fort préoccupant.»
Alors,
c'était un extrait du mémoire en regard du projet de loi n° 59 présenté à
la commission par les directeurs de la protection de la jeunesse.
• (10 h 10) •
Et j'ai un
autre mémoire dont je souhaite vous partager un extrait en appui à, encore une
fois, mon amendement visant à ce que
ce projet de loi ne s'adresse qu'à toute personne de 18 ans ou plus.
C'est, cette fois, un extrait du mémoire de la Fédération des commissions scolaires du
Québec : «Alors que le plan de lutte contre l'intimidation et la violence
à l'école prévu dans la Loi sur l'instruction publique réserve à la direction
de l'école, au protecteur de l'élève et à la commission
scolaire la responsabilité d'intervenir, le projet de loi [n° 59] propose
de confier également ce pouvoir à la
Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse lorsqu'un élève
tient un discours haineux ou incitant à la violence à l'égard d'un
groupe de personnes. Bien que l'objectif poursuivi par le projet de loi soit, à
première vue, complémentaire aux dispositions de la Loi sur l'instruction publique,
le pouvoir d'enquête de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse entrerait — écrit la Fédération des commissions
scolaires — directement
en conflit avec les responsabilités des intervenants scolaires.
«En effet,
même si [le] discours haineux ou incitant à la violence s'adresse à un groupe
de personnes, le même discours peut
également porter atteinte aux droits d'un élève dûment identifié et lui causer
un préjudice personnel. Dans ce cas,
l'école a non seulement l'obligation de faire une enquête sur les événements
faisant l'objet d'une plainte et d'offrir des mesures d'aide à l'élève victime d'un tel discours, mais doit
également — l'école — intervenir pour encadrer l'auteur du
discours et lui imposer des sanctions disciplinaires, le cas échéant.
«Avec ce qui
est proposé dans le projet de loi n° 59, la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse
pourrait intervenir et faire enquête sur le même événement avec l'obligation de
soumettre le cas au Tribunal des droits
de la personne si son enquête démontre qu'il existe des éléments de preuve
suffisants qu'un élève a tenu un discours haineux ou incitant à la violence. Or, dans un établissement
d'enseignement primaire et secondaire, les autorités scolaires sont les mieux placées pour intervenir auprès des
élèves, quelle que soit leur implication dans un événement, qu'il s'agisse
d'indiscipline, de troubles de comportement,
d'intimidation ou de propos discriminatoires à l'égard d'une personne ou
d'un groupe de personnes.
«Il est
important de rappeler que le rôle de l'école et de la commission scolaire est
non seulement d'intervenir auprès
d'un élève victime d'intimidation ou de violence, mais également auprès de
l'auteur afin de lui offrir des mesures de soutien ou d'encadrement en vue d'éviter la répétition d'un tel acte.
Or — et
j'achève, là, l'extrait que je souhaitais vous partager — comment peut-on, pour une même situation, avoir l'école qui met
tout en oeuvre pour réhabiliter l'élève auteur d'un discours haineux ou incitant à la violence si le Tribunal
des droits de la personne obtient, après enquête de la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse, le pouvoir d'intervenir pour le sanctionner civilement par l'imposition d'une sanction pécuniaire et par
l'ajout de...» Bon, ça, c'est un aspect, là, que, je crois, la ministre a
laissé tomber, l'ajout du nom, là, sur une liste publique de
pseudodélinquants.
Alors, voilà,
M. le Président, je vous ai partagé, là, l'avis de gens qui connaissent bien
les jeunes, qui travaillent quotidiennement
auprès d'eux — commissions
scolaires, directeurs de la protection de la jeunesse — et qui sont les mieux équipés, les mieux
outillés, qui ont le plus de ressources expertes, là, pour travailler auprès
des moins de 18 ans.
Alors, c'est
à l'appui de l'amendement que j'ai soumis à la dernière séance de la commission
à l'effet de modifier l'article 2 de la loi proposée par l'article 1
du projet de loi en ajoutant dans le premier alinéa, après les mots «est
interdit», les mots «à toute personne de 18 ans ou plus». Voilà, M.
le Président.
Le Président (M. Hardy) :
Merci, M. le député de Richelieu. Mme la ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, simplement pour rappeler au collègue, comme je l'avais fait le
28 avril dernier, qu'il y a des
amendements à venir et qui visent, justement, à permettre une référence de la
part de la Commission des droits de
la personne par les instances appropriées, qu'il s'agisse de la direction de la
protection de la jeunesse, du milieu scolaire ou du Curateur public. On a discuté abondamment de cet enjeu-là dans le
passé et du pourquoi. Ça fait suite, justement, aux recommandations qui
ont été formulées lors des consultations.
On reconnaît
que la direction de la protection de la jeunesse est probablement l'organisme
le mieux placé pour pouvoir
intervenir lorsqu'un jeune lance des signaux de détresse et on considère que la
tenue ou la diffusion d'un discours haineux,
d'un discours de haine, un discours incitant à la violence par un jeune peut
être un cri de détresse de ce jeune commandant justement une
intervention adaptée à la réalité de l'enfant.
Donc, vous
verrez — puis, un
jour, on s'y rendra — aux
articles 10 et 11 des amendements qui visent, justement, à
reconnaître les compétences du DPJ, du milieu scolaire, tel que la fédération
nous le mentionnait, et également du Curateur
public, puisque, dans certains cas,
des cas d'adultes, il puisse s'agir aussi d'un signal de détresse lancé par une
personne inapte. Donc, voilà.
Le
Président (M. Hardy) :
Merci, Mme la ministre. Est-ce
qu'il y a des interventions concernant cet amendement?
M. Rochon : Oui.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Richelieu.
M. Rochon : Merci, M. le Président. Je souhaite juste faire
remarquer que nous avons longuement échangé sur les objections que nous
venons d'entendre la ministre formuler. Nous lui avons notamment fait remarquer
les délais d'attente, pour réagir de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Le portrait
statistique, là, en termes de délais
d'intervention, n'est pas très encourageant. Et, avec ce fantastique bureau des
plaintes que risque d'ouvrir le
projet de loi n° 59, ça n'améliorera pas les choses. Je formule à nouveau l'opinion que la direction de
la protection de la jeunesse
est la mieux outillée pour répondre adéquatement en
termes qualitatifs et également répondre rapidement aux situations qui
pourraient se poser.
Le Président
(M. Hardy) : Merci, M. le député de Richelieu. Mme la députée de
Taschereau.
Mme Maltais :
Oui. M. le Président, effectivement, le député de Richelieu a tout à fait
raison. À la dernière rencontre, la ministre
nous a évoqué cet argument, et notre réponse a été : L'amendement que nous
verrons à un moment donné, cet
amendement ne règle pas le problème. Cet amendement ne fait que reporter à la
fin du long processus amené par la
CDPDJ dans le cas d'une plainte de ce type... reporter, à ce moment-là, la
décision. Donc, le jeune, de toute façon, est introduit dans le
processus.
L'autre chose
que nous avons fait remarquer, c'est qu'on a fait l'étude des crédits récemment
et qu'il y a une très modeste somme
qui couvre seulement les frais occasionnés par l'indexation, mais qui va aller
à la CDPDJ. Donc, il n'y a pas de
moyens accordés à la CDPDJ, Commission des droits des personnes et des droits
de la jeunesse, pour assumer les conséquences,
en termes d'employés, d'une telle loi. Donc, les jeunes vont se retrouver
devant des délais qui sont déjà longs,
mais, en plus, qui risquent d'être alourdis. Il ne faut pas se faire
d'accroire, là, il ne faut pas s'illusionner, il va y avoir des délais augmentés quand ça va arriver,
puisqu'il n'y a pas de nouveaux fonds. Donc, la répartition des travaux, tout
ça, ça va se faire à l'intérieur de l'enveloppe actuelle. Donc, les délais vont
s'allonger, puisque la charge de travail va s'allonger. Il n'y a pas plus d'employés,
mais il y a une charge de travail supplémentaire. Qu'est-ce que ça donne?
Allongement, c'est clair. C'est déjà clair pour nous. Et, là-dessus, on n'a
jamais eu de réponse, jamais eu de réponse. Est-ce
que les délais vont être raccourcis? Peut-être que la ministre pourrait nous
rassurer en disant : Je vous garantis que, dans l'année qui suit,
les délais seront raccourcis à 120 jours. Je n'entends jamais ça, M. le
Président.
L'autre
chose, ce n'est pas pour rien qu'on fait ça. On a cité déjà des mémoires :
La Fédération des commissions scolaires,
qui disait : Enlevez-vous du champ d'intervention; mémoire des DPJ. Le
champ d'intervention de la jeunesse, des
moins de 18 ans est déjà couvert, M. le Président, et on n'a jamais
procédé par judiciarisation autre sur ce type de chose là. Les gens nous
ont dit : Faites de la prévention.
• (10 h 20) •
J'ai ici le
mémoire de la Fédération des établissements d'enseignement privés. Si on prend
la page 7, au début ils nous
parlent, évidemment, des problèmes des enseignants, mais je vais aller au
problème directement des jeunes : «Par ailleurs, l'enseignant doit être en mesure d'intervenir auprès d'un
élève qui, voulant s'exprimer, projette une vision déplacée sur un sujet précis. Et si cette lancée de l'élève
venait qu'à franchir la notion du discours haineux ou du discours incitant
à la violence? Le rôle premier de
l'enseignant est d'intervenir et de faire comprendre à l'élève la portée de ses
propos plutôt que d'aller automatiquement rapporter le tout à la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse, déclenchant ainsi une multitude de procédures administratives pouvant
avoir des incidences majeures. On ne parle pas ici de menaces à la sécurité de personnes, mais de jeunes qui tiennent
des propos irréfléchis ou qui répètent des choses qu'ils ont pu entendre
ailleurs.»
D'ailleurs, M. le Président, nous, on a essayé
de cerner le projet de loi de meilleure façon en parlant vraiment d'incitation à la violence. Menace à l'intégrité
physique aurait pu être, par exemple, une chose qu'on aborde. Qu'un discours
haineux ait pour effet de menacer la
sécurité physique, ce dont on pourrait commencer à déboucher sur un encadrement
plus intéressant de cette loi. Mais non.
«La première
chose à faire — je cite
encore — pour un
enseignant n'est-elle pas alors de faire prendre conscience au jeune de la portée de ce qu'il dit, de poser un
regard critique sur ses propos et de discuter des valeurs de la société dans
laquelle il évolue? Dans un contexte scolaire, est-ce que la judiciarisation
doit être la première étape à suivre?»
Alors,
évidemment, on me rétorquera : Ce n'est pas tous les enseignants qui vont
avoir le premier réflexe d'aller vers
la judiciarisation. Oui, mais il y en a qui vont le faire. Ce n'est pas une
bonne méthode. Deuxièmement, alors qu'on est dans une relation
enseignant-enfant dans une classe, les parents, eux, pourraient penser qu'ils
doivent aller vers la judiciarisation.
Alors, la relation maître-élève, qui, à ce moment-là, est le sujet de
discussion, puis toute la place qu'amène le pédagogue à la discussion,
au dialogue, à faire évoluer le jeune pourraient être chamboulées par une
plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
On aurait donc un effet contreproductif.
J'ajoute
qu'il y a un article ce matin dans La Presse où on parle,
justement, de radicalisation, de ce qui s'est passé au collège Maisonneuve. On
parle des médias, mais on parle aussi du fait que le dialogue doit se
poursuivre à l'intérieur du collège.
À l'intérieur du collège. C'est là qu'on doit faire attention à ne pas
cristalliser les opinions. Il y a, d'un côté, les jeunes qui partent en
Syrie, ce qui est une crainte, et ce sont des jeunes qui sont déjà radicalisés.
La plupart de nos interventions ont porté
là-dessus. Mais, de l'autre côté, tu as les jeunes qui pourraient être... ils
sont en voie de radicalisation ou ils sont dans le cercle des agents
radicalisateurs. Alors, ces personnes-là, moi, je pense que, si on procède par judiciarisation, on va cristalliser les
oppositions et on risque de provoquer encore plus de sentiment de perte de...
on peut perdre le sentiment d'appartenance à la société québécoise, à la
communauté. C'est là où on s'embarque dans une discussion non intéressante pour une société, alors que, là, les
pédagogues nous disent : Attention! Nous sommes aptes, à l'école, à
travailler ces dossiers puis à faire de la pédagogie.
En plus
du processus administratif lourd et irréversible que dénonce la Fédération des établissements
d'enseignement privés, bien, j'ai
souligné quelques passages, là, ils nous disent : «Le domaine de
l'éducation dispose à la fois de l'expertise et des outils appropriés pour gérer ce type de situation, à moins bien
sûr qu'il s'agisse de cas extrêmes, auquel cas il existe déjà des
mécanismes judiciaires auxquels les écoles peuvent faire appel en vertu du code
pénal.»
Ensuite :
«L'école dispose de ressources et d'outils pour intervenir auprès d'élèves qui
profèrent des "discours haineux"
et des "discours incitant à la violence". L'éducateur a développé les
compétences professionnelles afin de gérer l'élève qui franchit la limite du respectable. De plus, les écoles ont
un code de vie qui énonce clairement les comportements et les propos qui ne sont pas acceptables et les
conséquences rattachées au non-respect du code de [la] vie. Par ailleurs,
les écoles travaillent de concert avec les
différents intervenants, dont les policiers, afin d'assurer un milieu
sécuritaire.»
Pourquoi est-ce que, tout simplement,
la ministre ne nous offre pas soit d'évacuer les 18 ans et moins soit de
sortir le milieu scolaire de la loi?
Peut-être que la solution, c'est ça. J'écoute, j'attends. On fait des
propositions, là. Est-ce qu'on pourrait
évacuer le milieu scolaire? Peut-être que c'est la meilleure solution. Moi, je
crois que c'est d'abord 18 ans et moins. Je pense que c'est la DPJ qui devrait prendre en charge ces dossiers-là,
s'il le faut. Il y a déjà une prise en charge de ces dossiers-là, mais, dans les écoles, il ne faut pas
agir en judiciarisation, c'est contreproductif. On risque même d'entraîner de la radicalisation si je lis les articles. Alors,
on va faire de l'exclusion, on va introduire des oppositions, on va figer les
positions dans les écoles. C'est une
erreur, cette loi est une erreur. Fondamentalement, M. le Président, cette loi
est une erreur. Voici le genre de
chose que j'attendais de la ministre. Si elle a écouté les mêmes auditions que
nous, elle aurait dû exclure les personnes de 18 ans et plus, elle
aurait dû exclure le milieu scolaire. Il est là, le problème.
Est-ce
que nous avons assisté aux mêmes auditions en commission parlementaire? M. le
Président, on n'arrête pas de citer
des mémoires où les gens sont venus nous dire : Ne faites pas ça, cette
loi-là n'a pas d'allure. Bien, M. le Président, on va être obligés de continuer à expliquer à la ministre que sa loi n'a
pas d'allure et qu'on attend des changements majeurs, importants à plusieurs endroits. Ces changements
majeurs, ils n'arrivent pas, M. le Président. On n'arrête pas de plaider
pour qu'il y ait des changements importants.
Je vois que le temps
court, le temps file, M. le Président...
Le Président
(M. Hardy) : Je vous remercie, Mme la députée de Taschereau. Mme
la ministre.
Mme
Vallée : Vous savez, M. le Président, je lisais également les
entrevues ou les résumés, les sommaires d'entrevues accordées par les représentants du collège
Maisonneuve, et ce qui est intéressant, c'est que, justement, ces gens-là sont
aussi à travailler sur une politique pour contrer le harcèlement et la
violence. La violence, elle peut être aussi verbale.
Ce
que j'ai expliqué... Et je comprends que chacun, on a... Et peut-être, de
l'autre côté, on a aussi cristallisé leur position sur le projet de loi n° 59, mais j'ai mentionné qu'il y
avait des amendements qui étaient prêts — d'ailleurs, on les a déposés en novembre dernier — qui permettent une référence par la
commission des droits de la personne et de la jeunesse au DPJ, au milieu scolaire, au Curateur public pour une
intervention qui pourrait s'avérer modulée, qui pourrait permettre d'intervenir réellement auprès des
jeunes. La référence au milieu scolaire, c'est aussi, le cas échéant, au
directeur de l'école, à la direction
de l'école, qui peut, dans certains cas, avoir mis en place des politiques pour
lutter contre une certaine forme de violence.
Notre
collègue fait référence à des discours publics qui cristallisent. On pourra en
rediscuter, je ne veux pas perdre du
temps inutilement pour revenir sur des débats qui nous ont animés il y a
quelques années, mais c'est le genre de débat qui cristallise le débat identitaire par moments. Il faut aller au-delà
de ça, et c'est pour ça, justement, que le projet de loi que nous déposons, c'est un projet de loi qui
s'adresse au discours haineux dans son ensemble, au discours incitant à la
violence dans son ensemble. Et les
amendements rejoignent, M. le Président, la préoccupation des collègues,
c'est-à-dire que des mesures adaptées
soient apportées au besoin aux mineurs qui manifestent des cris de détresse
parfois par la diffusion, par la
publication d'un discours de haine, d'un discours haineux ou d'un discours qui
incite à la violence. La radicalisation, on l'a mentionné — puis, encore là, on l'a mentionné à plusieurs reprises — la radicalisation menant à la violence,
c'est un processus qui comporte
maintes étapes, et le discours de haine, le discours incitant à la violence
fait partie, malheureusement, de ces étapes-là.
Alors,
on revient encore dans le diagramme que l'on retrouve au mémoire de la ville de
Montréal, qui provient du Centre de
prévention de la radicalisation menant à la violence, donc il y a une
prévention primaire qui est nécessaire, c'est-à-dire une prévention à l'intervention lorsqu'on commence,
lorsqu'on amorce un questionnement sur le vivre-ensemble, sur la formation du discours et qui va amener à
une certaine consolidation des discours et, malheureusement, à des incidents
haineux. C'est ça qu'on veut prévenir par
l'encadrement qui est proposé. C'est ça que l'on souhaite prévenir par les
références des jeunes, au besoin, à la protection de la jeunesse, au
milieu scolaire ou au Curateur public. Alors, voilà.
