(Dix heures quatre minutes)
Le
Président (M. Ouellette) : Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les
discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant
diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Kotto (Bourget) remplace M. Bédard (Chicoutimi)
et Mme Lavallée (Repentigny)
remplace M. Jolin-Barrette (Borduas).
Le Président (M. Ouellette) :
Merci. Je vais souhaiter la bienvenue à mes collègues d'Ungava, La Prairie,
Jean-Talon, Mme la ministre, Mme la députée de Repentigny, Mme la députée — il ne
faut pas que je l'oublie —Sainte-Marie—Saint-Jacques,
bon, puis Mme la députée de Taschereau.
Auditions (suite)
Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au
Rassemblement pour la laïcité. Vous avez 10 minutes pour nous exposer...
Vous allez faire les présentations des gens qui vous accompagnent, et on vous
remercie.
Rassemblement pour la laïcité (RPL)
M. Lamoureux (André) : Mme la
ministre, mesdames messieurs, bonjour. Je suis André Lamoureux, je suis politologue, et enseignant, et représentant du
Rassemblement pour la laïcité. Je suis accompagné de Mme Leila Bensalem,
enseignante récemment retraitée et membre du Rassemblement pour la laïcité.
Avant d'étayer notre argumentation, nous
indiquons rapidement la logique de notre mémoire et de notre présentation. Notre message est en deux temps.
Tout d'abord, nous nous dissocions de la proposition visant à policer et
sanctionner les discours haineux ou incitant à la violence. Nous avons beaucoup
de réserves sur ces dispositions. Le RPL propose plutôt un certain nombre de
recommandations visant à contrer et endiguer la montée de l'intégrisme au
Québec, surtout l'intégrisme islamique, lui-même source, à notre avis, de
discours haineux.
D'autre part,
le RPL veut apporter sa propre contribution sur la question des mariages forcés
et tout ce qui concerne la violence
et les meurtres commis au nom de l'honneur. Les quelques propositions
présentées par le gouvernement à ce sujet nous apparaissent justifiées
mais vraiment trop timides. Elles devraient être renforcées par d'autres
dispositions législatives. Nous vous les expliquerons.
À propos des
discours haineux, nous sommes déçus de voir le virage de 180 degrés
effectué par le gouvernement sur la
question de l'intégrisme. En 2013, lors de son assermentation à titre de député
d'Outremont, Philippe Couillard déclarait
avec force vouloir poursuivre sans relâche les intégristes. Par la suite, il
s'est ravisé, et la lutte contre l'islamisme s'est envolée en fumée. Le premier ministre a expliqué que l'intégrisme
était une affaire privée et que cela ne nuisait à personne. Kathleen
Weil a même indiqué que ça ne la dérangeait pas de travailler avec un
intégriste.
Pendant des
mois, les ministres ont martelé à l'unisson qu'il faudrait plutôt combattre
l'islamophobie, la xénophobie, le
racisme et les discours haineux, puisqu'ils seraient à la source de
l'humiliation et des discriminations vécues par les musulmans et, par ricochet, de la radicalisation des jeunes et
des moins jeunes vers l'islamisme et le djihadisme. Jacques Frémont a même prétendu sur les ondes de
Radio-Canada qu'il y avait une montée de l'intolérance au Québec. Cela a
donné lieu au projet de loi n° 59 qui vise à policer les discours haineux.
Mme la ministre, la semaine dernière, après
avoir été abondamment critiquée sur le caractère fourre-tout que représente l'expression «discours haineux», vous
avez changé votre message quelque peu en clamant que vous ne vouliez
d'aucune façon empêcher la critique des religions. Lors de sa présentation
faite ici même, devant la commission, Jacques
Frémont a aussi cherché à temporiser le discours. Vous nous dites maintenant
que le projet de loi vise surtout à encadrer
le type de discours haineux que les intégristes eux-mêmes soutiennent mais sans
les nommer. Avouez que cela contredit tout ce que vous et vos autres
collègues ministres avez dit pendant des mois.
Laissez-moi
vous dire ceci : Si vous aviez vraiment voulu faire ce que vous prétendez,
vous auriez sûrement conçu un autre
projet de loi que celui-ci, une autre loi permettant de contrer l'intégrisme.
Or, il n'y a toujours aucune législation de ce type sur la table et non
plus de définition du concept de discours haineux qui se rapprocherait des
termes du Code criminel sur la propagande
haineuse. Ce vide ouvre la porte à n'importe quoi, et au premier chef à la
vindicte des islamistes contre la laïcité. Une
définition de concept, c'est toujours la première chose qu'on explique ou qu'on
demande à nos étudiants lorsqu'ils effectuent une recherche. Il faudrait que
vous compreniez que l'expression «discours haineux», c'est tout particulièrement la rhétorique de la mouvance islamiste pour
casser toute critique de ses dogmes rétrogrades. C'est sa marque de
commerce.
Mme Vallée, vous vous trompez de cible. Ce ne
sont pas les discours haineux ou l'islamophobie qui sont la source de la stigmatisation ou de la
marginalisation des musulmans, c'est l'intégrisme et tout particulièrement
l'idéologie islamique qui, avec leurs
préceptes rétrogrades, nourrissent des réactions légitimes de rejet parmi les
citoyens québécois, d'autant plus que
les islamistes se réclament de l'islam. Pour se défendre de la critique, les
islamistes déversent ensuite leur haine contre tous ceux et celles qui
osent les contester, y compris les musulmans installés au Québec qui refusent
de se plier à ce discours.
• (10 h 10) •
En Algérie, au cours des années 1990, des
hordes de jeunes se sont fait envoûter par l'intégrisme musulman. Les
islamistes algériens ont massacré des dizaines et des dizaines de milliers
d'hommes et de femmes au nom de leur idéologie.
Pourtant, les musulmans ne faisaient aucunement face à une situation
islamophobe ou xénophobe dans leur propre pays, et ce sont eux qui ont
été massacrés par ces mêmes islamistes.
La
corrélation entre le djihadisme et l'islamophobie, contrairement à ce que M.
Charkaoui expliquait ici, n'existe donc
pas. Et, en revanche, pour les islamistes, toute attaque contre eux est évidemment présentée comme un assaut contre
l'islam, d'où l'utilisation du concept d'islamophobie qu'ils ont eux-mêmes
créé. Voilà pourquoi ils combattent les partisans de la laïcité et qu'ils les
assassinent très souvent.
L'islamisme... la féministe — excusez-moi — Kate
Millett a été la première à goûter à ce type d'attaque, une charge lancée par les mollahs iraniens en 1979.
Elle fut accusée d'impérialisme et de racisme contre l'islam lorsqu'elle
a encouragé les femmes iraniennes à enlever
leurs voiles. Il y a eu également Salman Rushdie qui a été accusé
d'insulte à l'islam et condamné à mort par
fatwa. Que dire de Véronique Sanson? En 1989, elle s'est vue obligée de retirer
la chanson Allah de son spectacle après avoir reçu plusieurs
menaces et un coup de téléphone lui disant ceci : Si tu chantes ça,
poum!
En 2006, au
moment du débat sur le port du voile à l'école en France et au Québec, Tariq
Ramadan, l'intellectuel de
l'islamisme, a accusé ceux qui prônaient l'interdiction de symboles religieux
dans les institutions publiques de tenir des propos haineux et racistes. C'est exactement ce que permettrait le
projet de loi n° 59 s'il était adopté : une plateforme pour
nourrir les poursuites-bâillons pour punir et museler.
Ce qui nous
amène à la notion de blasphème, qui n'a aucune légitimité dans une société
démocratique. Cette notion est moyenâgeuse, mais elle est
malheureusement toujours dans le Code criminel canadien. Elle renvoie à une
autre époque où les Églises et l'État
étaient soudés et fonctionnaient de connivence. À notre avis, avec ce projet de
loi n° 59, c'est comme si le blasphème serait rétabli, mais dans le
champ civil cette fois-ci. On devrait s'attendre à ce que les islamistes
sautent à pieds joints dans la logique des discours haineux, qu'ils lancent la
vindicte contre les défenseurs de la laïcité et que soit enclenché un tas de
poursuites, comme c'est déjà commencé.
En janvier
dernier, les islamistes ont dit que Charlie Hebdo avait franchi la ligne
rouge, selon l'expression utilisée ici même par Salam Elmenyawi, et
insulté l'islam avec leurs caricatures. Voilà pourquoi ils ont été massacrés.
Récemment, un blogueur du Bangladesh, partisan de la laïcité, a été assassiné.
Le savez-vous?
Malgré les
tons rassurants, il reste que l'écrit reste l'écrit. La première partie du
projet de loi n° 59 représente une atteinte à la liberté
d'expression. Elle essaie de policer le droit de critique à partir d'une notion
absolument arbitraire. Le fait de traduire
devant les tribunaux les organismes et les individus en les incriminant
d'avance de propos haineux, notamment
à l'endroit des religions, sans respect de la présomption d'innocence, sans
même avoir accès aux règles de procédure civile d'un procès régulier...
Une voix : ...
M. Lamoureux (André) : ... — deux? — alors,
disons, porte atteinte, en fait, aux droits de la personne.
Alors, je
reprendrai d'autres arguments tantôt, par la suite. Je vais laisser la parole à
Mme Bensalem, qui va vous présenter le deuxième bloc.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Bensalem, il vous reste 1 min 30 s. M. Lemieux a été très
volubile, ça fait que...
Mme Bensalem (Leila) : O.K. Alors,
ça concerne les mariages forcés et les violences commises au nom de l'honneur.
Alors, à propos des mariages forcés, nous sommes évidemment d'accord avec les
mesures minimalistes proposées, mais elles
sont insuffisantes. Comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas songé à
exiger d'Ottawa que l'obtention de
l'âge majeur, 18 ans, devienne une condition au mariage? Actuellement,
c'est 16 ans. Cette base légale de 18 ans endiguerait en grande partie la problématique des jeunes
mineurs qui sont dans l'engrenage des mariages forcés.
Aussi, cet
âge minimal de 18 ans est en vigueur dans plusieurs pays, comme la Suède,
l'Allemagne ou la Suisse. Cette base
légale, comme l'explique Sharryn Aiken, professeure à l'Université de Queen's,
spécialiste en droit international des droits de la personne et en droit
de l'immigration, cette base légale, donc, est aussi soutenue par l'UNICEF, qui
considère que le mariage à moins de 18 ans constitue une violation
fondamentale des droits humains.
Soulignons un autre problème. Par la
loi S-7, votée en avril dernier, le gouvernement fédéral a criminalisé les
mariages forcés. Étrangement, personne n'a pensé à des mesures particulières
pour annuler les mariages forcés qui pourraient être conclus à l'étranger.
Le Président (M.
Ouellette) : En conclusion.
Mme Bensalem (Leila) : C'est ça.
J'achève, oui. Alors, on aurait deux recommandations...
Le
Président (M. Ouellette) : Que vous pourrez définitivement mentionner dans vos premiers échanges
avec Mme la ministre.
M. Lamoureux (André) : Comme les
autres. Comme les autres, d'ailleurs.
Le Président (M. Ouellette) :
Oui. Merci de votre présentation. Mme la ministre.
Mme Vallée : Merci. Alors, merci beaucoup pour votre
présentation. Dans un premier temps, peut-être... Je suis intéressée par les recommandations touchant les mariages forcés et les violences
basées sur la conception de l'honneur. Je veux d'abord, peut-être, aborder les premiers aspects abordés dans votre
mémoire, puis par la suite on pourra revenir à ces éléments-là qui sont
aussi très importants.
Simplement,
encore une fois, rassurer M. Lamoureux, M. le Président. Il n'y a pas
eu de changement de discours dans le
dossier, mais je pense qu'il était bon de recadrer, dans le cadre des interventions, certaines notions et notamment une certaine
perception qui semblait s'être propagée à l'effet que la critique de la
religion et le blasphème n'étaient pas... étaient visés par le projet de loi,
ce qui n'est pas le cas.
Alors, le projet de loi vise vraiment à encadrer un discours haineux, le discours
haineux tel que notamment
défini par la jurisprudence, par la Cour suprême. Donc, c'est un discours qui
comporte des particularités vraiment définies, c'est-à-dire c'est un discours qui va attiser un sentiment de haine
profond à l'égard des groupes dont il est question. Et, encore une fois,
l'objectif n'est pas du tout d'instaurer, comme vous le disiez... ou comme M.
Lamoureux le disait, M. le Président, le
retour de la censure, le retour... ce n'est pas du tout, du tout l'objectif.
D'ailleurs, dans le projet de loi, on
réfère et peut-être... et nos échanges nous permettent de constater peut-être que
ça mériterait d'être plus clair, mais réitère, notamment à
l'article 1, le principe fondamental, dans une démocratie, que la liberté
d'expression représente.
Alors, la
liberté d'expression, c'est un principe qui est essentiel en démocratie. Avoir
la possibilité de critiquer, c'est essentiel en démocratie. Ce que nous
souhaitons faire... Et c'est pour ça que je voudrais un petit peu entendre M. Lamoureux, c'est que, dans votre introduction,
dans l'introduction de votre mémoire, vous avez parlé que l'intégrisme devenait, pouvait être une source de discours
haineux. Et l'objectif, c'est ça, c'est de freiner ce discours haineux.
Alors, j'aimerais comprendre. Vous nous
dites : L'intégrisme est une source de discours haineux. Il est important
de venir contrer ce type de discours
là, mais, si j'ai bien compris, le projet de loi ne vous apparaît pas comme une
façon de contrer ce type de discours là qui pourrait surgir d'une forme
d'intégrisme.
Alors, quelle
serait la façon de contrer ce type de discours haineux, qui parfois est dirigé
vers les femmes, parfois est dirigé
vers les homosexuels. Dans certains cas d'intégrisme, parce que l'intégrisme se
manifeste sous différentes formes, ce
ne sont pas toujours les mêmes groupes qui vont porter leur philosophie jusque
dans une mesure qui va s'en prendre à des
groupes. Mais quelle serait la façon qui pourrait être la plus efficace, selon
vous, pour contrer le discours haineux sur la place publique? Et, on s'entend, lorsque je parle de discours
haineux, je fais vraiment référence au discours haineux tel que l'a reconnu la Cour suprême. Je ne voudrais
pas que l'on prenne des interprétations qui ont été faites en commission
parlementaire. Je me suis toujours tenue
notamment à l'affaire Whatcott, on en a parlé beaucoup, on a parlé de
l'affaire Taylor, donc à cette conception très précise du discours haineux que
la jurisprudence nous a enseignée.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Lamoureux.
• (10 h 20) •
M.
Lamoureux (André) : Je peux
vous répondre là-dessus. Mme la ministre, j'ai été même encore plus
inquiet en fin de semaine lorsque j'ai
entendu M. Jacques Frémont, à une émission de Radio-Canada, dire que ce qu'il
voulait contrer, c'étaient les discours haineux menant à la discrimination. Ça
n'a pas de sens, parce que c'est trop large. La discrimination, c'est très large. Donc, je pense qu'il faut être
beaucoup plus précis. Un patron qui
dirait à ses employés de moins de 30 ans : Je vous donne des
conditions de travail inférieures aux autres, c'est de la discrimination, mais
ce n'est pas un discours haineux.
Nous, là, le
discours haineux, nos paramètres, en s'appuyant sur la Cour suprême, là, ce serait un discours, une propagande mue par l'aversion et
la détestation prônant l'usage de la violence à l'endroit d'individus, de
groupes ou communautés et pouvant mener au génocide. Ça, c'est un discours
haineux.
Comme cet
été, en Turquie, il y a eu des pancartes qui ont été installées par les
islamistes disant : Faut-il tuer les homosexuels comme Mahomet
s'est vengé contre le peuple de Lot? Vous savez ce que ça veut dire? Mahomet
avait exterminé le peuple de Lot parce qu'il
y avait des pratiques homosexuelles dans sa population. Alors, c'était un
appel... Ça, pour moi, c'est un discours
haineux, parce que ça appelle à la violence, à porter... à tuer
même, à la limite. C'est ça, un discours haineux.
Si on entend
juste la discrimination... On entendait l'autre fois certains propos, là, qui
sont dans le... Écoutez, moi, je peux dire... on peut vous dire ceci : On
peut être hostile à une religion, à une école de pensée, on peut être
offensant, on peut être blessant, on peut
être vexatoire, on peut être misogyne aussi — je ne
suis pas d'accord avec ce que le Conseil du statut de la femme a dit ici, là, c'est trop — être polémique, être irrespectueux, être
dénigrant, même. Je vous entendais, vous répondiez à Me Latour et Me
Grey, vous disiez : Ah! le discours haineux, c'est comme le dénigrement.
On peut dénigrer. On a le droit de dénigrer
quoi que ce soit. Je pourrais dénigrer Raël et ses théories, les superstitions
des religions, l'obscurantisme
des religions, je pourrais... Ce n'est pas des discours haineux, ça. Donc,
c'est ça, pour nous, le discours haineux, et c'est ça qui n'est pas dans
la loi.
Et
je termine avec quelque chose... Je vais vous dire une information, Mme la
ministre, je ne sais pas si vous êtes au
courant de ça : Suite aux attentats de Charlie Hebdo en France, il
y a un journaliste du Western Standardmagazine, en
Alberta — parce
que M. Frémont a parlé beaucoup de l'Alberta comme un exemple, la
Colombie-Britannique, tout ça — il y a un journaliste de l'Alberta, du Western
Standard magazine, qui est lié à Sun News — et ça ne me dérange pas qu'il soit
lié à Sun News, il y a des gens qui vont faire des commentaires là-dessus, pas
du tout — ce
journaliste-là a décidé, lui... En réplique
à ce qui s'était produit en France, il a fait un reportage avec des discours
d'imams, des discours vraiment
agressifs, là, et même quasiment liberticides, là, et puis il a diffusé,
pendant son reportage, les... il a reproduit, il a tout simplement
reproduit les caricatures de Mahomet. Et savez-vous qu'est-ce qui lui est
arrivé? Il a eu un ordre du Tribunal des
droits de la personne d'enlever ses caricatures de Mahomet, en Alberta,
considérées comme discours haineux. Et
lui, il a dit : «You're crazy», et, en disant ça, il s'est fait
poursuivre, amende, par le Tribunal des droits de la personne en
Alberta. Ce n'est pas très loin, l'Alberta, là, ce n'est pas l'Afghanistan.
Je
vous donne un autre exemple, en Égypte. Dans notre rapport... Vous verrez,
notre rapport est très documenté. Je ne
sais pas si vous l'avez lu, j'espère que vous allez le lire, vous allez
peut-être apprendre beaucoup de choses dans notre rapport. Mais, en Égypte, une blogueuse, au mois de
décembre, pas plus loin qu'au mois de décembre, a fait un commentaire
sur les événements concernant la fête de l'Aïd — l'Aïd, c'est ça? — et
puis... Oui, bien, je pense que Leila pourrait en parler et puis... Elle a été
traduite devant le tribunal?
Mme Bensalem
(Leila) : Oui. C'est une journaliste égyptienne...
Le Président (M.
Ouellette) : Ne bougez pas, ne bougez pas. C'est parce que...
Mme Bensalem
(Leila) : Oui, pardon.
Le Président (M.
Ouellette) : ...notre période de temps est très limitée et...
M. Lamoureux
(André) : En tout cas, cette journaliste-là a dit : Joyeux
massacre, un peu comme «you're crazy», et elle a été traduite en cour de
justice pour insulte à l'islam. C'est l'Égypte, vous allez me dire, ce n'est
pas le Canada, ce n'est pas le Québec,
mais, au Canada, au Québec, il y a d'autres choses qui se passent, des fois qui
peuvent, qui pourraient se produire.
Et
surtout, nous, c'est... On n'en veut pas au ministère de la Justice, on
n'en veut pas à la commission, au contraire, on veut qu'elle joue son rôle. Mais c'est certain que, si ce projet de loi... C'est déjà commencé contre nous, là. Quand je dis «nous», c'est les combattants de la laïcité,
qu'on le fait depuis des années, depuis 2010 qu'on se bat là-dessus,
bien avant qu'il y ait le projet
de loi n° 60. Mais les
poursuites sont déjà engagées, vous le savez. Est-ce que je dois donner des
noms, là? Mais on en a pas mal, et ça va être une planche de salut pour eux
autres pour nous poursuivre, c'est certain.
Le Président (M.
Ouellette) : On va continuer l'échange, M. Lamoureux. Mme la
ministre.
Mme
Vallée : Merci.
Alors, la définition de discours haineux, simplement revenir, oui,
c'est un... ça peut être une forme de dénigrement, une forme de
dénigrement qui va déconsidérer un groupe de personnes, qui va le dénigrer au
point de le rendre ignoble. Alors, c'est vraiment... il y a un caractère vraiment
particulier du discours haineux. Et la définition de ce concept-là, elle est
reprise par la Cour suprême.
Maintenant,
je vous entends, comme j'ai entendu bien des gens, il y a
lieu évidemment de définir peut-être de façon plus
précise dans le projet de loi, parce
qu'il semble y avoir des interprétations multiples du concept. Et j'ai pris
bonne note, vous nous avez donné votre définition, la définition que vous
considérez être peut-être une des définitions qui pourraient être utilisées. Je
vous remercie de nous avoir fait part de vos commentaires.
J'aimerais revenir
sur la question des mariages forcés et sur la question des violences basées sur
l'honneur. Certaines de vos recommandations
visent à solliciter d'Ottawa de renforcer certaines mesures législatives. On en
prend bonne note, certains groupes nous ont
formulé cette demande-là, évidemment. Nous, ce qui est souhaité, c'est, à
même les outils législatifs que nous avons, notre Code civil notamment, de
pouvoir... dans le contexte où la législation fédérale demeure la même, mais de pouvoir contrôler et encadrer le consentement
pour s'assurer d'un consentement réel. Mais j'ai pris bonne note de
votre demande quant à ce que l'âge légal du mariage passe à l'âge de
18 ans.
Maintenant, pour la
question des violences basées sur la conception de l'honneur, j'aimerais vous
entendre, puisque vous n'avez pas eu la chance de nous formuler vos
recommandations.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Bensalem.
Mme Bensalem
(Leila) : Vous voulez que je vous parle de nos recommandations
concernant... O.K.
Le Président (M.
Ouellette) : Effectivement, Mme Bensalem, c'est la demande de
la ministre.
Mme Bensalem
(Leila) : Pardon?
Le Président (M. Ouellette) :
C'est la demande de la ministre. Vous avez mentionné tantôt que vous auriez
la chance de nous partager vos deux recommandations.
Mme Bensalem (Leila) : O.K. Bien, on vient de parler de l'âge qui
devrait être haussé à 18 ans. Ça, c'était notre première
recommandation.
La
deuxième, ça concerne les mariages forcés qui se sont déroulés à l'étranger.
Parce qu'en fait moi, je peux vous parler
de certains cas que j'ai vraiment... j'ai été vraiment témoin de ces cas-là,
parce que j'étais enseignante dans une école
secondaire à Montréal, et ça s'est passé à deux ou trois reprises, il y a
plusieurs années de ça. Il y a des petites filles qu'on a retirées de
l'école pour voyager, aller contracter des mariages à l'étranger et ensuite
revenir ici.
Alors, à l'époque,
c'est sûr qu'il y a une espèce, je pourrais vous dire, de frilosité quand il
s'agit de contrer ou de savoir comment gérer
ces situations-là, parce que, souvent, on pense, et je pense que c'est une
erreur, que ça fait partie d'un
bagage culturel ou que ce sont des habitudes et qu'on ne peut pas vraiment
intervenir. Écoutez, on est au Canada, on
est au Québec, et c'est nous qui devrions avoir nos lois et dire à ces
personnes-là que ça ne se passe pas comme ça ici et qu'il faut respecter nos lois. C'est la même chose
quand on parle des mutilations sexuelles et de l'excision. Il y a encore
des cas d'excision qui se déroulent ici même, au Canada. Donc, il faudrait
vraiment agir, là, ça presse.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Pour ce qui
est de l'excision puis certaines pratiques, il y a des dispositions qui interdisent... en fait, qui criminalisent ces actes-là au
Code criminel. Je sais également que le Collège des médecins est très vigilant
sur la question, puisqu'il ne faut pas oublier, on a notre Code criminel qui
est là, qui existe.
Nous, ce que nous
avons présenté, ce sont des mesures au niveau civil, alors des mesures de
nature civile qui permettent de donner notamment
des outils pour pouvoir intervenir, de donner des outils, par exemple, aux intervenants de la
direction de la protection de la
jeunesse pour pouvoir intervenir,
pour pouvoir nommer certains phénomènes, pour être en mesure de mieux les
comprendre, de mieux pouvoir accompagner les enfants qui, parfois, sont aux
prises avec des situations familiales pas toujours simples. Nous avons prévu
certaines dispositions, notamment visant une meilleure confidentialité des
échanges que l'enfant pourrait avoir avec le directeur de la protection de la
jeunesse
J'aimerais vous
entendre. Est-ce que les mesures prévues au projet de loi n° 59 et qui
visent notamment à mieux outiller la direction de la protection de la jeunesse
vous semblent intéressantes? Est-ce qu'il y aurait d'autres types de mesures
qui pourraient, à votre avis, être utiles?
• (10 h 30) •
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Bensalem.
Mme Bensalem (Leila) : Bien, écoutez, vous avez parlé tout à l'heure
d'un autre moyen pour contrer les
discours haineux et tous ces comportements, là, qui entourent le discours
haineux. Bien, concernant les mariages forcés, les mutilations sexuelles et,
bon, l'excision, entre autres, moi, je pense qu'il faudrait vraiment commencer
à faire de la sensibilisation et de
l'éducation, c'est la base. Parce que ces familles, là, qui arrivent ici avec
ces bagages culturels qui... bon, ils
arrivent avec ça, d'accord, mais ça ne veut pas dire qu'ils peuvent continuer à
exercer toutes ces choses-là ici, au Canada.
Ce n'est pas possible. Parce que, quand même, les libertés individuelles, c'est
bien beau, mais il y a certaines choses
qui devraient être inacceptables ici. C'est un bagage culturel, d'accord, mais
ici ça ne se passe pas comme ça. C'est à nous à édicter les lois et puis
à les faire respecter surtout.
Et
puis, juste une dernière chose concernant les mariages forcés à l'étranger, on demanderait
vraiment qu'il y ait une procédure d'annulation qui soit automatiquement
appliquée dès qu'il y aurait une preuve du caractère imposé de ces contrats-là.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Il y a actuellement des mesures permettant
l'annulation de mariage, notamment un mariage dont le consentement a été
vicié. Est-ce que vous considérez que les mesures, actuellement, qui existent,
notamment celles prévues à
l'article 380 du Code civil, sont suffisantes ou vous souhaitez... ou vous
considérez qu'il y aurait lieu de bonifier les mesures? Puis, s'il fallait les bonifier, que devrions-nous ajouter
aux dispositions actuelles? Parce qu'actuellement un mariage qui n'a pas été contracté de consentement
peut être annulé. Nous suggérons d'encadrer davantage la vérification,
la validation du consentement des époux de moins de 18 ans, parce que,
généralement, le consentement a été accordé
par le parent. Et, dans le cas de mariage forcé, on sait que la famille, bien
souvent, est très, très, très
impliquée, donc, d'où la proposition de soumettre le tout à l'autorité d'un
juge pour valider si le consentement, il est libre et éclairé. Mais, au-delà de la question du consentement, est-ce
que vous avez d'autres recommandations ou d'autres suggestions, d'autres
moyens que vous verriez à mettre en place pour encadrer davantage et pouvoir
aussi permettre à ceux et celles qui ont contracté un mariage dans un contexte
où le consentement était vicié de pouvoir en sortir?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Bensalem.
Mme Bensalem (Leila) : Bien, écoutez, s'il y a encore des familles qui
se permettent d'organiser des mariages forcés,
à mon avis, c'est qu'en amont il y a des choses qui n'ont pas été faites. Parce
que, quand on arrive devant le juge et qu'on
est prêt à contracter un mariage, et puis souvent entre des mineurs, c'est
qu'il y a des choses que ces gens-là n'ont pas comprises. Alors, je
reviens toujours, c'est mon leitmotiv : l'éducation, la sensibilisation.
Écoutez,
avant que des personnes émigrent ici, est-ce que ça serait possible de leur
faire comprendre qu'il y a des lois ici qu'on doit respecter et qu'ils ne
pourront pas agir comme quand ils étaient dans leur pays d'origine? Et il
faudrait être fermes par rapport à ça, parce que, s'il y a encore des gens qui
se permettent de faire ça, c'est qu'ils ont, quelque
part, une latitude pour le faire, ils ne sont pas fous. Donc, il y a des
failles, il y a des faiblesses qu'il va falloir corriger et, je répète
encore, en amont, avant même de retrouver ces gens-là devant un juge.
Le Président (M.
Ouellette) : Vous aviez un commentaire, M. Lamoureux?
M. Lamoureux
(André) : Oui, j'ai un commentaire, oui. Je crois que...
L'article 380, là, ne me revient pas spontanément,
le contenu, mais vous pourriez peut-être nous le rappeler, mais je pense que,
dès le moment où une preuve serait...
pourrait être soutenue à l'effet qu'un mariage a été forcé, par témoignage,
par... je ne sais pas, des gens qui prennent
des mesures pour contester, éventuellement, un mariage qui aurait été forcé à l'étranger,
nous pensons qu'il devrait y avoir peut-être
des mesures plus précises — parce
que c'est quand même le Québec qui est responsable de la célébration du
mariage, là, c'est sa compétence — qui pourraient être élaborées de façon à
contrer ça.
J'ajouterais
ceci, dans le sens de Mme Bensalem : Il serait peut-être important
que, dans un cours d'éthique et de culture
religieuse, on fasse l'éducation des jeunes. Évidemment, moi, j'aimerais ça
qu'on fasse l'éducation des jeunes en faveur
de la laïcité, mais disons que ce n'est pas ça, le sujet, mais quand même que,
dans un cours d'éthique et de culture religieuse,
on fasse l'éducation, pas simplement présenter comme l'éventail des religions,
mais qu'on explique des choses indépendamment des cultures :
quelles que soient les religions, le mariage forcé, c'est interdit;
indépendamment des cultures et des
religions, la violence physique, c'est interdit, les crimes d'honneur et
violence au nom de l'honneur. C'est important, ces questions-là. On a vu
l'affaire Shafia, il y a eu l'affaire Parvez. On peut toujours dire : Oui,
mais c'est tellement rare. Mais, écoutez, ça
va se reproduire encore, c'est certain, et je pense qu'on a une responsabilité
d'éducation dans... particulièrement au secondaire, là, surtout à la fin du
secondaire, là, pour les jeunes, à cet égard.
Le Président (M.
Ouellette) : Un dernier commentaire, Mme la ministre.
Mme
Vallée : Simplement, M. Lamoureux, vous partager que, même
si on n'est peut-être pas d'accord sur tous les points, je suis d'accord avec vous. Un cas de violence comme le dossier
Shafia, c'est un cas de trop. Et on doit trouver les moyens pour éviter que les situations comme ça se reproduisent
et pour protéger les jeunes filles et les jeunes garçons qui pourraient être placés dans des situations
particulières, mais on peut avoir des façons différentes d'y arriver, mais il
s'agit de protéger les enfants et les
jeunes. C'est certain que l'éducation est toujours un moyen important. Nous,
aujourd'hui, on regarde les actions législatives, mais vous avez tout à
fait raison que l'éducation, la prévention dans une société, c'est important.
Merci de votre présence à la commission.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de
Taschereau.
Mme
Maltais : Merci. Bonjour, bonjour. C'est un plaisir de vous
recevoir aujourd'hui. Je vous remercie pour votre mémoire. Je vais passer tout de suite à la conclusion de votre
mémoire. Vous dites, la première ligne : «En guise de conclusion, le Rassemblement pour la laïcité
demande que ce projet de loi soit retiré, puisque l'essentiel de cette
législation proposée recouvre la question
des discours haineux.» Vous joignez, je vais vous le dire ici, notre position.
Nous sommes, à ce que je sache,
jusqu'à aujourd'hui, là, le seul parti qui demande absolument que la première
partie, à tout le moins, du projet de
loi, soit celle sur les discours haineux, soit retirée et soit revue en
profondeur, qu'on nous précise les objectifs, et tout ça, qu'on nous précise ce qu'on veut, qu'on précise les termes, et
pas en l'amendant, là. Je sais que les deux autres partis cherchent
encore des amendements. Moi, je pense que ça ne sert à rien de vouloir amender.
J'aimerais
que — moi, je
l'ai déjà expliqué pourquoi — vous me disiez pourquoi vous croyez qu'il ne
suffira pas de quelques amendements,
il faut vraiment le retirer. Qu'est-ce qui fondamentalement vous freine, vous
fait peur dans ce projet de loi?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Lamoureux.
• (10 h 40) •
M. Lamoureux (André) : C'est parce que c'est la logique. On a présenté
un peu ce qui pourrait être une loi pour contrer les discours haineux, on a une définition complètement différente.
Et en plus c'est la logique aussi de l'ensemble du projet de loi.
Par
la suite, là, la question des discours haineux, protéger les jeunes dans les
écoles, les cégeps, là, écoutez, là, moi, j'ai fait ma carrière au cégep, j'enseigne à l'UQAM maintenant, là,
comme chargé de cours, mais... Écoutez, inquiétez-vous pas, là, les cégeps, ils en ont, des moyens de
protection des jeunes, là. Depuis les attentats de 2001... C'est surtout
depuis l'attentat à Dawson, là, on a été
convoqués en réunion et réunion pour les protocoles de sécurité d'urgence sur
tous les étages, avec des
responsables sur tous les étages. Tous les cégeps ont fait ça, là. Donc, on n'a
pas besoin d'une protection. Donc,
c'est la logique globale. Même les cégeps nous on dit qu'ils n'en voulaient
pas, là, ils étaient même insultés de la loi.
Écoutez,
là, les LGBT, ils ont dit qu'ils n'en voulaient pas de loi, les Noirs nous ont
dit qu'ils n'en voulaient pas de la
loi. L'Office des personnes handicapées a dit qu'il n'y a pas de discours
haineux contre les... presque pas, tellement rares, contre les handicapés, c'est plutôt la
discrimination puis des discours vexants. Les seuls qui vous ont dit, là,
qu'ils étaient pour, là, c'est des
associations dites musulmanes mais, je dirais, moi, avec certaines tendances
que je n'oserais pas nommer, et qui ont dit oui. Même qu'une porte-parole
a dit qu'il était important que, les incriminés, là, on les rééduque. Les
incriminés, là, c'est des gens qui critiquent l'islam.
Mais
je voudrais revenir à d'autre chose aussi — on propose cinq autres propositions, je vous l'indique — nous,
on veut qu'un centre de vigilance ou un
centre de recherche-action qui soit créé... donc ce serait une autre loi pour
nous, là, qui soit créé par le gouvernement pour demeurer au fait et contrecarrer les doctrines intégristes,
quelles qu'elles soient, là, ça peut
être hassidique, ça peut être islamique, peu importe. Cet organisme pourrait
aussi rendre compte publiquement de ses actions et de ses recherches.
On veut aussi que le ministère des Affaires
municipales, de l'Occupation du territoire, en collaboration avec Revenu
Canada, exerce une surveillance accrue auprès des organismes de bienfaisance ou
centres communautaires qui ne respectent pas leur vocation — on en
a eu quelques cas, là, au Québec, hein — ils servent, au contraire, à
la promotion de doctrines intégristes et islamistes et même le djihadisme. Cette
surveillance concerne la reconnaissance légale, les subventions qu'ils
reçoivent ainsi que les exemptions fiscales dont ils bénéficient.
Nous, concernant les cégeps, là — je
veux applaudir le directeur de la fédération... le président de la fédération — nous,
on va dans le même sens : il faut qu'il y ait une directive concernant la
location des locaux. Parce que c'est
le problème des cégeps. Les cégeps sont comprimés avec les
compressions budgétaires. Depuis des années, une de leurs sources
de revenus, c'est de louer. Et les cégeps, je vous en parle en connaissance de
cause, louent, et louent, et louent, même
que, des fois le lundi matin, les profs arrivent pour travailler dans les
classes, puis les fils sont tout défaits, puis ils sont mécontents de
ça.
Mais nous, on dit : Attendu que les écoles
publiques, les cégeps, les universités sont des institutions laïques, que le ministère de l'Éducation, de l'Enseignement
supérieur et de la Recherche édicte une directive à l'intention de tous
les gestionnaires d'établissement encadrant
la gestion de la location de leurs locaux pour les organismes externes de
façon à empêcher qu'ils soient accordés à
des sectes, associations, mouvements ou centres reconnus pour leur intégrisme
religieux. Mais enfin je dirais aussi... importante... que la Loi sur la
fiscalité municipale établisse des critères précis pour la reconnaissance des
lieux de culte. C'est le cas, je pense, en Suisse, qu'ils sont exempts... les
lieux de culte qui sont exempts de taxes
foncière, municipale et scolaire. Attendu des abus déjà survenus, le
resserrement de ces critères pourrait réduire le risque de dérives
sectaires et intégristes avec tous les propos haineux qu'ils peuvent véhiculer.
J'exprime mon regret que vous n'ayez pas invité
à cette commission Tarek Fatah, qui est le fondateur du Congrès maghrébin au Québec, qui condamne les intégristes — par ailleurs musulman lui-même — et qui a expliqué sur les ondes de Radio-Canada il n'y a pas très
longtemps dans un documentaire très étoffé qu'il était estomaqué de voir
que, dans la plupart des prêches des imams
au Québec... bien, en tout cas, dans plusieurs mosquées, ça commençait par la
haine, ça commençait par des discours
appelant à la vindicte contre les mécréants, etc. Donc, il y a un problème, là.
Donc, que l'on s'interroge aussi sur les exemptions fiscales octroyées à
de telles mosquées.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée Taschereau.
Mme
Maltais :
M. Lamoureux, bon, centre de recherche-action, on a nous-mêmes déposé...
M. Lamoureux (André) : Nous, on est d'accord
avec ça à 100 %.
Mme
Maltais : ...une
loi sur l'observateur, qui était inspirée de la loi qui avait été déposée par
Mme Fatima Houda-Pepin. On croit à la
recherche-action, ça, on est tout à
fait d'accord avec vous. On attend
encore d'ailleurs que le gouvernement
l'appelle pour qu'on puisse en débattre. On n'a pas eu de nouvelle là-dessus.
Sur les
cégeps, une directive concernant la location des locaux, vous tombez exactement, là, dans l'esprit de ce qu'on
plaide depuis le début de cette commission parlementaire là, les questions
auxquelles on fait face... On a probablement
bien des outils entre les mains pour y faire face, mais on dirait qu'il n'y a
pas une volonté d'agir ou une capacité
d'agir. Et, si les gens, les commissions scolaires nous disaient : Nous
autres, les locaux, on les a, là, les moyens pour louer ou ne pas louer,
vous pensez qu'une simple directive pourrait outiller davantage les cégeps que
cette loi?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Lamoureux.
M.
Lamoureux (André) : Bien,
moi, je pense qu'une directive, ça donnerait comme un cadre, un cadre
général sur lequel les directions de cégep pourraient s'appuyer, à savoir sur
la façon... à propos de la façon de louer les locaux. Actuellement, il n'y a
rien, donc on loue à gauche et... Il n'y a même pas de vérification, là,
écoutez, là, ça va des organismes communautaires
à religieux, en tout cas toutes sortes de choses dans les cégeps actuellement.
Il n'y a pas de cadre. Les
gestionnaires d'établissement ne demandent que ça que d'avoir un cadre qui va
les aider et qui va leur prescrire... Ensuite,
lorsqu'ils vont prendre une décision : On ne peut pas vous louer le local, bien, voici, regardez, il y a
une directive ministérielle qui est assez claire à cet effet. Ça aide
les gestionnaires. N'ayant aucun cadre, bien, on peut aller dans toutes les directions, et c'est difficile à gérer,
puis ça donne des surprises comme celle qui est arrivée à Maisonneuve et
à Rosemont. Moi, j'ai bien aimé la réaction
du cégep de Rosemont, elle a dit : C'est terminé. Maisonneuve, il a
dit : On va faire un comité pour voir, là, s'il n'y a pas de la
discrimination. Alors, c'est... Écoutez, là, c'est la preuve qu'il n'y a pas de
directive, là, c'est ça, là.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : C'est le fun, dans les mémoires, des fois, on
trouve les références en bas de page, de ce que vous nous dites. Il y a effectivement une de vos
références qui est un texte du Devoir, de Robert Dutrisac, du
19 février 2015, et vous avez une citation du
premier ministre. Je vais la rappeler, je pense, ça vaut la peine, vous nous la
soulignez à juste titre : «La liberté d'expression, elle est déjà encadrée
par nos chartes et la jurisprudence. On ne peut pas faire de discours haineux
ni d'appel à la violence, même dans le cadre de l'exercice de la liberté
d'expression.» Premier ministre actuel, qui nous rappelait... qui disait :
On a déjà toutes les lois entre les mains.
D'un autre côté, bon,
il y avait le chef de la CAQ qui appelait à être encore plus... ce n'est pas
seulement la... Ça demande aussi au gouvernement une intervention politique.
Bon, peu importe, là, on a eu un débat là-dessus, mais le chef de la CAQ, lui,
appelle à une loi. Ça fait que je comprends que la CAQ, elle, veut bonifier
cette loi-là, parce qu'eux autres, ils croient
que c'est en passant par... en menottant un peu plus la liberté d'expression
dans certains secteurs qu'on peut y arriver. C'est correct, là, mais
nous, on ne pense pas ça.
Il y a une chose qui
a été oubliée dans tout ce débat-là, c'est la laïcité. Vous en parlez dans
votre conclusion. D'entrée de jeu, dans les
premiers organismes qui sont venus, on nous a rappelé cela. Il n'y a rien sur
la laïcité ni même la neutralité religieuse de l'État qui soit dans
cette loi. J'aimerais ça que vous... Vous en parlez dans votre conclusion, j'aimerais ça que vous en parliez, de l'importance
de ce que pourrait apporter, par exemple, une déclaration sur la
laïcité, par exemple, dans la Charte des droits et libertés, ou ailleurs, de
plus.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Lamoureux.
M. Lamoureux (André) : Écoutez, nous, on était partisans de... Malgré
qu'il y a certaines corrections qu'on voulait apporter au projet de loi n° 60, on était d'accord avec ce projet
de loi. Puis il y avait... Écoutez, essayez de me démontrer une once d'islamophobie, d'ethnocentrisme ou quoi
que ce soit dans ce projet de loi, il n'y en avait pas. La seule chose
qui est peut-être, tu sais, discutable, les crucifix, puis tout ça, là, bon, on
avait un certain nombre d'amendements. Mais nous, on pense...
Vous voyez, je fais
cinq propositions, cinq, six, puis on en aurait une autre, là, mais ça, ça
relève d'Ottawa, mais je veux... on n'a probablement pas le temps, mais
d'amender le Code criminel, là, parce que le Code criminel, à
l'article 319.(3)b, là, il permet de faire de la diffamation si on le fait
en toute conviction au nom de notre religion ou croyances religieuses. Donc,
mettons que ça, ce n'est pas de notre temps, O.K.?
Mais
disons que l'ensemble de propositions qu'on a faites, deux, trois que je viens
de vous énumérer, c'est... vous voyez,
ça, il y a un esprit d'ensemble. À mon avis... dans notre avis — pas mon avis, à notre avis — ça devrait, en quelque sorte, être
intégré à une loi générale qui stipule que le Québec est un État laïque et qui
définit... Évidemment, on ne s'entendra pas,
je pense, avec le gouvernement libéral à ce sujet, on ne s'entendait pas non
plus en 2014, mais la laïcité, là, c'est
la séparation de l'État et des religions, premier principe. Deuxième principe,
le respect total, complet de la liberté de conscience, donc d'être
croyant ou incroyant, ça inclut la liberté de religion mais aussi, comme la
Cour suprême l'a tellement montré pour le Mouvement laïque, que vous allez
recevoir bientôt, la liberté de conscience et le caractère universel aussi de l'application des lois et des
règlements pour tous et chacun. Alors, ça, c'est des principes de
laïcité. Ils ne sont pas dans la charte québécoise des droits et libertés. À
notre sens, ils devraient y être et un ensemble d'autres mesures. Nous, on présente celles-ci, mais, voyez,
il y en a d'autres, il y a d'autres aussi, possibles, qu'on peut
ajouter. Il y en avait aussi dans le projet de loi n° 60, mais nous, on...
Mme
Maltais :
En terminant...
Le Président (M.
Ouellette) : Dernière minute, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Dernière minute, si vous permettez, M. Lamoureux, Mme Bensalem.
M. Lamoureux (André) :
Oh! excusez-moi.
• (10 h 50) •
Mme
Maltais : Écoutez, je veux juste vous dire : On a bien
pris note de vos recommandations, qui rejoignent plusieurs des
recommandations que nous avons faites au fil du temps au gouvernement, mais
j'ajoute aussi que je suis d'accord avec
vous qu'il y aurait peut-être... il serait peut-être temps d'ajouter des mots
sur la radicalisation et sur les dangers
de l'intégrisme dans les cours d'éducation et de culture religieuse. Je trouve
cette suggestion intéressante. On est en
train d'implanter ce cours, c'est le temps, à la fois... On y parle de religion, mais qu'on dise peut-être
à nos jeunes les dangers des dérives
et les dangers de l'intégrisme pourrait être intéressant, quelle que soit la
religion. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la
députée de Repentigny ou de Montarville?
Mme Roy
(Montarville) :
De Montarville.
Le Président (M.
Ouellette) : Ah! excusez-moi. Probablement en réponse à Mme la
députée de Taschereau.
Mme Roy
(Montarville) :
Entre autres.
Le Président (M.
Ouellette) : À vous l'honneur, Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci. Mais d'abord j'aimerais vous saluer. Écoutez,
M. Lamoureux, Mme Bensalem, merci
d'être là. Ce que vous dites me touche beaucoup et me rejoint beaucoup, beaucoup, beaucoup, et là on est sur la même longueur
d'onde à plusieurs égards.
Et j'aimerais
tout de suite apporter un correctif à ce qu'a dit ma collègue de Taschereau,
parce qu'il y a des gens qui nous
écoutent, et c'est important de souligner, et là j'ai pris en note, quand elle
dit : Le chef de la CAQ veut menotter un peu plus la liberté d'expression. Je pense que ma collègue a raté une
excellente conférence de presse en février dernier et j'ai l'obligation de mettre les pendules à l'heure
ici, elle n'a pas compris notre proposition. Nous voulons concrètement,
oui, faire une entorse à la liberté
d'expression, mais pour limiter — attention, c'est très important, Mme la
députée — limiter la liberté d'expression de ceux qui
endoctrinent les jeunes, et c'est très précis, ce n'est pas une limitation à la
liberté d'expression large.
Vous dites dans votre mémoire, et, je pense,
c'est important de faire la différence, très important, parce que vous-mêmes, vous nous dites... Dans votre mémoire,
vous nous parlez du fait qu'il faille s'attaquer au discours, à cette islamisation des jeunes. Donc, c'est à ça qu'on
veut s'attaquer également, donc on est sur la même longueur d'onde. Et
ça se fait par une loi. Bien oui, ça ne se fait pas par une vue de l'esprit.
Alors, je reviens à votre mémoire — bien,
c'est parce que je pense que c'est important de mettre les pendules à l'heure, vraiment — à la page 5, en haut de votre mémoire,
vous nous parlez de notre premier ministre et vous dites : «En décembre 2013, au moment de son
assermentation à titre de député d'Outremont, Philippe Couillard a en effet
vilipendé l'intégrisme islamique, et il faut lui reconnaître le mérite de
l'avoir fait.» Vous savez quoi? Quand j'ai entendu ça, moi-même, j'ai applaudi. J'ai dit : Bravo, bravo! Il faut
s'attaquer au vrai problème. Vous y allez d'une citation, je vais faire grâce de la citation, mais on se souvient de ce
que M. le premier ministre a dit. Et par la suite vous continuez avec
plusieurs exemples, vous citez des exemples
de propos que notre premier ministre a dits, avec les dates, et tout ça, je
vais faire grâce de tous les citer, mais je suis d'accord avec vous,
contrairement à la ministre qui dit qu'il n'y a pas eu changement de discours. Je suis d'accord avec vous qu'il y a eu
un changement de discours, que M. le premier ministre parlait de lutter contre l'intégrisme religieux, par la suite il a
dit que l'intégrisme était un choix personnel, et c'est devenu «lutter
contre les dérives religieuses». Donc, pour
moi, c'est un changement de mots, et je pense que ça a une importance, ce n'est
pas anodin lorsque le premier
ministre parle. Je pense la même chose que vous, je veux que vous le sachiez,
ma formation politique également. Alors, voici pour les citations. Je
pense comme vous.
