(Quinze heures neuf minutes)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Je demande
à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de tenir des
auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 60, Charte
affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi
que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes
d'accommodement.
Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
• (15 h 10) •
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Lessard (Lotbinière-Frontenac) remplace Mme Vien (Bellechasse); Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) remplace M. Ouimet (Fabre);
et Mme Roy (Montarville) remplace M. Duchesneau (Saint-Jérôme).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la
secrétaire. Cet après-midi,
nous entendrons les représentants des
groupes suivants, soit : la Fédération des médecins résidents du Québec,
la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec et la commission scolaire English-Montréal.
J'invite donc
les représentants de la Fédération des médecins résidents du Québec à
nous faire la présentation de leur
mémoire, en vous mentionnant que vous disposez de 10 minutes, suivie d'un
échange avec les groupes
parlementaires, et je vais peut-être vous demander de nous présenter les
personnes qui vous accompagnent, pour mettre les bons noms vis-à-vis les bonnes
personnes à l'écran.
Fédération des médecins
résidents du Québec (FMRQ)
M. Dahine
(Joseph) : Oui. Bien, merci, M. le Président. Je me présente : Je m'appelle Joseph
Dahine. Je suis président de la Fédération des médecins résidents du Québec.
À ma droite, il y a M. Jean Gouin, qui est directeur général de la fédération,
ainsi que Me Patrice Savignac Dufour, qui est directeur des affaires juridiques
de la fédération; et, à ma gauche, j'ai le Dr Maxime
Dussault-Laurendeau, qui est trésorier de la fédération et résident en
psychiatrie, ainsi que la Dre Stephanie Lam, qui est vice-présidente de la
fédération et résidente en radiologie diagnostique.
Le Président
(M. Ferland) : Alors,
merci beaucoup. Donc, la parole est à vous pour un temps de
10 minutes.
M. Dahine (Joseph) : Bien, merci beaucoup,
M. le Président. Alors, M. le ministre, Mmes et MM. les porte-parole
des partis de l'opposition, Mmes
et MM. les députés, mesdames et
messieurs, bonjour et merci de nous recevoir. Alors, je me présente à nouveau : Je m'appelle Joseph Dahine, et je
suis médecin résident en soins intensifs à la Faculté de médecine de l'Université
de Montréal, et je suis aussi président de la fédération.
Et, en fait, juste avant de débuter notre
mémoire comme tel, j'aimerais vous rappeler que la Fédération des médecins résidents du Québec
représente plus de 3 600 médecins résidents en formation postdoctorale
dans 54 spécialités. Ceux-ci
sont rattachés à l'une des quatre facultés de médecine du Québec
et oeuvrent au sein du système de
santé sur une base
quotidienne, dans plus d'une centaine d'établissements de santé à travers le Québec.
On compte maintenant en formation en
médecine 60 % de femmes et
40 % d'hommes provenant du Québec et d'ailleurs, dont une proportion
est plus particulièrement touchée par le
projet de loi à l'étude présentement, et c'est pour ces médecins résidents que
nous avons décidé de vous soumettre notre position en commission parlementaire.
Depuis
quelques mois déjà, tous les citoyens du Québec sont interpellés par les
modifications à la loi que propose le gouvernement et pour lesquelles
nous nous sommes prononcés l'automne dernier. À la Fédération des médecins résidents du Québec, c'est principalement
l'article 5, qui constitue une mesure-phare de la charte, qui pose problème. Pour un certain nombre de médecins résidents qui sont
des employés des établissements de santé où ils dispensent des soins
durant toute leur formation, cette charte est lourde de conséquences, particulièrement
ceux qui portent des signes religieux que l'on classifie aujourd'hui
d'ostentatoires.
Nous
craignons que l'adoption de cet article tel que proposé limite l'accès à une formation en
médecine à certains groupes de
citoyens québécois en raison de leurs convictions religieuses, ce
qui est, selon nous, inacceptable socialement et injustifiable sur le plan juridique. On risque de priver le Québec
de médecins nécessaires à une partie de l'offre de service médicale. Cela porterait également
préjudice à des médecins actuellement en formation ou en exercice, qui se
verraient contraints
de quitter le Québec. Par ce projet
de loi, l'État
brime les croyances fondamentales des individus. Selon nous, il n'y a
pas de lien ici entre l'objectif poursuivi, soit la neutralité de l'État, et le
moyen choisi, qui exige la neutralité des individus.
En octobre dernier, nous avons réalisé un
sondage auprès de nos membres pour évaluer la situation dans nos milieux de formation quant au port de signes
religieux et à leur impact sur notre travail. Tous les répondants ont
indiqué que le port des signes religieux par des collègues n'a aucun impact sur
leur travail. En contrepartie, certains confient que l'adoption de l'article 5 du projet de loi pourrait les amener à délaisser leur formation
ici en raison de leurs convictions religieuses.
Nous travaillons dans les mêmes milieux que les
médecins en exercice, les infirmiers et infirmières et les autres employés de l'État, dont une majorité
constate la même situation. Pourquoi
le gouvernement souhaite-t-il légiférer là où tous les acteurs du réseau
disent ne pas y voir de problème?
Comme
fédération et comme représentants de la relève médicale, nous aurions pu nous prononcer
sur l'ensemble des mesures proposées dans le texte du projet de loi
n° 60. Mais nous avons plutôt choisi de mettre en relief certains articles
qui affectent plus particulièrement le travail des médecins résidents.
Selon nous, l'interdiction du port de signes
religieux, notamment pour les employés du réseau de la santé, ne répond pas à un réel problème et constitue une
limitation à un droit fondamental qui n'est aucunement justifiée. Elle
ne peut donc pas constituer une mesure rationnelle et proportionnelle aux
objectifs poursuivis avec ce projet de loi qui pourrait justifier l'État
d'adopter une mesure violant les libertés fondamentales protégées par les
chartes québécoise et canadienne des droits
de la personne. Imposer de telles restrictions serait discriminatoire envers ceux dont le port de signes religieux constitue un élément important
de l'exercice de leur liberté religieuse. D'autant plus que cela n'a
aucune incidence sur la qualité des soins dispensés.
La Fédération
des médecins résidents du Québec est d'accord avec l'établissement d'un État laïque ainsi qu'avec l'existence d'une claire
séparation entre les religions organisées et l'État. Mais cette même neutralité
religieuse nous semble remise en question
aujourd'hui par la proposition d'une interdiction de port de signes religieux,
une mesure qui, dans les faits, ne toucherait que les confessions
religieuses qui font du port d'un tel signe un élément important de l'exercice
de leur foi.
Bien sûr,
il est clair pour nous que les professionnels de la santé doivent dispenser les soins à
visage découvert, et ce, sans exception. En ce sens, nous sommes
d'accord avec les articles 6 et 7 du projet de loi.
Nous sommes
aussi d'accord avec l'article 4 qui stipule qu'un membre du personnel d'un
organisme public doive respecter des
devoirs de neutralité et de réserve en
matière religieuse. La FMRQ est cependant d'avis que l'État doit aussi permettre la liberté d'expression et la liberté
religieuse de ses employés. La neutralité de l'État se définit
différemment de la neutralité des individus.
Pour tous les autres signes religieux, il faut,
selon nous, s'abstenir d'imposer quelque restriction que ce soit. Le fait de marquer une appartenance religieuse ne
signifie pas que la personne portant ce signe religieux souhaite faire
ou fait du prosélytisme. Nous ne croyons pas
que cette définition puisse s'appliquer aux employés de l'État qui portent
des signes religieux dits ostentatoires.
Présentement, plusieurs employés du réseau de la santé portent des signes
religieux, et nous n'avons jamais été
informés ni n'avons-nous vécu de situation où des gens se seraient sentis lésés
par le fait qu'une personne porte un signe religieux dit ostentatoire.
Et, en ce qui concerne les autres articles du
projet de loi n° 60, M. le Président, nous souhaitons faire valoir les
points suivants :
L'article 10 propose d'appliquer à des
tiers les mêmes restrictions qu'aux employés de l'État. La FMRQ est d'avis que ces restrictions ne doivent pas
s'appliquer à des tiers contractuels ou subventionnés ni aux médecins qui
exercent en milieu hospitalier.
L'article 12 exige notamment des employés
de l'État au sein des institutions de santé québécoises un devoir de neutralité et de réserve. Cet article nous
laisse perplexes et nous apparaît comme une contradiction avec le Code
de déontologie des médecins qui, aux articles 23 et 24, fait état de
l'obligation pour le médecin d'informer les patients de ses convictions
personnelles si celles-ci peuvent interférer dans la relation patient-médecin.
Les
articles 13 et 14, quant à eux, permettent au législateur de s'immiscer
dans la gestion des mesures disciplinaires au sein des organismes
publics. Nous comprenons de l'intention de cet article qu'on souhaite
introduire une certaine flexibilité dans la
gestion interne des mesures comprises dans le projet de loi n° 60.
Toutefois, des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu'au
congédiement d'un employé nous paraissent exprès… nous apparaissent extrêmes.
Les
articles 15 et 18 encadrent, pour leur part, le traitement des demandes
d'accommodement. Ces règles s'avèrent très
strictes en ce qui a trait au devoir de neutralité religieuse et de réserve
ainsi qu'à l'interdiction de porter des signes religieux dits ostentatoires. Et, selon nous, quand des accommodements
s'avèrent nécessaires, ils devront continuer d'être balisés, comme c'est déjà le cas présentement,
afin d'assurer le bon fonctionnement de l'établissement de santé
concerné et de ne pas brimer les droits des autres employés.
L'article 19
soulève, pour sa part, des questionnements lorsque les milieux de travail sont
associés historiquement à des convictions religieuses, comme L'Hôpital
général juif par exemple. Si le projet de loi était adopté dans sa forme actuelle, il est clair qu'une politique unique ne
pourrait reconnaître le caractère particulier de tous les employés de
l'État. Il y a, selon nous, une
contradiction flagrante dans une interdiction générale du port de signes
religieux sans accommodement possible,
comme à l'article 18, et ce voeu légitime de tenir compte de chaque
organisme et de sa mission et caractéristiques propres, tel qu'indiqué à
l'article 19.
Et
enfin, en ce qui a trait à l'annexe II, M. le Président, la fédération
croit que tous les employés du réseau de la santé, et en particulier les médecins résidents et les médecins en
pratique, ne devraient pas voir l'exercice de leur liberté religieuse empêché ou
limité. Le Code de déontologie des médecins encadre déjà leurs interventions
auprès des patients. Non seulement ce code existe-t-il, mais des mesures
sont également déjà en place afin de sévir auprès des médecins qui y
contreviendraient. Nous ne voyons donc pas la nécessité de leur imposer un
cadre additionnel.
De surcroît, compte
tenu du fait que nos membres nous disent qu'ils ne rencontrent aucun problème
en lien avec le port de signes religieux
dans le réseau de la santé, nous sommes en droit de nous questionner quant aux
raisons qui ont amené le gouvernement à
soumettre ce projet de loi et à intégrer même les médecins en exercice au côté
desquels nous travaillons sur une base quotidienne.
Le Président (M.
Ferland) : Vous avez environ une minute pour conclure.
M. Dahine (Joseph)
: Bien, alors, je conclus tout de suite.
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y.
M. Dahine (Joseph)
: À la lumière de ces faits, M. le Président, et… Pardon?
Le Président (M.
Ferland) : Non, ça va. Vous avez terminé ou…
M. Dahine (Joseph)
: Non, non. Je fais ma petite formule de conclusion.
Le Président (M.
Ferland) : Non, non, allez-y, écoutez. Oh! non, je croyais que
c'était fini.
• (15 h 20) •
M. Dahine (Joseph) : À la lumière de ces faits, M. le Président, et en tant que représentants des 3 600 médecins résidents du Québec, nous demandons au
gouvernement de retirer les mesures discriminatoires prévues à l'article 5
du projet de loi n° 60, ainsi que toute autre restriction relative au port
de symboles religieux. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup pour votre
présentation. Maintenant, nous allons à la période d'échange, et je cède
la parole à M. le ministre.
M. Drainville :
Alors, merci, M. le Président. Salutations aux collègues. Bienvenue et merci
pour votre mémoire et votre présentation.
Dans
un communiqué de presse du mois d'octobre dernier, si je ne m'abuse, vous avez
fait connaître votre position sur la charte et vous disiez, dans ce
communiqué, et je cite : «…nous sommes résolument contre l'interdiction
du port des signes religieux dans nos
milieux de formation.» Fin de citation. Selon ce qui a été rapporté, cette
position-là repose sur un sondage,
dont certains résultats ont été publiés dans Le Devoir du
19 octobre 2013. Je suis resté un peu perplexe à la lecture de ce papier-là, parce que nulle part il
n'était question du résultat à la question : Êtes-vous favorable ou
défavorable au projet de charte des valeurs du gouvernement? Quels ont été les
résultats à cette question : Est-ce que vous êtes favorable ou défavorable
au projet de charte?
M. Dahine (Joseph)
: …ce sondage, M. le ministre.
M. Drainville :
Vous n'avez pas posé la question?
M. Dahine (Joseph) : Non, nous n'avons pas posé la question spécifique si les médecins
résidents du Québec étaient favorables
ou défavorables au projet de loi. Il faut comprendre un peu que nous sommes un
syndicat, d'abord et avant tout, et,
dans la mesure où ce projet de loi brimerait les libertés individuelles d'un de
nos membres et que celui-ci se verrait lésé ou brimé, nous n'aurions
aucune possibilité que de le défendre, et nous le ferons. Donc, la question ne
serait pas nécessairement pertinente aux fins du syndicat.
M. Drainville :
Oui, bien, écoutez, je veux juste vous dire qu'il y a quand même un certain nombre
de syndicats, comme la CSQ, par
exemple, qui ont posé cette question-là et qui, je pense, ont la même vision
que vous du devoir syndical de
défendre les membres. La CSQ l'a fait, la CSN l'a fait, la FIQ l'a fait. Alors,
je suis un peu étonné que vous… Est-ce que vous avez… Le sondage en question, est-ce que vous pouvez le déposer à
la commission, pour qu'on puisse en prendre connaissance?
M. Dahine (Joseph)
: Je ne l'ai pas amené avec moi. On ne l'a pas avec nous.
M. Drainville :
Est-ce que ce serait possible de le faire parvenir à la commission, pour qu'on
puisse en prendre connaissance?
M. Dahine (Joseph)
: Ça, il n'y a pas de problème, effectivement.
Une voix :
Les résultats, oui.
M. Dahine (Joseph) : Les résultats, oui.
M.
Drainville : Bon, par
ailleurs, si je comprends bien, vous avez consulté vos membres pour savoir
s'ils portaient ou non des signes
religieux, et, d'après ce qui a été rapporté encore une fois, vous avez appris
que 15 % de vos membres portaient
un signe religieux ostentatoire, et, de ce chiffre de 15 %, vous avez
appris que 25 % ne voudraient pas l'enlever et qu'un nombre assez
proche de 20 % accepterait de l'enlever. C'est bien ça?
M. Dahine
(Joseph) : C'est bien ça.
15 % des répondants, en fait. Il va sans dire, là, que, dans un sondage,
on n'a pas la totalité de nos membres.
M.
Drainville : O.K.
Mais, dans ceux qui ont répondu qu'ils portaient un signe religieux ostentatoire, à peu près le même nombre vous a dit
que, si la loi était adoptée, ils refuseraient de l'enlever, qu'un nombre qui
disait qu'ils accepteraient de le retirer.
M. Dahine
(Joseph) : En fait, si votre
question, M. le ministre, c'est : Est-ce que cela représente un grand
nombre de nos membres?, bien, non. La
réponse, c'est effectivement : Ça touche une minorité de nos membres. Ceci
étant dit, notre mission est très, très claire : nous allons
défendre chacun de nos membres, nous allons défendre les minorités.
Et, en fait,
il faut comprendre les portées de ce projet de loi. En fait, empêcher,
justement, quelqu'un pour qui la conviction religieuse serait à ce point
qu'elle ne pourrait entamer, ou continuer, ou terminer, même, ses études en médecine au Québec, ce serait, en fait,
probablement une conséquence malheureuse, étant donné que, selon nous,
l'accès à cette éducation-là, pour tout citoyen québécois, est un droit
fondamental.
M.
Drainville : Oui.
Oui, je comprends. Puis je comprends le rôle qui est le vôtre, mais, si vous me
permettez, au-delà du strict mandat de représentation
des membres qui est le vôtre, je pense que la profession de médecin est
également, comment dire… Je pense que la fédération doit bien sûr défendre les
membres, mais je pense qu'elle doit également s'inscrire dans une perspective
d'intérêt public. Je pense que le respect des obligations et des
responsabilités qui viennent avec la
fonction ou avec la profession de
médecin… je pense que ça, c'est également très important.
Il n'y a pas seulement, me semble-t-il… Votre position ne peut pas être
animée seulement que par une perspective corporatiste, je
pense qu'il faut également voir le problème dans son ensemble ou de voir la question
dans son ensemble. Et, quand vous me parlez de votre devoir de protéger les
intérêts de vos membres, je vous dirais que vous avez le devoir de protéger également
les intérêts du public, les intérêts de vos patients…
M. Dahine (Joseph) : À ce moment-là,
monsieur…
M.
Drainville : …et de vos futurs patients, lorsque
vous serez des médecins en bonne et due forme. Et donc je trouve que
toute la perspective du patient ne semble pas être abordée du tout dans votre mémoire.
M. Dahine (Joseph) : Bien, en fait, si ce
que vous retenez, c'est qu'on a une position corporatiste, c'est qu'effectivement,
là, il y a une incompréhension au niveau de notre mémoire, parce que je pense
que c'est très, très clair que les arguments
qu'on apporte, c'est… En fait, la question pertinente, ce n'est pas nécessairement : Est-ce qu'on défend seulement une minorité? Au contraire, on défend aussi la
pratique médicale au Québec. Cette pratique-là outrepasse largement la
question du port d'un symbole religieux, là. En fait, la compétence du médecin
en tant que telle, si on l'associe aux symboles religieux, bien, à ce moment-là,
on outrepasse tout ce qui, historiquement, là, était contenu dans le Code de déontologie des médecins du Québec,
qui disait que, peu importent les convictions personnelles de ce médecin-là et la façon dont il les affiche, il a
le devoir envers le patient de le traiter sans aucune discrimination. Et c'est ce que nous faisons
et c'est ce que nous défendons. Et, en fait, on est là, en fait, pour vous dire
qu'il n'y a aucune association à faire entre le port
d'un symbole religieux fait par un médecin et les soins qu'il accorde au
chevet, une fois le patient rencontré, là.
M.
Drainville : Dans votre mémoire, à la page 5,
vous dites, et je vous cite, vous dites que vous avez «l'impression que le gouvernement du Québec propose des solutions alors qu'il n'y a pas de problème, à tout le
moins dans le réseau de la santé, en présentant un projet de loi qui ressemble
plus à de la discrimination à l'égard de certaines communautés et confessions
religieuses…» Fin de citation. Bon.
La fédération
interprofessionnelle du Québec, qui est le principal syndicat qui représente les
infirmières, a fait un sondage auprès
de ses membres en 2013 : 55 %
des infirmières disent recevoir des demandes d'accommodement pour motifs
religieux de la part des patients et des patientes. Selon la fédération, et je
cite : «…ce pourcentage élevé vient confirmer
notre prétention à l'effet que les demandes d'accommodement sont, contrairement
à ce que les gestionnaires peuvent dire, relativement nombreuses.»
Autres résultats du sondage : 35,8 % des demandes d'accommodement
pour motifs religieux sont référées à l'équipe de soins, très souvent aux
infirmières elles-mêmes, 32,7 % sont référées au supérieur immédiat et
25 % des demandes se règlent d'elles-mêmes.
Dans son mémoire devant la commission
Bouchard-Taylor, la FIQ avait présenté les résultats d'un autre sondage qui
démontrait que 15 % des infirmières recevaient des demandes
d'accommodement religieux sur une base hebdomadaire ou plus, 17 %
recevaient des demandes sur une base mensuelle, 32 % recevaient des
demandes à une fréquence annuelle, 18 % disaient que la demande
d'accommodement pouvait parfois ou souvent les empêcher de prodiguer des soins au moment opportun, et — écoutez bien la suite — 27 % des infirmières considéraient que
les demandes pouvaient parfois ou souvent mettre en péril la santé du
patient.
En
tout cas, pour les infirmières, le problème semble bien loin d'être illusoire.
C'est pour ça que je suis un petit peu
tanné de lire dans votre mémoire que le problème était illusoire. Je ne vois
pas comment le problème peut être illusoire pour les médecins puis pas
illusoire pour les infirmières, je n'arrive pas à concilier ça.
M. Dahine
(Joseph) : Bien, d'abord,
effectivement, là, nous ne sommes pas des infirmières, et ce n'est pas
notre sondage. Puis j'aimerais peut-être que vous précisiez, peut-être,
ultérieurement, là, de quelle façon ça a été mené, ce sondage-là.
