(Dix
heures trente-cinq minutes)
Le
Président (M. Hardy) :
Bonjour à tous. Prenez place, s'il
vous plaît. Ayant constaté le quorum,
je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 59,
Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours
haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses
modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Hardy
(Saint-François) remplace M. Ouimet (Fabre) et M. Birnbaum
(D'Arcy-McGee) remplace M. Tanguay (LaFontaine).
Le Président (M.
Hardy) : Tout d'abord, au début, avant de commencer, je vous souhaite
la bienvenue à tous et je vous demanderais
votre consentement pour le prolongement de la séance, on va finir un petit peu
plus loin que l'heure déjà prévue. Est-ce qu'il y a consentement? Oui,
merci, il y a consentement.
Auditions (suite)
Sans
plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'ordre des
travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux du Québec. Je vous invite à vous présenter et je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.
Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)
M.
Leblond (Claude) : M. le Président, Mme la ministre, mesdames et
messieurs, membres de cette commission, je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités à présenter
notre point de vue sur le projet de loi n° 59 concernant la prévention et la lutte contre le discours
haineux, les discours incitant à la violence et le renforcement de la
protection des personnes. Je suis Claude
Leblond, travailleur social et président de l'ordre, et je suis accompagné de
Mme Marie-Lyne Roc, travailleuse
sociale. Les fonctions actuelles de Mme Roc comme chargée d'affaires
professionnelles à l'ordre, à la Direction du développement
professionnel, lui permettent d'être en contact quotidiennement avec les
travailleuses sociales et les travailleurs sociaux qui exercent sur le terrain.
Alors, la
radicalisation est un phénomène mondial qui repose sur des considérations
sociales, politiques, économiques,
ethniques, idéologiques et religieuses ainsi que sur des visions et des
interprétations divergentes. Cela dit, nous constatons et nous déplorons
que la communauté internationale ferme les yeux sur des enjeux fondamentaux comme les effets de la mondialisation, une
économie de marché insensible aux facteurs humains, une approche inégale
et ambiguë quant au respect des droits et
libertés des personnes ainsi que les inégalités sociales et économiques à
l'échelle planétaire. Pourtant, ces enjeux
sont largement responsables de la radicalisation. On s'attaque aux
conséquences, mais on néglige les
facteurs déclencheurs, et c'est dommage. Les valeurs défendues par notre ordre
professionnel et ses membres font en
sorte que nous appuierons toujours les mesures qui visent à améliorer le
vivre-ensemble et à instaurer et à renforcer des relations égalitaires
et respectueuses entre les citoyens et les groupes de citoyens, quels que
soient leur sexe, leur orientation sexuelle, leur origine, leur appartenance
culturelle ou religieuse, tout en préservant ce droit fondamental d'une société
libre et démocratique qu'est la liberté d'expression.
Nous allons
concentrer nos commentaires sur la partie I du projet de loi. Et, quant à
la partie II, nous nous en tiendrons à ce qui touche les modifications
apportées à la Loi sur la protection de la jeunesse.
Alors,
à la lecture du projet de loi, nous avons été surpris de constater — et nous ne sommes pas les seuls — que
les termes clés sur lesquels il repose ne
sont pas suffisamment clairs. Ainsi, l'absence d'une définition claire et
rigoureuse du terme «haineux» nécessitera un recours à la définition développée
par les tribunaux pour mieux comprendre la portée
de l'interdiction, ce flou laisse présager des difficultés dans la mise en
application de la loi. Les expressions «tenir un discours» ou «diffuser un discours» ne sont pas claires non plus. Ce
manque de clarté ouvre la porte à la subjectivité et, par conséquent, à
des risques d'excès dont les conséquences peuvent être stigmatisantes et
préjudiciables pour les personnes visées et pour la liberté d'expression.
• (10 h 40) •
Nous nous interrogeons également
sur cet autre risque de dérapage que représentent, selon nous, la
constitution et la diffusion d'une liste de
personnes reconnues coupables de propager ou d'encourager la propagation de
discours haineux. On s'inquiète au plan social des impacts d'une telle
liste.
La
triste histoire de la famille Shafia est toujours présente dans notre mémoire
collective. Et là j'entre dans la partie des modifications liées à la Loi sur la protection de la jeunesse.
Donc, les articles qui traitent du contrôle excessif et de
la notion d'honneur contribueront certainement à faire en sorte que des tels drames ne puissent se reproduire à
nouveau. Nous accueillons donc favorablement
ces dispositions qui offrent des moyens supplémentaires d'assurer la protection des enfants,
y compris dans des situations de mauvais traitement psychologique et de
contrôle excessif. Le projet de
loi n° 59, à cet égard, établit clairement la latitude de la
protection de la jeunesse en affirmant que la liberté de religion et l'adhésion à des valeurs qui en résultent ne
placent personne à l'abri de l'intervention de l'État par rapport à l'éducation des enfants, c'est très clair.
Par ailleurs, le traitement des signalements tout comme l'évaluation et l'orientation de ces situations impliquent un risque élevé de préjudice pour ces enfants et leurs familles. Les
professionnels qui y exerceront devront donc être en mesure de conduire
ces évaluations d'une manière rigoureuse, et d'agir en toute compétence, et
d'offrir des services de qualité. Cette nécessaire
latitude des professionnels est cependant en contradiction ou mise en contradiction avec
les compressions budgétaires, les coupes de poste ainsi qu'avec les exigences
de rendement et d'efficience qui prévaut actuellement dans le réseau de la santé et des services sociaux.
Il nous apparaît important que vous en soyez conscients en tant que législateurs.
Le suivi
personnalisé que prescrit le projet
de loi requiert un engagement
soutenu de la part des professionnels, qui
ne peuvent se contenter de remettre une liste de services à la famille. Ils
doivent d'abord établir un lien de confiance avec celle-ci, ce qui peut nécessiter un
certain temps, la sensibiliser à la situation
et lui apporter tout le soutien nécessaire. Rappelons que la plupart des situations impliquent des personnes en état de
grande détresse, ces interventions
doivent être soutenues de façon adéquate
tant au plan clinique... Et il faut également maintenir et développer les
ressources nécessaires sans appauvrir
les autres secteurs des services sociaux et communautaires, déjà lourdement
affectés par les compressions, d'autant plus que le projet de loi risque
fort de générer un volume de travail supplémentaire important.
En effet, nous sommes inquiets et préoccupés par
l'impact de ces mesures non seulement sur les services en protection de la jeunesse, mais sur l'ensemble des
services sociaux. En effet, depuis l'entrée en vigueur des regroupements
issus du projet de loi n° 10, la
restructuration du réseau de la santé et services sociaux fait en sorte que la mise
en commun des ressources autrefois dédiées à des missions spécifiques...
elles sont maintenant mises en commun, et, dans un tel contexte, nous craignons que les services sociaux généraux soient en
partie détournés pour répondre aux besoins croissants des directions de la protection de la jeunesse.
D'ailleurs, nous avons déjà écho que, dans certains établissements et
dans quelques régions du Québec, des travailleurs sociaux oeuvrant dans les
services enfance, jeunesse et famille sont en effet
réaffectés aux fonctions d'évaluation de la protection de la jeunesse afin de
diminuer les listes d'attente. Les services sociaux généraux sont pourtant des leviers essentiels pour aider les
personnes et les communautés à améliorer leur situation, demeurant un
lieu privilégié pour faire de la prévention, de l'éducation et éviter
l'escalade vers la radicalisation menant à la violence.
Pour conclure, je souhaite répéter que nous
entretenons des réserves majeures quant aux risques de dérapage que représente l'imprécision des concepts évoqués
et leur impact potentiellement grave sur ce fondement de la démocratie qu'est la liberté d'expression. En ce sens, nous
souhaitons vivement que le législateur apporte au présent projet de loi
les correctifs nécessaires pour en assurer la clarté et réduire ainsi les
risques de dérapage.
Nous sommes également soucieux quant à la mise
en opération du projet de loi, surtout dans le contexte économique actuel. En
effet, nous croyons que l'atteinte des objectifs passe par la prévention, laquelle
nécessite une offre de services suffisamment
généreuse au niveau des services sociaux généraux en première ligne, un soutien
et un financement adéquats des
ressources dans la communauté, des investissements en matière de santé
publique, en éducation, en emploi, au
niveau du logement, et sans oublier
des politiques sociales et économiques qui s'attaquent aux inégalités sociales et économiques, dont la pauvreté et l'exclusion sociale. Il est donc essentiel que
l'État procède aux investissements nécessaires pour assurer un contexte
favorable à l'atteinte des objectifs du projet de loi n° 59. Merci.
Le
Président (M. Hardy) :
Merci, M. Leblond. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, à vous la parole pour une
période de 25 minutes.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, M. Leblond, merci beaucoup de votre présence en commission
parlementaire. Merci de vos commentaires aussi, de vos recommandations. Et Mme Roc
aussi, bonjour. Merci de votre présence.
Dans un premier temps, évidemment, sur la question
du discours haineux, vous comprendrez, puis je l'ai mentionné un petit peu plus tôt au cours de nos auditions, la notion de
discours haineux, elle a quand même été qualifiée par la Cour suprême. Donc, on n'arrive pas avec un concept qui sort
d'un chapeau, qui est tout à fait nouveau. C'est un concept qui a été
élaboré notamment, notamment parce qu'il y a eu quand même un certain nombre de
décisions des tribunaux qui ont porté sur la
question, mais notamment par la Cour suprême dans l'affaire Whatcott, donc un
dossier qui mettait en cause la Commission des droits de la personne de la
Saskatchewan. Et, dans le discours haineux, c'est une définition quand même assez stricte, dans ce sens que ce n'est pas si
vague qu'on peut le laisser entendre ou qu'ont pu le laisser entendre
certaines personnes. Ce n'est pas un discours dissident. Notre objectif, ce
n'est pas de museler la dissidence, ce n'est
pas de museler ceux et celles qui pourraient avoir un discours qui est désagréable.
C'est vraiment... Lorsque je mentionnais de mettre un terme à
l'inacceptable, l'inacceptable, c'est vraiment le discours... puis je vais reprendre les termes qui sont dans l'affaire
Whatcott, je pense que ça pourrait... puis je pense que vos commentaires
sont importants parce qu'ils nous
permettent, lors de nos échanges, peut-être de préciser encore une fois ce qui
est le discours haineux, c'est un
discours qui va exposer un groupe de personnes à la déconsidération, au
dénigrement et — le terme
est utilisé comme tel
dans la décision de la Cour suprême — à l'exécration ou au rejet pour rendre le
groupe... l'amener à devenir, dans
l'esprit, illégitime, dangereux, ignoble, inaccessible aux yeux de la personne
qui reçoit le discours. Alors, c'est
ça, un discours haineux, en gros, là, parce qu'évidemment la décision, elle est
élaborée sur de nombreuses pages, mais en gros c'est ce qu'est un
discours haineux, donc...
La Cour
suprême nous enseigne aussi que le discours est tellement extrême qu'il va inciter
ou va inspirer à l'égard du groupe dont il est question un traitement
discriminatoire. C'est de ça dont il est question. Alors, c'est vraiment de tracer la ligne entre la liberté d'expression...
Parce que la Cour suprême a souvent eu à se pencher également sur le
respect de la liberté d'expression, et c'est
une valeur qui est essentielle, c'est un droit qui est essentiel dans une saine
démocratie, vous avez tout à fait raison,
puis c'est certain que, lorsqu'il est question de légiférer en matière de discours
haineux, en matière de liberté d'expression, il faut toujours faire très
attention. Et je veux vous rassurer comme je veux rassurer ceux et celles qui nous écoutent aujourd'hui,
cette valeur fondamentale qu'est la liberté d'expression, ce n'est pas ce
que nous... on ne souhaite pas l'attaquer.
On s'attaque au discours qui vraiment va porter à la haine de l'autre ou à la
haine d'un groupe, c'est vraiment d'une force quand même assez particulière.
Mais alors nous avons pris les enseignements de
la Cour suprême, et c'est ce qu'on a transposé dans le projet de loi. Alors, c'est là. Et puis c'est certain que
la notion de discours haineux, pour ceux et celles qui ne sont pas
familiers avec les enseignements de la Cour
suprême ou avec la jurisprudence, peut susciter des questionnements, donc je
pense que c'est important qu'on puisse avoir cet échange-là. Et d'ailleurs on a
eu cette semaine un groupe qui était intervenu dans Whatcott pour nous dire, bon, qu'ils avaient certaines réserves
puis à quel point il était important de préserver la liberté d'expression. Puis, la liberté d'expression, on
considère qu'elle est préservée. Donc, comme le soulignait notre
collègue de Taschereau cette semaine, elle posait la question : Est-ce
qu'une caricature est acceptable, une caricature qui... une caricature, c'est une caricature, mais le discours
haineux, ça va vraiment... c'est une étape bien au-delà de la satire,
c'est une étape bien, bien, bien au-delà du discours... de l'expression d'une
dissidence, c'est beaucoup plus profond que ça.
Alors, je ne
sais pas si vos craintes, avec ces explications, demeurent ou si ces
explications, en quelque sorte, vous rassurent quant à notre intention
face aux dispositions qui viennent introduire la protection à l'égard... à
l'encontre d'un discours haineux.
• (10 h 50) •
Le Président (M. Hardy) :
M. Leblond.
M. Leblond (Claude) : Mme la
ministre, vous comprendrez que nous sommes des travailleurs sociaux, des travailleuses sociales et non pas des juristes.
Par contre, nous... Et tout comme vous on a à coeur, effectivement, le
mieux-vivre ensemble. Nous nous alimentons
également de compétences, entre autres, de juristes pour voir ou en tout cas
être éclairés sur ce qui... non seulement
l'intention du législateur, mais au-delà de l'intention qui peut... et nous ne
doutons pas de votre intention, Mme la
ministre, là, effectivement, de faire en sorte que les objectifs de la loi
puissent être atteints, mais, à notre
lecture et à la compréhension qu'on en a, ce n'est peut-être pas suffisamment
clair. Peut-être qu'effectivement ces
travaux nous amèneront, effectivement, à mieux voir les balises qui sont déjà
existantes non seulement quant à la notion de discours haineux, mais également à qu'est-ce que c'est que tenir un
discours, diffuser un discours, ainsi de suite, là.
On comprend
également que ces dispositions, et jusqu'au bout du processus, permettent une
intervention également de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, d'agir dans
une certaine forme de prévention pour stopper
lesdits discours, mais, encore là, entendons-nous sur le fait qu'on est en
prévention pour le moins tertiaire. Si on veut agir vraiment en
prévention de discours haineux, il faudrait davantage faire de l'éducation, de
la sensibilisation, de l'information pour faire en sorte qu'effectivement on
n'ait pas à se rendre au bout du continuum, là, de risque associé à ce type-là.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Mais à cet égard, M. Leblond, et comme je l'ai mentionné, je pense qu'il est
important aussi de comprendre que le projet de loi s'inscrit dans un
plan d'action global. Donc, le plan d'action qui a été déposé par ma collègue la ministre de la Sécurité publique et la
ministre responsable de l'Immigration, Diversité et Inclusion prévoit aussi plus de 19 mesures dans la catégorie
Prévenir, et à l'intérieur de ces mesures-là il y a aussi un mandat
d'éducation, de sensibilisation, je pense,
et, vous avez raison, qui est essentiel. D'autres groupes avant vous nous ont
aussi interpellés sur cette nécessité
de faire de l'éducation, de sensibiliser la population, les différentes
communautés à certains enjeux bien
particuliers, et vous avez raison. Le projet de loi, ce n'est pas le seul et
unique outil dont on se dote, il fait partie de l'ensemble des mesures. Et on espère évidemment que l'ancienne... que
les mesures, la totalité des mesures ensemble vont nous amener vers une société qui sera beaucoup plus tolérante et
dans laquelle on n'aura pas de discours de ce type. Et malheureusement
il y en a, des discours de ce type-là dans la sphère publique.
Et
la commission des droits de la personne et de la jeunesse aura la possibilité
aussi de se saisir d'une plainte, de se
saisir d'un dossier, d'évaluer objectivement, dans un premier temps, s'il
s'agit, oui ou non, d'un discours haineux incitant à la violence, et, si la commission est d'avis
qu'il s'agit d'un tel type de discours, ce sera référé au Tribunal des droits
de la personne aussi. Alors, il y a quand
même un mécanisme qui est mis en place pour assurer que l'on ne vienne pas
porter atteinte de façon un petit peu
démesurée à la liberté d'expression, puis ça, c'est un élément, pour nous, qui
est important. Donc, ce n'était pas
simplement de prévoir des mesures sans possibilité avant de saisir le tribunal
d'une évaluation du dossier, d'une
enquête, parce qu'il peut y avoir une plainte qui ne soit pas fondée et qui ne
constitue pas, à la base, un discours
haineux, et dès lors la plainte peut... le dossier peut être fermé, suite à
l'analyse qu'en fera la commission. C'est pour ça qu'on l'a confié à la
commission, c'est pour permettre à des gens qui ont l'expertise, qui au
quotidien sont sensibilisés
à toutes les questions puis à tous les motifs de discrimination qui sont
énumérés à l'article 10 de la charte... Donc, déjà là, on a confié à cet organisme-là le soin d'avoir cette
première évaluation et... mais tout ça s'inscrit dans un grand plan d'action aussi. Alors, il ne faut pas
prendre le projet de loi seul, sans considérer les autres éléments qui y
sont prévus. Alors, là-dessus... Puis je
pense même que l'ordre a un rôle à jouer dans ce grand plan là, si je ne
m'abuse, non?
M. Leblond
(Claude) : Dans le plan d'action?
Mme Vallée :
Oui.
M. Leblond
(Claude) : Oui, la mesure 1, Mme la ministre.
Mme
Vallée : Effectivement. Donc, vous avez un partenariat qui sera
établi, donc c'est encore... bien je vous remercie de votre
participation, parce que... En fait, ce n'est pas... non, non, je ne mets pas
un terme à nos échanges, simplement je vous
remercie de votre participation puis de votre collaboration, non. L'Ordre des
travailleurs sociaux est quand même un ordre qui est très proactif, en général,
au niveau de la société.
Vous avez soulevé
certaines préoccupations quant aux modifications apportées à la Loi sur la
protection de la jeunesse. Nous avons apporté ces modifications-là dans la
foulée ou dans la... suite au dépôt du rapport du Conseil du statut de la femme, qui avait mentionné qu'il
était important de nommer les enjeux pour pouvoir sensibiliser la population, sensibiliser aussi les intervenants à
des réalités nouvelles parce qu'on pourrait... Et là-dessus je ne sais
pas si au sein de l'ordre vous avez été
appelés, à l'occasion... ou si vous avez des membres qui ont été appelés à
intervenir dans des situations de
contrôle excessif ou de violence basés sur une conception de l'honneur. Est-ce
qu'au sein de votre ordre vous avez des directives qui touchent cette
réalité-là?
Le Président (M.
Hardy) : M. Leblond.
M. Leblond
(Claude) : Oui, je vais... rapidement et ensuite passer la parole à ma
collègue. Entre le moment où ces événements
sont arrivés et aujourd'hui, il y a eu l'entrée en vigueur également, là, des
modifications apportées au Code des
professions, qui a fait en sorte qu'effectivement l'évaluation en matière de
protection de la jeunesse est confiée à des professionnels dûment
patentés, et ce qui n'était pas le cas auparavant, là. Donc, oui, il y a
plusieurs travailleuses sociales et
travailleurs sociaux qui exercent en protection de la jeunesse. Combien parmi
eux doivent de façon régulière... sont confrontés à ces nouveaux
phénomènes? Là, je ne suis pas en mesure de vous le dire.
Mais
je vais laisser à ma collègue, là, Mme Roc, la possibilité de poursuivre,
parce qu'elle est davantage en lien avec eux, là.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Roc.
• (11 heures) •
Mme Roc
(Marie-Lyne) : Oui. En fait, il n'y a pas de situation qui nous a été
rapportée particulièrement en lien avec le
contrôle excessif à ce niveau-là, et on n'a pas, comme ordre, non plus rédigé des
lignes directrices par rapport
à ce type de pratiques particulières, mais certainement, dans tout phénomène
émergent, c'est sûr que les travailleurs sociaux doivent non seulement se
préoccuper, mais devenir aussi habilités, développer des compétences pour mieux
comprendre le phénomène, et c'est pour ça que nous avons réagi. C'est-à-dire
que ce qu'on disait, c'est : Pour être en mesure de bien évaluer... Parce
qu'il y a la décision d'intervenir ou de ne pas intervenir, et les deux peuvent
causer préjudice. Et c'est d'ailleurs
pourquoi aussi on a réservé des activités notamment en lien avec l'application
de la Loi sur la protection de la jeunesse. Mais en fait notre
préoccupation, c'est à ce que les travailleurs... c'est de s'assurer que les professionnels qui ont à évaluer ce type de situation
et les conditions... Et une des
conditions essentielles, c'est le soutien professionnel, c'est l'encadrement, la supervision, la formation continue, et ça,
nous savons très bien qu'actuellement
ça pose un problème. Alors, notre préoccupation... Et certainement la loi est intéressante parce qu'elle offre un levier pour les intervenants, les professionnels, et
ça, on le reconnaît, c'est très important, mais en même temps, pour être en
mesure de justifier, de statuer, de prendre
des décisions à ce niveau-là et de faire des recommandations, il faut que
ce soit soutenu et il faut être en mesure de bien documenter le
phénomène, et ça, à ce niveau-là, ça demande un soutien et des conditions pour
le faire.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme Vallée : Je comprends
que, ces enjeux-là, évidemment, la sensibilisation, la formation demeurent importantes, comme
à chaque fois, j'imagine, que des modifications ont été apportées aux dispositions
de la Loi de la protection de la jeunesse. Il a fallu former les intervenants pour savoir
quels sont les signaux d'un contrôle excessif, quels sont les signaux d'une violence basée sur la
conception de l'honneur, parce qu'on ne le dit pas... ce n'est pas écrit,
ça ne saute pas aux yeux, c'est insidieux, ce type de situation là. Mais la
raison pour laquelle, justement, on a voulu puis on a souhaité amender la loi, c'est parce que trop souvent, puis
peut-être vous saurez me le dire, on ne savait pas... on savait qu'il y
avait quelque chose qui semblait ne pas aller, dans une cellule familiale, mais
on ne savait pas à quel motif de compromission
l'accrocher parce que ce n'était pas nécessairement de la violence physique, ce
n'était pas tout à fait du rejet
affectif et... Est-ce que vous êtes au fait des difficultés que ça pouvait
comporter, d'intervenir dans ces situations-là?
Le Président (M. Hardy) : Mme Roc.
Mme
Roc (Marie-Lyne) : Bien, ça ne nous a pas été rapporté comme tel...
Excusez-moi, M. le Président — il devait me donner la parole. Ça ne nous a pas été
rapporté comme tel, sauf que ce qu'on sait certainement, c'est que ça donne un levier supplémentaire et en fait ça donne
un message clair, c'est-à-dire qu'on ne peut pas, au nom de l'honneur, au nom de valeurs familiales, au nom de la
religion, exercer un contrôle excessif. Et ça, ça donne un message clair en
tant que société, puis aux parents et aux
enfants également, et ça leur donne aussi eux-mêmes une possibilité de dénoncer
leur propre situation dans une famille.
Alors, ça, je pense que ça rend les choses plus claires, ça donne aussi des
leviers aussi aux professionnels.
Alors, à ce niveau-là, bien que ça ne nous a pas été rapporté comme des
situations fréquentes ou courantes, bien on voit que ça peut
effectivement devenir un soutien, un levier supplémentaire, quoi.
Mme Vallée : D'accord.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Je vais laisser... Je sais que mon collègue de Chomedey a une question, je vais
lui permettre de la poser, puis, s'il reste du temps, je vous reviens
avec d'autres...
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Chomedey.
M.
Ouellette :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre, M. le Président, mes
collègues. M. Leblond et Mme Roc,
c'est toujours un plaisir de vous voir en commission. C'est intéressant de vous
avoir ce matin parce que les avocats
diraient qu'on fait du droit nouveau, là, je dirais que depuis quelques mois on
vous ajoute des nouveaux mandats ou on
requiert votre expertise dans des phénomènes qui sont nouveaux, qui sont en
constante évolution et qui nécessitent
qu'on ait un oeil intéressant sur la situation, justement, pour être en mesure
de donner des services à la population. J'aime beaucoup votre approche de
prévention. C'est sûr que c'est complémentaire aux approches de réaction ou aux
approches de répression qu'on a l'habitude de voir avec les autorités
policières.
En prenant connaissance de votre mémoire, je
vais avoir deux questions pour vous. La première, je note, à la page 9, que vous, à juste titre, nous avez souligné qu'on avait une différence dans nos amendes et
qu'il va falloir harmoniser notre article 12 et notre
article 20, parce qu'on ne peut pas parler de 2 000 $ dans un
cas puis mettre le plafond plus bas dans l'autre cas.
Ma deuxième
question aura deux volets. Est-ce que, selon vous, les mesures qui sont dans le
projet de loi, touchant la protection
des gens qui vont rapporter des situations, sont adéquates? Et j'aimerais vous
entendre un peu plus, dans la deuxième
partie de ma question, sur votre recommandation 4. Vous souhaitez que soit
retirée complètement du projet de loi la
liste des personnes reconnues par la commission qui... Ce serait une liste qui
serait sur Internet, connue du public; des gens qui, de l'avis de la commission, auraient des discours haineux
pouvant mener à la violence. J'aimerais ça que vous élaboriez sur cette recommandation-là que vous
faites à Mme la ministre et que vous faites aux membres de la
commission.
Le Président (M. Hardy) : M.
Leblond, je vous indique qu'il nous reste 3 min 30 s.
M. Leblond
(Claude) : D'accord. Alors,
je vais revenir, à ce moment-là, sur la question de la liste, là. Dans
le fond, notre questionnement est beaucoup
par rapport à quelle est la plus-value, au-delà du fait qu'un jugement est
déjà public, qu'il puisse être rendu public,
qu'ensuite il y ait une liste. Alors, c'est la progression. Alors, qu'est-ce qu'on
cherche par cette mesure-là? Effectivement,
il nous semble important que, si le Tribunal des droits de la personne statue
qu'une personne a tenu un discours haineux
et qu'il doit être réprimandé... Les jugements sont publics, donc on sera ad
vitam aeternam dans la capacité de retrouver
cette décision concernant une personne, et ce qui est tout à fait correct, là.
Il y a là-dedans également une
décision de rendre public à travers un mécanisme qui est une liste. On peut
rendre public autrement également. Le
gouvernement régulièrement rend public, là, par des avis, là, qui sont publiés
dans la Gazette officielle. Nous, comme ordre professionnel, nous rendons publiques des décisions de
conseil de discipline à travers les journaux ou d'autres mécanismes. C'est correct également, ça permet de prévenir que
d'autres personnes fassent les mêmes gestes, mais de là à constituer une liste... On a un
questionnement vraiment là-dessus. Combien de listes existent au Québec, là?
Dans combien... Dans quelle situation on
constitue déjà des listes? On sait qu'il y a les agresseurs sexuels. On a déjà
dû penser, comme société, que les
risques pour les citoyens étaient à ce point importants qu'il fallait non
seulement rendre accessible, non seulement accessible et publicisé, mais
accessible, publicisé et listé. On se demande, dans ce cas-ci, si c'est ça,
l'intention... Est-ce qu'effectivement on est au même niveau?
Le Président (M. Hardy) : M. le
député.
M.
Ouellette : Et, M.
le Président, pour la première partie de ma question sur la protection des
personnes qui rapportent des actes, est-ce
que vous croyez que les dispositions du projet de loi sont complètes ou vous
seriez de nature à ajouter certains commentaires comme vous venez de
faire par rapport à la liste?
Le Président (M. Hardy) :
M. Leblond.
M. Leblond
(Claude) : Ça nous semblait bien orienté, là, par rapport aux
rapporteurs. En tout cas, il n'y a pas eu d'élément, là, qui a attiré
davantage, là...
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre, il reste 30 secondes.
Mme Vallée : Merci. En fait, oui, j'avais des questions,
mais on pourra peut-être continuer d'échanger. Mais merci de vos
commentaires toujours très pertinents dans le cadre de nos consultations.
Le
Président (M. Hardy) :
Merci. Nous allons maintenant à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau,
à vous la parole pour une période de 15 minutes.
• (11 h 10) •
Mme
Maltais :
Merci, M. le Président. Bonjour,
M. Leblond. Bonjour, Mme Roc. Je suis très heureuse de vous
accueillir ici aujourd'hui en commission parlementaire. Je sais que ça vous a
demandé beaucoup de travail que cette audition puisque le projet de loi a été
déposé début juin, et puis il y a eu les vacances, puis après ça il y avait
déjà les auditions en commission parlementaire. Un petit mot : J'espère qu'à des
organisations comme ça on n'obligera plus à des temps compressés. Ça
arrive de plus en plus souvent, ceci dit, là, dans des commissions
parlementaires, de les tenir rapprochées des dépôts de projet de loi. Il faut
laisser aux gens le temps de travailler, je pense, c'est quelque chose d'important.
Mais vous avez quand même réussi à nous offrir un mémoire très intéressant.
Sur la liste, écoutez, j'ai entendu vos
commentaires, ils rejoignent plein de commentaires des gens qui sont passés
avant vous. Cette liste, c'est quasiment... je vais l'appeler — je
vais aller loin, là, parce que ça va loin, une liste — une
liste à la Harper, c'est une liste qui n'a pas de sens, là. Et je pense que,
ça, la ministre devrait déjà l'annoncer, qu'elle va le retirer de la loi. Ce serait
bienvenu puis ça éviterait de faire des choses inutiles. Moi, je suis déjà
convaincue que la liste, elle va sauter.
Alors, qu'elle le dise, puis ça va rassurer tout le monde, là. Je pense que c'est quelque chose qui ne
devrait pas exister.
Pour la
suite, j'aimerais ça parler... vous êtes les... parler avec vous d'intégration,
d'intégrisme religieux, ce qui est absolument absent du projet de loi,
pourtant... Vous travaillez beaucoup avec les jeunes, vos membres travaillent avec les jeunes. Ce phénomène de radicalisation et
d'intégrisme religieux, est-ce qu'il vous inquiète? Et est-ce que les
moyens qui sont en oeuvre actuellement au Québec... Est-ce que vous avez les
outils pour y faire face?
Le Président (M. Hardy) :
M. Leblond.
Mme
Maltais : Grande
question.
M. Leblond
(Claude) : Quelle question tôt ce matin! Je pense que, non, on n'a pas
tous les outils, effectivement, pour faire face à la situation, sinon on
n'aurait pas, actuellement, tous les questionnements que l'on a. Mme Roc?
Mme Roc va aller davantage, là, poursuivre, et je reviendrai, là...
Mme
Maltais : ...je ne veux pas vous piéger, comprenez-moi
bien, là. C'est parce que normalement c'était à ça qu'on avait à répondre, puis on n'a pas les réponses, ça fait qu'on va peut-être
chercher ailleurs, soit dans vos cerveaux bien outillés.
Le Président (M. Hardy) :
Mme Roc.
Mme Roc (Marie-Lyne) : En fait, c'est un phénomène émergent, hein, la
radicalisation. Et, quand on parle de... même le terme «radicalisation»,
je pense qu'il faudrait ajouter, puis ça, on nous a de plus en plus
sensibilisés, c'est mener à la violence, parce que la radicalisation en soi, on
s'entend... Bon, Mme la ministre, tout à l'heure, parlait de message dissident.
