(Onze heures trente minutes)
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, prenez place, s'il
vous plaît, et veuillez vous assurer que vos appareils électroniques sont en mode silencieux afin de ne
pas perturber nos travaux. Je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Bon avant-midi à toutes et à tous.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. H. Plante (Maskinongé) remplace M. Tanguay
(LaFontaine).
Auditions (suite)
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de règlement relatif au Règlement sur le changement de nom et d'autres
qualités de l'état civil pour les personnes transsexuelles ou transgenres.
Alors, sans
plus tarder... Et je tiens à m'excuser au nom des membres de la commission pour
les gens que nous recevons
aujourd'hui, ce matin, d'ailleurs, Mme Bureau et Mme Susset. Nous
sommes désolés, les travaux parlementaires comportent des aléas, et nous avons dû, malheureusement, retarder le
début de l'audition. Vous disposerez tout de même, Mme Bureau... — bonjour — vous disposerez tout de même de
10 minutes pour faire votre présentation, c'est le temps d'échange avec les parlementaires qui sera réduit
afin de permettre la fin de nos échanges pour 13 heures, étant
donné qu'il y aura une activité dans cette salle.
Alors, sans plus tarder, Mme Bureau, je
vous cède la parole pour votre présentation de 10 minutes.
Mme Marie-France Bureau
(Visioconférence)
Mme Bureau
(Marie-France) : Parfait.
Merci, M. le Président. Mme la
ministre, membres de la commission,
merci beaucoup de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui sur le projet de
règlement.
Je tiens à rappeler qu'en 2013 le ministre
d'alors, M. St-Arnaud, Me St-Arnaud, m'avait également invitée à
témoigner sur le projet de loi en tant que tel. Je me dois de rappeler que,
lors de mon témoignage en 2013, donc, les deux, disons, éléments clés de mon
témoignage étaient à l'effet que la loi... — Est-ce que vous m'entendez?
On a perdu le son ici...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
On vous entend bien.
Mme Bureau
(Marie-France) : ...ah! merci, on vient de retrouver le son — que la loi permettant le changement de la mention du sexe à l'État civil devrait
inclure les mineurs, d'une part, et, d'autre part, que j'ai senti une très
grande ouverture de la part des parlementaires et du ministre à l'époque sur
l'idée de retirer les conditions de chirurgie et de stérilisation obligatoires. Donc, il y a eu une ouverture du
gouvernement dès le départ, ce qui a été très apprécié, mais j'avais terminé mon témoignage en mettant en garde
les parlementaires de ne pas adopter un règlement qui par la bande ou
par la porte arrière viendrait remédicaliser, remettre des conditions et des
obstacles importants par le biais de la réglementation.
Donc, je dois dire que j'ai été assez déçue de voir le règlement, le projet de
règlement, qui fait exactement ce
qu'on avait souhaité éviter, donc qui exige donc un délai pour pouvoir
demander, donc, de deux ans, je crois, et une attestation, donc un acte
médical fait par un professionnel de la santé attestant de l'identité de la
personne.
Or,
là-dessus, je vais faire deux points rapides. D'une part, vous avez des
docteurs spécialisés sur ces questions-là comme le Dr Igartua, le
Dr Susset, qui va témoigner aujourd'hui, le Dr Ghosh, qui témoignera
demain, qui vont vous dire que même des
professionnels de la santé ne sont pas en mesure d'attester du genre vécu et de
l'identité d'une personne. Ça, c'est un premier problème médical, je
laisserai mes collègues experts médicaux vous en parler plus avant. Ça, c'est
le premier point.
Le second
point... J'ai perdu mon idée là-dessus, j'y reviendrai. Alors, je comprends...
Oui, le délai, le délai. Donc, d'un point de vue juridique, je peux vous
dire que c'est faire perdurer une situation de discrimination qui existe déjà.
Ça, c'est pour les adultes, n'est-ce pas, les majeurs de 18 ans et plus.
Maintenant,
le fait que la loi n'ouvre pas la possibilité aux mineurs de demander le
changement du F au M ou M au F fait
perdurer la situation de discrimination très longtemps. Vous avez entendu des
experts vous dire que l'âge de la transition moyen chez les enfants se
faisait autour de huit, 10 ans maintenant, mais ça, c'est basé sur des
données qui remontent aux dernières décennies. Ce qu'on voit actuellement, puis
les médecins vous en parleront, c'est qu'il y a beaucoup...
de plus en plus d'enfants qui font leur transition vers l'âge de quatre, cinq,
six ans, même, puisqu'il y a moins
d'obstacles, c'est-à-dire que les parents ont plus d'ouverture, il y a de
l'information, les parents vont... En
fait, ce qui arrive, c'est qu'ils vont être moins retardés dans leur
décision de faire la transition parce que la discrimination ou l'incompréhension face à ces phénomènes s'estompe
tranquillement; évidemment pas assez vite, vous diront les enfants et
les parents ce ces enfants-là, mais on sait que ces transitions-là vont se
faire de plus en plus tôt.
Donc, ça,
c'est les deux plus graves problèmes que je vois avec, évidemment, le règlement, mais en amont du règlement
la loi habilitant le règlement, la loi n° 35, qui malheureusement, quant à moi, ne va pas assez loin en excluant les mineurs d'une
protection qui devrait leur revenir de droit.
Alors là, je
vais vous parler plus spécifiquement du droit des personnes au Québec.
Le Code civil a un livre sur les personnes. C'est mon domaine de
spécialité, j'enseigne le droit des personnes. Au Québec, dans notre société contemporaine, vous le savez, une des valeurs-phares
est l'égalité entre les hommes et les femmes. Une autre valeur-phare est l'égalité entre les enfants et les adultes, la
protection des droits fondamentaux des enfants et le fait que les enfants
ont tout à fait le droit d'exercer leurs droits civils.
Au Québec,
on n'a pas d'incapacité de jouissance. Je vous explique très rapidement : on ne prive pas les enfants de leurs droits civils ou de leurs
droits fondamentaux protégés par la charte québécoise et canadienne. Ce qu'on
fait, dans une optique de protection, est
qu'on leur dit... on limite leur capacité d'exercice, donc on dit : Écoutez,
un enfant de deux ans, trois ans,
quatre ans, cinq ans ne peut pas se représenter lui-même, exercer ses droits
civils, donc ce sont les tuteurs légaux — de plein droit, ce
sont les parents ou, si les parents ne sont pas là, un tuteur qui est nommé par
la Cour — qui exercent les droits civils de l'enfant. Et à
mesure qu'il grandit il a de plus en
plus d'autonomie. On a des
seuils au Code civil : sept ans, 10 ans, 12 ans, 14 ans.
Dépendant des activités et de la maturité de l'enfant, on lui permet une
autonomie de plus en plus grande. Mais ce ne sont pas des incapacités de
jouissance, on ne leur retire pas les droits.
Donc, dans ce cas-ci, je crois qu'on aurait dû considérer la possibilité de
demander un changement de la mention de
sexe comme la possibilité de demander un changement de nom. On aurait pu en
faire une incapacité d'exercice jusqu'à, par exemple, l'âge de
14 ans, disons.
Alors, je
tiens à vous rappeler que le Québec contemporain, comme je le disais, a été un leader
dans des projets de loi sociaux très importants. Je vous rappelle ceux
auxquels j'ai participé.
2002, la loi
sur l'union civile et les nouvelles règles de filiation, les députés du Parti québécois s'en souviendront, c'est le ministre
Bégin d'alors qui avait fait preuve de grand courage pour permettre à un enfant
d'avoir deux mères ou deux pères à
l'acte de naissance. Moi, j'ai vu à l'Assemblée
nationale chacun des députés se lever,
un par un, et adopter cette loi à l'unanimité en 2002. À cette époque,
notre Parlement était donc un leader mondial sur cette question, a fait preuve
d'une grande initiative, d'un grand courage.
Plus récemment encore, le Parti québécois avec
l'ex-ministre Hivon, Véronique Hivon, qui a fait un travail fabuleux, comme vous le savez, des commissions parlementaires, des auditions publiques, a adopté la loi Mourir
dans la dignité. À ce moment-là, on était un petit peu moins leader dans la mesure où on s'était fait damer le pion par
plusieurs pays européens, dont la Belgique, la Suisse, etc., comme vous le
savez très bien, chers parlementaires.
On arrive
avec le projet de
loi n° 35. Je trouve que c'était une belle initiative du gouvernement
précédent d'aller de l'avant, de ne
pas attendre les poursuites qui sont actuellement, hein... — vous savez qu'il y a des dossiers devant
la Cour supérieure — d'aller
de l'avant. Ça, c'est une belle tradition au Québec où, en général, l'Assemblée
nationale, sur des questions sociales comme
ça, prend les devants, hein, on a une belle attitude à dire : On ne va pas
attendre de se faire condamner par un
tribunal; lorsqu'il y a violation des droits de la personne, agissons, allons
de l'avant. Ça, c'est une grande fierté comme citoyenne québécoise,
comme juriste et comme chercheure, je l'ai mentionné souvent, et on est souvent cités en exemple partout où je vais dans
le monde sur ce progressisme et cette initiative de prendre les devants
par les législateurs avant même d'être condamné par les tribunaux. Donc, je
crois qu'on devrait faire preuve d'une ouverture et continuer dans cette
optique-là.
Alors, je
comprends que Mme la ministre a exprimé, et certains de vous, membres de la
commission, des craintes face à la
question de la stabilité de l'état civil et des possibilités de fraude, alors
j'aimerais vous entretenir de ça quelques instants. Prenons l'exemple de Marie-France Bureau. Moi, si je veux
frauder l'État, est-ce que je vais faire une transition, prendre des
hormones, aller à travers un processus qui est excessivement difficile, long et
coûteux? Et qui vais-je frauder? Au Québec,
il n'y a pas de distinction de droits, devoirs et privilèges entre les hommes
et les femmes. Il n'y aucun avantage, aucun avantage pour une personne
de faire frauduleusement un changement de la mention du sexe. Il n'y a aucun
avantage.
Si on veut frauder l'État civil, il y a un bien
meilleur moyen et qui est beaucoup plus utilisé, c'est le mariage. Vous avez
déjà peut-être entendu parler du mariage blanc. Mme la ministre, qui est
avocate en droit de la famille, connaît ça.
Il y a des gens qui vont utiliser le mariage pour des fins autres qu'un désir
de conjugalité, par exemple pour obtenir des papiers d'immigration ou
des prêts et bourses. Vous avez certainement tous entendu parler de ça dans
votre vie, surtout les spécialistes du droit de la famille.
Maintenant, ça, c'est grave parce qu'il y a des
tiers qui peuvent être touchés, des enfants, des conjoints, par cette fraude, ne pas être au courant des
intentions malicieuses et être touchés, et être affectés dans leur patrimoine
et dans leur état, bien-être
psychique. Or, pour obtenir la nullité d'un mariage, la ministre le sait très
bien, il faut que la personne lésée, donc c'est un ordre public de
protection, la personne lésée, par exemple l'autre conjoint, s'adresse à la
Cour supérieure, engage un avocat, fasse des
frais et prouve l'intention malicieuse. Donc, on n'a pas un officier d'état
civil qui vient vérifier s'il y a un
désir d'avoir des relations sexuelles ou une relation amoureuse, c'est en aval,
il faut porter plainte. Donc, sur la fraude, je pense qu'il faut garder
ça à l'esprit.
Combien il me reste de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Environ 30 secondes.
Mme Bureau
(Marie-France) : 30 secondes? Parfait. Alors, maintenant, moi,
j'ai une enfant de trois ans et demi, et je suis sûre que plusieurs
d'entre vous avez des enfants. Je vous demanderais de visualiser quelques
minutes, si votre enfant était une belle petite fille comme la petite Olie, je
crois, qui est venue témoigner devant vous lors des auditions en avril, si c'était votre enfant de 10, 12 ans, cinq
ans, huit ans, comment vous voudriez que le Québec, le Québec dont on est fiers, notre province progressiste,
traite votre enfant. Je vous invite à réfléchir là-dessus. Et je serai ravie
de répondre à vos questions. Merci.
• (11 h 40) •
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie,
Mme Bureau. Mme la ministre, sans plus tarder, à vous la parole.
Premier bloc d'échange.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Me Bureau, merci beaucoup pour votre présentation.
Je suis bien intéressée par la
question des mineurs, parce que, bon, évidemment, on n'en traite pas, là, la
consultation ne porte pas là-dessus, malheureusement,
la consultation a porté là-dessus lorsque le projet de loi n° 35 a
été déposé et... mais malheureusement les travaux d'aujourd'hui ne nous permettent pas de venir modifier le Code
civil, les travaux d'aujourd'hui portent vraiment sur le règlement. Alors, j'aimerais ça vous entendre
sur le règlement, qui, je comprends, vous a déçue dans sa forme, mais je
pense que j'ai été assez claire dans mon
ouverture à trouver une piste d'atterrissage qui sera capable d'allier et de
conjuguer les deux éléments, c'est-à-dire la
stabilité de l'état civil puis aussi le respect puis la protection de ceux et
celles qui vivent des situations tout à fait intolérables. En tout cas,
moi, je le vois comme ça, là, je me mets dans la peau des gens qu'on a entendus puis je me dis : Oui,
peut-être qu'effectivement le projet de règlement mérite qu'on le revoie puis
qu'on le révise. Jusqu'où on va aller, bien
là ce sera... c'est les échanges, puis vous êtes là pour nous éclairer sur la
question.
Vous avez parlé de la stabilité de l'état civil.
Dans le règlement, certaines dispositions qu'on retrouve dans le règlement,
dans sa forme actuelle, avaient été mises en place justement pour ça, notamment
la question du délai, parce qu'une certaine
littérature médicale nous indique qu'un certain délai était demandé aux
personnes trans avant de pouvoir
aller de l'avant avec la chirurgie. Alors, c'est un petit peu ça qui a inspiré
la rédaction du règlement, bien qu'on met
de côté toute l'obligation de chirurgie, ce qui est tout à fait... ce qui était
l'intention derrière le projet de loi n° 35, mais pour
s'assurer que la volonté exprimée par celui ou celle qui s'adressera au
Directeur de l'état civil soit une réalité qui est bien ancrée chez lui ou chez
elle.
Est-ce que
vous croyez qu'un délai demeure un élément utile pour, justement, venir contrer
cette question-là ou est-ce que vous
croyez que le délai devrait carrément être mis de côté? Parce qu'on discute
avec des experts, on discute en dehors même de la commission, puis c'est
très partagé, certaines provinces canadiennes n'ont pas de délai, certaines autres juridictions en ont, alors on essaie de
voir qu'est-ce qui pourrait vraiment permettre d'éviter une décision...
Puis, même au-delà de la question de la
fraude, il y a des décisions aussi qui sont faites et qui après quelque temps...
il y a des gens qui reviennent en
arrière, parce qu'on a vérifié, et je pense qu'en Ontario il y a eu des
situations où des demandes ont été
modifiées par la suite parce que les
gens qui avaient formulé cette demande de changement de sexe avaient décidé
de revenir à leur identité sexuelle du départ. Donc, j'aimerais ça vous
entendre sur cette question-là, parce que j'avoue qu'on a beaucoup d'opinions
partagées dans la littérature, et l'important, c'est d'arriver avec une
solution qui sera respectueuse des droits mais en même temps qui permettra
d'éviter de jouer avec l'état civil, si on peut dire.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme Bureau.
Mme Bureau (Marie-France) : Merci,
Mme la ministre. Tout d'abord, oui, je voulais, et c'est tout à votre honneur, souligner
votre grande ouverture et l'ouverture des parlementaires lors des travaux,
parce que j'ai eu la chance d'écouter
ce qui s'était dit, évidemment, pour éviter de la redite et d'autres choses, et
suivre, évidemment, ce dossier qui me tient à coeur, et, oui, j'ai
beaucoup apprécié l'ouverture dont vous faites preuve et la façon dont vous
consultez aussi les groupes communautaires, et tout ça, je pense, c'est tout à
votre honneur.
Et, sur la
question du délai, je laisserai mes collègues médecins, peut-être plutôt, ou
psychologues, ou experts de questions
de santé se prononcer là-dessus. Je crois qu'il y en a qui croient qu'aucun
délai n'est justifiable, d'un point de vue droits de la personne, pour
demander le changement de la mention du sexe. Pour ce qui est des traitements
médicaux et autres, il y a peut-être lieu
d'avoir accès à des professionnels de la santé pour accompagner ces gens-là,
mais ce n'est pas de mon ressort, je
ne suis pas professionnelle de la santé ni psychologue. Alors, je pense que
vous aurez de meilleures réponses avec le Dr Ghosh et
Mme Susset là-dessus, alors je ne vais pas me prononcer.
D'un point de
vue de droits de la personne, je crois que tout délai est une atteinte à la
sécurité de nos enfants. Vous le savez comme moi, vous avez entendu les
chiffres, on a des enfants mineurs, des jeunes adultes qui s'enlèvent la vie à
des taux absolument phénoménaux, au Québec, des gens qui se font assassiner,
des enfants qui se font torturer, y compris
par des directions d'école. Donc, ce n'est plus six mois lorsqu'il est question
des enfants. Comme je vous dis, s'il
y a une transition à quatre ans, ça peut être des années, plus qu'une décennie
d'attente. Donc, je crois que tout délai, pour les fins de l'état civil,
est problématique. S'il y a des délais à y avoir avant d'entreprendre des
grands traitements, vous verrez ça avec les médecins.
Et je veux juste vous rappeler qu'il y a des
provinces canadiennes... Puis je suis d'accord avec vous, hein, que cette
question-là, elle n'est pas facile, puis il y aura certainement des opinions...
Certains vous diront qu'un délai de six mois
est peut-être acceptable, mais vous le verrez avec eux. Mais je vous rappelle
qu'il y a des provinces canadiennes et des États traditionalistes,
catholiques, comme l'Argentine, le Mexique, l'Uruguay, qui permettent de
demander sur simple
déclaration solennelle, donc autodétermination, sans délai, sans lettre
médicale ou autres à l'appui, l'identité de genre. Vous avez vu la loi qui est passée à Mexico il y a deux semaines,
donc déclaration sous serment sans autre formalité. L'Uruguay et l'Argentine, si je me souviens bien,
et d'autres États, comme la Grande-Bretagne, le permettent aussi sur déclaration du type : La mention de sexe qui
correspond le mieux à mon identité serait F ou M, comme ça on n'a pas à porter un jugement si la personne est une vraie
femme, un vrai homme. Qu'est-ce que ça veut dire, de toute façon? Vous
en avez entendu amplement là-dessus, je ne reviendrai pas.
Mais moi, ce
que j'avais proposé comme formulation, je peux vous le lire ici : «Je
déclare solennellement que la mention de sexe qui correspond le mieux à
mon identité est — avec
deux cases — F,
M.» Puis il y en a même qui proposent un
neutre comme ils l'ont en Scandinavie. Des gens qui sont un peu ambigus,
intersexes ou qui ne veulent pas se
définir, ça, c'est possible aussi d'en avoir un troisième neutre, ça s'est fait
dans plusieurs pays scandinaves. Voilà. Alors, c'est très simple, ce serait une déclaration solennelle. Elle pourrait
être attestée par un témoin, par exemple : Je connais... je me présente et j'atteste... — comment j'avais... attendez un instant — je déclare solennellement que je connais X,
la personne, depuis peut-être six mois, un
an, pour attester de l'identité de la personne comme on le fait pour la
demande de passeport, comme vous savez.
Donc, ça, je crois que ce serait acceptable pour l'ensemble des joueurs, dans
le sens que ça serait raisonnable pour
l'État, l'État civil, pour les personnes trans, et certainement, vous le
vérifierez, avec les professionnels de
la santé, mais je crois que c'est quelque chose qui est acceptable, parce que
de demander à des psychologues, des infirmières ou des médecins :
Est-ce que cette personne-là est vraiment F ou M?, ils ne sont pas en mesure de le dire puis ils ne veulent pas avoir ce
rôle-là. C'est cliniquement impossible, vous comprenez? Ça les place dans une situation intenable. Donc, l'identité sociale, c'est l'identité
ressentie par la personne. Comme vous avez vu, en Grande-Bretagne, en
Argentine, dans d'autres pays, au Mexique, on a procédé comme ça, puis je crois
que c'est la façon de faire qui est la moins
attentatoire aux droits de la personne mais qui garantit le formalisme requis
par l'état civil. J'en suis bien consciente, c'est mon domaine de
spécialité. Je comprends vos préoccupations.
• (11 h 50) •
Mme Vallée :
Donc, si je comprends bien — puis le président m'indiquait qu'il nous restait une minute, mais on aura la chance de revenir — vous,
vous iriez par une déclaration soutenue par une corroboration d'un tiers qui
n'a pas à être un professionnel de la santé.
Mme Bureau
(Marie-France) : Comme un
passeport : J'atteste connaître cette personne depuis un an, deux
ans ou six mois, je ne sais pas, mais c'est
l'identité de la personne. Je connais Charlie depuis tant de temps, comme
maintenant dans les passeports. Avant,
c'était un professionnel de la santé, un notaire, un avocat; maintenant,
on ne demande plus ça, c'est une
connaissance. Ça peut être un ami, ça peut être un travailleur
social, quelqu'un d'un organisme communautaire qui soutient cette
personne-là, si elle n'a plus de famille, ce qui est le cas souvent, vous
l'avez entendu. Donc, ça permettait de faire
jouer les réseaux, parce qu'il y a des organismes qui aident ces gens-là. Par exemple, ça pourrait être un travailleur social, ou un intervenant
social, ou un ami, comme pour les passeports. Merci.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie, ça complète ce premier bloc d'échange avec la ministre.
Je me tourne vers la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. À vous la parole.
Mme Poirier : Merci, M. le
Président. Bonjour, madame. Ça me fait plaisir de vous entendre,
Mme Bureau.
Justement,
le Canada a décidé, c'était dans une dépêche du
28 avril, de reconnaître le changement de sexe pour la demande de passeport à partir d'un document de la
province. Alors, si la province a accepté le changement et a modifié la documentation, le Canada ne demandera pas de
document supplémentaire, va tout simplement s'appuyer sur le document de
la province, alors déjà il y a un obstacle qui vient d'être éliminé au niveau
du passeport, on n'a pas à refaire la démarche
en tant que telle. Cependant, ils vont s'appuyer sur les législations et sur
les façons de faire des provinces, chacune d'entre elles étant
différente.
Il y a dans
ce que vous nous dites ce matin entre autres toute l'intention que vous mettez
derrière le fait que le délai est,
dans le fond, une façon de poursuivre la discrimination plus longtemps.
J'aimerais ça vous entendre là-dessus parce que vous apportez une
couleur un peu différente, un petit peu plus légale sur ce côté-là. En quoi,
pour vous, l'intention du règlement de mettre un délai, le délai de deux ans,
entre autres, pourrait être un motif de discrimination sur... dans le fond, de
poursuivre une discrimination? Là-dessus, j'aimerais vous entendre.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme Bureau.
Mme Bureau
(Marie-France) : Merci, merci. Bien écoutez, les personnes trans,
souvent, quand elles sont au point de demander une modification de
l'état civil, ont déjà fait un processus de transition qui prend de nombreuses années, qui comporte de nombreux obstacles. Puis
encore là-dessus vous en avez entendu amplement, je ne vais pas revenir
là-dessus. Vous avez entendu les personnes concernées, qui sont beaucoup plus à
même que moi de vous parler de ça. Donc, il
y a eu plusieurs années, il y a eu plusieurs obstacles, puis souvent il y a une
vie qui s'est passée. Ces gens-là, finalement,
accèdent, parce que ça prend la capacité psychique de faire tout ça, c'est
long, c'est coûteux émotivement, psychologiquement, psychiquement et
monétairement, malheureusement. Alors, lorsqu'on est rendu à demander le changement
à l'état civil, que ce soit le changement de sexe ou le changement de nom, il y
a déjà eu de nombreuses embûches, alors de demander un délai additionnel est
beaucoup trop onéreux et met à risque des gens, des vies.
Donc, oui, c'est
une discrimination énorme dans la mesure où probablement cette personne-là
aurait dû pouvoir faire ça quand elle
avait cinq ans. Là, maintenant, elle en a 27 puis elle est à risque :
difficulté de se trouver de l'emploi, difficulté de se loger, difficultés multiples.
Donc, d'imposer d'autres délais, c'est complètement exorbitant et
onéreux pour ces personnes-là. Donc, oui, c'est faire perdurer une violation des
droits fondamentaux, dont le droit à la sécurité, le droit à la vie
privée, donc, oui, c'est problématique.
Et je comprends vos préoccupations de légiste,
qui sont légitimes, mais ce n'est pas nécessaire, et des pays autrement plus conservateurs que le nôtre l'ont
compris. Le gouvernement conservateur de Stephen Harper est en train d'assouplir ses règles. Voulons-nous être à la
traîne ou prendre exemple sur des pays qui sont raisonnables, hein, qui
ont considéré toutes ces questions-là? Ça ne change rien à la vie des autres,
mais ça sauve la vie de nos enfants, de nos jeunes adultes qui meurent actuellement.
Je m'excuse, j'en pleure. J'en pleure, je suis désolée, je ne suis pas capable d'aborder ce dossier-là et de rester de marbre. Je
les vois. Je fais de la recherche dans le domaine du droit des
personnes, je vois ces enfants mourir. Excusez-moi.
Mme Poirier : Prenez un
moment, prenez un petit moment.
Dans le
règlement, on parle de la notion d'apparence. Vous n'êtes pas venue sur cet
aspect-là, j'aimerais ça vous entendre sur cette notion, dans le
règlement, d'apparence. On en a discuté, la ministre a dit : Ce n'est
peut-être pas le bon terme, ce n'est
peut-être pas la bonne façon. On est ouverts, là, on l'a dit depuis le début de
la commission, on est tous ouverts, à
partir d'un document de travail que la ministre a déposé, à aller de l'avant.
Alors, cette notion d'apparence là, pour vous, qu'est-ce qu'elle
apparaît comme blocage, là, selon vous?
Mme Bureau
(Marie-France) : D'abord, je réitère que j'apprécie énormément
l'ouverture dont les membres de la commission ont fait preuve depuis le début
et la curiosité de se renseigner.
Cela dit,
l'apparence, évidemment, je pense qu'il y a des gens qui ont déjà témoigné
là-dessus. C'est quoi, apparaître comme une femme ou un homme? Ça ne
tient pas la route même pour des personnes qui ne seraient pas trans, là. S'il fallait qu'on ait des certificats
de féminité ou de masculinité... On n'impose pas ça aux gens qui ne sont
pas trans, on ne peut pas l'imposer aux
trans. On ne peut pas leur demander d'entrer dans des stéréotypes de genre, ce
serait absurde, alors qu'on se bat contre ça
avec nos propres enfants, on ne veut pas que nos filles soient des Barbie puis
que nos garçons soient des machos. On ne peut pas imposer la même chose... je
veux dire, on ne peut pas prêcher le contraire de ce qu'on veut faire de notre
société.
Donc, moi, je
réitère, les seules conditions qui sont à la fois respectueuses des droits de
la personne, qui vont sauver des vies
et qui ne portent pas atteinte au sérieux et aux exigences de stabilité de
l'État pour les fins du gouvernement sont une déclaration solennelle avec ou non un délai — ça, je laisserai les professionnels de la
santé se prononcer là-dessus — et possiblement une attestation, de
connaître la personne, donc, comme on le fait pour les passeports.
