(Quinze heures dix minutes)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Veuillez, s'il vous plaît, vous assurer que vos
appareils électroniques sont en mode silencieux afin de ne pas perturber nos
travaux.
La commission
est réunie afin de poursuivre l'étude
détaillée du projet de loi n° 59, Loi
édictant la Loi concernant la
prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à
la violence et apportant diverses modifications législatives pour
renforcer la protection des personnes.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Rochon (Richelieu) remplace M. Leclair (Beauharnois) et M. Lisée
(Rosemont) remplace M. Marceau (Rousseau).
Étude détaillée (suite)
Le Président (M. Ouellette) : Lors
de notre dernière séance, nous avions convenu de suspendre l'étude de l'amendement
de la ministre à l'article 1 édicté par l'article 1 de la partie I du projet de
loi. On a convenu aussi de procéder... et
c'est ce qui est arrivé hier, on a débuté la partie II du projet de loi, et il avait été convenu avec Mme
la ministre qu'on reprendrait aujourd'hui l'étude de son amendement et
de l'article 1.
Je vous informe que, pour l'amendement de la ministre,
M. le député de Rosemont dispose de 10 minutes sur l'amendement de la ministre — M. le député de Rosemont qui va être ici incessamment, là, que j'ai vu
passer, qui va être ici incessamment — et
que M. le député de Richelieu dispose de 16 minutes sur l'amendement de la ministre, Mme la
députée de Taschereau ayant écoulé son temps. Mme la ministre.
Mme Vallée : Je pense que,
sur l'amendement, on a fait le tour.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Richelieu.
M. Rochon : La ministre ne se
surprendra pas que ce ne soit pas mon point de vue, notre point de vue. J'ai un sous-amendement, M. le
Président, à vous déposer que je
lirai avant que vous en fassiez la distribution. Alors, modifier l'amendement modifiant l'article 1 de la loi proposée par l'article
1 du projet de loi en remplaçant, dans l'alinéa introduit par
le troisième paragraphe de l'amendement... en remplaçant les mots «est susceptible d'exposer» par les mots «est
susceptible de troubler l'ordre public et d'exposer».
Pour faciliter votre compréhension, le texte
amendé se lirait comme suit :
«Est un
discours haineux, un discours visé au deuxième alinéa qui, aux yeux d'une
personne raisonnable, est d'une virulence
ou d'un extrême tel qu'il incite à troubler l'ordre public et à exposer ce
groupe à la marginalisation ou au rejet, à la détestation, au dénigrement ou à l'aversion notamment
pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou
ignoble.»
J'en fais le dépôt?
Le Président (M. Ouellette) : Vous
en faites le dépôt, et je suspends quelques secondes.
(Suspension de la séance à 15 h 14)
(Reprise à 15 h 16)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. M. le
député de Richelieu,
avant que vous me donniez les explications sur votre amendement, là,
vous avez juste une petite correction pour l'audio?
M. Rochon : Oui, effectivement. M.
le Président, dans la transcription, là, nous avons écrit «aux yeux» plutôt que «de l'avis». Alors, c'est bien
l'expression «de l'avis» qui doit se trouver, là, dans le texte. Je peux bien
vous reprendre le texte amendé, là, pour que ce soit plus clair, là.
Le Président (M. Ouellette) : Oui.
M.
Rochon : Alors : «Est
un discours haineux, un discours visé au deuxième alinéa qui, de l'avis d'une
personne raisonnable, est d'une virulence ou d'un extrême tel qu'il — et là
c'est ça qu'on rajoute, là — incite
à troubler l'ordre public et à exposer — fin du texte ajouté — ce
groupe à la marginalisation ou au rejet, à la détestation, au dénigrement ou à l'aversion notamment pour que ce
groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble.»
Le Président (M. Ouellette) : Vos
commentaires.
M. Rochon : Oui. Bien, je veux
contextualiser, là, tout ça, là. On revient à l'article 1, je sais dans quelles
dispositions se trouve la ministre, qu'elle
a hâte, là, de passer à d'autres articles. On a entrepris, là, hier l'examen de
la partie II. Nous aussi, on aime ça, travailler avec vous. Alors, je sais que
la ministre trouve que nous nous attardons beaucoup à l'article 1, là, mais
c'est que, M. le Président, cet article est le coeur du projet de loi. Alors,
nous serions mal conseillés, croyons-nous,
d'en négliger l'examen et, encore plus mal conseillés, d'en sous-estimer la
portée. Ce n'est donc pas pour faire obstruction aux travaux ou pour
être déplaisants qu'on estime devoir encore passer du temps sur l'article 1, mais parce que cet article, tel qu'il
est libellé, là, il entre en collision avec notre conviction qu'il ne faille
rien faire pour limiter la liberté d'expression de façon insidieuse.
Je dis insidieuse parce que je ne crois que ce
soit ce que la ministre veuille, limiter la liberté d'expression. Je crains plutôt qu'elle soit, disons, moins inquiète
que nous à propos des effets pervers de son projet de loi sur ladite
liberté d'expression. Puis je n'afficherais pas la même assurance si j'étais le
seul à craindre pour notre liberté d'expression. Nous n'afficherions pas, nous, de l'opposition, la même assurance si
nous étions les seuls à craindre pour la liberté d'expression. Mais voilà, je ne suis pas le seul, nous ne sommes pas les
seuls, il y a plusieurs voix qui se sont élevées, et pas seulement
celles de gérants d'estrade, là — et je le dis avec beaucoup de respect
pour les gérants d'estrade — celles
d'experts qu'on a abondamment cités, d'experts et puis de journalistes,
l'opinion d'analystes politiques, l'opinion de chroniqueurs. Alors, tout le
monde ne peut pas se tromper, ça ne se peut pas, là. Tout le monde ne peut pas
craindre inutilement, il y a bien quelque chose qui ne marche pas avec ce
projet de loi. Et ce qui ne marche pas, c'est, de notre point de vue — et je
pense que ça reprend beaucoup des points de vue que nous avons entendus — qu'il ratisse trop large, bien trop
large.
Il devait s'agir d'une réponse à plusieurs
événements qui ont fait la manchette depuis l'arrivée au pouvoir du Parti libéral, l'affaire Charkaoui, la présence
d'imams tenant un discours dit haineux sur le territoire québécois. Or,
cette réponse, elle est — puis je le dis en tout respect, là — maladroite, elle est imparfaite. Elle
annonce, cette réponse-là, des restrictions
à la liberté d'expression. L'accroissement des pouvoirs de la Commission des
droits de la personne et des droits
de la jeunesse, c'est reçu comme l'instauration d'un tribunal administratif du
mauvais goût, ça ne passe pas. Alors, M. le Président, on devrait
arrêter tout ce chichi que personne n'a demandé et ne mener que la seule
bataille qu'il est raisonnable de mener, la bataille contre le discours
incitant à la violence.
Alors, ça,
c'est le fond de notre pensée. Maintenant que j'ai dit tout ça, bien là on
reprend, là, avec le défilé des sous-amendements
pour tenter, là, de limiter les dégâts. Si nous ne pouvons pas faire autrement,
là, si la ministre refuse de se rendre à notre point de vue, qu'il ne
faille mener bataille que contre le discours incitant à la violence, bien, on
va continuer d'essayer de limiter les
dégâts. Alors, c'est dans cet esprit-là que nous avons présenté ce sous-amendement,
qui se colle sur le Code criminel. J'ai
oublié votre mot de passe, cher collègue, pour me donner accès à l'article du
code auquel je souhaitais référer.
• (15 h 20) •
M. Lisée : 810.
M. Rochon : Voilà. Non, c'est le
319, M. le député de Rosemont.
M. Lisée : Ah! bien, j'ai...
M. Rochon : Vous avez encore essayé
de m'induire en erreur, vous, là. «Quiconque, par la communication de déclarations en un endroit public, incite à la
haine contre un groupe identifiable, lorsqu'une telle incitation est
susceptible d'entraîner une violation de la paix...» Alors, vous voyez, là,
nous, nous sous-amendons en parlant d'incitation à troubler l'ordre public. Alors, voilà, nous tentons, là, de
circonscrire, d'être plus précis, de créer un corridor plus étroit. Je
pense m'être suffisamment exprimé à la fois sur le contexte général, là, et sur
le sous-amendement.
Le Président (M. Ouellette) : Vous
avez un commentaire, Mme la ministre?
Mme Vallée :
Simplement rectifier les faits, M. le Président. Je vois votre regard, mais
non, non, soyez assuré, je ne troublerai pas l'ordre de cette
commission.
Une voix : Merci.
Mme Vallée : J'inviterais
simplement le collègue à ne pas me prêter d'intentions, parce que c'était un
petit peu le ton du discours, et simplement
lui dire que je n'ai jamais qualifié ceux et celles qui ont commenté ou qui se
sont prononcés sur le projet de loi n° 59 de gérants d'estrade.
M. Rochon : ...
Mme Vallée : Ah!
d'accord. Parce que j'ai trop de respect pour ceux et celles qui s'expriment en
commission parlementaire pour les considérer de la sorte.
Alors, je veux
simplement, M. le Président, informer les collègues et ceux et celles qui nous
écoutent que le sous-amendement qui nous est
présenté réintroduit une fois de plus l'intention, et je crois que nous avons
fait la discussion abondamment dans le passé, compte tenu des
enseignements de la Cour suprême.
Le Président (M.
Ouellette) : J'ai cru percevoir — avant de retourner à mon
collègue de Richelieu — j'ai
cru percevoir, du côté des légistes, sur le
sous-amendement, une incongruité dans les termes «d'inciter à troubler»,
là.
Mme Vallée :
M. le Président...
Le Président (M.
Ouellette) : Non, mais j'ai cru percevoir... Non?
Des voix :
...
Mme Vallée :
...en fait, sur la forme, je ne me suis pas arrêtée sur... Il y a un petit
enjeu sur la forme, mais, honnêtement, le sous-amendement,
en soi, réintroduit la notion d'intention, sur laquelle nous avons élaboré en
long et en large avant les fêtes et après les fêtes.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci. M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Bien, il y a clairement ici la collision entre deux points de vue. Nous
souhaitons que le texte du projet de loi traite de l'incitation, ce que
ne veut pas la ministre.
Et,
par ailleurs, elle a cru m'entendre lui prêter des intentions, je veux juste
vous dire, M. le Président, que je ne voulais lui prêter aucune mauvaise
intention. Mais j'ai même cru exprimer l'inverse, alors je me suis sans doute
mal exprimé, là. Je sais la ministre sincère
et de bonne foi, je crois juste — et je le dis en tout respect, là — que le projet de loi n° 59 est
une réponse maladroite et imparfaite à des événements qui ont eu cours au
Québec depuis l'élection du gouvernement
libéral, l'affaire Charkaoui, les imams. Bon, une réponse maladroite,
imparfaite, mais ce n'est pas injurieux de dire ça, c'est une analyse que je vous partage et que d'autres vous
ont partagée. Je référais tantôt à foule d'experts, d'analystes, de
chroniqueurs, etc.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Alors, je remercie le député de
Richelieu pour son amendement. Je vois qu'au
fil du temps il devient vraiment expert en matière de liberté d'expression et
qu'il sait cibler et pointer des éléments qui sont extrêmement
intéressants. Je le remercie parce que, celui-là, cet amendement-là, j'avoue
que je ne l'avais pas vu venir, j'avais...
Je sais qu'il a travaillé avec le recherchiste, et son point de vue, quand il
m'en a parlé, ça a été : Revenons au Code criminel. Après tout ce
que nous a dit la ministre dans les débats qu'on a eus précédemment, ce qu'elle
vient d'évoquer, qu'il y a eu,
effectivement, quelques débats précédemment, c'est qu'on sentait le besoin
d'amener au Québec une procédure civile qui permettrait d'éviter la
lourdeur administrative et la lourdeur aussi psychologique — c'est quelque chose, là — d'une procédure en droit criminel, qui
référerait au Code criminel. Alors, mon collègue a dit : Bien,
puisqu'on transpose un peu ce qui se fait au Canada en matière criminelle,
allons voir ce qui se passe là-bas.
