(Neuf
heures trente-huit minutes)
Le
Président (M. Morin) :
Mesdames, messieurs, bon matin... bonjour, c'est-à-dire. Comme nous avons
le quorum et tout un quorum, là, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Comme à l'habitude, veuillez vérifier vos téléphones
cellulaires ou vos autres appareils.
La
commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 59,
Loi édictant la Loi concernant la
prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à
la violence et apportant diverses modifications législatives pour
renforcer la protection des personnes.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Bolduc (Mégantic) remplace M. Bernier (Montmorency); M.
Morin (Côte-du-Sud) remplace M. Ouellette (Chomedey); M.
Rochon (Richelieu) remplace M. Leclair
(Beauharnois); et M.
Gaudreault (Jonquière) remplace M. Marceau (Rousseau).
Étude détaillée (suite)
Le
Président (M. Morin) :
Merci, Mme la secrétaire. Merci à
vous d'être des remplaçants. C'est important pour la continuité de la
commission. Lors de la dernière séance du 3 décembre 2015, nous avions commencé
l'étude d'un sous-amendement de Mme la
députée de Montarville à l'amendement de la ministre à l'article 1 proposé par
l'article 1 du projet de loi. Je me suis laissé dire que le député de
Borduas voulait intervenir à ce sujet.
M. Jolin-Barrette : Bonjour, M. le Président. Vous me permettrez de vous souhaiter la bonne
année ainsi qu'à mes collègues et un bon retour de congé parlementaire.
Donc, c'est moi qui vais remplacer la députée de Montarville aujourd'hui et je demanderais le consentement des
membres de la commission pour retirer le sous-amendement, qui, on m'a
dit, semblait litigieux, pour en redéposer un autre.
Le
Président (M. Morin) : Merci, M. le député de Borduas. Est-ce
que j'ai le consentement? Mme la députée de Taschereau.
• (9 h 40) •
Mme
Maltais :
M. le Président, ce que... On n'est pas enregistré? Bon. M. le Président, ce
que j'apprécierais d'abord, c'est que vous
nous rappeliez ce sous-amendement. Est-ce qu'on avait fini l'étude de... Il y avait
une discussion ce matin. Est-ce qu'on avait fini ou pas l'étude de l'alinéa
un? Ou est-ce qu'on est rendus dans l'alinéa deux? Ce sous-amendement
concernait quel alinéa?
Le Président (M.
Morin) : Le deuxième.
Mme
Maltais : Le
deuxième alinéa. Donc, c'est bien ça, on était rendus, c'est ce que je savais,
à l'alinéa deux. Oui. J'aimerais
savoir simplement du collègue, avant notre consentement, comprendre pourquoi
il veut le retirer. Puis il n'y aura pas de problème, là. C'est juste,
je pense, quelques mots.
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. En fait, le sous-amendement
que, semblerait-il, la commission étudiait,
c'était sous le troisième alinéa, et, pour le bénéfice de la collègue,
on souhaite le retirer afin de préciser davantage, là, notre position. Donc, ça va
dans le même sens, mais on vient, dans
le fond, davantage
diriger l'orientation que l'on veut donner à l'alinéa trois.
Le
Président (M. Morin) :
Ah! vous aviez raison. Je m'excuse, Mme
la députée de Taschereau.
Étant un nouvel arrivé, là, je n'avais pas réalisé que c'était à
l'alinéa trois de l'article 1. Je lisais l'amendement.
Mme
Maltais : Tout à fait. Alors, j'aimerais ça que vous précisiez à quel alinéa on est rendus,
puisque là on a parlé du deux puis on me parle du trois.
Le Président (M.
Morin) : Le sous-amendement était sur l'alinéa trois.
Mme
Maltais : Donc, on
a terminé la discussion sur l'alinéa deux?
Le Président (M. Morin) :
On était en discussion... Oui, Mme la ministre.
Mme Vallée : Une question qui pourrait nous remettre un petit peu dans le
bain, puisque ça fait presque deux mois que nous sommes en pause de l'étude de ce projet de loi là, il serait peut-être opportun de revoir la répartition du temps
aussi, à savoir où nous en sommes dans les représentations sur les différents
articles, parce que c'est loin.
Mme
Maltais : ...je
suis très contente de la question.
Mme Vallée : S'il vous plaît,
ça nous permettrait de repartir sur le bon pied, de savoir exactement où nous
en sommes et combien de temps est imparti à chacun.
Le
Président (M. Morin) : O.K. Donc, si on regarde à l'article 1,
Mme la députée de Taschereau, il lui restait 8 min 35 s; M. le député de Bourget,
1 min 5 s; à Mme de Montarville, huit minutes; Mme la députée de
Gouin, elle avait terminé son temps.
C'est ça? O.K.? Maintenant, à l'amendement, Mme la députée de Taschereau,
12 min 45 s. C'est ça que vous voulez savoir? À
l'amendement.
Mme
Maltais : À
l'amendement complet ou à l'alinéa? L'alinéa... L'amendement. Oui, c'est ça.
Le Président (M. Morin) :
Ici, je lis, c'est l'amendement.
Mme
Maltais :
L'amendement. Il n'y a pas de problème. C'est moi qui me suis gourée, là. Il
n'y a pas de problème. L'amendement, il me reste 12...
Le Président (M. Morin) : Ça
va?
Mme
Maltais : Il me
reste combien? 12 minutes.
Le Président (M. Morin) :
12 min 45 s. Au député de Lac-Saint-Jean,
14 min 55 s; au député de Bourget, 1 min 55 s; à
la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, 10 minutes.
Là, on a des
remplacements. Naturellement, le député de Bourget, c'est le député de
Richelieu et... le député de Richelieu
qui remplace la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. La députée de Montarville, qui
est remplacée par le député de
Borduas, il lui reste 3 min 15 s. Et Mme la députée de Gouin,
elle n'avait pas pris de temps, il lui reste 20 minutes. Ça va? Est-ce
que ça vous satisfait?
Mme
Maltais : Il reste
3 min 15 s à qui?
Le Président (M. Morin) :
3 min 15 s au député de Borduas.
Mme
Maltais : Ah! O.K.
Ça fait que je pense qu'on va, M. le Président...
Le Président (M. Morin) : Ça
va?
Mme
Maltais : Ça va.
Le Président (M. Morin) :
Compliquez-moi pas trop la vie. J'arrive, là.
Mme
Maltais : Non,
non, non. Nous autres, là, on ne veut pas. Non, non, c'est une mise au point
qui était nécessaire. Je remercie la ministre. On avait les mêmes
interrogations.
Le Président (M. Morin) :
O.K.? Donc, si je reviens au député de Borduas...
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le
Président, est-ce qu'on a le consentement pour retirer le sous-amendement qu'on
avait déposé?
Le Président (M. Morin) :
Est-ce que j'ai le consentement?
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Morin) :
Merci. Donc, M. le député de Borduas, vous voulez nous représenter un nouvel
amendement.
M. Jolin-Barrette : Oui, un
sous-amendement, M. le Président. Je pense qu'on va pouvoir...
Le Président (M. Morin) : Si
vous voulez nous le lire...
M.
Jolin-Barrette : Oui, certainement. Donc, modifier le troisième alinéa
de l'article 1 de la loi, édicté par l'article 1 du projet de loi, tel
qu'ajouté par l'amendement du gouvernement remplaçant les mots...
Mme
Maltais : M. le
Président, ça ne sera pas long, là. Cher collègue, je ne veux pas...
Le Président (M. Morin) :
Oui, madame.
Mme
Maltais :
Vraiment, je veux vérifier, parce que, là, il y a mon... On a un petit doute.
L'alinéa deux a été complètement terminé, et on a décidé de passer à l'alinéa
trois, ou c'est l'amendement qui était...
Le Président (M. Morin) : ...le
sous-amendement?
Mme
Maltais :
Oui, mais moi... c'est parce qu'on pensait qu'il y avait encore du temps sur
l'alinéa deux. C'est ça qu'on veut clarifier.
Le Président (M. Morin) :
O.K. On me dit que le temps est sur l'ensemble de l'amendement.
Mme
Maltais :
Oui, le temps est sur l'ensemble de l'amendement, M. le Président, pas de problème. C'est juste que, comme
on avait décidé qu'on... Ça, je le comprends. Comme on avait décidé qu'on
discutait alinéa par alinéa, je voulais savoir si on va pouvoir revenir sur l'alinéa
deux.
Le Président (M. Morin) :
L'alinéa deux de l'amendement?
Mme
Maltais : De l'amendement,
bien sûr.
Le Président (M. Morin) : O.K.
Oui.
Mme
Maltais : Oui?
Le Président (M. Morin) :
S'il reste du temps, oui.
Mme
Maltais : Tout à
fait. Ça fait qu'on peut discuter là
puis on va revenir au deux tout à
l'heure, parce qu'on n'a pas clos la discussion sur
l'alinéa deux, alors qu'on l'a finie sur l'alinéa un. O.K.
Le Président (M. Morin) : Ça
va? M. le député de Borduas, je vous redonne la parole.
M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, je
vais reprendre, M. le Président. Donc, le sous-amendement, alinéa trois : Modifier le troisième alinéa de l'article 1 de la
loi, édicté par l'article 1 du projet
de loi, tel qu'ajouté par l'amendement
du gouvernement, en remplaçant les mots «aux yeux» par «de l'avis», les mots
«[...]d'une virulence et d'un extrême tel qu'il» par «évoque des sentiments
virulents et extrêmes et», et on ferme les guillemets.
Le Président (M. Morin) : O.K.
Je suspends quelques instants.
(Suspension de la séance à 9 h 46)
(Reprise à 9 h 49)
Le
Président (M. Morin) :
Nous reprenons nos travaux. M. le
député de Borduas,
si vous voulez nous expliquer la teneur de votre sous-amendement.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. En fait, l'alinéa 3 de l'article 1, tel que sous-amendé, se lirait ainsi :
«Est un discours haineux, un discours visé au
deuxième alinéa qui, de l'avis d'une personne raisonnable, évoque des sentiments virulents et extrêmes et est
susceptible d'exposer ce groupe à la marginalisation ou au rejet, à la
détestation, au dénigrement ou à l'aversion notamment pour que ce groupe soit
perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble.»
• (9 h 50) •
Donc, l'objectif, dans un premier temps, M. le
Président, de remplacer «aux yeux de» par «de l'avis», dans les textes législatifs, c'est assez rare qu'on
voit «aux yeux d'une personne raisonnable». C'est souvent évoqué,
supposons, dans la jurisprudence, donc plus à l'oral, je pourrais dire, M. le
Président, et «de l'avis», ça nous apparaît comme étant une modification qui
permettrait plus de respecter l'esprit de la législation telle qu'on la conçoit
généralement.
Le
deuxième élément, M. le Président, en ce qui concerne le fait d'évoquer des
sentiments virulents et extrêmes, on se
réfère un peu ici à l'arrêt Taylor, de 1990, qui a été validé, par la suite,
par l'arrêt Whatcott, où le juge Dickson, je crois, disait que «des émotions exceptionnellement fortes
et profondes de détestation se traduisant par des calomnies et [de] la diffamation, et tant que les tribunaux des droits de la
personne [...] tiendront compte de la nature à la fois virulente et extrême des
sentiments évoqués par ces termes».
Donc,
on fait une référence concrète aux sentiments par le caractère virulent et
extrême. Donc, concrètement, c'est de
venir nommer l'émotion que ça suscite et ça va pouvoir permettre de guider
l'analyse de la dénonciation. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on dépose le
sous-amendement.
Le Président (M.
Morin) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, d'abord, avant de commenter sur le sous-amendement du
collègue, j'aimerais profiter de l'occasion simplement pour souhaiter une bonne
année et un bon retour à tous les collègues, et également à toute l'équipe de la commission, et à vous, M. le
Président, et souligner l'anniversaire de notre collègue de Rivière-des-Prairies,
qui...
Une voix :
...
Mme Vallée :
De La Prairie, pardon, excuse-moi, qui célèbre son anniversaire
aujourd'hui.
Alors,
ce petit aparté étant fait, je... À première vue, remplacer les mots «aux yeux»
par «de l'avis», pour moi, il n'y a pas vraiment d'enjeu là. Rappeler
que la définition que nous avons proposée, c'est une définition qui s'inspire vraiment, là... on a tenté de se coller le plus
possible à ce qui avait été élaboré dans Whatcott. Et pour ce qui est...
C'est parce que l'amendement et le
sous-amendement que le collègue nous propose vient faire une distinction, parce
que les mots «et d'une virulence [ou]
d'un extrême tels» se collaient aux propos, et le sous-amendement qui est
proposé nous amène à qualifier les sentiments qu'amènent ces propos.
Donc,
c'est à ce niveau-là, là, qu'il y a une distinction peut-être qui mérite d'être
approfondie davantage, je vous dirais,
et évidemment, bon, la virulence des propos, la teneur extrême des propos est
très importante. Je comprends que l'on
y revient, on conserve les expressions, mais on les colle davantage aux
sentiments que le propos va susciter plutôt qu'aux propos.
Et
donc, à cet effet, M. le Président, il y a des vérifications qui s'effectuent,
là, au moment où on se parle, pour voir
si ça ne peut pas apporter une distinction ou un impact, là, quant à la preuve
qui devra être administrée. Alors, ce sera les commentaires pour le moment. Je vais attendre, là. L'équipe s'active
derrière moi déjà, et on va juste... C'est le seul élément qui, à notre
avis, serait à valider.
Pour ce qui est du
mot «avis», bien là, ça, ça va. Je suis bien à l'aise avec ça.
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, peut-être pour poursuivre le raisonnement, l'objectif, c'est
vraiment d'encadrer la globalité du
discours, hein, à la fois la forme et le fond. Donc, la référence à ces
sentiments-là, c'est notamment d'englober la forme... le fond, pardon, du discours. Donc, ça n'empêche pas que le
discours lui-même va être qualifié de haineux et de virulent, mais aussi
c'est une définition plus large pour aller chercher aussi les sentiments que ça
suscite. Donc, une personne qui serait placée dans cette situation-là, et que
le discours, chez elle, provoquerait ce genre de sentiment là aussi pourrait se
sentir légitimée de déposer... bien, en fait, de dénoncer ce genre de discours.
Donc,
c'est véritablement dans le sens de cet encadrement-là qu'on veut aller un petit peu plus large pour encadrer tout ça, mais je comprends qu'on fait
les vérifications. Je vous remercie.
Le Président (M.
Morin) : Est-ce que vous avez des choses à rajouter?
Mme Vallée :
Pas pour le moment, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : O.K. Est-ce que j'ai d'autres interventions? Oui, Mme
la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Bon, je
ne commenterai pas longtemps la différence entre «aux yeux» et «de l'avis»,
mais je vais simplement poser la question aux collègues : Quelle
sera la bonification au fait de passer «de l'avis», «aux yeux»? Est-ce que
c'est juste parce que ce n'est pas usuel dans les textes de loi ou bien
s'il y a vraiment une bonification dans cette expression
qu'il désire que nous utilisions?
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Moi, je vous dirais que c'est... j'ai rarement vu
«aux yeux de» dans un texte législatif. Et «aux
yeux», bien, on fait référence à une expression courante aussi, mais, dans
l'éventualité où on parle d'une personne... on comprend l'expression, qu'est-ce
que ça veut dire, mais je pense
que ça serait davantage approprié d'utiliser le mot «avis», parce
que, si vous êtes en présence d'une
personne qui ne voit pas clair, M. le
Président, bien, j'aime mieux
me fonder à son avis qu'aux yeux de. J'espère que ça répond à la question.
Le Président (M.
Morin) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le
Président, je comprends la petite note d'humour du collègue sur une personne qui ne voit pas clair. Maintenant, c'est le juge qui
doit voir clair. Alors, est-ce que la personne qui va juger, qui, en ce moment, en l'occurrence, sera la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse, devra... Quelle sera
la différence entre «aux yeux» ou «de l'avis»? Je comprends... mais je
ne me battrai pas contre ça, là. Je veux juste comprendre l'effet de la
bonification.
Le Président (M. Morin) :
M. le député de Borduas, vous voulez ajouter?
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, en fait, le discours, tout à l'heure, on en parlait, on
disait : Bon, bien, c'est une question de forme et de fond. Sur la
forme, un discours peut être constaté visuellement, donc par le biais des yeux,
va pouvoir être vu.
Par
contre, si on dit «aux yeux de» puis si on l'entend dans ce sens-là... puis je
n'ai pas participé aux discussions, là, antérieures relativement, là, à l'intention qui était donnée «aux yeux de»,
mais, en choisissant «de l'avis de», ça m'apparaît englober plus large, donc à la fois sur le fond et
la forme, parce que la personne qui n'aurait pas constaté visuellement
le discours, mais qui l'aurait entendu,
bien, à ce moment-là, on fait référence à son sens auditif, puis elle va
pouvoir se faire une tête sur la teneur du discours sans avoir constaté
visuellement.
Donc, je pense que,
si on dit «de l'avis de», on va couvrir plus largement puis on ne fait pas
nécessairement référence à un des sens de
l'humain, et je pense qu'on va plutôt faire référence au raisonnement de la
personne, à sa capacité d'analyse en référant à «de l'avis» de la
personne raisonnable. D'autant plus que le juge, au Tribunal des droits de la personne, lorsqu'il va analyser le discours, c'est
sûr qu'il l'analyse, oui, avec son chapeau de juge, mais une des
réalités à la cour, c'est que le juge doit
se placer dans les souliers de la personne raisonnable, puis ça va être par
rapport à son analyse à lui, à la
personne raisonnable, donc de son avis, à sa capacité de jugement, si je peux
dire, de la personne raisonnable. Donc, ça irait en ce sens-là, M. le
Président.
Le
Président (M. Morin) : Merci, M. le député de Borduas. M. le
député de Richelieu, vous voulez intervenir?
M. Rochon :
Oui. Toujours sur le changement d'expression que nous propose notre collègue,
là, de passer d'«aux yeux» à «de l'avis», est-ce qu'il voit, dans l'expression
«de l'avis», quelque chose qui serait exprimé plus formellement? Est-ce que je
lis bien dans ses pensées en disant ça? Un avis, c'est plus formel?
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Bien, je vous dirais, M. le Président, que «de l'avis», ça réfère
davantage à l'évaluation du jugement, à mon sens, de la personne
raisonnable. Donc, en langage courant, je vous dirais, c'est un synonyme, «aux yeux», «de l'avis», mais on va englober plus
largement à la fois la forme et le fond en utilisant le terme «de l'avis»,
je pense, M. le Président, respectueusement.
• (10 heures) •
Le Président (M.
Morin) : Merci, M. le député de Borduas. Oui, Mme la députée de
Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, maintenant, alors, comme je vous le dis, la partie «aux
yeux» ou «de l'avis», on ne fera pas... je pense qu'on prendra...
M. Rochon :
On ne passera pas notre vie là-dessus.
Mme
Maltais : Non, on
va prendre le commentaire du collègue puis on va... moi, si les autres veulent
accepter «de l'avis», nous, je pense qu'on va l'accepter.
La
question la plus délicate est dans l'autre partie de l'amendement apporté par le collègue de la
CAQ, et là je ne comprends pas la
CAQ, qui veut qu'on... Normalement, l'intention des gens qui sont venus nous
présenter leurs opinions à ce projet
de loi était qu'il fallait le restreindre, il fallait le limiter, il fallait le
baliser. Et ce que nous a dit jusqu'ici sa collègue, c'était qu'il
fallait baliser la loi et essayer de la limiter à certains types de discours.
Or,
à nos yeux et à notre avis, si on regarde le mot «évoque des sentiments
virulents et extrêmes», on est beaucoup moins dans la précision que la
proposition qui était autre, qui était «est d'une virulence et d'un extrême tel
qu'il». Et je veux comprendre si ça ne
voudra pas dire que la personne qui va tenir un discours va être responsable
des sentiments qui vont être exprimés ou qui vont être ressentis par la
personne à l'autre bout. C'est un peu le flou que ça introduit.
Le Président (M.
Morin) : Une intervention, M. le député de Borduas?
M. Jolin-Barrette : Bien, simplement répondre, M. le Président, que je ne suis pas marié
avec les mots utilisés. Donc, on pourrait utiliser «exprime», ou
«évoque», ou «ait des sentiments extrêmes», «virulents et extrêmes». Donc, écoutez, je suis prêt à en discuter, M. le
Président, pour modifier le sous-amendement. L'important, M. le Président,
c'est vraiment d'avoir le fond et la forme du discours qui vont être visés par
le sous-amendement proposé.
Le
Président (M. Morin) : Mme la ministre, est-ce que vous vous
êtes fait une tête sur le sous-amendement?
Mme Vallée : En fait, je pense qu'il n'est peut-être
pas à propos d'aller de l'avant avec cet amendement-là. Je pense que ça pourrait susciter des enjeux
d'interprétation qui seraient peut-être plus complexes. Et donc, pour le moment, je dois vous avouer, là, que, si c'est une question
de sémantique, j'irais plutôt dans les questions de fond réelles. La forme, honnêtement, c'est peut-être moins important. On
utilise... Par exemple, je revois, là... bon, «aux yeux», «de l'avis»,
c'est la même chose, c'est de la sémantique.
Mais
pour ce qui est du reste du sous-amendement, ça vient apporter des
modifications, puis je vous avoue que, de notre côté, on est peut-être
plus ou moins à l'aise, là, de changer parce qu'on s'écarte un petit peu de la
définition de Whatcott. Puis comme je l'ai
mentionné, M. le Président, à maintes et maintes reprises, on tente de se
coller le plus possible à cette
décision récente, qui remonte quand même à 2013, mais on tente de se coller
davantage aux paramètres qui ont été définis par la Cour suprême et sans
trop s'écarter de ces paramètres pour assurer la validité du texte et de notre
projet de loi.
Le Président (M.
Morin) : Autre intervention, monsieur... Oui, M. le député de...
M. Gaudreault :
Jonquière.
Le Président (M.
Morin) : Jonquière, excusez-moi.
M.
Gaudreault : Oui. M. le Président, quand je regarde la
proposition d'amendement du collègue de Borduas, j'ai l'impression qu'on s'éloigne de la clarté. Quand on dit, dans le
texte d'origine, un discours qui «est d'une virulence ou d'un extrême tel qu'il est susceptible
d'exposer ce groupe», blablabla, bon, alors on le qualifie clairement, il doit
être d'une virulence et d'un extrême.
On
pourrait discuter c'est quoi, la virulence puis un extrême. Mais le verbe
«être», être d'une virulence ou d'un extrême, le qualifie clairement. Après ça, un juge, éventuellement...
ou nous, on peut en discuter aussi ici, dire c'est quoi qui est virulent, c'est quoi qui est extrême. Mais au
point de départ, clairement, de l'avis ou aux yeux d'une personne dite raisonnable, ça doit clairement être virulent et
extrême. Puis là on peut établir des critères, un test pour dire c'est
quoi qui est virulent et extrême, bon.
Tandis que dire «évoque des
sentiments virulents et extrêmes», moi, j'ai l'impression qu'on ouvre la porte davantage à la subjectivité. Les sentiments virulents et
extrêmes, ça... Moi, il peut y avoir des choses qui évoquent, pour moi,
des sentiments que peut-être chez vous, M. le Président, vous n'aurez pas de la
même manière.
Bon,
alors, c'est... tandis que, quand on dit le verbe «être», c'est clair que c'est
de la virulence et de l'extrême, tandis
qu'évoquer des sentiments... Ce n'est pas juste... À la limite, si c'était
«évoque une virulence et un extrême», mais là c'est «évoquer des
sentiments d'une virulence et d'un extrême». Je ne sais pas si ce n'est pas un
peu fort pour le législateur d'embarquer
dans la notion de sentiment dans une loi. En tout cas, ça ouvre la porte
à beaucoup, beaucoup de
subjectivité qui... À moins que le collègue de Borduas ait vraiment des
arguments qui puissent me convaincre, mais, à ce stade-ci, je suis plus de
nature à avoir beaucoup de questions plutôt que d'être rassuré.
Alors,
je veux juste bien comprendre, là, vers quoi il veut aller avec «évoquer des
sentiments», tandis que le texte d'origine qualifie que ça doit être virulent et
extrême. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre, là, mais, pour moi, il y a comme un nuage de flou plus grand avec la proposition du député de Borduas, puis je
ne sais pas s'il faut vraiment
aller vers ça à ce stade-ci. Merci.
Le Président (M.
Morin) : Mme la députée, vous voulez renchérir... de Taschereau?
Mme
Maltais : Oui,
oui, oui, tout à fait. Évidemment, on va voir toujours les mots dans le
dictionnaire. C'est assez intéressant, la définition de «évoquer». Je
comprends l'esprit du collègue
qui dit que c'est dangereux de faire ressentir à l'autre des émotions dangereuses et tout, bon, des émotions extrêmes.
Si on va à «évoquer», bon, évidemment, dans les définitions, la première est très rigolote : «Faire apparaître des
esprits, des démons par des prières, des incantations, des
sortilèges...» Bon, même si on est dans le phénomène religieux, à notre avis, parce
que le plan de radicalisation parle du phénomène religieux, évoquer des morts
ou évoquer des esprits, ce n'est pas l'esprit dans lequel, je suis sûre, le collègue
de Borduas était. Rappeler quelques...
M. Rochon :
À moins qu'on le connaisse mal.
Mme
Maltais :
À moins qu'on le connaisse mal, évidemment, dit mon collègue. C'est très drôle.
«Rappeler
quelque chose au souvenir, en parler», ça, ça pourrait être... Est-ce que ça
veut dire citer? À ce moment-là, ça serait «citer». Mais là évoquer des
sentiments, on rappellerait des sentiments, ça ne nous paraît pas être tout à
fait juste.
«Faire
songer à quelque chose, le rappeler», faire songer à des sentiments, là
on va être dans le très flou, là, on va pouvoir poursuivre tout et n'importe quoi, tout et n'importe qui parce qu'on va faire songer à des sentiments extrêmes.
«Faire
naître, chez quelqu'un, la représentation mentale de quelque chose jusque-là inconnu : il évoque...» Bon.
Et
«faire allusion à quelque chose, en faire mention...» Le problème est qu'on passe de «propos» à
«sentiment» et que, si on est accusé d'avoir
fait évoquer des sentiments, imaginez-vous donc qu'il va falloir aller chez la
personne qui a senti ces émotions,
ces sentiments et vérifier la profondeur de la haine, du dénigrement, de la
détestation, de ces émotions, de ces sentiments qui ont été provoqués
chez la personne.
L'intention peut être intéressante, mais elle
nous amène dans un tout autre registre. On n'est plus en train de parler du discours haineux qui est porté par une
personne, mais on est en train, dans cet amendement, de parler des
émotions provoquées,
des sentiments provoqués par le discours haineux. Donc, il va falloir juger non
pas du texte et du propos, mais il va
falloir juger de l'impact du propos et du texte du discours sur la personne qui
l'a reçu et ce que ça lui a évoqué. Quels sentiments ont été nourris par
ce discours? Quelles émotions profondes...
Parce que là
on parle de «virulents et extrêmes», quand même... Et ça, le collègue de
Borduas est tout à fait correct, il
parle de «virulents et extrêmes», il garde ça. Mais même des sentiments
virulents et extrêmes, à mon avis, ne doivent pas être condamnables. Ce sont les propos qu'on cherche à condamner. Alors, la discussion dans laquelle
pourrait entraîner les gens qui vont
interpréter ce projet de loi serait une discussion sur non pas le propos, mais
sur l'émotion provoquée par le propos.
Je tiens à
faire remarquer à mon collègue que là il plonge exactement dans ce sur quoi tout le monde nous a mis en garde pendant
la commission parlementaire. Moi, je veux rappeler que nous, on est très
frileux par rapport à ce projet de loi, comme la majorité des
gens qui sont venus en commission
parlementaire. On essaie de
circonscrire le projet de loi,
de le baliser autour du fondamentalisme
religieux. Malheureusement, on a ouvert à un contexte d'intolérance. On
essaie d'aller vers l'appel à la violence;
jusqu'ici, on n'a pas réussi à introduire ces notions-là. Alors, tout le
travail, jusqu'ici, du Parti
québécois est de baliser et
restreindre, d'essayer de s'en tenir à quelque
chose qui soit, à notre avis, raisonnable dans une société de droit qui doit protéger la
liberté d'expression. Mais là ce nous propose le collègue de Borduas, c'est
l'inverse, c'est le contraire. Au lieu de baliser, il élargit énormément, il
fait vraiment une opération très, très large.
Alors, moi, M. le Président, je ne sais pas si le collègue de Borduas veut répondre à ce que
je viens de lui dire, peut-être peut-il me rassurer. J'adorerais être rassurée, à
moins qu'il veuille... je ne dis pas se sous-amender lui-même, mais nous amener un autre amendement
qui pourra exprimer un peu mieux peut-être ce qu'il voulait dire.
• (10 h 10) •
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M.
le Président. Merci de me donner l'occasion de rassurer ma collègue de Taschereau.
En fait, la lecture que je fais du troisième alinéa, lorsqu'on dit : «Est
un discours haineux, un discours visé au deuxième alinéa qui, aux yeux d'une personne raisonnable, est d'une
virulence ou d'un extrême tel qu'il est susceptible d'exposer ce groupe à la marginalisation», etc.,
ce qu'on vise par là, c'est à la fois le discours, la forme du discours
et le fond du discours parce qu'on dit : Le discours «est d'une
virulence». Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne devrait pas uniquement regarder... en fait, les conditions ne
doivent pas être cumulatives. Vous pouvez avoir un discours qui, par sa forme, n'est pas haineux ni n'est pas extrême, la
façon dont il est livré, mais vous pouvez avoir un discours qui va être
extrême au niveau du fond du discours.
Et, à moins
que je ne me trompe, au Rwanda, lorsqu'il y a eu les massacres qu'on connaît
tous dans les années 90, une des
défenses des gens qui avait incité à la violence, c'était de dire : Écoutez,
je ne l'ai pas fait avec une forme qui incitait nécessairement à la
haine. Donc, c'est aussi là-dessus, M. le Président, que notre amendement se
positionne pour dire, dans le fond : Quelqu'un qui tiendrait des propos qui seraient haineux,
qui seraient susceptibles d'exposer un groupe
à la marginalisation, mais qu'il ne le ferait pas dans un cadre où la forme
portait cette intention-là, il faut
pouvoir aussi le dénoncer, il faut pouvoir aussi utiliser la dénonciation.
Donc,
l'amendement que je propose, de ma perception, je le vois en ce sens-là, où, en
indiquant les sentiments, en évoquant des sentiments, bien, on pourrait
utiliser la dénonciation, qui est prévue à l'alinéa trois, pour permettre aux gens de saisir la Commission des droits de la
personne, le Tribunal des droits de la personne et pour dire : Malgré le
fait que le discours a été livré
normalement, supposons, parler très calmement ou même sur une publication et où
là il n'y a pas le véhicule,
supposons, verbal, à ce moment-là, le véhicule verbal haineux, si je peux dire,
bien, le discours qui serait haineux serait quand même couvert par la
définition qu'on fait à l'alinéa trois. Moi, c'est dans cette perspective-là
que je le vois.
Donc,
vraiment, on vient s'assurer que ce genre de discours n'est pas acceptable.
Donc, c'est plus une question de fond et de forme, donc peut-être que ça
peut réconcilier la commission avec le sous-amendement.
Le Président (M. Morin) : Mme
la ministre.
Mme Vallée :
Il y a une chose qui est importante, l'utilisation du mot «discours» est dans
son sens large. Alors, il est important... dans le texte de loi, le
discours n'est pas que verbal, c'est une communication qui peut se faire de
différentes façons. Alors, dans un premier temps, c'est important.
Là où j'ai quelques préoccupations quant à la
qualification des sentiments, rappelons-nous à quel point on a eu des échanges sur, par exemple, la question
des propos satiriques. Certaines personnes craignaient que le projet de loi vienne bâillonner ceux et celles qui tenaient des propos
satiriques, des propos humoristiques. L'objectif, ce n'est pas de
bâillonner, comme certains l'ont laissé entendre, ce type de propos là.
Par contre, lorsque de tels propos humoristiques
sont tenus, ils peuvent susciter chez des gens des sentiments extrêmes. En
qualifiant le sentiment, est-ce qu'on ne risque pas d'aller là où on ne
souhaite pas aller? Je soulève la question à l'attention des membres de la commission.
C'est ce qui m'amène un petit peu à dire : Je vais me garder une petite réserve et maintenir la définition qui est
la plus près de celle de Whatcott parce
que Whatcott revient
clairement sur la question des propos
satiriques, notamment. Il dit : Un propos satirique, ce n'est pas
du discours haineux. Même si c'est blessant, ce n'est pas du discours
haineux. Je pense que c'est important de protéger cet espace pour la satire,
pour la polémique qui fait partie d'une société libre et démocratique.
Le Président (M. Morin) :
Oui, M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Je reprendrai au bond les commentaires de la ministre qui
réfèrent aux critiques que nous avons entendues
sur son projet de loi, hein? Il y a notamment Les Juristes pour la défense de
l'égalité et des libertés fondamentales qui ont parlé de mesures, dans ce projet de loi, totalement
inconciliables avec les assises d'une société libre et démocratique.
Eh bien, moi, je
partage l'opinion de ma collègue de Taschereau et de mon collègue de Jonquière
que notre collègue de la deuxième opposition
va beaucoup trop loin avec sa proposition, là, d'amender «[être] d'une
virulence ou d'un extrême tel» par
«[évoquer] des sentiments virulents et extrêmes». Alors, il ne suffirait plus
qu'un discours soit haineux et d'une
violence ou d'un extrême, mais maintenant on condamnerait un discours qui
pourrait faire naître chez quelqu'un la représentation mentale de quelque chose de haineux, de virulent et
d'extrême. Alors, le député de Borduas ne m'a pas du tout convaincu de
la justesse, là, de son sous-amendement.
Le Président (M.
Morin) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, mon collègue a parlé du Rwanda,
je vais lui faire remarquer, j'ai suivi beaucoup, beaucoup ce procès parce que Léon Mugesera, qui
était un des accusés principaux, vivait dans Taschereau. Je le croisais,
des fois. Il voulait même que peut-être on
participe un peu à la remise en forme de sa notoriété — je vais être positive — et, je
vais vous dire, il a perdu. Il a perdu en cour. Il a perdu, puis sa défense,
cette défense-là n'a pas tenu. Pourquoi? Parce que tout le monde savait très bien que les mots qu'il
utilisait, qui nous semblaient peut-être un peu plus innocents ici, là-bas
étaient chargés. Son propos comme tel était
chargé quand tu connaissais la culture et le langage au Rwanda. Donc, il
a perdu, et c'est clair que sa défense n'a pas tenu, premièrement.
Alors,
deuxièmement, je rappelle qu'on a déjà un code criminel au Québec et que, si ça
entraînait des mouvements comme ils
se sont passés au Rwanda, bien, on a déjà un code criminel qui gère ça,
c'est-à-dire que ça s'est rendu jusqu'à des actes criminels : meurtres, génocide, et ça, c'est déjà couvert par
le Code criminel, ce qui fait qu'à notre avis il y a une partie de cette
loi qui est totalement inutile et non fondée.
Donc,
sur la défense du Rwanda, je ne pense pas que ce soit l'esprit de ce qu'on veut
faire ici et que «[évoquer] des sentiments»
est beaucoup trop lourd. Aller chercher la preuve non pas chez la personne qui
a émis des propos, mais aller chercher
la preuve chez la personne qui a ressenti un effet à partir des propos... et
comprenez-moi, là, pour la commission des
droits de la personne et de la jeunesse, c'est un chemin dans lequel je ne
pense pas qu'on devrait s'embarquer comme législateurs. Je pense qu'il y a là une dérive par rapport... Écoutez,
on part d'un plan de lutte à la radicalisation, on essaie... la radicalisation à cause du phénomène religieux, on
est rendus dans du discours d'intolérance puis là on est rendus dans
évoquer des sentiments. Alors là, je pense que nous... vraiment, très
respectueusement, je comprends l'intention, je comprends qu'il veut couvrir
plus large, mais nous, on veut couvrir moins large. Alors, de ce côté-là, on
n'est pas du côté du collègue.
• (10 h 20) •
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Borduas, avez-vous des commentaires?
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, simplement pour rajouter, M. le Président, que l'objectif,
entre autres, est d'éviter ce genre de défense là aussi, puis c'est de
bien nommer la question du discours. Donc, ça fait... ces commentaires.
Le
Président (M. Morin) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions
sur le sous-amendement du député de Borduas? Je n'en vois pas. Est-ce
qu'on est prêts à passer au vote? Est-ce que le sous-amendement est accepté?
Des voix :
Rejeté.
Le
Président (M. Morin) : Rejeté. Bon, nous revenons à
l'amendement. Est-ce qu'il y a des interventions sur l'amendement déposé
par la ministre?
Mme
Maltais : Oui, M. le Président. Comme je vous l'avais dit,
nous avions encore un petit commentaire sur l'alinéa deux. Alors, je
vais déposer un sous-amendement au deuxième alinéa de l'amendement de la
ministre, qui se lirait comme suit :
Modifier
le deuxième alinéa de l'article 1 de la loi, proposé par l'article 1 du projet
de loi, en remplaçant les mots «aux
discours haineux et [les] discours incitant à la violence tenus ou diffusés
publiquement et qui visent un groupe de personnes qui présentent une caractéristique commune identifiée comme un
motif de discrimination interdit à l'article 10 de la Charte des droits et des libertés de la
personne (chapitre C-12)» par les mots «aux appels directs et répétés à la
violence tenus ou diffusés publiquement au nom d'une religion».
Le Président (M.
Morin) : Merci. Je suspends quelques instants.
(Suspension de la séance à 10
h 22)
(Reprise à 10 h 24)
Le Président (M.
Morin) : Nous revenons à nos travaux. Mme la députée de
Taschereau.
Mme
Maltais : Non, M.
le Président, pas tout de suite. J'ai vraiment un problème de...
Le Président (M. Morin) :
Je vais suspendre.
Mme
Maltais :
...ou bien vous suspendez deux minutes... parce que, là, j'ai un problème à
cause d'amendement et sous-amendement.
Le Président (M. Morin) :
Oui, oui. Je vais vous donner la suspension immédiate.
(Suspension de la séance à 10 h 25)
(Reprise à 10 h 29)
Le Président (M. Morin) :
Nous reprenons nos travaux. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci,
M. le Président. En fait...
Des voix : ...
Le Président (M. Morin) : S'il
vous plaît!
• (10 h 30) •
Mme
Maltais : Toute la difficulté qu'on vit actuellement, c'est qu'on travaille à partir, évidemment, de l'amendement de la
ministre. Ça fait qu'il y a des parties de l'article, du corps même de
l'article, sur lequel on a une discussion,
qu'on n'a pas encore faite, mais qu'on fera sûrement bientôt. Mais, sur le
discours haineux, la ministre nous a proposé
une définition. Je tiens à dire encore que nous ne sommes pas pour l'idée du
contexte d'intolérance qui ne soit pas à inciter à la violence. Je tiens à dire encore que nous ne sommes pas...
Nous sommes pour lutter contre les appels directs à la violence dans un contexte de radicalisation. Ça,
c'est notre position. Maintenant, on a le devoir d'essayer de faire
que... d'amener la ministre à essayer qu'on se rapproche.