Je veux dire,
je crois que, dans ce dossier-là, il y a de la confusion dans la tête des gens,
ils pensent qu'il y a quelque chose
de sexuel dans l'idée du changement de la mention de sexe. Il n'y a rien de
sexuel, il n'y a pas de... Ce n'est pas une affaire d'enfant ou d'adulte, c'est une affaire d'identité, et de
vie privée, et de protection de l'identité, de la vie privée et de la
sécurité des personnes. Ça n'a rien à voir. Vous avez vu la petite Olie qui est
venue, c'est une belle petite fille normale.
Simplement, si elle se fait «outer» avec son identité de garçon, elle risque de
se faire tuer, c'est tout, de ne pas pouvoir passer des frontières, de
ne pas pouvoir passer ses examens d'entrée au collège. C'est ça qui est arrivé,
c'est ça qu'il faut cesser.
Et, la solution,
nous l'avons. Et d'ailleurs je m'excuse à la commission, j'ai été très occupée
les derniers temps, j'ai écrit un texte de deux pages avec des
considérants et des recommandations sur la forme que pourrait prendre... Je pourrais vous l'envoyer. Là, pour l'instant, il y
a des barbots dessus parce que c'est un... je n'ai pas une version
propre, mais je pourrais la corriger et la faire parvenir par courriel à la
ministre cet après-midi.
Mme Poirier : ...de la faire
parvenir directement à la commission, et à ce moment-là on pourra en
bénéficier.
Mme Bureau (Marie-France) : Oui, à
Mme Laplante.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : C'est ça. Ce sera transmis?
C'est bon? M. le vice-président, il reste 1 min 30 s.
M. Lisée :
Oui, bien, Me Bureau, je suis très heureux de vous voir. Et puis, comme
les membres de la commission, on considère très éclairants vos propos et
on apprécie l'énergie et l'émotion que vous y mettez.
Sur la
question des mineurs, justement, qui vous préoccupe, dans les autres
circonscriptions en Amérique du Nord ou
ailleurs... C'est sûr que, là, le projet de loi a été adopté, l'article dit les
majeurs, mais, puisqu'on en parle, qu'est-ce qu'il y a comme précédents
ailleurs?
Mme Bureau
(Marie-France) : Écoutez, il y a la ville de Mexico, l'Argentine,
l'Uruguay, plusieurs provinces canadiennes,
la Grande-Bretagne, et j'en passe. Là-dessus, je pourrais vous arriver avec une
liste plus à jour, parce que ça change
tellement vite, ce domaine-là. Moi, ça fait quelques années que je n'ai pas été
activement en train de faire des listes, mais je connais des... Mon ancien assistant de recherche, Me Sauvé,
que vous avez, je crois, entendu ici, fait sa thèse de doctorat
là-dessus, donc il a des données à jour. Si vous les voulez, on pourra vous les
transmettre. Merci, M. Lisée.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Un dernier mot, 30 secondes? Non? Ça va?
M. Lisée : Ça va, oui.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme la députée de Montarville, à
vous la parole.
• (12 heures) •
Mme
Roy
(Montarville) : Oui, merci beaucoup, M. le
Président. Merci, Mme Bureau. Je
trouve ça très intéressant qu'on
puisse vous voir comme ça, même si vous n'êtes pas avec nous. C'est une façon de faire qui est une première pour moi, et vraiment ça fonctionne très
bien.
Écoutez,
professeure, maître, je ne veux pas me faire l'avocat du diable, mais je veux
surtout que vous puissiez nous
éclairer et nous aider dans l'interrogation que je me pose. Et il y a uniquement
un groupe qui est venu nous faire part de
ces craintes, et voici la crainte. Et vous parliez de fraude, tout à l'heure, et ce n'est pas du tout le cas, là, on ne parle pas de fraude ici.
Et nous ne doutons... je ne doute nullement, nullement, nullement de la bonne
foi des personnes trans qui demanderont à la
Direction de l'état civil un changement de genre, comprenez-moi bien, ce n'est
pas les personnes trans qui
m'inquiètent, ce sont les autres, les personnes qui n'auront pas cette
intention noble là, qui ne sont pas prises avec ce problème d'avoir à changer de genre, mais je vous parle des
personnes mal intentionnées, qui, elles, comme vous le savez, n'ont aucun scrupule à changer d'identité pour arriver à leurs fins. Et c'est
important que vous m'éclairiez puis surtout
que vous nous ameniez des pistes de solution parce que, s'il n'y a aucune
formalité, de quelque nature que ce soit, pour qu'une personne puisse changer de genre, comme plusieurs le
réclament d'ailleurs, comment peut-on s'assurer que juste les bonnes personnes iront faire cette
demande pour changer de genre et qu'on n'aura pas de pédophile,
d'agresseur, d'abuseur qui voudra justement,
pour arriver à ses fins, bien, justement changer d'identité, s'il n'y a aucune
formalité et si c'est facile? Comment se prémunir contre ces gens? Vous
le savez, vous êtes en droit, les agresseurs, les criminels sont futés, et les
changements d'identité, ce n'est pas ça qui les fatigue. Donc, comment nous
aider à prévenir ça?
Mme
Bureau (Marie-France) : Écoutez, merci, Mme la députée. Premièrement,
merci de m'avoir permis de faire ce témoignage par visioconférence,
comme vous le mentionniez en début. C'est plus pratique pour la garderie parce
que Québec, c'est un peu loin de Montréal aller-retour dans la journée. Donc,
je vais être à temps pour ma fille, merci beaucoup.
Pour
ce qui est des fraudeurs potentiels, comme je vous disais tout à l'heure, en
début de présentation — merci de le souligner — d'une part, ce n'est pas en changeant la
mention du sexe à l'État civil qu'on va pouvoir frauder plus ou moins qui que ce soit ou qu'on va pouvoir plus ou
moins agresser qui que ce soit. Par exemple, si demain je décide de
m'appeler Frédéric et de me comporter socialement comme un garçon, il n'y aura
pas une police de la salle de bains, et puis
que j'aie ou non un certificat qui dit F ou M, là, ce n'est pas ça qui va
déterminer si je vais abuser quelqu'un ou non, ce n'est pas ça qui va déterminer dans quelle toilette je vais
aller. Il n'y en a pas, de police, il n'y a pas de douanier des salles
de bains, ça n'existe pas.
Et, si les fraudeurs,
les criminels veulent changer de sexe, premièrement, là, il y a un gros
obstacle. C'est un processus immensément difficile, qui prend des années, qui
peut vous isoler des gens, je pense qu'il n'y a pas grand monde qui irait jusque-là. Et, d'une
part, s'ils le faisaient, l'État
civil conserve les actes de naissance des gens, le numéro d'assurance sociale reste le même. On ne peut pas
se sauver de dettes, on ne peut pas faciliter des crimes en changeant la
mention du sexe à l'État civil. Donc, c'est un faux problème.
Et,
deuxièmement, comme chercheure, je peux vous dire
qu'empiriquement, dans tous les pays où on a permis l'autodéclaration, donc une déclaration solennelle, appuyée ou non par un commissaire à l'assermentation ou un
témoin, avec ou sans délai, on n'a jamais
constaté que ça a permis dans quelque cas que ce soit de faciliter des crimes.
Donc, c'est un faux problème, quant à moi.
J'ai perdu votre son,
madame, je ne vous entends plus.
Mme Roy
(Montarville) :
Parfait. Je disais donc... Vous avez bien répondu à la question, je voulais des
éclaircissements à cet égard-là.
Par ailleurs, le règlement que nous avons devant nous pose certaines
formalités. Si nous n'avions qu'à n'adopter ou qu'à ne mettre qu'une formalité... je comprends que c'est
l'autodétermination qui est prônée ici, mais laquelle serait, selon vous, la plus acceptable ou la plus, effectivement, socialement acceptable ou moins contraignante pour les
personnes trans qui désireraient changer de genre?
Mme
Bureau (Marie-France) : Oui.
Alors, moi, comme je le disais tout à
l'heure, je pense à une déclaration
solennelle, hein, la personne déclare
solennellement que la mention de sexe qui correspond le mieux à l'identité
sociale vécue est soit F soit M. On pourrait
mettre un neutre aussi comme certains pays scandinaves l'ont proposé. Donc, ça,
ça respecte la façon dont la personne se sent.
Ça
pourrait être appuyé ou non d'un délai et/ou d'une personne témoin comme pour l'identité
pour le passeport. Donc, on n'a pas
besoin de formalités plus grandes qu'on en a, des formalités, pour un
passeport, où, là, il y a des réels risques de fraude, d'immigration illégale,
là il y a des réels risques, c'est pour l'entrée sur un territoire. Et
je pense qu'on n'a pas besoin d'aller plus
loin que là. Et les pays qui l'ont permis par auto-identification n'ont aucun
problème à cet égard.
Donc, moi, j'ai une
formulation. Comme je disais, je pourrais l'envoyer par courriel à
Mme Laplante, une proposition de formulation.
Mme
Roy
(Montarville) : Mme Bureau, je vous remercie
infiniment, c'est le temps qui m'était imparti. Merci.
Mme Bureau (Marie-France) :
Merci.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. Mme la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques,
à vous la parole.
Mme Massé : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme Bureau. Ça va bien,
j'espère. Vous l'avez bien démontré, que
vous êtes toujours aussi combative quand il est question
de droits. J'ai été énormément touchée, parce
que c'est ce que j'ai entendu et c'est ce que je côtoie souvent
au quotidien dans ma circonscription, que le changement de mention de sexe sur les papiers, ça ne change rien à la vie
des autres, mais ça sauve la vie de plusieurs. Je
pense que, ça, il faut qu'on
se rappelle ça tout le long de notre démarche.
Puisque
je n'ai que trois minutes... Vous êtes la première qui de façon assez claire
évoquez qu'il est possible, dans la
vie, d'avoir des petites cases qui disent F, M, et vous avez dit «neutre»,
«autre». Alors, j'aimerais ça que vous nous parliez quelques instants de cette petite case qu'on n'a pas réellement
entendu parler ici mais dont je sais, de plus en plus, qu'il y a des
personnes qui voudraient tellement ne pas être obligées d'être associées à la
binarité des sexes.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Mme Bureau.
Mme
Bureau (Marie-France) : Merci, Mme la députée. Oui, effectivement, on fonctionne encore, dans le Code civil, avec «homme», «femme», «père», «mère»,
alors que la vie est beaucoup plus complexe et gradée, disons, il y a un spectrum large pour ce qui est de...
Parce que même biologiquement le sexe n'est pas blanc ou noir comme ça, c'est vraiment
un continuum. À preuve, les personnes intersexuées.
D'ailleurs,
on n'a pas de statistiques, au Québec, ce qui est un grave problème que j'aurais voulu
souligner, mais on manque de temps... Lorsqu'un enfant naît,
l'accoucheur inscrit F ou M. Si c'est indéterminé, ils retiennent le bulletin, ils ne l'envoient pas, donc on ne peut
pas comptabiliser le nombre d'enfants intersexes. Ils attendent qu'il y ait une assignation, puis là ils l'envoient F ou M, ils le recasent dans
le... c'est zéro et 100. Mais il y a beaucoup de 50, il
y a des 25, puis il y a des 75, tout le spectrum est là. On le sait depuis les
années 30, ça, je veux dire, ça fait longtemps qu'on le sait.
Et
effectivement, par exemple, si je suis une personne intersexuée et que je n'ai pas fait de chirurgie, peut-être que
je suis entre les deux, puis la mention qui correspond le mieux, ce n'est ni F
ni M. Alors, est-ce qu'on pourrait avoir une autre mention, le C, ou le H, ou je ne sais trop, mais il y a
des pays scandinaves qui l'ont adopté, et puis ça correspond à certains... On parle d'une infime portion
de la population, évidemment, qui vont se reconnaître mieux dans ce...
appelons-le C, O.K., au
hasard, mais, peu importe, on ne fait pas des législations de protection des
droits de la personne sur la base du nombre. Ça, la Cour suprême est
venue nous le rappeler de nombreuses fois. Les personnes les plus discriminées
et vulnérables sont souvent les moins nombreuses, mais ce n'est pas une raison
de ne pas agir.
Maintenant,
est-ce qu'il faut absolument avoir trois cases? Je ne le sais pas. Moi, je
lance ça comme possibilité pour les légistes.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Je vous remercie, ça complète ce bloc
d'échange avec la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Mme la ministre, le
dernier bloc d'échange vous appartient.
Mme
Vallée : Il y aurait tellement... Il y a tellement de trucs
qu'on souhaiterait aborder avec vous, Me Bureau.
Dans
notre grand pays qu'est le Canada, les provinces sont toutes... demandent que
la demande de changement de sexe soit corroborée par une déclaration
médicale. Alors, c'est un petit peu ça qui avait amené la démarche prévue au
règlement.
Maintenant,
on a entendu les groupes puis on a entendu... puis je pense que vous faites
partie de ceux et de celles qui
disent : Il faut éviter de médicaliser cette situation-là, il faut éviter
de stigmatiser les personnes. Alors, qu'est-ce qui fait qu'on pourrait, nous, mettre ça de côté? Parce
qu'il y a quand même... Je crois que l'objectif derrière cette exigence,
c'était de démontrer le sérieux puis la
démarche qui a été faite antérieurement par la personne qui demande une
modification à l'état civil. Vous le disiez
vous-même, souvent ceux et celles qui vont se présenter au Directeur de l'état
civil pour faire la demande sont au bout d'un long processus, un long
cheminement personnel qui bien souvent a été fait en compagnie d'un
professionnel de la santé. Donc, qu'est-ce qui rend cette exigence-là ou cet élément-là
inacceptable?
• (12 h 10) •
Mme Bureau
(Marie-France) : Bien, merci, Mme la ministre. Et vous l'avez dit, il
y a déjà eu un processus long, il y a
souvent eu accompagnement, donc de redemander encore, c'est remettre un
obstacle. Mais là-dessus je crois que
le Pr Susset, qui va me suivre... le Dr Susset va être mieux en
mesure de vous parler de la démarche, parce qu'elle travaille avec ces
personnes en transition. Donc, moi, je ne vais pas m'aventurer dans ces
questions qui relèvent plus d'un ordre psychologique ou médical.
Maintenant,
vous avez dit que les autres provinces font ceci et font cela. Mme la ministre,
vous êtes Procureur général du
Québec, vous êtes citoyenne québécoise et vous êtes avocate spécialiste du
droit de la famille; vous savez très bien que nous, au Québec, on fait
des fois les choses différemment, et puis ce n'est pas un problème. Les droits
civils relèvent de la compétence
provinciale, il n'y a rien qui s'oppose à ce qu'on soit plus avant-gardistes.
Lorsqu'on voit des pays catholiques
conservateurs comme le Mexique et l'Uruguay, dirigés par des gouvernements
conservateurs... lorsqu'on voit que même le gouvernement conservateur
Harper va de l'avant avec des mesures progressistes, je pense qu'il n'y a rien
qui nous empêche d'aller de l'avant avec des mesures plus progressistes.
Mais
en même temps je comprends vos préoccupations, mais je crois que ça relève du
travail des professionnels de la
santé. Cela dit, il y en a moins que dans une main qui sont formés pour
travailler avec les trans, hein, vous savez qu'ils ont zéro minute dans leur cursus sur les questions de genre, zéro
minute, les médecins, les psychologues, zéro. Donc, il y a déjà un manque de professionnels de la
santé... Je crois qu'il y a peut-être de l'éducation à faire à nos
professionnels de la santé, les infirmières,
les psychologues, les travailleurs sociaux, les médecins, et mieux ils seront
formés, plus ils accompagneront de
façon adéquate les gens. Et je pense que l'État n'a pas à être un «gatekeeper»
de l'identité de genre, les gens connaissent très bien leur identité. Et il faudrait qu'il y ait
plus de professionnels pour les aider, parce qu'il y en a qui ont de la
difficulté, ce n'est pas facile. Surtout ceux qui le font adultes, ça peut être
difficile. Donc, le manque qu'il y a, c'est un manque de formation, je crois,
au niveau du cursus universitaire.
Mme
Vallée : Donc, dans le fond, si je comprends votre
argumentation, vous me dites : Le professionnel de la santé, il
n'est pas nécessairement plus habilité que la tierce personne qui n'est pas
membre d'un ordre professionnel, et qui va simplement attester : Je
connais madame X, je connais monsieur X depuis un certain temps. Pour
vous, le professionnel de la santé qui est consulté comme ça un bon matin pour
remplir une déclaration n'aurait pas plus de valeur...
sa déclaration ne devrait pas avoir plus de valeur que celle d'un tiers,
puisqu'il n'est probablement pas habilité de toute façon ou n'a
probablement pas la formation requise pour intervenir.
Mme
Bureau (Marie-France) : La présidente de la fédération des psychiatres
du Québec, qui s'y connaît, qui est
spécialiste de ces questions-là, va vous dire : C'est cliniquement
impossible, ce n'est pas quelque chose qu'on est en mesure de faire, ça relève du sentiment
d'identité. Donc, on ne peut même pas faire ça, on serait contraire... ce
serait comme un acte qui serait, d'une certaine manière, contraire à ce
qu'on sait cliniquement qu'il est possible de faire.
Puis
là-dessus je vous dis que... je vous répète que Dr Gosh et Dre Susset
vont être mieux à même de vous expliquer leurs obligations, là. Moi, je
répète ce que j'ai entendu de la part d'experts.
Mme
Vallée : Puis je comprends également, d'un autre côté, que,
puisqu'on a retiré l'exigence de l'intervention chirurgicale, de la
réassignation, on devrait, au même titre, ne pas avoir d'exigence médicale. On
a démédicalisé le processus, donc, si je vous comprends bien, démédicalisons
jusqu'au bout et n'ayons pas cette exigence-là.
Mme
Bureau (Marie-France) : Non seulement ça, vous avez raison, c'est tout
à fait juste, votre raisonnement, mais,
d'un point de vue juridique, de demander à un professionnel de la santé,
psychologue ou psychiatre, par exemple, de faire ça, ce n'est pas couvert, premièrement, par la RAMQ, et ça
demande une évaluation, qui peut coûter jusqu'à 3 000 $ à 4 000 $, et c'est un acte médical. Donc, on
serait en train... le règlement porterait atteinte à la loi habilitante, donc
il y aurait carrément un... ce serait ultra vires carrément, la réglementation
ne passerait pas la route, vous avez raison, d'un point de vue juridique, parce que la réglementation découle de
la loi, elle ne peut pas contredire la loi habilitante, vous avez
raison.
Mme
Vallée : L'objectif n'était pas à cet effet,
c'était plutôt d'avoir quelqu'un qui aurait déjà fait le suivi,
donc aurait peut-être été à même de faire
l'attestation, puisque bien souvent il y a un accompagnement qui se fait au
long du processus. Mais je vous entends
puis j'entends également les difficultés que ça peut engendrer pour certaines
personnes qui n'ont tout simplement pas les
moyens, on a été sensibilisés aussi à ça lors des consultations par ceux et
celles qui nous disent : Moi, je
n'ai pas les moyens, puis justement je ne trouve personne qui est habilité à
intervenir sans frais auprès de... pour m'accompagner dans ma démarche.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Je vous...
Mme Bureau
(Marie-France) : Surtout en région, là où les discriminations sont
encore plus grandes.
Mme Vallée :
Ah! faites-vous-en pas, je suis très sensible aux questions des régions.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie. Ça complète, malheureusement, tout le temps
que nous avions pour cet échange. Mme Bureau, au nom des membres de
la commission, je vous remercie infiniment d'avoir participé à nos travaux. Ça
a été très instructif, très éclairant.
Nous allons maintenant
suspendre une petite minute pour permettre au Dr Susset d'apparaître à
l'écran.
(Suspension de la séance à
12 h 15)
(Reprise à 12 h 17)
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, nous reprenons nos travaux et nous accueillons
Mme Françoise Susset, psychologue. Merci de vous joindre à nous, de
participer à nos travaux. Vous disposerez, dans un premier temps... Vous nous
entendez bien? Est-ce que vous nous entendez bien, Mme Susset?
Mme Françoise Susset
(Visioconférence)
Mme Susset (Françoise) :
Oui. Oui, tout à fait.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Parfait. Alors, vous disposez, dans un premier
temps, d'une période de 10 minutes pour
nous faire part de vos observations, remarques, et ensuite il y aura des échanges avec les parlementaires.
Donc, à vous la parole.
Mme Susset
(Françoise) : Merci. Merci, Mme la ministre, M. le Président, Mmes et
MM. les députés.
Je vais me lancer tout de suite. L'identité de
genre, nous pensons, est déterminée à la naissance, comme l'orientation sexuelle et comme bien d'autres
caractéristiques fondamentales de notre être. Je pense que maintenant, à
ce stade-ci, vous avez suffisamment
d'information pour en arriver à la conclusion claire que la réalité ou les
traits, les caractéristiques
physiques d'un individu ne nous informent pas nécessairement sur l'identité de
genre de la personne. De plus, une
étude ontarienne très importante nous révèle que 80 % des individus trans
disent avoir été au courant avant l'âge de 14 ans, et 59 % d'entre eux avant l'âge de 10 ans, que
leur identité assignée à la naissance ne correspondait pas à ce qu'ils
ressentaient intérieurement.
Je vais vous apporter une idée un petit peu
particulière, mais, dans ma réflexion, j'ai pensé à quelque chose. Toutes ces discussions que nous avons en ce
moment, nous pourrions les voir autrement et dire que les personnes
trans vous demandent simplement de corriger
une erreur faite à la naissance sur le document d'état civil. Un médecin s'est
basé sur une réalité physique, en a conclu
une identité de genre, mais malheureusement il ou elle s'est trompé. Plusieurs
années plus tard, les personnes trans, et
nous pourrions dire aussi les personnes intersexes, reviennent vers nous,
reviennent vers l'État pour
dire : Excusez-moi, vous avez fait une erreur. Pourriez-vous, s'il vous
plaît, apporter les corrections nécessaires? Alors, ça, c'est une autre façon de voir qui en fait correspond mieux à
la réalité de ce que nous connaissons aujourd'hui au niveau de
l'identité de genre et de la réalité... ou des caractéristiques physiques,
plutôt, d'une personne.
• (12 h 20) •
Je voudrais m'adresser, bien sûr, en tant que
psychologue à la question d'exigence de lettre ou de... de lettre, hein, ou l'idée de remplir des documents. Il faut
savoir que ce que vous nous demandez, c'est de poser un acte médical, psychologique, psychiatrique que nous ne pouvons
pas faire n'importe comment. Ce n'est pas vrai qu'on rencontre la
personne 15 minutes puis qu'on remplit ses papiers, nous devons procéder...
nous sommes obligés, c'est notre devoir déontologique
de procéder à une évaluation psychologique, psychiatrique et, pour un médecin
de famille ou un médecin tout court, une évaluation psychologique aussi,
vous savez que les médecins de famille sont invités à procéder à des
évaluations psychologiques. Ça, ça veut dire que, dans les faits, comme il y a peut-être
deux ou trois médecins de famille au Québec
qui sont habilités à procéder à ce genre d'évaluation, que la plupart
d'entre eux ne peuvent pas recevoir de
personnes trans parce qu'ils sont déjà complètement,
complètement ensevelis sous les demandes et sous leur travail, que ça
relève beaucoup du système privé. La grande majorité du peu de psychologues et
de sexologues au Québec qui procèdent à ce
genre d'évaluation, nous travaillons tous dans le privé. Je crois qu'il y a un
psychologue que j'ai formé à Val-d'Or, hein, qui travaille très bien,
qui est dans le système médical et qui est dans le système public. On en a un
au Québec. Tout le monde est dans le système privé.
J'ai eu
l'honneur d'être membre d'un groupe qui a été rassemblé au moment où le guichet
administratif a été mis sur place
pour l'accès aux chirurgies pour les personnes trans, et autour de cette grande
table, où nous étions plusieurs professionnels, tous du milieu privé,
j'ai recommandé fortement qu'on me laisse former des gens dans le réseau privé... dans le réseau public, pardon, afin
d'apporter ce genre de service d'évaluation pour accéder aux chirurgies. Il
faut rappeler que, pour les chirurgies, au
Québec, il faut deux évaluations psychologiques, sexologiques, etc. Une
évaluation prend entre trois et cinq
rencontres, la plupart d'entre nous chargeons entre 100 $ et 150 $ de
l'heure. Faites les calculs, ça coûte
très cher. Et je suis formatrice au Québec et ailleurs au Canada pour les
professionnels qui veulent se spécialiser en santé trans, et c'est très clair que je ne peux pas et nous ne pouvons
pas remplir de document ou faire de lettre, qui ne sont pas, en fait,
des lettres, qui sont des rapports d'évaluation, à moins de procéder à une
évaluation. C'est entre deux et cinq rencontres, ça coûte très cher. De plus,
nous sommes très peu.
Ce que je me
suis fait dire autour de la table, au CHUM, c'est qu'on ne pouvait pas libérer
de psychologue dans le réseau public pour apporter des services aux
personnes trans parce que le réseau public est déjà complètement débordé. Au
niveau des psychologues, il y a des listes d'attente de deux ans pour voir les
gens dans la population.
De plus,
quand j'offre des formations, que j'offre à des prix très raisonnables, des
formations qui sont validées par
l'Ordre des psychologues du Québec, je me fais dire par des professionnels dans
les CLSC, dans les CSSS qu'ils ne peuvent pas venir parce que, même
s'ils sont prêts à payer de leur poche, ils ne peuvent pas être libérés par le
CSSS. Quand j'offre des formations
gratuites, parce que parfois mes services sont retenus par des organismes, des
fois des organismes communautaires,
et que le service est gratuit, le personnel des CSSS n'est pas libéré pour
venir à la formation, même si ça demande une seule journée ou deux pour
être libéré. Alors, je dois vous dire que c'est quand même assez particulier que, d'un côté, on exigerait des
évaluations psychologiques, sexologiques, etc., et, d'un autre côté, on a
une résistance, ce n'est pas une position
neutre, une résistance incroyable à libérer qui que ce soit du réseau public
pour servir la population trans.
Alors, je pense qu'on n'est pas prêts. Au-delà
de la question de la formation que Me Bureau vous a partagée, au-delà du
fait que les psychologues ne sont pas formés, que les médecins ne sont pas
formés, qu'il n'y a rien dans leur cursus
qui parle de la question trans, au-delà de ça, une fois arrivé sur le marché du
travail, dans le réseau public, il n'y
a aucune ouverture à libérer des professionnels de la santé pour recevoir les
personnes trans. On peut comprendre que le système est débordé. Par contre, ça pose vraiment des problèmes
importants, étant donné qu'il y a quand même une obligation de desservir
cette population. Il serait donc vraiment problématique d'imposer ces
évaluations.
De plus, je
n'ai aucune façon d'identifier ou de confirmer l'identité de genre d'un
individu. Je peux vous faire faire
l'exercice que j'ai proposé dans mon mémoire, qui est de prendre
10 secondes pour me convaincre, chacun et chacune, de votre identité de genre, de femme ou d'homme,
sans me parler de vos réalités ou de vos caractéristiques physiques. Je vous donne tout le temps que vous voulez, 10 secondes
ou 10 heures, et vous allez voir toute la difficulté de demander à une personne trans de nous convaincre de ce
qu'elle ressent intérieurement. C'est impossible. Moi, je reçois dans
mon bureau des personnes qui souffrent de
dysphorie de genre, c'est-à-dire des personnes qui sentent que leur corps et
leur identité ne correspondent pas et qui ont un grand
besoin de modifier afin qu'il y ait une meilleure correspondance. Ces personnes-là, je peux identifier la dysphorie,
oui, c'est ce que je fais, et j'aide les personnes à accéder au moyen de
transition, au moyen médical de transition. Je ne suis pas là pour confirmer
l'identité de genre de qui que ce soit.