Je pense que dans une société démocratique, effectivement, ça prend des gens
radicaux avec... Ça dépend. Quand le message est radical, c'est une chose, mais
radical qui mène à des comportements de violence ou encourage la violence, on
est dans une autre réalité.
Ce qui nous
apparaît très clair, nous, aussi, c'est que la radicalisation est un phénomène
social, et c'est pour ça qu'on se
sent très interpellés par le phénomène. Je vous dirais que, non, on n'a certainement pas développé d'expertise, à l'ordre, par rapport à la radicalisation comme phénomène social. On s'en
préoccupe. On est déjà interpellés, en fait, parce que, les travailleurs
sociaux, notre rôle est beaucoup, hein, d'intervenir à proximité, donc dans les
milieux de vie, auprès des personnes, et
donc les travailleurs sociaux sont déjà interpellés par des situations où ils
se questionnent. Effectivement, où on
ne souhaite pas aller, c'est de mettre un visage à la radicalisation, alors
éviter le profilage, et c'est pour ça que, pour nous, et c'est ce que vous avez vu dans le mémoire,
c'est que ce qu'on encourage beaucoup, c'est de s'intéresser aux facteurs qui
amènent à la radicalisation, qui amènent à la violence, en fait. Et c'est pour
ça qu'on parle d'inégalités sociales, de déterminants sociaux. Quand on a écrit
de s'intéresser au logement, aux revenus, à l'exclusion sociale, il faut
penser, comme société... Si on arrive à
s'intéresser à la radicalisation, à s'en préoccuper, faut-il aussi se
préoccuper de ce qui est, finalement, un milieu qui encourage ou en tout cas, du moins, favorise peut-être l'émergence de la radicalisation. Et c'est
pour ça que je pense que notre... Et, le
mémoire, je pense que c'est dans cet esprit-là qu'on l'a écrit, l'amener dans
un esprit beaucoup plus contextuel, beaucoup plus large que de le voir comme un
phénomène isolé.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci. D'ailleurs,
quand on parle de groupes qui travaillent auprès des marginaux, plusieurs
sont passés ici, sont venus nous dire, nous rappeler que ce n'est pas par la
coercition qu'on obtient les meilleurs résultats, ni par l'aboutissement sur une liste de la honte,
mais bien par l'éducation, la sensibilisation. C'est là-dedans que vous avez besoin des
moyens, je pense, pour travailler, entre autres auprès des jeunes.
Il y a
un changement énorme que propose cette loi-là, énorme, qui est d'ajouter une
infraction, amende, liste et tout qui serait géré par la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse. Aujourd'hui, par exemple, pour une infraction que commettrait un jeune ou
une jeune, c'est le Tribunal de la jeunesse qui va intervenir; là, ce
serait la commission des droits de la personne et de la jeunesse d'abord qui
analyserait le cas et ensuite qui l'enverrait au Tribunal de la jeunesse. Est-ce
que vous pensez que la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse est outillée pour examiner ce type de situation?
Le Président (M.
Hardy) : M. Leblond.
M. Leblond
(Claude) : Vous comprendrez, Mme la députée, là, qu'on n'est pas en
mesure de se prononcer pour la commission sur sa capacité, effectivement,
d'agir, là, mais...
Mme
Maltais :
...qu'elle a fait dans le passé.
M. Leblond
(Claude) : Et on ne s'est pas penchés, en tout cas, dans l'étude du projet
de loi, là, sur est-ce qu'effectivement les objectifs visés en créant la
commission sont conformes à ces éléments-là. En tout cas, on peut certainement...
Vous êtes mieux placés que nous pour questionner ces éléments-là.
Je reviendrais un
petit peu sur votre question antérieure. On ne touche pas à l'intégrisme
religieux, c'est vrai, effectivement, dans
le projet de loi, et en même temps on sait que tous les intégrismes, qu'ils
soient religieux, ou politiques, ou
économiques, peuvent conduire vers des inégalités, et vers de l'exclusion, et
vers de la violence, là. Dans ce sens-là, oui, effectivement, nous, on s'est contentés de commenter le projet de
loi. On commentera un projet de loi qui n'est pas encore dans les
mandats de la commission au moment opportun, là.
Mme
Maltais :
...qui ne gère pas non plus l'intégrisme religieux, à notre opinion. Mais,
enfin, on verra à ce moment-là.
Sur
le recrutement, est-ce que vous sentez qu'il peut y avoir un lien entre le
recrutement des jeunes, là, dans des... par la radicalisation et menant vers la violence... Étant donné que vous
connaissez bien le terrain, est-ce que vous pensez que, dans ce projet
de loi là, il y a de l'aide pour les jeunes qui pourraient être recrutés, par
exemple, par des groupes djihadistes, et
tout ça? Parce qu'on cherche des solutions à ça. Si on veut mettre fin au
discours haineux, c'est entre autres à cause
de l'ambiance qu'on a actuellement, où on sent que les discours haineux menant
à la violence ont été adoptés par des jeunes, qui sont allés vers la
radicalisation, jusqu'à la violence. Alors, est-ce qu'il y a un lien là-dedans?
C'est ce que je cherche.
Le Président (M.
Hardy) : M. Leblond.
M.
Leblond (Claude) : Nous souhaiterions vraiment pouvoir vous éclairer
sur votre question, mais nous avons concentré notre analyse et nos
travaux sur la partie I et, dans la partie II, uniquement, là, sur
les modifications de la Loi de la protection
de la jeunesse. Alors, peut-être dans les autres parties que nous n'avons pas
regardées ça se retrouve davantage, mais, dans ce qu'on a vu, nous, je
ne pourrais pas vous éclairer à ce niveau-là.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
• (11 h 20) •
Mme
Maltais : Alors, peut-être... Vous avez parlé beaucoup de
risques de dérapage, entre autres sur les discours haineux. On a déjà la
Cour suprême et les tribunaux criminels qui gèrent le discours haineux, puis on
voit que c'est tellement complexe et compliqué que ça s'est rendu jusqu'en Cour
suprême, qui a défait les jugements qui avaient été faits dans les provinces.
Donc, c'est vraiment extrêmement complexe que de gérer le discours haineux.
Vous dites : Il y a risque de dérapage. Je pense
que c'est ce qu'on entend depuis le début de cette commission parlementaire là, puis c'est ce que les médias nous disent. Est-ce que
vous voyez des solutions à ces risques de dérapage? Je sais que vous
parlez d'inscrire dans la loi peut-être les définitions, n'est-ce pas?
Le Président (M.
Hardy) : M. Leblond.
M. Leblond
(Claude) : Bien, en tout cas, on trouvait important... Et là les
juristes ou les légistes trouveront les
façons de faire, ce qui est le plus convenable, là, mais on trouvait important,
en tout cas, que les notions soient précisées, qu'elles le soient dans la loi ou... C'est probablement dans la loi
qu'il faudrait qu'ils le fassent si on veut effectivement s'assurer d'en avoir une compréhension commune. Et
on pense que, sur la question de la liste, c'est peu à propos, là, et c'est ce que je tentais tout à l'heure de vous
démontrer, là, par les mesures habituelles, là. Mais ensuite ça sera à la
sagesse du législateur de déterminer, là, les portées, là.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : C'est
sûr, la liste, c'est la stigmatisation, et c'est le problème,
mais un jugement aussi qui serait négatif...
Parce que des jugements, c'est public, hein? Une liste,
c'est autre chose, une liste, c'est : Voici, tu fais partie de la liste de la honte, tu
sais, les gens vont chercher dans la liste, et puis moi, je trouve
ça terrible, puis je suis sûre que ça va disparaître, mais la
stigmatisation associée à un jugement qui est fait non pas par un tribunal qui
juge hors de tout doute raisonnable mais une commission des droits de la
personne qui mets les choses en équilibre, en balan, où les critères sont plus flous, ça nous inquiète, ça
nous... je vous le dis, c'est un de nos sujets d'inquiétude puis à cause de
la stigmatisation aussi que ça peut
apporter. Vous travaillez beaucoup avec les gens qui sont parfois victimes de... je
suis sûre que vos membres travaillent avec
des gens qui sont victimes de stigmatisation, entre autres. L'impact de la
stigmatisation, c'est justement le contraire de ce qu'on veut, c'est-à-dire
l'exclusion.
Le Président (M.
Hardy) : M. Leblond.
M.
Leblond (Claude) : Oui, mais je comprends également qu'on veut
protéger les citoyens qui seraient aussi victimes d'un discours haineux. Donc, dans le droit de l'un et de
l'autre, comme société, à date, en tout cas, on a choisi de protéger les... en tout cas de faire en sorte
qu'il n'y ait pas une double victimisation, là. Si effectivement on sera...
Et là il y a toute la question du niveau de
preuve à établir au Tribunal des droits de la personne versus dans les autres
tribunaux de nature criminelle, où effectivement ce n'est pas la même chose,
mais, au-delà de ça, nous pensons effectivement que, quelqu'un qui est reconnu coupable, la décision doit être publique. Et
la personne, à ce moment-là, vit avec la conséquence de ses gestes, qui
peut être une certaine forme de stigmatisation, mais il faut être des citoyens,
aussi, responsables.
Une
liste, c'est autre chose, nous semblait-il, parce que, des listes, il n'y a pas
de liste de personnes par crime, à ma connaissance. Mais peut-être que
je ne connais pas bien...
Mme
Maltais :
Non, c'est une des premières questions que... un des premiers sujets sur
lesquels on a jasé. Effectivement, ça n'existe pas, des listes par crime. On ne
comprend pas pourquoi tout à coup dans une loi apparaît une liste par crime,
d'autant que la liste n'est pas gérée par un tribunal mais est gérée par la
CDPDJ, ce qui est une tout autre chose.
Bien, je vous
remercie beaucoup de votre...
Le
Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la
période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée
de Montarville, à vous la parole pour une période de 10 minutes.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président.
Merci, M. Leblond, Mme Roc, très intéressant. Et là j'ai des questions tous azimuts. Alors, je vais
commencer avec une première question que j'avais posée hier à un groupe
qui était venu nous voir, le Centre de
recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux
femmes. Je pense que vous êtes vraiment les gens qui pourraient nous aider, en
tous les cas, à comprendre.
Ce projet de
loi n° 59, à la compréhension des citoyens, de tous, le but visé, on
le comprend, c'était d'enrayer cette
radicalisation des jeunes, ce départ à l'étranger pour aller lutter et cet
endoctrinement des jeunes : Pourquoi les jeunes changent-ils d'idée
sur notre démocratie, décident-ils de commettre des actes excessivement
violents? Donc, c'était l'objectif, à tout le moins, que je croyais que ce
projet de loi portait et que la société veut que nous défendions.
Je sais qu'il
y a un plan d'action global, mais,
pour ce qui est de ce projet de loi ci, nous, nous déplorions le fait qu'on ne
retrouve pas dans le projet de loi les termes «endoctrinement»,
«radicalisation», parce que c'est à ça qu'on s'attaque.
Et vous nous dites que la radicalisation, c'est un phénomène social, je suis tout à fait d'accord avec vous, avec la multitude... C'est multifactoriel, on s'entend. Cependant,
la radicalisation, elle passe inévitablement par un endoctrinement. Il y a quelqu'un qui met ça dans la tête du monde. Ce n'est pas
une apparition, là, il y a quelqu'un qui endoctrine en quelque part pour que quelqu'un
décide de se radicaliser. Il faut être soumis à cette idée, il faut que cette idée
nous soit présentée d'une façon ou d'une autre, qu'il y ait des propos,
des discours, des prêches, appelez ça comme vous voulez. Donc, la radicalisation est multifactorielle, mais elle
passe par l'endoctrinement. C'est ce qui nous amène à vouloir, justement,
légiférer.
Mais plus précisément
pour ce qui est de notre cas, quand vous dites que vous considérez que dans le projet
de loi n° 59 — et
c'est une de vos premières critiques — il y a un risque d'excès par le manque de définition... Vous nous dites
à la page 8, et on en a parlé, que la notion du terme «haineux» ouvre également
la porte à la subjectivité et par conséquent
à des risques d'excès dont les conséquences peuvent être stigmatisantes et
préjudiciables pour les personnes visées et pour la liberté
d'expression. La ministre vous l'a expliqué dans la mesure où c'était la commission
qui allait définir et trancher à la lumière
de la jurisprudence ce qu'est la notion du terme «haineux», entre autres, et je me demandais si à la
lumière des explications que la ministre vous a données... Est-ce que ça vous conforte,
réconforte ou est-ce que vous craignez qu'il
y ait toujours cette subjectivité
mais qui est de la part de la commission... Parce
qu'initialement, en bout de ligne, ce
ne sont pas les citoyens qui tranchent mais la commission, et en toute fin,
s'il y a lieu à poursuivre, le tribunal. Alors, est-ce que les explications fournies par la ministre vous
confortent sur l'objectivité ou craignez-vous qu'il y ait toujours
subjectivité de la part de la commission et du tribunal?
Le Président (M.
Hardy) : M. Leblond.
M.
Leblond (Claude) : Ma tête comprend, mon cerveau comprend davantage,
mais je crois que notre organisation n'est
pas davantage rassurée. On peut comprendre l'intention. On n'est pas assurés
que le chemin, effectivement, fasse en sorte que ces garanties-là soient
données, effectivement.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Alors, je comprends que vous voulez plus de précision et que vous dites que ça vous aiderait davantage d'avoir des définitions
pour qu'on sache à quoi la commission va s'attaquer ou quels seraient,
finalement, les motifs de plainte. Je comprends bien ça. Parfait.
Autre
question. On parlait des listes tout à l'heure. Vous en parlez, vous avez une
crainte. Nous, et je le soumets à la
ministre parce que ça fera probablement l'objet d'un amendement que nous
soumettrons... et on ne le trouve pas dans le projet de loi
actuellement, et je me demande qu'est-ce que vous, vous en pensez, que des
listes de corporations ou d'organisations
religieuses, entre autres, qui pourraient perdre leurs avantages fiscaux. Comme
vous le savez, les organisations
religieuses ont des avantages fiscaux, des exemptions de taxes municipales et
de taxe scolaire, elles l'ont toujours
actuellement, mais on sait que cet endoctrinement se fait souvent par des organismes
religieux qui bénéficient d'exemptions
de taxes fiscales, d'exemptions de taxes municipales et scolaires, donc ce sont
des avantages fiscaux, alors nous
aimerions soumettre à la ministre dans un amendement que ces organismes qui
pourraient être... je vais employer le terme
«trouvés coupables», là, en fonction d'une décision du tribunal, par exemple,
ou de la commission et du tribunal pourraient
être inscrits sur des listes, dans la mesure où ces organismes religieux qui
seraient trouvés coupables d'incitation à la haine, à la violence avec des discours haineux et des discours
violents ne le font pas de façon gratuite, il y a un agenda en arrière de ça, qu'on puisse démontrer qu'elles
sont financées par des organisations terroristes — ça existe, vous le savez — donc une liste de ces entreprises-là, ces
corporations religieuses, et qu'elles perdent leurs avantages. Qu'est-ce
que vous en pensez?
Le Président (M. Hardy) :
M. Leblond.
• (11 h 30) •
M. Leblond
(Claude) : Là, vous me demandez de me prononcer contre une
recommandation que je vous fais qu'il n'y ait pas de liste, là, pour
d'autres raisons, alors vous comprendrez que c'est un peu... je me sens un peu
piégé, là. Ce qui est l'intention que vous
portez et le moyen, au moment de l'inscription sur une liste, là, je
souhaiterais ne pas me prononcer,
puisque je vous ai dit qu'à notre avis, une liste, qu'elle soit d'individus ou
d'organisations, là... Bien, on n'avait pas pensé aux organisations, là, alors peut-être que c'est plus justifié
pour les organisations, mais, encore là, nous, on se situait davantage sur la question du principe, là.
Le principe, c'est qu'une décision est publique. Ensuite, elle peut être
publique et publicisée, qui est la notion de
faire un avis; publique, publicisée et listée. Et là on trouve que dans publique, publicisée et listée on doit affirmer... le législateur affirme que c'est un crime qui est très, très, très grave. Bon.
Alors, est-ce que les organisations qui prôneraient la radicalisation qui mène
à la violence, ça rentrerait dans ce type-là? Je vous laisse le soin d'en
discuter entre vous, là.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, merci, M. le Président. Et inquiétez-vous pas, ce n'était pas un piège du
tout. C'était, si vous voulez, une... Ça fera l'objet d'un amendement que nous
apporterions, et c'est peut-être pour ne pas stigmatiser la personne mais
stigmatiser justement les corporations, les institutions qui auraient un agenda
politique, qui auraient intérêt à faire de
l'endoctrinement, de la radicalisation. Et j'aimerais informer les gens qui
nous écoutent que des listes existent déjà, et on n'a qu'à penser, entre
autres, à la liste du RENA, qui est le Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics. Vous savez, ces entreprises
qui auraient magouillé, corruption, collusion, etc., trouvées coupables de... bien elles sont sur une liste.
Alors, c'est un peu dans cette optique-là que nous aurions aimé aussi peut-être
une liste pour des organismes qui sont mal intentionnés, pour qu'on sache à qui
on a affaire et, outre ça, qu'ils ne puissent
plus bénéficier d'avantages fiscaux dont ils bénéficient et que nous payons
tous, en passant, là, alors... Parce qu'au fédéral... Le gouvernement fédéral a retiré ces privilèges à certains
organismes qui ont des liens avec des organisations terroristes à l'extérieur, et ici ça n'a pas
encore été fait, alors je pense que ce serait quelque chose sur lequel il
faudrait travailler. Mais ce n'était pas un piège, surtout pas, là, je ne
voudrais pas que vous preniez ça comme ça.
Par ailleurs,
vous faites une recommandation, la recommandation à la page 9 qui est
votre recommandation 2, et je vais la lire pour le bénéfice des
gens qui nous écoutent : «À l'instar du Code criminel, le législateur doit
établir les circonstances légitimes selon
lesquelles une personne ne sera pas déclarée coupable d'avoir tenu ou diffusé
un discours haineux ou un discours
incitant à la violence.» Je suis tout à fait d'accord avec vous, je trouve que
c'est une excellente idée, qui
pourrait faire d'ailleurs l'objet d'un amendement que nous pourrions apporter.
Mais, selon vous, quelles seraient des circonstances légitimes?
Le Président (M. Hardy) :
M. Leblond.
M. Leblond (Claude) : Là, on n'est
pas allés jusqu'à ce niveau-là. On fait le parallèle, là, avec ce que...
effectivement les motifs que la cour a retenus, là, dans un arrêt précédent,
mais on n'est pas allés plus loin, là, que ça,
on pense que c'est au législateur de l'établir. Mais il devrait y avoir des
motifs qui sont établis. Sinon, au niveau de la capacité de l'individu,
là, d'être vraiment défendu, il y a un écart trop important, là.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Montarville. Il vous reste 1 min 25 s.
Mme Roy
(Montarville) : Eh misère! O.K. Vous êtes les gens qui
travaillez première ligne avec les enfants, avec les familles. Hier, je posais une question, je demandais s'il y avait de
plus en plus... On parle de l'affaire Shafia. Ça fait cinq ans, hein, c'est 2009 que le crime horrible a
été commis, ça fait cinq ans. Est-ce que, depuis ce temps-là, des
mariages forcés, des crimes d'honneur, des... Est-ce que
ça fait davantage partie de votre réalité? Est-ce qu'il y a davantage de
plaintes à cet égard-là? Avez-vous une idée de grandeur, quelque chose que vous
pouvez nous fournir à cet égard?
Le Président (M. Hardy) : M.
Leblond.
M. Leblond (Claude) : Pour une
réponse claire à cette question-là, je pense que vous devrez attendre, là, le moment où vous rencontrerez les directeurs de la
protection de la jeunesse, là, à la commission, là, à la mi-septembre,
et vous aurez la bonne information. Il est
clair pour nous, par contre, que ces événements-là ont amené de grands
questionnements auprès des professionnels, dont les travailleuses sociales, là,
au niveau de la protection de la jeunesse,
sur leur capacité d'effectivement bien détecter, de bien voir pour pouvoir
ensuite agir de façon préventive, pour éviter,
là, de tels drames, là, et s'assurer la protection, là, des enfants. Ça a amené
également, là, les milieux de formation universitaire à se questionner
et à revoir la formation mais à devoir en même temps s'apercevoir qu'on a
besoin de davantage de recherche pour
documenter et savoir ensuite quelles actions seront réellement porteuses pour
le mieux-être des enfants, là, et de tous les enfants du Québec, là.
Le Président (M. Hardy) : Je vous
remercie de votre contribution.
Nous allons suspendre
nos travaux quelques instants, et j'inviterais les représentants du Centre
consultatif des relations juives et israéliennes à prendre place à la
table des témoins.
(Suspension de la séance à 11 h 35)
(Reprise à 11 h 38)
Le Président (M. Hardy) : Nous
reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue au Centre consultatif des
relations juives et israéliennes. Je vous invite à vous présenter et je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.
Centre consultatif des
relations
juives et israéliennes (CERJI)
M. Del
Negro (Luciano G.) : Merci
beaucoup. M. le Président, Mme la ministre, Mmes
et MM. les parlementaires, le Centre
consultatif des relations juives et israéliennes, mieux connu sous son acronyme
CIJA Québec, vous remercie de lui
permettre de vous présenter ses commentaires concernant le projet de
loi n° 59. Je suis Me Luciano G. Del Negro, vice-président de CIJA Québec. À mes côtés se
trouvent, à ma gauche, Me Merissa Lichtzstral, directrice adjointe
aux politiques publiques, et, à ma droite, M. Joshua Wolfe, directeur
adjoint aux relations gouvernementales.
CIJA Québec
est l'agence de représentation des institutions de la communauté juive du
Québec. Il sert de lien entre la communauté juive et les trois paliers du
gouvernement, les représentants des médias, les communautés ethnoculturelles,
le monde des affaires et les universités.
Le plus
récent rapport publié par Statistique Canada, en 2013, révèle que les Juifs,
malheureusement, constituent encore
le groupe le plus souvent ciblé parmi les crimes haineux perpétrés contre des
groupes religieux, soit 54,9 crimes pour 100 000 Juifs. Ainsi, nous sommes particulièrement
interpellés par cette législation et pensons qu'il est nécessaire et
important de faire entendre notre voix devant cette commission.
L'objectif du projet de loi n° 59 est
fort louable. Si nous approuvons les intentions du projet de la loi, il n'en
demeure pas moins que, dans sa version présente, la loi n'assure pas un juste équilibre
entre le respect de la liberté fondamentale d'expression et la protection
contre la haine.
Le projet
souffre aussi de lacunes importantes en
matière d'équité procédurale. Le discours haineux, au Canada, est
actuellement régi par les articles 318 à 320 du Code criminel, dont le
fardeau de la preuve, étant plus élevé, protège effectivement la liberté
d'expression.
• (11 h 40) •
Tout d'abord, le projet
de loi n'offre aucune définition
précise de ce qu'est un discours haineux ou incitant à la violence, ouvrant la porte à une avalanche de
plaintes et de poursuites possiblement frivoles. Cette grave lacune
menace d'instaurer un climat indésirable d'inhibition et d'autocensure dans la
sphère publique.
Le projet de loi stipule qu'il s'applique aux discours haineux et aux discours incitant
à la violence proférés dans un lieu public ou qui sont diffusés
publiquement. Or, aucune définition de ce que constitue une diffusion publique
n'est offerte.
Le projet de loi protège les plaignants par des mesures assurant leur anonymat et les mettant
à l'abri de représailles. Bien que
ces protections soient nécessaires, nous sommes d'avis qu'elles doivent être
équilibrées par une disposition
qui dissuaderait le dépôt de plaintes frivoles. Par exemple, le Tribunal des
droits de la personne pourrait être autorisé à adjuger des dépens. Si l'article 5 de la loi stipule que la commission
peut refuser de donner suite à une plainte si elle la considère frivole, vexatoire ou de mauvaise foi,
aucune balise n'est offerte pour déterminer le caractère irrecevable à
une plainte. La législation, telle que
rédigée, met le défendeur dans une situation de désavantage évidente et complète. En
effet, le projet de loi permet
facilement de déposer une plainte. Le plaignant n'a pas à comparaître au
tribunal ni payer des frais juridiques, puisque tout le processus
d'enquête est géré par la commission. Le défendeur, par contre, sera submergé par l'enquête, le temps perdu durant le procès, les frais
juridiques, les sanctions, etc. Cette situation de désavantage doit être remédiée.
Les convictions politiques sont au nombre des
critères utilisés par le projet de loi pour définir les groupes à protéger des discours haineux. Or, cette inclusion
de groupes de personnes possédant des convictions politiques
nous paraît plutôt excessive. Si le projet de loi était adopté, dénoncer, condamner le Ku Klux Klan, par exemple, pourrait aisément tomber dans la définition de discours haineux.
Cette provision pourrait mener à la sclérose du débat politique et à
l'inhibition générale de la liberté d'expression.
Nous nous interrogeons sur la nécessité
d'imposer une sanction punitive et de maintenir et diffuser une liste publique de contrevenants. Aucune liste publique
de contrevenants n'existe dans le reste du Canada. Il n'y a
qu'un registre national des délinquants sexuels mais uniquement mis à disposition
de la police... des forces de police canadiennes, c'est bien ça.
Ceux qui
seraient inscrits subiraient une forme de stigmatisation et pourraient même
être la cible de représailles. Selon la loi canadienne, une peine doit
être proportionnelle à la gravité de l'infraction. Nous sommes d'avis que le
maintien d'une liste publique sans ligne directrice précise de même que les
pénalités financières élevées constituent des mesures démesurées.
En outre,
l'article 21 de la loi stipule que le tribunal détermine combien de temps
le nom d'un contrevenant peut figurer
dans la liste tenue par la commission. Or, la détermination de cette durée est tout à fait arbitraire et discrétionnaire, puisque
le tribunal ne dispose d'aucune directive ou de règle en la matière. Et, avec
l'Internet, ça va être ad vitam aeternam.
Lors des
débats portant sur l'abrogation de l'article 13 de la Loi canadienne sur
les droits de la personne, l'article abrogé
qui traitait de la propagande haineuse, l'ancien ministre de la Justice du Canada,
l'honorable Irwin Cotler, a suggéré de
mettre en place de meilleures garanties procédurales en termes de processus
d'essai et de norme de la preuve. Il nous semble impératif de prendre en
considération cette proposition. Par exemple, considérant la gravité du crime
et les conséquences, nous croyons que, du point de vue des éléments de preuve,
les règles officielles de preuve en matière civile
devraient s'appliquer, hein, ainsi que des règles de procédure civile, y
compris celles concernant le témoignage et le contre-interrogatoire, afin d'assurer un procès équitable. Il devrait en
être de même pour les règles de justice naturelle, soit la règle comme on connaît d'impartialité, nemo
judex in causa sua, et le droit à un procès équitable, audi alteram
partem, évidemment. En outre, nous sommes d'accord avec la
suggestion de l'honorable Irwin Cotler qu'une protection procédurale
doit être mise en place pour que les plaintes soient limitées à une juridiction
à la fois, pour éviter des poursuites stratégiques contre la mobilisation
publique, «SLAPP suits».
Bien que nous
pensions que le droit criminel traite de façon adéquate le discours haineux,
nous avons remarqué un très faible
nombre de poursuites concernant le discours haineux en vertu du code. Nous
estimons que l'élaboration par la ministre
de la Justice de directives uniformes
et de programmes de formation pour la police et les procureurs généraux
pourrait possiblement pallier à ce déficit.
Le projet de loi n° 59 vise à apporter
des modifications à la loi sur l'éducation, la Loi sur l'enseignement
privé et la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel.
Chaque loi est modifiée de façon similaire. Bon, l'objectif poursuivi est louable, mais restent une injuste présomption
de culpabilité et un fardeau injuste qui pèsent sur le défendeur du fait
même que la personne est inscrite sur la liste des contrevenants.
Conclusion. À
la lumière des considérations exposées ci-dessus, il nous paraît périlleux de
se servir du droit civil ou du droit
administratif pour accomplir ce qui est traité de façon adéquate, à notre avis,
par le droit criminel. Le projet de loi n'établit pas un juste équilibre
entre la garantie de liberté d'expression et la protection contre la haine et
ne met pas en place les garanties
procédurales nécessaires pour assurer le respect des droits et libertés des
citoyens. Dans sa forme actuelle, le projet de loi risque de créer un
climat d'autocensure indésirable et incompatible avec les droits et libertés fondamentaux. Nous estimons donc que le projet de
loi n° 59 doit être revu de fond en comble et amendé en
profondeur et faire ensuite l'objet de
nouvelles consultations et auditions publiques présidées par cette même commission.
Quant à nous, hein, en fait, le remède face au discours haineux, hein,
c'est plus de liberté d'expression, pas moins.
Nous vous remercions de nous avoir permis de
nous exprimer sur ce projet de loi et sommes disponibles pour répondre à vos
questions. Merci.
Le Président (M. Hardy) : Merci,
M. Del Negro. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la
ministre, vous avez la parole pour une période de 25 minutes.
• (11 h 50) •
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, M. Del Negro, bienvenue parmi nous.
Vous référez,
dans votre mémoire, à la définition... à l'une des nombreuses définitions qui
ont été élaborées par les tribunaux,
vous faites référence à l'affaire Taylor qui donne une définition ou qui donne
en fait une large description de ce que peut constituer un discours
haineux et ce qui pourrait ne pas constituer un discours haineux également, une
décision qui remonte quand même à 1990, et
on croit, du moins de notre côté, mais vous pourrez nous le préciser,
que les décisions des tribunaux ont quand même été assez claires quant à ce que
constitue le discours haineux puis quant aux barèmes
qui peuvent guider ou qui pourraient guider... pourront guider la Commission
des droits de la personne lorsque vient
le temps de se pencher sur une plainte ou sur un dossier qui est soumis par une
tierce personne ou par un groupe qui se sent visé par le discours haineux. Comme je le disais tout à l'heure, et
puis je ne veux pas reprendre mot pour mot ce que je disais à l'Ordre des travailleurs sociaux, mais
c'est vraiment des propos qui amènent une haine profonde de l'autre.
Alors, l'objectif du projet de loi n'est pas
de venir censurer la dissidence, n'est pas de venir censurer le discours qui
s'inscrit dans une opposition à des idées peut-être plus généralement acceptées
dans la société, ce n'est pas de s'opposer à ce qui est «politically correct», ce n'est pas du tout l'objectif, c'est
vraiment de venir... de donner un pouvoir d'intervention lorsqu'un discours
fragilise, risque de porter atteinte à un groupe ou à un groupe de personnes,
et un groupe de personnes défini, qui
a des caractéristiques définies à l'article 10. Et on n'a pas fait une
description limitative, puisqu'on nous enseigne qu'en législation définir de façon trop limitative pourrait limiter
l'application. Et donc, comme la Cour
suprême a quand même une abondante
jurisprudence en la matière, elle permet de guider ceux et celles qui seraient
saisis, dans un premier temps, de l'évaluation de dossier.
Vous me
parlez d'une... Et vous suggérez également dans votre mémoire, j'aimerais vous
entendre là-dessus... vous suggérez d'adopter une double évaluation.