Ceci étant
dit, je veux attirer votre attention sur deux groupes qui sont beaucoup plus
pertinents aux médecins. D'abord,
l'AQESSS, qui est notre employeur au niveau du Québec, qui, lui, dans ses
interventions à l'automne, précédant en
fait notre intervention publique, avait mentionné que, dans leurs sondages,
100 % des établissements n'avaient
pas reçu de plainte ou de problème, là, véhiculé dans leurs établissements. En
d'autres termes, il n'y a aucun établissement de santé au Québec, du
point de vue des employeurs, qui ont reçu ces plaintes-là.
Et je vous citerais aussi le document déposé par
le Collège des médecins du Québec, qui dit comme suit, là : «L'absence de
plaintes déposées à la Direction des enquêtes du collège à cet égard…» Et il
parle un petit peu, là, de dispositions, là,
qui assurent, là, à son médecin de ne pas discriminer lorsqu'il voit un
patient. Donc : «L'absence de plaintes déposées à la Direction des enquêtes du collège à cet égard nous semble
un bon indicateur pour croire que ces dispositions répondent aux besoins des médecins et aux attentes
de la population.» En d'autres termes, les dispositions déjà prévues
dans le Code de professions, là, en ce qui a
trait aux médecins, ont empêché jusqu'à présent qu'il y ait un problème entre
le médecin et le patient suite à une
conviction que le médecin pouvait avoir. Et l'AQESSS, qui est notre employeur,
nous, les médecins résidents, renchérit en disant : Bien, effectivement,
nous, on n'en a pas vu, des problèmes.
• (15 h 30) •
M.
Drainville : Regardez
bien, là, je vais vous citer le mémoire de la Fédération des médecins
spécialistes du Québec, qui écrivait, en 2008, lors de l'étude du projet
de loi n° 63 : «La forme de discrimination qui nous interpelle touche spécifiquement les hommes exerçant
certaines spécialités médicales. [...]ces manifestations discriminatoires
se rencontrent nommément en obstétrique, gynécologie. Elles prennent plusieurs
formes et sont devenues fréquentes dans certains établissements hospitaliers de
Montréal.»
«Lorsqu'un
médecin en service devient bien malgré lui victime d'agressions verbales, de
violences physiques, fait l'objet de
menaces répétées ou d'intimidation; lorsqu'il devient impossible pour un
médecin d'exercer son métier puisque sa seule présence provoque l'ire d'un mari; lorsque ce type de
manifestation risque de compromettre la santé et la sécurité d'une
patiente, du personnel et du médecin lui-même, il y a là matière à une sérieuse
réflexion.»
«Lorsque
l'expression répétée de ces manifestations discriminatoires à l'égard des
médecins de sexe masculin a pour
résultante de démotiver les équipes médicales en place, de créer des pressions
indues au niveau de la répartition des ressources,
qui sont rares, faut-il le rappeler; lorsque le climat de travail et la
déstructuration des équipes provoquent des situations où la qualité des soins peut être affectée; enfin, lorsqu'il
s'en suit une dévalorisation de la profession médicale chez les membres
masculins, le moment est venu de remettre les pendules à l'heure.»
Vous ne
pensez pas que ce type de témoignage, de constat démontre qu'il y a un problème
réel et pas imaginaire?
M. Dahine
(Joseph) : Je vous ai écouté
attentivement, M. le ministre, je n'ai pas vraiment entendu, ici, qu'il y avait
une question de symbole religieux ou quoi
que ce soit. Vous avez mentionné, je pense, des demandes d'accommodement
déraisonnable qui ont été faites de façon isolée dans certains établissements
du Québec, et à ce moment-là je pense qu'effectivement
on a un terrain d'entente. Parce que, dans notre mémoire, nous avons très bien
dit que nous étions d'accord avec le fait que certaines demandes
d'accommodement devaient être balisées au Québec pour éviter des situations
comme celles que vous venez de citer.
M. Drainville : Alors, vous
êtes d'accord avec les balises visant à encadrer les demandes d'accommodement
religieux?
M. Dahine
(Joseph) : Absolument. Parce qu'à
partir du moment où quelqu'un fait une demande d'accommodement qui est déraisonnable, bien, ce n'est plus un
accommodement raisonnable à ce moment-là, c'est une contrainte excessive
qui ne peut pas être exhaussée.
Ceci étant dit, et on le précise, peut-être que
le point n'est pas passé, là, c'est vraiment l'interdiction du port de symboles religieux qui fait en sorte que nous
sommes ici aujourd'hui devant vous, à la Commission des institutions,
pour vous parler du fait que, selon nous, il n'y a aucun lien entre un symbole
religieux porté par un professionnel de la santé et la qualité des soins qu'il
dispense aux patients.
M.
Drainville : Abordons
cet enjeu-là. Il y a une femme qui est venue témoigner et qui est venue nous
expliquer, une femme musulmane, une
Québécoise musulmane, qui est venue nous expliquer que, lors d'une consultation
avec un professionnel de la santé, on lui a demandé, on lui a posé des
questions sur son régime alimentaire, et notamment sur sa consommation occasionnelle d'alcool, elle n'avait pas un problème
d'alcool, mais on lui posait la question. Sauf que le professionnel de la santé qui lui posait la
question était accompagné d'une stagiaire qui portait le voile, et cette
femme-là, et je n'ai aucune raison de douter de sa sincérité, nous a dit :
Moi, de me faire poser une question sur ma consommation d'alcool en présence de quelqu'un qui porte le voile, ça m'a tellement
mise mal à l'aise que je n'ai pas répondu à la question.
On a eu
également le cas de Michelle Blanc, qui est une transgenre, qui est venue nous
donner l'exemple d'un jeune homosexuel rejeté de sa famille pour des
motifs religieux, qui demande conseil ou qui demande des soins ou de l'aide auprès d'un
professionnel de la santé et qui, voyant ce professionnel de la santé porté un
signe religieux, se sent profondément
mal à l'aise. En fait, ce qu'elle nous a dit, c'est que, «si je me retrouvais
comme ça, je me sentirais jugée». En d'autres mots, le port du signe
religieux, comment dire… le signe religieux envoie un code moral, transmet un
code moral, et, dans le cas, bien, de bien des religions, malheureusement, le
message qui est envoyé, c'est celui du rejet notamment pour les homosexuels. Il
y a beaucoup d'homosexuels qui se sentent rejetés par les religions. Et donc Michelle Blanc nous donnait l'exemple, donc, de ce
cas-là, donc, d'un jeune homosexuel qui, ayant été rejeté pour des raisons religieuses, se sent à nouveau rejeté en présence du professionnel de la santé qui
doit s'en occuper parce que ce
professionnel de la santé porte un signe
religieux. Est-ce que vous pouvez comprendre ce malaise et, je vous dirais,
ce bris de confiance qu'il peut y avoir entre un patient et un professionnel de
la santé, un médecin nommément, parce que ce médecin porte un signe religieux?
M. Dahine
(Joseph) : Il y a trois points à
faire sur cette question-là, et le premier, c'est qu'effectivement, là,
non seulement on comprend cette situation-là qui est, on ose l'espérer, et
c'est ce qu'on constate, anecdotique, mais il faut…
on souligne, on tient aussi à souligner, là, que le droit que le patient a de
choisir son médecin est un droit qui lui est déjà garanti, et ce droit-là est important. Ceci étant dit, le droit de
choisir son médecin — parce
que la relation de confiance est importante — n'est pas synonyme
d'une discrimination systématique parce que quelqu'un appartient à un groupe religieux et que, dans ce groupe religieux là, qui
plus est, il y a une démonstration, là, il y a un port de symbole
religieux qui fait qu'il est distingué. En d'autres termes, c'est vraiment
juste le fait qu'il soit affiché qui fait en sorte qu'il est ciblé. Mais, ceci étant dit, je pense que le plus gros
problème, là, c'est de discriminer basé simplement sur l'appartenance.
Donc, ça, c'est le premier point, là :
le patient a toujours le droit, sauf dans des situations d'urgence, où, là, ça
devient une question d'accommodement raisonnable, puis on s'était déjà
entendus sur la question.
La deuxième chose, c'est que ce que vous
décrivez, qui est anecdotique…
M. Drainville : Comment
savez-vous que c'est anecdotique, M. Dahine?
M. Dahine
(Joseph) : Bien, c'est isolé,
dans le sens où ça ne nous est pas arrivé, à nous, au Collège des
médecins du Québec. Ça ne nous est pas
arrivé non plus à l'AQESSS. Et puis, bon, en fait, c'est des histoires, là, qui
sont importantes, là, on tient à le
mentionner, là, que vous avez ici entendues, en commission parlementaire, mais
je ne pense pas qu'on fait des lois sur des cas isolés, là,
effectivement.
M. Drainville : Bien…
M. Dahine (Joseph) : Bien, je vais juste
continuer certains autres…
M. Drainville : …je pense que
c'est le principe qui est en cause ici, M. Dahine, là.
M. Dahine (Joseph) : Non, mais je suis
d'accord…
M.
Drainville : C'est le
principe. Vous nous parlez du droit des médecins. Moi, je vous dis que les
patients et les patientes ont également des droits.
M. Dahine (Joseph) : Et on était d'accord
là-dessus, M. le ministre. Par contre, je pense que ça souligne certainement… bien, ces histoires-là, là,
soulignent… Je pense qu'il y a vraiment un travail d'éducation à faire
auprès des citoyens du Québec et auprès
aussi des gens qui appartiennent à ces groupes religieux là, qui font de
l'expression d'un symbole religieux, là, une composante de leur foi,
afin de justement les sensibiliser à ces situations-là. Est-ce que c'est
problématique? Il y a déjà un code de déontologie qui régit, là, ces
interactions-là. Maintenant, tout ce qui est «under»,
tout ce qui est supposé, là, ou soupesé par ces interactions-là, ça, c'est une
question d'éducation. Puis c'est difficile à faire, là, de l'éducation, beaucoup plus que d'adopter des mesures
«coercives», mais je pense que c'est nécessaire si au Québec on fait le
constat, en 2014, qu'on crée des sentiments malsains parce qu'un individu fait
partie d'un groupe religieux, là.
• (15 h 40) •
M. Drainville : Oui, là, M. Dahine, vous faites
beaucoup, beaucoup d'affirmations. Vous faites beaucoup d'affirmations.
Je ne suis pas sûr que j'aie le goût de débattre avec vous de ça, là, je vais
passer là-dessus, là.
Je vais vous citer le British Medical Association,
un extrait, en fait, de son site Internet. British Medical Association, ce n'est pas mal, hein, ça, comme
référence, je pense, on s'entend là-dessus, là. Alors, ça se retrouve dans
la section éthique de leur site Web, et le
British Medical Association dit ceci : «Some doctors may seek to manifest
religious or cultural beliefs or views trough the wearing of clothes that may
not have any direct health and safety implications but may nonetheless have an impact on the therapeutic relationship. Concerns
have been expressed about the impact on the development of trust between
doctors and patients, where, for example, women doctors choose to wear the
niqab or burqa during consultations.»
«It is important that patients
feel able to build relationship of trust and communicate freely with their
doctors.
«Some patients, for example,
may find that a face veil worn by their doctor presents an obstacle to
effective communication and the development
of trust. You must be prepared to respond to a patient's individual needs and
take steps to anticipate and overcome any perceived barrier to communication.
«In some situations, this may require you to set aside your
personal and cultural preferences in order to provide effective patient care.» Alors, visiblement, pour le British Medical
Association, le port du signe religieux peut parfois poser un problème
au niveau de la relation de confiance qui doit s'établir entre le médecin et
son patient.
Et tout ce
que nous disons dans le projet de loi, c'est que le patient, la patiente a des
droits, elle a droit à une relation de
confiance, et la conviction personnelle, la conviction religieuse du médecin ne
doit pas interférer avec le service médical qu'il donne et pour lequel il, elle, est payé à même les fonds publics,
dans l'essentiel des cas. Et donc ce que l'on dit, c'est que, pendant les heures de travail, le médecin a
une responsabilité de garder pour lui, de garder pour elle ses
convictions religieuses. Je ne vois pas ce
qu'il y a de déraisonnable à demander à un médecin, qui est au service du
public, qui est payé par les fonds
publics pour l'essentiel, de mettre de côté pendant ses heures de travail ses
convictions personnelles pour assurer l'intégrité du lien de confiance
avec les patients qui s'adressent à lui. Je ne le vois pas, le problème.
M. Dahine (Joseph) : Mais, vous savez,
maintenir ce lien thérapeutique là entre le médecin puis le patient, là, c'est ça, notre job. Puis le fait que la
société, le gouvernement nous fait confiance, c'est ça qui a fait que vous
nous avez accordé le privilège d'autorégulation en médecine. Et le code de
déontologie, là…
Le
Président (M. Ferland) : Malheureusement, je dois arrêter parce
que, le temps imparti au ministre étant écoulé, je dois aller du côté de l'opposition officielle. Alors, je reconnais le
député de LaFontaine pour un bloc de 17 minutes. M. le député.
M. Tanguay : Merci beaucoup,
M. le Président. Alors, bonjour à vous cinq, merci beaucoup pour le temps que vous avez pris à rédiger le mémoire et, aujourd'hui,
à venir répondre à nos questions. Nous n'avons que 17 minutes, et
je sais que mes autres collègues auront des questions pour vous, je vais y
aller rapidement.
Vous avez vu
comme… Sur cet aspect, l'article 5... Vous êtes d'accord avec des balises
pour que les accommodements soient
raisonnables, mais, sur cet aspect-là, les 270 heures et plus de la
commission vont porter, à 95 % et plus, sur cet article 5 et les pendants de
l'article 5, l'article 18, etc., l'interdiction mur à mur de port de
signes religieux ostentatoires dans
le secteur public, parapublic et les entreprises qui feraient affaire avec
l'État ou qui seraient subventionnées. Vous avez vu l'attitude du ministre, qui prend difficilement toute critique à
ce fameux article 5 là. C'est compréhensible, parce qu'il ne
bougera pas là-dessus, ça a été annoncé.
Gérard
Bouchard a écrit, le 10 janvier, un article intitulé La démagogie au
pouvoir. Fin de la citation. Et on vient d'entendre le ministre
citer un article et plaider, après avoir cité cet article-là, qu'il était
bien-fondé d'interdire mur à mur les signes religieux. Et, dans l'article,
quand on comprend et, là, qu'on le lit bien… D'ailleurs, M. le Président,
est-ce qu'on peut demander au ministre de déposer l'article?
Le Président (M. Ferland) :
Vous faites référence à…
M. Tanguay : À l'article
qu'il vient de citer.
Le Président (M. Ferland) :
Ah! O.K., en anglais.
M. Tanguay : Oui.
M. Drainville : Sur le
British Medical Association?
M. Tanguay : Oui. Avez-vous
un problème avec ça?
M.
Drainville : Vous
avez juste… Bien, vous pouvez aller sur le site Internet du British Medical
Association.
M. Tanguay : Vous avez un
problème à déposer l'article? Alors, on le trouvera nous-mêmes.
M. Drainville : Bien, oui.
M. Tanguay :
Alors, il a cité les deux exemples burqa et niqab, visage couvert. Votre
position est très claire : visage
découvert. Et il tire de cet article-là… les deux exemples burqa et niqab,
visage couvert, il en tire un argument pour justifier sa position.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
Ce n'est pas
un exemple. On est tous d'accord là-dessus, visage découvert. Et, quand son
article — qu'il ne
veut pas nous donner copie puis qu'on va le trouver malgré lui, qu'il ne
s'inquiète pas — il
plaide en disant le bien-fondé de sa position, wow! c'est notre…
Le Président (M. Ferland) :
Écoutez…
M. Tanguay : J'aimerais vous
entendre là-dessus, sur burqa et niqab, s'il vous plaît.
Le
Président (M. Ferland) : …M. le député, avant de vous céder la
parole, je vais faire un rappel. Dans les règles de la commission, peu
importe le parlementaire, que ce soit le ministre ou un membre de la commission,
qui fait référence à un article, un document, le dépôt de
ce document-là lui appartient, alors surtout quand il est annoté, ou peu importe. Donc, on ne peut pas présumer que le
ministre a refusé ou accepté. Donc, là-dessus, je vous cède la parole.
M. Tanguay : A-t-il accepté,
M. le Président?
Le Président (M. Ferland) :
Non, non. Écoutez…
M.
Drainville : …un
rappel au règlement. Écoutez, ça va me faire plaisir, là, je ne voudrais pas
que le député de LaFontaine… Si ça
peut le satisfaire, là, puis le mettre de bonne humeur pour le reste de
l'après-midi, moi, je n'ai pas de problème à le déposer, M. le
Président.
Document déposé
Le
Président (M. Ferland) : Donc, vous acceptez de déposer le
document. Donc, il y aura des copies de faites aux membres de la
commission. Alors, je vous…
M. Tanguay : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Ferland) :
La question était posée. Allez-y.
M. Tanguay : Alors, je veux
laisser la parole évidemment à ceux qui sont devant nous, qui représentent 3 600 médecins. Comment vous recevez ça,
vous, cet argument-là, en disant : Bien, voyez-vous, tel article de
journal nous dit que burqa, niqab, ce
n'est pas acceptable, donc notre projet de loi, le p.l. n° 60, il est
acceptable, selon le ministre? Qu'est-ce
que ça vous dit, vous, comme argument,
quand vous avez, d'ores et déjà, burka, niqab, mis ça de côté, vous?
Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Dahine
(Joseph) : Bien là, je vous
entends parler, puis on est peut-être prêts à concéder au ministre qu'en salle d'opération on peut porter un masque et se cacher
le visage, là. Mais autrement, effectivement, vous l'avez bien
mentionné, notre position est très, très claire : les services doivent
être rendus à visage découvert. Et ça, ce n'est même pas une question du
caractère religieux du vêtement, mais c'est vraiment une question d'empêcher
une communication, ou l'alliance thérapeutique, comme vous l'avez mentionné, M.
le ministre, entre le patient et le médecin.
Puis, en
fait, nous, la seule raison pour laquelle on est là, là, il faut nous voir
comme un groupe d'experts pour vous
expliquer un petit peu les conséquences potentielles, là, d'adopter ce projet
de loi, là. Puis d'ailleurs, effectivement, quand vous avez mentionné un petit peu les arguments du ministre et du
gouvernement, nous, on est encore à se poser la question : Mais,
exactement, quelles sont les craintes du gouvernement, là? Parce qu'on est à la
limite du sophisme, là : il y a
certaines mauvaises personnes qui portent des symboles religieux, donc tous les
symboles religieux sont mauvais. Et
ça, on a de la difficulté à comprendre puis on aimerait ça se faire expliquer
exactement, là, de quoi on a peur. Et, si c'est simplement de brimer l'alliance thérapeutique entre le patient et le
médecin, là, bien, faites-nous confiance, on s'en occupe. C'est notre job, c'est pour ça qu'on est payés,
c'est pour ça que vous nous faites confiance. C'est pour ça qu'on est médecins.
Puis
comprenons bien, là, l'équilibre… Dans toute décision, là, il y a un équilibre
entre les méfaits et les bienfaits, là.
On a compris une partie des bienfaits, là, c'est-à-dire de préserver cette alliance
thérapeutique là, mais ça, on vous le dit,
c'est déjà garanti dans le code de déontologie. Donc, il reste un peu les
méfaits, là, à tenir dans la balance, puis ça, c'est important. Au point
de vue médical, là, c'est d'empêcher un certain groupe de citoyens d'accéder à
l'éducation et à la pratique en médecine.
On a souvent
mentionné, là, comme argument, là, que c'était important de maintenir l'égalité
entre l'homme et la femme. Mais, si jamais il y a une femme, là, dans la
société québécoise, là, qui se sent soumise, ou emprisonnée, ou encarcanée de par son état familial, mais
croyez-moi que, d'accéder à des études en médecine, là, puis de devenir
médecin, là, s'il y a une chose dans la
société québécoise qu'on peut accomplir pour s'épanouir, c'est bien ça. Non
seulement vous avez accès à un statut
social, à une étude supérieure, mais en plus vous pratiquez, selon le Code
civil du Québec, sous votre propre
nom, et je pense que ça, symboliquement, c'est déjà une grande force. Puis il
faut comprendre que, si on adoptait le projet de loi comme tel, là,
avec l'interdiction du port de symboles religieux, là, on empêcherait ces
personnes-là, potentiellement, d'accéder à ces programmes de formation là, ce
qui est lamentable.
Le Président (M. Ferland) : M.
le député.
M. Tanguay : Vous soulignez bien, effectivement, un autre argument, et ça nous amène vers un autre argument qui
est soulevé pour les partisans de la charte du Parti québécois, c'est de
comparer la neutralité politique à la neutralité religieuse. On dit : Un fonctionnaire ne peut pas avoir un macaron
du Parti québécois, donc un fonctionnaire qui serait de
confession juive ne pourrait pas avoir la kippa. C'est aussi simple que ça. Or,
l'on sait que la politique n'est pas une religion
et l'inverse également. Un macaron du PQ n'est pas comparable à la kippa
juive ou à la croix, par exemple. Alors, en ce sens-là, cet argument-là ne
tient aucunement la route.