Vous savez,
on parle de délai. L'association mondiale des professionnels en santé trans,
WPATH, donne l'accès à
l'hormonothérapie et aux chirurgies, à plusieurs chirurgies trans sans aucun
délai, sans aucun délai, en reconnaissant la capacité d'autodétermination des personnes trans. Donc, les personnes
vont chercher rapidement des services médicaux dont elles ont besoin parce qu'on reconnaît qu'elles sont tout à fait
capables de prendre leurs décisions. Alors, si on peut donner l'accès à des moyens médicaux irréversibles
sans exiger de délai, quand on parle de l'État et quand on parle de
changement administratif, d'imposer un délai à des personnes qui sont
conscientes de leur identité de genre parfois depuis
l'âge de cinq, six, sept, huit ans, ont attendu, attendu, attendu, c'est une
exigence qui peut être considérée comme vraiment non fondée. Je dirais aussi, évidemment, qu'il y a quelque
chose de très stigmatisant, hein, de médicaliser le processus quand
évidemment aussi, comme ça a été dit plusieurs fois, on va vers une
démédicalisation, justement, de la démarche.
La Société
canadienne de psychologie et l'Association médicale canadienne ont toutes les
deux partagé ou toutes les deux inscrit un énoncé de politique qui va
comme suit : Tous les adolescents et adultes ont le droit de définir leur propre identité de genre, peu importent leurs
caractéristiques physiques ou le sexe assigné à la naissance. Alors, vous
savez, quand on a l'Association médicale
canadienne et la Société canadienne de psychologie qui disent que les personnes
trans sont capables d'identifier leur identité de genre, à ce moment-là, je
pense qu'on peut faire confiance aux gens et faire confiance à ces associations professionnelles que ces énoncés politiques
là sont appuyés par la recherche et par ce qu'on sait de la réalité des
personnes trans. Voilà.
Pour la
question... Je voulais revenir aussi sur la question de terminologie, qui n'a
pas été soulevée aujourd'hui mais qui
a été soulevée au mois d'avril, est-ce qu'on utilise «identité de genre», etc.
Il faut savoir que l'Office de la langue française utilise «identité de genre», que l'Organisation mondiale de la
santé utilise «identité de genre», que le DSM-5, qui est
la bible psychiatrique et psychologique dont on se sert pour les diagnostics,
vont très probablement sortir la version
française bientôt et qu'on s'attend à entendre «dysphorie de genre» et non pas
«dysphorie sexuelle», ce qui serait absolument lamentable. Donc, je
pense que la question «identité de genre» et... l'inscription «identité de
genre» serait tout à fait possible.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie, ça complète la période pour votre présentation. Je me tourne
immédiatement vers la ministre pour votre premier bloc d'échange.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, Mme Susset, merci beaucoup de votre
participation à nos travaux.
J'aimerais reprendre là où vous avez laissé, sur
la question de l'identité de genre versus la question d'identité sexuelle. Il est prévu au Code civil... je pense
qu'on utilise le terme «identité sexuelle». Donc, si je vous comprends
bien, le terme «identité de genre» serait le terme le plus approprié lorsqu'il
est question des personnes trans?
Mme Susset
(Françoise) : Oui,
absolument, parce que la question... le problème, en français, c'est que
«sexe» veut dire les deux, veut dire les
caractéristiques physiques de la personne et l'identité de la personne, donc ça
porte vraiment à confusion. Et c'est
ce qu'on voit de plus en plus dans les pays de la francophonie, c'est que
l'identité de genre est utilisée plutôt qu'«identité sexuelle», en
langue française.
Mme Vallée : D'accord. Et,
pour ce qui est de... Parce qu'on a eu beaucoup d'échanges sur la question de l'apparence et sur la question du terme utilisé
dans le règlement. Je pense que, ça, on va... Je pense qu'on peut faire
un bout de chemin là-dessus.
Donc,
qu'est-ce que vous pensez de la suggestion qui a été présentée juste avant
vous, à savoir d'ajouter une notion de genre neutre? Est-ce que c'est un
élément qui, à votre avis, serait avant-gardiste et utile?
• (12 h 30) •
Mme Susset (Françoise) : Vous savez,
je ne suis pas trans et je considère que les personnes trans sont les mieux placées pour parler de ce qui va les toucher
par rapport aux démarches administratives qui sont considérées. Je pense
que la question du genre neutre, dans les
pays où ça a été institué, n'a pas fait l'unanimité au sein des communautés
trans ou intersexes. Alors, il y a des pour et des contre. Je pense que c'est
une considération complexe et qui amène toutes sortes d'autres discussions par
rapport aux pour et aux contre d'ajouter une troisième case.
Alors, je vais me permettre de m'arrêter là. Si
vous me permettez, je vais m'arrêter là pour la question, oui.
Mme Vallée :
Vous savez, tout le travail puis toutes les discussions qu'on a, suite au dépôt
du projet de règlement, c'est
vraiment parce qu'on est confrontés à deux éléments qu'on tente de concilier,
c'est-à-dire le respect des personnes trans et ce qu'elles peuvent vivre
mais aussi la stabilité de l'état civil. Et, pour assurer la stabilité de
l'état civil, il y a un certain nombre
d'exigences qui avaient été mises de l'avant, et je comprends que les exigences
sont considérées un petit peu trop exigeantes de la part des groupes et
de ceux et celles qui ont témoigné devant cette commission.
Est-ce que vous auriez des suggestions, vous,
pour pallier à cette problématique-là de stabilité des registres de l'état
civil et l'équilibre, là, dans... Dans le fond, est-ce que, pour vous, il y
aurait une façon d'arriver à cette fin-là
autrement? Est-ce que la corroboration, par exemple, par un tiers pourrait
suffire à assurer la stabilité des registres de l'état civil, assurer la
sécurité et assurer... qu'on évite les abus que certaines personnes craignent
par une facilitation du changement de sexe pour les personnes trans?
Mme
Susset (Françoise) : Bien,
ce que je crois, c'est que le psychologue ne va en rien vous protéger contre
ça, le médecin, le psychologue, parce que,
vous savez, nous, on fait l'évaluation du mieux qu'on peut. Si quelqu'un
arrive dans mon bureau et décide de mentir
d'un bout à l'autre, je vais faire leurs papiers puis je ne le saurai pas
nécessairement. Et plus ils sont déviants au niveau criminel, et moins
je serais au courant de leurs intentions réelles, alors...
De toute
manière, est-ce que c'est une question qu'on peut régler par rapport à une
évaluation psychologique, ou psychiatrique, ou médicale? Je ne crois
pas. Je ne vois pas du tout comment on pourrait faire ça, premièrement.
Deuxièmement, vous savez, je suis en
communication avec mes collègues en tant que présidente... ancienne présidente de l'association canadienne des
professionnels en santé trans, je suis toujours en contact avec mes
collègues des autres provinces. Je peux vous dire qu'en ce moment, en
Colombie-Britannique, on s'apprête à présenter... une collègue avocate s'apprête à présenter des documents pour enlever
carrément les mentions de sexe à bien des niveaux, au niveau de l'état
civil.
Alors, je
pense que la question de se tromper versus la question de la fraude, alors, la
question de se tromper, que la
personne décide : Ah! non, finalement, le M me correspond moins bien que
le F, j'aimerais retourner au F, ça se pourrait, je ne pense pas qu'on peut se protéger à 100 %, mais, encore là, je
pense que des changements au niveau de l'état civil ont lieu tous les
jours avec des gens qui divorcent et qui se remarient 50 ou 60 fois dans
une vie, s'ils veulent. Il pourrait y avoir des changements.
Ce que je
peux dire, par contre, c'est que les personnes trans qui en sont arrivées au
point de faire la demande auprès de
l'État civil sont autrement plus stables dans leur décision, probablement, que
la plupart des gens qui se marient, je
peux vous dire. Je suis thérapeute conjugale, donc j'ai peut-être une idée
biaisée là-dessus. Si vous voulez me parler d'évaluation psychologique avant de signer les papiers de mariage, je
serais beaucoup plus enthousiaste dans ce sens-là. Mais ce que je peux vous dire, c'est que les
personnes qui sont rendues là viennent vous voir parce qu'elles ont
besoin de ces papiers pour vivre leur vie de façon privée.
Une des
députées, tout à l'heure, a parlé de protéger de la fraude, de la pédophilie,
etc. Vous savez, quand on sera rendus
au point où les agresseurs sexuels changent la mention du sexe pour avoir accès
aux toilettes des femmes, pour agresser les femmes, et que c'est
seulement là qu'on a des problèmes d'agression, on n'aura plus la société qu'on
a aujourd'hui, hein, on sera rendus avec un
problème qui sera beaucoup plus restreint. On sait que la majorité des
agressions, que ce soit de la pédophilie ou autres agressions sexuelles, ont
lieu à l'intérieur des familles par des gens qui sont connus de la part des
enfants et de la part des personnes qui ont été agressées.
Alors, je
pense qu'il faut quand même mettre de côté ces peurs-là, là et se dire que la
question... Encore là, à moins que vous ayez quelqu'un, un officier de
l'État, qui soit à la porte des toilettes pour qu'on montre chacun et chacune notre acte de naissance, nos papiers d'état civil,
je pense que cette question-là, vraiment, n'a pas vraiment de... je ne
vois pas vraiment en quoi ça se rapporte à cette situation.
Mme Vallée : D'accord. On
nous a parlé... Ce n'est pas dans le cadre de nos travaux, là, mais on a abordé
la question des enfants, et la possibilité pour un enfant de faire cette
demande-là, puis les impacts que ça a, pour un enfant, de ne pas pouvoir
procéder aux modifications à l'état civil. J'aimerais profiter de votre
présence juste pour aborder un petit peu, brièvement cette question-là parce que c'est un peu troublant, on a eu
des témoignages qui, je pense, ont
interpelé de nombreux parlementaires autour de la table. Et, je pense,
il y a quand même une réflexion qui se doit d'avoir lieu sur
cet enjeu-là, puis j'aimerais profiter de votre présence pour peut-être nous
entretenir sur le besoin pour des jeunes enfants d'avoir aussi accès à cette
procédure de modification des registres de l'état civil.
Mme Susset
(Françoise) : Oui, tout
à fait, merci. En fait, je suis, à ce
que je sache, la seule psychologue au Québec qui travaille avec les enfants
de moins de 14 ans et les familles qui ont des enfants de moins de
14 ans qui sont trans, et donc
je peux vous dire que le niveau de détresse et d'inquiétude vécu autant par les
parents que les enfants par
rapport au manque d'accès à la modification de leur identité sur leurs papiers
et au niveau du ministère de l'Éducation pose grand
problème. C'est une vulnérabilité qui les suit pendant des années, des années
et des années. Il y a des jeunes qui, c'est clair, ont une identité qui ne correspond pas à l'identité assignée à la
naissance, c'est clair à partir de l'âge de, mettons, sept ans, huit
ans, neuf ans, et qui auront à faire un parcours scolaire jusqu'à l'âge de 18 ans
afin de changer leurs documents. C'est très, très long. C'est très long et ça
place les jeunes dans une situation à très haut risque, où on doit dépendre
aussi de la bonne volonté de l'école à maintenir cette information, qui est une
information privée, hein? Et ça met aussi
énormément de pression sur l'école, ça met énormément de pression sur les
jeunes, et ça veut dire aussi que ces
jeunes-là ont un parcours scolaire où ils doivent en plus porter ce fardeau de
ne jamais savoir : Est-ce que la nouvelle enseignante va se
tromper? Est-ce que quelqu'un lui a passé le mot que, même si sur les papiers
c'est écrit ça, en fait il faut dire ça?
Je consulte
en ce moment avec un groupe de la commission scolaire de Montréal,
d'administrateurs, pour essayer de développer des outils à distribuer au
niveau de la commission scolaire parce que les demandes, maintenant, de transition sociale commencent à partir de la
maternelle, et les écoles me contactent, je ne fournis pas, Enfants
transgenres Canada ne fournit pas, aller dans les écoles, aviser les écoles,
leur dire comment faire, comment s'adapter, comment adapter l'environnement
pour que non seulement l'enfant trans soit reçu et se sente en sécurité, mais
que tous les enfants sentent qu'ils peuvent aussi avoir une expression de genre
plus large.
Alors, je dirais que la question des enfants,
c'est vraiment problématique. S'ils ont le soutien des parents, tant mieux, mais il y a aussi ceux qui n'ont
absolument pas le soutien des parents. Alors, on parle, aux États-Unis — j'étais
en train de lire justement hier un article — d'essayer de donner accès à
des bloqueurs d'hormones à des enfants qui ont atteint la puberté mais qui
n'ont pas nécessairement le consentement des parents parce qu'ils n'ont pas
14 ans, hein, parce
que ce n'est pas à 14 ans que ça commence, la puberté, ça commence
beaucoup plus jeune et de plus en plus jeune. Alors, des fois, à partir
de neuf, 10, 11 ans, on a déjà des caractéristiques sexuelles secondaires
qui commencent à se développer et avec ça
une détresse absolument phénoménale qui mène les jeunes à une grande
vulnérabilité au niveau de la santé mentale, c'est-à-dire dépression,
anxiété, tentative de suicide. C'est une période extrêmement vulnérable.
Dr Ghosh, demain, sera ici pour vous en
parler de long en large. C'est le grand spécialiste du Québec, qui est reconnu
vraiment mondialement pour son travail auprès des familles et des enfants
trans. J'ai la grande chance de travailler assez étroitement avec lui.
Mme Vallée : Merci.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Ça complète, et on a même dépassé un peu. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme
Poirier : Bonjour,
Mme Susset. Moi, j'ai vraiment une question, je pense que nos échanges avec
la ministre ont donné des réponses,
là, à plusieurs de nos interrogations : Est-ce que, pour vous, l'argument
de la stabilité de l'état civil est un faux argument?
• (12 h 40) •
Mme Susset (Françoise) : Pouvez-vous
préciser votre question? Un faux argument dans quel sens?
Mme Poirier : Bien, on donne comme argument, depuis le début de
nos travaux, qu'il faut assurer la stabilité de l'état
civil. Est-ce que c'est un faux argument, de mettre en premier le
fait de la stabilité de l'état civil pour mettre autant de barrières que
ça dans le règlement?
Mme Susset
(Françoise) : Bien, vous
posez la question à une psychologue, alors ma préoccupation, c'est avant tout le bien-être des gens. Et ce que je dirais,
c'est que la question administrative — parce que, pour moi, la
question d'état civil, comme je la
comprends, mais vraiment de façon très naïve, c'est une question
administrative — la
question administrative ne doit pas être
plus à l'avant ou plus mise en avant que les questions psychologiques et de
bien-être des individus. Alors, je ne sais pas si ça répond à la
question.
Mais ce que
je dirais en plus, c'est qu'il faut comprendre que les études nous indiquent
que les personnes trans n'ont pas plus de problèmes de santé mentale que
la population en général, hein, ce sont des personnes tout à fait habilitées à se connaître. Et, si je vous posais
la question, à tous les députés présents, à quel moment que vous avez su
que vous étiez un garçon ou une fille, ça date de très, très loin, c'est
quelque chose de fondamental dans la personne. Donc, ce que je dirais, c'est
que tous les délais, toutes les embûches vulnérabilisent la personne, la
stigmatisent.
Vous savez,
je travaille avec des individus trans où la famille refuse d'accepter le prénom
de la personne avant que l'État
civil, hein, ait dit : Bon, bien, voilà, nous vous consacrons homme ou
femme. J'ai des employeurs qui refusent d'utiliser le prénom et de
respecter l'identité de genre de la personne avant que l'État civil ait mis son
O.K. sur la feuille. Ce que ça veut dire,
c'est qu'en fait votre démarche arrive à la fin, et à la fin d'une démarche, à
la fin de toute la transition on a le
droit... Enfin, avant le changement avec le projet de loi n° 35, la
personne devait se débrouiller tant bien que mal avec des papiers qui ne lui correspondaient pas. Ce qu'on vous
demande, en fait, c'est : S'il vous plaît, mettez ça au début de la
démarche de transition sociale.
Le début de
la démarche de transition sociale, c'est : Je suis prêt ou je suis prête à
vivre ma vie authentique, qui correspond à mon genre authentique. L'État
civil, à ce moment-là, se met en ligne pour permettre cette démarche-là. Mais ce n'est pas le début des démarches pour la
personne trans, c'est juste le début de son coming out, de dire :
O.K., j'ai fait une démarche personnelle sur
plusieurs mois, plusieurs années, plusieurs décennies; maintenant, je suis prêt
ou prête à aller de l'avant, j'ai besoin de
ces papiers-là pour pouvoir vivre ma vie de manière privée et avec plus de
sécurité. Parce que je peux retourner
en arrière puis vous rappeler les statistiques par rapport à la violence
dirigée vers les personnes trans, et c'est un niveau de violence
absolument effarant au niveau de la discrimination mais aussi au niveau de
violence sexuelle et de violence physique.
Donc, l'État, en fait, je retourne votre question un petit peu, l'État met en
danger les personnes en n'accordant
pas des papiers qui leur correspondent et qui correspondent à leur démarche et
à leur affirmation de leur identité de genre.
Et, comme j'ai dit en entrée de jeu, on pourrait
voir ça comme simplement une correction d'une erreur qui a été inscrite à la naissance parce que le
nouveau-né n'était pas là pour nous dire son identité de genre. Et vraiment je
ne le dis même pas ironiquement, je pense qu'il faut y réfléchir un petit peu
de cette façon-là. Des étrangers ont déterminé l'identité de genre de cet enfant. Cet enfant, plus tard, en tant
qu'adulte, en tant qu'adolescent ou en tant qu'enfant, nous dit :
On s'est trompé.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la députée.
Mme
Poirier : Pour compléter ce que Mme Bureau nous a dit tout
à l'heure concernant les mineurs, j'aimerais ça vous entendre, parce
qu'elle nous a dit : Il y a des stades, sept ans, 10 ans,
14 ans. La loi n° 35 a établi qu'on se penche aujourd'hui pour
les adultes, mais, s'il y avait une ouverture à le faire, et souvent il faut y
aller de façon... par étapes pour y arriver,
est-ce que le fait d'abaisser l'âge de 18 à peut-être 14, ou à 10 ans, ou
à sept ans, je n'en ai aucune idée, mais je vous pose la question de
façon très ouverte... Est-ce qu'il y aurait une proposition à faire pour faire
un pas vers les mineurs?
Mme
Susset (Françoise) :
D'enlever l'âge minimum complètement comme l'Ontario a fait. L'Ontario a
reconnu leur erreur, ils sont retournés et ils ont enlevé l'âge minimum, hein?
Encore une
fois, que l'État ait confiance que les gens connaissent leur identité, que les
parents sont responsables et que,
comme Enfants transgenres Canada a proposé... Je suis tout à fait d'accord avec
leur proposition que... je crois qu'avant
14 ans c'est avec un avis parental et médical et, après 14 ans, avis
professionnel, je crois, seulement. Pourquoi? Parce qu'il y a des jeunes
de 14 ans... Vous savez, j'ai des situations où je dois appeler la DPJ
pour trouver un foyer d'accueil pour des enfants trans qui sont menacés si leur
transition se sait ou si les parents savent que l'enfant est trans, j'ai des situations extrêmes d'enfants qui
sont en danger. Donc, on doit absolument donner l'accès à ces enfants-là
avant l'âge de 18 ans à des moyens
médicaux. Le problème, c'est que ces moyens médicaux là peuvent paraître, et
les parents peuvent s'en rendre compte, ce qui met l'enfant en danger. En des
situations vraiment très, très complexes, c'est sûr qu'à un moment donné l'avis
des parents ne peut pas être nécessairement obligé.
Mais, par
rapport à un âge minimum, il faut l'enlever, l'âge minimum, parce que
l'identité de genre est quelque chose, on s'en rend compte de plus en
plus au niveau de la recherche, qui est inné, comme l'orientation sexuelle. Et l'orientation sexuelle se déclare à la puberté,
quand les attirances se déclarent; l'identité de genre se déclare bien
avant. Et ça, toutes les écoles primaires du Québec s'en rendent compte parce
qu'ils ont des jeunes en deuxième, troisième, maternelle
qui font des transitions sociales. On a eu des formations peut-être sur
l'orientation sexuelle, mais là, là, on ne sait pas du tout quoi faire
avec la question de l'identité. Là, là, ça se pose au niveau des très... des
plus jeunes.
Mme Poirier : Merci. Merci de
cette réponse.
Vous avez évoqué tout à l'heure le fait de votre
ouverture vers de la formation, vers... et surtout le blocage à l'accessibilité
pour les personnes trans, à avoir accès à des professionnels. C'est très
inquiétant de savoir que, pour une personne trans, il y a une discrimination au
niveau des services de santé à l'effet qu'il n'y a pas d'accès gratuit à des
professionnels.
En région, ça doit être encore pire, mais, dans
les grands centres, il n'y a aucun professionnel ou très peu de professionnels? Pouvez-vous juste nous donner...
Avez-vous des stats? Avez-vous... Bon, moi, je suis un peu renversée,
là, de savoir qu'il n'y a pas d'accès, là, pour ces personnes-là.
Mme Susset
(Françoise) : À Montréal, il
y a trois médecins reconnus qui peuvent entamer l'hormonothérapie avec une lettre de soutien, que je connais et qui
sont connus dans la communauté trans. Au niveau des professionnels de la
santé mentale, sexologues, psychologues, il
n'y en a aucun qui oeuvre dans le réseau public. Il n'y a aucun
psychologue de CSSS, il n'y a aucun psychologue hospitalier qui oeuvre au
niveau des personnes trans et qui est habilité à faire des évaluations qui
mènent à l'hormonothérapie ou aux chirurgies.
Comme je vous
dis, j'ai formé un psychologue qui travaille... — je ne veux pas donner son nom parce qu'il
va être débordé, les gens vont aller à
Val-d'Or en masse — qui est
habilité à faire ces évaluations dans le système public. Et, encore là,
bien gentiment, il essaie de mettre les gens en priorité, sinon ils sont sur
des listes d'attente de deux ans.
Il faut savoir
qu'on a une statistique assez alarmante par rapport à l'attente, de faire
attendre les gens. Alors, qu'on les fasse attendre pour un changement de
papiers qui leur permet de vivre leur vie de manière privée, qu'on les fasse
attendre pour accéder à l'hormonothérapie ou la chirurgie, c'est de les mettre
en danger. Une fois que la personne a décidé
de cheminer, le niveau d'idéation suicidaire augmente en flèche, dans l'année
précédant l'accès aux hormones, aux
changements légaux et aux changements médicaux. Pourquoi? Parce que c'est un
peu comme la boîte de Pandore qui s'ouvre,
et tout d'un coup toute cette souffrance qui a été retenue émerge. Donc, on n'a
pas le temps d'attendre, il faut se dépêcher,
il faut répondre à ce besoin qui est là souvent depuis des années, des années
et des années, qui a été réprimé, qui a été contrôlé et qui tout d'un
coup émerge dans toute sa force. Et c'est une force destructive si on ne peut
pas répondre au besoin.
Alors, nous,
en région, écoutez, je me promène des fois, j'ai la chance qu'on me demande de
venir à différents colloques, etc., et en même temps je fais deux,
trois, quatre évaluations intensives, des fois je vois les gens pendant trois
heures, quatre heures de suite pour pouvoir produire le rapport pour les
chirurgies. Alors là, on...
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie, ça complète
cet échange avec la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Mme la députée de
Montarville.
• (12 h 50) •
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour,
Mme Susset. Merci d'être là, merci pour ce que vous nous apprenez. D'ailleurs,
mes collègues ont posé des questions précises que j'aurais aimé vous poser.
Donc, vous venez d'y répondre, je vais éviter la redondance.
Je vais
profiter cependant du fait que vous êtes là pour vous poser une
question, puisque vous êtes la spécialiste. On sait qu'on parle ici
d'une loi et surtout d'un règlement qui va toucher très, très peu de personnes.
Est-ce qu'on a une idée, une idée de grandeur? Quel est le pourcentage de la population
que représentent les personnes trans?
Mme Susset
(Françoise) : C'est la
question, c'est la question dans notre domaine, en fait, parce que
c'est très difficile d'évaluer. Ça dépend un petit peu par quel bout on
prend la question trans.
Alors, si on la prend
de façon la plus large possible, c'est-à-dire des personnes qui ne
s'identifient pas nécessairement à 100 % avec les caractéristiques
sexuelles qu'ils ont et avec le sexe... le genre assigné à la naissance, on peut parler quand même de 0,5 % de la
population, à peu près, donc une personne sur 200, ce qui est un chiffre
énorme. Mais je vous rassure tout de suite, si ça peut être rassurant :
toutes ces personnes-là ne se présentent pas pour avoir accès à des hormones ou des chirurgies.
C'est-à-dire que, dans la population, quand on commence à poser la question aux
gens, on commence à voir qu'il y a une
grande diversité de genres et d'identifications de genre et qu'en fait le genre
se décline non pas en deux cases mais sur un grand continuum, hein? Alors, tout
le monde se place sur ce continuum, et il faut voir qu'environ une personne sur
200 se place quelque part ailleurs qu'au genre assigné à la naissance.
Par
rapport aux gens qui ont accès aux chirurgies ou à l'hormonothérapie, ce qu'on
fait, c'est qu'on va voir les médecins.
Je vous ai nommé des médecins, le nombre de médecins qu'on a, mais ça ne veut
pas dire qu'il n'y a pas des personnes trans qui vont voir des médecins
ou qui ont un médecin de famille en région... Parce que merci pour les médecins de famille en région, qui ont une grande
ouverture, d'habitude, puis qui disent : Bien, je n'ai jamais fait ça
avant, mais, bon, je suis le seul ou la
seule ici, ça fait que je vais le faire, et qui vont chercher des protocoles en
ligne et qui des fois m'appellent ou
appellent des collègues à moi, et puis on leur envoie des protocoles, donc ils
entament l'hormonothérapie. Mais c'est difficile de dire combien de gens
le font.
Et
aussi, par rapport aux chirurgies, il y a des chirurgies qui se font sans que
ce soient vraiment des chirurgiens qui
font partie du réseau des professionnels de la santé reconnus en santé trans.
Alors, par exemple, j'ai des hommes trans, dans ma pratique, qui ont eu
des réductions mammaires, c'est passé sur la RAMQ parce qu'ils avaient mal au
dos, et puis le chirurgien, bien gentiment,
a fait plus qu'une réduction mammaire, a enlevé tout ça. Bon, ce chirurgien-là
et puis ce client-là, je ne les
verrai jamais, ils n'ont pas demandé de lettre ou... Cette personne-là, je ne
la verrai jamais, elle n'a pas demandé de lettre. Le chirurgien l'a
fait, et un point c'est tout.
Donc,
c'est très difficile de comptabiliser, en fait, mais, si on regarde,
officiellement on parle d'une personne sur
10 000. Certains disent une
personne sur 30 000; d'autres, une personne sur 5 000. Je n'ai pas de
grands chiffres à vous donner, et on ne peut pas se fier sur le nombre
de gens qui accèdent aux chirurgies, puisque ce n'est pas toutes les personnes
trans qui vont avoir accès aux chirurgies.
Mme
Roy
(Montarville) : Voilà. Je vous remercie pour votre
réponse parce que c'est une des plus précises que nous avons eues depuis
le début sur la représentativité de ce groupe.
J'ai une autre
question, tout à l'heure la ministre l'a un peu abordée avec vous. L'identité
de genre — là,
je nomme comme il faut — l'identité de genre peut-elle changer plus
d'une fois au cours d'une vie? Vous avez commencé à l'aborder. Et, si
oui, pourquoi?
