(Dix
heures une minute)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de procéder à l'interpellation de la députée de
Montarville à la ministre responsable de
l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques sur le
sujet suivant : La nécessité de récupérer l'argent qui aurait pu être versé illégalement aux partis politiques
entre 1996 et 2011 et de prolonger le délai de prescription prévu à la
Loi électorale jusqu'en 1996.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Hivon (Joliette) est
remplacée par M. Drainville (Marie-Victorin).
Le Président (M. Ouellette) : Je comprends qu'il y a entente à l'effet que
l'opposition officielle intervienne lors des troisième et sixième séries d'interventions. Je nous rappelle en
débutant, compte tenu du sujet, la décision récente du président de
cette Assemblée relativement au sub judice et à notre article 35.3 du
règlement.
Nous
allons débuter maintenant l'interpellation par les déclarations d'ouverture.
Mme la députée de Montarville, vous avez 10 minutes.
Exposé du sujet
Mme Nathalie Roy
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Merci beaucoup, M. le
Président. Bonjour, Mme la ministre. Merci à vous tous d'être là ce matin. C'est un privilège de pouvoir
m'adresser à vous, surtout que je sais que vous êtes une grande juriste.
Alors, ça va être intéressant.
Et,
si j'interpelle la ministre aujourd'hui, la ministre de l'Accès à l'information
et de la Réforme des institutions démocratiques,
c'est pour l'empresser d'agir rapidement pour rétablir la confiance de la
population envers nos institutions démocratiques,
qui nous sont si chères, et aussi envers la classe politique. On le sait, il y
a un problème de cynisme. Donc, il faut prendre action.
Ces
institutions, malheureusement, à l'heure actuelle, elles sont entachées par les
révélations du DGEQ quant au financement
sectoriel et l'usage de prête-noms, les conclusions dévastatrices du rapport
Charbonneau sur le financement politique,
les accusations de l'UPAC à l'endroit de politiciens pour abus de confiance,
fraude envers le gouvernement et
demandes de financement en échange de contrats publics, en plus, naturellement,
des récentes révélations de l'émission Enquête sur le député de
Louis-Hébert quant au trafic d'influence allégué — je dis bien allégué — en échange de contributions à sa
caisse électorale.
Alors,
la classe politique, aujourd'hui, Mme la ministre, paie le prix pour le manque
d'intégrité... et là je dis bien de
certains politiciens — on est tous conscients ici que ce n'est pas tout le monde,
là — certains
politiciens, également certains
partis politiques qui, selon toute vraisemblance, seraient — je dis bien seraient — corrompus, et je le mets au conditionnel. Mais je vous rappelle que l'UPAC
nous a parlé d'un problème systématique de financement illégal durant
les années 2000 à 2012, et ça, les gens l'ont entendu.
Donc,
j'interpelle la ministre ce matin pour faire appel à son sens des
responsabilités, que je sais très grand, à son sens de l'éthique également, à son devoir d'intégrité et je l'interpelle
pour la prier de reconnaître la nécessité de récupérer l'argent qui a été versé illégalement aux partis
politiques entre 1996 et 2011. Et, si je parle de 1996 à 2011, ce n'est pas
pour rien, les gens qui nous écoutent le
savent, c'est toute la période qui a été couverte par notre commission
Charbonneau. Et je la prie de
l'enjoindre, pour ce faire, à prolonger le délai de prescription prévu à la Loi
électorale pour le directeur des
élections pour qu'il puisse, le directeur des élections, remonter 20 ans en
arrière et poursuivre les politiciens et les partis politiques qui sont
contrevenus à la loi pendant toute la période visée par la commission
Charbonneau.
De
qui s'agit-il? Nous le saurons plus tard, naturellement. Les enquêtes se
poursuivent, il y aura des procès. Mais c'est important pour nous que
nous couvrions cette période. Et les gens nous le demandent d'ailleurs,
les gens comprennent la nécessité,
comme nous l'avons demandé à
plusieurs reprises, d'ailleurs,
et comme l'Assemblée nationale l'a recommandé de façon unanime au gouvernement en 2013 lors d'une motion unanime. Je vous rappelle, nous étions ici,
c'était alors le gouvernement de Mme Marois qui était au pouvoir, et, de façon unanime, et les
libéraux, et les caquistes, et les péquistes, nous avons fait cette motion en 2013, et elle a été adoptée
à l'unanimité pour que nous remontions 20 ans en arrière. Je vous le rappelle. Souvent, le leader du gouvernement oublie cette motion-là, mais, celle-là aussi, nous l'avions adoptée
à l'unanimité.
Alors, pour
nous, le gouvernement libéral ne peut plus se réfugier derrière toutes sortes
d'excuses ou de prétextes, ou de
raisons, ou de motifs. Il ne peut plus dire qu'il attend que le DGEQ le
poursuive pour rembourser les sommes, il sait très bien
que le pouvoir d'action du DGEQ est actuellement limité à cinq ans et que le délai est déjà
échu en ce qui concerne les périodes les plus fastes du financement politique
au Parti libéral du Québec. Le gouvernement sait très
bien aussi qu'il n'est pas lié par des recommandations. C'est extrêmement important, et c'est ce que je vous dis, vous n'êtes pas
liés, vous n'avez pas les poings liés.
L'Assemblée nationale,
elle est souveraine, elle peut s'inspirer des recommandations d'une commission
ou encore d'un groupe de travail, mais elle peut aussi les rejeter. On a vu plusieurs
rapports de commission qui ont été rejetés. Mais elle peut aussi
les bonifier, les recommandations, lorsque les idées sont bonnes, les bonifier.
C'est un beau mot, M. le Président. Bonifier des recommandations, c'est le pouvoir que vous avez, c'est le
pouvoir que le gouvernement a. Quelle
bonne idée! Les gens comprendraient si ce geste était posé. Et, moi, ça me fait
toujours un peu de peine, même beaucoup de peine, quand le leader du gouvernement dit que nous rejetons les conclusions du rapport de la commission Charbonneau ou les recommandations,
bien au contraire. Bien au contraire, nous les embrassons, mais nous
disons : Bonifions-les. Et je vais vous
dire pourquoi il faut les bonifier parce que nous ne sommes pas les
seuls à dire ça. Ce n'est pas une invention caquiste, là, il y a plusieurs
autres personnes qui disent ça.
Alors,
dois-je rappeler que, selon les dispositions
préambulaires de la Loi sur l'Assemblée nationale, il convient d'affirmer la pérennité, la souveraineté et
l'indépendance de l'Assemblée nationale et de protéger ses travaux contre toute
ingérence. Mais il n'y a pas d'ingérence
ici, ce n'est pas ce que je vous dis. Mais nous sommes souverains lorsque nous
sommes réunis ici, nous ne sommes pas liés
par des recommandations et nous pouvons même les bonifier. Ce n'est-tu
pas extraordinaire?
Malheureusement, on
est à une triste époque, alors que des têtes commencent à rouler et que la
confiance des citoyens à l'égard des élus,
elle, est à son plus bas. Il faut faire quelque chose. Je crois qu'il est
important de dresser un portrait de
la situation. Maintenant, mon Dieu! il me reste... Le temps monte ou le temps
descend, M. le Président, sur le chronomètre?
Le temps descend? O.K. C'est le contraire d'habitude. Donc, il me reste quatre
minutes. Donc, je voudrais dresser un
portrait de la situation pour que tous les collègues et les citoyens qui nous
écoutent actuellement saisissent la gravité de la situation et la
nécessité d'agir. Puis ça, on peut le faire tous ensemble.
D'abord,
un petit peu d'histoire. Je vous parle d'un rapport du DGEQ, un rapport qui a
été publié en 2013, donc il y a déjà
trois ans. Et ça, c'était dans le contexte des travaux de la commission
Charbonneau. Le DGEQ a rendu publics les
résultats de vérification ayant permis de mettre à jour des pratiques de
financement sectoriel plus répandues que ce qui a été révélé et qui ont
bénéficié à des partis politiques provinciaux du Québec.
Et
je vais vous lire quelques passages de son communiqué à l'époque, en 2013. Je
le cite, le DGEQ nous disait : «Le
"financement sectoriel" fait en sorte que plusieurs électeurs liés à
une même entreprise ou à un même groupe d'affaires contribuent à un parti politique. Ce système, qui
est en apparence légitime, peut être intimement lié à l'usage de prête-noms.
Les vérifications [...] permettent d'établir
qu'entre 2006 et 2011 les employés de 532 entreprises associés à quatre groupes
d'affaires — firmes d'avocats, de comptables, de
construction et de génie-conseil — ainsi que des personnes qui sont
liées à ces employés ont versé 12,8 millions de dollars à des partis
politiques», dont 7,3 millions uniquement pour le Parti libéral récoltés, en grande partie, avant 2009. C'est ce genre
d'information qui nous permet de lancer des enquêtes et, éventuellement,
d'intenter des poursuites, avait indiqué le DGEQ, en 2013.»
• (10 h 10) •
Donc,
il nous parlait, à cette époque, en 2013, de 12 millions de dollars pour
les périodes de 2006 à 2011. Mais, avec
un délai de prescription limité actuellement à cinq ans, le DGEQ ne pouvait
déjà pas, en 2013, intenter des poursuites relativement à la majorité des dons douteux identifiés dans le cadre de
son enquête à cette époque-là. Alors, vous voyez, on parle de 12 millions de dollars qui touchent
différents partis et qu'on ne peut plus toucher parce que, déjà à cette époque,
c'était prescrit, c'était cinq ans, c'est
toujours cinq ans. Si on le monte à sept ans, comme le recommande la commission
Charbonneau, ces sommes sont encore
prescrites, nous ne pourrons pas y toucher. Et ça, ça fait augmenter le cynisme
de la population. Oh là là!
Passons
maintenant au rapport de la commission Charbonneau. La commission Charbonneau
conclut — et je
cite : «...l'absence d'un lien
direct et spécifique ne suppose pas l'absence de tout lien entre l'octroi de
contrats et le versement de
contributions politiques. L'ensemble des témoignages présentés [...] amène
plutôt à conclure que, durant les années visées par le mandat de la commission, un lien indirect a uni le
versement de certaines contributions politiques et l'octroi de contrats
publics ou de subventions liées à l'obtention de contrats.
«[...]Interrogés sur
les motifs qui les poussaient à verser de fortes sommes à titre de contributions
à des partis politiques, certains
représentants d'entreprises ont affirmé qu'ils cherchaient à obtenir de
"l'écoute", à entretenir "de bonnes relations", à faire "cheminer des
dossiers", à "dénouer des impasses", à "maintenir les
activités de l'entreprise", à "ne pas prendre de risques", à faire du "développement des
affaires", etc. Toutes ces expressions ont ceci en commun qu'elles visent de façon évidente le même objectif, soit
l'obtention de contrats ou de subventions permettant d'obtenir des contrats.
«Certains
témoins ont d'ailleurs clairement dit qu'ils avaient financé des partis
politiques dans le but d'obtenir des contrats et qu'ils en avaient
obtenu grâce à ce moyen.
«[...]C'est
ainsi qu'un lien indirect peut unir des contributeurs et des partis politiques
d'une façon tout aussi étroite et
concrète que le lien direct et spécifique. En ce sens, les échanges de faveurs
fondés sur un lien indirect ne sont pas moins blâmables que les échanges
fondés sur un lien direct et spécifique.» Fin de la citation.
Il
me reste 19 minutes. J'aurai d'autres exemples à vous apporter, d'autres
instances, d'autres institutions qui nous disent : Il faut allonger le délai de prescription, et nous vous
demandons de l'allonger le plus longtemps possible pour que nous puissions, Mme la ministre, récupérer les
sommes qui auraient été injustement versées aux partis politiques. C'est
une question de démocratie, c'est une question de justice. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la ministre.
Réponse de la ministre
Mme Rita Lc de
Santis
Mme de
Santis : Merci, M. le Président. Je vous salue, ainsi que mes
collègues de Montarville, de Marie-Victorin, d'Ungava, de La Prairie et tous ceux et celles qui nous accompagnent.
D'abord, j'aimerais souligner que, de 2012 à 2016, il y a eu 289
constats d'infraction émis par le Directeur général des élections.
Je vais vous dire que le gouvernement libéral
agit de façon responsable en matière de financement politique. En 2009, le gouvernement du Parti libéral a créé
l'escouade Marteau pour lutter contre la criminalité dans le secteur de la construction. Le gouvernement libéral a aussi,
cette année-là, déposé et adopté le projet de loi n° 73, prévoyant
certaines mesures afin de lutter
contre la criminalité dans l'industrie de la construction. En 2010, le
gouvernement libéral a déposé et
adopté plusieurs lois modifiant le processus d'attribution des contrats des
organismes municipaux, mettant en vigueur le Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale,
empêchant l'usage de prête-noms en matière de contributions électorales, augmentant les pouvoirs de contrôle du
Directeur général des élections. Enfin, nous avons déposé et adopté, toujours en 2010, une loi modernisant
le financement des partis politiques. C'est en 2011 que le gouvernement
a aussi présenté et adopté des lois sur le processus électoral, la lutte contre
la corruption, la prévention et la sanction de certaines pratiques frauduleuses
dans l'industrie de la construction.
Les campagnes
à la direction des partis politiques. En 2013, le gouvernement Marois a adopté
une loi faisant passer à 100 $ la contribution maximale permise au
financement d'un parti politique.
Le présent gouvernement, en 2015, a déposé le
projet de loi n° 26, visant principalement la récupération des sommes obtenues à la suite de fraudes ou de
manoeuvres dolosives dans le cadre de contrats publics. Ce projet de loi a été
sanctionné il y a un peu plus d'un an
Plus
récemment, notre gouvernement a déposé le projet de loi n° 83, modifiant
le financement politique au niveau municipal.
Ce projet de loi abaisse, entre autres, le niveau de contribution maximal à
100 $, à l'instar de ce qui se fait au niveau provincial.
L'Assemblée nationale a adopté le principe de ce projet de loi le 15 mars
dernier, étant maintenant rendue à l'étude détaillée, article par article.
Notre
gouvernement a enfin déposé le projet de loi n° 87, facilitant la
divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics. Ce projet de loi a été rédigé avant le dépôt du
rapport de la commission d'enquête sur l'industrie de la construction, que nous appellerons la commission Charbonneau durant cette interpellation, puisque c'est ainsi
qu'elle est connue du public. Comme
le premier ministre l'a déclaré ici même, notre gouvernement reste ouvert aux commentaires du public et, probablement, lors de
l'étude article par article, pourrait proposer des amendements pour répondre
aux recommandations complètes de la commission Charbonneau.
Il ne
faudrait pas oublier, M. le Président, que c'est un gouvernement libéral, en 2011,
qui a créé l'Unité permanente anticorruption, lui accordant un budget annuel de 30 millions de dollars avec
189 employés. En octobre de la même année, le gouvernement libéral a créé la
commission Charbonneau, augmentant même ses pouvoirs en 2012 à travers
la loi n° 75, attribuant des pouvoirs d'inspection et
de saisie à la commission Charbonneau.
