(Onze heures quinze minutes)
Le
Président (M. Ouellette) : Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de terminer les consultations
particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi
concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les
discours incitant à la violence et apportant diverses modifications
législatives pour renforcer la protection des personnes.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Kotto (Bourget) remplace M. Bédard (Chicoutimi).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Ouellette) : Sans plus tarder, je souhaite la
bienvenue à la Fondation Jasmin-Roy. Nous avons le plaisir d'accueillir M. Roy ce matin. Vous connaissez les règles
de la commission. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Vous allez nous présenter la
personne qui vous accompagne aux fins de l'audio et de la transcription, et je
vous laisse la parole, M. Roy.
Fondation Jasmin-Roy
inc.
M. Roy
(Jasmin) : Bien, merci
beaucoup. Danielle Boulet m'accompagne. Elle est sur mon conseil d'administration à la fondation. Aussi, elle
travaille beaucoup en politique jeunesse, là, pour le fonds étudiant, le fonds
de solidarité. Alors, c'est pour ça qu'elle
m'accompagne, puisque demain elle est justement en consultations sur la
politique jeunesse.
Bien, premièrement, merci de me recevoir. C'est
toujours un privilège d'avoir le droit de parole. Alors, merci beaucoup de me permettre de m'exprimer sur ce
projet de loi. Je ne suis pas, cependant, un juriste ou un avocat, je veux
quand même vous le spécifier, et j'ai
beaucoup ramené mes recommandations par rapport à la mission de la fondation,
qui est une mission d'éducation. Et, nous
autres, ce qu'on veut, c'est faire de la sensibilisation principalement. Donc,
on parle beaucoup de mission de l'éducation au primaire et au
secondaire. Donc, tout ce qui est adulte, je n'y touche pas pour l'instant, O.K., parce que je crois vraiment
que la clé d'une société passe par l'éducation. Si on éduque bien, il va
y avoir moins de comportements violents.
J'ai lu votre
projet de loi. À la partie I, je pense qu'il faudrait intégrer l'identité de
genre. Je ne sais pas si vous y avez
pensé. Parce que, dans les propos haineux, les gens qui sont transsexuels, qui
sont trans en général peuvent être victimes
aussi, peuvent être ciblés. Donc, je ne sais pas si ça serait possible de
l'intégrer. Moi, je l'intégrerais parce que je pense que c'est des gens
qui sont à risque. On parle de 3 % de la population, donc ils sont plus
ciblés.
Dans votre projet de loi, moi, j'ai eu de la
difficulté à comprendre... Parce que je ne voudrais pas que ça contrevienne à la liberté d'expression. Ça a été
dit souvent ici, puis ça a été répété, et j'avais de la difficulté à comprendre
qu'est-ce qu'un discours haineux, qu'est-ce
qu'un discours incitant à la violence. Il faut que ça soit clair, surtout si on
parle de plus jeunes, là, d'adolescents qui,
s'ils ont ce genre de discours là... comment ça va être encadré, tout ça. On
parlait aussi d'intention, c'est
quoi, une intention. Donc, je pense qu'il faut bien le déterminer, bien
l'encadrer, justement pour éviter
qu'il y ait des plaintes qui ne soient pas vraiment des plaintes autour des
discours haineux ou incitant à la violence. Donc, ça, ça m'inquiétait un
peu.
Et je pense
que, si on se plaint, s'il y a une plainte, il faut que la personne soit en
mesure de faire la démonstration clairement
qu'il y a une intention de provoquer la haine et la violence. Puis ça, je
pense, c'est tout un défi, O.K., pour moi. Il faut juste s'assurer...
puis je pense que ça a déjà été dit, mais de faire la distinction entre des
propos inadéquats, désagréables,
controversés... Faisant partie moi-même de la communauté LGBT, je peux vous
dire que, des propos inadéquats, j'en
ai vu beaucoup. J'en reçois des fois même par courriel, par Facebook. Je
pense qu'il faut faire la part des choses aussi, hein, puis il faut faire attention que des cas isolés deviennent des
généralités, hein? Souvent, ce que je dis dans les écoles, si on a des cas d'exception, il faut faire
attention que ça ne devienne pas des cas qui deviennent comme... Tout d'un
coup, ah! ça arrive dans les médias, puis ça devient comme une généralité.
Moi, je pense que c'est dangereux.
• (11 h 20) •
Je vais vous
parler surtout de la section II, article 17, parce que c'est ce qui m'a le plus
touché. C'est au niveau de la
prévention et de l'éducation. D'accord? Et, si on se rapporte à la chaire de
recherche sur la sécurité... de la violence en milieu éducatif et de la sécurité à l'Université Laval, on a démontré
que des pratiques trop punitives, surtout chez les jeunes, ne
contribuent aucunement au développement des habiletés sociales. D'accord? Donc,
il faut éviter de mettre en oeuvre des programmes d'intervention sans mobilisation des principaux
intéressés, des punitions, des suspensions, des expulsions, des interventions ponctuelles utilisées seules, de la
vidéosurveillance, de la criminalisation des écarts de conduite mineurs, etc. Ce genre de pratique
contribue à des problématiques de violence qui persistent en milieu éducatif.
D'accord?
Donc, on
parle plutôt d'éduquer vers des bons comportements. On parle beaucoup
maintenant de créer des milieux positifs
et bienveillants, de prendre le temps aussi de démontrer les bons comportements
auprès des jeunes, d'éduquer, de
s'assurer d'avoir des réflexions sur la diversité, O.K., pour s'assurer,
justement, qu'il y ait une meilleure intégration des autres parce que j'ai peur aussi... Puis, dans la société,
présentement, québécoise, moi, ce qui me fait peur, c'est que, souvent, on est en train, j'ai l'impression, de
bâtir à bien des niveaux la crainte de l'autre plutôt que de s'assurer d'avoir
des mécanismes d'intégration des autres. Et ça, je crois que, pour la jeunesse,
c'est la clé du succès.
Cela dit, il
y a quand même des jeunes qui sont incapables de changer de comportement, et
ça, ça a été démontré par la recherche également. Donc, vous allez avoir
des agresseurs, des gens qui utilisent la violence, et on a beau leur montrer des bons comportements, ça ne fonctionne
pas. O.K.? Donc, dans ces cas-là, je crois que oui, il faut qu'il y ait des lois pour protéger la société, et votre loi,
probablement, devrait viser les cas extrêmes, là, qui ne répondent pas aux
efforts de prévention et d'éducation. C'est
ce que je crois fondamentalement parce que, venant moi-même d'un milieu
qui a été ostracisé, LGBT, ce qu'on a réalisé, c'est que plus on brise les frontières,
plus on éduque, plus on s'intègre à
l'ensemble de la population, plus il y a des échanges culturels aussi, plus ça
fonctionne au niveau des changements de mentalité.
Donc, tracer
le portrait des situations aussi dans les écoles. On dit tout le temps :
Avant d'arriver avec des lois ou des
codes de vie, traçons le portrait de la situation. Est-ce que les discours
haineux ou les discours incitant à la violence sont présentement une
priorité au Québec? Est-ce que ça fait partie des priorités? Est-ce qu'il faut
se munir d'une loi contre ça? En gros, c'est
à peu près mes recommandations. Je suis vraiment resté au niveau éducatif parce
que c'est notre mission. Je ne suis
pas ici pour changer la société à tous les niveaux. Déjà, juste s'occuper des
jeunes, c'est beaucoup, je peux vous le dire tout de suite.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. Roy.
M. Roy (Jasmin) : Ça me fait
plaisir.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Bienvenue. Et puis s'occuper des
jeunes, c'est déjà énorme. Ce n'est
pas juste s'occuper des jeunes. S'occuper des jeunes, je vous lève mon chapeau
parce que c'est notre avenir, et puis
on a besoin de s'occuper de nos jeunes, surtout dans le contexte où,
malheureusement, la violence et puis l'intimidation sont tellement présentes et puis se font de façon
insidieuse parfois dans les milieux scolaires puis surtout sur le Web, on le
voit. Je pense que tous ceux et celles qui ont des jeunes dans leur vie sont à
même de le constater.
J'aimerais
revenir sur vos commentaires, on m'indique... Et la jurisprudence a interprété
l'article 10 de la charte comme
s'appliquant, justement, à la question des transgenres, donc à la réalité des
transgenres. On a, dans différentes décisions,
notamment des décisions de la Cour suprême qui ont été amenées à se pencher sur
cette question-là, notamment dans
l'affaire Maksteel, qu'en appliquant le principe de l'article 10 le motif de
sexe était l'élément qui permettait de protéger les personnes
transsexuelles puis les transgenres. Donc, l'article, en soi, protège et
n'exclut d'aucune façon.
Maintenant, je comprends que, pour vous, nommer
l'enjeu permet aussi une certaine forme d'éducation puis une certaine forme...
M. Roy (Jasmin) : ...de
reconnaissance.
Mme Vallée :
...de reconnaissance, tout à fait. Mais je tenais à vous faire cette petite
précision là, qu'actuellement la
question a déjà été soulevée, à savoir est-ce qu'il est possible pour une
commission des droits de traiter d'un enjeu qui touche les transgenres, même si le terme «transgenre» n'est pas
spécifiquement prévu dans la charte, et puis oui, la mention de sexe en est un. Mais on comprend — et puis il y a des débats également... — que le sexe et l'identité de genre sont
deux. Et c'est un élément additionnel, c'est
une suggestion additionnelle que vous portez, et, je pense, aussi le Conseil
LGBT nous avait fait la même suggestion il y a quelques semaines.
Pour ce qui
est de la définition des termes, aujourd'hui on en est à la dernière journée,
je pense que ça fait quand même un bon consensus au sein des groupes, et je crois qu'il pourrait
être opportun d'arriver à des définitions, bien que les concepts ont été
abondamment définis, notamment par la Cour suprême dans plusieurs décisions. On
n'a pas qu'une décision qui a eu à se
pencher sur le concept de discours haineux puis de discours incitant à la
violence, mais, malgré tout et puis malgré toutes ces décisions-là, il
semble encore y avoir beaucoup de questionnements sur la portée du terme.
Puis je suis
d'accord avec vous, puis je suis d'accord avec ceux et celles qui sont venus en
commission parlementaire pour dire : Il ne faut pas brimer la liberté d'expression, il faut
la protéger. La liberté d'expression, c'est un droit qui est extrêmement important dans notre société. Mais, comme société
libre et démocratique, on doit aussi poser parfois des gestes, légiférer pour protéger ceux et celles qui font
l'objet de discours qui soit sont violents, qui incitent à la violence envers un tiers en raison de la
différence, en raison de son appartenance à un groupe visé par l'article 10 ou
qui vont inciter quelqu'un
à avoir une haine tellement profonde, une détestation — ce
sont des termes forts — et
cette haine-là pourrait éventuellement mener à de la violence. Alors,
ces notions-là, je pense qu'il faudrait les préciser.
M.
Roy (Jasmin) : Bien, je suis
d'accord... Excusez-moi de vous interrompre. C'est juste qu'il faut faire
attention parce que, dans l'évolution d'une société, des fois il y a des propos qui peuvent paraître haineux, puis
éventuellement — heureusement même, des fois — on
change nos façons de faire et même notre conception du monde, puis des propos qui, peut-être,
dans les années 50, auraient été haineux ne le seront peut-être
pas aujourd'hui. C'est là mon questionnement dans
l'évolution dans le temps.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Mais votre intervention est exactement
la raison pour laquelle on n'avait pas prévu de définition précise. Parce
que la jurisprudence, les tribunaux
sont amenés à définir les concepts notamment en fonction des paroles qui sont prononcées,
mais aussi en fonction du moment et du contexte dans lequel ces paroles-là sont
prononcées. Mais il y a quand même, je crois... il y a quand même
lieu de définir et de préciser certains éléments. Je pense que, s'il y a
une chose qui mérite d'être retenue de cette commission-là, c'est l'importance
de définir certains termes.
On l'a fait à
d'autres occasions. Lorsqu'on a introduit des concepts nouveaux en droit
québécois, on a été appelés à les
définir. Au départ, les projets de loi avaient été déposés sans définition. Je
reviens avec toute la question des soins de fin de vie, dossier sur lequel on a travaillé en 2013, dossier très
délicat, on avait amené beaucoup de concepts qui n'étaient pas définis dans le projet de loi, qui avaient
suscité des interrogations, et on les a définis lors de l'étude détaillée, puis
ça a permis aussi de faire ce travail
d'éducation. Parce que le travail d'éducation se fait avec un certain nombre
d'organismes, mais se fait aussi grâce aux textes de notre législation.
J'aimerais
vous entendre parce que, sur la question de l'éducation, évidemment ça fait
partie... Nous, dans notre plan
d'action pour lutter contre le radicalisme, il y a un certain nombre de mots
clés. C'est-à-dire, il y a le mot «agir». On a des gestes qu'on doit poser et des choses qu'on doit faire, légiférer en
est un. «Prévenir», c'est un travail qui se fait en collaboration avec plusieurs intervenants, donc
avec des gens qui sont sur le terrain. «Détecter» et «vivre ensemble». Et,
dans l'aspect «vivre ensemble», bien, il y a évidemment toute la question de
l'éducation.
La commission des droits de la personne et de la
jeunesse a un mandat d'éducation, mais je comprends aussi qu'il y a un mandat de diffusion d'information.
Est-ce que vous utilisez, vous, ce type d'information là qui est diffusé?
Dans le cadre de votre travail sur le
terrain avec la fondation, est-ce que vous utilisez les différents outils qui
sont mis de l'avant, que ce soit par des organismes comme Éducaloi ou comme la
commission, ou vous travaillez avec des outils tout autres?
• (11 h 30) •
M. Roy
(Jasmin) : On travaille
beaucoup en lien avec les nouvelles pratiques. Comme on s'en va présentement,
à partir du mois de février, mettre en place
des grandes rencontres avec la collaboration du ministère de l'Éducation pour
qu'il puisse faire un suivi sur
l'apprentissage socioémotionnel parce que ce qui ressort beaucoup de la recherche, c'est que les compétences sociales sont probablement plus importantes que les compétences académiques en bout de
ligne, comment on socialise nos
besoins, comment on arrive à créer des liens, et je crois fondamentalement personnellement qu'il
faut surtout travailler sur la diversité puis l'échange entre les divers
groupes pour s'assurer d'avoir une meilleure collaboration.
Je suis d'accord avec vous, il y a beaucoup de
choses qui se font en prévention sur le terrain. Des fois, on est maladroit, cependant, parce que, justement, quand
c'est trop répressif, quand on est trop dans la négative, généralement on n'a pas les bons résultats, et ça peut même
augmenter le problème, ça peut même... Donc, il faut faire attention parce
que, chez les agresseurs, en général, si on
ne fait que punir, ça peut renforcir le comportement. Donc, il faut surtout
dire... il faut qu'il y ait des
arrêts d'agir. Ça, je suis d'accord avec ça. Mais il faut qu'il y ait une
éducation vers le bon comportement. Et
ça, encore aujourd'hui, dans la société québécoise, on le fait peu. Donc, tu es
raciste, tu es un petit garçon qui est raciste. O.K.? Maintenant, c'est
inadéquat comme comportement, mais on va, justement, travailler avec toi vers
des bons comportements pour que tu puisses
mieux échanger dans ta société. D'accord? C'est plus vers ça qu'on travaille,
nous autres.