Mme Susset
(Françoise) : Non, ce n'est pas l'identité de genre qui change, c'est
qu'il y a une fluidité dans l'identité de
genre, qu'il y a une fluidité chez l'être humain à bien des points de vue,
peut-être à tous les points de vue. Et je
viens de parler d'un continuum par rapport à l'identification de genre. Donc,
il y a des personnes qui, à mon avis, je pense que c'est ça qu'on peut
voir comme phénomène chez une minorité de gens... il y a des gens qui se
situent sur la ligne ou pas loin de cette ligne entre M ou F.
Et
ce n'est pas pour rien qu'on vous propose un texte qui dirait que la personne
atteste que l'identité demandée correspond
le mieux, c'est ce qui se rapproche le plus. Ça ne veut pas dire que c'est...
Il faut sortir vraiment de cette idée binaire
qu'on change de case, qu'il y a juste deux genres. C'est faux. Ce n'est
vraiment pas du tout, là, une représentation réaliste par rapport à
l'identité de genre.
Donc,
il y a des personnes qui sont plus sur la ligne, qui vont dire : Oui,
définitivement, je me sens plus du côté M ou du côté F, j'ai besoin de ça parce que ma représentation est plus
dans ce sens-là, et qui plus tard pourraient peut-être, là on parle
d'une minorité de gens... qui pourraient peut-être dire : Non, finalement,
je suis un petit peu plus de ce côté-là de
la ligne. Donc, ce ne sont pas des
gens qui se sont trompés, ce ne sont pas des gens qui ont fait une erreur, ce
ne sont pas des... c'est des gens qui
ont une certaine fluidité. Parce que, savez-vous, on a tous une fluidité au niveau
de notre genre. On ne s'en rend pas toujours
compte, et cette fluidité-là ne nous amène pas toujours... ne nous amène,
pour la majorité d'entre nous, pas nécessairement
de détresse, mais, pour les personnes trans, il peut y avoir cette même
fluidité qui les amène juste de l'autre côté du fameux M et F.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Ça complète...
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Bien, je vous remercie infiniment pour ces précisions. Extrêmement intéressant de vous entendre,
merci.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Merci. Mme la députée de... voyons, Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé :
Merci, M. le Président. Pour trois minutes? Merci, Mme Susset, de votre
présentation.
Je vais y aller d'une
brève synthèse. Bref, vous, comme psychologue et en plus expérimentée, hein,
comme celle qui porte cette préoccupation au Québec dans votre profession
depuis très longtemps, vous reconnaissez que l'autodétermination, c'est la
seule façon qu'on peut reconnaître notre propre identité de genre, qu'il n'y a
aucune autre personne sur la terre à part nous qui peut savoir de quel genre
nous sommes. Vous nous rappelez à l'instant que pendant des millénaires, puis probablement à cause qu'il fallait faire des bébés à travers
ça, on nous a parlé de deux genres, et vous dites : Non, il y a quelque
chose de plus fluide que ça.
Ici,
on a tranquillement senti le besoin de dire : O.K., l'autodétermination,
c'est bon, mais la corroboration est aussi
intéressante, est peut-être nécessaire, on verra. Vous êtes claire, ce n'est pas
les professionnels qui peuvent faire ça, mais vous dites aussi que, oui,
il pourrait y avoir une corroboration.
Ma question, elle est
spécifique, c'est : Vous avez dans vos bureaux des gens qui viennent, j'ai
bien entendu l'état de détresse, etc., qui vivent de l'isolement. Alors, si,
dans une corroboration, on demande que la personne me connaisse depuis un
certain temps, quelle sorte d'impact ça pourrait avoir chez les personnes en
transition?
Mme Susset
(Françoise) : Écoutez, je
pense que ma position, ça va être le moins de barrières possible, s'il
vous plaît. Qu'une personne puisse
simplement dire : Voilà qui je suis, et que cet énoncé soit fait sous
assermentation, quelque chose qui officialise, je crois que c'est
suffisant.
Maintenant, si l'État civil... si le bureau de
l'état civil ou Mme la ministre de la Justice sentent qu'il faut d'autres démarches, qu'il y ait quelqu'un d'autre
qui corrobore qu'ils connaissent cette personne... Je veux simplement dire que chaque démarche exigée ajoute à la vulnérabilité
déjà énorme de la personne trans et que la personne trans est en mesure
de déterminer son identité de genre. Après ça, c'est à vous de décider.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
15 secondes, Mme la députée.
Mme
Massé : Ou, bien, merci, bien sûr, de votre participation. Et
peut-être que... Dans le fond, j'aimerais peut-être, dans une autre vie, qu'on ait plus le temps de
parler de cette idée s'il n'y a pas ultimement que deux genres ou il y a
quelque chose de fluide. Me Bureau est
venue nous parler d'une case qui dirait «autre», mais j'ai l'impression qu'on
ne sera pas assez avant-gardistes pour aller jusque-là. Alors, on pourra
s'en reparler.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme la députée. Alors,
compte tenu de l'heure, nous allons mettre un terme à nos travaux. Merci
beaucoup, Mme Susset, d'avoir participé à nos travaux, c'était très
intéressant. Compte tenu de
l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures. Bon
appétit à tous et toutes.
(Suspension de la séance à 12
h 59)
(Reprise à 15 h 5)
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, prenez place, s'il
vous plaît, et veuillez vous assurer
que vos appareils électroniques sont en mode silencieux afin de ne pas
perturber nos travaux. La commission reprend ses travaux.
Et je vous
rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières sur le projet de règlement relatif au Règlement
sur le changement de nom et d'autres qualités de l'état civil pour les
personnes transsexuelles ou transgenres.
Bon après-midi
à tous. Nous recevons le Directeur de l'état civil pour commencer. Bienvenue,
messieurs. Dans un premier temps, vous disposerez d'une période de
10 minutes pour faire votre présentation, et, pour le bénéfice des membres de la commission et ceux qui nous regardent, je vous demanderais
de vous présenter dans un premier temps. Et à vous la parole.
Directeur de l'état civil
M. Bernier (Reno) : Alors, bonjour.
Mon nom est Reno Bernier, je suis le Directeur de l'état civil. Je suis accompagné de Jonathan Boisvert, qui est
professionnel au sein de mon équipe. Alors, M. le Président, Mme la
ministre, Mmes et MM. les membres de la
commission, je vous remercie de nous offrir l'occasion de soumettre nos
commentaires concernant ce projet de règlement.
Pour débuter les échanges, nous vous proposons
une mise en contexte situant l'organisation du Directeur de l'état civil ainsi
qu'un rappel de certains principes qui entourent les actes de l'état civil au
Québec.
Le registre de l'état civil fait partie de notre
patrimoine collectif, il est au coeur de la vie des citoyens. Son origine
remonte au début des années 1600, où jusqu'en 1993 l'état civil était
administré par des milliers d'officiers publics.
Le 1er janvier 1994, le gouvernement a instauré la fonction de Directeur
de l'état civil, lequel est devenu alors le seul officier de l'État
civil au Québec. Il a centralisé du même coup les 425 000 registres,
qui étaient répartis dans 3 600 lieux
différents, pour créer un seul registre, le registre de l'état civil. Cette
centralisation visait, à ce moment-là, une plus grande cohérence notamment dans l'application des règles et aussi
une meilleure stabilité des données de l'état civil.
Depuis
20 ans, le Directeur de l'état civil a la responsabilité d'être le gardien
du registre de l'état civil en protégeant cette mémoire collective qui contient des renseignements personnels très
sensibles qui sont à la base de l'exercice des droits civils. À ce titre, le Directeur de l'état civil assume les
fonctions qui sont prévues au Code civil et applique les règles qui sont déterminées par le code. Essentiellement,
il s'agit de dresser les actes de naissance, de mariage, d'union civile
et de décès, de les tenir à jour et de
délivrer des certificats ou des copies d'acte qui reprennent le contenu de ces
actes. Il doit aussi autoriser les
demandes de changement de nom ou de changement de mention
du sexe qui répondent aux exigences fixées par la loi.
Quant aux principes qui entourent les actes de
l'état civil, rappelons que tout être humain possède dès sa naissance la personnalité juridique et a la pleine
jouissance des droits civils. Bien que nous soyons tous égaux devant la
loi, chacun d'entre nous est distinct et doit pouvoir être identifié. Les
caractéristiques propres à chaque individu, auxquelles
la loi attache des conséquences juridiques, déterminent l'état de la personne.
Elles sont créatrices de droits mais
aussi d'obligations envers les tiers et les institutions. C'est dans cette
perspective que se situent les actes de l'état civil. Ils sont l'assise d'un système qui permet
de consigner les éléments essentiels de l'état et de l'identité des
personnes et sont l'instrument principal de l'exercice des droits civils.
On qualifie
ces documents de documents authentiques, c'est-à-dire que leur validité
juridique est reconnue et qu'ils font preuve de leur contenu à l'égard
de tous. Ceux qui veulent contester les éléments qu'ils contiennent doivent en faire une preuve contraire. Ces documents servent
à accéder à divers programmes et services, à exercer des recours ou à
prouver l'identité, notamment pour obtenir d'autres documents officiels.
Les actes de
l'état civil contiennent les informations qui sont expressément prévues par le
Code civil, dont le nom, la mention
du sexe, la date de naissance, le nom des parents, etc. Ces informations
permettent d'individualiser chaque citoyen
et d'éviter la confusion dans l'exercice des droits, notamment en limitant les
risques de fraude. Elles constituent un attribut de la personnalité
juridique et un élément de sécurité et de stabilité dans les rapports qu'une
personne entretient avec la société.
• (15 h 10) •
À cet égard,
la mention du sexe est, selon nous, une information d'état civil qui encore
très utilisée. En plus de se retrouver
sur les documents d'état civil, elle va apparaître sur les documents officiels
comme le permis de conduire, la carte
d'assurance maladie et le passeport, dont la délivrance est d'ailleurs faite
sur la base du certificat de naissance qui est délivré par le Directeur
de l'état civil. Dans le cas du permis de conduire et du passeport, cette
mention est même essentielle et obligatoire
en vertu de normes internationales qui sont appliquées notamment au Canada et
aux États-Unis. Elle sert aussi dans la détermination de l'accès aux
lieux sexués comme des institutions scolaires, des organismes desservant uniquement les femmes ou les hommes
comme les refuges pour victimes de violence conjugale, des entreprises spécialisées telles que des centres de
conditionnement physique, des fédérations sportives, des vestiaires, des
centres de détention, etc. Elle sert
aussi dans la détermination de l'accès aux programmes à discrimination positive
et dans certaines vérifications qui sont faites, notamment concernant
les antécédents criminels. En outre, dans les 800 000 échanges de données qu'effectue annuellement le Directeur de
l'état civil pour simplifier la vie des citoyens, les ministères et
organismes nous demandent la communication
de la mention du sexe en plus du nom afin d'être certains de s'assurer
d'identifier la personne avec exactitude dans le cadre de
l'administration des programmes.
Compte tenu de leur caractère authentique et central, les informations du registre de l'État
civil ne constituent pas des données qu'on pourrait dire
administratives, qu'on peut modifier sur simple avis, comme par exemple pour un
changement d'adresse. Leur stabilité est un
principe qui a été maintes fois reconnu par les tribunaux et qui justifie un
certain formalisme, selon nous.
À titre d'exemple, puisque le Directeur de
l'état civil ne peut pas constater lui-même les 88 000 naissances qui surviennent au Québec chaque année, le Code
civil a prévu un mécanisme de corroboration. Ainsi, le médecin ou la sage-femme, qui est un tiers impartial témoin de
la naissance, doit remplir un constat et transmettre le constat au
Directeur de l'état civil pour corroborer la
déclaration de naissance qui est faite par les parents. Ce principe est
tellement important que, s'il y a des mentions contradictoires entre le
constat et la déclaration, l'acte ne peut pas être dressé, sauf avec
l'autorisation du tribunal.
La
corroboration va se retrouver aussi dans le processus d'inscription des décès,
où la déclaration de la famille doit être corroborée par le constat fait
par le médecin qui constate le décès. C'est la même chose dans l'inscription
des mariages, où la corroboration est faite
par la déclaration des époux mais aussi par la déclaration du célébrant ainsi
que par deux témoins dans un contexte formel et public.
Elle est aussi présente, cette corroboration-là
dans les règles actuelles qui entourent le changement de la mention du sexe. En effet, comme la déclaration et
le constat de naissance doivent contenir la mention du sexe, qui est, pour l'instant, déterminé en fonction du sexe
morphologique à la naissance, il est nécessaire, pour l'instant, de
fournir la preuve de certains traitements médicaux et interventions
chirurgicales pour corroborer la demande de changement de mention de sexe
figurant à l'acte de naissance.
De plus, pour
obtenir un changement de nom, la personne doit démontrer un motif sérieux,
c'est-à-dire, selon la jurisprudence,
un motif grave, valable et important, plutôt qu'une simple préférence. À titre
d'exemple, la Cour d'appel a statué
que, pour obtenir un changement de prénom au motif de l'usage, il faut
corroborer sa demande par la production de divers documents prouvant
l'utilisation du prénom demandé sur cinq ans.
Un autre
principe qui entoure les actes de l'état civil, c'est celui de la cohérence des
règles. Ainsi, les exigences pour dresser les actes sont en adéquation,
peu importe l'événement de vie, et c'est la même chose, l'adéquation, pour modifier les actes et modifier les mentions qui
sont contenues aux actes, peu importe le type de changement qui est demandé.
L'objectivité des règles du changement de
mention de sexe est également importante. Actuellement, le Directeur de l'état
civil applique des critères objectifs et se base sur des documents produits par
des professionnels impartiaux tels que le certificat du médecin traitant et
l'attestation du succès des soins établis par un autre médecin. Il n'a pas vraiment à poser de jugement. Dans le
fond, si la demande est complète et si les documents sont conformes, il
doit l'autoriser. Bien qu'il doive parfois
poser des questions puis obtenir des documents complémentaires pour s'assurer
que la demande est conforme, son rôle est relativement limité, contrairement à
celui d'un tribunal, par exemple, qui peut entendre la preuve puis apprécier
les témoignages, notamment.
Au regard de ces principes, on comprendra que
les citoyens et l'État doivent pouvoir se fier sur la rigueur du Directeur de l'état civil et des règles
applicables. Rappelons que le changement de la mention du sexe peut être
accompagné d'un changement de prénom, ce qui constitue un changement presque
complet d'identité qui n'a pas à être publié.
Je me permets
ici de mentionner que le Directeur de l'état civil, tout en agissant avec
rigueur, est avant tout une organisation qui se veut à dimension
humaine, composée de personnes qui font tout en leur pouvoir, et je peux en
témoigner, là, pour accompagner du mieux qu'ils peuvent les citoyens, avec
professionnalisme et empathie, dans des événements de vie
qui sont souvent chargés d'émotion. Entre autres, nous nous efforçons de notre
mieux de soutenir les personnes trans dans un cheminement qui, nous en sommes
conscients, est souvent difficile. Nous avons aussi contribué à divers travaux
menés par le ministère de la Justice en la matière. De plus, nous avons balisé
un processus permettant d'accepter plus
rapidement le changement de prénom des personnes en cours de réassignation
sexuelle. Nous avons également mis en
place une déclaration unique qui permet au citoyen d'informer de son changement
de nom ou de mention du sexe en une
seule étape à un ensemble de ministères et organismes. Bref, on n'a pas la
prétention d'être des experts, là, de
la réalité trans, bien au contraire, mais je peux vous assurer qu'on est
sensibles à la situation dans l'application des règles qui nous sont
confiées par le Code civil.
En
conclusion, nous tenons à assurer de notre appui la ministre de la Justice et
les membres de la commission dans la
mise en oeuvre des règles que vous allez retenir, en vous rappelant que le rôle
du Directeur de l'état civil, ce n'est pas de déterminer ces règles mais
bien de les appliquer, en toute neutralité. Par ailleurs, afin d'alimenter
votre réflexion, nous vous suggérons, basé
sur l'expérience que l'État civil a développée depuis une vingtaine d'années,
de tenter de trouver un équilibre entre la volonté bien positive, là,
tout à fait légitime d'alléger les problématiques vécues par certaines personnes par
rapport à trois principes que vous
pourriez avoir en tête dans votre réflexion, qui entourent les actes de
l'état civil, soit la stabilité, la corroboration et la cohérence. En effet, il
nous semble nécessaire de prévoir des exigences objectives qui sont suffisantes pour assurer la stabilité des
informations d'état civil, compte tenu des principes que nous venons brièvement de partager avec vous. Nous
croyons également important de maintenir une certaine corroboration
externe impartiale permettant de constater l'existence d'une situation ou d'une
condition déterminée. Et enfin il nous apparaît
souhaitable de préserver la cohérence entre les exigences applicables pour
changer la mention du sexe et celles applicables pour dresser les actes
de l'état civil, dont notamment les modifications du nom.
Alors, je vous remercie, ça fait le tour de ma
mise en contexte.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie, Me Bernier. Mme la ministre, vous disposez
du premier bloc d'intervention.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, merci. Merci de votre intervention, M. Bernier, merci de
votre participation à nos travaux.
Je suis... En
fait, je vais vous demander... Il y a trois éléments que vous avez abordés en
conclusion de votre rapport, c'est-à-dire la stabilité, la corroboration et la cohérence.
Lorsque vous faites mention de l'importance de «préserver la cohérence entre les exigences applicables pour changer la mention du
sexe et celles applicables pour dresser les actes de l'état civil ou pour modifier d'autres informations», vous entendez quoi, à quoi pensez-vous précisément? Parce qu'on peut interpréter cette
phrase-là de différentes façons. Et puis, nous, dans le fond, ce qu'on cherche,
c'est l'équilibre entre le respect des
droits des personnes trans qui doivent passer par cette étape-là d'obtenir un
changement à la mention du sexe, à leur
acte d'état civil, puis préserver aussi la stabilité des registres, qui est
quand même un élément important. Alors, cette cohérence-là, pour moi, j'ai mis un gros point d'interrogation, je
me demandais ce à quoi vous pensiez précisément.
M. Bernier
(Reno) : Merci. Merci pour votre question. En fait, ce que nous avions
en tête, c'est qu'actuellement la mécanique de l'état civil entourant la
manière de dresser les actes de naissance, la manière de dresser les actes de décès, même chose pour les mariages, et la
mécanique qui entoure la manière de mettre à jour ces actes-là est en
cohérence dans le sens où on va exiger, par exemple, dans tous les cas une
déclaration et une corroboration, on va aussi avoir des degrés d'exigence qui
sont similaires. Je m'explique.
Par exemple,
pour changer de nom, actuellement, pour le motif de l'usage, la Cour d'appel
est venue statuer que ça prenait cinq
ans d'usage dans les différentes sphères de vie de la personne avec des preuves
documentaires à l'appui pour changer de nom, pour changer de prénom. Le
changement de prénom peut aussi être fait accessoirement à une demande de
changement de mention du sexe. Donc, tout dépendant des règles que vous allez
retenir au niveau du changement de la
mention du sexe, il faut garder en tête qu'il va y avoir une cohérence à
maintenir ou des ajustements qu'il faudra faire par rapport à ce qu'on
fait en changement de nom, c'est un exemple, là, de la cohérence, puis il y a
aussi une cohérence par rapport aux exigences entre les citoyens pour changer
de nom à l'état civil.
Puis aussi,
bien, une cohérence, dans le fond, au sens un petit peu plus large, si on
regarde ce qui se fait dans les autres provinces canadiennes qui ont des
systèmes similaires, dans les provinces qui ont changé les règles, il faudrait peut-être évaluer s'il n'y aurait pas un intérêt à
avoir une certaine cohérence aussi avec ces règles-là. Mais c'était ça,
là, l'idée de la cohérence, là.
• (15 h 20) •
Mme Vallée : Pour la question
du changement de la mention de sexe, la plupart des intervenants qui se sont
présentés en commission parlementaire nous disaient : Lorsque vient le
moment de faire cette demande-là à l'état civil,
la personne a déjà derrière elle tout un cheminement personnel, parfois qui
s'est accompagné d'un accompagnement médical,
d'autres fois non, pour toutes sortes de raisons, mais ce cheminement-là s'est
fait. Donc, l'étape du changement de nom
devient, finalement, l'étape ultime pour bien des personnes trans... le
changement de la mention de sexe, pardon, devient l'étape ultime. C'est l'étape... c'est le moment où, dans une
vie, on dit : Là, j'en suis rendu à faire cette mention-là, à faire ce changement-là, puisque j'ai besoin, pour pouvoir continuer de
vivre pleinement sous mon identité de genre ou mon identité sexuelle, on n'a pas encore... l'utilisation du terme demeure à définir, mais ça demeure une étape ultime.
Dans le règlement, on
avait suggéré qu'il y ait une référence de temps, à ce moment-là, qui était de
deux ans. On nous a dit en commission parlementaire que ça ne faisait que mettre une pression
additionnelle, cette exigence-là, et donc
on nous a fortement recommandé de mettre de côté toute référence à une période
de temps, puisque l'étape de la demande de changement de sexe, la mention de sexe,
était en soi l'étape ultime. Alors, pour certains, ça sera cinq ans, six
ans. Pour d'autres, ça sera un an. Pour d'autres, ça sera moins, mais c'est
variable. Et, lorsqu'on en est rendu à faire
ce changement-là, dans notre transformation et dans notre démarche personnelle, c'est qu'on
en est rendu à l'étape ultime, et on ne veut pas devoir avoir cette
période de temps là qui nous plane au-dessus de la tête.
Qu'est-ce que vous pensez et comment... Est-ce
que vous croyez qu'il est possible de
ne pas assujettir la demande à un délai tout en préservant la stabilité
des registres? Est-ce que vous croyez qu'il serait possible de faire comme les
autres provinces canadiennes ont fait, ne pas assujettir la demande à un délai
fixe, bref, comme il est actuellement?
M. Bernier
(Reno) : Oui. Écoutez, tout d'abord, là, moi, je voudrais vous
rappeler, peu importent les exigences que
vous allez retenir, on va vous appuyer, puis on va s'arranger pour les
appliquer en toute neutralité, puis on va les mettre en oeuvre.
Maintenant,
je veux aussi préciser que, nous, notre intention... On n'a pas d'intérêt, là,
dans ça, là. Que ce soit une règle ou
une autre, nous autres, on est un registraire. Ça fait qu'on pourrait vous
dire : Écoutez, il n'y
a aucun problème avec rien, de toute façon ce n'est pas
nous autres qu'on va avoir les problèmes, ça va être les administrateurs de lieux où il y a des
accès contrôlés, ça va être les gens qui vont délivrer des cartes d'identité
ensuite, ça va être les tiers qui vont vouloir
contester éventuellement des mentions authentiques dans le certificat, donc...
Mais on le sait, qu'il y a un effet domino,
quand on change l'acte de naissance à l'état civil, sur un ensemble d'étapes,
donc on pense que c'est important d'apporter un éclairage
complémentaire, avec un certain détachement, dans le fond, dans ce dossier-là.
Donc,
quand vous nous parlez, dans le fond, du délai, moi, je pense que ce n'est
peut-être pas nécessaire d'avoir un
délai comme ça, là, préalable au dépôt d'une demande. Ce qui est vraiment
important, je pense que c'est d'avoir un certain niveau qui permet
d'assurer la stabilité de la mention, éventuellement de la corroboration et
puis... comme la cohérence qu'on parlait tout à l'heure, là. Mais le délai
comme tel avant, là, c'est peut-être moins...
Mme
Vallée : Donc, en fait de formalisme, si je vous comprends
bien, vous nous dites : Écoutez, pour nous, les exigences n'ont pas d'importance. Ce qui est
important, dans le fond, c'est la préservation d'un certain formalisme
qui entourera la demande pour vraiment
démontrer qu'il s'agit là d'une étape importante, parce qu'on ne vient pas
changer... parce que ce n'est pas un geste
que l'on pose à la légère, au même titre que le mariage, au même titre que la
naissance, ce sont toutes des étapes
importantes d'une vie, et, en conséquence, ces changements-là au sein de l'état
civil commandent d'être entourés d'un
cérémonial, si on peut dire, et donc d'où... Et vous nous amenez à la
corroboration, qui, pour vous, demeure un élément important.
M. Bernier
(Reno) : Oui, on pense qu'effectivement, là, s'il fallait faire des
ajustements... Parce qu'on a entendu, nous
autres aussi, les observations qui ont été soumises, puis on est d'accord sur
le fait que peut-être que le projet de règlement, tel que libellé,
pourrait être ajusté. Nous, on n'est pas dans l'opportunité, mais nous autres
aussi, on en convient, là. Mais on pense
qu'il y a des choses qui sont plus importantes que d'autres, là, dans le projet
de règlement, puis on pense que, la corroboration, ce serait important
d'en avoir une.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Il reste une minute, Mme la ministre.
Mme
Vallée : Simplement,
un processus similaire à une demande de passeport, telle qu'on
la retrouve, est-ce que ce
serait quelque chose suffisamment encadré, suffisamment formel?
M. Bernier
(Reno) : Si ce n'étaient que les affidavits, dans le fond, comme pour
le passeport, et il n'y aurait plus de papier d'un professionnel? C'est sûr
que, si c'était ça, ça répondrait à certaines préoccupations qui ont été soulevées devant la commission, ça amènerait une
certaine corroboration aussi. Par contre, il faudrait peut-être évaluer
certains éléments et puis il faudrait réfléchir, là, dans le fond, est-ce
qu'une corroboration sous la forme d'affidavits comme au passeport...
Il
faut comprendre qu'au passeport ils ont d'abord l'acte de naissance de la
province en main qui a fait la première étape, c'est-à-dire de s'assurer que la mention du sexe est stable, là,
ils se basent sur ça. Ensuite, les corroborations qui sont amenées sont, selon notre compréhension... et
je ne suis pas un spécialiste, là, des règles entourant les passeports, mais ce sont des éléments qu'on peut corroborer de
l'extérieur; on connaît la personne depuis combien de temps, oui, mais décrire la personne aussi, il y a des éléments
d'identification physique beaucoup, là, au niveau des passeports. Je ne
sais pas si c'est nécessairement ça, là, qui était en tête.
Il faudrait regarder
aussi... Est-ce que l'attestation d'un tiers qui connaît la personne depuis un
certain temps, en apparence, est aussi impartiale qu'un professionnel? Et puis
aussi ce que j'ai entendu au niveau de la commission, c'est qu'idéalement il ne
faudrait pas se baser sur l'apparence, justement, c'est ce que j'ai cru
comprendre, là, et c'est peut-être...
peut-être qu'il y aurait un défi, là, dans la manière de libeller ça, là, pour
faire attester par un tiers qui n'a aucune expertise au niveau de
l'identité de genre quelque chose qui est somme toute assez intrinsèque à la
personne et qui ne peut pas être évalué sur
la base de l'apparence extérieure, il faudrait y réfléchir. Mais il y a là une
avenue intéressante à regarder, là, mais il y aurait peut-être certaines
questions.
Il
faudrait voir aussi la cohérence avec les autres provinces, qui, eux autres,
ont un professionnel dans le décor, là. Il y a différentes questions,
là, qu'on pourrait regarder, là, davantage, là, le cas échéant.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie, ça complète ce premier bloc d'échange. Mme la députée
d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.
Mme Poirier :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être là pour apporter votre
éclairage.
