(Quinze heures)
Le
Président (M. Ouellette) :
Bon après-midi. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission des institutions ouverte. Veuillez, s'il vous plaît, vous assurer
que vos appareils électroniques sont en mode silencieux afin de ne pas
perturber nos travaux.
La commission
est réunie afin de procéder à l'audition
de la Directrice des poursuites criminelles et pénales dans le cadre de
l'étude du plan de restructuration annoncé par celle-ci. Il s'agit d'un mandat
d'initiative adopté par la commission le 29 octobre.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Iracà (Papineau) remplace M. Tanguay (LaFontaine); Mme Hivon
(Joliette) remplace M. Leclair (Beauharnois); et M. Therrien (Sanguinet)
remplace M. Rochon (Richelieu).
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci. Je veux souhaiter la bienvenue à mon collègue d'Ungava, collègues de
Papineau, Vimont, Jean-Talon, mon collègue de Borduas, ma collègue de Joliette.
Je nous
rappelle que le mandat d'initiative se lisait comme suit : «Que la
Commission des institutions se donne un mandat [...] afin d'étudier le plan de restructuration annoncé par la
Directrice des poursuites criminelles et pénales. Qu'à cet effet, elle tienne des consultations
particulières afin d'entendre Me Annick Murphy, Directrice des poursuites
criminelles et pénales. Que l'exposé de la
Directrice des poursuites criminelles et pénales soit d'une durée maximale de
10 minutes et que les échanges entre la DPCP [et] les membres de la
commission [soient] d'une durée de 2 h 50 min, trois heures au total,
parce que la commission doit faire rapport à l'Assemblée au plus tard le
25 novembre 2015.»
Sans plus
tarder, je souhaite la bienvenue à la Directrice des poursuites criminelles et
pénales, Me Annick Murphy. Je vous invite à nous présenter les personnes
qui vous accompagnent et à procéder à votre présentation d'une durée de 10 minutes. La parole est à vous. Je vous
ferai signe dans les dernières minutes, là, pour votre conclusion et voir
où on en est rendus avec le bloc. Me Murphy, à vous la parole.
Exposé de la Directrice des poursuites criminelles
et pénales, Mme Annick Murphy
Mme Murphy
(Annick) : Merci, M. le Président. Permettez-moi de vous présenter Me
Alexandre Dalmau, le directeur adjoint des poursuites criminelles et
pénales, M. Denis Germain, directeur général de l'administration, à sa gauche, et, à ma droite, Me Lisa Labossière, la
secrétaire générale du Directeur des poursuites criminelles et pénales
et procureur en chef du bureau du directeur.
M. le Président, mesdames et messieurs, membres
de la commission, je tiens tout d'abord à vous remercier de m'offrir l'occasion d'expliquer le plan de
révision de la structure administrative du Directeur des poursuites
criminelles et pénales. Permettez-moi, avant
d'aborder directement cette question, de vous présenter très succinctement le
DPCP et d'expliquer brièvement en
quoi consistent le rôle et les fonctions des procureurs aux poursuites criminelles
et pénales, ainsi que les règles et
la norme juridique que doit observer le procureur pour déposer des accusations.
Ces précisions peuvent contribuer à répondre à certaines interrogations
quant aux objectifs de la restructuration.
Il y a
549 postes de procureur au DPCP. Ceux-ci analysent tous les dossiers
transmis par les policiers. À cette étape, ils évaluent la suffisance de
la preuve pour ne soumettre aux tribunaux que les dossiers où ils sont
raisonnablement convaincus de pouvoir
établir la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Un seuil moins élevé
permettant l'introduction d'une
poursuite serait incompatible avec le rôle du poursuivant en sa qualité
d'officier de justice responsable d'assurer le respect et la recherche
de la justice. Tous les poursuivants au Canada appliquent sensiblement le même
critère.
Tous les dossiers méritent d'être traités avec
la même rigueur et le même professionnalisme et faire l'objet d'une analyse objective et impartiale. Ainsi, les
procureurs ne prennent pas la décision de poursuivre en fonction de ce que les gens sont, mais bien en fonction de ce que
ces personnes ont fait et de ce que nous pouvons prouver qu'elles ont fait.
Les
procureurs doivent étudier les dossiers à l'abri de toute pression politique et
sans céder à la pression médiatique et
policière, quelle qu'elle soit, afin d'être en mesure de prendre une décision
éclairée, objective et impartiale. Comme le disait le juge Binnie dans l'arrêt Regan, reprenant les propos tenus par
la juge en chef de la Cour suprême du Canada, dans notre société, le ministère public a le devoir de
veiller à ce que tout inculpé soit traité avec équité. Lorsque le
ministère public laisse la pression de
l'opinion publique influencer ses actions, l'équité et la légitimité essentielles
à notre système sont perdues, et nous nous rabaissons alors au niveau
d'une bande de lyncheurs à la recherche d'une branche assez solide. Ces obligations d'objectivité et d'impartialité
découlent des principes constitutionnels de l'indépendance de la
fonction du Directeur des poursuites
criminelles et pénales qui le protège contre l'influence de considérations
politiques inappropriées.
Quant à la
restructuration, je souhaite corriger les informations inexactes qui circulent
et qui laissent entendre que le Directeur des poursuites criminelles et
pénales se désengage de la lutte à la criminalité organisée. Je souhaite vous démontrer que, tout au
contraire, cette restructuration vise à moderniser la structure du Directeur
des poursuites criminelles et pénales pour le rendre plus efficient et
mieux structuré afin qu'il soit en mesure de répondre plus efficacement à la
criminalité d'aujourd'hui.
Le plan de restructuration comporte deux volets
principaux. Le premier volet concerne l'abolition de trois bureaux
spécialisés. Le désir de ramener les activités de relations publiques au
bureau du directeur, l'impossibilité d'accroître les ressources au bureau du
recrutement et de la formation et le ralentissement des activités des affaires
extérieures entraînent la fermeture de trois bureaux. Toutes les activités
ainsi que le personnel seront transférés soit au
bureau du directeur, au bureau du service juridique ou à la direction générale
de l'administration, selon la nature de leur mandat. Le deuxième volet est l'unification du Bureau de lutte au
crime organisé, du Bureau de lutte aux produits de la criminalité et du
Bureau de lutte à la corruption et à la malversation.
Depuis que
nous avons informé notre personnel de ces changements, le 23 septembre dernier,
plusieurs informations inexactes
circulent sur ce deuxième volet de la restructuration. Nous avons déjà rectifié
certaines de ces informations par un
communiqué de presse le 29 septembre dernier ainsi que lors d'un point de
presse tenu le 16 octobre dernier dans la foulée de l'arrêt des
procédures dans le dossier SharQc.
La principale
information inexacte qui circule de façon persistante est que le DPCP réduira
de 40 % le nombre de procureurs traitant les dossiers de
criminalité organisée, certains invoquant une diminution de 110 à
60 procureurs affectés au bureau spécialisé. Les procureurs ainsi touchés
seraient réaffectés à des tâches de procureur généraliste.
Sachez
qu'avant la restructuration 115 procureurs, à travers le Québec, étaient
affectés au traitement des dossiers de criminalité organisée, outre les
procureurs du BLACO, du BLPC, du BLCA — ce sont les acronymes des
trois bureaux — ce chiffre comprend les procureurs affectés
à SharQc et les procureurs affectés aux gangs de rue, et qu'après la
restructuration complète et la fin du dossier SharQc c'est 96 procureurs,
à travers le Québec, qui seront affectés aux dossiers
de criminalité organisée, sur un nombre total de 549 postes de procureur.
De ces 96 procureurs, 59 seront affectés au nouveau bureau unifié
de lutte au crime organisé à Montréal et traiteront les dossiers de très grande
complexité, et 37 procureurs seront
répartis dans les bureaux régionaux pour traiter spécifiquement les dossiers de
criminalité organisée de complexité et d'envergure moindres. Plusieurs
d'entre eux étaient déjà physiquement dans ces bureaux régionaux et traitaient
les dossiers de criminalité organisée. C'est donc, en tout et pour tout,
19 procureurs qui sont retranchés du nombre
d'origine, et ce nombre comprend les procureurs responsables du dossier SharQc
qui seront retranchés à la fin du dossier SharQc.
À titre de
comparaison, l'Ontario consacre 51 procureurs dans son équipe de Guns and
Gangs et ajoute à ce nombre cinq
procureurs pour traiter les causes majeures, sur un total d'environ
1 000 procureurs, soit 5,6 % de ses procureurs. La Colombie-Britannique consacre 14 procureurs aux
dossiers de criminalité organisée et 27 procureurs aux causes
majeures, sur un total approximatif de 450 procureurs, soit 9 % de
ses procureurs. Au Québec, après la restructuration, c'est 17,5 % des procureurs du DPCP qui seront
affectés à la criminalité organisée, et ce pourcentage ne compte pas tous
les procureurs affectés aux causes majeures, comme par exemple CINAR, Mégantic,
Norbourg — terminé — etc.
• (15 h 10) •
Le DPCP n'a
donc aucunement l'intention de se désengager de la lutte au crime organisé,
bien au contraire. Le DPCP y consacre et y consacrera des ressources
humaines et financières importantes au cours des prochaines années. L'objectif visé par la restructuration est de nous rendre plus efficients et plus
efficaces dans la lutte à toutes les formes que prend et prendra la
criminalité organisée d'aujourd'hui et de demain.
Le désir de
réunir l'expertise en matière de criminalité organisée n'est pas nouveau, et, dans
les faits, post facie, cette réunification ne surprend pas les
procureurs expérimentés de ces bureaux ou les partenaires de ce domaine d'activité.
Cette hypothèse a fait l'objet de plusieurs discussions informelles depuis la création du BLACO, en 2000,
mais l'occasion de la concrétiser ne semble
s'être jamais présentée. L'année dernière, lorsque j'ai soumis ma candidature
au poste de Directeur des poursuites criminelles et pénales, j'ai identifié ce
qui devait faire partie des priorités du directeur et j'y indiquais que la restructuration des bureaux de criminalité
organisée était une nécessité et devait être considérée par le directeur
comme une priorité. J'ai souligné qu'il était maintenant temps de réfléchir à
la possibilité de réunir les trois équipes
de procureurs en une seule et même équipe, que cela comporterait des enjeux
administratifs importants et une certaine
résistance des acteurs en place mais que les bénéfices escomptés pourraient
l'emporter sur ces considérations. Il m'apparaissait que la
réunification permettrait d'aborder les dossiers d'enquête avec une vision
unifiée des enjeux et qu'elle pourrait
simplifier les orientations stratégiques et les décisions à survenir. Il
m'apparaissait également qu'il serait plus aisé de mettre en place des
meilleures pratiques dans un seul et même bureau.
Ceci résume
bien ma conception de ce que le Directeur des poursuites criminelles devrait
faire, devrait mettre en place afin
d'améliorer sa réponse au traitement de la criminalité organisée. L'unification
aujourd'hui de ces trois bureaux n'est donc pas subordonnée au contexte
budgétaire, bien qu'elle permette dans les faits de faire des économies. Les
avantages de l'unification sont indéniables. Bien qu'ils visent des types de
crimes différents, la mission première du BLACO,
du BLPC et du BLCM est la lutte à la criminalité organisée. Ainsi, il
m'apparaît aller de soi et raisonnable de réunir ces trois bureaux dans
un même lieu physique et sous une même direction. Le travail en silo est devenu
un obstacle à leur efficacité et à leur adaptabilité aux nouveaux phénomènes de
criminalité et aux priorités policières qui s'ensuivent.
Ce changement entraînera une synergie indispensable au traitement de ces
dossiers complexes et d'envergure. Le
fait de mettre en commun des ressources pour parvenir à mener à bien ces
poursuites ne peut qu'assurer une polyvalence des équipes, un meilleur partage de l'expertise, une grande cohérence
dans les interventions, un gain de productivité et une grande agilité afin de répondre à la hausse ou à
la baisse de certains types de dossiers qui nous sont soumis par les
policiers.
Cette nouvelle équipe
multidisciplinaire sera également préparée à répondre aux phénomènes émergents
de criminalité organisée. L'unification
permettra de ne conserver qu'un seul point de chute pour la réception des
dossiers d'envergure
et assurera une distribution équilibrée des dossiers. La gestion et
l'organisation du travail au sein des équipes de procureurs ainsi
qu'entre les procureurs et les policiers seront plus efficientes.
Cette unification permettra également
d'uniformiser les pratiques ainsi que nos rapports avec les autres poursuivants
et les policiers. Elle permettra d'offrir une approche intégrée dès le moment
où les procureurs sont sollicités par les policiers en début d'enquête. Ainsi,
la recherche des produits de la criminalité et la récupération des actifs y
seront intégrées dès le départ, que ce soit
dans les dossiers de corruption ou les dossiers plus traditionnels de fraude,
de stupéfiants ou de contrebande. Les
procureurs de ces bureaux se retrouvent fréquemment devant les mêmes questions
juridiques et développent leur
expertise chacun de leur côté. Ils pourront désormais profiter les uns et les autres
de l'expertise de chacun.
Par ailleurs,
l'unification permettra de regrouper le personnel administratif et de soutien
ainsi que l'ensemble des techniciens en
droit. Les avantages sont évidents : mise en commun de façons de faire,
uniformisation des pratiques, meilleure répartition des tâches et mise
en commun des outils développés.
Finalement,
la révision administrative permettra d'obtenir un ratio d'encadrement semblable
à celui des autres bureaux régionaux. Il y a également des avantages
liés à l'apport des procureurs affectés à la criminalité organisée dans les régions. Les procureurs du BLACO, du BLPC
et du BLCM de Québec intégreront le bureau des procureurs de Québec et seront dorénavant sous la direction
administrative du procureur en chef de Québec. Ils continueront, pour la
plupart, à traiter des dossiers de
criminalité organisée. Les procureurs du BLACO localisés en région seront
désormais sous la responsabilité administrative des procureurs en chef des
bureaux régionaux de leurs régions et continueront de traiter des dossiers de criminalité organisée. D'autres procureurs
déjà en place dans ces bureaux pourront s'associer à ces procureurs
expérimentés dans la conduite de ce type de dossier. Cette façon de faire
assurera à la fois le bénéfice d'un nombre accru de procureurs disponibles pour
mener à bien les poursuites et le transfert utile et dynamique de l'expérience et des connaissances à des procureurs
moins expérimentés en ce domaine. Cette façon de faire permet aussi de
mieux s'adapter à la baisse ou à la hausse du nombre de dossiers.
En
conclusion, les changements apportés par la restructuration allègent la
structure administrative du Directeur des
poursuites criminelles et pénales tout en ayant l'avantage de préserver sa
capacité à accomplir pleinement sa mission. D'autre part, tous les
mandats autrefois dévolus au bref BRPI et BAE — les trois premiers bureaux
dont je vous parlais — vont se poursuivre mais dorénavant assumés
par d'autres bureaux situés au siège social à Québec, ce qui a aussi
l'avantage de maintenir le personnel au même endroit.
D'autre
part, il était urgent d'améliorer la réponse du Directeur des poursuites
criminelles et pénales au traitement de
la criminalité organisée présente en 2015. La nouvelle équipe multidisciplinaire
et très expérimentée sera préparée à répondre
efficacement à toutes les situations juridiques qui pourraient se présenter, et
il m'apparaît que les avantages d'unir les
efforts dans la poursuite d'un but commun ne sont plus à démontrer. De plus, l'arrivée
des procureurs expérimentés dans les
bureaux régionaux pour traiter les dossiers de criminalité organisée ne peut
qu'apporter des bénéfices. Ces procureurs pourront désormais partager
leur expertise avec des collègues plus jeunes et, si la situation le permet,
apporter leur soutien dans d'autres
procédures plus complexes. Le DPCP ne se désengage pas de la lutte à la
criminalité organisée. Il offre plutôt une réponse adaptée et moderne
afin justement d'être plus efficient et plus efficace dans cette lutte
permanente à la criminalité organisée.
Sur
un autre plan, pour éviter que mes paroles puissent nuire aux dossiers
actuellement devant les tribunaux et par respect pour l'autorité de ceux-ci, je ne ferai aucun commentaire s'y
rapportant. De la même manière, je n'aborderai aucun dossier sous étude
ou pour lequel les enquêtes sont encore en cours, et cela afin de les
préserver. Par ailleurs, en tout respect, vous comprendrez que je ne
commenterai aucun dossier qui fait les manchettes.
En
terminant, M. le Président, si vous le permettez, j'aimerais déposer un tableau
illustrant la restructuration en matière de criminalité organisée ainsi
que l'organigramme avant la restructuration et l'organigramme projeté après la
restructuration.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Murphy. C'était probablement une de mes
questions, parce que, dans votre
rapport annuel de gestion, il y avait un organigramme, et, avec ce que vous
venez de nous décrire, j'ai l'impression que ça pourra nous aider. Si
vous n'avez pas...
Une voix :
...
Le Président (M.
Ouellette) : Oui. Elle va le déposer.
Mme Labossière
(Lisa) : On a même des copies, si vous le souhaitez, là.
Documents déposés
Le Président (M. Ouellette) : O.K. Bon, on va le déposer via le secrétariat de
la commission et on va le remettre à chacun des membres.
L'autre élément, Me
Murphy, je vois que, votre présentation, vous allez la faire suivre au
secrétariat de la commission pour nous permettre, lorsqu'on va être en séance
de travail pour rendre compte à l'Assemblée nationale, d'avoir... si vous
n'avez pas d'objection, là...
Mme Murphy
(Annick) : Je n'ai aucune objection, ça va me faire plaisir de vous
transmettre mon texte, oui.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
On va faire la distribution des organigrammes.
Discussion générale
M. le député de Jean-Talon, pour la première
ronde de questions.
M. Proulx
: Merci, M. le Président. Me
Murphy, Me Labossière, Me Dalmau, M. Germain, d'abord, merci d'être ici
aujourd'hui. C'est une opportunité pour les parlementaires de vous recevoir et
d'avoir l'occasion de discuter de la réorganisation
que vous avez proposée, qui est mise en place dans un contexte qui, vous vous
en doutez, est effervescent. Il y a de la nouvelle, il y a toutes sortes
de choses.
Alors j'ai
bien, d'abord, entendu votre mise en garde et j'entends m'y conformer, bien
évidemment. Mais c'est intéressant et pertinent, je pense, d'avoir
l'occasion de discuter avec vous et d'échanger sur cette restructuration et sur comment le DPCP entend faire face à la
criminalité, la criminalité organisée, la nouvelle criminalité. Vous en
avez parlé dans votre présentation, il semble que les choses évoluent, même
dans ce domaine-là.
J'aimerais,
moi, si vous me permettez, avant qu'on aille dans des questions un peu plus
pointues, revenir un peu en arrière
pour comprendre la raison pour laquelle vous avez mis en place cette
restructuration, réorganisation. Vous avez dit dans votre présentation
que, dès le moment où vous avez manifesté de l'intérêt pour le poste de
directrice, vous avez déjà annoncé vos couleurs. Vous avez dit : Moi,
je souhaite réorganiser, je pense que c'est nécessaire, je pense
que ce sera plus efficace. Alors,
pouvez-vous nous expliquer un peu d'où ça vient, cette idée-là de la
réorganisation, et qu'est-ce que vous aviez constaté à l'époque, et,
dans le fond, et de façon un peu plus complète, là, qu'est-ce qui va ressortir
dans les grands ensembles de cette réorganisation-là? Et par la suite on pourra
aller plus spécifiquement sur les enjeux.
• (15 h 20) •
Mme Murphy
(Annick) : Oui, merci,
merci. Écoutez, ce que j'avais constaté... Bien, en fait, je pense
que j'ai dit d'entrée de jeu que les trois bureaux de criminalité organisée au
Directeur des poursuites criminelles
et pénales traitaient de... d'abord ont été créés à des moments
différents, le BLACO... c'est-à-dire le Bureau de lutte aux produits de la
criminalité a été créé en 1996, le BLACO en 1980 et le Bureau de lutte à la
corruption et malversation...
Une voix : ...
Mme Murphy
(Annick) : 2000, pardon, et
le BLCM assez récemment, en 2011, pour traiter, bon, des crimes différents, mais c'est trois bureaux qui traitent
de criminalité organisée. Dans ces trois bureaux, les procureurs
spécialisés développent... il y a beaucoup
de choses. Les procureurs vont développer des expertises en silo. On va
développer des spécialistes, par exemple, en matière d'écoute électronique au BLACO, des spécialistes en matière d'écoute électronique au BLCM,
des spécialistes en matière d'écoute électronique au BLPC, et ces trois
bureaux, donc, travaillent en silo.
L'avantage de
réunir toutes ces personnes-là dans un même lieu physique, c'est la possibilité
que ces gens-là non seulement puissent échanger leur expertise, mais puissent à
certains moments utiliser l'expertise de certaines personnes alors qu'ils sont consacrés à l'étude, par exemple, d'un dossier. Alors, un procureur, par exemple, qui s'occupe d'un
dossier de corruption, qui est dans son analyse... qui est dans l'analyse de
son dossier, bien, pourrait bénéficier, par exemple, de l'expertise d'un autre procureur, qui pourrait, lui, plaider les
requêtes accessoires, par exemple. Donc, le fait de réunir les gens nous
permet d'avoir une meilleure gestion, si on veut.
Plusieurs
difficultés dans la distribution des dossiers se présentent. Les bureaux, ils
ont entre 20 et 30 procureurs, par exemple. Lorsque les policiers
présentent un dossier d'envergure au bureau, par exemple, de la corruption ou
au BLACO, le procureur en chef va désigner un procureur, ou deux procureurs, ou
trois procureurs pour se saisir de ce dossier-là.
Il va faire la même chose à chaque fois qu'un dossier va être présenté par les
policiers, il va remettre le dossier pour
étude ou pour analyse à d'autres procureurs. Il va faire très rapidement
le tour de son bureau, et chaque procureur aura, par exemple, plusieurs
dossiers importants à étudier.
Va survenir
et est survenu... J'ai eu à gérer des situations comme celles-là, où les policiers présentent un
dossier, et il n'y a plus de disponibilité
de procureurs dans... par exemple, prenons le BLACO pour les fins de la discussion.
Alors, évidemment, la solution, qui
était toujours la solution qui était présentée, c'était de
mettre des ressources supplémentaires de
procureurs pour étudier ces dossiers-là. Or, il existe plusieurs autres façons
de gérer, si on veut, la distribution de ces dossiers-là. On est allés voir un
petit peu ailleurs,
là, sans rentrer dans les détails ou en parler trop longtemps.
