(Onze heures cinquante-six minutes)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Veuillez, s'il vous plaît, vous assurer
que vos appareils électroniques sont en mode silencieux, afin de ne pas
perturber nos travaux.
La commission est réunie afin de poursuivre l'étude
détaillée du projet de loi n° 59, loi édictant la violence... concernant la prévention et la lutte contre les
discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant
diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.
Mme la secrétaire, il y a beaucoup de
remplacements.
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Sauvé (Fabre) remplace M. Bernier (Montmorency); M. Habel (Sainte-Rose) remplace M. Boucher (Ungava); Mme
Nichols (Vaudreuil) remplace M. Rousselle (Vimont); M. Busque (Beauce-Sud) remplace M. Tanguay (LaFontaine); M.
Cloutier (Lac-Saint-Jean) remplace Mme Hivon (Joliette); M. Kotto (Bourget) remplace M. Leclair (Beauharnois); et
Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) remplace M. Marceau (Rousseau).
Étude détaillée (suite)
Le Président (M. Ouellette) : On a
quasiment assez de monde pour faire un caucus lavallois, mais...
Lors de notre dernière séance, nous avions
débuté l'étude d'un sous-amendement, proposé par la députée de Taschereau, à l'amendement de la ministre, à
l'article 1, proposé par l'article 1 du projet de loi, dans lequel il faisait
état d'enlever les mots «peu importe les préceptes sur lesquels il s'appuie,
qu'ils soient religieux ou autres, » par les mots «au nom [des] préceptes
religieux».
Et nous en
étions à la discussion. Je pense que la parole était à Mme la ministre; Mme la
députée de Taschereau avait fait ses remarques d'introduction de
sous-amendement. Et donc je vais vous donner la parole, Mme la ministre.
Mme Vallée :
Bien, en fait, M. le Président, je pense qu'on avait quand même cerné un peu la
question. C'est que l'amendement...
le sous-amendement, pardon, tel que présenté, viendrait donner au projet un
caractère discriminatoire si on ne
visait qu'un seul motif. Et, comme on l'a mentionné abondamment, que les
préceptes soient religieux, qu'ils soient idéologiques, à partir du moment où ces préceptes-là amènent à un
discours haineux, amènent à un discours incitant à la violence, nous sommes
devant la même problématique à laquelle on doit s'attaquer.
Donc, le fait de restreindre va poser un enjeu,
un problème au niveau constitutionnel. Le législateur ne doit pas légiférer
exclusivement en fonction d'une religion ou du caractère religieux d'un
discours. Ce n'est pas que le radicalisme
religieux dont il est question, c'est le radicalisme dans son ensemble. Et on
l'a dit tellement, tellement souvent, ici
et dans les autres salles de l'Assemblée nationale, que ce radicalisme-là, le
radicalisme qui mène au discours haineux, qui mène au discours violent
peut prendre différents visages et peut être fondé sur différents préceptes.
D'ailleurs,
M. le Président, je lisais avec attention, ce matin, une entrevue qui était
donnée par le directeur de la Sûreté
du Québec, M. Martin Prud'homme, qui faisait état, justement, des équipes qui
étaient... et qui luttaient contre ces phénomènes
grandissants. Il faisait référence, oui, à certaines formes de radicalisme
religieux, mais il faisait référence également
à des groupes d'extrême droite qui étaient la cible d'enquêtes par la Sûreté du
Québec. Donc, l'extrême droite, ce n'est pas que des préceptes
religieux, ce sont des préceptes idéologiques.
• (12 heures) •
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier : Je vous remercie, M.
le Président. Bien, c'est extrêmement intéressant. Dans le fond, on est réellement
au coeur du projet de loi, puis la discussion qu'on a présentement, si je résume les propos de la ministre, puis elle
me corrigera si je me trompe, mais ce qu'elle dit, c'est que des propos
haineux, en soi, c'est mauvais et qu'on doit couvrir toute forme de...
toute forme de propos haineux, qu'ils aient ou non des motifs religieux...
Une voix : ...
M. Cloutier : Y compris les motifs
religieux, tout à fait.
Mme Vallée : Je ne les exclus
pas. Et...
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, c'est important : on n'exclut pas les motifs religieux, on
les inclut, on y fait référence, «y compris»; mais le radicalisme, le propos
haineux qui tire sa source d'un précepte idéologique est aussi problématique. Et Whatcott : la Cour suprême ne fait pas de distinction quant
aux préceptes derrière le propos haineux, ils mentionnent le danger que
constitue, dans une société libre et démocratique, le discours haineux.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier : Oui. Je vous remercie,
M. le Président, mais...
Une voix : ...
M.
Cloutier : Oui, oui, en fait, je pense que nous nous comprenons très
bien, mais, pour ceux qui nous écoutent, ce qu'eux doivent comprendre : il ne faut pas donner l'impression
que ce n'est pas déjà couvert par le Code criminel, hein? Les propos haineux avec l'intention et l'acte sont
déjà couverts par le Code criminel. Et, lorsqu'on fait référence entre
autres aux propos d'un policier, ce à quoi
lui, il fait référence, fort probablement — peut-être que la ministre pourra nous
donner un éclairage nouveau — c'est dans un contexte des dispositions
actuelles. Et les dispositions actuelles du Code criminel couvrent déjà
l'ensemble du spectre, M. le Président.
Ce que nous,
on essaie de faire, de notre côté, on essaie de circonscrire, en matière
civile, la définition, pour nous assurer de répondre à la préoccupation
initiale et celles qui s'inscrivent dans le contexte québécois. On ne serait
pas, aujourd'hui, en commission parlementaire — puis ma collègue l'a dit, en
long et en large, hier — si
ce n'était des événements qu'on a connus,
dans les deux dernières années, malheureusement, au Québec puis au Canada. Et
là, dans le fond, ce qu'on essaie de
faire, d'un point de vue civil, c'est de donner davantage de pouvoir à la
Commission des droits de la personne
pour pouvoir agir davantage. Mais là où il y a un problème, M. le Président,
c'est que la définition actuelle, elle
est un peu tous azimuts, hein, c'est-à-dire, un peu comme la ministre nous l'a
dit, toutes formes de propos haineux qui s'inscrivent dans les
définitions qui sont données vont être couverts par le projet de loi.
Alors,
l'infraction, entre guillemets, à la liberté d'expression, elle est plus large.
Et nous, cette violation à la liberté d'expression,
on essaie de la circonscrire le plus possible, pour plusieurs raisons :
des raisons constitutionnelles évidentes, mais, évidemment aussi, parce qu'en matière criminelle il y a la
protection de l'accusé lui-même, donc de la personne qui aura la responsabilité de se défendre en cour. Et
les dispositions de la charte prévoient à ces gens-là un délai
raisonnable, le droit à un avocat, etc., M.
le Président. Alors, il faut juste s'assurer qu'on ne crée pas d'autre dérive
et que certaines personnes ne se retrouveront pas prises dans un système
administratif... qui, normalement, n'auraient jamais dû se retrouver dans une
telle situation.
Puis ce n'est pas comme si ces cas-là n'avaient
pas existé, ils ont existé au fédéral, M. le Président. J'aurai peut-être la chance d'y revenir, là, avec le rapport
Turp, qui a été longuement cité dans la documentation qui a été produite
par la Bibliothèque du Parlement. Mais le
choix que nous, on fait, puis la raison d'être de l'amendement, c'est
justement celui-là, c'est de circonscrire. L'amendement a été déposé,
monsieur... Non, il n'a pas été déposé...
Mme
Maltais : Oui, il
a été déposé.
Le Président (M. Ouellette) : Le
rapport, vous l'aviez mentionné, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier : Ah! le rapport, avec...
oui.
Le Président
(M. Ouellette) : Vous
vouliez le déposer hier, et je ne pense pas que ça avait été fait au
secrétariat.
M.
Cloutier : Bien, je vous remercie, M. le Président, de le rappeler.
Non seulement je souhaite déposer le rapport de la Bibliothèque du Parlement, qui s'appelle Les lois canadiennes
anti-haine et la liberté d'expression, mais je pense aussi, M. le Président, qu'on devrait s'assurer
d'avoir le rapport Moon. Et peut-être que la... je ne sais pas si on peut
demander au secrétariat de la commission de
le déposer ou de produire... peut-être de le déposer à la commission à nos
prochains travaux? C'est intéressant
de lire les recommandations, qui ne proposent rien d'autre que l'abolition de
l'article 13. Pour les fins de nos travaux, ça pourrait être utile, M.
le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Bien, en fait, M. le Président, je trouve ça intéressant parce que j'allais
justement rappeler à nos collègues la
conclusion du rapport, qui est quand même fort éloquente et fort intéressante
dans le contexte des travaux que nous avons aujourd'hui.
La conclusion
du rapport se lit comme suit : «L'adoption du projet de loi C-304 mettrait
fin au mandat actuel de la CCDP et du
TCDP, qui est de lutter contre la propagande haineuse sur Internet. Les données
publiées par Statistique Canada selon
lesquelles les crimes haineux déclarés par la police sont en hausse depuis
quelques années [...] ne sont qu'un des indices prouvant la nécessité de poursuivre la lutte contre la haine au
Canada. [Les débats] sur les moyens à prendre pour limiter les discours
haineux et protéger les groupes vulnérables n'est pas près d'être terminé. Avec
la suppression de l'article 13, il se
concentrera probablement sur la capacité du code et des lois
antidiscriminatoires et anti-haine de s'attaquer de manière efficace à
cette problématique.»
Ce que nous avons actuellement, ce
sont des dispositions qui entrent dans cette deuxième section, c'est-à-dire
que ce sont des dispositions supplétives au
droit criminel qui permettent d'intervenir aux matières civiles. Et je dirais,
M. le Président, je ferais un
parallèle... et je remercie l'équipe de l'avoir porté à mon attention,
parce que, prenons l'exemple du père
qui frappe son enfant, geste complètement inacceptable, le Code criminel
prévoit des dispositions, hein, c'est un acte de nature criminelle. Mais qu'est-ce qu'on a en parallèle? On a une
intervention aussi de l'État, on a une intervention au niveau civil, via
l'intervention de la direction de la protection de la jeunesse. C'est un peu la
même chose.
On
a des propos haineux qui peuvent être sanctionnés de manière criminelle, mais
on a aussi des moyens civils de prévention,
d'intervention pour mettre un terme au discours haineux. Je comprends, puis je
vois le visage de la députée de Taschereau
qui me fait des signes non; on a besoin de cette intervention-là pour mettre un
terme au discours haineux. Le discours haineux, le discours haineux qui
s'inscrit évidemment dans les définitions qu'on a, là, c'est un geste qui est discriminatoire, c'est un geste haineux, c'est un
geste auquel la société est tenue de s'attaquer. C'est une situation...
Et on doit, par... oui, il existe des
mesures criminelles, mais il ne s'agit pas là des seuls moyens
d'intervention. Et l'intervention, elle se
veut de nature civile, elle veut permettre aussi une intervention en amont, ce
qui n'est pas possible au niveau
criminel, c'est-à-dire que, lorsque... Bien, l'intervention en amont, je vous
dirais, une fois que le discours haineux est tenu, elle est plus difficile en matière criminelle, je vous dirais,
parce que, bien souvent, l'intervention ne se fait qu'une fois que
l'acte est posé. Et...
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Lac-Saint-Jean. Oup! Excusez.
Mme
Vallée : ...si, par exemple, on sait que quelqu'un tenant
généralement, en public, des propos haineux doit faire un discours, eh
bien, on aura les moyens d'intervenir, compte tenu de notre disposition.
Et nous avons aussi, sur
la question du droit criminel et du droit civil... le 16 septembre dernier, le
Barreau a quand même fait certaines représentations importantes, et c'était Mme
Eliadis qui nous disait que...
Attendez, je cherche... il semble que... et là ça
revient encore une fois entre le régime qui existe dans le droit criminel
et le régime qui existerait sur le plan
civil. Il y a, au Canada — puis là elle fait référence — en Colombie-Britannique, Saskatchewan, au Manitoba, des limites semblables
qui existent, comme vous le savez sans doute, sans qu'il y ait eu un
dérapage important en matière de liberté d'expression. L'historique est déjà
là. Et cette crainte n'est pas justifiée sur le plan historique.
«Mais
le point que j'aimerais soulever ou réitérer, c'est qu'entre un recours
criminel et un recours civil qui est plus souple le recours administratif, qui est limité, par exemple, à
l'enlèvement des propos haineux d'un site Web, et mettre quelqu'un en prison, par exemple, à cause de ses
mots, si on a un vrai souci pour la liberté civile, lequel préféreriez-vous?
Et je pose la question aux gens qui sont préoccupés par les libertés
civiles : [Lesquels] de préférence?»
«[Alors], dans la
loi, on parle de choix d'instruments [comme] vous, comme législateurs, pourriez
avoir pour choisir les modalités
d'intervenir. Je comprends qu'en droit provincial on ne relève pas du droit
criminel[...]. [...]pour ce qui est des aspects pénaux [...] on le sait
depuis belle lurette que l'approche quasi criminelle en matière de [droits de]
la personne ne marche pas.»
Mais on a, dans les
dispositions... on n'est pas dans cette situation-là. Par contre, si on avait
une approche d'intention, là on le tournerait dans une approche quasi
criminelle.
Alors : «C'est la raison pour laquelle on a changé
l'approche d'une approche quasi criminelle à une approche civile.»
• (12 h 10) •
Mme
Maltais :
M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Un petit
commentaire, avant que mon collègue parle. C'est parce qu'il faut choisir ses
exemples un peu mieux, Mme la ministre, très respectueusement. Parce que, si un
père frappe...
Mme Vallée :
On joue là-dedans.
Mme
Maltais :
Non, non!
Mme Vallée :
On va jouer là-dedans.
Mme
Maltais : Non,
non! Je vais vous le dire. C'est parce qu'il arrive régulièrement... Tu sais,
comme on entend parler de pays dont finalement
on n'a jamais entendu parler de lois de quelque pays autre que
le Canada, que ce soit... Alors, ça, c'est toujours
sur la table. On attend toujours, parce qu'on attend l'exemple.
Mais
là, dans ce cas-là, quand on dit : Un père frappe son enfant, je m'excuse,
mais le Code criminel... On attaque le père, d'accord, avec le Code
criminel, mais la DPJ, elle ne
s'occupe pas du père, elle s'occupe de l'enfant et de la protection de
l'enfant. Donc, on est dans un autre monde. La DPJ est là pour la protection de
l'enfance. Voilà!
Mme Vallée :
Avec respect, Mme la députée de Taschereau...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée : ...j'ai une
bonne expérience de la pratique à la DPJ. Savez-vous quelque chose? La DPJ
travaille aussi avec les parents.
Mme
Maltais :
Bien, elle travaille...
Mme Vallée :
Elle travaille avec les parents.
Mme
Maltais :
...avec les parents, mais pas à les...
Le Président (M.
Ouellette) : Woup! Woup! Woup!
Mme Vallée :
Elle offre des cours de parentalité.
Mme
Maltais :
Non, non. Elle travaille...
Le Président (M.
Ouellette) : Woup! Woup! Merci...
Mme Vallée :
Je suis désolée, là, mais...
Le Président (M.
Ouellette) : Merci d'adresser vos commentaires à la présidence.
Mme
Maltais :
M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, madame. À vous.