Donc vous suggérer de modifier le projet de loi pour apporter une procédure de
prise en charge du dossier. Est-ce que j'ai bien compris votre mémoire?
M. Del
Negro (Luciano G.) : En fin de compte, qu'est-ce qu'on propose, c'est... Bien, dans un premier temps, qu'est-ce qu'on propose, on pense que le Code criminel,
hein... Parce que, si le délit ou si le crime est tellement grave, hein,
on ne devrait pas faire à travers la
procédure civile ou administrative, contourner le Code criminel par ce
biais-là, hein, dans un premier
temps. On recommande, hein, que le ministre de la Justice mette en place une
procédure pour former à la fois le
service de police, à la fois les procureurs de la couronne pour effectivement
utiliser ce mécanisme qui nous est donné et qui est le Code criminel.
Si, pour une
raison quelconque, en fin de compte, évidemment, l'Assemblée nationale du
Québec poursuit son projet et dit : Bien, regardez, nous avons
quand même besoin d'un mécanisme qui est celui que vous proposez, qu'on propose à loi, en fin de compte, à la loi
n° 59, donc, à ce moment-là, on vous dit que, regardez, la définition, en
fin de compte, doit être bien définie et clairement précisée. On pense
évidemment... Et évidemment on renvoie, à la fin du compte, à l'arrêt de Taylor, et plus précisément au tribunal des droits
de la Colombie-Britannique, qui développe un test en deux parties pour
déterminer si le discours en question est susceptible d'exposer une personne,
un groupe ou une catégorie de personnes à la haine et au mépris. Alors, c'est
ça qu'on propose.
Bon, pour nous, c'est clair, c'est... La
question, je ne pense pas que vous allez trouver une communauté plus sensibilisée à la question du discours haineux et
de l'appel à la violence que la communauté juive. Malheureusement, que
ce soit au Québec ou que ce soit ailleurs, hein, on est quand même une des
cibles principales de ce discours et de cette haine,
hein? La communauté juive de France représente 1 % de la population, mais
malheureusement elle représente 50 % de tous les crimes haineux. Au Canada, c'est quand même une situation
qui est moins pire, l'antisémitisme n'est pas, en fin de compte, qu'est-ce qu'il était autrefois, mais
il reste qu'il est ici, il est actif. Je vous rappellerais qu'avant, hein, les
attaques qu'on a vues à
Saint-Jean-sur-Richelieu et sur la colline Parlementaire il y a eu, en 2006,
des actions à caractère terroriste commises à l'encontre d'institutions
de la communauté juive, hein, alors donc ce n'est pas... on n'a pas échappé à
ce type de violence.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Dans un premier,
j'aimerais revenir sur le choix puis échanger avec vous sur la question des... l'existence des dispositions du Code criminel et
le choix que nous avons fait d'inclure des dispositions de nature
civile. Dans le cadre d'un acte criminel,
bien souvent, le tribunal est saisi une fois l'acte terminé, et bien souvent
une fois le dommage causé. Les dispositions prévues au projet de loi
vont permettre au tribunal aussi d'entreprendre ou de rendre des ordonnances de sauvegarde pour que cesse le
discours. Avant même de se prononcer sur la nature et, s'il y a lieu, de
pouvoir accorder une amende ou une sanction
quelconque, le tribunal, de façon civile, pourra ordonner, émettre des
injonctions pour que cesse la diffusion du discours.
Le degré de preuve n'est pas le même non plus.
C'est que la preuve d'intention, elle est requise au niveau criminel; au niveau civil, la preuve d'intention,
elle n'est pas requise. Donc, il y a tout un processus. Et c'est
d'ailleurs une des raisons qui a amené à
pouvoir légiférer de nature civile, dans la sphère civile; pas pour en faire un
crime additionnel, parce que l'aspect criminel est déjà traité, mais
c'est aussi une sanction de nature civile parce qu'au-delà des dossiers criminels il y a un message très clair dans notre
société civile que des discours de ce type-là ne sont pas acceptables. Et
ça permet évidemment une évaluation, parce que l'objectif... Puis je comprends
la préoccupation que vous soulevez quant à l'importance d'éviter que le processus
soit utilisé pour bâillonner ou que les tribunaux soient utilisés pour bâillonner quelqu'un, mais il y a
toute une évaluation préalable qui est faite par la commission
des droits de la personne et de la
jeunesse sur le dossier avant de saisir le Tribunal des droits de la personne.
Le Tribunal des droits de la
personne peut être saisi de nature... de
façon urgente, de façon préliminaire pour cesser le discours, mais, sur le fond
du dossier, lorsque le dossier serait
soumis... comme il l'est actuellement, d'ailleurs,
c'est un processus qui est similaire à celui qui existe actuellement
pour les individus qui ont recours aux dispositions qui sont en place et qui se
sentent discriminés d'une façon ou d'une
autre en vertu d'un motif prévu à l'article 10. Donc, il y a une
évaluation, il y a une équité procédurale, du moins on croit, dans le processus actuel parce que, la plainte, le
dossier est d'abord évalué par la commission avant d'être soumis au
tribunal, donc le tribunal n'est pas saisi systématiquement de chaque dossier.
Le Président (M. Hardy) :
M. Del Negro.
M.
Del Negro (Luciano G.) : C'est pour cette raison-là qu'on dit que
l'intention est louable, bon, excepté que l'absence de définition précise quant à... et en fin du compte la facilité
avec laquelle les plaintes peuvent être apportées, dans le sens... le discours, en fin du compte, le
manque de précision quant à qu'est-ce qui constitue une diffusion
publique, tout cela, à mon avis, à notre
avis, vient miner un peu la portée de ce qu'on veut faire, hein? C'est que,
quant à nous, la liberté d'expression, elle est fondamentale, dans notre
société, et on doit s'assurer de tout pour qu'elle soit défendue, hein? On comprend et on
partage ce souci de vouloir apporter, offrir des réponses face à qu'est-ce
qu'on a pu entendre ici, aujourd'hui,
hier et d'autres jours, sur la question de la radicalisation, sur les discours
haineux, on comprend tout cela, mais nous croyons fortement que
l'antidote à ces venins, c'est vraiment plus de liberté d'expression, pas
moins.
Et,
si vous allez dans la direction du projet de loi n° 59, bien il va falloir
que vous balisiez, il va falloir que vous donniez des définitions
précises quant à qu'est-ce que vous entendez par «discours haineux», vous allez
devoir aussi définir bien qu'est-ce qui constitue une diffusion publique, il va
falloir bien définir la question de comment... Et on comprend que ce n'est pas
tous les actes, pas toutes les accusations qui vont être portées devant le
tribunal que la commission... mais reste que la commission, possiblement, va
être submergée de plaintes.
Entre
autres, si... Et il n'y a rien qui est mis que vous... aucune disposition de la
loi n'est présentée pour s'assurer que
les personnes puissent, en fin du compte, se défendre face à des accusations
semblables. Encore une fois, quand vous parlez des convictions politiques, à ce moment-là toute dénonciation
d'un ordre, que ce soit le Ku Klux Klan, du parti nazi, pourrait nous
amener à une plainte devant la commission.
Donc,
tous ces éléments-là, ce sont des éléments, à mon avis, qui sont faibles, qui
quelque part minent ce projet de loi,
et c'est pour ça qu'on vous demande, avec tous les égards et sans aucune
prétention, de retourner faire un peu... de demander à votre contentieux
de retourner faire leurs devoirs, à quelque part. Je ne sais pas si ma collègue
a quelque chose pour ajouter.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Lichtzstral.
• (12 heures) •
Mme Lichtzstral
(Merissa) : Non, mais en bref, en bref, vous disiez que, si le
tribunal peut se prononcer sur l'injonction,
c'est les règles de procédure civile qui vont s'appliquer. Ça devrait être les mêmes règles de
procédure civile qui s'appliquent pour le
moment que la commission fait l'enquête, et après, le tribunal, si c'est
recommandé au tribunal, que ce soient les mêmes règles, les mêmes normes
de preuve qui soient...
M.
Del Negro (Luciano G.) : Parce qu'au tribunal, si je comprends bien, les
règles civiles sont optionnelles, hein, ils ne doivent pas
nécessairement s'en tenir à ces règles-là, du moins ce que j'ai lu, ce qu'on a
pu lire ce matin dans le site Web — c'est bien ça? — du tribunal, donc... à moins qu'il y ait eu
un changement quelque part. Alors donc, on pense qu'il faut vraiment
baliser les choses.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Bien, vous savez, la beauté du système de justice,
c'est qu'il est évolutif, et, si, dans nos textes de loi, on se mettait à définir systématiquement chacun
des termes employés, notamment «espace public» ou «diffuser», qui sont quand même des termes que l'on peut
comprendre, je pense qu'on restreindrait la portée évolutive de notre
droit. Et la jurisprudence a aussi ce rôle
que d'amener à comprendre et interpréter des notions. Vous savez, il y a
15 ans, il y a 20 ans, un
document sur Facebook, sur Twitter, on ne savait pas ce que
c'était. Les médias sociaux, c'était encore très nébuleux, plusieurs n'existaient pas. Donc, il est certain
que, si on fige dans le temps une situation, on risque de causer
beaucoup plus de tort que de bien, c'est mon humble avis.
Quant
à l'obsolétude des règles de procédure civile, permettez-moi de m'inscrire en
faux, car en janvier prochain les
nouvelles règles de notre Code de procédure civile qui a été adopté ici, en
cette Assemblée, vont entrer en vigueur, et je pense que les parlementaires... Puis d'ailleurs on salue... je salue mon
prédécesseur, qui a mené un très grand... qui a mené le dossier de
front. Il y a eu beaucoup d'efforts de mis par les parlementaires de cette
Assemblée et par certains membres de cette commission pour mettre à jour nos
règles de procédure civile.
Puis, dans un autre
temps, nos règles de droit administratif aussi sont évolutives. Alors, il y a les
tribunaux administratifs. Donc, il ne faut
pas... il faut éviter de... Parfois, ce n'est pas parce qu'une décision n'est
pas rendue en notre faveur que les règles sont obsolètes.
Ceci
étant dit, M. le Président, je vais céder la parole. Je sais que j'ai des
collègues qui souhaitent intervenir puis je ne voudrais pas prendre tout
le temps.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs dames. J'ai deux petites questions
pour vous, deux petites clarifications.
Dans votre
présentation du début, vous nous faisiez référence que, dans le cas de plaintes
frivoles, vexatoires ou de mauvaise foi, il
devrait y avoir quelque chose dans le projet de loi qui soit prévu, et vous
avez utilisé le mot «avec dépens»,
pour justement éviter... parce qu'en partant du moment où il y a une plainte
qui est faite qui n'est pas fondée, ça fait
plus de tort à la personne duquel on s'est plaint qu'à la personne qui fait la
plainte. Vous avez sûrement regardé. Dans le projet de loi, à son article 20, il y avait une disposition qui
fixait en sanction civile... Si la personne avait tenu ou diffusé un
discours haineux, elle pouvait avoir une sanction pécuniaire d'un minimum de
1 000 $ et jusqu'à un maximum de 10 000 $. Est-ce que vous
aviez pensé au même genre de sanction dans le cas d'une plainte frivole,
vexatoire ou de mauvaise foi ou vous pensiez à un autre système?
Et
j'aurais une deuxième question pour vous. Vous avez évoqué... — puis je suis un gars qui a toujours été
très, très factuel — vous
avez évoqué que 50 % des crimes haineux s'adressaient à la communauté
juive au Canada.
M. Del Negro (Luciano G.) : ...en
France.
M.
Ouellette :
Pardon?
M. Del Negro (Luciano G.) : En
France, en France.
M.
Ouellette :
Bien... O.K. Est-ce que vous auriez une base factuelle de cet énoncé-là? Parce
que c'est quand même un gros chiffre,
et vous avez sûrement certaines références que vous pourriez soumettre à la
commission, pour la réflexion des membres de la commission.
Le Président (M. Hardy) :
M. Del Negro.
M. Del Negro (Luciano G.) : Oui. Alors
donc, notre réflexion, ce n'est pas... on n'a pas été aussi pointu de...
On a tout simplement constaté qu'il y avait
une lacune et qu'on devait trouver un remède pour y répondre. Maintenant,
on comprend qu'il y a quand même...
les sentences, c'est assez onéreux, le 1 000 $ à 10 000 $. On s'est arrêtés là. Il
faudrait tout simplement concevoir une manière dans le sens de s'assurer...
Pour répondre
à votre deuxième question, bien ce sont les chiffres du gouvernement français,
si je me rappelle très bien, qui a
été fait... En France, ça, c'est en
2014, il y a eu un rapport qui a très bien
expliqué le cas. C'est un peu la même
chose en Grande-Bretagne. Il y a eu
une augmentation de 40 %,
c'est ça, en Grande-Bretagne, l'année 2014 a connu un nombre record de
crimes antisémites. Selon la police britannique, les attentats de Paris ont
même provoqué une vague de crimes
antisémites au Royaume-Uni, et il y a eu une augmentation de 40 %.
Donc, ce sont quand même des... Si
vous le voulez, on pourra vous faire part de ces chiffres-là. Je pourrais aussi
faire part, bon, de la déclaration du premier ministre français, Manuel Valls, qui a exhorté entre autres les leaders
musulmans de France, le 15 juin dernier, à nommer l'ennemi et à
dénoncer les discours de haine, d'antisémitisme qui se cachent derrière
l'antisionisme et la haine d'Israël. Ça, c'est le premier ministre
français. Donc, on pourra vous... Ça va me faire plaisir.
M.
Ouellette : Merci.
Le Président (M. Hardy) : Maintenant,
je vais passer la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, M. le Président.
M. Del Negro, Me Lichtzstral, M. Wolfe, ça me fait plaisir de
vous accueillir à l'Assemblée nationale aussi, surtout comme fier Québécois
de la communauté juive. J'ai le plaisir de représenter la circonscription... la seule où il y a une forte population
issue de ma communauté, donc j'ai eu le plaisir de travailler avec vous et de continuer de travailler avec vous, et
dans le passé aussi comme ancien directeur
général du Congrès juif
canadien, région du Québec.
Et ce qui est évident dans votre présentation, j'ose croire, a été toujours
évident, la communauté juive se dote toujours
de la responsabilité d'intervenir avec les gouvernements de toutes couleurs de façon vigilante, rigoureuse et compassionnée et en mode de solution, et je crois
qu'on a un autre exemple aujourd'hui. Ce qui est central à nos discussions et à votre présentation, c'est la recherche de cet équilibre entre la liberté
d'expression et la lutte contre la discrimination, la sécurité de nous tous comme société, un équilibre,
comme la ministre l'a bien expliqué, qui est la cible visée par ce
projet de loi aussi. Et, admettons-le, ce
n'était pas toujours aussi si clair que ça, quand on regarde le passé récent,
sur ces sujets qui touchent le projet de loi.
Comme vous avez entamé, notre communauté juive,
au fil de quelque 4 000 ans, est bien placée pour se préoccuper de cet équilibre et enfin et
malheureusement bien placée pour parler de la haine, compte tenu de la
pérennité très triste de l'antisémitisme. Ce
qui m'amène à vous inviter de parler davantage de votre lecture actuelle de
l'ampleur de ce phénomène de l'antisémitisme
ici, au Québec, et au reste du Canada. Et on attendrait les chiffres dont on a
parlé avec grand intérêt, et je vous
invite aussi de parler spécifiquement et concrètement, quand on parle de
l'antisémitisme, de la pertinence du
projet de loi qu'on met devant vous et de nous parler de comment ça risque
d'avoir un impact, positif ou négatif, sur l'ampleur de l'antisémitisme
ici, au Québec.
M. Del Negro (Luciano G.) : Comme
vous savez...
Le Président (M. Hardy) :
M. Del Negro.
• (12 h 10) •
M. Del
Negro (Luciano G.) : Je m'excuse. Comme vous connaissez très bien, les
Juifs québécois ont le privilège de
vivre dans une province et, à Montréal, dans une ville où la haine des Juifs
n'est pas un courant idéologique majeur qui structure les rapports sociaux ou la vie politique, hein? Donc, c'est
déjà quelque chose de très important. Aujourd'hui, il n'y a aucune
tolérance pour l'expression d'antisémitisme classique au Québec. D'ailleurs, au
mois de février dernier, lorsqu'il y a eu un crime antisémite qui a été commis
à Notre-Dame-de-Grâce, l'Assemblée nationale du Québec a unanimement dénoncé ce
crime haineux, et nos élus provinciaux ont promptement affirmé que
l'antisémitisme est une atteinte grave à nos
valeurs démocratiques. Il ne fait aucun doute qu'il existe au Québec un fort
consensus sociétal et politique
dirigé à l'antisémitisme. Il est clair aussi qu'il n'existe plus les
discriminations sociales que les Juifs avaient par le passé et qu'en un sens l'anti-judaïsme chrétien...
particulièrement depuis Vatican II. Donc, cela est atteint,
évidemment.
Et pourtant l'antisémitisme existe toujours au
Québec, hein, comme dans toutes les sociétés. Et on assiste, depuis, en fin de compte, une dizaine d'années, à
une montée importante d'un antisémitisme non pas en dépit d'Auschwitz, je dirais, mais à cause d'Auschwitz, un
antisémitisme qui accable le seul État juif des pires ignominies, un
antisémitisme qui affuble le seul État juif
des stéréotypes antisémites classiques : sacrifices d'enfants, déicide,
soif de sang. Bref, un antisémitisme qui se propose d'alléger, on peut dire, les consciences du
souvenir d'Auschwitz. L'antisémitisme qui est mené contre les Juifs coûte à notre communauté très cher, comme vous le
savez, hein? Nous sommes obligés, hein, de payer, en fin de compte, des
services de sécurité supplémentaires dans l'ensemble de nos écoles, dans
l'ensemble de nos centres communautaires, n'est-ce pas?
Donc, il y a quand même eu une évolution, hein?
C'est important... On a parlé beaucoup de radicalisation. Quant à nous, l'antisémitisme constitue très
certainement l'une des principales prédispositions à la radicalisation, de
même qu'un des signes les plus manifestes de
la radicalisation d'un individu, et l'incitation à la haine des Juifs occupe une
place de choix dans l'arsenal propagandiste
des agents de la radicalisation. Alors, vous savez très bien que,
malheureusement, on ne parle plus d'antisémitisme classique, mais ça
fait des années que les centrales syndicales se livrent à coeur de joie, avec
des organisations...
Le Président (M. Hardy) : Merci
beaucoup, le temps accordé du côté gouvernemental est terminé.
M. Del Negro (Luciano
G.) : Merci.
Le
Président (M. Hardy) : Nous allons maintenant passer à la période
d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à
vous la parole pour une période de 15 minutes.
Mme
Maltais :
Merci, M. le Président. Bonjour,
M. Del Negro. Bonjour, madame. Bonjour,
monsieur. Merci de venir nous présenter votre mémoire.
J'étais très
intéressée par ce débat sur le pourcentage de crimes haineux sur les Juifs,
puis comme on a eu un débat aussi sur
le pourcentage de crimes haineux face aux Noirs. Alors, dans votre mémoire, dès
la première page vous nous invitez à
aller sur le site, note de bas de page 1, les crimes haineux déclarés par
la police au Canada en 2013. Alors, je me suis amusée, pendant la
conversation, à aller fouiller sur ce site, et non seulement vous avez raison,
mais vous avez même diminué le taux de
crimes haineux, les Juifs, en pourcentage par rapport à 2013. Si on va... Le
nombre de crimes motivés par la haine
d'une religion et déclarés par la police au Canada en 2013, les Juifs ont été
visés par 55 % des crimes motivés
par la haine d'une religion, 55 %. Les musulmans suivent, et ensuite
catholiques. Autres populations, très élevé, populations inconnues, mais
c'est 55 % des crimes.
Et ce n'est
pas anodin, ce qu'on est en train de débattre là. Je vais aussi aller voir...
Tout de suite après, je suis allée voir
le nombre de crimes motivés par la haine d'une race ou d'une origine ethnique
et déclarés par la police au Canada en 2013. Les Noirs, c'est à peu près
40 % à 45 %, 40 % à 45 % des crimes.
Ce qui parle
beaucoup pour moi, puis j'aimerais ça que les gens y réfléchissent beaucoup,
c'est que les représentants de ces
deux communautés qui sont visées le plus par des crimes haineux — on a eu les gens du Mois de l'histoire
des Noirs qui étaient ici et vous maintenant — les seuls représentants de ces
communautés-là sont venus nous dire : Nous sommes très inquiets de cette loi. Ceux qui sont les plus visés par
cette loi, leurs représentants, en tout cas, ceux qui se sont présentés ici sont venus nous dire leur
inquiétude. Et, j'ajouterais aussi, même s'ils ne sont pas dans les
statistiques, les gens des communautés LGBT
sont venus aussi nous exprimer leur inquiétude. Alors, je pense que ce n'est
pas seulement en France, c'est
vraiment grâce aux infos dans votre mémoire, au Canada, qu'on a vraiment une
inquiétude quant à cette loi... aux crimes haineux, mais la réponse ne
semble pas être dans cette loi.
Puis j'aimerais que vous me commentiez ceci. Dans
votre dernier paragraphe, vous êtes... vous utilisez un mot assez fort : «...il nous paraît périlleux de
se servir du droit civil pour accomplir ce qui est traité de façon adéquate
par le droit criminel», et vous semblez dire qu'il faut complètement remanier
la loi. Est-ce qu'il est possible d'apporter des ajustements, suite aux
conversations que vous avez eues avec la ministre, ou si vous considérez qu'il
faut vraiment la refondre en profondeur?
Le Président (M. Hardy) :
M. Del Negro.
M. Del
Negro (Luciano G.) : Regardez, c'est une question très importante, je
laisserai ça au soin du contentieux de la ministre. La seule chose que
j'aimerais ajouter, c'est que les principes de justice fondamentale, hein,
quand même définissent quelque chose très bien, que la loi ne doit pas manquer
de précision, hein, et que la loi, en un sens, ne doit pas être de portée excessive. Et malheureusement, quand on regarde ce
projet de loi, le manque de précision, donc, porte atteinte aux
principes de justice fondamentale tels que... je pense que c'est
l'article 7 de... c'est ça, ça fait partie des garanties juridiques entre
les articles 7 et 15 de notre Constitution.
Mais
j'aimerais aussi ajouter à ce que vous avez dit par rapport aux statistiques.
Évidemment, malheureusement, comme on
a pu constater, c'est la communauté noire qui est la première des communautés...
ou les communautés noires qui sont sujettes à discrimination. Et suivi
par qui d'autre? Malheureusement encore aujourd'hui — et au
lendemain de la Gay Pride, la parade
gaie — la
communauté LGBT, hein? Donc... Et en troisième lieu vous avez la
communauté juive de Montréal. Donc, on est
fort sensibles à ces questions-là. On ne dépense pas des centaines de milliers
de dollars pour s'assurer de leur sécurité pour rien, hein, dans le sens
où, en fin de compte, il y a un souci réel et légitime.
Et je comprends qu'on
tente... on cherche des remèdes pour pouvoir pallier, en fin de compte, à des
défis qui émergent dans notre société et
pour toutes sortes de raisons, mais, encore une fois, la liberté d'expression
est tellement importante qu'avant de
pouvoir y porter atteinte il faut y aller... il faut y réfléchir. Je pense...
Regardez, vous avez eu devant vous deux éminents juristes,
Mme Latour et M. Julius Grey. Au moins sur cette question-là, avec
Julius Grey, on est d'accord. Loin de cela
sur d'autres questions, mais, bon, ce sont des choses importantes, quant à
nous. Bon. Alors, je laisse au soin de la ministre...
Et je pense que, tu sais, c'est louable. Ce n'est pas issu de rien, c'est un
problème réel auquel la société québécoise
doit répondre, et je pense qu'on cherche des pistes, hein? Et, en cherchant des
pistes, bon, des fois on a une bonne
piste, puis d'autres fois la piste nous amène vers le précipice peut-être. Bon.
Donc, je pense que c'est légitime, l'effort est louable. On pourrait
sans doute renvoyer ça aux gens à faire leurs devoirs, revenir et voir si on
peut extirper quelque chose de positif dans cela, et, si oui, bien, tant mieux.
Sinon...
Peut-être pour des
questions qui sont, comme on dit... pour des discours... Parce que, si on parle
de discours haineux et d'incitation à la violence, quand c'est haineux et
incitation à la violence, si c'est tellement grave, bien ça doit être référé à la police, rien de plus ni
moins. Maintenant, si c'est quelque chose qui ne va pas aussi loin, bien je
pourrais peut-être entrevoir un mécanisme
quelconque au niveau administratif, etc., d'intervention, mais, bon... mais
pour des choses qui sont peut-être...
Mais,
bon, c'est une réflexion à haute voix qu'on fait, là, mais je salue l'effort,
je salue l'effort que vous faites, là. Ce
n'est pas pour dire, dans un sens, que vous avez sorti un lapin d'un chapeau,
là, ce n'est pas quelque chose... C'est quelque chose de sérieux que
vous faites, c'est un souci, un souci très, très important, et donc on salue
l'effort que l'Assemblée nationale et que la ministre fait pour chercher des
pistes.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Vous avez parlé de gestion
procédurale. En fait, ce que vous vouliez dire, c'est probablement que... si je comprends bien, c'est de... on devrait
trouver dans les procédures, dans la formation des policiers ou autrement une autre façon
d'intervenir qu'en limitant de façon outrancière la liberté d'expression. C'est
pour ça...
• (12 h 20) •
M. Del Negro
(Luciano G.) : Bien, regardez le Code criminel, actuellement, qui est
censé, en fin de compte, répondre à ce type
de délit. Je pense... Il y a quoi, en quelques
années, il y a eu 90... moins de 100, enfin, une centaine, une centaine,
moins que 100? Donc, c'est clair que les procureurs de la couronne et... c'est
clair que la police n'est pas habilitée,
n'est pas expérimentée à se pencher sur ces questions-là. C'est clair aussi,
hein, et dans ce sens-là je vous rejoins et je rejoins aussi la ministre, que les choses évoluent, notre société
évolue, les défis évoluent, et que donc les manières que les policiers faisaient leur travail il y a une
dizaine d'années, il y a une quinzaine d'années, sont appelées à évoluer,
la même chose et face aussi à la radicalisation. Il y a 15 ans de cela, la
radicalisation qu'on faisait face, ce n'était pas la même chose. Il y a 30 ans de cela, il y a 40 ans
de cela, je faisais partie de ces radicaux-là, j'étais marxiste-léniniste. Bon,
c'est ça, j'étais un radical, mais, bon...
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Pour continuer, M. Del Negro, j'ai été d'abord traitée de féministe
radicale et ensuite de souverainiste radicale. Alors, on va en revenir, du
danger du mot «radicalisation», mais le mot... Voilà.
Il y a quelque chose
d'important dans votre propos qui est : Laissons cela aux tribunaux et au
Code criminel, laissons le jugement de ces choses au Code criminel. Puis il y a
toujours un débat qui intervient avec la ministre sur l'élargissement potentiel qu'amène cette loi. La ministre dit :
Non, non, non, les tribunaux ont bien balisé, mais il y a le tribunal devant qui ça va se retrouver et le
fardeau de la preuve. On sait que, bon, les deux tribunaux devraient
utiliser la même définition des mots «crime
haineux», «propos haineux», «discours haineux», parce que, là, on rentre dans
le mot du «discours», mais le fardeau de la preuve n'est pas le même. Si
le fardeau de la preuve n'est pas le même, donc, le résultat ne sera pas le même. Et, si le résultat n'est pas le même, dans
ce cas-ci, vu que le fardeau de la preuve est réduit, bien le nombre de causes acceptées sera plus
large, donc c'est un élargissement. Est-ce que vous êtes d'accord avec
moi? Est-ce que c'est un peu ce que vous
dites? Moi, je comprends que comme... tu as beau avoir la même définition, si
tu n'as pas le même procédé puis si tu n'as
pas le même fardeau de la preuve, tu n'as pas le même processus, tu n'as
pas la même gestion, tu vas avoir un élargissement, c'est un automatisme. Je ne
sais pas si vous voulez commenter ça.
Le Président (M.
Hardy) : M. Del Negro.
M.
Del Negro (Luciano G.) : Bien, c'est que, le Code criminel, il faut un
mens rea, un actus reus, n'est-ce pas, bon,
parce que... le fardeau de la preuve étant hors de tout doute raisonnable. Et
au civil c'est une balance de probabilités, hein, l'intention n'est pas prouvée. C'est clair que sur des questions,
on peut dire, aussi... sur une question, à mon avis, aussi importante que celle du discours haineux et
des conséquences que nous avons vues et qu'on voit de plus en plus pas seulement au Québec, pas seulement au Canada, mais
qu'on voit en France, qu'on voit un peu partout, bien c'est clair qu'on est interpellés et c'est clair qu'on est en
train de regarder et voir s'il y a d'autres manières dans le sens de
répondre à ces défis-là. Parce que je comprends que le fardeau de la preuve
hors de tout doute raisonnable, le fardeau qui était celui de l'intention, ça exige du procureur de la couronne, ça exige de
la police un travail ardu dans le sens... pour, en fin de compte, arriver à faire valoir, en fin de
compte, devant un juge des accusations. Encore une fois, sur des
questions... Si nous sommes d'avis qu'il y a vraiment appel à la violence, si
nous sommes d'avis que le discours... qu'il y a un lien entre le discours haineux et l'appel à la violence, à mon avis,
c'est que cette question-là doit être référée au service d'ordre. Ça, c'est clair, c'est clair. On ne peut
pas jouer avec la vie des gens, hein, on ne peut pas jouer avec la vie
des gens. Ce n'est pas tout simplement un
tweet, ce n'est pas un Facebook, ce n'est pas qu'une connerie — je m'excuse de l'expression — qu'on
puisse dire sur Instagram, hein, mais, quand quelqu'un fait la promotion
de la violence, quand il y a plus affirmation dans le sens de la violence et
avec un groupe identifiable, bien je ne pense pas qu'il faut y aller par quatre
chemins, parce qu'on voit les conséquences.
Mme
Maltais : ...on peut dire aussi que ça montre vraiment, là...
Quand tu t'en vas en cour criminelle
puis que tu risques d'avoir un dossier, tu sais, aussi, là, tu as de
graves conséquences, très graves conséquences. C'est bien.
Mais notre
problème, c'est que ça aille à la CDPDJ. On est en train de se questionner sur,
bon, le fardeau de la preuve, bien
sûr, mais aussi sur l'accumulation de poursuites qui pourrait... puis la
capacité de la CDPDJ de faire face à ça.
Vous avez parlé de climat d'autocensure aussi. J'aimerais ça que vous élaboriez
là-dessus, sur vos craintes quant à ça.
Le Président (M. Hardy) : M. Del
Negro, je vous rappelle qu'il reste 1 min 45 s.
M. Del
Negro (Luciano G.) :
Autocensure, bien, regardez, on a vu l'expérience
de l'article 13 dans le Canada, n'est-ce
pas, on a vu comment il a été utilisé par certains groupes interculturels ou
d'autres... ou religieux pour tenter de bâillonner certains auteurs, hein? Et donc c'est pour ça qu'on est
revenus et on a dit que ce n'était pas... dans le sens que ce n'était pas le bon remède, c'est que
malheureusement les droits, de nos jours, sont plutôt souvent que non utilisés
pas pour libérer mais bien pour bâillonner,
et pour bâillonner toute critique d'un pays, d'une religion ou de qui que ce
soit.