En Angleterre, par exemple, on a fait face, puis dans d'autres pays
occidentaux aussi, aux mêmes situations, aux mêmes problématiques organisationnelles et on a trouvé des façons de
traiter les dossiers qui permettent plusieurs avantages. Je vais peut-être vous en parler, là, si ça, ça
vous intéresse, mais... Moi, j'appelle ça, là, l'espèce de gestion... — mes
collègues vont rire un peu — la
gestion en trou de beigne, là, c'est que l'idée est de mettre des procureurs
extrêmement expérimentés, qui ont énormément
d'expérience, qui ont fait beaucoup de cours, au conseil en enquête, au rapport avec
les policiers en enquête, donc mettre
cinq, six, selon la grosseur du bureau, selon la grosseur... la nécessité,
mettre nos procureurs expérimentés en lien, par exemple, avec les
policiers et en lien... en conseil en enquête. Et, pendant que ces gens-là font
ça, pendant que ces procureurs-là sont occupés à faire ça, bien, il serait
possible pour tous les autres procureurs de s'occuper des dossiers, de se présenter à la cour, par exemple. Et on peut faire ça pendant un certain temps. Alors donc, en
conclusion, bien, on met un certain nombre
de procureurs au bureau, et ces procureurs-là, en général... c'est-à-dire peuvent maintenant répondre à l'arrivée des dossiers policiers
sans requérir à chaque fois un ajout de ressources.
Alors, beaucoup d'autres... Bon. Dans mon texte,
j'ai abordé plusieurs autres avantages, l'uniformisation des pratiques, par exemple. Avec trois
bureaux, l'uniformisation des pratiques... bon, les trois... Je donnerais
l'exemple, sans entrer dans les
détails, mais, lorsque les procureurs... Je prendrais une requête Lavallée,
toutes les questions de perquisition dans les bureaux d'avocat, etc., les procureurs développent une
expertise et répondent d'une certaine manière. Si, dans les trois bureaux, on
développe des expertises différentes, on ne présente pas à la cour une manière
uniforme de répondre à ces requêtes-là.
Il y a également,
là, le partage des techniciens en droit. Chaque bureau a quelques
techniciens en droit. Réunir les techniciens en droit ensemble
permettra, évidemment, non seulement d'uniformiser les pratiques, mais de
permettre à l'ensemble des procureurs de bénéficier également de l'expertise de
ces techniciens-là.
Il y a beaucoup d'autres avantages. Ce bureau-là
est un bureau extrêmement expérimenté, pourra... aura un mandat de formation, aura un mandat de support au
réseau. Et nous avons décidé de mettre toutes ces personnes-là dans un même
lieu physique. Donc, l'avantage d'avoir toutes ces personnes-là dans un même
lieu physique, c'est l'échange d'information, la fluidité, la réponse à la
criminalité différente qui peut se présenter à travers les années.
D'ailleurs,
ça me permet de vous dire que, si, les dossiers que les policiers nous
présentent, traditionnellement on avait
des dossiers de stupéfiants en matière... on a nos dossiers de corruption, tous
les nouveaux dossiers de criminalité organisée
pourront maintenant être traités dans ce bureau-là, parce que ce bureau-là va
pouvoir développer des expertises et s'adapter
à la criminalité, qui peut changer avec les années. En 2015, la criminalité qui
nous est présentée... Par exemple, je donnerais l'exemple de
l'exploitation sexuelle en matière de criminalité organisée. On a de plus en
plus des dossiers d'exploitation sexuelle,
ce que nous n'avions pas il y a quelques années. Ce bureau-là, au nombre de
procureurs présents sur place, pourra recevoir ces dossiers-là et les
traiter.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Jean-Talon.
M. Proulx
: Oui. Merci, Me Murphy. Et ça,
vous en avez, je pense, glissé un mot dans la présentation, mais
quel impact aura cette réorganisation-là sur
le traitement des dossiers, sur les délais? Parce que, et, je pense,
vous l'avez dit d'entrée de jeu dans votre présentation, il y a
des choses fausses, comme vous le dites, qui ont été dites, mais il y a aussi des perceptions dans l'espace public, alors... Et une des perceptions
qu'on peut entendre, c'est de dire : Bien, les délais sont longs. Puis je ne suis pas dans l'optique du
policier qui attend ou qui a des attentes à l'égard de ça, mais je parle
dans l'ensemble, là, tu sais, des gens vont dire : C'est
souvent long. Puis ça peut être la justice en général, j'ai pratiqué le
droit civil un peu, alors je sais de quoi je
parle dans ce domaine-là. Mais dites-nous un peu en matière de... sur votre
réorganisation, comment ça influence, par
exemple, le traitement. On aura, au
cours de la présentation, plusieurs
questions par rapport à votre réorganisation, mais donnez-moi un exemple
concret par rapport à ça.
• (15 h 30) •
Mme Murphy (Annick) : Bien, ça aura
un impact... Je pense que le bureau unifié aura un avantage sur le traitement. Premièrement, il faut dire que
tous les dossiers qui sont actuellement en cours et qui sont actuellement entre les mains des procureurs qui font de la criminalité
organisée, ils vont continuer. Il n'y
a pas... il n'y a aucun changement. Tous les
procureurs sont à pied d'oeuvre actuellement.
M. Proulx : Il n'y a pas de période
d'attente.
Mme Murphy
(Annick) : Il n'y a pas de période d'attente. Tous les procureurs sont
actuellement occupés à leurs dossiers. Il n'y a absolument aucune
période d'attente, là. Donc, il n'y a pas de changement là.
Mais ce que
je voulais vous dire, c'est qu'en termes de délai puis en termes de traitement
des dossiers j'y vois un avantage. On
sera à même de l'évaluer. D'ailleurs, je n'en ai peut-être pas parlé tantôt
dans ma présentation, mais on a donné
un mandat pour faire évaluer le programme puis on pourra, dans la première
année, là, d'exercice de ce bureau-là, dans
la première année, évaluer la situation, mais moi, je soupçonne que le
traitement sera accéléré, parce que les équipes vont pouvoir être des équipes beaucoup plus costaudes, beaucoup plus...
pas nécessairement en nombre de procureurs mais, oui, parfois en nombre
de procureurs, parce qu'on va pouvoir associer des spécialistes. Tantôt, je
vous donnais l'exemple des requêtes
Lavallée. Bien, les procureurs du Bureau de lutte au crime organisé sont
extrêmement habitués à faire ce genre
de requête là. Et de les associer à des procureurs, par exemple, qui font un
dossier de corruption, bien, va permettre, comme je le disais tantôt, au
procureur qui fait le dossier de corruption de se consacrer à son dossier et va
laisser les requêtes accessoires ou intérimaires se faire par les autres
procureurs.
Donc, il y
aura certainement possibilité d'accélérer le traitement des dossiers. Parce
qu'actuellement, il faut le dire, quand
les procureurs sont... quand on leur attribue un dossier au stade
préjudiciaire, ils doivent plaider certaines requêtes, comme je le
disais tantôt, requêtes médias, requêtes Lavallée, etc., et quand... ils
devaient donc quitter leurs analyses pour aller plaider ces requêtes-là. Alors
qu'on pense que réunir... Donc, moi, je fais l'hypothèse que le traitement des
dossiers va donc se faire plus rapidement dans une équipe unie comme celle...
réunie comme celle-là qu'avoir les trois équipes morcelées dans l'organisation.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Jean-Talon.
M. Proulx : ...
Le Président
(M. Ouellette) : Merci, Me
Murphy. On va maintenant aller du côté de l'opposition officielle avec
maître... avec, oui, Me Hivon mais, excusez, Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Me Murphy.
Bonjour à toute votre équipe. Très heureuse d'avoir la chance de vous entendre aujourd'hui. C'est quand même une
première formellement d'avoir une telle initiative, à l'exception, bien sûr, de quand on peut vous
entendre lors de l'étude des crédits. Donc, pour nous, c'est vraiment
une opportunité importante.
C'est certain que je
pense aussi que ça tombe à point nommé. J'ai bien entendu ce que vous nous avez
dit par rapport à l'intérêt public, aux
manchettes, et tout ça, mais je pense aussi que le Directeur des poursuites
criminelles et pénales ne vit pas en
vase clos non plus. Il exerce une très grande responsabilité. Et c'est
justement aujourd'hui l'occasion de pouvoir répondre aux questions qui
se posent et de donner toute l'information qui est précisément susceptible de maintenir ce lien de confiance là entre la
population et votre institution. Parce que, bien sûr, bien que la ministre
demeure l'ultime responsable en matière de justice criminelle, c'est quelque
chose que je rappelle quand même souvent, parce qu'il y a encore un procureur général en matière criminelle au Québec,
vous êtes le poursuivant public qui doit exercer son travail en toute impartialité, neutralité et en toute indépendance,
mais aussi avec l'imputabilité qu'une telle responsabilité commande.
Donc, pour nous,
comme je vous dis aujourd'hui, c'est important, d'autant plus que, souvent,
voyez-vous, on est... Il y a une grande
frustration, parce que, souvent, on questionne la ministre, et la ministre ne
peut pas répondre, ne veut pas répondre, compte tenu du rôle du
Directeur des poursuites criminelles et pénales. Donc, c'est encore plus
important pour nous de pouvoir vous poser ces questions-là. Alors, merci
beaucoup d'être ici.
Je
vais revenir, là, sur certains des aspects de la réorganisation qui viennent
d'être abordés par mes collègues, mais d'abord
j'aimerais aborder plus spécifiquement le Bureau de lutte à la corruption et à
la malversation, qui fait partie
de la fusion, donc, qui va avoir cours, de ces trois entités-là, et qui, comme
on le sait, travaille en très étroite collaboration avec l'UPAC. Cette relation-là fait l'objet, vous le savez beaucoup
mieux que moi, de beaucoup, beaucoup d'intérêt.
Mais je pense que ce n'est pas parce que ça
fait l'objet de beaucoup d'intérêt, y compris d'intérêt médiatique, que ça
devrait faire en sorte qu'on ne
puisse pas aborder ces sujets-là, au contraire. J'ai entendu un peu, tantôt, ce
que vous nous avez dit, mais je pense
que, sans entrer dans le détail des analyses qui sont en cours chez vous,
compte tenu notamment d'articles qui ont paru il y a quelques semaines dans La Presse, dans LeJournal de Montréal, qui font état du fait... et ce n'est pas la
première fois qu'on entend ça, là, mais qui font état du fait que des gens à
l'UPAC disent avoir remis des dossiers et que ces dossiers-là sont en analyse depuis le début de l'année 2015. Est-ce
que vous êtes simplement capable de nous dire une idée du moment auquel
on peut s'attendre à des conclusions de la part du DPCP?
Mme Murphy
(Annick) : Écoutez...
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy.
Mme
Murphy (Annick) : Oui.
Excusez-moi. Écoutez, moi, je ne peux pas infirmer ou confirmer la
nature des dossiers qui sont chez
nous. Vous avez parlé du Bureau de
lutte à la corruption et à la malversation, je peux vous expliquer
comment les procureurs travaillent et quel temps, quelle énergie les procureurs
doivent mettre dans un dossier. Je pense
qu'il est peut-être important qu'on explique ça de façon générale. Puis je suis
contente d'avoir l'occasion de le faire, d'expliquer comment un dossier d'envergure est traité par un procureur,
et ça va donner... ça va vous donner probablement beaucoup de réponses,
ça va donner beaucoup de réponses à votre question.
Alors... Oui?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
...ça va m'intéresser, là, mais je veux juste comprendre pourquoi le Directeur
des poursuites criminelles et pénales ne peut pas donner un horizon temporel.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : C'est pour ça que je veux vous l'expliquer, pourquoi...
Mme
Hivon : Parce que vous devez quand même le savoir. À la
lumière de votre expérience, si on vous dit : Tels types d'enquêtes
de l'UPAC sont rendus chez vous, pourquoi ce n'est pas possible de venir
dire : Voici, oui, c'est en cours,
c'est vrai que ces dossiers-là sont chez nous — ça, je pense qu'il n'y a pas de problème à
le reconnaître — et
voici le temps que l'on peut estimer?
Mme Murphy
(Annick) : Bien, en fait, il n'y a pas de problème à le reconnaître.
Peut-être...
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy.
Mme
Murphy (Annick) : Excusez-moi. Ce que vous mentionnez n'a jamais
été... ça a été mentionné dans les journaux,
puis ce n'est pas une chose qu'on confirme, là. Je ne confirme pas... ou je
n'infirme pas ce qui est mentionné dans les journaux. Je ne pense pas que M. Lafrenière, en tout cas, est venu
confirmer la nature des dossiers qu'il nous transmet. Mais ce n'est pas un secret que nous avons des
dossiers qui proviennent de l'UPAC et que nous traitons dans notre
bureau de corruption, malversation.
Je
voudrais prendre le temps d'expliquer, puis ça va vous expliquer pourquoi je ne
peux pas avoir, d'abord, une... je ne pourrais pas prévoir le temps que
le procureur va prendre pour étudier le dossier. Je vais vous donner un peu
d'information, puis ça va vous permettre... puis on pourra ensuite en parler
peut-être plus spécifiquement.
Chaque
dossier que nous recevons, par exemple, de l'UPAC débute par une présentation
policière qui est faite au gestionnaire,
le procureur en chef, puis, du point de vue du procureur en chef, cette
rencontre-là va servir évidemment à déterminer
c'est qui... qui devrait être le meilleur procureur pour recevoir le dossier,
quels sont les besoins, quel genre d'équipe le procureur-chef devrait-il
mettre entourant le procureur qui sera responsable du dossier.
• (15 h 40) •
À cette étape-là, le procureur, il n'est pas dégagé
complètement, il a beaucoup d'autres choses à faire. À cette étape-là, le procureur va faire ce qu'on appelle
du conseil en enquête. Je rappelle, là, l'article 20 de notre loi, qui
nous dit qu'on peut conseiller les agents de
la paix et les personnes responsables de l'application des lois sur tous les
aspects de l'enquête puis de la poursuite. Puis on peut demander
évidemment aux policiers des compléments d'enquête dans le but éventuellement, bon, de corroborer certains
éléments. Le procureur va demander aux policiers, dans cette étape-là, beaucoup de choses, des précis, des faits, des
tableaux de preuve, va leur demander de créer des index, va leur
demander toutes sortes d'analyses. C'est également à cette phase-là que le
procureur va prendre en charge différentes requêtes préliminaires, comme je vous faisais mention tantôt. Alors, les requêtes
préliminaires médias, les requêtes Lavallée, bon, des services
certiorari, les requêtes, là, en contestation de perquisition, c'est à cette
étape-là que ça se fait.
Il faut rappeler que les procureurs ne font pas
partie de l'enquête des policiers, puis les policiers ne font pas partie de l'enquête... c'est-à-dire de l'équipe de
procureurs. Chacun a son rôle, chacun a son carré de sable. Le procureur
n'est pas l'avocat des policiers. Et les
procureurs, bien, ils ne suivent pas... Il y a des gens, parfois, qui pensent
que les procureurs, à cette étape-là
en conseil d'enquête, vont suivre les policiers dans leurs enquêtes. Ce n'est
pas le cas, là. Ce n'est pas comme ça que ça se passe.
Une fois
l'enquête complétée pour les policiers, ceux-ci, bien, ils vont soumettre le
dossier au procureur, puis ils soumettent une demande d'intenter des
procédures au procureur. Puis là c'est à cette phase-là évidemment que les procureurs vont demander des compléments d'enquête
puis c'est là qu'on va rajouter des techniciens en droit et d'autres
procureurs pour venir prêter main-forte au procureur qui étudie le dossier, et
ça, c'est nécessaire à cause du volume de la preuve qui est déposée au
procureur. Puis j'arrive peut-être un peu plus à votre question.
Alors,
lorsque le dossier est déposé, lorsque la demande d'intenter des procédures est
déposée, c'est là que l'analyse de la preuve se fait, puis c'est à cette
étape-là que le procureur va évaluer la suffisance des motifs pour porter les accusations, et c'est à cette étape-là que le
procureur... Puis je pense qu'il est important de dire que la norme
policière lorsque... la norme policière pour
procéder aux arrestations, c'est d'avoir des motifs raisonnables et probables
de croire. La norme que les procureurs doivent plutôt avoir, c'est de
s'assurer qu'ils sont raisonnablement convaincus de pouvoir faire la preuve hors de tout doute raisonnable, et
ils doivent estimer qu'il est d'ailleurs dans l'intérêt public de porter
des accusations. Et là, à cette étape-là,
c'est souvent là qu'il y a entre les policiers et les procureurs des
dissensions sur... parce que la norme
n'est pas la même. Les policiers ont travaillé pendant des mois et des mois,
ont recueilli de l'information pendant
des mois et des mois, et ils sont heureux de déposer le dossier sur le bureau
d'un procureur. Je les comprends, mais il faut aussi comprendre que la
norme que les procureurs ont à appliquer n'est pas la même.
La preuve volumineuse est contenue sur des
disques durs, puis le volume d'un disque dur peut atteindre 200 gigaoctets. Cette preuve documentaire, ça
peut représenter des dizaines de milliers de pages qui sont le résultat
de plus d'une centaine de perquisitions ou d'autres ordonnances judiciaires,
des déclarations prises par écrit, des vidéos de plusieurs centaines de
témoins, des centaines ou des milliers de conversations interceptées, des
surveillances vidéo, des filatures, sans compter les rapports de
juriscomptables. En matière, par exemple, de corruption, on a des rapports de
juriscomptables.
Mme
Hivon : Si vous permettez, Me Murphy, je comprends. Je veux juste... je vais vous permettre de... mais je veux juste recentrer un peu les choses, dans le
sens que, premièrement, avant... Là, vous expliquez bien, je pense qu'on peut comprendre, on pourra y revenir. Vous dites : Je ne peux pas confirmer,
je ne peux rien confirmer. Les articles de journaux, c'est une chose. Moi, je ne pensais pas... Ce n'est pas banal, dans le
contexte général actuel, là, ce n'est
pas banal. Mais le commissaire
Lafrenière, quand il a fait son bilan à la fin de l'année 2014, lui-même,
là, on ne parle pas de source autre ou inconnue,
lui-même a dit : L'année 2015 va être une très grosse année, parce
qu'on a finalisé des enquêtes, notamment Joug et Lierre. C'est précis,
ça.
Donc, ça,
c'est transféré. Puis là il n'y a pas de nouvelles de ça. O.K., là, je
comprends, vous m'expliquez le principe théorique. Moi, ce que je trouve
difficile à comprendre, c'est pourquoi le DPCP, l'institution, que ce soit vous ou un porte-parole, ne peut pas dire :
Oui, effectivement, on a reçu. C'est comme si les policiers, l'UPAC a le
droit de dire : On a transféré des
dossiers, mais, de l'autre côté, l'UPAC, elle... pas l'UPAC, mais le DPCP ne
peut pas dire : Nous, on a reçu,
nous, on travaille là-dessus, voici un horizon. Puis il y a comme un deux
poids, deux mesures, dans le sens que ça arrive qu'il y a des
porte-parole chez vous qui le disent que, oui, on a l'enquête, on est saisis
d'une enquête, oui, on s'attend à tel délai.
Mme Murphy (Annick) : ...excusez-moi
de vous interrompre.
Mme
Hivon :
Oui, oui. Je veux juste dire... J'ai une déclaration de René Verret dans le
dossier Guy Blouin, le cycliste qui avait été happé. Il a dit :
Oui, le dossier est chez nous. On s'attend à une analyse de deux à trois mois.
Je comprends
votre indépendance, je comprends l'importance de garder une distance, je
comprends tout ça, mais je m'explique mal pourquoi il n'y a pas de
l'information qui peut être communiquée par rapport à ça.
Mme Murphy (Annick) : Parce que,
dans certains...
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, excusez-moi. Dans certains cas... Vous savez, au
départ, il y a des dossiers qui ont une telle volumétrie que de
dire : La décision sera prise dans huit mois, ça crée des attentes qui ne
sont pas réalistes. Beaucoup de choses
peuvent survenir dans l'analyse d'un dossier, beaucoup... Par exemple, un
complément d'enquête, dans le
processus, peut retarder l'analyse d'un dossier. Une enquête policière, là,
n'est pas nécessairement terminée même au dépôt des accusations. Lorsque l'enquête policière n'est pas terminée
parce que le procureur aurait demandé un complément d'enquête, bien, ce n'est pas de l'information
qu'on donne. Et nous, on sait que cette information-là, bien, va faire en
sorte que l'étude du dossier va prendre plus
de temps, nécessairement. Beaucoup de choses peuvent survenir dans
l'analyse du dossier, là, beaucoup
d'éléments peuvent survenir. Beaucoup d'informations supplémentaires peuvent
survenir pour le procureur qui... et
ça va avoir un impact sur son analyse. De commencer à dire que le procureur
devra rendre une décision à ce moment-là, bien, c'est aussi de lui faire
une pression indue. Ce n'est pas une chose qu'on fait.
Avec tout
respect, peut-être, pour les autres commentaires de mes collègues qui auraient
pu dire dans combien de temps le dossier... bien, ça dépend de
l'envergure d'un dossier. Vous savez, on autorise environ, bon an, mal an, 115 000 dossiers, au Directeur des
poursuites criminelles et pénales. Donc, le Directeur des poursuites
criminelles et pénales travaille
fort, travaille bien et produit en termes de volume. Mais, quand vous me parlez
d'un dossier qui, par exemple, est une
infraction simple, une voie de fait simple qui est survenue, si vous me
demandez pendant... dans combien de temps est-ce que le dossier sera en
état, c'est beaucoup plus simple de répondre qu'un dossier dans lequel il y a
ce genre de volumétrie de preuves.
Mme
Hivon : Je
comprends...
Mme Murphy (Annick) : Puis les
procureurs doivent...
Mme
Hivon : Ça va,
terminez.