À partir du mémoire que vous avez présenté, à
partir de ce que vous venez de nous dire aujourd'hui, et si on fait un comparable avec les autres provinces, avec
les autres directeurs de l'état civil au Canada ou ailleurs dans le
monde qui ont eu à faire ce processus au
niveau d'un changement législatif pour justement permettre aux personnes trans
d'avoir un changement de lettre sur leurs
documents, quelle est l'expérience que vous retirez des consultations que vous
avez pu faire versus les autres? Comment ça se passe ailleurs, selon
vous?
M. Bernier
(Reno) : Bon, évidemment, nous, on n'a pas la prétention d'être des
experts de la situation dans les autres provinces, là, les États civils
des autres provinces sont les mieux placés pour répondre à ça, mais on a fait
un survol avec eux, et puis il y a quatre
provinces, dans le fond, là, qui ont des règles, là, qui ont été changées.
C'est sûr que ça ne fait pas beaucoup d'années, là, que c'est en
fonction, les règles, là. Le plus lointain, je crois que c'est 2012, si je ne
m'abuse.
M. Boisvert (Jonathan) : 2012, oui,
l'Ontario.
M. Bernier
(Reno) : Il n'y a peut-être pas assez d'années, là, de passées pour
faire vraiment un bilan, là, complet, là,
du succès, là, des règles. Moi, à prime abord, là... Comme je vous dis, je ne
suis pas sur le terrain dans ces provinces-là, on me dit que ça va quand
même bien, là, les règles qui sont en place. Il y a certains conseils, là, que
l'Ontario nous donnait, entre autres, là, de
regarder comme il faut, là, la liste des professionnels, là, qui sont
mentionnés puis de discuter avec les ordres professionnels concernés,
mais sinon ça a l'air à bien fonctionner.
Et puis on a quelques informations, là. On se
demandait s'il y avait eu des retours en arrière aussi, là, des changements, parce qu'actuellement, à l'État civil
du Québec, nous, on... moi, à ma connaissance, il y en a eu un dans les cinq dernières années, un retour en arrière. En
Ontario, il n'y en avait pas eu, qu'ils me disaient, dans les cinq
dernières années, puis depuis les règles ils
en ont eu trois. Ça fait que c'est peut-être une information que je peux vous
donner, mais sinon, là, pour le reste, ça semble bien aller.
Mme Poirier : Vous nous
parlez de rigueur nécessaire, et on pense tous ici que c'est souhaitable pour
ce dont on nous parle, la stabilité de l'état civil. D'autres nous disent que
la rigueur versus la discrimination, ce n'est peut-être pas souhaitable, parce
que mettre des délais, ça vient introduire une discrimination... bien, enfin,
on vient poursuivre la discrimination pour ces personnes-là.
Moi, je veux
juste comprendre, là. Vous avez mentionné : La mention du sexe est stable.
Ça veut dire quoi, ça?
• (15 h 30) •
M. Bernier
(Reno) : Ça veut dire que les actes de l'état civil, comme prenons
l'acte de naissance, contiennent des informations qui sont normalement
d'une longue durée, qui ont une certaine pérennité. Le nom peut être modifié lorsqu'il y a une certaine démonstration qui est
faite, c'est-à-dire un motif sérieux, bon, grave, valable et important,
comme je vous disais, l'exemple de la Cour
d'appel, cinq ans. Bon, pour la mention du sexe, jusqu'à tout récemment, bien
c'était avec les opérations, les interventions
chirurgicales, puis tout ça, donc c'était une mention qui était relativement stable, on avait à
peu près 80, 90 changements par
année. Donc, ça, ça permet d'avoir, dans
le fond, des cartes d'identité qui
sont relativement stables, ça permet d'avoir des bases de données qui sont à
jour, ça permet de faire les vérifications, par exemple... puis là je ne suis
pas en train de dire que les personnes trans sont nécessairement
des personnes qui ont des antécédents
criminels, je vous parle plutôt des personnes qui voudraient tirer profit
négativement des mesures positives qu'on
veut mettre en place, mais par
exemple les liens avec les
antécédents criminels. Quand tu changes de mention de sexe, tu changes
de nom, c'est plus difficile de faire les liens ensuite.
Alors, il y a
un ensemble d'impacts, là, qui se matérialisent, qui se concrétisent, lorsqu'on
change l'identité, et puis c'est pour ça que les tribunaux, au niveau du
nom, ont plusieurs fois dit que l'État avait intérêt à préserver la stabilité des informations à l'État
civil. Donc, c'est un peu ça. Ça ne veut pas dire de ne pas adapter les
exigences aux réalités et de tenter de trouver un équilibre dans tout
ça.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
M. le vice-président.
M. Lisée : Oui, merci. Merci
beaucoup pour votre témoignage et votre travail.
Je rebondis tout de suite sur ce que vous venez
de dire. Lorsqu'il y a changement de nom, en ce moment, et lorsqu'il y a changement de sexe, en ce moment, et lorsqu'il y aura... avec le nouveau règlement, est-ce qu'il reste une trace de l'identité
antérieure qui est disponible pour, justement, la recherche d'antécédents
criminels ou l'identification?
M. Bernier
(Reno) : Oui, on garde
l'identité antérieure aux registres de l'état civil. Le nouveau nom est appliqué sur le
nouvel acte de naissance. L'ancien certificat de naissance doit être retourné à
l'État civil, puis on en délivre un nouveau avec le nouveau nom, la nouvelle
mention du sexe.
Ensuite de ça, avec la déclaration unique qu'on
a mise en place, il y a cinq ministères et organismes qui sont informés du changement, mais, pour tous les
autres, il n'y a pas de mise à jour des bases systématique, c'est
le citoyen qui doit faire ces démarches.
Et puis, oui, à l'État civil, les données sont
encore disponibles, mais là il faut qu'il y ait des consultations. Et il n'y a
pas nécessairement de lien électronique entre, par exemple, les antécédents criminels et les registres de l'état civil. Pas nécessairement, là.
M. Lisée : O.K. Alors, si la Sûreté du Québec fait une
vérification sur Jeanne Beaudoin et qu'en fait ils recherchent quelqu'un
qui a un antécédent sous le nom de Jean Beaudoin, comment ils procèdent avec l'État
civil pour le vérifier?
M.
Bernier (Reno) : Selon notre
compréhension, et là je ne suis pas un spécialiste des bases de données des
corps policiers, mais, eux autres, si la mention du sexe est différente, ils ne
sont pas capables de voir l'ancienne identité. Par contre, ils peuvent
demander ce qu'on appelle une attestation à l'État civil pour vérifier
l'identité avant, l'identité après, s'ils ont un intérêt ou un motif
sérieux pour le demander. Donc, ça ne se fait pas systématiquement, mais ça
peut se faire, oui, pour répondre à votre question.
M.
Lisée : Donc, en ce moment, dans l'état actuel du croisement des fichiers, si la SQ n'a
pas de raison de croire qu'ils
cherchent quelqu'un qui a changé de genre ou de nom, ils ne
demanderont pas l'attestation, ils ne le sauront pas.
Est-il
imaginable de faire en sorte que cette information-là soit... Est-ce qu'il y a un problème
d'anonymat des informations, de protection des données personnelles là-dedans
ou est-ce qu'un mécanisme pourrait être créé pour que dans la banque de données de la Sûreté du Québec ils puissent voir
que, bien, voici, cette personne-là a eu deux noms différents au cours
de sa vie?
M.
Bernier (Reno) : Oui, bien, comme on disait tout à l'heure, ce n'est
pas publié, donc c'est sûr que ce n'est pas public, rendu public, pour différentes raisons, puis c'est tout à fait
légitime. Par contre, légalement, oui, on pourrait faire des ententes
d'échange de renseignements avec les corps policiers pour mettre à jour les
registres au fur et à mesure.
M.
Lisée : D'accord. Je reviens sur l'autre question, qui est le
changement de nom, parce que vous indiquez dans... et vous l'avez dit tout à l'heure, en ce moment,
pour un changement de nom qui n'a pas de lien avec le changement de genre, il faut «un motif grave, valable et
important plutôt qu'une simple préférence. [...]la Cour d'appel a statué que,
pour obtenir un changement de prénom au motif de l'usage, il faut corroborer sa
demande par la production de divers documents prouvant
l'utilisation du prénom demandé — le nouveau — sur une période de cinq ans.» Donc, en ce
moment, si Jean Beaudoin veut devenir
Pierre Beaudoin, d'abord, il faut qu'il y ait une raison grave, et il faut
qu'il prouve qu'il a utilisé le prénom
de Pierre Beaudoin pendant cinq ans, même si ce n'était pas son prénom, avant
d'obtenir un changement de nom.
M.
Bernier (Reno) : En fait, c'est plus global que ça. La loi prévoit
qu'une personne peut obtenir un changement de nom si elle démontre un motif sérieux. La loi prévoit une liste
d'exemples de ce qu'est un motif sérieux, puis, parmi la liste, l'usage généralisé d'un nom différent de
celui inscrit à l'acte de naissance est nommé, mais ce n'est pas une
liste exhaustive, donc il peut y avoir d'autres motifs sérieux.
Cet exemple-là de l'usage généralisé a été interprété
par les tribunaux, puis c'est cette cause-là que je vous citais tout à
l'heure. Dans ce cas-là spécifique, ils ont dit que c'était cinq ans, mais ce
n'est pas dans tous les cas qu'il faut attendre cinq ans. S'il y a d'autres
motifs sérieux...
M. Lisée :
O.K. Par exemple?
M.
Bernier (Reno) : Par exemple,
dans la situation des personnes trans, quand je vous disais, tout à l'heure, qu'on a balisé un processus qui permet d'avoir des changements de prénom plus
rapidement, c'est en application de cet article-là de
la loi qui nous permet, pour un motif
sérieux, de changer le prénom. Sauf que, dans ce cas-là, la personne doit
démontrer qu'elle a entrepris un processus...
Pour l'instant, là, les règles, c'est qu'elle doit démontrer qu'elle a
entrepris un processus de réassignation sexuelle, donc démontrer une
corroboration avec une preuve d'hormonothérapie puis un rapport psychologique.
M.
Lisée : O.K. Ça,
je comprends ça. Maintenant, un motif sérieux, ça peut être que, alors, Jean
Beaudoin, ça allait bien dans sa vie jusqu'à
ce que le nouveau chef des Hell's s'appelle Jean Beaudoin. Ça fait juste un an,
c'est dans tous les journaux, là sa
vie est un cauchemar. C'est un motif sérieux, il peut faire la demande. Il n'a
pas eu besoin de changer pendant cinq ans, il peut le plaider.
M. Bernier
(Reno) : Oui.
M. Lisée :
Bon, maintenant, si on accepte des recommandations qui sont faites devant nous
pour que le changement de genre soit
autodéclaratoire, facile, rapide, avec une corroboration comme le passeport
d'une personne, qui n'a pas à avoir un
lien avec un professionnel de la santé, le motif de la volonté de changement de
nom qui est l'autodéclaration du
changement de genre devra donc être considéré comme un motif sérieux et valable
pour entraîner le changement de prénom, et, si on le décide par règlement,
bien ce sera ipso facto considéré comme un motif valable.
Ma
sous-question à ça, c'est : Est-ce
qu'il sera donc plus facile de
changer de nom si on change de genre de
façon autodéclaratoire que si on veut changer de nom pour une autre raison?
M. Bernier
(Reno) : Oui, parce que, si c'est l'autodétermination qui est retenue,
le changement de prénom est un automatisme au changement de mention de sexe, on
n'a aucune discrétion, à l'État civil, pour évaluer si c'est sérieux ou pas, ce n'est pas les mêmes règles
juridiques. Donc, effectivement, on
pourrait se retrouver dans une situation où quelqu'un doit plaider cinq ans d'usage pour changer son prénom, alors
que quelqu'un qui change de mention de sexe peut changer de prénom en
même temps, en autodéterminant son changement de sexe, c'est vrai.
M. Lisée :
Je vois. Merci.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Est-ce que ça complète, du côté
de l'opposition officielle? Non, donc, ça ne complète pas. Mme la
députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Poirier : Vous nous avez
parlé des tiers qui pouvaient contester. Comment ça fonctionne? Parce que vous nous dites qu'il y a une possibilité de tiers
qui peuvent contester. Quelle est cette procédure-là présentement? Et
quel pourrait être... Comment pourrait-elle s'appliquer dans le cas de
personnes trans?
M. Bernier
(Reno) : Le principe, c'est qu'un acte de naissance, là, le document
qui représente l'acte de naissance, c'est
ce qu'on appelle un acte authentique, donc seulement en le présentant ça fait
la preuve de ce qui est écrit dessus. Ça, c'est le... Et, si tu veux
contester ça, il faut renverser le fardeau de la preuve, donc le fardeau de la
preuve appartient à celui qui conteste ce qui est écrit dessus.
Quand c'est
une date de naissance, ou le nom d'un parent, ou un lieu de naissance, ou des
informations comme le nom ou... c'est
plus facile de contester une fausse déclaration ou une fausse représentation de
quelqu'un factuellement. C'est sûr
que, si on allait vers des critères davantage subjectifs comme
l'autodétermination, je pense... et là je n'ai pas fait un... je ne suis pas un plaideur, là, mais je
pense que ce serait difficile, pour un plaideur, de venir contester quelqu'un
qui se serait autodéterminé. Ce n'est pas
des bases objectives, factuelles qui peuvent être contestées vraiment de
l'extérieur, à mon... Et là je n'ai pas fait l'analyse approfondie.
Donc, c'est dans ce sens-là. Quand je vous dis
comment ça marche, là, la contestation, c'est un peu ça, là. Et puis il y a toutes sortes de situations de
recours, là, où on peut avoir à plaider un acte de l'état civil, là, naissance,
décès, mariage, tout ça, là, dans l'exercice des droits civils. C'est toujours
la même règle partout.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Il reste une minute, Mme la députée.
Mme
Poirier : Certains sont venus nous parler de ne plus avoir de M
ou de F, de ne pas avoir de genre, ne pas avoir d'identité de genre.
Qu'est-ce que ça aurait comme incidence, selon vous?
M. Bernier
(Reno) : Bien, je pense que ça aurait... Pour l'instant, en 2015, là,
il est encore utilisé beaucoup, le genre.
Dans le passeport, c'est obligatoire à cause de normes canadiennes et
américaines, même internationales. Donc, il faudrait penser à ça, il
faudrait avoir un arrimage. C'est encore utilisé pour la carte à la RAMQ, c'est
encore utilisé pour le permis de conduire;
là aussi, le permis de conduire répond à des normes internationales. Il
faudrait l'évaluer. Puis, comme je
vous dis, on a 800 000 échanges de données, actuellement, puis les MO
en ont besoin, pour l'instant, d'avoir cet
élément d'identification là. Donc, il faudrait réfléchir, là, à l'impact, là,
sûrement il y aura un impact important, là.
• (15 h 40) •
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie, ça complète
pour ce bloc d'échange. Mme la députée de Montarville, à vous la parole.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Me Bernier, M. Boisvert. Maître, peut-être,
j'imagine, également? Non? J'ai présumé. Merci à vous, merci pour le mémoire.
C'est rare qu'on voit le Directeur de l'état
civil en personne. Moi, je l'ai lu dans mes livres, mais là je le vois. Bienvenue
chez nous.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Il existe.
Mme Roy
(Montarville) :
Il existe en personne.
J'aimerais vous amener à votre conclusion, la
conclusion du mémoire. Pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, vous nous dites : «...nous vous
suggérons de considérer trois éléments dans le choix des nouvelles règles,
soit la stabilité, la corroboration et la cohérence. Il nous semble nécessaire
de prévoir des exigences objectives suffisantes pour assurer la stabilité des
informations d'état civil compte tenu des principes que nous avons partagés...»
Quand vous
dites de prévoir des exigences objectives suffisantes, qu'est-ce que vous
entendez par là? Ça pourrait ressembler à quoi?
M. Bernier
(Reno) : Comme je vous disais tout à l'heure, c'est délicat pour moi,
parce qu'on va avoir à appliquer les
règles en toute neutralité, de vous dicter ou de vous conseiller sur le choix
des règles. Puis, comme on disait tout à l'heure, nous, on va les
appliquer, peu importent les règles que vous allez retenir.
Mais, quand
on parlait d'exigences suffisantes, c'était pour assurer la stabilité. On
parlait notamment de, oui, des déclarations
sous serment, mais l'élément de corroboration aussi, l'élément de cohérence
avec les autres niveaux d'exigence qu'on
retrouve ailleurs. On en a parlé tout à l'heure pour le changement de prénom,
là, il faut réfléchir aussi aux impacts, là, d'avoir des règles qui seraient... tout en étant tout à fait légitimes
dans la recherche d'un équilibre entre les problématiques réelles, là, qui sont vécues, mais aussi avec les
autres principes, là. Donc, je pense qu'il faut être prudent, là, dans
l'analyse.
Mme Roy
(Montarville) :
Par ailleurs, vous poursuivez en disant : «Nous croyons également
important de maintenir une corroboration externe impartiale permettant de
constater l'existence d'une situation ou d'une condition déterminée.» Donc, vous nous en parlez, de cette
corroboration qui fait partie du règlement à l'étude actuellement, mais
quel sera le type de corroboration, ça, c'est peu important pour vous, en
autant, cependant, qu'il y ait une forme de corroboration. C'est ce que je
comprends?
M. Bernier
(Reno) : Bien, c'est important qu'il y en ait et qu'il y ait un degré
suffisant de corroboration aussi, là. Ce
n'est pas la même chose, une corroboration qui vient d'une personne qui connaît
le demandeur depuis un certain temps, qui
va attester... Il faudrait voir qu'est-ce qu'on ferait attester aussi à ce
tiers-là, là, il faut que la personne soit capable de faire cette
attestation-là avec des éléments objectifs. Ce n'est pas le même type de
corroboration qu'un professionnel qui est
soumis à un code de déontologie, un code d'éthique, qui a un numéro de membre
de l'ordre, qu'on peut faire des vérifications auprès de l'ordre, qu'on
peut faire témoigner devant le tribunal comme expert, qui nécessairement a une certaine expertise sur des éléments davantage de
nature intrinsèque d'une personne. C'est un peu... Oui, la
corroboration, c'est important, puis le degré aussi, il est important, là.
Mme Roy
(Montarville) :
C'est un point important que vous soulevez ici.
Plus loin,
vous concluez en nous disant que «les règles contenues au projet de règlement
actuel répondraient — naturellement
c'est au conditionnel, là, ce sera à nous de travailler le règlement — à ces
trois éléments», qui sont, je vous le rappelle,
la stabilité, la corroboration et la cohérence, naturellement tout ça pour le
bureau de l'État civil, les papiers de l'État civil, qui sont des
papiers qui ne sont pas anodins, qui sont importants.
À la lumière
de ce que vous nous dites, ce que vous nous expliquiez tout à l'heure, M. le
Directeur de l'état civil, selon vous... Et commentez, dites-nous ce que
vous en pensez. Plusieurs nous ont parlé de cette simple déclaration solennelle de la personne qui souhaite changer de
genre. Selon vous, est-ce que ça pourrait être suffisant pour modifier
les registres de l'état civil ou il faut aller plus loin?
M. Bernier
(Reno) : L'autodétermination complète? C'est sûr que, dans cette
situation-là, on se retrouverait dans un contexte où il n'y a pas de
corroboration puis il n'y a vraiment pas de cohérence avec le reste des
informations authentiques qui se retrouvent dans les actes de l'état civil.
J'ai entendu
qu'on citait parfois certains modèles comme référence, au niveau de
l'autodétermination, mais moi, je
n'ai pas la conviction qu'on a étudié à fond ces modèles-là, là. Puis est-ce
que les régimes d'état civil dans ces pays-là, comme l'Argentine, par exemple, sont comparables à celui du Québec?
Est-ce que l'importance des actes de l'état civil, et je ne le sais pas, là... ils sont comparables
avec l'importance des actes de l'état civil au Québec? Est-ce que
l'architecture juridique qui entoure tous nos actes de l'état civil est la
même?
Et puis même
je ne sais pas si on a étudié à fond mêmes les systèmes d'autodétermination,
parce que moi, à ma connaissance, je n'ai pas entendu quelqu'un qui a
précisé notamment que, pour le modèle de l'Argentine, il y a un mécanisme
important pour éviter... pour contrôler un peu, c'est qu'on doit aller devant
le tribunal si la personne veut revenir en
arrière. Oui, elle peut s'autodéterminer une première fois, mais, si elle veut
revenir en arrière ensuite, c'est le tribunal
qui doit décider, ce n'est plus l'État civil. C'est quelque chose, je pense...
c'est des éléments comme celui-là que je pense qu'il faudrait creuser davantage. Moi, à ma connaissance, je ne
l'ai pas entendu, là, quand il y a eu les discussions, là.
Mme Roy
(Montarville) : Moi
aussi, c'est la première fois que je l'entends. Écoutez, ça répond à mes
questions, c'est clair. Vous nous
dites : Oui, nous allons appliquer le règlement que vous allez mettre sur
la table, mais cependant, un document de l'état civil, ces papiers-là qui sont
des documents authentiques, il faut leur faire attention, et, si on met des règles, il faut qu'elles soient claires,
cohérentes; stabilité, corroboration et cohérence. Bien, je vous remercie,
maître et M. Boisvert, et je vais céder la parole à ma collègue.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, bien, moi aussi, je vais faire ça. Je vais céder la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être là. En fait, vous avez, comme nous,
écouté plusieurs des intervenants, qui sont venus nous dire, bon,
si je faisais... rapidement, les groupes communautaires qui sont venus,
clairement... et vous êtes à même d'en témoigner parce que ces gens-là aussi se
retrouvent dans vos bureaux, la souffrance,
les difficultés vécues et parfois comment actuellement, en tout cas depuis un
certain nombre de mois, il y a un vide
dans lequel la souffrance est accentuée parce qu'on n'accouche pas de ces
règlements-là; on a eu des juristes qui sont venus clairement nous dire
que de plus en plus le droit, dans les dernières années, nous amène vers la
reconnaissance en matière de notre corps, de la reconnaissance, de
l'autodétermination comme étant un des leviers, on pense à la loi Mourir dans la dignité, on pense au droit de
l'avortement, etc.; les spécialistes de la santé qui viennent nous dire :
Ce n'est pas une corroboration d'un
professionnel qui peut agir, puisque les personnes sont celles qui peuvent
savoir de quel genre ils sont; et,
bien sûr, la grande préoccupation, la stabilité de l'état civil, à travers tout
ça. Et c'est évident que, quand je regarde
le nombre de personnes qui m'entourent qui sont dans des processus de
transformation, versus le nombre de mariages et de divorces qu'il y a dans la vie, là — vous avez parlé d'un cas au Québec — on n'est pas dans les mêmes
proportions.
Je comprends que la corroboration était quelque
chose qui vous préoccupait par rapport à la question de la stabilité, on dit : Mais ça dépend qui est-ce
qui corrobore. Je vérifie avec vous. Une déclaration sous serment, on
s'entend que c'est probablement un des
leviers les plus intéressants, parce que, pour le bénéfice de nos auditeurs,
c'est passible quand même de 14 ans de prison si on joue avec ça,
si on peut le dire ainsi. Mais, si on disait que la personne qui corrobore sous serment dit que... elle doit être
majeure, premièrement, et atteste connaître le demandeur, et que ce
dernier, la personne
qui demande, affirme comprendre le sérieux de sa demande de changement de
mention de sexe, est-ce que, pour
vous... Parce que, là, vous parlez de degré. Si je corrobore que la personne
qui est en face de moi, que je valide, elle est consciente de ce que ça
veut dire, et de l'importance, et du sérieux de sa demande, est-ce que ça vous
apparaît quelque chose qui tient la route?
M. Bernier
(Reno) : Merci pour votre question. Pour la déclaration sous serment,
c'est vrai qu'il y a des sanctions qui
sont possibles, mais il faut faire la preuve que la personne a menti. C'est
plus facile de faire cette preuve-là si on va déclarer un faux bébé à l'État civil, ou un faux décès, ou un faux
mariage, ou un... une fausse date, on peut la contredire, mais, quand c'est une déclaration intrinsèque, qui
vient de la personne elle-même, je ne sais pas s'il y a une... En tout
cas, ça m'apparaît beaucoup plus difficile
de le contredire puis d'appliquer ces fameuses sanctions auxquelles vous faites
référence.
Pour ce qui est de l'affirmation d'un tiers, ce
que je comprends, c'est que vous auriez... dans ce que vous proposez, il y
aurait de la corroboration, mais il y aurait la corroboration d'un volet, ce
serait le volet du sérieux de la démarche, c'est cette corroboration-là que
vous iriez chercher.
Mme Massé : Et de connaître la...
M. Bernier (Reno) : Puis qui connaît
la personne, oui.
Mme
Massé : Et est-ce que donc... — vous permettez, M. le Président? — et donc de corroborer que je connais cette personne-là, et que je confirme que sa
démarche est sérieuse, est-ce que ça, dans les niveaux que vous vouliez
nous évoquer tantôt, c'est quelque chose qui peut être satisfaisant pour vous?
M. Bernier
(Reno) : Comme je vous disais, là, je veux être bien prudent, là, de
me prononcer sur la suffisance ou pas de ce que vous allez débattre, je
ne veux vraiment pas interférer.
C'est sûr qu'il y aurait, encore là, des
questionnements, là. Tout comme on disait tout à l'heure avec Mme la ministre, là, pour la question des affidavits,
moi, je pense qu'il y aurait encore plus de questionnements si c'est assez,
si une seule personne... puis que c'est très, très serré, pointu, comme on
vient de le dire, là. Il faudrait y réfléchir, il faudrait regarder si ce
serait suffisant.
C'est sûr
qu'on ne s'en sort pas, hein? C'est que, là, actuellement, c'est le sexe
biologique, morphologique qui est la
composante, puis présentement la logique, et c'est la logique, c'est qu'il faut
changer le sexe morphologique pour changer l'acte de naissance qui a été
fait avec le sexe morphologique. Ça fait que, si on passe vers un autre concept
qui est l'identité de genre, idéalement,
puis là je vous le dis, idéalement, il faudrait avoir un expert, tout comme le
médecin est expert pour constater le
sexe morphologique, qui vient corroborer l'élément identité de genre. Puis
nous, on n'est pas des experts des
ordres professionnels, mais, juste
sur le site de l'Ordre des psychologues, des sexologues, il y en a 47 au
Québec qui s'affichent comme des experts de
l'identité de genre. Et je ne dis pas qu'ils sont présents nécessairement
partout au Québec, mais il y a sûrement les professionnels qui peuvent
aider, là, dans la réflexion, là.
• (15 h 50) •
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Ça complète. J'ai même permis de
dépasser un peu, c'est dans ma... c'est Noël avant le temps. Ça complète tout le temps, toutes les questions qu'il y
avait de la part des membres. M. le Directeur de l'état civil, nous vous
remercions. M. Boisvert. Merci pour vos observations très utiles.
Nous allons suspendre quelques instants afin de
permettre au prochain groupe de... Donc, la commission suspend ses travaux.
(Suspension de la séance à 15
h 51)
(Reprise à 16 h 2)
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, la commission reprend ses
travaux, et nous accueillons Mme Gauthier et M. Hugues. C'est
bien ça?
Conseil québécois LGBT
M. Hugues (James) : Hugues.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Hugues? Ah! je m'excuse. En fait, là, en voyant le nom, j'ai... C'est le problème
quand on n'a les noms seulement que sur papier. Alors, toutes mes excuses.
Vous disposez
d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation, et il y aura
ensuite des échanges avec les membres de la commission. Je vous cède
maintenant la parole.