Mme
Maltais : Elle
travaille avec les parents. Elle travaille avec, mais elle ne traîne pas, en
cour, les parents. C'est la police qui traîne, en cour, le parent. Et la
DPJ protège l'enfant et, pour ça, parfois va contacter les parents.
Mme Vallée :
Mais le placement...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre. Oups!
Mme Vallée :
Le placement en famille d'accueil...
Mme
Maltais :
Il faut dire les vraies affaires.
Mme Vallée :
Le placement en famille d'accueil, l'interdiction de contact, les...
Mme
Maltais :
Protection de l'enfance.
Mme Vallée :
...ça touche aussi le parent.
Le Président (M. Ouellette) : Je vous rappelle, les collègues,
qu'on est sur l'étude du sous-amendement
déposé par Mme la députée de Taschereau,
qui veut introduire «au nom des préceptes religieux» — évidemment, l'amendement à l'article 1 de la ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier : Bien, je vous remercie, M. le Président. Mais je veux reprendre sur l'intention, M. le Président, parce que...
Alors, on peut peut-être
finir d'abord sur le rapport Moon, parce que c'est quand même intéressant. Eux,
les recommandations, c'était... En fait, ils proposaient que, si le législateur
devait maintenir l'article 13, ils proposaient de circonscrire la violation à
la liberté d'expression à sa plus stricte expression. Puis, pour y arriver, ils
proposaient d'y ajouter l'intention.
La
ministre a abordé brièvement cette réflexion-là dans ses
commentaires précédents. C'est peut-être
l'occasion, M. le Président, de l'entendre davantage sur les raisons pour
lesquelles...
Elle me fait signe
que non, mais je ne suis pas sûr de ça.
Le Président (M.
Ouellette) : Non, non, mais là vous...
Mme Vallée :
Bon, on est sur l'amendement. Avec respect, là, je ne veux pas jouer...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : On est sur
l'amendement. Je vous ai fait part de
mes commentaires sur le sous-amendement. Alors, pour le moment, sur le
sous-amendement, je n'ai pas d'autre commentaire à faire. Alors, si on revient
à l'alinéa, on étudiera l'alinéa.
Le
Président (M. Ouellette) : M. le député de Lac-Saint-Jean.
M.
Cloutier : Avec respect, M. le Président, ce n'est pas moi qui ai abordé le sujet de l'intention, c'est bien
la ministre qui l'a abordé, dans ses commentaires sur...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Je pense qu'en fait du règlement je n'ai pas à entretenir un échange sur chaque
point. Là, nous sommes sur le sous-amendement. Et, avec respect, M. le
Président, j'aimerais qu'on reste dans le cadre du sous-amendement. J'ai formulé mes
commentaires, je n'ai pas à faire du temps, honnêtement; j'aimerais pouvoir passer à... tranquillement faire
avancer le projet de loi. C'est mon intention.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Lac-Saint-Jean.
M.
Cloutier : Juste pour être certain... On est tous conscients que
l'article 1, M. le Président, c'est pas mal le coeur du projet. Je veux
juste être certain de bien comprendre à quel moment, à ce moment-là, aux yeux
de la ministre, on pourra aborder la
question de l'intention. Est-ce que c'est à l'article 2 où on prévoit
l'interdiction? Est-ce qu'elle souhaite qu'on ait cette conversation-là
à l'article 2?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : M. le Président, j'ai abordé l'intention parce que le
collègue l'avait mentionnée hier. Je voulais simplement faire un retour, par simple souci, sur ce qu'il avait dit.
Mais soyez assuré que je me garde de commentaires, compte tenu de
l'approche qui est prise.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier :
Je ne suis pas certain, M. le Président, d'avoir entendu la dernière
déclaration de la ministre lorsqu'elle a dit
qu'elle se gardait de commentaires. Je m'excuse, M. le Président, je n'ai juste
pas entendu ce qu'elle a dit.
Le Président (M.
Ouellette) : Elle se gardait de commentaires pour la prochaine partie,
pour...
M.
Cloutier : O.K. Pour la prochaine partie. Et je veux juste être...
Juste pour que les gens comprennent, là, ce qu'on en train de discuter, la raison pour laquelle l'enjeu de
l'intention, M. le Président, est un réel enjeu, c'est parce que, si on devait décider d'y ajouter l'intention,
c'est qu'au niveau de la preuve ça devient nettement plus complexe pour
la commission. Et comme nous, notre objectif, c'est toujours de circonscrire l'application de la loi, parce qu'il s'agit là d'une violation à
la liberté d'expression, tout le
monde en convient, on a la responsabilité, comme législateurs, de s'assurer de poser les gestes les plus restreints possible, pour plusieurs
raisons, dont le premier, c'est pour que la loi éventuellement puisse passer le test de la constitutionnalité, mais aussi elle s'inscrit dans
un contexte, M. le Président, où, je le répète, là, le gouvernement
fédéral vient juste d'abolir un article similaire. Je le répète : Le
gouvernement fédéral vient juste d'abolir un
article similaire, l'article 13. Puis, dans le rapport des spécialistes, on
recommandait au gouvernement fédéral : Bon, bien, si vous ne
l'abolissez pas, au moins ajoutez l'intention. C'est ça, le rapport.
Alors, c'est pour ça,
M. le Président, qu'on ne pourra pas faire l'économie, nous, à Québec, à
l'Assemblée nationale, de ce débat-là non plus. Ce que je comprends des propos
de la ministre... et elle nous dit : Bon, mais à la définition du discours
haineux, l'article premier, ce n'est peut-être pas l'occasion d'avoir ce
débat-là, j'essaie juste de m'assurer, M. le
Président, que nous l'aurons. Probablement qu'à l'article 2 ce sera peut-être
l'occasion de le faire. Mais la raison pour laquelle mon collègue de
Bourget a déposé un amendement lié... pour circonscrire l'amendement qui est proposé par la ministre, c'est encore une fois
pour s'assurer que l'application de la loi va se faire de façon la plus
restreinte possible.
Alors, les
enseignements des spécialistes qui ont eu à réfléchir à ces questions-là nous
montrent bien que ça doit être traité avec
beaucoup de délicatesse. Et, sur les enjeux internationaux ou sur les exemples
internationaux, M. le Président, moi,
jusqu'à maintenant, ce que j'ai vu, c'est en matière criminelle. J'aimerais ça,
M. le Président, pour faciliter la discussion
des travaux de la commission, qu'on nous dépose des exemples, en matière
civile, de d'autres législations, ailleurs dans le monde, pour guider
les travaux, M. le Président.
Le
Québec a des responsabilités à l'international. On a signé des pactes, il faut
s'assurer que ça s'inscrit dans une gouverne internationale qui respecte
nos obligations. Je pense que...
Je
vois qu'il y a du mouvement du côté ministériel, M. le Président, j'en conclus
donc qu'on a peut-être des tableaux
ou des documents à nous présenter qui vont peut-être nous aider à nous guider
pour voir qu'est-ce qui se fait
ailleurs.
Mme Vallée :
On peut bouger pour...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Il y a plein de raisons qui font que les gens peuvent bouger. N'interprétez
d'aucune façon les mouvements de ce côté de la table.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre, parlez-moi. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier : Oui. M. le Président,
c'est quand même une demande que je fais au gouvernement. Est-ce que, pour
guider nos travaux, M. le Président, on peut demander, du côté gouvernemental,
qu'on nous aide, qu'on nous partage...
Parce qu'au
niveau criminel, honnêtement, c'est assez facile à trouver, et je remercie tous
les collègues qui m'ont envoyé des mots pour m'aider à m'y retrouver sur
le plan international, mais je dois dire que ce que j'ai reçu jusqu'à maintenant, c'est en matière criminelle. Alors, ce
que je veux avoir, c'est le même genre de mesures, mais dans un contexte
civil. Et c'est extrêmement important, M. le Président.
Puis je dois
vous avouer, honnêtement, là, pour assurer les bons travaux de cette
commission, ça m'apparaît être pas mal
le minimum. Puis ça existe, ça ne doit pas être si compliqué. On nous dit que
ça existe. Si ça existe, bien, qu'on les dépose, qu'on les regarde, puis ça va nous permettre de comparer un peu
ce qu'on fait par rapport à ce qui se fait ailleurs.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
M. le député de Lac-Saint-Jean. Juste pour vous mentionner que le sous-amendement qui a été déposé l'a été par votre
collègue de Taschereau et non pas votre collègue de Bourget, ce que nous
étudions présentement.
M. Cloutier : Toutes mes excuses, M.
le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Ah! il
n'y a aucun problème. Mme la ministre.
Mme Vallée : Oui?
Le Président (M. Ouellette) : Est-ce
que vous avez un commentaire suite à la demande...
Mme Vallée :
Là, on va les sortir, mais je vais vous déposer les dispositions provinciales
qui sont en vigueur, parce qu'on est
dans un magnifique pays qui s'appelle le Canada, et, comme le collègue fait
référence aux travaux du comité sénatorial
et aux travaux qui ont été menés du côté d'Ottawa, je pense qu'il est important
de comprendre que ces travaux-là s'inscrivent aussi dans une analyse
pancanadienne. Alors, on pourra vous déposer... puis ça me fera plaisir, parce
que peut-être que ça brûle les doigts de nos
collègues de taper les noms des provinces canadiennes et de comparer, en droit
canadien...
Mme
Maltais : M. le
Président.
Le Président (M. Ouellette) : Oui.
Mme
Maltais : M. le
Président.
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
oui.
Mme
Maltais :
Regardez...
Mme Vallée : ...savoir la
réponse.
Mme
Maltais : Non, M.
le Président, là, ça fait...
Le Président (M. Ouellette) : Non.
Non, Mme la ministre, non. Non, vous répondez à une question de mon collègue du
Lac-Saint-Jean...
Mme Vallée : ...je le fais...
Le Président (M. Ouellette) : ...et
répondez en vous adressant à la présidence...
Mme Vallée : Oui.
Le Président (M. Ouellette) : ...et
sans ajouter de commentaire.
Mme
Maltais : M. le
Président...
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
Mme la députée de Taschereau.
• (12 h 20) •.
Mme
Maltais :
...ce n'était pas la question que je voulais soulever. Écoutez, on essaie de travailler correctement, mais, à chaque fois qu'elle fait une allusion, la
ministre, au Canada ou aux provinces comme la Saskatchewan, l'Alberta, la Colombie-Britannique, l'Ontario, elle fait de petites allusions, que je trouve
inutiles, sur le fait qu'on pourrait ne pas aimer le Canada ou les
provinces.
M. le Président, le Canada, je l'adore; je veux juste être séparée, puis
parler du Québec et du Canada, puis ça
va être un très bon voisin. Alors, qu'elle
arrête de nous faire croire... qu'elle arrête de nous prêter des intentions
comme quoi on aurait de la difficulté
avec certains mots, ça n'aide pas le climat de la commission; mais, d'autre part, c'est que ça donne une image d'une ministre de
la Justice qui devrait avoir un peu plus de hauteur.
Une voix :
Oh! M. le Président...
Le Président (M.
Ouellette) : Bon. Là...
Mme Vallée :
Ah! M. le Président...
Mme
Maltais :
Ah!
Le Président (M.
Ouellette) : ...j'ai...
Mme Vallée :
Non. Regardez, c'est...
Le Président (M.
Ouellette) : Ce n'est pas nécessaire.
Mme
Maltais :
...rien qu'à arrêter ces niaiseries-là. Je suis écoeurée, c'est depuis le début
de la commission.
Une voix :
...l'article 35.6, là...
Le Président (M.
Ouellette) : Ce n'est pas nécessaire, et...
Mme
Maltais :
Les deux bords...
Le Président (M. Ouellette) : Ce n'est pas nécessaire. Bon. Là, je vous
prierais de vous adresser à la présidence pour la poursuite de nos travaux et effectivement de garder ce
décorum qui nous caractérise depuis le début. Je comprends qu'on est la
veille de la fin de la session, des travaux, et je comprends tout ça, mais je
pense qu'on étudie un projet de loi qui est très sérieux.
Une voix :
...
Le Président (M. Ouellette) : Non. Ça, c'est non parlementaire. Et je vous
dirai qu'on étudie un projet de
loi qui est très sérieux, et je vais vous
demander effectivement d'adresser vos commentaires à la présidence, Mme la ministre.
Mme
Vallée : Oui. M. le Président, mes commentaires sont très sérieux, parce que, au-delà des sourires que j'ai pu faire et des petites
allusions, honnêtement, qui n'étaient pas aussi abrasives que celles que j'ai
pu recevoir par la suite — mais, ceci étant dit, je tourne la
page — je vais
déposer, puis je pense que c'est important pour les collègues, les
dispositions provinciales.
Puis
pourquoi les dispositions provinciales? Parce qu'on a un contexte ici, au
Québec et au Canada, qui s'inscrit dans
un contexte fédéral. Nous avons une charte canadienne des droits et libertés de
la personne qui est là. Nous avons un tribunal — la Cour suprême — qui a rendu maintes et maintes décisions en
matière de droits et de libertés, et
je crois qu'il est important de pouvoir se référer aux dispositions qui
existent, ailleurs au Canada, et qui ont fait l'objet d'études par la Cour
suprême.
Oui,
il existe, ailleurs dans le monde, des dispositions législatives,
mais, je vous dirais, pour les fins de nos travaux, ce sont des dispositions législatives qui
sont dans des régimes juridiques différents du nôtre, et je pense que notre
travail doit se faire dans le contexte du régime juridique qui est le nôtre et
de notre système actuel.
Donc,
il existe, en Saskatchewan, à
l'intérieur de l'équivalent de la charte
de la Saskatchewan, The Saskatchewan Human Rights Code, des dispositions
portant sur le discours haineux. Il existe, en Alberta, dans le Alberta Human
Rights Act, des dispositions qui encadrent le discours haineux. Il existe, dans
le Human Rights Code de la Colombie-Britannique, des dispositions concernant le discours haineux. Dans le Code des
droits de la personne de l'Ontario, il existe des dispositions qui encadrent
le discours haineux.
Même chose dans la
Loi sur les droits de la personne du Nouveau-Brunswick. Dans la Loi sur les
droits de la personne des Territoires du Nord-Ouest, il existe également des dispositions
encadrant le discours haineux. À l'Île-du-Prince-Édouard, dans le Human Rights Act, il y a
des dispositions qui encadrent le discours haineux. Et, en
Nouvelle-Écosse, je crois... oui, Human Rights Act, encore là, des
dispositions encadrant le discours haineux. Et la disposition
dans la loi canadienne a été abrogée.
Et là-dessus
il faut quand même faire... je pense qu'il est important d'avoir une
petite mise en garde : la plupart de ces dispositions prévoient évidemment des dispositions très précises sur le lien entre la disposition la liberté
d'expression, mais il
est important aussi de considérer que ces dispositions-là, pour la plupart, ont été adoptées préalablement à l'affaire Whatcott, où l'affaire Whatcott nous a clairement
dit que les dispositions visant les discours haineux constituaient
une limite raisonnable... se justifiaient et étaient une limite raisonnable à
la liberté d'expression dans une société libre et démocratique en raison du
préjudice causé par le discours haineux envers ceux et celles qui en étaient
visés.
