(Neuf heures trente-huit minutes)
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Alors, prenez place, s'il vous plaît! Je constate que nous avons le quorum. Alors, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Veuillez, s'il vous plaît, vous assurer
que vos appareils électroniques sont en mode silencieux pour ne pas
troubler nos travaux.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 26, Loi favorisant principalement la récupération de
sommes obtenues à la suite de fraudes ou de manoeuvres dolosives dans le
cadre de contrats publics.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Bourgeois (Abitibi-Est)
remplace M. Ouellette (Chomedey); M. Roy (Bonaventure) remplace M. Bérubé (Matane); et Mme Hivon (Joliette)
remplace Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve).
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Alors, bonjour à tous. Bienvenue à ceux qui se joignent à la commission pour les travaux. Et, puisque c'est notre première séance de
l'année 2015, vous me permettrez d'offrir à tous, à tous les membres
de la commission et à tous ceux qui suivent nos travaux et qui y
participent, une bonne et heureuse année 2015, que je sais qui sera
remplie de travaux intéressants, d'échanges fructueux. Alors, bonne année à
tous!
Remarques préliminaires
Nous allons débuter nos travaux par les remarques
préliminaires. Mme la ministre de la Justice, que je salue, vous disposez de
six minutes pour vos remarques préliminaires. À vous la parole.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée : Alors, merci, M.
le Président. Dans un premier temps, vous me permettrez, moi aussi, de transmettre mes voeux de bonne année aux collègues
qui se joignent à nous aujourd'hui et qu'on est toujours heureux de retrouver, collègues des différentes formations
politiques, aux membres de la commission, Mme la secrétaire et ainsi qu'à tous ceux et celles qui se sont joints à
nous, les membres des médias, les membres des différents organismes qui
sont dans la salle. Alors, permettez-moi de
vous souhaiter une très bonne année 2015, et je suis très heureuse ce matin
d'entamer cette année-là avec les consultations sur le projet de loi
n° 26.
• (9 h 40) •
Vous savez,
je ne veux pas prendre trop de temps, parce que je pense que ce qui est
important aujourd'hui, c'est d'être
en mode écoute, en mode écoute puisque nous avons présenté, le 3 décembre
dernier, le projet de loi n° 26, qui est un projet de loi qui vise principalement la récupération des sommes qui ont
été obtenues à la suite de fraudes ou de manoeuvres dolosives dans le
cadre de contrats publics.
C'est un projet de loi qui a été déposé dans un contexte particulier. Je pense que tous les
gens ici présents dans la salle sont
conscients des différents dossiers, différentes allégations qui ont été mises à
jour au cours des dernières années et qui
démontrent et qui font état que les organismes publics, le gouvernement, les municipalités ont payé trop cher pour des services, certains services et certains contrats
au fil des ans, et ça, notamment en raison de tractations, des manoeuvres
dolosives, des manoeuvres douteuses qui se sont produites.
Alors, notre réponse à ça... Parce
qu'évidemment, lorsque les organismes publics paient trop cher, ce sont les contribuables qui paient trop cher au bout du
compte. Alors, ce sont tous les citoyens qui, via les taxes scolaires, les
taxes municipales, via les impôts, ont payé
trop cher pour des services qui ont été rendus. Ce que nous souhaitons faire,
c'est de récupérer ces sommes-là, permettre
aux organismes publics de récupérer ces sommes-là, et, pour ça, puisqu'il
s'agit là d'une situation exceptionnelle, bien, ça prend des mesures
exceptionnelles, et c'est ce que nous avons présenté.
D'abord, je dois quand même... et je pense faire...
quand même remettre... donner à César ce qui revient à César. Il y a quand même eu un premier projet de loi qui avait été
déposé par mon prédécesseur, le ministre de la Justice, M. Bertrand St-Arnaud, qui avait déposé en
décembre 2013 un projet de loi. Ce projet de loi là avait donné suite à
des consultations, exactement comme aujourd'hui — nous sommes dans le
contexte des consultations particulières — et ces consultations-là
avaient mené à un certain nombre de commentaires, qui ont été analysés. Et nous
avons déposé un projet de loi bonifié, qui
permet de reprendre bon nombre des commentaires qui avaient été formulés, pour
faire du projet de loi un projet de loi qui a une portée plus large et
qui va permettre de couvrir non seulement l'industrie de la construction, mais
l'ensemble des contrats publics qui ont fait l'objet de surfacturation.
C'est un
projet de loi en deux étapes, en gros. Dans un premier temps, ce qu'on
souhaite, c'est mettre en place un programme de remboursement volontaire
qui permettra et qui va faire de sorte que les organismes... les entreprises qui se sont livrées à de
telles manoeuvres seront incitées à rembourser les organismes publics avant que
des recours ne soient entrepris. Alors, cette démarche-là vise à éviter
aussi d'encombrer nos tribunaux judiciaires, vise à éviter de multiplier les
coûts non seulement pour l'État, mais aussi pour les organismes. Lorsqu'on
reconnaît qu'une certaine surfacturation a
été faite, on peut s'asseoir à une table, on peut travailler et mettre de
l'avant certaines propositions de remboursement. Alors, c'est, dans la
première étape, l'objectif qui est visé.
Et, dans un
deuxième temps, ce que nous souhaitons faire dans les situations où les
organismes ne se seront pas prévalus
du programme de remboursement volontaire, nous souhaitons faciliter, pour les
organismes publics, pour les municipalités, les recours de nature civile
devant les tribunaux, hein, et je mentionne : De nature civile, bien
entendu.
Alors, c'est
l'essentiel qui est derrière le projet de loi, l'objectif que nous visons. De
quelle façon y parvenir? J'en suis convaincue, les organismes qui se
succéderont au cours des prochains jours nous feront part de leurs analyses du projet de loi, de leurs suggestions. Je tiens à
vous assurer, M. le Président, que nous sommes en mode écoute, puisque, comme je l'ai dit dans d'autres dossiers, personne
ne détient le monopole des bonnes idées. Alors, je suis persuadée que
tous ici présents ont à coeur le meilleur intérêt des Québécois, des
Québécoises, et ensemble on parviendra à trouver les solutions qui s'imposent.
Sur ce, je vous remercie.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je
vous remercie, Mme la ministre. Je me tourne maintenant vers le porte-parole de l'opposition officielle en matière
de justice, que je salue, et vous disposez de 3 min 30 s pour
vos remarques préliminaires, M. le député. À vous la parole.
M. Alexandre Cloutier
M.
Cloutier : Alors, je vous remercie, M. le Président. D'abord,
saluer mes collègues de l'Assemblée nationale. Moi aussi, ça me fait plaisir de vous retrouver. Je vois qu'il y en a
qui ont un teint un peu plus basané que d'autres, alors j'en déduis le lieu de vos vacances. Saluer le maire de Montréal. M. le maire, j'espère que le match de hockey a été bon hier. Ça me fait
plaisir de vous retrouver. Je vous suis sur Twitter.
Alors, aujourd'hui, nous sommes réunis pour discuter d'un projet de loi qui est fort
important. Mais ce qui est assez fou
dans ce projet de loi, c'est qu'on soit obligés, justement,
de procéder par une loi, vu l'ampleur de ceux et celles qui ont, il
faut le dire, abusé du système
et fait en sorte que les Québécois n'en ont pas eu pour leur argent dans la
construction de différents travaux publics
au Québec. La loi vise à faciliter la vie aux organismes publics ainsi qu'au gouvernement du Québec pour recouvrer ces sommes qui, en bout de course,
n'auraient jamais dû être payées et, en bout de ligne,
n'auraient jamais dû... ce type de situation n'aurait jamais dû se produire.
Maintenant, nous saluons l'initiative... ou
plutôt la reprise, du gouvernement du Québec, et même la bonification... Parce qu'il faut le dire, le projet de loi va plus loin que celui que
nous avions nous-mêmes déposé lorsque nous
étions au gouvernement. On étend le délai de prescription, on donne des moyens
supplémentaires au procureur, on identifie déjà une présomption quant
aux montants percevables... la présomption de dommages plutôt. Alors, ces mesures nous apparaissent être dans la bonne
direction. Nous serons donc une opposition constructive. C'est un bon
projet de loi dans son ensemble, sur les
mesures, sur le principe. Maintenant, dans le détail, évidemment, c'est là que
nous aurons sans doute des
bonifications à apporter, mais je tiens d'emblée à dire que je me réjouis du
fait que c'est un projet de loi qui revient à l'avant-scène.
Ceci étant dit, bien évidemment, on aimerait
dire que le projet a déjà été adopté, que les entreprises ont déjà remboursé, que la page est déjà tournée. Parce
qu'à un moment donné, au Québec, il va falloir mettre tout cet épisode
derrière nous, recommencer une ère plus optimiste, nettoyer l'ardoise pour se
tourner enfin vers un horizon et un environnement
plus sains, rétablir le lien de confiance qu'ont les Québécois envers leur
système, de façon plus générale. Mais je fais partie de ceux qui commencent
à avoir hâte, là, qu'on commence à passer à un autre appel. Voilà. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, M. le député. Je me tourne maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville,
porte-parole de l'opposition... porte-parole de la deuxième opposition
en matière de justice, à vous la parole pour vos remarques préliminaires de
2 min 30 s.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. Alors, d'abord, j'aimerais vous saluer tous également,
collègues parlementaires, et aussi remercier à l'avance nos invités qui sont
ici, qui se sont déplacés, vous remercier pour votre apport aux travaux qui
vont nous permettre d'améliorer ce projet de loi qui est tant attendu.
On l'a dit
puis on va le répéter, ça fait maintenant près de deux ans que la CAQ répète
sur toutes les tribunes à quel point il est urgent d'agir pour récupérer
les sommes volées par les entreprises collusionnaires. Deux ans. Le
gouvernement péquiste s'est longtemps traîné les pieds dans ce dossier, se
moquant de nos interventions pendant que les
contrats continuaient de pleuvoir pour des entreprises qui ont elles-mêmes
reconnu avoir commis des actes criminels, finalement nous a présenté un projet de loi à courte vue, le
p.l. n° 61, vous vous en souvenez. Le gouvernement actuel a,
quant à lui, attendu huit longs mois avant d'enfin déposer son propre projet de
loi. Nous l'avons interpellé à plusieurs reprises, et son attentisme demeure
injustifié, selon nous.
Cependant, nous le reconnaissons, le ministère
de la Justice a apporté d'importantes améliorations au projet de loi n° 61
pour nous présenter le texte du p.l. n° 26. Or, il faut aussi reconnaître
que ces améliorations pallient aux lacunes qui avaient
été mises en évidence par nos invités lors des consultations sur le p.l.
n° 61. Ça se passait, rappelez-vous, en
décembre 2013. Donc, si le gouvernement a attendu tous ces mois avant de
présenter ce projet de loi réclamé de
tous les citoyens, c'est ni plus ni moins parce qu'il en a fait le choix, le
choix de reporter les actions nécessaires pour rendre justice aux
Québécois.
L'accréditation des entreprises reconnues
coupables est cruciale pour leur survie et pour assurer leur capacité de rembourser les sommes dues, l'un va
difficilement sans l'autre, on le comprend, c'est évident. Cependant, la
ministre nous propose pratiquement — il faut faire attention ici,
là — une
amnistie des entreprises qui vont se prévaloir du programme de remboursement volontaire. Il y a des nuances. Elle élimine
le refus automatique pour toutes les infractions listées à l'annexe I de la Loi sur l'intégrité, ce qui est complètement
déphasé par rapport au but du projet de loi actuel. Réhabilitation, oui, mais pas sur un plateau
d'argent et pas sans conditions. L'obtention, le maintien et le
renouvellement de l'accréditation devraient, selon nous, être explicitement
conditionnels à l'attente...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : En
conclusion, Mme la députée.
Mme Roy
(Montarville) : ...de remboursement — oui — ou encore à une ordonnance déterminée par le
juge dans le cadre d'un recours intenté du
p.l. n° 26. Donc, on est heureux de travailler sur ce p.l. n° 26,
mais ça nous prend des bonnes garanties de remboursement.
• (9 h 50) •
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : On
s'y attaque à l'instant. Merci, Mme la députée, pour vos remarques.
Auditions
Nous recevons
avec plaisir plusieurs invités, les collègues l'ont souligné, un visage
familier, quelques visages familiers, mais tout de même je vous
demanderais, M. le maire de Montréal — bienvenue à la Commission des
institutions — de vous identifier et, de même, identifier les
personnes qui vous accompagnent pour les fins de l'enregistrement. Et je
vous cède la parole pour votre présentation d'une durée de 10 minutes.
Ville de Montréal
M. Coderre
(Denis) : 10 minutes.
On devrait être pas pires. M. le Président, merci. Mon nom est Denis
Coderre, maire de Montréal. Qui
m'accompagnent, M. Lionel Perez, membre du comité exécutif et responsable des
infrastructures, de la gouvernance et des relations gouvernementales, ainsi que
Me Benoit Dagenais, directeur du service des affaires juridiques de la ville de
Montréal.
Alors, à mon
tour, Mme la ministre, M. le Président, distingués invités, membres de la
commission, merci de nous recevoir parmi nous ce matin. On a encore le
temps de se souhaiter une bonne année.
Alors, avec
vos préliminaires, j'espère qu'on va travailler de façon constructive et que...
Nous aussi, on est déjà rendus ailleurs, on veut tourner la page une
fois pour toutes, et le dernier pan, c'est cette question, évidemment, du remboursement. On a trop longtemps souffert. La
ville de Montréal souhaite cependant, d'entrée de jeu, saluer
l'initiative du gouvernement quant au dépôt
du présent projet de loi. C'est avec satisfaction que nous constatons également
que les recommandations émises en décembre 2013, lors des
consultations relatives au défunt projet de loi n° 61, ont trouvé écho dans l'actuel projet de loi. Ce projet de loi
va donc plus loin que son prédécesseur, puisqu'il vise désormais tous
les contrats publics ainsi que les personnes physiques.
Comme vous le
savez, les audiences de la commission Charbonneau ont mis en lumière à quel
point Montréal et ses citoyens ont
été parmi les premières victimes des fraudes, de la collusion et de la corruption.
Au cours des dernières années, un nombre important de mesures ont été
mises en place afin de rompre avec ce cycle. Nous avons mis sur pied une commission d'examen des contrats. On a introduit EPIM,
instaurée grâce au support du gouvernement du Québec, un bureau de l'inspecteur général. Comme vous le savez, c'est du droit
nouveau. L'engagement de Montréal envers les plus hauts standards de probité et de transparence en matière d'octroi de contrats est aujourd'hui
bien démontré. Par conséquent, Montréal
continuera d'appuyer toute initiative lui permettant de tourner la page sur cet
épisode peu reluisant de son histoire.
Pris dans son ensemble, le projet de loi
constitue un outil supplémentaire qui contribuera au maintien en affaires des
entreprises fautives, ce qui facilitera certainement le processus de
recouvrement. Ce qui nous importe, c'est qu'aucun processus ne soit ralenti.
Ainsi, davantage de projets pourront aller de l'avant, et la métropole pourra
reprendre son rythme.
Somme toute,
le présent projet de loi permet à la ville de Montréal de prendre ses
responsabilités. Toutefois, pour ce faire,
il est essentiel que Montréal soit partie prenante à toutes les étapes de la
démarche. C'est un autre exemple du nouveau partenariat qui unit le
gouvernement avec la métropole du Québec.
Nous avons
trois principales recommandations à l'égard du présent projet de loi, si vous
permettez. Tout d'abord, nous souhaitons que, lorsque la valeur des
contrats le justifiera, les dossiers concernant Montréal ne puissent être réglés sans son consentement. Nous souhaitons
également que notre accord soit requis quant à l'établissement du seuil
au-delà duquel l'intervention de la ville est prévue dans le cadre du programme
de remboursement. Nous demandons d'autre part que le rôle discrétionnaire
attribué au gouvernement dans le partage des sommes recouvrées soit éliminé.
Notre troisième recommandation fait état de quelques éléments, cinq pour être
plus précis, qui, à la lumière de notre expérience et de notre situation particulière,
nous apparaissent nécessaires pour rendre le présent projet de loi plus
efficace, si vous permettez.
Le
projet de remboursement volontaire constitue une mesure exceptionnelle qui nous
permettra de récupérer les sommes
volées. Il s'agit là d'une ressource fort pertinente qui permettra de limiter
de longues, fastidieuses et très coûteuses démarches judiciaires. Nous pourrons donc nous concentrer sur notre
priorité : le développement de la métropole. Le projet de loi est d'ailleurs relativement explicite quant
au rôle que jouera la ministre à l'égard du programme de remboursement.
Par contre, il manque quelque peu de précision à
l'égard du rôle que prendra la ville en tant qu'intervenant au programme. La
ville de Montréal détient l'information et l'expertise nécessaires pour
participer pleinement à cette démarche. Nous
sommes par conséquent d'avis que, lorsque la valeur des contrats nous
concernant le justifie, la ville devrait être partie intégrante du processus et travailler en partenariat avec l'administrateur
du programme. Nous sommes d'ailleurs d'avis
que l'utilité et la performance du programme seront bonifiées par une telle
relation de collaboration et de dialogue. C'est pourquoi nous recommandons que des modifications au projet de loi
soient apportées afin de prévoir que, quand la valeur des contrats le
justifie, les dossiers nous concernant ne puissent être réglés, dans le cadre
du programme de remboursement, sans notre consentement.
Également, en
tant que donneur d'ouvrage d'importance et victime des manoeuvres dolosives
mises en lumière par la commission
Charbonneau, la ville de Montréal souhaite participer activement au processus de recouvrement des sommes qui lui sont dues. C'est pourquoi nous
demandons que notre accord soit requis pour établir le seuil de la
valeur des contrats permettant à un organisme public d'intervenir au programme
de remboursement.
Par ailleurs, nous sommes d'avis que la
répartition des sommes recouvrées dans le cadre du programme de remboursement
devrait se fonder sur des critères objectifs. Actuellement, le projet de loi
prévoit que cette répartition s'effectuera
en tenant compte des pertes subies par l'organisme public. Nous croyons qu'il y a
lieu d'aller plus loin et de prévoir que le partage des sommes récupérées
doit se faire en fonction du montant payé par chacune des parties pour les
contrats visés.
Comme je l'ai mentionné en introduction, la
ville de Montréal apprécie les efforts déployés pour adapter le présent projet
de loi à sa réalité. Les remarques suivantes
ont pour objectif de le rendre plus efficace. Tout d'abord, nous saluons le fait que le projet de loi trouvera application dans le cadre d'une poursuite intentée contre une
personne physique.
Permettez-moi maintenant d'exprimer certaines
préoccupations à cet égard. En tant qu'employeur, la ville souhaite que les dispositions du projet de loi aient leur plein effet dans le cadre des recours contre des employés,
que ceux-ci soient syndiqués ou non.
Comme vous le savez certainement, toute démarche contre un employé syndiqué doit
s'effectuer par voie de grief, ce qui relève
du tribunal d'arbitrage. Nous souhaitons, par conséquent, nous assurer que les
dispositions prévues au présent projet de loi puissent également être invoquées devant les tribunaux administratifs.
Nous considérons également que des
adaptations devraient être prévues afin de préciser clairement que le projet de loi vise les personnes ayant obtenu des avantages autres que
pécuniaires.
Maintenant, au chapitre des considérations
financières, sachez que la ville de Montréal est en accord avec le montant forfaitaire de 20 % accordé pour
couvrir les frais engagés. Nous sommes également en accord avec la
fixation d'un préjudice présumé. Par contre,
et sans être en désaccord avec le 15 % actuellement prévu à l'article 11,
force est de constater que les
audiences de la commission Charbonneau ont plutôt révélé une majoration des
contrats de l'ordre de 20 % à
30 %. En ce sens, nous suggérons de hausser à 20 % le préjudice
présumé afin qu'il reflète davantage la réalité.
D'autre part, les mesures transitoires prévoient
la possibilité pour une entreprise ou une personne fautive de suspendre une affaire en cours devant un tribunal
pour lui permettre de participer au programme de remboursement. Nous
souhaitons nous assurer que la ville de Montréal pourra à son tour suspendre
des recours judiciaires en cours pour lui permettre de bénéficier des nouvelles
règles en lien avec les recours judiciaires lorsque celles-ci entreront en
vigueur.
Enfin, notre dernière préoccupation concerne le
délai de prescription. Nous souhaitons soumettre à votre attention que, dans certaines situations
particulières, la ville pourrait souhaiter l'annulation de certains contrats
ayant fait l'objet d'un processus
vicié par la fraude, la corruption ou la collusion puisque, dans ces cas, le
recours visant à obtenir seulement la
compensation du préjudice subi ne serait pas un véhicule adéquat pour remettre
aux citoyens ce qui leur est dû. En raison de cette possibilité, donc,
nous demandons que le projet de loi soit modifié afin qu'il s'applique
également aux recours en nullité.
J'ajouterais,
en terminant, M. le Président, que le projet
de loi n° 26 contribuera certainement à tourner la page sur une
époque, une époque que nous souhaitons tous définitivement révolue. À l'aube de
son 375e anniversaire, Montréal a besoin
d'avoir les coudées franches pour réaliser ses projets. Il est désormais temps
de nous tourner vers l'avenir. Et je vous remercie de votre écoute.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie, M. le maire. Nous allons maintenant débuter
l'échange avec les parlementaires, et, Mme la ministre, vous avez la parole pour un premier bloc d'échange d'une durée de
15 minutes.
• (10 heures) •
Mme Vallée : Merci,
M. le Président. Alors, M. le maire,
bienvenue. Merci de participer aux échanges et merci de l'analyse qui a
été faite par la ville du projet de loi.
Évidemment,
c'est certain, je l'ai mentionné d'entrée de jeu, les commentaires qui ont été
formulés, notamment par la ville de Montréal
et par d'autres organismes, ont été pris en considération. Est-ce qu'il y a
moyen de bonifier davantage le projet
de loi? On est à l'écoute, et c'est
pour ça que, dans un premier temps, j'aimerais... Parce que je comprends très
bien que la ville souhaite une meilleure participation, une plus grande
participation dans le cadre, notamment, du programme de remboursement volontaire. Et vous avez mentionné que la ville devrait
être une partie intégrante, faire partie de l'équipe, d'une certaine façon, et ça, quand la valeur le
justifie. Alors, je me demandais : Avez-vous établi ou avez-vous une
idée de ce que pourrait être valeur de
contrat qui justifierait l'intervention de la ville de Montréal ou d'une autre
municipalité dans le processus de remboursement volontaire qui a été mis
en place?
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : M. le maire.
M. Coderre (Denis) : Merci, Mme la
ministre, pour votre question. Vous savez, dans un premier temps, je pense
qu'il faut qu'il y ait du discernement, il faut qu'il y ait du pragmatisme. Ce
qu'on veut, c'est récupérer, O.K.? Maintenant,
il y a une réalité, je dirais, d'un réflexe Montréal, d'une clause Montréal.
Pourquoi? Parce que Montréal est le deuxième plus grand donneur
d'ouvrage. Parce que, justement, dans le contexte de ce partenariat-là qu'on a
eu tant avec l'ancien gouvernement que
l'actuel, on comprend qu'il y a quand même des mesures qui sont un petit peu
spéciales. Je vous rappelle, par exemple, puis ça, ça vient d'être entériné,
que Montréal, en vertu des décrets obligeant une autorisation de l'AMF pour les contrats de plus de 100 000 $, donc construction, voirie, aqueduc, égouts et
contrats des services... puis c'est par rapport à 5 millions pour
les autres municipalités. Donc, le contexte... En fait, c'est un
principe, à mon avis, de partenariat. Déjà, il y a eu une évolution. On
travaillait déjà, d'un côté, avec la loi n° 61, il y a eu une bonification
par rapport à la loi n° 26, mais il est essentiel, à cause justement de la
réalité montréalaise dans laquelle nous
sommes présentement, que Montréal soit partie prenante du processus, tant au
niveau du seuil qu'à tous les niveaux, parce qu'il y a justement, avec
ce que je viens de vous mentionner, une réalité qui est différente en termes de
l'applicabilité de ce projet de loi.
Donc, on
pense évidemment une petite coche plus loin. Il y a déjà une concertation qui
se fait, il y a un travail qui se fait. Donc, ça, c'est essentiel. Et
c'est pour cette raison-là qu'à cause de la situation... Je vous ramène
également à la question de la discrétion.
Donc, si on travaille d'un commun accord et qu'on sait qu'il y a une réalité
montréalaise, à cause de ce que je viens de vous mentionner, on pense
qu'on doit être partie prenante et que rien ne doit se faire sans le
consentement de Montréal, parce qu'il y a des enjeux aussi qui s'y attachent.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Mais en fait je
comprends votre explication, mais en même temps c'est parce que vous avez mentionné «quand la valeur le justifie». Alors, ça
va au-delà de la considération particulière de Montréal, et il y a une
question de valeurs derrière tout ça. Et c'était l'objectif de la question.
Mais il y a
un autre élément également. Vous avez mentionné que vous déteniez... la ville
détenait quand même bon nombre de
documents et pouvait aussi collaborer à l'élaboration d'un dossier. Donc, je
vois... Moi, je trouve ça intéressant, je trouve intéressant la
possibilité non seulement pour Montréal, mais aussi pour d'autres
municipalités, peut-être, là, de travailler en étroite collaboration. En même
temps, on ne voudrait pas poser... se placer dans une situation où le programme
de remboursement volontaire était mis en danger, par exemple, par une ville ou
un organisme public qui ne souhaite pas collaborer. Parce que c'est aussi
possible, hein?
Donc, l'objectif du projet de loi, c'est de
permettre... et les villes pourront entreprendre les recours si elles le souhaitent, mais il y a la possibilité, pour la
ministre de la Justice — je ne dirai pas «le ministre», là, aujourd'hui — pour
la ministre de la Justice, d'entreprendre
des recours si une municipalité, un organisme public refuse d'aller de l'avant
et d'entreprendre le recours. Et donc c'est
un petit peu aussi l'esprit qui nous a animés lorsqu'a été élaboré le
programme de remboursement volontaire,
c'était pour éviter aussi qu'un organisme public, qu'une municipalité fasse
objection ou s'oppose systématiquement à un règlement qui pourrait être
dans le meilleur intérêt.
Parce qu'on s'entend l'objectif du règlement,
c'est d'éviter les coûts, d'éviter les délais, d'une part, mais aussi de faciliter un processus. Donc, comment on
peut arriver à équilibrer la volonté? Évidemment, on comprend très bien... et je comprends, dans votre situation,
vous avez une situation particulière et vous avez bon nombre... et il y a
quand même des sommes substantielles qui sont en jeu chez vous.
M. Coderre (Denis) :
Malheureusement, Mme la ministre, je vous dirais la chose suivante, c'est que,
dans un premier temps — puis ça a été les mêmes questions quand on a
eues, le projet de loi n° 61, on en parlait — on est une métropole ou on ne l'est pas. On est un ordre de gouvernement de
proximité, ce n'est pas juste une créature des provinces. On est rendus
ailleurs. Ça, c'est la première étape.
La deuxième, c'est dans notre intérêt. En fait,
c'est nous autres qui va pousser dans le dos. On veut que ça se règle encore plus rapidement, O.K., tous
gouvernements confondus. Parce que la réalité, c'est que non seulement on
a l'expertise... D'ailleurs, je suis
content. Parce que vous vous souvenez quand, dans le projet de loi n° 61, on
disait : C'est plus 20 %,
puis là on disait qu'on pouvait perdre, parce qu'on avait cette expertise-là,
nous autres, puis on est... donnez-nous-les, on va s'arranger avec,
parce qu'on est capables de le faire. Là, on vous dit : On veut un
partenariat, mais on ne veut pas juste être en mode : On vous prend en
considération. C'est ça, la distinction, c'est qu'on se dit : On est partenaires ou on ne l'est pas. Donc,
nécessairement, dans le processus décisionnel, je peux comprendre qu'on peut
avoir une idée tout d'un coup qu'on ne
veuille pas, mais l'intérêt, ce n'est pas juste l'intérêt public, c'est aussi
l'intérêt de nos propres payeurs de taxes, de s'assurer que ça aille
plus rapidement. D'ailleurs, vous avez vu, quand on rajoute les tribunaux administratifs, et tout ça, on est
vraiment dans un contexte de facilitation puis de s'assurer qu'on ratisse
large puis qu'on puisse couvrir l'ensemble des angles pour qu'on aille chercher...
Parce que, dans le fond, ce qu'on veut, c'est quoi? C'est que ça marche.
Donc, on pense que juste de prendre en
considération, ce n'est pas assez. Et on pense très sérieusement que vous devriez ajuster en conséquence et donner ce
veto-là, à tout le moins, à Montréal. Parce que non seulement on est le deuxième donneur d'ouvrage... Parce que les
niveaux d'accréditation puis le travail qu'on a fait, la création de
l'inspecteur général, les mesures que vous
avez déjà mises de l'avant, hormis ce projet de loi là, vous démontrent à quel
point que le processus décisionnel
est tout aussi important que l'esprit de la loi. Donc, nécessairement, on a
besoin de cette capacité.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie, M. le maire. Mme la ministre, en soulignant qu'il vous
reste un peu plus de six minutes.
Mme Vallée :
Merci. Sur la question de la prescription, le projet de loi prolonge le délai
de prescription à 20 ans, j'aimerais
vous entendre sur cette question-là, sur est-ce que... Parce que le projet de
loi précédent... Et puis on a aussi un certain
nombre de groupes qui nous ont mentionné que le délai de prescription était
beaucoup trop long et qu'il devrait être ramené à 10 ans.
J'aimerais entendre la ville sur cet enjeu.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : M.
le maire.
M. Coderre
(Denis) : Je peux peut-être demander aussi à Lionel de répondre, mais,
pour nous, on sait qu'il y a des
choses qui sont arrivées en 2002-2003. Donc, 10 ans, ça veut dire qu'on
s'empêche, là, de réaliser les capacités d'aller chercher des sommes
supplémentaires. Donc, nécessairement, 10 ans, ce n'est pas assez. Pour nous,
là, on pense... on parle de 15 ans — c'est ça? 15 ans.
Lionel, peut-être, en complément.
M. Perez (Lionel J.) : Très
rapidement. Comme dit le maire, le projet de loi n° 61 fait référence à
15 ans également. Nous pensons... Dans un contexte où le témoignage à la
commission Charbonneau a démontré que beaucoup
des fraudes et des manoeuvres dolosives ont commencé avec 2002, ça rentre à
l'intérieur de ce 15 ans. Donc, si jamais on maintenait les 10 ans, ça... peut-être donner une
opportunité de perdre certaines sommes. Et donc on serait très à l'aise
avec un 15 ans.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Avez-vous idée de ce que ça pourrait représenter en fait de pertes si la
prescription était ramenée à un délai plus court, ce que ça pourrait
représenter approximativement comme pertes pour la ville de Montréal?
M. Coderre (Denis) : Je pense
qu'aujourd'hui vous comprendrez...
Des voix : ...
M. Coderre
(Denis) : Est-ce que c'est possible d'avoir plus de silence, là? Je
comprends qu'il y a des briefings, là, mais j'aime ça être concentré
dans les discussions, là.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je
n'entendais pas...
M. Coderre (Denis) : Hein, j'entends
la CAQ, là. Il ne m'a pas entendu, lui.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
S'il vous plaît, Mme la députée de Montarville. C'est parce que notre
invité dit qu'il a de la difficulté à entendre la question. Merci.
• (10 h 10) •
M. Coderre (Denis) : Ma bonne
oreille, c'est celle-là. C'est pour ça.
On n'embarquera pas dans les chiffres
aujourd'hui, O.K., parce qu'il y a déjà des choses en... On a mis des choses en branle, il y a un travail qui se fait.
Pour des raisons évidentes que vous connaissez, évidemment, comme
ministre, on ne veut pas embarquer dans les
chiffres. Mais, très certainement, on se dit : Écoutez, s'il y a des
choses qui se sont passées en 2002 puis que le délai de prescription est
de 10 ans, bien, on est faits. On ne pourra pas rien faire pour 2002-2003. Donc, on dit : On est d'accord
avec le 15 ans. Gardons-le 15 ans, puis comme ça on va pouvoir
ratisser et s'assurer qu'il y a aussi une certaine cohérence par rapport
à... Si on sait qu'il y a eu des événements en 2002-2003, bien, à ce moment-là,
on aura des recours nécessaires pour aller chercher.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : En fait,
simplement, c'est que nous avons prolongé le délai à 20 ans.
M. Coderre (Denis) : 15, c'est
correct. Si vous mettez 20, regarde...
Mme Vallée : Parfait.
M. Coderre (Denis) : Pas 10.
Mme Vallée :
Pour ce qui est du préjudice présumé, vous suggérez de l'augmenter à 20 %.
Évidemment, dans la loi, il y a
toujours la possibilité de réclamer davantage, preuves à l'appui. Certains
trouvent, encore une fois, que 15 %, c'est gourmand comme préjudice
présumé, et vous suggérez l'augmentation... de le majorer à 20 %.
M. Coderre (Denis) : M. Perez.
M. Perez (Lionel
J.) : Exact. Nous soumettons que, sans être en désaccord avec le
15 %, il serait souhaitable d'avoir le
20 %. Et ça, ça se base sur trois raisons. Premièrement, si on voit les
témoignages qui ont eu lieu à la commission Charbonneau, il est clair que les montants ajoutés aux contrats sont en
moyenne de 20 % à 30 %, notamment en matière de construction,
mais pas seulement. Deuxièmement, ce qu'on a constaté en 2010, à la ville de
Montréal, c'est que les montants des appels
d'offres, des soumissions ont baissé en moyenne de 25 %. Donc, on voit
réellement que le 20 % est tout à
fait raisonnable, il n'est pas tout à fait gourmand. Dernier élément, si on est
tous d'accord au fait qu'il y a des charges de 20 % pour aller chercher les frais de recouvrement, nous soumettons
qu'il est tout à fait cohérent et normal que le préjudice subi, la base, le fond, soit tout autant que ce
montant-là. Et, pour ces raisons-là, nous soumettons que le 20 % est tout
à fait raisonnable, souhaitable et justifié.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la ministre, dernière minute.
Mme Vallée : Et, pour ce qui
est des recours, je comprends... et j'aimerais vous entendre davantage sur tout
ce que... l'étendue du projet de loi aux
recours en matière de travail et en matière de relations de travail, en matière
de griefs. J'aimerais vous entendre davantage sur l'importance d'étendre le
champ d'application.
M. Coderre (Denis) : C'est
technique, évidemment. Je demanderais à Me Dagenais...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Alors, Me Dagenais.
M.
Dagenais (Benoit) : Merci.
Lors des auditions en commission parlementaire sur le projet de loi n° 61,
nous avions émis la recommandation d'élargir
le projet de loi aux personnes physiques pour couvrir les employés, les
élus, mais, entre autres, les employés
syndiqués, parce qu'il était, pour nous, important qu'un employé qui a commis
des fraudes, des fautes dans le cadre
de son travail, puisse également être poursuivi dans le cadre du nouveau projet
de loi. Le nouveau projet de loi va de l'avant et couvre toute personne
qui aurait participé à des manoeuvres dolosives.
Par ailleurs,
la section sur les recours judiciaires n'a pas été adaptée pour permettre
l'application de ces dispositions aux
tribunaux administratifs. Nous avions, entre autres... nous avons encore des
recours devant les tribunaux d'arbitrage où la question de la juridiction de l'arbitre de grief s'est posée, puisque
les syndicats avaient soulevé que ça ne devait pas se faire dans le
cadre d'un processus d'arbitrage. Et, dans les deux cas où ça a été soulevé
dernièrement, les tribunaux, les arbitres ont confirmé la juridiction exclusive
de l'arbitre de grief.
Donc, à partir du moment où le gouvernement est
d'accord pour élargir le projet de loi aux employés, il est nécessaire, pour que le projet de loi trouve
pleinement application, qu'il soit adapté, que le vocabulaire soit adapté
pour que ça puisse s'appliquer devant les tribunaux d'arbitrage.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je
vous remercie. Ça complète ce premier bloc d'intervention. Vous pourrez revenir plus tard, Mme la ministre, avec
d'autres questions. Je me tourne maintenant vers l'opposition officielle
pour un premier bloc, un bloc d'intervention d'une quinzaine de minutes. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier : Je vous remercie, M. le Président.
Puis saluer à nouveau M. le maire ainsi que ceux qui l'accompagnent. M. Perez, vous venez de marquer mon imaginaire,
là. Vous venez de dire que vous avez vu une diminution de l'ordre de 25 %
des contrats à la ville de Montréal. Est-ce que je peux savoir depuis quand? Et
est-ce que vous êtes en mesure d'identifier, grosso modo, des sommes
économisées par les contribuables?
M. Perez
(Lionel J.) : Donc, ce qu'on a constaté, évidemment, c'est, suite à la
sortie publique de tous ces enjeux, de toutes ces manoeuvres dolosives,
de la fraude, de la collusion, qu'environ... en 2010, que les prix ont commencé
à baisser, notamment dans le domaine de la construction et principalement. Ce
qu'on a vu également, c'est qu'avec le contrôleur général... Il a fait des
analyses à cet égard-là. Tout récemment, il y a eu un rapport qui a été
présenté où on faisait état des montants et des baisses, au cours des années de
2010 à 2014, sur cela. Évidemment, on continue cette analyse. C'est quelque chose où on a développé une expertise avec une division particulière pour s'assurer que
les estimés, les montants s'accordent
avec le marché. Donc, c'est quelque
chose qu'on a suivi, qu'on a constaté
avec les appels d'offres, et évidemment
on maintient l'analyse à cet égard-là.
Le contrôleur général, récemment, il a soumis un
rapport. Il y a une légère augmentation dans le domaine des trottoirs au cours de 2014. Donc, baisse 2010, 2011, 2012, 2013; 2014, on constate une
augmentation, et il y a des analyses qui ont été faites à cet égard-là,
qui ont été envoyées, et c'est toujours sous étude avec le contrôleur général
et l'inspecteur général.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je
vous remercie, M. Perez. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M.
Cloutier : Est-ce qu'on est en mesure d'estimer les sommes
économisées entre 2010 puis 2014? J'imagine, ça doit représenter des
centaines de millions.
M. Perez
(Lionel J.) : Alors, évidemment, dépendamment à quel point on veut
faire l'analyse, c'est sûr que c'est des millions, des dizaines, des
vingtaines de millions. Comme le maire l'a mentionné, on ne veut pas rentrer
dans les chiffres aujourd'hui, mais c'est sûr que c'est des montants
substantiels significatifs à aller récupérer.
M.
Coderre (Denis) : Ce qu'il est aussi important de mentionner, c'est
qu'on a quand même changé les façons de faire, O.K.? Vous avez eu
certains... Il y a un apport du gouvernement du Québec dans ses différents
projets de loi. Il y a également le fait
qu'on a un système beaucoup plus intégré au niveau des réalisations des
travaux. Et c'est ce que... La création
de l'inspecteur général, c'est non seulement un chien de garde, mais qui nous
permet aussi de travailler en amont par rapport à la situation, mais le
contrôleur général avait fait justement cette analyse de l'évolution des
marchés présentement. On a eu un petit
drapeau rouge — puis
c'est public, on l'a déjà annoncé — concernant les trottoirs, on a envoyé ça directement à l'inspecteur général.
Mais, de plus en plus, étant donné qu'on a un travail intégré, gestion de
l'eau, éclairage, pavage, et tout ça, c'est
sûr qu'il y a moins de slaque dans la poulie, là. Et en plus, avec la question
des prix, bien là, vous voyez qu'on
fait notre travail, d'où l'importance, avec notre expertise, de continuer à
travailler en collaboration avec le gouvernement sur cette question de
recouvrement.
M.
Cloutier : Alors, on ne peut que se réjouir de voir cette
baisse de diminution, puis tant mieux si tous ces travaux portent fruit,
ainsi que les nouvelles mesures législatives.
Je comprends que vous ne voulez pas entrer dans
une discussion trop pressée sur les chiffres, mais il n'en demeure pas moins que vous proposez tout de même
d'augmenter la présomption de 15 % à 20 %, puis un des motifs derrière ça, c'est que vous vous référez,
j'imagine, à votre propre expérience à la ville de Montréal et sans doute
aussi aux travaux de la commission, comme vous en faites mention. Alors, vous,
vous êtes d'avis que, d'une observation plus générale,
de ce que vous constatez à la ville et à la commission Charbonneau, la
présomption de 20 % serait plus juste, eu égard à l'expérience que
vous avez. C'est bien ça?
M. Coderre
(Denis) : Oui. C'est une question de cohérence aussi, là. Je veux
dire, si on nous dit qu'il y a un impact de 20 % à 30 %, bien...
puis, bon, c'est...
M. Cloutier : C'est embêtant
de mettre 15 %.
M. Coderre (Denis) : Alors, baisser
ça à 15 %... Mettez ça à 20 %, ça va être bon.
M.
Cloutier : Est-ce qu'il n'y a pas un bénéfice collatéral, puis
on aura la chance d'en discuter avec la ministre ultérieurement, mais est-ce que, si le seuil n'est pas augmenté,
justement, il n'y a pas une présomption que les entreprises seront
peut-être plus intéressées à négocier avec le gouvernement? C'est du moins,
j'imagine, un effet collatéral.
Je veux
revenir à votre proposition initiale, là, sur l'établissement de seuil. Est-ce
que, parmi vos préoccupations, là,
outre le fait que Montréal est une métropole puis doit être traitée ainsi,
est-ce qu'il y aussi le fait que vous pourriez être inquiets quant aux
montants qui soient convenus avec le gouvernement, qui ne soient pas à la
hauteur de vos attentes et qu'en bout de
course on règle avec une entreprise à la baisse pour toutes sortes de raisons
de négociation, car, en bout de ligne, vous êtes d'avis qu'on aurait
peut-être pu obtenir...
M. Coderre (Denis) : On peut être en
désaccord sur certaines interprétations, mais, justement... Je pense qu'on ne doute pas de la foi de personne, là. Je
pense que ce qu'on se dit, c'est que... Et j'ai entendu la ministre
lorsqu'elle a commencé en disant :
Regarde, s'il y a des bonnes idées, on peut regarder au niveau de la
bonification. Puis ce n'est pas... Puis il peut y avoir des réalités
dans d'autres régions du Québec, mais, je veux dire, étant donné que la
situation de Montréal... — je vous ai donné déjà les raisons — qu'on a aussi une expertise... Le fait
d'avoir une prise en considération, c'est
bien, mais d'avoir droit au chapitre concernant le consentement, je pense que
ça nous permet, d'une perspective de Montréal, d'avoir les coudées
franches puis dire :Ça reflète plus l'interprétation de Montréal, tout
simplement.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, M. le maire. M. le député de Lac-Saint-Jean.
• (10 h 20) •
M. Cloutier : Alors, ce que
je comprends, c'est... Donc, c'est vraiment... Le motif initial, ce n'est pas
une question d'argent, c'est vraiment une question de dire : Il y aura une
négociation. Est-ce que je comprends que votre collaboration irait jusqu'à être partie prenante des négociations ou c'est : négociations au gouvernement, puis ensuite, avant de conclure, on se tourne vers la ville?
M. Coderre (Denis) : On n'est pas
gérants d'estrade. On fait partie du tout.
M. Cloutier : Donc, vous
suggérez qu'il y ait un représentant, probablement, j'imagine, juridique...
M. Coderre
(Denis) : Tel que... oui. Et
c'est pour ça que... Il y a quelques écoles de pensée. On se dit...
Vous vous souvenez, dans le projet de loi n° 61, quand on en avait discuté, puis il y avait la
fameuse question du 20 %
d'extra, bien, on disait :
Écoutez, vous mettez 20 % de côté quand on a déjà cette expertise et cette
capacité de fonctionner. Oubliez ça, on va le faire nous-mêmes.
On a aussi... On croit que, si on veut que ce
projet de loi là aussi se réalise rapidement, bien, on est prêts à dire : Bien, en autant qu'on soit partie
prenante de la décision. Ce n'est pas une affaire d'avoir son petit dossier
tout seul, là, mais c'est d'avoir
cette capacité de pleinement donner une définition au mot «partenariat». Ce
n'est pas juste être pris en considération, parce qu'étant donné qu'on a
une réalité montréalaise on veut s'assurer qu'on soit vraiment d'accord
lorsqu'il y aura une décision de prise.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Merci, M. le maire. M. le député de Lac-Saint...
Est-ce que... M. Perez, voulez-vous compléter?
M. Perez
(Lionel J.) : Oui, je voudrais, très rapidement et rien que pour
renchérir sur ce qu'a dit le maire. Avec cette expertise, avec ces connaissances du marché, on est bien placés
pour assister l'administrateur, de s'ajuster, qu'on ait un règlement qui est juste envers les
contribuables montréalais et évidemment à l'échelle du Québec. Donc, oui,
c'est une question de partenariat, de
pouvoir assister l'administrateur en bonne et due forme, avec les
connaissances, avec notre expertise qui... À la fin de la journée, on va
s'assurer que le chiffre obtenu est le meilleur pour tout le monde.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie. M. le député de Lac-Saint-Jean, en soulignant qu'il
vous reste un peu plus de six minutes.
M.
Cloutier : Mes collègues me soulèvent évidemment l'enjeu de
l'application de la loi aux autres municipalités. Avez-vous l'impression
que... Vous êtes le premier à nous rencontrer aujourd'hui. On peut s'attendre à
ce que cette proposition se retrouve dans d'autres...
M. Coderre (Denis) : C'est-à-dire
que l'Union des municipalités du Québec demande à ce que les municipalités
soient mises à profit, O.K.? La question, ce n'est pas de mettre une
municipalité contre les autres puis dire :
Montréal et les autres régions. C'est juste de constater, je pense, qu'il y a
une question de discernement puis il y a une question d'être
pratico-pratique là-dedans, là. Le pragmatisme prend tout son sens.
C'est-à-dire que qu'est-ce qu'on veut avec ce
projet de loi là, ce n'est pas juste des voeux pieux, c'est d'avoir une
capacité de recouvrement. Or, quand il y a une situation qui se passe,
puis on sait que Montréal est très touchée, même quand... Une situation qui se
passe dans une région avec, par exemple, une
même entreprise qui a fait des affaires à Montréal, vous comprendrez que, quand
on regarde puis qu'on s'entend sur un seuil,
il y a un petit peu de nous autres là-dedans, là. On veut savoir... Ça nous
appartient, il y a des sommes, là-dedans,
qui nous appartiennent. Donc, ce n'est pas pour dire : C'est moi, puis
oubliez les autres. C'est juste de s'assurer...
Puis vous savez que la métropole peut jouer
aussi un rôle de levier puis aider l'ensemble des régions du Québec. Le but, là, c'est la probité, c'est de
ramener ces sommes dans l'intérêt de tous et de trouver une façon rapide
de nous assurer qu'en partageant l'ensemble
des expertises, bien, on mette de l'avant également le processus
décisionnel.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : M.
le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier : Évidemment,
j'imagine qu'on entendra l'UMQ durant nos travaux demain. Bon, je ne connais
pas le...
M. Coderre
(Denis) : On est d'accord avec... On est d'accord à ce que les
municipalités soient dans le bain, là, soient
dans le coup. Étant donné qu'on est le deuxième plus grand donneur d'ouvrage,
étant donné qu'on a, justement, cette réalité d'accréditation qui est
différente, c'est 5 millions dans les autres municipalités, puis, nous
autres, c'est 100 000 $ pour tout
ce qui touche la construction, voirie, services professionnels — puis on remercie le gouvernement, parce que ça été notre demande — bien, à ce moment-là, on se dit : Il y
a peut-être une réalité qui est différente, et puis, en termes d'application,
on veut s'assurer vraiment que nous, on soit dans le coup.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je
vous remercie, M. le maire. M. le député de Lac-Saint-Jean, à vous la parole.
M. Cloutier : Bien, je vais
me permettre tout simplement un commentaire en disant que, logiquement,
50 % de l'économie est dans la région
métropolitaine de Montréal. Alors, on peut comprendre qu'aussi l'application de
la loi va se faire de façon tout aussi importante dans la grande région
de Montréal. Ça complète, mais il y a ma collègue de Joliette qui souhaite
poursuivre.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Mme la députée de Joliette, en
soulignant qu'il reste un peu plus de trois minutes.
Mme
Hivon :
Merci, M. le Président. Alors, je vous salue à mon tour, M. le maire, et les
précieuses personnes qui vous accompagnent.
À 3.5, dans
vos recommandations, vous apportez l'idée de pouvoir étendre le projet de loi
aux recours en nullité, et donc,
quand, du fait de la fraude, il y a... on s'en rend compte, donc, pendant
l'exécution du contrat et qu'on veut amener un recours en nullité, vous
suggérez donc que la prescription puisse être étendue. Est-ce que vous avez des
exemples concrets auxquels ça aurait pu s'appliquer pour la ville ou le type de
réalité auquel ça pourrait s'appliquer?
M. Coderre
(Denis) : Je n'ai pas
d'exemple concret, mais évidemment, quand on se fait une... on apprend une
situation puis on se dit : Bien, si on l'avait su, il n'aurait pas eu de
contrat, je pense que c'est ça, le principe. Donc, à la lumière de ce principe-là, on se dit que les recours en nullité sont
tout aussi importants, tout aussi importants, donc, nécessairement, on
devrait l'étendre également.
Mme
Hivon :
O.K. Mais, dans le cadre de ce qui s'est passé en termes de fraudes, de ce
qu'on constate au cours des dernières
années, est-ce que ce type de recours aurait pu vous être utile? Est-ce qu'il y a
eu des situations où, en cours d'exécution ou après, vous avez été
conscient de...
M. Coderre
(Denis) : Bien, je n'étais
pas là à l'époque, mais je pense que, lorsqu'on fait justement
ce projet de loi...
ayant été moi-même législateur, je comprends qu'on regarde aussi vers l'avant
pour s'assurer qu'on couvre l'ensemble des
angles advenant une situation. Parce que, là, on ne change pas les lois du jour
au lendemain, là, quand... puis la loi évolue,
le droit évolue. Donc, c'est de se donner les paramètres pour assurer qu'on
écrive une loi, autant que faire se peut, bonifiée dans l'intérêt de
tous. Parce qu'on sait qu'il peut arriver des moments, peu importe, dans le
passé, mais très certainement dans le futur, où, si... on voit une situation
puis on se dit : Bien, si on avait su qu'est-ce qui était pour se
passer ou avec les éléments de preuve qu'on
a, on ne l'aurait pas donné. Donc, nécessairement, je pense que ça fait partie du bon sens. Donc, ça vient, d'une certaine façon, donner
encore plus de force à ce projet de
loi là, qui nous permet, justement,
d'être le plus efficaces possible, tout simplement.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Dernière minute, Mme la... un peu plus d'une minute.
Mme
Hivon : Oui. Rapidement, à 3.4, vous parlez de la
possibilité de suspendre les recours judiciaires qui sont en cours. Est-ce qu'il y en a, en ce moment,
qui vous concernent et qui, donc, pourraient bénéficier de cette recommandation?
M. Coderre (Denis) : Me Dagenais.
M. Dagenais (Benoit) : Absolument. Il
y a quelques dossiers en cours devant les tribunaux où la base du recours est une manoeuvre dolosive. Et l'idée du projet de loi est bonne, de permettre aux entreprises qui ont un recours en
cours de suspendre le recours pour bénéficier du programme de remboursement.
Mais il doit y avoir le corollaire. Il faut
que l'organisme public puisse également, pour les recours en cours, suspendre
le recours pour pouvoir bénéficier des adaptations aux recours
judiciaires lorsque la section entrera en vigueur. Puisque le projet de loi
étant construit que, pendant le programme de
remboursement, les règles relatives aux recours ne sont pas encore en vigueur,
nous, on dit : Ça va. Si
l'entreprise ne désire pas bénéficier du programme de remboursement, on veut
avoir la possibilité de suspendre le recours jusqu'à ce que la
section III entre en vigueur, et, à ce moment-là, on pourra bénéficier de
la présomption de dommages et des modifications aux règles de la prescription.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci. Je vous remercie. Ça complète ce bloc d'intervention. Je me
tourne vers la deuxième opposition. Mme la députée de Montarville, pour votre
bloc d'intervention.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. M. le maire, messieurs, merci de vous être
déplacés, merci d'être là ce matin.
Excusez-nous si on vous a dérangé lorsqu'on parlait. On parlait de vous, on
venait d'avoir votre mémoire. Alors, vous nous interpellez.
M. Coderre (Denis) : Je sais que
c'est en bien, là, mais...
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, oui, ne vous inquiétez pas, c'est toujours en bien.
M. Coderre (Denis) : ...je voulais
écouter la question de la ministre.
Mme Roy
(Montarville) :
Cela dit, je sais que vous ne voulez pas faire d'estimé sur la valeur des
sommes qui ont été volées aux
citoyens de Montréal. On parlait aussi de l'étendu du délai, on peut
remonter jusqu'à 20 ans en arrière avec ce fameux p.l. n° 26. Je comprends qu'on a déjà mis quelques
chiffres en disant que c'est des sommes très, très importantes, on parle de plusieurs millions. On n'embarquera
pas là-dedans. C'est dommage, parce que j'aurais aimé avoir une idée de ce que vous pensez ou souhaitez aller chercher. Si
vous avez une idée, un rêve ou un fantasme à cet égard, ça serait intéressant.
Mais, cela
dit, je vais aller tout de suite dans vos recommandations. Vous recommandez que le
p.l. n° 26 s'applique aussi aux personnes qui ont
obtenu des avantages autres que des sommes d'argent. On a toutes sortes
d'idées, on en a entendu parler à la
commission Charbonneau. Pourriez-vous élaborer et avez-vous une idée, à la
ville de Montréal, une idée de grandeur du type de personnes, du nombre de personnes à qui une
disposition semblable, que vous souhaiteriez voir ajoutée au p.l. n° 26,
pourrait s'appliquer?
• (10 h 30) •
M. Coderre
(Denis) : C'est-à-dire que, écoutez... Dans un premier temps, là, pourquoi qu'on ne
donne pas de chiffres? C'est sûr
qu'on parle de plusieurs millions de
dollars, là, de récupération, des
dizaines de millions de
dollars. Maintenant, il y a des recours aussi qui sont en cours, et vous
comprenez comment ça fonctionne, les recours judiciaires. Donc, on ne commencera pas à embarquer dans les
montants. Le projet de loi nous donne les paramètres et les capacités
d'aller récupérer de l'argent, alors c'est...
Nous, ce qui compte, là, c'est de se donner le mode d'emploi, c'est ça...
c'est le but du projet de loi n° 26 : donnons-nous le mode d'emploi
pour récupérer. Alors, ça, c'est important.
Maintenant, qu'est-ce
que ça veut dire, «autre que pécuniaire»? Bon, bien, s'il y a eu des voyages de
payés, s'il y a eu des rénovations de résidences, tu rentres ça
là-dedans, là. Tu dis : Les avantages,
ce n'est pas juste de l'argent qui est en jeu. Donc, nous, ce qu'on... À
partir de l'expertise puis de ce qu'on a appris à la commission Charbonneau, et
tout ça, bien, on vous
aide, là, on vous dit : Regardez, on vous propose qu'on devrait l'étendre
davantage. C'est sûr qu'au fur et à
mesure qu'il va y avoir des recours puis des situations, là, évidemment, dans
l'étalement de la preuve, les gens vont comprendre qu'est-ce que ça veut dire en termes d'impact, mais, si on
commence à embarquer dans les chiffes, on ne les finira plus. Alors, c'est sûr qu'on parle de millions ici, en général. À
la lumière de ça, donnons-nous les outils — le «nous» est important — donnons-nous
les outils pour protéger l'intérêt public et récupérer les sommes. Et ces
sommes-là ont aussi une valeur autre que pécuniaire, donc on demande, à ce
moment-là, cette bonification, ce changement.
Mme
Roy
(Montarville) : Et, à cet égard, ma sous-question
était la suivante : Est-ce qu'on a une idée de grandeur du nombre
d'employés ou de personnes que ça pourrait toucher à la ville?
M.
Coderre (Denis) : C'est-à-dire, il y a des enquêtes qui se font, il y
a un travail qui se fait, il y a des recours qui se font. Alors, je ne suis pas dans un contexte de chasse aux sorcières.
Il y a un travail de droit qui se fait présentement. On a probablement un des meilleurs services
juridiques, puis je le vante parce qu'il le mérite, avec Me Dagenais,
puis il fait un travail colossal. Alors, s'il
veut répondre à cette question, ça va me faire plaisir, mais il n'a pas l'air à
vouloir. Alors, c'est correct. Donc, ma réponse vous satisfait, maître?
M. Dagenais
(Benoit) : Totalement.
M. Coderre
(Denis) : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : ...des évaluations bientôt.
M. Coderre
(Denis) : Surtout la fin.
M. Dagenais
(Benoit) : Il faut arrêter quand c'est bon, c'est parfait comme ça.
M. Coderre
(Denis) : Quand c'est bon, on arrête. C'est correct.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Je vais faire du millage sur ce que vous dites, M. le maire et Me Dagenais, à
cet égard-là. Donc, il y a des recours
actuellement, il y a des poursuites qui sont actuellement intentées, des
poursuites qui pourraient tomber en
cours de route dans la mesure où, si cette loi était adoptée, on pourrait
passer à cette loi aussi pour le remboursement.
Alors, vous en avez combien, dans votre contentieux, des poursuites qui touchent
des remboursements de sommes volées?
M. Dagenais (Benoit) : Il y a environ, présentement devant les
tribunaux, trois ou quatre dossiers qui touchent les manoeuvres frauduleuses, dolosives, la dernière en
titre étant une réclamation au liquidateur dans le cadre de la faillite
de Frank Catania, donc une réclamation de 20 millions. Donc, c'est la
dernière.
Mme Roy
(Montarville) :
Poursuivons dans les technicalités juridiques, mais qui sont très importantes.
À l'article 14 du p.l. n° 26, vous l'avez vu, il y a des frais
qui sont là, des frais forfaitaires pour couvrir les frais légaux encourus d'une certaine façon, là.
L'article 14, je vais le lire pour le bénéfice des auditeurs : «Le
tribunal qui accueille une action
intentée en vertu du présent chapitre doit ajouter à la somme qu'il accorde en
réparation du préjudice un montant forfaitaire égal à 20 % de cette
somme à titre de frais engagés pour l'application de la présente loi. Ce
montant porte intérêt à compter de l'introduction de l'action.»
Ma
question est la suivante : Pour vous, Me Dagenais, est-ce que le
20 %, c'est un montant qui est raisonnable, qui représente ce que ça coûte à la ville pour entamer
le... je sais que vous avez un contentieux, mais est-ce que ça couvre
les frais pour entamer de telles procédures?
M. Dagenais (Benoit) : Évidemment, c'est un montant forfaitaire, c'est
un montant clair, donc le pourcentage de... c'est un pourcentage qui ne
changera pas en fonction de la valeur de la réclamation. Donc, il nous semble
tout à fait raisonnable.
En fait, nous,
l'important, c'était que le montant soit ajouté au jugement du tribunal,
puisque, dans l'ancienne mouture du projet
de loi, il était soustrait. Donc, nous, c'est important que ce soit ajouté, et,
à partir du moment où c'était ajouté,
ça nous semble tout à fait raisonnable que ce 20 % là soit ajouté pour que
ce ne soient pas les citoyens montréalais qui aient à supporter les frais engagés pour l'application de la
présente loi, c'est important que ce soient les entreprises qui ont
commis des fraudes ou des manoeuvres dolosives.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Mme la députée de Montarville, un peu plus de trois
minutes.
Mme Roy
(Montarville) :
Parfait. Poursuivons dans les sommes à récupérer. Ce p.l. n° 26, c'est
vraiment une loi à deux volets ou à deux
possibilités : ou l'entreprise, la personne, peu importe, décide de
s'inscrire au programme de remboursement
volontaire, de façon volontaire, ou bien elle ne le fait pas, et là ce sera un
recours devant les tribunaux, qui est particulier, parce qu'on modifie
les lois actuelles pour pouvoir procéder plus rapidement, plus efficacement.
Cependant, il y a une
petite particularité, les fameux intérêts, les intérêts légaux qui courent, là.
Ces intérêts-là courent, dans le cadre d'une
poursuite, là, devant les tribunaux, le deuxième volet... les intérêts partent
à partir du moment où le contrat
initial a été conclu. On remonte au contrat initial et on peut remonter 10, 15,
20 ans, là, selon le p.l. n° 26, alors que ces intérêts-là ne courent pas de la même façon dans le cadre
de remboursements volontaires. Ne pensez-vous pas que ça devrait courir
dans les deux cas à partir du moment où le contrat initial a été conclu?
M. Dagenais (Benoit) : Écoutez,
honnêtement, ce n'est pas un élément sur lequel on s'est penchés, bien honnêtement, donc le projet de loi, tel qu'il est
construit à cet égard-là, ne nous cause aucune difficulté. Donc, on
laisse le gouvernement avoir ses réflexions quant aux intérêts, mais ce n'est
pas un sujet sur lequel on s'est penchés ou qui a suscité des préoccupations, à
notre égard.
Mme Roy
(Montarville) : Parfait. Mais ça modifie... c'est une somme
de plus qu'on pourrait aller chercher si les intérêts couraient de la
même façon dans les deux cas.
M. Dagenais (Benoit) : Je pense
qu'un commentaire important qu'a fait Mme la ministre, c'est : Une question
d'équilibre. Et, pour nous, ce qui est très important, là, c'est que ça
fonctionne, c'est que le programme de remboursement...
que la loi soit adoptée, que le programme de remboursement soit mis en oeuvre
et que le projet de loi trouve un équilibre pour inciter ces entreprises
à participer. Donc, je pense que, tel que construit présentement, donc avec la somme de 20 % qui est ajoutée, les règles de droit qui sont modifiées dans le
cadre des recours judiciaires, ça va être un incitatif important pour
que les entreprises décident de passer dans le cadre du programme de
remboursement.
Mme Roy
(Montarville) :
Et, si j'ai bien compris...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Dernière minute, Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Parfait. Si j'ai bien compris, le point
majeur jusqu'à présent, pour vous, c'est que les sommes qui ont été
volées à Montréal soient récupérées puis conservées à Montréal. Ça, c'est le
gros point majeur.
M. Coderre
(Denis) : ...toujours
été le cas, de toute façon, avec le projet
de loi n° 61. Je veux dire, c'est Montréal qui a
souffert, donc Montréal doit récupérer. Même chose pour les autres municipalités. Donc, ça, je pense que c'est de facto.
Maintenant,
cet équilibre est essentiel. L'incitatif... Parce qu'au bout de la ligne on peut avoir un beau
projet de loi avec des magnifiques voeux pieux, si ça ne marche pas, ça
ne donne pas grand-chose. Donc, trouvons-nous les outils nécessaires. Puis on dit : On veut vous aider
à contribuer davantage dans le processus décisionnel, à se réaliser
pleinement pour aller chercher les sommes.
Parce qu'au bout de la ligne on peut faire les nouvelles puis faire des beaux
discours, mais, si ça ne donne rien au bout de la ligne, ça va être une
belle loi qui va ramasser de la poussière. Tandis que, là, on se donne des
outils.
Il y a eu une
bonification, on salue le projet de loi n° 61, il y a eu une bonification
parce que, clairement, vous avez écouté
ce qu'on a dit pendant... en termes de recommandations, ça a donné le projet de
loi n° 26. On vous dit qu'il y a peut-être certains ajustements
techniques, notamment le recours en nullité, tout ça, le fait aussi que les
tribunaux administratifs puissent être mis à
contribution. Et on parle du processus décisionnel parce qu'on veut avoir ce
partage d'expertises qui va vous permettre
davantage d'aller chercher puis d'avoir encore plus une capacité d'aller
chercher les sommes. Donc, c'est ça, le but.
Mais, le
projet de loi, on est satisfaits dans l'évolution de ce projet de loi là. On
vous dit... on vous propose nos trois recommandations, notamment la
dernière, c'est plus technique, il y a cinq volets qui, à mon avis, vont avoir
un impact certain en termes de pragmatisme.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie, M. le maire. Ça complète ce bloc d'intervention. Mme
la ministre, pour le dernier bloc.