Vous faites
référence également à, en matière d'intégration, faire en sorte
qu'une personne, un homme ou une femme,
sur une base individuelle, s'épanouisse dans la société par l'apport économique
qu'elle a pour elle-même, d'abord, cette personne, mais également la
participation active à la société, qui fait en sorte qu'effectivement on ne
devrait pas discriminer
à l'embauche ou lors de l'emploi en disant : Vous allez retirer — comme
on vous demanderait de retirer votre macaron du PQ — votre
croix catholique, sinon vous perdez votre emploi.
J'aimerais
vous entendre quant à l'analyse, donc, que vous avez faite de
l'article 14, qui dit, à des mots à peine couverts, mais vous
savez, pour être un syndicat, ce que ça veut dire : L'imposition de toute
mesure disciplinaire, ça peut aller, même s'il
y a une phase de dialogue, au congédiement. Et vous l'avez dit très clairement — j'aimerais
vous entendre là-dessus — l'obligation pour les syndicats de défendre leurs membres et, je vous dirais même, a
fortiori sur un élément qui serait, à
la base et dans son essence même, discriminatoire, discrimination basée sur la
religion. J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
• (15 h 50) •.
M. Dahine
(Joseph) : Bien, je pense que
vous l'avez mentionné, là, M. le
député, là. Effectivement, je pense que de placer les employeurs envers des professionnels
de la santé dans une telle situation serait injuste puis ne serait pas conséquent avec l'attitude d'ouverture qu'on a eue
au Québec jusqu'à présent. Je pense qu'il faut être extrêmement fier de la société qu'on a
réussi à établir, puis je donne comme exemple, là, l'Hôpital général juif à Montréal.
Vous savez, bon, il y a une dénomination, là, c'est sûr, à caractère religieux à
ce niveau-là, mais, je veux dire, il y a des chrétiens qui travaillent là, il y a des musulmans qui
travaillent là, il y a des hindouistes, des bouddhistes. Puis tous ces
gens-là travaillent avec une harmonie
et une cohésion fantastiques dans un seul but : le bienfait du patient qui
est devant eux. Et on est capable de
créer ça, au Québec, et je pense que
c'est un exemple dont il faut être fier. Et, à la place de chercher des
problèmes, il faut peut-être faire le
constat que, bien, peut-être qu'on ne devrait pas avoir peur de ce qui se passe
ailleurs dans le monde, parce qu'ici,
au Québec, ça marche. Et qu'est-ce qui fait que ça marche? Bien, trouvons ces
éléments-là et utilisons-les pour bâtir, là, plutôt que d'essayer de
démolir l'équilibre, là, qu'on a atteint, qui est extrêmement constructif, là.
M. Tanguay : J'aimerais vous
entendre sur un élément important de votre pratique, qui est la relation professionnelle que vous — vous représentez les professionnels de la
santé — vous
devez installer dès le départ et maintenir par la suite et qui veut dire évidemment le bien-être du patient, avoir
le meilleur diagnostic, faire en sorte que les meilleurs soins soient
prodigués. Donc, j'aimerais vous entendre sur déjà ce qui est en place sans
interdiction mur à mur de port de signes
religieux, basé sur votre code de déontologie, sur l'approche que vous apprenez
après ces nombreuses années, là, sur
les bancs d'école universitaires notamment, de cette relation de confiance et
des meilleurs soins professionnels, ce qui
fait en sorte que, notamment, le prosélytisme, tenter d'avoir une… de faire de
nouveaux adeptes dans le cadre de ses fonctions,
c'est déjà un élément qui est interdit, et le port de signes religieux, dans ce
contexte-là, n'est pas une réponse, est une fausse réponse à un faux
problème, parce qu'en place il y a déjà cette préoccupation-là, cette
obligation-là, ce suivi-là. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Dahine
(Joseph) : Bien, j'aimerais poser
une question aux gens ici, là : Est-ce
qu'il y a déjà certains
d'entre vous qui avez déjà été patients, là,
dans un hôpital? Mais c'est une situation vulnérable, là, on
se sent donc bien vulnérable! Et je pense qu'on est conscients, nous,
comme médecins, de ça. Quand vous demandez c'est quoi, notre éducation, bien, c'est
ça, c'est apprendre à faire état, là,
de la situation extrêmement fragile et du lien de confiance extrêmement fragile entre le médecin et le patient qui accepte de se dévêtir, de perdre
toute... bien, en fait, tout symbole, là, de statut social, mais de le maintenir dans la dignité, de prendre un
malade, puis de le rendre mieux, et puis de le faire en étant un petit peu
humble face à, évidemment, là, ce lien-là
privilégié qui s'établit et la
confiance dont les patients font face à nous, mais aussi, ensuite,
d'être capables, là, de les faire grandir.
Puis, vous
avez mentionné un petit peu qu'il y
a des fausses questions, des faux problèmes et des fausses solutions, puis c'est vrai, là. Je pense que les gens, là,
justement, les patients dans l'hôpital, là, qui se sentent vulnérables, eux
autres, je pense qu'ils veulent un petit peu
qu'on commence à discuter à... Les questions qu'eux, ils ont, là, c'est :
Je vais-tu mourir demain? Mes reins,
y vont-u lâcher? Je vais-tu avoir à avoir de la chimiothérapie? Puis effectivement, là, je pense que, toutes considérations
confondues, là, le fait que son médecin ait ou non un symbole religieux, c'est probablement
une préoccupation beaucoup plus moindre, là, que la raison pour laquelle il est
à l'hôpital.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci. Maintenant, je cède la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci. Merci
beaucoup pour votre présentation. Évidemment, votre point de vue fait écho à à peu près
toutes les grandes institutions qu'on a entendues et qu'on voit dans les
journaux, notamment les hôpitaux, les professionnels de la santé, dans le
monde universitaire aussi, dans le milieu des affaires, et j'aimerais vous...
J'ai deux questions. Moi, chaque fois que
j'entends le ministre parler d'un malaise, d'un malaise face à l'autre… — hein,
c'est un peu, si je résume... Évidemment, on a tous grandi dans des milieux... Je
veux dire, avec la diversité, on peut avoir des malaises par rapport à l'autre. Parfois, on appelle ça des préjugés. Et
vous semblez être très, très conscients du droit et de la protection des droits fondamentaux. Parce que
cette même situation, lorsque les pays en Europe ont prôné justement des
lois de laïcité, parlait beaucoup de ce droit négatif de ne pas faire face à
l'autre, et donc des personnes comme… Louise
Arbour, très sensible à ça, dit : Il faut contrer ces notions-là. Et vous
avez parlé d'éducation. Est-ce que vous,
vous sentez vraiment, dans le réseau de la santé, que beaucoup de gens ont un
malaise face à l'autre, surtout celui qui prodigue les soins, l'infirmière, le médecin, parce qu'il porte un signe
religieux ou autre, basé sur... et, des fois, ça peut être autre chose
que ça, mais, sur un signe religieux, est-ce que vous avez une expérience de
ça?
M. Dahine (Joseph) : Non. Et j'ai
commenté d'ailleurs, plus tôt, que ce sont probablement des cas isolés. Ceci
étant dit, le fait que ces exemples-là soient peu nombreux n'enlève pas
nécessairement l'importance d'en parler, et ça, c'est important. Par contre… Vous me faites
penser, là, un peu plus tôt, le ministre Drainville, un peu, ce qu'il laissait
entendre, là, c'est qu'on pourrait
discriminer si ça touche justement peu de personnes. Mais nous, effectivement, comme vous l'avez dit, on
pense que c'est un argument dangereux. Puis plus tôt il nous a un peu qualifiés
de corporatistes, mais justement je pense qu'on ne l'est pas, parce
qu'on est là pour défendre justement ces minorités-là. Donc, je pense qu'effectivement
on se rejoint sur ce discours-là, effectivement.
Mme Weil : Merci.
M. Dahine (Joseph) : Je vous en prie.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, je reconnais la députée de Bourassa-Sauvé pour un temps d'à peu près
quatre minutes.
Mme de Santis : Merci,
M. le Président. Merci pour votre
présentation. Je trouve votre présentation très cohérente et je me sens très encouragée par tout
l'enthousiasme que vous avez pour la société québécoise, qui rejoint mon
opinion de la société québécoise.
Quand je
regarde le projet de loi et je regarde l'article 5 et l'article 12, il y a là quelque
chose que je ne comprends pas. Maintenant, l'article 12 dit qu'un médecin ou un pharmacien peut refuser
de fournir des services professionnels pour des raisons de croyances, O.K., et donc il peut… Et je suis d'accord
avec ça, ça fait partie déjà de la situation qu'on a au Québec. Mais ce même
médecin ou ce même pharmacien qui peut refuser de me fournir, à moi,
un service professionnel ne peut pas porter de kippa. Est-ce que vous
trouvez ça cohérent?
M. Dahine
(Joseph) : Mais, en fait, en d'autres
termes, ce que vous êtes en train de dire, c'est que le port d'un symbole religieux n'égale pas nécessairement la conviction religieuse, là. Et j'irais plus loin en disant que
d'empêcher le port de symboles religieux n'enlève en rien les convictions religieuses
de l'individu. Et donc c'est pour ça que je pense que d'adopter des mesures
«coercives» comme dans le projet de loi, bien, ça ne réglerait pas le problème,
s'il y en a un. Parce qu'on l'a mentionné qu'il n'y en avait pas, là,
selon nous, mais, si jamais il y
avait à avoir ce problème-là,
bien, ce n'est pas d'instaurer des mesures «coercives» qui le réglerait, mais
ça serait effectivement l'éducation.
En plus
d'avoir un «safe proof», comme on appelle, c'est-à-dire le Code de
déontologie des médecins, qui fait en sorte
qu'on est scrutés tout le temps par nos collègues, par nos patients, par nos
supérieurs, tu sais, les infirmières, les
physiothérapeutes, tout le réseau de la santé du Québec regarde le médecin puis
s'assure de son professionnalisme envers
le patient. Et, la seconde qu'un médecin fait défaut de son devoir
d'impartialité, bien, cette personne-là reçoit un signalement, le CMQ
fait enquête, et puis il aura à sévir s'il y a lieu.
Mme de Santis :
Tantôt, quand le ministre citait la situation où il y avait une discrimination
des patients vis-à-vis les médecins, parce qu'il nous a cité ça tout à
l'heure, l'article 5, la prohibition de signes religieux par le médecin, qu'est-ce que ça a à voir avec ça? Parce
qu'il cite la situation, aujourd'hui, où des patients sont
discriminatoires vis-à-vis les médecins.
M. Dahine
(Joseph) : Bien, je donne un
exemple. Dans certaines religions, là, il y a une conviction très, très,
très profonde, là, que quelqu'un ne pourrait pas toucher un membre du sexe
opposé, par exemple. On s'entend que, dans une
situation médecin-patient, là, un médecin qui serait convaincu de ça puis qui,
justement, n'accepterait pas, là, d'aller toucher un… bien, ça serait incompatible avec son travail. Ceci étant
dit, le projet de loi dit : Bien, si tu enlèves ton symbole religieux, tu es correct, tu peux pratiquer la
médecine, puis il n'y aura pas de problème, alors que ça va au-delà de ça,
là, c'est vraiment les croyances puis certaines propriétés ou particularités de
certaines religions, là.
Mme de Santis :
Je suis d'accord avec vous, mais tout à l'heure les exemples qui nous ont été
donnés par le ministre étaient où le patient
faisait de la discrimination vis-à-vis le médecin, O.K., et, le médecin, dans
cette situation-là, on ne sait pas si ce médecin-là portait un voile, pas de
voile, kippa, pas de kippa.
Maintenant, vous représentez 3 600,
3 500 résidents. Parmi ces résidents, il y a possiblement des personnes qu'on essaie d'attirer d'ailleurs,
d'autres grands centres. Quel est le nombre de résidents qui viennent de
l'extérieur, qu'on veut attirer à cause de la qualité de ce qu'ils ont à offrir
au Québec?
M. Dahine (Joseph) : À peu près 400, puis
ils proviennent de plusieurs endroits dans le monde.
Le Président (M. Ferland) :
Il faut aller, monsieur…
M. Dahine (Joseph) : Oui?
Le
Président (M. Ferland) : Le temps étant écoulé,
malheureusement… J'ai un travail ingrat. Alors, je cède la parole à la
députée de Montarville pour un temps de 4 min 23 s — c'est
pour dire merci… Allez-y.
• (16 heures) •
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président, trop généreux.
Madame, messieurs, merci, merci pour votre mémoire. J'ai très peu de temps, d'entrée de jeu je voudrais vous
dire : De un, merci, mais, de deux — que vous compreniez bien notre position — nous sommes pour
l'interdiction de port de signes religieux chez les fonctionnaires en position
d'autorité coercitive, également les enseignants du primaire et du secondaire.
Cependant, c'est très important pour nous :
nous ne sommes pas pour l'interdiction de port de signes religieux dans tout ce
qui est le réseau de la santé. Alors, on pense comme vous à cet égard.
J'aimerais
que vous me disiez, si on pouvait poursuivre dans la lignée de ma collègue de
la première opposition… À la fin,
dans votre conclusion, vous dites que l'interdiction du port de signes
religieux «aurait pour effet de limiter l'accès, au Québec, à une formation en médecine à certains groupes de citoyens»,
etc. Avez-vous une idée, par exemple, du nombre ou du volume de ces cerveaux dont on risquerait peut-être de se passer,
parce qu'ils ne voudraient pas venir ici,
et même peut-être, même, de la perte de cerveaux? On a vu qu'il y avait une
campagne de publicité très agressive du côté de l'Ontario pour recruter nos gens en médecine. Qu'est-ce que vous
en pensez? Pouvez-vous élaborer là-dessus? Est-ce que c'est une crainte
pour vous? Pensez-vous, peut-être, qu'il pourrait y avoir des pertes d'emploi?
M. Dahine
(Joseph) : Oui. Elles sont
difficiles à quantifier, mais je reviendrais peut-être à ce que je disais
tout à l'heure, là : On a à peu près
400 médecins résidents qui proviennent de l'extérieur du Québec. Ils
proviennent des pays du Golfe,
Afrique, pays du Maghreb, l'Amérique du Sud, peu importe, mais tous ces gens-là
viennent ici, au Québec, parce qu'on
a un rayonnement universitaire incroyable au niveau international. Allez vous
promener à l'Institut de cardiologie de Montréal, allez vous promener dans les couloirs du CHUM, vous allez voir
que leur campagne de publicité dit : Bien, on est capables de recruter d'ailleurs, puis… Et,
justement, je pense qu'effectivement, si jamais ce projet de loi passait
comme tel, avec l'interdiction de port de
symboles religieux, bien, tous ces gens-là, probablement, soit ils quitteraient
ou, certainement, on ne serait plus
capables d'en recruter. Et là, à ce moment-là, on perdrait sur la réputation
qui a été difficile à bâtir ici, au Québec, mais dont il faut être fier,
de notre instruction, ici, en santé et en médecine.
Mme Roy
(Montarville) : C'est une crainte que je partage avec vous,
là. Maintenant, dans le pratico-pratique, en tant que médecin, vous
arrive-t-il, est-il déjà arrivé, avez-vous déjà entendu parler d'un homme qui,
pour des raisons religieuses, refuserait de
se faire traiter par une femme médecin et, l'inverse, d'une femme qui, pour des
raisons religieuses, refuserait de se faire traiter par un homme
médecin? Est-ce que c'est courant? Est-ce que vous voyez ça et comment est-ce
que vous traitez ces cas-là?
M. Dahine
(Joseph) : Je pense qu'ils… Ces
situations-là ne sont pas courantes. Par contre, elles ont été
rapportées dans les médias, et, on le sait,
là, certaines religions en font un élément important. Ceci étant dit, je pense
que c'est… On revient un peu au droit au patient de choisir son médecin.
À la limite, il est défendable dans plusieurs circonstances. Par contre, on se rend compte qu'ici, dans le
système de santé au Québec, on n'a pas toujours le luxe d'avoir
plusieurs médecins. Il y a plusieurs villes
ou villages, là, qui en ont juste un dans leur hôpital. Il y a plusieurs
spécialités à l'intérieur desquelles il y a seulement un seul médecin
qui est de garde et il faut comprendre que, si quelqu'un est malade, tu sais, on essaie de l'accommoder jusqu'à un certain
point. C'est un peu la base de notre code de déontologie puis la
question sur notre éducation, là, qui nous mène à devenir, justement, médecins
en pratique.
Mais, ceci étant dit, il y a des situations où
ce n'est juste pas possible et, à ce moment-là, c'est une demande d'accommodement raisonnable qui devient
déraisonnable, une contrainte excessive, mais, à ce moment-là, on est
d'accord avec le projet de loi, qu'elles ont à être balisées, et il faut que ce
soit clair que, pour le patient qui rentre à l'hôpital, qui fait une telle
demande, bien, non, nous, comme société québécoise, on ne peut pas tout le
temps y acquiescer.
Mme Roy
(Montarville) :
Je vous remercie. C'est infiniment clair. Merci à vous, messieurs.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la députée.
Maintenant, je reconnais le député de Blainville pour le même temps que
votre collègue de Montarville. Allez-y, M. le député.
M. Ratthé :
Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. Écoutez, moi, je vais plus
revenir sur ce que vous avez mentionné, peut-être revenir sur certains
sujets qui ont été relevés par le ministre.
Vous nous avez dit tout à l'heure qu'il y avait
absence de plainte à la Direction des enquêtes, là — je vous paraphrase, ce
n'est peut-être pas exactement ce que vous avez dit — puis
je trouvais — je
vais vous faire quelques commentaires, je
vous laisserai réagir — que ça venait un peu confirmer ce que la FIQ disait. Parce que la
FIQ disait : Ça ne se rend pas
jusqu'à la direction, ça reste au niveau… on va dire, au niveau du plancher des
vaches, on peut dire. Ça reste à leur niveau. Vous vous justifiez en
disant : Bien, il y a une absence de plainte.
Vous nous
avez dit également : On a fait un sondage, il y a à peu près — corrigez-moi si je me trompe — 15 %
des membres qui portent des signes ostentatoires. Là-dessus, il y en a
25 % qui ne viendraient pas… en tout cas, se sentiraient touchés. Si on
prend les 3 600… Par contre, vous avez dit que ce n'étaient pas les
3 600 qui ont répondu, là. À
3 600, c'est 135 personnes. Mais vous avez dit, avec raison
d'ailleurs, que vous devez défendre les droits de chacun de vos membres.
À l'inverse, lorsqu'on vous parle des droits des usagers, vous êtes allé
dire — encore
là, je vous paraphrase — qu'on ne devrait pas faire de loi… Est-ce
qu'on fait une loi pour quelques cas anecdotiques? Alors là, je trouve qu'à quelque part il y a une contradiction.
Si vous êtes prêt à demander au ministre de retirer son article 5
pour moins d'une centaine de personnes qui seraient touchées par le projet de
loi, pourquoi est-ce que le projet de loi ne pourrait pas être en vigueur pour,
au moins, une centaine de personnes, au Québec, qui pourraient se sentir
lésées?
Je
continuerais en vous disant : Si j'attends 20 heures dans une urgence,
que je suis une femme voilée, que je me présente devant le médecin puis que j'ai, pour une raison quelconque… Je
vais reprendre l'exemple du ministre : je suis musulmane,
je ne porte pas le voile, j'ai une femme musulmane en avant de moi qui porte le
voile, puis on sait que l'ingestion d'alcool
ou la consommation d'alcool dans la religion musulmane est assez mal vue.
Croyez-vous vraiment que je vais
répondre franchement à une question après 20 heures d'attente dans
l'urgence si je ne suis pas tout à fait à l'aise?
Alors, tout
ça pour vous dire que j'ai l'impression, moi aussi, que le droit du patient
semble peu vous importer, vous semblez dire : Bien, c'est
anecdotique.
Et je veux
même ajouter une chose, et là c'est très personnel, je peux vous dire, je n'en
ai jamais parlé, j'en ai parlé avec
mon père en fin de semaine : Ma mère a été longtemps en convalescence à un
hôpital de convalescence juif à Laval, très bons traitements. Et, vous
avez raison, le projet de loi ne dit pas que parce que vous portez un signe ostentatoire, vous n'aurez pas de bons soins, là,
je ne pense pas que… Elle a eu de très bons traitements. Mais, je vais
vous dire une chose, il fallait apporter de
la nourriture en cachette pour qu'elle puisse la manger, parce que ce n'était
pas casher, et, si on le… si elle se
faisait prendre, elle se le faisait enlever. Et je vais aller encore plus
loin : il y avait deux salles à manger, une pour les aliments
cashers et une pour les patients qui ne mangeaient pas casher.