Donc, oui, il
existe des dispositions législatives, et nous ne sortons pas les dispositions sur le discours haineux d'une boîte à surprise, nous les
incluons et nous faisons un parallèle avec notre charte des droits et libertés,
avec la commission des droits de la personne et de la jeunesse justement pour
assurer cet encadrement qui est si important, compte tenu de l'importance que
joue la liberté d'expression dans la société québécoise.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M.
Cloutier : Je vous remercie,
M. le Président. La présentation que vient de nous faire la ministre
soulève une série de questions.
D'abord, l'arrêt Whatcott, dont elle vient de faire référence : on oublie tout le temps de dire, dans l'arrêt Whatcott,
qu'on a invalidé une partie importante de la loi en Saskatchewan. Bien, il faut se
le rappeler, là. Je veux dire, quand le tribunal est passé sur la loi,
il en a déclaré la moitié invalide, première des choses.
Puis l'autre affaire : on vient de faire le
tour du Canada, M. le Président, la ministre nous fait voyager, mais j'aimerais ça qu'on reprenne le tableau et qu'on
reprenne chacun des exemples et qu'on y ajoute une colonne qui s'appelle
l'intention, dans quelles provinces canadiennes on demande qu'il y ait
intention ou non.
Puis, ensuite, j'aimerais m'assurer que les dispositions
concernent bien le discours haineux et non pas des dispositions qui concernent le
droit à l'égalité, qui, parfois, peuvent se retrouver dans ces tableaux-là parce que
c'est des mesures un peu parallèles en raison de la formulation qui est
différente.
Alors, est-ce
qu'on a fait cette analyse-là, du côté gouvernemental, de l'intention par
rapport à la non-intention? Et est-ce qu'on est capables de nous
présenter un tableau qui fait des distinctions entre les deux?
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : M. le Président,
je pense que là on est loin du sous-amendement, là, au niveau de l'intention du
sous-amendement. Mais je voudrais simplement... parce que le collègue faisait
référence aux dispositions de la loi sur la Saskatchewan qui avaient été
déclarées invalides par la Cour suprême. Soyez assuré, M. le Président, que les
dispositions... et puis je pense qu'il est
important... dans le texte, on faisait référence à des discours qui
ridiculisaient. Alors, cet aspect-là
a été déclaré inconstitutionnel, puisque ça allait au-delà de ce qu'est
réellement le discours haineux. Et, bien que de ridiculiser une personne en raison de sa caractéristique ne soit
pas quelque chose que l'on encourage, au contraire, et qui pouvait porter atteinte à la personne
recevant cette atteinte, ça ne constituait pas un discours haineux.
Alors, c'est ce qui avait été
notamment soustrait de la disposition. Et soyez assuré que la définition que
nous proposons correspond à cette question.
Et évidemment, pour ce qui est de l'intention,
je l'ai mentionné brièvement, bien, l'équivalent
d'un enjeu d'intention détourne et fait de la disposition une disposition qui
est davantage de nature criminelle... de
nature pénale, pardon, excusez-moi, et ce que nous souhaitons faire avec, ce
que nous souhaitons et ce que nous vous proposons, ce sont des
dispositions de nature civile, alors la question d'intention est tout à fait
différente. Et il faut comprendre également
que notre système juridique est aussi distinct de celui des autres provinces,
alors on doit aussi le considérer lorsque l'on rédige nos lois.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Lac-Saint-Jean.
• (12 h 30) •
M. Cloutier : M. le Président, avec
tout le respect que j'ai pour... on ne peut pas, d'un côté, évoquer les
dispositions qui existent ailleurs au Canada, puis, d'un autre côté, me
répondre qu'on ne veut pas nous donner le
détail sur les dispositions qui existent réellement, puis apporter des
distinctions sur l'acte qui est posé versus l'intention. Parce que je suis à peu près convaincu, M. le Président, que, dans les tableaux qu'elle va éventuellement nous proposer, on va se rendre compte que plusieurs ont fait le choix
aussi d'y ajouter l'intention. Pourquoi, M. le
Président? Parce qu'on a voulu circonscrire l'application de la loi. Ça, c'est
ma première question.
Mais la première formulation que j'ai faite,
c'était quand même de demander, d'un point de vue civil... parce qu'il n'y a pas juste le Québec, là, qui
utilise... qui a le régime civiliste, là, comme plusieurs autres pays dans le
monde. J'aimerais ça qu'on nous donne des
exemples de dispositions qui existent. La ministre nous dit : Ça existe,
machin... On comprend les nuances qui doivent être apportées, c'est vrai
qu'il y a eu des jugements de la Cour suprême à cet effet. Mais c'est quand même le fun de voir ce qui se passe
ailleurs. Ça va être pas «le fun», M. le Président, ce n'est pas la
bonne formulation. On doit en fait se
préoccuper des façons de faire externes pour nous assurer qu'on s'inscrit dans
un ordre juridique international qui respecte les grandes libertés, dont
une des premières, à mon point de vue, qui est la liberté d'expression.
Puis je
rappelle qu'encore une fois notre objectif, c'est quoi, c'est de s'assurer
qu'on va circonscrire correctement l'application
de la loi pour pas qu'on se retrouve avec du monde qui sont pris par une
commission... qui vont appliquer la loi
de manière détournée avec du monde qui n'auront pas accès à un avocat, qui
pourraient se retrouver finalement avec des
accusations sans fondement. Puis là on va éventuellement parler du geste
répété, de l'acte, on n'a pas encore
abordé cet enjeu-là. Ensuite, là, on parle un peu de l'intention indirectement.
Il faut en parler maintenant parce qu'on nous compare d'autres
dispositions législatives ailleurs.
Alors, je repose ma
question à la ministre : Est-ce qu'on peut nous déposer les tableaux?
D'abord, est-ce qu'elle peut nous déposer le tableau auquel on vient de faire
référence? Puis ensuite qu'on nous distingue l'intention de ce qui se fait
ailleurs dans le reste du Canada.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : M. le Président,
il s'agit d'un tableau synthèse préparé... document de travail. Mais, par
contre, je vais faire bien mieux que ça, on va vous déposer l'ensemble des lois
tout simplement, parce que j'ai beaucoup de notes de travail pour mes fins.
Mais, les lois, vous aurez les lois, donc vous aurez l'ensemble du texte.
Mais je voudrais juste revenir parce
qu'effectivement il y a des similitudes, il y a des distinctions à faire avec
les lois, les dispositions que je vous ai mentionnées. Il y a quelque chose que
l'on doit préciser, puis je pense que ce n'est pas clair, là. Dans un premier
temps, l'intention, elle n'est pas mentionnée puis elle n'est pas prévue pour
l'interdiction du discours haineux. Elle l'était pour le discours qui visait le
ridicule. Alors, pour ce qui est du discours haineux, il n'y a pas d'intention.
Alors, ça...
Une voix : ...
Mme Vallée : Laissez-moi
terminer, s'il vous plaît.
Une voix : ...
Mme Vallée : Bien, si vous me
laissez terminer, là, je vais être capable de le dire.
Le Président (M. Ouellette) : Oui.
Ne bougez pas, M. le député de Lac-Saint-Jean. Mme la ministre.
Une voix : ...
Le
Président (M. Ouellette) :
Non, non, mais... Mme la ministre, vous êtes en train de fournir
l'explication...
Mme Vallée : C'est ça, là,
j'aimerais ça terminer.
Le Président (M. Ouellette) : Oui.
Mais non, mais ça va. Mais parlez-moi, à moi, puis donnez-moi-la, l'explication,
je veux l'entendre.
Mme Vallée :
Alors donc, M. le Président, dans la loi de la Saskatchewan, à
l'article 14.1b; Alberta, article 3.1b; Colombie-Britannique,
article 7.1b; Territoires du Nord-Ouest, article 13.1c.
L'intention n'était pas plus mentionnée à
l'ancien article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, dont la validité constitutionnelle avait été
confirmée par la Cour suprême dans Taylor en 1990, et non plus par... et
qui avait été également été confirmée par
l'arrêt Lemire, deux arrêts dont j'ai fait mention abondamment avant, là, que
le député de Lac-Saint-Jean nous fasse grâce de sa présence en
commission parlementaire.
Par la suite,
dans les législations, l'intention est prévue uniquement pour une interdiction
complètement distincte de celle du discours haineux, c'est une
interdiction de diffuser un avis, un symbole ou un signe qui comporte une discrimination ou l'intention de discriminer.
Alors, on n'est pas dans le discours haineux. Et ça, on retrouve ça dans
la législation de l'Alberta à
l'article 3.1a; dans la législation de la Colombie-Britannique, à
l'article 7.1a; dans la législation des Territoires du Nord-Ouest,
à l'article 13.1a; dans la législation de l'Ontario, à
l'article 13.1; dans la législation du Nouveau-Brunswick,
à l'article 7.1; dans la législation de l'Île-du-Prince-Édouard, à
l'article 12.1. Donc, l'intention ne s'applique pas pour l'interdiction de discours haineux. Et
l'interdiction pour laquelle
l'intention est mentionnée, intention distincte
de celle du discours haineux, est plus facile à enfreindre que celle du
discours haineux, évidemment, parce
que le seuil de violation de ces dispositions est plus bas que le seuil du discours haineux. Et l'interdiction qui
réfère à l'intention est donc similaire à celle qui est prévue à notre article 11b
de la charte. Donc, voilà, ça fait une petite mise au point.
Le Président (M. Ouellette) : Ça
veut dire que ça fait le tour de la question.
Mme Vallée : Pas mal.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier : Bien, en fait, non, M.
le Président, ça soulève toute une...
Le Président (M. Ouellette) : Son
explication va soulever des questions.
M. Cloutier : Oui, oui, vous avez
tout compris.
Le Président (M. Ouellette) : C'est
ce que j'ai compris.
M. Cloutier : C'est tout
à fait exact. Mais l'intention, M. le Président, tout dépendamment de la définition qu'on va donner à «discours haineux»... Parce que,
si on y ajoute une composante de violence, par définition, on peut y ajouter
une intention, M. le Président. Et c'est exactement la recommandation que faisait le rapport Moon pour circonscrire
davantage. On aura aussi cette discussion,
de savoir si on devrait limiter le discours haineux qui mène à la violence, qui
est une autre façon de circonscrire la définition. Mais là, de toute
évidence, dans ce qui nous est proposé par l'amendement de la ministre... M. le
Président, d'abord, est-ce que j'ai compris qu'on allait avoir accès au document?
Document déposé
Le Président (M. Ouellette) : J'ai compris que normalement, pour la séance de
cet après-midi, vous auriez, par le secrétariat, accès aux lois que Mme la ministre s'est engagée
à fournir au secrétariat et qu'on va faire diligence pour que vous les
ayez pour 3 heures.
M.
Cloutier : Je vous remercie, M. le Président, parce
que, vous aurez compris, ça va nous
permettre d'analyser en détail puis
de voir aussi la définition qui est donnée au discours dans les dispositions législatives qui ont été citées par la ministre.
Parce que c'est dur, M. le Président, de s'y
retrouver là-dedans. Savez-vous pourquoi? Parce que
la définition qu'on donne au discours haineux a un impact énorme sur
l'étendue ou non de la loi. C'est pour ça qu'il faut lire le libellé, puis c'est pour ça que c'est difficile
aussi de faire des comparaisons internationales hors... En fait, dans le contexte criminel, c'est plus facile, à mon point de vue, là, mais, sur le plan civil, moi, je n'en ai pas vu, de dispositions
civiles à l'international — je réitère ma demande
pour qu'on nous en présente — et,
d'un point de vue criminel, bien là, on a toute la jurisprudence,
qui, elle, existe déjà sur le sujet.
Alors,
M. le Président, je veux juste revenir au contexte dans lequel
nous travaillons présentement et rappeler que la raison d'être de ce projet de
loi là initialement, c'est en raison évidemment
des... pas des gestes, mais des événements malheureux qui ont été commis
sur le territoire québécois et canadien et que, dans cet esprit, l'amendement
qui a été présenté par ma collègue de Taschereau vise à répondre à ce besoin, parce
que...
Je reprends ça du début. Pourquoi on veut limiter
une liberté d'expression? C'est à cause de ces événements-là. Sinon, il
n'y a pas personne qui pense qu'on serait en commission parlementaire. Sérieusement,
là, je suis convaincu de ça, M. le Président. Alors, c'est pour ces raisons-là
qu'on en revient à essayer de circonscrire, et l'amendement qui a été déposé
par ma collègue s'inscrit dans cette logique. Voilà, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Gouin, vous auriez des commentaires
pour enrichir notre réflexion?
Mme David
(Gouin) : Ah! M. le Président, vous me prêtez des intentions,
mais...
Le Président (M.
Ouellette) : Pas du tout, pas du tout.
Mme David
(Gouin) : Non, non, c'est une taquinerie, on a bien compris.
Le Président (M. Ouellette) : Je me souviens fort bien que vous m'aviez parlé
que vous aviez un paquet d'études.
Mme
David (Gouin) : Mais j'ai
levé ma main, oui, parce que, tout en trouvant intéressant le débat qui a
lieu en ce moment, moi, je vais me contenter humblement de revenir
sur le sous-amendement, c'est-à-dire de remplacer «, peu importe les
préceptes sur lesquels ils s'appuient — donc peu importe les
préceptes sur lesquels les discours haineux s'appuient — qu'ils
soient religieux ou [non],» par les mots «au nom de préceptes religieux,». Parce que
ma compréhension, c'est que, si on
fait ça — puis
vous allez me dire si j'ai bien compris — ça
veut dire que l'ensemble du projet
de loi ne s'occuperait... ou son
objet, disons, deviendrait strictement des discours haineux qu'on aura, je suis
certaine, l'occasion de qualifier ou
de baliser au troisième alinéa, mais disons, là, pour le moment, des discours
haineux uniquement s'appuyant au nom de préceptes religieux. C'est la
bonne compréhension?
Le Président (M.
Ouellette) : Vous avez très bien compris le sens...
Mme David
(Gouin) : Le sous-amendement.
Le Président (M.
Ouellette) : ...du sous-amendement de Mme la députée de Taschereau.
• (12 h 40) •
Mme
David (Gouin) : Alors,
l'ayant bien compris, M. le Président, je vais indiquer
que je ne suis pas en faveur de ce sous-amendement, qui limite, à mon
avis, de façon tout à fait extraordinaire la portée du projet de loi.
Maintenant, qu'il y
ait d'autres considérations, qu'il y ait d'autres questionnements sur le projet
de loi, sur un certain nombre
d'interprétations à y apporter, sur des législations extérieures au Québec sur
lesquelles il s'appuie, ça, c'est une
chose. À mon avis, c'en est une autre que de dire : Ce projet de loi, même
amélioré, même balisé davantage — parce que j'ai l'impression que c'est vers ça qu'on s'en
va — ne va
s'appliquer qu'aux discours haineux qui s'appuient ou qui, eux-mêmes,
là, se disent, s'expriment au nom d'un précepte religieux.
Mais
là, M. le Président, j'ai vraiment un problème parce qu'il existe au Québec,
malheureusement, des discours haineux
au nom de préceptes tout à fait non religieux : au nom d'idées, par
exemple, obscurantistes, racistes, sexistes, homophobes, etc., là. Et ça n'est pas toujours au
nom d'une religion, quelle qu'elle soit, d'ailleurs, que des gens vont
tenir des discours haineux. Alors, honnêtement, bien que je puisse être
sensible à certains arguments échangés ici, aux discussions qui ont cours... Vous avez vu depuis le début, M. le
Président, qu'il y a eu des moments où j'ai pu appuyer certaines demandes de l'opposition, tout en
appuyant — ça,
depuis le début, c'est clair — l'idée même de ce projet de loi. Ça, je n'ai pas changé d'avis là-dessus. Mais là
il reste qu'adopter ce sous-amendement, c'est franchement réduire le
projet de loi à peau de chagrin, là, c'est...