La commission Charbonneau a tenu 263 jours d'audiences au cours desquelles
462 témoins ont été entendus. La commission a, de plus, tenu quatre jours de consultations publiques auxquelles 23 personnes et représentants d'organismes ont participé. La commission a aussi analysé et
rendu publics les mémoires que lui ont fait parvenir 66 individus et organismes. La commission a, de plus,
organisé sept tables rondes auxquelles 37 experts québécois
et internationaux ont participé. Enfin, les audiences de la commission
représentent plus de 70 000 pages de transcription des échanges,
plus 3 600... dont la liste, à elle seule, fait 176 pages.
N'oublions
pas, en terminant, cette liste de faits qui démontrent le travail exhaustif que
la commission a fait, que celle-ci
était présidée par un juge, l'honorable France Charbonneau. On peut ainsi ne
pas être d'accord avec les recommandations
de la juge Charbonneau et du commissaire Renaud Lachance, mais on ne peut pas
affirmer que leurs conclusions ne sont pas sérieuses.
Ce sont ces
faits que mes collègues et moi présenterons au cours des deux prochaines
heures. Il est très facile de tenter
d'influencer l'opinion publique, surtout quand on oublie notamment de
mentionner que le chef de son propre parti a reçu 73 950 $ de l'entreprise Asphalte Desjardins.
Incidemment, cette entreprise a remporté plusieurs contrats. C'est aussi
facile d'oublier que, lorsqu'il était
responsable du financement du parti formant l'opposition actuelle, le chef de
la députée de Montarville a fait du
financement sectoriel. Mais, bon, elle fait des efforts de sémantique pour
nommer ça autrement.
Notre
gouvernement agit pour assainir les pratiques de financement politique, et le
parti que nous représentons s'engage
à rembourser les sommes que le Directeur général des élections considère
illégales. Au cours des deux prochaines heures, mes collègues les députés d'Ungava et de La Prairie, ainsi
que moi-même, présenterons divers aspects qui vous permettront de comprendre, M. le Président, que la
recommandation 37 de la commission Charbonneau n'est pas seulement sensée, mais appuyée d'éléments juridiques réels.
Nous expliquerons ce qu'est la prescription, bien sûr, puisque ce concept
est au coeur de la demande de la députée de
Montarville, ainsi que de la désinformation qu'elle pratique. Nous rappellerons
aussi le rôle du Directeur général des
élections, qui a pris position dès la commission Charbonneau en ce qui a trait
à la prescription et aux règles de
financement des partis politiques. Nous rappellerons aussi les positions de notre
gouvernement en ce qui a trait aux recommandations de la commission
Charbonneau.
Je souligne
ici, M. le Président, que notre gouvernement s'est engagé, dès le dépôt du
rapport de la commission Charbonneau,
à mettre en oeuvre les recommandations. Avec une humilité admirable, le premier
ministre Philippe Couillard a d'ailleurs dit, le jour même du dépôt du rapport
Charbonneau, qu'il accueillait avec satisfaction le grand nombre des
recommandations qui dicteraient le travail de notre gouvernement. Je le
cite :«C'est une leçon. Quelque part, notre société s'est un peu endormie. Son niveau de vigilance a baissé. On
s'est assis sur le fait qu'on avait des lois qu'on trouvait plus avancées qu'ailleurs. Il y a nécessité d'un
redressement qui a déjà été commencé et qui va se poursuivre.» Fin de
citation.
• (10 h 20) •
En effet, M.
le Président, au-delà de la liste de lois et des projets de loi préparés par le
précédent gouvernement libéral, le
précédent gouvernement péquiste, ainsi que notre gouvernement actuel, il y a de
très, très nombreux travaux en cours
dans les ministères. Il ne faudrait pas penser que toutes les recommandations
se mettent en place en quelques jours.
Il fallait, après tout, faire une analyse exhaustive des recommandations pour
déterminer le meilleur moyen de traduire la volonté et les principes
des recommandations de la commission Charbonneau. D'ailleurs, il y a à peine deux
semaines, notre gouvernement a tenu une conférence de presse pour
fournir un rapport d'étape sur les mises en oeuvre de ces recommandations. À ce sujet, nous avons déjà eu des discussions avec les partis d'opposition
pour organiser une première rencontre.
Nous présenterons aussi diverses mesures que notre gouvernement et notre parti ont adoptées pour assurer la probité du financement des
partis politiques.
Enfin, M. le Président, je suis convaincue que
nous saurons vous convaincre, ainsi que les citoyens qui nous écoutent, sur la volonté de mettre en oeuvre non seulement la recommandation 37 du rapport Charbonneau, mais aussi l'ensemble
des recommandations. Nos gestes
précédents sont éloquents. Cette interpellation, je le souhaite, vous le
confirmera.
Nous
reconnaissons la nécessité de
récupérer les sommes qui ont été illégalement reçues, mais ce n'est pas
n'importe comment. On vit dans un
régime avec un système de justice, avec des lois, il faut les respecter. Merci,
M. le Président.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la ministre. Je nous rappellerais, Mme la ministre, au salon bleu,
on doit prendre la parole d'un député
et qu'on ne peut pas lui imputer des motifs. Donc, je vous rappellerais d'être
prudente dans le choix de vos mots. Mme la députée Montarville.
Argumentation
Mme Roy
(Montarville) : ...M. le Président, parce que je n'ai pas
aimé les accusations de désinformation qui ont été faites par la
ministre à mon égard. Merci, M. le Président. Oui, je tiens à vous remercier.
Je vous ai
écoutée avec beaucoup d'attention, Mme la ministre. Nous considérons que la
partie gouvernementale est bien mal placée pour faire la morale à qui
que ce soit en ce qui a trait à l'éthique et au financement des partis politiques. Vous tentez de vous draper dans un
voile de vertu, mais je pense que les gens qui nous écoutent ont bien vu la
façon d'agir du gouvernement et ne sont pas
dupes, hein? Il ne faut pas prendre les gens pour des fous. Bien, au contraire,
les gens comprennent et voient ce qui se passe.
Je vous
rappelle que vous nous parlez des mesures que votre gouvernement a prises, a
adoptées pour assainir le financement politique. Je rappellerai aux gens
qui nous écoutent que ça a pris des années et des années avant que le gouvernement libéral de M. Charest décide de mettre
sur pied une commission d'enquête et je salue la députée d'Arthabaska, qui a été, pendant des mois, la
seule à la réclamer. Finalement, on l'a eue, cette fameuse commission
Charbonneau. Donc, il a fallu mettre
beaucoup de pression sur le gouvernement libéral de l'époque pour avoir une
commission d'enquête. Alors, la
pression populaire a finalement fait en sorte qu'on a pu avoir cette
commission, qui nous a permis de comprendre quels étaient les mécanismes, les mécanismes de collusion, de corruption
qui existaient et ces liens qui existaient entre les appareils gouvernementaux, municipaux et provinciaux, et les
entreprises de construction et différents acteurs politiques.
Les gens ont
vu comment ça fonctionne. Maintenant, les gens veulent qu'il y ait des actions
concrètes de prises pour que, s'il y
a eu effectivement malversation, dons illégaux, minimalement... Parce qu'on a
tous payé pour ça, les dons faits aux
partis, parce que rappelez-vous qu'il y a quand même des sommes d'argent qui
sont remises par l'entremise de crédits
d'impôt, là, et qu'il y a eu des contrats qui ont été gonflés de 30 %,
puis ça, c'est vous et moi qui payons pour tout ça. Alors, minimalement,
pour qu'il y ait des remboursements qui soient faits, pour que les coffres de
l'État puissent se renflouer puis pour qu'on
puisse se servir de cet argent-là, justement, dans le fonds consolidé pour nos
écoles puis pour nos hôpitaux...
Donc, il a
fallu des années au gouvernement libéral avant qu'il ne mette sur pied la
commission Charbonneau avec beaucoup
de pression. Et, pour ce qui est des nouvelles mesures de financement des
partis politiques, nous les saluons toutes,
naturellement, mais je vous rappelle que c'est sous un gouvernement du Parti
québécois qu'elles ont été prises, ces mesures. Et je vous rappelle que,
dans le programme politique de la Coalition avenir Québec, en 2012, nous avions
également cette demande de faire en sorte
que les dons politiques soient de 100 $ par personne, question, justement,
d'éviter ces dérapages de prête-noms
et de financement sectoriel. Et c'était également dans notre programme
politique, je ne crois pas que
c'était dans le programme du Parti libéral, sous toute réserve. Vous me
corrigerez si j'ai tort. Donc, c'est la raison pour laquelle nous avons
voté avec enthousiasme pour cette mesure, parce que nous croyions qu'il fallait
assainir le financement des partis politiques. Donc, pas de leçons de morale à
recevoir de la partie gouvernementale.
Et je rappellerais à Mme la ministre qu'il y a l'UPAC, récemment, qui nous a informés de plusieurs choses avec
des arrestations fort importantes. Je sais que je dois m'abstenir de faire des
commentaires, puisque tout ça est en cour maintenant. Cependant, il y a plusieurs
dirigeants d'entreprise qui ont été rencontrés au cours des derniers mois par l'UPAC et qui, selon un affidavit, un affidavit
qui est rendu disponible par un juge en septembre dernier, ont avoué que
c'était le Parti libéral du Québec qui ordonnait des montants précis pour son
stratagème de financement illégal, et non l'inverse. Alors là, je vous
dis encore une fois : Les cours de morale, on repassera.
À cela s'ajoutent, naturellement, les
récentes accusations de l'UPAC à l'encontre de membres de la vieille garde libérale :
accusations de fraude envers le gouvernement, influence en vue d'obtenir du financement politique
en échange de contrats publics entre 2000 et 2012. Donc, c'est une
longue période, M. le Président.
Naturellement, on
verra les procès, on verra au terme des procès. Mais vous connaissez le droit
comme moi, Mme la ministre, lorsque les procureurs de la couronne portent des
accusations, c'est parce qu'ils considèrent avoir une preuve suffisante pour obtenir des condamnations.
Alors, on a tous bien hâte de voir ce procès. Malheureusement, c'est le temps, M.
le Président, qui joue contre nous.
Et Mme la ministre le sait très,
très bien, l'administration de la justice, c'est long.
Obtenir un procès et un jugement, quels qu'ils soient, c'est long, ça peut
prendre des années. Mais je reviendrai là-dessus parce que c'est le temps qui joue contre nous.
Et, comme le temps joue contre nous et qu'il me reste maintenant 24 secondes — mon Dieu! que ça passe vite — je veux réitérer à Mme la ministre le fait
que nous devons bonifier, bonifier la
recommandation de la commission Charbonneau, la recommandation 37, qui nous dit
de remonter sept ans en arrière. Moi,
je vous dis, Mme la ministre, ayons du courage, remontons 20 ans en arrière,
comme nous l'avons fait pour le projet de
loi n° 26, que nous avons adopté avec coeur avec la partie
gouvernementale. Je vais vous en reparler plus tard. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la ministre.
Mme
de Santis : Merci, M. le Président. Ce que demande la deuxième
opposition officielle, c'est d'allonger le délai de prescription. Ma collègue la députée de Montarville connaît, je
l'espère, la définition de la prescription, puisqu'elle a une formation en droit, est membre du Barreau du
Québec. Pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, permettez-moi,
cependant, de vous livrer ici quelques explications à ce sujet.
La
prescription existe depuis l'époque romaine et définit la période... La
prescription extinctive définit la période durant laquelle une personne peut être poursuivie. La prescription est
nécessaire pour maintenir l'ordre social, elle fait partie du droit public. Avec le temps, le
témoignage et les preuves se dégradent. Le délai de prescription varie selon les
circonstances, les offenses et même la
juridiction. Par exemple, la France a défini un délai de prescription pour les
infractions criminelles, incluant des
meurtres. Cela veut dire que, dans la justice française, on croit que la preuve
dans une enquête pour infraction
criminelle doit provenir d'une période définie pour être admissible et, donc,
pour que le procès concernant cette
infraction puisse avoir lieu. Sans cette preuve hors de tout doute raisonnable
à l'intérieur de ce délai, il est impossible de déclarer quelqu'un
coupable et de le condamner.
Cela
n'est pas le cas au Québec et au Canada, car nos lois ne définissent pas de
prescription pour les infractions criminelles. Le Code civil du Québec
prévoit, de son côté, une prescription de trois ans pour une dette ou pour des dommages-intérêts. Les infractions qui sont de
nature pénale sont, normalement, soumises à des délais de prescription d'une année. La Loi électorale est une exception.
Présentement, la Loi électorale prévoit un délai de prescription pour les poursuites pénales de cinq ans de la
perpétration de l'infraction. Lors de l'adoption de l'actuelle Loi électorale
en 1989, le délai de prescription
était de deux ans de la perpétration de l'infraction. Ce délai a été augmenté à
cinq ans de la perpétration de
l'infraction sans toutefois dépasser un an de la connaissance par le
poursuivant pour éventuellement voir disparaître le délai d'un an de la
connaissance de l'infraction. Des modifications législatives d'un gouvernement
libéral.
Nous
pourrions, comme le propose la deuxième opposition, étendre le délai de
prescription à 20 ans, ou 30 ans, ou même 100 ans, voire l'éliminer. Le
problème majeur réside dans la capacité de fournir une preuve permettant de poursuivre hors de tout doute raisonnable dans le
cas d'une poursuite pénale et sur la prépondérance de la preuve dans le cas d'une poursuite civile. En effet,
les documents entourant le financement des partis politiques, c'est-à-dire des copies de chèques, des
relevés de dépôts, etc., doivent, en
vertu des lois existantes, être
conservés par les banques durant une période
de sept ans, ceux des partis et des individus, sur une période de cinq ans. La recommandation 37 du rapport de la commission
Charbonneau propose d'appliquer un délai de prescription de poursuites pénales
de trois ans à partir de la connaissance
de l'infraction par le poursuivant — dans
ce cas-ci, le Directeur général des
élections — sans excéder sept ans depuis sa
perpétration aux lois électorales en matière de financement politique.
• (10 h 30) •
Faire la preuve de la
connaissance de l'infraction est une lourde tâche et imposerait un double
fardeau au Directeur général des élections. En 2010, d'ailleurs, le gouvernement a éliminé la référence à la prescription d'une année de la connaissance
de l'infraction pour cette raison. À cet égard, Me Marcel Blanchet, qui était Directeur
général des élections au moment où la loi n° 114
augmentant ses pouvoirs de contrôle a été édictée a, d'ailleurs, dit en commission
parlementaire que le délai de connaissance d'un an posait un problème.
Le
délai d'un an de la connaissance a été éliminé, et la prescription est devenue
uniquement cinq ans de l'infraction parce que le temps dégrade les
témoignages et les preuves. Une enquête ne peut reposer que sur des éléments
faibles et facilement contestés avec le temps. Ce serait un vrai gaspillage de
temps et de fonds publics. Est-ce ce que veut la députée de Montarville? N'oublions pas un concept important,
qu'une loi pénale est liée à l'exemplarité de la loi. À quoi bon exiger qu'une loi contienne une disposition
que l'on sait sciemment qu'elle ne serait pas applicable? Je me questionne,
M. le Président. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de La Prairie.
M.
Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Comme vient de la
mentionner la ministre, le délai de prescription est un élément essentiel à la justice, particulièrement en matière de
causes pénales. Les membres de la commission d'enquête sur l'industrie de la construction ont fondé leurs
recommandations sur des faits avérés, pas sur des idées populistes visant
à discréditer le processus parce qu'il
serait inapplicable dans la réalité. Je crains que ce soit ici, M. le
Président, le souhait des oppositions.