Vous dites
dans vos recommandations, tout de même, qu'il faudrait abandonner toute la
première partie sur les discours
haineux. Vous dites : Le projet de loi — le p.l. n° 59 — rate sa cible. Je suis d'accord avec vous,
je l'ai dit plus d'une fois ici, rate
sa cible, à notre avis, sur un point de vue juridique, parce que cette cible,
elle est trop large. Alors, nous, ce que nous disons, c'est :
Resserrons la cible.
Alors, on va
au côté des réponses, à votre page 20, que fait-on pour enrayer ces
discours qui mènent à l'islamisation radicale?
Que fait-on? Page 20, vous nous citez... — j'y viens, excusez pour le bruit.
Page 20, voilà, en bas de page, vous avez... L'avant-dernier paragraphe est excellent, mais je vais
m'abstenir d'en faire la lecture, parce que ce sera trop long, mais j'invite les parlementaires à le lire et le
souligner. Et, le dernier paragraphe, il est écrit : «"On ne
surveille pas assez le discours religieux[...], nous n'avons pas résolu
le fond du problème : une idéologie, une doctrine qui est en train de faire des ravages." Si le gouvernement
esquive cette question idéologique, s'il ne fait pas ce travail de
déconstruction auprès de la jeunesse,
y compris [du] réseau de l'éducation», etc., on rate la cible, et ces groupes
ne vont que gagner de nouveaux adeptes.
Alors, j'aimerais
vous entendre à cet égard, parce que... Je vais être précise, là, c'est
vraiment au discours de ces prédicateurs
autoproclamés qu'on veut s'attaquer et non pas la liberté d'expression en
général, de tout le monde. Alors, je veux vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Lamoureux.
M. Lamoureux (André) : Je peux vous
dire une chose, juste un petit mot.
Mme Roy
(Montarville) :
Allez-y.
M. Lamoureux (André) : Dounia...
Dounia — c'est
quoi, son nom?
Mme Bensalem (Leila) : ...
M.
Lamoureux (André) :
... — Bouzar,
Bouzar, elle qui dirige la lutte contre l'intégrisme, la radicalisation
en France, dans leur programme d'action... Moi, je suis étonné, au Québec,
là... Écoutez, il y a un programme d'action contre
le djihadisme et puis il n'y a aucun mot dans le programme, plan d'action, qui
dise le mot «intégrisme» puis aucun mot «islamisme», ça n'existe pas. Ça
n'a pas de bon sens.
En France,
là, ils font un programme, là, ils appellent ça de désembrigadement. Ils
leur montrent les vidéos des djihads, là, puis ils leur montrent la
réalité, les vrais massacres, là. Ils cassent le paradis, tu sais, là, l'idée
du paradis, je vais aller au paradis, ils cassent ça, là. Ils font la bataille
idéologique face à ces jeunes, puis c'est comme ça qu'ils réussissent aussi à
les ramener les deux pieds sur terre, là, c'est l'embrigadement idéologique.
Comme les hordes de jeunes en Allemagne
étaient embrigadées par le nazisme, là, qui prétendait qu'il y avait de l'humiliation, l'insulte aux Allemands, etc., puis il fallait
s'engager dans le Parti nazi, même chose pour le stalinisme en Europe. Alors
donc, c'est ça qu'il faut faire et...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Bensalem.
Mme
Bensalem (Leila) : Oui,
bien, écoutez, nous qui venons de ces pays, nous qui avons fui
nos pays à cause de la montée de
l'intégrisme islamique, il faudrait peut-être nous écouter un peu plus. Moi, ça fait des années
que j'explique, que je sensibilise, et on m'a déjà accusée d'être
intolérante. C'est quand même un comble, hein?
Alors, c'est
certain que le Québec se retrouve face à une situation
inusitée, c'est arrivé ici plus tard qu'en Europe. Les Européens, eux, sont habitués à ça. Et ici
c'est un peu nouveau, on ne sait pas trop comment gérer ces situations-là,
probablement parce que le Québec, en particulier, puis le Canada,
en général, n'ont pas de passé colonial avec tous ces pays qui envoient
des immigrants en Europe et puis ici.
Écoutez, l'islamisme se répand, et c'est leur
projet, et ça n'est pas du folklore. Le projet des islamistes, c'est d'islamiser la planète. Et, quand on voit ce qui
se passe actuellement... Moi, je regarde des choses... Écoutez,
on ne peut pas s'empêcher de parler, par exemple, du niqab. Alors, des femmes qui viennent de cette culture-là, qui se
battent pour se libérer et puis qui
se retrouvent au Canada avec une femme qui va aller prêter serment de citoyenneté
avec un niqab, c'est innommable, c'est révoltant, c'est du n'importe
quoi. On est en colère, et c'est un euphémisme.
Moi, j'ai pensé aux autocollants, vous savez,
les autocollants qui ont été mis sur ces autos à Terrebonne, «Le Québec
est terre d'Allah», eh bien, si on continue comme ça à autoriser toutes ces
choses-là, eh bien, ça va devenir la terre d'Allah, et ils doivent être morts de rire, tous les barbus, là, qui
sont ici. Si on autorise de telles choses, c'est de l'ignorance, je pense.
C'est de l'ignorance parce qu'on ne s'imagine pas ici... Vous savez, nous, en
Algérie, quand les premiers voiles sont
apparus, on a pensé que c'était du folklore et on ne s'en est pas méfiés. Et
regardez maintenant comment c'est devenu, il n'y a
pratiquement plus aucune femme qui ne porte pas le voile.
Alors, les
mosquées, bien sûr, c'est le principal lieu de propagation de l'islamisme et de
la radicalisation. Alors, qu'est-ce
qu'on fait? Eh bien, il faudrait les
infiltrer, les mosquées, il faudrait aller écouter ce qui se dit dans les
mosquées. Parce que, je ne sais pas... Je vais vous lire ces trois,
quatre lignes, c'est dans le dernier Paris Match qui est paru.
Vous avez dû entendre parler du salon de la femme musulmane à Paris, à Pontoise
plus précisément. C'est le salon de la femme musulmane, mais il n'y a que des
hommes qui ont parlé, il n'y a aucune femme qui s'est exprimée. Alors, il y
avait trois imams qui prêchent dans des grandes villes de France, d'accord?
Alors le premier s'appelle...
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Bensalem, rapidement, parce que le temps est écoulé.
• (11 heures) •
Mme
Bensalem (Leila) : Ah! oui, rapidement,
alors je vais juste vous dire ce qu'ils ont dit sans vous citer lequel a
dit quoi. Bon, alors : Les femmes qui
se parfument sont des fornicatrices promises à un châtiment atroce. Le
deuxième enjoint aux femmes de se voiler pour éviter le viol ici-bas et l'enfer
dans l'au-delà. Et le troisième explique qu'une épouse ne doit pas sortir sans l'autorisation de son mari et que celle
qui se refuse à lui sera maudite toute la nuit par les anges. Et ces
gens-là sévissent, influencent et aident à la radicalisation. Et qu'est-ce
qu'on fait?
Le Président (M. Ouellette) :
Merci. Merci, madame.
Mme Bensalem (Leila) : On leur donne
le droit de parole.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme Bensalem. Je m'excuse...
Mme Bensalem (Leila) : Ça a été un
plaisir, ça va. Il y en a tellement à dire, hein, c'est...
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : Trois minutes?
Le Président (M. Ouellette) :
Votre temps habituel, Mme la députée.
Mme
Massé : Alors, merci beaucoup, M. le
Président. Bonjour, tout le monde. Merci d'être là pour le trois minutes que j'ai. Dans un premier
temps, je pense que c'est important qu'on se rappelle ici qu'en matière de projet
de loi de laïcité on aura un autre rendez-vous, avec le projet de loi n° 62, et, dans ce sens-là, on
est tout à fait d'accord avec vous qu'il va y avoir une nécessité de discuter, de débattre et d'aller enfin au
fond de cette question-là, et aussi d'accord avec une de vos affirmations fort importantes sur la question
de la nécessité de formation, de donner des outils critiques à notre
jeunesse et à notre moins jeunesse, pour ne
pas dire notre vieillesse, pour être capable d'avoir un regard critique sur
l'ensemble des discours qui peuvent se tenir
dans notre société. De dire qu'on n'a pas de passé colonial au Canada, c'est
d'oublier une partie de notre histoire. Moi, je pense qu'au contraire on
en a une, puis on n'en est pas très fiers non plus.
Vous
dites : Retirez le projet de loi, à tous le moins sa première partie, pas
les deux autres. Moi, j'aimerais vérifier quelque chose avec vous. Parce que nous, on est encore depuis le début à
se dire : Les discours haineux, la radicalisation, c'est une chose, on est d'accord, il y a comme un
travail à faire. Puis le plan de radicalisation nous inquiète parce
qu'il n'y a pas beaucoup d'argent au niveau de la formation, de la
sensibilisation, donner des outils pour l'esprit critique. Mais on se dit : Les discours haineux, c'est
beaucoup plus large que ça, et nous, on se dit : Il faut définir plus
clairement. Vous avez mis au jeu une définition, merci beaucoup, qui reprend en
fait un certain nombre d'éléments qu'on voit et qu'on connaît.
Moi, je me demandais si, toutefois...
Est-ce que vous ressentez le besoin qui est... préciser dans le sens que
vous le faites, quelque chose qui encadre
ces discours haineux, là, qu'il peut y avoir par rapport aux femmes, qu'il peut
y avoir par rapport à plein d'autre
monde dans notre société, et que, si on y intégrait une dimension comme quoi la
critique radicale des religions n'est
pas soumise à... ce n'est pas de ça qu'on parle dans cette loi-là... Est-ce
que, là, vous sentiriez qu'on est en train
d'encadrer quelque chose qui s'adresse, bien sûr, aux discours... aux
islamistes qui appellent à la mort des femmes, des gais, des lesbiennes,
etc., mais aussi à d'autres discours, à d'autres tranches de la population? Et,
comme féministe lesbienne, vous comprendrez
que, pour moi, il n'y a pas juste les islamistes qui appellent à me buter, on
l'a vu en fin de semaine dernière. Est-ce que ça serait une façon d'y
arriver?
Le Président (M.
Ouellette) : En 10 secondes.
M. Lamoureux (André) : Oui, 10 secondes. Alors, non, parce que
nous, on est pour la libre pensée. Lorsque ça appelle à la violence, à
des attaques, des assassinats, c'est ça, exactement, ça, c'est haineux pour
nous, O.K.? On a le droit d'être
anticatholique, antiféministe, on a le droit d'être antimusulman, on a le droit
d'être anti-intégriste, on a le droit d'être
anticommuniste, antisioniste, antilibéral, antianarchiste, antifasciste, c'est
la libre pensée. Tout le monde a le droit du moment — et c'est
la polémique, c'est la démocratie qui règle ça — qu'on n'appelle pas à des actes de violence
et des agressions comme le viol de
femmes, par exemple, ou comme en Turquie, où on appelle à assassiner les
homosexuels. Là, ça, c'est vraiment de la violence.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, M. André Lamoureux, Mme Leila Bensalem, représentant le
Rassemblement pour la laïcité.
Nous allons suspendre
nos travaux quelques instants. J'inviterais les représentants du Mouvement
laïque québécois à prendre place.
(Suspension de la séance à
11 h 4)
(Reprise à 11 h 7)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue au
Mouvement laïque québécois. Mme Lucie Jobin,
je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent et je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Mme Jobin, à vous la
parole.
Mouvement laïque québécois (MLQ)
Mme Jobin
(Lucie) : Oui, bonjour. Je me présente, Lucie Jobin, présidente du
Mouvement laïque québécois, M. Michel Lincourt, vice-président du Mouvement
laïque québécois, et Daniel Baril, membre du conseil national du Mouvement laïque québécois. Alors, nous sommes
heureux de participer à la commission parlementaire sur le projet de loi
n° 59, M. le Président, Mme la ministre, MM., Mmes les députés.
Alors, juste pour
vous situer, le Mouvement laïque québécois, nous existons depuis 1981, et nous
sommes un organisme non partisan, à but non lucratif, et nous militons pour la
défense de la liberté de conscience, la liberté d'expression, la séparation de l'Église et de l'État et de toutes les
religions dans le respect des lois civiles. La laïcité mise de l'avant par le MLQ va de pair avec la liberté
d'opinion et la liberté de croyance, le tout dans le respect des lois
civiles. Le MLQ vise essentiellement la laïcisation de l'État, de ses
institutions, de ses politiques et de ses représentants.
Pour
ce qui est du projet de loi, nous traiterons particulièrement de la
partie I. Nous allons aussi aborder la question du plan d'action par rapport à l'éducation
interculturelle et l'éthique et culture religieuse. Pour ce qui est de la
deuxième partie du projet de loi, nous estimons les objectifs valables, mais
nous ne traiterons pas de ces sujets. Je passe la parole à M. Lincourt.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Lincourt.
Des voix :
...
Mme Jobin
(Lucie) : Daniel, excusez. M. Baril.
Le Président (M.
Ouellette) : Ah! ça va être M. Baril.
M. Baril(Daniel) :
Est-ce qu'on va m'entendre si je suis trop loin du micro? C'est beau? On
m'entend?
Le Président (M.
Ouellette) : Oui, oui, oui. Le micro est périphérique, ça fait
que l'audio...
Mme Jobin
(Lucie) : Tu peux le tourner.
• (11 h 10) •
M. Baril (Daniel) : Alors, dans
notre mémoire, on se questionne, en fait, sur la raison d'être et la véritable portée du projet de loi n° 59. D'une part,
bon, ça a été dit par plusieurs, ça existe déjà, des dispositions semblables,
dans le Code criminel. La différence entre le Code
criminel et ce qu'il y a dans le projet de loi n° 59, c'est que, dans le
Code criminel, on associe clairement le
discours haineux à la violation de la paix, donc il y a une association avec un
potentiel de violence. Le projet de loi
n° 59 dissocie les deux. On parle, d'une part, de discours haineux et,
d'autre part, de discours conduisant
à la violence, alors que, quand on dit qu'on reprend ce qu'il y a dans le Code
criminel, il y a déjà une précision qui disparaît dans le projet de loi
n° 59.
Donc,
«discours haineux» n'est pas défini, ça a été dit par plusieurs. Non seulement
ce n'est pas défini, mais en fait on
donne toute la latitude, donc, pour définir le discours haineux et filtrer les
plaintes, on donne toute latitude à la Commission
des droits de la personne. Et toutes les déclarations publiques de son
président, M. Jacques Frémont, avant la commission parlementaire, n'ont
donné que des exemples traitant de l'islamophobie mais sans nous donner de cas précis. Il a même mentionné des... Il a parlé de
sites Internet qui déblatèrent contre l'islam. Déblatérer, ça veut dire
parler avec hostilité contre quelqu'un,
contre quelque chose, fulminer, invectiver, dénigrer. Alors, est-ce qu'on veut
d'une loi qui a cette portée? C'est la question qu'on se pose.
La semaine dernière, M. Frémont s'est
réclamé du club des mal cités. Alors, nous, on cite ses propos mot à mot
et on donne les sources. On laisse à chacun le soin de voir s'il est mal cité.
Il a été questionné aussi par deux députés de l'opposition
pour avoir des exemples précis où la loi n° 59 serait utile, et il se dit
mal à l'aise d'en donner. Alors, à quoi servira cette loi dont le
président de la Commission des droits de la personne ne veut pas donner
d'exemple précis de son utilité?
M. Frémont a demandé un accommodement
pédagogique qui viserait à répéter, rappeler l'existence du droit à la liberté d'expression dans le projet de
loi, mais ça n'ajoute absolument rien. La liberté d'expression existe
déjà dans la charte, et le projet de loi
n° 59 a pour effet de limiter cette liberté d'expression. Alors, qu'on le
répète, là, ça ne nous ajoute rien. En fait, c'est un amendement
cosmétique.
On est conscients de la portée du
jugement Whatcott sur le discours haineux. Par contre, les balises qui sont
là nous semblent floues et élastiques et peuvent facilement être... En fait, le
Code criminel sur le discours haineux pourrait facilement être interprété
différemment par une autre cour, en fait, d'autres juges, c'est pourquoi on
fait une recommandation là-dessus.
Et l'article 319.(3)b nous dit
que le discours haineux est possible si c'est tenu dans le cadre d'une religion
ou d'une croyance religieuse. Et le
même Code criminel interdit le blasphème. Autrement dit, la loi traite
différemment le discours haineux selon les convictions religieuses de
celui qui émet le discours. Et on n'a vu aucune volonté politique ou juridique
de rétablir cet équilibre dans la loi. Au contraire, tous les propos qu'on a
entendus avant la commission parlementaire
allaient dans le sens d'aggraver cette iniquité. Et, si ce n'est pas la
critique de religions qui est visée, pourquoi on ne l'a pas dit
clairement au départ?
Alors, on estime que tout projet de
loi qui viserait à limiter le discours haineux devrait avoir une disposition
qui spécifie clairement que la critique,
même radicale, à l'égard des religions ne tombe pas sous le coup de cette loi.
On pense que ça aurait dû être là dès le départ. Merci.
Le
Président (M. Ouellette) : M. Lincourt.
M. Lincourt (Michel) : Oui, bonjour. Au-delà de ce qui vient d'être dit,
le MLQ propose de rejeter la partie I. Puis on apporte quelques raisons pour appuyer cette position. D'abord,
j'aimerais affirmer une évidence : Le fait de rejeter la partie I
du projet de loi n° 59, ça ne veut pas dire qu'on est en faveur des
discours haineux, là, hein? Le MLQ a une longue
tradition de militantisme contre tout ça et contre le fanatisme sous toutes ses
formes. Le MLQ rejette la partie I de la loi parce que cette loi
viole les libertés fondamentales protégées par les chartes, notamment la
liberté de conscience et la liberté d'expression. Et nous donnons dans notre mémoire
un exemple de ça.
Le MLQ rejette la partie I de la
loi parce que cette loi propose des procédures
de nature inquisitoriale. Pour
le MLQ, la laïcité est l'objectif à atteindre. Or, le projet de loi va en sens
inverse. Il propose d'instituer une inquisition basée sur la délation et menant
à la censure. Une société laïque est une société qui s'est émancipée de la
censure et d'autres formes de procès
d'opinion. Ce sont les théocraties et les sociétés soumises à des
diktats religieux qui briment la liberté de conscience, la liberté d'expression et qui instrumentalisent la censure
comme le projet de loi n° 59 propose de le faire. Adopter la
partie I du projet de loi n° 59 conduirait à une inacceptable
régression.
On
s'oppose à cette partie I de la loi parce que ce sera un dispositif totalement
inefficace. Si le but, c'est de combattre l'endoctrinement terroriste, bien, ça
n'aurait aucun effet, parce qu'uniquement les discours publics sont tenus en compte dans cette loi, puis
l'endoctrinement, ça se fait en secret. Puis ce n'est pas en muselant la critique des religions qu'on va favoriser
la réduction de... la lutte contre l'endoctrinement.
Au-delà de
ces raisons, nous proposons une série de mesures au-delà d'un projet de loi
pour contrer l'endoctrinement terroriste.
Il faut d'abord viser la bonne cible, hein? L'ennemi actuel, c'est l'islamisme
politique, ce n'est pas le citoyen qui en
a peur. Il faut éliminer l'ambiguïté du discours gouvernemental. Que veut le
gouvernement? Est-ce qu'il veut instituer une théocratie ou est-ce qu'il veut instituer un État laïque?
Actuellement, c'est extrêmement flou et ambigu. Il faut rendre visible le point de vue laïque. Il est devenu
habituel pour les élus de s'afficher en compagnie de chefs religieux
autoproclamés porte-parole de leur soi-disant communauté. Mais il serait bien
que ces mêmes élus s'affichent aussi avec la même satisfaction avec des
représentants d'associations laïques, ne serait-ce que pour rétablir
l'équilibre des points de vue. Et il y a
toute une série d'autres mesures. On pourrait revenir là-dessus lors des
discussions, tout à l'heure. Je vous remercie.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Jobin, en conclusion.
Mme Jobin
(Lucie) : Oui. Bien, c'est ça, je veux attirer votre attention sur les
recommandations.
Le Président (M. Ouellette) :
On va y revenir.
Mme Jobin (Lucie) : D'ailleurs, vous
avez dû recevoir les nouvelles...
Le Président (M. Ouellette) :
On va y revenir, parce qu'il nous reste juste une dizaine de secondes. Je vais
justement en parler dans les...
Mme Jobin (Lucie) : Bien, je veux
simplement ajouter que... préciser qu'on a ajouté une recommandation, le point 5, qui vise à interdire le financement
des lieux de culte et d'écoles confessionnelles par des pays étrangers.
Alors, c'est l'ajout qu'on a fait. Vous devez en avoir une copie.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Jobin. D'ailleurs, à l'attention de tous les parlementaires, vous
avez reçu la modification au mémoire avec les sept recommandations. Mme la
ministre.
Mme Vallée : Merci. Bonjour.
Merci beaucoup pour votre présentation. Je comprends... puis je reviens au mémoire du groupe qui vous a précédés, je comprends que le Rassemblement pour la laïcité
puis le Mouvement laïque québécois, vous avez... vous êtes de la même
famille, si j'ai bien compris. C'est ça?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Jobin.
Mme Jobin
(Lucie) : Nous faisons
partie... Le Mouvement laïque fait partie du Rassemblement pour la
laïcité, mais nous sommes un organisme indépendant quand même.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Ah! d'accord. Donc, c'est ce qui explique... C'est parce que j'essayais de
voir... C'est ce qui explique que vos recommandations sont similaires
aux recommandations du regroupement qui vous a précédés.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Jobin.
Mme Jobin (Lucie) : Mais il y en a
des supplémentaires.
Mme Vallée : D'accord. Est-ce
que vous avez travaillé de part et d'autre à préparer vos recommandations?
Mme Jobin (Lucie) : Non, ça a été
fait de façon... chacun, là...
Mme Vallée : Indépendante?
Mme Jobin (Lucie) : ...indépendante,
c'est ça.
• (11 h 20) •
Mme Vallée : D'accord. C'était par curiosité, parce qu'on faisait référence au Mouvement laïque dans le mémoire du
regroupement, et puis c'était une simple curiosité.
J'aimerais
revenir un petit peu sur... Vous reprenez beaucoup,
beaucoup, beaucoup l'argument que le projet de loi vise à ramener
la censure au Québec, et je tiens à vous rassurer, ce n'est pas du tout l'objectif. La liberté d'expression, je l'ai dit au groupe qui vous a précédés, je l'ai
dit la semaine dernière, je l'ai redit, c'est une valeur importante et
fondamentale d'une démocratie, et c'est
important de pouvoir la protéger et la préserver. Là où on veut intervenir,
c'est dans le discours haineux, ce
discours qui amène à une détestation, comme on le mentionnait dans l'affaire
Whatcott, une détestation de l'autre
à un point tel que cette détestation-là pourrait éventuellement mener à la
violence. Alors, l'objectif du projet
de loi, il est à cet effet, et c'est d'intégrer des moyens civils pour venir
empêcher ce discours haineux là.
Et, dans l'affaire Whatcott, dont vous avez...
vous l'avez citée, l'affaire Whatcott ne se penchait pas sur les dispositions du Code criminel, mais se penchait plutôt sur des dispositions de nature similaire qui avaient été mises de l'avant, qui avaient été adoptées
par la Saskatchewan et visaient un certain nombre de pamphlets, notamment,
qui portaient un regard très, très
critique et très sévère... en fait, plus que ça, qui s'en prenaient aux groupes... aux homosexuels. Et
le discours était très virulent à l'égard
des homosexuels. Et c'est dans ce contexte-là... Parce que M. Whatcott, de par
ses croyances religieuses, s'en prenait aux homosexuels, et c'est dans ce
contexte-là que certaines dispositions... Il avait passé des tracts, et c'est
ces tracts-là qui... certains ont fait l'objet, oui, de sanctions parce qu'il
s'agissait de discours haineux. Et la cour
est venue aussi... bon, nous a donné une définition qui est très large, mais
qui est quand même... qui nous indique
que le discours haineux, ce n'est pas la critique, ce n'est pas la satyre, ce
n'est pas, même... Le discours haineux a une portée beaucoup plus
précise et vise à amener, comme je vous le mentionnais tout à l'heure, la
détestation de l'autre. Alors, je pense que c'est important de le mentionner.
Parce
que, dans votre mémoire, vous dites : Whatcott s'est penché sur les
articles du Code criminel. Ce n'est pas tout à fait ça, ce n'est pas tout à fait exact, il s'est plutôt penché
sur les dispositions qui avaient été utilisées pour venir sanctionner quelqu'un qui avait passé des tracts qui s'en
prenaient aux homosexuels. Et l'objectif, c'est d'empêcher ce type de discours qui va amener à la détestation
de l'autre, mais en même temps la critique de la religion, elle est
possible, elle est tout à fait autorisée. La
critique d'une idée, la critique d'une idéologie politique, qui est tout à fait
possible, elle n'est pas... Donc, on
n'est pas dans une question de retour à la censure du tout dans ce qui est
présenté par le projet de loi. Et donc je
voulais vous le réitérer, bien que vous avez suivi nos travaux, puis je suis
persuadée que ce n'est pas la première fois que vous m'entendez parler
de ça.
Vous
n'avez pas porté votre attention sur les autres aspects du projet de loi, hors
ceux qui visent le discours haineux et le discours incitant à la
violence. Donc, je comprends que les dispositions du projet de loi qui visent à
encadrer les mariages forcés, qui visent à
encadrer ou à donner de meilleurs outils aux intervenants de la protection de
la jeunesse pour intervenir en matière de contrôle excessif et de
violences qui sont fondées sur une conception de l'honneur, ça, ça vous
convient.
Mme Jobin (Lucie) : Comme j'ai dit en introduction, nous considérons les objectifs
valables. C'est sûr qu'ils doivent
être mieux encadrés, puis certains ont apporté des recommandations dans ce
sens-là, entre autres pour l'âge du mariage.
Et, pour le plan d'action, nous avons aussi des commentaires, là, par rapport
au cours Éthique et culture religieuse.
Mme Vallée :
Je comprends pour le plan d'action. C'est parce qu'aujourd'hui moi, je suis...
Mme Jobin
(Lucie) : ...oui, c'est ça, sur le projet de loi, c'est ça?
Mme Vallée :
Je me concentre davantage sur le texte...
Mme Jobin
(Lucie) : Oui, c'est ça... projet de loi.
Mme
Vallée : ...sur le projet de loi. Vous mentionnez que vous avez
une préoccupation quant à l'âge du mariage. Donc, vous souscrivez, si je comprends bien, aux recommandations qu'ont
faites vos prédécesseurs en nous demandant de sensibiliser Ottawa et de faire des démarches afin de sensibiliser
Ottawa pour hausser l'âge légal du mariage à 18 ans. Vous
souscrivez à ces recommandations-là?
Mme Jobin
(Lucie) : Oui.
Mme Vallée :
Pour ce qui est des dispositions du projet de loi qui visent notamment à mettre
en place des ordonnances civiles de protection pour protéger les personnes plus
vulnérables, qu'en pensez-vous?
M.
Baril (Daniel) : En fait, nous, on intervient sur les questions de
principe, et, si on n'a rien dit sur la partie II, c'est parce qu'on est, comme dit Mme Jobin,
d'accord avec le principe. Toute l'articulation juridique de ça, on
considère que ça ne nous appartient pas. Et
je pense qu'il y a eu... D'autres personnes mieux outillées que nous vous ont
fait des recommandations ou des suggestions pour lesquelles... On aurait
peut-être pu dire de façon plus explicite que la partie II, là... que nous souscrivons aux objectifs de la
partie II et qu'on laisse aux juristes le soin d'articuler les
principes en question. Sur la partie I, c'est différent, on intervient sur
le principe de la partie I.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Je vais vous
poser une question qui me chicote. Qu'est-ce qui vous préoccupe tant
dans le projet de loi, dans la première partie du projet de loi? Je
comprends que... Je ne pense pas que vous... Je crois, comme vos prédécesseurs, qu'un discours haineux, ce n'est
pas quelque chose que vous acceptez, c'est clair. C'est quelque chose
qui, dans notre société, n'est pas acceptable. Mais qu'est-ce qui vous fait
craindre dans la première partie? J'essaie de comprendre.
Au-delà, là, au-delà de nos idéologies, peut-être, de nos façons de voir les
choses, vous êtes des... Et vous militez pour une laïcité totale dans
l'État. Ça, c'est très clair, on ne peut dire autrement de vos... Je pense que
votre militantisme, il est connu, il est
très clair, il est très défini. Mais j'essaie de comprendre, justement, compte
tenu de votre militantisme, compte
tenu de ce en quoi vous croyez, comment les dispositions de la première partie
pourraient être... vous font craindre? En quoi craignez-vous?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Lincourt.
M. Lincourt
(Michel) : Merci. Si je peux répondre à ça, prenons l'exemple de
l'apostasie. Une dame décide d'enlever son
foulard, son hijab, puis de dire qu'elle apostasie de l'islam puis qu'elle
écrit ça sur sa page Facebook, hein? Il n'y a pas de pire injure, de pire insulte, de pire geste
d'islamophobie que de se dissocier ainsi de sa religion. Le Coran, les Habib disent qu'il faut lapider cette femme,
hein? On porte plainte, hein, un imam porte plainte devant la Commission
des droits, c'est public, c'est une
véritable injure, etc. On fait un procès à cette dame, qui n'a pas les moyens
de se défendre, parce que, celui qui
porte plainte, lui, ses dépenses sont payées par l'État. La dame qui a osé dire
qu'elle apostasiait, elle, elle doit
payer ses propres avocats. Et, si elle est condamnée, puis on la condamne,
disons, à 15 000 $ d'amende, puis elle n'a pas les moyens,
elle va faire de la prison pour un délit d'opinion. C'est ce que le projet de
loi propose.
Mme Vallée : Ce n'est pas du
tout ça.
M.
Lincourt (Michel) : C'est ce qui est écrit et c'est...
Mme Vallée :
Un propos qui est haineux, ce n'est pas de se dissocier, notamment...
M. Lincourt
(Michel) : Oui, mais c'est...
Mme Vallée :
...de se dissocier d'une religion, ce n'est pas... Le propos qui est visé,
c'est le propos qui est haineux, c'est le
propos qui amène à la haine. Bon, est-ce
que les concepts ont besoin d'être
définis? Je pense qu'on a fait le tour de la question pas mal, et, en effet, il y aurait
lieu peut-être de définir davantage pour éviter justement
qu'une interprétation comme la vôtre fasse
son petit bout de chemin. Que quelqu'un, publiquement, se dissocie d'une religion,
ça appartient à cette personne-là. On l'a mentionné, la critique, même d'une
religion, c'est tout à fait permis par notre liberté d'expression et ce n'est
pas du tout touché par le projet de loi dans ce sens-là.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Lincourt.
• (11 h 30) •
M. Lincourt (Michel) : En tout respect, nous, on se fie sur deux textes,
hein? Le premier texte, c'est le texte de la loi uniquement. Le deuxième
texte, c'est les déclarations du président de la Commission des droits qui dit
que c'est l'islamophobie qui est le problème,
qu'il faut s'attaquer à l'islamophobie. Voici un cas
d'islamophobie patent. Donc, bien sûr, si on se fie sur ce que Jacques Frémont a dit,
que cette dame-là va être condamnée. Vous, vous prétendez que ce n'est
pas le cas, mais le texte de la loi ne dit pas ça.
Nous,
on doit se fier... En tant que citoyens, hein, ce qu'on attend de nos élus, de nos représentants, en tant que citoyens, c'est... Lorsqu'un projet de loi est proposé, qui soulève de
façon quasi unanime toute une série
de questions, on s'attend à ce que le texte apporte des réponses. Actuellement,
il y a un décalage entre votre discours, qui se veut rassurant, etc., et ce que le texte dit. Mais, en tout respect, nous, en
tant que citoyens, on doit se fier au texte, parce que c'est le texte qui sera voté par l'Assemblée
nationale, qui deviendra force de loi et qui sera interprété à sa façon par la Commission des droits et son président. Et lui, il a déjà
affiché ses couleurs publiquement : il a dit qu'il voulait «faire
le droit», à la Faculté de droit, là, dans une conférence là-bas.
Moi,
je maintiens qu'il ne revient pas à un fonctionnaire de faire le droit. Ça
revient aux élus qui nous représentent, hein? Dans la démocratie, le patron ultime, si je peux m'exprimer de cette
façon-là, c'est le peuple. Et les élus sont au service du peuple. Et, lorsque le peuple pose des questions à ses élus, le
peuple s'attend à ce qu'on donne des réponses dans les textes et non pas
dans les discours qui entourent des consultations.
Le Président (M.
Ouellette) : ...avoir une réponse de la ministre, M. Lincourt?
M. Lincourt
(Michel) : Allez-vous fractionner les deux morceaux de loi?
Mme
Vallée : M. Lincourt,
le texte s'inspire notamment, et je
pense que c'est très important,
de la jurisprudence. La Cour suprême... Le concept de discours haineux, ce n'est pas un concept qu'on a
sorti d'un chapeau, ce n'est pas de l'improvisation
juridique qui a été faite, là. Le terme «discours haineux», il est amplement
défini par la Cour suprême,
qui a eu à se pencher... Donc, c'est certain
que l'exemple que vous venez de nous donner, à la lumière des enseignements
de la Cour suprême, ça ne constitue pas du discours haineux.
La
cour... Le travail s'est fait notamment suite à une tendance jurisprudentielle qui s'est
dessinée au fil des ans et qui est
venue encadrer de façon très spécifique. Bien que le terme semble large au niveau du discours haineux, ça touche quand même un type de discours qui
est tellement fort, qui a des propos tellement forts et qui incitent à détester
le groupe dont il est question.
Ce n'est pas simplement de se dissocier, ce n'est pas de critiquer une
religion ou de critiquer... Et là on parle
beaucoup d'une seule et unique religion, on parle de
l'islam, mais on pourrait tout aussi bien critiquer la religion catholique, on pourrait bien critiquer toute autre
forme de religion. Et ça, c'est permis, et c'est tout à fait sain. Ce
n'est pas du tout ce dont il est question lorsqu'il est question de discours
haineux.
Alors, il faut se
retourner et voir... et s'inspirer de ce que la jurisprudence nous a donné, il
n'est pas question d'inventer des nouveaux
concepts, là. Ce concept-là, il existe, on en a peu parlé. Et puis, s'il y a
une chose qui, à mon avis, est importante, c'est que le dépôt du projet de loi et les échanges en commission
parlementaire nous permettent
d'amener ces concepts-là dans la sphère publique, parce qu'il y a vraiment... il
y a une distinction qui doit être faite entre ce qui est un discours haineux
puis ce qui est un discours, par exemple, qui comporterait une dissidence à
l'égard de...
Bon,
on parle beaucoup de religion mais à l'égard d'un groupe
quelconque. Ce n'est pas du tout la même chose, là. Le discours haineux, c'est profond, c'est
amener... Et le discours incitant à la violence, ça, c'est un concept auquel
on peut plus facilement s'identifier, dans
ce sens que, le discours qui mène à la violence, qui incite à la violence, on
comprend que c'est inacceptable, et ça, il n'y a pas de protection de liberté d'expression.
La cour a été aussi très claire : lorsqu'il est question de discours
qui... inciter au viol, inciter à toute forme de violence, ce n'est pas
acceptable, point.
Le discours haineux,
ça, c'est une autre... Oui, c'est une atteinte à la liberté d'expression, mais,
selon la Cour suprême, la liberté d'expression dans le contexte d'une société
libre et démocratique, cette atteinte-là, elle est justifiée en raison
du caractère haineux, de haine profonde qu'amène le discours.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Lincourt...
Mme Vallée : Alors, c'est différent que simplement
se dissocier, par exemple, d'une religion, ce qui est tout à fait permis, ce qui n'est pas
haineux au sens des enseignements de la Cour suprême.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Baril, vous voulez réagir?
M.
Baril (Daniel) : Oui. En
fait, Mme la ministre, on ne peut pas ignorer qu'il existe actuellement un mouvement, un discours, à
l'échelle internationale, de la part des islamistes politiques,
qui considèrent que toute critique à l'égard de leur religion est un blasphème et devrait être même criminalisée. On ne
peut pas ignorer que le président de la Commission des droits de la
personne...
En fait, vous nous
demandez d'où viennent nos craintes face à ce projet? Elles viennent de la
gestation du projet de loi, et du discours qui l'a entourée, ou de la part du
président de la Commission des droits de la personne.
Il a même fait allusion à l'organisation islamique internationale qui milite
dans les officines des organisations onusiennes pour faire criminaliser
le blasphème. Écoutez, il y a de quoi s'inquiéter.
Je
veux bien croire ce que vous me dites, là, oui, le jugement Whatcott, il
encadre la définition du discours haineux. Les prochains juges vont considérer les demandes... Ils vont pencher de
quel côté quand quelqu'un, là, viendra leur dire : Dans ma religion, la critique de ma religion,
c'est du blasphème? Et le Code criminel interdit déjà le blasphème, sauf
si on émet une opinion dans un langage
acceptable ou je ne sais plus quel... le terme, alors que toute critique, pour
certains, est considérée comme du blasphème,
même dans des termes civilisés. On ne peut pas ignorer ça. Et, dans votre
projet de loi, il n'y avait rien qui
dissociait la critique acceptable des... En fait, nous, même, on pense que la
critique même radicale devrait être
exclue de la portée du projet de loi. Même l'article sur le blasphème a un
alinéa qui dit que nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction s'il émet une opinion sur un sujet
religieux. Bien, il n'y a même pas ça dans votre projet de loi. Alors,
oui, on est inquiets.
Vous
dites qu'on pourrait aussi critiquer les autres religions. Absolument. Il y a
de l'intégrisme dans toutes les religions.
Si, dans les années 70, on avait eu cette loi, est-ce que les intégristes
catholiques n'auraient pas gagné leur cause contre Les fées ont soif? Ils voulaient interdire cette pièce de
théâtre parce qu'elle critiquait les croyances catholiques.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. Baril. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Tout à fait, quelle
remarque pertinente! Effectivement, Les fées ont soif
n'aurait jamais pu être présentée à l'époque avec une pareille loi. C'est pour
ça que j'apprécie votre mémoire et votre présentation.
Moi, je vais vous dire, je suis tout à fait d'accord avec vous : C'est la
genèse aussi du projet de loi qui est inquiétante.
Je vais vous dire, là, moi, je vous appuie là-dedans. On remonte à l'origine du
projet de loi, et c'est inquiétant. Alors, oui, Les fées ont soif
n'aurait jamais eu lieu. J'ai vu la manif devant le Palais Montcalm, les gens
qui voulaient interdire l'accès à la représentation. Ça a fait le succès du
spectacle, on les en remercie. La liberté d'expression dans ce cas-ci, le pour
et le contre ont permis d'avoir une oeuvre intéressante.
Jamais
on n'a vu le premier ministre avec des groupes laïques. Jamais vous n'avez été
contactés? Jamais vous n'avez eu...
Je sais que le premier ministre est apparu avec un comité pour essayer de faire
face à l'islamophobie, pour voir à
l'intégration des gens de la communauté avec des imams, entre autres. Mais
jamais vous n'avez eu de contact avec le cabinet du premier ministre ou
le premier ministre? — on
n'entend pas dans les micros.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Jobin.
Des voix :
Non...
Le Président (M.
Ouellette) : Oups!
Mme
Maltais :
Non, jamais.
Mme Jobin
(Lucie) : On lui a déjà écrit aussi, mais ils n'ont pas eu de réponse
non plus.
Le Président (M.
Ouellette) : Donc, il y a eu une réponse commune, puis ils
n'ont jamais eu de contact. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Donc, il n'y a pas eu de
contact. Pourtant, le projet de loi n° 59, je pense, mérite notre
attention.
D'un
côté, il y a ça. Il y a un premier ministre qui a dit qu'on ne pouvait pas
lutter contre l'intégrisme. Parce qu'il y a un changement de discours, hein? Il a dit : On ne peut pas
lutter par des lois contre l'intégrisme. Il y a un président de la
commission des droits de la personne et de la jeunesse qui nous dit : Il
faut lutter contre l'islamophobie... Il revient d'organisations internationales, d'ailleurs que vous avez citées, où il
dit : Bien, il faut absolument adopter des lois contre l'islamophobie! Il y a M. Charkaoui qui nous dit,
dans son... le Collectif québécois contre l'islamophobie — je pense que ça se réduit à lui et quelques autres — qui dit, dans un site Internet :
Nous voulons des lois contre l'islamophobie, c'est notre mandat de
promouvoir ça.
Vous
voyez, on voit une construction qui s'est faite, pour moi, au fil de la
commission parlementaire. C'est pour ça que j'apprécie votre propos qui m'a fait remarquer ça aussi :
jamais on n'a vu le premier ministre avec des gens qui prônent la
laïcité, jamais. Jamais, jamais, jamais.
Vous
dites, dans vos recommandations... Il y en a une que je trouve très
intéressante — c'est
mon collègue de Bourget qui me l'a
fait remarquer — la
7 : «Que le gouvernement du Québec intervienne auprès du gouvernement
canadien afin que soient abolis les articles [293] et [319.b] du Code criminel
portant respectivement sur l'interdit de blasphème et sur la protection
du discours [...] religieux.» Puis vous en parlez, en page 14 de votre
mémoire, de l'incongruité que ça apporte
entre les deux lois. J'aimerais ça que vous nous décriviez un peu, là, que vous
nous racontiez un peu, là, ce que vous voulez soulever.
• (11 h 40) •
Le Président (M. Ouellette) :
M. Baril.
M. Baril
(Daniel) : Oui. Bien, en
fait, comme je vous le disais tout à l'heure, la loi traite différemment de
discours haineux selon la conviction de la
personne. C'est-à-dire que... On cite, là, l'article 319, on l'a à la
page... Attendez, je n'ai pas le bon article.
L'article sur
le discours haineux dit que des propos tenus dans le cadre de croyances
religieuses ne tombent pas sous le
coup de la loi. Autrement dit, ça ne tombe pas sous le coup, là, de
dispositions qui interdisent le discours haineux. Autrement dit, un discours haineux religieux serait accepté.
Par exemple, si on cite le Coran ou l'Ancien Testament, qui commandent de lapider dans telle, telle circonstance, ça
ne sera pas considéré comme du discours haineux, puisque c'est protégé par la religion, alors que le blasphème, lui, qui
serait un discours, entre guillemets, haineux, séculier, contre une religion, lui, il est interdit. Alors,
la loi traite différemment du discours haineux selon nos convictions
religieuses. C'est aussi renversant que ça.
Donc, c'était
ce que... Je citais l'article... oui, c'est 319.(3)b : «Il — c'est la personne — a, de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte
religieux auquel il croit...» Ceci est exclu de la portée du projet de
loi, qui interdit le discours haineux dans le Code criminel.
Mme
Maltais : Donc, si je comprends bien, quelqu'un pourrait
inciter à la lapidation, au djihad, et dire :
Écoutez, c'est dans le Coran, donc je peux continuer à le faire, et vous ne
pouvez pas m'accuser de discours haineux.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Baril.
M. Baril (Daniel) : Et
on espère que la cour n'irait pas jusque-là, mais la loi le permet. Là, on va
dire que Whatcott ne permet pas de diffamer des personnes en raison de notre
religion, mais une autre cour peut avoir une
autre interprétation. C'est pourquoi on pense qu'il serait mieux de retirer cet
article-là. Si la jurisprudence l'annule, bon, bien, annulez-le...
retirons-le du Code criminel.
Mme
Maltais :
Si je vous comprends bien, votre thèse, c'est que... Moi, je suis contre la
première partie du projet de loi n° 59,
je continue à le dire. Nous sommes le seul parti qui, actuellement, demande le
retrait véritable de la partie I.
Tous les autres partis veulent jouer aux amendés, moi, je pense que c'est
impossible. Il faut le réécrire en fond de comble. Puis j'en ai vu, des législations, là. Ça fait 17 ans que
je suis assise autour de la table, j'en ai vu passer, des projets de
loi, et je le dis respectueusement : Il a besoin d'une réécriture de fond
en comble.
Maintenant,
vous... Mon Dieu! Je viens de perdre mon idée, parce que ça me fatigue
tellement, cette affaire-là, de savoir que...
Une voix : ...
Mme
Maltais : Oui. Donc, nous demandons le retrait. Donc, si ça
continuait, si on adoptait le projet de loi n° 59 à
l'heure actuelle, même en précisant le discours haineux, tant que l'autre
article n'est pas enlevé, il y a un problème. Les gens qui pourraient se faire
poursuivre pour discours haineux fondé sur la religion pourraient... vont
invoquer l'autre article. C'est votre thèse.
M. Baril (Daniel) :
C'est notre thèse.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Baril.
M. Baril (Daniel) :
C'est le danger auquel on fait face.
Mme
Maltais :
Je n'avais pas réalisé ça. Je vous remercie.
Votre recommandation 6 est
assez dure, sous-entend des choses dures envers la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse. Vous dites : «Que toutes les
mesures nécessaires soient prises pour rétablir la crédibilité de la Commission des droits [...] et éviter son
instrumentalisation politique.» J'aimerais vous entendre là-dessus, en
quoi vous pensez que la crédibilité de la commission est atteinte.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Baril.
M.
Baril (Daniel) : Par les propos du président dans la gestation du
projet de loi, les propos qu'on rapporte mot à mot de ses entrevues à Radio-Canada, de sa conférence au Centre de
recherche en droit public, à l'Université de Montréal, où il dit qu'il veut
«faire le droit» et qu'il veut induire un changement de mentalités, bon. Et il
tire ça du mandat de la commission
puis on ne trouve rien de ça dans le mandat de la commission. Il a un mandat
d'éducation, en fonction des valeurs de la charte, mais il n'a pas le
mandat de changer les mentalités pour changer la charte.
Quand
il dit qu'il veut «faire le droit»,
on craint une instrumentalisation, là. Et «induire les changements
sociaux», ça veut dire quoi dans ça? En
fait, on a mis ça dans la même balance, là, que son intervention hâtive sur l'ancien projet de loi n° 60,
le projet de loi sur la laïcité, où il a commenté non pas un projet de loi, mais il a pris sur lui de commenter une orientation politique
qui était soumise à la discussion publique...
Mme Jobin
(Lucie) : ...un problème de projet...
M.
Baril (Daniel) : ...et il a
prédit que ça ne passerait pas le test de la charte, mais le projet de loi n° 60 visait à changer les lois. Donc, c'est une intervention malhabile, malvenue. Dans
la mouvance qu'on représente, le président, je regrette, là, M. Frémont, il l'a discréditée et il s'est discrédité, et
on craint une instrumentalisation. Dans deux interventions sur ces deux projets
de loi, on pense qu'il est allé au-delà de son mandat.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Je voudrais quand même dire que M. Frémont est
venu ici, il nous a dit qu'il n'était pas d'accord avec les nouveaux
pouvoirs accordés à la CDPDJ, à son organisation, qu'il avait demandé une loi
sur le discours haineux, d'accord — moi, je ne suis pas d'accord,
mais lui avait demandé ça — mais
qu'il n'avait pas demandé des nouveaux
pouvoirs à la CDPDJ. Il a même ajouté, en fin de semaine à une entrevue à
Michel Lacombe, je pense... J'ai réécouté l'extrait, là, mais on m'a dit
qu'il avait même eu un bémol sur cette loi, qu'il avait demandé un amendement à
la charte pour le discours haineux, mais qu'il avait... Donc, il semble y avoir
de sa part un retrait par rapport à ses demandes originales.