Ceci
dit, ça n'enlève pas l'objection de fond que nous avons, qui est que cette loi
n'est pas nécessaire, et que, du fait qu'elle
n'est pas nécessaire, c'est au gouvernement le fardeau de la preuve, de montrer
qu'elle est nécessaire. Et, pour cela, il doit répondre à toutes les
craintes qui se sont exposées en commission parlementaire. Une de ces craintes,
je vais l'exprimer, c'est Le Devoir,
Josée Boileau, le mercredi 19 août 2015. J'ai choisi ce petit extrait parce
qu'il réfère, justement, à ces
procédures qui existent au Canada. Josée Boileau : «Discours haineux,
la mauvaise loi. Que de confusion autour du projet de loi n° 59
déposé par Québec pour, notamment, lutter contre les discours haineux et les
discours incitant à la violence, comme le
signale le titre du document. Mais son véritable objectif est de contrer le
radicalisme et l'endoctrinement, et
il le fait au prix d'énoncés que laissent déjà entrevoir de vraies dérives
démocratiques.» Remarquez qu'«endoctrinement», c'est justement un des
mots qu'a fait ajouter notre collègue le député de Bourget, qui a été bien
accueilli ici, un amendement qui a été adopté.
«Il
semblerait qu'il y a plus de 20 ans que la Commission des droits de la personne
du Québec souhaite des balises pour contrer les discours haineux contre
des groupes de personnes, intentions qui ne se sont jamais concrétisées, et
pour cause!
«Diverses
dispositions du Code criminel — nous y voilà — interdisent déjà les propos haineux, sujet
éminemment délicat puisque c'est la liberté d'expression qui est ici menacée,
ce qui exige certaines précautions procédurales si on veut intervenir en cette matière. En droit pénal, il y a ainsi nécessité
de prouver hors de tout doute raisonnable que des propos doivent être
censurés. Ces garanties n'existent pas en matière civile.»
Voilà
le problème. Elle expose bien une partie du problème, ce sont les deux premiers
paragraphes de l'éditorial. La proposition du collègue est de prendre
quelque chose qui existe en matière criminelle. On a essayé plusieurs fois d'introduire l'idée d'intention,
«intentionnellement», «qui a l'intention de», «avec une intention de». Mon
collègue le député de Lac-Saint-Jean
est venu ici plaider cette idée d'intention. Maintenant, comme ça ne semblait
pas recevoir l'aval de la majorité des parlementaires autour de la table, cette idée d'ajouter
une intention, essayons, au moins, d'ajouter un impact, un type... bien, pas un impact, mais un... J'ai
utilisé le mauvais mot avec «impact», je pensais à «effet», qui est un
autre sujet de débat qu'on a quand on parle
des effets de la loi. Là, on parle d'une intention, mais d'une intention qui
est déjà écrite dans le Code criminel, donc on n'invente rien, là.
L'intention, c'est de troubler l'ordre public, troubler l'ordre public.
• (15 h 30) •
Là, on oblige
à une espèce de preuve qu'il y avait une intention de déranger la société,
troubler, fomenter. Vous savez, le
mot «fomentateur», je l'ai déjà utilisé ici dans d'autres débats autour d'autres amendements où on essayait d'introduire des notions
d'intention, mais l'idée de fomentateur. Mais là, sans être fomentateur, si un
discours, de l'avis d'une personne
raisonnable, est d'une virulence ou d'un extrême tel qu'il incite à troubler
l'ordre public, il invite les gens à
troubler l'ordre public, nous pensons que ça permettrait, à ce moment-là, de mieux encadrer «discours haineux». On essaie depuis le début, là, d'encadrer les mots «discours haineux». On
trouve la définition beaucoup trop large. Ça, c'est une constante,
«discours haineux», c'est trop large. «Discours haineux», c'est trop large. Ça
fait que, là, on dit : Bon, il doit
être d'une virulence, d'un extrême tel qu'il incite à troubler l'ordre public
et à exposer... Là, c'est simplement introduit dans l'amendement de la ministre,
on reprend puis on dit «exposer ce groupe à la marginalisation ou au rejet».
Je rappelle, pour fins d'information publique,
qu'évidemment nous trouvons qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de modes
d'attribution de groupes, là. Il y a «marginalisation», «rejet», «détestation»,
«dénigrement», «aversion», «groupe»,
«illégitime», «dangereux», «ignoble». C'est là qu'il y a une immense
ouverture. C'est là qu'il y a
trop d'ouverture, beaucoup
trop. Et, quels que soient les amendements qu'on amène au premier alinéa, on se bute
toujours à cette définition du discours
haineux, qui va toujours être trop large pour nous. Ça fait que, le
premier alinéa, on a essayé de le travailler.
Mais, tant qu'on a un discours haineux qui, lui, est qualifié d'une façon beaucoup
trop large, on se retrouve avec un
obstacle quand on va arriver devant le juge avec l'interprétation de la loi. C'est
que le discours haineux, lui, il est, pour nous, beaucoup trop large.
Alors, on trouve qu'on aiderait la discussion en introduisant le fait d'inciter
à troubler l'ordre public. On trouve qu'on se trouve aussi en ça en continuité
et en conformité avec les lois qui nous régissent déjà, lois qui sont fédérales,
bien sûr, mais qui, de l'avis de tous, jusqu'ici,
convenaient pour contrôler le discours haineux.
Alors, M. le Président, ça serait mes premiers
mots pour débattre, pour passer un commentaire, là, sur ce sous-amendement de
mon collègue de Richelieu.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre, commentaires?
Mme Vallée : Non.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Rosemont.
M. Lisée : Avec plaisir. Je
n'ai pas été extrêmement présent avec vous, et ce n'est pas...
Le Président (M. Ouellette) : Mais
vous êtes là, là, c'est ce qui compte.
M. Lisée : ...par manque d'intérêt
pour ce débat parce que, depuis plusieurs années, je suis avec un certain désarroi la volonté d'un certain nombre de gouvernements voulant bien faire et de commissions
de droits de la personne voulant bien
faire contre les stéréotypes, contre la discrimination de restreindre
la liberté d'expression. C'est peut-être
à la fois le juriste, parce que
j'ai une licence en droit, mais additionné du journaliste qui a un penchant
très fort pour la liberté d'expression,
qui fait que je pense qu'il
faut baliser de façon
extrêmement stricte les interventions de l'État
dans la liberté de parole, et que la
liberté de parole qu'on défend, ce n'est pas la liberté de dire des choses
gentilles, c'est la liberté de dire des
choses qui dérangent, et parfois des choses absurdes, et parfois des choses qui
suscitent la réprobation générale. Elle suscite la réprobation générale parce
qu'elle est exprimée, elle a le droit
de s'exprimer. Et la liberté des autres, c'est de dire que ces choses-là sont épouvantables. Et on
reproche aux gens de le dire, mais on n'enlève pas leur droit de le
dire.
Et je sais
que la ministre avait été gênée d'une comparaison que j'avais
faite dans un discours dans une des étapes de ce projet de loi, et je ne le fais pas pour être désagréable à son
endroit, mais le fait est que la définition qu'on donne dans le texte
non sous-amendé par mon collègue pourrait conduire certainement à une
dénonciation et peut-être à une déclaration de discours haineux. Charlie Hebdo, on
peut dire, en le lisant, que ça expose un groupe à la marginalisation,
au rejet, à la détestation, au dénigrement
et à l'aversion pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime,
dangereux, oui, ou ignoble. À lire Charlie
Hebdo, toutes les grandes religions du monde sont dénigrées, il y a
une aversion très forte qui est
faite. On considère que ces religions sont illégitimes, dangereuses pour la
santé publique, pour l'égalité des hommes et des femmes, ignobles à
certains égards, des religions, dont la nôtre, dont on est les héritiers, qui
ont été favorables à l'esclavage pendant des siècles.
Alors, on
dit : Bien non, c'est sûr qu'on ne veut pas adopter une loi qui
interdirait Charlie Hebdo, alors qu'on est justement dans un
processus où on veut défendre contre les gens radicalisés qui ont assassiné les
dessinateurs de Charlie Hebdo. Et c'est pourquoi on se pose la question
de l'existence même de cet article 1 et de l'ensemble
du projet de loi, puisqu'il semble être la réponse à une question non
posée. Mais, dans un cadre légal plus général, je sais aussi que les juristes
les plus attachés aux libertés, et les plus attachés aussi aux accommodements
raisonnables, et les plus attachés à la
défense des minorités savent qu'il y
a une évolution dans notre
discussion du balisage de la liberté d'expression, et en particulier du
discours haineux, parce que, par exemple, le Code criminel canadien prévoit
qu'il est interdit à un révisionniste de dire publiquement que la Shoah n'a pas
existé. Et il est interdit de le dire, et on peut avoir des sanctions criminelles
si on le fait.
Et
là il y a un débat qui dit : Mais pourquoi interdire
ça? On comprend que la Shoah est un des pires moments de l'histoire de
l'humanité, mais la déportation des Acadiens, il n'est pas interdit de dire que
ça n'existe pas, il n'est pas interdit de
dire que Mao Tsé-Toung n'a pas tué des centaines de millions de personnes
pendant la Révolution culturelle ou
que Staline a assassiné ou a fait crever 30 millions de paysans pendant la politique
économique restrictive, la réforme agraire
terrible dans les années 30. Alors, non, tu te dis : Bien non, ça ne
devrait pas être interdit. La réprobation sociale de telles absurdités
devrait être le garde-fou dans le débat public.
Et, à
l'inverse, interdire ce propos-là, c'est créer le fruit défendu, c'est faire en
sorte, et puis encore plus aujourd'hui avec
les réseaux sociaux, que, si ce discours est interdit, bien, il devient très
attractif pour une frange qui se sent exclue du débat social parce qu'ils n'ont même pas le droit de dire ça. Alors donc, il y a
une remise en cause de l'interdiction de dire un certain nombre de
choses. Non, elles devraient être au jour. Où est la limite dans ce cas-là?
Bien, c'est la violence, c'est...
Dire : La Shoah n'existe pas, c'est absurde, c'est ignoble, mais ça ne tue
personne. Dire : Tel groupe social devrait être éliminé, et je vous appelle à aller dans le quartier de ce groupe
social et de casser des migrés, ah! ça, ça devrait ouvrir immédiatement
à une arrestation.
Alors, c'est pourquoi
juste l'utilisation du terme «discours haineux» m'apparaît décalée.
Et c'est ce que disent Julie Latour
et Julius Gray, qui disent : Oui, on voit bien que la commission des droits de la personne et de la
jeunesse du Québec demande d'avoir ces pouvoirs-là depuis plusieurs
années, alors que le débat juridique en Amérique du Nord, au Canada
va dans le sens inverse. C'est comme si notre commission était décalée, c'est
comme si notre commission n'était pas
arrivée en 2016, se rendre compte que, bien non, on est décalé face à ça. Et les
juristes citent le rapport de Richard Moon,
qui, déjà en 2008, A Report to the Canadian Human Rights Commission
Concerning Section 13 of the Canadian Human Rights Act and the
Regulation of Hate Speech, dit : Bien, le recours à la censure par un gouvernement
doit être limité aux catégories très
étroites d'expression extrême qui menacent ou justifient la violence. Alors, c'est ça,
on est dans la radicalisation de certains groupes pour les amener à la
violence, c'est ça qui nous dérange.