Mme Vallée : Merci,
M. le Président. Alors, je tiens à
vous rassurer, M. le maire, et je tiens à rassurer votre équipe, je
pense que l'objectif autour de la table, c'est un projet de loi qui va avoir un
effet concret, un effet réel, et qui va donner
des résultats. Je pense qu'il
n'y a pas un parlementaire autour de la table, ici, qui souhaite un projet de loi qui
n'aura pas d'effet. Puis, en ce sens-là, on est à l'écoute, et puis c'est l'objectif des consultations. Ce n'est pas de faire parader les gens, là, pour le simple
plaisir, c'est pour bonifier, pour voir comment on peut améliorer le tout.
Petite question
avant de céder la parole à mon collègue. Tout
simplement, lorsqu'on parle de la participation de Montréal
dans le processus, comment on pourrait voir la participation de Montréal dans
le processus de règlement volontaire lorsque
Montréal est une partie à un dossier? Parce qu'on peut facilement comprendre
qu'une entreprise, ou un individu, ou
une personne qui s'adresse au bureau de remboursement volontaire n'ait pas que
des contrats avec la ville de Montréal
mais peut en avoir eu sur l'ensemble du territoire, un petit peu partout,
notamment aussi avec le gouvernement du Québec.
Alors,
comment on pourrait concilier votre préoccupation, votre volonté de participer
et d'être partie à la démarche, mais aussi considérer que d'autres
organismes pourraient aussi avoir, peut-être dans une proportion plus grande, intérêt dans le litige? Et là, si on demande que
tous et chacun contribue, on peut alourdir un processus qui se veut plus
simple. Alors, j'essaie de voir comment on pourrait répondre à votre
préoccupation dans une situation telle...
M.
Coderre (Denis) : ...de matérialité, ici. Dans le fond, ce qu'on se
dit, c'est que le but visé... C'est qu'on sait qu'étant donné que Montréal a cette situation particulière, deuxième
plus grand donneur d'ouvrage... Et vous avez remarqué tantôt, quand j'ai parlé des autres régions, c'est
un peu ça, la réponse à la question de l'opposition officielle. Dans le
fond, ce que je dis, c'est qu'on veut être
dans le coup quand ça nous touche, puis on veut être là, puis on veut s'assurer que cette discrétion
ministérielle puisse vraiment, dans... parce qu'au bout de la ligne on veut
savoir ce que ça peut rapporter à la ville
de Montréal par rapport à l'impact de cette entreprise-là... a eu au niveau de
notre ville. C'est dire d'être dans le coup. En fait, c'est ça que ça veut dire. Être dans le coup, ça ne veut pas
juste dire : Bon, bien, voici ce qu'on pense, puis, au bout de la ligne, il y a une réponse. On veut vraiment
s'assurer que cet accord-là soit fait avec la participation de Montréal.
• (10 h 40) •
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je
vous remercie, M. Coderre.
M. Coderre (Denis) : Peut-être en
complémentaire...
Mme Vallée : Est-ce qu'il y aurait lieu de s'inspirer
justement du seuil qui est en place avec l'AMF, c'est-à-dire le voir s'inspirer de ce qui s'est fait?
Croyez-vous qu'on pourrait peut-être... ça pourrait satisfaire vos
préoccupations?
M. Dagenais (Benoit) : Mais nous, en
fait...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Me
Dagenais.
M. Dagenais (Benoit) : Merci. En
fait, l'équilibre qui a été trouvé par l'idée du seuil de matérialité nous convient tout
à fait. Les joueurs, les organismes
publics qui vont rencontrer ce seuil devraient avoir leur mot à dire
dans le règlement. Maintenant, en pratique, comment les discussions vont se
faire? M. le maire en a parlé, c'est une question de partenariat. On va trouver une façon, le programme de remboursement
va être fait, mais ce qui est important, c'est que l'équilibre trouvé... Ce n'est pas toutes les
entreprises qui ont eu un contrat avec l'entreprise visée qui ont leur mot à
dire. Cet équilibre-là du seuil de
matérialité nous semble tout à fait justifié, vous l'avez trouvé. Maintenant,
il reste à déterminer ce seuil, on veut être partie prenante à cette
décision, mais on est tout à fait à l'aise avec l'équilibre qui a été trouvé.
Mme Vallée : Parfait.
M. Coderre (Denis) : Mme la ministre,
ce qu'on vous dit puis on vous répète — parce que c'est important de répéter, ça rentre, finalement, au bout — c'est : Le partenariat, O.K.? Il y a un
cheminement qui a été bien fait jusqu'à présent, O.K.? Puis on a contribué. De part et d'autre, on voit que
l'évolution, ça chemine très bien. Mais on pense que la notion de
processus décisionnel est tout aussi importante, évidemment, que cette question
de pouvoir discrétionnaire du ministre.
Parce que, dans le fond, puis j'étais un peu à votre place dans un autre
ministère, tu veux avoir cette capacité puis cette flexibilité pour que
ça marche.
D'un autre
côté, étant donné qu'il y a des vases communicants au niveau des intérêts
communs, on se dit que, dans la foulée de tout le travail, par exemple,
que la ville de Montréal a établi, les projets de loi, les lois que vous avez mises en vigueur, pour l'intégrité, avec tout ce que
ça comporte, donc, nécessairement... Je pense qu'on est rendus au
dernier pan, là, parce qu'il faut que ça se finisse une fois pour toutes, cette
question-là, on est rendus là.
Alors, pour
que ça aboutisse, là, qu'est-ce que ça nous prend de plus? Alors, on se
dit : Bien, dans le processus décisionnel,
il y a déjà l'équilibre du seuil de matérialité, on se dit : Écoutez, là,
si on est dans le coup, on a l'expertise, et tout ça, ce n'est pas juste
une capacité de consultation, c'est aussi une réalité décisionnelle, tout
simplement.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie, M. le maire. Je vous rassure, les parlementaires
écoutent et comprennent du premier coup. Des fois, on a besoin de précisions
pour être certains qu'on a bien saisi.
M. Coderre (Denis) : Je me pratique
pour la conférence de presse après, là.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : M.
le député de Vimont, un peu plus d'une minute.
M.
Rousselle : Bonjour, M. le maire. Vous savez que le projet de
loi n° 26 va plus loin que celui du n° 61, ça, on en parlait
tantôt. Je voulais savoir... Je voulais vous entendre sur l'élargissement du
champ d'application de la loi au niveau des contrats publics et voir aussi si,
vous, ça vous touchait et...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : M.
Perez.
M. Perez (Lionel J.) : Oui,
absolument. Donc, tel qu'il a été démontré à la commission Charbonneau, évidemment,
bien que le gros est sur les enjeux de construction, dans le domaine
construction, il y a néanmoins eu des témoignages qui ont parlé des
domaines autres que la construction. On voit également,
à travers certaines analyses, certaines
enquêtes, que, oui, effectivement... Nous pensons que... Évidemment, on ne veut
par rentrer dans les détails sur cela,
il y a des enjeux, évidemment, mais c'est certain que ça affecte, et c'est un
point important de le souligner que ça va beaucoup plus loin que ce monde de la construction, et ça
revient sur l'enjeu de pouvoir tourner la page, de pouvoir aller de l'avant.
On ne voudrait
pas avoir un projet de loi qui va traiter
seulement d'un domaine pour qu'ensuite il y ait d'autres domaines qui
soulèvent... L'autre avantage, c'est du fait que peut-être qu'il y avait certaines entreprises, certains
domaines qui se disaient : Bien, nous, on n'est pas touchés, c'est
correct, là il y aura vraiment un incitatif pour qu'ils examinent leur façon de faire, éliminer toute collusion et de rentrer
cela dans le programme de remboursement, s'il y a lieu.
M.
Coderre (Denis) : D'ailleurs, je rajouterais, puis je voudrais
remercier...
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : En conclusion, M. le maire.
M. Coderre
(Denis) : On a travaillé avec le ministre Moreau, le ministre Poëti au
niveau de la métropole, en ce sens quand on a changé — et le
ministre Coiteux — notamment
la question au niveau des services professionnels. Donc, c'est sûr que nous, on veut étendre le plus large possible. Et
c'est une des raisons pourquoi on a quand même pris des mesures importantes, au niveau de la ville de
Montréal, pour qu'on n'ait plus à revivre ce qu'on a vécu dans le passé.
Puis on vous remercie de votre contribution
en ce sens. Et c'est pour ça que ce projet
de loi là, pour nous, est extrêmement
important. Puis on vous remercie de
l'apport, et je sais le travail sérieux des parlementaires. Ça nous touche
tous. Alors, je vous remercie d'avoir cette capacité de vous donner
notre point de vue.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Sur ces belles paroles, M. le maire, nous vous
remercions.
La
commission va suspendre ses travaux quelques
instants pour permettre à l'Association
de la construction du Québec de s'approcher.
(Suspension de la séance à
10 h 45)
(Reprise à 10 h 48)
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, la commission reprend ses
travaux, et nous avons le plaisir d'accueillir les représentants de
l'Association de la construction du Québec, le vice-président, M. Marc Dugré,
c'est bien cela? Alors, je vous cède la
parole, dans un premier temps, en vous demandant de présenter les gens qui vous
accompagnent et de faire votre présentation pour une période de
10 minutes. À vous la parole.
Association de la construction du Québec (ACQ)
M.
Dugré (Marc) : M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, distingués
invités, comme vous l'avez mentionné, je suis Marc Dugré. Je suis
entrepreneur et vice-président de l'Association de la construction du Québec.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Luc Bourgoin, directeur général de l'Association de la construction du Québec, l'ACQ, ainsi que de Me
Pierre Hamel, directeur, Affaires juridiques et gouvernementales de notre
association.
Je voudrais d'abord
remercier la commission de nous donner l'opportunité de présenter nos commentaires
et recommandations visant le projet de loi n° 26, à l'égard duquel l'ACQ est favorable. Il
s'agit pour nous, M. le Président, d'un projet de loi important qui
s'inscrit dans la stratégie gouvernementale entourant la lutte contre la
collusion et la corruption. Je vais laisser
à M. Bourgoin le soin de vous expliquer plus en détail les motifs qui entourent
notre appui à ce projet de loi, mais
aussi de vous communiquer les autres initiatives gouvernementales qui devraient
être mises en place pour prévenir le phénomène de collusion et de
corruption. Je cède donc la parole à M. Bourgoin.
• (10 h 50) •
M.
Bourgoin (Luc) : Merci, M.
Dugré. Alors, d'entrée de jeu, il nous apparaît important de souligner que
l'ACQ partage les préoccupations du gouvernement en matière de récupération des sommes qui ont été
soutirées illégalement aux organismes
publics dans le cadre de contrats
publics d'entreprise ou de services. Les manoeuvres frauduleuses et
dolosives, pour reprendre les termes du projet de loi, ont coûté très cher à
l'industrie sur les plans de la confiance et du respect, des dizaines de milliers d'entrepreneurs et de travailleurs qui ont vu leur réputation mise à mal et leur fierté ébranlée
par des individus sans scrupule. De plus,
elles ont avivé la colère, l'indignation, l'exaspération, le cynisme et le
désabusement des citoyens. Nous sommes
conscients que l'ampleur des sommes impliquées, conjuguée au nombre important
de contrats pouvant être concernés, nécessite l'adoption de mesures
particulières qui doivent être bien encadrées. Les mesures proposées par le
projet de loi, complémentaires à celles déjà mises en place pour prévenir et
combattre la collusion et la corruption au Québec, constituent des outils
importants qui permettront, nous l'espérons, de limiter les dommages qu'elles
ont pu engendrer.
En
raison de leurs impacts négatifs sur les plans économique, social et politique,
ces agissements constituent un fléau
auquel il faut s'attaquer collectivement. Par ailleurs, si l'industrie de la
construction est propice au développement des phénomènes de collusion et
de corruption, elle n'en a pas l'exclusivité. La mise à jour de stratagèmes de
collusion et de corruption dans d'autres
marchés d'État pourrait s'avérer tout aussi complexe que celui de l'industrie
de la construction, et le recouvrement des sommes illégalement
soutirées, tout aussi difficile. Dans cette optique, l'ACQ est d'accord afin
d'étendre le champ d'application du projet de loi à tous les fournisseurs
d'État.
Parmi ses objectifs, le projet de loi vise à
faciliter la preuve du dommage en créant une présomption quant à l'existence
d'un dommage et sa valeur. Tel que mentionné dans notre mémoire, nous croyons
que la présomption de dommage mérite une
attention particulière. L'application de l'article 10 du projet de loi
semble englober plus large que l'objectif
visé à l'article 1 puisqu'elle semble permettre l'utilisation de la
présomption de dommage au-delà des cas de recouvrement
des sommes. Elle semble s'étendre notamment à tout défaut contractuel découlant
de manoeuvres frauduleuses. En tenant compte
du fait qu'il s'agit ici de la mise en place d'un régime particulier temporaire
accordant des pouvoirs extraordinaires afin
de recouvrer des sommes illégalement obtenues, l'ACQ est favorable à la
création d'une telle présomption mais suggère d'en limiter clairement le
champ d'application aux objets de la loi.
Pour ce qui
est de la présomption établissant le montant de dommages pour 15 % de la
valeur du contrat, l'ACQ est en
accord avec le principe et le montant, tout comme l'encadrement législatif
prévu aux articles 3 à 9 du projet de loi, touchant la mise en
place d'un programme de remboursement volontaire.
Par ailleurs, les modifications proposées à la
loi sur les contrats des organisations publiques, bien qu'elles soient bien accueillies, nous apparaissent
incomplètes et susceptibles de créer une situation pour le moins discutable.
Plus précisément, les articles 27 et 28 du projet de loi visent à
soumettre à la discrétion de l'AMF certaines situations qui, autrement,
feraient l'objet d'un refus automatique. Le projet de loi transfère certains
motifs de refus automatique d'obtention de
l'autorisation de l'AMF, prévus à l'article 21.26, vers
l'article 21.28, ce qui permet à l'AMF l'exercice d'une certaine discrétion. C'est le cas d'une
entreprise ayant été déclarée coupable, au cours des cinq dernières
années, d'une infraction prévue à l'annexe I de la Loi sur les contrats
des organismes publics. La commission d'une telle infraction, qui, actuellement, est fatale pour l'entreprise qui désire
recevoir son accréditation par l'AMF, ne le serait plus en vertu de ces
nouvelles dispositions. Donc, l'entreprise pourrait recevoir son accréditation
et voir son nom radié du RENA, malgré la
commission desdites infractions. Mais, si cette même entreprise détient
50 % d'une autre compagnie qui, elle,
n'a commis aucune infraction, cette dernière pourrait, en vertu de
l'article 21.26, alinéa 2°, recevoir son accréditation.
Afin de
donner plein effet à cette modification et d'assurer une cohérence dans
l'évaluation des demandes, l'ACQ recommande
que le paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 21.26 soit rédigé
de façon à étendre le pouvoir discrétionnaire de l'AMF aux cas prévus
par cet article lorsque l'actionnaire est une entreprise.
Voilà donc les commentaires de l'ACQ visant
l'amélioration du projet de loi sous étude, en espérant qu'il réponde adéquatement aux fins pour lesquelles il
sera adopté et qu'il puisse doter le gouvernement d'un outil supplémentaire
dans sa lutte contre la collusion et la corruption. Mais beaucoup de choses
restent à faire pour gagner ce combat. À l'image
de l'industrie, une pareille tâche est vaste et complexe. Elle doit donc être
accomplie en s'appuyant sur des valeurs fortes et des principes solides, dont celui, primordial, du
développement et de l'amélioration continue des compétences et des
expertises, car, sans ces deux points d'ancrage, tous les efforts seront vains.
Compte tenu de l'importance des marchés publics
au Québec, de leur complexité technique, législative et réglementaire ainsi que du nombre important d'intervenants qui sont concernés, nous n'insisterons jamais
assez sur la nécessité de prévenir la
collusion et la corruption en rehaussant le professionnalisme de tous les
acteurs et en encadrant les processus.
C'est pour cette raison que l'ACQ préconise des mesures structurantes comme
l'implantation de programmes d'intégrité
complets, la formation continue obligatoire, le suivi de l'information sur les
marchés publics et la gestion des projets,
l'indépendance des intervenants et des décideurs. À cet effet, nous
privilégions quatre niveaux d'intervention : la gouvernance des organismes publics et des
entreprises, l'expertise, la concurrence dans les processus d'octroi des
contrats, et la réalisation des projets.
Sur tous les
plans, chacun doit poser des gestes concrets qui vont bien au-delà de la
stricte observation des lois et des règlements. C'est dans ce contexte
que nous avons pris la liberté de vous remettre une copie de notre mémoire
déposé à la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats
publics dans l'industrie de la construction. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie. Ça complète votre présentation? Merci. Mme la ministre, pour un premier bloc
d'intervention, à vous la parole.
Mme Vallée : Alors, M. Dugré, messieurs, bienvenue parmi
nous, merci de votre participation à ces consultations. Évidemment,
c'est... Le mémoire que vous nous avez soumis suscite quelques petites
questions toutes simples.
Dans un
premier temps, lors de... Votre première recommandation suggère de limiter
l'application de la présomption de
dommage au champ d'application de la loi. J'aimerais ça vous entendre sur des
exemples qui pourraient illustrer votre recommandation.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Me Hamel.
M. Hamel
(Pierre) : Merci, M. le Président. Alors, essentiellement, quand on a fait
l'analyse ou la lecture de la loi, l'article 1 laisse sous-entendre, évidemment,
que c'est pour des récupérations de sommes. L'article 10, lui, nous
apparaît beaucoup plus large, il fait référence à tout type de
manoeuvre, de manoeuvre de fraude ou de manoeuvre dolosive. Bon, une
manoeuvre dolosive, c'est de la tromperie, c'est des faussetés qui auraient pu
être intégrées, et l'article 10 fait référence à toutes les... je dirais
les phases du contrat, dont la phase de l'adjudication du contrat.
Je vous donne un exemple. Dans le cadre d'un
contrat — et
là il faut comprendre, maintenant, que le contrat s'applique à tout type... la loi s'applique à tout type de contrat
public — si, dans
le cadre d'un contrat de déneigement, il y a certains équipements qui
sont nécessaires, et le soumissionnaire prétend les avoir alors qu'il ne les a
pas, est-ce que c'est une manoeuvre frauduleuse ou pas? Et, si c'est
considéré une manoeuvre frauduleuse et qu'il n'a pas le contrat, il a quand même fait une manoeuvre frauduleuse,
et, partant, il y a présomption de dommage, et, partant, le
dommage est présumé à l'évaluation de 15 % du contrat. Est-ce que c'est ça
que la loi vise? Je ne croirais pas. Elle me semble, par exemple,
le couvrir. Tout comme dans le cadre d'un processus de qualification, qui est
préliminaire à la soumission mais qui est
dans l'adjudication du contrat, où une entreprise mentionne qu'elle a à sa
disposition du personnel de 15 ans d'expérience ou 20 ans d'expérience, ce qui
serait requis, mais ce qui ne serait pas exactement le cas, ou cette
personne serait là mais ne serait pas dédiée
à ce projet-là, est-ce que c'est des mesures dolosives? Est-ce que c'est de la
tromperie au sens de l'article 10? Il est bien possible.
Alors donc, ces tromperies-là, on n'est pas
favorables à ce qu'elles existent ou ces processus-là existent, mais on veut juste s'assurer dans quel régime on se
retrouve. Actuellement, ces processus-là permettraient une résiliation
de contrat. Avec le nouveau régime, bien là,
on parle de dommage présumé, et, dans cinq ans, on va revenir tout
simplement à une résiliation de contrat.
• (11 heures) •
Autre
élément, si l'entreprise n'a pas le contrat, elle a quand même commis des
manoeuvres dolosives. Il n'y a
pas nécessairement un dommage qui est appliqué à ça, mais elle a
fait ces manoeuvres-là, et, tel que rédigé, l'article 10 nous semble permettre ça. Je ne vous dis pas... je
n'émets pas une opinion ferme sur cette question-là, évidemment
c'est les tribunaux qui auront à
trancher, mais elle semble ouvrir un peu cet aspect-là. Évidemment, on comprend
que l'article 10 doit toujours être lu en fonction de
l'article 1, mais on voulait apporter ce point à l'attention de la
commission parce que ça peut avoir des effets indirects qui ne sont peut-être
pas souhaités, justement, par le gouvernement comme tel.
Donc, l'objectif
de la loi semble être le recouvrement des sommes, l'article
1 le précise. L'article 10 est peut-être
moins nuancé ou moins spécifique, et c'est dans
ce sens-là qu'on a mentionné ça dans notre mémoire, pour s'assurer, là,
que ce qui soit fait soit fait en toute
connaissance de cause, et, le cas échéant, s'il y a des précisions à faire, il
y a peut-être lieu de les faire. Il y en a d'autres, par exemple, sur... lorsqu'on dit : toute manoeuvre dolosive, au moment de
l'adjudication, j'illustre... Exemple, il y
a une collusion, et, pour avoir suivi de très près les travaux de la
commission, la collusion, ça veut dire plusieurs et ça peut être
10 entrepreneurs. Alors, on se retrouve dans une situation où il y a
10 collusionnaires, donc
10 personnes qui ont fait des manoeuvres dolosives. L'article 10 ne
spécifie pas que c'est la présomption de dommage et par contrat. C'est par personne qui la commet, donc on aurait
10 présomptions de dommage. À 10 présomptions de dommage à 15 %, si on a un contrat de 1 million, est-ce que c'est
150 000 $ par personne? Est-ce que c'est conjointement? Est-ce que le champ d'application va aussi loin
que de dire que chacun... on pourrait réclamer ce montant de dommage à chacun? Il y a peut-être des ajustements à faire à
ce niveau-là. C'est dans ce sens-là que... Et on n'est pas contre
nécessairement, on veut juste peut-être s'assurer que de permettre, là...
je dirais, dans tous les types de contrats publics, les personnes savent à quoi
s'attendre dans le cadre de l'application de l'article 10.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, Me Hamel. Mme la ministre.
Mme Vallée : Évidemment, l'objectif
du projet de loi, c'est de récupérer des sommes qui ont été payées en trop. Alors, s'il n'y a pas de sommes qui ont
découlé, parce qu'il n'y a pas eu de contrat d'octroyé, déjà, en
partant, on n'est pas... En fait,
c'est de récupérer... L'objectif, c'est de récupérer de l'entreprise les sommes
supplémentaires à la valeur réelle du
contrat avec l'organisme public.
C'est d'aller chercher ce que l'organisme, ou l'entreprise, ou l'individu a
empoché et qu'il n'aurait pas dû empocher,
qui a été payé en trop par les contribuables. C'est ça, l'objectif du projet de
loi. Ce n'est pas d'imposer une amende, là.
Puis on
espère, par contre, que les différents procédés auxquels vous avez fait
référence... On n'en souhaite pas, parce
qu'en principe les entreprises devraient donner l'heure juste lorsqu'elles
offrent leurs services à des organismes publics puis aux contribuables
en général. Dans la vie, on est transparents puis on donne l'heure juste. Ça,
c'est l'objectif. Mais, pour vous rassurer,
c'est certain que le projet de loi vise à récupérer les sommes payées en trop
et que ceux et celles et les organismes qui auraient perçu ces
sommes-là, bien, les remboursent, parce que ce n'étaient pas les sommes qui...
la valeur du contrat n'était pas celle qui a été payée.
J'aimerais également vous entendre sur la
question de la réhabilitation face à l'AMF. Vous avez fait part de certaines préoccupations. Vous doutez des
modifications, des amendements qui sont prévus au projet de loi. Vous
savez, les amendements prévus... les articles prévus au projet de loi, qui se
rattachent à l'AMF visent, dans le fond, à ne pas pénaliser une entreprise qui
aurait fait le ménage au sein de ses gestionnaires. Parce que, vous savez, les
gestes, les manoeuvres dolosives, les gestes
répréhensibles sont l'oeuvre non pas d'une entité corporative, mais de ceux et
celles qui sont en dessous, et qui prennent
les décisions, et qui la dirigent. L'entreprise morale, l'entité corporative en
elle-même, la compagnie XYZ, en
soi, ne prendra pas de direction, bonne ou mauvaise, si les administrateurs et
les gens qui oeuvrent au sein de l'entreprise ne la dirigent pas. Donc, l'objectif
des modifications, c'est de ne pas pénaliser une entreprise, une entité
corporative qui aurait fait le ménage au sein de son organisation et pour lesquels
les individus seraient sortis de l'entreprise, parce qu'on ne veut pas non plus
pénaliser l'entreprise et les employés qui seraient de bonne foi.
Alors, c'est
l'objectif derrière ce qui est prévu au projet de loi. C'est que ça ne
constitue pas le seul et unique critère. Parce qu'une entreprise peut avoir été reconnue... peut avoir, dans le
passé, commis des gestes répréhensibles mais avoir fait le ménage au sein de son entité, ne plus
compter, au sein de ses administrateurs et de ses dirigeants, les individus
qui l'auraient amenée à porter ou à poser un
certain nombre de gestes, ou à contracter de façon tout à fait incorrecte,
mais l'entreprise, l'entité corporative peut demeurer. Alors, c'est ce qui
animait, c'était de trouver une façon pour ne pas complètement bloquer une
entreprise qui aurait fait un ménage et qui souhaite ce qu'on appelle une
réhabilitation corporative. Alors, c'était l'idée derrière ça.
Maintenant,
j'aimerais ça vous entendre davantage sur cet aspect-là. Je comprends, on peut...
Ma collègue de Montarville disait d'entrée
de jeu : On a l'impression qu'on donne une réhabilitation ou une amnistie.
L'objectif n'est pas de donner une
amnistie du seul fait qu'on a participé au programme de remboursement
volontaire, mais c'est de considérer, entre
autres choses, le ménage qui a pu se faire à l'interne. Si les têtes
dirigeantes problématiques, appelons-les comme ça, ne font plus partie du paysage de l'entreprise et
les nouveaux dirigeants souhaitent réhabiliter l'entreprise, permettons
à l'entreprise de se
réhabiliter et pensons aux employés. Mais c'est de trouver le juste équilibre
dans tout ça. C'est ce que nous souhaitons avec le projet de loi. Mais
évidemment tous les commentaires et les observations sont les bienvenus
aujourd'hui et demain.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Merci, Mme la ministre. Me Hamel.
M. Hamel (Pierre) : Alors, merci, Mme la ministre. Très bonne question. Et on avait très
bien saisi l'objectif du projet de loi et on est favorables à ça. On
comprend que ce n'est pas une amnistie, c'est tout simplement de faire en sorte que l'AMF va détenir un pouvoir
discrétionnaire, tout simplement. Alors, ça ne veut pas dire que ça ne sera pas
tenu en compte, sauf que nos représentations
sont à l'effet que l'exercice est incomplet, et l'exercice est incomplet de
façon telle qu'il peut créer un préjudice à une entreprise qui est fille
de l'entreprise mère.
Et
je vous réfère à l'annexe I de notre mémoire, où on explique
clairement : Les dispositions du projet de loi font en sorte que l'entreprise DEF, ici, qui a commis
une infraction à l'annexe I de la Loi sur les contrats des organismes
publics, selon le nouvel article 28,
l'entreprise pourrait bénéficier de l'autorisation de l'AMF, étant donné
qu'elle aurait maintenant discrétion
à cet égard. C'est ce qu'on veut faire. DEF a fait le ménage et maintenant peut
obtenir son accréditation, mais elle a quand même commis l'infraction.
Or, en vertu de
l'article 21.26, lorsqu'une entreprise est détenue à 50 % par une
entreprise qui a commis une infraction, elle
ne peut pas obtenir son autorisation, et l'AMF n'a pas discrétion, faisant en
sorte que l'entreprise ABC, qui n'a
commis aucune infraction mais qui est détenue par l'entreprise DEF, par
l'existence de l'infraction, tout simplement, ne pourrait pas être
reconnue par l'AMF, parce que l'infraction existe et qu'elle est, en vertu de
21.26... et 21.26, il n'y pas de discrétion
de l'AMF. Alors donc, la compagnie qui a commis des infractions pourrait être
reconnue, mais celle qui n'en a pas commis ne pourrait pas être
reconnue. C'est juste de compléter la démarche qui était entamée par le gouvernement en disant : Bien, le deuxième
paragraphe de l'article 21.26 devrait maintenant se retrouver à 21.28,
pour ne pas créer cette situation-là,
si on considère qu'on peut réhabiliter des entreprises de cette manière-là.
Alors, c'est ça, l'objectif.
Donc,
on a bien compris, on est d'accord,
mais on ne voudrait pas que ça crée des situations un peu... qui
font en sorte que la personne qui, elle, devrait l'avoir ne l'a pas... ou l'entreprise,
pardon.
• (11 h 10) •
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Merci, Me Hamel. Mme la ministre, une minute dans ce
premier bloc d'intervention.
Mme
Vallée : Donc, si je comprends bien, là, vous, dans le fond, la préoccupation de l'ACQ, ça vise vraiment les cas d'entreprises
actionnaires et pas les personnes physiques. C'est vraiment dans ces cas
particuliers d'entreprises actionnaires que vous souhaitez des amendements.
M. Hamel (Pierre) : Bien, dans la mesure où l'individu... disons que ça s'applique moins.
Je ne veux pas empêcher qu'un individu ne puisse se réhabiliter et que
la situation devienne la même. Dans le fond, essentiellement, ça devrait s'appliquer à 98 % pour les entreprises, mais l'entreprise ou même l'individu...
l'actionnariat nécessite nécessairement une entreprise, là. Alors, je
pourrais répondre oui, mais c'est un petit peu plus large que ça.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous
remercie. Ça complète ce premier bloc
d'intervention. Je me tourne vers l'opposition officielle, M. le député
de Lac-Saint-Jean, pour votre bloc de 10 minutes.
M.
Cloutier : Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de vous souhaiter la
bienvenue. Alors, si je vous comprends bien,
ce que vous dites dans l'exemple que vous nous soumettez, c'est que l'entreprise DEF n'aurait aucun autre moyen de faire valoir... de se faire
reconnaître par l'AMF et se retrouve pénalisée.
M. Hamel (Pierre) : Exactement C'est un refus automatique. Alors, pas DEF, mais,
en tout cas, là, je vois ici, c'est ABC, mais la compagnie fille, qui est détenue par une compagnie
qui a créé l'infraction, qui n'a pas fait d'infraction, elle, le refus
est automatique. L'AMF n'y peut rien.
M. Cloutier :
Vous avez raison, c'est l'entreprise ABC qui est la fille de DEF, et on parle
bien d'ABC.
M. Hamel
(Pierre) : C'est un peu...
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier :
Merci, M. le Président. Mais, à prime abord, Mme la ministre, je suis curieux
de vous entendre là-dessus, mais on aura la chance d'en discuter, mais, en tout cas,
on a l'air d'avoir mis le doigt sur un élément, effectivement, qui est
problématique dans la mesure où l'entreprise mère... Au moins, il y a un pouvoir
discrétionnaire qui est octroyé par l'AMF pour l'ensemble des entreprises, dans
la mesure où on se conforme de bonne foi. Est-ce que je me trompe ou c'est
votre seule proposition que vous avez dans...
M. Hamel (Pierre) : Bien, disons que c'est l'élément le plus... c'est l'ajustement qui nous apparaissait technique, là, qui nous apparaissait le plus important, là, avec évidemment,
là, être en mesure d'assurer que le champ d'application soit bien
compris de tous et de toutes, là, dans leur application.
M. Cloutier :
Oui. Vous avez identifié, vous, à 15 %... du moins, vous êtes favorables
au montant de la présomption qui est de
15 %. Mais vous avez peut-être entendu tout à l'heure, je pense que vous
étiez présent durant les travaux avec
la ville de Montréal... pour moi, en tout cas, c'est quand même frappant, là,
de se faire dire que c'est 25 % moins cher depuis les travaux de la
commission Charbonneau, qu'on identifie davantage à plus de 20 % les
sommes qui auraient été payées injustement.
Puis là, effectivement, on a décidé d'une présomption qui inférait à la hauteur
de 15 %. Ça devient difficile,
j'imagine, de mettre le doigt exactement au bon endroit, là, mais, quand même,
je suis curieux de vous entendre sur le seuil qui a été choisi
actuellement.
M. Hamel
(Pierre) : Bien, ce qui est
important d'abord de se rappeler, le 15 % maintenant, c'est pour tout
type de contrat. Alors, ce n'est pas
exclusivement les contrats d'asphalte à la ville de Montréal, là. La loi
s'applique à tous les types de
contrats, que ce soient les technologies de l'information, ce soit le
déneigement, ce soit l'approvisionnement, là. Donc, cette présomption-là
s'applique à toutes et à tous.
Également,
15 % nous apparaît raisonnable dans un contexte où ce n'est pas juste une
présomption de 15 %, là. C'est
une présomption de dommage qui est établie à 15 %, auquel... et dont... ça
fait partie de l'ensemble des mesures et dont les intérêts partent à courir depuis la fin du contrat. Alors, si
le contrat, il y a 20 ans, avec les intérêts, ça double le montant, et, en plus de ça, il y a un 20 %
additionnel qui, lui, part à courir depuis... Alors donc, c'est quand même, je
dirais, là, compte tenu de toutes ces
circonstances-là... Et il faut faire référence à la commission Charbonneau. Il
y a des montants qui ont été très
estimatifs qui ont été donnés. Ce n'est pas une preuve de dommages qui a été
faite devant la commission, là, mais...
Et je ne minimise pas le montant des dommages qui pourrait être réclamé. Et,
compte tenu du fait que le projet de loi permet de faire la preuve des dommages réels, on considère qu'à...
Maintenant, ça peut être 17 %, 20 %, ça dépend des objectifs
qui sont visés par le gouvernement dans ce sens-là. Mais nous autres, on
considérait que 15 %, compte tenu des témoignages, compte tenu de
l'application générale, compte tenu des autres mesures alentour, faisait en
sorte que c'était assez dissuasif.
M. Cloutier : Est-ce que vous
pouvez nous éclairer sur les perspectives de succès de la loi qui pourrait être
adoptée ici, à l'Assemblée nationale? Avez-vous l'impression que toute la
période transitoire de négociation sera un franc
succès ou vous avez plutôt l'impression qu'il y aura une loi, mais, en réalité,
il n'y aura pas tant d'entreprises que ça qui, volontairement,
décideront?
M. Hamel
(Pierre) : On souhaite
sincèrement que ça fonctionne rondement, pas juste pour tourner la page,
mais pour vraiment que l'argent... qu'il y ait vraiment une récupération
d'argent, là, pour le public. C'est sûr qu'il y a un aspect, là, qui... Il y a un aspect incitatif. Le programme, on ne le
connaît pas. Est-ce que le programme va offrir une quittance finale, et complète, et générale? Alors,
peut-être que ça va favoriser les entreprises à se rendre là puis dire :
Je vais régler tous mes dossiers ou tous mes cadavres dans les placards. Je ne
le sais pas, là. Je n'ai pas eu de contact avec ces entreprises-là, je ne
connais pas leurs commentaires.
Ce que je
pense, moi, comme avocat de pratique privée... Toutefois, je dirais que
l'élément, là, de permettre la suspension
des recours pour avoir droit au programme va peut-être être la porte d'entrée,
si le programme n'est pas incitatif. Parce
que, s'il y a des poursuites qui sont faites, les montants peuvent être
extrêmement importants, là, avec les recours qui sont accordés, et le fait de permettre la suspension des procédures à la
partie défenderesse pour bénéficier du programme va probablement les inciter. En tout cas, pour
l'instant, moi, c'est ce que je vois, parce que je ne connais pas le
programme. Mais ça, c'est sûr que les
mesures, les prescriptions, les présomptions, les montants accordés pour le
traitement des dossiers, c'est des montants importants.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : M.
le député de Lac-Saint-Jean, je signale qu'il reste un peu plus de trois
minutes.
M. Cloutier : Bien, peut-être
mon collègue qui avait une question, qui souhaitait... il va peut-être
poursuivre.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : M.
le député de Bonaventure, bonjour. À vous la parole.
M. Roy :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci. Bonjour, messieurs. J'aimerais relire
votre conclusion avec vous parce qu'il y a un petit quelque chose qui
m'a interpellé. Donc : «La lutte contre les fléaux de la collusion, de la
corruption et de l'intimidation dans l'industrie de la construction est un défi
exigeant qui va requérir du temps, de la détermination, du courage et de la
ténacité de la part de l'ensemble des intervenants de l'industrie», etc.
L'autre
paragraphe : «À l'image de l'industrie, une pareille tâche est vaste et
complexe. Elle doit [...] être accomplie en s'appuyant sur des valeurs fortes et des principes solides, dont
celui, primordial — et je
cite — du
développement et de l'amélioration
continue des compétences et des expertises, car sans ces deux points d'ancrage,
tous les efforts seront vains.»
J'ai comme
l'impression qu'ici on vient banaliser et minimiser, je dirais, le caractère
scandaleux et frauduleux des actions qui ont été commises. C'est comme
si on orientait le débat sur la formation et le manque de compétence. Qui plus est, vous semblez souligner le manque
d'expertise aussi au ministère des Transports. Est-ce que c'est ce que je
lis là-dedans ou... J'aimerais vous entendre là-dessus.
• (11 h 20) •
M. Hamel
(Pierre) : À ce niveau-là,
je dois juste rectifier le tir, si c'est l'opinion que vous avez. Ce qu'on
veut dire, c'est que le Québec s'est rendu à un point tel qu'il est obligé de
prendre des mesures extraordinaires pour récupérer des sommes qu'il n'aurait pas dû dépenser. Et le
projet de loi est là pour cinq ans, il n'est pas là pour tout le temps.
Mais, pour ne pas avoir, dans 20 ans, à
passer un autre projet de loi qui va durer cinq ans, il est important... Une
fois qu'on a mis en place les
éléments législatifs qui sont importants, il faut mettre des mesures de
prévention qui vont éviter qu'on se retrouve là également. Et là on fait
référence non pas juste au ministère des Transports... Nous, on ne fait pas
affaire avec le ministère des Transports,
mais on fait affaire avec les municipalités, on fait affaire avec les
commissions scolaires, on fait affaire
avec les universités, on fait affaire avec les hôpitaux, on fait affaire avec
tous les organismes publics pour le bâtiment. Et l'expertise, elle est importante partout, et la commission d'enquête
a démontré qu'il y avait un manque important d'expertise.
Ce qu'on dit,
nous, on dit : Écoutez, c'est important de mettre ça en place. Il faut
corriger ça. C'est scandaleux, vous
avez parfaitement raison. Et, loin d'être dans le déni, on approuve toutes les
démarches qui sont faites pour corriger ça. Mais ce qu'on dit, on dit : Ça va prendre le courage de faire de la
formation continue aux 3 000, 4 000 ou 5 000 personnes
qui sont dans la fonction publique, soit municipale soit provinciale, peu
importe, et qui tous les jours font des travaux publics, et qui font des marchés publics, et doivent être meilleurs,
s'améliorer, et ils veulent le faire. Mais ils ont besoin d'outils. Ce n'est pas une formation, là, une
formation, ici, en éthique, qui va... Non, il faut professionnaliser nos
gens, il faut les doter d'outils. C'est ça
qu'on vous dit. Et ça, ça va nous permettre d'avoir des gens éclairés qui vont
faire en sorte qu'on n'aura peut-être
pas besoin, dans 20 ans, d'une telle loi. C'est ça qu'on voulait dire.
Alors donc, loin de minimiser la situation, on veut l'éviter de façon définitive.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, Me Hamel. Est-ce que, du côté de l'opposition officielle, vous souhaitez
poursuivre maintenant ou plus tard?
M. Cloutier : On peut
poursuivre.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Vous poursuivez maintenant. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M.
Cloutier : Merci, M. le Président. On va poursuivre dans la
même lignée. Dans le fond, vous faites un appel à la compétence, essentiellement, j'imagine, de la
fonction publique des municipalités, mais vous connaissez le contexte
actuel...
M. Hamel (Pierre) : Et des
entrepreneurs. Et des entrepreneurs.
M. Cloutier : Mais, vous, de
façon plus générale, avez-vous l'impression justement qu'il y a un manque d'expertise dans la fonction publique avec les
municipalités auxquelles... Vous avez sûrement beaucoup transigé. Est-ce
que le mécanisme de prévention dont vous
parlez... Avez-vous réfléchi à ça? Avez-vous une idée à quoi ça pourrait
ressembler? Parce que, pour avoir
16 municipalités dans mon comté et de voir l'ampleur des travaux et de ce
qu'on leur demande de faire et de
réaliser, ce que je constate, c'est que, lorsqu'arrivent des contrats, par
exemple, d'aqueduc à 4 millions puis qu'il y a un D.G. d'une
municipalité de 1 500 habitants, là, ça lui sort complètement par les
oreilles. En tout cas, je suis assez curieux de vous entendre sur la prévention
dont vous parlez puis comment on peut opérationnaliser ça. Je sais qu'on sort
un peu, mais on reste quand même dans le même thème.
M. Hamel
(Pierre) : Il y a plusieurs
éléments qu'on a proposés, effectivement, parce que la... il y a la
compétence, il y a les ressources humaines
et il y a aussi la connaissance. Ce n'est pas... C'est des éléments différents.
On a suggéré et on suggère différents éléments.
D'abord, au
niveau de la connaissance, évidemment on parle de formation continue auprès des
gens qui sont reliés au marché, à la passation des marchés, donc une
professionnalisation des marchés, des gens qui y sont affectés, une formation continue, une formation complète et
aussi la possibilité d'avoir une personne, une tierce personne qui soit
en mesure d'intervenir à différents niveaux. Parce que les problématiques au
niveau de l'intégrité et au niveau de la collusion
ne sont pas les mêmes qu'au niveau de l'exécution. Comment sont passés les
marchés? Est-ce que les lois sont respectées? Et les lois sont
différentes, municipales, de l'organisme public. Les gens ne savent pas
exactement, et les lois se chevauchent, et
elles doivent être interprétées, et souvent l'interprétation fait en sorte
qu'il y a un acte illégal qui est posé,
souvent de bonne foi, mais on ne le sait pas. Ça crée des problèmes au niveau
de la concurrence. Donc, ces gens-là doivent avoir une formation ou
doivent être en mesure d'échanger avec d'autres.
On parle de forum d'échange, de formation
continue, mais aussi, lorsqu'il y a... Souvent, on a eu à intervenir lorsqu'il y avait des illégalités qui étaient
commises. Et il n'y a pas personne qui est capable d'empêcher l'illégalité
d'être commise. S'il y a un appel d'offres... Je vais vous donner un exemple,
là. Il y a un appel d'offres d'une municipalité qui est mis en place... On a eu un appel d'offres l'an passé ou il y a
deux ans, il n'y avait pas de plan qui était déposé avec, il était déposé tranquillement. Il était déposé... Il
n'était pas prêt, mais l'appel d'offres est parti. Alors, les
entrepreneurs nous disaient : Comment je fais pour soumissionner? Ce n'est
pas illégal, mais c'est hautement dysfonctionnel pour avoir un prix. Et là, à un moment donné, on a été
obligés de... Et là il y a eu un addenda qui, lui, était illégal, mais on...
Qui va déterminer qu'il est illégal?
C'est la cour? Or, les... Comprenez-vous? Et effectivement, dans ce cas-ci, la
municipalité, bien, ils ont fait une
enquête, puis là ils ont tout arrêté, puis ils ont recommencé. Dans le même
type de cas, pour une autre municipalité, eux autres ont continué. Ils
ont continué puis... Est-ce que les entrepreneurs vont poursuivre pour cette
illégalité? Non.
Alors, ce
qu'on propose, c'est tout simplement qu'il y ait un arbitre au stade des appels
d'offres, de déterminer ce qui est bon ou pas bon, pour déterminer
immédiatement, pas trouver de coupable, mais s'assurer que l'appel d'offres soit bien fait, et que ce même arbitre là, cette
même compétence là règle les problèmes au fur et à mesure d'un chantier.
Alors, ça permet
d'éviter les litiges, ça permet d'intervenir pour qu'il n'y ait pas de problème
et, au fur et à mesure du développement de ces décisions-là, ça va
permettre de mieux comprendre le fonctionnement et pouvoir l'appliquer.
Alors donc,
l'expertise ou les compétences, là, c'est à différents niveaux. C'est dans ce
sens-là que nous, on pense qu'on doit
intervenir. Ce n'est pas engager plus d'ingénieurs. Il faut que les ingénieurs
soient compétents aussi. Alors, comprenez-vous? Il y a beaucoup
d'éléments.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie, Me Hamel. 20 secondes, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M.
Cloutier : Bien, justement, il y a beaucoup de choses dans ce
que vous venez de dire. Vous venez de parler d'un arbitre au stade des appels d'offres. J'imagine que l'arbitrage
dont vous parlez, c'est une fois que l'appel d'offres a été complété et
qu'une entreprise a gagné cet appel d'offres?
M. Hamel (Pierre) : Non, c'est en
cour. Il y a, exemple...
M. Cloutier : Mais ce n'est
pas un arbitre au sens judiciaire du terme.
M. Hamel (Pierre) : Non, non, non.
C'est une autorité, une compétence, là.
M. Cloutier : Une médiation,
O.K. Un échange.
M. Hamel (Pierre) : C'est ça, c'est
ça.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie. Ça complète ce bloc d'échange avec l'opposition
officielle. Je me tourne vers la deuxième opposition pour votre bloc d'échange.
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être avec nous
aujourd'hui, merci pour le mémoire.
J'ai quelques
petites questions. D'abord, vous nous dites que vous représentez
17 000 entreprises. Question très factuelle : Sur ces 17 000 entreprises que vous
représentez, est-ce qu'il y en a plusieurs qui sont actuellement en cour
ou qui ont actuellement des démêlés avec la
justice concernant tout ce qui nous préoccupe ce matin, collusion, corruption,
etc., parmi vos membres? Est-ce que c'est une problématique, là, qui...
M. Hamel (Pierre) : Dans notre cas,
ce n'est pas vraiment... on ne peut pas dire s'il y en a plusieurs ou quelques-uns.
Nous, c'est l'institutionnel commercial et industriel, donc le bâtiment. Vous
comprenez que, oui, la commission a traité de ces aspects-là. Il y a eu
quelques éléments, et on n'est pas immunisés contre ces pratiques-là, mais essentiellement c'est dans les routes et
travaux de génie, actuellement, que les poursuites se font. Alors, je ne
peux pas dire que... Est-ce que j'ai des
membres? Je ne le sais pas. Mais ce n'est pas tellement ça. C'est de s'assurer,
là, que, si jamais il y en a, de nos membres comme tels, qui le sont,
ils aient à payer puis qu'ils paient de la bonne manière.
Mme Roy
(Montarville) : Alors, si jamais il y a de vos membres qui
le sont, sur ces 17 000 entreprises, vous qui avez étudié le projet de loi n° 26, à titre
d'entrepreneur, là, quels seraient les avantages pour un entrepreneur, pour
une entreprise, justement, de s'inscrire de façon volontaire à ce fameux
programme de remboursement volontaire, dans le p.l. n° 26? Comme on le sait, il y a deux voies possibles :
l'inscription au remboursement volontaire ou il y a la voie des tribunaux, qui sont allégés... qui est allégée,
pardon, cette voie-ci. Alors, quels seraient les avantages, pour une
entreprise, un entrepreneur, d'aller vers la voie du remboursement volontaire?
M. Hamel
(Pierre) : C'est d'obtenir,
en bout de piste, son autorisation de l'AMF, c'est l'élément le plus
important, et aussi de mettre un terme aux
poursuites. Comme avocat, j'imagine, là, un client qui a ça, c'est d'avoir les
poursuites... les épées de Damoclès qui pendent au-dessus de sa tête. Alors,
c'est les deux éléments.
Alors, régler
sa situation, parce que la loi est rétroactive. Il y a une situation qui
n'existait pas, qui va devenir, d'une part...
Et, en plus, vu que je suis interdit d'avoir des contrats publics, je suis
presque interdit d'opérer. Donc, l'objectif, c'est... dans le cadre d'une réhabilitation, ça peut être un objectif.
Est-ce que le programme va le permettre? Je ne le sais pas. Mais ce qui
pourrait motiver d'y aller d'emblée, c'est ça, je pense.
Mme Roy
(Montarville) : Pour ce qui est des avantages au niveau
pécunier, pour les gens que vous représentez, ils sont de quel ordre, de
s'inscrire au programme volontaire?
• (11 h 30) •
M. Hamel
(Pierre) : Bien, je ne sais
pas. Au niveau pécunier, je ne le sais pas, c'est-à-dire que... Est-ce
qu'une entreprise a commis... Je vais
prendre l'exemple à l'envers. Je vais prendre les exemples de la ville de
Montréal. Lors de la commission
d'enquête, il a été déposé
80 projets sur lesquels il y avait eu de la collusion. Et c'est à peu près
les mêmes collusionnaires. Donc, il y
a eu 80 fois des collusionnaires qui ont commis des manoeuvres
frauduleuses comme telles sur 80, sur
70, sur 200. Est-ce que l'entreprise va pouvoir s'en sortir? Est-ce qu'ils vont
régler toutes les 80 ou bien est-ce que les 80 vont toujours être pendantes? C'est dans ce sens-là que je veux
dire qu'une entreprise pourrait être intéressée à dire : Bon, bien, écoutez, ce qu'on peut faire...
les gens qui ont fait ces... qui ont posé ces gestes-là, on les a sortis de
l'entreprise, on a fait le ménage que l'AMF nous
souhaitait de faire. Maintenant, est-ce qu'on peut faire table rase de tout ça
et avoir un règlement qui va valoir pour tout le passé, en vertu de la loi?
C'est ça qui pourrait probablement intéresser une entreprise, j'imagine.
Mme Roy
(Montarville) : Je
reviens à ma question. Pour ce qui est des avantages pécuniers pour une
entreprise, vous nous disiez tout à l'heure : Les intérêts sont
importants, les intérêts peuvent commencer à courir si on va via la voie
judiciaire, la voie des tribunaux, jusqu'à la signature initiale du contrat.
Donc, ici, on parle de plusieurs années, 10, 15, même 20 ans. Le fait que
cette mesure-là ne se retrouve pas dans le remboursement volontaire, y
voyez-vous, j'imagine, un avantage évident pour les entreprises que vous
représentez?
M. Hamel (Pierre) : Bien,
c'est-à-dire que, le programme, je ne le connais pas, là, je ne connais pas...
Le programme va être adopté, j'imagine, par
décret ou règlement, là, je ne me rappelle plus exactement. Mais, le
programme, est-ce qu'il va tenir compte,
dans les négociations, de l'évaluation qu'on a faite en fonction de la loi?
J'imagine que oui. J'imagine que la loi
va être le point de départ des négociations, si j'ai bien compris votre
question. Mais je ne connais pas le programme, là. Je ne peux pas
répondre à ça, là.
Mme Roy
(Montarville) : C'est directement prévu dans la loi, le
fait, là, que les intérêts, lorsqu'on va prendre la voie des tribunaux, ils vont remonter à partir de
la signature initiale du contrat, ce qu'on ne retrouve pas dans la loi
pour ce qui est de l'inscription au
programme de remboursement volontaire. Alors, ma question est bien simple :
Le fait que vous n'avez pas à payer d'intérêts qui remontent à des
lunes, bien...
M. Hamel
(Pierre) : Ah! bien, c'est
sûr. C'est sûr que le règlement hors cour va nécessairement être
avantageux. Est-ce que ça va être des intérêts pécuniers ou autres? Je ne le
sais pas, mais j'imagine qu'il y a un intérêt monétaire.
Mme Roy
(Montarville) : Par ailleurs, vous avez fait grand cas des
articles touchant, entre autres, l'AMF, c'est ce qui semble vous
préoccuper plus que d'autres choses. Vous suggérez de limiter le champ
d'application relativement aux préjudices
présumés aux objets de la loi, soit la fraude ou des activités qui mènent à des
sommes payées en trop. Ça, c'est
clair pour vous. Est-ce que ça devrait également s'appliquer à
l'article 21.28 de la Loi sur les contrats des organismes publics?
En d'autres mots, je simplifie : Est-ce que l'abolition du refus
automatique de l'AMF devrait viser toutes les infractions prévues à
l'annexe I ou seulement celles relatives à des... à des sommes, pardon,
versées en trop?
M. Hamel
(Pierre) : Excellente
question. Il faudrait que je regarde les dispositions de la section I, là,
l'ensemble, parce qu'il y a de la fraude, il y a différents éléments comme
tels. Si c'est l'intention du législateur, ce n'est pas une mauvaise idée, mais je ne peux pas répondre en
connaissance de cause parce que je n'ai pas l'annexe I comme telle.
Mais, si c'est ce qui est souhaité et que ça correspond aux objectifs
recherchés de réhabilitation, je n'ai aucun problème.
Le Président
(M. Ouimet, Fabre) : Mme la
députée de Montarville, en vous mentionnant qu'il reste trois minutes à
votre intervention...
Mme Roy
(Montarville) : Merci. À la page 9 de votre mémoire...
Bon, j'ai deux questions, je vais aller au plus rapide. On parle du
quantum, la présomption des dommages, là, 15 %, là. Ça, c'est dans la loi,
on présume que les dommages équivalent
15 %. La ville de Montréal nous disait tout à l'heure que, pour elle, il
faudrait que ce quantum-là soit 20 %. Vous en pensez quoi?
M. Hamel
(Pierre) : Bien, j'ai
répondu un peu à cette question-là de la part de la ministre. Nous, on
considère que le quantum n'est pas unique, là. On disait... Il y avait le
quantum, il y avait aussi les intérêts et il y avait aussi le 20 % supplémentaire pour le traitement du dossier comme
tel, qui se rajoute finalement à la pénalité. Compte tenu du fait que la
ville va bénéficier d'une présomption
automatique de 15 %, si le dommage réel est supérieur, elle peut en faire
la preuve. Et donc, nous, ça nous
apparaît suffisant compte tenu que le 15 %, il s'applique à la ville de
Montréal, il s'applique à toutes les autres villes, il s'applique à tous
les autres types de contrats dans toutes les autres circonstances. Est-ce que
c'était toujours 20 %, 25 %, 30 %? Je l'ignore. Et c'est dans ce
contexte-là qu'on considérait que le 15 % était suffisant.
Mme Roy
(Montarville) : Par ailleurs, page 9 de votre mémoire,
en conclusion, très rapidement, vous dites que l'association «est d'avis
que l'encadrement législatif prévu aux articles 3 à 9 du projet de loi est
convenable pour un tel programme». On parle
ici du programme de remboursement volontaire. «Convenable», vous voulez dire
quoi par là?
M. Hamel
(Pierre) : Bien,
c'est-à-dire que ce qu'on dit au début, c'est qu'on a de la difficulté parce
qu'on n'a pas l'information, on ne
connaît pas le programme. Mais là le programme semble... Il y a un
administrateur... On a juste les bases du programme. Alors, les bases du
programme nous semblent correctes et, dans ce sens-là, convenables.
Mme Roy
(Montarville) :
Je vous remercie, messieurs.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, Mme la députée de Montarville. M. le député de La Prairie, à vous
la parole.
M.
Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Dans le projet de loi,
l'article 16 parle que les organismes publics
peuvent récupérer des sommes dues pour une période de 20 ans précédant
l'entrée en vigueur du chapitre III de la loi. Compte tenu des
règles concernant la conservation des documents, il y aurait probablement des
personnes ou des organismes qui
souhaiteraient réduire ou limiter la portée peut-être à quelque chose comme
10 ans. J'aimerais entendre votre
point de vue là-dessus, compte tenu qu'à la commission d'enquête Charbonneau on
nous disait que la commission avait
placé le début des problèmes de collusion à 2002-2003. Alors, j'aimerais vous
entendre, parce que vous avez soulevé un autre point que je veux revenir
après, après votre réponse, concernant le 20 ans, le fameux 20 ans.
M. Hamel (Pierre) : Le mandat de la commission remontait à 1995, ça fait 20 ans,
d'abord, et on a déjà plusieurs années de passées depuis ce temps-là.
Donc, ça a passé de 15 ans à 20 ans peut-être, probablement. À ce
niveau-là, je ne pense pas qu'on puisse
répondre pour les organismes publics. Nous autres, l'important, là, il y en a
eu des preuves de début de collusion
puis de certains éléments qui étaient préliminaires à 2002-2003, qui étaient en
1999 ou en 1997, je ne me rappelle
pas, là. S'il n'y en a pas, tant pis, mais, s'il y en a, est-ce qu'on peut
permettre aux organismes de le récupérer? Ça ne fait pas mal de
l'indiquer dans la loi. Moi, c'est ce qu'on en pense, mais on n'est pas les
mieux placés, là, à ce niveau-là comme tel. L'important, c'est que justice soit
faite.
M. Merlini :
O.K. Dans votre mémoire, à la page 4, vous parlez justement de la
couverture de la plage des 20 dernières
années et que ce projet de loi vous amène à faire un autre constat, vous
dites : «...l'absence de mécanismes de prévention d'expertise suffisante au sein de la fonction publique
municipale et provinciale en matière des marchés publics au Québec au
cours de ces années est manifeste.»
Alors, à partir de
quand, voyez-vous des améliorations? Tantôt, la ville de Montréal, on nous a
dit qu'à partir de 2010 il y a eu des
baisses substantielles dans certaines soumissions qu'ils ont reçues, là, des
soumissions publiques. Voyez-vous,
par votre association, des améliorations de ce côté-là? Et qu'est-ce que vous
suggérez? Parce que vous dites que,
bon, si les mécanismes de prévention et d'expertise sont insuffisants... qu'il
y avait un manque évident. Qu'est-ce que vous proposez, vous, à ce
moment-là, dans l'amélioration de ces pratiques-là?
M. Hamel
(Pierre) : Je ne peux pas parler pour la ville de Montréal, et on ne
peut pas parler non plus de façon
spécifique, mais, de façon générale, le problème, il n'est pas résolu.
Les entreprises ont de la difficulté à se faire
payer, les gens ont de la difficulté à faire valoir... à comprendre les lois,
les fonctionnaires ont peur de bouger. Il y a comme une paralysie, là. Tout le
monde veut bien faire, personne ne
veut mal faire, donc la meilleure façon, c'est de ne rien faire. Et ce qu'on veut, c'est que ces gens-là puissent
prendre des décisions, soient bien formés pour les prendre et puissent
travailler en collaboration pour éviter ce problème-là.
Parce qu'il est partout, il est... la
crainte est partout, là. Ce n'est pas parce que la commission a cessé de
siéger que le risque, la peur, le risque réputationnel, la peur de mal faire
puis d'avoir une réprimande n'existe pas.
Non, elle est là. Nous, ce qu'on veut, c'est que ça disparaisse, on veut donner
de la formation... Puis ça va être
long, ça va être long, puis il faut commencer tout de suite pour que, dans
15 ans, bien, on ait déjà mis en place un système qui nous permette...
Et c'est ça, je dis : Professionnaliser notre fonction publique, c'est lui
donner les outils pour faire face à des
décisions qui vont être justes puis qui vont être en fonction des lois, des
règlements ou des meilleures pratiques.
Et
c'est pour ça qu'on vous a donné une copie de notre mémoire à la commission
Charbonneau, où, avec force détails,
on reprend chacun des éléments qu'on devrait mettre en place pour faire ça. Ça
ne veut pas dire de ne pas faire les lois,
là. Ça ne veut pas dire que c'est correct ce qui a été fait, au contraire. Mais, si on fait juste des
lois, on va juste faire des lois. Mais, si on va en amont puis qu'on prend
une mesure globale, on risque peut-être d'avoir moins besoin des lois.
• (11 h 40) •
M.
Merlini : Voyez-vous, dans
cette optique-là, le projet de loi
n° 26 comme une étape nécessaire?
Vous avez fait allusion tantôt que, bon, pour réparer sur 20 ans...
d'arriver à une entente avec le programme de remboursement. Le voyez-vous, dans cette optique-là, de dire : O.K.,
voici une opportunité pour des gens qui auraient peut-être commis des mesures dolosives, comme vous l'avez dit tantôt,
et là c'est, comme vous l'avez suggéré, là, à différents niveaux, s'ils
ont eu le contrat, s'ils n'ont pas eu le contrat, mais est-ce que vous voyez ce
programme de remboursement et le projet de loi n° 26 comme une étape qui
va dans cette direction-là ou est-ce que, comment qu'on pourrait dire... les
meilleurs jours sont à venir, là?
M. Hamel
(Pierre) : C'est une étape essentielle. En tout cas, ce n'est pas nécessaire,
c'est essentiel, il faut qu'il y ait
remboursement. Il y a eu dommage, il faut qu'il y ait remboursement. Et
il faut qu'il y ait... Pour qu'il y ait remboursement, il faut qu'il y ait des dispositions exceptionnelles qui
soient prises, là. Il faut qu'il y ait des conséquences aux actions qui ont été commises. Et ça, c'est des
conséquences concrètes aux actions qui ont été commises. L'industrie
s'attend à ce que ça soit mis en place, la population en général s'attend que
ça soit mis en place, c'est important.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Je vous remercie. Avant de céder la parole à la ministre,
je comprends, Me Hamel, que, comme juriste,
vous soulignez le caractère... la nécessité des mesures exceptionnelles, là.
Pour vous et votre association, il ne fait pas de doute qu'il est nécessaire
d'adopter des mesures exceptionnelles, quitte à mettre de côté les règles
usuelles du droit et de la responsabilité civile. C'est ce que vous nous dites?
M. Hamel
(Pierre) : Exactement.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Je vous remercie. Mme la ministre de la Justice, pour
les trois dernières minutes qui restent.
Mme Vallée : Merci. J'aimerais vous entendre davantage,
parce que vous avez répété à quelques reprises que,
bon, le règlement n'est pas encore déposé et puis que vous ne savez pas exactement
à quoi ressemblerait le programme de remboursement volontaire. Qu'est-ce qui,
pour vos membres et pour vous, serait un programme de remboursement volontaire
qui pourrait être efficace et qui pourrait... Quels seraient les éléments d'un
programme de remboursement volontaire qui, à
votre avis, amèneraient les entreprises à s'en prévaloir, amèneraient les gens
à l'utiliser et, finalement, à éviter, là, tout ce qui pourrait
s'ensuivre?
M. Hamel (Pierre) : C'est plus une
opinion d'avocat, là, que d'entrepreneur qui a fraudé. Je n'en ai pas, d'opinion d'entrepreneur qui a fraudé, mais, pour
avoir discuté le projet de loi...
pour discuter le projet de loi avec d'autres avocats dans d'autres
contextes, je pense que c'est une quittance totale qui... Parce que, si on le
fait sur 15 ans, 20 ans, bien, il
s'est passé quoi il y a 10 ans dans mon entreprise? Je ne le sais pas, je
n'étais peut-être même pas le président de l'entreprise, j'étais ailleurs, j'étais... L'entreprise peut avoir
40 ans, mais ses dirigeants sont plus jeunes. Donc, il y a une
espèce de délai pour les entreprises. Est-ce que j'en ai une, deux, trois
infractions? Je ne le sais pas.
Alors, en
allant là, c'est comme en disant : Bien, écoutez, on règle tout ça, c'est
final, puis là on peut passer à autre chose.
Je pense que ça, ça pourrait possiblement être un élément qui permettrait
d'éviter les poursuites pour bénéficier... pour passer dans le programme
et d'aller au programme immédiatement. Ça, c'en est une importance.
Mme Vallée :
Sur la question de la quittance totale, je comprends votre intervention, mais
en même temps donner quittance à une
entreprise qui aurait fait fi de mettre cartes sur table, de parler de certains
contrats ou de certains dossiers, parce
que c'est possible... Alors là, ce qui est prévu, la quittance est accordée
pour les dossiers qui auront fait l'objet d'une discussion. Il n'est pas question de donner quittance aveuglément si
l'entreprise n'a pas vraiment mis cartes sur table. Si l'entreprise met cartes sur table, ça sera une
quittance totale, il n'y aura pas de problème. Mais, si l'entreprise ne met
pas... On ne peut pas donner quittance pour des trucs qui auraient été... bon,
je sais que le terme n'est pas parlementaire, mais cachés et mis sous tapis.
Alors, ce n'est pas l'objectif qui est souhaité.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Ça complète malheureusement tout le temps que nous avions, des échanges très
intéressants. Je vous remercie de vous être déplacés et venir nous rencontrer.
La commission
va suspendre ses travaux quelques instants pour permettre aux représentants de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec de
s'avancer. Nous suspendons.
(Suspension de la séance à 11 h 45)
(Reprise à 11 h 47)
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Alors, la commission reprend ses travaux, et nous accueillons avec
plaisir les représentants de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec.