Et
on en revient toujours au même débat dans le fond : Est-ce que ce projet
de loi aurait dû tout simplement s'en prendre...
ou vouloir réduire, éliminer, autant que faire se peut, des discours haineux et
incitant à la violence qui endoctrinent souvent des jeunes? Pas des tonnes de jeunes, hein, en passant, mais des
jeunes quand même. Et chaque jeune endoctriné qui part en Syrie faire le djihad, c'est un jeune de trop. La plupart du
temps, il va être lui-même la première victime du choix, entre
guillemets, ou de l'endoctrinement, en fait, dont il a été victime. C'est le
débat de fond, encore une fois : Est-ce
que le projet de loi aurait dû aller uniquement là-dessus ou si le projet de
loi pouvait — bien
balisé, c'est sûr — s'occuper
d'autres formes de discours haineux, d'autres formes d'extrémisme? Et moi, je
pense que oui.
Mais
là-dessus, c'est sûr qu'on peut avoir des lectures complètement
différentes — puis
c'est un débat tout à fait correct,
là — de ce
qui se passe dans la société québécoise et de ce qui se passe en Occident. Ma
perception à moi, et je l'ai déjà dit, c'est que, tout en convenant que
le Québec, dans l'ensemble, est une société paisible, accueillante, où il fait
bon vivre et où on est capables de débattre généralement sans trop, trop de
gros mots ou pire — j'en
conviens tout à fait — eh bien, ici comme ailleurs, s'expriment des
discours haineux, et il n'y a qu'à ouvrir le Web pour s'en rendre
compte, c'est plus à certains moments, c'est
moins à d'autres moments, ça varie dans le temps, ça dépend de ce qui est en
train de se discuter dans l'espace public,
mais il y a franchement des moments où c'est assez dramatique, ce qui peut
s'exprimer sur le dos de certaines minorités au Québec.
Alors,
moi, je pense qu'on ne doit pas réduire le projet de loi uniquement à une
intervention contre des discours haineux qui sont édictés uniquement,
là, au nom de préceptes religieux. J'ai le sentiment qu'on rate quelque chose d'important si on fait ça, mais ça ne préjuge pas
des débats à venir sur peut-être, peut-être, des balises additionnelles
à apporter au projet de loi pour s'assurer qu'il ne limite pas la liberté
d'expression de façon indue. Moi, je pense qu'il y a déjà eu de très bons pas de faits dans ce sens-là, la ministre nous
a apporté des amendements que je considère importants et intéressants,
là, ce n'est pas seulement mon avis personnel, c'est celui de ma formation
politique, mais toute chose pouvant être
améliorée par ailleurs, on peut continuer les débats, mais pas réduire le projet de loi, comme veut le
faire l'opposition officielle, à sa plus simple expression. Ça, malheureusement et respectueusement,
j'exprime mon désaccord.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. À mon tour,
j'aimerais émettre un commentaire relativement au sous-amendement de la
députée de Taschereau. Tout comme elle, je crois qu'il faut parler de religion,
il faut parler de discours religieux, puis
ça, on le dit depuis février 2015. C'est vraiment à ces discours qu'on
doit s'attaquer. Et c'est pour ça que
je me réjouis du fait que la partie gouvernementale a rajouté «peu importe les
préceptes sur lesquels ils s'appuient, qu'ils
soient religieux ou autres,». Le terme «religieux» apparaît, ce qui nous semble
être une bonne chose parce que c'est vraiment la raison pour laquelle,
au départ, cette loi a été mise sur la table et à l'étude.
Là
où j'ai une crainte et un bémol, et la raison pour laquelle je ne suis pas en
faveur de ce sous-amendement, je vais vous
l'expliquer, puis c'est un motif tout à fait différent de celui de ma collègue
de Gouin, c'est qu'en ne mettant que le terme «au nom de préceptes
religieux», donc, uniquement au nom de préceptes religieux, ma crainte, c'est
que nous allons exclure... mais exclure des
préceptes qui sont politico-religieux. Et là vous voyez où je m'en vais.
Lorsqu'on parle d'islamisme
radical... Parce que c'est bien ça, là, le problème, l'islamisme radical. Et
d'ailleurs, je l'ai dit puis je vais le répéter, si on pouvait faire une loi pour contrer les propos de
l'islamisme radical, si on était vraiment honnêtes, c'est ce que nous ferions, parce qu'il est là, le noeud du
problème. Mais ce n'est pas une loi qui porte contre l'islamisme
radical.
Donc,
à défaut, comme l'islamisme radical est une notion, est un mouvement
politico-religieux, pas seulement religieux,
politico-religieux, donc qui n'est pas seulement un discours religieux, mais un
discours politico-religieux, le fait de
restreindre à «au nom de préceptes religieux,» uniquement, bien, ça, ça vient
exclure les discours qui seraient politico-religieux. Je rappelle que l'islam radical, alors l'islamisme radical,
souhaite imposer la charia dans les pays démocratiques et surtout
s'attaquer à notre démocratie et à nos droits et libertés, d'où tout l'agenda
politique de la cause. Alors, en limitant au discours uniquement religieux, on
exclut les discours politico-religieux, et j'aurais peur qu'on exclue les
discours que nous pourrions qualifier de politico-religieux tels ceux qui
proviennent de l'islamisme radical.
Alors,
c'est la raison pour laquelle je ne suis pas en accord avec l'amendement de la
députée de Taschereau, parce qu'on limite à uniquement religieux, alors
qu'on est dans une problématique qui est plus grande qu'uniquement religieuse, mais qui est aussi
politico-religieuse. Et je pense que c'est pour ça qu'il faut laisser la place
à légiférer contre les discours, «,
peu importe les préceptes sur lesquels ils s'appuient, qu'ils soient religieux
ou autres,» ce qui inclut politico-religieux, donc l'islamisme radical.
Alors,
c'est la raison pour laquelle j'ai une réticence puis une objection à cette
formulation, mais je pense que mes collègues de l'opposition officielle
vont comprendre la nuance à cet égard-là. Alors, voilà, c'est le commentaire
que je voulais faire, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la députée de
Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, M.
le Président. Est-ce qu'on comprend qu'elle veut amender pour intégrer le terme
«politico-religieux»?
Le
Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau, vous me
demandez si je veux amender...
Mme
Maltais : Non, je demande, M. le Président, à travers vous,
à ma collègue, si c'est une intention d'amendement, on aimerait ça le
savoir immédiatement.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Non, ce n'est pas une intention d'amendement parce qu'en le laissant ouvert,
les préceptes religieux ou autres, on y
entre tous ces préceptes, qui peuvent être politiques. Mais on ne limite pas à
religieux, donc vous incluez politico-religieux là-dedans.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
• (12 h 50) •
Mme
Maltais : Oui, M. le Président. C'est parce que ce qui est
écrit dans le texte ne nomme pas de motif. Nous, dans notre
sous-amendement, nous nommons un motif. Le motif qui est ce pour quoi on est
assis ici aujourd'hui, le motif qui est ciblé dans le plan de lutte à la radicalisation,
le motif qui est ciblé par le premier ministre, c'est le même motif : la
lutte à la radicalisation. Et, si on lit le texte d'introduction du plan de
lutte à la radicalisation au Québec, Agir, prévenir, détecter et vivre
ensemble, le premier ministre le dit lui-même, il parle du «départ de
certains jeunes Québécois et Québécoises pour [rejoindre] des groupes
terroristes islamistes en Syrie et en Irak». Il parle de tout ça.
Donc,
le vrai motif pour lequel on est assis autour de la table, c'est le plan de
lutte à la radicalisation, qui dit : Il faut combattre le terrorisme islamique. Alors, nous, ce qu'on dit,
c'est : Nommons-le. Mais ce que veut dire... si on laisse la phrase
comme elle est écrite actuellement et qu'on laisse «, peu importe les
préceptes», on n'ajoute rien, on ne cible personne,
on ouvre encore plus grand. On ne cible pas, on ne pointe pas, on dit... Ce que
la ministre propose puis ce qu'on ne veut pas, nous, c'est justement
l'ouverture aussi large que ça, c'est «, peu importe les préceptes». Ça
veut dire peu importe le précepte sur lequel
il s'appuie. C'est tous les préceptes, tous les préceptes. «Peu importe», ça
veut dire qu'il n'y a aucune intention d'énoncée.
Et
mon collègue a bien exprimé à quel point il faut énoncer une intention
si on veut que ce projet de loi passe la rampe. Nous, on pense au
contraire qu'il faut une intention. C'est vraiment notre opinion. Alors, «, peu
importe les préceptes», moi, «peu importe»,
ça veut dire : Ça ne compte pas. Ça fait qu'on n'a rien ajouté en écrivant
«peu importe», à notre sens, là, à notre avis. Si tu dis en français :
Ah! peu importe, «peu importe», ça
veut dire : Ce n'est pas de première importance.
Alors,
en disant : «au nom de préceptes religieux,», est-ce qu'on vise
l'islamisme? Oui. Oui, parce que l'islamisme, qui est... on peut dire «islamisme radical», mais on sait qu'il y a une
différence entre l'islam la religion et l'islamisme qui est, justement, un phénomène politique et
religieux. Alors, à notre avis, en disant : «au nom de préceptes
religieux,», on ne passe pas du tout,
du tout, du tout à côté de ce qu'est l'islamisme, qui est un phénomène
effectivement politique fondé sur le religieux.
Alors, en disant : «au nom de préceptes religieux,», c'est exactement ce
que fait l'islamisme, il se fonde sur des préceptes religieux.
L'islamisme, il se réclame de préceptes religieux...
M. Kotto :
Ce qui est une imposture, en somme.
Mme
Maltais : Oui. Et mon collègue de Bourget dit : «Ce qui est une
imposture...» Nous sommes d'accord. Nous croyons que c'est une
imposture, mais il se fonde sur des préceptes religieux.
Alors, je veux juste
rassurer ma collègue de Montarville et lui dire : «Au nom de préceptes
religieux,» cible exactement l'intention du
législateur qu'elle voudrait voir énoncer. C'est ça qu'elle veut énoncer. C'est
là, on le dit précisément.
Puis
je reviens à ce qu'a dit mon collègue du Lac-Saint-Jean tout à l'heure, nous
voulons une intention dans ce projet
de loi. Je vais reprendre la question de Me Grey, qui a ouvert son
allocution d'entrée en disant : De quoi veut-on nous protéger? J'ai
pris la phrase parce que je la trouvais à la fois simple et porteuse. Il est
venu ici, en commission parlementaire, dire : Mais de quoi veut-on nous
protéger? La seule chose pour laquelle nous demandons protection actuellement, c'est le terrorisme, c'est la
radicalisation menée selon des préceptes religieux. C'est ça dont on
demande... Tout le reste est couvert par le
civil, mais on demande une attention particulière à cet endroit-là. Et la
radicalisation, oui, est entraînée, l'endoctrinement, comme disait mon
collègue, est entraîné par des discours fondés sur la religion.
Nous n'avions pas
besoin de cette loi pour agir. Le gouvernement veut agir, mais, à tout le
moins, s'il veut entendre l'appel de
l'opposition officielle, c'est, à tout le moins, nommer l'intention. On ne peut
pas avoir cette loi sans nommer
l'intention. C'est ce qu'on dit depuis le début. Nous, on n'a pas changé, là,
c'est vraiment, clairement : Il nous faut une intention, sinon on
ouvre une porte très, très, très large, là, à restreindre la liberté
d'expression.
Et
même les gens sont venus, groupe après groupe après groupe, des juristes, la
communauté israélienne et juive, les
LGBT, ils sont tous... les Africains, les Nord-Africains, les Nord-Africains
québécois pour la laïcité sont venus dire non. Ils sont tous venus dire
non. Ils sont tous venus dire : Non, pas cette loi-là, puis pas comme ça,
pas ouvert comme ça.
Alors,
nous, on veut nommer les choses. Je comprends qu'on est actuellement, là, le seul parti qui veut nommer les choses. Puis ce n'est pas irrespectueux, là,
c'est : À cet endroit-ci, là, c'est ça qu'on fait, on nomme les choses.
La deuxième opposition,
la collègue de Montarville nous avait appuyés sur «fondamentalisme religieux» au début. Ça, on a apprécié. Sur
«fondamentalisme religieux», ils étaient avec nous. Mais c'est la même
chose qu'on est en train de faire, là. On nomme le phénomène religieux,
l'intégrisme religieux. On nomme les préceptes religieux. On ne nomme aucune religion, ceci dit, parce qu'on nous a
demandé de ne cibler aucune religion. «Préceptes religieux», ça ne cible
aucune religion, donc on passe la rampe.
Bien,
M. le Président, je pense que notre amendement se tient totalement et qu'il
permet de donner une intention à cette loi.
Le Président (M.
Ouellette) : Je pense que le collègue de Bourget va avoir un commentaire.
M.
Kotto : Oui, juste
pour appuyer ce que dit ma collègue de Taschereau, on ne nomme aucune religion. Donc, à ce niveau-là, je ne vois pas les arguments qui pourraient venir contredire cela. M. le Président, je vous rappelle que, dans le même
esprit, pendant les croisades et l'Inquisition, les gens ont commis des actes
atroces au nom du Christ et l'esclavage. Et les lois ségrégationnistes
qu'on trouve souvent... disons qu'elles se sont trop souvent appuyées sur le
fait religieux également. Et donc ce n'est pas l'apanage d'un seul groupe
ou d'une seule religion, cette affaire-là. Ça, je voulais le dire.
Et puis je
rajouterais à ceci, M. le Président, que les exégètes du droit international
nous rappellent aussi des postures de sagesse, notamment dans le cadre d'un exercice
comme celui que nous tenons ici aujourd'hui. Ils disent :
«La
restriction de la liberté d'expression ne peut être le fait d'un caprice des
représentants publics — ne
peut être le fait d'un caprice des représentants publics. Ces derniers
doivent appliquer une législation ou une réglementation officiellement reconnue
par des personnes habilitées à la promulguer.
«Une législation ou
une réglementation doit respecter des critères de clarté — des
critères de clarté — et
de précision afin que les individus puissent
anticiper les conséquences de leurs actes. Les décrets imprécis, dont la
portée n'est pas précisément définie, ne
satisfont pas à ce critère et sont par conséquent illégitimes. Par exemple, l'interdiction de "semer
la discorde dans la société" ou de "dépeindre une fausse image de l'État"
ne [correspondra] pas aux critères requis par le test.» Bon, la raison d'être de cette mise en garde est à l'effet
qu'il est juste que chacun ait une chance raisonnable de savoir ce qui
est interdit précisément afin de pouvoir agir en conséquence.
«Une situation où des
représentants publics peuvent édicter les lois selon leur bon vouloir est
contraire à la démocratie. Les décisions qui entravent les droits humains
doivent être prises par des organes qui représentent la volonté du
peuple», et, en l'occurrence, c'est nous. Et nous sommes rappelés à cette
sagesse dans de telles circonstances, et l'amendement
de ma collègue de Taschereau contribue à l'élaboration d'une disposition qui, ma foi, va dans le sens de ce que cette sagesse nous
suggère. Voilà, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. le député de Bourget, pour votre intervention.