Mme Murphy
(Annick) : Je veux dire une chose. Ce que nous vivons beaucoup
présentement qui est extrêmement
difficile à vivre pour les procureurs, c'est justement cette pression qui est
vécue. Les procureurs lisent les journaux comme les autres et entendent
ça aussi, comme le reste de la population, et ces procureurs-là qui sont à pied
d'oeuvre dans les dossiers, que ce soit au
BLACO ou à la corruption, vivent cette pression-là, et ce n'est pas une
pression appropriée. Les procureurs doivent étudier le dossier sereinement. Ce
que moi, je peux vous dire aujourd'hui, c'est qu'il
n'y a pas de perte de temps. Les procureurs... Je ne veux pas commenter les
articles de journaux que j'ai vus, mais les procureurs ne dorment pas sur les dossiers, les procureurs ne mettent
pas leurs dossiers de côté, les procureurs travaillent tous les jours.
Ce sont des personnes intègres, dévouées, responsables et professionnelles.
Mme
Hivon : Je n'en
doute...
Le
Président (M. Ouellette) : Je
vous rappelle, Mme la députée de Joliette, qu'on doit parler du plan de
restructuration aussi.
• (15 h 50) •
Mme
Hivon :
Tout à fait, mais il y a un lien. Non, mais c'est vrai qu'il y a un lien, dans
le sens qu'on parle de délais
importants allégués, avérés, tout ça, puis là on parle qu'on va fusionner le
tout, puis je veux arriver à ça, sur un peu l'impact, la synergie
UPAC-Bureau de lutte à la corruption et à la malversation, si ce bureau-là est
fusionné avec deux autres bureaux.
Mais, juste
avant, je veux juste vous dire une chose, une préoccupation que j'ai, c'est
que, du côté de l'UPAC, le commissaire Lafrenière dit des choses, dit
qu'il a transféré des enquêtes qui concernent le financement politique, les municipalités, des contrats publics. Donc, il fait
son bilan, il dit ça. Il parle, par exemple, spécifiquement : Enquête
Joug, enquête Lierre. Là, on sait que c'est transféré.
Là, moi, je
vous demande juste de nous dire : O.K., est-ce qu'on peut avoir un
horizon? Là, vous dites non, vous ne voulez
pas donner d'horizon. Ça va, j'ai compris. Est-ce que vous pouvez nous
dire : Oui, ces dossiers-là, ils sont chez nous, il y a un travail assidu qui se fait, il y en a
tant, de dossiers de l'UPAC, qui sont chez nous? Pour moi, c'est de nature,
ça, à rassurer la confiance du public.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Tous les dossiers dont M. Lafrenière a parlé, là, il n'en a
pas inventé. Tous les dossiers dont
M. Lafrenière a parlé existent. Nous avons une équipe, un bureau qui s'appelle
la corruption, malversation, pour le moment,
qui va devenir autre chose, avec... bon, dans peu de temps. Et tout le monde
est à pied d'oeuvre dans les dossiers qui nous sont transférés par les
policiers. Et il y aura une conclusion à cette étude-là.
Je pense qu'il faut être patient. Je comprends
que les citoyens veulent avoir des réponses. Je le comprends. Comme citoyenne,
j'ai exactement le même désir, j'ai exactement le même désir. Mais les
procureurs...
Et, vous
savez, moi, je veux revenir à la restructuration, parce qu'il y a un bout de
réponse dans la restructuration. Parce
que, comme... C'est exactement l'exemple que je donnais tantôt. Les procureurs
qui sont affectés aux dossiers de corruption,
comme aux autres, sont chargés de dossiers importants et doivent tout faire
dans les dossiers. Je vous parlais de requêtes, tantôt, qui pourraient être, par
exemple, prises en charge par d'autres et qui permettraient à ces
procureurs-là de se consacrer à l'étude des dossiers sans en sortir pour aller
en requête en certiorari, aller défendre des perquisitions.
Mme
Hivon :
Mais justement j'ai une question très précise par rapport à ça. Moi, j'ai
toujours compris que la beauté de
l'UPAC, c'était de travailler très étroitement avec des procureurs spécialisés,
précisément le Bureau de lutte à la corruption
et à la malversation, créé en 2011. Donc, ça, c'est une question, je vais y
revenir tantôt, pourquoi, en 2011, on a créé un bureau si, là, quelques
années après, on dit : Tout ça peut aller ensemble?
Moi, ma
question, justement, par rapport aux délais, c'est que toute cette idée-là,
c'était de dire : On va créer une synergie. Puis, quand on va sur
le site de l'UPAC, là, il y a deux flèches qui vont dans les deux sens, entre
UPAC, DPCP, pour le bureau de lutte. Et là
on va créer une synergie comme ça, les procureurs vont être associés, vont
pouvoir être conseils, et ça va grandement
faciliter, après, le traitement et la longueur du traitement des dossiers. Puis
là c'est comme si, aujourd'hui, on me dit que ça n'a pas vraiment
d'intérêt ou d'impact, ce travail très, très étroit.
Mme Murphy (Annick) : Pas du tout. Non.
Si vous me permettez...
Le Président (M. Ouellette) : Une
courte réponse, Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, excusez-moi. Ce n'est pas du tout ce que je dis. Le
travail entre l'UPAC et les procureurs
affectés aux dossiers de corruption va continuer, va continuer comme avant. Le
bureau sera maintenant un bureau plus
costaud, plus gros, qui va donner la possibilité d'offrir d'autres services, si
on veut, en support. D'ailleurs, M. Lafrenière, si je ne m'abuse, a
reconnu ça lorsqu'il est venu témoigner ici, a reconnu qu'il ne disait pas non.
Je pense que sa phrase, c'est : Je ne
dis pas non à une expertise accrue. Mais c'est exactement ce qui va se passer.
Et, à travers les années, de toute façon, les procureurs viennent et
partent, là, dans les bureaux, là.
Alors, oui,
l'idée principale, c'est de recevoir les dossiers et d'y mettre les procureurs
dont on a besoin et d'y mettre le
nombre de procureurs dont on a besoin pour que les dossiers finissent par être
analysés. Et moi, j'estime, et c'est un pari que je prends, que le traitement des dossiers va s'améliorer en termes
de temps et en termes de qualité, je dirais, dans le sens où on pourra mettre d'autres procureurs en
support, ce qui va permettre des analyses plus concentrées, là, que le
procureur sera plus concentré dans sa tâche.
Alors, non,
ce n'est pas un changement de nos rapports avec l'UPAC. Au contraire, nous
allons offrir à l'UPAC ainsi qu'aux
autres corps policiers une meilleure réponse, une réponse avec des gens
extrêmement expérimentés, qui vont s'entraider
entre eux. On va bénéficier de l'expertise de chacun. On va avoir des gens...
On va avoir besoin d'un procureur en particulier pour aller faire une
requête en appui aux procureurs qui traitent le dossier en corruption? On
l'aura. C'est la beauté de la chose.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Me Murphy. On retourne du côté ministériel avec M. le député de Papineau.
M.
Iracà : Merci, M. le Président. Alors, écoutez, c'est à mon tour de vous souhaiter la bienvenue,
Me Murphy, et toute votre équipe, dans
votre maison, hein, la maison du peuple. Alors, laissez-moi revenir un peu sur
l'exposé que vous nous avez fait, que
j'ai trouvé très, très intéressant, en lien avec les statistiques que vous nous
avez fournies, hein? Souvent, quand on se regarde, des fois, on
dit : Bon, on n'est pas si bons que ça, mais, quand on se compare, on se
console.
Vous avez
fait des statistiques en lien avec les procureurs qui étaient
rattachés à des crimes majeurs. Vous avez dit : Ça correspondait à
5 % en Ontario. Je ne me souviens plus du pourcentage dans une autre
province, mais nous, on serait quand
même à 17,5 %. Alors, on va s'entendre qu'il y a quand même un grand
groupe de procureurs qui s'occupent des dossiers majeurs au Québec, là,
pour rassurer un peu tout le monde, rassurer la population. Ce comparatif-là,
pour moi, était frappant, là.
Mme Murphy (Annick) : Est-ce que...
Si vous me...
M. Iracà : Oui, allez-y.
Mme Murphy
(Annick) : Excusez-moi. Oui, vous parlez de causes majeures, là. En
fait, la statistique de 17,5 %, là,
des procureurs, c'est les procureurs affectés à la criminalité organisée. Au
Québec, nous avons un nombre important d'autres
procureurs affectés à des dossiers majeurs. Et je pense que ça, c'est important
de le souligner. Mégantic occupe présentement près de cinq procureurs,
parfois six, parfois sept, là. Et c'est une cause majeure. CINAR est une cause majeure, il y a deux procureurs à temps plein dans
ces dossiers-là. Et ces procureurs ne sont pas comptabilisés, là. Ce
dont on parle, c'est la criminalité
organisée. Alors, au Québec, en termes de ressources tant financières
qu'humaines pour les dossiers de causes majeures, c'est énorme. Et
j'irais jusqu'à dire qu'il m'apparaît que c'est suffisant.
M. Iracà : C'était un peu mon point,
c'était de dire...
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Papineau.
M. Iracà : M. le Président, c'était
un peu mon point, c'était de dire : C'est énorme et c'est rassurant pour
la population en même temps de dire : Écoutez, on s'occupe des dossiers au
Québec, des dossiers majeurs, des dossiers importants. On est au rendez-vous, là, surtout si
on se compare avec d'autres provinces qui ne mettent pas nécessairement
le même nombre de pourcentage.
Toujours au
niveau statistiques — je ne
sais pas si vous les avez, si vous ne les avez pas, vous me direz que
vous ne les avez pas, là — le nombre de dossiers qui sont présentés par
les policiers au DPCP dans les dernières années, est-ce que vous avez un historique de ça? Est-ce que ça s'en
va en augmentant, en diminuant? Ou vous pouvez me dire, les chiffres que j'ai, si ça se ressemble, mais les dossiers
sont différents. J'aimerais vous entendre là-dessus, si vous avez des
données...
Mme Murphy (Annick) : Vous me parlez
des dossiers en général?
M. Iracà : Les dossiers en général.
Mme Murphy (Annick) : Oui. Les
dossiers...
M.
Iracà : Est-ce que ça a
diminué avec les années, le nombre des dossiers qui sont présentés par les
policiers, de tout ordre, aux procureurs?
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy.
• (16 heures) •
Mme Murphy
(Annick) : Oui, M. le Président. Je ne les ai pas avec moi, mais vous
me posez une question... Oui, on peut dire que, depuis plusieurs années,
depuis... je dirais, sur un horizon de 10 ans, il est certain que le
nombre de dossiers présentés par les policiers a diminué. Mais je n'ai pas avec
moi cette comparaison-là.
Ce que je
peux vous dire, en termes de statistiques... Tantôt, je faisais état, là, de
plus ou moins 100 000 dossiers. Ce que je peux vous présenter en termes de statistiques, c'est que
c'est... Entre le 1er novembre 2014 et le
31 octobre 2015, nous avons reçu
119 426 demandes d'intenter des procédures. Et ça, ça inclut les
dossiers volumineux qui se présentent dans
les équipes à vocation particulière en matière de criminalité organisée. Et on
peut difficilement faire de comparaison. Dans ces trois équipes-là, le nombre de dossiers, si on veut, avec un numéro
de cour, c'est peut-être 300, là, c'est peut-être 250, 300, mais, à l'intérieur de ces dossiers-là, il y a des
centaines et des centaines de requêtes, etc. La lourdeur de ces
dossiers-là... Bon, il n'y a aucune commune comparaison, là. Mais, dans les
dossiers en général, toutes criminalités confondues, du meurtre au vol à
l'étalage, à l'introduction par effraction, aux capacités affaiblies, nous
avons reçu 119 426 demandes
d'intenter des procédures. Nous avons autorisé
86 183 dossiers, nous en avons refusé 20 710, nous en avons référé au programme de
non-judiciarisation 3 985. Donc, le total des demandes d'intenter des
procédures étudiées par les procureurs au Québec est de 110 888
dans la période que je vous ai mentionnée. Et, à la cour, il s'est ouvert 114 337 dossiers. Vous comprendrez que
le nombre est plus élevé parce qu'il y a des dossiers qui ont pu être traités
avant la date du 1er novembre 2014, là, qui ont été autorisés pendant
cette année, pour un total de 114 337 dossiers devant le tribunal.
Donc, c'est énorme, là, c'est énorme.
Le
Président (M. Ouellette) :
...M. le député de Papineau, vous faites référence à un tableau. Je suis très
avide des tableaux, est-ce que c'est un tableau qui pourrait être déposé à la commission,
Me Murphy?
Mme Murphy
(Annick) : C'est un tableau,
oui, c'est un tableau qu'on pourrait vous envoyer, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
Vous le ferez suivre au secrétariat de la commission. M. le député de Papineau.
M.
Iracà : Merci, M. le Président. Oui, je pense que ce serait intéressant juste de donner un coup
d'oeil d'ensemble, là. Vous me
dites : Sur les 10 dernières années, il y a quand même
eu une baisse, mais il y en a quand
même beaucoup, et on a quand même maintenu, là, plusieurs procureurs,
qui est essentiel.
Ce que j'ai
aimé dans ce que vous avez dit aussi, c'est que, c'est une question
à deux volets, il y a des procureurs chevronnés, qui ont participé à des dossiers majeurs, qui vont se
retrouver en région, ce qui est quand
même une bonne nouvelle pour les gens de région, hein, pour venir
assister peut-être des plus jeunes procureurs. Mais en même temps vous allez regrouper, pour les causes majeures... Le fait de regrouper tout le monde ensemble, d'abaisser les murs, j'imagine, les vases clos puis les murs, faire en sorte que la
communication soit plus fluide, ça va vous aider comment? Comment vous
voyez ça, cet aspect-là de dire : Bien, on en envoie certains en région,
chevronnés, on regroupe ensemble pour les causes majeures? Comment vous voyez
ça, vous, à moyen, long terme, l'efficacité de ça? Et, en fonction des dossiers
qui vont peut-être fluctuer, des
dossiers qui vont vous être soumis... je
comprends qu'il y a
une légère baisse, mais il y
en a quand même... vous avez mentionné des chiffres quand même importants,
quelle marge de manoeuvre, vous, ça vous donne, le fait de regrouper les
procureurs ensemble et le fait aussi d'en envoyer en région?
Mme Murphy (Annick) : Bien, en fait,
le fait de...
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, M. le Président, excusez. Le fait de regrouper... Je
pense que j'ai donné l'information, là, dans mes réponses antérieures, mais, pour
les procureurs dont on parle, qui sont en région, je pense qu'il faut...
Je dois vous expliquer qu'avant la restructuration le Bureau de lutte au crime
organisé avait des procureurs à Montréal, le nombre le plus important de procureurs était
à Montréal, mais quelques procureurs étaient déjà en
région, dans d'autres bureaux régionaux. Par exemple, deux procureurs étaient à Gatineau — je ne
veux pas me... — un
procureur à Sherbrooke, deux procureurs à Granby, un procureur à
Trois-Rivières. Est-ce que j'en oublie?
Une voix :
Ça va.
Le Président (M.
Ouellette) : Vous n'en avez pas à Chicoutimi?
Mme Murphy
(Annick) : Non, pas Chicoutimi. Bon. Et, à Québec, évidemment, on
avait une succursale du bureau de lutte à la criminalité organisée.
Quand on dit qu'on va
remettre les procureurs en région, bon, les procureurs que je viens de vous
énumérer, là, à Gatineau, etc., là, vont rester toujours dans leurs mêmes
bureaux. Ils sont déjà physiquement dans un bureau de couronne, ils sont déjà dans un bureau associé à un palais de justice.
Alors, ils dépendaient du gestionnaire du bureau de lutte à la
criminalité organisée.
Aujourd'hui, par cette restructuration, ce qu'on fait, c'est que les procureurs
restent toujours assis sur leurs chaises, mais ils vont maintenant être sous le
gestionnaire du bureau régional, donc sous le gestionnaire à Gatineau... bon,
leurs gestionnaires respectifs dans leurs régions, mais ils vont continuer de
faire des dossiers de criminalité organisée.
L'avantage
de ça sera que les procureurs qui sont dans le bureau régional vont pouvoir
s'associer, par moment, si nécessaire, avec ce procureur-là dans les dossiers de
criminalité organisée. On estime, nous, qu'il y aura, à ce moment-là, un transfert d'expertise possible. On estime qu'il y aura beaucoup plus de
dynamisme. D'ailleurs, c'était une demande des procureurs-chefs. Les
procureurs-chefs régionaux... des régions ont toujours trouvé que le fait de
créer des bureaux spécialisés faisait en
sorte que leurs procureurs d'expérience quittaient leurs régions... quand je
dis «quittaient», là, ce n'est pas nécessairement physique, là, mais quittaient
leurs bureaux pour appartenir à un bureau spécialisé, et qu'il y avait maintenant une espèce de cloison entre les deux
qui ne permettait plus vraiment le transfert fluide de l'information ou de
l'expertise. Alors, aujourd'hui, moi,
j'estime que cette situation-là va changer par ça. Alors, il y a donc ce
transfert-là possible.
J'ajouterais
qu'en région il n'y a pas toujours des dossiers de criminalité organisée. On a
parfois un dossier qui va nous
occuper pendant des mois. Mais parfois il n'y en a pas, de dossier. Ce qui
arrivait, un des ennuis que nous avions, c'est que, le procureur qui était au bureau de lutte à la criminalité
organisée dans une région, qui n'avait pas de dossier, bien là, le
procureur-chef de Montréal utilisait ce procureur-là, avec raison, pour aller
faire un autre dossier. Alors, ce procureur-là
quittait sa région physiquement et allait faire un dossier dans une autre
région, avec tous les coûts que ça peut comporter. Ce que nous pensons aujourd'hui, c'est que le procureur, qui
reste toujours un expert et qui restera toujours un procureur qui fera la criminalité dans sa région,
pourra aussi donner un coup de main pour les dossiers les plus
complexes, par exemple, dans sa région. Alors, là aussi, on y voit un avantage
important.
Alors,
quand on dit, puis ça, c'était difficile à expliquer probablement en mots, en
texte, là, que ce soit pour les journalistes
ou les autres, quand on dit que les procureurs sont redistribués en région,
bien, c'est ça que ça voulait dire aussi. Ça voulait dire que, bien,
maintenant, ils font partie du bureau dans lequel ils sont.
Ça,
c'est pour les procureurs qui étaient au BLACO. Même chose pour les procureurs
affectés aux dossiers de gangs de
rue. Les procureurs affectés aux dossiers gangs de rue ne font pas partie de
cette restructuration. Ils sont toujours affectés aux dossiers gangs de rue et vont toujours continuer de faire
des dossiers gangs de rue. Nous avons 21 procureurs affectés aux dossiers gangs de rue à travers le
Québec. Alors, ces mêmes procureurs, s'ils le désirent, vont continuer
de faire les dossiers gangs de rue. Alors,
ces procureurs-là ne sont pas coupés, ne sont pas touchés par la
restructuration. Ils sont, par ailleurs, partout au Québec, dans les
bureaux régionaux. Alors, quand on parle d'une redistribution de la criminalité...
des dossiers de criminalité organisée, c'est de ça aussi dont on parle.
Bien, je rajouterais,
mais là ça complexifie encore l'affaire : C'est qu'actuellement nous avons
un groupe de procureurs qui sont affectés au
dossier SharQc. Lorsqu'un jour ce dossier se terminera, évidemment ces
procureurs seront redistribués. Mais ce n'est pas le cas présentement.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. le député de Papineau. C'était très
intéressant. Les commentaires de Me Murphy se retrouvent à l'organigramme après
la restructuration, là, dans la petite section jaune. On va aller au
porte-parole de la deuxième opposition, M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Murphy,
Me Labossière, Me Dalmau, M. Germain, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci d'être présents aujourd'hui
pour les travaux de la commission. Je pense que, d'entrée de jeu, c'est important de souligner que j'ai demandé à la
commission de se saisir d'un mandat d'initiative pour vous entendre parce que le plan de restructuration
que vous proposez soulève quelques interrogations. Puis je vous remercie
de venir aujourd'hui en témoigner.
D'ailleurs, je remercie les collègues d'avoir appuyé la demande du mandat
d'initiative.
Ceci étant dit, je
souhaite assurer les procureurs qui travaillent, que ce soit dans les bureaux
régionaux, que ce soit dans les bureaux
spécialisés actuellement, qui vont disparaître, de l'entier soutien des
parlementaires. Parce que je pense
que c'est fondamental au Québec qu'on lutte efficacement contre le crime. Puis
on doit aussi être en mesure d'avoir les
outils pour le faire. Donc, c'est une des raisons aussi pourquoi on voulait
vous rencontrer aujourd'hui. Est-ce que le Directeur des poursuites
criminelles et pénales a les outils, a les ressources nécessaires pour lutter
efficacement contre le crime?
Mais
passons tout d'abord au plan de restructuration. Vous avez dit d'entrée de
jeu : Au moment où j'ai appliqué pour
le poste de Directeur des poursuites criminelles et pénales... je crois avoir
saisi de façon permanente, puisque vous l'étiez par intérim, vous avez
évoqué cette restructuration-là. Avec qui en avez-vous discuté?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
• (16 h 10) •
Mme Murphy (Annick) : Oui. Bien,
j'en ai discuté avec le comité de sélection.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Et puis, à
partir du moment où vous avez été sélectionnée comme Directrice des poursuites criminelles et pénales de
façon permanente, est-ce que
vous avez consulté d'autres personnes à
l'intérieur de l'organisation
ou à l'extérieur de l'organisation avant de mettre en place le plan de
restructuration?
Mme Murphy (Annick) : Ah! bien sûr,
je... Excusez...
Le
Président (M. Ouellette) :
Non, non, c'est juste pour qu'on puisse... pour aider à la transcription de nos
débats et aux gens qui vont nous suivre dans les prochaines années.
Mme Murphy
(Annick) : Oui. Alors, il
est bien certain que je n'ai pas fait cette restructuration-là seule. Je
dois dire... Bien, pour la petite histoire,
vous vous rappelez... ou je ne sais pas si vous vous rappelez qu'avant moi il y avait Me Claude Lachapelle qui
était le Directeur des poursuites criminelles et pénales, et j'étais à ce
moment-là directrice adjointe de Me Lachapelle, et nous avions déjà discuté ensemble
de la possibilité et de l'intérêt de faire une équipe unifiée en matière de criminalité organisée. Donc, dans l'organisation... donc avec Me Lachapelle, mais dans l'organisation en général, ce sujet a été discuté à
plusieurs reprises. Lorsque
nous avons rencontré les procureurs, d'ailleurs individuellement, lors de... tout à fait dernièrement, là, parce qu'on avait annoncé qu'on les rencontrerait tous individuellement, ce qu'on a fait, beaucoup
de ceux-ci nous ont dit qu'ils étaient heureux, parce qu'ils avaient eux-mêmes réfléchi
à cette possibilité-là puis qu'ils
trouvaient ça intéressant, pour toutes sortes de bonnes raisons que je ne
répéterai pas là, ici, qui sont sensiblement les mêmes que je vous ai
présentées.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Mais
sommairement est-ce que vous avez consulté les procureurs-chefs, les
procureurs-chefs adjoints des bureaux
spécialisés, que ce soit le BLCM, le BLCP ou le BLACO, avant de faire ce plan
de restructuration?