Autre
chose dans vos recommandations — puis ça ressemble à ce que, tout à l'heure,
le regroupement pour la laïcité nous a présenté : «Que le volet
religieux du cours Éthique et culture religieuse soit retiré et remplacé par
des exercices de développement de la pensée rationnelle et critique.» Le groupe précédent voulait
simplement ajouter un volet au cours. Vous, vous dites : Non, il
faut recommencer complètement. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Baril.
M. Baril
(Daniel) : En fait, on juge que le volet religieux du cours Éthique et
culture religieuse, là, n'est pas réformable.
On ne peut pas ajouter, on ne peut pas saupoudrer ici et là, là, des
informations sur l'incroyance, par exemple. Le volet religieux du cours
ECR a évacué tout aspect conflictuel des religions. Toutes les dimensions qui
étaient mentionnées précédemment, là, bon,
les appels aux crimes d'honneur, les lapidations, mariages forcés, il n'y a
rien de ce type-là dans l'information supposément culturelle donnée sur
les religions.
On
a leurré la population totalement avec ce cours à une fausse approche culturelle.
Comment vous pouvez parler de façon culturelle à des enfants de six ans de l'ensemble
des croyances religieuses de l'humanité? Allez voir ce qu'il y a dans les manuels qui sont dans les classes, pas seulement
le discours du programme, là, qui dit : L'approche sera neutre et culturelle. Dans l'ancien cours de catéchèse, en
fait d'enseignement religieux catholique et protestant, on
disait : Jésus est ressuscité à Pâques. Maintenant, on dit :
Pour les chrétiens, Jésus est ressuscité à Pâques. C'est exactement le même contenu qu'on prétend être maintenant
culturel. On pourrait faire de l'enseignement catéchétique avec ces manuels. On présente... On fait faire des exercices religieux
aux enfants, aux élèves. On fait rédiger des prières, on fait tenir des
rôles d'officiant religieux, et c'est un
cours de promotion de la pensée religieuse et de l'appartenance religieuse. Non seulement on a totalement exclu l'incroyance, on a exclu même la
non-pratique religieuse. Tout individu est supposé être croyant, et tout
croyant est supposé être pratiquant.
Mme
Maltais :
Bien, M. Baril, je veux juste...
Le Président (M.
Ouellette) : Dernier commentaire, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Oui. Souvent, on est... Je comprends, là, votre point de vue sur l'ECR, mais l'introduction
de notions contre l'intégrisme, la radicalisation et les dangers de, je dirais,
la surcroyance, là, qui a été proposée par vos prédécesseurs, ne rencontre pas
votre aval?
M.
Baril (Daniel) : Oui, ça
devrait être là. Ça devrait être là. C'est que ça ne peut pas être...
Le cours ne peut pas tenir deux
discours contraires. Il ne peut pas dire : Tout est beau dans la religion,
puis, oups! tout à coup, non, tout n'est pas beau. Si on évacuait le volet culture religieuse,
il faudrait que ces dimensions-là soient là quand même, parce que l'enfant reçoit ce message-là, par
ailleurs. Alors, il faut défaire ce discours.
En fait, notre point
sur ECR, c'est que...
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, M. Baril. Merci, c'est tout
le temps qu'on a. Mme la députée de Montarville.
• (11 h 50) •
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Merci
beaucoup, merci d'être là, merci pour votre mémoire. Je ne reprendrai
pas les remarques que j'ai faites tout à l'heure, parce que vous les avez
entendues, vous étiez là lors de l'audition du groupe précédent, le Rassemblement pour la laïcité. Ce que
vous nous dites est très clair, vous nous dites : La première
partie, il faut qu'elle soit retirée.
Si notre prémisse de
départ et la cible qu'il faut atteindre, c'est contrer l'endoctrinement des
jeunes, la radicalisation et non
l'islamophobie, là — on
s'entend que c'était le but initial de toute cette démarche, là, qui a
mené au plan d'action du gouvernement — alors, moi, je vous pose une question :
Comment est-ce qu'on fait pour contrer l'islamisme
radical qui endoctrine et qui embrigade les jeunes, si ce n'est justement
en s'attaquant à leur discours? Parce que ça se fait de façon verbale.
En quelque part, on leur met de quoi dans la tête. Alors, aidez-moi à cet égard-là.
Parce que
je comprends ce que vous dites, c'est : Le p.l. n° 59,
il est trop large, il va mener à des dérives, et tout ça. Nous, ce que
nous voulons, c'est être très précis sur la cible, sur le type de discours qu'il
faut enrayer pour contrer la problématique qui était nommée, à une certaine
époque, par le premier ministre, mais qui ne l'est plus maintenant.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Lincourt, s'il vous plaît.
M. Lincourt (Michel) : Merci. Je pourrais répondre que le... J'ai perdu
le fil de ma pensée, moi aussi... Oui, c'est : il faut tenir des
discours contraires, il faut que les ténors de la société, en commençant par le
premier ministre, les ministres, les députés... Il faut que les députés
parlent, il faut que les députés tiennent publiquement des
discours en faveur de la laïcité. Il faut qu'on établisse nos principes de
façon claire quasiment tous les jours.
Je
veux dire, il y a quelque
chose que je déplore : lors du projet de loi n° 60, j'étais très, très, très impliqué
dans tout ça et j'ai constaté qu'il n'y avait eu à l'époque que huit députés, y
compris les deux... le premier ministre, le chef de l'opposition, qui s'étaient prononcés publiquement, huit sur...
J'inclus là-dedans les députés fédéraux. Alors, il y a 200... un peu plus de 200 élus au Québec, et les élus ne se prononcent à peu près
jamais. Pourquoi ils ne se prononcent pas en faveur de la
laïcité? Pourquoi le premier ministre n'a pas des discours en faveur de la
laïcité toujours?
Pourquoi,
dans l'enseignement à l'école... Puis on revient au cours ECR, ce
n'est pas un cours où on dit qu'il est possible
d'avoir une morale naturelle, que ce n'est pas vrai que les religions ont
l'exclusivité de la morale. Et on peut même faire la démonstration que la morale religieuse est souvent immorale.
Donc, c'est l'absence, c'est dans ce vide assourdissant, hein, de
discours en faveur de la laïcité, qui fait que tous les discours intégristes,
etc., bien, ils ont le terrain pour eux seuls.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Je faisais des signes parce
que mon temps est très, très
imparti... très court. Et je suis d'accord
avec vous, là, nous voulons une laïcité édictée dans les lois, et ça, nous le
disions. Mais prenons pour acquis que...
Parce que ça lancerait un signal très, très
fort, puis c'est ce que je disais à l'époque de la charte de la
précédente législature : Ne serait-ce
qu'édicter que l'État québécois est laïque, ça serait déjà quelque chose de
gagné, parce que ce n'est écrit en nulle part.
Cela
dit, nous vivons dans un monde idéal, l'État québécois est laïque. Moi, ce que
je vous dis, c'est que les gens qui ont un agenda, les islamistes
radicaux, ils s'en fichent, de notre démocratie et de notre laïcité, ils vont
continuer à endoctriner et à prôner par
leurs discours. Alors, ce que je vous dis, c'est : Comment fait-on pour
s'attaquer à ça, si ce n'est que par les discours qu'il faut arrêter?
J'ai besoin de votre avis.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Lincourt.
M. Lincourt
(Michel) : Oui. Bien, je peux rajouter : S'il y a dans les
églises, dans les mosquées, dans les synagogues,
etc., des discours extrémistes, mettons, pourquoi ne pas répondre à ces
discours-là sur la place publique, hein, de la même façon, avec la même
vigueur? Pourquoi, à l'école, il n'y a pas un enseignement en faveur de la
laïcité? Pourquoi on continue de financer
des lieux d'endoctrinement intégriste? Pourquoi on fait ça? Pourquoi on permet
au halal puis au casher de financer,
hein? Je veux dire, prenons un exemple : il y a des exemptions fiscales,
hein, en faveur des religieux. Tout ça, ça a lieu, ça se passe, et tout
ça. Et le pouvoir public est silencieux face à ça, et ça, on le déplore.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. Écoutez, vous m'amenez sur le terrain où je voulais vous
amener : la recommandation e, à votre page 16. Vous dites : Le pouvoir public est
silencieux. Depuis le mois de février dernier que nous disons au gouvernement...
nous lui soumettons bien respectueusement qu'il faudrait s'attaquer au financement, justement, de... Vous nous dites : «Mettre fin au financement public des foyers d'endoctrinement religieux.» Nous, ce que nous disons, c'est effectivement, là : Dans ces endroits où on sait qu'il y a de l'endoctrinement,
coupons les exemptions de taxe scolaire, les
exemptions de taxes municipales. C'est ce que nous prônons, là, depuis
février.
Parce
que je sais que ma collègue de Taschereau aime dire qu'on est dans le champ, là, puis qu'on
ne fait rien, mais on prône des choses, là, et je voulais que vous le
sachiez. Et le maire Coderre, à qui nous avons fait part de la même intention
de notre part, était d'accord avec cette idée, qui pourrait être un outil de
plus.
Alors, j'aimerais vous
entendre parler là-dessus, parce que ça fait partie de vos recommandations,
votre recommandation e : «Mettre fin au financement public des foyers
d'endoctrinement religieux.» Qu'est-ce que vous entendez, plus précisément?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Jobin.
Mme
Jobin (Lucie) : Dans, justement,
les recommandations 4 et 5, là, auxquelles vous avez fait
référence, elles disent d'interdire le financement des lieux de culte,
des écoles confessionnelles et, la 4, sur les exemptions fiscales.
Nous aussi,
l'an dernier, nous avions... Les organisations laïques ont rencontré le maire Coderre l'an
dernier, et nous avions attiré son
attention là-dessus, et il a dit... Il a accepté d'abord de nous
rencontrer, et, si jamais il y a d'autres occasions où il doit prendre le pouls de la société
à Montréal, nous allons faire partie maintenant
de ses interlocuteurs. Alors, il y a
des pas qui se font, mais je pense qu'ici, au
niveau de l'Assemblée nationale, il y a aussi des pas qui doivent se faire de façon claire et
précise.
Le Président (M. Ouellette) :
Votre dernier commentaire, Mme la députée de Montarville...
M. Lincourt (Michel) : Ça, ce n'est
pas...
Le Président (M. Ouellette) :
Excusez, M. Lincourt, c'est parce que le temps...
Mme Roy
(Montarville) :
Je vais laisser poursuivre.
Le Président (M. Ouellette) :
O.K. M. Lincourt, pour la dernière...
M.
Lincourt (Michel) : Oui.
J'ai fait, il y a quelques années... il y a quatre, cinq ans, une longue étude
sur les écoles privées religieuses.
Et, au Québec, il y a à
peu près 400 écoles privées. Là-dessus,
il y en a une centaine qui sont religieuses.
Certaines sont agressivement religieuses, d'autres, un petit peu religieuses. Et, ensemble, ces écoles reçoivent au-delà de 100 millions de dollars par année,
de subvention. Bon. Dans cette centaine d'écoles, toutes religions
confondues, hein, évangéliste, protestante, catholique, ultracatholique,
coranique, etc., là, nommez-les, il y a de l'endoctrinement qui se fait. Je ne dis pas partout, je ne dis pas
dans toutes les écoles, mais, dans un gros tiers de ces écoles, c'est des
foyers d'endoctrinement, notamment
pour les écoles coraniques où les petites filles de huit ans portent le voile,
puis il y a des journées où, bon, on fait les prières, et etc.
Pourquoi
ça a lieu, ça? Pourquoi ça marche, ça? Pourquoi on permet ça? Pourquoi
on finance ça sans jamais avoir de débat public sur ce qui se passe à
l'intérieur de ces écoles. Et, lorsque Djemila Benhabib, pour ne pas la nommer,
soulève ça, on lui fait un procès, hein?
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. Lincourt. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Ouellette) : ...vous dire que votre temps va très vite, hein, parce que vous avez
des commentaires intéressants, vous le savez.
• (12 heures) •
Mme
Massé : Merci. Bonjour, tout le monde. Merci de votre présentation. Deux éléments sur lesquels dans ce
petit trois minutes j'aimerais attirer votre attention, c'est effectivement sur
la loi fédérale, l'article 319.(2)b. qui permet... Et la communauté LGBT ne cesse depuis des années de réitérer l'importance d'agir sur cet article-là, et, si
toutefois vous aviez des suggestions
qui pourraient être intégrées dans le cadre du projet de loi qui nous occupe
présentement, je serais heureuse de les entendre.
Ceci étant dit,
en matière de laïcité, comme je l'ai dit à vos prédécesseurs, c'est évident
qu'il est grandement temps qu'on s'y
attaque, y incluant la question du financement des écoles. Ceci étant dit, je
pense qu'on va se revoir au projet de loi n° 62, où on va attaquer
de front cette question-là.
Donc, j'ai deux questions : celle que je
vous ai déjà un peu posée sur l'article 319 qui permet, en fait, à des religions de discréditer ou de ne pas reconnaître
les droits des personnes LGBT, au nom de leurs croyances ou du texte écrit, etc. Mais j'aimerais aussi porter... sur la
question... Je l'ai posée au groupe précédant, grâce à vous, parce que
je trouve qu'elle a une piste intéressante,
votre recommandation 2 à l'effet que les... «...discours haineux précise
que la critique même radicale des
religions ne tombe pas sous le coup de cette loi.» Je comprends que vous voulez
le retirer, la partie I, mais vous dites : Si toutefois vous y
allez, n'oubliez pas de mettre ça. Est-ce que je comprends bien?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Baril, il vous reste une minute.
M. Baril (Daniel) : Oui. En fait,
c'est la portée de notre recommandation 2, parce qu'on a jugé que la partie I n'était pas réformable, parce que
c'est un ensemble qui a une... qui se tient, mais c'est le principe de base
qu'on conteste. On sait pertinemment que,
même s'il est réécrit, on va arriver avec une nouvelle loi, peut-être, ou ce
sera celle-là, et, dans toute loi... ça va être un autre gouvernement
aussi qui pourrait s'attaquer aux mêmes problèmes. On pense que, dans toute
loi...
Parce que le discours haineux, effectivement, il
faut le surveiller, il faut l'encadrer pour éviter les dérapages. Mais on veut éviter que l'opinion, même hostile, à
l'égard d'une religion tombe sous le coup de la haine, parce que
plusieurs... c'est ce qu'il affirme, et même dans un langage dit convenable. Il
y en a pour qui il n'y a aucun langage
convenable pour critiquer la religion. Alors, il faut retirer cette
dimension-là des limitations à donner au discours haineux, discours qui
vise la violence.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, M. Lincourt.
Mme Jobin, M. Lincourt et M. Baril, représentant le Mouvement
laïque québécois, on vous remercie de votre participation à la Commission des
institutions.
La
commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes cet
après-midi, soit vers 15 heures. Merci beaucoup. Vous pouvez
laisser vos choses ici, on revient dans la même salle.
(Suspension de la séance à
12 h 2)
(Reprise à 15 h 14)
Le
Président (M. Ouellette) : La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques.
Je
vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques
sur le projet de loi n° 59, Loi
édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours
haineux et les discours incitant à la
violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection
des personnes.
Je souhaite la
bienvenue à l'organisme Pour les droits des femmes du Québec. Mme Sirois, vous
allez nous présenter les gens qui vous accompagnent et vous disposez de
10 minutes pour votre exposé.
Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec)
Mme Sirois (Michèle) : Merci. Alors, PDF Québec est un groupe féministe
citoyen mixte, non partisan, créé en 2013 et ayant à son actif plus de
300 membres d'origines diverses.
Alors, à ma droite, il
y a M. Léon Ouaknine et Mme Salimata Sall, qui va commencer.
Mme Sall (Salimata) : Merci. Bonjour. PDF Québec salue la volonté du gouvernement de s'outiller pour lutter davantage contre les mariages forcés, les crimes commis au
nom de l'honneur et le contrôle excessif des jeunes filles. Nous nous
opposons également à toute forme de contrôle sur les femmes.
Concernant
les mariages forcés, PDF Québec estime que les mesures préconisées par le projet de loi sont trop timides pour protéger adéquatement les filles et les
femmes qui peuvent être contraintes par leurs familles à se marier trop tôt sans vraiment y consentir ou qui
voient leur liberté restreinte parce
qu'elles sont des femmes. Mentionnons, à titre d'exemple, qu'en Ontario, entre 2010 et 2012, il y aurait eu
219 cas de mariage forcé. Le Québec n'y échappe pas. Il faut nous doter davantage d'outils et surtout créer un
contexte qui favorisera l'éradication de ces pratiques liées à des
traditions et religions de nature patriarcale, qui sont souvent une prison pour
les femmes.
Certes, il faut sensibiliser les
populations concernées, mais il faut également une loi qui est vraiment
dissuasive et ne pas se contenter de
saupoudrer des mesures comme de publier les projets de mariage sur Internet. Il
est important de regarder ce qui a
été adopté en France en 2013 où, je cite, «le fait de tromper quelqu'un pour
l'amener à l'étranger subir un mariage forcé est passible de trois ans
de prison et de 45 000 euros d'amende».
En ce qui a trait aux
crimes d'honneur, la véritable solution est dans la prévention en mettant
l'accent sur la culture d'égalité
hommes-femmes dès que les candidats à l'immigration posent leur candidature et
ensuite dès leur arrivée. Il faut favoriser un changement des mentalités
des communautés concernées pour assurer, comme le souligne le Conseil du statut de la femme, une remise en
question du concept d'honneur attaché à la sexualité des femmes. Toutes
les injustices faites aux femmes sont
fondées sur une inégalité sociale fondamentale entre les hommes et les femmes. Or,
toutes les religions ou presque préconisent un traitement différencié selon les
sexes confinant les femmes dans un statut inférieur.
En mettant l'accent sur le respect presque absolu de toute position et pratique
religieuse au nom de l'inclusion et de la tolérance, il est à craindre
un retour en arrière pour les droits acquis par de longues luttes par les
femmes.
Pour
faire face à ces problématiques concernant les jeunes filles, il faut donner au
directeur de la protection de la jeunesse
des moyens pour identifier les victimes et pour évaluer le degré des dangers
auxquels elles font face, pour assurer leur
protection, avoir des ressources d'hébergement, et développer une grille de
dépistage, et en faire un outil national. Il faut également ajouter au projet de loi des moyens pour lutter contre
l'excision et autres mutilations sexuelles, qu'elles soient pratiquées
ici, au Québec, ou ailleurs, dans les pays d'origine.
Bref,
nous devons mettre fin à l'impunité qui résulte de la frilosité des
responsables des institutions publiques quand il s'agit de néo-Québécoises qui s'identifient à des communautés
ou sectes religieuses. En fait, cette question de la protection des
personnes est tellement importante qu'elle aurait mérité de faire à elle seule
l'objet d'un projet de loi spécifique au lieu d'être amalgamée à un tout autre
sujet, à savoir les discours haineux. Merci. Je cède la parole à Mme Sirois.
• (15 h 20) •
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Sirois.
Mme Sirois
(Michèle) : Si PDF Québec appuie la partie sur la protection des
personnes dont vient de parler Salimata, nous demandons cependant de rejeter
toute la partie portant sur les discours haineux parce que la liberté d'expression fait partie des valeurs fondamentales
des sociétés démocratiques et qu'elle est menacée par ce projet de loi. S'il y a lieu de protéger des groupes vulnérables
comme les femmes, les homosexuels, comme le prévoit le Code criminel, il
faut le faire avec des outils adéquats. Les insultes à l'endroit des femmes,
notamment des femmes politiques, sont nombreuses et à combattre. C'est ce que fait, par
exemple, en France, un groupe comme les Chiennes de garde, qui connaît
une belle efficacité et n'a rien de liberticide.
Pour
lutter contre les discours incitant à la violence, au Canada et au Québec, il
vaut mieux miser sur l'éducation et sur
les dispositions du Code criminel et non pas sur ce projet de loi. En effet,
non seulement le législateur ne définit pas son objet, mais il donne des
pouvoirs outranciers aux délateurs et à la Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse, un organisme qui a à son crédit d'avoir autorisé
la ségrégation sexuelle au nom de la religion.
De plus, nous croyons
que ce projet de loi se trompe de cible, car il ne s'attaque pas aux vraies
causes de la radicalisation, l'objectif
mentionné lors de l'annonce du projet de loi n° 59. Pour prévenir et
lutter efficacement contre la radicalisation,
il faudrait plutôt que le gouvernement prenne acte que l'intégrisme religieux est un meilleur signe
avant-coureur de la radicalisation. Contrairement à ce que laisse croire le projet
de loi n° 59 et le plan d'intervention pour lutter contre la
radicalisation, actuellement les racines du problème résident davantage dans
l'existence d'un courant international
faisant la promotion d'une lecture fondamentaliste de l'islam. La preuve, c'est
qu'on le trouve partout dans le monde et surtout dans les pays de
tradition musulmane qu'on ne peut pas accuser d'islamophobie.
À PDF Québec, nous
sommes très inquiètes parce que l'adoption de ce projet de loi fragiliserait la
liberté d'expression en créant un délit
d'opinion et une chasse aux blasphèmes. En instituant une procédure favorisant
un climat de dénonciation auprès de la Commission et du Tribunal des
droits de la personne, le projet de loi vient de fournir aux islamistes, c'est-à-dire les militants qui
utilisent l'islam à des fins politiques... ils viennent de fournir des outils
gratuits et facilement accessibles pour
bâillonner toute critique des religions, conformément à ce que demande depuis
de nombreuses années l'Organisation
de la coopération islamique. Le projet
de loi créera au Québec
un processus de délation qui sera savamment
utilisé par les intégristes pour bâillonner les opposants, comme c'est
présentement le cas des poursuites contre les personnes qui dénoncent la radicalisation et l'intégrisme qui se
répand dans les centres culturels, les lieux de culte, sur Internet,
etc.
Après
l'attentat de Charlie Hebdo, on se serait attendu que notre gouvernement et la Commission des droits de la personne proposent des mesures
pour protéger la liberté d'expression et la liberté de conscience. Au lieu de
cela, le projet de loi va ajouter au climat d'autocensure qui existe
déjà au Québec. La peur a déjà convaincu l'humoriste Lise
Dion de retirer son monologue sur la burqa.
C'est ça, l'autocensure. Pire encore, nous avons été stupéfaites de constater
qu'on a pensé établir une liste noire des
personnes qui auront été trouvées coupables de prétendus discours haineux.
Établir une telle liste de
contrevenants, c'est désigner les futures cibles aux extrémistes, comme ce fut
le cas de Salman Rushdie, Taslima Nasreen et les journalistes de Charlie
Hebdo. Ce sont toutes des victimes d'une campagne lancée par des islamistes
radicaux et malheureusement reprise dans les médias qui les ont associés à de
l'islamophobie.
Enfin,
nous déplorons que l'ensemble des actions proposées par la Commission des
droits de la personne et reprises dans
le projet de loi n° 59 laissent entendre que les citoyens musulmans
sont incapables de s'adapter aux règles de sociétés démocratiques. Ce projet
de loi jette le discrédit sur l'ensemble de nos compatriotes de culture
musulmane, qui ne demandent pas mieux, pour la grande majorité, que de
s'intégrer à la société québécoise. Je passe la parole à Léon.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Ouaknine, il vous reste une minute.
M.
Ouaknine (Léon) : Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, mesdames et messieurs de la commission. Lorsque
j'ai pris connaissance de la partie de ce projet de loi portant sur la répression des discours haineux, j'ai eu un moment de
stupeur. Comment est-il possible de proposer une loi si liberticide dans ce
pays?
Je
suis un néo-Québécois arrivé en 1968. Je suis fier du Québec
parce que je l'ai vu évoluer vers toujours
plus de liberté, en initiant quatre
révolutions majeures. La première fut la déconfessionnalisation de ses
institutions, en particulier de son
système éducatif; la deuxième, la libération de la femme, pas tout à fait achevée encore, car il nous faut, entre autres, lutter contre
les crimes d'honneur, les mariages forcés et l'excision; la troisième, la
célébration pacifique de son identité par la réappropriation de sa
langue et de ses arts, qui ont suscité une admiration quasi universelle; et la
quatrième, sa modernisation économique qui a
montré que le Québec pouvait jouer dans la cour des plus grands. Ces
quatre révolutions témoignent d'une singulière maturité...
Le Président (M.
Ouellette) : M. Ouaknine...
M. Ouaknine
(Léon) : ...car tout s'est fait sans jamais attenter aux libertés
fondamentales...
Le Président (M.
Ouellette) : Je m'excuse...
M. Ouaknine
(Léon) : Peu de pays peuvent se targuer d'un discours si pacifiste.
Le
Président (M. Ouellette) : M. Ouaknine. Je m'excuse. Vous aurez l'opportunité de compléter
votre exposé avec le questionnement que...
M. Ouaknine
(Léon) : ...conclure?
Le
Président (M. Ouellette) : Bien, vous conclurez avec Mme
la ministre tantôt, parce que Mme la ministre... Vous aviez
10 minutes pour votre exposé. Je m'excuse d'être... de vous interrompre.
Mme la ministre.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci pour votre
présentation. Peut-être que, dans le cadre de mes questions, vous aurez
la chance de conclure. Malheureusement, le temps étant limité...
J'ai posé la
question à certains groupes ce matin, qui vous ont précédés, à savoir qu'est-ce
que, dans le contrôle d'un discours
haineux... Puis on s'entend, là, que, discours haineux, je l'ai dit et je l'ai
redis, on fait référence à une notion qui a été définie par la Cour suprême à plusieurs occasions, notamment dans
l'affaire Whatcott et dans l'affaire Taylor, une notion qui nous amène à un discours qui, à l'encontre des
groupes identifiés à l'article 10 de la charte, va faire naître un
sentiment de haine profonde qui pourrait éventuellement mener à la violence.
Donc, moi, ce
que je cherche à comprendre, c'est dans le contexte où c'est un discours très
particulier qui est visé. Ce n'est
pas... On ne vise pas une atteinte à la liberté d'expression. On ne vise pas,
par ce projet de loi, à venir empêcher la satire, à venir empêcher la
critique d'une religion. Il y a des gens qui croient que c'est ça, et je pense
que c'est important de répéter que ce n'est
pas le cas. On vise spécifiquement le discours haineux tel que défini par la
Cour suprême. Donc, on n'arrive
pas... on n'introduit pas une notion qui n'existe pas en droit canadien. On
introduit une notion qui a été définie
par le plus haut tribunal du pays, et c'est ce discours-là qui est visé et le
discours qui incite à la violence. Pensons notamment... et je pense que, l'image, on la voit quand même assez
régulièrement, le discours qui appelle à la violence à l'égard des
femmes, par exemple. Alors, ces discours-là sont visés par le projet de loi.
Alors,
j'essaie de comprendre la crainte qui vous motive à poser une critique aussi
sévère. Parce que vous utilisez des
termes qui sont forts dans votre mémoire, vous avez utilisé des termes qui sont
forts dans votre présentation. Vous parlez
d'un projet de loi que vous considérez liberticide, alors qu'il n'est pas du
tout question de ça. Du moins, l'objectif, c'est d'empêcher dans notre société des discours à caractère haineux, et ça,
c'est très précis. C'est d'empêcher des discours qui incitent à la violence. Oui, on a le Code criminel
qui prévoit certaines infractions, le degré de preuve n'est pas le même,
les outils ne sont pas le même. Nous, on
souhaite, par les dispositions qui sont présentées au projet de loi, on
souhaite aussi avoir des outils de
prévention, des outils d'intervention, notamment pour empêcher qu'un individu puisse
aller prêcher, puisse aller tenir son discours, par le biais
d'injonctions, par exemple.
Alors, c'est
pour ça que j'essaie de comprendre ce qui vient vous chercher et qui vous amène
à utiliser des termes aussi forts à
l'égard d'un projet de loi qui a comme objectif de protéger certains groupes,
de protéger certaines personnes contre des discours qui pourraient
apporter la... d'autres personnes à la haine envers ces gens-là, à la violence
envers ces gens-là. Tu sais, vous
dites : Vous faites un amalgame. Vous nous reprochez de faire un amalgame
avec les mesures de protection de la
deuxième partie. Bien, en fait, moi, je vous dirais : C'est un projet de
loi qui, dans son ensemble, protège un certain
nombre de personnes par des mesures qui visent les discours haineux, les
discours incitant à la violence, et par la suite par d'autres mesures
qui sont diverses et dont vous avez fait part en présentation.
Donc,
résumons. J'essaie de comprendre pourquoi l'utilisation de termes aussi forts,
alors que le projet de loi vise à protéger les gens.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Ouaknine.
• (15 h 30) •
M.
Ouaknine (Léon) : Vous savez, il y a un philosophe célèbre, Emmanuel
Kant, qui a dit qu'on ne légifère pas les émotions. Et la haine est une
émotion humaine naturelle, et il me semble absolument invraisemblable qu'on
essaie de légiférer là-dessus.
Maintenant, la haine n'est pas illégitime. Il y
a des régimes que je hais, comme par exemple celui de l'Arabie saoudite par son action à l'égard des femmes. Il y a
des régimes que je déteste et que je hais, comme le régime nazi, et
donc... Et il y a plusieurs exemples de ces choses-là.
Si j'écris, par exemple, un discours où j'exprime ma haine de ces régimes, de ces discours et
de ces idéologies, certains
pourraient l'interpréter comme étant de la haine à l'égard des personnes. C'est
faux, mais il faut que les gens acceptent un certain niveau
de désagrément et de désaccord. Je suis Juif séfarade, évidemment, je suis
sensible aux insanités antisémites, mais
est-ce que j'aime ça? Non, mais jamais je ne demanderais l'interdiction de ces
propos, sauf s'ils appellent expressément à la violence contre des
personnes.
Donc, la
haine est quelque chose qui doit être accepté lorsqu'elle évite d'appeler
à la violence contre des personnes. Et
le projet de loi n'offre absolument aucune balise pour permettre à quelqu'un
de distinguer de façon claire où, dans le continuum, on se situe
entre la critique des idées et l'attaque contre les personnes.
Mme Vallée : Évidemment, je
comprends que, par votre dernier commentaire, vous rejoignez un peu ce que
d'autres groupes nous ont dit, qu'il est important peut-être de mieux définir
le concept, puisque le concept «discours haineux», pour nous, il était clair
comme il a été élaboré et comme il a été aussi défini par la Cour suprême.
Vous savez, je pense
que c'est toujours bon de rappeler : Les propos haineux, là, ce
sont ceux qui vont exprimer l'idée
que certaines personnes devraient être haïes, devraient être méprisées en
raison de qui elles sont plutôt qu'en raison de ce qu'elles ont fait, donc en raison d'une caractéristique commune. Le discours haineux, c'est celui qui va amener à la
haine envers ces gens-là. Mais je comprends
que le projet de loi ne prévoit pas de définition de discours haineux,
et ça, ça peut expliquer qu'on
interprète le terme. Parce que c'est quand
même des décisions de la Cour
suprême, c'est quand même des textes qui ne sont pas nécessairement
toujours lus et relus par tout et chacun, et peut-être
qu'il est opportun, oui, de préciser davantage dans le texte de la loi.
Mais il y a un élément que vous avez soulevé et
qui m'interpelle, vous avez fait une distinction, dans vos propos, entre le discours haineux, que vous
considérez désagréable, mais pas au point où il devrait être encadré, et
vous avez fait la distinction entre le discours qui incite à la violence, qui,
selon vous, mérite effectivement d'être encadré. Est-ce que je me trompe?
Le Président (M.
Ouellette) : Oui, M. Ouaknine.
M.
Ouaknine (Léon) : Tout ce
qui appelle à la violence doit être férocement combattu sans aucun laxisme.
Et ce qui est surprenant d'ailleurs,
c'est qu'il y a actuellement un problème même avec le Code criminel canadien, c'est
que quelqu'un peut, dans le cadre d'un prêche religieux, citer un texte religieux qui
appelle littéralement à la violence contre des personnes, à la violence
contre les femmes, et cette personne-là ne sera pas poursuivie.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Donc, à ce
moment-là...
Mme Sirois (Michèle) : Je
voudrais...
Mme Vallée : Excusez-moi.
Mme Sirois (Michèle) : Est-ce que je
peux rajouter quelque chose?
Mme Vallée : Oui, allez-y.
C'est parce que j'avais... ça m'amenait à une autre question.
Mme Sirois
(Michèle) : Parce que
je voulais juste ajouter que, justement, dans notre mémoire, on demande au gouvernement québécois de demander l'exemption, de retirer cet
article 319.(3)b, parce que des prêches ou des textes religieux justifient... on ne peut pas poursuivre quelqu'un
pour incitation à la violence. La violence contre les femmes, c'est dans les textes religieux, la violence
contre les homosexuels et les mécréants, et on ne peut pas les poursuivre.
Bien, il faut enlever ça, il faut que tout
le monde soient égaux, tout discours
incitant à la violence est à bannir. Et puis on demande au gouvernement québécois...
Ça, ça aurait dû apparaître dans le projet de loi : interdire les discours
haineux, quels qu'ils soient...
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Sirois (Michèle) : ...pour ce
qui est de la violence, et non pas faire une exemption puis deux poids, deux
mesures.
Mme Vallée : Donc, si je
comprends bien, il est important... Bon, il y a les dispositions du Code
criminel, évidemment, qui relèvent du gouvernement fédéral, mais
est-ce que vous jugez qu'il deviendrait opportun tout de même de légiférer dans
notre sphère civile pour donner des outils additionnels pour contrer le
discours qui incite à la violence? Pour
les fins de notre échange, je mets de
côté le discours haineux, parce que vous avez votre opinion sur la question, et elle vous appartient. Mais là
j'essaie de comprendre un petit peu davantage votre position quant au
discours qui incite à la violence.
Est-ce que vous considérez que nous avons besoin
d'outils additionnels pour contrer ce discours-là?
M.
Ouaknine (Léon) : De mon point de vue, non, on n'a pas besoin de
mesures additionnelles, le Code criminel canadien est largement suffisant. Si on se base également sur le nombre
de faits qui... S'il y avait une telle abondance de faits qui auraient
requis l'intervention, on le saurait. Ce n'est pas le cas.
Mme Vallée :
Il arrive que, par exemple, on demande de se positionner contre la venue d'un
ou d'une personne qui tient des
propos incitant à la violence, notamment à l'égard des femmes, hein? On l'a vu
cet été, il y a eu à deux reprises des personnalités qui devaient venir
au Québec, et on nous demandait d'intervenir pour empêcher la tenue du type de discours qui banalisait le viol, qui banalisait la
violence à l'égard des femmes. Et ce qui était demandé, c'était de
pouvoir intervenir avant que le discours
n'ait lieu. Donc, évitons que ces gens-là puissent se présenter et conter leur
charabia devant un groupe de citoyens.
Et le projet
de loi n° 59 permet justement ça, permet justement des mesures, d'une
part, des ordonnances civiles de protection, permet aussi de saisir le
tribunal pour éviter ou pour mettre fin à la diffusion d'un discours qui inciterait à la violence. Je
comprends, le Code criminel est là pour sanctionner une fois que l'acte, une
fois que le discours a été tenu, mais le mal
est fait, on n'a pas prévenu la tenue du discours. Le projet de loi n° 59,
pour ce qui est du discours haineux
comme du discours incitant à la violence, prévoit et donne des moyens pour
empêcher en amont que ce discours-là soit tenu, qu'il soit maintenu
aussi dans la sphère publique.
Est-ce que vous ne croyez pas que ça pourrait
être utile? Parce qu'il y a dans la sphère publique, puis je pense qu'il faut
le reconnaître, des discours qui incitent à la violence, il y en a à l'égard
des femmes, à l'égard des homosexuels, et je
pense que ma collègue de Québec solidaire pourra réitérer. Je crois qu'elle, de
par ses interventions, nous a... est
quand même consciente que ce type de discours là existe. On a même une
collègue, bien, la porte-parole de l'opposition en matière de condition
féminine, qui demandait une intervention cet été pour empêcher la tenue de propos qui incitaient à la violence. Donc, vous ne
croyez pas que ça pourrait être utile d'avoir ces outils-là, justement?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Sirois ou Mme Sall.
Mme
Sall (Salimata) : Merci.
Nous sommes d'avis qu'il y a certains climats qui peuvent régner, que
certains discours peuvent susciter des
réactions émotionnelles à l'endroit de certaines personnes. Cependant,
hormis la violence, nous devons garder en tête l'état du Québec par
rapport à l'homophobie. Les homosexuels ne sont pas allés vers la judiciarisation pour avoir des gains. Aujourd'hui, on a démystifié plein de choses, on peut s'enorgueillir de la fierté
gaie et du respect et de la promotion des
droits des LGBT. Donc, je pense que sanctionner et judiciariser, ça va juste
amener un climat qui va accentuer une certaine polarisation au sein de la société
à travers ses différents membres.
Donc, c'est
ça que je voulais ajouter. Ce que nous considérons qui est problématique au Québec,
c'est vraiment les imams radicaux qui
posent vraiment des discours violents, virulents à l'endroit des
femmes, et qui sont protégés à cause de l'article 319.(3)b du Code
criminel.
• (15 h 40) •
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre. Ah! Mme Sirois, vous avez un commentaire?
Mme Sirois (Michèle) : Oui.
J'aimerais ajouter également que l'exemple que vous avez donné, c'est une question
de la sécurité publique. La sécurité
publique, je pense que ça passe aussi
par la question du gouvernement
fédéral et je ne pense pas que ces prêcheurs-là vont aller devant la Commission des droits de la personne, alors que je
pense qu'à l'intérieur du Québec, par
contre, il y a des gens qui vont être poursuivis. Ça va servir de
mesures-bâillons. Alors, ce sont pour
nous beaucoup des mesures inefficaces, contre-productives et inégalitaires, parce
que les rapports de moyens et de pouvoirs
entre la Commission des droits de la personne et les simples citoyens... Déjà,
il y a des gens qui sont poursuivis et ça
fait plusieurs années qu'ils sont en train de se défendre, ceux qui vont faire
les poursuites, ça va être gratuit, puis les autres vont être obligés de débourser des sous. Ça va être une véritable
censure. Alors, nous, nous ne sommes pas d'accord. Nous sommes d'accord
avec d'abord des mesures de prévention liées à l'éducation, entre autres.
Vous avez vu peut-être dans notre mémoire qu'on
est inquiets de plusieurs éléments qui sont dans le cours d'éthique et culture religieuse. Pourquoi? Parce
que, dans ce cours, on a fait l'étude de plus d'une vingtaine de manuels
scolaires au primaire et on incite les jeunes filles à accepter les contrôles
excessifs. Alors, le projet de loi n° 59 veut combattre le contrôle excessif des jeunes filles. Eh bien, dans les
manuels scolaires, on les prépare à l'accepter. Alors, c'est deux poids,
deux mesures.
On voudrait vraiment qu'on réoriente la
question, enlever tout le volet culture religieuse, parce qu'il amène une conception de respect absolu de toute croyance
religieuse et de toute croyance. Et, si vous regardez, je suis sûre que vous ne l'avez pas fait, mais vous seriez surpris,
tous et toutes, de ce qu'on peut trouver. Des jeunes filles... On parle
du mariage forcé. Si vous avez regardé notre
mémoire, il y a dedans une image qui est prise dans un manuel scolaire pour une
petite fille de cinq ans, et qu'est-ce qu'on
dit? C'est une image d'une petite fille qui a peut-être sept, huit ans, et on
la présente comme une jeune mariée.
Eh bien, une jeune mariée qui a sept, huit ans, eh bien, les petites filles
disent : Bien oui, moi aussi, je veux
être une jeune mariée. Et on banalise tout ça en disant : Bien oui, il en
existe beaucoup comme ça en Afrique, et puis c'était comme ça pour nous
en Europe aussi au Moyen Âge. Et c'est ça, le message?
Alors, on
veut que... L'éducation, c'est ça qui prépare les mentalités pour l'égalité,
crée un climat où les femmes et les hommes vont être égaux, et ce n'est
pas en judiciarisant et surtout pas en mettant la Commission des droits de la personne qui va juger, quand elle-même, elle a
créé de la ségrégation, elle a approuvé la ségrégation sexuelle. Moi, je
n'ai pas confiance. Alors, je ne sais pas
qui va avoir confiance, mais je pense qu'il y a des choses à changer dans ce
projet. Et la première chose, c'est de
cibler le deuxième volet et de le développer. Parce qu'il est très faible, ce
deuxième volet, alors que le premier, c'est une vraie matraque et il
n'aide pas les femmes aucunement.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Parlons du deuxième volet... Commentaire : J'écoute votre argumentaire, et
il ressemble beaucoup à l'argumentaire
des groupes qui vous ont précédés ce matin. Est-ce que vous avez... Je pense
qu'il y a un lien entre vous, hein,
entre le Mouvement laïque, le regroupement laïque du Québec et PDF, ou vous
participer... parce que je voyais... Vous participez à l'un des groupes?
Mme Sirois (Michèle) : Oui. Je
voudrais répondre. Je reconnais la même question que vous avez posée à matin,
hein?
Mme Vallée : Oui, oui, oui.
C'est parce que vous semblez...
Mme Sirois
(Michèle) : Et c'est plus
facile à remarquer parce que, quand on a fait la demande pour être sur
la commission parlementaire, l'audition, on nous a mis la dernière journée
tous ensemble. Alors, c'est facile de voir... Oui, et nous ne sommes pas seuls, parce que j'ai vu qu'il
y avait des éditorialistes des journaux anglophones, et c'est rare :
on est d'accord. Et aussi la même chose avec la Gazette. C'est la
première fois que je voyais ça.
Et puis je voulais féliciter quand même, parce
qu'avec ce projet de loi vous êtes en train de faire une certaine unanimité
qu'on n'avait pas vue au Québec depuis très longtemps. Alors, s'il y a des
militants de la laïcité et des droits des femmes qui se battent et qui ont des
discours semblables, nous ne sommes pas seuls, et ça, ça me réjouit beaucoup. J'espère que vous vous en réjouissez,
qu'on est nombreux au Québec, et même ailleurs au Canada, à défendre la
liberté d'expression.
Le Président (M. Ouellette) :
Une minute, Mme la ministre.
Mme Vallée :
J'aimerais vous entendre sur les modifications qui sont proposées à la Loi de
la protection de la jeunesse.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Sall.
Mme Sall (Salimata) : Nous saluons
les modifications qui ont été apportées sur la Loi de la protection de la jeunesse, surtout avec l'ajout du contrôle
excessif considéré comme une maltraitance psychologique. Cependant,
nous avons également vu, quand une des
exposantes de la DPJ a mentionné comme contrôle excessif le fait de contrôler
les filles, leurs heures d'entrée, leurs
heures de sortie comme contrôle excessif... Nous ajoutons sur la liste le fait
de munir un enfant, une fillette de
sept ans, des écouteurs pour l'empêcher d'écouter, d'entendre de la musique. À
sept ans, souvent, on prémunit les
êtres humains des écouteurs... des appareils auditifs pour les aider à entendre
et non pour faire l'inverse. Donc, nous voulons ajouter ce point-là.
Et aussi nous
avons vu des parents qui voilent leurs enfants, vraiment des jeunes filles qui
portent le voile. Nous ne croyons pas que ces jeunes filles ont choisi
de se voiler. C'est une forme de contrôle à l'endroit des fillettes. Et on a même entendu... on a vu passer sur les réseaux
sociaux des parents disant : Pourquoi vous n'avez pas réussi à voiler vos jeunes filles? Il dit : Bien, parce que
vous n'avez pas commencé très tôt. Donc, en commençant très tôt à voiler les
enfants, on les contrôle. Donc, nous voulons amener ces éléments-là.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci. Merci, Mme Sall. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Bonjour. Bonjour, bonjour. Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames de PDF, monsieur de PDF. Mme Sirois, Mme Sall,
M. Ouaknine, bienvenue à cette commission parlementaire.
Je vais
commencer tout simplement par la conclusion de votre mémoire,
puis après ça on reviendra dans les détails. Votre conclusion, comme
bien d'autres groupes et pas seulement des groupes d'aujourd'hui, comme vous
l'avez fait amplement remarqué, Mme Sirois...
Vous en venez à la conclusion, à la page 36, qu'il faut scinder la loi et
rejeter la partie I, non pas
l'amender mais la rejeter, nous rejoignant en ce moment. Nous sommes le seul
parti qui croit que cette première partie doit être revue de fond en
comble et qu'il n'est pas question de l'amender.
Avez-vous entendu les propos du président de la Commission
des droits de la personne et des droits de la... — attendez — M. Frémont, qui a dit, samedi à l'émission
de Michel Lacombe, à Radio-Canada, que ça va être très difficile de
définir le discours haineux, qu'il n'y en aura jamais, de définition
précise — je
suis à peu près dans ses mots, là — et que finalement ce sera à la commission,
au fil des jugements, d'essayer de le préciser, de sortir du flou.
Est-ce que vous saviez... est-ce que vous connaissiez ces propos de M. Frémont?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Sirois.
Mme Sirois (Michèle) : Déjà, je
remarquais dans le projet de loi qu'il y avait une marge de manoeuvre discrétionnaire qui était laissée à la Commission
des droits de la personne. Alors, ça ne fait que confirmer qu'on n'est
pas seuls à avoir remarqué ça, que lui-même...
Mais, le 2 décembre 2014, M. Frémont
lui-même a dit qu'il était conscient que sa demande d'interdire les discours haineux limiterait la liberté
d'expression mais qu'il était sûr que ça passerait l'épreuve des tribunaux.
Alors, oui, je suis inquiète, parce qu'en même temps, d'une seule venue,
il a mentionné... Quand on lui a demandé : Quels sont les exemples que vous pouvez donner?, il a donné deux
exemples que ça protégerait contre les discours haineux contre les
musulmans — on
en est pour ça aussi — mais
aussi contre les croyances... contre les attaques à la religion islamique. Ah! alors, on... À un moment donné, ce n'est pas
que les personnes, mais on va se mettre à policer les croyances et les paroles critiques qu'il peut y avoir sur les
croyances. Je ne crois pas que ce soit le rôle de la présidence de la
Commission des droits de la personne. Il me
semble que des choses comme ça... Et après il a mentionné qu'il a été mal cité.
Moi, je pense qu'au contraire c'est venu spontanément.
Mais le
projet de loi n'encadre pas. Et c'est encore plus troublant quand on veut
mettre ce pouvoir discrétionnaire dans
la charte, qui a une valeur quasi constitutionnelle. C'est très inquiétant. On
ne voit pas... Le gouvernement n'a pas pensé, on dirait, à mettre dans
la charte la laïcité, mais il pense à mettre un pouvoir discrétionnaire qui va
être une interprétation personnelle contre des croyances.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
• (15 h 50) •
Mme
Maltais :
Merci, Mme Sirois. D'autant que... J'invite vraiment tout le monde, je vous
invite à aller écouter cette émission
où il y a vraiment tout le monde. La ministre est là pour en parler. Il y a M.
Frémont, il y a d'autres, aussi, qui
viennent parler. Mais j'ai retenu des perles. Entre autres, M. Frémont a dit
que ce qu'il a demandé, c'est d'interdire les discours haineux incitant
à la discrimination. On n'est plus dans l'incitation à la violence, dans la
tête du président, on est dans l'incitation
à la discrimination. On comprend qu'on va... de la misère à concilier les
propos de tout le monde, actuellement, qui parle de cette loi en bien. Je n'arrive pas à
savoir ce qu'ils veulent. Je n'arrive vraiment pas à savoir, là, qu'est-ce que vise cette
loi.
Mais il y a une chose que la société voulait, et
ça, ça, il faut en parler. La société, ce qu'elle demandait, c'est justement ce
que j'ai demandé, moi aussi, c'est qu'on donne des outils aux organisations qui
se voient face à des organisations qui louent des locaux mais qui ont probablement des discours haineux, des prêches d'imams religieux — puis vous êtes dans les rares
qui le nomme — les
prêches d'imams religieux incitant à la violence envers les femmes. Ça,
c'est précis. Ce n'est pas une loi qui
précise ça, là, mais pourtant c'est ce que la société demandait. Ça, c'était
vraiment précis dans notre vision.
