(Onze
heures quarante-huit minutes)
Le Président
(M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 59,
Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les
discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses
modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire :
Oui, M. le Président. Mme Hivon (Joliette) est remplacée par
M. Rochon (Richelieu) et M. Leclair (Beauharnois) est remplacé par
M. Kotto (Bourget).
Étude détaillée (suite)
Le Président
(M. Ouellette) : Lors de l'ajournement de nos travaux, le mardi
12 avril, nous discutions de l'article 2
de la loi édictée par l'article 1 du projet de loi. Et c'est Mme la ministre qui avait la parole, on était en discussion sur le premier alinéa de l'article 2. Et nous
avions eu des échanges très constructifs, mais c'était à vous, Mme la ministre, en réponse à certains questionnements soulevés par Mme la députée de Taschereau,
de nous apporter certaines précisions.
Mme
Vallée : Avec votre
permission, M. le Président, parce qu'entre le 28 et le 12 avril s'écoule
beaucoup de temps, je vous demanderais bien respectueusement, peut-être,
de nous remettre dans le contexte. Parce que je sais qu'on a eu de
nombreux échanges, ce qui s'est dit, ce qu'il restait à dire... Je pense qu'on
avait couvert quand même... Dans l'article 1,
on a eu quand même plusieurs échanges, des échanges, je dirais, peut-être
plus de nature générale sur la portée de l'article 2. Donc, je ne
veux pas me répéter, mais, en même temps, je ne veux pas en oublier.
• (11 h 50) •
Le Président (M. Ouellette) : Je vais, effectivement, nous replonger un petit peu, et probablement que Mme la députée
de Taschereau va m'aider. Dans l'article 2, on était dans les
interdictions. On se souviendra qu'avant d'adopter l'article 1 il y avait eu un amendement
présenté par Mme la députée de Taschereau relativement aux interdictions et que nous
nous étions entendus, tous les parlementaires, que cette discussion-là aurait
plutôt cours à l'article 2.
Je
me souviens, lorsque je vous ai demandé de faire la lecture de
l'article 2, de vous avoir suggéré de regarder si on tiendrait immédiatement compte de ce qui avait été présenté par Mme la députée de Taschereau et je me souviens aussi que nous avions entamé une discussion générale sur ce
qu'était une diffusion, et est-ce que ça comprenait tout l'aspect des
médias sociaux, et on était dans cette mouvance-là. Ça fait que, si Mme la
députée de Taschereau ou M. le député de Richelieu veut compléter les
interrogations qu'on avait sur le premier alinéa de l'article 2, je vais
me faire un plaisir de reconnaître pour le droit de parole... M. le député de
Richelieu.
M. Rochon : Oui. Nous nous sommes notamment questionnés... vous vous en souviendrez, M. le Président, et la ministre a certainement ça à la mémoire pas loin, là, nous
nous étions questionnés sur notre pouvoir d'interdire la diffusion d'un discours visé à l'article 1,
rappelant que notre statut de province ne nous accordait pas tous les
pouvoirs, certains relevant d'un autre niveau de gouvernement, notamment la
radiodiffusion et les télécommunications. Et je crois me rappeler que la
ministre allait, avec ses collaborateurs, vérifier cet élément que nous avons
soulevé.
Le Président
(M. Ouellette) : Nous avions aussi parlé, je pense, des arts et
de la culture. On avait une préoccupation à
ce niveau-là dans la diffusion Web, relativement à cette discussion-là. Je ne
sais pas si vous voulez rajouter, Mme la députée de Taschereau, avant
que... Je pense que Mme la ministre peut faire...
Une voix :
...
Le Président
(M. Ouellette) : ... — oui — un
bout. Mme la ministre?
Mme Vallée :
Bien, en fait, peut-être pour entamer notre séance d'aujourd'hui, il serait
peut-être opportun, peut-être, de rappeler
certaines choses. On avait parlé de certains encadrements qui existent
actuellement en vertu de la loi concernant le cadre juridique de la
technologie de l'information qui vont viser certains trucs, là, certains
aspects de la question, et aussi c'est important de faire la distinction entre,
par exemple, le fournisseur de services Internet, et l'intermédiaire,
l'hébergeur de site, et celui qui exploite un site. Il y a des distinctions.
Pour ce qui est d'un
fournisseur de services, Bell, Rogers, Vidéotron, par exemple, ces
fournisseurs-là, ils ne diffusent pas, ils
ne sont pas des diffuseurs dans le cadre des services Internet, par exemple,
parce que certains exploitent aussi
des chaînes. Mais ça, on n'en est pas là. Lorsqu'un diffuseur agit en sa
qualité de diffuseur, ils ne font que fournir l'accès au contenu qui est sur un site Web. Alors, ils n'exercent pas de
contrôle sur le contenu, ils sont le fournisseur du service qui permet
ultimement de fournir un contenu, et, en principe, ces gens-là n'engagent pas
leur responsabilité.
L'intermédiaire technique, celui qui héberge un
site, qui exploite une plateforme, par exemple, comme Facebook, qui est
probablement une des plateformes les plus connues, qui est administrateur d'un
blogue, qui est un fournisseur de services
électroniques — pensons
à Hotmail, pensons à Gmail — un exploitant d'un moteur de
recherche, par exemple, le plus connu sans
doute étant Google, eux peuvent être tenus responsables des propos tenus,
peuvent être tenus responsables dans la mesure où ils disposent, ces
gens-là, de la capacité de retirer le contenu, qu'ils participent à sa
diffusion.
Mais, par
contre, vous vous souviendrez, on avait abordé la question de l'avis. Parce que
ce n'est pas parce que quelqu'un
diffuse un propos, par exemple, incitant à la violence que celui qui héberge,
l'exploitant de la plateforme, est automatiquement informé du contenu.
Donc, il y a déjà, et on retrouve déjà à la Loi concernant le cadre juridique
des technologies de l'information, à l'article 22, l'existence de cet
avis-là.
Alors, l'article 22 se lit comme
suit : «Le prestataire de services qui agit à titre d'intermédiaire pour
offrir des services de conservation de documents technologiques sur un réseau
de communication n'est pas responsable des activités
accomplies par l'utilisateur du service au moyen des documents remisés par ce
dernier ou à la demande de celui-ci.
«Cependant,
il peut engager sa responsabilité, notamment s'il a de fait connaissance que
les documents conservés servent à la
réalisation d'une activité à caractère illicite ou s'il a connaissance de
circonstances qui la rendent apparente et qu'il n'agit pas promptement pour rendre l'accès aux documents
impossible ou pour autrement empêcher la poursuite de cette activité.
«De même, le prestataire qui agit à titre
d'intermédiaire pour offrir des services de référence à des documents
technologiques, dont un index, des hyperliens, des répertoires ou des outils de
recherche, n'est pas responsable des activités accomplies au moyen de ces
services. Toutefois, il peut engager sa responsabilité, notamment s'il a de
fait connaissance que les services qu'il fournit servent à la réalisation d'une
activité à caractère illicite et s'il ne cesse promptement de fournir ses
services aux personnes qu'il sait être engagées dans cette activité.»
Là-dessus, je
vous réfère... Probablement que les gens ici sont très familiers avec Facebook.
Vous aurez remarqué que, lorsque l'on navigue sur cette plateforme-là,
il y a toujours la possibilité de signaler le contenu qui nous apparaît offensant. Et Facebook a mis en place des
paramètres qui permettent d'indiquer pourquoi, qu'est-ce qui est offensant
et de qualifier la publication, et ça lui
permet ainsi d'intervenir. On l'a vu, il y a environ un an, je me souviens
d'une publication qui avait fait le tour, je crois... qui avait fait le
tour et qui était très offensante à l'égard des communautés LGBT, et ça a été
retiré, sans plus. Donc, dès que Facebook analyse le contenu, il a la
possibilité de l'enlever.
Par
contre — et c'est
un peu en lien avec cet article — l'organisme, l'exploitant qui, avisé, ne
prendrait pas les moyens appropriés
pour retirer le contenu, à ce moment-là cet exploitant-là peut engager sa
responsabilité civile, peut engager sa responsabilité à l'égard de ceux
et celles qui ont été blessés. Alors, c'est ce que la loi fédérale prévoit. Évidemment, c'est la loi fédérale — je vois notre collègue hocher et opiner de
la tête — qui le
prévoit, et donc, par exemple, si, d'aventure, nous terminions l'étude
de notre projet de loi et que le projet de loi devait être adopté, bien, il
pourrait y avoir application de cet article-là, par exemple, si une publication
devait aller à l'encontre de l'article 59. Et donc l'exploitant qui agit avec célérité ne serait pas responsable en vertu
de 59 si l'exploitant a agi avec célérité. Évidemment, il faut que
l'exploitant soit informé, et l'article 22 prévoit clairement que l'exploitant,
une fois informé du propos inapproprié qui est véhiculé, doit agir avec
célérité.
• (12 heures) •
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de Richelieu.
M. Rochon : Je retiens donc qu'il y a déjà protection contre
la diffusion d'un discours visé à l'article 1 par la loi fédérale
citée par la ministre.
Mme Vallée :
En fait, il faut qu'il s'agisse d'une activité à caractère illicite. Nous, ce
que nous encadrons, c'est justement le discours haineux par 59.
Une voix : ...
Mme Vallée : Je suis désolée,
j'ai commis une petite erreur, c'est la loi québécoise. Parce que j'ai des extraits de lois... C'est la loi québécoise qui le
prévoit pour le retrait. Par contre, le discours haineux, le discours qui
attaque une personne, un individu, qui est discriminatoire en vertu de la
charte, oui, il est visé. Mais n'oublions pas que ce que nous visons avec 59, ce sont les groupes de
personnes visés. Et ça, ce n'est pas prévu encore à ce jour. Et j'espère
qu'un jour on y arrivera, mais ce n'est pas
prévu à notre loi, alors, à l'encontre de groupes. Mais, à l'encontre d'un
individu, c'est certain qu'un discours discriminatoire à votre égard
pourrait être considéré.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de Richelieu.
M. Rochon : À la connaissance de la ministre, M. le
Président, est-ce qu'il existe plusieurs poursuites qui ont été faites,
là, en se servant de l'article dont il est ici question?
Le
Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
En fait, l'article ne prévoit pas de poursuite, l'article encadre la
responsabilité du prestataire de services. Et il ne prévoit pas ce qui
est licite, ce qui est illicite, il encadre, il dit : Le prestataire de
services va engager sa responsabilité, peut engager notamment sa responsabilité
civile si, une fois informé, il continue, il permet que le propos soit diffusé.
Donc, c'est vraiment
vous dire... Est-ce qu'il existe plusieurs poursuites? Il y a plusieurs
poursuites en responsabilité, lesquelles touchent notamment un prestataire de
services qui n'a pas... Je pense que ce n'est pas de l'information... Parce qu'il faut quand même être conscient qu'à titre
de Procureur général on n'est pas partie prenante ou mis en cause dans
l'ensemble de ces dossiers-là.
Le Président
(M. Ouellette) : M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Oui. Merci, M. le Président. Juste pour ma compréhension fine et celle des
personnes qui nous écoutent probablement à ce moment-ci... Ils ne sont
pas très nombreux souvent, mais il y en a quelques-uns...
Mme Vallée :
C'est surprenant.
M. Kotto :
...il y en a quelques-unes. La ministre met en évidence les responsabilités du
prestataire de services, j'aimerais comprendre. Considérant que
l'univers numérique, notamment dans le contexte de l'Internet, est sans frontières — c'est une hypothèse, un cas d'espèce
hypothétique — dans la
mesure où un citoyen d'un autre État diffuserait un discours haineux et que celui-ci serait, soit par souci d'analyse ou
d'information, diffusé sur notre propre environnement numérique, quelles
seraient les conséquences que cette personne pourrait subir, partant de ce
modèle-là?
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Évidemment, nous sommes ici dans un cas, là, de... On
suppose et on extrapole, mais il est important de rappeler l'existence
de l'article 3148 du Code civil du Québec, qui prévoit que le Québec a
compétence lorsque le préjudice est subi au
Québec, donc, en matière d'actions, de poursuites civiles. Et donc, en vertu de
3148, «dans les actions personnelles
à caractère patrimonial, les
autorités québécoises sont compétentes dans les cas suivants : [...]3° une faute a été commise au Québec, un
préjudice y a été subi, un fait dommageable s'y est produit ou l'une des
obligations découlant d'un contrat devait y être exécutée».
La commission pourrait s'inspirer de ces dispositions. Donc,
lorsque je parle de la commission, on comprend que je parle ici de la commission des droits de la
personne et de la jeunesse, qui pourrait s'inspirer de ces dispositions de
notre Code civil pour poursuivre un
défendeur qui serait domicilié à l'extérieur du Québec lorsque le discours est
diffusé sur Internet et donc accessible au Québec.
Puis la juridiction du Québec, elle a été confirmée par la
Cour supérieure dans une décision de 2010 en matière de
diffamation en ligne. Donc, cette situation-là, une poursuite en diffamation,
non pas une poursuite en vertu de notre projet
de loi actuel qui nous occupe aujourd'hui, mais une poursuite en responsabilité
d'un individu. Et c'est un défendeur qui
était domicilié en Nouvelle-Écosse et qui avait diffusé des propos sur Internet
disponibles au Québec, et les propos visaient...
Dans ce cas-là, on parlait de la Banque Nationale. Ils visaient la Banque
Nationale, ils visaient les officiers de la Banque Nationale, ils visaient aussi des représentants de la Banque
Nationale, donc des individus qui étaient, pour la plupart, des résidents du Québec. Et, dans cette
décision-là, la Cour supérieure a dit : Il est possible de poursuivre des
gens qui ont tenu des propos en ligne,
propos qui étaient accessibles sur Internet et qui ont porté un préjudice. Le
préjudice, il est subi par celui qui était frappé par les propos, et
donc ces personnes ont pu aller de l'avant avec la demande, leur recours en responsabilité civile à l'encontre de l'individu
qui était l'instigateur des propos. Alors, cette façon de faire pourrait
très bien s'appliquer à la commission des droits de la personne et de la
jeunesse à l'égard des démarches qui sont prévues au projet de loi.
Le
Président (M. Ouellette) : M. le député de
Bourget.
M. Kotto :
Oui, juste une précision. Quand la ministre cite 3148, c'est relativement au
Code criminel?
Mme Vallée :
Non, c'est dans le Code civil du Québec.
M. Kotto :
Code civil du Québec.
Mme Vallée :
Oui.
• (12 h 10) •
M. Kotto :
O.K. Dans l'hypothèse — et le contexte politique
avoisinant nous amène à anticiper ce genre de cas — où, sans nous mêler des affaires intérieures des États-Unis, arrive au
pouvoir un homme réputé, disons, intolérant, divisif et inspirant des passions ci et là, il y
aurait, dit-on, des Américains qui déménageraient au Québec et dans le
reste du Canada, et il est fort probable que
des discours haineux à leur endroit et à notre endroit, ce qui est déjà avéré,
soient courants sur les médias sociaux. Si d'aventure, sur notre propre
territoire, nos propres concitoyens ne faisaient que rediriger, partager ces
discours, est-ce qu'ils tomberaient sur le coup de notre perspective de la
loi ?
Mme Vallée :
Nous sommes ici dans l'hypothèse la plus totale. Et sachez qu'il n'y a pas
qu'aux États-Unis où des individus tiennent des discours à
caractère haineux, des discours qui incitent à la haine, malheureusement. Il y
en a, malheureusement, des gens intolérants
à l'égard de la différence. Il y en a, malheureusement, partout. Puis des gens
qui le manifestent d'une façon très violente dans leurs propos, il y en
a, malheureusement, beaucoup.
Nous,
ce que l'on vise par l'article 1 de la loi... On a défini ce qui était un
propos, encore faut-il que le propos soit de nature à ce que nous avons
défini à l'article 1. Et, pour la suite des choses, il faudra voir le
contenu du propos. Aujourd'hui, je pense
qu'il serait très mal venu de prétendre que toute forme de partage pourrait
entrer dans le champ. Encore faut-il
voir, ce sera du cas par cas et en fonction de ce qui est exprimé. Mais, si le
propos tombe dans la définition que nous
avons traitée, la commission... et ça sera suite à l'évaluation de la
commission, qui verra s'il y a lieu ou non de sévir.
Parce qu'il ne faut
pas oublier, hein, les dossiers qui seront référés au tribunal des droits...
Puis on n'a pas encore entamé le mécanisme,
mais il y a quand même... Avant d'entamer une démarche, une procédure devant le
Tribunal des droits de la personne, il y a
quand même, avant ça, un processus. C'est-à-dire qu'il y a d'abord une analyse
de la plainte, une analyse des propos, une analyse de la démarche, et on
verra un petit peu plus loin ce qui pourra aussi être soumis à l'auteur des propos avant de se rendre devant le
tribunal parce qu'il y a actuellement... Et, vous savez, on parlait des dossiers qui se retrouvent au tribunal des droits
de la personne et de la jeunesse actuellement, si on prend les plaintes
qui sont logées à la commission et les dossiers qui, ultimement, se retrouvent
devant le tribunal, ce n'est qu'une infime partie
parce qu'il y a le processus d'analyse, d'une part, est-ce que la plainte est
fondée ou non, et il y a aussi un processus de médiation qui est mis en place. Alors, tout ça doit être considéré.
Donc, aujourd'hui, répondre à la question de notre collègue, c'est impossible parce que ça dépend du
propos, ça dépend du contexte, ça dépend de la nature. Alors, il y aura
toute une analyse qui sera faite par la commission.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Débat intéressant, M. le Président. Si je comprends bien, il pourrait y avoir,
par exemple, des propos considérés comme
offensants diffusés au Québec qui visent un groupe de personnes. Je sais que la
CDPDJ essaie de protéger les groupes
de personnes québécois, mais imaginons que ces propos ne visent pas
spécifiquement une majorité québécoise,
qu'ils sont plus larges, le site sur Internet n'est pas nécessairement hébergé
au Québec, et tout, ce sont des sites qui visent des Québécois et
Québécoises, mais pas nécessairement une majorité québécoise, est-ce qu'ils
seraient poursuivables en fonction de la loi n° 59?
Mme Vallée :
Encore là, ce sera le lien rationnel qui sera fait en fonction notamment de
notre définition. Vous savez, on a adopté une définition de ce qui
constitue un discours haineux, et il faudra prendre le propos, l'analyser en
fonction des paramètres de notre loi et analyser aussi en fonction... Parce
que, si un membre d'un des groupes visés à l'article 10
est interpelé, il faudra voir. Mais chaque cas est un cas d'espèce. C'est
totalement impossible aujourd'hui de... Parce que, là, on pose une question, on n'a pas la teneur des propos, on
n'a pas le contexte, on n'a pas... Alors, tout ça est considéré, et tout
ça, à la lumière aussi des paramètres... N'oublions pas les paramètres de la
Cour suprême, on en a parlé. Je ne voudrais pas qu'on les oublie, on en a
tellement parlé.
Mme Maltais :
M. le Président.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Tout est question de contexte. Est-ce que la ministre est d'accord qu'il y a...
Est-ce qu'elle a pris connaissance des commentaires de gens comme Tariq
Ramadan, et tout ça, qui disent que le Canada et le Québec sont extrêmement intéressants pour les gens qui
veulent implanter la charia parce qu'il y a des... nous avons des lois
assez permissives? Donc, par exemple,
l'Ontario a failli accepter qu'il y ait
des jugements selon la charia dans ses tribunaux. C'est l'Assemblée
nationale du Québec qui a refusé ça. Est-ce qu'elle est consciente de ce
contexte-là?
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, je suis consciente de ce contexte-là. Je suis aussi consciente
qu'il est important de se doter d'outils pour intervenir parce que
certains propos... Puis on l'a vu — je ne veux pas revenir, on a
fait tellement d'heures là-dessus, je pense
que ça a été très clair — le cycle de la radicalisation, il est aussi clair, il débute de
façon très sournoise, et pour nous...
Et la radicalisation pas seulement qu'un seul type, la radicalisation qui va
mener à la violence, là, de tout
groupe, va parfois, et bien souvent, tirer sa source de propos. Et ces
propos-là vont prendre de l'ampleur, vont faire boule de neige et, ultimement, vont mener à la violence. Donc, il est
important de se doter d'outils pour intervenir à la base même, et puis
c'est ce que nous faisons avec ce projet de loi.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Excusez-moi, là, parce que je ne comprends plus, là. Puis je reviens à l'article 1,
il y a, d'un côté, radicalisation pouvant mener à l'extrémisme
violent, mais il y a les discours dans un contexte de discrimination...
y compris dans un contexte... Et ces deux
sujets, là... Moi, je suis sur... Il y a la discrimination aussi, là, il y a deux affaires, là.
Mme Vallée :
Lorsqu'on parle de charia, je pense qu'on parle de propos qui amènent vers la
violence, là. Mais c'est parce que...
Mme Maltais : Bon, on s'entend. O.K. Mais je veux dire que l'article 1
est beaucoup plus large que ce que vous venez de dire
là, là. D'ailleurs, c'est notre problème.
Mme Vallée :
Oui, mais c'est parce que votre question portait sur la charia.
Mme Maltais : O.K. Alors, ma question est simple, est-ce
qu'elle est... Elle a dit
elle-même : Je suis consciente qu'il y a un contexte dans lequel
les mouvements islamistes ont clairement indiqué que les lois canadiennes
étaient intéressantes — et québécoises — pour faire avancer leur idéologie politique.
Ça a été dit clairement. D'ailleurs, Tariq Ramadan disait de ne pas
parler de charia, c'était mauvais pour leur projet.
Est-ce qu'elle est consciente, à côté de ça, du
contexte qu'amènent les déclarations de Me Frémont, qui a bien dit ceci, que le mandat... C'était dans sa conférence à
l'université de... C'était où? C'était à l'Université de Montréal,
l'Université de Montréal, le 25 mars 2015, que le mandat de la Caisse
de... Caisse de dépôt... CDPDJ...
Le Président
(M. Ouellette) : La Commission des droits de la personne.
Mme Maltais :
J'ai beaucoup de misère à me concentrer, je vais revenir, M. le Président.
Le Président
(M. Ouellette) : Ça va. Ça va, Mme la députée.
Mme Maltais :
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse était de
«faire changer les mentalités — je le cite, là — d'induire le changement social et de faire
le droit». Et il a indiqué que la commission pouvait initier des poursuites sans avoir la certitude
absolue de les gagner dans les tribunaux parce qu'elle devait prendre des
risques, des fois, pour voir si les juges
sont prêts à aller dans le sens des changements que la commission veut amener
dans la société.
Vous comprenez que le
contexte, c'est que, d'un côté, tu as un islamisme qui cherche à s'insérer au
Canada, auquel le Québec résiste, mais où on a des lois supposément plus
permissives et, de l'autre côté, devant nous, une commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse qui dit : Il faut faire avancer les
mentalités et il faut éliminer
l'islamophobie. Donc, est-ce que ce contexte-là ne l'amène pas à vouloir
préciser de façon beaucoup plus sérieuse l'alinéa un, qui dit : Il est interdit de tenir ou de diffuser [des
propos]...»? Puis je vais en revenir à la première question que j'ai
posée : On peut se servir de la loi québécoise pour faire taire des
Québécois, des Américains. Est-ce que la loi va s'appliquer à qui que ce soit
qui... J'essaie de voir à qui elle va s'appliquer.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre...
Mme Maltais : Est-ce
que ça va s'appliquer seulement à des Québécois? Est-ce que ça s'applique sur
le territoire québécois? Est-ce qu'un
site qui diffuse au Québec — sur Internet, on les a tous — et qui vise un groupe de personnes,
même s'ils ne sont pas Québécois, est poursuivable en vertu... Comment ça
marche?
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Maltais :
C'est fou, là, mais c'est parce que j'essaie de bien démêler.
• (12 h 20) •
Mme
Vallée : Bien, c'est parce que la question a été posée par
notre collègue quant à la compétence
du Québec pour pouvoir intervenir à l'égard, par exemple, de personnes
qui ne résident pas au Québec. Donc, en vertu du Code civil, une disposition qui
existe déjà, il est possible de saisir, au Québec, un tribunal au Québec pour
des propos qui étaient diffusés,
disponibles au Québec sur Internet, consultés ici, au Québec, et qui ont causé
un préjudice ici, au Québec, pas un préjudice
qui a été causé à l'extérieur du Québec. Pour pouvoir se prévaloir des
dispositions de la protection de la charte... La charte existe actuellement, là, la charte des droits, là. Donc, pour
pouvoir se prévaloir de la charte, encore faut-il que le préjudice ait
été causé au Québec.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Comme, M. le Président, la loi dit qu'une personne peut se... C'est vraiment
une loi — on
l'a d'ailleurs reproché à l'article 1, là — qui est sur un
sentiment personnel. Une Québécoise ou un Québécois pourrait décider qu'il se sent visé et poursuivre... même
si c'est le seul ou la seule, mais on pourrait poursuivre des sites
français, européens, britanniques parce
qu'ils sont diffusés au Québec et qu'il y a une personne au Québec qui
considère qu'elle se sent menacée. Je veux juste... Situation hypothétique,
mais potentiellement réaliste.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
La collègue fait référence à une personne. La personne actuellement...
Mme Maltais :
...au nom de son groupe.
Mme Vallée :
Au nom? Alors là, à ce moment-là, c'est la commission qui entreprendrait la
démarche si les propos correspondent à la définition de propos haineux. Et
s'ils correspondent, et si le dommage a été causé...
Une voix :
...
Mme Vallée : Bien, c'est ce qu'il en est. C'est-à-dire que, si le préjudice est causé au Québec et que le
diffuseur... Là, il faut comprendre, là, on est dans le contexte où les préavis
ont été donnés, puis on a maintenu la publication de propos... soit propos haineux ou de propos qui incitent à la violence.