Je vous cède la parole pour votre présentation d'une durée de 10 minutes, en vous demandant, dans un premier temps, de vous présenter pour l'ensemble
des parlementaires. À vous la parole.
Corporation des
entrepreneurs généraux du Québec (CEGQ)
M. Martin
(Luc) : Bonjour. Mon nom est
Luc Martin. Je suis le vice-président
exécutif de la Corporation des entrepreneurs généraux. Alors, je suis
accompagné, ce matin, de collègues du conseil d'administration. Alors, à ma
droite, Me Pierre‑Stéphane Poitras, qui est le secrétaire de la corporation, M.
Fouad Geara, qui est vice-président du conseil d'administration, et M. Benoît
Lussier, qui est le président du conseil d'administration, qui va faire la
lecture de notre mémoire.
M. Lussier
(Benoit) : Merci. Alors, M. le Président, j'ai compris qu'on a une dizaine de minutes, alors je vais
écourter un petit peu, on va aller au vif du sujet. Alors, nous saluons le fait
que ce projet de loi vise maintenant tous les
contrats publics. Les autres secteurs d'approvisionnement sont également à risque de connaître des situations
similaires et sont par ailleurs également soumis aux accréditations de l'AMF.
Dans ce projet de loi, «contrat public» est défini comme un contrat conclu entre un organisme public et une entreprise.
Ce projet de loi semble viser uniquement l'entreprise qui conclut un contrat directement avec
un organisme public, et non pas les sous-traitants, les fournisseurs, etc.
Nous avons
souvent tendance à oublier les autres niveaux de la chaîne d'approvisionnement, alors qu'ils sont très présents dans certains secteurs d'approvisionnement,
à titre d'exemple : dans le bâtiment où la sous-traitance et les
fournitures comptent pour plus de 80 % des montants impliqués. Notre
connaissance du terrain est à l'effet que c'est davantage là où les manoeuvres
dolosives sont les plus importantes.
La
définition d'«entreprise» inclut également «une association». Ce projet de loi
reconnaît donc qu'une association pourrait
jouer un rôle dans l'octroi et la gestion des contrats publics. Peut-on
comprendre que les partis politiques sont visés, ou une association qui facilite la collusion ou l'orientation de marchés
publics parmi ses membres, ou qui met en place une réglementation dans le but de permettre à certains
fournisseurs d'obtenir des contrats publics et des conditions
avantageuses ou d'influencer le coût des marchés publics en restreignant
sciemment la concurrence?
• (11 h 50) •
La définition de
«manoeuvre dolosive» est très large. Dans le cas des marchés publics,
comprend-elle le favoritisme, c'est-à-dire restreindre un appel d'offres public à un seul ou
quelques fournisseurs triés sur le volet alors que le contexte ne le
justifie pas?
Nous comprenons que
le ministre créera un programme de remboursement volontaire en vertu duquel les
entreprises seront invitées à régler leurs
comptes de façon volontaire, au risque de se voir poursuivre par le Procureur
général ou l'organisme public.
Pour qu'il soit un
succès, ce programme de remboursement volontaire doit être attrayant pour les
entreprises. Il devra leur permettre de régler leurs comptes et de passer à
autre chose. Dans le cadre de ce programme, le ministre pourra transiger et quittancer les entreprises avec lesquelles il aura
convenu un règlement. La nature de la quittance jouera un rôle primordial dans le succès ou l'échec de ce
programme. Ainsi, une entreprise qui acceptera de régler ses comptes une
fois pour toutes dans le cadre de ce
programme pourra être réticente à le faire si elle est susceptible de se faire
interpeller pour d'autres projets ou
par d'autres organismes pour la période visée. L'entreprise concernée exigera
une quittance de tous les ministères, organismes, agences, commissions,
etc., et de toutes poursuites en cour et futures prises en vertu des fautes
reprochées.
Les concurrents de
ces entreprises qui ont été privées d'importants contrats publics suite à des
manoeuvres frauduleuses réglées dans le cadre de ce programme pourront-ils par
la suite exiger compensation?
Comme un grand nombre
d'entreprises visées par ce projet de loi ont obtenu leurs accréditations de
l'AMF, réussira-t-on, par cette mesure, à
rétablir la confiance envers les marchés publics ou, au contraire, passera-t-on
le message que tout peut finalement s'arranger, à la condition de bien
connaître le programme de remboursement?
Est-ce
que cette mesure aura l'effet dissuasif recherché puisqu'un bon nombre
d'acteurs concernés ne sont plus présents dans ces entreprises?
La prescription de
20 ans dépasse les périodes où les entreprises doivent conserver les
documents relatifs aux contrats qu'elles
exécutent. Nous sommes d'avis qu'il pourrait être difficile pour le ministère,
l'organisme public ainsi que pour les
entreprises concernées de documenter des preuves solides à l'effet qu'une
entreprise se serait ou pas livrée à des manoeuvres dolosives pour
l'obtention ou dans la réalisation de marchés publics, surtout si les
événements ont eu lieu il y a plusieurs
années. Ce délai de prescription qui ne s'appliquerait pas lorsque les fautes
auraient été commises rendrait quasi
impossible pour les entreprises de faire valoir une pleine défense et entière,
puisque les documents auront été détruits
et que les personnes concernées auront quitté. De plus, cette prescription
forcera-t-elle maintenant les entreprises qui font affaire avec l'État à
conserver à l'avenir leurs documents pendant 20 ans, au cas où elles seraient
un jour soupçonnées en vertu des dispositions de ce projet de loi?
Et que dire des
administrateurs et dirigeants des entreprises qui font affaire avec des
organismes publics, qui pourraient également être interpellés? Ils devront se
défendre parce que l'entreprise où ils étaient administrateurs ou dirigeants
est maintenant soupçonnée d'avoir obtenu des contrats de façon frauduleuse ou
suite à des manoeuvres dolosives. De quoi faire réfléchir plusieurs entreprises
et dirigeants à contracter avec des organismes publics.
La présomption dont
fait état le projet de loi est très sévère pour les entreprises ainsi que pour
les dirigeants et administrateurs. Cette
présomption, qui constitue un renversement du fardeau de preuve, s'applique de
plus pour des gestes posés avant
l'adoption de ce projet de loi. Cette sévérité s'accentue par le pouvoir de
l'organisme public de publier une hypothèque légale sur des biens de
l'entreprise et de toute personne physique qu'elle soupçonne avoir fraudé et
s'être livrée à des manoeuvres dolosives.
La
combinaison de la prescription de 20 ans, l'effet rétroactif de cette loi,
la présomption d'avoir causé un préjudice, la solidarité entre entreprises, administrateurs et dirigeants, la
publication d'hypothèques légales sur les biens de l'entreprise et des
individus, le calcul des intérêts depuis le paiement final du contrat et de
permettre à tout organisme public d'intenter
ces recours rendront ces entreprises très vulnérables dès la publication d'un
recours juridique en vertu de cette loi, et ce, sans que l'organisme public n'ait encore fait aucune preuve de
fraude ou de manoeuvre dolosive dans l'octroi ou la gestion d'un contrat
public.
Par
ailleurs, l'entreprise et ses administrateurs et dirigeants présents et passés
devront se défendre pour des gestes qu'on
leur reproche avoir commis plusieurs années auparavant. En l'absence de
document pour se défendre, en l'absence d'acteurs concernés, anciens
dirigeants et administrateurs, et face à des administrateurs publics qui
pourront utiliser des fonds publics quasi
illimités pour financer leurs poursuites, ces procédures judiciaires seront
très coûteuses et auront des impacts très importants dus notamment au
nombre important de parties prenantes et des personnes poursuivies qui ne
seront plus à l'emploi des entreprises.
Nous
connaissons bien le fonctionnement des organismes publics et le comportement
des gestionnaires dans la
gestion des contrats de construction. Nous sommes régulièrement témoins d'imposition
de pénalités, de retenues, de rendement
insatisfaisant et de poursuites contre des entrepreneurs sans bien-fondé, pour
des motifs qui relèvent davantage de
mauvaises relations personnelles ou d'erreurs de jugement de certains acteurs
publics plutôt que de fautes vraiment commises par les entreprises. De
nombreux acteurs publics ne réalisent pas toujours l'impact de leurs décisions
sur les entreprises privées.
C'est la raison pour
laquelle nous sommes très préoccupés de laisser les décisions d'intenter ces
recours au seul jugement de certains acteurs publics. Ils pourraient le faire
dans le cadre de chasses aux sorcières ou pour des motifs inappropriés alors qu'ils ne sont pas imputables des conséquences
de leurs décisions sur les entreprises visées, les marchés publics et sur les frais juridiques
occasionnés aux organismes publics. Des poursuites pourraient être prises
si elles ne sont pas fondées ou ne tiennent pas la route devant un tribunal.
Nous saluons donc l'obligation imposée
à un organisme public d'obtenir l'autorisation du ministre pour exercer
une action pour les motifs prévus dans ce
projet de loi. Toutefois, cette obligation expirera à la fin du programme de
remboursement, et le ministre devra autoriser un tel recours s'il est d'avis
que cela n'aura pas pour effet de nuire à l'atteinte des objectifs du programme
de remboursement.
Ce
projet de loi vise à permettre au gouvernement et aux organismes publics de
récupérer des sommes injustement payées, et c'est très bien. Ces fraudes
et manoeuvres dolosives se sont déroulées également aux dépens d'entreprises honnêtes qui ont participé de bonne foi à ces
marchés publics. N'y a-t-il pas lieu de récompenser ces entreprises
honnêtes en imposant aux entreprises
fautives de remettre, à la fin de chacun des contrats qu'ils concluront avec un
organisme public, un crédit de
5 % du montant du contrat? Cette obligation pourrait avoir une durée de
trois ans... à une entente de règlement ou un jugement.
Le
projet de loi forcera également certains organismes publics à collaborer. Nous
saluons particulièrement cette disposition,
puisque, selon nos observations, il est fréquent que des organismes publics,
par des contenus des documents d'appels
d'offres, tentent de procurer un avantage injustifié à une entreprise en
introduisant des règles qui l'avantagent. Plusieurs de ces manoeuvres de
collusion et de corruption ne peuvent s'être déroulées sans une certaine
complicité d'acteurs publics. Sans contrainte, il sera difficile de compter sur
leur collaboration, de peur qu'ils soient interpellés. Compte tenu, encore une fois, des dispositions de la Loi sur les
contrats des organismes publics, nous sommes surpris que ce projet de
loi n'adresse pas l'imputabilité des acteurs publics qui seraient impliqués
dans ces manoeuvres. Quel traitement réserve-t-on à ces acteurs publics qui se
verraient soupçonnés de complicité active ou passive?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Permettez, M. Lussier, vous avez... Les
10 minutes sont écoulées, mais, si vous avez... Combien de temps
encore pour terminer votre présentation?
M. Lussier (Benoit) : Je vous remercie, M. le Président. Je vais aller directement à nos trois
recommandations, dans ce cas.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : C'est parfait.
M. Lussier (Benoit) : Alors, la recommandation n° 1, nous recommandons que ce projet de loi soit élargi à toutes les entreprises impliquées dans les
contrats publics, que ce soit à titre de cocontractant d'un organisme public,
de sous-traitant ou de fournisseur.
Deuxième
recommandation. Compte tenu des impacts d'une telle poursuite pour une
entreprise, nous recommandons que
tout recours pris en vertu de cette loi par un organisme public reçoive en
tout temps l'approbation du ministre et que ce dernier pose un jugement
sur le bien-fondé du recours.
Et, en terminant,
nous recommandons de récompenser les entreprises honnêtes en imposant aux
entreprises fautives de remettre à la fin de chacun des contrats qu'elles
concluront avec un organisme public un crédit de 5 % du montant du contrat, ceci, pour les trois années
suivant une entente de règlement ou un jugement. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie pour cette présentation. Je me
tourne vers la ministre pour un premier bloc d'intervention. Mme la
ministre, la parole est à vous.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, messieurs, merci. Merci
de votre présentation. Alors, la ministre, et non le ministre, va vous
poser quelques questions.
Une voix :
C'est parce qu'ils ne sont pas habitués...
• (12 heures) •
Mme Vallée :
Non, c'est ça. C'est ce que je me suis dit. Écoutez, en rafale, j'en ai
quelques-unes, là. Vous avez, dans un
premier temps, fait référence à l'article 10 dans vos recommandations,
votre première recommandation. Vous souhaitez, vous pensez... vous
souhaitez que le projet de loi soit élargi. En fait, c'est ce qu'on souhaite
dans l'article. C'est l'objectif de
l'article 10. Alors là, je me dis : Bien, c'est peut-être au niveau
de la rédaction que... peut-être que l'article a été interprété
restrictivement, alors que ce n'est pas le but. Est-ce qu'il y aurait, dans le
libellé de l'article 10, une
modification qui devrait être apportée afin d'assurer de bien cerner votre
préoccupation, puisque c'est déjà l'objectif qui est visé, de pouvoir
toucher tous ceux et celles qui, d'une façon ou d'une autre, ont pu poser des
gestes et des manoeuvres dolosives à l'intérieur de l'octroi des contrats?
M. Lussier (Benoit) : O.K., merci, j'entends bien votre question. Alors, nous, on s'est
référés aux définitions, en fin de compte, puis, de la façon dont on l'a
compris, c'est qu'on fait référence aux cocontractants avec l'organisme public. On parle d'entreprises, on parle de contrats
publics, c'était plus à ce niveau-là. Je ne sais pas si un de mes
collègues voudrait ajouter?
M.
Martin (Luc) : Oui. C'était basé sur la définition des contrats. Donc,
on parle d'un contrat entre une entreprise puis un organisme public,
donc on a compris que ça se limitait uniquement à ces contrats-là, simplement.
223
12245 Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme la
ministre.
Mme
Vallée : Il y a une solidarité qui est présumée, et donc tous
ceux et celles qui ont pu poser un geste sont... En tout cas, l'objectif, l'intention est qu'ils soient touchés, donc que
c'était... Au niveau du libellé, est-ce qu'il y aurait peut-être une
modification qui devrait être apportée au niveau de la forme?
M. Poitras (Pierre-Stéphane) : Bien,
à cet égard, je dirais : Il y a peut-être, oui, effectivement, une mise en
garde... ou plutôt une clarification devrait
être faite, compte tenu qu'on parle toujours que l'organisme public va
verser une somme d'argent à une entreprise.
Mais, notamment en matière du bâtiment, 80 %, comme disait mon collègue,
c'est des sous-traitants, des fournisseurs qui vont obtenir l'argent,
mais ils ne l'auront pas obtenu directement. Ils vont l'avoir obtenu par le
biais d'un sous-contrat, et souvent d'un sous et d'un sous-contrat. Il y a
plusieurs paliers qui se passent en conséquence.
Et, lorsqu'on
lit la définition d'«entreprise», est-ce que ça se limite simplement à
l'entreprise qui a reçu les sommes de
l'organisme public, et non pas toutes les entreprises... On devrait plutôt
parler de «toute entreprise impliquée directement ou indirectement dans l'octroi ou dans le travail
du contrat en question», là, pour justement viser les fournisseurs et
les sous-traitants. Parce que, souvent, dans
les... en tout cas, la majorité des cas qu'on peut voir de collusion ou de
fixation des prix, ça ne sera pas
l'entrepreneur général qui reçoit les prix, qui... lorsqu'il peut y avoir une
collusion entre certains groupes de fournisseurs.
Alors, par le fait même, c'est surtout les fournisseurs qu'on devrait viser,
par le fait même. Et, lorsqu'on lit le projet de loi, compte tenu que ce
n'est pas le fournisseur qui a reçu l'argent directement de l'organisme public,
il pourrait toujours plaider : Moi, je me considère exclu de cette loi-là.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Le libellé de
l'article 10, peut-être pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, qui
n'ont pas le texte devant eux, lorsqu'on
dit : «Toute entreprise ou toute personne physique qui a fraudé ou s'est
livrée à une manoeuvre dolosive dans
le cadre de l'adjudication, de l'attribution ou de la gestion d'un contrat
public est présumée avoir causé un préjudice à l'organisme public
concerné. [...]Les entreprises et personnes physiques visées au présent article
sont solidairement responsables du préjudice causé, à moins que l'organisme
public n'y renonce.» Donc, dans... Et donc il y aurait lieu de le clarifier
davantage.
M. Poitras
(Pierre-Stéphane) : Bien, moi... en tout cas, comme juriste, puis
lorsque je lis le premier paragraphe du paragraphe 10, c'est : Toute entreprise qui s'est livrée, dans
le cadre de l'adjudication du contrat, mais il y a une seule entreprise,
en matière de bâtiment, ça sera seulement l'entrepreneur général qui va se
faire... qui va avoir eu une adjudication du contrat de l'organisme public,
bien que l'entrepreneur, lui, par la suite, va adjuder des sous-contrats. Mais on n'en parle pas ici, dans la loi, ici, en
l'espèce, alors que les manoeuvres dolosives, dans le cas d'un
fournisseur ou d'un sous-traitant, ne
viseraient pas, justement, l'octroi du contrat directement par l'organisme
public. C'est pourquoi nous recommandions d'élargir cela et que ça soit
toute entreprise impliquée directement ou indirectement. Je n'ai pas pensé au
libellé même, là, mais, selon moi, il y aurait peut-être une clarification à
être faite sur cette base-là.
Mme Vallée : D'accord.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci...
M. Poitras (Pierre-Stéphane) : ...notre
lecture que nous faisons du projet de loi.
Une voix : ...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Ah! M. Martin.
M. Martin
(Luc) : J'aurais peut-être un complément. La Loi sur les contrats des
organismes publics distingue, là,
dans le domaine de la construction, distingue l'entrepreneur général et les
sous-traitants. Donc, c'est un peu en référence, là, à la Loi sur les
contrats des organismes publics qu'on amène la recommandation.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, M. Martin. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Bien, écoutez, je vous remercie de l'avoir porté à notre attention. Parfois,
lorsqu'on a le nez collé sur un
projet de loi, on a une interprétation qui est différente, alors on va porter
une attention pour voir, là, s'il n'y a pas lieu de clarifier davantage. Et je comprends très bien la préoccupation que
vous soulevez. Alors, là-dessus, il n'y a pas de problème.
J'avais aussi quelques commentaires. En fait, je
reprends avec vous là où j'ai laissé avec vos prédécesseurs, c'est-à-dire la nature de la quittance. Vous
mentionnez l'importance de la nature de la quittance, d'assurer que
l'organisme... l'entreprise qui fera affaire avec le programme de remboursement
volontaire ne se fera pas prendre dans le détour après avoir mis carte sur table et après avoir fait un règlement. Et
moi, je vous dirais bien candidement : L'entreprise qui se dirige vers le bureau de règlement d'entente, qui est honnête et qui met vraiment
toutes les cartes sur table n'a rien à craindre,
parce qu'il n'y aura pas de squelette
dans son placard. Alors, s'il prend l'ensemble des squelettes, il les met
sur la table, il dit : Voici, c'est ce
que je viens régler avec vous, il n'y aura aucun problème. S'il en oublie deux,
trois, bien, on ne peut toujours bien pas donner quittance pour ça.
Alors,
c'est pour ça que je... L'objectif, c'est de donner une quittance pour les
dossiers civils, on s'entend, parce qu'on ne peut pas monnayer les
dossiers pénaux, les dossiers criminels, ça, il n'est pas question de monnayer
ça. Mais, pour ce qui est des dossiers
civils, à partir du moment où on met cartes sur table et puis qu'on est
transparents, bien, la quittance devrait en principe couvrir l'ensemble
des dossiers. Alors, là-dessus, quelle est votre préoccupation?
M. Poitras
(Pierre-Stéphane) : ...préoccupation, je vais vous donner un exemple fort concret. À partir du moment
où je suis un investisseur, je décide d'acquérir une nouvelle entreprise qui
est en opération depuis les 20 dernières années.
Suite à l'acquisition, je constate dans les contrats en cours qu'il y a
effectivement eu des manoeuvres dolosives. Alors, je viens m'asseoir tout simplement au programme de remboursement en disant : Écoutez, je constate, en
achetant l'entreprise, qu'il y a eu des manoeuvres. Je veux m'asseoir
avec le gouvernement parce
que j'ai l'intention de faire
croître cette entreprise-là et, pour les 20 prochaines années, de fonctionner
avec la loi, tout simplement, mais que faire? Comment
puis-je savoir s'il y a cinq ans, 10 ans, 15 ans les anciens
actionnaires de l'entreprise ont peut-être fait d'autres manoeuvres? Elles ne sont pas à ma connaissance. Par contre,
je suis intéressé par le programme de remboursement
en autant que le gouvernement me dise : On fait table rase, bienvenue,
vous en avez eu connaissance, de ces contrats-là, parfait. Mais, par le fait même, on aimerait avoir une quittance
complète pour justement ne pas avoir l'épée de Damoclès à l'effet que, dans deux ans, trois ans, quatre ans,
un enquêteur arrive puis il dit : Étiez-vous au courant que? Non,
nous n'étions pas au courant lors de l'acquisition de l'entreprise.
Alors, c'est cette situation particulière là qui
peut arriver, ou tout simplement un transfert d'entreprise, là. Au Québec,
le transfert familial d'entreprise... puis on se rend compte que, woups!, il y avait
peut-être d'autres mentalités, d'autres façons d'agir, et la nouvelle génération
veut tout simplement mettre table rase à cette façon de faire mais ne
peut pas parce que ne peut seulement
que le découvrir dans deux, trois projets, alors que des projets, il y a
15 ans, ils étaient toujours là.
Alors, c'est là, la préoccupation. Puis je me dis : Sans avoir cette
quittance-là, comment intéresser les gens à venir s'asseoir?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : ...Mme
la ministre, pour environ cinq minutes encore.
Mme Vallée : Je comprends votre préoccupation, mais en même temps je me dis : Comment on trace la ligne? Parce
que... facile de prétendre qu'on ne
savait pas ou qu'on ne connaissait qu'une partie du problème. C'est une situation
qui permet justement, lorsqu'un nouvel
intervenant arrive... ou le fils, la fille prend la relève familiale de l'entreprise et dit : Je n'étais pas au courant du tout. C'est facile parce qu'on est un nouvel administrateur, on est un nouveau dirigeant et on peut... Mais il peut arriver par contre
qu'on ait vu ou qu'on soit au fait et qu'on choisisse sciemment, pour des
raisons pécuniaires, pour des raisons autres, de ne pas mettre cartes sur
table. Et c'est là, la préoccupation, à mes yeux, c'est là où il est difficile... Je peux très bien comprendre que, de
bonne foi, on ait retracé certaines choses et qu'on souhaite vraiment
passer à une autre étape, tourner la page, nettoyer l'ardoise. Mais, si on est
au fait et puis qu'on utilise notre statut de nouveau dirigeant, de nouvel administrateur pour tenter d'obtenir
quittance à rabais, c'est là où je me dis : Ça ne peut pas être aussi simple que ça, il faut aller plus
loin, parce que, sinon, ça serait trop facile pour... et ça serait
trop facile de faire des transferts fictifs, même, et d'amener les gens à la
table en prétendant ne connaître seulement qu'une partie de l'histoire.
Parce qu'il y a bien des trucs qui ont été rendus publics, il y a
bien des horreurs qui ont été portées à l'attention des parlementaires, des contribuables, mais combien n'ont pas été
portés à notre attention et ne sont pas dans la sphère publique. Et il ne faudrait pas que les gens
viennent se mettre à table juste pour ce qui est connu de la population
et des différents intervenants et puis qu'on passe sous silence ce qui
n'est pas connu actuellement mais qui pourrait l'être dans quelques mois, dans
quelques années. Ça, c'est ma préoccupation.
• (12 h 10) •
M. Lussier (Benoit) : M. le
Président?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Oui, oui. M. Lussier.
M. Lussier
(Benoit) : Oui. Votre préoccupation, elle est très fondée. Le défi par
contre, c'est d'essayer de
faire venir ces fautifs-là, hein, pour
essayer de mettre la main sur le plus de sous possible qui ont été pris de
façon non honnête. Par contre, c'est une... Je veux dire, dans cette négociation-là, il devra y avoir une bonne foi de tout le monde là-dedans, incluant l'entrepreneur, là. Si l'entrepreneur... je
n'essaie pas de me transposer, on n'a pas de cas, là, mais, je veux
dire, si l'entrepreneur décide d'aller, sur
une base volontaire, au programme de recouvrement, puis qu'il ressort de là, puis
qu'il... je comprends que, ses squelettes, il les a mis, là, mais qu'il
n'est pas encore à l'abri parce que, là, justement, des anciens administrateurs... On remonte
à 20 ans, là, ça peut faire longtemps, il va y penser avant d'y aller, là.
Et le succès dépend vraiment de comment on est capable de... Mais ce n'est pas
évident, là, le cas.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : En fait, je
pense que l'objectif, c'est de... L'incitatif d'amener les gens au programme de
remboursement volontaire, c'est de savoir
que des mesures exceptionnelles sont mises en place et de savoir que, si
on ne s'assoit pas à la table, on est passible
d'une poursuite civile. Et donc, évidemment, c'est l'objectif des mesures
exceptionnelles.
Puis
d'ailleurs je veux simplement revenir aussi sur une préoccupation que vous avez
soulevée. Vous dites : Bien, nous, on a des craintes, peut-être
dans quelques années, d'être poursuivis. Compte tenu des mesures
exceptionnelles qui sont mises en place, la
loi a une clause crépusculaire, c'est-à-dire qu'elle est valide pour une durée
limitée dans le temps, justement parce qu'il s'agit d'une loi
exceptionnelle pour venir combler à une problématique... pour répondre à une problématique
exceptionnelle. Alors, ça, ce n'est pas une loi qui sera en vigueur ad vitam
aeternam. On ne change pas les règles de la prescription la vie durant
pour les contrats avec les organismes publics. C'est vraiment... Elle a une
portée limitée dans le temps en raison de la problématique bien particulière.
Mais
justement l'objectif de venir s'asseoir, c'est de savoir qu'on pourra être poursuivi
si on n'est pas blanc comme neige, si on n'est pas transparent, si on ne
donne pas l'heure juste. Donc, il est un petit peu préoccupant de penser de
donner une quittance à un organisme qui viendrait pour seulement qu'un certain
nombre de contrats, alors qu'il y a peut-être
d'autres dossiers qui n'auront pas fait l'objet de discussion et qui
toucheraient... Alors, donner une quittance, là, très, très large, dans
ce contexte-là, est un petit peu préoccupant.
M. Poitras (Pierre-Stéphane) : À cet
égard, comme disait M. Lussier...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je
vous remercie. En fait, ça complétait le bloc. À moins que vous... La réponse,
on pourra...
Mme Vallée : Bien, la réponse
pourra être imputée à l'autre bloc.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Allez-y, Me Poitras.
M. Poitras (Pierre-Stéphane) :
Alors, à cet égard, j'ai l'impression qu'il y a également un... comme disait M. Lussier, il y a une question de collaboration.
Et rien n'empêche non plus l'organisme public — je n'ai rien vu dans le projet de loi — que, dans le cadre qu'une personne se
présente pour pouvoir bénéficier du programme de remboursement et que... dénonce quatre, cinq, huit contrats, rien
n'empêche l'organisme public de demander à cette entreprise-là : On
va ouvrir les livres ensemble, des
10 dernières années, on va vérifier s'il n'y en aurait peut-être pas 15,
contrats, également, et on pourrait s'asseoir sur 15. Je peux très bien
dire : Moi, aujourd'hui, à ma connaissance, comme administrateur, j'en connais huit, mais, en s'assoyant avec l'organisme
public et en vérifiant les livres ensemble, il y en a 12, finalement;
parfait, on va y aller à 12. Mais, une fois
que l'exercice aura été fait, c'est là qu'on dit : On va avoir une
quittance finale. De bonne foi, tant
l'organisme public que l'entreprise auront fait l'exercice de vérifier. On veut
s'asseoir, on veut régler les livres, faisons l'exercice ensemble. Vous
avez besoin de voir nos livres, on va vous les montrer, mais après ça, par
contre, on ne voudrait pas qu'un nouvel
administrateur d'un organisme public, dans un an, deux ans, trois ans,
viendrait dire : On va rouvrir la chose encore, en l'espèce. C'est
dans cette optique-là que j'ai l'impression que, s'il y a un bon travail de collaboration et que l'organisme public dénonce
également et puisse vérifier à même les livres de l'entrepreneur... je
pense que, par la suite, la quittance peut aller de soi.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie. Je me tourne vers le député de l'opposition officielle,
le député de Lac-Saint-Jean, pour son bloc d'intervention.
M.
Cloutier : Oui. Vous venez... Vous avez quand même ajouté un peu
de nuance, je pense, dans votre dernière intervention, en laissant
entendre qu'il pourrait y avoir une espèce de discussion sur l'ensemble de
l'oeuvre. Mais, à ce moment-là, il y a des
ressources aussi supplémentaires... Je réfléchis à voix haute, là, et je me
mets dans une logique gouvernementale
où l'entreprise se pointe pour un dossier x, mais est-ce que le gouvernement a
tout en oeuvre et entre les mains
pour avoir l'ensemble de la
conversation sur l'ensemble des activités de l'entreprise sur une période
de 20 ans? Permettez-moi d'en douter,
là. Vous voyez l'espèce de fardeau qui repose sur le gouvernement. Ce n'est pas banal, là.
M. Poitras (Pierre‑Stéphane) :
Nous en sommes conscients par le fait même, mais également, à partir du moment
où l'organisme public ou le gouvernement voudrait avoir accès aux poursuites
civiles par la suite, malgré l'absence...
Les ressources vont devoir avoir été mises en place par le gouvernement pour
pouvoir mettre en application la deuxième
phase de la loi. Je comprends que... Nous comprenons que la charge d'ouvrage
peut paraître importante, mais, à partir
du moment où j'ai l'impression que les personnes se dénoncent au programme de
remboursement, on vient dire : Bon, bien, on va s'asseoir ensemble et on va vérifier le tout... Et, d'un
autre côté, ça va quand même prendre quelqu'un, au gouvernement, qui prend la décision :
Considérons-nous que l'offre de remboursement offerte par l'entreprise est
juste et raisonnable et répond aux critères
de la loi? Il y a toute cette question-là. Il y a une décision administrative
qui va devoir être prise au niveau gouvernemental, à savoir quoi
faire. Est-ce que l'offre de remboursement de 5 %, 10 %, 20 %
est raisonnable, en l'espèce? Ou
considérons-nous que, non, pour un cas donné, ça devrait être 40 %? Mais
il y a une analyse qui va devoir être
faite par le biais du gouvernement, effectivement, et des ressources vont
devoir être mises en place pour ça, là, nous en sommes convaincus. M.
Martin?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je
pense que M. Martin veut ajouter quelque chose?
M. Martin
(Luc) : Oui. Une préoccupation que nous avons soulignée, c'est le fait
que le simple fait d'intenter un recours en vertu de ce projet de loi
risque de mettre plusieurs entreprises vraiment dans le trouble, là, O.K.?
Donc, on parle de fraude, on parle de manoeuvre «collusive», ce n'est pas
n'importe quoi. Donc, à ce moment-là, bien, il y a beaucoup de créanciers d'entreprises, que ce soient les banques, les
cautions dans le cas des entrepreneurs, qui vont être très frileux de continuer à faire affaire avec ces
entreprises-là. Donc, uniquement le fait de déposer un recours, ça risque
d'avoir des impacts importants, que le
recours soit fondé ou pas, là, il est simplement déposé. Comme les gens qui ont
été nommés à la
commission Charbonneau, il y en a plusieurs qui ont eu des problèmes importants
après, là, O.K.? Et ça, c'est un petit peu une préoccupation.
Et
c'est la raison pour laquelle on vous a fait une recommandation : Que tous
les recours des organismes publics devraient
au moins être regardés par la ministre, ou quelqu'un, là, au ministère,
dirait : Est-ce que c'est bien fondé? Parce que, compte tenu du dommage que ça va créer si jamais ce n'est pas fondé...
Puis l'acteur public qui va entreprendre ce recours-là, il n'est pas
imputable, lui. Lui, il dira : Bien, on s'est juste trompés;
malheureusement, on n'avait pas la preuve.
Mais, pendant ce temps-là, l'entreprise est complètement foutue, là. Donc, ça,
ça peut... Je pense que ça pourrait, là, rassurer les gens de dire : O.K., on ne permettra pas n'importe
quelle poursuite en vertu de ce recours-là, ça devrait être fondé. Donc, vous pouvez signer une quittance avec
nous, là, puis on va s'assurer que, s'il y a autre chose, il y a un
chien de garde quelque part.
M.
Cloutier : Je vais être curieux d'entendre le gouvernement
là-dessus, mais, dans tous les scénarios, j'imagine que, lorsque le
gouvernement décidera d'aller de l'avant pour une poursuite, c'est parce qu'il
considérera qu'il a la preuve nécessaire.
M. Martin
(Luc) : Le gouvernement, oui, mais, les organismes publics, il n'y a
rien qui nous garantit ça, au contraire.
Nous, on fait... on en voit, là, beaucoup de cas d'organismes publics qui transigent avec
les entrepreneurs, puis les recours sont loin d'être tous fondés, là.
M.
Cloutier : Mais ce
que je comprends, c'est que l'initiative est gouvernementale. Ce n'est pas
une municipalité qui va décider d'entreprendre les procédures, c'est par
l'organisme, c'est ça que je comprends. Je me tourne vers la ministre.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Est-ce que la question... Est-ce que, Mme la
ministre, vous souhaitez répondre à la question du député de...
Mme
Vallée : En fait, là... Bien, on réfléchit, on réfléchit à voix
haute. C'est parce que, suite à l'intervention, je me disais peut-être : Est-ce que ça pourrait
répondre à la préoccupation de dire : Une fois qu'une entreprise a passé à
travers le programme de remboursement
volontaire, qu'il y a eu les échanges, de part et d'autre, sur le nombre de
contrats, est-ce qu'une poursuite
subséquente devrait obtenir nécessairement l'autorisation de la ministre? Je dis
«la», là, pour faire un clin d'oeil, mais... Et donc est-ce que ça, ça
pourrait donner une certaine assurance de stabilité?
Parce
qu'il ne faudrait pas que toutes les poursuites soient... Parce que ça, ça n'a
aucun bon sens, le ministre ou la ministre
ne peut pas se substituer aux tribunaux quant à la validité d'une poursuite.
Par contre, si une entreprise a fait l'objet d'un échange, est-ce que
ça, c'est quelque chose qui pourrait... Puis là je réfléchis à haute voix, là,
je ne sais même pas si c'est...
• (12 h 20) •
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Est-ce que, monsieur... Parce que, là, c'était une
question du député de Lac-Saint-Jean. Est-ce que...
Mme Vallée :
Vous le prendrez sur mon temps.
M. Cloutier :
C'est un échange...
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : M. le député de Lac-Saint-Jean, est-ce que...
M.
Cloutier : Non, mais
c'est un échange qui est pertinent, parce que la réflexion de la ministre amène...
C'est presque une présomption, en réalité.
Tu sais, ça... En tout cas, c'est un élément supplémentaire de mise en
oeuvre de la loi qui, effectivement, donne une certaine caution à l'entreprise, qui assurerait, à ce
moment-là, que ça deviendrait pratiquement, dans un cas exceptionnel,
entre guillemets, mais...
En fait, votre
suggestion à vous... Parce que, très sincèrement avec vous, je ne pense pas que
ça soit réaliste de dire à la ministre :
Chacune des poursuites qui va se faire, c'est le bureau de la ministre qui va
décider. Par contre, ce que j'entends
de vos préoccupations, c'est : Quels critères autres pourraient être mis
en place pour nous assurer que la loi, quand elle a été appliquée, là, on... ceux et celles qui ont pris les
procédures ont tout le bagage de connaissances, d'information et de documentation nécessaire pour ne pas qu'on
parte à la pêche vers des entreprises puis qu'on détruise des
réputations puis de l'emploi au Québec? Là, je comprends bien votre
préoccupation. Ça fait qu'il y a peut-être moyen d'en arriver à entendre votre...
à répondre à votre préoccupation tout à fait légitime puis en même temps
décharger...
Une voix :
...
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Je pense que M. Lussier...
M. Lussier
(Benoit) : On ne se chicanera pas...
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : ...avait demandé la parole en premier, alors...
M.
Lussier (Benoit) : Oui, c'est notre recommandation. Alors là, on
dirige ça vers la ministre, là, mais effectivement ça pourrait être... Parce que, vous savez, dans
le cadre de la réalisation d'un projet, nous, on est sur le terrain à
tous les jours, là. Je suis personnellement entrepreneur, puis, quand on
exécute un projet de construction, c'est des humains
qui sont là, alors là il peut y avoir des conflits de personnalités, il peut y
avoir un paquet de choses. Il y a un paquet de petits détails, dans le déroulement d'un projet, qui fait en sorte
qu'à un moment donné ça peut être difficile, hein, on ne se le cachera pas. Puis on ne voudrait pas que, justement,
un organisme public décide de dire : Bon, bien, tiens, lui, on va
lui arranger ça, on va lui faire sa fête. Le dommage est irréparable.
On
a parlé des gens qui ont été nommés à la commission, à tort ou à
raison. Il y a du monde qui n'ont jamais rien fait de mal, là. Aujourd'hui, là, l'entreprise,
oubliez ça, là. Si on part après un entrepreneur, avec plus ou moins de bien-fondé de... puis que ça n'a pas été validé à
l'instance de la ministre ou ailleurs, là, on peut tuer l'entreprise, là.
Les cautions ne sont plus là, les banques retirent leurs prêts. C'est fini, là,
tu es accusé de fraude, là. Toi, là, tu viens de mourir. C'est à ce niveau-là
qu'on a un petit quelque chose, là, qu'il faudrait essayer de...
M.
Martin (Luc) : C'est appuyé
par des exemples. On vient de vivre récemment un exemple : des
entrepreneurs déposent une soumission pour une municipalité. Les soumissions
sont plus hautes que le budget. M. le maire va sur la place publique, il dit : Mes chers citoyens, je pense qu'il y a
eu de la collusion, alors je rejette les soumissions et j'envoie tous
les dossiers à l'UPAC.
Imaginez
s'il avait dit, à la place : Je rejette les soumissions et je vais
poursuivre ces entrepreneurs-là en vertu de la loi, ici, en vigueur. On vient de tuer quatre, cinq entreprises, là. De
par les... de ce que la loi permet à l'organisme public de publier des
hypothèques légales sur les biens, la présomption de solidarité avec les
administrateurs... Vous savez, il faut faire
attention, puis, des fois, des fois, c'est des motifs, là, politiques ou des
motifs de relations publiques ou autres, là... Protéger l'industrie
contre ça, je pense qu'on...
M.
Poitras (Pierre-Stéphane) :
Et, justement par rapport à ça, c'est que, souvent, dans un cas...
Dans cet exemple donné là, vous
faites face à plusieurs entreprises, des entrepreneurs en construction
d'expérience, qui ont pu estimer le projet,
alors que, du côté de la municipalité, c'est peut-être un seul individu qui
a regardé à vue de nez, en disant : Selon moi, c'est un projet de
25 millions, alors que les entrepreneurs vont prendre plusieurs équipes
d'estimation, ils arrivent tous à 30 millions. Automatiquement, on va dire :
Ah! il y a de la collusion. Non, c'est peut-être parce qu'il y a eu une
mauvaise estimation, à la base, du projet, mais cette loi-là pourrait
permettre, justement, à une municipalité de mettre sur le carreau quatre ou
cinq entrepreneurs par le fait même, par une mauvaise estimation de base de la
valeur du projet.
M. Cloutier :
Mais, après le...
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : M. le député de Lac-Saint-Jean, il vous reste quatre
minutes de votre bloc d'intervention.
M. Cloutier :
Très bien. Mais moi... on entend bien votre préoccupation. Maintenant, comment
le traduire en mesures législatives, on
pourra... on aura, éventuellement, nous, en commission, ces réflexions-là, mais
je pense qu'effectivement il faut
s'assurer que... quand on va à la guerre, on s'assure qu'on a tout ce qu'il
faut pour gagner puis qu'on ne soit pas juste dans une partie de pêche
pour détruire des réputations.
Ceci
étant dit, l'exemple que vous avez donné, du maire, je ne suis pas convaincu
qu'il était dans une position légale complète, mais, du moins, je me
pose sérieusement la question. Loin d'être convaincu qu'il n'y aura pas des
recours pour les préjudices qui pourraient être subis d'une telle...
M. Martin
(Luc) : Oui, mais le dommage va être fait quand même.
M. Cloutier :
Oui, je comprends.
M.
Martin (Luc) : Le dommage va
être fait quand même. Quand on parle de recours judiciaire au Québec,
vous le savez plus que nous, c'est long, ça prend du temps, c'est des années,
là.
M.
Cloutier : Si vous
voulez avoir la discussion sur l'accessibilité à notre système de justice et ses longueurs, ça va me faire extrêmement plaisir... Hein?
M. Martin
(Luc) : Oui, c'est ça.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : C'est un autre sujet. On n'a pas assez de temps.
M.
Cloutier : Mais
mettons que c'est un chantier important
que vous soulevez, qui est un autre sérieux problème qu'on a au Québec, qui est celui d'une vraie
justice accessible et rapide. Mais, ceci étant dit, vous avez aussi une
troisième proposition, là, qui porte sur... qui semble être en réalité une pénalité
supplémentaire ou...
Une voix :
...
M.
Cloutier : Une prime à l'honnêteté, oui, ça peut être vu comme
ça. Du moins, je suis... vous ne trouvez pas qu'il y en a suffisamment
dans le projet de loi? Vous jugez... Vous vous faites plaisir ou c'est une
vraie proposition?
M. Lussier (Benoit) : Non, non, non...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
M. Lussier.
M. Lussier
(Benoit) : Bien, ça me fait
plaisir de répondre à votre interrogation, M. le député. Vous savez, là
on est en train de faire tout ce brouhaha-là
pourquoi? Point quelque pour cent des
entrepreneurs au Québec? Tous les autres bons entrepreneurs qui
soumissionnent au mieux de leur connaissance puis qui respectent les règles,
eux, ils ont perdu ces mandats-là, ils se
sont fait jouer des tours, ils se sont fait tasser. Ce n'est rien de comique,
là. Puis qu'est-ce qu'on fait pour
eux? En ce moment, on ne fait rien. Alors là, ce qui est proposé... peu importe
le pourcentage, peu importe la durée, ce
n'est pas ça qui est important. Je pense que ça serait bien d'adresser cette
situation-là pour un peu envoyer le message : Écoutez, là, au Québec, là, c'est comme... il faut
être «fair» si on veut fonctionner, encore plus avec l'organisme public,
je veux dire.
Puis l'espèce
de parallèle que je pourrais faire par rapport à ça, c'est un petit peu ce qui
a déjà été mis en place avec la certification ISO il n'y a pas si
longtemps, où une entreprise qui décidait d'aller chercher cette
certification-là, qui faisait l'investissement
d'avoir un programme de qualité à l'interne se voyait, dans certains cas,
avantagée, au moment du dépôt de sa soumission, de 1 %, 2 %,
3 % par rapport aux entrepreneurs qui n'avaient pas la certification.
Donc, ça encourageait une espèce d'amélioration
continue. C'est plus dans ce sens-là, c'est d'envoyer un message clair :
Écoutez, là, on a besoin des entrepreneurs,
on a besoin des fournisseurs, continuez à en... gardez confiance envers le
processus, là, puis ceux qui ont été
fautifs, c'est correct, ils ont réglé leurs affaires, ça s'est réglé, mais,
pour les prochaines soumissions, ils auront
un petit montant supplémentaire à mettre dans leurs soumissions pour... Parce
qu'ils vont savoir qu'ils vont le devoir à la fin. Ça va donner un
avantage aux entrepreneurs qui... aux 99,9 % autres entrepreneurs qui
étaient honnêtes durant les dernières années.
M. Martin
(Luc) : Oui, et c'est un beau clin d'oeil aux entreprises qui sont
honnêtes. Tu sais, il ne faut pas juste seulement pénaliser ceux qui ne
le sont pas.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
M. le député du Lac-Saint-Jean, il vous reste 30 secondes, en
conclusion.
M. Cloutier : Oui. Bien,
peut-être de façon plus générale, avez-vous l'impression que le projet de loi
va fonctionner, qu'il y a des entreprises qui vont se prévaloir des
dispositions de négociation avec le gouvernement?
M. Martin
(Luc) : Oui, on est très optimistes dans... Je crois qu'il y a
plusieurs entreprises qui vont en profiter. Il y a plusieurs entreprises qui font des affaires à l'extérieur du Québec
aussi. Donc, elles doivent vraiment, là, se mettre à jour puis passer à d'autres choses. Donc, ça va inciter
certainement plusieurs entreprises... Ça va inciter les entreprises qui
ont des transactions à faire... Comme mon
collègue disait tantôt, oui, je crois que le programme de remboursement, c'est
une excellente chose, là, pour passer à d'autres choses.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci. Ça termine ce bloc d'intervention. Je me tourne vers la deuxième
opposition pour son bloc. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Merci,
messieurs, merci d'être avec nous ce matin, merci pour votre mémoire. Je
comprends que... Vous dites : C'est une excellente chose pour passer à
d'autres choses que ce p.l. n° 26. Je
suis d'accord avec vous. Ça nous le prend, cependant. Et, à la lecture de votre
mémoire, on comprend que vous êtes
très, très préoccupés et que vous trouvez très sévère la présomption d'avoir
causé le préjudice et également l'enregistrement d'une hypothèque
légale.
Vous êtes les
premiers qui nous parlez de l'hypothèque légale. Je trouve ça très intéressant.
Pour le bénéfice des gens qui nous
écoutent, le p.l. n° 10 dit que «la créance de l'organisme public pour les
sommes réclamées dans le cadre d'une
action intentée en vertu du présent chapitre lui confère une hypothèque légale
qui peut, sur autorisation, être inscrite sur les biens de toute
[l']entreprise ou [...] toute personne physique visée à l'article 10»,
etc.
Alors,
j'aimerais savoir, premièrement... Comme vous êtes les premiers à nous en
parler, de cette hypothèque légale, pour les gens qui nous écoutent,
pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous considérez que cette mesure... Et
vous l'écrivez plus loin, à la page suivante, à la page 10. Pourquoi
considérez-vous que l'hypothèque légale rendrait une entreprise vulnérable?
C'est l'expression que vous utilisez.
• (12 h 30) •
M. Martin
(Luc) : Bon, l'hypothèque légale — mon collègue en parle aussi — l'hypothèque légale, c'est un lien, hein, c'est un lien sur une propriété, entre
autres, ou des biens de l'entreprise ou de l'individu, donc ça rend
beaucoup plus difficile toute transaction
sur ces immeubles-là. Donc, à ce moment-là, imaginez que c'est pris dans un
cadre de recours qui, finalement, s'avérerait non fondé, O.K.? Donc,
c'est une pression énorme.
Imaginez quelqu'un
qui n'est plus à l'emploi de l'entreprise, qui est à sa retraite aujourd'hui et
qui voit une hypothèque légale sur sa
maison. Et c'est la raison pour laquelle on a fait la deuxième recommandation.
Puis assurez-vous, quand vous prenez
des recours en vertu du projet de loi, que c'est vraiment fondé, parce qu'il y
a des dommages importants. On parlait des dommages, des cautions des banques tantôt, mais, quand je
vois des propriétés des gens qui sont... qu'il y a des restrictions sur
les transactions, c'est un autre dommage aussi. Donc, ça nous préoccupe qu'il
pourrait y avoir des recours qui ne seraient pas fondés, et, à ce moment-là,
bien... Voilà.
Mme
Roy
(Montarville) : Bien, je vais poursuivre dans la
même veine, justement, ces craintes que vous avez sur les recours non
fondés. Je vous amène à la page 11 — et vous en avez fait état
tout à l'heure, mais je reviens — vous nous
dites : «Du simple fait qu'elles soient poursuivies en vertu de cette loi,
un grand nombre d'entreprises devront cesser leurs opérations, faute de
financement ou de [cautions]», et même vous parliez de réputation. Avez-vous
une idée du nombre d'entreprises qui
pourraient être... du simple fait qu'elles soient poursuivies avant même
d'avoir les conclusions de tout le processus? Une idée? Oui, allez-y.
M. Geara (Fouad) : M. le Président, je peux répondre. Chaque entreprise est cautionnée
spécifiquement quand on travaille dans le domaine public, et les
cautions regardent toujours nos biens, ils sont... c'est leur garantie, ils
veulent savoir qu'est-ce qu'on a. Et, si
cette étape est prise, il y a des hypothèques légales prises sur les biens, il
y a les marges de crédit qui sont
arrêtées, il y a les banques qui vont arrêter de financer, et les cautions vont
arrêter de donner des cautions. Alors,
cette entreprise n'aura plus le droit de soumissionner, parce qu'elle a besoin
d'un cautionnement de soumission pour entrer.
Alors,
vraiment, on bloque l'entreprise d'avancer ou faire quoi que ce soit, et on
n'est pas sûrs, à ce moment-là, que
c'est 100 % légitime d'aller prendre ces mesures et imposer... et mettre
ces hypothèques contre la personne qui dirige cette entreprise.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Bien. Vous aviez complété?
M. Geara
(Fouad) : Oui, merci.
Mme Roy
(Montarville) :
Je n'ai pas terminé.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Mais non, mais non, mais non.
Mme Roy
(Montarville) :
Il me reste du temps, M. le Président!
On
va poursuivre dans la même veine, toujours à la page 11, et je trouve que
c'est assez particulier, vous nous parlez
d'un effet pervers du projet de loi n° 26, en bas, à l'avant-dernier
paragraphe, vous parlez de ces entrepreneurs en nous disant : «Un
certain nombre d'entre eux pourrait régler avec le ministre — la
ministre — alors
qu'ils ne sont pas coupables et que le prix à payer pour le démontrer est trop
important.» Donc, ce serait un effet pervers. Pouvez-vous élaborer là-dessus?
Donc, on irait dire : Oui, oui, oui, j'ai fait quelque chose, alors que
c'est faux, on irait jusque-là?
M. Martin
(Luc) : Pas nécessairement de... Excusez. Dans le cadre d'un recours, O.K.?
Donc, on reçoit un recours, il dit :
Bon, bien, tant qu'à... le coût, le prix à payer — parce
qu'on en a fait état tantôt — est tellement important, c'est la survie de mon entreprise, je vais aller
régler pour, bon, 15 % puis voilà, et... Parce qu'on ne peut pas se
permettre... une entreprise ne pourra pas se permettre d'avoir ces recours-là
contre elle et continuer à fonctionner normalement. Ça fait qu'imaginons, là, elle a une défense à faire valoir, oui, elle
va avoir une défense à faire valoir dans quatre ans devant un juge, bon. Mais elle ne peut pas attendre
quatre ans, là. Je fais quoi, moi, là, demain matin, là? Bien, je vais aller
régler puis... comme on le fait dans le marché public.
Les
entrepreneurs, souvent ils se font offrir des offres par des organismes publics
pour finaliser leurs contrats, des montants beaucoup plus bas qu'ils
prétendent qui leur sont dus, mais ils règlent. Ils règlent parce qu'il faut
passer à d'autre chose, on ne veut pas se
retrouver devant les tribunaux à chaque contrat qu'on fait, là. Ça, c'est notre
vécu de tous les jours. C'est pour ça, quand on a vu ce projet de loi
là, on s'est dit : Wo! Attention, là! On va devoir régler pour...
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : M. Lussier, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Lussier (Benoit) : Oui, rapidement, en complément d'information, si je peux me permettre
de répondre à votre question :
Quel est le nombre d'entreprises, potentiellement, qui seraient affectées? La
réponse, c'est : Potentiellement, toute la gang, et tout arrête,
là.
Alors, je pense que
mon collègue l'a bien expliqué tantôt, puis ça vient renchérir ce que
M. Martin disait, c'est que moi, comme
entrepreneur, j'ai une poursuite contre moi, potentiellement que j'ai fait une
fraude, alors là ça fait le tour de
mon milieu, on me bloque mon accès à soumissionner. Là, tout arrête. Alors, je
fais quoi? Est-ce que je vais acheter la paix avec le gouvernement? En
tout cas, j'y pense — c'est
pour ça qu'on dit... on parle d'un effet pervers — j'y pense. Je vais-tu acheter la paix au gouvernement puis après ça je continue ou, pendant trois ans,
je mets tout ça sur la tablette... Ça fait
25 ans que je travaille dans mon entreprise, mais je mets tout ça sur la
tablette, là, puis je me défendrai dans trois ans, parce que
je le sais que je n'ai rien fait de mal. Alors là, la question va se poser.
C'est très important, là, de... On insiste là-dessus, le fait d'accuser
un entrepreneur pour fraude, là, c'est... Je vous dis, tout arrête. C'est comme
ça.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Mme la députée, deux minutes.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci. Parfait, on va poursuivre. Vous en avez peu parlé, mais
j'aimerais vous entendre là-dessus, sur cette présomption de 15 %
d'équivalent de la fraude, du montant du contrat initial. Vous en pensez
quoi, du 15 %? On entend toutes sortes de chiffres qui ont circulé. Selon
vous, c'est raisonnable, c'est insuffisant, c'est trop élevé?
M. Lussier
(Benoit) : Bien, dans le
fond, tantôt on assistait, puis on se posait la question, nous aussi, puis
moi, je me posais, personnellement, là, la
question : Où est-ce que vous avez pris le 15 %? Alors, c'est un
chiffre, c'est 15 %. C'est-u 30 %? C'est-u 10 %? C'est-u
5 %? On n'en a pas nécessairement la moindre idée. On ne parle pas juste
de la construction là-dedans, on parle de
tout le monde. Je serais très embêté de vous répondre ce qu'on en pense par
rapport à ce 15 % là. Moi, j'ai entendu
les mêmes choses que vous, probablement, j'écoutais mon feuilleton à toutes les
journées avant de me coucher le soir puis j'entendais des choses. Puis
là les... Là, je n'en revenais pas puis j'ai dit : Ah oui! Ah oui! Mais là c'est des choses qui sont dites sur la
base de... Bon. Mais on ne sait pas trop quoi en penser, du 15 %,
honnêtement.
Mme Roy
(Montarville) :
Et vous nous apprenez quelque chose d'intéressant, qu'on a peut-être entendu, d'ailleurs, dans le feuilleton, comme vous dites, mais vous le reprenez ici :
«À titre d'exemple, dans le bâtiment...» À la page 5 : «À
titre d'exemple, dans le bâtiment, où la sous-traitance et les fournitures
comptent pour plus de 80 % des montants
impliqués. Notre connaissance du terrain est à l'effet que c'est davantage là
où les manoeuvres dolosives sont les plus
importantes.» Alors, pour vous, pour les entrepreneurs, c'est vraiment au
niveau des fournitures que ça se passe?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
30 secondes, s'il vous plaît.
M. Martin
(Luc) : Oui. Ce que nous
observons dans notre milieu à nous, où, bon, les... Il y a beaucoup d'argent, hein, on le sait, les montants sont importants, donc ce qu'on voit
souvent, ce sont des fournisseurs qui vont faire spécifier leurs produits, et puis là, bien, on les retrouve
dans les devis sans aucune, aucune équivalence possible. Donc, on vient
de comprendre qu'on vient d'octroyer un
marché public à ces gens-là sans aucune concurrence du simple fait qu'il y a eu une accointance avec la
personne qui a rédigé le devis. Ça fait qu'on appelait ça de la collusion, O.K.?
Bon.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie. Ça complète, malheureusement, ce bloc avec
la deuxième opposition. Il reste quelques minutes, et c'est le député
d'Ungava qui a la parole.
M. Boucher : Alors, bonjour à tous.
Je vais revenir plus spécifiquement... Vous parliez tantôt des problèmes
possibles avec les transferts d'entreprises, relativement... et, bon, la
prescription de 20 ans. Quelqu'un prend la relève paternelle ou
maternelle — je
ne veux pas faire de sexisme ce matin — ou achète, là, son concurrent
pour une raison x, achète l'entreprise
du beau-frère parce que, bon, ça a l'air prometteur, puis il se retrouve dans
une situation où, bon, il hérite des fois de choses moins plaisantes.
Vous disiez... Bon, son acquéreur dit : Bien, regarde, dans trois, quatre contrats, là, il y a eu ça, ça, ça, j'ai
réglé ça. Vous ne pensez pas que, bon, c'est le rôle de l'acheteur,
justement, de... Personnellement, moi, je
serais un acheteur puis je verrais des choses comme ça, j'aurais
10 lumières rouges clignotantes qui
allumeraient, là, puis... Tu sais, quand on achète une entreprise, on n'achète
pas juste des véhicules, des bâtisses puis de l'équipement, on achète tout. On achète les souliers, puis, si les
souliers ne sont pas confortables, bien, on est pris avec. Ce ne serait pas, tu sais... Puis vous disiez,
bon : Possibilité de s'asseoir avec les autorités puis dire : Bien,
voici, là, il y a ces contrats-là qui n'étaient pas corrects. Il y en
a-tu d'autres? Ce n'est pas comme de pelleter dans la cour du voisin
l'obligation de vérification diligente à faire avant même d'acheter une entreprise.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
M. Geara.
• (12 h 40) •
M. Geara (Fouad) : Si je peux. Moi,
j'ai vécu ça. Ça fait 10 ans que je suis avec une entreprise que je l'ai rachetée. C'est vrai qu'on passe à travers beaucoup
de documents. D'ailleurs, on vit dans la compagnie. On a travaillé,
on a exécuté, on a négocié des contrats, on
a vu des choses, mais on ne peut pas tout voir. Et, quand on vient pour
dire : Bien, on va retourner
20 ans en arrière, même si on pose les questions aux personnes qui
sont concernées, premièrement il n'y
a pas d'écrit, très difficile de les
trouver, très difficile de minuter tout dans une compagnie, on le sait, parce
qu'il y a beaucoup de choses qui se passent verbalement, et c'est des ententes
qui se font avec une serrée de mains.
Mais par la
suite de dire : On va aller vérifier,
si on a des doutes, de laisser tomber tout, mais qu'est-ce qu'on fait? On ferme l'ancienne ou on commence une nouvelle
entreprise, parce qu'on a eu des petits doutes? Il y a la réputation de
la compagnie, l'expérience qu'elle a exécutée. Alors, vraiment, c'est aller
très loin et aller chercher des éléments que, même si on le veut et on le
demande, on n'aura jamais la réponse, et ce n'est pas évident.
M. Boucher : Bon, je comprends votre
point de vue, mais, de l'autre côté du spectre, il y avait ce que la ministre disait plus tôt, quelqu'un qui va feindre
l'ignorance ou se voiler les yeux pour dire : Ah! non, non, je ne
savais pas que mon père faisait ça. Écoutez,
ça roulait, là, mais je n'étais pas au courant, puis on efface tout, puis on
recommence comme... C'est quoi? Comment vous voyez la juste balance entre aller
chercher un petit lapin douteux voilà 20 ans en arrière et puis se voiler
les yeux, faire semblant que tout est beau, tout est rose, puis je ne savais
rien, là?
M. Lussier
(Benoit) : Bien,
honnêtement, je pense que c'est un grand défi. On n'a pas nécessairement la
réponse, mais il faut trouver la bonne façon
de faire pour que le fameux programme volontaire fonctionne, puis, pour ça, il
faut que les entrepreneurs se pointent. Mais essentiellement, malheureusement,
on n'a pas la solution miracle.
M.
Boucher : Si j'ai encore un petit peu de temps, M. le Président...
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Vous en avez encore un peu, de temps.
M. Boucher :
Bon. Vous disiez... Dans votre allocution, à un moment donné, vous allez poser
une série de questions, bon. Puis quelles
seraient, selon vous, les conditions gagnantes ou les conditions favorables
pour dire : Moi, entrepreneur,
je le sais que j'ai fait des affaires, là, que c'était borderline ou vraiment
pas correct, qu'est-ce qui pourrait me motiver,
là, à aller régler mes comptes, puis laver mon linge, là, une fois pour toutes,
puis repartir sur un nouveau pied?
M. Lussier
(Benoit) : Je peux vous répondre. Écoutez, je n'ai pas vécu ça, puis
j'en suis bien fier, mais je ne veux pas me
transposer non plus à la place de quelqu'un qui aurait ça à prendre comme
décision. Je peux tout de même penser
que les conditions idéales vont faire en sorte qu'il faut que je ressorte de là
puis que j'aie la tête claire, dans la mesure où, oui, j'aurai probablement sorti mes squelettes, mais il faut que je
sorte de là en me disant : On passe vraiment à autre chose, puis ne pas avoir le spectre de me
dire : Mais là, au cas où qu'eux autres ont mal compris puis qu'ils
reviennent contre moi ou, tu sais, il y a...
Je ne sais pas comment l'expliquer en d'autres mots, mais il faut essayer que
ça soit clair dans la tête des gens
qui vont se présenter devant vous éventuellement que, quand ils vont ressortir
de là, là... Regarde, j'ai pris des mauvaises décisions, là, mais là
c'est fini, là. J'ai payé ce que j'avais à payer, à cette heure on se relève
les manches puis on continue. Mais, je l'accorde, ce n'est pas évident.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Alors, madame... Est-ce qu'il y a quelqu'un du côté
gouvernemental? Mme la ministre, il reste 1 min 30 s.
Mme Vallée :
Oui. Bien, en fait, il y a peut-être lieu de voir. Par exemple, advenant le
cas... Parce qu'il peut y arriver, effectivement, que, lors du programme de
remboursement volontaire, malgré toute la bonne foi, il y ait des oublis. Mais parfois l'oubli peut être petit, si
on compare à l'ensemble du règlement, mais l'oubli peut aussi être gros.
Alors, est-ce que, pour vous... Est-ce que,
par exemple, la mise en place d'un seuil pourrait peut-être venir pallier à
cette nouvelle problématique là? C'est-à-dire que, si l'oubli était majeur...
je dis l'oubli... ou le nouveau dossier... la non-divulgation porte sur un dossier d'ordre important proportionnellement
au règlement, à ce moment-là ça peut avoir un impact différent que si, par exemple, on règle pour 1 million puis
on parle d'un contrat de 5 000 $, 6 000 $. Ce n'est
pas la même chose. Mais, si on règle pour
100 000 $, mais l'oubli est de 1 million, on ne parle pas de la
même chose. C'est un autre élément aussi qui devrait, à mon avis, être
pris... Vous formulez des suggestions, des observations, mais il faut aussi
penser à différents scénarios.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie, Mme la ministre. C'est tout le
temps dont nous disposions. Je vous remercie de vous être déplacés pour
nous faire part de vos observations.
Sur ce, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 46)
(Reprise à 14 h 1)
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Prenez place, s'il vous plaît! La Commission des institutions va reprendre ses travaux. Nous poursuivons
les consultations et auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de
loi n° 26.
Nous accueillons, cet
après-midi... Avant de reprendre, je m'assurerais que tout le monde... les
appareils électroniques susceptibles de nous troubler sont en mode silencieux.
Nous
recevons, cet après-midi, avec plaisir, les représentants de l'Association
des constructeurs de routes et grands travaux
du Québec. Je vais vous céder la parole pour votre
présentation d'une durée de 10 minutes. Dans un premier temps, je vais vous demander de vous présenter, pour le
bénéfice des parlementaires et ceux qui nous écoutent. À vous la
parole.
Association des constructeurs de routes et
grands travaux du Québec (ACRGTQ)
Mme Bourque (Gisèle) : D'entrée de jeu, nous vous remercions de l'opportunité qui nous est offerte aujourd'hui
de vous exprimer le point de vue de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec à
l'égard du projet de loi n° 26.
Je
me présente. Mon nom est Me Gisèle Bourque, directrice générale de l'ACRGTQ. Je
suis accompagnée, à ma gauche, de Me Émilie Truchon et, à ma droite, de
Me Denis Houle, tous les deux avocats, bien sûr, à l'association.
Nous
nous permettons de vous rappeler que l'ACRGTQ, incorporée en 1944, représente
les principaux entrepreneurs qui réalisent des travaux de construction
de génie civil et voirie au Québec. Elle regroupe également l'ensemble des
employeurs du secteur génie civil et voirie en vertu de la loi R-20. À ce
titre, elle représente près de 3 000 entreprises
actives au sein de l'industrie de la construction de routes, d'ouvrages de
génie civil et de grands travaux, lesquelles emploient près de
41 000 salariés ayant travaillé 32,3 millions d'heures en 2013.