Vous soulevez aussi d'autres choses, mais vous
avez soulevé quelque chose qui m'intéresse. Vous dites que la kafala, qui est issue du droit coranique,
serait mise en application au Québec ou aurait une certaine... serait un peu
justifiée au Québec?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Sirois.
Mme Sirois
(Michèle) : C'est que ce
qu'on a mentionné dans notre mémoire, avec références, vous pouvez les
retrouver dans notre mémoire avec les références...
Mme
Maltais : Je suis
sur le site, là, de la référence.
Mme Sirois
(Michèle) : Oui? Eh bien, on
voit que la charia, en 2004... Moi, c'est ça que je demande au gouvernement. En 2004, le gouvernement,
unanimement, s'est battu contre les tribunaux islamiques, contre
l'application de la charia, parce que les
femmes sont les premières victimes de l'application de la charia. Mais on voit
que, tranquillement, les tribunaux
commencent à appliquer certaines choses à cause de la notion de
multiculturalisme. Mais, pire encore, en droit, à l'Université de
Montréal, il y a des cours sur la charia.
Mme
Maltais : Pardon?
Mme Sirois (Michèle) : Il y a des...
Mme
Maltais : Pardon?
Mme Sirois
(Michèle) : Oui, c'est dans
notre mémoire. Vous avez juste à cliquer, il y a des cours, O.K., sur la
charia. Il y a des cours également, des
formations qu'on donne au Barreau sur l'adoption, la notion d'adoption, qui
est plutôt une tutelle, qui est dans le droit de la charia. Ça, c'est en
train... Il y a des notaires qui s'affichent actuellement et qui disent qu'ils vont faire des testaments, des
contrats de mariage, etc., qui vont être basés sur la foi musulmane. Ça
s'appelle la charia, ça, en termes communs, et ça, c'est dangereux, c'est déjà
en train de s'établir. Oui, on est inquiets.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Oui, Mme Sirois, j'ai été voir sur le site que vous disiez. Effectivement,
c'est l'association des avocats musulmans qui, dans une... je vais le
dire, une formation reconnue par le Barreau du Québec, hein, aux fins de formation continue obligatoire — vous savez, les durées de
300 heures — reconnaît...
Moi, je ne connaissais pas la kafala, là, c'est vous qui me
l'apprenez : La reconnaissance de la «kafala» musulmane en droit civil
québécois et en droit de l'immigration canadien : état des lieux et pistes
de solution. Intéressant, mais je ne sais pas si la kafala correspond au droit québécois, mais je sais
qu'effectivement je le lis partout, puis on me dit que c'est fondé sur le
droit musulman, ce qu'on appelle le droit coranique.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Sirois.
Mme Sirois
(Michèle) : Le Code civil
fait en sorte que les enfants adoptés et les enfants consanguins ont les
mêmes droits une fois que leur filiation a été reconnue.
Mme
Maltais : Tout à
fait, c'est important pour les Québécois.
Mme Sirois
(Michèle) : C'est très
important pour les Québécois qu'il n'y ait pas des enfants à deux vitesses
avec des droits à deux vitesses. Eh bien, ça, la kafala, ça n'accorde pas les
mêmes droits aux enfants.
Mme
Maltais :
Bien, c'est magnifique, c'est le Barreau qui reconnaît les formations sur
comment introduire la kafala dans le droit québécois.
Mme Sirois (Michèle) : Reconnaît,
exactement. Alors, oui, on a raison d'être inquiets, je pense.
Mme
Maltais :
O.K. Mais je ne sais pas l'impact. Je suis sûre que, s'ils étaient ici ou si on
les recevait plus tard, on les ferait s'expliquer là-dessus, mais je
reconnais que vous avez raison, j'ai trouvé ladite formation.
En France,
pour les mariages forcés... Je veux vous parler des mariages forcés, Mme Sall.
En France, vous disiez qu'il y a
trois ans de prison, des amendes. Pouvez-vous m'expliquer ce qui se passe en
France quand on trouve quelqu'un coupable d'avoir forcé un mariage?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Sall.
Mme Sall (Salimata) : Souvent, on voit que la DPJ... La DPJ a beau
intervenir auprès des familles et des jeunes filles qui risquent d'avoir
un mariage forcé à l'extérieur du pays, malgré son intervention, son introduction,
il y a des familles qui s'organisent toujours à sortir du pays, ça se fait
souvent durant les périodes des vacances, pour amener leurs filles subir un mariage forcé. Et, une fois que les parents
reviennent au Québec avec les enfants, ou pas, bien, il n'y a rien qui
se passe, parce que ça s'est passé à l'extérieur.
Donc, il est
important de se doter des mesures, comme la France l'a fait en 2013, de mettre
une amende de 45 000 € pour les
parents qui amèneraient leurs enfants subir un mariage forcé à l'extérieur du
pays, et un emprisonnement de trois
ans. Je pense que ces parents-là ont commis un acte criminel. Ils ont beau
avoir une bonne intention ou pas, les faits demeurent que c'est un mariage forcé qui a des répercussions
irréversibles, négatives sur les jeunes filles. Il est temps de
légiférer là-dessus, même si ça se passe à l'extérieur du pays. Et,
parallèlement, on peut s'inspirer sur ce qui est fait avec le tourisme sexuel.
Si des Québécois sortent du pays et commettent des actes criminels, je pense
que, quand ils reviennent au pays, les lois s'appliquent. Donc, à cet égard-là,
on peut s'inspirer sur cela.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Intéressant. À la page 14 aussi, vous parlez des mutilations sexuelles.
Vous recommandez de «poursuivre au criminel
toute personne qui a fait subir à une jeune fille, résidente du Canada,
des mutilations sexuelles, et cela,
même si [elles] ont été commises en dehors du pays». Actuellement, on ne peut pas agir si une mutilation sexuelle a été commise en
dehors du pays?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Sall.
Mme Sall
(Salimata) : Oui. C'est ça que nous constatons. Quand c'est commis en
dehors du pays, on n'a pas vraiment de levier, en tout cas, pour agir, même si
le Code criminel est contre... punit, sanctionne les mutilations sexuelles. Puis on a vu également
dernièrement, en 2014, c'est vraiment récent, la Société des obstétriciens et
gynécologues du Canada a
modifié son code de pratique pour laisser libre cours à la pratique de
l'infibulation. Donc, l'infibulation, ça se passe souvent après l'excision, qui est une ablation de certaines
parties de l'organe génital féminin. L'infibulation consiste à faire une suture sur les grandes lèvres, les
petites lèvres pour ne laisser évacuer que la menstruation et les urines.
Donc, c'est une manière de cadenasser, je pense, la femme à travers son
appareil génital.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Je
voudrais ajouter toutefois que je
pense que le Collège des médecins a
dit immédiatement qu'il était
hors de question que les médecins québécois acceptent de telles pratiques ou
des choses comme ça.
Mme Sall
(Salimata) : Effectivement, le Collège des médecins s'est opposé à ça
et a rejeté cette pratique-là. Cependant, nous avons entendu la Dre Margaret Burnett qui
disait qu'elle en a fait, et elle s'appuyait seulement sur le consentement, le désir de la femme qui veut
subir une infibulation.
Je
pense que, quand une femme se présente ici, au Canada, pour demander une telle
pratique, je pense que c'est une
opportunité, pour le professionnel de la santé, de la sensibiliser à laisser
tomber cette pratique-là et ne pas même la répandre chez sa fille ou
d'autres membres de sa famille concernée. Donc, il y a lieu de punir ces
pratiques nuisibles.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Merci, merci de ces quelques... Je vais vous laisser une minute après, Mme
Sirois, il me reste deux minutes. Alors,
merci de ces quelques commentaires qui vont peut-être nous permettre
d'améliorer la deuxième partie de la
loi. Parce que moi, je pense qu'on peut et qu'on doit améliorer rapidement la
deuxième partie de loi, à ceci... à une seule condition, je pense, si on veut vraiment travailler rapidement et
dans un esprit de collaboration comme on le désire, c'est que le
gouvernement retire la première partie, la réécrive en profondeur pour qu'elle
atteigne véritablement les objectifs que nous visons.
Ceci
dit, j'ai pris aussi avec... Je vais prendre avec... en considération la page
20, où on voit une photo de certains collègues
députés, où on nous dit : Attention, n'allez pas dans les salles où on
sépare les hommes et les femmes pour motifs religieux, vous entérinez, vous appuyez quelque chose qui ne devrait pas
se faire. Page 20 de votre mémoire, on connaît bien la photo. Si
vous avez quelque chose à ajouter, moi, j'aurais terminé.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Ouaknine, une minute.
Mme
Maltais :
On peut dire beaucoup de choses en une minute.
M.
Ouaknine (Léon) : L'esprit de cette loi est inquiétant, parce que, si
on veut une société... Tout le monde est d'accord pour une société sans violence, mais pas une société pacifiée
au point d'être anesthésiée. La démocratie, c'est le choc des idées. Victor Hugo disait que la guerre,
c'est la guerre des hommes; la paix, c'est la guerre des idées. C'est-à-dire
qu'il n'y a pas de démocratie qui soit
anesthésiée au point qu'il n'y ait pas de choc des idées. Donc, c'est quelque
chose qui est désagréable, mais ça prouve la
vitalité d'une nation. Et là cette loi va effectivement nous ramener au temps
de la grande noirceur, parce que les gens vont hésiter à parler.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. Ouaknine. Mme la députée de Montarville.
• (16 heures) •
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames, monsieur, merci. Merci d'être là, merci pour votre mémoire, il y a des choses très
intéressantes. Et vous arrivez avec des données, entre autres vous nous parlez des mariages forcés avec des chiffres, des
données pour l'Ontario : plus de 200 mariages forcés sur une très
courte période. C'est la première fois qu'on
a des chiffres. Parce qu'on a beaucoup de difficultés à avoir le profil précis
de ces atrocités auxquelles les
jeunes filles, les jeunes femmes sont forcées ici, au Canada, et même au
Québec, ce qui est une aberration. Donc, vous nous donnez des chiffres,
c'est un pas dans la bonne direction, c'est quelque chose qui existe,
contrairement à ce que d'autres sont venus, pas plus tard que la semaine
dernière, nous dire, assis où vous étiez assis, que ça n'existe pas, ça
n'existe pas au Québec.
Alors, ce que
j'aime dans votre mémoire, c'est que vous nous dites... c'est qu'il faut nommer
un chat un chat, et vous nous dites,
à la page 7, et je vais lire, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, une
brève citation puis je vous demanderai d'élaborer... Parce que je pense
que vous mettez le doigt sur le bobo, puis sur le bobo qu'on essaie tous de régler. On essaie tous de trouver une solution
aussi. La question à 100 000 $, c'est : Comment y arriver?
Alors, vous nous dites : «En réalité, les...» Ah! vous nous...
attendez un petit peu, je reviens... Ah oui! C'est à la page 11, mais je retournerai à la page 7 : «Cependant,
nous déplorons que le projet de loi 59 ne s'attaque pas à la source réelle
du problème, soit la présence de pratiques culturelles et de conceptions
religieuses fondamentalistes et sexistes qui discriminent les femmes et les
minorités sexuelles.»
On ne veut
pas dire le vrai mot, le gros mot, l'«islamisme radical». C'est banni, on ne
trouve ça en nulle part dans le projet de loi. Donc, vous mettez le
doigt dessus, je pense que la piste de travail devrait être là, ce qui n'est
pas le cas actuellement, dans la première portion du projet de loi n° 59.
C'est ce que nous déplorons également.
Je vous
ramène maintenant à la page 7, parce qu'on fait un lien avec ce que vous
déplorez. Vous nous dites : «En réalité,
les demandes d'accommodements — là, on parle ici des fameux accommodements
raisonnables, accommodements religieux — peuvent être les premières
manifestations d'intégrisme religieux et devraient être dorénavant traitées à
la lumière de ce qu'on connaît du phénomène de la radicalisation et du
renfermement sectaire.»
J'aimerais que vous élaboriez. Parce que je
dis : Enfin, on dit les vraies affaires, à offrir, offrir, offrir des accommodements, oups, il arrive un moment où on vient
de dépasser une ligne qu'il ne fallait pas dépasser. C'est ce que vous
nous dites ici. Expliquez.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Sirois.
Mme Sirois
(Michèle) : Je pense qu'il y
a des gens qui sont intégristes et qui testent la démocratie, ils testent
nos organismes, et qu'il y a beaucoup,
malheureusement, une certaine frilosité, pour ne pas dire un manque de courage
de gens qui ont un pouvoir dans des organismes, exemple directeur, directrice
d'école, pour dire : Non, protégez.
Parce que
moi, j'ai lu un texte qui m'a beaucoup touchée dans La Presse il y a à
peu près un mois et demi. La dame qui
travaille en préscolaire a mentionné... Le titre, c'était : Abandon de
fillettes. Moi, ça m'a beaucoup touchée, je suis grand-mère, j'ai deux enfants, et les
petits-enfants, pour moi, c'est sacré. Et cette loi devrait les protéger au
lieu de protéger des intégristes ou protéger des gens qu'on a amenés
à... on a permis de faire un repli identitaire sur leur propre groupe en disant : Bien, ils vont s'intégrer. On n'est
plus du tout dans la même situation... société qu'il y a dans les
années 50, 30, 40. Il y avait
des Italiens, des Irlandais qui sont arrivés dans les années 30, etc. Ils
s'intégraient au Québec. Maintenant, ils sont en contact régulièrement avec des gens, avec leurs réseaux sociaux, qui
sont souvent infiltrés aussi au niveau de l'intégrisme. Alors, ça, c'est
dangereux.
Mais le
résultat... Et moi, je demanderais à la ministre de vouloir... Là, elle ne
m'écoute pas, mais je lui demande quand
même... J'aimerais qu'elle écoute. Ce que j'aimerais — vous voyez, j'ai été professeur, hein? — j'aimerais... Parce que je veux
demander au gouvernement le courage politique de protéger réellement ces
enfants, ces enfants à qui on n'accorde pas
la même protection parce qu'on a peur d'un ressac, on a peur d'être accusé de
stigmatisation. Bien, il y a des
enfants, puis il y a des femmes, et des petites filles, et des jeunes femmes
qui souffrent actuellement, et qu'on attend... On a vu la pointe de l'iceberg avec la famille Shafia. Il n'en faut plus
d'autres, familles Shafia. Mais, pour ça, il ne faut pas attendre un
signalement à la Commission des droits de la personne ou la DPJ. Il faut voir
tout de suite à protéger en installant une atmosphère, un climat d'égalité
entre les hommes et les femmes. Les petites filles, là, qui ne peuvent pas
faire de culture physique ou aller à la piscine, il faut qu'on puisse leur
permettre. Pour ça, il faut dire non aux demandes intégristes.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Et, si je comprends, à la lecture du
mémoire, en ce qui a trait aux accommodements religieux, il faut dire
non aux accommodements qui sont sexistes?
Mme Sirois (Michèle) : Entre autres.
Mme Roy
(Montarville) : Lorsque l'accommodement est demandé parce
que la personne qui le demande ou le parent qui le demande pour
l'enfant... parce que l'enfant est une fille?
Mme Sirois (Michèle) : Pas juste
sexiste.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Sirois.
Mme Sirois (Michèle) : Pas seulement
ceux qui sont sexistes. Là, on a été scandalisés qu'on interdise à une petite fille d'entendre des comptines puis des
chansons dans la classe, mais ça m'aurait autant touchée si ça avait été
un petit garçon, parce que je pense que les
femmes et les petits garçons, les petites filles, là, méritent le même
traitement.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Oui. Si je comprends, si on va plus loin
dans votre mémoire, à la page 10, dans le fond, c'est qu'il y a une possibilité d'accommodement
pour des cas particuliers, mais, de grâce, nous devons inclure, et c'est
là que vous faites une recommandation,
quelque chose dans notre charte pour protéger
notre égalité hommes-femmes, pour protéger des discriminations.
Alors, je
fais référence, pour les gens qui nous écoutent, à la recommandation que vous
faites à la page 10. Vous recommandez
«de modifier la charte québécoise des droits et libertés de la personne pour
réaffirmer la dignité et l'égalité des
femmes avec les hommes : en modifiant l'article 9.1 pour
assurer la primauté du droit à l'égalité entre les femmes et les hommes [...] en y insérant la mention
suivante : "Dans l'appréciation de ce que constitue un accommodement
raisonnable pour des motifs religieux, il doit être tenu compte impérativement
du droit des femmes à la dignité et à l'égalité avec les hommes."»
Et vous
continuez en disant : «En renforçant l'article 50.1, lequel article
stipule que "les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux
hommes", en [affirmant] que les accommodements ne doivent pas aller
à l'encontre du droit à l'égalité et à la dignité des femmes.» Et là j'aimerais
vous entendre sur les recommandations que
vous ajoutez : «De n'accorder aucun accommodement qui ait pour effet de
remettre en question la mixité des lieux et des services publics [et] de
rappeler aux institutions québécoises que la ségrégation sexuelle est interdite
dans les institutions publiques.» Élaborez, je vous pris.
Le Président (M. Ouellette) :
Dernière minute. Mme Sirois, il vous reste une minute.
Mme Sirois (Michèle) : Dans les
piscines, on demande des horaires particuliers. Pour passer un examen de
conduite, la SAAQ, hein, permet qu'un juif hassidique demande qu'il n'y ait pas
une femme, la même chose pour les femmes qui demandent qu'il n'y ait pas
d'homme, et c'est la même chose dans les hôpitaux. Le ministre de la Santé actuel, M. Barrette, quand il était à la tête
de la Fédération des médecins
spécialistes, a dénoncé ça vertement en 2008, comme quoi ça déstabilisait les équipes de travail, que c'est dangereux
pour la santé du personnel et que c'est dangereux pour la santé des patientes et des patients. Donc,
ça a des conséquences, mais souvent on accorde un accommodement sans réaliser l'impact sur la société, mais l'impact
sur les individus également. On veut qu'on regarde ça, non pas qu'on
fasse passer les lois démocratiques au-dessus des lois religieuses, alors
qu'actuellement c'est l'inverse.
La
démocratie, c'est tout le monde qui est ici, et ça, c'est le fruit d'une société
qui s'est battue des dizaines d'années pour
que nos sociétés soient démocratiques. On ne veut pas reculer. Et, pour nous,
toute la partie I du projet de loi nous amène, nous rappelle le temps de la noirceur, même si la ministre n'est
pas d'accord, on n'est pas obligés d'être d'accord, mais c'est justement
ça qui est formidable avec le débat démocratique.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, madame. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, monsieur. C'est
intéressant quand vous nous rappelez, et
avec raison, que ce qui fait qu'on arrive à créer une réelle démocratie, c'est
quand on se donne les moyens d'avoir un esprit critique. C'est le meilleur outil que s'est donné un peuple, et,
dans ce sens-là, pour déconstruire les préjugés, pour s'assurer que les
règles de base qu'on s'est données, nous... bien, qu'on puisse le délibérer, le
débattre et s'assurer qu'on installe les bases nécessaires pour cette
démocratie-là.
Je ne peux
pas vous cacher que j'étais très surprise de voir à la page 20 de votre
mémoire qu'on entretient encore un préjugé
à l'égard de mon collègue, où on dit clairement, où on montre... — j'incite mes amis à regarder encore une
fois cette photo qui a largement circulé — où on dit : «Quand nos
élus se prêtent à ce jeu, implicitement, ils cautionnent ces pratiques sexistes
et discriminatoires», le jeu étant ce que Mme Sirois qualifie de
ségrégation, donc pas les hommes et les femmes assis du même bord.
Si, comme le
dit M. Ouaknine, la démocratie, l'ouverture d'esprit, les libertés
individuelles et les libertés collectives se reposent ou, en tout cas...
reposent plutôt sur le choc des idées, j'aimerais ça qu'à un moment donné vous arrêtiez
de promouvoir... Parce que mon collègue, à
plusieurs reprises, ne cesse de répéter que, justement, il faut aller
s'asseoir avec ces gens-là, et leur dire qu'on n'est pas d'accord, et leur dire
qu'il faut qu'il y ait des éléments qui changent, parce qu'au Québec — c'est
la beauté de notre Québec — c'est
l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est le refus de l'intégrisme qui
tue, c'est le refus, et, dans ce sens-là, je m'excuse, mais ça m'a choquée.
Ceci étant
dit, vous avez évoqué, comme ce matin certains l'ont fait, l'article 319 du Code criminel. Vous
suggérez donc qu'on trouve une façon de
pouvoir faire en sorte que les religions ne soient pas au-dessus des droits
fondamentaux reconnus à l'intérieur de nos
chartes. Dans ce sens-là, comment vous voyez... Puisque c'est du Code criminel,
comment vous voyez qu'on peut agir sur cet article-là?
• (16 h 10) •
Le Président (M. Ouellette) :
Il vous reste 20 secondes, Mme Sirois.
Mme Sirois
(Michèle) : O.K. Je savais que je n'aurais pas beaucoup de temps.
Mme Massé : C'est moi qui n'a pas de
temps.
Mme Sirois
(Michèle) : Moi, si vous
êtes choquée qu'on nomme M. Amir Khadir, toujours la même photo, c'est satisfaisant, parce que justement on veut
qu'on réfléchisse quelles sont les conséquences de nos actes. Et également est-ce que M. Khadir et d'autres
personnes qui vont visiter des mosquées fondamentalistes, comme il y a à
Brossard... est-ce qu'on aurait accepté s'il
y avait eu une ségrégation raciale, les Noirs d'un bord, les Blancs de
l'autre? Là, on n'aurait pas accepté. Mais,
pour les femmes, il semble qu'on est capable de faire passer par-dessus les
injustices et la différenciation. Alors, nous, nous n'acceptons pas ça du tout,
aucune ségrégation sexuelle.
Le
Président (M. Ouellette) :
Ça va vite, trois minutes. Ça va vite, Mme Sirois, trois minutes. Merci, Mme
Michèle Sirois, M. Léon Ouaknine, Mme Salimata Sall, représentant les
droits des femmes du Québec.
J'inviterais
maintenant l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité à
prendre place. Je suspends quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 12)
(Reprise à 16 h 14)
Le Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité. Je
vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous avez la parole
pour une période de 10 minutes. Vous
venez de voir qu'on est concentrés sur le 10 minutes, ça fait qu'à vous la
parole.
Association québécoise
des Nord-Africains
pour la laïcité (AQNAL)
M. Chikhi (Ferid) : Merci, M. le
Président. Mme la ministre, MM, Mmes les députés, bonjour. AQNAL est
l'Association québécoise pour les Nord-Africains pour la laïcité. Nous
représentons plusieurs tendances politiques, plusieurs
groupes, puisque nous avons aussi bien des gens qui viennent d'Égypte, de
Tunisie, d'Algérie, du Maroc et puis des personnes qui ont vécu en
Europe et qui nous ont rejoints depuis la création.
Alors, notre
contribution au débat porte sur l'imprécision de la notion du discours haineux
ou incitant à la violence et les attributions de la Commission des
droits de la personne.
(Interruption)
M. Chikhi
(Ferid) : Excusez-moi une
seconde. La technologie, des fois, fait défaut. Bon, on n'avait pas
prévu ça.
Alors, les
discours haineux et incitant à la violence sont des facteurs de désordre
social, tout le monde le sait, et nous comprenons l'importance d'une
action gouvernementale pour les combattre. Une action ferme est nécessaire face
aux évènements nationaux et internationaux survenus depuis au moins un
an : la montée fulgurante du groupe terroriste qualifié par les médias et les politiques occidentaux d'État islamique,
la divulgation très facile de ce genre de discours sur le cyberespace mais également par des prédicateurs
islamiques qui prônent le djihad armé ici même, dans des écoles, des
mosquées, des centres communautaires du Québec et des espaces apprenants
mobiles.
En tant que
Québécois d'origine nord-africaine, nous nous inquiétons particulièrement de la
censure que cette loi pourrait amener
contre toute critique de l'islam et principalement son succédané, l'islamisme.
Cette crainte est motivée par le fait
que seule la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
est habilitée à juger de ce qu'est un discours
haineux. Alors, nous nous demandons si la liberté d'expression de bien des
Québécois de culture musulmane qui oeuvrent
à éradiquer la violence de l'islamisme est menacée. Si c'est le cas, nous
considérons cela comme un risque à ne pas prendre, sachant que toute critique du Coran est perçue comme un
discours haineux par les islamistes mais pas par les musulmans. La
radicalisation dont il est question dans le plan d'action ministériel déposé le
même jour que le projet de loi n° 59 et
celle liée à l'islam politique ou islamisme, bien que très minoritaire, cette
idéologie provoque des dégâts incommensurables au sein même des groupes
de musulmans.
Les droits de
l'homme contemporain et les développements qu'a connus le monde depuis plus de
10 siècles... Nous savons, pour
l'avoir subie, que la meilleure, sinon la seule façon de combattre cette
idéologie est de soutenir les musulmans laïques dans la réalisation d'une réforme de l'intérieur à partir de
leur espace culturel et/ou cultuel et de les encourager à remettre en question ces versets violents qui sont
cités à tout bout de champ par les islamistes. Nous alertons l'opinion publique que la partie I de ce projet de loi
vulnérabilise la grande majorité des musulmans face aux islamistes qui
usent, de nos jours, de tous les instruments
que la démocratie met au service du citoyen. Si, de façon globale, toute critique du Coran ou de l'islam est
qualifiée de discours haineux par les islamistes, c'est encore plus grave
lorsqu'une telle critique est prononcée par un musulman, c'est encore... qui,
en général, est condamné à mort pour apostat par des imams incultes et
radicaux.
Les membres
d'AQNAL ont été particulièrement interpellés par le fait que l'édifice
législatif fera l'objet de fissures profondes
qui ébranleront l'équilibre consensuel que tant de Québécois ont bâti depuis
quatre siècles et qui a fait que les milliers d'immigrants ont choisi de venir
s'installer dans ce pays. Alors, dans la problématique que nous avons
proposée, nous avons retenu trois hypothèses
et, compte tenu du temps imparti, nous vous présentons la troisième, qui, selon
notre analyse, est aussi pertinente que les deux autres.
Lorsqu'il est
question de discours offensant pour les musulmans, il importe de savoir de quels
musulmans il s'agit. L'offense n'est-elle pas celle qui est utilisée
contre les fidèles de l'islam pour les regrouper en communauté, pour les stigmatiser par la suite et les en exclure, les
faisant passer pour de faux musulmans? N'est-ce pas insulter les
Québécois au nom de la religion musulmane?
Ne serait-il pas donc raciste et xénophobe, n'est-ce pas, de faire des demandes
incessantes d'accommodement soi-disant raisonnable au nom d'un certain islam?
Ce que nous
déplorons aussi, c'est que nous trouvons navrant que cette volonté de vouloir
faire passer les pratiques patriarcales les plus rétrogrades et bien
d'autres interdits qui n'ont rien à faire au Québec, en particulier à l'égard
des femmes, des gais, des lesbiennes, des
athées, des non-croyants, comme étant des exigences du Coran qu'il faut à tout
prix respecter? C'est entre autres pour cela
que nous ne pouvons pas aller dans le même sens que le gouvernement du Québec dans l'érection en
droit fondamental d'une notion non définie.
Beaucoup
de nos concitoyens appartenant au même espace culturel que le nôtre et totalement
intégrés à celui du Québec exercent une veille de primauté citoyenne en
inculquant les fondements de la citoyenneté et la critique objective et rationnelle
à leurs enfants pour se protéger contre les différents discours religieux et
sectaires qui leur sont imposés et qui les
menacent dans leur intégrité morale et physique. À notre avis, c'est injuste de
leur enlever ce moyen intellectuel éducatif
et surtout pédagogique qu'ils ont suffisamment expérimenté avec efficacité dans
leur pays d'origine, et, bien au contraire, nous pensons qu'il est
judicieux de le protéger en protégeant la liberté d'expression et de
conscience.
Que le gouvernement actuel porte les idées de la
laïcité ouverte, personne n'en disconvient. Qu'une volonté d'inclusion pour
conforter une cohésion sociale déjà fortement ébranlée par des considérations
pseudoreligieuses soit exprimée, là aussi,
personne n'en disconvient. Cependant, la vraie question que nous devons tous
nous poser, c'est de savoir comment, par ces projets de loi, et ce,
malgré un dénigrement direct et public de la part de certains individus s'exprimant au nom de quelques extrémistes...
s'arrogent le droit de le faire au nom de toutes les personnes de
confession musulmane, comment le gouvernement compte-t-il incarner et mettre en oeuvre ses politiques
laïques sachant que ses accommodements religieux consentis sont loin
d'être consensuels?
Pour
alimenter la discussion, nous attirons l'attention de toutes et de tous qu'il
existe alors au préalable... pardon, qu'il
existe... excusez-moi. Il faut savoir s'approprier le fait qu'il existe, entre autres, deux tendances chez nos concitoyens face à l'islamisme et au terrorisme. Les premiers prennent leurs responsabilités, s'interrogent et agissent face aux raisons qui font que l'islam puisse être utilisé à de telles
fins. Les seconds se contentent de rejeter la faute sur les autres,
adoptant une politique de l'autruche, stérile, qui ne peut en aucun cas aider à
nous faire sortir de cette situation dramatique face à l'islamisme.
Avant de
passer la parole à M. Kaidi, j'aimerais ajouter ce qui suit : Dans son
plan de lutte contre la radicalisation, le gouvernement a décidé de
s'entourer de représentants autoproclamés de la communauté musulmane issue de
cette catégorie qui a choisi une position victimaire. Nous nous
demandons pourquoi a-t-il ignoré la seconde et les autres, parce
qu'il y en a plusieurs, qui pourtant font partie intégrante de la société
civile québécoise et de la majorité silencieuse des musulmans et qui sont de
véritables agents de stabilisation. Merci.
• (16 h 20) •
Le Président (M. Ouellette) :
M. Kaidi, je vous rappelle qu'il vous reste deux petites minutes.
M. Chikhi (Ferid) : Deux minutes?
J'ai été à ce point lent?
Le Président (M. Ouellette) :
Oui, vous avez parlé huit minutes, mon cher M. Chikhi.
M. Kaidi (Ali) : Donc, je vais y
aller carrément à la conclusion. Cela fait plus de 50 ans que des
immigrants musulmans vivent au Québec en
parfaite intégration sans se plaindre des lois existantes, et nous ne sommes ni
muets ni illettrés. Pourquoi aujourd'hui les lois du Québec, qui n'ont
pas changé, poseraient problème? Nos aînés seraient-ils moins pieux que ces nouvelles
générations?
Les citoyens
du Québec observent et cherchent à comprendre le comportement social de ces
islamistes et leurs groupes
d'appartenance victimaires qui refusent de s'intégrer et rejettent même
l'inclusion. Quelques musulmans faisant partie de la grande majorité silencieuse s'expriment et se
désolidarisent de ces groupes qui pratiquent le communautarisme. Cette
majorité reste silencieuse parce que bien intégrée, productive et surtout
acceptant les lois portant, entre autres, l'égalité
des droits entre les femmes et les hommes, la séparation de l'État et de la
religion, le respect d'autrui selon des valeurs acceptées et partagées par tous. Personne ne peut occulter le
fait que ce sont ces mêmes islamistes clamant leur victimisation et dénonçant leur exclusion qui ont
généré et provoqué des ruptures entre des musulmans et des Québécois. Dénoncer ces usurpateurs est de la responsabilité
de cette majorité silencieuse pour peu qu'elle soit entendue, écoutée et
non bâillonnée par certains médias.
Ce qui nous
semble encore plus fâcheux, ce sont tous ces élus, ces membres du gouvernement
qui alimentent ce rejet en recevant
en grande pompe les pseudoleaders de ces groupes qui se présentent non pas en
tant que citoyens, mais comme représentants des communautés musulmanes,
donc religieux.
Nous voulons être des citoyens de ce pays et non
pas de simples croyants. Les membres affiliés d'AQNAL, ses sympathisants ainsi qu'un grand nombre de Québécois d'origine
nord-africaine sont aussi indignés par les gestes posés par des membres du gouvernement, des députés et
des candidats aux différentes élections qui se rendent dans les mosquées
pour s'attirer les bonnes grâces des islamistes.
En
Algérie, nous avons été sommés de voter pour le parti de Dieu, ici pour le vote
Inchallah. Aucun imam digne de cette profession n'accepterait de telles
visites sachant, d'une part, que l'objectif essentiel est de glaner quelques bulletins de vote et, d'autre part, que
l'essentiel de la foi n'est pas dans les mosquées mais dans le coeur de chaque
fidèle qui oeuvre pour le bien-être et la paix de tous. Et merci.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, M. Kaidi. Je m'excuse de vous
avoir pressé un peu. On va débuter la période des échanges avec Mme la
ministre.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour, messieurs, bienvenue à la commission. J'aimerais
vous entendre, parce que, dans la première
page... en fait, à la page 5 de votre mémoire, vous nous dites ce qui
suit : «Les discours haineux et
les discours incitant à la violence sont des facteurs de désordre social [...]
nous comprenons l'importance d'une action gouvernementale pour les
combattre. Une action ferme est nécessaire», et là vous parlez face aux événements
nationaux, et tout ça.
Nous avons
proposé une action, qui est critiquée. J'aimerais vous entendre. Quelle serait,
selon vous, la mesure législative...
Parce que, on comprend, il y a toute la question de l'éducation, de la
prévention qui est nécessaire et qui fait partie de la loi. Notamment, on a des dispositions qui accordent aussi à
la Commission des droits de la personne certains pouvoirs additionnels. Mais est-ce qu'il y aurait, à votre avis,
d'autres façons de combattre de tels discours haineux, de tels discours incitant à la violence, qui pourraient
peut-être bonifier nos échanges et nos réflexions en commission parlementaire?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Chikhi.
M. Chikhi (Ferid) : Mme la ministre,
je vous entends très bien. Vous savez, au lendemain des travaux de la
commission Bouchard, tout un travail a été fait et élaboré, à partir duquel
beaucoup de choses devaient se faire. Ça n'a
pas été fait. Au lendemain du projet de charte des valeurs, donc le projet de
loi n° 60, beaucoup de propositions ont été faites, et c'est tombé
à l'eau.
Aujourd'hui,
nous sommes dans un autre contexte, un contexte où l'islam politique n'est plus
un islam BCBG, comme on le voit ici,
au Québec. C'est un islam violent, c'est transnational. Et je ne pense pas qu'à
partir d'un projet de loi ou d'une
loi qui lutterait... qui mettrait des balises pour limiter le discours haineux
ou incitant à la violence on pourrait s'en sortir. Il faudrait aller beaucoup plus loin et examiner les fondements,
les causes, les véritables causes qui font qu'aujourd'hui au Québec on
en arrive à parler de discours haineux et de désigner des personnes qui ont
lutté contre l'islam politique, qui ont vécu
des moments difficiles dans leur pays, qui sont venues ici pour vivre la
liberté, vivre en paix et vivre selon leur conscience. S'ils ont envie
de pratiquer l'islam, ou le judaïsme, ou le catholicisme, c'est leur problème,
mais ce n'est pas le cas.
Il nous semble que la démarche est biaisée,
parce qu'on part de certaines informations, de certains travaux récents, alors que cela date déjà depuis plus de
10 ans. L'islam politique a infiltré le Québec depuis plus de 10 ans,
pour ne pas dire le Canada. Nous le savons
en tant qu'Algériens, puisque les premiers terroristes qui ont fui l'Algérie
sont venus se réfugier au Canada et
au Québec. Vous pensez qu'ils sont venus pour juste oublier ce qu'ils ont fait
au pays? Ils sont venus pour continuer leur travail, leur militantisme.
Alors, à mon
avis, ça serait bien d'abord de s'asseoir avec toutes les personnes intéressées
par la problématique et, à ce moment-là, trouver un autre cheminement
que celui qui, bien, proposerait simplement un projet de loi limitant la violence verbale. Parce que le tout n'est pas dans
les mosquées, n'est pas dans les groupes ou les communautés islamistes, parce que je considère qu'il n'y a pas de
communauté musulmane, on est citoyen musulman au Québec, ça serait bien
de s'asseoir avec ceux qui ont vécu ces problèmes dans leur pays et qui sont
venus pour vivre en paix ici.
Donc, c'est refaire un petit peu le travail de préparation,
chercher les causes et par la suite parler des effets.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
• (16 h 30) •
Mme Vallée : Mais, monsieur,
il y a plus qu'un groupe particulier qui est touché par les discours haineux et
les discours incitant à la violence. On
parlait tout à l'heure avec un autre groupe des discours qui incitent à la
violence à l'égard des femmes, notamment,
qui sont portés non seulement par... qui sont portés par des gens de toutes
confessions, parfois pour différents motifs, par des groupes politiques
parfois, même.
Et donc est-ce qu'il n'est pas opportun
d'encadrer ce discours-là ou de s'outiller pour prévenir plutôt que simplement
punir? Parce que les dispositions du Code criminel sont présentes et permettent
de punir une fois le fait accompli, après,
évidemment, le processus, une fois que l'intention et l'actus reus auront été
démontrés hors de tout doute raisonnable.
Est-ce qu'il n'est pas utile, dans une société libre et démocratique,
justement, d'encadrer et de prévenir la tenue de tels discours qui incitent à la violence, des discours haineux?
Lorsqu'on parle de discours haineux,
je fais référence et je continue de faire référence à la définition que
la Cour suprême nous enseigne, donc pas la... Je ne me réfère pas à des
interprétations qui ont pu être données au cours du dernier mois en commission
parlementaire, on parle d'un discours très
précis, on s'entend. Est-ce qu'il n'y
a pas lieu, dans un contexte où on a
des groupes qui font l'objet de discours de nature... haineux ou de discours qui incitent à la violence, d'encadrer
et de s'outiller pour permettre de prévenir, d'intervenir en amont, avant même, par exemple, la diffusion ou pour mettre un terme à la diffusion de propos haineux
incitant à la violence qui pourraient se retrouver dans la sphère
publique?
M. Chikhi (Ferid) : Mme la ministre...
Le Président (M.
Ouellette) : M. Chikhi.
M. Chikhi (Ferid) : M. le Président,
MM., Mmes les députés, vous savez que, depuis l'annonce de ce projet de loi n° 59, nous, les musulmans, qui
n'affichons pas notre religion, nous sommes victimes de discours haineux de
la part des islamistes. Pourquoi? Parce
qu'ils ont été reçus les premiers à bras ouverts par le gouvernement. Depuis ce
moment-là, ils disent : Nous avons la
victoire, nous avons gagné, nous allons continuer comme ça parce que le projet
de loi va nous protéger contre ces laïques, sous-entendu ces athées.
Alors, oui,
on est d'accord pour qu'il y ait des balises, on le dit, on le dit depuis la
commission Bouchard. On dit : Il
faut des balises pour empêcher le discours haineux, mais il ne faudrait pas
aussi que ce soit contre la liberté d'expression. C'est parce qu'il y a eu la liberté d'expression
que ces gens-là se sont autorisés à s'exprimer et qu'ils ont été violents
envers nous en particulier, envers nos
femmes, envers nos enfants dans les écoles, sous prétexte que c'est religieux,
que c'est coranique, que c'est la
charia qui le demande, alors que ce n'est pas vrai, ce n'est pas le cas. Alors,
oui, il faut des échanges, oui, il
faut nous rencontrer, il faudrait parler avec tout le monde, toutes les parties
prenantes, que ce soient des Juifs, des chrétiens, des musulmans, des athées, des lesbiennes, des gais, il n'y a
pas de problème, bien, à ce moment-là, on peut trouver le fil
conducteur, parce qu'on aura déterminé les véritables causes.
Je vous ai entendu tout à l'heure, quand vous
disiez : Oui, les gens qui viennent au Québec pour parler en conférence et tout ce qui s'ensuit, prêcher,
prêcher le discours haineux, mais c'est vrai que ça relève de la sécurité
publique. Nous avons dénoncé ces gens-là. On
n'a pas découvert, au Québec, qui étaient ces gens-là avant de les avoir
invités. Par contre, les gens qui les
ont invités savaient qui ils invitaient. Ils savaient que ces gens-là
allaient... ne serait-ce que, même s'ils
n'avaient pas été acceptés pour rentrer au Canada, on allait parler d'eux.
C'est cette propagande contre eux qui fait que c'est soi-disant contre
tous les musulmans. Non, ce n'est pas vrai, ce n'est pas contre tous les
musulmans. Il y a 1 500 fidèles qui vont dans les mosquées, si on
considère une centaine de personnes dans une mosquée, j'ai entendu quelqu'un dire qu'il y avait 140 mosquées au
Québec, ça fait 1 500 personnes, mais il y a
300 000 musulmans au Québec, si ce n'est pas plus. Ce n'est
pas tous qui prêchent ou qui prônent la malveillance ou le discours haineux.
Peut-être que M. Kaidi a quelque chose à dire aussi.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Kaidi.
M. Kaidi (Ali) : Je peux enchaîner par rapport à ça, par rapport à la définition de discours haineux. Pourquoi, chaque fois qu'on intervient, on le lie avec
l'islamisme, ou bien l'islam politique, ou bien le... ça, il me semble, le
contexte dans lequel le projet de loi ou bien le plan d'action du gouvernement... était de lutte contre la radicalisation. Et
l'actualité, à cette époque récente, c'était le radicalisme religieux à
connotation islamiste.
Donc, comment
on répond à cette radicalisation? Il me semble, le projet de loi, c'est un palier ou bien un élément de réponse. Nous, en tant qu'association des Nord-Africains, sachons bien
ce que c'est, la radicalisation islamiste, nous voyons que ce projet
de loi encourage la radicalisation
plus qu'il ne la diminue. De quelle façon? Parce que, nous, de
l'intérieur de cet espace culturel qu'on
partage avec des islamistes, il y a des gens qui critiquent la religion, il y a
des gens qui essaient d'éduquer leurs
enfants d'une façon de ne pas tomber dans le radicalisme, et, si vous nous
enlevez ce moyen critique, cet esprit
critique vis-à-vis du dogme, vis-à-vis des discriminations
établies et des traditions établies, comment voulez-vous qu'on lutte, nous qui sommes tout près de la
radicalisation? Comment pouvez-vous qu'on lutte dorénavant si vous nous
interdisez de critiquer la radicalisation qui est tout proche de nous?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Ce projet
de loi là n'empêche d'aucune façon de
critiquer une religion, n'empêche d'aucune façon de critiquer un groupe, et c'est là, je sens,
l'incompréhension qu'il y a. Parce
que, d'une part... Il y a
deux trucs que vous avez mentionnés. Bon, vous pensez et votre
interprétation est à l'effet que le projet de loi empêche justement de critiquer
la tenue d'un discours qui est haineux, par exemple, ou la tenue d'un discours qui est violent, ce qui n'est pas le cas.
Au contraire, c'est d'encadrer et de baliser les discours violents, pas de
baliser la critique d'une religion, pas de baliser la critique d'une idée, pas de baliser... C'est vraiment : on balise ce qui est haineux, ce qui se veut une incitation à la
violence. Ce n'est pas du tout la même
chose. Et on s'inspire de concepts qui ont été définis, notamment dans
l'affaire Whatcott, où il était question,
et je l'ai mentionné ce matin, d'un individu qui, de par sa foi religieuse, qui
était tout autre, prêchait contre les homosexuels et le faisait à
travers des pamphlets qu'il distribuait. Et une plainte a été logée, puisque le
contenu des pamphlets était considéré comme constituant un discours haineux.
Certains
éléments ont été mis de côté. On a dit : Non, il ne s'agit pas de discours
haineux, il s'agit d'une opinion qui est
désagréable, qui est peut-être discriminatoire, mais qui ne constitue pas un
discours haineux. Et là on a défini ce qu'était le discours haineux et
on a dit que, dans une société libre et démocratique, certes, il y a la liberté
d'expression qui est un droit fondamental, mais cette liberté d'expression là, elle ne peut être utilisée pour
tenir des propos qui vont pousser vers la haine de l'autre, vers la
détestation profonde.
Alors, c'est
ça qu'on tente d'encadrer à l'intérieur du projet de loi, et également
on tente d'encadrer le discours qui incite à la violence. «Discours
incitant à la violence», on le comprend, c'est plus simple comme concept, parce
que la violence, on sait très bien, c'est beaucoup
plus concret qu'un discours haineux. Mais, par contre, on le voit dans
Whatcott et on le voit dans d'autres
jurisprudences, la critique, notamment la critique d'une religion, ça ne
constitue pas un discours haineux. La
critique d'une idée ou la critique d'une pensée politique aussi. On a beau...
On peut ne pas être d'accord, mais ça
ne constitue pas du tout du discours... et même, à la limite, il y a des propos
qui vont être blessants, mais ce n'est pas parce qu'un
propos est blessant qu'il est nécessairement haineux. Donc, évidemment... Et,
lorsque je vous entends dire : Bien, nous, on craint que, si on doit... si
certains membres de notre communauté critiquent l'islam, on craint être visés
par le projet de loi, l'objectif n'est pas de viser une critique d'une
religion.
Et par ailleurs
simplement vous mentionner que, dans le cadre des consultations, il y a
énormément de gens qui ont demandé à être entendus. Certaines personnes
n'étaient pas disponibles aux dates qui ont été... Mais sachez que l'ordre des
consultations a été établi en fonction des disponibilités de tous et chacun. Et
c'est la commission qui l'a déterminé, là, ce n'est pas le gouvernement qui a
accordé à certains préséance versus d'autres groupes. Au contraire, je pense
que la secrétaire de la commission est allée en fonction des disponibilités de
tout le monde, et certaines personnes étaient disponibles à ce temps-ci et
d'autres étaient disponibles au mois d'août. Mais, bon, bref, ceci étant, tous
ont droit d'être entendus, même si les opinions ne sont pas partagées. Et ce
n'est pas parce que quelqu'un vient tenir un discours qu'on partage nécessairement
le discours. Alors, là-dessus aussi, c'est important de le mentionner. Il y a
des gens qui ont donné une interprétation au projet de loi qui n'est pas du
tout la portée de ce que nous souhaitons faire.
• (16 h 40) •
Le Président (M.
Ouellette) : M. Chikhi.
M. Chikhi
(Ferid) : Oui. Vous savez, s'il y a une incompréhension de notre part,
comme de la part de beaucoup de groupes, c'est que quelque chose manque dans
cette équation de la définition du discours haineux. C'est quoi? Se référer tout
le temps au jugement de la Cour suprême, on veut bien, nous sommes respectueux
des lois, bien entendu, mais la cause,
encore une fois, je dis, n'est pas la même. Vous avez trouvé... La Cour
suprême, après enquête, a trouvé des
pamphlets, un discours haineux envers, donc, des personnes bien déterminées.
Aujourd'hui, on a le cyberespace. Qu'est-ce
que vous pouvez faire quand le discours haineux est sur Internet? Actuellement,
en ce moment, nous sommes dénoncés
comme étant des athées, des gens qui ne croient pas en Dieu. Qu'est-ce que vous
allez faire contre ça quand la loi sera
adoptée? Est-ce qu'on a pris en considération cet aspect? Je ne pense pas,
parce qu'on ne le voit pas dans le projet de loi, même dans l'exposé de présentation. Et c'est pour ça que nous
disons : Ça serait mieux qu'au préalable tout ce schéma de lutte contre la radicalisation, de prévention
contre les intégrismes... ça prendrait effectivement une autre
conférence, peut-être, qui réunirait tout le
monde, y compris ceux qui sont partisans du discours haineux, y compris les
islamistes.
On
est au Québec, on est au Canada, on est prêts à les écouter, à les confronter
sur le plan des idées. Mais, de là à sortir
avec une condamnation à mort, non pas ici mais en Algérie, ça, on dit :
Attendez, il y a un problème qui se pose. Parce que nous, nous sommes ici, mais nos familles sont en Afrique du Nord. Le
discours haineux, il est là. Tu fais quelque chose au Québec, au Canada,
aujourd'hui on le dit en France et ailleurs, tu as ta famille là-bas, qu'est-ce
que vous pouvez faire contre ça?