Mais, dans le fond, les droits qui sont prévus et la possibilité d'entreprendre une action en
responsabilité civile, par exemple... Parce que c'est de ça dont il est
question, là, on est en matière civile. On
est en matière civile, et il y a un préjudice qui est causé au Québec à
quelqu'un ou à un groupe de Québécois, mais chaque cas sera analysé en
fonction des faits et de la situation factuelle. Et, si on a maintenu, bien là
il y aura à voir si le diffuseur engage sa responsabilité.
Mais,
vous savez, M. le Président, on est vraiment dans le cas très hypothétique, là.
On fait référence à certains propos,
encore faut-il que les propos soient
considérés conformes à la définition. Ce n'est pas tout, rappelons-nous,
là, critiquer une religion, là, ce n'est pas considéré comme un discours
haineux, on l'a dit. La dissidence, ce n'est pas un discours haineux. Il va falloir le redire, c'est important, critiquer
une religion, peu importe la religion, ça ne constitue pas un discours haineux. Ce qu'on protège, ce sont les
personnes, pas les religions. Les individus, les groupes de personnes, c'est
ça qui est protégé par 59. C'est vraiment important de faire la distinction.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais : M. le
Président, il y a
juste un petit problème, c'est que la personne n'est pas obligée de dire
qu'elle a subi un préjudice. On n'est pas là-dedans, on est... La personne, elle dit qu'elle s'est sentie...
qu'elle a à prouver que le discours
est de telle nature, mais il n'y a pas de préjudice, là, on n'est pas là-dedans.
Je veux juste rappeler ça à la ministre.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée : Bien, je veux bien, là, mais, à un moment donné, c'est parce que la collègue, dans ses questions, passe quand
même d'un sujet à l'autre.
On parle de compétence territoriale, c'est de ça
dont il est question actuellement, là. Et, au niveau de la compétence
territoriale, je vous dis qu'il existe de la jurisprudence concernant de la
diffusion sur le Web, et la Cour supérieure a considéré
que les lois du Québec s'appliquaient et qu'elle avait la compétence
territoriale pour se saisir d'un dossier où les responsables, ceux et
celles qui avaient tenu les propos, n'étaient pas domiciliés au Québec. Donc,
l'auteur du propos n'était pas domicilié au Québec, mais le préjudice avait été
subi au Québec. Alors, c'est de ça dont il était question.
Et je vous rappelle,
M. le Président, les tribunaux, évidemment, sont libres et vont juger de leur
compétence territoriale. Alors, chaque cas qui sera porté à la Commission des
droits de la personne et de la jeunesse sera un cas d'espèce, et on ne peut pas prévoir aujourd'hui quel traitement sera
accordé et quelle analyse sera faite par la commission sans avoir la teneur des propos, sans avoir le
contexte. Alors, c'est beaucoup trop... et on ne va pas s'engager là-dedans,
là. Je pense que ce n'est pas prudent de s'engager dans ça, puisqu'on est
vraiment au niveau hypothétique.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
C'est notre travail de prévoir comment va être appliquée cette loi, qui elle va
viser, et tout. On ne peut faire que
des hypothèses, puisque la loi n'est pas encore adoptée, nous devons voir à qui
elle s'applique. Donc, le Québec a
déjà dit : S'il y a une compétence territoriale, ma compétence
territoriale s'applique aux citoyens du Québec qui pourraient avoir un préjudice. Mais, dans ce
cas-ci, il n'y a pas besoin de préjudice, on vise une personne, hein? Ou
une citoyenne du Québec pourrait dire : Je considère que ce propos est
haineux, je vous poursuis. Il peut y avoir préavis avant, mais, s'il n'y a pas
réponse au préavis, ça peut continuer. C'est ce que je lis, moi, de la loi
telle qu'elle est écrite actuellement.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Maltais :
Je comprends que vous... mais tout ce que vous dites n'infirme pas ce que je
viens de dire.
Mme Vallée :
La loi, actuellement, donne les paramètres. Elle ne prévoit pas et elle
n'encadre pas ce qui est permis puis ce qui n'est pas permis. La loi,
qui prévoit que la responsabilité du diffuseur est engagée, elle ne prévoit pas
les paramètres de ce qui est permis ou interdit. Elle y fait référence, mais
elle ne le prévoit pas. Le discours haineux, actuellement, n'est pas encadré au
Québec. On espère qu'il le sera, mais il ne l'est pas.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Oui, par le Code criminel, M. le Président. Il est déjà couvert par le Code
criminel.
Mme Vallée : Le Code
criminel, c'est une chose. Il n'y a pas de disposition civile qui encadre le
tout. Ce que nous prévoyons, il s'agit de dispositions de nature civile. Il y a
une distinction entre les deux.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Écoutez, je peux revenir sur le débat de l'article 1, mais vraiment...
Le Président (M. Ouellette) :
Non.
Mme Maltais :
Oui, je peux, mais je ne le ferai pas.
Le Président (M. Ouellette) :
Oui, oui, mais ce serait le fun de...
Mme Maltais :
Entre le «peut» et «doit».
Le Président (M. Ouellette) :
Oui, oui, oui. Vous étiez tellement bien partis sur le 2.
Mme Maltais : Je
ne sais pas s'il y a des collègues qui veulent ajouter quelque chose parce que
moi, je veux réfléchir vraiment à ce qui est
en train de se passer comme débat. Je viens de découvrir que la loi a une
portée beaucoup plus large que ce que je croyais.
Mme Vallée : Le droit
civil a cette portée-là. L'application du droit civil, c'est...
• (12 h 30) •
Mme Maltais :
Le droit civil s'applique à des gens qui vivent un préjudice, mais ici on n'est
pas dans le cas du préjudice. C'est
ça, le problème. Ce n'est pas une personne qui a subi un préjudice, c'est un
groupe de personnes qui ressent que
le discours de l'autre a été haineux. Il est là, le problème. Je veux qu'on le
voie, là, il est là, le problème. Ce n'est pas une personne qui a subi un préjudice, c'est une personne qui dit :
Ce discours-là, là, moi, je considère qu'il est haineux, qu'il est
blessant, qu'il est ignoble pour qu'il me montre comme dangereux. C'est ça, le
problème. Puis ce n'est même pas un discours
incitant à la violence, c'est un discours pouvant mener à un sentiment de discrimination, et depuis
le début qu'on dit que c'est la personne qui va sentir quelque chose.
Aïe! J'ai
tout écouté, là, moi, depuis le début, je sais où je m'en vais, là, et je
découvre un cheval de Troie. Et je découvre
un cheval de Troie, et je découvre exactement l'univers dans lequel les gens, en commission parlementaire, sont venus nous dire de ne pas aller, là,
c'est-à-dire un immense fouillis, une boîte à poursuites. Une boîte à
poursuites, je vais l'appeler comme ça.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Je comprends qu'on revient à l'article
1, mais je veux juste souligner et rappeler à ceux qui nous écoutent ce qui est prévu, là, la définition de
discours haineux, puis, si la collègue prétend qu'il n'y a pas de notion
de préjudice là-dedans, là...«Est un discours haineux, un discours visé au
deuxième alinéa qui, de l'avis d'une personne raisonnable,
est d'une virulence ou d'un extrême tel qu'il expose ce groupe au rejet, à la
détestation ou au dénigrement, notamment pour que ce groupe soit perçu
comme étant illégitime, dangereux ou ignoble.»
Avec respect,
M. le Président, je pense que les mots, les termes employés
indiquent clairement la présence d'un préjudice. Un préjudice,
là, ce n'est pas juste financier.
Mme
Maltais : Donc, on
pense qu'il y a un dommage?
Mme Vallée : Ce n'est pas
juste financier.
Mme
Maltais : On
change les mentalités?
Mme Vallée : On ne change pas
les mentalités, puis peut-être...
Mme
Maltais : Quoi?
J'essaie de voir.
Mme Vallée : M. le Président,
si la collègue nous permet d'aller plus loin dans la loi, là, on va tout voir
ça.
Mme
Maltais : Ah! je
l'ai lue, la loi. Là, M. le Président, ça fait plusieurs fois que ça revient,
là, je la sais jusqu'au bout.
Mme Vallée : ...c'est parce
qu'on abordera ces questions-là rendus à l'article.
Mme
Maltais : Et plus je vois l'ensemble de la loi, et plus je
trouve à chaque fois que les premiers articles sont extrêmement importants. Le 1 est important, le 2 devient assez important,
merci. Assez important, merci. Je ne sais pas s'il y a des
collègues qui veulent intervenir...
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Bourget veut intervenir.
M.
Kotto : Oui, M. le Président. J'avais juste une question à poser à la ministre, qui vient tout juste
de décliner le chapelet de
préjudices. Ma question est simple : Le préjudice, qu'il soit perçu
par vous, par moi ou ressenti par vous, par moi ou par quelqu'un d'autre, tel que décliné, ratisse assez large parce
qu'on rentre sur le territoire de la subjectivité. Votre résistance à la douleur n'est pas la même que la
mienne, ou vice-versa. Votre résistance à l'insulte n'est pas la même
chez vous comme chez moi. Il y a des
facteurs paranoïdes qui peuvent également rentrer en ligne de compte quand on se
perçoit comme la cible ou l'objet d'une stigmatisation quelconque, et c'est ça
qui m'inquiète à la base.
C'est vrai
qu'on revient au 1, mais c'est fondamentalement ce qui m'inquiète et qui légitime les
interventions de ma collègue de Taschereau.
Vous savez, il y a des communautés... Aujourd'hui, on en parle, la diversité est un enjeu
qui pose problème un peu partout, que ce
soit en Europe ou ici, en Amérique du
Nord, que ce soit aux États-Unis, même au Canada, et il y a des groupes qui ont développé des réflexes,
disons, plus vaillants quand ils se sentent menacés, attaqués, interpelés d'une manière ou d'une autre, même
quand, du point de vue de X ou Y, l'attaque peut être juste un
exercice humoristique. Alors, comment on va
naviguer là-dedans avec cette approche, qui est aussi large quant à
la... On ne peut pas rationnellement quantifier, coder ce qu'est le
préjudice comme tel. On parle du ressenti, là, on parle... On est dans la subjectivité, on n'est pas dans quelque chose de... C'est vrai qu'on irait au-devant — dans
l'hypothèse où le projet
de loi serait adopté — on
irait au-devant de la commission, qui appréciera la plainte à l'aune de ces
instruments, mais est-ce qu'on aide cette même commission quand on reste
aussi large dans l'approche ou dans la définition des préjudices? Je me pose la
question.
Vous le savez
très bien, j'avais, au début de nos travaux autour de ce projet de loi, fait part des statistiques touchant les communautés. Les plus
touchées étaient stratifiées par ordre d'importance, on partait des Noirs, des
Juifs, des Algériens ou Chinois, mais, dans
ces groupes-là, il y en a qui se plaignent; d'autres, pas du tout.
Pourquoi? Est-ce que c'est parce que certains sont plus sensibles que
d'autres? C'est le fond de ma question.
Le
Président (M. Ouellette) :
Je prends votre question, qui contribue à notre réflexion, M. le député de Bourget, et je pense que Mme la députée de Montarville veut, effectivement,
contribuer à notre réflexion.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, on
est actuellement à l'article 2. L'article 2, qui nous dit dans son premier alinéa :
«Il est interdit de tenir ou de diffuser un discours visé à l'article 1.» Alors, on n'a pas le choix, M. le Président, de reparler de l'article 1, puisque les gens qui nous écoutent ne
savent probablement pas qu'on a parlé plus de 60 heures sur l'article 1, il y a
de grandes dissensions.
Important
que les gens comprennent que l'article 1 a été adopté à la majorité gouvernementale, puisque nous,
de la Coalition avenir Québec, on a voté contre, tout comme les collègues du Parti
québécois, qui ont voté contre. Depuis près
d'un an, nous disons que cette loi-là, elle est beaucoup trop large, elle
embrasse beaucoup trop grand, et c'est une trop grande
atteinte à la liberté d'expression. Depuis 60 heures et plus, nous tentons,
nous tentons de resserrer les critères pour
que le discours qui soit visé, le discours qui soit interdit est un discours
d'endoctrinement visant la radicalisation. Donc, pas tout discours, mais
discours haineux.
Et c'est là que le bât blesse, M. le Président,
puisque l'article 2 fait référence à cet article 1, pour lequel les oppositions se sont opposées et vont continuer à
s'opposer et continuer à tenter de faire des amendements. Mais il y a un gros
problème, il y a un très,
très gros problème,
et plus on lit, plus on écoute, plus on entend, plus on comprend que
cette loi sera extrêmement difficile, telle qu'elle est libellée actuellement, extrêmement
difficile d'application, va ouvrir la porte à de l'abus — c'est
mon opinion — va
ouvrir la porte à de la subjectivité — c'est
mon opinion — et
va ouvrir la porte à un paquet de problèmes
au lieu d'en régler, alors que la ministre était partie de très bonnes
intentions il y a un an, lorsque le premier ministre lui-même
disait dans son plan de lutte à la radicalisation qu'il fallait contrer, justement,
la radicalisation des jeunes, et le premier ministre avait eu le courage de dire à deux fois, à deux reprises, qu'il fallait
lutter contre l'intégrisme religieux.
Je vous ferai
remarquer, M. le Président, que, dans ce projet de loi là, ce n'est pas
ça, ce n'est pas écrit à aucun endroit, ces mots n'y apparaissent pas,
et je pense que c'est important que les gens le comprennent, que l'extrémisme
religieux, que l'intégrisme religieux sont des termes qui ne sont pas mis dans
cette loi. Et ce n'est pas contre ça que l'on
travaille, malheureusement, mais bien contre tout discours haineux incitant
à la violence, ce qui est extrêmement
large. Et le mécanisme pour lutter contre les discours haineux est déjà un
mécanisme qui existe, et les discours incitant à la violence, dans notre Code
criminel.
Alors, je
vous soumets respectueusement, là, qu'on est comme dans un cul-de-sac, puisque
cet article 1 a été adopté, alors que
nous sommes... je suis contre. Et je l'ai dit dans une entrevue, et je ne me
gêne pas pour le dire, pour nous, c'est une très, très mauvaise loi. Et
on a entendu les intervenants... Le Barreau, ce n'est pas n'importe quoi.
D'habitude, le gouvernement entend davantage le Barreau. À cet égard-ci, on ne
semble pas entendre les récriminations qui ont été faites et les craintes qui ont été soulevées par cet arsenal législatif,
cette pièce législative qui est beaucoup trop large
pour la problématique, qui ne cible pas la
problématique. Et tous les intervenants sont venus nous dire, M. le Président, que cette loi-là, elle ne
fonctionne pas. Tous les intervenants, sauf un, vous vous en rappelez tous,
c'était cet imam qui refusait que l'on rie
de sa mère, c'était comme rire de la mère du Prophète. Alors, mon Dieu! Là,
moi, je suis tombée de ma chaise, c'est le seul qui disait que c'était
bon. Là, je me pose de sérieuses questions.
• (12 h 40) •
Donc, on est vraiment pris dans un cul-de-sac,
et je pense qu'il faut que les gens le comprennent parce que ce n'est pas évident que de synthétiser 60 quelques
heures de travaux. Mais je pense que tout
le monde est de bonne foi, tout
le monde amène du sien. Mais il y a une très grande problématique avec l'article
1, et, en ce qui nous concerne, l'article
2 y fait référence. Donc, je devais, à ce
point-ci, à ce stade-ci, mentionner ma dissension, mon opposition
totale à l'article 1, et tout le projet de loi est basé là-dessus pratiquement. Donc, on a beaucoup
de problèmes, et je pense que les interrogations soulevées sont
légitimes.
Et j'aurai d'autres questions, surtout l'article
2, lorsqu'on parle du troisième alinéa, puisque l'article 2 nous dit qu'«il est interdit de tenir ou de
diffuser un discours visé à l'article 1». La ministre
nous a expliqué... Parce qu'on s'est posé
des questions sur ce qu'est tenir un discours, ce qu'est diffuser un discours.
Dieu sait que la diffusion, c'est rendu large avec tous nos médias, nos médias de masse, nos médias sociaux, nos
médias électroniques. Ça a évolué, on est loin de l'époque où il y avait juste une radio à la
maison. Donc, quelle est cette diffusion? Elle nous a éclairés au niveau des
médias sociaux, sur les pouvoirs qu'aurait cette loi à l'égard des médias
sociaux.
Moi, j'ai
d'autres questions. Le troisième alinéa, on y viendra, mais, quand on parle que
«ces interdictions n'ont pas pour
[effet] de limiter la diffusion du discours aux fins d'information
légitime...», j'ai des questions que je veux poser à la ministre à cet
égard-là, puisque le monde de l'information, c'est ma vie, j'y ai passé 22 ans.
Donc, il y a beaucoup de questions qu'on va
soulever à cet égard-là, mais je vous soumets respectueusement, là, qu'on
travaille tous de bonne foi. Mais on
a un problème avec l'article 1, et tout le projet de loi est basé sur cet
article 1, qui est beaucoup trop large, comme le disaient tous les
intervenants, là. Il y a mon opinion, il y a l'opinion de mon parti, mais tous
les gens que nous avons rencontrés disaient
la même chose, et je pense qu'il ne faut pas les oublier, tous ces groupes qui
sont venus nous voir. Moi, je pense à tous ces groupes qui sont venus
nous voir, et il faut les écouter, et, pour eux, ce projet de loi n'était pas
un bon projet de loi.
Donc, je vous
le soumets respectueusement, puis c'est surtout pour que les gens qui nous
écoutent finissent par comprendre quelque chose parce que c'est
extrêmement complexe. Et on touche à des droits qui sont extrêmement importants. La liberté d'expression, M. le
Président, au Québec, là, puis au Canada, c'est de l'or. C'est de l'or en
barre, la liberté d'expression. C'est ce qui
fait en sorte qu'on a une démocratie. C'est ce qui fait en sorte que les
différents partis politiques, on est
capables de se parler, puis de s'obstiner, puis de discuter d'idées, même si on
n'est pas d'accord. Puis c'est ce qui
fait qu'on est capables aussi de critiquer les religions. Puis on peut être
athée, on peut être agnostique, on peut rire des religions ici, alors
que, dans d'autres pays ou d'autres gouvernements, on fait un crime du simple
fait de rire d'une religion, du blasphème.
Moi, je ne
veux pas vivre dans ces pays-là, M. le Président. Je suis bien au Québec, je
suis bien au Canada, là, puis je veux
avoir ma liberté d'expression, et j'ai vraiment peur que ce projet de loi là
touche beaucoup trop à la liberté d'expression.
Et je reviens à l'objet initial, pourquoi le gouvernement a déposé cette
loi-là? C'était pour lutter contre la radicalisation
des jeunes. Et là je trouve qu'on est extrêmement loin de là, et on a mis des
amendements à cet égard-là, des amendements qui ont été refusés.
Quelques mots ont été ajoutés, je vous dirais, ont été saupoudrés, mais on
n'est pas vraiment dans le noeud du problème, on ouvre beaucoup trop large.
Alors, je voulais vous le soumettre parce que je pense que c'est important,
puis je pense que tous les collègues autour de la table comprennent aussi la
position de la deuxième opposition.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la députée de Montarville. Juste pour vous dire que la présidence
est très consciente de ce qu'est la liberté d'expression au Québec. Mme la
ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, je ne veux pas revenir sur tout ce qui s'est dit sur
l'importance de préserver la liberté d'expression
au Québec, là. J'ai l'impression de vivre le jour de la marmotte parce qu'on
revient, on revient, on revient à des
débats qu'on a eus pendant 60 heures. Puis je prends bonne note que la collègue
aura des questions concernant le troisième alinéa, je comprends qu'elle
n'en a pas pour le premier.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Oui. Cependant, lorsqu'on ira un peu plus
loin dans... j'ai un amendement à proposer pour le premier alinéa de
l'article 2 éventuellement, après les discussions.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la ministre, est-ce qu'il y a
d'autres commentaires?
Mme Vallée : Non.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Richelieu.
M. Rochon : Oui. M. le Président, la
liberté d'expression, c'est, en effet, la plus célébrée et la plus honnie, sans doute, de toutes les libertés. Et moi, je
suis content d'entendre la collègue de Montarville situer la conversation
que nous avons ce matin sur l'article 2 dans
le cadre de la conversation antérieure que nous avons eue sur l'article 1 de ce
projet de loi, puisque l'article 2 réfère au
précédent article : «Il est interdit de tenir ou de diffuser un discours
visé à l'article 1.»
Alors,
qu'est-ce que l'article 1 dit à propos du discours haineux? C'est qu'il s'agit
d'«un discours [...] qui, de l'avis d'une personne raisonnable, est
d'une virulence ou d'un extrême tel qu'il expose ce groupe au rejet, à la
détestation ou au dénigrement, notamment pour que ce groupe soit perçu comme
étant illégitime, dangereux ou ignoble».
Je l'ai dit souvent,
je me permets de le répéter et faisant du pouce sur ce que ma collègue a dit,
il y a dans la société québécoise des gens
qui sont persuadés que le propos qui critique une religion, les
homosexuels — là, je
vous parle de groupes de personnes, là — les femmes est un propos
automatiquement haineux. En somme, ils confondent le propos illégitime avec le propos haineux.
Alors, le projet de loi n° 59 leur ouvre... Comment vous avez appelé ça
tantôt, collègue de Taschereau?
Mme
Maltais :
Une boîte à poursuites.
M. Rochon :
Une boîte à poursuites. D'autres appellent ça un bureau des plaintes. Parce
que, même si les tribunaux ont distingué
entre le propos qui incite vraiment une personne à haïr ou à se livrer à de la
violence et les propos détestables
qui n'ont pas la chance d'avoir de tels effets, bien, la distinction est ténue.
Alors, le projet de loi n° 59, il ouvre une chasse à tout propos
qui déplaît.
Et je reviens précisément sur l'article 2,
«interdit — donc — de tenir ou de diffuser un discours visé à
l'article 1», tel que je viens de les
décrire en référant au dit article 1. Alors, je me pose la question suivante
d'une conversation privée, hein, une
conversation privée, mais qui serait reprise publiquement, hein, sans que ce
soit la volonté de celui qui a tenu des propos peut-être discutables dans cette discussion privée. Et c'est d'ailleurs
le Barreau qui amène, là, ce questionnement-là, il dit dans son
mémoire : «Bien que l'article 2 interdise les discours tenus ou diffusés
publiquement et semble exclure les communications privées, il n'est pas clair
si les communications destinées à être de nature privée, mais autrement rendues
publiques sont assujetties à l'interdiction de cet article.»
J'aimerais
entendre la ministre sur un cas comme celui-là où une discussion de nature
privée aurait été enregistrée et serait rendue publique, sans doute au
plus grand dam de celui qui y a exprimé des propos discutables, disons.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Encore une fois, on est dans l'hypothèse, dans le cas
par cas. Cela n'est pas tant dans le... c'est le propos qui va être, en fait, la première étape, et chaque cas sera
analysé en fonction de la dénonciation, puis je pense que c'est ça qu'on
doit voir et que l'on doit considérer, M. le Président.
Dans
le fond, je pense que... Puis il faut se rappeler, là, les notions que les
cours, les tribunaux nous ont enseignées. Parce que le collègue faisait référence à l'article 1. L'article 1 — puis je vais le rappeler, là — est inspiré des principes, des
enseignements de la Cour suprême sur la définition du discours haineux.
Maintenant, les tribunaux nous ont aussi enseigné
ce qu'était un discours public versus un discours privé. Et un discours public,
c'est un discours qui est destiné ou adressé
au public. Ça, c'est important. Alors, on s'entend qu'une conversation de
nature privée enregistrée à l'insu d'une personne, n'a pas, à la base, une destination publique, c'est un
discours qui va être communiqué à une partie importante du public et qui — puis on en a parlé, je me souviens qu'on en
ait parlé le 12 avril dernier — bien que destiné à une seule personne à la fois, il a un effet global. Donc, la
somme des personnes auxquelles il a été communiqué le qualifie de public.
Alors,
encore une fois, c'est l'analyse de la jurisprudence qui nous amène à ressortir
ces caractères, donc discussion privée
enregistrée à l'insu d'une personne, et là, encore une fois, on va se... mais
la personne qui diffuse, par
exemple, peut être tenue responsable. Mais
la personne qui a tenu les propos, si les propos n'étaient pas destinés au
public, ça, c'est une autre chose. La personne qui diffuse peut engager
sa responsabilité, et c'est ce qui est prévu au premier alinéa.
• (12 h 50) •
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Il peut certes, M. le Président, paraître ou être laborieux d'examiner toutes
sortes d'hypothèses, mais je crois
qu'il est précisément de notre devoir de législateurs de faire ça,
hein? C'est ça, notre job. En tout
cas, il me semble. Moi, c'est comme ça que je la comprends, et je
souhaite que la ministre saisisse bien ce qu'une variété de groupes
très majoritaires nous ont dit ici, 59
risque de faire fi des conditions concrètes de l'exercice de la liberté
d'expression, risque d'ouvrir une véritable chasse à tout propos qui
déplaît et risque de forcer toute personne qui s'exprime à se demander à chaque fois si quelqu'un ne va pas, quelque
part, trouver que leurs mots, leurs blagues, leurs groupes ou leurs
caricatures à l'égard d'un groupe de personnes puissent sembler haineux.
J'aurais, M. le
Président, un amendement à vous soumettre. Il serait le suivant : Modifier
l'article 2 de la loi proposée par l'article
1 du projet de loi en remplaçant le mot «ou de diffuser» dans le
premier alinéa par les mots «, avec l'intention de le diffuser
publiquement,».
Alors, le texte se
lirait ainsi :
«2. Il est interdit
de tenir, avec l'intention de le diffuser publiquement, un discours visé à l'article
1.»
Je suis prêt à
déposer le texte.
Le Président (M.