Mme Murphy (Annick) : Je n'ai pas...
M.
Jolin-Barrette : En fait, je
veux juste poursuivre ma question : Qui dans l'organisation a été consulté
de façon formelle avant l'envoi du 23 septembre 2015?
Mme Murphy
(Annick) : Oui, c'est mon équipe de direction, avec laquelle j'ai
discuté de cette restructuration-là.
M.
Jolin-Barrette : Est-ce que
ça n'aurait pas été pertinent... Parce que les procureurs qui sont spécialisés,
là, les procureurs spécialisés qui luttent contre
le crime organisé, ou contre la corruption, ou contre la criminalité, ils ont
une certaine expertise, ils font ça au jour le jour. Et vous avez mentionné,
bon : On veut éliminer le travail en silo, mais il y a certaines équipes qui travaillaient ensemble, d'ailleurs, ils
faisaient certaines parties de dossiers. Est-ce que le fait... Avant d'imposer un changement, ça n'aurait pas été
pertinent, dans le cadre de la culture organisationnelle, de consulter
les gens?
Et j'en viens là-dessus sur l'élément de votre
propos d'entrée ainsi que les réponses à la partie ministérielle, il y a beaucoup d'«on va pouvoir», «on pourrait»,
«on va mandater quelqu'un pour évaluer les résultats au bout d'une année». Je me questionne juste : Avant de
faire un tel changement, est-ce qu'on a des données factuelles? Est-ce
qu'on a des données quantitatives qui vont
nous permettre d'évaluer, ou on évalue que ce changement-là va permettre, sur
la base d'une opinion, de rapporter des résultats supplémentaires?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy (Annick) : Oui. En ce qui
concerne la consultation, là, depuis... J'ai été nommée directrice adjointe au
Directeur des poursuites criminelles et pénales en 2012. J'ai donc travaillé
avec les équipes de criminalité organisée,
les procureurs en chef, les procureurs en chef adjoints depuis 2012. J'ai été à
même de constater plusieurs choses. Et,
oui, il m'est arrivé à plusieurs reprises de discuter avec les gestionnaires de
ces équipes-là d'une meilleure collaboration, d'échange, de... Oui, ça m'est arrivé à plusieurs reprises. Mais, si
vous me demandez si je les ai consultés avant d'abolir leurs postes,
non.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Est-ce
que vous avez eu des échanges avec le ministère ou avec le Conseil du
trésor relativement au plan de restructuration avant l'annonce le
23 septembre?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy (Annick) : Oui. Vous me
parlez : Avec le Trésor?
M.
Jolin-Barrette : En fait,
une question avec deux sous-questions : Avez-vous eu quelconque
communication, échange, correspondance ou
discussion avec un membre du gouvernement, ou un fonctionnaire qui émane du
Conseil du trésor ou du ministère de la Justice, et/ou avec des intervenants
politiques?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui. J'ai présenté la restructuration à Mme la ministre de
la Justice et j'ai présenté la restructuration comme mesure structurante
en termes de cible de compression au Trésor et évidemment à la ministre de la
Justice.
M. Jolin-Barrette : À quelle date?
Mme Murphy (Annick) : À quelle date?
Écoutez...
M. Jolin-Barrette : Et,
sous-question là-dessus...
Mme Murphy (Annick) : Bien,
j'aimerais bien répondre, si vous me permettez, oui, si vous me permettez.
Le Président (M. Ouellette) : ...M.
le député de Borduas, là, on va laisser Me Murphy répondre.
Mme Murphy (Annick) : Nous avons eu
de la part du gouvernement, évidemment, des... Nous avons eu une demande d'atteindre l'équilibre budgétaire,
probablement comme tous les autres ministères et organismes, pour
l'année financière se terminant le 31 mars 2016. Nous avons eu, du
même coup, une demande nous présentant des... nous demandant de présenter des mesures structurantes, pour l'année
financière 2016-2017, à la hauteur de 4,5 millions. Alors, comme je
l'indiquais précédemment, j'ai demandé, au moment où on a reçu cette demande...
c'est cet été, là, à quel moment, je...
Une voix : ...
Mme Murphy
(Annick) : Non, la demande du Trésor, je pense que c'est
juin 2015. Alors, en juin, on a eu, donc, cette demande d'atteinte à l'équilibre budgétaire et des mesures structurantes
pour l'année 2016. Comme ma restructuration était en cours, ma réflexion était en cours, nous étions avec des
experts à réfléchir à la restructuration, j'ai demandé de chiffrer l'économie de cette restructuration-là.
Et nous avons présenté ces économies comme une des mesures
structurantes.
M. Jolin-Barrette : Donc, je
comprends que la demande structurante et la demande d'atteindre l'équilibre
budgétaire pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales s'est faite
avant la présentation de votre plan de restructuration.
Donc, je comprends que c'était... vous aviez déjà entamé votre réflexion par
rapport à comment va-t-on rendre le
Directeur des poursuites criminelles et pénales plus efficace mais que, par
ailleurs, le Conseil du trésor, par le biais de la voix du ministère de la Justice, vous a dit : Vous devez
atteindre l'équilibre budgétaire. Ça nous prend un plan de... bien, un
plan de demandes structurantes. Il va falloir dégager des économies.
La question
que je vous pose : Est-ce qu'il y a des experts qui ont été consultés par
rapport au montant d'économie? Et, lorsqu'on regarde le tableau qui est
présenté, on constate que les procureurs qui étaient affectés dans des bureaux
spécialisés avaient une prime de 10 %. Lorsqu'on se retrouve avec
51 procureurs de moins, qui n'auront pas la prime — faisons
une approximation des salaires des procureurs de la couronne,
90 000 $ à 51 procureurs — on pourrait dégager environ 500 000 $ uniquement en primes. Donc, en
partant, on peut se demander : Est-ce que la restructuration n'est
pas motivée par des considérations financières, entre autres?
Mme Murphy (Annick) : Non.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy. Votre réponse, c'est non?
Mme Murphy
(Annick) : Ma réponse, c'est non. Ma réponse, c'est non. Et je suis
heureuse... Si vous me permettez, là,
de compléter cette réponse-là, ma réponse, c'est non, mais je suis heureuse
d'avoir eu cette chance de pouvoir chiffrer
une économie dans un geste que nous avions décidé auparavant. Donc, je suis
heureuse : j'avais cette économie que je pouvais présenter à titre
de moyen pour... de moyen structurant.
Alors, non.
Autrement dit, on avait déjà mis en place toute cette réflexion. Nous étions à
l'actualiser alors qu'en juin 2015 est survenue cette demande
d'atteinte à l'équilibre budgétaire et cette demande de mesures structurantes.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Vous
réalisez quand même qu'avec la demande de mesures structurantes, avec la
demande d'atteinte de l'équilibre budgétaire
et, par la bande, le fait qu'on coupe les procureurs de 10 % de leur
salaire, c'est un drôle d'adon que ça
arrive de façon concomitante. Disons qu'il y a une communauté d'esprits où on a
des fortes suggestions qui nous
disent : Bien, écoutez, il faut trouver un moyen pour dégager... dans le
cadre budgétaire restreint. Parce que c'est ce qui est indiqué également
dans la lettre que vous avez envoyée à vos procureurs.
Puis je me
questionne aussi, parce que, là, on crée un bureau qui va lutter contre la très
grande criminalité : C'est quoi,
de la très grande criminalité versus de la criminalité organisée? Est-ce que
c'est en lien avec les peines des crimes? Parce que, vous savez, les procureurs qui étaient destinés au crime
organisé, qui, eux, à chaque jour, faisaient ce genre de dossiers là, lorsqu'on les renvoie, supposons...
bien, en fait, on mentionne qu'ils étaient déjà en région, même ceux qui
étaient à Québec ou ceux à Montréal,
vont continuer de s'occuper de dossiers de crime organisé. Ils ont déjà une
expertise, mais on leur dit : Bien,
votre 10 %, vous l'oubliez. Puis on sait que les dossiers que les
procureurs traitent, des dossiers de crime organisé, ce n'est pas le
même type de dossier que des dossiers qui se retrouvent dans la roue,
supposons.
• (16 h 20) •
Mme Murphy (Annick) : O.K. Écoutez,
je ne suis pas du tout d'accord avec la dernière portion de votre commentaire. Vous savez... D'abord, la prime de 10 %, c'est une prime à la
criminalité organisée. L'entente, les conditions de travail, si vous reprenez le texte, là, vous allez voir que la prime
est donnée aux procureurs qui sont affectés au BLACO, au BLPC puis au
BLCM. C'est ça, la prime.
Actuellement, les procureurs qui sont, par
exemple, aux dossiers gangs de rue ou qui sont à des dossiers de criminalité de
moins grande envergure n'auront plus cette prime. Ils seront dans les
différents bureaux régionaux, avec les
autres procureurs, à faire des dossiers tout aussi importants
les uns que les autres. C'est une question
d'équité. Je ne peux pas être d'accord avec
votre assertion. Un procureur qui fait des dossiers d'agression sexuelle, un
procureur qui fait des dossiers de
meurtre, un procureur qui fait des dossiers d'agression contre les enfants — je
pourrais en énumérer une tonne comme ça — mérite d'être traité
de la même manière qu'un procureur qui fait un dossier de criminalité organisée
de moindre envergure. Alors, pour moi, c'est une question d'équité. C'est ça,
la réponse.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Mais où on
trace la ligne entre la grande criminalité et la criminalité organisée? Et
puis, l'autre élément sur les
dossiers de crime organisé, il y a des dossiers de crime organisé qui
nécessitent de l'écoute électronique, c'est
des horaires atypiques. Les procureurs doivent accompagner les policiers sur
des dossiers de longue haleine. Vous le savez, qu'un dossier de crime organisé on ne peut pas en traiter autant
que des dossiers autres, supposons des dossiers de voies de fait. Donc, comment est-ce qu'on valorise
l'expertise de ces procureurs-là qui, par ailleurs, auparavant, étaient
jumelés dans ces équipes-là? Donc, pour les procureurs qui vont se retrouver en
région...
Mme Murphy (Annick) : Bien, le
procureur qui va se retrouver en région...
M.
Jolin-Barrette : Le
procureur qui va se... je veux juste terminer. Le procureur qui va se retrouver
en région, qui, lui, était jumelé auparavant, va se retrouver peut-être
intégré à la grille de poursuites verticales, va faire des dossiers notamment
de crime organisé, va donner également des conseils à ses collègues, d'ailleurs
il le faisait déjà, mais sans reconnaître son expertise.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui. Écoutez, il y a beaucoup de choses dans ce que vous
dites, là. D'abord, quand vous dites :
Les procureurs vont se retrouver peut-être dans la poursuite verticale, je
pense qu'il faut expliquer, là, pour les gens, que la poursuite verticale — ce que vous avez déjà appelé la roue aussi,
la strappe, là, vous avez déjà appelé ça comme ça — c'est
les procureurs qui font l'ensemble des dossiers, qui sont tout aussi importants
à mon sens que les dossiers de criminalité
organisée. Pour moi, il n'y a pas de hiérarchie dans l'importance des dossiers.
Il n'y a pas de hiérarchie dans l'importance
des dossiers. Plusieurs procureurs de région traitaient des dossiers de
criminalité organisée sans la prime de 10 %, dans les régions. Nous
en avons plusieurs comme ça. Ces gens-là n'avaient pas la prime. Maintenant que
nous retournons des procureurs en région, c'est une question d'équité.
Les
procureurs qui vont faire les dossiers de criminalité organisée ne seront pas
dans les poursuites verticales, ne seront
pas dans les poursuites verticales. Les procureurs qui font la criminalité...
Et nous l'avons dit à chacun des procureurs que nous avons rencontrés : Si vous avez l'intention de continuer
de faire des dossiers de criminalité organisée de moins grande envergure
que les dossiers qui seront traités dans l'autre équipe, si c'est votre
intention, bien, vous ne serez pas dans la
verticale, parce que c'est illogique de dire ça. Ça n'existe pas, ça ne se peut
pas, alors ça ne sera pas la réalité.
Par contre,
il y a plusieurs procureurs, à Québec, par exemple, dans d'autres régions, qui
nous ont dit : S'il vous plaît,
je voudrais faire autre chose. S'il vous plaît, j'aimerais bien apprendre mon métier de procureur. Parce que,
parfois, on a embauché des jeunes procureurs
qui n'avaient pas l'expérience de la cour. Et cette occasion leur a donné
l'opportunité de nous dire, lors des rencontres : S'il vous plaît,
j'aimerais me retrouver dans un bureau régional pour aller faire mon métier de procureur, pour apprendre le métier de
procureur. Parce que, dans les dossiers de criminalité organisée,
comme vous le savez, avant de se retrouver à
la cour, ça peut prendre des mois et des mois, alors ces jeunes procureurs là
n'avaient pas cette
chance-là. Alors, il y en a quelques-uns qui nous ont demandé... Il n'y a pas que des
jeunes procureurs qui nous ont demandé
de quitter cette équipe-là et d'aller faire autre chose, il y a des procureurs
expérimentés qui ont dit : Moi, je ferais également autre chose. Ça
me ferait plaisir d'aller faire autre chose si vous avez une place pour moi.
Nous avons
rencontré toutes ces personnes-là. Nous avons passé du temps avec elles. Nous
leur avons demandé de nous expliquer
leurs besoins. Nous leur avons demandé de nous dire : Qu'est-ce que vous
aimeriez faire? Est-ce que vous voulez continuer de faire de la
criminalité organisée? Est-ce que vous voulez faire autre chose? Qu'est-ce que
vous voudriez faire? Alors, mon collègue Me
Dalmau a rencontré l'ensemble des procureurs à Montréal, et moi, j'ai
rencontré l'ensemble des procureurs à Québec.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous
garantissez que tous les procureurs qui souhaitent continuer à faire du crime
organisé, exclusivement du crime organisé, ne vont faire que du crime organisé
ou ils vont avoir des clauses de disponibilité à l'intérieur des équipes?
Est-ce qu'ils vont devoir faire des dossiers d'autre nature que des dossiers de
crime organisé?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : La réponse, là,
c'est que les procureurs qui vont vouloir continuer de faire des
dossiers de criminalité organisée vont continuer de faire des dossiers.
M. Jolin-Barrette : Exclusivement?
Mme Murphy (Annick) : Non, non, pas
exclusivement, pas exclusivement parce que, comme je l'expliquais tantôt, quand
on est assis dans une région où il y a, il faut le dire, là, moins de
criminalité organisée, il y a moins de dossiers qui surviennent, qu'est-ce que
le procureur fera?
M.
Jolin-Barrette : Est-ce que
vous insinuez qu'actuellement les procureurs qui étaient dans les régions
n'étaient pas occupés à temps plein? Parce que
je pense que c'est ça, la réalité des dossiers de crime
organisé aussi, c'est une réalité où
les procureurs doivent mettre de longues heures, ont des horaires atypiques,
doivent collaborer avec les policiers de façon constante, au même moment où le crime organisé... on retrouve les
membres des Hell's Angels qui sont libérés, au même moment où les chapitres se reforment. Moi, je
trouve ça très préoccupant. Puis j'ai un souci, vous parliez de hiérarchisation...
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Je vais juste
finir ma question, M. le Président. On a parlé de hiérarchisation, je n'ai pas parlé de hiérarchisation. Je pense plutôt
que le DPCP, lorsqu'il dit : Je vais créer un bureau de lutte à la grande
criminalité versus de la criminalité organisée moins importante, ça, ça crée
une hiérarchisation des dossiers.
Donc, il faut juste s'assurer que vous ayez les
moyens requis, que les procureurs ont les moyens requis pour lutter efficacement contre le crime organisé et
lutter contre la corruption. C'est ça, notre inquiétude ici. Et je pense que c'est important qu'on ne soit
pas réactif à partir du moment où le crime organisé va se reformer, que vous
ayez les outils pour lutter efficacement.
Le
Président (M. Ouellette) :
Ne bougez pas, Me Murphy. Vous voulez avoir la réponse, M. le député de Borduas?
M. Jolin-Barrette : S'il vous plaît.
Le Président (M. Ouellette) : Bon.
Donc, je vais la prendre sur votre prochain bloc. Me Murphy.
Mme Murphy (Annick) : Oui...
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, M.
le Président, on verra au prochain bloc, s'il vous plaît.
Le Président (M. Ouellette) : Ah!
Bon. Bien, il aura la réponse au prochain bloc, à son interrogation. M. le
député d'Ungava.
M. Boucher : Merci, M. le Président.
Merci. Bienvenue, Me Murphy. Alors, je suis bon prince et charitable,
donnez-moi la réponse à la question de mon collègue, ça me fera plaisir de vous
entendre.
Le
Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas va vous en devoir une, M. le député d'Ungava. Me Murphy.
• (16 h 30) •
Mme
Murphy (Annick) : Oui.
Alors, je voudrais revenir sur la première portion de la question,
qui concernait les procureurs en
région, où on m'a dit que j'insinuais que les procureurs ne faisaient rien
lorsqu'ils n'avaient pas de dossier. Je reprends exactement le même
exemple que j'ai présenté antérieurement pour expliquer que, lorsqu'un
procureur affecté au
BLACO, assis en région... lorsqu'il n'y avait pas de dossier de sa région pour
l'occuper en criminalité organisée, ça
obligeait le procureur en chef du Bureau de lutte au crime organisé d'utiliser
ce procureur dans une autre région. Alors, nous avons eu des procureurs
qui ont quitté Gatineau pour aller à Longueuil, qui ont quitté Trois-Rivières
pour aller ailleurs, j'aurais une tonne d'exemples comme ça. Et tout
ça rentre dans les économies, si vous me permettez, que nous faisons maintenant,
parce que ce ne sera plus des choses qui vont survenir dans l'avenir.
Alors,
je n'insinuais pas que ce procureur, surtout pas... Les procureurs travaillent tous très fort,
travaillent tous les jours, et je
n'insinuais pas qu'ils ne travaillaient pas. Ce que je disais, c'est qu'ils
allaient faire des dossiers de criminalité organisée ailleurs et qu'on déboursait de l'hébergement, des frais
de déplacement, etc., ce qui, je l'espère, ne se fera plus. Je ne suis pas en train de dire que ça
n'arrivera plus jamais. Ça se peut, pour une raison x, que nous
ayons à faire une telle chose dans l'avenir, mais nous voulons minimiser
ce genre de situation là.
Maintenant, je
voudrais revenir à la deuxième portion de la question, qui est celle de la
hiérarchisation. Je pense qu'il faut
distinguer hiérarchisation entre la criminalité et entre les procureurs. C'est
tout à fait autre chose. Ce que je voulais
dire, c'est que, pour moi, tous les procureurs qui font l'ensemble des dossiers
du Directeur des poursuites criminelles et pénales sont tous importants de la même manière, et ils ne sont pas
plus importants, si vous me permettez, là, les uns par rapport aux autres. La hiérarchisation, ce n'est
pas un terme que moi, j'emploie. Ce que j'entends... puis ça va me
permettre de peut-être vous donner
l'information ou de commencer à aborder ce qu'est pour nous des dossiers de
grande criminalité que traitera le bureau unifié à Montréal.
Alors,
le bureau se verra confier, donc, des dossiers de complexité élevée, qui visent
des stratagèmes criminels très sophistiqués
et difficiles à détecter, par exemple des organisations criminelles de haut
niveau ayant même, dans certains cas, des
ramifications internationales, qui peuvent être impliquées dans le trafic, la
production, l'importation et l'exportation de stupéfiants, le meurtre, la traite de personnes, la contrebande, le
blanchiment d'argent, le vol d'identité, le clonage de cartes de crédit, la fraude, le gambling, le prêt
usuraire, l'extorsion, également des stratagèmes complexes de corruption et
de collusion en matière de fraude fiscale ou fraude financière.
Ce
type de dossiers résultent d'enquêtes de très longue haleine ayant généré une
preuve particulièrement volumineuse
ou complexe, extrêmement complexe à administrer, obtenue parfois par des
techniques d'enquête extrêmement sophistiquées
ou novatrices, ce qui soulève, vous conviendrez avec moi, des questions de
droit extrêmement complexes. Sans
être déterminants ou limitatifs, ces dossiers soulèvent habituellement des
questions relatives à l'écoute électronique, à l'utilisation de témoins collaborateurs ou perquisitions dans des
bureaux d'avocats, l'utilisation de preuves obtenues à l'étranger. Ce type de dossiers visent souvent des
accusés aux capacités financières importantes leur permettant de
contester avec vigueur chaque aspect de ces dossiers.
Il est important de
mentionner que ce n'est pas le type de crime qui déterminera si le dossier sera
confié au nouveau bureau ou à un bureau
régional, mais la complexité du dossier. Par exemple, avant la restructuration,
le Bureau de lutte à la corruption
s'occupait systématiquement de tous les dossiers générés par l'UPAC, du dossier
visant un fonctionnaire ayant obtenu
une faveur à une seule occasion, qui se règle en une journée ou deux de procès,
jusqu'au dossier visant un stratagème complexe de corruption et de
collusion dans l'obtention de contrats publics à grande échelle, qui demandera plusieurs mois de procès.
Maintenant, les dossiers les plus simples générés par l'UPAC seront traités
dans les bureaux régionaux par nos experts, je le répète, permettant ainsi aux
procureurs spécialisés du nouveau bureau de se concentrer sur les dossiers
extrêmement complexes comme ceux que je viens de vous énumérer.