Tantôt,
la députée de Montarville a demandé que, peut-être, le délai devrait être le
plus longtemps possible. Alors, allons-nous
enquêter sur le financement du premier ministre Maurice Duplessis, du premier
ministre Mercier? Allons donc jusqu'au début, au premier ministre
Chauveau. En insistant jour après jour, motion après motion pour que le délai
de prescription soit augmenté à 20 ans au
lieu des sept années proposées par la commission Charbonneau, je crains que la
deuxième opposition et même l'opposition
officielle cherchent à nous forcer, en influençant l'opinion publique, à
déposer un projet de loi qui ne
serait pas applicable et qu'ils pourront ensuite dénoncer sur toutes les
plateformes, l'absence de poursuites de la part du Directeur général des
élections et du Directeur des poursuites criminelles et pénales.
M. le
Président, la ministre, une avocate réputée, dois-je le préciser, a clairement
expliqué pourquoi il est difficile de
déposer une loi où on étendrait le délai de prescription à plus de sept ans.
Non seulement est-ce contraire à la recommandation
de la commission Charbonneau, mais c'est aussi contraire à la position du
principal intéressé, soit le Directeur
général des élections du Québec. Nous reviendrons plus tard sur la position du
DGEQ, M. le Président, mais j'aimerais
vous soumettre quelques réflexions confirmant le bien-fondé de la
recommandation de la commission Charbonneau d'établir le délai de
prescription depuis la prise de connaissance à trois ans.
Comme le
disait la ministre, une infraction à la Loi électorale est passible d'une
sanction au niveau pénal. Une poursuite pénale se prescrit, en règle
générale, par un an à compter de la date de la perpétration de l'infraction.
Une disposition spécifique de la loi peut,
cependant, prévoir un délai différent ou fixer le point de départ de la
prescription à une date autre que
celle de la perpétration de l'infraction. Ce pourrait, par exemple, être à
partir de la date de la connaissance de sa perpétration ou à la date où
se produit un événement. Afin de déterminer le point de départ de la
prescription, lorsqu'une poursuite est
précédée d'une enquête par un organisme chargé de l'application de la loi, on
recherchera, quand le personnel du Directeur des poursuites criminelles
et pénales a pris connaissance du dossier, si la loi détermine la prescription en fonction de la prise de
connaissance par le poursuivant. Cet élément est particulièrement difficile à
prouver, puisqu'il faut faire la distinction entre la présomption de la
constatation de la faute et la réelle connaissance de la personne qui est
présumée avoir fait la faute.
Prolonger le
délai de prescription de poursuites pénales à sept ans depuis sa perpétration
pourrait, par exemple, augmenter
l'efficacité des enquêtes. En effet, les enquêteurs, disposant de plus de temps
pour faire leur travail, pourront rencontrer plus de témoins, recueillir
de meilleures preuves et présenter un dossier plus étoffé afin que des
poursuites puissent être entamées par le Directeur des poursuites criminelles
et pénales.
D'autres organismes, dont le Commissaire au lobbyisme,
disent éprouver des difficultés lorsque le délai de prescription est trop court. À d'autres occasions, ceux-ci expriment, par contre, qu'il est irréaliste et inapplicable d'imposer un délai de prescription trop long. Tous les
partis politiques feraient, en effet, face à l'obligation de conserver des documents
durant une très longue période. De leur côté, les banques, sous juridiction
fédérale, devront, elles aussi, conserver les documents
sur une beaucoup plus longue période, et on se doute des effets sur l'ensemble
de leur clientèle à cause des coûts
engendrés par l'entreposage de ces documents. Augmenter la prescription de cinq
à sept ans présente, par ailleurs, une période raisonnable et conséquente
avec l'état actuel.
Il faudrait
aussi penser aux citoyens, M. le Président. Peut-on vraiment penser que tous
les citoyens conserveront leurs reçus
de contributions politiques pendant 20 ans? Qui, dans la situation où il
serait poursuivi par le DPCP pour un don
illégal à un parti politique, serait en mesure de présenter son talon de
chèque, son relevé de carte de crédit ou même un reçu attestant sa bonne foi? Comment, ainsi, de simples citoyens
pourront assurer une défense juste, pleine et entière? C'est pourquoi, M. le Président, notre
gouvernement préconise de mettre en oeuvre la recommandation de la commission
Charbonneau qui propose d'augmenter le délai de prescription à sept ans. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
M. le député de La Prairie. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Ah! je croyais que... Parfait, oui. Je
croyais que c'était le collègue... Parfait. Écoutez, M. le député de La Prairie nous dit qu'on
veut remontrer, là, jusqu'à Mathusalem. Pas du tout, je veux vous réconforter,
là, nous voulons que les délais de
prescription couvrent toute la période qui a été couverte par la commission
Charbonneau, point à la ligne, 1996 à 2011, 20 ans. Non, ce n'est
pas le plus longtemps possible, M. le député et...
Une voix : ...
Mme Roy
(Montarville) :
Non, ce n'est pas le plus longtemps possible...
Le Président (M. Ouellette) : ...
Mme Roy (Montarville) :
Pardon?
Le Président (M. Ouellette) :
J'aimerais ça que vous me parliez, Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Excusez-moi, M. le Président. Excusez-moi,
je suis habituée de faire des échanges, là, l'expérience qui entre. Alors donc, j'aimerais réconforter les gens qui
nous écoutent. Ce que vient de dire le député de La Prairie n'est pas exact, nous demandons que le délai de
prescription passe du cinq ans qu'il est actuellement à 20 ans. Pourquoi 20 ans? Nous avons fait cette motion
plus d'une fois, et je vous rappelle que les députés de l'actuel gouvernement
avaient voté en faveur de cette motion alors
qu'ils étaient dans l'opposition. Et pourquoi 20 ans? Parce que c'est
toute la période qui est couverte par
la commission Charbonneau, parce que c'est durant toute cette période qu'il y a
eu des stratagèmes
de collusion, de corruption, de financement illégal de partis politiques et
que, jusqu'à maintenant, le ménage n'est pas encore complété dans toutes
les instances politiques, et les gens attendent ça de nous.
Alors, j'aimerais que
le député de La Prairie comprenne bien que nous demandons exclusivement
20 ans de prescription. Et aussi, s'il
pouvait m'expliquer, le savant collègue, M. le Président, dans quelle mesure
fait-il une différence avec un délai
de prescription, qu'il a déjà accepté, de 20 ans dans un autre projet de
loi. Mais ça, il tentera de nous l'expliquer. Mais moi, je vais y
revenir un peu plus tard.
Par
ailleurs, Mme la ministre nous parle du rapport de la commission Charbonneau.
Avec plaisir, à la page 149 du rapport de la commission, la
recommandation 37, on rapporte, effectivement, que le Directeur général des
élections recommande que le délai soit
allongé. Il le dit, il nous dit qu'il faudrait l'allonger à sept ans pour le
financement politique. C'est ce que
le gouvernement a l'intention de faire. Nous, ce que nous disons, c'est :
Bonifions cette recommandation, de
grâce. Elle est bonne, mais bonifions-la. Cette recommandation, elle provient,
comme vous le disiez, du rapport de 2014
du DGEQ sur la mise en oeuvre de la réforme des lois électorales. Dans ce
rapport de 2014, le DGEQ disait, à sa recommandation n° 5 :
«Étant donné l'importance qu'il y a lieu d'accorder aux infractions qualifiées
de manoeuvres électorales frauduleuses qui commandent un degré de sanction
supérieur, le délai de cinq ans n'est pas suffisant pour atteindre l'effet
dissuasif recherché par l'exemplarité d'une poursuite judiciaire. Toutefois, il
faut souligner que les récentes enquêtes menées par le DGEQ montrent de grandes
difficultés — mais
pas une impossibilité, là, je vous souligne — à récupérer une preuve documentaire
permettant d'établir une contravention à la loi si un délai de plus de
sept ans s'est écoulé depuis l'événement.»
• (10 h 40) •
Difficile
de retourner plus loin, mais, en aucun temps, ne dit-il que ce serait
impossible. C'est possible, il faut faire mieux. Il faut faire mieux, ce n'est pas impossible. D'ailleurs, le DGEQ
évoquait dans son rapport la motion de la CAQ, cette fameuse motion pour laquelle vous avez voté pour. Vous avez voté
pour, entre autres, M. le député... Ah non! vous n'y étiez pas en
2013... À l'unanimité, justement. Donc, le DGEQ faisait allusion à cette motion
adoptée en 2013 par l'Assemblée nationale
pour que le délai de prescription soit étendu à toute la période couverte par
la commission Charbonneau. Il souligne qu'elle n'a pas fait l'objet,
cependant, d'un projet de loi. Nous étions en 2013.
On
est en 2016. Je vous rappelle que le temps joue contre nous. «À
cet égard, l'adoption
d'un délai de prescription plus long
commanderait une autre modification quant au délai de conservation des documents
détenus par le représentant officiel d'une entité politique
autorisée, par le trésorier d'une municipalité et par le DGEQ.» Tout à fait. Le DGEQ n'est
donc pas fermé à l'idée de la motion de l'Assemblée nationale que nous avons tous votée à l'unanimité, de 2013.
Il n'est pas fermé à l'idée d'aller
plus loin. S'il faut changer les lois, que nous les changions pour
conserver les documents plus longtemps. C'est à nous de le faire
collectivement, c'est au gouvernement d'avoir le courage de le faire.
Et,
concernant cette motion de 2013, c'est le gouvernement qui a changé son
fusil d'épaule et qui refuse maintenant
de la concrétiser, cette motion. Vous avez
voté pour. Nous étions pourtant tous d'accord en 2013 et disions tous qu'il fallait permettre au DGEQ d'enquêter sur toute la période couverte par la
commission Charbonneau. Donc, en novembre, au lendemain du dépôt du rapport de la commission, j'ai présenté à nouveau
cette même motion, et là, coup de théâtre, vous êtes au gouvernement, le gouvernement a changé d'idée, a rejeté cette
motion. Encore le 22 mars dernier, il l'a rejetée à nouveau. Non seulement le DGEQ n'est pas contre
notre motion, mais il dit clairement que, malgré que ce serait difficile
de retourner plus loin que sept ans, ce ne
serait pas impossible. Nous devons faire mieux. Les gens attendent ça de nous,
Mme la ministre, nous pouvons le faire. Il y
a même le Barreau qui dit : Pourquoi ne pas retourner 10 ans en arrière?
Ça, c'est le Barreau qui le dit.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la ministre.
Mme
de Santis : Merci, M. le Président. J'aimerais souligner, si on enlève
le deuxième fardeau de trois ans depuis la connaissance de la cause, déjà là il y aurait une bonification. Donc,
on est ouvert aux bonifications. Personne n'est opposé à récupérer
l'argent qui aurait pu être versé illégalement, et ce, peu importe le parti
politique qui en aurait bénéficié.
Notre premier
ministre, Philippe Couillard, a été très clair lorsqu'il a pris position
concernant le financement politique :
«Toute contribution déterminée comme étant illégale par le Directeur général
des élections sera remboursée jusqu'au
dernier sou, et ce, parce que nous croyons que cela contribue à démontrer que
notre gouvernement n'accepte pas les pratiques illégales ni celles qui
ne respectent pas notre code d'éthique.»
C'est
donc mon rôle d'assurer, en tant que ministre, que les lois qui ont
présentement force ainsi que les projets de loi que nous déposons assainissent et modernisent les pratiques. Il
n'est, par contre, pas mon rôle de défendre les agissements de certains individus. Je ne parle pas au nom d'un
parti ni au nom d'un candidat ni d'un élu, je suis celle en qui le premier
ministre a placé sa confiance afin de poursuivre la modernisation des règles
liées en matière de transparence et de lobbyisme ainsi que notre marche vers un
gouvernement plus ouvert et plus transparent. Cela implique de s'élever au-dessus des débats, de cesser de se lancer de la
boue, comme il arrive que les parlementaires le fassent, bref de cesser d'alimenter le cynisme. Pour y arriver, il faut
aussi tenir compte des opinions des personnes qui ne sont pas des élus, mais
qui ont une influence sur le bon fonctionnement de notre démocratie.
Mon
collègue en a parlé un peu plus tôt aujourd'hui, le Directeur général des
élections du Québec a fait savoir qu'aller
au-delà d'un délai de sept ans poserait des grandes difficultés, compte tenu du
fardeau de la preuve. En effet, déjà, dans
sa présentation à la commission Charbonneau le 15 septembre 2014, le
Directeur général des élections du Québec recommandait lui-même de prolonger le délai de prescription de cinq à
sept ans, tout comme le délai de conservation des documents.
Permettez-moi, M. le Président, de citer la
transcription de l'échange du Directeur général des élections du Québec, je cite : «Sur la base du délai de
conservation de la preuve documentaire, tant le délai de conservation auprès
des banques, qui s'élève à sept ans, également le délai
de conservation de la preuve documentaire auprès des entités politiques elles-mêmes, qui est passé de deux ans
à cinq ans, mais pour lequel nous sommes capables, dépendant des partis politiques, d'aller chercher au-delà, donc nous
jugeons qu'un délai de sept ans pourrait nous permettre davantage de pouvoir
exercer notre activité de contrôle de façon plus efficiente.» Fin de citation.
Remarquez, M.
le Président, que le Directeur général des élections n'a pas proposé que cette
prolongation se rende à 20 ans. Comme
nous le verrons plus tard aujourd'hui, la période qui a précédé et suivi immédiatement
la création du parti formant la
deuxième opposition officielle a vu se produire de très nombreuses erreurs
qualifiées d'erreurs cléricales par l'actuel
chef de la députée de Montarville. Est-ce que toute la documentation issue de
la défunte Action démocratique du
Québec depuis 1996 a été conservée? La deuxième opposition officielle doit bien
se douter que les documents liés au financement
de l'Action démocratique du Québec, qui a été fusionnée à la Coalition avenir
Québec au début de 2012, seraient beaucoup plus difficiles à produire en preuve si cela
s'avérait nécessaire. Par
conséquent, même
avec un délai de prescription de 20
ans, son parti serait protégé contre les enquêtes du Directeur général des élections par manque de documentation pour étouffer
la preuve.
Implanter un
délai de prescription trop long n'aidera pas le Directeur général des élections,
car il ne pourra pas, dans de telles circonstances, présenter une preuve suffisamment
solide pour permettre d'établir une contravention à la loi. Je cite à cet effet le Directeur général des
élections du Québec lors de sa présentation à la Commission des institutions
en février dernier. En réponse à une
question du député de Marie-Victorin, il dit : «...je pourrais bien vous
dire 10 ans, mais, dans les faits, ce
10 ans là, en raison des délais de conservation des documents, ça serait
inutile. Mais, par ailleurs, nous ne
sommes pas d'accord... en tout respect pour la commission, le délai de
connaissance, là, de trois ans, nous ne l'avons jamais, je crois, recommandé. Nous, c'est une prescription de sept ans,
indépendamment de la période de connaissance de l'infraction.» Fin de
citation.