Mme Gauthier (Audrey) : Alors,
merci, M. le Président de la commission. Mme la ministre de la Justice, Mmes et MM. les députés, bonjour. Mon nom est
Audrey Gauthier, je suis la directrice générale du Conseil québécois LGBT. Nous représentons différents organismes,
lesbiennes, gais, bisexuels et trans, au Québec. Je m'excuse à l'avance
pour ma voix. Ayant subi une correction aux cordes vocales récemment et qui
n'est de toute évidence pas pleinement guérie, je tenais malgré tout à témoigner devant
vous, étant une personne trans moi-même et fière du rôle que le Conseil
québécois LGBT m'accorde de venir vous parler. Je vous présente James Hugues,
un jeune homme trans qui vient témoigner devant vous, il pourra également
répondre à vos questions un peu plus tard. Nous sommes heureux d'être présents dans le cadre des consultations de la
Commission des institutions sur le projet de règlement lié à la
loi n° 35, et j'aimerais rappeler que le CQ-LGBT, en tant
qu'interlocuteur privilégié du gouvernement et porte-parole de plus de
25 organismes oeuvrant auprès des communautés LGBT, est fier de faire
partie des instances consultées.
Alors,
d'abord, notre avis est le fruit d'une collaboration avec le Comité Trans du
Conseil québécois LGBT, qui est
composé de 29 participants du communautaire, d'intervenants et de
spécialistes oeuvrant avec les personnes trans. Je ne reviendrai pas sur l'avis en soi que nous avons
déposé, nous pourrons en discuter un peu plus longuement plus tard, pendant la période des questions. Ceci dit, le
conseil a écouté attentivement les présentations des autres intervenants,
avec beaucoup d'attention, et voulait
parfois préciser ou encore bonifier certains aspects ou enjeux qui vous ont été
présentés parmi ceux-ci.
La Commission
des droits de la personne et Me Sauvé ont été clairs dans leurs
témoignages au sujet de l'autodétermination.
Le droit à l'autodétermination doit
être, selon nous, l'étape essentielle, la clé de ce projet de règlement.
Il doit permettre à la personne trans le
droit de décider pour elle-même et de se définir. Cette déclaration sous
serment doit servir, selon nous, de pierre angulaire pour ce projet de
règlement.
Ensuite, on
voulait parler de l'abolition de la période d'attente, quelle qu'elle soit. On
parle ici de gens qui ont suffisamment attendu ce projet de règlement.
Une fois devant l'État civil, il vous a été expliqué que les demandeurs ont bien réfléchi, maturé et assumé leur décision.
Ai-je besoin de rappeler que les seuls qui devront assumer tout le poids
de cette décision est bel et bien les personnes trans qui le demandent et
personne d'autre?
Au sujet de
la participation du tiers ou du professionnel, on vous rappelle que la
démonstration a été faite par les spécialistes sur la question qu'un
suivi ou une évaluation demande des ressources et du temps, que la formation
est pratiquement inexistante dans le cursus d'études actuel et que les ressources
sont très limitées. De plus, un suivi n'est parfois pas nécessaire pour tous,
car plusieurs personnes trans ne présentent pas de dysphorie liée à leur genre.
Pour ce qui
est du tiers répondant, nous croyons qu'une déclaration sous serment qui
atteste que le témoin connaît le
demandeur et que ce dernier lui a affirmé comprendre le sérieux de sa demande
de changement de la mention de sexe serait adéquat. Nous avons soumis
une proposition à ce sujet, nous espérons qu'elle recevra un accueil positif.
Au sujet de
la campagne ou des actions pour contrer la discrimination liée au genre, un des
groupes a suggéré que la
discrimination faite aux personnes trans serait tout aussi vive avec ce nouveau
projet de règlement. Le conseil croit que, bien que le projet de loi facilitera
la vie de bien des individus trans, il demeure que des actions à long terme et
des campagnes gouvernementales pour contrer la discrimination liée au genre
demeurent essentielles.
En terminant, je voulais vous rappeler que
certains enjeux sont encore criants, pour la communauté trans, et certains auraient pu mais ne seront pas encore
adressés avec ce projet de loi, et il m'apparaît important, pour l'avenir,
de vous les citer brièvement — et laissez-moi prendre une petite gorgée,
s'il vous plaît.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Oui. Ça nous fait mal...
Mme
Gauthier (Audrey) : Non,
mais, en passant, ça ne fait pas mal du tout, c'est juste désagréable à
écouter, je suis bien consciente de tout ça.
Alors, dans
les enjeux qui ne sont pas réglés, on parlait d'inclure les personnes mineures,
qu'à tout le moins des mesures
transitoires soient mises en place par le gouvernement pour supporter
les mineurs qui présentent une identité de genre différente, comme vous le suggérait Enfants transgenres Canada;
que la désignation sur les actes de naissance des enfants de parents
trans puisse être modifiée et que trois choix puissent être disponibles dorénavant
pour toute la population québécoise, soit de s'identifier comme père, comme mère ou
comme parent — cette
demande était claire de la part de la
Coalition des familles LGBT qui sont venus vous rencontrer; de retirer
l'obligation de la citoyenneté canadienne comme prérequis à
l'obtention de ce changement de mention de sexe — plusieurs organismes
vous ont expliqué que la clientèle migrante
qui présente cette difficulté supplémentaire de genre ne peut s'insérer
socialement, ASTTEQ, entre autres, vous a parlé de cette clientèle vulnérable; et finalement
de couvrir l'ensemble des frais liés au processus de
transition. En assurant des services disponibles, des ressources et des
personnes responsables formées dans les principales villes du Québec, on
couvrirait un manque criant de ressources partout au Québec.
Finalement,
puis-je me permettre de vous rappeler de revoir l'article 10 de la Charte
des droits et libertés de la personne du Québec afin d'y inclure comme
motif de discrimination interdite l'identité et l'expression de genre, afin
qu'une reconnaissance juridique pleine et entière soit faite aux personnes
présentant un genre non conforme à celui reconnu à leur naissance?
Je vous remercie de m'avoir écoutée patiemment.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Gauthier, pour votre
présentation. M. Hughes, bienvenue parmi nous. Votre voix, je vois
au moins que ça se rétablit tranquillement.
Mme Gauthier (Audrey) :
Effectivement.
• (16 h 10) •
Mme Vallée : Alors, vous
m'aviez sensibilisée à cet effet.
Dans
vos recommandations, pour les modifications à apporter au règlement,
vous remplacez la corroboration d'un membre
du... d'un professionnel du domaine médical par une tierce personne, un peu
comme on le retrouve dans certaines autres
demandes officielles, passeport, mais cette personne-là, selon votre recommandation, n'a pas de... ne semble pas être
accompagnée de critères, c'est-à-dire cette personne-là ne déclare pas connaître la
personne depuis un certain temps. Est-ce
qu'il y a une raison pour ça? Est-ce que
c'est voulu? Est-ce que... Parce
que, si on prend, par exemple, les demandes de passeport, il doit quand même y avoir un lien d'établi, une espèce de
connaissance de la personne qui est demandée depuis un certain temps
pour être à même d'attester certains éléments, et j'aimerais savoir pourquoi il
n'y a pas cette référence-là à la connaissance depuis une période de temps x,
que ce soit cinq ans, deux ans, un an, peu importe.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme Gauthier.
Mme Gauthier (Audrey) : Alors, bien,
le Conseil québécois et son Comité Trans tentent d'obtenir de la communauté le
consensus, et moi, je viens vous présenter cette proposition-là qui faisait
consensus. On n'était pas capables de
s'entendre, et beaucoup de groupes ne voulaient pas avoir de temps
prédéterminé. Le fait de faire une déclaration sous serment que l'on
connaît cette personne, pour nous, ça semblait suffisant pour établir le fait
qu'on connaît cette personne-là, qu'on ne vient pas tout juste de la rencontrer
sur le coin de la rue.
Ceci dit, je
sais que vous aurez peut-être des exigences de temps, mais nous, on ne se
sentait pas habilités à établir ce
barème-là. Donc, l'offre qu'on vous proposait, c'est ce qui faisait consensus
parmi le groupe de mon Comité Trans, qui est mon comité consultatif.
Mme Vallée :
Est-ce qu'il y a... Bon, je comprends que vous souhaitez également qu'on fasse
référence au terme «identité de genre» plutôt qu'«identité sexuelle». Le
terme «identité sexuelle» avait été utilisé notamment lors des échanges avec la
Commission des droits de la personne et de la jeunesse parce que c'est le terme
qui est utilisé dans le Code civil. Alors,
je comprends qu'encore là, pour le conseil, la référence à l'identité de genre
est plus consensuelle au sein de l'équipe.
Mme
Gauthier (Audrey) : Oui, en
fait, elle est plus juste, parce qu'on se réfère généralement, quand on
parle de «sexuelle», à la génitalité, à
l'appareil génital, à la sexualité. Donc, le genre, pour nous, c'est quelque
chose d'intérieur, d'inné, qui fait appel aux sentiments.
Et je vous
dirais que c'est international, de faire appel à l'identité de genre. J'ai
moi-même étudié en sexologie pendant
plusieurs années à l'université, c'était le terme qu'on utilisait pour parler
de la variation du genre, c'est-à-dire le sentiment profond qu'on a de
se sentir homme, ou femme, ou d'appartenir, là.
Puis là,
évidemment, j'utilise un exemple très binaire. Certaines de mes consoeurs et
certains de mes confrères trans ne seraient pas d'accord, ils
préféreraient que j'explique ça comme un grand continuum où la femme est à une extrémité, l'homme à une autre, puis il y a toute
cette variation, toutes ces couleurs possibles. Ce n'est peut-être pas
pour rien que les LGBT, on s'identifie avec un drapeau arc-en-ciel qui
représente plusieurs variations, plusieurs diversités.
Mme Vallée : C'est une belle
analogie. Est-ce que... C'est qu'on cherche vraiment... et vous l'avez entendu,
je sais que vous avez suivi avec beaucoup
d'intérêt les travaux de la commission puis vous comprenez qu'on cherche
à trouver notre équilibre entre le respect
des personnes trans et la démarche, qui est quand même une démarche qui se
veut officielle. On avait juste avant vous
Me Bernier, le Directeur de l'état civil, qui nous expliquait qu'en fait
les critères, en soi, ce n'est pas
les critères en soi qui étaient importants, pour l'État civil, mais c'était le
formalisme, l'élément... le caractère solennel
de la demande, et donc c'est ce que l'on cherche à trouver aussi tout le monde,
je pense, ici. Tous les
parlementaires ici, on est très à
l'écoute. Est-ce que vous ne croyez pas qu'une simple corroboration,
puis je comprends que vous avez cherché
le consensus au sein de l'équipe, mais qu'une simple corroboration par un tiers,
sans exigence autre, pourrait venir, d'une certaine façon, porter
atteinte à cet élément de conformisme qui est requis par l'État civil?
Mme
Gauthier (Audrey) : Bien, en
fait, au conseil, dans mon Comité Trans, on pensait plutôt
que c'était le travail de la
commission de déterminer de plus grandes restrictions, on trouvait que ce qu'on
vous proposait était suffisamment restrictif. On est passés d'une
déclaration autodéterminée et assermentée à accepter un témoin, on trouvait
qu'on avait fait notre juste part, si je peux me permettre.
On était assez
en accord avec la Commission des droits de la personne, qui nous rappelait que
le droit à l'autodétermination était comme un peu supérieur à toutes les
autres exigences qu'on pouvait apporter. C'est vraiment la vision des personnes trans qui sont autour de la table de
consultation, que je rencontre régulièrement. Alors, de ce fait, on croyait plutôt dans
l'assermentation, dans le texte, le sérieux du texte qui serait lu, sur lequel
on prêterait serment. Et, bon, c'est quand même un engagement pas banal,
de déclarer qu'aujourd'hui on n'est plus Claire, on est Benoît, et qu'on ne sera plus femme mais qu'on va être homme ou
l'inverse, que... Juste ça, c'est quand
même un pas très solennel. On
se déplace devant des gens officiels, on lit un texte, on signe. On trouvait
que... Ce genre de formalisme là nous apparaissait adéquat.
Mme Vallée : Comment on pourrait évaluer... Parce que, dans
votre déclaration sous serment, vous mentionnez que la personne doit déclarer comprendre le sérieux de la demande.
Alors, pour vous et pour le conseil, qu'est-ce que ça signifiait comme déclaration? Est-ce que c'était
simplement ce mot-là ou vous voyiez une déclaration un peu plus
élaborée, sur la question du sérieux de la demande?
Mme
Gauthier (Audrey) : Bien, le
texte qui vous a été proposé a été longuement discuté, vous le
comprendrez, je suis sûre que vous vous
imaginez un peu. On a vraiment étudié ce projet de règlement là avec beaucoup,
beaucoup, d'intérêt, on comprend que ce
qu'on va vous proposer peut servir vraiment à établir de nouvelles règles qui
vont changer la vie d'un paquet de gens, en tout cas des gens que l'on
côtoie régulièrement. Pour nous, on voulait vous assurer le formalisme que vous
recherchiez et on croyait que par cette tournure de phrase là la personne
prenait conscience.
Mais je peux
vous assurer que, quand on fait une démarche au Directeur de l'état civil, on
est très au courant du sérieux de la
démarche. On comprend très bien qu'on rentre dans un édifice... Il y a une
belle affiche gouvernementale à la porte, il y a un certain formalisme
qui va s'établir au moment de signer ces documents-là.
Et je vous
dirais que, pour la plupart des personnes trans, ça va un peu être comme une
renaissance. Moi, je l'ai vécu par
traitements médicaux et chirurgicaux, mais ces personnes-là vont prendre un
nouvel envol. Ça va leur permettre d'obtenir
un travail sous leur nouvelle identité, de signer un bail, d'entreprendre des
études, de rechercher un emploi avec sur leur diplôme du passé le
nouveau nom, la nouvelle mention, c'est comme si on va les mettre au monde.
Alors, soyez sans crainte, les personnes trans vont prendre cette démarche-là
avec énormément de sérieux.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Il nous reste une minute à ce bloc d'échange, Mme la ministre.
• (16 h 20) •
Mme Vallée :
Pour moi, ça fait pas mal le tour. Je dois dire que j'avais vu... bien j'avais
pris connaissance des mémoires qui avaient été déposés, on a eu des
échanges aussi, Mme Gauthier et moi, et puis je comprends que ce qui nous a été transmis le 6 mai dernier, c'est
quand même... il y a quand même une grande... il y a aussi une volonté...
Ce que je comprends du conseil, c'est la
volonté qu'on se retrouve quelque
part à mi-chemin, et ça, je le salue,
puisque la première prise de position était en lien avec un
projet de règlement qui vous est apparu comme quelque chose de tout à fait...
de brutal, ce qui n'était pas l'intention, croyez-moi, ce n'était pas ce qui
était souhaité. Et là on revient avec une proposition à mi-chemin. Je
pense qu'on pourra faire un bout de chemin ensemble, je l'espère. Et puis je
tiens à vous remercier beaucoup de votre participation à nos travaux tout au
long de la démarche.
Mme Gauthier (Audrey) : Merci.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, à vous la parole.
Mme
Poirier : Merci.
Bonjour, Mme Gauthier, M. Hughes. Bonne journée, merci d'être là.
Puis faites-vous-en pas, votre voix, ce n'est pas plus grave que ça.
L'important, c'est qu'on entende ce que vous avez à dire. C'est plus dans le
propos que ça nous intéresse.
Dans votre mémoire, vous nous parlez... vous
dites qu'une des demandes que vous faites aussi, c'est, au gouvernement, de retirer l'obligation de la citoyenneté canadienne comme prérequis à l'obtention d'un changement
de nom ou de mention de sexe. Bien, comme souverainiste, ça m'intéresse, cette
ligne-là particulièrement, mais quelle est la barrière,
là, qui existe? Juste nous expliquer, là, en détail qu'est-ce que ça veut dire, en tant que tel. Donc, des personnes, à partir où ils ne sont pas citoyens
canadiens, ne peuvent le faire parce que
c'est une des règles à l'État civil du Québec?
Mme
Gauthier (Audrey) : Oui, exactement.
Mais, en fait, la population migrante, il faut comprendre que les
personnes LGBT ne s'identifient pas comme telles au moment de leur demande
d'immigration. Plusieurs d'entre eux sont
dans des camps de réfugiés, ils sont dans des conditions extrêmement précaires. Tout ce qu'ils veulent, c'est quitter cet espace de
réfugiés et entrer dans un pays. Ils sont prêts à beaucoup pour entrer au Canada,
particulièrement au Québec, parce que notre réputation de population ouverte
fait le tour du monde.
Une fois qu'ils
sont ici, par contre, la réalité de leur vie transgenre émane. Ce sont
des personnes qui ont encore des papiers... qui s'appellent peut-être
Ernesto mais qui ont l'air souvent, par toutes sortes de moyens, extrêmement féminins
ou masculins, ils ont vraiment adopté l'apparence physique du genre qu'ils
convoitent, et là de les retarder dans leur intégration en n'ayant pas les bons
documents, en étant incapable de s'intégrer dans le marché, on en fait malheureusement
des citoyens de seconde zone.
Évidemment,
vous allez me dire, on fait cet espace-là de seconde zone à toutes les
personnes trans présentement, mais,
chez les personnes immigrantes, le besoin de s'intégrer rapidement,
de trouver un travail, d'être productif, de fournir à la société... Ces
gens-là ont beaucoup de désir de s'intégrer et ne peuvent le faire.
Donc, de
demander la citoyenneté, qui habituellement prend des années, même pour des résidents
permanents, là, on est comme dans un... Et c'est les ASTTEQ, entre autres, une association
qui travaille dans la rue, qui recueille beaucoup de ces gens-là, qui vivent de toutes sortes de manières, dans la manière où ils le peuvent, qui survivent, et
je crois que cette population vulnérable là est mise dans un état de
vulnérabilité qu'on peut changer en leur permettant d'avoir la bonne mention de genre, même s'ils ne sont pas encore des citoyens
canadiens. En autant que ce seraient
des résidents du Québec, acceptés comme tels, pour moi, je pense que ce serait
suffisant.
Mme Poirier : Qu'est-ce qui
se passe dans les autres provinces canadiennes, par exemple en Ontario? Est-ce
qu'ils peuvent faire la demande en Ontario? Vous ne savez pas?
Mme Gauthier (Audrey) : Je ne
maîtrise pas bien toutes les particularités des autres provinces, le conseil focusse vraiment son action au Québec. Ça fait
qu'au sujet de la citoyenneté je ne pourrai pas vous répondre
précisément, malheureusement.
Mme
Poirier : Excellent. Donc, ça veut dire qu'une personne
réfugiée ou même une personne immigrante, tant qu'elle n'a pas un statut
de citoyen, en tant que tel, canadien, ne pourrait pas faire... Dans le fond,
on lui donne une carte d'assurance maladie
avec le genre que ses papiers d'origine, de son pays d'origine, fait la
démonstration, mais ça veut dire que,
tant et aussi longtemps qu'elle n'a pas complété tout le processus de
citoyenneté, qui peut prendre au moins cinq ans, il n'y a pas de
possibilité. Donc, on est au-delà du deux ans, là, dans un cas comme ça.
Mme
Gauthier (Audrey) : Exactement. Et ces personnes-là, comme je vous le
rappelais, de par leur apparence, ont parfois fait plusieurs étapes.
Elles peuvent jouer la carte du sexe assigné à la naissance pendant un certain moment, mais il ne faut pas oublier que c'est des
gens qui sont venus de contrées où, là, on les restreignait, et là ils
arrivent dans un pays de liberté, et, après un certain temps, ces gens-là ont vraiment
le désir de s'intégrer pleinement à leur nouvelle vie. Et cette nouvelle vie
là, bien, fait partie d'assumer qui ils et elles sont complètement.
Mme Poirier : Ça, c'est très
intéressant parce que c'est une des premières fois qu'on entend parler de cette
problématique-là, là, durant nos travaux, alors... en tant que tel.
Vous faites
aussi la demande que le gouvernement couvre l'ensemble des frais liés au processus de
transition. On a essayé, durant la commission, d'avoir des coûts, en tant que
tel, et aujourd'hui, en plus, on a auditionné par visioconférence
Mme Susset qui nous disait qu'il n'y avait même pas d'accessibilité au
niveau des frais publics... au niveau du système public de santé, pour les
personnes, d'avoir accès à un... Il y avait trois médecins à Montréal et zéro
psychologue pour faire le travail au niveau public, il fallait absolument aller
dans le privé.
Donc, est-ce que c'est... Alors, ma question va
être simple : Est-ce qu'il ne serait pas plus simple de s'assurer d'avoir
des services dans le public, versus de demander au gouvernement d'assurer les
frais dans le privé?
Mme
Gauthier (Audrey) : Bien, en
fait, présentement le gouvernement assume les frais dans le privé par une
entente qui est la même pour ceux qui sont en chirurgie d'attente, cataracte,
orthopédie, et tout ça. On fait appel au privé pour soulager les listes
d'attente.
C'est un peu
de la même manière qu'on a accédé, chez les personnes trans, aux soins dans le
privé, parce qu'il faut vous rappeler que les hôpitaux qui opéraient
en public étaient en République tchèque, étaient en Belgique, étaient en
Thaïlande. Alors, on envoyait les patients dans ces pays-là avec un traducteur,
avec de l'hébergement à long terme, et on
payait la chirurgie, qui souvent dépassait celle qu'elle aurait coûté à Montréal
en privé. C'est pour ça que, quand on a changé la loi pour permettre
l'accès au privé, on a permis en même temps aux personnes trans d'arrêter de
parcourir le monde pour obtenir des
chirurgies. Le meilleur médecin est à Montréal. Alors, toutes les autres provinces
canadiennes envoyaient leurs patients à Montréal, et nous, on shippait nos
personnes trans à l'autre bout du monde pour subir les chirurgies.
Il ne faut
pas oublier non plus qu'il y a un service après vente avec tout ça, si je peux
me permettre. Alors, imaginez qu'on
reçoit une phalloplastie, une vaginoplastie. Il faut des suivis. Alors, faire
six à 12 heures d'avion seulement pour aller se faire vérifier,
faire la petite visite de courtoisie, c'était un petit peu compliqué.
En fait, en
plus, le succès, la réussite, je vous dirais, des chirurgies était moyenne, et
j'ai plusieurs collègues qui ont dû retourner à deux et trois reprises,
aux frais de la RAMQ, pour obtenir les corrections chirurgicales adéquates. Ça fait qu'on était dans des opérations qui, au bout
du compte, coûtaient deux à trois fois le prix de l'excellent service qu'on
reçoit à Montréal.
Mme
Poirier : Mais,
quand, dans votre mémoire, vous dites que le gouvernement couvre l'ensemble
des frais liés au processus de transition, vous nous parlez de quoi, à
ce moment-là?
• (16 h 30) •
Mme
Gauthier (Audrey) : D'à peu
près tout. Présentement, il y a une clinique à l'hôpital général, par exemple, où des gens sont suivis. On
croit que parce qu'ils vont au centre hospitalier c'est gratuit, mais
malheureusement ce n'est pas le cas, ces
gens-là déboursent environ 340 $, 350 $ par mois pour avoir leur
suivi psychologique, thérapeutique qui éventuellement, après 12 à
24 mois, va finalement leur accorder le droit de subir d'autres
traitements médicaux à leur choix. Et, ces traitements médicaux là, à part la
correction génitale, les autres frais ne sont pas couverts.
La réalisation que vous avez devant vous
aujourd'hui, si je peux me permettre, ma vaginoplastie est bien peu de chose
dans ce que...
Une voix : ...
Mme Gauthier (Audrey) : ...oui, à
part tout le reste : l'équilibre psychologique, l'équilibre physique,
l'apparence, etc. Donc, on croit qu'il faudrait instaurer une certaine forme
d'équité pour les personnes trans et que le réseau
public les accueille, qu'ils aient de l'espace, des soins quand ils le requièrent.
Parce que je vous rappelle encore une fois
que ce ne sont pas toutes les personnes trans qui ont besoin de longs suivis
médicaux. Plusieurs témoins sont venus en parler, et je vous ai amené un
beau témoin de Montréal pour vous en parler également, j'espère que vous aurez
la chance de lui parler.
Mme Poirier : Bien, peut-être...
Est-ce qu'il me reste du temps?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Oui, il reste quelques minutes.
Mme Poirier :
Bien, allez donc, M. Hugues, de nous faire votre témoignage.
M. Hugues (James) : Bien, moi, c'est
ça, bien, je vais seulement témoigner sur qu'est-ce que moi, j'ai vécu, évidemment, mais aussi je suis sûr qu'il y a
beaucoup d'autres personnes trans qui peuvent, genre, dire la même
chose.
Alors, comme, justement, sur toutes les choses
que j'ai vécues, comme, à cause du marqueur de genre sur le certificat de naissance, puis tout ça, bien, vu
qu'il n'est pas encore changé, je dois encore comme faire des «coming
out» un peu de force, alors, comme, supposons que je dois donner un papier,
comme même juste ma carte d'assurance maladie,
genre, je dois leur dire : Ah! bien oui, tu sais, comme, bien je suis
trans, puis tout ça, puis, tu sais, genre, comme vraiment, genre, dire
des choses personnelles à un inconnu que je ne connais pas puis que, tu sais,
peut-être qu'à cause de ça, peut-être, vu
que je suis trans, il ne va pas nécessairement, genre, me traiter, disons, de
la même manière qu'il traiterait d'autres. Comme par exemple, juste un
petit bout de vie, comme, j'ai été au CLSC, puis j'avais ma carte d'assurance
maladie, mais sur ma carte d'assurance maladie ça disait F. Alors là, la madame
était comme : Ah! bien, malheureusement,
on ne peut pas faire des prises de sang, parce que je ne te reconnais pas ta
carte d'assurance maladie. Alors, ils
ont refusé des traitements de la RAMQ qui est comme «basic human rights», là,
un peu, tu sais, comme. On est connus, au Québec, pour avoir les soins
médicaux gratuits, alors, tu sais...
Puis aussi,
une autre chose, comme, pour les prêts et bourses, je suis étudiant, alors j'ai
droit aux prêts et bourses, mais,
quand j'appelle, vu que c'est encore F sur mes documents, bien ils pensent que
je suis une femme, alors je suis obligé de, comme, soit expliquer ou sinon ils refusent de m'aider pour mes
prêts et bourses puis de me laisser... bien de me donner des prêts et bourses. Alors, ça, ça peut devenir
très compliqué. Puis, à cause de ça, il faut que j'aille à l'école, puis
que je leur explique tout, puis que je
demande ça, puis, comme, cette année seulement, là, ça a été un gros problème
avec ça puis...
Mme Gauthier (Audrey) : Parce qu'au
téléphone on est convaincu que c'est un homme...
M. Hugues (James) : C'est ça, à
cause de ma voix.
Mme Gauthier (Audrey) : ...alors que
sa demande est au nom d'une femme.
M. Hugues
(James) : C'est ça. Alors, tu sais, il y a tout des choses comme ça.
Puis justement, comme, on est au Québec puis on est quand même, genre,
une très belle province, puis on est dans un super bon pays, qui est vraiment «open», puis, si on était dans une autre place, ce
serait vraiment difficile, comme, supposons, on était au Texas ou,
comme, dans le sud des États-Unis, c'est
comme connu pour ça, alors, tu sais, je suis content d'être au Québec. Puis je
pense que c'est vraiment important qu'on continue d'avancer pour les
droits du monde trans et LGBT, qu'on donne un exemple aux autres puis que...
Tu sais,
juste une petite chose peut avancer beaucoup pour dans la vie de quelqu'un.