Un autre exemple en
matière de criminalité plus organisée... ou organisée plus traditionnelle,
pardon, c'est le cas des réseaux locaux de
trafic de stupéfiants. Les procureurs dédiés aux dossiers de criminalité
organisée dans les bureaux régionaux continueront, comme ils le
faisaient déjà, à s'occuper des dossiers de criminalité organisée à portée plus
régionale. Donc, des enquêtes visant un
réseau de distribution de stupéfiants à Granby, qui permet l'arrestation d'une
dizaine d'accusés après deux mois d'enquête,
c'est le genre de dossier de moyenne envergure dont ces procureurs-là
s'occuperont. En matière de stupéfiants, le nouveau bureau s'occupera de
réseaux de très haut niveau ou ayant des ramifications internationales et
ciblera un nombre plus restreint, les têtes des grandes organisations
criminelles.
Le Président (M. Ouellette) : Avant de vous donner la parole, M. le député d'Ungava, je vais encore faire la même demande : Si ces informations-là sont publiques, je vous demanderais, si vous n'avez pas
d'objection, de les faire parvenir au secrétariat de la commission, Me
Murphy, parce que c'est une définition de la très grande criminalité organisée.
Mme Murphy
(Annick) : C'est une des... Si vous me permettez, M. le Président...
Le Président (M.
Ouellette) : Oui, Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : C'est une définition que nous avons apportée. C'est ce que
nous avons en tête. Je voudrais faire simplement un petit bémol, parce que les
procureurs du prochain bureau ainsi que les gestionnaires du prochain bureau auront certainement une réflexion entourant la très grande criminalité, que nous pourrons
partager avec eux. Les procureurs, les gestionnaires du prochain bureau
unifié vont devoir discuter avec leurs collègues gestionnaires des différents bureaux régionaux pour s'entendre sur
la manière de diviser les différents dossiers : qu'est-ce qu'un dossier, donc, de moyenne envergure qui pourrait, avec les
ressources disponibles dans les régions, être fait dans les régions et
quels sont les dossiers de très grande envergure qui, non, ne peuvent pas être
traités dans les bureaux régionaux, compte tenu de cette très grande complexité, et seront
réservés à cette équipe-là. Alors, les procureurs... Et on a déjà
discuté, avec mes gestionnaires,
qu'ils auront à établir entre eux... évidemment nous serons là, mais à établir entre eux la
manière dont ces dossiers-là seront
distribués. Donc, je vous le soumets... Donc, il y a un bémol, il reste beaucoup
de travail à faire, mais c'est l'idée que nous avons actuellement de la situation.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Me Murphy. M. le député d'Ungava.
M.
Boucher : Alors, merci, Me
Murphy, pour votre réponse. Je comprenais, bon, très bien de votre propos
que, dans le fond, chez vous, il n'y avait personne assis en
arrière de son bureau à ne rien faire, là. Je suis assez près du milieu pour savoir, là, que... En tout cas, s'il y a des procureurs qui n'ont rien à faire, moi, je
n'en connais pas. Ça, c'était tout à fait clair dans mon esprit.
Quand vous
parlez du bureau unifié, vous parlez plus... Bon, dans votre tableau, à la
section jaune, le «96 procureurs assignés», c'est de ça qu'on
parle, là?
Mme Murphy
(Annick) : Oui, ce qui est
en jaune dans le tableau, ce sont les procureurs qui vont continuer de faire de la criminalité organisée. Vous avez dans
le tableau deux sections. Je parle toujours des sections en jaune. Vous voyez «59
procureurs». Alors, ces 59 procureurs seront les procureurs qui seront
dans le bureau unifié. Et, pour l'autre section, «37», il s'agit des procureurs
qui sont dans les bureaux régionaux à faire de la criminalité organisée.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député d'Ungava.
M.
Boucher : Oui, M. le Président. Dans votre propos du début, là — puis,
écoutez, je vais tenter de vous citer, puis, si je ne suis pas sur la
cible, n'hésitez pas à me remettre dans le droit chemin — vous
parliez que, bon, certains procureurs, actuellement, pouvaient être soit à Trois-Rivières,
Québec, bon, etc., et puis, du moment où ils étaient affectés à une... appelons ça une unité spéciale ou une force spéciale,
bien qu'ils restaient peut-être sous le même toit que ses collègues,
ça formait un mur au moins imaginaire et que ces gens-là ne se parlaient plus. Maintenant,
je comprends qu'avec la réorganisation ce mur-là va disparaître puis que... dans le même espace physique, ces
gens-là, mais qu'il va y avoir un échange d'expertise.
Et puis, le
métier de procureur de la couronne, bon, bien que tous ces gens-là ont fait
leur droit, leur barreau, je pense que c'est un métier qui s'apprend sur le terrain,
puis, du droit, on apprend ça en en faisant. Ce n'est pas comme d'autres
sciences, là, où on peut apprendre ça dans les livres puis, une fois qu'on sait
le livre, on sait tout. En droit, puis particulièrement du côté procureur de la
couronne, je pense qu'on apprend ça en le faisant.
Dites-moi,
bon, le genre d'expertise, est-ce que j'ai raison de dire que ce procureur sénior et
expérimenté là pourra faire bénéficier peut-être des plus jeunes ou même
s'adjoindre peut-être, à l'occasion, un plus jeune dans un dossier particulier?
Est-ce que c'est le genre d'échange qui va être favorisé à ce moment-là?
Mme Murphy (Annick) : C'est certainement
le genre d'échange, qu'il y ait...
Le Président (M. Ouellette) : ...
• (16 h 40) •
Mme Murphy (Annick) : Excusez-moi.
C'est certainement le genre d'échange qu'il y aura dans les bureaux régionaux. Je voudrais encore une fois faire un
bémol de... Ce n'est peut-être pas que les gens ne se parlaient pas, là,
quand vous donnez l'image qu'il y avait comme un mur, il y avait des échanges entre les
bureaux, mais l'échange... c'est-à-dire
que les gens se rencontraient parce qu'ils étaient dans un même lieu physique,
bien sûr, mais, le travail du procureur affecté aux dossiers de criminalité organisée, bien, il ne le partageait pas
nécessairement avec les autres procureurs de ce bureau. Alors, il
pouvait être appelé, comme je le disais tantôt, à aller faire des dossiers dans
d'autres régions.
Et ce que
nous pensons, c'est qu'il y aura un bénéfice exceptionnel d'avoir la
possibilité, pour des procureurs qui n'ont
pas encore cette expérience, qui veulent peut-être faire des dossiers de
criminalité organisée, justement de s'associer avec ces procureurs expérimentés, qui, eux, ont cette expertise-là, qui,
eux, l'ont acquise à un autre moment de leur vie professionnelle. Alors, pour nous, c'est un bénéfice, effectivement, un
bénéfice extraordinaire de pouvoir faire ça. D'autant plus que, dans
notre organisation, la moyenne d'âge, elle est assez basse. Nous avons donc
besoin de procureurs expérimentés pour faire
du transfert d'expertise. Alors, on se donne un peu la chance de le faire par
cette restructuration-là.
Le Président
(M. Ouellette) : Merci, Me
Murphy. M. le député d'Ungava, je sais que vous voulez partager votre expertise de la cour itinérante dans le Grand
Nord, parce que c'est une spécialité chez vous, mais ça sera pour un
prochain bloc. Nous allons revenir d'Ungava et nous allons...
M. Boucher : Le temps passe vite en
bonne compagnie. Donc, merci beaucoup.
Le Président (M. Ouellette) : Nous
allons revenir, Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Oui, merci beaucoup. Alors, simplement pour terminer sur la question des délais
d'analyse ou du temps d'analyse, je dois vous dire qu'en préparant pour
aujourd'hui je voulais justement voir, si, dans certaines circonstances, c'était une information qui pouvait
être donnée. Puis j'ai constaté que oui. Et c'est pour ça que je vous
pose la question. Parce que, quand je vous ai mentionné tantôt le cas où Me
Verret a annoncé les faits... Je vous le redis : J'ai compris ce que vous m'avez dit tout à l'heure en termes
de pression publique, il faut que vous soyez à l'abri des pressions, je comprends tout ça. Mais il y a les pressions,
puis il y a l'information aussi. Puis je pense que les procureurs de la
couronne sont quand même capables de prendre
un peu de pression, surtout ceux qui doivent travailler dans certains de ces
dossiers-là. Donc, si on se fie au fait que... je nous donne une
dernière chance, puis après je vais vous poser des questions autres, mais, si on se fie au
fait que, par exemple, bon, le commissaire Lafrenière a dit qu'il y avait eu un
bon nombre d'enquêtes transférées, je
pense au dossier Joug, au dossier Lierre, est-ce qu'on peut avoir un horizon,
un horizon temporel d'est-ce que,
d'ici, je ne sais pas, six mois, est-ce que d'ici un an, trois mois... un
horizon temporel pour savoir à quoi ça peut ressembler, l'analyse de ces
deux dossiers-là, par exemple?
Le
Président (M. Ouellette) :
Me Murphy. Je comprends que Mme la députée de Joliette se donne une
dernière chance d'avoir une réponse. Oui.
Mme Murphy (Annick) : Je ne donnerai
pas d'horizon. Je ne donnerai pas d'horizon dans ces dossiers-là. Je laisse... Pour moi, je ne veux pas nuire au
travail qui est fait par les procureurs au moment où on se parle. Et je ne
donnerai pas... Vous savez, quand on donne des horizons, pour nous, là... je
comprends votre désir et je comprends celui de la population, mais, pour nous, cela crée une pression, cela nuit au
travail du procureur. Parfois, ça peut nuire aux enquêtes, on en a parlé souvent, mais ça nuit au travail du
procureur d'avoir à répondre, de sentir la pression. C'est aussi une
question d'indépendance. Le procureur doit
pouvoir travailler en toute sérénité. Et, vous savez, je le sais, que c'est
difficile de dire ça, puis vous allez me dire... mais j'aurais le goût
de vous dire : S'il vous plaît, faites-nous confiance. Faites-nous...
Mme
Hivon : Ce n'est
pas une question de confiance, puis je veux que ça soit très clair là-dessus.
Non, mais c'est important...
Une voix : ...
Le Président (M. Ouellette) : Ne
bougez pas, Me Murphy. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Non, mais c'est vrai, parce que je ne veux surtout pas... Pour moi, c'est une
question, justement... pas de ne pas
vous avoir confiance, mais de donner de la confiance par la transparence. Je ne
suis pas en train de dire d'être collé
sur l'actualité, de réagir au quart de tour, mais il y a des précédents, il y a
des fois où vous le faites, vous le faites parfois, puis je vais y revenir tout à l'heure à... Vous le
faites parce que, justement, j'imagine que vous estimez que c'est de
nature à rassurer la population, à créer ce lien de confiance là. Donc, je veux
juste que ça soit clair : Ce n'est pas parce qu'il y a un bris de confiance,
c'est, au contraire, pour améliorer ça.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, merci. Vous
savez, une de mes priorités également, vous avez parlé de transparence, tout ça, une de mes priorités, c'est celle-là. On
a du travail à faire, au DPCP, de ce côté-là. On a à arriver en 2015 là-dessus,
et ça, j'en parle régulièrement avec mes gens, on a à arriver en 2015. Mais,
vous savez, il faut réfléchir, nous, à la manière que nous allons faire ça. Parce
qu'outre de faire, entre autres, de la pédagogie, ça, évidemment, on a cette responsabilité-là, on devrait le faire, faire comprendre aux gens le travail qu'on
fait, notre rôle, nos fonctions puis le système judiciaire, mais, outre ça, nous, on a du travail à faire pour cerner
avec justesse ce que nous allons pouvoir transmettre et ce qu'on ne
pourra pas transmettre.
Alors, je
vous dis aujourd'hui : Oui, le DPCP a du travail à faire et nous y
sommes. Nous allons bientôt... On est en processus d'approbation de nos lignes directrices en matière de communication,
particulièrement en matière d'enquête indépendante, je vous l'annonce, on l'a déjà dit,
je pense, mais nous allons publier les motifs de refus en matière
d'enquête indépendante. Les lignes
directrices que nous allons produire vont concerner aussi d'autres éléments
particuliers, mais je peux vous dire
déjà, d'ores et déjà, que nous allons le faire. Pourquoi? Parce que
c'est une volonté pour nous. Nous nous sommes
rendu compte que nous avions du travail à faire de ce côté-là pour la confiance
de la population, pour expliquer nos rôles et fonctions, et
être, comme vous dites, plus transparents.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Joliette.
Mme
Hivon : Justement, c'était une de mes questions.
J'allais y venir plus tard, mais c'est parfait, on l'aborde maintenant.
Je voyais dans votre plan stratégique que vous avez eu une attente pour
septembre dernier, je crois, d'une politique en matière de
communication. Je comprends que s'intègre dans ça, avec l'arrivée du Bureau des
enquêtes indépendantes, que nous souhaitons tous arriver prochainement... voir
arriver prochainement, que vous allez, donc, mettre
en oeuvre ce qui avait déjà été évoqué. Donc, vous allez rendre publics à
chaque fois, s'il y a accusation ou non, les raisons, les motifs pour qu'il y ait accusation ou non dans le cadre
d'une enquête indépendante concernant, bien
sûr, un policier. Et ça, vous me dites que ça va être publié... vous allez
rendre ça... mais vous allez rendre cette...
Mme Murphy (Annick) : Incessamment.
Mme
Hivon :
Incessamment.
Mme Murphy (Annick) : Là, je peux
vous dire que c'est incessamment.
Mme
Hivon : Bon!
Formidable! J'espère que ça ne créera pas trop de pression.
Mme
Murphy (Annick) : Je commence bien mon travail. Je vous le dis, c'est...
Mme
Hivon :
Vous êtes capable de prendre la pression, je sens ça.
Mme Murphy
(Annick) : Alors, incessamment, nous allons publier, oui.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Alors,
c'est bon. Est-ce que, par
exemple... Juste pour finir, finir la
question des délais, par exemple pour des enquêtes
passées, je ne sais pas, maintenant Laval, Boisbriand, Saint-Constant dont on parle
ce matin, est-ce qu'on
peut avoir un horizon de — là,
on est a posteriori, ça ne devrait pas mettre de pression — combien
de temps ça a pu prendre entre le moment où le dossier est transféré
puis le moment où la décision, chez vous, est prise?
Mme Murphy
(Annick) : Ouf! Écoutez, je n'ai pas...
Le Président (M. Ouellette) :
On est en cour dans ces dossiers-là, là.
Mme Murphy
(Annick) : Si vous me permettez, je n'ai pas...
Mme
Hivon :
Non, mais je ne suis pas en train de parler des enjeux.
Mme Murphy
(Annick) : Non, vous parlez du temps.
Mme
Hivon :
Je parle du délai d'analyse.
Mme
Murphy (Annick) : Je n'ai
pas cette information-là. C'est sûr que c'est quelque chose que je pourrais
vous fournir, mais je ne l'ai pas là, je n'étais pas préparée directement à
répondre à ça entre le moment de... Mais, vous savez, c'est souvent relié... C'est relié à la volumétrie, ça, je pense
que c'est important, puis on l'a dit tantôt, mais c'est aussi
relié à toutes les circonstances qui peuvent venir en cours d'enquête puis en
cours d'analyse, et il en arrive beaucoup, vous savez, il en arrive beaucoup.
Parfois, la cueillette d'informations policières nous donne de nouvelles informations que l'on doit... on parlera... La divulgation de la preuve, vous savez
comment c'est un enjeu important
pour nous, on ne peut pas commettre
d'erreur. Mais, lorsqu'on reçoit un document, on doit le réanalyser, et parfois
ce que ça fait, c'est que ça provoque des compléments d'enquête et ça
rallonge toute l'analyse d'un dossier, qu'on ne pouvait pas prévoir à
l'origine. Alors, ça fait partie de ma réponse.
Mme
Hivon :
O.K., je comprends...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Comme vous avez dit vous-même, si jamais vous êtes
capable, si vous êtes capable de nous donner l'information, je vous
nomme ces trois dossiers-là, là, mais...
Le Président (M.
Ouellette) : Vous parlez de quels dossiers, Mme la députée de
Joliette?
Mme
Hivon :
Je parlais des dossiers de Laval, Boisbriand, Saint-Constant, Hydre. Donc,
que...
Le Président (M.
Ouellette) : O.K., Laval, Boisbriand et Saint-Constant.
Mme
Hivon : Si c'est possible juste de nous donner l'horizon
temporel de combien de temps ça a pu prendre entre le dépôt, donc, du
dossier chez vous et les accusations qui ont été portées. Vous pouvez
transmettre ça...
• (16 h 50) •
Le Président (M.
Ouellette) : Juste pour qu'on se comprenne, Me Murphy : Entre la demande
d'intenter et l'autorisation d'accusation, on s'entend?
Mme Murphy
(Annick) : Est-ce que c'est ça : entre le moment de la
réception...
Mme
Hivon :
C'est ça, chez vous.
Le Président (M.
Ouellette) : Entre le moment de la demande d'intenter et l'autorisation.
Mme Murphy
(Annick) : Oui. O.K. Oui, parce que ça...
Le Président (M.
Ouellette) : Mais je veux qu'on se comprenne...
Mme
Hivon : Moi,
j'appelle ça...
Le
Président (M. Ouellette) : ...je veux qu'on se comprenne les mêmes
choses.
Mme
Hivon :
Moi, j'appelle ça le temps d'analyse pour qu'on... le temps chez vous.
Mme
Murphy (Annick) : Mais c'est
plus clair si on dit : La demande d'intenter. Parce que,
le dossier, il peut y avoir un procureur responsable du dossier, conseil
en enquête déjà depuis un an, là.
Mme
Hivon :
Exact. Moi, je dis : Quand on estime qu'il est transféré. C'est un peu ce
que je disais tantôt, qu'il y a des procureurs qui accompagnent avant.
Mme Murphy
(Annick) : La demande d'intenter des procédures.
Mme
Hivon :
La demande d'intenter, effectivement.
Le Président (M. Ouellette) : Il est transféré avec la demande d'intenter.
Donc, on s'entend pour Boisbriand, Laval et Saint-Constant.
Mme Murphy
(Annick) : Oui.
Le Président (M. Ouellette) : Entre la demande d'intenter et l'autorisation à
ce que les accusations sont sorties. Vous êtes capables de faire une
recherche, l'envoyer au secrétariat de la commission, si vous êtes à l'aise
avec ça?
Mme
Murphy (Annick) : D'accord. D'accord, M. le Président. Est-ce que je
peux dire un petit quelque chose?
Le Président (M.
Ouellette) : Oui.
Mme
Murphy (Annick) : Parce que je voudrais apporter un bémol, parce que
je veux simplement mentionner que,
les informations que vous allez pouvoir recevoir, vous allez pouvoir
difficilement les comparer les unes aux autres, parce que ça dépend
tellement...
Une voix :
...
Mme
Murphy (Annick) : C'est ça. Mais ça dépend tellement de la nature du
dossier, la façon dont l'enquête se fait, les événements qui ont pu
survenir, et tout. Ça fait que je voulais juste...
Mme
Hivon :
Je suis consciente... Je ne ferai pas de transfert, inquiétez-vous pas.
Mme Murphy
(Annick) : D'accord. D'accord.
Mme
Hivon :
Je vous donne ces dossiers-là, j'aurais pu vous en donner d'autres, je n'ai pas
fait une analyse exhaustive, ce n'est pas
ça, l'objectif. C'est pour pouvoir avoir une idée, par exemple, dans ce type de
dossier là. O.K.?
Mme Murphy
(Annick) : D'accord. Oui.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Là, je
viens de parler de Saint-Constant. Ce matin, c'est vrai que ça refait surface.
C'est un dossier qui a fait couler beaucoup
d'encre, parce qu'il y a près de deux
ans, donc, il y avait eu une autorisation, donc, d'accuser. Donc, il y avait eu des dépôts d'accusation, une
analyse qui avait été faite chez vous, un autre dossier de l'UPAC. Je ne
sais pas si tout le monde est familier.
Donc, c'était ce qui concernait la municipalité, le maire et quatre autres
personnes à Saint-Constant. Et, deux ans
plus tard, deux ans moins deux mois plus tard, donc en septembre dernier, on
apprend que les accusations sont retirées.
Donc, encore une
fois, en termes de confiance, il y a bien sûr des interrogations ou des
inquiétudes qui sont soulevées, et j'aimerais que vous puissiez nous expliquer
ce qui a pu faire en sorte que, pour un dossier quand même important, qui avait fait l'objet de travail de
l'UPAC, j'imagine même qu'il avait été accompagné dès qu'il est arrivé
chez vous, il y a des accusations qui ont été portées puis, deux ans après,
qu'il y ait un changement de cap aussi important.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy, si vous êtes en mesure de répondre à la
question de la députée de Joliette.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, M. le Président. Alors, je vais réserver mes
commentaires sur le dossier, car, comme l'a
dit M. Lafrenière, j'ai compris que ce dossier faisait l'objet d'un autre
volet d'enquête. C'est ce qu'il a dit, je pense, dans cette salle-ci la
semaine dernière. Cependant, ce que je pourrais vous dire relativement à...
(Interruption)
Le
Président (M. Ouellette) : ...Me Murphy.
Une voix :
C'est le quorum.
Le Président (M. Ouellette) : Ah! c'est juste quorum. On est en train de... Ne
bougez pas, avant votre réponse, parce
qu'on est juste en train de... C'est juste quorum? O.K. Bon. Je vous laisse
continuer. Parce qu'ici, quand la cloche sonne, c'est comme automatique, là, on a comme un besoin de monter au
salon bleu, ça fait qu'il faut valider la réponse. Je vous laisse
répondre.
Mme
Murphy (Annick) : Alors, eu égard principalement à l'article de ce
matin puis aux informations qui sont sorties,
là, une dénonciation dans le but d'obtenir un mandat de perquisition, ce n'est
pas un procès criminel. Puis un mandat de
perquisition, c'est obtenu sur la base de motifs raisonnables de croire. Il
peut être obtenu sur la foi d'éléments de preuve qui seraient par ailleurs inadmissibles au procès, par exemple du
ouï-dire ou des informations de personnes anonymes. Au procès, la preuve doit être démontrée hors de
tout doute raisonnable. Le procureur au dossier doit demeurer raisonnablement
convaincu de pouvoir établir la culpabilité hors de tout doute raisonnable, et
ça, même jusqu'en appel.