• (10 h 30) •
Le
Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Est-ce que Mme la
députée de Montarville veut intervenir sur cet amendement?
Mme Roy
(Montarville) :
Écoutez, brièvement, M. le Président. J'avais déjà fait mes commentaires sur
cet amendement, et, comme c'est une loi qui doit contrer, entre autres, la
radicalisation des jeunes, mon problème avec l'amendement...
Et je respecte l'idée qui est derrière l'amendement, je la comprends très, très
bien, mais c'est le fait qu'il n'y ait toujours rien des jeunes qui sont
sur le bord d'être majeurs, mais qui sont mineurs. Là, je pense aux jeunes du collège Maisonneuve, par exemple, des jeunes de 16
et 17 ans. Et je comprends, lorsqu'on parle des tout-petits, effectivement,
que ça ne devrait pas toucher les
tout-petits. Mais, quand on est si près de la majorité, je comprends qu'on
n'est pas encore majeur, mais la réflexion intellectuelle est tout à
fait différente.
Et
ma collègue faisait référence à un texte qui est dans la presse ce matin, dans Le Devoir,
et j'aimerais y référer également
parce que, pour ma part, je pense qu'il faut faire quelque chose pour ces
jeunes de 17 ans. Et ce texte-là a été publié
dans Le Devoir de ce matin, et il nous parle du collège
Maisonneuve, et il nous dit : Le risque de radicalisation
demeure. Alors, le chercheur a été interrogé par Le Devoir. Le
chercheur s'appelle Frédéric Dejean. Il est chercheur à l'Institut de recherche
sur l'intégration professionnelle des immigrants et auteur du rapport Les
étudiants face à la radicalisation
religieuse pouvant conduire à la violence — Mieux
les connaître pour mieux prévenir. Alors, ce rapport, M. le
Président, il a été commandé par Québec en juin dernier dans le cadre du plan
d'action gouvernemental sur la radicalisation. C'est un plan qui s'étend de
2015 à 2018. Nous l'avons tous entre les mains, d'ailleurs.
Et, dans ce
texte... Et je pense que c'est bon, pour le bénéfice des gens qui nous
écoutent, de reprendre quelques paragraphes qui vont justifier la raison
pour laquelle je ne serai pas en faveur de l'amendement du Parti québécois. Mais comprenez-moi bien,
je comprends la nuance entre de petits enfants, de jeunes enfants et des
enfants qui sont sur le point de devenir des adultes, et c'est à eux que
la problématique de la radicalisation s'adresse particulièrement.
Dans son texte, le journaliste nous dit :
«Rappelons qu'à l'hiver et au printemps 2015 11 jeunes du collège de Maisonneuve ont été mêlés à une affaire de
terrorisme, certains ont été interceptés, d'autres ont réussi à rejoindre les
rangs de groupes djihadistes, en Turquie, en Syrie ou ailleurs.»
Plus loin, le
chercheur s'exprime, le journaliste écrit : «Selon [le chercheur], à
court terme, la radicalisation pourrait se reproduire. Il ne croit d'ailleurs pas que son cégep puisse
grand-chose pour arrêter les jeunes qui sont déjà avancés dans leur réflexion pour devenir djihadistes. "On
peut difficilement agir sur les étudiants qui ont déjà ça en tête. Mais on peut
agir sur tous les étudiants qui présentent
des zones de fragilité qui pourraient les faire tomber dans la radicalisation."»
Je poursuis
plus loin, le texte se termine, et on y lit : «Pourquoi tous ces
événements liés au terrorisme ont-ils eu lieu au Collège de
Maisonneuve?» Ça, c'est la question que tout le monde se pose au Québec. Le
chercheur nous dit : «"Mon
hypothèse, c'est qu'il a dû y avoir à un moment donné quelques personnes qui
ont servi de catalyseurs pour d'autres. Ce n'est pas de la nature de ce que serait intrinsèquement Maisonneuve,
mais il y a des personnes autour du cégep qui ont attiré quelques
personnes pour créer une sorte de filière. Et ça s'est passé ici",
soutient [le chercheur].»
Ce qu'il nous
dit, c'est la grande vérité que personne ne veut voir, là, il y a des gens, il
y a des agents de radicalisation qui
ont endoctriné les jeunes. Et les jeunes, lorsqu'on est rendu au cégep, bien,
on a 16, 17 et 18 ans. Donc, pour ces
raisons, je crois qu'il faut faire quelque chose pour ces jeunes. Est-ce que le
projet de loi n° 59 est la bonne solution? Jusqu'à présent, l'article 1 du projet de loi n° 59, pour notre
part, bien, nous avons voté contre, il est très contestable parce qu'il est trop large. Mais nous continuons à
soutenir qu'il faut s'attaquer aux discours de radicalisation et
d'endoctrinement de ces agents de radicalisation dont parle le chercheur
qui ont endoctriné ces jeunes. C'est à eux qu'il faut s'attaquer.
Écoutez,
c'est très troublant parce qu'on touche à une ligne fine entre, effectivement,
le 17 ans et le 18 ans, l'âge de la
majorité. Mais, ces jeunes, on leur lave le cerveau, souvent bien avant qu'ils
atteignent la maturité, et il faut faire quelque chose. Est-ce que le projet de loi n° 59 est la solution?
Je l'ignore. J'en doute. Mais chose certaine, il y a des agents de
radicalisation à qui il faut s'attaquer, et c'est la raison pour laquelle je
plaiderai en faveur d'articles de loi qui s'attaqueront à ces agents de
radicalisation, à ces prédicateurs autoproclamés qui lavent le cerveau des
jeunes.
Alors, c'est
pour situer le fait que je comprends très bien la démarche de ma collègue, et
je comprends très bien qu'il y a une différence entre les jeunes du primaire et du
début secondaire et de jeunes rendus au cégep. Parce que c'est là qu'il se passe des choses et qu'il faut agir pour
aider les jeunes, au cégep. Est-ce
que c'est la bonne façon de le faire
avec le p.l. n° 59 et cet article? Je suis loin d'en être certaine,
M. le Président. Voilà.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville. Je cède la parole à M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Oui. Ce projet de loi, M. le Président, nous n'en doutons pas, il n'est pas la réponse à
la radicalisation. Il ne comporte pas
ce qu'il faut pour lutter contre la radicalisation, il ratisse très large et
manque carrément la cible qu'il dit
vouloir viser. Et, sur l'amendement que je soumets à la commission, que ce projet de loi ne s'applique pas aux moins de 18 ans, je veux, cette fois, vous citer
l'opinion de la Centrale des
syndicats du Québec, qui souligne, d'entrée de jeu, que «l'adoption de la Loi
visant à prévenir et à combattre l'intimidation et la violence à l'école a
permis d'offrir aux milieux les leviers nécessaires
pour travailler à l'instauration d'un climat sain et sécuritaire dans les
écoles». En 2012, la CSQ rappelle
qu'elle a accueilli favorablement le dépôt de ce projet de loi. D'ailleurs, écrit-elle,
elle réclamait depuis plusieurs
années que les établissements d'enseignement publics et privés adoptent et mettent en oeuvre
des plans de lutte contre l'intimidation et la violence.
«Par ailleurs, dans les cas où une situation grave survient, nécessitant une réponse urgente,
elle fait remarquer que les établissements peuvent se référer aux corps de police.» Elle dit de façon
plus détaillée : «L'article 214.1 de la Loi sur l'instruction publique et l'article 63.9 de la Loi sur l'enseignement privé prévoient
[...] que les commissions scolaires
et les établissements d'enseignement [...] doivent conclure des ententes avec les corps de
police pour répondre à de telles situations. Nous voyons difficilement — exprime
la Centrale des syndicats du
Québec — ce que pourrait apporter de plus le fait de se référer à la commission
des droits de la personne et de la jeunesse qui, de toute façon, ne serait
manifestement pas en mesure de
traiter la plainte en temps voulu — ce
que nous plaidions tantôt, statistiques à l'appui, ce n'est pas des paroles en l'air, alors qui ne serait pas en
mesure de traiter la plainte en temps voulu — en cas de situation jugée urgente.
«De plus, l'article
220.2 de la Loi sur l'instruction publique prévoit que chaque commission scolaire doit mettre en [oeuvre] une
procédure d'examen des plaintes formulées par les élèves ou leurs parents.
Cette procédure permet à un plaignant insatisfait de faire appel à la
personne désignée par la commission scolaire pour agir à titre de protecteur de
l'élève. Nous sommes surpris de voir que le projet de loi fait complètement abstraction de ce recours possible. Pour leur
part, les cégeps se sont dotés de politiques contre le harcèlement qui s'adressent aux étudiantes
et étudiants comme aux membres du
personnel. Ils appliquent des codes de vie qui visent à assurer un climat sain
et respectueux en leurs murs et ils ont mis en place des procédures de
gestion des plaintes.
«Plus particulièrement, en ce qui concerne les cégeps, des dispositions sont déjà inscrites à la loi pour donner au ministre
un pouvoir de vérification et d'enquête, et des sanctions sont prévues dans les
cas où un cégep s'adonnerait à "une situation incompatible avec la
poursuite de ses fins" ou la tolérerait[...].
«Des
mécanismes sont aussi prévus dans la Loi sur l'instruction publique et [...] la
Loi sur l'enseignement privé dans les cas où une personne membre du
personnel enseignant commettrait une faute grave.» Bon.
Alors, je
termine, là, la citation de cet extrait. Je passe un paragraphe et je finis
par : «Nous nous interrogeons donc fortement sur l'apport du projet de loi n° 59 pour les
établissements d'enseignement, alors qu'une panoplie de mécanismes
existe déjà; certains permettant d'agir auprès des élèves et des étudiantes et
étudiants, d'autres auprès du personnel.»
Alors,
je réitère, M. le Président, que les gens qui, quotidiennement, travaillent
auprès des jeunes ont les ressources, les compétences pour intervenir et
que la commission des droits de la personne et de la jeunesse sera déjà bien
assez embourbée de ce lot de plaintes qui
atterrira à ses bureaux de gens qui estimeront, suite à un discours qu'ils
n'ont pas trouvé très sympathique, qu'il s'agit d'un discours haineux,
qu'ils identifieront ça comme un discours haineux.
• (10 h 40) •
Le
Président (M. Hardy) :
Merci, M. le député de Richelieu. Est-ce qu'il y a d'autres interventions
sur cet article? S'il n'y a
pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Est-ce que l'amendement
à l'alinéa un de l'article 2 est adopté?
Mme Maltais : M. le Président, je
vais vous demander un vote par appel nominal, s'il vous plaît.
Le Président (M. Hardy) : Il y a
vote par appel nominal.
Le Secrétaire : M. Rochon
(Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
Le Secrétaire : Mme Maltais (Taschereau)?
Mme Maltais : Pour.
Le Secrétaire : Mme Roy (Montarville)?
Mme Roy
(Montarville) :
Contre.
Le Secrétaire : Mme Vallée (Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
Le Secrétaire : M. Merlini (La Prairie)?
M. Merlini : Contre.
Le Secrétaire : M. Reid (Orford)?
M.
Reid : Contre.
Le Secrétaire : M. St-Denis (Argenteuil)?
M. St-Denis : Contre.
Le Secrétaire : M. Hardy (Saint-François)?
Le Président (M. Hardy) :
Abstention.
Le Secrétaire : C'est rejeté.
Le Président (M. Hardy) : L'alinéa
un de l'article 2 est rejeté.
Une voix : L'amendement.
Le Président (M. Hardy) : L'amendement,
excusez, l'amendement. Nous allons passer à...
Une voix : ...
Le Président (M. Hardy) : O.K. On
revient à l'alinéa un. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Mme Maltais : Oui, M. le Président,
nous aurons d'autres interventions sur l'alinéa un.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Écoutez, M. le Président, j'ai essayé, tout à l'heure,
d'exclure notre jeunesse, les jeunes, les jeunes de moins de 18 ans, puis mon collègue le député de Richelieu a très,
très bien plaidé. Il a déposé un amendement qui, à mon sens, était très recevable. Malheureusement, à
chaque fois qu'il y a des amendements fondamentaux, là, tu sais, des vrais
amendements solides
qui feraient une transformation profonde de cette loi-là, on a un rejet de nos
propositions. Tu sais, on a ajouté
«publiquement», ça permet de définir un peu. Mais, quand on dit : Bon, on
va répondre aux questions des gens, on
va répondre aux demandes des gens qui sont venus en commission parlementaire,
bien là, c'est non. Là, c'étaient les jeunes.
Je ne sais
pas si la deuxième opposition a réfléchi... Elle nous a dit : Je devrais
aller... il reste les 16, 17 ans. Bon, je
suis d'accord, mais notre loi, actuellement, couvre les... la DPJ couvre
jusqu'à 18 ans. En fait, jusqu'à 17 ans et 11 mois et 30 jours. Alors,
c'est un peu embêtant.
Alors, M. le
Président, je vais déposer un autre amendement, qui sera : Modifier le
premier alinéa de l'article 2 de la
loi proposée par l'article 1 du projet de loi en ajoutant, après les mots
«l'article 1», les mots «avec l'effet de menacer et de mettre en péril
l'intégrité physique des membres d'un groupe visé au troisième alinéa de cet
article».
Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme
la députée de Taschereau.
Nous allons suspendre quelques instants pour
recevoir votre copie.
(Suspension de la séance à 10 h 43)
(Reprise à 10 h 45)
Le Président (M. Hardy) : Donc, nous
revenons. L'amendement est recevable. Donc, je donne la parole à Mme la députée
de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Écoutez, je l'ai abordé tout à l'heure dans notre
échange concernant les jeunes de
moins de 18 ans, que je trouvais que c'était une mauvaise idée, effectivement, que de dédoubler ce que fait déjà
le milieu scolaire, ce que font les réseaux. J'aurais cru, moi, plutôt que les
dédoubler, vouloir les appuyer, renforcer l'intervention en milieu scolaire, renforcer l'intervention auprès des jeunes de la DPJ plutôt qu'essayer de créer un système parallèle.
Le choix gouvernemental est de créer un système parallèle à la DPJ et
parallèle à ce que vit le milieu scolaire.
Je pense
que c'est un très mauvais choix qui vient d'être fait, M. le Président, mais un très mauvais choix. Cet
amendement était, encore une fois, très
correct. Cet amendement permettait de clarifier les choses, de clarifier la
situation et de donner aux autorités qui s'occupent des jeunes, aux
intervenants qui s'occupent des jeunes la priorité. Mais le gouvernement est
dans un processus, par rapport aux propos haineux, est dans un processus de
judiciarisation, il veut envoyer le monde
devant la CDPDJ. Même des jeunes de 14 ans, 15 ans pourraient être ciblés par
ça. Il veut dédoubler le travail fait
par les profs, les élèves, les intervenants en milieu scolaire. C'est son
choix, ce n'est pas le nôtre. Vraiment, là, je suis un peu déçue de voir qu'une telle proposition ait été
rejetée; vraiment très, très, très déçue. C'était le moins que l'on puisse faire pour attirer, je dirais, une
certaine connivence autour de cette loi, une complicité pour essayer de la
faire évoluer. Il y avait là une proposition qui était d'une grande
sagesse, et elle vient d'être rejetée, M. le Président.
On nous appelle à faire avancer la loi, mais,
quand il y a des propositions sages entérinées par l'ensemble des intervenants
qui sont venus nous voir et qu'on les rejette, je me demande qu'est-ce qui se
passe autour de cette table, M. le
Président, quel est l'entêtement, la détermination qu'a le gouvernement
d'amener nos jeunes dans une boîte à plaintes, peut-être boîte à surprise, et je suis étonnée, je suis un peu
découragée de l'attitude gouvernementale. On cherche des moyens de trouver des terrains d'entente, puis il n'y a
rien à faire, c'est refus après refus, après refus quand on discute de
véritables changements à la loi.
Vous savez,
M. le Président, ce n'est pas anodin, ce qu'on avait fait en début, avant même
les travaux, quand nous avions
demandé qu'il y ait des modifications majeures à la loi, c'est parce que nous
pensions qu'il y avait des éléments qui
étaient corrects, mais qu'il y avait des choses fondamentales à changer. Voici
une chose fondamentale qu'on vient de
déposer, on l'avait annoncée, on en avait parlé, et c'est rejeté encore une
fois. M. le Président, ça devient difficile, ça devient vraiment difficile. On va continuer à travailler à essayer de
convaincre le gouvernement, mais ça devient extrêmement difficile.
C'était le minimum. C'était le minimum.
Alors, on va
revenir avec une précision importante. Il y a beaucoup de textes, si vous allez
dans la jurisprudence, qui nous
parlent de l'effet sur les gens du discours. Nous avons, plusieurs fois lors de
l'étude de l'article 1, débattu de cette
idée qu'il fallait qu'il y ait une intention, une intention, une menace à
l'intégrité physique, qu'il y ait un effet sur les gens. On nous a rejeté, quant au discours haineux,
l'intention. Où est l'amendement? Je ne l'ai pas. On nous l'a déposé? Oui. O.K. Excusez-moi, mais j'en ai parlé tout à
l'heure, je disais : Écoutez, il faut qu'il y ait un effet, ça ne peut pas
être n'importe quoi. Alors, nous, ce
qu'on propose, c'est — voici le texte : «Il est interdit de tenir ou de diffuser
publiquement un discours visé à
l'article 1 avec l'effet de menacer et de mettre en péril l'intégrité physique
des membres d'un groupe visé au
troisième alinéa de cet article.» Il faut qu'il y ait une menace, il faut qu'on
mette en péril l'intégrité. Sinon, mais qu'est-ce qu'on veut? Je cherche encore qu'est-ce qu'on veut atteindre
avec cette loi-là. Il faut qu'il y ait une menace. Ça n'a pas de sens,
sinon. On essaie de protéger la population des intentions gouvernementales, il
faut le faire!