On est
attristés que des citoyens québécois soient radicalisés, s'excluent de la société,
point. Bon, ça nous attriste. Mais,
s'ils sont marginalisés puis ils ne sont pas violents, bien, on les laisse
faire, hein, c'est leur problème. C'est seulement s'ils sont violents que ça nous dérange, cette
radicalisation-là, et c'est pourquoi il nous semble que le projet de loi, dans son article 1 qu'on discute en ce moment, il est malvenu,
ce n'est pas ce dont on devrait discuter. Et la Commission des droits, j'ai beaucoup de respect pour la commission, pour son
président, qui est mon ancien patron d'ailleurs, M. Frémont, avec qui j'ai très bien
travaillé à l'Université de Montréal, c'est comme s'ils n'avaient pas compris que
ce n'est plus de ça dont il s'agit et qu'au
contraire les gouvernements devraient se retirer de la désignation de ce qui
est bien et de ce qui est mauvais pour se limiter à la protection de
l'ordre public et, donc, à empêcher des gens de devenir violents.
• (15 h 40) •
Donc, mon collègue
de Richelieu, dans le sous-amendement, essaie de circonscrire, justement,
dire : Bon, c'est seulement si ça incite à troubler l'ordre public.
Je pense qu'il a raison de dire : Bien, au moins ça. Bon, on sent que la ministre
n'est pas ouverte à ça, et je pense que, bien, puisque c'est comme ça, nous, on
serait plutôt pressés de passer à un autre projet de loi comme celui sur la neutralité dans les services publics. Il me semble
qu'il y a un projet de loi que
la ministre a dans sa manche qui devrait être ouvert aux débats et qu'il serait peut-être
plus pertinent aux questions qui sont posées par l'actualité politique,
le terrorisme, Daesh, l'État islamique et les signaux qu'il faut envoyer aux
extrêmes.
Parce qu'il
ne faut pas se le cacher, le débat que nous avons en ce moment, il est lié. Et je suis content de voir que le projet de loi existe, et j'espère qu'il va être appelé parce qu'il y a une époque où
le premier ministre disait qu'il n'y avait aucun lien entre l'orthodoxie religieuse et les
problèmes de violence djihadiste. Bien, il y a un lien, en ce sens
que chaque victoire de l'extrémisme
religieux normalise un peu la suite des choses. Aujourd'hui, au Canada,
à un moment où le premier ministre du Canada et la ministre
de la Justice du Canada estiment que la nouvelle frontière de la défense des
droits, c'est le droit de se cacher
le visage pour être citoyen ou pour travailler dans les services publics, c'est
une énorme victoire pour ceux qui veulent
normaliser un signe extrême de comportement religieux qui est contraire à notre
idée de l'égalité des hommes et des femmes, pour ne pas dire le
bien-vivre ensemble. Alors donc, j'ai hâte qu'on discute de ce projet de loi
là.
Et je sais
que la ministre aimerait ça, qu'on passe à autre chose. Bien, la meilleure
façon de passer à autre chose, c'est
de prendre ce projet des discours haineux puis dire : Bon, bien, écoutez,
ça ne passe pas. Ça ne passe pas, l'opposition est contre, ils parlent longtemps, ils n'aiment pas ça. Puis, en plus,
c'est mal reçu dans l'opinion publique, puis ça n'a pas l'air de répondre à un besoin exprimé par qui que
ce soit, sauf la Commission des droits. Alors, ce n'est peut-être pas
une priorité, ce n'est peut-être pas la meilleure utilisation du temps des
parlementaires que de continuer là-dessus. On ne se cache pas que c'est aussi
le message qu'on veut passer à la ministre.
Encore une
fois, quand on a dit ça, je comprends très bien qu'on ne veuille pas, dans un
projet de loi, identifier... Évidemment,
le problème, en ce moment, ce n'est pas qu'on a des mormons extrémistes dans
des camps d'entraînement en Syrie ou ailleurs qui organisent des
attentats sur Saint-Jean-sur-Richelieu ou Ottawa. Il n'y a pas non plus de
juifs extrémistes qui font ça. Il n'y a pas
de chrétiens extrémistes, il n'y a pas de témoins de Jéhovah extrémistes. Ce
sont...
Une voix : Pas de sikhs.
M.
Lisée : Il n'y a pas de sikhs extrémistes, il n'y a pas
d'hindous, il y a, effectivement, des islamistes extrémistes qui font ça. La ministre dit : Bien, je ne
veux pas écrire ça dans la loi. Je suis d'accord avec elle. En tant que
parlementaire, on fait une loi générale, et
puis, si, demain, il y avait un groupe chrétien extrémiste de radicalisation
qui voulait faire le djihad pour
Jésus, bien, ils serait couvert par la loi. Alors, ça, je n'ai pas de désaccord
avec la ministre de ne pas vouloir être précis sur la désignation du type de radicalisation religieuse qu'on
veut viser et je suis d'accord avec elle aussi de dire «religieux ou autre». C'est bien parce qu'il
pourrait y avoir autre. Alors, on a vécu... Ça semble s'être tassé un petit
peu, mais, aux
États-Unis, il y avait des écologistes extrémistes qui considéraient que
l'étalement urbain était un crime contre l'humanité et qui posaient des bombes dans les bungalows. La
radicalisation, ça peut être vu dans tous les mouvements.
Une voix :
Ça a existé?
M.
Lisée : Ça a existé, absolument. Alors, c'est bien que, si ce
projet de loi existait, il couvre ça. Mais je pense que cette définition, dans un projet de loi qui
serait repensé sur la prévention et la répression face à la radicalisation
menant à la violence, pourrait très bien
faire ça sans l'appareillage qui nous est proposé et qui nous semble susciter
un débat tel que je ne comprends pas
que la ministre et que son gouvernement n'aient pas compris qu'on ne considère pas — «on» étant l'essentiel des gens qui discutent
de ça au Québec — que
ce soit la bonne réponse à la question qui est posée. Voilà, M. le Président,
pour l'instant.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci. M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. À moins que la ministre veuille réagir.
Le Président (M.
Ouellette) : ...Mme la ministre vous avez des commentaires?
M. Rochon :
Non, vous n'avez pas ce genre d'indication?
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Moi aussi, je suis déçu. Mon collègue de Rosemont...
Le Président (M.
Ouellette) : Mais vous n'êtes pas déçu de votre collègue de Rosemont,
là.
M. Rochon :
Cela peut arriver aussi, M. le Président, mais pas à l'heure actuelle.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre, vous n'aviez pas de commentaires?
M. Rochon :
Non, mais j'allais dire...
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. Merci, M. le Président. J'allais dire, mon collègue de Rosemont
avait une suggestion, c'était de passer
à un autre projet de loi. Il y a ma collègue de Taschereau qui en a eu, une
autre suggestion, il n'y a pas si longtemps, ce fut celle de scinder
le projet de loi. Ah! moi, je connais moins qu'elle les processus parlementaires,
là, les règles parlementaires, mais j'imagine qu'à la limite la ministre
pourrait retourner devant l'Assemblée
nationale avec cette idée qu'on puisse scinder le projet de loi. Elle a remarqué hier qu'on travaillait bien sur la partie II, hein?
Hein, on n'a pas de problème avec la partie II, alors ce serait une
autre idée.
Parce
que le projet de loi qu'on a sous les yeux, il est, écrit Lysiane
Gagnon, un projet liberticide.
Liberticide, hein, il tue la liberté. Elle écrit, elle — je
n'irais jamais jusque-là — que
c'est indigne d'un gouvernement libéral, et on ne comprend pas qu'il ait pu être conçu, approuvé puis déposé en Chambre
sans que personne n'y mette le holà. Il y avait le premier ministre, par contre, qui y a presque mis
le holà. On croyait qu'il allait dans cette direction, reprenant
d'ailleurs... Bien, en fait, c'est nous qui reprenons ses propos, il a, lui,
suggéré que le projet de loi ne s'adresse qu'au discours incitant à la violence.
Mais
je reviens à Lysiane Gagnon : «Ce texte n'est pas à amender, comme l'a
promis la ministre. Il est — alors,
ça, ça rejoint mon collègue de Rosemont — à jeter aux orties [...]
parce qu'il fait double emploi, pour ce qui est de la répression et de la violence, avec le Code criminel canadien. Ensuite,
parce qu'il constitue une attaque contre la liberté de parole sans
équivalent en Amérique du Nord.
«L'engrenage
a commencé avec l'idée pernicieuse — écrit-elle — que le gouvernement devait
contrebalancer les mesures envisagées contre la "radicalisation" des
jeunes tentés par l'aventure mortifère du djihad. Autrement dit, qu'il fallait
"apaiser" les musulmans en leur donnant une loi qui les protégerait
de l'islamophobie.
«Comme
si l'islamophobie — poursuit
Gagnon — était un
danger analogue au terrorisme! Comme si l'ensemble des musulmans
s'identifiaient aux extrémistes islamistes!
«Deuxième
étape : tant qu'à légiférer contre l'islamophobie, pourquoi ne pas
légiférer contre les propos qui vexeraient
d'autres minorités? Il y en a beaucoup, par les temps qui courent, et elles
sont toutes promptes à voir dans la moindre
critique du "dénigrement, du "mépris" ou de la
"haine". Donc, on élargit le champ des plaignants potentiels à
tout le monde[...] : les transgenres,
les vieux, les femmes, les gais, les autistes, les autochtones, les immigrants,
les minorités visibles, les croyants, ainsi de suite.
«Arrive ensuite — et ça
reprend presque mot à mot ce que disait, il y a un instant, le collègue de Rosemont — dans le portrait la commission des droits de
la personne et de la jeunesse du Québec, qui attendait depuis longtemps l'occasion d'étendre son champ de
juridiction déjà pourtant très vaste. "Donnez-nous donc la
responsabilité de séparer le bon grain de
l'ivraie, de faire le tri entre les bien-pensants et les mauvais
esprits!", de suggérer métaphoriquement la commission au
gouvernement. Et ce dernier d'obtempérer.»
J'ai
bien peur que nos façons de voir les choses soient inconciliables, M. le
Président. Ou bien la ministre scinde ce projet de loi et nous permet d'étudier rigoureusement sa partie II, ou
bien, pour reprendre Lysiane Gagnon, elle le jette aux orties, ou bien elle accepte la seule
concession, à notre avis, raisonnable, celle de s'attaquer exclusivement aux
appels à la violence, l'incitation à la violence.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
• (15 h 50) •
Mme Maltais : Merci, M. le
Président. Je voudrais commencer d'abord par un commentaire sur ce que vient de
dire mon collègue de Richelieu. Il a cité Lysiane Gagnon en disant qu'il
n'oserait pas dire ça, «indigne d'un gouvernement libéral». C'est sûr que le
mot «indigne» est rarement utilisé, mais il faut le voir non pas dans le sens de perte de dignité, mais je pense que c'est perte
de sens. C'est dans le sens de perte de sens parce que, normalement, un
gouvernement libéral est un gouvernement qui est l'inverse d'un gouvernement
conservateur et qui prône la liberté. «Libéral»
est de la même racine que «liberté». Et un gouvernement libéral, normalement,
protège la liberté d'expression. Ça devrait être un de ses fondements.
C'est vraiment assez impressionnant pour ça.
C'est pour ça
qu'il y a tant de commentateurs qui discutent du fait qu'il est étonnant de
voir qu'un gouvernement libéral ait
déposé une telle loi. Ça ne devrait pas être dans ses gènes. Ça ne devrait pas
être dans le corpus législatif d'un gouvernement
libéral que de voir apparaître une loi qui sera ensuite qualifiée de
liberticide. C'est là que je peux comprendre qu'une commentatrice chevronnée comme Mme Gagnon soit allée jusqu'à dire
«indigne d'un gouvernement libéral». Mais je pense que le terme n'était pas quant à l'indignité soit de fonction,
soit de titre, mais bien dans le sens d'étonnant pour un gouvernement
libéral.