Comme, ma chirurgie que j'ai eue pour
le haut, comme, ça a permis d'appliquer pour une job puis ça m'a permis, genre,
d'avoir moins d'anxiété puis de
continuer à l'école. Puis, tu sais, vous savez, comme, un exemple un peu comme
quétaine, là... bien, pas quétaine, là, mais comme classique, c'est que, tu sais, genre, je ne peux pas aller
faire du gym si je porte quelque chose pour compresser, genre, la poitrine parce que ça peut, genre, me «outer»
un peu dans la communauté de mon école, puis, tu sais, ce n'est pas nécessairement voulu. Tu sais, il y a beaucoup de
monde qui veulent passer, genre, inaperçus, incognito, puis qui veulent juste faire leurs affaires puis vivre leur vie
sans aucun problème, puis, c'est ça, je pense que c'est vraiment
important.
Puis, si je
peux juste rajouter une dernière chose, comme, un autre exemple que j'ai vécu,
c'est qu'à mon école, vu que j'ai
encore la marque de F, bien ils m'ont obligé d'aller dans les toilettes pour
monde handicapé, parce que justement je ne peux pas aller dans les toilettes des hommes, mais sauf que juste
l'affaire qui est vraiment plate avec ça, c'est que la toilette des handicapés, vu que c'est aussi pour
les handicapés physiques, il y a comme pleins de gogosses ou de
machines, genre, pour aider la personne de s'asseoir sur la toilette proprement
puis, tu sais, sans aucun incident, et «whatever». Puis, tu sais, si quelqu'un me voit rentrer dans cette toilette-là, puis
je suis capable de marcher bien, sans aucun problème, puis, tu sais, aussi des amis me voient marcher
dans cette toilette-là, ça peut, genre, donner des questions au monde
puis donner des raisons pour me questionner,
puis, tu sais, dans certains cas, ça peut, genre, mener à du «bullying», puis
tout ça.
Alors, merci de m'avoir écouté.
Mme Poirier : Bien, merci.
Merci beaucoup de votre témoignage.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie. Effectivement, ça complète ce bloc d'échange avec
l'opposition officielle. Mme la députée de Montarville, à vous la parole.
Mme Roy
(Montarville) : Oui, merci beaucoup, M. le Président.
Mme Gauthier, M. Hugues, merci. Merci de vous être déplacés. Mme Gauthier, quand on
s'est vues, l'autre fois, effectivement, la voix... vous étiez plus en voix.
Ça fait que je ne veux pas... J'ai l'impression que ça vous fait mal, je ne
veux pas vous faire mal à la voix.
Ce qui est
clair, c'est qu'il y a plusieurs personnes du Conseil québécois LGBT qui sont
venues nous rencontrer tout au cours
des journées d'audience. Il y a plein de noms que je vois ici, des visages dont
je me souviens, des témoignages. Ce
qui est clair, c'est que le message que vous nous transmettez est clair, on le
comprend, les demandes que vous faites à l'égard du règlement qu'on
étudie actuellement sont également claires, je ne m'étendrai pas là-dessus
parce qu'on a fait le tour puis on se répète. Donc, moi, je vais aller un peu
plus loin, parce que vous dites dans votre mémoire des recommandations partie 2, pour le futur. On en a parlé un peu, ma
collègue en a parlé avec les soins, les traitements, ce qui était très
intéressant, elle m'a volé ma question, mais, cela dit, j'aimerais vous
entendre parler de cette recommandation que vous faites à l'égard de la charte, la charte québécoise,
naturellement, des droits et libertés de la personne. Qu'est-ce que vous
voulez plus précisément, à l'égard de la charte, qu'on y inclue? Et pourquoi?
Mme
Gauthier (Audrey) : Bien, je vous parlerais... En dehors du Conseil
québécois LGBT, je suis aussi une représentante
des personnes trans au Québec et au Canada pour le Syndicat canadien de la
fonction publique, auquel je fais
partie dans mon autre emploi. On a fait beaucoup de démarches pour obtenir ou,
en fait, appuyer la résolution C-279 qui permettait au Canada de placer
l'identité et l'expression de genre dans la Charte canadienne des droits et
libertés pour prévenir l'intimidation, le harcèlement, les crimes haineux face
aux personnes trans.
Présentement,
au Canada, les personnes trans sont dans une espèce de vide juridique et elles
n'ont pas la protection que les autres citoyens obtiennent. Comme la
résolution C-279 a été battue ou, en fait, enterrée par les conservateurs présentement, au niveau fédéral, ça fait partie du
travail du conseil de suggérer à la ministre de la Justice d'inclure
l'identité et l'expression de genre dans la
Charte des droits et libertés du Québec comme plusieurs provinces au Canada
l'ont fait. Ces provinces-là n'ont pas attendu que le fédéral décide
pour eux. Et je pense qu'au Québec on a longtemps été des précurseurs des droits de la personne.
Malheureusement, à cet égard-là, certaines provinces nous ont battus, nous ont
battus de court, ont été plus vites que nous
et ont déjà intégré dans leurs chartes des droits et libertés provinciales ce
droit-là. Donc, j'estime qu'au Québec
il serait grand temps que, pour nous aussi, on s'assure de la pleine
reconnaissance juridique de l'expression puis de l'identité de genre
différente.
Mme Roy
(Montarville) :
Quelles provinces ont adopté ces modifications?
Mme
Gauthier (Audrey) : De mémoire, je crois que c'est l'Alberta,
l'Ontario... — Mme la
ministre est... je suis certaine qu'elle le sait — Alberta,
Ontario, le Nouveau-Brunswick, et il me semble qu'il y a un territoire du nord,
là, le Yukon, ou les Territoires du Nord-Ouest, ou, enfin...
Mme Roy
(Montarville) : C'était à titre informatif parce que je ne
sais pas quelles sont ces provinces. Alors, je le demandais, mais ce
n'est pas un test, là.
Mme
Gauthier (Audrey) : Oui, mais ça vous donne une idée quand même que
certaines d'entre elles dans les Prairies,
dans les territoires du nord... On aurait cru à un certain conservatisme, et
ces gens-là sont allés d'emblée, très aisément accepter cette notion-là
et de l'intégrer dans la charte. On croit qu'au Québec on est rendus à cette
étape-là pour nous aussi, de l'intégrer dans la Charte des droits et libertés.
Mme Roy
(Montarville) :
Mme Gauthier, je vous remercie beaucoup pour votre témoignage. Merci
Mme Gauthier (Audrey) : Ça me fait
plaisir. Merci.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Ça complète pour vous, Mme la
députée de Montarville? Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
à vous la parole.
Mme Massé : Merci, M. le Président.
Merci à vous deux pour vos contributions.
Dans le cadre de votre présentation, vous avez
parlé, bien sûr, de ce qu'on ne parle pas dans ce règlement-là, c'est-à-dire
toute la question des mineurs, vous avez parlé de mesures transitoires, mais,
avant que vous nous parliez, Mme Gauthier,
j'aimerais entendre M. Hughes, parce que je me dis... Vous parlez d'être
encore aux études. Quelle sorte de
mesures transitoires... Bien, peut-être ma première question, pour corroborer
peut-être un certain nombre d'informations qu'on a eues : À partir de quel moment, pour vous, votre identité
de genre était claire? Et quelle sorte de mesures auraient pu vous aider
à ne pas vivre les défis que vous avez vécus?
• (16 h 40) •
M. Hugues
(James) : Bien, premièrement, pour moi, mon identité de genre qui a
commencé à s'éclaircir un peu, c'était vers l'âge de 16 ans, mais je
sais qu'il y a beaucoup de personnes que c'est bien avant ça, comme à quatre, cinq ans ils le savent déjà, là, alors, tu sais,
je peux seulement parler pour moi. Puis, bien, les choses qui m'auraient
aidé, genre, pendant mon école ou juste
pendant la vie en général, c'est justement d'être capable de changer la mention
de genre sur le certificat de
naissance et tous les papiers d'identité; aussi, genre, tu sais, avoir un peu
plus de ressources, justement, comme, pas... bien, oui, gouvernementales
sur, comme, le monde trans puis, genre, tu sais, juste un peu plus d'aide,
comme justement du financement, parce qu'il y a beaucoup de personnes trans qui
n'ont pas beaucoup d'argent. Puis déjà que
c'est cher, vivre, puis, en plus, d'être trans, c'est encore plus cher, alors
justement, comme, juste du financement, ça aiderait beaucoup pour soit des soins psychologiques, ou etc. Et,
bien, c'est ça, aussi vraiment juste laisser la personne de changer le marqueur de genre sur son certificat
de naissance, parce que non seulement ça empêche la personne de vivre
aucun, genre, préjugé et discrimination, mais ça l'aide à, comme, s'épanouir un
peu dans son identité, ce qui est vraiment
important. Parce que, pour certaines personnes, comme Audrey l'a dit, c'est
soit, comme, d'avoir le changement... bien,
la chirurgie; d'autres, c'est le changement de sexe, et tout ça, puis le
marqueur de sexe ou de genre. Alors, c'est ça, comme, la personne va être plus sûre d'elle-même, va avoir moins
d'inquiétude, moins d'anxiété puis aussi beaucoup moins de dépression qui peut être liée à ça, parce
qu'une petite chose peut enclencher beaucoup d'autres choses, comme vous
savez. Alors, oui, c'est ça, c'est vraiment
ça, la plus grande importance, à mes yeux, par rapport à qu'est-ce que j'ai vécu,
oui.
Mme
Massé : Mme Gauthier, avez-vous d'autres... Mettons, là, qu'on se
dit : O.K., on veut par d'autres façons s'attaquer aussi aux
discriminations vécues par les jeunes, est-ce qu'il y a d'autres mesures
transitoires? Qu'est-ce que vous pourriez nous suggérer?
Mme
Gauthier (Audrey) : Bien, en
fait, toutes les mentions de genre au niveau scolaire sont plus
abondantes qu'on le croit. Évidemment, James
a reçu en décembre l'autorisation d'avoir un nouveau prénom, ce qui l'a
énormément aidé. Par contre, il est toujours
dans la situation où il s'appelle James, mais il a un marqueur de genre
féminin. Il vous a expliqué que ça
l'a empêché, au CLSC, de recevoir des prises de sang, que c'est difficile pour
lui de gérer ses prêts et bourses et
qu'il doit le faire chaque fois en personne, parce qu'au téléphone on croit à
une fraude, et qu'à l'école on l'oblige à utiliser les toilettes pour
handicapés alors que c'est un jeune homme plein de vie, plein de santé, qui n'a
aucun handicap et qui pourrait utiliser aisément des toilettes dans le sexe
qu'il a envie d'utiliser.
Le genre est inscrit dans le code permanent par
un marqueur, un chiffre additionnel sur le mois de naissance. Il est également
inscrit numériquement sur la carte d'assurance maladie. Donc, il n'y a pas
seulement une lettre, mais il y a aussi «50»
d'ajouté au mois de naissance pour dire qu'on est en présence d'un homme ou
d'une femme. Donc, on identifie régulièrement, pour chacun des examens
scolaires, l'enfant à son genre, et, ces enfants-là qui atteignent un certain confort d'apparence, comme James, de
devoir chaque fois cocher «femme» sur son examen en haut à droite,
écrire : «James Hugues, femme»,
écoutez, c'est comme se rappeler pratiquement chaque semaine qu'on est non
conforme, et tout ça. Dans
l'adolescence, on est extrêmement vulnérable, en période de transition on l'est
encore davantage, et de vivre cette
vulnérabilité-là dans un milieu où d'être non conforme, particulièrement à
l'école, où on sait que l'intimidation, le harcèlement, malheureusement, est endémique... c'est vraiment, vraiment
mettre des jeunes en difficulté. On est vraiment 100 % derrière
Enfants transgenres Canada, qui comprend que le projet de loi a été adopté et
ne peut être modifié, présentement on
s'adresse à des gens majeurs, mais on comprend aussi qu'on pourrait adopter des
mesures transitoires au niveau du ministère de l'Éducation, par exemple,
pour permettre une certaine flexibilité, avec l'accord parental, à ces
enfants-là pour avoir un certain anonymat de genre, si je peux me permettre.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie, ça complète
ces échanges. Merci beaucoup de vous être déplacés, de venir nous
rencontrer et partager votre expérience, votre point de vue.
Nous allons suspendre quelques instants pour
permettre au prochain groupe de se présenter.
(Suspension de la séance à 16 h 45)
(Reprise à 16 h 50)
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, la commission reprend ses travaux. Nous accueillons avec
plaisir les représentants du Barreau du Québec. Vous disposez d'une
période de 10 minutes pour nous faire votre présentation. Je vous
demanderais, dans un premier temps, pour le bénéfice de ceux qui nous regardent
et les membres de la commission — certains
d'entre vous sont connus, mais d'autres peut-être un peu moins — donc,
de vous présenter, dans un premier temps, et de nous faire votre
présentation. À vous la parole.
Barreau du Québec
Mme Paiement (Marie-Josée) : Merci, M.
le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Je suis Marie-Josée Paiement, je suis avocate au service
du Service de recherche et de législation du Barreau du Québec et je
coordonne les travaux du Comité sur les droits de la personne du Barreau, dont
je suis la secrétaire.
D'abord, on tient à vous remercier de
l'invitation qui a été faite au Barreau de se présenter, de présenter ses observations sur ce projet de règlement relatif au
Règlement sur le changement de nom et autres qualités de l'état civil.
Et le comité, qui est un comité consultatif, le Comité sur les droits de la
personne, conseille le bâtonnier et le comité exécutif
du Barreau à l'occasion d'événements qui mettent en jeu le respect des droits
fondamentaux et également sur la législation
concernant les droits de la personne. Donc, le comité est formé de
12 experts, avocats, avocates d'horizons divers qui jouissent d'une expertise reconnue dans le domaine des droits
de la personne, certains oeuvrent en recherche ou en enseignement
universitaire, certains sont praticiens auprès de grands bureaux, d'organismes
ou autres, et le comité se rencontre de
façon régulière. Donc, l'objet de... enfin, à l'issu de ces rencontres, vous
avez une proposition de position entérinée par le Barreau, qui fait
l'objet d'un consensus du comité.
Je suis
accompagnée de la présidente de notre comité ainsi que d'un membre de notre
comité. J'aimerais vous présenter
d'abord, à ma gauche, Me Pearl Eliadis, qui est présidente du Comité sur
les droits de la personne du Barreau. Me Eliadis
est avocate en droits de la personne, elle enseigne à la Faculté de droit de
l'Université McGill. Elle est membre des
experts agréés désignés par le programme des Nations unies pour le
développement en matière de droits de l'homme et gouvernance démocratique, elle possède plus de 20 ans
d'expérience dans les dossiers reliés aux droits de la personne. Elle a
agi également comme conseillère principale et à la haute direction de plusieurs
commissions et institutions nationales de droits de la personne, soit au
Québec, en Ontario ainsi qu'en Asie et en Afrique.
Et, à ma
droite, Me Alexandre-Philippe Avard est associé au sein du cabinet d'un
grand bureau à Montréal, il exerce en litige civil et commercial. Il est
membre du Comité sur les droits de la personne depuis plusieurs années. Il est titulaire
d'une maîtrise en droit de l'Université Oxford, en Angleterre, portant sur le
droit international, le droit de la personne. Régulièrement appelé à agir dans les
dossiers d'envergure, il est aussi appelé à traiter des questions liées
aux droits ancestraux des peuples autochtones et il fournit en outre des
conseils à des sociétés privées et à des organismes publics concernant des
questions... enfin, sur les questions d'accès à l'information et de protection
de la vie privée.
Alors,
d'emblée, je vous dirais que nous accueillons avec plaisir l'initiative du
législateur d'abolir l'exigence de chirurgie
préalablement au changement de statut civil pour les personnes transgenres.
Nous avons quelques commentaires à
vous partager au sujet du règlement, et une fois de plus nous vous remercions
de l'opportunité qui nous est donnée de vous exprimer nos idées.
Alors, on
comprend que la question des problématiques que vivent les personnes
transgenres sont des questions et des
situations qui interpellent la société avec lesquelles d'emblée nous ne sommes
pas tous familiers, au préalable. Nous comprenons
également que, d'un point de vue juridique, il y a des enjeux importants
concernant l'équilibre à atteindre entre l'exercice de la protection des
droits de la personne et la stabilité et la sécurité des actes de l'état civil.
La protection des droits enchâssés dans les
chartes a-t-elle préséance parmi les considérations qu'il nous faut examiner? Il faut rappeler, bien sûr, le statut
constitutionnel ou quasi constitutionnel, si on pense à la charte
québécoise, de ces dispositions
législatives. Et, pour nous, la
consécration des droits fondamentaux des personnes transgenres exige
qu'on ne considère pas leur situation comme une pathologie qui requiert un soin
mais plutôt qu'on reconnaisse que l'identité sexuelle, telle que chacun la
définit pour et par soi-même, est un aspect fondamental, et c'est à partir de
ce principe directeur, nous soumettons, que
nous proposons que le règlement s'élabore, c'est-à-dire à partir d'un
principe d'autodétermination, l'autodétermination comme étant intrinsèque aux
droits de la personne. On pense à l'article 1, à l'article 4 de la charte québécoise, le droit à l'intégrité,
à la liberté de sa personne, le droit à la sauvegarde de sa dignité, comme incluant l'autonomie décisionnelle, alors
l'identité de genre perçue comme une conception personnelle de soi, comme homme et comme femme, nous semble plus
respectueuse des droits que l'État se doit de garantir aux personnes, plutôt que d'être perçu comme une condition, sans
qu'il y ait besoin de chirurgie, ni de traitement, ni de soins, de
traitement psychiatrique, psychologique ou sexologique.
Donc, les
personnes transgenres bénéficient des protections constitutionnelles que la loi
leur accorde, et ce sont là des
éléments incontournables de l'analyse. Notre proposition est de fonder le
règlement sur le principe d'autodétermination et que le demandeur ou la
demanderesse soutienne sa demande par une déclaration solennelle selon laquelle
il ou elle affirme assumer l'identité sexuelle désirée, s'identifier à celle-ci
et avoir l'intention de la maintenir.
Pour ce qui concerne le besoin de corroboration,
on convient que d'autres provinces au Canada en font une condition, toutes sauf une exigent la lettre d'une
tierce personne et non de deux, et ce qu'on vous soumet, c'est qu'à
partir du moment où on axe le règlement sur le principe de l'autodétermination,
cette corroboration, si le législateur l'estime comme étant nécessaire et garante de la stabilité des actes de l'état
civil... donc cette corroboration serait plutôt en appui de l'authenticité et de la sincérité de la démarche
du demandeur. Donc, dans ce sens-là, notre propos est qu'elle ne vienne
pas nécessairement strictement du corps médical mais plutôt... Elle pourrait
venir de la part d'un membre d'un ordre professionnel
qui a pu accompagner le demandeur dans sa réflexion, dans sa démanche, mais on
propose également qu'elle puisse venir d'un tiers qui... on ne vous propose
pas nécessairement une liste, mais par exemple un tiers qui
pourrait être un membre de la famille immédiate, un parent qui connaît
son enfant, par exemple, et qui sait très bien que cette démarche, que le
parent soutient, provient véritablement d'une identité authentique et
différente de celle qui est inscrite à l'acte de naissance du demandeur.
Donc, vous avez compris, à la lecture de notre
mémoire, que nous estimons qu'il y a des difficultés avec la période de deux
ans...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je suis désolé, mais seulement nous devons... les cloches appellent les députés
à un vote.
Donc, la commission doit suspendre ses travaux
quelques instants, le temps du vote. Veuillez patienter, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 17 heures)
(Reprise à 17 h 21)
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
À vos places, s'il vous plaît. Alors, la commission reprend les auditions. Encore
une fois, nous sommes désolés, le vote nous a empêchés de poursuivre. Donc,
Me Paiement, je vous recède la parole pour compléter votre présentation.
Mme
Paiement (Marie-Josée) :
Oui. Alors, écoutez, si vous me permettez, je vais juste reprendre
succinctement les éléments peut-être les plus percutants, là, de notre analyse
et de ce qui nous amène à la proposition, là, de... qu'on vous fait.
Donc, je réitère que la transidentité semble ne
pas être une maladie mentale et donc ne requiert pas de traitement médical,
comme tel. Et, à partir de ce moment-là, il nous semble que l'autodétermination
comme pierre angulaire du règlement consacre davantage l'état des choses, ce
qui est la transidentité et également le respect des droits fondamentaux. Et, à
partir de là, le problème avec, par exemple, la période de deux ans, qui rend
très difficile pour le demandeur, là, de
vivre ça en tout temps, pendant 24 heures, dans tous les champs de
ses activités, risque de créer des situations de
discrimination, et le législateur a l'obligation de protéger la population
contre des situations de discrimination. Aucune autre province, d'ailleurs, n'exige cette
période de deux ans. À partir du moment où la démarche repose sur une déclaration du demandeur, qui
déclarerait, par exemple, pour reprendre les termes qu'on vous
propose... qui déclare solennellement
assumer l'identité sexuelle désirée, qu'il s'identifie à celle-ci et
qu'il a l'intention de la maintenir, il nous semble que ça, c'est
l'assise centrale sur laquelle la démarche devrait reposer.
Si le législateur, pour des raisons de sécurité,
par souci de... ou crainte de fraude, désire, estime nécessaire une
corroboration, ce qu'on vous soumet, c'est que cette corroboration-là devrait
se faire sous les mêmes assises, c'est-à-dire qu'il s'agit... l'exemple est
boiteux, mais, un peu comme pour un passeport, il s'agit, pour le tiers qui corrobore, si vous voulez, d'appuyer
l'authenticité et la sincérité de la demande du demandeur ou de la déclaration
du demandeur, non pas qu'elle soit adéquate,
qu'elle soit appropriée, non pas une confirmation d'un état quelconque, là.
On suggère, encore là, si le législateur
l'estime nécessaire, que cet appui puisse parvenir... puisse être soumis par un
membre d'un ordre professionnel, mais
élargir à ce moment-là; pas seulement du corps médical, mais ça pourrait être,
comme l'a recommandé la commission en Ontario, un membre de l'Ordre des
psychologues, des travailleurs sociaux, puisqu'il y a probablement un appui, là, en tout cas dans certains cas, que le
demandeur aura recherché dans sa démarche, et puis, à ce moment-là, ça peut être quelqu'un que le demandeur
voudra voir appuyer sa demande. Mais
on vous soumet également que ça
pourrait être une autre personne, on ne vous nomme pas, là, une liste
exhaustive, mais de considérer qu'encore là, s'il s'agit de corroborer l'authenticité et la
sincérité de la démarche, il y a d'autres personnes qui seraient en mesure de le
faire.
Je pense que ça complète, là, l'essentiel de la
présentation qu'on voulait vous faire. On est en mesure certainement de
recevoir et de répondre à vos questions.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Répondre aux questions. C'est ce
qu'on va voir immédiatement. Mme la ministre, à vous la parole.
Mme Vallée :
Merci. Merci beaucoup, merci de votre présentation. Merci de votre patience aussi
et merci de nous avoir permis de passer... d'aller au vote.
Je voudrais revenir, justement, sur le dernier
aspect que vous avez abordé, concernant la corroboration. Vous nous proposez
certains éléments qui pourraient être ajoutés dans la déclaration du demandeur,
c'est-à-dire assumer l'identité sexuelle, s'identifier avec cette identité-là
et l'intention de la maintenir, et vous suggérez d'étendre ou de... d'étendre la liste des professionnels qui
pourraient être des corroborateurs. Par contre, on a eu beaucoup
d'interventions en commission parlementaire
de la part de groupes qui nous disaient : N'exigez pas, s'il vous plaît,
de devoir cogner à la porte d'un
membre d'un ordre professionnel, surtout dans le domaine médical, puisque ça
nous impose une contrainte et une
exigence qui va au-delà de ce qu'on pourrait bien souvent pouvoir aller
chercher, ça va... ça complique une démarche qui se veut simplifiée.
Donc, pour corroborer, pour assurer une
corroboration quand même sérieuse et soutenue, est-ce que vous considérez qu'il serait possible de mettre de côté
l'exigence de l'appartenance à un ordre professionnel et de se tourner
vers un tiers? Vous avez pris l'exemple du
passeport, puis en fait je vous avoue... vous avez dit : Exemple boiteux,
je vous avoue que cet exemple-là a
été retenu à maintes reprises lors de nos échanges. Est-ce que vous croyez que
l'exigence de toute forme de corroboration par un membre d'un ordre
professionnel pourrait être mise de côté sans pour autant venir affecter le
caractère solennel de la démarche?
Mme Paiement (Marie-Josée) : Je vais
inviter Me Eliadis à répondre à cette question.
Mme
Eliadis (Flora Pearl) :
Merci, Me Paiement, et merci pour la question. Si on part du point de vue qu'il ne s'agit pas d'une
maladie, que la personne n'est pas malade, la question qui se pose ensuite,
c'est : Pourquoi un médecin? Alors, ça, je pense, ça règle
la question des médecins, des psychologues, ainsi de suite.
Pour ce qui
est des membres des ordres professionnels, je pense que la question, c'est le sérieux de
la situation et le fait que plusieurs
personnes transgenres n'ont pas nécessairement accès aux professionnels. On veut éviter
les situations discriminatoires, bien
sûr. Alors, pour nous, et quand on regarde les autres juridictions, par exemple
l'Ontario, particulièrement en ce qui
concerne la position que la Commission ontarienne des droits de la personne a
prise, on voit qu'on regarde
l'accompagnement de la personne : Est-ce que la personne est accompagnée
par quelqu'un qui pourrait déclarer aussi de façon solennelle que... de
l'authenticité des démarches que la personne veut prendre? À ce moment-là, on
ne limite pas la personne aux ordres
professionnels, on ne crée pas des situations discriminatoires qui peuvent
aggraver les situations discriminatoires et les transphobies,
particulièrement quand il s'agit des ordres professionnels qui n'ont rien à
faire avec la situation que vit la personne.
Alors, en conséquence, on considère que ce n'est
pas nécessaire, primo, que des ordres professionnels soient consultés;
deuxièmement, que le besoin du solennel et de l'authenticité peut être
rencontré par rapport aux autres personnes, qui connaissent la personne mieux
peut-être qu'une personne d'un ordre professionnel.
Mme Vallée :
Donc, en fait, il serait toujours possible, il est toujours possible pour la
personne de faire corroborer sa
demande par un professionnel du milieu de la santé, parce que certains sont
accompagnés au cours de leur processus...
Mme Eliadis (Flora Pearl) : Oui,
oui.
Mme Vallée :
...et le professionnel de la santé est probablement, peut-être, la personne qui
la connaît ou le connaît le plus dans son intimité, s'ils ont le suivi,
mais ne pas en faire une obligation.
Mme
Eliadis (Flora Pearl) : Exactement.
Mme Vallée :
D'accord.
Mme Paiement
(Marie-Josée) : Et, si vous me permettez... Est-ce que je pourrais
ajouter?
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Oui, absolument, absolument.
• (17 h 30) •
Mme
Paiement (Marie-Josée) : Le personnel, oui, du milieu de la santé,
mais pas seulement du milieu de la santé. On pense aussi à la sphère psychosociale, un travailleur social, par
exemple, travailleur communautaire d'un organisme, parce que la personne transgenre a peut-être, dans
son cheminement, été chercher un appui, un accompagnement mais dans un cadre autre que médical. Quand on pense à
la santé, on pense à psychiatre, pas... bien, peut-être psychologue,
oui, mais il faut s'éloigner des soins, il faut viser un peu plus large, à
notre avis.