Alors, on est
en train de... on est dans la définition maintenant de «discours haineux». «Est
un discours haineux, un discours visé
au deuxième alinéa qui, aux yeux d'une personne raisonnable, est d'une
virulence ou d'un extrême tel qu'il
est susceptible — susceptible,
donc là, on est dans l'idée... il n'a pas encore exposé à la violence, il
pourrait exposer à la violence, mais — d'exposer ce groupe [et là] à
la marginalisation ou au rejet, à la détestation, au dénigrement...»
Exposer ce
groupe au dénigrement, ça se fait régulièrement dans la société québécoise, ça.
Je dois vous le dire, là, ça arrive
régulièrement. Mais là, là, ça va être qualifié de discours haineux, et ils
pourront être poursuivis à la Commission des droits de la personne et
droits de la jeunesse avec une amende à la clé.
«[...]ou à
l'aversion — je ne
les aime pas, eux autres, je ne les trouve pas fins, eux autres — pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou
ignoble.» Je ne les trouve pas fins, eux autres, je les trouve ignobles. On
ne pense pas que ce soient là des choses qui doivent être... si elles sont
mauvaises, nocives pour une société, ce type de discours, on ne pense pas que
ce soient des discours qui soient amenables devant un tribunal, fut-il le
tribunal de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse, d'autant que ce type de tribunal ne
repose pas sur une preuve hors de
tout doute raisonnable, mais repose sur la prépondérance de la preuve et que
les délais de la commission des droits de la personne et de la jeunesse
actuellement sont d'à peu près un an quand tu veux obtenir un jugement.
Alors, c'est pour ça que je vais proposer une
modification qui va faire que nous allons supprimer les mots «[...]susceptible
d'exposer ce groupe à la marginalisation ou au rejet, à la détestation, au
dénigrement ou à l'aversion notamment pour
que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble», par les
mots «expose»... plutôt, «expose ce groupe à la violence».
Le Président (M. Morin) : Là,
vous nous déposez cet amendement?
Mme
Maltais : Cet
amendement, on est en train de finir de le taper, là, mais voilà mon
amendement.
Le
Président (M. Morin) : O.K. Donc, je suspends encore quelques
instants pour recevoir votre amendement par écrit, pour que les gens
autour de la table puissent en prendre connaissance. Je suspends.
(Suspension de la séance à 10 h 33)
(Reprise à 10 h 40)
Le
Président (M. Morin) :
On va reprendre... Je vous demande un peu la permission avant, voir si vous
êtes prête à me parler. Nous
reprenons nos travaux. Mme la députée de Taschereau, je veux vous
entendre sur votre sous-amendement
Mme
Maltais : Oui,
oui, tout à fait. Écoutez, c'est un amendement très simple. Puisqu'on
est dans le discours haineux et que
ce discours haineux vise les personnes qui sont couvertes par la charte, on l'a
vu tout à l'heure, ce que nous proposons, c'est qu'on... contre ces personnes, nous... le projet de loi ne vise que les appels à la violence. Autrement dit, tel qu'il est... tel qu'il expose ce groupe à la violence... Je pense
que c'est ça, l'objet. Je rappelle qu'au départ ce projet de loi est là
pour lutter contre la radicalisation.
Il y a eu des débats
en commission parlementaire, et c'était... en général, les gens disaient :
Pourquoi vous ne revenez pas à la radicalisation? Pourquoi vous ouvrez si
large? Pourquoi on a besoin de cette loi, alors que le Code criminel est déjà
là pour gérer la plupart des cas dont on cause aujourd'hui?
À la suite de cette commission,
le premier ministre a commenté. L'article qui résume le mieux est dans Le Devoir.
C'est un article de Marco Bélair-Cirano. Ça s'est passé pendant le...
Une voix :
Cirino.
Mme
Maltais :
Cirino, pardon. Le 29 août 2015, dans Le Devoir, c'est un
article qui s'est fait pendant qu'il y avait un caucus du Parti libéral à Saint-Georges
de Beauce. Le titre : Discours haineux — Couillard
promet d'amender le projet de loi... Pardon, pardon,
pardon... C'est vrai, c'est très rare que je fasse cette erreur, M. le
Président...
Le Président (M.
Morin) : Oui et ça me surprend bien gros.
Mme
Maltais :
Vraiment, vraiment, je m'excuse auprès des collègues, du premier ministre...
Le Président (M.
Morin) : Vous êtes tout excusée.
Mme
Maltais : Jamais
je n'ose et je n'oserai. Alors, le premier
ministre promet d'amender le projet de loi n° 59, et le
sous-titre : «"Nous ne voulons pas brimer la liberté
d'expression", explique le premier ministre.
«Le
premier ministre [...] convient de la nécessité de restreindre la
portée du projet de loi 59 visant à lutter contre les discours haineux et les discours incitant à la
violence. Celui-ci prohibera seulement "l'appel direct à la violence", a-t-il
indiqué vendredi.
«"Le
but [...] n'est pas de réduire la liberté d'expression au Québec,
mais d'en indiquer la limite, qui, à
mon avis, requiert le consensus — on demande le consensus — et va
recueillir le consensus des citoyens, a affirmé [le premier ministre] au terme du caucus processionnel des
élus libéraux tenu à Saint-Georges de Beauce. On peut dire des bêtises.
On peut dire toutes sortes de choses, mais
on ne peut pas appeler à la violence".» C'est ce qu'il dit, c'est le
premier ministre.
«Le
projet de loi 59 sera ainsi amendé afin de préciser la
"démarcation" — c'est une citation — entre l'acceptable et l'inacceptable parmi l'interdit.» Voici la citation :
«Elle doit être explicite et définie. La ligne pour moi, c'est l'appel direct à la violence [et] c'est sur quoi [la
ministre] travaille.» Bien, cet amendement reflète exactement la pensée du
premier ministre du Québec. Cet amendement reflète exactement les propos qu'il
a tenus publiquement et qu'il n'a jamais contestés
à Saint-Georges de Beauce. Jamais je n'ai entendu le premier ministre
dire : Je me suis trompé, ce n'est pas ça que je voulais dire, ce n'est pas ça l'expression que j'aurais dû utiliser.
Jamais, jamais, jamais. Jamais cette opinion qu'avait le premier ministre sur ce que doivent être les
amendements au projet de loi n° 59 n'a été contestée. Le problème,
c'est que le projet de loi n° 59 n'a pas été amendé en fonction de la
demande du premier ministre.
Le
premier ministre cherchait un consensus, il l'a dit lui-même. Nous cherchons
aussi un consensus depuis le début de
cette commission parlementaire. Nous cherchons un consensus. La première fois
qu'on a été proches d'un consensus, c'est
quand on a relié le tout, le contexte d'intolérance et la radicalisation, à
menant à la violence. Là, on a été proches d'un consensus et on était proches de l'opinion du premier ministre. Puis ce
n'était pas de gaieté de coeur qu'on s'avançait jusque-là, mais on
faisait notre travail de législateur en voulant bonifier la loi, en essayant de
la restreindre selon les opinions qu'on a eues en commission parlementaire. Ce
n'est pas venu.
Il
y a eu tout à coup, pouf, une coquille, de l'expression même de la ministre de
la Justice, c'était une coquille, et
le contexte d'intolérance est sorti des appels à la violence. Si vous allez
dans les galées, là, c'est très, très clair, ce sont les mots... C'était une coquille. Ce n'est pas une coquille que
de dire que le contexte d'intolérance se retire du contexte d'appel à la violence. Ce n'est pas une
coquille, c'est un changement de sens dans une loi. On a changé, à ce
moment-là, le sens du premier amendement qui avait été déposé. Mais le sens du
premier amendement qui avait été déposé, à tout le moins, exprimait un peu, traduisait en mots l'opinion du premier ministre à l'effet qu'on ne peut pas appeler à la violence et que c'est
là-dessus qu'il faut légiférer.
Alors, ce que je
propose aujourd'hui, c'est d'en revenir à cela, de dire que, O.K., «est un
discours haineux», l'expression est encore
là, «discours haineux», même si vous connaissez notre... Nous, on pense que
c'est «appel direct et répété à la
violence» qui est important, mais «discours haineux», un discours qui vise
certains groupes de personnes, pas seulement pour la radicalisation, pour contrer les attaques
qui pourraient être faites contre des groupes discriminés. Ça, c'est une
deuxième chose. Mais il faut que ce soit un appel à la violence.
Alors,
c'est pour ça, on enlève, là, tous les termes qui risquent, à notre avis, de
donner lieu à bien des dérapages, les termes comme «marginalisation»,
comme «rejet», comme «détestation». Nous pouvons dire : Je te déteste. On
ne poursuit pas les gens parce qu'ils disent :
Je te hais, je te déteste, même : je hais ce groupe, je le déteste. Mais,
quand on appelle à la violence ou on
expose à la violence... même pas appelle, là. Le premier ministre dit
«appelle», moi, je dis «expose»; à ce moment-là, on pourrait envisager d'introduire quelque chose au Québec.
On pourrait l'envisager, mais pas n'importe quoi. Voilà, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : M. le Président, on a eu l'opportunité, en 2015, d'échanger passablement sur l'objectif
qui est visé par les amendements. Je
rappelle à la collègue les dispositions de l'affaire Whatcott et je vous
dirais que les objectifs du projet de
loi... En fait, l'objectif
visé par la collègue, d'appel à la violence, est inclus dans le projet de loi, parce que ce discours
haineux va nécessairement et peut mener à cette violence envers les groupes
visés.
Et je rappellerai simplement le triangle que
nous retrouvions dans le mémoire de la ville de Montréal et qui provient du
centre de prévention de la radicalisation qui mène à la violence. C'est que le
discours haineux est un des éléments qui
mènera vers les crimes haineux. Alors, l'objectif visé par notre collègue, il est inclus, et le
projet de loi se colle à la définition de Whatcott et englobe ce discours
pour arriver à prévenir, à intervenir en amont avant l'appel même à la violence. Donc, c'est une intervention qui, à
notre avis, est tout à fait efficace et qui cadre bien avec toute la documentation
que le centre de prévention a mise de l'avant.
Alors, je
vous dirais, je comprends... Bon, je ne commenterai pas davantage.
Si nous sommes ici, c'est évidemment que
le projet, dans sa forme actuelle, est conforme, je vous dirais, à la volonté
gouvernementale, et l'objectif, c'est vraiment de travailler en amont, c'est de contrer cet appel à la violence et
d'intervenir de façon... à la source même, conformément à Whatcott. Et je référerais les collègues simplement
au paragraphe 59 de la décision, qui englobe, qui résume, à un
certain point, cet appel à la haine et le sentiment qu'il suscitera.
Alors, il ne faut pas se décoller de Whatcott.
Je sais, je le répète, mais cette décision de la Cour suprême nous ramène vraiment
à la nature du discours haineux, nous ramène aussi à mettre de côté ce qui
n'est pas touché par le discours haineux, ce qui ne constitue pas du discours
haineux. Il ne faut pas voir, dans... et il ne faudrait pas, à tort, donner au projet
de loi une portée qu'il n'a pas.
Alors, ces paramètres-là se retrouvent dans la décision de la Cour suprême. Nous avons, pour des fins... et je crois qu'il était important de le
faire, ramené au projet de loi une définition justement pour rassurer sur la portée du projet de loi. Et je crois que le sous-amendement, et avec respect, le sous-amendement présenté par notre collègue
ne permettra pas cette intervention en amont et ne permettra pas d'intervenir
là où nous nous devons d'intervenir et conformément au graphique sur lequel nous avons eu
la chance d'échanger abondamment avant les fêtes.
• (10 h 50) •
Le Président (M. Morin) :
Merci, Mme la ministre. Oui, M. le député de Richelieu.
M. Rochon : M. le Président, je ne
vous surprendrai pas en vous disant que je partage l'avis de la députée de Taschereau, que je suis en faveur du
sous-amendement qu'elle nous soumet à l'effet de remplacer les mots «est
susceptible d'exposer ce groupe à la
marginalisation ou au rejet, à la détestation, au dénigrement ou à l'aversion
notamment pour que ce groupe soit
perçu comme [...] illégitime, dangereux ou ignoble» par les mots «expose ce
groupe à la violence». Nous savons
bien que le projet de loi... La ministre croyait nous instruire que ce projet
de loi condamnait l'appel à la violence, touchait à cet élément-là, mais ce que nous savons aussi, c'est qu'il
touche à beaucoup d'autres éléments, trop nombreux.
Je vais lui
rappeler ce que l'ancienne élue libérale Fatima Houda-Pepin, que vous
connaissez bien, a dit à ce sujet. Elle
juge que le gouvernement favorise les intégristes avec le projet de loi
n° 59, qu'il va les aider «à stigmatiser les critiques de leur pratique rigoriste». C'est elle qui parle.
Elle dit qu'elle est estomaquée. Elle a lancé ça à l'issue de sa
comparution en commission parlementaire au
sujet du projet de loi qui vise à lutter, là, contre le discours haineux et que
défend la ministre de la Justice.
«"C'est une revendication des intégristes depuis longtemps", estime
l'ancienne députée de La Pinière. Grâce au projet de loi 59, un groupe religieux, et non plus seulement une
personne croyante, pourrait se dire la cible d'un discours haineux alors qu'il ne s'agirait que — c'est ça un peu qu'a exprimé ma collègue de
Taschereau — de
critiques découlant d'un exercice légitime de la liberté d'expression...»
Je reprends
ça, là, parce que c'est un avis important de Mme Houda-Pepin : «Grâce au
projet de loi 59, un groupe religieux,
et non [...] seulement une personne croyante, pourrait se dire la cible d'un
discours haineux alors qu'il ne s'agirait que de critiques découlant d'un exercice légitime de la liberté
d'expression...» Avec une telle loi, M. le Président, elle pense qu'elle aurait pu elle-même être condamnée
pour islamophobie quand elle a combattu, en 2005, là, les imams qui
voulaient imposer la charia au Canada. La ministre n'est pas sensible à ce
point de vue? Je lui adresse une question.
Le Président (M. Morin) : Ah
bon! Il faut être plus direct avec moi.
M. Rochon : Je pensais que mon ton
suggérait qu'il s'agissait d'une question.
Le Président (M. Morin) : Je
vous écoutais pourtant.
M. Rochon : Ah! ce n'est pas ce que
ça a évoqué à votre esprit.
Le Président (M. Morin) :
Voilà. Oui, Mme la ministre, est-ce que vous...
Mme Vallée : Bien, M. le
Président, je pense qu'il faudrait se rattacher au projet de loi. Pour ce qui
est des commentaires formulés par notre
ex-collègue, vous comprendrez, je ne partage pas... je ne crois pas que les
propos de Mme Houda-Pepin... Les
propos qu'elle a pu tenir, ce sont des propos d'opinion. Elle a exprimé un
désaccord, une opinion à l'égard d'une religion, ce qui est tout à fait
permis par le projet de loi.
Ce que le projet de loi vise à encadrer, ce sont
la tenue de propos haineux qui vont susciter des sentiments extrêmes tels que nous ramène l'affaire Whatcott.
Mme Houda-Pepin s'est toujours exprimée d'une façon claire, et je ne vois pas de raison de s'inquiéter pour qui que ce
soit qui voudrait critiquer une religion, critiquer une idéologie,
critiquer un mouvement politique, une idée politique. Ce n'est pas du tout
l'objet du projet de loi.
Mais, M. le Président,
j'ai eu la chance, et nous avons eu la chance, en novembre et en décembre
dernier, d'échanger amplement. Je pense qu'on a fait le tour et je n'ai pas de commentaire additionnel à faire sur cette question à ce moment-ci. Merci.
Le Président (M. Morin) : Merci,
Mme la ministre. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, M.
le Président. Écoutez,
là, la ministre nous dit : C'est dans Whatcott. Parfait,
laissons-le dans Whatcott,
laissons-le au Code criminel. Il n'y
a aucun problème
avec ça. Laissons-le au Code criminel. Laissons-le au Code criminel. Toute
l'attaque, laissons ça dans le Code criminel.
Mme Vallée : Tu ne l'as pas
lu, Whatcott, hein? Ce n'est pas sur le Code criminel.
Le Président (M. Morin) : Mme
la ministre.
Mme
Maltais : Ce qu'on est en train de créer, à l'heure actuelle, M. le Président, c'est un nouveau système, un nouveau système, un nouveau processus de plainte à la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse. Le Code criminel existe, tout le monde est venu lui dire, articles 318 à 320, ça existe déjà
pour faire ce qu'on veut faire ici.
Donc là, on
ouvre plus large, on ouvre plus large que ce que le premier ministre lui-même désirait. Lui, il a écouté, en commission
parlementaire, les gens. Il a écouté
les gens dire : Non, ça n'a pas de sens, cette ouverture, elle est
trop large, cette ouverture. Alors,
constamment, nous avons répété ici, jour après jour, qu'il faut
baliser cette loi. On est contre la loi
en principe telle qu'elle est écrite. Bien, qu'on s'assoie puis on dit :
Bon, maintenant, est-ce
qu'on peut sortir du principe puis essayer d'en faire quelque chose de valable pour la société québécoise? Le premier
ministre a dit : Oui, on va en
faire quelque chose de valable, mais à une condition. On peut dire toutes
sortes de choses, mais on ne peut pas appeler à la violence. Il prohibera seulement l'appel direct à la violence. C'est ce qu'a dit
le premier ministre, votre chef de l'autre côté. Évidemment, Mme
la sous-ministre, vous n'êtes pas incluse dans ce «votre».
Mais alors je
ne comprends pas. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas, M. le Président, pourquoi tout à
coup on dérive ailleurs que dans l'appel
direct à la violence. Parce que le discours haineux, là, il existe, le discours
intolérant, il existe, mais est-ce qu'on crée un processus de loi pour dire que quelqu'un qui va avoir un
discours virulent, ça arrive, mais qui
est... c'est un discours qui est susceptible d'exposer ce groupe au rejet, à la
détestation. Ça arrive, mais là, là... et on trouve ça intolérable, mais là créer tout un processus... Tout le monde, ce qu'ils sont venus nous dire, tout ce que toutes les personnes sont venues, quasiment, en commission parlementaire, sont venues nous dire, c'est qu'il ne fallait pas
faire ça, c'est qu'il ne fallait pas limiter la liberté d'expression dans
ce sens-là.
La définition
du discours haineux qui nous a été promise disait, d'après le premier ministre... l'amendement que le
premier ministre nous a promis, c'était qu'on ne peut pas appeler
à la violence. M. le Président, pourquoi est-ce
que la ministre ne veut pas accepter notre amendement
qui reflète exactement les propos du premier ministre? Pourquoi
est-ce que ce que le premier
ministre a offert ne la satisfait pas?
Le Président (M. Morin) : Est-ce
que vous avez quelque chose à rajouter, Mme la ministre?
Mme Vallée : Je n'ai pas de commentaire,
M. le Président.
Le Président (M. Morin) :
Merci. M. le député de Jonquière.
• (11 heures) •
M. Gaudreault : Bien, merci, M.
le Président. Écoutez, je ne pensais jamais de vivre ça dans ma vie, là, de parlementaire, de me mettre dans la position de défendre, au fond, ce que le premier ministre propose. Honnêtement, là, celle-là,
je ne l'avais pas vue venir, là, tu sais. C'est ça qui est un peu
absurde, là, parce que c'est l'opposition
officielle qui propose un amendement
qui va dans le sens de la volonté du premier
ministre. Alors, c'est quand même
tout un retournement de situation, à tout le moins, étonnant. C'est une
forme de remaniement, M. le Président.
Dans le fond, on exprime ce que le premier
ministre a dit en clarifiant les
choses. Nous, notre amendement, dans le
fond, il clarifie les choses, au lieu
d'embarquer dans du risque de dommage collatéral, comme l'évoque Mme
Houda-Pepin en disant : Bien, avec
cette définition, ça pourrait vouloir dire que je tiens, à l'égard
des islamistes, des propos qui les condamne
à la marginalisation et au rejet, à la détestation, au dénigrement, etc., bien, on clarifie les choses dans le
sens voulu par le premier ministre. J'ai vraiment
de la misère à prononcer ces mots-là, parce que j'ai l'impression que
c'est antinomique, mais le premier ministre
a été très clair. Alors, je ne vois pas pourquoi on légiférerait plus que
nécessaire, hein? Je pense, c'est John
Kennedy qui disait que ça ne sert à rien de réparer quelque chose qui n'est pas
brisé. Alors, c'est inutile de
surlégiférer quand, dans le fond, la volonté du gouvernement, exprimée par
celui qui le représente le mieux, le premier ministre, c'est de
dire : Tout ce qu'on veut faire avec le projet de loi, c'est de ne pas
appeler à la violence.
Donc,
vraiment, je pense même que l'amendement qu'on propose ici, le sous-amendement,
en fait, est une main tendue, c'est
une perche. On fait le travail au lieu du gouvernement. On exprime nous-mêmes,
par notre sous-amendement, ce que le premier ministre lui-même a
exprimé. Alors, il faut le faire, là, M. le Président.
Alors,
est-ce que, par des interventions de la ministre... Par exemple, si elle
acceptait le sous-amendement qu'on propose,
par ses interventions, elle pourrait détailler un certain nombre de choses. Là,
on pourrait s'entendre. Autrement dit, éventuellement, s'il y avait de
l'interprétation juridique qui se ferait par un juge, bien là, il reviendrait
dans le Journal des débats puis il regarderait ce que la ministre a dit,
mais au moins... Ça, c'est une chose. Mais au moins, nous, dans notre travail,
allons-y clairement dans le sens proposé par le premier ministre, ce qui ferait
avancer en plus l'étude de ce projet de loi en disant tout simplement
qu'on ne peut pas appeler à la violence, on ne peut pas exposer un groupe à la
violence.
Là,
je pense qu'on a comme une voie de passage qui rassurerait des gens quand même,
comme Mme Houda-Pepin, qui connaît
ça. Moi, je pense qu'elle connaît ça, là, cet enjeu puis ce dossier. Puis je
pense que le caucus, de l'autre côté, savent très bien qu'elle connaît
ça, parce que je suis convaincu qu'elle les entretenait souvent de cet
enjeu-là.
M. Rochon :
À leur plus grand plaisir.
M.
Gaudreault : Alors, oui, à leur plus grand plaisir. Donc,
maintenant, je pense qu'on a une proposition pour trouver une voie de passage qui respecte à la fois
la volonté du premier ministre, puis c'est nous qui faisons cette
job-là, et qui viendrait rassurer les
personnes, comme Mme Houda-Pepin, qui connaissent ça. Là, je n'ai pas de raison
de croire qu'elle ne connaît pas ça
puis qu'elle parle à travers son chapeau, là, au contraire. Je pense qu'elle
est assez réputée. C'est une autorité
reconnue en la matière au Québec, c'est une personnalité reconnue en la
matière, puis elle nous dit que, tel que
formulé par le gouvernement, par le projet de loi actuel... en fait, par
l'amendement de la ministre, bien, ça va faire un dommage collatéral dans les critiques, par
exemple, qu'une personne comme Mme Houda-Pepin pourrait faire à l'égard
de groupes extrémistes.
Donc,
moi, honnêtement, je pense qu'on pourrait faire un bout en acceptant ce
sous-amendement de la députée de Taschereau,
qui, encore une fois, je le répète, qui respecte la volonté exprimée par le
premier ministre. Là, après ça, bien, on
pourrait jaser autour de ça pour voir ce que ça veut dire exactement. Puis ça,
ça va servir comme règle d'interprétation éventuelle pour des jugements.
Dans le fond, c'est ça, tu sais.
Alors,
moi, je pense que c'est très habile, très habile de la part de la députée de
Taschereau d'aller au fond, à la source
même de ce que le premier ministre a exprimé pour clarifier les choses une fois
pour toutes en ce qui concerne ce qu'on veut vraiment faire dans ce
projet de loi.
Moi,
c'est la première fois que je siège à cette commission, sur le projet de loi
n° 59, et je comprends très bien qu'avec
la discussion que nous avons présentement nous sommes au coeur de ce qu'on veut
faire avec le projet de loi. Alors
là, ce n'est pas rien, M. le Président, là. Ce n'est pas une discussion de coin
de table, là, c'est une discussion tout à fait importante, sérieuse et
cruciale.
Alors,
moi, j'invite les membres de la commission à bien réfléchir, à bien suivre la volonté de
leur chef, du côté du gouvernement, et, du côté de la deuxième opposition,
évidemment, à bien comprendre ce qu'on est en train de faire
pour qu'on puisse accepter cet amendement
proposé par la députée de Taschereau, puis après ça en jaser, puis passer au
reste du projet de loi. Alors, moi, c'est ainsi que je vois les choses, M. le
Président.
Le
Président (M. Morin) :
Merci, M. le député. Est-ce
que j'ai d'autres interventions sur
le sous-amendement? Oui, M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Peut-être des questions pour ma collègue de Taschereau sur son amendement. J'ai bien
entendu mes trois collègues
sur la proposition d'amendement. Par contre, je suis un peu
inquiet de limiter ça uniquement à la
violence comme elle le propose, parce
que le fait de limiter uniquement à
la violence et de ne pas viser nécessairement la marginalisation, la détestation, le dénigrement, l'aversion, est-ce que
ça ne serait pas un critère plus élevé
pour lutter contre les discours haineux, d'autant plus que... Est-ce que
ça n'enlèverait pas la sécurité morale, la protection relativement à la
sécurité morale des individus, des Québécois?
Il
ne faudrait pas que l'amendement aille dans
ce sens-là, puis je me questionne
si la portée de l'amendement
n'irait pas à l'encontre du principe qu'on veut défendre. Donc, mes questionnements
tournent autour de ça.
Le Président (M.
Morin) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, tout le débat est : Jusqu'où va-t-on dans la liberté
d'expression? Qu'est-ce qu'on permet comme liberté d'expression? La sécurité
morale... D'ailleurs, vous parlez de sécurité morale, c'est justement un des enjeux qui a été le plus discuté en commission parlementaire dans
l'autre partie du projet de loi, et les gens avaient un doute. D'ailleurs, je crois que la ministre a enlevé les mots
«sécurité morale» et c'était de bonne guerre parce que justement il y avait un flou là-dedans. «Sécurité morale» a plutôt... à mon souvenir,
dans les amendements qui s'en viennent... Donc, il y a plutôt
une évacuation de ce concept-là qui est beaucoup trop flou.
Alors
là, on n'est pas... je comprends qu'on veut la sécurité des Québécois
et des Québécoises, mais «sécurité morale», c'est aller très large. Moi, je pense que l'appel à la
violence est ce que nous cherchons. Je rappelle aux collègues que ce projet
de loi est dans un plan de lutte à la
radicalisation. La radicalisation, ça touche le phénomène religieux, le
fondamentalisme religieux, l'intégrisme religieux. Donc, si la ministre de la
Justice a décidé d'ouvrir la loi à d'autres concepts
que ce qui était contenu dans le plan de lutte à la radicalisation, si la ministre
de la Justice a décidé d'ouvrir la loi à d'autres concepts que ce que lui demandait le premier ministre, soit l'appel à la violence, nous, on n'est pas d'accord.
Puis
croyez-moi, quand il s'agit de protéger les droits des minorités, et individuellement et comme parti, on y est profondément,
puis cette bataille-là, on la fait quotidiennement, puis je
pense qu'à peu près
tous les députés, d'ailleurs,
ça fait partie de nos batailles, on y croit profondément. M. le Président, je
suis convaincue que vous entendez parler de quelqu'un
qui est attaqué, qui fait partie d'une minorité qui est protégée par la charte
des droits, vous allez être debout, vous
allez dire : Non, ça ne se fait pas. Mais de là à introduire un nouveau
processus de plainte à la Commission des droits de la personne, c'est là
qu'il y a une limite que nous, on ne veut pas franchir.
Alors, voilà pourquoi, pour nous,
l'appel direct à la violence, c'est ce à quoi on doit mettre fin parce que
c'est ça qui a entraîné, entre autres, le
phénomène de radicalisation, que ça fait partie du plan de lutte à la
radicalisation, que cette loi... et que le premier ministre lui-même dit
que seul l'appel à la violence pouvait être inclus dans cette loi.
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Je remercie la collègue pour ses explications,
mais, en ce qui concerne le préjudice
moral aussi, j'ai une inquiétude par rapport au fait de limiter ça uniquement à
la violence. Puis on sait, dans l'arrêt
de la Cour suprême... Je comprends que vous dites : Bon, le projet de loi
actuellement qu'on a, c'est véritablement pour la situation de la radicalisation, mais par contre on doit quand
même travailler le projet de loi en lien aussi avec le droit qui a été développé. Et nécessairement,
lorsqu'il va y avoir des cas de dénonciation ou de plainte où les
tribunaux vont se référer déjà à ce que les
tribunaux antérieurs ont parlé en cette matière-là... et puis la juge
McLachlin, dans Whatcott, elle dit nécessairement que les propos haineux
préparent à la violence. Donc, c'est comme en amont. Donc, si on les exclut
complètement, ça n'aurait pas l'effet contraire à ce que vous désirez?
• (11 h 10) •
Mme
Maltais :
Les propos haineux...
Le Président (M.
Morin) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Écoutez,
les propos haineux préparent à la violence... Tous les propos haineux ne
préparent pas à la violence, mais tous les propos haineux vont devenir
poursuivables.
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Borduas.
Mme
Maltais :
C'est assez simple comme explication.
M.
Jolin-Barrette : Ça peut être plus complexe que ça, M. le Président.
Mme
Maltais :
...c'est là qu'on parle, c'est là... Bien, justement...
Le Président (M.
Morin) : Un instant, là. Ça ne me fait rien, quand je ne suis
pas entre vous deux, là, mais chacun à votre tour.
Mme
Maltais : Mais
simplement, c'est que peut-être que l'explication est simple, mais c'est ça, la
vraie vie. C'est que là on ouvre un
nouveau champ d'action à la commission des droits de la personne et de la jeunesse et
que la crainte qui a été exprimée par
les gens, c'est l'autocensure. La crainte qui a été exprimée pendant cette commission parlementaire, c'est que justement les gens qui croient que
l'intégrisme religieux doit avoir le pas sur, bien sûr, entre autres, sur notre univers social,
sur notre univers politique, que le religieux est fondamental, vont pouvoir
utiliser cette loi pour dire que, quand
on les décrie, quand on n'est pas d'accord, qu'il
y ait des gens qui puissent... que
ces intégristes religieux puissent attaquer en disant : Ça nous
marginalise, ça nous rejette, ça nous fait être détestés. Et ce discours-là, on
l'entend déjà.
Alors, c'est pour ça
que je trouve que, quand tu penses plan de lutte à la radicalisation, quand tu
reviens aux objectifs de la loi, quand tu reviens aux objectifs
de la société, bien, tu reviens à appel à la violence, parce que,
je vous le dis, le Code criminel couvre déjà bien des cas, on ajoute quelque
chose dans un autre domaine que le Code criminel. La prépondérance de la preuve, ce n'est pas comme la preuve hors de tout
doute raisonnable. Il y a tout ça derrière, là. C'est pour ça que
moi, je pense que, si on ouvre un nouveau champ, ça doit être le champ de
l'appel à la violence, comme l'exprimait le premier ministre.
Le Président (M.
Morin) : Avez-vous quelque chose à rajouter, M. le député de
Borduas?
M.
Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. En fait, simplement pour dire
que ma formation politique n'est certainement
pas en faveur du fait d'utiliser la présente loi qu'on étudie comme une mesure
de protection. Ça, on doit bien être
clair pour ne pas pouvoir exprimer des opinions qui feraient en sorte... comme
l'utiliser comme une mesure de protection,
M. le Président. Mais je me questionne quand même, avec l'amendement qui est
proposé par ma collègue de Taschereau,
sur l'impossibilité d'utiliser la disposition, dans l'utilisation du discours,
là, en matière de discrimination. Je ne voudrais pas qu'on puisse ne pas utiliser cette disposition-là pour
dire : C'est un discours haineux, un discours discriminatoire, supposons, à l'endroit des femmes. Je ne voudrais
pas qu'on ne puisse pas utiliser cette disposition législative là pour
dire : Écoutez, ça ne constitue pas de la violence parce que c'est de la
discrimination.
Donc,
je pense que c'est important aussi d'analyser le texte proposé en conformité
avec ce qui a déjà été fait et ce qui a déjà été développé. Puis
nécessairement l'interprétation va être celle qu'on va donner à la disposition
ici, mais aussi en fonction aussi des
précédents. Donc, je pense qu'il faut juste être prudents aussi avant de
supprimer tout ce qui est avant la violence parce que ça pourrait nous
permettre d'utiliser ces mécanismes-là pour les groupes visés, mais sans aller où la députée de Taschereau dit, pour
l'utiliser comme un moyen de défense pour les groupes tenant des propos
qui ne sont pas acceptables dans la société québécoise.
Le
Président (M. Morin) : Merci, M. le député de Borduas. Autres
interventions sur le sous-amendement de la députée de Taschereau? M. le député
de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. Bien, écoutez, on a donné la parole ce matin en y allant de
citations : deux au premier
ministre, à Mme Houda-Pepin. On pourrait
parler du Barreau du Québec, qui a recensé plusieurs risques importants
de voir le projet de loi anti discours haineux échouer au test des
tribunaux, ce... Le Barreau du Québec, il nous dit que «le document entre en collision avec l'article 2 de la Charte
canadienne des droits et libertés où
[des] "libertés fondamentales" de conscience, de religion,
d'opinion et d'expression [sont énoncées]. "Il faut reconnaître qu'il
s'agit d'une limite au droit à la liberté d'expression", a affirmé [ici]
la présidente du Comité sur les droits de la personne du Barreau du Québec...»
Je pourrais aussi
vous parler de M. Trudel, hein, de M. Trudel, qu'on a entendu ici également et
qui faisait remarquer que toute personne
aura le droit de déposer des plaintes auprès de la Commission des droits de la
personne sur n'importe quel propos,
discours, émission de télé, caricature ou image qui lui semble visé par la loi.
Il est même possible de dénoncer des
propos sur le point d'être tenus ou diffusés, donc qui ne sont même pas encore
connus, faisait-il remarquer.
Il
y a pas mal de gens, là, qui se sont
levés pour dénoncer ce que ce projet de loi englobait de trop. Moi, je
pense qu'il serait sage d'en revenir à ce que propose la députée de Taschereau
dans son sous-amendement, c'est-à-dire de remplacer
les mots «est susceptible d'exposer ce groupe à la marginalisation ou au rejet,
à la détestation, au dénigrement ou à l'aversion notamment pour que ce
groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble» par les mots «expose ce groupe à la violence». Je pense que la
sagesse nous recommande, là, d'appuyer ce sous-amendement de la députée
de Taschereau.
Le Président (M.
Morin) : Merci. Mme la ministre, vous voulez intervenir?
Mme
Vallée : Je comprends que notre collègue a lu avec attention
les échanges en commission parlementaire. Je l'invite aussi à lire les explications que j'ai pu donner en novembre et
décembre derniers parce que j'ai pu expliquer, et ramener un peu, et
recadrer certaines préoccupations qui avaient été soulevées.
Ceci
étant dit, j'invite également les collègues à relire le premier alinéa, parce
qu'on n'est plus dans le premier alinéa,
mais le premier alinéa de l'article 1 fait précisément référence au
discours incitant à la violence. Alors, le discours incitant à la violence est prévu dans le projet de
loi, il est prévu au premier alinéa de l'article 1. Donc, il est prévu, et
le discours haineux englobe plus, mais le
discours haineux, ce n'est pas un discours... L'interdiction de tenir des
discours haineux ne vise pas l'expression,
comme je l'ai mentionné, de critiques, de discours d'opposition, de discours
satiriques, évidemment. Il y a toute la place pour ça.
Et
je vais référer le collègue au mémoire du Barreau pour simplement recadrer,
parce qu'on a eu plusieurs échanges lors
de la commission parlementaire, mais, deuxième paragraphe, à la page 2 du
mémoire du Barreau, où nous pouvons lire :
«D'emblée, le Barreau est favorable à ce que le législateur impose des limites
aux discours haineux ou incitant à la violence en tant qu'actes
discriminatoires et que la [Commission des droits de la personne et de la
jeunesse] ait un contrôle sur ces dossiers.»
Tout simplement un
rafraîchissement. Je comprends qu'on est tous rouillés au retour des fêtes et
qu'on ait pu parfois oublier certains éléments qui avaient été mis de l'avant
lors de nos échanges à l'automne dernier. Merci.
Le Président (M.
Morin) : Merci, Mme la ministre. Oui, M. le député de
Richelieu.
M. Rochon :
Je veux simplement très brièvement et rapidement rassurer la ministre. J'ai
pris connaissance des échanges, j'ai
bien lu, dans les notes que j'ai pu avoir sous les yeux, ces réponses aux
objections très nombreuses exprimées au cours des consultations sur le
projet de loi, mais je ne suis pas rassuré par ce que j'ai lu.
Le Président (M.
Morin) : Autres interventions sur le sous-amendement? Mme la
députée de Taschereau.
• (11 h 20) •
Mme
Maltais : M. le Président, je ne sais pas si la ministre
connaît le cas de Maryam Namazie. Est-ce qu'elle a entendu parler de ça au Warwick University? Un article que j'ai trouvé, Ex-Muslim human rights campaigner Maryam Namazie banned from Warwick University because she'd offend
Islam. Une défenseure des droits,
ex-musulmane, Maryam Namazie, a été bannie d'une université parce qu'elle avait
offensé l'islam.
Vous voyez, là, quand
on s'avance dans le fait de bannir certains types de discours, de les bannir et
de les sanctionner, l'effet d'entraînement
peut être terrible, et c'est pour ça que les gens sont allés jusqu'à
l'autocensure dans une société. «Maryam Namazie has condemned — je
m'excuse pour mon accent, j'ai un mauvais accent anglais, mais je parle bien — the claims she could incite hatred against
Islam while speaking at Warwick University. Warwick University's
student union has been criticised after a human rights campaigner was blocked...»
Elle a été bloquée, la dame. Une défenseure des droits a été bloquée
d'apparaître, d'être présente à une conférence qui concernait les droits des femmes parce qu'elle pourrait inciter à la
haine, inciter à la haine parce qu'elle était sur le campus. Elle
s'appelle Maryam Namazie. Ça a été annulé, sa conférence, parce qu'il paraît
qu'il y avait beaucoup de drapeaux qui avaient été soulevés. Tu sais, quand on
dit... Ils avaient levé des «flags», là, «while researching the campaigner that indicate...» Donc, parce que les
gens disaient que «she is "highly inflammatory, and could incite hatred on campus".» Parce qu'elle est «highly
inflammatory» — je suis obligée de dire «hautement
inflammatoire», mettons que c'est une traduction mot à mot, mais on
comprend bien le sens — et
qu'elle pourrait inciter à la haine sur le campus. Vous comprenez, quand on
tombe dans un univers d'autocensure, en général, la censure ne frappe pas les
progressistes. En général, la censure, elle frappe les personnes qui défendent
les droits actuellement et les droits des femmes.