• (10 h 50) •
Voici une
autre des raisons pour lesquelles on veut parler de... il faut qu'il y ait une
menace. Il y a une institution gouvernementale —gouvernementale — qui s'appelle l'Office des personnes
handicapées du Québec, ce n'est pas n'importe quoi. Ils ont présenté un mémoire à la Commission des institutions. On
se dit : Bon, la ministre, elle veut absolument que le discours haineux soit balisé, puis qu'on entre
tous les groupes visés à l'article 10 de la charte, puis qu'il faut... Les
motifs de discrimination, c'est
important, ça peut avoir des effets physiques. Écoutez, eux-mêmes sont venus
nous dire — je vais
citer le mémoire de
l'OPHQ : «D'entrée de jeu, l'office tient à préciser que, selon les
données et les informations dont il
dispose, les personnes handicapées au Québec ne seraient pas particulièrement
l'objet de discours haineux ou de discours incitant à la violence.»
Voici les gens que la ministre veut protéger. «Ce genre de discours ne
présenterait pas pour le moment une menace
sérieuse et réelle pour les personnes handicapées, et l'office n'a pas
d'appréhension particulière à cet égard.»
L'office de protection des personnes handicapées du Québec nous dit qu'elle n'a
pas d'appréhension. Elle ne répond pas
à la commande du gouvernement, là, elle dit ce qu'elle pense. Et ce qu'elle
pense, c'est que le gouvernement ne répond à aucune demande.
J'ajoute :
«Selon Statistique Canada, les crimes motivés par la haine envers les personnes
ayant une incapacité seraient peu
fréquents. Les données colligées indiquent d'ailleurs que, parmi tous les
motifs, la haine envers les personnes handicapées
était l'un des motifs les moins souvent invoqués.» Alors, vous comprenez? On
veut guérir un bobo qui n'existe pas.
C'est une chose... C'est ce que nous dit l'OPHQ, là, en nous visant, en visant
les personnes qui vivent avec un handicap, on va chercher un bobo qui n'existe pas et qui est déjà couvert par le
Code criminel. Ça fait qu'on se dit : Bon, les discours haineux n'entraînent pas de violence physique
envers les personnes handicapées. C'est ce qu'on comprend, c'est ce que nous dit l'office. Alors, au moins, pour éviter
qu'il y ait trop de judiciarisation de dossiers, ayons au moins la balise, que
je trouve nécessaire, qui est qu'il y a un
effet de menacer et de mettre en péril l'intégrité physique. Il faut que
l'effet du discours soit de menacer, l'effet du discours soit de mettre
en péril l'intégrité physique.
Ce
que je trouve flou, là, jusqu'ici dans les explications de la ministre quand
elle nous parle du projet de loi n° 59, c'est qu'elle a l'air d'être très, très, très en amont parfois. Elle
nous dit : Écoutez, les discours haineux entraînent ensuite un climat de haine qui, ensuite, pourrait
entraîner quelqu'un vers la radicalisation, vers la haine. Bien, c'est là le
danger de sa loi. Le danger de sa loi, c'est qu'elle vise trop large,
beaucoup trop large.
Alors, moi, ce que je
propose, c'est d'amener un effet. Et j'ai déjà lu un texte là-dessus,
d'ailleurs, de François Gendron — l'avocat, pas mon collègue
d'Abitibi-Ouest — l'avocat,
qui disait qu'il y avait eu des causes, la célèbre
cause de l'affaire des «traîtres»... Vous savez, ceux qui avaient dit que ceux
qui avaient voté pour le rapatriement de
la Constitution étaient des traîtres à la patrie, il y avait eu une cause et
puis, dedans, il y a eu un examen de ce qui pouvait être considéré normal comme discours ou pas, ce
qu'on pouvait laisser faire. Mais il y a vraiment un plaidoyer qui nous dit que ce qui arrive, c'est qu'il faut qu'il y
ait un effet, il faut qu'on voie un effet au propos. Et ce qu'il nous explique,
par exemple, dans l'affaire des «traîtres»,
ces députés qui ne se sont pas levés, les députés libéraux fédéraux qui ne se
sont pas levés contre le rapatriement d'une
constitution sans l'aval du Québec, bien, ils avaient le droit de le dire parce
qu'il n'y avait pas eu d'effet ensuite, ça
n'avait menacé l'intégrité physique de personne, il n'y avait pas eu de
conséquence négative. Il y avait eu un propos, mais pas de conséquence.
Le
problème qu'on a, aujourd'hui, c'est qu'on veut sanctionner le propos, même
s'il est sans conséquence. On va exactement
dans le contraire de toute la jurisprudence que nous a sortie François Gendron,
L'affaire des «traîtres» : Essai sur la liberté de parole en matière politique. C'est publié chez Wilson & Lafleur. Très
intéressant. Alors, c'est un livre qui
est publié... il est encore assez récent, 2005. Alors, M. le Président, je
pense qu'il faudrait revenir aux fondements de la liberté d'expression. Et je pense que notre
amendement pourrait avoir un effet, je pense,
intéressant, positif sur la loi, ça pourrait permettre
de mieux la baliser.
Le Président (M.
Hardy) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme ministre de la
Justice.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, lorsque j'ai pris
connaissance de l'amendement, je sentais un petit peu qu'on était dans une espèce de jeu de serpents
et échelles parce que, la définition du discours haineux, on l'a campée dans l'article 1 du projet de loi. Lorsqu'on
regarde l'amendement, l'amendement revient sur des propositions d'amendement
qui ont été discutées à l'article 1 au moment de la définition.
Par
contre, lorsque je lis le texte de l'amendement, je ne peux pas faire autrement
que de me poser la question lorsque
notre collègue nous indique : Modifier le premier alinéa de l'article 2 de
la loi proposée par l'article 1 en ajoutant, après les mots «l'article 1», les mots «avec l'effet de menacer et de
mettre en péril l'intégrité physique des membres d'un groupe visé au
troisième alinéa de cet article»... j'aimerais qu'elle m'indique quel groupe
visé au troisième alinéa de l'article 1, quel faisons-nous référence parce que
ce n'est pas très clair à la lecture.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Ah! M. le Président, c'est... Bon, la présente
loi, l'article... Écoutez, c'est un discours visé... est un discours visé au deuxième alinéa, et le deuxième
alinéa dit : «...un groupe de personnes qui présentent une caractéristique
commune identifiée comme un motif de
discrimination interdit à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de
la personne».
Je peux mettre...
Mme Vallée :
...qu'on fait référence au deuxième alinéa, et non au troisième.
Mme
Maltais : Ah! bien, je peux sous-amender pour mettre
«deuxième alinéa», ça va... Je pensais que c'était clair, mais on peut
clarifier encore plus avec plaisir.
Mme
Vallée : Honnêtement, ceci étant dit, je comprends donc qu'on
fait référence... C'est une petite coquille dans la rédaction, tout
simplement. C'est ça?
Mme
Maltais : Oui,
oui. Bien, ce n'était pas une coquille, c'était...
Mme Vallée : C'est
parce que le troisième alinéa de l'article 1 ne nous amène pas... le troisième
alinéa de l'article 1 dit ceci :
«Est un discours haineux, un discours visé au deuxième alinéa qui, de l'avis
d'une personne raisonnable, est d'une virulence
ou d'un extrême tel qu'il expose ce groupe au rejet, à la détestation ou au
dénigrement notamment pour que ce groupe soit perçu comme étant
illégitime, dangereux ou ignoble.»
En
soi, le troisième alinéa de l'article 1 établit un peu l'objectif qui est visé
par la collègue. C'est parce qu'à un moment
donné c'est qu'à reprendre chaque élément puis à les rajouter à chaque article,
on fait un projet de loi qui est très lourd
et se lit très mal. Alors, on comprend qu'on tente de ramener des éléments de
la définition. Moi, je ne pense pas que
ce soit opportun de faire cet exercice-là. Je pense qu'on a eu les discussions,
et puis je pense que l'objectif, il est très clairement établi dans l'article 1 tel qu'on l'a travaillé en
collégialité au cours des 60 heures qui ont précédé nos séances sur
l'article 2.
Le
Président (M. Hardy) : Donc, si la députée de Taschereau le veut, nous
allons peut-être faire une correction de forme.
Mme
Maltais :
Non, M. le Président, on va commencer par celui-là.
Le Président (M.
Hardy) : Non? O.K. Au lieu de «troisième», à «deuxième»...
Mme
Maltais : On n'est pas en train de penser à le sous-amender,
on va le faire tantôt. M. le Président, on peut continuer là-dessus, là.
Le Président (M.
Hardy) : O.K. Mme la députée de Montarville.
• (11 heures) •
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Merci beaucoup, M. le
Président. En fait, c'est pour commenter l'amendement qui vient d'être
soumis. En fait, ma collègue est tellement précise dans l'amendement, elle est
tellement dedans que, malheureusement, ça
devient redondant avec l'article 1, et je vais expliquer pourquoi. Mais,
effectivement, elle a raison pour ce
qui est de l'objet, de l'effet recherché. Donc, le texte amendé se lit comme
suit : «Il est interdit de tenir ou de diffuser publiquement un discours visé à l'article 1 avec
l'effet de menacer et de mettre en péril l'intégrité physique des membres
d'un groupe visé au deuxième alinéa de cet article.»
J'aimerais soumettre à ma collègue qu'avec l'effet
de menacer c'est déjà... la menace, c'est déjà un crime dans notre Code criminel canadien, à l'article 264.1,
paragraphe 1°. Et, naturellement, «et de mettre en péril l'intégrité physique»
de certaines personnes, donc, ici, on parle
de menaces, de menaces causant des lésions. Et, là où je veux en venir, c'est
qu'il y a cette redondance parce que, malheureusement, l'écrire comme ça, ça vient à répéter l'alinéa
un de l'article 1 parce
que, lorsque nous avons, à l'alinéa un de l'article 1, la phrase : «Elle établit également
de telles mesures contre les discours incitant
à la violence», alors, le discours incitant à la violence, l'incitation à la
violence et cette menace de violence, enfin, moi, j'y vois ici une
redondance.
Donc,
effectivement, c'est pertinent dans la mesure qu'on dit la même chose. Selon nous, les discours
incitant à la violence, lorsqu'on incite à la violence, on dit aux gens
de faire quelque chose. Et, lorsqu'on dit aux gens de faire quelque chose, commettre cet acte est une menace
en soi pour la personne qui est visée. Alors, c'était un simple commentaire
que je voulais ajouter.
Le Président (M.
Hardy) : Merci. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Oui, M. le Président. On est en train, tout simplement, d'imprimer le nouvel...
on est en train d'imprimer pour mettre le deuxième alinéa, là. Ça, c'est en
train de se faire.
Mais
je veux répéter à ma collègue notre lecture de l'article 1, puis c'est là où on
a une divergence. Si on regarde bien
l'article 1, il y a deux motifs de poursuite dans l'article 1. Il y en a deux,
et nous, on vise à baliser un des deux. Elle a raison quand elle dit que, si on lit le premier alinéa de
l'article 1, la deuxième phrase est : «Elle établit également de
telles mesures contre les discours incitant à la violence.» Oui, cette
partie-là est couverte.
Mais
la première phrase, c'est avec elle qu'on se bat depuis le début. «La présente
loi a pour objet d'établir des mesures
de prévention — on peut
quand même rigoler un peu, là, "prévention" — et de lutte contre les discours haineux
s'exprimant dans un contexte de
discrimination...» Le fait qu'il y ait ensuite «y compris dans un contexte» n'enlève pas le fait que la majeure, ce
n'est pas la radicalisation. La majeure, c'est un contexte de discrimination.
Or, dans le cas d'un contexte de
discrimination, il n'y a aucunement référence uniquement aux discours
incitant à la violence ou menaçant l'intégrité
physique. On est dans le contexte de discrimination, y compris un contexte de
radicalisation pouvant mener à l'extrémisme violent, mais on est dans un
discours s'exprimant dans un contexte de discrimination très large.
Alors,
à aucun endroit, pour moi, dans la première phase du premier alinéa de l'article
1, on n'a l'effet que l'on vise avec
notre amendement. N'oubliez jamais que la loi ne vise pas
que la radicalisation et que c'est son problème, de cette loi. La loi, elle vise très, très
large, très, très large. C'est pour ça, M. le Président, que, d'entrée de jeu, j'ai cité un mémoire qui n'a rien à voir avec la radicalisation, j'ai cité un mémoire
de l'office de protection des personnes
handicapées du Québec...
j'ai cité un mémoire de l'OPHQ, l'Office des personnes handicapées du Québec.
Pas de protection, excusez, l'Office
des personnes handicapées du Québec. Non, je n'ai pas cité quelque chose qui avait trait à la radicalisation. Le projet de loi ne vise pas uniquement
la radicalisation, il remplit beaucoup plus large que son office, et c'est son problème.
Alors, je ne sais pas si ma collègue me comprend, si elle comprend ce que je
vous raconte, là, mais il y a vraiment un problème avec quelque chose qui est
fondamental pour nous.
Le Président (M.
Hardy) : Oui, M. le député de...
Mme
Maltais : Avant,
il faut que je retire... C'est un sous-amendement, on va le présenter comme un sous-amendement. O.K. Parfait, parfait.
Le Président (M. Hardy) : M. le député
de Richelieu.
M. Rochon : Alors, M. le Président,
je vais présenter le sous-amendement que tous attendent : Modifier l'amendement modifiant le premier alinéa de l'article 2 de la loi proposée par l'article
1 du projet de loi en remplaçant le mot «troisième» par le
mot «deuxième».
Le texte amendé se lirait donc comme suit :
«Il est
interdit de tenir ou de diffuser publiquement un discours visé à l'article
1 avec l'effet de menacer et de mettre en péril l'intégrité physique des
membres d'un groupe visé au deuxième alinéa de cet article.»
Je dépose...
Le Président (M. Hardy) : Nous
allons suspendre quelques instants, le temps de recevoir notre copie.
(Suspension de la séance à 11 h 5)
(Reprise à 11 h 7)
Le
Président (M. Hardy) : Donc,
nous reprenons nos travaux. Nous sommes sous le sous-amendement déposé
par le député de Richelieu. À vous la parole.
M.
Rochon : Oui. Alors, nous
voulons donc, avec ce sous-amendement et l'amendement qui l'a précédé, amender le premier alinéa de l'article
2 qui dit qu'il est interdit de tenir ou de diffuser un discours visé à l'article
1. Je vais revenir à cet article
1 pour que tout le monde nous suive bien. Alors, l'article
1, c'est celui-ci : «La présente loi a pour objet d'établir des mesures de prévention et de lutte contre les
discours haineux s'exprimant dans un contexte de discrimination, y compris
dans un contexte d'endoctrinement ou de
radicalisation pouvant mener à l'extrémisme violent. Elle établit également
de telles mesures contre les discours incitant à la violence.»
Alors, mon sous-amendement vise à ce que l'amendement qui l'a précédé réfère au deuxième alinéa de cet article, dont je
suis en train de faire la lecture, là. Alors, le deuxième alinéa, il se lit
ainsi : «Elle s'applique aux discours haineux — la présente loi, elle s'applique aux
discours haineux — et aux
discours incitant à la violence tenus ou diffusés publiquement, peu
importe les préceptes sur lesquels ils s'appuient, qu'ils soient religieux ou
autres, et qui visent un groupe de personnes
qui présentent une caractéristique commune identifiée comme un motif de
discrimination interdit à l'article 10 de la Charte des droits et
libertés de la personne.»
Et je poursuis la lecture de l'article 1 pour
nous en instruire et rafraîchir la mémoire à celles et ceux qui nous regardent : «Est un discours haineux — et là on va à nouveau constater que ça vise
très, très large — un
discours visé au deuxième alinéa qui,
de l'avis d'une personne raisonnable, est d'une virulence ou d'un extrême tel
qu'il expose ce groupe au rejet, à la
détestation ou au dénigrement notamment pour que ce groupe soit perçu comme
étant illégitime, dangereux ou ignoble.»
La ministre
nous disait tantôt que nous nous adonnions au jeu du serpent et de l'échelle,
mais elle nous condamne à ça. Elle
nous condamne à ça. Nous voulons que ce projet de loi ratisse moins large et
nous avons, plusieurs fois, soumis à
la ministre qu'il devrait s'en tenir au discours tenu avec cette volonté
d'effet de menacer, de mettre en péril l'intégrité physique des membres
d'un groupe visé au deuxième alinéa de cet article. Et c'était aussi — et je
me sens forcé de le rappeler — le souhait du premier ministre lui-même que
ce projet de loi soit amendé en ce sens pour ne pas qu'il brime la
liberté d'expression.
• (11 h 10) •
Il convenait,
le premier ministre, de restreindre
la portée du projet de loi n° 59 visant à lutter contre les discours haineux et les discours incitant à la violence en
faisant en sorte que ce projet de loi ne prohibe seulement l'appel direct
à la violence. «Le but n'est pas de réduire
la liberté d'expression au Québec — disait
le premier ministre — mais
d'en indiquer la limite, qui, à mon avis,
requiert le consensus et va recueillir le consensus
des citoyens[...]. On peut dire des bêtises. On peut
dire toutes sortes de choses, mais on ne peut pas appeler à la violence.
«Le projet de loi n° 59 sera ainsi amendé — disait-il au journal Le Devoir — afin de préciser la "démarcation"
entre l'acceptable et l'inacceptable, le
permis et l'interdit. Elle doit être explicite et définie. La ligne, pour moi,
c'est l'appel [...] à la violence...» C'est sur quoi, disait-il ce
jour-là au Devoir — on
était le 29 août 2015 — la
ministre travaille.