Alors, quand
vous nous dites : Ça n'existe pas, ça, ce n'est pas… des problèmes qu'on
ne voit pas, on n'en entend pas
parler, je dois vous dire que j'ai un malaise. Puis je vois certaines
contradictions dans ce que vous nous avez illustré comme exemples, en disant : Je dois défendre
le droit des minorités de mes syndiqués, mais le droit des minorités des
patients, ça, ce n'est pas très grave. Alors, je voudrais… Si j'ai mal compris,
corrigez-moi.
M. Dahine
(Joseph) : Mais j'apporterais
probablement davantage une nuance, là. Ce que vous avez décrit, ça
représente davantage des climats de travail plutôt qu'un problème entre un
individu puis un autre qui pourrait être résolu
simplement par le retrait du symbole religieux. Puis effectivement je pense que
c'est important qu'on précise, là, que, selon nous, il n'y a pas de lien
à faire entre ces deux problématiques-là, différentes, c'est-à-dire un climat
de travail qui peut être… bon, qui peut
peut-être nuire, là, au séjour d'un patient ou à sa perception de celle-ci et
la relation entre le médecin et le
patient qui, elle, bien, effectivement, là… C'est parce que la preuve est à
faire au point de vue du médecin, que
lui, il est capable d'avoir une bonne relation. Parce qu'il y a un code de
déontologie derrière lui. C'est pour ça que nous, on vient vous
présenter ça, parce qu'on ne veut pas… On veut ne rien enlever au droit des
patients, il existe déjà, et ça, il est
défendu, mais c'est vraiment déconstruire le mythe qu'un médecin, parce qu'il
porte un signe religieux, va juger son patient.
Il n'a pas le droit et, s'il le fait, il peut être dénoncé, poursuivi et même
perdre sa licence pendant un bout de temps. Donc, on vient juste
déconstruire ce mythe-là. Parce qu'effectivement, dans vos délibérations, ça
peut être important et il ne faut pas confondre les deux situations, là.
Même chose au
point de vue de ce que vous mentionnez un petit peu, là, au point de vue de la
FIQ. Bien, encore une fois, là, ce n'est pas vraiment des exemples…
Le Président (M. Ferland) :
Malheureusement, je dois arrêter la… c'est le temps qui est imparti pour votre présentation et les échanges avec les
parlementaires. Je vous remercie du temps que vous avez pris pour présenter
votre mémoire et de vous être déplacés pour le présenter, bien sûr.
Alors, je
vais suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants de la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de prendre place.
Alors, on suspend quelques moments.
(Suspension de la séance à 16 h 8)
(Reprise à 16 h 11)
Le Président (M. Ferland) :
Alors, la commission reprend ses travaux. Nous recevons maintenant les porte-parole
pour la Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec, alors en
vous mentionnant que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre mémoire, suivie d'un échange avec
les parlementaires. Je vais vous demander de vous présenter
ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Alors, la parole est à vous.
Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
M. Boyer
(Daniel) : Alors, merci
bien. Daniel Boyer, je suis le président de la FTQ. Je suis accompagné
d'Atïm León, qui est le conseiller au Service de la recherche à la FTQ, et
Claude Maltais, qui est le conseiller régional de la FTQ dans la région de
Québec—Chaudière-Appalaches.
On vous remercie de nous permettre de s'adresser à vous concernant cet
important projet de loi.
Je ne vous
apprendrai rien en vous disant que la Fédération
des travailleurs, travailleuses du Québec rassemble plus de 600 000 travailleurs, travailleuses provenant de tous les coins du Québec et oeuvrant dans tous les secteurs d'activité
de notre économie. Elle regroupe près de
40 syndicats affiliés composés d'une grande diversité de corps de métier
et de milieux de travail, allant du milieu artistique à celui de la
finance, en passant par ceux de la santé, de l'éducation, de la fabrication, de la construction, et on pourrait
en ajouter. Cette grande diversité fait de la FTQ un acteur public
important et qui doit s'intéresser à tous les débats de société, et c'est également
un facteur qui explique notre grand pragmatisme face à ces débats. Permettez-moi alors de vous demander, à vous, les représentants des partis politiques, d'être animés de ce même pragmatisme dans
ce débat beaucoup trop émotif autour de la laïcité au Québec.
Je
me permets donc de vous soumettre deux constats en guise d'introduction. D'abord
et malgré son importance, le principe de laïcité n'est pas encore vraiment
inscrit ni dans nos lois ni dans les grands textes constitutionnels qui nous gouvernent. C'est pourquoi
nous croyons que le projet de loi n° 60 est pertinent, parce qu'il peut, en partie,
être un moyen de combler cette
absence. Mais notre deuxième constat est que le débat de société actuel ne permet pas de conclure qu'un consensus
solide viendrait soutenir l'interdiction du port de signes religieux dans les
institutions publiques, tel que prescrit à
l'article n° 5 de ce projet de loi. Nous ne sommes donc pas d'accord avec
ceux qui voudraient jeter le projet de loi n° 60 aux orties et nous
ne sommes pas non plus en accord avec ceux qui voudraient l'adopter sans
l'amender. Par conséquent, mon intervention d'aujourd'hui consistera à
inviter les partis politiques ici présents à faire le cheminement nécessaire
vers un compromis pour faire avancer le Québec. Voici donc pour quelles raisons
nous en sommes arrivés à cette conclusion.
La
première raison est que ce projet de
loi est historiquement pertinent, car
il vient combler un vide. Depuis sa fondation,
en 1957, la FTQ a suivi de près tous les débats sur la place de la religion au Québec
et nous en avons tiré la conviction
qu'il existe un débat à finir sur ce sujet. Cependant, nous avons constaté
qu'au cours de la décennie 2000 ce débat a été détourné dans son sens premier. Il a en effet
été assimilé à un débat sur l'intégration des personnes immigrantes. Et c'est précisément ce que nous avons dénoncé lors de notre participation à la commission Bouchard-Taylor. Le débat sur la place de la
religion dans notre société préexistait l'arrivée d'importants groupes de
personnes de confessions non chrétiennes, notamment musulmanes. Or, sans le
reconnaître de façon explicite, le rapport final de la commission Bouchard-Taylor avait donné raison à la FTQ en recommandant au gouvernement de produire un livre blanc sur la laïcité afin d'assurer la
tenue d'un débat public centré uniquement sur la place de la religion dans
notre société, un débat, donc, indépendant de celui sur l'intégration.
On
continue de penser qu'il est nécessaire depuis longtemps que notre société réponde
à une foule de questions sur l'aménagement concret de la laïcité québécoise
qui se posent quotidiennement dans les écoles, les hôpitaux
et les autres institutions publiques. C'est ce que nous avons dit aussi
devant cette même commission lors des audiences sur le défunt projet de
loi n° 94, et nous avions même invité le gouvernement à l'époque à faire
preuve de courage politique afin d'organiser un débat public structuré et documenté
sur la laïcité. Nous avions demandé un livre vert sur cet enjeu, car, je nous cite, «il serait malvenu de la part
du gouvernement d'imposer d'emblée son point de vue sur le débat». Comme vous voyez, on ne pourra nous reprocher de
ne pas être cohérents.
La trame historique
de ce débat québécois est assez claire. Et, de notre point de vue, il est grand
temps que l'Assemblée nationale adopte un cadre général de nature plutôt
politique que juridique. Car, inévitablement, notre société doit répondre à la question suivante : De
quelles façons concrètes doit-on équilibrer le respect du droit des individus
à la liberté de religion et celui de la
neutralité ou de la laïcité des institutions publiques? Il faut reconnaître qu'encore
aucune réponse politique n'a été donnée à
cette question fondamentale. Au contraire, l'approche actuelle en matière de laïcité au Québec
n'est pas le produit d'un consensus politique soutenu par la population mais plutôt
celui d'une série d'interprétations jurisprudentielles.
Bien
que les principes de neutralité religieuse et de laïcité soient implicitement
présents dans la jurisprudence, ils ne figurent ni dans la Charte des
droits et libertés ni dans les textes constitutionnels de 1867 et 1982. Or, la
pratique des accommodements religieux qui
est en train de prendre racine dans notre société est née d'une interprétation
de la liberté de religion qui, à nos
yeux, n'est pas suffisamment appuyée sur une compréhension commune de ce
qu'est la laïcité au Québec.
Et c'est pour ça que
la FTQ partage l'objectif général du projet de loi n° 60 qui vise à
inscrire dans la loi les principes de
neutralité religieuse de l'État et de la laïcité des institutions publiques, ainsi qu'à encadrer la pratique des accommodements religieux, en particulier avec des…
en lien avec le respect d'une conception québécoise de l'égalité
entre les femmes et les hommes. On considère
qu'il y aurait une évolution positive du cadre juridique actuel si l'on
pouvait faire en sorte que les tribunaux accordent autant d'importance à ces
principes qu'à la liberté des individus.
Bref,
ce projet de loi n'est pas seulement historiquement pertinent, il
est également juridiquement nécessaire. C'est la deuxième raison pour
laquelle nous appuyons son adoption.
Le
nécessaire encadrement des accommodements religieux. En effet,
comme nous l'avons dit en 2007, lors de notre participation aux consultations de la commission Bouchard-Taylor, la FTQ estime nécessaire de mettre en place des balises claires sur la façon dont les accommodements religieux peuvent
être accordés. Il y a quelques
années, nous pensions que quelques directives administratives pourraient suffire,
mais il est devenu évident que, face aux tenants de la liberté
religieuse totale, une intervention dans ce domaine doit avoir force de loi
pour être efficace.
Permettez-moi
une petite anecdote à ce sujet. Les députés libéraux se souviendront peut-être
que leur gouvernement avait mis sur pied, entre 2009 et 2011, un comité
de travail au sein du ministère de l'Éducation pour la rédaction d'un guide de
référence sur l'accommodement raisonnable en milieu scolaire. Nous étions dans
le sillage du rapport Bouchard-Taylor, et le gouvernement voulait faire quelque
chose. Alors, il avait répondu à la demande des directions d'établissement qui disaient : Aidez-nous à répondre aux demandes d'accommodement
religieux, on ne sait plus quoi faire.
Comme d'autres représentants syndicaux, nous avions une place à ce comité et
nous avons constaté que le ministère y a mis fin lorsqu'il est devenu
évident que le cadre légal en vigueur ne lui permettait pas d'émettre des
directives claires. Par définition, les
demandes d'accommodement doivent être traitées au cas par cas et ne peuvent
d'emblée être acceptées ou rejetées à partir d'une grille d'analyse
unique. Laissez-moi vous dire que les directions d'établissement n'étaient pas
rassurées.
C'est
donc pour ça qu'à la FTQ on est favorables aux propositions contenues dans le
projet de loi n° 60 à l'égard de la
pratique des accommodements religieux. Nous voyons d'un bon oeil que ces
balises sont insérées à l'intérieur de la charte québécoise des droits et libertés. En plus de rappeler les
caractéristiques déjà connues des accommodements raisonnables en tant que pratiques juridiques, l'encadrement
légal proposé permet d'établir : un respect de l'égalité entre les
femmes et les hommes comme principe organisateur de notre société, même dans
les cas d'exception, comme le sont tous les accommodements raisonnables;
l'irrecevabilité d'une demande d'accommodement qui compromettrait la neutralité
religieuse et le caractère laïque des institutions publiques.
La FTQ approuve les cinq
directives énoncées à ce sujet parce qu'elles correspondent à la pratique habituelle en matière de relations de
travail, incluant le cinquième qui porte sur l'équité au regard des
conditions de travail des autres membres du
personnel, notamment en ce qui a trait au nombre de congés payés et à
l'établissement des horaires de travail.
La FTQ est également en accord avec
l'encadrement spécifique des demandes d'accommodement en milieu scolaire. Celui-ci obligerait les instances
chargées de l'examen d'une demande d'accommodement religieux à tenir
compte de la Loi sur l'instruction publique,
en particulier en ce qui concerne l'obligation de fréquentation scolaire, la mission de
l'école, le régime pédagogique, et le projet éducatif de l'établissement, et
l'égalité des chances, et l'aptitude à réussir le parcours scolaire.
Faire consensus
contre tous les intégrismes. Bien, la troisième raison qui nous amène à
soutenir ce projet de loi est que nous y voyons un signal envoyé à tous les
intégrismes religieux, un signal incomplet mais néanmoins clair et nécessaire.
Les débats qui ont eu lieu dans les
instances de la FTQ et de ses syndicats affiliés, notamment
en novembre 2013, lors de notre 30e congrès, ont permis de
mettre en évidence un consensus qui traverse la société québécoise, soit le
rejet pur et simple des intégrismes
religieux. Les intégrismes proposent une vision théocratique selon laquelle
Dieu gouverne la vie en société et utilisent la faiblesse du cadre légal
actuel pour demander l'accommodement de pratiques auxquelles la société
québécoise ne peut, en aucun cas, souscrire.
Le projet de
loi n° 60 offre une réponse claire en ce qui concerne l'usage du voile
intégral dans les services publics. Le
chapitre III du projet de loi établit que le service public doit être
livré et reçu à visage découvert. Il établit également qu'une demande
d'accommodement concernant cette pratique doit être refusée. La FTQ souscrit entièrement
à cette politique qui vise à garantir la normalité des
communications entre les individus, la sécurité et l'identification lors de
la livraison des services publics.
• (16 h 20) •
Le Président (M. Ferland) :
…presque écoulé. Peut-être…
M. Boyer
(Daniel) : Je vous laisse
sur un petit bout : Un projet de
loi qu'il faut amender. On pense que
c'est le bout important, puisqu'il traite du port des signes religieux
ostentatoires.
Par ailleurs, le consensus contre les intégristes est aussi clair que l'est
l'absence de consensus en ce qui concerne la proposition contenue dans l'article 5 de ce projet, soit l'interdiction de
port de signes religieux visibles par les employés des services publics.
C'est la raison pour laquelle la FTQ vous demande d'amender ce projet de loi.
Le projet de loi répond à une des questions les plus importantes en matière de laïcité,
soit celle de savoir si celle-ci a des conséquences sur les personnes
qui oeuvrent au sein des institutions publiques ou pas. Autrement dit,
faut-elle interpréter la laïcité comme une règle
s'appliquant uniquement aux pratiques
institutionnelles ou plutôt, tel que le laisse entendre ce projet, comme
une philosophie qui s'applique également aux comportements des personnes qui
oeuvrent dans ces institutions?
Je vous ai
parlé du congrès tantôt, je vais terminer là-dessus. Lors de notre congrès de
novembre dernier, il est apparu qu'une partie de nos membres rejette,
sans ambiguïté, cette approche, une autre partie aurait souhaité une proposition plus modérée, avec, par exemple, une
interdiction dont le périmètre d'application serait plus restreint que
large, et enfin une autre partie des membres
aurait souhaité un appui résolu à la proposition gouvernementale. Cette
divergence chez nos citoyens et citoyennes que sont nos membres est à l'image
de ce qu'il se passe dans l'ensemble de la société québécoise. Or, nous pensons
qu'un consensus fort pour appuyer une telle politique est nécessaire.
Je vous
dirais, en guise de conclusion, qu'on estime que ce projet de loi est non
seulement historiquement pertinent, mais aussi juridiquement nécessaire.
On considère que l'interdiction faite aux membres du personnel public de porter
des signes religieux ne constitue pas ni la
raison d'être ni la proposition principale du projet de loi n° 60, bien
qu'elle en soit l'élément le plus
controversé. On estime qu'une interdiction large et générale du port de signes
religieux visibles n'est pas une nécessité absolue, ni même la garantie
de la neutralité de nos institutions. L'essentiel est ailleurs, et, alors que le
gouvernement est minoritaire, c'est sur l'essentiel que l'Assemblée nationale
doit trouver un terrain d'entente.
Je vous
remercie de votre attention. Je veux remercier également les travailleurs,
travailleuses de l'Assemblée nationale, qui assurent le fonctionnement
quotidien de cette importante institution.
Le Président (M. Ferland) :
Merci, M. Boyer. Alors…
M. Boyer (Daniel) : Je ne pouvais
pas passer sous silence de saluer le travail des travailleurs…
Le
Président (M. Ferland) : Mais j'ai laissé, grâce à la
collaboration du ministre, déborder quand même le temps qui vous était
imparti.
M. Boyer (Daniel) : Merci.
Le
Président (M. Ferland) : Mais, avec le consentement, on peut.
Alors, je cède maintenant la parole à vous, M. le ministre, pour le
premier bloc de période d'échange.
M. Drainville : Merci, M. le
Président. Merci pour votre mémoire et votre présentation.
À
la page 9 de votre mémoire, vous écrivez : «Contrairement à la rumeur
publique des derniers mois selon laquelle l'encadrement des
accommodements religieux n'est ni nécessaire ni souhaitable, en particulier
parce qu'il n'y aurait aucun fait justifiant une
intervention en la matière, la FTQ constate qu'il y a eu une augmentation des
demandes d'accommodement pour motifs
religieux dans les milieux de travail au cours de la dernière décennie, sans
que celles-ci aient abouti dans les tribunaux. Elle considère, de plus,
que c'est une raison amplement suffisante pour justifier une intervention législative qui se traduirait par des
directives immédiatement applicables dans les milieux de travail.» Le
bout qui a suscité ma curiosité, c'est : «La FTQ constate qu'il y a eu une
augmentation des demandes d'accommodement pour motifs religieux dans les
milieux de travail au cours de la dernière décennie.» Est-ce que vous pouvez
préciser quelles sont les demandes que vous voyez sur le terrain et peut-être
les enjeux qui sont les…
M. Boyer
(Daniel) : Oui, bien, je vais débuter une réponse, je vais laisser
Atïm, après ça, compléter.
Écoutez,
quand on dit qu'il y a une augmentation des demandes d'accommodement raisonnable, ça semble évident. Il y a de plus en plus d'immigrants de religion
musulmane qui viennent au Québec. Donc, oui, il y a plus de demandes d'accommodement.
Mais on ne dit pas que c'est nécessairement problématique. On pense que la
majorité des accommodements raisonnables sont raisonnables, et que le milieu de
travail fait en sorte qu'ils s'accommodent, et, bien souvent, qu'on n'en entend
pas parler. Puis je vais laisser peut-être à Atïm…
M. León (Atïm) :
Oui, bien, je ne vais pas répéter ce que mon président vient de dire, puisque
c'est exactement ce que j'allais
dire. En fait, en 2007, lors de la commission Bouchard-Taylor, on s'est livrés à un tout petit
exercice de sondage chez quelques membres. Il n'y avait aucune
prétention scientifique dans ce sondage-là, c'était pour savoir : Coudon, de quoi parle-t-on? De quoi parle-t-on? Est-ce
qu'il y a crise? Et effectivement on a constaté qu'il y avait des cas, on a
constaté qu'il n'y en avait pas avant, et que, selon nos représentants sur le
terrain, que ce soient des délégués, des travailleurs,
etc., il n'y avait pas de cas avant, et que maintenant il y avait des
demandes, et que c'était dans l'air du temps. Donc, au cours de la dernière décennie, il y a une augmentation des cas, oui. Est-ce qu'on nous a dit : Ça pose problème,
comme l'a dit M. Boyer? Non.
M. Drainville : Si je regarde l'ensemble de votre mémoire puis que
vous dites : C'est un débat qui doit d'abord être de nature politique plutôt que juridique, vous dites que la FTQ
partage l'objectif général du projet de loi n° 60 qui
vise à inscrire dans la loi les principes de
neutralité religieuse de l'État, vous dites que l'ensemble du projet de loi n° 60 contribue à
définir une version québécoise de la notion de laïcité des institutions
québécoises, vous affirmez très clairement qu'il est important de mettre en
place des balises claires en matière d'accommodement, vous appuyez également
les modifications à la charte des droits et libertés, il me semble que, de
façon générale, vous êtes plutôt pour le projet de loi n° 60, si ce n'est que de cet article 5 qui vous pose problème.
Est-ce que je résume bien, d'abord? Parce que je ne veux pas vous faire dire ce que vous ne souhaitez pas
dire. Mais est-ce que… si on met de côté l'article 5 pour les fins de la
discussion, là, puis on regarde le reste,
est-ce qu'on peut dire que, de façon générale, vous êtes plutôt favorables au
reste?
M. Boyer (Daniel) : Oui, écoutez, on peut dire qu'on est plutôt favorables. Je vous le dis,
ce qui accroche, c'est le fameux article 5. Et on ne pense pas que…
On pense que ça mérite un débat. Puis ce qu'on propose également, dans notre mémoire, là, c'est qu'on devrait amender
l'article 5 et, dans environ cinq ans… on propose cinq ans, ça peut
peut-être être trois, ça peut peut-être être sept, mais revoir où on en est
avec ce principe.
Puis on veut que la société… On parle
d'intégration ou on parle de religion, là, on veut qu'il y ait une place
pour l'intégration, un temps pour l'intégration, mais on pense que c'est peut-être
un peu précipiter les choses. Puis il faut que
le débat public se poursuive concernant l'interdiction du port des signes
ostentatoires. Puis, je vous le dis, là, je l'ai dit tantôt, ça a été un débat long et houleux au
congrès. Je dis «long», là, on a pris deux heures du congrès, ça peut peut-être paraître court, mais c'est à part
de tous les débats qui ont eu lieu dans les instances de tous nos syndicats
affiliés, de toutes nos sections locales. Il y a
eu un débat quand même de deux heures en congrès, où on n'est pas
arrivés à une position. On n'est pas
arrivés à une position, le congrès était divisé en trois. Puis là je ne vous
dis pas que c'était 33 %-33 %-33 %.