Compte tenu de
l'heure, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 16 heures. Je vais en
profiter...
Une voix :
...
Le Président (M.
Ouellette) : Oui, jusqu'à 16 heures. On reprend nos travaux à
16 heures, à la salle des Premiers-Ministres.
Et je vais en
profiter pour vous souhaiter de ma part des très joyeuses fêtes. Je vais vous
revoir l'an prochain, parce qu'il y aura un
président qui va me remplacer cet après-midi, je vais reprendre mes travaux
avec vous en 2016. Ça fait que soyez prudents dans le temps des fêtes.
Et je suspends nos
travaux.
(Suspension de la séance à
13 heures)
(Reprise à 16 h 29)
Le Président (M. Habel) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Veuillez, s'il
vous plaît, vous assurer que vos
appareils électroniques sont en mode silencieux afin de ne pas perturber
les travaux.
Je vous rappelle que
la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi
n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les
discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses
modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.
Lors
de la suspension de nos travaux, nous étions à l'étude du sous-amendement de
Mme la députée de Taschereau. C'est le député de Bourget qui avait la
parole, mais je crois que, Mme la ministre, vous avez...
• (16 h 30) •
Mme
Maltais : M. le Président, vous venez de le dire vous-même, c'est le
député de Bourget
qui avait la parole.
Le Président (M.
Habel) : D'accord. M. le député de Bourget. M. le député de Bourget, à
vous la parole.
M.
Kotto : Oui, merci. Merci, M. le Président. Je passe le micro. Voilà. Merci, M. le Président. Et j'avais pris la parole notamment pour rappeler ce que des exégètes en matière de droit international nous invitaient à observer comme, disons, posture dans le cas d'espèce qui nous
occupe aujourd'hui, en
l'occurrence quand on s'attaque au
droit à la liberté d'expression. Et
je rappelais que la récession de cette liberté d'expression ne peut être le
fait d'un caprice des représentants publics,
que ces derniers doivent appliquer une législation ou une réglementation officiellement reconnue par des personnes habilitées à la promulguer, qu'une législation ou une réglementation doit respecter les critères de clarté et de
précision afin que les individus puissent anticiper les conséquences de leurs
actes, et tout cela dans le dessein, je le rappelais, tout cela dans le dessein
d'appuyer la proposition d'amendement de ma collègue de Taschereau.
Ils
rappellent également, ces exégètes, pleins de sagesse évidemment,
que les décrets imprécis, dont la portée n'est pas précisément définie, ne satisferont pas à ce critère et sont par conséquent illégitimes. Et la raison d'être de ce paradigme est à
l'effet qu'il est juste que chacun
ait une chance raisonnable de savoir ce qui est interdit précisément afin de
pouvoir agir en conséquence.
Plus loin,
ils nous rappellent que des lois imprécises peuvent très aisément être
enfreintes. Elles donnent souvent aux représentants publics un pouvoir
discrétionnaire qui laisse le champ libre à l'arbitraire. Et depuis le début,
nous plaidons à l'effet d'éviter justement
cette approche floutée, qui, ma foi, transpire relativement à la proposition faite par la ministre à travers ce projet de loi, que nous
voulons évidemment restreindre dans sa portée pour éviter toute
forme de dérive.
Ils disent plus loin : «Des lois imprécises
ont un effet paralysant et empêchent la tenue d'un débat sur des questions
d'intérêt général. Elles font planer le doute sur ce qui
est autorisé et empêchent de s'exprimer sur des sujets controversés par crainte d'enfreindre la loi, même
si cela n'est pas le cas.» Et c'est ce que Mme Lysiane Gagnon rappelait en ses propres termes, quand elle disait qu'on est
en train de nous préparer à un régime de terreur
intellectuelle. On est en train de figer la liberté d'expression. Je
m'arrêterai là-dessus pour l'instant, M. le Président.
Documents déposés
Le Président (M. Habel) : Merci, M.
le député de Bourget. J'aimerais juste rappeler aux auditeurs qui sont avec
nous que nous avons déposé quatre documents de loi, donc je les considère
déposés jusqu'à maintenant. Alors, Mme la ministre.
Mme Vallée : Oui. Alors, tel
qu'on l'a mentionné ce matin, nous avons déposé le Human Rights Code de la Saskatchewan,
et j'invite les collègues particulièrement à porter une attention à l'article
14. Nous avons également déposé copie de l'Alberta Human Rights Act; j'invite
les collègues à prendre connaissance de l'article 3. Nous avons déposé le Human Rights Code de la
Colombie-Britannique; j'invite les collègues à prendre connaissance de l'article 7. Et nous avons déposé la Loi sur les droits de la personne des Territoires du Nord-Ouest, et j'invite les collègues à prendre connaissance
de l'article 13. Et je fais référence aux discussions de ce matin.
M. le Président, peut-être une question d'intendance, est-ce qu'il serait possible d'avoir la répartition du temps?
Parce que nous étions sur le sous-amendement.
Le
Président (M. Habel) : Oui,
aucun problème. Donc, le temps pour le sous-amendement de l'article 1
était, pour Mme Maltais, 11 min 35 s; pour M. le député du
Lac-Saint-Jean, 4 min 40 s; pour le député de Bourget, on a retranché quelques minutes, mais autour de 15
minutes; pour la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, 20 minutes; pour la
députée de Montarville, 16 min 25 s; et pour la députée de
Gouin, 13 min 15 s.
Mme Vallée : Merci.
Le Président (M. Habel) : Alors,
est-ce qu'il y avait une autre intervention concernant le sous-amendement à l'article
1? Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, M.
le Président. Écoutez,
notre opinion, notre vision de cette loi-là, notre opinion sur cette loi est à l'effet que nous devons intervenir,
comme le demande le plan de lutte à la radicalisation. Tel qu'inscrit par
le premier ministre, nous devons intervenir en matière de
radicalisation, et cette radicalisation est amenée par des préceptes religieux. C'est le combat du siècle, c'est le
combat de l'ouverture du XXIe siècle. C'est le combat auquel font face
toutes les démocraties, et l'opinion que
nous avons est que cette loi devrait en tenir compte. Cette loi devrait être là-dessus.
Mon collègue, tout à l'heure, le député
de Lac-Saint-Jean, dans le moment que nous avons eu avant la séance
de ce matin, nous rappelait que l'intention, c'était important.
Alors, nous,
ce qu'on veut, c'est vraiment essayer de baliser le mieux possible cette loi.
Tous les amendements que nous avons
apportés jusqu'ici étaient dans le même sens. On fait face à de l'extrémisme dans les
démocraties, et nous voulons que
cette loi soit là pour faire face à l'extrémisme. D'ailleurs,
pour vous montrer à quel point c'est vraiment,
là, sur une ligne de pensée qu'il y a
une fracture actuellement, là, c'est que la discussion qu'on a eue a été
très sereine jusqu'à ce qu'un nouvel amendement
de la ministre extirpe le contexte d'intolérance des mots pouvant s'exprimer...
des mots sur l'extrémisme violent, là.
Je cherche l'amendement, on a tellement de papiers, on travaille tellement
dans plein de papiers que je cherche l'amendement de la ministre. Est-ce
que tu l'as? O.K. C'était : «pouvant mener à l'extrémisme violent». Quand
le contexte d'intolérance a été déplacé et
n'a plus été lié à l'extrémisme violent, à ce moment-là, on est sortis
du débat de la radicalisation et du débat sur le fondamentalisme
religieux.
M. le Président, vous êtes un nouveau président pour cette commission.
Je vous remercie d'être là cet après-midi.
Si vous suivez tous nos propos et tous nos amendements,
ils vont toujours dans le même sens. Nous voulons retrouver le sens
initial du combat que la société québécoise nous a demandé de mener. Tout est
dans ce sens-là. Quand on nous parle d'être
ou non sérieux, nous sommes extrêmement sérieux et sérieuses de ce côté-ci,
nous avons systématiquement amené le même
sens. Regardez, suivez la trace, suivez le fil de ce qu'on amène, là. Suivez le
fil de ce qu'on amène, on amène toujours le même sens. Nous sommes
supposés ici faire un combat contre la lutte à la radicalisation parce qu'il y a des extrémistes qui vont en Syrie, ou
qui en reviennent, ou parce qu'il y a des jeunes qui font sauter des
gens, qui tuent, à Saint-Jean-sur-Richelieu, Ottawa.
C'est
ça, le combat. Et le combat, en plus, on sait qu'il est initié ici, au Québec,
par des gens qui, oui, ont des discours qui
nous dérangent, haineux, incitant à la violence. Moi, je pense surtout incitant
à la violence, là. C'est ça qui mène à
la radicalisation, mais ces discours-là
sur lesquels nous voulons nous battre sont des discours qui mènent soit à des
actes terroristes pouvant mener à
l'extrémisme violent. C'est exactement tout le sens de ce que nous avons amené à
chaque fois. On n'a jamais dérogé de ça.
• (16 h 40) •
Alors,
j'ai entendu tout à l'heure... heureusement que c'était à micro fermé, je dirais, le petit
échange un peu rude qui s'est passé entre
mon collègue et la ministre, mais je veux juste dire que nous sommes toujours
dans le même sens, là. On a une ligne
bien claire pour nous, nous voulons retrouver le sens de la commande, que je
nomme sociétale, que je nomme québécoise
et que je nomme gouvernementale. C'est juste ça et c'est depuis qu'on a perdu
ce sens-là qu'on a des problèmes autour de la table. À la seconde où ce
sens-là est sorti, on a commencé à avoir des problèmes. Et c'est là qu'il y a
une fracture vraiment de philosophie. Il y a une fracture, là, puis
on essaie de la réparer ou on essaie de la retrouver ailleurs, on essaie de l'amener ailleurs. Cette
fracture-là, ce n'est pas seulement nous qui l'avons nommée, M. le Président. Cette fracture-là, ce sont
les gens qui sont venus en commission parlementaire.
Alors,
ce que je demande à la ministre, c'est : Est-ce qu'elle ne trouve pas
que le sens de ce qu'on amène n'est pas tout à fait dans le sens de ce
que les gens nous ont demandé, c'est-à-dire être rassurés que le discours
haineux ou la loi qu'on nous propose ne pourraient pas être utilisés par
ceux mêmes qu'on veut empêcher de propager les idées haineuses? C'est ça que
les gens sont venus nous dire.
Alors,
nous, on travaille toujours dans le même sens, puis je pense
que nos propositions sont tout
à fait, à chaque fois, claires, constructives, puis on cherche à
retrouver le sens qui était là au départ. C'est ça, le problème,
c'est que nous, on avait l'impression
qu'on travaillait dans le même sens au début, puis là, tout à coup, poup, il y a eu une sortie qu'on ne comprend pas, qui
est allée ailleurs.
Alors,
M. le Président, moi, j'attends de savoir pourquoi
la ministre ne répond pas positivement à ces demandes
qui ont d'abord été énoncées en audition, en commission parlementaire, par les
gens qui sont venus nous rencontrer.
Le Président (M.
Habel) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : J'ai répondu amplement. Je crois que les amendements
que nous avons déposés, l'ensemble des amendements, ça se voit comme un
tout, l'article se voit comme un tout, se lit comme un tout, répondent et
viennent cadrer le dossier de façon plus claire.
Ceci
étant, pour ce qui est du sous-amendement déposé par les collègues, je pense
que notre collègue de Montarville a
mis le doigt dessus aussi cet avant-midi et je souscris à ses propos
lorsqu'elle dit : À trop restreindre, on va donner des outils à ceux qu'on cherche aussi... à ceux qui portent un
discours haineux et qui vont tenter de trouver des portes de sortie pour
ne pas répondre de leurs actes.
Donc,
à trop restreindre, on donne des portes de sortie, mais, à trop restreindre,
comme le souhaitent nos collègues de
l'opposition, on fait également de notre projet de loi un projet de loi avec
une portée qui, constitutionnellement, n'est pas défendable. Et notre
objectif a toujours été que les amendements apportés puissent se justifier eu
égard à nos chartes des droits et libertés.
Le Président (M.
Habel) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Nous ne nommons aucune
religion, nous ne faisons aucune discrimination envers les religions.
C'est pour ça que, écoutez bien, là, on parle de préceptes religieux. Il n'y a
aucune discrimination sur les préceptes
religieux, fondée sur les préceptes religieux. Sauf qu'il faut réaliser que le
combat que nous menons actuellement,
c'est un combat contre le fondamentalisme religieux qui mène à l'extrémisme. On
peut enlever «violent». On peut
enlever le mot «violent», si on veut, mais qui mène à l'extrémisme qui, soyons
clairs, là, est violent. Saint-Jean-Richelieu, c'est violent; Ottawa,
c'est violent; Paris, c'est violent; Bamako, c'est violent.
C'est
de ça dont on est supposés parler, c'est de ça dont on parle. Puis je comprends
que la ministre nous dit : Oui, mais
il y a déjà eu le nazisme, mais ce n'est pas ça, le combat actuel du siècle, et
jamais personne n'a demandé une loi, au Québec, supplémentaire, en sus
du Code criminel ou en sus des possibilités de plainte à la Commission des
droits de la personne et des droits de la
jeunesse, disant : Ça y est, il faut faire taire les propos nazis, pronazis.
Ce n'est pas ça, le débat. Le débat
au Québec, c'est les préceptes religieux, c'est le fondamentalisme religieux.
C'est pour ça que l'amendement est déposé, et il est clairement
intéressant si on a le même but. On y croit encore, M. le Président.
Le Président (M.
Habel) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Je n'ai pas de commentaire supplémentaire, M. le Président.
Le Président (M.
Habel) : Est-ce qu'il y a une autre intervention? Mme la députée
d'Hochelaga.
Mme Poirier :
Merci. Hochelaga-Maisonneuve.
Le Président (M.
Habel) : Hochelaga-Maisonneuve.
Mme
Poirier : Je prends les documents que la ministre nous a
déposés pour nous faire la démonstration de la présence, dans d'autres
lois qui ont inspiré la ministre... et ce qui m'apparaît à la lecture de ces
textes-là, on parle de publication. Alors,
les lois qui ont inspiré la ministre parlent toutes de publication. Alors, il
est interdit de publier, d'exposer en
public un avis, une affiche, un symbole. On est plus dans l'objet physique, M.
le Président, que l'on publie. Alors, un message publié dans un journal, une affiche que l'on exposerait sur un
mur, et on vient l'interdire, à ce moment-là, sous le motif de la
discrimination illicite.
J'aimerais
comprendre comment la ministre peut faire une association entre la publication
écrite et le discours verbal. Pour
moi, c'est quelque chose de totalement différent. Et les quatre lois ont à peu
près le même libellé, à peu près le même libellé, à quelques mots près,
mais c'est la même intention, et les trois se nomment... soit «publication»,
«discrimination, republications, notices»; l'autre, c'est «discriminatory
publication»; puis la quatrième, «prohibitions against publications».