Depuis plusieurs années,
l'ACRGTQ a agi sur plusieurs fronts en matière d'intégrité et de lutte contre
la corruption. Elle a notamment obtenu le statut de participante à la Commission
d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de
la construction, la commission Charbonneau.
Ses interventions visent à ce que des mesures
efficaces et efficientes soient adoptées afin de sanctionner les délinquants sans pénaliser injustement les
entrepreneurs intègres, qui représentent la forte majorité de notre industrie.
Ce faisant, l'ACRGTQ accueille favorablement
les principes généraux du projet de loi n° 26. Néanmoins, elle désire
apporter certains commentaires, recommandations et réserves à ce sujet.
L'industrie de la construction n'est plus la
même depuis les travaux de la commission Charbonneau et les allégations de corruption concernant certaines
entreprises. En effet, un climat de méfiance et de suspicion s'est
installé au sein des relations entre donneurs d'ouvrage, ingénieurs-conseils et
entrepreneurs. Cette situation a été causée par le comportement répréhensible
de quelques entreprises et individus délinquants, lesquels se doivent de payer
pour les dommages qu'ils peuvent avoir causés au trésor public et à toute
l'industrie de la construction.
L'ACRGTQ
accueille donc favorablement la création d'un programme de remboursement
volontaire, la révision du régime des
autorisations de l'Autorité des marchés financiers prévu à la Loi sur les
contrats des organismes publics en vertu de la Loi sur l'intégrité en
matière de contrats publics, la loi n° 1, et le pouvoir octroyé au
ministre d'intenter une action et de
transiger sur des sommes qu'il réclame. Ces mesures contribueront à
l'efficacité de la lutte contre la corruption et elles rendront
l'application de la Loi sur les contrats des organismes publics plus
pragmatique et équitable.
Puisqu'il y a
lieu de réviser la loi n° 1, nous recommandons qu'il n'existe plus de
motif obligeant l'AMF à refuser automatiquement une autorisation de
réaliser des contrats publics. L'appréciation de ces situations devrait être entièrement confiée au pouvoir discrétionnaire de
l'AMF. De plus, ce pouvoir discrétionnaire devrait être mieux encadré et
se limiter à l'évaluation des critères
prévus à l'article 21.28 qui regrouperait toutes les situations que
prévoit l'article 21.26 au sujet du refus automatique.
Par ailleurs,
l'esprit de la loi n° 1 étant de favoriser la confiance du public à
l'égard des contrats publics, l'ACRGTQ recommande
que l'AMF ait le devoir de rendre publics les motifs des décisions qu'elle rend
en la matière sans toutefois révéler ses dossiers d'enquête et les
informations confidentielles qu'elle détient à l'égard des entreprises
concernées.
Puisque le
projet de loi prévoit des mesures exceptionnelles dérogeant au cadre juridique
actuel, l'ACRGTQ est d'avis qu'il est
primordial qu'un contrôle des recours qui seront entrepris en vertu de cette
loi soit exercé par la ministre de la Justice. De tels recours ne devraient
être autorisés que si les faits avérés le justifient suivant une analyse
des critères objectifs prédéterminés. Il faut absolument éliminer toute forme
d'arbitraire, qui n'a pas sa place dans notre système juridique actuel.
Également,
dans un souci de transparence et d'indépendance, considérant le mandat qui a
été confié au Commissaire à la lutte
contre la corruption et à l'UPAC en vertu de la Loi concernant la lutte à la
corruption, l'ACRGTQ recommande que le gouvernement octroie au
commissaire le pouvoir de recommander au ministre de la Justice les recours qui
doivent être intentés. En effet, le rôle
central joué par l'UPAC dans la lutte contre la corruption devrait lui
permettre de recommander que des poursuites soient entreprises sur la
foi de motifs raisonnables de croire qu'il y a eu fraude.
L'ACRGTQ
souhaite également soulever quelques questions et réserves relativement aux
nouvelles règles que le gouvernement souhaite faire adopter afin
d'encadrer les éventuelles poursuites en recouvrement. Prenons d'abord les présomptions qui sont proposées à l'égard du
préjudice. La première dispensera de prouver l'existence du préjudice,
lequel sera présumé une fois la faute prouvée. La deuxième dispensera de
prouver la valeur du préjudice. L'ACRGTQ se questionne
sur les raisons qui motivent l'adoption de ces règles et souhaite que le
gouvernement motive cette nécessité de bouleverser
de la sorte les règles de responsabilité actuelles prévues au Code civil du
Québec. L'ACRGTQ ne voit pas à l'heure actuelle d'obstacle à la preuve
de préjudice qui doit être faite lorsque la fraude ou les manoeuvres dolosives sont prouvées. Par ailleurs, elle en comprend
qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une présomption de faute dont la
preuve demeure à la charge du poursuivant selon la prépondérance des
probabilités.
L'ACRGTQ s'inquiète également de l'utilisation
qui peut être faite des nombreuses allégations qui ont été entendues à la
commission Charbonneau, pour lesquelles les témoins ne bénéficient que d'une
immunité relative en vertu de la Loi sur les
commissions d'enquête. Ces témoignages entendus à la commission Charbonneau ne
devraient pas être utilisés afin de
prouver la fraude ou les manoeuvres dolosives. Il sera important de considérer
l'opinion du Barreau du Québec à ce
sujet. Plutôt que de changer les règles, le gouvernement devrait envisager le
recours à des mécanismes afin de faciliter la communication de la preuve
amassée au fil des enquêtes et afin de permettre qu'elle soit adéquatement
utilisée dans le cadre des poursuites en l'espèce.
Quant à la
détermination du quantum, l'ACRGTQ désire mentionner qu'il ne suffit pas
d'imposer arbitrairement une pénalité sous forme de pourcentage de la
valeur du contrat. Un minutieux exercice d'évaluation des dommages doit être fait, lequel relève davantage de la
juricomptabilité. L'ACRGTQ recommande que le gouvernement mandate des
experts, ou encore le Vérificateur général, afin qu'ils déterminent les
différents critères d'évaluation des dommages. Le tout devrait par la suite
être rendu public avant l'institution des procédures judiciaires.
Aussi, en ce qui concerne la présomption de
responsabilité à l'égard des dirigeants et administrateurs d'une entreprise, l'ACRGTQ est d'avis que leur
responsabilité ne devrait être engagée que dans le cas où il est prouvé
qu'ils ont participé à la fraude ou en ont tiré un profit personnel.
Également, l'ACRGTQ
se questionne sur les raisons d'être de la règle qui oblige le tribunal qui condamne
une entreprise en vertu de cette loi à
ajouter au montant de la condamnation l'équivalent de 20 % de cette somme
à titre de frais engagés en
application de cette loi, laquelle, nous insistons, déroge aux règles de droit
commun. Cette règle semble octroyer des honoraires et débours
extrajudiciaires, lesquels ne sont accordés que lorsqu'il y a abus du droit
d'ester en justice ou abus de procédure. La
preuve d'une telle condamnation est d'ailleurs laissée à l'appréciation du
tribunal. Nous nous questionnons sur la raison de lier sa
décision à cet égard. L'ACRGTQ est d'avis que le gouvernement doit laisser au tribunal le pouvoir
discrétionnaire d'apprécier la preuve et de déterminer la sanction à imposer
tel que le prévoit le Code de
procédure civile actuel aux articles 54.1 à 54.6 ainsi que le nouveau Code
de procédure qui entrera en vigueur, les articles 51 à 56.
Enfin, nous désirons
vous rappeler nos principales préoccupations relativement au projet de loi
n° 26. Cette loi ne devrait pas être utilisée pour entreprendre des
poursuites tous azimuts contre une multitude d'entreprises de construction sur
la seule base d'allégations qu'il y aurait eu de la fraude. Le gouvernement ne
devrait pas utiliser des règles spéciales
pour renverser le fardeau de la preuve sur toutes les entreprises et individus
en mettant à leur charge la responsabilité de se disculper.
Rappelons que notre
système juridique actuel est fondé sur le principe que celui qui veut faire
valoir un droit doit prouver les faits qui
soutiennent sa prétention, l'article 28.03 du Code civil du Québec.
L'ACRGTQ est favorable à des poursuites
ciblées contre les entreprises ayant commis des fraudes ou des manoeuvres
dolosives. Elle demeure toutefois contre la généralisation du processus qui pourrait pénaliser injustement les
entreprises honnêtes et intègres et paralyser l'industrie.
En
conclusion, l'ACRGTQ souhaite que les parlementaires considèrent les recommandations et préoccupations de
l'ACRGTQ sur ce projet de loi et est d'avis que celui-ci contribuera de façon
positive et efficace à la lutte contre la corruption au Québec. Nous vous
remercions de votre attention.
• (14 h 10) •
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Alors, je vous remercie pour cette présentation. Nous
allons maintenant débuter la période d'échange avec les parlementaires. Et, Mme
la ministre de la Justice, vous avez un premier bloc d'une quinzaine de
minutes.
Mme
Vallée : Merci. Alors,
merci beaucoup, bienvenue en commission parlementaire. Merci
pour vos observations.
Mon
premier réflexe... Parce
qu'évidemment, ce matin, on a entendu un certain nombre de groupes,
notamment l'ACQ, qui étaient en accord avec
un certain nombre de dispositions. Je vous entends, et vous dites : On ne
croit pas ou... Selon, là, ce que j'ai
pu entendre, vous avez une réticence face à la mise en place de mesures
exceptionnelles, mesures exceptionnelles
quant à la présomption de dommage, mesures exceptionnelles quant à la
prescription. Et vous comprendrez que... Évidemment, ce sont des mesures
exceptionnelles, on déroge aux règles de droit commun pour des raisons exceptionnelles. Et je me demande pourquoi...
Parce qu'une entreprise qui n'a pas de... qui n'a pas commis... qui n'a
pas posé d'acte frauduleux, qui n'a pas posé
de manoeuvre dolosive n'a pas à se préoccuper, n'a pas à craindre d'un tel
projet de loi. Alors, je me demande d'où provient cette réticence, puisque
d'autres organismes qui représentent des entreprises, qui représentent des
groupes qui ont eu des échanges, qui ont contracté avec les organismes publics
nous ont dit qu'un projet de loi avait... un projet de loi et ses... certaines
dispositions avaient leur raison d'être.
Alors,
j'aimerais vous entendre davantage. Parce qu'on pourrait être portés à croire
que, si on n'a rien à se reprocher en tant qu'entreprise, on ne sera pas
touché par les dispositions du projet de loi.
Mme Bourque
(Gisèle) : Bien, justement, nous, du fait que ça déroge les règles de
droit commun habituel, on craint, bien sûr, qu'il y ait des abus, qu'il y ait
des abus et qu'il y ait des poursuites qui soient intentées contre des entreprises qui n'ont pas créé de manoeuvres
dolosives, n'ont pas fait de fraude, mais que, de par la preuve qui est
présentée, même si... Elle pourrait être
incomplète, la preuve, et il y a quand même des recours intentés contre ces
entreprises-là. Alors, ça pourrait causer des dommages. Et c'est ces
abus-là qu'on voudrait réprimer.
Alors, on pense
qu'en, justement, dérogeant aux principes de droit civil établis il y ait des
risques, bien sûr, qu'il y ait des dossiers
qui soient, à toutes fins pratiques, échappés. C'est pour ça qu'on recommande
que l'UPAC, dans le fond, transmette les dossiers à la ministre de la
Justice. Ça serait beaucoup plus hermétique et beaucoup plus complet comme
dossier, à notre avis.
Mme
Vallée : Mais, de toute façon, une procédure qui serait non
fondée, qui serait frivole, qui n'aurait pas de base, d'assise juridique
pourra toujours faire l'objet d'une requête préliminaire et pourra toujours...
Le bien-fondé de la procédure du fond pourra être tranché par le tribunal.
Mme Bourque (Gisèle) : Ça comporte quand même des risques. Vous savez,
la commission Charbonneau a causé énormément
de dommages, a éclaboussé, parfois à juste titre, c'est correct, c'est bien
fondé, parfois de façon erronée, a causé beaucoup de préjudices et de
dommages collatéraux à des entreprises sans que ce soit fondé. Alors, même si
le dossier ne va pas plus loin, il y a, encore là, des risques, bien sûr,
d'éclaboussures.
Alors,
c'est ce qu'on veut éviter. On veut vraiment que ces actions-là, qu'elles
soient intentées par les organismes... on
aime moins que ça soit intenté par différents organismes, mais par le ministère
de la Justice. On veut que ce soit bien hermétique et que ce soit bien
certain qu'il y a des motifs fondés, des motifs sérieux de croire que cette
personne-là ou cette entreprise a commis des actes répréhensibles.
Mme Vallée :
Donc, si je comprends bien, ce n'est pas tant la prescription, ce n'est pas tant
la présomption de dommage en soi, c'est
plutôt d'avoir l'assurance que ce ne sera pas un bar ouvert, qu'il y aura une
certaine forme de contrôle et qu'il n'y aura pas de poursuite prise de
façon aléatoire contre des entreprises qui pourraient... du seul fait d'avoir
contracté avec un organisme public, seraient à risque d'une poursuite.
Mme Bourque (Gisèle) :
Effectivement.
Mme Vallée :
D'accord. J'aimerais vous entendre sur le programme de remboursement
volontaire, à savoir qu'est-ce qui pourrait...
qu'est-ce qui pourrait, justement... Parce que le programme de remboursement
volontaire peut permettre à une
entreprise d'éviter les poursuites. L'entreprise qui souhaite sa réhabilitation
commerciale pourra se prévaloir des
dispositions et, dans ce cas-là, éviter toute la question des procédures.
Alors, j'aimerais vous entendre sur la question.
Mme Bourque (Gisèle) : Alors, je
vais laisser la parole à Me Denis Houle.
M. Houle
(Denis) : Nous sommes
d'accord avec cette proposition-là, la proposition de la loi, parce que,
finalement, ça a déjà même été vécu par des
firmes de génie civil qui ont réglé avec le ministère du Revenu, et ça leur a
permis, en délaissant leurs
administrateurs fautifs, et frauduleux, et collusionnaires, d'avoir leurs
certificats de l'Autorité des
marchés financiers. Donc, la démarche est
utile. Jusqu'à quel point elle sera utilisée? Bien là, c'est un autre point qui
est difficile à imaginer immédiatement.
Je présume que... Je regarde les compagnies, je
représentais l'association devant la commission Charbonneau pendant deux ans et demi, alors on est intervenus
très souvent, parce que c'est notre association qui est la seule
vraiment touchée par tous les contrats publics qui se donnent par Hydro-Québec,
par le ministère des Transports, par les municipalités,
les grandes municipalités comme Montréal, qui est venue devant vous ce matin,
et j'ai contre-interrogé de très
nombreux ingénieurs des cinq firmes qui étaient impliquées particulièrement
dans la collusion et dans la corruption à Montréal. Ces cinq dirigeants, administrateurs ou présidents, ont tous
démissionné. Toutes les firmes d'ingénieurs majeures ont essayé de
régler avec le ministère du Revenu.
À partir du moment où vous réglez avec le
ministère du Revenu, c'était déjà un élément favorable pour le certificat de l'Autorité des marchés financiers.
Si ça n'avait pas été fait, bien, ça aurait fait comme la deuxième
solution, donc des poursuites de votre ministère, madame, à l'époque, hein? Et
je m'attendais, moi, à ce que les compagnies réagissent
de cette façon-là, au lieu d'avoir, mettons, la méthode d'une grande
contestation du groupe Accurso, hein? Je m'attendais à ce que certains
entrepreneurs, qui ont été cités chez nous... mais ce sont loin d'être nos
entrepreneurs principaux. C'est ceux qui
oeuvrent dans la région de Montréal. Vous avez tous entendu dire : C'était
plus dans le domaine des trottoirs,
et tout ça, hein, égouts, aqueducs. Alors, ces entreprises-là n'existent, pour
ainsi dire, plus. Alors, à la suite de
ce qui a été prouvé, d'une certaine façon, même si ce n'est pas une preuve très
légale, des fois, ce qui se passait à la commission Charbonneau, ces entreprises-là ont toutes fermé... presque
toutes. On voit que le groupe Accurso est passé à Hexagone, qui vient d'être vendue à un autre
membre important chez nous. Et c'est déjà un élément qui favorise, si on
veut, la correction de ce qui se passait à Montréal, la collusion puis la
corruption, de même que la création de l'enquêteur principal, l'ancien
procureur de la commission, Denis Gallant.
Alors, moi,
j'estime que, si les entrepreneurs risquent de perdre leurs certificats
d'autorisation parce qu'ils sont en conflit pour... Ça va loin, là, ça
va jusqu'à il y a 20 ans, votre projet de loi, alors ça peut être complètement
des autres administrateurs de la même compagnie qui sont là et qui risquent,
finalement, de perdre l'autorisation et les mandats, les contrats dans des
régions particulièrement... On est d'accord, tous, que la commission
Charbonneau a mis le doigt davantage sur ce
qui se passait à Montréal, Laval, couronne nord. Ils ont essayé, au ministère
des Transports, de faire des liens
avec de la collusion et de la corruption. Il y a un seul fonctionnaire sur je
ne sais pas combien de milliers, 8 000, 9 000, 10 000, qui a été corrompu, tandis qu'à
Montréal c'étaient les fonctionnaires qui participaient au régime de la
collusion. Ces fonctionnaires-là, ils sont tous poursuivis actuellement.
Alors, je
crois, moi, que, si une compagnie, mettons, était touchée par un événement d'il
y a 15, 20 ans, alors que la commission Charbonneau allait jusqu'en
1996, donc ne reculait que sur 15 ans, et que les administrateurs actuels,
les propriétaires actuels ne sont pas
concernés par la situation pour laquelle il y aurait eu fraude, d'après moi,
ils vont essayer de régler, là, pour
ne pas perdre leur certificat d'autorisation, qui leur permet d'agir d'une
façon honnête maintenant. Alors, je pense, moi, que c'est une belle
ouverture d'esprit, puis, comme je vous dis, ça a déjà été utilisé sans que le
processus ait été mis légalement en place par le ministère du Revenu. Alors, on
est favorables.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la ministre, cinq minutes de plus.
Mme Vallée : Quels sont les
incitatifs les plus importants pour le programme de remboursement volontaire?
Il y a la réhabilitation commerciale, évidemment, et...
• (14 h 20) •
M. Houle
(Denis) : Oui. Et en plus la possibilité de soumettre des soumissions et de contracter, O.K.?
Et, quand on parle de Montréal,
là, il faut retenir qu'à Montréal l'AMF surveille les
contrats à partir de 100 000 $.
Alors, je vous dis que les
compagnies, maintenant, ils jouent les coudes serrés. Alors, quand on vous
disait ce matin que, depuis 2009, 2010, c'est corrigé, ce n'est pas à
cause de la commission Charbonneau, c'est à cause de l'équipe Marteau et de
l'UPAC. C'est vraiment ces deux
organisations-là qui ont mis le doigt sur la collusion puis la corruption à
l'aide de documents visuels, une fois qu'ils ont été présentés à la
commission, qui venaient de la GRC qui ne voulait pas collaborer, au début,
avec la commission Charbonneau. Alors, moi,
je pense que, le risque de collusion et de corruption... bien qu'on lit encore
que ça existe à Montréal, moi, je pense
qu'avec Denis Gallant, là, qui surveille ça, qui est un excellent procureur, à
mon avis, là, il n'y en aura pas beaucoup.
Mme Vallée : Sur la
présomption de dommage qui est prévue à la loi, on a fixé... on a établi la
présomption de dommage à 15 % du montant du contrat. Ce matin, la ville de
Montréal, notamment, nous incitait à bonifier cette présomption de dommage.
M. Houle (Denis) :
...à 20 %.
Mme Vallée :
Quelle est votre opinion du montant qui est établi à 15 %, et puis
qu'est-ce que vous pensez des suggestions qui ont été présentées?
M. Houle (Denis) : La ville de
Montréal, je vous disais, bon, bien, il y a eu de la fraude, suivant la preuve qui a été entendue à la commission Charbonneau, de
l'ordre de 25 % à 30 %. En 2010, l'UPAC et Marteau tassent, en
fait, les collusionnaires, et il y aurait eu
un rabais, si on veut, contractuel de l'ordre de 25 % à 30 %, d'où la
représentation du maire de Montréal ce
matin, de dire : Bien, s'ils nous ont fraudés de 25 %, pourquoi ils
ne paieraient pas 20 % comme dommage? C'est le dommage minimum,
hein?
Quant à nous,
on représente des entrepreneurs, ceux qui peuvent se faire coincer dans une
situation comme celle que je décrivais tantôt. Alors, une compagnie qui
se voit poursuivie 15, 20 ans plus tard, alors que ce ne sont plus du tout les mêmes personnes qui sont responsables de
la compagnie, un achat de transfert d'actions, puis tout ça, et... On se
met à la place des entrepreneurs qu'on représente,
15 %, c'est beaucoup. Si vous allez dans le temps, si vous allez à
20 ans, je ne le sais pas, là, je n'ai
pas regardé les tables d'intérêt, mais on a eu des taux d'intérêt faramineux à
un moment donné. Mais ce serait
peut-être le taux légal, j'imagine, là qui s'applique? Bien, mettez ça sur
20 ans, une réclamation de 100 000 $ qui vaut...
peut-être maintenant ce serait un contrat de 1 million ou 2, mettez des
intérêts à travers tout ça, ça fait une condamnation très importante pour des
personnes qui ne seraient pas responsables.
Alors, moi,
je pense que c'est pour ça qu'on est, je dirais, prudents sur une loi
exceptionnelle comme celle que vous êtes
en train de discuter, qui... À mon avis, c'est exactement ce que ça prend, sauf
qu'est-ce qu'il faut aller, dans la loi exceptionnelle, jusqu'à apporter
des principes différents de notre Code civil, que vous connaissez très bien,
madame, puisque vous êtes avocate? Est-ce
que ça nécessite, par exemple, d'avoir ce système de double présomption de
l'article 10? C'est là-dessus qu'on discute. On n'est pas certains en fait
qu'il faille faire exception, par votre loi, aux principes de base du Code civil, qui sont en vigueur depuis
1860... du Code de procédure civile. Toute la preuve est bien couverte
dans le Code de procédure civile qui va être
renouvelé prochainement. Le Code civil a toutes ces règles également, alors
pourquoi renverser le fardeau de preuve?
Je reprends
encore le même exemple, Mme la ministre. Pensez-vous que — et vous poursuivez une compagnie pour des événements de 15, 20 ans — les nouveaux administrateurs, les nouveaux
propriétaires vont être en mesure de se défendre puis de renverser une présomption? C'est là qu'on trouve ça
lourd. Est-ce que vous ne pourriez pas... Au lieu d'obliger, en fait, une présomption, est-ce que
vous ne pourriez pas laisser une latitude aux tribunaux qui seront
saisis de ces dossiers-là?
La même chose pour le 20 %, sur lequel vous
allez probablement me poser des questions tantôt. Alors, on se dit : Soit que vous acceptiez notre position,
qui est ferme, évidemment, en disant : Le 15 %, même s'il est accepté
par d'autres comme... La ville n'est pas... la ville de Montréal va profiter,
va bénéficier de votre loi, tandis que, moi, les entrepreneurs dans les exemples qu'on donne, ils vont payer, hein? Puis
ajoutez le 15 % minimum et le 20 % après sur une situation qui remonte à cinq, 10, 15,
20 ans... On est d'accord qu'ils soient punis, ces entrepreneurs-là. On ne
veut pas les protéger, mais on se dit : Il faut quand même qu'ils aient un
traitement équitable. C'est un peu la position qu'on essaie de vous suggérer.
Mme Vallée : Mais est-ce
que ce n'est pas là justement
un incitatif pour l'entreprise de se prévaloir du programme de
remboursement volontaire plutôt que de laisser le temps s'écouler et de savoir
qu'elle pourrait éventuellement faire
l'objet d'une poursuite et être tenue de rembourser les sommes auxquelles vous
faites référence? Est-ce que le fait d'avoir
ces éléments-là en place ne permettra pas aux entreprises qui sont conscientes qu'il a
pu y avoir des gestes posés de dire :
Bien, on va aller s'asseoir... on va s'asseoir avec l'organisme public, on va s'asseoir avec le
responsable, le gestionnaire du programme de remboursement volontaire,
on va mettre cartes sur table et on va s'entendre, parce que, si on ne le fait
pas, ça risque de nous coûter pas mal cher au bout du compte? Parce que, là, à
tout ça s'ajoutent les honoraires évidemment, les avocats qui seront engagés
par les entreprises et...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Ça
complétait le bloc d'intervention.
Mme Vallée : Oui, d'accord.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
On a même dépassé un peu.
Mme Vallée : On va revenir.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vais devoir vous couper du
temps du prochain bloc. Je me tourne vers l'opposition officielle. M. le
député du Lac-Saint-Jean, pour votre bloc.
M.
Cloutier : Oui, merci, M. le Président. Alors, je veux
poursuivre sur la coordination des poursuites. Vous faites référence
dans votre mémoire : Peut-être qu'on devrait... je n'ose pas dire
«dépolitiser», mais vous le laissez presque entendre
dans votre mémoire, vous souhaitez créer une distance, je vais le dire comme
ça, entre le procureur et la décision des poursuites qui seront
éventuellement prises. Je comprends que ce que vous essayez de faire, c'est de
vous assurer que les critères qui sont à
l'origine de la prise de décision d'aller de l'avant soient des critères qui
soient solides, efficaces, etc. Mais, dans votre esprit à vous, je suis juste
curieux de savoir comment tout ça pourrait fonctionner. Est-ce que vous
voyez une nouvelle équipe en place, judiciaire, qui prendrait la mesure, qui
informerait ensuite la procureure?
Puis
j'aime... Peut-être creuser aussi sur vos inquiétudes. Vous faites référence,
il me semble... Je vais essayer de le retrouver... En fait, je vais vous
laisser parler puis je vous citerai après le passage que je trouve...
M. Houle (Denis) : Ce qu'on souhaite comme coordination, M. Cloutier... C'est qu'on
suggère que la ministre de la Justice gère l'ensemble, en fait, de
toutes les administrations publiques, tous les organismes qui peuvent
bénéficier de cette loi-là pour poursuivre
les collusionnaires et ceux qui ont corrompu... la corruption, et tout ça. Et
évidemment ça va prendre un organisme quelconque pour gérer tout ça.
Est-ce que ce sera un adjoint de la ministre? Moi, je ne le sais pas, là. On voudrait être imaginatifs
là-dessus, mais c'est peut-être un petit peu difficile pour nous. C'est peut-être
difficile pour nous en fait de suggérer une organisation à ce niveau-là, là.
M.
Cloutier : Je comprends quand même que vous ne... Écoutez, je
vais lire votre proposition, là : «Confier au Commissaire à la lutte contre la corruption le
pouvoir de recommander au ministre de la Justice les recours qui doivent
être intentés.» Je comprends donc que vous souhaitez qu'un organisme plus
indépendant du ministère de la Justice fasse ensuite des recommandations au
ministère de la Justice, ou plutôt à la ministre de la Justice, puis ensuite, de
ces recommandations-là de poursuite, il y
aura une discrétion qui pourra être octroyée, mais qui aura déjà été balisée
par le Commissaire à la lutte contre la corruption.
Mme Bourque
(Gisèle) : Effectivement, comme vous dites, dans le but de dépolitiser
ce processus.
M. Cloutier :
Avez-vous... Êtes-vous... Vous êtes craintive que le processus pourrait être
teinté par les dons politiques ou... J'imagine que c'est ce à quoi vous faites
référence? Non?
Mme Bourque
(Gisèle) : Non, absolument pas. Ce n'est pas du tout, là, l'objet de
nos propos.
M.
Cloutier : O.K. Mais à la page 10, le troisième
paragraphe : «Il convient de rappeler qu'il a été allégué devant la
commission Charbonneau que différentes
fraudes auraient été commises au bénéfice d'élus ou de partis politiques.
Or, le législateur a déjà confié au commissaire un rôle...»
C'est
quand même dans le paragraphe qui justifie votre proposition, là. Moi, j'avais
compris que votre crainte, c'était
qu'il y ait peut-être des décisions qui seraient teintées de nature politique,
qui empêcheraient certaines poursuites. C'est pour ça que vous
souhaitiez le mettre un peu plus à l'écart.
• (14 h 30) •
M. Houle
(Denis) : Pas du tout. Je pense qu'on pense plus à une organisation
qui éviterait peut-être que des organismes multiplient des procédures contre la
même entreprise. C'est possible, hein? Ils font affaire avec des municipalités,
ils font affaire... bon. Alors, plusieurs personnes peuvent se
dire fraudées... victimes de fraude. Et j'ai entendu beaucoup de choses à
la commission Charbonneau, où on a allégué des choses, allégué des... On a
brisé des réputations, alors que c'était
erroné. Ça a commencé avec le rapport Duchesneau qui a nommé certaines de nos
entreprises comme étant incorrectes, alors
que ce sont des entreprises qu'on connaît très bien puis qui sont tout à fait
honnêtes. Bien, il a fallu qu'on les
défende un peu. Mais on défend... on n'a jamais pris la défense d'aucune
entreprise, d'aucune firme de génie, ça
ne nous... Même si ça ne nous regarde pas, je les interrogeais, mais on n'a
jamais pris la défense d'aucune entreprise qui a fait de la corruption
ou de la collusion. On défend l'industrie, quoi.
M. Cloutier :
Mais la préoccupation, effectivement, que les procédures qui sont entamées
soient rigoureuses, se fassent à partir de
critères objectifs prédéterminés, ça m'apparaît tout à fait logique et louable.
Puis ça rejoint, en ce sens-là, la proposition de la Corporation des
entrepreneurs généraux qui, eux aussi, dans le fond, cherchait une façon de baliser la mise en oeuvre de ça. Je pense que
vous avez tout à fait raison de le soulever, puis c'est un réel
problème, puis si ce n'est que pour ne pas entacher de fausses... des
réputations qui sont... sans raison, qui se ramassent un peu sur la sellette.
C'est une vraie préoccupation.
Maintenant, est-ce
que la solution passe par une préanalyse, puis ensuite c'est soumis à la
ministre de la Justice? Je soulève la question, je n'ai pas de réponse à ce
stade-ci. Mais ce qui est certain, c'est qu'on doit avoir en tête cette grande préoccupation qui est celle de
ne pas aller fragiliser des entreprises qui n'ont pas besoin de l'être.
Puis en même temps la marge... J'imagine que la ligne est dure à tracer, mais
il y a sûrement une façon qu'on réfléchisse intelligemment
à ça pour qu'on arrive à ces fins, qui est, à la fois, protéger les entreprises
qui sont saines, en santé, etc., mais qui pourraient se ramasser, pour
toutes sortes de raisons, dans les craques du système, puis en même temps,
bien, ne pas empêcher non plus qu'il y ait
des procédures qui soient entreprises parce que... puis aller au fond du
processus pour s'assurer que tout le ménage soit fait.
Bref, la ligne est
parfois difficile à tracer, mais il n'en demeure pas moins que c'est une vraie
préoccupation. Maintenant, on aura la chance, j'imagine, de discuter de
différentes mesures qui peuvent être...
Mme Bourque (Gisèle) : Malheureusement, on ne peut pas aujourd'hui vous
donner une solution, mais par contre vous avez bien saisi notre grande
préoccupation à ce sujet-là.
M.
Cloutier : Moi, ce que je comprends, vous en avez quand même...
votre solution à vous, c'est de transférer ça au Commissaire à la lutte.
Mme Bourque
(Gisèle) : Moi, c'est une solution, mais maintenant est-ce qu'elle est
viable?
M. Cloutier : Oui, est-ce que
c'est la meilleure? C'est ça.
Mme Bourque (Gisèle) : Est-ce que
c'est la meilleure? On laisse ça à votre attention.
M.
Cloutier : Par contre,
la préoccupation, elle est réelle. C'est ça. Très bien,
je vous remercie. Peut-être
qu'on pourra revenir tout à l'heure, M. le Président, si...
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Oui, si vous le souhaitez, on pourra... Donc, on va passer... on va se
tourner vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville,
pour votre bloc d'intervention.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames, monsieur. Merci d'être là.
Je vais poursuivre. Je vais aller un peu plus
loin dans votre mémoire, je vais aller à la page 20, au niveau des préoccupations,
et les préoccupations que vous avez, c'est le partage de responsabilité. Avec
le projet de loi n° 26, tout le monde est solidaire, et vous nous amenez
des nuances et nous dites qu'il faudrait peut-être penser à partager la responsabilité.
Plus bas, à
la page 20, vous nous parlez... et vous faites un parallèle avec la Loi sur
le recouvrement du coût des soins de
santé et des dommages-intérêts liés au tabac. Vous nous dites que cette loi
«prévoit de son côté différentes mesures de partage de la responsabilité.
Bien que cette loi présume la solidarité entre les défendeurs, comme le présent
projet de loi, elle permet aussi au tribunal d'effectuer un partage de la
responsabilité et d'autoriser des actions récursoires. Il est également
loisible au tribunal de réduire le montant des dommages d'une partie en raison
de l'existence de motifs particuliers.»
Pourquoi jugez-vous qu'il y a un parallèle à
faire ici et qu'il devrait y avoir ce partage des responsabilités?
M. Houle (Denis) : Émilie, tu...
Mme
Truchon (Émilie) : Oui, je vais commencer. Au niveau de la comparaison
qu'on a faite par rapport à cette loi-là,
on a vu par... on a pensé à des cas où, par exemple... On le voit dans le
projet de loi, il y a autant des administrateurs, des dirigeants qui vont être poursuivis, des
personnes physiques, des entreprises. On est conscients que le fardeau...
ou plutôt le manquement ne sera pas le même
pour tous les individus qui seront poursuivis puis toutes les entreprises. Il y
a des manquements qui vont être plus
déterminants puis il y en a qui vont être moins déterminants, également. C'est
pourquoi on considère que, parce que, justement, des personnes physiques autant
que des entreprises vont être poursuivies, la solidarité n'est peut-être pas,
je vous dirais, absolue dans ce cas-ci, n'est peut-être pas la solution
parfaite.
Nous, on
prévoit que... on pense que le tribunal devrait avoir l'opportunité de se
prononcer là-dessus. Dans des cas, par
exemple, où le manquement d'une personne physique n'aura pas été déterminant
dans la commission de la fraude ou, par exemple, dans des cas où... On
le sait, il y a une présomption à l'égard des dirigeants puis des
administrateurs qui doivent se décharger de
ce fardeau-là en prouvant qu'ils ont
été diligents, qu'ils n'ont pas, finalement... qu'ils n'ont pas commis d'aveuglement volontaire. Mais, dans des
cas d'aveuglement volontaire ou dans des cas où il y a une bonne foi de
la part de ces dirigeants-là ou administrateurs qui n'ont pas vu la fraude mais
qui n'ont pas réussi, par exemple, à se décharger
de ce fardeau-là, on considère que le tribunal devrait avoir une discrétion de
se prononcer là-dessus au niveau de la solidarité.
Mme Roy
(Montarville) :
Une des recommandations que vous faites, ce fameux partage de responsabilité, voir si c'est possible, du moins si ça pourrait être appliqué
dans le contexte.
Par ailleurs, je vous amène à la page 21,
la page suivante. On parle de ces fameux frais qui équivalent à un montant de
20 % de la somme, les fameux frais que le projet de loi n° 26 prévoit
pour couvrir, en quelque sorte, si je peux vulgariser un peu, les frais du
programme, du processus pour retrouver ces sommes qui sont volées, qui ont été volées. Vous nous dites, plus bas, au dernier
paragraphe : «Toute somme recouvrée...» Ça, c'est ce que vous
préconisez : «Toute somme recouvrée sera répartie entre le gouvernement et
l'organisme public, déduction faite d'une somme afin de couvrir les frais engagés pour l'application de cette loi.» Si
je comprends bien, vous voulez que ce 20 % là soit pigé à même les
sommes qui seraient recouvrées des firmes collusionnaires?
M. Houle
(Denis) : Je pense que
c'était le projet de loi du gouvernement Marois que le 20 % soit inclus
dans le montant de la condamnation.
Mme Roy
(Montarville) :
Vous, qu'en pensez-vous? Quelle est votre position à cet égard-là?
M. Houle
(Denis) : Bien, nous, on est
critique envers ce pourcentage-là, qu'on considère très élevé. Prenez,
entre autres, l'exemple que je vous donnais tantôt, une compagnie qui se fait
poursuivre 20 ans après, qu'est-ce que ça va leur coûter comme fortune,
alors qu'ils ne sont peut-être même pas responsables des comportements erronés
des administrateurs de l'époque, ou quelque chose comme ça?
Alors,
est-ce que... On n'est pas vraiment contre, mais est-ce qu'encore une fois ça
ne devrait pas être laissé à la discrétion du tribunal? Au lieu d'avoir
le mot «doit», est-ce que ça ne pourrait pas être «peut» dans l'article, et
peut, peut-être, d'un pourcentage x à au maximum
20 %? Le juge qui entend une cause de cette façon-là puis qui... Si ce sont des événements récents, c'est relativement
plus facile à faire la preuve autant de la fraude, de la fraude et tout
ça. Mais, quand on parle du passé puis du
lointain passé, j'ai vu, moi, des témoins qui n'étaient plus capables de se
souvenir d'événements il y a 10 ans, à
la commission Charbonneau. J'en ai vu plusieurs. Il y en a que c'était
malhonnête, là, c'étaient vraiment
des oublis, je dirais, volontaires, mais il y en a plusieurs qui ne pouvaient
pas se souvenir de ces situations-là.
Alors, votre loi,
pour laquelle on est très favorables, reste quand même très difficile
d'application, moi, je trouve, au niveau
pratique. Alors, le 20 %, nous le voyons de cette façon-là. Est-ce qu'un
juge qui entend et qui sait qu'un événement s'est passé il y a
15 ans, puis que, malheureusement, les propriétaires actuels ne sont même
pas capables de se défendre... ils vont être
condamnés automatiquement à cause du 15 %, à moins que le montant en
question soit plus élevé que 15 % du contrat, et 20 %
automatiquement. On considère que c'est très sévère.
Nos
entrepreneurs... Écoutez, là, sur les 2 700 entrepreneurs qu'on
représente, là, s'il y en a 35 ou 40 qui ont été cités à la commission Charbonneau, c'est tout. Alors, il ne faut pas
penser que c'est encore aussi important, la collusion, et la corruption, qu'on l'a connue dans la région de
Montréal. Et il n'a pas été prouvé qu'il y en a eu dans d'autres
régions, hein? On a prouvé que des firmes
d'ingénieurs, par exemple, ont fait du financement politique dans d'autres
régions : Gatineau, Québec, ça a été même mentionné, Québec et Lévis.
Mais,
étendre d'une façon si coercitive par une obligation qu'on crée au tribunal, on
lui enlève donc sa discrétion... De condamner automatiquement au
20 %, on trouve que c'est trop sévère et que ça ne tient pas compte
peut-être de situations particulières. Ça peut même mettre en péril les
situations... mettre dans des situations financières précaires certaines entreprises. Parce que nos entreprises...
C'est une des recommandations... Je pense que c'est important que vous
le sachiez, il n'y a pas juste les
entrepreneurs puis les donneurs d'ouvrage... les entrepreneurs ou les
ingénieurs qui ont été fautifs, hein? On recommande... ça fait partie
des recommandations qu'on a faites à la commission Charbonneau... Et d'ailleurs on a fait transmettre, hein, notre
mémoire, comme l'ACQ l'a fait ce matin, notre mémoire devant la
commission Charbonneau, et on demande, entre autres, dans nos recommandations,
ça va... C'est un projet de loi qu'on travaille actuellement, un regroupement
d'associations patronales, auquel participe Émilie, l'adjointe de Me Bourque,
et on recommande l'adoption d'une loi pour les paiements rapides.
On
a des entrepreneurs... Moi, à part ce que je fais ici, là, je fais de la
médiation sur la Basse-Côte-Nord puis au chantier La Romaine. Il y a des entrepreneurs qui ont fait faillite
parce qu'Hydro-Québec ne les paie pas. Et j'ai fait sortir, en
contre-interrogeant l'ancien président Caillé et le vice-président... un
vice-président actuel important d'Hydro-Québec, j'ai fait sortir qu'il existait
une directive à Hydro-Québec, qui a été produite en commission Charbonneau mais sous couvert de l'anonymat, mais je sais
qu'elle est là... Puis on l'a écrite dans notre mémoire. Il y a une directive
qui incite le groupe de personnes qui règle les contrats, règle ce qu'on a
appelé les surplus, les dépassements de
coûts, les avenants qui sont demandés par Hydro-Québec... Et la disposition dit
ceci : Attendez la procédure, attendez quatre, cinq ans, que les
procédures soient avancées. Autrement dit, essoufflez financièrement
l'entrepreneur, et là vous réglerez, et,
même si on reconnaît qu'il y ait du 100 % de la réclamation, réglez à
30 %, à 40 %. Alors, ça a sorti devant la commission.
Ça,
ça veut dire que les donneurs d'ouvrage aussi ont des problèmes. Et le MTQ est
un donneur d'ouvrage qui est dur aussi avec les entrepreneurs, puis
Hydro-Québec est encore plus dure, parce qu'ils ont une espèce de statut où ils
répondent très, très peu. C'est une chose qu'on recommandait également à la
commission Charbonneau, il faudrait qu'Hydro-Québec
soit soumise au contrôle du Vérificateur général ou du Conseil du trésor, ce
qui ne se faisait pas jusqu'à maintenant,
ce qui faisait en sorte qu'ils dérogeaient à, je dirais, à toute façon réaliste
de régler un dossier et de traiter les...
• (14 h 40) •
Mme Roy
(Montarville) :
Politiquement parlant, je suis d'accord avec vous à ce point-là. On dit la même
chose. Cependant, si on revient au projet de
loi n° 26, là, vous nous avez dit, vous venez de le dire, que ce sont des
mesures trop coercitives et vous nous dites
du même souffle qu'il y a à peine quelque 35, peut-être, entreprises.
Justement, compte tenu du fait que ce
n'est pas la majorité des entrepreneurs, ce n'est pas la majorité des
entreprises qui sont collusionneurs, qui ont commis cette fraude, mais
qui nous ont volés pour des montants éminemment importants, le fait que ces mesures d'exception soient mises de l'avant avec
ces présomptions ne ferait pas en sorte, justement, qu'on réglerait le dossier de façon équitable, parce que ce n'est pas
tout le monde, c'est quelques entreprises, et dans les meilleurs délais
possible pour qu'on puisse passer à autre chose?
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Je vais vous demander de répondre en
30 secondes, si possible.
Mme Bourque (Gisèle) : Alors, si vous permettez, je vais répondre à
cette question. Écoutez, je suis bien d'accord avec ce que vous dites,
sauf qu'où nous en sommes c'est que c'est d'empêcher le tribunal... d'enlever
au tribunal ce pouvoir discrétionnaire là qu'il a toujours eu, qu'il doit
continuer d'avoir. On impose ici au tribunal de fixer ce montant à 20 %.
C'est là-dessus qu'on en est.
Laissez
le pouvoir au tribunal. On dit : C'est dans notre régime de droit actuel
au Québec que le tribunal puisse avoir cette discrétion-là, et c'est
important que ça... À la lumière des événements qui vont être portés à son
attention, le tribunal va déterminer quelle
est la marge de manoeuvre et quel est le pourcentage qui doit être utilisé.
Alors, encore là, on réglerait le problème en disant que «le tribunal
peut» et non «doit». On réglerait cette situation-là.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie pour ces précisions. Je me
tourne à nouveau vers la ministre pour un prochain bloc. Mme la
ministre, il vous reste environ neuf minutes.
Mme Vallée :
Oui. Sur la question... J'aimerais revenir sur vos préoccupations quant à la
possibilité d'inscrire une hypothèque
légale sur les biens d'une entreprise ou d'une personne physique, donc à
l'article 13. Vous mentionnez, au dernier
paragraphe de la page 22, que, bon, vous comprenez que c'est une mesure
exceptionnelle à laquelle il ne sera pas donné suite sans considération, là, et
sans surtout craindre pour le recouvrement de la créance, mais vous mentionnez que des balises devraient être ajoutées
à cette mesure. Alors, quels seraient, pour vous, un encadrement ou des
balises acceptables pour la mise en place de cette mesure?
Mme Bourque (Gisèle) : Écoutez, on
ne s'est pas...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Me
Bourque.
Mme Bourque (Gisèle) : Oui. Alors,
on ne s'est pas penchés sur la nature des balises comme telle. On pense que ça serait important d'avoir des balises,
encore là, dans des événements circonstanciels, des situations
circonstancielles, pour ne pas laisser place
à un trop gros arbitraire. Mais c'est toujours dans un souci d'éviter
l'arbitraire. Maintenant, les balises comme telles, malheureusement,
non, on ne s'est pas attardés à la nature de ces balises.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Mais c'est parce
qu'avant de se...
M. Houle (Denis) : Ça pourrait...
Mme Vallée : Bon, bien,
allez-y, si... vous aviez...
M. Houle
(Denis) : Bon, bien, je pense
que ça pourrait s'assimiler aux critères d'une saisie avant jugement
dans des procédures régulières. Il y en a,
des critères, dans le Code de
procédure civile. Si ça se voulait une loi avec des mesures
si exceptionnelles, on pourrait penser à
certaines dispositions exceptionnelles, quand on pense... les articles 800
et suivants du Code de procédure
civile, là, alors les injonctions et tout ça, là. Ça, ce serait une autre forme
de balise mais qui est beaucoup plus
restreinte. Alors, c'est peut-être un peu ça qu'on devrait envisager, regarder
un peu le Code de procédure civile puis se coller peut-être un peu plus au
Code de procédure civile.
Mme Vallée :
S'inspirer de ce qui est prévu en cas de mesures exceptionnelles. Donc, il n'y
avait pas de balise ou d'élément
particulier, autre que ce qu'on peut retrouver actuellement dans le Code de
procédure, qui vous apparaissait important, là.
M. Houle (Denis) : Non.
Mme
Truchon (Émilie) : Il y a une chose que je peux ajouter au niveau de
cette hypothèque-là. On a vu la loi aussi de façon globale, avec les présomptions qui y sont, avec également le
contexte actuel de la commission Charbonneau qui vient de se terminer, les allégations qui ont fait l'objet de la
commission également. On ne sait pas dans quelle mesure ces allégations-là vont faire l'objet de preuve devant
les tribunaux dans le cadre de ces recours-là. Puis je pense qu'au
niveau de l'hypothèque légale il faut le voir dans un contexte également
global, où il n'y a pas de contrôle des recours qui sont exercés, les
administrateurs qui peuvent être poursuivis, les dirigeants.
Puis il y a
également le fait qu'est-ce que les allégations, notamment de la commission
Charbonneau, vont faire partie de la
preuve? Est-ce qu'ils pourraient être considérés notamment dans la
considération du critère à l'effet de savoir si la créance est
compromise ou pas? C'est de cette façon-là, je pense, qu'on le voyait surtout,
d'essayer de considérer certains critères qui pourraient justifier le fait
qu'on inscrit une hypothèque légale et que la créance, en effet, peut être
compromise, là.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme
la ministre.
Mme Vallée :
Ce matin, dans nos échanges, il a été question... puis c'étaient des échanges
presque informels, mais le groupe qui
vous a précédés était préoccupé par le recours au programme de remboursement
volontaire, la nature de la quittance qui pourrait en résulter et des
poursuites éventuelles qui pourraient venir après coup. Et, à ce moment-là, il était
question peut-être de prévoir qu'un recours ne pourrait être entrepris sans une
autorisation du ministre, ou de la ministre, peu importe, là, mais sans une
autorisation spéciale.
Est-ce que,
pour vous, ça pourrait... Parce que je sais que vous aviez aussi certaines
préoccupations, lors du dépôt du projet
de loi n° 61, sur la nature de la quittance qui pourrait être accordée.
Est-ce que, pour vous, ça pourrait permettre de résorber certaines
craintes au sein de vos membres?
M. Houle (Denis) : Sûrement.
Sûrement, parce que, si vous contrôlez, en fait, un dossier dans lequel il y a
eu une entente et que vous en contrôlez les
conséquences légales qui peuvent en suivre, les poursuites, d'autres
poursuites sur les mêmes faits peut-être par
une autre organisation... C'est pour ça qu'on suggérait que tout passe entre
vos mains, hein, au niveau de coordination des différentes organisations
qui peuvent poursuivre les entrepreneurs.
Alors, votre avenue, je la trouve intéressante.
Alors, que l'hypothèque légale puisse être contrôlée dans une éventuelle
poursuite que vous contrôlez également, madame, ça m'apparaît raisonnable.
Une
voix : C'est rassurant.
M. Houle
(Denis) : C'est rassurant, oui.
Mme Vallée :
Mais, a contrario, vous comprendrez qu'on a aussi des entités, dont la ville de
Montréal et les différentes municipalités, qui souhaitent avoir une plus grande
autonomie et qui souhaitent pouvoir entreprendre d'elles-mêmes les démarches et
être partie prenante à tout le processus.
Alors, comment on
peut équilibrer et trouver un juste équilibre entre les préoccupations de vos
membres, les préoccupations des entrepreneurs qui souhaitent éviter un
recours arbitraire au projet de loi et à la loi qui pourrait en résulter et l'autonomie des entités municipales
qui, elles, disent : Bien, écoutez, nous, on a un mot à dire puisque, dans bien
des cas, on était le gros bailleur de fonds et on souhaite pouvoir avoir droit
au chapitre. Alors, comment on pourrait arriver à trouver cet équilibre-là?
• (14 h 50) •
M. Houle (Denis) : C'est toutes les difficultés, hein, toutes les difficultés de rendre
pratiques de telles dispositions de la loi, madame. Vous êtes
imaginatifs en produisant ce projet de loi n° 26 là. Je pense qu'il faut
jouer encore plus d'imagination pour protéger des personnes qui ne devraient
pas, peut-être, subir une hypothèque légale.
Alors, ce dont vous
avez parlé tantôt, je me répète, je trouve ça intéressant parce que vous mettez
comme un deuxième contrôle, si on veut, à la
suite d'un règlement, et que probablement vous exerceriez dans le cas de l'exemple que
je vous ai donné au début, là, de notre présentation, une compagnie qui se fait
poursuivre pour des faits dont les personnes qui sont propriétaires maintenant
ne sont même pas au courant. Alors, je ne sais pas si ça répond à votre
question, madame.
Mme Vallée :
Je comprends de votre intervention votre volonté de protéger les entreprises
qui sont intègres, qui ont toujours
respecté les règles du jeu et qui pourraient devenir, en quelque sorte... qui pourraient être marquées au fer ou qui sont déjà marquées
au fer du seul fait qu'elles oeuvrent dans le domaine de la construction et
qu'elles transigent, dans le cours de leurs affaires, avec des organismes
publics. Je comprends cette préoccupation-là de votre organisme.
Je
comprends aussi... je l'ai compris aussi des groupes qui vous ont précédés, qui
veulent éviter de mettre tout le monde dans le même paquet, tu sais, c'est clair. Et
donc c'est de trouver la façon d'éviter aussi que quelqu'un
de moins scrupuleux utilise ces
mesures de protection pour se faufiler. C'est un peu ce que je disais ce matin.
Le nouvel acquéreur d'une entreprise,
on peut comprendre qu'il n'ait pas été mis au fait, quoiqu'il a une certaine responsabilité aussi lorsqu'il acquiert l'entreprise, mais qu'il n'ait pas été
mis au fait de tous les squelettes qui traînaient dans le placard, mais il ne faudrait pas utiliser le fait qu'il soit un nouvel
acquéreur pour fermer les yeux. L'aveuglement volontaire n'a pas sa
place dans ces dossiers-là.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Alors, ça complète, malheureusement, ce bloc
d'intervention du côté gouvernemental. Il reste quelques minutes avec l'opposition
officielle. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M.
Cloutier : Merci, M. le Président. Tout à
l'heure, la Corporation des
entrepreneurs généraux nous a soumis cette
réflexion, du moins cette proposition : ils souhaitaient étendre l'application de la loi également aux sous-contractants. Je ne sais pas si vous avez... Vous n'en faites pas
mention dans votre mémoire, mais je me suis dit que peut-être
vous aviez eu aussi cette réflexion-là puis peut-être que vous pouvez
nous partager votre réflexion là-dessus.
Une voix :
...
M. Cloutier :
Oui. C'est une...
Mme Bourque
(Gisèle) : Vous voulez savoir qu'est-ce qu'on en pense?
M.
Cloutier : Bien, en
fait, si vous avez une réflexion, mais, sinon, c'est... Je ne vous imposerai
pas une réflexion là-dessus, mais des entrepreneurs nous faisaient part
du fait que, parfois, eux aussi se retrouvent pris dans une situation
où c'est eux autres qui ont signé le contrat avec le gouvernement, mais, en bas de course, ce n'est pas eux qui sont responsables
des gestes de leurs sous-contractants. Alors, on se demandait...
Mme Bourque
(Gisèle) : Bien, écoutez, si vous permettez, la loi, quoiqu'ayant un
bon fondement, risque d'être un petit peu difficile d'application. Alors, évidemment, si on extensionne le tout aux sous-traitants, je
ne vois vraiment pas, sans avoir étudié plus en profondeur ce
créneau-là, je ne vois vraiment pas comment ça pourrait être faisable.
M. Cloutier :
Vous avez déjà l'impression que c'est une loi qui va être très difficile d'application?
Mme Bourque
(Gisèle) : Difficile d'application pour atteindre un niveau
d'efficacité maximum, et d'équité.
M. Cloutier :
Alors, est-ce que c'est plus sous l'angle de l'équité, davantage que de sa mise
en oeuvre?
Mme
Bourque (Gisèle) : La mise en oeuvre et, en bout de piste, s'assurer que ce soit traité de façon équitable et objective...
M.
Cloutier : Puis, sur le processus équitable, là, vous faites...
Mme Bourque
(Gisèle) : ...objective.
M. Cloutier :
... — oui — vous
faites référence à la discussion qu'on a eue tout à l'heure sur la...
Mme Bourque
(Gisèle) : Oui.
M. Cloutier :
O.K. Très bien. Tout à l'heure, vous avez dit qu'il y avait aussi les donneurs
d'ouvrage qui avaient une sérieuse
réflexion à faire. Vous avez cité en exemple Hydro-Québec à l'effet qu'ils
étaient durs avec les entrepreneurs. Moi, je suis député de
Lac-Saint-Jean. C'est un message qu'on m'a passé à quelques reprises. Vous avez aussi fait référence, par contre,
au ministère des Transports. Par
contre, vous n'avez pas... Vous
l'avez nommé, mais...
M. Houle
(Denis) : Il y a un problème de...
Mme Bourque (Gisèle) : Bien, écoutez... Excusez-moi, là, j'aime autant
prendre la parole là-dessus, là. Écoutez, on n'est pas ici pour faire
le procès des donneurs d'ouvrage, en passant, d'entrée de jeu. C'est certain
qu'on peut se permettre quelques
commentaires qui sont portés fréquemment à notre attention, mais de là à entrer
dans les tenants et aboutissants de
nos relations, des relations des entrepreneurs avec notamment
le ministère des Transports... Bien, écoutez, ce n'est pas toujours facile, évidemment, et c'est peut-être normal que ce soit ainsi, parce qu'il y a toujours
deux côtés à une médaille, n'est-ce pas? Mais disons qu'on va taire nos commentaires
devant ce forum, sur les façons de procéder, là, détaillées des donneurs
d'ouvrage.
M. Houle
(Denis) : Si vous permettez, on vous a envoyé notre mémoire devant la commission
Charbonneau. Ça répond à votre question.
M. Cloutier :
Alors, j'irai lire ça attentivement, parce que...
Mme Bourque (Gisèle) : ...vous avez réponse à vos questions,
mais je crois que ce n'est pas la bonne tribune aujourd'hui, là.
M. Cloutier :
Inévitablement, vous avez ouvert la porte, alors j'ai essayé de l'ouvrir
davantage.
Mme Bourque
(Gisèle) : Moi, j'essaie de la fermer.
M.
Cloutier : C'est
aussi un forum où nous sommes les législateurs, et l'objectif des législateurs, c'est de corriger là où il
y a des problèmes pour améliorer la
situation. Mais, puisque la porte était ouverte, je ne pouvais pas m'en
empêcher.
Alors,
M. le Président, puisqu'on
nous invite à passer à un autre sujet, je vais... Je pense que c'est moi qui
ai... c'était le groupe de l'opposition qui avait le dernier bloc, alors...
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Oui, c'est ça. Ça compléterait...
M. Cloutier :
Ça compléterait ma...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie. Alors, au nom des membres de la
commission, je vous remercie infiniment de vous être déplacés pour faire
part de vos observations.
La
commission va suspendre quelques instants ses travaux pour permettre aux
représentants de la ville de Laval de s'approcher. Nous suspendons.
(Suspension de la séance à
14 h 56)
(Reprise à 14 h 59)
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Alors, la Commission des institutions reprend ses
travaux, et nous accueillons — et, j'oserais ajouter, avec une certaine
fierté et au nom du député de Vimont et en mon nom personnel — les
représentants de la ville de Laval. M. le maire Demers, bonjour, de même que
les personnes que nous connaissons
mais que vous nous présenterez pour le bénéfice des gens qui nous regardent.
Alors, vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre
présentation. Alors, M. le maire, je vous cède immédiatement la parole.
Ville de Laval
M.
Demers (Marc) : Alors, M. le Président — Me Ouimet, député de Fabre — Mme la ministre — Me Vallée — Mmes les députées,
MM. les députés, j'aimerais, en entrée de jeu, vous dire merci de poursuivre le
projet de loi et merci de nous accueillir et de nous permettre de se faire
entendre aujourd'hui.
J'aimerais
présenter les personnes qui m'accompagnent : Me Guay, directeur du
contentieux de ville de Laval, qui a
aussi le mérite d'avoir rédigé notre mémoire, ainsi que M. Serge Lamontagne,
directeur général de ville de
Laval.
• (15 heures) •
Le projet de loi n° 26 est hautement pertinent pour ville de Laval parce qu'il va nous aider à rendre aux Lavallois ce qui leur a été volé et leur dû. Comme vous le savez, à la suite des
travaux de la commission Charbonneau et des enquêtes de l'UPAC, d'anciens hauts dirigeants municipaux
font face à des accusations de gangstérisme et de corruption. Nous avons
présenté le mémoire à la commission
Charbonneau en novembre 2014, dans lequel nous avions mis en lumière
plusieurs carences propres à l'ancienne structure municipale. L'important, c'est
que nous savons maintenant et très clairement qu'il
y a matière à des poursuites. Elles
seront intentées dans les mois qui viennent. Nous avons mandaté un avocat
pour qu'il entreprenne les recours
appropriés. Depuis quelques mois, des spécialistes en droit et des
juriscomptables analysent attentivement les contrats, les relevés de
paiement et les autres documents afférents pour soutenir ces poursuites. Leur objectif est de vérifier
les informations dévoilées à la commission Charbonneau et par l'UPAC. Il est
encore trop tôt pour déterminer les
montants que la ville pourra récupérer au terme des procédures. On peut
s'attendre à faire l'hypothèse que
les sommes seront importantes, compte tenu de la réalité de Laval. À titre de
troisième ville du Québec, les enjeux sont majeurs. Alors, c'est avec une grande satisfaction que Laval accueille
cette loi, parce qu'elle favorisera un dénouement plus rapide des
mesures de recouvrement, et c'est important pour l'ensemble des citoyens.
Je vais tenter de résumer nos commentaires et
nos recommandations dans le temps qui m'est accordé. Le premier commentaire concerne la présomption de fraude au profit d'une
disposition plus rapide des recours. Évidemment, nous sommes entièrement d'accord. Aux yeux des citoyens, c'est très
important. Les délais sont souvent perçus comme des embûches et de l'apparence de justice. Deuxième commentaire, le
législateur établit un plancher de réclamation de l'ordre de 15 %, ce qui représente un
excellent point de départ pour envisager une preuve allégée. Troisième point,
le fait de prolonger le délai de
prescription normalement attribué au Code civil facilitera les procédures et
une gestion diligente des recours. Quatrième point, nous accueillons
favorablement le principe de solidarité entre les parties impliquées dans des
stratagèmes dolosifs. L'image que nous employons dans notre mémoire est
claire : pour aller à la pêche, nous préférons utiliser un filet plutôt
qu'une ligne. Le fait d'affirmer dans la loi le caractère solidaire des dettes
favorisera grandement une disposition plus rapide des recours.
En plus de
ces commentaires, nous avons des ajouts à proposer au projet de loi.
Premièrement, nous souhaitons inclure
une disposition qui permettrait de retenir les indemnités de départ et de suspendre
les versements des pensions de retraite
de tout élu ou fonctionnaire accusé formellement de gestes illicites graves à
l'encontre de la municipalité qu'il représente.
Deuxièmement, nous souhaitons que ces individus assument seuls les frais de
leur défense. Le message doit être clair : notre société réprouve
fortement le détournement de fonds publics, et ceux qui s'y livrent devraient
être privés des bénéfices qui leur sont normalement consentis.
Nous avons aussi une recommandation qui concerne
les transactions révisables, pour prendre une expression juridique. Il est en effet plausible de croire que
plusieurs des parties impliquées dans des manoeuvres dolosives ont déjà transféré leurs actifs à des tiers afin de se
protéger contre d'éventuels jugements. Nous proposons aussi que soient
exclues de tout contrat public les entreprises et les personnes poursuivies en
vertu de la nouvelle loi. Pour les citoyens, une telle exclusion rehausserait le sentiment de confiance envers les fournisseurs
des organismes publics. Quant aux entreprises impliquées, la mesure pourrait les inciter à proposer plus rapidement
des remboursements ou à faire des arrangements en vertu de la nouvelle
loi.
La dernière partie de notre mémoire comprend des
commentaires plus précis. Par exemple, l'article 6, le second paragraphe de l'article donne au ministre
un pouvoir très important. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que
nous souhaitons que la loi favorise
l'autonomie municipale plutôt que de les soumettre à une seule volonté
ministérielle.
Concernant
les articles 7, 8 et 18, ville de Laval appelle le législateur à une
certaine prudence. Nous comprenons le bien-fondé
des clauses d'immunité devant les instances juridictionnelles, mais il serait
dommage que les programmes de remboursement
se déroulent dans un trop grand secret. L'opacité d'un processus met toujours
la confiance du public à défi.
Concernant
l'article 10 sur les recours judiciaires, c'est évidemment le principal
avantage de ce projet de loi. En l'absence de cette disposition, la
preuve serait plus longue et plus coûteuse pour l'administration publique.
Concernant le
second paragraphe de l'article 11, nous comprenons que, sous réserve d'en
faire la preuve, nous pourrons réclamer une somme supérieure à 15 %
de la valeur d'un contrat. Le texte ne précise pas cependant si nous conservons
le même bénéfice de présomption déjà attribué à la marge du 15 %. Nous
souhaitons évidemment que cette précision soit ajoutée au projet de loi.
Concernant l'article 13, nous sommes favorables
à la mise en place d'une hypothèque légale sur les biens des entreprises ou des personnes visées à
l'article 10 de la loi. Nous croyons cependant que la loi devrait prévoir
un droit de suite sur les biens de
l'entreprise ou de la personne, lesquels biens seraient réputés être grevés
d'une hypothèque légale sans nécessiter de publication ou
d'autorisation. En d'autres termes, si on prévoyait ouvertement une hypothèque
légale à la faveur des administrateurs publics, nous serions dispensés de
devoir faire la preuve d'un péril.
Concernant
les articles 34 et 35, nous exprimons encore des réserves en ce qui a
trait à la portée du pouvoir octroyé au
ministre. Nous comprenons l'esprit de ces articles, mais il s'agit de
dispositions qui pourraient constituer une atteinte à l'autonomie
municipale.
Voilà en bref, Mme la ministre, M. le Président,
l'essentiel de nos commentaires et de nos recommandations. Le dernier message,
c'est que nous sommes heureux que le gouvernement fasse tous les efforts
législatifs pour nous seconder dans la tâche
que nous allons entreprendre bientôt. Cette loi va vraiment nous faciliter le
travail. Nous pensons qu'elle sera encore plus efficace si le
législateur accepte les ajouts que nous proposons. Nous visons tous le même objectif : celui de favoriser un dénouement
efficace et rapide des mesures de recouvrement. De plus, nous pensons
que cette loi envoie
un message fort à tous ceux qui seraient tentés d'abuser des fonds publics dans
l'avenir. Alors, il y a un côté préventif à cette loi.