Ce n'était pas un tiers-un tiers-un tiers, là. Le congrès était divisé en
trois, là. Il y en a qui nous disaient : Oui, il faut que la charte soit adoptée telle quelle, il y en a
d'autres qui nous disaient : Non, il n'en est pas question, pas de charte
du tout, et il y en a d'autres qui étaient plutôt favorables à une
position mitoyenne, plus souple, de l'interdiction du port des signes religieux.
• (16 h 30) •
M. Drainville :
Est-ce que je peux vous demander, M. Boyer, à ce moment-là, puis c'est une
question très ouverte, là, que je vous pose, là : Mais, dans la
mesure où vous avez une partie de votre membership qui dit : On aurait été
favorables à une restriction moins large,
disons, puis on en avait d'autres qui étaient d'accord avec l'encadrement des
signes religieux tel que proposé dans 60, puis il y en avait d'autres qui
étaient contre toute forme de restriction, mais, à ce moment-là, pourquoi vous tirez de ce débat-là, à ce moment-là, une
position qui dit : Mettez de côté l'article 5? Il me semble
que ça aurait pu être… Par exemple, vous auriez pu dire : Bien, écoutez,
compte tenu du fait qu'on avait des gens qui étaient
procharte telle qu'elle est, d'autres qui étaient contre la charte telle
qu'elle est, puis d'autres qui étaient quelque part au milieu, bien, on
va se rejoindre au milieu. Pourquoi vous tirez de ce débat-là que vous avez eu
la position qui dit : Finalement,
tassez l'article 5, plutôt que de dire, par exemple : Bien, écoutez,
on va s'entendre pour, je ne sais pas, moi, l'encadrement des signes religieux pour les agents d'État avec pouvoirs
coercitifs, par exemple? Une question
très ouverte que je vous pose, je ne suis pas en train de vous dire
comment gérer vos affaires. Je suis très curieux de voir comment vous en êtes
arrivés à cette décision-là.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, je vous dis qu'on ne peut pas aller dans ce sens-là
parce que la proposition qui a été soumise au plancher du congrès, c'est une
proposition qui va dans le sens de ce que vous avez amené, et elle a été battue. Moi, quand je
vous dis que c'est divisé un tiers-un tiers-un tiers, je me fie au débat. Il
n'y a pas eu un vote comme tel qui partage telle position, qui partage
l'autre. On a proposé une proposition… Il y a eu une proposition qui a été
soumise, qui était la proposition du conseil général de la FTQ, qui est
l'instance décisionnelle entre les congrès, le conseil général qui a précédé le
congrès, on a soumis cette proposition-là au congrès, et la proposition a été
battue.
Maintenant, il y a
même de nos membres qui nous disent : Écoutez, qu'est-ce que vous allez
faire en commission parlementaire puis pourquoi vous avez déposé un mémoire? Ce
n'est que la proposition qui a été battue, il
y a de grands principes qu'on défend depuis déjà plusieurs années, plusieurs
décennies. L'égalité hommes-femmes ou la
laïcité de l'État, c'est des principes qu'on défend, on ne reviendra pas
là-dessus. Ce n'est pas parce que la proposition a été battue sur le
plancher du congrès que, demain matin, on va être contre l'égalité
hommes-femmes. Mais, de prendre position sur l'interdiction du port des signes
religieux, on croyait qu'il était plus sage d'amender cet article-là et de poursuivre
le débat, puisque, chez nos membres, elle ne fait pas consensus. Mais on
constate également que, dans la société
québécoise, il n'y avait pas consensus. Vous savez, la FTQ, c'est un microcosme
de la… Bien, elle ne fait pas consensus,
elle ne fera peut-être jamais consensus non plus, mais on constate que ça
brasse pas mal sur cet élément-là. C'est
cet élément-là qui est le plus controversé, et on pense qu'il y aurait lieu de
poursuivre le débat sur cet élément-là encore un bout de temps avant de
légiférer.
M. Drainville :
Non, je comprends votre position, M. Boyer. Mais c'est arrivé, par le passé,
que la FTQ a livré des batailles où ça brassait pas mal puis ça ne l'a
pas empêchée de les livrer. On s'entend là-dessus?
M. Boyer
(Daniel) : Oui.
M. Drainville :
Par ailleurs, en 2007, devant la commission Bouchard-Taylor… Je vais citer
votre mémoire d'alors, page 11 de votre
mémoire : «En ce qui concerne les personnes représentant des institutions
publiques, elles doivent observer une
totale neutralité dans le cadre de leurs fonctions, cela va de soi. Cependant,
plusieurs organismes et personnes réclament
aujourd'hui que cette neutralité s'exprime jusque dans l'habillement des
fonctionnaires de l'État qui, selon eux, devrait être exempt de tout
signe religieux — devrait
être exempt de tout signe religieux. À la FTQ, nous sommes en accord avec cette
proposition.»
Donc,
en 2007, la FTQ était clairement pour l'interdiction du port des signes
religieux. Là, vous nous dites : Hum! Le débat est… ça brasse
tellement qu'il vaut mieux peut-être le mettre de côté. Comment on doit
comprendre cette évolution dans la position de votre syndicat?
M. León (Atïm) :
Bien, écoutez, effectivement, lors de la consultation de la commission
Bouchard-Taylor, le bureau de direction de la FTQ avait été amené à
prendre une position sur une série d'éléments, et cette question-là, si je me
souviens bien, avait été formulée de telle sorte qu'on ne disait pas qu'on
était pour l'interdiction.
M. Drainville :
Bien là…
M. León (Atïm) :
On disait qu'il devait y avoir des directives claires à l'égard de
l'habillement et on ne…
M. Drainville :
Ah! O.K. Donc, ce n'était pas par la voie législative mais par la voie de
directives.
M. León (Atïm) :
Et, de plus, on ne se positionnait pas, parce que ça ne faisait pas partie du
débat à l'époque, sur le périmètre d'application de…
M. Drainville :
O.K. Parfait.
M. León (Atïm) :
Moi, je voudrais peut-être juste — si tu permets, Daniel — revenir une question en arrière,
parce que, sur la mathématique que vous
énoncez, là, de pourquoi avez-vous pris cette position alors qu'elle était
minoritaire, puisque vous dites que c'est un tiers seulement…
M. Drainville :
Bien, je n'ai pas dit qu'elle était minoritaire. J'ai dit… Parce que M. Boyer a
bien dit que ce n'était pas nécessairement un tiers-un tiers-un tiers.
M. León (Atïm) :
Non, c'est ça.
M. Drainville :
Moi, je ne peux pas présumer qu'elle était minoritaire. Mais ce que je dis,
c'est qu'il y avait trois positions, trois
blocs. Alors, la question correcte, je pense, c'est de dire : Bien,
pourquoi ne pas choisir le milieu? Puis il m'a répondu.
M. León (Atïm) :
Bien, c'est-à-dire que je voulais simplement ajouter que, si cette question-là
ne faisait pas consensus sur le plancher du congrès, ce qui a clairement fait
consensus, par contre, c'est le fait qu'une telle proposition allait porter atteinte à la solidarité entre les membres des
unités et entre les travailleurs. Et
ça, c'était très clair.
M. Drainville : O.K. Alors,
laissez-moi vous citer là-dessus Réjean Parent, qui est un ancien président de
la CSQ, qui s'est présenté devant cette commission et qui parlait justement de
cette obligation, là, des syndicats de défendre leurs membres. Alors, je le cite :
«Le syndicat a une obligation de défense pleine et entière en vertu du Code du travail, mais pleine et entière, ça ne veut pas dire une défense
aveugle. [...]à sa face même, si le salarié dit : Moi, les normes, la loi, le règlement m'imposent que, et je ne veux
rien savoir, puis il fait le bras d'honneur, à un moment donné, tu ne
peux pas demander à ton syndicat de défendre l'indéfendable si toi-même, tu te
poses dans une situation d'irrégularité.»
La présidente
de la FIQ, Régine Laurent, a dit sur les ondes de TVA le 5 décembre
dernier, parce qu'elle se fait poser
un peu la même question… elle aurait dit : «Alors, les délégués m'ont
demandé de dire au grand public : "Expliquez-leur qu'on ne prend pas une position contre qui
que soit ou contre quoi que ce soit, mais pour le genre de société dans
laquelle nous voulons vivre, pour des balises claires." Nous avons pris
une décision collective, et, si, plus tard, il y a des sanctions individuelles sur des membres de la fédération — comme il y en a parfois maintenant — il n'y a aucun doute que nous allons nous placer dans notre mission
syndicale de les accompagner et de les défendre, il faut que ce soit
clair.»
En d'autres mots, ce qu'elle disait,
c'est : On peut, comme syndicat, décider, au nom d'un choix collectif, de prendre
position pour une neutralité qui inclut la neutralité d'apparence et,
lorsqu'arrivera le moment de défendre un membre,
bien, on le défendra, puisque ça fait partie de notre responsabilité comme
syndicat. Je trouvais ça intéressant, tu sais, qu'elle dise : Bien, on a un rôle social, on l'assume. Sur la
neutralité, on prend position, y compris pour l'interdiction du port des signes religieux, ça ne nous empêche
pas, le cas échéant, de défendre nos membres sur une base individuelle.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, moi, je
vous avoue que j'ai de la misère à parler des deux coins de la bouche
comme ça. Moi, si je vous dis que je suis en
faveur de l'interdiction du port de signes religieux, je vois mal comment je
peux aller défendre un de mes membres qui croit qu'il a été discriminé
sur la base des droits en vertu de la charte, je vois mal ça. D'ailleurs, je
suis bien content que vous abordiez cette question-là…
M. Drainville : M. Boyer, si
vous me permettez : Mme Laurent n'est pas ici pour se défendre.
M. Boyer (Daniel) : Non, non, mais…
M.
Drainville : Je ne
suis pas sûr que les mots que vous avez utilisés sont tout à fait corrects, là.
Je veux juste vous dire ça. Elle va peut-être vous appeler puis vous le
dire d'elle-même, mais vous comprenez?
M. Boyer (Daniel) : Oui, oui, oui, tout
à fait. Non, non, mais…
M. Drainville : Je me sens
une responsabilité de…
M. Boyer (Daniel) : Non, mais ce que
je vous dis…
M. Drainville : Je me sens
une responsabilité d'intervenir ici juste pour rétablir un petit peu
l'équilibre.
M. Boyer
(Daniel) : Oui, oui, oui.
Non, c'est correct, c'est correct. Mais ce que je vous dis, c'est qu'en vertu, en tout cas, de la Charte canadienne des droits et libertés, puisqu'on est
toujours Canadiens — heureusement
ou malheureusement, on est toujours
Canadiens — il y a
des droits, là, en vertu de la charte québécoise également. Comment je
fais pour dire à quelqu'un : Tu as un droit prévu à la charte, et je ne te
défendrai pas?
Effectivement, on va faire le choix, à un moment
donné, de ne pas défendre. Je vous donne dans le cas d'abus à des personnes âgées, un préposé aux bénéficiaires, une
infirmière, une infirmière auxiliaire qui aurait abusé d'une personne âgée, après enquête on peut décider qu'on
ne la défendra pas, parce qu'on a fait une enquête sérieuse puis on est
capables de démontrer que cette personne-là
est en tort. Dans ce cas-ci comme dans le cas d'un homosexuel, comme dans le
cas d'une femme enceinte, comme dans tous
les cas qui sont prévus à la charte, on voit mal comment on pourrait ne pas
défendre quelqu'un qui exerce son droit de liberté à une religion.
Puis moi, je
vous dis : Écoutez, ce n'est pas nous, à la FTQ, qui faisons les relations
de travail, les plaintes, les griefs,
et tout ça, mais j'entends nos syndicats affiliés, notamment dans le secteur
public, qui nous mentionnent ça, là, qu'ils vont défendre les gens. Ça fait que n'allez pas au congédiement et aux
mesures disciplinaires avec votre projet parce que vous allez nous mettre dans une drôle de situation. On a une
obligation, en vertu du Code du travail, de les défendre. On a le
privilège de les représenter en vertu du code, mais on a également l'obligation
de les défendre.
• (16 h 40) •
M. Drainville : Il me reste
seulement quelques minutes. L'intégrisme, comment dire, l'enjeu de l'intégrisme
ou des intégrismes est une partie
importante, une composante importante de votre mémoire. Je ne sais pas si… Moi,
je dis toujours que la charte n'a pas été conçue pour lutter contre
l'intégrisme, mais un de ses effets, c'est de lutter contre l'intégrisme à travers l'affirmation claire et
nette du principe de l'égalité hommes-femmes. Les intégristes, en
général, n'aiment pas tellement l'idée que
la femme est égale à l'homme. Je dis aussi qu'à travers l'affirmation de la
neutralité religieuse de l'État on lutte
contre l'intégriste ou l'intégrisme qui souhaite avoir un État religieux. Puis,
bien sûr, les balises en matière
d'accommodement, les intégristes n'aiment pas tellement ça, parce qu'ils
demandent des accommodements pour
créer des précédents et en faire éventuellement des normes, ils carburent
beaucoup à ça. Alors, là-dessus aussi, on met un holà avec la charte.
Mais je ne sais pas si vous avez d'autres propositions à nous faire sur des moyens
qu'on pourrait mettre en oeuvre pour lutter contre l'intégrisme.
Et je vous
demanderais aussi, peut-être, en terminant, de parler un peu du projet de loi n° 94. Parce
que vous faites beaucoup
référence au projet de loi n° 94 dans votre mémoire, et ce qui est clair
dans le message que vous envoyez, c'est que la charte
représente une avancée considérable par rapport au projet de loi n° 94 qui
avait été déposé par le gouvernement libéral précédent.
Alors, c'est les deux thèmes, il reste peu de
temps, je vous les laisse : intégrisme et avancée par rapport à 94.
Le Président (M. Ferland) :
50 secondes, environ.
M. Boyer (Daniel) : O.K. Bien, écoutez,
on n'a rien à proposer comme tel concernant l'intégrisme. On a salué, de toute
façon, ce qu'il y avait déjà dans le projet de loi n° 60. On est d'accord
avec ça. Nous, on ne veut pas d'intégrisme puis on pense que le projet de loi
répond bien à cette question-là.
Concernant le
projet de loi n° 94, on l'a dit, il y a eu un débat pas suffisant. On
n'est pas allés assez loin. Puis on veut...
Puis, je vous le dis, là, on vous demande d'amender, mais on est d'accord avec
le débat qui se passe actuellement. C'est
un débat qui doit se faire, qui devait se faire et qui se fait. Et on pense que
le débat n'est pas terminé. Quand on vous demande d'amender
l'article 5, c'est qu'on pense que le débat ne doit pas se terminer avec
l'adoption bien bébête d'un projet de loi
puis une interdiction de porter des signes religieux, il doit se poursuivre. Et
c'est dans ce sens-là qu'on dit : Bien, le projet de loi n° 94
n'est pas allé assez loin, n'a pas permis à ce que ce débat-là... Bien, ce
débat-là se continue, il se continue ici, là, et...
Le Président (M. Ferland) :
Alors, malheureusement, c'est le temps qui était à la disposition de la partie
ministérielle.
Avant de céder la parole au parti de
l'opposition, je veux juste informer les membres de la commission qu'à
16 h 55 nous serons appelés au salon bleu pour voter sur la motion du
mercredi. Mais, ne vous inquiétez pas, nous reprendrons là où nous laisserons.
Alors, je cède la parole au député de
LaFontaine.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup à vous d'être présents ici
aujourd'hui. Merci d'avoir pris le temps, donc, de rédiger un mémoire et
de répondre à nos questions aujourd'hui.
M. le Président, M. Boyer, vous dites, dans
votre mémoire, là, aux pages 13, 14 et suivantes… vous faites la distinction entre la laïcité et l'importance de la
laïcité quant aux institutions publiques. Vous parlez d'une interdiction large et générale, mur à mur, du port
de signes religieux visibles n'est pas une nécessité absolue. Vous
constatez, vous l'avez dit dans votre
témoignage, je dirais, la claire division dans la population sur cette
question-là. Et j'aimerais vous entendre sur un processus, une sorte de
sauf-conduit que vous offrez au gouvernement. Parce que tout le reste, là, les quatre autres points, là, les balises, et tout ça,
là, il y a un très, très large consensus. Vous soulignez l'importance de
faire avancer le Québec là-dessus, sur ce qui divise. Et vous avez fait mention
que, dans votre organisation, un tiers-un tiers-un tiers, c'est loin d'être
clair, après un congrès qui a duré quelques jours, j'imagine.
J'aimerais
vous entendre, donc, sur cette façon d'aborder et de dénouer le noeud, de
dire : Bien, prenons le temps d'appliquer sur ce qui fait
consensus, les quatre points essentiellement, faisons une évaluation de son
application : Avons-nous atteint, sans
brimer les droits des travailleurs, travailleuses, atteint l'objectif de la
laïcité de l'État, neutralité religieuse
de l'État?, et faisons une sorte d'évaluation dans cinq ans. J'aimerais vous
entendre là-dessus, par rapport à la justification de ce que vous
proposez, qui me semble intéressant.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez,
moi, ce que je vous dis, c'est... Quand on dit que le projet de loi est
pertinent, là, c'est qu'il faut inscrire dans nos grands textes de loi, dans
nos chartes le principe de la neutralité de l'État, de la laïcité de nos
institutions. Ça, c'est important.
Maintenant, il y a des choses qu'on pense que la
société québécoise n'est pas prête à aller, vers, exemple, une interdiction du port des signes religieux. Puis on
pense que le débat doit à tout prix se poursuivre. Puis c'est pour ça
qu'on dit : Amendons l'article 5,
n'interdisons pas le port des signes religieux pour les employés de l'État
immédiatement dans un projet de loi consacré, puis permettons à ce que
ce débat-là se poursuive, à ce que ce débat se poursuive. Puis on pense qu'avec
le temps il y a… Parce que, là, on se parle des femmes, entre autres, qui portent
le hidjab. Bien, oui, il y a des Juifs qui
portent la kippa, mais c'est surtout les femmes qui portent le hidjab. On pense
que peut-être qu'avec le temps ils viendront qu'à l'enlever.
M. Tanguay : M. Boyer,
honnêtement, sur ce que vous venez de dire, pensez-vous qu'on peut trancher ce
débat-là dans une élection qui durerait 33 jours? Oui ou non?
M. Boyer
(Daniel) : Écoutez, ça, ce
n'est pas à moi à décider de ça, là. Vous déciderez. C'est vous autres
qui se présentez aux élections... qui allez se présenter aux élections.
M. Tanguay : Selon la logique
que vous venez d'étayer, pensez-vous qu'on peut réellement dire : On est
majoritaires, peu importe le parti, puis c'est notre position qui l'emporte, le
peuple a parlé, 34 jours, merci, bonsoir? Pensez-vous, basé sur ce que vous venez de nous donner comme perception
et cheminement, que ce serait justifié et raisonnable?
M. Boyer (Daniel) : Bien, je vous
dirais qu'on souhaite que l'élection ne se passe pas uniquement sur cet
élément-là, d'abord.
M. Tanguay :
D'abord. Et par la suite pensez-vous qu'on pourrait trancher définitivement le
débat en 34 jours, M. Boyer?
M. Boyer (Daniel) : Pas vraiment.
M. Tanguay : Non, hein?
M. Boyer (Daniel) : Non.
M. Tanguay : Pourquoi?
M. Boyer (Daniel) : Bien, je vous
l'ai dit, si on demande d'amender l'article 5, ce n'est pas pour le fun de
l'amender puis parce qu'on n'en veut pas, parce qu'éventuellement
on sera peut-être d'accord avec une disposition qui interdirait le port de signes religieux, mais il
faut permettre à la société québécoise de faire le débat assez longtemps,
et non pas le faire en quelques mois. Parce
que, depuis Bouchard-Taylor, je vous avoue, ça a été le néant. On n'en a pas
redébattu par la suite, là. Là, on en redébat. Et c'est correct d'en débattre.
Nous, moi, je l'ai dit, j'ai salué, là, le projet de loi du ministre pour la bonne et simple raison que je pense
qu'il faut faire ces débats-là, parce qu'effectivement on sent que, si
l'opinion publique est si enflammée, c'est parce qu'il y a quelque chose à
débattre. Il y a quelque chose à débattre et c'est
sain de débattre, mais ne le faisons pas à la vitesse grand V, là, puis
d'écrire dans nos lois qu'on va interdire telle affaire ou on va
permettre telle autre.