Maintenant, quand on parle d'égalité entre les
hommes et les femmes, on fait consensus au Québec, on dit toujours : C'est ça qu'il faut, ça fait
partie des valeurs profondes des Québécois et des Québécoises. Ça ne veut pas
dire que tout le monde adhère partout,
partout tout le temps, mais ça veut dire qu'il y a un vaste consensus autour de
cette égalité des hommes et des
femmes. Donc, la violence envers les femmes est donc inacceptable, c'est donc
un crime. Or, inciter à la violence envers les femmes, c'est inciter à
troubler l'ordre public, tout à fait.
Alors, je
fais le lien avec ce qu'on veut sur cette loi, qui est une loi pour lutter
contre le radicalisme, la radicalisation de nos jeunes qui sont radicalisés actuellement, vont en Syrie,
embarquent dans des groupes terroristes et qui se sont radicalisés à travers un phénomène religieux. Comme
le disait très justement mon collègue de Rosemont, cette radicalisation
est le fait d'un phénomène religieux à l'heure actuelle, mais pourrait se
transférer dans un autre. Historiquement, ça s'est déjà passé. D'ailleurs,
souvent, la ministre nomme le nazisme comme étant une forme de radicalisation dont on ne veut pas. Mais l'égalité
entre les hommes et les femmes, on essaie de la protéger au Québec. Donc, pour moi, les gens qui font des discours de
radicalisation religieux contre les femmes, qui disent, par exemple, que
la lapidation pourrait être correcte, qu'une
femme équivaut à la moitié d'un homme en droits, par exemple, que la
charia pourrait être applicable... La
charia, on coupe... Bon, ce n'est pas ça qu'on fait au Québec. Heureusement, la
charia n'est pas appliquée. Mais, si
on va jusqu'en Arabie saoudite, on va dire que l'application va jusqu'à couper
des membres. Bon, c'est aberrant dans une société comme la nôtre, là, on
n'est pas capables d'imaginer ça, mais c'est ce qui se passe là-bas.
Alors, prôner, donc, un discours qui dirait, par
exemple, que la charia doit être appliquée au Québec en son intégralité, prôner un discours qui veut que les
femmes sont inférieures, et tout ça, est-ce que cela est d'une virulence
ou d'un extrême tel qu'il expose ce groupe à la marginalisation ou au rejet? Ça
dépendrait de la manière dont c'est fait. Mais,
si on dit «incite à troubler l'ordre public», là on dit : Vous incitez à
briser les règles du jeu de la société qui sont communément acceptées.
Et l'ordre public, c'est une notion qui est assez bien connue. L'ordre public,
c'est la façon dont on se gouverne qui fait
qu'il n'y a pas de désordre, qu'on ne sort pas de l'ordre, qu'il n'y a pas de
désordre, donc entraînement, crimes,
violence et tout ce qui est associé au crime. Donc, dans le Code criminel, on
dit qu'il n'est pas accepté d'inciter à troubler l'ordre public.
Alors, moi,
ce que je vois, M. le Président, c'est que la suggestion du collègue de
Richelieu, elle est très bonne. On pourrait,
de l'avis d'une personne raisonnable, trouver qu'un discours est d'une
virulence ou d'un extrême tel qu'il incite à troubler l'ordre public et qu'il expose le groupe... Il y a un lien
aussi. Ce n'est pas un «ou», c'est «inciter à troubler l'ordre public et
exposer un groupe». Un discours haineux n'est pas, dans cette version-là,
seulement un discours qui incite à troubler
l'ordre public. Un discours haineux n'est pas un discours qui expose un groupe à la marginalisation ou au
rejet dans la version de la ministre.
Un discours haineux est un discours qui fait les deux. D'abord,
il y a l'appel au trouble — ça,
pour nous, c'est une notion importante,
l'appel au trouble — et
ensuite l'effet arrive. Donc, on ajoute l'intention et l'effet.
D'ailleurs,
c'est drôle parce que c'est ici, justement, dans la salle où
nous sommes actuellement, au 1.38, que j'ai cité pour la première fois le premier
ministre. C'est vraiment
ici, je me rappelle. D'ailleurs, vous étiez là, je crois, M. le Président, c'est vous qui présidiez, c'est ici. Et cet amendement
réfère aussi aux paroles du premier
ministre, il est tout à fait en ligne
avec le premier ministre, qui le disait le 29 août 2015, je le
rappelle : «Le but [...] n'est pas de réduire la liberté d'expression au Québec, mais d'en indiquer la
limite, qui, à mon avis, requiert le consensus et va recueillir le consensus des citoyens.»
Bon, pour le
consensus, on est mal partis, mettons, tout le monde autour de la table, on n'a
pas réussi à trouver ce consensus. Le premier ministre nous dit :
Cherchez le consensus. Alors, comment le décrit-il? Il dit : «On peut dire
des bêtises.» D'accord. D'ailleurs, je pense
que, comme parlementaires, plus la carrière est longue, plus on peut
accumuler les bêtises. Ça peut arriver, l'expérience n'est pas toujours garante
de tout. Mais on peut dire toutes sortes de choses. Mais on ne peut pas appeler à la violence. Non pas avoir un effet
violent sur quelqu'un, parce que, quand on a le débat, mon collègue, peut-être, de Rosemont... quand on a le
débat à l'heure actuelle, la ministre nous dit souvent : En civil, ce
n'est pas l'intention qui compte, c'est
l'effet, l'effet sur le groupe, l'effet sur la personne. Mais là juger de
l'effet, imaginez que quelqu'un dise : J'ai eu tel effet, on va être obligés de juger
d'après l'impression de la personne qui dit, il va falloir prouver l'effet, mais on n'est pas sur le «hors de tout
doute raisonnable», là, on est sur la prépondérance de la preuve. On
peut être dans le mode des impressions, alors, tandis que le premier ministre
dit : Mais on ne peut pas appeler à la violence.
Que dit
l'amendement de notre collègue de Richelieu? Il dit «tel qu'il incite à
troubler l'ordre public», qu'il appelle à la violence. Il y a un lien très, très, très clair, là, entre les
paroles du premier ministre et l'amendement de mon collègue de Richelieu. C'est pour ça que j'ai dit que,
parfois, il me surprenait, M. le Président, parce que ça ne fait pas si
longtemps qu'il est dans le dossier. Ce
n'est aussi pas un collègue qui a une immense expérience parlementaire, mais,
depuis son arrivée, il m'étonne à
chaque jour, et j'apprécie sa présence, et j'apprécie cet apport. Je me dis que
peut-être cet apport pourrait arriver
à commencer à dénouer un peu nos petits problèmes que nous avons ici, autour de
la table, à trouver ce consensus auquel appelait le premier ministre.
Alors, je ne peux pas trouver meilleure recherche de consensus que de reprendre
quasi mot à mot la parole du premier ministre. Franchement, c'est un très,
très, très bel effort. Vous voyez, il est en train de rougir, M. le Président,
c'est un homme humble.
M. Rochon : Le rouge a commencé
hier, vous vous souvenez?
Mme
Maltais : Non.
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
effectivement.
M. Rochon : Oui, quand elle a levé
le drapeau rouge hier, là.
Le
Président (M. Ouellette) :
Et, comme je vous ai dit hier, ce n'est pas un défaut, cette couleur-là. M. le
député de Rosemont, vous aviez un commentaire?
M. Lisée :
Oui. Bien, je vais abonder dans le sens de ma collègue de Taschereau, nos
attentes envers le député de Richelieu...
Le Président (M. Ouellette) : Tout
en restant sur l'ordre public de son sous-amendement.
M. Lisée : ...sont largement
dépassées depuis son arrivée.
M. Rochon : Il n'y a pas de travail
plus ingrat que celui de recherchiste.
• (16 heures) •
M. Lisée :
Mais, sur les propos du premier ministre, en fait, je comprends l'argument de
la ministre, elle dit : Bien, ici,
on est en civil, puis c'est l'effet qu'on juge. Le premier ministre, ce qu'il a
dit finalement... Parce que ce n'est pas un expert, ce n'est pas un juriste, c'est un médecin, et il a dit :
Bien, le but du jeu, c'est d'empêcher le discours qui appelle à la violence. Bien, sa ministre lui dit :
Bien, écoutez, M. le premier ministre, si vous dites ça, ça veut dire que c'est
dans le Code criminel, ça veut dire que je
n'ai plus de projet de loi. Si c'est ça, le but du jeu, le projet de loi n'a
pas d'objet. Alors, je suppose qu'il
y a eu une longue discussion en disant : Bien là, on ne peut pas faire
semblant que ça n'a plus d'objet, etc., donc on va garder le projet de loi. Mais essentiellement, là-dessus, ce
n'est pas fréquent que je donne raison au premier ministre, le premier ministre avait raison de dire
que le but du jeu, c'est ça. Bien, ça, c'est dans le Code criminel, donc
on n'a pas d'affaire à discuter d'une loi à caractère civil et on aurait dû en
venir à cette conclusion-là dès le départ.
Alors, oui,
là, pourquoi s'embarquer dans vérifier l'effet? Parce que l'effet, souvent,
l'effet n'est pas celui qu'on espérait, et quelqu'un qui a fait une
blague à caractère raciste, qu'il y a quelqu'un dans l'assistance qui est allé
casser de l'immigrant, alors ce n'est pas à cause de l'humoriste, là, il a fait une
blague. Le gars qui était là était prédisposé à se faire pousser à
commettre un geste raciste. Bien, non, l'humoriste... Le Code criminel
dit : Est-ce que vous avez incité à la violence
dans ce qui est une définition normale de l'incitation à la violence? Vous
n'êtes responsable de l'effet, on ne devrait
même pas s'embarquer là-dedans.
Mais là on
sait qu'on a tous été très mal à l'aise de voir qu'il y avait des prédicateurs
musulmans extrémistes qui étaient
invités à Montréal, puis on a eu ces débats-là, même en caucus, on a fait des
motions contre leur venue, etc., puis non,
nous, on ne veut pas avoir des gens qui viennent à Montréal puis qui vont dire
que les femmes doivent être soumises, puis ça n'existe pas, le viol dans un mariage, puis etc., ce qu'ils disent.
Mais, en même temps, s'ils n'appellent à la violence, ils ont le droit
de le dire.
Alors, quel est le remède? Bien, le remède,
c'est la réprobation sociale, et on a vu que les communautés musulmanes ont dit : On ne veut plus les
inviter, on ne veut pas les avoir, on va manifester devant, puis il y en a qui
ont annulé. Ce n'est pas la loi. Il
n'y avait pas d'appel à la violence, il y avait de la prédication extrémiste
que la majorité, y compris des musulmans, considérait ignoble, et ils ont fait
pression pour ne plus l'avoir. Charkaoui a été exclu de la mosquée d'Anjou, c'est ça. Il a le droit de dire ce qu'il
dit tant qu'il n'appelle pas à la violence. Est-ce que lui ou quelqu'un d'autre dans un club de soccer lié à
un cégep fait du recrutement djihadiste? Ça, la police doit regarder ça,
puis doit l'arrêter si c'est le cas. Mais
qu'il aille dire qu'un voleur doit avoir la main coupée, il peut le dire. Il
peut même dire que, d'après lui, la
charia devrait gouverner les lois du Québec. Il peut le dire, il peut le
penser, il a le droit de penser des choses
qu'on considère incorrectes, mais on n'a pas à se demander si, ayant répété ça
28 fois, il y a quelqu'un dans son auditoire
qui, sans autre intervention de l'imam, a décidé de commettre un geste violent.
Pas à cause de la parole, même de la parole réprouvée.