Alors, on est
vraiment dans la production d'un écrit ayant un discours haineux versus que
nous, on est dans la parole. Nous, on
est dans quand quelqu'un prononce un discours haineux ou des propos incitant à
la violence, qui est notre texte qui
est là. Moi, je veux juste comprendre la portée de ce comparable qui a inspiré
la ministre, parce que, là, je ne
vois pas le lien. Je comprends qu'il y a quelque chose qui vient encadrer
l'écrit, et nous, on vient encadrer de l'oral. C'est totalement
différent.
Alors, moi,
je veux savoir comment la ministre a pu prendre... à partir de ces textes
existants, comment elle a pu prendre l'ensemble de ces articles de loi
et les étirer pour leur faire dire, à ces articles de loi là... qu'on les lie à
la parole. Alors, ça, pour moi, là, c'est
vraiment une question. Et chacun des textes... et je vous fais la lecture, là,
de... celui-là, c'est les Territoires du Nord-Ouest, par exemple,
alors : «Il est interdit, en se fondant sur un motif de discrimination
illicite, de publier ou d'exposer en public ou de faire en sorte de permettre
que soit publié ou exposé en public une déclaration,
un avis, une affiche, un symbole, un emblème ou toute autre représentation et
qui, selon le cas», puis là on décrit,
là, qu'est-ce qu'il ne faudrait pas faire. Et l'indice de recherche dans le
côté, c'est : déclaration, avis, affiche, symbole, emblème et
autres représentations. À ma lecture à moi, quand je lis ça, on est dans
l'écrit, on n'est pas dans le verbal.
Alors,
j'aimerais ça savoir si la ministre a une lecture différente. Si elle a une
lecture différente, comment elle en arrive
à cette lecture-là? Il y a là, effectivement, une base, il faut le reconnaître,
qui existe, là, on le reconnaît tous, là. Mais comment cette base-là permet à la ministre de penser que l'on peut étirer
ce qui est là pour le discours oral? Pour moi, c'est complètement différent.
Moi, c'est ma question, M. le Président.
• (16 h 50) •
Le Président (M. Habel) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, ce matin, on a eu des échanges sur les questions d'intention, sur
des textes en particulier. Je pense qu'on
pourrait en rester à l'amendement, parce que l'amendement... le sous-amendement,
je vous dirais, qui porte sur l'ajout ou la
modification du libellé... Puis je pense que ce serait quelque peu intéressant
de rester sur ce sous-amendement plutôt que de faire des discussions générales que nous
avons eu abondamment la chance d'avoir par le passé.
Le Président (M. Habel) : Mme la
députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Poirier : Merci, M. le
Président. Bien, il va falloir me dire quand, à quel moment nous avons eu des
discussions sur le dépôt de ces quatre documents, puisqu'ils nous ont été
déposés aujourd'hui, et sur le fait que ces quatre documents se réfèrent à des
publications. Nous n'avons pas eu cette discussion. Alors, je veux juste
savoir, là.
Le Président (M. Habel) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
En fait, M. le Président, avec votre permission... Là, on est sur le
sous-amendement, j'aimerais ça qu'on
reste sur le sous-amendement. Ces dispositions-là, on pourra les utiliser
lorsqu'on verra, un peu plus tard, je l'espère... peut-être demain, peut-être cet après-midi,
lorsqu'on verra les dispositions qui portent sur le type de discours qui est
touché, on aura la chance d'échanger.
Je ne
souhaite pas, M. le Président, aborder des discussions générales puisque ça
semble un peu désorganiser nos travaux.
Puis je vous dirais que j'aimerais beaucoup qu'on puisse travailler de façon
ordonnée. On a voulu travailler alinéa par
alinéa, on a devant nous un sous-amendement, j'aimerais qu'on puisse aborder ou
disposer du sous-amendement puis, par la suite, aborder un autre point.
Merci.
Le
Président (M. Habel) :
Alors, Mme la ministre, merci beaucoup. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme
Poirier : Bien, écoutez, je peux juste regretter ce que la
ministre nous disait comme réponse, parce qu'à mon avis il y a là un enjeu important, cet enjeu
important là, on se rappellera, qui est celui que la ministre nous dit depuis
le début des travaux, qu'elle s'appuie sur
des lois existant ailleurs. D'ailleurs, je ne vois pas grand-chose... de
précepte dans ces textes-là. Je ne
vois pas rien dans ces textes-là, d'ailleurs, qui se réfère à l'amendement même
de la ministre en tant que tel puisqu'il n'en est pas du tout question
ici.
Alors, je comprends
que la ministre a répondu à la demande, qui a été faite depuis un bon bout de
temps, à l'effet d'avoir en main les textes
sur lesquels elle s'est basée, du moins dit-elle, pour élaborer son projet de
loi. Bien, à la lumière des documents
qui nous ont été déposés, je ne vois pas comment on a pu se baser sur ces
textes-là pour me parler de discours quand ici on me parle de publications. On est dans deux
volets totalement différents, M. le Président, et le projet de loi porte
sur le discours.
Si
je me rappelle bien, en plus, le titre du projet de loi est très clair. Le
titre nous parle de prévention et de lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence. Il
ne nous parle pas du tout de tout ce qui peut être publié incitant à la violence, il nous parle des
discours. Je comprends que, lorsque le discours ou le message pourrait être
publié par Internet, ce sera une chose, mais quand la personne...
Et je rappellerai à
la ministre que... je lui ai rappelé que notre personnage, M. Tariq Ramadan,
est venu lundi le 23 novembre... et faire en
sorte que ce personnage, on le sait, tient un discours homophobe, misogyne, et
j'en rajouterais quelques
qualificatifs... On sait très bien que ça fait partie de ce qu'on veut toucher
par cette loi. On ne veut plus que des personnages comme M. Ramadan
viennent endoctriner. Ça, on l'a adopté précédemment, ce mot-là, on l'a ajouté.
On ne veut plus que les gens viennent endoctriner nos jeunes.
Donc,
vous voyez ma surprise, M. le
Président, de voir que les documents
qui nous ont été déposés n'ont, à mon avis,
aucun lien avec le discours, mais ont lieu avec la publication de textes ou de
l'affichage public en tant que tel de propos non acceptables, d'un
discours haineux menant à la violence. C'est ça dont parlent les autres lois au
Canada, dans les autres provinces. Alors, ça, M. le Président, je ne sais pas
trop quoi en faire puisque je considère que la ministre ne nous a pas fait la démonstration que, pour l'objet
principal de la loi, qui est le discours haineux et le discours menant à
la violence, il n'y a pas là de référence dans les textes qui nous ont été
déposés.
Le Président (M.
Habel) : Merci. Mme la ministre.
Mme
Vallée : M. le Président, nous avons déposé ces lois et dans un contexte dont il a été question
ce matin et aussi suite aux
nombreuses demandes de l'opposition voulant voir les lois. Alors, on vous dit :
Mais ce n'est pas parce qu'on s'inspire d'une loi qu'on en reproduit
textuellement chacun des mots.
Vous
demandiez s'il y avait des lois qui encadraient le discours haineux, il y en a
à l'intérieur même de la fédération canadienne.
Il y en a ailleurs également. Les amendements, nous l'avons dit, ont été
déposés suite aux consultations et suite aux échanges que nous avons
eus. Maintenant, je pense que j'ai suffisamment discouru sur cette question.
Le Président (M.
Habel) : Merci, Mme la ministre. En vous rappelant que nous sommes
toujours sur le sous-amendement de l'amendement de l'article 1, je reconnais
maintenant la députée de Montarville par principe d'alternance.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Très
brièvement, ça serait pour, si je peux me permettre, un peu de réconforter ma collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve. J'ai lu, tout comme elle, les articles et je voudrais
l'amener... l'article qui nous a été soumis,
l'article 14, paragraphe 1, de la... Saskatchewan Human Rights Code.
Effectivement, on parle de
prohibition «against publications». «Publications», c'est plus large qu'une
simple publication imprimée, on parle ici de contenu et de discours. Si
on va plus loin dans l'énumération, on nous parle qu'on ne peut pas, entre
autres, «through a television — télévision, là, ce n'est plus un écrit,
c'était vraiment les ondes, c'est en action — or radio broadcasting station — ici, on parle, donc ce sont vraiment des
discours parlés — or any
other broadcasting device». Ça, je trouve
ça intéressant parce que ça nous permet d'inclure Internet, YouTube, tout ce
qu'on y entend. Donc, je trouve qu'il y
a quelque chose d'intéressant ici et je ne crois pas que ce soit limitatif
uniquement aux publications qui sont écrites.
Ça
fait que c'est pour vous conforter à cet égard-là, parce qu'on veut également
stopper les discours et les propos sur
Internet, ce qu'on y voit, et Dieu sait, et vos collègues le disaient
d'ailleurs, qu'il y a une grande partie de l'endoctrinement qui se fait aussi par Internet et sur toutes ces vidéos
qu'on voit. Donc, la limitation inclut cela, et, à notre compréhension
des choses, le terme «against publications», «publications» est plus large
qu'une simple publication d'un papier écrit, mais signifie bien le contenu et
les discours.
Pour
notre part, nous avions soumis, en liasse, des amendements, Mme la ministre,
dans lesquels nous voulions proscrire,
non pas les discours haineux, mais les propos haineux, et c'est la raison pour
laquelle on mentionnait le mot «propos»,
parce que, pour nous, «propos» est à la fois les discours, donc verbal, mais
également les écrits, les publications. Alors, c'est pour ça qu'on avait mis «propos» dans nos amendements. Je
veux seulement le souligner au passage, Mme la ministre, à la
documentation.
Alors,
c'est pour réconforter ma collègue dans la mesure où c'est possible de
restreindre la liberté d'expression à certains
égards et ce ne sont pas des articles qui ne touchent que la presse écrite,
mais on est dans le département de la
presse électronique et tout autre type de média, et c'est à ça aussi qu'il faut
s'attaquer, les vidéos qu'on voit circuler, et la loi de la Saskatchewan
le permet.
Alors,
c'était un aparté, mais c'est juste pour dire : Ça existe. Parce qu'on
veut s'y attaquer, mais on veut savoir que ça existe aussi. Merci. M. le
Président.
Le Président (M.
Habel) : Merci beaucoup, madame. Mme la ministre.
• (17 heures) •
Mme Vallée : Premièrement, simplement, la collègue de Montarville nous
a effectivement déposé des amendements. Un jour, j'espère qu'on pourra y arriver, mais ces amendements ont été
analysés. On pourra discuter et on pourra échanger. Il y a, parmi les
amendements soumis par la collègue, des idées intéressantes à explorer.
Le Président (M. Habel) : Mme la
députée de Montarville, ça va? Est-ce qu'il y a une autre intervention? Mme la
députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Poirier :
Comme vous voyez, je prends bonne note du commentaire de la députée de Montarville.
Cependant, les autres lois qui nous ont été déposées ne traitent pas du tout de
radio, de télévision ou de tout ce qui est autre façon de diffuser un
message. Alors, il y a seulement que la Saskatchewan... précise cela dans sa
loi. Je l'avais bien lu, effectivement.
Le Président (M. Habel) : Mme la
ministre, est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose?
Mme Vallée : Pas de commentaire
à ajouter.
Le Président (M. Habel) : Est-ce
qu'il y a une autre intervention? Oui? Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui. M.
le Président, d'abord, la ministre vient de faire référence encore une fois à il
y en a d'autres à l'étranger, donc à des
lois à l'extérieur. Alors, comme nous avons, et nous en sommes très
heureux, eu enfin les lois canadiennes,
on attend toujours les lois étrangères. La ministre
même, à l'Assemblée nationale, hier, au salon bleu, m'a répondu qu'il y avait des lois à
l'étranger. Nous attendons toujours le nom du pays ou le dépôt des lois, M. le Président; ça fait partie des choses qu'on demande depuis le début de cette session
parlementaire, cette commission
parlementaire. Elle vient encore d'y faire
référence, alors j'aimerais ça, moi, qu'on... Je sais que la ministre
a fait tout à l'heure un appel au travail sérieux, bien, ça nous aiderait à faire du travail sérieux si...
Là, déjà, on a une partie de faite, on a enfin les
lois canadiennes, maintenant on attend toujours les lois de l'étranger parce que,
déjà, on voit qu'il y a seulement la Saskatchewan, peut-être, qui a des choses, mais, à part ça, on est dans
le monde de la publication, on n'est pas du tout dans le monde de la loi
qu'on nous dépose, on n'est pas dans le même univers, on n'est pas dans le même
contexte.
Ceci dit,
aussi, si on prend la peine de parler de ces lois qui viennent d'être déposées,
c'est que — vous
n'étiez pas là, M. le Président — c'est la ministre elle-même qui a
commencé à aborder ce sujet pendant qu'on discutait du sous-amendement. Donc, cette
porte ouverte sur ces lois, elle a été ouverte par la ministre.
Et je pense qu'à ce sujet on répond à son appel de
discuter de ça puis on le fait avec beaucoup de bonne volonté.
Ceci dit, sur
le fond de l'amendement, je le répète, il y a eu un appel des gens en
commission parlementaire à
l'effet de faire attention avec cette loi,
qui limite la liberté d'expression. Et l'appel, il était : Le danger,
c'est qu'on va provoquer de
l'autocensure. J'ai entendu souvent les gens nous dire : Écoutez,
la meilleure façon d'éviter les discours haineux, c'est l'éducation,
c'est la prévention, ce n'est pas la coercition.
Nous, on est
plutôt de cette école-là : La prévention, l'éducation, pas la
coercition. Alors, on accepte de débattre avec plaisir d'une loi, on s'assoit à la table, mais il faut
bien comprendre que, fondamentalement, nous cherchons à nous prémunir de l'autocensure et à viser la bonne
cible. Le seul moyen de faire ça, c'est de viser la bonne cible. Alors,
nous, on cherche à atteindre la cible qui
est demandée par tout le monde, par la société, par les Québécois, et par, je vais l'appeler comme ça, le mal qui ronge ce début de siècle.
C'est ça qu'on chercher à prévenir, c'est
ça qu'on cherche à faire.
Alors, M. le Président, en nommant les préceptes religieux... «au nom de
préceptes religieux», nous nommons, nous nommons le problème, le problème
vécu actuellement. Tout simplement, nous nommons le problème. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Habel) : Merci. Mme
la ministre.
Mme Vallée : Je n'ouvrirai
pas de porte additionnelle.
Le
Président (M. Habel) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a une autre intervention? M. le député de Bourget.
M. Kotto : Merci,
M. le Président. Je comprends mal cette difficulté à nommer une cible, à nommer l'objet pour lequel nous sommes, depuis les événements
de Saint-Jean-sur-Richelieu, Ottawa, par la
suite Paris, Paris une seconde
fois, Beyrouth, au Liban, Ankara, en
Turquie, Fotokol au Cameroun, au Niger très récemment... L'enjeu est clair
et c'est cet enjeu qui a amené le premier ministre du Québec en poste actuellement à déclencher une stratégie pour contrer le
mal. Je comprends qu'on veuille protéger, disons, la paix civile en
développant un discours allant dans
le sens de, disons, préserver des
entités ou des courants religieux. Et ceux qui nous occupent sont des courants
radicaux. Et vous comprendrez mon étonnement là-dessus. Ce n'est pas
rendre service à la collectivité tout entière que d'errer dans ce flou
artistique, ce n'est pas rendre service
notamment à nos concitoyennes et concitoyens de culte ou de culture musulmane
que d'errer dans ce flou artistique.