Je vous
suggère de respecter le point de vue du Directeur général des élections du
Québec, c'est l'approche à prendre. C'est
ce que nous faisons en proposant de discuter avec les représentants des partis
politiques de la mise en oeuvre de la recommandation
37 du rapport de la commission Charbonneau, prolongement du délai de
prescription de cinq ans à sept ans. Merci.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la ministre. M. le député d'Ungava.
M.
Boucher : Merci, M. le Président. C'est un réel plaisir pour moi, ce matin,
d'avoir l'occasion de prendre la parole devant vous. Permettez-moi, tout d'abord, de saluer mes
collègues et, plus particulièrement, les citoyens du comté d'Ungava. Bon matin à tous (s'exprime
dans une langue autochtone).
M. le Président, dans les conditions actuelles, le Directeur général des élections
n'a pas les mains liées. Bien au contraire, M. le Président, depuis le
1er janvier 2012, le Directeur général des élections a émis de nombreux
constats d'infraction en ce qui a trait à la Loi électorale. Je vais vous citer des exemples, M. le Président : 2012, 10 constats d'infraction présentés pour 5 365 $ d'amendes; 2013, 78 constats pour 47 100 $
d'amende; 2014, 168 constats pour 281 450 $ d'amendes; 2015, 30 constats pour 16 800 $
d'amendes; et, depuis le 1er janvier dernier, 2016, trois constats ont été émis
pour 6 000 $ d'amendes, et, bien entendu, il y a d'autres
procédures puis d'autres constats qui sont probablement à venir.
Plus
précisément, on dénombre le type et la quantité d'infractions suivantes
particulièrement liées au financement électoral,
M. le Président. Des exemples : aider son agent officiel à faire une
fausse déclaration en soutien du rapport de dépenses électorales, une infraction en 2009 dont le constat a été émis
en 2012; fabriquer un faux reçu pour une contribution, quatre infractions en 2008, dont les constats ont
été émis en 2012 et 2013; verser une contribution sans avoir la qualité d'électeur, deux infractions en 2008 et quatre en
2009, constats ayant été émis en 2012 et 2014, M. le Président; verser une contribution en dépassant le maximum permis,
deux infractions en 2008, une en 2009 pour des constats en 2013 et 2014.
Il y a bien d'autres exemples comme ça. Notez que plus de 284 650 $
ont été reçus en amendes à date. Quant à l'infraction
sur le versement d'une contribution autrement qu'à même ses propres biens, le
fameux prête-noms, comme on dit de
façon plus courante, 23 individus ont reçu des constats en 2013 et 2014 pour
des actes qui avaient été commis en 2008 et 2011.
C'est quelques exemples qui démontrent ici que
le Directeur général des élections est pleinement en mesure d'agir et de reculer amplement dans le temps pour
effectuer des enquêtes efficaces dans le but de mener à des constats. L'idée, ce n'est pas de reculer, bon, 20 ans en
arrière pour des infractions qui sont à peu près impossibles à prouver, mais
avoir un travail efficace là où ça peut compter, M. le Président.
• (10 h 50) •
En 2012, le
Directeur général des élections a annoncé la mise en service d'une ligne
téléphonique dédiée. Cette ligne
téléphonique permettait au Directeur général des élections d'obtenir des
renseignements permettant de lancer des enquêtes et d'étoffer sa preuve. Cette ligne a fait des preuves et est
toujours active. À titre d'exemple, de nombreux appels ont récemment été faits à cette ligne en ce qui a
trait au financement électoral municipal. Septembre 2014, le Directeur
général des élections avait fait état des bénéfices d'avoir augmenté ses
pouvoirs et ses responsabilités.
Rappelons
aussi qu'en 2011 c'est un gouvernement
libéral qui a modifié la loi afin que les contributions politiques
soient adressées directement au Directeur général des
élections. De ce fait, le contact
direct avec les donateurs a facilité la
vérification, M. le
Président. À cet égard, entre 16 % et 20 % des contributions de tous les
partis confondus — c'est
important de le mentionner, M. le Président,
tous les partis confondus, 16 % à 20 % — ont fait l'objet d'une vérification
supplémentaire de la part du Directeur général des élections.
Par contre,
s'il recommande déjà la prolongation du délai de prescription à un maximum de
sept ans, le Directeur général des élections souligne dans son rapport
annuel de 2014 qu'il y aurait des grandes difficultés... Et je répète, le Directeur général des élections
dit qu'il y aurait de grandes difficultés à récupérer une preuve documentaire
permettant d'établir une
contravention à la loi si un délai de plus de sept ans s'est écoulé depuis
l'événement, M. le Président. Donc, de
ce fait, je pense que le système actuel a fait ses preuves, fonctionne bien, et
puis c'est dans cette ligne-là, tout en respectant les conclusions du rapport de la commission
Charbonneau, M. le Président, qu'on va s'enligner pour, justement, corriger
les moeurs et faire en sorte que le financement
électoral soit sain, éthique et conforme aux lois, M. le Président. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
M. le député d'Ungava.
Je comprends aussi que les statistiques auxquelles vous référiez pour les constats d'infraction ont
été produites par le Directeur
général des élections lors de sa
présence devant les membres de la commission le 1er février dernier.
M. le député de Marie-Victorin.
M. Drainville : Merci,
M. le Président. Salutations à la collègue
de Montarville, qui a déposé cette interpellation. Salutations à Mme la ministre et aux collègues libéraux qui
l'accompagnent.
M. le Président, le 2 octobre 2013, l'Assemblée
nationale a adopté à l'unanimité une
motion qui s'intitulait ainsi :
«Que
l'Assemblée nationale demande au gouvernement de présenter un projet de loi
prolongeant le délai de prescription prévu à
la Loi électorale et permettant au Directeur général des élections du Québec de
poursuivre pour les infractions commises pendant toute la période
couverte par la commission Charbonneau;
«Que l'Assemblée nationale demande aux
partis politiques de s'engager formellement à rembourser toutes les sommes reçues illégalement pendant cette même période.»
M. le Président, j'étais, à ce moment-là, ministre des Institutions démocratiques, et le Parti québécois avait voté pour cette motion,
M. le Président, et je réitère qu'aujourd'hui nous sommes très
fiers de ce vote que nous avons enregistré à ce moment-là. Et, lors du
débat qui avait eu lieu autour de cette motion, j'avais dit ceci, M. le
Président. Si vous me permettez, ça manque un peu de modestie, vous allez me
dire, mais je veux quand même rappeler ce que j'ai dit à ce moment-là, si ce
n'est que pour montrer que je suis au moins cohérent avec moi-même. J'avais
dit : «...ces questions d'éthique
et d'intégrité n'ont pas fini de suivre et de pourchasser le Parti libéral, qui
va devoir en faire beaucoup plus pour rétablir sa crédibilité dans le
regard des Québécois.». Fin de citation, M. le Président.
Et je maintiens, M. le Président — quoi, trois ans plus tard, deux ans et demi plus tard — que le Parti libéral
du Québec a échoué son test d'intégrité et qu'il va
devoir faire la preuve, il va devoir passer cet examen d'éthique et d'intégrité parce que, jusqu'à maintenant, il ne l'a pas fait. Je rappelle quelques faits, M. le Président. Et je vais revenir vers la période d'aujourd'hui, mais il
faut quand même s'ancrer dans les
faits passés pour se projeter dans l'avenir.
Je
rappelle le scandale des garderies libérales, M. le
Président. Je rappelle la condamnation de l'ex-ministre
Tony Tomassi pour fraude envers le gouvernement.
Je
rappelle le salaire secret qui a été versé au chef du Parti
libéral, M. Charest, pendant 10 ans.
Je
rappelle les nominations de juges selon la famille politique, le fameux scandale des post-it.
Je rappelle la très grave controverse mise au jour par le
Commissaire au lobbyisme entourant la négociation par l'actuel chef du Parti libéral et premier ministre d'un
emploi dans le privé alors qu'il était encore ministre de la Santé.
Je
rappelle, M. le Président, que
lorsqu'il est devenu chef du Parti libéral, l'actuel
premier ministre a bloqué l'adoption, par
son aile parlementaire, du projet de loi n° 33, qui visait à mettre fin
aux primes de départ des députés qui démissionnent en cours de mandat.
Heureusement, on a fini par mettre fin à cette pratique, qui a coûté très cher
en crédibilité et en sous également, mais c'est dommage, M. le Président, qu'on
ne l'ait pas fait plus tôt.
Je rappelle les 32 députés libéraux qui siègent encore
aujourd'hui en cette Chambre, M. le Président, et qui ont
voté contre la tenue de la commission d'enquête sur l'industrie de la
construction.
Je rappelle, M. le Président, plus récemment, les arrestations de l'UPAC, deux
ex-ministres libéraux arrêtés par l'UPAC.
Je
rappelle, très, très, très récemment, M. le Président, l'affaire du député de
Louis-Hébert et les informations rendues publiques il y a, quoi, 48 heures de ça, sur l'existence d'un système
non pas de ministres à 100 000 $, mais de ministres à
150 000 $, dont le député de Louis-Hébert, M. le Président.
Et
je rappelle, en terminant, le refus de l'actuel premier ministre et chef du
parti libéral de condamner ce système des
ministres à 100 000 $ et même à 150 000 $. C'est moi qui
lui ai posé cette question, et il a refusé de le faire, M. le Président, en cette Chambre, il a échoué ce test
pour montrer, justement, qu'il voulait rompre avec le vieux Parti libéral.
Alors,
M. le Président, nous, de notre côté, au Parti québécois — et il me reste une minute pour le
rappeler — on
a fait adopter la loi n° 1 sur les
contrats publics, et il faut qu'un entrepreneur ait montré son honnêteté, son
intégrité pour avoir droit à un
contrat public, pour avoir droit de soumissionner. La loi n° 10, qui fait
en sorte qu'un élu qui est accusé au
criminel peut être suspendu, le député de Jonquière, alors ministre des
Affaires municipales, qui l'avait fait adopter. La loi n° 26, adoptée par le Parti québécois, régime transitoire de
financement politique au niveau municipal. Projet de loi n° 53, pour un régime permanent instituant
la limite à 100 $ dans les municipalités, M. le Président. Et, bien sûr,
la loi n° 2, que j'ai eu
l'honneur de déposer au nom du Parti québécois, une loi instituant les limites
à 100 $, qui a cassé le système
des prête-noms et qui a cassé le pouvoir des grands collecteurs de fonds, Fava,
Bibeau, Côté, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. le député de Marie-Victorin. Mme la ministre.
Mme de
Santis : Merci, M. le
Président. J'aimerais rappeler à mon collègue de Marie-Victorin que la motion,
en 2013, a été présentée par notre collègue de Mercier, qui, suite à ça, a
aussi présenté un projet de loi n° 393, la Loi modifiant la Loi électorale
afin de prolonger le délai pour récupérer une contribution contrevenant à cette
loi.
M.
Drainville :
...règlement, rapidement, c'est le député de Chauveau qui avait déposé la
motion de 2013. Je ne veux pas vous interrompre, je m'excuse, je suis
sûr que vous...
Mme de
Santis : O.K. Parfait. Alors, je m'excuse. Alors, le projet de loi...
Parce que le député de Mercier avait dit
que c'était lui. Dans tous les cas, il avait déposé ce projet de loi. À
l'époque, mon collègue de Marie-Victorin occupait le poste que j'occupe. Lui, qu'est-ce qu'il a fait
avec le projet de loi ou qu'est-ce qu'il a fait avec la motion? Et en plus,
lors des débats, il a dit, et je cite : «Nous avons toujours maintenu
notre volonté de collaborer avec le Directeur général des élections, M. le Président, et nous avons
toujours dit que nous allions accepter les recommandations du Directeur général
des élections. Point final.»
Alors, nous
avons amplement discuté depuis une heure de la recommandation 37 de la
commission Charbonneau, mais ce
rapport comporte de très nombreuses autres mesures visant à assainir et
moderniser les pratiques de financement des partis politiques, notre gouvernement s'étant engagé à assurer leur
mise en place. D'ailleurs, des travaux sont en cours.
Comme vous
avez pu le constater lors de la mise à jour du 24 mars dernier, il convient
d'analyser l'ensemble du rapport de
la commission Charbonneau. Par exemple, la recommandation 38 propose
d'accroître l'imputabilité de tous les élus et les candidats à l'égard
des pratiques de financement. Cette recommandation s'appuie sur l'obligation
des responsables de chaque entité politique autorisée de connaître les règles
de financement, de les appliquer et d'en être imputables.
La recommandation 40, quant à elle, propose de
prévenir le faux bénévolat compensé par les entreprises.
Une autre recommandation, la 41, propose de
rendre obligatoire une formation sur les règles de financement préparée par le Directeur général des élections
pour tous les représentants officiels et agents officiels. Une telle mesure
permettrait ainsi d'assurer que ces
personnes jouent efficacement leur rôle, compte tenu des grandes
responsabilités qu'ils occupent en matière de revenus et dépenses,
particulièrement en campagne électorale.
Afin de
contrer le phénomène des prête-noms, la recommandation 42 exige que la fiche de
contribution comporte le nom de l'employeur, du contributeur au moment
où il contribue au financement d'un parti politique.
La
recommandation 44 du rapport propose, quant à elle, de resserrer les règles
visant à prévenir l'utilisation de prête-noms en matière de prêts et
cautionnement des partis politiques. Abordée au niveau municipal dans le projet
de loi n° 83, modifiant diverses
dispositions législatives en matière municipale concernant notamment le
financement politique, cette question
mérite qu'on s'y attarde, car des règles plus claires permettront de faire
ressortir les prêts qui sont, en réalité, des dons. À cet égard, lors de son témoignage à la commission
Charbonneau, le Directeur général des élections du Québec a recommandé
que le montant maximum prévu pour un prêt ou un cautionnement soit de
5 000 $.
• (11 heures) •
Selon le DGE,
il faut qu'il y ait une relation entre le montant maximal permis pour les
contributions politiques et le
montant maximal permis pour les prêts et les cautions. En effet, plus le
montant d'un emprunt est élevé, plus il est difficile pour un parti de les rembourser si les dons politiques sont
assujettis à un plafond peu élevé. De cette manière, nous éviterons que les prêts ou cautionnements par
un électeur pour des sommes importantes deviennent indirectement un don, puisque le parti serait incapable de
rembourser. Quelle belle façon d'éviter l'objectif de la Loi électorale! Notons
qu'actuellement la seule obligation prévue
par la Loi électorale est de rembourser au moins annuellement les intérêts. On
devrait peut-être évaluer la possibilité de
renforcer les dispositions relatives au financement politique au moyen de prêts
afin d'éviter qu'un prêt ne devienne une contribution déguisée.
Du point de
vue éthique, la recommandation 57 du rapport propose d'interdire aux
ministres et à leur personnel de
solliciter des contributions politiques aux fournisseurs et aux bénéficiaires
de leurs ministères. Cette mesure, qui serait une première à l'échelle canadienne, aurait, définitivement, pour
avantage de réduire le risque de conflit d'intérêts, qu'il soit réel, potentiel ou apparent. On éviterait
aussi, par le fait même, que des fournisseurs ne se sentent obligés de répondre
favorablement à une demande de contribution qui leur est faite, de peur de ne
pas obtenir un contrat.