Puis ce qui
est arrivé avec la fondation aussi, quand le projet de loi n° 56 est
arrivé, j'avais demandé de mettre plus
en place un plan d'action, qu'il y ait plus, justement, d'outils dans les
écoles, du temps d'alloué, il n'y en a pas eu nécessairement. Donc, la fondation a beaucoup travaillé à répondre aux
exigences de la loi pour aider les écoles, pour les supporter. Nous, notre but, c'est de supporter les
écoles. Donc, on donne de l'argent, des fois, pour payer des salaires pour
structurer l'école, pour les aider à s'organiser
et pour les rendre autonomes parce qu'on ne fait pas d'ingérence. Donc, je
crois fondamentalement que c'est comment on
organise nos milieux de vie qui fait un changement sur le racisme, sur les
propos haineux, sur la violence en général.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
On a reçu, au cours du dernier mois, des représentants des milieux scolaires,
milieux d'enseignement ou de la
fédération des établissements privés, la Fédération des commissions scolaires,
la Fédération des cégeps qui nous disaient :
Écoutez, le projet de loi accorde au ministre des pouvoirs d'intervention
lorsqu'il y a notamment des propos haineux,
des propos qui incitent à la violence, mais, s'il vous plaît, respectez notre
autonomie, s'il vous plaît, respectez le
fait que nous avons au sein de nos établissements tout ce qu'il faut pour
contrer ce type de situation là. Vous intervenez dans les écoles. Est-ce que les écoles sont bien outillées pour répondre
au phénomène des discours haineux et des discours qui incitent à la
violence?
M. Roy (Jasmin) : Moi, je vous
dirais...
Le
Président (M. Ouellette) : M. Roy.
M. Roy (Jasmin) : Excusez-moi. Je vous dirais que c'est à géométrie variable. Et,
d'ailleurs, ça a été dit et redit par
les syndicats d'enseignement. Dans certains milieux, on est mieux organisé que
d'autres. Ça prend une intention, hein, une intention pédagogique aussi. Puis souvent on parle d'argent, mais
c'est quoi, l'intention? L'intention pédagogique, on parle beaucoup de ça, c'est comment on amène des
réflexions à travers les matières qui existent déjà. Donc, si on veut parler des discours haineux, on peut faire des
mathématiques, aller faire des statistiques, et, justement, au lieu de juste
dire : On va apprendre les statistiques,
on va peut-être aller faire un sondage dans notre milieu et apprendre les
statistiques par rapport à quelque
chose en particulier, comment on va aussi l'intégrer en français, dans les
cours d'histoire. Et ça, c'est une intention pédagogique.
Il y a des écoles qui
sont très mobilisées, qui y arrivent plus facilement, et il y a des écoles qui
y arrivent plus difficilement pour plein de
raisons. Quand même, on ne se cachera pas que la recherche nous a démontré en
2012 que 80 % des
enseignants n'avaient pas été formés initialement contre la violence et
l'intimidation en milieu scolaire, d'où notre projet des grandes rencontres sur la formation, pendant trois ans,
des grandes régions parce que ce qu'il manque présentement, c'est un soutien. Quand on n'a pas été formé, on manque de
confiance, il faut rassurer. Il y en a qui ont des bonnes pratiques, mais ils sont incertains parce qu'il n'y a pas eu
de formation initiale. Donc, il faut former, il faut aussi leur dire : Vous avez des bonnes
pratiques. Maintenant, on va les bonifier. Mais ce qui ressort beaucoup, c'est
d'éviter tout ce qui est répressif le
plus possible. En milieu éducatif, j'entends. Mais c'est vrai qu'aussi la
recherche nous démontre qu'il y a des
jeunes qui sont inaptes à adopter de bons comportements. Ça, il faut faire
quelque chose, et là la loi peut être utile.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Il y a un rapport qui a été déposé aujourd'hui sur la
cyberintimidation par ma collègue la ministre de la Famille, qui fait suite
aussi au Forum sur l'intimidation. On ne cache pas que certaines des
recommandations de ce forum ont
inspiré le projet de loi. On
indiquait qu'il y avait besoin d'outils additionnels pour venir contrer
certaines formes de discours qui
étaient véhiculées, qui étaient véhiculées un petit peu partout dans
l'espace public. Est-ce qu'il y a
dans ce rapport-là des éléments qui pourraient peut-être être
interprétés en lien avec la question des discours haineux?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Roy.
M. Roy
(Jasmin) : Je ne comprends pas votre question.
Mme Vallée :
Avez-vous, dans le rapport sur la cyberintimidation...
M. Roy
(Jasmin) : Je ne l'ai pas lu.
Mme Vallée :
Ah! vous ne l'avez pas lu. D'accord, excusez-moi. Je pensais que vous en aviez
pris...
M. Roy
(Jasmin) : Non, je ne l'ai pas lu, excusez-moi.
Mme
Vallée : D'accord, désolée. Mais est-ce que vous voyez aussi la
nécessité d'intervenir dans les médias sociaux, sur les plateformes
numériques, qui sont quand même des outils fort utilisés par nos jeunes.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Roy.
M. Roy (Jasmin) : Là-dessus, je vais être très clair. Parce que la cyberintimidation, ça
prend beaucoup de place dans notre
société, mais, selon la recherche, présentement dans nos écoles, c'est
12 % du problème. Donc, on en parle beaucoup, c'est un problème qui est en croissance, il faut adresser des
solutions. Moi, je crois fondamentalement, ce qu'il faut surtout, c'est éduquer nos jeunes sur
l'utilisation bienveillante de ces outils-là, et là, présentement, ça se fait
peu ou pas du tout parce qu'on a
peur, justement... On va au primaire... Souvent, je vais dans des écoles, les
trois quarts des jeunes, même s'ils
n'ont pas l'âge, ont déjà des comptes Facebook, on ne peut pas se battre
contre quelque chose qui est aussi gros que ça.
Donc,
maintenant, il faut éduquer. Éduquer, ça veut dire quoi? C'est comment on
utilise les réseaux sociaux, quels sont les dangers. Et aussi je crois
fondamentalement que, si on arrive à avoir de meilleurs échanges entre nous et
on apprend ça aux jeunes, ça va, à un moment
donné, se manifester sur le Web. D'accord? Le Web, depuis que c'est arrivé,
premièrement, les filles sont plus à risque que les garçons, il faut se le
dire. On est loin de l'égalité hommes-femmes sur
le Web. Les filles se mettent plus en danger aussi sur le Web que les garçons.
Donc, on a toute une réflexion à faire là-dessus. Mais, encore là, moi,
je parle tout le temps, dans les écoles, de tracer le portrait de situation, de
mettre nos priorités en avant. Le
cyberintimidation, c'est un problème social qui implique beaucoup de gens, et
pas juste les jeunes. Les jeunes, souvent, ne font que suivre le modèle
parental.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Est-ce que vous avez porté une attention aux
dispositions du projet de loi qui portaient sur la protection des personnes plus vulnérables? Notamment, les jeunes, il y a
des dispositions qui touchent et qui viennent modifier la Loi sur la
protection de la jeunesse, des...
M. Roy
(Jasmin) : Non, je ne m'y connaissais pas assez, je suis désolé.
Mme Vallée :
Donc, vous avez vraiment...
M. Roy (Jasmin) : Moi, je crois fondamentalement qu'il faut, pour éviter des dérapes dans
une société, il faut éduquer. Il faut
s'assurer qu'il y ait des mécanismes... Oui, il y a des lois, c'est correct. Mais
le but aussi d'une société, c'est
justement de ne pas nécessairement se retrouver en cour, hein, c'est d'assurer
d'avoir des mécanismes qui vont nous permettre,
justement... Puis ça coûte cher, aller en cour, donc qui vont nous assurer, au
contraire, de pouvoir éviter le plus possible d'avoir à faire appel à la
loi, selon moi.
Mme
Vallée : Donc, votre message aujourd'hui, c'est : Misons
sur l'éducation, misons sur la prévention, mais, pour les cas plus extrêmes, il y a lieu de voir à mettre en place un
cadre qui permettra d'intervenir lorsque tout le reste aura failli.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Roy.
M. Roy (Jasmin) : Et peut-être juste regarder la Loi sur l'instruction publique parce
qu'on a aussi l'obligation d'éduquer,
hein? Donc, quand on parle de mineurs, on peut explorer de façon maladroite
quand on est jeune, mais on a aussi
la responsabilité au Québec d'éduquer vers les bons comportements, et ça, ça
fait partie de la Loi sur l'instruction publique.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Moi, ça va. Ça fait le tour des questions que j'avais
pour M. Roy. Je vous remercie beaucoup de votre présentation.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
• (11 h 40) •
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Roy. Bonjour,
madame. C'est un plaisir de vous accueillir ce matin, d'autant que mon collègue le député de Chicoutimi vient de
déposer une motion qui a été adoptée à l'unanimité, tous les parlementaires dénonçant l'acte
d'agression qui a été commis envers un jeune gai à Saint-Tite. Alors, on a
rappelé l'importance de la lutte à
l'homophobie et à la transphobie. Donc, c'est un beau moment pour vous
rencontrer et débattre de la lutte, justement, à l'homophobie et des problèmes
que subissent les jeunes quand ils découvrent
leur orientation sexuelle.
Vous
allez me permettre un petit commentaire qui va être plus vers nous, les parlementaires, parce qu'au fil des débats on essaie de s'instruire les uns, les
autres d'où on en est rendus dans nos positions. C'est clair qu'on n'est pas
dans la même situation que le projet
de loi sur les soins de fin de vie. Le projet de loi de soins de fin de vie,
c'est un mandat non gouvernemental.
C'est des parlementaires d'abord, pas le gouvernement, qui avaient donné un
mandat. C'était une motion, donc,
unanime des parlementaires, qui, ensuite, avaient été recueillir la majorité
des gens pour, puis ensuite ça avait
donné une proposition gouvernementale à la fin du processus. Là, c'est le
contraire, c'est une proposition gouvernementale
qui est le début du processus, qui est loin de faire l'unanimité, au contraire,
fait plutôt la majorité contre elle,
et qui ne va pas recueillir jusqu'ici l'unanimité des parlementaires. Donc, on
n'est pas vraiment dans le même processus. On est peut-être dans des nouveaux concepts, mais on n'est pas dans les
mêmes, du tout, processus. Il faut faire attention quand on fait des
amalgames comme ça.
Je
pense que vous avez bien soulevé un point. Dans cette loi, il n'y a pas de
prévention, c'est une loi... Il y a des gens qui l'ont appelée... c'est une loi sur la punition, on punit dans
cette loi. Or, vous rejoignez d'autres groupes LGBT qui sont venus ici, qui sont venus nous
dire : C'est la prévention, c'est l'éducation qui sont importantes, c'est
là qu'on atteint des résultats. On
peut se le dire, la communauté LGBT, on le sait, la discussion a avancé avec
les Québécois, puis la situation
s'est améliorée parce que l'éducation a été très importante. Je pense au
travail que font les GRIS, entre autres, les groupes de recherche en innovation
sociale qui vont dans les écoles parler aux jeunes. Donc, c'est la prévention,
c'est l'éducation. Vous rejoignez en ce
sens-là à peu près tous les discours de gens qui travaillent auprès des
communautés qui sont venus nous parler, mais il y a...
Et
vous parlez de la DPJ en disant : Il y a quand même toute la protection de
la jeunesse qui est à côté. Est-ce que vous
seriez d'accord avec l'idée qu'on sorte complètement l'idée... sortir les
mineurs de cette loi? C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de gens qui disent : Écoutez, les mineurs... D'abord, les
écoles ont la Loi sur l'instruction publique, ils ont des moyens d'intervenir auprès des jeunes. Ils
interviennent en prévention, ils interviennent en médiation, ils interviennent
auprès des parents, et, quand il y a danger,
bien, ils sont déjà obligés de dénoncer à la DPJ. La DPJ a le mandat de faire
de la protection de la jeunesse. Il y a eu
cette proposition-là : Sortons les mineurs de la loi. Qu'est-ce que vous
pensez de ce type de proposition?
M. Roy (Jasmin) : Bien...
Le
Président (M. Ouellette) : M. Roy.
M. Roy (Jasmin) : Excusez-moi. Moi, je pense qu'il faut leur laisser la chance,
justement, il faut qu'ils aient la chance
de pouvoir se rattraper parce qu'il y en a qui sont mal accompagnés dans la vie
en général. Là, c'est une réflexion que
vous allez faire ensemble par rapport à ça. Je ne suis pas contre parce que
c'est une préoccupation que j'avais parce que, je me dis, à 15 ans, on n'a pas le jugement d'un homme de 25 ans ou
de 30 ans. Donc, il faudrait au moins qu'ils aient la chance de pouvoir
se reprendre.
Mme
Maltais :
O.K. Donc...
M. Roy (Jasmin) : Mais je pense que c'est déjà prévu dans la Loi sur l'instruction
publique de les accompagner vers de bons comportements, vers une
éducation adéquate.
Mme
Maltais :
Tout à fait, voilà. C'est que ça a été soulevé aussi par des gens des cégeps,
des commissions scolaires, il y a déjà des
moyens. Là, ce qu'on essaie de voir, ce moyen-là supplémentaire est-il
nécessaire? Nous, on le dit tout de suite, au Parti québécois, on trouve
que ce moyen-là... la partie I de la loi, là, on souhaite qu'elle soit réécrite
complètement, là. Je pense qu'il faut aller
revoir, là, véritablement qu'est-ce qu'il y a là-dedans, et qu'on s'attend à ce
que ce soit évincé, qu'on travaille sur l'autre partie et qu'on nous revienne
avec quelque chose de mieux écrit.
Parce
qu'on travaille sur la liberté d'expression, mais, quand on parle des gens que
vous rejoignez, des LGBT, est-ce que
les outils qu'il y a en lutte à l'intimidation ont été suffisamment explorés et
est-ce qu'ils sont suffisants à l'heure actuelle pour... Parce que vous
travaillez avec ces outils-là sûrement.
M. Roy
(Jasmin) : J'en crée.
Mme
Maltais :
Hein?
M. Roy
(Jasmin) : J'en crée, des outils.
Mme
Maltais :
Vous en créez, des outils.
M. Roy
(Jasmin) : Bien oui.
Mme
Maltais : Est-ce qu'on aurait eu... Parce que nous, on
appelle la nouvelle mouture de la loi, est-ce que de travailler dans le
sens de la lutte à l'intimidation ne pourrait pas donner de meilleurs résultats
dans le cas des jeunes Québécois et Québécoises?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Roy.