Mme Vallée :
Donc, pour vous, un professionnel qui aurait accompagné... donc tout
professionnel qui aurait accompagné la personne pourrait faire partie de ceux
et celles qui pourraient corroborer la demande, si la personne choisissait. Puis, à défaut d'avoir cet élément,
cette déclaration de la part d'un membre d'un ordre professionnel ou
d'un... qu'il s'agisse d'un travailleur social ou d'un psychologue, peu
importe, là, moi, quand je faisais référence à l'ordre professionnel, je ne référais pas nécessairement aux professionnels de
la santé, mais, à défaut d'avoir un membre d'un ordre professionnel, est-ce que la corroboration par un
tiers... Comment pourrait être encadrée la corroboration par un tiers? Parce que je suis très sensible. On nous a
expliqué que, pour certains et certaines, le manque de ressources amenait
les gens à ne pas consulter, et la situation
amenait parfois les gens à vivre un isolement social assez particulier, et donc
il y avait peu de gens... pour
certains, certains membres, certaines personnes trans avaient un noyau ou une
bulle qui était composé de très peu
d'individus et de personnes de confiance. Parce que c'est surtout ça, je pense
que c'est le lien. Alors, comment on pourrait
s'assurer du respect du formalisme lorsqu'il n'y a pas, autour du demandeur ou
de la demanderesse, de membre d'un ordre professionnel?
Mme Eliadis (Flora
Pearl) : Alors, ce qu'on propose dans la lettre, c'est que ce soit un
membre d'un ordre professionnel, ça pourrait
être aussi un éducateur. Et en Ontario on a prévu aussi la possibilité d'un
membre de la famille ou d'un ami proche. Il y a une juridiction où, dans
certains cas, on pourrait même mettre à côté les obligations, les exigences qui sont prévues dans la loi, peut-être
que ce serait le directeur lui-même qui pourrait faire une exception,
mais, pour rendre les choses plus simples et
plus souples, il me semble qu'on devrait prévoir que ça pourrait être un
membre d'un ordre professionnel mais aussi
un éducateur, aussi un travailleur social, un membre de la famille ou un ami
proche qui a accompagné la personne et qui est capable d'assermenter ou
de faire une déclaration solennelle en ce qui concerne le sérieux de ses
démarches.
Mme Vallée : Comment verriez-vous... Comment pourrait se décliner la
déclaration du ou de la... du corroborateur? Qu'est-ce qui devrait, à votre avis, être contenu dans cette
déclaration-là, puisque... Je vous pose la question parce que, la question de l'apparence, je pense qu'on l'a pas
mal abordée, notamment avec la Commission des droits de la personne et
de la jeunesse, puis effectivement ce n'est
pas nécessairement l'idée, ce n'est pas à retenir, puisque c'est trop subjectif.
Donc, quels critères objectifs devraient, à
votre avis, être inclus dans la déclaration de la personne qui corrobore la
demande?
M.
Avard (Alexandre-Philippe) : Alors, sur cette question-là, à l'heure
actuelle, le projet de règlement mentionne que la corroboration, si on
veut, est fondée sur le caractère approprié ou non de la demande. Ce que nous
disons, dans la lettre que nous vous avons
fait parvenir, c'est qu'il faudrait éviter d'exiger un jugement de valeur, si
on veut, quant au bien-fondé ou non de la demande, puisque le principe
fondamental, tel que mes collègues l'ont mentionné, c'est un principe d'autodétermination. On peut comprendre le souci, là, du législateur de
vouloir assurer la stabilité du registre de l'état civil, et ce qui
importe, c'est essentiellement la sincérité, dans le fond, de la démarche, le
caractère réel et bien matériel de la
démarche, alors, en fait, que cette personne qui corrobore la demande devrait,
en fait, attester de la sincérité de la
démarche, et qu'essentiellement la personne affirme bel et bien assumer
l'identité sexuelle désirée, qu'elle s'identifie à celle-ci et qu'elle a
l'intention de la maintenir.
Évidemment,
il faudrait éviter que cette attestation-là s'appuie sur des stéréotypes et des
questions, effectivement, d'apparence,
puisque, effectivement, comment définir et comment limiter, en fait, la
question du genre à une question d'apparence?
Alors, ce serait, je dirais, mon réflexe. C'est simplement un élément...
d'assurer la sincérité, dans le fond, de la démarche. Et le lien de connaissance
entre la personne qui atteste et le demandeur permet justement de garantir ou
de valider l'attestation, parce qu'effectivement, s'il y a une relation qui
existe entre le professionnel et le demandeur ou entre le membre de la famille
et le demandeur, cette personne-là est à même d'attester de la sincérité de la
démarche.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Ça complète ce premier bloc d'échange avec la ministre.
Je me tourne vers l'opposition officielle. M. le vice-président, à vous
la parole.
M. Lisée :
Merci beaucoup. Merci d'être là, Me Paiement, Me Eliadis et
Me Avard. Il m'en manque un, c'est lequel?
Mme Paiement (Marie-Josée) : M. Alary,
Le Grand Alary, qui est notre stagiaire.
M.
Lisée : Bonjour.
Bienvenue à l'Assemblée nationale. Alors, oui, c'est un débat qui nous anime, et on
essaie de faire un progrès social important en respectant les droits, donc on
est un peu à tâtons à essayer de voir comment on peut faire ça.
Je vois que
plusieurs de vos recommandations recoupent ce qu'on a entendu à la fois de la commission
et à la fois d'un grand nombre de
groupes qui s'y intéressent. Je comprends aussi que vous faites une réflexion
sur les mineurs. Alors, évidemment, le but de cette commission, c'est de
discuter du règlement qui découle de la loi qui a été modifiée en parlant de personnes majeures, mais, puisqu'on y
est et que la ministre de la Justice
est là, a les oreilles grandes ouvertes, même elle prend des notes au
moment où je vous parle, vous nous indiquez que dans quatre autres juridictions
canadiennes déjà les mineurs ont été couverts par la possibilité d'autodéclarer
son changement de genre. Vous notez que — en page 8 — une estimation européenne donne un enfant
sur 500 qui aurait une identité sexuelle qui diffère du sexe assigné à
la naissance : «Au Québec, les jeunes transgenres sont plus à risque de
violence, de harcèlement et de discrimination.
Ces jeunes sont oubliés par la législation actuelle et par le projet de
règlement. Pourtant — et là
vous citez un mémoire présenté précédemment — "plusieurs
sphères de la vie des jeunes trans, notamment en lien avec l'accès aux soins de
santé, à l'école, et [...] à l'emploi [...] constituent des situations de
discrimination institutionnalisées".»
On a eu plus
tôt aujourd'hui le témoignage de Me Bureau, qui aussi indiquait qu'il y avait
des problèmes personnels très graves
qui pouvaient conduire même à des situations mettant en péril la vie de
certains jeunes trans. Alors, votre... Et vous êtes le Barreau du Québec, donc ce n'est pas rien. Vous, vous
dites : «Sans vouloir proposer une voie de solution précise, nous
sommes d'avis qu'une réflexion importante s'impose sur cette question.» Est-ce
que vous voulez élaborer là-dessus?
• (17 h 40) •
Mme
Paiement (Marie-Josée) : C'est délicat parce que, d'une part, la
position, les réflexions qu'on vous présente font l'objet d'un
consensus. Aller au-delà veut dire aller au-delà de la réflexion aboutie, là,
du comité, et ce n'est pas nécessairement entériné, à ce moment-ci, là, par le
Barreau.
C'est certain
qu'il y a des questions avec lesquelles, si vous le désirez, on peut repartir,
discuter et vous revenir par écrit, si c'est opportun de le faire. On a
quand même regardé certains mémoires. On est sensibles, je suis certaine, comme
vous l'êtes à ce qui vous a été présenté.
Je sais que
demain vous recevez le Dr Ghosh, qui est un spécialiste au Montréal
Children's Hospital, l'hôpital pour enfants de Montréal, sur la
question. C'est parce que, si on part du principe que le la transidentité n'est
pas quelque chose qui survient à un moment
donné dans la vie mais qu'on naît
comme ça, on le découvre peut-être au
fur et à mesure de notre croissance ou de notre évolution
personnelle, à ce moment-là, il est certain que, les jeunes, les
mineurs qui font face à cette situation-là,
cette identité autre rend leur compréhension d'eux-mêmes beaucoup
plus compliquée, et, à ce moment-là, je pense que le législateur doit peut-être
se pencher sur les moyens pour faciliter leur cheminement. On sait qu'il
y a des personnes transgenres qui malheureusement perdent l'appui des membres de leur famille. Par contre, peut-être parce que c'est plus
prévalent ou peut-être parce qu'on est plus au courant, il y a par ailleurs des
parents qui soutiennent leurs jeunes dans
leurs démarches. Et je suis sûre que vous allez entendre davantage
à ce sujet-là demain. Alors, je pense que, sans trop s'avancer, ce qu'on
pourrait peut-être vous proposer ou réitérer, c'est qu'il y a des besoins aussi importants, sinon peut-être plus, dans le sens où ces jeunes-là sont plus
vulnérables parce que moins équipés, parce que moins matures psychologiquement, et qu'ils font,
comme les adultes, face à des situations de discrimination dans divers milieux,
ils ne sont pas équipés ni légalement ni outillés psychologiquement pour se
débrouiller avec ça sans aide, là.
M. Lisée : Lors de la discussion de la modification du Code civil, est-ce
que le Barreau avait une position sur
cette question-là, mineur, majeur?
Mme Paiement (Marie-Josée) : Pas
comme tel. Je ne pense pas que c'était une position aboutie, non.
Mme
Eliadis (Flora Pearl) : D'ailleurs,
on s'est rendu compte un peu, en préparant le mémoire, que les mineurs
ont été omis parce que justement, quand on parlait du Code civil, on parlait
d'une situation concernant les majeurs. Alors, c'est un peu normal, si vous
voulez, que ça ne rentrait pas dans la discussion.
Mais il faut dire que, pour ce qui est des
jeunes qui ont 16 ans ou moins, c'est sûr qu'en Ontario, Manitoba, Colombie-Britannique, ainsi de suite, il y a les procédures qui sont déjà
prescrites pour s'assurer que les personnes qui ont la garde de la personne jeune ont quand même
un rôle à jouer dans le consentement qui est requis. Alors, je pense
que ça vaut la peine... Et on
encourage encore le législateur d'y penser, parce qu'évidemment, pour les mineurs, comme Me Paiement vient de souligner, ils subissent des problèmes
importants de discrimination, de transphobie. Or, il faut y penser, il
faut avoir une réflexion là-dessus, et ça vaut la peine de regarder dans les
autres juridictions que je viens de mentionner ce qu'ils font, parce que les
procédures sont déjà en marche.
M. Lisée :
Alors, la loi aussi parle des citoyens canadiens majeurs qui habitent, donc,
sur le territoire québécois. Ça veut
dire que des immigrants reçus — et il y en a qui sont en instance de
citoyenneté, mais il y en a qui sont immigrants reçus pour toute leur
vie, pour toutes sortes de raisons décident de ne pas être citoyens — eux
n'ont pas ce droit-là. Est-ce que vous vous êtes penchés sur cette question-là
aussi?
Mme Eliadis (Flora Pearl) : Bien, le
problème, c'est qu'on parle du certificat de naissance, bon. Alors, si la personne est née au Canada, ce n'est pas la
situation dont vous parlez. Si la personne est née ailleurs, il va falloir que
le certificat de naissance de l'autre place
soit changé, et évidemment le Canada, le Québec n'a pas de juridiction pour
exiger à une autre
juridiction de changer sa loi. Alors, c'est un peu en fonction de la réalité,
de la situation juridique, qui fait en sorte
qu'il y a un problème. Pour les gens qui sont les immigrants reçus, ce serait
encore le même problème. Le certificat de naissance vient d'où? Alors,
votre procédure, c'est de changer le certificat de naissance de la personne...
M. Lisée :
...il a quitté... Oui, mais, le citoyen canadien, bien là la situation va se
poser. Donc, un citoyen canadien habitant
au Québec, majeur, demande... Maintenant, il vit au Québec, citoyen canadien,
il vaut changer de genre. Donc, sa citoyenneté,
elle est canadienne, donc il va s'adresser à l'État civil québécois en lui
disant : Bien, même si mon certificat de naissance est à
l'étranger, je demande que la modification soit faite ici. Donc, ça pourrait
théoriquement être le cas pour un immigrant reçu.
Mme Eliadis (Flora Pearl) : Arriver
à la même chose, oui. C'est une bonne question.
M. Lisée : Alors, je vous
laisse ce cas-là pour une prochaine fois, je vous laisse réfléchir.
Mme
Paiement (Marie-Josée) : On ne s'est pas penchés spécifiquement sur le
cas de la personne immigrante reçue,
mais, bien sûr, ces gens-là bénéficient, comme tous les Canadiens et les
Québécois, des mêmes protections juridiques.
M. Lisée : Normalement.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
...30 secondes, M. le député.
M. Lisée :
30 secondes? Bon, bien c'est parce qu'à
la lumière de ce débat-là on voit qu'il
y a un certain nombre de choses aussi dans nos procédures, dans nos
prisons, dans notre système de santé, dans le système d'éducation où
il vaudrait la peine de faire un genre de
plan omnibus pour régler une fois pour toutes, enfin, pour cette fois-ci, dans
cette génération, et donc ça fait partie de ça.
Et je vois
que vous préconisez «la mise en place de politiques, de directives et
de procédures d'accompagnement par un
comité multidisciplinaire». Est-ce
que vous le voyez, ce comité, comme
répondant aux besoins de l'individu ou comme répondant aux changements
sociaux qui découlent de la présence des trans?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
En deux secondes.
Une voix : ...
M. Lisée : La première? O.K.,
d'accord. Les individus.
Mme Eliadis (Flora Pearl) : Le
premier.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Le premier.
M. Lisée : Oui.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Ça va? Complété? Je me tourne maintenant vers M. le député de Nicolet-Bécancour.
À vous la parole.
M.
Martel : Merci, M.
le Président. Bon après-midi, vous quatre. Merci de votre présence.
Vous savez,
toutes les fois que j'ai participé à des consultations particulières, on attend
avec beaucoup de... pas d'impatience mais beaucoup
d'intérêt les mémoires déposés par le Barreau. C'est évident que, quand vous
avez écrit votre mémoire,
vous n'avez pas pris connaissance de tout ce que les autres ont écrit comme mémoires.
Moi, je voulais savoir... À la
page 5, là, de votre mémoire, vous dites que vous êtes en faveur de l'autodétermination, comme
beaucoup d'autres d'ailleurs,
là, mais cet après-midi le Directeur de l'état civil, lui, a mis beaucoup
d'emphase sur la corroboration par un
tiers par souci de cohérence et de rigueur, c'est ce qu'il nous a affirmé. À la
lumière ou... Puis je ne sais pas si vous l'avez entendu, là. Quand vous
prenez votre mémoire, quand vous entendez le Directeur de l'état civil, qu'est-ce
que vous avez comme réaction par rapport à ça?
M. Avard
(Alexandre-Philippe) : Écoutez,
premièrement, je pense que toute
réflexion du législateur sur cette question-là
devrait d'abord et avant tout s'appuyer sur des données probantes, des données
empiriques. Je pense que toute la question de la corroboration... Parce
que, d'abord et avant tout, la position qui est véhiculée dans notre lettre,
c'est que l'exigence de corroboration ne
devrait même pas être là, en fait c'est une question d'autodétermination et de
s'assurer que la démarche est sincère. Donc, la question de stabilité et les
risques qu'on envisage, compte tenu qu'ici nous sommes dans une situation où il
y a un groupe clairement vulnérable, qui a fait l'objet pendant des... qui fait
l'objet de grandes stigmatisations, il faut s'assurer que les positions que va
prendre le législateur ne vont pas perpétuer ces stéréotypes-là mais vont
plutôt s'appuyer sur des données probantes.
Donc, l'idée de corroboration, je pense, en
partie s'appuie sur une idée préconçue selon laquelle la démarche entreprise
n'est pas nécessairement une démarche sérieuse, est peut-être une position
temporaire qui peut changer, d'où, je pense, aussi
l'exigence de la période de deux ans. Alors, tous ces éléments-là peuvent être
problématiques, puisque le législateur doit
légiférer selon une situation de fait et non véhiculer des stéréotypes. Alors
donc, la corroboration, on comprend l'objectif, mais la déclaration
solennelle de la personne, de l'individu, c'en est un, élément qui assure la stabilité et le sérieux, c'est une déclaration
solennelle, et faire une déclaration fausse, évidemment, est une infraction
aussi. Donc, je réitère l'élément que la
corroboration, comme tel, n'est pas, disons, la première solution qu'on vous
propose.
Peut-être mes collègues veulent ajouter un peu à
cette idée.
• (17 h 50) •
Mme
Eliadis (Flora Pearl) : On comprend l'importance du sérieux de la
chose, on le comprend tout à fait, la question
de la stabilité juridique est très importante pour le Directeur de l'état
civil, ça, on est tout à fait d'accord, mais on croit qu'une déclaration solennelle et, s'il y a besoin, si vous le
croyez nécessaire, une lettre qui fait état du sérieux de la personne,
une personne qui accompagnait le demandeur ou la demanderesse pourrait répondre
à ces exigences-là.
Mais, quand
on parle d'une corroboration, moi, je pense à une preuve devant la cour. La
preuve en soi est en doute, et on cherche une deuxième chose pour
démontrer que c'est vrai. Et ce n'est pas dans ce sens-là quand on parle de la corroboration. Pour nous, c'est plutôt la question
d'une personne qui pourrait dire : Oui, je connais cette personne-là,
je l'ai accompagnée. Ce n'est pas parce
qu'on présume que la personne ment, dans le fond, c'est une... Si c'est nécessaire et si, selon le législateur,
vous pensez que c'est nécessaire, on pense que ça devrait être considéré comme
une lettre qui démontre le sérieux et
l'authenticité des démarches qui sont prises, mais ce n'est pas une
corroboration dans le sens d'une preuve devant la cour.
M.
Martel : Combien de
temps?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
1 min 30 s.
M.
Martel :
Une minute. Bien, très rapidement, là, que pensez-vous d'introduire un 14e
motif de discrimination interdite,
dans la charte québécoise des droits et libertés de la personne, fondé sur
l'identité du genre, comme l'Ontario l'a fait, d'ailleurs?
Mme Eliadis (Flora Pearl) : J'étais
en Ontario quand ce changement a eu lieu, j'étais avec la Commission ontarienne
des droits de la personne à l'époque. Et, avant que le changement dans la loi
ait été fait, on s'appuyait uniquement sur
la discrimination en matière du sexe parce que c'était là, c'était le plus
facile, mais, si je peux utiliser le terme
anglais, «it's a work-around», hein, c'est-à-dire qu'on utilisait ça parce
qu'on n'avait pas le bon terme dans la loi. En conséquence, d'utiliser le terme précis qui décrit la situation
particulière de la personne concernée est toujours mieux. C'est sûr que la discrimination en matière de la
transidentité est de plus en plus reconnue partout au monde, y compris
le Canada, et ça permet aux gens de se
reconnaître dans la loi et de voir qu'il y a une protection en matière de
discrimination. Alors, c'est sûr qu'en
Ontario, justement, on a changé la loi parce qu'on s'est rendu compte que la
loi n'était pas adéquate.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Ça complète. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, à vous la parole.
Mme Massé : Pour trois minutes à peu
près. Merci. Merci d'être là. Merci de votre patience aussi.
J'ai deux
questions, alors en trois minutes on fait notre possible. Vous avez, en fait,
d'une certaine façon, dans votre
mémoire mais aussi dans votre parole, parlé d'une corroboration par un tiers,
puis là, bien, il y a toute une liste, les ordres, les médecins, les psys, les amis de la famille, les groupes communautaires,
etc., mais, si on dit «un tiers», est-ce que ça n'inclut pas tous ces
gens-là?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Me Paiement.
Mme
Paiement (Marie-Josée) : Oui. Il faut que ce soit un tiers qui a la
capacité d'affirmer que le demandeur assume effectivement l'identité
sexuelle désirée, qu'il s'identifie à celle-ci et a l'intention de la
maintenir. Donc, comme demandait Mme la
ministre tout à l'heure, là, qu'est-ce qui va faire qu'on peut s'appuyer sur
cette... Et qu'est-ce qu'on va écrire dans cette affirmation du tiers?
Et quel tiers va pouvoir l'affirmer? Je pense que c'est le tiers qui est
compétent, qui a cette connaissance-là. Et je vais peut-être au-delà, là, mais...
Mme Eliadis (Flora Pearl) : Mais
l'important, c'est que les deux lettres ou les deux corroborations sont fusionnées, dans notre lettre. Ça, c'est
l'important, hein? On ne dit pas qu'il devrait voir un autre professionnel,
puis ensuite un autre, ensuite un autre. On propose un fusionnement des
deux exigences pour que ce soit... Une personne qui connaît la personne est
capable de faire l'affirmation en question.
Mme
Massé : O.K. Est-ce que... Qui connaît la personne depuis un certain
temps? Parce que... Bien, je vais poser mes deux questions, puis vous
irez au meilleur de vos connaissances. Est-ce que vous voyez que cette
personne-là connaît depuis un certain temps... Et l'autre bout que vous avez
dit, c'est que la corroboration doit être en appui à l'authenticité de la démarche et au sérieux de la démarche. Alors, il y
a un groupe avant vous qui regroupe des personnes trans qui est venu
nous dire qu'eux et elles trouvaient que, bon, la corroboration, là, doit être
accompagnée d'une déclaration sous serment d'une personne majeure qui atteste
connaître le demandeur et que ce dernier lui a affirmé comprendre le sérieux de sa démarche de changement
de mention de sexe, hein, donc c'est comme... L'idée de sérieux et
d'authenticité, là, est-ce qu'on s'y retrouverait?
M. Avard (Alexandre-Philippe) : ...évidemment
nous prenons connaissance, là, de cette proposition-là au moment où vous parlez, mais ça me semble tout à
fait logique, parce qu'encore une fois, la période de temps... Je pense
que ce qui est important, c'est que la
personne connaisse le demandeur et atteste le sérieux. Encore une fois, la
période de temps pendant laquelle
cette personne-là connaît l'identité du demandeur, c'est d'appliquer des normes
ou des balises, disons, fixes et
arbitraires qui ne tiennent peut-être pas compte des réalités individuelles. Donc, peut-être le législateur
croirait-il que c'est mieux d'avoir une
approche plus flexible que d'avoir des... où on atteint le même objectif,
mais on n'impose pas de carcan, si on
veut, quant à des espèces de normes à rencontrer. Donc, oui, cette proposition-là m'apparaît soucieuse, là, de respecter l'objectif d'attester
de l'authenticité de la corroboration.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie, ça complète cet échange avec Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme la ministre, il reste quelques minutes.
Mme Vallée : Simplement, je voudrais revenir... Parce que vous semblez, dans certaines de vos
recommandations, permettre ou donner au Directeur de l'état civil une certaine
marge de manoeuvre, et cet après-midi il était ici et il était très clair, le
Directeur de l'état civil appliquera le règlement, appliquera les normes, mais
n'a pas de discrétion à exercer. Le
Directeur de l'état civil va tout simplement s'assurer que les conditions
formulées seront remplies et n'aura pas à déterminer si c'est suffisant,
ou si ça ne l'est pas, ou... Alors, je voudrais juste m'assurer qu'on est bien
sur la même longueur d'onde à cet effet.
Mme Paiement (Marie-Josée) : Tout à
fait. On convient que, contrairement à la législation actuelle, sur le changement de nom, le directeur a, finalement, une
certaine discrétion. Le règlement ne lui confie pas cette
responsabilité-là, et on en convient. On estime que... Ça nous paraît
convenable, effectivement.
Mme Vallée :
Et, pour ce qui est de la demande, j'essaie de saisir, parce que vous avez dit
un petit peu plus tôt, suite à une question d'un collègue, que votre
point de vue n'était pas une demande de corroboration. Donc, si je vous comprends bien, vous ne croyez pas nécessaire
d'assujettir la demande à une attestation additionnelle, une lettre ou
un soutien, donc vous êtes de la mouvance de l'autodétermination. Est-ce que je
saisis bien?
Mme Paiement (Marie-Josée) : Oui.
Mme Vallée :
Parce que dans votre mémoire, à la page 4, vous faites référence à toute
la question de la... vous faites référence à une lettre de
corroboration, alors ça porte à confusion à savoir... Bien, est-ce que vous
considérez qu'il y a lieu d'avoir une simple
autodétermination, par exemple, du style que l'on retrouve en Argentine. Est-ce
que c'est un peu... c'est votre position? Et subsidiairement, à défaut
de, voici ce à quoi nous serions prêts à consentir?
Mme Paiement (Marie-Josée) : Ce
serait... Oui.
Mme
Eliadis (Flora Pearl) : Si vous allez sur la page 6, ça pourrait
répondre à votre question. On prend à prime abord la question de l'autodétermination comme étant le principe
directeur, mais on convient que les autres juridictions au Canada exigent une corroboration
supplémentaire. Or, on convient que, si le législateur — et c'est votre décision — voudrait avoir une certaine corroboration supplémentaire, il y a les principes
directeurs qui sont en jeu, c'est-à-dire que la liste soit élargie, qu'il s'agit du principe d'accompagnement
de la personne et non de vérifier si c'est approprié ou non, ainsi de suite. Alors, c'est un peu une démarche en deux
étapes : le principe de l'autodétermination primo; secondo, si le
législateur croit qu'une corroboration soit nécessaire, voici quelques
principes directeurs que nous croyons pertinents.
Mme Vallée :
Si on devait aller de l'avant avec un simple principe d'autodétermination, qui
n'est pas assujetti à aucun délai,
qui est vraiment de cette mouvance-là, est-ce que vous avez des réflexions sur
la question de... Dans quelle mesure on pourrait accepter une deuxième
demande provenant de cette personne-là, puisqu'il semble, notamment en Ontario,
que, suite aux modifications, il y ait eu des demandes présentées par des gens
qui ont dit : Bien, finalement, je vais retourner à mon identité
précédente? Alors, comment des situations comme ça pourraient être encadrées...
ou est-ce qu'une deuxième demande serait permise, est-ce que... Je sais que ça
a soulevé certaines préoccupations.
Mme
Paiement (Marie-Josée) : Mme la ministre, bon, d'emblée, je vous dirais qu'on n'a pas, encore là, dans
nos discussions, eu l'opportunité d'analyser cette question, là, avec toute
l'attention qu'elle mérite. Mais vous avez soulevé
la situation de l'Argentine. Je sais que l'Argentine, lors d'une deuxième
demande, dans sa législation, prévoit que le demandeur doit s'adresser à
un tribunal, et à ce moment-là il y a un certain fardeau, si on veut, de convaincre
une autorité compétente du bien-fondé de ce
changement-là. Je pense qu'on n'est pas ici pour, évidemment,
vous soumettre des mécanismes mais peut-être
pour rappeler, comme vous l'avez fait dans la présentation du tableau déposé en
début de cet exercice, qu'il y a
peut-être d'autres exemples qui peuvent nous inspirer. Je
pense que l'Argentine, qui est un des États qui fonctionnent sur une
base d'autodétermination, a trouvé une solution qui semble intéressante.
• (18 heures) •
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie, c'est malheureusement tout le
temps dont nous disposions. Je
vous remercie de vous être déplacés pour nous faire part des observations du Barreau
du Québec. Très apprécié, très utile.
Compte tenu de l'heure, nous ajournons nos travaux, et nous poursuivrons ce mandat
fort intéressant demain, le 14 mai 2015. Bonne soirée à tous et à
toutes.
(Fin de la séance à 18 h 1)