Mme
Maltais : Merci.
M. Del Negro (Luciano G.) : Merci.
Le Président (M. Hardy) : Merci
beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième
groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, à vous la parole pour une
période de 10 minutes.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Madame messieurs.
Me Del Negro, toujours un plaisir de vous entendre. Je vous écoute depuis tout à l'heure, et à juste titre c'est
effectivement une problématique très particulière qui est visée ici. Enfin, la raison pour laquelle les
législateurs ont décidé, et le gouvernement, de légiférer, il y avait une
demande dans la population, il y a cette
problématique d'endoctrinement, de radicalisation. Et là on a cette loi ici
qui, comme vous le dites à juste
titre, il y a un genre de dédoublement dans la mesure où il y a déjà les
articles du Code criminel, maintenant il
y a ces articles au civil et avec des sanctions pénales également. J'aimerais
savoir si vous considérez que l'objet de la loi ou l'esprit de la
loi n° 59, du projet de loi n° 59 qu'on est en train
d'étudier est trop large.
Le Président (M. Hardy) :
M. Del Negro.
M. Del Negro (Luciano G.) : Ce n'est
pas l'esprit mais, je pense, les articles qu'on propose, le manque de définition. Donc, quand on fait référence à
qu'est-ce que qu'on appelle les principes de justice fondamentale, là, c'est
clair dans le sens... la loi ne peut pas
avoir une portée excessive, elle ne doit pas manquer de précision. Mais, du
moment qu'on manque de précision,
bien, la tentation de portée excessive existe. Du moment qu'on ajoute avec cela
des mécanismes qui fait que n'importe
qui peut porter plainte, du moment qu'on ajoute cela à une... en fin de compte,
quelqu'un qui est mis sur une liste
qu'on ne sait pas comment est-ce qu'elle va être gérée, bien ça, comment vous dire...
en bon québécois, il y a un paquet, dans le sens de... de sonnettes qui commencent à sonner, là,
face aux... Et des gens, évidemment, et comment cela va... Quel impact est-ce que cela va avoir, on peut dire, sur toute
critique légitime? Les gens vont s'autocensurer, hein, il va y avoir une sorte de refroidissement. Et je
pense que c'est cela que certains milieux, hein, voudraient bien faire. Ils voudraient
bien étouffer toute critique légitime, que ce soit d'un État, d'une religion,
hein, et des individus, n'est-ce pas?
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Ce projet de loi s'inscrit dans un plan du gouvernement pour contrer la radicalisation. Cependant, quand on le lit, les
mots «radicalisation», «endoctrinement», «extrémisme religieux» n'en
font pas partie du tout, du tout, du tout.
Et je vous
soumets l'idée. Est-ce que, selon vous, ce serait acceptable... ou que
pensez-vous de l'idée, si on met
cette loi-ci de côté, de créer une infraction qui s'attaquerait précisément au
mal que le gouvernement veut tenter d'enrayer ou de faire diminuer, cet
endoctrinement des jeunes, cette radicalisation qui les mène à partir à
l'étranger, à commettre des actes
terriblement répréhensibles? On l'a vu ici, ce jeune québécois
qui a tué un soldat, on en parlait encore ce matin dans les journaux.
Que pensez-vous, donc, de créer une nouvelle infraction qui, elle, serait plus
pointue, plus précise contre l'endoctrinement qui mène à la radicalisation?
Parce que, l'endoctrinement, il peut y avoir des endoctrinements qui ne mènent pas à la radicalisation ou qui ne mènent
pas à ce terrain aussi désastreux. Qu'est-ce que vous pensez de ça,
d'être plus précis à cet égard?
Le Président (M. Hardy) :
M. Del Negro.
• (12 h 30) •
M. Del
Negro (Luciano G.) : Encore une fois, madame, si on est en faveur de la liberté d'expression, je
répète, le seul antidote à ce venin qui est
le discours... la radicalisation, c'est la liberté d'expression, c'est l'éducation, hein, c'est comme ça qu'on appelle, c'est les prises de
position de l'Assemblée nationale du Québec, c'est au niveau de notre système
des écoles, hein? C'est là où les choses...
Si vous... Pour faire
un parallèle, durant la guerre froide — et on est dans une sorte de...
on revit cette même situation-là — comment est-ce qu'on a répondu à la
menace, entre guillemets, qui venait de l'Est, qui était celle de l'Union soviétique, communiste, bien il y a eu de l'éducation
qui a été faite sur la démocratie, hein, sur ce qu'est-ce que c'était, un pays
démocratique, les valeurs, les valeurs d'une démocratie qui est celle de la
liberté, hein, qui est celle de la liberté d'expression, de la religion, et
tout ça. Alors, à mon avis, c'est comme ça, en un sens, qu'on mine le fondement
idéologique.
Par
les lois, encore une fois, regardez, je parle à chaud, je n'ai pas encore
réfléchi, c'est... Et je comprends qu'on essaie de répondre à des défis, là, mais souvent ce n'est pas aussi
facile. Je pense qu'encore une fois, s'il y a des jeunes qui prônent de la violence, bien, encore une fois,
il y a le Code criminel, hein? À ce que je sache, à ce que je sache, les
jeunes qui étaient sur le point de partir, qui sont partis, ils ont été
interpelés par les forces d'ordre. À ce moment-là, il y a d'autres aussi, les services sociaux, qui doivent intervenir, hein,
les services d'appoint, alors il y a toute une panoplie de mécanismes
qui pourraient être mis en valeur.
Mais
chose sûre et certaine, c'est une base : la radicalisation, aujourd'hui,
c'est une question idéologique. À mon avis,
si on regarde l'histoire, si on fait une analyse, ce n'est pas la pauvreté,
parce que, si c'était la pauvreté, hein, je pense que l'ensemble de l'Afrique serait un pays en
révolte contre le monde, hein? Si c'était la répression, si c'était le... à
ce moment-là on aurait vu l'ensemble de la communauté juive d'Europe qui ont
subi l'Holocauste justifier, en fait, le terrorisme
contre l'État allemand. Ce n'est pas ce... Je pense, on est en train, dans un
sens, de vouloir calquer des analyses préconçues pour expliquer ce
phénomène-là. Il y a des gens qui sont devenus communistes pour toutes sortes
de raisons, il y en a d'autres qui ne le
sont pas. Il y a des gens qui deviennent radicaux ou islamistes pour toutes
sortes de raisons, et ce n'est pas
nécessairement lié. Si on regarde, historiquement, les gens qui ont été
responsables pour le mois de septembre, le 11 septembre, la
majorité venaient de milieux fort aisés, la majorité avaient une formation
académique au-delà de la moyenne. Ce
n'étaient pas des pauvres types, ce n'étaient pas des gens qui n'avaient pas de
ressources, au contraire, et on le
voit. Si vous faites l'étude de ces actes, de ceux qui sont responsables, ce
n'est pas le pauvre type...
Le
Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville voudrait vous
poser une autre question, monsieur.
Mme
Roy
(Montarville) : ...l'échange, j'ai peu de temps. Je
trouve ça terriblement intéressant parce qu'hier j'ai posé la même question à Me Grey, Julius Grey, et
vous en parliez tout à l'heure : Si ça avait été plus pointu, pourrait-on
faire une infraction qui vise à contrer
l'endoctrinement, mais un endoctrinement qui vise des actes criminels,
finalement, qui vise la radicalisation,
partir à l'étranger, le djihad, et tout ça? Comment peut-on faire? Il
dit : Ce serait quelque chose de possible. Et vous dites que ce
sont les idéologies, et je suis d'accord avec vous que, la liberté
d'expression, il faut lui toucher le moins possible, mais il arrive des moments
où on doit intervenir.
Le Président (M.
Hardy) : M. Del Negro, il nous reste 2 min 30 s.
M.
Del Negro (Luciano G.) : Oui, effectivement, il y a moyen
d'intervenir. Comme je vous ai dit, il y a intervenir au niveau de
l'éducation.
Je
me pose la question... Regardez, toute personne qui gravite autour d'un Hell's,
il ne gravite pas pour rien, hein? Est-ce
que pour autant on les... pour autant, est-ce qu'on crée une infraction tout de
suite pour les arrêter? Ce n'est pas si simple, ce n'est pas aussi simple que ça. Et je ne pense pas que... Je
ne pourrais pas, à ce moment-ci, vous répondre à l'affirmative ou
négative. Je suis très réticent, très, très réticent à emboîter ce pas-là.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, c'est la raison pour laquelle je disais un endoctrinement qui mène vers
une radicalisation, qu'il y ait un but, là,
on s'entend que c'est un... il y a un agenda derrière tout ça, il y a un agenda
terroriste, là. Alors, c'est dans le fait
qu'il faille être absolument pointu pour ne pas, justement, faire en sorte que
des gens qui se regroupent pour x, y, z raisons puissent tenir des
propos qu'on n'aime pas et qu'on pourrait s'en prendre à eux. Et ça, je
comprends très, très bien qu'il faut préserver la liberté d'expression à cet
égard.
Cela dit, je n'ai presque plus de temps. En
conclusion, vous dites dans votre rapport, à la page 9 : «Dans sa
forme actuelle, le projet de loi risque de créer un climat d'autocensure [...] — vous
nous en parliez — et
[est] incompatible avec les droits et
libertés fondamentaux. Nous estimons donc que le projet de loi n° 59
doit être revu de fond en comble et amendé
en profondeur et faire ensuite l'objet de nouvelles consultations et auditions
publiques présidées par cette même commission.» De fond en comble. Même
les dispositions traitant de la protection de la personne, des mineurs ou, ça,
pas du tout?
M. Del Negro
(Luciano G.) : Bien, quand je dis «de fond en comble»...
Le Président (M.
Hardy) : M. Del Negro, en une minute.
M.
Del Negro (Luciano G.) : Eh
là là! Vous dites ça à quelqu'un qui est d'origine italienne, ce n'est pas
évident.
Regardez, quand on
parle de fond en comble, c'est tout simplement sur les éléments essentiels de qu'est-ce
qu'on proposait, c'est dans ce sens-là.
Une voix :
...
M.
Del Negro (Luciano G.) : C'est ça, c'est sur des questions... pour
s'assurer qu'il y ait des garanties procédurales, des garanties de... pour
garantir tout ce qui doit être garanti, pour s'assurer que la personne puisse
être protégée dans sa liberté d'expression. C'est dans ce sens-là qu'on parle,
vous comprenez?
Mais
je comprends, ce n'est pas facile. C'est un débat qui ne nous interpelle pas uniquement nous, mais l'ensemble, on peut
dire, des démocraties dans le monde occidental. Comment on répond à ce nouveau
phénomène? Et qu'est-ce qu'il faut faire?
Et je pense que ce
n'est pas aujourd'hui qu'on va le régler, et ce n'est pas non plus à avoir une
loi, une seule loi, qu'on va régler ces
choses-là, hein, c'est d'avoir une stratégie globale. Et donc je salue
l'intervention... ce qui a été fait
par la ministre sur les questions, on peut dire, contre la radicalisation, le
maire de Montréal, toutes ces choses-là, je pense, ce sont des contributions importantes pour contrer la
radicalisation, mais il faut bien faire une différence entre la
radicalisation, hein, et la délinquance, ce n'est pas la même chose.
Le Président (M.
Hardy) : Je vous remercie de votre participation.
La commission suspend
ses travaux jusqu'à 14 heures. Je vous avise qu'il y aura un service de
traduction simultanée cet après-midi. Bon appétit.
(Suspension de la séance à
12 h 37)
(Reprise à 14 h 4)
Le
Président (M. Hardy) :
Prenez place, s'il vous plaît. La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
Je
vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les
auditions publiques sur le projet de
loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte
contre les discours haineux et les discours
incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives...
renforcer la protection des personnes.
Je
souhaite la bienvenue au Forum musulman canadien. Je vous invite à vous
présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé.
Forum musulman canadien (FMC)
Mme
Jebbari (Samah) : Bonjour. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et
MM. les députés et chers auditeurs, je
tiens, au nom du Forum musulman canadien, à vous remercier pour cette occasion
qui nous permet d'échanger au sujet du projet
de loi n° 59, loi incitant à la violence et apportant diverses
modifications législatives pour renforcer la protection des personnes. Nous nous présentons aujourd'hui :
moi-même, Samah Jebbari, porte-parole; M. Samer Majzoub, président
du Forum musulman canadien.
Fondé
en 1994, le Forum musulman canadien est une organisation communautaire qui
représente les intérêts et les préoccupations collectifs des citoyens
canadiens et québécois de confession musulmane. Il poursuit la mission principale de promouvoir l'intégration et
l'implication citoyenne de la communauté musulmane dans la société
québécoise et canadienne et de protéger les
droits civils des citoyens. L'auteur, Forum musulman canadien, a pour objectif
de bien représenter la communauté
musulmane devant tous les paliers gouvernementaux, municipal, provincial et
fédéral, et devant la société civile.
Le Forum musulman canadien travaille à promouvoir et à bien préserver
l'identité, l'image et l'harmonie de la communauté musulmane au sein de
la société québécoise et canadienne.
Nous
tenons à remercier des personnes qui ont nourri nos réflexions sur le projet de
loi : Me William Korbatly, de Korbatly Avocats, Me Rémi
Bourget, de Mitchell Gattuso, et M. Jean Dorion, sociologue et auteur.
Je
vais faire aujourd'hui, mesdames et messieurs, M. le Président, Mme la
ministre, un sommaire exécutif de tout le mémoire que j'ai déjà soumis,
que nous avons soumis, donc, tenant compte du temps alloué.
Dans le présent mémoire, le Forum musulman
canadien expose sa lecture du projet de loi n° 59, Loi édictant
la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les
discours incitant à la violence et apportant diverses modifications
législatives pour renforcer la protection des personnes, présenté le
10 juin 2015 à l'Assemblée nationale
par Mme la ministre de la Justice, Procureur général du Québec et ministre
responsable de la Condition féminine, Mme
Stéphanie Vallée. Le Forum musulman canadien, dans sa lecture, accueille
favorablement l'adoption de plusieurs des mesures mentionnées par la ministre dans le projet de
loi n° 59 tout en demandant de préciser les moyens, les règles
et les procédures qui les accompagnent.
Nous, Forum musulman canadien, appuyons a priori la prévention et la sanction
des propos haineux et incitant à la violence
et valorisons la promotion de la protection des personnes contre ce discours
au rang des droits fondamentaux et d'inclure
cette protection à la Charte des droits et libertés de la personne.
Cependant, il est essentiel qu'une
définition claire et précise du discours haineux soit incluse dans le projet de
loi n° 59. Aussi, nous jugeons la nécessité générale que ce
projet de loi ne limite pas abusivement la liberté d'expression.
A
priori, et en tenant compte d'un premier niveau du projet de loi, le Forum
musulman canadien appuie la volonté gouvernementale
de vouloir renforcer ses interventions pour se doter de divers moyens et
procédures pour sanctionner la tenue
ou la diffusion dans l'espace public des propos haineux ou des discours incitant
à la violence qui visent un groupe de
personnes comme est identifié dans l'article 10 de la Charte des droits et
libertés de la personne. L'implantation de telles procédures
législatives et réglementaires concrètes par le biais du projet de loi
n° 59 réaffirme une volonté politique claire
de dénoncer tout discours haineux, incluant l'islamophobie, l'antisémitisme,
l'homophobie et le profilage racial, et faire, comme Mme Vallée a dit, du Québec une société égalitaire,
respectueuse, non violente et exempte d'intimidation.
Au
cours des dernières années, une hausse de l'islamophobie a été constatée dans
certains médias et sites Web. Selon le rapport de Statistique Canada et
Allen 2013 portant sur des crimes haineux déclarés par la police au Canada,
environ la moitié des crimes haineux ciblaient une race ou une origine
ethnique, comme les Noirs, les Asiatiques, les Arabes et les autochtones. Il est à noter que les chiffres donnés dans
les statistiques reflètent seulement les crimes haineux et excluent les incidents et les discours haineux.
Ainsi, les chiffres, de cette façon-là, sous-estimeraient probablement
les incidents et discours haineux.
• (14 h 10) •
Le discours islamophobe rampant considéré comme
une des formes de discours haineux visant un groupe de citoyens de confession
musulmane, ses institutions, ses membres, surtout les plus actifs, sont les
cibles directes de ce discours haineux. Des
recours légaux ont été intentés contre certains acteurs porteurs du discours
haineux. Cependant, les organisations
victimes, soit qu'elles n'ont pas entamé les démarches légales, soit qu'elles
avaient peu de recours à faire pour poursuivre leurs démarches
juridiques.
Dans un des articles de Denise Helly, Les
multiples visages de l'islamophobie, elle conclut que la situation des immigrants, et en particulier des immigrants de confession musulmane,
fait voir de sérieux problèmes de discrimination. Le traitement des musulmans au sein de la société
civile et par diverses dispositions législatives et réglementaires
n'apparaît pas à la hauteur de l'imagerie
d'un pays se prétendant ouvert aux étrangers de toutes les cultures, d'après
Denise Helly, 2011.
Ainsi, ce projet de loi contient des
dispositions législatives et réglementaires claires pour contrer ce discours
islamophobe. Les impacts de telles dispositions sur la communauté musulmane
seraient positifs. Les membres de la communauté
seraient rassurés de voir des procédures claires mises à leur disposition pour
dénoncer les discours incitant à la
violence et discours haineux portés à leur égard. Cela aura comme effet également
de rassurer la communauté, qui est fréquemment stigmatisée, et de lui
donner un sentiment de justice, de dignité et de pleine appartenance citoyenne.
Nous sommes
en faveur de la proposition d'octroyer le pouvoir d'intervention et d'enquête
à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Nous appuyons en outre le pouvoir de sanction
civile pécuniaire et le pouvoir d'émission des ordonnances attribués au
Tribunal des droits de la personne.
Nous craignons cependant la stigmatisation des
personnes jugées coupables si leurs noms sont rendus publics sur une liste diffusée sur le site Internet de la Commission des droits de la personne. Il faut,
dans la mesure du possible, s'assurer
que le délai d'appel soit expiré avant de diffuser la liste; s'assurer
également que le délai de retrait des noms des personnes jugées
coupables soit précisé dans le projet de loi n° 59.
En tenant
compte de la deuxième partie du projet de loi n° 59 qui prévoit
renforcer la protection des personnes, le Forum musulman canadien accueille favorablement le pouvoir confié au
tribunal d'autoriser la célébration d'un mariage lorsque l'un des futurs
époux est mineur. Le mariage est une activité qui nécessite que les futurs
époux présentent un consentement libre et éclairé. Le tribunal accompagnerait
les futurs époux avec leurs tuteurs légaux à consentir à une telle célébration.
En matière de
protection de la jeunesse, nous accueillons l'ajout de plus de mesures de
protection des droits des mineurs
dans le cas d'un mariage. Pour le Forum musulman canadien, aucun compromis sur
la sécurité et le bien-être des jeunes n'est autorisé. À cet égard, nous
suggérons, dans le cas d'un comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale des
élèves, que les pouvoirs d'enquête soient accordés à la Commission des droits de la personne et non au ministre de
l'Éducation, qui conservera le pouvoir de sanctionner à la suite de
l'enquête menée par la Commission des droits de la personne.
En ce qui
concerne la modification de la Loi sur la protection de la jeunesse, nous demandons
de clarifier la notion de contrôle
excessif, qui paraît ambiguë, imprécise et matière d'interprétation, comme nous
suggérons de définir clairement et sans ambiguïté la notion de sécurité
physique et morale.
Dans
l'ensemble du mémoire, le Forum musulman canadien veut ajouter sa contribution
à celle du gouvernement, de la société civile et de l'ensemble des
autorités publiques afin de contrer le fléau des discours haineux et incitant à
la violence qui se réclament à tort de prétextes religieux ou qui invoquent une
fausse conception de la laïcité. Ainsi assurerons-nous un climat propice et
égalitaire pour l'ensemble des Québécoises et Québécois.
Le Forum musulman canadien mentionne son appui à
l'adoption du projet de loi n° 59, en tenant compte des précisions demandées et des suggestions signalées
dans le corps du mémoire, comme il applaudit la volonté des autorités publiques de se soucier des intérêts des individus
et des groupes et de dénoncer toute sorte de discrimination et tout
discours haineux ou incitant à la violence,
cette volonté qui consolide les liens entre les différentes parties de la
société québécoise et canadienne, une consolidation à entretenir.
M. le Président, Mme la ministre, chers députés,
on est là pour répondre à toutes vos questions. Quelques réponses vont être
données en anglais. Merci.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, Mme Jebbari. Maintenant, nous
allons débuter avec la période d'échange en commençant avec Mme la
ministre. Vous avez la parole pour une période de 25 minutes.
Mme Vallée :
Merci beaucoup pour votre présentation, merci de participer aux travaux de la
commission parlementaire.
J'aimerais
vous entendre un petit peu davantage sur la question... Je vais mettre de côté
la question du discours haineux pour
le moment parce qu'on a peu parlé des mesures de protection des personnes, et
je pense qu'il s'agit quand même d'un
élément important du projet de loi. C'est
un projet de loi qui se veut un projet visant à protéger les
personnes, c'est l'ultime but. À la base, le
fondement de notre projet de loi, c'est la protection des individus et des... Et
vous avez parlé... vous nous avez
demandé, dans votre mémoire, de définir davantage les mentions de
contrôle excessif, les définitions de contrôle excessif, vous nous avez demandé de définir ou
de mieux baliser toute la question des violences qui sont basées sur l'honneur. Je vois que, dans votre mémoire,
vous faites référence à un certain nombre d'études. Qu'en est-il exactement? Comment... Quels sont les éléments ou les pièges
dans lesquels il faut éviter de tomber lorsqu'on
parle de contrôle excessif et de conception
de l'honneur? Parce que vous indiquez qu'on doit porter une attention
particulière pour ne pas généraliser certains concepts et ne pas tomber dans...
ces concepts-là ne peuvent pas être attribués à des communautés entières, et
tout. Alors, quels sont les éléments qui vous préoccupent?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Jebbari.
Mme
Jebbari (Samah) : D'accord.
Pour le contrôle excessif, généralement ce qu'on demande est simple. Ce qu'on demande, c'est de bien donner des critères
pour que... voilà, le contrôle excessif, comment on le définit, comment
on le présente dans le projet de loi, et donc plus tard dans la loi, pour que
ce soit bien clair dans plusieurs des... dans la
LIP, la Loi sur l'instruction publique, quand on parle des élèves, sur le Code
civil, peu importe, là. Là, on le met dans le projet de loi, maintenant,
et plus tard il faut qu'il soit bien défini avec des critères.
On peut même faire
des études de cas pour voir c'est quoi, le contrôle excessif, pour des groupes,
comment des groupes le voient et comment d'autres le voient. Le contrôle n'est
pas le même pour tout le monde, d'accord, et «excessif»
aussi, le terme «excessif» dépend, il varie selon les personnes, selon les
cultures, selon comment les gens sont habitués de voir les choses.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Et pour ce
qui est... Quelles sont les préoccupations, les éléments que nous devrions
considérer aussi dans la question des violences fondées sur une notion de
l'honneur, en fait? Parce que c'est vraiment sur une conception de l'honneur et...
Une voix :
...
Le Président (M.
Hardy) : Mme Jebbari.
Mme
Jebbari (Samah) : Oui,
merci. La conception d'honneur ne justifie pas la violence, donc toute
justification donnée par les personnes, les
incriminés, pour les personnes qui ont commis ce crime-là, ne seront plus
justifiables. Donc, la violence ne
sera plus autorisée, crime d'honneur est classé comme crime, point à la ligne.
La violence n'a pas de place.
Le Président (M.
Hardy) : M. Majzoub.
M.
Majzoub (Samer) : What is exactly important about this subject is to avoid
associating what is known as honor killing
or honor crime to any culture or any religion. And this is one of our extreme
worrisome, when we start, you know,
accusing a culture, or a religion, or a background of people; that because you
are following this confession you are the person who may create or do
such a crime.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
• (14 h 20) •
Mme
Vallée : Évidemment,
c'est certain que les dispositions s'appliquent à l'ensemble de la société québécoise,
peu importe l'origine ethnique, peu importe
l'origine culturelle, peu importe la religion. On sait qu'à une
certaine époque une fille, une jeune
fille enceinte pouvait faire l'objet d'un grave rejet affectif de la part de sa
famille; ici même, au Québec, une famille catholique pouvait rejeter la
jeune fille. On sait qu'il n'y a pas si longtemps plein de jeunes Québécois et de jeunes Québécoises issus de familles
québécoises de souche, comme certains le diront, ont été rejetés par le fait
qu'ils aient avoué leur homosexualité. Donc, là-dessus, je tiens à vous
rassurer. L'objectif, c'est de bien encadrer.
On
sait que le rejet affectif est déjà prévu comme un moyen d'intervention de la
Loi de la protection de la jeunesse. Maintenant, il était important
d'aller un petit peu plus loin parce que parfois, justement, comme vous le
mentionniez un petit peu plus tôt, les interventions étaient difficiles parce qu'on justifiait certains comportements par
la culture, par la religion. Et donc c'est à ce moment-là qu'est apparue
cette conception de contrôle excessif, que sont apparues les violences, l'utilisation des violences fondées sur
une notion de l'honneur. Et le Conseil du statut de la femme a émis un avis, en 2013, qui nous indiquait à juste titre
qu'il était important, pour permettre à notre société d'avancer, de
nommer les enjeux, et c'est pourquoi nous
avons fait le choix d'inclure ces dispositions-là dans le projet de loi, de
modifier la Loi de la protection de la jeunesse, pour sensibiliser les
intervenants, les intervenantes et tous ceux qui ont à travailler avec ces
dispositions législatives là à un phénomène qui est présent et auquel on ne
peut faire abstraction. Alors, l'objectif, évidemment, ce n'est pas de
stigmatiser des communautés, ce n'est pas de stigmatiser des communautés
religieuses. C'est tout simplement de nommer un phénomène qui existe et de
l'inclure à titre de motif de compromission dans le développement d'un enfant pour permettre une meilleure intervention,
peut-être aussi permettre aux intervenants de mieux diriger
l'intervention et s'assurer de poser les bons gestes dans le meilleur intérêt
de l'enfant.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Jebbari.
Mme Jebbari (Samah) : Mme
la ministre, je comprends très bien ce que vous dites maintenant, et c'est
beaucoup plus clair dans ma tête que lorsque
j'ai lu le projet de loi. Donc, moi, si je me mets à la place de Mme et
M. Tout-le-monde, ils vont être un peu mélangés, ils ne vont pas
savoir exactement. Donc, plus de précision, c'est ce qui est demandé.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Merci. Vous avez soulevé la problématique que
certaines personnes ont eue pour s'adresser aux tribunaux pour faire
cesser des propos haineux, des propos qui incitaient à la violence. Parce qu'un
petit peu plus tôt aujourd'hui on a entendu
des gens qui nous disaient... et aujourd'hui et un peu plus tôt cette semaine
des groupes qui nous indiquaient qu'il n'était pas nécessaire d'inclure
les dispositions sur le discours haineux à la Charte des droits, qu'il n'était pas nécessaire d'ajouter de nouveaux
pouvoirs et d'accorder de nouveaux pouvoirs à la commission des droits
de la personne et de la jeunesse puisque les dispositions du Code criminel
suffisaient à protéger les personnes et que tout ajout supplémentaire était
superflu. Je comprends que vous avez une lecture un petit peu différente de la
situation, j'aimerais que vous puissiez élaborer sur la question.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Jebbari.
Mme
Jebbari (Samah) : Mme la ministre, oui, j'aimerais bien... nous
aimerions plus clarifier les choses. C'est que, les gens, oui, il y a le Code criminel, oui, il y a la loi
fédérale, mais il y a la diffamation au civil comme au criminel, n'est-ce pas? Donc, pourquoi pas? Il n'y a rien
qui se contredit entre l'implantation de cette loi-là, le projet de loi n° 59, et le criminel. S'il y a au
criminel et il y a au civil aussi, ça donne la chance aux incriminés de se
corriger. Parce que le but, ce n'est pas la
vengeance, là, on ne cherche pas la vengeance. Plutôt que de... Donner la
chance à la personne au civil, c'est
beaucoup plus restreint, c'est beaucoup plus sécure, surtout pour les jeunes,
là, qui commettent des erreurs dans leur jeunesse, de se corriger à
l'étape du civil et non au criminel.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Oui. Je vois que...
Le Président (M.
Hardy) : Ah! M. Majzoub.
M. Majzoub (Samer) : Just to add up on this, a criminal
process, to really follow on any criminal process:
time, money. And the results may really be different from following on a civil
status.
Nowadays,
on social media, many people could say whatever they would like to say, and
it's not easy to go and just try
criminalizing people because of mistakes, even if it's a hate speech. With the
civil, even if the name is there on the
list, we are asking to have this name a limited time, where at one time this
name is removed, especially that we are giving the chance to the
perpetrators who have been accused of this really either to have more education...
Because many times hate speech comes as a result of ignorance. So, having this opportunity, to give the individuals really the opportunity
to go out of this and have more awareness, this, I think, it will be best for
the society.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Il y a un terme qui a été employé tant dans votre mémoire que dans votre
intervention, c'est la question de culpabilité et de crime. Le dossier au niveau
de la Commission des droits de la personne et de la
jeunesse, lorsqu'un jugement sera rendu, le jugement ne déclare pas quelqu'un
coupable, c'est ça, ce n'est pas une infraction criminelle. Dans le fond, la liste... Puis ça, c'est une autre situation
qui a fait l'objet... un autre enjeu qui a fait l'objet de beaucoup de
discussions au cours des derniers jours. La préparation de la liste, en gros,
ça reprend des éléments qui sont déjà
publics parce que les jugements, les décisions de la Commission
des droits de la personne sont déjà publics, sont déjà accessibles sur le site
Internet de la commission, ils sont déjà accessibles sur la
plateforme Web. Donc, c'était de regrouper
ni plus ni moins les décisions de la commission... de la personne et de la jeunesse puis évidemment d'avoir un caractère punitif, en ce sens que quelqu'un
qui diffuse des propose de nature haineuse, des propos qui incitent à la
violence, bien, c'est peut-être
important de le savoir, notamment pour prévenir des récidives et pour prévenir que
ces gens-là puissent continuer de
tenir de tels propos dans la sphère publique, que ce soit par le biais de
conférences ou par le biais de discours prononcés un petit peu partout. Alors, ça permet notamment
à ceux et celles qui reçoivent des conférenciers de savoir si les conférenciers ou les invités pourraient notamment
être des gens ayant tenu ce type de discours là, et ça pourrait peut-être les éclairer quant au choix, ou à l'opportunité, ou à la non-opportunité de
recevoir certaines personnes, d'ailleurs.
C'est un des moyens. Et notamment
dans les mesures qui touchent les... toutes les dispositions qui touchent le ministère
de l'Éducation ça permet aussi d'assurer une meilleure protection des jeunes.
Alors, si ces individus ou ces groupes-là sont
actifs dans les maisons d'enseignement,
bien ça permettra au ministre de l'Éducation de demander que cesse la
tenue de discours ou de conférences par ces gens-là. Alors, vraiment, c'est
l'objectif de la liste.
