(Quinze heures onze minutes)
Le
Président (M. Ouellette) :
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Veuillez, s'il vous plaît, vous assurer
que vos appareils électroniques sont en mode silencieux afin de ne pas
perturber nos travaux.
La commission
est réunie afin de poursuivre l'étude
détaillée du projet de loi n° 59,
Loi édictant la Loi concernant
la prévention et la lutte contre les
discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses
modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Polo (Laval-des-Rapides) remplace M. Tanguay (LaFontaine);
M. Kotto (Bourget)
remplace M. Leclair (Beauharnois); et Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)
remplace M. Marceau (Rousseau).
Étude détaillée
(suite)
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
Lors de notre dernière séance, nous avions poursuivi le débat sur l'alinéa un de l'article 1 édicté par l'article 1 du projet de loi, et, Mme
la ministre, vous aviez distribué un amendement qui n'a pas été présenté, vous aviez distribué cet amendement-là
pour que les collègues en prennent connaissance. Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui. Juste pour replacer tout le monde — je sais que la députée de Gouin vient se
joindre à nous aussi — puis moi, pour me remettre en mémoire où on
était au niveau des amendements qui avaient été déposés par la députée
de Montarville, est-ce qu'ils avaient tous été retirés?
Mme Vallée : ...été retirés.
Le Président (M. Ouellette) : Elle
avait retiré ses amendements. À ce qu'il semblerait, on repart en neuf.
Mme
Maltais : O.K.
C'est beau, parfait.
Le
Président (M. Ouellette) : Il y a toujours
l'amendement que la ministre avait déposé au deuxième alinéa de l'article 1, qui est suspendu. On n'est pas là, on est sur le premier alinéa de l'article 1. Et, s'il n'y a pas d'autre intervention, je vais laisser
la parole à Mme la ministre, qui va nous présenter son amendement.
Mme Vallée : L'amendement que je vous propose serait le suivant. Donc, on
viendrait modifier le premier alinéa de
l'article 1 de la loi proposée par l'article 1 du projet de loi par l'ajout à la fin de «, lesquels peuvent
s'exprimer notamment dans un
contexte d'intolérance ou de radicalisation pouvant mener à l'extrémisme
violent.»
Donc, tel qu'amendé, l'alinéa un de l'article 1 se lirait comme suit : «La présente loi a
pour objet d'établir des mesures de prévention et de lutte contre les
discours haineux et les discours incitant à la violence, lesquels peuvent
s'exprimer notamment dans un contexte d'intolérance ou de radicalisation
pouvant mener à l'extrémisme violent.»
Le Président (M. Ouellette) : Vous
avez des remarques?
Mme Vallée : En fait, M.
le Président, hier et avant-hier, on
a étudié longuement un amendement qu'avait déposé la députée de Taschereau par lequel elle souhaitait préciser davantage la
portée du projet de loi, la portée des dispositions qui visent
notamment les discours haineux et les discours incitant à la violence. Elle a
manifesté notamment des préoccupations, préoccupations de certains groupes qui considéraient le projet de loi trop large, trop vague, et elle a fait état des craintes que certains groupes nous ont formulées lors des consultations. La députée de Montarville a également
déposé un amendement qui avait un peu le
même esprit. Donc, ce que je comprends des deux amendements déposés par mes
collègues, c'est cette volonté de venir cadrer davantage le discours haineux.
Comme je l'ai
expliqué hier, on a des amendements qui sont prévus qui visent le titre du projet de loi, qui visent les attendus du projet de loi. On a des amendements aussi à l'article 1, un amendement qui propose une définition, définition qui vient des décisions de la Cour suprême. Malgré ça, malgré ces amendements-là, on semble vouloir préciser davantage.
Moi, je n'ai pas de problème, je n'ai pas de
problème à le préciser davantage, mais je ne voudrais
pas le préciser et l'amener à viser
exclusivement des discours qui font référence exclusivement, par exemple, à un extrémisme religieux. Je cherche la formulation que notre collègue
de Montarville avait présentée, on parlait beaucoup
d'intégrisme religieux, et c'était trop centré... Puis, comme on en avait discuté la semaine dernière,
l'intégrisme n'est pas que religieux, la radicalisation n'est pas que religieuse, elle peut être idéologique. Et
donc, dans le fond, ce qu'on souhaite, on veut s'attaquer à
l'intolérance, on veut s'attaquer au processus de radicalisation, puis
je suis bien d'accord... D'ailleurs, je pense que c'est la députée de Taschereau
qui a relu certains passages du plan d'action, et pourquoi pas s'inspirer de
notre plan d'action et d'inclure certaines références dans l'article premier?
On a vérifié, évidemment,
parce qu'on a toujours eu le souci que les modifications et les amendements
qu'on pourrait déposer en cours de route
soient conformes avec la charte, soient conformes avec l'esprit du projet de loi. Nos équipes ici ont analysé
le tout et considèrent que cette piste d'atterrissage, finalement,
qui, dans le fond, se veut une façon de, je l'espère, en arriver à un consensus sur ce premier alinéa, eh
bien, ce sont des amendements qui pourraient tout à fait cadrer avec nos préoccupations quant au respect des
chartes des droits. Ça ne limite pas et ça ne cible pas un groupe particulier, mais ça cible plutôt une façon et un
comportement qui s'expriment par une intolérance et une radicalisation de ceux et celles qui tiennent les discours. Et là
on vient chercher, oui, l'intégrisme religieux, auquel faisait référence notre
collègue, d'une certaine façon, mais on fait
aussi référence à l'intégrisme idéologique, auquel faisait référence la
collègue d'Hochelaga-Maisonneuve lorsqu'elle cite certains blogueurs qui
ont eu des propos qui ne sont pas plus acceptables.
Alors,
pourquoi ne pas, par ce projet de loi, toucher les deux enjeux? Moi, je pense
qu'il faut le faire. Alors, cette formulation nous permet de venir sévir
contre des propos idéologiques comme ceux que Roosh V, par exemple, ou d'autres blogueurs pourraient tenir et qui
inciteraient à la violence et à la haine, notamment, par exemple, à l'égard des
femmes, mais ça permettrait aussi de
s'attaquer à certains prêches, certains enseignements qui s'attaquent également
à des gens qui ont des caractéristiques visées à l'article 10 de la
charte.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Je pense qu'on tourne
autour, là, vraiment, de l'objet du projet de loi, puis on essaie de le préciser. J'apprécie la démarche
que la ministre est en train de faire avec nous, je pense qu'elle essaie de
répondre à nos préoccupations.
Maintenant,
toute la délicatesse du débat et ce qui fait qu'on avance prudemment, je veux
le réexprimer en disant : Écoutez,
ce n'est pas anodin, c'est que c'est une loi qui légifère sur la liberté
d'expression, alors d'où l'idée de... il faut bien baliser, si on touche
à la liberté d'expression, à quoi on touche.
Deuxièmement, nous
sommes encore convaincus qu'il n'y avait peut-être pas nécessité de légiférer
de cette façon-là. Le gouvernement a déposé
une proposition. On va travailler sur la proposition gouvernementale, mais je
tiens à réaffirmer, avant qu'on
commence à entrer vraiment dans l'article 1, dans l'alinéa un, qu'il y
avait d'autres méthodes et que, cette
méthode-là, nous ne l'avons pas choisie. Mais nous allons collaborer, dans ce
sens d'essayer d'atteindre des objectifs
précis qui peuvent nous rassembler, d'où... Sur la radicalisation, il y a eu
une bonne réponse, je pense. On va voir
dans le détail, mais il y a une bonne réponse. Il est introduit, on apprécie,
parce que c'est vraiment l'objectif.
O.K.?
Maintenant,
demeure le «notamment». Je l'ai dit, d'ailleurs, hier d'entrée de jeu. J'ai
dit, il y a deux choses qui me fatiguent : le
«notamment»; l'autre, c'était «un contexte d'intolérance». Et la ministre vient
encore de ramener le mot «idéologie». À ce
que je sache, il est permis de manifester. PEGIDA existe dans des pays et peut
faire des manifestations. C'est un mouvement idéologique qui a été cité par
la ministre, qui, parfois, nous fait lever... Mettons que ce n'est pas la
mienne, mais elle a le droit d'être exprimée sur une place publique, à moins
qu'elle ne mène à la violence. Alors, je veux
bien comprendre la nécessité du «notamment» et la nécessité du «contexte
d'intolérance» parce que c'est à ce mot-là qu'on pourrait peut-être... J'essaie de coller le mot «idéologie» en
quelque part. Est-ce que c'est «intolérance»? Est-ce que c'est «radicalisation»? Mais ça fait deux fois
que la ministre s'exprime en disant : Il y a des idéologies qu'on ne veut
pas. Ça veut dire qu'il y a des idéologies
qu'on ne veut pas entendre sur la place publique, là. Je veux faire préciser
ça. Ce n'est peut-être pas ça qu'elle voulait dire, mais je veux faire
préciser ça.
• (15 h 20) •
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : En fait, ce
n'est pas des idéologies sur la place publique qu'on ne veut pas entendre, ce
n'est pas l'idéologie, mais c'est lorsque le discours porté par une
idéologie est un discours qui incite à la haine, qui incite à la violence et qui va amener à l'exclusion de l'autre.
C'est ça que l'on vise, on ne vise pas un discours... Comme j'ai mentionné, quelqu'un qui a un discours
d'opinion, un discours d'opinion qui est de nature dérangeante, disons, qui ne
cadre pas dans le «politically correct»,
disons-le comme ça, peut tenir son discours, ce n'est pas le problème. Mais,
lorsqu'à travers le discours on
incite à la violence ou on tient des propos haineux tels que définis, là, des
propos qui vont marginaliser le
groupe ciblé et qui vont en faire un objet de détestation, par exemple, c'est ça qui est proscrit, qui est visé, ce n'est pas
l'idéologie. Il faut bien comprendre puis il faut faire la distinction.
C'est
que l'extrémisme, ça se nourrit de différentes idéologies. Parfois,
l'extrémisme, il va se nourrir d'idéologies religieuses. Parfois, ce seront des idéologies politiques.
Mais c'est le propos haineux incitant à la violence qui est visé. Quelqu'un
d'extrême droite qui affirme ses convictions d'extrême droite peut les
affirmer. Affirmer ses conceptions d'extrême
droite en visant, par exemple, à exclure ou à s'en prendre à des catégories
d'individus, en incitant à la violence à
l'égard de certains individus, c'est là que le propos n'est plus acceptable. Ce
n'est pas le propos, ce n'est pas l'idéologie en soi qui est problématique, c'est le propos tenu qui incite à la
violence, qui incite à la haine. C'est toute, toute, toute la
différence.
Alors, c'est parce que, si on ne cible... Notre collègue
de Montarville ne ciblait que la question religieuse. Puis le meilleur exemple, je crois, qu'on peut avoir et
que l'histoire a su nous démontrer, c'est, par exemple, l'idéologie qui a
mené à la Deuxième
Guerre mondiale. C'était une idéologie qui a été poussée à l'extrême et qui a
amené à s'en prendre à certaines
catégories d'individus en raison de leur différence. Et le nazisme poussé à
l'extrême a mené vers la... mais ce n'était
pas une religion, c'était une idéologie politique. C'est pour ça qu'il est
important de ne pas faire de distinction, de ne pas cibler exclusivement parce que certaines... il y a des
idéologies qui ne sont pas religieuses. On pourrait vouloir s'en prendre à une personne non pas en raison de
la foi, mais en raison d'une autre prise de position. Donc, il n'est pas
question... puis c'est important de toujours, toujours, toujours revenir à la question : Notre loi vise
quoi? Elle vise à prévenir et à
lutter contre les discours haineux et les discours qui incitent à la violence.
Ce n'est pas le discours politique qui est visé, là, c'est le discours haineux,
le discours incitant à la violence. C'est ça qui est visé.
Et ce
discours-là, dans quel contexte on le retrouve parce que, là...
Et ce que je vous propose, c'est de venir préciser le contexte dans
lequel ce discours-là s'exprime, puisque, tant suite aux préoccupations
soulevées par la collègue de Montarville que par nos collègues de l'opposition — parce que même le député de Bourget, hier, a fait part de certaines inquiétudes à
l'effet que la portée était peut-être trop large, et il était donc peut-être
important de le préciser, compte tenu que ce projet
de loi s'inscrivait aussi dans le plan
de lutte à la radicalisation — donc,
d'où l'ajout du «contexte d'intolérance — qui
est, à mon avis, important — ou
de radicalisation», qui n'est pas nécessairement religieux, qui peut... Parce qu'hier,
lorsqu'on a abordé, lorsqu'on a lu différentes définitions de la
radicalisation, notamment le fascicule préparé par l'UQAM, on
dit : La radicalisation, elle s'exprime... Je veux reprendre le petit
guide, le petit glossaire à la fin, la radicalisation,
c'est un «processus selon lequel des personnes sont initiées à un message
idéologique et à un ensemble de croyances
et sont encouragées à remplacer leurs croyances modérées et généralement
admises par des opinions extrêmes».
Alors, ce
n'est pas l'idée qui est sanctionnée par le projet de loi, c'est le discours
haineux. Ce n'est pas le fondement idéologique,
politique, c'est vraiment lorsque ce fondement idéologique ou politique est
utilisé pour tenir comme base pour un
discours qui est haineux ou qui incite à la violence. C'est ça, le problème. Ce
n'est pas le discours d'opinion qui est
le problème, c'est lorsque le discours d'opinion est poussé, et là il s'en
prend à une catégorie de personnes. Donc, c'était vraiment... Puis je pense qu'honnêtement ce n'est
peut-être pas mauvais de préciser le contexte. Ça va peut-être permettre
de rassurer les gens, et c'était l'objectif aussi qui était visé par les
différents amendements, pour préciser le contexte.
Puis
d'ailleurs, dans le mémoire de la ville de Montréal — je pense que c'est à la page 14 — on avait une espèce de pyramide qui nous illustrait les modèles de
prévention et d'intervention en matière d'incidents et de crimes haineux
et puis de quelle façon ça s'exerce, et je
pense que, ce diagramme-là, vous l'avez peut-être... La collègue d'Hochelaga-Maisonneuve fait signe, elle se l'est peut-être
fait expliquer la semaine dernière lorsqu'elle a rencontré les gens à Montréal,
la radicalisation va tranquillement se
mettre en branle... Dans un premier temps, on va questionner le vivre-ensemble.
L'intolérance va commencer à se manifester
par un questionnement sur le vivre-ensemble. Par la suite, il y a un discours,
tranquillement, qui va se former. On va
consolider le discours, et là vont survenir des incidents haineux. Et là, par
la suite, on va envisager la violence comme étant un moyen légitime de
s'en prendre à un groupe.
Alors, ce
discours-là, le discours haineux, mène à ça. Il mène à la violence parce qu'à
force de répéter le discours haineux, le discours qui incite à la
violence, ceux qui reçoivent le discours vont finir par l'assimiler et vont
finir par concevoir que la violence, elle
est correcte lorsqu'elle s'en prend à une personne désignée qui a une
caractéristique prévue à
l'article 10 de la charte, et c'est là qu'on retrouve les crimes haineux.
C'est dans ce contexte-là que ça s'inscrit.
Donc, le discours haineux, ça s'inscrit dans la radicalisation, ça
s'inscrit dans la violence.
• (15 h 30) •
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le
Président, j'entends bien la ministre.
On est dans préciser... Je pose encore une question, la même. On a dans son amendement «, lesquels peuvent
s'exprimer notamment», et là il
y a un «notamment».
Et pourtant le reste, c'est «dans un
[discours] d'intolérance ou de radicalisation pouvant mener à l'extrémisme
violent». Alors, si ce n'est pas un
de ces deux discours-là, c'est quoi? Puis j'ai même, je vous le dis, j'ai déjà des
bémols sur «intolérance», là. Mais
«lesquels peuvent s'exprimer notamment»,
c'est parce qu'il y a un «notamment»
à cet endroit-là, là. Donc, moi, j'essaie
de comprendre quels autres discours peuvent correspondre à autre chose que la
définition usuelle, donc, d'«intolérance»
ou de «radicalisation». Parce que, là, ça veut dire qu'il y en a d'autres
potentiels, ça fait qu'on garde
encore quand même... Je comprends
qu'on a exprimé une balise en parlant d'intolérance et radicalisation, mais on
laisse encore une autre porte
ouverte, puis j'essaie de comprendre pourquoi, quel est le sens de cette porte
ouverte qui demeure là, à quoi on veut faire affaire.
Parce que, je
vais vous le dire honnêtement, la nécessité de... Vous le savez, on a déjà dans
le Code criminel les articles 318 à 320 qui protègent les personnes
des crimes haineux. O.K.? Il y a possibilité d'aller là. Là, on ouvre une nouvelle législation pour que les gens aient
affaire au tribunal de la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse avec une nouvelle section
qu'on ouvre pour des infractions. Or, il y a encore une ouverture, et la
ministre dit : Les discours qui
pourraient amener à l'exclusion de l'autre, à le marginaliser. On est encore
dans l'interprétation très large. Quand
on parle de marginalisation ou d'exclusion, on n'est pas dans «menant à la
violence», là. C'est pour ça que je veux... Et le «pouvant mener à l'extrémisme violent», il est dans le
«notamment». Donc, il y a autre chose encore. Tant qu'on a le
«notamment», là, on a encore une porte assez grande ouverte.
Ça fait que je veux comprendre, à part
l'intolérance, la radicalisation pouvant mener à l'extrémisme violent,
qu'est-ce qu'il reste? Puis qu'est-ce que la ministre veut garder comme effet de
sa loi qu'on ne voit pas?
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Des voix :
...
Le
Président (M. Ouellette) : On va suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à
15 h 33)
(Reprise à 15 h 44)
Le Président (M. Ouellette) : Nous repartons, nous reprenons nos travaux. Nous
en étions sur un commentaire de Mme la députée de Taschereau à la ministre relativement à l'utilisation du mot «notamment» sur l'amendement présenté par
Mme la ministre, et je
pense que, Mme la ministre, vous avez une réponse à l'interrogation de Mme la députée de Taschereau.
Mme
Vallée : Oui. Alors,
sur la question de l'utilisation du mot «notamment», on m'indique qu'il ne serait pas nécessaire
dans le libellé, puisque le contexte d'intolérance vient, dans le fond,
rejoindre les préoccupations et vient rejoindre
le fait qu'on ne peut s'en prendre aux gens qui ont une caractéristique commune
qui est précisée à l'article 10 de la
charte. Donc, le terme «intolérance» vient englober ces différents enjeux là.
En fait, c'était ceinture et bretelles, mais peut-être qu'on peut laisser
aller les bretelles si... Pour ce qui est du «notamment», là, ça ne semble
pas fragiliser le texte.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : O.K. M. le Président, on est en train d'écrire un
amendement qui correspond à ce qu'on veut. Alors, ce sera, en fait, un sous-amendement. Alors, ce
serait : Modifier l'amendement du gouvernement... pas du gouvernement...
Modifier... Ce n'est pas de même.
Une voix :
...
Mme
Maltais : Modifier l'amendement... Comment on l'appelle?
Modifier l'amendement modifiant le premier alinéa de l'article 1 de la loi proposée par l'article 1 du
projet de loi en remplaçant les mots «, lesquels peuvent s'exprimer notamment» par les mots «s'exprimant au nom du
fondamentalisme religieux ou» et en supprimant les mots «d'intolérance ou».
Alors,
non, il me manque un bout, là. Excusez-moi, il y a eu vraiment... L'esprit, là,
c'est que ça va — je vais
vous l'écrire — donner : En remplaçant les mots «,
lesquels peuvent s'exprimer notamment dans un contexte d'intolérance ou»... On change ça par «, lesquels s'expriment au
nom du fondamentalisme religieux». Et on ajoute «la» entre «de» et «la».
Le Président (M. Ouellette) : Vous le présentez officiellement, votre
sous-amendement, Mme la députée de Taschereau?
Mme
Maltais :
Oui. Je pense qu'il faut que je le réécrive. C'est un sous-amendement, je veux
le présenter officiellement.
Le Président (M.
Ouellette) : C'est bon. Vous allez...
Mme
Maltais : Est-ce que vous me donnez une petite suspension
juste pour le réécrire parce qu'il y avait une erreur? Ça ne sera pas
long.
Le Président (M. Ouellette) : Oui, c'est ce que je vais faire, on va suspendre quelques instants, le temps que vous me réécriviez...
(Suspension de la séance à
15 h 47)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M.
Ouellette) : On reprend nos travaux. Nous étions à un sous-amendement présenté
par Mme la députée de Taschereau. Et, le temps de la rédaction, Mme la députée de Taschereau, vous allez nous présenter votre sous-amendement, et après je vais vous demander de lire le premier
alinéa tel que sous-amendé pour la
compréhension de tous les parlementaires. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Merci, M. le Président. Alors, ce sous-amendement s'écrirait comme suit :
Modifier
l'amendement modifiant le premier alinéa de l'article 1 de la loi proposée
par l'article 1 du projet de loi :
1° en remplaçant les
mots «, lesquels peuvent s'exprimer notamment» par les mots «s'exprimant au nom
du fondamentalisme religieux ou»;
2° en supprimant les
mots «d'intolérance ou».
Le résultat donnerait
ceci :
«La
présente loi a pour objet d'établir des mesures de prévention et de lutte
contre les discours haineux et les discours incitant à la violence s'exprimant au nom du fondamentalisme religieux
ou dans un contexte de radicalisation pouvant mener à l'extrémisme
violent.»
Le Président (M.
Ouellette) : Vous avez des remarques maintenant?
Mme
Maltais :
Bien, écoutez, j'ai essayé de conjuguer les désirs que nous avons — et, dans mon grand «nous», j'inclus la deuxième opposition, qui s'est
exprimée là-dessus — de
cibler un des pans de l'extrémisme violent qui nous dérange, qui est le fondamentalisme religieux.
Remarquez que nous disons le mot... au lieu d'«intégrisme», nous disons «fondamentalisme». Puis on pourra revenir sur la
définition, mais c'est encore plus étroit, c'est très fort. Ce n'est pas de
l'intégrisme. «Fondamentalisme», c'est
vraiment les gens qui s'en tiennent à des fondements religieux, on a été
beaucoup vérifier dans les dictionnaires.
L'autre
chose, c'est un «ou». Donc, c'est, un, le fondamentalisme religieux, ou, deux,
la radicalisation pouvant mener à
l'extrémisme violent. Donc, il n'y a pas d'exclusion de discours, on va
vraiment, là, vers les deux expressions, les deux sens vers lesquels on voulait aller pour nous :
fondamentalisme religieux, celui qui est dans le plan de lutte à la radicalisation, et le contexte de radicalisation
pouvant mener à l'extrémisme violent, qui est l'autre type de contexte qui a été soulevé dans le cas des
exemples qu'on a soulevés récemment.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Le...
Mme
Maltais : Si je
peux dire, ça correspond exactement aux échanges... En tout cas, de notre côté,
là, c'est vraiment l'intention qu'on avait exprimée. Vous voyez
qu'on a enlevé le «notamment», mais on a gardé les deux idées. Il y
avait l'idée du fondamentalisme
religieux, mais il y a aussi l'idée de la radicalisation dans
l'extrémisme violent. On n'a pas voulu fonder juste, seulement, sur un,
cibler juste, seulement, un type de radicalisme, on a voulu, comme vous le
demandiez, avoir deux morceaux, deux secteurs.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Bien, en fait, oui, on a deux secteurs, on a
l'intolérance puis on avait, dans notre projet de loi, la radicalisation qui pouvait mener à l'extrémisme
violent. Le danger, lorsque l'on cible, par exemple, le
fondamentalisme religieux, c'est qu'on est trop ciblé et on fragilise le projet de loi lorsqu'il est question des chartes, et ça le limite. Puis notre objectif,
ce n'est justement pas de fragiliser le projet de loi, c'est de lui donner un effet total. Et il n'y a pas que le
fondamentalisme religieux qui peut être dangereux. Toute forme, dans le fond,
de fondamentalisme, toute idéologie, qu'elle
soit religieuse, qu'elle soit politique, lorsqu'elle est utilisée, elle
est prise, comme le disait la députée de Taschereau,
dans ses fondements et elle est poussée dans son extrême, c'est ce qui est problématique.
Et il n'y a
pas que le fondamentalisme religieux, et c'est ça... Puis on en avait parlé, on
en a discuté la semaine dernière, on
en a discuté un petit peu hier soir avec notre collègue
de Montarville, je
comprends qu'actuellement il y a cette montée où
on souhaite s'attaquer à ce fondamentalisme-là, mais il n'est pas unique, il y
a d'autres formes de fondamentalisme qui
peuvent mener à des discours haineux, qui peuvent mener à des discours incitant
à la violence. Donc, lorsqu'on le limite, d'une part, on fragilise,
mais, d'une autre part, on est extrêmement limitatif.
Un fondamentalisme idéologique reposant, je ne
sais pas, là, sur une idéologie x ou y, qui serait monté et qui amènerait à la tenue de discours incitant à la
haine, ce n'est pas plus acceptable qu'un fondamentalisme religieux. Parce
que l'objectif, c'est de s'attaquer
aux discours qui amènent à la haine ou qui incitent à la violence, et par une
utilisation, dans le fond, ou un détournement, peut-être,
d'une idéologie. Et donc se centrer exclusivement sur le fondamentalisme
religieux, bien, ça met de côté d'autres types de fondamentalisme qui peuvent
être tout aussi dangereux.
Mme
Maltais : M. le
Président.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : C'est juste pour dire que je comprends bien la ministre, et on l'a écrit en ce sens-là. Si on le lit
bien, je comprends, c'est que la loi
veut établir — comme
le désire le gouvernement et sur lequel on a déjà débattu en disant : O.K. On peut peut-être
s'entendre sur certains éléments — les
mesures de prévention et de lutte contre les discours haineux et les
discours incitant à la violence.