M. le
Président, il y a, définitivement, plusieurs mesures qui permettent de
poursuivre la lutte à la fraude électorale que le gouvernement libéral a commencée à la fin des années 2000 et que
notre premier ministre s'est engagé à poursuivre. Nous nous sommes engagés à mettre en oeuvre les
mesures nécessaires pour mettre fin au financement illégal, et mes
actions, nos actions en sont directement inspirées. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de La Prairie.
M.
Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. On aime ressasser le passé,
à l'opposition. Que ce soit l'opposition officielle ou le deuxième groupe d'opposition, on parle beaucoup des
problèmes qui sont survenus dans le passé avec le financement politique.
Mais ce qui est important, M. le Président, c'est qu'est-ce qu'on fait
maintenant, aujourd'hui, qu'est-ce que nous
proposons, et la ministre a fait un survol des solutions que nous proposons,
inspirées, entre autres, par les
recommandations du rapport de la commission Charbonneau. Le Parti libéral du
Québec a aussi mis en place des mesures pour resserrer les règles de
financement de notre parti.
Je peux vous
assurer, M. le Président, que nous ne sommes pas pourris, comme l'a insinué le
chef de la deuxième opposition. Parce
que ça, M. le Président, c'est une partie du problème. En cherchant à faire des
amalgames ou à culpabiliser par
association, les partis d'opposition oublient qu'ils insultent plusieurs
dizaines de milliers de membres, un plus grand nombre encore de bénévoles, ainsi que les millions de citoyens du Québec
qui nous ont appuyés, je dois le rappeler, le 7 avril 2014.
Les résultats ont été on ne peut plus clairs.
Ces citoyens
sont ceux qui ont choisi de s'impliquer dans la vie démocratique pour faire
avancer le Québec. En traitant le
Parti libéral du Québec de parti pourri, le chef de la deuxième opposition
contribue à augmenter le cynisme en politique. C'est pour cela que nous mettons des
mesures en oeuvre, pour assainir et moderniser les pratiques de financement des partis politiques et pour
permettre aux instances appropriées, les instances appropriées... Rappelons ce
que le chef de l'opposition officielle a
dit, le salon bleu n'est pas un tribunal, mais c'est les instances appropriées
qui devront récupérer les sommes
versées illégalement. Cependant, le cynisme provoqué par des déclarations de ce
genre n'aide pas non plus.
Voyez-vous,
M. le Président, le Parti libéral du Québec effectue du financement populaire
basé sur le désir des citoyens de
contribuer à l'avancement du Québec en appuyant les idées proposées dans nos
activités démocratiques. De telles
accusations visent-elles aussi le Parti québécois, qui, durant la période où
l'actuel chef de la Coalition avenir Québec, responsable de son financement, a été le seul parti reconnu coupable de
financement illégal et a dû rembourser près de 100 000 $ en contributions reçues indûment? Comment un chef de
parti, lorsqu'il change d'allégeance, peut complètement omettre ses propres activités dans un autre parti?
C'est à en perdre mon latin, M. le Président, et c'est peut-être ce qui lui
permet de lancer de telles insultes aux membres du Parti libéral du Québec.
Quel
est l'objectif, ici, de la deuxième opposition, qui réclame un délai de
prescription qui sera difficile, voire impossible,
à faire appliquer? Désire-t-on, ici, rendre les citoyens encore plus cyniques,
encore, face à la politique? La firme
Ipsos Reid a dévoilé un sondage en janvier 2015 sur le degré de
confiance qu'inspirent les diverses professions. Avec regret, M. le Président, seulement 6 %
des répondants à ce sondage ont confiance en la profession de politicien local
ou de politicien national.
Depuis
mon élection, de par mes décisions et mes actions, je m'efforce à redonner
confiance aux citoyens, tout comme le
fait la députée de Bourassa-Sauvé, tout comme le fait le député d'Ungava, tout,
certainement, comme le fait le député
de Marie-Victorin, et je suis certain que la députée de Montarville fait de
même pour redonner cette confiance aux citoyens.
Je le sais que la ministre responsable de la Réforme des institutions
démocratiques et de l'Accès à l'information partage ces objectifs. C'est pourquoi le gouvernement a adopté des
mesures pour allonger le délai de prescription, comme nous l'avons
mentionné plus tôt ce matin.
D'ailleurs, en 2010,
lors de l'étude article par article de la loi n° 114, augmentant les pouvoirs
de contrôle du Directeur général des
élections, l'ancien Directeur général des élections du Québec, Me Marcel
Blanchet, a soumis que les personnes
en place ne seraient pas nécessairement celles qui pourraient avoir contribué à
des systèmes de financement illégal.
Les mesures proposées par le rapport de la commission Charbonneau, tel que
mentionné par ma collègue la ministre, répondent à cette préoccupation.
En rendant les candidats et les élus imputables, en formant davantage les
bénévoles responsables du financement, nous
nous assurons que les personnes qui supervisent et bénéficient du financement
pour une campagne électorale, avec
des bons moyens financiers, le font avec honneur et avec justice. Merci, M. le
Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Merci, M. le Président. J'écoutais avec beaucoup de respect le collègue de
La Prairie et je l'invite à
méditer — on a à
peu près le même âge, donc on a eu nos cours, à l'école, de religion — sur l'Évangile
de Jésus-Christ selon Mathieu. Je trouve, c'est tout à fait approprié, et je
vous le cite : «Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'oeil de
ton frère et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton oeil?»
Alors,
j'aimerais parler de cette poutre, justement, qui est dans son oeil et, pour ce
faire, je vais parler, tiens, de M.
Marcel Blanchet. En 2010, dans le cadre des consultations sur le p.l.
n° 78, qui modifiait la Loi électorale, le DGEQ de l'époque, Marcel Blanchet, disait, et je le
cite : «Aller jusqu'à 10 ans en arrière, encore une fois, ce serait
intéressant puis ça nous donnerait
beaucoup plus de marge de manoeuvre.» Vous comprenez, M. le Président, que
c'est ce qu'on tente de faire ici,
remonter dans le temps. Et même le DGEQ disait : 10 ans, là, ça serait bon
pour nous. Ils l'ont déjà dit. Nous, nous disons 20 ans.
Poursuivons.
Ah! j'y viens, à la poutre, justement, dans l'oeil du député de
La Prairie. Au sujet du 12,8 millions de dollars visé par l'enquête de 2013 du DGEQ sur le financement
sectoriel, dont 7,3 millions de dollars de financement lié à l'usage de prête-noms auraient été versés au
Parti libéral du Québec entre 2006 et 2011, ça, c'est de la poutre, M. le
Président, 7,3 millions. Le DGEQ
précise dans son rapport de 2014 — on change de DGEQ — et je le cite : «Somme toute, près de 71 % de la valeur du
financement sectoriel découvert par le DGEQ est incluse dans la période déjà
prescrite, et aucune poursuite ne
peut être intentée pour les contributions qui auraient pu être illégales. C'est
donc une valeur de plus de
10 millions de dollars provenant pour l'essentiel du secteur
"génie-conseil" qui échappe à de telles poursuites ainsi qu'à
une réclamation auprès des entités autorisées.» Fin de la citation.
Ça, il nous disait ça
en 2014, que c'est 71 % du financement qui échappe à tout recours. Bien,
le pire, c'est qu'aujourd'hui, en 2016,
c'est 100 % de tout ce financement, de toutes ces sommes qui sont hors
délai, 100 % de cette poutre est
hors délai. Pourtant, le DGEQ a les documents en main. Il les a en main, il a
la preuve. Vous nous parlez de conservation
de la preuve. L'enquête a été faite, elle existe, cette enquête-là, et il
pourrait s'en servir. On parle de conservation
de preuve, de preuve d'enquête. Elle est là, elle existe. Le DGEQ l'a dit, ces
sommes lui échappent en raison du délai de prescription, et aucune
action ne peut être intentée.
• (11 h 10) •
Ça,
pour les gens qui nous écoutent, il est là, le scandale. Il est là, le
scandale. On le sait qu'il y a des choses, dans le passé, qui ont été faites et qui nous entachent tous, tous les
politiciens. Pourtant, il y a des gens honnêtes, il y a plein de gens honnêtes ici, mais il y en a qui ont
magouillé, et il faut agir pour ça. Il faut arrêter de se dire : La
commission nous dit sept ans, ce sera
sept ans. Il y a même des DGEQ qui nous disent : Allons plus loin. Le DGEQ
l'a dit, ces sommes lui échappent en raison du délai de prescription, et
aucune action ne peut être intentée.
Il y a même, en 2014, Mme Lucie Fiset, tiens, une autre
DGEQ, DGEQ par intérim, 2014, et, à l'époque, elle avait même dit devant
la commission Charbonneau, et je la cite : Donc, on l'a mentionné aussi
dans notre rapport, on veut vraiment comprendre tout ce
qui s'est passé, mais c'est sûr que ces situations-là, si elles devaient
démontrer des contributions non conformes,
donc des contributions illégales, on ne pourra pas poursuivre parce qu'on est
en dehors des délais de prescription
de cinq ans. Toutefois, considérant que les enquêtes que nous menons depuis une
couple d'années... finalement, nous
permettent de conclure que nous sommes capables d'aller chercher au-delà de
cinq ans la preuve d'une commission d'infraction aux lois électorales.
Ils le disent
eux-mêmes, ils sont capables, l'enquête a déjà été faite. On a les preuves,
servons-nous-en, de grâce, ne
gaspillons pas ça. L'intérêt public et les principes de justice et d'intégrité
exigent que l'on dénonce et réprimande les actes illégaux du passé. Il me fait rire, le député qui dit : Il ne
faut pas remonter dans le temps. Un crime, ce n'est pas dans le futur, c'est
dans le passé. Quand il sort, il faut sévir. On ne peut pas se bander les yeux
puis dire que ça n'existe pas, puis on est rendu ailleurs, M. le
Président. Le délai de cinq ans... même un délai de sept ans ne nous permettra
pas de récupérer ces sommes, d'aller voir
cette poutre, d'aller chercher cette poutre. Ce n'est pas assez. Ce n'est pas
assez, nous sommes en 2016, et le
temps file, et aucune nouvelle loi n'a encore été adoptée. Et, vous savez,
adopter une loi, ça prend du temps,
hein? Est-ce que ça va être en 2017? Si on attend en 2017 et que c'est sept
ans, on ne pourra pas toucher aux sommes
avant 2010. La poutre qui est dans votre oeil, on ne pourra pas aller la
chercher et l'enlever. Ce serait extrêmement triste pour la démocratie,
pour les citoyens aussi qui nous écoutent puis qui attendent qu'un
remboursement soit fait. C'est la justice qui l'impose, Mme la ministre.
Document déposé
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la députée de Montarville. Je vais déposer, suite à une demande que
j'ai faite au DGE le 1er février, un document qui nous a été envoyé le
29 mars 2016, qui fait état de tous les constats d'infraction émis depuis le
1er janvier 2012. Je vais le déposer à la commission pour
l'information des membres de la commission.
Mme la ministre.
Mme de
Santis : Merci, M. le Président. J'aimerais continuer avec les
citations de Mme Fiset le 15 septembre 2014, où elle dit : «Nous jugeons qu'un délai de
sept ans pourrait nous permettre davantage de pouvoir exercer notre activité
de contrôle d'une façon plus efficiente.» C'est elle qui le dit.
Alors, je
crois que les dernières présentations ont pu démontrer la bonne foi de notre
gouvernement. Ce qui est dommage,
c'est que la mémoire est une faculté qui oublie. Si les oppositions font le jeu
de la mémoire sélective lorsqu'ils accusent
les élus formant le gouvernement de diverses actions malhonnêtes, il semble que
certains députés oublient les différentes informations dévoilées dans
les médias, entre autres au cours de la campagne de 2012.
Je commence
par une des plus anciennes situations, disons, particulières dans laquelle
s'est retrouvé l'actuel chef de la
deuxième opposition officielle. En 2002, alors qu'il était ministre de la Santé
du Parti québécois, Le Soleil a révélé que l'actuel chef de la deuxième opposition officielle
sollicitait des entreprises des secteurs pharmaceutique et médical pour une soirée à 1 000 $ du couvert au cours
de laquelle la vingtaine d'entreprises présentes auraient, bien entendu, un
accès privilégié au ministre.
La volonté de
la députée de Montarville de récupérer le financement illégal s'applique-t-elle
aussi aux pharmadollars payés par les
entreprises pour voir son chef lorsqu'il était ministre péquiste en 2012?
Est-ce que la députée de Montarville souhaite
que son parti rembourse les sommes reçues par son chef lors de cette activité,
même s'il était alors dans le parti formant
l'opposition officielle? Comment faire la distinction entre le Parti québécois
et la Coalition avenir Québec alors que le chef de la deuxième opposition officielle semble avoir aussi fusionné
avec les pratiques de financement de son ancien parti?
Lorsqu'il a créé son parti, le chef de la
deuxième opposition officielle a posé des conditions de financement minimales de 25 000 $ avant de se
déplacer en... Cela explique sans doute pourquoi les médias ont amplement
souligné la zone floue précédant
cette fondation. Comme le soulignait à l'époque mon prédécesseur à l'Accès à
l'information et la Réforme des
institutions démocratiques, le leader du gouvernement, ce qui indispose, c'est
que le chef du parti formant la
deuxième opposition officielle n'a pas respecté l'esprit de la Loi électorale
alors que son parti était en formation sans avoir annoncé officiellement sa fondation. Je cite mon collègue alors
qu'il était ministre de la Justice. Je cite : «La loi est claire, quand on fait de la politique, c'est
1 000 $ par année. Pourquoi pour lui ça ne serait pas ça? Tout le
monde savait qu'il faisait un parti
politique, voyons donc! Je crois qu'il joue avec les principes qui nous
gouvernent.» M. le Président, un organisme
à but non lucratif issu d'un
manifeste annonçant la création d'un parti
politique, c'est quand même
clair que c'est un futur parti politique, non?
Quelques
semaines avant la déclaration de mon
collègue, le chef du parti Option nationale écrivait au Directeur
général des élections argumentant, lui aussi, que le chef de la deuxième
opposition officielle aurait permis de faire indirectement ce que la loi ne
permet pas de faire directement.
Regardons
maintenant un article paru dans La Presse sous la plume de Denis Lessard
en janvier 2012. On y apprend que le parti formant la deuxième
opposition officielle a reçu plus de 400 000 $ en dons. Or, 46
importants donateurs provenaient du même
cabinet d'avocats de Montréal. Est-ce un hasard que le patron de ce cabinet d'avocats
est l'ancien président de la défunte
Action démocratique du Québec, fusionnée à la même époque avec le parti formant
la deuxième opposition officielle?
Les quelques
exemples que je viens de présenter démontrent très clairement que le passé est
rempli de situations discutables du
point de vue du financement politique pour tous les partis confondus. M. le
Président, cette interpellation démontre
que notre gouvernement a posé des gestes au cours des dernières années, et même
tout récemment, pour mettre en place
des mesures qui préviendront les comportements douteux. Le parti que je
représente a adopté, lui aussi, des guides de pratique qui respectent les lois actuelles et
est prêt à s'adapter suivant la modernisation de nos lois. Aujourd'hui, tout
député libéral, soit député ou ministre, a
comme objectif 10 000 $. L'argent est nécessaire pour le bon
fonctionnement du parti et pour se
préparer pour les élections. Tous les partis ont des objectifs, mais c'est
10 000 $, que tu sois un député ou ministre. Est-ce que c'est
le même cas dans les autres partis? Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député d'Ungava.