M. Tanguay : Vous avez dit un
peu plus tôt, M. Boyer… Évidemment, vous avez galvanisé — et on
a pris très bonne note de vos commentaires par rapport à la fédération
interprofessionnelle au niveau des infirmières et de M. Réjean Parent — l'obligation du syndicat de défendre ses membres. Et, lorsque l'on
dit : Bien, il faut respecter la loi, tous, nous allons plaider, vous les premiers, l'importance de respecter
la loi. Vous avez dit, un peu plus tôt, que les chartes, les deux
chartes, la charte québécoise, la charte canadienne, protègent cette liberté de
conscience et de religion qui fait en sorte
qu'on ne voudrait pas, nous — et je vous paraphrase — qu'un travailleur, travailleuse FTQ perde
son emploi parce qu'il y aurait une
directive ou une règle de droit qui dirait : Bien, tu as un signe
religieux, on t'a averti, tu portes toujours la croix, tu perds ta job.
Si vous aviez un recours en vertu de la charte québécoise, vous plaideriez puis
vous défendriez votre employé. Et vous avez
même mentionné que, si vous aviez un recours en vertu de la charte
canadienne, vous le feriez. Or, ce n'est-u pas magnifique, M. Boyer, on
modifierait, par le projet de loi n° 60, la loi québécoise, mais la charte québécoise. Une travailleuse se
fait congédier parce qu'elle a un signe religieux, vous êtes syndicat,
vous avez toujours un recours en vertu de la charte canadienne. Allez-vous la
défendre en vertu de la charte canadienne, même si on vient de modifier la
charte québécoise?
M. Boyer
(Daniel) : Écoutez, c'est un
peu pour ça que je répondais à la question du ministre tantôt concernant
ce que Mme Laurent m'avait dit. Ce n'est pas
un choix qu'on a, c'est une obligation qu'on a. Je vous dis, je n'ai
même pas un choix, là, je ne peux pas dire : Nous, à la FTQ, on est en
faveur de l'interdiction du port de signes religieux. Il y a une charte qui protège ces droits-là. Comme je
n'ai pas le choix, un handicapé, un homosexuel, une femme enceinte, je
vais les défendre, là. Je ne les défends pas nécessairement par choix, je les
défends aussi par conviction, mais, à un moment donné, on a des obligations,
puis, ces obligations-là, bien, on est obligés, on le fait.
M. Tanguay :
M. Boyer, on nous a déjà fait le reproche d'utiliser l'exemple que vous venez
d'utiliser, de dire : Bien,
écoutez, porter un signe religieux puis défendre une femme enceinte, ce n'est
pas pantoute la même chose. J'aimerais ça
vous entendre, moi, là-dessus, parce que l'article 10 de la charte
québécoise fait en sorte que tu ne peux pas discriminer basé sur la
grossesse, la race ou la religion. J'aimerais vous entendre là-dessus. Il y
a-tu un motif de discrimination plus facile ou plus important là-dessus?
M. Boyer
(Daniel) : Bien,
premièrement, entre une femme enceinte puis une femme qui porte le hidjab, il y
a une différence, là, quand même. Mais, non, en vertu de la charte…
M. Tanguay : Mais est-ce
qu'on peut plus facilement discriminer?
M. Boyer (Daniel) : Non, en vertu de
la charte, c'est des droits qui sont protégés en vertu de la charte, autant
québécoise que canadienne. Il n'y a pas de différence, à notre avis. Puis notre
obligation… écoutez, notre obligation, elle
va jusqu'à… Quand je vous dis qu'on a une obligation de défense, c'est que, si
on ne le fait pas, on va avoir une plainte puis on va se… On a une
obligation de défendre, là.
• (16 h 50) •
M. Tanguay : Puis c'est
d'ailleurs, je veux dire, la raison d'être d'un syndicat. Ce qui est assez
particulier et, je dirais anecdotique, on
voit que vous représentez la Fédération des travailleurs, travailleuses du
Québec, vous le dites, là, tout près ou même un peu plus de
600 000 membres, tant dans le secteur privé que public. Or, le projet
de loi — et
je laisserai ma collègue poser des questions
également là-dessus — porte
sur le secteur public, parapublic mais également les entreprises qui
font affaire avec le gouvernement et les entreprises subventionnées qui
pourraient être sujettes… selon le bon
vouloir du ministre, du gouvernement ou même d'un organisme public, demain
matin, être sujettes à cela. Comment voyez-vous ça, vous, des droits que vous
prétendez, comme nous, qui sont protégés par, à tout le moins, la charte
canadienne, si le gouvernement réussit à
amender la charte québécoise, évidemment des droits de non-discrimination
qui sont protégés… Comment vous, comme
syndicat, vous accueilleriez la possibilité, pour un organisme public, selon
son bon vouloir, de dire : Bien, écoute... Et le ministre
avait, imaginez-vous donc, utilisé l'exemple d'un sous-contractant qui
offre des services de support informatique, qui se promène sur les étages, puis
qu'à un moment donné l'organisme public, que
ce soit la Société de l'assurance
automobile du Québec… de dire : Bien, savez-vous quoi, à matin, ça ne
nous tente plus de voir le support technique
externe porter des signes, on décide, nous autres... Cette discrétion-là,
comment l'accueillez-vous, vous, dans les relations de travail?
M. Boyer (Daniel) : Écoutez, la
discrétion, quand on dit que, pour les employés de l'État, on est contre
l'interdiction de porter des signes ostentatoires, c'est sûr qu'on est contre
également pour tout le monde, hein? Puis vous
mentionniez 600 000 membres, là, il y a 40 % de notre membership
qui provient... qui travaille dans le secteur public. Donc, on pense que la FTQ, c'est le secteur de la
construction, le secteur privé, mais il y a 40 % de notre
membership qui travaille dans le secteur public, 37 % de notre membership
qui sont des femmes, et le tiers de notre membership sont des jeunes de moins
de 35 ans.
Elle a
évolué, cette FTQ là, et les représentations qu'on fait aujourd'hui tiennent compte
de cette évolution-là, bien évidemment.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, je reconnais la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Merci. Merci beaucoup d'être là pour parler d'un enjeu important, c'est la
protection des travailleurs du Québec,
dans un débat très, très sensible. Je vous rappelle, quand vous étiez venus… Je
ne sais pas... je ne me rappelle plus qui exactement de vous étaient là
la dernière fois pour le projet de loi n° 94. Évidemment, les problèmes
que vous avez soulevés à l'époque demeurent,
hein, dans le projet de loi n° 60. Je pense que vous comprenez qu'on ne va
pas sur la laïcité puis comment ça va s'appliquer dans les écoles. C'est plus
des balises, comme on avait fait dans 94.
Mais je me
rappelle beaucoup des conversations que j'ai eues avec vous sur votre
appréciation de la diversité à l'époque,
et qu'au sein de votre organisme vous aviez remarqué de plus en plus de
diversité, et que vous vouliez vraiment la promouvoir puis faire en
sorte que tout le monde se sentait partie prenante. Donc, vous êtes au coeur,
si on veut, du développement du Québec, parce que c'est la main-d'oeuvre et
c'est des Québécoises et des Québécois.
Donc, je veux
vous amener sur la question de l'impact discriminatoire en emploi et l'effet
d'entraînement dans le secteur privé. Moi, j'ai cité, la semaine
dernière... Il y a une étude en Allemagne avec des pays, en Europe, qui ont des projets de loi semblables au projet de loi
n° 60. Il y a eu des études d'impact suite à un projet de loi très
semblable à Berlin, qui est considéré comme
un länder. Et ils ont découvert qu'il y avait eu des demandes exponentielles,
c'est-à-dire des plaintes en
discrimination en emploi, et qu'il y avait eu un effet dans le secteur privé,
parce que le secteur... les employeurs, les entreprises du secteur privé
ont dit : Bien, si le gouvernement considère que ce n'est pas bien de porter le hidjab — c'est surtout la femme musulmane qui a payé
le prix de ça — bien,
nous non plus, on ne va pas engager des femmes qui portent le hidjab,
parce que... C'était surtout ça, l'enjeu.
Est-ce que
vous avez réfléchi à ça quand vous avez parlé de toute cette question? C'est
l'impact, l'effet discriminatoire, bloquer certaines minorités... Et
Louise Arbour a parlé de discrimination odieuse, la semaine dernière, parce que
ça cible justement des femmes qui sont déjà vulnérables et sous-représentées
pas seulement dans la fonction publique, mais dans le secteur privé aussi.
Le Président (M. Ferland) :
Allez-y.
M. León (Atïm) : Merci. En fait, en 2007,
quand nous avons réfléchi à notre participation à la commission Bouchard-Taylor, nous avons plutôt été enclins à
penser à l'argument inverse, et je m'explique, c'est-à-dire que, de
notre point de vue, nous demandions des directives claires quant à
l'utilisation du concept d'accommodement religieux parce que nous considérions
que, sur le marché du travail, autant public que privé, il y avait besoin de
clarification...
Mme Weil : M. le Président?
Le Président (M. Ferland) :
Oui?
Mme Weil : J'ai...
M. León (Atïm) : ...et que c'était plutôt
de nature...
Mme Weil : Attendez.
Excusez-moi, je n'ai pas été claire, je veux... Je ne suis pas sur les
accommodements. Ça, les balises, tout le
monde est d'accord. Je parle de l'interdiction, qui n'est pas la même chose,
hein, dans le projet de loi, interdiction mur à mur, donc on va... on ne
parle pas d'accommodement, ça, c'est clair, dans le projet de loi.
M. León (Atïm) :
D'accord.Alors, excusez-moi. En fait, c'est que c'est peut-être
l'esprit de la démarche, là, qui m'a
échappé, mais je voulais simplement souligner que nous avions eu l'idée qu'au
contraire, quand, dans le secteur public,
on envoie un message qui a tendance à clarifier les règles du jeu, ça peut
avoir des répercussions positives sur le marché de
l'emploi privé. Et, à notre sens… là, je reviens, c'étaient les accommodements
religieux. Alors, vous me dites : L'interdiction,
c'est autre chose. Mais, si on part du principe qu'il y a une
discrimination — et
elle existe — sur
le marché du travail, il est fort possible que la société québécoise, en clarifiant
ses règles du jeu, envoie un message plutôt positif sur le marché du travail.
Mais...
Mme
Weil : Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous sur les
balises. Et d'ailleurs la Commission des droits de la personne a dit... Suite, d'ailleurs, au rapport
Bouchard-Taylor, ce que notre gouvernement a fait, on a créé un service
d'aide aux entreprises et les organismes
publics aussi pour gérer les cas d'accommodement, et, depuis ce temps-là, ils
disent qu'ils n'ont pas de problème. On n'a pas d'études qui viennent valider
les propos du ministre pour dire qu'il faut absolument une solution, on ne
connaît pas le problème, hein?
Mais
je reviens... Donc, je pense que tout le monde est d'accord. Mais l'étude et
l'inquiétude du secteur privé, telle que représentée par le Conseil du
patronat, c'est par rapport à l'interdiction. Donc, une femme qui porte le hidjab, qui serait bloquée d'entrée de jeu, pas
d'emploi, c'est ça, la question, et les études qui montrent qu'en effet il
y a eu un effet d'entraînement et qu'il y a eu de la discrimination par rapport
à ces femmes sous-représentées tant dans le secteur public que dans le secteur
privé.
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, si je pourrais une brève réponse, parce que je n'ai pas
une réponse... On n'a pas fait une
grande consultation sur l'impact qu'il pourrait y avoir dans le secteur privé.
Mais, les premiers débats qu'on a eus, au bureau de direction de la FTQ,
il y a eu des craintes manifestées par les vice-présidents, vice-présidentes
qui représentent des membres dans le secteur
privé. Puis on avait bien beau répondre, là, que c'étaient des dispositions
qui visaient les salariés du secteur public, mais la réponse qu'on a eue, c'est
de dire :Écoutez, si ça s'applique au secteur public, il y a des bonnes chances qu'à un moment donné il y a des
employeurs du secteur privé qui l'appliquent également, puis qui fassent
ces demandes-là, puis qui imposent des directives aussi. Bon, effectivement, ça
peut arriver.
Mme Weil :
Et, selon votre expérience, est-ce que cette crainte est justifiée, donc?
M. Boyer (Daniel) : Écoutez, je n'en ai aucune idée. Fort probablement. Écoutez, c'est sûr
que ce qui se passe dans le secteur public a un impact sur ce qui se
passe dans le secteur privé, hein, et vice versa aussi, là, on ne se fera pas
de cachette, là.
Mme Weil :
Oui. Écoutez, le consensus, vous êtes inquiets...
M. Boyer (Daniel) : Si on négociait des augmentations de salaire de 10 % par année
dans le secteur public, je suis convaincu que ça aurait un effet dans le
secteur privé.
Mme Weil :
J'aimerais vous amener rapidement...
Le Président (M.
Ferland) : 30 secondes environ, il reste 30 secondes.
Mme
Weil : ... — oui — sur le consensus. Je pense qu'on est sur la
même page. Est-ce que vous êtes d'accord qu'on irait de l'avant avec ce qui fait consensus, donc des balises,
inscrire la neutralité religieuse, mais, pour ce qui ne fait pas
consensus, on scinderait le projet de loi en deux et on prendrait le temps pour
en débattre? Êtes-vous d'accord avec cette proposition?
M. Boyer
(Daniel) : C'est sûr qu'on est d'accord, c'est ce qu'on propose. On
propose d'amender l'article 5 justement
pour ne pas imposer l'interdiction de port de signes ostentatoires, justement
dans le but de se donner du temps pour faire un vrai débat et
éventuellement d'avoir une proposition qui va faire un plus grand consensus.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci. Malheureusement, c'est
le temps qui était imparti. Alors, je reconnais la députée de
Montarville pour un temps de trois minutes et quelques...
Mme Roy
(Montarville) :
Oh, ça diminue! Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Ferland) : Oui, parce qu'on a une personne de plus autour de la
table.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci à vous trois. Merci pour votre mémoire, qui est intéressant.
Et on va poursuivre sur le consensus. Vous
dites : «La FTQ espère qu'aucun parti ne considérera ce projet de loi comme un enjeu électoral» — bon, ça, on
peut en douter — car il serait nécessaire de «générer un
consensus acceptable pour l'Assemblée nationale», page 4, toujours,
«d'assurer la tenue d'un débat public structuré et documenté».
Alors,
j'aimerais que vous élaboriez. Parce que vous voulez ce débat public structuré
et surtout documenté. Alors, selon vous, manque-t-il d'information, de
documents? Est-ce que le ministre aurait dû rendre publiques des études sur le nombre d'employés de la fonction publique
qui, actuellement, portent des signes religieux, ce qu'on ignore? Je ne
sais pas si vous le savez, chez vous, parmi
vos 600 000 membres, combien de personnes portent des signes
religieux ostentatoires. Alors, qu'est-ce que vous en pensez, à cet
égard-là, de ce manque d'information avant de prendre une décision qui est si
cruciale pour notre société, et importante?
M. León (Atïm) : Oui. Lorsqu'on faisait référence à un débat informé, documenté,
on faisait référence à notre position
de 2007, qui était d'avoir un livre vert. Et, la différence entre un livre
blanc et un livre vert, donc, un livre vert, le gouvernement ne donne pas sa position,
elle permet à la société de faire un débat et après juge sur pièces,
disons. Et donc c'était notre
position. Et c'est la position que le bureau de direction de la FTQ a maintenue
au cours des dernières années, c'est-à-dire qu'on souhaitait que, sur
cette question sensible là, le gouvernement s'abstienne de prendre position et
permette un débat informé. Le gouvernement précédent n'a pas ouvert un débat
public sur cette question-là, et le gouvernement actuel l'a fait mais en
prenant position d'entrée de jeu et donc, en quelque sorte, en teintant le
débat.
Mme Roy
(Montarville) :
Et, si on parle du manque d'information… Il y a la cloche qui sonne, là...
M. León (Atïm) :
Oui.
Mme Roy
(Montarville) :
Est-ce qu'on interrompt?
Le Président (M.
Ferland) : Ah oui. Ah! je ne l'avais pas entendue.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Bien, je vous… C'est ça. Mais je ne veux pas perdre mon temps, je vais
vous revenir, messieurs.
Le Président (M.
Ferland) : Et parce que ça parlait. Alors, on va suspendre quelques
instants pour aller au salon bleu.
(Suspension de la séance à
17 heures)
(Reprise à 17 h 19)
Le Président (M.
Ferland) : Alors, la commission reprend ses travaux. Alors, la
parole était à la ministre de Montarville.
Des voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : La ministre?
Mme Roy
(Montarville) :
…que vous m'appeliez ministre, c'est bien.
Des voix :
…
Le
Président (M. Ferland) : Un instant. Mais c'est peut-être la seule fois où vous allez vous faire
nommer comme ça. Mais allez-y…
Mme Roy
(Montarville) :
Oh! c'est présomptueux.
Le Président (M.
Ferland) : …Mme la députée de Montarville. Allez-y.
Mme Roy
(Montarville) :
Vous allez avoir des surprises, M. le Président. Moi, je vous réserve des
surprises.
Le Président (M.
Ferland) : Mais allez-y, allez-y, il vous reste une minute et quelques.
• (17 h 20) •
Mme
Roy
(Montarville) : Alors, on va poursuivre, si vous voulez bien, messieurs… Eh oui, je
suis la députée de Montarville,
Boucherville et Saint-Bruno-de-Montarville et future ministre. Merci, M. le
Président.
Alors,
on va poursuivre. Vous demandiez d'avoir des précisions, plus d'information. Je voulais que vous élaboriez. Puis, j'avais fait une série de
questions.
Et
vous me parliez du livre vert, du livre blanc et que M. le ministre arrive déjà avec les réponses avant d'avoir demandé aux gens. C'est très divisé, il y a beaucoup
de division, je suis tout à fait d'accord avec vous, c'est la raison pour laquelle on veut, effectivement, avoir une
position rassembleuse, qui réunit, qui rassemble le plus de citoyens, le plus de Québécoises,
le plus de Québécois.
Au
niveau de l'information, moi, j'ai une question pour vous : Vous nous
parlez de vos 600 000 membres, est-ce que vous êtes
capable de nous dire, à l'intérieur de ce corps de travailleurs, combien de
personnes portent le signe religieux
ostentatoire? Combien de personnes seraient touchées? Combien de personnes
pourraient se voir, justement, imposer
l'article 14? Est-ce qu'on a une idée? Est-ce que ces études-là ont été
faites? Les avez-vous transmises au ministre? Le ministre les a-t-elles? On parle ici de fonction publique, d'une
masse importante de travailleurs que vous représentez.
M. Boyer (Daniel) : Non, on n'a pas
ces données-là et, écoutez, nous, on ne les a pas à la FTQ ni dans nos
syndicats affiliés, là, je vous avoue. On n'a pas fait ce genre d'enquête là.
Puis je pense que ce serait important qu'il y ait une
vaste enquête, qu'on ait des données. Parce qu'on est toujours porté, les cas
les plus explosifs, à les mettre sur la
place publique puis on se réfère à ces cas-là, mais, dans le fond, est-ce qu'il
y a vraiment des problèmes? Quand on dit qu'il y a une augmentation des
demandes d'accommodement…
Le
Président (M. Ferland) : C'est tout le temps qui était
disponible pour la députée de Montarville. Je dois aller du côté du
député de Blainville.
M. Ratthé : Merci, M. le
Président. Bonjour, messieurs. Je vais m'attarder un peu plus longuement à la page 15 de votre résumé, où vous… En fait,
c'est tout le chapitre sur le régime d'exception, la période de
transition — c'est
sûr que les gens qui regardent n'ont pas
tous l'occasion de lire, comme nous, ce qui est dans votre rapport. Je
voudrais vous entendre… Parce que vous
faites, effectivement, référence à différentes périodes de transition, c'est
dans le projet de loi, dépendamment…
Vous faites également référence à des exceptions dans le projet de loi. Et donc
je voudrais vous entendre là-dessus,
puis je vais ajouter un petit grain de sel, si on peut dire, en supposant que
l'article 5 ne soit pas modifié puis qu'il passe. On sait que vous vous êtes prononcés, là, sur, du moins, qu'on
aille plus loin dans les études, là, et dans l'examen de
l'article 5. Est-ce que je vous lis bien en disant : Incluant
l'article 5, il ne faudrait pas qu'il y
ait d'exception, si la loi passe, il ne doit pas y avoir d'exception? Donc, je
voulais vous entendre un peu sur ça.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez, ce
qu'on mentionne dans notre mémoire, c'est… On est d'accord avec une période de transition, bien évidemment. On ne peut
pas s'attendre à ce que, du jour au lendemain, on puisse appliquer ces dispositions-là sur l'interdiction de port de
signes ostentatoires. Maintenant, on n'est pas favorables au régime
d'exception. On pense que, s'il y a ce genre de dispositions là qui doit être
mis en place, elles doivent s'appliquer à tout le monde.
M. Ratthé :
Dans la période de transition, est-ce que vous seriez plutôt favorables à une
période, je veux dire, uniforme pour l'ensemble des organisations? Parce
qu'on sait que ce n'est pas tout à fait le cas. Il y en a qui ont un an, il y
en a qui ont un peu plus. Est-ce qu'à votre avis tout le monde devrait avoir la
même période?