Malgré toute
notre, je l'ai dit, difficulté à aller jouer là-dedans, on est quand même
encore dans une loi contre les discours
haineux et les discours incitant à la violence s'exprimant au nom du
fondamentalisme religieux. Donc, on n'est pas contre le fondamentalisme religieux, on est contre les discours
haineux s'exprimant au nom de... Donc, on n'est pas dans la lutte au fondamentalisme, là, on est dans
les discours haineux et incitant à la violence au nom du fondamentalisme
ou...
Et là le «ou»
est important. On n'a pas un «et», on a un «ou», c'est «ou dans un contexte de
radicalisation», et là on amène tous
les types de radicalisation qui peuvent mener à de l'extrémisme violent. C'est
un «ou», là, ce n'est pas un «et». Et on y a pensé, au «et», je vais vous dire,
mais on a décidé de garder le «ou» pour essayer de trouver une zone de
confort pour tout le monde.
• (16 heures) •
Mme Vallée :
On porte quelque chose à mon attention, puis je pense que c'est quand même
important qu'on en parle. Il a
longuement été question lors des consultations de toute la notion de
l'islamisme, hein, certains groupes sont venus nous dire : Ce n'est pas une religion,
c'est plus profond. Ce n'est pas un mouvement religieux, c'est un mouvement
politique. C'est l'islamisme politique,
c'est ça. Et on me faisait signe que c'est une idéologie politique, ce n'est
pas une idéologie religieuse, ce mouvement-là. Je pense, d'ailleurs, que
c'est notre ex-collègue Fatima Houda-Pepin qui nous en a parlé, et, si on veut
s'en prendre... La problématique, certains nous disaient : Ce n'est pas
l'islam qui amène à la violence. Au contraire,
l'islam, c'est une religion qui est pacifiste. Mais l'islamisme politique, ça,
poussé à son extrême, peut amener à
la violence. Et, si on limite au fondamentalisme religieux, bien, on peut
exclure ce type d'idéologie politique qui
peut mener à la violence. Donc, comprenez-moi, là, ma préoccupation quant à
l'utilisation du terme «fondamentalisme religieux», elle vise à ne pas limiter et permettre aussi de s'en
prendre correctement à un fondamentalisme qui pourrait tirer sa source
d'une idéologie politique.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
M. le Président, je le sais, mais, justement, l'islamisme, c'est le fait de
quasiment subordonner le politique ou la vie au religieux. Le religieux
devient le cadre de vie auquel on subordonne même les lois, les lois deviennent des lois religieuses. Mais c'est basé
sur le fondamentalisme religieux. Mais les discours haineux basés sur le
fondamentalisme religieux, au nom du fondamentalisme religieux, c'est tout à
fait ce que fait l'islamisme. Et je vais ajouter :
Le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence a des
définitions sur le mot «radicalisation». Et vous allez voir qu'en gardant «radicalisation» on englobe pas mal de
choses : «Il n'existe pas de définition universelle sur le phénomène de la radicalisation menant à la
violence. Le Centre de prévention [à] la radicalisation [...] le définit
toutefois comme étant un processus
selon lequel des personnes adoptent un système de croyances extrêmes — comprenant la volonté d'utiliser, d'encourager ou de faciliter la
violence — en vue
de faire triompher une idéologie, un projet politique ou une cause comme
moyen de transformation sociale.
«Ainsi, la radicalisation violente est :
«L'adoption
d'une idéologie dont la logique devient un véritable cadre de vie, d'action et
de signification pour un individu», blablabla.
Alors, la
radicalisation, c'est l'adoption d'une idéologique dont la logique devient un
véritable cadre de vie, d'action et
mène à la violence, la fusion entre l'idéologie et l'action violente. C'est
clair. Et le fondamentalisme religieux est ce dont nous parlons régulièrement. L'islam politique, c'est un
fondamentalisme religieux. Ce n'est pas seulement prendre sa religion en intégrité, c'est en faire les
fondements des actions de la vie. Qu'on pense, en termes de système de justice,
à la charia, qui fait que le religieux devient au-dessus du juridique.
C'est vraiment ça.
Donc, nous,
pour nous, il y a les deux concepts dont on avait besoin : la lutte aux
discours haineux s'exprimant au nom du fondamentalisme religieux, qui
est tout le débat qu'on a à toutes les fois qu'on s'est levés, et l'autre, la radicalisation pouvant mener à un extrémisme
violent. À la fois on cible, mais on ne sort pas du cadre sur lequel on s'était
entendus. Moi, je me sens encore à l'aise
avec la définition malgré les commentaires qu'on a actuellement. Je ne sais pas
si vous avez des commentaires, Mme la députée, mais nous, on se sent
encore à l'aise avec ça.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Oui. Si je peux m'exprimer, je vais prendre
la parole avec grand plaisir. Vraiment, je trouve que la rédaction... je trouve que c'est un amendement ou un
sous-amendement, appelez-le comme vous voulez, là...
Le Président (M. Ouellette) : C'est
un sous-amendement.
Mme Roy
(Montarville) : C'est un sous-amendement — merci beaucoup, M. le Président, de
m'éclairer — qui
répond à toute la problématique initiale et
qui répond aussi à l'objet même qui a amené le gouvernement à présenter son
plan de radicalisation puis à la
problématique qui est une problématique, qu'on le veuille ou non, qui est issue
de discours, de prêches,
d'enseignements, et c'est ce qu'on tente de contrer, mais qui provient en
grande partie, en majeure partie et surtout — c'était le point de départ de tout — d'une radicalisation des jeunes, mais qui,
elle, a été faite, cette radicalisation, à cause d'un contexte religieux. Et le fait que vous mettiez «au nom d'un
fondamentalisme religieux», c'est encore plus précis que... Nous souhaitions
«intégrisme religieux», mais là on met ça encore... Pour être sûrs qu'on ne
touche pas à personne puis qu'on
n'insulte pas personne pour qui l'intégrisme religieux serait un choix
personnel, c'est encore plus pointu,
plus précis, et moi, je pense qu'en tant que législateurs... Mme la ministre nous dit que c'est trop limitatif. Moi, au contraire, je trouve que ça cible encore plus précisément la problématique à laquelle nous sommes tous attablés ici pour nous attarder puis tenter, tenter de trouver une
solution pour ne pas qu'on en arrive à des discours et surtout à cette
radicalisation qui mène au terrorisme, là, ou à des actes extrêmement
violents.
Donc, dans la
formulation de la collègue de l'opposition
officielle, moi, je trouve ça
rassurant de voir les termes «ces
discours qui s'expriment au nom du fondamentalisme religieux dans un contexte
de radicalisation» parce que c'est vraiment l'environnement dans lequel nous vivons actuellement, dans ce contexte de radicalisation, et une radicalisation est
là... Pour être encore plus précis, on ne parle pas de n'importe quelle
radicalisation, on parle d'une radicalisation pouvant
mener à l'extrémisme violent. Les collègues du gouvernement nous faisaient
remarquer que la radicalisation, ce
n'est pas nécessairement violent, puis ce n'est pas nécessairement terroriste, puis c'est... Tout
à fait. Alors, lorsqu'on précise
«de radicalisation pouvant mener à l'extrémisme violent», on s'entend que ce
n'est pas quelqu'un qui aurait des idées x, y, z radicales.
Radicales, soit, mais c'est un pays libre, il a le droit de les exprimer. Mais
qui ne mènent pas à un extrémisme
violent, et c'est ça qu'on veut contrer depuis le début, depuis un an
et demi, c'est cet extrémisme violent.
En fait, l'extrémisme
violent, c'est le point de chute, c'est la fin, mais nous, on veut s'attaquer à
avant que ça arrive, là. Un coup qu'on est
rendus là, il est trop tard pour agir. Soit, agir contre des discours haineux
incitant à la violence. Soit. Mais
que ces discours-là soient issus de quelque
chose, et c'est à ce quelque chose là aussi... Il faut le nommer, ce quelque chose, et c'est pour
ça que je trouve que c'est extrêmement... c'est bien rédigé.
Et vous avez
enlevé le «notamment», et je vous dirais, chers collègues, que peut-être
que le «notamment» aurait avantage à y demeurer parce que ça
permettrait à la ministre de ne pas dire que vous êtes trop limitatifs en
mettant «notamment». C'est juste le
fait que, si Mme la ministre veut aussi s'attaquer aux discours du rappeur, par exemple, bien, en mettant «notamment»,
elle pourrait y aller dans un contexte de radicalisation, un contexte qui mène
à un extrémisme violent. Donc, le «notamment»
pourrait réapparaître. Mais moi, j'aime beaucoup — et ça me réconforte — de voir les termes «le fondamentalisme
religieux», qui est encore plus précis.
Et ici
remarquez, M. le Président, on ne vise aucune religion, aucune. Moi,
j'aurais mis «islamisme radical», mais c'est
épouvantable, parler d'islamisme. On n'a pas le droit de dire ça au Québec,
là, on est des racistes puis on est des islamophobes. Bon. Mais le fait de parler de fondamentalisme religieux
touche toutes les religions et n'en touche pas une. Donc, avis aux intéressés. Et c'est pour ça que
j'apprécie la formulation, la façon dont c'est rédigé, mais je soumets qu'on
pourrait élargir en mettant «notamment»
pour toucher à d'autres types de discours. Mais le fait qu'il soit là, je pense
que ça a son importance. Puis ça a
son importance aussi, M. le Président, parce
que, dites-vous, on est des législateurs autour de la table, puis il y a plusieurs juristes, il y a les juristes de
l'État, M. et Mme Tout-le-monde, qui n'ont peut-être pas eu l'occasion de se taper un bac en droit, un
Barreau, une maîtrise, puis rajoutez-en, pour comprendre ça, là, il faut qu'ils
sachent à quoi le discours s'attaque, puis
de quel discours on parle, puis un discours qui provient d'où, et je pense
qu'il faut nommer les choses dans ce contexte-là.
Alors,
moi, je trouve que vous avez fait une bonne rédaction, collègues, et
j'apprécierais que la partie gouvernementale voie le fait qu'on nomme les choses et, surtout, que ça permettrait aux citoyens de comprendre
aussi de quels types de discours on
parle ou, du moins, de quels endroits ou de quelles sphères ces discours
pourraient venir. Et c'est plus précis, et moi, je ne suis pas sûre que ça ne passe pas le test des chartes, là,
loin de là. Loin de là parce que ce n'est aucune religion qui est visée.
C'était mon commentaire.
• (16 h 10) •
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Gouin, est-ce que vous avez un commentaire sur le sous-amendement de
Mme la députée de Taschereau?
Mme David
(Gouin) : Oui, M. le Président. En fait, là, je pense que la question qui est posée ici, c'est : Est-ce que, oui ou non — et de quelle façon si on dit oui, là — on
veut mentionner qu'il puisse être question, à un moment donné, là, quand on parle de discours haineux et incitant
à la violence, de religion? Est-ce que, oui ou non, le mot «religion», «religieux» — enfin, vous comprenez, là — apparaîtra
dans l'objet de la loi? Puis après, bien, selon qu'on dise oui ou non,
on va chercher toutes sortes de formulations.
Moi, jusqu'à
présent, j'hésitais beaucoup à dire oui, compte tenu du contexte — moi,
j'ose le dire — d'une
certaine intolérance au Québec.
Si ma collègue de Montarville pense que
le Québec a de l'intolérance face au mot «islamophobie», moi, je dirais que le Québec, mais ce n'est jamais
tout le Québec, là, de toute façon... mais qu'un certain nombre de nos concitoyens ont un certain nombre de difficultés
aussi avec le mot «religion». Il y a des mots comme ça. Bon. Et souvent,
ces temps-ci, quand on parle de religion, on
parle d'une religion parce que l'autre, celle qui fut un jour la mienne, on en
parle pas mal moins. Alors, c'est pour ça que j'hésitais beaucoup.
Là, je me
dis : Au fond, il y a quand même des idéologies religieuses qui, dans leurs
aspects les plus extrêmes, finissent par conduire à des gestes qu'on dit
radicaux, mais, en fait, des gestes extrémistes, violents, etc. À quoi bon le nier, puisque c'est un fait? Cependant,
j'hésite beaucoup à ce qu'on parle de fondamentalisme religieux parce que la
définition du fondamentalisme religieux, là, c'est un phénomène qui consiste à
adopter une interprétation littérale des textes
sacrés et à tenter de respecter également à la lettre tous les commandements
qu'ils contiennent. Autrement dit, les fondamentalistes
religieux — et il y
en a dans plein de religions — sont des gens qui ont une interprétation
littérale de ce qu'eux considèrent
comme étant des textes sacrés qui ont été écrits parfois il y a 800,
1 000 ans, 2 000 ans. Bon. Il y en a qui sont, malgré tout, fort sympathiques, hein? Il
y a plein de gens, là, qui se promènent en touristes pour aller voir les
amish aux États-Unis, là. Bon. Maintenant,
comment vivent les femmes dans tous ces fondamentalismes religieux? Ça,
c'est une bonne question.
Mais, ceci
dit, le commun des mortels ne jugera pas inconcevable de cohabiter avec des
gens qui ont une vision littérale de la religion, on en a des exemples
aussi au Québec. C'est pour ça que j'hésite à penser qu'on va parler de fondamentalisme religieux. Je trouve que c'est
trop large, c'est-à-dire que ça recouvre à la fois, oui, c'est vrai,
l'islamisme politique, mais aussi des
gens parfaitement paisibles qui pratiquent d'autres sortes de religions et les
pratiquent avec une vision fondamentaliste.
Alors,
personnellement — là, je
ne peux pas le faire, mais je dis juste comment je réfléchis mon affaire pour
essayer, autant que faire se peut,
d'apporter un petit coup de main, puis, si ce n'est pas bon, ce ne sera pas
bon, on discute, là — je
dirais plutôt, après «incitant à la
violence», «s'exprimant au nom d'idéologies sociales, politiques ou
religieuses — et je
ne mettrais pas de "ou", moi, je
n'en mettrais pas — dans un
contexte de radicalisation — la même chose, là — pouvant mener à l'extrémisme violent». Donc, oui, j'inclus le mot «religion»,
mais j'élargis le tout en disant : Il y a des idéologies sociales, politiques, religieuses — là, c'est des «ou», là, «sociales,
politiques ou religieuses» — et j'enlève le «ou» qui suit parce
que c'est dans un contexte de radicalisation pouvant mener à l'extrémisme
violent, c'est de ça qu'on veut parler, là.
Enfin, c'est une suggestion, M. le Président, on ne va pas faire des
sous-amendements des sous-amendements. Donc, c'est une humble suggestion
qui essaie de rallier un peu les opinions des collègues autour de la table.
Le Président (M.
Ouellette) : Ça aide à alimenter le débat, Mme la députée de Gouin.
Mme David (Gouin) : Merci.
Le
Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau, vous
n'avez pas d'autre commentaire avant que Mme la ministre... Oui?
Mme
Maltais : Comme on est encore sur notre sous-amendement, puisqu'il n'y a pas eu de dépôt d'amendement de la part...
Le
Président (M. Ouellette) : Bien oui, on est sur votre sous-amendement, Mme la
députée de Taschereau.
D'ailleurs, j'ai demandé à la collègue de Gouin
ses commentaires sur votre sous-amendement, j'étais très clair, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, voilà. Alors, je vais vous dire, M. le Président, c'est que c'est bien pour cela que ce n'est pas le fondamentalisme religieux qui est visé par
cette loi — et
c'est très important pour nous — c'est
le discours haineux ou incitant à la
violence, c'est encore ça, là. Puis, je le dis, on le fait quasiment à notre
corps défendant, mais on dit : Puisqu'il nous faut aborder la chose, on reste dans la même chose, c'est le
discours — puis
là on est dans du sérieux — discours
haineux. Déjà, moi, personnellement, là,
«discours incitant à la violence» ou «appelant à la violence», je suis plutôt
dans ce camp-là. Mais je peux prendre
«discours haineux» parce qu'on le sait qu'il y a maintenant une définition,
puis on va travailler sur la
définition tout à l'heure. Mais «discours haineux et incitant à la violence»
et «discours incitant à la violence» qui s'exprime au nom de, au nom de,
et dans un contexte de.
Donc, moi, je pense qu'on a fait attention,
là-dedans, là, à ne viser, d'abord, effectivement, aucune religion, deuxièmement, à ne viser que des discours. Mais la
situation est telle actuellement que ce dont on
parle, c'est d'un plan de lutte à la
radicalisation dans un contexte où des jeunes sont entraînés par l'islamisme,
par des... Moi, je n'y crois même pas
que c'est au nom de la religion. Comme je le dis, là, si vous croyez en Dieu,
votre Dieu est sûrement amour dans votre tête parce que ça ne se peut pas autrement. Mais moi, je pense
qu'il faut nommer les choses, on l'a dit, pour rassurer tout le monde. C'est là, puis on laisse la porte ouverte à «la
radicalisation menant à la violence» parce
qu'une loi doit être plus large que ce dont on veut parler maintenant,
il faut penser à l'avenir. En tout
cas, je vous ai entendu, je vous ai
écouté, mais je me sens encore à l'aise avec ce qu'on a apporté.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
• (16 h 20) •
Mme Vallée : Bon, on a plein de trucs, plein de trucs, peut-être,
à partager avec les collègues. Dans un premier temps, j'entends la collègue de Montarville lorsqu'elle dit : Bien, il faut que les
citoyens comprennent ce à quoi on s'attaque. En même temps, il y a quand même
une façon de rédiger la législation qui est importante parce que,
lorsqu'on confère un caractère plus
précis, plus pointu, peut-être discriminatoire dans la loi, bien, on crée un
problème. Alors, dans la loi, soit qu'on vise un ensemble ou on ne vise
rien. Mais on ne peut pas viser, par exemple, la religion, même si c'est... Lorsqu'on vise juste un motif, on donne au projet de loi un caractère qui est discriminatoire d'une certaine façon parce que «religieux», même si c'est toutes les religions,
comme le mentionnait la collègue de Montarville, ça donne quand même un caractère discriminatoire parce qu'au niveau
constitutionnel le législateur doit viser tous les motifs et ne pas en
exclure. Et ça, ça a été repris dans un arrêt de la Cour suprême — je
pense que c'est Vriend contre Alberta — qui a invalidé une disposition de l'Alberta qui visait tous les groupes protégés
tout en excluant les homosexuels. Alors, il faut faire attention. Ce n'est pas une volonté de ne pas nommer les choses,
mais il faut quand même faire attention dans notre rédaction parce
qu'on veut que notre loi puisse être solide puis puisse être utile.
L'autre
chose, dans le sous-amendement qui nous a été présenté, il y a un enjeu parce
que l'utilisation du «peut» pourrait être interprétée comme un «doit»,
et ça va limiter, ça pourrait être limitatif. Encore une fois, l'utilisation de
«peut s'exprimer», ça pourrait être très
limitatif dans son interprétation. Alors, c'est des mises en garde, puis je
pense que c'est important de les mentionner parce que, on l'a dit, nous,
notre préoccupation dans tout ça, c'est d'assurer que le tout
s'inscrive, évidemment, dans le respect des chartes.
Je veux simplement
rappeler aux collègues, lorsque je vous ai déposé l'ensemble des amendements
la semaine dernière, c'était aussi
pour permettre d'avoir une vision plus globale de notre vision pour être
capables de faire un travail plus
complet. Je vous rappelle simplement que, lorsqu'on arrivera au deuxième alinéa, il y a
un amendement qui est prévu au deuxième alinéa, et, dans le deuxième amendement, on fait référence
aux préceptes sur lesquels s'appuient les propos, les propos haineux ou
les propos incitant à la violence, qu'ils soient religieux...
Alors, par exemple,
si on prend le texte tel que nous l'avons proposé initialement, l'article 1, là, se lirait comme suit :
«La présente loi a pour objet d'établir des mesures de prévention et de lutte
contre les discours haineux et les discours incitant à la violence, lesquels peuvent s'exprimer dans un contexte de
radicalisation — et
là je le lis avec les amendements qu'on
vous a proposés, là, ce n'est pas parce
que j'exclus les vôtres, c'est tout simplement parce que c'est ce qui a été préparé — pouvant
mener à l'extrémisme violent ou dans un contexte d'intolérance.»
Deuxième
alinéa : «Elle s'applique aux discours haineux et aux discours incitant à
la violence tenus ou diffusés publiquement, peu importe les préceptes
sur lesquels ils s'appuient, qu'ils soient religieux ou autres, et qui visent
un groupe de personnes qui présentent une
caractéristique commune identifiée comme un motif de discrimination interdit
à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne.»
Et là : «Est un
discours haineux, un discours visé...» Là, on arrive avec la définition qui
vous est proposée de discours haineux.
Donc, on rejoint,
d'une certaine façon, la préoccupation des collègues de cibler l'ensemble des discours et on y fait référence, mais on ne cible pas exclusivement que
le discours religieux ou le discours qui s'appuie sur un précepte d'ordre
religieux. Il y en a, des discours qui s'appuient sur des préceptes
d'ordre religieux, les collègues en ont fait état. Mais on a aussi des discours haineux qui s'appuient sur
d'autres formes de préceptes, et il ne faudrait pas les exclure. Donc là, je pense, ça fait quand
même un certain clin d'oeil aux
préoccupations qui ont été soulevées par les collègues sans limiter et sans fragiliser la disposition. C'est sûr qu'en
fonction du règlement on étudie alinéa par alinéa, mais il ne faut pas oublier
qu'il y a quand même dans la démarche certaines propositions.
Puis je
remercie un membre de l'équipe qui m'a si gentiment rappelé qu'on a un auteur,
Mario Bettati, qui, dans un livre, Terrorisme — Les
voies de la coopération internationale, indiquait ce qui suit : «Le terrorisme naît et prospère là
où les droits de l'homme sont bafoués.» Évidemment. Alors, ça, c'est important
pour nous de conserver la notion d'intolérance
parce qu'à partir du moment où on
bafoue et on permet des brèches dans le respect des droits, et notamment
dans les droits qui sont protégés et les
caractéristiques protégées par l'article 10, bien, on laisse la place...
Lorsqu'on permet d'attaquer, par un
discours haineux, un discours à la violence, des gens qui ont déjà une
protection reconnue par la charte, bien,
on permet de faire une petite brèche, et, dans la radicalisation, bien, on
utilise cette petite brèche là et on attaque, puis tranquillement le
discours va se former, puis va prendre racine, et puis va grandir, puis va
mener à toute cette radicalisation qu'on souhaite stopper puis enrayer.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Bien là, c'est parce qu'on est en train de toucher aux droits, là, on est en
train de toucher à la liberté d'expression. C'est ça qu'on est en train de
faire, on est en train de toucher à un des droits les plus fondamentaux, la
liberté d'expression. Et il y a déjà
un encadrement, qui sont les articles 318 à 320 du Code criminel. Alors là, on prend ça puis, dans le cadre d'un plan de lutte à la radicalisation, on amène une loi qui proscrit le
discours haineux ou menant à la violence. Comprenez bien que nous, on veut ramener ça à l'intention, au contexte,
mais ce qui va amener à... À mon sens, un, ce qui va arriver à l'article 2 ne ramène pas, ça reste la même porte. «Les
préceptes[...], qu'ils soient religieux ou autres», alors, voilà, on ne resserre pas, là, on dit
«qu'ils soient religieux ou autres». C'est encore très, très, très vaste, très large. On met le mot «religion», mais on ne resserre
pas.
Deuxièmement, je ne comprends pas encore qui on vise actuellement au Québec.
Les LGBT sont venus dire : C'est par
l'éducation, par la prévention. Les communautés
juives et israéliennes, les Noirs sont venus dire... C'est eux qui sont les plus grandes victimes de crimes haineux. Qui
ont veut viser? Je comprends qu'on veuille ne pas pointer une religion.
Ça, je le comprends. C'est pour ça qu'on a
écrit comme ça. Ça, je le comprends. Puis je comprends qu'on veuille
attaquer les discours haineux menant
à la violence, et pas tous les discours. Ça, O.K., on essaie, mais je m'excuse,
nous, on pense qu'il faut nommer pour
rassurer, puis ce n'est pas l'amendement qui s'en vient au deuxième alinéa qui me rassure.
Je le dis honnêtement tout de suite, là, ça ne me rassure pas, ça. On en
débattra parce que ça ne me rassure pas.
Alors moi, je
pense encore que notre amendement nous permet de passer au travers. Et je rajouterai
que «pouvant mener à l'extrémisme
violence», c'est exactement l'expression qui est dans l'amendement
de la ministre. Donc, le «pouvant», il est
dans l'amendement de la ministre. C'est nous qui avons enlevé l'autre «pouvant».
Nous l'avons supprimé, d'accord? Les
«peut» et les «doit», là, il ne faut pas jouer beaucoup avec ça dans la loi.
C'est délicat, on le sait. Il y a eu beaucoup
de discussions dans ces salles au sujet de
«peut» et «doit». On a enlevé le premier «pouvant mener», justement
parce qu'on le trouvait flou. Mais,
le deuxième, on l'a laissé là. C'est l'amendement de la ministre, ce n'est pas le nôtre. On l'a gardé pour
ça, en essayant de conserver le maximum de la proposition ministérielle.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
• (16 h 30) •
Mme Vallée : Je
comprends qu'on légifère et qu'on
vient limiter la liberté d'expression. Puis ça, on l'a dit, puis on l'a fait selon les paramètres de la Cour suprême parce que, justement, c'est important,
lorsqu'il est question
de droits et libertés, de ne pas
improviser et de ne pas aller au-delà de ce qu'on connaît qui a été précisé et
limité. Alors, c'est ce qu'on fait,
et je vous dirais que les amendements que l'on a déposés visent, justement,
même à recadrer de façon encore plus précise le discours qui est visé
par la présente loi, le recadrer dans un contexte particulier.