M.
Boucher : Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais poursuivre là
où ma collègue a arrêté parce qu'il importe de voir combien le financement du parti de la deuxième opposition, au
moment de sa création, se situait à l'orée de la légalité, M. le Président. Je ne veux pas faire
d'accusations, je vais laisser les gens qui nous écoutent tirer leurs propres
conclusions.
En effet, M.
le Président, en décembre 2011, un article du Journal de Montréal
rapportait que le chef de la deuxième opposition
avait récolté en deux jours — pas en deux ans, M. le Président, pas en
deux mois, en deux jours — 200 000 $ grâce
à des cocktails de financement à 400 $ du billet auxquels
500 personnes avaient assisté, M. le Président. Je peux vous dire
que ça fait cher du verre de vin, ça, M. le Président.
Et, quelques
mois plus tard, pour se défendre, le chef de la deuxième opposition répondait à
un journaliste du Soleil, et
je cite : «Tous les partis politiques, incluant le PQ, font exactement ce
genre de cocktails ou soupers[...]. On a besoin de ça si on veut être capable de ramasser de l'argent.» Fin de la
citation. Est-ce que le chef de la deuxième opposition trouve que c'est une bonne justification, que
c'est une bonne analyse? Je ne le sais pas pour vous, M. le Président, mais,
moi, ma défunte mère m'avait toujours élevé
en me disant : Mon fils, quand les autres font des niaiseries, tu n'es pas
obligé de faire pareil.
Même le
leader de l'opposition officielle critiquait cette attitude dans un article du Journal
de Québec en 2012 en référant aux
dons provenant d'un cabinet d'avocats dont le patron est l'ancien président de
la défunte Action démocratique du
Québec, révélant à ce moment que ce dernier est le nouveau responsable du
financement du parti formant la deuxième opposition.
À la même
époque, des comptables d'une firme montréalaise ont versé plus de
10 000 $ à un organisme sans but lucratif qui est devenu le parti formant la deuxième opposition
officielle. Le plus surprenant, cependant, c'est que des contributions avaient été envoyées par des
personnes qui habitaient en France, en Angleterre et même une qui habitait
à Ottawa. Comment la deuxième opposition
peut-elle se draper dans la vertu puis laisser son chef insulter les bénévoles
et les membres du parti formant le
gouvernement alors qu'il a fait de nombreux reportages soulignant des pratiques
de financement douteuses? M. le
Président, le parti formant la deuxième opposition a même des donneurs qui
n'ont pas fait de dons. C'est quand même ironique.
Rappelons
qu'en février 2012 La Presse révélait que deux
Montréalais se plaignaient à raison de se retrouver sur la liste des
donateurs formant... les donateurs du parti de la deuxième opposition. Dans un
article, un de ces fameux soi-disant
donateurs est outré d'avoir servi de prête-nom et, en fait, même, c'est
ironique, de faux prête-nom, parce qu'il n'avait jamais consenti. La réponse du parti formant la deuxième
opposition officielle est encore plus ironique, l'ancien député de
Chauveau a répondu au journal Le Soleil qu'il s'agissait d'une simple
erreur cléricale, simple erreur de transcription.
• (11 h 20) •
Comment peut-on
maintenant, lorsqu'un parti doit rendre publiques quatre listes révisées de ses
donateurs... Et, même après ces
quatre listes, il restait encore des irrégularités. En effet, M. le Président,
en juin 2012, la quatrième liste de
donateurs rendue publique par le parti formant la deuxième opposition
comportait 67 nouveaux noms, mais 36 personnes identifiées comme des donateurs, soudainement, avaient disparu, leurs
noms n'étaient plus sur la liste, tout simplement. Est-ce que c'était encore des erreurs cléricales?
Je suggérerais peut-être à la deuxième opposition de regarder du côté de
son personnel parce que, peut-être qu'il y aurait des améliorations à faire de
ce côté-là si jamais c'est le cas.
Peut-être que
c'est à cause des erreurs cléricales que le candidat-vedette du parti formant
la deuxième opposition, lors des élections de 2012 dans la
circonscription de Saint-Jérôme, éprouvait un blocage psychologique à faire du financement politique. Comment a fait celui qui
est devenu le député de Saint-Jérôme jusqu'en 2014 pour même poser sa candidature? En effet, La Presse
nous apprenait en juillet 2012 que, pour permettre à des citoyens de se
présenter sous la bannière du parti
de la deuxième opposition, les candidats devaient rassembler entre
10 000 $ et 25 000 $ selon leur probabilité d'être élus dans une circonscription.
Donc, est-ce qu'on cherchait les meilleurs candidats ou les plus fortunés?
Le plus inquiétant, M. le Président, c'est
que, pour les personnes qui n'avaient peut-être pas l'argent, on demandait des
prêts. Donc, je vois le temps défiler sous mes yeux, M. le Président, je vous
rappelle que le rapport de la commission d'enquête
sur l'industrie de la construction recommande de mettre un plafond aux prêts et
aux cautionnements. Encore une fois, on constate ici que le parti
formant la deuxième opposition a un sens éthique élastique et même à géométrie
variable. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
M. le député d'Ungava. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Là, je
sens que vous allez me parler puis que vous allez avoir une réaction.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, je vais vous parler parce que, écoutez, le député d'Ungava a été sauvé par
la cloche, là. Et ce que je constate, c'est
que ni Mme la ministre ni le député d'Ungava ne voient la poutre qu'ils ont
dans l'oeil.
C'est assez triste, ils sont à court d'arguments. Mais, à tout événement, je
leur rappelle qu'aucun de nos solliciteurs n'est accusé de fraude, de corruption, de collusion au criminel, faut-il
le rappeler. Aucun acte criminel n'a été commis et aucune accusation n'est commise chez nos gens.
Alors, ils sont vraiment à court d'arguments. Mais, cela dit, pour nous parler de cibles, quand on vient d'apprendre que
le Parti libéral avait des ministres à 150 000 $, ça me fait un petit
peu rire ce matin. Puis les gens qui nous écoutent, là, vos tentatives
de diversion sont un peu tristes ce matin.
Et j'aimerais revenir sur le point précis de la
prescription. Le p.l. n° 26, c'est très important... Nous voulons remonter
20 ans en arrière pour qu'il y ait le remboursement. Il y a un an, il y a un an
pratiquement jour pour jour, le gouvernement
libéral a adopté son fameux projet de loi n° 26, qui permet de retourner
20 ans en arrière pour poursuivre les
entrepreneurs en construction qui nous ont tous volés et, ainsi, récupérer des
sommes payées injustement à la suite de
fraudes ou encore de manoeuvres dolosives dans le cadre de contrats publics.
Alors, je me pose la question et je pose la question au gouvernement : Quelle est la différence entre un
entrepreneur en construction corrompu et un politicien qui serait corrompu? Est-ce que la ministre peut
nous dire pourquoi ce ne serait pas bon de remonter 20 ans en arrière
pour récupérer l'argent des partis politiques corrompus?
Alors, voici
les arguments de la ministre de la Justice du 24 février 2015 sur la pertinence
de permettre aux actions en justice
de ne pas être rejetées pour des motifs de prescription. La ministre de la
Justice disait, et je la cite : «...l'article 16, on parle de la prescription, du délai de
prescription, donc qui vise à réparer un préjudice qui est causé à l'intérieur
d'un délai de 20 ans.» Vous avez bien
entendu, 20 ans. «Et donc, nous — dans ce délai, c'est là-dedans — ce délai-là aussi, il est important parce que les manoeuvres peuvent
avoir été causées pendant cette période. Donc, ce que nous souhaitons, c'est qu'à l'intérieur de ce délai-là toute mesure
utile à la conservation des droits de l'organisme public, notamment une
action en inopposabilité, ne pourrait être rejetée pour le motif que le droit
est prescrit ou éteint.»
La ministre
poursuit : «Donc, évidement, la période de 20 ans, on l'a établie pour
permettre la récupération des sommes
pour fraude ou manoeuvre dolosive qui ont pu être révélées à l'occasion des
travaux de la commission Charbonneau. Je
pense que cette loi-là fait suite à toute cette affaire.» Elle avait raison,
hein? «Et évidemment le mandat de la commission Charbonneau, bien, visait une période qui débutait en 1996. Comme nous
sommes déjà en 2015, disait-elle, c'était de viser la période couverte.»
Fin de la citation.
Ce sont des
propos très pertinents, très sensés de la ministre de la Justice. J'ai voté
pour, on a travaillé ensemble dans ce
dossier-là. Alors, quelle est la différence entre un entrepreneur en
construction corrompu et un politicien corrompu? Pourquoi ce deux poids, deux mesures? Pourquoi faire différent lorsqu'il
est question d'aller chercher l'argent qui aurait été engrangé de façon illégale dans les coffres
des partis politiques, qui aurait tombé dans ce stratagème de collusion, de
corruption et de financement illégal des partis politiques? Et ça, c'est
remonter dans le temps.
Et le député
nous dit : Pourquoi remonter dans le temps? Parce que
c'est dans le temps que ça a été commis, ces crimes. Et il faut remonter dans le temps, c'est ce que la population
nous demande. Écoutez, si on ne fait pas ça, c'est un régime à deux vitesses que vous faites : un
pour les méchants entrepreneurs en corruption, corrompus, les sales
entrepreneurs, les sales entreprises
de construction, les méchants ingénieurs, les méchants avocats; puis ah! bien,
nous, sept ans, ce sera suffisant.
Sept ans, c'est bien suffisant pour les politiciens, qui sont auréolés de
vertu. Non, Mme la ministre, ce n'est pas suffisant, il faut agir de la
même façon. Ils ont tous baigné dans
la même stratégie, le même stratagème, stratagème de financements illégaux des partis politiques. Ce sont les paroles des gens de l'UPAC, ce ne sont pas les paroles de
la CAQ.
Puis, en passant, la CAQ n'était pas là à cette
époque-là. Mais, cela dit, si vous voulez continuer à frapper sur la CAQ ou encore l'ADQ, bien, écoutez, pour ce qui est des remboursements, notre chef, M. François Legault, a déjà
dit que, s'il y avait
malversation, nous allons rembourser rubis sur l'ongle ce que l'ADQ aurait reçu
illégalement. Nous avons dit que nous
le ferions et nous demandons, d'ailleurs, au parti du gouvernement de faire la même chose, de rembourser ces sommes.
Pour ça, il faut remonter dans le temps. Sinon, on ne pourra pas récupérer cet
argent. Merci, M. le... Ah! six secondes.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme de Santis : M. le Président,
plus tôt cette semaine, la députée de Montarville interpelait le député de Saint-Laurent et leader de notre gouvernement afin de savoir si notre gouvernement était d'accord avec l'initiative du Directeur
général des élections de récupérer
les dons qui auraient pu être versés illégalement. Évidemment, personne n'est
au-dessus des lois. Notre gouvernement est toujours d'accord avec le fait que le Directeur général des élections procède à des enquêtes. Qui pourrait être
contre cela? Nous sommes en faveur des règles.
Ce que je
questionne, c'est l'interprétation de ces règles par le parti formant la
deuxième opposition. Prenez, par
exemple, le site lesticketsdebarrette.com, mis en ligne il y a
quelques semaines pour permettre aux citoyens de signer une pétition
contre les frais de stationnement dans les établissements du réseau de la
santé. Chaque citoyen a droit à son opinion.
Ce que je questionne, c'est le fait qu'il était obligatoire, pour pouvoir
signer la pétition, de fournir de
très nombreux renseignements personnels et que cette pétition en ligne était
gérée par le site du parti formant la deuxième opposition. La question centrale est de savoir si la personne
dont on collecte les renseignements
personnels consentait de façon libre et éclairée à leur collecte, leur
utilisation et, si c'est le cas, à leur transmission à un tiers. Plus encore,
est-ce que les personnes qui signaient cette
pétition comprennent les échanges et les couplages électroniques qui pourront
être faits avec leurs renseignements
personnels? Savent-ils que le parti formant la deuxième opposition officielle peut ainsi se bâtir un portrait très précis d'eux leur permettant de
cibler leurs communications politiques? Il est pourtant possible de déposer une pétition directement sur le site de l'Assemblée nationale, là où les citoyens ont l'assurance que leurs renseignements personnels sont protégés.
Vous savez, M. le Président, je ne suis pas seulement
la ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, dont fait partie la Loi électorale, je suis aussi
responsable de l'Accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Je suis très préoccupée de penser que les députés du parti formant la deuxième opposition
officielle choisissent volontairement de collecter des informations
personnelles sur des citoyens qui veulent exprimer leur position sur un enjeu et, ce faisant, doivent
obligatoirement partager leurs informations personnelles à un parti politique.
Pourquoi un droit démocratique est assorti de l'obligation de fournir des
renseignements qui pourront ensuite être réutilisés?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
...M. le Président, je vais m'objecter ici à ce que dit la ministre, là, il n'y
a aucune obligation. C'est un pays libre, on
vit dans un pays libre au Québec, au Canada, aucune obligation des gens de
fournir quelque information que ce soit, ils le font sur une base
volontaire. Alors, je...
• (11 h 30) •
Le
Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville, ce n'est pas une question de règlement, vous
aurez le temps dans votre conclusion... Mme la ministre.
Mme
de Santis : Le consentement doit être libre et éclairé. Dans un
deuxième site Internet, ligne434.com,
le parti formant la deuxième opposition
propose aux citoyens qui entrent leur revenu familial d'évaluer le montant à
payer à titre de cotisation pour les
services de garde. Bon, ce site n'est pas tellement utile à la suite du
budget présenté par mon collègue récemment, mais ce qui reste préoccupant, ce sont les
données très, très personnelles que le parti formant la deuxième
opposition a obtenues en échange du service d'évaluer la cotisation. Il existe des
outils gouvernementaux soumis aux règles gouvernementales de protection des renseignements personnels qui donnent la même
information. D'ailleurs, les outils en ligne du gouvernement sont
mis à jour en temps réel, contrairement au site ligne434.com, qui omet toujours
de mentionner la mesure rétroactive de notre gouvernement. Je suis inquiète, M.
le Président, de l'utilisation que le parti formant
la deuxième opposition fera de ces renseignements personnels, sachant qu'en 2013 ce parti a mis en
ligne un site pour signer une pétition intitulée remboursez-nous.com.
Sur ce site, on propose aux...
Le Président (M.
Ouellette) : ...Mme la députée.
Mme
Roy
(Montarville) : ...question de règlement. Ici, on est tout à fait en dehors de
l'interpellation. On parle de
prescription, et elle parle ici de site
Internet d'un parti politique, mon parti politique, dont je suis très fière. Alors, on est tout à fait en dehors de la question de la prescription. Et c'est un pays libre, les
gens font ce qu'ils veulent. Alors, elle induit la population en erreur,
elle bifurque de l'interpellation de ce matin.
Le Président (M. Ouellette) : Bon, sur la pertinence à une interpellation, Mme la députée de Montarville, le sujet est très large, et la présidence
permet, effectivement, des commentaires sur un sujet très large. Vous aurez,
dans votre période de conclusion, en terminant... Parce que vous avez le
dernier mot, vous pourrez, effectivement, émettre les commentaires appropriés qui seront les vôtres lors de cette conclusion. Mme la ministre, je vous demanderais de continuer.