M. Roy
(Jasmin) : Je vais répéter ce que...
Mme
Maltais :
Parce qu'au débat, bien, on cherche des pistes pour l'avenir.
M. Roy (Jasmin) : Non, non, non, je vais répondre. Je veux vous dire ce j'ai dit la
journée de la fierté avant le défilé,
je pense qu'il faut arrêter de parler de lutte et créer des milieux bienveillants.
Je pense qu'on est rendus là, positifs et bienveillants. Parce que les
lois sont là. Je veux juste vous dire aussi que, moi, mes actions ne sont pas
que dans la communauté LGBT, j'ai... nous, c'est toutes les formes de discrimination en général. Je vais arriver prochainement avec un documentaire et un livre, justement, sur les filles
parce qu'on a un problème avec nos filles aussi, il va falloir y voir.
Dans nos écoles, là, nos filles se traitent
à coups de pute et de salope, et pas juste pour s'intimider, mais pour marquer
leur amitié. Alors, on parle d'équité, là...
Mme
Maltais :
...pour marquer leur amitié?
M. Roy
(Jasmin) : Oui.
Mme
Maltais :
Je ne comprends pas.
M. Roy
(Jasmin) : Donc, tu es ma pute, tu es ma salope, tu es mon amie.
Mme
Maltais :
Hein?
M. Roy
(Jasmin) : Et ça commence à partir de l'âge de huit ans. D'accord?
Mme
Maltais :
Oui.
M.
Roy (Jasmin) : Alors, on a
collectivement... Quand on parle de problématiques, là, qui viennent d'ailleurs, regardons nos problèmes aussi. Regardons
comment on éduque nos filles, comment on les accompagne, comment, encore
aujourd'hui, l'estime des filles est brimée dans la société, comment, encore aujourd'hui, une fille qui exprime qu'elle est bonne à l'école se fait ostraciser. Pourquoi les filles, aujourd'hui, quand elles utilisent la violence, ont plus de problèmes
de santé mentale? On a des problématiques à adresser aussi, puis ça ne vient pas juste d'ailleurs.
On a des choses qui se passent ici, il faut les regarder.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui.
Puis là on n'est pas du tout dans le discours haineux, là, on est dans d'autres
modèles.
M. Roy (Jasmin) : Cela dit, ce genre
de manifestation, l'ostracisme chez les filles, peut devenir des discours haineux. Chez les filles, elles vont utiliser beaucoup
plus l'Internet parce que les filles socialisent leur violence. Donc,
elles vont aller chercher des alliés pour
pouvoir attaquer quelqu'un. Donc, elles vont, justement, avoir des discours
qui vont appeler à la violence plus que les garçons sur les réseaux
sociaux.
Mme
Maltais : Mais on s'entend que, ces jeunes filles là, il ne
faut pas les envoyer devant un tribunal, il faut les sortir de leur
bulle puis les amener vers... travailler en prévention, travailler en
compréhension, en éducation, et tout.
M. Roy
(Jasmin) : Bien, il y a
une éducation collective à faire sur l'équité entre les hommes
et les femmes, je peux vous le dire. Et ça ne vient pas juste de
l'extérieur. Dans notre éducation en général, on a un problème.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Et une autre question. L'identité de genre, vous
en parlez, de l'inclure. Il y a des groupes qui sont venus dire que ça
devrait carrément être inscrit dans la Charte des droits et libertés, les
motifs de discrimination qui devraient être
éliminés. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée? Est-ce qu'au lieu de
le rajouter dans une partie du discours haineux... il serait couvert par
la charte, cet élément-là.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Roy.
M. Roy
(Jasmin) : Je trouve que les
transgenres et les transsexuels ont été les enfants pauvres du combat LGBT,
puis je crois qu'il faut les reconnaître et
les nommer. Même l'année passée, je me rappelle, au forum contre
l'intimidation, les groupes LGBT ont
dit qu'ils voulaient être nommés comme tels, ils voulaient être reconnus, qu'on
parle des droits des gais et des lesbiennes, et je crois que c'est plus
difficile pour eux autres parce qu'ils représentent quand même un faible... C'est quoi? 3 %, à peu près, de la
population, donc... Mais je crois que les reconnaître, les nommer, c'est un
message politique qui est très fort, c'est de dire : Vous faites
partie de la société. Et ça, il est temps que ça se fasse, oui.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci
beaucoup. J'ai un collègue qui veut aussi échanger avec vous.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de Bourget.
• (11 h 50) •
M. Kotto :
M. le Président, merci. M. Roy, madame, soyez les bienvenus. Je veux, d'emblée,
vous féliciter pour tout ce que vous
faites sur le terrain. Vous sauvez beaucoup d'âmes, pour résumer la lecture que
je fais de votre action. Dans votre
propos, vous me rappeliez ce que Martin Luther King avait dit. Il avait
dit : «La loi ne change pas les coeurs.» Et ce que vous disiez relativement à votre note — et je le dis parce que c'est
important : «La Chaire de recherche sur la sécurité et la violence en milieu éducatif de l'Université Laval a
démontré que les pratiques trop punitives ne contribuent aucunement au
développement des habilités sociales des jeunes et qu'elles sont considérées
comme non efficaces pour contrer des
phénomènes de violence, pouvant parfois même l'aggraver : mise en oeuvre
de programmes d'intervention sans la mobilisation des principaux
intéressés, punitions, suspensions, expulsions, interventions ponctuelles
utilisées seules, vidéosurveillance,
criminalisation des écarts de conduite mineurs, etc. Le recours à de telles
pratiques pourrait expliquer pourquoi [les problèmes] de violence
persistent en milieu éducatif.»
Vous
privilégiez l'éducation versus la répression. Le mot «éducation» est revenu
souvent dans votre laïus tout à l'heure, mais est-ce
que l'éducation en milieu scolaire,
en milieu familial... en soi, suffit-elle pour, disons, inspirer, insuffler
de meilleurs comportements chez nos jeunes? Est-ce qu'il n'y a pas lieu, lorsque les circonstances invitent à cela, compte tenu de la nature du débat, est-ce qu'il n'y a pas lieu aussi de voir ce qui se passe dans l'éducation
des masses elles-mêmes? Parce que les archétypes qui sont véhiculés par l'imagerie
populaire à travers la télévision, le cinéma, l'humour, notamment,
ne sont pas pour faciliter le travail que vous, vous faites dans votre cadre,
viennent probablement en compétition, peut-être défaire même
parfois ce que vous semez de positif.
Quand je
parle archétypes, je parle de modèles d'identification, de modèles de référence
qui, quand ils n'existent pas en positif, ils sont carrément ignorés. Il est parfois
mieux d'être caricaturé, même négativement, que d'être totalement
ignoré. Donc, dans l'inconscient collectif, surtout chez nos jeunes, quand ces
modèles négatifs s'installent ou quand ils n'existent pas, n'y a-t-il pas lieu là de
tirer la sonnette d'alarme? Parce que, pour ma part, ayant été du côté des arts longtemps,
ça a été une préoccupation. Pour ma part, nous avons vérifié les impacts de ces
archétypes dans l'inconscient collectif.
Quand ceux-ci existaient négativement ou quand ils n'existaient absolument
pas, il y avait chez les gens, dans la collectivité ou
dans les collectivités, un impact clair. Je veux vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Ouellette) :
Faites-moi un commentaire de 30 secondes parce que...
M. Roy
(Jasmin) : On n'a plus de
temps? Moi, je veux juste vous dire une chose. Moi, j'ai travaillé beaucoup avec
des humoristes, j'ai travaillé dans Caméra Café avec Martin Matte, entre autres. Et, quand j'ai lancé ma fondation, j'ai été chercher des humoristes pour parler contre l'homophobie parce que
je crois qu'il faut être capable de rire et il faut être
capable d'être un être humain responsable. Donc, est-ce qu'il y a des dérapes,
des fois, dans les médias? Oui, mais ce que nous dit beaucoup la
recherche, c'est que c'est plutôt l'encadrement autour de ce qu'on voit qui va
faire une différence. S'il y a
un manque d'encadrement, exemple, si moi, je vois des téléréalités où il y a
de la violence, où il y a des comportements
sexuels débridés et que je n'ai pas d'encadrement parental ou pas d'encadrement
à l'école, c'est là que je vais adopter des mauvais comportements. Donc,
l'influence des médias, elle est là, mais le manque d'encadrement contribue à
des mauvais comportements.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. Roy. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, avec plaisir, M. le Président. Madame, monsieur, je veux profiter du temps qui
m'est accordé vraiment pour vous remercier,
et vous remercier, M. Roy, pour le travail que vous faites. C'est un travail
courageux, et vous le faites très bien,
et vous faites preuve aussi d'une grande lucidité à l'égard de ce qui se passe
dans nos écoles. Et vous nous en avez
dit un petit peu plus long parce
que vous contrez l'intimidation, ce
qui est un fléau, pas uniquement
auprès des jeunes de la communauté LGBT, mais aussi tout type d'intimidation,
hein? On est grand, on est gros, on est petit, on est maigre, peu
importe, on peut souffrir d'intimidation dans les écoles, et c'est un fléau.
Et là vous
êtes en train de nous ouvrir la porte sur d'autres choses, vous nous parliez
des filles dans les écoles, la façon dont les filles se parlent entre
elles, des problématiques particulières qui vont jouer sur la relation entre
les individus, mais aussi l'estime qu'elles
ont d'elles-mêmes et les futurs citoyens de demain. Alors, j'ai hâte de vous
lire parce qu'il y a d'autres choses qui s'en viennent à cet
égard-là. Donc, je veux vous remercier. Puis c'est important
de prendre le temps pour le faire parce que c'est rare que des gens
s'investissent autant dans une cause, et merci de le faire.
Mon collègue
le député de Bourget a cité exactement la phrase que j'avais soulignée pour ce qui est
des pratiques trop punitives. Alors,
je vais revenir au mémoire que vous nous avez présenté, puis je vais vous
amener à la dernière phrase. Et je
vais la citer pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, vous nous
écrivez : «La loi — donc,
ce p.l. n° 59 — doit
viser les cas extrêmes qui ne répondront pas aux efforts de prévention et d'éducation.»
Alors, pourriez-vous élaborer davantage? Qu'entendez-vous par «cas extrêmes»? À
qui faudrait-il, justement, que ce projet de loi s'adresse?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Roy.
M. Roy
(Jasmin) : Selon les études,
on dit qu'il y a 3 %
des agresseurs dans les écoles qui sont irrécupérables, dans le sens qu'on a beau faire des tentatives
d'éducation, de montrer les comportements adéquats, les comportements attendus, on n'y arrivera pas puis on va rentrer
dans des problématiques de délinquance, de violence. Donc, c'est sûr que je
pense que, rendu là, il faut qu'il y ait des lois qui s'appliquent. Parce que,
même encore à l'heure actuelle, quand tu
es mineur, on a l'obligation aussi de leur donner un enseignement et une
éducation, donc qu'est-ce qu'on fait avec ça? Moi, je n'ai pas la
réponse, là, présentement pour vous ce matin, mais je crois qu'il faut
réfléchir à ça.
Et c'est des
cas extrêmes, c'est des cas difficiles. Souvent, on va rentrer dans des
problèmes de santé mentale aussi qui
n'ont pas nécessairement été diagnostiqués. Donc, un enfant qui est psychopathe
n'est pas diagnostiqué en première année
comme étant psychopathe, ça va se faire à un moment donné dans l'évolution dans
son cheminement. Donc, qu'est-ce qu'on
fait à ce moment-là? Et il y a des jeunes qui sont plus vulnérables, qui
cherchent la violence, on ne sait pas pourquoi. Bien, je ne suis pas un spécialiste non plus, là, pour vous le dire,
mais c'est sûr qu'il va falloir avoir des mécanismes pour les encadrer.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Vous mettez le doigt sur le problème, on
s'adresse à un... Parce qu'il ne faut pas oublier que le projet de loi qu'on étudie est dans le
cadre d'un vaste plan du gouvernement pour contrer la radicalisation des
jeunes. Alors, ce n'est pas
nécessairement les insultes, le mépris, de l'intimidation qui en fait partie.
Parce qu'il y a de l'intimidation dans
la radicalisation, là, alors c'est pour ça que ça s'entrecroise. Mais ce que
vous dites est juste dans la mesure où on met le doigt précisément sur une portion d'individus qui réussiront à se faire
endoctriner pour aller commettre l'inadmissible. Oui?
M. Roy
(Jasmin) : D'où l'importance
de tracer le portrait de la situation. On demande présentement avec... quand
il y a eu le projet de loi n° 56, qui
est devenu, je pense, l'article 19 de la Loi sur l'instruction publique... on
demande aux écoles de tracer un
portrait de la situation pour savoir où on va intervenir. Est-ce que les
discours haineux ou les discours incitant à la violence dans nos
écoles — là,
je parle, pas dans la société en général — est-ce que c'est une priorité
présentement dans nos écoles? Est-ce qu'on
doit dresser des mécanismes, justement, pour enrayer... ou pour accompagner,
pour éduquer
adéquatement? Moi, dans ce que j'ai vu en général, je n'ai jamais vu ça dans
les écoles. Mais, cela dit, oui, il y
en a, mais juste de faire attention qu'avec un cas d'exception on ne fasse pas
des généralités. Puis ça, c'est le grand défi dans une école. S'il y a eu, je ne le sais pas, un enfant qui a été
victime de violence physique très grave, est-ce que c'est une
problématique qui est généralisée ou c'est un cas d'exception, c'est un cas
isolé?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, merci. D'où l'obligation d'être très clair et très précis. Vous nous le
rappelez également à la première page de
votre mémoire, vous nous dites : «Des définitions claires permettront
d'établir des balises rigoureuses — et là vous ajoutez — qui éviteront que des propos controversés
fassent l'objet de plaintes sans qu'ils soient vraiment des discours haineux ou des discours incitant à la violence.»
Donc, vous craignez qu'il y ait une augmentation du nombre de plaintes,
mais de plaintes tous azimuts, si on n'y va pas assez précisément?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Roy.
M. Roy
(Jasmin) : Oui. Mais il faut
faire attention parce que moi, j'ai eu des gens qui ont eu des propos inappropriés sur Facebook, je ne veux pas
rentrer dans la chasse aux sorcières, je ne pense pas que c'est comme ça qu'on
va y arriver. Donc, c'est difficile parce
que, pour certaines personnes, il y a des propos qui vont paraître haineux,
mais, pour moi, non. Donc, c'est là
que j'ai peur qu'il y ait des zones grises. À une certaine époque, on aurait pu
dire, je ne le sais pas, moi... Moi,
je regarde l'histoire des femmes, à une certaine époque, battre une femme, un
enfant, ce n'était pas si grave que ça. Aujourd'hui, on parlerait de la
violence conjugale ou de la violence des enfants, ça serait grave.