Alors,
c'est pourquoi l'ensemble du projet de loi, cette question de codifier le
discours haineux en plus de ce qu'il y a dans le Code criminel, ça ne devrait
pas être. Et puis ça mêle tout, et puis ça incite les gens à dénoncer les discours — donc, de la libre expression — répréhensibles avec lesquels ils ne sont pas
d'accord. Alors, je pense qu'encore une
fois on ne va pas dans la bonne direction, et on devrait travailler sur ce qui
a vraiment un impact dans nos réalités, sur d'autres projets de loi.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Rosemont. Je sens que M.
le député de Richelieu va avoir un commentaire. Sur tous les bons
commentaires que vous avez eus sur votre sous-amendement sur l'ordre public?
M. Rochon :
Oui, oui. Mais je rappelle, à ce sujet, pour rendre à César ce qui appartient à
César, que le travail de recherchiste
est un travail au profil très bas. Je vais vous parler de Brian Myles qui
écrit, lui, que les libéraux auraient dû réfléchir davantage avant de
confier des pouvoirs accrus à la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse du Québec en matière
de surveillance, de prévention et de lutte contre le discours haineux. Il est
déjà proscrit en vertu du Code criminel, M. le Président, le discours
haineux. Alors, «pourquoi confier à la commission un pouvoir d'enquête et de sanction, avec un fardeau de
preuve moins lourd qu'au criminel?», écrit-il. Alors, «la commission
fera enquête sur les discours qui incitent à
la haine ou à la violence contre des groupes ciblés, tels que les femmes, les
gais et lesbiennes, les minorités visibles, les groupes religieux, etc.
L'organisme pourrait intervenir de son propre chef ou sur réception d'une plainte anonyme. Si le passé est garant de l'avenir,
il y a lieu d'être inquiet.» On est inquiets avec lui.
«Ailleurs
au Canada, les commissions des droits ont sanctionné des opinions qui n'avaient
rien de haineux, bien qu'elles eussent brossé un portrait défavorable de
groupes identifiables comme les musulmans.» On n'a qu'à penser à ce chroniqueur de Maclean's qui a été poursuivi
à tort pour discours haineux en raison de ses chroniques en vertu de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits
de la personne, une polémique qui, d'ailleurs, rappelons-nous, avait
incité le gouvernement conservateur à abolir l'article 13 de la loi afin de
protéger la liberté d'expression, ce droit mal aimé et mal compris, sur lequel a
si bien disserté mon collègue de Rosemont.
«Le
discours haineux, celui qui incite à la violence contre un groupe de personnes
identifiables, il est déjà proscrit par le Code criminel — fait
valoir Myles à la suite de bien d'autres. Pourquoi ne pas s'en remettre aux
policiers pour réprimer ces discours qui n'ont pas leur place dans le débat
démocratique?»
Alors,
«la commission hérite — selon lui comme selon beaucoup d'autres experts et analystes — de pouvoirs dangereux pour la liberté
d'expression. Des pouvoirs qui pourraient être utilisés à mauvais escient si
l'institution succombe à la tentation de la rectitude politique[...].
«Il suffira
maintenant qu'un imam, un curé ou un rabbin sente que sa religion a été
offensée pour que la [commission] fasse une enquête et que le Tribunal des
droits de la personne sanctionne les fautifs.
«Les critiques
cinglantes envers la religion sont permises et elles sont protégées en vertu du
droit à la liberté d'expression. En aucun
temps ne doivent-elles être limitées par des groupuscules ou des leaders
religieux allergiques à la critique», conclut Brian Myles.
Alors,
M. le Président, encore une fois, à l'appui du sous-amendement que j'ai déposé
à cette table, il faut mieux circonscrire
la portée de ce mauvais projet de loi. En tout cas, sa première partie ne tient
pas la route, et c'est pour ça que je réitère qu'il faut qu'il y ait la
notion de trouble de l'ordre public d'intégrée à l'article.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, M. le Président. J'apprécie d'autant les
propos de mes collègues que, tout à coup, un souvenir vient de me revenir, de poindre dans mon esprit.
C'est lorsque nous étions au gouvernement, à un moment donné il y avait
des prédicateurs islamistes qui voulaient venir à Montréal, au Palais des
congrès de Montréal. Bon, évidemment, ce sont
des discours qui soulèvent à chaque fois un tollé parce que ce sont des
discours qui peuvent entraîner, effectivement, la radicalisation de
jeunes; deuxièmement, qui entraînent aussi parfois un certain malaise quant à
l'égalité entre les hommes et les femmes. On sait que — je le
disais tout à l'heure — c'est
une valeur qui nous est chère.
Or,
j'ai justement à côté de moi un des députés avec lesquels j'ai discuté parce
qu'il était à l'époque ministre des Relations
internationales et ministre responsable de la Métropole, c'est le député de
Rosemont. Et lui, tout de suite — parce que je m'inquiétais et je disais : Quel sera l'impact sur la
société? — tout de
suite, a dit : Agnès, attention... pardon, chère collègue,
attention à la liberté d'expression. Vous en souvenez-vous?
M. Lisée :
Très bien.
Mme
Maltais : Tout à fait. C'était tout de suite, tout de suite,
tout de suite sa première réaction : Attention à la liberté
d'expression. Et il nous a fallu naviguer ensemble à travers cette difficulté
qui était de respecter la liberté d'expression,
mais d'empêcher que des discours qui troublent l'ordre public et qui pouvaient
inciter à la violence envers les femmes, entre autres, se tiennent à
Montréal.
Comment avons-nous
agi? Mais finalement c'est que le danger de ces discours, c'est qu'ils
entraînent souvent une radicalisation dans
la société, les pour et les contre, et là s'organisaient des manifestations,
s'organisaient des manifestations devant le
centre des congrès, et on a invoqué, à ce moment-là, des questions de
sécurité — ce qui
était la réalité, il y avait question de
sécurité — pour
dire : Écoutez, vous ne pouvez pas prononcer ce discours ici. Je vous
dirais que, par ailleurs, le défaut de ça,
c'est que le discours s'est peut-être tenu dans un endroit plus tranquille où
on n'a pas pu véritablement évaluer
le... mais on a réduit la portée du discours en disant que, socialement, on
n'était pas très à l'aise avec ce type de discours.
Alors, justement, si on inscrit ici,
dans cet amendement, «tel qu'il incite à troubler l'ordre public et à exposer
un groupe», on se trouve à donner une poignée qui répond directement à cet
appel quand les gens veulent invoquer les questions de sécurité sans se rendre
jusqu'à la possibilité, pour les gens, d'aller s'affronter sur la rue.
Mais,
ceci dit, ça ne veut pas dire qu'on est tout à fait d'accord avec cette façon
de procéder. On s'en est tirés bien mieux dans le passé, bien mieux que
par des lois qui peuvent avoir des effets pervers. Ça, c'est vraiment le
danger. Maintenant, puisqu'on est devant la réalité brutale qui est qu'il y a
une loi actuellement au Parlement et devant cette commission parlementaire, une
loi qui est débattue, l'expérience que nous avons vécue m'amène à croire que la
proposition du député de Richelieu est une bonne proposition. Elle n'est pas
parfaite, en ce sens qu'on parle d'une définition de «discours haineux» beaucoup trop large — on y reviendra, beaucoup, beaucoup, beaucoup
trop large — mais
l'expérience qu'on a eue dans le passé à Montréal
nous a amenés exactement à cela, inciter à troubler l'ordre public et à
exposer un groupe.
Alors, je ne sais pas
si mon collègue va vouloir ajouter quelques mots, mais c'est exactement ce
qu'on a fait à l'époque, et on n'a pas eu besoin de légiférer, puis on n'a pas
eu besoin de mettre en danger la liberté d'expression.
• (16 h 10) •
Le Président (M.
Ouellette) : Sûrement que votre collègue de Rosemont veut réagir à
votre commentaire, Mme la députée de Taschereau.
M. Lisée :
Il est certain qu'on demande toujours à l'État d'agir : Faites quelque
chose, empêchez ça. Et on est les gardiens
des droits fondamentaux, puis il y a des moments où l'action immédiate serait payante politiquement,
mais éroderait la protection d'un droit. Et
donc c'est pourquoi, autour de Charkaoui en particulier, autour de ces
prédicateurs, on s'est tournés vers les
communautés en disant : Bien, c'est à vous qu'il s'adresse, donc c'est à
vous d'indiquer votre désaccord. Et là c'est le rapport de force, la
liberté d'expression, finalement, qui s'expriment, et c'est le triomphe de
l'expression raisonnable contre l'expression déraisonnable. Parce que c'est
là-dessus qu'il faut tabler. L'expression déraisonnable,
il y en aura toujours. Alors, il faut faire en sorte que, par nos
actions, par nos paroles, par l'éducation, par la
sensibilisation, l'expression raisonnable triomphe sur l'expression
déraisonnable. Mais elle doit le faire avec pas la force de la loi, la force de l'argument, la force du
bien-vivre ensemble, la force de la dissémination de ce qui est
raisonnable par le groupe. C'est là-dessus
qu'il faut tabler. Et c'est sûr que tout le projet de loi a l'air d'un
genre de raccourci où est-ce qu'on pourrait, pas par le débat, mais par
l'intervention d'une commission puis des plaintes déposées, réussir à triompher
sur le discours déraisonnable.
Ce
n'est pas la bonne chose à faire. Ça a l'air d'un raccourci, ça a l'air comme
si on pouvait... Et puis là qu'est-ce qui
est déraisonnable? Qui décide que c'est déraisonnable? C'était déraisonnable
d'être communiste ou témoin de Jéhovah selon Duplessis, hein, ça évolue.
Alors, c'est pourquoi l'appel à la violence, c'est toujours l'appel à la
violence. Sous Duplessis ou maintenant, la violence, c'est la violence. C'est beaucoup plus facile à
déterminer, et c'est ce qui doit nous guider. Et, comme l'a dit le premier
ministre, c'est ça qui est important. Ce qui est important, c'est dans le Code
criminel. Alors, travaillons sur la deuxième partie du projet de loi.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
M. le député de Rosemont.
Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? M. le député de Richelieu.
Mme
Maltais :
Il reste combien de temps?
Le Président (M.
Ouellette) : Il reste quatre minutes à M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Il y a Lucie Lamarche, qui est professeure du Département des sciences
juridiques, une spécialiste des
droits de la personne, qui dit quelque
chose d'intéressant, elle dit :
«"Une société qui nie les conflits d'opinion n'est pas
une société en santé[...]."» Et elle
nous conseille — et je
pense que c'est un conseil qu'on devrait suivre — de «"réapprendre à tolérer les conflits d'opinion, que ceux-ci
portent sur des questions religieuses, morales, philosophiques, politiques
ou autres. Il faut distinguer les propos haineux et incitant à la violence et
les propos critiques, même offensants, exprimés de façon virulente, voire
violente."
«Selon
le Barreau du Québec, ce que la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse peut faire de
mieux, c'est interdire de tenir et de diffuser des propos incitant à la
discrimination, un point de vue auquel souscrit [Mme] Lamarche. "La
commission, son président Jacques Frémont l'a reconnu lui-même, a déjà réclamé
par le passé une disposition interdisant les
propos incitant à la discrimination, rappelle la professeure. Le Québec possède
d'ailleurs une longue tradition de décisions et de directives en cette matière.
Cela est fort différent de flirter avec le Code criminel en récupérant son
vocabulaire, comme le fait le projet de loi n° 59."»
M.
le Président, on pourrait continuer à parler pendant des heures et des heures
sur ce sous-amendement — je ne pourrai pas, là, il me reste deux minutes,
là — que j'ai
déposé, mais je pense qu'on est mûrs pour se prononcer sur ce texte-là.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville, vous n'avez pas de commentaires?
Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la ministre, il y a des commentaires?
Mme Vallée :
Aucun.