Mme
de Santis : Sur le site
remboursez-nous.com, on proposait aux citoyens de signifier au gouvernement son souhait de voir des procédures pour récupérer les
sommes qui auraient pu être versées illégalement par des entreprises. Ce que le site ne précisait pas, c'est que le
texte que les pétitionnaires devaient signer n'était pas conforme, donc que les
signataires s'exposaient au risque que la
pétition ne puisse jamais être déposée à l'Assemblée nationale. À quoi
bon signer une pétition qui n'est pas conforme, M. le Président?
En tout cas, ils ont, cette fois-ci, le mérite d'être clairs, leur objectif
était de recueillir les dons des signataires de cette pétition. Le financement politique a de très vastes ramifications, et utiliser les renseignements personnels de citoyens qui
croient et qui signent seulement une pétition... constitue, à mon avis, une pratique douteuse. Je vous le dis, je suis inquiète de voir la deuxième opposition se draper de vertu
tout en contournant les règles. Le consentement
des citoyens doit être libre et éclairé. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la ministre. Par souci d'équité, on
s'était entendu que le député de Marie-Victorin serait lors de la
sixième série d'interventions et, à cause du temps, on va le remonter à la
cinquième intervention.
Mais,
avant de vous donner la parole, M. le député de Marie-Victorin, je veux juste
revenir sur les propos que vous avez
tenus dans votre première intervention et vous indiquer que vous allez retirer
une expression que vous aviez utilisée,
qui est «le scandale des garderies libérales», qui est un propos non
parlementaire, justifié par plusieurs décisions de présidence. Ça fait que, donc, je comprends que vous le retirez.
Merci, M. le député de Marie-Victorin, et à vous la parole.
M. Drainville :
Merci, M. le Président. Alors, j'ai dit tout à l'heure : Il faut que le
Parti libéral du Québec passe son
test d'intégrité, et j'ai deux choses à dire là-dessus, M. le Président. Moi, à
mon avis — ce n'est
que mon avis, mais je vais quand même le transmettre à la nouvelle
ministre des Institutions démocratiques — je pense que l'une de ces priorités comme ministre responsable de notre
démocratie, ça doit être de faire adopter le plus rapidement possible un
nouveau régime permanent de financement des
partis politiques municipaux. Et, comme elle le sait, le projet de loi
n° 83, qui a été déposé par le
gouvernement libéral actuel, doit être adopté d'ici la fin de la présente
session selon le Directeur général
des élections si on veut que les mesures soient en place, que le nouveau
système à 100 $ soit mis en place pour l'élection municipale
prochaine de 2017. Ça presse, ça, M. le Président.
Je rappelle que c'est le Parti
québécois qui a fait voter le régime temporaire qui abaissait les dons de
1 000 $ à 300 $. On
l'a fait pendant les 18 mois que nous étions aux affaires. Il fallait faire
vite — c'était le projet
de loi n° 26 — pour
qu'il soit en place pour les élections de
2013, ce qui a été le cas. Et on a déposé, à ce moment-là, le projet de loi
n° 53 par la suite, qui s'inspirait du projet de loi sur le
100 $, la limite à 100 $ qui a été adoptée dans notre gouvernement, alors on voulait faire la même chose pour les
partis politiques municipaux. Malheureusement, le projet de loi est mort au
feuilleton.
Je
rappelle d'ailleurs, M. le Président, les vertus d'une limite à 100 $. Ça
casse le système des prête-noms, ça met fin aux pouvoirs abusifs, aux pouvoirs toxiques, aux pouvoirs de
corruption des grands collecteurs de fonds comme... enfin, à la Fava, Bibeau, Côté, etc. C'est très
démocratique, le système à 100 $, parce que c'est, dans le fond, le
financement proportionnel au résultat
obtenu. C'est la proportionnelle du financement politique, M. le Président, le
système à 100 $, parce que tu reçois un financement public qui est
proportionnel au résultat que tu as obtenu et tu peux continuer à faire
du financement populaire à 100 $. C'est un régime éminemment démocratique.
Le
problème, c'est que le gouvernement libéral, M.
le Président, je l'ai dit, a déposé
le projet de loi n° 83,
sauf que ce projet de loi n° 83,
il prévoit le système à 100 $ pour les partis politiques municipaux, mais
il l'insère dans un projet de loi mammouth qui prévoit toutes sortes
d'autres mesures, notamment l'abolition du Fonds québécois d'habitation communautaire. M. le Président, ce qu'il aurait
fallu faire, c'est déposer un projet de loi séparé pour instituer le régime
pour le financement à 100 $ au niveau
municipal. Là, en en faisant un projet de loi mammouth, malheureusement, ce que
le Parti libéral a fait, M. le Président, c'est de créer les conditions pour
ralentir et, peut-être même, saboter, saboter la progression qu'a connue le Québec en matière d'assainissement du
financement politique parce qu'il y a un risque réel, M. le Président, que ce projet de loi n° 83
sur le système à 100 $ au niveau municipal de soit pas adopté. Et, si le
Parti libéral avait vraiment voulu qu'il le soit, il en aurait fait un
projet de loi séparé plutôt qu'un projet de loi mammouth.
Mais
il y a, évidemment, d'autres tests, M. le Président, que le Parti libéral doit
passer s'il veut passer son examen d'intégrité. Moi, je pense qu'il faut
que la ministre du Tourisme nous explique ses déclarations devant la commission
Charbonneau, quand elle a dit qu'elle ne
connaissait pas le système à 100 000 $, alors que, selon les chiffres
mêmes du Parti libéral, elle a
collecté 133 955 $ en 2008 et 125 027 $ en 2009. Il faut
également que M. le député de Louis-Hébert, M. le Président, soit écarté du caucus libéral, notamment à cause de sa
déclaration sur les ondes de la radio de Paul Arcand, quand il a dit : Je n'ai jamais atteint le
100 000 $, alors qu'il a collecté 171 399 $ en 2009. Ça
aussi, c'est un test d'intégrité, M. le Président.
Mais
je vous dirais, pour ce qui est de la ministre, à mon avis, M. le Président, le
plus gros test ou le plus important test
d'intégrité qu'elle doit passer, c'est qu'elle doit condamner formellement en
cette Chambre le système des ministres à 100 000 $ et des ministres à 150 000 $. Hier, on a
déposé une motion, M. le Président : Que l'Assemblée nationale condamne
le système libéral, le système libéral des
ministres à 100 000 $ et des super ministres à 150 000 $.
La ministre des Institutions démocratiques
et tout son groupe parlementaire ont refusé d'accepter la motion, ont refusé de
consentir à ce qu'on en discute, à ce
qu'on la vote. Alors, moi, je pense, le premier test, le vrai premier test de
la nouvelle ministre des Institutions démocratiques,
c'est de condamner, lors de sa prochaine prise de parole, le système des
ministres à 100 000 $ et des ministres à 150 000 $. Elle a l'occasion de le
faire, elle marquerait ainsi sa volonté de rompre avec le vieux Parti libéral,
de montrer qu'elle veut vraiment — comment dire? — contribuer à ce que le Parti libéral passe
cet examen d'intégrité qu'il a échoué jusqu'à maintenant.
Est-ce que la
ministre va condamner depuis son siège, lors de sa prochaine prise de parole,
le système des ministres à
100 000 $ et des super ministres à 150 000 $? On va écouter
ça avec beaucoup d'attention, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de La Prairie, pour deux minutes.
M. Merlini :
Deux minutes. Merci, M. le Président. Bien, il est toujours intéressant de
suivre les palabres des oppositions en cette
Chambre, M. le Président, parce que c'est un peu comme lorsqu'on reçoit nos
circulaires à la maison. On ouvre le
sac de circulaires et on regarde les spéciaux de la semaine, qu'est-ce qui est
en spécial cette semaine, quelle idée va sortir du sac de circulaires,
cette semaine, de nos oppositions.
Il
faut rappeler que l'ex-député de Saint-Jérôme, qui représentait la deuxième
opposition avant 2012, avait des problèmes, lui aussi, qu'il avait un
problème éthique à solliciter des contributions politiques. D'ailleurs, en
termes de contributions politiques,
j'aimerais savoir ce que pense le député de Marie-Victorin lorsque son chef,
lors d'une activité de financement, ramasse 100 000 $ en une
soirée.
• (11 h 40) •
M. Drainville :
M. le Président, appel au règlement. J'aimerais déposer, si vous me le
permettez, la liste complète de tous
les donateurs de la campagne au leadership de l'actuel chef du Parti québécois.
Cette liste des donateurs, elle est sur le site du DGE, comme vous le savez, depuis qu'on a fait voter la loi à
100 $. C'était prévu là-dedans. Alors, toutes ces contributions dont il parle, y compris de
l'activité à laquelle il se réfère, toutes les contributions à la campagne au
leadership de l'actuel député de
Saint-Jérôme et chef de l'opposition officielle sont sur le site du DGE. On a
la liste ici. Alors, si vous me permettez, M. le Président, je vais la
déposer.
Vous
pouvez continuer, M. le député de La Prairie, et puis je vais trouver
cette liste-là et la déposer avec votre consentement, M. le Président.
Parce que, franchement, ça fait quelques fois qu'on entend des députés libéraux
nous parler de ça, alors on va déposer cette liste-là et mettre fin à
l'histoire, M. le Président. Il n'y a absolument aucune... il n'y a aucun problème à ce qu'on dévoile cette
liste-là, elle est déjà publique, et tous les contributeurs, tous les donateurs
sont là, M. le Président.
Document déposé
Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député. Merci, M. le député de
Marie-Victorin. Comme vous l'avez mentionné, cette liste-là est
publique, vous allez nous la déposer.
Conclusions
On
est rendus maintenant à la conclusion de notre interpellation, et, puisqu'il y
a une période de 10 minutes qui doit
être réservée pour la conclusion de Mme la ministre et de Mme la députée de
Montarville, qui a fait l'interpellation, on s'exécute immédiatement.
Mme la ministre.
Mme Rita Lc de Santis
Mme
de Santis : Merci, M. le Président. Mes deux collègues et moi vous
avons présenté divers faits ce matin qui démontrent que la demande de la
députée de Montarville est irrespectueuse du travail des commissaires de la
commission Charbonneau. Mon collègue le député de Saint-Laurent a fait
remarquer en cette Chambre plus tôt cette semaine
que le parti formant la deuxième opposition officielle croit pouvoir faire
mieux que le travail de la commission. Rappelons-le,
c'est un travail qui a demandé plus de 200 jours d'audiences pour entendre plus
de 400 personnes et produire un rapport de plus de 1 700 pages.
Mais, pourtant, le
chef de la CAQ et l'ancien ministre de la Santé du PQ, qui n'a pas su faire du
financement moins douteux dans son nouveau
parti que dans son ancien, croit qu'il fera mieux que cela. C'est pourtant sa
promesse lors de la création de son
parti. Ou ce n'étaient peut-être que des paroles. Comme l'a fait remarquer le
député de Saint-Laurent, il s'agit
d'une vilaine habitude des députés formant la deuxième opposition officielle.
Lorsqu'ils ne sont pas contents des conclusions d'un organisme
indépendant comme la commission Charbonneau, ils soutiennent qu'ils pourraient faire mieux, mais ils n'argumentent pas
comment. Cela vaut probablement aussi pour le Commissaire à l'éthique, qui n'a pas assez de mordant, selon eux. Ça doit
être parce que le poste a été créé par un gouvernement libéral, tout comme
la commission Charbonneau, qui a été mise en
place par le précédent gouvernement libéral, ou le Commissaire au lobbyisme,
qui, lui, pourtant, a été créé par un gouvernement péquiste en 2002, alors que
le chef de la CAQ était péquiste. Ils
critiquent et critiquent, mais ne fournissent pas de propositions
constructives. Où est passé le respect de nos institutions, M. le
Président?
Le
discours de notre gouvernement et du parti dirigé par notre premier ministre
est cohérent et conséquent. Nous avons
présenté des faits. Nous avons présenté et expliqué le délai de prescription.
Nous avons rapporté les arguments du principal
intéressé par l'application du délai de prescription, soit le Directeur général
des élections. Rappelons qu'il a obtenu l'appui de la Commission des institutions, lors de sa présentation de
février, à l'effet de faire passer de cinq à sept ans le délai maximal
de prescription. Peut-être que la députée de Montarville n'a pas consulté son
collègue le député de Deux-Montagnes, qui
siège pourtant à la Commission des institutions. Cela expliquerait qu'elle ne
savait donc pas que son collègue et
la Commission des institutions appuient la recommandation du Directeur général
des élections. M. le Président, c'est écrit noir sur blanc à la page 3
du rapport de la Commission des institutions déposé en février 2016.
Il
est, par ailleurs, intéressant de penser que deux titulaires du poste du
Directeur général des élections du Québec ont, tous les deux, en commission parlementaire, fait valoir qu'un délai
de prescription doit correspondre à la durée de conservation documentaire. En effet, si les partis politiques et les
institutions financières qui conservent des documents, respectivement pour cinq et sept années, ne sont
pas en mesure de répondre aux demandes d'enquête du Directeur général des élections, comment ce dernier pourrait-il
préparer un dossier d'enquête? Nous pouvons, certes, modifier la loi concernant
la conservation documentaire pour les partis
politiques, mais ça, ça va être pour l'avenir. Mais cette Assemblée nationale,
en plus, n'a pas de pouvoir sur la
conservation des documents par les banques, qui sont sous la juridiction
fédérale. À moins que, M. le
Président, la deuxième opposition veut toujours la séparation, à l'instar du
PQ. La députée de Montarville le sait certainement, imposer un délai de
prescription plus long de manière rétroactive ne garantit absolument pas que
les documents de preuve existeront toujours et qu'il serait donc possible de
poursuivre... puisse condamner les fautifs.
L'interpellation
de ce matin a, tout de même, le bénéfice de nous avoir permis de réfléchir et
de discuter en toute transparence du délai de prescription. En tant que
ministre responsable de l'Accès à l'information et la Réforme des institutions démocratiques, il m'importe que nous,
parlementaires, soyons ouverts d'esprit afin d'améliorer nos pratiques. Il faut le faire, que ce soit en période
électorale ou durant une législature. Il faut le faire de manière ouverte, en
impliquant les citoyens dans nos réflexions et avec le moins de
partisanerie possible. Il en va de l'avenir de notre démocratie.
Il
y a, certes, des événements malheureux qui sont survenus au cours des dernières
décennies, mais la grande majorité des
élus a agi en respectant les lois de l'époque. Les choix changent selon les
volontés des gouvernements de les moderniser et de les adapter à ce que les citoyens trouvent acceptable.
Aujourd'hui, le financement sectoriel est inacceptable, mais il fut une
époque où il était possible de le faire en respectant les lois d'alors.
Comme
l'a souligné la commission Charbonneau à la page 12 de son rapport,
certains employés agissaient comme prête-noms,
et certaines entreprises finançaient plusieurs partis simultanément, entre
autres par crainte de représailles si un parti venait à prendre le pouvoir. Voilà des exemples réels de
financement illégal auquel les mesures adoptées au cours des dernières
années ont mis fin.