Donc, c'est
tout dans l'évolution, là, du terme puis qu'est-ce que pour une personne...
Puis on l'a vu même ici, là, pour vous,
là, on l'a vu dans votre commission parlementaire, il y a certains groupes
religieux qui disaient : On ne peut par rire d'une religion. Donc, il faut faire attention parce que la
liberté d'expression, c'est ce qu'on a de plus fondamental dans notre société. Puis moi, je pense qu'il y
aura toujours des jokes plates sur les gais, puis il y aura toujours des jokes
plates sur les femmes, puis sur certaines nationalités, mais, tranquillement,
il faut regarder l'évolution aussi de notre collectivité. Juste par rapport aux
festivités de la fierté à Montréal, il y a eu tout un changement, une évolution
dans l'approche des médias face à nous.
O.K.? On était beaucoup dans le flamboyant, on voulait montrer la nudité, on
voulait... Puis là, tout d'un coup,
on est beaucoup plus dans les droits humains, où on s'en va, qu'est-ce qu'il
reste à faire. Donc, il y a eu une
évolution, mais il a fallu aussi... Il y a des passages obligés. Je pense que,
des fois, l'être humain, il faut qu'il soit niaiseux pour devenir
intelligent
Une voix : C'est bien dit.
Le
Président (M. Ouellette) : Mme Boulet, vous aviez un
commentaire? Non. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Il me reste un peu de temps, M. le Président?
• (12 heures) •
Le Président (M. Ouellette) :
Il vous reste une minute, Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Parfait. Je le sais que vous n'êtes pas un spécialiste de toutes les questions,
mais on va revenir au projet de loi n° 59. Dans ce projet de loi, il y a des mesures pour ce qui va se passer dans les
écoles. Il y a la possibilité de
retirer les subventions aux établissements scolaires qui tolèrent la diffusion
de discours à portée haineuse. Alors,
ma question : Est-ce que vous croyez que cette conséquence-là est
disproportionnée ou désavantagerait un ensemble de jeunes au lieu de
punir le fautif?
M. Roy (Jasmin) : Maudite grosse
question.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Roy, en 30 secondes.
M. Roy (Jasmin) : Là-dessus, ça me
prendrait plus que 30 secondes, je pense, ça prendrait une réflexion.
Mme Roy
(Montarville) :
...
M. Roy
(Jasmin) : Oui. Non,
là-dessus, je vais passer. Je suis désolé, mais je ne sens pas que j'ai les
habiletés pour répondre à ça.
Mme Roy
(Montarville) :
Il n'y a aucun problème.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci.
Mme Roy
(Montarville) :
Alors, le temps imparti est écoulé?
Le Président (M. Ouellette) :
Non, vous avez droit à un petit commentaire de 15 secondes.
Mme
Roy
(Montarville) : Bien, mon commentaire, c'est merci,
merci. Et merci de dire : Faites attention, ciblez précisément à qui cette loi va s'adresser. On
parle ici de... Enfin, il faut dire les vraies choses, puis il faut dire à qui
le projet de loi va s'adresser précisément pour éviter les abus. Alors,
merci, c'est clair, c'est précis.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président Bonjour. Moi aussi, très contente de
vous entendre. Je pense qu'il commence
à se dégager... Non, je n'oserai pas parler de consensus ici, mais, disons,
certaines convergences de vue sur le fait
que, de toute évidence, le projet de loi n° 59, première partie, a un
immense besoin d'être précisé, que ça soit sur qui on vise, qu'est-ce que c'est exactement, un
discours haineux. Je pense que personne ici ne veut tomber dans la chasse
aux sorcières, puis vous avez raison de nous rappeler qu'il ne faut pas le
faire.
Et je dirais
aussi que quelque chose commence à émerger qui est la question des mineurs, tu
sais, est-ce qu'on doit traiter les
mineurs comme les majeurs? Puis il me semble que ce que beaucoup sont en train
de nous dire, c'est : Non, on ne
peut pas traiter les jeunes de la même façon, puis, avec les jeunes, existe
déjà la DPJ. Donc, moi, vraiment, je retiens beaucoup ce côté-là.
Vous nous
avez parlé de différentes choses : les filles, la cyberintimidation, les
jeunes qui dérapent, puis il faut les
ramener surtout par l'éducation. Vous avez tellement raison. Ce que je
voudrais, tout simplement, vous demander parce que moi, j'ai très peu de temps, c'est : Est-ce que vous considérez
qu'à l'heure actuelle, même avec toutes les politiques qui ont été adoptées, là... les écoles ont-elles
les moyens d'agir contre l'intimidation, contre la cyberintimidation, contre
les discours haineux, pour l'intégration, le
respect de la diversité? Avez-vous le sentiment que les écoles ont les moyens
d'agir?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Roy.
M. Roy
(Jasmin) : Je peux y aller.
C'est à géométrie variable. Il n'y a pas que les moyens, les moyens financiers,
il y a aussi l'intention pédagogique, j'y reviens souvent. Une intention
pédagogique ne coûte rien, c'est comment tu l'intègres
dans ta communauté, dans... Mais ça, ça prend une bonne direction d'école, ça
prend quelqu'un qui mobilise son
milieu. Je vous dirais qu'il manque de formation. Ça a été démontré par la
recherche. Ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est Claire Beaumont, à la chaire de recherche à l'Université
Laval, qui l'a démontré noir sur blanc que 80 % des enseignants n'avaient pas eu de formation initiale
sur la violence et l'intimidation. Il y a eu, je pense, à peu près — là, je
dis des chiffres à peu près, là — de 20 % à 25 % de ces
enseignants-là qui ont eu une formation continue. Donc, c'est vrai, il y a un manque, il y a un manque, je ne
vous le cacherai pas. C'est pour ça que j'ai mis en place les grandes
rencontres, pour aller former les
milieux puis que le ministère de l'Éducation puisse s'assurer d'avoir un suivi.
Parce que juste une journée de
formation, ça ne fonctionne pas, il faut s'assurer de bien l'implanter dans ces
milieux. Puis non, moi, je pense qu'il y a encore des lacunes à ce
niveau-là, oui, il y a beaucoup de lacunes.
Le
Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Gouin, un petit
commentaire de 30 secondes pour terminer?
Mme David
(Gouin) : Bon, c'est presque du luxe, M. le Président. Moi, je suis
très contente, M. Roy, que vous nous annonciez un livre et des
interventions, si je comprends bien, sur la question des filles. Je pense que,
vraiment, il y a peut-être une prise de
conscience qui s'est faite davantage depuis un an au Québec à cause de toutes
les dénonciations de femmes victimes
d'agressions sexuelles. Mais c'est comme si on ne réalisait quand même pas
l'ampleur de la question et le fait
que nos petites filles sont déjà sujettes à diverses formes d'intimidation, et
je pourrais largement en témoigner. Donc, merci d'alerter la société
là-dessus.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. Roy. Je ne sais pas si c'est un secret de Polichinelle. Pour
votre documentaire... votre livre dont vous parliez, est-ce qu'on est en droit
de l'attendre dans les prochains mois?
M. Roy (Jasmin) : Fin octobre.
Le Président (M. Ouellette) :
Oh! O.K.
M. Roy (Jasmin) : Fin octobre, oui.
Ah! vous allez en entendre parler, je peux vous le dire tout de suite.
Le
Président (M. Ouellette) : Non, mais c'est parce qu'à un moment
donné on sera probablement dans l'étude...
M. Roy (Jasmin) : Voulez-vous avoir
une copie autographiée?
Le Président (M. Ouellette) :
Non, mais on... oui, mais sûrement que pour les...
M. Roy
(Jasmin) : Mais,
honnêtement, j'aimerais beaucoup rencontrer le groupe de femmes ici, à
l'Assemblée nationale, pour leur expliquer un peu ma démarche parce que
je crois que c'est urgent, il y a une croissance, là, de la violence chez nos... bien, de la violence dans les
relations amoureuses chez les filles de 15 à 25 ans, ça a été démontré,
il y a une croissance de la violence entre
les filles depuis 10 ans, il y a une banalisation de la violence. J'ai
été, pour le documentaire et dans le livre...
C'est dommage, mais on a rencontré des jeunes garçons qui, en
secondaire II, disent ouvertement :
Une fille, tu ne peux pas la battre comme un gars, mais il faut que tu la
brasses un peu. Donc, il y a une éducation ici, là, importante à faire
sur les rapports égalitaires, mais dès la petite enfance.
Et aussi il y
a un clivage générationnel. Présentement, les filles ne savent pas d'où elles
viennent. Donc, il va falloir travailler
et enseigner l'histoire du droit des femmes dans les écoles. Je sais que Julie
Miville-Dechêne, depuis 2008, le demande,
que ça soit intégré. Et, encore là, c'est une intention pédagogique. Parce
qu'on n'a pas besoin d'argent pour faire ça, ça peut être intégré dans
tous les cours existants.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci de votre commentaire,
M. Roy, ça nous aide dans la réflexion qu'on a pour ce projet de
loi. Vous avez aussi... En plus de ses fonctions de ministre de la Justice,
elle est ministre de la Condition féminine,
donc il y a une sensibilité, je pense, importante dans ce dossier-là. Merci,
Mme Boulet, de vos commentaires et de votre présence. Merci,
M. Roy.
Nous suspendons
quelques minutes, le temps de... J'inviterais les représentants de
l'Association canadienne des avocats musulmans à prendre place à la
table.
(Suspension de la séance à 12 h 7)
(Reprise à 12 h 9)
Le
Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite la bienvenue à l'Association canadienne des avocats musulmans, représentée par Me Coline Bellefleur. Je
vous rappelle, Me Bellefleur, que vous avez 10 minutes pour nous faire votre exposé, et après il y aura
une période d'échange avec Mme la ministre et nos collègues de l'opposition.
Je vous donne la parole.
Association canadienne
des avocats musulmans (ACAM)
Mme
Bellefleur (Coline) : M. le
Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, bonjour. L'Association canadienne des avocats musulmans
vous remercie de lui permettre de vous présenter ses commentaires
relatifs au projet de loi n° 59.
• (12 h 10) •
Fondée en 1998, l'Association canadienne des
avocats musulmans, l'ACAM, est un organisme national à but non lucratif basé à Toronto qui regroupe des
avocates et avocats musulmans de toutes les provinces et territoires canadiens,
ainsi que des notaires, étudiants et professeurs de droit. L'ACAM compte à
l'heure actuelle plus de 300 membres avec des sections provinciales
actives en Ontario et au Québec, cette dernière ayant été créée en 2014.
La mission de
l'ACAM se concentre autour de quatre axes. Premièrement, participer à la
construction d'un réseau professionnel entre les avocats canadiens
musulmans ainsi qu'entre les avocats canadiens musulmans et les membres d'autres organismes juridiques. Deuxièmement,
l'ACAM offre de l'information juridique à ses membres ainsi qu'aux communautés canadiennes musulmanes en général sur
divers sujets de droit dans le cadre de son engagement pour une justice plus accessible. Troisièmement, elle
propose un soutien professionnel aux étudiants en droit et aux avocats juniors.
Quatrièmement, l'ACAM oeuvre pour la défense
des droits touchant les communautés musulmanes et la société canadienne en général. À cet égard, l'ACAM est intervenue
devant la Cour suprême du Canada. Elle participe également activement
aux débats entourant les questions du respect des droits de la personne et la
mise en place de législations et politiques publiques en matière de sécurité
nationale. L'ACAM a ainsi déposé des soumissions et témoigné devant des comités
parlementaires et sénatorial chargés
d'analyser des questions de sécurité nationale, de droits de la personne et de
libertés civiles à de nombreuses occasions depuis 2001.
En ce qui me
concerne, je représente aujourd'hui l'ACAM devant cette commission en tant que
présidente de la section du Québec.
Mon nom est Coline Bellefleur. Je suis avocate, membre du Barreau du Québec et
je suis également détentrice d'une maîtrise en droits de la personne avec une
spécialisation en droits des minorités de l'Institut des hautes études
européennes de Strasbourg. Dans le cadre de ma pratique en droit de l'immigration,
en droit de la famille et en litige civil,
je suis également amenée régulièrement à conseiller des personnes victimes de
violence conjugale par le biais, notamment, de mon implication au Centre
des femmes de Montréal.
L'Association
canadienne des avocats musulmans salue la mise en place d'un mécanisme de
dénonciation civile relatif aux
discours haineux et aux discours incitant à la violence s'ajoutant aux
dispositions criminelles existantes tout en suggérant certaines
modifications afin de mieux l'encadrer. Nous y reviendrons.
L'ACAM salue
aussi certaines mesures procédurales proposées par la ministre de la Justice en
matière de protection des personnes.
Nous avons cependant des réserves face à l'ajout de la notion d'honneur au sein
de la Loi sur la protection de la jeunesse et du Code de procédure
civile.
Enfin, l'ACAM
s'inquiète de la création d'une liste publique de personnes condamnées par le
Tribunal des droits de la personne pour avoir tenu des propos haineux ou
incitant à la violence, une telle liste pouvant avoir des conséquences
disproportionnées, notamment en milieu scolaire.
À présent que les grandes lignes de notre
position ont été exposées, je vais revenir de manière un petit peu plus précise
sur la partie I du projet de loi. Nous estimons nécessaire la mise en place
d'un système de dénonciation anonyme des
discours haineux ou incitant à la violence au sein duquel la Commission des
droits de la personne et de la jeunesse jouerait le rôle de garde-fou. Un tel
mécanisme, simple et accessible, cadre avec l'objectif du projet de loi qui
vise notamment à mieux renforcer la
protection des personnes tout en permettant de lutter contre de tels discours
sans que soit requise
l'identification de victimes précises. L'ACAM soutient également le pouvoir
octroyé à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse de
demander des injonctions ainsi que son rôle en matière de prévention et
d'éducation, qui est par ailleurs primordial.
Nous
suggérons cependant plusieurs ajustements. Tout d'abord, nous proposons de
donner à la commission le pouvoir d'exiger la divulgation du nom de
l'auteur de la dénonciation si elle l'estime pertinent afin de poursuivre son enquête, notamment lorsqu'elle a des raisons
raisonnables de croire qu'une personne cherche à détourner l'objet de la loi
à des fins personnelles. Un tel
pouvoir — et c'est
important de le noter — pourrait également faciliter la mise en place de mesures appropriées contre d'éventuels
dénonciateurs quérulents, qui est un concept que nous suggérons d'ajouter dans
les règles de procédure de la commission.
Le projet de
loi soulève par ailleurs la question délicate de ce que constitue un discours
haineux ou incitant à la violence
pouvant valablement être interdit dans une société libre et démocratique. La
Cour suprême a eu à se prononcer sur
des dispositions similaires à celles proposées dans le présent projet de loi
concernant d'autres provinces et les a reconnues valides. La jurisprudence nous donne également des indications sur les
spécificités pouvant permettre d'identifier un discours haineux, nous
pourrons y revenir.