Alors, il est déjà
survenu des dossiers... — vous
dites oui, je pense que vous le savez — que le dossier... on a fait le dossier, le dossier a été en... et, en
appel, le procureur n'était plus raisonnablement convaincu, et le dossier a
été retiré. Alors, dans ce dossier-là, ce
que le procureur a déclaré, au nom des autres procureurs avec lui au dossier,
c'est qu'une analyse rigoureuse des informations pendant la préparation
de l'enquête préliminaire a fait en sorte que le DPCP, que les procureurs au
dossier avaient perdu la conviction raisonnable de pouvoir établir la
culpabilité des accusés.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Est-ce que c'est lié au changement de procureur dans le dossier?
Mme Murphy
(Annick) : Pas du tout.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy...
Mme Murphy
(Annick) : Excusez.
Le Président (M.
Ouellette) : Votre réponse, c'est : Pas du tout?
Mme Murphy
(Annick) : Pas du tout.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Parfait.
Ce que vous nous dites, c'est que ce sont les mêmes procureurs qui ont évolué
dans leur analyse, ou il y a
eu un changement qui a fait en sorte... qui a été concomitant au fait que les
accusations ont été retirées?
Mme Murphy
(Annick) : Bien, il y a peut-être eu un...
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy.
Mme
Murphy (Annick) : Si vous
me... Oui, il y a peut-être eu un nouveau gestionnaire, là, qui s'est occupé
du dossier. Mais il n'y a
pas eu de changement, et c'est un constat qui a été fait au cours de l'analyse
de l'enquête préliminaire par les procureurs.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Joliette, deux minutes.
Mme
Hivon : Oui. Vous
nous avez... En répondant aux questions de mes collègues tantôt sur la
restructuration... J'aimerais clarifier... D'abord,
vous nous avez parlé tout à l'heure de 549 procureurs. La ministre
a déclaré la semaine dernière 599 procureurs. Je comprends que
c'est bien 549, le chiffre?
Mme Murphy
(Annick) : Oui. Est-ce que je peux faire... Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Oui, Me Murphy.
Mme
Hivon :
S'il vous plaît...
Le Président (M.
Ouellette) : Ne bougez pas, ne bougez pas.
Mme
Hivon :
...je vous demande juste de répondre rapidement...
Mme Murphy (Annick) : Ce n'est pas
long, non.
Mme
Hivon :
...parce que j'ai plein de questions.
Le Président (M. Ouellette) : Un
instant.
Mme Murphy (Annick) : Oui, mais
c'est...
Le Président (M. Ouellette) : Un
instant, Me Murphy, je vais laisser ma collègue...
Mme
Hivon : Oui, c'est
correct.
Le Président (M. Ouellette) : Donc,
oui, Me Murphy.
Mme Murphy (Annick) : Oui. Alors, il
y a 549 postes de procureur. Le chiffre de 599, c'est le nombre de procureurs sur la paie, et c'est qu'il apparaît
dans notre rapport annuel. Et ça comprend... Nos procureurs en maternité
ou en invalidité, nous les remplaçons pour
faire le «caseload», et ça fait 599. Parce qu'il y a toujours plus ou moins
50 procureurs ou en maternité, ou en invalidité, ou en prêt de service, on
en a eu à la CEIC ou...
Mme
Hivon : C'est
beau.
Mme Murphy (Annick) : Bon. Alors,
c'est pour ça.
Le Président (M. Ouellette) :
Dernière question, pour une minute, Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui. Puis
pouvez-vous me dire... Parce qu'évidemment ce qui fait qu'on se questionne dans
la restructuration, notamment, c'est qu'il y avait vraiment une équipe dédiée,
entièrement, 100 % dédiée dans les trois bureaux.
Là, on les fusionne. Là, on voit qu'il va en rester 59, il y en a 37 qui
sont... ils ne seront plus 100 % dédiés, du moins certains, là, quand vous avez répondu à la question de mon collègue.
Mais vous dites : Ils vont faire, bon, beaucoup de criminalité organisée encore, tout ça.
Qu'est-ce qui justifiait la prime? Qu'est-ce qui justifie la prime lorsqu'ils
sont rattachés à un des trois bureaux
spécialisés et qui, là, ne la justifie plus, alors que vous nous dites qu'ils
vont continuer à faire de la grande criminalité?
Le Président (M. Ouellette) : Ne
bougez pas, Me Murphy. Voulez-vous avoir la réponse, Mme la députée de
Joliette?
Mme
Hivon : Oui. Quand
je pose une question, j'aime bien avoir la réponse.
Le Président (M. Ouellette) : Ah!
bien, c'est bon. Donc, Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Écoutez, les procureurs qui vont faire de la grande
criminalité auront la prime. Je pense que
ça, c'est important de le mentionner. La prime de 10 % sera affectée à la
grande... à ce bureau de criminalité organisée unifié où il y aura 59 procureurs. Les autres procureurs qui font
de la criminalité organisée de moins grande envergure n'auront plus cette prime de 10 %. Mais
permettez-moi de rajouter, c'est une chose dont je n'ai pas parlé : Ils
auront la possibilité, comme les
autres procureurs dans les bureaux régionaux, d'avoir un mandat particulier,
qui est actuellement de 3 % à 7 % indexable à la retraite, là,
ou... — en
tout cas, je ne suis pas la spécialiste de ça, mais c'est ça — alors
que la prime de 10 %, c'est un montant
forfaitaire, et, pour le moment, c'est de 3 % à 7 %. Il y a des
recommandations au comité de rémunération de faire de ce mandat spécial
là 10 %. Alors, les procureurs pourront...
Le Président (M. Ouellette) : Donc,
M. le député de Vimont.
M.
Rousselle : Merci, M. le Président. Premièrement, à mon tour de
vous saluer, Mme Murphy, ainsi que toute votre équipe. Merci d'être ici. Je regardais... Puis je vous ai écoutée
parler. Justement, vous parliez tantôt de restructuration puis, avec
votre restructuration, vous parliez de moderniser, plus efficient, mieux
organisé. Vous enlevez trois boîtes, donc
trois boîtes qui étaient spécialisées, donc vous regroupez ça. C'est peut-être
ma vie antérieure qui m'amène à ça, mais là c'étaient des boîtes spécialisées. Des fois, vous avez des dossiers
qui peuvent toucher comme deux boîtes, sûrement, là, où vous devez avoir besoin de la complexité... je
veux dire, le partenariat de deux boîtes. Voulez-vous m'expliquer, là,
ça va changer quoi aujourd'hui. Je le sais
que vous allez les regrouper ensemble, mais est-ce que vous allez... les deux
spécialistes vont travailler ensemble? J'aimerais ça que vous m'expliquiez un
petit peu le fonctionnement concernant un dossier donné, là, fait par ce
dossier-là.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
• (17 heures) •
Mme Murphy (Annick) : Oui. Bien, la
restructuration, si on parle du premier volet... parce qu'on parle beaucoup du
volet de restructuration concernant la criminalité organisée, mais le premier
volet dont j'ai parlé dans la présentation
que j'ai faite en tout début de comparution concerne trois bureaux qui sont
situés au siège social de Québec présentement, et
les trois bureaux, c'est le bureau des relations publiques, le bureau des
affaires extérieures et le bureau du recrutement. Dans ces bureaux, il y avait
très peu de personnel. Le bureau, par exemple, du recrutement, il y avait
un procureur en chef et un procureur pour faire le travail. Tous les mandats de
ces trois bureaux-là ainsi que le personnel de soutien, par exemple, ou
le personnel administratif et les procureurs — il y en a quand même
quelques-uns — seront récupérés, entre guillemets, par les
autres bureaux au siège social, c'est-à-dire le bureau du directeur, le
bureau général de l'administration ou le bureau du service juridique.
Alors, tous
les mandats de ces bureaux-là seront donc redistribués, et le personnel va
suivre leur mandat, et seront maintenant... Donc, il n'y a pas de
changement physique pour ces personnes-là, mais les mandats seront maintenant
mieux redistribués dans les bureaux qui restent.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Vimont.
M.
Rousselle : Merci. Je voulais savoir. Parce que, depuis tout à
l'heure, on parle de la réorganisation, on parle de dossier, voulez-vous
me dire c'est qui qui décide vraiment de la priorité des dossiers, quand un
dossier arrive des enquêteurs? C'est qui qui décide : O.K., on va passer
celui-là avant ou...
Mme Murphy (Annick) : Bien, en
général...
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, merci. Dans les bureaux de très grande... bien,
c'est-à-dire de criminalité organisée, c'est
en général les gestionnaires qui vont décider de la priorité à accorder aux
dossiers. Mais, en général, les dossiers sont attribués à des procureurs qui en sont responsables et qui vont donc
également participer à la discussion sur la priorité à accorder au
traitement des dossiers.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Vimont.
M.
Rousselle : Donc, ça se fait en comité. Donc, il y a plusieurs
personnes qui... avec l'analyse des dossiers sur la table, ils vont
prioriser.
Mme Murphy (Annick) : Bien, c'est
sûr...
Une voix : ...
Mme Murphy
(Annick) : Oui, excusez-moi. Les policiers vont présenter aux
gestionnaires les dossiers. Et déjà, lors
de cette présentation-là, les gestionnaires qui vont recevoir l'information
policière vont déjà avoir en tête l'urgence, entre guillemets, ou la
priorité à accorder à ces dossiers-là. Mais, en général, les dossiers suivent
leur cours normal. C'est-à-dire que le
dossier est attribué à un procureur, qui, lui, va tout mettre en oeuvre pour le
faire avancer. Et évidemment ça se fait... C'est une question
d'organisation au sein du bureau, là.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Vimont.
M. Rousselle : Je reviens
toujours à votre organigramme. Je regarde, vous avez des points de service un
peu partout. Ça se peut, à un moment donné,
que certains endroits ont besoin de surplus, parce que... peu importe la
raison, à un moment donné il y a une enquête qui est plus grosse, plus
volumineuse, plus demandante sur une expertise. Vous faites ça... Comment ça se
fait vraiment sur le terrain?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui. Alors, je pense que ça me donne l'occasion de dire
qu'effectivement, dans certaines régions,
compte tenu du fait... du nombre important de points de service et du peu de
procureurs qui sont dans ces points de service
et compte tenu du fait que les procureurs en région, par exemple dans le
Nord-du-Québec ou dans l'Est du Québec, sont en général des procureurs qui font de tout, hein, on dit ça dans
notre jargon, ils font de tout type de dossier, alors ils doivent être, disons, spécialisés dans l'ensemble,
si on veut, de... bon. Mais par contre, quand on a besoin d'une
expertise particulière, par exemple en
matière de criminalité organisée, parce que c'est de ça dont on parle
aujourd'hui, bien, le Directeur des
poursuites criminelles et pénales s'assure que des procureurs pourront aller
prêter main-forte à ces bureaux du Grand
Nord ou de l'Est du Québec. Alors, vous avez tous pu... vous vous rappelez
tous, certainement, du dossier Écrevisse, qui est une enquête en Abitibi où on a donc... notre procureur
responsable était un procureur de Montréal, qui s'est rendu en Abitibi,
qui a travaillé avec certains procureurs de l'Abitibi pour préparer, analyser
ce dossier-là et ensuite présenter les accusations. Bon. Il y a eu un
changement de venu, le dossier a été traité à Québec, mais c'est un exemple.
Dans la
restructuration, les procureurs de Québec, par
exemple, vous avez compris que les
procureurs qui étaient... le groupe
de procureurs qui étaient au BLACO, par
exemple, qui sont maintenant
au bureau au palais de justice de Québec, donc ils sont actuellement physiquement à Jules-Dallaire, à Sainte-Foy. Ils
vont donc déménager au palais de justice de Québec pour rejoindre l'équipe
de procureurs de Québec, et c'est de cet endroit qu'ils vont faire les dossiers
de criminalité organisée.
Et, comme nous avons assuré les procureurs qui ont des dossiers déjà en
région... Parce que Québec
assume les dossiers de criminalité
organisée, certains dossiers, qui pourraient survenir, par exemple, à Chicoutimi ou à Rimouski, c'est les deux endroits auxquels je pense, on a eu d'autres
exemples, et, dans ce contexte-là, l'entente que nous avons, c'est que ces procureurs qui sont spécialisés se rendent
dans la région pour faire le dossier, mais on s'assure à chaque fois qu'un
procureur de région puisse accompagner ce
procureur spécialisé, encore une fois pour... d'abord parce
que le procureur de la région connaît bien sa région, connaît bien
comment ça fonctionne, a une tonne d'informations que le procureur qui vient de Québec n'a pas. Donc, ça fait une belle synergie. Et ils
travaillent ensemble, donc il
y a du transfert d'expertise en même temps qui se fait. Donc, c'est comme ça qu'on
fonctionne, et ceci ne changera pas, on va continuer après la
restructuration de faire de la même manière.
Alors, à Québec, il y a
eu quelques procureurs qui nous ont dit qu'ils préféraient aller faire autre
chose que de la criminalité organisée. Alors, si le besoin est, il y aura,
peut-être, possiblement, si le besoin est, je le répète, un autre procureur qui pourra se joindre à ce groupe de
procureurs qui fait de la criminalité organisée, encore une fois si le
besoin est, si le nombre de dossiers dans l'Est du Québec le permet. Alors,
voilà.
Le
Président (M. Ouellette) :
...M. le député de Vimont. Avant que j'aille à M. le député de Jean-Talon, je
pense que les gens qui nous écoutent... Puis
ça m'amène une question, Me Murphy. On parle beaucoup
de grande criminalité organisée. Je
présume que vous avez des procureurs qui sont spécifiquement dédiés à toute
la question du terrorisme, qui ne sont pas dans la
grande criminalité organisée, qui est complètement autre chose, dans votre
bureau.
Mme Murphy
(Annick) : Les procureurs
qui s'occupent... Il y a très peu de procureurs qui s'occupent du...
Nous avons des procureurs qui s'occupent de
ces dossiers, mais vous comprendrez que, généralement, les dossiers de
terrorisme sont faits par les procureurs fédéraux. Mais, lorsque ça requiert
l'intervention de procureurs, oui, effectivement, nous avons quelques
procureurs au Québec qui font ces dossiers et qui ne sont pas nécessairement
dans les équipes de criminalité organisée.
Le
Président (M. Ouellette) : O.K. Mon
autre question par
rapport à la criminalité organisée,
je me souviens vous avoir parlé, à la
dernière période des crédits, de l'exploitation sexuelle des enfants, c'est quelque chose qui est très présent, qui est
de plus en plus présent au Québec. Vous m'aviez répondu
avoir 11 procureurs de formés pour faire de l'exploitation sexuelle des enfants et vous en avez parlé dans
votre présentation du début. Est-ce
que, quand vous avez parlé
d'émergence de criminalité, vers où la
criminalité s'en va, ça peut être un domaine, l'exploitation sexuelle des enfants,
qui pourrait être jumelé ou qui pourrait faire l'objet de votre équipe
de criminalité organisée?
• (17 h 10) •
Mme Murphy
(Annick) : Oui. Si vous me
permettez, il est... Par exemple, il y a des dossiers d'exploitation... Quand je vous parlais des 11 procureurs,
c'est des procureurs qui sont extrêmement compétents en matière d'exploitation sexuelle,
qui travaillent dans ces dossiers dans les bureaux régionaux actuellement, à
Montréal et dans d'autres régions. Quand je parlais du dossier
d'exploitation sexuelle qui pourrait faire l'objet... ou qui pourrait être
traité, pardon, dans l'équipe de très grande
criminalité, je parle d'un réseau d'exploitation sexuelle, je parle peut-être
de production même au Québec de
pornographie juvénile. Alors, je parle de réseaux d'envergure pour lesquels il
pourrait y avoir des ramifications internationales.
C'est de ça dont je parle. Donc, l'équipe pourrait éventuellement traiter ces dossiers-là, effectivement, qui ne pourraient pas
être traités dans un bureau régional, jusqu'à un certain point, là.
Le
Président (M. Ouellette) :
Donc, effectivement, ça fait partie de la réflexion, dans la
criminalité émergente puis dans toute l'orientation vers le futur, où on
va où la nouvelle criminalité se développe.
Mme Murphy (Annick) : C'est un bel
exemple.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
M. le député de Jean-Talon.
M. Proulx : Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) :
1 min 30 s.
M. Proulx : 1 min 30 s? Ce
ne sera pas très, très long. Est-ce que je peux le reporter sur le prochain
bloc, le 1 min 30 s?
Le Président (M. Ouellette) : Ah!
vous pouvez faire ça, avec grand plaisir...
M. Proulx : Tant qu'à commencer, ne pas
finir...
Le Président (M. Ouellette) : ...si M.
le député de Borduas est prêt à prendre la relève.
M.
Jolin-Barrette : Je suis prêt, M. le Président. Rebonjour. Tout à
l'heure, on a discuté des discussions qu'il
y avait eu entre le Conseil du trésor, le ministère de la Justice et votre bureau relativement au plan de
restructuration. Est-ce que, dans votre esprit, entre le moment où vous avez
été désignée par intérim en juillet 2014, le comité de sélection
pour devenir Directrice des poursuites criminelles et pénales et votre
nomination en janvier 2015, et par la suite, en juin 2015, la
commande du ministère de la Justice et du Conseil du trésor, votre plan de
restructuration a été modifié ou a évolué, dans votre conception, en raison des
contraintes budgétaires imposées par le gouvernement?
Mme
Murphy (Annick) : Comme je
l'expliquais tantôt, notre plan de restructuration
en matière de criminalité organisée n'a pas du tout été structuré en
fonction des compressions budgétaires, pas du tout.
M. Jolin-Barrette : Mais une réduction de 4,5 millions, dans votre organisation, c'est quand même substantiel. Je pense que vous avez un budget de 123 millions.
C'est quand même important.
Mme
Murphy (Annick) : Oui. Je ne
nie pas qu'une réduction de 4,5 millions est une réduction importante. Ce que je
vous dis, par contre, c'est que la restructuration en matière de criminalité
organisée n'a rien à voir... Ce que j'expliquais,
c'est que nous avons réfléchi... je vous ai démontré que j'avais réfléchi déjà à
cette idée-là. Mon collègue Me
Alexandre Dalmau est arrivé dans l'organisation en mars 2015, et nous avons abordé ensemble
toute cette question-là en mars. La
demande du Trésor d'atteindre l'équilibre
budgétaire est survenue quelque part en juin... malheureusement, je n'ai
pas la date, mais quelque part en juin 2015. Alors, la restructuration,
pour moi, n'a pas du tout été faite
dans l'esprit d'aller... pour la
seule raison d'aller chercher une économie. Mais, comme je le disais tantôt,
j'ai été heureuse de pouvoir présenter cette restructuration-là comme
une mesure structurante.
M.
Jolin-Barrette : Mais est-ce que vous croyez qu'avec...
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous croyez qu'avec ces 4,5 millions supplémentaires
vous pourriez lutter plus efficacement
contre le crime? Est-ce que vous avez besoin de ressources, au Directeur des
poursuites criminelles et pénales?
Mme Murphy
(Annick) : Je voudrais juste...
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy.
Mme
Murphy (Annick) : Oui, s'il vous plaît. D'abord, le 4,5 millions
qui est... La restructuration en matière de criminalité organisée ne me
permet pas de faire des économies de 4,5 millions.
M.
Jolin-Barrette : À combien on évalue dans la restructuration?
Mme Murphy
(Annick) : À environ 2 millions, 2,2 millions — 2,2 millions?
M.
Jolin-Barrette : Donc, notamment en salaire?
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Notamment en salaire? Entre autres parce que...
juste mettre dans l'équation les procureurs qui vont être centralisés à Montréal
pour lutter contre la grande criminalité, là. Eux, là, ils vont devoir se
déplacer un peu partout au Québec, parce qu'il y a des dossiers que les procureurs...
qui étaient traités en région. Maintenant, il va falloir qu'ils prennent
des chambres d'hôtel, il va falloir qu'ils fassent du kilométrage, tout ça. Il
n'y a pas d'économie vraiment là-dessus.
Mme Murphy
(Annick) : Non. Si vous me permettez...
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy.
Mme
Murphy (Annick) : Oui. La très grande criminalité, là, en général,
c'est à Montréal que les dossiers sont traités.
Maintenant, l'économie, là, de la restructuration, là, elle est sous différents
aspects, mais entre autres due au fait qu'il y a plusieurs procureurs en
chef qui perdent leur travail... c'est-à-dire qui ne perdent pas leur travail
mais leur poste de procureur en chef. Ils conservent leurs conditions de
travail, mais ils perdent ce poste de procureur en chef.
Alors, à terme, dans
la restructuration, bien, lorsqu'un des procureurs en chef prendra sa retraite,
nous ne le remplacerons pas, par exemple.
Donc, à terme, nous faisons l'économie de son salaire, et ainsi de suite, là.
Alors, il y a donc une économie importante de ce côté-là.
Vous
l'avez mentionné tantôt, il y a également l'économie due aux primes qui ne
seront plus payées à un ensemble de procureurs.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Est-ce
qu'on peut demander, M. le Président, de déposer la demande du Conseil du
trésor à la commission?
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy, est-ce que c'est une demande écrite que le
Conseil du trésor vous a faite?
M.
Jolin-Barrette : Ou du ministère
de la Justice, relativement au plan de restructuration ou au plan
d'atteinte de l'équilibre budgétaire.
Mme Murphy (Annick) : Le plan de
restructuration ne...
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait...
Le
Président (M. Ouellette) :
Ne bougez pas, ne bougez pas. Me Murphy, on va laisser préciser la demande
par le député de Borduas et on statuera.
M.
Jolin-Barrette : Est-ce
qu'on peut déposer la correspondance, ou la demande, ou le plan qui a été
formulé à la fois par le Conseil du trésor
relativement au DPCP pour l'objectif d'aller chercher 4,5 millions, et également s'il y
a des correspondances entre le ministère
de la Justice et le Directeur des
poursuites criminelles et pénales sur
ce même élément?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Si vous me
permettez, M. le Président, je ne sais pas si je peux faire une telle
chose.
Le Président (M. Ouellette) : Je
comprends que vous allez vérifier et je comprends que vous allez revenir au secrétariat
de la commission rapidement pour nous informer si vous pouvez effectivement
faire une telle chose.
Mme Murphy (Annick) : Absolument. Absolument.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Donc, je
comprends, c'est un engagement sous réserve.
Le Président (M. Ouellette) : Je
comprends qu'il y a une vérification qui va se faire et que vous allez avoir une réponse dès que nous aurons une réponse au secrétariat de la commission, M. le
député de Borduas.