Ouellette) : Je vais suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à
12 h 53)
(Reprise à 12 h 56)
Le Président (M. Ouellette) : On reprend nos travaux. L'amendement
proposé par M. le député de Richelieu est recevable. M. le député de Richelieu, sûrement que vous allez avoir quelques commentaires additionnels pour alimenter notre réflexion avant qu'on
suspende nos travaux pour cet avant-midi.
M.
Rochon : Oui. Non seulement est-il recevable, M. le
Président, mais il est excellent.
Mais ça, vous ne pouvez pas dire ça. Avec votre neutralité, vous ne vous
autoriseriez pas à commenter la pertinence des amendements.
Alors, je le
rappelle, cet amendement. Je ne fais que me référer au texte amendé, là.
«Il est interdit de tenir, avec l'intention de le diffuser publiquement,
un discours visé à l'article 1.» Cette amende-là, c'est pour rejoindre ma préoccupation, notre préoccupation et puis celle
de bien d'autres, notamment le Barreau du Québec, que des conversations
privées, destinées à être de nature privée, mais autrement rendues publiques,
ne soient assujetties par cet article.
La ministre,
tout à l'heure, a fait remarquer que la jurisprudence protégeait des gens, là,
des conversations de nature privée.
Bien, tant mieux. Alors, la loi ne fait que renforcer, que se baser sur la
jurisprudence, que reprendre ce qui est déjà couvert, comme ce projet de
loi le fait, d'ailleurs, dans maints de ses articles.
Alors, je veux, rapidement encore, insister sur
le fait que nous ne sommes pas seuls à estimer qu'il faut dire clairement, exprimer clairement que les
conversations privées ne sont pas visées par ce projet de loi, le Barreau, dans
son mémoire, je le citais tantôt, j'y
reviens maintenant, écrit : «Bien que l'article 2 interdise les discours
tenus ou diffusés publiquement et
semble exclure les communications privées, il n'est pas clair si les
communications destinées à être de nature privée, mais autrement rendues
publiques sont assujetties à l'interdiction de cet article.» Alors, en adoptant
l'amendement que je soumets à cette
commission, cela devient clair, puisque l'article se lirait désormais
ainsi : «Il est interdit de tenir, avec l'intention de le diffuser
publiquement, un discours visé à l'article 1.»
Tiens, je
préviens déjà une probable remarque de la ministre, elle pourrait me faire
remarquer que ma suggestion écarte, à
ce moment-là, la diffusion elle-même du discours privé par un tiers, hein? Je
suis sûre qu'elle avait ça en tête, ce serait
normal. Eh bien, moi, je lui répondrai, avant même qu'elle ait exprimé cette
objection que je sentais venir, qu'au deuxième
alinéa il est déjà écrit qu'«il est également interdit d'agir de manière à ce
que de tels actes soient posés». Alors, je la prive d'une redondance. À mon avis, ces propos exprimés au deuxième alinéa
reprennent ce que le premier alinéa, en sa seconde partie, dit déjà.
Alors, voilà, M. le Président, en gros, là.
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous devrons attendre, M. le député de Richelieu, lors d'une prochaine séance pour connaître
la position de Mme la ministre.
Compte tenu
de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Vous
pouvez laisser vos choses ici, il n'y aura pas de caucus ce midi. Et
nous reprenons à La Fontaine à 15 heures. Je vous avise que ça sera
le député de La Prairie qui va ouvrir les travaux cet après-midi et que je
vais revenir vous rejoindre parce que j'ai des obligations extraterritoriales
cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(
Reprise à 15 h 3)
Le
Président (M. Merlini) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La
Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Je vous
rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du
projet de loi n° 59, la Loi édictant la Loi concernant la
prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à
la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la
protection des personnes.
Lors de la suspension de nos travaux cet
avant-midi, nous discutions d'un amendement au premier alinéa de l'article 2 de la loi édictée par
l'article 1 du projet de loi. L'amendement a été présenté par le député de
Richelieu. Et il vous reste, M. le
député de Richelieu, 17 min 30 s pour poursuivre votre
allocution que vous aviez commencée avant notre pause.
M. Rochon : Oui. Honnêtement, M. le
Président, je ne voudrais pas faire perdre inutilement de temps à la commission, j'avais pas mal terminé mes
explications. J'avais même fait une pause sans m'apercevoir qu'on était au
bout de notre séance de travail du matin, souhaitant alors donner la parole à
la ministre.
Elle se souviendra de ma volonté d'intégrer à
l'article l'intention de diffuser publiquement, alors de modifier l'article 2. Je vous rappelle un peu, là, ce
que je suggérais, modifier l'article 2 de la loi proposée par
l'article 1 du projet de loi en
remplaçant les mots «ou de diffuser» dans le premier alinéa par les mots «,
avec l'intention de le diffuser publiquement,».
Ce qui donnerait : «Il est interdit de tenir, avec l'intention de le diffuser publiquement, un
discours visé à l'article 1.» Elle a certainement eu le temps d'y
réfléchir.
Le Président (M. Merlini) : Mme la
ministre, avez-vous des commentaires?
Mme Vallée : Très brefs. La question de l'intention, je
pense qu'on en a parlé abondamment lorsque nous avons étudié l'article 1, alors je ne reviendrai pas là-dessus.
J'ai dit pas mal tout ce qu'il y avait à dire, et je pense
qu'on a cité amplement la jurisprudence de la Cour suprême. Et je veux simplement
mentionner que l'amendement du collègue soustrait la responsabilité du diffuseur,
ce qui n'est pas notre intention dans le projet de loi.
Le Président (M. Merlini) : M. le
député de Richelieu.
M.
Rochon : M. le Président, ceux qui nous suivaient ce matin se souviendront que j'avais prédit,
prévu cette objection de la ministre
et je lui avais fait remarquer — mais
sans doute n'est-elle pas d'accord, elle nous l'expliquera — qu'à
mon point de vue le second alinéa avait ce qu'il faut pour contrer, là, ce qu'elle dit
que j'ai soustrait au premier alinéa. Le deuxième alinéa dit : «Il
est également interdit d'agir de manière à ce que de tels actes soient posés.»
À mon point de vue, ça répond, là, à son désir qu'il soit interdit qu'on ne
puisse pas diffuser un discours visé à l'article 1.
Le Président (M. Merlini) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Je n'ai pas plus
de commentaires à formuler, M. le Président.
Le Président (M. Merlini) : Très
bien. Mme la députée de Taschereau, vous avez des commentaires?
Mme
Maltais : Oui, mais on a posé une question,
puis on n'a pas de réponse. On ne demande pas un commentaire, on demande une réponse. Est-ce que
le deuxième alinéa n'est pas tout à
fait... la partie diffusion
n'est-elle pas tout à fait couverte par le deuxième alinéa? Je pense
qu'on mérite une réponse. On ne veut pas un commentaire, on demande
une réponse, oui ou non. Ça peut être bref,
hein? Si la ministre ne veut pas prendre de temps, il n'y a pas de
problème, qu'elle nous dise oui ou non.
Le Président (M. Merlini) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Le premier
alinéa est nécessaire dans sa forme.
Le Président (M. Merlini) : Merci. M.
le député de Richelieu.
M. Rochon : Oui. Je référais, au
moment où j'ai présenté cet amendement, M. le Président, au mémoire du Barreau de Québec, qui présentait les préoccupations que nous avons exposées ce matin et que je reprends cet après-midi. Le Barreau disait : «Bien
que l'article 2 interdise les discours tenus ou diffusés publiquement et
semble exclure les communications privées, il n'est pas clair si les communications destinées à être de nature privée, mais autrement rendues publiques sont assujetties à l'interdiction de cet
article.» C'est ce que l'amendement que nous soumettons à la commission veut
clarifier. Cela devient très clair lorsque nous écrivons : «Il est
interdit de tenir, avec l'intention de le diffuser publiquement, un discours visé à l'article 1.» Ce pourquoi je
comprends mal l'absolue fermeture de la ministre et sa... je crois même
percevoir, là, son intention de ne pas en discuter, de notre suggestion.
Mme Vallée : Ce n'est pas une
bonne idée de prêter des intentions en cette Chambre, M. le Président.
Le
Président (M. Merlini) : J'étais justement pour vous le dire, il faut
faire attention au choix des mots, M. le député, vous le savez.
Mme Vallée : Parce que je
pourrais en prêter à mon collègue, puis ça ne serait pas parlementaire.
Le
Président (M. Merlini) : En effet, Mme la ministre. Alors, soyez
prudent, s'il vous plaît, dans l'utilisation des mots, on ne peut pas
prêter les intentions de fermeture, ou de non-fermeture, ou d'autre nature.
M.
Rochon : Très bien, M. le
Président. Alors, puisque l'intention de la ministre est donc de discuter plus
avant de ma proposition, j'aimerais l'entendre plus avant.
Le Président (M. Merlini) : Mme la
ministre.
• (15 h 10) •
Mme Vallée :
M. le Président, je ne vais pas prendre du temps. On ne jouera pas dans ce
film-là. J'ai clairement indiqué que
la question de la l'intention avait fait l'objet de discussions très élaborées
au cours des 60 heures qui ont mené à l'adoption de l'article 1, qu'il est possible de tenir des discours
haineux aussi sans les diffuser, que tenir et diffuser des discours
haineux, c'est deux concepts, mais que notre intention n'est pas de soustraire
la responsabilité du diffuseur. Je pense qu'on le mentionne clairement, il y a
une responsabilité pour un diffuseur, et c'est important.
Un discours
haineux, tel que défini à l'article 1,
sur lequel nous avons travaillé, même malgré ce que les collègues peuvent dire, autant du côté de la première opposition
que de la deuxième opposition... Dans cette définition-là, il y a des éléments qui viennent de vos suggestions,
je vous le rappellerai. Et, ces discours-là, notre intention est de ne pas les permettre dans la sphère publique parce qu'ils portent atteinte à l'intégrité de ceux et celles qui sont visés, parce qu'ils sont une source grave de discrimination qui peut éventuellement mener au rejet, qui peut éventuellement mener à la violence, et, dans une société
libre et démocratique, on ne tolère pas ça.
Le
Président (M. Merlini) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur
l'amendement du député de Richelieu? Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Totalement. La ministre vient de donner deux arguments qui sont assez
étonnants. Bon, le deuxième, je vais revenir...
C'est le deuxième qu'elle a nommé, mais je vais le prendre comme premier
argument parce que mon collègue l'a
introduit tout de suite. Il n'est pas de la volonté du législateur de
soustraire la responsabilité du diffuseur. Nous sommes tout à fait d'accord, mais là c'est
juste que notre point de vue diverge. Notre point de vue, il est que,
dans le premier alinéa, il est possible de
parler simplement de la tenue du discours et, dans le deuxième alinéa, de la
diffusion du discours. La diffusion du discours,
c'est : «Il est également interdit d'agir de manière à ce que de tels
actes soient posés.» Alors, mon
collègue, ça se tient, puis on n'a pas encore eu de contre-argument,
sauf : Nous voulons que ce soit comme ça. Bon, pas de
contre-argument au premier, je considère donc que le collègue a un bon
argument.
Le premier,
«tenir, sans les diffuser publiquement», elle ne veut pas, la ministre,
conserver cette idée. Elle dit qu'on peut tenir des discours sans les
diffuser publiquement. Est-ce que ces discours doivent donc être sanctionnés?
Mais qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on est
rendu dans le salon puis dans la chambre à coucher des gens? C'est ça qu'on
veut comprendre, là, «tenir, sans les
diffuser publiquement». Mais, si un discours n'est pas diffusé publiquement, il
est tenu où, il est tenu par qui?
C'est ça qu'on essaie... Là, on est dans un projet de loi issu... Écoutez, bien
là on part d'un projet de loi qui est
dans un plan de lutte à la radicalisation. C'est ça, l'esprit, là, lutte à la
radicalisation, et là on est rendu à dire que les gens qui tiennent des
discours sans les diffuser publiquement, eux autres aussi, il faut les
introduire dans le processus de la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse.
Nous, ce qu'on dit, c'est — passez-moi
votre amendement, cher collègue — qu'«il est interdit de tenir, avec l'intention de le diffuser publiquement». «Avec
l'intention de le diffuser publiquement», on n'est pas dans l'intention initiale de l'article 1. Ça aussi, là, c'est
une méprise totale, là, nous ne sommes pas dans l'intention qui était débattue
dans l'article 1, qui disait cette
intention et qu'il fallait qu'il y ait une intention de blesser, une intention
de violence. Ça, c'est une chose. Mais l'intention de tenir le discours,
il me semble que ça a de l'allure, M. le Président. L'intention de diffuser publiquement le discours, il me semble que ça a de
l'allure. Est-ce qu'on veut une inquisition jusque dans la maison des gens? On va jusqu'où, là? On veut des discours qui
soient diffusés publiquement. C'est ça qu'on veut interdire, les
discours diffusés publiquement, mais il faut
encore que la personne — puis là où est-ce que c'est important — ait l'intention de le diffuser
publiquement.
Quelqu'un
peut reprendre vos discours. Saviez-vous ça? Dans la vie, ça arrive souvent, on
cite, on contre-cite, on mécite, si
j'ose dire, on diffuse, on enregistre, on blogue. Les moyens de diffuser
publiquement un discours sont nombreux. Là, dans l'alinéa un, ce qu'on veut, c'est séparer que la personne ait
eu l'intention de diffuser publiquement un discours, l'intention de le
diffuser publiquement. On ne l'empêche pas de le tenir si c'est un discours
privé. Un discours privé, c'est une chose,
un discours dans sa résidence. Mais, aussitôt qu'il est diffusé publiquement,
bien, il faut qu'il y ait une intention
de diffuser publiquement. Ce qu'on protège, on protège, je dirais, d'être un
peu victime des autres ou
victime d'une reprise d'un discours
personnalisé, enregistrement, bébelle comme ça, puis l'intention de diffuser
publiquement doit être là. Ce n'est pas
l'intention première de blesser, qui est d'ailleurs un problème, moi,
que j'aurais inscrit dans la loi, là, j'y aurais cru.
Deuxièmement, je réfère au Barreau. Ce n'est pas
la première fois que je vais lire des mémoires du Barreau ici. Ça a l'air
qu'eux aussi connaissent ça, normalement, la jurisprudence, le droit. Bon,
alors, mémoire du Barreau, page 5 — moi,
je n'en reviens qu'on ne nous entende pas, parce que nous reprenons le
discours du Barreau : «Bien que l'article 2 interdise les discours tenus ou diffusés
publiquement et semble exclure les communications privées — semble exclure les communications privées, le Barreau nous
dit que l'article semble exclure — il n'est pas clair si les communications destinées à être de nature privée,
mais autrement rendues publiques sont assujetties à l'interdiction de
cet article.» Alors, si on ne clarifie pas
cela, on ouvre la boîte à poursuites. M. le Président, nous, on veut fermer, on
veut rapetisser la boîte à poursuites. On ne veut pas qu'elle soit trop grosse,
trop haute, trop large, on veut fermer la boîte à poursuites. Le Barreau nous
indique une voie. Le Barreau est très clair, le Barreau dit : «...il n'est
pas clair si les communications destinées à
être de nature privée, mais autrement rendues publiques sont assujetties à
l'interdiction de cet article.» Pourquoi on ne le rend pas clair? Pourquoi
est-ce qu'on ne veut pas répondre à la demande du Barreau de
clarifier?
D'ailleurs,
M. le Président, si vous remarquez, s'il y a
quelque chose qui revient systématiquement autour de
cette table, en commission parlementaire, des gens qui interviennent, c'est l'idée qu'il
faut clarifier la loi, qu'elle est beaucoup trop vaste et trop large. Alors, à chaque fois qu'on essaie de
restreindre la portée de la loi, là... Ça arrive parfois qu'on nous entende. Ça, je le répète, à l'article 1, il y a
deux mots qui sont sautés.
Sympathique! Puis on en a ajouté un, puis on en a sorti deux. Gros
ouvrage! On nous a écoutés beaucoup!
Bien là, là,
c'est le Barreau. Peut-être que la ministre, ça va lui tenter de répondre non
pas à l'opposition officielle, mais
au Barreau. Le Barreau, ça devrait
lui parler. Alors, pourquoi est-ce
qu'elle n'entend pas l'appel du Barreau
d'exclure les communications privées? Nous,
c'est une façon de le faire. Peut-être
qu'elle a une meilleure méthode. Nous, on pensait qu'on agissait bien en
parlant d'intention de diffuser publiquement — discours tenu avec
l'intention de le diffuser publiquement, ça me semble correct — puis qu'en deuxième il y a le diffuseur qui peut
être touché. Mais, s'il y a
une autre méthode, M. le Président, nous sommes tout à fait ouverts à répondre
à la demande du Barreau.
Le Président (M. Merlini) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : M. le
Président, je vais référer la
collègue à l'article 1, dans lequel on fait référence bien
clairement que la loi «s'applique aux discours haineux et aux discours incitant
à la violence tenus ou diffusés publiquement.» L'article 1 le précise clairement.
D'accord? Parce que tenir et diffuser un discours, ce n'est pas la même chose,
M. le Président. On peut tenir un discours
publiquement, là, on peut être sur une scène, on peut être dans une place
publique et tenir un discours qui va comporter des éléments prévus à
l'article 1, un discours haineux ou un discours incitant à la violence. La collègue le sait très bien, là, elle
veut me faire parler parce qu'elle veut que j'occupe le temps, mais, M.
le Président...
M. Rochon : M. le Président...
Le Président (M.
Merlini) : Oui, monsieur... Est-ce une...
M.
Rochon : M. le Président,
est-ce que je puis vous faire remarquer, puisque j'ai été l'objet de ce type
d'intervention, là, Mme la ministre prête des intentions à ma collègue, là?
Mme Vallée : Non, non, non, il n'y a pas d'intention. La
collègue l'a dit clairement dans un article du Devoir, qu'elle faisait de
l'obstruction intelligente. Alors, je ne lui prête pas d'intention.
Le Président (M. Merlini) : Mme la
ministre...
Mme
Maltais : M. le
Président...
Le Président (M. Merlini) : S'il
vous plaît!
Mme
Maltais :
...puisque je suis interpelée, je vais...
Le Président (M. Merlini) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci.
Je vais revenir sur le sujet. Le mot...
Le Président (M. Merlini) : Sur la question
de règlement du député de Richelieu?
• (15 h 20) •
Mme
Maltais : Tout à
fait, tout à fait, puisqu'on
m'interpelle. Alors, M. le Président, je n'ai jamais dit que je tenais le temps pour le tenir, le temps, j'ai dit que je
faisais de l'obstruction intelligente parce
que j'avais dans la tête de
convaincre la ministre que son projet de loi était trop large, trop touffu, trop diffus et qu'il y avait
moyen de l'améliorer. Et le seul moyen dans ce temps-là, M. le Président,
c'est de convaincre. Et ma seule façon de convaincre ici, à l'Assemblée
nationale, c'est de parler.
Le
Président (M. Merlini) : Mme la députée de Taschereau, vous débordez
la question de règlement du député de Richelieu,
il fallait parler sur la demande de question de règlement du député de
Richelieu. Je vais retourner à la ministre en lui demandant d'être la plus prudente possible dans ses propos, comme,
d'ailleurs, le député de Richelieu l'a fait tantôt.
Mme Vallée :
Tout à fait, M. le Président. Alors, comme je mentionnais, on peut tenir un
discours publiquement, ce que l'on
prévoit, ce qui est interdit, ce que nous prévoyons interdire, alors tenir un
discours publiquement... Parce qu'on fait
référence à l'article 1. Parce qu'évidemment un projet de loi, ça se lit
dans son ensemble, on ne remet pas à chaque article tous les principes de l'article précédent et les principes de
l'article suivant. Les collègues le savent très bien, ils ont
suffisamment d'expérience parlementaire également et d'expérience législative.
Et puis il y
a également des gens qui ont la possibilité de diffuser publiquement un
discours. La diffusion d'un discours,
elle est distincte de l'acte de tenir le discours. Diffuser un discours qui est
tenu par quelqu'un d'autre, c'est aussi prohibé. Un discours,
évidemment, qui correspond aux paramètres de l'article 1 va aussi engager
la responsabilité du diffuseur, comme on en
a parlé un peu plus tôt cet avant-midi. Donc, M. le Président, on est dans la
sphère du discours public. On en a
parlé à l'article 1, on en a reparlé tout à l'heure. On n'est pas dans le
discours de chambre à coucher, c'est clair, et les collègues le savent
très bien.
Le Président (M. Merlini) : Merci,
Mme la ministre. M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Oui. M. le
Président, au premier alinéa de l'article 2, il y a un malheureux «ou»,
hein? «Il est interdit de tenir ou de diffuser — seconde
partie de l'article —
un discours visé à l'article 1.» Et la notion de discours public n'apparaît pas. Bon, la ministre dit : Ça
apparaît à l'article, mais ça pourrait apparaître également au premier alinéa
de l'article 2. Déjà, ça serait un peu plus clair. «Il est interdit de
tenir publiquement ou de diffuser un discours visé à l'article 1.» Ça serait déjà un petit peu
plus clair. Et puis, si c'est le mot «intention» qui déplaît à la ministre...
Puis là ce n'est pas prêter des intentions, là...
Mme Vallée : ...j'en ai
parlé, du moins,
M.
Rochon : Elle en a parlé
abondamment, hein, vous le reconnaissez. Alors, ce n'est pas un mot qui lui
plaît beaucoup, on pourrait le remplacer si ce n'est que le mot, là, je ne sais
pas : «Il est interdit de tenir, avec l'objectif de le
diffuser publiquement, un discours visé à l'article 1» — là,
je réfléchis tout haut, là — si
ce n'est que ça.
Mais, comme
le Barreau du Québec, je ne trouve pas du tout, moi, clair ce premier alinéa de
ce second article. Ce n'est pas clair
si les communications destinées à être de nature privée, mais autrement rendues
publiques sont assujetties à l'interdiction
de cet article. S'il n'y avait que nous qui n'estimions pas ça clair, bon, on
pourrait peut-être s'interroger, mais le
Barreau, comme ma collègue le fait remarquer, qui connaît ça, trouve qu'il y a
manque de clarté ici. Alors, encore une fois, je soumets à la ministre
que, dans l'intention de clarifier les choses, il serait plus que pertinent de
souscrire à l'amendement que nous avons mis de l'avant.
Le Président (M.
Merlini) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, M.
le Président. Alors, si c'est si clair que ça, l'article 1, pourquoi
est-ce qu'on le réécrit à l'article 2?
Si l'article 1 a toutes les réponses, pourquoi l'a-t-on écrit à
l'article 2? Probablement parce que l'article 1 ne donne pas
toutes les réponses. Ce n'est pas nous qui avons ramené ça à l'article 2,
c'est le projet de loi qui est déposé par le gouvernement.
La ministre
nous dit : Non, non, c'est clair à l'article 1. Ah! mais pourtant on
le réécrit à l'article 2, il doit y avoir une raison. Il n'y a pas le mot «publiquement» à l'article 2, mais
il est question de tenir ou de diffuser un discours. Bon, «tenus ou
diffusés publiquement», ça ne règle pas le problème qu'avait compris le
Barreau. Puis là c'est drôle, M. le Président, parce
que, voyez-vous, le Barreau, là... le bout que la ministre cite en
disant : Écoutez, là, dans l'article 1, c'est écrit : «Elle s'applique aux discours haineux
et aux discours incitant à la violence tenus ou diffusés publiquement»,
ce n'est pas un ajout qu'on a fait pendant
nos débats, là. Ce n'est pas un ajout, ce n'est pas un amendement, c'était dans
le texte de loi du départ. Donc, les
deux phrases que la ministre cite à l'article 1, et que nous citons, et
que nous voulons modifier à l'article 2
étaient là quand le Barreau a posé ses commentaires. Donc, si la ministre nous
dit : Vous ne comprenez pas, c'est déjà couvert par
l'article 1, bien, elle est en train de parler au Barreau.
Une voix : ...
Mme
Maltais :
Bien oui, puisque le Barreau dit exactement ça. Le Barreau dit : «Bien que
l'article 2 interdise les discours tenus ou diffusés publiquement
et semble exclure les communications privées, il n'est pas clair si les communications destinées à être de nature privée,
mais autrement rendues publiques sont assujetties à l'interdiction de
cet article.» Et le Barreau avait en main la phrase de l'article 1 quand
il a lu ça. Donc, ce que nous disons, c'est vraiment ce que dit le Barreau. Là, vraiment, j'en appelle à la ministre, là, ce
que nous propose le Barreau, c'était dans les textes initiaux, et c'est
dans les textes où nous en sommes rendus, là, il n'y a pas eu de changement
dans cette partie-là.
Alors, nous,
ce qu'on veut, c'est éliminer les conversations de nature privée qui pourraient
être saisies, surprises. On veut que
l'intention de diffuser publiquement soit claire, on veut éliminer toute
communication privée. À moins qu'on ajoute
une phrase : «Ceci exclut les communications de nature privée.» Mais là on
va avoir un autre problème, ça va être qu'est-ce
qu'une communication privée, il va falloir définir la communication privée.
Alors, c'est pour ça que l'intention de diffuser publiquement est
intéressante. On pense qu'on tient quelque chose, on tient quelque chose, M. le
Président. Je ne sais pas si la ministre a bien compris que le Barreau est de
notre bord, M. le Président, si j'ose dire ainsi.
Le Président (M. Merlini) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, actuellement, c'est la collègue de Taschereau qui intervient,
alors je vais simplement lui relire : «Il est interdit de tenir ou
de diffuser un discours visé à l'article 1.» Et, lorsqu'on va lire
l'article 1, il est très clairement indiqué qu'il est question de discours
tenus ou diffusés publiquement.