Nous sommes
évidemment disposés à répondre à l'ensemble de vos questions, et on espère
d'être dans le temps pour notre présentation. Merci.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, M. le maire. Vous n'avez pas eu à subir les foudres de la présidence,
il vous reste encore quelques secondes. Je me tourne vers la ministre
pour un premier bloc d'intervention. Mme la ministre, la parole est à
vous.
• (15 h 10) •
Mme Vallée : Merci. Je vais
tenter de faire bref, parce que je sais que j'ai certains collègues qui
souhaitent intervenir, avec raison. Alors,
M. le maire, merci. Merci de venir partager vos réflexions avec nous. Je sais
que vous nous aviez déjà fait part de l'attente... de l'impatience que
vous aviez au dépôt du projet de loi, et merci de venir échanger.
Évidemment,
on a débuté ce matin. Votre collègue de Montréal nous a fait part de certaines
recommandations. On a eu également d'autres
recommandations, ce qui permet d'avoir des échanges. D'abord, pour ce qui est
de l'intervention des municipalités, alors la ville de Montréal nous
disait : Nous, on souhaite intervenir puisqu'on est partie prenante à de nombreux contrats publics et on ne veut pas
être qu'un observateur, on souhaite être partie prenante, notamment du programme de remboursement
volontaire. Vous nous dites : Nous, l'autonomie municipale,
c'est quelque chose qui est très important pour nous. Nous
aussi, on souhaite être partie prenante à ces démarches-là. Est-ce que
vous avez en tête une façon qui
pourrait établir une espèce de seuil ou un seuil de matérialité à partir duquel une municipalité pourrait être
appelée à jouer un certain rôle dans le programme de remboursement volontaire?
Parce que ma question...
En fait, la
question que je vous pose, c'est que, dans un... Lorsqu'un organisme,
lorsqu'une entreprise vient et veut se prévaloir du programme de
remboursement volontaire, elle ne le fera pas nécessairement pour un contrat ou
deux contrats avec une municipalité ou avec le gouvernement, elle risque de
venir et dire : Bien là, je mets sur la table l'ensemble des contrats que j'ai eus avec les organismes publics. Et il
est possible que la ville de Laval en fasse partie, possible que la ville de Montréal en fasse partie,
possible que ce soient des ministères. Bref, c'est assez... Et on veut
éviter d'alourdir le programme de remboursement volontaire. L'objectif, c'est
de favoriser les échanges, de favoriser des règlements, et, si on a un grand
nombre d'intervenants qui ont droit au chapitre, on risque d'alourdir la
démarche.
Alors, quel serait pour vous un seuil de
matérialité, comme le diraient les experts, au sein du ministère, qui pourrait
être acceptable? À partir de quel montant? Quel montant, quel pourcentage?
M. Demers
(Marc) : On n'a pas établi de montant, de pourcentage. C'est une question
fort complexe et qui est délicate, dans le sens suivant, c'est qu'on
comprend la nécessité, à un moment donné, d'avoir une vue d'ensemble pour gérer, certaines compagnies auront causé des
préjudices à plusieurs municipalités, à plusieurs organismes publics.
Par contre, il y aura des particularités
aussi pour chacun des organismes publics. Il y a des gens à ville de Laval qui
ont posé des gestes et, dans un cadre de solidarité, feront l'objet
d'actions avec d'autres, et ces gens-là ne sont pas impliqués nécessairement à
Montréal ou au niveau du gouvernement. Alors, c'est fort complexe.
On a limité
notre suggestion à dire que, oui, il faudrait qu'il y ait une certaine
cohésion, sous réserve de l'approbation de la municipalité ou du corps
qui aura son mot à dire. Le programme, nous le voyons d'un bon oeil, favorable,
et, on l'espère, pour les deux parties, et
ce sera une solution, je crois, élégante pour récupérer le passé et assurer
l'avenir. Parce qu'on ne peut pas se limiter à regarder le passé, il faut
prévoir pour l'avenir. Alors, on a limité nos recommandations là-dessus. Je ne
sais pas si, Me Guay, vous voulez ajouter.
M. Guay (Patrice F.) : Oui. Merci,
M. le maire. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, bonjour à tous.
Écoutez, effectivement,
comme l'indique M. le maire, M. Demers, il est difficile pour nous de donner
une ligne comme telle puisqu'à ce stade-ci il est d'autant plus
difficile que... Je ne vois pas comment on peut isoler, strictement parlant,
une seule entreprise avec ce que nous avons comme information. C'est-à-dire
que, bien que le programme va tenter... Et on est tout à fait heureux du
programme qui va assurer une coordination d'ensemble, puisque plusieurs organismes publics vont s'adresser aux mêmes
entrepreneurs, et donc aux mêmes gens. Donc, il me semble tout à fait
responsable, pour le gouvernement et pour l'Assemblée nationale, d'adopter une
loi qui va prévoir une coordination. Mais,
pour autant, il faut voir que chacun des organismes publics va avoir sa propre
réalité dans laquelle il va falloir tenir compte de ce qui lui est
acceptable eu égard à la partie pour laquelle on veut arriver à une entente.
Donc,
d'établir, de baliser une norme qui serait un montant comme tel, c'est un
exercice extrêmement difficile. Chose
certaine, je présume que le programme ne pourra pas être administré sans tenir
compte des informations que les organismes
publics vont vous donner. Vous allez devoir nourrir, évidemment, votre
réflexion avant de déclarer... avant d'en venir à une entente. Donc, je
me proposerais de suggérer que le programme ne balise pas de façon très, très
précise à quelle hauteur un organisme public pourra intervenir.
Évidemment,
notre mémoire, on réclame une très grande participation, tout comme le
fait... tout comme l'a fait, plutôt, Montréal ce matin. Et, à nos yeux,
il serait évidemment extrêmement dommageable que la ville ne soit pas impliquée pour la liste des entrepreneurs et des
personnes que nous entendons, évidemment... dont nous entendons réclamer, au nom
des citoyens de ville de Laval, ce qui a été payé en trop. Donc, je pense que
ça devrait beaucoup partir sur un échange
ouvert entre les organismes publics et le ministre responsable de la loi pour bel et
bien voir qu'est-ce que l'on a comme information. Et tout ça, évidemment,
va participer à donner le meilleur levier possible à tout le monde.
Donc,
d'exclure avant un certain seuil, je pense... Et je vous invite — évidemment, on est ici pour réfléchir, définir le meilleur projet possible — je
vous invite à réfléchir à la portée de cette limite. C'est ma réflexion à ce
stade-ci, elle est à ce niveau, d'où le fait que je
partage tout à fait le point de vue de M. le maire à l'effet que c'est très
difficile de fixer un seuil.
Mme Vallée : Sur la question
de la transparence, vous souhaitiez que le programme de remboursement
volontaire soit davantage ouvert, davantage... que l'information soit rendue
publique. Comment on peut arriver à trouver un équilibre? Parce que le
programme de remboursement volontaire va permettre aux entreprises de venir
mettre cartes sur table, et, si la divulgation se fait de façon très
transparente au niveau public, il y a des chances que des entreprises
choisissent de ne pas se prévaloir d'un tel programme et choisissent peut-être
de ne pas divulguer toute l'information. Je
comprends, on est dans une ère où la transparence est de plus en plus
recherchée, avec raison, mais en même temps il y a des informations
d'affaires qui pourraient, pour toutes sortes de raisons, nécessiter une
certaine confidentialité dans le traitement des données.
On a prévu
dans la loi qu'il y aurait quand même... la transaction en soi serait rendue
publique, c'est-à-dire que, suite aux pourparlers, aux discussions,
lorsqu'une entente intervient, l'entente entre la personne neutre et entre le ministère de la Justice — et cette personne ou l'entreprise — sera divulguée avec les montants. Est-ce que
ça, à votre avis, c'est suffisant ou est-ce que votre volonté est
d'aller plus loin dans la transparence du processus du règlement, du processus
de règlement volontaire?
M. Demers
(Marc) : Encore là, on n'a pas la prétention d'avoir la formule magique,
mais l'objet du projet de loi, l'objectif
est, entre autres, de rassurer le citoyen, d'amener un remède proportionnel au
traumatisme qui a été causé, et, à ce chapitre-là,
il faut regagner la confiance publique, et, je vous dirais même, ça dépasse les
frontières du Québec. Alors, tout ce
qu'on émet, c'est une prudence, sans être capables de vous dire... ou avoir la
prétention de vous dire avec exactitude où est le point d'équilibre à ce chapitre-là. Et c'est une réflexion qu'on
a eue à l'interne, mais je ne peux pas vous donner une recette magique,
vous avez réfléchi là-dessus. Avez-vous à ajouter ou...
• (15 h 20) •
M. Guay (Patrice F.) : Écoutez, je
comprends qu'il faut évidemment mettre toutes les conditions gagnantes pour
qu'on puisse rendre le programme le plus intéressant, évidemment, pour toutes
les parties, en premier lieu les entrepreneurs
pour qu'ils se dévoilent le plus possible pour favoriser les règlements qui
sont au bénéfice de tous. Je pense qu'effectivement une confidentialité
est de mise, comme n'importe quel contexte où il y a des échanges dans le but d'en venir à une entente. On pense aux conférences
de règlement à l'amiable, aux CRA. Je pense que, s'inspirant de ces
règles, et je comprends que c'est ce qui est en toile de fond de la...
chapitre II, il est incontournable qu'un constat de confidentialité doit
être prévu à la loi.
Cependant, nous avons tous une responsabilité
pour voir à bien expliquer aux citoyens et... en fait, aux citoyens, pas juste
aux Lavallois, mais à tous les citoyens, quels sont les objectifs et les
modalités. Il y a beaucoup d'éducation à
faire vu l'ère de cynisme dans laquelle nous vivons et dans laquelle il y a une
rupture de lien de confiance entre plusieurs administrations publiques
et les citoyens pour lesquels, pourtant, on est là pour servir.
Donc,
c'était, je pense, dans cet esprit que les réserves ont été établies, mais il
va de soi — et, Mme
la ministre, je suis tout à fait
d'accord avec la prémisse de votre question — qu'on doit mettre les conditions pour bel et bien assurer toutes les conditions de dévoilement le plus possible, et
de part et d'autre, puisque, les entrepreneurs qui cogneront à la porte
pour, effectivement, venir participer au programme, je présume qu'ils vont le
faire dans l'espoir de pouvoir régler. Et on a entendu les différentes associations des entrepreneurs. C'est évidemment
extrêmement pénible, ce qu'ils ont vécu, et il faut tout
à fait, je pense, permettre à tous de tourner des pages. Mais, pour autant,
toute allusion à l'inaccessibilité d'une information quelle qu'elle soit, c'est
une atteinte aux principes d'ouverture et de transparence de l'administration publique. Notre appel est bien un appel à la
prudence, mais il va sans dire que nous comprenons tout à fait qu'il faille mettre, donc, les conditions pour permettre les
conditions de dévoilement.
Donc, c'est
une question d'équilibre, mais je pense qu'en amont de tous
les travaux il devrait y avoir bel et bien un exercice d'éducation et un exercice où il va falloir publiciser les
vertus d'une telle confidentialité, du moins en partie.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme la
ministre, trois minutes.
Des voix : ...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Alors, monsieur...
Mme Vallée : Je vais laisser
la parole à mon collègue de Vimont.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : M.
le député de Vimont.
M. Rousselle : Merci.
M. le maire, M. Lamontagne, M. Guay, M. Gardner, que je
vois à l'arrière, bienvenue à l'Assemblée
nationale. Que pensez-vous... Le fait que les organismes publics peuvent
récupérer les sommes perdues pour une
période de 20 ans, sachant même que des... Le fait que, les documents, on
peut les garder pendant 10 ans, voyez-vous un problème? J'aimerais
ça vous entendre là-dessus.
M. Demers (Marc) : Bien, écoutez,
les sommes d'argent qui seront récupérées le seront sur une base quand même factuelle. Alors, si on n'est pas capables
d'assumer une certaine preuve, un certain fardeau, il n'y aura pas de
somme récupérée.
Maintenant, c'est des politiques de rétention de documents, et ces
politiques-là ne sont pas toujours respectées, et il y a évidemment les témoignages. Alors, je pense
que, la plage de 20 ans, nous, on était favorables à ça, et on n'y
voit pas réellement de handicap.
L'autre aspect, c'est qu'à ma compréhension le
Code civil prévoit déjà des mécanismes contre des poursuites abusives, et les
gens qui signeront ces documents-là, qui pourront porter des poursuites, sont
régis par des codes professionnels, donc
c'est leur réputation, leur éthique professionnelle. Alors, il y a déjà des
balises qui existent et, je pense, sur lesquelles on doit tenir compte.
Alors, nous, on était favorables avec cette recommandation-là.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Une minute, M. le député de Vimont.
M. Rousselle : On va faire ça
vite. Je comprends que, oui, vous êtes favorable avec le 20 ans, mais
l'affaire qui arrive là-dedans,
c'est que les gens qui arrivent ici avec des commerces, qu'ils soient dans la
construction ou que ça soit au niveau de l'informatique,
eux parlent que 20 ans, c'est long. Ils disent souvent que, des fois, les
compagnies ont changé de propriétaire. Vous, là-dedans, vous...
M. Demers (Marc) : Bien, écoutez,
lorsqu'on mentionnait qu'il faut non seulement regarder le passé, il faut regarder vers l'avenir, bien, évidemment, ça tient
compte de ça, de cette sensibilité-là. Et, quant à moi, il n'y aura pas
de réclamation ou de poursuite qui n'aura pas un bon fondement, qui n'aura pas
au moins une base. Et c'est ça qu'il faut regarder.
Et la base, même si notre fardeau est amoindri, il y a toujours un fardeau, il
y a toujours des faits à démontrer. Par contre, de dire qu'on va réduire la période et qu'il y a des témoignages
ou qu'il y a des éléments de preuve qui... bien, ça serait encore une fois le grand public, le citoyen
qui ferait les frais de cette mesure-là. Alors, nous, on était
favorables à la position du gouvernement à ce chapitre-là.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je ne veux pas vous interrompre, M. le député de Vimont, il reste un
autre bloc de 10 minutes. Vous pourrez revenir tantôt. Ça vous va?
Excellent! On aime ça quand les membres sont heureux.
Je me tourne
maintenant vers l'opposition officielle pour votre bloc d'intervention. M. le
député du Lac-Saint-Jean, à vous la parole.
M.
Cloutier : Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de vous
souhaiter la bienvenue. Est-ce que je comprends bien, mais je pense que vous avez la même position avec la ville de
Montréal quant à la participation de la ville de Laval sur votre mot à
dire sur le règlement qui aura cours avec les entreprises fautives?
M. Demers
(Marc) : Ce qu'on a articulé dans le mémoire... c'est-à-dire, il
faudrait que la position ministérielle ou qu'une compagnie n'ait pas une
option de dire : Finalement, je... automatiquement, en allant dans
l'aspect de la contribution volontaire, ça laisse tomber les poursuites. Il faut
avoir le consentement de l'autre partie. Parce qu'évidemment l'implication de la ville... On ne connaît pas encore tous les détails
du programme, jusqu'où ça va aller, et on comprend qu'on ne sera pas tout seuls. Alors, on ne s'était
pas prononcés là-dessus,
mais on n'a rien contre faire partie de la réflexion. Et je vous dirais que, parmi les organismes qui
ont été blessés, ville de Laval est probablement une des grandes
victimes. Les citoyens de ville de Laval ont été victimes de toute cette
collusion-là. Je ne sais pas si vous voulez...
M. Guay
(Patrice F.) : Mais, écoutez,
je suis tout à fait au même endroit que M. le maire, et la ville veut participer. D'ailleurs, le mémoire traduit cet enthousiasme-là d'y être, et, à nos
yeux, une participation auprès des administrateurs du programme à tout
moment. Évidemment, je pense qu'on rejoint fondamentalement la même position
que la ville de Montréal. Nous l'avons
exprimé différemment, ça vous amène une variété d'opinions, mais je pense
qu'effectivement, à terme, notre objectif idéalisé serait bel et bien celui d'y
être.
M.
Cloutier : Juste pour
être... mais, de ce que... Bon, 3.2.1, commentaire sur l'article 4, ce que vous dites, c'est... avant
d'accepter une proposition, vous voulez avoir le droit de décider d'entamer des
procédures. Mais, si on fait un parallèle avec l'article 34, ce que je
comprends, c'est que c'est la ministre qui va décider si, oui ou non, elle
accorde l'autorisation, l'autorisation de pouvoir poursuivre. Puis là ce que vous dites,
vous, c'est que, si jamais elle ne donnait pas cette autorisation, ses motifs devraient
minimalement être justifiés, alors que ce n'est pas le cas. C'est ça que je comprends?
M. Demers (Marc) : Effectivement, c'est
une suggestion que nous avons écrite dans notre mémoire.
M. Cloutier : Et j'imagine que... Est-ce que
votre proposition, c'est de pouvoir poursuivre dès que vous
jugez que l'entente n'est pas appropriée pour ville de Laval, que vous puissiez
vous-même entamer les procédures?
M. Demers
(Marc) : Bien, écoutez,
oui, notre position est à cet effet-là. Si jamais, pour une raison ou
pour une autre, nous sommes
convaincus que la première partie du projet
de loi ne répond pas aux besoins des citoyens
de ville de Laval, on croit qu'on
devrait avoir la latitude, dans le
cadre de l'autonomie municipale et dans
le cadre de bien défendre les intérêts
des citoyens de Laval, d'avoir la latitude de poursuivre.
M.
Cloutier : J'ai posé
la question, ce matin, à la ville de
Montréal puis je leur ai demandé : Mais est-ce que la... Ce qui
motive la réflexion derrière ça, est-ce que ce sont les montants en cause, que
vous jugez que la négociation qui pourrait avoir cours, dans le fond, c'est une entente négative,
mais, en bout de ligne, vous jugez ça un peu inférieur à ce que ça devrait être, ou c'est... Pour la ville de
Montréal du moins, on l'a plus justifié sous l'angle, bon, bien,
autonomie, métropole, machin, alors que ce
que je comprends pour vous, c'est davantage lié à l'entente qui pourrait être
négociée, eu égard à la connaissance peut-être plus approfondie de ville de
Laval dans un dossier plus précis.
M.
Demers (Marc) : Mais, écoutez,
premièrement, il y a une question d'autonomie, mais les montants aussi sont importants.
Mais, deuxièmement... C'est-à-dire, aussi, il
y aura tout le fait que ce ne seront
pas des dossiers simples, et, oui, il y a peut-être des compagnies qui
seront poursuivies dans un certain dossier et à Montréal et à Laval, mais, à Montréal,
avec d'autres complices ou d'autres personnes et, à Laval, avec d'autres, et ainsi
de suite. Alors, dans ce sens-là, on veut se réserver le droit, pour le bénéfice des citoyens de Laval, de pouvoir
poursuivre et de pouvoir
entamer des poursuites.
M. Guay (Patrice
F.) : Je ne sais pas si...
Une voix :
Oui, allez-y.
• (15 h 30) •
M.
Guay (Patrice F.) : Si je
peux me permettre d'ajouter. Il faut voir que notre compréhension, évidemment, actuellement,
du programme, elle est sommaire puisqu'il sera publié. Nous apprécions
d'ailleurs que vous prévoyiez spécifiquement la possibilité pour les parties
intéressées de pouvoir faire des commentaires. C'est rassurant
puisqu'effectivement nous comprenons que ça va être un pan important du projet
collectif.
Mais,
cela étant, il faut voir qu'actuellement notre compréhension est que le
chapitre II, c'est-à-dire le programme, ne semble pas être... n'annonce
pas, à tout le moins — sûrement
que... c'est peut-être le cas plutôt, nous ne le savons pas — n'annonce
pas qu'il sera ouvert à toute et chacune des parties contre qui nous croyons
avoir un recours. Vous avez eu évidemment des représentations des
entreprises, des entrepreneurs, des associations d'entrepreneurs. Nous sommes d'avis que d'autres parties devront être
impliquées éventuellement, soit dans une poursuite ou dans un règlement
global. On pense aux anciens
administrateurs : Où sont-ils en regard du programme, et comment vous
considérez, éventuellement, leur part de responsabilité? Donc, dans ce
contexte, il est pour nous important de pouvoir, puisque notre réalité est particulière... Et tout le monde qui comparaît
devant vous tente de vous convaincre que leur réalité est particulière,
puis je me permets de suggérer que ville de Laval a tout de même fait l'objet
de quelques témoignages particuliers.
Donc,
où j'en suis, c'est que nous avons à tenir compte de cette réalité-là. Donc, la
portée des ententes éventuelles, à nos yeux, qui peut-être, pour
certaines organisations, seront tout à fait à la hauteur de ce que nous avons
comme information, nous nous permettons
d'être sensibles à cette réalité, c'est-à-dire que peut-être que nous aurons
éventuellement un reliquat qui ne serait pas
dans l'entente que nous pensons, que d'autres personnes qui ne sont pas dans le
programme pourront être appelées à payer.
Donc,
c'est dans ce contexte et c'est en ayant en tête cette réalité que nous avons
donc exprimée les quelques... la nécessité de garder, donc, la plus
grande autonomie municipale possible à ce niveau-là. Et vraiment je porte à
votre attention que cette autonomie municipale n'est pas strictement, à mes
yeux, une ligne pour vous convaincre. Les municipalités,
en tout état de cause et en toute atmosphère possible, doivent avoir toute
l'autonomie, je n'en suis pas là du tout. Là où nous en sommes, c'est
bel et bien dans la réalité de l'examen que nous faisons au nom des citoyens.
Il faut bien s'assurer que le programme ne
soit pas aveugle sur des réalités propres à certaines organisations, dont celle
dont j'ai l'honneur d'être le directeur du
contentieux, et, à ce niveau, pour moi, il est important — il est important — d'avoir
cette sensibilité-là à la réalité propre de chacune des organisations. Donc, on
pourrait en parler longtemps, je ne veux pas prendre trop de temps.
M.
Demers (Marc) : Et j'aimerais juste ajouter un petit point, c'est
qu'il ne faudrait pas prendre pour acquis que les preuves qui seront
déposées vont se limiter à ce qui a été présenté à la commission Charbonneau ou
à l'UPAQ. M. Lamontagne, vous vouliez ajouter?
M. Lamontagne
(Serge) : Bien, c'était effectivement ce point-là. Dans le fond, il
faut regarder... Notre participation est à deux niveaux. On trouvait important,
de par ce qui s'est passé à Laval — moi, ça fait un an que je suis là, M. le maire, avec Patrice — de par l'ampleur de ce qui s'est passé à Laval,
de par les actions qu'on est déjà... Il faut savoir qu'on est déjà en
mouvement comme organisation, donc dans le même esprit que le projet de loi.
Donc, l'importance d'être partenaires avec
le gouvernement dans les prochains mois, dans les prochaines années,
pour nous, c'est fondamental. Donc, il y a... Et on a toujours eu dans la
réflexion les citoyens.
Donc,
il faut s'assurer, avec l'expertise qu'on a développée dans la dernière année
et ce qui s'en vient dans les prochaines, un partenariat nécessaire avec
Laval pour aller récupérer le maximum des sommes, mais surtout pour s'assurer que ça ne se reproduise pas. On est
vraiment en mouvement pour mettre en place des façons de faire pour que
ça ne se reproduise pas.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Merci. M. le député de Lac-Saint-Jean, il vous reste
cinq minutes.
M.
Cloutier : Est-ce que je comprends qu'il y a des causes qui
sont déjà pendantes, qu'il y a déjà des procédures judiciaires qui ont
été entreprises pour récupérer des sommes?
M.
Demers (Marc) : Non. Il y a eu un organisme... Non, il n'y a pas de
cause pendante à l'heure actuelle, mais nous sommes à la veille de
porter des causes, et on parle en termes de semaines.
M.
Cloutier : Mais, comme le dossier est large, j'imagine que
vous... Avec les mesures qui seront adoptées par le gouvernement du
Québec, de toute évidence dans un délai qui semble être assez raisonnable,
est-ce que les mesures législatives
actuelles ne viendront pas... Est-ce que vous êtes en attente, finalement, du
projet de loi actuel pour procéder ou,
comme le cas peut-être ou les cas que vous avez en tête ne concernent pas
nécessairement l'octroi d'un contrat public, vous procédez donc sans
avoir besoin de la loi actuelle? C'est-u ça que je comprends.
M. Demers (Marc) : Depuis un certain
temps, des firmes de juriscomptables sont en train d'étudier plusieurs dossiers, des causes, et de mettre à jour des
éléments de preuve ainsi que des systèmes. Évidemment, il y a l'étude de
tout ce qui s'est dit à la commission Charbonneau. Alors, nous avons investi et
nous avons avancé dans le domaine depuis plusieurs
mois. On ne l'a jamais
caché. Dès notre arrivée l'an passé à l'hôtel de ville, nous l'avons annoncé.
Alors, le travail se fait et pourra se poursuivre dans les prochains
mois.
Maintenant,
la loi, nous en sommes fiers, c'est un outil formidable, sauf qu'on ne peut pas
prendre pour acquis toute la
mécanique, et tout ça, et nous avons jugé sécuritaire de poursuivre nos
démarches et d'aller de l'avant pour le plus grand bénéfice des citoyens de ville de Laval. Et je
vous rappellerai que les enquêtes préliminaires vont avoir lieu ce
printemps à Laval pour plusieurs accusés, alors, évidemment, il y aura une
communication de la preuve et un autre pan de preuve qui sera rendu public.
M.
Cloutier : Alors, ce que... Je comprends donc que
l'éventuelle adoption de la loi sera un atout supplémentaire pour vous
permettre, probablement, d'aller plus rapidement et pourra fort probablement
aussi inciter les entreprises à négocier avec ville de Laval.
M. Demers
(Marc) : Effectivement. Nous, si on porte des poursuites et du moment
que nous sommes convaincus qu'une négociation dans le cadre... On est
tout à fait d'accord à suspendre certaines procédures pour le plus grand bénéfice des citoyens. Et une des choses qui est
précieuse pour nous, c'est des règlements rapidement, parce que
l'opinion publique doute de l'efficacité du système judiciaire, doute de la
justice parce que ça prend trop de temps avant qu'il y ait des décisions de prises. Et aussi on a besoin de plusieurs
ressources, plusieurs expertises, qui sont présentement dans bien des compagnies, pour faire progresser la
société, hein, dans l'ensemble du Québec, là, pas juste Laval. Alors, on
a hâte de tourner la page là-dessus puis de
régler ça d'une façon équitable pour tout le monde, et le projet de loi nous
permet d'avancer dans cette direction-là.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : M.
le député de Lac-Saint-Jean, deux minutes.
M.
Cloutier : Merci, M. le Président. D'abord, c'est tout à votre
honneur de poursuivre tout le travail qui s'est fait et d'aller au fond.
Probablement que le passé vous donne raison. C'est quand même la deuxième fois
qu'on étudie, essentiellement, des mesures similaires, même si elles vont plus
loin. Espérons que cette fois-ci soit la bonne.
Ceci étant
dit, s'il y avait... Est-ce qu'il y a une mesure ou deux mesures qui sont
présentes dans votre mémoire qui vous apparaissent absolument
nécessaires pour l'adoption du projet de loi ou si... Parce que, là, ce que je
comprends, c'est qu'il y a beaucoup de
bonifications, vous souhaitez une participation, mais est-ce qu'il y a une
mesure qui, pour vous... vous dites : Si ça, ce n'est pas changé,
ça va être très difficile pour nous d'opérer?
M. Demers (Marc) : Si ce n'est pas
changé dans la proposition du projet de loi ou...
M. Cloutier : Exactement. Si,
parmi les...
M. Demers (Marc) : Je vous laisse
aller avec les problèmes techniques, maître.
M. Guay (Patrice F.) : Merci, M. le
maire.
M.
Cloutier : Puis, si
vous aviez à identifier une... Ma question, c'est : Est-ce qu'il existe une de vos propositions qu'il vous apparaît absolument
nécessaire d'être adoptée parce que, sinon, ça occasionnerait, par exemple,
pour ville de Laval, une difficulté importante?
M. Guay (Patrice F.) : Si je peux me
permettre, toute nouvelle loi est toujours une belle occasion de susciter des
nouvelles questions pour lesquelles les tribunaux ne se sont jamais prononcés.
Donc, il va sans dire que plusieurs dispositions ici, que certains pourraient voir comme étant exorbitantes,
du droit commun, ou du droit de base, pour prendre une expression un peu
plus simple... Il est certain qu'il faut, tant que possible, adopter des dispositions
qui vont nous permettre d'éviter des débats.
Une disposition que nous considérons importante, en fait... Je reformule : Une
précision que nous considérons importante, c'est celle que nous vous
suggérons à la page 18, c'est à l'effet de réitérer l'application
immédiate... le dernier paragraphe du
commentaire à 3.2.5, dans lequel je
crois que la loi devrait être très claire quant à son application
immédiate aux causes pendantes.
Vous avez entendu
M. Demers. Il va sans dire que la ville est à évaluer ses différentes
options à ce stade-ci. Elle est sur le mode
action, elle est sur le mode où on avance, et il va sans dire qu'éventuellement il y aura bel et bien la nécessité que l'on retrouve à la loi des règles qui vont indiquer
qu'elle est d'application immédiate, y compris pour les causes
pendantes. Mais j'ai en tête... Et je ne veux pas vous faire perdre du temps
avec toute la doctrine en matière d'interprétation
législative, mais il y a plusieurs règles qui, ici, vont entrer en règle de
compte, notamment : Est-ce une loi de procédures? Je ne pense pas. Sous tous les aspects, c'est une loi qui va
venir changer des règles de droit, donc les règles de fond. Nous avons tous une présomption au niveau de
l'absence de rétroactivité, mais, comme le législateur peut le faire, je
vous invite à le faire, c'est bel et bien de
préciser que toutes les dispositions relatives au chapitre III,
c'est-à-dire après l'article 10,
s'appliquent dans les causes pendantes immédiatement. Je crois qu'on a
plusieurs indices que c'est déjà votre volonté, je vous inviterais à
être beaucoup plus spécifiques sur ce point.
Également, si je peux me permettre, un élément
important, c'est bel et bien pour ne pas vulnérabiliser les fonds publics, c'est-à-dire ne pas nous
mettre à la merci de la possibilité d'anciens élus et fonctionnaires de
revendiquer le paiement de leurs honoraires
par la ville, l'article 604.6 et suivants. Je crois qu'il y a
une réflexion à faire. Certains diront, sans trop aller dans le détail, que la Cour d'appel a répondu récemment
dans l'affaire Boisbriand. Je suis d'avis que cette décision, effectivement, lance un message clair. Cependant,
encore une fois, s'il
vous plaît, évitez-nous des débats à
ne plus finir. Les citoyens
ne veulent pas voir la mascarade de débats juridiques à la cour lorsqu'on parle
d'aller récupérer leur argent. Le temps joue contre nous, et les débats
coûtent très cher.
• (15 h 40) •
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci pour ces précisions. On a dépassé un peu le temps, mais je pense que tout le monde... Ce sont des précisions très intéressantes et très
utiles. Mme la députée de Montarville, c'est à votre tour.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. M. le maire, messieurs, merci pour le mémoire,
merci pour votre visite.
Je vais tout de suite sauter sur des propositions
que vous faites, on est dans les propositions. J'avais lu celle que vous venez de mentionner, mais il y en a
deux autres sur lesquelles j'aimerais qu'on revienne, parce que
je les trouve particulièrement intéressantes, surtout au niveau où vous
parlez, M. le maire, de l'opinion publique, de ce que les gens attendent des
élus et attendent du gouvernement, du gouvernement en place et des
législateurs. Et je pense ici à — la
page 12 — lorsque
je mentionne ça, entre autres, ce que vous avez proposé, ce que la ville de
Laval a proposé, et je réitère vos
écrits qui sont ici : «Une municipalité devrait pouvoir saisir une instance judiciaire ou
administrative d'une demande de suspension du paiement de toute
indemnité de départ et des versements du régime de retraite à tout élu ou
fonctionnaire municipal dès qu'il existe un motif raisonnable de croire que
cette personne a posé un geste illicite grave et que ce geste est préjudiciable
aux intérêts de la municipalité.»
Alors, ça
fait partie des ajouts que vous recommandez, si je comprends bien. Pouvez-vous
élaborer un petit peu concrètement ce que ça signifierait, compte tenu de tout le contexte qu'on connaît à Laval, les arrestations qui ont eu
cours, qui ont eu lieu, et des indemnités qui devaient être payées?
M. Demers
(Marc) : Alors, sur une base
factuelle, la journée du départ du maire Vaillancourt, il avait dans sa
poche une prime de départ de 240 000 $.
Ce qui est visé à ce chapitre-là, c'est qu'il
faut comprendre que non seulement les poursuites vont mettre en évidence... et les accusations mettre en évidence
qu'un élu a commis un crime, mais l'élu s'est aussi servi de son statut d'élu ou de sa fonction d'employé — si c'est un employé qui est en
question — pour
commettre le crime, et, troisièmement, le crime est à l'endroit des
citoyens. La victime, c'est l'institution qui est la municipalité.
Alors, nous
trouvons aberrant, d'un côté, de poursuivre... payer les frais pour poursuivre,
de l'autre côté, que les frais
d'avocat soient payés pour le défendre ou qu'il y ait un débat à le savoir, et,
de l'autre côté, le temps que les poursuites se font et que... ou qu'on
puisse au moins récupérer les argents que les citoyens continuent à débourser
pour ces personnes-là, qui mettent en cause, évidemment, les dimensions que je
viens de vous dire.
Alors, l'opinion publique est choquée de ça, et
non pas sans raison. Je comprends qu'il y a une structure puis qu'il y a des points de droit qui soutiennent ça,
sauf qu'on cherche à trouver des remèdes pour éviter que ça se
reproduise et permettre une récupération de fonds.
Mme Roy
(Montarville) :
Alors, je vous suis parfaitement bien là-dedans. Je suis tout à fait d'accord
avec vous à cet égard.
Si on poursuit,
à la page 12, même type de demande un peu que vous faites, en fait,
d'ajout : «...la ville de Laval propose
qu'une clause soit prévue — en bas de la page 12 — à l'effet que toute disposition d'actifs
postérieure à une date qui pourrait
correspondre à la date qui sera précisée à l'article 16 du projet de loi
sera présumée avoir été effectuée en fraude des droits des organismes
publics. Une telle présomption faciliterait grandement la récupération des
fonds pour de nombreux organismes publics.» Encore une fois, élaboré ici, je
trouve ça intéressant comme ajout.
M. Demers
(Marc) : Oui, évidemment, le projet de loi parle d'institutions ou de
partenaires qui seraient volontaires pour trouver des solutions, mais il
y en a aussi qui ont une moins bonne volonté et il y en a qui ont préparé leur
fuite, qui ont voulu protéger les fonds.
Alors, on pense qu'il faut... vu que c'est une loi qui a quand même une
prescription, qui a une durée de vie,
il faudrait, pour permettre un remède à la hauteur du traumatisme, permettre
qu'on puisse récupérer des fonds qui ont été... ou des actifs qui ont
été passés à de la parenté dans les dernières années et de nous permettre de
récupérer sur une plus longue période. Alors, c'était le but visé par la loi.
Avez-vous à ajouter?
M. Guay (Patrice
F.) : Bien, écoutez, il faut voir, effectivement, que le temps passe. Évidemment,
il y a d'excellents professionnels qui accompagnent plusieurs des parties à qui
on pense, à différents entrepreneurs, à plusieurs parties. Donc, je pense que
c'est un secret de Polichinelle qu'un beau jugement, s'il n'y a pas d'actif, à
part le papier sur lequel il est écrit les
honoraires que ça a coûté puis les avocats qui ont peut-être
eu beaucoup de plaisir à se rendre jusque-là... mais
le citoyen ne se trouve pas à être avantagé. Donc, une présomption qui nous
permettrait, effectivement, de mettre en
doute certains transferts d'actif, qui nous permettrait de reconstituer un
patrimoine qui a été savamment caché, dilué, qui a été... pas dilapidé,
parce qu'évidemment ça impliquerait qu'il n'y a plus de lien avec...
Je pense qu'il faut user d'imagination. Nous
nous inspirons de l'article 1. On parle d'une loi qui prévoit des mesures extraordinaires, nous sommes dans ce
registre-là, tout à fait, de propositions. Il existe différentes lois
fiscales qui ont une portée extrêmement
large à ce niveau. On est en matière de fonds publics, on est exactement à la
même place. On est à l'endroit où ce
qu'on veut, c'est de pouvoir proposer des outils qui vont amener le plus
possible de difficultés, pour la personne à qui on réclame des sommes,
de pouvoir dire : Ce n'est plus mes actifs, c'est dilapidé. On a déjà, au
Code civil, quelques présomptions. Il y a la Loi sur la faillite et
l'insolvabilité, mais on est dans une loi d'exception.
Votre
article 1 nous enchante, et, à ce niveau-là, je vous dirais qu'on devrait
s'en inspirer pour trouver... Nous n'avons pas beaucoup développé de
mécanismes juridiques — question
de temps — depuis
décembre, puis il y a eu Noël entre les
deux, là, donc ça a coupé, évidemment, le temps, mais je pense que c'est
important de continuer la réflexion. Certainement
que vous trouverez, que les légistes trouveront appui pour s'inspirer dans
différentes autres lois, ou vous avez, je
pense, beaucoup les lois fiscales où il y a des dispositions qui sont
extrêmement puissantes pour amener le contribuable à la table, je vous
demanderais de vous en inspirer.
Mme Roy
(Montarville) :
Par ailleurs — je
vais changer de sujet — vous
nous parlez aussi... Et vous êtes d'avis que
la ville... que la loi, pardon, devrait confirmer le caractère solidaire de
toutes les obligations consécutives aux manoeuvres dolosives. Juste
avant vous, il y avait les constructeurs de routes qui, eux, disaient que, pour
ce qui est du remboursement des sommes, ils ne voyaient pas d'un très bon oeil
la solidarité mais pensaient plutôt à un partage. Qu'est-ce que vous pensez de ceux qui auront de la réticence avec cette
solidarité-là et qui voudront plutôt un partage en fonction de la
responsabilité de chacun, au niveau peut-être de l'applicabilité de cette
mesure de partage?
M. Guay (Patrice F.) : Je pense que
le Code civil répond déjà en partie à notre demande. Une poursuite qui articulerait un recours contre différentes
parties, c'est-à-dire entrepreneurs, administrateurs, élus, anciens
administrateurs de compagnie, anciens
administrateurs de ville, permettra... Je pense qu'on a déjà des outils, au
Code civil, qui nous permettent de
parler de solidarité. Cependant, encore une fois, les règles d'interprétation
veulent que la solidarité n'est pas présumée, on doit trouver la disposition spécifique qui l'indique. Encore une fois,
c'est un appel que nous faisons aux législateurs pour nous éviter un
débat à ne plus finir sur l'existence ou non d'une solidarité. Elle est déjà
affirmée, pour beaucoup, à l'article 10,
troisième alinéa. Cependant, nous voulons juste être bien certains de la portée
de l'article. Est-ce uniquement contre les entreprises et personnes
physiques qui ont oeuvré au sein des entreprises ou dans l'hypothèse qu'un
recours soit entrepris de façon plus large avec une liste de défendeurs un
petit peu plus élaborée qui tiendra compte notamment de la responsabilité de
différentes parties dont vous, certainement, suspectez les couleurs et le lien
de droit qu'on pourrait avoir?
Il serait
bien de nous aider à éviter le débat sur la portée de la solidarité. La
solidarité est un outil très important pour les parties qui réclament la
demande, puisque ça nous permet, évidemment, comme vous le savez tous, de
requérir, à une partie comme à une autre, l'entièreté de la somme. Et un
recours intenté aujourd'hui contre une partie solidaire interrompt la
prescription contre tous ceux qui pourraient être en lien. Peut-être que
l'enquête va nous montrer, dans cinq ans, qu'on en a oublié. Le bénéfice de la
solidarité nous permettrait de dire : La prescription a été arrêtée, mais tout doute à ce niveau joue à l'encontre du
demandeur. Tout ce qu'on vous demande, c'est de nous éviter d'avoir des
grands débats où les avocats seraient très heureux d'avoir de très longs
débats. J'ai l'impression de me tirer dans le pied, puisque je suis moi-même
avocat, mais où je veux en venir, c'est...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Et
ancien syndic.
M. Guay
(Patrice F.) : Oui, ancien syndic. Donc, peut-être que ma couleur est
là. Mais où je veux en venir, c'est qu'il
y a bel et bien une nécessité de précision pour éviter des débats qui vont être
encore tout à fait nuisibles au sentiment de confiance qu'on veut créer
pour les citoyens.
Mme Roy
(Montarville) :
Par ailleurs...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Dernière minute, Mme la députée.
• (15 h 50) •
Mme Roy
(Montarville) :
Dernière minute? Parfait. J'ai le directeur du contentieux, ça tombe bien. À l'article 14 du projet de loi n° 26, on
parle de cette somme de 20 %, cette somme forfaitaire pour couvrir, en
quelque sorte, les frais du programme, d'une cause. Est-ce que, selon
vous, Me Guay, c'est suffisant, ce 20 % là?
M. Guay (Patrice F.) : J'ai des
montants en tête, de la demande principale. Je vais vous dire que, oui, ça me
semble être suffisant. Et aussi je reviens à la prémisse qu'un jugement, c'est
une chose, encore faut-il l'exécuter. Et il y
a, je pense, une... je ne dirai pas une limite raisonnable, mais c'est tout à
fait dans l'ordre également de ce qu'on retrouve dans d'autres lois, où je pense que c'est... on
retrouve dans plusieurs lois le chiffre de 20 % comme étant le montant
qui est réclamé de façon supplémentaire. Je pense que c'est suffisant dans les
circonstances.
Il faut savoir que, certains entrepreneurs dont
les noms ont été mentionnés de façon très fréquente, et nous avons beaucoup de documents... on parle, bon, de
contrats totaux, dans l'histoire de la ville, de plus de 65 à
70 millions. Faites 15 % puis
rajoutez le 20 %, je pense que, dans la mesure où il faut parler d'une
réparation de préjudice, bien, il faut quand
même qu'il y ait une certaine adéquation entre un préjudice et non pas tout
simplement une mesure qui pourrait être perçue comme étant strictement punitive, bien que ça existe dans notre
droit, mais je ne pense pas que c'est la finalité, là. À mes yeux, ça
serait suffisant.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je
vous remercie. Ça complète ce bloc d'intervention avec la deuxième opposition.
Je me retourne à nouveau vers la ministre, pour le dernier bloc.
Mme Vallée : Merci. En fait,
il y a énormément de points que vous avez soulevés qui suscitent une attention,
je pense, de chaque côté de la table, là, notamment toute la question du
remboursement des frais juridiques d'un membre
de l'équipe qui pourrait... ou d'un ancien élu, ou d'un membre de personnel qui
pourrait être poursuivi en vertu de cette
loi-là. Je voyais le non-verbal des collègues autour de la table, je pense
que... Moi, hier soir, lorsque je lisais votre mémoire, je me suis mis
un petit astérisque en me disant : Bien, c'est intéressant parce que c'est
une question qui est soulevée. On veut
récupérer des deniers qui ont été injustement obtenus. Utiliser des deniers
publics pour permettre la défense, il
y a peut-être lieu de se questionner sur tout ça. Je sais par contre que, dans
certains cas, on a des conventions collectives qui sont en vigueur. Il
faudra voir la portée puis la façon de le faire, mais je comprends très bien
l'esprit qui est derrière la recommandation que vous nous avez formulée
aujourd'hui.
Lorsqu'il est question de la solidarité, je me
questionne, parce que, là, vous n'êtes pas les premiers à vous questionner
aussi sur la solidarité des gens qui pourraient être poursuivis. Et
l'article 10, à son troisième paragraphe, prévoit la solidarité des gens,
il prévoit que «les entreprises et les personnes physiques visées au présent
article sont solidairement responsables du préjudice causé, à moins que
l'organisme public n'y renonce». Donc, vous avez soulevé tout à l'heure la crainte de voir des débats prolongés quant au
partage de cette responsabilité-là. Est-ce qu'il y a, dans l'article 10, un libellé autre qui
devrait prévaloir? Est-ce qu'il y a une précision ou... dans la forme de
l'article 10, quelque chose d'autre? Parce que l'objectif, c'est justement
d'avoir cette solidarité entre les différents intervenants.
M. Demers (Marc) : Si vous me
permettez, Mme la ministre, avant de répondre à votre question, j'aimerais émettre certains commentaires sur vos
commentaires. Un, l'aspect de la loi aussi est d'envoyer un message clair au
niveau de la prévention, que c'est fini, la
récréation, que ce que le Québec a vécu ou ville de Laval a vécu ne doit plus
réapparaître. Alors, dans ce sens-là,
d'envoyer un message clair pour ne pas défrayer les coûts, ça a une durée de
vie de cinq ans, je pense que c'est dans cette optique-là qu'on le fait,
pas juste une question monétaire.
Deuxièmement,
je vous dirais : Si on fait l'inventaire des gens qui seront visés, je ne
crois pas qu'il y en ait qui soient
régis par des conventions collectives, je pense que c'est au-dessus de ça que
ça se passe. Et, en ce qui a trait à votre question, je vais laisser
Me Guay... parce que c'est plus technique.
M. Guay (Patrice F.) :
Effectivement, nous nous étions interrogés si nous devions peut-être vous
proposer une autre... quelques précisions plus spécifiques sur une rédaction
qui nous semblerait heureuse pour aller chercher l'objectif, c'est-à-dire
d'éviter tout débat.
Il faut lire
l'article 10 dans le contexte. Et je vais me permettre d'en lire juste
pour le contextualiser puis tenter de vous
partager ma réflexion à ce niveau. Au troisième alinéa, on dit : «Les
entreprises et les personnes physiques visées au présent article sont solidairement responsables du préjudice causé, à
moins que l'organisme public n'y renonce.» J'ai de la misère à voir
comment il pourrait, en bon administrateur... mais mon propos n'est pas là.
Donc, il faut... On parle ici de solidarité entre les entreprises et les
personnes physiques qui sont visées au présent article.
Allons au premier alinéa. Donc, qui sont-ils,
ces entreprises et cette personne physique? On dit : «Toute personne...» Excusez-moi, tout en haut, premier
alinéa, article 10 : «Toute entreprise ou toute personne physique qui
a fraudé ou s'est livrée à une manoeuvre dolosive...» Donc, l'attribut commun
de ces personnes pour être réunies dans une solidarité, c'est de s'être livrées
à des manoeuvres dolosives ou avoir fraudé.
Je propose que nos recours pourront peut-être
également articuler d'autres liens de droit que la fraude et les manoeuvres
dolosives, ne serait-ce que la personne qui, dans le cadre de ses fonctions,
n'a rien fait, l'aveuglement. Est-ce qu'on
devra, nous, établir que c'est équivalent à fraude et que c'est une manoeuvre
dolosive? On voit à quel degré de difficulté
on met l'organisation publique, et toute l'insécurité — prise au sens un petit peu imagé — qu'on peut voir dans le débat qui va
s'ensuivre. Donc, il m'apparaît important, au tout début, de bel et bien camper
qui vise-t-on, donc, à ce troisième alinéa là.
Je vois donc
qu'il y a un attribut commun, c'est la fraude, les manoeuvres dolosives. Qu'en
est-il de celui qui n'a pas fait — excusez-moi ce mot, surtout à
l'Assemblée nationale — sa
job, celui qui se doutait, n'a rien fait? S'est-il livré à des manoeuvres dolosives? Dans mon langage à moi, possiblement.
Est-ce exactement la portée des mots dans le contexte tel qu'on l'entend, puisque «manoeuvre dolosive» remet en cause
la validité d'un consentement? On est en matière de contrat et nullité de contrat, donc, à ce niveau, pour moi, il est
bien important d'être certains qu'on va viser toute personne complice à
différents niveaux, et je ne voudrais pas qu'une règle d'interprétation... Et
c'est la règle d'interprétation telle
qu'elle est généralement reconnue par les tribunaux, la présomption va à
l'encontre de la solidarité, c'est la règle. Donc, si le législateur énonce une solidarité, tout
doute devra être interprété en faveur de celui qui pense que ça ne s'applique
pas.
Donc, s'il vous plaît, encore une
fois, aidons-nous collectivement à éviter un débat à ce niveau. Mais je n'ai
pas de lecture... de suggestion précise. Je serais très ouvert à vous en
envoyer une, de rédaction, si tel exercice pouvait évidemment être utile à la
réflexion commune. Mais c'est ce que nous avions en tête lorsque nous avons
levé un petit drapeau jaune très, très pâle,
mais il était jaune quand même, disant que nous devons nous assurer de bel et
bien viser tout le monde. C'est l'image qui en a fait sourire certains
dans la salle, de pêche non pas à la ligne, mais au filet.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Mme la ministre, 2 min 40 s.
Mme
Vallée : Merci. Je vais céder la parole à mon collègue de
Vimont, qui avait d'autres questions sur le sujet.
M. Rousselle :
Oui. Premièrement, félicitations pour votre mémoire, je ne l'ai pas fait
tantôt, là, mais il est vraiment bien fait.
Écoutez,
tantôt, on a entendu ville de Montréal qui, eux, demandent une modification à
prévoir concernant les personnes qui
ont obtenu des avantages autres que monétaires. Vous, vous en pensez quoi
là-dedans? Est-ce que vous avez quelque chose en tête là-dessus ou...
M.
Demers (Marc) : Bien, écoutez,
on n'a pas spécifiquement utilisé ces termes-là, mais évidemment
les gens qui ont eu des avantages qui vont se traduire éventuellement
par des avantages monétaires... Mais je vous réfère à la définition d'«une complicité» au sens du Code criminel : c'est de poser ou de ne pas poser des gestes que, normalement,
tu aurais dû poser. Et je me rappelle de
certains témoignages à la commission
Charbonneau, où une personne en
autorité disait : Je savais ce qui se
passait, mais il n'était pas dans mon mandat de dénoncer; alors que cette
personne-là occupait un poste d'autorité. Là, je pense, socialement on
ne peut pas laisser passer ça.
Alors,
dans l'article 10, quand on parle de solidarité,
évidemment il nous appartiendra de démontrer c'est
quoi, l'avantage, et de faire les liens, mais je pense qu'on est en accord et
confortables avec cette proposition.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Ça va?
M. Rousselle :
Oui.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Donc, un voyage de pêche serait un avantage non
monétaire mais un avantage tout de même?
M. Demers
(Marc) : Ça dépend où. Il y a deux rivières à côté de Laval.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Alors, puisque ça complète les questions des parlementaires,
il me reste à vous remercier pour votre mémoire et votre présentation en
commission parlementaire.
Nous allons suspendre
quelques instants pour permettre à l'Institut des administrateurs de sociétés
de s'approcher. Nous suspendons nos travaux.
(Suspension de la séance à
16 heures)
(Reprise à 16 h 2)
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Alors, nous reprenons nos travaux et nous accueillons
avec plaisir les représentants de l'Institut des administrateurs de sociétés.
Je vous cède la parole, messieurs, pour votre présentation d'une durée maximale de 10 minutes en vous
demandant, dans un premier temps, pour le bénéfice des parlementaires et
ceux qui nous écoutent, de vous présenter.
Institut des administrateurs de sociétés (IAS)
M.
Dorval (Thierry) : Merci. Mme la ministre, M. le Président, mesdames
et messieurs, tout d'abord, bonne année et merci de nous recevoir.
Je
me présente, Thierry Dorval, je suis associé en droits des affaires chez
Northon Rose Fulbright et président de la section du Québec de l'Institut des administrateurs de sociétés. Je suis
accompagné par Me Robert Paré, à ma gauche, associé chez Fasken Martineau, membre de conseils d'administration, dont
celui de l'IAS Québec. Et se joint également à nous Me Stéphane
Rousseau, professeur de droit et titulaire de la Chaire en gouvernance et droit
des affaires à l'Université de Montréal. Le professeur Rousseau est le
rédacteur du mémoire de l'IAS qui vous a été soumis.
Avec
votre permission, je ferai une courte présentation de l'IAS et de nos
préoccupations relatives au projet de loi n° 26, et Robert parlera
des recommandations qui sont décrites dans notre mémoire. Par la suite,
évidemment, nous serons tous les trois disponibles pour vos questions.
Alors, tel que mentionné dans notre mémoire,
l'IAS est une organisation pancanadienne avec 11 sections régionales et 9 000 membres à travers le
Canada. La section du Québec compte 1 000 membres, incluant des
administrateurs des
plus importantes sociétés par actions du Québec. L'IAS représente les administrateurs
de société mais fait également la promotion
des meilleures pratiques en gouvernance. En ce sens, nous reconnaissons la
nécessité de mettre en place des mesures vigoureuses pour lutter contre
la fraude et les manoeuvres dolosives. Nous comprenons aussi la pertinence d'établir des mécanismes de remboursement des
sommes obtenues injustement auprès d'organismes publics. Toutefois, nous sommes hautement préoccupés par un régime de
responsabilité qui pourrait avoir des conséquences préjudiciables pour les administrateurs et la saine gouvernance
des entreprises. Notre intervention a pour but spécifique de formuler
des commentaires relativement au régime de responsabilité visant les
administrateurs. Donc, on se concentre sur les administrateurs et nous
laisserons à d'autres le soin de commenter les aspects plus généraux du projet
de loi n° 26.
Alors, dans
notre mémoire, nous avons cinq préoccupations qui se retrouvent aux pages ii et
iii de notre mémoire. La première préoccupation concerne la création d'une nouvelle norme de conduite visant les
administrateurs. Cette norme de conduite exigerait que les
administrateurs externes soient constamment en mesure d'identifier l'existence
d'une fraude ou d'une manoeuvre dolosive
afin de pouvoir empêcher sa réalisation. Selon nous, ça mène à une gouvernance
davantage axée sur les enquêtes que sur la création de valeurs. De plus, ça
mine la confiance qui, normalement, doit exister
entre le conseil d'administration et la haute direction. Évidemment, les
administrateurs ne doivent pas avoir la tête dans le sable mais
devraient pouvoir, en l'absence de doute, faire confiance à la haute direction.
La deuxième préoccupation concerne l'application
rétroactive de la nouvelle norme de conduite. Étant donné que la prescription de trois ans du Code civil
est mise de côté et qu'on peut retourner jusqu'à 20 ans en arrière
en vertu du régime proposé,
jugera-t-on les actions d'administrateurs commises il y a 20 ans avec les
standards d'aujourd'hui, qui ont beaucoup
changé en 20 ans? Comme disent les anglophones, c'est comme jouer au
«Monday morning quarterback» et c'est injuste pour les personnes
concernées.
La troisième préoccupation concerne un déséquilibre dans l'application du nouveau recours en responsabilité. Le
nouveau régime met de côté de nombreux principes fondamentaux de notre droit
concernant la norme de conduite attendue, la défense de diligence raisonnable,
la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité, la prescription de trois ans dont j'ai parlé, et l'ensemble
de ces dérogations crée un réel déséquilibre. Les administrateurs peuvent
difficilement s'exonérer d'une faute qui pourrait leur être reprochée.
Ces effets
entraînent deux autres préoccupations très pratiques qui sont la quatrième et
la cinquième préoccupation décrites à
la page iii de notre mémoire. La quatrième préoccupation concerne donc
l'impact du nouveau régime sur les assurances responsabilité des
administrateurs, tant au niveau de la couverture d'assurance que des coûts plus
élevés des primes d'assurance. Et, quant à
la cinquième préoccupation, bien, elle concerne l'impact négatif qu'aura ce
régime sur le recrutement de cadres et...
pardon, de candidats indépendants de haut calibre pour siéger comme
administrateurs de société. Alors qu'on devrait souhaiter avoir les
meilleurs individus possible pour siéger sur les conseils, beaucoup d'administrateurs nous ont spontanément mentionné
qu'ils n'ont pas l'intention de risquer leur patrimoine, souvent le
travail d'une vie, afin de siéger sur des conseils d'administration de sociétés
ayant des contrats avec l'État dans de telles circonstances.
Alors, je vous ai expliqué certains problèmes.
Je vais maintenant céder la parole à Robert, qui décrira nos recommandations
pour solutionner ces problèmes.
• (16 h 10) •
M. Paré
(Robert) : M. le Président, Mme la ministre, six recommandations. Deux, vous en excuserez,
sont de nature technique, et quatre sont des recommandations plus de
fond.
Notre
première recommandation, nous souhaitons que la nature du régime de responsabilité des administrateurs soit claire pour préciser qu'il s'agit d'un
régime où la faute des administrateurs doit être prouvée. En ce sens, nous pouvons vous référer au haut de la page 9 de
notre mémoire, qui suggère, en substance, que le libellé introductif...
Vous savez, pour les administrateurs
externes, tout se joue dans la dernière phrase du deuxième alinéa de
l'article 10, et nous croyons
que l'expression «il en est de même pour ses administrateurs s'il est établi»
devrait être remplacée par un texte qui soit clair, où on dit «la responsabilité
des administrateurs — ta,
ta, ta — s'il
est établi», comme c'est le cas pour les dirigeants. Alors, ça, c'est une
précision de texte.
Notre deuxième recommandation, question de
fond : Que la norme de conduite soit révisée pour éliminer l'expression «auraient dû savoir», qui n'a pas de
référence dans notre droit actuel, pour que cette norme soit basée sur
la réalité d'un conseil où on n'a pas une
obligation historique de surveillance de type policière. Nous nous référons à
notre mémoire, au haut de la page 5,
qui donne la substance du droit actuel, et je cite : «Compte tenu du principe de confiance, les tribunaux
n'exigent pas que les administrateurs effectuent une surveillance constante des
dirigeants. Ce n'est que s'ils ont des
motifs raisonnables de douter de l'intégrité ou de la compétence des dirigeants
que les administrateurs doivent enquêter et prendre les mesures
nécessaires.» Essentiellement, c'est : leur responsabilité sera retenue
s'ils ont fait preuve de négligence ou s'ils ont agi déraisonnablement en ne
faisant pas enquête alors qu'ils avaient une raison de douter. C'est le texte
actuel.
Notre
troisième recommandation, nous
souhaitons qu'il soit prévu clairement que l'administrateur peut
s'exonérer en démontrant qu'il a agi avec diligence tel que les textes ouvrent
cette défense de diligence aux dirigeants. Alors, les textes, dans la première phrase, toujours, de ce fameux deuxième
alinéa de l'article 10, expliquent clairement qu'un dirigeant peut
se disculper s'il démontre avoir agi avec le soin et la diligence, mais ces
mots ne se retrouvent pas dans le texte
lorsqu'on parle des administrateurs. Alors, compte tenu de l'importance de ce
dont nous discutons ici, des répercussions futures, nous croyons que les
textes doivent être... ils sont facilement clarifiables.
Notre quatrième recommandation est à l'effet
qu'il doit y avoir une preuve de lien de causalité, qui est un principe
classique, historique, entre la faute de l'administrateur et le préjudice subi
par l'organisme public. Encore une fois, à
ce sujet, je vous réfère à la page 12 du mémoire, dernier paragraphe
complet, où on réfère au principe établi et cristallisé
par le Pr Baudouin, qui explique que «le rôle du lien de causalité est
d'éviter de "tenir l'auteur d'un acte fautif responsable d'un dommage qui
est sans relation avec la faute"». Or, ici, la présomption qui écarte le
lien de causalité fait en sorte qu'il n'est
pas nécessaire d'établir que le préjudice est la conséquence logique, directe
et immédiate de la faute qui pourrait être reprochée à l'administrateur
externe.
Recommandation n° 5 : le projet ne
balise pas et est imprécis sur la portée temporelle de la responsabilité solidaire des administrateurs. Est-ce à dire qu'un
administrateur qui a siégé au conseil d'administration, un
administrateur externe, peut être
responsable de préjudices alors qu'il ne siégeait plus au conseil ou encore de
préjudices alors qu'il n'avait pas encore siégé au conseil? Question
importante.
Finalement, nous croyons que le délai de
prescription à l'égard des administrateurs soit révisé pour qu'il corresponde au délai de trois ans de droit commun.
Nous faisons référence au commentaire de Thierry sur les problèmes majeurs en termes de police d'administrateurs et
dirigeants. Et également il faut que ce soit symétrique. Les administrateurs
doivent, le cas échéant, être sûrs d'avoir
un recours récursoire contre les coauteurs de la situation. Je m'excuse et je
crois terminer, je l'espère, M. le Président, dans les délais.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Alors, merci. Merci pour ces observations. Nous allons maintenant
entreprendre un bloc d'échange avec la ministre, dans un premier temps. Mme la
ministre, la parole est à vous.
Mme Vallée :
Merci. Alors, merci beaucoup, messieurs. Bienvenue en commission parlementaire,
merci de vos observations. Alors,
évidemment, il est clair que ce projet de loi là, et on l'a dit, et on le dira,
et on le redira, c'est un projet de
loi exceptionnel pour venir pallier à une situation exceptionnelle à laquelle
on est confrontés. Je comprends que vous représentez les administrateurs
de société, c'est vraiment en ce sens que vous venez faire part de vos
observations.
Là, je me rends compte, vous avez une
interprétation de l'article 10 qui est un peu différente, puisque les
préoccupations que vous soulevez quant à la responsabilité des administrateurs,
nous croyons que, dans son libellé, l'article 10 y répondait. Maintenant,
je comprends que, de votre lecture, ce n'est pas aussi clair que ça. Alors, je
vous remercie d'avoir soulevé vos préoccupations, parce que, dans un premier
temps, pour ce qui est... Je vais les prendre dans
le désordre, mais la période de temps ou l'espace temporel qui est visé par la loi, il est prévu, au deuxième paragraphe
de l'article 10, que la période
temporelle qui est visée quant à la responsabilité des administrateurs, c'est la période qui entoure le moment de la fraude ou le moment de la
manoeuvre dolosive. Alors, ce sont les administrateurs
en poste au moment où les faits
allégués se sont produits qui seront solidairement responsables si
effectivement ils n'ont pas agi avec le soin, et la diligence, puis la compétence qui est attendue d'eux. Alors,
évidemment, ce n'est pas de tenir responsables les gens pour des
périodes de temps immenses, très larges, non définies, on se resserre vers le
moment des faits allégués.
Et, les faits allégués, je sais que, dans votre
première recommandation, vous demandez évidemment que la faute des
administrateurs doit être prouvée. Et, dans la rédaction de l'article 10,
on a utilisé le passé composé. Donc, on dit
que le projet de loi va prendre effet lorsqu'une entreprise ou une personne
physique a fraudé ou s'est livrée à des manoeuvres dolosives. Donc, évidemment, à partir du moment où on utilise
le passé composé, c'est qu'il doit y avoir cette démonstration qui est
faite de la faute ou de la manoeuvre dolosive. Alors, ça, c'est important,
évidemment. Parce que je comprends la précarité si ce n'était pas le cas, pour
les administrateurs de grandes sociétés, mais il y a aussi cette notion-là.
Et d'ailleurs, juste avant vous, les
représentants de la ville de Laval venaient s'entretenir avec nous sur toute la
question de l'aveuglement volontaire. C'est-à-dire quelqu'un qui a
volontairement fermé les yeux sur certains stratagèmes,
qui a volontairement fermé les yeux sur certaines manoeuvres, peut-il s'en
sortir? Alors, c'est aussi un élément qui
est à considérer. Et donc la fraude, les manoeuvres dolosives seront prouvées,
devront être prouvées, évidemment, ça fait
partie de l'intention derrière le projet de loi, et la norme de conduite,
évidemment, s'attache... on se réfère à une conduite d'un administrateur
qui va agir avec soin, avec diligence, avec la compétence.
Maintenant,
vous parliez des dirigeants, de la distinction que vous aviez comprise entre
les administrateurs et les dirigeants. Toujours dans le deuxième
paragraphe du projet de loi, lorsqu'il est prévu, à la quatrième ligne, «il en
est de même pour ses administrateurs», pour nous, il était clair que les
exigences et ce qui était prévu pour les dirigeants s'appliquaient également
aux administrateurs. C'est-à-dire que l'administrateur qui démontrait avoir agi
avec soin, avec la diligence, bien, ces administrateurs-là pourront se dégager
de cette responsabilité-là.