Alors, notre amendement, clarifié par notre sous-amendement, hein, clarifié par notre sous-amendement, j'y allais, là, vise cela,
hein, que ce projet de loi interdise de tenir ou de diffuser publiquement un
discours qui recherche l'effet de menacer
ou de mettre en péril l'intégrité physique des membres d'un groupe visé au
deuxième alinéa. Sinon, si on ne fait pas
ça, nous avons exprimé ça à plusieurs
reprises, le bureau des plaintes, là,
qu'on va ouvrir à la Commission des
droits de la personne et des droits
de la jeunesse sera inondé, inondé parce que ce projet de loi n° 59 va ouvrir la
chasse à tout propos qui déplaît et
il va forcer — on l'a
dit bien des fois, ça — tous ceux qui s'expriment à se demander à chaque fois si
quelqu'un ne va pas, en quelque part, trouver que leurs mots, leurs blagues,
leurs photos, leurs caricatures semblent haineux. Alors, c'est de cela que nous voulons
nous prémunir, M. le Président, de cette inondation de plaintes, et, bien,
le jeu du serpent et de l'échelle, là, on risque de s'y adonner encore
longuement. Voilà.
Le
Président (M. Hardy) : M. le député de Richelieu, j'ai omis tantôt de
vous dire que votre sous-amendement était recevable. Ça fait que je
corrige la situation. Maintenant, je laisse la parole à Mme la ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, je n'ai pas de commentaire particulier à formuler. J'ai
indiqué qu'il était un peu lourd que
d'ajouter ce sous-amendement ou l'amendement, là. Bref, d'ajouter à l'article 2
des éléments de la définition que
l'on retrouve à l'article 1, c'est très lourd, et je ne crois pas que ça
permette un projet de loi clair, d'autant plus qu'il y a ce souci, quand
même, lorsque nous rédigeons, d'avoir des textes clairs qui ne portent pas à
confusion.
Alors, on a
eu la discussion sur le contenu de l'article 1, sur le contenu de la
définition, et je ne crois pas qu'il soit
opportun de ramener des éléments de la définition à chaque article du projet de
loi. Ça va à l'encontre de la logique même dans laquelle on rédige les
projets de loi ici, à Québec.
Le Président (M. Hardy) : Merci. Mme
la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Oui, M. le Président. C'est parce que, si c'est juste une question de forme, on
peut rouvrir l'article 1 pour
réintroduire cette notion si la ministre trouve ça juste. Si sa raison, c'est
parce qu'elle trouve ça lourd comme écriture, on peut rouvrir l'article
1.
Mme Vallée : M. le
Président, on a adopté l'article
1, on a adopté la définition de l'article 1. On a fait des
débats, puis ce n'est pas faute de
temps parce que je
pense qu'on y a investi beaucoup
d'énergie et de temps. Malgré l'énergie, malgré la contribution des collègues à la bonification du projet de loi, de l'article 1, j'ai mentionné et j'ai fait remarquer que les collègues qui avaient apporté des amendements
ont eux-mêmes voté contre l'article 1. Alors, on ne reviendra pas dans ce scénario-là, je pense
qu'on a un... Et, de toute façon, l'esprit de l'amendement apporté par la
collègue a fait l'objet de discussions lors de l'étude de l'article 1.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Bien, j'aime mieux ça, c'est plus clair. Ce n'est
pas une question de forme, c'est une question de
fond. Parce que moi, je n'accepte pas qu'on m'amène un argument de forme quand
c'est une question de fond. Alors là, c'est clair, ce n'est
pas une question de forme. Si c'était une question de forme, on a juste à
réouvrir le 1.
C'est une question
de fond. La question de fond, c'est : Quelles sont les balises
qu'on donne à la loi? Si on regarde l'article 1, l'article 1, on l'a dit, on l'a décrit, qu'est-ce qu'un
discours haineux. Évidemment, dans le type de discours même, le
gouvernement a refusé d'amener cette idée qu'il faut
que le discours même ait eu l'effet de menacer ou de mettre en péril l'intégrité physique, dans son texte,
dans son libellé, s'applique au discours haineux, voilà, qu'est-ce qu'un
discours haineux. Là, on est dans la
tenue du discours puis on est dans la diffusion publique du discours. Comme on
est dans la tenue ou la diffusion
publique du discours, on peut parler de l'effet aussi. On peut parler de
l'effet, c'est même très pertinent de parler de l'effet du
discours.
Si on regarde le libellé de l'article 2 :
«Il est interdit de tenir ou de diffuser publiquement un discours visé à l'article
1», le fait d'ajouter «avec l'effet de menacer et de mettre en péril
l'intégrité» nous ramène avec une notion fondamentale, il
faut qu'il y ait un effet. Oui, on ramène cette idée, mais elle est
pertinente à cet endroit-là aussi. Elle est pertinente parce que, là, on touche au diffuseur aussi. On n'est pas
seulement au porteur du discours, on n'est pas seulement au scripteur, on n'est pas seulement à l'orateur,
on est au diffuseur. On ne peut pas tenir ou diffuser publiquement, donc
il y a le diffuseur qui est intégré. Dans l'article 1, on ne touchait pas au
diffuseur. Là, on prend le diffuseur.
M. le
Président, ce sous-amendement ramène une notion fondamentale. On ne commence
pas à museler la liberté d'expression
comme ça, en redoublant ce qui se passe au Code criminel, en allant à
l'encontre de la volonté des gens sans essayer
de se mettre des balises les plus claires possible, des balises qui sont de bon
aloi, je pense, qui sont de gros bon sens.
Alors, M. le Président, je trouve que c'est un très bon sous-amendement. Il
clarifie, d'ailleurs, celui qu'on avait apporté.
Mais ce qui
est étonnant, c'est que, dans la loi qu'on nous propose, systématiquement, le
gouvernement s'entête dans son idée
de ne pas inscrire l'intention ou l'effet, et c'est là qu'il y a un problème
dans sa loi. Dans ce bout-ci, là, de la loi, là, il y a un problème, on
ne parle pas de l'intention puis on ne parle pas de l'effet.
On ne parle à
peu près pas de prévention, d'ailleurs. Je regardais encore récemment des
mémoires où on disait : La
prévention est quasi inexistante. C'est un projet de loi qui permet la
judiciarisation beaucoup trop large des gens qui tiennent des discours.
Alors, si on nous a refusé, au moins, de ne pas dédoubler ce que font la DPJ,
les commissions scolaires, les cégeps en
rejetant l'autre amendement, qui était, pour moi, très important, est-ce qu'on
pourrait, au moins, s'en tenir à des discours haineux qui ont un impact dans la
société? Il faut qu'il y ait un impact, il faut que les personnes aient
senti un effet.
• (11 h 20) •
Vous savez,
quand il y a, par exemple, des procès en diffamation, bien, les
interrogatoires, ça va être sur quels ont
été les effets, est-ce que vous avez perdu de la clientèle, tu sais, quel est
l'effet, est-ce que vous avez perdu des clients, de la notoriété, est-ce que vous avez reçu des téléphones, et tout ça.
J'en ai eu un, moi, tiens, Marc-Yvan
Côté m'a poursuivie pour des propos
tenus en point de presse ici, à l'Assemblée
nationale. Vous ne saviez pas, chers collègues?
Je m'amuse à dire encore que je suis
une des personnes qui a reçu le plus de mises en demeure et de poursuites à l'Assemblée nationale. Il faut dire que 17 ans,
ça permet aussi de parler. Mais, à l'époque, j'avais parlé du jardin zoologique
et j'étais contre le fait qu'on puisse potentiellement privatiser les
terrains.
Finalement,
on s'était parlé, M. Côté et moi, puis on avait régularisé les choses à
l'amiable puis sans argent, sans rien,
là, juste... On s'est expliqués en homme et femme politique.
Mais, entre-temps, j'ai eu à subir un interrogatoire, et lui aussi. Tu sais, l'interrogatoire avant, mais
c'est : Quels sont les effets? Qu'est-ce
que ça a fait? Qu'est-ce que ça a provoqué? D'abord, par rapport à la véracité des propos, est-ce
qu'ils étaient raisonnables ou pas et, après ça, quels étaient les effets,
est-ce qu'il y a eu véritablement chez la
personne un impact dans sa carrière, dans sa vie personnelle, dans sa vie
familiale, des pertes d'amitiés, des choses comme ça. L'effet, c'est un
concept qui est reconnu.
Alors,
comme on est supposément, je vais dire, en matière civile ici, alors qu'on
accorde des pénalités à la fin... On
accorde des pénalités, là, après, là, qui peuvent aller jusqu'à des milliers de
dollars. Mais, comme on nous dit toujours qu'on est en matière civile, pourquoi on ne va pas voir l'effet?
Pourquoi on ne demande pas qu'il y ait un effet? Ce serait tout à fait dans la règle des choses, dans l'ordre
des choses. Ce ne serait pas du tout inconvenant, au contraire, et ça nous
ramènerait aussi à quelque chose de
fondamental, sur lequel on revient régulièrement, les propos du premier
ministre. Le premier ministre disait
qu'il y avait une ligne qui ne devait pas être franchie, c'était l'appel à la
violence. On a cité maintes et maintes fois ces propos du premier
ministre, c'était au mois d'août 2015, août 2015...
Une voix :
...
Mme
Maltais : Oui. Août 2016 était encore dans un avenir assez
rapproché. Mais ces propos devaient... la ligne, l'appel à la violence. À l'article 1, on nous a refusé d'introduire la
ligne d'arrêt, là — quand on
était petites puis qu'on jouait au baseball, on disait le
«stoppeur» — la
ligne d'arrêt, qui était l'incitation à la violence.
Alors,
à l'article 2, nous, ce qu'on propose... Oui, le premier ministre promet
d'amender le projet de loi n° 59. «On
peut dire des bêtises. On peut dire toutes sortes de choses, mais on ne peut
pas appeler à la violence.» Merci, cher collègue de Richelieu, c'est
très pertinent.
Alors,
au moins, si, dans la définition du discours haineux, on n'a pas intégré
l'appel à la violence, on nous a refusé un peu notre proposition qui était d'aller vers ça partout, sur tout,
pas seulement sur la deuxième ligne, là, sur les motifs de discrimination aussi, bien, je pense que, sur la
tenue, la diffusion du discours publiquement, on pourrait l'intégrer. Ce serait
une manière, pour la ministre, de revenir à
l'essentiel de ce que lui avait demandé le premier ministre. C'est le premier
ministre qui l'a demandé. Je ne comprends pas que ce soit passé devant le
Comité de législation, que ce soit passé au Conseil
des ministres puis que ça n'ait pas rebondi. Le gouvernement a fait ses choix,
là, mais je suis très, très, très étonnée, très, très, très étonnée.
Alors, M. le
Président, je me demande pourquoi, sur le fond, non pas sur la forme — sur
la forme, tout est réglable — sur le fond, la ministre ne veut pas
envisager cette balise à la loi qui permettrait de rassurer un peu tout le
monde.
Le Président (M.
Hardy) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la ministre.
Mme
Vallée : Simplement rappeler à la collègue que l'article 1 vise
les discours haineux et les discours incitant à la violence, et je pense
que ça inclut exactement ce qu'elle touche.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. Je ne partage pas l'avis de la ministre, M. le Président. Lisons bien
l'article 1 : «La présente loi a
pour objet d'établir des mesures de prévention et de lutte contre les discours
haineux s'exprimant dans un contexte de discrimination...» Ça se tient
en soi, là, hein? Cet avant première virgule se tient en soi.
Ensuite,
on lit : «...y compris dans un contexte d'endoctrinement ou de radicalisation
pouvant mener à l'extrémisme violent.» C'est assez amusant, d'ailleurs,
que ce projet de loi ait été amené par le gouvernement pour lutter contre l'endoctrinement et la radicalisation et que ça se
retrouve, ça, en deuxième partie de cette première phrase du premier article.
Et le premier alinéa
de cet article premier se termine par : «Elle établit également de telles
mesures contre les discours incitant à la
violence.» «Également de telles mesures contre les discours incitant à
la violence», alors il y a les discours
incitant à la violence et il y a les discours haineux s'exprimant dans un contexte
de discrimination. Et rappelons qu'un discours haineux, en
vertu de ce premier article
du projet de loi n° 59, c'est un discours qui, de l'avis d'une
personne raisonnable, est d'une
virulence ou d'un extrême tel qu'il expose ce groupe-là, un groupe, là, visé à l'article
10 de la Charte des droits et libertés de la personne, au rejet, à la détestation ou au dénigrement, notamment
pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou
ignoble.
Alors,
encore une fois, le discours dit haineux s'exprimant dans un
contexte de discrimination et n'appelant pas à la violence est
punissable en vertu du projet de loi n° 59. Alors, moi, je trouve que la suggestion
que nous faisons d'introduire à l'article
2 du projet de loi l'effet de menacer et de mettre en péril
l'intégrité physique des membres d'un groupe visé au troisième alinéa de
cet article est rempli de pertinence.
D'ailleurs,
j'aimerais que la ministre me dise si elle est d'accord avec ça, l'interdiction
de tenir ou de diffuser publiquement un
discours visé à l'article 1 avec l'effet de menacer et de mettre en péril
l'intégrité physique des membres d'un groupe visé au troisième alinéa de
cet article.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre, avez-vous des commentaires?
Mme
Vallée : M. le Président, je pense que j'ai mentionné que je ne partageais pas le point de vue des collègues quant
à l'importance d'inclure ce qui est
prévu à l'amendement et au sous-amendement. Je réfère le collègue à l'article 1.
Le
Président (M. Hardy) :
Parfait. Est-ce que Mme la
députée de Montarville a des commentaires à faire sur le sous-amendement?
Mme Roy
(Montarville) :
Non, pas sur ce sous-amendement, mais j'aurais peut-être un amendement
à apporter ou un sous-amendement à apporter à cet article 2, peut-être,
qui pourrait nous rapprocher à cet égard.
Le
Président (M. Hardy) : Là, on reste sur le sous-amendement proposé.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Mme
Maltais : Oui, M.
le Président.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
• (11 h 30) •
Mme
Maltais : Écoutez,
M. le Président, ce n'est pas anodin, ce qu'on est en train de faire, on est en
train de débattre d'un projet de loi qui va
baliser... restreindre — le vrai mot étant «restreindre» — la liberté d'expression au Québec. Ce
n'est pas n'importe quoi qu'on est en train de débattre, M. le Président.
Moi, je
faisais référence tout à l'heure à mon passé et mon présent de députée, et j'en
ai vu passer, des lois, puis les collègues
ici en ont vu passer. Parce que je pense au député de Richelieu, qui a
travaillé longtemps avec Sylvain Simard, son prédécesseur dans le comté, il en a vu, il en a débattu. Dans sa
circonscription, il a entendu parler de lois, et tout, de lois, de ce
qui se passait.
Rarement
a-t-on touché à des éléments aussi fondamentaux dans une société. Une des
balises d'une démocratie, un des
fondements d'une démocratie, particulièrement des démocraties occidentales, si
vous permettez, mais d'autres aussi,
je pense, c'est la liberté d'expression. Quand on touche à la liberté
d'expression, on a un devoir de responsabilité, il faut être responsable, c'est un des fondements d'une démocratie. Sans liberté d'expression, pas de
démocratie. Parce qu'une démocratie,
c'est... on a remplacé l'autorité, on a remplacé la punition, on a remplacé les
armes par le débat. Le débat, c'est
notre arme. Le discours, c'est notre art ici, à l'Assemblée nationale, comme dans la société. La
société civile, d'ailleurs, a de plus en plus de moyens d'expression.
La nécessité de restreindre la liberté
d'expression, à cette date-ci, n'a jamais été exprimée clairement. La nécessité de restreindre la liberté d'expression,
je n'ai pas entendu d'arguments assez forts qui fassent que je me dise :
Oui, il faut que je m'assoie autour de la table,
il y a vraiment un problème au Québec. Le problème au Québec qui nous a amenés ici, c'est la radicalisation des jeunes.
Il n'y a pas d'autre problème qui a été évoqué ou évocable, aucun, on est ici
à cause de jeunes qui sont partis en Syrie.
Ça trouble les Québécois et les Québécoises. On est ici à cause d'attentats
terroristes au Québec, en Ontario, à
Ottawa et dans le monde et que ça nous trouble profondément, puisque des gens
choisissent soit d'aller combattre
dans des pays étrangers, soit d'entraîner les autres dans la mort. Les gens
embarquent dans un régime de terreur. Ça, c'est ce qui nous amène autour
de la table.
Mais le
discours haineux, moi, je n'ai jamais été amenée autour de la table autour de
ça, sauf le discours haineux pouvant
entraîner de la radicalisation. Là, j'étais prête à m'asseoir puis à donner des
outils aux municipalités, aux écoles pour
qu'ils puissent combattre. Mais, avant que la loi soit déposée, personne au
Québec n'avait évoqué, à part la commission des droits de la personne et de la jeunesse, personne au Québec n'avait
évoqué cette idée d'un système parallèle au Code criminel, parallèle au processus de plainte déjà existant à la CDPDJ,
personne. Le fardeau de la preuve, il n'est pas de notre côté. Le fardeau de la preuve, il est du
côté du gouvernement. Le fardeau de la preuve, il est à la ministre de la
Justice. Le fardeau de la preuve, il
est chez vous. Je vais reprendre le terme neutre, M. le Président, il est au
gouvernement, et, jusqu'ici, la
preuve n'est pas convaincante. Nous n'embarquons pas dans ce débat, nous
n'embarquons pas dans cette idée qu'il faut restreindre la liberté d'expression
de façon si large.
Alors, voici un élément qui nous permettrait
d'être un peu plus rassurés et de rassurer la population. Voici un élément qui, en plus, correspond tout à fait à ce
qu'avait peut-être comme idée le premier ministre : «Il est interdit de
tenir ou diffuser publiquement un
discours visé à l'article 1 avec l'effet de menacer et de mettre en péril
l'intégrité physique des membres d'un groupe visé au deuxième alinéa de
cet article.»