Et je tiens à
rappeler à la collègue que l'amendement présenté par le collègue de Richelieu
enlève l'interdiction de tenir. Et
donc, si l'on prend, par exemple, les préoccupations de notre collègue de
Montarville, qui référait au contexte d'endoctrinement lors de cours,
lors de colloques, bien, si on donnait lieu à l'amendement du collègue de
Richelieu, on ne permettrait pas de sévir à l'encontre de telles situations. Il
s'agit bien de «publiquement».
Le Président (M. Merlini) : Merci,
Mme la ministre. M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Bien, M. le
Président, j'en ai perdu un bout, là. La ministre, est-ce que je l'ai bien
entendue dire que mon amendement biffait la tenue du discours...
Une voix : ...
M. Rochon : Mais non, relisez, Mme
la ministre : «Il est interdit de tenir, avec l'intention de le diffuser
publiquement, un discours visé à l'article 1.»
Le Président (M. Merlini) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : C'est parce
qu'il y a des discours qui sont tenus qui ne sont pas diffusés publiquement. La
diffusion et tenir, c'est deux actions distinctes.
Le Président (M. Merlini) : M. le
député de Richelieu.
• (15 h 30) •
M.
Rochon : Alors, M. le
Président, la ministre nous dit : Il y a des discours qui sont tenus, mais
qui ne sont pas diffusés. Alors là,
c'est peut-être sur la notion de diffusion que nous ne nous entendons pas. Un
discours privé, ça n'entre pas,
dites-vous, sous le joug de ce projet de loi n° 59. Et un discours privé,
bien, c'est un discours qui n'est pas
diffusé. Un discours public, c'est, évidemment, un discours diffusé et c'est un
discours qui a un auditoire.
Le Président (M. Merlini) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : On peut tenir un discours publiquement et ne pas
le diffuser. On est en classe, on est dans une salle de rencontre avec des gens, c'est un discours
public qui est tenu, mais qui n'est pas diffusé à l'extérieur du milieu où
se tient le discours. Et on parle de
discours tenu ou diffusé publiquement, ce que vous dites à votre conjointe, à
votre conjoint, à vos amis, à vos proches dans la confidentialité de
votre résidence, n'est pas touché par ça, et vous le savez très bien.
Le Président (M.
Merlini) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Je sais très bien. J'aimerais, par ailleurs, et c'est ce que
nous exprimons depuis le début... Je ne lui fais pas de procès d'intention, moi, je sais bien qu'elle ne veut pas, là,
elle ne veut pas censurer nos discours privés. Je veux, par ailleurs, le
lire. Pas juste entendre la ministre le dire, je veux le lire. Le Barreau veut la
même chose que nous, il veut le lire. Qu'y a-t-il de mal à réclamer que cela
soit écrit clairement? Qu'est-ce qu'il y a de choquant à réclamer ça?
Le Président (M.
Merlini) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : C'est une question de lourdeur rédactionnelle, puisqu'à l'article 2 on réfère au
discours visé par l'article 1, qui prévoit clairement le caractère public
du discours. Ajouter à l'article 2 ce caractère public là, ça alourdit le
texte alors qu'on fait référence directement à la nature publique du discours.
Et l'autre aspect, M.
le Président — et
on a abordé la question cet avant-midi — c'est qu'un diffuseur qui, sciemment, là, diffuse un discours privé, là, mais
un discours à l'insu de quelqu'un, pourrait voir sa responsabilité engagée, et pas celui ou celle qui est l'auteur du
discours, qui ne sait pas que son discours est utilisé, là. Mais le collègue de
Richelieu avait fait référence à une discussion privée entre deux individus qui
aurait été enregistrée à l'insu de l'un d'eux, et qui, par
la suite, aurait été diffusée, et qui
pourrait, après analyse, tomber sous la définition de notre article 1. La
responsabilité n'incombe pas à celui qui est l'auteur du discours et qui est capté
contre son gré, mais bien au diffuseur qui, sachant tout ça, a pris
l'initiative de le diffuser. C'est ça, la distinction. Parce que le collègue a
posé la question ce matin, puis c'est important parce qu'il ne faut pas non
plus que ces mesures-là pénalisent quelqu'un qui ne tenait pas un discours
public, parce qu'il s'agissait, suivant l'exemple du collègue, d'un discours
privé, de nature privée entre deux
individus, ce qui ne correspond pas du tout à la notion de discours public tel
que nous l'enseigne la jurisprudence.
M. Rochon :
M. le Président.
Le Président (M.
Merlini) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Respectueusement, la ministre invoque la lourdeur rédactionnelle. Moi, j'ai un
passé de journaliste à la radio, on a
souvent invoqué ça, ce type d'argument, là, lourdeur rédactionnelle. Oui, on
peut invoquer ça, là, un texte journalistique,
mais un texte de loi, invoquer la lourdeur rédactionnelle, ne pas vouloir être
trop précis parce que ça ajoute des mots, moi, il me semble que ça ne tient pas la route, ça, la
lourdeur rédactionnelle. Nous appelons à la clarification du projet de loi. S'il est besoin d'ajouter des mots
pour le clarifier, bien, il faut les ajouter, ces mots, ces phrases, ces
paragraphes.
Le Président (M.
Merlini) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Nous sommes actuellement sur l'amendement du collègue, M. le Président?
Le Président (M.
Merlini) : En effet, nous sommes toujours à l'amendement de l'article
2. Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le
Président. D'abord, j'aimerais m'excuser auprès des collègues, auprès de
la ministre pour le retard. Je sais que c'était le collègue qui présentait son
amendement, j'étais en train...
Le Président (M.
Merlini) : On y est toujours.
Mme Roy
(Montarville) : Alors, voilà, c'est juste... Mais je
tenais à le dire, là, ce n'est pas du tout de la mauvaise foi.
Cela dit, sur
l'amendement du... Je me pose la question si je peux m'exprimer sur
l'amendement.
Le Président (M.
Merlini) : Oui, tout à fait.
Mme
Roy
(Montarville) : Parfait. Moi, je me pose une
question, et la ministre la soulevait à juste titre parce que je lui posais la même question lorsqu'on était sur
l'article 2, justement, au tout début. Ce que vous amenez est
intéressant, mais je me pose une question,
je pense qu'on pourrait y réfléchir ensemble. «Il est interdit de tenir, avec
l'intention de le diffuser publiquement, un discours visé à l'article
1.» Alors, ma question, c'est : Est-ce que les discours que l'amendement tente d'interdire, donc... «Il est interdit de
tenir, avec l'intention de le diffuser publiquement, un discours visé...» Est-ce
que ces discours-là, ça va toucher, par
exemple, les propos qui sont tenus dans un lieu de culte? Et là on revient à
toute la notion du public-privé,
est-ce que ça va toucher les propos qui sont diffusés, par exemple, dans un
lieu privé où il pourrait y avoir des
prêches qui, eux, sont des discours qui vont carrément à l'encontre de nos
chartes? Parce que, si on est dans un lieu privé, par exemple un centre qui est réservé pour un groupe privé, je
conviens qu'il y a un public, mais c'est un public qui est choisi, qui
est sélectionné, qui est privé, donc est-ce que ça s'appliquerait?
Et
c'est pour ça que l'idée de séparer «tenir» et «diffuser» était pertinente pour
pouvoir peut-être l'évoquer dans des
lieux qui pourraient avoir un statut privé et que la diffusion, même s'il y a
du monde, demeure une diffusion privée, alors, juste avant que ça s'applique, par exemple, à une salle qui est
réservée par un culte quelconque pour y promouvoir des discours auxquels
nous tentons de nous attaquer. C'est pour ça, je soulève à cet égard-là bien
respectueusement le questionnement, parce
que c'était ma première question à la ministre quand on a abordé l'article 2,
c'est : Est-ce que les discours qu'on tente de prohiber sont... Et
j'avais posé la question carrément, vous avez dit : Poser la question,
c'est y répondre, là. Sauf que moi, je me
demande si ces discours que nous tentons de prohiber, s'ils sont tenus dans un
lieu privé, devant un public choisi,
sélectionné, que ça devient un événement privé, est-ce que la loi pourrait s'y
appliquer, et je pense qu'on revient à cette question avec cet
amendement-là. Sous toute réserve, je vous la soumets si vous avez un début de
réponse.
Le Président (M. Merlini) : Je vais
demander à Mme la ministre de préciser.
Mme Vallée :
Bien, en fait, je ne peux pas répondre sur l'amendement du collègue. Parce que
l'amendement vient du collègue, alors à lui de répondre à la question.
Le Président (M. Merlini) : Non,
non, mais sur la question de Mme la députée de Montarville.
Mme Vallée :
Peut-être laisser au collègue le soin de répondre, l'amendement est sur sa
question. J'avais répondu à la
collègue lorsqu'elle m'a posé la question dans le contexte des échanges que
nous avions en début d'étude d'article 2, et puis on avait fait le tour de la notion de public, là. Mais, ceci étant,
je ne peux présumer de l'intention et je ne pourrais prêter des
intentions à notre collègue. Alors, on va lui laisser le soin de répondre.
Le
Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. M. le député de
Richelieu, en réponse à la question de la députée de Montarville.
M.
Rochon : Oui. Au préalable,
je veux gentiment faire remarquer à ma collègue de Montarville qu'un jour j'ai eu l'audace
de lui poser une question de clarification
sur un amendement qu'elle a présenté ici, elle m'a fait remarquer que je
n'avais pas à lui poser des questions.
Mais, cela
dit — et c'est
une taquinerie, là, en même temps, là, ne le prenez pas autrement — je vais clarifier un petit peu,
puisque vous n'étiez pas là tantôt. Je réitère que cet amendement que j'ai
soumis, il est suscité par notre impression qu'il
n'est pas clair que les discours tenus privément ne sont pas sous le joug de ce
projet de loi là, et c'est tellement pas clair que le Barreau également
se questionne. Le Barreau, dans son mémoire, et je m'excuse auprès de ceux qui nous suivent et qui jugeront que c'est un
peu redondant parce que j'ai cité ça à quelques reprises, là... le
Barreau exprime dans son mémoire ceci : «Bien que l'article 2 — hein,
on est sur l'article 2, là — interdise
les discours tenus ou diffusés publiquement
et semble exclure les communications privées, il n'est pas clair si les communications
destinées à être de nature privée, mais autrement rendues publiques sont
assujetties à l'interdiction de cet article.»
Alors, de là notre souci de clarifier en disant — et
là je ne cite que le texte amendé : «Il est interdit de tenir, avec
l'intention de le diffuser publiquement, un discours visé à l'article 1.»
Alors, voilà la motivation, là, qui sous-tend la présentation de cet amendement.
Ça me fait plaisir.
• (15 h 40) •
Le Président (M. Merlini) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
C'est beau. Je remercie le collègue d'avoir répondu à ma question.
Le Président (M. Merlini) : D'avoir
apporté cette précision. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Bien,
moi, M. le Président, je voulais répéter aussi qu'une école est un lieu public,
un centre communautaire est un lieu public, un lieu religieux, quel qu'il
soit, est un lieu public. Donc, si tu tiens un discours avec l'intention d'être devant des gens, bien, c'est
ça, tandis que, si tu tiens un... Le problème du Barreau — puis, nous autres, ça nous a éveillés —c'est : «...n'est pas clair si les
communications destinées à être de nature privée, mais autrement rendues
publiques» par quelqu'un d'autre... C'est là où le bât blesse. Je veux dire, on
essaie de trouver une réponse à ça, tout simplement, qui était la question du
Barreau.
Puis les
phrases que la ministre nous dit : Écoutez, c'est déjà noté dans l'article,
ne viennent pas d'amendements qu'on
aurait introduits après et que le Barreau n'aurait pas pu examiner, ce sont les
textes de la loi initiale. Donc, le Barreau a bel et bien regardé ce que nous sommes en train de regarder et y a vu
un problème pour les communications privées rendues publiques, mais sans que l'auteur n'ait eu l'intention de les
rendre publiques, d'où jusqu'où on va? J'ai appelé ça la boîte à
poursuites ce matin. Nous autres, on voulait rétrécir la boîte à poursuites,
c'était... Peut-être qu'il y a une meilleure manière de répondre au Barreau. Je
ne sais pas, nous autres, on cherche, sans avoir l'équipe de légistes du ministère devant nous, on cherche avec nos faibles
moyens de parlementaires, mais on essaie quand même de répondre aux interrogations
des citoyens qui s'inquiètent de ce projet de loi. Jusqu'ici, on n'a pas eu
beaucoup de réponses à nos inquiétudes, M. le Président.
Le Président (M. Merlini) : Mme la
ministre, de quoi à ajouter?
Mme Vallée : Je
pense avoir été assez claire à l'effet que nous visions des discours tenus
publiquement, diffusés publiquement, pas des discours de chambre à
coucher, soyons très clairs.
Le Président (M.
Merlini) : Très bien, merci. M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. Une demande de clarification à la ministre parce que je crois qu'on ne
s'entend pas sur la notion de
diffusion. J'ai l'impression que, quand elle utilise, elle, «diffusion», elle
réfère à diffusion électronique. Est-ce que je me trompe ou est-ce cela? Je vais être plus clair, M.
le Président, moi-même. Je veux imposer la clarté au projet de loi, je
vais essayer moi-même d'être clair, là. Un discours tenu sur une tribune, hein,
devant un auditoire...
Mme Vallée :
Oui.
M. Rochon :
Oui, mais est-ce que c'est un discours, de l'avis de la ministre, diffusé?
Est-ce qu'on peut appeler ça un discours diffusé?
Le Président (M.
Merlini) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Bien, la distinction que nous faisons, c'est que tenir le discours et diffuser
le discours, ce sont deux actes. La
diffusion peut inclure une tierce personne, vous comprenez? C'est-à-dire que
l'auteur du discours va tenir le discours, mais il peut y avoir une
tierce personne qui interviendra pour diffuser de manière électronique, de
manière radiophonique, de manière postale,
de manière publicitaire, de manière... donc, il peut y avoir une tierce
personne qui... Par exemple, la
distribution de tracts pourrait être faite par une tierce personne, et pas
uniquement par celui qui le tient.
Par
contre, compte tenu de ça, vous verrez au troisième alinéa une exemption pour
ceux et celles qui exercent le métier de journaliste, évidemment, parce
que l'objectif n'est pas de sanctionner la diffusion du discours aux fins d'information légitime du public. Et là, ici, on
fait référence aux médias d'information, puisque ça, c'est un tout autre
enjeu. Mais il peut y avoir un diffuseur qui
sera une tierce personne qui pourrait, par
exemple, filmer le discours tenu en
vue de le mettre sur un site Web, un blogue, peu importe. Alors, il y a deux
actions.
Parce que, si on
limite à la tenue du discours, on limite à l'auteur, et il y a aussi une responsabilité
de ne pas participer à la diffusion. Alors, il y a une distinction entre les
deux. Entre tenir un discours et diffuser un discours, c'est deux choses. Je
comprends des questions
du collègue et des interventions du collègue
que, pour lui, diffuser et tenir semblaient être des synonymes. Dans
l'une des interventions qui ont été faites un peu plus tôt, on semblait
assimiler la tenue du discours à la diffusion.
M. Rochon :
Non.
Mme Vallée :
Non, il n'est pas...
M. Rochon :
C'est-à-dire qu'on peut tenir...
Le Président (M.
Merlini) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. Je m'excuse, M. le Président...
Le Président (M.
Merlini) : Je vous en prie.
M. Rochon :
...de ne pas avoir attendu votre signal. On peut tenir privément un discours et
on peut tenir publiquement un discours. Là, nous sommes devant l'ennui que
constitue l'étude morcelée d'un projet de loi. On n'a pas le choix, là, il faut bien y aller article par article. Mais la ministre
me suggère que, dans un article ultérieur, telle ou telle chose sera atténuée ou précisée. C'est, évidemment, un peu complexe. J'aimerais, un instant, aller au deuxième
alinéa, M. le Président.
Le Président (M.
Merlini) : Il faudrait d'abord disposer de votre amendement, M. le
député.
M. Rochon :
Oui, mais...
Mme
Maltais :
...le droit d'en parler.
M. Rochon :
Oui, hein?
Le Président (M.
Merlini) : Mais vous pouvez en parler.
M. Rochon :
Il n'y a pas d'objection à ce que j'en parle. C'est parce qu'on lit qu'«il est également interdit
d'agir de manière à ce que de tels actes soient posés». Moi, je m'interroge sur
la portée, l'objet de cet alinéa-là.
Le Président (M. Merlini) :
Lorsqu'on y viendra. Puisque nous sommes sur le premier alinéa, il y aura un
temps, comme vous l'avez demandé, de faire l'étude par alinéa alors que... Vous
pourrez apporter votre interrogation à ce moment-là, et je suis certain que la
ministre pourra y répondre à ce moment-là aussi.
M. Rochon :
Oui, mais il m'importe, M. le Président, de redire ce que j'ai déjà exprimé
ici. Quand je suggère que nous amendions le texte pour «il est interdit
de tenir, avec l'intention de le diffuser publiquement, un discours visé à l'article 1», faisant ainsi tomber «ou de
diffuser», c'est que j'ai le sentiment qu'on y revient dans le deuxième alinéa
et qu'il y aurait alors claire redondance,
là, que je n'évacue pas ce que la ministre ne souhaite pas voir évacuer du
projet de loi. Ça, je l'ai exprimé quelques fois et je ne pense pas qu'elle y
souscrive.
Le
Président (M. Merlini) : Mais là, à ce moment-là, ça serait revenir à
l'étude du deuxième alinéa, là. Vous pourrez reposer cette question de
redondance dont vous faites allusion à l'étude de votre amendement.
Mme
Maltais :
Ah! M. le Président, moi, je trouve ça très pertinent, puisque...
Le Président (M.
Merlini) : Je vous en prie, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Oui. C'est parce que, si on ajoute au premier alinéa puis on clarifie le
premier alinéa, on peut se dire qu'il y a redondance ensuite quand on
arrivera au deuxième alinéa, mais on peut le souligner tout de suite ou bien on enlève des choses au premier alinéa
parce qu'on considère qu'il y a redondance au deuxième, on rééquilibre la loi. Mon collègue a raison d'en parler maintenant,
puisque c'est relié, là, c'est dans le même article. Il ne s'en va quand même pas à l'article 48, qui n'existe pas...
mais il est quand même dans le même article, là. Voilà, M. le Président, on
a... Je voudrais...
Le
Président (M. Merlini) : D'autres interventions sur la proposition
d'amendement du député de Richelieu? Alors,
puisque je ne vois pas d'autre intervention, je vais mettre l'amendement aux
voix. Alors, est-ce que l'amendement proposé au premier alinéa, est-ce
que l'amendement... est-il adopté?
Mme Maltais :
On est pour. Adopté.
Des voix :
Adopté.
Des voix :
Rejeté.
Mme Vallée :
Rejeté.
Le Président (M.
Merlini) : Il est rejeté.
Mme
Maltais :
Rejeté?
Le
Président (M. Merlini) : Oui. L'amendement est donc rejeté. Alors,
nous revenons, à ce moment-là, au texte du premier alinéa. Est-ce qu'il
y a d'autres interventions sur le texte du premier alinéa?
Mme Roy
(Montarville) :
Oui.
Le Président (M.
Merlini) : Mme la députée de Montarville.
• (15 h 50) •
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. J'aimerais soumettre un amendement au premier alinéa de
l'article 2 et puis l'expliquer par la suite. On en fera quelques copies.
Alors, je vous le lis?
Le Président (M.
Merlini) : Oui, allez-y pour la lecture, Mme la députée.
Mme
Roy
(Montarville) : Donc, l'amendement : Modifier
le premier alinéa de l'article 2 de la loi édictée par l'article 1 du projet de loi en ajoutant, après
les mots «visé à l'article 1», les mots suivants : «sauf lorsque le
discours n'est pas tenu ou diffusé dans un contexte d'endoctrinement ou
de radicalisation».
Premier
alinéa de l'article 2 du projet de loi, tel qu'amendé, se lirait
ainsi :«Il est interdit de tenir ou de diffuser un discours visé à
l'article 1, sauf lorsque le discours n'est pas tenu ou diffusé dans un
contexte d'endoctrinement ou de radicalisation.»
Le
Président (M. Merlini) : Alors, je suspends quelques instants pour la
diffusion et l'étude de l'amendement de la députée de Montarville.
Alors, on suspend.
(Suspension de la séance à
15 h 51)
(Reprise
à 15 h 55)
Le Président (M.
Merlini) : Alors, à l'ordre! Nous reprenons nos travaux. Et nous avons
reçu l'amendement proposé par la députée de Montarville, qui est recevable et
que je vais demander maintenant à Mme la députée de Montarville de nous
apporter les précisions et les explications qui s'imposent pour son amendement.
Alors, à vous la parole, Mme la députée.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président.
Alors, tout est question ici de liberté d'expression, vous l'aurez compris. L'amendement demandé ferait
en sorte que l'article 2 se lirait comme suit : «Il est interdit de
tenir ou de diffuser un discours visé à
l'article 1 — donc,
les discours haineux —sauf lorsque le discours n'est pas tenu ou diffusé dans un
contexte d'endoctrinement ou de radicalisation.»
Maintenant, voici les
explications. Ce que je fais ici avec cet amendement-là, c'est que je viens
diminuer la portée du projet de loi et
redonner de la liberté d'expression aux gens, et je vous dirai pourquoi c'est
important. La façon dont c'est
rédigé, donc : «Il est interdit de tenir ou de diffuser un discours visé à
l'article 1 — un
discours haineux — sauf lorsque
le discours n'est pas tenu ou diffusé dans un contexte d'endoctrinement ou de
radicalisation», donc, a contrario, ça signifie, M. le Président, que,
quand des discours haineux ne sont pas tenus dans ces contextes
d'endoctrinement et de radicalisation — parce que c'était le but de l'exercice de
lutter contre la radicalisation des jeunes — donc, quand ces discours ne sont pas tenus dans ce contexte, ils
ne sont pas interdits par cette nouvelle loi, comme c'est le cas
actuellement, ils ne le sont pas actuellement.
Et
je rajouterais à ça que ces discours-là, ils ne sont pas interdits actuellement
au civil par cette loi-là, puisqu'elle n'est
pas encore en vigueur, mais l'interdiction, elle existe, l'interdiction du
discours haineux, elle existe déjà. Dans le Code criminel, comme vous le
savez très bien, les sanctions sont là, le processus est là. Mais j'irais plus
loin, M. le Président. Mme la ministre va
nous répondre qu'il s'agit ici d'un projet de loi civil, tout à fait d'accord
avec elle. Ce que je répondrais à Mme
la ministre, c'est qu'il existe également des recours dans le Code civil
lorsqu'on se sent lésé ou victime d'un
discours que l'on qualifie d'injustifié, de diffamatoire ou, pourquoi pas, de
haineux, et ça s'appelle la responsabilité civile délictuelle. Mme la ministre connaît très bien ça, il s'agit,
pour le plaignant ou la plaignante qui se sent attaqué — et là je parle vraiment d'une plaignante, non d'une demanderesse ou d'un
demandeur — la
personne qui se sent attaquée, qui sent...
qui est lésée dans ses droits, qui sent que le discours lui porte préjudice,
bien, elle peut poursuivre, M. le Président. Actuellement, ce processus
existe devant tous nos tribunaux de droit commun civil, autant en Cour du
Québec qu'en Cour supérieure, et là on peut aller en appel en Cour suprême.
Mais ce concept, il existe actuellement au Québec.
Alors,
je vous dis qu'il existe déjà des portes, des solutions juridiques lorsque
quelqu'un tiendrait des discours que la
victime, ou que la personne, ou que le demandeur considère qui le briment.
Donc, le processus existe déjà en droit civil, il s'agit, pour la personne qui porte plainte puis
qui se plaint, qui réclame, de démontrer qu'il y a eu ce qu'on appelle
une faute, donc les propos, qu'il y a eu également un dommage, dans quelle
mesure ça a brimé cette personne-là, ça l'a offensée,
ça l'a attristée, et le lien de causalité entre les deux, quel est le lien
entre la parole, la faute, et le dommage, la tristesse, la perte de jouissance de la vie, qu'on appelle — c'est comme ça qu'on appelle ça — qu'aurait subi cette personne.
Donc, il y a déjà un processus
judiciaire en droit civil qui existe, la responsabilité civile délictuelle ou
quasi délictuelle, extracontractuelle. Ah!
ça change de nom à chaque époque, là, mais tout le principe de la
responsabilité civile. Et c'est la
raison pour laquelle nous disons que, si nous apportons cet amendement, ce
n'est pas pour créer une autre catégorie d'infraction avec les discours
haineux, et c'est pour ça que les seuls discours haineux que nous devons
proscrire sont ceux qui sont faits dans le
discours d'endoctrinement ou dans le discours de radicalisation parce que c'est
à la base même du problème que le gouvernement tente de résoudre.
Donc, d'où
l'amendement : «Il est interdit de tenir ou de diffuser un discours visé à
l'article 1 — un
discours haineux — sauf lorsque le discours n'est pas tenu ou
diffusé dans un contexte d'endoctrinement ou de radicalisation.» Parce
que, dans ces cas-là où il y en aurait, des gens mal intentionnés qui diraient
des choses épouvantables, il y a un processus qui existe dans nos tribunaux de
droit commun civil.
• (16 heures) •
Alors,
c'est la raison pour laquelle je vous soumets ça, parce qu'en ajoutant cet
amendement-là on vient élargir la liberté
d'expression, et les gens ne sont pas moins protégés parce que je vous soumets
respectueusement qu'il y a tout le processus
au civil qui existe via nos tribunaux de droit commun. Parce que c'est une
nouvelle infraction qu'on crée, là, avec la Commission des droits de la personne qui va analyser ces plaintes,
sauf qu'actuellement c'est beaucoup trop large, ça va ouvrir la porte à
beaucoup trop de plaintes et à beaucoup trop de plaignants qui ne seront
peut-être même pas les plaignants directs.