Donc, le libellé,
pour nous, à notre lecture, était clair. Maintenant, je comprends qu'il ne
l'est pas pour vous. Est-ce qu'il y a
un libellé particulier que vous souhaiteriez voir ou est-ce qu'il y a une façon
de rédiger ce deuxième paragraphe là qui
serait plus précise? Moi, je ne vois pas de problème, lorsqu'on est dans la
forme, je n'ai pas de problème. L'important, c'est que le fond demeure et qu'on puisse quand même intervenir
lorsqu'on est dans un dossier de fraude, une manoeuvre dolosive, là.
Quant à la façon de s'y prendre, je vous écoute.
• (16 h 20) •
M. Paré (Robert) : Nous avons des
suggestions que nous pouvons vous faire maintenant ou vous faire parvenir. Sur
cette question-là, je l'ai mentionné, c'est une question technique. Je veux
mettre le commentaire dans le cadre plus général.
Forcément, il y a
une inquiétude assez vaste auprès des administrateurs externes, qui sont des
gens qui ont été recrutés, qui ont le
choix de s'approcher de la table d'un conseil
d'administration ou pas, qui ont le
choix, souvent, d'aller dans une
entreprise A ou une entreprise B, et actuellement la bonne gouvernance est un des outils essentiels
qui militent dans la même direction
que votre projet de loi, que l'intention du législateur, des
parlementaires. Or, là où le projet
de loi peut être resserré pour bien
comprendre où sont les responsabilités, c'est une situation qui est
gagnante-gagnante pour permettre de
comprendre l'assiette de la responsabilité. Alors, pour nous, le premier niveau sur la question
de la défense de
diligence raisonnable, de l'étendue temporelle de la responsabilité et le troisième point technique... il y avait enfin un
troisième point technique, c'est une question de précision de langage.
Il y a
d'autres points, tel le lien de causalité, qui sont fondamentaux compte tenu du rôle distant de l'administrateur externe qui, malgré le rôle distant et l'absence, en fait, de
conséquences directes avec le dommage, se voit imputer la totalité de la
situation. Ça, c'est très préoccupant. Et il y a surtout, comme critère numéro
un, la norme du «auraient dû savoir», qui
est une norme qui, lorsqu'appliquée rétroactivement, demande à des
administrateurs externes, dont le rôle est d'aider la direction à travailler vers la création de valeurs, vers la
direction de l'entreprise, leur demande rétroactivement d'exercer un rôle de diligence extrêmement étroit
sans leur avoir donné l'opportunité de mettre en place les mécanismes de
contrôle que cette norme-là exige. Alors,
c'est là, M. le Président, Mme la ministre, où le bât blesse de façon
significative : l'imputation rétroactive à des administrateurs externes
dont la venue au conseil d'administration est dans un angle différent que la gestion quotidienne des
dirigeants. Ici, nous ne prenons pas la part des dirigeants. Nous comprenons
que les dirigeants ont la responsabilité de ce qui est dans le périmètre de la
loi, mais, pour les administrateurs externes, là n'était pas leur mission.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Pour ce qui est
de la preuve du lien de causalité, évidemment elle va s'appliquer seulement si,
d'abord, on a prouvé la fraude ou la
manoeuvre dolosive, alors, ça, c'est dans un premier temps, ou si on démontre
que l'administrateur savait ou aurait dû savoir. Alors, il y a quand même cette
démonstration-là qui doit être faite, que l'administrateur était au fait.
Prenons, par exemple, les ententes sur les prix.
L'administrateur savait qu'il y avait entente, qu'il y avait collusion, ou
aurait dû savoir par différents moyens de preuve que ces stratagèmes-là étaient
en place au sein de son entreprise. D'exonérer ou de ne pas prévoir cette
présomption-là, qui est quand même un des éléments puis... une des mesures qui est parmi les plus importantes du
projet de loi, bien, c'est substantiel. Et je vous dirais, j'irais jusqu'à
vous dire : Si tel est le cas et si l'administrateur savait ou aurait dû
savoir, peut-être que cet administrateur-là voudra justement permettre à l'entreprise de se prévaloir du
programme de remboursement volontaire et tenter d'obtenir cette
réhabilitation commerciale là. Mais, sans
moyen... C'est parce qu'on ne peut pas tasser complètement cette présomption-là
et ne pas la mettre en place. Parce qu'on a besoin de ces moyens-là,
parce qu'il s'agit d'une mesure d'exception, mais, encore là, tout en étant dans la mesure d'exception, on a
quand même des éléments qui doivent être prouvés par le poursuivant, et
c'est quand même non négligeable. On doit quand même démontrer la fraude, on
doit quand même démontrer la manoeuvre dolosive. Donc, ce n'est pas sous la foi
de simples allégations qu'on arrivera à démontrer la fraude, là. Il y aura
quand même une preuve qui sera administrée, qui sera présentée.
Mais je vous soumets respectueusement : Il
doit y avoir... les administrateurs doivent quand même pouvoir... parce que certains d'entre eux... Certains,
peut-être, n'étaient pas au fait, et à ce moment-là pourront le démontrer, en
faire la démonstration, et pourront faire valoir leurs moyens de défense. Mais
il est possible que certains administrateurs aient
été au fait ou aient volontairement fermé les yeux sur ces manoeuvres-là en se
disant : C'est la façon de faire les choses. Je vous entendais tout
à l'heure : Est-ce qu'on doit juger les gens sur des normes ou des
standards éthiques qui n'étaient pas en vigueur il y a 20 ans? Bien, je vous
dirais que l'éthique et faire les choses de façon honnête, et correcte, et
conforme aux lois, c'est intemporel.
M. Dorval (Thierry) : Si je peux me
permettre. D'abord, sur cette question-là, quand on parlait des normes de conduite applicables avant les lois comme
Sarbanes-Oxley, ou Dodd-Frank, ou les principales lois qui ont renforcé
les normes de gouvernance applicables, on ne
parlait pas d'éthique mais plutôt de contrôle interne. Et, les contrôles
internes, il y a eu une évolution importante qui a été reconnue par la Cour
suprême au cours des années, et la Cour suprême est venue dire, dans Peoples
contre Wise, que les normes de conduite par lesquelles on devrait juger les
administrateurs évoluent constamment avec le temps puis que les cours doivent
s'adapter aux exigences qui existent à l'époque où les faits sont accomplis.
Au niveau de
la question du «auraient dû savoir», Robert en a parlé tantôt, évidemment c'est
une norme plutôt subjective qui n'a pas d'équivalent vraiment dans le
droit actuel au Québec. Alors, soumettre les administrateurs à une telle
subjectivité 20 ans auparavant, ça nous semble assez injuste pour les
administrateurs externes.
Au niveau du lien de causalité, peut-être juste
une précision à apporter. Vous parlez évidemment que la fraude, la manoeuvre
dolosive devra être prouvée et qu'également le fait de savoir ou aurait dû
savoir devrait avoir été prouvé, mais, justement, est-ce que c'est juste de
faire en sorte — et
là on peut arriver sur la question de la solidarité — que les administrateurs, qu'eux, leur faute,
c'était de savoir ou auraient dû savoir, soient solidaires d'une faute
qui est la fraude ou une manoeuvre dolosive? Donc, que le lien de causalité ne
soit pas prouvé entre la faute, et des administrateurs,
et le dommage qui a été subi nous semble, encore une fois, injuste. Puis il
faut se rappeler que la faute-dommage-lien de causalité, ce triumvirat,
ça existe depuis des centaines et des centaines d'années. Ça a été codifié dans les codes Napoléon, et par la suite Code
civil Bas-Canada, Code civil du Québec, mais ça existait bien avant.
Donc, mettre ça de côté puis dire : On
va aller de l'avant sans avoir prouvé le lien de causalité, ça semble une
mesure extrêmement drastique et... Bien, peut-être que, Stéphane, tu
pourrais ajouter là-dessus.
• (16 h 30) •
M. Rousseau
(Stéphane) : Moi, j'ajouterais, Mme la ministre... Si vous me
permettez, je reviendrais sur la norme de «auraient dû savoir». J'ai beaucoup
apprécié l'article 10, je l'ai lu à maintes reprises au cours des
dernières semaines, minutieusement,
rigoureusement au regard de ce que je connais du droit des sociétés puis de la
gouvernance, et, quand
je le regarde, «auraient dû savoir», et j'entends nos discussions, il me semble
que ce que vous souhaitez faire, c'est attaquer l'aveuglement
volontaire. Or, dans le terme «aveuglement volontaire», il y a un terme, «volontaire»,
il y a le terme d'intention. Or, ici, on est
à côté d'un tel fardeau, et, ce faisant, avec une norme comme «auraient dû
savoir», on se retrouve à, rétrospectivement, comme mes collègues l'ont
mentionné, venir transformer le droit des sociétés tel qu'il existait au cours des 20 dernières années, avec le principe de confiance où on disait : Les
administrateurs peuvent s'en remettre,
sauf motif raisonnable... ou motif raisonnable de croire qu'il y a quelque
chose qui ne va pas. Évidemment, on ne permettait pas l'aveuglement
volontaire, mais c'est autre chose.
Et la préoccupation,
elle est là, elle est fondamentale. Vous avez un régime exorbitant avec
présomption de lien de causalité,
présomption de préjudice, mais là, en plus, vous l'appliquez rétrospectivement
avec une nouvelle norme de conduite. On n'est pas en train de dire que
la fraude était acceptable il y a 10 ans. Ce qu'on est en train de dire,
c'est : Ne changeons pas le droit qui s'appliquait à l'époque
rétrospectivement. Ça, c'est extrêmement préoccupant.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie. Ça complète le premier bloc
d'intervention. Je me tourne vers l'opposition officielle. M. le député
de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier :
Je vous remercie, M. le Président. Alors, à mon tour de vous souhaiter la
bienvenue à ces travaux de la commission.
On peut peut-être poursuivre là où nous sommes. Est-ce que je
comprends de vos propos qu'il n'y a
pas de défense possible pour les administrateurs et que la défense de la... ou
la réponse de la diligence raisonnable n'est
pas suffisante pour répondre à la présomption du «auraient dû savoir»? Et
quelqu'un, un administrateur ne pourrait pas dire... On établit qu'il
aurait dû savoir ou on prétend qu'il aurait dû savoir, mais, en échange... ou
en défense plutôt, on soulève le fait que
l'administrateur agit avec toute la responsabilité, il a participé aux travaux,
a lu, s'est informé, a posé des questions et donc a essayé de
comprendre, puis sa compréhension ne lui permettait pas, donc, d'établir une
situation de fraude ou de manoeuvre dolosive, et que, par conséquent, donc, il
n'était pas dans une situation où il aurait dû savoir. Donc, sa défense, elle
est valable, et la présomption ne s'applique pas.
M. Dorval
(Thierry) : Je pense que c'est quelque chose qui reste à préciser. On
a attentivement étudié le projet de loi.
Suivant les commentaires de Mme la
ministre, il semble que l'intention
du législateur était de permettre, justement,
une défense de diligence raisonnable. Maintenant, la défense de diligence
raisonnable en lien avec une norme qui n'existe pas vraiment dans notre
droit, comme le «auraient dû savoir», comment est-ce que ça va être jugé par
les tribunaux? C'est quelque chose qui nous
inquiète, et donc je pense qu'il faut vraiment préciser ces termes-là, justement,
dans la loi. Robert.
M. Paré
(Robert) : Si je peux me permettre de compléter. Si un conseil
d'administration s'adresse à nous avec une nouvelle norme, non pas rétroactive
mais prospective, nous pouvons les aviser adéquatement des processus, des
procédures, des méthodes de vérification qui doivent s'appliquer pour être en
mesure de déployer une défense de diligence raisonnable. La difficulté ici,
c'est que — Stéphane
l'a très bien expliqué — on
introduit une norme qui va au-delà de
l'aveuglement volontaire. Oui, il y a une défense de diligence raisonnable,
mais, encore une fois, nous nous situons
au niveau des administrateurs externes qui viennent aider à diriger le long
cours, à aider à la création de valeurs, et là ils n'ont pas eu l'occasion de discuter, d'établir les mécanismes de
reddition de comptes pour gérer cette nouvelle norme.
Alors, si le
législateur décide, dans sa grande sagesse, d'établir une norme de cette nature
d'une façon prospective pour éviter que ça se reproduise à l'avenir, ça, c'est
un autre cas de figure. Il va falloir s'en occuper, comme les conseils d'administration, les aviseurs s'en sont occupés
quand les nouvelles normes de reddition de comptes sur les états
financiers sont apparues, Sarbanes-Oxley. Mais, là encore, ce n'était pas
rétroactif.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier :
Dois-je comprendre que vous n'avez pas de problème avec la présomption comme
telle de responsabilité dans la mesure où la défense de diligence raisonnable
puisse s'appliquer? Est-ce que, par exemple, si on formulait : Il en est de même pour ses administrateurs s'il est
établi... il en est de même pour ses administrateurs, à moins qu'ils ont agi... puis là je formule à voix haute, là, mais, à moins qu'ils aient agi
avec toute la diligence raisonnable dans des circonstances similaires,
la responsabilité n'est pas prise en... n'est pas retenue?
Ce
que j'essaie de comprendre finalement, c'est : Est-ce que, pour vous
autres, dans le fond, ce que vous souhaitez, c'est établir le motif de diligence raisonnable comme un motif de
défense valable, sans remettre en question la présomption?
M. Paré
(Robert) : Bien, applicable à l'égard des normes telles qu'elles
existaient au moment où la fraude ou la manoeuvre dolosive est survenue. Si
c'est ça, la réponse, c'est oui.
M. Cloutier :
Pouvez-vous, s'il vous plaît, répéter ce que vous venez de dire, la suggestion?
M. Paré
(Robert) : La défense de diligence raisonnable est éminemment
acceptable, c'est la norme de défense, dans la mesure où elle s'applique en fonction des normes de conduite telles qu'elles
existaient de façon historique.
M. Cloutier :
Oui, je vous entends bien.
M. Paré (Robert) : D'accord. À moins
que Pr Rousseau me dise que j'ai fait une bourde. Non? Merci.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Bonjour.
Merci. Dans la même foulée, vous voulez dire : Dans l'état de la jurisprudence,
par exemple, qui existait à l'époque où les
faits sont reprochés pour les administrateurs, puis vous êtes... vous estimez
que, dans le libellé actuel du projet de loi, cette défense-là n'est pas... Il
n'y a pas une responsabilité absolue, là. Il faut quand même... Il y a une présomption, mais il faut quand même que... la
personne a quand même le droit de se défendre et faire valoir les faits.
Donc, vous estimez que cette défense-là n'est pas possible dans l'état actuel
du projet de loi?
M.
Rousseau (Stéphane) : Si vous permettez... Merci pour la question.
C'est que la lecture qu'on peut faire, qui est assez raisonnable, là, on
l'explique dans le mémoire, c'est qu'à partir du moment où il est établi qu'il
aurait dû savoir c'est terminé, l'administrateur ne peut plus dire : Mais
j'aurais dû savoir, ou : effectivement je l'ai su, mais après, la seconde suivante, la seconde suivante, j'ai
congédié et j'ai pris des mesures de correction, ou j'ai fait quoi que ce
soit. C'est ça, la préoccupation que l'on
a : il savait ou aurait dû savoir qu'il y a une fraude ou manoeuvre
dolosive à l'instant même où ça se
produit. Selon le libellé que vous avez, on peut très bien faire valoir que
c'est terminé, alors que normalement on souhaiterait pouvoir aménager
une défense de diligence raisonnable. Je le sais parce que je l'apprends à la
réunion du conseil d'administration, mais, à
la seconde suivante, les administrateurs se disent : Ça n'a pas de sens,
il faut remédier à cela. Malheureusement, de la façon que vous avez
libellé le dispositif de 10, il n'y a pas de défense. Et on peut très bien
dire : Il n'y a pas de défense et il va y avoir, je pense, une grande
pression pour dire : Ça s'arrête là. Alors, vous comprenez que c'est
hautement préoccupant, là. On a un filet très, très large, mais peut-être qu'on
va prendre des personnes qui ont très bien fait leur travail avec ce filet-là,
à l'heure actuelle.
M. Paré
(Robert) : Puis, dans le fond, si je peux me permettre, les mots qui
causent problème dans ce cadre-là, c'est l'expression «il en est de même
qui». Selon nous, ce n'est pas clair que ça réfère aussi à la défense de
diligence de la phrase précédente.
Alors, si on
venait préciser plutôt qu'effectivement les administrateurs pourront avoir une
défense de diligence raisonnable en pareilles circonstances, donc, à ce
moment-là, on peut penser qu'il y a une référence temporelle au moment où les événements sont survenus, et puis
qu'on met la norme de la personne prudente, donc quelque chose d'un peu plus objectif que d'avoir quelque chose de
purement subjectif comme «auraient dû savoir», là, à ce moment-là on
vient tempérer, effectivement, le problème. Puis on comprend que c'est juste
des précisions à apporter, donc c'est assez technique, là, comme
recommandation.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : M.
le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier : Devons-nous
comprendre que l'expression «auraient dû savoir» est nouvelle dans le droit des
sociétés? Je comprends que c'est la nouvelle
formulation qui pose problème, parce que, dans la... J'essaie de
comprendre, là, mais, mettons qu'un tribunal
aurait à définir qu'est-ce qu'une situation du «auraient dû savoir», j'ose
comprendre qu'il prendrait en
considération aussi le comportement des administrateurs, et les administrateurs
feraient valoir qu'ils ont agi avec
toute la diligence, la compétence et la rigueur qu'on attend d'eux dans un
conseil d'administration type de l'entreprise qui sera directement concernée. Et, dans la balance de la définition à
donner du «auraient...», de l'interprétation plutôt à donner du «auraient dû savoir», bien, on fera
valoir, à ce moment-là, le point de vue de l'administrateur qui agit avec
diligence.
• (16 h 40) •
M. Dorval (Thierry) : Bien, c'est
notre souhait. Effectivement, on souhaite que ça soit clair pour tout le monde que la défense de diligence soit accessible
aux administrateurs. Puis là, présentement, c'est ça qu'on dit.
Plusieurs personnes l'ont lu, et puis ce n'est pas aussi clair qu'on le
souhaiterait ou que vous semblez le souhaiter.
M.
Rousseau (Stéphane) : J'ajouterais juste pour compléter, si vous le
permettez : D'entrée de jeu, la ministre nous a mentionné, à juste titre : Ce sont des mesures
exceptionnelles. C'est un recours exceptionnel. Du coup, lorsqu'on va entrer sur le terrain de l'interprétation, sans
préjuger de l'opinion des tribunaux, on peut penser que le caractère
exceptionnel pourrait amener les tribunaux à mettre de côté les approches
traditionnelles d'interprétation en matière de devoir des administrateurs et à
donner une interprétation beaucoup plus large et libérale à cette
disposition-là.
M. Cloutier : Ou l'inverse.
Ou exactement l'inverse. Comme la loi donne déjà des présomptions fortes de
responsabilité, on peut aussi penser que le tribunal agirait avec beaucoup,
justement, de prudence dans l'application des
règles de droit, considérant effectivement qu'il s'agit de dispositions qui ont
déjà un caractère, je dirais, exceptionnel dans les faits. En fait, ce
n'est pas si évident que ça...
M. Paré (Robert) : Vous savez, M. le
député, toute cette zone grise est exactement ce qui, de la perspective de la... Augmenter ou améliorer la gouvernance des
sociétés en permettant l'adjonction d'administrateurs externes, c'est là
où le bât blesse en raison de l'effet domino
du message lancé par le gouvernement non pas vers les sociétés, non pas
vers les dirigeants, mais vers les gens que l'on tente d'amener autour de la
table pour aider à reprendre en main la bonne gouvernance. L'AMF, dans tout le
processus de purification des sociétés, demande effectivement aux sociétés de
s'adjoindre des administrateurs externes.
Alors là, on crée, pour les sociétés qui
traitent avec les organismes de l'État, une série... ce n'est pas juste une situation, c'est une série de situations qui font
en sorte que le débat, la question que l'on a, puisque ce n'est pas
clair... Le risque est sur l'épaule de la personne que
l'on veut amener à la table pour améliorer la gouvernance. Donc, c'est un drame cornélien, mais la conséquence au bout — pour reprendre les propos du
Pr Rousseau — du
régime hors norme, c'est d'en arriver à une solidarité de
l'administrateur externe sur la base de nouvelles normes qui vont à l'encontre
de son patrimoine pour une période de
prescription, et il n'a plus le bénéfice d'une police d'administrateur...
d'assurance dirigeant et administrateur. C'est significatif pour nous,
pour nos constituants, les administrateurs de société, d'expliquer les
incertitudes et leur permettre, en toute bonne conscience, d'aller siéger sur les
conseils actuellement.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : M.
le député de Lac-Saint-Jean, 2 min 30 s.
M.
Cloutier : Oui. Juste virer ça autrement, s'il y avait, dans un
code... Parce que, dans le fond, la loi s'applique de façon rétroactive,
hein? On s'entend qu'on ne vient pas modifier les règles actuelles. Mais
dois-je comprendre que, dans une situation
actuelle, s'il devait y avoir une entreprise qui commettait... des dirigeants
qui commettaient une fraude, les
administrateurs n'auraient pas une telle présomption leur étant défavorable, de
solidarité, tel que c'est formulé dans la loi actuelle, qui s'applique
de manière rétroactive? C'est-u clair, ce que je viens de dire?
M. Paré (Robert) : Pas tout à fait.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
C'est unanime.
M.
Cloutier : On dit que ça prend beaucoup d'humilité pour faire
de la politique. Alors, ce à quoi je fais référence, c'est : Est-ce que les mesures de
responsabilité... ou de solidarité plutôt, qui sont exprimées ici, dans la loi,
de manière rétroactive avec le
«auraient dû savoir», dans un cas de fraude ou de manoeuvre dolosive, est plus
exigeante que l'état actuel du droit pour les administrateurs?
M. Paré (Robert) : Stéphane, je
pense que c'est une belle question pour toi.
M. Rousseau (Stéphane) : Oui. Bien,
je dirais que c'est la conjonction de toutes les dérogations au droit commun qui rend le recours à ce point préoccupant.
C'est-à-dire que la norme du «auraient dû savoir», qui, à mon sens, est nouvelle, change l'état du droit et hausse donc
substantiellement ce qu'on attend des administrateurs, la présomption de
lien de causalité, la présomption de préjudice, et donc à ça s'ajoute une
solidarité à géométrie variable d'un point de vue
temporel, parce qu'on pourrait discuter d'à quel moment le début de la fraude
et... par rapport au moment où siège l'administrateur.
Mais donc c'est l'ensemble de ces éléments-là qui, je pense, présentent des
préoccupations. La solidarité, à 1526, elle est présumée en matière
extracontractuelle, on s'entend. L'administrateur a une responsabilité
solidaire si on est en mesure d'établir sa
participation à une fraude de la société, là. Mais là c'est la conjonction de
tout ça qui nous préoccupe, je vous dirais.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : On
est dans les dernières secondes d'échange. M. le député.
M. Cloutier : Oui. Mais ma
question, là, pour être très précis, je pense... peut-être que je n'arrive pas
à la formuler suffisamment correctement, mais
un dirigeant d'entreprise qui commettrait une fraude, est-ce que les
administrateurs sont présumés... est-ce qu'on prétend qu'ils auraient dû
savoir?
M. Rousseau (Stéphane) : Non.
M. Cloutier : Donc, à ce
moment-là...
M. Rousseau (Stéphane) : Il faut
faire la preuve d'une faute et une faute caractérisée en plus, comme on l'écrit
dans le...
M. Cloutier : ...que le
régime de droit qu'on est en train de mettre en oeuvre est plus exigeant que le
régime de droit qui s'applique au moment où
on se parle, d'une compagnie avec des administrateurs qui commettraient un
geste de fraude. À ce moment-là, le conseil d'administration ne serait pas
présumé responsable ou on ne prétendrait pas qu'il aurait dû savoir.
M. Rousseau (Stéphane) : Non...
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie pour ces précisions. Ça complète ce bloc
d'intervention. On a réussi à avoir une réponse. Mme la députée de Montarville,
c'est à votre tour.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, merci pour votre mémoire, merci d'être là. On comprend que c'est très
technique, c'est très précis, c'est sur vos obligations, vos responsabilités
en tant qu'administrateurs.
J'aimerais
un petit peu déroger du point précédent pour vous amener, entre autres, sur la
prescription. Ça fait partie de vos
suggestions. Vous suggérez de conserver, pour les administrateurs, la
prescription de trois ans, la prescription de droit commun. 20 ans, pour vous, c'est trop long. Et vous
ajoutez dans votre mémoire, à la page 15, et je vous cite :
«Il est vrai que la législation particulière peut déroger au droit commun en
fixant des délais de prescription différents, notamment
pour ce qui est de la responsabilité civile. Néanmoins, la dérogation à la
prescription de droit commun devrait tenir
compte des principes sous-tendant cette notion. Or, en imposant un délai de
prescription aussi long, le p.l. n° 26 ébranle fortement ces
principes.»
Alors, pourquoi,
selon vous, c'est trop long, 20 ans?
M.
Dorval (Thierry) : Premièrement, trois ans, c'est une norme qui a été
choisie par le législateur, dans le Code civil, après mûre réflexion. La
période de prescription, évidemment, a un lien direct avec les preuves et les
défenses possibles à des accusations. Comme
d'autres intervenants l'ont dit, il existe, dans bien des sociétés, des
mécanismes où, après neuf, 10, 11 ans, on va faire en sorte de
détruire certains documents, et c'est, en fait, la norme que les gens,
évidemment, ne gardent pas ad vitam aeternam tous les documents.
Aujourd'hui,
en mettant une... en faisant fi de la prescription de trois ans, qui avait été
très réfléchie à l'époque du Code
civil, on se trouve à mettre, évidemment, les administrateurs externes mais aussi,
évidemment, les sociétés et les dirigeants dans une position où ça va
être beaucoup plus difficile de se défendre. Combiné avec les autres éléments dont on a déjà parlé, ça nous semble être un écart
important avec les principes de justice naturelle, qui, d'après nous,
doit être corrigé, et donc c'est pour ça que la période de trois ans est
importante.
L'autre
chose aussi, de façon très technique : Qu'arrive-t-il si on poursuit, par
exemple, un administrateur et que celui-ci veut prouver la faute contributive,
dans un cadre d'un régime récursoire, d'un employé, par exemple, d'un organisme public qui aurait été à l'origine d'une
fraude ou d'une manoeuvre dolosive? Est-ce que l'organisme public peut, lui, venir dire, venir prétendre que, pour ce qui
est de ces allégations-là, il y a une prescription de trois ans et donc
c'est le régime normal du Code civil qui s'applique? Selon nous, il y a de bons
arguments à prétendre qu'effectivement on pourrait
se faire opposer la prescription de trois ans, alors que nous, on fait flanc à
une prescription de, donc, 20 ans, donc ce qui est absolument
déraisonnable, selon nous. Je ne sais pas si Stéphane ou Robert...
• (16 h 50) •
M. Paré
(Robert) : J'ajouterais un point. En ce qui a trait à la possibilité
pour un administrateur de se retourner vers son assureur pour avancer les frais
de défense et prendre fait et cause, si le recours se prescrit dans le droit civil actuel par trois ans, il est fort
probable... je vous dis, on n'a pas écrit un mémoire sur ça, là, ce sont des
questions éminemment complexes, mais que l'ensemble des assureurs ici vont
décliner responsabilité parce que ce ne sont pas les conditions qui prévalaient
lorsque l'assureur a pris le risque.
Mme
Roy
(Montarville) : Mais, vous comprenez, nous sommes ici justement pour étudier une loi
d'exception, une loi d'exception qui fait suite à la fameuse commission
Charbonneau que nous avons eue, et on parle là-dedans de contrats qui remontent à plusieurs années, beaucoup
plus que trois ans, parce que la commission
a commencé pratiquement il y a trois ans, en 2012.
À partir du moment où
on ne touche pas à la prescription, c'est comme une fin de non-recevoir, on ne
peut plus aller à l'arrière. Alors, que
proposeriez-vous qui serait raisonnable, selon vous, si nous voulons tout de
même aller de l'avant avec une loi
d'exception et modifier la prescription pour nous permettre d'aller récupérer
les sommes? C'est le but ici, là,
c'est l'esprit de la loi et c'est le but de la loi. C'est récupérer des sommes
que la société s'est fait injustement voler.
M. Paré
(Robert) : Bien, je crois d'abord que notre propos ne s'écarte pas ou
ne traite pas de la question de prescription envers les fautifs principaux qui
sont les sociétés et les dirigeants qui ont la charge de l'administration courante. Que le législateur termine sa réflexion
à 20 ans ou à 10 ans, ceci, c'est un élément qui, pour nous...
Puisque nous supportons l'objectif de la loi, nous comprenons qu'il faut
retourner dans le temps.
À
la fois nous supportons l'objectif de la loi, mais à la fois nous voulons avoir
ce dialogue avec vous pour nous assurer que le milieu des
administrateurs de société, les administrateurs externes, soit rassuré et
continue à accepter de faire le boulot qu'il
doit faire et qu'il devrait contribuer à faire pour améliorer la bonne
gouvernance. Ici, dans une situation d'incertitude, où un domino en fait
tomber un autre, vous avez des situations... Et nous sommes consultés actuellement et nous avons des pressions. Les gens
qui ont ce choix n'aiment pas l'environnement qui semble découler du
projet de loi.
Alors, dans la mesure
où on ne s'écarte pas des normes, en termes de prescription, de lien de
causalité et de standard sur lequel la conduite est jugée, les règles du jeu
sont forcément acceptables. Et, si quelqu'un a fraudé, bien là, d'un point de vue... Ça, ce n'est pas un
souci. On n'est pas ici pour défendre les fraudeurs, mais on est ici pour
s'assurer que, d'un point de vue civil, au
niveau des gens qui prêtent leur patrimoine dans ce contexte-là, les règles du
jeu soient, disons, resserrées.
Mme Roy
(Montarville) :
Alors, si je résume ce que j'ai compris de votre intervention, là, si on veut
bien simplifier, les administrateurs sont des acteurs qui, de par leurs
responsabilités professionnelles et leurs obligations, ne devraient pas être considérés de la même façon que les autres acteurs
de l'article 10, personnes, sociétés, etc. C'est ce que je
comprends, là, de votre mémoire, en gros, là.
M. Dorval
(Thierry) : Tout à fait. Puis d'ailleurs j'en ai parlé brièvement
tantôt, mais la faute qu'on leur reproche
n'est pas la même. Donc, ce n'est pas eux qui ont fraudé, ce n'est pas eux qui
se sont adonnés à des manoeuvres dolosives, hein?
Je parle des administrateurs externes. Ce qu'on leur... Dans le fond, ce qu'on
déplore, c'est qu'ils savaient ou auraient dû savoir. Alors, les assujettir au
même fardeau que ceux qui ont commis les infractions, ça nous semble
déraisonnable.
Mme Roy
(Montarville) :
Finalement, ce que vous dites, c'est : Faites la preuve que nous savions
qu'il y a... c'est-à-dire, faites la preuve
du fameux dommage, fraude et lien de causalité, que nous sommes le lien de
causalité, que nous le savions, finalement, là. C'est ce que vous nous
dites.
M. Dorval
(Thierry) : C'est une des recommandations qu'on fait, effectivement.
Une voix :
C'est une des recommandations importantes.
Mme Roy
(Montarville) :
Majeure. Je vous remercie, messieurs.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Ça complète, Mme la députée de Montarville?
Merci. Alors, je me retourne du côté du gouvernement. Mme la ministre.
Mme Vallée :
J'écoute vos échanges et j'ai comme l'impression... c'est comme s'il y avait
deux régimes de responsabilité : un
pour les administrateurs externes et
un autre. C'est qu'on vient mettre en place... Si vous nous dites :
Nous, il n'y aurait pas de problème avec le
projet de loi si on conservait les choses telles qu'elles le sont
actuellement, c'est-à-dire si on ne touche pas à la prescription, s'il n'y a
pas de présomption de dommage, ce n'est pas l'objectif.
L'objectif
de ce projet de loi là, ce n'est pas de changer le droit commun ad vitam
aeternam. C'est de mettre en place
des mesures pour récupérer des sommes dont ont été privés des contribuables du
Québec dû à de la fraude et dû à des
manoeuvres dolosives. Et il existe des preuves que certaines entreprises se
sont livrées à des manoeuvres dolosives, se sont livrées à de la fraude et ont ainsi, par leurs actes, par leurs
gestes, causé un préjudice aux contribuables du Québec dans les
municipalités, un petit peu partout, lors de l'octroi de contrats publics.
Je
peux comprendre que certains administrateurs n'étaient pas au fait des
manoeuvres. Il peut exister un administrateur qui, au moment de l'acte,
n'était pas au fait des manoeuvres. À ce moment-là, il pourra en faire la
démonstration au même titre qu'on peut retrouver... Parce que je regarde le
libellé, puis on a l'article 123 de la Loi canadienne sur les sociétés par
actions qui prévoit qu'un administrateur peut s'exonérer quand il démontre
qu'il a agi avec soin, diligence, compétence
dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne prudente. On
ne va pas de façon... On ne vient pas complètement changer la donne. Cette
preuve-là, cette démonstration-là subsiste, et vos membres, les administrateurs qui auraient agi avec la diligence
nécessaire, qui auraient agi de bonne foi, qui n'auraient pas été mis au fait de situations, auront toujours
le loisir de le démontrer, bien évidemment. Par contre, l'administrateur
qui aura fait fi d'user de la diligence
raisonnable, bien, on ne doit pas l'exonérer du seul fait qu'il est un
administrateur externe, parce que j'ai
l'impression qu'on créerait une double responsabilité du seul fait qu'il s'agit
d'un administrateur externe.
Et je vous ramène
encore à ce que je vous ai dit tout à l'heure. Si on a des administrateurs qui
craignent d'être poursuivis en vertu de cette loi-là, est-ce que vous ne croyez
pas que ça va permettre aux entreprises de se diriger
et de mettre en place le... d'aller offrir la possibilité de régler la
situation en dehors du processus judiciaire? Est-ce que vous ne croyez
pas que ça va permettre peut-être... et qu'il s'agit là d'un outil important
pour permettre la résolution et le règlement de ces dossiers-là qui traînent?
Certains traînent depuis plusieurs années.
M. Paré
(Robert) : J'ose, si vous me permettez, Mme la ministre, d'abord, sur
la question, encore faut-il que, et ce n'est certainement très souvent pas le
cas, les personnes qui ont été administrateurs le soient encore, et ça, premier
élément. Deuxième élément, l'initiative de la direction générale, dans la
plupart de ces dossiers-là, va appartenir à la direction. Alors, la connexité
que l'on peut penser entre un administrateur externe et l'incitatif à régler
peut exister dans certains cas, mais ce n'est pas un élément nécessairement
avéré.
Deuxième
élément, encore une fois, nous n'en sommes pas sur le fait que des
administrateurs externes peuvent être
tenus solidairement responsables dans la mesure où ils ont une défense de
diligence raisonnable, elle est là — je vous en remercie, pour préciser — mais que cette défense-là s'applique à
l'égard des normes telles qu'elles existaient au moment où les gestes ont été posés. C'est cette question-là,
défense de diligence raisonnable s'appliquant à l'égard des normes de
conduite existant au moment où les gestes ont été posés.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Mme la ministre, deux minutes.
• (17 heures) •
Mme
Vallée : Je comprends qu'il y a, qu'il existe... que certains administrateurs ont pu bouger dans le
temps, mais je réitère que quelqu'un qui sent la soupe chaude va peut-être se
retourner et peut-être contribuer à un règlement des dossiers, ça, j'en suis persuadée. Et, pour moi, il est important
que ce projet-là... Évidemment, ce projet
de loi là, pour moi, il est un projet
de loi exceptionnel, oui, puis, on ne
le dira jamais assez, qui répond à, aussi, une situation exceptionnelle. Parce qu'on
doit se doter de moyens pour récupérer. Et justement ça va contribuer à
changer la culture, ça va contribuer à changer. Et je pense qu'il y a énormément
de gestes qui ont été posés, au cours des dernières années, qui, justement, ont amené un changement de culture. Mais il faut
aussi se donner le pouvoir... à partir du moment où on a connaissance de
certaines tractations, de se donner le pouvoir d'aller récupérer les sommes qui
n'auraient pas dû être versées à partir des fonds publics, qui auraient dû
rester au sein des organismes publics puis qui auraient dû servir à d'autres
fins.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Ça complète, à moins qu'il y ait un
commentaire de 15 secondes. Me Dorval.
M.
Dorval (Thierry) : Juste en
15 secondes, peut-être juste pour réitérer le fait qu'on est tout à fait d'accord avec les
objectifs, comme on l'a dit dès le départ. On veut simplement éviter qu'en
visant le noir on tue le blanc, et, avec les
différents mécanismes qui sont proposés dans le projet de loi, c'est ce qui
pourrait arriver. Et, même s'il s'agissait d'un levier pour permettre à
ce qu'une entreprise puisse utiliser un mécanisme de remboursement volontaire,
il faut tout de même, selon nous, que les principes de justice naturelle soient
respectés.
Alors, évidemment,
nous allons collaborer avec vous pour pouvoir améliorer le projet de loi...
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Je vous remercie. Merci pour vos observations. Je
suis désolé de vous bousculer, on a un autre groupe qui nous attend. Alors,
merci de vous être déplacés.
Sur ce, la commission
va suspendre ses travaux pour accueillir les prochains représentants, du
Conseil du patronat.
(Suspension à
17 h 3)
(Reprise à 17 h 4)
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, la commission reprend ses
travaux. Nous recevons les représentants du Conseil du patronat,
M. Yves-Thomas Dorval, Me Guy-François Lamy, c'est bien ça?
Une voix :
...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, vous disposez de 10 minutes pour la
présentation de votre mémoire, alors je vous cède la parole.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci,
M. le Président. Excusez ma voix
enrouée par la grippe. Et, d'entrée
de jeu, merci de nous avoir invités à
partager le résultat de nos réflexions en consultation avec nos membres sur le projet de loi.
Tout d'abord, vous
dire : Le Conseil du patronat, les gens le savent, on représente des
employeurs au Québec, en fait on représente plus de 75 000 employeurs, soit directement les
corporations ou par l'entremise des associations membres chez nous. Et,
dans le cadre de nos commentaires pour le projet de loi, on a consulté grand
nombre des entreprises, des entreprises directement concernées.
Et je dois vous dire
que, si je prends les notes explicatives du projet de loi dès le début, et on
dit que le projet de loi vise, dans le fond,
à ce que «des sommes payées injustement à la suite [des] fraudes ou [des]
manoeuvres dolosives dans le cadre de
l'adjudication, de l'attribution ou de la gestion de contrats publics puissent
être récupérées», l'ensemble des membres que nous avons consultés sont
tout à fait d'accord avec l'objectif, et l'appuient, et le demandent, même,
dans plusieurs cas.
Que
le projet de loi vise aussi «que le ministre de la Justice — puis là vous me permettrez, M. le Président,
de souligner que j'imagine que la ministre de la Justice voudrait voir "le
ou la ministre de la Justice" dans la rédaction législative, je pense que ça irait de soi — [...] un
programme de remboursement volontaire à durée déterminée visant à permettre que soient remboursées de telles sommes
lorsqu'il aurait pu y avoir fraude ou manoeuvre dolosive», encore là, les gens que nous avons consultés, les entreprises
ou les associations que nous avons consultées sont tout à fait d'accord
et appuient cet objectif-là.
Et il confère aussi
«au ministre le droit d'agir pour le compte d'un organisme public dans le cadre
de ce programme», en fait d'avoir une porte d'entrée et de regrouper la
représentation de toutes les instances publiques concernées, ça aussi, l'appui est très fort aussi du côté des membres.
Bref, donc, il y a quand même, je crois, un désir de voir cette étape se
franchir le plus rapidement possible, et il y a plusieurs des moyens qui sont
identifiés ici qui visent ça.
Cependant, il y a des
propositions d'amélioration qui nous sont faites par nos membres, des
propositions qui vous sont suggérées. Je
vais laisser, tout à l'heure, le directeur des affaires juridiques chez nous,
Me Guy-François Lamy, vous en
parler de façon plus précise, mais disons que j'aimerais aborder quand même un
élément contextuel dans tout ça. L'élément
contextuel est le suivant : à la suite des sujets qui ont coulé dans
l'actualité, les tribunaux, les commissions, etc., il y a eu beaucoup de
changements dans le portrait actuel des fournisseurs de l'État, énormément de
changements à l'interne, que ce soient les
personnes, le personnel, énormément de changements dans les pratiques, dans les
codes, dans les mesures, les façons
de s'assurer de détecter rapidement les situations, et ainsi de suite, donc
énormément d'efforts qui ont été
faits au sein des entreprises qui touchent la fourniture des services de
l'État, en particulier dans le domaine construction, génie-conseil, mais
je pense que d'autres fournisseurs aussi sont très conscients de la chose.
Le
gouvernement a mis lui-même en place — les gouvernements, je devrais dire — plusieurs types de mesures. Et aujourd'hui,
en plus de ça, il y a les questions... il y a toujours une surveillance très
importante avec l'UPAC, il y a la certification nécessaire par l'Autorité des
marchés financiers. Bref, il y a un cadre qui est là. Puis on peut toujours
l'améliorer, soit dit en passant, le cadre, mais il y a un cadre qui, à
l'interne des organisations, a changé, et au niveau aussi de l'environnement
réglementaire et gouvernemental.
Bref, tout ça, ça a
apporté beaucoup, mais les entreprises qui vivent particulièrement dans le
secteur de la construction, génie-conseil vivent encore avec, je dirais, un
environnement hostile dans le contexte actuel. Quand je dis «hostile», je n'excuse pas les situations qui ont été portées, mais
dans le sens où ça vient toucher l'aspect, notamment, concurrentiel de
certaines entreprises. Parce qu'on a un stigma qui est très attaché, et je
dirais qu'une des portions du projet de loi
continue à maintenir, même à accélérer ce stigma-là. Quand on dit : On va
changer, par exemple, le format de la
preuve si on veut faire une poursuite, et ainsi de suite, les démarches, ça
vient teinter, je veux dire, l'industrie et les fournisseurs de l'État
comme des potentielles entreprises malhonnêtes et non pas comme... Normalement,
c'est des entreprises honnêtes, mais il y a des cas exceptionnels, et ça, c'est
malheureux, parce que plusieurs entreprises en subissent les conséquences.
Dans les améliorations proposées sur des
questions plus techniques du projet de loi, nous, ce qu'on aimerait que le législateur puisse faire, c'est faire en
sorte de clarifier certains aspects et surtout de faire en sorte que le
processus, notamment pour la question du remboursement volontaire, se fasse d'une façon rapide, pas au
détriment du contribuable, là, en
faveur du contribuable, mais de façon rapide, de façon précise, claire et
définitive pour faire en sorte qu'on ne continue pas à traîner un boulet, un boulet qui désavantage des entreprises
québécoises. C'est de se tirer dans les pieds, des
fois.
Alors, il y a des choses que Me Lamy va
résumer, peut-être, rapidement.
• (17 h 10) •
M. Lamy (Guy-François) : Merci. Pour
vous résumer succinctement, dans le fond, les recommandations qu'on fait à l'égard du projet de loi, je vous dirais, premièrement, que ce qui est important, c'est que le programme de règlement volontaire permette
un règlement, oui, conjoint et solidaire lorsque c'est possible. Mais,
spécifiquement en matière de collusion, pour
des fins d'efficacité, pour des fins de célérité du processus, ce que nos
membres nous disent, c'est qu'ils
préféreraient qu'en matière de collusion celui qui a remporté le contrat soit
responsable de payer 100 %
de la note et qu'on finisse par faire le
tour un petit peu de tout le monde, puisque c'est ça, l'esprit de la collusion,
plutôt que de s'embarquer dans un
principe de solidarité qui risque d'entraîner des processus, des procédures de
discussion et d'échange entre tout ce beau monde là dans le programme de
règlement volontaire et qui pourraient ultimement faire échouer le processus de
règlement volontaire, ce qui n'est pas là l'objectif.
Ensuite de ça, en matière de corruption, par
contre, il faudrait que toutes les personnes qui ont bénéficié des stratagèmes, tant au sein des organisations,
personnes physiques, personnes morales qu'au sein des organisations vis-à-vis
ces personnes-là, soient tenues responsables des remboursements et qu'ils
soient visées carrément par le projet de loi.
Tous les
organismes publics qui sont visés par les actes fautifs d'une personne
devraient pouvoir être représentés par
la ministre de la Justice dans le cadre du programme proposé, et ça aussi,
encore une fois, pour assurer un règlement final et définitif, pour s'assurer que la page puisse se tourner
complètement et qu'il ne reste pas des graines pas encore traitées dans le processus. Conséquemment, la
quittance qui est donnée en vertu du programme volontaire, elle devrait couvrir tous les organismes publics, comme je
viens de vous le dire, mais aussi éviter une approche contrat par
contrat et année par année.
Vous comprenez que, dans les recommandations que
je vous présente ici, ce qui est sous-jacent à ça, c'est l'efficacité du
processus, c'est l'idée de mettre fin de façon définitive à tous les litiges
qui pourraient être pendants et à toutes les réclamations qui pourraient
découler de ça pour pouvoir nécessairement passer à autre chose.
Il faudrait aussi prendre en considération les
impacts que le règlement volontaire — dont les résultats seront publiés — pourrait avoir sur d'autres organismes réglementaires.
Ce que je veux dire ici, c'est que, si une entreprise prend un règlement
avec la ministre de la Justice et qu'en bout de ligne la publication de ce
règlement-là entraîne d'autres organismes qui ont des pouvoirs d'enquête ou des
pouvoirs réglementaires à procéder à une enquête, à se poser des questions sur les permis qui pourraient être émis,
ça pourrait freiner certaines personnes à prendre part au processus de
règlement volontaire. Et, comme je vous le dis, au risque de me répéter pour la
cinquième fois, l'objectif ici, c'est de mettre fin définitivement à toutes ces
réclamations-là et de passer à autre chose.
Du côté des
recours judiciaires, de l'avis du Conseil du patronat, le projet de loi devrait
respecter les règles de droit commun en matière de fardeau de la preuve.
Pour ce qui
est de la prescription, notre recommandation est une période maximale de
10 ans plutôt que de 20 ans pour des questions de conservation
de documents, pour des questions de conservation de la preuve et pour assurer
minimalement qu'une défense puisse être faite lorsqu'elle peut ou lorsqu'il y a
lieu qu'une défense soit présentée. Conséquemment,
le projet de loi devrait prévoir que les règles qui sont applicables aux
recours judiciaires, donc notamment celles sur la prescription,
s'appliquent aussi aux actions récursoires qui pourraient être intentées par
les parties qui seraient visées, question, encore ici, d'assurer un mécanisme
de défense qui soit entier.
Et finalement la discrétion qui est accordée à
l'Autorité des marchés financiers dans son évaluation des circonstances et
surtout des infractions dont elle doit... ou elle peut, plutôt, prendre en
considération pour émettre un certificat
d'autorisation, bien, devrait couvrir l'ensemble des infractions qui sont prévues
en annexe à la Loi sur les contrats des organismes publics.
Alors, voilà,
ça, c'est l'essence de nos recommandations, mais évidemment il va nous faire
plaisir de répondre à vos questions.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie pour vos représentations. Nous allons maintenant
débuter les échanges avec les parlementaires, et, Mme la ministre, la parole
est à vous pour le premier bloc.
Mme Vallée :
Merci beaucoup. Merci de participer à cette consultation puis de nous faire
part... de partager avec nous le fruit de vos réflexions et surtout de
vos consultations, parce que ce que je comprends de vos interventions, c'est que ça a été un
travail de consultation auprès de vos membres, d'échange, et qui vous ont
permis de nous revenir avec bon nombre de recommandations.
Je comprends, là, pour vous, le programme de
règlement volontaire est un élément-phare, une mesure-phare du projet de loi, puisqu'il permet de passer... de nettoyer l'ardoise, de réhabiliter
les entreprises, et ce, à l'intérieur d'un délai qui est raisonnable et
qui évite aussi des coûts et d'autres délais qui sont fastidieux.
Vous mentionnez, bon : Pour nous, c'est
important que ce programme de divulgation volontaire là et que les quittances
qui seront émises à la suite d'un règlement soient des quittances d'ordre
général. Ce matin, on a eu des échanges notamment, bon, avec l'ACQ, avec les
différents organismes qui se sont présentés, et évidemment, la question de la quittance, pour nous, ce qui est
préoccupant, c'est que la quittance va être accordée sur la foi des
divulgations qui seront faites. Alors, il
faut trouver le juste équilibre entre... Parce qu'une quittance générale et qui
réhabilite de façon totale une entreprise, oui, c'est intéressant en
soi, mais encore faut-il que l'entreprise ait divulgué l'ensemble des dossiers.
Et c'est là qu'était une partie du questionnement.
On a eu des
échanges quant à l'entreprise qui aurait fait l'objet d'un transfert,
l'entreprise qui aurait été achetée, acquise, et les actifs transférés.
J'aimerais vous entendre, parce qu'évidemment on souhaite... C'est une question
d'intérêt public, évidemment,
et on est... L'objectif de la quittance, c'est d'accorder une quittance sur la
foi des divulgations faites. Alors, est-ce que, pour vous, il y a une
contradiction entre votre prise de position et l'intention derrière ce que nous
prévoyons?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : M. le Président, juste sur un... Le premier point que vous avez abordé, sur
l'objectif, vous avez mentionné «nettoyer l'ardoise», «réhabiliter les
entreprises», c'est ce que nos membres veulent faire, mais le premier objectif auquel on souscrit, ce n'est
pas ça, c'est que les contribuables puissent retrouver les trop-perçus.
Alors, il n'y a pas de doute là-dessus. Je veux dire, je ne veux pas faire un
côté puis juste se préoccuper des entreprises. Le premier objectif, c'est que
les contribuables, qui ont versé, dans le fond, à travers les organisations
publiques... les entreprises qui ont eu des trop-perçus, que ça soit retourné.
Alors, ça, c'est le premier objectif.
Ce faisant,
comme entreprise, comme corporation, dans un contexte où on traîne toujours
ce boulet... Quand je dis «ce
boulet», c'est vraiment un boulet qui touche directement, je dirais, la
capacité de se développer, de concurrencer, etc., et c'est ça qu'on veut essayer d'éliminer. Et, toutes
les entreprises qu'on a rencontrées, je n'en ai pas senti une seule...
ou les associations qu'on a rencontrées, je
n'en ai pas senti une seule qui n'avait pas le désir réel et profond de
dire : Écoutez, on va régler. Mais je vais laisser Me Lamy
parler de... plus l'autre aspect que vous avez mentionné, sur la quittance.
M. Lamy
(Guy-François) : Sur la
quittance, votre question, en fait, c'est : Est-ce que vous voyez une
contradiction entre la position que vous soutenez et l'objectif qui est visé ou
le fait que les entreprises visées pourraient ne pas avoir tout divulgué? À mon avis, il n'y a pas de contradiction
derrière ça, parce que ce qui est clair dans le propos, dans la recommandation qu'on vous avance, c'est qu'on ne
peut pas demander à quelqu'un de donner une quittance sur la base d'une divulgation volontaire lorsqu'il n'y a pas
eu de divulgation volontaire. Et ça, pour moi, c'est évident et c'est à la base.
Par contre, peut-être
pour clarifier notre propos, ce qui est important, c'est que... lorsque les
faits sont soulevés par l'entreprise
qui décide de procéder à cette divulgation volontaire là pour obtenir le
règlement, ce qui est important, c'est qu'à
l'égard de ces faits-là il y ait règlement complet et définitif. Et c'est pour
ça que nos recommandations qui touchent, par exemple, l'ensemble des
organismes qui auraient pu être visés ou l'ensemble des contrats qui auraient
pu être visés... est importante. Parce que,
d'un point de vue strictement juridique, il est évident qu'il peut
y avoir une réclamation pour le contrat A, une réclamation pour le
contrat B, une réclamation pour le contrat C. Ce qui est important
pour nous, c'est que, l'entreprise qui vient
vous voir en vous disant : Je vous le dis, là, A, B et C, ce sont trois
contrats dans lesquels il y a
une situation où je dois rembourser des sommes, je vous le dis et je veux
m'entendre avec vous, eh bien, que cette quittance-là soit globale à
l'égard de tout ça. Si elle ne vous a pas parlé de D, elle ne vous a pas parlé
de D.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme
la ministre.
• (17 h 20) •
Mme Vallée : Mais c'est justement... En fait, c'est
l'objectif, c'est-à-dire la quittance est à l'égard de ce qui aura
été divulgué, et ce qui n'aura pas fait
l'objet d'une divulgation, et ce dont... Parce qu'il est possible
aussi, là, que l'entreprise se tourne vers le programme de remboursement
volontaire, fasse état d'un certain nombre de contrats, que, du côté de la personne neutre et avec les équipes, on
dise : Écoutez, nous, on a connaissance d'autres éléments, et
que ça, ça soit ajouté à la table,
c'est possible aussi. Et donc ces éléments-là, s'ils sont reconnus, évidemment,
pourront faire l'objet de la quittance. Mais, pour nous, il est hors de question
de donner une absolution totale si on n'a pas... pour des faits qui n'auraient
pas été divulgués mais qui auraient été connus de l'entreprise. Parce que c'est
quand même dangereux, il faut quand même... La bonne foi, là, elle est là, et il faut
travailler de façon transparente, et il ne faudrait pas absoudre et
passer... nettoyer quelque chose qui a été caché sous le tapis.
M. Lamy (Guy-François) : Nos
commentaires visent beaucoup, dans notre mémoire, si vous regardez... Un
principe très sous-jacent à nos commentaires, c'est d'avoir un certain
équilibre entre le rapport dans les parties. Bien, l'équilibre de la bonne foi s'applique... ce principe-là s'applique
aussi à l'équilibre de la bonne foi entre les parties qui sont
présentes, évidemment, dans l'application du programme de règlement volontaire.
Mme Vallée : Comment
voyez-vous le partage? Parce que vous abordez également une autre suggestion, c'est-à-dire qu'en matière de collusion un individu soit appelé à rembourser et, en
matière de corruption, que l'ensemble des joueurs soient tenus responsables. Comment parvenir à cette
solution-là? Comment on pourrait mettre en vigueur et comment on
pourrait l'articuler?
M. Lamy
(Guy-François) :
C'est-à-dire que, lorsque vous êtes confronté à une situation où vous
réalisez... Parce que, là, ça, ça va être la portion aussi des
organismes publics, ici, de réaliser qu'il y a eu collusion, à moins qu'un des... mais aussi par un délateur, peu importe le
moyen que ça se produit, mais on sait qu'il y a eu collusion, qu'il y a
eu entreprises A, B et C qui se sont
entendues pour que B et C ne soumissionnent pas sur le contrat pour que A
l'obtienne, parce qu'il y aura tour de rôle pour que B soumissionne sur le
suivant et C sur le troisième.
Selon les
règles de la solidarité, ce qui arrive, c'est que toutes les entreprises
peuvent être tenues responsables. Donc,
pour une poursuite judiciaire, ça va bien, vous savez que vous pouvez seulement
aller en chercher une en appliquant les
règles de la solidarité. Mais, lorsqu'on est dans l'application du programme de
règlement volontaire, comme l'objectif, c'est de s'entendre, eh bien, la recommandation qui est faite par nos
membres là-dessus, c'est de dire : Bien, celle qui a remporté le contrat, on sait qu'elle a soutiré des
sommes, ça va être beaucoup plus facile à déterminer de savoir qu'ici il
y a eu des montants qui ont été injustement perçus. Donc, en réglant avec cette
entreprise-là pour ce montant-là et en acceptant — malgré le principe de la solidarité — ici que ça règle de façon définitive le
litige, l'objectif derrière ça, c'est de rendre le processus plus efficace. Donc, pour l'articulation de cette
mesure-là, l'idée, c'est de s'entendre avec le gagnant de l'appel
d'offres qui est visé.
M. Dorval (Yves-Thomas) : En fait,
si vous me permettez, M. le Président, ça revient toujours à cette même question là. Dans le fond, on croit au programme
de remboursement volontaire, et les gens veulent y participer. Ce qu'ils
veulent, les entreprises... D'abord, il faut
toujours se mettre dans l'esprit que les entreprises d'aujourd'hui, hein, ce
n'est souvent plus les mêmes personnes, etc., c'est changé. Et les entreprises
veulent faire en sorte de participer de bonne foi
à cet exercice-là. Et ce qu'on veut éviter, c'est que des éléments de la loi
fassent planer encore de l'incertitude ou du temps... Parce que, si c'est solidaire, là, ça veut dire que peut-être
qu'une entreprise va faire faillite ou elle a fait faillite, peut-être
qu'il y en a une qui ne voudra pas participer. Alors là, ça va décaler dans le
temps et ça va... on va traîner encore cette situation-là.
Dans le fond, ce qui est très clair, ce qui est
très précis, c'est : Tu as eu le contrat, il y a eu un trop-perçu, tu
t'organises avec l'organisme public pour régler le cas. L'autre à côté, il ne
faudrait pas qu'à un moment donné le processus
fasse en sorte que, si le risque est plus grand de continuer à traîner, alors
que je veux le régler puis... que je me ramasse, bien, qu'à la fin le
processus de litige, puis peut-être éventuellement d'un règlement hors cour ou
quoi que ce soit, devienne quasiment plus intéressant que le règlement
volontaire.
Alors, c'est
toute l'attractivité, l'efficacité du principe, toujours dans un esprit — puis je reviens à ça — que...
Puis c'est pour ça que celui qui a reçu le
contrat, c'est lui qui a reçu le trop-perçu, bien, il rembourse le
contribuable. Parce que l'objectif, c'est de rembourser le contribuable.
M. Lamy (Guy-François) : Il s'agit,
si vous me permettez, d'une situation, dans le fond, où, alors qu'en principe ces entreprises-là pourraient vouloir
réclamer ce droit de partage entre les différentes parties impliquées, ce
qui est prioritaire pour ces entreprises-là, c'est de passer à autre chose et
de procéder au remboursement, alors elles sont prêtes à accepter cette
situation-là.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la ministre, un peu plus de trois minutes.
Mme Vallée : J'aimerais vous
entendre sur la prescription. On a, évidemment... La prescription qui est mise en place vise à couvrir une période, la période
couverte par les travaux de la commission Charbonneau, une période de
20 ans à partir de cette année. Vous avez une préoccupation quant à la
conservation des documents, mais la preuve doit
également être faite, c'est-à-dire qu'on présume, pour aller jusqu'en arrière,
que les organismes publics auront conservé la preuve, également, des manoeuvres dolosives et la preuve qui
permettra de monter leurs dossiers. Selon ce que nous savons, certains organismes publics ont
effectivement conservé cette preuve-là et ont accès encore à cette preuve-là.
Et vous semblez dire : Bien, pour nos membres, ça peut être problématique,
parce que rien ne garantit la conservation des documents. J'aimerais vous
entendre davantage sur cette question-là.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : En fait, il
y a le principe de droit au niveau de la capacité de pouvoir faire sa défense. Je vais laisser mon collègue en parler. On a
essayé d'être assez pragmatiques dans cette question-là. On s'est dit :
Finalement, la meilleure façon d'arriver à un règlement, c'est que
l'entreprise en question ait accès à de la documentation, etc. Ce n'est pas tous les types d'entreprises... Le
projet de loi couvre toutes les entreprises, mais on a pris l'exemple des
firmes d'ingénieurs. Pourquoi? Parce que les
règles, les réglementations de l'Ordre des ingénieurs font en sorte que les
gens doivent garder leurs documents pendant 10 ans. Donc, pour nous
autres, on s'est dit : Soyons pragmatiques, il y a une réglementation qui
existe de ce côté-là.
Bien, 10 ans, ça nous apparaît... Si le gouvernement
se disait : Écoutez, le premier projet de loi qui a été déposé en 2013, on part le compteur à ce moment-là, parce que probablement que les entreprises ont commencé à geler...
à s'assurer que les documents soient conservés, etc., ça pourrait peut-être
être une alternative. Mais, à notre avis, là, je crois qu'on essaie tout
simplement de trouver une façon
pragmatique de s'assurer que les organisations aient accès à des documents
pour faire la preuve, pour étudier, surtout que, bien souvent, on... Je le
répète, là, les entreprises qui avaient des participants dans des questions
qui ne sont pas de fraude ou quoi que ce soit, ces gens-là ne sont plus là.
Alors, dans le fond, c'est les héritiers — quand je dis «les héritiers», je ne parle
pas familiaux, mais ce sont les héritiers, ceux qui sont là pour la
durabilité de l'entreprise, l'avenir de l'entreprise — qui
sont là pour essayer de trouver un règlement pour permettre à l'entreprise d'être pérenne et d'être durable. Ce qui
n'empêche pas qu'il y a des individus qui seront poursuivis puis qui ont
peur d'avoir commis des causes frauduleuses, ou quoi que ce soit.
• (17 h 30) •
M. Lamy
(Guy-François) :
Effectivement — et je
fais du pouce sur ce que M. Dorval vient de dire — c'est le pragmatisme qui nous guide
ici afin d'obtenir cet équilibre entre le caractère exceptionnel du projet de
loi... je vous entendais, d'ailleurs, échanger, tout à l'heure là, avec les
gens de l'Institut des administrateurs à ce sujet-là. Parce qu'effectivement il faut réussir à pouvoir aller
chercher ces sommes-là, donc il est évident qu'il faut reculer à un
certain point en arrière. On en est bien conscients, nos membres en sont bien
conscients.
Le problème,
c'est que, lorsque, de par la mécanique du projet de loi... Du moment où l'État
poursuivant fait la démonstration
qu'il y a eu fraude ou manoeuvre dolosive et que, par la suite, on enchaîne une
succession de présomptions au niveau du lien de causalité puis au niveau
du dommage, bien, il faut qu'il reste un minimum de capacités, là, pour
respecter un tant soit peu les règles de justice naturelle, pour permettre aux
défendeurs de faire une certaine défense lorsqu'applicable. Le minimum, c'est
de s'assurer qu'il y a matière à conservation de la preuve, et donc, partant
des différentes règles applicables...
M. Dorval donnait l'exemple de la réglementation applicable par l'Ordre
des ingénieurs, mais on sait que, de
façon générale, en matière de conservation de documents, au-delà de
10 ans, c'est très rare qu'on a une telle obligation, et on peut penser qu'il y a plusieurs documents qui
ont été détruits. Déjà que même 10 ans, c'est difficile, parce
qu'on peut penser qu'il y aura des témoins... Parce qu'on parle de preuve
documentaire, mais il y a aussi la preuve testimoniale, là, il y a peut-être
des témoins qui ne sont plus là. Ça peut poser aussi problème à ce niveau-là. Donc, 10 ans nous semble le compromis
acceptable pour atteindre l'objectif qui est visé par le projet de loi tout en
s'assurant qu'on pourra permettre un minimum de défense aux personnes qui
pourraient avoir une défense à faire valoir.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie. Ça complète ce premier bloc d'échange. Je me tourne
vers le député de Lac-Saint-Jean. À vous la parole.
M. Cloutier : Merci, M. le
Président. Alors, merci de votre présence aujourd'hui, ça me fait plaisir de
vous retrouver.
Est-ce qu'on
peut poursuivre sur le délai de prescription, là? Moi, je suis assez sensible,
évidemment, au caractère pratique des
choses puis effectivement j'imagine que, pour le gouvernement, d'entamer des
procédures... Parce que le procureur aura aussi à démontrer qu'il y a eu
fraude pour que les présomptions s'établissent. Alors, autant pour celui qui aura à présenter une défense que pour celui
qui aura à démontrer qu'effectivement il y a une fraude, on peut se poser des questions
à savoir si on est dans le monde du réalisme ou si on est dans un univers où on
souhaite couvrir le plus largement possible. Mais, en bout de course, si on adopte
une loi... Puis la réalité de sa mise en oeuvre est nettement plus complexe...
En tout cas, je soulève la question. Puis
j'imagine que, du côté du gouvernement, on a réfléchi à ça, puis peut-être
qu'on a déjà des exemples en tête, mais ça fera partie, sans doute, des
éléments de précision qui devront être
apportés. Parce que l'objectif, c'est de légiférer sur des choses qui sont
réelles. Parce que la mise en oeuvre de tout ça, effectivement, semble être complexe. Mais, d'un autre côté, d'un point
de vue gouvernemental et de saine administration publique, on peut
comprendre la volonté d'aller... de couvrir le plus largement possible. Puis, à
la limite, si on peut retourner dans les 50 dernières années, pourquoi
pas? J'imagine qu'à un moment donné on doit tracer la ligne du raisonnable puis
du responsable. On avait choisi 15 ans, mais rendus à 20, ça
m'apparaissait initialement une bonne idée, mais peut-être son caractère
pratique... On aura peut-être la chance d'en discuter ultérieurement.