Tout le débat dans lequel on est
actuellement, en filigrane, en dessous, là — je sais que j'ai devant moi la
ministre responsable de la Condition
féminine — en
filigrane, il y a toutes les attaques aux femmes contre les religions... par
les religions, excusez-moi, par les
religions. En filigrane, il y a ça. Or, ce que nous craignons dans cette loi,
puis c'est pour ça qu'on veut dire «appel à la violence», ce que nous
craignons, c'est qu'on censure, qu'on bâillonne les personnes qui défendent les
droits des femmes face aux discours rétrogrades des religions. C'est ça, la
difficulté qu'on a. C'est pour ça qu'on
parle d'appel à la violence. C'est pour ça qu'on dit : Si on va dans l'appel
à la violence, là, on tombe dans une zone qui, à mon avis, devrait nous réunir puisque le premier ministre
lui-même dit : O.K., «appel à la violence», on est d'accord. C'est pour ça que mon amendement, notre amendement
vise véritablement l'«appel à la violence», parce que le chemin dans lequel nous conduit toute la définition du
discours haineux est un chemin qui mène à l'autocensure dans une société
et qui mène, à notre avis, à l'exclusion et qui mène aussi aux difficultés de
prendre la parole pour défendre les droits des femmes.
Alors,
c'est ça, là, la difficulté qu'on a actuellement. C'est pour ça que, moi, je
trouve qu'on a encore une bonne proposition,
qui correspond à ce que désire le premier ministre, qui ne correspondait pas à
notre idée, mais tu dis : Bon, puisque le gouvernement est
majoritaire, puisque nous sommes en commission parlementaire et qu'on sait qu'à
un moment donné on va aboutir au vote sur
cette loi-là, essayons d'en faire quelque chose qui n'affectera pas
négativement la société. Une loi est
supposée aider une société. Elle est supposée encadrer le vivre-ensemble, mais
elle n'est pas supposée mener jusqu'à l'autocensure, et toute la
difficulté, elle est là.
La
ministre nous dit : Excusez-moi, mais les discours incitant à la violence
sont là. Oui, ils sont là, mais, à côté, il y a les discours haineux, il y a un contexte d'intolérance. Alors, oui,
les discours incitant à la violence sont là, ça, on est d'accord, on l'a vu, mais il y a aussi le discours
haineux, et ça, c'est la définition de «discours haineux». Donc, on est
directement en ligne avec «discours haineux». On n'est pas dans le discours
incitant à la violence, là, on est dans le discours
haineux. On est en train de définir le discours haineux. Le discours haineux, à
notre avis, doit être un discours qui appelle
à la violence. Nous avons, de ce côté-là, derrière nous, un appui susceptible
quand même d'influencer les collègues de
l'autre bord, nous avons l'appui du premier ministre. Alors, je ne comprends
pas pourquoi tout à coup l'opinion du premier ministre ne compte plus
autour de cette table. J'aurais cru que c'était l'opinion majoritaire. J'aurais
cru.
Pourquoi cet abandon
de la position? Est-ce que c'est le premier ministre qui a reculé? Bonne
question. Le premier ministre a donc reculé.
Il a avancé, il a reculé, il a fait un petit pas de deux parce qu'il est
toujours, je dirais... oui, je l'ai
toujours dit comme ça, je l'ai toujours exprimé comme ça, il a toujours un
certain malaise quand il aborde les mots qui touchent aux phénomènes religieux. Alors, devant ce malaise, il a
probablement eu un pas de deux. Quand il a vu que toute la commission parlementaire tapait sur le projet
de loi n° 59, les gens crient à l'atteinte à la liberté d'expression,
liberté d'expression qui devrait être un cheval de bataille du Parti libéral.
Historiquement, un libéral, ça défend la partie de la liberté d'expression... ou une libérale. Ça fait partie
normalement... Dans le monde, là, quand on dit : Un libéral, ça
défend la liberté d'expression, c'est dans
l'esprit même, normalement, de la vision de ces gens-là. Ça fait que là, quand
il a vu ça puis le tollé que
soulevait sa loi, il a dit : Bon, O.K. on va faire ça, ma ministre va
proposer «appel direct à la violence».
Alors, comme on n'a pas encore d'amendement qui spécifie ça, qui le balise, bien, on va le proposer, «appel
direct à la violence». Puis on n'est pas
dans le discours haineux. Là, on a «incitant à la violence», mais on a
«discours haineux». Vous le savez,
là, discours haineux, là, menant à la détestation, au rejet, au dénigrement,
là, en commission
parlementaire, ça a été décrié même par les
personnes qui vivent l'impact de ces discours-là : les gais, les Juifs, tout le monde sont venus dire : Ne
faites pas ça, c'est par la prévention qu'on atteint nos buts, c'est la
prévention qui a fait changer notre société.
Alors,
ce côté-là, là, il a été rejeté par les gens mêmes que le Parti libéral et la CAQ veulent défendre. Ces gens-là sont venus dire, leurs représentants sont venus nous dire : Ne faites pas ça.
Alors, nous, on essaie de revenir à la base. On en a contre la... On est dans un plan de lutte à la radicalisation, on
est dans le fondamentalisme religieux et on est dans l'appel à la
violence.
M. le Président, on fait ce qu'on doit faire : ramener le gouvernement là où il nous a dit qu'il irait. Ce n'est pas l'idée du Parti
québécois, c'est l'idée du gouvernement qu'on ramène sur la table. C'est l'idée du gouvernement exprimée par la voix du premier
ministre qu'on ramène sur la table.
Le Président (M.
Morin) : Merci, Mme Maltais.
Mme
Maltais :
Mme la... M. le Président...
Le Président (M.
Morin) : Oups! Un à un.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Le Président (M.
Morin) : Bon, ça y est.
Mme
Maltais :
Je n'oserais faire la même chose, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : Mme la ministre, je crois que vous voulez intervenir.
Mme
Vallée : M. le Président, je veux simplement clarifier des choses. Notre collègue
a fait référence à un cas de l'Université de Warwick, en Angleterre.
Simplement, je pense qu'il est important, pour les gens qui nous écoutent,
d'expliquer la suite des choses.
Mme Nasrallah a pu tenir son discours. Son
prénom, je...
Mme
Maltais :
Maryam Namazie.
Mme Vallée : Ah! excusez-moi. Excusez-moi, c'est parce
que j'ai le nom d'une autre
professeure. Mais, ceci étant, elle a pu tenir son discours. Elle a pu
tenir son discours parce que son discours n'était pas de nature haineuse. Donc,
il y a eu une révision de la décision. Je pense, c'est important de le porter à
l'attention.
Mais, ceci étant, M. le Président, nous
encadrons le discours haineux à l'intérieur des balises qui nous ont été dessinées par la Cour suprême du Canada.
Alors, tout dossier est analysé à la lumière de notre droit, de nos
paramètres. Puis le projet de loi n° 59 ne vise pas, puis ça, c'est clair, ça ne vise pas la haine en général, mais la
haine fondée sur un motif de discrimination. Alors, notre collègue
devrait être rassurée parce qu'il y a là aussi cette préoccupation de protéger
les groupes vulnérables et les groupes protégés par la charte.
On pourrait
revenir... Lors de nos échanges en novembre et en décembre, j'ai pu relire ce
que certains groupes ont pu publier sur leurs sites Internet au cours
des derniers mois. Donc, certains groupes qui sont passés en commission parlementaire dans le cadre de d'autres débats
avaient demandé de maintenir un encadrement pour les discours haineux.
Alors, je pense que c'est important de le rappeler et de rassurer la collègue.
Soyez assuré, M. le Président, que nous travaillons en collaboration et en lien
direct avec les intentions qui ont été formulées et avec le mandat qui m'a été confié par le premier ministre. Et d'ailleurs le
projet de loi touche les discours qui incitent à la violence. Et la
collègue n'est pas sans savoir qu'un projet
de loi, et une consultation, et des échanges en commission parlementaire ne
procèdent pas sans avoir fait l'objet
de discussions au Conseil des ministres, de discussions en comité ministériel,
de discussions en caucus. Alors, je
pense qu'elle sait très bien que le projet de loi, s'il est ici, c'est qu'il
rencontre les objectifs gouvernementaux, et nous visons, oui, l'appel à
la violence, mais aussi les crimes haineux et les discours haineux.
Vous savez,
M. le Président, le discours haineux est une embûche à la liberté d'expression
parce que le discours haineux empêche
la discussion. On a eu plusieurs
échanges sur cet aspect-là du discours haineux à l'automne dernier, mais
c'est justement pourquoi il est important de l'encadrer. Et plusieurs juristes,
d'ailleurs, ont reconnu que la liberté d'expression
avait ses limites, et c'est exactement là où nous sommes, à l'intérieur de ces limites.
Chose certaine, notre objectif n'est pas de limiter la liberté d'expression, parce qu'elle est nécessaire dans une société libre et démocratique. On la limite dans
les cas extrêmes et à l'intérieur des paramètres qui ont été définis par la
Cour suprême. Il n'y a aucune improvisation ici, M. le Président.
• (11 h 30) •
Le Président (M. Morin) :
Merci, Mme la ministre. Oui, M. le député de Richelieu.
M. Rochon : Je me demande, M. le
Président, si la ministre n'est pas en train de nous dire que le premier ministre a reculé. Parce que le 17 février 2015,
il disait : «Bien sûr, les citoyens et les citoyennes du Québec sont, à
juste titre, inquiets par les changements
radicaux qui se produisent partout dans le monde, les incidents terribles de
Paris [...] et on tend à mettre tout ça dans un même sac et à tout
mélanger.
«Alors, je
dirais que, sur cette question du radicalisme — je cite le premier ministre — l'enjeu fondamental, c'est un enjeu de sécurité. Il faut faire très attention
de ne pas ajouter de limites à nos droits et libertés.» Il faut faire très
attention de ne pas ajouter de limites à nos
droits et libertés. «Ce n'est pas un instrument anodin, la Charte des droits et
libertés.»
Puis j'ai le
goût de citer à nouveau le professeur Pierre Trudel que je faisais parler
tantôt, là, M. Trudel, qui est professeur
au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de l'Université
de Montréal. «Bien sûr — dit-il — les
tribunaux ont distingué entre le propos qui incite vraiment une personne à haïr
ou à se livrer à de la violence et les propos
détestables qui n'ont pas de chances d'avoir de tels effets. Mais la
distinction est ténue.» C'est ça, le problème, la distinction est ténue.
«En ouvrant
la porte à cette "chasse" à tout propos qui déplaît, le projet de loi
59 fait fi des conditions concrètes de l'exercice
de la liberté d'expression. Il [va forcer] tous ceux qui s'expriment à se
demander à chaque fois si quelqu'un quelque part ne va pas trouver que
leurs mots, leurs blagues, leur photo ou leur caricature semblent
"haineux".» Ce n'est pas le député de Richelieu qui le dit ce matin,
c'est le professeur Trudel qui l'écrit.
Le
Président (M. Morin) : Ça va? Autres interventions sur le
sous-amendement de la députée de Taschereau? Ça va?
Mme
Maltais : ...
Le Président (M. Morin) :
Non, chère Mme la députée de Taschereau. Donc, on est prêts à voter sur le
sous-amendement? Est-ce que le sous-amendement de la députée de Taschereau est
adopté?
Des voix : Rejeté.
Mme
Maltais : Vote par
appel nominal, M. le Président.
Le Président (M. Morin) :
Oui, Mme la députée de Taschereau. Mme la secrétaire.
La Secrétaire : Oui. Mme
Maltais (Taschereau)?
Mme
Maltais : Pour.
La
Secrétaire : M. Rochon (Richelieu)?
M. Rochon :
Pour.
La Secrétaire :
M. Gaudreault (Jonquière)?
M. Gaudreault :
Pour.
La Secrétaire :
M. Borduas (Jolin-Barrette)? M. Jolin-Barrette (Borduas)? Pardon.
M. Jolin-Barrette :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Vallée (Gatineau)?
Mme Vallée :
Contre.
La Secrétaire :
M. Merlini (La Prairie)?
M. Merlini :
Contre.
La Secrétaire :
M. Bolduc (Mégantic)?
M. Bolduc :
Contre.
La Secrétaire :
M. Rousselle (Vimont)?
M. Rousselle :
Contre.
La Secrétaire :
M. Boucher (Ungava)?
M. Boucher :
Contre.
La Secrétaire :
M. Proulx (Jean-Talon)?
M. Proulx :
Contre.
La Secrétaire :
M. Morin (Côte-du-Sud)?
Le Président (M.
Morin) : Je m'abstiens.
La Secrétaire :
C'est rejeté.
Le
Président (M. Morin) : Rejeté. Donc, le sous-amendement est
rejeté. Est-ce qu'on a d'autres interventions sur l'amendement de Mme la
ministre?
Mme
Maltais :
Oui, M. le Président. Bien, écoutez, je comprends que la ministre veut qu'on
aille seulement sur les appels à la violence...
ne veut pas qu'on aille seulement là-dessus. Maintenant, je l'ai dit, je vais
le redire, la définition du discours
haineux est beaucoup trop large. On n'a actuellement, là, aucune réponse de
l'autre côté qui nous permette de penser
qu'il y a une volonté de restreindre ou de baliser. Ça fait que, devant un tel
refus d'entendre l'opposition qui cherche un moyen de se sortir de là,
je vais déposer un autre sous-amendement, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : Je vous écoute.
Mme
Maltais : Le voici : Modifier l'amendement du
gouvernement modifiant l'article 1 de la loi, proposé par l'article 1 du
projet de loi, en modifiant le nouvel alinéa introduit par le troisième
paragraphe de l'amendement en remplaçant les
mots «est susceptible d'exposer ce groupe à la marginalisation ou au rejet, à
la détestation, au dénigrement ou à
l'aversion notamment pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime,
dangereux ou ignoble» par les mots «encourage ou justifie la violence
contre un tel groupe».
Le Président (M.
Morin) : Très bien. Merci. On va regarder cet amendement.
Je suspends quelques
instants.
(Suspension de la séance à
11 h 35)
(Reprise à 11 h 39)
Le
Président (M. Morin) :
Nous reprenons nos travaux. Mme la
députée de Taschereau,
pour votre sous-amendement.
• (11 h 40) •
Mme
Maltais : Oui. M.
le Président, écoutez, j'espère que les gens ont bien compris que ce qu'on
essaie, c'est de trouver un terrain
d'atterrissage qui fasse consensus. On cherche à chaque fois à ramener le sens
original de la démarche vers laquelle l'Assemblée nationale avait demandé au gouvernement de se diriger,
qu'elle avait demandé au gouvernement d'avancer, de promouvoir, de nous
procurer des outils pour lutter contre la radicalisation, l'intégrisme
religieux qui mène à la violence, pas tout le phénomène religieux, l'intégrisme
religieux menant à la violence. C'était ça, l'objectif.
Tout à l'heure, on a proposé un amendement, qui
a été rejeté malheureusement, qui collait directement sur ce qu'avait demandé le premier ministre. Le premier
ministre disait : La ligne, c'est : on ne peut pas appeler à la
violence. Ça a été rejeté. Je ne comprends
pas encore pourquoi, là. C'est vrai que c'est la première fois que ça
m'arrive, ça fait quand même... une certaine expérience. J'ai
vu ici l'opposition présenter la position du premier ministre et le
gouvernement la rejeter. Étonnant. Il
y a donc eu, semble-t-il, un petit chassé-croisé à l'intérieur du Conseil des
ministres ou des gens qui ont téléphoné
au gouvernement, qui ont réussi à faire faire un deuxième 180 degrés au
gouvernement. Voilà, première chose. Pourquoi on n'a pas accepté ce
qu'on vient de proposer est assez étonnant.
Alors, on va essayer une deuxième tentative,
mais en mettant... O.K., la ministre, elle ne veut pas qu'on parle juste d'appel à la violence, mais elle dit
toujours que le discours haineux, il peut mener à la violence. Il peut mener à
la violence. Ça fait qu'il y a un lien, là, entre... Il y a un lien de
prévention, qu'elle dit. Elle dit : Le discours haineux... Il y a le
discours haineux violent, il y a le discours haineux qui pourrait mener à la
violence. Alors, regardez bien la proposition
qu'on fait. Là, je trouve qu'on va loin et on va beaucoup plus loin que ce que
peut-être on avait le goût d'aller au départ,
parce qu'on considère encore que cette loi, cette partie-là de la loi, là, on
aurait dû l'évacuer, travailler autrement.
Maintenant,
mon amendement, là, fait dire qu'un discours haineux, ce qu'il faut définir...
Le discours haineux, c'est «un
discours visé au deuxième alinéa — là,
on en a parlé tantôt — qui,
aux yeux d'une personne raisonnable, est d'une virulence [et] d'un extrême tel — je conserve les mots qui sont déjà dans le texte
de loi qui nous est proposé — qu'il
encourage ou justifie la violence contre un tel groupe». Je ne change pas les
groupes. On reste là-dedans, mais on précise :
encourage ou justifie la violence, un discours haineux qui encourage ou
justifie la violence. C'est exactement... Non seulement ça va un peu plus loin, c'est même... ça dilue la position
du premier ministre, mais, comme la ministre ne nous propose pas la position du premier ministre, j'essaie de trouver un
entre-deux entre la position de la ministre et la proposition du premier ministre. Je me croirais au
Conseil des ministres, M. le Président, ou au Comité de législation.
Mais je vais
le faire. Je vais le faire par intérêt supérieur. Il faut qu'on trouve une
solution à ça, M. le Président. Il faut
qu'on trouve une solution à ça. Alors, la solution, si je prends la position du
premier ministre... Puis j'écoute ce qu'elle dit, la ministre, depuis le début : discours haineux peut mener à
la violence. Bon, bien, s'il peut mener à la violence, elle va accepter «tel qu'il encourage ou justifie la
violence contre un tel groupe». Et même, normalement, ça devrait rallier
les gens de la Coalition avenir Québec, mon
collègue de Borduas, parce que lui, il dit : Le discours de discrimination
qui mène à la violence... Il faut arrêter aussi le discours de
discrimination, discours haineux qui mène... Bien là, si tu encourages ou
justifies la violence contre de tels groupes... là, on est dedans.
Je continue à
dire que ça n'a pas rapport avec la radicalisation. Ça n'a pas rapport avec le
plan de radicalisation dont est issu
le projet de loi n° 59, ça n'a pas rapport avec l'intégrisme religieux, ça n'a
pas rapport avec le fondamentalisme religieux.
On n'est pas là-dedans, mais, puisque le gouvernement libéral — je
n'en reviens pas — a
décidé de restreindre la liberté d'expression au Québec, bien, au moins,
faisons-le de façon la plus restreinte possible.
Alors, moi,
je trouve que c'est un amendement qui permet encore une fois d'essayer de faire
évoluer le débat. Et je vais vous
dire, M. le Président, jusqu'ici, là, les propositions qu'on fait, qui nous
ramènent à l'essence du débat de la société, je n'ai pas beaucoup
d'accueil. Les propositions qu'on fait, qui nous ramènent à ce qu'a demandé le
premier ministre, je n'ai pas beaucoup d'accueil. Alors, j'espère que cette
fois-ci on nous écoutera attentivement. Le rôle de l'opposition, c'est de proposer.
On n'arrête pas de proposer. On suggère, on propose, pas des choses
folichonnes, là, des choses sérieuses. On
est en train de faire un projet de loi qui touche, qui balise la liberté
d'expression, qui restreint la liberté
d'expression. Ce que nous proposons actuellement, c'est de le baliser de la
façon dont les Québécois s'y attendent et dont le premier ministre s'y
attend.
Alors, j'aimerais savoir de la ministre si elle
accueille de façon positive la proposition que nous faisons.
Le Président (M. Morin) :
Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la ministre.
Mme Vallée : M. le Président,
je n'irai pas répondre à chaque point soulevé par notre collègue, là, parce que,
vraiment, il y a de l'exagération dans tout ça. Je veux simplement
rappeler... puis je pense qu'il est important, là, pour les gens qui nous écoutent, qui
n'ont pas devant eux le texte de loi, c'est important de ramener au texte de
loi.
Voici ce à
quoi ressemblerait l'article 1 du projet
de loi : «La présente loi a pour
objet d'établir des mesures de prévention
et de lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la
violence.» Alors, on commence par ça. Le discours incitant à la violence, il est prévu au projet de loi. Il n'est pas exclu, il n'est pas sorti. La définition du
discours haineux se rattache aux paramètres que la Cour suprême a identifiés.
Un discours haineux, ce n'est pas un discours incitant
à la violence. C'est distinct. Alors, on ne va pas dénaturer la définition et
s'écarter de la définition et des paramètres qui nous ont été donnés par
la Cour suprême.
Le
discours incitant à la violence, c'est une chose. Il est prévu au projet de loi. Le discours haineux en est une autre. Ce discours-là est
défini. On l'a dit, on le redit. Merci.
Le Président (M. Morin) : Mme
la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, M.
le Président. D'abord,
l'arrêt Whatcott juge la loi de la Saskatchewan. Nous, on est en train d'écrire une nouvelle loi. Donc, après, s'il y a
lieu, la cour l'interprétera, l'examinera. Mais là on est dans la loi québécoise,
là, et la loi québécoise, la ministre a décidé d'y introduire le concept de
discours haineux et de restreindre la liberté d'expression au Québec.
Si on
restreint à liberté d'expression au Québec, dans quel sens on la restreint?
C'est ça, la question
fondamentale. La question
fondamentale, ce n'est pas : Est-ce
que nous allons copier la loi de la Saskatchewan? Est-ce que nous allons correspondre à l'arrêt Whatcott? La question fondamentale,
c'est : au Québec, il y a un problème de radicalisation qui mène à
la violence. Il y a un problème d'intégrisme religieux, d'imams qui ont fait
des discours fondamentalistes, il y a des jeunes
qui s'en vont en Syrie, il y a eu les attentats de Saint-Jean-sur-Richelieu, il
y a eu les attentats d'Ottawa. Ça, c'est le problème duquel il y a eu des débats à l'Assemblée nationale. Ces
débats ont mené à une idée de... le gouvernement
a proposé un plan de lutte à la radicalisation. D'accord. De ce plan de lutte,
on nous a dit : Il va y avoir deux projets de loi : un, le n° 62,
qu'on ne voit plus actuellement, dont
on n'entend plus parler, peut-être qu'on en entendra parler à un moment
donné; et n° 59, qui dit : lutte contre les discours haineux et les
discours incitant à la violence.
Les discours
incitant à la violence, c'est déjà couvert par le Code criminel, mais, puisque
le Québec veut s'engager là-dedans,
on a dit : O.K., on peut regarder ça. Mais les discours haineux, ce n'est
pas nous qui avons demandé ça, là. Il n'y a personne au Québec qui a
réclamé une loi contre le discours haineux. Nous avons tous demandé d'outiller
les municipalités, les villes, les gens, les
gens qui font face à la radicalisation. La Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse a demandé une
loi dans le cadre de la lutte à l'intimidation. Mais là on est dans le plan de
lutte à la radicalisation. La Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse est venue ici. Je me souviens de Me Frémont, qui était très mal à l'aise avec le
mandat qu'on lui donnait. Il a dit : Je ne veux pas... Il a dit : Je
n'ai jamais demandé ce mandat-là. Il
a dit : Je n'ai pas demandé ce mandat-là. Tous mes collègues n'étaient pas
ici, en commission parlementaire, mais c'est le président de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui a dit : Ce mandat-là, là, tu sais, avoir un
tribunal qui juge du discours haineux, ce n'est pas tout à fait ça qu'on avait
demandé, nous autres, là, là.
• (11 h 50) •
Ça fait que,
là, on est là-dedans, là. On a eu, commission parlementaire après commission
parlementaire, des gens qui sont
venus nous dire : Ça n'a pas de bon sens, on est en danger d'autocensure,
on ne vise pas la bonne cible. C'est la prévention au Québec qui est la meilleure bataille contre la
discrimination. C'est ça, là, l'environnement dans lequel on est. On n'est pas dans un environnement de :
Comment est-ce qu'on va faire maintenant que la Cour suprême a dit que la
loi de la Saskatchewan était ça, ça, ça?
Comment on va faire maintenant pour réagir, au Québec, à l'arrêt Whatcott? On
est en réaction à la radicalisation
et à l'intégrisme religieux. C'est ça, la réaction qu'on a. La discussion qu'on
a n'est pas une discussion sur la loi
de Saskatchewan. La discussion qu'on a est sur notre société. Dans quel Québec voulons-nous vivre? C'est ça, le débat
qu'on a.
Le débat
qu'on a, c'est : Est-ce qu'on va traîner, dans un tribunal, la commission des droits de la personne et de
la jeunesse, des gens sans avoir la
présomption d'innocence, sur la prépondérance des preuves, dans un tribunal qui
accumule actuellement au-delà de 300 jours
avant même de recevoir la plainte puis de comprendre si elle va être reçue ou
pas, puis que ça prend 50 jours de plus
pour avoir un traitement de la plainte? Cette commission-là n'a pas les outils
pour travailler ça. On sait ça, nous
autres, quand on débat de cette loi-là. C'est de ça dont on parle, là, c'est
d'amener les gens, sur présomption qu'ils ont tenu un discours haineux,
devant une commission des droits de la personne, d'être stigmatisés.
Les gens des commissions scolaires puis des
universités sont venus nous dire... commissions scolaires et des fédérations de cégeps sont venus nous dire :
Si vous faites ça... J'ai dit : S'il y a une plainte contre un prof? Bien
là, on le suspend tant que ce n'est
pas jugé. Un an à la Commission des droits de la personne et droits de la
jeunesse. Suspendu, le prof? Stigmatisé? C'est quoi qu'on fait, là?
C'est pour ça qu'il est important de définir le discours haineux de façon
beaucoup plus restrictive. Qu'on enlève les mots «discours haineux» de la loi,
puis c'est réglé. Mais la ministre, elle y
tient, à ces mots, «discours haineux». Qu'on parle de discours incitant à la
violence, ah, «you bet», on continue,
on travaille. On ne l'a pas demandé, mais on va travailler. Mais là on est dans
le discours haineux puis on ne laissera pas les Québécois se laisser
entraîner là-dedans facilement.
M. le
Président, là, je suis sur le fond de l'affaire. On donne un médicament qui n'a
aucun rapport avec le bobo. C'est ça qu'on est en train de faire. On va
beaucoup trop loin. C'est ce que les gens sont venus dire en commission parlementaire : Vous allez trop loin. La
lutte contre la discrimination au Québec, ça fait que notre société, on en est
si fiers, qu'elle avance, elle s'est faite
par la prévention. Là, on est en train de lutter contre la discrimination en
traînant le monde, sur plainte
anonyme, devant un tribunal des droits de la personne et des droits de la
jeunesse qui est sur la prépondérance de la preuve. Il va y avoir des amendes, il va y avoir des suspensions de
personnel sur des délais d'un an, un tribunal qui n'a absolument pas les
moyens de faire face à ça, cette surcharge de travail. Combien d'argent il va y
avoir de plus, là, pour traiter le tribunal des droits de la... pour ce
tribunal-là puis cette nouvelle chose là? C'est ça, le fond de l'affaire.
Et en plus on
a un premier ministre qui nous dit : La ligne, ça va être l'appel direct à
la violence. Ce n'est même pas ça.
L'amendement, ce n'est pas ça. La loi que vous nous proposez, là, ce n'est pas
ça. Ah oui! Oui, je vais me battre pour qu'on écoute de l'autre côté.
Oui, je vais plaider pour qu'on écoute de l'autre côté, qu'on écoute les
Québécois et les Québécoises, qu'on écoute
les gens qui sont venus nous dire : Attention à l'autocensure, qu'on
écoute les gens, qu'on écoute le premier ministre même, qu'on écoute les gens qui croient que
cette société est une société libre, qui a besoin d'espace de liberté,
qui a besoin de droit de parole.
Moi aussi, je
trouve que l'intolérance est inacceptable. Et je reprends les propos de la
ministre à l'automne. Elle nous a
dit : Oui, l'intolérance, c'est inacceptable. Bien sûr. Mais est-ce qu'on
amène le monde devant les tribunaux pour ça, devant un tribunal
parallèle? Est-ce qu'on a deux tribunaux maintenant qui jugent du discours
haineux? On a le Code criminel. Les
personnes, les Québécois et Québécoises, là, ils vont pouvoir être poursuivis
deux fois, M. le Président : une fois devant le Code criminel, une
fois devant la CDPDJ. Aïe! Boîte de Pandore, en double.
D'ailleurs, le Barreau nous a dit :
Pourquoi vous créez un deuxième système? Pourquoi ce n'est pas juste une plainte à la CDPDJ, sans les amendes, sans tout?
C'est ça qui se passe actuellement. C'est ça, le débat. C'est pour ça
que la proposition qu'on vous fait, elle est correcte, parce que là on balise
de façon solide et intéressante ce qui peut se faire. On n'irait même pas jusque-là puis on se rend jusque-là parce que
la dérape que vous êtes en train d'opérer au Parti libéral n'a aucun sens, parce que la dérape, elle est
dénoncée par tout le monde à peu près. C'est une dérive, à mon avis,
c'est une dérive inacceptable pour un gouvernement qui se dit libéral, pour un
parti qui se dit libéral. C'est ça que je pense.
J'essaie de vous réveiller, là. La proposition
qu'on a est conforme à l'appel du premier ministre. Avez-vous déjà vu ça du côté du gouvernement? L'opposition se
bat pour que le gouvernement respecte le premier ministre dans ce qu'il a dit publiquement. Alors, ou bien on me
dit : Il a tort, ou bien vous acceptez notre proposition. Est-ce que le
premier ministre avait tort? Est-ce que le premier ministre a erré? Est-ce que
le premier ministre s'est gouré, cette fois-là?
Alors, ou
bien vous acceptez notre proposition ou bien on enlève «discours haineux». Que
la ministre nous admette que
l'article 1 ne touche plus au discours haineux, qu'il touche aux appels... «discours
incitant à la violence». Aïe! Là, on parle.
Depuis le début qu'on parle de ça, nous. Qu'on enlève le contexte
d'intolérance, parce que discours haineux, contexte d'intolérance, c'est là qu'elle est, la dérive.
Coller les mots ensemble, comme devront le faire les tribunaux, et le
tribunal des droits de la personne et des
droits de la jeunesse, c'est ça qu'il va faire, là. Il va dire : Il y a du
discours haineux dans un contexte d'intolérance. Donc, discours haineux,
ça incite au mépris. Alors, la personne, tiens, toi, une plainte, envoie devant le tribunal des droits de la personne et
des droits la jeunesse, un an, peut-être, suspension d'un employé dans
une école. C'est ça, là, qu'on ouvre comme porte puis c'est ça que nous, on
essaie de refermer.
Écoutez-nous,
s'il vous plaît. Je n'arrête pas de plaider pour que vous entendiez ce que nous
avons à vous dire. Cette loi a besoin
d'un réajustement profond. On l'a dit avant la commission parlementaire, on l'a
dit après la commission parlementaire, on n'a pas changé d'opinion.
Alors, on essaie de vous ramener à une juste chose. On essaie de vous ramener à ce qu'à peu près tout le monde veut que
vous reveniez. M. le Président, l'ensemble des commentateurs, y compris au Canada anglais, dans le Globe and Mail, dans
The Gazette... On n'est pas juste, là, dans des péquisteries comme
parfois certains disent. On n'est pas dans des péquisteries, on est dans un
sentiment profond d'urgence au Québec de dire : Arrêtez ça, ce que vous faites n'a pas de sens. L'amendement qu'on vous
propose nous ramène au sens profond. On n'est même pas dans la radicalisation; en plus, on met de l'eau dans notre
vin. On n'arrête pas de mettre de l'eau dans notre vin.
Alors, M. le
Président, je suggère que, de l'autre côté, on examine attentivement notre
proposition, et peut-être qu'on devrait l'accepter, de l'autre côté. Ça
dénouerait une certaine partie du problème.
Le Président (M. Morin) :
Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la ministre.
Mme Vallée :
J'aurais tendance à répliquer, suite à l'envolée oratoire de notre
collègue : Lisez le texte, s'il vous plaît. Le discours incitant à
la violence, il est prévu bien clairement. Merci.
Le Président (M. Morin) :
Merci. Autres interventions sur la... Oui.
Mme
Maltais :
M. le Président, écoutez, le discours incitant à la violence est prévu, mais, à
côté de ça, il y a le discours haineux. Que le gouvernement enlève le
discours haineux, puis on tombe dans un autre match. Mais, quand elle
dit : Le...
Vous savez,
une omission, là, une omission, c'est une façon de parler qui fait qu'on oublie
de dire ce qu'il y a à côté de la chose que tout le monde regarde. Elle
dit : Le discours haineux est prévu... incitant à la violence est prévu. Oui, mais il y a aussi le discours haineux qui est
prévu. Je suis en train de lui parler du discours haineux, et elle me
parle du discours incitant à la violence. Je
dis : Le discours haineux n'est pas assez balisé. Le discours haineux doit
être défini aussi en fonction de
l'appel à la violence. C'est ce que demandait le premier ministre et c'est ce
que l'opposition, croyez-le ou non, M. le Président, réclame à grands
cris.
Le Président (M. Morin) :
Autres interventions sur le sous-amendement? Oui, M. le député.
M. Gaudreault : Oui, de
Jonquière. Vous me décevez, monsieur...
Le Président (M. Morin) :
Pourtant, je connais bien ta région.
M. Gaudreault : Vous me
décevez, M. le député.
Le Président (M. Morin) :
Oui. Bien, excusez-moi.
M. Gaudreault : Je pense, ça
me vaut un 20 minutes de plus sur mon temps.
Le Président (M. Morin) :
Bien là, peut-être que je vais me souvenir de votre comté.
M.
Gaudreault : M. le Président, je pense que ma collègue de
Taschereau a bien résumé l'enjeu sur lequel nous réfléchissons présentement et sur lequel nous débattons, et moi, je
pense que c'est important de revenir à la source même de ce que nous avons sous les yeux présentement. Le
gouvernement fait un amendement pour définir le discours haineux, qui dit : «Est un discours haineux, un discours
visé au deuxième alinéa qui, aux yeux d'une personne raisonnable, est
d'une virulence ou d'un extrême tel qu'il
est susceptible d'exposer ce groupe à la marginalisation ou au rejet, à la
détestation, au dénigrement ou à l'aversion
notamment pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou
ignoble.» Il y a beaucoup de mots là-dedans, là. Il y a beaucoup, beaucoup,
beaucoup de mots.
• (12 heures) •
Je pense,
c'est important de revenir sur les choses, et là je fais un petit aparté, une
parenthèse. Il va falloir
qu'on détermine bien les nuances et les
distinctions entre les mots qui sont là, là : «marginalisation ou au
rejet», «la détestation», le «dénigrement»,
«l'aversion». Si on met des mots, c'est parce qu'ils ont des
significations différentes. Donc là, il va falloir que... En tout cas,
éventuellement, si jamais c'est cette version-là intégrale qui, par malheur, se
verrait à passer, il va falloir que la ministre
nous explique vraiment la nuance entre chacun de ces mots-là. Après ça,
on dit, toujours dans la version gouvernementale : «...pour
que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble.»
Encore là, il y a
plein de nuances entre «illégitime, dangereux ou ignoble», que je perçois plus,
là. Honnêtement, entre ce qui est illégitime, dangereux ou ignoble, je
suis capable de voir un peu plus les différences. Je trouve que les nuances
sont plus fines entre «marginalisation», «rejet», «détestation», «dénigrement»,
«aversion». Vous savez, si, dans la loi, on
cite beaucoup de choses, on... Il y a le fameux dicton qui dit
que le législateur ne parle pas pour rien dire, là. Alors, des fois, on trouve... En tout cas,
on pourrait se poser la question sur ce dicton quand on est à la période de
questions. Ça, c'est une autre affaire, là,
mais... En tout cas, là, on fait de la législation. Quand on est dans
la nomenclature, comme ce qu'on a devant nous, on a le droit de se poser
des questions. Ça, c'est ma parenthèse. Mais revenons quand même... Ça, c'est la proposition de base... Bien,
de base, pas tout à fait de base, parce
que ce n'était pas dans le texte
d'origine, là. C'est l'amendement que le gouvernement nous amène pour définir
c'est quoi, un discours haineux, bon.
Entre-temps,
le... bien, entre-temps... en tout
cas, à travers le débat, on eu une
intervention du premier
ministre qui nous dit essentiellement qu'il ne veut pas appeler... que tout ce qu'on veut faire par le projet de loi n° 59 —quand je dis «on», je parle du gouvernement — tout ce que le gouvernement veut faire par
le projet de loi n° 59, c'est de ne pas appeler à la violence, de
contrôler ça, de contrôler les appels à la violence. C'est essentiellement la
pensée du premier ministre.
Donc, je
prends le texte à la base, qui nous est proposé par le gouvernement, je prends
ce que le premier ministre nous dit,
il ne veut pas que ce soit... tout simplement, il veut contrôler les appels à
la violence. Là, moi, je veux juste faire, avec mes collègues ici, de ce
côté-ci, le lien entre les deux, entre ce texte que nous avons devant nous,
proposé par le gouvernement, ce que le premier ministre a dit, et là je
m'aperçois qu'on n'est pas du tout dans le même univers.
Alors, nous,
on essaie de trouver cette jonction entre une définition d'un discours haineux,
en vertu de ce que le premier
ministre a dit, et je pense que notre proposition est raisonnable. On en a fait
une tout à l'heure, qui a été rejetée, bon,
qui était tout simplement de dire : «expose ce groupe à la violence».
O.K., on accepte que le gouvernement, par sa majorité, a refusé cet
amendement.
Mais, moi, là
où j'amène les collègues à réfléchir — et cette commission, c'est de ne pas
légiférer pour légiférer en amenant des
mots par-dessus des mots puis d'essayer de définir des nuances entre rejet et
marginalisation, entre détestation ou dénigrement, avec aversion,
qu'est-ce qui est illégitime, qu'est-ce qui est dangereux, qu'est-ce qui est
ignoble. Autrement dit, si j'essaie de bien comprendre ce que le premier
ministre a voulu dire, notre travail à nous, là, comme parlementaires responsables, c'est simplement de trouver la limite entre
ce qui est permis et ce qui est interdit, entre ce qui est acceptable et inacceptable, et il faut qu'on
soit le plus clairs possible dans ce sens, il faut qu'on soit le plus clairs
possible. Et moi, je pense qu'il est inutile
d'ajouter trop de mots qui ajoutent de la confusion, et ce que nous proposons,
je pense, est raisonnable pour déterminer, au sens où le premier
ministre l'a exprimé, la limite entre ce qui est permis et interdit.
La
proposition de sous-amendement que nous faisons, c'est que... Et là je reviens
au texte qu'on propose. Ça ne sert à rien de partir dans toutes sortes
de directions, revenons juste au texte. Nous, ce qu'on propose dans notre sous-amendement, c'est que, «un discours haineux,
[c'est] un discours visé au deuxième alinéa qui, aux yeux d'une personne
raisonnable, est d'une virulence ou d'un extrême tel qu'il encourage ou justifie
la violence contre un tel groupe.»
Alors là, on amène la notion de violence parce
que c'est la seule chose qu'on veut contrôler... que le premier ministre
a dit qu'il voulait contrôler via le projet
de loi n° 59. Ça évite d'ouvrir
la porte à des dommages collatéraux, comme je le disais tout à l'heure, comme ce qui a été soulevé par des gens, justement,
raisonnables qui sont venus témoigner ici, devant la commission
parlementaire — comme
Mme Houda-Pepin, par exemple.