Et la liberté d'expression, dans tout ça, tu sais, on ne pourra plus... Parce
qu'on ouvre la porte à des critiques,
on ouvre la porte à des critiques de religions, par exemple, et la personne qui
veut critiquer une religion, qui veut se plaindre, elle devra démontrer
qu'elle a subi un préjudice, une faute, un dommage, un lien de causalité, c'est
le processus actuel.
Alors,
c'est la raison pour laquelle je vous soumets cet amendement. Donc, si je
récapitule rapidement, les discours haineux sont déjà encadrés par le
Code criminel et les discours haineux ou les discours non voulus, blessants, diffamatoires — appelez-les comme vous voulez, M. le
Président — on peut
déjà y remédier via les tribunaux de droit commun. Alors, je vous soumets qu'en adoptant cet amendement on donne de
l'air à la liberté d'expression, là, parce qu'on dit : Les seuls qu'on ne pourra pas tenir sont ceux qui sont faits
dans les discours d'endoctrinement puis de radicalisation. C'est la démonstration que je tente de faire
depuis le début, que ça doit cibler ce type de discours là. Alors là, comme
je n'ai pas été capable de le faire à
l'article 1, que de cibler les discours d'endoctrinement et de radicalisation
des jeunes, parce que c'est à ça,
exactement ça, et seulement ça qu'il faut s'attaquer, bien, je tente d'ouvrir
une porte ici, dans l'article 2, où nous pourrions l'insérer. Je vous le
soumets respectueusement.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la députée de
Montarville. Mme la ministre.
Mme
Vallée : La collègue vient tout juste de dire exactement, là,
ce que je m'apprêtais à dire, c'est-à-dire par l'amendement, on souhaite
faire quelque chose pour lequel on a eu bien des échanges lors de l'étude de
l'article 1. Simplement rappeler à la
collègue que les contextes dans lesquels s'expriment les discours haineux sont
les contextes de discrimination, y
compris dans un contexte d'endoctrinement ou de radicalisation. Donc, le
contexte de discrimination est également
visé par l'article 1, et donc l'amendement de la collègue... En fait, pas
l'amendement comme tel, parce que l'amendement,
si on le lit textuellement, n'est pas tout à fait aussi clair, mais l'esprit de
l'amendement présenté par la collègue
enlève tout ce pan de discours qui s'expriment dans un contexte de
discrimination, qui sont visés à l'article 1, et ce n'est pas du tout
l'objectif de les enlever. On les a prévus, il y a une raison pour laquelle ils
sont là, on a fait la discussion. Mais je
comprends que ce que la collègue souhaite, c'est plutôt interdire de tenir ou
de diffuser un discours visé à
l'article 1 s'il est tenu ou diffusé dans un contexte d'endoctrinement ou de
radicalisation. Par contre, l'amendement dit «sauf lorsque le
discours n'est pas tenu». Alors, la rédaction semble exclure ce qu'elle veut
inclure.
Mais,
ceci étant dit, M. le Président, je vais référer aux discussions que nous
avions eues justement sur le premier alinéa
de l'article 1, je pense qu'il est important de contrer l'ensemble des discours
haineux, tels que définis à l'article 1, et il est clair que les
discours visés par notre collègue sont inclus dans le contexte particulier. Ils
ne sont pas les seuls, mais ils sont inclus.
Le Président (M.
Merlini) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : J'aimerais le mettre aux voix, tout
simplement, à moins que vous ayez des commentaires à faire,
naturellement.
Le Président (M. Merlini) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions avant? Je
vois M. le député de Richelieu qui veut...
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Parce que, tout simplement,
pour poursuivre, pour répondre à la ministre, il a fallu l'écrire au négatif parce que... Puis l'écrire à
l'affirmatif, ça n'aurait pas fonctionné, là, c'est parce qu'on y va a
contrario, là, naturellement.
Mais,
cela dit, ce que je veux bien que la ministre comprenne et que la partie
gouvernementale comprenne, c'est qu'en
faisant ça on vient donner de l'air à la liberté d'expression, on vient élargir
la liberté d'expression pour se concentrer uniquement sur les discours
dans un contexte d'endoctrinement ou de radicalisation.
Et
je pense que les gens qui nous écoutent
ont compris où je m'en allais et j'aimerais, oui, effectivement, s'il y a des discussions,
qu'elles se poursuivent parce que le but recherché ici, c'est de faire en sorte que cette loi-là ne soit pas un frein à liberté d'expression, parce que jusqu'à maintenant l'article
1... Mme la ministre nous réfère à l'article 1. Je rappelle
aux gens qui nous écoutent que nous avons
voté contre l'article 1 et que l'opposition officielle également.
Et on a un problème avec l'article 1, donc on essaie de trouver une façon
de donner de l'air à la liberté d'expression et de permettre une plus
grande liberté d'expression parce
qu'actuellement elle est brimée avec l'article 1 qui a été adopté. Alors,
voilà, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Montarville. C'est rare
qu'il y a du monde qui s'ennuie de moi. Mme la ministre, je ne sais
pas... Ah non? O.K. Excusez. M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. Bien, très, très rapidement. Je lis l'amendement proposé par ma collègue
de Montarville puis je ne peux pas m'empêcher de penser à Raphaëlle,
cinquième année, en me disant : Oh! ce serait un bon exercice de compréhension de texte pour sa classe. Mais, mis à
part ça — puis je
comprends, là, c'est complexe, l'emploi, là, de la formule à la négative, là — je souscris à ce qui motive la députée de
Montarville, c'est-à-dire restreindre la portée de ce projet de loi, qui ratisse bien trop large. Puis
ça, l'a-t-on dit assez souvent, et combien de fois avons-nous repris ici
les propos de groupes forts majoritaires qui
l'ont exprimé, ce projet de loi, il ouvre un gros bureau des plaintes à la
Commission des droits de la personne et de la jeunesse.
Bien là, on
restreint, on restreint aux discours tenus ou diffusés dans un contexte
d'endoctrinement ou de radicalisation. Et ma collègue fait bien de le faire
remarquer, ce projet de loi là, il est précisément né de la volonté du gouvernement de contrer la radicalisation et
l'endoctrinement, et voilà qu'il ratisse, là, bien plus large que ça, et on
ne saisit toujours pas ce qu'il vise par là. Et je suis tenté, là, de revenir à
un article de journal que nous avons abondamment — vous l'avez sûrement, M. le Président — exhibé où le premier ministre lui-même
trouvait que le premier jet du projet de loi allait beaucoup trop loin
et qu'il ne fallait s'attarder qu'aux appels directs à la violence.
Alors,
rapidement, donc, oui, j'abonde dans le sens de la députée de Montarville, le
projet de loi va trop loin, ratisse trop
large. L'amendement de la députée a le mérite de restreindre son application.
Cependant, comme la ministre, je trouve que l'emploi de la formule au négatif, là, ça complique un peu la
lecture, bien que l'intention est claire, et ça se décode, là.
Le Président (M.
Merlini) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, j'accueille avec un réel bonheur
l'amendement de ma collègue. Je crois que le mot «réel bonheur» vient de lui faire plaisir, mais je pense que,
là-dessus, la Coalition avenir Québec et le Parti québécois sont en
communauté de pensée, si j'ose dire.
Une voix : Convergence.
Mme
Maltais : Vous pouvez appeler ça convergence, mon cher
collègue, il y a des moments donnés... Ça arrive souvent au Parlement.
Il m'est même arrivé de voter avec le Parti libéral. Donc, la convergence,
c'est que les idées, parfois, se rencontrent et font qu'on s'en va dans la même
direction. Convergence est commune ici, à l'Assemblée nationale, puisque 80 % à 85 % des lois sont votées à
l'unanimité. Donc, en commission parlementaire, il arrive aussi qu'on
s'entende sur certaines visions. De ce côté-là, toute l'opposition, toute...
non, toute l'opposition présente...
Une voix : Présente.
• (16 h 10) •
Mme
Maltais :
Toute l'opposition présente, mon collègue fait bien de le dire, je dirais... En
tout cas, je vais arrêter là, toute l'opposition présente trouve que ce projet de loi en mène trop large. Je l'ai appelé «boîte à poursuites», je
pense que je vais garder l'expression. Alors, cette boîte à poursuites qu'est
le projet de loi n° 59 vise trop largement la liberté d'expression. Nous
tentons, depuis le début, de le replacer dans le cadre dans lequel il devrait
être, soit la lutte à la radicalisation.
Alors, l'amendement va directement dans ce sens-là, et c'est dans le sens de
tout le débat qu'on a depuis le début.
Malheureusement, le gouvernement n'adhère pas à
cette vision, n'adhère pas à notre idée. Mais, comme on en est dans un débat fondamental... On n'est pas en train de débattre de
lois, je dirais, parfois plus techniques qui gèrent un domaine précis de la vie sociale, nous sommes
sur un des objets fondamentaux d'une vie en société, soit la portée de
la liberté d'expression, la place de la
liberté d'expression. C'est exceptionnel que, dans une assemblée nationale, on
débatte de lois qui touchent la liberté
d'expression. C'est encore plus exceptionnel qu'on ait des lois qui... ou qu'on
ait des débats où un gouvernement nous propose de restreindre la liberté
d'expression. Alors, notre travail — et je pense, là-dessus, la proposition de la députée et de la collègue est
correcte — est de
réussir à empêcher que cette restriction ne vienne heurter, frapper des
citoyens et citoyennes qui n'ont rien à voir avec l'objet. Et l'objet, c'est la
lutte à la radicalisation.
Alors, c'est un très, très bon amendement sur le
fond. Sur le fond. Sur la forme, nous avons tous et toutes dit, M. le Président, que nous y voyons un petit
problème — et je
vais élaborer un peu là-dessus — c'est la double négation. C'est toujours difficile... Évidemment, la
collègue est partie d'un article de la loi qui est une interdiction, donc qui
est en soi une négation. On ne dit pas «il
est permis de», on nous arrive avec «il est interdit de». Donc, si tu veux
enlever une partie de l'interdiction, la collègue s'est dit : Donc,
je vais interdire une partie de l'interdiction. C'est ça, une double négation. Il est interdit, donc il est interdit d'interdire,
sauf l'interdiction que... C'est vrai que ça fait un peu difficile, mais c'est
le contexte dans lequel on est parce que, M.
le Président, l'article 1, au départ, a ciblé trop large. Alors, toutes les
tentatives que nous faisons, c'est d'essayer
de restreindre systématiquement, d'en arriver à mieux restreindre dans
l'intention de mieux cerner l'intention qui avait été exprimée par le
premier ministre au départ, l'intention qui est dans le préambule du plan de
lutte à la radicalisation.
M. le
Président, la collègue offre un amendement en ce sens. Si je me permets, M. le
Président, je vais proposer un sous-amendement
afin de régler le problème de la double négation. Après tout, on est là pour
mieux écrire, M. le Président, hein?
Alors, si l'idée est bonne et que ce qui nous dérange, c'est le vocable ou
le... Ce n'est pas le vocable, puisqu'ici on ne travaille pas en oral, on travaille en écrit. Mais, si la forme, la
formule écrite n'est pas excellente, renforçons l'écriture, retravaillons l'écriture. Alors, grâce à mon
généreux recherchiste et attaché politique, qui, aussitôt que je me tourne
vers lui avec simplement le coup d'oeil ou
le sourcil qui lève, répond allègrement et comprend immédiatement mes
intentions...
Le Président (M. Ouellette) :
...chevronné, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Il est rendu chevronné. Vous vous souvenez, M. le Président,
que mon recherchiste et attaché politique a commencé son travail de
recherchiste ici, à la table du projet de loi n° 59.
Le Président (M. Ouellette) :
J'espère que vous allez l'engager aussi.
Mme Maltais : Je pense que oui.
Alors, M. le Président, si vous me permettez, je vais déposer un sous-amendement qui se lirait comme ceci :
Modifier l'amendement modifiant le premier alinéa de l'article 2 de la loi
proposée par l'article 1 du projet de loi en
remplaçant les mots «sauf lorsque le discours n'est pas» par les mots «lorsque
le discours est», ce qui va donner :
«Il est
interdit de tenir ou de diffuser un discours visé à l'article 1 lorsque le
discours est tenu ou diffusé dans un contexte d'endoctrinement ou de
radicalisation.»
Alors, c'est
un sous-amendement dans l'esprit de la collègue. S'il y a un problème, je vais
l'entendre, mais on avait l'impression que ça pouvait régler le problème
de la double négation.
Le Président (M. Ouellette) : Je
suspends quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 15)
(Reprise à 16 h 18)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Nous travaillons
sous un sous-amendement qui est recevable, qui a été introduit par Mme
la députée de Taschereau, sur un amendement introduit par Mme la députée de Montarville. Je nous rappelle, aux gens qui nous
écoutent, qu'on étudie présentement l'article 2, le premier alinéa de l'article
2. Et, Mme la députée de Taschereau, je vous donne la parole pour votre
sous-amendement.
• (16 h 20) •
Mme
Maltais : Merci,
M. le Président. Alors, d'abord, je ne voudrais pas récupérer l'idée de ma
collègue, je considère d'abord que c'est une
idée de ma collègue de Montarville, qui tentait de revenir à l'esprit initial
des documents déposés par le premier
ministre et par le gouvernement à l'effet de lutter contre la radicalisation.
Donc, esprit initial, lutter contre
la radicalisation. Notre collègue dit : On va revenir à l'esprit initial.
On n'a pas réussi à l'article 1, mais peut-être que, dans la tenue et la diffusion de discours, on peut
y arriver. La preuve, c'est recevable. Donc, son amendement a été jugé
recevable, mon sous-amendement est jugé recevable, c'est donc dans l'esprit des
travaux normaux d'un projet de loi.
Alors, la
ministre, avec raison, a soulevé le problème de la double négation, mais c'est
toujours difficile quand on travaille
à partir d'interdictions, c'est normal. Alors, dans le vocabulaire que nous
utilisons dans cette nouvelle écriture, dans cette nouvelle mouture de l'amendement, qui est devenu un
sous-amendement, nous nous trouvons à régler le problème de la double négation. «Il est interdit de tenir ou de diffuser un discours visé à l'article
1», la première phrase telle que citée intégralement dans le projet de
loi déposé initialement, et on ajoute «lorsque le discours est tenu ou
diffusé dans un contexte d'endoctrinement ou de radicalisation». Donc, au lieu
de dire «ne pas», on cible directement les intentions premières du
gouvernement.
Alors, M. le
Président, moi, j'ai hâte d'entendre la collègue de Montarville, là. Je lui
donne un peu le temps de l'étudier
parce qu'évidemment on dépose et on regarde, on étudie. Elle travaille, elle
aussi, avec une recherchiste qui, j'en suis
sûre, actuellement, de la même façon que mon bras droit... Elle a un bras
gauche. Alors, à son bras gauche, il y a une recherchiste qui est en
train de regarder ça avec elle. Mais, de toute façon, la députée de Montarville
en elle-même, elle a fait son droit, je crois.
Mme Roy
(Montarville) :
Elle a fait son Barreau.
Mme
Maltais : Son
Barreau, même, donc...
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
oui. Oui, mais avant d'aller à Montarville...
Mme Maltais : Mais, pour une fille
qui n'a pas fait son Barreau, quand même, j'arrive à enlever les doubles négations
des lois, c'est pas pire. Mais j'ai fait mes belles lettres, mettons.
Le Président (M. Ouellette) : Et
vous avez fait du théâtre.
Mme
Maltais : J'ai
fait du Parlement pendant 17 ans aussi.
Le Président (M. Ouellette) : O.K.
C'est bon. C'est ce que je disais. Donc...
Mme
Maltais :
Du théâtre, ça, je peux en refaire. J'en refais de temps en temps, d'ailleurs,
dans les campagnes de financement
pour des collègues, où j'ai gagné deux fois des trophées contre mes collègues,
de Bourget et même l'ancien collègue de Borduas, champion de la LNI.
Le Président (M. Ouellette) :
Normalement, ce qui n'est pas...
Mme
Maltais :
Qui m'a regardée et qui m'a dit : Ah! j'avais oublié que tu en avais fait.
Bon, ceci dit, je ne voudrais pas faire une trop longue digression.
Le Président (M. Ouellette) : Ce
n'est pas une digression, Mme la députée de Taschereau, parce que je suis à
l'origine de cette digression, donc...
Mme
Maltais : Oui,
c'est de votre faute.
Le
Président (M. Ouellette) :
Mais, avant d'aller à Montarville, j'aimerais entendre votre collègue de
Richelieu, s'il a des commentaires par rapport à votre sous-amendement, parce
qu'il a toujours des bons commentaires. Ça fait que je ne sais pas s'il a des choses qu'il veut rajouter, le temps que
Mme la députée de Montarville, avec sa recherchiste, puisse,
effectivement, évaluer votre sous-amendement, Mme la députée de Taschereau. M.
le député de Richelieu.
M. Rochon : Vous voulez que je vous
parle du passé de comédienne de Mme la députée de Taschereau?
Le Président (M. Ouellette) : Non.
Non, je...
M.
Rochon : Parce que, vous
savez, je vais le dire juste 30 secondes, puisque c'est amusant, ça va nous
détendre un peu, hein, moi, je l'ai connue élève au secondaire dans une pièce
de la compagnie...
Mme
Maltais : Toi,
élève au secondaire.
M.
Rochon : Moi, j'étais élève au secondaire...
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Rochon :
Oui. Vous, vous étiez davantage au cégep. Dans une pièce présentée par Les
Folles alliées, ça s'appelait Enfin duchesses!.
Mais, cela étant dit,
très sérieusement, M. le Président, sur le sous-amendement proposé par ma
collègue de Taschereau, bien là, je ne vous
surprendrai pas, je ne peux qu'y souscrire. Il a été inspiré — et elle faisait bien de le faire
remarquer, rendons à Montarville ce qui appartient à Montarville, il a été... à
César... — il
a été inspiré par notre collègue de la deuxième opposition, et nous sommes
parfaitement d'accord avec cet objectif — je le disais tantôt, là — de restreindre la portée ce projet de loi,
qui ratisse beaucoup trop large, avec le risque que cela comporte de
brimer la liberté d'expression, d'ouvrir un
bureau des plaintes à la Commission des droits de la personne et des droits de
la jeunesse.
Alors
là, c'est beaucoup mieux campé. Interdire «de tenir ou de diffuser un discours
visé à l'article 1 lorsque le discours est tenu ou diffusé dans un
contexte d'endoctrinement ou de radicalisation», c'est clair et c'est précis,
c'est encadré. Voilà.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Merci beaucoup, M. le Président. J'ai pris connaissance de l'amendement. Effectivement, il se lit mieux, j'en conviens,
c'est un travail constructif, puisque le but, il est clair, il est commun. Et
je pense que ce n'est pas une question de
partis ici, c'est une question d'intérêt de la population, puis de sauvegarder
les droits des individus, puis
sauvegarder les droits des gens qui nous écoutent, cette liberté d'expression
qui, pour nous, vaut de l'or.
Et
les amis d'en face riaient, disaient : C'est de la convergence. Ça n'a
rien à voir avec de la convergence, c'est prendre au sérieux cette liberté d'expression, et ici, le projet de loi
n° 59 est une trop grande atteinte à la liberté d'expression, alors
on tente de la resserrer. Et je tiens le même discours, M. le Président, depuis
mai dernier, là, alors ce n'est pas nouveau.
Et il faut répéter, puis il faut que ce soit compris, on tente de resserrer le
projet de loi pour ne pas qu'il soit trop large et qu'il porte atteinte d'une si grande façon à la liberté
d'expression. Et mon collègue le député de Richelieu disait à
la blague : Un enfant de cinq ans ne
comprendrait pas l'article de loi. Je lui soumets que les lois ne sont pas
écrites pour les enfants de cinq ans. Et, par ailleurs, la double
négation et les contrario existent en droit.
Mais, cela dit,
j'avoue que le travail qui est fait par ma collègue avec cette nouvelle
rédaction — donc,
«il est interdit de tenir ou de diffuser un discours visé à l'article 1 lorsque
le discours est tenu ou diffusé dans un contexte d'endoctrinement ou de radicalisation» — ça a l'avantage qu'un non-initié, même un enfant de cinq ans, un
non-juriste...
Une voix :
...
Mme Roy
(Montarville) :
Ah! peut-être.
Une voix :
...
Mme Roy
(Montarville) :
Cinquième année. Ah! j'avais compris cinq ans, pardonnez-moi. Comprenne qu'il
est interdit de tenir ou de diffuser le discours de l'article 1 quand le
discours est tenu ou diffusé dans un contexte d'endoctrinement
ou de radicalisation. Et contrer la radicalisation, cette radicalisation qui
passe par un endoctrinement, c'était le but absolu du projet de loi à
l'origine, lorsque le premier ministre nous a dit qu'il voulait lutter contre
la radicalisation chez les jeunes. Je joins
ma voix aux collègues de l'opposition dans la
mesure où c'est bien écrit, c'est
clair.
Par ailleurs, tout à l'heure — je ne sais pas si la ministre va commenter sur le sous-amendement, sur l'amendement — je
disais à la ministre qu'il fallait ne pas restreindre la liberté
d'expression et ne pas créer de nouvelles infractions qui fassent en sorte que les discours haineux soient
sanctionnés d'une façon ou d'une autre, puisqu'il y a déjà des mécanismes.
Je vous parlais du Code criminel, je vous ai parlé aussi de la responsabilité
civile de cette poursuite, cette requête
introductive d'instance lorsque des propos blessent quelqu'un, attaquent
quelqu'un, cette fameuse preuve, cette faute,
ce dommage et ce lien de causalité qui est à prouver, qui est à démontrer.
Donc, c'est l'arsenal juridique, légal ou civil.
Et je rajouterais, et
il me venait à l'esprit, comme ça, entre autres, il y a d'autres choses aussi
dans notre Code civil, il y a l'injonction
aussi. Il y a l'injonction si on veut faire... Si on veut demander à la cour
que quelque chose cesse, que quelque
chose arrête, le justiciable peut toujours demander une injonction. Donc, il y
a plusieurs autres — et ils
me viennent à l'esprit comme ça un après
l'autre — mécanismes
de nos Codes civils... de notre Code civil du Québec — parce
que nous sommes la seule province au Québec
à avoir le Code civil du Québec — qui nous permettent d'agir contre des
discours blessants, des discours offensants,
des discours en diffamation, et j'aimerais entendre la ministre sur la
nécessité absolue de créer cette nouvelle infraction qui donne juridiction à la
commission des droits et libertés de la personne. Est-ce qu'on en a vraiment
besoin, de cet arsenal, de la façon qu'il est écrit avec son article 1, qui est
si large?
Cela dit, si je
reviens au sous-amendement, le texte est clair, et quiconque le lira comprendra
qu'il s'agit de discours, vraiment, qui ne
sont pas n'importe quels discours et qui sont faits dans le but d'endoctriner
ou de radicaliser. Et, contrairement à tout type de discours qui
seraient des discours faits, par exemple, de commentaires, de critiques,
d'opinions, là c'est précis, c'est dans le but d'endoctriner ou de radicaliser,
et c'est à ça qu'il faut s'attaquer, M. le Président. Alors, ce
sous-amendement, je voterai en faveur. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la députée de Montarville. Mme la ministre, vos commentaires?
Mme Vallée :
Sur le sous-amendement, je n'ai pas de commentaire, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : O.K.
Mme la députée de Taschereau.
• (16 h 30) •
Mme
Maltais :
Oui, M. le Président. Je vais ajouter, si ma collègue me permet, une couche
supplémentaire de compréhension du
sous-amendement et ce pourquoi je le trouve important. Nous avons dans
l'article 1, à notre grand dam, M. le
Président, puisque nous avons voté contre, mais nous avons... puisque c'est
l'Assemblée nationale qui décide, c'est la commission parlementaire,
nous avons adopté sur division l'article 1, qui dit : «La présente loi a
pour objet d'établir des mesures de
prévention et de lutte contre les discours haineux s'exprimant dans un contexte
de discrimination et des mesures
contre les discours incitant à la violence.» Donc, il y a deux types de
discours : contexte de discrimination, y compris endoctrinement ou
radicalisation, et discours incitant à la violence.
Quand on va à
l'interdiction telle quelle, on parle de quels discours. Après ça, on
dit : L'interdiction telle quelle de tenir ou de diffuser, on dit
que cette interdiction, elle s'applique «lorsque le discours est tenu dans un
contexte d'endoctrinement ou de radicalisation». On ne touche pas même à ce que
l'article 1 signifie. Même si on n'était pas d'accord avec l'article 1,
il est passé, on vit avec, mais on n'y touche pas. Mais on dit : Ce n'est
pas n'importe quel discours. Même
dans un contexte de discrimination, il faut que ce soit un contexte
d'endoctrinement, par exemple le nazisme. Mon Dieu! Pendant les premières heures, combien de fois la ministre
de la Justice ne nous a-t-elle pas dit : Genre de discours qu'il faut proscrire : le nazisme, les
discours nazis? Bien, c'est de l'endoctrinement, c'est un contexte
d'endoctrinement. Il y a même une nation entière qui a été endoctrinée.
Pas tous, évidemment, il y
en a qui ont résisté, il y a d'ailleurs de farouches résistants et résistantes là-bas, mais il y a
eu un endoctrinement, j'oserais dire, national et même transnational. Il
y a d'autres pays qui se sont fait emporter là-dedans. Mais on peut parler,
dans le cas d'Adolf Hitler et du nazisme, d'endoctrinement,
on peut parler de radicalisation. Donc, il y a vraiment
un contexte d'entraînement des autres, d'amener dans une doctrine. Une doctrine, on n'en sort pas, M. le Président. Une doctrine, là, c'est un petit carré de sable dont on ne sort
pas. Endoctrinement, radicalisation, radicalisation, c'est très serré.