On parle de
l'effet. Pourquoi on parle de l'effet? Bien, écoutez, en plus, dans cette
loi-là, on sait très bien — puis on en a parlé
pendant l'étude de l'article 1 — une personne qui se sent lésée, qui se sent
blessée par un discours, qui se sent — je vais utiliser les termes de
l'article 1 — rejetée,
détestée ou dénigrée va pouvoir poursuivre. Elle n'aura pas à prouver l'effet, elle n'aura pas à prouver qu'il y
a eu un effet chez elle, contrairement, parfois, au discours de diffamation,
par exemple. On ne l'aura pas, ça. Mais
c'est là que c'est important, on va restreindre la liberté d'expression sans
aucune idée de l'effet. On n'a même
pas l'idée de l'intention, ça nous a été refusé encore récemment.
«Intentionnellement», je pense, qu'on voulait ajouter. C'est ça, le mot
«intentionnellement». On nous refuse l'intention, donc au moins que la personne n'ait pas fait un geste qui soit une
erreur. On nous refuse l'intention, mais, en plus, on nous refuse l'autre bout,
l'effet. S'il n'a pas d'effet, ce discours-là, pourquoi on le judiciarise? Si
ce discours n'a eu aucun effet, quel est l'intérêt d'amener quelqu'un
dans un système parallèle?
Remarquez que, s'il a eu un effet, on va l'envoyer au Code
criminel. C'est complètement fou, là, j'essaie de baliser quelque chose qui est déjà inscrit dans nos codes. Mais, puisque le gouvernement s'entête à vouloir envoyer les Québécois
devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dans un nouveau processus, bien, au moins,
qu'on nous dise que le discours a eu un
effet. Comment est-ce qu'on justifie qu'un discours peut ne pas avoir eu
d'effet et puis
vouloir envoyer le monde en judiciarisation, votre discours n'a pas eu d'effet,
mais vous allez être judiciarisé, vous allez
aller devant la Commission des droits
de la personne, vous allez attendre un an, un an et demi que l'enquête
débouche, vous allez attendre près de deux ans que l'enquête se termine?
Quand vous
êtes un prof, là... On a vu la Fédération des commissions scolaires venir ici,
et je leur ai demandé, M. le
Président — je m'en
souviens très bien, cette question, elle était très importante — qu'est-ce qui va se passer si un prof est poursuivi en vertu de cette nouvelle loi
là. Puis ce n'était pas une question anodine parce que j'ai cité des profs,
j'ai cité des sites Internet où les profs
étaient accusés d'avoir tenu des propos haineux, alors que ce ne l'était pas,
d'après la lecture que j'en ai, moi
qui suis une personne raisonnable et bien informée. Alors, ils m'ont dit :
On va les suspendre, on va les
suspendre. Un an, un an et demi d'attente, de suspension, savez-vous ce que ça
peut faire dans une carrière, ça, M. le Président? Ça n'a aucun sens.
Alors là, au moins on amène quelque chose
d'intéressant, qu'il ait eu un effet de menacer ou mettre en péril l'intégrité physique — puis on garde le vocabulaire du
gouvernement — des
membres d'un groupe visé. On n'est pas envers
une personne, on est envers les membres d'un groupe, comme le veut le
gouvernement, mais on essaie de colmater les brèches, on essaie de réparer les dégâts que va faire cette loi-là
dans l'avenir, M. le Président. On ne peut pas avoir une loi comme ça
puis ne pas s'interroger sur l'intention et les effets. Voyons donc! Ça n'a
aucun sens.
M. le
Président, je ne comprends pas qu'est-ce qui s'est passé au gouvernement entre
le mois d'août, où le premier ministre
a dit : On va baliser par l'appel à la violence... Puis, encore
aujourd'hui, à chaque fois qu'on en parle, on se fait dire que ce n'est pas intéressant, puis... En
fait, on ne se fait rien dire. On n'est plus dans l'argumentation, on est dans
«on en a déjà parlé». La réponse qu'on a,
c'est : On en a déjà parlé. Peut-être que vos arguments n'étaient pas
suffisants puis bien fondés parce qu'on n'a pas été convaincus.
Puis on est
sur une position fondamentale, là, M. le Président, on n'est pas dans l'anodin.
J'ai commencé en disant : Écoutez,
c'est rare qu'on voit des lois qui touchent à la liberté d'expression. On est
sur un débat fon-da-men-tal, on est dans
un débat sur la liberté d'expression. Bien, M. le Président, moi, je ne
comprends pas pourquoi la ministre n'adhère pas à ce qui est le minimum, qu'il y ait eu un effet, que quelqu'un, au moins,
puisse dire : Oui, j'ai eu un effet autre que je me suis senti
blessé... Menacer, mettre en péril l'intégrité physique, puis là on va toucher
probablement aussi à la radicalisation, mais enfin... Alors, voilà, M. le
Président, ce que j'avais à dire là-dessus.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Taschereau.
Maintenant, je cède la parole à M. le député de Richelieu.
• (11 h 40) •
M. Rochon : Écoutez, M. le Président, je joins ma voix à
celle de ma collègue. Ce projet de loi, il s'attaque — et ce n'est pas que notre avis, c'est
celui d'une multitude d'analystes, d'experts — à la liberté d'expression, et
notre résistance à cet égard ne diminuera
jamais, jamais. Notre croisade, elle va se poursuivre en faveur de la liberté
d'expression.
L'ancienne
bâtonnière du Québec, Mme Latour, disait : C'est la plus célébrée et
la plus honnie de toutes les libertés, hein?
Elle rappelait qu'elle existe, la liberté d'expression, elle est utilisée pour
dire des choses aussi qui dérangent la société, qui sont à l'encontre
des idées reçues. C'est pour ça qu'on a besoin de la protection
constitutionnelle. Elle ajoutait : Est-ce
que c'est utile vraiment de créer une infraction pénale calquée sur une infraction criminelle qui existe
déjà? En tout temps, la commission
pourra désormais demander au tribunal une ordonnance de cessation afin
d'empêcher la diffusion de propos
jugés haineux. Est-ce que la Cour supérieure ne pouvait pas déjà intervenir
pour faire cesser des propos dits haineux? En quoi accorder plus de pouvoirs au
tribunal de la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse est-il judicieux?
On ne peut
pas discriminer sur la base de l'orientation sexuelle. Eh bien, il y a des
représentants de la communauté LGBT
qui ont reproché à la ministre de rater sa cible avec le projet de loi
n° 59. Mme Line Chamberland, qui est titulaire de la Chaire de recherche sur l'homophobie, elle a
soutenu que le caractère répressif du projet de loi visant à lutter contre
les discours haineux nuirait à la lutte
contre l'homophobie. Elle affirmait : «...il [est] nécessaire d'insister
sur l'efficacité plus grande d'une
approche préventive plutôt que répressive.» L'adoption du projet de loi
n° 59 pourrait entraîner des effets pernicieux dans la lutte contre
l'homophobie au quotidien.
On
n'appellera jamais suffisamment la ministre à resserrer l'application de ce
projet de loi n° 59, que plusieurs ont qualifié de liberticide. Écoutez, un discours haineux serait, de
l'avis d'une personne raisonnable, celui qui expose un groupe au rejet, à la détestation ou au
dénigrement, notamment pour que ce groupe soit perçu comme illégitime,
dangereux ou ignoble, de l'avis du
groupe de personnes qui reçoit ce discours. Parce que la ministre refuse de
s'arrêter sur les motifs de la
personne qui tient le discours. Souhaite-t-elle, cette personne, l'effet, là,
de détestation, de dénigrement, de rejet?
Alors, moi,
il me semble sage... Et puis je rappelle, je ne sais pas pour la combientième
fois, que le premier ministre était également de cet avis qu'il faut resserrer,
resserrer clairement, il faut viser les discours qui ont pour effet de menacer et de mettre en péril l'intégrité physique
des membres d'un groupe, disons-nous, là, à notre sous-amendement, visé
au deuxième alinéa de l'article 1. Voilà, M. le Président.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Richelieu. Est-ce
qu'il y a d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Est-ce
que le sous-amendement à l'amendement du premier alinéa de
l'article 2 est adopté?
Mme Maltais :
Vote par appel nominal, M. le Président, s'il vous plaît.
Le Président (M. Hardy) : On va
passer par un vote par appel nominal.
Le Secrétaire :
M. Rochon (Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
Le Secrétaire :
Mme Maltais (Taschereau)?
Mme Maltais :
Pour.
Le Secrétaire : Mme Roy
(Montarville)?
Mme Roy
(Montarville) :
Contre.
Le Secrétaire :
Mme Vallée (Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
Le Secrétaire :
M. Merlini (La Prairie)?
M. Merlini : Contre.
Le Secrétaire : M. Reid
(Orford)?
M. Reid : Contre.
Le Secrétaire :
M. St-Denis (Argenteuil)?
M. St-Denis : Contre.
Le Secrétaire : M. Hardy
(Saint-François)?
Le Président (M. Hardy) :
Abstention.
Le Secrétaire : C'est rejeté.
Le Président (M. Hardy) : Le
sous-amendement est rejeté. Donc, nous revenons sur l'amendement.
Mme Maltais :
Bien, M. le Président, je sais que l'amendement va parler du troisième alinéa.
À notre sens, c'est possible encore
de l'introduire en parlant du troisième alinéa, puisque le troisième réfère au
un... non, au deuxième alinéa. Donc,
si on veut véritablement, sur le fond, amener la discussion, c'est possible.
Amener la discussion sur l'effet de menacer et de mettre en péril l'intégrité physique d'un membre, c'est encore
possible, et je vais encore faire un dernier appel à la ministre.
Il y a peu
d'endroits où on va pouvoir ramener ce type d'élément important. Mais je vais
me permettre de faire un dernier
appel à la ministre et au gouvernement, il y a quand même plusieurs députés
autour de la table qui sont passés pendant
cette commission parlementaire, qui sont ici encore et qui pourraient entendre
notre appel. Je sais qu'ils sont attentifs aux débats, aux échanges. Je sais qu'ils ont vu notre détermination à faire évoluer cette loi
dans le bon sens, je sais qu'ils nous
écoutent. Alors, à eux aussi je veux dire : Revenons à l'essentiel. Revenons à l'essentiel. Nous n'avons
pas été amenés autour de cette table
pour débattre d'une restriction à liberté d'expression aux Québécois et aux
Québécoises. Nous n'avons pas été
amenés autour de cette table pour ajouter un processus de plainte avec
pénalités à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Nous avons été amenés autour de
cette table pour débattre de la radicalisation de nos jeunes qui font
des gestes terroristes, qui partent combattre en Syrie, des cercles de
radicalisation, des agents radicalisateurs.
Nous nous amenions autour de cette table dans le cadre d'un plan de lutte à la
radicalisation et nous nous retrouvons
dans le cadre du plan de lutte à la liberté d'expression, à une proposition de
restriction de la liberté d'expression.
En cette
matière, il faut être d'une prudence extrême, extrême. En cette matière, les
Québécois sont venus nous dire :
Attention! Il est très facile de passer d'un espace de liberté d'expression à
un espace d'autocensure. Et la loi qu'on est en train de voir nous amène vers une société d'autocensure. Alors,
notre proposition afin de baliser un peu mieux la loi est de demander qu'il y ait au moins un effet de
menacer et de mettre en péril l'intégrité des membres, physique, d'un groupe qui soit visé par la loi. Au moins,
revenons à ce que le premier ministre nous a demandé en août 2015. La ligne,
c'est l'incitation à la violence, puis c'est
une façon de le dire en disant qu'il faut qu'il y ait un effet. Il ne faut pas
qu'on vise seulement le... il ne faut
pas qu'on vise le discours. Puis on peut avoir des jeunes de 14, 15 ans
là-dessus qui sont visés, il faut
qu'on ne vise qu'un discours qui a porté un effet pour essayer de restreindre
l'immense boîte à plaintes que nous ouvrons avec cette loi si on
l'adopte.
M. le
Président, moi, je continue à croire qu'il est possible de s'entendre, je
continue à croire qu'il y a un espace de discussion. Cet espace de discussion,
nous le ramenons avec cette proposition. Cet espace de discussion, c'est
l'appel à la violence, le fait de
menacer l'intégrité physique de personnes. Dans cet article, on parle même des
membres d'un groupe visé, on est dans l'esprit de la loi n° 59. Remarquez qu'on fait
toujours des propositions qui sont dans l'esprit de ce que nous propose
le projet de loi n° 59. On n'arrive pas avec des affaires au diable
vauvert, là, on est, effectivement, dans l'esprit...
On est obligés de vivre avec l'esprit de la proposition gouvernementale. Ce
n'est pas notre proposition, mais on
est obligés de vivre avec l'esprit de
la proposition gouvernementale. Alors, entendez les appels de l'opposition. Dès le début, dès l'adoption
de principe, M. le Président, je me suis levée à l'Assemblée nationale, au
salon bleu, et j'ai dit : Il faut écouter l'opposition. Il faut
écouter l'opposition.
J'ai été ministre
récemment, dans les 18 mois au pouvoir de notre gouvernement du Parti québécois, et j'ai eu plusieurs propositions sur la
table, et on les a toutes adoptées à l'unanimité, y compris une loi obligeant
un retour au travail à des syndiqués. Il n'y
avait pas de manif en avant, il y avait des applaudissements. Pourquoi? Parce
que j'ai écouté les oppositions à
l'époque. Il faut savoir écouter les oppositions. On a fait des règlements dans
le monde du travail, j'ai travaillé
avec le collègue qui est aujourd'hui... Christian... Il est rendu à la Caisse
de dépôt actuellement, là. Bref passage en politique, mais...
Une voix : Christian Dubé...
Mme Maltais :
Christian Dubé, bien, j'ai discuté avec lui puis avec... Là, c'est le député de
Laval-des-Rapides, je pense... un
président de la commission, puis on a trouvé un terrain d'entente, puis on a
fait évoluer les choses. Si on veut faire évoluer la société, on ne peut
pas s'entêter dans son champ tout seul. Tu ne fais pas évoluer une société en t'entêtant, en te basant sur ta majorité :
Aïe! On va se baser sur la majorité pour restreindre la liberté d'expression.
Pas une bonne idée. Je n'ai jamais vu
un gouvernement qui va aller restreindre un objet fondamental comme ça sans
s'entendre avec les oppositions.
C'est comme si on disait que le droit de vote va être modifié de façon
unilatérale. Ça n'a pas de sens, on
le sait. C'est comme si on disait que
notre démocratie à l'Assemblée
nationale pourrait être modifiée unilatéralement par un gouvernement
majoritaire. Bien là, c'est pire, c'est les fondements de la démocratie d'une
société qu'on veut modifier avec sa majorité à l'Assemblée nationale. Les
vraies propositions de modification majeure...
• (11 h 50) •
Le
Président (M. Hardy) : Je vous remercie, Mme la députée de
Taschereau, votre temps est écoulé. Maintenant, je cède la parole au
député de Richelieu.
M. Rochon : M. le Président, écoutez, je pense que j'ai pas
mal fait le tour du sujet. Et nous venons d'avoir, je trouve, un discours bien convaincant de ma
collègue de Taschereau, je suis bien malheureux que la ministre ne semble
pas l'accueillir avec plus d'enthousiasme.
Et j'ai eu vent, comme vous, un peu plus tôt d'un probable amendement ou
sous-amendement de ma collègue de gauche.
Le Président (M. Hardy) :
Merci, M. le député de Richelieu. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. C'est un amendement que j'aimerais soumettre.
Le
Président (M. Hardy) : Tout d'abord, nous allons voir s'il n'y a
pas d'autres interventions sur l'amendement qu'on a présentement. S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons
procéder à la mise aux voix. Est-ce que l'amendement du premier alinéa
de l'article 2 est adopté?
Mme Maltais : M.
le Président, on va y aller par un vote par appel nominal.
Le Président (M. Hardy) : M. le
secrétaire, on y va par un appel au vote nominal.
Le Secrétaire :
Mme Maltais (Taschereau)?
Mme Maltais : Pour.
Le Secrétaire :
M. Rochon (Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
Le Secrétaire : Mme Roy
(Montarville)?
Mme Roy
(Montarville) :
Contre.
Le Secrétaire :
Mme Vallée (Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
Le Secrétaire :
M. Merlini (La Prairie)?
M. Merlini : Contre.
Le Secrétaire :
M. Reid (Orford)?
M. Reid : Contre.
Le Secrétaire :
M. St-Denis (Argenteuil)?
M. St-Denis : Contre.
Le Secrétaire : M. Hardy
(Saint-François)?
Le Président (M. Hardy) :
Abstention.
Le Secrétaire : C'est rejeté.
Le Président (M. Hardy) : Donc,
l'amendement est rejeté. Donc, nous allons revenir au premier alinéa de
l'article 2. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Oui. Alors, nous avons un amendement à
proposer, qui, je l'espère, pourra rassembler tout le monde. Naturellement, ça devient redondant, mais je pense que le
message est important, de dire que, depuis que ce projet de loi a été déposé, depuis que nous travaillons dessus, pour
nous il est extrêmement important de faire attention, effectivement,
parce que c'est la liberté d'expression ici qui est touchée et qu'actuellement
c'est beaucoup trop large. Donc, il faut
restreindre la limitation de la liberté d'expression qui pourrait être faite
avec ce projet de loi s'il est adopté au
final, et c'est la raison pour laquelle on vous propose un amendement. Je vais
le lire puis, ensuite, je pourrai élaborer. Mais le but, c'est de recentrer, pour qu'on comprenne bien, de recentrer
l'objet du discours, et pour faire en sorte, justement, que ce ne soit
pas tout type de discours ou toute personne qui pourraient être visés. Bien au
contraire, notre objectif premier est toujours
le même, quant à nous, c'est de s'attaquer aux discours des agents de
radicalisation, des prédicateurs autoproclamés qui endoctrinent les
jeunes, donc aux discours d'endoctrinement uniquement.
Alors, je vais vous lire l'amendement.
L'amendement, ça va comme suit :
Modifier le
premier alinéa de l'article 2 de la loi édictée par l'article 1 du
projet de loi en ajoutant, après les mots «visé à l'article 1», les
mots suivants : «lorsque le discours est fondé sur un précepte intégriste
ou radical».