Et
on semble faire une assimilation avec un registre, par exemple, des délinquants
sexuels. Ce n'est pas tout à fait la même
chose, on n'est pas dans le même ordre d'idées. C'est une liste qui réfère à des
informations de nature publique, qui sont
disponibles de toute façon sur le site de la Commission des droits de la
personne ou qui seraient disponibles en ligne sur le site
jugements.qc.ca suite à une décision du Tribunal des droits de la personne.
Je vais céder la parole à mon collègue de
Chomedey, je pense, qui souhaite s'entretenir avec vous.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette :
Merci, M. le Président. M. Majzoub, Mme Jebbari, bienvenue à votre
Assemblée nationale. C'est toujours un plaisir de vous recevoir.
D'entrée de
jeu, en lisant votre mémoire, vous prenez la peine de nous noter, à la
page 3, que, le projet de loi n° 59, les différentes mesures, il faut qu'on s'assure
d'avoir un climat propice et égalitaire pour l'ensemble des Québécois.
Je pense que tous les députés de l'Assemblée
nationale recherchent la même chose. Le Québec, le vivre-ensemble au
Québec, c'est quelque chose de très
important. C'est une société de droit, chacun des Québécois, de quelque origine
qu'ils soient, ont les mêmes droits,
et il nous incombe de s'assurer que les droits qui sont garantis par la charte,
les droits qui sont garantis par les différentes lois soient appliqués,
applicables et qu'ils soient les mêmes pour tout le monde.
Je veux revenir sur votre mémoire parce que j'ai
besoin de quelques précisions. Ce matin, on a fait référence à des statistiques,
ma collègue de Taschereau a fait référence à certaines statistiques qui sont
mentionnées, vous en faites rapport à la page 4, et j'aurais aimé
vous entendre un petit peu plus par rapport aux statistiques, où vous
mentionnez, et vous l'avez mis au
conditionnel, que, selon vous, les chiffres qui sont rapportés à Statistique
Canada ne tiennent pas compte de tous
les incidents qui surviennent en cours d'année, que ce soit au Québec ou au
Canada, touchant les incidents haineux,
les crimes haineux ou les discours haineux. Vous avez cette perception-là ou
vous auriez des données factuelles qui nous permettraient d'éclairer les
membres de la commission que les chiffres rapportés par Statistique Canada ne
sont qu'une partie de la réalité? Ça serait ma première question.
• (14 h 30) •
Le Président (M. Hardy) :
Mme Jebbari.
Mme
Jebbari (Samah) : Merci, M. le député. En fait, ce qu'on a mis ici
comme statistiques, vu que c'est des statistiques,
déjà, ça couvre les problèmes les plus graves, ça couvre les crimes, ça ne
touche même pas les propos, les discours, les incidents haineux. Déjà,
si on inclut les propos haineux, les incidents haineux, le chiffre va beaucoup
augmenter, donc...
Le Président (M. Hardy) :
M. Majzoub.
M. Majzoub (Samer) : Yes. We are very close to the
community, and I, myself, have been around for almost, now, 26, 27 years; I can assure you that the
number of incidents are much, much higher. And there's a fact... I
appreciate what you have mentioned, that, as
Quebeckers, we should all feel citizens of Québec, equal rights and freedoms,
but there is a perception, whether it
is correct 100%, 60%, 80%, 90%, that the community is being targeted very
severely. And it is an easy target.
Anyone can speak about their values, anyone can speak about their figures,
anyone can accuse anyone of anything
without any solid proof. Anyone can even relate things to terrorism outside
Canada, outside Québec, although, if
it is the case, the «loi», or the police, or the authorities, they would have
really intervened, they would not have waited so long for this. So, there is a perception that we are really receiving
from our community we are being under really severe islamophobic
sentiment. And unfortunately, and this is what I would like to drive the
attention of all the respected Members of
the Parliament, it's our youth, which means those that have been born in
Québec, that are really feeling it more
than us, people that came from outside Québec, so this is one of the things
that we should be very careful about.
And I will take just a few seconds to add up. A few years ago, my
daughter, there was an incident going on overseas. And my kids go to a public system school, and one
of the professors, of the teachers, very simple, commenting — she was only Primary 4 or 5 : «Muslims have to go
back home.» And in her mind home is ville de Pierrefonds, because this
is where she lives, and she was born, and
she was all her life there. Then, later on, she realized it was not the case;
go back home, I don't know, where your father came from, because
actually she never went there, only for vacation a couple of months.
So this is a reality that we
are already facing, and we had really, at that time, to deal with this kind of
things and meet the administration, but just
to give a quick example how things could be really... very bad and having a
very negative effect on our Québec youth.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Chomedey.
M.
Ouellette : I understand what you were just
saying, because sometimes, in politics, we have the same feeling, it's all
based on perception. But, being a police officer for so long in my previous
life, our duty is to base our judgement on
facts. Et c'est pour ça que je
voulais vous rassurer tantôt en vous disant qu'on est dans une société de
droit. Ce que vous nous soulevez nous amène
à se rendre compte qu'on doit avoir une meilleure communication, on doit
donner de meilleures informations pour que,
les gens qui sont sujets ou qui peuvent être victimes de comportements de
d'autres personnes à l'intérieur de la
société québécoise, à l'intérieur de la société canadienne, bien il y ait des
interventions qui se fassent.
Justement j'ai toujours dit : L'intégrité de la personne, c'est la chose
la plus importante dans ta vie. Donc, pour protéger cette intégrité-là, on a des dispositions dans le projet de
loi n° 59 qui touchent la protection, justement, des gens qui
rapporteraient ces incidents-là.
Est-ce
que vous pensez ou est-ce que
vous avez regardé si on va assez loin, dans le projet de loi n° 59,
relativement à la protection des gens? Et on veut les inciter... il va y avoir
des campagnes de sensibilisation, je pense qu'il faut démystifier les perceptions des faits pour faire en sorte que chacun des
Québécois, Québécoises puisse vivre à l'intérieur de la société.
Je vous donnerais l'exemple de Chomedey, à Laval. Le vivre-ensemble, à Chomedey,
c'est très... c'est des Québécois de toutes les
origines, et, je veux dire, il y a un exemple à aller chercher là aussi. Ça
fait que... Est-ce que la protection qui est dans le projet de
loi n° 59, qu'on a inscrite pour les gens qui vont rapporter ces
incidents-là... est-ce que vous pensez qu'on atteint l'objectif?
Est-ce qu'il faudrait aller plus loin ou est-ce qu'il y a des choses qui ne seraient
pas tout à fait exactes dans... vers où on veut aller?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Jebbari.
Mme
Jebbari (Samah) : M. le député, en fait, nous, comme on a déjà montré
dans le résumé sommaire que j'ai fait
tout à l'heure puis dans le mémoire qu'on vous a soumis, on est en faveur de
plusieurs et presque de la majorité des points mentionnés dans le projet de loi, ce qui fait... On voit que le
projet de loi est très positif dans le sens où il protège tout le monde. Je me questionne pourquoi les gens
disent... pourquoi quelques groupes disent : Ah non! c'est en faveur
des musulmans. Il peut être le contraire,
parce que tout simplement ce que ce projet de loi là prévoit, c'est contrer la
haine, contrer toute la méchanceté, si on
veut vraiment simplifier les mots, contrer tout discours haineux, ça veut dire,
qui fait mal à un groupe, à une personne, à des individus, à tout le monde.
Ce projet de loi là met des balises bien claires pour que n'importe quelle
personne qui parle sans réfléchir, eh bien, qu'elle tourne la langue sept fois
avant de parler.
M.
Ouellette :
M. le Président m'avise qu'il nous reste quelques minutes. Deux minutes?
Le Président (M.
Hardy) : Il vous reste deux minutes, M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette :
Il reste deux minutes. J'aimerais que vous nous précisiez... Vous avez indiqué
dans votre mémoire que — à
la page 7 — vous
craignez l'attribution de plus de pouvoirs au ministère de l'Éducation.
Voulez-vous être un petit peu plus explicites? Pourquoi le ministre de
l'Éducation, là, vous le craignez, là?
Mme
Jebbari (Samah) : Au
contraire, je l'aime bien. Le fait qu'on a choisi d'octroyer le pouvoir et de
garder le pouvoir d'enquête à la Commission des droits de la personne, c'est parce
que c'est la commission qui est vraiment spécialisée
pour... elle est faite, là... c'est son rôle, ses capacités, ses habiletés, ils
sont... ça fait des années et des années, je pense qu'ils fêtent leurs
je ne sais pas combien d'années, là. 50?
Une voix :
...
Mme
Jebbari (Samah) : 40, voilà.
Déjà, ils sont plus habiles que n'importe
quel ministère ou institution pour faire ce travail-là.
En
plus de ça, le ministre de l'Éducation va désigner un enquêteur. Lorsqu'on
affiche le poste, là, d'enquêteur, là, c'est sûr qu'on va se diriger
vers l'institution spécialisée pour ça. Ça, c'est de un.
De
deux, je pense que le fait de... le ministre de l'Éducation, le MELS, là, a
assez de tâches à faire. Puis nous, comme
enseignants, comme écoles, comme administrateurs, on sait très bien que notre
rôle, c'est la sécurité de l'élève. Déjà,
il va y avoir une collaboration entre la commission et les écoles, la
commission et le ministère de l'Éducation pour le bien de qui? De
l'élève. Donc, ils vont travailler en pairs, sauf qu'on voit que l'enquête
reste dans les mains des spécialistes pour
par la suite communiquer les résultats et garder le pouvoir de sanction au
ministre de l'Éducation. C'est comme ça qu'on voit les choses.
Le Président (M.
Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période
d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la
parole pour une période de 15 minutes.
• (14 h 40) •
Mme
Maltais :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Jebbari, M. Majzoub. Bienvenue à cette
Assemblée nationale.
Pour en finir un peu
avec les chiffres, peut-être rappeler qu'est-ce que j'ai dit ce matin, ce que
j'ai relevé tout simplement, je ne fais pas
de discussion sur les chiffres. C'est que les trois... les deux groupes qui
sont les plus victimes de crimes haineux, selon Statistique Canada 2013,
ce sont les communautés juives et les Noirs mais de façon... hors proportion, 55 % pour la communauté juive, 45 % pour les Noirs, par rapport
aux crimes haineux, et qu'eux, les
Noirs... enfin, pas tous, parce que c'est comme tout le monde, vous ne
représentez pas toute la communauté comme ils ne représentent pas toute leur
communauté, les gens qui sont venus ici en commission, mais que les représentants
des communautés noires, des Juifs et de la
communauté LGBT qui sont venus ici sont tous très inquiets du projet de loi, tous et toutes, simplement,
mais ce sont les groupes les plus victimes de crimes haineux. Ceci n'excuse
aucun crime haineux ou aucune parole
haineuse envers qui que ce soit, particulièrement envers la communauté que vous représentez ou
que... dont vous êtes des représentants aussi. Mais voilà pour les chiffres.
Mme Jebbari, vous
êtes porte-parole. Vous venez de dire : Il faut que les gens se tournent
la langue sept fois, et puis ils devraient peut-être
être poursuivis. Vous allez voir où je vais m'en venir sûrement
déjà. Récemment, en mars 2015,
vous-même, vous avez tenu des propos qui ont été considérés par la communauté
haïtienne comme extrêmement outrageants.
Vous avez été obligée de vous excuser, ce que je trouve très bien d'ailleurs.
Vous avez dit qu'«on est devenus les négros des Québécois. On ne va pas
accepter d'être les esclaves ni les négros des Québécois.»
Premièrement, je suis très désolée que vous pensiez ça des Québécois,
dont vous faites partie, et je pense que vous avez commencé à rectifier, mais vous rendez-vous compte qu'avec la loi
qu'on a actuellement vous étiez poursuivable, on aurait pu vous
poursuivre pour ne pas vous être tourné la langue sept fois avant... et c'est
ça qu'on veut éviter?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Jebbari.
Mme
Jebbari (Samah) : Bien, merci, Mme la députée de Taschereau,
c'est une occasion pour moi de
m'exprimer publiquement.
De un, j'ai
eu le courage de dire : Je m'excuse, j'ai commis une erreur, je n'ai pas
tourné la langue sept fois avant de parler. Ça, c'est de un.
De deux, oui, c'était dit dans un contexte un
peu émotif, dans une entrevue téléphonique où on parlait d'un... Vraiment, là,
c'est sept minutes, là, ce qui... sept secondes, là, l'extrait, là, qu'ils ont
mis et diffusé, mais l'entrevue téléphonique
parlait de l'actualité, c'était juste après notre point de presse qu'on a fait
en février, je pense. Par la
suite, le journaliste, là, ce qu'il a fait,
c'est qu'il a fait le lien... on parlait du «trailer» du film Selma
parlant de la vie de Martin Luther
King et la ségrégation des Noirs dans les années 40, 50, ce qui fait...
L'analogie faite, c'est parce que j'étais dans le contexte du film, on parlait des Noirs, de ce qu'ils ont vécu à
l'époque. Puis sa question, ce n'est pas une question, mais c'était plus sa façon de voir les choses. Ce qui
s'est passé dans les années 40, ce qu'ont subi les Noirs dans les
années 40, 50 me rappelle ce qui se passe actuellement. Les musulmans sont devenus la viande de tout le monde, vraiment,
vraiment une viande chère, là, où à tous les
jours, sur les manchettes, on ne parle que des musulmans qui ont fait ça, les
musulmans terroristes, les musulmans ceci, et, si un musulman fait une erreur,
c'est tous les musulmans qui assument.
Donc, c'était dans un contexte émotif, voilà, je
l'avoue. Et puis le Forum musulman canadien, puisque j'étais sa porte-parole, a fait sortir son communiqué de presse comme
quoi je m'excuse officiellement, de ne pas faire ça. Ça, c'est... Est-ce
que je peux continuer?
Mme
Maltais : Oui, bien, je comprends. Puis ça, les excuses, je
l'ai dit d'entrée de jeu, vous vous êtes... puis je comprends le
contexte. Mais vous vous rendez compte que, dans ce contexte, vous seriez...
Une voix : ...
Mme
Maltais : ... — un
instant, ce ne sera pas long, je veux juste vous... on va se relancer comme ça,
puis j'ai seulement 15 minutes — que vos explications, c'est devant un tribunal que
vous auriez été obligée de les donner parce que vous étiez susceptible
d'être poursuivie? C'est là où ça va, cette loi-là, là.
Le Président (M. Hardy) : M.
Majzoub.
M. Majzoub (Samer) : In order not to switch the discussion
one to one, because, the issue, we're not here...
really coming here to put someone on...
Certainly, no one is above the law. If anyone is really guilty, he's guilty.
This is out of the question.
But
I really appreciate that you brought up this subject. Why in particular?
Because this gives a clear example why we're supporting «projet n° 59», because of this incident, small incident that
happened and that we felt sorry and we apologized. And, just for the information of everyone, we have a very good relationship
with the «communauté haïtienne», and we have met them,
and they have very well understood. But the subject is very important. Based on
this incident, islamophobia was at its
highest, hatred was at its highest, not mentioning... A few days after this
incident, a mayor of a very
well-known city in Québec also said a few words that meant to be...
or understood to be as hatred against blacks. When this
gentleman was attacked, he was attacked on his personal opinion. Neither his
culture was attacked, nor his religion was
attacked, nor his... you know, no one said anything. But, when Mrs. Jebbari
had this mistake that she admitted and apologized for, it was an open
highway against Muslims, and Islam, and hatred, and this is their religion, and
that and this.
So,
this is what we are really worried about in Québec as an islamophobic sentiment that is really prevailing, and that's what we are really hoping that this new project is one
of the elements that will really fight such an issue.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Puisque vous êtes là, M. Majzoub... Vous avez fondé
l'école Le Savoir, vous avez fondé une école qui s'appelle Le Savoir, qui est entérinée par le ministère de l'Éducation et du Loisir. Ce projet de loi va
essayer de protéger ce qui est quelque chose d'absolument non défini, qui
est la sécurité morale et physique des étudiants. Vous avez une école qui est dans un building... je pense,
vous louez des locaux d'un building qui appartient à l'association
musulmane canadienne, liée... certains disent liée aux Frères musulmans.
Imaginons que, dans votre école, quelqu'un s'offusque de voir que vous ayez reçu un imam qui a des propos, lié à une... qui a des
propos ou peu importe mais qui est lié à une association terroriste qui a d'ailleurs été jugée... à qui
on a retiré son sceau de bienfaisance parce
qu'elle était liée à des organisations
terroristes. Vous vous rendez compte que, dans votre école, on pourrait dire
que cette école attaque la sécurité morale des étudiants, parce que la sécurité
morale n'a aucune définition et que c'est quelque chose qui n'a jamais été...
dont il n'y a jamais eu de discussion au Québec là-dessus? Vous vous rendez
compte à quel point on ouvre un panier de crabes,
en ouvrant cette chose, et que vous-même, comme ayant fondé une école, vous seriez
susceptible d'être poursuivi devant la CDPDJ ou d'avoir... d'envoyer des
enquêtes au ministère de l'Éducation sur qui vous amenez comme prêcheurs dans
vos écoles?
Le Président (M. Hardy) :
M. Majzoub.
M. Majzoub (Samer) : ...question. First of all, I
am truly worried that your source of information is not
solid 100%, and I'm extremely worried that your source of information is coming from a particular site that we all know their sources or their background.
Let
me explain. First of all, I'm
not the «fondateur» of école Le Savoir, I'm a cofounder. We are... This is
a community school, and this is number one. And the community school has no
more than... at the time, when it was established,
in 2000, I believe, eight or nine. It is in ville de Pierrefonds and, since it is a community... I have been there for 27 years. There
were a group of people who came together really to establish a community school. This is number one.
Number
two, to suggest indirectly... And again this is one of
the things that we'd like... we hope that these things will be clarified with the «projet». To
suggest that we occupy a building part of MAC or... First of all, we are
tenants, we are an association... «Le Savoir, c'est une association québécoise,
ce n'est pas une association fédérale.» So, it is a Québec association, it's not a federal one. MAC is
the owner of the building, and we are tenants of the building. Number one.
MAC, based on our information, is a
legal institution in Canada and federally speaking. So far, we haven't heard or we haven't received any notice from any government side to
say, «No, it is otherwise.» So, we are really renting the building from a
legitimate federal organization. To suggest that it is relied to X, or Y, or Z,
I think you call MAC, and they will tell you.
Now, going back to your question, it's
very important. If an imam, although it doesn't happen, but, if an imam comes to the school, because this is not a religious school...
And, by the way, I would like to take
a minute on this, another mistake that so many people are falling in, where
«école musulmane», at least about école Le Savoir, is not a Muslim school
in a sense of religion. It is a community school:
35 hours education of Ministry hours, one hour of Koran, one hour of
Arabic. It doesn't turn to be a Muslim school, just to make it very
clear to everyone.
If anyone, not only an imam, anyone in
this school falls down on this issue, sure, we are responsible, no one should be above the law at any time. This is my answer.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
• (14 h 50) •
Mme
Maltais :
...ma source, c'était QMI, Agence QMI, simplement.
L'autre chose, c'est...
Bon, vous dites : On est simplement locataires d'un immeuble qui
appartient au MAC, Muslim Association of
Canada, mais vous recevez... cette école reçoit aussi des fonds du Koweït, et
le Koweït, ce n'est pas nécessairement... Il
y a des gens qui pourraient se
dire : Une école qui est financée par un royaume comme le Koweït, qui n'est pas véritablement une école qui enseigne...
un pays qui enseigne la démocratie et tout... Vous comprenez? On peut jouer là-dedans en masse quand on a
des projets de loi comme ça où tout est indéfini, tout est mou, tout
est vaseux. C'est ça, le problème,
là. Je m'étonne que vous appuyiez cette loi. Moi, j'avoue que plus j'écoute les
gens, plus j'écoute les intervenants,
plus je suis inquiète. Mais je veux vous montrer jusqu'à quel point il y a
du danger dans l'imprécision et dans ce que vise cette loi.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Jebbari.
Mme
Jebbari (Samah) : Mme la députée de Taschereau, merci pour la question, l'interrogation. En
fait, oui, ces écoles communautaires,
comme les organisations sans but lucratif, n'ont pas de ressources,
n'ont pas de subvention. C'est une
école... Parlons de l'école Le Savoir. Ce n'est pas une école
subventionnée, ce qui fait... Elle reçoit... Ses ressources financières viennent d'où? Viennent des frais de
scolarité que les parents paient, viennent des levées de fonds que des
fois l'école organise et des fois des fonds
qui viennent de l'extérieur. Ces fonds sont légaux, strictement légaux, puisque ça passe par le gouvernement. Déjà, le chèque, on le reçoit... la personne qui
l'a reçu l'a pris de l'ambassadeur koweïtien à Ottawa, ce qui fait que
c'est strictement légal, à 100 %. Donc, il n'y a pas de souci là-dedans.
Notre
appui au projet de loi, c'est : Pourquoi ne pas appuyer un projet de loi
qui est en faveur de toute personne ou
tout groupe qui se sent humilié, démuni, toute personne qui se sent dénigrée?
Vous voyez pourquoi. On ne le soutient pas
uniquement parce que ça peut être en faveur de la communauté musulmane. Nous sommes
des Québécois et Québécoises ici, ce
qui fait le bien-être de tout le monde compte. Moi, maintenant, à cette
place-ci, je le dis clairement, que
n'importe quelle personne qui franchit la ligne du respect puis qui diffuse un
discours haineux n'a pas de place ici, pour
de bon elle n'a pas de place ici, peu importe qu'il est un imam musulman, ou un
journaliste, ou un politicien, ou un élève
au secondaire ou au cégep. Vous voyez? On est tous ici pour collaborer tous
ensemble afin de protéger ce pays-là. Les lois ne sont pas... On n'est
pas là pour s'opposer, pour dire : Ah! O.K., ma position est la meilleure,
et c'est ma position qui rejette ta position. On est là pour le bien de tout le
monde.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Donc, pour reprendre l'exemple de M. Majzoub, tout à coup, quelqu'un qui
dirait à un enfant : Bien, retournez à
la maison, retournez chez vous, alors que c'est un Québécois d'origine,
retournez à la maison, on devrait le
poursuivre, dans ce projet de loi là, la personne pourrait le poursuivre. C'est
comme ça que vous voyez la loi?
Le Président (M.
Hardy) : M. Majzoub.
M. Majzoub (Samer) : ...we have read... As much as I know
about the «loi», the «projet de loi», it is clear that it is not an open highway to go and start
complaining left and right. The law stipulates that there is a commission or
there is a committee
that will look at the complaint to see if it has merits or not, if it has
merits or not. So, what we believe, if this
is applicable, with time people will get the education that it's not any time I
don't like any thing I just go and complain.
We
know there's nothing perfect. And, by the way, we're not here pro-Government or
opposition, we're not here, OK... we're not in the opposition, we are just discussing the «projet»
itself, OK? So, we strongly believe such a measure, if it is applicable in a proper manner, and that's what we
hope and we look at, it will help not only one community, it will help Québec, inclusive, which means everyone will feel safe. And that's what we're
looking for. We are not looking for favors here whatsoever, no one should be really favored because of
his religion or his background, no, no, no. We are looking for a minimum
to feel safe in our country, that's all.
Le Président (M. Hardy) : Merci
beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième
groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, à vous la parole pour une
période de 10 minutes.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Merci. Bonjour. On s'est déjà rencontrés dans
une autre vie pour un autre projet de loi. Merci...
Une voix : On a des photos
ensemble, de belles photos ensemble.
Mme Roy
(Montarville) : Je
sais, je sais, je sais, je m'en souviens très bien, on avait discuté. Et, pour
le bénéfice des auditeurs, nous avions rencontré les gens de la
communauté pour le projet de loi du précédent gouvernement, la charte du Parti
québécois.
Cela dit, on
arrive ici avec un projet de loi très, très différent. Et, à la lecture de votre
mémoire, je comprends que vous pensez aussi que cette loi va aider à
contrer l'islamophobie, ça va aider... ça pourrait aider, du moins, c'est écrit
dans votre mémoire.
Maintenant,
je vous demande : Croyez-vous également que cette loi-là... Parce que n'oubliez pas
qu'elle est dans la foulée du projet et du plan du gouvernement pour
contrer la radicalisation chez les jeunes, l'endoctrinement, la radicalisation
et ces jeunes qui partent à l'étranger faire le djihad, entres autres.
Croyez-vous que cette loi-ci, ce projet de loi va également contrer
l'endoctrinement qui mène à la radicalisation des jeunes? Parce qu'un jeune ça
ne se radicalise pas automatiquement, il y a
eu tout un processus d'endoctrinement. Donc, croyez-vous que ce projet de loi va contrer l'endoctrinement
qui mène à la radicalisation des jeunes? Est-ce qu'il y a des pistes de
solution là-dedans?
Le Président (M. Hardy) : M.
Majzoub.
M. Majzoub (Samer) : ...very good because it has been raised to us during our discussion
and reflection on the «loi»... This in
particular, any measurement that's taken against any sort of hatred, certainly
it will have an effect on the radicalization of the youth. And we're not
talking here about religious radicalization only, we are talking about... It
could be a secular radicalization, it could be, I don't know... Radicalization
is not limited to religions, OK?
So,
yes, we believe any measurement that is taken to fight any sort of hate, smear
campaign... Because this will have a good message to the people that we have to watch out, especially
in the world of cyber. Now we have the cyber Internet. Whatever we say, it is all spread everywhere. So we think, to
a certain extent, yes, it will help, although I know that there is «projet de loi n° 62» that will be more
addressing the subject, when it comes to this turn. But, yes, to answer you, we believe it will... it may, as you say, it may help.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Je comprends également, tout comme vous, que la radicalisation n'est pas nécessairement une radicalisation religieuse. La
triste réalité est que malheureusement c'est dans un contexte aussi religieux
qu'on voit ces jeunes se convertir, par exemple, à l'islam et passer aux actes,
on n'a qu'à penser à ce québécois à Saint-Jean-sur-Richelieu
qui s'est converti et qui est allé tuer des soldats... un soldat au nom
d'Allah — et on
apprend ce matin dans les journaux qu'il voulait aller en tuer d'autres — donc
cette radicalisation des jeunes qui mène à des crimes épouvantables et qui
souvent aussi fait que la communauté musulmane se retrouve — c'est
comme un cercle vicieux — au
premier chef victime, des parents qui voient les enfants partir sont
bouleversés.
Il y a
quelque chose qui me surprend dans les groupes que nous recevons, c'est la
différence de perception du projet de
loi. De votre côté, vous dites : Oui, c'est bon, ça va nous aider, ça va
entre autres contrer l'islamophobie mais tout type de discours haineux. Hier, nous avions Julius Grey et
tout à l'heure nous avions le Centre consultatif des relations juives et
israéliennes, et ces gens croient au
contraire... et qui ont vécu la discrimination et les propos haineux, la
communauté juive au premier chef également, ces gens, donc, ces groupes croient
au contraire que ce projet de loi est trop large, et qu'il va trop brimer la liberté d'expression, et que la
liberté d'expression sera trop restreinte. Alors, vous, de votre côté,
vous semblez être moins dérangés par le fait que la liberté d'expression sera
brimée avec ce projet de loi. Pourquoi?
Le Président (M. Hardy) : Mme Jebbari.
• (15 heures) •
Mme Jebbari
(Samah) : Merci, Mme la députée de Montarville. Il y a deux parties
dans votre question. La partie radicalisation
et comment contrer la radicalisation, ici on est là pour vraiment aider surtout
le plan d'action du gouvernement basé sur ça, et ce projet de loi là est
là pour vraiment appuyer le plan d'action du gouvernement.
De un, le gouvernement seul, sans
l'appui de l'opposition, sans l'appui des autorités publiques et de la
société civile, ne pourra jamais, seul,
contrer la radicalisation ni contrer les discriminations de toutes sortes, soit
l'islamophobie soit l'antisémitisme, le profilage racial. Tout ça, le
gouvernement seul ne peut pas le faire. Il faut passer par l'éducation,
nous-mêmes, dans nos familles, dans nos écoles, dans la vraie vie, finalement,
là où on passe. Il faut de l'éducation, c'est le mot à dire.
Donc,
on parle de toutes sortes de radicalisations, mais, soyons plus précis, on
parle de la radicalisation religieuse, donc
la radicalisation de ces jeunes-là, les cégépiens qui se dirigent à l'extérieur
pour des raisons quelconques. Si on voit... Parce qu'on ne peut pas résoudre un problème si on ne regarde pas les
causes. Qu'est-ce qui a amené ces jeunes-là à se diriger vers... à prendre cette déviation-là? On va trouver plusieurs
raisons. Il y a des adolescents, des jeunes, là, qui se dirigent vers
l'alcool, vers la consommation, vers toutes sortes de mauvais chemins. Il y a
d'autres, là, qui surtout et d'origine ont
vécu l'exclusion, ils sont exclus de la société, ils sont intimidés dans leurs
écoles, ils se sentent dérangés soit par
leur nom soit par leur... ils ne trouvent pas leur part dans la société, alors
ils veulent fuir la société. Pour aller où? Pour aller vers l'inconnu ou vers le danger, le danger que nous tous, on est
là pour le contrer. Ça, c'est la partie radicalisation. La partie de : Est-ce qu'on pense vraiment que
ce projet-là peut contrer la discrimination, donc, et parmi...
l'islamophobie, et travailler, finalement, la discrimination, la
radicalisation?, je pense que oui. Je pense qu'ensemble, là, c'est sûr qu'il y
a des suggestions que tout le monde peut donner qui peuvent modifier, qui
peuvent améliorer le projet de loi et le rendre plus acceptable.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Juste... Je me suis peut-être mal exprimée. J'essayais de comprendre dans
quelle mesure des groupes qui ont été
ostracisés et victimes de propos violents, comme par exemple la communauté
israélienne, juive et israélienne, ils voient
ici une grande atteinte à la liberté d'expression, alors que vous non. J'essaie
de voir la différence.
Le Président (M.
Hardy) : M. Majzoub.
M.
Majzoub (Samer) : ...if you are suggesting
that this... against this, we don't think so, which means, in other words, if you are suggesting... If I am
fighting hate speech, which means I am against freedom of expression?
Not at all, because we just mentioned if an
imam comes and speak... which means we are already talking about an imam
speaking something about hatred. So, why here we're to give you an example of
an imam saying something bad and how the law
will be acting on? So, we don't think at all there's a contradiction between
freedom of expression and fighting hate. Freedom of expression should be protected, no one should touch freedom
of expression, but there's a big difference between freedom of expression and expressing... and
accusing groups of people, and accusing their values, and demonizing
them, and demonizing their individuals.
There's a big difference, there's a big line between being... a hate speech and
freedom of expression. And we all know that
even in the Supreme Court of Canada, in a democracy society, freedom of
expression has its limits.
And
that's what maybe the interpretation between ourselves and other groups, and
not only Jewish and the Black community, you
might find most of the groups that are against the law... it's how they're
looking, the perception of the law.
We think the perception of the law is better than nothing, number one. Number
two, we don't believe at all there's contradiction between freedom of
expression and to fight hate speech. This is where we find measurements to
fight any sort, any sort of hatred is very good for us as Quebeckers.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville, il vous reste
1 min 15 s.
Mme
Roy
(Montarville) : C'est très court. Écoutez, je vais
en profiter pour vous remercier de votre témoignage puis vous souhaiter
un bon retour.
Mme Jebbari
(Samah) : Merci. Merci, Mme Roy. Merci, M. le Président, Mme la
ministre et chers députés. Merci beaucoup.