Le Président (M.
Ouellette) : Aucun commentaire. Donc, nous allons voter sur le sous-amendement.
Une voix : Par appel nominal.
Le
Président (M. Ouellette) : Par appel nominal. L'appel nominal est
demandé. Mme la secrétaire.
La Secrétaire :
M. Rochon (Richelieu)?
M. Rochon :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Maltais (Taschereau)?
Mme
Maltais :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Roy (Montarville)?
Mme Roy
(Montarville) :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Vallée (Gatineau)?
Mme Vallée :
Contre.
La Secrétaire :
M. Merlini (La Prairie)?
M. Merlini :
Contre.
La Secrétaire :
M. Rousselle (Vimont)?
M. Rousselle :
Contre.
La Secrétaire :
M. Boucher (Ungava)?
M. Boucher :
Contre.
La Secrétaire :
M. St-Denis (Argenteuil)?
M. St-Denis :
Contre.
La Secrétaire :
M. Ouellet (Chomedey)?
Le Président (M.
Ouellette) : Je m'abstiens.
La Secrétaire :
C'est rejeté.
Le Président (M. Ouellette) : Donc, le
sous-amendement déposé par le collègue
de Richelieu est rejeté. Je vais vous redonner la
parole. On retourne à l'amendement de la ministre à l'article 1. M. le député
de Richelieu.
M. Rochon :
Oui, pour lequel j'aurai un sous-amendement. Je sais que je ne surprendrai personne. Écoutez,
je pense que vous l'aurez compris, là, on va tout faire, là, pour mieux
circonscrire la première partie de ce projet
de loi. Alors, mon sous-amendement
est celui-ci :
Modifier
l'amendement modifiant l'article 1 de la loi proposée
par l'article 1 du projet
de loi en remplaçant, dans l'alinéa introduit par le troisième paragraphe
de l'amendement... en remplaçant les
mots «qu'il est susceptible d'exposer» par les mots «qu'il est
susceptible de troubler l'ordre public et qu'il expose».
Alors, le texte
amendé se lirait ainsi :
«Est
un discours haineux, un discours visé au deuxième alinéa qui, de l'avis d'une
personne raisonnable, est d'une virulence
ou d'un extrême tel qu'il est susceptible de troubler l'ordre public et qu'il
expose ce groupe à la marginalisation ou au rejet, à la détestation, au
dénigrement ou à l'aversion notamment pour que ce groupe soit perçu comme étant
illégitime, dangereux ou ignoble.»
Je vous le dépose, M.
le Président, pour que vous puissiez faire des copies.
Le Président (M.
Ouellette) : Je suspends quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16
h 18)
(Reprise à 16 h 28)
Le
Président (M. Ouellette) :
On reprend nos travaux. Après certaines vérifications, je pense
que, M. le député de Richelieu,
vous avez des choses à nous dire.
M. Rochon : Oui. En raison, là, de la similarité entre deux sous-amendements, là, que j'ai soumis à la commission, je vais retirer le dernier sous-amendement que je vous ai déposé, M. le Président. Mais, pour ne pas vous chagriner, je vais vous présenter un
nouveau sous-amendement.
Le Président (M.
Ouellette) : ...nous lire.
M. Rochon :
Alors, ce sous-amendement se lirait ainsi : Modifier l'amendement modifiant l'article 1 de la loi proposée par l'article 1 du projet
de loi en supprimant, dans l'alinéa
introduit par le troisième paragraphe de l'amendement, les mots «à la
marginalisation ou».
Le texte ainsi amendé
que vous avez, cette fois, sous les yeux se lirait donc ainsi :
«Est
un discours haineux, un discours visé au deuxième alinéa qui, aux yeux d'une
personne raisonnable, est d'une virulence ou d'un extrême tel...»
Une voix :
«De l'avis».
Le Président (M.
Ouellette) : «Qui, de l'avis».
M. Rochon :
Bon, de l'avis, de l'avis. «...de l'avis d'une personne raisonnable est d'une
virulence ou d'un extrême tel qu'il
est susceptible d'exposer ce groupe au rejet, à la détestation, au dénigrement
ou à l'aversion notamment pour
que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble.»
Le Président (M.
Ouellette) : Vos commentaires, M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. Je ne vous entretiendrai pas longtemps de ce sous-amendement, vous avez rapidement constaté, là, qu'il est dans la dynamique que je vous
annonçais plus tôt de vouloir mieux circonscrire la portée du projet de loi. Il
y a une série interminable de synonymes, à mon point de vue. Est-il vraiment nécessaire
de parler de rejet ou de marginalisation? Je
ne crois pas. Alors, se limiter à «rejet» me semble bien suffisant. Alors,
suppression de «marginalisation», M. le Président, dans le texte de l'article.
Le Président (M.
Ouellette) : Commentaires, Mme la ministre?
• (16 h 30) •
Mme
Vallée : On revient
avec la définition que l'on retrouve à Whatcott. «Marginalisation» faisait
partie des termes auxquels on faisait référence et à l'exclusion
qu'amenait le discours haineux, donc, encore une fois, sur l'effet du tel
discours, tout simplement. Mais on revient, là, je pense qu'on a quand même,
dans le passé, tenté de soustraire ou de modifier cette définition-là, mais
voilà.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Oui, M. le Président. C'est parce que la ministre dit qu'elle ne veut pas se
référer à Whatcott, j'aimerais lui demander en quoi «marginalisation» est
différent ou n'est pas déjà couvert par «rejet», «détestation», «dénigrement»
ou «aversion», sachant qu'en plus on ajoute «notamment pour que ce groupe soit
perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble».
Mme Vallée : En fait, je me
rétracte, là, simplement, «marginalisation» ne vient pas de Whatcott,
«marginalisation» venait d'une suggestion d'amendement de notre collègue
de la CAQ. Alors, ça fait partie du travail constructif en commission parlementaire. Donc, peut-être que vous devriez diriger votre question
vers ma collègue. Travail constructif, et non obstruction constructive.
Mme
Maltais : Oui.
L'obstruction, M. le Président, l'obstruction, parfois, est intelligente, c'est-à-dire qu'elle est ouverte et
intéressée.
Mme Vallée :
Mais ça demeure de l'obstruction et ça va à l'encontre...
Le Président (M.
Ouellette) : Bon, ça va. On revient au sous-amendement?
Mme Vallée :
Mais, bon, bref...
Le Président (M.
Ouellette) : Merci.
Mme Vallée :
Bref, merci.
Mme Maltais :
Oui, mais c'est ça, je comprends que... mais est-ce que ça avait été...
Mme Vallée :
C'est une proposition d'amendement en
provenance de notre collègue de Montarville
qui nous a été déposée le
29 octobre, à 15 h 40.
Mme Maltais : O.K.
Est-ce qu'elle a été approuvée?
Mme Vallée : En fait, c'était lors de l'adoption de principe. Notre collègue a suggéré
d'ajouter ce terme, et, comme nous étions à l'écoute des représentations
lors de l'adoption de principe et à l'écoute des suggestions d'amendements
constructifs, nous avions pris la balle au bond, compte tenu que cette suggestion
était intéressante. Alors, voilà.
Parce que
notre collègue nous a déposé en liasse une suggestion d'amendements, et ça fait
partie de la suggestion d'amendements
qui avait été proposée par la collègue. Alors, on va quand même donner à César
ce qui revient à César.
Le Président (M. Ouellette) : Alors,
la chaleur s'en va sur la Rive-Sud?
Mme Vallée : Non, ce n'est
pas de la chaleur, c'est tout simplement reconnaître que...
Le
Président (M. Ouellette) :
Non, mais, pour les gens qui nous écoutent cet après-midi et qui ne nous
voient pas, on m'a fait état que l'air
climatisé était reparti au 1.38. Donc, c'est important de parler de chaleur, il semblerait qu'on
aurait un petit peu besoin de chaleur dans cet espace. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : M. le Président, je vais vous en donner, de la chaleur. Oui, le mot, pour éclairer
ma collègue de l'opposition officielle, on en avait parlé. Et, pour corriger la
ministre, oui, c'est dans Whatcott, c'est le paragraphe 71 de l'arrêt Whatcott qui parle de
«marginalisation». Et c'est la raison pour laquelle on avait dit : Si on
parle de discours haineux et de propos
haineux, il y a des arrêts de la jurisprudence qui nous disent,
qui nous définissent, qui nous expliquent
ce que c'est, et, j'attire votre attention,
c'est la raison pour laquelle nous disions, donc, que nous devrions
utiliser les termes que nous enseigne la jurisprudence.
Et, au paragraphe 71, on nous dit : «Les
propos haineux constituent, par définition, une façon de tenter de marginaliser des personnes en raison de leurs caractéristiques collectives.» Alors, d'où le mot
«marginalisation». C'était pour
reprendre les termes employés par la jurisprudence, puisqu'on veut que ce soit
viable. Si on veut que ce soit viable, encore faut-il que ça réponde aux
critères qui sont déjà élaborés par nos tribunaux. Alors, c'est la raison pour
laquelle nous avions mis «marginalisation», et c'était extrait de l'arrêt
Whatcott. Voilà, tout simplement, court commentaire.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Richelieu.
M.
Rochon : Oui. Bien, une question
à ma savante collègue : Est-ce
que «rejet» ajoute à «marginalisation»? Là, je comprends que vous avez
insisté pour l'inscription de «marginalisation». «Rejet» y ajoute-t-il quelque
chose?
Le Président (M. Ouellette) : Ça,
c'est une 214, là, mais ça va bien.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui...
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
oui.
Mme Roy
(Montarville) :
...M. le Président. Votre savante collègue va vous répondre, M. le député, que vous me poserez des questions
quand je serai au gouvernement. Pour
le moment, vous devez poser vos questions à la ministre et... Écoutez,
deux ans peut-être, 2018, vous aurez le loisir de me poser toutes les questions
que vous voudrez.
M. Rochon : ...d'être ministre,
madame...
Mme Roy
(Montarville) :
Oui...
Des voix : ...
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Des voix : ...
Mme Maltais : Bon.
Une voix : Si Dieu le veut.
Mme
Maltais : Si Dieu
le veut. Bon.
Le Président (M. Ouellette) : Donc,
Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Oui. On ne mélangera pas le politique et le religieux, comme le souhaite si
souvent notre collègue de Montarville.
Écoutez, M. le Président, non, c'est intéressant, ce qui vient de se dire parce que nous, depuis le début, on dit qu'on veut rétrécir le champ
d'application de la loi, particulièrement du discours haineux. La définition du discours haineux, on l'a
eue — et
j'en félicite la ministre — dès
le début de l'étude article par
article, pas à l'adoption de principe, et nous, on a dit : C'est trop
large, il y en a trop, on empile les concepts un par-dessus les autres. Et, à
chaque fois, on s'est fait dire ça, on se
fait dire : Oui, mais on répond à Whatcott. Oui, mais on répond à
Whatcott. Alors, quand il s'agit d'ajouter et d'empiler, on ne répond
plus à Whatcott...
Une voix :
...
Mme
Maltais : Ah! quoiqu'on me
dit que c'est dans un autre article, mais votre première intervention, ce
n'était pas dans Whatcott.
Mme Vallée :
Bien, en fait, M. le Président, ma première intervention, c'est que c'était
dans Whatcott. Et, par la suite, on m'a
soufflé à l'oreille qu'il fallait quand
même que je reconnaisse le travail de
ma collègue de Montarville, ce que
j'ai fait. Mais je n'étais pas complètement dans l'erreur, puisqu'ayant lu l'arrêt Whatcott
plus qu'une fois je me souvenais du paragraphe. Mais je ne pouvais,
comme ça, vous dire précisément qu'il s'agissait du paragraphe 71.