C'est
pour ça qu'on dit, bon : Écoutez-nous, n'écoutez pas seulement ceux qui se
prétendent être représentants des musulmans. Et puis je suis sunnite, je
ne suis pas chiite, ma perception de l'islam et de la société n'est pas la même
que celui qui vient d'Iran ou de celui qui
vient de Syrie. Et, si on va dans la jurisprudence, on parle de charia, donc
de la loi coranique, les applications ne
sont pas les mêmes, même en Algérie, au Maroc, en Tunisie, et pourtant on est
du même rite, on est tous malékites à
80 %, 90 %. Ce qui se passe dans les régions de Kabylie ne se passe
pas dans les régions des Aurès ou sur les hauts plateaux ou dans le Sud.
Ce n'est pas la même chose. Alors, on dit : Un peu d'attention, un peu de
considération à la limite, ça serait le bienvenu pour la société québécoise et
canadienne en général.
Le Président (M.
Ouellette) : Pour vos derniers commentaires, Mme la ministre.
Mme Vallée :
En fait, simplement vous remercier de votre présentation en commission
parlementaire. Et l'objectif de la
commission est justement d'écouter et de considérer ceux et celles qui ont
regardé le projet de loi et qui ont à formuler
des observations. Alors, quant à ça, bien, vous avez tout à fait joué votre
rôle, et vous êtes venus nous porter votre message, et, pour ça, je vous
en remercie.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : ...M. le Président, je veux remercier
l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité pour le courage qu'ils manifestent en venant ici
aujourd'hui. Vous savez, on a entendu des juristes, on a entendu des
groupes organisés, on a entendu toutes
sortes de gens, mais je pense que vous êtes le témoignage le plus touchant,
parce que vous nous parlez de vos familles, vous parlez de comment on
vit avec la radicalisation.
L'objectif premier de
cette loi, c'était d'être à l'intérieur d'un plan de lutte à la radicalisation,
puis vous venez nous dire, et je cite :
«Le projet de loi encourage la radicalisation.» Et ce sont des Nord-Africains
musulmans qui viennent nous dire ça. Je pense que ce doit être entendu
dans tout le Québec.
Puis
il y a une autre phrase que je... un autre commentaire que je voulais vous dire
avant qu'on fasse un échange. Quand il y a des actes terroristes, quand
il y a des projets de loi comme ça, quand on se penche sur la radicalisation, il y a des gens qui disent : Mais ils sont
où, les leaders musulmans, pour dénoncer? Bien, ils sont ici aujourd'hui. Ils
sont ici aujourd'hui malgré, parfois, ce que
vous nommez le danger pour les
familles, malgré tout, et je veux vous en remercier. Nous sommes... Moi, vous voyez, je pense, ça se
sent, on me connaît, je peux être facilement... je peux être très froide
dans ma vie parlementaire, mais je suis émotive quand je suis véritablement
touchée. Aujourd'hui, je le suis. Je veux vous remercier d'être là avec nous aujourd'hui.
J'aimerais ça que vous explicitiez un
peu mieux comment ça peut être un outil, pour les islamistes, pour
lutter contre les critiques de la
radicalisation dans votre quotidien. Vous avez de la pression des islamistes
dans le quotidien, dans votre environnement? Allez.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Chikhi ou M. Kaidi.
M. Chikhi
(Ferid) : ...la pression des islamistes sur...
M. Kaidi
(Ali) : Oui, en tant que citoyens qui connaissent bien ce
phénomène-là, on le voit. On le voit, on le perçoit,
et il y a des signes, entre parenthèses, ostentatoires de
cet islamisme. Plus : ils se répercutent aussi sur nos enfants. Sur nos enfants, à l'école, dans les lieux
publics, on ressent ça comme... pas comme une menace directe, mais comme
un contrôle, un regard. C'est un contrôle
social, un regard, quelqu'un qui parle sûr de... qui commente nos
comportements, et ainsi de suite. Ce
contrôle-là social, il existe, on le ressent. Nous, par rapport à notre expérience, on l'identifie, on sait ce que c'est. On
sait ce que c'est, on sait son origine, on sait quelle est l'idéologie qui est
derrière. Donc, ça, on le voit quotidiennement surtout, par exemple, à l'école,
on voit ces choses-là.
Par exemple, ma fille, elle est restée pendant presque une semaine sans manger la
mesure alimentaire, juste parce qu'il y a des enfants, des enfants qui appartiennent à
la même communauté, entre parenthèses, qui lui disent que «tu
es en principe musulmane, tu ne dois pas
manger, là, par exemple, la gélatine» ou des choses qui ne sont pas,
entre parenthèses, halal. Donc, elle
est restée presque une semaine sans manger. Pourquoi elle subissait ce
contrôle? C'est un contrôle social, ce n'est pas une menace, mais c'est
des intimidations. Il a fallu qu'on intervienne auprès de l'école pour que ce problème
soit réglé. Par la suite, ma fille, depuis, elle n'a pas accepté de prendre la
mesure alimentaire, juste pour ne pas entendre les commentaires, pour ne
pas être stigmatisée à l'école, mise à l'écart. Donc, ça, c'est un petit
exemple qui concerne l'école.
Aussi,
nous, en tant qu'adultes, oui, on sent ce contrôle, surtout nous qu'on a vécu
plus de 30 ans dans un contexte culturel bien déterminé, on a
rapporté le même contexte, on s'est retrouvés dans le même contexte, ça veut
dire : le Québec ne nous a pas donné l'occasion de sortir de notre
contexte d'origine, il nous a mis dans un contexte qui ressemble au
contexte d'origine. Donc, ce qui fait qu'on est obligés de reproduire le même
comportement, on reproduit le même comportement.
D'ailleurs, on peut
expliquer même, par rapport au...
M. Chikhi
(Ferid) : Au mariage forcé.
M. Kaidi (Ali) : ...au mariage forcé, lorsque... On dit que le mariage forcé concerne à peu près
les immigrants. Pourquoi? Parce qu'on leur propose le même contexte que
leur contexte d'origine. Lui, il s'est immigré en tant qu'individu avec sa femme, ou bien en tant qu'individu, il s'est
retrouvé dans un contexte communautaire. Il a laissé sa communauté d'origine pour se retrouver dans une
communauté d'emprunt, mais avec les mêmes contrôles, avec le même code, ce qui fait qu'il va reproduire... Si, par exemple, il tolérait les mariages forcés à l'origine, il va les tolérer aussi
ici, parce que le même regard, le même contrôle le pousse à reproduire le même
comportement.
Et,
par rapport à ça, par
exemple, la sélection pour venir ici.
On demande : Est-ce que vous avez, par exemple, une personne
d'accueil, ici, qui a un lien de parenté avec vous? Donc, c'est des liens
primordiaux, donc un lien de parenté. On n'accepte pas quelqu'un qui
n'appartient pas à notre communauté, on n'accepte pas quelqu'un qui
n'appartient pas à notre famille. On accepte
seulement celui qui a des liens de parenté avec nous pour, par exemple, qu'on soit accueilli par cette
personne, et ça va additionner nos points pour la sélection au Canada.
Donc, ce que je trouve, c'est un encouragement pour rester dans la communauté, parce que
c'est la communauté qui nous a accueillis. Donc, on reste dans la
communauté, on sera redevable à cette communauté, on ne sortira jamais des
chaînes de cette communauté.
Mme
Maltais :
Si vous permettez...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
• (16 h 50) •
Mme
Maltais : ... — merci — le
mot clé, que me disait mon collègue
de Bourget, qui a vécu aussi la transposition dans un autre pays — on l'a accueilli avec bonheur ici et même à nos côtés — le mot clé, c'est le «contrôle», c'est ce
que lui me disait, là, dans votre discours.
Ça, on l'a déjà dit : Nous, on est contre le multiculturalisme. On croit à
l'interculturalisme, parce qu'il ne faut surtout pas n'être qu'un
assemblage de communautés, il faut être tous ensemble, tout ensemble, des
Québécois.
Et là-dessus vous
êtes pour la laïcité. Des signaux, est-ce que vous auriez besoin de signaux
forts comme, mettons, le fait que la laïcité
soit incluse dans la charte? La séparation entre l'Église et l'État, fortement, est-ce que, pour vous, ça pourrait envoyer des signaux? Ou quel
type de signaux autres que cette loi que vous décriez, vous aussi,
pourrait être envoyé pour essayer de briser ce cercle que j'appellerais le
cercle du contrôle de la communauté?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Kaidi.
M. Chikhi
(Ferid) : Vous savez...
Le Président (M. Ouellette) :
Ou M. Chikhi.
M.
Chikhi (Ferid) : ...oui, un
signal fort serait effectivement la laïcité, mais une laïcité, bien entendu, qui ne fait pas de
compromis. Nous avons lutté dans nos pays d'origine pour la laïcité,
justement contre l'islam politique. Alors, quand
on débarque au Québec,
au Canada, et qu'on nous dit : Votre quartier, c'est
celui-là, vous allez vous retrouver avec votre communauté, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas en
matière de liberté, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.
Si on n'était pas adultes, si on n'avait pas
lutté contre l'intégrisme en Algérie, si on était venus à l'âge de 30 ans, comme le font aujourd'hui les jeunes
qui arrivent... Les nouveaux immigrants qui ont vécu non pas
l'intégrisme, mais l'après-intégrisme, qui
vivent l'islam politique en Algérie, ils vont directement dans les quartiers
islamistes parce qu'ils sont pris en
charge en Algérie, au Maroc, en Tunisie, et on leur donne les adresses qu'il
faut pour venir ici. Ils sont pris en charge totalement. Nous, on a
échappé à cela, pourquoi? Parce qu'on était militants actifs contre l'islam
politique.
Alors, oui,
ça serait un signal très fort. Nous le disons depuis la commission Bouchard et
nous l'avons redit pour le projet de
loi n° 60, nous le disons encore aujourd'hui : Il faut un signal fort
et rapide. Il ne faudrait pas attendre encore deux ans, trois ans, parce que ça va être pire. Ça va être pire dans
deux, trois ans. Et, avant que le programme gouvernemental en matière de
lutte contre la radicalisation ne sera mis en place, il va y avoir de l'eau qui
va couler sous les ponts. Et les islamistes
sont déjà là, et je ne parle pas islamistes gentils, BCBG, hein, comme ceux
qu'on voit ici de temps en temps, mais je parle des radicaux.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Merci de ces précisions. Effectivement, inscrire la laïcité et ne pas donner
d'outils, dont ils rêvent, aux islamistes, comme cette partie I de
la loi.
Votre mémoire, en page 14, est assez sévère
sur les groupes autoproclamés représentants de la communauté. Puisqu'on est
dans cette idée de la communauté, j'aimerais ça que vous m'en parliez. Vous
dites des choses comme : «Pourquoi,
dans son plan de lutte contre la radicalisation, le gouvernement a-t-il décidé
de s'entourer de représentants de la communauté
musulmane — entre
guillemets — issus de
cette seconde catégorie qui a choisi cette position victimaire?» Vous
parlez des prédicateurs.
«Nous
considérons que la lutte contre le discours haineux, ses causes en amont et ses
effets en aval ne saurait se suffire
de la seule organisation ou du seul contact avec des leaders autoproclamés de
groupes de citoyens désignés sur la base de leurs confessions.»
Vous parlez probablement, là, du comité qui a
été mis en place, peut-être, par le gouvernement, avec prise de photos, avec... et tout. Est-ce que vous voulez
dire qu'il n'y a pas d'autres représentants de la communauté musulmane
que ceux-là qui ont été approchés? Vous n'avez pas été approchés, les groupes
laïques n'ont pas été approchés?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Kaidi, il nous reste deux petites minutes.
M. Kaidi
(Ali) : Oui. Par rapport à
cette image, c'est-à-dire la photo qui est montrée, le groupe que... les
représentants de groupes qui ont participé à cette rencontre, juste après les
scènes de violence qu'on a connues ici, au Québec,
l'image que donne, pour nous qui appartiennent à la même culture que ceux qui
sont autoproclamés en tant que représentants... on croit que le référent
islamique, c'est : une carte gagnante qui peut être acceptée partout dans
les institutions de l'État québécois. Ça veut dire :
Si je m'identifie en tant que musulman, je peux être reçu. Mais, si je
n'ai pas ce référent islamique ostentatoire,
personne ne va m'écouter, personne ne va me voir, et ce que nous, nous
dénonçons.
Et, en quelque sorte, ça m'a choqué lorsque, par
exemple, un représentant qui représentait une association qui dénonçait l'islamophobie, il était boudé ici,
mais on lui a donné pas mal de parole avant. Je ne voyais pas pourquoi
il est boudé au sein d'un Parlement qui est censé... on y a un échange,
pourtant qu'on le rencontrait avant d'une façon normale, et sans filet, et sans
hésitation.
Mme
Maltais : Vous
rejoignez beaucoup notre ex-collègue Fatima Houda-Pepin qui dit que le danger,
c'est de donner de la notoriété et de la crédibilité à des organisations qui ne
sont pas les vrais représentants de la... En fait, il n'y a pas de représentant, comme dans la religion catholique ou de...
officiel d'une communauté musulmane, puisque c'est une religion qui ne
reconnaît pas de représentant, si j'ai bien compris.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la députée de Repentigny.
Mme
Lavallée : Merci beaucoup. Et, tout comme ma collègue, je salue le
courage que vous avez de venir nous parler
du fait que vous avez quitté un pays pour des raisons où il y avait de la
radicalisation, et on se retrouve un peu à parler de ça avec ce projet
de loi là.
Dans votre
résumé, vous parlez de «prédicateurs islamistes qui prônent le djihad armé ici
même, dans des écoles, des mosquées,
des centres communautaires du Québec et des espaces apprenants mobiles». C'est
inquiétant de lire ça. Est-ce qu'on a raison de s'inquiéter? Êtes-vous
inquiets de ce qui s'installe, tranquillement pas vite, au Québec?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Chikhi.
M. Chikhi (Ferid) : Mais, oui,
écoutez, nous sommes inquiets. Et je vais continuer dans la lancée de ce que Mme Agnès Maltais nous disait au sujet des
représentants autoproclamés. On est à l'ère de la technologie de
l'information. Je vous garantis que 60 % de ces personnes qui se sont
autoproclamées représentants de la communauté musulmane ne savent même pas utiliser un ordinateur. Par
contre, les jeunes, aujourd'hui, sont tous sur des mobiles, sur des
iPhone. C'est là, c'est là que se trouve le
danger, ce n'est pas seulement dans les mosquées. Les réseaux ont créé des
réseaux. Bien, oui, ça se fait à
travers le iPhone, ça se fait à travers Internet. Alors, oui, il y a lieu de
s'inquiéter, parce que les informations ne sont pas seulement colligées ici, au Québec, elles sont colligées à
travers le monde. Ce qui se passe en Syrie, c'est en temps réel qu'on le
voit ici, dans les quartiers communautaires musulmans, c'est en temps réel.
Alors, oui,
le danger est là, parce que ça va très vite. C'est pour ça que je disais :
Deux ans, trois ans avant que le plan
antiradicalisation ne se mette en place, on serait encore en retard d'une
guerre. Je parle de terme de guerre parce qu'on ne voudrait pas que ça se passe, on voudrait prévenir cela. Nous avons,
la communauté algérienne en particulier a une expérience du vécu
anti-islamiste. Alors, si on ne fait pas appel à ces gens-là, bien, oui, je
suis désolé, le danger est déjà à l'intérieur de la maison.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Repentigny.
Mme Lavallée : Merci. Dans votre
texte, vous parlez qu'on ne doit pas imposer des lois adoptées dans de la
précipitation et vous reparlez un peu plus loin que la lutte contre la
radicalisation, le terrorisme, les discours haineux ne peuvent légitimer l'urgence de l'adoption des textes législatifs.
Avez-vous l'impression qu'actuellement, avec le projet de loi qui a été déposé, il y a un manque, peut-être,
de réflexion, et on ne voit pas cette réalité-là, on n'est pas assez
conscients de cette réalité-là qui est présente actuellement?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Kaidi.
• (17 heures) •
M. Kaidi (Ali) : Nous, on favorise
surtout l'éducation. Donc, on voit, la prévention passe nécessairement par l'éducation. Donc, comment elle doit passer par
l'éducation? Surtout par l'école, l'école et les paliers de l'école
primaire, secondaire jusqu'au cégep. Ça, si
on apprend à nos enfants comment avoir un esprit critique vis-à-vis du dogme,
vis-à-vis des idées établies, ça, ça
va, en quelque sorte, les munir des outils avec lesquels ils peuvent
déconstruire un discours qui peut les emmener vers la radicalisation et
vers l'action. Ça, c'est le premier point.
Le deuxième
point, aussi la séparation entre le religieux et le politique. Parce que, dans
la radicalisation, ce qui est condamnable, c'est l'action. C'est
l'action qui est condamnable. Selon la réflexion, on peut réfléchir sans passer
à l'action. C'est toléré, ça fait partie de
la liberté d'expression. Mais qu'est-ce qui donne à l'intégrisme ou bien au
dogmatisme de l'action? C'est la dimension
politique, c'est la dimension politique. Donc, lorsqu'on met une séparation à
l'école, une vraie séparation à
l'école entre le religieux et le politique... ce qui ne se fait pas avec le
cours Éthique et culture religieuse. Il y a de la confusion à
l'intérieur, ça ne prépare pas l'enfant à avoir un esprit critique. C'est
possible au cégep avec la philosophie, oui. Ça, ça va munir l'élève ou bien
l'enfant avec des outils de critique et qui peuvent lui permettre de déconstruire
un discours qui peut le mener vers l'action violente.
Donc, la
séparation, il faut que ça soit une séparation institutionnelle, mais aussi
culturelle... et aussi culturelle. Il faut
qu'ils apprennent, nos enfants, que la laïcité est un moyen pour construire un
vivre-ensemble dans la paix et dans la tolérance.
Il faut que ça soit culturel. Il ne faut pas que ça soit institutionnel, avec
des lois, on oblige, mais il faut que nos enfants soient éduqués dans ce
sens, pas dans un sens dogmatique, dans la laïcisation, laïcisme, mais au moins
dans la laïcisation qui propose un terrain bien propice pour la tolérance,
parce que la tolérance sans laïcité... Il ne peut pas y avoir de tolérance sans
laïcité. Donc, la laïcité, pour moi, elle est primordiale, soit à l'école ou
bien aux institutions gouvernementales.
Le Président (M. Ouellette) :
Vous aviez un commentaire additionnel, M. Chikhi?
M. Chikhi
(Ferid) : Juste un
commentaire complémentaire final mais qui, en réalité, vient en amont. Il faut
choisir les interlocuteurs selon des profils bien déterminés. Ce n'est pas
parce que je suis une barbe... que je porte une barbe que je suis musulman intégriste. C'est ça, le problème. Ce n'est pas
parce que je porte une barbe... ou que je porte un voile, si j'étais une
femme, que je suis forcément pieuse et musulmane. Il y en a qui sont militants
actifs, c'est des brigades d'ensemble qui
sont ici, au Québec, pour islamiser le Québec. Et ils ne réussiront pas, c'est
sûr, parce qu'il faut qu'ils passent
d'abord sur nos corps. On l'a fait ici... en Algérie, on le fera ici, au
Québec. Il faudrait d'abord qu'ils nous évitent, mais ils ne pourront
pas nous éviter.
Le Président (M. Ouellette) :
Dernier commentaire.
M. Chikhi
(Ferid) : Mais, avec votre
aide, avec votre soutien, avec votre écoute, oui, on pourra changer les
choses au Québec et on pourra prévenir des choses beaucoup plus graves. Merci.
Le Président (M. Ouellette) :
Un dernier commentaire, Mme la députée de Repentigny?
Mme Lavallée : On a terminé?
Le Président (M. Ouellette) :
Vous avez... il vous reste une minute, une grosse minute.
Mme Lavallée : Ah mon Dieu! J'avais
plein de questions, désolée.
Une
voix : Pas de problème.
Mme
Lavallée : Si le projet de loi n° 59 s'attaquait directement à
l'intégrisme religieux et l'endoctrinement idéologique, comme nous croyions
qu'il allait le faire, le gouvernement, est-ce que vous croyez que le projet de
loi serait plus acceptable ou non?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Kaidi.
M. Kaidi (Ali) : Si l'on bloque toutes les religions, c'est possible. Si on s'attaque
aux radicalisations... qui a son origine religieuse, oui, c'est possible
qu'il peut être acceptable, parce que, du moment... Aujourd'hui, le contexte...
On parle d'islamisme, mais ça peut changer,
le contexte, on peut parler d'autres sectes religieuses et sûrement on
va... Il va y avoir, dans ce sens, des sectes qui vont passer... elles ont déjà
passé à l'action ici, en Amérique du Nord, hein?
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. Kaidi et M. Chikhi,
représentants de l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité,
de votre contribution aux travaux de la commission.
Nous
allons suspendre nos travaux quelques instants. J'inviterais MM. Blanchet-Gravel,
Simard et Verreault à prendre place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à
17 h 4)
(Reprise à 17 h 7)
Le Président (M.
Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. MM Simard et
Blanchet-Gravel... Je pense que, M. Simard,
c'est vous qui allez prendre la parole en premier, juste pour les besoins de
l'audio, parce que nos gens à l'audio nous
encouragent à faire identifier les gens pour les besoins de l'audio ou pour la
transcription. Donc, vous savez que vous avez 10 minutes pour prendre la parole, je vais vous laisser vous
présenter et présenter la personne qui vous accompagne.
MM. Jérôme Blanchet-Gravel,
Claude Simard et Claude Verreault
M.
Simard (Claude) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM et Mmes les députés, merci de nous
avoir reçus pour que nous puissions vous présenter notre avis sur le projet de
loi n° 59.
Je
m'appelle Claude Simard, je suis professeur retraité de l'Université Laval. Mon
collègue Jérôme Blanchet-Gravel est
étudiant au doctorat en sciences des religions de mon université.
M. Verreault devait venir, mais il a été retenu pour des raisons de
santé, il s'excuse de ne pas être présent.
Nous
sommes ici à titre de simples citoyens, nous ne représentons aucune
association. Notre mémoire se limite à la première partie du projet de loi n° 59 concernant la prévention et
la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la
violence, partie que nous aborderons principalement sous l'angle de la
religion.
D'entrée
de jeu, nous voulons exprimer notre profond désaccord face à ce projet de loi.
À l'instar de la majorité des commentateurs qui se sont exprimés aussi
bien devant cette commission que dans les médias, nous considérons que le projet de loi n° 59 risque d'entraver
dangereusement la liberté d'expression au Québec. En matière religieuse, si ce
projet de loi était adopté, la Commission des droits de la personne se
transformerait en un tribunal de la bonne conscience, rappelant celui de
l'Inquisition.
La libre
communication des idées et des opinions est la première liberté fondamentale
dont dépend l'exercice de toutes les autres
libertés. Elle est la base de la démocratie. C'est d'ailleurs le premier droit
que les régimes totalitaires ou théocratiques s'empressent d'abolir.
Pour qu'elle prenne tout son sens et qu'elle soit pleinement effective, la
liberté d'expression doit être la plus large
possible et ne doit être limitée que dans des cas extrêmes. Elle doit toucher
tous les sujets sans qu'aucun ne soit
tabou. Elle doit soulever la polémique et provoquer la contestation, au risque
de choquer. La liberté d'opinion peut
même braver les convenances et la bienséance, comme en témoigne la littérature
satyrique et pamphlétaire.
• (17 h 10) •
Sur
le plan religieux, la liberté d'expression est liée au droit au blasphème,
c'est-à-dire au droit de critiquer les religions, leurs dogmes et leurs
pratiques. Les religions peuvent et doivent être critiquées, d'autant que les
croyances religieuses sont fondées sur l'irrationnel. Le projet de loi
n° 59 va à l'encontre du droit au blasphème, car il reprend certaines résolutions adoptées par des instances
des Nations unies sous l'influence de l'Organisation de la coopération islamique. Afin de réprimer toute critique de
l'islam, les pays musulmans membres de cette association essaient sans
relâche de faire établir à l'échelle mondiale le délit de blasphème, qu'ils
camouflent sous l'euphémisme de diffamation des religions. Au fil du temps, on
est passé subrepticement de délit de blasphème à diffamation des religions, selon
la terminologie de l'Organisation de la
coopération islamique, puis à discours haineux contre la religion, selon la
terminologie du projet n° 59.
Les États musulmans
se distinguent par leur hostilité à toute contestation de l'islam et de son
fondateur, le prophète Mahomet. Ils
disposent de lois sévères qui pénalisent la critique de leur religion, sa
dérision. Les sanctions varient de
l'emprisonnement à la peine de mort. C'est pour avoir tenu des propos jugés
blasphématoires que le blogueur saoudien Raif Badawi a été condamné à 1 000 coups de fouet et à
10 ans d'emprisonnement, et ce sont de simples caricatures de
Mahomet qui ont été à l'origine du massacre de Charlie Hebdo.
Dans
les pays occidentaux comme le nôtre, les militants musulmans, afin d'empêcher
la critique de leur religion, brandissent
le terme d'islamophobie comme une marque de racisme, alors que ce mot désigne
proprement la crainte et le rejet de
l'islam en tant que religion. C'est ce qui explique qu'une personne soit
accusée de racisme dès qu'elle remet en cause les dogmes et les pratiques de l'islam. Le projet de loi
n° 59 accentuera cette chasse arbitraire à la critique de l'islam
et contribuera à donner une sorte d'immunité à cette religion pourtant si
rétrograde, notamment sur le plan de l'égalité hommes-femmes et sur celui de la séparation de l'État et de la religion.
Je passe la parole maintenant
à mon collègue.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Blanchet-Gravel.
M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Dans
notre mémoire écrit, nous avons souligné huit principaux défauts du projet de loi n° 59, mais, compte tenu du
temps limité dont nous disposons aujourd'hui, nous en mentionnerons
seulement quatre dans cette présentation orale.
Premièrement,
le projet de loi n° 59 propose un régime judiciaire axé sur l'humiliation
en prévoyant la publication d'une
liste des contrevenants. L'opprobre social qui sera attaché à cette liste de la
honte risquera d'empoisonner la vie de ceux
et celles dont les noms y seront inscrits et même de ruiner leur carrière.
Comment peut-on justifier en 2015 ce genre de mesure d'humiliation qui
nous ramène tout droit au puritanisme d'antan, à l'époque de la liste noire de
Séraphin?
Deuxièmement, en incitant les gens à dénoncer
les autres, le projet de loi n° 59 instaurera une culture de la délation
où les citoyens n'oseront plus discuter de sujets controversés. La crainte
d'être poursuivis pour des propos susceptibles
d'être perçus comme offensants les incitera à brider leur liberté d'expression.
Le climat de méfiance généralisée qu'entraînera
cette culture de la délation favorisera la mise en place d'une société
conformiste où les gens, dans la crainte du jugement des autres,
s'efforceront de penser et de se comporter servilement d'après les conventions
de l'ordre établi. Le projet de loi
n° 59 renforcera, en fait, le règne de la bien-pensance plutôt que
d'enrayer les discours et les actes agressifs. Voulons-nous vraiment que le Québec devienne une société conformiste et
suspicieuse comme à l'époque du soviétisme?
Troisièmement, le projet de loi n° 59
consolidera le traitement de faveur déjà consenti aux religions par le
Code criminel du Canada, dont
l'article 319, paragraphe 3b, garantit l'impunité aux croyants pour
tout propos haineux qu'ils tiendraient
sur la base de leurs convictions religieuses. Ce projet de loi sera donc
foncièrement injuste envers les non-croyants.
Sur le plan de la foi, le seul motif de discrimination retenu explicitement
dans la Charte des droits et libertés de la personne est la religion.
L'incroyance n'y étant pas reconnue comme telle, les droits des personnes qui
n'ont aucune conviction religieuse ne pourront pas être défendus par la
commission. Pourtant, les incroyants peuvent, eux aussi, être l'objet de haine ou de violence de la part
d'adeptes d'une confession donnée, hein, ça va de soi. Or, la liberté de
religion implique non seulement le droit de
croire, mais aussi celui de ne pas croire, non seulement le droit de choisir et
de pratiquer une religion, mais aussi celui de n'en choisir ni de n'en
pratiquer aucune.
Comment la
Commission des droits de la personne pourra-t-elle inculper des croyants qui auraient exprimé des propos haineux ou incitant à la violence, alors
que le Code criminel du Canada leur garantit l'immunité? Ne risque-t-on
pas de maintenir deux catégories de citoyens devant la loi?
Quatrièmement, le projet de loi n° 59 a été
présenté comme faisant partie d'un ensemble de mesures visant à prévenir la
radicalisation. Le gouvernement parle souvent de radicalisation mais sans
jamais en préciser la nature. La radicalisation
qui sévit aujourd'hui, ici comme ailleurs, émane du fondamentalisme islamique.
La très grande majorité des actes de terrorisme qui ensanglantent le
monde actuellement sont commis par des fanatiques musulmans qui, au nom
d'Allah, mènent la guerre sainte, le djihad, dans le but d'imposer l'islam à
toute l'humanité. Pour enrayer cette radicalisation,
il vaudrait mieux cibler ce courant en tant que tel, en cerner les fondements
idéologiques et en débusquer les différents rouages plutôt que de
chercher à entraver la liberté d'expression.
Pourquoi n'identifie-t-on pas clairement le
radicalisme islamique et pourquoi refuse-t-on de le nommer? L'islam serait-il devenu un sujet si tabou que
toute critique à son endroit doit être forcément vue comme
discriminatoire?
En
conclusion, si le projet de loi n° 59 vise réellement l'éradication des
discours haineux et incitant à la violence, un incroyant pourra-t-il
compter sur la Commission des droits de la personne pour faire interdire les
centaines de versets du Coran aussi violents
que ceux-ci, et je cite, sourate 4, verset 34 : «Les hommes ont
autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu'Allah [leur accorde
sur elles]. [...]quant à celles dont vous craignez la désobéissance,
[réprimandez-les], éloignez-vous d'elles
dans leurs lits et frappez-les»? Et je cite, sourate 5,
verset 33 : «La [punition] de ceux qui font la guerre contre Allah et son messager[...], c'est qu'ils
soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur
jambe[...], ou qu'ils soient expulsés du pays.»
Le Président
(M. Ouellette) : M. Blanchet-Gravel, probablement que,
lors des échanges avec les parlementaires, vous pouvez finir votre
conclusion. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, messieurs, merci, merci de votre présentation.
Je comprends que vous avez élaboré
davantage sur la lettre que vous aviez publiée au début du mois de juin... ou à
la mi-juin, pardon, dans, je crois, une
lettre d'opinion que vous avez publiée. Dans le fond, votre mémoire reprend en
gros les préoccupations que vous avez soulevées à ce moment-là.
Le projet de loi... Je tiens à dire une chose et
à vous dire, je l'ai dit à d'autres groupes, je l'ai répété... Et je dois vous confirmer que, lorsqu'à la page 7
vous dites : «La religion peut et doit être critiquée», je suis tout à
fait d'accord avec vous. Le projet de
loi ne vise pas à sanctionner la critique de la religion, pas du tout, pas du
tout. Et il ne vise pas, d'aucune façon, à sanctionner, par exemple, le
discours qu'un non-croyant pourrait tenir à l'égard d'une religion, peu importe
la religion.
En fait, le projet de loi vise à
sanctionner le discours haineux. Il n'est pas défini dans le projet de loi,
j'en consens, mais... parce que, la
réponse, la définition de discours haineux, on la retrouve dans la jurisprudence.
Donc, on n'a pas fait de l'improvisation juridique, là, on a quand
même... on est partis d'un concept qui a été défini par la jurisprudence dans l'affaire Whatcott, mais également dans l'affaire
Taylor. Je comprends qu'il y a certains groupes qui étaient intervenus
en Cour suprême pour dénoncer, à ce
moment-là, les dispositions qui portaient sur le discours haineux en
Saskatchewan, mais la Cour suprême,
nonobstant les représentations qui ont été faites à l'époque, bien, il y a deux
ans de ça, a jugé que les propos
extrêmes, des propos qui incitent à dénigrer, à haïr un groupe, qui exposent ce
groupe-là à la haine, ne pouvaient être tolérés dans une société libre et démocratique, parce que les
conséquences de ces propos-là sur les groupes étaient telles qu'il fallait venir baliser ce type de discours
là. Et c'est ce discours-là qui est prévu, qui est visé par le projet de loi,
et également le discours qui incite à la violence.
Donc, si je comprends
vos propos, puis je veux juste vérifier, le discours incitant à la violence ne
devrait pas non plus être banni, ne devrait pas être encadré. Est-ce exact?
• (17 h 20) •
Le Président (M.
Ouellette) : M. Simard.
M.
Simard (Claude) : J'ai dit, madame, que la liberté d'expression devait
être non pas encadrée, mais elle devait permettre à l'ensemble des citoyens de s'exprimer sur différents sujets.
Voilà. C'est une liberté qui ne suppose aucune limite, sauf dans des cas extrêmes. Par exemple, on peut penser que
l'incitation à la violence, l'incitation au meurtre fait partie des limites de la liberté d'expression.
Encore faut-il savoir ce qu'est vraiment des discours incitant à la
violence ou encore au meurtre, au génocide,
etc. Je suis d'accord avec vous pour dire que, dans une société démocratique,
on ne peut pas permettre, par exemple, que des gens incitent les autres
à tuer les citoyens. Je suis parfaitement d'accord avec ça.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Lorsqu'on parle d'incitation à la violence, on ne
parle pas que de meurtre, on parle de violence sous toutes ses formes,
et la...
M. Simard
(Claude) : On parle de violence, on peut parler d'atteinte à la
personne physique, etc.
Mme
Vallée : ...et la Cour suprême a clairement indiqué que, dans
le cas des discours incitant à la violence, on ne pouvait invoquer la
liberté d'expression pour justifier un discours incitant à la violence. Ça, la
Cour suprême a été claire là-dessus. Nous vivons quand même dans une société de
droit.
M. Simard
(Claude) : Mais, madame, justement, si déjà, dans notre système
juridique, on a des mesures qui permettent,
justement, d'encadrer la liberté d'expression et de contenir les discours qui
pourraient inciter à la violence, je ne vois pas pourquoi vous présentez ce projet de loi. C'est comme si vous
vouliez présenter un autre projet de loi qui va répéter un peu déjà les
défenses et protections que nous avons au niveau fédéral, dans le Code criminel
du Canada. Pourquoi insister là-dessus?
C'est ça que je ne comprends pas. Pourquoi le Code criminel ne pourra pas
suffire pour, justement, encadrer, contenir ces propos incitant à la
violence?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
En fait, ce que le projet de loi prévoit, ce sont des dispositions de nature
civile pour venir agir en amont, pour venir
prévenir. Donc, le processus au niveau civil n'est pas soumis à la même
évaluation, notamment, qu'un dossier
qui sera soumis au processus criminel. Donc, les dispositions du Code criminel
sont appliquées lorsqu'un discours a été
tenu et sont appliquées de façon à sanctionner la tenue de ces discours-là, et
là la preuve doit être faite hors de tout doute raisonnable, comme le
prévoit notre droit criminel.
Maintenant, les
dispositions... Ce que nous proposons, c'est de donner un cadre à l'intérieur
de notre droit civil pour permettre
notamment de prévenir et aussi que cesse d'intervenir... pour que cesse la
diffusion, par exemple, d'un discours qui incite à la violence, la
diffusion d'un discours qui comporte des propos haineux tels que définis par la
Cour suprême. Alors, c'est...
M. Simard
(Claude) : Bon, j'ai bien compris, madame.
Mme Vallée :
Alors, c'est vraiment cette distinction-là...
M. Simard
(Claude) : Oui, j'ai compris que vous vouliez...
Le Président (M.
Ouellette) : Ne bougez pas, M. Simard.
M. Simard
(Claude) : ...que des dispositions soient du côté du Code civil pour
compléter les dispositions déjà contenues
dans le Code criminel. J'ai bien compris ça, vous l'avez expliqué plusieurs
fois. Mais je vais vous poser une question très directement, madame.
Nous avons lu deux versets du Coran qui incitent explicitement à la
violence : Battez vos femmes si vous
les soupçonnez de désobéissance; crucifiez, coupez les mains, coupez les
jambes, tuez ceux qui combattent
Allah, c'est-à-dire ceux qui combattent l'islam. Est-ce qu'à partir de ce
projet de loi on pourrait interdire ces passages violents du Coran — je vous le dis, je connais très bien le
Coran, je l'ai lu dans trois traductions différentes — qui sont légion? Répondez à ma
question, madame : Est-ce que, oui, vous allez interdire ce genre de
propos violents issus de la religion?
Le
Président (M. Ouellette) : Vous le savez, M. Simard, et là
je n'interviens pas tellement souvent là-dessus, c'est... vous parlez à la présidence. On est ici pour connaître votre
opinion sur le projet de loi n° 59, et c'est un échange avec la
présidence. Donc, je vous redonne la parole, Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci, merci...
M.
Simard (Claude) : Donc, ce que je veux... Je voudrais comprendre, M.
le Président. C'est-à-dire que moi, je ne peux pas poser de questions,
il faut que je reçoive des questions, c'est ça?
Le
Président (M. Ouellette) : Non. Ce que je vous dis, c'est qu'on
est ici pour entendre vos commentaires par rapport au projet de loi
n° 59. Vous pouvez effectivement vous poser la question et me poser la
question, et Mme la ministre, dans ses
commentaires et dans l'échange qu'elle a avec vous, pourra effectivement
élaborer sur votre questionnement, M. Simard, à l'endroit de la
présidence. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Je vais aborder un autre enjeu et... Puis là je vois
que la députée de Taschereau rit. Ce n'est pas drôle. On essaie d'avoir des
échanges constructifs.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Vous préjugez dans votre mémoire que la Commission des
droits de la personne... ou vous vous questionnez
sur la possibilité de la commission des droits de la personne et de la jeunesse
de ne pas arriver à trouver un équilibre entre ce qui peut être dit au
nom de la liberté d'expression et l'interdiction de tenir un discours haineux
ou un discours qui incite à la violence.
Parce que nous, nous avons, dans le projet de loi, accordé à la commission des
droits de la personne et de la jeunesse ces pouvoirs-là justement parce que la
commission, elle est gardienne des droits et libertés
qui sont prévus à notre charte des droits, et donc elle est également gardienne
de la liberté d'expression. Pour nous, c'était
important que, justement, l'arbitraire ne vienne pas exclusivement de celui ou
celle qui amenait une dénonciation, mais
que cet équilibre-là puisse, lors de l'évaluation du dossier, être fait par un
organisme qui, déjà, a dans son mandat à assurer le respect des droits et libertés. Qu'est-ce qui vous amène à
questionner la capacité pour la commission d'établir cet équilibre entre
la liberté d'expression et les propos qui pourraient être tenus?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Blanchet-Gravel.
M. Blanchet-Gravel
(Jérôme) : Bien, écoutez, on est inquiets, c'est clair, on est très
inquiets. D'abord, il n'y a pas de définition claire, on l'a dit je ne sais pas
combien de fois dans cette assemblée, il n'y a pas de définition claire de discours haineux et discours incitant à
la violence. C'est un projet qui va à l'encontre du libéralisme social,
je veux dire... Et je vous relance un peu la
question, c'est-à-dire que comment expliquer que tant de groupes se sont
opposés au projet, ont vu dans ce
projet une loi essentiellement liberticide. Si vous prétendez que ce projet de
loi ne vise pas à limiter la liberté d'expression, ce n'est pas un peu
paradoxal? C'est-à-dire que, si vos intentions sont de ne pas limiter la
liberté d'expression, bien, force est de constater que vous vous apprêtez à
échouer. Je me fais comprendre?
Mme
Vallée : En fait, ma question était simple : Qu'est-ce qui
vous fait douter de la capacité de la Commission des droits de la
personne d'intervenir dans ces dossiers-là?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Simard.
M.
Simard (Claude) : Madame, je ne vois pas exactement dans notre mémoire
de passage qui évoque ce que vous venez
de dire. Nous n'avons jamais douté de la capacité de la commission de se
prononcer sur les droits fondamentaux. Nous
n'avons jamais écrit ça. Nous n'avons pas écrit ça dans notre mémoire écrit et
nous n'avons pas dit ça dans notre mémoire oral. Je veux dire, là je ne
vois pas sur quoi vous vous fondez pour avancer ça.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
• (17 h 30) •
Mme Vallée :
En fait, M. le Président, dans le mémoire, lorsqu'on se préoccupe, notamment,
du fait que les droits et libertés de la
personne seront protégés, notamment la liberté d'expression... On doute que la
liberté d'expression sera protégée.
On affuble le projet de loi du qualificatif de «liberticide», alors que le
projet de loi vise notamment à donner à la Commission des droits de la
personne le pouvoir d'enquêter et d'apprécier s'il s'agit effectivement d'un
discours haineux tel que prévu par la
jurisprudence. Parce qu'on a quand même Whatcott, on a quand même l'affaire
Taylor, on a aussi, quand même,
l'affaire Khawaja qui, devant la Cour suprême, ont clairement indiqué qu'il y
avait, dans une société libre et
démocratique, des discours, dont les discours incitant à la violence, qui ne
pouvaient être tolérés au nom de la liberté d'expression. Ça, c'est la Cour suprême qui nous enseigne ça. Et, fort
de ces enseignements-là, on prévoit un processus civil pour encadrer la
tenue de tels discours.
Mais vous soulevez un
certain nombre de préoccupations, et donc on peut en déduire que vous doutez de
la capacité de la commission des droits de
la personne et de la jeunesse de pouvoir trouver ce juste équilibre là entre la
liberté d'expression et la protection qu'on doit accorder aux personnes à
l'encontre d'un discours qui incite à la violence ou à l'encontre d'un discours haineux. Et donc je me questionnais à savoir
pourquoi, d'où vient cette préoccupation-là, puisque la Commission des droits de la personne,
actuellement, est chargée de déterminer et est chargée d'apprécier un
certain nombre de dossiers de discrimination
qui portent justement sur des questions fort similaires. Alors, je pense que
c'est une question qui est tout à fait à propos et qui est pertinente
dans le contexte de votre présentation.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Blanchet-Gravel.
M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Oui,
je comprends bien votre question. C'est-à-dire qu'on ne doute pas du tout des compétences de la commission, elle est
très compétente, on s'inquiète du mandat qu'on va lui octroyer. On pense
que ce mandat-là, du gouvernement, va trop loin, et qu'il va encadrer beaucoup
trop sévèrement, et qu'il n'y aura pas suffisamment
d'espace pour la liberté d'expression. Mais, encore une fois, on ne doute pas
des compétences comme telles de cette commission.
M. Simard (Claude) : Est-ce que je
peux rajouter quelque chose, M. le Président?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Simard, oui, vous pouvez... en commentaire additionnel.
M. Simard
(Claude) : Regardez, je crois que... Mme la ministre, je crois que
vous avez de très bonnes intentions, j'y
crois sincèrement. Je crois à votre honnêteté intellectuelle, c'est-à-dire que
vous nous dites constamment que vous ne voulez pas brimer la liberté d'expression, que c'est un projet de loi
qui vise à contenir... qu'à réprimer les discours haineux incitant à la
violence. Oui, mais votre argumentaire est toujours au niveau des intentions.
Nous, ce que
nous regardons, c'est le projet de loi, c'est le projet de loi qui, s'il est
adopté, aura force de loi. Et, quand les juges auront à établir leurs
jugements en fonction des dispositions législatives, là, contenues dans votre projet de loi, ils vont se référer non pas à vos
intentions, ils vont se référer au texte de loi, vous comprenez? Je pense
que vous le comprenez, vous êtes avocate et
vous êtes ministre de la Justice. C'est-à-dire qu'on ne doute pas de vos
intentions. On espère que le gouvernement a
des intentions louables qui vont favoriser la démocratie, mais ce que nous vous
disons, c'est que les mesures concrètes qui
sont dans le projet de loi donnent un mandat démesuré avec des mesures qui
risquent d'entraver la liberté d'expression.
Il faut toujours distinguer les intentions du
législateur et les mesures prises par le législateur pour atteindre ces objectifs. Et nous, nous nous situons au
niveau des moyens concrets que nous lisons dans votre projet de loi et
nous disons : Attention! Il y a des mesures qui vont entraver la liberté
d'expression, comme la publication d'une liste de la honte, comme l'anonymat... on n'a pas parlé de l'anonymat, mais les
plaintes vont être faites de façon anonyme, ce qui va bien sûr déresponsabiliser les plaignants. Vous
avez parlé... On nous a parlé aussi de la délation, c'est-à-dire qu'on
va, hein, accuser telle personne parce
qu'elle ne pense pas comme nous. Je veux dire, il y a des risques énormes par
rapport aux mesures que vous prenez dans votre projet de loi.
Distinguez
bien, je vous en prie, madame, vos intentions et les mesures concrètes qui sont
présentées dans votre projet de loi.
Nous n'avons rien contre vos intentions, nous savons que vous avez de bonnes
intentions, Mme la ministre, nous en
sommes persuadés que vous êtes une démocrate comme nous, mais nous vous
disons : Attention — comme l'a dit
Jérôme — au
mandat et au pouvoir que vous donnez par ce projet de loi à la Commission des
droits de la personne. Voilà ce que nous voulons vous dire, madame.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Vous faites référence à la question de la liste, et, comme je l'ai mentionné,
on a entendu notamment les représentants de la ville de Montréal qui
disaient : Ce n'est pas d'utilité pour nous. Parce que l'objectif, bien honnêtement, c'était de permettre de... un outil
de consultation, notamment pour les municipalités qui, parfois, sont
appelées très rapidement à prendre des
décisions quant à la location des salles à des groupes. La ville de Montréal
nous dit : Les jugements du Tribunal des droits de la personne et
de la jeunesse sont publiés. Pour nous, c'est suffisant. Donc, évidemment... Et d'autres intervenants nous ont
dit la même chose. Alors, là-dessus, je pense qu'il y a quand même une unanimité. L'objectif, comme je vous le
mentionnais, c'était vraiment de donner un outil de consultation, mais on comprend que ce n'est pas nécessairement l'outil le plus utile. Et peut-être
que simplement la consultation du site jugements.qc.ca pourra
suffire aux fins municipales. D'ailleurs, c'est ce qu'on a compris des
interventions.
Maintenant,
est-ce que vous avez eu l'opportunité de vous pencher sur
les autres aspects du projet de loi
n° 59, qui portent notamment sur des
encadrements ou des resserrements de certaines règles et également sur des
amendements que nous apporterions à la Loi de la protection de la jeunesse?
Le Président (M. Ouellette) :
Est-ce qu'on pourrait faire le tour en deux minutes, M. Simard?
M. Simard
(Claude) : Oui. Je vais laisser... Est-ce que tu veux répondre? Non?
Bien, oui, nous avons examiné, bien
sûr, la deuxième partie, mais nous avons voulu nous concentrer sur la première
partie, le temps étant limité, et, pour nous, la liberté d'expression
est un droit fondamental.
Donc,
la deuxième partie, oui, nous l'avons lue. Elle est relativement technique,
vous en conviendrez, madame, puisqu'il
s'agit de retraits ou d'ajouts au Code civil ou... à la procédure du Code civil
ou à la Loi sur l'instruction publique.
Je voudrais simplement, parce que le temps m'est
compté, je voudrais simplement revenir sur la question du mariage précoce, qui est un des grands fléaux qui
fait le malheur de milliers de fillettes par année. Eh bien, je pense — j'ose vous le dire, madame, en toute humilité et en tout respect — que les mesures bureaucratiques qui sont
prévues dans ce projet de loi n'iront
pas à la source du problème. Le mariage précoce s'observe dans les sociétés,
dans les communautés traditionalistes,
et souvent ces coutumes sont d'inspiration religieuse. On sait que le mariage
précoce... — il faut
simplement se référer au rapport de l'ONU,
de l'UNESCO — on sait
que le mariage précoce est un fléau notamment... particulièrement dans les pays islamiques. Et, si on veut lutter
contre le mariage précoce dans nos communautés immigrantes — ça va, parce que vous savez que l'immigration est particulièrement d'origine
musulmane — eh bien,
il faut aller à la source, c'est-à-dire
qu'il faut changer les mentalités des gens non pas par des mesures législatives
ou des mesures normatives comme
celles qui sont présentées dans le projet de loi, mais au niveau éducatif.