Donc, le
premier alinéa de l'article 2 du projet de loi, tel qu'amendé, se lit
comme suit. Article 2 : «Il est interdit de tenir ou de diffuser [...] un discours visé à
l'article 1 lorsque le discours est fondé sur un précepte intégriste ou
radical.»
Alors, voilà
pour ce qui est de l'amendement. Si je peux me permettre d'élaborer à ce
moment-ci... ou vous voulez attendre qu'on suspende pour qu'on distribue
les documents?
Le Président (M. Hardy) : Nous
allons suspendre quelques instants pour recevoir vos documents.
Mme Roy
(Montarville) :
D'accord.
Le Président (M. Hardy) :
Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 55)
(Reprise à 11 h 56)
Le
Président (M. Hardy) :
Donc, nous revenons à l'amendement que nous a donné Mme la députée de Montarville. Votre amendement est recevable, donc à vous la parole.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. Effectivement, le 28 avril dernier, nous avions adopté
un amendement ajoutant le mot «publiquement». Donc, l'amendement devrait se
lire : «Il est interdit de tenir ou de diffuser publiquement un discours
visé à l'article 1 lorsque le discours est fondé sur un précepte intégriste
ou radical.»
Alors, pour
le bénéfice des gens qui nous écoutent, vous comprendrez qu'ici, en rajoutant «lorsque
le discours est fondé sur un précepte
intégriste ou radical»... vous comprendrez également que je n'ai pas
écrit «intégriste religieux» ou «radicalisme religieux». Dans la mesure où on
parle déjà de préceptes qui peuvent être religieux dans l'article 1,
donc ça nous ouvre la porte à ces préceptes
religieux, à des préceptes intégristes religieux ou à des préceptes radicaux
religieux.
Mais, si on
revient à la problématique qui avait, justement, fait en sorte que
le gouvernement avait légiféré et nous avait pondu ce grand plan de lutte à la
radicalisation, c'était, effectivement, pour contrer la radicalisation des jeunes qui partaient faire le djihad ou à l'étranger ou même
ici, au Québec, et même à Ottawa, en Ontario.
Et ces jeunes — et
il a été démontré par la suite avec
les preuves ou de la GRC ou des corps policiers du Québec — avaient
été endoctrinés soit après une
conversion ou non... Mais ça, il n'y
a pas de problème
avec la conversion, le problème est avec l'endoctrinement. Donc, il avait été démontré que ces jeunes avaient
été endoctrinés, puisque les crimes qu'ils ont commis... Lorsque
le jeune a tué un soldat à
Saint-Jean-sur-Richelieu, il a été démontré que ça a été fait au nom, justement,
du djihad. Même chose, on a même vu l'enregistrement vidéo à Ottawa de la GRC où le jeune terroriste de Montréal
qui a tué un soldat devant le monument, et qui est entré au parlement, et qui a
tiré sur nos collègues du gouvernement
fédéral et des partis fédéraux
qui sont à Ottawa a agi après avoir été endoctriné. Et c'est la raison pour
laquelle c'est uniquement à ces discours d'endoctrinement qu'il faut
s'attaquer.
Et je crois sincèrement qu'en précisant qu'«il est interdit de tenir ou de diffuser
publiquement un discours visé à
l'article 1 lorsque ce discours est fondé sur un précepte intégriste
ou radical» — et
on comprend intégriste religieux, puisqu'il
est dans l'article 1, au premier alinéa, et, lorsqu'on
parle d'un discours radical, on comprend aussi que c'est un discours radical religieux, puisque le religieux
est toujours dans le premier alinéa de l'article 1 — on
pourrait, ici, se donner un outil pour recentrer l'interdiction du projet
de loi. Sinon, c'est beaucoup trop large.
Et je le répète, et je vais le dire, la ministre
va être tannée de me l'entendre dire, mais c'est un projet qui est beaucoup
trop large si on ne centre pas l'objet du discours. Et on ne peut pas
s'attaquer à tout type de discours, un discours discriminatoire ou un discours... puisque
la raison pour laquelle on est ici et pour laquelle on travaille, c'est qu'il y a des jeunes à qui on a lavé le cerveau et
qui sont partis faire des atrocités ou qui ont commis ici même des atrocités.
Donc, moi, ce
que je tente de faire avec cet article-là, c'est de ramener à cette
problématique, puisque ce n'est que pour cette problématique que nous
sommes ici, et aucune autre. C'était le mandat initial donné par le premier ministre à l'époque. Alors là, je vois que mon
temps imparti s'égrène. Alors, voilà, c'est la raison pour laquelle je vous
le soumets. Je pense que ça pourrait satisfaire pas mal de monde autour de la
table.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville.
Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à
16 h 30.
Et, vu qu'il
y a un caucus ici, ce midi, dans cette salle, j'informe les gens d'apporter
leurs documents avec vous.
(Suspension de la séance à 12 heures)
(Reprise à 16 h 34)
Le Président (M. Hardy) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux.
Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
Je vous rappelle que la commission est réunie
afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi édictant
la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les
discours incitant à la violence et apportant diverses modifications
législatives pour renforcer la protection des personnes.
Lors de la
suspension de nos travaux cet avant-midi, nous discutions d'un amendement
proposé par la députée de Montarville
au premier alinéa de l'article 2 de la loi édictée par l'article 1 du
projet de loi. Donc, j'invite Mme la députée de Montarville à prendre la
parole.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, pour
le bénéfice des gens qui nous écoutent — bonjour — cet
amendement-là est fait dans un but très précis, et c'est toujours de ramener
les articles, de ramener la loi, de ramener
le discours à l'objet initial du problème qui a fait en sorte que le
gouvernement a dû légiférer et que le
gouvernement nous a présenté son plan pour contrer la radicalisation. Il y a
déjà de ça un bon bout de temps, après
près d'une année que le projet de loi de Mme la ministre a été déposé, et la
raison pour laquelle ce projet de loi a été réclamé, je le dis bien, je le demandais, je demandais qu'il fallait
faire quelque chose contre les jeunes qui se radicalisent, contre l'endoctrinement des jeunes, contre ces
jeunes qui quittaient nos valeurs, quittaient notre système démocratique
pour, plutôt, vouloir faire le djihad ou
s'en prendre à toutes sortes de cibles au Québec, au Canada, et ces jeunes,
donc, qui étaient endoctrinés, à qui
des agents de radicalisation avaient lavé le cerveau. Donc, j'ai fait des
demandes répétées à la ministre, d'ailleurs, pour qu'on fasse quelque
chose pour contrer ça.
Force est de
constater, à la lecture de l'article 1, qui a été adopté même si nous nous
y sommes opposés, nous avons voté
contre... Nous sommes maintenant rendus à l'article 2. Et ce que je tente
de faire ici avec cet amendement, c'est de recentrer à nouveau la cible du problème pour ne pas que l'interdiction
touche tout type de discours, mais vraiment qu'on soit vraiment dans des discours très précis. Donc,
l'amendement que je soumets, l'article 2 se lirait ainsi : «Il est
interdit de tenir ou de diffuser
publiquement un discours visé à l'article 1 lorsque le discours est fondé
sur un précepte intégriste ou radical.»
Et vous
remarquerez que je ne rajoute pas «précepte intégriste religieux» ou «discours
radical religieux» dans la mesure où,
dans l'article 1 qui a été adopté par le gouvernement, on parle, à
l'alinéa deux, de «peu importe les préceptes sur lesquels ils s'appuient, qu'ils soient religieux ou autres». Mais le
«religieux» est déjà là, donc ça couvre les préceptes intégristes
religieux et les préceptes radicaux religieux. Donc, ce que je tente de faire,
c'est vraiment de resserrer le type de discours
qu'il est interdit de diffuser publiquement pour faire en sorte que des
critiques ou encore des blagues, des
blagues qui peuvent être d'un mauvais goût absolu, M. le Président, d'un
terrible mauvais goût, disgracieuses, mais qu'elles ne soient pas visées
parce que ce n'est pas la liberté d'expression ici à laquelle il faut
s'attaquer, mais il faut s'attaquer aux discours qui endoctrinent les jeunes,
donc qui sont des discours qui sont prononcés par des agents de radicalisation ou encore des prédicateurs
autoproclamés parce que, jusqu'à preuve du contraire, c'est de ça qu'il s'agit
et c'est bien de ce type d'individus
ou de ce type de discours qu'il est question et rien d'autre, surtout dans la
façon dont on perçoit la raison pour laquelle ce projet de loi a été
déposé.
Donc, j'amène
cet amendement pour tenter de recibler, de recentrer parce que, je le redis à
nouveau, depuis le mois de mai dernier, nous trouvons que le projet de loi
n° 59 est trop large, rate sa cible et frappe beaucoup trop large, s'attaque beaucoup trop à
la liberté d'expression, alors que nous disons : Non, il ne faut pas
toucher à la liberté d'expression de
tout le monde. Au contraire, il faut permettre la critique, il faut permettre
la critique des religions, il faut permettre les blagues. Les blagues les plus de mauvais goût possible, si elles
existent, il faut les permettre, mais il faut s'attaquer aux propos, aux discours qui feront en sorte que des
jeunes se radicaliseront. Donc, tout le discours d'endoctrinement, le discours
de lavage de cerveau, c'est à ça qu'il faut s'attaquer, et à rien d'autre.
Donc,
je vous soumets respectueusement cet amendement, un amendement qui pourrait
être bonifié. Moi, je suis ouverte à
ça en autant qu'on réduise la portée, d'une certaine façon, de l'article 1
ou qu'on cible davantage l'interdiction, puisque l'article 2 de
cette loi porte sur ce qui est interdit. Voilà, M. le Président.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville.
Est-ce qu'il y a d'autres... Mme la ministre. O.K. Excusez-moi.
Mme Vallée :
Ça va. Merci, M. le Président. Vous savez, on a eu la chance, on a eu
l'occasion de discuter abondamment, lors de
l'étude de l'article 1, de la question de l'utilisation du terme
«radical». Parce que la radicalisation dont
il est question puis à laquelle on doit porter une attention toute
particulière, c'est la radicalisation qui va mener à la violence sous différentes formes. Parce que,
rappelons-nous, lorsqu'on discutait de cette question-là en novembre dernier,
en décembre dernier, il y a une forme de
radicalisation, il y a une forme de radicalisme qui, dans l'histoire de la
société, a amené des changements de
société, des changements de société qui étaient importants. À un certain moment
donné, certains groupes politiques
prônant des mesures sociales plus larges pouvaient être considérés comme étant
des radicaux, et on retrouve cet
élément-là dans la documentation, notamment,
du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence. Parce
qu'il faut faire une distinction, ce n'est pas tout ce qui est radical qui mène
à la violence et qui peut potentiellement être dangereux. Donc, il faut vraiment
porter une attention toute spécifique à l'utilisation des termes.
• (16 h 40) •
Donc,
lorsqu'il est question de discours de haine, de discours haineux... Parce que le discours de haine, on peut
le reconnaître dans la documentation, notamment, qu'on retrouve au Conseil de
l'Europe, on fait référence au terme «discours
de haine». C'est intéressant parce que je relisais la documentation du Conseil
de l'Europe, et on s'attarde à la définition,
puis il y a, à la page 19 de la documentation, un résumé de ce qu'est le
discours de haine, discours haineux, puis
je vais vous le lire, M. le Président. Je pense que je vais prendre quelques
minutes, je ne veux pas en prendre trop. Je ne fais pas ça pour faire du temps, mais je fais ça simplement pour
nous ramener là où nous sommes, et ce sur quoi nous nous attardons, puis
ce qu'il est important d'endiguer.
C'est :
«...le discours de haine concerne diverses formes d'expression dirigées contre
une personne ou un groupe de
personnes en raison de ses/leurs caractéristiques ou situations personnelles et
les mesures à opposer à ce type de discours n'incluent pas nécessairement l'imposition de sanctions pénales — là, je fais un petit clin d'oeil à notre
collègue de Taschereau. En revanche,
dès lors que le discours de haine revêt la forme d'un comportement qui
constitue [...] une infraction [...], tel
qu'un comportement d'abus, de harcèlement ou d'injure, il peut être qualifié de
crime de haine.» Donc, l'encadrement du discours de haine doit se faire
aussi, suivant le Conseil de l'Europe, à l'intérieur de balises de nature
civile. Et pourquoi il est important de
baliser et d'encadrer ce discours de haine? Parce que ce discours de haine là,
le discours haineux, a des conséquences négatives pour les personnes
visées par les discours qui pourraient éventuellement... qui peuvent légitimement mener... ou on peut légitimement
craindre que ces conséquences-là vont mener peut-être même à des actes
de violence portés contre ces gens-là.
Lorsque
l'on revient à l'amendement qui est proposé par notre collègue, on suggère que
seuls les discours, bon, fondés sur
un principe intégriste ou radical... bien là on revient à l'utilisation du
terme «radical» qui, dans certains cas, n'est pas nécessairement... Le fait d'être radical ne constitue pas
nécessairement un discours qui sera un discours de haine ou un discours qui va inciter à la violence. Et,
par ailleurs, ces éléments-là, on les retrouve à la définition. Donc, on tente
de ramener à l'intérieur de l'article 2
des concepts que l'on a intégrés à notre définition de «discours de haine» qui
alourdissent le texte et qui,
peut-être, vont nous détourner aussi de certaines formes de discours ou qui,
peut-être, vont se retrouver à viser des discours qu'on ne souhaite pas
viser.
Parce que le discours
radical, si on prend le terme «radical» dans sa définition pure, le fait d'être
radical ne constitue pas nécessairement une
situation qui va mener à la violence. Ce qui nous préoccupe, c'est le discours
haineux, le discours de haine et le discours qui incite à la violence.
Le discours de haine, le discours haineux parce qu'il peut éventuellement mener à une banalisation des gestes
de violence posés à l'encontre de groupes de personnes. Et le discours
de violence, évidemment, parce qu'il incite clairement à la violence.
Et, dans la
documentation que nous avions citée abondamment, qui était préparée par
l'Université du Québec à Montréal, par l'UQAM, on posait la question dans la
documentation : «Qu'est-ce que la radicalisation? Distinguer radicalisation, fanatisme, fondamentalisme et
intégrisme.» Et on mentionne, très clair : «La radicalisation en elle-même
n'est pas problématique ni ne met en péril
la sécurité publique. Au contraire, elle a souvent été le moteur d'importants
changements sociaux positifs dans
l'histoire. Toutefois, elle pose problème lorsque les croyances adoptées
supportent et mènent à l'utilisation de comportements violents afin
d'atteindre des objectifs politiques ou religieux. Il est alors approprié de parler d'extrémisme violent.»
L'utilisation des mots est importante parce que la simple utilisation du terme
«radical» pourrait nous amener à inclure des
discours qui ne sont pas du tout des discours de haine ou incitant à la
violence.
Le Président
(M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Merci, beaucoup, M. le Président. Je remercie Mme la ministre pour son explication. Je comprends ce qu'elle me dit. Cependant,
effectivement, ce que je lui dis, c'est : Comme l'article 2
réfère à l'article 1,
la définition est dans l'article 1, donc vient préciser, vient... Ce que vous
dites, il est dans l'article 1. Et, lorsque je parle de discours
fondé sur un précepte intégriste ou radical, bien, on parle des discours de
l'alinéa un et de l'alinéa deux. C'est
un petit peu ironique quand vous disiez que, la
radicalisation, il y avait une différence entre plusieurs
termes. Mais, entre autres, vous avez dit : La radicalisation n'est pas toujours
négative, loin de là, elle a mené à des changements importants. C'est que tout le plan, c'était la radicalisation
au Québec, agir, prévenir, détecter et vivre ensemble.
C'est qu'on s'entend qu'on parle ici
de la radicalisation lorsqu'elle est problématique. Et c'est pour ça qu'on est là, sinon on n'en
parlerait pas. Et, dans l'optique que nous parlons d'une radicalisation
qui est problématique, cette radicalisation-là ne vient pas de n'importe quel précepte, puisqu'on parlait d'une radicalisation qui était causée, naturellement, par un islamisme radical.
Mais
je comprends très bien, vous nous l'avez expliqué, que jamais
ces mots n'apparaîtront dans la loi parce
qu'on cible une religion. Alors,
c'est la raison pour laquelle «précepte intégriste», je trouvais intéressant de
le mettre, dans la mesure où le mot «précepte religieux» est déjà à votre
article premier, à son alinéa deux. Alors, pour nous, on y voyait une
façon de resserrer le fait que nous cherchions à proscrire — parce
que c'est vraiment l'article de l'interdiction — les discours qui viennent de ces préceptes intégristes
religieux ou de ces discours radicaux religieux. On s'entend, là, c'est dans cette optique-là que nous vous l'apportions.
Et je vous soumets qu'on pourrait, à la limite, refaire un amendement et enlever le «ou radical» et arrêter à «précepte
intégriste», qui nous permettrait d'avoir le concept de «précepte intégriste
religieux».
Le Président
(M. Hardy) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Ça revient encore à la question. C'est qu'on revient encore à notre
article 1, où on a défini ce qu'on entendait, le contexte dans lequel tout ça s'exprimait. Et, lorsqu'on va
de l'avant avec des amendements comme celui-ci puis comme d'autres amendements que nous avons analysés cet avant-midi,
on alourdit énormément le texte. Et je crois qu'il n'est peut-être pas opportun de ramener à l'intérieur de cet
article-là, à l'article 2, des éléments hors contexte parce que notre définition, elle forme un tout. Alors,
il n'est pas opportun de ramener à l'article 2, dans certains éléments,
des éléments de la définition, là, on alourdit...