Et là on ne
part pas dans toutes sortes de directions, on fait juste dire... Puis là on
fait déjà un pas, là, de notre bord, parce que
ce n'était pas notre première proposition. La première proposition qu'on a faite
tantôt, c'était juste de nommer la violence. Là, on dit : O.K., faisons
un pas de plus pour dire : Un discours haineux, c'est, aux yeux d'une
personne raisonnable... comme
Mme Houda-Pepin, je pense que c'est une personne raisonnable, mais toutes
les... plusieurs personnes qui sont venues témoigner ici, devant la commission parlementaire, sont des gens raisonnables et qui nous disent
que ce discours est d'une virulence
ou d'un extrême tel qu'il encourage ou justifie la violence. Là, on s'en va
chercher ce que le premier ministre veut qu'on amène comme limite entre ce
qui est acceptable et inacceptable. Pour lui, ce qui est la limite entre ce qui est inacceptable et
acceptable, c'est — c'est ce qu'il nous dit — le fait
que ça appelle à la violence.
Alors, moi, je pense
qu'il n'y a pas péril en la demeure, pour le gouvernement qui est devant nous ici, en cette commission, versus la proposition qu'on fait de sous-amendement. Je
pense qu'on a quelque chose de réaliste, de faisable, de
réalisable, qui trace une limite entre ce qui est permis et interdit, qui
respecte la volonté du premier
ministre, qui respecte, grosso modo, ce que plusieurs
gens sont venus nous dire ici, en commission
parlementaire, qui trace une
frontière — puis
c'est notre rôle — entre
l'acceptable et l'inacceptable. Faisons ce pas. Peut-être que, dans quelques
années, d'autres législateurs que nous ici trouveront qu'il faut changer les
choses; laissons-leur le soin de le faire.
Mais, à l'État,
face à ce que nous avons comme constat devant nous à ce moment-ci, je pense qu'on a une trace bien limitée, là. On est capables de tracer, c'est-à-dire, une limite bien correcte, bien raisonnable, pour reprendre
l'expression consacrée, entre ce qui est permis et interdit, entre ce qui est
acceptable et inacceptable, et c'est d'avoir un discours tellement virulent, tellement
extrême qu'il justifie la violence. Pour moi, là, on n'a pas besoin d'en dire
plus que ça à ce stade-ci, et on aurait quelque chose, somme toute,
d'assez correct, d'assez raisonnable, qui nous permettrait d'avancer, qui nous permettrait de dire : Bien, O.K., on
peut faire un bout, on peut déterminer un
petit peu plus ce qu'on est en
train de faire comme travail.
Moi, je pense
qu'on pourrait avoir un terrain intéressant, parce
que, là, après ça, il va falloir
qu'on... si ce n'est pas ça, là, moi, j'ai hâte de voir ce que la ministre
va nous dire comme nuance entre la «marginalisation», le «rejet», «la détestation», le «dénigrement», «l'aversion», puis
après ça «illégitime», «dangereux», «ignoble». On va en avoir pour des
heures parce que je vais vouloir qu'elle nous explique tout ça, ces nuances-là.
Moi, je pense qu'on aurait, là, quelque chose,
avec le sous-amendement qu'on propose, qui nous permet de tracer cette frontière ténue entre ce qui est
acceptable et inacceptable. Je ne pense pas, moi, qu'on exagère, nous, de
notre côté, avec ce sous-amendement. Je pense qu'on est assez dans un terrain solide. Puis, en
plus, les distingués collègues du gouvernement qui sont devant nous devraient être heureux parce que...
puis, encore une fois, j'ai l'impression de faire un oxymoron,
là : j'exprime la volonté de leur premier ministre. Il faut le faire.
Donc, tout
ceci étant dit, moi, je pense... en
tout cas, je pense...
je pense qu'on aurait un sous-amendement, là, assez
intéressant, nous permettant de faire un pas correct, M. le Président.
Le
Président (M. Morin) :
Merci, M. le député de Jonquière. Est-ce
qu'il y a d'autres interventions?
Oui, M. le député de Borduas?
Allez-y donc.
M. Jolin-Barrette : M. le député de Richelieu
peut y aller, s'il le souhaite, en premier.
• (12 h 10) •
Le Président (M. Morin) : Ah!
O.K. M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Merci, M. le député de Borduas. Merci, M. le
Président. Écoutez,
remplacer les mots «est susceptible d'exposer
ce groupe à la marginalisation ou au rejet, à la détestation, au dénigrement ou
à l'aversion notamment pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble» par les
mots «encourage ou justifie la violence contre un tel groupe» est plus
que raisonnable.
Vous savez,
même le propos marginal, le propos déplaisant, le propos stupide, le propos de
mauvais goût, tous ces propos-là y
sont protégés par la liberté d'expression, hein? Ce n'est pas seulement
ce qui est légitime qui est protégé par la liberté d'expression, c'est d'ailleurs pour protéger les discours marginaux qu'on a
besoin de la liberté d'expression, pas pour protéger ce qui fait
l'unanimité, ce qui est plaisant, ce qui est du bonbon.
Il y a,
dans la société québécoise, des gens qui sont certains, sûrs, persuadés que
le propos déplaisant, de mauvais goût, est un propos automatiquement
haineux. En somme, il y a des gens qui confondent le propos qu'on pourrait trouver illégitime, vous et moi, avec le propos
haineux. Et là le projet de loi qu'on étudie présentement, il leur ouvre,
à ces gens-là, un bureau des plaintes.
Le Barreau — je
parlais du Barreau tantôt — il
reconnaît la compétence de la province de Québec — moi, ça
me donne des frissons, cette
expression-là — d'adopter
une législation créant des sanctions civiles en matière de discours haineux. «"Nous constatons, écrit le Barreau,
que ce nouveau régime pourrait créer une tension entre les plaintes pour
discrimination et les dénonciations anonymes de discours haineux."
«Le Barreau
conclut qu'il est possible d'intégrer l'interdiction des discours haineux ou
incitant à la violence de l'article 2
du projet de loi au régime actuel des plaintes de la charte québécoise.
"Ainsi, nous dit le Barreau, un régime spécifique de dénonciation de discours haineux ou incitant à la violence
ne serait pas nécessaire."» Ne serait pas nécessaire.
Le Président (M. Morin) :
Vous avez terminé?
M. Rochon : Je soumets ça à la
réflexion de la ministre, M. le Président.
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M.
le Président. Bien, écoutez, j'invoquerais les mêmes arguments que j'ai
utilisés lors du précédent sous-amendement proposé par ma collègue de
Taschereau, mais surtout, de notre côté, ce que l'on souhaite, c'est éliminer
les discours qui incitent à la violence, mais aussi ne pas non plus limiter les
discours haineux. Il faut le nommer, en quoi
ça constitue, un discours haineux. Et là, dans la proposition, on souhaite
offrir moins de garanties, on propose
d'enlever «est susceptible d'exposer ce groupe[...]» par «aux yeux d'une
personne[...], est d'une virulence ou
d'un extrême tel qu'il encourage ou justifie la violence contre un tel groupe».
Donc, le critère qu'on exige, il est plus bas, encore une fois, M. le
Président.
Et là il faudrait s'entendre, puis je ne pense
pas que c'est le souhait de ma collègue de Taschereau lorsqu'elle propose ce sous-amendement-là, mais, pour nous,
c'est clair que les discours haineux qui vont à l'encontre des valeurs québécoises, des valeurs
d'égalité entre les hommes et les femmes, ce n'est pas acceptable. Puis je
pense que c'est important qu'on
retrouve le discours haineux dans le projet de loi et qu'il ne vise pas
uniquement la violence. C'est important de supprimer... de viser le
discours incitant à la violence, mais aussi il faut viser le discours haineux
qui contrevient aux valeurs québécoises.
Je vous donne
un exemple. En août 2013, ma collègue de Taschereau, à l'époque où elle était
ministre responsable de la Condition
féminine, elle avait écrit une lettre à son homologue fédérale pour protester
contre des conférenciers... donc, des prédicateurs religieux qui
véhiculent des valeurs qui vont totalement à l'encontre des principes d'égalité
entre les hommes et les femmes défendus au Québec. Donc, c'étaient des propos
misogynes, c'étaient des conférences sur des propos misogynes.
Moi, je suis
d'accord avec la députée de Taschereau que ce n'est pas acceptable de tenir des
propos comme ça puis qu'on doit
interdire des propos comme ça. Mais, moi, je pense que ça rentre dans la lutte
contre les discours haineux parce qu'on
a ici un groupe qui est visé : les femmes. On veut interdire ce genre de
discours là et, avec la définition actuellement qu'on a à l'alinéa trois, bien, le discours haineux viendrait couvrir ce
genre de chose. Et là, lorsqu'on parle de discours misogynes, on ne parle pas nécessairement de la
définition avec la violence. Donc, sur la question du discours haineux,
ça va être important de le maintenir pour
éviter tout dénigrement à l'attention d'un groupe comme les femmes, comme
le groupe visé par les prédicateurs religieux qui souhaitaient faire une
conférence sur le sol québécois.
Donc,
j'essaie de réconcilier tout ça. Je comprends les arguments relativement à la
violence, mais il ne faudrait pas uniquement limiter ça à la violence.
Il faut offrir des garanties aussi à ces groupes-là, parce que c'est
fondamental, M. le Président. L'égalité
entre les hommes et les femmes, au Québec, c'est cher. Il y a de nombreux
États, dans le monde, qui ne respectent pas ce principe qui devrait
guider toutes les sociétés. Et là je trouve qu'on s'éloigne un peu avec le
sous-amendement qui est proposé. Peut-être que je vais pouvoir me faire
convaincre du contraire.
Le Président (M. Morin) :
Merci, M. le député de Borduas. Autres interventions sur le sous-amendement?
Mme
Maltais : Oui, M.
le Président.
Le Président (M. Morin) :
Oui. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Je sais
qu'il me reste très peu de temps...
Le Président (M. Morin) :
Oui, un peu.
Mme
Maltais :
...mais je vais vous dire une chose : Je vais répondre au collègue. Nous
avons essayé d'introduire le concept
de fondamentalisme religieux et d'intégrisme religieux dans les débuts, ça nous
a été refusé. L'exemple dont vous me
parlez, c'est exactement les mots justes, «intégrisme religieux»,
«fondamentalisme religieux attaquant l'égalité entre les hommes et les
femmes». Ce n'est pas la loi qu'on nous propose. On nous l'a refusé. Ce n'est
pas la loi qu'on nous propose. Si la loi
qu'on nous propose visait exactement ce qu'on veut toucher, on serait là...
Puis d'ailleurs, c'est pour ça qu'on ramène ça, mais ce n'est pas la loi
qu'on nous propose.
Alors,
l'exemple que vous donnez, ce n'est pas la loi qu'on nous propose. Le discours
haineux va toucher très large. Il ne
touche pas que l'égalité hommes-femmes et l'intégrisme religieux, et c'est là
qu'il y a un problème, actuellement. Il y a un problème aussi avec le radicalisme qui fait qu'on a des jeunes
qui s'en vont en Syrie. C'est ça, le problème auquel on essaie de
s'attaquer, ce n'est pas la réponse que nous avons.
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bien,
M. le Président, écoutez, c'est un projet de loi qui est déposé par Mme la
ministre. Cependant, moi, quand je fais la lecture du texte, on réfère à des
préceptes, on réfère aux termes religieux. Donc, je comprends que la députée de
Taschereau nous dit : Il n'est pas assez balisé. Sauf que, si on limite
uniquement ça à la violence, ça pourrait
avoir l'effet inverse aussi. Donc, je veux qu'on offre cette garantie-là aux
Québécois aussi, de dire que le type
de propos, puis je suis ouvert à ce qu'on puisse en discuter, mais le type de
propos tenus dans le cadre de ces conférences-là, ce soit couvert par la
lutte aux discours haineux.
Mme
Maltais :
M. le Président, la ministre doit défendre sa loi, mais je peux vous dire
ceci : Ça ne couvre pas que le
religieux et la loi que nous attendions devait couvrir le religieux. Ce que la
CAQ demande et ce que nous demandons depuis
le début, c'est de couvrir ce genre de situation là. Le problème, c'est qu'elle
ne couvre pas que ce genre de situation là. Et donc on ne protège pas
les Québécois, au contraire : on ne protège pas leur liberté d'expression,
on l'attaque.
Le Président (M. Morin) : M.
le député, allez-y, si vous avez le goût.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Le discours pourrait être effectué aussi dans un
cadre non religieux. Un discours misogyne,
est-ce qu'il serait davantage acceptable s'il n'est pas effectué par quelqu'un
qui émane d'un groupe religieux? Moi,
je ne pense pas. Je ne pense pas qu'on doit permettre, sur le territoire
québécois, des discours qui vont à l'encontre de la valeur d'égalité entre les femmes et les hommes. Même si ce n'est pas
religieux, je ne pense pas qu'on doit accepter une atteinte à ce principe fondamental là. Je ne pense
pas qu'on doit permettre de tenir un tel genre de discours, puis, moi,
ça m'apparaît comme un
discours haineux. Même si vous n'êtes pas dans un cadre religieux, attaquer
l'égalité entre les femmes et les hommes, je pense qu'on se retrouve
dans une situation où on ne doit pas le permettre.
Le Président (M.
Morin) : Mme la députée de Taschereau.
• (12 h 20) •
Mme
Maltais : M. le Président, la CAQ, je viens de le
comprendre, est pour la restriction de la liberté d'expression, dans une zone dans laquelle nous n'irons jamais.
Le discours anti-égalité hommes-femmes est inacceptable. Est-il, sur dénonciation anonyme, susceptible d'être allé
devant un nouveau tribunal, le tribunal des droits de la personne et des
droits de la jeunesse? Non. C'est là qu'est
la différence : on créé un système que même le Barreau dit inutile, que
même le Barreau dit inutile. Pourquoi
on ne travaille pas avec le traitement des plaintes qui existe déjà? Alors, de ce côté-là, cette atteinte à la
liberté d'expression que veut faire la CAQ, nous, on n'est pas là.
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Vous savez, parfois, on prend des raccourcis,
puis là je pense que, dans ce cas-ci, c'est un peu un raccourci. La CAQ
n'est pas en faveur de limiter la liberté d'expression, bien au
contraire, M. le Président. Mais, dans notre système de droit, M. le Président, ça arrive qu'il y a certaines libertés — puis, je
pense, le terme, c'est dans une société
libre et démocratique — qui sont encadrées. Puis ce qui est clair pour nous, c'est que le
genre de discours qui dénigre l'égalité
entre les femmes et les hommes, ce n'est pas acceptable. On a lutté, on a
travaillé, puis je pense que les textes législatifs québécois doivent représenter
l'état de fait de la société québécoise, M. le Président. Donc, c'est important d'avoir une liberté
d'expression, mais on ne doit pas accepter que ce genre de discours là ait
lieu au Québec, M. le Président; et c'est en
ce sens-là. Puis je pense que la députée de Taschereau comprend très bien notre
point de vue, mais qu'elle tente de faire un raccourci en disant que la CAQ est
contre la liberté d'expression, et ce n'est aucunement pas le cas, M. le
Président, je peux l'en assurer.
Le Président (M.
Morin) : Merci, M. le député de Borduas. Mme la députée de
Taschereau, intervention?
Mme
Maltais : Alors, si la CAQ ne veut pas restreindre la
liberté d'expression, qu'elle vote contre cette loi, comme elle a continué à le faire, puis qu'au lieu
d'essayer d'accepter de traîner, devant les tribunaux, les gens qui ont des
discours inacceptables — ou intolérables, pour moi — mais qu'elle change d'opinion. Parce que,
là, ce que vous voulez, vous êtes d'accord
avec le gouvernement que, sur des discours que nous trouvons inacceptables, on
va traîner le monde devant la commission
des droits de la personne et de la jeunesse, sur dénonciation anonyme, qui vont
avoir droit à des amendes, qui ne
seront plus sur la limite... ils vont être sur la prépondérance de la preuve,
il y a un paquet de choses derrière ça, là, qui sont inacceptables à
notre avis, puis ce qu'on veut changer dans la loi. Mais vous êtes pour la
restriction à la liberté d'expression. C'est
ce que vous dites, et c'est ce que vous faites, actuellement. Mon cher
collègue, il va falloir vous relire, parce
que ce que vous dites, c'est : Nous sommes d'accord avec cette restriction
à la liberté d'expression. C'est ce que je viens d'entendre.
Le Président (M.
Morin) : Merci, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Fini.
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Borduas, voulez-vous...
M.
Jolin-Barrette : Bien, manifestement, mon discours est mal compris par
la députée de Taschereau, M. le Président.
Mais qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? On pourrait expliquer notre
position. Moi, je pense que ma position
est très claire, que ce genre de discours là ne doit pas être acceptable. Ça
n'empêche pas de travailler constructivement, M. le Président, afin de bonifier le projet de loi puis afin d'arriver,
là, à un consensus où tous les Québécois vont s'entendre. Mais actuellement, avec ce qui est proposé, en
limitant uniquement à la violence, je ne crois pas qu'on va pouvoir
lutter contre les discours haineux qui
visent l'égalité entre les femmes et les hommes, M. le Président. Donc, c'est
notre position.
Le
Président (M. Morin) : Merci, M. le député de Borduas. Autres
interventions? Oui, M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. J'aimerais rappeler au député de Borduas une autre position entendue à
l'occasion des consultations des représentants de la communauté LGBT, qui ont
reproché à la ministre de la Justice de rater sa cible avec le projet de loi.
La titulaire de la Chaire de recherche sur l'homophobie de l'Université du
Québec, Mme Line Chamberland, qui a soutenu
que «le caractère répressif du projet de loi visant à lutter — là — contre les discours haineux nuirait à la lutte contre l'homophobie, la
lesbophobie, la biphobie, la transphobie. "Il nous semble nécessaire
d'insister sur l'efficacité plus grande d'une approche préventive plutôt que
répressive", a-t-elle déclaré.
«"L'adoption
du projet de loi 59 pourrait [...] entraîner des effets pernicieux dans la
lutte contre l'homophobie au quotidien",
a poursuivi la représentante du Conseil québécois LGBT[...]. "La plus
large part de l'homophobie observée au Québec — insultes,
moqueries, commentaires dévalorisants, mises à l'écart — ne
tombe pas dans la définition de discours
haineux", a-t-elle souligné. "Un amalgame qui confondrait les actes
homophobes avec les discours haineux risque même d'accentuer la tendance à nier le caractère homophobe de tels
propos puisque, dira-t-on, ils ne relèvent pas du registre de la haine.
Ainsi, l'homophobie au quotidien [...] pourrait s'en trouver banalisée."»
Alors, j'écoute le député
de Borduas et je me rends compte que les groupes qui réclament l'égalité
hommes-femmes — et nous en sommes tous, de ce principe,
hein, incontournable, essentiel... que les groupes de défense, par
ailleurs, des homosexuels, de lesbiennes, et
tout ça, tous ces groupes, ils n'en veulent pas. Ils n'en veulent pas, du
projet de loi. Ils trouvent qu'il va trop loin, qu'il rate sa cible. Je
pense qu'il faut les entendre, hein, il faut en tenir compte.
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Bien, vous savez, il y a une différence entre être contre le
projet de loi et effectuer son
travail de législateur aussi, M. le Président. Et là je pense que,
présentement, on est en train de le faire : vous exposez une
position, j'expose une autre position. Mais je me demande vraiment, du côté du
Parti québécois, M. le Président, est-ce qu'on est en accord avec le fait que
les prédicateurs religieux viennent... ou tous autres discours qui viennent dénigrer l'égalité entre les hommes et
les femmes, qu'est-ce qu'on fait avec ça, là? La réalité : on a une
occasion, avec le discours haineux, de venir dire : Ce n'est pas
acceptable, cette situation-là.
Là, on me dit
qu'on veut limiter ça uniquement à la violence. On reste dans la balise aussi
de la liberté d'expression. Il n'y a pas de liberté d'expression absolue
dans un État de droit, puis vous le savez. Donc, comment est-ce qu'on fait pour limiter les discours non égalitaires qui
critiquent l'égalité entre les hommes et les femmes? C'est l'essence de
ma question. Puis je comprends la position
du Parti québécois, qui me dit : Les groupes ont dit : On est contre
le projet de loi. Mais là vous avez
un projet de loi devant vous, avec une situation pratique, là. Le débat
présentement, là, sur nos échanges, c'est
véritablement sur le discours qui dénigre une des valeurs fondamentales des
Québécois, l'égalité entre les hommes et les femmes. Donc, je vous
demande : Comment est-ce que vous vous réconciliez avec ça?
Le Président (M. Morin) :
Merci, M. le député de Borduas.
Mme
Maltais : M. le
Président, je pense qu'il ne me reste plus de temps, M. le Président.
Le Président (M. Morin) :
Non, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Dommage.
Je ne peux même plus répliquer au député de Borduas, M. le Président.
Le Président (M. Morin) :
Mais, un instant, il reste trois minutes. Allez-y donc.
Mme
Maltais : Ah!
M. Rochon : Ah! quel bonheur!
Des voix : ...
Le Président (M. Morin) : La
discussion va bon train, c'est intéressant, donc on continue sur ce ton-là.
Mme
Maltais :
L'égalité entre les hommes et les femmes, ce pour quoi je me suis battue toute
ma vie et ma carrière, et beaucoup d'autre
monde ici, n'a jamais gagné par la condamnation. La violence est condamnable en
matière d'égalité hommes-femmes, et on
traîne les gens devant les tribunaux, tout ça, mais c'est la pression
populaire, c'est le changement
profond de mentalité, dans notre société, qui a amené à cette égalité, et c'est
pourquoi aujourd'hui, dès que se pointe
quelqu'un qui a un discours contre l'égalité hommes-femmes, le Québec
s'insulte, le Québec s'insurge, on prend des positions. Et c'est la
réprobation de ce type de discours, gagnée grâce à la conviction, qui fait
qu'aujourd'hui c'est inacceptable.
Mais est-ce
que je veux que ce monde-là... est-ce qu'on veut les traîner devant les
tribunaux, devant un nouveau tribunal
d'appel dans ce type de choses là, avec des dénonciations anonymes, avec des...
Non. Là, vous franchissez un pas que
nous ne franchissons pas, c'est dans ce nouveau tribunal. Ce n'est pas un
nouveau tribunal, me dira la ministre. C'est une nouvelle section du tribunal des droits de la personne et des droits
de la jeunesse. C'est un nouveau droit qu'on crée au Québec. Non, nous
n'irons pas là. Et je pense que la majorité des féministes vont dire : Ce
n'est pas une bonne idée.
Le
Président (M. Morin) : Mme la députée de Taschereau, merci. Je
veux me garder une minute pour passer au vote.
Mme
Maltais : Ah!
Le Président (M. Morin) :
Est-ce que... À moins...
Mme
Maltais : Pardon,
M. le Président.
Le Président (M. Morin) :
Oui?
Mme
Maltais : Il y a
peut-être des collègues qui ont encore quelque chose à dire.
Le
Président (M. Morin) : Ah! bien, je n'étais pas sous cette
impression-là tantôt. Parce que je vous ai laissée...
Mme
Maltais : Non,
c'est correct. Non, d'accord.
Le Président (M. Morin) : Je
vous ai laissée parler.
Mme
Maltais : Non,
d'accord.
Le Président (M. Morin) :
O.K. Donc, est-ce qu'on peut passer au vote pour l'amendement?
Mme
Maltais : Tout à
fait.
Le Président (M. Morin) :
...sous-amendement présenté par... Oui? Est-ce que le sous-amendement, tel que
présenté par Mme la députée de Taschereau, est accepté?
Mme Vallée : Rejeté.
Mme
Maltais : Vote par
appel nominal.
Des voix : Rejeté.
Le Président (M. Morin) :
Vote par appel nominal.
La Secrétaire : Mme Maltais
(Taschereau)?
Mme
Maltais : Pour.
La Secrétaire : M. Rochon
(Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
La Secrétaire : M. Gaudreault
(Jonquière)?
M. Gaudreault : Pour.
La Secrétaire : M.
Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire : Mme Vallée
(Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
La Secrétaire : M. Merlini
(La Prairie)?
M. Merlini : Contre.
La Secrétaire : M. Bolduc
(Mégantic)?
M. Bolduc : Contre.
La Secrétaire : M. Rousselle
(Vimont)?
M. Rousselle : Contre.
La Secrétaire : M. Boucher
(Ungava)?
M. Boucher : Contre.
La Secrétaire : M. Proulx
(Jean-Talon)?
M. Proulx : Contre.
La Secrétaire : M. Morin
(Côte-du-Sud)?
Le
Président (M. Morin) : Je m'abstiens.
La Secrétaire :
C'est rejeté.
Le Président (M.
Morin) : Donc, le sous-amendement est rejeté.
Et, mesdames, messieurs,
compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à
14 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 30)
(Reprise à 14 h 36)
Le
Président (M. Morin) : Bon début d'après-midi. La Commission des
institutions reprend ses travaux. Comme à l'habitude, vérifiez vos
téléphones cellulaires et tout ce qui fait de la sonnerie.
Je
vous rappelle que la commission
est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi
édictant la Loi concernant la prévention et
la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et
apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des
personnes.
On
se rappelle, lorsqu'on a terminé nos travaux ce midi, nous en étions à l'amendement
de la ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions au
niveau de l'amendement? Oui, M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. J'attendais votre feu vert, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : Oui. C'est bien.
M. Rochon :
J'ai un sous-amendement à proposer, M. le Président. Il est à
l'effet de modifier l'amendement
du gouvernement modifiant l'article 1 de la loi, proposé
par l'article 1 du projet
de loi, en modifiant le nouvel alinéa
introduit par le troisième paragraphe
de l'amendement en remplaçant les mots «est susceptible d'exposer
ce groupe à la marginalisation ou au
rejet, à la détestation, au dénigrement ou à l'aversion [...] pour que ce
groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble» par les
mots «expose ce groupe à la haine en menaçant, en encourageant ou en justifiant
la violence contre un tel groupe».
Le
Président (M. Morin) : Merci, M. le député de Jonquière.
On va regarder... de Richelieu, je pense à monsieur...
Et je suspends
quelques instants.
(Suspension de la séance à
14 h 38)
(Reprise à 14 h 41)
Le Président (M.
Morin) : Avant de donner la parole au député de Richelieu,
j'aurais besoin de votre consentement. Vous
apercevez le député de Rimouski qui veut participer à nos travaux. Est-ce qu'on a consentement?
Des voix :
...
Le Président (M.
Morin) : Naturellement, c'est pour remplacer la députée de
Joliette. Ça va, tout le monde?
Des voix :
...
Le Président (M.
Morin) : Je l'ai fait pour la forme, je connaissais votre
réponse, connaissant le député de Rimouski. Donc, merci. M. le député de
Richelieu, pour votre amendement.
M. Rochon :
Oui, merci. Merci, M. le Président. Je reviens, oui, à l'amendement présenté
par la ministre, là, qui disait, lui :
«Est un discours haineux, un discours visé au deuxième alinéa qui, aux yeux
d'une personne raisonnable, est d'une
virulence ou d'un extrême tel qu'il est susceptible d'exposer ce groupe...» Et
là on avait de la misère avec ce qui suit :
«...à la marginalisation ou au rejet, à la détestation, au dénigrement ou à
l'aversion notamment pour que ce groupe soit perçu comme étant
illégitime, dangereux ou ignoble.»
Alors, notre
sous-amendement fait du texte amendé celui-ci : «Est un discours haineux,
un discours visé au deuxième alinéa qui, aux
yeux d'une personne raisonnable, est d'une virulence ou d'un extrême tel qu'il
expose ce groupe à la haine en menaçant, en encourageant ou en
justifiant la violence contre un tel groupe.»
Alors, vous
remarquerez une différence avec le sous-amendement que nous avions précédemment
proposé. Nous ajoutons, là, la notion d'exposition du groupe à la haine.
Alors, nous essayons de faire du chemin pour réconcilier la ministre, M. le Président, à notre position sans
évidemment renier celles de tous ces groupes que nous avons entendus
ici, en commission, et sans renier notre opinion propre, évidemment, à l'effet
qu'il ne faille en rien restreindre la liberté d'expression des individus. Alors, ce qu'il faut
que ce projet de loi combatte, ce sont les appels à la violence, hein,
mais pas tous les appels à la violence.
Alors, j'ai l'espoir que ce nouveau
sous-amendement pourra faire l'affaire de la ministre, M. le Président.
Le Président (M. Morin) : Une
intervention, Mme la ministre?
Mme Vallée :
Bien, en fait, M. le Président, je crois qu'on peut prendre l'ensemble des
interventions qui ont été faites cet
avant-midi, notamment les commentaires mis de l'avant par notre collègue de
Borduas, on revient un petit peu... L'amendement
qui est proposé, à quelques mots près, est très similaire à celui qui a été
présenté... aux sous-amendements qui
ont été présentés ce matin. Et étrangement ou de façon quand même assez
ironique, on fait référence à notre terme «haine», à notre terme «haineux», donc je réitère que le... nous, dans
le fond, on définit cette... Dans notre proposition, on définit un peu
ce que va apporter l'exposition à la haine, ce qu'est l'exposition à la haine,
et on le définit à partir des paramètres de la Cour suprême.
Donc, je crois que, si nous devions adopter le sous-amendement,
nous aurions un texte qui ne serait pas suffisamment complet pour les fins souhaitées et qui porterait
davantage à interprétation, alors que, comme il s'agit
de concepts importants, il nous apparaissait opportun de le définir et de le
définir avec de la précision. Donc, c'est pour mes commentaires. Merci.
Le Président (M. Morin) :
Merci, Mme la ministre. Oui, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci,
M. le Président. Intéressant, le commentaire
de la ministre. Effectivement, on ajoute le mot «haine», «ce groupe à la haine», mais en disant comment, en
menaçant, ce qui n'est pas compris actuellement
dans le texte que nous avons eu, «en encourageant ou en justifiant la violence
contre un tel groupe», puis ça, je pense que ça comprend un nouvel aspect. Je continue à dire que nous ouvrons, à chaque
fois, un petit peu plus. La dernière fois qu'on a discuté, on était sur «tel qu'il encourage ou
justifie la violence contre un tel groupe», «encourage ou justifie la
violence». Là, on est «en menaçant, en encourageant ou en justifiant la
violence contre un tel groupe». On est précis. On fait le mécanisme.
Alors, M. le Président, ce dont on parle peu, par
exemple, jusqu'ici dans le débat, c'est que tout ça, c'est le remplacement
d'une série d'expressions que nous rejetons. La proposition de la ministre,
c'est que «est un discours haineux, un
discours visé — bon,
je vais passer sur "au deuxième alinéa" — [...]qui, aux yeux d'une personne raisonnable, est
d'une virulence ou d'un extrême tel qu'il est susceptible d'exposer ce groupe à
la marginalisation ou au rejet, à la détestation, au dénigrement ou à
l'aversion notamment — parce
qu'il y a un notamment — pour
que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble», et
c'est ce bout-là qu'on veut remplacer parce qu'on considère qu'on entre, à ce
moment-là, plein de concepts qui sont, eux, tout à fait discutables.
Qui va venir
dire, d'entrée de jeu, là, que ce groupe-là, suite à ce discours, n'a pas été
soumis à la marginalisation? Il y a
plein de gens qui, sur certains discours, disent, par exemple, qu'il y a des
discours qui sont homophobes, islamophobes, c'est des concepts qu'on entend régulièrement, sexistes. Bien, ça invite
à la marginalisation, ça invite au rejet. Est-ce qu'on veut que tout ce monde-là passe par le tribunal de
la commission des droits de la personne et de la jeunesse, sur plainte,
dénonciation anonyme, et attende de savoir si c'était vrai ou pas pendant 322
jours? Je pense, c'est ça, hein, à peu près, 320 jours, les délais de
la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Sur l'incitation à la violence, on était prêts à
faire un pas. Sur l'incitation à la violence, c'est clair, justifier la
violence, c'est clair. Quelqu'un qui va dire : La lapidation est, dans
certains pays ou ici, acceptable... C'est fou, là, il y a des endroits où ça se dit, heureusement, fort rarement.
L'homosexualité est inacceptable; bien, moi, je pense que je pourrais me sentir rejetée. Je pourrais sentir que
je fais partie d'un groupe illégitime. Mais je ne veux pas que ces
gens-là soient traînés devant le tribunal et
attendent pendant un an de savoir si ce discours était haineux ou pas. Je
préfère que l'opprobre, la discussion
se fasse sur la place publique. Je préfère que la discussion se fasse
socialement, et, en général, quand se
tient ce type de discours, M. le Président, la réprobation est quasi unanime.
Ce type de discours est dénoncé sur la place publique, puis, en général,
la personne, elle retraite dans son petit coin ou elle est obligée de s'excuser
après deux jours. Ça, c'est une chose.
• (14 h 50) •
Moi, qu'un
groupe soit soumis à la marginalisation, au rejet, à la détestation, au
dénigrement, je trouve que ça n'a aucun sens aussi, puis c'est là-dessus
que je rejoins aussi le collègue de Borduas. On est d'accord avec ça. Ce type
de discours, oui, il est inacceptable, mais quelle est la réponse à ce type de
discours? Est-ce que la réponse à ce type de discours,
c'est d'envoyer les gens, sur dénonciation anonyme, à la CDPDJ, la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse? Est-ce que la
réponse à ce type de discours, c'est une réponse individuelle, un individu
poursuit un individu, ou si la réponse n'est pas collective?
Jusqu'ici,
nous avons choisi la réponse collective, la réprobation, la montée aux
barricades. On a demandé que ces
gens-là se rétractent, fassent des excuses, puis, en général, je vais vous
dire, la pression monte vite autour de ce type de discours là. Mais ouvrir une porte telle qu'une personne qui pense
que, dans un discours qu'elle trouve virulent... Moi, la virulence, là... Il n'y a pas beaucoup de
définitions non plus dans la loi, mais la virulence, ça peut être dans les
mots, ça peut être dans le ton. Est-ce que ce ton était virulent ou n'était pas
virulent? Bonne question.
Si j'interpelle quelqu'un, est-ce que j'ai été
virulente ou pas? J'ai déjà vu un débat ici, dans l'Assemblée nationale, sur un député qui s'est fait dire par
une autre députée : J'ai été un peu agressée ou je me suis sentie
agressée. Il y a là une question
d'impression. Mais la virulence ou un extrême, collé sur marginalisation,
rejet, détestation, dénigrement ou à l'aversion, s'en irait devant un tribunal qui a des
longueurs, qui a des lenteurs. C'est là le problème. C'est pour ça que...
M.
le Président, je sais que la ministre dit : Bon, bien, on parle déjà de
haine, on parle déjà de... Mais il y a une partie importante là-dedans. Nous enlevons des concepts que nous
considérons comme trop, je vais dire, délicats ou trop flous pour être rapportés, trop matière à
interprétation pour être rapportés, pour amener quelqu'un à se retrouver
devant le tribunal, un tribunal qui ne peut pas examiner sa plainte avant un an
presque, même dans les 320 jours. C'est ça, le problème. On n'examine pas
seulement une loi pour l'article 1 ici, là. C'est qu'on sait que derrière, il y
a toute une mécanique qui se met en branle.
Combien de fois j'ai dit ça ici? Il y a une mécanique qui se met en branle du
moment où on approuve cette loi. Cette
mécanique-là, je pense qu'elle est plus dangereuse, plus néfaste à notre
société que porteuse.
Je
sais quel est le problème que la société veut résoudre. Puis mon collègue de
Borduas, il soulève des bonnes questions
quand il dit : Qu'est-ce qu'on fait avec les gens qui ne sont pas d'accord
avec l'égalité hommes-femmes, qui ont
des discours virulents contre l'égalité hommes-femmes? Bien, on ne les envoie
pas au tribunal. On ne les envoie pas au tribunal, on les envoie promener. C'est ça qu'on fait jusqu'ici au
Québec, puis je trouve qu'on a une société qui n'est pas pire, assez
égalitaire. Alors, on a quand même toujours un équilibre à trouver entre ce
qu'on propose et les impacts que ça peut avoir.
Moi,
je pense que les impacts, libellés comme nous le propose la ministre dans son
amendement, sont trop grands. Ils laissent matière à beaucoup de
poursuites. Beaucoup de gens vont être muselés, beaucoup de gens vont se sentir
bâillonnés. Beaucoup de gens vont réfléchir
avant de parler en se disant : Je ne peux plus faire... Je peux être
menacé de poursuites. C'est ça, le
problème, là, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est beaucoup de gens qui sont
venus en commission parlementaire.
On
va se sentir menacés de poursuites, et voici pourquoi : parce qu'on touche
les discours qui exposent un groupe à la marginalisation. Aïe! J'en
entends, des affaires, des fois, que je considère, moi, que c'est de la
marginalisation, du rejet, de la
détestation. Je te déteste, je le déteste, je les déteste. Je ne veux pas les
envoyer à la CDPDJ, je veux les faire reculer, je veux les faire se
rétracter. Bien, c'est l'esprit, c'est d'enlever aussi cette partie-là.
Si
la ministre a une autre proposition pour cette partie-là, qu'elle le fasse.
Peut-être qu'il y a une autre proposition dans l'air, mais nous, on ne peut pas vivre avec ça. C'est beaucoup trop
large. Écoutez, la quantité de thèmes... Alors, je ne sais pas si la ministre veut nous proposer
autre chose, mais je lui dis : c'est d'une grande largesse envers les
personnes qui voudraient poursuivre, grande largesse, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Bien, en fait, M. le Président, nous, on a pris les
enseignements de la Cour suprême, on les a intégrés dans une
définition. Si ma collègue, et c'est ce que j'entends, considère que l'ajout
d'une définition du discours haineux n'est
pas aidante et constitue une problématique, on peut revenir à la version initiale sans
définir le discours haineux. Pour ma
part, je considère que ce ne serait pas idéal, mais, si, pour la collègue,
la définition, tel que prévue, est un problème, on peut l'enlever et tout simplement conserver les
grands concepts qui auront à être définis par les tribunaux. Cette
définition-là, elle est plus restrictive et
elle permet de mettre de côté et de répondre à ceux et celles qui, par exemple, craignaient que le discours
haineux vise le discours satirique, le discours d'humour, le discours politique,
ce qui n'était pas le cas. Ce n'était pas
le cas au dépôt du projet de loi. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. C'est vraiment le discours haineux tel qu'on le reconnaît
par la jurisprudence.
Et
la définition, elle est quand même relativement... Elle ramène le concept à l'intérieur de
paramètres définis et clairs. Si la collègue
trouve que ces paramètres-là sont trop larges, en retour, je lui dis :
Est-ce qu'elle préférerait ne pas avoir de définition? Moi, j'ai entendu les gens... parce qu'il n'y a pas que
des gens... les gens n'étaient pas tous contre le projet de loi,
malgré les commentaires et les remarques qu'ont formulés nos collègues
ce matin. On a eu des gens en commission parlementaire, on a reçu des commentaires à l'effet que l'encadrement du discours haineux était souhaitable, et
certains des groupes qui ont défilé devant
nous nous ont demandé de le définir pour éviter qu'on donne au projet de loi une portée qu'il n'avait pas.