Ma collègue
de Taschereau, quand elle propose son amendement, qui cible l'objet, en
l'occurrence, en amenant les mots «au
nom de préceptes religieux», c'est-à-dire ces démarches d'endoctrinement, de
radicalisation débouchant sur des
actes violents au nom de préceptes religieux, elle ne fait que restreindre ce
que bon nombre d'observateurs, bon nombre de juristes sont venus nous rappeler ici, M. le Président. Ils sont
venus nous rappeler, lors des auditions publiques tenues au cours des mois d'août et septembre derniers, que
nous avions un devoir de prudence en ces matières parce que nous nous
exposions à une atteinte grave au droit à la liberté d'expression.
Et nous avons eu
espoir... le 23 septembre dernier, lorsqu'une journaliste nous
informait — en
l'occurrence Mme Jocelyne Richer, dans le
journal La Presse — que le gouvernement allait refaire ses
devoirs et présenter une nouvelle mouture
de son projet de loi n° 59, une nouvelle mouture... Et je fais allusion à
cela, M. le Président, parce que l'article sur lequel nous débattons
depuis quelques jours déjà est le coeur de ce projet de loi. Au-delà de ces
tentatives d'échange, au-delà de ces
propositions de construction, disons, en phase avec ce que nous considérerions
avec un peu de recul comme ce qui
doit être fait dans les circonstances, ma foi, cette espèce de posture que nous
avons en face ne nous permet pas d'aller de l'avant avec sérénité, d'aller de l'avant avec
le sentiment qu'il y ait quelque ouverture que ce soit et nous amène, en
fin d'exercice, à passer énormément de temps à argumenter et à ne pas avancer.
• (17 h 10) •
M.
le Président, la ministre disait tout à l'heure... elle parlait tout à l'heure
de travail de rigueur. Et, quand je fais le bilan des questions que ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve et celles
de Taschereau ainsi que mon collègue de Lac-Saint-Jean exprimaient, il est
aisé de constater qu'il y a une porte fermée à deux tours. La finalité de nos
interventions, M. le Président, est à l'effet de préserver le droit à liberté
d'expression.
J'inviterais
la ministre à lire l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme à cet effet.
C'est une disposition qui peut
l'inspirer, parce qu'au-delà du Québec et de la Saskatchewan, qui apparemment
vont dans le sens de restreindre de
façon très large la liberté d'expression, il y a des mises en garde. Et on aura beau éviter le débat, éviter de répondre aux demandes de mes collègues, mais on
n'échappera pas à la critique à l'interne comme à l'externe, à l'interne
avec notamment des juristes que nous connaissons tous :
M. Julius Grey, il s'est largement exprimé en ces matières; l'ancienne bâtonnière du Québec, Mme Latour
s'est également exprimée en ces matières. Mais il y a lieu de constater
un refus d'ouverture, un refus de débat constructif.
Et je poursuivrais
avec les mises en garde que j'avais énoncées tout à l'heure — relativement
à cette volonté apparente que la ministre,
avec ce projet de loi... qui rejette l'amendement de ma collègue la députée de
Taschereau — pour
appeler encore une fois au chapitre de la
sagesse de nos exégètes en droit international, qui disent que «toute
restriction de la liberté d'expression doit
poursuivre un objectif légitime». Et ils nous rappellent que «la liste des
objectifs légitimes n'est pas
illimitée». C'est exactement, par sa proposition, ce que ma collègue de
Taschereau essaie d'exprimer depuis ce matin, ici, autour de la table.
Ils
nous rappellent, ces exégètes, que «les raisons qui sous-tendent la décision
d'un gouvernement de restreindre la liberté
d'expression ne sont pas toutes compatibles avec une gouvernance démocratique»
et ils nous disent que «l'objectif doit être légitime dans son intention»,
intention qui, jusqu'à présent, malgré les questions que pose mon collègue de
Lac-Saint-Jean, n'est pas connue.
Donc :
«L'objectif doit être légitime dans son intention et son effet. Il ne suffit
pas qu'une disposition ait un effet secondaire
sur un des objectifs légitimes. Si la disposition a été créée pour une autre
raison...» Et c'est notre sentiment, considérant
la frilosité générée par la prononciation du mot «religieux». Alors : «Si
la disposition a été créée [par] une autre raison, elle ne satisfera pas
à cette partie du test.»
«Toute restriction du
droit à la liberté d'expression doit être réellement nécessaire. Une
restriction peut être conforme à une loi
claire et poursuivre un objectif légitime, mais ne satisfera au test qu'à
condition d'être réellement nécessaire
à la protection de cet objectif
légitime.» Quel est cet objectif? Si une restriction n'est pas nécessaire,
[alors] pourquoi l'imposer?
«Dans
la grande majorité des cas où des cours internationales ont statué que des
législations domestiques étaient des restrictions illégitimes de la
liberté d'expression, ces législations n'étaient pas jugées
"nécessaires".
«[...]Un
gouvernement doit agir en réponse à un besoin social impérieux — mon collègue du Lac-Saint-Jean l'a rappelé, un besoin social impérieux — et non simplement par commodité. Dans une
échelle entre "utile" et "indispensable",
"nécessaire" doit être proche d'"indispensable"»,
M. le Président.
«Un
gouvernement doit toujours employer la mesure la moins intrusive si elle
existe et atteint le même objectif.»
Et,
M. le Président, j'espère... enfin, j'ose espérer que la sagesse,
ici, exprimée par nos exégètes en
matière de droit international va contribuer à nourrir celle de la ministre qui est en charge,
qui est porteuse d'un projet de loi
qui, ma foi, représente une grande menace pour la liberté d'expression au
Québec, ce qui serait néfaste relativement à la perception que nous avons de
nous-mêmes et que les autres, ici ou au-delà de nos frontières, pourraient
avoir. Merci.
Le Président (M.
Habel) : Merci. Mme la ministre?
Mme Vallée :
...
Le Président (M.
Habel) : Est-ce qu'il y a une autre intervention? Est-ce qu'il y a une
autre intervention? N'en voyant pas, je suis prêt à mettre aux voix le
sous-amendement de l'amendement de l'article 1. Est-ce que le
sous-amendement est adopté?
Mme
Maltais :
Vote par appel nominal.
Le Président (M.
Habel) : Le vote par appel nominal. Alors, Mme la secrétaire.
La Secrétaire :
Mme Maltais (Taschereau)?
Mme
Maltais :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?
Mme Poirier :
Pour.
La Secrétaire :
M. Kotto (Bourget)?
M. Kotto :
Pour.
La
Secrétaire : Mme Roy (Montarville)?
Mme Roy
(Montarville) :
Contre.
La Secrétaire :
M. Cloutier (Lac-Saint-Jean)?
M. Cloutier :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Vallée (Gatineau)?
Mme Vallée :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Sauvé (Fabre)?
Mme Sauvé :
Contre.
La Secrétaire :
M. Busque (Beauce-Sud)?
M. Busque :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Nichols (Vaudreuil)?
Mme Nichols :
Contre.
La Secrétaire :
M. Merlini (La Prairie)?
M. Merlini :
Contre.
La Secrétaire :
M Proulx (Jean-Talon)?
M. Proulx :
Contre.
La Secrétaire :
M. Habel (Sainte-Rose)?
Le Président (M.
Habel) : Abstention.
La Secrétaire :
C'est rejeté.
Le Président (M. Habel) : Le sous-amendement de l'amendement de
l'article 1 est rejeté. Alors, on revient sur la discussion de
l'amendement de l'article 1... Ah! je reconnais Mme la députée de
Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. J'aimerais proposer un sous-amendement à l'amendement. On est toujours sur
l'amendement de la ministre, là? Ce que je vous disais tout à l'heure
concernant le mot «propos» et le mot «discours», je me rends compte que c'est
en février dernier, lorsque nous avions fait des recommandations, ou plutôt des
suggestions pour contrer justement tout ce qui se passait avec les discours
religieux, l'extrémisme religieux, la radicalisation,
etc., nous disions, dans nos propos en conférence de presse, on parlait de
propos, propos haineux, propos. Et je
me rends compte que, dans les amendements que nous vous avons soumis, on a mis
le mot «discours» qui fait suite au titre de la loi que vous nous avez
présentée.
Et
j'aimerais vous présenter un sous-amendement pour faire en sorte qu'on inverse
tous les mots «discours» pour... tous
les mots «discours», voilà, pour les remplacer par «propos». Et je vous
expliquerai pourquoi, mais je vais d'abord déposer le sous-amendement.
C'est comme ça que ça fonctionne.
Alors,
ce sous-amendement demande tout simplement de modifier l'article 1 de la
loi, édicté par l'article 1 du projet de loi, tel que modifié par
l'amendement du gouvernement, en remplaçant les mots «discours» par «propos».
Et
voici pourquoi je vous dis ça, Mme la ministre. Et je pense que vous allez
convenir avec moi que c'est pertinent. L'arrêt
Whatcott... parce que c'est sur
l'arrêt Whatcott que se fonde le projet de loi n° 59 que nous étudions, et
Whatcott et Taylor... dans l'arrêt Whatcott, on ne parle pas de discours
haineux, mais bien de propos haineux. Et le mot «propos haineux» est répété 107 fois. Et, dans l'arrêt Taylor, c'est la
même chose, on parle encore de propos. Alors, ce n'est pas le mot
«discours», mais le mot «propos»...
Le Président (M.
Habel) : Pardon, Mme la députée de Montarville, il y a une question de
règlement.
Mme
Maltais : C'est que je ne suis pas sûre que le libellé est
correct, parce que ça dit : «...tel que
modifié par l'amendement du gouvernement...» Or, nous n'avons pas encore voté,
adopté l'amendement du gouvernement.
Mme Roy :
D'accord.
Mme
Maltais :
Alors, dans le libellé, on peut peut-être le retravailler pour que simplement
on puisse discuter de... Alors, il
faudrait juste changer le mot, retirer, changer le mot... Ce qu'on a fait
l'autre fois : on a retiré, on a changé le mot puis on a redéposé.
Il faudrait vérifier, parce qu'on n'est pas là-dedans, là.
(Consultation)
Mme
Maltais :
On ne peut pas modifier l'article 1, puisqu'on n'est pas à
l'article 1. On est sur l'amendement de la ministre.
Le Président (M. Habel) : Alors, Mme
la députée de Montarville, est-ce que vous souhaitez retirer votre
sous-amendement pour le modifier afin qu'il soit...
• (17 h 20) •
Mme Roy
(Montarville) : Oui, je veux le modifier pour qu'il soit
conforme, parce que je pense que c'est à ce stade-ci que, s'il y a un changement à faire pour changer «discours»
pour «propos», c'est ici qu'il faudrait le faire. Donc, je vais l'ajuster. Là, le libellé, peut-être les
juristes pourraient m'aider, mais nous, nous suggérons d'enlever «tel que modifié» par «tel que proposé» puisque, comme le
disait à juste titre ma collègue de Taschereau, bien, il n'est pas
encore modifié, il est proposé. Est-ce que ça convient dans le libellé?
Le
Président (M. Habel) :
Premièrement, je proposerais de retirer le sous-amendement tel qu'il est
mentionné. Est-ce qu'il y a consentement pour retirer le sous-amendement
actuel?
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Habel) : Parfait.
Alors, maintenant, je vous propose, Mme la députée de Montarville, de proposer
un nouveau sous-amendement.
Mme Roy
(Montarville) :
Bon. Alors, par économie de papier, il y a un mot à modifier, là. Je reprends
le sous-amendement :
Modifier
l'article 1 de la loi, édicté par l'article 1 du projet de loi, tel
que proposé par l'amendement du gouvernement, en remplaçant les mots
«discours» par «propos». Voilà.
Le
Président (M. Habel) :
Alors, je considère le sous-amendement déposé. Donc, je vous rappelle que vous
avez 20 minutes par parlementaire pour
discuter du sous-amendement. Alors, est-ce qu'il y a une... À moins qu'il y ait
une question de règlement de la part de...
Mme
Maltais : Non,
non, non. C'est bien. Là, maintenant, on peut continuer.
Mme Roy
(Montarville) :
...
Le Président (M. Habel) : Oui, vous
pouvez continuer à élaborer, Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Donc, par souci de cohérence, on fait une loi pour contrer ce que le
gouvernement appelle les discours haineux.
Et, comme je vous dis, nous, on parlait de «propos» depuis février dernier,
mais on se rend compte dans les amendements
que le mot «propos» n'est pas là et on s'en est rendu compte à la lumière des
lois fédérales... les lois des autres provinces, pardon, qui ont été
déposées. Donc, ce que nous suggérons, c'est de remplacer le mot «discours» partout pour mettre à la place le mot
«propos» partout compte tenu du fait, entre autres, que le projet de loi est basé sur Whatcott. Dans Whatcott, on dit «propos haineux» à
107 reprises. C'est comme ça qu'on le qualifie, donc pour être en accord avec la jurisprudence, la Cour suprême du Canada... Puis dans Taylor également
on dit la même chose, on parle de
«propos». Et «propos» couvre et la parole et les écrits. Alors, je pense
que ça pourrait être approprié et ça pourrait couvrir tout type de
médium aussi, et la parole et l'écrit... Pardon?
Une voix : ...
Mme Roy
(Montarville) :
Ça pourrait être à propos, c'est le cas de le dire, à propos. Alors, voilà.
C'était la remarque que je voulais faire,
mais je pense que, s'il y a un souci de cohérence ici, c'est vraiment
dans le terme utilisé pour se coller
aux termes de la jurisprudence, celle de la Cour suprême, là. Et tout le projet de loi est basé sur la Cour
suprême, les décisions de la Cour suprême, donc je pense qu'il faudrait employer la même terminologie. C'est ce
que je vous soumets.
Le
Président (M. Habel) :
Alors, merci, Mme la députée de Montarville. Alors, pour les gens qui nous écoutent,
la députée de Montarville vient de proposer un sous-amendement à l'amendement
l'article 1, qui se cite ainsi :
Modifier l'article 1
de la loi, édicté par l'article 1 du projet
de loi, tel que proposé par l'amendement
du gouvernement, en remplaçant les mots...
Une
voix : ...
Le Président (M.
Habel) : ...ou le mot «discours» par «propos».
Alors,
est-ce qu'il y a une première intervention? Est-ce qu'il y a une première
intervention pour le sous-amendement
de l'amendement de l'article 1?
Mme
Roy
(Montarville) : Moi, j'ai fait ma part d'intervention. Si les collègues
voient quelque chose là-dedans...
Le Président (M. Habel) : N'en voyant pas... Mme la ministre, est-ce que
vous avez quelque chose à ajouter sur le sous-amendement?
Mme Vallée :
En fait, simplement, je veux vous dire qu'il y a des échanges avec les juristes
pour s'assurer qu'effectivement tout puisse concorder. Alors, on est à regarder tout ça parce que Mme
Lapierre m'expliquait : Bien là, on
ne peut pas que modifier que cet article-là, on s'entend qu'advenant le cas que cet amendement-là passe, on aura un travail d'amendement beaucoup plus large à
faire à l'intérieur du projet de loi.