Je mentionne encore une fois que, lorsque l'on vise particulièrement, par exemple, le
fondamentalisme religieux sans faire
référence aux autres types de fondamentalisme, on fragilise notre loi. Alors,
c'est pour ça que je vous soumets que
ce qui vous est proposé, ce qu'on vous propose est susceptible d'être plus
englobant, donc permet d'agir et d'intervenir dans le cadre de discours
haineux qui pourraient s'exprimer au nom d'une autre forme de fondamentalisme
que le fondamentalisme religieux. Tout à l'heure, on a discuté d'une idéologie politique,
et je vous dirais, M. le Président, la notre
collègue de Taschereau nous dit : Bien, il faut nommer les choses.
Bien, on les nomme, les choses, dans ce projet de loi là et je pense qu'on ne ferme pas la porte à
d'autres formes...
C'est parce
qu'aujourd'hui on a une situation x puis on fait référence... On a fait beaucoup
référence aux événements tragiques
qui sont survenus l'an dernier, mais est-ce qu'il pourrait y avoir une
radicalisation qui pourrait tirer son origine d'autres types de
fondements, et qui pourrait aussi mener à la violence, et qui pourrait aussi
mener à des situations tragiques? Il ne faudrait pas avoir fermé la porte à une
intervention, d'une part, il ne faudrait pas avoir limité notre intervention. Et ce qui est présenté permet d'intervenir
dans le contexte qui est mis de l'avant par nos collègues. Donc, ça nous permet d'intervenir dans le cadre de
discours qui proviendraient, par exemple, d'une idéologie, un fondamentalisme
religieux. Ça le
permet et ça permet aussi d'intervenir dans d'autres types de discours qui
seraient menés par une autre forme de
fondamentalisme puis qui auraient comme même objectif, là... C'est-à-dire un
discours qui est haineux puis un discours
qui incite à la violence, on s'entend, là, ce n'est pas la dissidence, puis ce
n'est pas l'idée choquante, puis ce n'est pas les propos.
On jasait
tout à l'heure à micros fermés, les propos misogynes, on n'aime pas ça, là, ça
n'a pas sa place. Mais ce n'est pas
ça qui est touché, c'est le propos qui incite à la violence, qui est poussé...
La misogynie poussée à son extrême qui
va venir inciter à la violence à l'égard des femmes, ça, ce n'est pas
acceptable dans une société libre et démocratique. Être misogyne, c'est malheureux, mais ce n'est
pas... Et avoir des propos misogynes, c'est malheureux, mais ce n'est pas
ce qui est touché. Bon, hein, il y a des
gens qui, publiquement, tiennent des propos misogynes. Ce n'est pas ces
propos-là qui sont touchés, mais
c'est le propos de l'individu qui, en tenant des propos misogynes, par exemple,
pourrait dire : Bien là, les
femmes, il faut leur sacrer une volée, par exemple, ou il faut les... En tout
cas, on ne reprendra pas les propos épouvantables qu'on a pu lire sur
certains blogues, mais c'est le propos qui incite à la violence qui est touché.
Et ce propos-là, il peut être le fruit, oui,
de l'expression d'une forme de fondamentalisme religieux, c'est vrai, mais il
peut être aussi... tirer sa source d'une autre forme d'idéologie de
fondamentalisme qui n'est pas que religieuse.
Alors, lorsqu'on précise... Et je comprends,
puis parfois le... On l'a mentionné, je crois que c'est le député de Bourget
qui disait que le pavé de l'enfer...
Une voix : ...
Mme Vallée :
...ou la voie de l'enfer est pavée de bonnes intentions. Ça peut aussi
revenir... c'est-à-dire qu'à trop vouloir
préciser on peut limiter la portée de notre projet de loi et même le fragiliser
au point qu'on ne sera pas en mesure d'intervenir là où on le souhaite.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
M. le Président, c'est parce que là où on le souhaite... C'est peut-être ça,
les mots clés, «intervenir là où on
le souhaite». Sur quoi voulons-nous intervenir? Actuellement, là, si cette
loi-là est sur la table, c'est à cause du fondamentalisme religieux, des discours haineux issus du fondamentalisme
religieux menant à l'extrémisme violent ou à la radicalisation menant à
l'extrémisme violent. C'est là-dessus qu'on est. Il n'y a pas eu d'appel à,
tout à coup, la couverture de la charte face
aux discours haineux. Il y a des groupes qui sont venus nous dire : Ne
faites pas ça, ce n'est pas comme ça
qu'on intervient. Le Québec a choisi la prévention et l'éducation, c'est là,
là. Il est là, le noeud, là. Alors, est-ce
qu'on intervient sur la situation actuelle dans le cadre du plan de lutte à la
radicalisation en parlant du fondamentalisme religieux, non pas des discours haineux et incitant à la violence
s'exprimant au nom du fondamentalisme religieux ou dans un contexte de
radicalisation pouvant mener à l'extrémisme violent? Et c'est ça qu'on est
supposés viser.
Ça fait que,
l'ouverture large, là, on n'est pas là-dedans. On essaie de se rejoindre à un
endroit, mais, l'ouverture large, on
n'est pas là-dedans. Alors, moi, je cherche encore qu'est-ce que la ministre
veut empêcher, quel cas n'est pas couvert
par 318 à 320 du Code criminel. Ils sont couverts par ça. Si un homme menace de
tuer les femmes, bien, on envoie la police. On essaie, des fois, de les
envoyer... Ma collègue dit : Des fois, c'est plus long qu'on pense,
mais...
Une voix : ...
Mme
Maltais : C'est ça.
Récemment, il y a un jeune qui était sur Facebook qui a menacé,
là... il voulait tuer des Arabes, il
voulait tuer des musulmans, c'est épouvantable! On l'a arrêté, ça a été
instantané. Il n'y en a pas eu, de problème. La police a débarqué, il a eu une amende. C'est
là, il y a des choses qui sont déjà là.
Ça fait qu'on ajoute, là. On ne part
pas à zéro, on ajoute. Ça fait qu'on essaie
d'ajouter à travers le contexte actuel ce qui nous manque. Mais, quand il y a
quelqu'un qui dit : Je vais aller les
tuer, ou je vais vous tuer, ou allez les tuer, ça débarque parce que c'est
inacceptable dans une société. Mais ça, pour nous autres, c'est déjà
inscrit dans nos lois, il y a des codes, le Code criminel.
À côté de ça,
tu as une nouvelle loi qui, à notre avis, est trop large puis qui donne des
pouvoirs à la Commission des droits
de la personne, qui s'est exprimée un peu trop peut-être. Peut-être qu'il y a
un président qui est allé plus loin que
ce que la ministre aurait voulu aller. Peut-être, c'est ça. Peut-être que le
président est allé trop loin puis a créé un climat qui fait qu'aujourd'hui on est un peu pris, autour
de la table, à essayer de circonscrire le débat. Mais on est là-dedans. C'est
ça, la situation. Alors, on essaie d'en sortir. Puis moi, je trouve que notre
amendement nous permet d'en sortir tout en étant assez ouverts pour permettre de pallier à d'autres situations qui
pourraient advenir, qui ne sont pas déjà couvertes par nos règles.
Voilà, M. le Président.
Le
Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Gouin, vous aimeriez intervenir sur le sous-amendement de Mme la députée de Taschereau?
Mme David
(Gouin) : Oui, M. le Président, mais je vais aussi me permettre, parce que
la députée de Taschereau
vient de le faire, d'élargir un tout petit
peu. D'abord, juste peut-être au cas où ça intéresse les collègues, il a été demandé cette semaine si des exemples de lois circonscrivant ou voulant lutter
contre le discours haineux et incitant à la violence existaient. Nous avons
fait une recherche, mon équipe et moi, et, si les collègues sont intéressés, ça
me fera plaisir de leur transmettre
les résultats de notre recherche, qui indiquent sans l'ombre d'un doute que,
oui, à travers le monde, et particulièrement en Occident, plusieurs pays
se sont penchés sur la question du discours haineux parce que plusieurs pays estiment qu'il est
en augmentation et, donc, se sont donné des mesures législatives pour le
circonscrire. Donc, voilà. Je l'ai, je peux le... Bon.
Sur
le sous-amendement de la collègue de Taschereau, je disais tout à
l'heure : Au fond, il y a une question qu'on doit se poser collectivement, c'est : Est-ce
que, oui ou non, on veut que la notion religieuse, religion... enfin, ce
mot-là, là, est-ce qu'on veut qu'il
apparaisse à l'article 1 du projet de loi? Mais là je comprends qu'il y a une
deuxième question, parce que la
collègue de Taschereau vient de la poser, c'est : Voulons-nous
circonscrire l'objet de la loi à tout ce qui entoure les événements qu'on a connus depuis un an, un an
et demi, donc qui avaient trait, effectivement, à quelques — parce que ce n'est pas des milliers, là — jeunes sous l'emprise d'une idéologie dite
religieuse, mais, en fait, politique, fanatique, etc.? Est-ce qu'on veut arrêter là ou est-ce que,
réfléchissant à la notion plus générale de discours haineux, on veut ratisser
plus large? Puis c'est une vraie question.
Et
je pense, moi, maintenant, après plusieurs mois, qu'on aurait intérêt à
ratisser plus large. Et c'est pour ça que, donc, oui, je suggère que le mot «religieux», «religion»,
«religieuse»... en tout cas, apparaisse, je n'ai pas de problème avec ça, mais il me semble qu'il doit être clair
que le projet de loi ratisse plus large et, donc, va circonscrire de façon
claire et nette, là, les discours haineux et incitant à la violence qui
peuvent venir de toutes sortes d'idéologies, pas seulement religieuses, mais
autres.
• (16 h 40) •
Alors, le problème,
pour moi, du sous-amendement, c'est qu'il est, malgré la qualité d'inscrire la
question religieuse... je le trouve un peu
trop restrictif parce que, même s'il y a un «ou» quelque part, là, après
«religieux», en fait je pense qu'à
peu près n'importe qui va comprendre que l'objet central de la loi, c'est la
lutte au radicalisme issu de certains fondamentalismes religieux. Je
comprends que, si on lit attentivement avec, tu sais, presque une loupe, là, on
va comprendre que, non, non, ce n'est pas
seulement à propos de la religion parce qu'il y a le «ou», hein, «ou dans un
contexte de radicalisation». Oui,
mais le contexte de radicalisation auquel M., Mme Tout-le-monde fait référence quand
il parle de ça depuis un an, c'est le
contexte de radicalisation dans le cadre d'une idéologie politico-religieuse,
là, qui s'appelle l'islamisme politique.
Moi,
je pense qu'on aurait avantage... j'essaie de rester sur le sous-amendement,
mais je pense qu'on aurait avantage à élargir pour parler,
effectivement, d'idéologies religieuses — je n'ai pas de problème avec
ça — mais
d'idéologies sociales, politiques ou
religieuses, que tout le monde comprenne qu'on n'a pas le droit de s'adonner à
l'extrémisme violent, que ce soit
prétendument pour des raisons religieuses, mais que ça soit aussi pour des
raisons sociales ou politiques, on n'a pas le droit.
Puis
je sais que, sur le fond, on est d'accord, il n'y a personne ici qui pense que
quiconque a le droit de s'adonner à
l'extrémisme au nom de quoi que ce soit. Ça, je le sais qu'on est d'accord
là-dessus. Mais, si on est d'accord là-dessus, pourquoi on ne l'écrit pas? Juste parce qu'on veut à tout prix rester
dans le cadre du dépôt du plan puis des projets de loi... je ne me souviens
plus de la date exacte, là, mais au mois de juin? Il me semble qu'on est
capables d'élargir puis qu'à l'instar
de d'autres pays dans le monde on peut convenir ensemble que, dans l'ensemble,
le Québec est une terre paisible où il
fait bon vivre et où le débat démocratique s'exprime, mais est-ce qu'on est
capables de convenir qu'il y a des moments où ce qu'on voit, c'est une certaine montée de l'intolérance, une
certaine montée de formes de haine à l'égard, entre autres, de certaines minorités religieuses? Entre autres,
pas seulement, parce qu'il y a les femmes aussi. Bref, moi, je souhaite que, dans le fond, qu'on accepte ensemble
d'élargir la portée du projet de loi et de ne pas uniquement faire référence
aux événements tragiques — oui, bien sûr — qui
ont eu lieu au Québec ou à Ottawa, là, depuis un an, un an et demi.
Donc,
il y a deux discussions ici en même temps. Oui ou non, on inclut la question
religieuse dans l'article 1? Moi, je
dis oui. D'autres disent : Oui, comment on le fait? Je ne sais pas si la
ministre dit oui, exactement, là. J'aimerais ça, bien saisir. Mais est-ce qu'on l'inclut parmi d'autres, oui ou non?
Puis, deuxièmement, est-ce qu'on est prêts à, quand même, élargir un peu la portée du projet de loi
pour qu'on ne parle pas que de radicaux, entre guillemets — ou, enfin, moi, je les appelle plutôt des extrémistes, là — qui agissent de façon violente au nom,
prétendument, d'une religion? Parce qu'on s'entend pour dire que c'est
prétendument. Je pense que, là-dessus, on s'entend très bien.
Il
me semble que, si on s'entend sur la portée de la loi et sur le fait d'y
inclure, oui, l'extrémisme qui peut prendre la forme de l'adhésion à une religion, on devrait être capables d'écrire et
de mettre les bons mots aux bons endroits. Je pense que c'est ce qu'on
essaie de faire, d'ailleurs.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Gouin. Mme la députée
d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Poirier :
Merci. Je pense que la députée de Gouin vient de toucher un point absolument
essentiel. Les propositions que la ministre
nous a faites jusqu'à ce jour, il y a un mot qui n'apparaît pas et c'est le mot
«religieux», et moi, je vais demander
tout simplement à la ministre... Parce qu'on aura beau faire tous les
amendements qu'on voudra, on pense, de
ce côté-ci de la table, que le mot «religieux»... Parce que, dans les
propositions qu'on a faites, il était là, le mot «religieux». Alors, moi, je veux juste comprendre pourquoi ce mot-là ne
peut pas apparaître selon ce que propose la ministre. Parce qu'on peut bien essayer, là, de se le dire,
M. le Président, tous ensemble, là, mais le fondamentalisme religieux est un
problème, là, en tant que tel, là. Il y a là
une dérive que l'on voit un peu partout actuellement sur la planète qui fait en
sorte que des victimes innocentes sont frappées tous les jours.
Alors,
moi, je veux juste comprendre, du point de vue de la ministre, est-ce que c'est
une position gouvernementale à
l'effet que le mot «religieux» ne doit pas se retrouver dans l'article 1, tout
simplement. C'est une question toute simple. Je pense que ça va aussi nous éclairer de ce côté-ci à savoir est-ce
qu'il y a un problème à mettre le mot «religieux», oui ou non. S'il n'y
en a pas, travaillons où on peut le mettre et où il serait le mieux...
Mme
Maltais : Dans le
premier alinéa.
Mme
Poirier : Tout à fait. Parce que je le rappelle, là, l'objet de
la loi, on le sait, c'est le nerf de la guerre, là. Et, si on ne vient pas nommer d'entrée de jeu, en
tout cas, ce qui nous apparaît ici être la volonté du pourquoi on est assis
ici, qui est qu'il y a un problème en lien
avec... Pour nous, on l'appelle le fondamentalisme religieux. Moi, je veux
connaître la position de la ministre, tout simplement.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, je pense que j'ai été quand même assez claire au cours des
derniers jours. Lorsqu'on cible,
qu'il s'agisse d'une religion ou d'un critère particulier, on limite la portée
du projet de loi, et l'objectif n'est pas de limiter. La radicalisation peut être le fait de pousser à l'extrême,
oui, une idéologie religieuse, mais une idéologie politique aussi ou une autre forme d'idéologie. De cibler le
caractère religieux du fondamentalisme ou de la radicalisation d'une idéologie vient limiter la portée du projet de
loi, et ce n'est pas ce qui est souhaité. On ne veut pas le limiter qu'à ce
type d'extrémisme, de radicalisme
parce qu'il y a dans la société... il peut y avoir d'autres formes de
radicalisation. Et de le préciser,
parce qu'on le fait... Dans l'amendement que je vous propose, au deuxième
alinéa, ce n'est pas de dire : On ne veut pas que le mot «religion» ou «religieux» apparaisse du tout dans le
projet de loi, là, ce n'est pas ça. On le précise, on y fait référence
au deuxième alinéa, on en parle.
Mais quel est
l'objet réel? C'est de s'attaquer au discours qui est haineux, au discours qui
incite à la violence, qui s'inscrit
dans un contexte particulier. Puis ça, on le reconnaît. Au départ, on ne
l'avait pas précisé, puis je vous dirais que là-dessus... Puis ce n'était pas par manque de volonté, c'était tout
simplement que, pour nous, c'était clair. Mais parfois il y a lieu de préciser davantage, puis,
là-dessus, je suis bien d'accord avec les collègues, trouvons — puis c'est là-dessus qu'on travaille actuellement — une façon de le préciser puis une façon de
l'exprimer qui fera l'affaire de tout le monde.
Donc, ce
discours haineux, il s'inscrit dans quel type de contexte? Il s'inscrit dans un
contexte qui peut mener à l'extrémisme violent et qui peut être aussi
dans un contexte d'intolérance. Alors, ça, c'est le contexte dans lequel le discours haineux s'inscrit. Donc, ça vient, je crois...
puis je pense que ça va venir rassurer des gens qui, dans le cadre des
consultations, ont soulevé certaines préoccupations. Et parfait si on vient les
rassurer.
Par la suite,
la loi s'applique de quelle façon? Quelle est l'application de la loi? Bien,
elle va s'appliquer au discours haineux
puis au discours incitant à la violence, peu importent les préceptes sur
lesquels ils s'appuient, qu'ils soient religieux ou autres. Parce qu'il
n'y a pas que les préceptes religieux, il peut y avoir d'autres préceptes qui
mènent à ce type de discours là, puis il ne faudrait pas être limitatif. Mais
on le précise, le précepte religieux.
Alors,
là-dessus, je pense que c'est important de le mentionner, on n'est pas
allergiques au mot «religion», là, ce n'est
pas ça. On ne fait pas d'urticaire parce qu'on fait référence à la religion,
pas du tout. Mais il faudrait éviter que notre loi, dans ses objectifs, soit
limitée exclusivement. Et donc on le prévoit de cette façon-là, puis là, par la
suite, on y va avec la définition. Donc, ce n'est pas un manque de
volonté, c'est dans la logique de la rédaction. Et puis tout ça s'est fait, évidemment, accompagné — puis, je vous dirais, beaucoup
accompagné — de notre
équipe de légistes et de constitutionnalistes parce que nous avons le
souci de déposer un projet de loi...
Puis, à juste titre, lorsque la députée de
Taschereau nous dit : On vient limiter la liberté d'expression, il faut s'assurer de ne pas la limiter et de ne pas tomber
dans une loi qui pourrait être perçue comme une loi de censure, une loi liberticide, comme certains ont pu la qualifier,
ce qui n'est pas le cas. Et je ne veux pas parce que la liberté
d'expression, elle est essentielle. Parce que,
le jour où on va venir s'attaquer à la liberté d'expression dans un autre
niveau, bien là on risque, justement,
de venir donner raison à ceux et celles qui nous attaquent, à ceux et celles
qui s'en prennent à la démocratie et qui en... Alors, dans une société
libre et démocratique, on peut rire
d'une religion, on peut tenir des propos qui dérangent, mais on ne peut
pas inciter à la violence.
• (16 h 50) •
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme
Poirier : Je ne pense pas que l'intention, en introduisant les
mots «fondamentalisme religieux», est de cibler une religion. Le
fondamentalisme religieux ne cible pas une religion, il cible les religions.
Alors, pour moi, le fait d'écrire
«fondamentalisme religieux», ce n'est pas de cibler une religion, mais c'est de
nommer ce phénomène qui est le fondamentalisme religieux comme étant une
des causes qui peut mener à l'extrémisme violent.
Et, dans la
façon de le rédiger que ma collègue a proposée, ce qu'on... Et je le relis pour
qu'on se comprenne bien. Dans le
fond, ce qu'on dit, c'est que «la présente loi a pour objet d'établir des
mesures de prévention et de lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence s'exprimant
au nom du fondamentalisme religieux ou dans un contexte d'intolérance ou...» Excusez, on enlève... «...dans un contexte
de radicalisation pouvant mener à l'extrémisme...». Alors, ce «ou»-là vient faire la différence et
vient aussi donner un autre poids aux mots. Ce n'est pas que le fondamentalisme
religieux qu'on vise en tant que tel, c'est le discours qui est tenu dans un
cadre de fondamentalisme religieux ou...
Mme
Maltais : De
radicalisation.
Mme
Poirier : ...de radicalisation. Alors, ça ne vient pas l'isoler
comme étant lui par lui-même, mais ça vient nommer le fondamentalisme religieux comme étant une forme d'expression
qui, dans le cadre d'un discours haineux, ne nous apparaît pas
acceptable. C'est ce que ça vient dire. Et, pour moi, ça ne vient pas cibler
aucune religion, bien au contraire. Parce
que je nous rappellerai qu'on a eu certains curés catholiques qui en ont dit,
des choses pas catholiques, hein, on
va se le dire comme ça. Du fondamentalisme religieux, on en a vu dans la
religion catholique, là. Je l'ai toujours dit, quand les curés se sont mis à gérer les chambres à coucher des
Québécois, là, ça en était, du fondamentalisme religieux, ça, et c'est de ça...
Mais là on est dans le discours haineux. Alors, à partir du moment où le
discours haineux s'attache au
fondamentalisme religieux de quelque religion que ça voudra ou dans un contexte
de radicalisation, un ou l'autre, ça ne m'apparaît pas menaçant.
Parce que la
ministre nous a dit : Il faut qu'on inscrive le contexte particulier du
discours. Bien, un des contextes, c'est
le fondamentalisme religieux, et ne pas le nommer à cette étape-ci... Et je
prends l'amendement que la ministre souhaite amener plus tard, quand il nous dit «peu importe les préceptes religieux
ou autres», on pourra très bien le dire encore là, là, mais je pense qu'à un moment donné un chat c'est
un chat, hein, il faut le nommer, et je pense qu'on est rendus là. Et ne
pas introduire dans ce premier alinéa, là...
la planète entière parle de ça, là. Est-ce qu'on va se cacher en arrière puis on
va faire semblant que ça n'existe pas? On s'attaque à quoi? Qu'est-ce
qu'on dénonce tous les jours?
On passe des
motions à l'Assemblée nationale, M. le Président, tous les jours pour dénoncer
les barbaries et le terrorisme qui
arrivent partout dans le monde au nom de quoi? Sûrement pas au nom de juste la
radicalisation, là, les gens, actuellement,
qui provoquent des actes innommables... Encore ce matin, là, Boko Haram en a
tué 15, là. Ce n'est sûrement pas parce que ça lui tentait ce matin et qu'il
s'est réveillé en se disant : Je vais aller faire ça juste pour une seule et unique raison qui est en dehors de cet
endoctrinement qui est le leur. C'est du fondamentalisme religieux, M. le
Président, là. Ces gens-là veulent
implanter un État islamique, mais basé sur une théorie politique où on utilise
le religieux pour convaincre les
gens. C'est de ça dont on parle, là. Alors, je ne sais pas pourquoi on a peur
de nommer le fondamentalisme religieux. Ça m'apparaît tellement minimal, et je me demande même si on ne devrait
pas même prendre du temps, M. le Président, de réflexion.
Parce que,
quand je regarde mes collègues d'à côté qui... on s'approche tous ensemble vers
cette même... je me dis : On ne
doit pas être si fous que ça d'un bord de la tête... d'un bord de la taille...
de la table. Je vais le dire. Je commence à être fatiguée, moi aussi. On ne doit pas être si à côté de nos... Puis
on vit tous les mêmes actes présentement, on vit tous cette même
situation politique mondiale de menaces. Et on ne veut pas céder à la menace,
on ne veut pas céder à ça, mais je ne peux
pas admettre que la ministre nous dise : On ne veut pas cibler une
religion. Le fondamentalisme religieux, je le répète, il n'est pas
islamique, il n'est pas catholique...
Une voix : Hindou...
Mme
Poirier : ...il n'est pas judaïque, il n'est pas hindouiste.
Hindouiste? Hindou? Hindou? Hindouiste? Bien, ça finissait tous par des
«iques». Alors, tu sais, ce n'est pas ça. Mais il faut s'assurer qu'on puisse
regarder la chose de façon large pour,
justement, faire en sorte qu'on puisse... Moi, je ne voudrais pas qu'on échappe
quelque chose. Puis la ministre a
raison, elle a dit tout à l'heure : Il ne faut pas se substituer à ce qui
existe déjà. Ma collègue dit : Attention! On n'est pas dans la liberté d'expression, il ne faut
pas toucher à ça. J'en suis, mais il y a des gens qui sont endoctrinés et
qui tiennent des discours haineux qu'on ne
peut même pas imaginer. Mais ils les tiennent à partir de quoi? Et ces
conditions et ce contexte particulier
que la ministre nomme, c'est un contexte de fondamentalisme religieux. C'est de
ça dont on parle. M. le Président, je
demande à la ministre de reconsidérer cette proposition parce qu'il ne s'agit
pas ici de venir dénoncer une
pratique religieuse en tant que telle, on vient dénoncer des gens qui, au nom
d'une certaine religion, au nom de leur religion, sont amenés à adopter un discours dont on ne fait pas
l'admission. On n'en veut pas, de ce discours-là, parce que ce
discours-là, il amène d'autres à se radicaliser et à commettre des gestes
violents.