Et c'est à ce commentaire que nous avons répondu et c'est aussi à l'ensemble
des commentaires, parce que je croyais,
peut-être à tort, que de définir permettrait de rassurer
les collègues de l'opposition, mais les collègues semblent dire
que la définition est problématique.
Moi,
je ne crois pas, là. Je crois que justement une définition permet de camper le concept. Et on
fait référence à des termes beaucoup moins subjectifs et on revient vraiment
à ce que nous enseignait la Cour suprême. Évidemment, la Cour suprême... la décision Whatcott, c'est une décision qui est
quand même assez élaborée, assez étoffée, hein? C'est une décision qui
compte quand même près d'une centaine de pages et donc qui fait une analyse
très rigoureuse de la question, mais on fait
référence à ces termes-là. La raison pour laquelle on fait référence à ces
termes-là, c'est qu'il est important de définir ce que la haine... ce
que le discours va susciter, mais... Voilà, et c'est la raison pour laquelle on
avait incorporé aux amendements une
définition qui illustre bien et qui campe bien le discours haineux.
Le Président (M.
Morin) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Merci, M. le Président, voisin du Bas-Saint-Laurent. Merci à tout le monde, là, de me laisser participer à cette commission-là cet après-midi.
Moi,
je fais du pouce un peu sur ce que disait ma collègue puis j'aimerais ça
parler d'une expérience que j'ai eue cette
année. Comme député, il a fallu que je gère une crise. Un chanteur, un rappeur
qui est venu à Rimouski, un
gars de la place qui est venu dans une boîte à chansons,
qui faisait un lancement de disque. Les propos dans ses chansons banalisaient
le viol, étaient homophobes. Le gars, il fait sa chanson, il dit que c'est
parce qu'il joue un personnage, mais les propos, ça faisait frissonner.
• (15 heures) •
Les
groupes, chez nous, MAINS Bas-Saint-Laurent, les groupes de femmes, ils se sont
tous mobilisés pour dire : Regarde,
il ne devrait pas venir chanter là, là. Puis ils se mobilisaient contre... Et
là le propriétaire de la place, il dit : Bon, bien regarde, moi, c'est quelqu'un que je connais,
je veux l'aider. Là, dans la région, dans la ville de Rimouski, ça a fait tout un débat, là : Qu'est-ce
qui est acceptable ou pas puis qu'est-ce qu'on fait avec ça? Quand tu lis les
paroles des chansons, pour moi, c'était amener à la haine, puis c'était la
détestation, puis c'était... je ne suis pas sûr qu'on peut dire inciter à la
violence, mais c'était proche. Ça, c'était juste l'événement.
Et,
moi, comme député, j'ai parlé aux gens de la boîte à chansons, j'ai parlé à
tout le monde, j'ai essayé d'animer pour
essayer de voir que le monde se comprenne puis qu'on essaie de trouver une
solution. Parce que ce que je disais, le chanteur, il a le droit... Écoutez, je ne commencerai pas à... On ne
peut pas brimer des paroles de chansons, on ne peut pas brimer un... En même temps, on peut dénoncer ce
qu'il dit, mais on ne peut pas non plus le dénoncer parce qu'à un moment
donné on va dénoncer la personne. Puis lui,
il dit : Ce n'est pas moi, moi, c'est mon personnage. Et là ça montait
d'un cran à chaque fois. Et, à un moment
donné, les médias sociaux s'en mêlent, et là ils ont lancé comme un site pour
demander à la boîte à chansons de
refuser le rappeur. Et, là tout le monde, tout ce qui s'écrivait là-dessus,
c'était violent par rapport au propriétaire
du bar, violent par rapport à... tellement que je lui ai demandé, j'ai
dit : Arrêtez ça, là, tu sais, arrêtez. Ils ont arrêté le site
parce que, là, il y a des gens qui se sentaient menacés, il y avait des gens
qui trouvaient les adresses des personnes,
là, c'était... ça montait... ça devenait dangereux, probablement, vous avez vu
passer ça dans les médias, mais...
Ça
fait que je me demande... Parce qu'il y a des gens de bonne volonté, ce
monde-là, on a réussi à se parler puis on
a réussi à... il y a eu des rencontres dans mon bureau, tout le monde était là,
on s'est parlé, essayé de se comprendre. Le propriétaire du bar, ce n'était pas quelqu'un qui voulait des
problèmes, puis il ne faisait pas ça pour... Ça fait qu'on a réussi à
arbitrer tout ça, à trouver des façons de se comprendre puis de parler. Moi,
j'ai écrit une lettre, j'ai fait un communiqué,
j'ai écrit une lettre à tout le monde, j'ai expliqué un peu ma position par
rapport au droit de parole, mais en
même temps au respect des gens. Il y a eu des bonnes réflexions et beaucoup
d'entrevues à la radio, les gens se sont positionnés, ils se sont
exprimés. Bref, on s'est expliqués puis on a passé à travers.
Ça
fait que je me demande si, par un processus, là, de judiciarisation, ou un
processus comme ça, est-ce que ça m'aurait aidé dans un cas comme ça? Et
aussi, est-ce que ça aurait suscité, ça aurait amené des gens à porter plainte contre le propriétaire du bar? Ou contre le
rappeur? Est-ce que je serais encore un peu... Des fois, je me demande si,
par ça, je serais encore probablement
là-dedans encore aujourd'hui, là. On ne l'aurait pas réglé entre nous autres,
puis je serais encore en train de
régler des... un suivi de tout ça. Ça fait que je me demande : Je
comprends la bonne volonté du projet, mais, là-dessus, j'ai de la
misère, depuis le début, à trouver la ligne, là, comme mes collègues posent des
questions. Ça fait que, moi, c'est un cas
très, très concret puis qu'on a essayé de faire le mieux qu'on pouvait entre
nous autres. Ça fait que je me demande : Est-ce que cette loi-là
aurait pu m'aider ou aurait pu compliquer les affaires?
Le Président (M.
Morin) : Merci, M. le député de Rimouski. Est-ce que... Mme la
ministre.
Mme
Vallée : En fait, M. le Président, je suis au fait de l'enjeu
puisque, quelques jours plus tard, nous étions à un forum sur les agressions sexuelles à Rivière-du-Loup, et les groupes
femmes nous avaient interpellés sur cette question-là. Et puis on nous disait : Bien, justement,
quels sont les outils qui sont à notre disposition pour empêcher la tenue
de propos qui ont un caractère haineux? Bien, c'est exactement le but du projet
de loi.
Puis d'ailleurs on a
eu un autre incident au mois d'août également, c'était la venue de
Roosh V. Puis on a la collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve qui m'a interpellée directement, le 4 août
dernier, en me demandant... et je reprends le communiqué : «La députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de
l'opposition officielle en matière de condition féminine, Carole
Poirier, demande à la ministre de la Justice...»
Le Président (M.
Morin) : ...
Mme
Vallée : Pardon, pardon, pardon... députée
d'Hochelaga-Maisonneuve, oui, excusez-moi : «...demande à la ministre de la Justice et responsable de la
condition féminine de prendre les mesures nécessaires afin d'interdire à
Daryush Valizadeh, mieux connu sous [le] nom
de blogueur, Roosh V, de venir prêcher sa haine des femmes au Québec à
l'occasion d'une conférence...»
Alors,
on demande d'interdire... Alors, le projet de loi vient justement encadrer. Ce
que le projet de loi va donner, ce que le projet de loi prévoit, c'est
de donner des outils pour intervenir en amont. Donc, pour empêcher la tenue de l'événement, s'il est connu d'avance, donner des
outils d'intervention. En ayant un
texte législatif qui encadre le
tout, on donne des outils. N'ayant pas de
cadre législatif, évidemment, on est tenus de faire des interventions.
Heureusement pour notre collègue, le dossier a trouvé une solution, mais
il aurait pu y avoir une autre fin à tout ça qui aurait été moins intéressante.
Là, tout le monde s'est parlé, les gens ont trouvé une solution. Ce qui d'ailleurs
est toujours une bonne alternative, que de se parler et d'échanger sur un
enjeu, mais, lorsque tout ça n'est pas possible, la mise en place de mesures
puis d'un cadre législatif clair peut aider.
Et
notre projet de loi aurait pu aider tant notre collègue de Rimouski que notre
collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, et
c'est aussi ça qui est prévu. Donc, ce n'est pas nécessairement un appel à la
violence, parce que, parfois, ces propos-là sont insidieux, mais ils vont avoir comme effet une... l'effet sera présent,
mais l'appel à la violence n'est pas aussi clair, mais les propos sont
tels qu'ils vont susciter la haine ou le rejet envers les femmes notamment.
Donc, c'est ce type de discours là qui
est encadré, parce que la liberté d'expression, et la Cour suprême nous
le dit clairement, elle a ses limites. Parce que le problème du discours
haineux, c'est qu'il apporte une brèche à la liberté d'expression. En isolant, en marginalisant les groupes, en les
dépeignant de façon... en les ostracisant, ils empêchent le groupe de répliquer, d'une certaine façon, et
d'avoir une réplique et d'être capable de s'inscrire dans cet espace
public où il y a des échanges. C'est en
résumé, je vous dirais, ce que la Cour suprême nous a indiqué. C'est-à-dire, il
y a des moments où il doit y avoir cette limite-là à la liberté
d'expression. La liberté d'expression ne permet pas d'empiéter sur les droits
des tiers.
Donc, voici ce qui en
est, alors j'ose espérer que ça répond au collègue de Rimouski.
Le Président (M.
Morin) : Allez-y, M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : En partie parce que, comme la ministre dit, avec le projet de
loi, on aurait pu empêcher le rappeur de venir dire ce qu'il avait à dire. Mais là ça, là, on était dans le
trouble. Si des gens, par la loi, auraient pu empêcher ce rappeur de parler, là, la violence aurait monté beaucoup.
Beaucoup de groupes seraient venus les défendre, puis là ça aurait crié partout, puis là les médias sociaux se seraient
enflammés, et là il y aurait eu des menaces contre les groupes de
femmes, il y aurait eu des... Et là on était dans le trouble, dans le gros
trouble. Ça fait que c'est pour ça que je dis que c'est ça qui me fait peur.
Puis
moi, j'étais contre — puis là
j'ai les paroles, là, puis je n'ose pas les lire, là, du rappeur — j'ai dénoncé ces propos-là, mais j'ai toujours dit que le rappeur
avait le droit de les dire. Et là je ne commencerai pas à rentrer, moi,
dans la culture du rap, puis avoir mon
jugement, puis dire : Ça, ça marche, ça, ça ne marche pas, tu sais? Puis
c'est ça qu'on a réussi à passer...
Les gens ont le droit... On peut dénoncer les propos sans dénoncer le chanteur.
Ça fait que la ligne était mince, mais on a réussi à passer à travers.
Mais,
si quelqu'un avait décidé de tirer la plug puis, par un projet de loi, de
dire : Bien regarde, le rappeur, il ne mettra pas les pieds là, puis il n'aura pas le droit de dire ça parce
que c'est contre la loi, puis c'est des propos haineux, homophobes, pa, pa, pa, je vous dis, le feu
pognait, là, il y aurait eu des propos haineux de personnes sur les
Facebook, sur les Twitter. Là, ça serait parti.
C'est
pour ça que je me dis : Quand on arrive avec des cadres, des règles, puis
un cadre là-dedans où il laisse place à beaucoup d'interprétation, on
donne des poignées à des gens qui... où les conséquences ou... de faire des
gestes que les conséquences... pour bien faire, de bonne foi, mais que les
conséquences pourraient juste empirer la situation.
Puis
ce qui est arrivé là, pour moi, ça a été important, là, j'ai été une semaine ou
deux là-dessus, puis je trouvais ça
important, et ça peut arriver
d'autres fois encore puis il faut trouver les meilleures façons de gérer ça.
Puis c'est ça, je ne vois pas
comment... Ce que disait ma collègue de Taschereau tantôt... Ce que
j'ai vécu sur ce dossier-là à Rimouski, ça vient confirmer exactement les propos de ma collègue de tantôt et ça vient
appuyer l'idée de l'amendement, à mon avis.
• (15 h 10) •
Le
Président (M. Morin) :
Merci, M. le député de Rimouski. Est-ce
qu'il y a d'autres intervenants sur
l'amendement? Oui, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, j'adhère totalement à ce que vient de dire le collègue de Rimouski,
je dois dire. Il m'y fait penser, j'ai vécu le même genre d'expérience. Il
y a un festival à Limoilou qui se tenait sur la 3e avenue. À l'époque, la partie de Limoilou — qui est un quartier de Québec, pour les gens
qui ne le connaissent pas — était dans ma circonscription. Depuis 2012, elle ne l'est
plus. Alors, sur la 3e avenue, il y avait un festival de jeunes de rock,
et est venu un groupe dans la programmation.
Il n'a pas eu le temps de venir. Il était annoncé dans la programmation, et
c'était un groupe rock avec des paroles très
violentes. Virulence extrême, là, on est là-dedans, là. On n'était pas dans
l'encouragement à la violence, mais on était
dans la virulence extrême. Tous ces termes-là auraient pu être collés à ce
groupe : marginalisation, rejet, détestation, illégitime,
ignoble... C'était ignoble.
Est-ce
que j'ai dénoncé? Est-ce que j'ai poursuivi? Est-ce que des personnes ont pensé
poursuivre? Non. Tout le monde a
dit : Il faut, un — ce que j'ai fait — parler au festival pour voir pourquoi ils
croient que ce genre de groupe là doit avoir
la parole sur une scène, pas essayer de poursuivre la personne qui avait écrit
les paroles ou qui tenait le propos dans ses chansons, dans ses disques et tout. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a
convaincu le festival que peut-être c'était une erreur. Et là, le débat — et le groupe s'en est mêlé — a été sur ce que ça avait comme impact, un
tel discours. Alors, au lieu de freiner le débat puis de l'envoyer devant un tribunal civil au Québec, on a
débattu dans le coin, dans la région, de la pertinence de tels propos puis pourquoi des groupes de
jeunes, même hard rock, pouvaient tenir de tels propos, si c'était correct
ou pas. Alors, on a gagné, la société
chaleureuse que nous sommes, conviviale puis qui cherche à régler ses problèmes
entre elle de façon correcte a gagné, et nous autres aussi. Finalement,
le festival a retraité, le groupe a dit oui, a commencé à se questionner sur
l'écriture de ce qu'il faisait, puis tout ça s'est bien réglé.
Le
problème du projet de loi actuel, c'est qu'il peut amener des gens à se monter
les uns contre les autres. Ce n'est pas du vivre-ensemble, ça. C'est
qu'il amène les gens à se poursuivre les uns les autres. Oui, je peux parler du
vivre-ensemble toute la journée si vous
voulez. Inquiétez-vous pas, je n'ai pas de problème, le vivre-ensemble, ça nous
connaît. D'ailleurs, mon collègue Maka Kotto
sera heureux de vous en parler aussi. Le projet de loi amène les gens à se
monter les uns contre les autres, à
poursuivre les autres au lieu de se parler, de s'éduquer, de s'apprivoiser et
de finir par trouver un terrain
d'atterrissage collectif. La société québécoise est une société de guérison
collective, de débat collectif, ce n'est pas une société ultra
judiciarisée.
Alors,
personnellement, j'aime le point de vue neuf que vient de nous amener le
collègue de Rimouski, puis je veux lui
dire : J'ai vécu la même chose et je suis contente que personne à l'époque
n'ait eu entre les mains un outil comme ce projet de loi, personne, je
suis bien contente.
Le Président (M. Morin) :
Autres interventions? Oui, M. le député Richelieu.
M.
Rochon : Pour poursuivre
dans la même veine, il y a Julius Grey, que tout le monde connaît bien ici, qui
a dit, lui, que, loin de favoriser le
vivre-ensemble — c'est de
ça que parlait ma collègue de Taschereau, le vivre-ensemble et la
cohésion sociale — comme
le prétend le gouvernement libéral, le projet de loi n° 59 créerait un
climat social de suspicion aux effets délétères. C'est exactement ce que vient
de dire la collègue de Taschereau.
Puis je vous
ai parlé plus tôt ce matin de Mme Chamberland, la titulaire de la Chaire
de recherche sur l'homophobie. Bien, toujours sur ce thème-là, là, de
faire taire des gens qui disent des choses qu'on juge illégitimes, et même de
les empêcher de s'exprimer, bien, elle pose la question — et y
répond elle-même, à cette question, par la suite :
«Est-ce que
le projet de loi nous permettrait de lutter plus efficacement contre les
manifestations de l'homophobie et de
la transphobie telles que nous les observons à travers nos recherches et nos
interventions sur le terrain quotidien? Notre réponse est négative», écrit Mme Chamberland. «D'une part, il
existe déjà des protections contre la propagande haineuse et les crimes haineux ou l'incitation à la violence», d'une
part, ça. «D'autre part, nous considérons que la lutte contre l'homophobie et la transphobie, dans la
société en général et dans les milieux de vie, passe essentiellement par
la sensibilisation — la sensibilisation — la démystification des stéréotypes, la
déconstruction des préjugés, par l'acquisition de compétences adéquates pour les intervenants
sociaux, en un mot, par l'éducation et le dialogue autour de la
différence.
«[...]La
désapprobation — ça
aussi, ça rejoint ce que disait ma collègue — des propos homophobes doit d'abord
être sociale.
«[...]Enfin — c'est intéressant, ça aussi — nous n'aimerions pas — écrit Mme Chamberland, titulaire de la
Chaire de recherche sur l'homophobie — que les mécanismes mis en
place par le projet de loi n° 59 puissent se retourner contre nous.»
Écoutez bien ça : «Par exemple, lorsque nous dénonçons le discours
homophobe de représentants et représentantes
de certaines confessions religieuses, nos propos — écrit-elle — pourraient-ils être réinterprétés
comme des discours haineux envers la
religion ou envers une confession religieuse? La loi n° 59 — en d'autres mots — pourrait-elle
être évoquée pour limiter notre propre liberté d'expression?»
Ce sont des questions drôlement pertinentes, M. le
Président.
Le Président (M. Morin) :
Autres interventions? Oui, M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Je constate qu'on a rajouté des termes dans la proposition de
sous-amendement, mais, encore une fois, on lie encore la violence à la haine.
Puis, pour les mêmes motifs que j'ai exposés
précédemment, je ne pense pas qu'on réussit vraiment à contrer les discours
haineux. Et puis là, tout à l'heure, j'entendais
le discours suivant au niveau du critère de la virulence extrême. Et puis là la
députée de Taschereau disait : Bien,
écoutez, moi, c'est quelque chose que je peux trouver extrême, c'est quelque
chose que je peux trouver très virulent. Mais le test qui est proposé dans le projet de loi — moi, tel que je le conçois — c'est aux yeux de la personne
raisonnable.
Donc, la
personne qui va avoir à évaluer, c'est le juge, qui va se mettre dans les
souliers de la personne raisonnable. À ce moment-là, ce ne sera pas un
critère subjectif, mais ça va être un critère objectif. Donc, ça ne va pas être
dans l'appréciation du coeur de chacun, mais
plutôt selon un critère standardisé qui a été développé dans la jurisprudence,
que ce soit dans ce domaine-là... mais dans
une foule d'autres domaines aussi, M. le Président, où on se met dans les
pieds de la personne raisonnable. Ça peut
être la même chose au niveau du critère de négligence criminelle, supposons,
prévu dans le Code criminel.
Donc, il y a
déjà des précédents là-dedans. Puis c'est sûr que, si on personnalise ça, tous
et chacun, à soi, bien c'est sûr
qu'il y a des discours qui vont venir nous toucher plus personnellement. Puis
on va dire : Bien, ça porte atteinte à la liberté d'expression parce que... Ça va choquer toutes les personnes,
certains éléments d'un discours peuvent choquer toutes les personnes, mais il ne faut jamais oublier que le critère qui
est proposé dans la définition, à l'alinéa trois, bien, c'est celui
de la personne raisonnable. Ça fait que c'est pour ça que moi, je trouve qu'on
devrait maintenir la définition du discours haineux puis indiquer en quoi ça
constitue, le discours haineux, puis ne pas uniquement le lier à la violence,
M. le Président.
Deuxièmement,
sur ce que le député de Rimouski nous a dit... Mais, dans un premier temps, je
tiens à souligner, dans le fond, son
implication dans sa circonscription, mais malheureusement, s'il n'avait pas été
là, peut-être que les gens n'auraient
pas eu de mécanisme de solution. Ce n'est pas tous les députés qui sont aussi
impliqués dans leur circonscription, puis qui connaissent leur monde,
puis qui réussissent à rassembler tout le monde dans leur bureau de
circonscription. Qu'est-ce qu'on fait dans
ce temps-là? Parce que ce n'est pas tous les événements qui vont se débattre
sur la place publique, donc ça prend un certain mécanisme. Puis je pense
que c'est important de le nommer, c'est quoi, le discours haineux.
• (15 h 20) •
Puis, dans
les décisions des tribunaux, souvent, de la façon que ça a été interprété...
Puis c'est sûr qu'on fait du droit nouveau aussi, puis là il faut se
doter de quelque chose qui est taillé sur mesure pour nous. Mais, sur le propos
du discours haineux, souvent, ce qui est important, ce n'est pas l'intention de
faire le discours haineux, mais c'est le message qui est reçu.
Donc, on n'a
pas besoin de faire la preuve de l'intention, mais juste la réception. Puis là
c'est la réception aux yeux de la personne raisonnable. Ça fait que le
fait de dire qu'il est derrière un personnage, bien ça ne justifie pas le fait
qu'il ne tient pas ces propos-là. Ça fait que, de ce point de vue là, moi, je
serais plus en faveur de dire vraiment «dénigrement»,
mais indiquer les définitions qui sont dans le projet de loi, parce que,
sinon, on va se retrouver dans une situation... Puis ce n'est pas une question
de limiter la liberté d'expression. C'est vraiment important puis c'est fondé là-dessus,
la société québécoise. Sauf que je pense que ça prend quand même
certaines balises, puis, si on limite vraiment juste à la violence, on va se retrouver dans des situations,
comme je l'exposais tantôt, avant le dîner, où, lorsque le propos ne
touche pas la violence, mais touche vraiment un groupe, supposons les femmes,
avec des propos misogynes, le processus ne pourra pas être enclenché avec l'amendement
qui est proposé. Ça fait que ça, c'est mon inquiétude.
Puis l'autre
élément aussi, je pense qu'à la Commission
des droits de la personne, déjà, actuellement, lorsqu'il y a un processus de plainte, ce n'est pas toutes les
plaintes qui mènent à un dossier devant le Tribunal des droits de la personne.
Donc, à ce moment-là, à ma lecture du projet de loi sur cet
élément-là, malgré le fait que ce soit une dénonciation, on comprend qu'il va y avoir le processus
d'enquête qui va être effectué par les enquêteurs de la Commission des
droits de la personne. Et, par la suite, si la plainte est fondée, là, à ce
moment-là, elle se retrouverait devant le Tribunal des droits de la personne.
Je comprends que... puis c'est dans l'actualité
d'ailleurs... Le Barreau fait des publicités présentement, M. le Président,
sur la justice participative puis les modes de justice alternative, puis c'est
une bonne chose, de ne pas judiciariser les dossiers. Sauf que, pour nous, c'est important que les discours qui
incitent à la haine vers un groupe visé soient aussi couverts et que ce ne soit pas uniquement
le critère de la violence, notamment pour ce que je vous ai exposé par rapport à l'égalité entre les hommes et les femmes. Donc, c'est sûr qu'il ne faut
pas privilégier une judiciarisation, sauf que je pense aussi que c'est important
d'avoir des balises. Ça fait que c'est pour ça que j'ai certaines réserves par rapport à l'amendement qui est proposé par ma collègue de Taschereau.
Et aussi, M. le Président, sur ce qu'a dit Me Grey, donc j'entends qu'on le cite sur ce
dossier. Par contre, dans certains dossiers aussi, on ne
souhaite pas nécessairement le citer puis j'ai en tête la charte des valeurs,
qui avait été effectuée... qui avait été déposée... Donc, on prend les
citations des gens aussi lorsque le contexte s'y prête.
Mme
Maltais : M. le
Président, je veux juste vous dire, là...
Le Président (M. Morin) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Je veux juste dire qu'on cite les gens sur le
sujet. Une personne, pour moi, ne sera pas exclue, comme Me Grey, de mes citations ou de mes commentaires sous prétexte qu'elle n'a déjà pas été d'accord avec une des positions du
Parti québécois. Me Grey était contre la charte des valeurs. Je vis très bien
avec ça. Ça ne l'exclut pas du débat aujourd'hui. Voulez-vous dire que je ne
pourrais pas le citer parce qu'il a déjà été en désaccord avec moi? Mauvais
raisonnement, cher collègue, je crois...
M. Rochon : Ça limite votre liberté
d'expression.
Mme
Maltais : Ça
limite beaucoup ma liberté d'expression.
Le Président (M. Morin) : M.
le député de... vous n'avez pas la parole.
Mme
Maltais : Mauvais
raisonnement, mauvais raisonnement.
Le Président (M. Morin) :
Oui. M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Loin de moi
l'idée de limiter l'expression de mon collègue de Richelieu et de ne pas utiliser les arguments et les citations qu'il souhaite
utiliser. Ceci étant dit, je trouvais quand
même important de souligner à
la commission qu'on faisait référence à un individu qui, par ailleurs, dans
certaines situations, n'appuie pas toujours les positions du Parti québécois.
Mme
Maltais : C'est
bien normal, j'espère.
Le Président (M. Morin) :
Oui, Mme la députée Taschereau.
Mme
Maltais :
M. le Président, que les gens aient une opinion sur chaque chose et qu'ils
l'analysent de façon intéressante et
intéressée chaque fois, moi, je les applaudis. Donner son opinion sur ce qui se
passe, c'est important. Je n'ai aucun problème avec ça. D'ailleurs,
c'est ça, notre position, ici, c'est de faire du débat d'idées.
Ceci étant
dit, je reviens à ce moment, qui est important. On est en train de discuter
d'une chose. C'est que ce projet de
loi va amener les gens à se combattre les uns aux autres par la judiciarisation
au lieu de les amener sur le chemin
de la réconciliation, de l'éducation et de la prévention, qui est le chemin que la société québécoise
a choisi en général. C'est ça, le chemin qu'on a pris, c'est
ça, le chemin que les gens sont venus nous dire de continuer à emprunter.
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, moi, je vous dirais que l'un n'empêche pas l'autre, puis c'est important
de se parler. Mais c'est important
aussi d'affirmer qu'il y a certains discours haineux à l'encontre de
certains groupes qu'on ne souhaite pas avoir, notamment relativement à
l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est ce que je vous dis.
Le Président (M. Morin) :
Merci. Autre intervention sur le sous-amendement? M. le député de Rimouski.
M. LeBel :
Non, c'est parce que je veux réagir un peu à ça. Les propos qu'on ne souhaite
pas avoir, c'est vrai, il y a des choses
qu'on ne souhaite pas avoir, mais prendre la décision d'empêcher les gens de
tenir des propos, c'est de se
placer... il me semble qu'on n'a pas à faire ça. On peut dénoncer des propos,
on peut ne pas les accepter, mais se donner des moyens pour les
empêcher, je trouve qu'il y a une ligne, là, qui est importante à... la bonne
ligne qu'il faut trouver là-dedans.
Le
Président (M. Morin) : Merci. Autre intervention sur le
sous-amendement? Oui, M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Bien sur
l'exemple concret du député de Rimouski par rapport au rapeur, le jeune de
Rimouski qui va au concert, qui écoute en
boucle le CD, puis c'est du dénigrement pour les femmes, tout ça,
qu'est-ce qu'on fait avec cette situation-là? Est-ce qu'on encourage ça? Est-ce
qu'on maintient le processus? Je comprends que finalement, le spectacle n'a pas
eu lieu, mais...
Une voix : Il a eu lieu.
M. Jolin-Barrette : Il a eu lieu. Et
qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce qu'on dit aux gens qui sont des adeptes?
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Rimouski.
M.
LeBel : Bien, c'est ça, c'était ça, le problème. Moi, je pense qu'il
faut faire de l'éducation, il faut intervenir avec les groupes de femmes, il faut leur donner des moyens, il faut intervenir
dans les écoles, il faut soutenir les groupes qui travaillent auprès des
communautés gaies, il faut faire de la sensibilisation, il faut faire du
travail social, du travail d'éducation. Il
faut travailler là-dedans. Mais se lever puis empêcher du haut de je ne sais
pas quel jugement, de dire : Ça, ça ne se dit pas, puis ça, tu ne le diras pas, jusqu'où ça se dit puis ça
ne se dit pas? Puis qui qui va prendre la décision? Je trouve que là on
tombe dans une problématique.
Moi, c'est
pour ça que ce projet de loi là, sans être un spécialiste, là, je regardais ça
un peu... je regardais faire le travail
de ma collègue, puis on en parle dans nos réunions de caucus, et tout ça, mais,
pour moi, ça m'a toujours... c'est ce bout-là, à cause de cette expérience-là
puis de l'expérience que j'ai eue dans le passé... Moi, je viens des milieux communautaires, des groupes communautaires, puis
les groupes communautaires, vous savez, beaucoup de manifestations, on dénonce, et puis des fois les propos peuvent
être assez... Ça fait que, pour moi, c'est important, la liberté
d'expression, c'est important. Ça fait que
c'est de trouver la ligne entre le respect puis la liberté d'expression. Puis
je ne vois pas personne d'ici qui est
apte ou qui a la moralité supérieure pour dire : Ça, ça se dit; ça, ça ne
se dit pas, là. Ça n'empêche pas qu'on a un travail à faire, comme législateurs, puis ça n'appartient pas à la
commission, ici, mais, quand on coupe en éducation, quand on ne soutient
pas assez nos groupes communautaires, il y a ça aussi, ça a des impacts, à mon
avis.
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Borduas.
• (15 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Mais, M. le
Président, peut-être juste vraiment pour ramener, là, sur la question du sous-amendement, là, puis on peut avoir la discussion,
là, au sens plus large, mais, sur le troisième alinéa, le critère est
quand même là, on parle d'une «virulence
[...] d'un extrême tel qu'il est susceptible d'exposer ce groupe à la
marginalisation ou au rejet, à la
détestation, au dénigrement et à l'aversion notamment pour que ce groupe soit
perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble».
On vient quand même restreindre. Ce n'est pas
n'importe quel discours. Il y a certains critères à l'intérieur de ça. Donc, c'est pour ça que je vous dis : Ce
n'est pas uniquement au sens large, mais ça devient quand même balisé.
Puis je suis d'accord avec le député de
Rimouski que ce n'est pas tous les discours, puis il n'y a pas de
jugement de valeur de dire, par n'importe
qui, de dire : Ça, c'est approprié; ça, ce n'est pas approprié. Il n'y a pas d'autorité supérieure qui peut le faire. Par contre, là, on vient
baliser, puis, dans notre société, il y a certaines limites à la liberté
d'expression. Donc, moi, je trouve que c'est une balise plus raisonnable en
lien avec le discours haineux, vraiment avec le discours haineux. Parce
que, moi, ce que je vous dis, c'est
qu'il ne faut pas que ça soit uniquement la violence, il faut couvrir un
petit peu plus large que la violence en incluant le discours haineux. C'est en ce
sens-là. Mais c'est sûr que, dans cette optique-là, il faut garder à l'esprit que la liberté d'expression, c'est un principe
fondamental, mais que, parfois, il faut un petit peu l'encadrer, mais pas aussi loin que dans les
exemples qui ont été formulés pour dire : Bien, ça va empêcher
complètement les gens de s'exprimer. Je ne pense pas que c'est l'objectif du
troisième alinéa.
Le Président (M. Morin) : Merci,
M. le député de Borduas. Autres interventions sur le sous-amendement? Oui, M.
le député de Richelieu.
M. Rochon : Oui. J'ai une citation
en tête, là. Cette fois, elle n'est pas de M. Grey, elle est de la consoeur de M. Grey, Mme Latour. Je ne sais pas s'il va me
trouver, dans l'avis de Mme Latour, une citation qui n'aurait pas fait
mon affaire pour ensuite me dire que c'est
curieux que je l'aie citée; on verra. Alors, elle dit, elle, et c'est très
juste, que «la liberté d'expression est à la fois la plus célébrée et
la plus honnie des libertés fondamentales».
Et moi, je
serais intéressé à entendre, du député de Borduas, la réponse à une question
comme : Est-ce qu'il faudrait bannir,
comme ça, les rappeurs dont les propos sont particuliers? Qui d'autre, comme
ça, faudrait-il bannir? À qui d'autre faudrait-il retirer leur liberté
d'expression? Je serais intéressé à entendre M. le député de Borduas là-dessus,
moi.
Le
Président (M. Morin) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Bien, certainement, M. le Président. Je référerais le député de
Richelieu à l'alinéa trois du projet
de loi et, comme je l'ai exposé, je ne pense pas que c'est à moi à juger de la
teneur des discours haineux, mais à la
personne raisonnable, donc, tel que c'est formulé dans l'alinéa trois. Je ne
pense pas qu'il est question de supprimer la liberté d'expression et, à ce titre-là, d'ailleurs, nous, on est
toujours en faveur d'un débat, mais ce n'est pas toujours le cas du côté de sa formation politique. Dans le débat
public, semblerait-il qu'on ne peut pas toujours critiquer les positions
de nos adversaires et on a eu un bel exemple, il y a une semaine et demie, du
côté de sa formation politique.
Le Président (M.
Morin) : Autres interventions sur le sous-amendement?
Mme
Maltais : Donc, je comprends que mon collègue aurait été
d'accord pour que quelqu'un puisse poursuivre le rappeur pour son texte
en fonction de la loi actuelle.
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, je pense que, dans le projet de loi, c'est indiqué
qu'il y a un processus de dénonciation
ou un processus de plainte. Donc, ce n'est pas à moi à évaluer, M. le
Président, cette situation hypothétique.
Mme
Maltais : Non! Non, non, là. Non, non! Vous ne voulez pas
répondre à la question parce que vous savez dans quoi vous venez de vous
enferrer si vous répondez à ma question. Êtes-vous d'accord pour qu'on censure
les jeunes rappeurs qui écrivent des textes en les poursuivant selon ce
principe? C'est ce que vous venez de laisser entendre, collègue. Moi, je veux
l'entendre. Répondez à ma question tout simplement. Vous êtes pour l'honnêteté,
la vérité en politique. Est-ce que
quelqu'un, en vertu du fait que vous trouvez ces propos inacceptables, pourrait
poursuivre ce rappeur et l'amener au tribunal?
Le Président (M.
Morin) : Oui, M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : La question, telle que posée par la députée de Taschereau, fait des
raccourcis, M. le Président. Puis
vous le savez, on est vraiment sur l'alinéa trois au niveau du discours
haineux. Donc, ce que j'ai dit, dans mes propos, notamment, M. le Président, c'est qu'on ne doit pas uniquement limiter
ça à la question de la violence, mais également inclure la question du
discours haineux. Donc, on veut y aller plus largement, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : Merci. Il faut faire attention, là.
Mme
Maltais :
...fait très attention.
Le Président (M.
Morin) : Oui. Faire des discussions entre...
Mme
Maltais :
Oui, oui, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : Oui, faire attention, là.
Mme
Maltais : M. le Président, je répète ma question au collègue.
Je demande au... Il a dit, le collègue, que ces propos-là étaient
inacceptables. Alors, je veux savoir, du représentant de la CAQ — du
député de Borduas —
s'il est d'accord avec le fait que,
maintenant, grâce à cette loi, des jeunes rappeurs pourront être
poursuivis devant la CDPDJ, commission des droits de la personne et de la
jeunesse pour ce qu'ils ont écrit. C'est tout. C'est simple, je ne suis pas
dans la langue de bois, moi. Ça a l'air compliqué, comme question.
Le Président (M.
Morin) : Mme la députée de Taschereau... si M. le député de
Borduas veut répondre...
M. Jolin-Barrette : M. le Président, vous savez, c'est toujours important
de réfléchir aussi. Puis il n'y a
jamais rien de simple dans la vie, surtout
sur quelque chose d'aussi important.
Puis les raccourcis, ce n'est pas toujours
la bonne façon aussi de procéder.
Donc, moi, je vais répéter mon positionnement, M. le Président, à l'effet
que, d'un côté, ici, on veut uniquement
lier le discours à la question de la violence. Nous, de notre côté, je pense que
c'est important, notamment
pour préserver les valeurs d'égalité entre les femmes et les hommes, d'avoir
recours... et de définir la question du discours haineux, de rendre ça plus
large et d'assurer davantage de protection, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : Merci, M. le député de Borduas. M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Moi, je reviens un
peu à la question de ma collègue de Taschereau. Parce que j'ai
bien expliqué, puis je vous dis, je
ne voulais pas en faire un cas, là, de cette affaire-là, mais je pense que
c'est quand même un cas d'espèce qui nous permet de voir
comment tout ça pourrait fonctionner.
Moi, j'ai dit, depuis le début, quand le rappeur
est arrivé, j'ai dit que je dénonçais les propos, mais que je disais qu'il avait le droit de les dire, et je
n'ai jamais pensé l'empêcher de le faire, mais, en
même temps, je voulais qu'un débat social se fasse sur le
fond des choses, sur la banalisation du viol puis des propos homophobes puis qui pointaient des gens, des
citoyens, qui les pointaient du doigt. Ça, je ne pouvais pas accepter ça.
Ça fait que ça, on l'a fait, mais jamais, jamais, jamais je n'aurais dit : Lui, on l'empêche de parler, on l'empêche
de chanter, on l'empêche de faire son spectacle, jamais on n'aurait fait ça.
Et, à la
réaction de mon collègue de Borduas... Tantôt, il dit : Si vous n'étiez pas là, M. le député de Rimouski, comment ça
aurait été fait? Comment on aurait pu empêcher le rappeur de... comment on
aurait pu l'empêcher de faire le spectacle?
Parce qu'il a eu lieu, le spectacle. Moi, c'est ça qui me... Est-ce que
ça pourrait, ce projet de loi là, puis la façon que vous le dites, ça pourrait nous emmener là? On pourrait, par une
plainte, empêcher quelqu'un, un rappeur... là, on n'est pas dans la satire et l'humour, là, on pourrait
empêcher un rappeur de dire ce qu'il a à dire, de faire son spectacle, de
faire ses chansons? Est-ce qu'on pourrait empêcher ça? Et c'est ce qu'a laissé entrevoir le député de
Borduas. Est-ce
que ça pourrait se faire? Selon sa
connaissance, lui, il suit la commission depuis le début, selon sa
connaissance, est-ce que le projet de loi pourrait empêcher ce rappeur-là... aurait pu l'empêcher, par des
plaintes, de faire son spectacle ou de dire ce qu'il a à dire dans ses
chansons?
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Si vous me
permettez, M. le Président, je vais revenir.
Le Président (M. Morin) :
Oui. O.K. D'autres interventions sur le sous-amendement?