M. Majzoub
(Samer) : Thank you so much.
Le Président (M.
Hardy) : Merci de votre contribution.
Nous allons suspendre
nos travaux quelques instants, et j'inviterais les représentants du Conseil
canadien des femmes musulmanes à prendre place à la table des témoins. Merci.
(Suspension de la séance à
15 h 4)
(Reprise à 15 h 7)
Le
Président (M. Hardy) : Nous
reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue au Conseil canadien
des femmes musulmanes. Je vous invite à vous présenter. Et je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, plus deux minutes
qu'on va prendre sur le temps gouvernemental, pour un total de 12 minutes.
Conseil canadien des femmes
musulmanes
Mme
Elibyari (Samaa) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes
et MM. les députés de l'Assemblée nationale, Mmes et MM. les
auditeurs. Je suis Samaa Elibyari. Au nom du Conseil canadien des femmes
musulmanes, CCFM, de Montréal, je vous remercie de nous accorder l'occasion
d'exprimer notre point de vue.
Le
Conseil canadien des femmes musulmanes, CCFM, a été fondé en 1982
à Winnipeg. Présentement, le CCFM a
des chapitres dans les grandes villes de l'Ontario et à Montréal. Les
membres du CCFM sont des femmes de foi musulmane de diverses cultures,
majoritairement du Moyen‑Orient et de l'Asie du Sud.
Je
vais commencer par la deuxième partie. Je cite : «Le projet propose également
que soit confié au tribunal le pouvoir
d'autoriser la célébration d'un mariage lorsque l'un des futurs époux est mineur.» Nous sommes d'accord
sur le principe. Reste à déterminer les facteurs suivants : Quelle
formation ou connaissances devront avoir les membres du tribunal pour se prononcer dans de tels cas? Quels critères le tribunal
devra considérer afin de pouvoir accorder ou nier son autorisation pour ce mariage? Quels seront les
coûts associés à une telle demande? Quels seront les délais de réponse? Une procédure d'appel est-elle possible en cas de
rejet de la demande? Comment le tribunal va-t-il s'assurer du consentement
de l'époux mineur? Ce dernier critère est
d'une grande importance, car il nous semble que la protection d'une
personne implique qu'elle agisse librement.
Dans
ce contexte, on peut élargir la réflexion pour éviter les mariages forcés. Le
CCFM s'est penché sur cette question, donc permettez-moi de vous en
parler brièvement.
Qu'est-ce que le
mariage forcé? Un mariage forcé est un mariage qui n'est pas décidé par les
mariés mais par quelqu'un d'autre,
généralement par des membres de la famille, et surtout par les pères. L'un ou
l'autre des conjoints ou les deux peuvent être contraints au mariage.
Ils peuvent se connaître ou non avant le mariage.
La
différence entre un mariage forcé et un mariage arrangé est que le deuxième
laisse le choix final aux futurs époux. Dans un mariage forcé, les
mariés n'ont aucun choix. Des pressions sont exercées sur eux pour accepter la
décision. Ces pressions peuvent comprendre des menaces et des violences
physiques, psychologiques ou sexuelles.
• (15 h 10) •
Il existe très peu de statistiques sur le mariage
forcé au Canada ou au Québec, à notre connaissance. Cependant, une récente recherche menée par la South Asian Legal Clinic of Ontario
fournit des renseignements sur la situation
en Ontario. Citons les faits suivants : le mariage forcé n'est pas le
propre d'une culture, d'une religion ou d'une région géographique; les femmes
constituent la grande majorité des victimes dans les mariages forcés, le
chiffre avancé est de 92 %, et celles de 15 à 24 ans forment le plus
grand groupe.
On
voit que l'autorisation d'un tribunal serait en effet un facteur important pour
protéger les mineurs. Cependant, cette mesure doit être complémentaire
et non unique pour joindre le plus grand nombre de victimes.
Toujours
concernant la protection des personnes, je cite du projet de loi :
«Le projet de loi prévoit l'attribution, aux tribunaux judiciaires, du pouvoir d'ordonner des mesures propres à
favoriser la protection des personnes dont la vie, la santé ou la
sécurité est menacée par une autre personne par l'introduction, en matière de
procédure civile, d'un concept d'ordonnance
de protection.» Encore une fois, il est important de s'assurer de la compétence
des personnes qui traitent du dossier
pour ne pas basculer d'une extrémité à l'autre, ne pas intervenir du tout ou
prendre une décision mal fondée, un équilibre certes toujours délicat,
parfois difficile à réaliser.
L'avocate
Pamela Cross a fait des études pour le CCFM sur les cas de violence contre les
femmes et les jeunes filles qui sont
publiées dans le livre La violence à l'égard des femmes — Santé et justice pour les femmes
musulmanes canadiennes.
D'abord, qu'est-ce
que la violence familiale? C'est l'expression la plus souvent utilisée par le
gouvernement et des institutions comme la
police, les tribunaux et les services de soins de santé. Cette expression fait
référence à toutes les formes de
violence — adulte
contre adulte, adulte contre enfant, enfant contre adulte — au sein de la famille. Or, il est bien connu que la majorité des agressions signalées
à la police sont commises sur des femmes. Un pourcentage de 83 %
est avancé pour tout le Canada, toutes communautés confondues.
À
souligner que, d'après de récentes recherches sur les mariages et les divorces
dans les communautés musulmanes en Amérique du Nord, environ un tiers
des femmes interviewées avaient été victimes de violence familiale, soit un pourcentage similaire à celui de l'ensemble de la
population féminine au Canada. Autre fait spécifique, la violence à
l'égard des femmes et des filles dans les
communautés musulmanes se produit le plus souvent dans des familles où le mari
ou le père a du mal ou ne parvient pas à renoncer aux traditions anciennes
d'interaction conjugale.
Cette
étude du CCFM indique aussi que les femmes au sein de la communauté musulmane
se heurtent aux mêmes problèmes que toutes les autres femmes, mais des
obstacles particuliers les arrêtent aussi. Par exemple, une femme nouvellement arrivée au Canada peut ne pas
connaître les lois ou ses droits juridiques. Elle peut craindre que son
statut d'immigration ou de réfugiée ou celui
de son mari soit menacé si elle signale des actes de violence. Elle peut aussi
avoir peur que son mari emmène de force
leurs enfants dans son pays d'origine. Si elle est isolée, elle peut ignorer
l'existence de services communautaires ou
avoir des difficultés de communication avec la langue. La femme peut aussi se
méfier de l'État si elle ou sa famille
viennent d'un pays où le régime est répressif. À cela peuvent s'ajouter des
obstacles communautaires comme des
valeurs selon lesquelles il est important de maintenir la famille intacte ou de
ne pas dissoudre le mariage,
qu'importe la situation; manque de soutien et de services sociaux, comme
l'hébergement et l'aide financière; lois et politiques actuelles en
matière d'immigration.
Alors,
notre questionnement : Quelles sont les attentes par rapport à cette loi?
Est-ce la meilleure solution pour contrer la violence familiale? Les
dispositions axées sur la prévention sont-elles adéquates?
Les efforts et les outils développés par des
organismes musulmans, dont le CCFM, pour appuyer les femmes qui se trouvent dans des situations vulnérables
méritent d'être mieux connus. À titre d'exemple, signalons les
initiatives comme la
Campagne du ruban blanc, Muslims for White Ribbon Campaign, commencée dans
notre communauté en 2012. Rappelons
que la Campagne du ruban blanc a débuté après le massacre des femmes à l'École
polytechnique. L'un des principaux objectifs de cette campagne
est de rompre le silence concernant les violences à l'égard des femmes dans
notre communauté en encourageant les mosquées et d'autres organismes à
parrainer des événements de sensibilisation et à parler de la violence à
l'égard des femmes durant les sermons du vendredi.
On serait donc tenté de déduire que le gouvernement
n'a pas de prise pour protéger les femmes musulmanes excepté par des lois, justement comme le cas présent, et que le reste passe par
le communautaire. Or, d'après nous,
le facteur majeur en faveur de la protection et de l'émancipation des
femmes musulmanes au Québec passe par leur pleine intégration dans notre
société. Le CCFM se fixe d'ailleurs ce but en faisant des études sur la
condition des femmes musulmanes et en
fournissant des trousses pour les aider à mieux s'adapter à la société
d'accueil. La trousse du mariage musulman
au Canada et au Québec designée par Lynda Clarke, professeure au Département de
religion à l'Université Concordia, en
est un exemple. Ces travaux exigent des fonds pour faire des recherches
sérieuses, fournir des études... des outils adaptés, et encore plus pour
les diffuser à grande échelle dans notre communauté.
Nous saluons
notre gouvernement pour les programmes d'apprentissage du français, car c'est
un facteur important dans le
processus d'intégration. Par contre, c'est avec regret qu'on remarque qu'il n'y
a pas eu de progrès au niveau des opportunités
d'emploi, et ceci, malgré les recommandations de la commission Bouchard-Taylor.
Malheureusement, c'est même le contraire qui s'est produit.
En résumé,
pour cette partie du projet de loi n° 59, le CCFM n'a pas
d'objection. Cependant, certaines questions demeurent, et certaines
actions devraient complémenter la législation si on veut vraiment être efficace
en matière de protection des femmes et des jeunes filles
Pour la
première partie du projet de loi n° 59, concernant la prévention et
la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la
violence, le CCFM n'a pas encore émis d'opinion dû aux délais serrés de cette
présentation.
M. le Président, est-ce que j'ai
deux minutes?
Le Président (M. Hardy) : Oui.
Mme
Elibyari (Samaa) : Oui? Merci. Finalement, je ne comprends pas ce que
rapporte le quotidien The Gazette le mardi 18 août, page A1, sous le titre Québec hate-speech bill prompts
strong opinions. Je traduis librement : Le projet de loi est une des initiatives présentées par le
gouvernement du Québec pour combattre la radicalisation menant à la
violence. Personnellement, je ne vois pas comment.
Et, peut-être
pour répondre à Mme la députée, je voudrais porter à votre attention des
extraits d'un texte qui sera publié
en novembre prochain pour Foi et justice à Montréal. Denise Helly, sociologue à
l'Institut national de recherche scientifique, s'intéresse aux
communautés culturelles et ethniques, en particulier notre communauté, depuis
bientôt 20 ans. Elle écrit — et ceci pourrait répondre à certaines
préoccupations : «...avancer que les projets des jeunes [...] "radicalisés" prennent leur source dans
des préceptes musulmans est une interprétation saugrenue. Les témoignages
de jeunes Occidentaux en partance ou revenus
[...] montrent une ignorance de la théologie islamique et une vision
anecdotique de l'islam. Comme ironise
Frazer — en
2015 — on
aurait pu dire que les membres de l'IRA étaient catholiques parce qu'ils
parlaient de catholicisme. La référence à l'islam comme au catholicisme par
l'IRA est un marqueur identitaire plus que
religieux; elle est un signe de ralliement, une bannière. La religion des
jeunes recrues de DAESH n'a rien à voir avec l'islam comme foi et
théologie, elle en est une manipulation politique. Mais l'insistance sur le
religieux a une double efficacité dans des
sociétés qui se pensent sécularisées. Elle délégitime et renvoie à
l'irrationnel le comportement de ces jeunes.
Elle censure toute tentative d'approche sociologique [à] leur violence.
[...]Cela est le fait à expliciter avec plus de précision et d'intelligence que nous ne le faisons ici. Certes, des
commentateurs et personnalités publiques se disent savoir résoudre la situation, tout en trouvant une
occasion de se mettre en scène. Au Québec et en France, ils proposent la
laïcité comme remède à l'errance et au désir de meurtre de jeunes
désocialisés.»
Le Président (M. Hardy) : En
conclusion.
• (15 h 20) •
Mme
Elibyari (Samaa) : Ici finit
l'extrait. Mme Helly explique donc, et je résume : Le phénomène
de radicalisation, il ne peut être
réduit à une adhérence à une foi; il dépend de facteurs internationaux hors de notre contrôle; il trouve un terrain fertile par les jeunes issus de classes moyennes urbaines
occidentales et autres personnes marginalisées. Donc, il ne suffira pas
d'introduire des lois pour le contrer, c'est une responsabilité collective pour
notre société.
Je vous remercie de votre attention.
Le
Président (M. Hardy) :
Merci. Merci beaucoup. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange avec Mme la ministre. À vous la parole pour une période de
22 minutes.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Tout simplement pour réitérer que l'objectif derrière le projet de loi, c'est de renforcer les
interventions, nos interventions comme gouvernement, comme société, puis
de nous doter des moyens pour assurer une protection des personnes en général
dans notre société en général. Et donc les
dispositions qui portent sur le discours haineux visent à protéger contre un
discours qui incite à la haine, qui incite à la violence, qui appelle à
des sentiments forts tels qu'ils ont été prévus notamment par des décisions de la Cour suprême et permettre de
protéger et de mieux... d'éviter que ces discours-là soient tenus dans
la place publique, parce qu'il y a... oui,
il y a certes la liberté d'expression qui est essentielle dans notre
démocratie, mais il y a aussi, malheureusement, des discours qui amènent vers la violence à
l'égard de groupes qui sont déjà prévus à la Charte des droits et libertés de la personne, à l'égard
de personnes qui ont les caractéristiques prévues à l'article 10 de la
Charte des droits et libertés de la
personne. Alors, c'est cet objectif. On ne vise pas un groupe en particulier,
on vise à protéger des groupes identifiés de par leurs caractéristiques
par l'article 10 de la Charte des droits et libertés qui est en vigueur en
ce moment.
Pour ce qui est ... Vous avez exprimé un certain
nombre d'interrogations quant aux dispositions qui visent à protéger les
personnes, à protéger les femmes, à protéger les enfants et toute personne
vulnérable contre un certain nombre de situations, vous vous êtes interrogées
sur la compétence du tribunal. Je veux simplement préciser — puis c'est tout à fait normal, on n'a pas tous cette
familiarité avec nos tribunaux, nos cours de justice — le tribunal qui verra à déterminer,
dans le cadre du mariage, si le consentement des mineurs est libre et éclairé,
c'est un rôle qui est confié à la Cour
supérieure, aux juges de la Cour supérieure, qui souvent, souvent, dans les
cas, par exemple, de succession, dans les cas de mandat pour cause
d'inaptitude, dans les cas de dossier matrimonial et des dossiers civils en
général, sont appelés à déterminer si, dans
un contexte x ou y, le consentement était libre et éclairé. Alors, il s'agit de
juges qui ont cette connaissance, qui
seront à même, en fonction des critères établis par la jurisprudence, en
fonction des critères établis par nos
lois, d'échanger avec les parties, d'échanger avec les futurs époux afin de
déterminer si leur consentement est vraiment présent, si leur consentement est libre de toute forme de pressions,
qu'elles soient culturelles, qu'elles soient familiales, qu'elles soient externes. Et on a jugé opportun de
remettre cet exercice-là entre les mains du tribunal, puisqu'il s'agit
d'une personne neutre et donc... et
puisqu'il s'agit aussi d'une expertise que les juges sont appelés à exercer
dans le cadre de dossiers qui leur
sont soumis au quotidien. Donc, j'ose espérer que ces précisions-là vous
rassurent quant à ceux et celles qui seront appelés à déterminer si un
consentement de mineur est véritablement libre et éclairé.
Pour ce qui
est des concepts... Je vous ai entendue, et malheureusement on n'a pas de
mémoire. Je ne sais pas si c'était possible pour vous de nous le déposer
pour les fins... puis pour nos fins de référence ultérieures, le document qui
est à la base de votre présentation.
Le Président (M. Hardy) :
Mme Elibyari.
Mme
Elibyari (Samaa) : Oui, certainement, Mme la ministre, on va le déposer. Je m'excuse, il n'était pas
prêt, je venais de le finir hier soir. Mais on va le déposer, certainement.
Mme Vallée : Il n'y a pas de problème.
Je vous remercie, c'est gentil.
On a aussi introduit dans le projet de loi de
nouvelles dispositions, prévues pour aider, pour éclairer les interventions, notamment les interventions
faites par les intervenants du directeur de la protection de la jeunesse. Est-ce que vous avez des commentaires particuliers face
à ces nouvelles notions qui sont introduites, à savoir le contrôle
excessif qui est exercé à l'égard d'un enfant et la notion de violence basée
sur une conception de l'honneur? Est-ce que vous auriez des commentaires à nous
formuler à cet égard?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Elibyari.
Mme
Elibyari (Samaa) : On va commencer d'abord pour la première partie de
la question, c'est-à-dire un contrôle excessif. Et là, évidemment, ce
n'est pas facile parce que c'est relatif, n'est-ce pas, c'est vraiment du cas
par cas. On devrait avoir une personne qui soit ouverte et sensible et qui connaisse
vraiment tous les éléments qui entrent en jeu. Donc, ça, pour nous, c'est
important. Maintenant...
Mme Vallée :
Juste avant que vous poursuiviez, quels sont les éléments auxquels vous faites
référence? Vous nous indiquez :
On souhaite avoir des gens sensibilisés, au fait d'un certain nombre de...
d'une certaine réalité. Vous faites référence à quoi?
Mme Elibyari (Samaa) : Je fais
référence, par exemple... Dans les mariages forcés, il y a comme des signes précurseurs que la jeune fille n'est pas d'accord,
elle se sent mal à l'aise, par exemple, les parents peuvent planifier un
voyage pour qu'elle se marie à l'étranger,
elle peut ne pas performer à l'école comme elle le faisait d'habitude, elle
peut avoir des problèmes psychologiques, et tout ça peut être décelé.
Mais on
souhaiterait évidemment, dans cette situation, que ce soit relaté aux
conditions qui sévissent dans la famille. Bon, si on va dans la famille, quand il y a des cas de violence, on a vu
que c'était plutôt le mari ou le père qui n'arrivait pas à s'adapter dans la société. Une des premières
raisons, ce serait, par exemple, qu'il ne trouve pas d'emploi. Parfois,
les jeunes peuvent aller se placer chez un dépanneur, ils font plus d'argent
que le père ou la mère, et ceci les place, je dirais...
crée des tensions dans les familles, donc le père peut devenir — ou la mère — violent envers le jeune ou la jeune fille. Donc, ce sont des éléments qui sont
récurrents, c'est-à-dire on voit ça se perpétrer, et il faudrait être sensible
à cette situation économique et sociale.
Donc, moi,
dans le mémoire, j'ai mentionné... D'après notre étude, ce qui ressort, c'est
que le mari ou le père n'arrive pas,
disons, à... n'arrive pas à se sentir confortable dans une société d'accueil
quant aux relations conjugales, mais ça
peut être aussi l'emploi, n'est-ce pas, le manque de travail. Donc, il ne se
sent pas valorisé, il ne sent pas qu'il a une place dans la société, il veut exercer une autorité
excessive sur ses enfants ou sur les jeunes dans la famille. Donc, ce sont
des signes précurseurs qu'il faudrait surveiller.
• (15 h 30) •
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Donc, il existe parfois un contexte familial, évidemment, comme il existe dans
bien des familles, même québécoises,
où ce type de friction là ou de tension peut, dans une famille... Vous parlez
beaucoup des nouveaux arrivants, des
gens qui arrivent au Québec et qui peinent à trouver un emploi rémunérateur, et
donc qui pourraient se voir... se
sentir humiliés par un enfant qui, sur le marché du travail, gagne plus, ce qui
pourrait amener à une escalade des propos et de la violence, et je comprends. C'est des situations qu'on rencontre
aussi même chez... pas seulement, je pense, chez les nouveaux arrivants, mais c'est une situation qu'on peut retrouver dans des familles moins
nanties, ou lorsqu'un parent perd son
emploi et se retrouve, par exemple, prestataire de l'assurance-emploi, ou même
lorsqu'il doit avoir recours à l'aide
de dernier recours, ce sont des situations parfois tristes qui peuvent se
produire. Mais en même temps les intervenants des centres jeunesse ont cette possibilité et ont cette obligation
d'intervenir et de dresser un portrait de la situation familiale avant et afin de bien cibler les interventions qui
devront être posées dans le dossier. Et je comprends que l'exemple que
vous me citez en est un qui probablement a été mis ou porté à votre attention.
Pour ce qui
est des violences basées sur une conception de l'honneur, alors, vous, vous expliquez...
bon, cette situation-là pourrait être
à l'origine d'actes de violence verbale ou physique à l'égard de l'enfant.
Est-ce qu'il y a d'autres situations
particulières, est-ce qu'il y a d'autres cas auxquels vous pensez et que vous
souhaitez échanger, sur lesquels vous souhaitez partager avec nous?
Le Président (M. Hardy) :
Mme Elibyari.
Mme
Elibyari (Samaa) :
Permettez-moi de revenir sur la première question, parce que vous faites
allusion à des cas similaires même au
sein de la société québécoise. Effectivement, ça peut se produire pour une famille qui a
toujours vécu au Québec,
mais ce qui complique la situation, c'est que les familles, les nouveaux
arrivants, ils arrivent avec un certain
bagage, et, parmi les concepts, c'est que le père a une grande autorité sur la
famille, donc ça complique un peu la situation.
Il y a aussi que peut-être, dans une famille québécoise, la perte d'emploi
peut être temporaire, tandis qu'avec notre communauté ça devient comme
un problème chronique.
Maintenant,
pour les crimes d'honneur, ce qu'on aimerait, au sein du CCFM, c'est que ce
soit traité comme un crime, n'importe quel crime, qu'on ne dise pas que
c'est un crime d'honneur, parce que c'est une violence envers les femmes, c'est une violence familiale, il n'y a pas
de raison pour qu'on attache le mot «honneur». Et effectivement je crois que dans un cas qui a été très médiatisé, c'est le cas
de la famille Shafia, on penserait que, s'il n'y aurait pas eu ce relativisme, c'est-à-dire qu'on va laisser
faire, c'est dans leur culture, on ne veut pas s'en préoccuper, peut-être
on aurait pu éviter une stratégie. Ce qu'on aimerait, c'est qu'on traite
toutes les familles également, tout en ayant une certaine sensibilité à la culture, mais on ne veut pas
avoir d'exception. Et, encore une fois,
je crois que ça, ça a été répété, le
crime d'honneur n'a pas de place en islam. C'est une pratique culturelle
malheureuse, et on aimerait ne pas la perpétuer ici.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : En fait, les dispositions qui sont proposées pour
bonifier la Loi sur la protection de la jeunesse font référence à des violences basées sur une
conception de l'honneur. Alors, l'objectif derrière tout ça, justement, comme vous le mentionnez si bien, c'est de donner un
levier supplémentaire pour intervenir, puisqu'évidemment il n'y a aucune violence qui est acceptable. Et les intervenants
des centres jeunesse ont déjà la possibilité d'intervenir si l'enfant fait
l'objet de violence physique, de violence
sexuelle, si l'enfant fait l'objet de rejet affectif, bref, ces éléments-là
sont prévus, mais le Conseil du statut de la femme nous avait mentionné qu'il pouvait être... qu'il
serait important de nommer, c'est-à-dire de bien cerner
qu'il existe une forme de violence qui est encore plus insidieuse et qui
parfois est justifiée pas seulement par
une communauté, mais par des communautés, par des groupes
sur une conception de l'honneur, sur une conception culturelle. Et l'objectif est justement
de donner un levier d'intervention aux intervenants, puisqu'il n'y a pas de
violence d'acceptable, point, la violence n'est pas acceptable, et ces
éléments-là supplémentaires sont ajoutés au projet de loi parce qu'à force de nommer les concepts on
sensibilise des intervenants. Et, dans le cas auquel vous avez fait
référence, peut-être que, si on avait eu
cette sensibilité-là, on aurait pu intervenir avant les faits tragiques. Et on
souhaite que des situations comme ça ne se reproduisent jamais ici.
Alors,
l'objectif, c'était vraiment d'ajouter des moyens pour permettre des
interventions aux gens de la protection de la jeunesse. On ne parle pas de crime d'honneur, parce que «crime
d'honneur» fait référence à des actes violents, des actes physiques violents, mais la violence basée
sur l'honneur peut être une violence verbale aussi, peut être une
violence... peut être une privation de l'enfant, la violence prend diverses
facettes, prend différentes formes, et c'est ce que nous souhaitons pouvoir enrayer, la violence sous toutes
ses formes, et donc permettre à un intervenant de pouvoir se saisir d'un
dossier, de pouvoir avoir des échanges avec
les enfants, de pouvoir... on l'espère, pouvoir avoir des échanges avec
les parents pour que le comportement problématique cesse, parce qu'ultimement
c'est l'objectif, c'est que la violence cesse.
Et je pense que votre organisme aussi a cette préoccupation de travailler pour
mettre un frein à la violence sous toutes ses formes.
Le Président (M. Hardy) :
Mme Elibyari.
Mme Elibyari (Samaa) : Mme la
ministre, nous saluons le projet de loi, on comprend vos préoccupations.
Cependant, nous avons peur du mot «honneur» parce que ce qui arrive, c'est que
les médias vont toujours coller ça aux musulmans, alors que ça arrive dans plusieurs
communautés, mais on aura tendance à dire : Ah! ce sont les
musulmans qui ont ce genre de violence dans leurs familles. Ça, c'est une de
nos préoccupations.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
En fait, moi, je tiens à vous rassurer. Je comprends la préoccupation que vous
formulez, mais je tiens à vous
rassurer que l'objectif n'est pas de stigmatiser une communauté mais bien... Je
le mentionnais un petit peu plus tôt
ce matin, une famille catholique qui n'accepterait pas, par exemple,
l'homosexualité avouée de son enfant sous la base de l'honneur de la
famille serait tout aussi... dans une situation similaire, parce que l'honneur,
la conception de l'honneur se voit d'une façon culturelle et, suivant les
cultures, elle n'est pas... bon, elle va s'exprimer de façons différentes.
Mais ça ne
vise pas qu'une communauté, ça vise toute forme de violence qui pourrait être
présente sur cette foi-là. Et c'était
vraiment... on s'est inspirés... En fait, je dois vous dire que, lorsqu'en
2013 — parce
que je m'intéressais à ce moment-là à
la question — lorsqu'en
2013 j'ai lu l'avis du Conseil du statut de la femme, j'avais bien aimé... il y
a un passage, et là je ne l'ai pas devant
moi, mais il y a un passage où on disait qu'il était important de nommer les
choses pour permettre de mieux intervenir, pour permettre de
sensibiliser aussi, de sensibiliser les familles à ce qui est acceptable et
surtout à ce qui ne l'est pas. Alors, c'était l'objectif. Ce n'était pas... Et
loin de moi l'idée et la volonté de stigmatiser des communautés, ce n'est pas
du tout l'intention. Puis justement le projet de loi vise à éviter ce type de
stigmatisation, notamment par les dispositions visant à contrer le discours
haineux.
Le Président (M. Hardy) :
Mme Elibyari.
• (15 h 40) •
Mme Elibyari (Samaa) : Je comprends,
Mme la ministre, mais il y a le gouvernement, les lois et les médias. Pour changer des attitudes, pour changer des
valeurs, on ne peut pas aller seulement par la loi, ça prend toute une
éducation, ça prend... c'est un processus,
c'est un long processus. Donc, on ne peut pas forcer la main aux parents. Ce qu'on peut faire, comme vous le dites, c'est protéger les mineurs, protéger les
enfants, s'assurer qu'ils ne vont pas subir des conséquences néfastes.
Maintenant, vous pouvez bien faire une loi, mais
nous regardons aussi comment cette loi va être véhiculée, comment elle va être
interprétée, ce sera quoi, les réflexions et les conséquences de cette loi sur
notre communauté, et malheureusement c'est là où le bât blesse. C'est que nous ne souffrons pas vraiment
de crimes haineux, peut-être
pour un crime haineux, mais il y a une forme plus insidieuse de discrimination,
et ça se traduit sur le terrain par un déni d'emploi.
Et c'est ça concrètement que nous voulons, justement, éviter. Si un homme
ou une femme doivent changer de nom
pour se présenter, avoir la possibilité d'avoir leurs C.V. lus, c'est quand même
préoccupant. Et ça, c'est des cas qui ont été documentés, c'est des cas
qui ont été soumis à la Commission des droits de la personne.
Donc, on est arrivés au point où on ne voudrait
pas avoir une identité musulmane, qu'on soit pratiquant ou pas pratiquant. Simplement
pour avoir un nom qui semble musulman ou arabe, on va être éliminé du processus
de sélection pour un emploi. Et c'est ça,
c'est la dénigration tout le temps, c'est de la mauvaise représentation : Les
femmes musulmanes sont soumises, elles sont ceci, elles sont cela. C'est ça, vraiment,
nos premières préoccupations.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre, il reste 40 secondes.
Mme Vallée :
Simplement, je veux vous remercier d'avoir partagé avec nous vos préoccupations
sur le projet de loi. Je sais que
votre organisme est très actif, vous avez eu plusieurs publications à votre
actif également sur la situation que vivent
les femmes de votre communauté tout particulièrement, d'ailleurs j'en ai pris
connaissance. Alors, simplement vous remercier pour votre participation
à nos travaux.
Mme Elibyari (Samaa) : Merci,
madame.
Le Président (M. Hardy) : Merci.
Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition
officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de
15 minutes.
Mme
Maltais : Merci.
Merci beaucoup, madame, d'être là pour l'association des femmes musulmanes
canadiennes. Merci.
Très
intéressant, votre mémoire, votre réflexion. J'avoue que j'écoutais
attentivement l'échange avec la ministre concernant cette idée des crimes dits d'honneur. Moi, j'ai toujours dit
d'abord «crimes dits d'honneur», ce qui était... il y avait une nuance
là-dedans que ce sont des crimes d'abord, mais certains les disent... les font
au nom de l'honneur, d'où d'ailleurs dans la
loi il y a une façon de le dire qui est différente aussi. Ça, je retiens que
c'est intéressant. Ce n'est pas... on
ne dit pas «crime d'honneur», pour l'ordonnance de protection, on dit : «...peut
être obtenue, notamment dans un contexte
de violences, par exemple de violences basées sur une conception de l'honneur»,
donc une certaine conception de l'honneur, parce que l'honneur, c'est
quelque chose de noble, mais une conception de l'honneur qui est différente.
Donc, j'avoue
que, moi-même qui hésitais, je suis en train de me dire que peut-être qu'il
faut nommer les choses pour véritablement faire avancer la cause. Il y a
certaines causes... Comme la violence faite aux femmes, c'est de la violence, mais on a décidé un jour de parler de la
violence faite aux femmes parce que c'était un problème criant qui
méritait une attention particulière et des campagnes particulières, et tout ça.
Vous
ne pensez pas qu'il se pourrait qu'on soit dans la même chose, c'est-à-dire en
train de nommer un problème qui commence à
émerger et qui mérite une attention particulière? Vous pensez que ça pourrait
nuire? C'est ça que je veux essayer
de comprendre. Je décelais dans vos propos, alors que moi, je cheminais dans
une autre direction, que ça pourrait peut-être nuire même à l'objectif
qu'on veut atteindre.
Mme Elibyari
(Samaa) : Bien, Mme la députée, vous me posez une question difficile.