Mme
Maltais : Donc, on n'ajoute
pas à Whatcott, c'est toujours Whatcott. Eh bien, on va être obligés de
reprendre, donc, le même argument que, tout
à l'heure, nous avons eu, sur d'autres mots. Je vais peut-être, pour fins de compréhension de nos deux collègues, qui n'étaient peut-être pas
là au début, quand on a proposé d'enlever, de supprimer le mot «rejet»,
par exemple, ou le mot «détestation»... Il y a, dans cette définition du
discours haineux, qui, je le comprends, vient de
l'arrêt Whatcott, une énorme ouverture à la capacité des personnes d'aller
faire des plaintes devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, une
énorme ouverture. C'est ce que j'ai qualifié, d'ailleurs, de porte de
grange. Bien, alors, tout le monde peut rentrer là-dedans.
Alors,
il y a une empilade, il y a une empilade des concepts. Expliquez-moi comment
«marginalisation» et «rejet» ne sont pas deux synonymes dans ce type de loi là.
Dans un discours qui amène à la marginalisation et un discours qui amène au rejet, moi, j'ai l'impression d'avoir affaire aux
deux mêmes concepts, et personne ne m'a expliqué encore, juridiquement,
en quoi on ajoutait à la qualité de la loi.
Mais,
en plus de ça, il y a la détestation, il y a le dénigrement puis il y a
l'aversion. Non pas «la version», mais «l'aversion».
Alors, on empile les motifs dans un domaine où il n'y a pas d'intention
demandée. Donc, on empile, je dirais, les...
Ce n'est pas des sentiments, mais, comme on est dans le domaine où c'est
l'effet sur la personne qui peut être plaidé, je plaide que mon groupe s'est senti rejeté et je plaide que mon groupe
s'est senti marginalisé. Excusez-moi, là, mais on ouvre de plus en plus large. Mais je ne pense pas
qu'on protège plus les personnes. Le rejet ou la marginalisation, là,
pour moi, là, c'est la même affaire, mais on ouvre aux motifs pour que les
personnes se plaignent, on ne protège pas plus.
Aïe!
quand tu ajoutes «marginalisation», «rejet», «détestation», «dénigrement»,
«aversion», on dirait que tu veux être
sûr de ne pas manquer un seul sentiment humain. On dirait vraiment, là, qu'on veut
être sûr qu'il n'y a pas personne au Québec
qui puisse ne pas avoir une émotion qui n'a pas été perçue. C'est terrible. En
plus, «notamment pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime,
dangereux ou ignoble», je n'ai jamais vu autant de qualificatifs et d'émotions
dans un article de loi. Donc, je n'ai jamais vu autant de matière à
interprétation.
Je
sais que c'est balisé dans Whatcott, mais est-ce que nous, on veut ça? Moi, je
pense qu'on ne veut pas ça, je pense
qu'on veut s'en tenir à une loi qui restreigne le moins possible la liberté
d'expression, une loi qui, je pense, doit faire que les gens réfléchissent avant d'aller devant la commission des
droits de la personne et de la jeunesse et d'aller dans un système qui va entraîner pendant un an des
gens devant ce tribunal. Il faut comprendre toujours la mécanique dans
laquelle on s'entraîne.
Il
est important que mes collègues sachent qu'on a déjà dit à la ministre :
Il y a trop, trop de motifs de plainte. Alors, on a déjà demandé... On a commencé par les mots qui nous semblaient, à
notre avis, les plus, je dirais, susceptibles d'être enlevés, d'être supprimés. On a proposé, par
exemple, qu'on enlève «détestation». On trouvait que c'était aller trop
loin que quelqu'un puisse avoir eu l'effet de se sentir détesté. Détesté.
• (16 h 40) •
M. Rochon :
Parce que c'est encore l'effet, là.
Mme
Maltais : C'est
l'effet. On n'est pas dans l'intention, je veux que vous détestiez.
C'est : Je me suis senti détesté. Alors, ça a été refusé.
Dénigrer.
Écoutez, le dénigrement dans une société, là, dénigrement dans une société,
ça arrive. C'est plate, c'est dur,
mais ça arrive, et c'est ça, la liberté d'expression. La liberté d'expression,
ce qu'elle contient, c'est surtout le droit de dire des choses qu'on ne veut pas nécessairement entendre, qu'on
trouve détestables, qu'on trouve inacceptables. C'est ça, la
liberté d'expression. Mais là on est en train d'exclure... Ça fait qu'on a
essayé par les mots... Puis je me souviens très bien d'avoir dit à la ministre : Écoutez,
on a choisi les mots au départ qu'on trouvait qu'il était le plus raisonnable
d'enlever, le plus facile puis qu'il nous
semblait le plus simple pour nous. Alors, c'était notre intention, ça a été
refusé systématiquement. À chaque fois qu'on a proposé l'idée d'enlever un
mot dans la définition du discours haineux, on s'est fait dire :
Non, vous ne pouvez pas toucher à ça, on ne touche pas à ça parce que c'est
Whatcott. On légifère chez nous, mais on est obligés de référer à Whatcott. On
légifère chez nous, mais c'est la Cour suprême qui va dicter notre législation.
Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Alors, on a essayé d'enlever
«dénigrement», on s'est fait dire non.
On
a essayé d'enlever «aversion». Se sentir victime d'aversion, là, il y en a
large là-dedans, là. À chaque fois, on nous a dit non. Ça fait que, là, on est rendus à
dire : Bien là, puisque les couches s'empilent, essayons d'enlever... Ce
n'était peut-être pas le premier mot que je voulais
enlever, que je trouve qu'il faudrait supprimer, mais je pense qu'il faut
supprimer «marginalisation», puis je le dis en tout respect de ma collègue. Parce
que, quand ma collègue a parlé de «marginalisation», elle n'avait pas vu, elle,
la définition de «discours haineux», moi non plus. Mais, quand on lit la définition du discours haineux, là, même ma
collègue devrait se dire : On va un peu loin. On va un peu, pas mal, très
loin dans la définition du discours haineux.
Alors, voici, M. le
Président, un premier commentaire sur la proposition de mon collègue, qui fait
suite véritablement à la conduite qu'on a eue depuis le début de
cette commission parlementaire, qui est : Nous allons essayer de baliser le discours haineux. Nous ne voulons
pas de cette loi, mais on va essayer de faire ce qu'on dit dans le monde
de la santé, de la réduction des méfaits, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Je nous rappelle, avant de laisser la parole à
mon collègue de Rosemont, que nous terminons cette séance à
17 heures parce que la commission a un autre mandat à s'occuper
aujourd'hui. Donc, M. le député de Rosemont.
M.
Lisée : Alors, je
vais revenir sur Whatcott parce qu'on
dit : Bon, bien, il y a des termes qui sont utilisés dans Whatcott, et puis, puisqu'ils sont dans Whatcott,
ils devraient être dans la définition, quoiqu'on passe du criminel au
civil, alors ce n'était pas indispensable.
Et, comme le dit très bien la collègue de Taschereau, les législateurs
légifèrent, ensuite les cours posent un jugement sur la constitutionnalité
ou l'inconstitutionnalité...
Une voix :
...
M. Lisée :
Oui, allez-y.
Mme
Vallée : Avec respect, cher collègue, Whatcott ne portait pas
sur les dispositions du Code criminel, mais bien sur les dispositions
civiles mises de l'avant par nos collègues de la Saskatchewan.
M.
Lisée : Très bien. Je vous remercie de m'éclairer, Mme la
ministre de la Justice. Alors donc, je retire ce dernier argument, mais je reviens sur celui que m'a
inspiré la députée de Taschereau, les législateurs légifèrent, et ensuite les
cours disent : Bien, cette nouvelle
législation est-elle conforme au droit constitutionnel? Est-elle conforme aux
précédents? Et nous nous réservons le
droit, nous, les juges de modifier les précédents et de bonifier, d'améliorer,
parfois de faire des renversements
complets. Donc, si on se fie constamment... si on se dit : On ne peut pas
légiférer parce que la cour a déjà dit ceci, ce serait faire fi de
l'évolution des cours.
Mais,
même si on regarde dans quel contexte Whatcott a utilisé ces termes... Là, j'ai la version d'origine anglaise : «Hatred is not a word of casual connotation. To
promote hatred is to instil — "instil”,
instiller, donc, c'est une conséquence — detestation,
enmity, ill-will and malevolence in another.» Alors, c'est l'effet, hein? Il décrit ce que le discours haineux crée comme effet. «Clearly an expression must go a long
way before it qualifies within the definition[...].
«Hatred is predicated on
destruction[...].» O.K.? Alors là, il
dit: Le discours haineux, son intention, sa prédication, elle est prédéterminée par sa volonté de détruire.
Alors là, le terme, il n'est pas descriptif de son effet, il est descriptif
de son intention. «Destruction» est le mot
le plus fort de tout ce qu'il
utilise. «...hatred
against identifiable groups therefore thrives — ça veut dire qu'il se nourrit — on insensitivity, bigotry and destruction on both
the target group and the values of our society. Hatred in this sense is a most extreme emotion that belies reason; an
emotion that, if exercised against members of an
identifiable group, implies that those individuals are to be despised, scorned,
denied respect and made subject to ill-treatment on the basis of group affiliation.
«Those who argue that [it] should be
struck down submit that it is impossible to define with care and precision a term like
"hatred". Yes, as I have stated, the sense in which
"hatred" is used [...] does not denote a wide range of diverse
emotions, but is circumscribed so as to cover only the most intense form of
dislike.»
Le bout où le juge est le plus précis dans ce qu'il veut dire, alors il
dit ce que ça suscite, il dit ce que ça promeut. Mais, lorsqu'il dit
d'où ça vient, il utilise le terme «destruction». Alors, on voit bien qu'on
peut se passer de tous les autres mots qui
sont descriptifs, qui contextualisent en amont et en aval, mais le mot-clé,
c'est «destruction», qui est proche du
mot «violence». Alors, si on lit correctement, on va dire : Le reste, il
nous explique, il fait de la pédagogie. Mais, quand il est sur le bobo, c'est «destruction». Alors, on
n'est pas obligé de faire de la pédagogie qui ouvre la porte à toutes
sortes d'interprétations, il faut rester sur là où ça fait mal au sens propre
et au sens figuré, là, la destruction et la violence. Alors donc, je pense que mon collègue a tout
à fait raison de vouloir épurer le
texte pour n'en venir qu'à ce qui doit être sanctionné, c'est-à-dire le
discours qui incite à la violence, à troubler l'ordre public.
On
essaie de toutes sortes de façons d'épurer le texte pour limiter la possibilité d'interprétation outrageante, de gens qui soient traînés devant un tribunal, devant la commission
pour répondre de leurs gestes. Puis oui, il peut y avoir tout à fait un discours qui marginalise, mais qui n'appelle pas à la violence, qui
n'incite pas à la violence, un discours qui, comme je l'ai dit pour les caricatures de Charlie Hebdo, certainement, est susceptible d'exposer un groupe à la
détestation, mais n'appelle pas à la
violence, au dénigrement. C'est du dénigrement pur, Charlie Hebdo, ça
n'incite pas à la violence. À l'aversion,
bien sûr. Si on ne lit que Charlie Hebdo, là, on développe une aversion
envers toutes les religions, ça, c'est clair,
et le capitalisme, et le président de la république, et la plupart des élus,
c'est clair, mais ça n'incite pas à la violence.