Prenons le
cas du jeune à Saint-Jean-sur-Richelieu. C'est un jeune Québécois, là, il s'est
radicalisé au nom d'un fondamentalisme religieux. Pas besoin de faire de
ligne, là, il me semble que c'est clair. Il a tué un soldat parce que le soldat représente, justement, tout ce que lui
combat présentement. Lui, c'est un soldat
d'Allah. Alors, le soldat qui est devant lui est un adversaire...
• (17 heures) •
M. Kotto : Un mécréant.
Mme
Poirier : ... — un
mécréant, tu as raison, collègue — parce qu'il ne partage pas la même religion.
Est-ce qu'on est d'accord avec ça?
Moi, là, que ma collègue d'en face soit protestante, que l'autre d'à côté
pratique l'islam, que l'autre d'à
côté pratique le Krishna, etc., ce n'est pas de mes affaires. Ce n'est pas de
mes affaires. Par contre, si les propos que les personnes tiennent au nom de quelconque religion amènent des
gens à être violents, ah! là, là, il faut intervenir, là, il faut qu'il se passe quelque chose. M. le
Président, je plaide pour que la ministre refasse cette réflexion-là. Et tout
est perfectible, là, hein? On est là-dedans,
tout est perfectible. Mais je pense qu'il ne faut pas faire l'économie, il ne
faut pas faire l'économie de venir
nommer les vraies choses dans ce premier alinéa là, il ne faut pas faire
l'économie de ça, non.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, je pense que le projet de loi vise ce que notre collègue a
mentionné. Il vise aussi d'autres formes de radicalisation qui peuvent
amener des gens à poser des gestes violents et aussi à tenir des discours haineux qui vont tranquillement créer une
intolérance qui pourrait amener ceux qui reçoivent le discours à manifester une
forme de violence. Je l'ai dit, il y a une
volonté de rédiger le projet de loi de façon à ce qu'il puisse être solide et
permettre de toucher à l'ensemble des formes de radicalisation,
l'ensemble des formes d'intolérance.
Pour ce qui est de la référence à la religion,
je l'ai mentionné, elle est au deuxième alinéa. Honnêtement, là, M. le Président, je pense avoir quand même
démontré une écoute assez proactive, en ce sens que l'article 1, avec
l'ensemble des amendements qui sont
proposés — puis on
aura la chance aussi de travailler les autres alinéas — est quand même pas mal bonifié si on le compare à
l'article 1 de la première mouture du projet de loi. Il démontre cette
volonté de rejoindre les collègues, mais il doit aussi... et je pense que nous avons la
responsabilité de s'assurer que cet article soit conforme et ne vienne
pas fragiliser la loi.
Donc,
honnêtement, là, je suis allée quand même... et, dans les amendements, j'ai
quand même précisé la portée du
projet de loi, mais il n'est pas opportun, dans l'objet de la loi, de faire
cette référence au fondamentalisme religieux, ou à l'intégrisme religieux, ou peu importe. Puis, par contre, cette
précision quant à la religion ou à d'autres motifs se retrouve au niveau
de l'application. Je pense que je réponds et je crois qu'on répond de façon
assez claire à plusieurs préoccupations,
puis ça nous permet de ne pas être limitatifs non plus dans le type de
discours, et le type de propos, et surtout la source de ce discours, la
source idéologique à la base de ces discours.
Le Président (M. Ouellette) : Je
présume qu'on va au député de Bourget.
M. Kotto : Oui. M.
le Président, je voudrais juste
renforcer le propos que vient de tenir ma collègue d'Hochelaga pour rappeler le contexte dans lequel ce travail a été amorcé, travail
qui nous amène cette proposition de projet de loi qui est destiné à contribuer
à la lutte contre une nébuleuse que nous savons tentaculaire. Et, à la source
de cette nébuleuse, ici comme
ailleurs, il a été identifié une source, et c'est la même source, que ce soit Charlie
Hebdo, Saint-Jean-sur-le-Richelieu, Ottawa, Paris, Beyrouth, Ankara, Fotokol au Cameroun, Tunis. Quelle
forme de radicalisme on retrouve un peu partout et ici, au Québec? Bien, c'est le fondamentalisme religieux. Quelle
idéologie politique pose problème relativement à tous ces
phénomènes? C'est l'islamisme politique.
M. le Président, parmi les groupes qui sont venus exprimer leur avis sur ce projet de loi, plusieurs ont émis des réserves, et je pense aux Juristes pour la défense de l'égalité et des
libertés fondamentales, M. Grey. Je pense à GRIS-Québec, je
pense au Conseil québécois LGBT, à la Table ronde du Mois de l'histoire des
Noirs; à l'Association canadienne des libertés civiles,
à l'Association des Nord-Africains pour la laïcité et au Centre
consultatif des relations juives et israéliennes. Vous me permettrez de revenir sur certains de
leurs commentaires en commission
parlementaire pour nous éclairer,
disons, pour nous aider à réfléchir de façon rationnelle.
Donc, Le
Centre consultatif des relations juives et israéliennes, le 20 août
dernier, a souligné par la voix de son porte-parole,
M. Del Negro — il en est le vice-président — il a dit que «bien que ce soit tout à l'honneur
du gouvernement de tenter de protéger
les membres les plus vulnérables de la société contre les messages de haine, il
est nécessaire de veiller à ce que la
législation trouve un juste équilibre entre la liberté d'expression et la protection contre la haine.» Parce que
l'avenue que choisit le gouvernement dans cet exercice en est une qui, justement, peut nous amener
dans des dérives si, d'aventure, les propositions de sous-amendement et d'amendement
sur la table ne sont pas considérées.
• (17 h 10) •
Je continue.
M. Del Negro disait : «Faisant partie d'un groupe qui, historiquement et aujourd'hui encore, est la cible
fréquente de crimes motivés par la haine, nous sommes sensibles à la question
et nous nous opposons catégoriquement aux discours haineux sous toutes
leurs formes. Une législation — dit-il — de ce genre comporte cependant
le risque inhérent d'être détournée pour
réduire au silence toute critique et étouffer le droit légitime d'expression.»
D'où l'impératif de spécifier ce
contre quoi nous nous attaquons. D'où l'impératif de désigner l'objet réel, pas
diffus, auquel nous nous attaquons.
Il
poursuit : «Dans notre société démocratique, la liberté d'expression est
un droit fondamental inaliénable pour tous ses citoyens. Le projet de
loi n° 59, tel que présenté, aurait un impact aussi négatif
qu'involontaire sur la liberté d'expression,
voire un effet de censure.» C'est un
représentant d'une communauté qui, historiquement, en a vu des vertes et des pas mûres. Et il poursuit : «En effet,
étant donné l'absence d'équité procédurale et de lourdes conséquences punitives
pour les personnes jugées coupables par le
Tribunal des droits de la personne, il est à craindre qu'un climat
d'autocensure s'instaure au Québec.
De plus, l'absence de règles et de directives claires offertes par la loi au
tribunal révèle une lacune évidente en matière de justice procédurale.»
Il
continue : «...il nous paraît périlleux de se servir du droit civil pour
accomplir ce qui est traité de façon adéquate par le droit criminel. Le projet
de loi n'établit pas un juste équilibre entre la garantie de la liberté
d'expression et la protection contre la
haine et ne met pas en place les garanties procédurales nécessaires pour
assurer le respect des droits et
libertés des citoyens. Dans sa forme actuelle...» Là, c'est plus général, mais
ce général, évidemment, s'il n'est pas dans l'objet en discussion en ce moment, on aura manqué notre cible. «Dans sa
forme actuelle, le projet de loi risque de créer un climat d'autocensure indésirable et incompatible avec les droits et
libertés fondamentaux. Nous estimons donc que le projet de loi n° 59 doit être revu de fond en comble et amendé en
profondeur et faire ensuite l'objet de nouvelles consultations et
auditions publiques...»
Et je pense
que la ministre, avec beaucoup de bonne volonté... Je suis persuadé qu'elle
n'est pas seule sur le dossier et
elle s'appuie sur un caucus ou un Conseil des ministres pour avancer dans
l'exercice qui nous occupe ici aujourd'hui. Mais la connaissant fondamentalement, je suis persuadé qu'elle est
sensible aux arguments ici évoqués de ce côté-ci de la table.
J'apporterais
également le témoignage des Nord-Africains pour la laïcité qui sont passés ici.
C'était le 22 août dernier. Ils
ont soutenu que, face au discours haineux et au discours incitant à la
violence, une action ferme est certes... notamment en raison de la montée fulgurante du groupe terroriste
qualifié État islamique, Daesh. Pour ceux qui ne veulent pas, disons, y donner
énormément d'importance, il met de l'avant également la divulgation très facile
de discours haineux sur le cyberespace, mais il insiste beaucoup sur les
prédicateurs islamistes. Et, parenthèse, les islamistes n'ont rien à voir avec les musulmans, on le sait très bien. Ce
sont des entités qui se considèrent humaines et qui instrumentalisent une
religion, qui la détournent de son objet
noble. Et ces islamistes, dit-il, prônent le djihad armé ici même, dans nos
écoles. C'est des gens qui vivent
avec nous, c'est des Nord-Africains, ils savent, ils connaissent leur milieu.
Ils prônent le djihad armé dans nos écoles, dans nos mosquées, dans des
centres communautaires et dans des espaces apprenants mobiles.
Alors, malgré cela, le porte-parole,
M. Ferid Chikhi a dit : «Nous nous inquiétons pour la liberté d'expression au Québec. Notre crainte provient
du flou qui règne autour de la notion [...] qu'est un discours haineux». On a
beau vouloir apporter des amendements
pour préciser ce que cela veut dire, mais cela ne sera pas perçu par celles et
ceux qui ont cette lecture, cette
approche fondamentaliste en toutes choses, en tout comportement dans la cité.
En l'occurrence, ceux qui veulent subordonner le politique au religieux
ne liront pas la chose de la même manière. Je ne me souviens plus très bien de la personne, mais c'était un témoignage intéressant qui disait : À partir du moment où vous êtes attaqué, notons
devant la Commission des droits de la personne, de la jeunesse et... Commission
des droits de la...
Mme
Maltais :
Personne et des droits de la jeunesse.
M. Kotto :
...personne et des droits de la jeunesse alors que vous n'êtes coupable de
rien, le temps que vous perdez déjà dans le
cadre scolaire, dans le milieu scolaire, le temps que vous investissez pour
vous défendre vous-même, c'est du
temps perdu, c'est des conséquences que vous... Nous sommes au moment où nous
travaillons sur ce projet de loi, nous
sommes loin d'imaginer qu'ils peuvent entraver la vie de quelqu'un, qu'ils
peuvent entraver même la vie familiale de quelqu'un. Donc, c'est des
mises en garde importantes.
J'évoque
ça, je pourrais aller également rappeler ce que nous disait la communauté LGBT,
ce que nous disait la Chaire de
recherche sur l'homophobie, ce que nous disait la table ronde du Mois de l'histoire des Noirs. Tous veulent qu'on circonscrive ce projet de loi relativement à l'objet qui est d'actualité. On ne peut pas se mettre la
tête dans le sable, nous sommes en
guerre, M. le Président, et c'est une guerre qui a été déclarée il y a
longtemps déjà. Certains en ont pris conscience
seulement à partir du moment où ils ont été attaqués dans leur chair. Et nous
sommes, Dieu merci — entre
guillemets, Dieu — à l'abri pour l'instant de ces attaques
massives. Mais, considérant ce qui se lit à gauche et à droite en Allemagne et par les services de renseignements en
France, aux États-Unis par la CIA, on n'est pas à l'abri, ça peut arriver.
Mais, sur le terrain aujourd'hui, il y a des
jardiniers de la haine. Et, ces jardiniers, nous les connaissons. Ce ne sont
pas des gens dans la sphère politique
qui tiennent des discours radicaux ou qui incitent à la haine, ce ne sont pas
des gens dans le milieu artistique
qui tiennent ces discours. Il y a des individus qui sont identifiables, et
j'espère, à la lumière du rapport que va déposer le centre de lutte
contre...
Une voix :
Sur la radicalisation.
M.
Kotto : ...sur la radicalisation... Ce rapport va être déposé
bientôt et il va nous éclairer davantage sur ces enjeux.
Donc,
M. le Président, j'en appelle à notre perspicacité, à notre intelligence
collective pour que nous nommions un
chat un chat et que nous aidions notre société à lutter de façon claire, nette
contre cette menace qu'il ne faut, à aucun moment, comparer à, disons,
des langages dérapés et qui n'entraînent pas nécessairement aux mêmes
conclusions constatées hier encore en France, aujourd'hui au Cameroun, à Tunis,
à Ankara, à Beyrouth. C'est très sérieux, M. le Président, on ne peut pas
badiner avec cet enjeu-là. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Commentaires, Mme la ministre?
• (17 h 20) •
Mme
Vallée : Je tiens à rassurer notre collègue de Bourget, on ne
badine pas. On ne badine pas, on a tous à coeur les enjeux auxquels il a fait référence. Et je crois que le sérieux de
notre démarche se démontre par cette collaboration, cette volonté de collaboration et d'ouverture
quant aux amendements que nous avons présentés, que nous présenterons certainement éventuellement dans le projet de loi.
Il y en a beaucoup, et j'invite les collègues à en prendre connaissance.
Je sais, j'en ai fait mention à quelques
reprises, il y a plusieurs amendements qui font suite aux consultations. Donc, si on reprend
les discours, si on reprend chacun des mémoires, il est possible que ces mémoires
et ces préoccupations n'aient pas
à être réitérés, puisqu'ils ont déjà fait l'objet d'amendements, les éléments
soulevés ont fait l'objet d'amendements. Donc, moi, je tiens à travailler de
façon proactive. Voilà.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, M. le Président. Écoutez, je vais demander
quelque chose à la ministre. Je vais essayer de sortir, là, du cercle dans
lequel on est. Je lui ai dit, on cherche à sortir de ce cercle-là, mais on
prend le temps parce que c'est
l'article 1, et l'article 1 est fondamental. On le sait, après, on en
parlait, c'est toute une mécanique qui se met en branle. Si on s'entend
sur 1, après on va être dans l'application, les moyens, puis... Bon.
Là,
nous, on propose de dire : Les discours haineux qui s'expriment au nom du
fondamentalisme religieux, et tout ça, est-ce qu'il y a un sous-amendement ou
quelque chose... Est-ce qu'il y a un mot qui permettrait... À partir du moment
où on vous dit : Nous, on veut nommer
le fondamentalisme religieux, est-ce qu'il y a un mot qui pourrait permettre de
rassurer la ministre quant à l'ouverture que
ça dénote, mais de ne pas oublier cette notion fondamentale pour nous? Est-ce
qu'elle est prête à accueillir ça? Est-ce
qu'elle a des idées? Peut-être qu'on en a. Alors, est-ce qu'à partir de la
matière qu'on propose il y a matière
à discussion pour aller chercher quelque chose qui pourrait la satisfaire ou
c'est non parce qu'on parle de
fondamentalisme religieux? Parce que ça, pour moi, ça règle déjà une partie du
débat. Sinon, moi, je vais en
chercher, là, je suis assez habile, on est assez habiles, puis il n'est pas
mauvais du tout, mon jeune nouveau, pour trouver des solutions.
Mme Vallée :
Il arrive dans un moment... Il n'y a pas meilleur projet de loi pour apprendre
l'abc de la procédure parlementaire.
Le Président (M. Ouellette) : Probablement que sa probation pourrait être plus
vite qu'il pense. Mme la ministre.
Mme
Vallée : Écoutez, on a fait l'exercice, puis c'est un petit peu
pour ça... Nous, on vous le propose de la façon qu'est rédigée la référence qui s'appuie sur des préceptes religieux
auxquels on fait référence au deuxième alinéa de l'article 1. Puis
on le campe quand même dans l'article 1 parce que l'article 1 est
bien important.
Donc,
je vous dirais, puis en toute amitié, que l'effort, on l'a fait. On est
conscients, là, on a entendu, on vous a entendus, on a entendu la collègue de Montarville. Excusez-moi, M. le Président,
on a entendu la députée de Taschereau, je
ne voulais pas vous manquer de respect. Mais on a entendu, on essaie, par ce
qui vous est proposé, d'avoir une piste d'atterrissage. Et j'ai aussi été à l'écoute des préoccupations que
notre collègue de Gouin a soulevées aussi. Alors, avec, évidemment, notre équipe de juristes, avec les
limites, et aussi les décisions, et les enseignements des tribunaux, de la
Cour suprême, on vous propose une rédaction
qui fait référence... Parce que je comprends, je comprends qu'on souhaite
faire cette référence-là, mais, en même temps, elle n'est pas exclusive. Mais
elle est là, elle est là.
Mais
je veux juste simplement vous rappeler que... Puis je l'ai mentionné tout à
l'heure, il y a la Cour suprême qui,
dans un dossier... Tout à l'heure, en réponse à un amendement de notre collègue
de Montarville, dans l'affaire Vriend contre
Alberta, il a été établi que, lorsqu'on vise un seul motif, par exemple la
religion, même si c'est toutes les religions, on donne une certaine forme
de caractère discriminatoire parce qu'au niveau constitutionnel le législateur
doit viser l'ensemble des motifs et ne doit
pas en exclure. Donc, en précisant seulement qu'un type de fondamentalisme, je crains qu'on vienne affaiblir, même si notre objectif,
c'est de nommer... Puis ça ne vient, en aucun cas, empêcher de combattre
cette forme de radicalisation, au contraire.
Mais,
si on le précise puis qu'on fragilise notre projet de loi, est-ce qu'on ne vient pas poser un geste à l'inverse? On a des outils, on a le Code
criminel. Là, on veut donner des
outils additionnels, des procédures de nature civile. Donc, on donne des outils additionnels, puis on verra
plus loin d'autres mesures aussi pour protéger les femmes, les enfants contre,
parfois, un radicalisme ou un
fondamentalisme qui est poussé à l'extrême puis qui vient porter atteinte. Ça,
on va le voir un petit peu plus loin dans le projet de loi, mais il est important
de donner les dents nécessaires.
Je comprends qu'on veuille le cadrer dans le contexte de la lutte à la
radicalisation, c'est tout à fait correct. Puis, honnêtement, je m'en veux un
peu de ne pas avoir fait le clin d'oeil au plan. Mais c'est ce qui arrive
parfois, on rédige des projets de loi, on rédige des plans en parallèle, puis... Et, là-dessus,
je pense que la référence au plan est importante, tout à fait. C'est s'inscrit dans le plan, et on en parle. C'est un outil qui nous
permet... Dans le fond, le plan en fait mention, fait mention de notre loi, donc, qui a un effet
miroir. Je pense que c'est important. Puis on essaie de
le faire d'une façon qui va permettre quand même à notre loi d'avoir les
reins suffisamment solides pour passer à travers une contestation si elle devait être contestée par ceux et celles
qui voudraient utiliser leurs discours à des fins qui pourraient amener à la
radicalisation. Donc, il y a des
gens qui vont vouloir l'attaquer pas pour les mêmes raisons, pour les mauvaises
raisons. C'est possible, ça. Alors, ne permettons pas cette attaque-là
en visant précisément certaines choses et en la rendant peut-être
potentiellement discriminatoire.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée...
Mme
Vallée : Alors, c'est
vraiment l'objectif qui est visé, puis je comprends très bien
qu'on souhaite préciser. En tout cas, je
pense qu'on fait des efforts quand même.
Il y a des efforts qui sont faits, et ça vous démontre notre volonté.
Puis
surtout le député de Bourget nous disait : Je ne doute pas de la bonne
foi de la collègue. Soyez assurés de ma bonne foi, chers collègues, là-dedans, on souhaite vraiment rallier... Puis, honnêtement, si on était capables d'avoir un
projet de loi qui rallie l'ensemble de nos formations politiques,
je pense qu'on a tous... Tu sais, on souhaite s'attaquer
à cette radicalisation, on souhaite
s'attaquer à cette intolérance. On a différents points de vue, on a imaginé,
chacun à notre façon, différents outils, mais il y en a qui doivent rire
de nous voir divisés sur cette question-là, alors qu'on devrait trouver une façon de s'entendre. En tout cas, ça, c'est en toute candeur que je vous le dis parce que
je crois qu'on fait face, comme le disait notre collègue tout à
l'heure, à une menace qui est grande,
on fait face à des phénomènes qui sont complexes,
auxquels on doit s'attaquer de différentes façons. Ça, c'est une des façons. Ce
n'est pas le moyen exclusif et unique, c'est une poignée qui nous permet
de nous attaquer à ces phénomènes-là.
Puis
je pense que notre message, pour être plus fort devant cet
adversaire qui se manifeste de différentes façons, je pense
qu'il faut le faire ensemble. Puis maintenant, bien, ensemble, ça me demande, à moi aussi, de regarder avec
vous puis de trouver le point
d'atterrissage commun. Parce qu'ils doivent vraiment se délecter de nous
entendre et de nous voir nous diviser sur les moyens de mettre un terme
à cette radicalisation.
• (17 h 30) •
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. C'est intéressant, ce que dit la ministre. Je comprends, déjà on s'était entendus. Puis elle a dit : C'est vrai, j'aurais dû mettre le mot
«radicalisation», on va... C'est pour ça qu'on l'a gardé puis qu'on veut...
On pense qu'elle l'a proposé, on le propose
aussi. Là-dessus, on s'était entendus. Je pense
qu'on va le retrouver. Ça, je pense qu'on y gagne tous et toutes.
Maintenant,
sur le phénomène du fondamentalisme religieux, ce qu'elle nous propose, qu'elle
a évoqué... J'ai pris en note vite,
là. Si jamais je me trompe, si je suis allée trop vite quand
j'ai pris une note... Je vais le lire... Bien, ça va...
Mme Vallée :
Simplement, là, je veux simplement dire : On vous a fait...
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : On vous a distribué, là, simplement
pour votre bonne compréhension le texte complet, là. Parce que, parfois, on travaille avec un bout
d'amendement, puis ce n'est pas toujours évident, alors on voulait que tout le monde ait accès à la même info que
j'avais sous les yeux.
Mme
Maltais : Alors, je comprends que la ministre a mis le mot «religieux», mais la façon dont elle
l'a inscrit, on n'est pas rendus au
deuxième alinéa, mais déjà je dis que, peu importent les préceptes sur
lesquels ils s'appuient, qu'ils soient
religieux ou autres, ce n'est pas une balise, c'est une ouverture large comme
une porte de grange, à mon sens. C'est tous
les préceptes, qu'ils soient religieux ou autres. Donc, ça, ce n'est pas une
balise, c'est une porte de grange pour moi, là. Et je le dis tout de
suite, on ira là tantôt.
Mais
ce qu'elle a dit tout à l'heure, la ministre, c'est : On ne peut pas... Vous avez peur de
faire attaquer le projet de loi
par les chartes, par les gens qui pourraient aller devant la Cour suprême. Je le comprends, à chaque fois qu'on a amené un projet de loi — je
l'ai vécu récemment — il
y a toujours, toujours un juriste qui dit qu'on va se ramasser en
Cour suprême puis que ça va contre la Charte
des droits et libertés du Canada,
je suis bien habituée. Mais, à un
moment donné, il faut bouger, on s'entend. Sauf que là, nous,
on ne voulait pas aller là. Ça fait que, si on y va, on veut baliser. Alors, je vais avoir une proposition qui va peut-être... Ça va exactement dans le sens des propos de la ministre.
Je vais faire un sous-sous-amendement, M. le Président. Alors...
Le Président (M.
Ouellette) : Ça a l'air qu'on ne peut pas faire ça.
Mme
Maltais :
On ne peut pas sous-amender un amendement?
Le Président (M.
Ouellette) : On ne peut pas sous-sous-sous.
Mme
Maltais :
O.K. Alors, je reviendrai avec... Mais c'est une...
Le Président (M.
Ouellette) : Mais on pourrait peut-être, sans que vous en fassiez un
sous-sous...
Mme Poirier :
Elle peut le lire.
Le Président (M. Ouellette) :
Mais vous pourriez peut-être, dans le cadre de notre réflexion...
Mme
Maltais : Bien,
moi, je pense que je vais d'abord
demander de... Si on se rend là, là, si la... On se rendra jusqu'à celui-là, mais, après ça, je le ramènerai
parce que je pense que c'est une solution, genre ajouter «principalement
ceux», hein, «ceux s'exprimant dans un...»,
ta, ta, ta. O.K.? Vous voyez, «principalement ceux s'exprimant au nom du
fondamentalisme religieux»? O.K.? Je vous
fais un... je le sors tout de suite, «principalement ceux». Ça s'en vient. Mais
ça, automatiquement on rentre dans exactement... On ne ferme pas, on
balise, mais on se garde une porte ouverte. C'est exactement ça qu'on veut. Ça fait que je suis là-dedans. Mais
évidemment, pour nous, ce n'est pas principalement ça, là, qu'on veut,
là, c'est «incitant à la violence s'exprimant au nom du fondamentalisme
religieux ou dans un contexte de radicalisation». Tout est là. Tout ce qu'on
vise est là.
Alors,
M. le Président, je pense, je n'ai plus le temps pour m'exprimer sur mon
sous-amendement, mais je... Puis j'écoute
la ministre, je regarde ce qu'on a entre les mains, puis c'est exactement... je
ne vois pas le problème, je ne vois pas le problème.
Des
voix : ...