Mme
Maltais : Oui, M.
le Président. On a parlé tout à l'heure, la commission des droits des
personnes et de la jeunesse, j'ai, ici, l'article d'un média, qui date
du jeudi 11 juin 2015 — ce
n'est quand même pas si loin —puis, à ce
que je sache, il n'est pas rentré de grosse somme
d'argent à la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse, donc ils ne doivent pas
avoir encore beaucoup plus de moyens :
«En moyenne, le traitement d'une plainte prend
376 jours, soit plus d'un an.» Traitement. Décision, là. «Et lorsque l'affaire
nécessite la judiciarisation du dossier, le délai moyen est de 525 jours.»
C'est
là-dedans qu'on s'enfonce, M. le
Président. C'est pour ça qu'on veut
limiter à l'appel à la violence. Si on ne veut pas que les gens soient
montés les uns contre les autres, que les gens se poursuivent au civil, que les
gens se poursuivent devant le tribunal des droits de la jeunesse, c'est ça, M.
le Président, notre intention. Ces délais-là, ils existent. Ils existent, et, quand le collègue de la CAQ est d'accord,
il est d'accord pour que les gens s'en aillent, comme ça,
pendant un an de temps, être dans l'air en attendant que la plainte ait été
traitée. C'est ça, le problème.
D'autre part,
je note que nous n'avons toujours pas de réponse. Après nous avoir laissé
entendre... le collègue de Borduas, de la CAQ, nous a laissé entendre que ça n'avait
pas de bons sens qu'un rappeur puisse avoir des chansons dites
soupçonnées comme étant haineuses, dites haineuses, il ne veut plus répondre à
la question. Est-ce qu'il est d'accord avec
ce qu'il vient de laisser entendre? C'est drôle que, tout à coup, on ait un petit pas aussi, là, ici, un petit pas de deux. Je
m'en vais d'un côté, je m'en vais de l'autre, mais je ne suis plus sûr si
j'avance ou si je recule. C'est une question toute simple. Précisez vos propos,
cher collègue.
• (15 h 40) •
Le Président (M. Morin) :
Autres interventions sur le sous-amendement?
M.
Rochon : Oui. Alors, M. le Président, le député de Borduas, à l'instar du gouvernement, vient d'ouvrir
la chasse à tout propos qui déplaît.
Et ça, ça fait fi des conditions concrètes de l'exercice de la liberté
d'expression. Puis, moi, je me demande, cet après-midi, où sont passés
les Je suis Charlie, là, qui étaient si nombreux il n'y a pas si longtemps,
là. Il y en a plus bien, bien, ici, à part des gens de l'opposition officielle,
on dirait, là. Alors, il y a une question qui a été adressée au collègue de Borduas : Le rappeur, là, qui a donné sa représentation à Rimouski, il pourrait être poursuivi
en vertu du projet de loi, devenu loi un jour — n° 59 — et il
trouverait ça légitime, cette poursuite?
Mme
Maltais : Ça a
l'air à ça.
Le Président (M. Morin) :
Pardon? Oui, Mme la ministre.
Mme Vallée : Simplement,
est-ce...
Le Président (M. Morin) :
Oui? Un instant! Oui?
Mme Vallée : Simplement, M.
le Président...
Le Président (M. Morin) :
Oui. Mme la ministre.
Mme Vallée : ...peut-être un
bref rappel au règlement. Est-ce qu'on pourrait revenir à l'amendement? Je comprends, là, qu'on a un échange entre les deux
oppositions, mais ce serait bien de revenir à l'amendement et que les échanges soient entre vous et les collègues plutôt
que des interpellations. Si je comprends bien, les questions pourraient plutôt être dirigées vers ceux et celles qui ont
déposé l'amendement et non vers ceux qui interviennent sur l'amendement.
Question comme ça, là.
Le Président (M. Morin) :
Tant et aussi longtemps que les échanges se font cordialement... Et le député
de Borduas peut dire... Pour l'instant, la réponse a été donnée.
Mme Vallée : Ça va.
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Mais,
écoutez, M. le Président, simplement pour répondre à l'interrogation de mon
collègue de Richelieu... d'ailleurs, c'est
une discussion très intéressante, mais, avant de pouvoir analyser et dire
est-ce que... Puis, premièrement, le
projet de loi n'est pas adopté en intégralité. Mais, avant de pouvoir évaluer
est-ce qu'en fonction des mécanismes qui seront proposés de dénonciation
ou de plaintes il faudrait voir la situation concrète, M. le Président, quels ont été les propos? C'est quoi, la réaction
des gens? C'est quoi, le contenu de la plainte? Ça, c'est important,
lorsqu'on fait une évaluation. Lorsqu'on est
dans le domaine de la justice, on regarde chacun des dossiers. On regarde le
contenu de la preuve, M. le Président. Alors, si je répondais à la question du
député de Richelieu en ne connaissant pas tous les faits — et j'ai
émis un questionnement — bien, je me sentirais mal avisé de déterminer expressément est-ce
que, oui ou non, ça s'applique.
Le Président (M. Morin) :
Merci, M. le député de Borduas. Oui, M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Bien, plus ça va,
plus ça se complique. Est-ce qu'il a raison? C'est : il faut tout
connaître les faits, voir exactement le contexte. Ce n'est pas une job
facile, là, quand tu veux empêcher quelqu'un de dire ce qu'il a à dire. Tu
sais, un rappeur... Là, dans ce cas-là, c'est ça, la situation.
Puis ma collègue
de Taschereau vient de dire combien ça peut prendre de temps
faire une plainte puis avoir des réponses.
C'est un an. Puis, avec tout ce qu'il faut étudier, selon mon collègue
de Borduas, puis qu'il faut tout regarder... Bien, je vais vous dire, quand le show arrive
vendredi, tu n'as pas le temps bien, bien de te torturer l'esprit puis
envoyer une plainte en sachant qu'elle va arriver — la décision — dans
un an, là. Ça fait que là c'est pour ça que...
Puis il y a eu une lettre, à l'époque, qui avait
été mise sur les médias sociaux puis envoyée, elle disait — la question : «Devrait-on laisser un bar
accueillir un auteur-compositeur-interprète qui tient de tels propos? Nous
dénonçons la venue de cet artiste qui en appelle à la violence sexuelle. Il est
inadmissible qu'un établissement public diffuse des messages sexistes...»
Ça fait que
les gens, ils voulaient qu'on arrête ça là, là. Mais c'est ça qui aurait...
Puis ils se seraient accrochés à tous les éléments de la loi pour
trouver une façon d'arrêter le spectacle, puis de dénoncer le chanteur, puis de
dénoncer le propriétaire du bar qui accueille le chanteur, puis de dénoncer
ceux qui vont dans le spectacle, puis les pointer du... C'est pour ça que je
trouve qu'on aurait comme compliqué des affaires. On n'aurait comme pas permis
aux gens, là, de s'asseoir ensemble puis de travailler ensemble. Puis on
n'aurait pas pu régler... puis on serait encore là-dedans aujourd'hui parce
qu'on n'aurait pas eu encore de réponse à la plainte puis on serait...
C'est ce qui fait que j'ai allumé là-dessus
quand j'ai entendu la députée de Taschereau, au début, expliquer l'importance
de la liberté d'expression puis la ligne qui est mince. Puis c'est pour ça que
j'ai vu tout de suite ce qui était arrivé à
Rimouski puis c'est exactement... je n'ai pas voulu le faire pour ça, mais ça
démontre exactement les enjeux puis les risques de dérapage d'un projet
de loi qui veut toucher qu'est-ce qui est la haine, qu'est-ce qui est la...
puis la liberté d'expression des gens. Puis
ce que le député de Borduas, là... son problème à répondre clairement à la
question vient juste démontrer que ce n'est
pas clair, cette affaire-là, puis on ne sait pas comment que ça peut nous
aider, effectivement.
Le Président
(M. Morin) : Ça va?
Pas d'autres interventions sur le sous-amendement de la députée de Taschereau?
Mme
Maltais : M. le
Président, ce n'est pas moi qui ai déposé ce sous-amendement.
Le
Président (M. Morin) : Ah! c'est M. le député de Richelieu. Ah!
là, vous m'avez amené sur différents sujets, donc j'en ai perdu... Je
m'excuse, M. le député de Richelieu, je ne voulais pas vous offenser.
M. Rochon : Vous ne m'avez pas du
tout offensé, M. le Président.
Le Président (M. Morin) :
O.K. Donc, est-ce qu'on est prêts à voter sur ce sous-amendement du député de
Richelieu? Oui? Est-ce que le sous-amendement est adopté?
Mme
Maltais : Par
appel nominal.
Le Président (M. Morin) :
Oui. Mme la secrétaire.
La Secrétaire : M. Rochon
(Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
La Secrétaire : Mme Maltais
(Taschereau)?
Mme
Maltais : Pour.
La Secrétaire :
M. LeBel (Rimouski)?
M. LeBel :
Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M.
Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire :
Mme Vallée (Gatineau)?
Mme Vallée :
Contre.
La Secrétaire :
M. Merlini (La Prairie)?
M. Merlini :
Contre.
La Secrétaire :
M. Bolduc (Mégantic)?
M. Bolduc :
Contre.
La Secrétaire :
M. Rousselle (Vimont)?
M. Rousselle :
Contre.
La Secrétaire :
M. Boucher (Ungava)?
M. Boucher :
Contre.
La Secrétaire :
M. Proulx (Jean-Talon)?
M. Proulx :
Contre.
La Secrétaire :
M. Morin (Côte-du-Sud)?
Le Président (M.
Morin) : Je m'abstiens.
La Secrétaire :
C'est rejeté.
Le Président (M.
Morin) : Donc, le sous-amendement est rejeté. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions sur l'amendement de Mme la ministre?
M.
Jolin-Barrette : J'ai un amendement.
Le Président (M.
Morin) : Ah bon! M. le député de Borduas, je veux vous
entendre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Modifier le troisième alinéa de l'article 1 de la loi, édicté par
l'article 1 du projet de loi, tel qu'ajouté par l'amendement du
gouvernement, en remplaçant les mots «aux yeux» par «de l'avis».
Le Président (M.
Morin) : Ça va. Je suspends quelques instants.
(Suspension de la séance à
15 h 47)
(Reprise à 15 h 51)
Le
Président (M. Morin) :
Nous reprenons nos travaux. Nous en sommes au sous-amendement du député de Borduas. M. le député de Borduas...
Une voix :
...
Le Président (M.
Morin) : Oui, on a distribué. M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Donc, M.
le Président, concrètement, c'est plus une question de forme,
mais on avait déjà eu la discussion,
précédemment, relativement à de «aux yeux» et le remplacer par «de l'avis». Ça
m'apparaît plus conforme au libellé des textes législatifs dans le
corpus législatif qu'on a normalement au Québec.
Le Président (M.
Morin) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, honnêtement, on est vraiment dans la sémantique. J'ai fait des
vérifications, il n'y a pas d'impact quant à
la modification, là. Et puis, si, pour les collègues, «de l'avis» est un terme
qui apparaît comme étant plus clair, je n'ai pas d'objection quant à
l'amendement qui est proposé.
Le Président (M.
Morin) : Merci. Intervention? Oui, Mme la députée de
Taschereau.
Mme
Maltais : Écoutez, M. le Président, on ne fera pas,
effectivement, un débat sémantique. Moi, «aux yeux d'une personne raisonnable», c'est plus
l'expression que j'ai l'habitude d'entendre. C'est ce qu'on voit, c'est ce qui
se fait, «aux yeux d'une personne raisonnable».
Mais «de l'avis d'une personne raisonnable» introduit-il une différence?
Est-ce que c'est seulement sémantique ou...
D'habitude, un avis, c'est une opinion. Dans le monde juridique, c'est...
ou c'est une opinion? «De l'opinion d'une
personne raisonnable», au lieu de «aux yeux d'une personne raisonnable», qui se
place, à ce moment-là, comme observateur,
observatrice. Je veux bien comprendre qu'il n'y a vraiment, là, aucune nuance,
qu'on reste dans la même chose. Ceci dit, ça ne fera pas une grande différence
dans mon opinion sur l'article.
Le Président (M.
Morin) : Bon. Oui, Mme la ministre.
Mme
Vallée : «Aux yeux», «selon», «suivant l'avis», «de l'avis»,
c'est vraiment une question de la perception, en fait, par la personne raisonnable, d'une situation. Donc, c'est
certain qu'on retrouve souvent le terme «selon»; «de l'avis», on le
retrouve à l'occasion; «aux yeux». Alors, ce sont des termes qui sont utilisés
fréquemment. Comme je vous mentionnais, là, M. le Président, je pense que
l'objectif visé par la définition, c'est vraiment le critère de la personne
raisonnable que l'on retrouve dans bien des textes.
Le Président (M.
Morin) : Ça va? M. le député de Borduas, avez-vous des choses à
rajouter?
M.
Jolin-Barrette : Non, je n'ai pas d'autre intervention, M. le
Président.
Le
Président (M. Morin) : Donc, autre intervention sur «de
l'avis»? Ça va? On est prêts à voter. Est-ce que le sous-amendement du
député de Borduas est accepté?
Des voix :
Adopté.
Le
Président (M. Morin) : Adopté. Merci. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur l'amendement de la ministre? M. le député de
Richelieu.
M. Rochon :
Oui. M. le Président, j'aurais à vous soumettre un sous-amendement. Il
s'agirait de modifier l'amendement modifiant l'article 1 de la loi, proposé par
l'article 1 du projet de loi, en supprimant, dans l'alinéa introduit par le troisième paragraphe de
l'amendement, les mots «, au dénigrement». Alors, suppression des mots «,
au dénigrement».
Le Président (M.
Morin) : Bon, c'est bien, merci. Alors, si vous voulez le
déposer.
Je suspends quelques
instants.
(Suspension de la séance à
15 h 55)
(Reprise à 15 h 58)
Le Président (M.
Morin) : Nous sommes de retour. M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. Alors, je vous rappelle mon amendement, M. le Président. Modifier
l'amendement modifiant l'article 1 de
la loi, proposé par l'article 1 du projet de loi, en supprimant, dans l'alinéa
introduit par le troisième paragraphe de l'amendement, les mots «, au
dénigrement».
Je
serais renversé qu'un projet de loi devenu loi empêche un Québécois ou une
Québécoise de décrier quelque chose.
Alors, le dénigrement, franchement, j'espère que la ministre ne tient pas à
garder ça, là, dans son projet de loi, hein? Décrier quelque chose,
c'est ça, le dénigrement dont il est question.
Le Président (M.
Morin) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
En fait, M. le Président, je réfère encore une fois à l'arrêt Whatcott et au
paragraphe 57, à la page 502. Et ça explique
bien clairement pourquoi le terme «dénigrement» apparaît à la définition,
puisque le juge Rothstein s'exprimait comme suit :
«Deuxièmement, les termes "haine" et
"mépris" qui figurent dans la disposition ne s'entendent que des manifestations extrêmes de l'émotion à laquelle
renvoient les termes "détestation" et "diffamation". Ainsi
sont écartés les propos qui, bien que répugnants et offensants,
n'incitent pas à l'exécration, au dénigrement et au rejet qui risquent d'emporter la discrimination et d'autres effets
préjudiciables.» Alors, on met de côté les propos qui sont répugnants,
qui sont offensants, mais qui n'incitent pas
et qui ne vont pas apporter ou mener vers le dénigrement des groupes, vers
l'exécration.
Alors, un peu
plus tôt cet avant-midi, je mentionnais
que la définition s'inspirait des paramètres qui ressortent de l'arrêt Whatcott, et le terme «dénigrement» y
apparaît. Peut-être pour éviter que nous ayons 25 sous-amendements
et qu'on reprenne chaque mot de la
définition, je vais simplement rappeler aux collègues que, dans la proposition de définition que vous
retrouvez, le terme «marginalisation» fait suite à une proposition d'amendement que nous avait formulée le député de Montarville
le 29 octobre dernier. Le rejet réfère effectivement au paragraphe 57 de
l'arrêt Whatcott et était repris aussi dans une proposition d'amendement que
notre collègue de Montarville nous avait soumise.
La détestation se retrouve au paragraphe 57, le
dénigrement se retrouve au paragraphe 57, et on le retrouvait également lors
d'une proposition de notre collègue de Montarville, lors de son allocution sur
l'adoption de principe, et l'aversion avait
été ajoutée également suite à cette intervention puisqu'on reprend, en
quelques termes, des synonymes, là,
qui appellent à des sentiments quand même assez intenses, d'une certaine
intensité, donc, et des sentiments que l'on retrouve qui sont définis
aussi à l'arrêt Whatcott.
• (16 heures) •
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Richelieu.
M.
Rochon : Alors, pour la
ministre, on voit bien, là, que tout est très, très, très subjectif et matière
à interprétation. Pour la ministre,
le dénigrement, ça, c'est intense. Décrier quelque chose, c'est intense. Là,
nous, nous sommes en train, les parlementaires,
là, de ce côté-ci de la table, de décrier, hein, des aspects du projet de loi,
de dénoncer, de dénigrer certains aspects
du projet de loi. Peut-être que nous entraînerons dans notre foulée des
Québécoises et des Québécois. La ministre trouverait ça problématique? Je ne sais pas. Là, elle me cite, là,
chacune des expressions apparaissant à l'article. On pourrait peut-être
s'arrêter au seul dénigrement, et elle ne m'a pas convaincu, là, que ce
terme-là devait apparaître dans l'article. Là, je l'entends dire qu'elle croit
qu'elle ne m'en convaincra pas, même si elle élabore davantage.
Le Président (M. Morin) : Mme
la ministre.
Mme Vallée :
...peu importent les efforts que je ferai, M. le Président, je doute réussir à
convaincre mon collègue d'ici la fin de notre séance de commission. Par
contre, si j'y arrive, ça me fera extrêmement plaisir.
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Richelieu.
M.
Rochon : Écoutez, je
vivrais, j'éprouverais le même plaisir, moi, personnellement, à ébranler la
ministre, que rien n'ébranle
aujourd'hui, même pas les propos de son propre premier ministre, de notre
premier ministre, le chef de son parti,
hein? Nous y référions un peu plus tôt, n'est-ce pas, députée de Taschereau, M.
Couillard qui promettait d'amender le projet de loi n° 59...
Le Président (M. Morin) :
...simplement vous... à ne pas faire d'erreur... oui.
M.
Rochon : M. le premier
ministre. Pardonnez-moi, M. le premier ministre. Ça ne manquait pas de respect,
par ailleurs, de l'appeler par son nom, mais je connais les règles et je m'en
excuse.
Le Président (M. Morin) : On
va y passer, tout le monde.
M. Rochon : M. le premier ministre
qui promettait d'amender le projet de loi n° 59. Alors, nous multiplions, de ce côté-ci, les efforts pour que la ministre
s'approche de l'amendement suggéré par le premier ministre. Déjà,
laisser tomber le terme «dénigrement», ça serait un pas dans la bonne
direction, dans la direction du premier ministre.
Le Président (M. Morin) : Mme
la ministre.
Mme Vallée :
J'invite le collègue à lire l'article 1. L'incitation à la violence est prévue,
difficile d'en dire plus, et la
question du discours haineux, évidemment, est là. Ce n'est pas un concept
nouveau, c'est un concept qui existe depuis quand même des années. On le retrouve défini dans la jurisprudence
canadienne, on le retrouve défini un peu partout à travers le monde. Le discours haineux, ça demeure
quand même un discours qui va ostraciser, d'une façon très particulière,
des groupes et qui va amener ces groupes-là
à être marginalisés et même à faire l'objet d'intimidation, à faire l'objet
de dénigrement et ultimement être la cible de violences et de différentes
violences. Je sais qu'il faut répéter ici, en cette enceinte, mais je ne
pensais pas devoir répéter autant.
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Richelieu.
M.
Rochon : Merci, M. le Président. Nous en sommes, un projet
de loi qui prohiberait seulement l'appel direct à la violence, nous en sommes, comme le premier
ministre. On est d'accord, et, comme lui, nous ne voulons par ailleurs
pas brimer la liberté d'expression en
empêchant les gens de dénigrer, de parler contre quelque chose, de critiquer
des faits. Le dénigrement, la ministre n'arrivera pas à nous vendre ça.
Mme Vallée : Je n'ai pas
d'autre commentaire, M. le Président.
Le Président (M. Morin) :
Merci. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Écoutez, M. le Président, là, depuis quelques heures maintenant, on essaie de
trouver des solutions, on essaie de
trouver une voie de passage. On avait essayé à l'automne, la majorité de nos
suggestions ont été rejetées. Là, on
arrive avec des suggestions d'ouverture, entre autres tout à l'heure, en
disant : Restons dans l'optique qu'avait privilégiée le premier ministre; appel à la violence, restons
là-dessus. Puis là on avait fait des suggestions, on a même ouvert plus
large en parlant de même... on est allés
dans des mots... même on essayait d'ouvrir un peu pour essayer d'avoir une
adhésion de l'autre côté, autre chose qu'un
refus net, global, un refus constant, constant de l'autre côté, d'amener
quelque aménagement intéressant que ce soit pour répondre, pas à nos
demandes comme porte-parole de l'opposition, répondre aux gens qui sont venus
ici.
Oui, il y a
des gens qui ont dit : Faites-nous une définition du discours haineux, à
tout le moins. Mais la grande majorité,
la grande majorité ont dit : Faites-nous une définition du discours
haineux, à tout le moins, puisque vous voulez absolument passer cette loi-là. Ça fait que là, un, on n'apporte pas
d'amendement quasiment à la loi, on ne réfère pas aux appels à la violence, comme le demandait le
premier ministre, et deuxièmement on nous dit : Voici ce qu'a décidé la
Cour suprême, et on ne sort pas de là. Il y
a eu une loi en Saskatchewan, qui n'a pas été jugée sur le fond, M. le
Président. La cour n'a pas dit s'il
était intéressant pour une société, un État, une province, d'avoir ce type de
loi là. Vous remarquerez qu'il existe
déjà un code criminel au Canada. Alors,
le sens général, c'est d'enlever ces restrictions à la liberté
d'expression actuellement dans nos cours au Canada. C'est ça, le sens
général de ce qui est en train de se passer. Mais, puisqu'il y avait une cause qui interpellait la loi de la Saskatchewan, bien, ils ont dit : Il
faudrait aller vers ça, vers ça, vers ça. Sur le fond, il n'y a pas eu
de jugement.
Deuxièmement,
la ministre elle-même vient de dire : Et des gens qui, ultimement, vont
être la cible de différentes violences.
Systématiquement, quand elle défend sa loi, elle s'arrime à la violence, mais
elle ne veut pas l'écrire dans le texte. Elle vient encore de dire : Ultimement des groupes qui seront
cibles de différentes violences. C'est exactement ses mots, je les ai
notés. Bien, qu'elle l'écrive, qu'on l'écrive. Elle nous a refusé de l'écrire.
Elle nous a refusé de nous l'écrire. Il y a
un discours haineux et des discours incitant à la violence. Écoutez-moi, Mme la
ministre, là, je suis sérieuse. Il y a des discours incitant à la violence, vous le dites bien, mais cette
partie-là, là, on vous l'a quasiment donnée, on en reparle avec vous. Cette partie-là, là, alors qu'on ne voulait
rien savoir au début, on est en train d'en parler. Mais le discours
haineux, point, c'est là où vous allez trop loin, c'est là où vous allez à
l'encontre de la vision générale, c'est là où vous allez à l'encontre des gens
qui sont venus en commission parlementaire.
• (16 h 10) •
Puis vous ne
voulez pas entendre ça, c'est une chose, mais en plus, je ne suis pas obligée
d'avaler la définition. On peut-u en
parler? Mais non, c'est écrit dans Whatcott, ça ne peut pas bouger, bien non,
ça ne peut pas bouger. Oui, ça peut bouger,
parce qu'on est des parlementaires, parce qu'on est des législateurs, parce
qu'on a le pouvoir de dire que parfois il y a des mots qui ne devraient pas être là. C'est même notre devoir
d'être vigilants. On est en train de toucher à la liberté d'expression,
on n'est pas en train de toucher, là, je dirais, pour avoir entendu un collègue
récemment, aux «layes» de skidoo, si elles
devraient avoir des crocs ou pas. C'est un débat dans les régions. On n'est pas
en train de parler seulement de... c'est important, mais on est en train
de parler de la liberté d'expression, une des valeurs les plus importantes dans
une société.
Nous, on dit
que le gouvernement va trop loin dans sa loi. Puis on n'est pas gênés de le
dire, on est appuyés par le premier ministre
dans ses propos. Ça fait que ça ne devient pas gênant. Alors, écoutez bien, là,
«dénigrement», ça n'a pas de sens de mettre ça là. Ça ouvre la porte à
beaucoup trop grand. Ça ouvre la porte à beaucoup trop grand. Le discours haineux dans un contexte d'intolérance qui amène à
du... qui pourrait amener un groupe à être exposé au dénigrement, c'est trop large. Je ne suis pas dans le discours
incitant à la violence. Je le sais que c'est écrit ailleurs, c'est écrit à
côté. Mais il y a deux parties à la loi : il y a le discours
haineux et le discours incitant à la violence. Le propre titre de la loi le
dit. C'est deux types de discours, puis là on est en train de définir le
premier, discours haineux, pas discours incitant à la violence, là. Arrêtons de nous dire ça, là. On sait ce qu'on fait, on
est capables de lire une loi, on est capables de travailler avec vous. M. le Président, discours haineux,
c'est ça qu'on est en train de définir, pas discours incitant à la violence,
c'est autre chose. Alors, on est dans le discours haineux.
Est-ce qu'on
accepte qu'un groupe soumis au dénigrement, qu'une personne qui pense qu'un
discours soumettant un groupe à du
dénigrement devrait s'en aller devant le tribunal? Traitement de la plainte, un
an minimum. Traitement de la plainte, un an minimum, là. On ouvre quelle
boîte de Pandore, M. le Président? Comme société, là, quelle boîte de Pandore est-ce qu'on ouvre? Et je continue à
répéter que cette loi est un bel outil pour que les gens se dressent les
uns contre les autres, un très bel outil. On
est supposés protéger la société québécoise et les droits des gens à la
Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse. On ne la protège pas actuellement, on l'embête, on
l'amène à être en contestation les uns avec les autres. Il y a un
problème avec cette loi.
Alors, à
chaque fois qu'on amène une proposition qui nous permettrait d'être rassurés,
d'avoir des balises plus claires,
d'avoir des balises qui nous permettent de rassurer les gens qui sont venus
ici, en commission parlementaire, on a dit : Ah non! Il y a un juge qui est passé
là, l'arrêt Whatcott, et c'est ces mots-là et c'est tout. Bien, qu'est-ce qu'on
fait ici? On est des législateurs ou on
n'est pas des législateurs? On est des gens qui réfléchissent notre société ou
on n'est pas des gens qui
réfléchissent notre société? On est des gens qui avons à voir plus loin. Notre
travail, ce n'est pas d'interpréter la loi, notre travail, c'est de la
créer, c'est de décider quelles balises on donne à notre société. C'est ça, un
travail de législateur. C'est ça qu'on fait,
M. le Président. Et moi, je pense qu'il y a des mots là-dedans qui sont plus
faibles que d'autres au regard de ce
qu'on vise et je pense que «dénigrement» ne devrait pas être là. Je pense qu'on
va trop loin dans cette loi. On n'arrête de le répéter depuis le
début : On est face à un mur. On est face à un mur.
Je ne veux
pas que ma société s'enfonce dans cette direction, M. le Président. Je cherche
à créer des balises plus sérieuses, plus solides. Alors, oui, on va les
regarder, les termes, parce que nous, ce n'est pas parce qu'il y a l'arrêt
Whatcott qu'on est obligés de légiférer au Québec pour restreindre la liberté
d'expression. Il y a un code criminel au Québec...
au Canada qui protège le monde. Si on veut introduire une double possibilité de
poursuite — parce
que c'est ça, là, si on introduit une
double possibilité de poursuite, les gens peuvent être poursuivis à deux
niveaux, là, deux niveaux — il va toujours bien falloir le baliser. Sans ça,
c'est : Quelle boîte de Pandore on ouvre! C'est ce que tout le monde est
venu nous dire.
Alors, nous,
«dénigrement», on pense que c'est aller trop loin. Il y a beaucoup de monde qui
peuvent penser qu'ils ont été
dénigrés ou qui sont susceptibles d'être dénigrés suite à un propos, beaucoup
de monde qui peuvent penser ça, beaucoup
de monde. Et je pense que c'est aller trop loin. C'est tout. Alors, on fait des
propositions honnêtes, on fait des propositions
simples, claires, puis on pense qu'on n'est pas liés par un arrêt, on est liés
par notre fonction de protecteur de notre
société. C'est ça qui nous anime, M. le Président. Moi, je suis animée par ça
aujourd'hui, et j'en ai fait, des tentatives, et nous en avons faites, M. le Président, vous en avez été témoin, vos
prédécesseurs aussi, des tentatives de rapprochement. On a fait beaucoup de tentatives de rapprochement,
on cherche des solutions. On n'a pas de contreproposition, là, on
a : Ah! c'est l'arrêt Whatcott, on suit l'arrêt Whatcott.
M. le
Président, j'aimerais ça que la ministre examine, à tout le moins, là, prenne
le temps avec ses légistes, là, si c'est
si important que ça d'avoir le
mot «dénigrement» ici. Moi, je pense que ce n'est pas si important
que ça et que cette énumération est une véritable boîte de Pandore. Il
va falloir faire le ménage dans cette énumération, M. le Président. Cette
énumération ouvre beaucoup trop large, beaucoup trop grand. Il faut faire le
ménage dans cette énumération.
Alors, premier ménage... Je n'ai pas dit de
l'éliminer complètement. Regardez comment est-ce qu'on est fins, M. le
Président. On ne trouve pas ça sympathique comme loi, on ne trouve pas ça
intelligent comme loi. Ouvrir un deuxième
front, ce n'est pas fin, ce n'est pas ce que le premier ministre demandait,
les appels à la violence. Mais maintenant on essaie de travailler pour essayer de sortir quelque chose qui ne soit pas trop dommageable. On n'est même pas dans mieux, on est dans pas trop dommageable. Est-ce qu'on peut enlever «dénigrement»? La proposition de mon collègue de Richelieu, elle est très bien
puis elle permettrait de fermer un peu la boîte de Pandore qu'on est en train
d'ouvrir, M. le Président.
Voilà ce que je pense, M. le Président.
Le Président (M. Morin) :
Merci, chère madame. Est-ce que vous intervenez, Mme la ministre?
Mme Vallée : Simplement, je respecte tout à fait... la collègue
indique que nous sommes des législateurs, tout à fait, mais ce n'est pas parce que nous sommes des législateurs que nous devons
être d'accord et être unanimes. Je ne partage pas son point
de vue. J'ai le droit de l'exprimer
au même titre qu'elle a le droit d'exprimer le sien. Puis j'inviterais la
collègue... Elle a utilisé des qualificatifs en... nous ne
trouvons pas la loi intelligente, je ne suis pas certaine qu'elle aurait
permis que ce type de qualificatif soit autorisé à certaines lois qui ont été
déposées par le précédent gouvernement, qui étaient loin d'être intelligentes.
Mme
Maltais : ...
Mme Vallée : Exactement.
Le Président (M. Morin) : Mme
la députée de Taschereau, un instant.
Mme Vallée : Nous sommes dans
un forum où il nous est donné de nous exprimer. La collègue dépose un amendement,
elle a le droit, mais c'est avec raison aussi que nous pouvons simplement
indiquer que l'amendement ou
le sous-amendement présenté... parce que je sais qu'elle aura un amendement
plus tard, alors, même si on accepte le sous-amendement, il y aura un amendement et... Bref, on
comprend un petit peu la dynamique. Elle a le droit de le
déposer, et j'ai le droit d'indiquer que je ne partage pas son opinion, tout
simplement.
Le Président (M. Morin) : Mme
la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Alors, je
vais citer Whatcott, M. le Président, parce que Whatcott parle de ça, les
termes, confirmation d'une définition
modifiée de la haine. Bien : «Premièrement, les tribunaux judiciaires doivent appliquer
de manière objective les dispositions interdisant les propos haineux.»
«Deuxièmement, les termes...» Je peux le dire, c'est : clauses 56,
57, 58. «Deuxièmement, les termes "haine" et "mépris" qui
figurent dans la disposition ne s'entendent que des manifestations extrêmes de
l'émotion à laquelle renvoient les termes «détestation» et [«définition»]...»
Mme Vallée : Et diffamation.
Mme
Maltais : ...diffamation, pardon. 58 : «...les
tribunaux administratifs doivent axer l'analyse sur les effets des propos en cause», les effets. Moi, je parle de
violence quand je parle d'effets, mais on n'est pas d'accord là-dessus.
Alors, je vais... M. le Président, j'essaie...
Le Président (M. Morin) :
Oui, continuez.
Mme
Maltais : Bien,
elle devrait être contente, la ministre, je cite Whatcott, moi aussi, à...
Des voix : ...
Le Président (M. Morin) :
S'il vous plaît!
Mme
Maltais : Je m'en
viens, M. le Président.
Une voix : ...
Le Président (M. Morin) :
S'il vous plaît! S'il vous plaît! La parole est à la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Elle non
plus ne cite pas Whatcott au complet. Je vais vous le prouver, M. le Président.
59 : «À la lumière de ces trois principes — c'est des principes
dont on a parlé tout à l'heure — lorsque le mot "haine" est employé dans une loi sur les droits de la personne
pour interdire certains propos, il faudrait l'appliquer de façon
objective pour déterminer si une personne
raisonnable, informée du contexte et des circonstances, estimerait que les
propos sont susceptibles d'exposer autrui à la détestation et à la
diffamation pour un motif de discrimination illicite.» Ça, on l'a déjà vu, mais il y a deux mots. Il y a deux mots,
il n'y a pas «dénigrement», il n'y a pas «aversion», il n'y a pas
«ignoble». À la lumière de ces trois principes, voici quels sont les deux mots
utilisés : «détestation», «diffamation».
La ministre
en met plus large, O.K., mais enlevons «dénigrement», s'il vous plaît, là.
Est-ce qu'on peut, en fait, écouter les gens qui sont venus ici, M. le
Président, nous dire : Faites attention, on est dans un univers
d'autocensure potentiel, et ça, c'est terrible pour une société? Alors, M. le
Président, je continue à penser que la proposition de mon collègue d'enlever le mot «dénigrement» est non
seulement pertinente, elle est intelligente. Alors, vous voyez, je ne
vais pas a contrario, je vais dans le sens positif du terme. Ce sera sûrement
apprécié, M. le Président.
Le Président (M. Morin) : Mme
la ministre.
• (16 h 20) •
Mme Vallée : Je n'ai pas de
commentaire supplémentaire.
Le Président (M. Morin) :
Merci.
Mme
Maltais : M. le
Président, est-ce que je peux dire qu'elle est d'accord avec le petit bout que
j'ai cité de Whatcott? Vous n'êtes pas contre? Ce n'est pas bon?
Mme Vallée : Si vous voulez, je peux relire le bout que vous
avez sauté et qui fait référence à la détestation. Je l'ai lu tout à
l'heure pour votre collègue, mais je ne brûlerai pas mon temps pour ça. Je vais
vous référer aux galées.
Le Président (M. Morin) : Mme
la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le
Président, c'est dans les principes,
mais après, quand il arrive à la fin, dans la conclusion, la conclusion, c'est détestation et diffamation.
C'est ça, la conclusion de Whatcott. Je ne comprends pas qu'on sorte de
la conclusion de Whatcott puisqu'on nous plaide Whatcott à tout bout de champ.
Si on veut appliquer Whatcott, c'est détestation et diffamation, là. Remarquez
qu'on n'est pas chauds, nous, mais, enfin, je ne comprends pas pourquoi on n'enlève pas «dénigrement» puis qu'on n'essaie pas
enfin de faire un effort envers l'opposition
officielle pour essayer de trouver quelque
chose qui, à un moment donné, permette de baliser cette loi. Pourquoi est-ce qu'il y a un blocage tout le temps, à chaque fois qu'on essaie de
baliser cette loi? Pourquoi il n'y a pas de réponse de l'autre côté? Pourquoi
on n'essaie pas de nous amener...
Le Président (M. Morin) : Mme
la ministre.
Mme Vallée : ...lorsqu'on l'a fait en décembre dernier, M. le Président. En novembre dernier, on a eu plusieurs échanges pour trouver un terme. Je ne sais pas si le collègue
de Borduas était présent, mais, chose certaine, le
recherchiste y était. Vous avez eu beaucoup
d'échanges pour tenter, après maintes envolées oratoires de nos collègues,
de trouver un terrain d'atterrissage.
On l'a trouvé et on est retombés avec des sous-amendements. Alors, honnêtement... qui revenaient encore changer le texte.
Alors,
moi, je vais faire l'exercice, là, puis je vais faire l'exercice avec les collègues
si les collègues souhaitent vraiment avancer et se
dire : Nous, demain, on souhaite aborder l'article 2; nous, demain, on
souhaite aborder l'article 3. Nous,
on aimerait, dans les prochaines séances de commission, être capables
d'avoir des échanges sur les autres éléments du projet
de loi, mais actuellement, M. le Président, force est de constater que cette
volonté-là n'a pas été manifestée puisqu'on nous a dit d'entrée de jeu qu'on
était en désaccord avec notre projet de loi.
Alors,
si, aujourd'hui, c'est de dire : Nous allons enlever un mot
dans le sous-amendement pour pouvoir redéposer un autre sous-amendement
dans lequel on va... À un moment donné, là, si l'objectif de la collègue est vraiment
de travailler et de passer à une autre étape,
je n'ai pas de problème à m'asseoir et à faire un travail sérieux. Mais
disons que le travail que nous avons fait jusqu'à date ne nous a pas
permis de passer l'adoption de l'article 1. Et, si la volonté des collègues
est vraiment de poursuivre l'étude détaillée de ce projet de loi là de façon sérieuse, on pourra faire un exercice,
mais je ne ferai pas des exercices pour faire travailler les gens autour de moi
pour nous retrouver dans deux semaines au même endroit. Je le dis avec respect,
là.
Je
vais faire travailler les équipes pour faire avancer, pour faire progresser le projet de loi. Et j'ai senti... puisque tout à l'heure je vous en ai fait la
démonstration, il y a des éléments de l'amendement qui font suite à des propositions
d'amendement qui nous avaient été déposées par la collègue de Montarville. C'est donc que nous sommes ouverts et on n'est pas figés dans notre position. Mais encore
faut-il avoir une intention réelle de faire avancer les choses. Et là on
qualifie la loi comme n'étant pas
intelligente. Bien, je m'excuse, est-ce
qu'il y a vraiment
une intention de faire avancer la loi? Permettez-moi d'en douter.
Le Président (M.
Morin) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, je ne parlerai pas du procès d'intention qu'on vient de nous faire. Je
vais juste dire ça. Nous voulons
faire avancer cette loi depuis le début. Là où il y a eu une difficulté,
là où on a failli s'entendre, c'est quand «dans un contexte d'intolérance», ces mots-là, et là il y a
des témoins qui étaient là, là, «dans un contexte d'intolérance», ils
étaient suivis des mots «contexte incitant à la violence». Et tout à coup la ministre
a redéposé un amendement où «contexte d'intolérance» est sorti du contexte de
violence. C'est là que ça ne marchait plus.