Alors, le problème avec cette définition beaucoup
trop large, c'est que beaucoup de gens pourraient être considérés... Bien, écoutez, vous avez vraiment dénigré les
libéraux, là. Je vous ai écoutés à la période de questions, là, puis c'est
du dénigrement, puis
vous suscitez l'aversion envers les libéraux, puis vous voulez marginaliser les
libéraux. Vous voulez qu'il y ait le moins de députés possible, vous
voulez les repousser à la marge. Tu sais... Je veux dire, je comprends que la commission va dire : Écoutez, c'est farfelu,
là, ce n'est pas ça que je voulais dire. Mais je vous jure, moi, je lis
Twitter puis Facebook, là, puis il y a du
monde qui vont penser que ça ouvre la voie à ces dénonciations-là, et ce qui
fait que la commission va être inondée de plaintes farfelues parce que
tous ces mots-là sont là, puis ils vont pouvoir...
Donc
une personne raisonnable — hein, on parle de ça — une personne raisonnable dit : Moi, je
suis raisonnable, puis je trouve que la façon dont le député de X ou Y
parle du gouvernement, de l'opposition, d'un autre groupe, c'est du dénigrement, il suscite l'aversion, il veut la
marginalisation, etc., et donc je demande à la commission de se
prononcer. On sait bien que la commission va se prononcer contre la plainte,
mais imaginez le travail de désinformation qui va pouvoir être disséminé dans le public puis dans des gens qui cherchent
des querelles. On le sait qu'il y a du monde qui aime ça, les querelles, ils cherchent les querelles.
Puis là il dit : Oh! Wow! Maintenant, je vais pouvoir... Tu sais, on le
voit, là, tous mes amis libéraux, ils trouvent que les médias font du dénigrement
des libéraux, et tous mes amis péquistes trouvent que les médias font du
dénigrement des péquistes, hein? C'est pareil. C'est général.
Une voix :
...
Des voix :
Ha, ha, ha!
Une voix :
Ah! le micro de la ministre était fermé.
Le Président (M. Ouellette) : Non, non, non. Ça n'a pas été enregistré, ça n'a
pas été enregistré. M. le député de Rosemont, c'est à vous la parole.
• (16 h 50) •
M. Lisée :
Alors, imaginez le nombre de plaintes qui pourraient être portées par des bons
péquistes, des bons libéraux. Puis les caquistes disent : Ils ne parlent
jamais de nous, ils nous marginalisent. Ils nous marginalisent, hein, c'est clair.
Alors, bien, on ne veut pas ça. Alors, c'est pourquoi on essaie de faire oeuvre
utile en disant : Bon, on pense que, de toute façon, le projet de loi ne devrait pas exister dans sa première partie. Mais, s'il doit exister
puis si... Le gouvernement n'est, malheureusement, pas marginalisé, il est majoritaire à l'Assemblée. Il n'est pas
majoritaire dans l'électorat — des
fois, j'aime le rappeler — il
est majoritaire à l'Assemblée. Si un projet
de loi doit être adopté, bien, on
aimerait au moins qu'il n'ouvre pas
la voie à des plaintes... comment
dit-on, Mme la ministre de la Justice, quérulentes, ces plaintes? Nous
ne voulons pas de quérulence supplémentaire. On se bat contre la quérulence, en
ce moment, dans les tribunaux, qui participe
aux délais. Imaginez, la Commission des droits de la personne, nous, on en a
besoin pour les jeunes dans les centres jeunesse. Êtes-vous au courant
qu'ils ont été coupés de 20 millions par année? Je ne veux pas sortir
du... mais on a besoin que la commission se penche sur les conséquences...
Le Président (M.
Ouellette) : ...aussi, là.
M.
Lisée : Un nouveau vérificateur. J'ai hâte de lire ce que le
vérificateur va dire. Puis peut-être que la Commission des droits de la jeunesse va dire : Écoutez,
sur la foi de ce que dit le vérificateur, bien, les droits des jeunes sont
brimés par le fait que les ressources ont été coupées de façon trop forte.
Alors,
je ne veux pas qu'il dise: Ah! bien là, je ne peux pas m'en occuper parce que
j'ai 856 plaintes pour aversion et marginalisation cette semaine. Tu
sais, imaginez, juste passer à travers ça, nous, là... Si le nouveau président
du Conseil du trésor était ici, je lui
dirais : Écoutez, là, il y a une dépense excessive, farfelue qui va être
générée par le libellé actuel du projet de loi. Et, comme on sait que
c'est lui qui a le dernier mot sur ces questions-là... J'aimerais bien savoir, d'ailleurs, si l'avis du Conseil du trésor
sur le mémoire avait évoqué cet aspect-là des coûts supplémentaires qui
seraient générés à la commission des droits de la personne et de la jeunesse.
Est-ce que la ministre se souvient de ça?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, nous sommes sur l'amendement, et je resterais sur
l'amendement.
M.
Lisée : Bien, M. le Président, j'invoque le fait que l'article
qu'on tente d'amender pour en retirer des motifs de plainte a des conséquences financières parce que
trop de motifs de plainte va générer un trafic trop lourd à la
commission des droits de la personne et de
la jeunesse et que, donc, ça va avoir des frais, et je voulais savoir si le
Conseil du trésor avait évoqué cet écueil dans le libellé.
Le Président (M.
Ouellette) : Probablement que vous pourrez reposer votre question
quand on discutera de l'amendement de la
ministre tantôt, là, ou à un moment donné. Mais là, effectivement, on est sur
le sous-amendement du député de Richelieu.
M. Lisée :
Bien, si on enlève le mot «marginalisation», par exemple, on peut faire une
estimation que ça va réduire le nombre de
plaintes excessif juste en enlevant ce mot-là. Par exemple, tous les caquistes
pourront dire : Bien là, on ne peut pas se plaindre d'être
marginalisés dans les médias parce qu'il n'y a pas de motif de marginalisation.
Le Président (M. Ouellette) : Bien là, M. le député de Rosemont, je sens que la
chaleur est revenue, là, du côté de votre table.
M. Lisée : Bien, voilà. Non,
mais c'est quand même un argument de fond parce qu'on a beaucoup débattu de l'opportunité de faire de la Commission des droits
de la personne ce genre de tribunal du discours haineux, et plus on
ajoute de synonymes sous prétexte qu'ils sont utilisés dans l'arrêt Whatcott,
bien, plus on aggrave le cas de la charge de travail inutile de la Commission
des droits. Alors, c'est pourquoi, moi, j'appuie cette tentative de mon
collègue de rendre l'article 1 plus propre,
plus net, plus ciblé et qui lie à ce que Whatcott nous dit. Quelle est la
nature du discours haineux? «Predicated on destruction», «destruction».
Pas «marginalisation», pas «ill will», pas aversion, etc., «destruction». Le reste, c'est du contexte. Le
contexte n'a pas d'affaire dans le projet de loi. C'est normal qu'il soit
dans un jugement de cour, pas dans le projet de loi.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Oui. Mon collègue
de Rosemont aurait aussi pu se demander si la commission — et j'espère que c'est une question que la ministre s'est posée — a les ressources nécessaires pour assumer
ces nouvelles responsabilités. Ma collègue
de Taschereau me tendait un texte de Radio-Canada, qui a vérifié, et,
vérification faite, la réponse, c'est non. C'est non.
Une voix : Incroyable.
M.
Rochon : Incroyable. La
commission peine déjà à traiter les plaintes qui lui sont soumises, plus de 1 600 concernant les droits de la personne au
cours de l'exercice 2013-2014. En moyenne, le traitement d'une plainte — ça,
vous avez souvent fait état de ça, chère collègue de Taschereau — prend
375 jours... 376, j'en avais oublié un,
soit plus d'un an. Et, lorsque l'affaire nécessite la judiciarisation du
dossier, le délai moyen est de 525 jours. Puis là on veut ouvrir un autre beau gros bureau des
plaintes, un gros, gros, gros, là. Imaginez, là, «marginalisation» — je
suis sur l'amendement, là — «marginalisation»,
«rejet», «détestation», «dénigrement», «aversion», «notamment
pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime — ce
n'est pas assez — dangereux — ce
n'est pas assez — ignoble».
Ah! c'est pas pire, là.
Alors,
comment on peut ne pas voir où nous conduira le projet de loi n° 59? La
liberté d'expression, elle va être prise
d'assaut par les radicaux de toutes les causes, là. Parce que c'est pour ça, M.
le Président, là, que, n'étant pas capables de convaincre la ministre qu'il ne faille s'attaquer qu'aux appels à la
violence, on tente, au moins, là, de limiter les dégâts, là. Alors,
enlevons donc au moins «marginalisation», là. Ça sera déjà ça de fait.
Le Président (M. Ouellette) : Pour
le mot de la fin aujourd'hui, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Ah! M.
le Président, déjà? Désolée...
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
parce que je vous ai mentionné qu'on terminait dans deux minutes.
Mme
Maltais : O.K.
Écoutez, M. le Président...
Le Président (M. Ouellette) : Trois
minutes.
Mme
Maltais : ...je
référerais à des groupes qui vivent ordinairement la marginalisation. Puis là
on parle de marginalisation, moi, je trouve
que ça fait beaucoup, «rejet», «détestation», et tout, mais bon. Je vais
référer à un des groupes qui est le
plus souvent marginalisé, ou détesté, ou rejeté, c'est le groupe des personnes
homosexuelles, transgenres, LGBT. Ils
ont présenté un mémoire. Est-ce que ces groupes — puis ça, je l'ai répété régulièrement parce
qu'il faut y revenir — en commission
parlementaire, sont venus nous dire : Enfin, une loi qui va empêcher qu'on
soit marginalisés? Non. Est-ce que ces
groupes sont venus dire : Enfin, une loi qui va faire que le rejet pour
nos groupes, ça, on va pouvoir l'attaquer devant les tribunaux? Non, pas
du tout.
Je vais lire
le mémoire, page 9 : «Notre démarche de réflexion sur le projet de loi
n° 59 s'est plutôt centrée sur l'interrogation
suivante : Est-ce que le projet de loi nous permettrait de lutter plus
efficacement contre les manifestations de l'homophobie ou de la transphobie telles que nous les observons à
travers nos recherches et nos interventions sur le terrain au quotidien?
Notre réponse est négative — c'est
non, non, non. D'une part, il existe déjà des protections contre la propagande haineuse et les crimes haineux ou
l'incitation à la violence.» Eux aussi, ils trouvent qu'ils sont bien
couverts par le Code criminel. Ils le disent,
il y a déjà un Code criminel. «D'autre part, nous considérons que la lutte
contre l'homophobie et la transphobie, dans la société en général et
dans les divers milieux de vie, passe essentiellement par la sensibilisation, la démystification des
stéréotypes, la déconstruction des préjugés, par l'acquisition de compétences
adéquates pour les intervenants sociaux, en un mot par l'éducation et le
dialogue autour de la différence.»
Les groupes
parmi les plus marginalisés, les groupes parmi les plus marginalisés, M. le
Président, nous disent : Ce
n'est pas comme ça qu'on va régler nos problèmes au Québec. Ce n'est pas comme
ça. Mémoire, parce qu'il faut se rappeler
la commission parlementaire. On n'est pas ici en opération du Saint-Esprit, on
arrive après un processus, une adoption
de principe où nous avons dit non sur le principe de cette loi, sur le principe.
Pas sur le détail, là, sur le principe. Ça fait que, là, il faut travailler ensemble. Mais il
y a eu aussi des auditions en commission parlementaire où les gens nous ont dit non sur le principe. Notre non était fondé
non pas sur une opinion personnelle, mais sur des gens parmi les plus marginalisés qui sont venus dire : Ne faites
pas ça, vous ne nous donnez pas le bon outil comme société. Voilà, M. le
Président.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la députée de Taschereau. J'ai deux choses. Non, mais c'est sûr
que, compte tenu de l'heure, je suspends nos
travaux, mais on est requis au salon bleu pour un vote sur la motion du
mercredi.
Je vais suspendre les travaux de la Commission
des institutions jusqu'à 17 h 30 pour une séance de travail au
RC.171. Merci. Et on s'en va au salon bleu pour le vote.
(Fin de la séance à 17 heures)