C'est-à-dire qu'il faut prendre des mesures au niveau de l'éducation des
communautés. Et la principale cause du mariage précoce dans l'islam, c'est
l'imitation servile du prophète. Il faut le
savoir pour comprendre pourquoi les musulmans, dans leur société, cautionnent
le mariage précoce.
Vous savez, c'est un fléau. Au Yémen, il y a des
milliers de milliers de petites filles qui sont victimes de ce fléau-là. En Égypte, en Iran, en Afghanistan, au
Pakistan, ces sociétés-là acceptent même ce fléau social. Pourquoi? Pour
des motifs religieux. C'est l'imitation servile du prophète. Et je m'explique.
Leur prophète, dans la cinquantaine...
Le Président (M. Ouellette) :
M. Simard, je suis obligé de vous arrêter...
M. Simard
(Claude) : ...a épousé une petite fille de six ans qu'il a déviergée à
neuf ans. Et, comme le prophète est l'homme le plus parfait de la terre,
il faut nécessairement imiter tout ce qu'il fait. Ce que je vous raconte...
Le Président (M. Ouellette) :
M. Simard...
M. Simard (Claude) : ...est dans la
sunna, le texte fondateur de l'islam avec le Coran.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Simard...
M. Simard (Claude) : Vous irez voir
Muslim 114.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. Simard. Je suis obligé de vous...
M. Simard (Claude) : Alors, vous
voyez qu'il faut aller...
Le Président (M. Ouellette) :
M. Simard, je suis obligé de vous arrêter.
M. Simard (Claude) : ...à l'origine
même du projet...
Le Président (M. Ouellette) :
M. Simard, je suis obligé de vous arrêter. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le
Président...
M. Simard
(Claude) : M. le Président, je m'excuse, ce n'est pas de la mauvaise
volonté, je suis un peu sourd, donc il faut me parler plus fort.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Simard (Claude) : Non, c'est
vrai, M. le Président. Je ne vous entends pas toujours.
Mme
Maltais : On vous
croit, on vous croit, mais...
Le
Président (M. Ouellette) : Mais, vous savez, M. Simard,
j'entends toutes sortes de choses dans la commission, je ne l'avais pas
entendue, celle-là. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Merci. Bienvenue, M. Blanchet-Gravel, bienvenue, M. Simard. Ça fait du bien de
rire un peu. J'ai ri tout à l'heure
parce qu'effectivement je trouvais drôle que vous ayez posé une question sur un
verset du Coran à la ministre,
qu'elle n'ait pas répondu. Vous savez, on a le choix aussi de répondre. On
n'est pas obligé de ne pas répondre. On peut aussi répondre. Mais j'ai
ri parce que je savais très bien que la ministre ne pouvait pas répondre parce
que la réponse, c'est double. C'est-à-dire que ça peut être considéré comme un
discours haineux, mais 319.b.3 fait que c'est exclu du discours haineux ou,
enfin, c'est protégé par la loi. Et puis je comprends la ministre d'être un peu
épuisée, un peu à pic. Je le lui pardonne
parce que ça fait depuis le 17 août qu'on a commencé cette commission
parlementaire, et je n'ai pas entendu
beaucoup, beaucoup de mémoires qui venaient appuyer cette loi. À sa place, moi
aussi, je serais un peu fatiguée et à pic, et je lui pardonne, il n'y a
pas de problème.
Mais maintenant vous avez parlé, à
juste titre, de la liberté d'expression. Un groupe, ce matin, nous rappelait
que... je veux juste... parce que je l'ai
manqué, j'aurais dû le faire... nous disait que la chanson Allah de
Véronique Sanson avait été sortie des
ondes. «Allah, Allah.» C'est une super belle chanson. C'est comme ça que ça se
chante : «Allah, Allah.» Puis je suis très heureuse, moi, de la
chanter aujourd'hui. C'est mon petit côté rebelle.
Vous
posez toutefois beaucoup de questions dans votre mémoire. Alors, cherchons des
réponses, puisque vous ne les aurez pas. En page 13, il y a une
série de questions que je trouve très intéressantes. La page 13 de votre mémoire,
c'est vraiment... vous finissez non
pas sur des recommandations, mais sur des questionnements, puis c'est ça
que j'aime. Le 6° :
«Comment la commission des droits de
la personne et [...] de la jeunesse pourra-t-elle poursuivre des
croyants qui auraient tenu des
"discours haineux ou incitant à la violence", alors que le Code
criminel du Canada leur garantit l'immunité s'ils expriment de tels
propos sur la base de leurs convictions religieuses?» Il y a une
incompatibilité entre le Code criminel et ce qu'on nous propose actuellement.
• (17 h 40) •
Le Président (M.
Ouellette) : M. Simard.
M.
Simard (Claude) : Bien, moi, je ne suis pas juriste, mais je pense que
le Code criminel peut avoir préséance sur ce projet de loi.
Mme
Maltais : Ou bien les gens vont pouvoir poursuivre en vertu
du Code civil, mais, en vertu du Code criminel, ils ne seraient pas
poursuivables.
M. Simard
(Claude) : Ils seraient...
Le Président (M.
Ouellette) : M. Simard.
M. Simard
(Claude) : C'est ça, ils auraient l'immunité.
Mme
Maltais :
Je me demande comment on va réussir à se sortir de ça. C'est vraiment... La
question est intéressante, et c'est la première fois aujourd'hui qu'elle a été
vraiment abordée sérieusement.
M.
Simard (Claude) : Mais je pense que le ministère de la Justice a dû
étudier cette question-là. Je crois que la ministre doit avoir de
l'information là-dessus. Il doit y avoir eu des études avant de proposer cette
mesure.
Mme
Maltais : Oui. Vous savez, dès le premier jour, j'ai demandé
à la ministre de déposer les avis juridiques, puisque le Parti libéral plaidait pour avoir les avis juridiques dans le
temps de la charte des valeurs, le projet de loi n° 60, ils criaient et déchiraient leurs chemises, réclamant
à corps et... à hauts cris, plutôt, pas à corps et à travers, mais
réclamaient à hauts cris les avis
juridiques. Mais nous ne les aurons pas, que voulez-vous? D'autre part, elle a
laissé un doute, elle a dit qu'il y avait
probablement constitutionnalité, probablement, et le Barreau est venu dire
qu'il avait un sérieux problème,
entre autres avec la liste, liste que, dès le deuxième jour des audiences, j'ai
dit : Ça ne tiendra pas le coup, ça, c'est déjà en train de
disparaître. Je le savais, je l'avais dit le deuxième jour.
D'autres
questions : «Pourquoi le gouvernement refuse-t-il d'identifier clairement
le véritable péril qui menace la sécurité
de notre société, c'est-à-dire le radicalisme islamique?» Est-ce que vous avez
des commentaires? Vous êtes assez durs avec le projet de loi et avec le
gouvernement dans cette question-là. Est-ce que vous avez des commentaires sur
cette question?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Blanchet-Gravel.
M.
Blanchet-Gravel (Jérôme) : Des commentaires. D'ailleurs, ce n'est pas
seulement l'apanage du gouvernement du
Québec, hein? Il n'y a presque aucun gouvernement occidental qui identifie
clairement cette menace. On est dans une société où règne le politiquement correct. C'est très difficile de
parler d'islam, hein, et pas seulement d'islamisme. On entend toutes sortes de choses dans les médias.
Même, on est rendu à... On dit «islam politique». C'est un pléonasme, hein? L'islam est politique essentiellement dans
son essence, il suffit de lire quelques bonnes biographies du prophète,
et on le constatera assez rapidement.
Mme
Maltais :
Je veux juste vous dire que moi...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, je vais peut-être m'inscrire en faux, parce
que moi, je veux dire, quant à ça, la Bible apporte certaines valeurs ou
certaines idées auxquelles moi, je n'adhère pas nécessairement, et je ne
considère pas que de considérer que... Je ne
considère pas nécessairement que les chrétiens d'aujourd'hui sont
nécessairement radicaux parce qu'ils
croient en la Bible ou à des choses... Moi, je différencie l'islam, c'est une
religion... je suis athée, entre nous, là, je suis athée, mais l'islam qui est une religion, du
radicalisme et de l'islamisme qui est de l'intégrisme. Je veux qu'on... En
tout cas, moi, à notre avis, j'aimerais qu'on se tienne dans ce débat-là.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Blanchet-Gravel.
M.
Blanchet-Gravel (Jérôme) : Bien, écoutez, il y a des différences
fondamentales entre la Bible et le Coran, c'est évident. Mais, ceci dit, je ne pense pas qu'on va se lancer
aujourd'hui dans des grands débats théologiques, là, mais...
Mme
Maltais : Merci.
M.
Blanchet-Gravel (Jérôme) : O.K. Ce sera pour une autre fois. Mais
effectivement nous, on pense qu'il faut identifier le problème, hein? On le sait, la menace à la sécurité
intérieure de tous les pays occidentaux, c'est l'immigration musulmane, pas parce que tous les musulmans sont des
islamistes, mais parce que tous les islamistes sont musulmans. Donc, où il y a des communautés musulmanes, il y a
des islamistes. Donc, pourquoi on refuse d'identifier le problème? Je
pense que c'est une question essentielle.
Mme
Maltais :
Mais, en fait, ce que je voulais dire, c'est que ce qui nous a amenés ici dès
le départ dans le débat, ça a été le plan de lutte contre la
radicalisation, et le projet de loi n° 59 devait faire partie du plan de
lutte contre la radicalisation, mais il n'en parle pas, il ne le nomme... comme
vous le dites dans votre mémoire, il n'en parle pas, il ne le nomme pas. Et même, tout
à l'heure, on avait l'association des
Québécois nord-africains pour la laïcité
qui disait : C'est même un outil
pour, qui va aider la radicalisation. C'est intéressant de voir les mémoires
d'aujourd'hui, ce qu'ils nous amènent.
Vous dites,
dans votre question n° 2 : Comment la CDPDJ, Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse, pourra-t-elle réaliser, en période de
compressions budgétaires, le nouveau
mandat qu'on lui accorde? Avez-vous écouté l'entrevue de M. Frémont
samedi à Radio-Canada, l'émission de Michel Lacombe?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Simard.
M. Simard (Claude) : J'ai écouté,
oui, pas mal d'entrevues avec M. Frémont pour me faire une idée, oui.
Mme
Maltais :
Oui. Avez-vous entendu dire que, dans les dernières années, il est passé de 170
à 140 employés et que les délais se sont allongés?
M. Simard
(Claude) : Énormément. Il y a eu un reportage à Radio-Canada là-dessus
qui montre que les ressources déjà
consenties à la commission sont insuffisantes pour régler les problèmes
actuels. Et là on va donner à la commission un mandat encore plus grand. Il faudra donc consentir des sommes
additionnelles et des ressources additionnelles, c'est évident.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Et vous ajoutez : «Les suppléments qu'il devra consentir à cet organisme
ne viendront-ils pas grever les
ressources déjà réduites en santé et en éducation, et tout cela pour instaurer
un régime de la délation?» J'aimerais ça, ça fait longtemps que je n'ai pas... Depuis le début de la commission
parlementaire, on a cru... On l'a entendu beaucoup au début, là, mais on ne l'a plus entendu, sur
l'espèce d'autocensure que ça va créer. J'aimerais que... Vous soulevez ça
en parlant de régime de délation. Si vous pouvez nous donner quelques
commentaires là-dessus, j'apprécierais.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Blanchet-Gravel.
M.
Blanchet-Gravel (Jérôme) : Bien, c'est ça, on vit déjà dans une
société où il est difficile de s'exprimer sur une multitude de sujets, dont l'islam. Donc, ce projet de loi là va
contribuer à ce qu'on vive dans une société encore plus de moutons. On est déjà... Alors, on a déjà de la
misère à s'extraire de ce politiquement correct, là, qui tue le débat, et
en plus il faudrait en rajouter. Donc, on passerait de la censure officieuse à
la censure officielle. Comprenez bien l'image.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Bien,
merci beaucoup, mais je...
Le Président (M. Ouellette) :
Oh! M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Merci. Merci, M. le Président. Bon, j'aurais une question. Je voulais revenir
sur le court échange que vous avez eu
avec ma collègue de Taschereau relativement aux remarques qu'elle faisait à
l'effet que l'islam n'est pas ciblé comme tel, parce que c'est une
religion au même titre que le christianisme. Et, dans la perspective de
l'histoire, le christianisme comme l'islam aujourd'hui ont été victimes de
déviances quelque part. Au nom de Dieu, on a voulu porter la mission civilisatrice en Afrique, notamment. Et, comme vous le
savez, quand on se réfère à ce qui s'est passé au Congo ou en Afrique centrale en général, ce n'est
pas de belles pages d'histoire qui ont été écrites au nom du dieu
chrétien. Je voulais juste faire une parenthèse là-dessus.
Toutes les
religions, à partir du moment où elles sont mises entre les mains ou entre...
disons, sous contrôle de prophètes
déviants, conduisent dans des impasses comme celle que nous vivons aujourd'hui.
Les «epistemicides», on les connaît. Et la finalité de ce que certains
faux prophètes, aujourd'hui considérés radicaux, bercent comme rêve, c'est
l'islamisation du monde, de la planète comme autrefois le christianisme portait
comme projet.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Blanchet-Gravel.
M.
Blanchet-Gravel (Jérôme) : Bien, tout à fait. Ce sont deux religions
qu'on dit universalistes, hein, ce sont deux religions qui visent à conquérir la planète, ça va de soi. Ceci dit, on
n'est pas ici pour défendre le christianisme, on n'est pas ici pour défendre aucune religion. Ce n'est pas ça qu'on dit. Mais quelle religion
fait les manchettes actuellement? Au nom de
quelle religion on tue des gens dans le monde actuellement? C'est ça, la question.
On ne défend pas le christianisme. J'ai été très critique envers le
christianisme, j'ai écrit quelques articles à ce sujet. Ce n'est pas la... On
n'est pas ici pour défendre une vision christianocentriste de l'univers, là, ce
n'est pas ça dont il est question ici.
M. Kotto : O.K. Donc, on
s'entend. Donc, je voulais juste qu'il y ait cette mise au point...
M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Oui,
oui, tout à fait. Oui, oui, clairement.
M. Kotto : ...pour ne pas
qu'il y ait de malentendu.
M. Simard (Claude) : M. le Président,
est-ce que je peux rajouter quelque chose?
Le
Président (M. Ouellette) : Je vous donne la parole, M. Simard,
mais je dois vous dire que, pour le peu de temps qui reste, là, je vais
vous encadrer votre réponse.
M. Simard (Claude) : Religieusement.
Le Président (M. Ouellette) :
Oui.
• (17 h 50) •
M. Simard
(Claude) : Alors, regardez, il faut
faire attention, les religions ne sont pas toutes semblables. Vous savez, le christianisme est une religion très
différente de l'islam. Et l'islam ne peut pas être comparé au
christianisme, notamment à partir de ses textes fondateurs. Les textes
sacrés chrétiens sont essentiellement narratifs et sont lus à un niveau symbolique, alors que les textes sacrés de l'islam
sont essentiellement normatifs et prescriptifs. On ne lit pas le Coran comme on lit la Bible. Et ça, c'est très important
de comprendre qu'il ne faut pas projeter ces images chrétiennes de la religion sur l'islam. L'islam est une autre
religion avec ses caractéristiques propres. Est-ce que ça va, M. le Président?
Le Président (M. Ouellette) :
Merci de la réponse, M. Simard.
M. Kotto : Ça, c'est un autre
débat.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville.
M. Kotto : Mais ce serait intéressant
de débattre avec vous là-dessus.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. le
Président. MM Blanchet-Gravel, M.
Simard, merci, merci d'être là. C'est extrêmement
intéressant, puis je trouve que la conversation atteint un
niveau philosophique et politique
extrêmement brillant. Je trouve ça...
Écoutez, c'est ce qui est dommage quand on passe
la troisième, parce que, déjà, ma collègue a mis le doigt exactement
sur la phrase, la citation sur laquelle je voulais qu'on travaille. Alors, je
vais y retourner brièvement puis je vais vous questionner à cet
égard-là. Naturellement, page 13, dans vos questions, la septième question,
et je pense qu'il faut y revenir, vous nous
dites : «Pourquoi le gouvernement refuse-t-il d'identifier clairement
le véritable péril qui menace la sécurité de notre société, c'est-à-dire
le radicalisme islamique? L'islam serait-il devenu un sujet si tabou que toute critique à son endroit doive être tenue comme
discriminatoire? Pourquoi une telle censure vis-à-vis d'une religion
qui promeut pourtant une loi inique, la charia, laquelle infériorise les
femmes, rejette les autres confessions, châtie les homosexuels et les
dissidents, brime en somme toutes [...] libertés fondamentales?»
Ce que vous
dites là, ça rejoint notre propos. C'est à ça qu'il faut s'attaquer, puis on le
dit depuis que la ministre a déposé
son projet de loi, en juin dernier. Et moi, tout comme vous, je suis
peinée de voir qu'on ne nomme pas les choses et que ce n'est pas à ça
qu'on s'attaque, compte tenu du fait que ça devait faire partie d'un vaste plan
pour lutter contre la radicalisation et l'endoctrinement chez les jeunes.
Vous nous
dites ça, du même souffle vous nous dites que vous rejetez toute la première
partie du p.l. n° 59,
compte tenu du fait que la cible n'est pas atteinte, nous sommes très larges,
nous sommes très larges.
Alors, je
vous pose la question suivante, et là exprimez-vous : Si ce projet de loi,
le p.l. n° 59, s'attaquait directement à l'intégrisme religieux et
l'endoctrinement idéologique — comme je le croyais, je croyais au début
qu'il allait s'attaquer à ça — sa section I, donc, est-ce qu'elle
retrouverait une pertinence à vos yeux, dans la mesure où nous nous attaquerions ici au discours d'endoctrinement,
d'embrigadement des jeunes, puisque ce n'est pas... ils sont endoctrinés
par des paroles? Donc, si le noeud et
l'esprit de la loi s'attaquaient directement à l'intégrisme religieux et
l'endoctrinement, est-ce que, pour vous, il y aurait une pertinence de
s'attaquer à ces discours, aux discours de ces prédicateurs?
M. Simard (Claude) : C'est à moi que
madame a posé la question?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Simard.
Mme Roy
(Montarville) :
Bien, allez-y. Allez-y.
M. Simard
(Claude) : Je vais répondre. Alors, madame, je crois que je saisis
très bien votre intention. Je pense qu'il
faudrait reprendre le projet de loi au grand complet pour atteindre les
objectifs que vous visez. On ne pourrait pas partir de ce qui est proposé dans ce projet pour lutter
explicitement contre l'intégrisme religieux et le radicalisme islamique.
Il faudrait repenser toutes les mesures, repenser toutes les dispositions
législatives pour lutter efficacement contre le radicalisme islamique, et là il
faudrait le nommer vraiment en clair. Ça voudrait dire qu'il y a des mesures
comme contrôle des prêches dans les
mosquées. C'est ça que ça voudrait dire concrètement. Si on accepte de lutter
contre le fléau actuel qui mine le
monde entier, qui met en péril la paix du monde, c'est-à-dire le radicalisme
islamique, là, il faudrait trouver
des moyens très, très concrets, très, très précis pour aller contre ce
mouvement qui est politico-religieux. Je serais tout à fait d'accord
avec vous, mais le projet de loi ne pourrait pas servir de base, à mes yeux.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville. Oh! vous voulez avoir les commentaires de M.
Blanchet-Gravel?
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, s'il en a à cet égard.
M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Non,
moi, je trouve...
Mme Roy
(Montarville) :
Vous endossez. Parfait.
M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Oui,
oui. Je suis d'accord.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci. J'ai une autre question qui suivrait.
Donc, si on reprend l'esprit de la loi que nous souhaitions tous à
l'origine, s'attaquer à ça, hein, pour empêcher les jeunes de partir, pour
empêcher des crimes comme ceux qu'on a
vus — on
n'oublie pas Saint-Jean-sur-Richelieu, là, il y a eu conversion, on a parlé à
cette personne-là, elle s'est
convertie, puis elle est allée tuer un de nos militaires canadiens — donc on veut s'attaquer à ça, alors quelles seraient — là,
je vous pose une question à 100 000 $ — les solutions pour
s'attaquer à ça, à ce discours qui mène à ces atrocités?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Simard.
M. Simard
(Claude) : Oui. Vaste question, madame. C'est la grande question qui
est posée au monde entier, pas seulement au Québec. Moi, je pense qu'il
faut avoir deux types de mesures, des mesures qui encadrent l'islam, qui encadrent cette religion, surtout à l'intérieur
des pays occidentaux qui ont des coutumes, des moeurs et des valeurs
très, très, très éloignées de la pensée islamique fondamentale d'origine. Vous
comprenez ce que je veux dire? Parce qu'il y a des musulmans qui ont évolué beaucoup, mais je pense à la religion
islamique telle qu'elle est donnée dans sa doctrine et dans ses textes
sacrés. Donc, des mesures d'encadrement très, très strictes.
Des mesures
d'encadrement, pour moi, c'est, par exemple, de ne pas permettre, mais vraiment
ne pas permettre certaines pratiques
ancestrales contraires à nos valeurs. Par exemple, on ne peut pas accepter
qu'une religion empêche les femmes
d'être des êtres humains à part entière. On ne peut pas empêcher qu'une
religion oblige les femmes à devenir d'effrayants fantômes dans l'espace
public. On ne peut pas accepter ce genre de pratique. Donc, ce sont des mesures
qui pourraient être prises concrètement pour
encadrer l'islam. Non, on ne veut pas de symbole sexiste dans notre
société.
Et il y
aurait aussi d'autres mesures plus éducatives, c'est-à-dire des mesures qui
viseraient à faire transformer la mentalité fondamentaliste de certains
musulmans qui nous arrivent de l'immigration. Au lieu de les envoyer dans les mosquées... Vous savez, vous l'avez entendu, c'est
exactement ce que les deux collègues, là, musulmans nous ont dit, c'est-à-dire qu'on les enferme encore dans leur
ghetto musulman, on les enferme dans leur communauté, et, en fait, ils
ne voient pas d'autres valeurs, d'autres
manières de penser le monde parce qu'ils sont ghettoïsés. Il faut rompre avec
cette ghettoïsation en allant parler à ces
populations, en expliquant nos valeurs, en faisant oeuvre d'éducation. Voilà,
madame.
Le
Président (M. Ouellette) : Un dernier commentaire? Il vous
reste une minute, ma chère dame de Montarville, chère députée de
Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. Je suis tout à fait d'accord avec vous et je pense que
c'est extrêmement important de défendre nos valeurs, de défendre nos droits et
libertés. Il ne faut surtout pas que nos chartes
servent contre le bien, mais pour le bien, et je pense que ce que vous dites,
c'est le gros bon sens. Tous les gens qui vous ont entendus seront d'accord avec vous. Il faut interdire des
choses, il ne faut pas avoir peur de le dire, même si ça peut déranger.
Mais, si nous voulons protéger nos libertés, il faut le faire. Alors, je
souscris...
M. Simard (Claude) : Il faut
s'affirmer en tant que nation.
Le Président (M.
Ouellette) : Le mot de la fin, M. Simard?
Mme Roy
(Montarville) :
C'est magnifique.
M. Simard
(Claude) : Bien, je vous remercie. Je remercie tous les parlementaires
ici présents. Nous avons eu, je pense, des échanges fructueux, et
j'espère que la démocratie va gagner.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. Claude Simard.
(Applaudissements)
Le Président (M. Ouellette) :
Ah! les applaudissements à l'Assemblée nationale, il n'y en a plus.
M. Simard, M.
Blanchet-Gravel, on vous remercie de votre participation. On suspend nos
travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 19 h 43)
Le Président
(M. Ouellette) : La commission
reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Je vous
rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les
auditions publiques sur le projet
de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la
lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications
législatives pour renforcer la protection des personnes.
Je souhaite la bienvenue à la Fédération des
établissements d'enseignement privés. On s'excuse du délai. Des contretemps ministériels ont fait en sorte
que... C'est des choses qui nous arrivent en session. Et, M. St-Jacques, c'est
vous qui allez débuter. Je vous invite à
nous présenter les gens qui vous accompagnent pour les fins d'audio. Étant
donné que vous avez assisté à la
première et que vous avez entendu parler de notre première aujourd'hui, donc je vérifie si l'ouïe de nos invités est en parfaite santé.
Et je vous laisse la parole, M. St-Jacques.
Fédération des
établissements d'enseignement privés (FEEP)
M. St-Jacques (Jean-Marc) : M. le
Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les membres de la commission parlementaire,
bonsoir. Alors, je suis justement Jean-Marc St-Jacques, président de la
Fédération des établissements d'enseignement privés, mais, dans la vraie vie,
directeur général du collège Bourget à Rigaud.
Je suis
accompagné de M. Patrice Daoust, coordonnateur aux services aux élèves à la
fédération, et M. Philippe Malette, coordonnateur à l'administration
scolaire.
Bien sûr,
vous vous attendez que la fédération est ici ce soir, bien, c'est pour parler
de la loi n° 59, présenter nos recommandations, ou, en
tout cas, nos appréhensions, ou nos hésitations, ou nos demandes de précision par
rapport à cette loi-là qui veut justement prévenir et lutter contre les
discours haineux et tout ce qui incite à la violence.
Juste pour
vous situer, la fédération regroupe actuellement 194 établissements scolaires de l'ordre du
préscolaire, du primaire, du secondaire. Il y a des écoles en enseignement général,
il y a des écoles en formation professionnelle, mais aussi une douzaine d'établissements spécialisés en adaptation
scolaire qui accueillent donc des élèves avec des troubles d'apprentissage graves, des troubles de
comportement ou des handicaps. On représente environ 112 000 élèves,
secteur principalement francophone, et c'est à peu près 12 % de la
clientèle scolaire au Québec.
D'emblée de jeu, je vous dirais que la
fédération est bien consciente que le phénomène de la radicalisation est en croissance dans notre société. Ce mouvement
vient percuter nos valeurs profondes et nos enjeux de société. Pour tout
être humain, le respect des droits et de la
liberté d'expression constitue un élément primordial de son
épanouissement, de son bien-être et du
respect de ses choix individuels. L'équilibre sociétal et individuel est
toujours fragile, et vous le savez bien.
C'est dans ce contexte et à la lumière de son
expertise en éducation que la fédération se prononce, et sous l'angle de l'éducation. Je tiens à vous dire que
ce projet de loi, selon ce qu'on en comprend, pourrait nuire à
l'éducation des jeunes, parce qu'il propose d'ériger des barrières qui
entraveraient le travail des éducatrices, des éducateurs et des administrateurs scolaires, et c'est pourquoi la
fédération a d'importantes réserves quant au libellé actuel du projet de
loi.
On est
conscients que le milieu de l'éducation a un rôle clé à jouer pour prévenir la
radicalisation. Nous sommes aussi
très conscients de ce rôle incontournable et nous sommes à l'aise de l'assumer.
On croit que, comme éducateurs, éducatrices, c'est un rôle qu'on doit
jouer. Toutefois, le projet de loi actuel vient limiter notre capacité à agir.
Comme bien d'autres groupes, d'autres
intervenants depuis le début, on pense qu'il va être très important d'avoir une
définition claire des termes. Qu'entend-on par «discours haineux»? Qu'entend-on
par «discours incitant à la violence»? Bien
sûr, le Code criminel donne des balises, aux articles 318 et 319, sur la
propagande haineuse. Ce qu'on craint,
c'est : sans définition précise, la différence entre ces deux concepts
demeure floue et risque de laisser une large place à l'interprétation.
Par ailleurs,
dans le projet actuel, seuls les médias ont une protection afin qu'ils puissent
rapporter des propos haineux dans le
but d'informer le public. Qu'en est-il de l'éducation? Nous pensons qu'il est essentiel
qu'une telle protection soit aussi
accordée aux écoles. Les enseignants, dans un but pédagogique, peuvent être
appelés à citer certains propos haineux. On prend les cours d'histoire, pour faire comprendre,
par exemple, qui était Hitler, il va falloir parler de ses propos
antisémites, donc il va falloir citer des exemples, il va falloir donner des
choses. On ne pourrait pas parler non plus, par exemple, du génocide rwandais
dans le cours sur l'histoire du monde. On ne pourrait pas aborder beaucoup d'autres
phénomènes.
Même dans les cours d'éthique et culture
religieuse, où il y a une dimension de dialogue à créer, il faut avoir présenté
des situations qui pourraient être reconnues comme des propos haineux, tel
qu'on comprend le projet de loi toujours, et
tout ça dans le but d'amener les jeunes à comprendre les situations puis à les
faire réfléchir pour éviter qu'ils tombent,
justement, dans ces propos-là par la suite. Et c'est un rôle essentiel qu'on a
à jouer en classe comme éducateurs. C'est
un rôle préventif de l'école, c'est un rôle en amont de l'école, d'amener les
jeunes à se développer une conscience puis
à démontrer que les dérives associées à de tels propos ont amené des situations
problématiques dans l'histoire, puis amener les élèves à réfléchir dans
un cadre d'analyse basé sur les valeurs de notre société. Or, dans l'état
actuel de ce qu'on comprend de la loi, l'enseignant pourrait se voir exposé à
une plainte de la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse.
On croit qu'à
l'instar des médias les enseignants devraient avoir la possibilité de rapporter
des propos haineux, dans la mesure où
cela est au service de l'enseignement, bien sûr. L'objectif de cet ajout serait
de protéger les enseignantes, les enseignants et les éducateurs du
milieu scolaire qui utiliseraient de tels propos afin d'illustrer, de discuter
ou bien de démontrer par des exemples
précis. Le champ d'action des enseignants ne doit pas se limiter à la
transmission d'information purement factuelle. Bien sûr qu'avec la
conception présente et actuelle des cours d'histoire on doit comprendre des phénomènes, donc ça suppose qu'on a besoin de
citer des exemples comme ceux-là. Et l'enseignant doit aussi amener...
d'animer des discussions en classe. Les élèves peuvent alors être aussi appelés
à rapporter des propos dans le cadre d'échange
d'idées dans un groupe ou dans des présentations. De la même façon, l'élève ne
doit pas s'exposer à la dénonciation parce qu'il rapporte des propos
haineux, lorsque cela s'inscrit dans un cadre pédagogique bien sûr, dans le
cadre du contenu des programmes.
• (19 h 50) •
Par ailleurs,
le professeur doit être en mesure d'intervenir auprès d'un élève qui, voulant
s'exprimer, projette une vision
déplacée sur un sujet précis. Si, dans le cadre d'une discussion en milieu
scolaire, un élève prononce un discours haineux ou du discours incitant
à la violence, le rôle premier de l'enseignant est d'intervenir et de faire
comprendre à l'élève la portée de ses propos. Souhaitons-nous que l'enseignant
soit automatiquement forcé de rapporter le tout à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse,
déclenchant ainsi une multitude de procédures administratives pouvant avoir des incidences majeures? Il faut bien être
conscient ici qu'on ne parle pas de menace à la sécurité de personnes, mais de jeunes qui tiennent des propos
irréfléchis ou qui répètent des choses qu'ils ont pu entendre ailleurs. La première chose à faire pour un
enseignant n'est-elle pas alors de faire prendre conscience au jeune de la
portée de ce qu'il dit, de l'amener à poser
un regard critique sur ses propos et de discuter des valeurs de la société dans
laquelle il évolue? Dans un contexte scolaire, est-ce que la judiciarisation
doit être la première étape à suivre?
Dans l'éventualité où un élève tient des propos
haineux en classe, l'enseignant devrait avoir la marge de manoeuvre pour intervenir auprès de l'élève et de
poser des gestes pédagogiques appropriés. Lorsqu'il s'agit de jeunes qui
évoluent dans un contexte scolaire, la judiciarisation ne devrait pas être la
première intervention. Donc, la fédération recommande
qu'on laisse une certaine marge de manoeuvre au personnel en éducation pour
intervenir auprès des jeunes, avec les différents moyens dont ils
disposent, afin de procéder à une dénonciation... avant de procéder, pardon, à
une dénonciation.
La fédération
recommande aussi de ne pas substituer aux mécanismes internes des
établissements un processus administratif
extrêmement lourd et irréversible. Dans le cas où un membre du personnel ou un
élève émettrait ou émet des propos
pouvant être considérés haineux ou incitant à la haine, les écoles disposent de
différents moyens d'intervention. Ces moyens
nous semblent appropriés pour régler la majorité des cas. Or, selon ce projet
de loi, si un enseignant n'intervient pas en classe devant des propos haineux ou incitant à la violence ou tient
lui-même ces propos, qui incitent un parent ou un élève à déposer une plainte à la commission, ce dernier
se retrouvera devant un processus où il ne pourra nier la situation, et
la Commission des droits de la personne
n'aura d'autres choix de référer cette situation au tribunal, qui, lui,
inévitablement, sanctionnera, car il y aura
un aveu. Alors, on est pris dans un long processus. Puis on travaille avec des
élèves qui peuvent avoir des
égarements ou répéter n'importe quel propos. Alors, on pense qu'on a un travail
d'éducation à faire avant de tomber dans un processus autre.
Alors,
l'enseignant pourrait se retrouver aussi dans une situation de double sanction
si l'établissement, d'un côté, décide
de prendre des mesures administratives avant le tribunal, et là, ensuite, la
lourdeur administrative freine le règlement à l'amiable et va à l'encontre, à notre sens, du droit actuel au Québec,
qui incite les parties à se rendre en médiation d'abord.
Dans le processus administratif proposé, il y a
la mise en place d'une liste publique des personnes ayant fait l'objet d'une décision du tribunal. Je
n'insisterai pas trop, ce genre de pratique n'est pas coutume au Québec, vous
en avez entendu parler abondamment, alors je vais aller un peu plus
vite. Mais, nous, ce qui nous inquiète, c'est... La possible présence de mineurs sur cette liste soulève de
grandes réserves. Il y a ici une question, à notre sens, d'éthique et de
morale. Dans ce sens-là, si le projet de loi
est adopté comme il est là, on pense qu'il va y avoir un travail énorme de plus
confié à la Commission des droits et on
croit aussi que la multiplication de telles dénonciations va engorger le
système, et qu'on n'aura pas de réponse, et qu'on va être empêché d'agir
avec nos élèves et de régler des problèmes plus rapidement.
Et
finalement, en ce qui concerne la modification proposée à la Loi sur
l'enseignement privé, la fédération estime
qu'elle présente certains problèmes. Nous constatons une grande ambiguïté avec
la notion de tolérance de la part
d'un établissement et des conséquences possibles face à une telle situation.
Nous ne croyons pas qu'il est nécessaire
d'octroyer un pouvoir supplémentaire
d'enquête au ministre sur un sujet dont la connaissance et l'expertise ne
relèvent pas de son domaine. La Loi sur l'enseignement privé confère déjà au ministre un
grand pouvoir sur le contrôle, la modification,
la révocation d'un permis accordé à un établissement d'enseignement privé,
ainsi que les agréments qui sont accordés aux institutions accréditées.
L'ajout de spécifications aux mesures de surveillance n'apportera pas une plus
grande portée à sa capacité à intervenir auprès des établissements fautifs.
Plutôt que de
complexifier les interventions en donnant au ministère de l'Éducation un
pouvoir d'enquête dans un domaine qui
ne relève pas de ses compétences, nous croyons qu'il serait plus pertinent de
veiller à l'application rigoureuse qui est prévue déjà dans la Loi de
l'enseignement privé.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, M. St-Jacques. Vous allez sûrement avoir l'opportunité de conclure dans vos échanges
avec la ministre, ou la députée de Taschereau, ou Mme la députée de
Montarville. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, je vais prendre quelques secondes simplement
pour m'excuser de mon retard à mes
collègues, parce que j'ai toujours... j'ai le souci de la ponctualité, et
parfois les obligations ministérielles nous font un petit peu arriver en retard, parce que les déplacements entre
les différents endroits ne sont pas toujours simples.
Bref, je veux vous remercier de votre
présentation. Je pense que vous apportez à notre attention des éléments qui sont importants dans un contexte très
particulier, qui est celui de l'enseignement. Et je tiens à vous rassurer,
puisque, bien que vous arriviez à la fin de ces consultations — il
nous reste quelques groupes ce soir et demain — vous nous indiquez à quel point il serait important de
définir des termes, et le projet de loi, effectivement, introduit un certain
nombre de termes que nous n'avons pas
définis, mais je pense qu'il serait opportun de les définir. Votre prestation,
votre présentation nous démontre
encore à quel point ça peut être important de définir les notions avec
lesquelles on entend travailler,
d'une part pour éviter des interprétations qui donnent au projet de loi une
portée qu'il n'a pas et que nous n'avons pas l'intention de lui donner, et également pour permettre à ceux et
celles qui auront à travailler, de près ou de loin, avec le projet de loi surtout de bien le comprendre et de
pouvoir aussi communiquer. Parce que toute cette question de discours haineux, de discours incitant à la violence peut
faire l'objet de débats fort intéressants à l'intérieur d'une classe, j'en
conviens.
Et ça nous
amène à votre deuxième recommandation, où vous nous dites : Nous, on a des
préoccupations, on ne voudrait pas
que des enseignants, dans le cadre de leur mission, se fassent taper sur les
doigts pour avoir repris un certain nombre
de propos. Je comprends bien, parce que, parfois, pour illustrer certaines
choses, encore faut-il en parler. Mais j'essaie
de faire une distinction entre l'enseignant qui, dans un cours, par exemple,
d'éthique et culture religieuse ou dans un cours d'histoire, reprenait des propos qui pourraient être considérés
comme des propos haineux pour justement illustrer à quel point ça a amené à une dégénération, alors
l'enseignant qui, de bonne foi, dans un contexte d'éducation, apporte ça
et celui ou celle qui pourrait utiliser son
statut d'enseignant non pas pour éduquer, mais pour passer un message de
nature haineuse ou de nature incitant à la violence. Comment pourrions-nous
faire pour éviter une situation comme celle-là? Parce que je comprends très bien ce qui vous préoccupe et votre volonté
de permettre aux enseignants de poursuivre leur mission de transmettre
aux jeunes les connaissances nécessaires pour pouvoir évoluer dans notre
société.
Le Président (M. Ouellette) :
M. St-Jacques.
M.
St-Jacques (Jean-Marc) :
Oui. Mme la ministre, je pense qu'effectivement... On est d'accord avec ça,
mais on croit qu'actuellement l'école a déjà
le pouvoir pour intervenir dans une situation comme celle-là. Les
établissements qui sont membres de la
fédération ont adhéré à une déclaration de valeurs qui parle justement de
respect de la diversité. Bon, ça, c'est une chose. Deuxièmement, la majorité de nos établissements ont des codes
d'éthique qui précisent le rôle d'un éducateur ou le rôle d'un enseignant, et, si je prenais
l'exemple, si chez nous un parent, ou un élève, ou un collègue de travail
rapportait de tels propos d'un enseignant, tout de suite il y aurait un processus
mis en place, d'évaluation, de vérification des éléments et de sanctions
disciplinaires, parce qu'effectivement ça serait des propos qui viennent
atteindre les droits et libertés, qui
viennent atteindre la dignité de la personne, et ça, à mon sens, effectivement,
ils sont intolérables dans une école.
Le seul
endroit où on dit ici qu'on demande de reconnaître — puis vous pourrez peut-être préciser, M.
Daoust — c'est
dans le cadre de l'enseignement,
effectivement, d'un cours où c'est au programme de faire comprendre les
événements présents qui peuvent avoir
déclenché la Deuxième Guerre mondiale, là je pense qu'on doit avoir cette
liberté de le faire, mais en rappelant bien... dans le sens que vous
dites.
L'autre côté,
je crois que l'école a déjà les pouvoirs d'intervenir auprès de l'enseignant
qui aurait des propos... Puis ça peut
être d'autres choses. Ça pourrait être des propos sexistes, ça pourrait être
des propos homophobes, etc. Donc, il y a des éléments comme ceux-là qui
pourraient intervenir.
M. Daoust (Patrice) : Et, dans le
cas de dérives...
Le Président (M. Ouellette) :
M. Daoust.
• (20 heures) •
M. Daoust (Patrice) : M. le
Président, dans le cas de dérives, à ce niveau-là, naturellement, c'est ce
qu'on souligne, c'est qu'il pourrait y avoir des procédures administratives qui
peuvent s'ensuivre, quitte à aller jusqu'à une judiciarisation du processus au niveau civil, et tout ça. Donc, on
voudrait éviter une situation où il y a une multiplication des sanctions qui s'ensuivent pour un adulte qui
utiliserait, comme vous le soulignez, des propos pour endoctriner ou
faire passer sa vision des choses. Alors,
c'est en ce sens-là qu'on veut éviter cette superposition de situations ou de
sanctions qui s'ensuivraient, et aussi dans un processus irréversible, dans le
sens où on comprend, au niveau de la loi... Ce qu'on comprend au niveau de la loi actuelle, ce qui est proposé, c'est qu'une
fois enclenché le processus il passe dans le tordeur, et on aboutit sur une
liste, et là il n'y a plus moyen de faire amende honorable, de reconnaître ses
torts ou quoi que ce soit. Ce qu'on essaie de faire comme promotion dans
le droit actuel au Québec : on donne la chance aux individus de faire
amende honorable et d'avoir une médiation, ce qui nous apparaît absent dans le projet
de loi actuel.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Justement, à cet effet-là, l'article 4 du projet de loi prévoit que la Commission des droits peut prendre les mesures appropriées. Donc, actuellement, la commission peut soumettre, par
exemple, certains dossiers à la
médiation. Est-ce que vous ne croyez pas que l'article 4,
dans son libellé, pourrait justement atteindre cet objectif-là de ne pas nécessairement
judiciariser un dossier?
Je pense
qu'il y a une question aussi de contexte. Lorsqu'un dossier est soumis à
l'évaluation de la commission pour traiter une plainte portant sur la tenue d'un discours haineux, la
commission en fait l'évaluation, fait l'évaluation aussi du contexte dans lequel le discours a été
prononcé, et donc elle analyse... dans son analyse, elle va considérer ce qui
doit être fait dans le contexte bien particulier. Et c'était l'objectif de
l'article 4 du projet de loi, c'est-à-dire de donner cette discrétion-là à la commission pour éviter,
justement, dans certains cas, de subir un traitement qui serait
disproportionnel au dossier et au contexte bien particulier dans lequel le
discours aurait été prononcé.
Le Président (M. Ouellette) :
M. St-Jacques ou M. Daoust? M. Daoust.
M. Daoust
(Patrice) : Effectivement, c'est ce qui est inscrit là, mais il y a
aussi une référence où on dit... où la commission
doit informer, là, et c'est le «doit» qui est apporté également dans l'article
de loi qui nous pose également problème,
le «doit» tenir le tribunal informé de ces démarches-là. Alors, c'est ce
processus-là qui nous met... qui, à nos yeux, mérite d'être clarifié en
bout de ligne. Philippe, si tu veux préciser...
Le Président (M. Ouellette) :
M. St-Jacques.
M.
St-Jacques (Jean-Marc) : Je
voudrais juste rajouter un petit élément, également dans cette
dimension-là : Quand on dit «la
lourdeur du processus», c'est la longueur aussi du processus.
On est dans un monde scolaire, le délai de passage des élèves est cinq ans, mais, dans certaines écoles, deux ou
trois ans, et la même chose... Et qu'est-ce
qu'on fait au moment... entre la
plainte et la fin du processus, avec l'élève, avec l'enseignant? C'est pour ça
qu'on croit que l'école a déjà en place... Et bien sûr, si les propos
sont haineux, qu'ils ne répondent pas, on a des... il va être suspendu, là, ça,
ça va, l'enseignant dont on parle, mais la
longueur du processus nous inquiète un peu là-dessus. Nos élèves, on fait quoi
pendant ce temps-là? Ils continuent à être
en classe? Il y a l'obligation de scolariser, il y a... C'est un peu dans ce
sens-là aussi.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Malette.
M. Malette (Philippe) : Oui, si je
peux juste compléter qu'est-ce que mon collègue Patrice mentionnait, effectivement, l'article 4, il y une notion
où est-ce que la commission peut avoir un certain jugement par rapport à ça,
mais par contre, comme Patrice disait, au
niveau de l'article 11, on vient dire que c'est vraiment «doit», et notre
crainte par rapport à ça, à notre
analyse, c'était de dire : Bien, devant l'éventualité que la commission
voie vraiment qu'il y a eu, oui, des
propos tenus, mais que l'enseignant a peut-être dit : O.K. c'est correct,
j'ai tenu ces propos-là, mais à quel... jusqu'à quel moyen la commission
devrait porter cette cause-là devant le tribunal, en raison de
l'article 11, là, en raison vraiment du
«doit» porter au tribunal la connaissance en cause? Donc, c'était vraiment
cette réflexion-là qu'on a eue à l'analyse du projet de loi, puis c'est
un peu pour ça que, dans notre mémoire, on le mentionnait, là, ce mécanisme-là.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Mais je prends
bonne note de votre préoccupation. Simplement, évidemment, la commission fait une analyse du contexte dans lequel tout ça
s'est déroulé et verra à saisir le tribunal selon la nature des éléments
de preuve qu'elle aura déterminés puis le
contexte, là. Parce que l'article 11 énumère ces différents éléments qui
doivent être considérés par la commission avant de soumettre au tribunal.
Ceci étant,
dans son enquête, elle va quand même pouvoir, par exemple si les propos ont été
tenus à l'intérieur d'un établissement scolaire, vérifier le contexte
aussi. Le contexte scolaire, c'est une chose. Le contexte... un contexte... Des
locaux de l'établissement loués en dehors des heures, ça, c'en est une autre.
Bref, il y a une série d'éléments qui pourraient être considérés.
Mais, ceci dit, on prend bonne note. Puis il serait
important de faire cette distinction-là entre l'enseignement et, par exemple, des propos qui pourraient être
prononcés dans le cadre, par exemple, d'une tentative d'endoctrinement
ou de diffusion de propos qui ne cadrent pas avec nos valeurs démocratiques.
Je veux
revenir sur la question de la location des locaux. La Fédération des cégeps, la
semaine dernière, je crois, nous
disait : Nous, on dispose de certains outils, notamment notre code de vie,
qui permet d'intervenir bien avant même des discours haineux. On a tellement... nos codes de vie sont tellement
encadrés que nous, on ne tolère pas la discrimination, point, puis les propos discriminatoires, mais par
contre on aurait besoin d'un outil pour nous permettre de nous dégager d'obligations juridiques à l'égard de tiers avec
qui on pourrait avoir consenti des baux. Est-ce que vous êtes confrontés
à des situations similaires?
Le
Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.
M. St-Jacques (Jean-Marc) : Là, j'essaie de faire le tour des établissements.
De mémoire, non. Mais remarquez qu'on ne serait pas contre, parce
qu'effectivement, dans le futur, probablement... mais actuellement nos locaux
sont habituellement... Les locaux qui sont
loués, c'est principalement des activités culturelles, des activités sportives,
et je n'ai pas mémoire, là, de locaux
qui ont été loués pour des organismes autres. Puis souvent, aussi, on a
l'obligation de vérifier si ça correspond au monde scolaire, et, compte
tenu que, nos écoles, contrairement aux cégeps, c'est souvent... ça a des... à aires ouvertes, alors il y a peu de groupes.
C'est sûr que c'est en soirée, ou l'été, ou les week-ends, puis, encore là,
il y a peu de locaux disponibles, parce qu'on ne veut pas perturber
l'organisation de l'école. Mais c'est souvent pour des activités en lien avec
des municipalités, avec les organismes connus, là, dans la région. Mais on ne
serait pas contre. M. Daoust.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Daoust.