Alors, nous,
des oppositions, nous pensons que c'est au phénomène religieux qu'on doit
s'attaquer, n'est-ce pas, c'est au phénomène d'endoctrinement religieux,
c'est au phénomène de radicalisation de l'islam politique, disons-le, l'islamisme politique, on est là-dedans. Puis on
pourrait être même dans des sectes, on n'aurait pas de problème, là. On
peut ouvrir plus large, on peut ouvrir.
Mais, même si le combat transnational, actuellement, c'est l'État islamique,
groupe armé État islamique, c'est ça, c'est le terrorisme, c'est
l'islamisme politique, on sait quand même que, dans le futur, il peut y avoir
d'autres types de combats. Alors, en allant chercher «contexte d'endoctrinement
ou de radicalisation», on va chercher, je ne dirais pas, une intention — je
pense que la ministre n'apprécie pas qu'on essaie d'introduire des intentions — mais, au moins, un contexte ou une vision qui
veut être transmise par les auteurs du discours : on veut avoir un
impact et entraîner des gens.
Alors, moi,
je trouve que ça permet... Même si ça n'atteint pas le but qu'on recherchait au
départ — on
aurait mieux aimé voir ça inscrit
dans l'article 1 nommément, précisément, plus qu'un «y compris», ça aurait
dû être là — ça
permet, effectivement, de faire qu'au moins
on envoie un signal plus clair aux gens qui vont avoir à juger de cette loi le
jour où elle sera adoptée et que des
gens se retrouveront devant le Tribunal des droits de la personne et des droits
de la jeunesse. Parce que,
rappelons-nous, au bout de l'adoption de cette loi-là, il y a des gens qui vont
se retrouver devant les tribunaux, il y a des gens qui vont faire l'objet de poursuites. Nous ne voulons pas d'une
boîte à poursuites, nous voulons une loi qui atteigne le moins possible
la liberté d'expression, qui la restreigne le moins possible.
Un bon sous-amendement, je pense, mais je pense
que débattre du sous-amendement, c'est aussi débattre de la pertinence de l'amendement, puisqu'on s'entend
qu'on est dans la réécriture de forme, et non pas dans la réécriture de
fond. Alors, M. le Président, voici mes premiers commentaires pour ajouter à
mon explication préalable du dépôt du sous-amendement.
C'étaient quelques premiers commentaires — je ne sais pas comment ma collègue les
accueille — sur
cette idée que même son amendement, mais
aussi notre sous-amendement font qu'on ne restreigne aussi la portion
qui est sur le contexte de discrimination.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Ce qui est intéressant dans les propos de
la collègue, c'est qu'effectivement le but commun, on le voit. Puis je pense que les gens qui nous écoutent
puis les gens qui ont suivi l'actualité le voient également, le but
commun, c'est de contrer ces discours, mais surtout ces actions, tout ce qui
fait que, ces jeunes, on les endoctrine, puis ils se radicalisent. C'est ça, le
but, là. Il ne faut pas oublier le départ. Il
y a une année qui est passée, mais le
départ, c'étaient ce jeune homme de Saint-Jean-sur-Richelieu qui est allé tuer
un soldat au nom d'Allah et ce jeune homme
de Montréal qui a tué un soldat à Ottawa avant d'entrer au
parlement et de faire feu sur des collègues députés du fédéral. Donc,
c'étaient l'endoctrinement et la radicalisation et rendre plus claire
l'interdiction et...
Parce que, là, l'article 2, c'est
l'interdiction, ce qu'interdit cette loi. Et c'est grave, l'interdiction, c'est
quand même quelque chose d'important, là. Et la rédaction actuelle, «il est
interdit de tenir ou de diffuser un discours visé à l'article 1» — article 1 que
nous n'aimons pas, je le répète — mais, «lorsque ce discours est tenu ou
diffusé dans un contexte d'endoctrinement ou de radicalisation», on vient viser
le but recherché, on clarifie, on vient chercher le but recherché par le premier
ministre même. Et
ce contexte d'endoctrinement et de radicalisation, il va nous revenir, M. le Président — dans
l'actualité, malheureusement, malheureusement, on le constate — naturellement,
à l'international, beaucoup. Chez nous, il
reviendra de façon sporadique, les policiers font un travail
remarquable, incroyable sur le terrain.
Par ailleurs, si le but est de faire en
sorte que l'endoctrinement des
jeunes... et que ces jeunes ne se radicalisent pas, bien, il y a aussi
un travail à faire ici, au Québec, dans les endroits ou les lieux où les jeunes
sont endoctrinés et se radicalisent. Et, si
on avait eu le courage politique, on l'aurait inscrit, mais ces mots
n'apparaissent pas, et actuellement c'est,
effectivement, un problème à
l'égard des intégristes religieux de
l'islam radical, des mots que vous ne verrez jamais dans ce projet
de loi. Pourtant, ce n'est que la
seule raison pour laquelle on travaille ici, c'était la raison initiale. Par ailleurs, quand on lit ce projet de loi
là, il est beaucoup plus large.
Donc, je me réjouis du fait que mon amendement
inspire ma collègue de l'opposition à faire un sous-amendement qui vient non pas
changer l'essence ou l'esprit de ce que nous voulions faire, mais qui clarifie
les mots, le texte, tout simplement. Et, M. le Président, moi, je vais faire tous les efforts, faire en sorte que la liberté d'expression soit protégée. Et, lorsqu'on dit qu'«il est interdit de tenir ou de diffuser
un discours visé à l'article 1 — donc,
un discours haineux — lorsque le discours est tenu ou diffusé dans un contexte d'endoctrinement ou de
radicalisation», je pense que les gens qui nous écoutent sont d'accord
avec ça. Ils le comprennent parce qu'il est facile à comprendre, mais surtout
ils sont d'accord avec l'idée. L'idée,
c'est : Tu ne peux pas tenir, tu ne peux pas diffuser un discours haineux
quand il est tenu ou diffusé... quand c'est dans un contexte de
radicalisation et d'endoctrinement, pas d'autre chose.
Et c'est extrêmement important que
l'interdiction soit précise, extrêmement précise, et je considère que l'amendement était bon, quoique peut-être difficilement comprenable, étant donné cette négation. En enlevant la double négation, on arrive avec une phrase qui se lit beaucoup
mieux et avec laquelle je suis tout à
fait d'accord parce que l'esprit, l'esprit de la loi demeure le même, restreindre le moins possible la liberté
d'expression. Puis je suis bien honnête, et je l'ai dit, j'ai donné des
entrevues la semaine dernière, d'ailleurs, dans des médias de Montréal et je
disais que cette loi, malheureusement, elle n'est pas bonne, elle n'est pas bonne, il faut
faire quelque chose. Alors, on tente par tous les moyens de faire quelque
chose pour qu'elle soit beaucoup
plus précise et pour que les gens comprennent que c'est uniquement les discours d'endoctrinement et de radicalisation qui
sont visés, ce n'est pas la liberté d'expression des citoyens
de façon générale, loin de là.
Il faut se préserver de ça, il ne faut pas tomber là-dedans, surtout pas, M. le
Président.
Alors, je
voterai en faveur du sous-amendement lorsque nous serons rendus à l'étape de voter. Puis je
vais quand même voter en faveur du mien, quand même, pour être cohérente
avec moi-même, mais le sous-amendement est encore plus beau.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la ministre, toujours pas de commentaire?
Mme Vallée : Non.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la députée de Taschereau.
• (16 h 40) •
Mme Maltais : Avant de passer au vote, si vous permettez, ma
chère collègue, je soumettrai à votre attention, et ce qui constitue pour moi un argument en faveur, encore une fois, de notre sous-amendement, on en a peu parlé ici, c'est un document
du Sénat, juillet 2015, Combattre la menace terroriste au Canada :
rapport provisoire. Je l'ai souvent utilisé, moi, ce rapport, c'est
un comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, c'est
signé par Lang et Mitchell, le mot «honorable» leur appartenant.
Dans les recommandations, M. le Président, si on les regarde, je me suis dit... Quand on a
commencé à étudier le projet de loi
n° 59, je me suis dit : Est-ce qu'en quelque part là-dedans, pour
combattre la menace terroriste, on considère qu'il faille restreindre la liberté d'expression? Puis c'est un rapport
très, très bien fouillé. Alors, j'ai essayé de voir. Nulle part, je n'ai
trouvé de recommandation signifiant : Allez-y et restreignez la
liberté d'expression.
Il y a deux
recommandations qui sont faites qui sont intéressantes et qui nous
permettraient de mieux travailler si on regarde ce rapport : «Que le gouvernement mette à jour les lois
canadiennes sur les crimes haineux — et puis là ils donnent le sens — et qu'il envisage d'interdire la
glorification des terroristes, des actes terroristes et des symboles
terroristes associés au terrorisme et
à la radicalisation.» Alors, ils sont dedans, ils sont dedans. Ils sont dedans,
eux autres aussi. Tout le monde, tout le monde dans le monde se dit
qu'il est temps de lutter contre le terrorisme et la radicalisation.
Mais je suis
allée voir la recommandation 22 aussi, puis celle-là est
intéressante : «Que le gouvernement fédéral encourage les
gouvernements provinciaux à adopter des lois qui protègent les Canadiens qui
participent au discours public de poursuites vexatoires.»
Alors, pour lutter
contre le terrorisme et la radicalisation, ils ont ciblé qu'il fallait protéger
les gens qui tiennent un discours
public de poursuites vexatoires. C'est drôle, hein, c'est justement ce qu'on a
entendu en commission parlementaire quand
on a eu des groupes, c'est un climat d'autocensure, c'est une boîte à
poursuites qu'on est en train d'ouvrir. Pourquoi ils disent ça? Parce qu'ils savent très bien dans quel climat on est
puis ils réfèrent, à ce moment-là, aux textes de Pierre Trudel. Regardez comment toute la littérature,
tous les experts nous amènent au même endroit. C'est ça qui est
fascinant, c'est que toute la littérature,
tous les experts nous amènent là où le gouvernement ne va jamais, là où le
gouvernement s'empêche d'aller. Là, le gouvernement y va sans... et d'une telle
retenue qu'il empêche d'attaquer le vrai sujet.
Alors, au
contraire, on nous dit d'adopter des lois qui protègent les Canadiens qui
participent au discours public de poursuites
vexatoires. C'est ça, la peur du projet de loi n° 59, au contraire, c'est
qu'il va y avoir des poursuites vexatoires. Et pourquoi on tient
absolument à resserrer cette loi? C'est qu'elle restreint la liberté
d'expression et qu'elle ouvre un nouveau tribunal quasiment... ou je sais que
la ministre n'aime pas ça que je dise «nouveau tribunal», elle ouvre un nouveau
champ au tribunal qu'est la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse.
C'est ce que
dit, d'ailleurs, le Barreau. Intéressant, regardez comment toute la littérature
nous appuie dans ce qu'on dit, dans ce qu'on suggère. Que dit le
Barreau? Mémoire du Barreau, page 3 : «Le Barreau reconnaît la
compétence de la
province de Québec d'adopter une législation créant des sanctions civiles en
matière de discours haineux.» Bien oui, on a le droit. Ça existe déjà au fédéral, mais on a le droit. «Nous
constatons que ce nouveau régime pourrait créer une tension entre les
plaintes pour discrimination et les dénonciations anonymes de discours haineux.
«Le Barreau
conclut qu'il est possible d'intégrer l'interdiction des discours haineux ou
incitant à la violence de l'article 2 du projet de loi au régime
actuel des plaintes de la charte québécoise.»
On aurait pu
simplement l'intégrer au traitement des plaintes qui existe déjà puis on aurait
empêché probablement ce qu'on est en train de créer, c'est-à-dire tout
un nouveau système qui nous amène à une boîte à poursuites.
Alors, voilà,
M. le Président. Moi, je ne comprends pas, là. Toute la littérature appuie
l'amendement de la collègue et mon sous-amendement,
qui est simplement là pour clarifier l'amendement de la collègue. Toute la
littérature nous appuie, les mémoires
nous appuient, les gens en commission parlementaire nous appuient, il y a un...
je vais réutiliser le «courant principal».
C'est rare, ça, M. le Président, le courant principal, il est ici, de ce
côté-ci de la commission parlementaire, il est du côté de l'opposition, il est du côté des gens qui sont venus parler
en commission parlementaire. Le courant marginal, il est du côté du gouvernement. Le courant marginal,
il est du côté de la ministre. C'est ça que je ne comprends pas. C'est
pour ça que je trouve que ça ramènerait le gouvernement là où est le courant
principal. Ça ramènerait le gouvernement dans
la zone confortable de ce qu'a compris à peu près tout le monde dans le monde,
c'est-à-dire qu'il est temps de lutter contre
l'endoctrinement, la radicalisation, le phénomène de la montée religieuse,
actuellement, qui pourrait être d'autres montées. Mais, voilà, on irait
là. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la ministre.
Mme Vallée : M. le Président,
je veux juste... parce que je fais suite non pas à des commentaires sur le
sous-amendement, là, mais parce que,
parfois, lorsqu'on parle beaucoup, parfois, on va un petit peu loin, puis il y a des choses qui ne sont pas tout à
fait exactes. Alors, dans ce que notre collègue a mentionné, il y en a
quelques-unes. Le Conseil de l'Europe a
clairement statué à l'effet qu'il fallait cesser le discours haineux et a donné
une série de guides, série de guides qui
sont respectés par notre projet de loi. Je tiens à rappeler à la collègue qu'il
y a, à l'article 5 — un jour, on va y arriver,
je vous le garantis — des
dispositions, justement, pour éviter tout ce qui pourrait être vexatoire. On en
discutera au moment où on y arrivera.
Le Tribunal
des droits de la personne, ce n'est pas une nouvelle bibitte, là, on a souligné ses 25 années d'existence en
novembre dernier. C'est une institution, M. le Président, il faudrait avoir un
petit peu plus de respect envers nos institutions de l'autre côté de la table.
Mme Maltais : Oh!
un instant, M. le Président, question de règlement.
Le Président (M. Ouellette) :
Oups! Oui, oui.
Mme Maltais : Je
pense que je respecte tout à fait la Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse et, si je ne suis
pas d'accord avec une orientation gouvernementale et si je ne suis pas d'accord pour confier certains pouvoirs à la commission
des droits de la personne, de la jeunesse, qui, elle-même, est venue dire
qu'elle n'avait pas demandé ces pouvoirs, M. le Président, je ne veux pas qu'on
me prête l'intention de vouloir démolir des institutions gouvernementales.
Le Président (M. Ouellette) :
Non, je ne pense pas que Mme la ministre vous a prêté des intentions. Et, Mme
la ministre, vous pouvez continuer.
Mme Vallée : Oui. Et l'autre élément, M. le Président, lorsque l'on confie l'analyse préalable des plaintes à la commission des
droits de la personne et de la jeunesse, en soi, c'est déjà un filtre pour
préserver notre société contre les plaintes
abusives et vexatoires. Mais, en plus de ça, on a prévu des dispositions à l'article 5 qu'on va
étudier. Donc, les qualificatifs indiqués par notre collègue lorsqu'elle
parle du projet de loi... le qualificatif qu'elle a trouvé, il est, M. le Président, tout à fait inexact dans le contexte de
ce que je vous indique, et la collègue... Là, parfois, là, à trop
exagérer, on se tire dans le pied, et là on exagère un petit peu trop.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de Richelieu.
M. Rochon : M. le Président, vous me permettrez d'opposer à
l'opinion entendue qu'à trop vouloir n'écouter que soi-même et qu'à trop vouloir n'écouter personne
on exagère aussi. Le projet de loi n° 59, c'est la réponse du
gouvernement à plusieurs événements qui ont défrayé la manchette depuis son
arrivée au pouvoir. On va se rappeler de l'affaire Charkaoui, de la présence sur le territoire québécois d'imams tenant un
discours haineux. Or, cette réponse, M. le Président, elle est imparfaite, elle est maladroite. Et ce
n'est pas que moi, ce n'est pas que ma collègue de Taschereau, ce n'est
pas que ma collègue de Montarville qui le
pensons, c'est l'opinion d'une panoplie d'experts, d'analystes, d'organismes,
une panoplie de gens qui ont décrié le
projet de loi, qui perçoivent l'accroissement des pouvoirs de la Commission des
droits de la personne et des droits de la
jeunesse comme s'inscrivant dans une opération de censure. Ce n'est pas mes
mots, là, ce sont leurs mots, pour
plusieurs, là, une opération de censure. D'autres ont dit qu'on va faire naître
un tribunal administratif du mauvais goût.
• (16 h 50) •
Des
gens respectés, Julius Grey, qui exprime sa vive inquiétude à l'égard du projet
de loi anti-discours haineux. Tout le
monde... presque tout le monde — il y a quelques exceptions — dit qu'il faut resserrer ça, qu'il faut
mieux encadrer, qu'il faut ratisser
moins large, qu'il faut s'attaquer à ce à quoi nous voulons nous attaquer, ce à
quoi le gouvernement veut s'attaquer,
la radicalisation, l'endoctrinement. Bien, on est là-dedans, là. C'est ça que nous proposons, M. le Président, par la voix du sous-amendement
de ma collègue de Taschereau, de l'amendement de ma collègue de Montarville.
Alors, moi,
je suggère que, lorsqu'on tient des consultations sur un projet de loi, là, bien, il faut tenir compte de ce qu'on entend, hein,
surtout quand ça provient d'une vaste majorité d'intervenants. Si c'étaient
deux, trois sur une centaine, je
dirais : Oui, effectivement, l'opinion est très minoritaire, mais là c'est le
chiffre inverse, là, alors ça doit bien vouloir dire quelque chose. Ça
ne se peut pas que juste la ministre
ait raison et que le tout le monde ait tort. Même le premier ministre
était mal à l'aise, il y a quelques mois, avec le projet de loi n° 59, il voulait qu'on ratisse
moins large. Alors, je ne comprends pas cette fermeture, là, à l'égard
des groupes, des gens, des experts, des analystes qui se sont exprimés.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
M. le Président, la ministre a dit : À l'article 5, nous verrons les
poursuites vexatoires. Deux choses. Premièrement,
ce que recommande le comité sénatorial, c'est de protéger les gens de
poursuites vexatoires. Là, on crée une
loi qui va créer un type de poursuite, dans laquelle il y a un article qui
dit : Ah! il y a un droit d'éliminer les poursuites vexatoires ou frivoles. La loi contre les
poursuites-bâillons, on l'a déjà, mais elle est très peu utilisée là-dedans,
dans ce type de débat là, et c'est
extrêmement difficile. Donc, jusqu'ici, le fardeau de la preuve, il est sur les
épaules du gouvernement et il n'est pas sur les miennes, M. le
Président.
Deuxièmement,
je rappelle le cas de Mme Proulx. La plainte contre Mme Proulx a été
rejetée par la Commission des
droits — c'était
au Canada, ce n'était pas Québec, c'était au Canada, mais, quand même, c'est
une commission des droits — et elle a récupéré son emploi de vendeuse
chez Costco. Elle avait eu une plainte, et, presque quatre mois plus tard — ça a pris quatre mois — la saga est terminée, et je peux tourner la
page, puis elle a perdu son emploi pendant quatre mois. Comment ça se fait que cette plainte-là n'a pas été
déclarée frivole, vexatoire? Je ne le sais pas. Ça ne s'est pas passé au Québec, ça s'est passé à la Commission
des droits du Canada. Mais je sais une chose, elle n'a pas été déclarée vexatoire, elle n'a pas été déclarée frivole, il y
a une citoyenne qui en a payé le prix, puis c'est exactement ce dans
quoi on est en train de s'en aller, mais,
pour des groupes, ça fait que ça va être encore plus facile. Parce que, là, il
fallait montrer qu'il y avait un préjudice envers une personne. Là, là,
il va falloir simplement réclamer qu'il y ait un préjudice contre un groupe
auquel on appartient, et puis on va pouvoir introduire une poursuite.
Quels sont les délais à la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse?
Une voix : C'est par étapes.
Mme Maltais :
Par étapes. Ici, alors, les délais... Ça, c'est sans judiciarisation. Délais
des dossiers — on ne
décide même pas de judiciariser — en 2014‑2015, ils étaient de 398 jours; en
2013‑2014, ils sont de 376 jours. C'est du délai, ça.
M. Rochon : Quand le bureau va
grossir, là...
Mme Maltais :
Quand le bureau va grossir, j'ai hâte de voir ça, moi aussi. Mais, voilà, c'est
du délai. Ah! le budget 2016‑2017 ne
prévoit aucun investissement supplémentaire à la Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse. Ah! il n'y pas d'investissement supplémentaire. Ça fait qu'on va
recharger, on va créer une nouvelle entrée pour des nouveaux types de poursuites, mais il n'y a pas d'argent prévu
cette année. À moins que la ministre ait pensé qu'on ne puisse pas adopter ça cette année, il n'y a pas... En tout cas,
elle n'a pas prévu de ressources humaines. C'est compliqué, là, pour le
monde, là.
Alors, voilà,
j'ai ça dans la tête, M. le Président, moi, qu'il y a des gens qui, le temps
qu'on décide si la poursuite est vexatoire,
frivole, et tout, vont probablement être suspendus de leur emploi. Quand c'est
dans le privé, c'est sans salaire. C'est
sûr que les délais moyens de traitement, selon l'étape du processus... Si on va
à l'étape du processus, ça peut être plus court, mais c'est quand même, dans certains cas, des pertes d'emploi.
Mme Proulx, elle a trouvé ça dur, quatre mois, là. Moi, je le sais. Elle, c'est une dame qui n'avait
aucun revenu. Elle travaillait chez Costco, là, ce n'étaient pas des
gros revenus, hein? Ce n'était pas le salaire d'un médecin radiologiste, par
exemple, ou d'un neurochirurgien, ou d'un spécialiste,
ou même d'un député, d'une ministre, c'était une madame qui travaillait chez Costco.
Ça fait que des délais pour l'accueil,
recevabilité, de 30 jours, évaluation, 70 jours, on est déjà
rendu dans des délais où il y a des gens qui vont avoir des pertes. Puis, si on se rend jusqu'à possible
médiation, possible judiciarisation, on est dans l'année ou plus. Alors,
c'est ça, le problème, M. le Président. C'est pour ça qu'on veut restreindre
les articles de la loi.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Je
me permettrais peut-être une petite remarque, on est ici pour l'intérêt
des citoyens, le meilleur intérêt
des citoyens et faire vraiment attention à la liberté d'expression. Mais
j'aimerais dire à la ministre
que, quand on travaille ensemble
dans le meilleur intérêt des citoyens, il y a des lois qui sont adoptées
puis qui sont adoptées très vite. Et
je me souviens — Mme la ministre s'en souvient sûrement — l'adoption
du p.l. n° 26, le p.l. n° 26 qui était cette loi pour faire en sorte que nous nous fassions
rembourser des sommes qui auraient été dolosivement obtenues par les
entrepreneurs en construction, les compagnies de construction qui auraient
floué le gouvernement et les instances gouvernementales, municipales lors de
l'attribution de contrats, ça, c'est un projet de loi que la population nous
demandait, c'est un projet de loi avec
lequel nous étions tous d'accord, nous étions extrêmement heureux d'y
travailler. La ministre s'en souvient
très bien, j'imagine, parce que tout le monde travaillait de façon constructive
parce qu'on avait écouté les gens. On avait une finalité commune, on
avait un but commun, c'était le meilleur intérêt de la population et des
citoyens.
Cette
loi-là, Mme la ministre, on l'a adoptée rapidement. Tout le monde y a
travaillé, a mis l'épaule à la roue. On a écouté les gens qui sont venus nous dire qu'ils étaient prêts. Même,
moi, j'ai été surprise des intervenants qui disaient : Effectivement, pour refaire notre image
corporative, on est prêts à rembourser, effectivement. Et il s'est passé des
choses à une autre époque, et on veut faire
amende honorable. Et ça a fonctionné, et ça fonctionne. Alors, j'aimerais
soumettre à la ministre que, lorsqu'il y a cette volonté commune de travailler
pour le bien commun dans le meilleur intérêt de la population, ça roule, et ça roule rondement, et tout le monde arrive à
s'entendre. C'est, M. le Président, ce que je constate depuis trois ans
au Parlement, tant avec le gouvernement qui est au pouvoir actuellement que
l'ancien gouvernement, on en adoptait, des
lois, quand c'était pour le meilleur intérêt de la population. Celle-ci, force
est de constater qu'il y a un blocage
magistral et que, de ce côté-ci de la table, on ne fait que travailler dans le
meilleur intérêt de la population et on ne comprend pas pourquoi il y a ce blocage. Et Mme la ministre est une
juriste brillante, et j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on va
atteindre d'une si grande façon la liberté d'expression alors que...
Je me souviens très,
très bien, M. le Président, d'une sortie que le leader de l'opposition
officielle avait faite contre moi en Chambre
à la suite d'une question que j'avais posée à Mme la ministre à l'époque où
j'étais responsable de la justice.
Parce que nous venions, à la Coalition avenir Québec, de faire quelques
suggestions, quelques présentations et nous disions en février 2015 qu'il fallait s'attaquer au discours, mais de
ces agents de radicalisation, de ces intégristes religieux, de ces imams
autoproclamés qui endoctrinent les jeunes, il fallait s'attaquer à leur discours,
et j'ai eu droit à un tollé, à une montée de
boucliers, à une sortie en règle du leader du gouvernement, qui me disait que
les droits et libertés, la liberté d'expression étaient mieux protégés
avec Mme la ministre de la Justice qu'avec moi. Je me demande ce que pense le leader du gouvernement de cette loi-là. Je ne sais
pas s'il l'a lue, mais c'est une atteinte à la liberté d'expression qui
est énorme et je ne comprends pas qu'on soit en train de débattre de cette loi,
mais surtout de cette atteinte à la liberté d'expression, qui est beaucoup trop
grande, nous le disons depuis le début, et la loi rate sa cible.