Je
vais juste vérifier, parce que, rapidement, quand je suis allée sur le Larousse, au niveau des synonymes, ce n'était pas
clair, clair. Alors, je veux juste... Parce que, lorsqu'on regarde les
synonymes simplement... Puis je vais aller voir les autres sites, mais les synonymes de «propos», on
nous disait : «décision, désir, dessein, détermination, intention,
parti, pensée, projet, volonté», ce qui est
un peu particulier. Je comprends exactement ce que notre collègue... Dans le fond, c'est l'expression de propos, l'expression d'un discours. Tenir un
discours, ce n'est pas que tenir un discours oral, ça peut être un
discours aussi... Tenir un discours, bien, ça peut se faire à l'écrit, ça peut
se faire sous différentes formes.
Mais mon premier réflexe,
lorsque j'avais vu l'amendement proposé par la collègue, je me disais : Ah
bien, peut-être qu'effectivement ce serait opportun de l'utiliser. En anglais, évidemment,
on faisait référence à... c'était un «hate speech», et ça avait été défini de
cette façon-là.
Mais
on va faire les vérifications. Comme je l'ai mentionné, je ne suis pas fermée à
travailler le texte, mais je veux juste
m'assurer qu'on ne se crée pas un enjeu en changeant la définition, en raison, notamment,
des synonymes. Alors, les équipes vont vérifier, mais je veux simplement
vous dire qu'on analyse la question.
Le Président (M. Habel) : Je vais suspendre juste quelques minutes, le
temps de vérifier le tout. Merci
beaucoup.
(Suspension à
17 h 26)
(Reprise à 17 h 34)
Le Président (M. Habel) : Alors, à l'ordre! Nous sommes toujours sur la proposition du sous-amendement de l'amendement
de l'article 1. Alors, Mme la ministre.
Mme
Vallée : Alors, dans
un premier temps, évidemment, lorsque l'on parle de propos, on se colle davantage
aux paroles qui sont prononcées et, lorsqu'il
est question de discours, le terme est plus vaste. Alors, si
l'on se fie au Larousse français disponible en ligne, je vais
vous lire ce que l'on retrouve à la définition.
On
retrouve : «Développement oratoire, sur un sujet déterminé, dit en public,
et en particulier lors d'une occasion solennelle, par un orateur;
allocution : [c'est un] discours de bienvenue.
«Propos tenus par quelqu'un,
en général longs. "Je me demande à qui s'adresse ton discours."
«[...]Développement
lassant et inutile; vaines paroles : "Un bon exemple vaut mieux que
de longs discours."
«Manifestation
écrite ou orale d'un état d'esprit; ensemble des écrits didactiques, des développements oratoires tenus sur une
théorie, une doctrine[...].
«[...]Le langage mis
en action et assumé par le sujet parlant. — C'est la parole au sens
saussurien du terme.
«[...]Tout énoncé supérieur à la phrase, considéré
du point de vue des règles d'enchaînement des suites de phrases.»
Et,
sur l'aspect «Logique. Ensemble d'énoncés liés entre eux par une logique
spécifique et consistante, faite de règles et de lois qui
n'appartiennent pas [...] à un langage naturel, et qui apportent des
informations sur des objets matériels ou idéels.»
Si on regarde les
synonymes au mot «discours», on retrouvera : «Allocution, causerie,
conférence, exposé, [...]laïus, topo, bavardage, palabre...» Alors, c'est
beaucoup plus complet que le terme «propos».
Et on me faisait
remarquer que la décision de Whatcott a été rendue, à l'origine, par le juge
Rothstein, qui est anglophone; et donc le
texte français est sujet aux choix de la traduction. Donc, les juristes
m'expliquent que le terme «discours»
a été utilisé, dans notre loi, pour être beaucoup plus global, parce que le
terme «propos», si on le prend dans son sens littéral, on va s'attarder
au mot qui est prononcé beaucoup plus qu'au contexte, et ça risque d'être
beaucoup plus dangereux, on risque de
sanctionner de façon beaucoup plus forte sur de simples propos que sur un
discours, parce que le discours, il faudra le voir dans son ensemble,
donc il faudra voir davantage le contexte. Et je pense que l'on répond davantage aux préoccupations de ceux et celles qui
craignent... et qui veulent s'assurer que la liberté d'expression ne
sera pas attaquée de façon frontale.
Donc,
ce sont les premiers commentaires que nous avons, là, quant à l'amendement.
Puis, honnêtement, c'est vrai qu'à sa
face même ça peut paraître plus clair d'utiliser le terme «propos», mais,
lorsque l'on regarde... Et, chose certaine, un jour, si, d'aventure, un
tribunal devait se pencher sur la question, ce travail-là se ferait.
Le
Président (M. Habel) : Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a une
autre intervention? Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Je comprends très bien ce que la ministre me dit. Nous tenions à «propos», dans
la mesure où il y a aussi la définition qui dit : Propos : ce que
l'on dit ou ce dont il est question. Il peut être question dans plusieurs formats, dans plusieurs formes,
dans plusieurs médiums. Mais, écoutez, je vais souscrire au choix du traducteur
et, si, effectivement, «discours» nous
permet d'arriver à nos fins — moi, c'était une question de cohérence — alors, à ce stade-ci, s'il n'y a pas d'autre commentaire des collègues, je vais
retirer mon sous-amendement, mais c'était vraiment... le mot «discours»
me fatiguait par rapport au mot «propos» qu'on retrouvait partout, mais je vais
le retirer.
Le Président (M.
Habel) : Oui. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Bien, écoutez, les propos de la ministre vont tout
à fait dans le sens de la réflexion qu'on s'est faite quand on a entendu l'amendement proposé par la
collègue de Montarville. Et ça nous semblait, à première vue, ça nous
semblait ne pas nécessairement être l'objectif que nous visons.
J'ai
déjà beaucoup de problèmes avec le mot «discours haineux», vous le savez, vous
l'avez entendu plusieurs fois, restreindre la liberté d'expression, il
faut faire attention. Alors, «propos», nous étions à peu près dans la... nous baignons dans la même eau, cette fois-ci, dans la
même vision que la ministre. On peut comprendre la très bonne intention,
mais on se range du côté du gouvernement.
Le Président (M.
Habel) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Est-ce qu'il y a une
autre intervention? N'en voyant pas, donc je comprends, Mme la députée de
Montarville, que vous voulez retirer le sous-amendement?
Mme Roy
(Montarville) :
Oui.
Le Président (M. Habel) : Mais je dois demander le consentement. Est-ce
qu'il y a consentement pour retirer le sous-amendement?
Des voix :
Consentement.
Mme
Maltais :
Consentement.
Le Président (M. Habel) : Consentement. Alors, nous revenons sur
l'amendement de l'article 1. Est-ce qu'il y a des interventions? N'en
voyant pas...
Mme
Maltais :
Oui, M. le Président.
Le Président (M.
Habel) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Il y a des interventions. Je pensais que...
peut-être je voulais laisser un peu les collègues, là... on est beaucoup
intervenus, alors je voulais laisser un peu de temps aux collègues, s'ils
voulaient...
Une voix :
...d'autres amendements.
Mme
Maltais :
...s'ils avaient d'autres amendements ou d'autres interventions.
• (17 h 40) •
C'est
parce que la collègue avait déposé une pile d'amendements, la collègue de Montarville. Alors, je me posais la question.
C'est un peu par respect, là, je ne sais plus lesquels sont valides, lesquels
ne sont plus valides. Est-ce qu'il y en a
qu'elle veut qu'on étudie? On en aura, nous-mêmes, mais là je suis un peu... j'aimerais comprendre
comment je tiens compte des amendements
qu'elle a déposés ou pas par rapport... Parce
que, dans ses amendements,
elle touche au discours haineux. Est-ce qu'elle retouche au discours
haineux? Oui? Voilà.
Le Président (M. Habel) : Alors, Mme
la députée de Montarville, est-ce que vous avez un sous-amendement à déposer?
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. On est toujours sur l'article 1, là?
Le Président (M.
Habel) : L'amendement de l'article 1.
Mme
Maltais :
L'amendement de la ministre.
Mme
Roy
(Montarville) : L'amendement de la ministre. Alors,
oui, mais... Parce que la définition du discours haineux aussi, donc,
qui nous amène au troisième alinéa. Alors, ça va comme suit, le
sous-amendement :
Modifier le troisième alinéa de l'article 1 de
la loi, édicté par l'article 1 du projet de loi — là, je comprends qu'il
n'est toujours pas adopté, là — tel que proposé par l'amendement du
gouvernement, en remplaçant les mots suivant le mot «qui» par les suivants :
«exprime une aversion profonde à l'endroit d'un principe énoncé dans la
charte québécoise des droits et libertés [...] qui sont susceptibles d'inciter
à la violence ou à l'hostilité, de promouvoir ou d'encourager un traitement discriminatoire, ou d'exposer une personne ou
un groupe de personnes au dénigrement, au rejet, à la détestation ou la
marginalisation sur la base de l'un des 13 motifs visés à l'article 10 de la
charte.»
L'alinéa 3 de l'article 1, tel que sous-amendé,
se lirait donc comme suit :
«Est un
discours haineux, un discours visé au deuxième alinéa qui exprime une aversion
profonde à l'endroit d'un principe
énoncé dans la charte québécoise des droits et libertés et qui est susceptible
d'inciter à la violence ou à l'hostilité, de promouvoir ou d'encourager un traitement discriminatoire, ou
d'exposer une personne ou un groupe de personnes au dénigrement, au
rejet, à la détestation ou la marginalisation sur la base de l'un des treize
motifs visés à l'article 10 de la charte.»
Et vous en aviez eu des copies, hein? Vous allez
les distribuer? Nous avions...
Le
Président (M. Habel) : Je
vais suspendre. Vous pouvez continuer, Mme la députée de Montarville. Parce
que je vais suspendre.
Mme Roy
(Montarville) : Bien, parfait. Mais en fait j'allais donner
des explications, mais on peut suspendre pour que les gens aient sous
les yeux le document, là.
Le Président (M. Habel) :
Exactement, je vais suspendre pour le dépôt du sous-amendement.
Je suspends quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 43)
(Reprise à 17 h 55)
Le
Président (M. Habel) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes maintenant rendus au sous-amendement de l'amendement de l'article
1. Et je reconnais Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Ce qu'on a fait, on a repris... Les termes se
rejoignent, là, se ressemblent, mais, comme vous avez constaté, on a
enlevé l'expression «virulents et extrêmes[...], aux yeux d'une personne raisonnable»... «...est d'une virulence
ou d'un extrême»... le discours est «d'une virulence ou d'un extrême tel
qu'il est susceptible d'exposer ce groupe à la marginalisation ou au rejet, à
la détestation, au dénigrement», etc.
Si on se fie justement
à Whatcott et à Taylor, pour nous, les termes «virulents et extrêmes» sont les
sentiments que font évoquer, chez la
personne qui l'entend, le discours haineux. Et nous, ce qu'on dit, c'est qu'ici
ce n'est pas les sentiments qui doivent être... ce n'est pas le
discours, pardon, qui doit être virulent et extrême, donc ce n'est pas... cette
notion de...
Une voix : ...
Mme Roy
(Montarville) :
Bon, je recommence, O.K.? C'est du droit constitutionnel. On enlève
«virulents et extrêmes». On les enlève parce que ce sont les sentiments
qu'ils évoquent quand on entend ces propos-là. Quand on entend ces propos, ça évoque des sentiments virulents et extrêmes. Mais,
ici, ce ne sont pas les sentiments que nous voulons sanctionner, mais le discours qu'on veut
sanctionner. Et c'est la raison pour laquelle on le libelle autrement, c'est la
raison pour laquelle on vous dit que, lorsqu'on
entend le discours haineux, c'est un discours «qui exprime une aversion
profonde à l'endroit» de quelqu'un, mais à l'endroit, naturellement, d'un
principe qui est annoncé dans la charte — je ne vous répéterai pas toute la charte, mais tout est dans
la charte — un
principe énoncé par la charte, et que cette aversion-là «est susceptible
d'inciter à la violence ou à l'hostilité, de promouvoir ou d'encourager un
traitement discriminatoire, ou d'exposer une
personne ou un groupe de personnes au dénigrement, au rejet, à la détestation
ou la marginalisation sur la base de l'un des treize motifs visés à
l'article 10 de la charte».
En fait, ce
qu'on vous dit, c'est que ce n'est pas les sentiments évoqués qui doivent être
virulents ou extrêmes, et ce n'est
pas ce «virulents et extrêmes» là qu'on doit s'attaquer, mais aux discours, et
les discours qui font en sorte que ce sont nos valeurs de la charte qui
ne sont pas respectées. Parce que c'est très subjectif, parler, dans les arrêts
Whatcott et Taylor, quand on nous parle des
sentiments qu'ils évoquent... évoquent des sentiments de violence et des
sentiments extrêmes, bien, ça, c'est subjectif à chacun.
Cependant,
si les propos font en sorte qu'on vous brime dans vos droits puis dans vos
valeurs qui sont dans la charte, ça,
ce n'est plus subjectif si vos droits sont brimés, c'est factuel. C'est la
raison pour laquelle on enlève ces items-là, qui sont des qualificatifs,
des sentiments évoqués.
Et nous, ce n'est pas les sentiments évoqués
auxquels on veut s'attaquer, c'est au discours. Donc, si je simplifie, un discours qui fait en sorte que les
droits et libertés, des principes énoncés dans la charte, de quelqu'un seraient brimés —donc, il
est brimé dans ses valeurs fondamentales, dans ses valeurs profondes — et
que ce discours-là est susceptible d'inciter
à la violence — parce que c'est ça aussi, là, les discours incitant à la violence ou à
l'hostilité — de
promouvoir ou d'encourager un traitement discriminatoire — donc,
incite à la discrimination — ou
d'exposer une personne ou un groupe de personnes au dénigrement, au rejet, à la
détestation ou à la marginalisation sur une base des 13 motifs... Pour nous, c'est ça, le
discours haineux, et ce n'est pas les sentiments qui évoqueraient... que le
discours ferait évoquer, ce ne sont pas des
sentiments violents ou extrêmes pour la personne qui les perçoit, mais c'est
vraiment lorsque le discours haineux va faire en sorte que vos droits, vos
valeurs seront attaqués et pourront justement inciter à la violence, à l'hostilité, et tout le reste, là, je ne vous relirai
pas les trois phrases, mais c'est vraiment, pour nous, enlever l'expression «violents et extrêmes», parce que
c'étaient des sentiments qui étaient évoqués lorsqu'on a entendu des
propos, mais ce n'est pas les sentiments
évoqués que l'on sanctionne, mais bien les propos. Me suivez-vous? Comprenez-vous
ce que je veux dire?
Le Président (M. Habel) : Merci
beaucoup. Mme la ministre.
• (18 heures) •
Mme Vallée : Là, on a discuté des termes «virulents et
extrêmes». Bien, en fait, si on ne rétrécit et on ne ramène simplement
le discours discriminatoire, ça pose problème, parce que Whatcott vient justement
dire : Le discours discriminatoire, il
n'est pas agréable, il est difficilement acceptable, mais malheureusement la liberté d'expression fait que ce discours discriminatoire
peut exister sur la place publique.
Là où le
discours peut être... la liberté d'expression peut être limitée, c'est lorsque
le discours va être d'une portée telle qu'il va amener, envers ceux et
celles contre qui il est dirigé, un sentiment profond d'aversion, un sentiment
profond de haine. Par exemple...
Le Président (M. Habel) : Mme la
ministre...
Mme Vallée : Par exemple, je
pense, c'est au paragraphe 192, on disait...
Le Président (M. Habel) : Désolé, Mme
la ministre.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne
ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 1)