Alors,
pour les crimes d'honneur, pourquoi on dit «crime d'honneur» ou bien pourquoi
ils sont nommés comme tels? C'est sûr
que ce sont des crimes mais avec la différence que la famille peut ou
participer ou bien être un peu d'accord. C'est-à-dire, dans le cas d'Aqsa Parvez, en Ontario, c'est le père qui a
décidé qu'il allait tuer sa fille, mais c'est encore son frère qui a participé au crime; la même chose pour
la famille Shafia. Donc, quand on
parle de crime d'honneur, c'est un peu la perception dans toute la
famille que, oui, c'est ça qu'on doit faire, alors que, dans un crime... un
crime tout court, c'est une personne qui agit.
La deuxième
différence, c'est que, dans un crime d'honneur, les personnes qui sont
impliquées n'ont pas de remords parce qu'ils pensent qu'ils ont fait ça pour le
bienfait de la famille. Par contre, les agresseurs, dans d'autres
crimes, ils peuvent avoir parfois du remords. Donc, il y a certainement une
différence.
Maintenant,
ce que j'essaie de dire, pourquoi on veut toujours éviter le mot «crime
d'honneur», c'est qu'on ne veut pas
être soumis à une catégorie, c'est-à-dire : C'est ça, ce qui arrive dans
la communauté musulmane, bon, c'est usuel, c'est culturel, on va les
excuser. C'est ce que nous voulons éviter.
Donc,
où on s'en va? Est-ce qu'on dit : C'est un crime d'honneur, c'est un...
Ça, évidemment, j'ai bien apprécié la
différence, c'est une conception d'honneur, c'est très juste, parce que c'est
culturel, on a l'idée qu'on fait ça pour sauver l'honneur de la famille, donc ça excuse un peu, dans un sens, le crime,
alors que nous, dans la communauté musulmane, on voudrait que ce soit vraiment considéré comme un crime et qu'il n'y ait
pas d'excuse, que ce ne soit pas relatif, c'est-à-dire, parce que chez les
musulmans on doit l'excuser, on doit l'accepter, parce que nous, on ne
l'accepte pas. Maintenant, est-ce que c'est un crime d'honneur? Oui, c'est basé
sur une certaine conception.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Je vais continuer parce que c'est important, cette
réflexion-là. C'est rare qu'on ait la chance de discuter avec une association comme la vôtre, que je trouve extrêmement
progressiste, ceci dit, qui cherche vraiment aussi un maximum
d'intégration et de socialisation.
Donc,
ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que, quand on catégorise et qu'on
dit : Ça, c'est non pas un crime...
Comme quand on dit : L'alcool au volant, c'est criminel, c'est pour tagger
le mot «criminel» sur les alcooliques au volant, puis ça, c'est gênant, être un criminel. Mais vous dites :
Pour une certaine partie de la communauté musulmane qui croit que
l'honneur est si important qu'il mérite un crime, se faire dire d'être criminel
serait plus dommageable que criminel d'honneur, parce que «d'honneur», ça
excuse le crime. C'est comme si on arrivait avec l'excuse du crime en même
temps que le mot «crime».
Le Président (M.
Hardy) : Mme Elibyari.
Mme
Elibyari (Samaa) : Certainement, Mme la députée, vous avez vu juste.
On ne voudrait pas qu'il y ait dans l'esprit de qui que ce soit, dans
notre communauté, que ce soit quelque chose qu'on puisse excuser.
Mme
Maltais :
Donc, gardons le mot «crime». C'est ce que vous nous suggérez?
Mme Elibyari (Samaa) : Alors, on va garder le mot «crime», et surtout la
façon dont ça va être traité juridiquement.
Mme
Maltais : D'accord, je vous remercie. Comme je vous dis, je
m'en allais dans une direction, puis là vous me faites : Attention!
Il y a des impacts différents de ce qu'on pensait.
Vous
avez dit quelque chose tout à l'heure, que par rapport aux tribunaux vous étiez
inquiète de la formation, des critères
des gens qui pourraient juger des mariages, entre autres concernant les
mariages avec des mineurs. Est-ce que c'est parce que vous craignez
qu'il y ait trop d'approbations de mariage avec les mineurs ou qu'il n'y en ait
pas assez? Je veux comprendre le sens de votre intervention.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Elibyari.
Mme
Elibyari (Samaa) : Ça peut aller dans un sens comme dans l'autre.
Encore une fois, ça peut être... on peut accepter un mariage de mineurs en disant : Bon, dans leur culture
ça arrive, alors qu'on ne veut pas avoir d'exception. Dans un autre cas,
on peut dire : Non, ils ne peuvent pas vraiment se marier, alors qu'il y a
des... disons que ça peut sauver la situation.
Il
y a aussi les délais. Quand on va à travers un tribunal, ça peut être des
délais de quelques mois, sinon des années, et, dans un cas peut-être de
mariage avec un mineur, ça peut être un cas où le temps serait critique, je ne
veux pas attendre neuf mois que la jeune fille
soit vraiment... va accoucher puis qu'on se dise : Ah! bon, bien elle
aurait dû être mariée avant, etc. Donc, il y a certaines conditions qui
nous préoccupent quant aux délais de réponse.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Dans ce cas-là, est-ce que le concept de laïcité, ce qui est inscrit
comme : L'État est laïque, la neutralité
religieuse prime, est-ce que ça ne pourrait pas nous aider à donner un sens,
donner un... à ce qui se passe dans nos tribunaux? Parce qu'un État laïque ne juge pas en conformité avec une
religion ou n'excuse pas un geste à cause d'une religion, un État laïque
juge d'après les faits.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Elibyari.
• (15 h 50) •
Mme Elibyari
(Samaa) : Je ne vois pas... Vous faites référence...
Mme
Maltais :
...laïcité? J'ai cru comprendre...
Mme Elibyari
(Samaa) : Ah oui! C'était dans le texte de Mme Denise Helly.
Une voix :
...
Mme Elibyari
(Samaa) : Non, c'était...
Mme
Maltais :
...ce bout-là.
Mme
Elibyari (Samaa) : Bon, ce
qu'elle dit simplement, c'est qu'on ne peut pas se baser sur un concept de
laïcité pour contrer la radicalisation de ces jeunes, et je pense comme elle,
si vous me permettez, qu'on ne peut pas occulter certains facteurs, qu'on ne
peut pas contrôler comme ce qui se passe sur le terrain au point de vue international,
la politique canadienne dans les pays musulmans. Tout ça peut avoir des
répercussions, effectivement ça a des répercussions, mais qu'on arrive
difficilement à contrôler.
Il y a
aussi le rôle des médias. C'était dans La Gazette il y a
deux semaines, on avait publié un article d'une jeune femme qui venait
de la Colombie-Britannique, qui s'est jointe à certaines troupes pour combattre
DAESH, et puis on louait beaucoup cette initiative. Donc, si quelqu'un va pour
appuyer le camp que nous appuyons, ça va bien; si c'est dans l'autre camp, ça
va mal. Donc, il y a comme un... on ne sait pas ce qui se passe sur le terrain,
on a seulement connaissance d'une certaine partie biaisée de l'information, et
ce n'est pas en allant sur cette piste qu'on pourra contrer la radicalisation.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci.
Vous nous avez parlé du mariage, des différences culturelles, de l'importance de bien faire comprendre aux communautés musulmanes qu'il y a un
vivre-ensemble, qu'il y a des lois ici qui empêchent, par exemple,
les crimes dits d'honneur — je
ne sais plus comment les appeler. Vous n'avez pas parlé de la partie de la
loi qui concerne le contrôle excessif, le contrôle excessif des enfants, ce qui
touche particulièrement des jeunes filles. Quand on parle de ça, on pense toujours,
évidemment, à l'affaire Shafia, ces jeunes femmes qui ont été tuées par... malheureusement — c'est incroyable! — par leur père. Est-ce que vous avez quelque
chose à dire sur cette partie de la loi, le contrôle excessif? Est-ce
que vous êtes d'accord avec le fait qu'on introduise cette idée qu'on devrait
intervenir au Tribunal de la jeunesse quand il y a un contrôle excessif des
parents?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Elibyari.
Mme
Elibyari (Samaa) : Un
contrôle excessif, on peut introduire à la loi... Maintenant,
ici, le facteur, c'est : Comment va-t-on appliquer cette loi? Parce
que parfois, en pensant agir pour le bien-être de la jeune fille, qui soit jeune, etc., on va la placer dans un autre milieu,
elle ne va pas se trouver mieux, et on a vu des cas où... des jeunes qui
ont été justement soustraits de leurs
familles, placés dans un centre d'accueil ou avec d'autres familles et qui finalement se sont trouvés dans une autre culture, n'ont pas pu s'adapter et ont voulu
se suicider, c'est un cas particulier qui a été porté à mon attention.
Donc, il ne faut pas... C'est difficile, c'est difficile.
Il
faut aussi savoir c'est combien de cas. On connaît les cas extrêmes, la famille
Shafia et la famille Parvez en Ontario. Combien y en a-t-il, de ces cas?
Un cas est un cas de trop, effectivement, mais il faut aussi voir les choses
dans leur contexte et ne pas dramatiser à l'extrême.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Un des
questionnements que j'ai concernant cette loi, c'est, d'un côté, cette envie
d'agir quant à des phénomènes de contrôle excessif, et en même temps,
bien, ce qu'on... tout le monde veut ça, je pense que tout le monde
veut empêcher, là, qu'un contrôle devienne tellement excessif qu'il y ait
un conflit qui aille jusqu'à crime, mais il y a aussi qu'il existe déjà
la possibilité d'intervenir à la direction de la protection de la jeunesse,
c'est simplement qu'ils se sentaient freinés
parfois en disant : On ne veut
pas briser les cultures ou briser... ou on tient compte de la culture,
alors que peut-être que l'hésitation,
c'est : Est-ce qu'on inscrit ça dans une loi, est-ce qu'on l'ajoute dans
la loi ou si simplement il ne suffirait
pas d'une bonne note et une bonne formation des intervenants en protection de
la jeunesse pour qu'ils interviennent plus rapidement quand il y a un
contrôle excessif? Je vous dirais que c'est un peu le niveau de débat où on en
est rendus, à mon sens.
Le
Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.
Mme
Elibyari (Samaa) : C'est toujours
difficile de trancher, qu'est-ce
qu'on fait, mais je dirais que
j'irais plus dans le sens de former
plus les intervenants, c'est-à-dire de leur donner plus de possibilités, plus de moyens pour agir, pour
intervenir dans les familles avant d'arriver à la loi, qui peut être
une solution coûteuse. Et on n'arrive à la loi que dans des cas extrêmes, alors que, si on a des
intervenants qui réalisent qu'il y a des problèmes qui commencent à surgir, ils peuvent les
suivre de près et à une étape moins avancée.
Mme
Maltais :
Merci beaucoup pour cette intervention éclairée.
Le
Président (M. Hardy) :
Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Mme la
députée de Montarville, à vous la parole pour une période de 10 minutes.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Merci, madame. J'ai pris des notes pendant que
vous parliez, alors je vais lire mes notes.
Et j'ai remarqué que vous faisiez une différence avec mariage forcé, mariage
arrangé. Pouvez-vous expliquer un petit peu davantage les différences
pour nous faire comprendre?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Elibyari.
Mme
Elibyari (Samaa) : Le
mariage arrangé, c'est quand les deux... la famille va proposer un époux ou
une épouse, donc, et puis les époux, les futurs époux peuvent se rencontrer et,
finalement, accepter ou rejeter.
Dans
les mariages forcés, les futurs époux n'ont pas la possibilité de rejeter l'autorité des parents, c'est-à-dire que c'est les parents qui vont choisir le partenaire,
le ou la partenaire, et puis ça doit se passer comme ça, ils n'ont pas la
possibilité de le rejeter. Dans la plupart des cas, c'est des jeunes filles qui
doivent accepter un mari, donc... Et ces mariages-là
peuvent se passer ici, au Canada, ou bien durant un voyage, par exemple on
amène la jeune fille, elle peut avoir
16 ans, elle peut avoir 18 ans, et par toutes sortes de pressions la
convaincre ou bien forcer... tordre sa main pour qu'elle signe et
qu'elle se marie. Donc, ça, c'est un mariage forcé.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Alors, revenons au mariage forcé. C'est intéressant, ce que vous venez de nous dire.
Dans votre mémoire... Vous nous avez dit, lorsque
vous parliez, que vous étiez plutôt favorable aux mesures qui avaient été mises en place
pour contrer les mariages forcés entre les époux mineurs. Là, vous nous
dites : Une jeune fille de 16 ans
ou de 18 ans qu'on amène à l'étranger... Au Canada, 18 ans, on est
majeur. Alors, des mariages forcés qui seraient
pratiqués ici ou ailleurs, où qu'on irait et on reviendrait, si la personne est
majeure, pensez-vous que ce projet de loi là s'y attaque aussi ou
devrait s'y attaquer?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Elibyari.
Mme
Elibyari (Samaa) : Devrait
s'y attaquer. Et c'est pour ça que j'ai utilisé les mots «élargir la
réflexion», parce que c'est très
bien de protéger des mineurs, mais il y a
des jeunes femmes qui ne sont pas mineures et qui sont soumises à ces
pressions-là. Et justement l'étude montre que le groupe de 15 à 24 ans,
c'est le plus grand groupe qui est exposé au mariage forcé.
Mme
Roy
(Montarville) : Et j'avais bien pris en note les 15 à 24 ans quand vous l'avez
dit. Donc, l'idée que ces mariages forcés peuvent être également avec
des femmes majeures, au Canada, pour nous, c'est quelque chose dont il faudrait
prendre en considération si on leur a forcé la main.
Cela
dit, vous êtes spécialistes de la question, le Conseil canadien des femmes
musulmanes. On parle de choses qui,
pour nous, sont... qui sont étrangères à notre culture — je
vais parler pour moi, là, née au Québec — mais vous, vous étudiez, vous vous êtes penchées sur la question,
vous existez depuis longtemps. Est-ce que, des mariages forcés, il y en
a actuellement au Canada, au Québec,
avez-vous une idée de grandeur... ou est-ce qu'on s'en va surtout les faire à
l'extérieur pour pouvoir faire ce qui est interdit ici, le faire là-bas?
Expliquez-moi, là. Dans quelle mesure c'est un phénomène qui existe? Et de
quelle ampleur est-il?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Elibyari.
• (16 heures) •
Mme Elibyari
(Samaa) : On n'a pas de statistiques pour le Québec. Par contre, il y
a des études qui ont été faites en Ontario
et où le problème semble être plus important, étant donné que la communauté
sud-asiatique, où la plupart de ces
mariages ont lieu, est plus importante que celle du Québec. Cela ne veut pas
dire que ça n'arrive pas dans d'autres communautés, comme la communauté
sikhe, la communauté musulmane. Ça peut aussi arriver à différents degrés, c'est-à-dire si c'est un mariage forcé puis ça va
bien, c'est un mariage heureux, il n'y a pas d'intervention. Mais ce
qu'on voit, c'est que, quand c'est un
mariage forcé et que ce n'est pas vraiment ce que la jeune fille a voulu... Et
c'est là où la personne n'a pas libre choix, où on aimerait qu'il y ait
une protection pour elle. Donc, puisqu'on parle de protection de la personne, si cette loi aussi inclut qu'un
mariage forcé soit, je ne sais pas... que la jeune femme puisse avoir
recours, un recours juridique, ou puisse être aidée, ce serait aussi apprécié.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Je vous remercie beaucoup pour ces
précisions, vous nous avez éclairés, ne serait-ce que le fait de ne pas
oublier les femmes majeures qui pourraient, malgré elles, être contraintes de
se marier. Merci infiniment pour les précisions.
Le Président (M. Hardy) : Merci,
madame, de votre contribution.
Nous allons
suspendre nos travaux quelques instants, et j'inviterais le Conseil musulman de
Montréal à prendre place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à 16 h 1)
(Reprise à 16 h 4)
Le Président (M. Hardy) : Nous
reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue au Conseil musulman de Montréal.
Je vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé.
Conseil musulman de
Montréal (CMM)
M. Elmenyawi (Salam) : Mr. Chairman, Members of the
Commission and Madam Minister, I would like to thank you all first on behalf of myself and the Muslim
Council of Montréal for giving us the chance to talk with you and to
reflect on this new proposed law. It is
really very important, and we do respect very much this opportunity to be able
to exchange some of our ideas. I
thank you and I pass the floor to my colleague, Bouazza Mache, who will be
reading a very short brief in French. My name is
Salam Elmenyawi, and I am the president of the Muslim Council of Montréal.
M. Mache
(Bouazza) : Tout d'abord, le Conseil musulman de Montréal tient à
remercier les membres de la commission pour l'invitation à s'exprimer sur ce projet
de loi.
M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, le Conseil musulman de Montréal est un organisme dont la mission
principale est de coordonner, d'intégrer et de défendre les droits de l'homme
et des libertés civiles. Il oeuvre dans
l'organisation et le renforcement de la communauté musulmane au Québec afin
qu'elle puisse contribuer positivement à bâtir une société saine et
forte. Le Conseil musulman de Montréal encadre des dizaines de mosquées et d'organisations
musulmanes, principalement à Montréal.
Face à
l'importance du sujet ou des sujets dont il question dans ce projet de loi, et
vu les délais accordés, nous ne serons pas en mesure d'analyser en
profondeur et de faire une lecture détaillée des différentes parties du projet.
Nous tenterons au maximum de toucher les éléments les plus importants et de
vous faire part de nos préoccupations et de nos commentaires.
La loi sur le
discours haineux existe déjà au niveau du Code criminel canadien. Ce qui fait
défaut, c'est la rigueur de son
interprétation et son application au Québec. Les récentes agressions contre des
membres de la communauté musulmane, en
particulier les femmes, ont montré un manque flagrant au niveau de la
compréhension et de l'application des textes de loi existants. Aussi,
noyer un tel projet dans un plan global de la lutte contre la radicalisation,
tel que l'a précisé Mme la ministre à plusieurs occasions, ne fait qu'augmenter
nos inquiétudes.
Un certain nombre d'intervenants ont exprimé
leurs craintes pour la liberté d'expression et les autres libertés fondamentales à la suite de l'adoption éventuelle
du projet de loi n° 59. Ce que le Conseil musulman de Montréal
peut ajouter est la position d'une minorité musulmane qui a été sous les
projecteurs au cours des dernières années, pour le meilleur ou pour le pire. Cela ne relève pas d'une situation unique ou
exclusive. Durant la période 1900 à 1960, la minorité juive était dans la même position, au moins dans
l'Ouest du Canada. Les minorités orientales n'ont pas échappé non plus à
cette discrimination. Cette minorité se
trouve entre deux enjeux, en apparence contradictoires. D'une part, elle
aimerait protéger les droits et libertés, en
particulier la liberté d'expression, qui constitue un principe majeur pour la
sauvegarde de la démocratie. D'autre part, elle veut être protégée contre les
discours haineux, l'alarmisme injustifié et l'islamophobie.
Des outils
existent déjà dans le code pénal pour lutter contre les discours haineux.
Néanmoins, ces outils nécessitent d'être appliqués rigoureusement,
affinés suite à l'évolution de l'environnement pour répondre aux nouveaux défis
et appliqués avec vigilance. En attendant
que de tels changements soient opérés au niveau du Code criminel, l'équilibre
serait d'accepter la loi n° 59 en
y apportant des changements pour garantir la justice, prévenir l'application
arbitraire de la loi et inclure des contrepoids afin d'en limiter les aspects
négatifs sans nuire à la liberté d'expression
Par rapport à nos recommandations et
propositions, la haine, telle que définie dans la législation existante, c'est-à-dire le Code criminel et la jurisprudence,
se réfère uniquement aux points de vue les plus extrêmes et les plus hostiles.
Il est l'essence du Code criminel que seules les positions les plus effrontées
et haineuses peuvent être potentiellement passibles.
Un accusé, en vertu de cette loi, a droit à la présomption d'innocence et à
tous les droits procéduraux garantis aux
accusés en droit pénal. Nous souhaitons porter à votre attention plusieurs
suggestions de certaines personnes qui nous ont précédés afin que notre contribution puisse permettre d'atteindre
l'équilibre recherché par toutes les parties prenantes.
• (16 h 10) •
Premièrement, le mot «haine» doit être bien
défini tout en respectant les groupes minoritaires protégés en vertu de la charte. Nous devrions également
inclure la prévention de la dérision et le dénigrement de toute religion et
de toutes ses
personnalités afin d'assurer l'harmonie et le respect mutuel. La violence
associée aux discours haineux doit être clairement définie aussi.
La deuxième phrase dans l'article 2 est
illimitée dans son champ d'application.
Le danger «moral» pour les enfants est un autre
exemple de l'imprécision de certains éléments de la loi.
L'encouragement
de la dénonciation, la création de dossiers publics sur Internet, les sanctions
draconiennes, la disqualification ou
la suspension de l'enseignement, le tout sur la base des auditions
administratives et sans une définition de
«préjudice physique ou moral», signifie que les musulmans du Québec ou au moins
une bonne partie parmi eux ne peuvent pas être à l'aise avec une telle
loi sans changement majeur pour garantir un processus juste. Une minorité
éventuellement stigmatisée et dénigrée peut facilement faire face à un déluge
de dénonciations privées de ceux qui ne
l'aiment pas ou qui la détestent. Un
autre point que vous n'avez pas dans le brief, que nous avons ajouté dans la
version originale : Il n'y a aucune mesure de prévue pour sanctionner les
dénonciations mensongères ou de vengeance.
L'inclusion de
toutes les personnes sur la liste de la commission et le potentiel pour
enlever un permis d'enseignement sont
particulièrement troublants. Au total, les dispositions en lien avec
l'éducation, dans ce projet de
loi, sont extrêmement dangereuses. Par exemple, la notion de contrôle excessif comme
de mauvais traitement psychologique est très troublante et pourrait
affecter tout type d'école avec un système d'éducation qui pourrait être strict
ou rigoureux.
Nous devons
considérer fortement la manière de travailler de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse
quant à ses responsabilités dans l'application de ce projet de loi proposé. À
titre d'exemple, alors que la loi prévoit
que les dossiers liés à la discrimination doivent être achevés dans les
18 mois, nous avons constaté des retards allant de trois à quatre ans dans certains cas. Le budget et les
ressources doivent être fournis à la commission pour qu'elle soit en mesure de remplir toutes ses obligations.
En outre, la commission et ses structures doivent refléter la diversité
du Québec en termes de représentativité des groupes minoritaires.
Malheureusement, ce n'est pas le cas actuellement.
Aussi, les
premiers intervenants au sein de nos forces de police doivent être... ou bien
les premiers répondants au sein de
nos forces de police doivent être formés à la reconnaissance des crimes haineux
en vertu du code pénal afin de mieux appliquer la loi rapidement, d'une
manière juste.
Nous appelons également la ministre de la
Justice à demander au gouvernement fédéral d'effectuer des changements au
niveau du code pénal en lien avec les crimes haineux pour être en phase avec
les défis modernes.
Les victimes
des discours et des crimes haineux constituent l'élément oublié dans tout cet
arsenal juridique. Dans cette lutte contre la haine, le gouvernement
devrait établir des programmes visant à offrir un soutien financier et
juridique aux victimes, dont les conséquences affecteraient aussi les
communautés protégées par la charte.
Et finalement
les statistiques sur les crimes motivés par la haine, les discours haineux et
les incidents motivés par la haine doivent être documentées et publiées
de temps à autre pour sensibiliser le public par rapport à ce problème.
Je vous remercie pour votre attention, sachant
que nous sommes ouverts aux débats et aux échanges.
Le Président (M. Hardy) : Merci.
Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, à vous la
parole pour une période de 25 minutes.
Mme Vallée :
Merci. Alors, messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je sais que vous
aviez formulé une demande, vous aviez
sollicité la Commission des institutions afin d'être entendus, alors
évidemment, comme bien des groupes
qui ont sollicité, nous avons tenté de pouvoir accommoder chacune de ces
demandes-là et permettre à l'ensemble des
citoyens qui ont des commentaires à formuler de pouvoir être entendus parce que
c'est ça, la démocratie. Même si parfois on ne partage toujours les
mêmes points de vue, c'est quand même important de pouvoir échanger.
Et puis c'est
un petit peu ça aussi, puis je pense que ça met bien la table pour la question
du discours haineux, parce que le discours haineux — puis
c'est important qu'on puisse échanger — le discours haineux, ce n'est
pas nécessairement le discours qui ridiculise, ridiculiser, bon, ce n'est pas
agréable, ce n'est pas... mais c'est le discours qui amène un tiers à vivre une haine profonde à l'égard de la personne
ou du groupe qui est visé par le discours. Alors, c'est une définition... La définition, en fait, de
«propos haineux» a été définie au fil des années par les enseignements
de la Cour suprême. On a beaucoup fait état,
depuis le début de la semaine, de l'affaire Whatcott parce que, dans
l'affaire Whatcott, une affaire de 2013, on
a vraiment fait la part des choses entre le propos blessant, c'est-à-dire que
le propos qui va exprimer une
dissidence, qui va exprimer une idée peut-être... ou même qui va peut-être être
une satire, pas toujours agréable,
mais qui est nécessaire dans une société libre et démocratique, et le discours
haineux qui, là, tombe dans une autre
catégorie et n'est plus acceptable aux yeux de la Cour suprême, dans une
société libre et démocratique, parce qu'il incite à la haine de l'autre.
Et le choix
que nous avons fait, c'est de laisser cette appréciation-là, dans un premier
temps, à la commission des droits de
la personne et de la jeunesse, qui est un organisme indépendant et qui est un
organisme capable de faire la part des
choses entre la liberté, la place de la liberté d'expression dans la sphère
publique et la protection de gens et capable aussi de déterminer là où on arrive à cette scissure, là où on arrive à
cette étape où le discours est haineux. Et donc c'est pour ça qu'on a
choisi de remettre ça entre les mains de la commission, qui est un petit peu le
chien de garde des droits et libertés au Québec.
Vous avez
mentionné qu'il pouvait être... que le projet de loi manquait peut-être de
mordant quant à la sanction des dénonciateurs qui auraient amené à la
commission un dossier non fondé. En effet, il n'y a pas de sanction. Il n'y a pas de sanction pourquoi? Parce qu'un dossier qui
est non fondé sera simplement rejeté par la commission, et ne sera pas porté devant le tribunal, et ne portera pas à
conséquence. Alors, il n'y a pas lieu de sanctionner celui ou celle qui
amène un dossier à la commission, ça fait
partie de la possibilité, pour les citoyens, de soumettre à l'appréciation de
la commission, mais la commission
aura cette objectivité-là de déterminer : On n'est pas devant un cas où il
s'agit d'un discours haineux, et donc je rejette la plainte. Donc, celui ou
celle qui formule une plainte non fondée, bien, tout simplement n'aura
pas... En fait, je me reprends. La plainte,
celui envers qui la plainte a été logée, bien, n'aura pas à vivre les
conséquences, puisque la plainte a
été rejetée. Alors, c'est pour ça que la Commission des droits a un pouvoir
d'enquête, pour être capable de faire
la part des choses. Et, dans les cas où il y aurait apparence de discours
haineux, bien, à ce moment-là, le tribunal sera saisi et le tribunal
aura la possibilité d'entendre les parties.
Donc, je
comprends que vous contestez un petit peu, dans votre mémoire, la façon de
travailler de la commission des
droits de la personne et de la jeunesse. On a entendu ici des gens, d'autres
intervenants qui ont contesté des... Et c'est drôle parce qu'on a les
deux parties, les deux côtés de la médaille. Alors, on a des gens ayant des
opinions bien, bien, bien différentes, des
gens qui ont des opinions bien différentes qui ont aussi exprimé certaines
réserves, je comprends, mais il y a...
la Commission des droits de la personne, je pense, a cette expertise acquise au
fil des 40 dernières années et est une institution québécoise qui a fait
ses preuves.
Est-ce qu'on est toujours d'accord? Peut-être,
je vous dirai... Bien, on ne peut pas toujours être d'accord. La commission a
ce difficile mandat de déterminer si les droits, ou non, ont été brimés.
L'autre élément : Oui, effectivement, le
projet de loi a été déposé dans un vaste plan d'action. Je lisais vos recommandations et je n'ai pas pu faire autrement
que de sourire en me disant : Bien, les recommandations ressemblent
aussi à une forme de plan d'action, parce que vous apportez différentes
recommandations, certaines qui relèvent du législatif,
certaines qui relèvent de la formation, de l'éducation. Et donc, bien, vous
voyez, c'est un petit peu ça. C'est que, pour nous, face à un enjeu, face à un défi que la société québécoise
rencontre, bien il y avait différentes mesures à prendre, non seulement
des mesures législatives, mais aussi des mesures d'éducation, des mesures de
sensibilisation, et c'est pour ça qu'on a
choisi de le mettre dans un grand plan d'action. Et ce projet de loi là est un
des éléments du plan d'action, donc...
Mais je voulais juste... J'ai souri parce que j'écoutais vos recommandations
puis je me suis dit : Bien, ça aussi, d'une certaine façon, ça
pourrait être considéré comme un plan d'action, si on devait le mettre en
application.
J'aimerais
vous entendre un petit peu plus sur la question... Vous avez, à la page 4
de votre mémoire, mentionné que «les musulmans du Québec [...] ne
peuvent pas être à l'aise avec une telle loi sans changements majeurs pour
garantir un processus juste», et vous faites référence notamment aux mesures
qui relèvent de la Loi sur l'instruction publique, vous faites référence aux
termes «préjudice physique ou moral». On a eu des membres de la communauté musulmane qui n'ont pas soulevé cette préoccupation-là, qui ont soulevé d'autres enjeux mais pas celui-là, et donc
qui n'étaient pas en désaccord avec les principes, alors je voudrais vous
entendre davantage sur ce qui vous préoccupe dans les dispositions en question.
• (16 h 20) •
Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi.
M. Elmenyawi (Salam) : Yes. Thank you, Madam Minister. I would like, first, to quickly
just comment. And I thank you for accepting for us to be here and to talk. And
again, yes, we disagree on some issues, but the idea of disagreement is the nature
of human being, it doesn't matter what; even in the same family. I think more
we talk together, we will find that we agree a lot on many issues and we have
lots of common ground than what we really think, and it is... To bring a
broader consensus on the table is always the good way.
The
objective of this bill is the best interest of Québec society, it's to make
sure that we live here with a peaceful coexistence, and
respect one another, and make sure to advance this harmony. And I think this is
the reason why we're here. Because, when we see that part of the issues that we
are trying to address, radicalization and other issues, without getting down to the grassroots level and make sure that
they will not feel insignificant, to be able to be productive, to be
able to share in society, to be able to contribute... Not the fact that, when
we look around us in the streets of Montréal or Québec, we'll find that the
most educated taxi drivers in the world are in Montréal, driving in Montréal, people with PhDs, people with doctorates
and people who... bachelors. And those resources... I respect every taxi driver, absolutely, this is a good job, and
it is something that we all encourage. But, when we have such resources,
and not being able to use it because of
discrimination, because of lack of understanding from another, lack of getting
close to neighbors... And then, when we say
that you must respect your neighbor, you must do unto others what you'd like them to do unto you, but then come up and
mocking the religion of your neighbor, and make cartoons, and make all kinds of things and exhibits, that this
is part of freedom of expression, I think those are red lines, that they
are a no-go. And this is why we talk about
this mutual aspect, this kind of ways that we have to exchange with one
another.
I
want to say, the idea of whistleblowers, we, at the Muslim community, have
suffered from people reporting on each other. A wife
that doesn't want the husband... a neighbor that doesn't like his neighbor
would call in, after September 11th,
and reporting him as terrorist or as extremist. And then they get investigated,
their lives turned upside down. And
then, at the end, they let go and they realize something wrong has happened.