Le Président (M. Ouellette) :
On va suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à
17 h 34)
(Reprise à 17 h 47)
Le Président (M. Ouellette) : On reprend. Nous reprenons nos travaux. Nous en
sommes toujours à étudier le sous-amendement présenté par
Mme la députée de Taschereau, et je pense que, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, vous voulez ajouter à notre réflexion?
Mme
Poirier : Bien, écoutez,
M. le Président, je pense que, l'amendement déposé par ma
collègue, je me suis exprimée
précédemment là-dessus. Je veux juste vous dire que je comprends les
réponses de la collègue ministre de l'autre côté, je comprends qu'elle
souhaite apporter un amendement plus loin pour parler des préceptes religieux.
On
a eu une discussion autour de comment réécrire... Dans le fond, le but, c'est
qu'on essaie de réécrire un paragraphe qui
nous apparaît, je pense, à l'ensemble des gens qui sont ici... qui ne répond
pas de façon assez forte à l'intention du législateur. On ne retrouve pas, pour le moment, le... on retrouve des
mots trop forts, des mots pas assez forts, des intentions qu'on ne lit
pas de la même façon des deux côtés de la table.
Vous
savez, M. le Président, le fondamentalisme religieux... C'est toujours le fun
de regarder des... Attendez une seconde,
là, je reviens à ma définition, là, de WikiLeaks. Je vais juste nous lire, le
fondamentalisme, là, la définition sur Wikipédia, puis ça nous donne, des fois, des
petites idées. On dit : «Le fondamentalisme est né aux États-Unis — alors, pour ceux qui vont nous dire qu'on est juste dans une religion, là, on
n'est pas sur le bon continent — dans le contexte du protestantisme.» Alors, déjà là, vous voyez, on
n'est pas dans la bonne religion puis on n'est pas sur le bon continent de ceux qu'on pense viser. «En 1919, des pasteurs
presbytériens, baptistes et méthodistes fondent la World's Christian
Fundamentals Association pour défendre les points de la foi qui leur paraissent
fondamentaux. Ils soutiennent en particulier
une interprétation littérale de la Bible. Prenant à la lettre le récit de la
création du monde en six jours dans la Genèse, ils rejettent les
théories de Darwin sur les origines de l'homme et sur l'évolution.»
«Par
extension, interprétation littérale de tous textes, par exemple juridiques ou
religieux.» C'est là qu'on arrive dans le fondamentalisme juridique.
• (17 h 50) •
«...le
fondamentalisme est opposé à la séparation des ordres religieux et politiques
et il entend subordonner [la] politique
au religieux. C'est un principe ancien qui est particulièrement virulent dans
l'islam aujourd'hui, mais qui a prévalu aussi dans d'autres religions
dans le passé.»
Alors,
à partir de là, M. le Président, je
pense que, dans le fond, le fondamentalisme, là, c'est l'utilisation de la religion par le politique. C'est de ça qu'on
parle, là. Alors, quand nous, on vient nommer le fondamentalisme religieux,
c'est ce qu'on vient nommer. Dans le fond,
c'est l'utilisation politique du religieux. Dans le fond, on vient
utiliser ce que la ministre appelle plus loin des préceptes religieux. Mais
nous, on veut le verbaliser à côté des mots «discours haineux». Pour nous, c'est important de les mettre un à
côté de l'autre, mais tout de suite, d'entrée
de jeu, au premier alinéa de l'article
1.
Ma
collègue parlait tout
à l'heure de «principalement», tout à l'heure, qu'elle aurait
peut-être souhaité en venir à ajouter
les mots «principalement ceux s'exprimant au nom du fondamentalisme religieux
ou dans un contexte de radicalisation». L'intention, là, c'est simple, M. le Président. Ce qu'on veut, ce n'est
pas n'importe quel discours haineux, on veut baliser les discours haineux. On veut venir dire — et je prends les mots de la ministre — des discours haineux qui s'inscrivent
dans quel contexte particulier. Et le
contexte particulier, c'est celui qui, actuellement, mondialement, là, est
devant nous, là. Et le contexte,
bien, c'est un contexte de fondamentalisme religieux, entre autres, qui, aussi,
fait en sorte que des gens se
radicalisent et qu'ils vont jusqu'à commettre l'irréparable. Je vous parlais,
M. le Président, de Boko Haram ce matin, là. Ce n'est pas des doux, là, ce n'est pas des gens qui font dans la
dentelle, là. Et ces gens-là, là, quand ces gens-là entrent en quelque part et qu'ils, au nom d'Allahu akbar!
tuent des gens, bien, ce n'est pas au nom de d'autre chose que de ce
fondamentalisme religieux.
Alors,
faire abstraction de ça dans l'intention de la loi... Si on peut l'écrire
autrement, si on l'écrit de cette façon-là, moi, je pense qu'il faut le nommer, il faut nommer le problème, d'entrée
de jeu, auquel on s'attaque. Et, si on ne le nomme pas, je pense qu'on passe à côté du principal
enjeu auquel on veut s'attaquer par ce projet de loi là. En tout cas, j'espère
que c'est le principal enjeu auquel on veut
s'attaquer dans le projet de loi. Moi, je veux bien qu'on me parle des discours
haineux, mais ce n'est pas n'importe quel
discours haineux, c'est ceux qui incitent à la violence, c'est ceux qui amènent
des gens à commettre des actes violents. Et
ceux, actuellement, qui commettent des actes violents par le discours haineux,
bien, c'est ceux qui sont dans un cadre de
fondamentalisme religieux. Alors, je souhaite, M. le Président, que nous
obtenions l'assentiment de la ministre sur cet amendement.
Le Président (M.
Ouellette) : Commentaire, Mme la ministre, avant que je passe au
député de Bourget?
Mme Vallée : Je pense qu'on est allés... Puis je le redis, M. le
Président, on est allés au plus loin où on peut aller dans la rédaction du projet de loi pour en assurer
sa stabilité. On s'est inspirés des enseignements de la Cour suprême aussi
pour les amendements que nous avons
présentés. Mais, malheureusement, l'amendement qui est présenté... Puis je comprends les explications des collègues, mais il
risque de fragiliser la loi. Et, bien honnêtement, M. le Président, je ne
voudrais pas, d'emblée, fragiliser une loi.
Les équipes qui sont ici avec nous et qui suivent nos travaux depuis les tout
débuts travaillent très fort, puis, je dois
vous dire, je les remercie, mais là, actuellement, on souhaite préciser
l'objet, on le précise. Dans les
amendements qu'on va déposer à l'article
1, on va venir, je crois, rejoindre les préoccupations qui ont
été soulevées, mais d'une façon qui protégera notre législation.
Et,
pour moi, c'est très important. Puis c'est d'ailleurs ce que le premier ministre a mentionné,
je crois, la semaine dernière lorsqu'il échangeait, je pense, avec le
chef de la deuxième opposition en disant : Nous, on est ouverts, on va travailler ce projet de loi là, mais chose
certaine, on veut s'assurer que ce qui sera présenté sera respectueux des
chartes et passera les tests. Et,
moi, ce que je vous propose, c'est une rédaction qui nous permet d'être solides
quant à notre projet de loi
et qui vise aussi... Parce que ce n'est pas seulement que d'être solides,
mais c'est aussi de viser les éléments et les problématiques, le type de
discours auxquels on a fait référence, et on les vise. On ne les exclut pas, on
les vise. Les discours qui mènent à des
actes violents et qui sont portés par une radicalisation d'une idéologie
religieuse sont visés. Si c'est une
idéologie politique, c'est visé. On ne limite pas. On ne limite pas,
et je pense... Et on ne limite pas parce que le discours haineux ou incitant à la violence, c'est grave. Mais ce n'est
pas que le fait du fondamentalisme religieux, il y a d'autres types de radicalisation qui peuvent mener à ce
type de discours là et il faut aussi s'y attaquer.
Alors, pour ça... Et
ce n'est pas par manque de bonne volonté, ce n'est pas par manque de volonté,
c'est tout simplement pour les principes que je vous soulève. Et, encore une fois, je vous réitère que, lorsque nous arriverons au deuxième alinéa, on présentera des amendements, je crois, qui
permettent aussi de rassurer certains et certaines qui avaient soulevé
des préoccupations quant à des protections indues que certains pourraient
tenter de rechercher.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Bourget, vous allez nous emmener à la
pause?
M. Kotto : Je ne sais pas, M. le Président, parce que
j'ai une question, si la ministre le permet, une question à lui poser : En quoi la proposition de ma collègue de Taschereau serait-elle problématique relativement à une lecture au niveau
de la Cour suprême concrètement, là?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Excusez-moi, c'est parce qu'on parlait en même temps, alors je n'ai pas
compris.
Le Président (M.
Ouellette) : Non, mais...
M.
Kotto : Oui. Non, je
me demandais sur quel plan ou sur quel point précisément, concrètement, la proposition de ma collègue de Taschereau,
son amendement serait battu, disons-le aussi simplement, à la Cour suprême?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : On ne fera
pas le débat judiciaire ici, mais je veux simplement... Puis je reviens, puis
je l'ai mentionné tout à l'heure, lorsqu'on entre et on précise, à force de trop vouloir
préciser, ça peut conférer un caractère
discriminatoire à une loi. Alors, si on précise, par exemple,
exclusivement sur le caractère religieux, ça pourrait être interprété comme conférant un caractère discriminatoire. Et puis la
Cour suprême a déjà, dans d'autres types de législation, indiqué que,
lorsqu'on vise un seul motif, on donne un caractère discriminatoire à un projet
de loi.
Alors,
je l'ai mentionné, et puis on... Et, d'un autre côté aussi, lorsque
l'amendement de notre collègue créait... Là, je ne me souviens plus du
terme qui est utilisé, là, le «principalement», c'est ça?
Une voix :
...
• (18 heures) •
Mme
Vallée : Le «principalement», on fait indirectement une
hiérarchisation du type de discours qui pourrait être visé. Et un discours haineux ou un discours qui
incite à la violence, dans le contexte qu'on a présenté, peu importe son
fondement, que le fondement soit religieux, que le fondement soit philosophique, si ce discours amène à la
détestation de l'autre, si ce
discours amène à la violence, c'est ce à quoi on s'attaque. Donc, oui, dans
certains cas, le fondement, ce sera un fondement religieux, mais, dans
d'autres cas, ça peut être un fondement idéologique.
Par exemple,
le collègue de La Prairie a fait référence, au début de nos travaux, au
nazisme. Il y a des discours qui étaient
haineux, qui étaient tenus au nom de cette idéologie. Ce n'était pas une
religion, puis ça a causé bien des dégâts. Alors, je pense qu'on ne limite pas la portée du projet de loi, on ne hiérarchise pas de types de discours. Un discours haineux
incitant à la violence qui s'inscrit dans un
contexte de radicalisation, c'est non. Et puis je pense que c'est quand même...
Et on va le définir, le discours haineux,
là, on va venir le préciser parce que ce n'est pas, comme je l'ai mentionné à tant de
reprises, ce n'est pas n'importe quel discours. Ce n'est pas un discours de dissidence, ce n'est pas un
discours de critique, là, c'est beaucoup
plus profond que ça, c'est beaucoup plus fort que ça. Puis ça cause bien des torts,
et ça s'inscrit dans un processus de radicalisation, malheureusement.
Et
là on me dit que je dois arrêter. On n'arrête pas de me lancer des petits
papiers — stop,
stop, stop — parce
qu'il est 18 heures et que le président veut aller souper.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Le Président (M.
Ouellette) : ...on me prête des intentions. On me prête des
intentions.
Mais,
à la demande générale, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 19 h 30 dans
cette salle. Donc, vous pouvez laisser vos choses ici, on va s'assurer de
barrer la porte.
(Suspension de la séance à 18
h 2)
(Reprise à 19 h 40)
Le Président (M.
Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des
institutions reprend ses travaux. Veuillez, s'il vous plaît, vous assurer que vos appareils électroniques sont en mode silencieux
afin de ne pas perturber nos travaux.
Je
vous rappelle que la commission est
réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi
édictant la Loi concernant la
prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à
la violence et apportant diverses modifications législatives pour
renforcer la protection des personnes.
Lors de la suspension
de nos travaux, nous en étions à l'étude du sous-amendement de Mme la députée
de Taschereau. Et, je pense, c'est Mme la
ministre qui avait la parole, qui avait terminé... dépassé l'heure quelque peu,
mais je pense que vous aviez terminé votre explication, Mme la ministre?
Mme Vallée :
Oui.
Le Président (M. Ouellette) : Donc, nous serions prêts à voter sur le
sous-amendement de Mme la députée de Taschereau. Est-ce que le
sous-amendement de Mme la députée de Taschereau est adopté?
Des voix :
...
Mme
Maltais :
Vote par appel nominal.
Le Président (M.
Ouellette) : Vote par appel nominal, Mme la secrétaire.
La Secrétaire :
Mme Maltais (Taschereau)?
Mme
Maltais :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?
Mme Poirier :
Pour.
La Secrétaire :
M. Kotto (Bourget)?
M. Kotto :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Roy (Montarville)?
Mme Roy
(Montarville) :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Vallée (Gatineau)?
Mme Vallée :
Contre.
La Secrétaire :
M. Merlini (La Prairie)?
M. Merlini :
Contre.
La Secrétaire :
M. Boucher (Ungava)?
M. Boucher :
Contre.
La Secrétaire :
M. Rousselle (Vimont)?
M. Rousselle :
Contre.
La Secrétaire :
M. Proulx (Jean-Talon)?
M. Proulx :
Contre.
La Secrétaire :
M. Ouellette (Chomedey)?
Le Président (M.
Ouellette) : Je vais m'abstenir. Donc, le sous-amendement est rejeté?
La Secrétaire :
Oui.
Le Président (M.
Ouellette) : Pour la suite de nos travaux, Mme la députée de
Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, je voudrais savoir de la ministre
si elle a quelque chose qui nous permette de nous rapprocher. Je ne sais
pas si elle a une autre proposition dans le sens de ce qu'on propose.
M.
Merlini : Maintenant, question de directive, M. le Président, mais
devrait-on retomber à l'amendement que la ministre avait proposé, étant
donné que le sous-amendement a été défait?
Le Président (M. Ouellette) : Oui, on est là. C'est pour ça que, suite aux commentaires
de Mme la députée de Taschereau, je redonne la parole à Mme la ministre.
M. Merlini :
O.K. Très bien.
Mme Vallée : Bien,
en fait, M. le Président, je pense qu'on a eu la discussion. J'ai fait état de
la situation, je pense qu'il faut
voir l'alinéa un dans son ensemble, dans le texte dans lequel il devra
s'inscrire, avec la volonté que nous avons d'apporter certains
amendements à l'alinéa deux également. D'ailleurs, c'est un petit peu comme ça
que l'analyse et l'appréciation d'un texte doivent se faire, dans son ensemble,
et non pas alinéa par alinéa.
Donc,
ceci étant dit, je pense que je vous dirais, M. le Président, que j'ai fait
preuve de beaucoup de souplesse. Et,
je pense, aussi on a fait preuve de bonne volonté, mais je ne suis pas dans une
partie de tango, d'avance, recule, avance, recule. Ce que j'ai déposé, c'est ce que je pouvais déposer dans le
contexte de l'esprit de la loi. Puis c'est sûr qu'il y a parfois, là, des petits amendements de choix de
mots, mais, au niveau de l'esprit de l'amendement puis au niveau de l'esprit...
j'ai joué pas mal mes cartes, dans le sens
que j'ai présenté ce que je considérais être une voie ou une piste
d'atterrissage intéressante pour nous permettre de poursuivre l'étude
des différents articles et du projet de loi.
Le Président (M.
Ouellette) : Donc, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Alors, M. le Président, on comprend bien la
ministre. On sait qu'elle a ajouté, entre autres, l'histoire de la radicalisation, sur laquelle, on le dit, on
s'entend. On la retrouve d'ailleurs dans toutes les propositions qu'on fait,
ainsi que la finale pouvant mener à
l'extrémisme violent. Là-dedans, on sait que tout le monde... Puis on n'est pas
dans un jeu de tango, là, nous, on
essaie de baliser la loi pour qu'elle arrive aux fins auxquelles, je pense, les
gens s'attendent, puis les gens qui sont venus en commission
parlementaire aussi. Alors, je vais avoir un amendement.
Le Président (M.
Ouellette) : Un sous-amendement à l'amendement de la ministre?
Mme
Maltais :
Oui.
Le Président (M.
Ouellette) : Vous voulez nous en faire lecture, madame...
Mme
Maltais :
...faire la lecture et vous le déposer?
Le Président (M.
Ouellette) : Oui.
Mme
Maltais : Toujours en ayant écouté la ministre. Je vous
expliquerai pourquoi après on l'a écrit comme ça.
Sous-amendement :
Remplacer le premier alinéa de l'article 1 de la loi proposée par
l'article 1 du projet de loi par le suivant :
«La présente loi a
pour objet d'établir des mesures de prévention et de lutte contre les discours
haineux et les discours incitant à la
violence s'exprimant au nom du djihadisme ou dans un contexte de radicalisation
pouvant mener à l'extrémisme violent.» Je vais déposer.
Le Président (M.
Ouellette) : Oui. On regarde...
Je vais suspendre quelques
instants.
(Suspension de la séance à
19 h 45)
(Reprise à 20 heures)
Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous en sommes à Mme la députée de Taschereau, qui va nous présenter un sous-amendement qui a été préparé durant notre suspension. Mme la députée de Taschereau, vous nous présentez votre sous-amendement.
Mme
Maltais :
D'accord. Alors, modifier l'amendement modifiant le premier alinéa de l'article 1
proposé par l'article 1 du projet de loi en remplaçant les mots «, lesquels peuvent s'exprimer notamment
dans un contexte d'intolérance ou» par les mots «s'exprimant au nom du
djihadisme ou dans un contexte».
Alors, ce que ça va
donner comme résultat, c'est :
«La présente loi a
pour objet d'établir des mesures de prévention et de lutte contre les discours
haineux et les discours incitant à la
violence s'exprimant au nom du djihadisme ou dans un contexte de radicalisation
pouvant mener à l'extrémisme violent.»
La différence avec l'amendement...
Une voix :
Le sous-amendement.
Mme Maltais : Le sous-amendement, mais la différence avec l'amendement
proposé par la ministre est ici. Nous savions que le mot «notamment
» nous dérangeait beaucoup. Et l'autre chose, c'était «, lesquels peuvent
s'exprimer notamment dans un contexte d'intolérance». On l'a dit, on a
beaucoup de difficultés avec le mot «intolérance». Puis l'autre
partie, «radicalisation pouvant mener à l'extrémisme violent», ça, on s'est
bien entendus.
Maintenant,
est-ce qu'on parle d'un contexte d'intolérance ou bien on parle de ce que nous
croyons véritablement être le
problème social et le problème que nous ont soumis les gens qui sont venus en
commission parlementaire, c'est-à-dire le djihadisme? Tout à l'heure, on a essayé, je vais vous
dire, ce que je considère la meilleure proposition, qui était de dire à cet endroit-là «le fondamentalisme
religieux». Ça, à mon sens, c'était la meilleure proposition. On en avait
parlé ensemble, les collègues, et je pense
que ça exprimait bien... Maintenant, la ministre se sent mal à l'aise avec
l'idée de cibler le monde religieux.
Puis on ne peut pas cibler une religion, on ne peut pas cibler le religieux,
alors c'est mon collègue de Bourget
qui s'est mis à jongler sur ce bout-là, le fondamentalisme religieux, en
essayant d'éviter les écueils que nous indique la ministre.
On veut que
ça passe le cap de la constitutionnalité des lois. Là-dessus, je vous dirais
qu'à chaque fois qu'on a déposé des
lois, les juristes, c'est leur métier, nous annoncent toujours des dangers qui,
parfois, ne se réalisent pas. Des fois,
je ne veux pas vous... Je vous respecte beaucoup, les juristes, moi, je
dis : Les juristes doivent être frileux parce qu'ils doivent nous prévenir des dangers, mais les
légistes doivent être courageux. Ils doivent parfois décider de s'investir dans
un domaine et d'aller plus loin que ce que
le légiste nous propose. Alors, l'idée, nous, c'est de... au lieu de s'exprimer
au nom du fondamentalisme religieux, qui a
été rejeté, au lieu de s'exprimer notamment dans un contexte d'intolérance,
que nous trouvons, à notre avis, beaucoup trop large, nous proposons le mot
«djihadisme».
Qu'est-ce que je djihadisme? «Le
djihadisme — je
suis sur Wikipédia — est
une doctrine contemporaine au sein de
l'islamisme — pas de
l'islam, l'islamisme, qui est donc le politico-religieux — qui prône l'utilisation de la violence
pour la réalisation des objectifs
islamistes. Bien que le djihadisme soit dérivé du djihad, ce dernier est un
élément important de l'islam qui
n'est pas nécessairement violent.» Donc, c'est pour ça que ce n'est pas le
djihad. Le djihad, ça fait partie de
la religion. Le djihadisme, c'est un peu une dérive vers la violence. Alors, le
mot est précis, c'est pour ça qu'on va vers ça.
Je suis allée voir certains savants... Farhad
Khosrokhavar, directeur d'études à l'EHESS : «Le djihadisme est "l'idéologie totalitaire la plus élaborée
depuis le communisme et le nazisme" — intéressant, parce que ce sont les exemples
que nous présente la ministre — et certains djihadistes peuvent même être
chiites.» Bon. Mais, «selon lui, "les idéologues [djihadistes] intègrent les idées extrémistes
occidentales, notamment de l'extrême gauche et de l'extrême droite, et
présentent une version de l'islam qui tente de briser le tabou de la
‘sécularisation irréversible'"»
Et ils sont
totalement... Évidemment, dans le monde entier... le monde occidental, en tout
cas, et dans la plupart du monde entier, on condamne le djihadisme, dans le sens où
la violence n'est pas un mode de dialogue entre les religions. La violence n'est pas acceptable dans une société
comme un mode de dialogue, point. Et, entre les religions, encore moins.
Alors, la proposition qu'on fait pour éviter
de tomber dans le piège — pas
pour nous, mais que la ministre considère un piège, le fondamentalisme religieux — c'est d'en arriver à utiliser le vrai mot, le mot
qui parle à tout le monde, là, c'est «djihadisme». Alors, voilà
notre proposition.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre, vous avez des commentaires?
Mme Vallée : En fait, ma
crainte — et
comprenez-moi, là, on condamne, évidemment, toute forme de djihadisme — c'est qu'en le ciblant de façon très, très
précise et en le rattachant à une seule et unique idéologie qui est tout à fait condamnable, là — là-dessus, là, je tiens à le préciser,
là — on donne
une ouverture à quelqu'un pour présenter une... Quelqu'un pourrait dire : Ah non! ce n'est pas au nom du
djihadisme, ces propos-là, ou c'est en un autre nom. C'est qu'en précisant,
parfois, en étant trop pointu, on donne des pistes de sortie à certains et à
certaines. Donc, parfois, à trop préciser, on va avoir l'effet contraire
de ce qu'on souhaite du projet de loi. C'est un petit peu la crainte.
Puis, en même
temps, ce n'est pas que ce type... tout ce qui dérive du djihadisme est tout à
fait inacceptable, mais, au-delà de
ça, un discours qui est haineux et qui incite à la violence, s'il est fondé sur
une autre forme d'idéologie, par exemple
le néonazisme... Ça existe, il y a des groupuscules et même des groupes
d'extrême droite qui tiennent des propos qui incitent à la violence à
l'égard de certaines personnes. Donc, il faudrait éviter que notre loi soit
tellement précise qu'elle ne permette pas de
s'attaquer à d'autres formes d'idéologies qui prônent l'utilisation de la
violence, qui prônent l'utilisation
de la haine pour exclure des gens, et dans un contexte, évidemment, de
radicalisation. En fait, c'est ça, le danger à trop cibler.
Alors, peu
importe, là, le terme ou peu importe ce qui sera identifié, à trop cibler, on
risque de manquer notre cible. Et je
ne voudrais pas que ça puisse être le cas parce qu'advenant... Là,
actuellement, la problématique, la grande problématique que nous vivons
non seulement ici, mais ailleurs sur la planète, oui, elle est liée avec la
montée, malheureusement, du djihadisme, c'est vrai. Mais il y a aussi d'autres
problématiques, il y a aussi d'autres formes de radicalisation qui peuvent mener à la violence, et cette forme de
radicalisation, bien que moins médiatisée, est tout aussi dommageable.
Mme
Maltais : M. le
Président.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
• (20 h 10) •
Mme
Maltais :
Je comprends, mais c'est parce que nous, on veut amender l'amendement de la
ministre parce que l'amendement de la
ministre, lui, il est trop vague. Il est trop vague. «Dans un contexte
d'intolérance», c'est ça qu'elle nous
propose. Ça, là, c'est exactement l'insécurité totale qu'on a entendue en
commission parlementaire. Ça fait que, là, nous, on pointe vers le problème social. «Fondamentalisme religieux» a
été refusé, c'était le meilleur mot. Maintenant qu'on n'a pas le meilleur mot, bien, on va se diriger vers autre chose.
Mais le meilleur mot, là, celui qui décrit le mieux la situation, il a
été rejeté. Alors, on va aller vers «djihadisme» parce qu'on va nommer les
choses.
Maintenant,
on ne peut pas laisser «dans un contexte d'intolérance», on ne peut pas laisser
passer ça. «Dans un contexte
d'intolérance», là, c'est tout le monde qui peut poursuivre tout le monde.
D'ailleurs, parfois, dans ses explications, la ministre dit des choses comme : Il ne faut
pas mener à l'exclusion, il ne faut pas marginaliser. Ça, c'est déjà couvert
par les plaintes à la CDPDJ. À la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse, il y a un système de
traitement de plaintes. Puis, quand ça mène
à la violence, là, il y a le Code criminel avec les articles de 318 à 320.