Nous sommes
conscients que la définition de «discours haineux» doit rester un concept
flexible permettant une analyse au
cas par cas. Nous suggérons cependant d'inclure une définition des termes
«discours haineux» au sein du projet de
loi qui corresponde à la définition donnée par la Cour suprême dans l'arrêt
Whatcott ou, à tout le moins, d'y inclure certaines indications de ce
qui constitue ou ne constitue pas un discours haineux.
Enfin, l'ACAM
exprime une forte réticence à la tenue d'une liste publique disponible sur
Internet qui contiendrait les noms
des personnes ayant fait l'objet d'une décision du Tribunal des droits de la
personne. La liste proposée pourrait potentiellement
constituer une atteinte injustifiée au droit à la vie privée, considérant
l'absence de garanties entourant le stockage
et la destruction des données ainsi que l'absence de procédure permettant aux
personnes concernées de demander une exemption dans des cas où le
préjudice qui pourrait leur être causé serait disproportionné.
En ce qui a
trait à la partie II du projet de loi, à présent, qui vise à renforcer la
protection des personnes, l'ACAM accueille
favorablement les dispositions procédurales concernant la lutte contre les
mariages forcés visant à donner un rôle
central au tribunal dans l'autorisation des mariages de mineurs, tout en
maintenant un dialogue avec les titulaires de l'autorité parentale.
Nous saluons
également la mise en place d'ordonnances de protection civile et la possibilité
pour le Directeur de la protection de
la jeunesse de garder certaines informations confidentielles lorsque la
sécurité d'un enfant pourrait être menacée.
L'ACAM note par ailleurs que plusieurs des mesures
proposées ne font que codifier l'état de la jurisprudence actuelle, comme l'ajout de «contrôle excessif»
parmi les exemples de mauvais traitements psychologiques à l'article
38 de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Nos réserves et inquiétudes relatives aux dispositions
de la partie II du projet de loi portent sur quatre points. Premièrement, l'ACAM s'oppose à la mise en place
d'une présomption absolue qui s'appliquerait aux personnes ayant fait l'objet d'un jugement les condamnant à
l'effet que ces personnes seraient réputées avoir un comportement pouvant
raisonnablement faire craindre pour la
sécurité physique ou morale des étudiants. Le mécanisme proposé,
lorsqu'appliqué à un étudiant,
conduirait par ailleurs à son retrait du système éducatif, sous peine
de retrait de subventions ou de permis, dans le cas d'un établissement privé. Le milieu scolaire est pourtant considéré
comme un environnement propice à la gestion des situations
délicates, étant donné la relation durable et unique qui existe entre
l'étudiant et l'école.
En deuxième lieu, l'ACAM a des réserves quant à
l'ajout du concept vague de sécurité morale, qui ne semble faire référence à
aucun concept juridique connu.
Troisièmement, l'ACAM s'inquiète de la proposition
de supprimer le terme «intéressé» à l'article 372 du Code civil du Québec afin
de permettre à toute personne de s'opposer à un mariage.
Quatrièmement,
l'ACAM estime inapproprié l'ajout de la notion d'honneur dans le corpus
législatif et s'y oppose pour les
raisons qui suivent. Tout d'abord, la définition même du terme «honneur» fait
débat, et ce terme ne permet pas de
savoir exactement à quelle réalité il fait référence. Les
recherches concernant les crimes d'honneur révèlent deux courants quant
à l'ajout exprès du terme «honneur» au sein de la loi : un souci, d'une
part, quant aux effets symboliques de l'utilisation
du concept d'honneur, qui peut mener à occulter la nature universelle de la
violence faite aux femmes, et, d'autre part, une volonté de fournir aux
acteurs sur le terrain des catégories juridiques utiles pour dépister les types
particuliers de violence. La plupart des auteurs se prononcent cependant en
faveur du statu quo en matière criminelle, c'est-à-dire
contre l'ajout de la mention spécifique de la notion de crime d'honneur, qui
n'apparaît pas, par ailleurs, dans le Code criminel canadien.
L'ACAM estime
qu'aucune raison ne justifie de procéder différemment en matière de droit civil
et de protection de la jeunesse. Ensuite, l'ACAM est d'avis que les
lacunes en termes d'intervention et de signalement qui ont pu être constatées par le passé ne sont pas juridiques,
mais plutôt liées à un manque de formation, de ressources et de soutien des
intervenants. Ces dernières années au Québec, plusieurs outils ont été
développés, notamment par les directions de protection
de la jeunesse, comme des grilles de pratique, des grilles de dépistage, et
nous considérons que la solution se trouve dans ce genre d'initiative
sans passer par la réforme législative proposée.
Finalement,
l'ajout proposé est inutile d'un point de vue juridique. Tout comme l'absence
de mention de «crimes d'honneur» dans
le Code criminel ne crée pas de vide juridique, l'absence d'une telle mention
dans les lois civiles ne porte pas
préjudice. Étant donné qu'aucun élément de la loi ou de la jurisprudence
existante ne penche en faveur d'une plus grande tolérance pour des actes de violence qui
seraient commis au nom d'une idéologie, nous ne voyons pas la pertinence
d'un tel ajout. Le droit des parents
d'éduquer leurs enfants selon les principes religieux et moraux de leur choix
n'a jamais été interprété comme un
laissez-passer pour compromettre le meilleur intérêt d'un enfant au nom d'une
idéologie, quelle qu'elle soit.
En
conclusion, considérant les débats sociaux et juridiques entourant la
signification et la pertinence du terme d'honneur et considérant
l'inutilité de l'inclure dans le corpus législatif, déjà à même de répondre aux
besoins et aux diverses situations de violence en cause, l'ACAM suggère de
supprimer les termes de violence ou de considérations idéologiques «basés sur
une conception de l'honneur» du projet de loi. Je vous remercie pour votre
attention.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, Me Bellefleur. Mme la ministre.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, Me Bellefleur, merci beaucoup pour votre présentation. Je
vais, d'entrée de jeu, vous demander
d'élaborer davantage sur la notion de dénonciateur quérulent parce que vous
abordez une question qui a été
abordée, mais de façon un petit peu plus effleurée lors des consultations, tout
l'aspect l'anonymat du dénonciateur
et la protection à l'encontre des dénonciations qui seraient manifestement mal
fondées. Parce qu'il y a ça aussi, il
faut trouver un équilibre, et vous apportez une suggestion qui semble répondre
à certains questionnements qui ont pu
être soulevés par d'autres groupes. Alors, j'aimerais vous entendre davantage
sur toute cette question parce que l'anonymat
du dénonciateur était, d'une certaine façon, pour protéger le dénonciateur à
l'égard d'interventions potentielles dont il ou elle pourrait être
l'objet, mesures de représailles entre autres, mais, d'un autre côté, il faut
éviter que cette protection à l'encontre des mesures de représailles puisse
être utilisée à mauvais escient.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Bellefleur.
• (12 h 20) •
Mme
Bellefleur (Coline) : Bien,
il y a un équilibre à trouver entre les deux aspects que vous venez de
mentionner, la protection contre les
mesures de représailles et puis la protection contre l'abus du système. L'ajout
que l'on suggère... Donc, il faut
savoir que, dans le droit civil général et devant la Commission des droits de
la personne, ainsi que devant d'autres
tribunaux administratifs comme la Régie du logement, il y a la notion de plaideur
quérulent qui existe. Qu'est-ce que
ça veut dire? Ça veut dire qu'une personne qui abuse de façon répétée du
système — il y a
des critères très précis et très
restreints, c'est une notion qui est très bien établie en jurisprudence — pourrait se voir déclarer plaideur
quérulent, et, dans ce cas-là, à
l'avenir, ça l'empêcherait de déposer un nouveau recours sans qu'il y ait une
autorisation préalable du tribunal. Donc, on ne bloque pas complètement
le droit à la personne d'avoir à nouveau accès au système de justice,
simplement on la soumet à une autorisation préalable d'un tribunal.
Pour
l'instant, ce concept, il est appliqué devant les tribunaux. Nous, ce qu'on
suggère, c'est de l'inclure devant la
commission parce que... Où le problème pourrait se situer? Il est difficile, à
l'heure actuelle, là, où on se positionne, de savoir exactement est-ce qu'il va y avoir une avalanche de plaintes
ou pas, on est un peu dans l'expectative à cet égard. Mais, si c'est le cas, la commission va se
retrouver avec une montagne de plaintes, certaines farfelues, à gérer, et il
faudrait lui donner un outil pour qu'elle n'ait pas à les analyser
toutes au cas par cas. C'est-à-dire qu'il se pourrait que, dans certains cas,
on soit capable d'identifier un schéma répétitif, une plainte qui est toujours
fondée avec le même genre d'arguments, le
même genre de tournures de phrases et de détecter que la même personne se
trouve derrière, et, évidemment, dans
le cas où ces plaintes seraient par ailleurs mal fondées, dans ce cas-là, on
suggère que la commission puisse
demander la divulgation de l'auteur de la dénonciation et référer ces
cas au Tribunal des droits de la personne pour qu'il statue.
Étant donné
la mesure, donc, qu'on suggère, ça devrait être le pouvoir d'un tribunal de
faire ça, et pas simplement de la
commission parce que les conséquences sont quand même
assez fortes. Mais ça pourrait éventuellement permettre de répondre à certaines craintes d'abus qui ont été faites devant cette
commission. Ça nous semble une proposition raisonnable.
Puis, pour
ceux qui auraient peur qu'on bâillonne certaines personnes juste pour faire de
la discussion, les critères de
plaideur quérulent, comme j'ai dit, sont très clairs, puis parmi lesquels on
a : réitère les mêmes questions par des recours successifs qui cherchent le même résultat
malgré les échecs répétés de demandes antérieures; généralement, les procédures sont truffées
d'insultes, d'attaques, d'injures; incapacité et refus de respecter l'autorité
des tribunaux dont la personne revendique
pourtant l'utilisation et l'accessibilité, etc. Donc, les critères sont très restreints, la
notion de plaideur quérulent est
claire. On suggère d'étudier, à tout
le moins, l'idée d'ajouter la notion
de dénonciateur quérulent au règlement de la commission.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : J'essaie de voir
comment on peut intégrer ça dans le concept de dénonciation parce qu'il faut comprendre que, contrairement à toute la
philosophie derrière le concept de plaideur quérulent ou plaideur vexatoire que
l'on retrouve au Code de procédure civile notamment,
on est, dans un premier temps, devant un processus administratif de dénonciation, c'est-à-dire qu'un individu va
dénoncer une situation ou l'existence, par exemple, de discours
haineux ou de discours incitant à la
violence, et la commission a le mandat, dans un premier temps, d'en
évaluer est-ce qu'il y a un fondement,
est-ce que la demande est fondée, et c'est suite à cette
première analyse là que la commission, si elle s'avère fondée, que la commission va référer le dossier au
Tribunal des droits de la personne. Alors, évidemment, il y a un travail... Quand même, la commission a la
possibilité, si elle se retrouve devant un dossier qui est
manifestement non fondé, tout simplement
de ne pas retenir la dénonciation et donc de ne pas engager le processus devant
le Tribunal des droits de la
personne.
Mais votre proposition, elle est destinée à cette première étape là, c'est-à-dire que, pour vous, vous dites : Dès que la commission est face à une situation qui peut
s'apparenter à une demande provenant d'un quérulent, elle aurait, à sa face même, la possibilité de ne pas aller à
l'étape de l'analyse. Est-ce que j'ai bien compris? Sur réception d'un dossier qui
correspond à un certain nombre de critères qui pourraient être établis, elle
aurait la possibilité, simplement, de rejeter la demande sans
procéder à une analyse?
Le Président (M.
Ouellette) : Me Bellefleur.
Mme Bellefleur (Coline) : Alors, je vais repréciser parce que
ce dont vous parlez, c'est déjà dans le projet de loi, puisqu'on dit
que la commission peut refuser d'enquêter sur les plaintes qui sont
visiblement mal fondées, vexatoires... et
il y a un troisième terme que j'ai oublié. Donc, c'est déjà le
cas. Nous, ce qu'on dit, c'est que la notion de quérulence, elle ne s'applique pas à une requête, elle
s'applique à une personne. Donc, oui, d'une part, quand la commission
est face à une demande, une demande
isolément qui est mal fondée, elle la refuse, on ne va pas commencer à aller
chercher qui est derrière cet acte,
un acte de mauvaise foi ou une demande mal fondée. Ce n'est pas ça qu'on est en
train de dire, on est en train
d'imaginer le cas où quelqu'un utiliserait le système de la loi pour régler des
comptes personnels, par exemple, contre d'autres
et irait... dès l'instant que la personne en question ouvre la bouche, on
fait une plainte, on fait une plainte contre elle, on fait une plainte contre elle, et toujours selon le même schéma.
La première plainte, la commission dira : Écoutez, c'est mal fondé, on rejette. Ou c'est visiblement de mauvaise foi, on rejette. Deuxième
plainte, la commission dit pareil. Troisième
plainte, la commission dit pareil, quatrième plainte, etc. À un moment donné,
ce qu'on propose, c'est de stopper ça
pour enrayer le processus, qui pourrait ne jamais finir si la commission est
toujours obligée, au moins, de faire une analyse sommaire pour pouvoir
rejeter une demande. Ça fait que c'est vraiment des cas très, très spécifiques.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : D'accord. Et je comprends également que vous souhaitez
permettre, évidemment, l'identification des dénonciateurs pour éviter que ces personnes-là utilisent encore une
fois le processus à des fins détournées. Est-ce que vous seriez jusqu'à aller à introduire des sanctions à l'égard de
ceux et celles qui utiliseraient le processus à des fins détournées?
Certains groupes nous en ont fait la recommandation.
Mme Bellefleur
(Coline) : Non.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Bellefleur.
Mme Bellefleur
(Coline) : Excusez-moi. Non. Le concept de plaideur quérulent va
régler la question tout simplement en
disant : Voilà, la prochaine fois, vous avez besoin d'une autorisation au
préalable, et puis... Non, c'est tout.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Donc, simplement, le rejet en soi met fin, et on...
Mme Bellefleur
(Coline) : Et on déclare la personne plaideur, dénonciateur quérulent
si c'est pertinent, et ça permettra de limiter les recours abusifs à l'avenir.
Mais non, pas d'autres sanctions à cet égard.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Pour ce qui est de la définition du discours haineux,
vous référez à l'arrêt Whatcott. Donc, pour vous, le concept défini dans Whatcott permettrait d'en
arriver à une définition, quand même, qui serait suffisamment précise du
discours haineux.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Bellefleur.