M. Boyer (Daniel) : On pense que ça
devrait être la même période, mais là je vous avoue qu'on pense qu'on travaille
aussi à l'envers. On se parle d'une période de transition suite à l'adoption de
la loi. Nous, ce qu'on dit : La période de transition devrait être avant
l'adoption de la loi, puis c'est pour ça qu'on demande l'amendement de
l'article 5. On se dit : Donnons-nous le temps de faire ces
débats-là, et la période de transition sera peut-être avant l'adoption de ce
genre de dispositions là aussi.
M. Ratthé : O.K. Et, une fois
le projet de loi adopté, ce que vous nous dites, là… Puis on ne connaît pas sa
forme finale, vous avez bien raison. À ce moment-là, vous dites : Quand le
projet de loi sera adopté, il ne devrait pas y avoir d'exception à la règle,
là. La règle devrait s'appliquer à tous.
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez,
il faut lire ça dans son ensemble, là. Quand on dit qu'il faut amender
l'article 5, parce qu'on est contre l'interdiction de port du signe
ostentatoire, c'est bien évident qu'on est contre le régime d'exception
également, là.
M. Ratthé :
Oui. Donc, à ce moment-ci, en lisant bien votre mémoire, si on fait fi de
l'article 5, sur lequel vous demandez
des amendements, pour tout le reste, ce que vous dites, il ne devrait pas y
avoir aucune exception dans le système.
M. Boyer (Daniel) : C'est ça. Oui.
M. Ratthé : Je n'irai pas
plus loin que ça, M. le Président, ça répond à ma question.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le député.
Maintenant, je vais du côté de la députée de Gouin pour une période de
trois minutes.
Mme David : Merci. Bonjour,
messieurs. Vous écrivez, dans votre mémoire, que la FTQ considère que
l'interdiction faite aux membres du personnel public de porter des signes
religieux ne constitue ni la raison d'être ni la proposition principale du
projet de loi n° 60, même si c'est l'élément le plus controversé. C'est
une opinion que je partage complètement,
mais je ne peux faire autrement que d'observer que, depuis des mois maintenant,
en fait, de quoi parle-t-on au Québec? Du port des signes religieux. Et
j'imagine que ça a été la même chose dans vos consultations, vos instances,
votre congrès, etc.
J'aimerais que vous m'expliquiez un peu
pourquoi, selon vous bien entendu, c'est devenu l'objet principal de controverse. Chez vos membres, par exemple,
dites-nous un peu, au niveau des débats, et tout, pourquoi est-ce que ça
suscite tant de passions, les arguments des uns et des autres. Brièvement,
qu'est-ce que vous retenez de ce débat-là?
M. Boyer (Daniel) : Là, ça, c'est une grande question qui demande plus que trois minutes,
mais je vais tenter de vous répondre du mieux que je peux. Écoutez,
premièrement, les tenants de la charte, ceux qui veulent absolument que la charte soit adoptée de façon intégrale,
bien, ils se disent : Ça devrait être égal pour tout le monde, pas de port
de signes religieux ostentatoires pour tout
le monde. Et les autres, bien, ils disent : On devrait avoir une certaine
flexibilité, et en quoi
ça nous dérange qu'il y ait une femme qui porte un hidjab ou un homme qui
porte la kippa dans des lieux de travail? Donc, on ne voit pas pourquoi
on interdirait ces signes-là, ça n'empêche en rien que le travail se fasse de
façon correcte. Donc, on a ces deux tendances-là.
Et pourquoi c'est
explosif? Bien, écoutez, on a une proposition qui vient proposer l'interdiction
de port de signes religieux. Donc, ceux qui
ne sont pas en faveur de cette interdiction-là, bien sûr, c'est un peu
explosif, en disant : Bien là,
on va obliger des femmes à enlever le hidjab, et tout ça, puis ça brime leur
liberté de religion. Et, à l'inverse, bien, il y a d'autres personnes qui viennent dire : Bien, écoutez,
on pense que c'est normal qu'ils l'enlèvent, puis ils doivent l'enlever.
Puis il y a peut-être une petite part de racisme aussi dans ça. Puis ça, que
voulez-vous, on n'y peut rien. Mais c'est pour ça que c'est si explosif.
Une voix :
…
M. Boyer
(Daniel) : Xénophobe, oui. Oui, oui.
Mme David :
Je me permettrai d'être en désaccord uniquement sur un tout petit point. Le
racisme, on peut beaucoup... et je sais que votre centrale travaille beaucoup
sur cette question-là.
M. Boyer
(Daniel) : Tout à fait, tout à fait.
Mme David :
Merci.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la députée. Merci,
messieurs, pour le temps que vous avez pris pour préparer le mémoire et
de vous être déplacés pour le présenter.
Je vais suspendre
quelques instants pour permettre aux représentants du groupe de la commission
scolaire English de Montréal à prendre place.
(Suspension de la séance à
17 h 26)
(Reprise à 17 h 29)
Le Président (M.
Ferland) : Alors, la commission reprend ses travaux. Nous
recevons maintenant les représentants de la
commission scolaire English-Montréal. Alors, je vais vous demander de vous
présenter ainsi que les personnes qui
vous accompagnent, pour être certains que nous mettons les noms à la bonne
place à la caméra. Alors, je vous laisse
la parole, en vous mentionnant que vous avez 10 minutes pour présenter
votre mémoire, après, un échange avec les parlementaires. La parole est
à vous.
Commission
scolaire English-Montréal (CSEM)
Mme Mancini
(Angela) : Merci, monsieur...
Le
Président (M. Ferland) : Excusez, j'ai oublié une chose. Ça me
prend le consentement, parce que nous avons eu un vote et nous allons
devoir déborder l'heure, 18 heures. Ça me prend le consentement pour...
Des voix :
Consentement.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, il y a consentement. Allez-y.
• (17 h 30) •
Mme
Mancini (Angela) : Parfait. Merci, M. le Président. Je vous remercie
de nous permettre de faire entendre notre voix sur le projet de loi
n° 60.
Je suis Angela
Mancini, présidente de la commission scolaire English-Montréal; et, avec moi,
j'ai Mme Sylvia Lo Bianco, vice-présidente
du conseil des commissaires de la commission scolaire English-Montréal, à ma
gauche; à ma droite, Me Patricia R.
Lattanzio, membre du comité des affaires pédagogiques, éducatives au conseil
des commissaires de la commission scolaire English-Montréal et ma
conseillère spéciale en matière de relations gouvernementales.
D'entrée
de jeu, nous voulons vous dire que la commission scolaire English-Montréal est
résolument contre le projet de loi
n° 60. Et nous ne parlons pas ici seulement au seul nom des commissaires
de notre conseil. Vous devez savoir que
des professeurs, des cadres ont été consultés et qu'ils ont participé à
l'élaboration de notre position. Nous avons même apporté des lettres
d'appui à notre position signées par nos syndicats et les comités des parents
centraux, et il nous fera plaisir de vous les déposer.
Notre
commission scolaire n'est pas une petite organisation. Avec un effectif de plus
de 33 000 élèves répartis sur 77 écoles
et centres, elle est la plus importante commission scolaire publique anglophone
du Québec. Établie le 1er juillet 1998, lorsque le
gouvernement a créé des nouvelles commissions scolaires linguistiques, la
commission scolaire English-Montréal dessert 14 arrondissements et six
municipalités dans l'île de Montréal.
Lorsque nous avons écrit notre mémoire, nous ne
savions pas que d'autres importantes organisations très crédibles, comme la Commission des droits de la personne, le Barreau du
Québec, la Ligue des droits et libertés, la ville de Montréal, l'Assemblée des évêques du Québec et
des grandes universités québécoises, allaient exprimer leur opposition à l'adoption de la loi n° 60. M. le ministre,
nous ne sommes donc pas les seuls à réagir contre qu'est-ce que vous
tentez d'imposer à la société québécoise, considérée comme inclusive et
démocratique.
Nous sommes
notamment d'accord avec le Barreau du Québec et la Commission des droits de la
personne qui ont affirmé clairement que le projet de loi n° 60
viole la Charte des droits et libertés. En effet, le projet de loi n° 60
ne reflète pas le contenu de la charte
québécoise des droits et libertés qui donne aux citoyens le droit de
sauvegarder leur dignité, leur honneur et leur réputation. La commission
scolaire English-Montréal plaide pour le respect de cette loi fondamentale
qu'est la Charte des droits et libertés.
D'autre part,
nous estimons que votre projet de charte va à l'encontre de d'autres lois
adoptées par l'Assemblée nationale. Nous voulons parler ici, en plus de
la loi qu'est la Charte des droits et libertés, de la Loi sur l'instruction publique, loi-phare de notre système d'éducation,
qui dit que l'école doit respecter la liberté de conscience et de
religion, et de la loi n° 56 contre l'intimidation à l'école.
M. le
ministre, cela nous amène à vous poser la question suivante : À quelle loi
devrons-nous désobéir? En ce sens, le projet de charte est contraire au
message de respect que nous essayons de transmettre chaque jour à nos élèves.
Parlons de la dichotomie entre le projet de loi
n° 60 et la Loi sur l'instruction publique. Nous irons rappeler que c'est
un gouvernement du Parti québécois qui a modifié, en 2000, la Loi sur
l'instruction publique, qui stipule maintenant,
à l'article 37 : «Le projet éducatif de l'école doit respecter la
liberté de conscience et de religion des élèves, des parents et des
membres du personnel de l'école.» Le projet de charte va donc directement à
l'encontre de cette loi. Est-ce que la première ministre du Québec était
consciente?
Nous avons
toujours respecté l'esprit de la lettre de la Loi sur l'instruction publique.
Ainsi, nous enseignons à nos élèves le respect de la diversité
religieuse et le pluralisme. Nous avons réduit l'ignorance et les préjugés,
créant ainsi une atmosphère de respect et d'acceptation de la diversité. Nous
souhaitons poursuivre dans cette voie. Alors, nous vous le demandons :
Pourquoi changer ce qui va bien et ce qui nous rend si fiers?
Mme
Lattanzio (Patricia R.) : Autre
contradiction. En 1998, le ministère de l'Éducation d'alors, Mme Pauline
Marois, la ministre, a inscrit, dans la
Politique d'intégration scolaire et d'éducation interculturelle, Une école
d'avenir, cosignée par M. André Boisclair, alors ministre responsable de
l'Immigration, qu'il fallait s'assurer que le système d'embauche, dans les commissions
scolaires et la plupart des institutions d'enseignement, n'inclue aucune règle
ou pratique qui aurait un effet
discriminatoire. Nous demandons au ministre responsable du projet de loi
n° 60 de relire cette déclaration de sa première ministre, qui faisait
alors la promotion d'une exclusion zéro et de la reconnaissance de la diversité
en termes de milieu familial, religieux et culturel.
Autre contradiction, cette fois-ci avec la loi
n° 56. Le projet de loi n° 60 crée un environnement propice à l'intimidation reliée au port des signes
religieux. Pourtant, en 2012, le gouvernement du Québec a adopté la loi
n° 56, qui exige que les commissions scolaires s'assurent d'offrir un
environnement permettant aux élèves de développer leur plein potentiel, libre
de toute forme de violence ou d'intimidation. Le gouvernement du Québec a-t-il vraiment
eu connaissance de ces contradictions avant de rédiger le projet de loi
n° 60?
Mme Lo Bianco (Sylvia) : La loi n° 60,
si elle est adoptée, obligera des personnes à choisir entre un emploi au gouvernement
et le désir de porter des vêtements à connotation religieuse, ce qui est un
droit personnel. Nous ne sous-estimons pas le risque de recruter moins de
ressources compétentes en enseignement.
À notre avis, le gouvernement essaie de résoudre
un problème qui n'existe pas dans nos écoles. Nous vous invitons à aller visionner des vidéos, sur notre site Web, qui
démontrent comment se côtoient, dans la plus grande harmonie, des
professeurs et des élèves arborant des signes religieux différents. Nous tenons
à rappeler que notre commission scolaire a un taux de diplomation de 83 %, ce qui la situe parmi les meilleures au
Québec. Pourquoi créer un problème dans nos écoles plutôt que d'en
régler des plus urgents, qui permettrait d'assurer encore mieux la réussite de
nos élèves? De plus, selon nous, le
gouvernement va encourager le transfert de nombreux élèves vers des écoles
privées subventionnées et l'arrivée de nouvelles écoles privées
religieuses non subventionnées qui vont permettre, elles, à des élèves et à des
professeurs d'arborer des signes religieux, et cela se fera malheureusement au
détriment du réseau public.
Mme Mancini (Angela) : En conclusion,
nous voulons être bien clairs : Au nom des élèves, des parents, du
personnel et des élus de la commission scolaire English-Montréal, nous
exprimons notre rejet, sans équivoque, du projet
de loi n° 60. Il va à l'encontre des valeurs du projet pédagogique
développé et défendu au nom de notre communauté. Alors, nous sommes très fiers de ce projet pédagogique qui permet de
former des futurs citoyens responsables, respectueux et ouverts sur le
monde.
Nous tenons à
vous le dire sans détour : Nous allons nous battre en utilisant tous les
recours possibles pour que cette loi
ne soit jamais applicable pour notre commission scolaire. Nous vous remercions
à l'avance de tenir compte de notre position. Merci.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Maintenant, nous allons passer à
la période d'échange. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.
M. Drainville : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour votre mémoire et votre présentation. J'aimerais
juste clarifier quelque chose d'emblée, je suis sûr que vous avez vu, au début
du mois de janvier, les gros titres de certains
médias qui disaient notamment, pour l'un de ses titres : La commission
scolaire English-Montréal envisage la désobéissance civile, je cite. J'aimerais vous donner aujourd'hui
l'occasion de nuancer vos propos. Parce que je trouve que, pour une institution publique comme la vôtre, qui
est financée à 100 % par les fonds publics… ou, en tout cas, à
100 % par le public, mais une bonne partie, évidemment, du financement est
public, je trouve ça… Je pense que vous êtes allés beaucoup trop loin en laissant entendre que vous n'alliez pas respecter
la loi. Alors, j'aimerais vous donner l'occasion de nous dire que,
lorsque la loi sera votée, vous allez la respecter, comme tout bon citoyen doit
respecter les lois d'un État ou d'une société.
Mme
Mancini (Angela) : Alors, je
pense que ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est que nous allons prendre
tous les recours possibles pour assurer que
cette loi, que nous, nous trouvons injuste et discriminatoire, ne sera pas
appliquée à notre commission scolaire. Alors, je pense que c'est
important.
On a, à notre commission scolaire, dans la
préparation de notre mémoire et suite au dépôt de notre mémoire, une mobilisation de notre personnel, des
électeurs, des gens qui nous ont appuyés dans notre position contre la
charte. Alors, c'est très important que ce
soit clair que, pour nous, ça veut dire qu'on va prendre tous les recours
nécessaires pour assurer que la charte ne peut pas être appliquée.
M.
Drainville : O.K.
Mais on s'entend que prendre tous les recours nécessaires et désobéir à la loi,
ce n'est pas tout à fait la même chose. On s'entend?
Mme Mancini (Angela) : Oui. Absolument.
• (17 h 40) •
M. Drainville : Très bien.
Par ailleurs, vous savez, il y a plusieurs organisations et personnalités qui
ont appuyé la charte des valeurs dans le système scolaire primaire et
secondaire, dans le système scolaire public primaire et secondaire. Le Conseil du statut de la femme est d'accord pour que la
charte s'applique dans le système primaire et secondaire, y compris en matière de port de signes religieux. C'est
également la position de la CSQ, qui est un très grand syndicat
enseignant. C'est la position de la CSN. C'est la position du Rassemblement
pour la laïcité. C'est la position pour… de
Guy Rocher et la position de Yolande Geadah. C'est la position également des
Juristes pour la laïcité dont l'ex-juge
de la Cour suprême, Claire L'Heureux-Dubé. Est-ce que vous considérez que ces
groupes ou ces personnes épousent, de quelque façon que ce soit,
l'intolérance ou l'intimidation à l'école, qui sont deux qualificatifs que vous
attribuez à la charte dans votre mémoire?
Mme
Mancini (Angela) : Alors, je ne
ferai pas commentaire sur les autres groupes. Moi, je pense que je
représente une communauté qui est la commission scolaire English-Montréal.
Notre syndicat a été très clair dans l'appui qu'il nous fait de notre position contre la charte. Je pense aussi que, quand
on regarde et on voit les gens avec qui on est aux côtés de, la
Commission des droits de la personne, le Barreau du Québec, la Ligue des droits
et libertés, je pense qu'on est quand même dans une position très claire et
très ferme pour se positionner contre la charte. Alors, c'est qu'est-ce que je
peux vous dire. Je ne prendrai pas la parole pour les autres organisations.
M.
Drainville : C'est
parce que, en tout respect, là, vous utilisez des mots très, très durs.
Vous dites à plusieurs reprises… Vous associez à plusieurs reprises, dans votre
mémoire, le projet de loi n° 60 à de l'intimidation.
Vous dites que le projet de loi n° 60 est une tactique d'intimidation. Une
fois la loi adoptée, elle incarnera la pire
des formes d'intimidation. Vous dites : «Nous considérons le projet de loi
n° 60 comme un outil d'intimidation…» Vous allez même jusqu'à dire,
alors je vais vous citer : «Nous considérons le projet de loi n° 60
comme un outil d'intimidation qui tente d'éliminer le port de symboles
religieux dans le secteur public et bafoue les personnes — et
bafoue… excusez-moi, là — [les]
droits fondamentaux reconnus dans toutes les sociétés non totalitaires.»
Alors là, si
j'étais de retour dans mon métier de journaliste, je vous demanderais :
Est-ce que vous êtes en train de dire que le projet de loi n° 60
est totalitaire ou s'inspire d'une forme de totalitarisme?
Mme
Mancini (Angela) : Je vais vous ramener au projet de loi et le fait
sur l'intimidation qui vous a porté à nous citer sur cet item-là. Ce que moi et nous, on pense, comme commission
scolaire, qu'est-ce qu'on sait, c'est que, quand un projet de loi porte
à une stigmatisation de la différence, elle va encourager l'intimidation. Et,
dans la loi n° 56, nous avons l'obligation non seulement d'assurer qu'il
n'y a aucun acte d'intimidation dans nos écoles, mais vraiment de la prévenir. Et ça nous met dans une situation avec
des jeunes, qui sont des éponges, qui vont ramasser non seulement ce que
nous, on va dire, mais qu'est-ce qu'on va faire. Et votre charte est en train
de nous positionner dans une situation à laquelle nous ne pourrons pas
l'appliquer, la loi.
M. Drainville : Pourriez-vous
répéter la toute, toute fin?
Mme Mancini (Angela) : Vous êtes en
train de nous mettre dans une position dans laquelle nous ne pouvons pas
appliquer la loi telle qu'elle est, parce qu'elle va encontre non seulement de
la loi n° 56, qui fait partie de notre… — voyons! — notre Loi sur l'instruction publique, mais
aussi au niveau de les articles de loi qui nous disent qu'on a droit à
la liberté de conscience et de religion. Et c'est ça qu'on vous demande :
À quelle loi qu'on va désobéir?
M.
Drainville : Mme
Lo Bianco, en tout respect, vous revenez avec la notion de désobéissance à
la loi, là, est-ce que vous excluez, oui ou non, la désobéissance
civile?
Mme
Mancini (Angela) : M. Drainville, M. le ministre Drainville, je vous
ai déjà répondu très clairement que la commission scolaire va prendre
tous les recours nécessaires pour ne pas appliquer la loi. Alors, ça, ça a été
très clair. Et ne faites pas dire qu'est-ce
que je ne dis pas. Je vous dis simplement que nous allons prendre tous les
recours nécessaires de ne pas appliquer votre loi.
M. Drainville : Oui, mais
vous faites référence au fait que vous pourriez ne pas obéir à la loi. Alors,
on a déjà établi qu'il y a une distinction
entre contester une loi et ne pas obéir à une loi. Alors, je vous repose la
question : Est-ce que vous écartez, clairement et explicitement, la
désobéissance civile? Oui ou non?
Mme Lattanzio (Patricia R.) : M. le
ministre Drainville, la réponse est la suivante : C'est qu'on va épuiser tous les recours, que ce soit contestation, tout
ce qui est judiciaire, pour pouvoir ne pas être assujettis à cette loi dans
la forme qu'elle est. Alors, c'est ça, le message, c'est ça que nous désirons
que vous compreniez aujourd'hui, et que ça soit clair, et que vous soyez à
l'écoute de ceci.
Parce que justement on se retrouve — si
vous permettez — avec
ce projet de loi, devant une situation contradictoire.
D'un côté, vous nous demandez de respecter l'alinéa trois de l'article 37 de la Loi sur l'instruction
publique, qui nous dit qu'on doit respecter la liberté de conscience et de
religion — ce
que nous faisons, et, disons-le, on le fait très bien — et,
d'autre part, le projet de loi viendrait directement en contradiction avec
cette loi. Alors, c'est pour ça qu'on vous a
posé la question : À quelle loi est-ce qu'on va devoir désobéir? On ne
veut pas désobéir ni l'une ni l'autre, mais là vous nous mettez dans une
position qu'on ne sait plus quoi faire.