C'est déjà là. La Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse, là, et son système de
traitement des plaintes, on ne la
crée pas dans cette loi-là, là, elle existe. Le Code criminel, là, ça ne
l'enlève pas, là, ça s'ajoute à ça, mais il reste là, le 318 à 320 du
Code criminel.
Alors,
qu'est-ce qu'on ajoute? Ou bien on ajoute quelque chose de très vague comme un
contexte d'intolérance où, là, tout le monde va se retrouver à pouvoir
aller devant la CDPDJ — et
le voilà, le contexte d'autocensure qu'on s'attend
et qu'on ne veut pas — ou bien on pointe le problème qu'on est supposé pointer,
c'est-à-dire la lutte à la radicalisation qui est menée par des fondamentalistes religieux qui entraînent nos
jeunes dans des combats violents, et tout. Et puis, là, comme on ne peut
pas parler de fondamentalisme religieux, bien là on va nommer le problème, qui
est le djihadisme.
Moi aussi,
j'aimais mieux un autre terme, mais... Par contre, on a toujours vu à garder
«ou dans un contexte de radicalisation pouvant mener à l'extrémisme
violent», justement pour aller chercher aussi les forces de droite. Ça, on l'entend. Mais, comme je dis, là, on l'a pareil,
la CDPDJ, on l'a pareil, 318 à 320 du Code criminel, on ajoute quelque chose. Attention à ce qu'on ajoute. C'est ça, le
problème qu'on dit, nous, attention à ce qu'on ajoute. Ça fait qu'on essaie
de pointer parce qu'on ajoute quelque chose.
On ne découvre pas quelque chose, là, tout à coup. Le discours haineux, c'est déjà tout couvert, là, c'est déjà tout
couvert. Maintenant, si on veut pointer quelque chose, bien, pas «dans un
contexte d'intolérance», alors on
cherche les meilleurs mots pour montrer ce à quoi on veut s'attaquer. M. le
Président, c'est pour ça qu'on
propose ça, là. Là, je le dis, là, «dans un contexte d'intolérance», c'est
intolérable. Ce n'est pas un jeu de mots, là, on ne peut pas le prendre, on ne peut pas l'accepter puis on ne peut pas
l'inscrire dans une loi, ce n'est pas vrai qu'on va inscrire «dans un
contexte d'intolérance».
J'ai
entendu : Il ne faut pas marginaliser. Ça arrive qu'on marginalise,
mais... Moi, je trouve ça terrible, dommageable,
mais c'est pour ça qu'on a créé la CDPDJ puis qu'il y a un système de
traitement de plaintes. Puis je vous rappelle
que le Barreau dit : Attention! Vous doublez. Le Barreau disait, si on va
là-dedans, exactement la proposition... C'est pour ça qu'on veut l'amender, parce que la proposition qu'on a sur
la table, c'est exactement ce que le Barreau nous a dit de ne pas faire, ne pas dédoubler le système
de traitement des plaintes de la CDPDJ. Là, il y a quelqu'un qui peut déposer une plainte puis, après ça, déposer une
infraction à cette loi-là, peut aller au Code criminel en vertu de 318 à 320.
On est rendus en triple, on triple. C'est là
que ça n'a pas de bon sens. C'est pour ça qu'on veut le cibler. C'est pour ça
qu'on veut ramener. C'est juste pour ça.
Puis c'est ce
que les gens nous ont dit en commission parlementaire, M. le Président, ce sont
les propos que nous avons entendus en
commission parlementaire. On ne l'a pas inventé, je l'ai entendu. J'ai le
mémoire du Barreau devant moi, il
dit : Attention! Vous doublez. Puis il y a les autres qui sont venus en
commission parlementaire nous dire : Vous ouvrez trop large. Puis
je le sais que, sur le discours haineux, on va en parler tout à l'heure, mais,
sur le fondement de la loi, à qui on
s'adresse, là... Parce qu'écoutez on le sait qu'il y a des gens qui savent
utiliser nos lois. On le sait, ils savent déjà très bien utiliser nos
lois. Mais c'est pour ça qu'on essaie de pointer vers des solutions plus
intéressantes, à notre avis, très respectueusement, que ce que le gouvernement
nous propose.
Le Président (M. Ouellette) :
Commentaires, Mme la ministre?
Mme Vallée :
Simplement mentionner que le... Je pense que le Barreau a... Ce n'est pas tout
à fait précis, là, on peut revenir sur les citations. J'ai un extrait du
mémoire du Barreau, et, à la page 2 de son mémoire, le Barreau nous indique : «D'emblée, le Barreau est favorable
à ce que législateur impose des limites aux discours haineux ou incitant
à la violence en tant qu'actes
discriminatoires et que la Commission des droits de la personne ait un contrôle
sur ces dossiers. Nous soulignons
qu'un régime administratif éviterait le recours automatique au droit criminel
tout en favorisant le respect des
droits et libertés de la personne et [...] garantissant le respect des libertés
civiles de tous.» Donc, je pense que le Barreau ne vient pas dire que
c'est de trop.
Par ailleurs,
peut-être juste revenir, lorsque notre collègue mentionnait que le Code
criminel existe puis que c'est suffisant,
je suis tombée tout à l'heure par pur hasard sur le site du CIJA, qui est venu
en commission parlementaire nous dire
que le projet de loi n'était pas utile, mais, étrangement, étrangement, sur son
site, sur une publication mise à jour le 20 août dernier, l'organisme demande à ce que des dispositions
soient mises en place pour protéger les Canadiens des discours haineux
et antisémites : «Dans un réel souci de combler le vide qui existe
actuellement dans les mesures canadiennes de
protection contre la propagande haineuse — ça, c'est à la suite du retrait de
l'article 13 de la Loi canadienne sur
les droits de la personne — les recommandations du CIJA devraient être adoptées ou, à tout le
moins, le pays devrait se doter d'une
nouvelle législation qui viendrait remplacer le défunt article 13. Cette
loi devrait être rédigée avec en tête la volonté de définir une
frontière claire et précise entre ce qui relève de la liberté d'expression et
ce qui constitue de la propagande haineuse.
Des dispositions spécifiques devraient également être adoptées afin d'éviter
toute utilisation abusive de cette nouvelle législation.»
C'est le dernier paragraphe de la page. Donc,
tout simplement pour dire que le droit criminel, oui, il existe, le Code
criminel existe, mais des outils supplémentaires sont requis et vont permettre
de mieux lutter contre le discours haineux, le discours incitant à la violence.
Je voulais simplement rappeler tout ça.
Ceci étant,
le mot «intolérance», évidemment, ce n'est pas sorti d'un chapeau, c'est à la
suite d'une résolution passée par le Conseil de sécurité de l'ONU, donc,
qui... Puis je vais vous lire la fin de la résolution : «Profondément préoccupé par le fait que l'incitation à commettre
des actes terroristes motivés par l'extrémisme et l'intolérance constitue
un grave danger et une menace grandissante
pour la jouissance des droits de l'homme, entrave le développement social
et économique de tous
les États et compromet la stabilité et la prospérité mondiales, et qu'il
convient pour l'Organisation des
Nations Unies et pour tous les États d'y répondre d'urgence et de façon active,
et soulignant qu'il faut prendre aux niveaux
national et international toutes les mesures nécessaires et appropriées
conformes au droit international pour protéger le droit à la vie...»
Alors,
l'intolérance tire sa source de cette résolution. Donc, l'utilisation du terme
n'est pas trop vague, elle est inspirée...
Et notre moyen, bien, c'est notamment — et je le dis avec un sourire — les dispositions qui vous sont présentées.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
M. le Président, je vais le lire, le mémoire du Barreau sur le double régime,
le régime parallèle. Je l'ai lu déjà,
je vais le dire. O.K. : «Ce projet de loi crée, au chapitre III, un
nouveau régime législatif destiné à sanctionner l'interdiction, prévue à l'article 2, de tenir ou de diffuser
publiquement un discours haineux ou incitant à la violence. Ce nouveau régime s'applique uniquement aux discours
visant un groupe de personnes présentant une caractéristique identifiée comme un motif de discrimination interdit à
l'article 10 de la charte québécoise. Nous reconnaissons que l'avantage de
ce régime est que les groupes de personnes
visées sont protégés malgré le défaut d'identifier une victime ou un groupe
de victimes précises — ils le reconnaissent. Ce régime serait en
parallèle avec le régime de plaintes pour discrimination prévu aux
articles 74 et suivants de la charte québécoise. Le projet de loi semble
donc établir un motif particulier de discrimination
qui nécessite un régime parallèle bien que la Cour suprême du Canada a établi
que les discours haineux constituent un acte discriminatoire aux droits
de la personne.
«Le Barreau
s'interroge sur les conséquences d'un tel régime parallèle, compte tenu des
nouvelles responsabilités confiées à
la CDPDJ, y compris le dédoublement des procédures et le pouvoir de recevoir
des dénonciations. De plus, il reprend — reprise — une série de dispositions de la charte
québécoise concernant notamment les pouvoirs d'enquête de la CDPDJ, lesquels
devront être interprétés.
«[...]Le
Barreau reconnaît la compétence de la province de Québec d'adopter une
législation créant des sanctions civiles
en matière de discours haineux — oui, on a la compétence. Nous constatons que
ce nouveau régime pourrait créer une tension entre les plaintes pour
discrimination et les dénonciations anonymes de discours haineux.
• (20 h 20) •
«Le Barreau conclut — alors, conclusion de cette affaire-là — qu'il
est possible d'intégrer
l'interdiction des discours haineux ou incitant à la violence de
l'article 2 du projet de loi au régime actuel des plaintes de la charte
québécoise. Ainsi — elle est là, la phrase terrible — un régime spécifique de dénonciation de
discours haineux ou incitant à la violence ne serait pas nécessaire.»
«Un régime
spécifique de dénonciation de discours haineux ou incitant à la violence ne
serait pas nécessaire.» Nous n'avons
pas besoin de cette loi. Ça, c'est ce qu'on dit depuis le début. Mais, puisque
le gouvernement nous amène dans cette
piste-là, puisque le gouvernement décide de faire un régime parallèle et au
régime de plaintes de la CDPDJ sur notre territoire — c'est
dans nos compétences — mais
aussi au Code criminel, articles 318 à 320, puisqu'on a décidé de se
complexifier la vie, bien, au moins, n'ouvrons pas un énorme régime de plaintes
avec des mots comme «un contexte d'intolérance».
Ciblons ce qu'on voulait faire, «djihadisme ou radicalisation pouvant mener à
l'extrémisme violent». Et c'est ça,
l'avis du Barreau, là, vous pourriez vraiment... vous éviteriez du trouble à
toute la société. C'est ça qu'il dit, le Barreau, évitez-nous ce problème-là. Mais, puisque vous voulez le faire,
vous pourriez le faire bien plus simplement en intégrant ça au régime
actuel des plaintes de la charte québécoise.
Et, quand on
arrivera là, moi, je pense que ça, là, le discours haineux, on devrait
l'intégrer au régime de plaintes, on
ne devrait pas créer un régime de dénonciation. Elle est là, l'erreur. Elle est
là, l'erreur, on s'en va dédoubler le régime de plaintes, on s'en va
dédoubler le Code criminel, on s'en va dans une troisième voie. Je ne comprends
toujours pas pourquoi. Je ne comprends pas pourquoi ce n'est pas juste des
plaintes.
Maintenant, puisque le gouvernement a décidé de
nous amener sur cette piste-là, ciblons la piste, n'allons pas ouvrir trop large. On dédouble, mettons-en pas
plus que ce que le client demande. Qu'est-ce qu'il demande, le client? On l'a entendu dans la société, on l'a entendu de
la part de l'opposition, on l'a entendu de la part des groupes en commission
parlementaire, il demande de travailler sur
le fondamentalisme religieux, la radicalisation, nos jeunes qui sont entraînés
dans le djihadisme. Alors, moi, j'essaie de
jongler avec ces mots-là puis de nous amener au bon endroit, M. le Président.
C'est ça, le sens de l'amendement. Mais le
Barreau nous dit : Attention! Vous jouez trop large, vous dédoublez. Puis
moi, je dis même : Vous triplez.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Les commentaires du Barreau sont sur la mécanique, pas sur le fond. Mais on a
des amendements plus loin sur la mécanique, peut-être qu'un jour on va y
arriver.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
C'est parce que ce n'est pas seulement de la mécanique, là. Le Barreau nous
dit : Vous n'avez pas besoin de
faire ça, on a déjà un régime de plaintes. Mais, puisque, dans vos compétences,
vous choisissez de faire ça, faites attention.
Nous, ce
qu'on dit, c'est : Oui, on peut faire ça peut-être. Le gouvernement veut y
aller. O.K. On va vous écouter, mais
ciblons le travail. «Dans un contexte d'intolérance», là, c'est tout le monde,
et son père, et sa mère. C'est ça qui ne marche
pas. Ça fait qu'on va remplacer, si vous voulez, «dans un contexte
d'intolérance» par des mots qui ciblent le problème.
Mais «dans un contexte d'intolérance», ça n'a pas de sens, alors on veut y
aller avec «au nom du djihadisme», on nomme le problème.
J'aime mieux
«fondamentalisme religieux», mais, puisqu'il faut absolument éliminer ce
mot-là, bien, «intolérance», bien, on va y aller pour «djihadisme».
C'est notre proposition, on cible la vraie bataille. Elle est là, la bataille.
C'est là-dedans que se font entraîner des
jeunes en ce moment, c'est au nom du djihadisme que Saint-Jean-sur-Richelieu
s'est fait, qu'Ottawa s'est fait.
C'est ça, le vrai problème, là. À Paris, c'est ça qui s'est passé. À Bamako,
c'est ça qui se passe. À Tunis, c'est
ça qui se passe. Le problème mondial est celui-là, mais le problème québécois
est le même. On fait partie, nous, du
même environnement, c'est un environnement international. Ça fait que, si on
crée des outils puis on crée des lois nouvelles...
D'ailleurs,
je n'ai pas encore vu de quelle loi on s'inspire. On me parle de dispositions à
des endroits, puis tout, mais on ne
les voit pas, là. On n'a pas encore eu de dépôt de dispositions qui ont été
faites ailleurs, ça fait qu'on ne peut pas
s'en inspirer. À un moment donné, on l'aura. Mais, M. le Président, moi,
vraiment, là, je crois profondément que nous devons... On a entendu tout
le monde en commission parlementaire, il faut qu'on cible les bonnes choses.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
En fait, je relisais le passage de Mme Eliadis en commission
parlementaire, du Barreau encore. Parce
que j'étais encore sur les commentaires de la collègue, mais c'est drôle,
lorsqu'on relit, elle nous disait : «Nous savons qu'il existe des commentaires qui remettent en
question la création des mécanismes civils alors qu'il existe déjà des recours
dans le Code criminel. [...]un n'exclut pas l'autre. Il y a plusieurs exemples
de problématiques qui sont traitées et
sur le plan civil et sur le plan criminel sans aucune contradiction. Il y a une
complémentarité entre les deux, et nous soulignons que l'existence du mécanisme civil qui est prévu par le
projet de loi n° 59 préconise une approche qui, selon nous, est plus souple et qui respecte davantage
les libertés civiles. Il faut reconnaître le caractère discriminatoire des
discours haineux. Et, encore une
fois, c'est une commission de droit qui devrait avoir la compétence
d'intervenir. Nous soulignons que le
régime administratif éviterait [les] recours [automatiques] au droit criminel
tout en favorisant le respect des droits et libertés de la personne.
Voilà la force du projet de loi n° 59.»
Il y a des faiblesses dans la mise en oeuvre,
puis on les aborde dans les amendements, mais je veux juste ramener ça.
M. le
Président, quant à l'amendement de la collègue, il précise... et je crois qu'il
risque, malheureusement, d'aller à
l'encontre de ce qu'elle souhaite, ce à quoi elle souhaite s'attaquer. Merci à
la gentille personne qui m'a refilé une pastille.
Le
Président (M. Ouellette) :
On lui demandait, à cette personne-là, si elle n'avait pas du Liquid Paper,
mais il semblerait qu'elle a juste des pastilles. M. le député de
Bourget.
• (20 h 30) •
M. Kotto :
Oui, M. le Président. J'ai entendu dire la ministre qu'elle a fait preuve de
beaucoup de souplesse. Ce que nous
demandions, ce n'est pas de la souplesse, c'est de l'ouverture. Parce qu'on
peut être souple, mais sans jamais réellement,
concrètement s'ouvrir aux propositions, notamment, d'amendement ici présentées
par ma collègue de Taschereau. La
ministre a dit : À trop préciser la loi, il peut arriver qu'on la tue.
Préalablement à cela, nous parlions de fondamentalisme religieux. À l'évidence, c'est un concept qui ne
l'inspirait pas beaucoup. Elle a évoqué, la ministre, qu'on était dans une
forme de stigmatisation — je qualifie son propos — et que cela pourrait être une limite de
l'application ou de la validation de la loi devant les tribunaux,
notamment la Cour suprême.
Et ma collègue de Taschereau a mis de l'avant un
autre concept, celui qui indique l'objet qui nous occupe fondamentalement, le djihadisme, qui n'a rien
d'une religion, mais reposant sa philosophie ou son idéologie sur l'islam
politique. On ne vise pas un groupe de
personnes, on ne vise pas une minorité quelconque ici, au Québec. Avec un tel
terme, on vise un phénomène, un phénomène
complexe qui fédère en Europe et ailleurs à travers le monde où des gens se
défendent, en l'occurrence en France, en
Belgique, en Tunisie, au Cameroun, au Liban, un peu partout, et on nomme, on
nomme ce culte de la mort comme tel.
Et ici, au Québec, je le disais plus tôt, avant
la pause, ce culte de la mort est également proféré dans plusieurs endroits au Québec,
on le sait. Le renseignement a orienté ses projecteurs là-dessus, et bientôt,
comme je le disais, un rapport sera déposé
et nous éclairera sur la réalité du phénomène et la profondeur du cancer, entre
guillemets. Je n'ai pas vu
d'ouverture du côté ministériel, et cela me préoccupe un peu. Est-ce là
l'expression d'une posture qui nous indique qu'il n'y a aucune marge de
manoeuvre relativement à un travail de collaboration, une collaboration
constructive? Je me pose la
question.
Par ailleurs, la ministre évoque la possibilité...
Ce n'est même pas une possibilité, c'est une certitude. Elle dit qu'il y a d'autres idéologies qui peuvent amener à
la violence au Québec. J'aimerais les entendre, ces idéologies qui
peuvent mener à la violence dans le cadre
du sujet qui nous occupe. Parce que, M. le
Président, je le rappelle pour
l'intérêt des personnes qui auront la
possibilité d'aller lire le verbatim de nos échanges ici — et
d'ailleurs c'est un document qui est en ligne, document relatif à la radicalisation au Québec — Agir,
prévenir, détecter et vivre ensemble : Plan gouvernemental 2015-2018, ce qui est dit en introduction : «Au Québec, comme dans d'autres
États à l'échelle mondiale, la radicalisation menant à la violence
représente actuellement une préoccupation de première importance.»
Or, nous
savons, ici, de quoi nous parlons, M.
le Président. Ici, comme ailleurs à
travers le monde, nous sommes aux prises avec le terrorisme, et ce
phénomène est nourri à plusieurs échelles dans la perspective de sa finalité. Il
y a l'embrigadement, il y a
le conditionnement préalablement à l'embrigadement et aussi cette phase de
radicalisation qui amène, à la lumière de ce que l'Europe vit aujourd'hui et les mises en garde qu'on nous fait, notamment du côté américain,
à la violence, au terrorisme.
Le document, en introduction, nous dit sur la
ligne suivante : «Les événements de nature terroriste survenus à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa en octobre
2014 ont montré que le Québec n'est pas immunisé contre des personnes
radicalisées qui peuvent, même avec des moyens rudimentaires, perpétrer des
gestes violents au nom d'une idéologie extrémiste.»
Tout est dit, là, M. le Président, et la finalité de l'exercice qui nous pose ici
depuis deux jours — et
même plus si on considère les
échanges que nous avons tenus en Chambre — est à l'effet de combattre un phénomène. Alors, je n'arrive pas à comprendre les raisons pour
lesquelles, du côté ministériel, on est incapable de faire face à la bête, de
la nommer. Ici, ma collègue
de Taschereau a fait plusieurs propositions, et, à l'évidence,
elles sont écartées du revers de la main, ce qui m'amène, évidemment, à
penser que la partie ministérielle a déjà une idée arrêtée dans sa démarche.
En introduction toujours, M. le Président, il
est dit : «Par ailleurs, le départ de certains jeunes Québécois et Québécoises
pour joindre des groupes terroristes islamistes en Syrie et en Iraq ainsi que
l'interpellation d'autres jeunes avant leur départ pour joindre ces
groupes mettent en relief l'importance, pour tous les acteurs de la société, de
se mobiliser afin de prévenir et de détecter
les signes de la radicalisation et d'agir pour contrer les situations qui y
sont propices.»
La ministre a dit qu'il y a d'autres formes de
radicalisation qui peuvent amener à la violence. Je souhaiterais l'entendre, du haut de son expérience de vie au Québec,
dans le Québec contemporain, nous dire quelles sont ces formes
de radicalisation qui amènent à la violence,
à part les événements cités préalablement, notamment
Saint-Jean-sur-Richelieu et Ottawa pour ce qui nous concerne. Je
pourrais, par extension, citer Paris, Beyrouth, Ankara, Fotokol, Tunis...
Une voix : Bamako.
M. Kotto : Bamako. J'aimerais
l'entendre là-dessus, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : En fait, M. le
Président, je pense que j'ai pas mal fait le tour de la question. Pour ce qui
est de l'amendement de notre collègue,
on fait état d'une seule et unique idéologie, c'est ce qui, actuellement, est le plus visible, le plus mis en lumière, le plus médiatisé. C'est
ce qui, actuellement, retient l'attention planétaire, mais ça ne veut
pas dire qu'il n'y a pas d'autres formes de radicalisme, de
radicalisation et de discours haineux, de discours incitant à la violence
dans un contexte de radicalisation. Il peut
y en avoir d'autres, et nous légiférons non pas seulement que pour contrer...
Oui, l'important est de contrer les
discours haineux et les discours incitant à la violence, peu importe
l'idéologie qui les pousse, dans la mesure où ces discours s'expriment
dans un contexte de radicalisation.
Et, M. le Président, je pense que nous avons... Et j'ai démontré ma volonté de
travailler en collégialité dans ce dossier-là.
J'espère que le député de Bourget ne met pas ça en doute, il peut y arriver
des moments où, malheureusement,
on ne puisse convenir tous ensemble d'un
terme. Pourtant, j'aurais souhaité que nous le puissions, puisque l'objectif,
c'est vraiment d'arriver avec quelque chose qui va nous
permettre de poser une pierre de plus sur la voie de la... les mesures à
prendre pour contrer la radicalisation.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Bourget.
• (20 h 40) •
M. Kotto : M. le Président,
j'aimerais entendre la ministre sur des exemples d'autres idéologies — à
part, évidemment, le djihadisme et le fondamentalisme religieux — menant
à la violence présentes au Québec. J'aimerais qu'elle nous donne des exemples
en dehors de ceux qui nous concernent depuis un bon bout de temps maintenant.
Mme Vallée :
On en a, j'en ai fait état. On a les groupes d'extrême droite, on a des groupes
néo-nazis. Écoutez, l'hiver dernier,
si je me souviens bien, on a fait état dans les médias de propos d'un
groupe — et puis,
honnêtement, là, je ne l'ai pas à
portée de la main — d'extrême
droite, je crois, qui avait sévi. Et il y a aussi des groupes néo-nazis, il y a
eu des reportages. On en voit, on en
a vu, et ils existent. Et, bien honnêtement, les propos incitant à la haine,
incitant à la violence tenus par ces
groupes-là ne sont pas plus acceptables. C'est une forme d'endoctrinement,
c'est une forme de radicalisation.
Et je vous
dirais, M. le Président, on est sur l'amendement de notre collègue de
Taschereau, moi, je vous ai fait état
de mes préoccupations, je vous ai dit que les préoccupations étaient aussi
quant au libellé. On a un projet de loi qui doit se lire dans son ensemble. Là, on s'attarde au premier alinéa.
L'article 1 comprend, dans sa forme actuelle, deux alinéas. Nous
proposons d'en ajouter un troisième. Il doit se lire dans son ensemble. Donc,
voilà, c'est...
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Bourget.
M. Kotto :
Oui, M. le Président. Si j'ai bonne mémoire, le groupe d'extrême droite auquel
fait allusion la ministre est le groupe Pediga, qui est un mouvement qui
est inspiré d'un autre né en Allemagne et...
Une voix : ...
M. Kotto :
PEGIDA, oui, oui. Par contre, je ne pense pas que l'exercice récemment initié
par le gouvernement relativement au
phénomène de radicalisation fut inspiré par les exactions de ce groupe-là. Si
j'ai bonne mémoire — et je
pense en avoir une bonne parce qu'exercée
pendant plusieurs années dans un autre métier — c'est Saint-Jean-sur-Richelieu, c'est Ottawa qui, avec
les événements dramatiques qui y ont été vécus, ont amené le gouvernement à
entreprendre cette démarche.
Force est de
constater — et
je ne peux pas prêter d'intentions à la ministre ni au parti ministériel — que
des exemples d'idéologies menant à la
violence ne sont pas à la hauteur — du moins, avec ce seul exemple de
PEGIDA — du
mal qui ronge nos sociétés aujourd'hui et
qui menace de faire tomber notre civilisation. Parce que je le disais tout à
l'heure, il s'agit d'une guerre, M.
le Président. Et le phénomène de radicalisation en est un qu'on ne peut pas
prendre à la légère ou assimiler à
d'autres formes de radicalisation hypothétiques parce que ce serait là faire
preuve, je dirais, d'un laxisme relatif. Je dis relatif pour atténuer
mon propos.