Mme Bellefleur (Coline) : Oui, tout à fait. Effectivement, ce n'est pas une
définition d'un dictionnaire Larousse à laquelle on s'attend, là. Et c'est normal dans des projets de loi, et
c'est normal dans le droit en général, surtout quand on est avec des concepts comme ça qui doivent être
en mesure de pouvoir évoluer avec le temps. Donc, on comprend tout à fait la
difficulté à définir dans le projet de loi sans se retrouver avec deux pages de
définition parce que la Cour suprême, quand
elle le définit, elle en écrit, des pages, n'est-ce pas? Donc, c'est pour ça
qu'on soumet également l'idée, peut-être, de simplement préciser ce qui
n'est pas un discours haineux. La partie de l'arrêt Whatcott qui a souvent été
citée en commission parlementaire,
c'est : «...une forme d'expression qui "ridiculise, [...]rabaisse ou
porte par ailleurs atteinte à [la]
dignité" ne saurait exprimer les sentiments violents et extrêmes inspirant
la haine», etc. Peut-être, ces extraits de l'arrêt ou ces extraits conceptuels qui expliquent... à
défaut d'expliquer ce qu'est la haine, mettraient en garde les gens sur ce qui
n'est pas la haine pour limiter les mauvaises compréhensions.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée : D'une
même façon, est-ce que vous verriez à ajouter un certain nombre de concepts ou
d'attendus dans le projet de loi? On
nous a recommandé de préciser bien clairement... Bien qu'on le retrouve, là,
dans les attendus à la partie I,
parce que la partie I... Évidemment, c'est une loi autoporteuse, donc c'est la
partie qui instaure la loi concernant la
prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à
la violence. On a, dans le préambule, dans les attendus, un attendu à
l'effet que la liberté d'expression, elle est toujours très claire, elle est un
considérant, donc l'«attendu que, selon son
article 3, toute personne est titulaire des libertés fondamentales dont la
liberté d'opinion et la liberté d'expression». Certains ont suggéré de
réitérer ce principe-là ailleurs dans le projet de loi. Est-ce que vous considérez que c'est nécessaire ou si les
attendus, de la façon dont le projet de loi est rédigé, sont suffisants et démontrent cette préoccupation que nous avons quant à la
protection de la liberté d'expression dans une société libre et démocratique?
• (12 h 30) •
Le Président (M.
Ouellette) : Me Bellefleur.
Mme Bellefleur (Coline) : Le fait de le rajouter dans le projet de loi ne rendra pas la protection plus forte. C'est très clair que la liberté d'expression est
protégée, on a les chartes, on a la jurisprudence. J'imagine que ça vous a été
suggéré simplement à des fins pédagogiques. Mais, d'un point de vue
juridique, ce n'est pas utile.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Pour ce qui
est des dispositions de protection, des mesures de protection, est-ce que
vous considérez que les ordonnances
civiles de protection répondent à un besoin? Parce que, lors de votre présentation,
vous nous avez fait part de vos interventions, notamment en droit
familial et en matière de violence conjugale. Donc, est-ce que vous considérez que l'outil qui est mis en place par le
biais des ordonnances civiles de protection peut répondre à certains besoins
que vous rencontrez dans votre pratique?
Le Président (M.
Ouellette) : Me Bellefleur.
Mme Bellefleur (Coline) : Alors, sur le terrain, moi, je n'ai pas été
personnellement confrontée à des questions de mariage forcé ou de gens qu'on
voudrait emmener à l'étranger, c'est plus des cas, disons, de violence
conjugale classiques entre un couple marié selon les règles ici, au Québec, ou
à l'étranger.
Simplement,
il est vrai que la question des mariages forcés, par exemple, on n'a pas vraiment d'indication sur l'importance de ce
phénomène. Cela dit, certains groupes ont témoigné à l'effet qu'ils étaient
parfois confrontés à ce problème-là. Donc,
même si c'est minime, on peut quand même en traiter dans la loi. Et les
ordonnances de protection ont été
utiles au Royaume-Uni, là où le problème est clairement plus établi. Donc,
c'est en se basant sur cette comparaison qu'on soutient ce mécanisme-là.
Il
y a effectivement une durée minimum qui est suggérée dans le projet de loi. Ça,
ce n'est peut-être pas extrêmement
pertinent. Peut-être qu'on pourrait laisser ça à la discrétion du tribunal au
cas par cas, une durée minimum... maximum, pardon, de trois ans. Et puis
effectivement, pour que ça soit efficace, il faudrait s'assurer, quand il y a
un jugement, de bien communiquer avec
l'Agence des services frontaliers, l'ASFC, pour s'assurer que la personne ne
puisse pas sortir du territoire quand il y a une ordonnance de
protection qui vise à ne pas sortir du territoire, puisque, sinon, il y aura un jugement, mais, s'il n'y a pas de
contrôle à la frontière, il n'y aura pas de grande utilité à cet égard. Mais
oui, on soutient cette ordonnance, bien qu'on n'a pas eu connaissance de
cas spécifiques.
Mme
Vallée : Vous recommandez que toute la question de l'honneur,
qui est prévue au projet de loi, c'est-à-dire la possibilité d'intervenir lorsqu'il y a une violence basée sur une
conception de l'honneur... Cette recommandation-là fait écho à un rapport que le Conseil du statut de
la femme a déposé en 2013, en novembre 2013, et qui indiquait à quel point il était important de nommer certaines
situations. Je comprends que vous considérez que ce n'est pas nécessaire.
On a entendu des groupes qui nous
disaient : C'est important, c'est nécessaire de nommer ce phénomène-là
pour permettre aux intervenants et aux intervenantes de pouvoir agir de
façon correcte et de façon efficace auprès des enfants et des adolescents. Et vous avez une opinion qui est tout
autre, j'aimerais vous entendre davantage sur cette question et ce qui motive. Parce que votre pratique professionnelle
vous amène quand même à travailler au quotidien avec des parents et des
enfants, et j'aimerais comprendre davantage votre recommandation.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Bellefleur, deux minutes.
Mme Bellefleur (Coline) : L'importance de nommer, comme le Conseil du
statut de la femme le suggère, ça peut peut-être
être pertinent dans les discussions en matière d'éducation, prévention sur le
terrain. Dans la loi, il faut bien faire attention de ne pas utiliser des termes dont on ne sait pas ce que ça
veut dire. Et d'ailleurs vous constaterez que le Conseil du statut de la femme lui-même, dans son avis, a à
peu près une page d'explication sur ce qu'il entend par définition de
l'honneur tout en mentionnant que ça fait débat.
Alors,
c'est un peu contradictoire de dire : Il faut le nommer, mais on ne sait
pas ce que ça veut dire. Et, en plus, là,
on va le nommer dans une loi. Il faut bien avoir conscience qu'une loi, elle
vise à s'appliquer de manière pratique à des cas concrets, il y a un juge qui va devoir l'appliquer. On n'est pas
dans le cadre de la rédaction d'un document théorique ou d'un discours d'opinion. Donc, il n'y a
vraiment aucun apport que cet ajout pourrait apporter à loi, et, en plus, ça
serait risqué et ça amènerait de la confusion dans l'application qui devrait en être faite par un juge. Je ne sais pas si je réponds à
votre question...
Le
Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Somme toute,
vous dites : Le concept est tellement large et largement défini, bien qu'il y a quand même des organisations internationales qui en ont
dressé des définitions. Est-ce que de définir le concept pourrait permettre
une meilleure intervention, vous croyez?
Le Président (M.
Ouellette) : Me Bellefleur, ça sera la dernière intervention.
Mme Bellefleur (Coline) : Oui. Ce qu'on dit, ce n'est pas que la définition
est large, c'est que la définition n'a pas...
il n'y a pas d'accord sur la définition. C'est-à-dire, par exemple, quand on pense aux crimes d'honneur, alors il peut, effectivement, y avoir peut-être des éléments qui le distinguent, mais, encore là,
on a beaucoup d'auteurs qui s'interrogent sur est-ce que, vraiment, c'est différent
quand on invoque un motif d'honneur. L'aspect préméditation est présent dans
les cas de violence conjugale. Il y a
tout un mécanisme de mise en place d'humiliation, de rabaissement de la
personne, d'enfermement, de contrôle
avant d'en arriver à un acte de violence physique. On parle, de fait, que
l'agresseur, dans des cas de violence
basée sur l'honneur, penserait faire une chose qu'il a le droit de faire. Les
agresseurs en violence conjugale classique
pensent qu'ils ont le droit de frapper sur leur femme, pensent qu'elle mérite
de se faire taper dessus. C'est quelque chose qu'on retrouve partout,
donc il y a cet aspect-là.
Il y a
aussi l'aspect... Quand on parle d'honneur, instinctivement on va penser à des
choses qui viennent d'ailleurs. Est-ce
qu'un conjoint, comme on le voit au Québec, là, est-ce qu'un conjoint qui assassine son
épouse ou son ex-conjointe parce qu'elle s'est mise avec quelqu'un
d'autre, est-ce qu'il n'y a pas une notion d'honneur là, derrière, aussi?
C'est
tout ce débat-là, en fait. Et on ne va pas le régler ici, aujourd'hui, en
commission parlementaire, mais, juste pour
clarifier notre point, ce n'est pas de dire que la notion est trop large,
c'est de dire qu'il y a vraiment des opinions divergentes sur ce qu'elle requiert. Et je ne pense pas que, dans le
cadre d'un projet de loi, vous arriviez à le définir et à mettre tout le monde d'accord, puisque c'est un
débat qui est très virulent. Et, encore une fois, vous n'avez pas besoin
de le faire, puisque la loi permet de satisfaire aux objectifs que vous
recherchez sans ajouter cela.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Bellefleur.
C'est un plaisir de vous accueillir aujourd'hui, de recevoir votre mémoire. Une petite note avant, parce qu'on est en fin
de discussion, ça fait qu'on entend,
là, je viens d'entendre... On a souvent dit, nous, qu'on était le seul
parti qui était contre la partie I de la loi, mais je vois que peut-être
qu'il y a du mouvement du côté d'un autre parti. Alors, peut-être
qu'on va être plusieurs à... J'ai entendu les mots «revoir profondément cette loi». On serait, à ce moment-là, tout à fait d'accord avec Québec solidaire s'ils veulent
qu'il y ait une réécriture sérieuse, serrée.
Ce serait bien si on est dans la même réflexion, c'est-à-dire une véritable
révision de la partie I de la loi.
Maintenant, évidemment, comme je ne suis pas dans les amendements à la
loi, comprenez bien que je ne suis pas dans
la mécanique d'ajustement de mots, tout ça, mais votre mémoire est un des
mémoires fouillés, d'ailleurs, entre nous, des bons mémoires de juristes qu'on ait reçus. Dans les mémoires de
juristes qu'on a reçus, il y a eu Me Grey, Me Latour, Me Rousseau qui, eux, étaient carrément
de notre côté, c'est-à-dire contre la loi actuelle en disant : Écoutez,
si, vraiment, vous voulez y aller, au moins définissez. Puis, de
l'autre côté, il y a le Barreau, et puis je voudrais jaser du Barreau peut-être avec
votre mémoire pour voir... Il y a des points de convergence, il y a
des points de divergence. Même si je vous le dis, moi, je ne suis pas dans la réécriture, là, des
amendements de la loi, je pense qu'il faut qu'il y ait une révision profonde.
Mais c'est quand même étonnant, est-ce
qu'il y a d'autres lois où on... C'est tellement vague, le concept sur lequel on veut baser la loi qu'on est obligé de le définir à
l'inverse. Ça, c'est assez rare qu'on fait ça. J'en fais, de la législation, ici, moi, là, mais on définit... on ne peut tellement
pas définir le concept sur lequel tout le système ensuite de procédure
est engagé, on ne peut tellement
pas le définir qu'on finit par dire ce que ce n'est pas. Or, on ne légifère pas
sur le «ne pas».
Le Président (M.
Ouellette) : Me Bellefleur.
Mme Bellefleur (Coline) : Oui. Alors, juste pour clarifier, je ne disais
pas de remplacer la définition par ce que ce n'est pas, je disais simplement
que ça pourrait faire partie de la définition, dire ce que ce n'est pas. Je
n'ai pas fait d'analyse approfondie sur — pour répondre à votre
question — est-ce
qu'on définit à la négative. Simplement, oui, il
y a beaucoup de concepts dans la
loi qui sont définis de manière... je vous dirais plutôt dans un cadre, et pas
dans une définition précise. Ça ne
répond peut-être pas exactement à votre question, mais c'est très courant et
c'est d'autant plus courant quand on
parle de droits et libertés de la personne et de droits qui s'entrechoquent et
qu'il va falloir évaluer l'un envers l'autre. Donc, non, ça n'a rien
d'anormal.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Non, je
pense, il n'y a rien d'anormal, mais il
y a quand même une anomalie, je
dirais, quand on n'arrive pas à
définir un concept de base, on fait du droit nouveau, et ce droit sur lequel on
se fonde, on n'arrive pas à l'expliquer, on va procéder par l'inverse.
Mais enfin je comprends que vous voulez dire «description».
• (12 h 40) •
Mme
Bellefleur (Coline) : Ce
n'est pas du droit nouveau. Il faut bien comprendre ça, ce n'est pas du
renouveau, c'est dans la jurisprudence.
Mme
Maltais :
Oui. Bien, c'est ce que la ministre dit souvent, c'est que c'est...
Mme Bellefleur (Coline) : Bien, si
c'est le cas.
Mme
Maltais : Oui.
Mme Bellefleur (Coline) : On le dit parce
que c'est le cas.
Mme
Maltais : Mais je reprends à peu près les propos de la ministre,
là. Mais, bon, tribunal... Vous êtes d'accord
avec l'idée qu'on ne passe pas par le
processus de plainte, qu'on passe par une section, une nouvelle section du
Tribunal des droits de la personne et
des droits de la jeunesse. Le Barreau, lui, nous disait : Il ne faut
absolument pas qu'on aille là-dedans. On peut ajouter crimes haineux, mais il
faut que ça passe par le processus de plainte. Quelle est la différence
dans votre analyse qui fait que vous n'êtes pas d'accord avec le Barreau?
Le Président (M. Ouellette) :
Me Bellefleur.
Mme
Bellefleur (Coline) : Oui.
Alors, effectivement, le Barreau suggère de rattacher tout le système à ce
mécanisme de plainte qu'on connaît.
Nous, nous sommes d'avis que les nouvelles dispositions qu'on a introduites
pourront permettre de mieux régir les
cas auxquels on fait face, puisque, là, on va parler de discours haineux ou
incitant à la violence qui seraient lancés
comme ça, sans nécessairement viser une personne spécifique, etc. Si on
rattache tout ça au mécanisme de plainte, ça va être beaucoup plus difficile de l'analyser en analysant du point
de vue des groupes. Et, évidemment, on ne pourra pas bénéficier de la protection de l'anonymat, puisque, si on rattache
au mécanisme de plainte, on prend tout le mécanisme tel qu'il est. C'est quand même une des
dispositions qui nous paraît importante parce qu'on ne veut pas voir de mesures
de représailles, on ne veut pas voir une
avalanche et une cascade de recours. Donc, pour ces raisons... Puis je
comprends la position du Barreau,
qui, à plusieurs égards, est raisonnable, mais nous avons d'autres
préoccupations, par rapport à l'anonymat notamment, qui font que nous
préférons le garder sous un système spécifique.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Vous
êtes contre la liste aussi?