À vous la parole.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Relativement au nombre de
procureurs, en fait, on a indiqué : certains procureurs-chefs n'occuperont plus leurs
fonctions, vont redevenir des procureurs. Est-ce que, parmi les procureurs
au Directeur des poursuites criminelles et
pénales qui ont des contrats occasionnels, à l'exception des deux qui sont
identifiés dans le tableau, employés sur les
gangs de rue... Est-ce que tous les procureurs qui bénéficient d'un contrat
occasionnel vont être renouvelés à la fin de l'année financière ou à la fin de
leurs contrats?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy (Annick) : Il y a
plusieurs types de procureurs occasionnels, donc ma réponse, c'est : Non,
c'est impossible que tous les procureurs occasionnels puissent être renouvelés.
Parce que le statut d'un procureur occasionnel
est généralement tributaire du retour, par exemple, d'un procureur en congé de
maternité, du procureur en invalidité.
Alors, ces procureurs qui sont des procureurs occasionnels, qui remplacent,
bon, peuvent, peuvent, je le dis bien, perdre leur emploi au moment du
retour du procureur en invalidité ou en maternité
Mais par
contre ce que nous faisons, au Directeur des poursuites criminelles et
pénales... Parce que ces procureurs occasionnels sont des procureurs qui
font partie... que nous formons, qui font partie d'une équipe, qui ont une
belle expertise, et, dans la mesure du
possible, nous tentons de les garder au Directeur des poursuites criminelles et
pénales. Nous tentons de leur trouver
d'autres endroits. Alors, à Montréal, par exemple, cette possibilité-là, elle
est beaucoup plus facile, peut-être,
qu'ailleurs en région, parce qu'il y a beaucoup de postes de maternité ou
d'invalidité. Alors, lorsqu'un procureur occasionnel termine un contrat,
bien, ça lui donne l'occasion parfois d'être ensuite sur un autre contrat de
maternité. Et il se présentera, si tel est
son désir, sur l'affichage d'un poste permanent, et il pourrait effectivement
être embauché éventuellement sur un poste permanent.
Donc, je ne peux pas faire la promesse, vous
dire que tous les procureurs occasionnels que nous avons aujourd'hui au
Directeur des poursuites criminelles et pénales seront en place au
31 mars, mais je vous dirais que la très grande majorité le seront.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Tout à l'heure, on a discuté de la question des
procureurs qui vont se retrouver dans les
bureaux régionaux, que ça soit à Québec, Trois-Rivières, Granby, Sherbrooke, et
du fait qu'ils vont continuer de traiter... Saint-Jérôme — merci — et du
fait que ces procureurs-là vont continuer de traiter les dossiers de crime
organisé. Dans les dossiers de crime
organisé, malgré le fait que... ce que vous mentionnez, c'est que, dans les
régions, c'est de moins grande envergure que ce qui sera traité à Montréal, il va tout de même y
avoir de l'écoute électronique à faire, donc une charge de travail qui n'est pas la même que des dossiers qui
s'inscrivent dans un dossier de 8 h 30 à 17 h 30 ou
lorsque les procureurs sont retenus plus tard par la cour. Et aussi au niveau
de la préparation du temps de cour le lendemain matin, aussi, on connaît le travail des procureurs, parfois... bien, en
fait, souvent, ils doivent rester au bureau pour préparer leur journée
de cour le lendemain.
Mais
comment est-ce qu'on va pouvoir réussir, pour ces procureurs-là, à concilier
entre leurs dossiers de crime organisé
et, s'ils doivent faire des remplacements au niveau de la poursuite
verticale... comment on va réussir à concilier puis à leur dégager du temps pour qu'ils puissent avoir le temps de
lutter efficacement contre les membres du crime organisé?
Mme Murphy
(Annick) : Écoutez, nous avons...
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy
• (17 h 20) •
Mme
Murphy (Annick) : Oui. Si les procureurs ont besoin de temps pour se
préparer, on peut offrir du temps supplémentaire.
Alors, au DPCP, il y a du temps supplémentaire pour les procureurs qui
travaillent plus que 37 h 30 min dans leur semaine.
Alors, que ce soit un procureur qui fait un dossier de criminalité organisée ou
un procureur qui est devant jury, par
exemple... Parce qu'il y a des procureurs qui sont devant le jury qui, eux,
travaillent le soir, travaillent souvent
la nuit pour être prêts le lendemain matin. Et ce n'est pas nécessairement en
criminalité organisée. Et ce sont des dossiers qui sont importants. Et
là nous leur offrons la possibilité d'avoir du temps supplémentaire. Alors,
pour les procureurs de criminalité organisée, c'est exactement la même chose.
Alors,
les procureurs, tous les procureurs, sont soumis aux mêmes règles. Alors, s'ils
font des dossiers de criminalité
organisée et qu'ils démontrent qu'ils ont besoin du temps supplémentaire, le
gestionnaire pourra l'autoriser de la même manière.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Généralement, le temps supplémentaire pour les
procureurs au palais de justice doit être préautorisé, à moins qu'ils soient
devant le juge puis que le juge dise : On poursuit l'audition. Donc, la
réalité n'est pas la même.
En fait, vous
dites : Les procureurs font le même travail, mais le type de pratique est
véritablement différent lorsqu'on est en
matière de crime organisé ou lorsqu'on est en matière de dossiers devant la
cour, aussi, régulièrement.
Mme Murphy
(Annick) : Je suis obligée de vous dire...
Le Président (M. Ouellette) : Me Murphy, ne bougez pas. Pour les besoins de
l'audio, parce que vous m'avez dit :
Absolument, et vous m'avez dit : Oui, aux questions du collègue de
Borduas, j'aimerais ça que vous me le disiez dans le micro pour qu'on
puisse l'avoir en audio.
Mme Murphy
(Annick) : D'accord.
Le Président (M.
Ouellette) : Pour le temps supplémentaire préautorisé.
Mme
Murphy (Annick) : En fait, je suis obligée de vous dire que je ne suis
pas d'accord avec vous. Pour moi, c'est
la même chose. Ils sont traités exactement de la même manière. Est-ce qu'ils
auront besoin, dans une semaine x, d'un certain nombre d'heures? Est-ce qu'ils l'auront présenté? Est-ce
qu'ils l'auront prévu, présenté à
leur procureur en chef, obtenu l'accord? Ça se fait comme ça dans
l'ensemble du DPCP pour l'ensemble des dossiers, quels que soient les dossiers
qu'on traite.
Je
rajouterais que nous avons une entente sur les conditions de travail et nous
avons des règles, et ces règles-là s'appliquent
à tout le monde d'une manière équitable. Alors, qu'on soit un
procureur qui traite un dossier de criminalité organisée ou un procureur qui traite un dossier d'agression sexuelle ou
de capacités affaiblies, c'est la même chose. Et les procureurs pourront
faire l'objet d'un mandat spécial, si tel est le cas. Alors, tout le monde est
traité équitablement.
15359 M. Jolin-Barrette : Je comprends l'objectif d'être...
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Je comprends l'objectif d'être traité équitablement, mais ce que vous me
dites, c'est qu'un dossier de
facultés affaiblies doit être analysé à travers le même prisme qu'un dossier en
matière de lutte contre le crime organisé,
contre les clubs-écoles qui sont en train de se former, contre les chapitres
qui sont en train de se reformer. Parce que c'est ça, là, qu'on retient,
là, de votre intervention.
Je
pense qu'on a décidé en 2000 de créer le BLACO, on a décidé en 2011 de créer le
Bureau de lutte à la corruption et à
la malversation parce que c'est des types de pratiques qui nécessitent une
expertise très importante. Non pas que je dise que, dans toutes les autres infractions du Code
criminel, ça ne nécessite pas une expertise extrêmement importante,
ce n'est pas une question de hiérarchisation, mais on a décidé de créer des
bureaux spécialisés, et puis là ce que vous nous
dites, c'est qu'on attend de voir les résultats, on pense que ça va être plus
favorable, mais qu'on n'a pas de garantie.
L'autre élément aussi
que vous nous avez mentionné tout à l'heure : Un coup que le bureau à la
très grande criminalité va être mis en place, on va évaluer de quelle façon on
va départager les dossiers. Ce ne serait pas mieux d'identifier quels types de dossiers on va traiter
pour dire : Bien, ça va nous prendre telle, telle, telle personne au
bureau de la très grande criminalité, et
aussi pour permettre aux procureurs qui veulent aller à ce bureau-là de savoir
de quoi il en revient? Parce que
prenons quelqu'un qui est à Québec, qui était procureur au
BLACO à Québec, est-ce
que le DPCP va lui payer son déménagement à Montréal?
Je ne crois pas. Est-ce que c'est son premier choix? Parce que,
tout à l'heure, on a mentionné... Il y a des procureurs qui nous
ont dit : Bon, bien, je ne veux plus faire de crime organisé, je ne veux
plus être dans un bureau spécialisé, mais est-ce que
c'était véritablement leur premier choix? Est-ce qu'on a offert aux
procureurs un consentement libre et éclairé là-dessus?
Le Président (M.
Ouellette) : 30 secondes, Me Murphy.
Mme
Murphy (Annick) : Oui.
Écoutez, là, le travail que nous avons fait... Plus que 30 secondes, M. le Président?
Le Président (M. Ouellette) : Bien là, M.
le député de Jean-Talon
va être encore très magnanime. Effectivement, on vous écoute.
Mme
Murphy (Annick) : D'accord.
Alors, ce que nous avons fait dans cette restructuration-là, comme
dirigeants, nous avons d'abord
rencontré les procureurs en chef le 23, là, septembre, les procureurs en chef
qui ont été touchés par la restructuration et qui perdaient leur poste.
Nous avons ensuite, dans la même journée, rencontré les procureurs-chefs
adjoints pour leur expliquer la situation. Nous avons ensuite annoncé aux
procureurs qui traitaient les dossiers de criminalité
organisée que nous voulions les rencontrer en après-midi, tous ensemble,
pour leur expliquer la restructuration, ce que nous avons fait. Pour les procureurs de Québec,
nous avons fait des visioconférences ou des appels conférences cette
même journée. Nous avons, mon collègue et moi, rencontré en groupe l'ensemble
des procureurs, le 23 septembre, de
criminalité organisée pour leur expliquer cette situation-là. Cette
journée-là, nous leur avons dit : Ce soir, à 5 heures, il y
aura un message... un communiqué qui sortira à votre attention — et je
pense que vous l'avez, M. le député : la révision
de la structure administrative du Directeur des poursuites criminelles et
pénales, signée le 23 septembre 2015. C'est ce que nous avons
fait.
Lors
de cette rencontre, nous leur avons mentionné qu'ils seraient tous rencontrés
individuellement, ce que nous avons fait. Depuis le 23 septembre
jusqu'à aujourd'hui, nous avons rencontré l'ensemble des procureurs touchés par
cette restructuration-là. Nous avons passé du temps individuellement — nous
étions accompagnés — nous
avons passé du temps individuellement avec
ces personnes pour leur demander... leur parler de la restructuration, leur
expliquer et leur demander : Maintenant
que nous procédons à cette restructuration-là, quels seraient vos besoins?
Qu'est-ce que vous voudriez faire?
Alors, avez-vous un plan A? Avez-vous un plan B? Certains avaient
même un plan C. Ce que nous leur avons
dit... En fait, nous avons pris en note l'ensemble de leurs commentaires. Et ce
que je leur ai dit, c'est : Je vais analyser cette situation-là, discuter avec mes collègues.
Et, lorsqu'on va faire... On va faire tout en notre possible pour
permettre que votre souhait soit exaucé. Ce n'était pas une promesse de
résultat, mais c'était un engagement que nous allions faire tout en notre possible pour accéder à leurs
demandes. Mon collègue a fait exactement la même chose à Montréal avec l'ensemble des procureurs. Nous avons ensuite
regardé le résultat et nous avons ensuite rappelé tous les procureurs
pour leur expliquer, pour leur donner le
résultat. Et je pèse mes mots, mais je dirais que presque tous les procureurs
ont obtenu, entre guillemets, ce qu'ils désiraient dans cette
restructuration-là.
Alors,
si vous me dites : Y a-t-il des mécontents?, bien sûr qu'il y a des gens
qui sont moins heureux. Bien sûr que de
perdre une prime de 10 %, un montant forfaitaire, bien sûr que ça ne fait
pas plaisir. Bien sûr que les procureurs qui sont, par exemple, dans un
bureau régional, qui ne peuvent pas, pour des raisons qui leur appartiennent,
se joindre au bureau de Montréal, bien sûr
que ça peut être décevant. Mais bien sûr je pense que tous les changements,
quels qu'ils soient, apportent ce lot de conséquences là. Nous avons
tenté de les minimiser le plus possible. Mais, vous savez, lorsqu'on veut faire
un changement positif dans une organisation, on doit accepter de le faire, même
s'il y a des gens qui, au bout du compte, sont mécontents. Et je ne suis pas en
train de dire que les gens qu'on n'a pas pu associer au bureau à Montréal, ces gens ne pouvaient pas faire le
travail. Absolument pas. Il y a des gens extrêmement compétents. Il y a
des procureurs extrêmement compétents, qui enseignent à l'université, qui
enseignent au Barreau, qui sont compétents, mais qui ne pouvaient pas joindre
cette équipe-là, malheureusement.
• (17 h 30) •
Alors,
c'est ça, une restructuration. Et je reste convaincue que celle-ci va nous
permettre de faire face à la lutte... faire
face à la criminalité organisée 2015 et pour le futur. Et je pense qu'il était
nécessaire de changer notre
structure. Je pense qu'il est nécessaire de revoir et je pense
que c'est sain. Que ce soit en
matière de criminalité organisée ou
en d'autres matières, je pense
qu'il est sain pour une organisation de regarder le travail qu'elle fait et de
s'interroger, et c'est ce que nous avons
fait. Je pense que toutes les organisations doivent le
faire. Et, si ça nécessite des efforts et si le changement nécessite de changer des choses peut-être
parfois sans faire plaisir à l'ensemble des membres, bien, il faut avoir, je pense,
excusez-moi, le courage de le faire. Et, en ce qui me concerne, je pense que c'était important
et je pense qu'on a eu le courage de faire ce
changement-là.
Et
je ne suis pas en train de vous dire que c'est facile et je ne suis pas en
train de vous dire que tout ça, ça se fait en claquant des doigts. Je suis en train de vous dire qu'on essaie de faire
mieux avec ce qu'on a et je suis en train de vous dire que nous sommes convaincus qu'on va faire mieux
avec ce qu'on a. Et je suis aussi convaincue qu'il y a plein
d'autres gens dans l'organisation, là, qui ne parlent pas puis qu'on n'entend pas, qui sont heureux de
ça, qui sentent qu'ils seront traités avec toute l'équité possible par
le Directeur des poursuites criminelles et pénales.
Alors, c'est ça, le changement. Je ne suis pas
en train de vous dire que, l'année prochaine, je vais regarder ça puis je vais dire : Oh! j'ai des problèmes,
je ne changerai pas. Non, au contraire, je suis en train de vous dire :
Mais nous, on
veut s'assurer que, ce qu'on fait, on le fait correctement. Alors, on se
donne des indicateurs, on se donne un programme pour évaluer le travail qu'on fait justement pour être capables
de dire l'année prochaine : Est-ce
que j'ai bien fait? Est-ce que
j'ai moins bien fait? Et, si j'ai moins bien
fait, qu'est-ce que je peux améliorer? Et ça, c'est un engagement
que j'ai pris avec mes procureurs :
si certains changements que nous avons faits ne répondent plus à la
criminalité, à la criminalité organisée, à la pression qu'on a de la criminalité organisée, si ça requiert des
changements, on les fera, les changements. On les fera, les changements.
C'est ça, l'engagement que je prends, et moi, je pense que c'est sain de le
faire. Et voilà.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Me Murphy. M. le collègue de Borduas vous remercie de sa question, puis M. le collègue de Jean-Talon,
bien, il vous remercie de votre réponse. M. le collègue de Jean-Talon.
M. Proulx : Merci, M. le Président. Me
Murphy, vous avez abondamment parlé de deux choses qui, moi, m'interpellent ou m'intéressent. La première,
c'est tout ce qui entoure les procureurs. Je vais y aller en deux temps,
mais, comme vous étiez sur une lancée, je vais tout de suite passer à ce que je
voulais être ma deuxième question.
Vous avez beaucoup
parlé, dans le cadre de la réorganisation... vous l'avez dit d'entrée de jeu, vous avez
répondu à plusieurs occasions de la même façon, vous venez d'en
parler, vous avez parlé de la criminalité 2015. Vous avez parlé de la criminalité, mais 2015. Il semble que les
choses se complexifient dans à peu
près tous les domaines, et c'est aussi
vrai dans le vôtre, et c'est aussi vrai dans
les cas que vous devez analyser. Et moi, j'aimerais ça, pour que les gens
puissent comprendre... Qu'est-ce qu'il y a de différent dans cette
criminalité-là? Quels genres de cas nouveaux on voit de façon plus abondante sur vos bureaux? Qu'est-ce qui vous
amène à devoir mettre en commun à la fois de l'expérience de procureurs
et des nouveaux... Moi, j'ai vu les dossiers dans les années où j'ai pratiqué
dans... J'ai fait de la politique et du droit à différentes occasions, et, chaque fois, les choses se complexifiaient.
J'ai fait de la responsabilité civile, puis les affaires n'étaient pas plus simples qu'avant, ça devenait
de plus en plus complexe. Alors, pouvez-vous nous expliquer un peu à quoi on fait face aujourd'hui qui n'était pas le
cas, même, au moment où on a créé le DPCP ou au moment où on créait, par
exemple, les premières unités, en 2002, par exemple?
Mme Murphy (Annick) : Écoutez, la...
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, merci. La criminalité organisée se raffine d'une façon
exponentielle, à une vitesse exponentielle,
et nous n'en voyons que la pointe de l'iceberg. La criminalité organisée a des
ramifications maintenant internationales.
Cette criminalité-là ne peut pas être traitée dans un bureau régional. Cette
criminalité... On doit préparer... on
doit mettre une équipe qui va pouvoir recevoir ces dossiers-là, qui va être
assez costaude, qui va avoir l'expertise pour le faire. Et donc on parle de ramifications internationales, de
ramifications transnationales, de fraudes financières à grande échelle. C'est ça, la criminalité d'aujourd'hui.
Les dossiers...
Écoutez,
quand j'ai commencé ma pratique...
là, je trouve ça toujours plate de raconter ces affaires-là, mais, quand
j'ai commencé ma pratique il y a près de
35 ans — moi, je
suis un procureur de carrière — les dossiers se calculaient en... là, je montre un pouce, là, mais en centimètres.
C'était ça, les dossiers. Aujourd'hui, pour les dossiers de... même pas
de moins grande criminalité, mais de dossiers ordinaires, c'est souvent des
boîtes, c'est des boîtes, des caisses de documents.
Je peux vous faire une image. Quand j'ai
commencé ma carrière, les déclarations de témoin, c'étaient des déclarations écrites. Alors, le temps de prendre
connaissance de la déclaration, c'était terminé. Aujourd'hui, cette même
déclaration là, c'est des heures de vidéo,
des heures de vidéo. Mais on doit être assis comme procureur et regarder
l'heure de vidéo. Donc, c'est un petit exemple.
Il y a
énormément... Les techniques d'enquête se perfectionnent, se complexifient, la
preuve se complexifie de plus en
plus. Il semble aujourd'hui que nous fassions plus de requêtes, si on veut,
presque, de procès. Là, je dis ça comme ça, là, je n'ai pas fait de
statistiques, mais c'est tout simplement pour dire que ça change présentement.
Les jugements de la Cour suprême avaient
20 pages, ils en ont 120. Tout, tout est plus complexe. Tout est plus
compliqué. Tout prend plus de temps à faire. Donc, les dossiers de
criminalité organisée, de très grande criminalité, on les calcule en gigaoctets
et même, parfois, en téraoctets. Alors, le
temps pour le procureur d'analyser les conversations téléphoniques, les
vidéos, etc., c'est un temps fou, c'est une étude qui dure des mois et des
mois.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Me Murphy. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Ah! Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je vais y aller de quelques
questions. Vous comprenez, je vais
manquer cruellement de temps, donc si on peut y aller avec des réponses assez
courtes. Juste nous dire la perte nette...
Tantôt, je pense que vous avez dit qu'il y avait 19, donc, procureurs de moins,
une fois la répartition faite. Donc, ces procureurs-là, parmi ceux-là, il y a des occasionnels qui ne sont pas
renouvelés, il y a les gens de SharQc et puis il y en a qui vont être
réaffecté à d'autres dossiers. C'est ça?
Mme Murphy (Annick) : Oui.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy, la réponse, c'est oui?
Mme Murphy (Annick) : Oui.
Mme
Hivon : O.K. Parmi les 37 procureurs qui vont être sur
le reste du territoire, je comprends qu'ils ne feront pas 100 % de
criminalité organisée, ils vont en faire, ils vont conseiller, mais il peut
arriver qu'ils fassent autre chose.
Mme Murphy
(Annick) : Bien, s'il n'y a pas de dossier de criminalité organisée
qui les occupe, ils peuvent faire...
Mme
Hivon : Ça va être
leur première responsabilité. Mais est-ce que c'est-à-dire que vous aviez trop
de procureurs? Aviez-vous trop de procureurs dans ces trois bureaux-là?
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui. En fait, l'analyse qu'on fait présentement, c'est que
le nombre de procureurs qu'on met,
qui n'est pas très différent du nombre de procureurs qu'on avait, est un nombre
de procureurs suffisant pour traiter les dossiers de criminalité
organisée.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Joliette.
Mme
Hivon : ...un
nombre suffisant.
Mme Murphy (Annick) : En matière de
criminalité organisée, j'estime que j'ai un nombre suffisant, oui.
Mme
Hivon : Parfait.
Au global, est-ce que vous faites la même analyse?
Mme Murphy (Annick) : Au global, actuellement...
Le Président (M. Ouellette) : Me Murphy.
• (17 h 40) •
Mme Murphy
(Annick) : Oui, excusez-moi.
C'est vrai. Vous savez, nous avons 15 procureurs... Je vais parler
du programme de gangs de rue. Le programme
de gangs de rue finançait 15 procureurs et du personnel de soutien,
finançait, donc, des procureurs
occasionnels. Ce que les procureurs-chefs faisaient... Par exemple, dans un bureau, un procureur avait, par exemple, deux postes de
procureur occasionnel pour faire des gangs de rue. Ces dossiers-là ont une
certaine complexité. Donc, les procureurs-chefs ne mettaient pas un
procureur... un jeune procureur occasionnel dans ces dossiers-là, le procureur-chef attribuait... ou attribue les
dossiers de criminalité organisée à des procureurs qui ont de l'expérience,
etc.