Donc,
c'est tout simplement ça, M. le Président, pour vous dire que, quand le bien
commun est évident, quand la protection des intérêts du public est
évidente, les lois sont adoptées, et sont adoptées facilement dans un travail
de coopération, on fait des amendements, on
fait des sous-amendements, on tente de les bonifier pour protéger cette
liberté d'expression. Mais force est de constater que ça ne marche pas, et moi,
je me demande pourquoi.
• (17 heures) •
Alors, c'était un
commentaire que je voulais faire parce que les gens qui nous écoutent doivent
se dire : Bien, qu'est-ce qu'ils ont à
parler puis à niaiser comme ça? Il y a un blocage, il y a un blocage. Je ne
sais pas si le mot «niaiser» est parlementaire, mais il faut comprendre qu'on tente d'amener dans cette loi tout ce
que les intervenants — je pense qu'il y en avait une trentaine, de mémoires, là — nous ont dit, dans quelle mesure cette
loi-là était dangereuse, était trop large, ratait sa cible, allait causer des problèmes, plus de problèmes qu'elle
n'en règle. C'est là-dessus qu'on essaie de travailler.
Alors, moi, je me
fais le porte-voix de ces gens-là, le porte-voix de ces groupes. Et je me
souviens encore, Me Julius Grey, qui n'est
pas n'importe qui, Me Julie Latour, qui est l'ancienne bâtonnière, et ces deux
éminents juristes sont venus nous
dire que ça, c'était... Je ne sais plus si c'était un bazooka législatif, là,
mais un terme du genre, là. Je ne veux pas
les citer hors contexte, là, mais c'était une loi beaucoup trop forte pour la
problématique qu'on tente de régler, beaucoup trop abusive ou beaucoup
trop large, qui faisait en sorte que la liberté d'expression était beaucoup trop
atteinte. Et il y a même Lysiane Gagnon,
Lysiane Gagnon qu'on connaît pour être plutôt une femme qui aime bien les
politiques du gouvernement, qui
disait que c'était une loi liberticide. Alors, M. le Président, là, ce n'est
pas rien, et c'est pour ça qu'il faut travailler à protéger la liberté
d'expression, et c'est ce qu'on tente de faire aujourd'hui.
Alors, moi, en
apportant mon amendement... et le gouvernement, son sous-amendement pour le
clarifier, je pense qu'il est pertinent et
qu'il touche à sa cible. Les gens qui nous écoutent, je vais vous lire le
sous-amendement : «Il est interdit de tenir ou de diffuser un
discours visé à l'article 1 lorsque le discours est tenu ou diffusé dans un
contexte d'endoctrinement et de radicalisation.» Les gens qui nous écoutent
comprennent ce que ça veut dire, et, je pense, ça serait important de
l'inclure. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Montarville. Vous aviez
absolument raison quand vous avez prononcé le mot que vous ne deviez pas
prononcer, c'est dans notre lexique antiparlementaire. C'est arrivé à quelques
occasions, je comprends que vous l'avez retiré en partant du moment où vous
l'avez prononcé.
Mme la ministre,
est-ce que vous avez des commentaires?
Mme
Vallée : Je vais prendre quelques minutes, M. le Président,
parce que je pense que ça vaut la peine. On nous taxe de fermeture, on
me taxe de fermeture, on me taxe de mettre de l'avant un projet de loi
liberticide. Je l'ai dit abondamment, c'est
un projet de loi qui encadre le discours haineux conformément aux paramètres de
la Cour suprême. C'est, à mon avis,
extrêmement important parce que la Cour suprême, dans un jugement longuement
étoffé, a clairement défini les paramètres, et il était important de ne
pas aller au-delà des paramètres de la Cour suprême.
Le concept même de
discours haineux, ce n'est pas un concept que j'ai inventé, ce n'est pas un
concept que mes collègues parlementaires ont
inventé, c'est un concept qui existe, qui est bien ancré, qui est encadré dans
de multiples dispositions
législatives ici, au Canada, et ailleurs dans le monde. C'est d'ailleurs ce
type de législation qui est souhaité par le Conseil de l'Europe et qui fait l'objet d'une attention toute
particulière en raison de tout ce qu'amène éventuellement le discours haineux. Le discours haineux amène
éventuellement la violence à l'égard de ceux et celles qui sont visés,
amène l'exclusion, porte une atteinte au droit à l'intégrité de la personne qui
est visée et des groupes.
Donc,
M. le Président, me taxer de fermeture parce que je souhaite que la définition
n'aille pas au-delà de ce que la Cour
suprême nous a enseigné, je suis désolée, mais ça ne fonctionne pas, là. Et,
oui, à un moment donné, là, je comprends qu'on a une objection de
l'autre... du moins, d'un côté de la Chambre, à l'encadrement du discours
haineux, et, M. le Président, il y a
parfois, je vous dirais, dans le jeu parlementaire une utilisation de nos
règles parlementaires pour multiplier les
amendements et les sous-amendements pour changer les mots et, par la suite, une
fois que l'amendement est adopté ou le sous-amendement adopté, voter
contre. Alors, oui, je vous avoue qu'à un moment donné ça vient un peu lassant.
Parce que
j'ai entrepris ces démarches-là avec une très grande ouverture, et on ne peut
pas me taxer d'être fermée. Au contraire, vous savez très bien que nous
avons déposé une série d'amendements qui, justement, répondent à des préoccupations qui ont été soulevées lors des
consultations, et je me suis également inspirée de propositions,
notamment, de la collègue de Montarville.
Mais on ne fera pas un projet de loi discriminatoire qui va viser un seul
groupe de personnes, c'est le
contraire même de notre Charte des droits et libertés, M. le Président, c'est
le contraire même de notre charte. Donc, je veux bien avancer, je veux bien travailler, être à l'écoute, mais, à
la lumière de ce que nous avons vécu à l'article 1, permettez-moi peut-être d'avoir une certaine
réserve parce qu'on a fait beaucoup de travail, on a travaillé très fort
pour déposer des amendements, même des sous-amendements présentés par notre
collègue, ici, de Chambly...
M. Merlini : De La Prairie.
Mme Vallée : ...La Prairie,
excusez-moi, pas tout à fait...
M. Merlini : Autre législature.
Mme Vallée :
Autre législature, c'est ça. Alors, par notre collègue de La Prairie, qui
a déposé quelque chose suite à des
échanges que nous avions — micro fermé ou dans le micro — pour répondre à des préoccupations de la
collègue de Taschereau, elle a même
voté contre. Et, lorsqu'est venu le temps de voter sur l'amendement ou sur
l'article, on a voté contre, alors qu'on nous demandait d'apporter des
amendements bien précis.
À un moment
donné, là, M. le Président, là, je comprends que c'est la joute parlementaire,
mais le travail sérieux, oui, il a
été fait, et on continue de le faire. Si je n'étais pas sérieuse et si j'avais
été campée dans mes positions, comme on semble vouloir le dire, je ne
pense pas qu'on aurait déposé des amendements. Puis je ne dis pas qu'il n'y
aura pas d'amendements en cours de route,
mais il y a parfois des propositions avec lesquelles on ne peut être en accord,
puis ça aussi, c'est normal. Alors, voilà.
Le Président (M. Ouellette) : C'est
bon? On est prêts à voter le sous-amendement?
Mme Vallée : Ah! je veux
juste rappeler une chose.
Le Président (M. Ouellette) : Woups!
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Je veux juste rappeler une chose — puis ça, c'est important, puis c'est
vrai — le
jugement de la Cour suprême, là, c'est un jugement sans aucune
dissidence. Ça aussi, c'est important de le garder en tête.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Richelieu.
M.
Rochon : Je veux bien que le
jugement de la Cour suprême soit un jugement sans dissidence, mais
j'observe qu'ici, au Québec, il y a beaucoup
de dissidence à l'égard du projet de loi n° 59. Je soumets que nous devons
en tenir compte.
Tout à
l'heure, ma collègue de Montarville recherchait la juste citation de l'ancienne
bâtonnière du Barreau de Montréal, Mme Julie Latour. Alors, ce qu'elle
reproche à la ministre, Mme Latour, c'est d'avoir «recours à un canon
législatif pour tuer une mouche hypothétique». Et je reprends ça, l'image est
intéressante, hein, un canon législatif pour tuer une mouche hypothétique.
La ministre, tout à l'heure, s'amusait, oui,
s'amusait de la convergence des oppositions, hein?
Le Président (M. Ouellette) : ...
M. Rochon : Bien, elle signalait notre
convergence.
Le Président (M. Ouellette) : Pas la
ministre.
• (17 h 10) •
M.
Rochon : Il a été signalé
que les oppositions convergeaient, hein, convergeaient. Eh bien, moi, je
pense — puis
là je vais faire un peu de millage sur ce que j'ai entendu tout à l'heure de ma
collègue de Montarville — je
pense que c'est ce que les Québécois souhaitent, que nous convergions
tous — et
je tends la main aux membres du parti ministériel — que nous convergions tous vers une solution
qui défende le bien commun. Et, dans le bien commun, il y a la liberté d'expression. C'est une de nos plus
grandes richesses, et il y a un risque, M. le Président, que ce projet de loi
là l'atteigne, la liberté d'expression, y
porte atteinte, à la liberté d'expression. Voilà ce qui nous motive à vouloir
restreindre la portée du p.l. n° 59.
Nous sommes animés de nobles motivations, nous sommes animés de ce que nous
avons entendu les Québécoises et les
Québécois nous dire et, parmi eux, les plus illustres juristes de cette nation. Voilà, M. le Président.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député. Mme la députée de Montarville, un dernier commentaire? Pas de dernier commentaire.
On est prêt à voter sur le sous-amendement de Mme la députée de Taschereau?
Mme
Maltais : Vote par
appel nominal.
Le Président (M. Ouellette) : Par
appel nominal, M. le secrétaire.
Le Secrétaire : Mme Roy (Montarville)?
Mme Roy
(Montarville) :
Pour.
Le Secrétaire : Mme Maltais
(Taschereau)?
Mme
Maltais : Pour,
même si c'était mon sous-amendement.
Le Secrétaire : Ah oui! C'est
vrai. Pardon, j'aurais dû commencer par vous.
Mme
Maltais : Mais ça
va. Non, non, il n'y a pas de problème. Il n'y a pas de lèse-majesté ici.
Le Secrétaire : M. Rochon (Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
Le Secrétaire : Mme Vallée
(Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
Le Secrétaire : M. Merlini
(La Prairie)?
M. Merlini : Contre.
Le Secrétaire : M. Boucher
(Ungava)?
M. Boucher : Contre.
Le Secrétaire : Mme Montpetit
(Crémazie)?
Mme Montpetit : Contre.
Le Secrétaire : M. Tanguay
(LaFontaine)?
M. Tanguay : Contre.
Le Secrétaire : M. St-Denis
(Argenteuil)?
M. St-Denis : Contre.
Le Secrétaire : M. le
Président?
Le Président (M. Ouellette) : Je
m'abstiens. Donc, le sous-amendement est rejeté. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires
ou discussions sur l'amendement de Mme la députée de Montarville? Pas d'autres commentaires?
Mme
Maltais : ...des
commentaires.
Le Président (M. Ouellette) : Vous
avez des commentaires? Mme la députée de...
Mme
Maltais : Sur l'amendement.
Le
Président (M. Ouellette) :
Sur l'amendement de Mme
la députée de Montarville. Mais, juste avant de vous reconnaître, je vais reconnaître Mme
la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, merci. Pour le bénéfice des gens qui écoutent, l'amendement se lisait
ainsi : «Il est interdit de tenir ou de
diffuser un discours visé à l'article
1 sauf lorsque le discours n'est pas tenu ou diffusé dans un contexte
d'endoctrinement ou de radicalisation.»
Pour
être cohérente avec moi-même, je vais le déposer et je vais voter pour, même si
la rédaction du sous-amendement était
meilleure. Mais ce qui compte ici, c'était l'idée, l'idée de ne pas porter
atteinte à la liberté d'expression dans
d'autres circonstances que lorsque le discours est dans un contexte
d'endoctrinement ou de radicalisation. Alors, je le mets aux voix.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau, vous avez un commentaire?
Mme
Maltais : Oui, M. le Président. Je pense que ma collègue a
peut-être par mégarde... «je le mets aux voix», alors que ça appartient à tous les parlementaires, tant qu'on a des droits
de parole, de continuer à débattre de l'article. Elle ne peut pas
appeler aux voix comme ça, à moins que chacun dise : Non, c'est terminé.
Mme Roy
(Montarville) : Pardon.
Mme
Maltais : Vous voyez, un peu de pédagogie, ça fait toujours
du bien dans des commissions parlementaires, puisque...
Mme Roy
(Montarville) :
Voilà.
Mme
Maltais :
M. le Président, la ministre nous cite souvent que la Cour suprême... enfin, un
jugement sans dissidence, effectivement. La
ministre oublie deux choses. Premièrement, c'est que la Cour suprême, elle a
examiné une loi de la Saskatchewan, elle a examiné une loi précise. Elle
n'a pas jugé de la pertinence d'avoir ce type de loi là sur le territoire, mais il y en a d'autres qui ont parlé
de la pertinence. Moon, le rapport Moon disait : Est-ce qu'on en veut
ou on n'en veut pas, de ce type de loi? C'est eux autres qui ont parlé de ça.
La Cour suprême n'a pas parlé de ça, elle a jugé d'une loi qui existait, elle
l'a commentée. La loi ne parle pas d'intention, donc elle n'a pas commenté la
possibilité d'avoir une intention, puisque
la loi n'en parlait pas. Tu sais, elle était là-dedans. Elle examinait la loi
de la Saskatchewan.
Alors,
si on voit le mémoire de Me Julius Grey et Me Julie Latour, ils nous parlent du
rapport Moon, page 6 : «À cet égard, le rapport Moon mentionne que
le recours à la censure par un gouvernement doit être limité aux catégories très étroites d'expressions extrêmes qui menacent
ou justifient la violence — la violence, nous y revoici — contre les membres d'un groupe
identifiable, et non pour éviter les stéréotypes, les atteintes à la dignité ou
la diffamation.»
Et
ils disent : «Plus loin, au sein de cette même lettre — bon, ils parlent d'une lettre de la
Commission des droits de la
personne — la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ne cite qu'un
seul exemple passé où elle n'a pu
agir.» Avant de faire la citation, je vais vous dire, M. le Président, que,
comme par hasard, c'est justement l'exemple que la ministre nous ressort
tout le temps. Donc, même la ministre elle-même n'a qu'un seul exemple. Quel
est cet exemple? «"Par exemple, au
milieu des années 90 — ça fait 20 ans — elle n'a pas eu la capacité de traiter la
plainte d'une personne dénonçant les
gestes haineux de membres de groupes néo-nazis." [...]Pour le reste, elle
ne s'appuie que sur des exemples
hypothétiques» — disent
Julius Grey et Latour. Où est donc l'objectif urgent et réel requérant de
légiférer?»
Je
vais citer la fin, c'est important par rapport à cet amendement-là, là :
«En définitive, on ne sait pas contre quel soi-disant péril les dispositions du
projet de loi n° 59 veulent nous protéger, ce qui est en soi inquiétant
quant aux assises de la législation qui risque de faire boomerang.»
Que
nous propose la collègue dans la formulation, puisqu'on a retiré la formulation enlevant la double négation? Donc, on a retiré... le
gouvernement a voté contre la nouvelle formule. Je vais reprendre la formule
initiale déposée par la députée de Montarville.
Elle n'est pas parfaite, on a essayé de la corriger, mais la correction a été
refusée. Alors qu'est-ce qu'elle nous
fait? Elle fait justement ce que nous demande le rapport Moon, elle va cibler
un phénomène. Cet amendement fait
attention à limiter l'impact de cette limite à la liberté d'expression. Alors,
moi, je trouve que ça, c'est très bien
comme amendement. Même si la formule n'est pas, à mon sens, parfaite sur la
forme, sur le fond ça correspond à ce qu'on dit depuis le début, M. le
Président. Alors, sur le fond, c'est un bon amendement qui nous permettrait de
régler notre problème.
J'ajoute
encore une fois que je sais que la ministre tient beaucoup au contexte de
discrimination qui est présent dans
l'article 1. Ça ne l'enlève pas, ça le cible, ça le restreint, ça catégorise le
type de contexte de discrimination aussi, en passant. Donc, ça n'enlève rien à la volonté ministérielle d'agir en
certains domaines. Ça, je n'ai pas encore compris, je n'ai pas encore entendu que ça enlevait en quoi que ce
soit la capacité d'agir que désire avoir le gouvernement ou la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse, mais, à mon sens, ça
permet de mieux cibler ses interventions.
Le Président (M.
Ouellette) : D'autres commentaires, Mme la députée de Montarville,
avant que...
Mme Roy
(Montarville) :
Bien, tout simplement que l'article 2, il est extrêmement important, puisqu'il
crée l'interdiction, il crée l'infraction.
Alors, on a un article 1 que le gouvernement a accepté, a adopté, et là,
maintenant, on est rendu à créer l'infraction d'un l'article 1 qui, de
notre côté, ne fait pas notre affaire. Alors, on fait de l'infraction sur
quelque chose avec lequel on n'est pas d'accord, hein? Vous comprenez que c'est
difficile. Alors, voilà.
Le Président (M.
Ouellette) : Mais la commission a adopté l'article 1 sur division.
Mme Roy
(Montarville) :
Tout à fait.
Mme
Maltais : Tout à
fait, sur division, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) :
Oui, je suis d'accord, mais...
Mme
Maltais : Mais,
vous voyez, M. le Président, je le répète, l'amendement proposé par la députée
de Montarville ne va pas à l'encontre de l'article 1. La preuve, il a été jugé
recevable.
Le Président (M. Ouellette) : Je
suis d'accord.
Mme
Maltais : Mais il
permet de mieux circonscrire la portée de la loi, et nous voulons, depuis le
début, circonscrire la portée de la loi.
Savez-vous quoi, M. le Président, j'attends toujours un exemple où la Commission
des droits de la personne et des droits de
la jeunesse n'a pas pu intervenir, j'attends l'exemple. Je me fie au mémoire de
Grey-Latour et je dis : Ah! si on avait
un exemple de ce que veut véritablement la Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse ou ce
que veut le gouvernement, peut-être un exemple précis, là, il s'est passé telle
situation, puis là, là... là, on
pourrait dire : O.K. On va cibler comme ça ou on a... Peut-être qu'on a
tort, mais on n'a jamais d'exemple. Le seul exemple qu'on nous amène, c'est le nazisme. C'est à peu près dans ces
eaux-là qu'on joue, là. Je suis un peu découragée, M. le Président.
Le
Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre, est-ce qu'on a des commentaires sur l'amendement de Mme
la députée de Montarville?
Mme Vallée : Sur
l'amendement, non, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Est-ce
qu'il y a des commentaires sur les commentaires qui ont été faits?
Mme Vallée :
J'en aurais, mais, comme il s'agit de trucs que j'ai dits dans le passé, parce
qu'on revient beaucoup avec des arguments du passé, je vais céder mon
tour.
Le
Président (M. Ouellette) :
Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur l'amendement de Mme la députée
de Montarville avant qu'on aille au vote?
Mme
Maltais :
M. le Président, ce ne sont pas des arguments du passé, nous sommes à l'article
2 et nous sommes en train de traiter
de l'article 2. Et, si l'amendement a été jugé recevable, nous pouvons plaider,
à partir des mémoires que nous avons
entre les mains, par exemple, sur cette partie. O.K.? Donc, je ne dis pas que
la ministre est obligée de répondre, pas du tout, mais je dis que ce ne
sont pas des arguments du passé, à ce que je sache, nous sommes encore en train
d'étudier cette loi.
Le
Président (M. Ouellette) :
Je vous écoute, Mme la députée de Taschereau. Et, si, effectivement, il y a
des choses qui se passent qui ne sont pas
conformes à nos us et coutumes parlementaires, vous allez entendre la
présidence. Pour le moment, tout est dans
les règles, et, compte tenu que tout est dans les règles, s'il n'y a pas
d'autre intervention, nous allons
passer au vote sur l'amendement de Mme la députée de Montarville. Et je pense
qu'il va y avoir un vote par appel nominal qui va être demandé, donc le
vote par appel nominal, M. le secrétaire.
Le Secrétaire : Mme Roy
(Montarville)?
Mme Roy
(Montarville) :
Pour.
Le Secrétaire : Mme Maltais (Taschereau)?
Mme
Maltais : Pour.
Le Secrétaire : M. Rochon (Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
Le Secrétaire : Mme Vallée (Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
Le Secrétaire : M. Merlini (La Prairie)?
M. Merlini : Contre.
Le Secrétaire : M. Boucher (Ungava)?
• (17 h 20) •
M. Boucher : Contre.
Le Secrétaire :
Mme Montpetit (Crémazie)?
Mme Montpetit : Contre.
Le Secrétaire : M. Tanguay
(LaFontaine)?
M. Tanguay : Contre.
Le Secrétaire : M. le
Président?
Le
Président (M. Ouellette) :
Je m'abstiens. Donc, l'amendement proposé par Mme la députée de Montarville
est rejeté. On continue la discussion sur le premier alinéa de l'article 2. Mme
la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, je vais proposer un amendement qui se lit comme suit : Modifier l'article
2 de la loi proposée par l'article
1 du projet de loi en ajoutant, dans le premier alinéa et après le
mot «diffuser», le mot «publiquement».
Ce qui donnera : «Il est interdit de tenir
ou diffuser publiquement un discours visé à l'article 1.»
Le Président (M. Ouellette) : Je
suspends quelques minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 21)
(Reprise à 17 h 24)
Le Président (M. Ouellette) : Nous
reprenons nos travaux. L'amendement proposé par Mme la députée de Taschereau
est recevable. Mme la députée de Taschereau, pour vos explications.
Mme
Maltais : Tout à
fait, M. le Président, explications
et proposition. Alors, l'explication, c'est que nous avons tenu beaucoup
à empêcher ce que le Barreau préconisait — préconise encore, je pense — c'est d'éliminer toute capacité de se faire poursuivre pour une conversation privée.
Alors, en ajoutant «publiquement» à cet endroit-là, on règle, d'après
moi, une grande partie du problème. Il y a
privé et il y a public, alors «publiquement» vient, tout simplement, affirmer
cela.
Est-ce que «publiquement», ça réfère à tel type
de lieu? Du moment où il y a une audience, c'est public. Une audience, c'est par Internet. Une audience peut
être le cinéma. Une audience peut être une scène. Et, dans l'audience,
ça peut être un endroit religieux. Une
audience, ça peut être une école. C'est public. On n'est pas dans la
conversation privée, on est dans la conversation publique.
Alors, on a
beaucoup essayé d'amener l'intention, il y a toujours une résistance, du côté du gouvernement, à amener l'intention. Mais, au moins, clarifions le côté privé
versus public. Alors, ce que je propose — j'avais dit explications, ça, s'est fait — je vais faire proposition... ou bien on fait de la sémantique puis on
s'obstine, pendant un bout de temps sur est-ce que c'est déjà là, ce
n'est déjà pas là, est-ce que c'est déjà inclus dans l'article 1, est-ce que
c'est inclus dans le deuxième alinéa de l'article 2 — là,
on fait de la sémantique puis on en jase, puis je pense que ça peut être une conversation intéressante — ou bien on fait de la pédagogie. Et, si la
ministre nous dit : Oui, c'est «publiquement», puis c'est inclus dans l'article 1, bien, on l'installe
dans l'article 2, on fait de la pédagogie, et c'est réglé. Alors, on rassure
tout le monde et on fait de la pédagogie si
on trouve que c'est déjà inscrit à l'article 1. Parfois, le législateur, qui
sait très bien qu'il ne doit pas
parler pour ne rien dire, sait aussi, parfois, qu'il faut faire de la
pédagogie, et celui qui, le premier, m'a présenté ça, est actuellement
leader du gouvernement.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la députée de Taschereau. M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Bien, écoutez,
j'abonde, vous le devinez, dans le même sens que ma collègue. Et la ministre,
sans doute, se réjouira que nous n'ayons pas
évacué dans notre amendement la dimension de diffusion, qu'elle regrettait
que nous évacuions d'un amendement antérieur que nous avons proposé. Alors, je
suppose qu'ainsi libellé notre amendement pourra être, par la ministre, jugé
acceptable. C'est elle qui nous le dira, évidemment.
Ma collègue
référait aux craintes exprimées par le Barreau, je peux vous les relire textuellement,
puisqu'elle ne l'a pas fait. Alors : «Bien que l'article 2 — nous
sommes sur l'article 2 — interdise
les discours tenus ou diffusés publiquement et semble exclure les
communications privées, il n'est pas clair si les communications destinées
à être de nature privée, mais autrement
rendues publiques sont assujetties à l'interdiction de cet article.» Alors,
l'amendement de ma collègue veut clarifier cette notion de discours tenus et
diffusés publiquement.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville, vous avez un commentaire.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. L'article 2, c'est l'article de l'interdiction. Comme je le disais tout à l'heure, c'est l'article qui crée l'infraction, et je pense qu'il est extrêmement
important que l'infraction, que l'on veut, justement, sanctionner éventuellement et interdire, soit très précise. Et, dans le cas
présent, en nous spécifiant qu'il est interdit de tenir ou de diffuser
publiquement un discours visé à l'article 1, je pense qu'encore une fois à
cette étape-ci, pour le lecteur néophyte, on va comprendre qu'il
ne s'agit, effectivement, pas de n'importe quels discours, mais vraiment ceux qui sont diffusés publiquement, donc devant public. Je pense
que c'est une précision. Je pense qu'il y
a l'expression qui dit :
Trop fort, casse pas, c'est peut-être un endroit où ça pourrait être
applicable.
Mais je reviens, moi,
sur — je
suis en train de fouiller sur la loi sur l'interprétation des lois — l'importance
de l'article qui crée l'interdiction. Donc, le fait d'y
travailler est extrêmement important.