Puis
regardez toutes les interventions qu'on fait, elles sont toujours
dans le même sens : appel à la violence; le premier ministre, appel à la
violence. Le contexte d'intolérance, le discours haineux, le contexte d'intolérance
qui sont sortis du contexte de
violence, c'est là qu'il y a un problème. Mais, quand il y avait presque un accord
sur la table — je
vous le dis parce qu'il y a des collègues qui n'étaient pas là — c'est que les mots «dans un contexte d'intolérance»
étaient dans un contexte d'incitation
à la violence, mais la ministre, elle a changé son propre amendement. Elle
dit : J'ai fait une coquille. Ce
n'était pas une coquille, c'est un changement de sens. Elle a essayé de nous
passer ça comme une coquille, c'était un changement de sens profond. Et
nous, ce qu'on essaie toujours, c'est de retrouver ce sens.
Et
je le dis depuis le début, l'article 1 pave la voie au reste, et, tant qu'on ne
sera pas convaincus qu'il n'y a pas des balises nécessaires à cette loi-là, on va amener des propositions. C'est
constructif que d'amener des propositions, M. le Président.
«Dénigrement», mon collègue l'a proposé, ne devrait pas être là. La loi est
trop large actuellement, nous essayons de la baliser.
Le Président (M.
Morin) : Merci. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur le
sous-amendement du député de Richelieu?
M. Rochon :
...je ne vous ai pas demandé la parole, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : Non, mais j'ai demandé s'il y avait des interventions
au sous-amendement que le député de Richelieu a déposé. Je vous nomme en plus,
que c'est vous. Oui, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Je ne
lâcherai pas le morceau sur une chose, il va falloir qu'on ait en quelque part... La ministre nous appelle à
avancer, mais le problème, c'est que, quand on fait des propositions, qui restent toujours dans le même
sens, là, les appels à la violence et la
balise de la loi, il n'y a pas
moyen. Le refus est répété, de l'autre côté, d'essayer de baliser la loi. Elle était d'accord pour ajouter des
choses : marginalisation, rejet, mais, quand nous, on dit : Il y en a
trop large, ça ratisse trop large,
c'est une boîte de Pandore, on n'a pas de réponse. On se fait même dire qu'on
ne veut pas collaborer. On ne fait
que ça, tellement qu'on est allés chercher l'opinion du premier ministre. On
est allés chercher l'opinion du premier ministre. On n'est pas allés
chercher de notre bord, on est allés chercher du côté du gouvernement, M. le
Président.
Alors,
moi, je pense qu'il va falloir en arriver à baliser cette loi, et présentement,
la balise qui nous est donnée est beaucoup trop large. Les gens nous ont
dit : Au pire, puisque vous voulez de cette loi, à tout le moins,
décrivez-nous qu'est-ce qu'un discours haineux. Mais la proposition
gouvernementale est trop large. Elle est trop large. Nous, personnellement, comme formation, nous enlèverions
la notion de discours haineux pour aller vers un discours incitant à la violence. Nous avons fait plusieurs
propositions. Ça ne rentre pas? Bon. On peut-u au moins, bien, avoir de
l'espoir pour baliser cette loi-là, pour
baliser le type de discours? C'est ça qu'on cherche, M. le Président. Ce n'est
pas plus que ça. Ce n'est pas plus que ça.
Alors,
je vais rappeler la ministre à son premier ministre, je vais lui rappeler ce
qu'il a dit. «"Nous ne voulons pas brimer la liberté
d'expression", explique le premier ministre. Le premier ministre [...]
convient de la nécessité de restreindre la
portée du projet de loi 59», pas de définir «discours haineux» seulement, de
restreindre la portée du projet de loi.
Restreindre. Est-ce que, jusqu'ici, on a restreint la portée? Non, M. le
Président. Le premier ministre a dit : Je vais demander à ma ministre de restreindre la portée du
projet de loi. Est-ce que ça a été fait? Non, M. le Président.
Jusqu'ici, on n'a pas de restriction. On a
une définition du discours haineux qui est «at large», mais cette discussion...
On en rajoute. À la demande de la CAQ, on en rajoute, des possibilités,
des ouvertures. Je ne critique pas la CAQ, mais je dis qu'à tout le moins
enlevons «dénigrement», faisons quelque chose.
Le premier ministre a dit : Il
prohibera seulement l'appel direct à la violence. C'est clair, ça, seulement
l'appel à la violence. Là, ça va être le dénigrement. Il y a tout un monde
entre l'appel à la violence et l'appel au dénigrement. Il y a tout un monde. C'est ce monde-là, c'est cette distance-là, là,
qu'on essaie de raccourcir, M. le Président. Il n'y a pas beaucoup d'écoute
de l'autre côté pour raccourcir cette distance-là et faire ce que le premier
ministre du Québec a demandé à la ministre. C'est écrit comme ça : restreindre la portée
du projet de loi n° 59 et
prohiber seulement l'appel à la violence. «Le but [...] n'est
pas...» Je cite encore le premier ministre puisqu'on ne semble pas, de
l'autre côté, être d'accord. «Le but
[...] n'est pas de réduire la liberté d'expression au Québec, mais d'en
indiquer la limite, qui, à mon avis, requiert
le consensus et va recueillir le consensus des citoyens...» C'est parce que ce
n'est pas vraiment le consensus, là. Le
premier ministre continue : «On peut dire des bêtises. On peut dire toutes
sortes de choses, mais on ne peut pas appeler à la violence. [...]la "démarcation" entre l'acceptable et
l'inacceptable [...] doit être explicite et définie. La ligne pour moi,
c'est l'appel direct à la violence...»
Ça,
c'est ce que le premier ministre dit : Nous allons restreindre
l'application de la loi à la violence, mais on va aussi restreindre la portée du projet de loi
n° 59. Chaque fois qu'on amène une proposition qui correspond à ça, c'est
non, M. le Président. Il est d'usage, dans une commission parlementaire...
• (16 h 30) •
Le Président (M.
Morin) : Je vous invite à conclure, Mme la députée de
Taschereau.
Mme
Maltais :
...d'essayer de trouver la voie de passage. Semble-t-il que ce n'est pas
celle-là.
Le Président (M.
Morin) : Merci, Mme la députée de Taschereau. M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Moi, je suis neuf
dans cette commission-là et je vois... la députée de Taschereau
essaie de démontrer qu'il y a un danger, quand on parle de discours haineux,
d'ouvrir une définition qui embrasse très large puis qui peut juste compliquer les choses quand on va
essayer de définir qu'est-ce que c'est vraiment, le discours. Puis il faut vraiment être... Il y a
plein de débats dans la société qui entraînent des discours, des fois, qui
peuvent... qui viennent dénigrer les
autres. Comme députés, on en voit plein. Il y a le discours sur les projets de loi comme les armes à feu. Tu sais, on entend, là, nos citoyens parler, puis, des fois, ça peut être proche du
dénigrement ou de... C'est un exemple, mais il y a plein d'autres débats
dans la société qui peuvent amener, des fois, des discours qu'il faut
comme tempérer, qu'il faut...
Ça
fait que, moi, quand je lis ça, je vois plein d'exemples, puis il s'agit
juste d'écouter la radio de Québec
aussi, on en voit plein d'exemples, tu sais.
Je me dis : Qu'est-ce qu'on fait? On vient-u se mêler de ça? C'est pour ça
que moi, je n'ai pas le goût de me
mêler de tout ça. Quand le premier
ministre parle qu'il faut
combattre la violence, je suis bien d'accord avec lui. Moi, je pense, c'est cet enlignement-là qu'il faut
prendre, ce n'est pas autre chose. Ce n'est pas essayer de se mêler de la définition des discours d'un et de
l'autre : C'est-u haineux? Ils font-u du dénigrement? Je trouve qu'on
s'enligne dans un circuit, un processus qui peut être très dangereux pour la
suite des choses.
Puis
je comprends exactement où veut en venir ma collègue de Taschereau,
essayer de dire : Bien, O.K.,
là, il faut régler une
problématique. Le premier ministre l'a bien identifiée, c'est correct, mais
concentrons-nous là-dessus. N'essayons pas d'ouvrir cette boîte de Pandore, comme elle nous parlait tantôt.
Puis dénigrement, je vais vous dire, effectivement, ça peut être très... on en voit à chaque jour, là,
des discours dans nos bureaux ou dans des gens qui nous... dans plein de
débats, tu sais, on peut commencer... Ça
fait que c'est pour ça, moi, depuis le début puis, quand j'ai lu la déclaration
du premier ministre, je pensais qu'il y avait une façon
d'avancer dans le projet de loi, ça fait que je suis plutôt d'accord avec ce que ma collègue dit, puis il me semble qu'on devrait se concentrer là-dessus,
parce que sinon on va essayer de toujours avoir des
précisions sur toute cette large définition des discours haineux, etc.
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. Il n'y a pas que nous, hein, on ne cesse de le répéter, qui trouvons que
ce projet de loi embrasse trop large. Deux
autres opinions, M. le Président. Yves Boisvert, dans La Presse, il écrit qu'il n'est pas seulement inutile, le projet de loi libéral, il
risque d'être absolument néfaste. «Dans un pays laïque, l'État ne doit
favoriser aucune religion et, de leur
côté, les individus doivent accepter une diversité de points de vue religieux — ou areligieux. Ce qui veut dire
accepter des discours désagréables, choquants, [dénigrants],
blessants[...] — dans
les limites déjà prévues par la loi.
«Les
limites actuelles suffisent — écrit Boisvert — et je ne vois pourquoi on enverrait à une
commission déjà empêtrée dans les délais le soin de faire des enquêtes
qui relèvent de la police.»
«La liberté
d'expression — là,
cette fois, c'est Denise Bombardier, tiens — si vantée [...] qu'elle est
brandie comme l'étendard de nos valeurs démocratiques se voit fragilisée par ce
fumeux projet de loi 59.» Ça, c'est un peu dénigrant,
«fumeux», mais... permis d'employer des expressions comme celles-là. «En fait,
dans le contexte occidental actuel,
c'est à la défense de liberté d'expression qu'il faut se consacrer.
L'exagération, la caricature, l'outrance verbale, la grossièreté,
l'obscénité — c'est
elle qui écrit ça — ces
formes peu recommandables de l'expression humaine doivent avoir droit de cité — que ça plaise ou non. C'est par la pédagogie
à travers la transmission de la culture et de la lutte contre les
préjugés que l'on améliorera le climat social et que l'on élèvera les débats
sur des thèmes délicats et explosifs par ailleurs. Nos lois protègent déjà
contre les propos haineux et l'appel à la violence. Le projet de loi 59 veut plutôt
distraire ou faire silence sur le fait que
le terme "islamophobie" dont usent les libéraux à l'endroit des gens
qui critiquent le radicalisme islamique est une prise de position pour
enfermer la parole libre.» Fin de la citation de Mme Bombardier.
Encore une fois, je le réitère, il y a des mots, là, qu'il faut faire disparaître
de cet article, et le mot «dénigrement» en est certainement
un. Ça va trop loin.
Le Président (M. Morin) :
D'autres interventions sur le sous-amendement?
Mme
Maltais : ...reste
du temps, M. le Président?
Le Président (M. Morin) : Un
peu, pas beaucoup. Il n'en reste... Mme Maltais, c'est terminé pour vous.
Mme
Maltais : Mme la
députée de Taschereau.
Le Président
(M. Morin) : Oui. Je
me laisse emporter par le débat, je devrais... Excusez-moi, chère
madame.
Mme
Maltais : Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Morin) :
Votre temps était écoulé, vous.
Mme
Maltais : Je ne
vous en tiendrai pas rigueur.
Le Président (M. Morin) :
J'espère. Votre temps est écoulé quand même.
Mme
Maltais : Ah! d'accord.
Le
Président (M. Morin) :
Ça va? D'autres interventions sur le sous-amendement? Donc, c'est le temps de passer au vote. Est-ce
que le sous-amendement est adopté?
Mme
Maltais : Vote par
appel nominal, M. le Président.
Le Président (M. Morin) : Oui,
Mme la députée de Taschereau. Mme la secrétaire.
La Secrétaire : M. Rochon
(Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
La Secrétaire : Mme Maltais
(Taschereau)?
Mme
Maltais : Pour.
La Secrétaire : M. LeBel
(Rimouski)?
M. LeBel : Pour.
La Secrétaire : M. Jolin-Barrette
(Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire : Mme Vallée
(Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
La Secrétaire : M. Merlini
(La Prairie)?
M. Merlini : Contre.
La Secrétaire : M. Bolduc
(Mégantic)?
M. Bolduc : Contre.
La Secrétaire : M. Rousselle
(Vimont)?
M. Rousselle : Contre.
La Secrétaire : M. Boucher
(Ungava)?
M. Boucher : Contre.
La Secrétaire : M. Proulx
(Jean-Talon).
M. Proulx :
Contre.
La Secrétaire : M. Morin
(Côte-du-Sud)?
Le Président (M. Morin) : Je
m'abstiens.
La Secrétaire : C'est rejeté.
Le Président (M. Morin) :
Donc, le sous-amendement est rejeté. Est-ce qu'il y a d'autres interventions
sur l'amendement de la ministre?
Mme
Maltais : M. le
Président, je vais avoir un sous-amendement : Modifier l'amendement
modifiant l'article 1 de la loi, proposé par
l'article 1 du projet de loi, en supprimant, dans l'alinéa introduit par le
troisième paragraphe de l'amendement, les mots «ou au rejet».
Le Président (M. Morin) :
C'est bien. Je suspends quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 39)
(Reprise à 16 h 45)
Le
Président (M. Morin) : Nous reprenons nos travaux. Mme la députée de Taschereau, sur votre sous-amendement.
Mme
Maltais : Oui. Peut-être je vais le répéter parce que c'est quand même
une suspension, là. En fait, modifier l'amendement modifiant l'article 1 de la loi, proposé — toujours là-dedans — par l'article 1 du projet de loi — parce
que c'est un projet de loi qui a un article
1 dans lequel il y a un article 1, on crée une nouvelle loi — dans l'alinéa introduit par le
troisième paragraphe de l'amendement de la ministre, les mots «ou au rejet».
En fait, on
veut enlever «ou au rejet». On cherche à baliser la loi. On ne fera pas... Je
veux juste dire, là... ça ne veut pas
dire qu'on va faire tous les termes, on a choisi les termes que nous trouvions
beaucoup trop larges. Il faut voir l'énumération.
Si on regarde la proposition ministérielle, regardez l'énumération qu'on a
devant nous : «Est un discours haineux, un discours visé au
deuxième alinéa qui, [aux yeux d'une personne raisonnable,] de l'avis d'une
personne raisonnable — maintenant, c'est vrai — est d'une virulence ou d'un extrême tel
qu'il est susceptible d'exposer ce groupe à la marginalisation, au rejet, à la détestation, au dénigrement ou à l'aversion...»
Cinq thématiques à peu près... pas tout à fait, mais à peu près interchangeables, procédant des mêmes processus
émotifs qui nous amènent à dire que quelqu'un, on le marginalise, on le
rejette, on l'a en aversion. Si on l'a en aversion, on le rejette; si on l'a en
aversion, bien, on le marginalise; si on le
déteste, bien, on le rejette. Il y a une accumulation actuellement, là, dans
cette loi-là, là, qui fait qu'elle est
beaucoup trop vaste. Alors, on a choisi des termes que nous trouvons tout à fait
étant superfétatoires, M. le Président. Voilà le terme que je
cherchais : superfétatoires.
Alors, «ou au
rejet, à la marginalisation» qui a été ajouté, puis là on ajoute «ou au rejet».
On est «à la détestation» et on
ajoute «ou au rejet». On est «au dénigrement», qu'on n'a pas voulu enlever, et
on ajoute «et au rejet et à l'aversion», et on ajoute «et au rejet».
C'est ça qu'on essaie d'expliquer.
M. le
Président, je vois que mon collègue de Jean-Talon jase avec quelqu'un qui n'est
pas député à la table, quel dommage.
Merci beaucoup. Alors, merci, j'apprécie le... des parlementaires. Je ne sais
pas s'il a des choses à raconter, le député
de Jean-Talon, aujourd'hui. C'est une journée particulière. Merci. O.K. Alors,
s'il jase avec son attaché de presse, il a des choses à raconter.
Bon. Alors,
je disais que nous avons présentement une séquence de mots, cinq mots qui se
cumulent les uns et les autres.
Alors, nous trouvons, M. le Président, que le gouvernement en fait un peu trop.
Nous cherchons les termes les plus superfétatoires, ceux dont on
pourrait se débarrasser pour essayer de baliser un peu mieux la loi. Je pense
que, de ce côté-là, «au rejet», c'est aller peut-être un peu trop large. On a
déjà «à la marginalisation». D'ailleurs, on dit : «...à la marginalisation
ou au rejet...» On semble les mettre dans le même morceau. Alors, je comprends
que la collègue de Montarville avait proposé «à la marginalisation».
Maintenant, si on en ajoute, on peut probablement en enlever. Semble-t-il que
Whatcott, tout à coup, n'est plus intouchable, M. le Président.
Alors, on aimerait ça que la ministre enlève «ou
au rejet» pour donner un signe qu'elle est prête à amener des balises à cette loi. Tout simplement, on veut des
balises plus serrées, plus resserrées à la loi. Je répète que nous ne
prenons pas tous les termes, nous avons choisi ceux que nous trouvons
superfétatoires. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Morin) : Mme
la ministre.
Mme Vallée : On conserve
«détestation» cette fois. Je suis étonnée de voir à quel point... tout à
l'heure, le mot «détestation» devait
absolument sortir de la définition, et là, dans le nouveau sous-amendement, il
demeure. C'est tout simplement...
Mme
Maltais : ...
Mme
Vallée : Ah! excusez-moi, «dénigrement», il est toujours...
Désolée, oui.
Mme
Maltais : ...savez-vous pourquoi il est encore là? Parce que
les parlementaires, le gouvernement et la CAQ ont refusé de l'enlever. Il est encore là, c'est sûr. Mais, si vous
voulez qu'on l'enlève, il n'y a pas de problème, c'est ce qu'on vous a proposé tout à l'heure. Avec votre
consentement, M. le Président, nous allons reprendre le sous-amendement qui a été déposé puis on va l'accepter. Je suis
contente si on veut véritablement l'enlever. Bien oui, il est encore là,
vous avez refusé de l'enlever. C'est sûr.
• (16 h 50) •
Mme
Vallée : En fait, M. le Président, vous savez très bien que la
collègue pourrait déposer un sous-amendement différent. Mais, bref, ceci étant dit, je n'aurai pas de commentaire
parce que je pense que je les ai faits tout à l'heure et puis je vais
continuer d'écouter les commentaires des collègues.
Le Président (M.
Morin) : Merci, madame... Oui, M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Il me semble que le travail en commission sert à ça, là,
d'essayer de voir à améliorer le projet de loi, de s'entendre. Ce que propose la collègue de Taschereau, c'est collé à
ce que les gens sont venus dire en commission aux consultations. C'est la demande des gens qui sont
venus, puis on est là pour écouter puis essayer de voir, ce qu'ils nous ont dit, est-ce qu'on est capables
d'intégrer ça dans le projet de loi puis faire les amendements qu'il faut, essayer d'écouter ce que les citoyens nous ont
dit pour améliorer. Et là le fait qu'on revienne à chaque fois, c'est parce qu'on se dit : À un moment donné, il va
y avoir de l'ouverture, à un moment donné, il va y avoir une porte qui
va s'ouvrir, puis on ne lâche pas, on continue à expliquer. Tu sais, on aurait
bien aimé, tantôt, là... c'était détestation...
Une voix :
...
M.
LeBel : Dénigrement, de l'enlever. Le gouvernement... la majorité
refuse de le faire. Est-ce qu'on aurait une autre porte pour essayer de répondre à ce que les groupes sont venus
nous donner, nous dire ici? C'est ce qu'on essaie de composer puis on attend l'ouverture de l'autre
côté, voir qu'est-ce qu'on pourrait faire pour travailler ensemble là-dessus,
répondre positivement à cette volonté-là de
baliser davantage puis de faire en sorte qu'il y ait moins de danger dans
une définition qui est beaucoup, beaucoup trop large. C'est ce que les gens
nous ont dit. Ça fait qu'on attend l'ouverture parce que je pense qu'on est là
pour faire ça, travailler ensemble.
Le Président (M. Morin) : Oui, M. le député de Richelieu,
j'avais pressenti que vous vouliez intervenir. Allez-y.
M. Rochon :
Vous avez bien senti, vous avez eu une bonne intuition masculine, M. le
Président. Alors, dans la foulée de
ce que vient d'exprimer mon collègue de Rimouski et auparavant ma collègue de
Taschereau, en effet, nous souhaiterions que la ministre ferme son
dictionnaire de synonymes et ouvre son esprit à notre volonté — ...
Une voix :
...
M. Rochon :
...non, ce n'est pas dit du tout, du tout méchamment, là — s'ouvre
à notre volonté de baliser le projet de loi.
Il
y a beaucoup de groupes qui se sont prononcés contre le projet de loi :
Juristes pour la défense de l'égalité et des libertés fondamentales, Chaire de recherche contre l'homophobie,
GRIS-Québec et Conseil québécois LGBT, Table ronde du Mois de l'histoire
des Noirs, Centre consultatif des relations juives et israéliennes, Point de
bascule, Association canadienne des libertés
civiles. On ne fait pas cavalier seul, là. Il y a beaucoup de monde qui veulent
voir le gouvernement, la ministre
réajuster leur tir. C'est ce que nous souhaitons ardemment, M. le Président, en
toute bonne volonté, d'ailleurs.
Le Président (M.
Morin) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
M. le Président, on attend une réponse de l'autre côté autre qu'un refus global
de ce que nous apportons comme éléments de discussion.
Depuis
ce matin, nous disons que nous nous fondons sur une promesse qui avait été faite
par le premier ministre à l'effet que
ce projet de loi ne touche qu'aux appels à la violence. C'était l'engagement du
premier ministre à l'effet que le projet de loi n° 59 serait
modifié de façon à être restreint, de baliser, et ça concernerait seulement les
appels directs à la violence.
Maintenant,
non seulement on nous a refusé toutes les modifications que nous avons tenté
d'apporter en essayant de baliser
cette loi en fonction des appels à la violence, mais, quand on touche à la
définition du discours haineux pour essayer de mieux la baliser, pour éviter qu'on ajoute, qu'on cumule les motifs
d'appel face à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse... parce que c'est ça, on va
cumuler les motifs, M. le Président, d'appel. C'est ça, l'affaire, là. Le résultat de chacun de ces
mots-là, c'est de cumuler les motifs d'appel à une dénonciation à la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. C'est ça, le
résultat, là, du cumul de ces mots-là.
Alors, si tu
cumules les mots, tu cumules les motifs, tu cumules le sentiment d'aversion,
marginalisation, rejet, détestation, dénigrement, aversion notamment
pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, et dangereux, et ignoble. On va le voir,
on en a peu parlé. Mais pourquoi cumuler marginalisation et rejet? C'est quoi, la différence? On pourrait-u... Est-ce qu'on pourrait au moins
savoir ça de la part de la ministre? Moi, à mon avis, marginalisation et
rejet, ça procède sensiblement des mêmes
résultats. C'est à peu près les mêmes
résultats. Dénigrement... Nous, on
trouvait que détestation, et
dénigrement, et aversion, ça faisait beaucoup. On nous a refusé ça. Mais là, «au rejet», il est
où le blocage? Pourquoi on ne peut
pas intervenir dans cette définition du discours haineux sans avoir un refus et
un blocage systématique de la part du
gouvernement? Pourquoi on ne peut pas essayer de baliser cette
loi-là sans avoir un refus systématique du gouvernement? C'est la
question que nous posons.
Je
répète que nous avons validé chacun des termes. Nous ne sommes même pas
d'accord avec «discours haineux», mais, devant faire notre travail de
législateur et essayant de diminuer les impacts de cette législation sur la société
québécoise, sur les Québécois et les Québécoises qui ont des propos qui
pourraient être interprétés comme suscitant du rejet, et de l'aversion, et de la détestation, pour
protéger ces Québécois-là, on essaie de restreindre les motifs d'appel
au tribunal des droits de la personne
et de la jeunesse. Le problème qu'on a, M. le Président, c'est que, de
l'autre côté, ça commence à être
perçu de notre côté comme une certaine intransigeance. C'est correct, je parle
de nous, je parle de notre perception. Je peux dire, M. le Président, ce
que nous, on perçoit.
M. Rochon : Un rejet.
Mme
Maltais : Un
rejet, un rejet de nos propositions, clairement. Un rejet de nos propositions.
Mais là, là, il va falloir un jour... Non, je dis qu'il y a un rejet puisque,
jusqu'ici, les propositions que nous avons faites ont toutes été... Quand vous dites : Est-ce que... M. le Président, quand vous appelez le vote : Est-ce que l'amendement... c'est quoi, la réponse? Rejeté. Ça s'appelle rejeté, M. le
Président. C'est exactement le terme parlementaire. Alors, j'ai repris le terme
parlementaire, à la suggestion de mon collègue le député de Richelieu, qui est
toujours aussi pertinent.
Alors, nous
désirons baliser la loi. Alors, on ne veut pas empiler les motifs d'appel. Je
répéterai que la commission des droits de la personne et de la jeunesse
est empêtrée actuellement dans les dossiers. Cette commission a des délais
d'attente quand il s'agit du traitement des plaintes, juste la traiter,
simplement dire : Avant de dire, là : Est-ce qu'on va poursuivre ou
pas, ce traitement-là, là, est-ce que la plainte est frivole? Est-ce qu'elle
est solide? Est-ce qu'elle est traitée?
C'est près d'un an, près d'un an. Alors, comme c'est près d'un an, il est
important que les gens qui vont s'engager dans ce processus-là, il n'y
en ait pas trop, d'autant que ce n'est pas un processus facile.
Être ciblé
sur dénonciation anonyme, par ailleurs, sur dénonciation anonyme par la CDPDJ,
ça veut dire que ton employeur le sait probablement, parce qu'il va y
avoir discussion, il peut y avoir une enquête. Et des employeurs du monde de
l'éducation sont venus nous dire : Bien, on va être obligés de suspendre
le personnel, on va être obligés de suspendre
le monde pendant le traitement de la plainte. Durée du traitement de la
plainte : un an. C'est ça, le problème, là.
C'est pour ça
qu'on essaie... Comprenez bien, je veux vraiment expliquer, on essaie de faire
qu'on n'ouvre pas une boîte de
Pandore qui fasse que des gens se retrouvent devant la Commission des droits de
la personne et des droits de la jeunesse
pendant un temps énorme et se trouvent stigmatisés, parce que là, le rejet, là,
c'est les personnes qui vont être poursuivies qui vont le vivre. Il y a
ça aussi, là, qu'on oublie. Une personne qui se fait poursuivre, là, c'est dur,
il y a une stigmatisation. Tant qu'il n'y a pas la réponse, il y a une
stigmatisation.
Alors, on
essaie d'intervenir. On a proposé d'enlever le dénigrement. Moi, je ne
comprends pas qu'on ait conservé «dénigrement»,
là, puis je ferais remarquer que la CAQ a voté contre le fait d'enlever le
dénigrement. Mon collègue de la CAQ, lui, il est d'accord
avec ça, on garde la loi très large, très ouverte. Dénigrement? Envoie, «let's
go». «Au rejet», j'ai hâte de voir ce qu'il va en penser puis ce que le gouvernement
va en penser, parce que ce que nous voyons, c'est le cumul des motifs — des
motifs — de
plainte à la CDPDJ dans un processus très long.
M. le
Président, que puis-je dire d'autre pour le moment — bien sûr, pour le moment — que nous ne comprenons pas pourquoi, s'il y a marginalisation, il y a
encore rejet, s'il y a dénigrement, il y en a encore rejet, s'il y a
détestation, il y a encore rejet, s'il y a aversion, il y a encore rejet, mais
particulièrement marginalisation, rejet, là on joue dans la même famille.
Alors, je
vous demande, M. le Président, qu'on enlève «rejet». Ce n'est pas parce que je
ne veux pas... Là, discours haineux,
on vit avec, là. On n'est pas contents, on n'est pas d'accord, mais on vit
avec, on essaie de l'améliorer, cette partie de la loi. J'invite la
ministre à améliorer cette partie de la loi, M. le Président.
• (17 heures) •
Le Président (M. Morin) :
Merci, Mme la députée de Taschereau. Est-ce qu'il y a un commentaire, Mme la
ministre...
M. Jolin-Barrette : M. le Président?
Le Président (M. Morin) :
Oui. Oui, M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Peut-être... Écoutez, je souhaite intervenir
parce que je me suis senti interpellé par la députée de Taschereau,
parce qu'elle a fait état de notre position. Et d'ailleurs je pense que, dans
le règlement, c'est prévu que, suite à une
intervention d'un membre de la commission, lorsqu'on se sent interpellé puis
qu'on veut rectifier un propos, on peut
le faire, puis c'est ce que je vais faire. Puis je pense que j'ai exprimé
clairement ma position tout à l'heure à l'effet de pourquoi est-ce qu'on
voulait étendre ça au discours haineux. Et la députée de Taschereau nous
dit : On élargit ça comme ça puis on y va comme ça. Je pense que les
explications que j'ai données tout à l'heure étaient plus explicites qu'uniquement l'argumentaire qu'elle m'attribue.
Donc, je voulais simplement spécifier, M. le Président, que, lorsqu'on indique qu'on veut
élargir la question des discours haineux, c'est notamment pour lutter contre
les discours qui pourraient mener au
dénigrement des valeurs québécoises, notamment l'égalité entre les hommes et
les femmes.
Et
d'ailleurs, aussi, on invoque beaucoup les délais, là, M. le Président, de la
Commission des droits de la personne, mais
je comprends de la proposition de la députée de Taschereau, qui voulait limiter
ça uniquement aux discours suscitant la violence, eh bien, ça serait les mêmes délais. Donc, sa proposition
aussi vient nous ramener à la question des délais à la Commission des
droits de la personne, au Tribunal des droits de la personne. Donc, on peut
avoir aussi la discussion peut-être qu'on
devrait avoir davantage de ressources aussi. Puis c'est une question
d'accessibilité à la justice, et non pas uniquement sur la question des délais et du projet de loi n° 59.
Mais, plus large que ça, l'accessibilité à la justice, c'est quelque chose qu'au Québec... où il faut
s'attaquer, parce que les citoyens, lorsqu'ils veulent avoir accès aux
tribunaux, bien qu'il y ait des moyens
alternatifs de règlement des différends, bien, ils se retrouvent dans des longs
délais dans des causes civiles et dans des causes criminelles. Et, ça
aussi, il va falloir s'y attaquer.
Mais c'est le point
de rectification que je voulais apporter, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : Merci, M. le député de Borduas. M. le député de
Rimouski.
M.
LeBel : Le député de Borduas a expliqué sa position par rapport au
discours haineux; c'était parfait. C'est son opinion puis on respecte
tout ça. Ce que la députée a dit, juste que nous, on essaie de... O.K.,
discours haineux, on comprend, mais on veut essayer de le recentrer, de
préciser les choses. Et on a amené un amendement pour enlever «dénigrement» et
vous avez voté contre l'amendement. C'est tout ce qu'elle a dit, ce n'est
pas...
Puis, par rapport au
délai, ce n'est pas un argument, là, pour nous autres. Le délai, il faut
travailler là-dessus, c'est certain.
Mais rajouter tout ça, là : «marginalisation», «détestation», «rejet»,
«dénigrement», «aversion»... on va regarder les délais, vous allez voir. Moi, je ne
comprends pas qu'on ne voit pas le problème, là, qui est... C'est immense. La marginalisation, c'est quoi, la
marginalisation? Où est-ce qu'on va avec... Jusqu'où on parle de marginalisation? On pourrait faire une belle table
ronde ici avec plein de groupes, là, puis, vous allez voir, on va jaser
longtemps. La détestation, c'est
quoi, la détestation? C'est pour ça que je ne comprends pas qu'on ne voit pas
qu'il y a un danger de laisser ça si
ouvert.
Puis,
nous, en tout cas, on essaie de voir comment on peut faire pour resserrer tout
ça. Si vous avez des idées, on va en
discuter, mais l'objectif, c'est de resserrer puis de s'assurer qu'on ne dérape
pas puis qu'on n'embourbe pas le réseau qui déjà prend plus qu'un an à
traiter des plaintes.
Moi,
je ne sais pas, là, mais il me semble qu'on devrait voir le problème. Comme
dirait l'autre, comme un ancien député, il y a un malaise dans le
problème, on devrait le voir. Puis il y en a un.
Le Président (M.
Morin) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, j'aurais presque envie de lancer un défi à mes collègues de l'opposition.
Bon, il est 17 h 5. La commission
va suspendre à 18 heures. Mais moi, je suis prête à considérer, d'ici la
prochaine séance de la commission parlementaire, toute définition du discours haineux que les collègues
pourraient... Une définition plus globale. Plutôt que de procéder, là, par sous-amendement, compte
tenu des règles que tout cela
apporte, si les collègues ont une définition à nous proposer,
globale, du discours haineux, on pourrait la regarder.
Écoutez, moi, je ne
suis pas fermée. Parce que, là, on y va mot à mot. Puis je pense que ce n'est
pas la façon de travailler que de prendre la définition actuelle et de la
charcuter mot par mot, parce qu'on risque de s'éloigner de l'objectif et du
sens de la définition, d'une définition profonde. On avait fait l'exercice parce
que, lors de la première séance de la commission parlementaire, la députée
de Montarville nous avait soumis
des propositions d'amendement
qu'elle entendait déposer. Et l'exercice que nous avions fait, c'était de les
analyser et d'incorporer à l'intérieur de certains amendements ce qui allait dans
le sens du projet de loi. Alors, moi, je ne suis pas fermée à
travailler de cette façon-là.
Puis
je tiens à rappeler aux collègues évidemment que, lorsqu'on lit l'article 1 dans son ensemble, parce que j'ai mentionné à bien des
reprises qu'il ne fallait pas regarder... bien que nous faisions l'étude alinéa
par alinéa, il fallait quand même lire
l'article dans son ensemble, et que les discours incitant à la violence sont
touchés, et que les discours haineux
touchent certains types de discours bien précis attaquant les groupes en raison
de leurs qualifications, en raison de leurs
caractéristiques communes, caractéristiques que l'on retrouve définies et
énumérées à la charte des droits. Donc, on n'est pas dans le registre
des armes à feu, soyez-en assurés, chers collègues.
Alors,
tout ça pour dire, M. le Président, que, si les collègues... Parce que
j'écoutais la députée de Taschereau tout à l'heure qui nous disait : Nous, on souhaite vraiment travailler,
puis c'est le travail des parlementaires, puis on souhaite bonifier,
puis on veut travailler de façon positive et proactive. Je suis tout à fait
prête à aller dans ce sens-là. Et donc il
pourrait y avoir le dépôt de façon informelle, ou même un dépôt d'amendement
que nous allons étudier, que nous allons prendre le temps d'étudier avec les juristes parce que c'est important
de le faire. Mais je suis ouverte à cet exercice-là, plutôt que d'y aller sous-amendement, mot par mot,
à tenter de charcuter une définition et de revenir. Je ne pense pas que
ça serve nécessairement l'intérêt commun. Je pense qu'on peut travailler
autrement.
Et puis cette
définition-là, évidemment, si l'opposition est d'accord d'aller de l'avant,
bien, on pourrait, si on s'entend sur une définition, une définition qui
correspond à une vision commune que nous pourrions avoir autour de la table, bien, nous pourrions par la suite
appeler le vote, appeler l'article 1 tel qu'il pourrait être amendé, et
appeler le vote puis, par la suite,
passer à l'article 2. Ça serait peut-être une façon plus constructive de
travailler. Je vous soumets ça comme ça. C'est peut-être fou, là, mais
c'est une idée que j'ai eue en écoutant les collègues.
Le
Président (M. Morin) : Il n'y a jamais de proposition folle. Il
s'agit d'en discuter. Oui, Mme la députée de Taschereau?
Mme
Maltais :
Effectivement. Vous êtes sage, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : Regardez...
Mme
Maltais : Vos cheveux blancs? Oui, vous avez des cheveux
blancs. Si c'est synonyme de sagesse, je vais prendre le commentaire, M.
le Président, ainsi que les collègues autour.
Le Président (M.
Morin) : ...
• (17 h 10) •
Mme
Maltais : Oui? Ils ne paraissent pas tous. Écoutez, je
comprends la proposition de la ministre. J'ai entendu le débat qu'on a eu aujourd'hui. On va y réfléchir
sérieusement, très sérieusement — je vais lui dire, là — à déposer une définition de «discours haineux». On va y réfléchir. Je vous ai dit à
quel point nous sommes, pour nous, là, dans ce qu'on appelle le contrôle des dommages à la société
québécoise que nous amène cette loi. Donc, dans le contrôle des
dommages, je le prends comme ça, dans le
contrôle des dommages que peut faire cette loi, on va y réfléchir pendant
l'arrêt. Puis peut-être qu'on arrivera effectivement avec une proposition,
puis on verra ce que ça donne comme article 1 après, puis on verra s'il y
a encore des aménagements à faire. Mais ça pourrait faire avancer cet alinéa-là
de façon plus rapide si on s'entend, on l'a toujours
dit. O.K. On va y réfléchir puis on verra si on peut
arriver avec une proposition — je pense que c'est possible — qui
puisse aller chercher l'aval de tout le monde. On va travailler en ce sens-là.
Maintenant,
nous en sommes toujours à notre
sous-amendement, parce qu'il va bien falloir parler de quelque chose, c'est le seul qui est sur la table actuellement.
Alors, comme il est sur la table avec «rejet», bien, M. le Président, moi,
je considère encore que, comme c'est la
proposition que nous avons sur la table, à moins que la ministre veuille
suspendre les travaux puis qu'on revienne la semaine prochaine, on peut aller
à...
Mme Vallée :
Non, non, non.
Mme
Maltais : J'adore! Non, d'ailleurs, on le fait avec quelques
pointes parfois d'émotivité, mais on le fait dans une bonne atmosphère.
On
a un problème avec le rejet parce qu'on a un problème avec l'accumulation; je
persiste à le dire, M. le Président. Maintenant, le collègue de Borduas
tout à l'heure disait : Oui, mais là vous êtes d'accord avec les discours
incitant à la violence, vous allez de toute façon augmenter le trafic à la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Un, premièrement, on
cherche une solution en n'acceptant qu'une partie, le discours appelant à la
violence. On cherche une solution. Ce n'est pas la loi qu'on aurait déposée.
Mais la CAQ est d'accord, elle, avec les discours haineux — c'est ça
que je trouve un peu désolant — elle est d'accord avec cette énumération du
type d'appel. Mais là, à la Commission des droits de la personne, si tu
ajoutes les discours incitant à la violence, qui sont là, avec le discours
haineux, qui, aux yeux d'une personne raisonnable, est susceptible d'exposer ce
groupe à la marginalisation ou bien au
rejet, ou bien à la détestation, ou bien au dénigrement, ou bien à l'aversion,
aïe, là, il va y en avoir, des possibilités de plaintes à la commission. Là, tu t'embourbes. Là, la Commission des
droits de la personne, elle risque d'être embourbée, à moins qu'on nous annonce qu'elle va avoir un
ajout, une somme d'argent qui va permettre de faire face aux demandes
qui viendront de cette loi-là.