Et
cette radicalisation, on le sait... En France seulement, on dénombre 500 jeunes qui se trouvent en Syrie et en Irak aujourd'hui. Au Québec, on en dénombre 40. Et
le phénomène, si, d'aventure, il n'est pas adressé, entre guillemets, de façon rigoureuse, et même dans la sphère du
débat public, ne peut que générer de l'angoisse, de la peur, de la méfiance.
C'est la raison pour laquelle, pour le salut
du mieux-vivre ensemble, je dirais, au Québec aujourd'hui, dans
l'hypothèse ici dessinée de ne pas
nommer un chat un chat, on va, disons, contribuer au malheur du monde parce
qu'on a peur de nommer les choses telles qu'elles sont, M. le Président.
J'aime bien échanger avec la ministre,
mais je ne pense pas que nous entretenons ici un dialogue constructif depuis
le début de cet exercice parce que — sans
faire de projection — toutes
les propositions d'amendement que ma collègue a déposées sont rejetées, mais sur la base d'un argumentaire qui n'est
pas convaincant, sur la base d'un argumentaire qui n'est absolument pas convaincant. Et l'histoire dira, M. le Président... On a un défi énorme à relever avec le terrorisme et ses tenants et aboutissants, et je pense que la
sagesse nous impose une démarche claire, tangible, directe, une démarche
qui s'oriente essentiellement sur la cible.
Mais là, notre cible, je la vois en train de se noyer dans des préoccupations qui n'ont pas du tout la même hauteur au plan de la gravité, au
plan de l'urgence.
Mais
nous sommes face à un gouvernement majoritaire qui a la liberté et qui a le loisir
de faire ce qu'il veut fort de cette
majorité, évidemment, et je ne veux simplement pas, M. le Président, avoir le sentiment de perdre mon temps ici. Et, partout en Occident aujourd'hui, on va même un peu plus loin, on ne parle plus de radicalisme, on parle
de lutte contre le terrorisme. Il y a
du courage de ce côté-là, et je
pense, à la lumière de ce que nous vivons comme expérience ici, que nous
en manquons, du courage. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre, d'autres commentaires?
Mme Vallée :
Vraiment pas.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
• (20 h 50) •
Mme
Poirier : Oui, M. le Président. Hier, le Parlement européen a
adopté une résolution sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens de l'union par les
organisations terroristes. Je ne vous lirai pas la résolution, là, elle
a 22 pages. Mais peut-être juste pour se mettre dans le contexte et, surtout,
dans le langage de notre collègue européen,
je vous lis quelques paragraphes, M. le Président, et on va se
comprendre : «Considérant que plus de 5 000 citoyens européens
ont rejoint des organisations terroristes et d'autres formations militaires,
notamment les rangs du groupe "État
islamique", du Front al-Nosra et d'autres organisations[...]; que ce
phénomène ne cesse de s'accélérer pour prendre une ampleur considérable;
«Considérant
que le terme de radicalisation est désormais employé pour désigner le phénomène
selon lequel des personnes adhèrent à
des idées, des points de vue et des opinions basés sur l'intolérance et
susceptibles de conduire à un extrémisme
violent...» Ça, là, c'est la phrase de la ministre. Ce n'est pas
compliqué, hein? Il faut reconnaître les choses, là, «de radicalisation
pouvant mener à l'extrémisme violent», là, c'est exactement la même chose dans
ce paragraphe-là. Mais ça continue, M. le Président.
«Considérant
que les récentes attaques terroristes...» Parce qu'eux, ils n'ont pas peur de
nommer ça des attaques terroristes en France, en Belgique, en Tunisie, probablement
parce qu'ils sont des victimes, alors c'est plus facile, probablement, de se nommer quand on est victime.
Et pourtant nous l'avons été à deux reprises, une fois à Saint-Jean, une fois à Ottawa. C'est nos enfants qui sont
morts. C'étaient des militaires, je vous le rappellerai. Quand un militaire
meurt, c'est toujours un de mes fils qui meurt en tant que tel comme mère de
militaire.
Alors :
«Considérant que les récentes attaques terroristes en France, en Belgique, en
Tunisie et à Copenhague mettent en lumière
la menace sécuritaire que constituent la présence et la circulation de ces
combattants "étrangers", qui sont
souvent des ressortissants de l'Union [...] condamné dans les termes les plus
forts ces attaques et s'est engagée à lutter contre le terrorisme aux
côtés des États membres[...];
«Considérant que la
menace terroriste est importante dans l'Union[...], particulièrement dans les
pays[...];
«Considérant
que la radicalisation de ces "combattants européens" est un phénomène
complexe et dynamique, qui repose sur
un ensemble de facteurs globaux, sociologiques et politiques; qu'elle ne
correspond pas à un profil unique et
touche des hommes, des femmes et surtout des jeunes citoyens[...], qui ont pour
point commun le sentiment d'être en rupture avec la société;
«[...]Considérant
que le terrorisme et la radicalisation mènent à de nombreux amalgames envers les
religions qui entraînent par là même
une recrudescence des crimes et des discours de haine motivés par le racisme,
la xénophobie ou l'intolérance à
l'égard d'une opinion, d'une croyance ou d'une religion; qu'il est essentiel de
rappeler que le dévoiement de la religion, et non la religion en tant
que telle, est une des causes de la radicalisation;
«Considérant
que la radicalisation ne doit pas être associée à une idéologie ou à une
religion particulière, mais qu'elle peut toucher n'importe quelle idéologie
ou religion...»
M. le Président, et ça
continue comme ça, là, pendant des paragraphes et des paragraphes parce qu'eux ont été frappés de plein fouet. Et là, dans les
considérants, arrive «valeur ajoutée» européenne dans la prévention du
terrorisme. Puis là il y en a à boire
et à manger dont, entre autres, l'établissement d'une liste de djihadistes. Alors, ils osent la
nommer, eux, la liste des djihadistes.
Alors :
«Prévention de l'extrémisme violent et de la radicalisation de terroristes dans
les prisons.» Alors, ils prévoient même
diviser les terroristes dans les
prisons. «Prévention de la radicalisation terroriste sur l'Internet.» Parce
qu'on sait que c'est par là qu'elle vient.
Je continue : «Prévention de la radicalisation par l'éducation et l'inclusion
sociale.» Alors, quand je regarde ça
et je regarde le plan, il y a beaucoup de choses qui se ressemblent, mais ils
n'ont pas peur de nommer les choses.
Et
c'est ça qui me peine, M. le Président, parce que s'empêcher de nommer les
phénomènes qui nous attaquent présentement,
c'est leur donner de l'espace, c'est faire en sorte que ces phénomènes-là ont,
tout simplement, un... C'est presque
leur donner — je vais
le dire comme il me vient à la tête — une «free ride» en quelque part. Et ça, on
ne peut pas admettre ça, M. le
Président. On n'a pas le droit de fermer les yeux devant ces choses-là. Et je
ne dis pas que la ministre ferme les
yeux devant ça. Mais ce que je dis, c'est que de ne pas les nommer, c'est ça
que ça veut dire. Et, là-dedans, il y a toutes sortes de demandes, entre autres d'essayer de participer à
l'effort de traçabilité des flux financiers — parce qu'on sait qu'il faut financer
ça, cette guerre-là — de
s'opposer... Et on demande à tous les Parlements membres du Conseil de l'Europe, justement, d'adopter ce plan
de radicalisation, et c'est Rachida Dati, la députée européenne, qui a
présenté ce plan et qui en a été la marraine. Très fière que ce soit,
d'ailleurs, une femme qui l'ait fait.
Alors,
M. le Président, ce que mon collègue amène au niveau du fait de dire que le
djihadisme est... Et je veux juste
reprendre le texte parce que la ministre a dit : On ne veut pas
stigmatiser... Mais ce n'est pas le bon mot, ce n'est pas le mot qu'elle a dit, elle ne veut pas isoler seulement qu'un phénomène. On
ne l'isole pas dans la proposition, là, on dit les mots «s'exprimant au nom du djihadisme ou dans un contexte de
radicalisation». La porte est grande ouverte à toute autre chose, on
vient juste nommer.
Et j'ai comme
l'impression qu'on a une peur de vouloir nommer les choses. On n'a pas voulu
nommer «fondamentalisme religieux», on ne
veut pas nommer «djihadisme». C'est ça, le problème. Est-ce qu'on a peur de se dire que c'est
ça, le problème? Est-ce qu'on pense que ce n'est pas ça, le problème? Si ce
n'est pas ça, le problème, présentement, qu'on nous le dise. Mais le discours
haineux qu'on a présentement devant nous, c'est lequel? C'est, entre autres, celui du djihadisme. C'est, entre autres, celui du djihadisme et celui de la radicalisation menant à l'extrémisme
violent. C'est de ça dont on parle.
C'est de ça dont tout le monde parle présentement sur la planète. Les gens
parlent tous de ça. J'ai comme l'impression qu'il y a juste nous qui
avons peur d'en parler.
Alors, M. le
Président, je veux juste retrouver mon petit lien que je m'étais trouvé tout à
l'heure. S'il peut se charger... Notre
Internet n'est pas vite dans la salle. Alors, on a, au Parlement européen, depuis des semaines, travaillé
sur, justement, une stratégie commune pour
lutter contre la radicalisation de jeunes citoyens européens. C'est là-dessus
qu'ils ont travaillé. Mais ils ont inclus à
l'intérieur de cette stratégie-là, et c'est ce qui a permis aujourd'hui
l'adoption d'une résolution non
législative dans leur cas parce que c'est le Parlement européen puis que ça
doit aller dans chacun des Parlements
pour être concrétisé... Bien, ils ont établi une stratégie globale de lutte
contre l'extrémisme appliquée en particulier
dans les prisons, en ligne et par le biais de l'éducation et l'inclusion. Ça a
été adopté à 548 voix contre 110 — c'est quand même pas pire — au
Parlement européen.
Alors, le Parlement
propose d'établir une liste noire européenne des djihadistes et des djihadistes
terroristes présumés. Il ajoute qu'il est
indispensable de parvenir à une définition commune des combattants étrangers
afin de pouvoir les poursuivre
pénalement à leur retour dans l'Union européenne. Il demande aux États membres
de faire en sorte que tout combattant
étranger soit soumis sous contrôle judiciaire et, si nécessaire, placé en
rétention administrative à son retour en Europe jusqu'à ce que les
poursuites judiciaires requises soient engagées.
Nous,
on veut circonscrire les discours haineux. Eux, ils veulent attraper les
personnes. C'est ça, la différence. Mais
on parle du même monde. Nous, quand on a des personnages qui viennent chez
nous... Rappelons-nous la résolution que
nous avons adoptée ici, au Parlement, en 2011. Nous avons adopté une résolution
pour interdire... et pour demander au
Canada de ne pas admettre en sol canadien deux personnages qui venaient de
tenir des propos homophobes et surtout des propos inadmissibles au
niveau des religions, un propos qui venait nous vendre la charia.
Et pourtant ici, en
cette Chambre, on se rappellera, une de vos anciennes collègues, M. le
Président, Fatima Houda-Pepin, nous a tous
convaincus de voter pour une motion pour interdire la charia. Elle nous a tous
convaincus de nous mobiliser contre
Marion Boyd, en Ontario, qui faisait la promotion de la charia et qui était
même en train de convaincre les
parlementaires ontariens d'aller de l'avant. Imaginez, l'Ontario aurait passé à
la charia. Imaginez, c'est incroyable, on a de la misère à penser à ça.
Parce que le but est de, justement, venir nous fragiliser dans nos lois et
venir prendre de l'espace dans nos droits.
C'est ça que veulent faire les djihadistes. Ils utilisent notre Charte des droits et libertés pour venir fragiliser notre démocratie, c'est ça. Puis, si on
n'est pas capables de se dire ici que le but de ces gens-là, c'est de faire
de l'occupation du territoire,
là, bien, je pense qu'on est dans le champ. C'est ce qu'ils veulent, occuper le
territoire tout doucement. Le temps n'est pas important,
ça prendra le temps que ça voudra.
• (21 heures) •
Ça va prendre le
temps que ça voudra. Mon collègue disait : Nous sommes en guerre depuis longtemps.
Oui, c'est vrai. On a l'impression qu'on ne
voit rien, mais c'est ça qui se passe. Ils ont le temps devant eux. Ils ne sont
pas dans une question d'il faut faire ça pour hier. Pas du tout,
oublions ça, ils sont dans une dynamique de prendre le temps de s'installer, de
se multiplier, d'occuper du territoire. Le fait de porter des signes religieux,
ça fait un ancrage dans le territoire, ils marquent leur territoire. C'est de
ça qu'on parle.
Et cet
islamisme radical, qui n'est pas la religion pratiquée par les musulmans de
façon correcte, de façon dont ils
doivent la pratiquer — qui
n'est pas de nos affaires, là — ce
n'est pas de cette pratique-là dont on parle. On parle de ceux qui se font endoctriner. On parle de ceux à qui le
message est adressé et qui sont des personnes qui acceptent ce message et qui acceptent ce message du djihad
d'aller combattre au nom d'un dieu quelconque, au nom de valeurs quelconques. C'est ce message et c'est ce discours
haineux que l'on veut arrêter. Mais ce discours haineux s'appelle le
djihad présentement... il s'appelle le djihadisme.
Et ne pas
vouloir le nommer, bien, c'est de faire l'admission qu'on accepte, on accepte
que ces gens-là continuent leur
propagande haineuse, continuent d'endoctriner nos jeunes, continuent
d'endoctriner des gens. Et c'est de ça dont on parle. Malheureusement, certains ne veulent pas voir la vérité. Certains
ne veulent pas voir que nous sommes en état de guerre. Parce qu'on ne la voit pas, la guerre, là, elle est bien plus
intelligente, elle est bien plus raffinée, elle est en dessous. Mais on fait semblant, elle ne nous attaque pas.
Elle n'a pas attaqué vos enfants, elle n'a pas attaqué personne, mais elle
est là. Quand on a envoyé nos militaires en
Afghanistan, pensez-vous qu'ils ne l'ont pas vue, cette guerre-là? Bien, ils
l'ont vue tous les jours. On a des soldats présentement en Syrie. On l'oublie souvent, là, mais on en a, des soldats, en Syrie
présentement. Ils la voient tous les jours, cette guerre-là. On a juste à aller
sur Internet. Quand on voit des jeunes qui finissent
par revenir... Monsieur... comment il s'appelle, c'est M. Koumba,
notre monsieur du centre de radicalisation?
Une voix : Okomba.
Mme Poirier : Okomba?
M. Kotto : Okomba, Herman.
Mme
Poirier :
Herman. Herman Deparice-Okomba. Je
vous le dis, là, la commission devrait l'entendre. On devrait avoir l'obligation de l'entendre dans cette commission-ci.
Il nous a raconté comment se passait le fait de recruter des jeunes, comment ça se passe. Il faut aller voir sur
Internet, il y a des vidéos où... À Paris, il y a
des services d'aide aux parents pour,
justement, limiter...
Il me reste trois minutes, ça doit être ça? Il m'en reste cinq, c'est encore
plus. Je vais avoir le temps de tout vous dire ce que j'ai à vous dire.
Non, mais
j'ai comme l'impression qu'on fait semblant, là, que ça n'existe pas, tout ça,
là. Il y a des mères qui sont
paniquées présentement. M. Okomba, là, reçoit des téléphones de parents
qui sont paniqués parce qu'ils voient leur fille se couvrir du jour au lendemain, qui se met à lire le Coran, qui
se met à faire la prière cinq fois par jour et qui, comme par hasard, demande son passeport. Ah! regarde
donc ça, petits signes, et là le parent dit : Je fais quoi avec ça? Je
fais quoi? Bien, il ne peut pas rien
faire le parent, il ne peut pas faire grand-chose, à part que d'appeler ce
centre-là, puis ce centre-là, appeler
la police pour voir qu'est-ce qui s'est passé autour de cette jeune personne
là, comment on l'a atteinte, comment on
a fait pour atteindre cette personne-là.
Et ça, c'est le discours haineux. Et, si le discours haineux n'est pas aussi
clair que... et de le nommer comme il
le faut dans ce projet de loi là, bien, on ne pourra pas protéger ces jeunes-là
qui subissent le discours haineux, malheureusement.
Alors, M. le Président, la ministre nous dit : Il faut regarder l'article 1 dans son ensemble, on va finir par en parler, des préceptes
religieux, etc. Mais moi, je vous le dis, c'est au premier alinéa que ça se
passe. C'est au premier alinéa qu'on nomme
les choses. C'est au premier alinéa où on parle de radicalisation, et il faut absolument
nommer. On essaie plusieurs mots depuis le début, le fondamentalisme, le
djihadisme. On peut être très créatif, là, mais il va falloir se rendre
compte qu'il faut nommer les choses.
Alors, M. le Président, moi, je demande absolument à la ministre, là... On va finir tout à l'heure nos travaux un petit
peu plus tard, il nous reste encore
1 h 30 min, là. Moi, j'aimerais ça qu'on ne passe pas encore
1 h 30 min à faire du
vocabulaire pour nommer les vraies affaires. Parce que, sinon, je vais être
obligée de vous refaire exactement ce que je
viens de vous faire, là, puis de nous rappeler qu'on est en guerre, mais qu'on
l'oublie puis qu'on pense que ce n'est pas vrai. Merci.
Le
Président (M. Ouellette) : M. le député de Bourget, je sais que Mme la députée de Montarville va avoir un commentaire. Si vous voulez permettre à la députée
de Montarville...
M. Kotto : Ah! je permets,
j'ai été bien éduqué, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Non,
je ne vous prête aucune bonne intention, M. le député de Bourget, mais je
permettrais à Mme la députée de Montarville pour vous laisser prendre votre
souffle, M. le député de Bourget... Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup. Moi, je suis l'ordre de la procédure, là, vous me dites quand parler.
J'aime encore ce sous-amendement, je le dis aux collègues de l'opposition
officielle, parce qu'on y voit le mot «djihadisme», tout
comme j'aimais le mot «fondamentalisme religieux». Mais, tout comme j'aimerais
le dire également pour les gens qui nous écoutent, mais ne nous voient pas, malheureusement, que, dès février 2015, il
y a plus de 10 mois, nous avons
fait un point de presse, nous nous sommes
levés en Chambre et nous avons même fait une motion du mercredi où nous disions, justement... et nous implorions la partie gouvernementale d'adopter éventuellement dans son projet
de loi des mesures pour
contrer l'intégrisme religieux, l'endoctrinement, la radicalisation.
Et
je me souviens très bien — et
ça me fait chaud au coeur — d'entendre
la première opposition dire qu'il faut absolument nommer l'intégrisme
religieux, le fondamentalisme, la radicalisation. Parce que nous disions en
février 2015, à la Coalition avenir Québec, qu'il fallait, justement, s'en prendre au
discours des agents de radicalisation, des prédicateurs autoproclamés, des imams de ce monde radicaux. Nous disions
ça, et on nous regardait comme si nous étions des extraterrestres, des radicaux nous-mêmes
pour dire des choses semblables,
alors que force est de constater que les mois ont passé, que les événements se sont multipliés et qu'on en vient tous à la
raison qu'il faut absolument nommer les choses et nommer les problèmes
tels qu'ils sont, ne pas avoir peur des mots. Et c'est pour ça que je suis
contente de voir que l'opposition officielle se rallie, en quelque sorte, aux
propos que nous tenions il y a 10 mois exactement et qu'il faut nommer les choses. Et également
il y a des amendements qui s'en viennent où on commence à nommer les
choses, mais je poursuis, je signe, il faut être précis. Et précis ne
signifie pas exclure, mais plutôt on fait une loi parce qu'il y a un problème,
et il faut nommer le problème.
Alors,
c'était la raison pour laquelle je voulais intervenir ici, parce qu'en tant que
députée, moi, ça m'avait fait beaucoup de peine, ça m'avait blessée de
voir dans quelle mesure les collègues, lors de cette motion du mercredi, méprisaient ce que nous disions. C'est tout juste
si on ne se faisait pas traîner dans la boue. Parce que, quand même,
on a été parlementaire, on a toujours tenu des propos parlementaires, mais on nous
prenait pour des illuminés, pour des radicaux parce que nous disions qu'il
fallait s'attaquer aux propos des agents de radicalisation, des imams autoproclamés.
Ce n'est pas n'importe quel propos. C'est ça, le noeud du problème.
C'est ça, la racine du mal.
Et
je pense qu'au fil des mois, au fil des événements, les tristes événements
que nous avons connus, qui se sont multipliés — et
je ne vous les nommerai pas, les collègues de l'opposition
officielle l'ont fait abondamment — force
est de constater qu'il y a
une problématique particulière qui,
maintenant, a atteint, ô combien malheureusement, le Québec et le Canada. Nous ne sommes pas à l'abri de ces
discours qui montent à la tête de jeunes, de ces agents de radicalisation
qui endoctrinent ces jeunes pour une foule
de raisons, pour une foule de motifs, mais il faut s'attaquer aux propos avant
que le mal n'arrive et avant qu'il ne soit
trop tard, avant que ces jeunes partent faire le djihad. Parce que c'est bien
ce qu'ils partent faire, les jeunes. Les jeunes du collège Maisonneuve,
là, ils n'allaient pas cueillir des fraises, là, ils allaient combattre, faire le djihad, la guerre sainte. Et
c'est la raison pour laquelle cet amendement-là est très intéressant lorsqu'on
parle d'un contexte, les propos s'exprimant
au nom d'un djihadisme. C'est tout aussi juste qu'«intégrisme religieux», que
«fondamentalisme religieux», que
«radicalisation», qu'«endoctrinement». «Endoctrinement» non plus, on n'en a pas
encore parlé, de l'endoctrinement. Me Julius Grey nous parlait
d'embrigadement.
Donc,
je voulais souligner que je suis ravie de constater que l'opposition officielle
a changé de discours depuis février à plusieurs égards au niveau des discours
sur lesquels nous devions sévir ou que nous devions empêcher pour,
justement, éviter des problèmes. Alors, c'était mon commentaire à ce stade-ci
de cet amendement, que je trouve fort agréable et pour lequel nous aurons
probablement l'occasion de voter. Merci, M. le Président.
• (21 h 10) •
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Oui, M. le Président. Juste une petite mise au point fraternelle. C'est qu'à
l'époque...
Le Président (M.
Ouellette) : À moi?
M.
Kotto : Non. Non, c'est relativement aux propos que vient de
tenir notre collègue de Montarville. Au moment où M. François Legault
lui-même faisait sa proposition lors d'un point de presse, il avait reconnu que
sa proposition était trop large et qu'à cet
effet on aurait interdit le parti communiste. Donc, on est un peu dans la même
approche, là, c'était un peu large.
Il n'y avait aucune méchanceté derrière, nous avions une lecture très lucide de
ce qui se passait quant au mécanisme
qui conduisait nos jeunes, en pleine formation de leur personnalité
psychique... qui les entraînait dans les bras des charmeurs religieux
fondamentalistes.
Je voudrais, M. le
Président, pour inspirer les rêves de la ministre de la Justice cette nuit,
rappeler ce que Mme Fatima Houda-Pepin, qui
a siégé avec nous de 1994 à 2014... En fait, elle fut d'ailleurs la
vice-présidente de notre Assemblée.
C'est une personne pour qui j'ai énormément de respect parce que courageuse,
très courageuse, qui a toujours nommé
les choses comme elles étaient. Elle a dit une chose qu'il faut répéter ad
nauseam, elle a dit qu'elle respectait toutes les maisons de Dieu. Elle n'a pas de problème avec Dieu, elle a un
problème avec ceux qui se prennent pour Dieu. Et ça, ça indiquait, disons, de
sa perspective des choses, le défi qu'elle lançait à ces jardiniers de la haine
et du meurtre que nous désignons par fondamentalistes religieux.
Et,
M. le Président, je terminerai en disant que refuser de nommer les choses comme
elles sont, c'est contribuer à faire
des musulmans — des
vrais musulmans — des
victimes. Ils sont majoritaires, et ces personnes que nous visons dans
notre discours sont extrêmement minoritaires, mais très dangereux. Merci, M. le
Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. le député de Bourget. Mme la députée de
Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, M. le Président. Écoutez, moi, je remarque
que, jusqu'ici, la ministre ne nous a pas nommé les groupes qu'elle
visait. Nous, on nomme qui on veut. La ministre nous a parlé de l'époque nazie,
nous a parlé de mouvements d'extrême droite
qu'on ne connaît pas. Il y a eu, à un moment donné, le mot PEGIDA qui est un
des mots... des mouvements d'extrême droite connus. Ils étaient
quelques-uns à vouloir faire une manif au mois de mars l'année dernière. Les gens se sont élevés, le maire de Montréal a protesté, nous avons protesté, et la manif est
tombée à l'eau, ils étaient trois, quatre.
Ça a fini par une manifestation festive des gens antifascistes et anti-PEGIDA
dans Le Petit Maghreb, et tout le monde était content parce
que, savez-vous quoi, dans le mode actuel de liberté d'expression, la
réprobation populaire, le contrediscours a gagné.
Alors, je ne
vois pas en quoi le mécanisme n'a pas fonctionné, le mécanisme a fonctionné.
Puis, quand il y a des imams
religieux qui... il y en a certains qui prônent la radicalisation, à chaque
fois on les a dénoncés. Et ce qu'on voulait, ce qu'on veut encore, c'est donner des outils aux municipalités, donner des outils aux commissions
scolaires pour qu'ils puissent se débarrasser d'eux et d'elles s'ils
viennent dans leurs locaux. Le problème, c'est les centres communautaires aussi.