Je me
demandais si le Conseil du patronat, vous aviez eu des représentations sur
votre conseil d'administration. Parce
que tout à l'heure on a eu une réflexion assez approfondie sur
l'article 10 et les présomptions qui s'appliquent aux
administrateurs, puis on semblait nous indiquer qu'on était plus exigeants de
façon rétroactive que pour les conseils d'administration
actuels. Je suis quand même sensible à l'argument, alors je suis curieux de
savoir si on vous a approché en ce
sens pour la préparation de votre mémoire. Je ne le retrouve pas, du moins,
dans votre mémoire. Peut-être que vous ne vous êtes pas posé cette
question-là.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Il y a un
petit élément qui est dans notre mémoire là-dessus, parce
qu'effectivement, sans que ce soit une
association qui nous ait représentés là-dessus, il y a eu des commentaires qui
ont été faits auprès du Conseil du patronat, à un moment donné, sur cet
aspect-là.
Je reviens sur l'aspect qui a été défendu par
les prédécesseurs qui ont passé devant vous. Ici, ce n'est pas, quant à nous, là, une perception de
l'administrateur comme étant «désolidaire» complètement de l'organisation. Il y
a des responsabilités et tout ça, mais il
faut aussi assurer... Parce que c'est un projet de loi exceptionnel et il faut
assurer que... Parce que,
fondamentalement, on croit, au Conseil du patronat, au rôle des administrateurs
sur les conseils d'administration, et ça nécessite aussi d'être
attractifs d'aller travailler sur des conseils d'administration. Tout ce qui
porte... Tout ce qui met des administrateurs dans une zone de
non-prévisibilité, c'est comme dans le domaine des affaires, ça rejoint d'ailleurs une des raisons pour laquelle les
entreprises veulent régler... Tout ce qui est dans le domaine de
l'imprévisibilité, c'est très nocif en affaires et ça n'aide pas les
administrateurs à venir participer, surtout les administrateurs externes, à
venir participer. Mais peut-être que Me Lamy pourrait préciser un point
sur cet aspect-là.
M. Lamy
(Guy-François) : Effectivement, pour répondre précisément à votre
question, M. le député, il y a effectivement eu des discussions sur ces
questions-là, et c'est pour ça qu'il y a un paragraphe, là, qui l'aborde dans notre mémoire. Je vais le
porter à votre attention. On est en page 7, en fait, c'est le troisième
paragraphe. Vous remarquez qu'on ne
s'étend pas, dans notre mémoire, très longtemps sur cette question-là,
L'institut des administrateurs a produit un mémoire en bonne et due
forme sur tout cet aspect-là, mais il y a une préoccupation. Nous soulevons
quand même certains éléments à cet égard-là.
Parce
que l'objectif, un objectif important pour nous, au Conseil du patronat, on en
a parlé, c'est la pérennité des entreprises.
Ça passe aussi par la capacité de recruter et de conserver des administrateurs
qui sont compétents. Donc, oui, cet aspect-là a effectivement été
traité, et ce qu'on vous dit, c'est un peu en ligne avec ce que j'ai cru
comprendre de ce que l'Institut des
administrateurs vous a fait comme représentation, c'est-à-dire qu'il faudrait
quand même s'assurer qu'il y ait un arrimage entre les moyens de défense
pour les administrateurs et ceux pour les dirigeants et qu'à l'égard de
l'appréciation de la faute des administrateurs elle se fasse à l'égard des
règles pertinentes et applicables à l'époque où les faits sont survenus.
M. Cloutier :
Je ne suis pas persuadé que je fais la même lecture que vous de
l'article 10. Puis ça va être intéressant, peut-être qu'on aura une
discussion là-dessus avec la ministre de la Justice, là, mais, quand on écrit,
dans l'article 10, deuxième
paragraphe : «Il en est de même pour ses administrateurs s'il est établi
qu'ils savaient ou auraient dû savoir
qu'une fraude ou une manoeuvre dolosive a été commise relativement au contrat
visé», «il en est de même», on parle,
j'imagine, de la responsabilité, mais, dans le «il en est de même», on pourrait
aussi plaider que ça inclut également le moyen de défense qui est prévu
pour ces dirigeants. Puis là je ne veux pas faire un débat de juriste et
d'interprétation, quoique c'est nécessaire,
puisque c'est aussi ça, notre travail, de s'assurer que la rédaction, elle est
à propos, mais, moi, tout à l'heure, dans l'échange que j'ai compris
entre la ministre et l'association qui précédait, c'est que, d'un point de vue
gouvernemental, la défense, elle est là aussi pour les administrateurs. Et on
me fait signe de la tête que oui.
Alors,
contrairement à ce que vous écrivez ou à l'interprétation que vous en faites,
qui est peut-être correcte, eu égard
au libellé actuel, mais... Là, ce que je comprends, c'est qu'il y a une
nécessité de clarifier le libellé. Si l'intention du législateur, c'est que la défense de diligence
s'applique, bien, peut-être qu'il y aura lieu de reformuler pour nous
assurer qu'effectivement ça s'applique non
seulement à ces dirigeants, mais que ça s'applique également au conseil
d'administration. Parce
qu'honnêtement moi, tout à l'heure, je fais la lecture de cet article-là en y
incluant à la fois la responsabilité mais aussi le moyen de défense.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : M. le Président, rapidement, de mon côté, je vous
dirais qu'un des arguments qui a été invoqué, je crois, par la ministre, ici,
ça a été de dire que c'est un outil pour que le dirigeant fasse pression sur l'organisation pour faire un règlement. Et, à
mon point de vue, connaissant un peu les gens et certains
administrateurs, dites-vous que la pression est déjà là. La pression, elle est
déjà là. C'est comme si on disait : On va essayer d'aller chercher un outil de plus qui risque de nuire, qui
risque de nuire au climat d'intérêt, pour les administrateurs, de
partir. Mais ce que je peux vous confirmer
puis vous affirmer, c'est que les administrateurs, ils font déjà pression sur
les organisations pour dire : Réglez.
M. Lamy (Guy-François) : Je compléterais peut-être sur votre commentaire
sur la rédaction de l'article 10 en constatant que, si vous étiez juge et que j'étais juge, on rendrait
peut-être des jugements différents. Alors, c'est un risque qui peut
peut-être arriver devant nos tribunaux.
Cela dit, je ne suis
pas complètement en désaccord avec la lecture que vous faites, mais visiblement
vous comprenez que ce n'est pas la lecture que nous avons faite lors de notre
analyse et de notre étude du projet de loi, évidemment.
Alors, peut-être qu'au niveau de la rédaction, effectivement, ici, si telle est
l'intention de la ministre, peut-être...
Ça, je vous le soumets, on n'est pas
à cette étape-ci des échanges, là, pour discuter des libellés. Vous aurez à
faire ça lors d'une prochaine étape.
Mais je vous soumets que votre constat, peut-être, amène à une certaine
réflexion de ce côté-là, effectivement.
M. Cloutier :
Mais c'est aussi l'occasion, comme vous le savez, d'indiquer l'intention du
législateur.
M. Lamy
(Guy-François) : Absolument.
M. Cloutier :
Alors, on a entendu la ministre tout à l'heure, on a cet échange-là ensemble.
Peut-être que la nouvelle rédaction ne sera
pas nécessaire puisque nous avons eu l'échange. Peut-être que la ministre
pourra nous en dire davantage tout à l'heure...
M. Lamy (Guy-François) :
Je vous soumettrai simplement, si vous permettez, que, comme juriste, et je
sais que nous sommes quelques-uns autour de
la table ici, il est parfois plus intéressant d'avoir un projet de loi
clairement écrit que d'aller lire les travaux ou les débats, le Journal
des débats, pour en faire l'interprétation.
M. Cloutier :
Bien, avec respect, si on veut maintenir notre...
Une voix :
Nos cotes d'écoute.
M. Cloutier :
...l'intérêt pour nos travaux, vaut mieux parfois garder l'ambiguïté dans les
lois.
Des voix : ...
M.
Cloutier : D'autres choses viennent de s'expliquer.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : C'est bon, ça, c'est bon. Alors, M. le député de
Lac-Saint-Jean, pour la suite.
M. Cloutier :
Pour moi, ça compléterait, là, les échanges pour le moment.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Excellent. Est-ce que, du côté de l'opposition
officielle, d'autres... Non. Mme la députée de Montarville, nous sommes pendus
à vos lèvres.
• (17 h 40) •
Mme Roy
(Montarville) :
Mon Dieu! Je n'en demande pas tant, M. le Président. Merci. Bonjour, messieurs.
M. Dorval, bonjour, M. Lamy, également... Me
Lamy. On se voit souvent. Vous aviez la grippe aussi la dernière fois.
Soignez-vous. Soignez-vous, M. Dorval.
Cela
dit, d'entrée de jeu, M. Dorval, vous nous avez dit que le remboursement doit
se faire de façon rapide, claire et définitive
pour ne pas qu'on traîne un boulet. Tout
à fait d'accord avec vous. C'est d'ailleurs... L'esprit de cette loi, c'est le remboursement. Nous sommes ici
en présence d'une loi d'exception et, vous le soulignez à juste titre, Me Lamy,
qui justement utilise des moyens d'exception qui vont un peu plus loin que le droit
commun. Et c'est la raison pour laquelle on le fait, parce que la situation
est exceptionnelle.
Il y a quelques
points que j'aimerais reprendre. Je vais revenir, moi aussi, sur la fameuse
prescription. Vous nous suggérez une
prescription de 10 ans, compte
tenu du fait, entre autres, que plusieurs documents peuvent ne pas avoir été conservés pour
cette période. Moi, je vous soumettrais une question : Qu'est-ce qu'on
fait avec les travaux de la commission
Charbonneau qui se sont étendus sur une période de 15 ans? Et que fait-on
des entreprises collusionnaires qui ont
avoué nous avoir fraudés, nous avoir volés à l'intérieur de ce délai de
15 ans, au tout début des 15 ans? Qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là si on n'a pas cette loi
d'exception qui nous permet, du moins, d'essayer d'aller récupérer des
sommes, si on a une prescription de
10 ans uniquement? Parce qu'on ne couvre pas la commission Charbonneau
avec la suggestion que vous nous faites.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Je pense qu'il y a deux éléments qu'on a
mentionnés. Il y a l'élément pragmatique pour la partie de l'entreprise,
de pouvoir avoir accès à la documentation nécessaire pour examiner... Parce
qu'encore une fois, les gens qui ont
participé à ça, on présume qu'ils ne sont plus dans l'entreprise. Et donc c'est
les successeurs qui sont pris avec le
portrait et qui doivent essayer de trouver une façon de régler puis de régler
d'une façon qui soit correcte. Et donc on est partis tout simplement
d'éléments comme ceux-là.
Cela dit, si
c'était... Vous dites que c'est une loi d'exception, oui, mais déjà
10 ans, ce serait exceptionnel, parce
que c'est trois ans, normalement, la rétention de documents. C'est exceptionnel
déjà. Alors, jusqu'à quel point faut-il que ce soit exceptionnel et
jusqu'à quel point, à un moment donné, on doit limiter?
Alors, si le droit,
de façon générale... Et là moi, je ne suis pas un juriste. Moi, je le vois
juste comme un citoyen judiciable, celui qui
doit respecter la loi puis qui ne la connaît pas nécessairement dans tous ses
détails. Bien, à un moment donné, je vais avoir aussi une espèce
d'environnement où est-ce qu'il y a un équilibre, et c'est un peu ça qu'on
propose ici. Mais vas-y.
M. Lamy (Guy-François) : En fait, c'est ça, j'ai l'air — on forme une équipe, là — de toujours reprendre sur la dernière phrase de M. Dorval, mais je veux le
faire encore, parce qu'il vient de parler d'équilibre, et je vous en ai
parlé tout à l'heure. C'est un choix, à un
moment donné, qui s'arrête pour s'assurer que ce soit faisable qu'on atteigne
l'objectif tout en permettant, comme je vous disais, d'assurer une
défense.
Le problème qu'on a,
c'est que, si on recule trop longtemps et qu'on se fie à quelques petits
éléments ou quelques points qu'on a entendus, qui pourraient dépasser ce
délai-là, est-ce que, dans l'arbitrage qu'on doit faire au moment de trancher
un délai, lorsqu'on se penche... entre, comme je vous disais, le principe qu'on
doit quand même permettre à quelqu'un de
pouvoir faire une défense et de lui laisser les moyens nécessaires pour ce
faire et le fait qu'on veuille aller chercher partout... M. le député de
Lac-Saint-Jean, tout à l'heure, disait : On pourrait remonter jusqu'à 50 ans. En principe, c'est vrai, mais, à un
moment donné, c'est là où on tranche la ligne. Nous, ce qu'on vous
suggère, c'est que cette ligne-là, d'un
point de vue pragmatique, c'est à 10 ans qu'elle doit être tranchée et que
ça respecte cet équilibre-là.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Et surtout que, si on parle de la commission
Charbonneau, un de ses objectifs était d'identifier, documenter les mécanismes,
etc., pour proposer des recommandations. Parce que ce n'est pas un tribunal, la commission Charbonneau. C'était pour
faire, donc, l'examen et pour faire des recommandations pour le futur.
Alors, si on commence à penser, tout à coup, là, que c'est quasiment un
tribunal qui était là pour le rôle de l'UPAC...
Mme
Roy
(Montarville) : Non, ce n'est pas ça, mais, compte
tenu du fait qu'on a appris, à travers cette commission, les sommes colossales que nous nous sommes fait tous
collectivement voler, là, tous autant que nous sommes ici, il faut
prendre des mesures d'exception pour tenter de récupérer des argents que la
population, les citoyens, les contribuables ont payés en trop.
Vous
nous dites, à la page 9, parmi vos conclusions : «La quittance donnée
en vertu du programme volontaire devrait
couvrir tous les organismes publics touchés en évitant une approche
"contrat par contrat" et année par année.» Pouvez-vous élaborer
un petit peu là-dessus, ce que vous entendez?
M.
Lamy (Guy-François) : En
fait, quand on parle de contrat par contrat puis année par année, ce qu'on
veut dire, c'est que, si on commence à
prendre... à appliquer le programme de règlement volontaire à la pièce, où on
dit : Bon, alors, moi, je suis l'entreprise qui a eu certains
contrats dans lesquels il y a eu des malversations, là, il y a eu fraude, il y a eu manoeuvre dolosive, et là je commence...
Alors, je finis par m'entendre. Je m'assois avec les représentants de la
ministre de la Justice, et puis là on
discute. On s'entend finalement sur un montant pour le contrat A, comme je
disais tout à l'heure, alors on a une quittance. Parfait. Ça, c'est publié, on
a réglé celui-là.
Tout le long de ce processus-là, moi, je
continue mon contrat B, mon contrat C, mon contrat D. Il peut y
en avoir des dizaines, là, et même plus. Je
ne règle pas mon problème, je le règle à la pièce et, comme M. Dorval le
disait tout à l'heure, je continue d'avoir cette épée de Damoclès là.
Alors que, si j'arrive comme entreprise, et que je m'assois devant les représentants du ministre de la Justice, et que
je dis : Voici le portrait de la situation... On vous parlait tout à l'heure, là, des échanges que j'avais
avec la ministre, où on discutait, là, de tous les faits qui sont divulgués par
l'entreprise. Alors, l'entreprise arrive, et vide le panier, là, et
dit : Alors, voici, c'est ça, l'ensemble du portrait. Il y a tel
organisme, telle municipalité qui sont visés pour tel contrat, tel contrat,
pour tel montant, tel montant, tel montant, discutons. C'est ça, l'objectif. Et ultimement, à la fin de ça, on
va arriver avec une entente que nous signerons. Et après ça il y aura
répartition des sommes selon les règles, et
entre les organismes publics, et avec ce que la Procureur général décidera, et
on s'assoit comme ça, et on arrive à une entente globale.
La
négociation sera peut-être un petit peu plus longue, mais probablement pas beaucoup plus longue que si on avait procédé
contrat par contrat, pièce par pièce.
Mme Roy
(Montarville) :
C'est ce que vous préconisez.
M. Lamy (Guy-François) : Exactement.
Mme Roy
(Montarville) :
Craignant aussi peut-être l'apparition d'information subséquente qui nous permettrait d'apprendre qu'un autre contrat aurait
été... c'est-à-dire, lors de la signature d'un autre contrat, il y
aurait eu effectivement une manoeuvre dolosive ou fraude... Par la suite
de cette entente-là, si on arrive et qu'on découvre que l'entreprise X
avait commis une autre fraude qui n'a pas été déclarée dans son panier, ça
éviterait qu'on retourne à l'arrière encore pour celui-ci, avec votre
proposition.
M. Lamy
(Guy-François) : C'est ce
que je... L'échange que j'avais tout
à l'heure avec la ministre était plutôt à l'effet que, si l'entreprise n'a pas divulgué ce contrat-là, on ne peut
pas demander à quelqu'un de donner une quittance pour des faits qui n'ont pas été portés à sa
connaissance et dont elle n'avait pas connaissance. C'est pour ça que je vous
disais : L'approche globale, elle est
pour ce qui est contenu dans le panier que l'entreprise vide. Si elle en oublie
un qu'elle n'a pas divulgué, on ne peut pas demander à la Procureur
général de donner une quittance pour des faits dont elle n'a pas eu
connaissance. À notre avis, c'est clair.
Mme Roy
(Montarville) : C'est plus clair. Écoutez, pour le moment,
moi, c'est clair. Je comprends vos inquiétudes,
je comprends que le fait qu'on déroge au droit commun est inquiétant, et il y a
aussi... Ah oui! Il y a autre chose qui était intéressant, ce fameux
stigmate, là, le projet de loi ne doit pas servir à cultiver une attitude de
méfiance globale envers les entreprises, et
surtout pas... Ce n'est surtout pas ce que l'on veut. Au contraire, on veut
qu'il y ait de la réhabilitation puis on veut que les entreprises
fonctionnent et que, surtout, les citoyens puissent... faire en sorte qu'ils aient confiance aux entreprises et tout ce qui
s'ensuit. Alors, je suis tout à fait d'accord avec vous, avec ces
propositions que vous avez mises de l'avant,
et c'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut aussi aller de l'avant
avec une loi spéciale et d'exception. Je vous remercie, messieurs.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, Mme la députée. Mme la ministre, pour le dernier bloc d'échange.
Mme Vallée : J'aimerais ça
revenir sur un point que vous avez abordé tout à l'heure, dans votre
présentation, je ne suis pas sûre de l'avoir
bien saisi, votre cinquième recommandation : «Les impacts des règlements
éventuels sur les décisions
d'organismes publics ayant un pouvoir d'accréditation devraient être prévus
dans le programme de remboursement volontaire
de façon à ce que ces derniers donnent également quittance relativement aux
faits sous-jacents au règlement intervenu.»
J'aimerais que vous élaboriez un petit peu, parce que vous avez fait référence,
dans votre mémoire, à la Régie du bâtiment, je crois, à l'AMF. Comment
vous la voyez, cette recommandation-là? Comment ça devrait s'articuler, là,
dans les faits, dans tout le processus?
M. Lamy (Guy-François) : Ce qui est
important ici, c'est que... Lorsque les discussions auront lieu entre les
organismes qui auront été floués, les organismes qui auront perdu de l'argent à
cause de certaines manoeuvres, il serait
important que les autres organismes qui, eux, n'ont pas été fraudés, comme par
exemple l'AMF, la Régie du bâtiment, mais
qui, pour ces mêmes faits là, peuvent avoir un pouvoir d'émission de permis, de
certification, un pouvoir d'enquête sur ces faits-là, eh bien, ils embarquent dans le coût du règlement pour
s'assurer que... pour susciter l'adhésion, pour ne pas que l'entreprise qui dit : C'est parfait... Je
vous donne un exemple. L'entreprise dit : C'est parfait, je rège. Par la
publication du règlement, je perds ma licence RBQ. Alors, à ce moment-là, il
faudrait que la RBQ soit là aussi pour prendre part à la discussion, là.
• (17 h 50) •
Mme
Vallée : Là, ce que je comprends, donc, vous ne voulez pas
que le fait de divulguer... de se prévaloir du règlement volontaire ait
un effet contraire, c'est-à-dire, et suscite une intervention d'un organisme
accréditaire qui viendrait à l'encontre de la volonté... Parce qu'en fait c'est
un petit peu particulier, ce que vous soulevez, parce que l'objectif, justement, de la mise en place de ce
programme-là, c'est justement de donner un élément supplémentaire. Parce
que ce ne sera pas la seule... On ne pourra pas acheter son accréditation par
un règlement. Ça, c'est clair, là.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Ça, c'est
clair, oui.
Mme Vallée :
Ce n'est pas l'objectif, mais ça sera parmi ce que l'on souhaite, c'est que
cette démarche-là fasse partie
d'éléments positifs, d'éléments qui vont jouer, qui vont militer en faveur de
l'accréditation, mais il ne sera pas le seul. C'est-à-dire qu'un organisme
qui n'a pas fait le ménage dans sa boîte et qui a encore des administrateurs ou
des dirigeants aux pratiques douteuses ne pourra pas, du seul fait de s'être
prévalu du bureau de remboursement... du programme de remboursement volontaire,
s'acheter des licences, s'acheter des autorisations de transiger avec les
organismes publics.
Alors, ça, il
faut faire attention. Mais je comprends... Pour vous, si je comprends bien, là,
vous craignez que la publication du règlement soit un élément qui vienne
allumer des lumières rouges au sein de ces organismes-là.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : D'où
l'importance qu'ils soient consultés également avant le règlement. Donc,
ce n'est pas quelque chose qui se fait comme ça, par surprise, on apprend qu'il
y a un règlement. Il y a eu quand même consultation.
Mme Vallée :
...fasse partie de la démarche qui soit... qu'on prenne les devants plutôt que
de les informer après coup. D'accord, merci.
Bon, on a prévu certains pourcentages des
contrats publics pour les frais, pour la présomption de dommages. J'aimerais vous entendre sur ces éléments-là,
c'est-à-dire la présomption de dommage à 15 % établie. On a des
organismes qui nous disent : C'est peu, ce n'est pas suffisant. La
présomption de dommage, elle est plus importante. La ville de Montréal, ce matin, nous disait que le 15 %
n'était peut-être pas suffisant, qu'il fallait viser un pourcentage plus
élevé. Avez-vous abordé cette question-là avec vos membres?
M. Dorval (Yves-Thomas) : D'abord,
la première des choses, il y a 15 % plus un autre 20 %. Alors, ça
commence à faire.
Deuxièmement,
sur cet aspect-là, moi, je n'ai pas eu beaucoup de représentations. On ne m'a
pas signalé que ça faisait problème,
ce montant-là. Donc, j'imagine que c'était accepté, là, d'une certaine façon,
mais il faut comprendre que, si on
exagère ce montant-là... Quand je dis exagérer, en fait, c'est difficile parce
que, dans le fond, nous, on n'a pas les éléments pour évaluer ça, là.
Vous avez plus, probablement, d'éléments. Les villes, etc., ont plus
d'éléments. Mais, si le montant, je vous dirais... pas arbitraire, mais le
montant, je dirais, de base, là, devient trop important, c'est quoi, l'incitatif aussi, là, dans tout ça? Vous savez
que peut-être qu'un règlement hors cour va vous apporter moins que ça
aussi, là, finalement. Il faut faire attention à ça. Mais en même temps on n'a
pas, on n'a vraiment pas toute l'information pour
évaluer ça, mais ça nous... En tout cas, à moins que Me Lamy ait eu des points
par rapport à ça, là, je ne pense pas que c'était quelque chose qu'on
nous a dit que...
M. Lamy (Guy-François) :
Effectivement, ce qui est ressorti de nos consultations, c'est que les
entreprises, je vous dirais, elles en
prennent acte, du 15 %. Je vous le dirais comme ça : Elles prennent
acte du 15 %. On est dans un contexte
de mesures exceptionnelles, on ne le répétera pas assez aujourd'hui, et elles
le comprennent. Dans un contexte déjà particulier, où on est en
établissement de présomption, en renversement de fardeau de preuve, ça, déjà,
ça suscite des questions. On en fait part
dans notre mémoire en insistant sur le caractère exceptionnel de ça et aussi
parce que ça ne devrait pas
constituer un précédent. Et, dans ce contexte-là, bien, oui, le montant du
15 %, il vient un peu avec le régime, là, je vous dirais. C'est comme ça qu'il est perçu, et
les gens, les entreprises en prennent acte. D'où vient ce 15 % là?
Pourquoi est-ce qu'on arrive à 15 %? Ce sont certaines questions qui
peuvent être posées mais sans plus de commentaires.
Mme Vallée :
Et, pour ce qui est des sommes additionnelles, le 20 % additionnel, parce
que, M. Dorval, vous l'avez soulevé, est-ce que vous avez des remarques
particulières à cet égard-là?
M. Lamy
(Guy-François) : Je vous
dirais que, bien, ça fait réagir, parce qu'encore là on se demande d'où
vient ça. Par contre, on sait que c'est un
modèle qui existe dans d'autres dispositions, notamment avec la Commission des
normes du travail, sur les réclamations de salaire. C'est le même pourcentage,
d'ailleurs, qui est pris. Pour aussi avoir eu une importante pratique en droit du travail — travaillant au Conseil du patronat, c'est un
peu normal — je peux
vous dire que la pratique, avec ce
20 % là, des avocats de droit du travail, c'est que... on sait que c'est
un élément de négociation avec la Commission des normes du travail
lorsqu'il y a un règlement hors cour qui intervient. Alors, ça devient un
élément de négociation.
Ici, le
contexte est un peu différent, mais la réaction des gens, ça a surtout été de
faire ce parallèle-là avec ce qui se fait avec la Commission des normes
du travail là-dessus.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Mais ça fait le tour des questions que j'avais pour vous. Je ne sais pas si mes
collègues ont d'autres questions, mais je vous remercie.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Les collègues n'auraient pas vraiment de temps, mais...
Mme Vallée : Ah! bon, bien,
ça règle le cas.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Pas que je veux jouer au trouble-fête, mais... Un dernier commentaire?
M. Dorval
(Yves-Thomas) :
10 secondes. L'industrie de la construction, l'industrie du génie-conseil,
c'est des fleurons au Québec. Il y a
des joueurs là-dedans qui n'ont pas bien joué, ils méritent de payer. Les
contribuables méritent d'être remboursés. Mais les entreprises emploient
des milliers de personnes, puis il y a des milliers d'entreprises.
Après toutes
les années qu'on vient de vivre, il faut qu'on règle ça le plus tôt possible,
parce qu'on est en train, vraiment, de ne pas aider, même de nuire à une
industrie, puis à des gens, puis à des emplois qui sont extrêmement importants
pour le Québec. Et honnêtement, je vous dis, le ménage, il s'est fait. Il y
aura sûrement des améliorations à faire encore, mais ça s'est fait.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
C'était un 10 secondes bien rempli. Merci beaucoup de votre présence, de
vos observations.
Sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à 17
h 57)
(Reprise à 19 h 32)
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Prenez place et... À l'ordre! En silence, s'il vous plaît! Merci.
La Commission des institutions reprend ses travaux. Nous poursuivons les
consultations particulières et auditions publiques relativement au projet
de loi n° 26, Loi visant principalement la récupération de sommes obtenues
à la suite de fraudes ou de manoeuvres dolosives dans le cadre de contrats
publics.
Ce soir, nous
recevons, dans un premier temps, les représentants de la Fédération des
chambres de commerce du Québec. Vous disposerez de 10 minutes pour
faire votre présentation, et je vous demanderais, pour le bénéfice des parlementaires, de vous présenter, et pour ceux
qui nous écoutent également. Alors, je vous cède immédiatement la
parole.
Fédération des chambres
de commerce du Québec (FCCQ)
M. Forget
(Stéphane) : Alors, merci, M. le Président. Mme la
ministre, les membres de la commission.
Alors, je me présente : Stéphane Forget, je suis vice-président Stratégie
et affaires économiques à la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je
suis accompagné par Alain Dufour, qui est conseiller consultant à la
fédération, et par Me Kateri... oui,
Kateri-Anne — il ne
faut pas que je me trompe — Kateri-Anne Grenier, qui est notre aviseur légal à ce
dossier et qui est de la firme Norton Rose Fulbright.
Alors, tout
d'abord, je voudrais excuser Mme Bertrand, présidente de la fédération, qui, malheureusement, était incapable d'être ici ce soir. Donc, elle m'a demandé,
elle m'a prié de s'excuser de ne pas être ici ce soir.
Donc, tout
d'abord, peut-être rapidement vous rappeler : La Fédération des chambres de commerce du
Québec porte deux chapeaux. Son premier chapeau, c'est d'être, évidemment, la
fédération qui fédère les 143 chambres de commerce au Québec, et son autre chapeau, c'est d'être aussi la chambre
provinciale, donc d'avoir aussi 1 100 membres corporatifs, des membres individuels, corporatifs
à la fédération. Donc, globalement, on représente
60 000 entreprises et 150 000 gens d'affaires.
D'entrée de
jeu, la fédération est d'accord avec la volonté du gouvernement de se doter d'un cadre législatif qui permettra à tous les
acteurs concernés de notre société de tourner la page sur une situation
déplorable.
Comme nous l'avons souligné dans notre mémoire
lors de l'étude en commission parlementaire de la Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics, en
décembre 2012, la fédération appuie entièrement le gouvernement dans sa volonté d'assainir les moeurs publiques et de rétablir
le plus rapidement possible la réputation du Québec, qui a été sérieusement mise à mal au cours des dernières
années. La Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics
constituait une pièce maîtresse au
rétablissement de cette réputation, et nous sommes convaincus que le projet
sous étude actuellement pourrait
contribuer à franchir une autre étape en vue de tourner la page sur cette
période, disons-le, plutôt douloureuse.
C'est dans
cet esprit que la fédération reconnaît la valeur des intentions gouvernementales à plusieurs égards : tout d'abord, la récupération des sommes payées en trop dans l'octroi de
l'ensemble des contrats publics, et non seulement ceux du domaine de la construction, en raison de
fraudes ou de manoeuvres dolosives commises par certaines entreprises ou
leurs dirigeants; le recours privilégié à
des solutions volontaires pour les entreprises et les individus,
administrateurs et dirigeants, visés
par la loi; et la mise en place de moyens qui peuvent contribuer à réduire les délais inhérents au
système judiciaire et des débours importants à titre de frais juridiques, tant
pour les gouvernements que pour les entreprises.
Nous
comprenons donc que le gouvernement veuille agir rapidement et énergiquement à
l'égard de la récupération des sommes incorrectement gagnées par
certaines entreprises. Nous nous présentons à cette commission en voulant refléter la volonté des
entreprises, entreprises membres chez nous et certainement les autres, de
collaborer pleinement aux objectifs
poursuivis par le gouvernement et le législateur. Nous croyons que les
entreprises délinquantes, en participant volontairement au programme de
remboursement et en démontrant ainsi leur bonne volonté et leurs efforts de
réhabilitation, pourront espérer solliciter de nouveau des contrats publics. En
effet, la législation semble miser sur la réhabilitation
des entreprises, puisqu'une déclaration de culpabilité à l'encontre de l'une
d'elles n'entraînera pas automatiquement un refus par l'AMF, par
exemple, d'une demande d'autorisation. Cette façon de faire devrait éviter une
éventuelle chasse aux sorcières.
La fédération invite donc les parlementaires à
s'assurer que la mise en oeuvre des mesures législatives qu'ils s'apprêtent à
adopter aura pour effet d'accroître et de rétablir la concurrence véritable
entre les entreprises invitées à participer à des travaux publics et non pas de
la restreindre.
Cela étant
posé, la fédération tient à attirer l'attention des parlementaires sur certains
aspects qui soulèvent des réserves ou
des préoccupations particulières auprès de nos membres et qui pourraient avoir
des impacts significatifs pour les entreprises,
les administrateurs et les dirigeants qui y oeuvrent et conséquemment, et ça,
c'est très important pour nous, sur le climat d'affaires et le
développement économique en général au Québec.
Depuis la
mise en place de la loi n° 1, plusieurs entreprises ont posé des actions
concrètes en vue d'améliorer leur régime
de gouvernance en matière de relations contractuelles. Ce nouveau régime a
permis aux entreprises du Québec de franchir une étape importante dans
l'amélioration continue et la reddition de comptes, à ce chapitre en
particulier. Le projet de loi n° 26
nous permet collectivement de tenter de regarder dorénavant vers l'avenir, et
c'est ce que nous souhaitons sincèrement.
Nous ne pouvons changer le passé, mais nous pouvons ensemble bâtir l'avenir. Il
est dans l'intérêt public d'assurer
la redynamisation des relations du gouvernement avec ses fournisseurs, le tout au
bénéfice de la société, des clients usagers, des donneurs d'ouvrage, des
firmes de génie-conseil, de construction ainsi que dans l'ensemble des sociétés
de services.
L'objectif du
gouvernement de privilégier le remboursement volontaire par les entreprises et
les individus visés par la loi est
très pertinent, à notre avis. Cependant, pour qu'un programme de remboursement
volontaire soit attrayant, il doit offrir
des garanties suffisantes pour permettre aux entreprises et aux individus visés
de s'y engager avec confiance et doit permettre à ceux-ci de régler
définitivement tous les litiges reliés aux contrats publics passés. Or, le
programme de remboursement volontaire proposé par le projet de loi n° 26
comporte des éléments qui le rendent risqué, et donc nuisible pour les entreprises qui pourraient envisager d'y participer.
Nous pensons notamment à l'absence de quittance globale, au risque de
poursuites, aux protections trop restreintes, aux suspensions de la
prescription.
Compte tenu de ces problématiques, il est
probable que les entreprises, les administrateurs et les dirigeants réfléchissent longtemps avant de privilégier la
voie du programme de remboursement volontaire, car cette voie, telle que
prévue dans le présent projet de loi, comporte possiblement trop de risques de
poursuites subséquentes qui pourraient porter
atteinte à la survie de l'entreprise. Nous le réitérons, tout en respectant
l'esprit de la loi et ses objectifs, il faut être en mesure d'en assurer
l'application et d'obtenir les résultats escomptés, des résultats qui doivent
s'avérer positifs pour l'ensemble du Québec.
C'est pourquoi — et sans
entrer dans les détails, compte tenu du temps qu'il nous est imparti, et
vous pourrez le trouver au mémoire — nous vous recommandons de modifier le projet
de loi en regard de la suspension de la prescription, de la présomption
de lien de causalité et de dommage, et de la quittance globale.
• (19 h 40) •
Concernant les
règles applicables aux recours judiciaires, l'autre partie du projet de loi, si
l'entreprise, les administrateurs et
les dirigeants ne se prévalent pas du programme de remboursement volontaire,
ils s'exposent évidemment à des
poursuites judiciaires. Le projet de loi prévoit des mesures exceptionnelles
applicables aux recours judiciaires ainsi intentés. Ces mesures, bien qu'elles soient exceptionnelles, écartent
les règles usuelles en matière de responsabilité afin d'instaurer un régime d'exception qui rend très
ardue la défense des entreprises et des individus poursuivis en
instaurant notamment le régime d'exception de la présomption, une
responsabilité des administrateurs et des dirigeants jusqu'à 20 ans en arrière, une responsabilité
solidaire, une condamnation potentielle énorme, une suspension de la
prescription, comme nous l'avons mentionné, une poursuite malgré un jugement
final et un recours en garantie.
Conséquemment,
nous sommes d'avis que la somme de chacune des mesures exceptionnelles
proposées par le projet de loi constitue un régime qui dénote une
intention de punir davantage qu'une intention de compenser. Si les conséquences de l'application de la loi sur
l'entreprise et les personnes visées s'apparentent davantage à une peine,
celles-ci devraient bénéficier des protections constitutionnelles reconnues en
semblable matière.
De même, le
projet de loi met de l'avant une mesure législative exceptionnelle et du droit
commun en mettant en place un régime particulier modifiant les règles de
la responsabilité civile, notamment en allongeant la période de prescription et
en créant des présomptions de causalité et de dommage.
Autre
élément, et comme nous l'avons mentionné à maintes reprises, le projet de loi
constitue une modification substantielle
du droit commun et affectera directement le fonctionnement des entreprises dans
leur gouvernance à plusieurs égards.
La gouvernance risque d'être alourdie au détriment d'un fonctionnement plus
harmonieux. À cet effet, et vous en avez longuement discuté cet
après-midi, nous sommes en accord avec les préoccupations émises par l'Institut
des administrateurs de sociétés, à savoir : la création d'une nouvelle
norme de conduite affectant la saine gouvernance, l'application rétroactive d'une nouvelle norme de conduite remettant en
cause les principes de gouvernance en vigueur, un déséquilibre dans l'application
du nouveau recours en responsabilité, l'assurance responsabilité des
administrateurs pourrait être aussi moins
accessible et plus coûteuse, et évidemment, et ça, c'est une préoccupation
importante pour nous, un impact négatif sur le recrutement des
administrateurs maintenant et pour l'avenir.
Donc, nous sommes d'avis qu'il faut revoir un
certain nombre de dispositions, dispositions qui ont été débattues cet après-midi avec l'Institut des
administrateurs de sociétés. Je pense notamment au régime de
responsabilité des administrateurs qui s'applique aux
événements survenus après l'entrée en vigueur de la loi et qui précise qu'il s'agit d'un régime où la faute doit être prouvée,
la norme de conduite qui doit être révisée pour qu'elle reflète le rôle
et la réalité d'un conseil d'administration
et s'harmonise avec les pratiques exemplaires de gouvernance en évitant
d'imposer une obligation de surveillance
constante aux administrateurs, que l'administrateur puisse s'exonérer en
démontrant qu'il a agi avec diligence après avoir eu connaissance de la
fraude ou de la manoeuvre dolosive, et enfin la preuve du lien de causalité qui
doit être requis pour retenir la responsabilité des administrateurs.
Donc, en
conclusion, comme nous l'avons mentionné dès le début, nous soutenons les
intentions et les objectifs poursuivis
par le projet de loi n° 26 en regard de la récupération des sommes payées
en trop dans l'octroi de l'ensemble des contrats publics, le recours
privilégié à des solutions volontaires pour les entreprises et les individus
visés par la loi.
Toutefois, nous avons émis des réserves que nous
vous invitons à considérer pour les intérêts collectifs de la société
québécoise et les entreprises qui sont, il ne faut pas l'oublier, la courroie
principale de son développement économique
et de son enrichissement. L'ampleur des moyens utilisés nous apparaît
disproportionnée et compromet, à notre avis, les objectifs fort louables
du gouvernement. Ainsi, des modifications doivent être apportées pour corriger
le message à l'égard des entreprises, la
mise en place de conditions d'exercice d'une saine gouvernance orientée sur le
respect du droit commun et les droits usuels dévolus aux administrateurs et aux
entreprises.
Enfin,
qu'aurons-nous réellement gagné comme société si le résultat des dédommagements
a pour conséquence de fragiliser de
façon importante les entreprises d'ici qui se sont réhabilitées, au profit,
peut-être éventuellement, d'entreprises établies ailleurs? Le défi
demeure important, celui d'atteindre le double objectif de corriger le passé en
récupérant les sommes dues, et nous en sommes, mais aussi celui de bâtir
l'avenir, et cela aussi, ça nous préoccupe. Merci.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie, M. Forget, pour cette présentation. Mme la ministre,
la parole est à vous pour le premier bloc d'intervention.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, merci beaucoup de votre présentation, de votre présence en
commission parlementaire, des commentaires que vous avez formulés.
Première réflexion, en fait, c'est clair que la
réhabilitation des entreprises, de nos fleurons québécois ne pourra être complète tant et aussi longtemps que
les sommes n'auront pas été remboursées. Alors, je pense que c'est clair, on s'entend tous là-dessus.
Maintenant,
quant aux moyens d'y arriver, évidemment la mise en place des mesures exceptionnelles, qui
vous apparaissent peut-être trop draconiennes, constitue, à notre avis, une des
façons qui inciteront, nous l'espérons, les entreprises
à se prévaloir du programme de remboursement volontaire. Évidemment,
ce sont des mesures exceptionnelles. Donc,
oui, on vient modifier le droit commun, pour une période limitée, on s'entend,
parce que ce n'est pas une loi qui sera d'application éternelle. C'est
une loi qui comporte une clause crépusculaire, et donc qui s'éteindra avec le
temps.
Mais on n'a
pas beaucoup le choix d'y aller avec des mesures importantes qui prévoient une
modification, une prolongation de la
prescription, qui prévoient une présomption de dommage pour permettre aux
entreprises de faire le choix du
programme de remboursement volontaire. C'est notre intention. L'intention du
gouvernement, puis je suis persuadée que l'intention des municipalités,
l'intention des organismes publics, ce n'est pas d'étirer le tout et de
s'engager dans des poursuites longues,
coûteuses. Je ne crois pas que ce soit l'intention, mais, à défaut d'obtenir ce
remboursement volontaire là, c'est
l'alternative. On ne peut pas se faire justice à soi-même et on n'a pas le
choix que d'avoir recours aux tribunaux. Donc, c'est pour ça que ces
mesures exceptionnelles là existent.
Et, on le dit depuis le début de la journée, une
entreprise... D'abord, une entreprise qui n'a commis aucune manoeuvre dolosive,
aucune fraude n'a pas à se préoccuper de la loi. Une entreprise qui, par le
passé, sous d'anciens dirigeants, anciens administrateurs, aurait commis des
fraudes, des manoeuvres dolosives et qui veut justement se réhabiliter commercialement a la possibilité de se
mettre à table et d'éviter, justement, des recours exceptionnels avec
des moyens exceptionnels, et aura la possibilité de se mettre à table. C'est
pour ça que ces moyens-là sont prévus. Parce que
ce qu'on souhaite idéalement, c'est que nos entreprises qui ont fait l'objet de
dénonciation, ont, dans le passé, posé des gestes qui les amènent à être
visées par la loi, bien, ces entreprises-là puissent volontairement aller
s'asseoir et régler les dossiers. C'est pour ça.
Si on maintenait le droit dans sa forme
actuelle, on le sait, on l'a entendu, ça ne permettra pas à bon nombre de municipalités et bon nombre d'organismes
publics de récupérer les sommes qu'ils savent avoir payées en trop. On
le sait, là. Il y a des dossiers qui sont
documentés, et l'information est là. Mais la prescription ne permet pas de
retourner aussi loin. Et puis je pense que,
dans la société québécoise, on s'entend sur l'importance de récupérer ces
sommes-là. Et donc il y a quand même
un consensus au sein de la population que, pour cette situation-là, bien, on
doit prendre les moyens qui s'imposent, quitte à bouleverser peut-être
un petit peu ce que l'on connaît, les règles habituelles, les règles usuelles.
• (19 h 50) •
Maintenant, je comprends que le programme de
remboursement volontaire, puis là-dessus on a eu plusieurs échanges avec différents groupes aujourd'hui, il
comporte, pour les entreprises... il y a besoin d'avoir une certaine
garantie que ce programme-là va réellement
venir permettre cette réhabilitation complète. Vous étiez dans la salle cet
après-midi, vous m'avez entendue,
vous avez entendu les interventions, c'est certain qu'il est très difficile de
prévoir une quittance complète face à
des éléments qui auraient été cachés, qui n'auraient pas été divulgués. Ça, dans un premier temps, c'est certain
qu'il n'est pas question pour nous de prévoir un programme
de remboursement qui ne portera pas sur les éléments qui
ont été divulgués et qui ont fait l'objet d'échange et de négociation. Il a été
question... Certains des groupes qui vous
ont précédés ont demandé, ont suggéré de mettre à table différents organismes
accréditables. Il a été question
des entreprises qui avaient été vendues, des nouveaux acquéreurs, des transferts d'entreprise entre membres de la famille.
J'aimerais
vous entendre quant à la quittance, à la forme de quittance qui, pour vous,
pour vos membres, pourrait être
adéquate. Parce que, là, je lis, vous faites référence au gouvernement fédéral, à des organisations fédérales, vous faites référence à différentes interventions...
intervenants, pardon, et j'aimerais vous entendre davantage
sur votre vision de la quittance, qui
est importante. Je vous entends quant à la prescription, je vous entends quant
à la présomption de dommage. Vous comprendrez que, sur ces points-là,
c'est certain qu'on doit se donner une loi qui comporte des exceptions, parce
qu'il s'agit d'une loi exceptionnelle.
Quant à la
durée, bon, on pourra avoir des échanges, mais, je vous le dis tout de suite, si on ne prolonge pas la prescription,
si on n'établit pas une présomption de dommage, je ne vois pas pourquoi on
légiférerait et je ne vois pas pourquoi...
ou quel serait l'avantage ou quel serait l'incitatif à se prévaloir du programme
de remboursement volontaire.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : M.
Forget.
M. Forget
(Stéphane) : Pour la
quittance, je vais laisser Me Grenier l'aborder, mais peut-être,
juste avant, juste pour réitérer que, sur l'intention — vous
avez parlé de l'intention du gouvernement, du législateur — nous
sommes tout à fait en accord avec cette intention-là. Ce qu'on veut surtout
mentionner sur la divulgation volontaire, notre souhait, c'est qu'il y ait
beaucoup d'entreprises qui le fassent, parce qu'on doit récupérer les sommes
qui ont été perçues frauduleusement ou les mesures dolosives.
Ce qu'on veut
juste vous souligner, c'est : assurons-nous que le chemin pour se rendre
là soit intéressant pour les entreprises
pour qu'il y ait le plus possible de gens ou de... pas de gens... de gens et d'entreprises
qui fassent l'exercice et qui
décident de se mettre à table. On a une préoccupation à cet égard-là, où le
chemin actuel pourrait faire en sorte qu'un certain nombre d'organisations pourrait décider d'attendre plutôt que de
le faire, et on pense que ce n'est pas souhaitable, cette voie-là.
Alors, je voulais juste éclaircir cet élément-là. Je vais laisser, sur la
quittance, Me Grenier.
Mme
Grenier (Kateri-Anne) : Oui. Merci. Alors, en ce qui a trait à votre
question, Mme la ministre, on reprend les
propos de tout à l'heure à l'effet qu'il est probablement difficile pour deux
parties de transiger sans définir l'objet sur lequel on transige. Au
niveau du processus de règlement volontaire, une des idées qui a surgi de nos
discussions est la suivante : pour
inciter les entreprises à vraiment faire table rase des problématiques qu'elles
ont vécues et pour les inciter à se
prévaloir du régime de règlement volontaire, est-ce qu'il y aurait lieu...
Comme corollaire à l'acte que pose l'entreprise, de bonne foi, de venir s'asseoir à table et dévoiler certaines
informations ou certaines circonstances défavorables, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu que le gouvernement ou
les organismes eux-mêmes fassent une divulgation, eux aussi, volontaire
des faits ou circonstances qui les portent à croire qu'il y aurait peut-être
autre chose que ce que l'entreprise divulgue?
Je le
mentionne parce que, tout à l'heure, vous avez très justement soulevé la
problématique d'une transaction et que,
par la suite de la transaction intervenue, on découvre par la suite d'autres
éléments. Et il y a des circonstances où une entreprise ira, de bonne foi, s'asseoir et divulguer certaines
circonstances sans savoir que, peut-être des années auparavant, parce qu'elle n'a plus la documentation, ou parce
que les employés qui sont responsables des malversations ne sont plus à son emploi, ou pour toutes sortes de circonstances...
peut-être que l'entreprise ne sera même pas au fait qu'il existe d'autres
circonstances, et peut-être que l'organisme public, lui, le sera. Est-ce qu'il
ne serait pas opportun de prévoir, comme corollaire
à la négociation de bonne foi faite par une partie, que le gouvernement aussi ait cette obligation de divulguer?
Et pourquoi on le soumet, c'est qu'on veut certainement
éviter la situation où un règlement interviendrait, où l'entreprise croirait,
de bonne foi, avoir vraiment nettoyé, entre guillemets, ce qu'elle croyait
non-conforme, et par la suite recevoir un
avis selon lequel il y avait autre chose et que des procédures seront
entreprises pour ces autres faits qui, pourtant,
étaient à la connaissance du gouvernement lors des négociations. Alors, c'est une idée que
l'on vous soumet, qui est intéressante. Parce que, rappelons-le, le but
est que les entreprises, je pense, veuillent se prévaloir du système de
règlement volontaire et non que le gouvernement doive dépenser de l'argent pour
courir après les fonds.
Quittance
totale pour la période et non pour les contrats. Donc, avec le processus de
dévoilement bilatéral que l'on préconise,
une quittance globale pourrait certainement être envisagée pour la période visée par les
actes et ainsi prévoir, pour
l'entreprise, une protection. Définitivement que la quittance pourrait et même
devrait, pour les entreprises, prévoir que le gouvernement, étant donné le règlement intervenu, tiendrait
indemne et indemniserait l'entreprise de toute poursuite que cette
dernière pourrait recevoir de tierces parties, poursuites civiles, j'entends,
étant donné le règlement intervenu.
Donc, je vous donne l'exemple d'une entreprise
qui viendrait reconnaître des malversations au niveau de la collusion lors de
l'attribution de contrats publics, et évidemment son nom serait mentionné comme
quoi elle a fait un règlement pour une somme x. La quittance prévoirait que le gouvernement
tient cette entreprise indemne de toute poursuite qui pourrait, par exemple,
être intentée par les soumissionnaires lésés qui n'ont pas obtenu le contrat à
cause de la collusion. Sinon, il est clair que, pour l'entreprise, on ne ferme
pas tout à fait la porte et on ne règle pas tout à fait la situation qu'on est
venu adresser par le biais du processus d'un règlement volontaire.
Je vous souligne un dernier point. Quand on
traite, justement, de ce système, il est évident que, pour les entreprises, l'article — je vais noter le bon numéro — 18, l'article 18, peut certainement être un irritant,
parce qu'on sait que, par le biais de protection contractuelle, on peut
prévoir et annuler le risque de poursuite civile par des tiers. Ce qu'on ne
peut pas contrôler, par exemple, comme entreprise, c'est le fait que le nom de
l'entreprise... le fait qu'une transaction ait été conclue, le montant de la
transaction soit dévoilé et soit rendu public. Est-ce que ces informations-là sont de nature à rendre vulnérable l'entreprise
à des enquêtes, à des perquisitions, à des actions posées par les forces
de l'ordre pour d'autres circonstances et là
faire en sorte que l'entreprise se retrouve à recommencer et à se rendre
vulnérable, même, à des accusations qui peuvent, dans certains cas, amener la
suspension des certifications au niveau de l'AMF, par exemple?
Alors,
ça, c'est sûr qu'au niveau de l'étanchéité il y a une préoccupation et une crainte que les articles 7 et 8 ne
soient pas suffisants pour garantir à
l'entreprise qu'elle ne fera pas l'objet de mesures coercitives de la part des
forces de l'ordre, et on mentionnait notamment des autorités fédérales comme le
Bureau de la concurrence dans le mémoire.
• (20 heures) •
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie, Me Grenier. Il reste quelques secondes, Mme la
ministre, à ce bloc.
Mme Vallée : Mais, en fait,
le programme de remboursement volontaire ne vise pas, et je l'ai mentionné, à acheter une quittance au niveau d'actes criminels
et d'infractions pénales. Ça, c'est certain, on est dans tout ce qui est
de nature civile. Alors, vous parliez
d'enquête et... Alors, on ne peut venir, par le programme de remboursement
volontaire, se chercher une absolution de
nature criminelle. Ça, c'est clair, ce n'est pas l'intention qui est visée par le gouvernement dans ce projet de
loi là. On pourra rééchanger puis revenir, parce que le président me fait
signe.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Oui, merci, Mme la ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à
vous.
M. Cloutier : Merci, M. le
Président. Juste reprendre, dans votre mémoire, vous faites aussi référence au
lien de causalité, mais ce n'est pas clair
si c'est... vous l'avez mis dans la catégorie Réserves majeures, mais je ne
suis pas sûr que c'en est nécessairement
une, page 5, là, Régime d'exception — présomptions, les articles 10 et 11. Je ne suis pas certain que vous... Je pense que vous faites simplement
souligner, dans votre mémoire, les présomptions, des présomptions
fortes, et le régime d'exception juridique qui est créé. Mais est-ce que vous
êtes également d'avis que le lien de causalité est trop direct et vous remettez
aussi en question la force, dans le fond, de la présomption?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Me
Grenier.
Mme Grenier (Kateri-Anne) : Oui.
Alors, au niveau du lien de causalité, écoutez, ce n'est pas le point principal de l'argumentation qui est soulevé
ici, mais il est évident que... Je vous donne un exemple. Dans un projet
majeur de construction, il peut y avoir des
excédents de coûts ou des délais. C'est des choses qui sont très courantes et
qui ne sont pas dues, la plupart du temps, à des actes malhonnêtes ou à
des actes de collusion. Et un acte de collusion, s'il arrive qu'il se produit, et c'est évidemment
inacceptable, n'est pas nécessairement la cause du coût excédentaire, parce que,
dans... Je reprends l'exemple de la
construction. En matière de construction, il peut arriver plusieurs
événements qui font encourir des délais ou des coûts supplémentaires, et il y a
ce qu'on appelle des retards concurrents. Donc, trois événements peuvent
se produire, et ce n'est que l'un de ces événements-là qui est réellement le
déclencheur, là, du coût ou du retard.
En tout cas,
ce que je veux vous dire, c'est que c'est sûr que ça facilite grandement le
travail de l'organisme qui poursuit
et que ça enlève à l'entreprise plusieurs moyens de défense qu'elle pourrait
faire valoir au niveau de l'absence de cause
à effet entre le comportement répréhensible et le dommage réellement subi.
Alors, je pense que ce sera au législateur d'en décider, mais c'était le
point que nous voulions soulever eu égard à certaines circonstances.
M.
Cloutier : C'est intéressant. On s'entend que c'est fort
probable, par contre, puis ça allait dans... L'exemple que vous avez
donné pour l'augmentation des prix, dans la mesure où il y aurait eu... que les
entreprises se seraient parlé entre elles-mêmes, c'est fort probable que la
cause, ça soit l'entente entre les parties et non pas une cause externe, mais je ne dis pas que c'est impossible. Mais je
comprends ce que vous dites, mais je comprends aussi que c'est... Dans
le fond, c'est un élément supplémentaire qui
est enlevé comme possibilité de défense. C'est ce que vous soulignez,
mais je comprends que vous n'en faites pas un point non plus, une revendication
formelle de retrait dans le projet de loi actuel. Celui-là, vous l'acceptez.
Si vous aviez
un élément sur lequel vous souhaiteriez vraiment qu'on intervienne, ce serait
lequel ou lesquels?
Des voix : ...
M. Forget
(Stéphane) : Non, j'allais
dire... Tout d'abord, c'est certain que, par rapport à ce qu'on a
mentionné plus tôt — puis je vais utiliser une expression qu'un
de nos membres nous a mentionnée, la carotte et le bâton, la carotte,
c'est les mesures de divulgation, puis le
bâton étant les mesures judiciaires — il faut s'assurer, comme je l'ai mentionné
plus tôt, que le plus possible de
gens souhaitent se prévaloir de la carotte et non pas qu'on ait besoin
d'utiliser le bâton. Et, en ce sens, un
certain nombre de revendications qu'on a mises dans le mémoire pour assouplir...
je ne dirais pas assouplir la défense des gens mais pour assouplir le chemin ou rendre le chemin plus simple pour
que davantage de gens s'assoient, se mettent à table, pour nous, ça, c'est quelque chose de fondamental. Nous l'avons
entendu souvent, les gens veulent régler rapidement, ils veulent que le
processus soit rapide, efficace, pour qu'on puisse tourner la page rapidement.
Ça, pour nous, c'est le premier élément.
Le deuxième, c'est comment on peut faire pour
s'assurer qu'on puisse, comme je le disais plus tôt, récupérer le plus de sommes possible, le maximum, mais en
même temps s'assurer que les entreprises soient viables et efficaces. Je
ne sais pas s'il y a des éléments en particulier qu'on veut ajouter par rapport
à nos propositions.
Mme
Grenier (Kateri-Anne) :
Maintenant, c'est une meilleure étanchéité, au niveau de 7 et 8, de la
protection des informations qui seront divulguées par l'entreprise lors du
processus de négociation ou de tentative de règlement. Et je reprends, tout à l'heure, notre début de
discussion lors du point soulevé par Mme la ministre, c'était de... Oui, il
est clair que les entreprises
ne vont pas s'acheter des garanties qu'elles ne feront jamais l'objet de
procédures, mais par ailleurs il ne faut
pas que leur bonne volonté à venir entreprendre un processus de négociation
devienne le catalyseur à la création de problèmes autres. Alors, il ne faut pas... non, il ne faut pas. On ne
pense pas qu'on fait la démarche de règlement pour se garantir des
privilèges, non, mais il ne faut pas que la démarche de règlement comme telle
ouvre la porte à une série de problématiques qui ne cadrent pas avec un
processus de bonne foi de règlement volontaire.
M.
Cloutier : Bien, pour parler un peu plus clairement, est-ce
que, dans le fond, votre crainte, c'est que, une fois que vous allez avoir réglé avec le gouvernement du
Québec, la semaine d'après c'est le gouvernement fédéral qui va cogner à la porte de l'entreprise en vertu des lois
fédérales? Puis là, j'imagine, vous faites aussi référence aux lois criminelles,
probablement.
Mme
Grenier (Kateri-Anne) : ...que la nature du règlement conclu ainsi que
le nom de l'entreprise vont être publics, là. Alors, l'information, elle
est là.
M. Dufour (Alain) : Effectivement,
l'entreprise n'est pas absoute de tous ses maux, mais...
M. Cloutier : Elle ne peut
pas elle-même se poursuivre.
M. Dufour (Alain) : Elle ne peut pas
elle-même se poursuivre, elle ne peut pas donner des arguments à ses
compétiteurs pour la poursuivre. Mme Grenier faisait référence à un processus
de soumissions et d'appel d'offres. Le deuxième
soumissionnaire ne l'a pas reçu et il apprend que l'entreprise avait
malencontreusement obtenu le contrat et la poursuit. Alors, dans le cas d'une quittance, un des éléments de la
quittance, ce serait que, le gouvernement et l'entreprise s'étant entendus, le gouvernement prend fait et
cause avec l'entreprise également pour éliminer ce genre de recours
envers les entreprises, puisqu'elle a fait patte blanche sur ce qu'elle a
divulgué, évidemment, et qui n'est pas du criminel, comme on disait.
M. Forget (Stéphane) : Non, on est
dans le domaine civil.
M. Cloutier : Pardon?
M. Dufour (Alain) : Et on est dans
le domaine civil, on ne parle pas...
M.
Cloutier : Dans le domaine civil. Mais, lorsque vous faites
référence aux lois fédérales, j'imagine que vous faites référence aux
lois criminelles, entre autres. J'essaie de voir quelles autres lois pourraient
s'appliquer, là. Vous aurez compris que je
rêve du jour où on profitera du même souffle, mais ce n'est pas aussi simple.
Si ça l'était, ça fait longtemps que ce serait réglé.
Ceci étant dit,
comment remédier à ça? Puis votre proposition, c'est quoi? C'est que le nom des
entreprises reste secret, c'est ça?
Qu'on s'entende avec le gouvernement du Québec, qu'on donne une quittance,
entre guillemets, sur les enjeux qui
sont directement touchés, mais que l'ensemble de la documentation, de la
preuve, etc., et ainsi que le nom de l'entreprise restent confidentiels?
C'est une question.
M. Forget
(Stéphane) : C'est ça. Je
pourrais difficilement... Est-ce que c'est dans ce sens-là qu'on
proposerait? Effectivement.
M. Cloutier : En tout cas, je
comprends très bien le problème que vous soulevez. Maintenant, comment...
M. Forget (Stéphane) : Ce n'est pas
simple à régler, de toute évidence.
M. Cloutier : Non, je le
conçois. Mais ce que vous dites, dans le fond, c'est : Comment rendre le
programme attrayant sans se ramasser, du
jour au lendemain, avec une poursuite au criminel au fédéral? C'est quand même
une question légitime. Mais en même
temps ceux et celles qui ont posé des actes criminels, c'est normal qu'ils
paient pour. Mais est-ce que
quelqu'un va s'auto-incriminer? On a le droit à la présomption de défense. Vous
êtes dans ma tête, là, je réfléchis à voix haute, mais j'essaie de
trouver des solutions.
M. Dufour
(Alain) : Mais le... Excusez-moi un petit peu. Le but premier, c'est
de récupérer notre argent, ce n'est pas... Le but premier, c'est de
récupérer notre argent, ce n'est pas nécessairement de crucifier sur la place
publique une entreprise.
M. Forget (Stéphane) : Qui a fait
des efforts...
M. Dufour
(Alain) : Qui a fait des efforts et qui vient résoudre ses problèmes
et «washer», si vous me permettez, les
endroits où elle a été frauduleuse. Et l'utilité ou la plus-value de déclarer
que telle entreprise a fait une entente avec le gouvernement de tant de
milliers ou millions de dollars concernant tel aspect de projet, etc., ça
n'apporte rien, si ce n'est
que les gens vont dire : Bien, oui, l'entreprise Y! Mais, si globalement,
par voie de vérification, le Vérificateur général dit : Bien, il y a eu des règlements sur tant
d'entreprises, tant de secteurs, et on a récolté tant de millions de dollars,
ça atteint l'objectif de ce que vous poursuivez.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Me
Grenier.
• (20 h 10) •
Mme
Grenier (Kateri-Anne) : La problématique étant qu'il n'y a pas
d'anonymat et pas d'immunité non
plus.
M. Cloutier : Bon, pour ce
qui est de l'immunité, l'immunité, on parle des autres poursuites pour les
autres dossiers, je pense que le gouvernement a une position assez claire là-dessus.
Par contre, pour ce qui est des mesures législatives
fédérales, là vous aurez compris que, quand on enfreint le Code criminel,
c'est : on enfreint le Code criminel, point final à la ligne. Il
doit y avoir des poursuites. Mais vous soulevez quand même un enjeu qui est
pertinent. Si les entreprises sont
convaincues qu'elles vont se tirer dans le pied puis elles vont se ramasser
avec une poursuite au criminel, ça va
inévitablement aussi avoir des effets sur le succès de la loi. Ça fait partie
des préoccupations, mais en même temps, nous, notre responsabilité,
c'est aussi que le Code criminel s'applique.
Une voix : ...
M. Cloutier : Exactement. En
tout cas, ça alimente notre réflexion, on va le dire comme ça.
M. Dufour
(Alain) : On cherche en quelque sorte d'embellir la carotte pour que
les gens... nous, notre intention, c'est de plus... le plus possible,
s'embarquent dans le programme de déclaration volontaire. Et ça, ce serait une
forme d'embellissement de la carotte, en
quelque sorte, d'avoir une entente qui reste confidentielle, mais les chiffres
globaux sont fournis, à la limite, l'entente
avec l'organisme qui était visé, mais pas nécessairement le nom de
l'entreprise. Il y a toutes sortes de modalités, là, mais, comme je le
répétais, l'objectif premier, c'est de récupérer nos sous.
M.
Cloutier : On est d'accord avec ça, mais je dois quand même
admettre que la difficulté des mises en oeuvre de vos propositions... sont quand même réelles,
là : l'absence de quittance globale, on en a déjà discuté; la protection
trop restreinte, là, les articles 7 et
8 qui font référence aux lois fédérales; la suspension de la prescription,
encore là, bon, je comprends, il peut
y avoir une discussion là-dessus, mais en même temps il y a un choix qui a été
fait. Dans les suggestions que vous
soulevez, ça alimente la réflexion, mais, honnêtement, je trouve que leur
applicabilité reste difficile à mettre en oeuvre. C'est du moins ce que je constate. Est-ce que vous êtes d'avis
que le délai pourrait être simplement réduit, là? Au lieu que ça soit
20 ans, est-ce que ça devrait être 15 ans, 10 ans? Est-ce que ça
fait partie des...
M. Forget
(Stéphane) : Effectivement,
on est assez en accord avec ce qui a été dit aussi par nos
prédécesseurs, là, qu'on pense que ce
délai-là est trop long, d'autant plus qu'on a donné l'exemple précédemment
aussi sur le temps où on est capable...