Je vais rappeler
aussi à tout le monde que le Barreau a bien dit dans son mémoire qu'il aurait
été possible simplement d'introduire ces éléments-là dans le processus de
traitement des plaintes, de ne pas ajouter une autre section au tribunal des droits de la personne et de la jeunesse. Le
Barreau a dit ça. Ça fait que là on est dans un nouveau processus. Ça
fait que moi, j'avoue que je ne comprends pas la CAQ, là, premièrement.
Deuxièmement,
j'aimerais beaucoup, beaucoup, beaucoup qu'on balise la loi, qu'on la
restreigne. On va faire une tentative d'ici la semaine prochaine, mais
déjà, d'enlever «au rejet», on pourrait commencer à se dire : Bon, bien,
on travaille dans un sens positif puis on
essaie de sortir du sentier — non, je ne vais pas appeler ça le
sentier — de
l'ornière, M. le Président, de l'ornière
dans laquelle nous sommes actuellement. Vous savez ce que c'est qu'une ornière?
Une ornière, c'est parce qu'à force
de repasser dans le même chemin on a creusé le sillon des roues puis on
n'arrive plus à en sortir. Je dirais
même dans une autre image, M. le Président, on se croirait dans un chemin de
luge : on descend à toute vitesse puis on n'arrive pas à l'arrêter,
la luge. Cette luge, elle s'en va, à la fin, taper dans la liberté
d'expression.
Nous,
on essaie de sortir des ornières, on essaie de sortir de notre chemin de luge,
on essaie de s'ouvrir. On s'est ouverts,
d'ailleurs. Jusqu'ici, on a fait plein de propositions, mais on n'arrive pas à
quoi que ce soit, à empêcher le cumul des occasions pour les Québécois
d'être traînés en cour devant la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse. On essaie d'enlever des occasions aux gens de se
retrouver en cour.
Je répète que même
les rappeurs pourraient se retrouver devant le tribunal des droits de la
jeunesse — en
ayant écouté la CAQ, j'ai entendu ça tout à l'heure — que
même les rappeurs... Il est prêt à examiner la possibilité qu'un rappeur... Le député de Borduas est prêt à
examiner, M. le Président, qu'un rappeur qui a écrit une chanson qui
est, oui, de type haineux et qu'il soit traîné devant le Tribunal des droits de la
personne et des droits de la jeunesse. C'est drôle parce que,
quand cette loi-là est arrivée, c'est exactement l'exemple de ce qu'il ne fallait pas faire que tout le monde a dit. Tout le monde a dit justement :
Il ne faudrait pas que ça touche à ça.
En plus, cette loi-là touche aux mineurs. La
loi, elle peut faire que des mineurs, à partir de cette loi-là, soient traînés devant le tribunal de la jeunesse, parce
qu'il n'y a pas de différence entre les mineurs et les majeurs, on ne
parle pas des adultes
de 18 ans et plus, là, on parle des jeunes aussi là-dedans.
Bien, moi, je pense que c'est pour ça qu'il faut être extrêmement attentif à ce qui se passe.
Je pense, mon
cher collègue de Borduas, que vous devriez être un petit peu plus attentif
aux impacts de cette loi sur la société québécoise, je pense que ça va à
l'encontre de ce que vous prônez d'habitude et je pense qu'on a raison de demander d'enlever des bouts. Enlevons-en, des
parties; «ou au rejet» est une très belle proposition, ce n'est pas un
terme qui est essentiel dans cette loi-là.
On ne s'en va pas dans l'essence de la loi, on ne dérange pas le gouvernement au point de le sortir de ses ornières, on enlève un terme qui
n'est pas essentiel. Ça fait que je propose qu'on enlève un terme qui n'est pas
essentiel, M. le Président. Voilà.
Le
Président (M. Morin) :
Merci, Mme la députée de Taschereau. Est-ce qu'il
y a d'autres interventions?
Oui, Mme la ministre. Excusez.
Mme Vallée : Simplement,
c'est parce que j'écoutais encore attentivement notre collègue, qui reprenait
certains éléments du projet de loi, et je l'invite à relire les amendements qui
ont été déposés en liasse parce que, des préoccupations qu'elle a formulées,
nous avons répondu à certaines de ses préoccupations qui avaient également été formulées par des groupes lors des consultations. Alors, c'est pour ça d'ailleurs que nous avons déposé nos amendements en liasse, c'est pour éviter que nous soyons
interpellés et nous passions du temps, nous nous attardions à des enjeux
qui avaient été abordés par notre liasse d'amendements.
Le Président (M. Morin) : Merci,
Mme la ministre.
Mme
Maltais : ...M. le
Président, il me reste 10 secondes. Mais je veux juste clarifier de
quel...
Mme Vallée : ...puis l'article 11
du projet de loi, M. le Président. Un jour, nous y arriverons.
Mme
Maltais : Oui.
Le
Président (M. Morin) :
Ça va? Merci, Mme la députée de Taschereau. Est-ce qu'il
y a d'autres interventions sur
le sous-amendement? Je n'en vois pas, je n'en entends pas.
Nous sommes à voter sur le sous-amendement.
Est-ce que le sous-amendement est adopté?
Mme
Maltais : Vote par
appel nominal, M. le Président.
Le Président (M. Morin) :
Oui. Mme la secrétaire.
La Secrétaire : Mme Maltais (Taschereau)?
Mme
Maltais : Pour.
La Secrétaire : M. Rochon (Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
La Secrétaire : M. LeBel (Rimouski)?
M. LeBel : Pour.
La Secrétaire : M.
Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire : Mme Vallée (Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
La Secrétaire : M. Merlini (La Prairie)?
M. Merlini : Contre.
La Secrétaire : M. Bolduc (Mégantic)?
M. Bolduc : Contre.
La Secrétaire : M. Rousselle
(Vimont)?
M. Rousselle :
Contre.
La Secrétaire : M. Boucher (Ungava)?
M. Boucher : Contre.
La Secrétaire : M. Proulx (Jean-Talon)?
M. Proulx : Contre.
La Secrétaire : M. Morin (Côte-du-Sud)?
Le Président (M. Morin) : Je
m'abstiens.
La Secrétaire : C'est rejeté.
Le Président (M. Morin) :
Donc, le sous-amendement est rejeté. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Mme
Maltais : Oui, M.
le Président.
Le Président (M. Morin) :
Oui. Je vous écoute.
Mme
Maltais : Je vais déposer le sous-amendement suivant :
Modifier l'amendement modifiant l'article 1 de la loi, proposé par l'article 1 du projet de loi, en remplaçant, dans l'alinéa introduit par le troisième
paragraphe de l'amendement, les mots «notamment pour» par les mots «avec
l'intention que».
Le Président (M. Morin) : O.K.
Merci. Je suspends quelques instants pour que les collègues parlementaires
puissent avoir en main le sous-amendement.
(Suspension de la séance à 17 h 19)
(Reprise à
17 h 26
)
Le Président (M. Morin) :
Nous reprenons nos travaux. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui. M.
le Président?
Le Président (M. Morin) :
Oui.
Mme
Maltais : Écoutez, malheureusement, vous n'étiez pas là, je crois,
à ce moment-là, mais mon collègue le député de
Lac-Saint-Jean était venu ici, il nous a beaucoup
parlé de l'intention, car on est dans une matière délicate, on est dans la restriction de la liberté d'expression, on
est aussi — on
l'a vu dans cette partie-là de la loi et de l'amendement qui est proposé par la ministre — dans le cumul des motifs qu'on pourrait plaider
comme étant un discours haineux. Sauf que,
si jusqu'ici on a parlé des motifs et, quand on a vu ces
motifs, on a vu que ces motifs étaient, à notre avis, très
larges, mais ce n'est pas suffisant pour le gouvernement, ce n'est pas assez
large, on ajoute un «notamment». «Notamment» a l'air plus restrictif dans le sens où il pointe un certain type de
discours. La version gouvernementale, c'est notamment pour que ce groupe
soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble, un «notamment». Un
«notamment», ça exprime que ça peut être
notamment ça, ça donne un sens, mais ça n'exclut pas. Alors, ça ne dit pas non
plus... Donc, dans ce «notamment», il y a une capacité d'interpréter
qu'il y a encore de la place. À notre avis, il y a encore de la place puisque
c'est un «notamment». On dit quel genre, là, mais il pourrait y en avoir
d'autres, donc, «notamment».
Nous, ce
qu'on propose, c'est de l'enlever, de dire : Écoutez, on en a assez fait,
là, on arrête là. Il y a assez de motifs de poursuites dans cette loi. Il y en a trop, à notre avis. On nous
refuse le fait qu'il y en ait trop, mais il y en a trop. On verra peut-être à la prochaine séance si on arrive
à trouver une autre proposition autre, mais la proposition qui est sur
la table actuellement, là, elle déborde de motifs. Alors, nous, ce qu'on
propose, c'est d'enlever «notamment», mais de conserver cette idée qu'il faut
préciser l'intention, qu'il faut préciser la conséquence sur les gens parce
que, dans le «notamment», ce qu'on voit, c'est «notamment pour que ce groupe soit
perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble».
Ça, c'est une espèce d'intention que le groupe soit perçu. Mais, en gardant le
«notamment», là, on garde la place, on
en rajoute. Nous, ce qu'on propose, c'est d'être plus clair, c'est de
dire : «avec l'intention que ce groupe soit perçu». Il y a une
intention.
Est-ce que, le petit rappeur de tout à l'heure,
la CAQ accepterait qu'il soit poursuivi devant le Tribunal des droits de la
personne et des droits de la jeunesse?
Le Président (M. Morin) : ...Mme
la députée de Taschereau. M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Écoutez,
on est en train de me prêter des
intentions. J'ai soulevé un questionnement, M. le Président.
Le Président (M. Morin) :
Oui.
M.
Jolin-Barrette : Ce n'est
pas ce que j'ai affirmé, donc j'apprécierais que la députée de Taschereau fasse
preuve de précaution dans ses propos lorsqu'elle me les attribue.
Le Président (M. Morin) :
Donc, Mme la députée de Taschereau, on peut faire attention.
Mme
Maltais :
D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Morin) :
O.K.
Mme
Maltais :
Si le collègue veut dire qu'il refuse qu'un rappeur soit amené, là, dans la
situation qu'on a vue, devant le Tribunal
des droits de la personne et la jeunesse, je lui donne l'occasion de le dire.
Est-ce qu'il le refuse? Ça, c'est il n'a rien qu'à faire ça, ça va être
réglé, puis je n'en parlerai plus.
M. Jolin-Barrette : M. le Président,
sur la question de règlement, je pense que c'est assez clair, ce que j'ai
demandé. Et d'ailleurs, comme commentaire pour la collègue de Taschereau, ce
n'est pas si simple que ça.
Mme
Maltais : O.K.
M.
Jolin-Barrette : Donc, je
pense qu'elle a assez d'expérience pour savoir qu'il y a des cas de figure
particuliers et je pense qu'on doit prendre le temps de les analyser lorsqu'on
est confrontés à une situation comme celle-là.
Le Président (M. Morin) : On
continue nos travaux, Mme la députée de Taschereau?
• (17 h 30) •
Mme
Maltais :
Tout à fait, M. le Président. Alors,
je considère que je n'ai toujours pas de réponse à ma question, première chose. Deuxième chose, je pense qu'on se
comprend : je ne prête pas d'intention, là, j'essaie de comprendre
l'intention.
Alors, puisqu'on
est dans le mot «intention», M. le
Président, nous proposons qu'on dise,
puisqu'on nous impose de conserver le cumul des motifs de plainte, «marginalisation», «rejet»,
«détestation», «dénigrement», «aversion», qu'on enlève toute capacité d'en avoir d'autres et qu'on ajoute
l'intention : «...avec l'intention que ce groupe soit perçu — et on ne change même pas les objectifs
de la ministre — comme
étant illégitime, dangereux ou ignoble.» On garde les mêmes mots.
Alors, cette
fois-ci, M. le Président, je vais vous dire, on est dans le moindre
mal : le contrôle des dommages. Je vous l'ai dit, là, on n'apprécie pas beaucoup cette définition du
discours haineux, elle n'est pas satisfaisante. Mais, à tout le
moins, enlevons, enlevons les possibilités d'en avoir d'autres et nommons l'intention. Il faut qu'il y ait
une intention. Quelqu'un qui n'a pas l'intention devrait-il être
poursuivi? C'est ça, la question. Quelqu'un qui n'a pas
l'intention que ce groupe soit perçu
comme étant illégitime, dangereux ou ignoble... Puis, sur Facebook, des fois, il n'y a
pas d'intention, il y a des dérapages, il y a des mauvaises images. Ce
chanteur dont mon collègue de Rimouski parlait tout à l'heure, ce rappeur n'avait peut-être pas l'intention. Il
avait peut-être 14 ans puis il ne le savait pas. Il avait peut-être
16 ans puis il ne le savait pas. Alors, nous, à tout le moins, c'est que
l'intention soit claire.
Et je vous
réfère à mon collègue de Lac-Saint-Jean, qui est vraiment venu plaider qu'on retrouve, en quelque part, dans cette loi, qu'il faut que ce soit un geste intentionnel. Si ce
n'est pas un geste intentionnel, est-ce
qu'on veut vraiment amener les
gens devant un tribunal des droits de la personne et des droits de la jeunesse?
Si ce n'est pas un geste intentionnel, est-ce qu'on veut vraiment que les gens
commencent à se poursuivre? Est-ce qu'on ouvre cette boîte de Pandore si ce
n'est pas intentionnel? Je pense que la suggestion est intéressante, puis je
vais même vous dire, M. le Président : Pour moi, c'est le minimum du
minimum. On ne change même pas les mots, on enlève une possibilité.
Je vous
dirais aussi — on va sûrement parler de l'intention — dans le «pour», il y avait une intention.
C'est juste que là on la met plus
claire. Dans le «pour»... quand on dit «pour ça», c'est avec l'intention de,
parce qu'on vise ça. Dans le «pour», il y avait déjà une intention.
Alors, «notamment — et
parlons le bon français — avec
l'intention» bien, bon français... «pour»,
c'est bien... «avec l'intention que ce groupe»... «Une intention que ce groupe
soit perçu comme étant illégitime,
dangereux ou ignoble,» je trouve que
la suggestion est intéressante, là. Je vais voir qu'est-ce qui va se passer de l'autre côté,
M. le Président, face à cette suggestion.
Le Président (M. Morin) : On
va savoir ça immédiatement. Mme la ministre.
Mme Vallée : M. le
Président, je vais un peu me... faire
mien aussi le commentaire de notre collègue de Borduas : Ce n'est pas si simple que ça. Dans le fond, la collègue fait référence à l'intention, à la mens rea, qui est un
concept de droit criminel, qu'on retrouve en droit criminel.
Ici,
on est dans le cadre de dispositions civiles. Ceux et celles qui s'opposent à ce type
d'encadrement législatif au discours haineux vont souvent soulever cet
argument d'absence d'intention spécifique prévue au texte de loi. D'ailleurs,
la Cour suprême a eu, à deux occasions, l'opportunité de se pencher sur ces
arguments-là — exactement les arguments de la collègue — dans l'affaire Taylor et dans l'affaire Whatcott, parce que
les détracteurs disaient : Bien, le texte n'exige pas d'intention de la part des auteurs des propos
haineux. Et cet élément-là, cette analyse de l'absence d'intention
prévue au texte législatif a fait l'objet d'une analyse rigoureuse, de la part
du juge Rothstein, aux paragraphes 126 et 127 de la décision. Et le juge Rothstein disait ce qui suit... écrivait ce qui suit, plutôt : «Dans l'arrêt
Taylor — donc,
l'arrêt Taylor, c'est en 1990 — le juge en chef Dickson a justifié le fait
que la loi n'exigeait pas que l'on fasse la preuve de l'intention en
soulignant que la discrimination systémique — un terme que l'on entend
beaucoup ces temps-ci — est
plus répandue que la discrimination intentionnelle et que la loi devrait mettre
l'accent sur les effets et non sur l'intention.
«L'accent mis sur les
effets, et non sur l'intention, s'explique facilement si l'on tient compte du
fait que la discrimination systémique est beaucoup plus répandue dans notre
société que la discrimination intentionnelle. Inclure
dans des dispositions relatives aux droits de la personne l'exigence subjective
de l'intention, au lieu de permettre aux tribunaux de porter uniquement
leur attention sur les effets, ferait donc échec à l'un des principaux
objectifs des lois interdisant la discrimination. En même temps, toutefois, on
ne peut nier que [de] ne pas tenir compte de l'intention pour déterminer si un acte discriminatoire a été
commis au sens du paragraphe 13.1 accroît le degré de restriction
apporté à la liberté d'expression garantie
par la Constitution. Cela résulte de ce que l'on sait qu'un individu risquant
la condamnation ou la censure, parce
que ses propos peuvent avoir une conséquence non voulue, exercera probablement
une plus grande prudence par autocensure.» Et la question «non
voulue» est soulignée dans l'original.
«Les
mesures préventives que l'on trouve dans les lois sur les droits de la personne
sont raisonnablement axées sur les effets plutôt que sur l'intention. Je
ne vois aucune raison de m'écarter de cette conception.»
Donc, dans les lois
de protection des droits de la personne, la question de l'intention n'est pas
requise. Et on va plutôt voir l'effet, donc
l'effet du discours sur la personne et, dans ce cas-ci, sur les groupes. Donc,
c'est certain que...
Et
puis il y a un autre élément, c'est qu'advenant le cas que nous devions ajouter
une question d'intention on ferait de
la disposition une disposition pénale, ce qui n'est pas le cas, on est toujours
dans la question d'une disposition civile.
Donc, c'est pour ça,
M. le Président, je ne pourrais accepter l'amendement proposé... le
sous-amendement, pardon, proposé par la collègue puisqu'il s'écarte de façon
importante de toute la logique derrière les décisions de la Cour suprême, qui
devait se pencher sur ce type de dispositions législatives.
Le Président (M.
Morin) : Merci, Mme la ministre.
Mme Vallée :
Parfait.
Le Président (M.
Morin) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, Whatcott cite Taylor et dit, en
citant Taylor : «Cela résulte de ce que l'on sait qu'un individu
risquant la condamnation ou la censure, parce que ses propos peuvent avoir une
conséquence non voulue, exercera probablement une plus grande prudence par
autocensure.» Une prudence par autocensure.
C'est
pour ça que nous, nous voulons ajouter cette idée qu'il doit y avoir une
intention. Ça doit être intentionnel. Ce qu'on cherche à baliser, là... Écoutez, on va revenir un peu. On est
dans la lutte à la radicalisation. On est supposés s'attaquer à l'extrémisme religieux menant des jeunes à s'en
aller en Syrie puis à des événements comme Saint-Jean-sur-Richelieu et Ottawa. C'est là-dedans qu'on est, là. C'est ça,
notre monde, là. Il faut revenir, des fois, à la base. C'est ça, la
réponse du gouvernement à la radicalisation. C'est pour ça, d'ailleurs, que le
premier ministre voulait que ça ne touche que les appels à la violence. Parce que la radicalisation, l'endoctrinement des
jeunes les amènent à la violence. C'est pour ça que c'était précis. Mais
plus ça va, plus on élargit.
Ce
n'est pas nous qui avons choisi d'aller dans le domaine civil. Il y a déjà le
Code criminel. Il y a déjà le Code criminel
qui couvre tout ce dont on est en train de parler. C'est couvert, M. le
Président. Là, on en rajoute une autre couche au Québec dans une Commission des droits de la personne et des droits de
la jeunesse qui est déjà débordée. Alors, nous, on demande qu'à tout le moins on voie l'intention. Je
pense que poursuivre des gens, faire les gens se poursuivre entre eux
puis qu'il n'y ait pas d'intention derrière... Je parlais de boîte de Pandore,
tout à l'heure, là; on est en plein dedans. Ça fait que moi, je propose
encore...
Je
comprends la ministre, je l'ai entendue, mais je pense qu'on a un devoir d'être très prudents, très
prudentes, quand on touche à la liberté
d'expression. Et moi, je demande que l'intention... Je pense que la proposition est correcte. La proposition est très correcte.
• (17 h 40) •
Le Président (M.
Morin) : Est-ce que vous voulez ajouter... Ça va?
Mme Vallée :
Non. Ça va.
Le Président (M.
Morin) : Oui? M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Oui. C'est bon
d'essayer de voir la différence. L'intention de faire mal ou l'effet que ça...
tu sais, entre les deux, voir la...
tu sais, s'il y a quelqu'un qui a l'intention, il fait ça pour faire mal. Et
l'autre cas, c'est : il fait des choses, ça a un effet... ça fait
mal. Mais il n'y avait pas d'intention, mais ça...
Je vais revenir deux secondes à mon chanteur,
là, mon rappeur. Parce que je viens d'avoir...
Une voix : ...
M. LeBel : Non, mais je n'ai jamais donné son nom. On vient
de me donner des lettres qui avaient été publiées dans ce temps-là. Et un groupe de chez nous, qui
s'appelle MAINS Bas-Saint-Laurent, c'est un mouvement d'information par rapport VIH, hépatite, et tout ça, au
niveau de l'homophobie et les LGBT.
Ils ont écrit au chanteur en question. Je vous lis
le premier paragraphe, quelques lignes de leur lettre. Ils
disent : «Plusieurs personnes ont dit qu'il fallait prendre
vos textes à la légère puisqu'ils sont véhiculés par un "personnage",
qu'en fait, vous n'étiez pas homophobe mais plutôt un bon gars et un bon père de famille. Soit, mais un personnage
dégage-t-il son auteur de toutes responsabilités ou de tous propos? Que ce soit le
personnage ou la personne qui dit que tous les homosexuels devraient être tués
ne change pas grand-chose à la réalité.
Petite précision pour ceux et celles qui l'ignorent : [le chanteur] est
[...] auteur, compositeur et interprète qui, dans la chanson[...] — dans
une de ses chansons, que je ne nommerai pas — dit ceci : "Pour
skié dé tantous, faut toute les buté
partout". Le mot "tantous" se lit "tantouze" et est un
adjectif péjoratif désignant les homosexuels. C'est carrément un appel
au meurtre et une incitation à la haine!» C'était ça, dans ses textes.
Dans la lettre, un
peu plus tard, ils disent : «En écrivant de tels propos, vous contribuez à
une société ségrégationniste. Vous n'avez qu'à lire les commentaires que vos
fans laissent sur les médias sociaux pour vous en rendre compte. En 2015, un homosexuel vit des risques pour sa vie ou sa
liberté dans 77 pays. Je ne veux pas que les progrès que mon pays a
faits soient minés que ce soit par [un personnage] ou un personnage. Vous,
comme père de famille, imaginez...» Bon, etc.
C'est
clair, quand tu lis ça, qu'il y a un effet de rejet puis de détestation,
dénigrement, et puis qui... C'est sûr, là, qu'il identifie les
homosexuels. C'est clair, il y a un effet, là, qui fait mal, là. C'est l'appel
au meurtre, presque, dans ses textes, là. Il y a
un effet. Est-ce qu'il y avait une intention? Si tu lis ça comme ça,
comme je le lis, le député de Borduas, qui disait : Peut-être qu'on pourrait
empêcher ce rappeur d'écrire ces textes-là, bien là je pense qu'il y a
des... vous avez des arguments, de dire...
Vous dites que non?
Mais, vous voyez, on a...
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, question de règlement.
M. LeBel :
Non, non, je...
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Écoutez, ce n'est pas ce que j'ai dit. Donc,
j'aimerais ça que le député de Rimouski s'en tienne à ce que j'ai dit.
Le Président (M.
Morin) : Il faut faire attention, M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Non, mais ce n'est
pas... je ne voulais pas porter des intentions, je me disais : Est-ce que,
quand on lit ça, il n'y a
pas vraiment de grande réflexion à faire, là? Tu sais, «il
faut tous les buter partout»... À un
moment donné, tu... Mais ça, ça a un
effet. Est-ce que le gars, il avait de l'intention? Puis cet
effet-là, ça veut dire qu'on pourrait le poursuivre, là, puis on pourrait faire des plaintes puis l'empêcher
d'écrire ce qu'il a... empêcher, là. Quand tu lis ça, tu dis... Et c'est
pour ça qu'on... Puis il n'est probablement pas le seul, là, chanteur du genre.
Puis là, si on commence ça, si on fait ça partout, on regarde les textes de un
et l'autre puis on dit : Bien, il y a un effet, c'est clair, regarde. Vous
voyez.
C'est
pour ça que je trouve intéressant l'amendement, de dire : Entre l'effet puis l'intention de
faire mal, est-ce qu'on
pourrait comme... Est-ce que ça ne pourrait pas nous aider à baliser puis nous
aider à faire que cette loi-là atteigne ses objectifs, là? Je pense que
oui. Et plus je vois des choses, vraiment, il y a un risque de dérapage avec une définition
aussi large, où on dit : «détestation»,
«dénigrement», «aversion», puis on dit «qui a pour effet», bien, pour
effet, tu sais, on peut en trouver, des effets, là.
C'est pour ça qu'à
mon avis l'intention, on vient comme préciser est-ce qu'il y avait une
intention. Est-ce que ce rappeur-là fait des textes avec l'intention explicite
de faire mal puis de pointer les homosexuels? Est-ce que c'est dans... Est-ce qu'il se lève le matin, puis
il écrit, puis avec l'intention de? C'est ça qui pourrait nous aider à
baliser la liberté d'expression. Je ne le
sais pas, je ne suis pas un juriste, mais on voit, là, qu'il y a un danger là.
Puis l'objectif, c'est d'essayer de resserrer les choses.
Parce
que votre réflexe tantôt était bon, là, puis je ne veux pas... Le député de
Borduas, son réflexe était bon, c'est de
voir est-ce qu'on... Dans une société, on ne peut pas tout dire, c'est certain,
mais comment on fait pour gérer ça? Et là l'exemple que je donne, c'est un exemple qui n'est pas facile, comme
vous avez dit, mais qui est sérieux. Ça fait que, si on veut se mêler de
ça, il faut avoir les bons mots, dans notre projet de loi, puis avoir les bons
arguments pour réussir à corriger tout ça en respectant la liberté
d'expression.
Et c'est vraiment...
c'est un bon débat qu'on a là, je trouve. Tu sais, c'est sur le fond des
choses : liberté d'expression dans
notre monde, des artistes, de tout le monde, c'est comment on fait, puis
protéger les gens qui sont visés, qui... Dans la lettre, là, de MAINS,
ils nous parlent des... quand on vise des populations comme les gais et
lesbiennes puis qu'ils se font attaquer dans
la rue ou ils se font accrocher dans la rue, ça a des effets, hein? Ce n'est
pas banal. Ça fait que c'est sûr
qu'il faut travailler là-dessus, mais, en même temps, il faut respecter la
liberté d'expression, ça fait qu'il faut avoir les bons mots avec des... puis pas que ça dérape, puis que ça
parte de travers, puis qu'on embourbe un système, puis qu'il n'y ait pas
de résultat. Ça fait que, moi, l'amendement vient comme peut-être aider à
expliquer les affaires correctement. Moi, plus j'y pense, plus que je trouve
que c'est important qu'on trouve la bonne définition.
Le Président (M. Morin) : Autres
interventions? Oui, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Écoutez,
M. le Président, je remercie le collègue de Rimouski,
qui a vraiment, lui, été plongé dans une situation qui est assez éclairante pour la loi qu'on
étudie. Je le remercie de nous amener ça. D'ailleurs, ce qu'il
amène est justement en lien avec
certains des groupes qui sont venus nous dire : On aime mieux le dialogue
social. On préfère le dialogue à la judiciarisation parce que... Puis ça, je m'en rappelle aussi, on disait ça :
Quand les jeunes sont traînés devant les tribunaux, quand les uns et les autres sont traînés devant les
tribunaux, il y a un durcissement. La réaction, c'est de se
durcir. Tu ne crées pas un dialogue social,
tu crées le choc social. Tu amènes les gens à être en contestation les uns avec
les autres.
La position du dialogue est la meilleure, et les
groupes qui travaillent justement avec les communautés gaies, comme d'autres
groupes, sont venus nous dire : Les grandes avancées sociales se sont
faites par le dialogue, par la prévention,
pas par la judiciarisation. Alors, si vous voyez les groupes communautaires, au
Québec en général, là, en défense de
droits, ils ne vont pas plaider pour la judiciarisation. Ce n'est pas, M. le
Président, dans leur façon de faire. La façon de faire des gens de
régler les conflits dans ce temps-là ou de faire bouger ces jeunes-là, c'est de
leur parler, c'est de les amener... C'est
exactement ce qu'a fait le groupe MAINS, c'est ça, collègue de Rimouski... le
groupe MAINS. Et moi, je serais curieuse de parler, aujourd'hui, à ce
jeune-là puis de savoir s'il n'a pas changé sa pratique, sa façon. J'en suis convaincue. Il ne s'est pas durci en se faisant
traîner devant les tribunaux, il s'est fait parler par des jeunes de son
coin, de sa région. Il s'est fait
dire : Aïe! Qu'est-ce que tu fais là? Tu es en train de nous faire subir
des conséquences épouvantables.
L'intention pourrait changer bien des choses, M.
le Président, l'intention pourrait amener à ce que cette restriction à la liberté d'expression soit mieux
balisée. Je répète aussi qu'on est dans le discours unique, là, on n'est
même pas dans la répétition. Il pourrait y
avoir quelqu'un qui fait un discours une fois, il pourrait y avoir une chanson
sur 40, sur 50, puis que la réaction chez quelqu'un soit émotive,
profonde, quelqu'un qui est fragile émotivement s'en aille à la CDPDJ. On n'est
même pas dans le discours répété.
Je me
rappelle, d'ailleurs, du mémoire de Guillaume Rousseau — c'est ça, Guillaume Rousseau — qui était venu dire : Au moins
mettre «discours répété», pour qu'on sache qu'il y a quelqu'un qui est vraiment
dans cette tangente-là, c'est-à-dire dans le
discours discriminatoire, le discours haineux, le discours d'intolérance, mais
avec des conséquences négatives fortes. Là, on était là-dedans. Mais ce
n'est pas ça qu'on nous propose, alors on essaie de chercher... je le répète
encore une fois, baliser ce projet de loi, puis l'intention permettrait
d'éliminer beaucoup de gens.
Est-ce que
des gens pourront plaider que, ah, ils n'avaient pas l'intention? Oui. Je le
sais, il y a des gens qui vont pouvoir plaider qu'ils n'avaient pas l'intention. Mais j'aime mieux, peut-être,
laisser passer que des gens plaident qu'ils n'avaient pas l'intention que d'amener des gens qui n'avaient pas
d'intention devant le tribunal. C'est une certaine façon de voir le système. Moi, je crois au dialogue, je crois au travail
collectif, au travail social, et je crois aussi à la présomption
d'innocence, qui est une présomption qu'on a. Ici, on pense que quelqu'un est d'abord
innocent, puis c'est aux autres à prouver qu'il est coupable.
Bien, moi, je
pense que de penser qu'il faut absolument que quelqu'un ait... qu'on définisse qu'il est coupable
d'intention quand on l'attaque correspond un peu à cette vision qu'on a du système
de justice. Est-ce qu'on ramasse tout le
monde ou si on
ramasse le monde qui a une intention? Oui, il y en a peut-être
qui s'échapperont en disant : Ah! l'intention
n'a pas été clairement prouvée. Ça se peut. Peut-être qu'il y a des gens
qui passeront à travers les mailles du filet, mais j'aime mieux laisser passer les gens à travers les mailles du filet
que d'avoir un filet qui ratisse large puis qui ramasse tout le monde.
Le danger est beaucoup plus là que dans ceux et celles qui se défileront à
cause de l'intention, à mon sens, à mon avis.
C'étaient quelques remarques suite aux commentaires
de mon collègue de Rimouski, M. le Président. Je ne sais pas si...
• (17 h 50) •
Le Président (M. Morin) : Est-ce
que j'ai d'autres interventions?
M. Rochon : Oui.
Le Président (M. Morin) : M.
le député de Richelieu.
M.
Rochon : M. le Président, tantôt, ma collègue
députée de Taschereau a tracé la
petite histoire, là, du projet de loi
n° 59. J'ai le goût de revenir là-dessus.
C'est quoi, dans le fond, là, ce projet
de loi là? C'est la réponse plutôt
maladroite et imparfaite... et ça, c'est l'opinion d'une panoplie
d'analystes, là, d'experts et puis d'organismes... la réponse du
gouvernement libéral à plusieurs événements qui ont défrayé la manchette depuis
son arrivée au pouvoir.
On va se rappeler de l'affaire Charkaoui et puis
de la présence, sur le territoire québécois, d'imams tenant un discours dit
haineux. Alors, la panoplie d'analystes, d'experts et d'organismes qui a décrié
le projet de loi perçoit l'accroissement des pouvoirs de la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse et son tribunal comme
s'inscrivant dans une opération de censure, un tribunal du mauvais goût, hein?
Un tribunal du mauvais goût.
Je vais faire
plaisir au député de Borduas, je vais reparler de Julius Grey et de Julie
Latour, les représentants des Juristes
pour la défense de l'égalité et des libertés fondamentales. Ils ont exprimé
leurs vives inquiétudes, vives inquiétudes à l'égard du projet de loi
antidiscours haineux, des juristes spécialisés en droit constitutionnel et en
droit public qui ont voulu dissuader la ministre de la Justice d'inscrire, dans la législation québécoise, y compris la Charte des droits et libertés
de la personne, des dispositions contre les discours haineux ou incitant à la
violence. Le Code criminel canadien réprimande déjà les discours
haineux, ont-ils rappelé.
Puis le projet de loi
n° 59, il confère à la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse un pouvoir d'enquête sur les
discours haineux ou incitant à la violence ciblant un groupe de personnes. «Ces
mesures sont totalement inconciliables — je le disais tantôt, je
relevais cette citation de M. Grey — avec les assises d'une
société libre et
démocratique.» Il y a l'ancienne bâtonnière du Barreau de Montréal, Mme Latour,
qui reproche à la ministre de la Justice
d'avoir «recours à un canon législatif pour tuer une mouche hypothétique». Elle
sourit, puis c'est vrai que c'est une image intéressante. Recours à un
canon législatif pour tuer une mouche hypothétique.
La
ministre aime les synonymes. J'ai regardé dans mon dictionnaire de synonymes,
au mot «notamment», bien, un des
synonymes de «notamment», c'est «par exemple». Je pense que ce n'est pas bête
de retirer «notamment» de l'article, qui ratisse déjà très large, et de
le remplacer, comme le suggère ma collègue de Taschereau, de remplacer le mot «notamment pour» par les mots «avec l'intention que».
L'intention, hein, la présence d'un geste intentionnel, moi, je crois aussi, comme mes collègues de ce côté
de la table, que c'est pertinent.
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Rimouski.
M. LeBel :
Je vais en profiter pour mes dernières minutes ici, en commission, mais,
tantôt, ma collègue de Taschereau disait : Les gens, le danger, c'est de
se cibler un et l'autre puis de s'envoyer les... Puis juste une anecdote. À un moment donné, après tout
le brouhaha qui est arrivé chez nous, les groupes se sont réunis puis on a
eu une idée, quelqu'un, de placer une
affiche devant des bars pour dire : Ici, on respecte les femmes et les
homosexuels. C'est le genre... pour
montrer que ce qui est arrivé à l'autre place, ici, il n'y a
pas ça. Et là quelqu'un s'est mis à dire : Bien là, on va faire comme... si tu commences à faire ça, ça veut
dire que les autres... Et là cette idée-là a été rejetée tout de suite parce qu'on a dit : On ne commencera pas à se cibler. On a été victimes,
on a été ciblés par un texte, on ne commencera pas, nous autres, en
réaction, à cibler les...
Je pense que ça
prouve que les gens ne sont pas là. Les gens sont plus ouverts. Ce qu'ils
veulent, c'est la discussion, c'est le travail, c'est l'éducation populaire.
C'est de régler les conflits entre nous autres. Ce n'est pas de commencer à s'embarquer dans un processus lourd,
avec une définition très large qui va faire en sorte qu'il y aura
beaucoup de gens qui vont interpréter et qui
vont faire en sorte qu'on ne sortira pas, qu'on va... tout le monde va se
réfugier derrière la loi et on ne se parlera plus et on va se cibler.
Et
c'est ça, l'idée de faire attention. On peut y aller avec le projet de loi,
mais faire attention quand on va définir ce que c'est... puis de définir : Est-ce qu'il y avait une intention
de faire des choses? Est-ce qu'il y avait une intention de faire du mal?
Puis, si oui, bien là, on pourra... Mais, entre-temps, est-ce qu'on peut se
parler puis éviter de se cibler?
Le Président (M.
Morin) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
M. le Président, puisqu'il nous reste quelques instants, je voudrais finir avec
la conclusion de l'éditorial du Devoir,
de Josée Boileau, du mercredi 19 août 2015. Je trouve que cette conclusion
parle et elle correspond à ce qu'on
est en train de dire. «La ministre de la Justice...» Je la cite : «La
ministre de la Justice est sans doute de bonne foi, mais elle joue présentement avec des allumettes.
Il vaudrait mieux qu'elle envisage immédiatement un remaniement majeur
de tout ce qui ici menace la liberté de dire et de penser.»
La
ministre de la Justice joue avec des allumettes. C'est ce que nous croyons,
nous aussi, M. le Président, et c'est pourquoi
nous amenons systématiquement des propositions qui, je dirais, retirent des
allumettes de la petite boîte avec laquelle
est en train de jouer la ministre, de façon... de bonne foi, comme toujours,
mais malheureusement dangereusement.
Le Président (M.
Morin) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. Mais, écoutez, j'entends mes collègues, M. le Président, et
notamment sur l'importance de se
parler, puis je pense qu'ils ont raison sur ce point. Mais je souhaite porter à
leur attention aussi qu'à la Commission des droits de la personne une des premières étapes qu'il y a, c'est la
médiation, c'est le fait de se parler. Donc, c'est un processus... C'est la première étape aussi. Donc,
pour les fins de notre réflexion lors des prochaines séances, je pense
que c'est bon d'avoir ça en tête aussi, où
la Commission des droits de la personne pousse pour avoir de la médiation puis
pour trouver une situation non judiciarisée. Mais est-ce qu'on doit le
formaliser par le biais d'un cadre? Puis, comme je le disais tout à l'heure, peut-être que, dans certaines régions, ce n'est
pas tout le monde qui se parle. Ça fait que, des fois, le fait d'être assis avec un représentant neutre aussi, ça
peut aider à régler les conflits puis à se parler. Ça fait que gardons
ça à l'esprit aussi pour nos prochaines séances.
Le Président (M.
Morin) : Merci, M. le député de Borduas. Est-ce que j'ai d'autres
interventions?
Mme
Maltais :
M. le Président, s'il reste du temps, je vais intervenir avec plaisir.
Le
Président (M. Morin) : Non. Bien, c'était simplement... Il
reste une minute. On peut la garder pour terminer la commission, hein?
Mme
Maltais :
Comme vous voulez, M. le Président.
Le Président (M.
Morin) : Ce serait bien, sur une note positive.
Donc,
compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au lundi 1er février,
à 14 h 30, pour une séance de travail afin de préparer
l'audition du Directeur général des élections.
(Fin de la séance à 18 heures)