Une voix : ...
Mme
Maltais :
O.K. Sur les amendes, le Barreau disait : Si on garde les amendes dans cet
état-là, la loi pourrait être déclarée inconstitutionnelle. Est-ce que
vous l'avez analysé sous cet angle-là?
Le Président (M. Ouellette) :
Me Bellefleur.
Mme
Bellefleur (Coline) : On ne
l'a pas analysé en détail. Simplement, il faudrait... Il faut aussi noter que,
par exemple, les tribunaux civils
sont à même de pouvoir donner des dommages punitifs quand il y a, justement,
une violation d'un droit qui viole
également les chartes des droits. Donc, est-ce qu'on ne pourrait pas aussi
analyser plutôt ces amendes-là à des
dommages punitifs plutôt qu'à des amendes criminelles? Comme je vous l'ai dit,
on n'a pas fait d'analyse approfondie, mais le débat se situerait
peut-être à ce niveau-là. Donc, rien de certain.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Êtes-vous d'accord, quand même, avec l'idée qu'une amende de 2 000 $
à un jeune qui a lancé des discours
haineux... une inscription, bon, sur la liste, vous êtes d'accord, là, mais que
c'est peut-être un peu rapide et que l'idée de miser sur la prévention
et l'éducation donnerait de meilleurs rapports à long terme?
Le Président (M. Ouellette) :
Me Bellefleur.
Mme
Bellefleur (Coline) : Alors,
je suis tout à fait d'accord avec vous. Puis c'est vrai qu'on ne s'était pas
vraiment penché sur la question du
débat majeurs-mineurs, mais j'ai écouté avec attention toutes les auditions des
gens qui vous ont suggéré de
dissocier, puis je pense que c'est très raisonnable, effectivement, de ne pas
appliquer tout ce régime-là aux mineurs, puisqu'il y a d'autres facteurs
à prendre en compte.
Et évidemment
que la prévention et l'éducation sont primordiales. Dans un monde idéal, on
n'aurait pas besoin d'avoir recours
aux tribunaux, et nous sommes d'accord avec tous les groupes qui mettent
l'emphase sur la prévention et l'éducation.
Simplement, ce n'est pas non plus un argument pour dire : On n'a pas
besoin d'outils juridiques. Chacun a son rôle et puis chacun a sa fonction dans la gestion de ce problème. Mais
je suis tout à fait d'accord avec vous que la prévention est primordiale, puis vivement le jour où on
n'aura plus de recours devant les tribunaux parce qu'il n'y aura plus de
discours haineux, évidemment.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Je ne crois pas, je ne suis pas d'accord avec
vous. Je vais vous le dire, pourquoi, parce que la plupart des groupes qui sont ici qui sont victimes de
crimes haineux sont venus dire : C'est la prévention, c'est l'éducation
qui ont changé la société. Notre société québécoise a été transformée
parce que nous avons misé sur la prévention, sur le vivre-ensemble, sur le mieux-être et qu'il y a déjà des recours
juridiques dans ce cas-là. C'est pour ça que l'ajout de recours juridiques, même si c'est au civil, est quelque
chose de majeur dans ce cas-là. Et même des groupes sont venus nous dire
que ce serait contre-productif, puis il y en
a plusieurs qui sont venus dire que c'était contre-productif. Alors, je fais
juste vous dire mon désaccord dans
cette partie-là, là. Pour moi, c'est contre-productif. Mais, si vous voulez un
commentaire là-dessus, bien, je crois... Parce que je voulais vous
poser...
Mme Bellefleur (Coline) : Oui, j'ai
un vrai commentaire là-dessus.
Mme
Maltais :
Oui. Je vais vous poser une question. Je suis quand même étonnée. Je veux vous
dire, sur «crime d'honneur», j'ai
évolué, moi, parce qu'au départ j'étais de la version des gens qui
disaient : C'est un crime, c'est un crime, un crime contre une femme, une violence contre une femme, donc... ou un
enfant, ou un homme. Parce que c'est un crime, point, rentrons-le dans le crime. Mais il y a des groupes, dont les...
Je pense, c'est l'association des femmes musulmanes canadiennes, elles sont venues nous dire :
Non, il faut nommer les choses pour faire de la pédagogie. J'aimerais ça, vous
entendre là-dessus.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Bellefleur, sur les deux questions.
Mme
Bellefleur (Coline) : O.K.
Alors, pour la première, vous dites que les groupes où les gens sont victimes
sont venus vous dire que la loi n'était pas
l'outil. Premièrement, c'est légèrement erroné, puisqu'il y a des groupes qui sont venus se
positionner en faveur de la loi, la Fondation Émergence, notamment, que vous
avez entendue tout au début. Ensuite, le
fait de se positionner en faveur de l'éducation, évidemment, chaque groupe et
chaque organisme se positionne en
fonction de son expertise et de son expérience de terrain. Comme je vous l'ai
dit, l'éducation et la prévention, c'est important. Et la plupart des groupes ne sont pas venus vous dire :
On n'a pas besoin des recours juridiques, ils sont venus vous dire : Ce n'est peut-être pas le premier
élément à regarder. Et on est d'accord avec ça. D'ailleurs, c'est exactement
ce que M. Roy a dit juste avant :
Attention, ce n'est pas forcément l'outil le plus approprié, mais, dans
certains cas, on en a besoin quand même.
Maintenant, vous me dites : Il y a déjà des
recours. Je pense que vous faites référence aux recours criminels. Il y a une différence entre les recours criminels
et civils, et ce n'est pas rare que, pour des mêmes actes et des mêmes faits,
on ait un recours parallèle au civil et au
criminel, c'est comme ça qu'est fondé notre système de justice. Maintenant, le
recours civil est beaucoup plus accessible.
Le recours civil, il y a beaucoup moins de réticence psychologique et il y a
une question de fardeau de preuve. La définition de «discours haineux» et de
«discours incitant à la violence», elle n'est pas exactement la même en criminel parce que, quand vous faites une
plainte au criminel, vous avez besoin de démontrer la mens rea. J'ai ici les dispositions du Code
criminel, l'article 319 — vous pourrez les garder pour fins de référence — qui dit,
par exemple, donc, dans l'incitation publique à la haine, qu'il faut fomenter
volontairement la haine. Cet aspect de volontaire, c'est la mens rea qui
est l'intention qu'on doit démontrer en droit criminel.
On nous a
rapporté beaucoup de cas dans notre communauté, par exemple, de gens qui
avaient essayé de dénoncer certains
propos. Je vous en cite un juste pour l'anecdote. Quelqu'un tue un musulman en
Russie, quelqu'un ici, au Québec, poste
cette vidéo avec le commentaire : On devrait commencer par faire la même
chose ici. L'une des personnes qui nous a parlé de ce cas fait une plainte à la Sécurité du Québec, la réponse
est : Désolé, mais nous ne pouvons pas aller plus loin, puisque la mens rea n'est pas démontrée. On pense
pourtant que ça, ça pourrait constituer un discours haineux et que ça
pourrait être géré par les cas civils.
Il faut bien
comprendre aussi qu'au criminel, en dehors du fardeau de preuve, il y a la
barrière, premièrement, de la police et, ensuite, du Procureur général à passer
pour arriver à pouvoir exprimer son opinion devant les tribunaux, ce qui
est justifié en droit criminel, vu qu'il peut y avoir des peines de prison,
mais pas en droit civil.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la députée de Taschereau. Malheureusement, ça sera dans vos
remarques finales.
Mme
Maltais : Ah!
j'allais juste dire qu'on peut dire «barrière», on peut dire «garantie
procédurale» aussi.
Mme Bellefleur (Coline) : ...parce
qu'il y a risque d'emprisonnement, contrairement au droit civil.
Mme
Maltais : ...
Mme Bellefleur (Coline) :
Exactement.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, maître.
Merci pour le mémoire très étoffé, beaucoup de références jurisprudentielles. J'aimerais vous amener sur un point
dont on n'a pas encore parlé, les modifications à l'article 372 du Code civil du Québec, et non du
Code de procédure. Pour les gens qui nous écoutent à la maison, c'est dans le projet de loi
n° 59, la partie II, qui touche les modifications pour renforcer la
protection des personnes. On parle des
mariages, entre autres, et, à l'article 9, on fait des modifications, à l'article
9 du p.l. n° 52, à l'article 372 du Code civil du Québec, et vous
nous dites qu'il faut faire attention parce que, là, on supprime le terme
«intéressé» de l'article du Code civil, et
j'aimerais que vous expliquiez plus précisément ce que vous entendez en
disant : Faites attention parce que vous nous dites que vous craignez qu'en enlevant le terme «intéressé»
toute personne pourrait dénoncer ou s'opposer à un mariage sans avoir ce
qu'on appelle en droit l'intérêt.
Et je vais
vous poser une question subséquente : Est-ce que, selon votre
argumentaire, une travailleuse sociale à qui une jeune fille lui aurait fait part du fait que sa famille veut la
marier de force... Cette travailleuse sociale, donc, si je suis votre logique, mais je peux me tromper, ne pourrait
pas être une personne qui dénonce ce mariage-là parce qu'elle n'est pas
intéressée au sens de la loi.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Bellefleur.
Mme
Bellefleur (Coline) : Alors,
effectivement, donc, juste déjà pour clarifier l'idée, c'est à la fois une
inquiétude et une interrogation parce
que je ne pense pas qu'on puisse supprimer l'intérêt juridique, en fait, vu que
c'est une des bases du droit civil.
Mais, bon, ce serait à vérifier puis à analyser. Effectivement, on n'a pas
envie de voir n'importe qui qui n'a
aucun rapport, de près ou de loin, avec une personne qui vienne s'opposer à un
mariage. Donc, on peut facilement comprendre les abus qu'il pourrait y
avoir, d'autant plus que, dès l'instant qu'il y a une requête qui est déposée,
il y a suspension de la célébration. Donc,
bon, il n'y a pas besoin de donner d'exemple, on peut voir comment ça pourrait
être utilisé à mauvais escient.
Maintenant,
pour l'exemple que vous donnez, je ne
vais pas vous donner un avis juridique certain, là, et clair, il y a très peu de jurisprudence sur
l'opposition à un mariage, mais il est reconnu quand même que, quand on parle
de consentement, c'est quand
même un motif d'ordre public, et le tribunal
a un pouvoir discrétionnaire très large pour interpréter la notion d'intérêt. Donc, évidemment,
je dis ça sous toute réserve parce
qu'il n'y a pas de jurisprudence à cet égard, mais probablement que oui, la travailleuse
sociale pourrait avoir un intérêt à agir dans ce cas-là.
• (12 h 50) •
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Je vous remercie. Donc, ça répond bien à la question. Parce que je
craignais qu'avec vos commentaires une personne qui, effectivement, est impliquée ne pourrait — oui, vous leviez le doigt — s'opposer.
Allez-y, oui.
Mme Bellefleur (Coline) : ...je
voudrais juste, pour calmer vos inquiétudes, également, aussi, rappeler que maintenant,
depuis pas longtemps, il y a des dispositions dans le Code
criminel qui permettent à toute
personne de s'opposer à un mariage.
C'est rentré en vigueur au début de l'été, donc on n'a pas trouvé de jurisprudence. Mais, avec les garanties procédurales
liées au droit criminel, dans le pire des cas, si vous me permettez
l'expression, si, au niveau civil, la personne ne pourrait pas
démontrer cet intérêt à agir, il y a toujours la possibilité de faire une
dénonciation au niveau du droit criminel.
Après, je peux comprendre que, du point
de vue d'une travailleuse sociale, on ne veuille pas nécessairement
aller dans cette direction, mais cette possibilité existe.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Si
nous revenions aux sanctions pour les écoles, par exemple. J'aimerais avoir
votre opinion considérant le fait que cette possibilité de retirer des
subventions aux établissements scolaires qui tolèrent la diffusion de discours haineux... J'aimerais que vous
donniez votre opinion à l'égard de cet article du projet
de loi. Vous en pensez quoi,
de ce terme de tolérance?
Le Président (M. Ouellette) :
Me Bellefleur.
Mme Bellefleur (Coline) : Je n'ai
pas compris exactement votre question, excusez-moi.
Mme Roy
(Montarville) :
Ma question, c'est...
Mme Bellefleur (Coline) : Désolée.
Mme Roy
(Montarville) : Il y a
dans le projet de loi la possibilité de retirer des subventions aux établissements scolaires qui tolèrent la diffusion de discours à portée haineuse.
Alors, c'est le terme de la tolérance qui est ici. Vous en pensez quoi?
Mme
Bellefleur (Coline) : En
fait, nous, toute cette partie, là, sur les établissements scolaires, on
ne l'a pas détaillée, mais on ne la
considère pas très bonne de
façon générale parce qu'on est dans le milieu éducatif, parce qu'il y a
d'autres choses qui peuvent rentrer
en ligne de compte. La chose sur laquelle on s'opposait, puisqu'on dit :
Un établissement qui tolère un tel comportement pourrait se voir faire
retirer ses subventions. Ensuite, on a une présomption qui dit : Une personne condamnée est réputée avoir un tel
comportement. Donc, la suite logique qui suit, c'est donc : Si je tolère
cette personne
dans mon établissement, par voie de conséquence, en vertu de la présomption, je
tolère le comportement qui fait
craindre, etc., et donc je me vois privé de mes subventions. C'est vraiment
comme ça qu'on a analysé la présomption. Donc, ça veut dire que «tolérer», ça veut dire tolérer les personnes,
finalement, qui ont été condamnées. C'est déjà un des éléments de la
tolérance.
Pour
le reste, qui ne serait pas lié à la présomption — puis je pense que c'est un peu ça, votre
question aussi, là, ça veut dire
quoi, tolérer le discours, simplement? — j'imagine que l'intention des législateurs,
là, ce serait de dire : Tolérer qu'une
personne les prononce dans les locaux. Mais, encore là, ce serait délicat parce
qu'avant même qu'un tribunal se soit
prononcé on met cette charge sur les responsables des établissements, et la
conséquence, s'ils se trompent et qu'ils analysent mal le discours et le caractère haineux d'un discours, ce
serait qu'ils se voient retirer leurs subventions. Ça pose problème à de
nombreux égards, en réalité, là.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Je vous remercie infiniment pour les précisions.
Le Président (M.
Ouellette) : Une minute...
Mme Roy
(Montarville) :
Ça complète.
Le Président (M.
Ouellette) : Ah oui?
Mme Roy
(Montarville) :
C'est clair. Merci infiniment, maître.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous saluer et
vous dire que j'ai lu votre mémoire avec
grand intérêt, en particulier la partie en pages 8 et 9 où vous nous apportez,
en somme, des exemples qui sont plus
relatifs à la Cour suprême, là, où il y a des définitions, des critères, etc.,
qui peuvent nous aider à définir davantage la notion de discours
haineux, ce qui, moi, depuis le début, m'apparaît comme une chose importante.