Des membres, chez nous, ont dit : On a fait des recherches, on est allés
voir, on est retournés en arrière pour voir
si on avait des choses, comme entreprises, à se reprocher, puis il vient, après
un certain nombre d'années, où on n'a plus de moyens, on n'est plus
capables d'aller vérifier, même. Alors donc, ça, ça pose effectivement, pour
plusieurs de nos membres, un enjeu.
M. Cloutier : Très bien.
Mme Grenier (Kateri-Anne) :
Juridiquement parlant, au niveau du point de départ du délai de prescription, tout à l'heure il y a quelqu'un qui a soulevé le
fait qu'on a connu récemment le fait que des entreprises aient posé,
dans le passé et pas juste il y a moins de
trois ans, il y a plus de trois ans, des actes répréhensibles. Maintenant, il y
a quand même des règles de droit, de
droit commun, qui font en sorte que c'est la connaissance du droit qui fait en
sorte que le délai de prescription
commence à courir et non la date où a été posé le geste de malversation. Alors,
on se questionnait à savoir si 20 ans, c'était vraiment nécessaire
vu que, si la personne a fraudé ou a fait un dol, bien, ça interrompt, ça
suspend normalement la prescription puis ça
place le gouvernement dans une impossibilité d'agir. Évidemment, peut-être que
la position, c'est de dire : Bien, on
ne veut pas s'embarquer dans ces considérations-là et avoir à le plaider chaque
fois, mais, quand même, quand on vous
parlait de 10 ans tout à l'heure, ça a du sens de le raccourcir, parce que
20 ans, c'est très long, puis la preuve documentaire est difficile
à trouver.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Il
reste un peu plus d'une minute, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier : Alors, si mes
collègues, ça va, je pense que ça va pour l'opposition officielle, M. le
Président.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci. Je me tourne maintenant vers la deuxième opposition. Mme la députée de
Montarville, pour votre bloc d'échange.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, M. le Président. Merci. Bonjour à vous trois, madame, messieurs.
On discutait
un petit peu avant de commencer la commission, puis je pense qu'on a bien
compris la problématique à l'égard des poursuites qui pourraient être
intentées après un règlement par des tiers, entre autres des entreprises concurrentielles qui auraient perdu un contrat à cause d'une
entreprise qui aurait commis une malversation ou une fraude. Ça, on a bien compris votre inquiétude à cet égard-là.
Cependant, vous reveniez avec des points, entre autres, à l'égard des administrateurs, là, vous avez
exactement le même discours que l'Institut des administrateurs de sociétés.
Je pense, je n'embarquerai pas là-dessus,
c'est exactement la même chose que vous soulevez à l'égard de leurs
responsabilités.
Mais
j'aimerais revenir sur la fameuse suspension de la prescription, le fameux
20 ans. Vous dites, comme nous, qu'il faut effectivement faire des
choses pour que nous retrouvions les sommes que nous nous sommes faites tous collectivement volées. C'est une loi d'exception,
c'est une mesure d'exception. Nous devons remonter dans le temps. Quel serait, selon vous, une prescription ou un délai à
l'intérieur duquel nous devons remonter si nous voulons être remboursés,
compte tenu du fait que la commission
Charbonneau couvre au moins 15 ans de pratique douteuse, frauduleuse?
Selon vous, quel serait un délai qui serait raisonnable? Ou ne faut-il
absolument pas toucher à la prescription?
M. Forget
(Stéphane) : Bien, comme je
le mentionnais, pour le délai, du point de vue de nos membres, et je
vous fais le point de vue de nos membres, il
y a, de toute évidence, un certain moment donné où d'être capable de
démontrer ou de retrouver des éléments qui
expliquent qu'il y a eu une fraude, ça devient difficile. Donc, on peut
souhaiter aller très loin en arrière, mais il vient un moment donné où
ça risque d'être très difficile d'être capable de le démontrer. Alors, ça,
c'est premier élément.
Pour la prescription, bien, peut-être qu'on peut
revenir sur ce qu'on a mentionné un peu plus tôt.
Mme Grenier (Kateri-Anne) : Oui.
Bien, on trouvait que 20 ans, c'était trop long. Tout à l'heure, il y a eu
des représentations qui ont été faites au
niveau de 10 ans, qui serait déjà un délai plus raisonnable. Parce que,
comme je l'expliquais tout à l'heure,
et c'est mon humble opinion, mais il y a des circonstances. Si la fraude ne
vient à la connaissance de la victime
qu'en 2014, même si l'acte a été posé en 2002, bien, c'est évident que la
personne qui a fraudé ne peut pas se
prévaloir de l'écoulement du temps si elle a fraudé. Alors, il y a quand même
une protection, dans le droit commun, qui existe pour pallier ces
situations-là.
Et, à ce sujet, il y avait un point, moi, qui
m'avait accrochée, qui est en matière de prescription, mais qui n'est pas tout à fait dans votre question, mais
c'est au niveau de la possibilité de revenir sur des jugements déjà
rendus aux motifs de prescription. Je
voyais, à l'article 16, alinéa deux, deuxième ligne : «[Des] actions
qui, antérieurement[...], ont été rejetées
pour ce motif...» Il faudrait, à tout le moins, indiquer que c'est pour ce
motif uniquement ou que c'est pour ce motif seulement, parce qu'un
jugement peut comporter d'autres conclusions en faits et en droit, pas
seulement le motif de prescription.
Alors, si le
motif de prescription était vraiment le seul motif pour lequel l'action était
rejetée, c'est une chose. S'il y avait des questions de prescription,
mais il y avait aussi des constats tirés par le juge, qui n'ont pas de rapport
avec la prescription, je pense que c'est instable pour le système judiciaire
que de revisiter ou d'annuler des jugements déjà rendus. C'était mon
commentaire, là, sur l'article 16, alinéa deux.
Mme Roy
(Montarville) :
...à cet égard, puisque le fait qu'un jugement final aura exonéré le défendeur
en application des règles de prescription
usuelles, effectivement le p.l. n° 26 permet qu'on revienne dans le temps...
Mais il est là, le dilemme : Comment
faire pour aller chercher ces sommes qui, nous le savons, ont été volées? Et,
si ça s'est passé dans un temps qui
est plus reculé, effectivement, le fait que la poursuite est tombée parce que
c'était prescrit, ce projet de loi, qui
est un projet de loi non usuel, effectivement, d'exception, nous permettrait...
donne une poignée, à tous égards. Mais ce que vous dites, c'est qu'il
faudrait spécifier que le jugement serait tombé uniquement pour cause de
prescription.
Mme Grenier (Kateri-Anne) : Oui.
Encore là, on discute ouvertement, là. Est-ce que la prescription s'est écoulée à cause de la négligence de l'organisme
public à faire valoir ses droits? Tu sais, je donne un cas hypothétique,
mais est-ce que, vraiment, un juge qui
aurait trouvé l'organisme, par exemple, négligent d'avoir... ou que
l'organisme aurait tardé à exercer ses droits,
est-ce que l'organisme pourrait vraiment avoir une autre chance au bâton de...
Alors, ce sont des considérations qui
sont réelles, parce qu'on vient rétroactivement permettre de nouvelles
poursuites contre des entités qui se sont vu exonérées. Mais, à tout le
moins, il faudrait que la prescription ait été le seul motif de rejet de
l'action.
Mme Roy
(Montarville) :
...vision qui est intéressante. La Fédération des chambres de commerce
regroupe, vous l'avez dit d'entrée de jeu, 60 000 entreprises,
on parle de 150 000 gens d'affaires. En tant que fédération, quand
le projet de loi a été déposé, début
décembre, comment est-ce que vos membres ont réagi? Mais surtout, à l'égard du
quantum, la fameuse présomption de 15 %, comment est-ce que vos
membres ont réagi? Comment l'ont-ils reçu? Parce que, dépendamment des groupes que l'on rencontre, certains trouvaient que
c'était tout à fait convenable, d'autres, non. Chez vous?
• (20 h 20) •
M. Forget
(Stéphane) : Je ne vous
dirais pas qu'on a eu de réactions épidermiques par rapport à ce montant-là.
Évidemment, la question, c'est : 15 %
de quoi? Ou plus l'autre : 20 % de quoi? Quand on est un fournisseur
ou un sous-contractant d'un client qui a eu un contrat, et qu'on est
visé, et qu'on décide... on paie le 15 % de quel montant? De ma partie de contrat à moi? Du global? Alors donc,
là, il y a eu des questions à ce niveau-là, des questions de nos membres
eu égard à cette question-là. Mais il n'y a
pas eu de réaction épidermique. Vous savez, nos membres ont dit : Les
gens qui ont fait de la fraude, bien, ils ont une responsabilité, puis c'est de
rembourser les montants qu'ils ont perçus en trop.
M. Dufour
(Alain) : Oui, effectivement. D'abord, d'entrée de jeu, les gens,
unanimement, dans tous nos membres, c'était
cette position-là. C'est l'addition des pénalités, le 15 %, plus le
20 % potentiel, plus les intérêts qui courent, mettez 10 ans, là, quand Revenu Québec nous
charge des intérêts, on le sait que c'est très onéreux, alors c'est la
somme qui peut mettre en péril des
entreprises, là, tu sais? Je comprends qu'il y aura toujours l'espace pour la
négociation, puisqu'on est dans le
domaine judiciaire ici, là, mais c'est une épée de Damoclès qui est au-dessus
des têtes et qui, pour certaines entreprises
publiques ou même privées... Les vérificateurs et les banquiers pourraient être
nerveux sachant qu'il y a une facture
de 30 %, 40 % qui peut s'en venir au bout de la course. Alors donc,
c'est une hypothèque importante. Mais, comme on l'a mentionné, on n'a
pas eu des représentations tous azimuts, là, mais c'est un peu le son de cloche
qu'on a eu.
Mme
Roy
(Montarville) : Parfait. Je vais vous poser une
question. Ici, j'avoue bien candidement mon ignorance. Vous n'êtes pas le premier groupe qui nous dit,
entre autres, que le délai, justement cette fameuse prescription qu'on
ferait sauter, est beaucoup trop long, entre autres pour la préservation de la
preuve, eu égard, entre autres, aux contrats d'assurance,
les compagnies ne seront plus assurées, etc. Je me demandais, et c'est ici que
j'avoue ma totale ignorance en droit
des assurances, peut-être pouvez-vous m'éclairer, vous êtes-vous penchés sur la
question : Les assurances responsabilité
des entreprises, elles couvrent les dommages causés par l'entreprise, mais,
dans le cas qui nous occupe, certes,
certains dommages, mais il s'agit aussi de fraude qui a été commise. Dans
quelle mesure les assurances auraient couvert de toute façon, point
d'interrogation. C'est la question que je vous pose. Vous êtes-vous penchés sur
cette question?
Mme Grenier (Kateri-Anne) : En tout cas, pour la responsabilité, votre point
est bon au niveau de la responsabilité de
l'entreprise, mais, pour la responsabilité des administrateurs dont on a traité
tout à l'heure, là, le savaient, ou devaient, ou auraient dû savoir, là,
on n'est pas dans le domaine de l'acte intentionnel, on est vraiment dans le
domaine de la négligence. Si je reprends mes
principes de base en assurance, je ne suis pas une spécialiste du domaine des
assurances, mais effectivement plusieurs polices excluent l'acte intentionnel
ou l'acte criminel. Par contre, la problématique demeure quand même entière au niveau des administrateurs, parce qu'on
invoque des circonstances davantage qui ont trait à de la négligence ou
à de l'aveuglement plutôt qu'à une intention. Donc, ça serait ça, mon
commentaire là-dessus.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, maître.
M.
Dufour (Alain) : Bon, effectivement, on n'a pas fait une analyse
exhaustive de l'impact de l'assurance. On essaie un peu de surfer sur la position de l'institut des
administrateurs agréés, mais un message qu'on a entendu, c'est sur l'attraction et la rétention des administrateurs.
Ça, c'est un aspect, là, qui... Il y a de l'inconnu, d'une part, des
administrateurs en place, mais, pour
attirer des administrateurs, compte tenu du nouveau régime, déjà que c'est
difficile, et on le sait que ça... On
vante la plus-value d'avoir des administrateurs indépendants des entreprises,
qu'elles soient publiques ou petites, là, pour accompagner le
développement économique. Et ça, on nous l'a souligné que ça va refroidir
beaucoup de gens à s'impliquer dans des entreprises.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Il ne reste que quelques secondes, Mme la députée de
Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Je remercie nos invités, qui ont été pertinents et qui nous ont éclairés.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Merci. Je me tourne du côté gouvernemental. Mme la
ministre, pour le dernier bloc d'intervention.
Mme Vallée :
Je vais revenir un peu sur la question de la réhabilitation et de la
publication, là, en fait, de l'article 18, puis des préoccupations que
vous avez soulevées. Lorsque vous êtes intervenus, je me suis dit : Mais
la publication, elle a une double vocation. Dans un premier temps, c'est la
transparence face aux citoyens, face aux contribuables.
C'était l'objectif visé par l'article 18, c'était de permettre aux gens,
aux citoyens de savoir qu'un règlement est
intervenu. Et, dans un deuxième temps aussi, la réhabilitation, c'est un peu
ça, c'est d'être capable de dire : La société, l'entreprise XYZ a convenu d'une entente, a
nettoyé l'ardoise et est prête à revenir, à faire affaire au Québec, en sachant que toute cette histoire-là, tout ce passé-là est
derrière nous, et on peut continuer d'être l'entreprise fière et solide que
nous souhaitons être. Et nous souhaitons aussi pouvoir prospérer.
Alors,
il y a cette vocation-là, en fait, derrière l'article 18, c'était de
permettre, d'une part, aux contribuables... et je comprends les
préoccupations que l'article 18 soulève, mais c'était de permettre aux
contribuables de savoir qu'une entente était
intervenue puis c'était aussi, d'une certaine façon, de permettre à
l'entreprise de se faire connaître, qu'elle s'était prêtée à cet exercice-là de bonne foi, qu'elle n'avait pas
attendu les recours entrepris par les organismes publics pour
rembourser.
Je vois votre air
sceptique, mais, à quelque part... Bien, moi, je vous dirais : À quelque
part, je pense que ça contribue à la
réhabilitation. Parce que la réhabilitation, elle n'est pas que théorique. La
réhabilitation n'est pas qu'envers les organismes publics, les donneurs
de contrats. Elle est aussi envers tous les contribuables qui ont perdu
confiance dans bien des entreprises. Et l'article 18 visait notamment cet
aspect-là.
Maintenant, vous avez
mentionné tout à l'heure la possibilité, peut-être, pour le Vérificateur
général, qui est un organisme indépendant,
de dresser une liste ou d'être partie prenante à cette démarche-là. Alors,
j'aimerais ça peut-être vous entendre un peu plus, parce que vous n'avez
pas eu la chance d'élaborer beaucoup sur la question, mais, si vous l'avez soulevée, j'imagine que c'est parce que
vous y aviez réfléchi, vous avez peut-être concocté une proposition. Alors,
j'aimerais vous entendre davantage sur la question.
M.
Forget (Stéphane) : Juste avant de passer la parole à Me Grenier,
peut-être juste revenir sur ce que vous venez
de mentionner. Nous souscrivons à ces objectifs-là de la réhabilitation, et
tout ça. Ce que nos membres nous ont mentionné, c'est que ce ne soit pas
la fin de quelque chose mais le début de quelque chose d'autre.
Et
là on n'est pas dans la réhabilitation. On est dans : Je suis allé me
dévoiler, je suis allé de bonne foi régler les choses, et, parce que, maintenant, mon nom est public, avec les montants, tout ça,
et que je souhaite me réhabiliter... la conséquence soit exactement à l'opposé. Alors, c'est là la préoccupation de
nos membres. Et ce n'est pas simple à régler, là, c'est l'oeuf et la
poule, là, mais...
• (20 h 30) •
Mme
Vallée : Là où vous
me rallumez, c'est dans le sens que, souvent, lorsqu'on a une procédure
judiciaire en cours, il y aura règlement qui va intervenir entre les
parties, on donne des... on aura une déclaration de règlement hors cour
qui sera au dossier, et cette déclaration de règlement hors cour là... Et tout
ce qui est derrière le règlement n'est pas nécessairement
connu, mais ça n'implique pas nécessairement... dans une poursuite, ça
n'impliquera pas nécessairement une reconnaissance
des faits, de la fraude ou des manoeuvres dolosives. Donc, si, pour des
dossiers pendants au civil, il n'existe
pas actuellement d'éléments qui vont permettre une intervention de l'UPAC ou
une intervention... pour ne pas les nommer,
là. Parce que, dans le fond, c'est ce qui vous préoccupe, c'est de dire :
Bien, on ne voudrait pas que le recours au programme de remboursement
volontaire entraîne une entreprise dans toute une saga d'enquête, et de ci, et
de ça, et possiblement de procédures criminelles. Mais la procédure de
règlement volontaire ne constitue en aucune façon une reconnaissance d'avoir posé un geste criminel. C'est qu'on va s'asseoir,
on constate qu'il y a des sommes qui sont dues et on rembourse, mais on
rembourse volontairement, sans nécessairement donner un aveu de culpabilité.
Donc,
je pense qu'il peut y avoir... il y a ce parallèle-là à faire avec ce qu'on
retrouve actuellement dans différents dossiers,
dans les différentes déclarations de règlement hors cours qui vont permettre
des règlements. Parfois, dans des dossiers,
on va alléguer des actes qui ne sont pas toujours corrects, mais on ne
reconnaît pas... il n'y a pas de jugement quant à la nature de l'acte. Il
y a un remboursement, et ce remboursement donne lieu à une quittance pour les
éléments ou les périodes de temps qui seront établis par les parties, là, suite
à des divulgations. Parce que, tout à l'heure, vous mentionniez : Mais, peut-être si l'organisme public a connaissance de certains
éléments, il devrait également en faire état. Tout à fait d'accord avec
vous, je pense que, pour avoir une bonne démarche, de part et d'autre, on met
sur la table l'information qu'on possède. L'objectif, ce n'est pas de
prendre quelqu'un à défaut puis de dire : Ah! Ha! je t'ai eu,
là. Je ne pense pas que ce soit ce qui est
souhaité et souhaitable, au contraire. Mais il y a cet élément-là qui
pourrait peut-être... En tout cas, il y a cette réflexion que j'ai eue.
Mais, ceci étant dit, je vous ai interrompue et je m'en excuse.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Il ne reste qu'une minute à nos échanges.
Mme Grenier
(Kateri-Anne) : Bien, en fait, c'est que, pour terminer sur cette question,
dans tout règlement commercial, c'est vraiment
la prérogative des parties qui règlent de rendre publics ou non les termes de
leur règlement et donner les détails
qu'elles veulent bien donner. Les déclarations de règlement hors cour sont des
plus laconiques, et les transactions
ou quittances ne sont presque jamais déposées, et normalement assorties de
clauses de confidentialité sur tous les détails du règlement. Donc,
c'est sûr qu'avec l'article 18 on prive quand même l'entreprise de sa
prérogative de divulguer ou non au public
si, oui ou non, elle a jugé bon de faire un règlement. Et, clairement, on laisse quand même...
on donne quand même un indice quant à
une période qui a pu être problématique, et c'est là qu'on craint que ce soit
un tremplin pour d'autres vérifications supplémentaires par des autorités qui n'étaient pas parties à la négociation
ou au règlement.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Je vous remercie beaucoup pour ces informations et
ces précisions. Merci de vous être déplacés.
La commission va
suspendre ses travaux pour permettre aux représentants de l'association des
ingénieurs du Québec de s'avancer. Nous suspendons.
(Suspension de la séance à
20 h 32)
(Reprise à 20 h 35)
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : ...les gens qui sont à l'heure, mais...
Alors,
la commission reprend ses travaux, et nous avons le plaisir d'accueillir
les représentants de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec.
Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation. Et, comme il
est de la coutume de le demander,
dans un premier temps, pour le bénéfice des parlementaires et ceux qui
nous écoutent, de vous présenter, pour savoir les personnes qui vous
accompagnent.
Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ)
M. Tremblay (Denis) : Merci, M. le Président. Merci,
Mme la ministre, les représentants de l'opposition. Alors, je me présente : Denis Tremblay, délégué de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, l'AICQ. Je suis accompagné de Me Patrice
Morin, avocat de BLG et membre associé de l'association.
Au
nom de l'association, j'aimerais tout d'abord vous remercier de
nous donner l'occasion de participer à ces consultations afin de vous faire part de nos commentaires sur le projet de loi n° 26 à titre de représentants de l'industrie
du génie-conseil du Québec.
Comme vous le
savez, le secteur de l'ingénierie évolue depuis quelques années dans un
contexte difficile. La crise dans l'industrie de la construction et une mauvaise conjoncture économique ont entraîné des pertes d'emploi
majeures, en génie-conseil au Québec, de
l'ordre de 20 % ou l'équivalent de plus de 5 000 emplois. L'AICQ
demeure toutefois convaincue que le
génie-conseil québécois, qui génère un chiffre d'affaires de plus de
5 milliards et qui emploie des milliers de personnes au Québec, a la capacité de se relever complètement de
cette crise et de renforcer sa position parmi les leaders mondiaux en services de génie. Pour y parvenir,
notre secteur peut miser sur le savoir-faire des ingénieurs-conseils, la
qualité de nos écoles de génie et un potentiel de croissance énorme, notamment
avec les besoins en réfection et en construction d'infrastructures de plus en
plus grands partout dans le monde.
Le génie-conseil québécois est actif dans plus
de 170 pays et compte pour environ 30 % des exportations canadiennes en services d'ingénierie, le Canada se
situant parmi les leaders mondiaux dans ce domaine. Le potentiel est intéressant, mais, afin de s'assurer de garder au
Québec notre avantage compétitif, il est urgent de rétablir la confiance
et de relancer cet important secteur de notre économie.
Je veux d'ailleurs
profiter de l'occasion pour souligner qu'au cours des dernières années des
mesures d'envergure en matière de
gestion de l'éthique et de l'intégrité ont été implantées dans le secteur du
génie-conseil. Des changements nécessaires,
positifs et durables ont été effectués, et l'obtention, par la majorité des
firmes de génie-conseil concernées, de l'autorisation délivrée par l'AMF
confirme le sérieux et le succès des mesures implantées.
J'aborderai
maintenant de façon plus spécifique le projet de loi n° 26. L'AICQ est
d'accord avec les principes qui ont
guidé l'élaboration du projet de loi et considère qu'il pourrait jouer un rôle
significatif dans la relance du génie-conseil québécois. En fait, nous croyons plus précisément que le programme de remboursement
volontaire pourrait représenter une opportunité pour certaines
entreprises de contribuer à leur réhabilitation et de rompre définitivement
avec une période où des pratiques
répréhensibles ont eu cours. Nous souhaitons donc formuler des suggestions qui
permettraient de favoriser le succès de ce programme.
D'abord, il
importe de mentionner que l'intérêt pour une entreprise de s'engager dans un
programme de remboursement volontaire est de pouvoir rembourser
rapidement toutes les sommes visées et de tourner la page définitivement. Dans cette perspective et afin
d'assurer une plus grande efficacité, nous suggérons d'ajouter à la loi,
pour une entreprise qui déciderait de
dénoncer les contrats visés pour l'ensemble de ses projets, la possibilité de régler
l'ensemble des contrats visés en une seule transaction plutôt que contrat par
contrat ou année par année, tel que certains l'ont mentionné.
Dans le même
ordre d'idées, la quittance obtenue à la suite d'un remboursement devrait avoir
pour effet d'éviter les recours
croisés provenant de tiers et de débiteurs solidaires. Les entreprises
participantes au programme volontaire devraient pouvoir obtenir une quittance opposable à tous les organismes et
personnes physiques ou morales susceptibles d'exercer des recours pour
les contrats et la période visée par les contrats de la loi.
Nous
suggérons également de doter la loi d'un mécanisme pour faire en sorte que la
simple participation d'une entreprise
au programme de remboursement volontaire ne lui cause pas de préjudice non
seulement au Québec, comme le prévoit la loi, mais également ailleurs au
Canada et à l'étranger. Les mécanismes prévus actuellement exposent les entreprises concernées à des sanctions dans
d'autres juridictions et à d'autres procédures par des tiers. Ce risque
pourrait représenter un obstacle majeur à la participation au programme pour
les entreprises actives dans les marchés publics hors Québec.
Par ailleurs, nous suggérons de fixer la période
de couverture de la loi à 10 ans précédant son entrée en vigueur, cette proposition notamment fondée
sur les règles de conservation de
dossiers pour les firmes d'ingénieurs, qui stipulent que les dossiers doivent être conservés pour une période
minimale de 10 ans seulement. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas équitable, quant au droit à une
défense pleine et entière, de permettre des recours civils avec
présomption de dommage dont la cause a pris
naissance jusqu'à 20 ans avant l'entrée en vigueur de la loi
alors que l'obligation de conserver les documents qui pourraient
être utiles en défense est limitée à 10 ans.
À cela
s'ajoutent plusieurs difficultés pratiques qui doivent être prises en
considération pour toutes les entreprises. Plusieurs ont été
mentionnées, d'ailleurs. J'aimerais juste les réitérer : notamment, le
roulement de personnel, l'accès difficile ou impossible aux individus
responsables, les changements de systèmes technologiques sur une aussi longue
période, et l'accès aux divers documents financiers ou autres.
En
conclusion, nos suggestions, loin de chercher à esquiver les conséquences des
comportements inacceptables de
certains individus par le passé, visent à paver la voie à un remboursement
efficace des sommes obtenues indûment par les entreprises concernées. En
atteignant ces objectifs, notamment avec le succès du programme de
remboursement volontaire qu'il propose, le
projet de loi n° 26 est un des éléments qui pourraient permettre au
secteur du génie-conseil et surtout
aux milliers d'employés honnêtes dans ce secteur de tourner la page et de
concentrer tous leurs efforts à contribuer positivement au développement
socioéconomique du Québec. Je vous remercie.
• (20 h 40) •
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je
vous remercie pour cette présentation. Nous allons maintenant entreprendre le
premier bloc d'échange avec les parlementaires, et je me tourne du côté de la
ministre pour les premières questions. Mme la ministre.
Mme Vallée : Merci beaucoup,
messieurs. Merci de vos interventions. Évidemment, vous vous préoccupez
beaucoup du programme de remboursement volontaire, et c'est tout à fait
intéressant et à propos de prendre acte des recommandations que vous nous
formulez. On avait des échanges avec la Fédération des chambres de commerce sur
la question de la
divulgation de l'information, le pourquoi et l'objectif visé par la
divulgation, c'est-à-dire la transparence face aux citoyens, mais aussi,
d'une certaine façon, la reconnaissance, c'est-à-dire faire connaître le
règlement, faire connaître... ou permettre à l'entreprise de bénéficier de
cette publication d'information. L'objectif n'était pas que la publication d'information puisse nuire de
quelconque façon à l'entreprise. Au contraire, en publiant l'information, on
mettait en lumière la volonté de
réhabilitation de l'entreprise, ce qui, à notre avis, était positif. Donc, je
comprends que vos craintes sont à
l'effet que les informations et la publication de l'information pourraient
avoir un effet sur les transactions ou sur la possibilité, pour cette entreprise-là... un effet négatif sur sa
capacité et sa possibilité de transiger ailleurs, avec d'autres entités,
avec d'autres gouvernements ou d'autres organismes publics.
Qu'est-ce qui
serait, à votre avis, la solution appropriée pour venir pallier à ça? Parce
que, dans le fond, l'objectif n'est
pas de nuire à l'entreprise. Si on met en place un programme de remboursement
volontaire, c'est notamment pour permettre
la réhabilitation commerciale. Alors, dans ce sens-là, j'essaie de voir comment
on peut arriver à une réhabilitation
commerciale sans que le public sache... sans qu'il soit connu que l'entreprise
s'est prévalue de ce programme-là, et a remboursé les sommes... ou a remboursé des sommes — sans dire «les sommes», mais a remboursé des
sommes — a convenu
d'une entente, et peut passer à un autre appel, et mettre ce passé-là derrière
elle. Donc, si on ne rend pas publique l'information, difficile de
tourner la page, parce que l'entreprise qui aura peut-être fait l'objet de
reportages, qui aura peut-être fait l'objet
d'articles dans les médias, continuera d'être identifiée au passé qu'elle
souhaite mettre derrière elle.
M.
Tremblay (Denis) : Bien, je
pense qu'en matière de communication il y a... Tout est dans la manière,
hein? Il y a beaucoup, je pense, de nuances qu'on peut faire par rapport à la façon
de rédiger les choses, de la façon d'annoncer les choses, particulièrement pour
les entreprises publiques. Il y en a plusieurs dans le domaine du génie-conseil maintenant — quand on dit «entreprises publiques», j'entends
«cotées en bourse» — où ce
genre d'information là doit être
traitée avec beaucoup de minutie, mais par contre ça se fait. Il y a
des exemples qui se font de divulgation de cette nature-là, au niveau
international en particulier, qui se font, évidemment, sans aucune admission de
culpabilité et qui doivent... qui, éventuellement, n'entraînent pas de
conséquences négatives par rapport à ça. Donc, c'est faisable, ce n'est pas
infaisable.
La question
est de savoir... d'abord d'être conscients que c'est très, très délicat et que
ça doit nécessiter une attention très particulière. Donc, ce n'est pas
une question de traiter ça à la légère, si jamais on en arrive à un règlement.
Je pense qu'il faut que l'entreprise soit rassurée
sur le fait qu'elle aura plein contrôle sur la façon dont les choses vont
se faire. Les entreprises qui sont cotées en
bourse en particulier sont beaucoup plus sensibles que, par exemple, d'autres
entreprises qui ont peut-être un peu moins
d'exigences par rapport à ça. Donc, c'est un exemple parmi d'autres, mais c'est
pour vous dire que je pense que les
entreprises seraient rassurées d'entendre que le contrôle du message leur
appartient aussi, donc ils ont le loisir de pouvoir avoir leur mot à
dire sur la façon dont les choses vont s'annoncer.
Là-dessus, j'aimerais peut-être que, Patrice, tu
complètes sur l'aspect légal de cet aspect-là.
M. Morin
(Patrice) : Oui, bien sûr.
Merci. Bien, effectivement, on comprend bien que le caractère
transparent de l'application de cette loi-là
est très important pour tous les acteurs, et là il faut donc, peut-être,
chercher... C'est certain que le
remède ultime, c'est la confidentialité des échanges, mais là on travaille à
contre-courant. Mais il y a des choses qui peuvent être faites, par exemple, peut-être même précisées, dans le
projet de loi, quant à ce qui peut et ne peut pas être utilisé par un tiers. Je vous donne un exemple. Par
exemple, aucun tiers ne peut s'autoriser, du simple fait de cette entente,
pour déclencher une enquête. C'est-à-dire
que, si les organismes d'enquête n'ont pas de faits au moment où l'entente est
faite, bien, le seul fait de l'entente ne peut pas, lui, servir de prémisse à
une enquête. Ça pourrait être ce type de solution là.
Je conviens avec vous que c'est complexe, mais,
vu la nature des enjeux, je pense que ça vaut la peine de s'arrêter à ça : Qu'est-ce qu'on peut et ne
peut pas faire avec cette information-là? Et évidemment peut-être
préciser... Puis je vous ai bien entendue,
tantôt, dire : Bien, écoutez, ce n'est pas parce que vous participez à un
remboursement volontaire que vous
admettez quoi que ce soit. Mais je pense qu'il y aurait un peu plus de calme si
on pouvait le lire, cet aspect-là, dans
le projet de loi, en disant : Bien, nul ne peut interpréter le règlement
comme quelque admission ou... comme on fait dans des quittances normales
en matière civile.
Alors, c'est le type de solution, je pense, sur
lequel on invite le législateur à travailler. Et, comme disait M. Tremblay, tout est dans la manière, puis
là il faut peut-être juste s'attarder un petit peu au détail de comment ça,
ça se ferait, pour s'assurer que les autres juridictions ne puissent pas
s'autoriser, de cette simple transaction là, pour soit déclencher une enquête
ou accuser quelqu'un.
Puis, si je
peux me permettre une parenthèse pour surligner l'importance de ça, c'est que,
quand vous avez posé la question au
groupe précédent, je me disais : Qu'advient-il d'une entreprise qui veut
se mettre à table mais qui est solidaire avec un dirigeant qui, lui, craint, en se mettant à table aussi, de
s'exposer à d'autres types de poursuites, qui, lui, ne veut pas régler?
Puis là vous avez un processus qui est complètement bloqué parce que le
débiteur solidaire ne veut pas, lui, participer,
puis il est essentiel si on veut avoir la fameuse quittance globale que tout le
monde vous demande. Alors, c'est là, l'importance, je crois, de
s'attarder à des mécanismes qui concernent l'utilisation des informations ou du
règlement comme tel par des tiers.
• (20 h 50) •
Mme Vallée :
C'est certain que la présence de dirigeants qui s'objectent ou s'opposent à un
règlement, ou qui pourraient, de par leurs gestes, avoir un impact autre, c'est
certain que ça demeure une problématique. Et, on le mentionnait un peu plus
tôt, on ne veut pas pénaliser, par exemple, une entreprise... L'objectif n'est
pas de pénaliser l'entreprise, c'est-à-dire...
On est très conscients que l'entité corporative peut très bien se réhabiliter en se départissant des éléments problématiques au sein de sa direction, au
sein de son administration. Et là ça, ça devient aussi un élément qui
sera considéré. On
parlait des critères qui seront étudiés par l'AMF, bien, la présence d'acteurs
problématiques au sein d'une entreprise peut faire en sorte que, malgré
le remboursement, on ne donne pas d'autorisation de transiger parce que des
éléments à problèmes demeurent.
C'est
certain que tout ça doit être considéré par l'entreprise. Peut-être
que l'entreprise voudra d'abord voir à assurer qu'au sein de sa direction, au sein de son administration, on a fait le ménage, si on... je
ne voudrais pas... et après voudra, par la suite, dire : Bien là, je me mettrai à table... Une fois que les
éléments problématiques de mon administration ou de ma direction ne sont plus des têtes dirigeantes,
bien, à ce moment-là, je vais pouvoir me mettre à table, et là vraiment
nettoyer l'ardoise, et aller de l'avant.
Parce que c'est certain... De toute façon, pour pouvoir aller de l'avant avec
cette réhabilitation-là, avec ces
règlements-là, bien, on doit avoir, à l'interne... les dirigeants doivent être
en accord avec la démarche qui va de
l'avant. Alors, c'est certain que, si, à l'interne, on n'est pas prédisposés à
ça, bien, on n'arrivera pas à l'objectif souhaité.
Alors,
c'est complexe. J'entends les différentes suggestions que vous avez mises de
l'avant. C'est certain qu'on va le
regarder, parce que l'objectif, c'est que ça marche, exactement. Et l'objectif,
ce n'est pas que le règlement pose problème, c'est clair. Ce n'est pas...
Parce qu'autrement, si le règlement devait poser problème, il n'y a pas
d'incitatif bien, bien à y recourir, et à ce moment-là on revient à la case
départ.
M. Tremblay (Denis) : C'est parce que ce qu'on sent... En tout cas, la bonne nouvelle, c'est
qu'on sent de la part des membres une volonté assez forte de vraiment
enclencher de façon positive puis déterminante cette étape-là, de passer finalement à ce passage obligé là pour
envisager l'avenir autrement. C'est vraiment un sentiment qu'on sent qui
est très fort au niveau des membres. Et,
cette loi-là, encore une fois je pense que l'association la voit très
positivement et, au-delà des préoccupations qu'on peut avoir, qui sont
légitimes, parce que tous les détails ne sont pas encore arrêtés, je pense
qu'au départ on a une... vous pouvez
considérer qu'il y a une réceptivité très bonne au niveau des membres de
l'Association des ingénieurs-conseils.
Mme
Vallée : Est-ce qu'il y a d'autres éléments qui devraient être
considérés dans la mise en place du programme de remboursement
volontaire, qui pourraient être des incitatifs pour vos membres à y recourir?
M.
Tremblay (Denis) : Je pense que la... Effectivement, on parlait tout à
l'heure de la carotte. Il faut trouver des façons de la rendre la plus attractive possible pour que ce soit le
chemin qui soit privilégié. Moi, je pense que l'élément le plus important, selon ce qu'on a perçu de nos
membres, c'est l'idée d'un règlement global. Ça, je pense que ça revient
souvent, constamment, et ça, c'est peut-être
l'élément le plus important. On en a mentionné d'autres, qui est celui de
la durée dans le temps. On est convaincus
que c'est un élément qui peut être problématique pour... et pour des raisons
logiques, là. En quelque part, il faut
comprendre qu'il y a une difficulté vraiment matérielle à faire en sorte que
les entreprises puissent être rassurées sur la possibilité de bâtir
leurs dossiers au-delà de 10 ans. Même dans des délais plus courts que ça,
c'est problématique, alors, à 10 ans, on peut s'imaginer, dans le contexte
de la turbulence qu'on a connue dans les dernières années, que c'est un élément
extrêmement problématique aussi.
Au-delà
de ça, je dirais, la... Je ne sais pas s'il y a un autre élément qui te vient à
l'esprit, Patrice, qui pourrait...
M. Morin
(Patrice) : Non. Je pense qu'effectivement le caractère global et
définitif du règlement est la première chose
qui vient en tête, même si, juridiquement, il y a beaucoup d'acteurs puis ce
n'est pas simple à organiser. C'est
certain que le caractère... la possibilité de tourner la page, une fois que
l'exercice difficile est fait, est probablement un des éléments qui est le plus important pour les
membres, de ce que moi, j'ai pu entendre. Même du côté des juristes, qui
se disent : Écoutez, si on n'arrive pas à faire ça et à réaliser
l'objectif, la conséquence, c'est des années de procédures judiciaires, des milliers de dollars perdus puis
une industrie qui ne se relève pas. Puis ça, il n'y a pas beaucoup de
monde qui ont les moyens d'envisager ça, je pense.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Mme la ministre, moins d'une minute.
Mme Vallée :
Alors, quand vous parlez de quittance globale, je veux juste m'assurer, on
parle de quittance globale au niveau civil.
Parce qu'évidemment, encore une fois, le programme de remboursement volontaire
n'est pas mis en place pour donner une absolution à des actes criminels
ou des infractions pénales. Ça, là-dessus, on s'entend?
Des voix :
...
Mme Vallée :
D'accord, parfait. Merci. Je vais céder...
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Merci. M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est
à vous.
M.
Cloutier : Merci, M. le Président. Même pour ce qui est de la
quittance globale, d'un point de vue gouvernemental,
c'est embêtant de dire aux gens qu'ils renonceraient à des sommes auxquelles
les Québécois auraient droit. Le
projet de loi est quand même nuancé, c'est-à-dire qu'il donne une quittance sur
ce qui a été négocié, mais le reste, je
veux dire, s'il y a un squelette qui reste dans le placard puis on l'a
volontairement caché, c'est normal que l'entreprise paie pour également.
Si on décidait de
rendre la clause... Sur la confidentialité du processus, là, si on décidait,
d'un point de vue législatif, la voie du... on laissait libre cours à
l'entreprise de décider du caractère confidentiel ou non, avez-vous
l'impression que ça changerait vraiment quelque chose sur la participation
volontaire au programme?
M. Tremblay
(Denis) : Moi, je pense, effectivement, que c'est un élément qui
serait de nature à rassurer les entreprises qu'ils ont le plein contrôle sur
cet aspect-là. Donc, moi, je pense qu'effectivement c'est certainement un
élément qui rendrait le processus encore plus attractif.
M. Cloutier : Parce que
j'essaie de comprendre, là, du point de vue gouvernemental, c'est quoi,
l'avantage à absolument rendre public le
détail du nom de l'entreprise. Est-ce qu'on pourrait se contenter d'une annexe
globale par thèmes ou par
associations? Je réfléchis encore une fois à voix haute, là, j'essaie de
trouver des solutions. Parce que le but,
encore une fois, c'est que ça marche. Puis, si ce n'est pas... Si c'est un
«game changer», le caractère précis du nom de l'entreprise, pour ne pas se tirer dans le pied, entre guillemets, pour
développer les affaires et se créer d'autres problèmes, bien, ça mérite certainement qu'on se pose la
question, là, tout en préservant, évidemment, la saine administration de
la justice, là. Puis je suis très conscient
que la ligne n'est pas facile à tracer, mais, du moins, peut-être que ça existe
déjà dans, peut-être, d'autres secteurs du milieu judiciaire qui
existent, qui pourraient peut-être nous guider dans la mise en oeuvre. Mais
vous soulevez un enjeu qui est quand même extrêmement préoccupant et qui
mérite, je pense, d'être répondu.
Vous proposez aussi... Vous proposez qu'on
écrive plus clairement que toute la documentation, les échanges ne servent pas à d'autres types de procédure dans d'autres
circonstances. Je croyais que c'était déjà prévu, ça. Vous me faites
signe de la tête que oui, alors ma lecture était bonne. Je ne sais pas si...
• (21 heures) •
M. Morin
(Patrice) : En fait, le fait
que... Les documents qui sont échangés, eux, demeurent confidentiels.
Ça, le projet de loi le prévoit, ce qui est
échangé. Maintenant, ce qu'on cherche à éviter, c'est que, par exemple,
l'identification... Par exemple, l'information qui viendrait de
l'identification du projet — puis
ça revient un peu à votre question de confidentialité — est-ce qu'un organisme d'enquête peut
prendre cette information-là, même si, le document comme tel... Ils n'auront pas accès à la documentation, mais,
s'ils ont accès à tout ce qui la concerne à côté, dans ce que le gouvernement
entend publier, bien, c'est là qu'est un
petit peu l'inquiétude. C'est : Bon, bien là, O.K., il y a un projet à
Laval sur tel contrat, alors on va utiliser cette information-là. On n'a pas les
documents, mais on sait où ils sont. Alors, sur l'utilisation des documents, là, c'est un peu là que la crainte se
situe. Bien que le projet de loi spécifie que ce qui est échangé entre les parties, en soi, n'est pas accessible, le simple
fait de dévoiler leur existence en détail peut avoir la suite logique de
rendre cette information-là plus facilement accessible puis, encore une fois, ajouter un
peu de crainte à l'entreprise ou au dirigeant qui cherche à éviter de
retomber, de par sa participation, dans une autre saga judiciaire ou autre
enquête.
M.
Cloutier : Avez-vous
l'impression qu'il y a des entreprises qui aimeraient se prévaloir de ce programme de remboursement là? Est-ce que
vous en jasez, vous en entendez parler, ou c'est marginal?
M.
Tremblay (Denis) : Bien, je pense
qu'il y a définitivement un engouement, et il y a actuellement un sentiment qu'on est rendus là, il faut trouver une façon d'y
arriver. Je pense qu'on est très... on sent une volonté de la part des entreprises.
Pour avoir participé, assisté un peu aux séances d'aujourd'hui puis entendu les
autres commentaires, c'est quand
même assez rassurant de voir, je
dirais, l'engouement que les entreprises ont d'essayer de trouver une façon de
régler assez rapidement ça pour passer à
d'autres choses. Parce que je pense que les entreprises sont d'abord là pour créer de l'activité économique,
créer des emplois, et il n'y a pas... un entrepreneur, c'est ça que ça aime
faire dans la vie. Donc, à quelque part, je pense que ce qu'on entend
beaucoup puis ce que j'ai entendu aussi aujourd'hui, moi, m'indique qu'il y a
une volonté.
Puis c'est peut-être un peu comme autre chose,
quand les premières entreprises vont arriver à ce succès-là... Moi, je me
souviens, pour un, quand on a commencé l'accréditation ISO 9001, le premier qui
l'a eue, c'était bien formidable, c'était
extraordinaire, puis il en a fait un élément de marketing qui l'a peut-être
aidé dans son cheminement. Peut-être
qu'on est un peu dans cette dynamique-là. Il faut créer un mouvement positif où
les gens, les premiers, vont être vraiment
des beaux succès, puis éventuellement ça va encourager d'autres à embarquer
là-dedans pour atteindre l'objectif qu'on recherche, c'est-à-dire
récupérer ces sommes-là.
M. Cloutier : Oui. Mais la
dernière partie de votre affirmation plaide davantage pour la
non-confidentialité du processus.
M. Tremblay (Denis) : Bien, ça, je
reviens... C'est vrai, c'est vrai. Puis j'aimerais juste peut-être compléter ma pensée là-dessus. C'est qu'effectivement je
pense que, dépendant des entreprises, il y en a qui vont pouvoir... Puis
ce n'est peut-être pas un bon exemple, celui
d'ISO 9001, parce que ce n'est pas du tout les mêmes connotations au
niveau réputationnel ou de la perception,
mais il reste que je pense que l'aspect communication est extrêmement
important. Ça, c'est clair. Et,
encore une fois, c'est peut-être à chaque entreprise d'y voir un peu, comment
elle va être capable, je dirais, d'utiliser
ça de telle façon qu'elle puisse progresser là-dedans. Peut-être, certaines
entreprises vont souhaiter que ce soit totalement
confidentiel. D'autres vont préférer peut-être que ce soit peut-être une bonne
nouvelle dont ils vont pouvoir être fiers puis l'annoncer. Il n'y a pas
une recette claire là-dedans. Mais une chose est sûre, c'est que c'est très
sensible, cet aspect-là.
M. Cloutier :
J'essaie juste de comprendre comment ça peut être une bonne nouvelle, là, parce
que, tu sais, j'imagine la... On a beau se casser la tête sur le plan des
communications, là, mais : J'ai bénéficié du programme de remboursement,
je suis une entreprise dans laquelle il aurait pu y avoir une fraude ou une
manoeuvre dolosive, je me suis entendu avec le gouvernement et j'ai remis 23 millions de
dollars, j'en suis très fier, c'est un aveu quand même... Non, mais, je veux dire, j'essaie, ça, de virer ça de
tous bords tous côtés, j'ai de la difficulté à voir que... Ce que j'essaie de
dire, c'est que ce n'est pas clair que... Tu
sais, je veux dire, je comprends l'acte de bonne foi, mais en même temps il y a
le bâton, là, qui suit : si tu ne
participes pas, tu vas te faire poursuivre. Là, ils ont accepté de rembourser
de l'argent, mais, d'un autre côté, il y a toujours bien une forme
d'aveu, hein?
Alors,
tout ça pour dire que je suis curieux de vous entendre là-dessus. Parce qu'on
aura à décider du caractère confidentiel
ou non. Est-ce qu'on laisse les entreprises décider par elles-mêmes ou on
maintient le statut actuel? Mais ça ne me saute pas aux yeux, là, que
c'est une supernouvelle.
M. Morin (Patrice) : Si je peux juste proposer... C'est qu'il y a une chose qu'on peut
perdre de vue facilement, c'est qu'à
l'heure actuelle les entreprises qui sont en affaires et qui ont les permis
pour faire du génie-conseil au Québec ont passé l'éponge ou ont fait un
ménage assez important, là. Je ne pense plus qu'il y ait d'acteurs, des gestes
qu'on a pu constater, là, au cours des
différentes commissions d'enquête, etc., qui sont encore là. Alors, c'est pour
vous aider dans votre réflexion, mais
je me dis qu'une entreprise qui dit : Écoutez, nos dirigeants passés
et notre entreprise, et on a un historique, ont commis des
gestes répréhensibles, mais on a maintenant remboursé, on a réparé cet
aspect-là, ça n'engage pas nécessairement les nouveaux administrateurs puis les
gens qui sont là pour repartir ces entreprises-là. Et, dans cette mesure-là, ce n'est pas nécessairement
une mauvaise nouvelle, à mon sens, que ces entreprises-là puissent dire :
Voilà, j'ai réussi ce programme-là.
Maintenant, là où la
confidentialité joue, c'est pour les recours croisés ou les recours qui
pourraient venir d'autres entités. Je pense que c'est là où le plus grand motif
de la crainte se situe. Puis, si vous avez à choisir, bien, probablement que la
crainte de recours croisé est plus forte que la volonté de publication.
M.
Cloutier : Très bien.
Alors, ce sont des équilibres, encore
une fois, difficiles à trouver. Mais,
si vous aviez une recommandation à
nous faire, ce serait d'augmenter le caractère confidentiel des ententes, c'est
ça, si vous aviez à choisir?
M. Tremblay (Denis) : Définitivement. Je pense que c'est certainement quelque chose qui va être de nature, encore une fois, à rendre le chemin de la
négociation plus attractif.
M. Cloutier :
Très bien. Je vous remercie. Ça va.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Du côté de l'opposition officielle, y a-t-il d'autres
questions? Non? Deuxième opposition, à votre tour. Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Messieurs, merci pour le mémoire, merci d'être
venus nous visiter ce soir.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : ...vais vous demander de tourner votre...
Mme Roy
(Montarville) :
De parler plus fort et de me rapprocher, oui.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Bien oui, parce qu'à ce bout-ci on perd vos propos.
Mme
Roy
(Montarville) : Vous avez tout à fait raison. Alors,
voilà. Je vous remercie de vous être déplacés si tard ce soir pour nous. Je vais vous poser la même
question que j'ai posée aux intervenants qui étaient là juste avant. Il y
a des points qui se rejoignent, vous les avez
entendus, entre autres pour la confidentialité de l'entente, là, je crois que
vous vous entendez très, très bien
avec les gens de la chambre de commerce à cet égard-là, les gens des chambres
de commerce.
Alors,
ma première question : Comment est-ce que les ingénieurs-conseils, vos
membres, ont-ils réagi lorsqu'ils ont appris
et compris qu'il y avait cette présomption de quantum de 15 % du coût des
contrats, contrats qui auraient été faits de façon dolosive, disons?
Quelle réaction est-ce que vous avez reçue de la part de vos membres sur ce
montant?
M. Tremblay
(Denis) : Je dirais qu'on n'a pas nécessairement eu une réaction
particulière par rapport au 15 %, donc
ce n'est pas nécessairement quelque chose qui a accroché beaucoup. Ça ne veut
pas dire que ce n'est pas... en tout
cas, de façon... Si vous me demandez mon opinion par rapport à 15 %, je
pense que c'est dans la braquette supérieure de ce qu'on paie, surtout quand on y ajoute le 20 % plus,
éventuellement, les intérêts qui pourraient courir si le litige datait de plusieurs années. Mais je dirais que ce
n'est pas nécessairement... Peut-être parce que les entreprises
considèrent plus l'option A, qui est celle de trouver un arrangement puis
une négociation, auquel cas ce ne sera pas nécessairement ce pourcentage-là qui
va s'appliquer. Mais je ne dirais pas qu'on a eu une réaction particulièrement
forte par rapport à ce 15 % là.
Je
pense qu'au-delà de ça, par contre, il faudrait peut-être voir quel genre de
réaction il y aurait, parce que c'est quand
même assez élevé, à mon avis. J'ai entendu des commentaires sur le fait qu'il y
avait peut-être eu des représentations à l'effet que c'était plus de
l'ordre de 20 % ou 30 %. Moi, je pense qu'il faut faire attention à
ça. Ce n'est pas des preuves de dommage qui
ont été faites, c'est plus des estimations assez grossières qui ont été faites
pour certains domaines d'activité, alors que la loi couvre beaucoup plus
large que ça. Donc, il faut être très prudents par rapport à ça.
Mais, pour
répondre spécifiquement à votre question sur le 15 %, bien, on n'a pas, au
niveau de l'association, eu de réaction particulière sur ce
pourcentage-là.
Mme Roy
(Montarville) :
Bien, je vous amène à un autre point. À la page 11 de votre mémoire, Questions/
Commentaires, Suggestions, vous nous parlez des articles 27 et
28. Je vais vous citer ici, alors : «L'article 21.26 de cette loi est modifié par la suppression, dans le premier alinéa, des paragraphes 1°, 4°, 6° et 7° — alors,
votre question :
«Pourquoi le paragraphe 5° de l'article 21.26
de la Loi sur les contrats des organismes publics n'est-il pas également aboli?
«Pour
atteindre les objectifs du projet de
loi n° 26 quant aux
modifications au régime des autorisations de l'AMF dans le cadre de la Loi sur les contrats des
organismes publics, nous soumettons que les condamnations relatives aux
articles cités dans le paragraphe 5° doivent être considérées par l'AMF,
sans nécessairement avoir pour conséquence le refus automatique de délivrance
de l'autorisation.»
Pourriez-vous
élaborer et nous dire pourquoi les infractions et condamnations relatives à
l'article 5° devraient
être considérées?
• (21 h 10) •
M. Morin
(Patrice) : Je sentais
qu'elle s'en venait vers moi, celle-là. En fait, c'est venu d'un certain nombre
de membres, et simplement ce que c'est,
c'est que, lorsqu'on regarde les infractions de l'annexe I de la loi et
qu'on les compare à ce que le paragraphe...
ce qu'on propose d'abolir dans l'article 21.26, l'impression est que le type d'infractions
visées aux articles que vous avez dans notre mémoire appartiennent plus à la
famille de celles qu'on se propose de radier qu'aux infractions prévues à
l'annexe I, qui sont des infractions au Code criminel, corruption de
fonctionnaire, etc. C'est dans l'item Varia.
Mais l'impression est que, bon, bien, si on est prêt à faire ce bout de chemin
là pour 1°, 4°, 6° et 7°, comme les infractions, par exemple,
aux règles sur la Loi sur les élections appartiennent possiblement à la même catégorie de gravité, entre guillemets, bien, ils
pourraient suivre le même sort. Ça ne veut pas dire que l'AMF n'en tient
pas compte. La question, c'est : Est-ce
que ça doit demeurer un motif de refus automatique? L'impression est que ça
pourrait... on aurait peut-être un meilleur
effet si l'AMF pouvait en tenir compte, dépendamment de la gravité, de la
fréquence, etc. Et c'est ça qui est la proposition que vous avez dans le
mémoire.
Mme Roy
(Montarville) : Pour le bénéfice des auditeurs et des
téléspectateurs, au niveau de la prescription, le projet de loi
n° 26 prévoit de remonter 20 ans en arrière à partir de l'adoption de
la loi. Vous nous suggérez 10 ans. Pourriez-vous élaborer sur ce
10 ans, entre autres... on le lit dans le mémoire, mais par rapport aux
obligations des ingénieurs en particulier?
M. Morin
(Patrice) : Bien, en fait,
la Loi sur les ingénieurs prévoit que les documents doivent être gardés
pour une période de 10 ans, les
documents qui appartiennent au client, ce que la majorité... bien, pas la
majorité, les firmes doivent faire.
Et là la crainte est un peu la même que les intervenants qui nous ont précédés
ont exprimée, c'est que comment ces gens-là, éventuellement, peuvent se
défendre et même potentiellement essayer. Parce que ça aussi, ça va devenir un enjeu, même, dans le processus de divulgation
volontaire, peut-être qu'ils n'auront même pas la capacité de reculer
aussi loin pour se mettre à table. Et là,
bien, on pourrait voir, par exemple, une municipalité qui dirait : Ah!
bien, moi, je l'ai, ce document-là, par hasard, et là on l'aurait
simplement échappé parce qu'il n'y a pas de document disponible.
Alors, le 10 ans est principalement là.
C'est que, si on veut que ça fonctionne, il faut que les gens aient des documents. Je suis convaincu que les gens qui seront
responsables du programme n'accepteront pas des règlements sans avoir quand même une certaine preuve devant eux.
Et, si la preuve n'existe pas, bien là, on est un peu dans un cul-de-sac,
là, parce qu'on n'est pas capable de faire la démarche qu'on doit faire,
c'est-à-dire, bon : Combien, à quel moment, pour quel type d'ouvrage? Alors, le 10 ans, pour nous, vient
essentiellement de là. Et, pour savoir, là, pour les entreprises
service, ce que ça veut dire, là, de stocker
du papier, je ne doute pas que certaines firmes, après 10 ans, comprennent
qu'elles peuvent disposer de leurs documents, même de bonne foi. Alors,
c'est pour ça qu'il y a une préoccupation à ce niveau-là.
Mme Roy
(Montarville) :
Je vous remercie beaucoup. Merci.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Ça
complète pour Mme la députée? Merci. Alors, je me retourne à nouveau du côté
gouvernemental. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Vallée :
Je veux revenir sur la question du caractère préjudiciable de la participation
au programme. Lorsque vous mentionnez que vos préoccupations sont non seulement à l'égard du Québec, mais aussi sont des préoccupations plus internationales, est-ce que vous avez pensé à
une façon qu'il nous serait possible de pallier à cette problématique-là?
Vous soulevez l'enjeu, mais avez-vous une solution pour ce qui est de ne pas
poser préjudice, de ne pas causer préjudice ailleurs
au Canada et ailleurs dans le monde? Parce que, bon, évidemment, il est
difficile pour nous de légiférer pour une autre entité, mais avez-vous
pensé à une disposition particulière?
M. Morin (Patrice) : Bien, la plus
simple, c'est de spécifier le caractère non préjudiciel de l'entente, ça, ça m'apparaît... et possiblement, là, d'ajouter à la
loi des concepts qui permettent aux juridictions autres de conclure
qu'il s'agit bel et bien d'un règlement, je
n'ose pas dire d'un règlement à l'amiable, mais d'un règlement fait sur une
base volontaire avec l'aspect non préjudiciel comme condition
«sous-tendante». Je pense que ça, c'est une des choses faciles à faire.
Mme Vallée :
Une disposition... et là, là, on est allés de façon un peu rapide, mais une
déclaration qui pourrait être libellée
comme suit : En vue d'éviter un litige avec les organismes suivants — et puis là on énumère : ville de
Montréal, ministères XY, organismes
publics, commission scolaire Unetelle, l'entreprise consent à verser, sans que
cela constitue un
aveu, une somme de x milliers de dollars, une somme de x millions de
dollars. On est positifs, on est objectifs ici ce soir, là. Mais est-ce que de le limiter, de vraiment le
recentrer vers les organismes publics en question serait, à votre avis,
une disposition qui pourrait pallier aux problématiques que vous soulevez?
M. Morin
(Patrice) : Je ne suis pas
certain. L'idée est bonne, mais la problématique, c'est que, là, en
limitant le... on s'éloigne de l'objectif premier qui est la globalité puis
l'entièreté de la quittance. C'est ça qui...
Mme Vallée :
Oui et non, parce que, rappelez-vous, là, dans les interventions un peu plus
tôt, aujourd'hui, pour nous, il n'y a
pas de quittance donnée envers des organismes qui n'auront pas fait l'objet
d'une divulgation. Pas question de donner une quittance globale si
l'entreprise n'a pas... s'il n'a pas été question d'un contrat qui aurait pu
être donné avec la municipalité Unetelle ou
Untel non énuméré dans l'entente. Si on n'a pas parlé d'un contrat donné à une
petite municipalité alors qu'on savait que ce contrat-là pouvait être
questionnable et on a sciemment omis de l'inclure, pas question de donner une quittance. Il y aura une quittance à l'égard des
contrats qui auront fait l'objet d'une négociation. Et c'est pour ça que je disais un petit peu plus
tôt : C'est certain que l'objectif sera pour l'organisme public aussi, de
mettre sur la table l'ensemble de l'information qu'il détient pour...
Parce qu'il
n'est pas question de faire des petits... de jouer des jeux de cache-cache :
Je détiens l'information, je ne te la
divulgue pas puis je vais t'avoir dans le détour, là. Je ne pense pas que ce
soit l'objectif du programme de remboursement volontaire. Mais en même
temps l'entreprise a aussi cette obligation-là de divulguer l'information.
L'objectif est de donner une quittance pour
les contrats qui auront fait l'objet de ces discussions-là. On peut comprendre
que, dans ce cadre-là, il y ait
lieu... Et là on va regarder, parce que... Et le groupe précédent avait
mentionné : Bien, peut-être que tous les organismes accréditeurs devraient pouvoir participer ou être au fait des
pourparlers. C'est une chose, c'est un élément qui mérite d'être étudié. Mais, de là à donner une
quittance globale face à des contrats, ou d'autres participants, ou
d'autres parties qui n'auraient pas fait l'objet d'une discussion, ce n'est pas
l'objectif, là.
• (21 h 20) •
M. Morin (Patrice) : Si vous
permettez de faire une suggestion là-dessus, c'est clair qu'une entreprise qui,
sciemment, ne divulgue pas une information
qu'elle a ne devrait pas bénéficier de quelque forme de réparation que
ce soit, là. Le pendant à ça, c'est qu'il faut que les organismes qui pensent
être concernés par ces difficultés-là agissent avec célérité également. Et l'idée, c'est que, si tout le monde a travaillé
de bonne foi et que, de bonne foi, ils en ont tous échappé un qui ressort 15 ans après, bien, on soit
capable de dire : Écoutez, celui-là, là, c'est plate, on l'a échappé.
Mais, on veut être clair, si le fait qu'on l'a échappé est lié au fait
qu'une entreprise a caché quelque chose, il n'y a pas de quittance.
Par contre,
encore une fois, pour que le programme fonctionne, puis si on veut que toutes
les entreprises divulguent tout de
façon globale, l'avantage me semble devoir être qu'une fois cet exercice-là
fait elles bénéficient d'une quittance, à moins que, plus tard, on
découvre qu'elles aient retenu de l'information qui a empêché de régler
certains contrats qui auraient dû l'être.
M.
Tremblay (Denis) : Si je
peux me permettre, en complément de... Moi, j'ai peut-être une suggestion qui
a été faite aujourd'hui, moi, qui m'a semblé intéressante, puis je ne sais pas
jusqu'à quel point elle est faisable, mais c'est de favoriser un esprit d'entente globale, je pense, de part et d'autre.
Parce que, la divulgation, à mon avis, la meilleure façon de le faire, c'est de le faire conjointement.
C'est-à-dire que les organismes... pas seulement les entreprises
concernées, mais éventuellement les
entreprises publiques aussi soient de la partie et donnent de l'information au
maximum. On donnait l'exemple d'une
entreprise qui pourrait divulguer, par exemple, sur quatre dossiers
spécifiques, puis peut-être qu'il y a d'autres
dossiers qui vont se rajouter, puis on en fera huit. Mais là on aura fait le
tour du jardin, si on veut, de bonne foi, dans un premier temps, pour
faire en sorte qu'on essaie d'avoir un portrait global.
Parce qu'il y a un aspect, je pense, qu'il ne
faut pas négliger non plus, c'est l'aspect de la capacité financière des firmes. C'est-à-dire qu'il faut voir aussi
qu'elle n'est pas infinie. Puis il y a un contexte aussi de précarité qui
existe actuellement au niveau des
entreprises, pas seulement des firmes de génie-conseil, mais en général. Donc,
il ne faut pas penser que cette
capacité-là, elle n'a pas de limite. Donc, il faut vraiment avoir une vision.
La préoccupation première des administrateurs,
c'est de s'assurer qu'ils vont avoir la capacité aussi de livrer le règlement
qui va éventuellement en découler.
Donc, ça,
c'est un aspect qui n'est pas négligeable. C'est pour ça qu'il y a autant
d'insistance, je pense, sur l'idée d'avoir
une quittance globale. C'est qu'il va falloir aussi que les gestionnaires de
ces entreprises-là balancent ça avec la capacité de l'entreprise d'éventuellement livrer ces sommes-là. Et ça, à
mon avis, la plus grande crainte qu'un gestionnaire peut avoir, c'est de
ne pas être capable de prévoir, finalement, cette possibilité-là, donc qu'il y
ait des demandes qui surviennent, on peut
dire, sans aucun contrôle de sa part, puis, à la fin de la journée, qu'il se
ramasse dans une situation absolument précaire par rapport à sa
capacité. Parce qu'un règlement, vous savez... en tout cas, je ne suis pas un avocat moi-même, mais on m'a toujours dit :
Avoir un règlement, c'est une chose, être payé, c'en est une autre.
Donc, il faut faire attention à ça aussi, d'être capable de permettre aux
entreprises d'évaluer le fardeau que ces règlements-là vont représenter.
Mme Vallée : Merci.
Le Président
(M. Ouimet, Fabre) : Je vous
remercie. Ça complète les échanges avec les parlementaires. Alors, merci
beaucoup pour vos observations, de vous être déplacés. Avec...
Une voix : ...
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Pardon?
Une voix : ...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Oui, oui, je sais, mais ça permettrait...
Alors, compte
tenu de l'heure et compte tenu du fait que nous avons travaillé très fort
depuis 9 h 30 ce matin, la Commission des institutions ajourne
ses travaux au 16 janvier. Notez l'heure : 9 heures. Nous
reprenons à 9 heures demain matin, c'est exceptionnel. Merci, bonne
soirée.
(Fin de la séance à 21 h 24)