This kind of issues... And you've just
mentioned that we don't need consequences to the reporter, even if it was a
false report. That, I think, is not proper. I think there should be consequences for false report, for frivolous
claims. There should be some kind of consequences just to try to keep that balance, that nobody would
abuse the justice system for their own interests, because the onus is on
the accused person to hire a lawyer, and to
spend money, and to stop all this action. And probably he's going to get
searched, and he's going to get some issues
seized, and his life will be devastated. I think we should not take this
lightly, because this can happen before a decision would take place. So,
simply dismissed is not really what we say.
Yes,
it is our views that the Muslim community would probably suffer quite a bit for
this bill, even though I thought there is lots of very good things, as we mentioned
earlier. We would rather err on the side of freedom of expression than erring on the side of curbing everybody out and
then finding out that democracy has been defeated by not being able to
talk. It is important for people to express themselves, and be criticized, and
to know how they think.
Some innuendo was made
about the Muslim Council of Montréal, about myself, two days ago, that we agreed for Salman Rushdie to be killed and that we do all kinds of
negative things. I want to say, this is an utter... false, and we have never made such a claim. And we know that
unfortunately islamophobia is an industry, industry that has
shareholders, that has financiers, people
who finance it, that has a clientele, that has users, and one of the biggest
shareholders was the one that made
such a statement. And
it is very serious for us when we see that those ideas are not challenged. I appreciated that there was given
a permission to come and speak in the Parliament so that we know how they think and what they do. And the reason for this
is it's a fight, it's a war against Muslim leaders, to try to marginalize them,
to try to isolate them, to try to disenfranchise the community, and I
think we have to be quite serious about this.
What is mentioned in page 4, it
is, I think... We don't go bullying in the Muslim community, but I think we have experience. I've been in
Québec for over 44 years, I've been working hard in the Muslim community,
and we can measure the pulse beat of
our community. I think the community, if they know and explain the law and the
consequences of all the written information... I don't think they would
agree if it goes with this form. I expect that there will be changes, but due
process is very important and being in such a judgement is very important,
having a list on the Internet is very serious. This is...
Le
Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi, il faudrait donner la chance
à Mme la ministre de vous poser quelques questions. Mme la ministre.
Mme
Vallée : En fait, je veux que vous compreniez que... Dans un
premier temps, vous dites... vous revenez avec la question des coûts monétaires qu'une personne pourrait avoir à
débourser suite à une plainte logée à la commission des droits de la personne et de la jeunesse, mais, si
la... Comprenez bien le processus. C'est que, si la plainte formulée à
la commission des droits de la personne et
de la jeunesse ou le dossier soumis à la commission des droits de la
personne et de la jeunesse ne constitue pas
à sa face même et sur la foi de la jurisprudence un discours haineux, bien elle
ne sera tout simplement pas retenue,
et donc la personne qui a prononcé le discours ou qui a formulé la remarque
n'aura pas à engager des frais pour
se défendre, puisque la plainte ne sera tout simplement pas retenue, comme
actuellement c'est le cas. Si une plainte
n'est pas retenue par la commission des droits de la personne et de la
jeunesse, elle n'est pas soumise au tribunal pour adjudication, et donc
les contrevenants ou ceux et celles contre qui la plainte a été formulée n'ont
pas à engager des frais.
L'autre
truc que je tiens à préciser : Ce projet de loi là vise justement à
s'attaquer aux propos haineux envers des groupes, pas seulement envers une communauté, pas seulement envers une
religion mais aussi envers des groupes, donc, que ce soient des groupes ou des communautés religieuses, que ce soit en
raison de l'appartenance à une communauté ethnique, que ce soit en raison de l'appartenance à la communauté LGBT,
que ce soit en raison du sexe, c'est-à-dire des propos haineux envers
les femmes ne sont pas plus acceptables qu'un propos haineux envers une religion.
Donc, ce projet de loi là vise à protéger
les citoyens et les citoyennes du Québec envers des propos qui dépassent la
ligne tracée par la Cour suprême,
notamment dans l'affaire Whatcott, lorsque la Cour suprême nous enseigne que,
dans une société, le droit à la
dissidence, le droit d'opinion, le droit à la satire... le droit existe, mais
que nous devons protéger... En fait, la cour mentionne dans un
résumé : «L'objectif de la limite — à savoir s'attaquer aux
causes de la discrimination pour en atténuer
les effets préjudiciables et les coûts sociaux — est urgent et réel. Les propos haineux
constituent une façon de tenter de
marginaliser des personnes en raison de leur appartenance à un groupe.» Je
pense qu'on se rejoint un peu dans ce qu'on dit. Vous, vous vous associez vraiment à une cause. Par contre, cette
explication de la Cour suprême se rattache, comme je vous le mentionnais, aux femmes, aux homosexuels,
aux trans, aux... bref, à tous ceux et celles qui sont visés par les
motifs de discrimination énumérés à
l'article 10. Donc, c'est l'objectif notamment des dispositions sur le
discours haineux, c'est de
dire : Ce type de propos là, au Québec, des propos qui transgressent les
limites établies par la Cour suprême ne sont pas acceptables, et nous allons poser des gestes afin que ces propos-là
ne se retrouvent pas dans la sphère publique au Québec. C'est
l'objectif.
Maintenant, pour ce
qui est de la liste, je vous dirais — puis je pense qu'on a aussi
un travail à faire — les
jugements rendus par le Tribunal des droits de la personne sont de nature
publique. Alors, à partir du moment où un jugement
est rendu, il est de nature publique, il est donc accessible sur les
plateformes Web. La liste vise à recenser ceux et celles qui auront tenu ce type de propos là afin
notamment que la société ou qu'un groupe puisse dire : Bien, non, je
n'aurai pas comme conférencier ou comme conférencière monsieur ou madame X
qui, dans le passé, a déjà tenu des propos haineux, je ne donnerai pas une
tribune à quelqu'un qui aurait pu aller au-delà de l'acceptable. Et c'est
vraiment ça, c'est important de le redire, parce qu'il ne s'agit pas de museler
ceux et celles qui expriment une dissidence. Ce n'est pas ça du tout,
l'objectif de la loi.
Maintenant,
je vais céder... parce que je sais que mon collègue de Chomedey avait des
questions, mais je voulais simplement
réitérer... Parce que vous avez mentionné à plusieurs reprises cette question
de coûts associés à une défense, mais
un dossier non fondé ne sera simplement pas soumis au tribunal, et donc il n'y
aura pas de coût. Alors, d'où l'absence de sanction pour celui ou celle
qui déposerait un dossier qui ne serait pas fondé à sa face même.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette :
Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Je lisais avec beaucoup d'intérêt
votre mémoire et j'essayais de me situer,
parce que nous venons de recevoir le Forum musulman canadien, et vous, vous
êtes le Conseil musulman de Montréal,
et dans votre mémoire vous nous mentionniez que vous représentiez des dizaines
de mosquées et d'organisations musulmanes, principalement à Montréal.
Vous savez que... Étant un député de Chomedey et ayant une communauté musulmane
assez importante, j'essayais de me situer.
Est-ce
que la communauté de Laval est comprise dans le Conseil musulman de Montréal,
vous parlez en leur nom, ou c'est strictement pour les organisations de
Montréal? Ça va être ma première question.
Le Président (M.
Hardy) : M. Elmenyawi.
M. Elmenyawi (Salam) : We talk on behalf of the Muslim
Council of Montréal, we don't talk on behalf of the Muslim community. The Muslim community is a very
diverse community, there is close, now, to 400,000 Muslims in
Québec, and very much the same, like all other communities, we have a very
diverse community that has all kinds of different backgrounds.
The members of the Muslim Council of
Montréal, when we relate to the Muslim Council of Montréal, it is the Greater Montréal area, which
includes South Shore and Laval, so that covers all those places. And the
purpose of it was to coordinate between the mosques as well as defend
the rights and civil liberties, and that is mainly the function of the Muslim
Council of Montréal.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Chomedey.
• (16 h 30) •
M.
Ouellette : M. le Président, en nous préparant, parce qu'on
n'avait pas eu encore une copie de votre mémoire puis... tantôt je suis allé sur votre site Internet et j'ai vu un
communiqué de presse qui m'a préoccupé un peu, où vous... Vous aviez émis un communiqué de presse
mentionnant que les membres de l'Assemblée nationale faisaient du
profilage et qu'ils devaient faire attention
à la façon dont ils parlaient, probablement à l'Assemblée nationale, pour ne
pas stigmatiser la communauté
musulmane. Ça m'a un peu préoccupé, je me demandais... Est-ce que c'est encore
votre opinion? Parce que c'était
votre nom qui était... c'était un communiqué qui est sur votre site, qui date
de décembre 2011. Est-ce que c'est encore votre opinion ou... C'est parce que vous comprenez que ça me
préoccupe un peu, vous êtes devant les membres de l'Assemblée nationale
auxquels vous reprochez de faire un peu de profilage et de stigmatiser un peu
la communauté musulmane. C'est pour ça que je vous ai parlé de Laval tantôt, parce que
je pense qu'ayant de très bons contacts avec les centres
communautaires et les mosquées dans les différentes régions un peu partout au
Québec je ne ressens pas cette stigmatisation-là
que vous semblez évoquer. Peut-être que votre opinion a évolué depuis 2011.
J'aimerais ça que vous nous actualisiez sur ce que vous avez mentionné à
ce moment-là.
Le Président (M.
Hardy) : M. Elmenyawi, il vous reste deux minutes.
M. Elmenyawi (Salam) : We speak loud and clear when there is
an issue relating to the Muslim community. We don't
hesitate, we don't fear anyone. And we speak it and we try to exchange our
ideas in an open way.
We have very good relationships with
almost all politicians from all parties. Yes, we have also opinions about certain proposals that
came in the past, and we have made our voice very clear on those, but you're
going to have to be a bit more
specific to what was the press release about, what was the subject, in order
for me to tell the things relating to it. But, yes, I stand by whatever you found on our website, we are
responsible for it. But, in order to clarify that, I think we have to...
to contextualize that, to see what is it, what was the issue, and then we can
explain our point of view.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette : It's exactly what
I was asking myself, because there is no context regarding that stigmatization about National Assembly Members. It's just put
there, and there is no context to justify that. But, if it's not...
M.
Elmenyawi (Salam) : ...if it's a press release, it has a title. What
is the title of the press release?
M.
Ouellette : Oh! The title says Le Conseil musulman de
Montréal s'élève contre le profilage à l'endroit des musulmans. We're an
inclusive society, I repeat that. That you can understand. And especially us,
all those Members here, we work for
equality, we work for all citizens of Québec. And, personally, I cannot accept
that. That title there means that we're profiling, as Members of the
National Assembly, the Muslim community.
M. Elmenyawi (Salam) : I would like to know it was relating to which
issue under the title, what was... The issue must be explained on the
press release. We don't just make that kind of thing, it has to be explained
under the release. I would really appreciate if... the release, if I
could receive one just to scan through it, and then I will be able to answer
you.
But we don't go out to make accusation
that it is false. When we say that, it means there was some profiling and there was some singling out of Muslims. We have suffered of
this in 2003 with the motion of...
Le Président (M.
Hardy) : Merci beaucoup.
M.
Elmenyawi (Salam) : ...Islamic tribunal, and
we did not like that at all, the whole Muslim community did not like it.
Le
Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi, merci, le temps est écoulé
avec le député de Chomedey. Maintenant, nous allons passer à la période d'échange avec l'opposition officielle.
Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de
15 minutes.
Mme
Maltais : Bonjour, M. Elmenyawi. Je vais continuer dans
ce dossier, dans ce que vient d'ouvrir notre collègue, parce que c'est
important. Je vais peut-être expliquer un peu le contexte. Vendredi 27 mai
2005, le journal Le Soleil : L'Assemblée nationale s'oppose unanimement à
l'implantation de tribunaux islamiques. C'est une motion qu'on a adoptée ici, à l'Assemblée nationale, à
l'unanimité. Le journaliste Simon Boivin, du Soleil, vous a
interviewé, et je vais citer vos propos.
En général, vous allez devant le Conseil de presse quand vous trouvez que vous
êtes mal cité, vous êtes... récemment
d'ailleurs devant le Conseil de presse pour La Presse et
Fabrice de Pierrebourg,
parce que vous n'êtes pas d'accord parce qu'il a dit qu'un terroriste
est déjà passé par une des mosquées qui sont dans votre organisation, mais, enfin... Donc, d'habitude, vous allez au Conseil
de presse quand vous n'êtes pas d'accord. Voici ce qui a été écrit, ce
que vous avez dit, d'après
Simon Boivin, à propos de cette motion qui dit pas de charia au
Québec : «C'est inacceptable[...]. Je suis sous le choc. C'est un
jour très triste pour la politique québécoise, pour les femmes musulmanes qui
ne pourront obtenir de divorce religieux grâce à un tribunal religieux. C'est
dévastateur.» Et vous dites de Fatima Houda-Pepin : «C'est une non-musulmane — elle est musulmane — qui vient faire un jugement sur l'islam»,
vous dites que «c'est un mensonge qui repose sur du racisme, de
l'ignorance et l'errance».
Est-ce que vous êtes
toujours d'accord avec le fait que l'Assemblée nationale n'aurait jamais dû
adopter cette motion sur la charia? Parce que vous nous avez traités, là, à peu
près de tous les noms.
Le Président (M.
Hardy) : M. Elmenyawi.
• (16 h 40) •
M. Elmenyawi (Salam) :
Yes. I think I would need another session just... especially to talk about the
issues that are disappointing the Muslim community with
the National Assembly, it's not going to be answered in one minute or two minutes, I'm sorry. Because, when you talk...
when you are bringing people who are quoting me falsely or translating a
word that I said in English into French, and by the time it comes in here it
have different meaning, I don't accept that. I respect
Mme Fatima Houda-Pepin. I disagree with her, but I give her full respect, and
we always communicate in a very good way.
And I have personally condoled her for the loss of her husband, and we have a
good relation. It isn't an issue of
personal issue, this is an issue that relates to the community and lacks the
experience and the understanding of Islamic jurisprudence in relation to
just a personal opinion.
But the issue that you have just
raised, whether or not that I agree about the sharia or not the sharia, this is not an issue of the sharia, this
was singling out the Muslim community with the tribunal, saying that you are
not going to allow an Islamic
tribunal. Are you allowing Christian tribunal? Are you allowing Jewish
tribunal? In fact, this is the case. And to try to say... Singling out only one religion, it means there is
something wrong with this religion. You are stigmatizing my faith, my religion, you are denigrating it and
right in the National
Assembly without having to
hear us, passing a motion without having to hear those that you are going to pass the motion
about. And you didn't get our opinion, and it went right out. And it is...
This «unanimous» that you're relating to was only a very small number on
Friday. That is not all the National Assembly Members.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, merci. Donc, je pense qu'il y a une manière toute simple de le dire, c'est... On est
d'accord ou pas avec la motion, finalement.
Puis ici on vous entend, là, en commission
parlementaire autour d'un projet de
loi parce qu'on est justement très ouverts à la discussion.
J'ai
relevé tout à l'heure... Parce que c'est important, là, si on parle de
discours haineux, ce qu'on accepte, ce qu'on
n'accepte pas dans une société comme la nôtre. Vous avez, dans un article en
2003... Je sais que vous étiez déjà président
du Conseil musulman de Montréal. Donc, je ne sais pas s'il y a déjà eu
d'autres présidents du Conseil musulman de Montréal, ça fait au moins 12 ans que vous êtes
président du conseil, ça montre que vous êtes apprécié dans ce conseil. Vous avez dit : «Quant aux [...] sanctions
prescrites par l'islam à ceux qui transgressent ses interdits,
[M.] Elmenyawi insiste sur leur portée
limitée[...]. La peine de mort pour les musulmans qui renient leur foi?
"Ce n'est pas une règle absolue, si
on regarde la jurisprudence. Ça s'applique surtout à ceux qui combattent l'islam.
Salman Rushdie, par exemple, a insulté le Prophète."» Donc, vous associez peine de mort à Salman Rushdie
et vous laissez entendre que la fatwa serait normale, vous auriez été
poursuivi pour... Moi, je ferais... C'est un discours haineux, ça. Est-ce que...
Et tout à l'heure
vous avez dit : On cite mal mes propos. Vous êtes bien cité ou mal cité?
Le Président (M.
Hardy) : M. Elmenyawi.
M.
Elmenyawi (Salam) : Yes. I think this is
making an accusation without any proof, and going out to say something... I think we have to be very careful.
Yes, there is an immunity under the National Assembly, but this idea of always lashing out by just hearing false
information, things taken out of context, and having to just put half-truths,
this is very much the repeat of the
islamophobe websites, going and doing it, and always communicating with Mme Maltais. And she comes in here now
and puts this in front me, that I have said that Salman Rushdie would deserve
to be killed. This is utter false. And I'm
responsible for everything I say, not everything reported in the media. So,
when she takes this just to ask me whether I have said this or not... I was in
CJAD about six months ago. The discussion came about, and my answer is there, it's in the public domain. So, this idea
of lashing on and bashing, I think it is unacceptable.
Le Président (M.
Hardy) : Oui, on va passer avec Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : ...je
veux bien comprendre parce qu'on va ouvrir une boîte sur les propos, sur les
discours haineux, là, dans une loi. Or, le seul exemple qu'on peut aller
voir, c'est ce qui s'est passé avant, si c'est faisable, ce n'est pas faisable,
c'est acceptable.
Puis là vous
dites, bon, cet article-là, finalement, vous êtes mal cité, vous n'avez jamais dit ça,
puis ce n'est pas ça. Puis vous...
Donc, Sophie Brouillet, dans La Presse, elle a erré, mais vous n'êtes pas allé au Conseil de presse. Mais
donc cet article est faux.
Le Président (M. Hardy) :
M. Elmenyawi.
Mme
Maltais : C'est ce
que vous me dites? C'est correct. Bien, à ce moment-là c'est réglé. On...
M.
Elmenyawi (Salam) :
What I'm saying is I have over 1,000 different articles. I wrote also my
own articles in The Gazette as a member of the editorial board of
contributors, at The Gazette. I have contributed probably more than any imam in Canada in bringing people together, and working with the Jewish community, and
working with the Christian community. And
people, out of 1,000 articles, there may be 5% people misquoting me, those contribute to a
number of articles
to dismiss completely all my work and everything I stood up, in my life in
Québec, fighting for and working to bring communities together. And to
bring this kind of a quote as if I... or come even close to saying hate speech,
and I'm a teacher teaching people how to
speak to their neighbors and how to speak to others, it's unacceptable for me,
Madam.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Je vous remercie. Dans votre mémoire, vous dites... Parce que vous dites que
j'ai cité erronément certains
passages. Ou bien les passages sont erronés ou ils ne sont pas erronés, mais
j'ai cité exactement. Ça, je veux le dire.
Dans votre
mémoire — revenons-y,
là, puis moi, je trouve que ça a un lien : «Le mot "haine" doit
être bien défini tout en respectant
les groupes minoritaires protégés en vertu de la charte. Nous devrions
également inclure la prévention de la dérision et le dénigrement de
toute religion...»
Parler d'une
religion, c'est faire un débat d'idées. Alors, est-ce que vous voulez dire que
le simple fait de ne pas être d'accord
avec une religion ou la dénigrer devrait être inclus dans cette loi? Parce que,
là, ça devient un élargissement, à mon avis, qui est un peu extrême. Là,
on va dans l'idée, là, on ne va plus dans le discours haineux, on va dans
l'idée.
Le Président (M. Hardy) : M.
Elmenyawi.
M. Elmenyawi (Salam) : Mr. Chairman, I have not said
that. I have said mocking and making fun of religion is
unacceptable. There have been
70,000 books written against Prophet Mohammed; nobody did anything about
them. But mocking and insulting your
neighbor, it isn't the cause of democracy, it isn't the things that will bring
us together, it isn't the things that
will stop radicalization. In order to... We have to have this kind of mutual
respect. I'm saying religion is a red line
that we should leave it, for mocking and playing games with it. But
criticizing, and academically writing books, and talking about it is
open for everybody, I have never said any such a thing.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : O.K.,
mais c'est parce que c'est vraiment... Peut-être que c'est la traduction,
mais : «Nous devrions également inclure la prévention de la dérision et le
dénigrement de toute religion et de ses personnalités afin d'assurer l'harmonie
et le respect mutuel», donc, pour moi, c'est... C'est parce qu'on cherche à
définir les limites. Je regarde ce qu'il y a
dans votre mémoire, la limite s'étend un peu, alors qu'au contraire on essayait
de circonscrire jusqu'ici.
Il y a autre
chose, par contre. Là où vous trouvez que la loi va trop loin, c'est dans l'éducation,
et vous semblez être plus rébarbatif
à l'idée de contrôle excessif. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que ce
qu'on essaie de faire, c'est de protéger
les jeunes du Québec, je pense à l'affaire Shafia ou la notion de crime
d'honneur. Pourquoi est-ce que vous êtes contre cette idée de crime...
de contrôle excessif?
Je remarque
que, dans les débats qu'on a eus jusqu'ici, la discussion sur le contrôle
excessif était entre le faire faire par
les gens de la DPJ ou ajouter cette notion-là, on pensait que... Il y a des
gens qui disent, comme la commission des droits de la personne et de la jeunesse, que l'idée de contrôle excessif
ou de contrôle culturel est déjà... aurait déjà dû être appliquée, qu'il suffit de notes, ou bien on
dit : On l'ajoute. C'est ça, la chose. Vous, vous êtes... vous dites que
ça «pourrait affecter tout type
d'écoles avec un système d'éducation strict et rigoureux». Il y a une
différence entre une éducation stricte et
rigoureuse et un contrôle excessif. Alors, j'aimerais ça vous entendre
là-dessus, pourquoi vous pensez que le contrôle excessif, ça devrait
être éliminé de la loi.
Le Président (M. Hardy) :
M. Elmenyawi.
• (16 h 50) •
M.
Elmenyawi (Salam) : I think we're very clear that those labels are
vague, and this is what exactly we have
said. You want to put it? You define it, and then we'll talk about it. But,
without definition, a clear definition so that people would know what to expect... That was my point. And I think Madam
Minister has elaborated more about the limits
in hate crimes, and that was not mentioned in the initial text of the law. If
we have that Supreme Court test it's based on to define hate crimes,
that would be accepted to us. There are many other issues that have to be
defined. So, what we
talk about is vagueness, that somebody may think... a conservative father who
likes his daughter to be home early or something in this sort then
becomes an excessive control. I think that this would be wrong.
And
I think there has to be also respect of other people's faith, and, I want to
say, in this point, I think, we got to learn
about our neighbors and our neighbors' faith. It is very important to do this
because, when we look at Islam, we will realize right away that honor killing is totally condemned in Islam. But
don't compare culture to Islam or Islam to culture. But, if you compare religion to
religion, you will see that mostly... most of the religions, Judaism,
Christianity and Islam, they go in the same theme, in
the same direction, in the same way. So, we've got to respect that.
So, whether it is honor killing or
whether it is any other wrong statement or issues like this, when you come back to Islam, you will find
that it is very clearly wrong and against the religion. So, whoever will commit
it, whoever will do that, whoever will take the law in their own hands,
they will certainly be automatically condemned in Islam.
And this is the problem we continue to
talk to Muslims about when, in fact, it has nothing to do with Muslims themselves. So, this is the kind of stigmatization, this is
the kind of negative stereotypes that got to be deconstructed and work it out in the proper way before we use
this kind of language, because we're responsible. The National
Assembly statements are very important
because it leads Québec toward harmony and toward knowing one another and
working together in a good way. When we make a statement like this, that
certainly doesn't help.
Mme
Maltais :
Bien, M. le Président, je ne sais pas quelle information j'ai donnée. J'ai
simplement parlé de l'article de loi, qui ne
mentionne aucune religion et qui parle simplement du contrôle excessif des
parents. Je parlais de liberté
d'expression, de religion, mais pas d'une religion. Je pense qu'on discute ici...
on débat sur toutes les religions, voilà,
et je pense que ce débat sur la liberté d'expression, jusqu'où elle va, est
majeur et important, et je pense qu'il faut se dire les vraies affaires
aussi dans la vie. Moi, je suis plutôt du genre à dire les vraies affaires. Je
vous remercie.
Le Président (M.
Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période
d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville,
à vous la parole pour une période de 10 minutes.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. Merci, messieurs.
J'aimerais
revenir sur votre mémoire mais spécifiquement encore pour parler de la notion
de la liberté d'expression à la
page 4. Et ma collègue avait commencé à en parler, et cette phrase-là m'a
vraiment frappée quand j'ai lu le mémoire. Et je comprends que vous
voulez élargir la portée du projet de loi actuel parce que vous voulez y
inclure des items. Et là, pour le bénéfice
des gens qui nous écoutent, vous dites, et je vous cite, c'est écrit ici :
«Nous devrions également inclure la
prévention de la dérision et le dénigrement de toute religion et de ses
personnalités...» Si je comprends bien, est-ce que vous souhaitez, entre
autres, que le blasphème devienne une infraction?
Le Président (M.
Hardy) : M. Elmenyawi.
M.
Elmenyawi (Salam) : I am sorry. Again, the
last...
Mme
Roy
(Montarville) : ...to repeat? Yes. Je
dis : Si je comprends bien, est-ce que vous souhaitez que le blasphème
devienne une infraction, soit sanctionné?
M. Elmenyawi (Salam) : No. What I have said is to try as hard
as we can to formulate wordings that would not take any of the people's freedom away, but rather
just to stop the mocking and the making fun of other religions, that we have to have respect of other people. And that is
relating to all religions, that would be directed to everyone, this is...
We should not consider it under the freedom of expression just to mock another
religion. But to criticize, to talk about, to write
books, to make analysis, this always have been open, and I would actually
encourage it because, when there are issues like this, it gives us the opportunity also to answer. So, when there is
debate and answers, no problem. But, when you mock me, there is no answer for that. When you make fun
of me and fun of my religion, there's no answer for that. And that's what can create the possibility of young people
taking this in the wrong way with... and falsely or wrongly. So, in
order to... to really be able to reach this balance would be good.
As for freedom of expression, as I
said earlier, I'd rather err on the side of leaving freedom for expression open, because this is the
safeguard, in a democracy, and it will give me a chance to be able to express
ideas. As our society here, in Québec,
changed because of freedom of expression, we cannot come one time and freeze
it, it will make it impossible for us to talk to one another or to
express ourselves. So, it is always opened, as long as there is equal
opportunity.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Vous comprenez que nos chartes
protègent les personnes et non les religions et leurs dieux. Et, ce que
vous nous demandez, vous allez loin. Si on ne peut pas se moquer, si on ne peut
pas rire d'une religion, quelle qu'elle soit, ça va contrairement... à
l'encontre de notre liberté d'expression. Ça va très, très loin, ce que vous
demandez, là.
Le Président (M. Hardy) :
M. Elmenyawi.
M. Elmenyawi (Salam) : But that's exactly my point, Mr. Chairman, it is exactly that;
that, when we mock the religion, we think
we're only mocking dead people and a religion that is gone, but that's not
true. When you mock the religion, you mock me, you mock my wife. When you mock the wife of the
Prophet, I consider it to be my mother, and this is in fact stated in the Holy Koran, the unbless of our mothers.
Some people don't mind their mother to be insulted or to be attacked,
but we do. I do, personally, and
that hurts me, hurts my feelings and causes much more damage than insulting me personally. Rather insult me as much as you
wish, but don't insult my religion and my...
And
this goes for the children, as well, who have a stride and who have their own
pride. And, when we damage this pride at a young age,
we don't have a healthy society and healthy upbringing.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Comme je disais, il y a une confrontation ici des cultures parce que nos
chartes protègent les personnes, non les religions, non les dieux. Alors, c'est
ce qui peut expliquer plusieurs problèmes.
Je vous remercie infiniment... Voulez-vous
ajouter quelque chose?
M. Elmenyawi (Salam) : But that's exactly my point. If really
our intention is to protect persons, then we should understand the feeling of a Muslim person when his
religion is attacked. And I think we should keep this in the formula, we
should not ignore it. When we ignore it, it means I'm ignoring a complete
sector of people and saying, «No, it's OK, it's easy to go.»
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Mais vous comprenez que, si on fait ce que
vous nous demandez, je ne pourrai plus rire du pape, je ne pourrai plus faire de blagues, je ne pourrai plus avoir
des propos du genre, là, si je ne peux pas me moquer des religions.
M.
Elmenyawi (Salam) :
Thank you very much for clarifying this, because I didn't really want to be
misunderstood. I never meant that you don't say this
about any religious personality that are currently living and can answer. And talking... And you can laugh as much as you want
about any other religious personality. I'm talking specifically about 25 persons who are the prophets of God that
are mentioned in the Bible — they are also mentioned in the
Holy Koran — or other prophets of other religions. Those are people who are
completely in the past.
There
is so much for us to laugh about. And, in fact, when we stop doing this, we'll
have a much better chance to laugh and smile, instead of having to go into this direction that only...
You laugh for a few seconds, but you'll have lots of problems after this
for so long.
And
I have to tell you, even with the cartoons... to remind also everyone in the
room that, in the cartoons, we have had a special thanks from Mr. Jean Charest
for our position that we stopped... in Montréal we refused completely,
with the influence of the Muslim Council of
Montréal and the Canadian Muslim Forum, that... we stood together and we
asked every Muslim not to go out, to
demonstrate, in Québec, that Québec has been very kind and keen with us, that
they have made a very special
respect, and most newspapers have refused to republish the cartoons. And,
because of this, there was no one
walking in the streets, except a few people that went off the line, and it was...
it took half an hour, and they went home, which is fine, that's their
expression, as long as it is peaceful, but we, even for that, refused to go out
to demonstrate.
So,
my point is it is my interest... I'm saying this here, it is not just because
of the pain I feel when I hear this. Of course I feel the pain, because somebody else does
it all the time. So, we feel the pain, and we close our eyes, and we
move on, and we change the channel. But I'm asking that, in order for us to
have this proper communication and better understanding
of one another, let us open the doors. And I'm going to say we invite you all
to our open-door mosques to come and
reflect with Muslims, and talk with them directly, and ask those questions
directly to Muslims. You will all be welcome.
And, please, please, don't... I talk with passion, I talk with emotion, I speak
it. And I know also most Quebeckers are
like that, so I feel free to express myself, as well, and talk. That doesn't
mean, Mme Maltais, that... I was very happy to hear you, and for you to be truthful with me and
to say it. It is better to give me the opportunity in the National
Assembly to answer this kind of islamophobia
than having it go without answer, so I really appreciate that from you. And my
apologies if you felt that I was offended or talking... No, it isn't... this is
the passion that we feel, it is... For so many years, we've been talking so hard in order to bring communities together, we
hope to put our hands together and move forward with Québec and to make
it one of the best places around the world. And it is now ranked high around
the world, and let us keep that.
Le Président (M. Hardy) : Mme la députée
de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci. C'est complet.
Le Président (M. Hardy) : Merci
beaucoup, c'est complet. Eh bien, je vous remercie de votre participation, Mme
la ministre, MM. et Mmes les députés, MM. les invités.
La commission ajourne ses travaux au lundi
14 septembre, à 14 heures, afin de poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 59.
Merci beaucoup. Bonne journée.
(Fin de la séance à 17 heures)