Jugeons les
gens selon les lois et les actions de leurs époques. Jugez-nous par nos actions
d'aujourd'hui. Je répète, aujourd'hui,
chaque ministre, chaque député, l'objectif, c'est le même, 10 000 $.
Toute personne autorisée à solliciter des
contributions du Parti libéral du Québec doit posséder un certificat de
solliciteur attestant sa qualité, et il doit être signé par le
représentant officiel du Parti libéral ou par l'instance.
Tous
les rapports financiers et les rapports d'activité, ainsi que la liste des
donateurs du Parti libéral du Québec sont
déposés à chaque année au Directeur général des élections. Toutes les
contributions jugées non conformes à la Loi électorale seront
remboursées par le Parti libéral du Québec. Avec les nouvelles règles adoptées
en 2011, toutes les contributions sont désormais transmises directement au
Directeur général des élections, qui en assure la conformité.
Il faut nous tourner vers l'avenir, M. le
Président, et être à l'écoute de la population. En tant que ministre responsable de l'Accès à l'information et de la
Réforme des institutions démocratiques, j'ai à coeur de poser des gestes
qui feront voir à la population que leur
opinion compte, que leurs élus y sont attentifs. Par cela, il nous faut
encourager la participation citoyenne en tout lieu et en tout temps. La
participation citoyenne, ce n'est pas seulement relayer des pétitions, surtout si l'une ne peut être présentée
aux élus parce qu'elle n'est pas conforme. La participation citoyenne, c'est donner une réelle voix aux Québécois sur
divers sujets qui leur tiennent à coeur dans leur communauté, mais aussi
pour l'ensemble du Québec. C'est à cela que servent les commissions
parlementaires, par exemple.
M. le Président,
nous avons été témoins, au cours des dernières semaines, de déclarations à
l'emporte-pièce et d'effets de toge
de la part de certains élus dans des déclarations qui omettent des faits
importants qui concernent leur propre parti
politique. La révision de la Loi électorale pour mettre en place les
recommandations de la commission Charbonneau doit passer par un consensus avec tous les partis. Une rencontre du
comité consultatif du Directeur général des élections est déjà prévue au cours des prochains jours, et
j'invite tous les partis à venir y présenter des propositions constructives
répondant aux attentes de la population.
On entend
souvent que les citoyens ne font pas confiance aux politiciens. Pourtant, M. le
Président, je suis convaincue que tous
les élus présents dans cette Assemblée ont entendu comme moi les citoyens de
leur circonscription tempérer cette affirmation en ajoutant : Mais
pas vous, vous êtes ma députée, et je vous fais confiance.
Je souhaite,
M. le Président, que le débat se tourne vers l'avenir afin de trouver ensemble
des solutions pour assainir et
moderniser non seulement les pratiques de financement de tous les partis, mais
l'ensemble des règles qui entourent les relations avec l'électorat, et
ce, afin de redonner aux citoyens confiance envers leurs élus, tous les élus.
M. le
Président, je remercie vraiment sincèrement la députée de Montarville de nous
avoir donné l'occasion, à moi et à
mes collègues les députés de La Prairie et d'Ungava, de réfléchir dans ces
tribunes à l'amélioration de nos processus démocratiques et, ainsi,
contribuer à ce gouvernement plus ouvert et plus transparent. Merci, M. le
Président.
• (11 h 50) •
Le Président (M. Ouellette) : Pour
le mot de la fin, Mme la députée de Montarville.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy
(Montarville) : ...M. le Président. Écoutez, les gens qui
nous écoutent ont tous vu et entendu la ministre, la ministre qui était à court d'arguments, de
toute évidence, qui a tenté de
changer de sujet, parler de nos sites Internet, dont je suis très, très fière. Allez faire un tour, c'est un pays libre,
vous faites ce que vous voulez, vous écrivez ce que vous voulez, vous vous enregistrez si vous voulez, vous n'avez aucune
obligation. C'est ça, la démocratie aussi. Donc, elle a tenté de changer de sujet. On a aussi un beau site Internet en
anglais. Je vous invite, les anglophones, à aller faire un tour
également.
Donc, elle a
tenté de changer de sujet pour ne pas avoir à parler du financement illégal, de
cette aura de financement illégal qui
entoure son parti. Elle nous parlait des certificats de sollicitation, je lui
rappelle que le solliciteur Marc-Yvan Côté a obtenu des certificats de sollicitation de son parti pour les années
2007, 2008, 2009 et qu'il est actuellement accusé au criminel pour des accusations extrêmement graves.
Et moi, si j'étais la députée de Bourassa-Sauvé, je me poserais des
questions. On a les chiffres ici de Radio-Canada, 2008-2009, pour le
financement, alors qu'il y avait des ministres à 100 000 $, et on a appris qu'il y a des ministres aux
objectifs de 150 000 $. Moi, si j'étais elle, je me poserais des
questions, je me dirais : Mon
Dieu! La personne qui était à ma place en 2008 avait un objectif de
100 000 $ à ramasser, 122 000 $; en 2009, avait un objectif de 100 000 $ et
a ramassé 147 000 $. Mon Dieu! Comment est-ce qu'ils ont fait ça? Ça
ne lui sonne pas de cloche? Elle n'est pas curieuse de savoir ce qui
s'est passé?
Cela dit,
elle nous dit que la demande que nous faisons ce matin d'extensionner le délai de
prescription à 20 ans, c'est irrespectueux, irrespectueux de la commission
Charbonneau. Bien au contraire. Bien au contraire, nous disons : La
commission Charbonneau, nous l'embrassons, nous embrassons les recommandations.
Nous sommes extrêmement respectueux et nous
disons : Nous pouvons tous, politiciens que nous sommes ici, bonifier ces
recommandations. Ce n'est pas une
lubie, les directeurs généraux des élections des années antérieures nous le
disaient, même le Barreau qui disait : Remontez 10 ans en arrière. Il y a même votre ministre de la Justice qui
a accepté de remonter 20 ans en arrière pour le monde de la
construction. Nous devons faire la même chose pour les politiciens.
Et je vais
vous dire ce qui est irrespectueux, Mme la ministre. Ce qui est irrespectueux,
c'est quand un élu n'écoute pas la
population — ça,
c'est irrespectueux — et qu'il
traite différemment les entrepreneurs corrompus que les politiciens
corrompus. Ça, c'est irrespectueux.
Et on parle
de prescription ce matin. La prescription, qu'est-ce que c'est, pour les gens
qui nous écoutent? C'est le temps.
Vous le savez, Mme la ministre, vous êtes avocate, le temps joue contre nous.
Tout le processus judiciaire, il est long,
il est ardu, il prend du temps. Il joue contre les citoyens, les citoyens qui
veulent que justice soit faite, qui veulent qu'il y ait apparence de justice. Il joue contre les politiciens qui
sont honnêtes et intègres parce que, tant qu'on n'a pas réparation, on se demande ce qui se passe, quel
est tout ce financement occulte. Mais le temps, il avantage drôlement bien
ceux qui ne veulent pas rembourser les cotisations illégales. Moi, je trouve ça
très étrange, M. le Président.
On va parler
de temps, il me reste sept minutes. Qu'est-ce qui va se passer pour de vrai? Je
vais le dire aux gens qui nous
écoutent, qu'est-ce qui va se passer pour de vrai. Le 20 avril prochain,
il y aura comparution des sept personnes qui ont été accusées par l'UPAC, dont l'ancienne
vice-première ministre, qui était assise juste là, et le solliciteur, M. Marc-Yvan Côté. Comparution, qu'est-ce que ça
veut dire? Ça veut dire que tout ce bon monde va aller enregistrer son plaidoyer de culpabilité ou de
non-culpabilité. Je vais dire, moi, aux gens qu'est-ce qui va se passer cette
journée-là. De un, on ne verra personne. Il y a de fortes chances qu'on
ne voie personne. De deux, tous les avocats qui seront là, il y a de fortes chances, là — c'est la journaliste qui parle — également que tous les avocats de la défense
qui représentent ces accusés disent à M. le juge, avant de
commencer : Dispense de lecture.
Ça veut dire
quoi, M. le Président, dispense de lecture? Ça veut dire que le juge n'aura pas
à lire tous ces actes d'accusation, qui sont très, très, très longs et
qui s'étendent sur une période de 11 ans, de 2000 à 2011, pour tous les accusés
qui sont sur la dénonciation, dont deux amis du Parti québécois, en passant.
Mais là on s'entend, ce qui nous intéresse
particulièrement, c'est le financement au Parti libéral du Québec. Donc,
dispense de lecture, le gens qui seront dans la salle de cours ne
sauront rien, ne sauront rien des actes d'accusation.
Par la suite,
les avocats de la défense, ou de Mme Normandeau ou de M. Côté et des cinq
autres, diront : Ma cliente ou
mon client enregistre un plaidoyer de non-culpabilité. Alors, je vous parie
tout de suite un petit deux que tous ces gens-là plaideront non
coupables.
Par la suite,
qu'est-ce qui se passe? Communication de la preuve, je vous prie. Alors, le
procureur de la couronne, armé de son dossier, va remettre toute la
preuve aux avocats de la défense, et là on verra l'épaisseur des dossiers. Qu'est-ce qu'on a? Qu'est-ce qu'il y a dans cette
preuve-là? Les gens veulent le savoir. Bien, on va juste voir le dossier
qui sera remis physiquement des mains de la
couronne aux mains des avocats des accusés. Là, on va regarder qu'est-ce
qu'il y a. Mon Dieu! C'est quoi,
l'épaisseur? Mais on ne saura rien, on ne saura rien jusqu'à temps qu'il y ait
procès et que cette preuve que l'UPAC
a travaillé si fort à aller chercher, que les policiers ont travaillé si fort à
aller chercher soit déposée en
cour.
Elle sera
déposée quand, M. le Président? Lorsqu'il y aura un procès. Ce procès-là, il va avoir lieu
quand, M. le Président?
Ça va être long parce que la réalité des choses, nos tribunaux sont engorgés.
La réalité des choses, il y aura probablement
sept avocats au dossier. Il va falloir que tout ce beau monde s'entende pour
trouver des dates pour pouvoir, justement,
procéder. Ça peut nous mener dans deux ans, mais moi, je pense, même peut-être
trois ans. Dans trois ans, nous serons
rendus où? 2019. 2019, Mme la ministre, avant qu'on ait l'ombre d'une preuve de
ce qu'il y a là-dedans. Ça, les gens le savent.
Par la suite, nos avocats diront après la
communication de la preuve, donc après avoir eu la preuve entre les mains : Reporté pro forma. Une date reportée
pro forma. Reporté pro forma, qu'est-ce que ça veut dire? Nous allons reporter
pour la forme. Ça veut dire que les avocats
vont étudier la preuve, ce qui est tout à fait normal, puis on va voir
l'épaisseur, mais on va étudier tout
ça, puis on va reporter pro forma. On est le 20 avril. Reporter pro forma,
vous savez très, très bien, comme moi, que ça va aller à juillet, août,
septembre, on ne saura rien d'ici là.
Mais les gens
attendent. Les gens attendent surtout des réponses du gouvernement, surtout un
geste de bonne foi. Le processus
judiciaire va suivre son cours, et c'est bien qu'il en soit ainsi, c'est bien
que les avocats de la défense prennent tout le temps pour regarder ce qu'il y a
dans la preuve, parce que, pour la suite, je vous dis qu'il y aura sûrement
des requêtes de déposées, des demandes de faites, des précisions sur la preuve.
Mais les gens ne sauront rien.
Les gens ne
sauront rien, mais ce qu'ils savent, par exemple, dans les documents que je
vous ai remis — parce
que je le sais que le député de
La Prairie disait que c'est des palabres, nos propos, là, c'est imbécile,
c'est con, naturellement — il y a des chiffres, des chiffres qui n'ont pas été colligés
par moi, mais qui ont été colligés par le Directeur
général des élections. Il y a des périodes vachement importantes où le Parti
libéral du Québec a engrangé des fortunes.
Il nous parle de prête-noms, et c'est ça qui est important. Et vous avez
l'occasion, Mme la ministre, de faire en sorte que ces sommes-là, ces
sommes-là soient remboursées. Vous l'avez fait pour les entrepreneurs en
construction, faites-le pour les politiciens.
Mme la
ministre de la Justice, on a super bien travaillé ensemble. On n'est pas les
meilleures amies du monde, là, elle vous le dira, là, mais, sur ce
dossier-là, on a super bien travaillé ensemble. Pourquoi? Parce que c'était
l'intérêt supérieur des citoyens qui
comptait dans ce dossier-là. Et, pour ça, je serai toujours là, M. le
Président. Et, dans le cas qui nous
occupe, c'est la même chose. Et nous respectons nos institutions, nous
respectons les recommandations de la commission Charbonneau et nous
disons : Allons encore plus loin. On l'a fait dans un cas, faisons-le dans
l'autre.
Et, comme,
donc — nous
revenons à cette comparution du 20 avril — il y aura report... reporté à une date
ultérieure pro forma, pour la forme, on est loin du procès, on est
terriblement loin du procès et d'un remboursement. Et, plus on s'éloigne du procès et d'un remboursement,
qu'est-ce qu'il y aura? Il y aura une élection en 2018. Et, s'il s'avérait, au
terme du procès, où des membres influents et l'ancienne vice-première ministre
du Québec soient trouvés coupables, s'il
s'avérait, s'il s'avérait qu'il y ait eu de l'argent illégal au Parti libéral
du Québec, force serait alors de constater qu'on parlerait des fruits de la criminalité. Alors, la question que je vous
pose, s'il y a condamnation, si les tribunaux démontrent qu'il y a condamnation et qu'il y a de l'argent
sale au Parti libéral, est-ce que les élections de 2018 se seraient déroulées
avec les fruits de la criminalité?
Mme de Santis : ...
Mme Roy
(Montarville) : Bien, la question se pose. Vous pouvez bien
dire : Oh God! Mme la ministre, mais la question se pose. Et, justement pour rétablir la crédibilité minimale
que nous avons tous, politiciens, pourquoi ne pas faire un geste de bonne foi? Pourquoi ne pas faire
comme les libéraux fédéraux l'ont fait à l'époque de la commission Gomery et de placer en fiducie de l'argent pour
s'assurer qu'il y aura des sous pour rembourser si jamais, si jamais il y avait
de l'argent sale au Parti libéral? Je mets
tout ça au conditionnel, là, personne n'est trouvé coupable encore. Il y a des
piles de
documents, on a hâte de voir la preuve. Mais les libéraux fédéraux l'ont fait à
l'époque, et c'est drôle, il y avait exactement
le même acteur qui nous revient, le même acteur qui est accusé cette fois-ci
qui nous revient et qui était votre solliciteur.
Donc, ça serait intéressant de voir un geste de bonne foi, de bonne volonté du
gouvernement libéral, de mettre de l'argent de côté en fiducie. Ça
pourrait, à tout événement, redonner confiance dans les acteurs politiques,
dans les institutions politiques, dans les
politiciens, parce que, M. le Président, on en a drôlement besoin. Merci, M. le
Président.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci. Merci, Mme la ministre, M. le député de La Prairie, d'Ungava, de
Marie-Victorin et Mme la députée de Montarville.
Compte tenu de l'heure, je lève la séance, et la
commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux à mardi 12 avril, à
10 heures, où elle poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 59.
(Fin de la séance à 12 heures)