Le Président
(M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Je
comprends la position de la ministre, mais comprenez aussi, de notre côté, que l'article 1, tel
qu'adopté, ne nous satisfaisait pas et ne satisfaisait pas non plus
l'opposition officielle, donc on
tente d'arriver à une définition qui puisse faire un plus grand consensus. Et
je comprends que vous dites que ça alourdit le texte. Mon seul but, moi, c'est
de faire en sorte qu'on n'empêche pas la liberté d'expression de toutes sortes
de gens, mais que c'est vraiment nos agents
de radicalisation, nos prédicateurs autoproclamés à qui s'adresserait cette
loi, et c'est la raison pour laquelle on
tente de resserrer. Alors, je comprends que l'article 1 est adopté, et
c'est bien ça qui est le dommage,
c'est qu'on n'a pas réussi à adopter un article 1 de façon consensuelle
tous ensemble. Et c'est problématique, puisque
toute la loi va reposer sur cet article-là. C'est le noeud du problème. Alors,
c'est la raison pour laquelle je vous soumettais
ça, pour tenter un peu de dénouer l'impasse. Parce qu'il y a impasse depuis que
cet article 1 a été adopté par la majorité gouvernementale, alors
c'est pour ça que je vous la soumettais.
• (16 h 50) •
Le
Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la première opposition? M.
le député de Bourget.
M. Kotto :
Oui. Merci, M. le Président. Il y a un propos de la ministre qui m'inspire une
interrogation, et probablement aussi
des personnes qui nous écoutent. La ministre disait — et je paraphrase : Chez les gens visés,
le discours haineux peut mener à la violence. De quelle violence
parle-t-on?
Le Président
(M. Hardy) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, je pense que le collègue sait très bien — et on a eu la chance d'en discuter quand
même amplement lors de la préparation de
l'article 1 — lorsqu'on
banalise... En fait, je vais rebobiner et je recommence. Lorsque l'on tient un
discours de haine à l'égard d'un groupe, le discours de haine peut susciter une
banalisation de la violence physique,
de la violence psychologique qui pourraient viser une personne ou un groupe
visés à l'article 10 de la charte.
Et c'est clairement exprimé, et on en a parlé abondamment, on retrouve les
explications de ça notamment dans l'affaire Whatcott, dans la
documentation du Conseil de l'Europe.
Alors,
je m'arrêterai parce qu'on en a parlé abondamment, M. le Président. Je pense
qu'il n'est pas opportun de s'étirer.
On en a parlé longtemps, plusieurs heures. Certaines heures, le collègue était
présent avec nous. D'autres moments, peut-être
pas, là, mais... Et je pense que Whatcott est aussi très clair sur l'effet du
discours sur la personne, sur l'effet du discours dans la société. C'est que c'est cette exclusion, ce rejet qui
pourrait amener à cette banalisation d'une violence ou cette justification tout à fait malencontreuse
d'une violence envers ces personnes... C'est pour ça, il y a une distinction
entre le discours de haine ou le discours
haineux, comme on choisit de l'appeler, et le discours incitant à la violence,
parce que l'incitation à la violence, elle est directe. Le discours de
haine, il est beaucoup plus insidieux.
Le Président
(M. Hardy) : M. le député de Bourget.
M. Kotto : Oui, M.
le Président. C'est intéressant, l'échange qu'on a, parce que, normalement, le législateur, quand il
s'investit dans un exercice législatif, c'est toujours, généralement, je le
répète, en référence à une réalité, et là je pense qu'on travaille sur de l'abstrait, et je précise
ma pensée. On parle d'un discours de haine à l'égard d'un groupe chez qui
ce discours pourrait pousser à la violence,
mais je n'ai pas d'étude spécifique sur ce phénomène qui part d'un discours
qui déclenche de la violence chez un groupe stigmatisé ou ciblé.
On est dans
un contexte de terrorisme international. On a identifié la radicalisation qui
peut entraîner des jeunes combattre
en Syrie ou en Irak, et je pense que l'État québécois, comme d'autres États en
Occident, aujourd'hui, travaille à l'effet
soit, justement, d'empêcher ces jeunes de se rendre dans ces pays, soit de les
empêcher de tomber dans le piège romantique que leur tendent des
hypnotiseurs — appelons-les
comme ça — à
travers Internet ou d'autres vecteurs de communication.
Mais je n'ai pas vu de groupe stigmatisé. Les Noirs, par exemple, je ne les ai
pas vus aller ramasser des armes pour
tuer du monde parce qu'on leur a demandé de retourner sur leurs cocotiers. Vous
voyez ce que je veux dire? C'est ce
que je veux établir ici, le lien entre le discours haineux et le déclenchement
de la violence qui pourrait amener à poser des actes terroristes, parce
que c'est de ça que nous parlons, M. le Président.
Le Président (M. Hardy) : Mme
la ministre.
Mme Vallée : M. le
Président, le discours haineux et
tout le concept de discours haineux, ce n'est pas un concept qui est nouveau. Et les collègues
le savent très bien, on a déposé la liste des États,
des juridictions où ce discours était encadré.
L'opportunité et l'importance
d'encadrer et de baliser ce discours-là et la justification de l'encadrement de
ce discours-là, on les retrouve dans
une décision unanime de la Cour suprême et on les retrouve également, et de la
lecture... Si mon collègue souhaite
en prendre connaissance, il y a abondamment de documentation sur le discours de
haine et le discours haineux. J'en ai
déposé à plusieurs occasions. Je pense qu'il s'agit simplement d'aller sur le
site Internet de la commission, et on peut passer une agréable soirée de
lecture.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Bourget.
M. Kotto :
M. le Président, l'exercice qui nous pose ici aujourd'hui et depuis quelques
mois déjà en est un qui est inspiré
de la lutte à la radicalisation. Il existe, évidemment, plein de références
juridiques ou législatives sur lesquelles on peut se tourner pour justifier une démarche sur une base
intellectuelle pure, mais il y a une réalité qui nous pose ici cet après-midi et qui nous a posés ici les jours
précédents, c'est la lutte à la radicalisation. Donc, si on se concentre sur
l'objet, pour éclairer dans une perspective
pédagogique les personnes qui nous entendent, nos concitoyennes et concitoyens,
est-ce qu'on peut leur dire précisément à
quoi on s'attaque, de quoi parle-t-on précisément? Est-ce qu'on peut sortir de
l'abstrait pour parler dans le concret? On parle d'un discours haineux qui,
chez certains groupes, peut amener les gens à poser des actes violents. De quels actes violents parle-t-on? Est-ce qu'on parle de terrorisme? Est-ce
qu'on parle d'attaques au
couteau? De quoi parle-t-on précisément?
Le Président (M. Hardy) : Mme
la ministre.
Mme Vallée : M. le
Président, fort intéressant, mais j'aimerais peut-être ramener notre collègue à l'amendement qui fait l'objet de la question. Et la violence, peu importe la
violence, peu importe la forme que cette violence aura, la violence en soi est inacceptable. Les actes de
violence peuvent avoir et revêtir différentes formes, et le collègue le sait très bien. Il le sait très bien, et la
documentation, quand même, elle est assez volumineuse. Alors, M. le Président,
je crois avoir répondu, on a eu la chance d'échanger à maintes
occasions. Et voilà.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Bourget.
M. Kotto :
M. le Président, j'entends bien la ministre, elle a un cheminement intellectuel
sur la question, mais je tente, par
mes interrogations ici exprimées, de la ramener sur l'objet réel, et l'objet
réel, c'est la radicalisation menant à la violence. Et j'ai, pour ma
part, compulsé plein de documents, qui ne sont peut-être pas de sa référence,
qui nous démontrent de façon très tangible
l'évolution d'un sujet X qui décide, un jour, de se radicaliser seul ou avec
l'aide d'un inspirateur et qui, du
jour au lendemain, choisit soit de s'attaquer à ses propres concitoyens, comme
on l'a vu à Saint-Jean ou à Ottawa,
soit de prendre l'avion via la Turquie pour se rendre en Irak ou en Syrie.
C'est de ça qu'on parle. Mais je n'ai
pas vu ou entendu ou je n'ai pas lu... J'aimerais bien m'y pencher sérieusement
parce que le phénomène est récent, mais
je n'ai pas vu ou entendu un groupe, entre guillemets, qui se considère ciblé
ou stigmatisé décider, sur la base de cette
stigmatisation, d'aller attaquer son voisin ou décider de voyager, je ne sais
pas, à l'autre bout du monde pour poser des actes terroristes. C'est ça, le réel dont je parle, M. le Président.
Mais j'entends que la ministre ne veut pas aller plus loin dans cet
échange, aussi je voudrais...
Des voix : ...
• (17 heures) •
M. Kotto :
Ah! bien, excusez-moi. Donc, j'ai anticipé parce que je me référais à son
dernier commentaire pour dire ce que je viens de dire. Alors, je retire
mon propos. Je voudrais entendre la ministre là-dessus.
Le Président (M. Hardy) : Merci, M.
le député de Bourget. Mme la ministre.
Mme Vallée : Ce n'est pas que je ne veuille pas aller plus loin, M. le
Président, c'est que nous avons abondamment parlé de cette question-là lors de l'obstruction intelligente qui s'est
faite dans un autre article. Alors, j'aimerais qu'on puisse passer à l'article 2. Parce que c'est dommage, je
croyais vraiment qu'on était pour avancer à l'article 2, compte tenu des
échanges que nous avions eus. Mais force est
de constater que nous sommes revenus à la case départ cette fois à l'article 2.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, pour le ramener, parce que la
ministre vient de dire : Compte tenu des échanges qu'on avait eus, on croyait que ça avancerait plus
rapidement à l'article 2, je rappelle que nous avons vainement tenté d'amener la ministre à baliser sa loi dans
l'article 1 et que, malheureusement, nous n'avons pas réussi, et que donc nous
avons voté contre l'article 1, et que
maintenant nous en sommes rendus à l'article 2, où nous tentons, encore une
fois, de baliser la portée de la loi.
Alors, on est dans le même esprit qu'à l'article 1, c'est-à-dire essayer de
réduire les dommages causés par cet article-là. Je trouve que ça se
déroule très convenablement, M. le Président, il n'y a pas de problème.
Le Président (M.
Hardy) : Parfait. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur
l'amendement proposé?
(Interruption)
Le
Président (M. Hardy) : Ah!
je vais être obligé de suspendre parce
que nous avons un vote et nous devons
nous rendre au salon bleu. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 2)
(Reprise à 17 h 27)
Le
Président (M. Hardy) : Donc,
nous reprenons nos travaux. Nous sommes toujours sur l'amendement de la députée de Montarville, et je
cède la parole au député de
Bourget.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. Au moment où nous fûmes appelés à voter au salon
bleu, j'allais proposer un sous-amendement qui se lit comme suit :
Modifier l'amendement modifiant le premier alinéa de l'article 2 de la loi proposée par l'article 1 du projet de loi en ajoutant, après les mots «intégriste ou radical», les mots «appelant
à la violence».
Et
le texte sous-amendé donnerait : «Il est interdit de tenir ou de diffuser
publiquement un discours visé à l'article 1 lorsque [ce] discours est fondé sur un
précepte intégriste ou radical appelant à la violence.»
Donc, je vais peut-être...
Le Président (M.
Hardy) : Vous le déposez?
M. Kotto :
...déposer, oui.
Le
Président (M. Hardy) : Donc,
nous allons suspendre quelques instants pour recevoir votre sous-amendement.
(Suspension de la séance à 17
h 29)
(Reprise à 17 h 31)
Le
Président (M. Hardy) : Bon,
nous avons reçu votre sous-amendement, M. le
député de Bourget.
Il est recevable, donc je vous laisse la parole pour nous l'expliquer
comme il faut.
M.
Kotto : Oui, M. le Président, très brièvement. L'effort de circonscription, de ce côté-ci, exprimé est à l'effet de
préserver encore une fois... parce
que des débats en ces matières ont déjà été
tenus par le passé, donc de préserver, encore une fois, la liberté d'expression. En réduisant l'espace... du moins, la
sphère de rayonnement de cet article, on sert encore à cette occasion, si ce qui nous
préoccupe depuis le début des échanges que nous tenons relativement à ce projet de loi... Notamment,
des échanges entourant l'article 1 étaient assez éclairants à ce propos, et
donc nous demeurons cohérents relativement à la finalité que nous
accordons à l'exercice qui nous occupe ici. Et la collègue de Montarville l'a
bien amorcée, nous l'avions bien comprise,
son intention, de ce côté-ci, mais amener ces quelques vecteurs
supplémentaires, en l'occurrence
qualifier le précepte intégriste ou radical dans sa sphère d'action, c'est-à-dire dans la violence, ça aidera peut-être la ministre à accepter la proposition
ici exprimée.
Le
Président (M. Hardy) : Donc,
vu que c'est un sous-amendement à votre amendement, Mme la
députée de Montarville, je
vous cède la parole.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je suis heureuse de voir que je vous ai
inspiré, cher collègue. Et, comme je disais, il est important qu'on
puisse circonscrire et s'assurer que ce ne soient pas tous les discours qui soient
interdits. Bien au contraire, l'interdiction d'un discours, dans une société
où la liberté d'expression est roi et maître, c'est la chose la plus
délicate et qu'il faut faire avec le plus de parcimonie possible.
Mon amendement
disait : «Il est interdit de tenir ou de diffuser publiquement un discours
visé à l'article 1 lorsque
le discours est fondé sur un précepte
intégriste ou radical.» Et j'avais dit : Je suis bien ouverte à l'idée de
le bonifier si on pouvait arriver à
s'entendre pour fournir une précision encore plus pointue sur le discours qui
sera interdit, et mon collègue de Bourget
nous amène cet ajout, «appelant à la violence», avec lequel je suis tout à fait d'accord parce
qu'on circonscrit encore. C'est encore plus pointu, quoiqu'il se
trouve déjà dans le premier alinéa de l'article
1 lorsqu'on parle de... «elle établit également de telles mesures contre les discours incitant à
la violence». Mais il est interdit, justement, de prononcer des discours qui sont fondés sur un précepte intégriste ou radical
appelant à la violence, alors je
pense que ça vient bien, bien encadrer le type de discours auquel on tente
de s'attaquer. Et donc je vais être cohérente avec moi-même, je suis tout
à fait pour mon amendement, mais je suis
tout à fait pour le sous-amendement également, qui vient bonifier, en quelque
sorte, ce que je tentais de faire. Voilà.
Le Président (M. Hardy) : Merci. Mme
la ministre.
Mme Vallée : M. le Président,
lorsqu'on a regardé, lorsqu'on a étudié attentivement l'article 1, vous vous souviendrez qu'on a inclus, on a ajouté à la
définition le concept «peu importe les préceptes».
Et, lorsque nous avons fait cet ajout, rappelez-vous, M.
le Président, l'objectif
était que l'on ne puisse invoquer une défense qui était fondée sur le fait
que le discours haineux ou le discours incitant à la violence avait comme
précepte une idéologie ou était basé sur une religion,
notamment, et donc on a inclus dans l'article
1 que ce type de discours là ne pouvait se justifier, peu importe le
précepte.
Donc, je
comprends que nous avons ajouté, la
semaine dernière ou il y a
deux semaines, le fait que le discours soit
public, là, nous avons ajouté cet élément-là qui est un peu redondant avec l'article
1, mais de faire des rappels va être beaucoup trop lourd. Et l'autre élément, c'est que, peu
importe le précepte sur lequel est fondé le discours, il est inacceptable. Ici, on limite à un précepte intégriste ou
radical, mais ça pourrait exclure, par exemple, ce que la collègue de
Montarville avait soulevé, les
préceptes religieux, et là on viendrait ouvrir une porte à une justification
qui n'est pas souhaitée, je crois, parce
que, rappelons-nous, c'est la collègue de Montarville qui nous avait demandé
d'inclure le concept de précepte à l'article 1. Donc, voilà.
Le
Président (M. Hardy) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le
sous-amendement? Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Merci, M. le Président. Alors, je vais essayer de voir la complémentarité entre
l'article 1 et l'article 2, tel
qu'amendé et sous-amendé, si on acceptait la proposition. Dans l'article 1, on
dit que la loi s'applique aux discours haineux et aux discours incitant à la
violence tenus ou diffusés, peu importent les principes sur lesquels ils
s'appuient. Donc, on dit qu'on ne peut pas
se défendre parce qu'on a un discours religieux ou parce qu'on a un principe.
Donc, il n'y a pas d'exclusion dans
l'article 1, vous ne pouvez pas vous défendre sur le fait que vous avez un principe religieux
ou un autre principe. Mais la différence de l'article 2, c'est qu'encore
une fois, toujours nos intentions, on
cible le discours, on dit qu'il est
interdit de tenir ou diffuser publiquement un discours visé à l'article 1
lorsque le discours est fondé sur un précepte intégriste ou radical
appelant à la violence.
Premièrement, d'abord, l'ajout de mon collègue,
là — c'est
le sous-amendement, là — il
est extrêmement important parce que, sinon,
un discours fondé sur un précepte, mettons, intégriste ou radical pourrait nous
amener dans le même problème où nous
avait amenés la CAQ lors de sa motion de février 2015. Alors, la collègue,
régulièrement, va dans les radios — elle est allée encore ce
midi — pour
aller raconter qu'à l'époque ils avaient essayé de museler le discours intégriste ou radical, religieux, et
qu'on avait refusé, puis que, là, on s'est rangés à leurs côtés. Bien, M. le
Président, ce n'est pas ça du tout, du tout, du tout. Puis là, si mon
collègue n'avait pas ajouté «appelant à la violence», on serait retombés dans
le même piège que... sans le réaliser, je pense, parce qu'elle est très, très,
très... Moi, je pense que ma collègue de
Montarville est très claire dans sa lutte à l'intégrisme religieux ou à la
radicalisation. Ça, là-dessus, je sais que
c'est ce qu'elle cible aussi. Rappelons-nous du point de presse que son chef
avait donné à l'Assemblée nationale après la motion. Oui, les journalistes lui avaient dit : Est-ce que ça
pourrait couvrir, par exemple, le Parti communiste?, et son chef avait été obligé de répondre oui. Donc, il y
avait une erreur fondamentale dans la proposition de la CAQ de l'époque.
C'est là-dessus qu'on n'était pas d'accord, c'est là-dessus.