J'aimerais revenir
sur la question du crime d'honneur. J'ai lu cette partie-là avec aussi
beaucoup, beaucoup d'intérêt. Je faisais
partie des gens pour qui il était normal et allant de soi que l'on parle de
crime d'honneur clairement dans une
législation pour la raison que la ministre a mentionnée, au fond, qui est une
raison, je dirais, de pédagogie, de clarté,
de nommer les choses qui existent, et puis là je lis votre mémoire, puis je me
rends compte que vous apportez un bon
point, disons, je vais dire ça comme ça. Est-ce que tous les crimes à l'égard
des femmes venant de conjoints,
d'ex-conjoints ne sont pas, de toute façon, premièrement, des crimes puis,
deuxièmement, liés à toutes sortes de formes très patriarcales d'honneur ou d'appropriation des femmes? Bonne
question. Alors, je ne le sais plus, je vais réfléchir et je ne donnerai
pas ma position ce matin, je vais aussi consulter davantage.
Mais j'ai une
question à vous poser. Au fond, vous dites : C'est inutile, mais parfois
des choses que l'on croit inutiles peuvent
être utiles à des fins pédagogiques. Mais est-ce que, dans ce cas-ci, vous
trouvez que c'est à la fois inutile et possiblement dommageable
pédagogiquement? C'est ça, ma question.
Mme Bellefleur
(Coline) : C'est exactement ça.
Mme David
(Gouin) : Alors, je voudrais que vous me l'expliquiez.
Mme Bellefleur
(Coline) : C'est exactement ça.
Le
Président (M. Ouellette) : Mme Bellefleur, en vous rappelant
qu'il vous reste 50 secondes sur le temps de Mme la députée de Gouin
pour...
Mme Bellefleur
(Coline) : Je vais faire vite.
Le
Président (M. Ouellette) : ...répondre à son explication. Je le
sais, que vous allez être capable dans 50 secondes, mais c'est tout le
temps qui est imparti à Mme la députée de Gouin.
Mme Bellefleur (Coline) : C'est bon. Effectivement, c'est exactement comme
vous l'avez résumé, ce n'est pas uniquement
inutile, c'est dommageable parce que c'est un concept qui n'est pas clair.
Comment voulez-vous qu'un juge applique ça ou l'utilise dans ses
jugements, l'utilise dans ses décisions? Encore une fois, il faut faire
attention aux termes qu'on utilise dans le
cadre d'une loi. On ne peut pas mettre des mots dans une loi juste pour dire
qu'on a mis les mots parce qu'ensuite
on va être pris avec toutes sortes de débats juridiques à n'en plus finir qui
seront inutiles. Donc, je ne sais pas si ça répond à votre
interrogation, là.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Gouin, en 15 secondes.
Mme
David (Gouin) : Ce que je comprends de votre réponse, c'est qu'il peut
y avoir des dommages collatéraux au plan juridique. Moi, je me demandais
si vous estimiez qu'il y en aurait aussi au plan social.
Mme
Bellefleur (Coline) : On n'a
pas fait d'analyse sociopolitique de la question, mais, par exemple,
effectivement, la Commission des
droits de la personne mentionne qu'il y aurait peut-être des implications
discriminatoires dans l'application de ce concept-là.
Sur la
question sociale, ça sort un petit peu de notre mandat. Je sais qu'il y a des
groupes qui se sont positionnés sur cette question. Donc, peut-être, ce
serait plus judicieux d'aller leur adresser la question.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, Me Bellefleur, de votre
réponse. Je vous garde avec nous quelques minutes parce que je sais qu'il y a entente entre les
leaders pour qu'il y ait des remarques finales. On arrive à la dernière étape
des consultations sur le projet de loi
n° 59, et je sais que j'ai le consentement aussi de tous les collègues
pour qu'on dépasse l'heure prévue de 13 heures pour faire les remarques
finales.
Remarques finales
Et, puisque
vous étiez dans une très bonne envolée, Mme la députée de Gouin, vous allez
débuter les remarques finales. Une petite minute pour vos remarques
finales.
Mme Françoise David
Mme David
(Gouin) : Vous allez voir, M. le Président, si j'ai l'esprit de
synthèse. Écoutez, au terme de nombreuses auditions, à mon avis, trois
questions importantes se posent. Beaucoup d'autres, mais trois questions
importantes. Est-ce qu'on a besoin d'outils
supplémentaires et diversifiés au Québec pour contrer les discours haineux
et/ou incitant à la violence? Comme
féministe, comme députée solidaire, comme citoyenne engagée à défendre les
droits des minorités, je réponds oui, outils supplémentaires et
diversifiés.
Le projet de
loi n° 59 est-il l'un de ces outils? Est-il un bon outil? Dans sa première
partie, au niveau de sa forme actuelle,
je réponds non. Mais, si on le précise, qu'on le clarifie, qu'on est à l'écoute
de plusieurs recommandations qui ont
été quasi unanimes, oui, la première partie pourrait devenir très pertinente.
Et, quant à la deuxième partie, il y a là une bonne base à améliorer.
Trois, en
quelques secondes, est-ce qu'on veut, ensemble, améliorer ce projet de loi?
Est-ce qu'on est capables de faire là-dessus
le débat le moins partisan possible dans l'intérêt public? En ce qui nous
concerne, nous, la réponse, c'est oui.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville, pour 1 min 48 s.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Alors, les
consultations que nous terminons aujourd'hui ont été très éclairantes.
Je tiens à remercier tous les groupes que nous avons entendus ces dernières
semaines.
Un message
clair a été lancé à la ministre, le p.l. n° 59 rate sa cible en ne
s'attaquant pas à la menace qu'on veut réellement
éradiquer au Québec, soit l'intégrisme religieux et l'endoctrinement
idéologique, qui mènent à la discrimination et au radicalisme violent. C'est ce qui préoccupe les Québécois.
Pourtant, ces concepts et ces mots ne se retrouvent pas dans le texte de loi proposé. Non seulement le
p.l. n° 59 rate sa cible, mais il contient plusieurs flous qui soulèvent
des craintes chez plusieurs groupes quant à sa portée et ses
conséquences sur la liberté d'expression.
Je crois que
la ministre de la Justice réalise maintenant que les importantes faiblesses de
son projet de loi en minent l'acceptabilité sociale et que des
amendements majeurs, des amendements majeurs devront lui être apportés. Il est primordial que nous nous dotions d'une solution
légale, civile pour interdire les prêches et les enseignements qui encouragent le dénigrement de nos valeurs
fondamentales et qui fomentent la haine. C'est pourquoi nous avons fait des
propositions concrètes en février dernier en
ce sens, et nous présenterons donc une série d'amendements lors de l'étude
détaillée et comptons sur l'ouverture et
l'humilité de la ministre dans la recherche de solutions à cet enjeu, qui
dépasse toute partisanerie, M. le
Président, c'est important de le dire, mais notre appui au projet de loi
dépendra de ces amendements.
Merci.
• (13 heures) •
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de
Montarville. Mme la députée de Taschereau, 2 min 42 s.
Mme Agnès Maltais
Mme
Maltais :
Merci, M. le Président. Chers collègues, Mme la ministre, revenons à Nicolas
Boileau, qui nous dit : «Ce qui
se conçoit bien s'énonce clairement. Et les mots pour le dire viennent
aisément.» Dans le cas de ce projet de
loi, je pense que, quand on parle de discours haineux, ce projet de loi est un
échec — je le
dis respectueusement — parce qu'il n'a pas
réussi, pas réussi à amener véritablement ni une définition de ce à quoi on
veut s'attaquer, ni un processus pour
s'y attaquer qui aillent recueillir un minimum d'adhésion. Et, quand je parle
de minimum d'adhésion, croyez-moi, j'ai
rarement vu des projets de loi se faire ratiboiser à ce point-là en commission
parlementaire. Il y a un problème sérieux, comment s'en sortir?
Voir
nos conclusions. Ce projet de loi est à l'intérieur d'un plan pour contrer la
radicalisation. Est-ce que ce projet
de loi répond à ce plan? Non. Est-ce
qu'il répond aux besoins des écoles, par exemple, qui veulent travailler sur l'intimidation? Est-ce qu'il répond aux besoins
des groupes qui travaillent avec la jeunesse, de la DPJ? Non. Est-ce qu'il
répond aux groupes victimes d'actes haineux? Non.
Est-ce qu'il
soulève des craintes? Un gros oui. Oui, il a soulevé beaucoup de craintes. Sur
le tribunal parallèle qu'on crée, les
garanties procédurales qui n'y seront pas, sur une liste qui est d'ores et déjà
abandonnée, sur des amendes qui
feraient peut-être de ce projet de loi un projet de loi inconstitutionnel, sur
le fait que les mineurs sont inclus, ce qui n'a aucun sens, que les
écoles sont déjà couvertes par la Loi sur l'instruction publique, et on
continue, on continue.
Qu'est-ce
qu'il reste? Ce sur quoi on peut travailler immédiatement, c'est sur les
mariages forcés, sur le contrôle excessif,
sur les crimes d'honneur, Ça, là, écoutez, on est prêts, nous, de notre côté, à
faire immédiatement le travail. On dit :
Scindons le projet de loi. Que le gouvernement révise la première partie. Il ne
s'agira pas de petits amendements ou même
d'amendements majeurs, il serait tellement préférable de partir d'un texte plus
solide que ce qu'on a actuellement. Parce
que, là, là, on va être obligés de passer des semaines à retravailler quelque
chose qui ne le mérite pas, je le crois. Et ce n'est pas seulement moi qui le crois, je viens d'entendre des gens
depuis un mois maintenant, et travaillons sur ce qui pourrait faire que la ministre apporterait et cette Assemblée
apporterait une contribution à la société rapidement, puis après on reviendra, si c'est nécessaire, sur le
projet du gouvernement. À eux de refaire leurs devoirs, on accueillera, à ce
moment-là, la nouvelle proposition. Merci.
Le
Président (M. Ouellette) : La beauté de notre système
parlementaire. Pour le mot de la fin, Mme la ministre.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, vous savez, nous avons abordé les consultations
avec une grande ouverture et nous
avons été à l'écoute des commentaires qui ont été formulés. Nous allons
d'ailleurs continuer d'être attentifs aux
propositions qui sont constructives. Nous avons déposé ce projet de loi dans le
cadre du plan de lutte à la radicalisation, qui vise à agir, prévenir,
détecter et vivre ensemble.
Je vous le
rappelle, l'objectif du projet de loi n° 59, c'est de protéger les
citoyens les plus vulnérables, notamment contre le discours haineux et les discours qui incitent à la violence,
et non pas de brimer la liberté d'expression. La liberté d'expression, c'est un fondement de notre
démocratie. La liberté d'expression, elle est essentielle, évidemment, dans une
société libre et démocratique. Mais, dans
une société libre et démocratique, on ne peut permettre des discours haineux
ou des discours qui incitent à la violence
contre une personne ou contre un groupe de personnes, basés sur des motifs de discrimination.
Notre
société, elle est riche de sa diversité. La crainte de l'autre, le rejet des
différences font reculer le Québec. C'est pourquoi nous devons rejeter
les atteintes aux valeurs de respect, d'ouverture et d'inclusion qui sont les
nôtres. Le Québec ne peut accepter des
comportements qui compromettent la sécurité et la dignité des personnes. Le
projet de loi n° 59 s'inscrit
dans notre volonté de défendre et de promouvoir les droits et libertés
fondamentales tout en assurant la
sécurité des Québécois. Avec les mesures qui sont proposées, nous affirmons
haut et fort notre volonté de faire du Québec une société égalitaire,
respectueuse, non violente et exempte d'intimidation.
Nous avons
bien compris les inquiétudes qui sont exprimées par plusieurs groupes,
notamment quant à la protection de la liberté d'expression, et il n'est
pas du tout dans l'intérêt de la démocratie de freiner la liberté d'expression,
de restreindre les débats. L'expression
d'opinions opposées encourage les échanges et contribue à notre démocratie.
Je vous réitère ce que j'ai dit à de
nombreuses reprises, le discours haineux, ce n'est pas un simple discours qui
est répugnant ou offensant. Le
discours haineux, ce n'est pas un discours qui ne fait que ridiculiser. Le
discours haineux, ce n'est pas la critique
d'une idée, d'une religion ou d'une politique. Le discours haineux, comme l'a défini la Cour suprême, c'est d'une ampleur telle
qu'il ne nuit non seulement à des individus, mais qu'il tente de marginaliser
le groupe dont ils font partie en
s'attaquant à son statut social et en compromettant son acceptation, ce qui
mène ultimement à la violence et ce qu'on a dénoncé unanimement à
l'Assemblée cet avant–midi.
Toutefois,
on a entendu les préoccupations qui ont été exprimées quant à la nécessité de clarifier la définition du discours haineux. Et, dans tout ce que nous avons
entendu, la nécessité de clarifier la définition est ce qui ressort davantage,
et nous allons nous y attarder.
Plusieurs groupes ont également insisté sur l'importance,
au-delà de la sanction, de fournir des moyens permettant la prévention d'un
discours haineux ou d'un discours qui incite à la violence. J'entends donc
proposer des améliorations au projet de loi lorsque nous reprendrons nos
travaux.
Et permettez-moi
de vous rappeler que, malgré certaines réserves, plusieurs groupes sont
favorables aux objectifs du projet de
loi. Et ça, c'est important de le mentionner. Le Barreau du Québec est
favorable aux objectifs visés par le projet
de loi. Le Conseil du statut de la femme est favorable aux objectifs visés par
le projet de loi. La Fondation
Jasmin-Roy aussi, la ville de Montréal,
Émergence, la Fondation Émergence, Cyber-aide, la commission des droits de la personne et de
la jeunesse.
J'aimerais
citer en terminant la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, qui a déclaré le 4 août
dernier, lors de la venue du blogueur
Roosh V, que c'était le devoir du gouvernement de lancer un message pour
indiquer que les propos haineux faisant
la promotion de la violence envers les femmes étaient inacceptables. On est
d'accord, et c'est exactement ce qu'on entend
faire avec le projet de loi n° 59, et nous espérons grandement pouvoir
compter sur la collaboration de chacun des membres de cette Assemblée, des quatre femmes qui sont porte-parole de
ce dossier pour travailler ensemble à améliorer le Québec.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la ministre, pour vos remarques finales. Me Bellefleur,
représentant l'Association canadienne
des avocats musulmans, merci de votre participation et d'avoir assisté aux
remarques finales.
Mémoires déposés
Je dépose maintenant
une dizaine de mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors de ces
consultations.
La commission, ayant accompli son mandat, suspend ses travaux jusqu'à 15 heures afin
de tenir les consultations particulières et auditions publiques sur
un nouveau projet de loi, le projet de loi n° 51.
(Fin de la séance à 13 h 8)