Le programme
de gangs de rue n'est plus financé, ne sera plus financé. Et le Directeur des poursuites criminelles et pénales
ne peut pas financer ce programme. Donc, il y aura une perte de 15 procureurs affectés... occasionnels, là,
ce n'est pas ceux qui sont affectés
aux gangs de rue, vous avez compris la nuance que je voulais faire. Donc, ces
15 procureurs sont actuellement
répartis dans le réseau et ils font des dossiers de toute nature. Ces
procureurs, nous allons... Le DPCP le finance, là, jusqu'au 31 mars, mais on a avisé nos gens qu'à partir du
31 mars on ne financerait plus. Donc, c'est 15 procureurs qui
ne feront plus les dossiers.
Alors, si
vous me demandez si, oui, j'aurais une difficulté, je dirais que ces procureurs
ont chacun un «caseload» d'un certain
nombre de dossiers, et, oui, il serait utile d'avoir ces procureurs pour,
évidemment, continuer ces dossiers-là et éviter que ces dossiers-là se
retrouvent sur le «caseload» de d'autres procureurs dans leurs bureaux.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Joliette.
Mme
Hivon : Et vous
parlez exclusivement des procureurs pour les gangs de rue? O.K. Pour le reste,
vous estimez que vous avez le bon nombre de procureurs.
Le
Président (M. Ouellette) :
Votre réponse, c'est oui, Me Murphy? Vous m'avez fait un signe de la tête.
Oui.
Mme Murphy
(Annick) : Bien, pour le reste, là, ce que j'estime... En fait, c'est
que la charge de travail... Nous n'avons
pas évalué la charge de travail à l'heure actuelle. Puis la charge de travail
devrait certainement être évaluée d'une manière sérieuse. Je ne suis pas
en mesure de vous répondre ce que ça donnerait effectivement si nous faisions
une évaluation de la charge de travail.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Joliette.
Mme
Hivon : Je vous
pose la question parce qu'en 2011 il y a eu beaucoup d'événements. Il y a eu,
bon, les moyens de pression des procureurs
de la couronne. Il y a eu, à peu près dans le même temps, le premier arrêt des
procédures dans le procès SharQc. Tout ça a mené au fait que le ministre de
l'époque, notre collègue leader, en ce moment, du gouvernement, avait dit, lors d'un point de presse à la suite, là, de
l'arrêt des procédures dans SharQc, qu'il n'y aurait aucun compromis qui
pouvait être fait en ce qui a trait aux moyens offerts aux poursuivants.
Ensuite, on a eu le rapport Dicaire, qui
découlait, donc, du travail avec les procureurs pour voir s'ils étaient
suffisamment dotés. Ce rapport-là est venu dire qu'on aurait besoin de 126 ressources pour soutenir...
justement pour que les procureurs fassent ce qui devrait être leur
travail. Or, à ce jour, il y a toujours 72... ça devait se faire sur trois ans,
il y a toujours 72 ressources de ça qui ne sont pas
comblées. Est-ce que cette absence-là de ces 72 ressources là, qui avaient
été jugées nécessaires, nuit à l'exercice de votre travail?
Mme Murphy (Annick) : Écoutez...
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui. Le DPCP, nous avons demandé aux gouvernements
successifs depuis 2012... On devait
avoir une deuxième vague et une troisième vague. Nous avons donc demandé ça. Et
évidemment on n'a pas reçu ces
ressources-là. Je peux vous dire qu'en matière, par exemple, de criminalité
organisée il serait extrêmement utile de bénéficier des techniciens en droit que nous attendions dans la deuxième
vague et dans la troisième vague, techniciens en droit que nous n'avons pas mais qui seraient effectivement très utiles
dans cette équipe de criminalité organisée et, bien, également dans
d'autres bureaux pour des dossiers aussi d'importance.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Joliette.
Mme
Hivon : Et je
comprends que, compte tenu des efforts budgétaires qui vous ont été demandés,
c'est une demande, cette année, qui est complètement retirée. Donc, il n'y a
aucun ajout de ressource à cet égard-là qui est prévu, même si, à l'époque, c'était une condition sine qua non, en
quelque sorte, de l'entente, de dire qu'il y aurait un ajout substantiel
de ressources de soutien.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Murphy.
Mme Murphy (Annick) : Oui. En fait,
pour la deuxième... On a eu un premier groupe qui...
Mme
Hivon : ...
Mme Murphy
(Annick) : C'est ça. Pour la deuxième et la troisième vague, qu'ils
avaient appelé, on devait faire une reddition de comptes, ce qu'on a
fait, une reddition de comptes sur l'utilisation, les bénéfices apportés par la
présence de ces personnes-là. Et on a
effectivement fait en 2013 une reddition de comptes. Et, malgré cette reddition
de comptes là en 2013, on n'a pas eu, effectivement, ces effectifs-là, et ni
l'année suivante.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui.
J'aimerais, justement, pour faire suite... Ces déclarations-là avaient fait
suite à SharQc, premier arrêt de procédure.
Depuis, on a eu, malheureusement, SharQc, deuxième arrêt de procédure. Là, on a
vu qu'il y avait une trentaine, même, d'accusés qui étaient en train de
revoir leur plaidoyer de culpabilité. J'ai tout à fait lu le détail de tout ce que vous avez déclaré à la suite
de ça. Donc, il y a la mise en place de deux instances, une très précise
sur la question de la communication de la
preuve, je pense, qui est excessivement préoccupante, et l'autre plus générale
sur la gestion des mégaprocès. Évidemment,
il y en a encore, des mégaprocès qui sont en cours. Je ne veux pas de
commentaires sur le fond des choses. Mais
vous voyez comme moi que, pour ce qui est, par exemple, du mégaprocès, qui n'a
pas la même ampleur mais qui a quand
même une bonne ampleur, qui concerne Laval, l'ex-maire Vaillancourt puis une
trentaine de coaccusés, on est déjà
en train de dire que ça ne pourra pas commencer à procéder avant 2019. Est-ce que
vous ne jugez pas qu'il y a là source
d'inquiétude, compte tenu du passé, que la question, donc, de délais trop
longs pourrait en venir à être invoquée?
Est-ce qu'il y a des mesures qui vont
être prises dès maintenant pour éviter tous les risques possibles
d'arriver à des résultats aussi catastrophiques que dans SharQc?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Merci. Il est très certain que les délais nous préoccupent
énormément, au Directeur des poursuites
criminelles et pénales, et que nous, on parle de prendre toutes les mesures
possibles pour réduire ces délais-là. Mais vous comprendrez que toute la
question des délais en matière criminelle et pénale ne relève pas...
Mme
Hivon : C'est
l'administration de la justice aussi.
Mme Murphy (Annick) : C'est
l'administration de la justice, on ne... Alors, oui, le Directeur des
poursuites criminelles et pénales veut
contribuer à toute cette discussion qu'il doit y avoir, et qui est commencée
d'ailleurs, pour réduire les délais.
Alors, je ne pense pas que nous, on pourrait y apporter de réponses seuls puis
je pense que la réponse doit être apportée par l'ensemble du système de
justice.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Joliette.
Mme
Hivon : Est-ce que vous avez fait des demandes, justement, à
la ministre de la Justice à cet égard-là? Parce que je comprends qu'il y a un comité en cours, présidé par Me Bouchard,
mais ça ne donnera pas de résultat avant fin août 2016, de ce que je comprends. Or, ces
causes-là procèdent. Il y a déjà des gestes qui peuvent être pris pour
s'assurer qu'on ne revivra pas ces
cauchemars-là. Il y avait une part de responsabilité imputée au DPCP, à
certains égards, d'autres à l'administration de la justice de manière générale.
Est-ce que vous avez fait des demandes auprès de la ministre pour qu'on évite
au maximum d'avoir ce même type d'issue?
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy, il vous reste 1 min 30 s.
Mme
Murphy (Annick) : Oui, je ne suis pas certaine... Vous voulez dire
faire des demandes en ce qui concerne SharQc, en ce qui concerne...
Mme
Hivon : Non, en ce qui concerne, justement, d'avoir des
ressources adéquates pour l'administration de la justice, est-ce que... bon, le nombre de juges, les salles, la fluidité
du système. Est-ce que vous, comme DPCP, compte tenu de ce qui s'est passé avec SharQc, compte tenu de
ce qui s'en vient, vous avez fait de telles demandes, pour la partie qui
ne vous concerne pas, parce que je pense qu'il y a une partie quand même qui
concerne le DPCP?
Le Président (M.
Ouellette) : Ça sera votre dernière intervention, Me Murphy.
Mme
Murphy (Annick) : Oui. Alors, effectivement, pour... En ce qui
concerne les ressources du Directeur des poursuites criminelles et pénales, les discussions sont courantes depuis
2012. J'ai assisté à plusieurs discussions relativement à la question des effectifs, etc. En ce qui
concerne les autres délais qui sont occasionnés par toutes sortes d'autres
choses, il y a des comités qui sont mis en
place depuis tout à fait récemment, qui sont dirigés par la Cour du Québec et
qui visent essentiellement à trouver
toutes sortes de moyens pour améliorer les délais. Parce que tout le monde est
inquiet de ça.
Vous
savez, les délais dont vous me parlez sont des délais à la Cour supérieure, et
ce qu'on nous dit, à la Cour supérieure,
et ça, vous comprendrez que ça ne relève pas de la ministre de la Justice du
Québec, mais on nous dit qu'il n'y a pas, par exemple, à Montréal
suffisamment de juges à la Cour supérieure pour assumer l'ensemble des dossiers
qui viennent à la Cour supérieure, et c'est ce qui expliquerait des dates aussi
éloignées que celles que vous avez mentionnées.
Mme
Hivon :
... que ça relève quand même un peu du Québec, dans le sens que les demandes de
juges puis aussi le soutien à
l'administration de la justice relèvent de nous. Puis il y a des demandes qui
peuvent être faites au niveau du gouvernement fédéral...
Mme Murphy
(Annick) : Mais nous... si vous me...
Le Président (M. Ouellette) : Merci. Oui? Oui, je vous permets. M. le député de
Jean-Talon est très magnanime encore.
Mme
Murphy (Annick) : Excusez. Mais nous faisons les demandes nécessaires,
on en discute régulièrement. Maintenant, pour ce qui est de Mme la ministre
de la Justice, ce qu'elle fait avec ça, évidemment ce n'est pas de mon ressort
du tout, là.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Jean-Talon.
• (17 h 50) •
M. Proulx :
Merci, M. le Président. Me Murphy, je vous disais tout à l'heure que j'avais
deux questions qui me trottaient dans
la tête, là. Vous avez répondu à la deuxième, parce qu'on a passé celle-là en
premier. Je veux vous parler du rôle
des procureurs, parce qu'il s'est dit beaucoup de choses, là, puis je ne parle
pas d'ici, là, mais il s'est dit beaucoup de choses sur la place
publique sur les procureurs. Et je pense que vous avez eu l'occasion, puis les
collègues, par les questions, aussi, vous
avez eu l'occasion de défendre le travail qu'ils font et d'expliquer le travail
qu'ils font, et ça, je pense que c'est important. Vous avez parlé de
l'espace d'indépendance, d'impartialité qui est nécessaire, vous l'avez dit, je pense, dans les débuts de votre
présentation. Mais ça, ce n'est pas, comme disait mon collègue tout à l'heure,
pour d'autres raisons, une déformation
professionnelle de dire ça, mais, moi, ça m'interpelle, ça, parce qu'il ont un
rôle à jouer qui est important, ils
ont un espace décisionnel qui leur appartient, où il faut qu'ils agissent,
qu'ils réfléchissent, analysent en toute indépendance, en toute
impartialité et, surtout, puis vous l'avez répété à plusieurs occasions, sans
la pression du public, notamment, ou la
pression de ceux qui interviennent ou qui questionnent les délais là-dessus.
Moi, j'aurais aimé ça vous entendre à ce sujet-là.
D'abord, comment ça
fonctionne pour préserver ça, cet espace-là? Comment vous faites pour vous
assurer... Je pense que vous nous en avez
donné une occasion en ne répondant pas à la question de ma collègue, mais quand
même comment vous faites pour préserver cet
espace-là? Parce que je pense que c'est nécessaire, je pense que c'est
essentiel, je pense que ça fait partie... c'est une des assises de la confiance
que nous avons envers l'institution. Pouvez-vous nous expliquer comment vous
faites pour préserver cet espace-là? Parce qu'il joue un rôle essentiel et
important, là, dans notre société et dans le rôle du poursuivant.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy.
Mme
Murphy (Annick) : Oui. Alors, très concrètement, les procureurs,
lorsqu'ils analysent les dossiers, ils ont, évidemment, à les analyser d'une manière objective et impartiale. Ils
doivent donc analyser la preuve et se demander si la preuve qui est au dossier leur donne des motifs
suffisants pour porter des accusations. Ces procureurs-là doivent
prendre leurs décisions à l'abri, donc, on le disait, de pressions médiatiques
ou de pressions policières, et évidemment sans pression politique.
Alors, je
peux témoigner personnellement du fait qu'il n'y a... je n'ai jamais perçu et
je n'ai jamais reçu aucune pression
politique dans l'exercice de mon travail. Et, si ce genre de pression là
pouvait s'exercer sur mes procureurs, j'en serais certainement informée,
et ce serait certainement dénoncé.
Ceci étant
dit, les procureurs... Et la jurisprudence le dit : Pour qu'un procureur
puisse... et qu'on ne puisse pas le taxer d'avoir pris, par exemple, une
décision parce que la pression était trop importante ou c'est plus facile pour
moi de prendre la décision... c'est plus facile pour moi de prendre la décision
de poursuivre — je
ne vivrai pas la pression, etc. — alors, pour éviter qu'il y ait cette
perception que le procureur ait pris une décision dans un dossier parce qu'il a
subi la pression médiatique, bien, il doit le faire en toute indépendance.
Et, vous savez, c'est ça qui m'inquiète
présentement. Cette situation-là m'inquiète présentement parce que, si l'insistance, la persistance de ces questions fait
en sorte que, pour la population, j'estime que... si le procureur prend
une décision, qu'est-ce qui va assurer à la
population que la décision que le procureur prend, elle est objective et
impartiale? Est-ce qu'on ne dira pas que le
procureur a pris cette décision de poursuivre ou de ne pas poursuivre parce
qu'il a eu cette pression-là? Et,
d'autre part, par exemple, si on décide de poursuivre, par exemple, une
personnalité politique, est-ce qu'on ne pourra pas le taxer d'avoir pris
cette décision-là pour avoir... éviter d'être taxé d'avoir pris, vous savez,
part, etc.
Ce que je
veux dire, c'est que, pour s'assurer puis pour assurer à la population que les
décisions sont prises en toute objectivité, en toute impartialité, en
toute indépendance, ils doivent pouvoir le faire sereinement. Et c'est la seule
condition, c'est la seule condition. C'est
la condition qui nous permet de dire que la décision qui sera prise par le
procureur sera une décision objective,
impartiale et indépendante, à l'abri de toute pression, que ce soit médiatique,
politique ou policière. Et c'est la raison pour laquelle les procureurs
doivent avoir le temps d'examiner leur dossier, de l'analyser.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Jean-Talon.
M. Proulx
: Merci. Je vous remercie d'avoir
fait le point, parce que ça m'apparaît essentiel, puis les gens doivent
comprendre cet espace-là, doivent comprendre le rôle qui est celui de procureur
puis votre responsabilité à l'égard de cette zone-là de décision.
Dans votre
rapport, il y a... vous avez, dans les... Vous avez des orientations
stratégiques, au DPCP, vous avez mis en
place un plan stratégique, et il y a là-dedans... dans les grandes
orientations, il y a : «Accroître la confiance du public envers le DPCP.» Et je vous ai entendue, tout à
l'heure, dire : Il faut arriver, un peu, en 2015. Je vais prendre un
exemple : c'est comme si vous avez décidé de dépoussiérer un peu une
institution. Et ça, c'est salutaire. Je pense qu'il n'y a personne ici qui va être contre ça. Et je vous dis
sincèrement : C'est très intéressant, rafraîchissant, dites-le comme
vous voulez, mais moi, je reçois extrêmement
bien le fait qu'une organisation comme la vôtre, une institution comme la vôtre soit capable de communiquer
quand les circonstances le permettent.
Comment vous... Quelles sont les démarches que
vous avez en tête et qui, dans le fond, suivent votre plan de réorganisation?
Parce qu'il y a des défis de communication là-dedans. Quelles sont les
démarches que vous entendez mettre de
l'avant ou que vous mettez de l'avant pour faire en sorte de bien communiquer,
là, dans le fond, tout ça et de répondre à votre stratégie et à vos
objectifs?
Mme Murphy (Annick) : Bien, il y a
bien des...
Le Président (M. Ouellette) : Me Murphy.
Mme Murphy (Annick) : Oui. Alors, il
y a bien des choses concrètement qu'on va devoir faire pour pouvoir mettre en
place. Par exemple, si je prends les lignes directrices en matière de
communication qui vont bientôt... oui, c'est ça.
Une voix : ...
Mme Murphy
(Annick) : C'est incessamment, c'est ça. Puis ça, c'est les
difficultés d'un gestionnaire, je dois avoir un procureur en mesure de
traduire, c'est-à-dire que j'appelle ça traduire, mais vulgariser, par exemple,
une opinion juridique qui sera rendue par
des procureurs, donc de vulgariser cette opinion juridique pas dans une langue
de bois, dans une langue qui permet
aux gens qui vont lire ça... qui va leur permettre de comprendre, de comprendre
le cheminement, le raisonnement du
procureur, de comprendre ce qu'il avait en main pour prendre sa décision.
Alors, je dois donc embaucher ou avoir quelqu'un qui va me permettre de
faire, par exemple... Donc, ça, c'est une mesure que nous allons prendre suite
à la politique qui va être mise en place.
Mais, outre
ça, il y a beaucoup d'autres choses que nous pouvons faire. Nous pouvons être
plus présents dans les médias. Nous
pouvons participer, par exemple, à... être présents et répondre de la même
manière. Par exemple, je vois régulièrement M. Hébert, je vois
régulièrement des avocats de la défense, et c'est très bien, expliquer le droit
puis expliquer... Alors, le Directeur des poursuites criminelles et pénales
pourrait être plus présent sur cette scène-là pour expliquer bien des choses
aux citoyens.
Je
voudrais parler d'une expérience en Colombie-Britannique où, avant, ils ne
publiaient pas leurs, par exemple, décisions
de ne pas poursuivre en matière d'enquêtes indépendantes, et, pour toutes
sortes de raisons qui seraient trop longues à expliquer, ils ont
commencé à publier, et il y a eu un changement dans la perception des citoyens.
Et ça, pour moi, c'est extrêmement important et c'est ça, l'objectif que nous
avons.
Parce que
nous avons une belle institution, nous avons des procureurs qui travaillent,
qui sont compétents, qui sont intègres.
En fait, qu'est-ce qu'ont des procureurs? Un procureur, ça a sa compétence, sa
crédibilité et son intégrité. Et c'est toujours difficile de voir, sur
la scène médiatique ou dans la population, évidemment, des commentaires sur
lesquels évidemment on ne peut pas répondre au fur et à mesure puis expliquer.
Alors, pour moi, c'est fondamental d'être en mesure
de faire en sorte que la population ait ces réponses-là, que la population ait
cette information-là, pour toutes sortes de raisons, pour des raisons
importantes pour la population, parce qu'il faut qu'elle comprenne, mais aussi
pour nous, aussi pour l'institution du DPCP qui doit maintenir la confiance du
citoyen dans son institution.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Jean-Talon.
M. Proulx : Bien, écoutez, ça va
être un commentaire, parce qu'il ne reste plus de temps. Mais je veux vous
remercier sincèrement d'avoir été ici avec votre équipe. Puis je prends les
quelques instants qu'il me reste pour vous remercier
comme je viens de le faire, mais vous dire également que c'est important, la
démarche qu'on a faite. Le collègue de
Borduas l'a dit, il y a eu une initiative, qui a été faite par lui, mais qui a
été appuyée par les collègues, de vous entendre. Et, moi, vous avez d'abord répondu à beaucoup de questions, vous l'avez
fait et sans... vous l'avez fait en toute franchise, vous l'avez fait en toute transparence, vous
l'avez fait dans la mesure où vous pouviez le faire. Et sincèrement vous
avez également valorisé le rôle qui est le vôtre puis celui de vos procureurs.
Vous avez expliqué pourquoi ces procureurs-là
doivent agir dans cette zone-là qui leur appartient et qui n'est pas celle dans
laquelle évolue, par exemple, le travail... dans laquelle évoluent les
politiciens, par exemple. Alors, là-dessus, je veux vous remercier puis je
crois qu'on a toutes les raisons d'avoir confiance en cette institution-là et
en celle qui la dirige. Merci beaucoup de votre temps. Merci.
• (18 heures) •
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, M. le député de Jean-Talon. À mon tour de vous remercier, Me
Murphy. J'accueille avec beaucoup de
satisfaction votre décision de publiciser, parce que j'étais de l'étude article
par article du projet de loi
n° 12 sur le Bureau des enquêtes indépendantes, et c'était le grand
questionnement des parlementaires, de rendre le rôle du DPCP plus transparent au niveau de la population, au niveau de
la confiance de la population. Je vous encourage à garder la même
réflexion.
Me
Labossière, Me Dalmau, M. Germain, j'aurais aimé vous entendre, mais Me Murphy
avait, je pense, une... c'est une réponse d'équipe aujourd'hui.
On vous remercie. J'espère que ça ne prendra pas 10 ans avant qu'on vous
reçoive de nouveau en commission, parce que ça aurait fait 10 ans
le 1er décembre 2015 que la loi n° 109 qui formait le
Directeur des poursuites criminelles et pénales, sous l'autorité du ministre de
l'époque, Yvon Marcoux, avait été adoptée à l'unanimité, et c'est la première
fois qu'on vous reçoit dans ce cadre-là. Ça fait que je vous remercie.
Et, sur ce, la commission ajourne ses travaux
sine die.
(Fin de la séance à 18 h 1)