• (17 h 40) •
Quand elle
fait des entrevues, il faudrait qu'elle... c'est là-dessus précisément, sur
cette dérive qui touchait à la liberté
d'expression, encore une fois, qu'elle se trompait. Parce que nous, on ne veut
pas toucher à des préceptes radicaux comme,
par exemple, une conviction politique anarchiste. C'est radical, l'anarchisme. L'anarchisme, là, l'anarchisme, c'est : On ne veut pas de gouvernement. Les gens vont se gouverner — le
citoyen, citoyenne — vont
se gouverner seuls. C'est assez
radical. Des intégristes, il peut y avoir des intégristes, il y en a
au Québec, puis on ne les a pas
envoyés en prison pour discours
haineux. Mais, si on fait «un précepte intégriste ou radical appelant à la
violence», là on se donne une chance.
Là, on se donne une chance. Là, on cible quelque chose de plus particulier. Là,
on va directement dans ce qui nous interpelle, ce qui nous intéresse.
Ça fait que moi, je remercie mon collègue de Bourget.
Je pense qu'il est allé trouver un moyen de ramener quelque chose de fondamental. On ne veut pas toucher à la liberté
d'expression de façon indue. Il faut qu'il y ait un impact sur la société. Il faut qu'il y ait un effet sur
la société ou bien il faut qu'il y ait une intention. Il faut qu'il se passe
quelque chose
au niveau de l'intention ou de l'effet qui fait qu'on voit que le discours a un
impact sur la société ou qu'on veut avoir un impact sur la société et
qu'on veut amener à la violence. C'est exactement le but de la radicalisation.
Les agents de radicalisation qui, au Québec,
font des discours et entraînent les jeunes, bien, ils veulent ça, ils veulent
les amener à la violence, ils les
appellent à la violence, ils les appellent au djihad. D'ailleurs, mon collègue
de Bourget, quand on avait étudié l'article 1, avait proposé d'ajouter
le djihad. Est-ce que je me trompe, cher collègue?
M. Kotto :
...
Mme
Maltais :
C'est exact, hein? Il avait proposé carrément d'exclure, à ce moment-là, que le
discours haineux, ce soit le discours
qui prône le djihad. Là, on était dedans parce que le djihad — en tout cas, tel qu'on l'utilise quand c'est
dans la radicalisation — c'est l'appel à la guerre sainte, alors,
même si je sais qu'il y a, M. le Président, des musulmans qui disent... des croyants qui disent que le
djihad a été peut-être mal interprété par les islamistes, que ce n'est pas
nécessairement un appel à la
violence, mais qu'il est interprété par les islamistes comme étant un appel à
la violence. Alors, si je me range de leur côté, je suis obligée de dire
quand même que ce qu'on vise, c'est l'appel à la violence.
C'est
pour ça que je trouve que le sous-amendement de mon collègue permet de corriger
le même problème qu'on avait trouvé à
la motion de la CAQ. Je pense, c'est février 2015, si je ne me trompe pas.
Peut-être, la collègue, elle va me retrouver
ça. Bon, peut-être ma collègue... mais je la laisserais aller vers février 2015
puis j'oserais dire 8 février 2015. Mais,
enfin, j'ai une assez bonne mémoire en général, mais je pense qu'il me semble,
à mon souvenir, c'est à peu près 8 février...
Une voix :
11 février.
Mme
Maltais : 11, je me suis trompée de trois jours. Pas si pire
après un an et quelques mois, 11 février 2015.
Donc,
c'était ça, notre problème. Ce n'est pas de ne pas viser la radicalisation,
c'est de ne pas entraîner de dérive dans
la liberté d'expression, pour qu'il restreigne trop la liberté d'expression.
Donc, mon collègue, en ajoutant «appelant à la violence», va dans le sens de ce qu'on demande, de ce qu'on offre au
gouvernement depuis le début, dans le sens des propos du premier ministre, bien sûr, et c'est quelque chose, pour moi,
de très raisonnable, M. le Président. Voilà comment je vais le dire, de très raisonnable. Parce que,
sans l'ajout de mon collègue, je ne sais pas trop quoi faire avec l'amendement
de la CAQ, très honnêtement, sans l'ajout de
mon collègue, puis je vais écouter la CAQ pour essayer de voir comment elle peut me rassurer. Ça, je suis sûre que ma
collègue va vouloir nous rassurer qu'elle ne vise pas aussi large que la motion
du 11 février 2015. Mais je suis sûre
qu'elle va me rassurer. Mais, enfin, juste dire à mon collègue que j'aime
l'idée et que ça continue à être cohérent par rapport à la position
qu'on assume depuis le début de l'étude de ce projet de loi.
Je
ne sais pas si mon collègue veut ajouter quelque chose ou s'il trouve que mes
commentaires sont éclairants.
Le Président (M.
Hardy) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de
Bourget.
M. Kotto : M. le Président, oui, des commentaires éclairants. Et
j'ai bon espoir que la ministre sera ouverte à cette proposition qui — je suis prêt à mettre ma main au feu — rencontrerait un accueil très favorable au
sein de la population, M. le
Président. Et je parle de la population parce que généralement, quand on fait
ce genre d'exercice, nous avons souvent un réflexe naturel qui est de nous enfermer dans notre bulle en
occultant totalement la perception que la population qui nous a envoyés ici a de nous, et notamment quand
on prend de mauvaises décisions, alors que nous avons intérêt, je crois,
à travailler de façon rigoureuse et dans la perspective des attentes de cette
même population. Je suis même prêt à parier
que, si, d'aventure, la ministre soumettait à l'appréciation de la population
l'ensemble, l'économie générale de ce projet
de loi, elle serait très surprise de voir qu'il serait rejeté, ce projet de
loi, en bloc. Et l'effort que nous faisons en ce moment à l'effet de bonifier sa proposition contribue peut-être à tendre
à construire un pont ou une passerelle entre les attentes de la population et peut-être aussi leurs ambitions en termes
de lutte à la radicalisation, parce que c'est de ça dont il est question
ici.
Et je réitère mon invitation à la ministre à
l'effet de rester centrée sur ce qui a amené le gouvernement à déposer son
plan décliné sur plusieurs chapitres. Celui-ci en est un. Plusieurs chapitres
de lutte contre la radicalisation et la cohérence
nous obligent aujourd'hui à aller dans le sens que nous proposons ici, du côté
de l'opposition. Maintenant, libre à
elle — et
j'entends elle, la ministre — de voir si nous sommes dans le champ. Et, si
elle considère que nous sommes dans
le champ, à ce moment-là je lui demanderais bien humblement quelle est son
intention réelle derrière ce projet de loi. Parce qu'il y a toujours une intention, et il faudrait que la population
comprenne cette intention pour mieux appréhender sa démarche parce que
moi, je ne la comprends pas. De ce côté-ci, mes collègues non plus.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Bourget. Maintenant, je
cède la parole à Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le
Président. Alors, sur le sous-amendement de mon collègue de Bourget, question de vous réconforter, c'est,
effectivement, les bretelles avec la ceinture. C'est l'expression qu'on dit,
là, vous nous rajoutez ici des bretelles. Je n'avais pas nécessairement
vu la nécessité de rajouter «appelant à la violence» dans la mesure où l'article 2 fait référence directement à l'article 1,
qui, lui, mentionne «incitant à la violence». Donc, «appelant à la violence» et «incitant à la
violence», il y a ici des termes qui sont similaires et semblables en droit.
Donc, pour moi, c'était implicite que, lorsqu'on parlait de l'article 1,
ces préceptes intégristes ou radicaux appelaient aussi à la violence. Alors, on
voit la chose de la même façon.
Maintenant, je me suis sentie
interpelée par ma collègue, qui nous parlait de notre sortie de février 2015,
et je pense qu'il est important de
lui rappeler une petite chose, c'est que, lors de cette sortie, ce que nous
disions, à la CAQ, M. le Président, c'est que nous voulions intervenir
et agir contre les prêches — eh
oui, les prêches, c'est le mot que j'avais employé
qui avait vraiment fait sursauter ma collègue — les prêches qui allaient à l'encontre et de
nos valeurs démocratiques et communes
à tous et de notre démocratie. Et le réquisitoire qu'elle m'avait fait à
l'époque ne touchait pas que la question politique, par exemple, mais également des prêches. Donc, elle n'était
pas très chaude à l'idée de proscrire ces prêches, alors que force est de constater actuellement que
c'est vraiment au discours des agents de radicalisation ou des prédicateurs
autoproclamés qu'il faut s'attaquer. C'est ce que je tentais de dire.
Naturellement,
vous savez comme moi que, dans une entrevue très comprimée, tout va vite. Mais,
cela dit, c'est, effectivement, ces
prêches que nous disions qu'il fallait intervenir parce que c'était le discours
d'endoctrinement, et on tient
toujours le même discours aujourd'hui. Je suis contente de voir que ma collègue
est d'accord également à l'effet que c'est,
effectivement, le discours d'endoctrinement auquel il faut s'attaquer. C'est
tout ce que je voulais souligner pour la conforter dans sa prétention et
peut-être corriger le tir un petit peu. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la
ministre, avez-vous une intervention à faire?
Mme Vallée :
Je n'ai pas de commentaire additionnel à formuler. Merci.
Le Président (M.
Hardy) : Pas de commentaire. M. le député de Richelieu.
• (17 h 50) •
M. Rochon :
Oui. Je souhaite soumettre à ma collègue de la deuxième opposition qu'elle
fait, à mon point de vue, une légère
erreur de compréhension de texte quand elle dit que l'article 1 punit les
discours haineux qui incitent à la violence. Ce n'est pas exact, puisque... Lisons ensemble cet article : «La
présente loi a pour objet d'établir des mesures de prévention et de lutte contre les discours haineux
s'exprimant dans un contexte de discrimination...» Alors, ceux-là, déjà, sont
punissables, hein, y compris...
Une voix :
...
M. Rochon :
Oui, mais y compris dans un contexte d'endoctrinement ou de radicalisation
pouvant mener à l'extrémisme violent. Elle
établit également de telles mesures contre les discours incitant à la violence,
mais les discours haineux s'exprimant dans un contexte de discrimination
sans appel à la violence sont punissables en vertu du projet de loi n° 59, tel qu'on le lit dans son
premier article. Voilà pourquoi il nous apparaît très important d'insister,
comme le fait mon collègue de Bourget,
sur le discours intégriste ou radical appelant à la violence dans le second
article du projet de loi.
Et
je réitère que nous sommes ainsi sur le sentier tracé par le premier ministre,
qui, lui-même, disait ça, disait que la ministre allait mieux circonscrire
la portée de son projet de loi pour bien veiller à ce que ne soit pas brimée la
liberté d'expression des gens, pour bien
veiller à ce que le projet de loi ne s'attaque pas à la liberté d'expression,
mais qu'il ne s'attaque qu'aux discours qui incitent clairement à la
violence.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Richelieu. Est-ce qu'il
y a d'autres interventions? Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui. Merci, M. le Président. Écoutez, je vais vous
dire pourquoi ces spécifications sont si importantes. Je suis retournée à l'article 10 de la Charte des
droits et libertés puis je me suis demandé, si on ne met pas des choses comme
«appelant à la violence» ou si on ne vise
pas directement le radicalisme religieux, l'intégrisme religieux menaçant — je vais utiliser le mot «menaçant», là, mais
appelant à la violence, et tout — qu'est-ce qu'on vise. Est-ce que les
gens — je
vais les mettre dans la même chose — de race et de couleur sont
venus nous dire, les groupes qui sont venus en... ont réclamé une loi balisant la liberté d'expression et le discours haineux
dans les dernières années? Non, M. le Président. Et est-ce que les gens de race et de couleur sont venus en audition nous
dire : Nous devrions avoir une loi sur le discours haineux, on est d'accord avec 59? Non, pas du
tout, ils sont même venus dire le contraire. Ils sont venus dire : Notre
société, c'est par la prévention et l'éducation qu'on préfère travailler.
Ça
fait qu'il y a race, couleur, il y a sexe qui est un motif de discrimination.
Il y a, effectivement, le Conseil du statut
de la femme qui a dit — je me souviens très bien, j'ai le mémoire devant moi — qu'ils pouvaient être d'accord avec le projet de loi, mais parce que les femmes
étaient victimes de l'intégrisme religieux. Ça fait que la majorité, la grande
majorité des propos qui sont tenus dans le mémoire du Conseil du statut de la
femme touchent l'intégrisme religieux.
Donc
là, je mets un bémol. Grossesse? Il n'est pas question de ça. C'est un motif de
discrimination interdit, mais ce
n'est pas là-dedans qu'on est. Orientation sexuelle? Les groupes qui sont
venus, en grande majorité, les leaders, là, sont venus nous dire : Non, on ne fonctionne pas comme ça, on prend
de la prévention. Donc, pas besoin de ça. L'état civil, il n'est pas question de ça aujourd'hui. L'âge, bien, tous ceux
qui protègent les enfants, les DPJ, commissions scolaires, et tout, sont venus nous dire : Ce n'est pas
vraiment la bonne façon de procéder quand on parle d'âge, quand on parle de
jeunes.
La religion,
oui, tiens, tiens, tiens, c'est un des motifs de discrimination autour desquels
il y a eu des commentaires, des
commentateurs qui sont venus nous dire : C'est là où il y a parfois des
problèmes où on peut... Puis là ça allait des deux côtés, il faudrait
accepter, il faudrait ne pas accepter de baliser la liberté d'expression.
Autres
motifs de discrimination. Pour les convictions politiques, il n'y a personne
qui est venu nous dire qu'il faut
restreindre le discours haineux à cause des convictions politiques. Sur la
langue, est-ce que les groupes de
langues autres que le français ou
même les francophones sont venus nous dire : Il faut qu'on aille contre le
discours haineux? Non, je n'ai pas
entendu ça dans les dernières années. Je ne sais pas si vous avez entendu ça,
moi, je n'ai pas entendu ça. L'origine ethnique,
bien, c'est un peu comme race et couleur, là, mais à peu près. Est-ce que les gens sont venus nous dire : Nous avons besoin d'un projet de loi des discours
haineux? Non. Conditions sociales, non. Handicaps, bien, je viens de vous
lire le mémoire de l'Office des personnes handicapées du Québec.
Ça fait que
la seule case sur laquelle il y a véritablement un débat, c'est le mot
«religion». La seule case où il y a dans tout l'article 10, là, c'est...
jusqu'ici, c'est tout le problème de la radicalisation et de la montée du
phénomène religieux intégriste menant à la violence qui est questionné. Mais
tout le reste, je vous ai nommé les motifs de discrimination — race, couleur, sexe, grossesse, orientation
sexuelle, état civil, âge, convictions politiques, langue, origine
ethnique, conditions sociales, handicap — il n'y a pas de besoin, on ne
nous a pas réclamé un projet de loi contre les discours haineux. Et la majorité des groupes — pas tous, mais la grande majorité — est venue dire : Ce n'est pas comme
ça qu'il faut travailler, c'est par la prévention, c'est par l'éducation. On
fait de la pédagogie, on laisse travailler les intervenants dans les écoles. C'est ça qu'ils sont venus nous dire. Ça
fait que le problème, c'est que la loi vise tous les groupes, mais tous les groupes ne veulent pas être
visés par la loi. Il y a un groupe sur lequel il y a une demande d'intervention... ou enfin il y a un
questionnement d'intervention. Moi, je ne serais peut-être pas allée là-dedans,
là, mais auquel le gouvernement tente
de répondre — il l'a
dit lui-même, puisque c'est dans son plan de lutte à la radicalisation — bien, c'est le religieux.
Alors,
pourquoi on ne veut pas nommer le problème? On ne le sait pas, mais nous, au
moins, on essaie de dire : Appel
à la violence et intégrisme, tout le monde comprend que le phénomène intégriste
appelant la violence... actuellement, si
tu parles d'un plan de lutte à la radicalisation, tu es dans le phénomène
religieux. On passe par des voies détournées, M. le Président, mais on essaie, au moins, d'atteindre la cible pour
laquelle, normalement, nous devrions être en train de travailler ici
aujourd'hui. C'est vraiment l'objet, la cible. L'objet autour duquel on devrait
être en train de travailler aujourd'hui,
c'est ça. Alors, à moins d'ajouter «religieux»... On pourrait faire ça,
«intégriste religieux sur un précepte», mais, pour moi, ce n'est pas nécessaire, puisqu'en mettant «appelant à
la violence»... permet d'atteindre certains des objectifs de la
ministre, mais nous, nous rassure. On essaie d'être rassurés.
Alors, M. le Président, je trouve que c'est un
bon sous-amendement. Puis plus je regarde l'article 10 de la Charte des droits et libertés, et plus je me
demande qu'est-ce qu'on fait ici, plus je me demande à quel problème le gouvernement veut-il répondre. Nous, vos problèmes
d'appel à la violence, on est prêts à faire un bout puis à répondre à
ça. Mais, sinon, qu'est-ce qu'on fait ici, M. le Président? Qu'est-ce qu'on
fait ici?
Le
Président (M. Hardy) : Merci. Est-ce que quelqu'un d'autre veut
intervenir? Sinon, je vais ajourner. Vous avez une minute, M. le député
de Bourget.
M. Kotto :
Une minute, M. le Président, pour, disons, inspirer les réflexions de notre
chère collègue et ministre. Je lui
posais la question tout à l'heure à l'effet de savoir quelle était sa véritable
intention relativement à ce projet de loi. Je crois, sans trop me
tromper, que son ambition est de favoriser la collaboration et le dialogue pour
lutter contre la radicalisation au Québec.
Mais, si d'aventure, disons, elle se faisait sourde à notre proposition,
qu'elle soit assurée que, si cette
loi est adoptée comme telle, il y aura crispation. Et, quand il y aura
crispation, M. le Président, là, on aura une situation contraire à
l'objectif qu'elle vise. Parce qu'on touche à quoi? On touche à la liberté
d'expression.
Le Président (M. Hardy) : Merci
beaucoup. Je vous remercie de votre collaboration.
La commission
ajourne ses travaux à demain, mercredi le 11 mai 2016, après les affaires
courantes, vers 11 heures, où elle entreprendra un autre mandat, sur
l'étude détaillée du projet de loi n° 64. Merci beaucoup. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 heures)