M.
Daoust (Patrice) : Merci. Et la plupart des écoles vont avoir des
provisions contractuelles qui vont permettre, justement, dans les contrats entre les deux parties, de dire, bien, si
ça contrevient à des valeurs ou quoi que ce soit. Déjà, ça peut être
apparent dans certains contrats avec certains établissements. Ça, c'est visible
déjà, présentement.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Et les cégeps ont ces dispositions-là également dans leurs contrats, par contre
nous disaient que, si on... d'ajouter une
clause à cet effet-là donnerait un pouvoir additionnel ou leur donnerait cette
marge de manoeuvre qui pourrait être
fort utile lorsque vient le temps d'intervenir. Ça ne semblait pas être un
problème récurrent, mais, le jour où ils
ont besoin de mettre un terme à un contrat, ils seraient plus... ils seraient
mieux outillés avec une disposition législative que sans disposition
législative. Alors, j'imagine que ça devrait s'apparenter à ce que vous vivez
également.
Est-ce
que vous avez des... Est-ce que vous avez regardé le projet de loi quant aux
autres aspects, en dehors de la question
des balises et de l'encadrement du discours haineux et du discours incitant à
la violence? Vu que vous travaillez de près
avec les jeunes, est-ce que les dispositions... est-ce que vous avez des
commentaires particuliers à formuler quant aux dispositions qui visent les violences basées sur une conception de
l'honneur, qui visent le contrôle excessif, qui visent les mesures de
protection qui sont destinées notamment aux jeunes?
Le Président (M.
Ouellette) : M. St-Jacques.
M. St-Jacques
(Jean-Marc) : Je veux répéter que tout ce qui va nous aider à contrer
les discours haineux et la violence faite
aux personnes dans le non-respect des droits et libertés, bien sûr on achète,
parce qu'on est dans un monde de
l'éducation puis qu'on doit former à une... j'allais dire à une convivialité
dans une société qui est devenue multiple ou, en tout cas...
Une voix :
Pluraliste.
• (20 h 10) •
M. St-Jacques (Jean-Marc) : ...pluraliste, pour dire plus juste. Ce qu'on
veut éviter, c'est tout ce qui va nous éloigner
de ça par des procédures... Je vais vous donner un parallèle, là, qui est
peut-être boiteux, mais je vais... Probablement que c'est chat échaudé craint
l'eau froide, là. On a eu déjà les politiques sur la prévention des
toxicomanies, la politique sur la
prévention de l'intimidation. On a tellement de documents à remplir à chaque fois qu'il y a
un geste d'intimidation, des rapports
à produire, des rapports annuels, des rapports à réviser, parce que,
là, la loi évolue, et des rapports à déposer, qu'à un moment donné toute l'énergie dont on dispose est mise sur des rapports, quand on
pense que, nous, il faut travailler en amont,
il faut travailler à la prévention de l'intimidation, il faut intervenir quand il y a
des gestes d'intimidation. Alors, ça serait un peu dans le même sens. On
ne peut pas tolérer, effectivement...
Puis,
il y a toute la question des mariages aussi, dont on vous a abordés, la question
de la violence de toutes formes. Je
crois qu'on doit travailler... nous donner les outils, à l'école, pour faire de
l'éducation à la prévention de ces gestes-là, et ensuite... Déjà, l'école, s'il y avait des gestes de cet ordre-là, a des outils d'intervention auprès des
élèves, par les codes sociaux, par les codes d'éthique, par... tout
simplement. Mais on a plus abordé dans ce sens-là, je pense.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Daoust.
M.
Daoust (Patrice) : Et, sur la
question de la Loi sur la protection de la jeunesse, nous,
on travaille là-dessus, on travaille avec ces lois-là à tous les jours, donc,
s'il y a des provisions différentes, des ajouts qui sont
faits à la Loi de la protection de la
jeunesse, on ne peut pas être à l'encontre de ça. Sauf que ce qu'on vous avise également
dans le mémoire, c'est qu'on vous dit : Il faut aussi tenir compte,
déjà, d'une certaine lourdeur qui existe dans le système pour ne pas
l'accroître davantage. Et donc, si on a les mécanismes rapides à produire,
bien, on ne sera pas contre ces nouvelles provisions là, qui pourraient être
dans un ajout à la Loi de la protection de la jeunesse.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : En fait, l'objectif
de nommer certaines situations et de bien identifier les problématiques, notamment les violences
basées sur une conception de l'honneur et le contrôle excessif, c'était justement
pour éviter de trop alourdir les différentes documentations, puisque
certains diraient : Vous n'avez pas à les identifier dans la loi, faites-y
référence seulement dans les différents protocoles d'intervention.
Mais je pense que certaines situations méritent d'être nommées pour qu'on puisse en connaître davantage, pour qu'on
puisse aussi se sentir tout à fait «légitimisés» d'intervenir lorsqu'une situation est soulevée. Parce que,
les violences fondées sur une conception de l'honneur, bien souvent on ne sait
pas trop comment... les gens ne
savent pas trop comment aborder ces questions-là. Et il est important, pour nous... Parce que je souscris à l'avis du Conseil
du statut de la femme : pour
venir régler un problème, il faut d'abord le nommer, il faut d'abord en parler. Et ne pas en parler, bien, ça fait que,
parfois, on fait des détours, et puis on n'en a pas parlé parce que c'était peut-être inconfortable,
mais il est important de faire quelque chose.
Alors, je ne sais pas si, dans vos établissements,
il est déjà survenu des situations qui ont été portées à votre connaissance et
qui, peut-être, pourraient nous éclairer sur les problématiques ou les enjeux
auxquels font face...
Le Président (M. Ouellette) :
M. Saint-Jacques.
M.
St-Jacques (Jean-Marc) : Mme
la ministre, à mon sens, vous soulevez quelque chose d'important là
aussi, effectivement. Je n'ai pas, à ma
connaissance, mémoire d'événements comme ceux-là. Par contre, je crois que...
On a fait beaucoup de formation quand
il y a eu le nouveau cours d'éthique et de culture religieuse, parce qu'il y a
tout un volet Dialogue, un volet
Éthique. Religieux, c'est à peu près le tiers du programme, d'une certaine
manière. Mais je crois qu'on aura à
travailler encore plus à la formation des enseignants, sur qu'est-ce qui est de
l'ordre de la religion puis qu'est-ce qui n'est pas de l'ordre de la religion. Par exemple, je vais dire :
Les crimes d'honneur, mais ce n'est pas ça que vous avez dit, c'est parce que je ne le retrouve pas, là, mais,
toute cette dimension-là, je crois qu'on a à travailler pour baliser.
Parce qu'il peut y avoir une certaine
crainte chez les enseignants d'aborder certains domaines du religieux dans le
contexte de la société actuelle pour
savoir... et d'où l'importance de ce cours-là, à mon sens, de faire comprendre
qu'est-ce qu'est le phénomène religieux,
qu'est-ce qui est de l'ordre d'une religion, qu'est-ce qui est de l'ordre de
l'endoctrinement, qu'est-ce qui est de l'ordre
de la non-reconnaissance des droits et libertés, de la non-reconnaissance d'une
société démocratique avec ses droits, ses valeurs et sa charte des
droits, à mon sens. Il y a un travail là à faire, et qu'on fait, mais qu'on
devra continuer à faire, effectivement, auprès de nos membres, ça, c'est
certain.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Est-ce qu'il
reste...
Le Président (M. Ouellette) :
Ah! deux minutes.
Mme Vallée : Bon. Écoutez,
bien, je tiens à vous remercier pour vos interventions puis pour avoir apporté
certaines préoccupations que vous avez, notamment sur les rôles et l'obligation
de l'enseignant. Parce qu'il y a certainement une volonté de permettre aux enseignants de
nommer ce qui est inacceptable sans pour autant se faire taper sur les doigts, mais en même temps on veut aussi
empêcher qu'on utilise ce prétexte-là pour tenir des discours qui sont
de nature du discours haineux et de la nature du discours incitant à la
violence. Alors, c'est de trouver l'équilibre entre les deux. Mais je vous
remercie d'avoir soulevé cet enjeu-là et d'avoir participé à nos consultations.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci,
M. le Président. Bonjour,
M. St-Jacques, bonjour, messieurs de la fédération des collèges
d'enseignement privés. Merci beaucoup.
Je vous
disais tout à l'heure... On a eu le temps de se jaser un peu parce qu'il y a eu un petit retard de notre côté, du côté des parlementaires. Ce n'est pas moi, mais je me permets de nous
excuser de ce délai en notre nom à tous et à toutes. Alors, je vous disais : À chaque mémoire,
même si on est à la fin des consultations, on découvre un angle nouveau,
quelque chose. Vous venez d'apporter un nouvel angle, qu'on n'avait pas vu
avant, je pense.
Et, vous savez, nous, on est le seul parti qui,
jusqu'ici, se positionne en disant : Il faut entièrement revoir la partie I de la loi, elle va être très
difficile à amender, même si je comprends que les gens disent : Définissez «crime
haineux» si vous êtes pour adopter la loi. Beaucoup de gens le disent, mais
elle va être difficile à amender.
Puis vous
venez de me donner un autre exemple sur un article où je ne m'attendais pas à
ce qu'on le soulève. On dit bien que
la protection... Dans la loi, article 2, il y a une ligne qui
dit : «Ces interdictions n'ont pas pour [effet] de limiter la
diffusion du discours aux fins d'information légitime du public.» Donc, ça vise
les journalistes. Donc, on protège les journalistes
qui iraient prendre un extrait de discours haineux ou qui citeraient un
discours haineux. Vous dites : Bien, ça nous arrive à nous, les enseignants, aussi, puis on n'est pas exclus de
la loi. Ça, c'est une chose, puis ça, on l'a bien compris, ça a été bien exploré. Mais la partie que ça
amène, c'est : imaginons — puis
là vous l'avez bien imagé — qu'un
prof cite dans un cours un bout de discours haineux et qu'une personne,
un parent l'apprenne et, au lieu d'aller à l'école et de protester dans le cadre du système scolaire qu'on
a, avec les outils qu'on a, s'en aille à la CDPDJ, le processus est
parti.
Vu les délais de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse, qu'est-ce que vous allez faire du prof
si vous apprenez qu'il y a une plainte officielle à la Commission des droits de
la personne et des droits de la jeunesse?
Le Président (M.
Ouellette) : M. St-Jacques.
M.
St-Jacques (Jean-Marc) : On
va toujours être coincés, parce que, d'un côté, on va avoir
les parents qui vont nous dire :
Bien, cet enseignant-là tient des propos ou a tenu des propos puis qu'on juge
inacceptables, puis ils vont nous sortir
nos projets éducatifs d'école, les valeurs humanistes auxquelles on tient, bon,
etc., et, de l'autre côté, il va avoir son association syndicale qui va
dire : Bien, c'est juste une plainte. Alors, on va être très coincés.
C'est pour ça qu'on pense qu'il faut avoir un
mécanisme, un premier mécanisme de mesures disciplinaires, de mesures d'analyse dans nos écoles, comme on
peut déjà faire dans toutes sortes de situations.
Un professeur qui aurait des propos,
comme je disais tantôt, sexistes ou homophobes, par exemple, on a des
mécanismes pour intervenir, c'est une chose.
Pour moi, la judiciarisation viendrait après. Si
on constate, nous, effectivement, que, ces propos qui ont été tenus, c'est, j'allais dire, avec intention
de la part de l'enseignant, là, qu'on est dans un processus autre, ça, on n'a
aucun problème, parce qu'on croit que l'école doit demeurer un lieu
d'éducation aux valeurs puis un lieu ou... par contre, un lieu où aussi
la discussion est possible, un lieu où l'échange est possible, où il est
possible de confronter des idées pour les faire progresser vers... pas
nécessairement un consensus, mais vers une capacité de vivre ensemble.
Mme
Maltais : Oui,
mais, écoutez...
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Oui. Ça, c'est... Normalement, on travaille en amont, c'est ce que plein de
groupes sont venus dire : Quand on veut travailler dans le monde de
l'éducation, on travaille en amont, on travaille en prévention, on éduque les gens, on ne les judiciarise pas. Ça, c'est un
message qui a été accueilli plusieurs fois. Mais, si les délais sont,
mettons, de six mois à la Commission des droits de la personne, qu'est-ce que
vous faites du prof pendant ces six mois?
M.
St-Jacques (Jean-Marc) : Si
j'étais l'administrateur puis que je vois que ça peut avoir un impact sur
l'école, il serait suspendu avec traitement chez lui en attendant.
• (20 h 20) •
Mme
Maltais : Suspendu
avec traitement. Il faut qu'il y ait un autre prof qui prenne la relève pendant
ce temps-là, si je ne m'abuse?
M. St-Jacques (Jean-Marc) : Tout à
fait. Philippe?
M. Malette (Philippe) : Bien, oui, effectivement.
De toute façon...
Le Président (M. Ouellette) :
M. Malette.
M. Malette (Philippe) : Excusez-moi,
M. le Président. Vous avez entièrement raison, dans le sens que la majorité des conventions collectives ou des
politiques à l'interne dans nos écoles, dans les écoles de notre réseau
vont avoir un mécanisme à cet effet-là, donc, oui, effectivement. Et on doit
suivre aussi le courant jurisprudentiel, à savoir : Est-ce qu'on doit le suspendre avec ou sans solde? La
majorité du temps, on va retrouver avec solde. Et, oui, effectivement, ça
représente des coûts qui peuvent être assez élevés.
Mme
Maltais :
C'est ça. En plus, pendant six mois, mettons, ce prof-là est suspendu, tout le
monde le sait dans l'école. C'est
dur, là, dans une vie professionnelle, c'est dans son dossier. Puis après ça il
peut être innocenté ou pas. S'il est innocenté,
il a quand même vécu six mois de suspension, six mois de paie aussi, là, mais
six mois de suspension, et c'est... Moi, je trouve ça particulier, là,
puis il n'y a rien là-dedans, là, là-dessus.
L'autre chose, effectivement, à
l'article 4 : «Sur réception d'une dénonciation, la commission
l'analyse afin de déterminer les actions appropriées», ce n'est pas
l'analyse... Ça, elle n'a pas encore décidé de faire enquête, «les actions
appropriées».
Ensuite, l'article 5, parce que je l'ai
lu : «La commission peut refuser — "peut", pas
"doit refuser", "peut refuser" — de donner suite à une dénonciation
qui est reçue plus de deux ans après — donc, en plus, le délai de prescription, il n'est pas "doit", là, il
n'existe pas, il est au choix de la CDPDJ — le dernier fait pertinent visé ou si elle estime que la dénonciation est frivole, vexatoire
ou faite de mauvaise foi.» Elle peut refuser. Elle ne doit même pas
refuser, elle peut refuser. Il y a
l'interprétation du côté de la CDPDJ, qui est assez large, là. Elle peut
décider que c'est frivole, mais qu'elle continue. C'est assez fou.
Mais donc, pour les profs qui sont devant des
classes assez mixtes... Au Québec maintenant, il y a des classes très, très, très, je dirais, multiculturelles, il y a des classes... des gens
qui viennent de toutes sortes de régions du monde. Quand on touche au fait religieux, quand on arrive à la première
génération qui arrive ici, des fois il
y a une sensibilité plus forte
qu'ailleurs. Vous avez besoin d'un mécanisme de protection des profs.
Le Président (M. Ouellette) :
M. St-Jacques.
M. St-Jacques (Jean-Marc) : Je suis
un ancien enseignant d'éthique et de culture religieuse, alors les... dans l'ancien programme de quatrième secondaire, il y
avait la Charte des droits et libertés, la liberté d'expression, le
respect des différences.
Et effectivement, dans le cadre de la formation, il pouvait arriver... Puis je
me souviens, par exemple — il n'était pas au monde, mon collègue — bien, on était à l'époque de l'apartheid,
donc, pour faire comprendre cette dimension de l'Afrique du Sud là, on avait bâti des projets, dans la classe, où on
vivait quasiment en situation d'apartheid pour faire saisir ce que
c'est.
Donc, il nous faut des mécanismes, bien sûr.
Après, on fait toute l'éducation, rappeler : Regardez, là, c'est un jeu de
rôle, c'est des situations... puis qui rapportaient des propos qui pouvaient
être haineux, qui pouvaient être non reconnaissants,
pour amener les élèves à saisir des situations... on parle de quatrième,
cinquième secondaire, donc un certain âge, pour éviter aussi la dérive
sectaire, ou quoi que ce soit.
Je crois que
là-dessus on a besoin de cette latitude-là pour continuer à faire de
l'éducation. Mais je suis d'accord que,
s'il y a un professeur qui n'est pas dans le cadre de son programme, qui
tiendrait de tels propos, il doit être sanctionné. Ça, ça n'a pas sa
place, là.
Mme
Maltais :
Mais vous avez déjà les mécanismes pour faire le travail qu'il faut, là. Comme
la Fédération des cégeps, la
Fédération des commissions scolaires sont venues nous dire : Écoutez, on a
déjà tout ça, on a déjà toutes les mécaniques, on n'a pas besoin
d'ajouter de la judiciarisation là-dedans.
M.
St-Jacques (Jean-Marc) : Et
ce qui devient aussi, si vous me permettez, ce qui devient aussi... qui a
peut-être changé dans le dernier quart de siècle, c'est qu'actuellement les
parents sont plus éduqués, plus informés, les médias sociaux, l'information circule rapidement. Et ensuite on a tendance
d'avoir... on veut des services à la carte, mais on a des plaintes à la
carte aussi. On a un peu de difficultés. Et ce qui est intéressant dans le
projet de loi, c'est d'amener une dimension
collective sur des droits aussi par rapport au respect. Ça, je pense que le
projet de loi peut être intéressant dans cette dimension-là aussi, pour
nous, mais...
Mme
Maltais : Merci,
M. St-Jacques. C'est parce que mon collègue veut aussi vous poser des
questions.
Le
Président (M. Ouellette) : Ah! ça me fait plaisir que votre
collègue de Bourget pose des questions, Mme la députée de Taschereau.
M. le collègue de Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Messieurs, soyez les bienvenus et merci pour votre
contribution aux travaux de cette
commission. Je vais revenir un tout petit peu sur l'économie générale du
volet I de ce projet de loi n° 59. Si je vous entends bien,
vous privilégiez l'éducation dans une perspective de prévention à la
répression, à la judiciarisation. Le projet de loi poursuit.
De ma
perspective des choses, deux objectifs : la déradicalisation et le
vivre-ensemble. Est-ce que le projet de loi, adopté tel quel, de votre
perspective, du haut de votre expérience, va atteindre ces objectifs-là?
Le Président (M. Ouellette) :
M. St-Jacques.
M. St-Jacques (Jean-Marc) : Puis,
avec toute la limite, là, que... je ne suis pas un spécialiste dans tous ces domaines-là, je dirais que nous, on se dit :
Si on n'a pas... Ce qu'on craint : si on n'a pas les moyens
d'amener les élèves à comprendre des phénomènes et à éviter de tomber
là-dedans, on ne réglera pas la radicalisation, et d'où l'importance du cours,
actuellement, d'éthique et culture religieuse — mais il n'y a pas juste ce
cours-là — sur
la compréhension de ce que c'est, les
phénomènes religieux, parce qu'on parle beaucoup... la radicalisation se fait
beaucoup autour de certaines religions actuellement, le discours haineux, et de
faire des distinctions, par exemple, dans les cours de quatrième, cinquième
secondaire.
Avec ce qui se passe au Moyen-Orient, si j'étais
professeur d'histoire ou d'histoire du monde contemporain, il y aurait tout un travail à faire pour
comprendre, justement, pour amener... et, à mon sens, l'école a déjà les moyens
de faire ça, qui est différent que... Je
fais une distinction aussi entre un enseignant ou un éducateur dans une maison
puis un élève. L'éducateur, à mon
sens, il a une éthique professionnelle. Par sa formation, par son métier, il y
a des propos qu'il ne peut pas tenir, il y a des attitudes qu'il ne peut
pas avoir, et ça, on a les mécanismes pour intervenir, et même c'est souvent conventionné. Je veux dire, écoutez, par
exemple, un professeur qui exclurait des gens au nom de la race, de la religion, ou quoi que ce soit, ou : Moi, je
ne veux pas l'avoir dans l'école parce qu'elle est voilée, ou quoi que ce
soit, il y a des choses... Pour l'élève, à
mon sens, on est dans un mécanisme de formation, donc là il peut avoir des
dérives dans son discours. On en a
toujours vu, on a eu... toutes les époques possibles, là, des skinheads en
montant jusqu'à aujourd'hui, les... associés à des gangs de rue, ou quoi
que ce soit, même dans nos écoles. Donc là, on a un travail autre à faire, on
voudrait d'abord faire de l'éducation avant d'arriver dans un processus de
dénonciation, et toute la suite, là. C'est un peu... Peut-être que je ne
réponds pas à votre question, là, mais...
Le Président (M. Ouellette) :
M. Daoust, vous avez un complément d'information?
M. Daoust (Patrice) : Absolument. À
l'heure actuelle, il y a beaucoup d'ententes qui sont... Avec la ville de Montréal, par exemple, avec le SPVM, on a signé
des ententes de collaboration avec le SPVM dans le but, justement, de faire de la prévention, donc avec les policiers
sociocommunautaires. La fédération a étendu ce protocole, qui a servi de
modèle pour l'ensemble du territoire, au
niveau de ses établissements pour qu'ils puissent se baser sur ce qui est fait
là. Et on était très réceptifs, parce que,
lorsque la discussion a été faite avec le SPVM — j'étais à cette table de discussion
avec le SPVM — une de nos préoccupations était pour les
établissements qui sont à l'extérieur de Montréal et qui auraient besoin
des ressources du nouveau centre qui a été
mis en place pour la prévention, est-ce qu'il y aurait cette possibilité-là?
Là, on est venus clarifier cette
dimension-là, et c'est déjà un moyen de prévention et un moyen de travailler en
amont qui existe puis qui s'est étendu à l'ensemble du territoire
québécois.
Alors,
il y a des modalités qui peuvent être faites à l'intérieur même d'une législation,
qui permettraient, justement, d'agir
au niveau de la prévention sans avoir à modifier la Loi sur l'enseignement
privé en tant que telle pour apporter ces mesures-là de prévention et
donner des outils aux enseignants.
Le Président (M.
Ouellette) : Petit commentaire, dans la dernière minute, M. le
député de Bourget.
M. Kotto :
Oui, dernière minute. Vous avez beaucoup d'expérience, vous avez côtoyé des
jeunes dans leur croissance, dans la
formation de leur personnalité psychique. Le sentiment d'appartenance et le
sentiment d'acceptabilité — au même foyer de sens, évidemment — sont-ils
des vecteurs qui peuvent contribuer ou pas à la déradicalisation et au
vivre-ensemble?
Le Président (M.
Ouellette) : M. St-Jacques, en conclusion.
• (20 h 30) •
M. St-Jacques
(Jean-Marc) : C'est sûr que l'école doit tout mettre en place, là,
tout mettre en oeuvre pour assurer que tous les élèves fassent partie du
groupe, de la famille, si on veut. Et là le projet de loi... Tout le travail
sur l'intimidation nous a éveillés à être
sensibles aux élèves qui sont exclus, aux élèves qui sont intimidés, aux élèves
qui sont rejetés. Donc, on a cette capacité-là. Pour moi, il faut faire
le même travail ici avec... Et ce que je trouve peut-être intéressant avec ce projet de loi là, c'est que ça
nous rappelle notre rôle d'éducateur, aussi. Au-delà de ce qui va être
écrit, au-delà de ce qui va être fait, on a
un gros travail de formation, actuellement, à faire sur la radicalisation et tout ce qui est dit, là,
qui est de faussetés, ou quoi que ce soit. On mêle tout, là, actuellement, là, au
niveau de l'islam, par exemple, en particulier. C'est ce qu'on entend le plus
auprès des élèves.
Donc,
on a tout un travail à faire là-dessus, à mon sens, mais en même temps on ne peut pas
se dire qu'on perçoit dans nos écoles
actuellement un phénomène d'exclusion ou de radicalisation,
mais on pense que, si on fait de l'éducation, il ne faut pas attendre
que le feu prenne pour montrer comment sortir en cas de feu.
Le
Président (M. Ouellette) : On va vous envoyer un pompier de Montarville, M. St-Jacques. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Bonsoir, à l'heure où nous sommes rendus. Merci d'être là. Pour les bénéfices des
gens qui nous écoutent, la Fédération des établissements
d'enseignement privés, les articles
sur lesquels vous avez travaillé, ce sont ceux qui vous touchent dans le projet de loi n° 59, c'est-à-dire
plus précisément les articles 27, 28, 29 et 30. Je vais vous poser des questions
là-dessus.
Mais avant j'ai une
petite question de préambule. Vous nous disiez que la Fédération des établissements
d'enseignement privés compte 194 écoles. Moi, je suis
intriguée. Dans ces écoles, on parle d'écoles privées, primaires, secondaires, il y en a... Est-ce qu'il y en a ou
combien en avez-vous qui sont des écoles d'enseignement privées
religieuses? Peut-être n'en avez-vous pas, mais il doit y en avoir
quelques-unes, j'imagine.
Le Président (M.
Ouellette) : M. St-Jacques.
M. St-Jacques (Jean-Marc) : Si on prend les statistiques du ministère,
il y en a beaucoup dans le sens suivant : c'est que toutes les écoles qui étaient de
tradition religieuse catholique ont souvent, auprès du ministère,
encore un statut d'école catholique.
Mais, pour être directeur d'une école catholique, étant moi-même religieux, ce
que je peux vous dire, c'est ce qu'on
fait... Ces écoles-là n'auraient pas... Ce sont des écoles qui sont
demeurées... qui sont pluralistes, parce que, dans la tradition de l'école catholique, c'est d'accueillir tous les
élèves qui sont là. Ça, c'est une chose. Mais des écoles strictement
confessionnelles, dans notre fédération, on en a peu. On a deux ou trois écoles
musulmanes, de mémoire.
M. Daoust
(Patrice) : À peu près. Oui, trois.
M. St-Jacques
(Jean-Marc) : Trois. Puis peut-être une école de tradition juive, mais
c'est davantage pour des élèves handicapés
ou hospitalisés, donc c'est un autre contexte tout à fait, là. Mais ces
écoles-là, que ce soit catholique de
tradition, parce qu'il y a peut-être des catholiques un peu plus historiques, pour
parler comme ça, il ne faut pas le qualifier autrement, elles ont une charte des valeurs que la fédération
a. Donc, dans notre charte des valeurs, il y a le respect des lois québécoises,
le respect de la Charte des droits et libertés, le respect de la différence
culturelle, différence religieuse, et c'est
inscrit dans nos valeurs. Il y a une école qui... On demande de la signer,
cette déclaration de valeurs là, avant de devenir membre de la fédération,
mais après ça, bien sûr, on n'a pas un pouvoir d'enquête, là, pour aller
vérifier dans l'école si tout ça est fait,
là. Mais le ministère, dans le renouvellement des permis, dans la
révocation ou non des permis et des agréments, a une capacité aussi de
vérifier certains éléments de cet ordre-là.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Alors, vous dites : Deux ou trois écoles sont vraiment
de confession... Alors, ma question :
Comment est-ce que ces écoles-là ont réagi ou vous ont-elles communiqué, celles
qui sont vraiment religieuses,
à la suite du dépôt du projet de loi de la ministre? Est-ce qu'il y a eu des réactions de la part des
directions, de la part des parents, des craintes? Je voulais juste avoir
le pouls à cet égard-là.
Le Président (M. Ouellette) :
M. St-Jacques.
M.
St-Jacques (Jean-Marc) : On
n'a vu aucun commentaire ni de nos... de ces directions d'école là. On a
une assemblée générale dans deux... un mois
et demi, alors on va peut-être en avoir plus, là. C'est vrai que c'est le début
de l'année scolaire, et tout le monde est dans le rodage, là, mais on n'a pas eu aucun, aucun... Mais, pour les
connaître un peu plus, ces écoles-là,
je ne croirais pas qu'il y en aurait non plus, parce qu'elles affirment, tout
au moins dans leur charte et aussi
leur déclaration de valeurs, ou leur code d'éthique, ou leur code social,
qu'elles sont ouvertes à la reconnaissance de la société dans laquelle
elles sont intégrées, là.
Mme Roy
(Montarville) :
...page 13, en haut de page, vous nous dites : «Tout d'abord, le fait
d'accorder au ministre un pouvoir d'enquête sur un sujet dont la connaissance et l'expertise ne relèvent pas de son domaine soulève des questionnements.»
Alors, plus précisément, vos inquiétudes... vous avez fait plusieurs recommandations,
mais vous l'axeriez surtout sur quoi?
M.
St-Jacques (Jean-Marc) : On
parle effectivement du ministre
de l'Éducation à ce moment-là. On
pense que cette dimension-là... Je crois que, si au ministère de la
Justice, si à la Commission des droits de la personne, ils ont déjà un mandat,
on ne voit pas en quoi le ministre... — puis là je vais peut-être demander
à M. Daoust, là, de préciser davantage,
là — on ne
croit pas qu'il est nécessaire de donner un pouvoir de plus au ministre de
l'Éducation si déjà il est prévu par la justice, par nos lois, par la
Charte des droits, par... C'est un peu dans ce sens-là, si je ne me trompe pas.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Daoust, si vous voulez compléter.
M. Daoust
(Patrice) : Exactement ça. Dans l'article 119, c'est clairement stipulé, sur les
pouvoirs du ministre en tant que
tels, on voyait une superposition qui pourrait arriver à ce moment-là et qui n'est pas de son domaine d'expertise à proprement parler au
niveau du ministère de l'Éducation. Donc, M. St-Jacques l'a bien illustré avec
le ministère de la Justice, avec la Commission des droits de la personne.
Le Président (M. Ouellette) :
Vous aviez la même réponse, M. Malette?
M. Malette (Philippe) : Oui,
effectivement. L'article 123 aussi, au niveau des agréments, est
sensiblement la même chose que l'article 119.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, parfait. Mais alors, maintenant, je vous amène sur une autre problématique
que vous avez soulevée, toute la notion de
tolérance. Pour les gens qui nous écoutent, la tolérance, on la voit
apparaître dans le projet de loi à
l'article 28 qui propose un ajout à l'article 119 de la Loi sur
l'enseignement privé. Et, la tolérance, on la voit apparaître là puis on la voit apparaître aussi
dans les notes explicatives du projet de loi, où on dit : «La tolérance
d'un tel comportement permettra au ministre de retenir ou d'annuler tout
ou partie du montant d'une subvention destinée à un établissement d'enseignement privé, à une commission scolaire ou à un
collège d'enseignement général et professionnel», etc.
Parlez-nous-en,
de ce concept de tolérance, parce que vous semblez trouver que... Vous
dites : «...la fédération constate
une grande ambiguïté avec la notion de "tolérance" de la part d'un
établissement et des conséquences possibles face à une telle situation.»
Je vous laisse aller là-dessus.
Le Président (M. Ouellette) :
M. St-Jacques.
M. St-Jacques (Jean-Marc) : Pour
reprendre ce que je disais tantôt, on pense que tout établissement scolaire a une obligation déjà, par son rôle
d'éducation, d'intervenir dans des dossiers comme ceux-là, comme dans
des dossiers de la violence, comme dans des
dossiers d'intimidation. C'est son rôle. Il y a déjà, dans sa mission... Il y a
déjà, dans son mandat, d'éduquer et de socialiser, et puis j'en oublie
un...
Une voix : Qualifier.
M. St-Jacques
(Jean-Marc) : Qualifier, merci. Et, dans son mandat, il y a déjà une
dimension comme celle-là à faire. Alors,
c'est présupposé. Il y a une certaine... présupposé que, comme si une école
fermerait les yeux devant des situations comme celles-là... On ne peut
pas se le permettre, de se fermer les yeux, je veux dire, encore moins un établissement privé, parce qu'on a des comptes à
rendre à des assemblées, à des conseils d'administration, à des
assemblées générales et à des parents. Et,
si les parents voient que nous, on tolère des attitudes qui atteignent les
droits et libertés, bien, ils ne nous
choisiront pas et ils vont aller ailleurs. Ça fait qu'on a une obligation de...
Dès qu'il y a un problème qui surgit, on a une obligation d'intervenir, on a obligation
d'éduquer, on a obligation de travailler à changer la situation, et
c'est dans ce sens-là...
Et
il y a comme une notion de flou, là. On ne sait pas trop, trop, là, ça veut
dire quoi, c'est quoi, la tolérance. Moi, j'avais une conception philosophique de tolérance, qui est autre que
celle-ci, là. Et qui est-ce qu'on atteint? Est-ce que ça veut dire qu'un établissement qui aura enclenché
un processus, mais que ça aurait pris trois mois au lieu de six mois, au
lieu de deux mois... C'est quoi... Déjà que,
si on va à la Commission des droits de la personne, on sait qu'il va y en avoir
un, délai qui va être plus long que ça, là.
Et on pense qu'on a
besoin de clarification. Je crois que c'est dans ce sens-là qu'on précisait ça,
besoin de clarification. Est-ce qu'un
ministre, un matin, reçoit, je ne sais pas, moi, une plainte de parent, puis
qu'il intervient, puis considère que l'école n'a pas fait son travail...
Parfois, aussi, par expérience, les parents n'ont pas... n'appellent pas nécessairement l'école en premier. Ils vont
appeler au ministère de l'Éducation ou bien donc certaines stations de
radio pour parler de la situation avant de
nous en parler à nous, et, ça aussi, on a de l'éducation à faire dans ce
sens-là. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, là, mais...
Mme Roy
(Montarville) :
Il me reste beaucoup de temps?
Le Président (M.
Ouellette) : 1 min 30 s.
Mme Roy
(Montarville) :
Ah! une minute. C'est parfait.
Le Président (M.
Ouellette) : Vous avez du temps en masse.
Mme
Roy
(Montarville) : Poursuivons sur la tolérance. À la
toute fin de... Toujours à la page 13, à la toute fin, vous dites : «Malgré le processus administratif
mis en place permettant l'avertissement et la contestation, cette
possible décision du ministre — toujours le même ministre de l'Éducation,
là — a pour
résultat de mettre en péril les finances de l'établissement visé, voire
même son existence.»
Alors, si je comprends bien, c'est que la sanction
de ces subventions, qui pourraient être, par exemple, enlevées — ce n'est pas le bon mot, là — cette
sanction, donc, vous la trouvez trop discrétionnaire, trop large, vous la
craignez?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Malette, ça va être vous qui allez avoir le mot
de la fin.
• (20 h 40) •
M.
Malette (Philippe) : Merci, M. le Président. Oui, si je peux me
permettre, l'analyse qu'on a faite, c'est qu'on s'est dit... On trouvait qu'au niveau de la tolérance, bon, comme M.
St-Jacques disait, c'est très large comme notion puis on voulait
peut-être avoir une précision un peu plus spécifique. Mais c'est aussi qu'on
voyait que les conséquences de cette
situation-là pouvaient apporter, justement, des situations très problématiques
au niveau financier, au niveau de nos écoles.
Retirer les agréments dans une école privée peut représenter la fermeture
d'écoles, alors que... ça peut causer un très, très grand problème pour nos écoles. Et c'est d'ailleurs pourquoi qu'on a
soulevé le point dans notre mémoire, spécifiquement
à cette notion-là. Donc, on se disait à nouveau : Pour une tolérance,
mettre en péril l'existence d'une
école, une école privée... On voyait un peu un débalancement au niveau de la
sanction.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Gouin, oui.
Mme
David (Gouin) : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Je n'ai pas beaucoup
de temps, je vais aller droit au but.
Une première question toute simple : Si, en ce moment même, un professeur chez vous, dans une de vos écoles, est
accusé par un parent d'agression sexuelle et que, donc, la cause... bon, il y a
une plainte à la police, qu'arrive-t-il à l'enseignant en ce moment?
Le Président (M.
Ouellette) : M. St-Jacques.
M. St-Jacques (Jean-Marc) : La dimension d'agression sexuelle, elle est
très claire, dans le sens que, dès qu'on a une plainte ou... on a l'obligation automatique de s'asseoir soit avec le représentant de la DPJ, de la police et du procureur de la couronne, et tout de
suite il y a un comité de crise qui
est mis en place. Dans les 24 heures, on se rencontre, puis on
analyse la situation, puis on essaie de voir : Est-ce que l'enseignant
doit être retiré? Est-ce que la plainte est fondée? Est-ce que la police fait
enquête? Et souvent, bien là, on transfère à la police l'enquête, parce qu'on n'a pas des pouvoirs d'enquête
non plus, on est des éducateurs d'abord. Mais le mécanisme prévoit déjà...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Gouin.
Mme
David (Gouin) : Merci, M. le Président. Et, durant l'enquête,
l'enseignant va-t-il demeurer en place, ou allez-vous le suspendre avec
solde?
Le Président (M.
Ouellette) : M. St-Jacques.
M. St-Jacques (Jean-Marc) : Selon l'entente, dès que la Sûreté du Québec
intervient auprès de l'enseignant, il va être suspendu durant le temps
de l'enquête.
Mme David (Gouin) : Merci.
J'ai une autre question. Vous avez fait tout à l'heure le lien avec toute la
nouvelle politique, là, sur l'intimidation en
disant : Finalement, c'est beaucoup de papiers à remplir, mais ça ne nous
donne pas tant que ça plus de moyens
pour vraiment intervenir. Et je sens que vous nous dites un peu la même chose
en ce qui a trait au travail avec les jeunes dans vos écoles. Alors,
j'aurais envie de vous demander : Au fond, de quoi auriez-vous besoin pour
contrer que ce soit l'intimidation ou un discours haineux, qui aboutit souvent
à de l'intimidation, dans les faits?
Le Président (M.
Ouellette) : M. St-Jacques.
M. St-Jacques
(Jean-Marc) : Deux, trois choses peut-être rapidement. La première,
c'est...
Le Président (M.
Ouellette) : Une minute pour vos deux, trois choses.
M. St-Jacques (Jean-Marc) : Une minute? Bon, alors, très rapidement, la
première, c'est que, quand on parlait de tolérance tantôt, on a l'impression que les écoles sont pressées, comme
les enseignants. On rentre tout de suite dans le tordeur avant même de s'asseoir puis de tenter de trouver qu'est-ce qui
se passe dans l'école. Puis, s'il faut changer le directeur parce qu'il
ne comprend pas, bien, c'est autre chose.
Mais
le deuxième élément, je crois, qui n'est peut-être pas indiqué ici, il est
peut-être temps, à partir de ce qu'on entend
depuis quelques jours, depuis quelques semaines, de revoir certains volets du
contenu de certains cours, soit en histoire, soit en éthique et culture
religieuse — le
programme a déjà une dizaine d'années, je crois, éthique et culture religieuse — de réévaluer est-ce qu'il atteint ses
objectifs d'arriver à une société qui est plus consensuelle ou, en tout
cas, où on a des valeurs communes qu'on
partage et qu'il y a des valeurs qui sont différentes, mais qu'il y en a des
communes. Donc, la radicalisation n'a pas sa place, par exemple, comme la
violence faite aux femmes, comme l'homophobie, comme etc. Cette dimension-là
est peut-être à revoir.
Nous,
ce qu'on veut, c'est avoir la latitude nécessaire pour faire de l'éducation et
qu'on ne soit pas pris dans des démarches
qui nous demandent... Parce que, dès qu'on parle de démarche de
judiciarisation, bien là, c'est les procureurs, c'est la menée
d'enquête. On croit qu'on doit travailler à faire beaucoup plus de formation
auprès des jeunes que de travailler sur cette dimension-là. Et bien sûr, si les
problèmes se posent, ça, c'est autre chose, on les réglera aussi, là.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, M. St-Jacques. M. St-Jacques,
M. Daoust et M. Malette, représentant la Fédération des établissements
d'enseignement privés, merci de votre contribution à la Commission des
institutions.
Nous allons suspendre
quelques minutes, le temps de demander au Centre Cyber-aide de s'avancer à la
table.
(Suspension de la séance à 20 h 44)
(Reprise à 20 h 46)
Le Président (M.
Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la
bienvenue au Centre Cyber-aide. On a la
chance d'avoir sa directrice générale, Mme Tétreault. Vous allez nous présenter
la personne qui vous accompagne. Vous
disposez de 10 minutes pour faire votre exposé — je pense que vous avez vu ce qui s'est passé avec la fédération des enseignements... d'établissements privés — et après il y aura un échange avec Mme la
ministre et les partis de l'opposition. Donc, Mme Tétreault, je vous
laisse la parole.
Centre
Cyber-aide
Mme Tétreault
(Cathy) : Merci, M. le Président. Bonsoir, Mme la ministre, rebonsoir.
Bonsoir, mesdames messieurs. Merci de nous
recevoir. Oui, pour juste spécifier la présence d'une collègue au niveau d'un
programme, je vais lire le préambule,
et ça va vous indiquer pourquoi nous sommes deux, finalement, et que nous avons
déposé deux mémoires. Donc, on se réserve cinq minutes chacune pour
lire. Alors, je vais commencer.
Le
Centre Cyber-aide a été convoqué à titre d'expert pour présenter sa position
quant au projet de loi n° 59 en fonction des vulnérabilités de sa
clientèle.
Considérant la
collaboration en cours avec le CIUSSS de la Capitale-Nationale dans
l'élaboration d'un guide d'intervention pour
une utilisation saine et sécuritaire des TIC, incluant les jeux de console en
ligne et hors ligne, pour les personnes
présentant un trouble du spectre de l'autisme, le Centre Cyber-aide tenait à ce
que les préoccupations entourant ces
personnes dans le contexte présent se retrouvent également dans ce mémoire. À
cet égard, notre intervention vise à renforcer
la protection des personnes et prévenir la diffusion de discours haineux,
violents ou intimidants. Nous estimons aussi important de pallier aux nouvelles
problématiques qui se développent avec Internet et les technologies de
l'information auprès de nos enfants.
S'intéresser à la
prévention, à la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à
la violence, c'est s'intéresser notamment aux moyens de les propager, de les
diffuser. Parmi les moyens existants, nous porterons notre attention
particulièrement aux technologies d'information et de communication. Internet,
les réseaux sociaux, les cellulaires,
tablettes et autres sont effectivement des moyens très performants pour
communiquer et aussi, conséquemment, de tenir des propos inappropriés,
qu'ils soient haineux, violents ou intimidants.
Où
en sont les connaissances de nos jeunes et des parents à propos de
l'utilisation saine et sécuritaire des TIC via
Internet? Sont-ils bien informés et prévenus de leur grande vulnérabilité face
aux cybercrimes et de leurs conséquences? Sont-ils bien informés aussi
qu'il est possible qu'ils deviennent soit victimes ou agresseurs?
Avec
les nouvelles technologies, les jeunes peuvent aujourd'hui communiquer de
plusieurs façons. Ici, les médias sociaux
entrent en jeu, car ils permettent aux jeunes de créer des liens entre eux.
Bien entendu, une relation saine, qu'elle soit en ligne ou en personne, doit toujours se faire dans le respect
mutuel. Cependant, rien n'empêche l'apparition de conflits. Ainsi, l'échange de propos irrespectueux peut se
transformer en cyberintimidation ou autre cybercrime. On se sert alors
des outils électroniques pour troubler l'autre personne, la menacer ou la
plonger dans l'embarras, la harceler, chercher à l'exclure socialement, à
entacher sa réputation ou briser ses amitiés. C'est ce caractère public qui
donne à Internet un pouvoir énorme encore
mal compris et sous-estimé. En effet, les jeunes ne sont nécessairement
pleinement pas conscients du
caractère public d'Internet et des risques auxquels ils s'exposent. En
définitive, l'intimité n'existe pas devant l'écran d'un ordinateur ou
d'un téléphone cellulaire.
Le
Centre Cyber-aide se préoccupe de ces questions, et son expertise est
régulièrement mise à profit. Par exemple, les écoles demandent notre intervention,
car il existe plusieurs formes de dénigrement : photos, vidéos et
écritures.
• (20 h 50) •
Prévenir
ou punir? Notre expérience terrain tend à démontrer qu'il est vital d'informer
la population, de diffuser les connaissances dans les milieux, notamment
les écoles, afin que nos jeunes soient outillés pour mieux comprendre ces questions
et leur permettre d'adopter en amont les bons comportements. Autrement, la Loi
concernant la prévention et la lutte
contre les discours haineux et les discours incitant à la violence pourrait
tout aussi bien s'appeler la loi concernant la punition des discours haineux et des discours incitant à la violence. Et
c'est un peu le sentiment que nous avons eu à la lecture des différents articles du projet de loi. L'aspect de la
prévention nous semble négligé et doit pourtant, à notre avis, figurer au sommet des moyens à se donner pour
atteindre nos objectifs collectifs.
Désigner
quelqu'un afin qu'il puisse mener une enquête, pénaliser un
établissement scolaire qui fera preuve de tolérance envers des comportements jugés
inacceptables nous apparaissent comme des solutions qui s'imposent davantage
en bout de piste. Pour éviter de transformer
les directions d'école en horde d'enquêteurs, il vaut mieux peut-être accorder à la sensibilisation et l'information
l'importance qu'ils méritent. En effet, comment prévenir un comportement dont
le potentiel criminel n'est même pas
connu des jeunes eux-mêmes? De la manière, les actions de sensibilisation permettent l'acquisition de compétences sociales, fournissent
notamment des outils afin de dénouer les conflits autrement
que par la diffusion de propos haineux ou injurieux.
Recommandations.
Avant de porter des accusations, il faut s'assurer que les jeunes ont été
informés et sensibilisés à ces questions.
Ils peuvent, sans le savoir, commettre un crime, par exemple
échanger à l'école des images à caractère sexuel, ce qui constitue de la
pornographie juvénile.
Les
jeunes doivent être sensibilisés à leur vulnérabilité sur Internet. Les informations qu'on y échange ne sont, pour ainsi
dire, jamais complètement confidentielles. Il est également
essentiel d'informer le milieu scolaire, les intervenants et les
parents. Bien connaître ces réalités permet de meilleures décisions :
quand intervenir, quand sanctionner, quand et comment soutenir, que faire des
victimes, que faire des jeunes agresseurs.
La
résolution d'un crime n'apporte pas automatiquement de l'aide aux victimes. Celles-ci ou ceux-ci sont
parfois oubliés ou négligés dans le processus. Il faut, au contraire, leur
offrir le soutien nécessaire.
Faire
la promotion des comportements sociaux à privilégier est certes primordial, les
jeunes doivent néanmoins savoir que les gestes répréhensibles ne
resteront pas impunis. Est-ce que ça fait cinq minutes?
Le
Président (M. Ouellette) : Il vous reste moins que cinq minutes. Mme Lévesque va être obligée
d'accélérer, parce qu'il va lui rester trois minutes, à Mme Lévesque, pour nous
parler de la Capitale-Nationale.
Mme Tétreault
(Cathy) : Alors, je conclus la phrase : C'est encore par la
prévention, la sensibilisation et l'éducation que la société fait ses progrès
les plus remarquables et durables.
Le Président (M.
Ouellette) : Ça passe très vite, effectivement, le
10 minutes.
Mme Tétreault
(Cathy) : ...je m'excuse.
Le Président (M.
Ouellette) : Non, non, mais ce n'est pas pour moi, Mme
Tétreault, c'est beaucoup plus Mme Lévesque. Mme Lévesque, vous allez nous
donner, je pense, un aperçu pour la Capitale-Nationale.
Mme Lévesque(Sylvie) :
O.K. Alors donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, le
mémoire présenté par le centre intégré universitaire de la santé et services
sociaux...
Le
Président (M. Ouellette) : Juste avant, je vais vous dire qu'et la ministre et Mme la députée
de Taschereau vont faire en sorte que vous allez avoir votre cinq
minutes.
Mme Lévesque (Sylvie) : Ah mon Dieu! Merci. Merci beaucoup. Merci énormément. Alors donc, je reprends. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, merci. Alors donc, le
mémoire présenté par le Centre intégré universitaire en santé et services sociaux de la Capitale-Nationale a pour objet de porter à votre attention les spécificités des
personnes vivant avec une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre
autistique quant à l'utilisation saine et sécuritaire des technologies dans le
contexte du présent projet de loi.