Puis de vouloir clarifier, je pense, pour
le lecteur, est également un avantage ou un plus. Toute personne qui nous
écoute comprend qu'«il est interdit de tenir ou de diffuser publiquement un discours visé à l'article
1». C'est d'une clarté qu'on doit saluer. Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la députée de Montarville. Mme la ministre, des commentaires sur l'amendement de Mme la députée de Taschereau?
Mme Vallée :
Oui, brièvement, M. le Président. D'un point de vue strictement rédactionnel,
c'est certain qu'on nous dit : C'est un peu redondant parce que l'on
réfère à l'article 1, et l'article 1 — et je vois la députée de Taschereau — précise
clairement qu'il
s'agit de discours diffusés et tenus
publiquement. Alors, certains perfectionnistes, certains juristes nous diraient : Le législateur ne parle pas pour rien dire, c'est déjà prévu dans le texte
de droit, alors il s'agit là d'une répétition, et ça alourdit le texte.
Ceci étant dit, M. le Président, je mets les collègues au défi, votons, je ne
suis pas contre, on peut l'inclure.
Le Président (M.
Ouellette) : Répétez-moi ça, là?
Des voix :
Ha, ha, ha!
Le Président (M.
Ouellette) : Non, c'est beau.
• (17 h 30) •
Mme Vallée :
Mais cet amendement-là, dans la façon dont il est rédigé, moi, je n'ai pas de problème.
Oui, ça alourdit le texte, mais je ne ferai pas 20 minutes pour dire que je
n'ai pas de trouble.
Mme
Maltais :
...M. le Président, j'accepte, c'est exactement ce que je pensais.
Le Président (M.
Ouellette) : Donc, on vote? On vote par appel nominal?
Mme Maltais :
Non.
Le Président (M.
Ouellette) : Ah! on ne vote pas par appel nominal. Donc, l'amendement
proposé...
Mme Maltais :
Mais on peut si vous voulez. Ça va me faire plaisir, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Non, non, non, on n'alourdira pas inutilement.
Mme
Maltais :
C'est ça que je pensais.
Le Président (M. Ouellette) : Donc, effectivement, est-ce
que l'amendement introduit par Mme la députée de Taschereau est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Président (M. Ouellette) : Il est adopté. Merci. On continue la discussion sur le premier
alinéa de l'article 2. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires avant
qu'on vote l'article 2? Non? M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui, j'irai d'un amendement, M. le Président. Il s'agirait de modifier
l'article 2 de la loi proposée par l'article 1 du projet de loi en
ajoutant dans le premier alinéa, après les mots «est interdit», les mots «à
toute personne de 18 ans ou plus».
Le Président (M.
Ouellette) : Donc, vous allez me lire ça, là.
M. Rochon :
Oui. Alors : Modifier l'article 2 de la loi proposée par l'article 1 du
projet de loi en ajoutant dans le premier alinéa, après les mots «est
interdit», les mots «à toute personne de 18 ans ou plus».
Le Président (M.
Ouellette) : Et le texte amendé va se lire?
M. Rochon :
Ah! le texte amendé va se lire...
Une voix :
...
Le Président (M. Ouellette) : Je le
sais, je le sais, je fais exprès.
M. Rochon :
Alors : Il est interdit de tenir ou de diffuser un discours visé à
l'article 1...
Mme
Maltais : Il est
interdit...
M. Rochon : ...de tenir ou de
diffuser...
Mme
Maltais : Non. Il
est interdit à toute personne...
M.
Rochon : Ah! oui, d'accord.
Ah! vous m'avez bien eu, M. le Président, hein? Vous avez remarqué qu'on
n'avait pas rédigé le texte amendé. Alors : Il est interdit...
Mme Maltais : ...on vient d'accepter
«publiquement».
M. Rochon : Il est interdit de...
Mme Maltais : ...à toute personne...
M.
Rochon : ...à toute personne
de 18 ans ou plus de tenir ou de diffuser publiquement un discours visé à
l'article 1.
Le
Président (M. Ouellette) :
Donc, votre amendement tient compte de l'amendement qu'on vient
d'adopter?
M. Rochon : De l'amendement
antérieur.
Le Président (M. Ouellette) : Je
suspends quelques minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 32)
(Reprise à 17 h 35)
Le Président (M. Ouellette) : Nous
reprenons nos travaux. Nous sommes à étudier un amendement proposé par Mme la
députée de Taschereau qui est...
Une voix : ...
Le Président (M. Ouellette) :
...excusez, par M. le député de Richelieu, parce qu'effectivement le dernier amendement déposé par Mme la députée de Taschereau
a été adopté, qui introduisait le mot «publiquement» au premier alinéa de l'article 2. Et M. le député de
Richelieu nous propose un amendement pour interdire à toute personne de 18
ans ou plus... Il est jugé recevable, et, M. le député de Richelieu, vous allez
nous donner vos explications.
M. Rochon : Bien sûr. Et j'espère
que mon amendement subira le même sort que l'amendement de ma collègue, et je
suis confiant, M. le Président, parce qu'il faut être confiant.
Je relis donc
le texte amendé : «Il est interdit à toute personne de 18 ans ou
plus — c'est ça
qu'on ajoute, là, "de 18 ans ou plus" — de
tenir ou diffuser publiquement un discours visé à l'article 1.»
Il me semble que la sagesse nous commande ça, il
me paraît que c'est absolument élémentaire. D'ailleurs, les directeurs de la
protection de la jeunesse nous invitaient à nous garder de punir les gens de
moins de 18 ans.
Dans leur
troisième recommandation — recommandation à leur mémoire, là — ils notaient : Exclure les
situations déjà prises en charge par la direction de la protection de la
jeunesse en vertu de la Loi de la protection de la jeunesse, recommandation 3. Je pense qu'il y a la 9 qui est
également pertinente : «Dans le but d'éviter la confusion des rôles
et des responsabilités, laisser à la Cour du
Québec, chambre de la jeunesse, la pleine juridiction d'émettre des ordonnances
de protection à l'égard d'un enfant.»
C'est un peu
moins pertinent, mais la recommandation 3, c'est en plein, là, ce qui a inspiré
notre amendement à l'effet de
modifier l'article 2 de la loi proposée par l'article 1 du projet de loi en
ajoutant dans le premier alinéa, après les mots «est interdit», les mots «à toute personne de 18 ans ou plus»,
alors que les gens visés par le projet de loi n° 59 soient les
personnes de 18 ans ou plus. Voilà, ça ne requiert pas beaucoup plus
d'explications, M. le Président, il me semble.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Merci, M. le Président. Je trouve le débat intéressant, mais, avec tout
respect, je me pose une question parce que,
donc, a contrario, toute personne de
moins de 18 ans aurait le droit. Comme le but, c'est de contrer la radicalisation chez les jeunes et
l'endoctrinement chez les jeunes, on s'entend qu'il y a aussi toute une
tranche de jeunes, d'ados qui ne sont pas
majeurs, mais qui baignent dans ces propos d'endoctrinement et de
radicalisation, qui sont sur Internet,
qui s'échangent de l'information, qui s'échangent des vidéos, et ce sont eux
principalement. Plus ils les prennent jeunes, plus ils aiment ça, là,
les agents de radicalisation, semble-t-il, là, parce qu'ils sont plus
malléables.
Donc, ma crainte est à
l'effet de les échapper si on ne les inclut pas. Et je comprends qu'ici le
collègue de Richelieu veut faire attention à
ne pas sanctionner outre mesure les jeunes. Avec la recommandation du directeur
de la protection de la jeunesse, là,
je le comprends également. Cependant,
moi, j'irais dans le sens de mes propos de tout à l'heure à l'effet que, de toute façon, il existe déjà un système
civil et que les jeunes qui poseraient des gestes, effectivement, répréhensibles ou qui auraient des propos
répréhensibles pourraient se retrouver devant le Tribunal de la jeunesse.
Alors, je vous donnais tout à l'heure tout l'arsenal des dispositifs
légaux à notre portée, et il y a le Tribunal de la jeunesse également
qui existe pour ces jeunes déjà.
Donc, je suis
ambivalente dans la mesure où le but de l'exercice était de protéger les jeunes
de l'endoctrinement. Lorsqu'on lit l'amendement, on nous dit qu'il est
interdit à toute personne de 18 ans ou plus de tenir, de diffuser un discours
haineux. Donc, on est en train de me dire que c'est permis pour les jeunes de
moins de 18 ans.
Alors, c'est
pour ça que j'ai un peu de misère dans la rédaction, quoique je comprenne très,
très bien la finalité, qu'on ne veut
pas sanctionner à outrance des jeunes qui se seraient fait, justement,
endoctriner. Et c'est pour ça que je soumettais
qu'il existe aussi toute la panoplie des recours civils disponibles, et même au
criminel et au pénal, devant le Tribunal
de la jeunesse. Donc, c'est pour ça que je m'inquiète, dans la mesure où c'est
les jeunes qu'on veut protéger, puis, en
nous disant que c'est uniquement les adultes qui seront visés, bien là on ne
protège aucun jeune avec cette loi-là. Mais vous comprenez que je comprends la préoccupation du collègue de
Richelieu de faire en sorte que les jeunes ne soient pas embarqués dans
un processus qui les stigmatise à outrance ou qui les punisse à outrance, alors
qu'ils sont, en quelque sorte, souvent aussi des victimes. Alors, c'était le
commentaire que je voulais faire.
• (17 h 40) •
Le
Président (M. Ouellette) :
Sûrement que M. le député de Richelieu va vous éclairer par un autre
commentaire.
M. Rochon : En fait, je souhaite
dire que j'entends et je comprends fort bien la remarque de ma collègue de Montarville. Elle est plus que pertinente, là,
elle est plus que pertinente. Évidemment, on ne veut pas et on souhaite
lutter contre l'endoctrinement des moins de
18 ans, hein, sauf que le gouvernement nous a refusé précédemment que ce
projet de loi là ne s'applique pas à eux, il n'a pas entendu qu'un autre
système ne les prenait en charge. Je pense à la Loi de la protection de la jeunesse, je pense au directeur
de la protection de la jeunesse. Alors là, nous arrivons avec cet
amendement à cet article. Ce n'est sans doute pas l'endroit idéal où l'amener,
mais nous sommes prisonniers d'un refus antérieur de la ministre.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, en toute logique, en toute cohérence, nous
croyons que, comme les gens sont venus nous
le dire... Les gens de la direction de la protection de la jeunesse, les gens
de la fédération de l'enseignement privé, les gens de la Fédération des cégeps, ils sont tous venus nous dire :
Écoutez, attention, on ne travaille pas en judiciarisation avec des jeunes. Vous avez parlé de la
recommandation 3 de la DPJ, moi, je vais prendre la recommandation 3 — par
hasard c'est le même nombre — de la Fédération des établissements
d'enseignement privés : «Lorsqu'il s'agit de jeunes qui évoluent
dans un contexte scolaire, la judiciarisation ne devrait pas être la première
intervention.»
Or, là, ce
que propose cette loi, c'est que la judiciarisation soit la première
intervention. Et ensuite je sais que la ministre va amener un amendement qui dit que la commission peut ensuite
référer à une autre instance, mais c'est parce que, normalement, c'est à la DPJ qu'on réfère en
premier. C'est la DPJ qui est l'intervenant, puis la DPJ, elle est en lien
avec les milieux scolaires, elle est en lien
avec les policiers, elle est déjà tout un réseau extraordinaire de travail
auprès des jeunes.
Alors,
l'amendement de mon collègue, c'est : éloignons les jeunes de ce circuit,
de ce processus, ils ont déjà un processus
à eux. C'est sûr que ça fait particulier de dire : Ne poursuivons pas,
pour propos haineux, des jeunes. Mais ce n'est pas un droit qu'on leur donne, c'est qu'on dit : Ce problème, il
doit être traité ailleurs. Le problème doit être traité ailleurs selon les règles usuelles avec lesquelles on
traite la jeunesse au Québec. La jeunesse, on essaie d'éviter la
judiciarisation. Je sais que la ministre connaît très, très bien le secteur,
mais c'est ce qu'on essaie.
Alors, nous,
on a écouté les gens. On a essayé de l'amener à l'article 1, on ne voulait pas
que la loi s'applique aux jeunes de
moins de 18 ans, mais là on est rendus à l'article 2, où on parle
vraiment — attention,
je cherche ma loi, oui — à l'interdiction, alors
à qui on interdit. Ça s'applique aux jeunes, mais on peut-u au moins faire...
Je ne sais pas, je l'aurais mieux
aimé à l'application, mais on est rendus à l'interdiction, et ça va être comme
ça parce que, là, à chaque fois qu'on va voir un article, on va voir à
quel point la mécanique implacable dans laquelle on est entrés en ne
circonvenant pas l'article 1, on va être
obligés maintenant d'essayer, à chaque fois, d'éviter les problèmes que la
ministre n'a pas voulu qu'on évite à l'article 1.
Il ne faut
pas s'étonner, là... circonscrire un
problème. Alors, il ne faut pas s'étonner qu'on ramène les problèmes qu'on a vus à l'article 1 qui n'ont pas été réglés
à l'article 1. Si on avait réglé ça à l'article 1, on n'aurait pas besoin
de le ramener à l'article 2, mais on ne l'a
pas réglé. Alors, M. le Président, je trouve que c'est un amendement
qui... Même si je comprends qu'on
peut dire... Je comprends la collègue de Montarville, qui dit : Oui, mais, si c'est interdit à
certains, est-ce que ça veut dire que c'est permis aux autres? Non,
c'est interdit aux 18 ans et plus parce que cette mécanique-là qui découlera de
cette interdiction-là ne doit s'appliquer qu'aux 18 ans et plus. C'est ça, le
sens de cet amendement.
Il y a
la DPJ qui fait un travail solide sur le territoire, qui est pour nous
la première ligne d'intervention envers les jeunes, je ne veux pas qu'on change de première ligne d'intervention
envers les jeunes, M. le Président. Ce qu'amène la loi, même avec l'amendement de la ministre, on s'adresse pour un jeune, en première ligne, à
la Commission des droits de la
personne, qui peut renvoyer à la DPJ. Nous
croyons que, le système, la première ligne d'intervention auprès des
jeunes, c'est la DPJ. Voilà pour un premier plaidoyer, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée : M. le Président,
on a eu ce débat-là lorsque les collègues ont introduit la notion à l'article
1. Simplement rappeler qu'un enfant a quand
même une responsabilité civile, et la responsabilité de ses parents est
aussi engagée dans certains cas. Ceci étant
dit, comme on l'a mentionné, les amendements qui sont apportés à l'article 10
vont permettre de référer à l'organisme compétent, et notamment, surtout, à la
direction de la protection de la jeunesse, qui va pouvoir mettre en place un
plan d'intervention, des mesures propres à l'enfant.
Ceci étant dit, M. le Président, on a eu lors
des consultations des témoignages de gens qui nous ont parlé qu'il y avait des
jeunes, malheureusement, irrécupérables, et ces jeunes irrécupérables — c'est
ainsi que les qualifiait Jasmin Roy — ils ont besoin d'aide, il faut pouvoir
intervenir. Les dispositions de 59 permettent d'intervenir, de
référer... et je suis tout à fait d'accord,
les intervenants de la protection de la jeunesse ont les outils, ont les façons
de faire pour aider un jeune.
Mais il peut
y avoir un tas de raisons qui vont amener un jeune à tenir un discours haineux,
par exemple, et c'est ça qu'on doit
regarder. Ce n'est pas tant de taper sur les doigts du jeune, mais plutôt de
voir qu'est-ce qui est en arrière de ça,
et c'est pour ça que nous avons apporté les modifications à l'article 10, pour
qu'on puisse intervenir, pour qu'on puisse, s'il y a lieu, sortir l'enfant d'un milieu qui pourrait l'amener à
exprimer sa colère, sa violence de cette façon-là. Parce qu'il peut y avoir, au-delà de la radicalisation,
au-delà de tout ça, il peut y avoir un tas de raisons qui vont amener un
jeune à tenir des propos d'une telle violence. Parce que des discours haineux,
c'est un discours qui a un fond de violence, évidemment.
Donc, je crois, M. le Président, que d'interdire l'application de la loi aux
moins de 18 ans viendrait fermer des portes
d'intervention auprès des jeunes, des possibilités d'intervenir auprès des
jeunes qui, par la tenue ou la diffusion d'un discours haineux, crient à
l'aide.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Richelieu.
• (17 h 50) •
M. Rochon : Oui. Bien, tout le monde
aura compris que le problème auquel nous faisons face, c'est qu'en ne circonscrivant pas — c'est le mot qu'on cherchait tantôt — mieux la portée de la loi uniquement aux 18
ans et plus, le gouvernement force
l'opposition à revenir à cela, qu'il recherchait par des amendements au second
article, qui vise les interdictions. Alors, moi, je continue de croire
que nous avons déjà un système qui prend en charge les jeunes du
Québec, nous avons une loi, qui est la Loi
de la protection de la jeunesse, nous avons les directions de la protection de
la jeunesse, ce sont eux, les
experts, on devrait les laisser faire leur travail, et c'est l'objet de la proposition que je faisais, que j'aurais voulu voir adoptée, comme je
l'exprimais tantôt, là, dès notre travail sur le premier article, mais ça n'a
pas pu être le cas.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, le débat est intéressant, là, on est vraiment sur le concept de
comment on travaille avec les jeunes
au Québec. Quand on réfère à la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse, au lieu de la DPJ directement, un jeune qui a un problème de radicalisation ou
qui a un problème... Ce n'est même pas ça, là, ça va être un problème qu'il a tenu un discours haineux
publiquement ou un discours appelant à la violence publiquement. Moi, je
pense que la première chose qu'on a à faire, c'est l'envoyer à la DPJ. J'en
suis convaincue, là, profondément, là.
Imaginons qu'il y a une plainte sur ce jeune qui
s'en va à la commission. Il faut d'abord, avant même que l'amendement qui est proposé par la ministre
puisse être utilisé, il faut d'abord qu'il y ait examen de la
recevabilité de la plainte. Là, on
est dans un processus, qui est entamé, de judiciarisation, il y a
plainte. L'accueil, c'est 30 jours de moyenne de délai à la CDPDJ actuellement.
L'évaluation, c'est 60 jours. S'il y a médiation, c'est 90 jours. L'enquête,
c'est 270 jours, la cible, mais la réalité,
c'est 310 jours. Excusez, j'ai diminué, je vous ai donné les cibles, mais je
sais que la réalité pour une enquête, c'est de 310 jours.
Alors, l'article 10 n'arrive qu'après. L'article
10, l'enquête est commencée parce que l'article 10 dit : «La commission
peut mettre fin à son enquête lorsqu'elle estime qu'il est inutile de
poursuivre la recherche d'éléments de preuve
ou lorsque la preuve qu'elle a pu recueillir est insuffisante.» Et puis là on
parle de la DPJ, mais on a déjà
introduit un processus dans lequel la CDPDJ est déjà engorgée. Ensuite de ça,
dans l'article 11, où on parle, encore une fois, de la direction de la protection de la jeunesse, l'enquête, elle est en
cours, et on a même ramassé des éléments de preuve. Donc, est-ce que la CDPDJ est l'organisation, dans
l'état actuel des choses, qui est la mieux équipée pour réagir à un jeune
qui tient des discours haineux, qui a moins
de 18 ans ou qui est en processus de radicalisation? Je dis et je répète :
Non, j'en suis profondément
convaincue. Les personnes qui sont les plus à même d'agir, ce sont la DPJ, les
policiers qui travaillent sur le
territoire avec les jeunes aussi, les travailleurs de rue, les travailleuses de
rue, les intervenants de rue, les gens dans les commissions scolaires. La Fédération des commissions scolaires est venue
nous dire : Voyons! On a déjà plein de pouvoirs pour travailler
avec les jeunes. Les cégeps, tout le monde.
Alors,
actuellement, il y a des jeunes qui tiennent des discours de radicalisation.
Est-ce qu'ils ne sont pas traités? Est-ce
qu'on ne prend pas soin d'eux? Est-ce qu'on n'a pas un processus pour
travailler avec eux? Aussitôt qu'on identifie un jeune en processus de radicalisation qui tient des discours haineux,
on va le rejoindre, il y a des gens qui vont aller intervenir. Actuellement, il y a déjà un processus
d'intervention. Le processus, ce n'est pas un processus d'intervention qu'on est en train de mettre sur pied. C'est ça,
la différence qu'il faut bien comprendre, là, nous ne sommes pas en
train, par le projet de loi n° 59, d'ajouter un processus d'intervention
pour les jeunes, nous sommes en train d'introduire un processus de judiciarisation pour les jeunes dans un organisme déjà
embourbé, qui n'a pas plus de fonds cette année pour réaliser ses
mandats.
Je
crois, M. le Président, qu'il serait sage, quelle que soit la manière...
Peut-être que c'est mal écrit, peut-être que la collègue a un sous-amendement qui pourrait... de la même façon que, tout
à l'heure, on a réussi à trouver quelque chose qui, sur le fond, était pareil, mais qui avait une
formule qui était mieux venue. Mais je pense qu'il ne faut pas introduire
un nouveau processus de judiciarisation des jeunes au Québec.
Qu'est-ce qui prend au gouvernement pour tenter
d'introduire un processus de judiciarisation de plus sur les jeunes au Québec? Ce n'est pas comme ça qu'on va régler
la radicalisation, ce n'est pas en donnant une amende à un jeune. Parce que c'est la DPJ qui intervient, là. La CDPDJ,
elle, ce qu'il y a là-dedans, là, à la fin, là, ce qu'on a dans cette loi-là,
ce sont des procédures pénales. Vous avez une pénalité, puis ça va jusqu'à
10 000 $. C'est sûr qu'on pense que ça ne devrait pas s'appliquer à
des jeunes.
Oui, il y a
la responsabilité parentale. D'ailleurs, dans le mémoire de la direction de la
protection de la jeunesse, on nous parle justement du fait que la DPJ
travaille avec les parents. Elle est habituée à faire ce travail. Ils font
partie du processus de réinsertion des
jeunes, ils font partie du processus de déradicalisation. La police en parle
aussi, les parents sont extrêmement importants. Mais pourquoi, tout à
coup, ajouter un processus de judiciarisation sur le dos de la jeunesse québécoise? Ça n'a pas de sens, il n'y a pas de
débat au Québec sur le fait qu'il fallait mieux judiciariser les jeunes,
d'autant qu'en plus il y a le Code criminel
qui s'applique, il y a déjà ce moyen-là pour agir. Si, vraiment, un jeune est
extrêmement radicalisé, qu'il est vraiment dangereux et qu'il tient des propos
très haineux, on a le Code criminel, on a la DPJ, on a les policiers, on a déjà tout un système. Alors, on rajoute une couche
sur le dos des jeunes. Moi, je pense qu'on devrait éliminer ça.
Nous ne
sommes pas pour le projet de loi n° 59, nous l'avons dit, nous l'avons
clamé, nous ne sommes pas pour ce processus,
mais, à tout le moins, à tout le moins, s'il vous plaît, je souhaite que le
gouvernement entende raison et qu'il enlève
les jeunes du projet de loi. On fait déjà une erreur, là, à notre avis, une
erreur monumentale. Est-ce qu'on pourrait, à tout le moins, sortir les jeunes de cette erreur monumentale? S'il vous
plaît, ne pas nuire. S'il vous plaît, ne pas nuire. S'il vous plaît, ne pas nuire. Nous sommes dans une
mauvaise idée. Au moins, appliquons-le pas aux jeunes, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je
veux dire d'entrée de jeu que je comprends très, très bien, et je salue l'idée de l'opposition officielle. Et je me
souviens également des discussions qui ont eu cours concernant les
mineurs, je comprends l'idée, et on est comme pris dans un bourbier. Et j'y
reviens, comme l'article 1 a été adopté, mais que ce projet de loi, le projet
de loi n° 59, devait servir à endiguer les discours de radicalisation et
d'endoctrinement des jeunes, il est difficile de soustraire les jeunes de
l'application de la loi, et, à cet égard... Mais je comprends la finalité, je comprends très, très bien la finalité. En
fait, quand c'est mal parti du début, bien, tout déboule tout croche.
C'est un peu ça, là, j'ai de la difficulté à l'exprimer dans des termes plus
juridiques, là.
Effectivement, les intervenants sont venus nous
dire dans quelle mesure la façon de s'occuper des jeunes, ce n'était pas nécessairement de créer, effectivement,
une autre infraction pour eux. Et je crains que ces discussions que nous
avons, elles vont se répéter dans la mesure
où l'article 1 n'a pas été adopté à l'unanimité, bien au contraire, et qu'on
a un problème. Et le problème déboule
article après article, et je comprends que ma collègue tente de trouver une
solution. Et en tout respect, là, je salue ce qu'elle tente de faire.
Lorsque nous
passerons au vote sur cet article, moi, je vais, tout simplement, m'abstenir
parce que je respecte l'idée, mais
comment ne pas inclure les jeunes dans un projet qui avait initialement
l'objectif de protéger les jeunes contre la radicalisation? Alors, il y
a un peu une aberration ici, mais tout dans ce projet de loi est aberrant, donc
ça va débouler comme ça. Alors, voilà, tout ça pour dire que je respecte
l'idée, mais ça ne fonctionne pas.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci. Bonne semaine de circonscription la semaine prochaine. Merci de
votre collaboration cet après-midi.
La commission
ajourne ses travaux au mardi 10 mai, à 10 heures, où elle poursuivra son
mandat sur le projet de loi
n° 59. Les avis de la Chambre sont déjà donnés. Ça fait que vous aurez dans quelle salle nous serons mardi le 10
mai...
Une voix : Papineau.
Le
Président (M. Ouellette) : À
Papineau. On m'informe qu'on est à la salle Papineau mardi le 10 mai, à 10 heures.
(Fin de la séance à 18 heures)