Mais ça, ça
ne règle pas notre problème, l'article qu'on a actuellement. Alors, il
y a des jeunes, des fois, qui font
des discours... Il y a
des discours haineux dans des chansons, on règle ça par la réprobation, qu'on
appelle. Mais on ne fonctionne pas en
mode : On va vous envoyer en cour. Ça ne marche pas comme ça au Québec,
et on n'arrive pas à savoir qui on
vise. Nous, on vise le djihadisme comme on visait le fondamentalisme religieux,
mais on n'a pas de contre-proposition de
l'autre bord, on n'arrive pas à nous nommer qui on vise autre que ce que nous,
on nomme. Il n'y en a pas actuellement, là.
Les seuls qu'on nomme, c'est nous qui les nommons, mais, à part ça,
excusez-moi, là, je ne sais toujours pas qui ce projet de loi vise malgré le
temps qu'on a passé, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Un
dernier commentaire, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve?
Mme Poirier : Non.
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous serions prêts à voter sur le sous-amendement de Mme la
députée de Taschereau.
Est-ce que le sous-amendement de Mme la députée de Taschereau est adopté?
Mme
Maltais : Vote par
appel nominal, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Vote
par appel nominal demandé, Mme la secrétaire.
La Secrétaire : Mme Maltais (Taschereau)?
Mme
Maltais : Pour.
La Secrétaire : Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?
Mme Poirier : Pour.
La Secrétaire : M. Kotto (Bourget)?
M. Kotto : Pour.
La Secrétaire : Mme Roy (Montarville)?
Mme Roy
(Montarville) :
Pour.
La Secrétaire : Mme Vallée (Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
La Secrétaire : M. Merlini (La Prairie)?
M. Merlini : Contre.
La Secrétaire : M. Boucher (Ungava)?
M. Boucher : Contre.
La Secrétaire : M. Rousselle
(Vimont)?
M. Rousselle : Contre.
La Secrétaire : M. Proulx (Jean-Talon)?
M. Proulx : Contre.
La Secrétaire : M. Ouellette
(Chomedey)?
Le
Président (M. Ouellette) :
Je vais m'abstenir. Donc, le sous-amendement est rejeté. Est-ce qu'on revient à l'amendement
de la ministre?
Mme
Maltais : On
revient à l'amendement de la ministre, je pense.
Le
Président (M. Ouellette) : Nous revenons à l'amendement de la ministre.
Mme
Maltais : Juste
une petite chose. Est-ce que la ministre va nous déposer l'amendement enlevant le «notamment»?
Le Président (M. Ouellette) : Je
pense que c'était... Vous m'enlevez
les mots de la bouche, Mme la députée de Taschereau, parce
qu'effectivement notre discussion était... et le point de Mme la ministre,
c'était, effectivement, d'enlever le mot «notamment» et de réaménager la
phrase.
Mme
Vallée : Bien, en fait, M. le Président, mieux que ça, je vais
vous déposer pour la compréhension, parce que je pense que c'est important, je vais vous déposer... On a refait
l'amendement, là, en enlevant «notamment», notamment, mais je vais vous
déposer... Alors, je vais retirer l'amendement, je vais déposer cet
amendement-là, qui est corrigé.
Des
voix : ...
Le Président (M. Ouellette) : Effectivement, il faudrait retirer l'amendement qui a été suspendu aussi, qui touchait...
Mme Vallée :
Pour les fins de logique et de concordance. Pas de problème.
Le Président (M.
Ouellette) : On va suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 21 h 20)
(Reprise à 21 h 31)
Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Je comprends, Mme la ministre, que vous allez retirer l'amendement que vous nous avez déposé en début de séance cet après-midi
qui modifiait le premier alinéa et que vous retirez aussi l'amendement qui avait été suspendu, qui touchait le deuxième alinéa. Et, par souci de
compréhension, vous nous introduisez
un amendement que vous allez me lire, et après nous aurons la discussion. Parce
qu'on a eu des discussions antérieurement
sur le «notamment» du premier alinéa, et nous allons terminer la discussion sur
le premier alinéa. Donc, je vous propose de me lire le nouvel
amendement, Mme la ministre, que vous déposez.
Mme Vallée :
Donc, modifier l'article 1 de la loi proposée par l'article 1 du projet de
loi :
1° par l'ajout, à la
fin du premier alinéa, de «, lesquels peuvent s'exprimer dans un contexte de
radicalisation pouvant mener à l'extrémisme violent ou dans un contexte d'intolérance;»
2°
par l'insertion, dans le deuxième alinéa et après «publiquement», de «, peu
importe les préceptes sur lesquels ils s'appuient, qu'ils soient
religieux ou autres, »;
3° par l'ajout, après
le deuxième alinéa, du suivant :
«Est
un discours haineux, un discours visé au deuxième alinéa qui, aux yeux d'une
personne raisonnable, est d'une virulence
ou d'un extrême tel qu'il est susceptible d'exposer ce groupe à la
marginalisation ou au rejet, à la détestation, au dénigrement ou à l'aversion notamment pour que ce groupe soit perçu
comme étant illégitime, dangereux ou ignoble.»
Le Président (M. Ouellette) : Je comprends aussi que vous nous aviez donné le
texte tel qu'amendé en rapport avec
l'amendement que vous déposez. Nous allons avoir maintenant la discussion sur
le premier alinéa, pour lequel vous avez enlevé le mot «notamment», et
vous faites un réaménagement dans le premier alinéa.
Mme
Vallée : Oui. Bien, le «notamment», je sais qu'il préoccupait un petit peu nos collègues de l'opposition. Et puis il n'était pas nécessaire, donc, à la
bonne compréhension du texte, donc on l'a retiré. Et les propos peuvent
s'exprimer dans un contexte de
radicalisation, qui peuvent mener à l'extrémisme violent ou dans un contexte
d'intolérance... Et ça aussi, c'est
l'intolérance envers les groupes qui sont visés par l'article 10, qui
comportent une caractéristique commune visée à l'article 10.
Je
pense qu'on a fait, pour ce qui est de... Parce qu'en fait l'argumentaire est
le même que celui que nous avions porté
cet après-midi. Il était intéressant de venir préciser le contexte dans lequel
les discours s'inscrivaient encore une fois.
Puis
là je veux juste un petit peu revenir parce que, tout à l'heure, là, nos trois
collègues de l'opposition ont fait leur
exposé, puis on laisse sous-entendre qu'on craint de nommer les choses, qu'on a
peur. Soyons bien clairs, là, le projet de loi s'inscrit dans un grand plan qui vise un certain nombre de mesures.
Ce projet-là vise, oui, à contrer les discours haineux, les discours qui incitent à la violence et vise
aussi un certain nombre de mesures qui visent la protection des personnes.
On s'attaque à une
problématique de radicalisation qui peut s'inscrire de différentes façons.
Notre objectif est d'avoir un projet de loi qui sera solide et qui ne visera
pas ou ne ciblera pas exclusivement un type de radicalisation. Bien qu'il soit sur toutes les lèvres
actuellement, il existe, et nous le savons, puis je pense qu'on n'a pas à
fournir une liste détaillée, dans ce sens
que la radicalisation, les propos haineux peuvent s'inscrire dans d'autres
contextes que le contexte de
l'endoctrinement religieux. Il existe, l'endoctrinement religieux. Il existe,
l'endoctrinement idéologique. Cette forme de radicalisme existe, mais il n'est pas exclusif, il en existe
d'autres, et je pense qu'il est de notre devoir de poser des gestes qui
vont aussi venir barrer la route à toute forme de radicalisme et à toute forme
de radicalisme qui va se propager, notamment par la tenue de discours haineux
ou incitant à la violence.
Et
simple petit clin d'oeil. Parce que le collègue de Bourget m'a prêté des
intentions, puis je dois vous avouer, je
suis un petit peu déçue. Je suis un petit peu déçue parce que le travail se
fait, puis il y a vraiment une volonté d'arriver avec quelque chose, puis d'arriver avec un texte... et de travailler de
façon sérieuse. Je ne m'autofilibuste pas, soyez-en certains.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Monsieur...
Le Président (M. Ouellette) : Ah! M.
le député de Bourget, oui.
M. Kotto :
Oui, M. le Président. Je ne saisis pas bien l'attaque frontale de la ministre
de la Justice relativement aux propos
que j'ai tenus tout à l'heure. Je faisais simplement le point sur le constat
relatif à nos échanges. Les efforts, de
ce côté-ci, étaient manifestes à l'effet de nommer ce qui est nommable, et, du
côté de la seconde opposition, c'était un
exercice clair, et mon constat était à l'effet de signifier ce que je voyais de
l'autre côté. Il y avait comme une posture, disons, étanche à l'effet de valider dans une approche constructive nos
propositions, et c'est ce qui était un peu agaçant. Et je pourrais
retourner la pareille à la ministre à l'effet que j'étais déçu par cette
posture, là. Pas par elle, mais par la posture.
Je comprends le poids d'un caucus relativement à un tel projet de loi, je
comprends le poids d'un gouvernement par
rapport à un tel projet de loi. Je n'attaquais pas la ministre personnellement,
Dieu, entre guillemets, m'en protège. Merci.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Bon. M.
le Président, je trouve que nos...
Une voix : ...
Mme
Maltais :
Attendez. Je trouve que nos collègues de la deuxième opposition sont bien...
notre collègue est bien patiente. Alors, peut-être qu'elle veut parler
maintenant. Ça lui permettra peut-être, c'est ça, d'être payée de sa...
Le Président (M. Ouellette) : ...la
récompenser de sa patience?
Mme
Maltais :
...d'être payée de sa grande patience.
Le
Président (M. Ouellette) :
Alors donc, on va récompenser votre patience, Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Trop de sollicitude, merci.
Le Président (M. Ouellette) : On
gagne à être connu.
• (21 h 40) •
Mme
Roy
(Montarville) : C'est beau. Ça va, dans mon cas.
Donc, on est toujours... on est sur ce nouvel amendement, ce nouvel article 1, là, avec les trois alinéas.
Dans le contenu du premier alinéa, personnellement — je vais parler pour ma formation politique — il y a vraiment des aménagements. On voit
que la partie gouvernementale a fait des aménagements pour une tentative de rapprochement. On le sent
dans le choix des mots du vocabulaire qui est employé : «La présente
loi a pour objet d'établir des mesures de prévention et de lutte contre les
discours haineux et les discours incitant à la violence, lesquels peuvent s'exprimer dans un contexte de radicalisation...»
Nous demandions que le terme «radicalisation» apparaisse. Il apparaît,
c'est une bonne chose.
Donc, «dans
un contexte de radicalisation pouvant mener à l'extrémisme violent», quand on
parle d'extrémisme violent, c'est de
tout type d'extrémisme. L'extrémisme religieux peut s'y retrouver également. Donc, il n'est pas nommé, mais
il n'est pas exclu. Au contraire, il pourrait être inclus dans l'extrémisme
violent ou dans un contexte
d'intolérance.
Et, lorsqu'on
parle de radicalisation ou d'endoctrinement, ce n'est pas toujours des propos
haineux incitant à la violence, mais
c'est de l'intolérance aussi, c'est des... Enfin, je reprends, ce sont des
discours dans un contexte d'intolérance. Mais, naturellement, je comprends que, pour que la loi s'applique, ils
doivent être haineux et incitant à la violence. Mais, dans un contexte d'intolérance — et là je pose peut-être la question à la
ministre — quand on
parle de contexte d'intolérance, est-ce
que le fait, par exemple, de dire que la femme ne peut pas sortir de la maison
seule, la femme doit avoir un tuteur, est-ce
que c'est un type de propos qui pourrait être couvert? Là, je pose la question
dans la mesure où c'est d'une grande intolérance, et d'une inégalité sans
borne, et d'un non-respect de l'égalité entre les hommes et les femmes. Donc,
est-ce qu'on pourrait l'appliquer à cet égard-là?
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Bien, tout propos doit être analysé dans le contexte du discours haineux qu'on
va valider. Donc, comme je le
mentionnais un peu plus tôt, bien qu'inacceptable, simplement dire que la femme
n'est pas égale à l'homme, ça ne constitue pas un propos haineux.
Un
propos qui amènerait... Puis je réfère au troisième alinéa, où on fait la
distinction, puis je réfère aussi un petit peu à l'esprit de Whatcott parce que ce sont ces discours-là, ce sont
ces propos-là, ce n'est pas les propos... Le propos choquant qui serait
tenu dans un contexte... ou le propos simplement discriminatoire, là, par
exemple l'inégalité des hommes... et les
femmes ne sont pas égales ou la femme ne peut sortir sans être accompagnée d'un
homme, ça, en soi, c'est choquant, ce n'est pas acceptable, honnêtement,
mais ce n'est pas un propos haineux.
Ce qui
devient un propos haineux et qui pourrait être poussé par l'intolérance, c'est
lorsqu'on va isoler une femme, un
groupe ou même une religion, si on isole... Par exemple, on isolerait les communautés
LGBT d'un côté...Parce qu'on sait que
certaines religions s'y attaquent de façon... certaines religions ont une
intolérance totale à l'égard de l'homosexualité. Et ça, dans le cadre d'un discours, si on attaque de façon claire et on
incite à la haine envers ces groupes-là, ce qui était notamment l'exemple dans Whatcott, à ce moment-là
c'est une forme d'intolérance, c'est une forme d'intolérance qui
s'inscrit dans... Et le discours haineux s'inscrit dans cette intolérance,
cette intolérance qui est aussi de la racine de l'endoctrinement.
Parce que je
reviens au triangle que l'on voit de... qui était illustré dans le mémoire de
la ville de Montréal. Le principe de
la radicalisation qui va amener à la violence, c'est très, très insidieux, puis
les discours... Puis je pense même que c'est notre collègue de
Montarville qui en avait fait état, c'est que ce n'est pas toujours frontal,
là, ça commence tranquillement par un rejet du vivre-ensemble. Alors, à ce
moment-là, ce qu'on fait, c'est qu'on va marquer les différences. Ce vivre-ensemble-là, comment on va l'attaquer? Bien, on va
l'attaquer en venant isoler des gens en raison de leurs différences. Là,
on va commencer, il va y avoir un discours qui va s'articuler autour de ça. On
va essayer d'expliquer, de justifier
l'isolement de ces gens-là, puis ce discours-là, tranquillement, il va prendre
de l'ampleur, il va prendre de la
force, et il va devenir plus puissant à l'encontre de ces gens-là, et il va
mener éventuellement à des incidents haineux
envers ceux et celles qui étaient exclus à la base par le discours lorsqu'on
attaquait le vivre-ensemble. Puis, par la
suite, ça mène à justifier la violence à l'égard de ces gens-là, à l'égard de
ces groupes-là. Et on le voit, c'est un phénomène que l'on constate dans un schéma d'incidents puis
de crimes haineux. Alors, les incidents, les crimes haineux ont comme dénominateur commun ce questionnement sur le
vivre-ensemble, ce questionnement qui est relatif à la différence de l'autre.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Je comprends très bien ce que la ministre
dit, mais, lorsqu'on lit les autres alinéas... Et je comprends qu'on parle de discours haineux incitant à la violence,
mais je voudrais me faire réconforter, en quelque sorte, à l'égard d'un discours qui serait tenu...
On va parler encore de la discrimination, surtout l'inégalité hommes-femmes
ou la discrimination qui est faite. Vous
aviez mis le terme «enseignement» dans l'autre amendement qui a été enlevé, là.
Disons que, lorsque des prêches, ou des
enseignements, ou un discours qui seraient publiquement diffusés, bon, auraient
pour motif de priver un groupe identifié,
les femmes, les priver de leurs droits et libertés fondamentaux, de leur
dignité aussi, par toutes sortes de stupidités
comme marcher en arrière, rester à la maison, se soumettre, et tout ce que vous
voulez, là, ce que je comprends, c'est que la loi n'y pourrait rien pour
le moment?
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Parce que la loi sanctionne le discours haineux à l'égard, par exemple, d'une
femme, le discours qui incite à la
violence. Mais ce type de discours là, il est discriminatoire, certes, et il
n'est pas acceptable, mais il ne constitue pas du discours haineux. Et ce que la Cour suprême nous enseigne, c'est
que la limite à la liberté d'expression... Et ça rejoint un peu ce que
les juristes nous ont dit, c'est qu'il y a des limites à la liberté
d'expression, mais ces limites-là s'inscrivent
dans un contexte très pointu, et cette limite-là doit être balisée. Dans une
société libre et démocratique, on va venir
limiter la liberté d'expression non pas en raison du caractère choquant du
propos, mais bien en raison du fait que le propos va venir porter
atteinte à l'autre, va porter atteinte à la sécurité de l'autre.
Mais je ne
veux pas non plus analyser tout ce qui pourrait être soumis éventuellement dans
le contexte, ce n'est pas l'objectif
de présumer de chaque discours qui pourrait faire l'objet d'une attention. Mais
je tiens juste à rappeler que d'ouvrir
pour venir sanctionner de façon... un discours qui pourrait aussi être assimilé
à un discours sexiste n'entrerait pas
dans le contexte parce que... Oui, oui, il y a des religions dans lesquelles on
va tenir ce type de discours là, mais on a aussi des gens qui sont
simplement ignorants qui tiennent ce discours-là en dehors d'un contexte de
religion aussi, là.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : M. le Président, je suis ce que vous dites.
Pour que ces discours puissent être sanctionnés, il faut absolument, donc, qu'ils s'inscrivent dans un discours incitant
à la violence. Ma question est la suivante : Est-ce qu'enseigner qu'il faut brimer les droits des
femmes, mépriser les femmes, brimer leurs droits, brimer leurs droits et
libertés, ce n'est pas un discours
incitant à la violence? Ce n'est pas une violence que de brimer les droits et
libertés de quelqu'un et de demander qu'on le fasse? Est-ce qu'on
pourrait l'inscrire là-dedans?
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
• (21 h 50) •
Mme Vallée :
Il ne m'appartient pas de juger le discours en question, ce sera... À chaque
fois, ce sera à la Commission des droits de la personne et, ultimement, au Tribunal
des droits de la personne de prendre
les propos, et de les analyser à la
lumière de la définition, et voir si le propos vient justement...
est considéré comme un discours haineux. Il ne m'appartient pas, aujourd'hui, de prendre quelques mots et hors du contexte. L'analyse qui se fera se
fera aussi dans le contexte du
discours, est-ce que le discours va amener... Parce que le discours haineux,
qu'est-ce que c'est? C'est un discours qui va exposer un groupe de personnes, en raison de
leurs caractéristiques communes, au rejet, à la marginalisation, à la détestation, au dénigrement ou à l'aversion, notamment
pour que le groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble. Je comprends que c'est bien des mots,
c'est bien des concepts, mais c'est dans ce contexte-là que ce sera analysé
par le tribunal.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Pour poursuivre, donc je comprends qu'il y a un exercice à faire
ici pour démontrer que tenter de
brimer une femme, par exemple, de ses droits les plus stricts, ses droits et
libertés en tant que femme, et de le promouvoir, de le répéter, de
l'enseigner, de le diffuser publiquement, il faudrait faire la preuve que ça
constitue un discours qui incite à la
violence et que c'est une violence en soi que de vouloir brimer les droits et
libertés d'une femme.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Bien, il faudra voir le type de discours parce
que, là, on y va de... Tu sais, ce que vous présentez, c'est de
façon large, il faudra voir le
discours en question, là, s'il s'agit d'un prêche, qu'est-ce qu'on retrouve dans le prêche, comment est-ce présenté, quels sont les
termes utilisés parce que, parfois, ça va bien au-delà de ça, là, ça va jusqu'à,
dans certains cas... Puis je pense qu'on nous en avait cité des
exemples en commission parlementaire, non seulement la femme n'est pas considérée comme étant une entité,
une personne, mais, en plus, en plus, si elle ne se conforme pas, elle a
des sanctions, des sanctions corporelles,
des sanctions, ce qui... Et là ça, c'est beaucoup plus clair. Mais il faudra
vraiment regarder chaque cas, puis
c'est le rôle qu'aura la commission, c'est le rôle qu'aura le tribunal
ultimement parce que chaque cas...
Et puis d'ailleurs Whatcott en est une belle
illustration, puisqu'ils ont analysé différents types de discours. Parce qu'on avait publié différents pamphlets qui
portaient des messages distincts. Certains messages étaient considérés comme des messages haineux, et d'autres n'ont pas
été considérés comme des messages haineux. Des messages dérangeants, mais pas des messages haineux méritant d'être
sanctionnés. Et c'est cette limite à la liberté d'expression qui vient
s'inscrire... Ce sont les paramètres
qui ont été donnés parce qu'à un certain moment donné on doit la justifier,
cette limite à la liberté d'expression, dans le contexte, et il s'agit
des enseignements de Whatcott.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci. Donc, si je vous comprends bien, et ce qui me réconforte, c'est que, lorsque le
discours sera clairement incitant à la violence, si on parle
d'enseignements, de discours diffusés ou... appelez ça comme vous voulez, mais c'est répété, c'est dit, et il y a
des gens qui l'entendent, par
exemple, qui incitent à des actes
criminels très évidents, tuer les
mécréants, tuer ci, tuer ça, bon, là, on pourra sévir. Donc, on pourra sévir
sur des prêches, même.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Oui, oui, les prêches sont visés parce qu'on fait référence... au deuxième alinéa,
on fait référence aux préceptes sur
lesquels vont s'appuyer les discours. Alors, un précepte, c'est un
enseignement, c'est... Peu importe le précepte, peu importe l'origine du
précepte, religieux ou autre, ce n'est pas plus acceptable. Puis les préceptes,
évidemment, c'est un enseignement. Alors,
c'était le synonyme, c'est pour ça qu'on a retiré le terme «enseignement» parce
que «précepte», c'était plus exact, englobait les enseignements.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Oui. Je remercie la ministre pour son
échange. Je trouve qu'il y a des points là-dessus qui nous aident, et on voit plus précisément où le
gouvernement veut aller. Mais je pense qu'on a avancé, on est très loin de la première version du premier pl n° 59,
très loin avec cet article. Alors, je vous remercie pour les précisions. Ça
complète pour moi pour ce qui est de l'amendement de la ministre.
Le
Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau, je vous rappelle, pour les besoins de notre discussion, qu'il y a eu une entente entre les
leaders et qu'il nous reste quatre minutes aux travaux que nous avons ce soir.
Ça fait que je ne voudrais pas couper votre
inspiration, Mme la députée de Taschereau, mais je veux juste vous contexter
dans les quelques minutes qu'il nous reste.
Mme
Maltais :
Merci, M. le Président. Bien, écoutez, il y a une question que je me pose.
Nous, on a toujours, dans les
amendements qu'on a proposés à la ministre, on a toujours enlevé «lesquels peuvent
s'exprimer» parce qu'on trouvait que
«lesquels peuvent s'exprimer», il y a un flou. «Lesquels peuvent s'exprimer»,
ça fait qu'il y en a peut-être qui
peuvent s'exprimer, mais peuvent ne pas s'exprimer dans... Tu sais, s'ils
peuvent s'exprimer, ils peuvent ne pas s'exprimer. Eh oui! il faut toujours voir le corollaire dans
une loi. «Lesquels peuvent s'exprimer», mais ils pourraient aussi ne pas
s'exprimer. Ce n'est pas «doivent
s'exprimer», c'est «peuvent s'exprimer». Alors, c'est pour ça qu'on disait toujours,
nous, «s'exprimant dans un contexte de radicalisation», «des discours
s'exprimant dans un contexte de.» Pourquoi est-ce que vous utilisez l'expression «lesquels
peuvent s'exprimer»? J'aimerais le comprendre parce que, systématiquement,
nous, on a changé cette expression. Il y a sûrement une raison.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme
Maltais : Vos
juristes vont peut-être...
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
je pense qu'ils sont en consultation, les juristes, sur l'utilisation des mots «lesquels peuvent s'exprimer» avec «s'exprimant»,
qui est une question fort pertinente d'ailleurs, et probablement que nous aurons une réponse parce que ça s'active en arrière.
Des voix : ...
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : C'est que les
propos peuvent s'exprimer dans un contexte de radicalisation qui peut mener à l'extrémisme violent, mais ils pourraient
s'exprimer dans le contexte de l'intolérance aussi. Dans un contexte
d'intolérance, un propos haineux, un
propos qui incite à la violence peut s'exprimer là-dedans. L'utilisation du
«peut» plutôt que du «doit» ne ferme pas la porte parce que la
possibilité... Attendez, c'est juste que j'ai...
Le Président (M. Ouellette) : Ah!
Ha! Le télésouffleur vient d'apparaître.
Mme Vallée : Non, j'avais une petite note tout à l'heure...
Parce qu'on a une quantité phénoménale de papier. On ne le voit pas ici
parce qu'on est hors caméra, mais j'avais vraiment...
Des voix :
...
Le Président (M. Ouellette) : Et
vous avez 30 secondes, Mme la ministre, pour nous livrer...
Mme Vallée : Bon. Alors, les tribunaux pourraient
interpréter... Si on le prenait, le «pouvant», ça pourrait être plus
limitatif que le...
Une voix : ...
• (22 heures) •
Mme Vallée : Oui. «S'exprimant» pourrait être plus limitatif
que le terme «peuvent s'exprimer». Et donc, en étant plus limitatif, on pourrait perdre la portée de
notre projet de loi dans des contextes et on pourrait donner une
défense non souhaitable et non souhaitée dans certains cas.
Mme
Maltais : Mais...
Le Président (M. Ouellette) :
Réservez vos commentaires pour demain.
Sur ce, après entente avec les leaders,
j'ajourne les travaux de la commission sine die.
(Fin de la séance à 22 h 1)