Les préoccupations
présentées dans ce mémoire ont d'abord été exprimées par les éducateurs
spécialisés qui doivent intervenir dans des situations
de plus en plus complexes et mettant en cause l'utilisation des technologies. De façon générale et
à des degrés différents d'atteinte, les personnes ayant une DI ou un TSA
éprouvent des difficultés dans deux domaines
d'habilité implicitement sollicités par ce projet de loi, soit celui de
la communication et celui des habiletés sociales. Les difficultés à comprendre les intentions réelles d'autrui, à
comprendre certains sous-entendus ou les subtilités des rapports sociaux rendent les personnes DI ou
TSA vulnérables aux abus de toutes sortes. Elles peuvent ne pas être en mesure d'identifier les pièges et les risques
associés à l'utilisation des nouvelles technologies. Elles peuvent
aussi se voir entraîner dans des situations compromettantes qu'elles
auront parfois elles-mêmes initiées mais pour lesquelles elles n'auront pas les
habiletés de juger de leurs conséquences et des impacts.
L'incapacité
ou la difficulté à se projeter dans l'avenir a pour conséquence
qu'elles ont de la difficulté à apprendre de leurs expériences. Il est donc possible de voir une personne se
présentant en cour non pas une fois, deux fois, mais parfois même
trois fois pour un même délit. Mais est-ce que la personne est
plus en mesure d'apprécier les conséquences, les impacts de ses actes?
La question se pose.
Tout en étant
profondément convaincues que les
personnes ayant une DI ou un TSA sont des citoyens à part entière et qu'elles ne sont pas au-dessus des lois, nous
recommandons que leurs caractéristiques et leurs modes de fonctionnement
soient reconnus et pris en compte lors des démarches judiciaires. En ce sens,
nous rappelons l'importance que soit vérifié
auprès de la personne ayant une déficience ou un trouble du spectre autistique
son niveau de compréhension des actes posés et des répercussions qui en
découlent, et ce, avant le dépôt de toute accusation.
À l'ère du
numérique, il nous semble primordial que l'éducation à la citoyenneté ait comme
enjeu incontournable l'emploi responsable, éthique et sécuritaire des
technologies. La prévention et l'éducation sont essentielles pour la protection des personnes vivant avec une DI ou un
TSA, et c'est pourquoi l'ensemble des recommandations du programme DI-DP-TSA du CIUSSS de la Capitale-Nationale
concernent la section II, Autres fonctions et obligations de la
commission, article 17 du projet de
loi. La promotion des comportements sociaux répondant aux normes établies, le
développement des compétences d'autoprotection et l'apprentissage des droits et
responsabilités s'avèrent indispensables pour assurer la protection des
personnes vulnérables, et ce, tant lorsqu'elles deviennent des victimes que
lorsqu'elles deviennent des contrevenants.
Nous sommes d'avis que cet enjeu en est un de
société et qu'en ce sens il doit être porté tant par le réseau de l'éducation que celui de la santé et des services
sociaux, par les différents ministères, les organismes communautaires et
par l'ensemble des citoyens et citoyennes.
Il importe alors d'outiller adéquatement l'ensemble des intervenants
communautaires, scolaires, de la santé et des services sociaux, les
parents, pour soutenir cette utilisation-là saine et sécuritaire des technologies de l'information, d'Internet, des
médias sociaux. Ultimement, l'adoption d'une approche éthique quant aux
technologies de l'information devrait constituer un des principes directeurs de
l'ensemble des utilisateurs.
Bien sûr,
nous partageons les préoccupations des groupes qui nous ont précédées dans
cette commission quant au paragraphe 3°
du même article, qui fait mention d'une liste de personnes ayant été reconnues
selon la décision d'un tribunal, et
une liste disponible, accessible à tous, pour les mêmes raisons et risques qui
ont été cités dans les auditions précédentes. Alors, je conclus.
Le Président (M. Ouellette) :
Vous concluez.
Mme
Lévesque (Sylvie) : Oui.
Alors, je conclus. Les personnes ayant une déficience ou un TSA aspirent
comme tout le monde à avoir des contacts sociaux harmonieux. Elles souhaitent
être de leur temps en utilisant ces nouvelles technologies
qui contribuent à leur autodétermination et leur offrent une ouverture sur le monde qui est très stimulante
pour leur développement. Cependant,
leurs caractéristiques et leur naïveté envers autrui les rendent
vulnérables lorsqu'elles les utilisent.
Il convient donc de mettre en place des mesures qui préserveront leur intégrité et
assureront leur protection dans ce nouvel environnement d'échange et
d'apprentissage.
Le Président (M. Ouellette) :
Vous pouvez respirer maintenant. Mme la ministre.
Mme Vallée : Merci
beaucoup. Merci, mesdames. Merci de
votre présentation. Vous apportez des préoccupations qui sont d'intérêt,
certes, surtout... Et ça rejoint un peu les préoccupations que d'autres groupes
nous ont formulées la semaine dernière quant à l'intervention auprès des
personnes qui manifestent certains troubles de socialisation.
On a
l'association des psychothérapeutes qui nous a soulevé, nous a fait part de
certaines préoccupations, et je pense...
et je voulais vérifier avec vous si, les pouvoirs accordés à la commission des
droits de la personne et de la jeunesse, qui sont prévus aux articles 4 et suivants du projet de loi, qui
permettent à la commission d'analyser la plainte qui lui est formulée et de déterminer des actions appropriées,
si, à l'intérieur de cette évaluation-là, vous retrouvez des éléments
qui pourraient rejoindre un petit peu vos
interventions, c'est-à-dire que la commission puisse considérer le statut
particulier, par exemple, d'un individu qui
pourrait manifester... qui pourrait être atteint d'une déficience
intellectuelle, qui pourrait être atteint
d'un trouble du spectre de l'autisme. Est-ce que vous considérez ces
éléments-là suffisants ou est-ce que vous auriez d'autres suggestions à
apporter?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Lévesque.
• (21 heures) •
Mme
Lévesque (Sylvie) : Oui. Alors donc, les personnes qui ont une déficience
intellectuelle ou un trouble du spectre
de l'autisme peuvent, oui, effectivement, se mettre dans des situations très
compromettantes. Parfois, la répétition de ces actions-là va faire en sorte qu'ils vont acquérir certaines compétences de la cour, du système judiciaire,
des termes employés qui peuvent
fausser une évaluation de leur niveau de compréhension des actes ou de
leur niveau de conscience des impacts des gestes qu'ils ont posés.
Alors, ce qu'on dit, c'est qu'on doit parfois pousser un peu plus loin cette évaluation-là
pour s'assurer justement de cette compréhension-là, de cette conscience
qu'ils ont des gestes qu'ils ont posés.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Et comment, outre tout le travail de prévention
qui peut être fait et qui est visé dans le plan d'action, outre les
pouvoirs d'éducation et de prévention on sait que la commission
pourrait avoir, comment on peut s'assurer de poser les bons... d'avoir les bonnes interventions lorsqu'on
est confronté à un discours haineux ou un discours incitant à la violence qui provient de quelqu'un
qui est atteint d'une déficience intellectuelle? Quel serait le type
d'intervention qui, à votre avis, serait la plus efficace?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Lévesque.
Mme
Lévesque (Sylvie) : Merci. Est-ce que
c'est le type d'intervention ou peut-être le type de personnes qui peuvent procéder à ces évaluations-là?
On peut penser à multi types de professionnels, une équipe multidisciplinaire, qui
sont spécialement formés avec ces clientèles-là, qui sont habitués de
travailler avec ces clientèles-là et qui peuvent apprécier leur conscience et
leur capacité à juger des actes qu'ils ont posés.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Parce
qu'il ne faut pas non plus oublier
que, dans le contexte du projet de
loi, c'est le même contexte,
c'est le contexte de responsabilité civile qui vient... qui entre en fonction
et c'est un contexte qui est prévu, qui est à l'article 1457 du Code
civil du Québec.
Et donc, évidemment, pour qu'une personne engage sa responsabilité, encore faut-il qu'elle soit douée de raison et encore faut-il
que la personne puisse être reconnue responsable du préjudice.
Alors, une
personne qui, par exemple, ferait l'objet d'un régime de protection, bien,
il faudrait en tenir compte dans l'évaluation de sa responsabilité civile. Parce
que ce qui est mis en place par le projet de loi, c'est un processus de
responsabilité civile et c'est tout à fait différent du processus criminel, qui
engage la responsabilité criminelle d'un individu.
On n'est pas du tout dans ce contexte-là. Alors, on est vraiment
au niveau de la responsabilité civile d'un citoyen, d'une citoyenne quant à des propos qu'il pourrait ou qu'elle
pourrait tenir verbalement ou qu'elle pourrait diffuser sur Internet. Et donc j'imagine que, dans certains
cas, on fait face aussi à des gens qui font l'objet ou qui... qui font
l'objet d'un régime de protection particulier, et ça, bien, comme dans tout
dossier de responsabilité civile, il faut en tenir compte.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Lévesque.
Mme
Lévesque (Sylvie) : Alors,
ce n'est pas l'ensemble de notre clientèle qui est sous régime de protection,
bien entendu. Et, comme société, on s'est aussi doté d'orientations et de politiques
qui favorisent la participation sociale de
ces personnes-là. Ces gens-là aspirent à occuper des postes... des rôles
culturellement valorisés, bien sûr. Ils aspirent à accéder à l'emploi. Ils aspirent à... Donc, ils ne sont pas tous sous
régime de protection, mais elles peuvent quand même être appelées à
poser ou à prononcer des paroles prises dans un contexte, les prononcer dans un
autre contexte et ne pas comprendre que, dans ce contexte-là, ça peut
être drôle, ça peut être... et, dans celui-là, ça ne l'est pas du tout.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Je comprends votre intervention. Simplement
aussi réitérer que tout l'aspect prévention auquel vous faites référence, Mme Tétreault, dans votre
présentation, cet aspect-là est plutôt considéré dans le plan d'action. Parce que le projet de loi, c'est une mesure, c'est un des
éléments, mais il y a un plan d'action aussi et, dans ce plan d'action là, il y a beaucoup de travail qui se fait au niveau de
la prévention, au niveau de l'éducation. Il ne faut pas les oublier. Il
ne faut pas les oublier, il ne faut pas les dissocier non plus. Alors, c'est
certain que, pour mieux outiller nos jeunes, il faut les éduquer, il faut les sensibiliser à ce que
constituent notamment des propos haineux, des propos qui incitent à la
violence, quant aux impacts que tels propos peuvent avoir. Alors, évidemment,
il y a un travail, puis ce travail-là aussi se fait, à bien d'autres égards, au
niveau de toute cette intervention-là qui est nécessaire.
Alors, le
projet de loi, évidemment, vise à donner une structure juridique, un cadre
juridique dans lequel on vient baliser
puis on vient aussi encadrer, donner un peu les règles du jeu, c'est-à-dire
comment on intervient puis comment on réagit
lorsqu'il y a un discours haineux, quelles sont les étapes, le processus qui
doit être suivi. Mais, autour de tout ça, on a un plan d'action aussi qui vise à rejoindre par d'autres moyens qui ne
sont pas nécessairement des moyens législatifs. Donc, je pense que ça aussi, c'est important de le
mentionner. Parce que, bien que le projet de loi prévoie et accorde
certains pouvoirs d'éducation et de
prévention à la Commission des droits, il y a aussi un travail de société qui
est nécessaire et qui est prévu au plan d'action qu'on n'analyse pas...
qui n'est pas devant nous ce soir.
J'aimerais,
Mme Tétreault, que... j'aimerais en savoir un petit peu plus, parce que
vous travaillez de très près auprès des
jeunes, vous travaillez... Et, vos préoccupations quant à la place que prend la cyberintimidation,
on les retrouve... oui, on les
retrouve aujourd'hui avec le discours haineux. On vous a croisée à
Rivière-du-Loup dans le cadre des forums sur les agressions sexuelles et les agressions commises à l'égard des femmes.
Vous êtes aussi interpellée dans le cadre de la lutte à l'intimidation, vous y
faites référence dans votre mémoire. Où voyez-vous le discours haineux dans
tout ça? Est-ce que vous avez... À
l'intérieur de ces différents dossiers là, est-ce que vous voyez qu'il y a
une problématique? Est-ce que vous avez, vous, des exemples de discours
haineux, de discours qui mènent à la violence qui sont problématiques?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Tétreault.
• (21 h 10) •
Mme Tétreault (Cathy) : Merci. Juste pour revenir un petit peu en
arrière, puis je vais répondre tout
de suite à votre question, dans les cinq dernières années, si on revient
au projet de loi n° 56 pour l'intimidation, ce qu'on a constaté, c'est que l'information n'a pas passé.
Donc, c'est par notre intervention qu'on informait le personnel scolaire
de cette loi. C'est pour ça que, pour le
projet de loi n° 59, on a suggéré de vraiment faire de l'information, par
expérience avec le projet de loi n° 56. Il n'y avait que les directions
d'école qui étaient au fait, alors nous, on informait les parents, le personnel
et les jeunes du fait que les écoles étaient les papas et les mamans de
l'intimidation. C'est comme ça qu'on appelait ça. Alors, c'est sous cet
angle-là qu'on a dit qu'il serait préférable de faire de l'information.
Oui,
pour les cas vécus, entre guillemets, les discours haineux vont se rapporter
beaucoup aux différentes cultures, ils
vont se rapporter beaucoup au niveau de la richesse, au niveau des programmes
réguliers des écoles versus les programmes
sportifs. Entre jeunes et via les réseaux sociaux, ils vont avoir des discours
haineux sur vraiment l'apparence, sur
la violence, sur... Vraiment, il y a des sous-groupes qui se forment dans les
écoles, malheureusement, il y a des sous-gangs qui se forment et qui se
solidifient via les réseaux sociaux le soir et la fin de semaine. Même si on
apporte des conséquences judiciaires ou des conséquences au niveau des victimes
des possibles agresseurs, il y a certains jeunes qui n'entrent pas... qui n'adhèrent
pas à ça. Et nous, on dit souvent : C'est ces jeunes-là, qui sont
vulnérables d'être des agresseurs,
qu'il faut informer vraiment par des actions plus concrètes. Parce que,
oui, aider les victimes, c'est une chose, mais il faut vraiment changer
les comportements des agresseurs aussi. Et c'est souvent : ça part d'une
personne et ça devient souvent un groupe qui va suivre dans les propos haineux
ou injurieux, peu importe.
Il y a
un volet qui est apporté, que plusieurs jeunes victimes qui se font vraiment
dire toutes sortes de choses via les réseaux sociaux, c'est les victimes
de «sexting». J'en parle beaucoup parce que c'est encore présent, les jeunes
filles qui envoient des photos osées aux
jeunes garçons des mêmes écoles ou d'autres écoles pour sortir avec le jeune
garçon, pour avoir... pour être populaires,
etc. Les jeunes filles... On ne juge pas les jeunes personnes, mais par contre
ces jeunes filles là sont souvent stigmatisées par la suite parce
qu'elles ont osé faire ça. Alors, pour nous, ça devient un groupe de personnes
vulnérables.
Donc,
c'est vraiment... c'est des phénomènes qui se passent en lien avec les jeunes
dans les écoles. C'est assez aberrant
tout ce qu'on peut lire sur les réseaux, tout ce qui peut se cacher en dessous.
On a beau faire... arriver avec des lois ou la Loi sur le système de
justice pénale pour les ados, à partir de 12 ans, vous êtes responsable,
vous pouvez être accusé d'un cybercrime, la
plupart des jeunes n'ont pas d'accusation. C'est correct aussi, mais, à quelque
part, les jeunes ne nous croient pas, ne nous croient plus. Et, les
directions d'école, ce qu'on s'aperçoit, ou le personnel enseignant, n'ont pas
de balise claire pour intervenir. Alors, ce qu'on dit, c'est : Peu importe
le projet de loi qui est déposé pour contrer
des actions négatives chez les jeunes, il y a des actions concrètes qui doivent
être prises auprès de ces jeunes-là et des parents surtout, et surtout
informer le personnel scolaire de ce qui s'en vient. Je ne sais pas si je suis
claire dans...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : O.K. Est-ce que je comprends de vos propos qu'il y a
une certaine banalisation chez les jeunes quant à la tenue d'un discours
haineux, parce qu'ils se disent : Bien, il n'y a personne qui va sévir,
ou...
Mme Tétreault (Cathy) : Il y a plusieurs chances, effectivement, qui sont
laissées. Et les chances sont laissées parce
qu'il y a un manque d'information. Alors, si les jeunes ne sont pas avisés
d'avance... Quand on passe dans les écoles... Par exemple, je passe, je dis aux jeunes : Là, là, vous ne pourrez
pas dire que vous ne le saviez pas, O.K.? Je vous le dis, là. À partir de 12 ans, maintenant, si on
prend des photos, si on demande des photos, si on écrit des menaces, on fait
de la propagande haineuse, on fait de l'intimidation, de la... libelle diffamatoire,
etc., on trahit les secrets de nos amis sur les
réseaux sociaux, ça peut devenir un cybercrime. Là, je vous le dis, là. Par la
suite, si jamais il y a des accusations... Bon, il n'y en a pas, d'accusation, parce que les intervenants scolaires,
éducateurs spécialisés, psychologues, etc., me disent : Oui, mais, quand on le dit aux policiers, là, ce n'est
pas assez grave pour déposer une plainte. Alors, on est obligés nous-mêmes
d'amener des conséquences.
Et
c'est correct. Je ne dis pas qu'il faut qu'il y ait des accusations à chaque
fois, ce n'est pas ça, mais mieux préparer les professeurs, mieux préparer les directions d'école à ce qu'ils
doivent faire aussi, et que ce soient des sanctions qui aient... que les jeunes savent que je ne dois pas dépasser
cette limite-là, parce que, pour le moment... J'interviens dans
plusieurs cas, plusieurs dossiers. Entre autres, ils vont beaucoup intimider,
ils vont beaucoup donner des propos haineux sur les professeurs entre eux via
des réseaux qui s'appellent les Spotted — ils appellent ça comme ça,
là. Donc, ils vont se servir de différents
réseaux pour amener une connotation négative sur leurs professeurs, les écoles.
Alors, oui, les écoles doivent
pallier à tout ça. Je trouve que c'est beaucoup, demander aux écoles de pallier
à tout ça sans vraiment bien les encadrer et leur donner des outils
concrets, là, pour intervenir auprès des jeunes.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée : Les réseaux
scolaires nous ont indiqué, dans le cadre des consultations, qu'ils avaient...
qu'ils disposaient de codes de vie, qu'ils
disposaient de règles internes pour pouvoir intervenir. Parce qu'un peu plus
loin dans le projet
de loi on donne des pouvoirs au ministre pour intervenir, et certains
regroupements nous disaient : Ça va trop loin. On a les outils qui nous permettent d'intervenir et
de contrer notamment la diffusion ou
la tenue d'un discours haineux au sein de nos murs. Est-ce que vous
partagez cette lecture-là?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Tétreault.
Mme
Tétreault (Cathy) : À quelque part, oui, parce que, lorsque la loi
n° 56 est arrivée pour contrer la violence et l'intimidation, ils
ont eu à faire un plan d'action, ils ont eu un an pour faire un plan d'action,
donc, oui, ils ont des procédures. Sauf que,
les nouvelles problématiques qui sortent avec les technologies, ils ne sont pas
en mesure... ils ne comprennent pas l'impact.
Je vais vous donner un exemple. Cet exemple-là,
je le donne à toutes les fois pour bien comprendre. Dans la même école, il y a un jeune garçon qui a fait sept
victimes, sept jeunes filles, avec du «sexting», en troisième
secondaire. Le jeune garçon n'a pas eu
d'accusation parce qu'il y avait une problématique au niveau de la dépendance
à la pornographie. Soit, je comprends
jusque-là. Sauf qu'il a quand même eu son Méritas à la fin de l'année. Donc, le
message que ça a passé aux sept jeunes victimes, c'est que, malgré ce qu'il a
fait, il a quand même son Méritas en tant que sportif. Et les parents ont très
mal réagi. Et moi, j'ai dû éteindre des feux, parce que ça allait dans les
médias, tout ça.
Alors, je ne
dis pas que la direction d'école n'a pas bien pris le pas, mais il n'était
probablement pas au fait des répercussions
de sa décision d'offrir quand même un Méritas à un jeune qui avait fait ça.
S'il n'y a pas eu d'accusation, ça va,
mais ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'accusation qu'il n'y a quand même pas
de répercussion auprès des victimes. Les victimes ont quand même plusieurs conséquences. Encore aujourd'hui, j'ai
des demandes d'aide de ces jeunes victimes là. Alors, c'est important que, même s'il n'y a pas d'accusation, et tant
mieux s'il n'y en a pas... mais quand même d'encadrer tout ça. Comme je vous dis, ils ne savent pas
tout, là, au niveau des directions d'école ou du personnel, ils ne peuvent
pas voir l'ampleur des conséquences. Parce
que ça nous arrive, là, c'est comme assez nouveau, hein, ces problématiques-là
avec Internet, alors les gens ne sont pas préparés à ça. Je ne sais pas si ça
répond un peu à...
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Moi, ça me va. J'aimerais simplement vous entendre... Le projet de loi prévoit
certaines dispositions qui visent à
établir les sanctions civiles à l'encontre de ceux et celles qui tiennent un
discours haineux. Puis on s'entend, là, le discours haineux, c'est vraiment un discours qui est défini par la
jurisprudence et qui est de nature telle qu'il va amener un sentiment
très fort de haine à l'égard d'un groupe, prenons les femmes, prenons... et le
discours incitant à la violence. Alors, ça, c'est ce qu'il prévoit.
Maintenant, quelles seraient... Puis ça, c'est
plus sur un aspect de plus... curiosité, pour pousser un peu votre mémoire. Quelles seraient les mesures... ou quel
serait le type d'aide qui pourrait être accordé aux victimes? Parce que
vous faites référence aux victimes. Donc, au-delà des indemnités, au-delà de
l'imposition des sanctions de nature civile, comment travailler auprès d'un ou
d'une victime d'un discours haineux ou d'un discours incitant à la violence?
Le Président (M. Ouellette) :
On est-u capables dans 1 min 30 s de répondre à cette
question-là?
Mme Tétreault (Cathy) : Tellement!
Par expérience, les victimes se culpabilisent souvent. Elles se croient
responsables de ce qu'elles reçoivent comme discours haineux. Alors, la
première chose à faire, c'est vraiment de les déculpabiliser
puis d'expliquer ce qui arrive pour qu'ensuite elles acceptent d'avoir de
l'aide. Parce que ce n'est pas toutes les
victimes qui acceptent d'avoir de l'aide, parce qu'elles sentent qu'elles
méritent, entre guillemets, ça. Alors, on a eu à travailler la
déculpabilisation auprès des jeunes victimes : pas parce que tu es
différente, pas parce que tu as fait une erreur que tu mérites d'avoir ces
discours-là.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui,
merci, M. le Président. Bonjour, mesdames.
Mme Tétreault (Cathy) : Bonjour.
• (21 h 20) •
Mme
Maltais :
Bienvenue et merci pour la présentation de votre mémoire. Je connais un peu le
Centre Cyber-aide. Je sais que vous faites un travail très particulier, nouveau
auprès des jeunes, sensibilisation, formation, prévention auprès des jeunes et auprès des écoles aussi. Vous travaillez
avec les deux niveaux. Maintenant, la partie du mémoire qui m'intéresse le plus dans ce que vous présentez, c'est
vraiment l'impact auprès des jeunes de la possibilité de se voir traîner
devant un tribunal.
Évidemment,
en général, quand des jeunes font face à des accusations de
cybercrime — ça doit arriver — ils vont devant la DPJ, s'ils sont
mineurs. Est-ce que je m'abuse?
Mme Tétreault (Cathy) : La Loi sur
le système de justice pénale, la façon qu'elle est faite, c'est que c'est le policier et l'école qui disposent de dire : Est-ce qu'on laisse ça ici ou on monte ça plus haut? Mais par contre,
s'il y a des accusations, les jeunes vont passer devant le juge
avec avocat et sentence, même s'ils n'ont pas 18 ans. Même si je
dis ça, on ne semble pas me croire, les jeunes ne croient pas que ça peut être
fait.
Mme
Maltais :
Les jeunes ne croient pas qu'ils peuvent aller devant un tribunal.
Mme Tétreault (Cathy) : Non.
Mme
Maltais : Donc, difficulté
de les sensibiliser à la lourdeur du geste qu'ils posent.
Mme
Tétreault (Cathy) : Oui, exactement.
Ils ont vraiment l'impression de pouvoir se permettre les
chicanes qui se faisaient auparavant dans
les cours d'école. Ils se chicanent sur les réseaux et ne comprennent pas la
portée de leurs gestes. Eux, les
réseaux sociaux font partie de leur vie, donc ils ne font pas la distinction
entre le réel et le virtuel. Et, si on leur
dit : Si tu voles quelque chose dans un dépanneur, tu vas avoir un dossier
criminel, mais oui, je vole, O.K.? Mais, quand c'est un acte qui est au
niveau du monde virtuel, ça n'entre pas comme ça, comme c'est nouveau. Donc, il
faut que ce soit un message qui soit fait à répétition, c'est un message...
Mme
Maltais : Donc,
une engueulade de cour d'école, puis une engueulade sur les réseaux sociaux,
puis des propos haineux qui peuvent se
lancer à la volée comme ça vont être à la volée, mais ils vont être marqués,
parce qu'une fois que c'est sur les réseaux sociaux il y a captation
potentielle.
Mme
Tétreault (Cathy) : Exactement.
Exactement. C'est ce que je leur dis. Puis on essaie de leur
montrer la différence entre une
chicane et de la cyberintimidation, des propos haineux, des propos violents. Et
ça aussi, ils ont de la difficulté à voir ce type de... de faire la distinction avec
tout ça. Ils mélangent tout, là, finalement. Ils vont essayer d'avoir des amourettes
aussi via les réseaux, et là c'est là qu'ils vont devenir peut-être victimes.
Ils vont essayer de faire des achats très
intelligents pour sauver des sous, et là ils vont être victimes d'achats. Ils
essaient de vivre sur les réseaux une vie qui est réelle, et là... mais c'est
ça.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : D'où la difficulté du monde réel quand on va tomber devant une
accusation potentielle au tribunal de la CDPDJ, d'abord... Parce que ce
n'est pas la DPJ, c'est un autre tribunal, c'est un autre type de droit, alors
que, normalement, c'est la direction
de la protection de la jeunesse qui
travaille plus, normalement, non
seulement en prévention, mais
en réhabilitation et non pas en punitif.
Mme Tétreault (Cathy) : La DPJ a
deux...
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Tétreault.
Mme Tétreault (Cathy) : Ah!
excusez-moi.
Le
Président (M. Ouellette) : Non, non, c'est correct. C'est juste que vous avez donné deux réponses
oui, il faut enregistrer le commentaire de Mme la députée de Taschereau, parce
que je veux que les gars de l'audio
soient capables de suivre pour la transcription de nos débats. Ça fait
que merci de votre collaboration, Mme Tétreault.
Mme
Tétreault (Cathy) : De ne
pas répondre oui. Je m'excuse, j'en ai oublié la question, je me sens comme
une petite fille.
Mme
Maltais : Écoutez, normalement, la DPJ travaille plus en prévention, enfin, en
réhabilitation qu'en punitif. Le punitif arrive vraiment s'il n'y a pas
moyen... On essaie de ramener et de réorienter les jeunes. C'est parce que, tout
à l'heure, la ministre disait : C'est quand même
un... On s'en va vers le civil et non pas vers le criminel. Mais je
regarde aujourd'hui dans le journal, même si je n'ai pas... Je ne commenterai
pas ce qu'il a dit, qui n'était peut-être pas la meilleure chose à faire, c'est le moins que je puisse dire, mais Mike
Ward, il est traîné devant le Tribunal des droits de la personne. Ça n'empêche pas qu'il est en pleines
pages des journaux. Donc, l'acte n'est peut-être pas le même... ce n'est peut-être pas le même
type de tribunal, il n'est peut-être pas poursuivi au criminel, mais je pense
que toute la société est en
train de juger son geste. Donc, la publicité possible autour de l'acte, en tout
cas, de la dénonciation au tribunal de la personne peut être énorme, puis, à
mon sens, actuellement, les propos haineux, ça attire l'attention des médias.
Qu'est-ce que vous pensez si je dis que ça pourrait être très, très, très... pour des propos peut-être... qui auraient été tenus normalement dans
une cour d'école et qui auraient fait l'affaire d'une médiation entre parents
avec le milieu scolaire, une dénonciation à
la CDPDJ, qui pourrait durer jusqu'à six mois puis deux ans avant qu'il soit jugé,
pourrait être assez néfaste pour un jeune?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Tétreault.
Mme Tétreault (Cathy) : Bien, vous
avez tout à fait raison. Donc, il y a la portée des paroles que les jeunes ne sont pas conscients, les parents non plus, d'ailleurs.
Ce que j'entends beaucoup des écoles, des établissements
scolaires, c'est : Quand on appelle le
parent pour sensibiliser le comportement haineux ou violent de son enfant, les
parents répondent en disant : Ce
n'est pas l'affaire de l'école. Alors, à quelque part, il faudrait que tout le monde s'entende sur le... O.K., les parents, les jeunes, les écoles, tout le monde s'entende sur... Il y a des choses à faire, il y a
des niveaux... il y a des choses à faire qui sont... Comment je pourrais expliquer ça? Les parents doivent
assumer le comportement de leurs enfants, les écoles assument le comportement des enfants, alors c'est important
que tout le monde sache bien les choses. Vraiment,
c'est le message que je passe.
Et, oui,
avant de porter des accusations auprès des jeunes, ils doivent entendre le
message à répétition, que c'est criminel,
pas juste deux, trois publicités et un petit livre à quelque part ou une visite du Centre Cyber-aide. Il faut que ce soit plus gros que ça. Il
faut que ce soit vraiment... qu'il y ait la promotion de ça.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : D'où votre commentaire en page 8, Prévenir
ou punir?, qui dit — là, je viens de le comprendre : «Autrement, la Loi concernant la prévention et la
lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence
pourrait tout aussi bien s'appeler la Loi
concernant la punition des discours haineux et des discours incitant à la
violence.» C'est ce que vous avez écrit.
Autrement
dit, ce serait la punition, parce que, pour les prévenir, il n'y a pas encore
actuellement la mécanique ou l'environnement pour permettre de
conscientiser assez les jeunes. On va être obligés d'aller direct à la punition
parce que, la prévention, on n'est vraiment
pas outillés puis on n'a pas le mécanisme environnement pour le faire. C'est ce
que je comprends de cette phrase-là.
Le Président (M. Ouellette) :
Et votre réponse est oui, Mme Tétreault.
Mme
Maltais : Oui.
Mais ça... Hocher de la tête, ce n'est pas bon.
Mme
Tétreault (Cathy) :
Effectivement, il faut vraiment passer par l'information avant de porter des
accusations, et vice et versa. Il y a des
jeunes qui s'en permettent beaucoup trop justement parce qu'il y a d'autres...
ils ont beaucoup de chances,
finalement, aussi. Alors, c'est d'aller vraiment porter un équilibre dans tout
ça. C'est correct qu'il y ait des lois pour les discours haineux, les
propos haineux. J'en lis beaucoup, même sur les personnalités politiques, entre
autres, je vous dis ça comme ça. Je lis
toutes sortes... Les gens se permettent d'insulter, mais tout le monde,
là-dessus. Alors, les jeunes, c'est
ce qu'ils ont comme modèle, leurs parents qui insultent à tour de bras, tout
dépendant... Puis les personnalités politiques
sont vraiment très ciblées au niveau des messages haineux. Alors, déjà là, déjà
là, les jeunes voient ça, disent : On peut critiquer comme ça tout
le monde comme on veut. Hourra! On va se critiquer entre nous. Alors, c'est...
Mme
Maltais : Bien là,
on ne fera pas de loi contre l'insulte, là.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : On ne
fera pas de loi contre l'insulte, là, quand même.
Mme
Tétreault (Cathy) : Mais il
y a une proportion de respect quand même à avoir. On essaie d'inculquer
aux jeunes... Moi, je dis aux jeunes :
Vous n'êtes pas obligés de vous aimer, mais vous êtes obligés de vous
respecter. Et, quand on est capable
d'inclure ça dans une classe, ça va bien dans la classe par la suite. On n'est
pas obligés de s'aimer, on n'est pas
obligés d'adhérer à certaines choses, mais on est obligés de respecter les
différences, et ce n'est pas ça qu'on voit.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Je veux
parler à la dame qui vous accompagne. C'est arrivé que des jeunes, probablement
des jeunes qui vivent une déficience
intellectuelle ou de l'autisme, je ne sais, ont été en cours trois fois pour le
même délit.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Lévesque.
Mme Lévesque (Sylvie) : Oui, tout à
fait. Dans le cas présent, je vais me permettre de vous la citer en exemple, une jeune adulte d'une vingtaine d'années
avec un syndrome d'alcoolisation foetale, donc avec les atteintes qu'on reconnaît à ce syndrome-là, donc la personne
beaucoup plus axée sur le plaisir immédiat, elle vit dans le présent,
incapacité de se projeter dans l'avenir,
incapacité de comprendre de ses expériences passées. Et cette personne-là va se
retrouver à répétition devant la justice.
Cette personne-là a une déficience quand même légère, donc a quand même des
habiletés pour comprendre certains
fonctionnements, assimiler aussi un certain vocabulaire, et, du moment où cette
personne-là est en évaluation, on va en conclure rapidement qu'elle est
à même de comprendre les conséquences de ses actes.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Donc, elle n'est pas exclue des potentielles punitions, des potentielles
amendes, parce qu'elle est jugée
responsable de ses actes. Mais, dans le fond, vous dites : Mais, dans le
fond, ce qu'elle n'a pas, c'est la compréhension de ses actes.
• (21 h 30) •
Mme Lévesque
(Sylvie) : Exactement. Elle n'a pas la compréhension...
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Lévesque.
Mme
Lévesque (Sylvie) : Je
m'excuse encore. Elle n'a pas la compréhension de juger des impacts sur autrui, de ce qu'elle a fait, que ce soit de relayer de l'information, de produire de l'information. Et donc, c'est ça, l'impact que ces gestes,
ces paroles ont eu sur les autres, elle n'est pas en mesure de les évaluer.
Donc, cette personne-là pourrait être jugée, finalement s'en sortir, et la
semaine prochaine recommencer, et le mois prochain.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Comment l'exclure d'une telle loi? Parce qu'elle
n'est pas exclue, à l'heure actuelle,
des autres codes. Donc, comment
l'exclure d'une telle loi? C'est à peu près impossible. Bon, si elle est mineure, c'est possible,
si on exclut tous les mineurs de la loi, ce qui est une évidence pour moi, là.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Lévesque.
Mme Lévesque (Sylvie) : De là où on
dit : Il est important de s'assurer de leur compréhension. Par quel mécanisme? Tantôt, on parlait d'une équipe peut-être
multidisciplinaire qui serait à même d'évaluer le niveau de conscience
des personnes. Peut-être...
Le Président (M. Ouellette) :
Allez-y, Mme la ministre... Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui. Il
y a déjà... Ne faites pas le même
gag qu'au Centre Vidéotron, s'il vous
plaît, monsieur...
Le Président (M. Ouellette) :
Une blague?
Mme
Maltais : Je n'ai pas dû bien comprendre. J'avais... Là,
c'est la fatigue qui rentre en ligne de compte, là. Vraiment, je
m'excuse, j'ai un blanc, j'ai un coup de barre.
Le Président (M. Ouellette) :
J'espère que ce n'est pas moi qui vous a impressionnée, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Non,
non, non. C'était vraiment sur comment exclure des personnes comme ça d'un tel
mécanisme. C'est vraiment la question que je me pose. Voilà.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Lévesque, en conclusion.
Mme Lévesque (Sylvie) : Il faut bien
comprendre qu'on ne veut pas retourner en arrière et qu'on mette des mesures de surprotection, hein? Parce qu'on s'entend que ces personnes-là veulent avoir un certain pouvoir sur leur
vie. Ils veulent pouvoir décider. Ils
veulent... Ils aspirent à une autodétermination que la surprotection pourrait
venir contrer. Sans vouloir
surprotéger, mais par contre être capable de mieux cibler le soutien qui devra
leur être donné pour l'exercice de leurs droits... Donc, encore, on
revient à éducation, prévention.
Le
Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville. Merci, collègues, pour le consentement, parce que
nous dépassons l'heure, et pour qu'on puisse entendre Mme la députée de Montarville
et Mme la députée de Gouin.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bonsoir. Heureuse de vous revoir,
Mme Tétreault. Nous nous étions vues également à Rivière-du-Loup. Ce fut fort
agréable.
Et vous avez
beaucoup parlé de ce qu'on retrouve sur le Net, sur Internet. Et, ce soir, j'aimerais
vous amener là, parce que vous faites
quelques recommandations, naturellement, sur le projet de loi en tant que tel,
mais moi, j'aimerais qu'on aille un
petit peu plus loin, parce que vous le visionnez, vous le regardez, vous savez
ce qu'il y a dessus. Vous nous disiez
tout à l'heure : Il y a des propos haineux, enfin, des propos pas très
beaux sur tel, tel, tel type de personnes, sur les politiciens, par
exemple. Bon.
Alors, voici
ma question : Est-ce que vous pouvez nous éclairer sur la force de
persuasion du Net? Et la question : Est-ce que les messages propagés par les nouvelles technologies... Donc,
est-ce que les messages propagés par les nouvelles technologies ont plus d'impact chez les jeunes que
des propos tenus en personne, de vive voix, par exemple? Ça, je
l'ignore. Peut-être, vous pouvez me répondre. Alors, éclairez-nous sur la force
de persuasion du Net, de ce qu'on y voit. Et est-ce que les messages reçus par
le Net ont plus d'impact que ceux de vive voix?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Tétreault.
Mme Tétreault (Cathy) : C'est intéressant comme vision. Effectivement, il
y a des messages à passer par Internet. Effectivement, il y a des messages avec... Ce qui est très populaire
auprès de nos jeunes en ce moment, ce sont les vidéos, les vidéos drôles ou les
vidéos de jeunes qui sortent de l'ordinaire, qui vont faire... commettre des actions drôles ou hors de l'ordinaire et qui n'ont pas peur de rire
d'eux-mêmes. Donc, les jeunes sont attirés beaucoup. Il y a
des visionnements incroyables sur ça. Alors, ici, il y a des messages à
passer, ça pourrait être ça.
Donc,
c'est sûr que, s'ils sont toujours à se transmettre des vidéos, des choses, s'il y a
de la propagande haineuse, ils vont
se la transmettre aussi. Ça va avoir une force... Ça va être assez majeur comme
impact. Et, s'il y a quelqu'un
dans l'école ou un groupe de personnes dans
une école, qui est ciblé, ça fait le tour de l'école, et ça fait le tour des
autres écoles, et ça fait le tour de partout. Alors, c'est l'impact,
c'est vraiment... C'est majeur.
Puis ce que je dis
aux jeunes surtout, c'est : Quand tu te chicanes avec quelqu'un dans la
cour d'école, il y a 10 témoins, mais, quand tu te chicanes sur Internet, il
y a des milliers de témoins, et surtout ça reste. Arrêtez, vous vous incriminez
vous autres mêmes. Le lendemain, vous regrettez peut-être ce que vous avez
inscrit. O.K., donc, à ce niveau-là, l'impact, elle est très... elle est
majeure, effectivement.
En
personne ce doit être, et c'est important que ça reste, parce qu'on prône les habiletés sociales, les
compétences personnelles du face à face, la
gestion d'émotions. Quand on est en colère, quand on est heureux, quand on veut
partager quelque chose, il faut le faire
face à face. Les jeunes doivent travailler l'intérieur d'eux-mêmes. Alors, les
messages passés, par exemple... Quand
on passe dans une classe, on travaille avec les émotions du moment présent des
jeunes, avec un peu de rire, avec un
petit peu de vidéo, avec un petit peu de musique, tout ça pour les tenir en
haleine, mais on passe le message en regardant
dans les yeux et en travaillant les émotions des jeunes. Et ça, ils ne le
vivent pas quand ils voient des choses.
Alors,
il faut travailler sur les deux côtés. Les messages vont passer tout aussi bien
par les parents, le personnel scolaire ou à le lire que par des vidéos.
Alors, je pense que les jeunes ont besoin de connaître les deux mondes.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Maintenant, contextualisons tout ça, O.K.? Comme on est ici, puis on veut vraiment
lutter contre cette radicalisation, là, qui fait que les jeunes partent, et
qu'on veut interdire les discours qui endoctrinent
les jeunes pour les amener à partir, alors ces discours-là qui passent par les
technologies de l'information, parce que ma question est un peu axée de
cet angle-là, est-ce qu'ils ont plus d'impact s'ils viennent, ces messages d'endoctrinement, des réseaux sociaux ou de
l'Internet que de la personne? C'est un peu cet angle-là que je voulais
donner.
Mais
je vais aller plus loin, puis vous continuerez. Donc, en tant que spécialistes
des technologies de l'information, est-ce
que vous vous êtes questionnées — vous
parliez de vidéos tout à
l'heure — de l'impact des vidéos que l'on voit, par
exemple, de l'État islamiste chez les jeunes?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Tétreault.
Mme Tétreault
(Cathy) : Oui. Je me sens très concernée par ça, parce que les
personnes vulnérables, les personnes qui se font harponnées, je vais dire ça
comme ça, que ce soit au niveau de la radicalisation, que ce soit au niveau de
la prostitution, de la vente de drogue, etc., ce sont des personnes qui sont
vulnérables dans leur vie, ce sont des personnes
qui sont vulnérables à l'école aussi. Il
y a un 10 % de jeunes par école, approximativement,
qui sont vulnérables à tout ça. Alors, le profil des jeunes, il est là.
La vulnérabilité des jeunes, elle est là.
Alors,
ces jeunes-là qui sont ciblés, qui vont toujours voir les intervenants de
l'école, ce sont toujours les mêmes jeunes, hein? Même s'il y a
200 rencontres par année dans une école, c'est pour 30 jeunes. Alors,
c'est ces jeunes-là, d'autant plus, qui
doivent être sensibilisés à ça. Je ne pense pas que ce soit un jeune qui va
bien, qui a un encadrement, que tout
va bien à l'école, qui soit aussi facile à aller chercher que ça. Je pense que
ce sont des jeunes qui sont plus vulnérables.
Donc,
oui, on peut... Pour prévenir, il faut aller voir c'est qui, le profil des
jeunes personnes qui ont été recherchées, qui ont été harponnées, qu'on a réussi à endoctriner pour les amener
ailleurs. Alors, c'est ces profils de personne là qu'il faut aller le
plus travailler, là, en intervention.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Et je vais encore rester sur ces questions-là, parce que j'y reviens, dans le
fond, puis je pose peut-être mal la
question. Qu'est-ce qui a plus d'impact dans la psyché d'un jeune
vulnérable : c'est la parole de
quelqu'un qui vous parlera ou c'est le vidéo que vous regardez et que vous
regardez... Vous disiez tantôt qu'il y avait le phénomène de répétition
aussi. Qu'est-ce qui a le plus d'impact? C'est un peu ça que je voudrais
savoir.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Tétreault.
Mme Tétreault (Cathy) : Encore là, je pense que c'est au niveau des
vidéos, au niveau de l'accessibilité à tout ça, au niveau d'Internet, parce que les jeunes personnes peuvent écouter ça
le soir ou la nuit tout seules, peuvent écouter ça à n'importe quel moment, finalement, tandis qu'en
personne ils doivent être approchés, donc l'accessibilité, elle est
moins grande. Alors, je pense que réellement
la vulnérabilité vient du fait que ça vient beaucoup, beaucoup d'Internet,
effectivement.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Bien, écoutez, je vous remercie.
C'est limpide. Et puis ma collègue va poursuivre.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la collègue de Gouin.
Mme
David (Gouin) : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. C'est
absolument intéressant puis, quelque part,
très interpellant, là, tout ce que vous nous dites. Moi, je ne suis pas une
très grande adepte de toutes ces nouvelles technologies, donc j'en
apprends beaucoup avec vous.
Deux commentaires et une question, très
rapidement. Premier commentaire, on parle de banalisation, hein, de cette forme de violence, là, sur les réseaux
sociaux, et de la pornographie aussi, vous l'avez écrit, chez les jeunes.
Bien là, moi, je pense que nous, les adultes, on va devoir se poser pas mal de
questions. Parce qu'ils n'ont pas inventé ça tout seuls, les jeunes, et peut-être que l'exemple donné par un certain
nombre d'adultes sur les réseaux sociaux, y compris dans l'utilisation
de la pornographie, devrait être questionné. Et la meilleure loi contre les
discours haineux aura beaucoup de
difficultés à contrer les déferlements de haine sur le Web. Alors, ça, moi, je
trouve que c'est une grande question, à laquelle, évidemment, je n'ai
pas de réponse, surtout pas à cette heure-ci.
Deuxième
commentaire, ce que j'entends ce soir me porte à penser, pour, en tout cas,
réflexion future, qu'il y a déjà la
direction de la protection de la jeunesse qui intervient auprès des jeunes.
Pourquoi doubler ça avec la Commission des
droits de la personne et tout un nouveau mécanisme? En tout cas, moi, ça
m'interpelle beaucoup, ça, comme question.
Et la
question que je vous poserais, c'est : Une fois qu'on a dit tout ça, vous
nous expliquez que c'est la prévention qui a bien meilleur goût, vous en
faites, vous nous faites un certain nombre de propositions, en avez-vous
d'autres? Est-ce qu'il y a des... ou est-ce
qu'il y aurait des propositions, dans ce que vous apportez, sur lesquelles vous
voudriez insister, là? De quoi avez-vous besoin pour travailler avec les
jeunes?
• (21 h 40) •
Le Président (M. Ouellette) :
1 min 30 s, que vous pourriez partager à deux.
Mme
Tétreault (Cathy) : Oui.
Nous avons besoin que tous les ministères, et pas qu'un à la fois, se
mobilisent pour, justement, apporter de
l'information à ces niveaux-là, campagne promotionnelle, comme ça a été pour
l'arrêt du tabac, par exemple. À
force de voir quelque chose, on y croit et on y adhère. Alors, vraiment une
belle campagne promotionnelle venant de tous les ministères qui sont
ensemble pour dire : Toute la société, les adultes, on s'entend pour dire
qu'on va donner l'exemple, en partant des adultes qui se permettent de
critiquer tout ce qui bouge via les réseaux.
Alors, les
lois doivent être faites, en premier lieu, chez les adultes, doivent être
appliquées, en premier lieu, chez les adultes,
et les jeunes suivront par la suite. Je ne pense pas que les jeunes doivent
être... doivent avoir plusieurs façons... ou plusieurs commissions ou tribunaux. Je pense qu'il y a déjà quelque
chose qui est installé, qui est à bonifier cependant... alors, à
bonifier. Comme on dit, c'est important d'apporter de l'information, la même
information à tout le monde.
Le Président (M. Ouellette) :
30 secondes, Mme Lévesque.
Mme
Lévesque (Sylvie) : Que dire
de plus? Mme Tétreault a très bien illustré ce qui serait à mettre en place,
et peut-être pour... pas peaufiner, mais pour ajouter à ses propos, peut-être
qu'il ne faudrait pas avoir peur d'établir des nouveaux partenariats pour des
échanges d'expertises, comme là, celui présentement entre nous, qui permet un
échange d'expertises pour le bien de nos gens vulnérables.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, mesdames, Mme Tétreault et Mme Lévesque, représentant le Centre
Cyber-aide et le CIUSSS de la Capitale-Nationale. Merci d'être venues nous voir
à la commission parlementaire.
La commission ajourne ses travaux au mercredi
23 septembre, après les affaires courantes, normalement vers
11 heures, afin de poursuivre les auditions publiques sur le projet de loi
n° 59. Nous suspendons les travaux.
(Fin de la séance à 21 h 44)