Donc, si le
gouvernement nous impose cette loi, c'est sûr qu'on va prendre tous les recours
judiciaires, on va les épuiser pour que la commission scolaire
English-Montréal ne soit pas assujettie.
M. Drainville : Oui. Alors,
je ne vais pas prendre tout le temps là-dessus, là. Vous connaissez le poids
des mots, et, si vous utilisez le mot «obéir» — je pense que vous avez eu le
temps d'y réfléchir avant de venir en cette commission — c'est que vous l'utilisez délibérément. Et
donc je vous invite, s'il vous plaît… De dire : On va tout faire
pour la contester, c'est une chose, mais de
laisser entendre, en utilisant le mot «obéir», que vous pourriez vous engager
dans la désobéissance civile, ce que je vous dis, c'est qu'à mon avis c'est
irresponsable. Alors, je vous demande, s'il vous plaît, de bien peser les mots que vous utilisez. Et, si vous continuez à
utiliser ce mot-là, vous continuez à laisser entendre que vous pourriez
avoir recours à la désobéissance civile. Ce que je vous dis, c'est qu'à mon
avis vous pouvez très bien passer votre message sans aller jusque-là.
Le Président (M. Ferland) :
J'ai…
M. Drainville : C'est juste
ça que je veux vous dire.
Le Président (M. Ferland) : M.
le ministre, excusez. Oui, j'ai un point d'ordre à propos de… règlement…
M.
Lessard : Oui, un
point d'ordre.
Le Président (M. Ferland) :
Point de règlement.
M.
Lessard :
J'aimerais…
Le Président (M. Ferland) :
Quel article?
M.
Lessard : 35.
Le Président (M. Ferland) :
45, O.K.
M.
Lessard : 35.
Le Président (M. Ferland) :
35. Allez-y.
M.
Lessard :
Donc, on n'est pas devant un tribunal puis on n'est pas à la confesse ici, là.
Donc, je voudrais rappeler l'instance,
c'est un projet de loi, ce n'est pas une loi. Alors donc, je veux rappeler les
règles, là. Lorsque les gens témoignent, on n'est pas à la confesse, ce
n'est pas un tribunal.
Le
Président (M. Ferland) : O.K. Merci, monsieur… Non, mais c'est
un point de… l'article 45. Mais, O.K., on poursuit, M. le ministre,
mais peut-être en insistant un peu moins sur…
M.
Drainville : Bon. Je veux juste… M. le Président, d'abord, vous savez, quand on a une juge, une
ancienne juge de la Cour suprême du Canada qui dit que le projet de loi
n° 60 ne brime pas la liberté de religion, respecte les chartes, respecte la liberté de conscience… Alors,
encore une fois, je respecte votre point de vue — encore
une fois, sur le langage utilisé, je vous invite à reconsidérer,
là, le choix des mots — mais
je tiens à dire et à redire que, dans notre esprit, le projet
de loi n° 60 est tout à fait, totalement même, respectueux de la liberté de religion et de la
liberté de conscience. Et j'irais même
jusqu'à dire que la liberté de religion et la liberté de conscience vont être
encore mieux protégées, grâce au projet de loi n° 60, qu'elles ne
le sont présentement.
• (17 h 50) •
Bon, par ailleurs, je veux qu'on parle un peu du rôle de modèle et de la figure
d'autorité qu'incarne l'enseignant ou l'enseignante.
Vous savez, on a eu plusieurs témoignages de personnes qui sont venues devant
cette commission et qui nous ont parlé de l'impact qu'une
enseignante portant un signe religieux, qu'un enseignant portant un signe
religieux pourrait avoir sur des enfants.
Alors, évidemment, quand on porte un signe religieux, on envoie un
message religieux, ça, ça va de soi, et, comme vous le savez, les religions ne
sont pas neutres, les religions ont un code moral, elles ont des idées,
des préceptes, des positions également bien arrêtées sur un certain nombre de
sujets, d'enjeux. On pourrait parler, par exemple,
de l'homosexualité, du droit des femmes, la conception du mariage, la
contraception, l'avortement. Sur tous ces enjeux-là, les religions ont des positions. Et donc il y a un certain
nombre de personnes qui se sont présentées en commission et qui nous ont dit : Vous savez, quand l'enseignant ou
l'enseignante porte un signe religieux, le message qui peut être reçu par l'élève, par l'enfant, c'est
une sorte de, comment dire… c'est comme si la personne qui porte le
signe porte le code moral qui va avec le
signe et donc porte les positions
dont je viens de vous parler avec le signe qu'elle porte. Et, dans la
mesure où cette personne incarne l'autorité, est un modèle pour les enfants — on a
tous été marqués, dans notre histoire, par certains enseignants ou
enseignantes — bien,
bien évidemment, le port de ce signe religieux peut avoir, à ce moment-là, un impact sur le développement de
l'enfant, sur l'identité de cet enfant-là, sur sa conception de
l'égalité entre les hommes et les femmes. Ça peut l'amener, par exemple, à
poser la question : Pourquoi vous, vous devez porter un signe puis votre
conjoint n'est pas obligé de le porter, par exemple?
Alors, on a eu, donc, plusieurs témoignages qui
nous rappelaient à quel point le port des signes religieux par les enseignants
et les enseignantes pouvait avoir un impact sur l'enfant et sur la construction
de l'enfant. Jocelyne Robert, par exemple, a
donné un certain nombre d'exemples de questions qui peuvent venir à l'esprit
d'un enfant qui voit, par exemple,
son enseignante porter un signe religieux ou son éducatrice porter un signe
religieux. Alors, je la cite : «Que répond l'éducatrice au bambin
qui lui demande pourquoi elle porte le voile et pas son mari? Que dit-elle à la
gamine qui veut savoir pourquoi elle ne
serre pas la main de son papa? Comment elle répond aux questions sur la
sexualité?» En d'autres mots, ce que j'essaie de vous transmettre, c'est
toute la question des droits de l'enfant. Est-ce que les enfants ont des
droits, selon vous, ou est-ce qu'il y a seulement les enseignants ou les
enseignantes qui ont des droits dans ce débat-là,
et, dans le fond, les enfants ne sont que spectateurs, et on n'a pas besoin de
les inclure dans l'équation et dans la réflexion sur ce débat-là sur la
charte?
Mme
Lattanzio (Patricia R.) : Alors, M. le ministre, pour revenir sur un
premier point, vous avez référé tantôt à notre collègue de la Cour
suprême, l'ex-juge à la Cour suprême, l'opinion de Mme Claire L'Heureux-Dubé,
tantôt, dont j'ai écouté, en tant que juriste, avec grand intérêt son
interprétation et sa présentation devant vous. Mais j'ai également écouté celle de Mme Arbour, qui, elle
aussi, était ex-juge de la Cour suprême, et il va de soi de vous dire
que, justement, je partage, nous partageons l'opinion émise par l'ex-juge
Arbour.
Pour revenir
à votre deuxième intervention, nous vous disons que, oui, les enfants ont des
droits, mais même nos employés ont
des droits. Et, quand un enfant est placé dans une classe où, justement, il
peut porter des signes ostentatoires et qu'il se voit devant un
professeur qui, lui ou elle, ne pourra pas le porter, je vous dirais que ça met
l'enfant dans une situation assez
inquiétante, parce que cet enfant-là grandit et cet enfant-là est capable de
réfléchir et de se poser des questions
telles que pourquoi est-ce que moi, je pourrais porter ces signes dans ma
classe, tandis que mon prof ne le pourra pas.
Mme Mancini (Angela) : Je voudrais
ajouter peut-être, parce que vous avez fait mention tantôt… Et votre question, elle est très grande, elle est très
longue aussi. Alors, vous avez fait mention du fait qu'on était irresponsables.
Je vous dirais que, comme élus représentant
une communauté qui est quand même assez grande, on prend notre
responsabilité au sérieux et on va les représenter le meilleur qu'on peut pour
assurer qu'on suit qu'est-ce qu'ils nous demandent de faire. Et ça a été très, très clair dans notre communauté, l'appui a été
très fort, de toutes les instances, de toutes les parties prenantes de
notre commission scolaire. Ça, c'est le premier point.
M. Drainville : …
Une voix : C'est Mme Mancini.
M.
Drainville : …je
faisais référence à la question de la désobéissance civile. Pour le reste, vous
avez tout à fait le droit, bien entendu, c'est pour ça qu'on vous
entend. On vous entend parce que vous représentez…
Mme Mancini (Angela) : Et le…
Le Président (M. Ferland) :
Allez-y, allez-y.
Mme Mancini
(Angela) : Le deuxième point dont je prends un peu exception, c'est
de nous poser, comme commission scolaire, si on pense que les jeunes ou les
enfants ont des droits. On est une commission scolaire, les jeunes, c'est notre raison d'être. Et je pense que
je prends un peu exception aux commentaires du ministre Drainville et je
pourrais vous dire que, notre communauté,
quand on parle de 33 000 élèves, on parle aussi de parents qui nous
appuient. Et notre
comité central des parents, qui sont… et les parents sont les premiers
responsables de nos jeunes, nous appuie fortement dans notre position. Alors, on est tout à fait dans la bonne
voie et on va continuer à les représenter avec tout qu'est-ce qu'on peut
et tous les recours qu'on a pour les représenter de façon adéquate.
M. Drainville :
Est-ce que le port du niqab serait acceptable ou le port de la burqa serait
acceptable pour une enseignante de votre commission scolaire?
Mme
Mancini (Angela) : Pour
nous, peu importe, à ce moment-ci, on peut parler de la charte. Si quelque chose couvre la face et ça peut poser un problème de sécurité, on est
dans un autre enjeu complètement… et ne fait pas, pour nous, partie de la
discussion sur la charte présentement.
M. Drainville :
O.K. Mais, si une enseignante décidait de porter le niqab ou la burqa dans
votre commission scolaire, est-ce que vous lui permettriez de donner son cours?
Mme
Mancini (Angela) : Bien, écoutez, je vais vous répéter la même chose
que je viens de vous dire : Toute chose
qui pourrait causer un problème au niveau de la sécurité de nos jeunes, parce
que, comme commission scolaire, outre l'idée
de l'éducation, la première responsabilité qu'on a, c'est la sécurité de nos jeunes,
alors toute chose qui pourrait… Et, pour
nous, c'est un débat complètement autre que ce qu'on est en train de faire
aujourd'hui. On est ici pour parler de la charte, pour le projet de loi de la charte n° 60, en vous disant
qu'on ne peut pas l'appliquer de la façon qu'elle est, elle va à
l'encontre de la Loi sur l'instruction publique.
M. Drainville :
Bien, moi, en tout respect, je ne suis pas d'accord avec l'interprétation que
vous donnez. Le projet de loi n° 60
respecte toutes les lois et ne va absolument pas en contradiction avec quelque
loi que ce soit. Alors, je comprends qu'on a une interprétation
différente là-dessus.
Puis par ailleurs,
sur la question du visage couvert, c'est dans la charte. La charte prévoit
l'interdiction pour une enseignante, pour un
agent de l'État, de façon générale, de se couvrir le visage, elle oblige le
visage à découvert, elle l'oblige non
seulement, en fait, pour les agents de l'État, elle l'oblige également pour les
usagers. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça? Est-ce que vous êtes
d'accord avec l'obligation d'avoir le visage à découvert pour les enseignants
et enseignantes?
Mme
Mancini (Angela) : La charte, telle qu'elle est présentée, parle de
valeurs et elle a justement un fondement sur le port des signes
religieux. Je vais vous relancer la question à vous, M. le ministre Drainville,
à vous dire que, justement, tout port qui
cacherait le visage, par exemple un masque de ski, une cagoule, un gros casque
d'un bonhomme de neige — étant donné qu'on est ici même, à
Québec — je veux
dire, ça, ça pourrait porter justement atteinte à la sécurité. Alors, la
commission scolaire, ça, c'est… Et c'est pour ça que je vous dis : Ça,
c'est tout un autre débat. Tout ce qui cacherait
le visage, y comprenant les trois exemples que je viens de vous donner, c'est
sûr qu'on tient à coeur la sécurité de nos
élèves, on serait contre. Mais la charte, telle qu'elle est présentée, elle se
fonde et elle se base sur des signes ostentatoires seulement. Alors,
pour nous, cette question-là est tout un autre débat.
M. Drainville :
Et le tchador, lui, il permet le visage à découvert. Le tchador, tu peux porter
un tchador… En fait, par définition, le tchador découvre le visage. Est-ce
qu'une enseignante qui porterait un tchador, donc, ce serait acceptable pour
vous?
Mme
Mancini (Angela) : On n'est pas ici pour faire un débat sur combien de
la figure va être découvert, à quel moment.
On est en train de vous dire simplement — et on va retourner sur notre message, parce
qu'on espère vraiment que vous allez le prendre en considération quand
vous allez faire vos délibérations — que votre charte, tel que
vous l'avez présentée présentement, elle va à l'encontre des autres lois, et
nous, on ne pourra pas l'appliquer, on va le répéter et répéter. Et vous pouvez
nous amener vers un discours de la grandeur, combien de la figure, mais ce
n'est vraiment pas sur ce point-là qu'on est ici pour vous parler.
• (18 heures) •
M. Drainville :
Oui, non, j'ai très bien compris votre message, mais j'essaie de voir les
limites que vous vous imposez déjà, et… Là, vous avez fini par dire à la
fin que, bon, si j'ai bien compris, là, le visage couvert, ce serait inacceptable pour vous, là. Mais ça, il me semble,
ça va tellement de soi, ça. C'est tellement évident que, dans une salle
de classe, on ne peut pas accepter qu'une
enseignante ait le visage couvert. La réponse devrait venir facilement, ça
devrait être clair dans vos règles, dans votre pratique, dans vos
fonctionnements, et il a fallu que je m'y reprenne à trois reprises pour que
j'aie ce qui semble être une réponse comme quoi vous l'interdiriez. Il me
semble que la réponse, ça devrait : M.
Drainville, une enseignante qui se couvre le visage, c'est inacceptable pour
nous, donc le niqab, la burqa, dans une salle de classe de la commission
scolaire English-Montréal, c'est non, ce n'est pas permis, point à la ligne.
Mais,
vous savez, une des raisons pour lesquelles on a la charte, c'est qu'effectivement
on sent que, dans beaucoup d'institutions publiques, les règles ne sont
tellement pas claires que le temps est venu de les préciser, justement, notamment
sur la question du visage qui doit être à découvert, selon nous.
Et cette espèce de relativisme culturel dans lequel on tombe trop souvent, où on se pose des questions,
puis on tourne en rond, puis on est obligés de faire un grand débat sur une question évidente, surtout dans une salle de classe… Dans
une salle de classe, ce n'est pas compliqué, c'est : visage à
découvert, point à la ligne. Ça devrait être ça, la règle. Elle devrait déjà
s'appliquer, ça devrait être clair pour tout le monde. Mais, vous savez, malheureusement
ça ne semble pas être le cas.
Mme Mancini
(Angela) : Si vous me permettez, M. Drainville…
Le
Président (M. Ferland) : Alors, de toute façon, malheureusement, le temps est écoulé pour la partie ministérielle. Je vais aller… Mais, juste avant d'aller du côté de
l'opposition officielle, deux choses, la première, c'est que,
lorsqu'un membre de la commission invoque un règlement, le temps qu'il prend
pour prendre la parole, nous, nous arrêtons le temps. Donc, ça veut dire que le
temps qui est pris n'est pas enlevé sur une partie ou l'autre. Ça, c'est clarifié là-dedans. Et, bien entendu, il y a toujours
des questions. Les parlementaires aussi, celle du deuxième volet, prennent
souvent le temps. C'est vrai pour tout le monde. Souvent, ça peut ressembler à
un commentaire. Mais le temps dont disposent
les groupes parlementaires leur appartient. Ils peuvent vous poser des questions,
ils peuvent faire des commentaires,
ils peuvent faire ce qu'ils veulent avec leur temps, mais dans le respect. Et,
dans les propos qu'on tient, je vous
demande toujours d'être… et c'est vrai aujourd'hui, là. Je ne fais pas de reproche là-dessus, mais je fais juste un rappel.
M.
Lessard : …j'avais
un petit article 35 concernant les derniers commentaires…
Le Président (M. Ferland) : L'article 35,
oui.
M.
Lessard : …un appel au règlement, article 35, oui. Je
pense qu'en commission parlementaire, M. le
Président, on n'a pas à être sermonné par
celui qui porte le dossier ministériel. Les parties viennent présenter leurs arguments,
ils n'ont pas à être sermonnés. Alors, je tiens à le rappeler. C'est important
pour le bon fonctionnement de notre commission.
Le
Président (M. Ferland) : Bien compris, M. le député. Donc, c'était un commentaire. Alors, je reconnais
le député de LaFontaine, 16 min 20 s.
M. Tanguay : Merci beaucoup, M.
le Président. Alors, merci beaucoup d'avoir pris le temps de rédiger un mémoire et de venir nous en faire la présentation aujourd'hui. J'aimerais savoir, le ministre en a fait un point d'honneur en parlant de
la burqa et du niqab, qui est un voile facial, on ne voit que les yeux :
Combien y a-t-il de professeurs à la commission scolaire English-Montreal qui
ont le visage complètement couvert, qu'on ne voit que les yeux? Vous en avez
combien?
Une voix : Zéro, on n'en a
pas.
M. Tanguay : Vous en avez zéro. On vient d'entendre le ministre
dire que c'est ce qu'il voulait régler. Alors, il va, demain matin, si
d'aventure le projet de loi n° 60 était adopté, régler zéro cas en ce qui
vous concerne.
J'aimerais
donc revenir, vous me permettrez, avec un sourire dans la voix, revenir à ce
qui est évidemment votre réalité de tous les jours. Un souverainiste,
Raymond Gravel, ancien député du Bloc
québécois, a dit, et je le
cite : «Moi, je porte ma croix et je n'impose pas ma religion à
personne.» Est-ce que demain matin vous seriez à l'aise de congédier Raymond
Gravel comme professeur parce qu'il porterait sa voix… sa croix?
Mme
Mancini (Angela) : Je ne
serais pas confortable du tout. D'ailleurs, permettez-nous de vous dire que, dans
notre commission scolaire, présentement on a des professeurs qui portent des
signes religieux, que ce soit la kippa, même
le hidjab, et on n'a pas de problème dans nos classes. D'ailleurs, je pense qu'on est dans une commission scolaire qui a bien
mis en évidence la loi qu'on a devant nous, l'instruction publique, qui nous
demande de mettre en évidence la liberté de conscience et de religion.
Et on est une commission scolaire qui est citée même par le ministre de
l'Éducation comme étant des leaders dans qu'est-ce qu'on fait, dans les différentes activités qu'on va assurer à nos jeunes pour
qu'ils puissent vivre au Québec avec… et avoir une diversité, avoir une
compréhension des diversités et une acceptation de qu'est-ce que ça veut dire,
vivre dans une province comme la nôtre.
M. Tanguay :
Toujours dans le respect de l'égalité
hommes-femmes, qui est d'une importance primordiale, vous dites :
L'importance de la diversité. Il y a, sous la responsabilité directe de la
députée de Crémazie, la ministre de l'Éducation…
de l'Immigration, des lois qui visent notamment à faire
en sorte que l'État représente cette diversité-là.
Avez-vous entendu la ministre responsable de l'application de cette loi-là
dénoncer le projet de loi n° 60?
Mme Mancini (Angela) : Moi, j'ai…
Excusez-moi, je regardais quelque chose. Voulez-vous répéter votre question, peut-être
que ça va m'aider?
M. Tanguay : Pas de problème,
sans aucun problème. Vous parlez beaucoup de diversité et l'importance, au Québec,
depuis les dernières décennies notamment, de faire
en sorte que l'État
soit évidemment l'écho de cette
diversité-là et qu'il n'y ait pas de
discrimination en emploi ou à l'embauche. La députée de Crémazie, l'actuelle
ministre de l'Immigration, est titulaire, est responsable de
l'application de lois qui notamment font en sorte de respecter cette diversité-là et de permettre que l'État doit être
le reflet de cette diversité-là. L'avez-vous entendue dénoncer, oui ou
non, le projet de loi n° 60 parce qu'il allait à l'encontre de ces lois?
Mme Lo
Bianco (Sylvia) : Bien, c'est
évident que non. Justement, le projet de loi ne nous donne aucunement l'impression qu'on respecte la diversité. Et c'est
pour ça qu'on est devant vous, pour vous dire justement : Écoutez-nous,
parce qu'il est clair
que cette loi-là va à l'encontre du respect fondamental des droits de liberté
de la personne, et, justement, ça vise directement la liberté de
religion et de conscience.
M. Tanguay :
Il y a dans votre mission le respect. Vous avez parlé — évidemment, moi, comme père de
famille, c'est toujours un élément qui me
préoccupera — vous
avez parlé, entre autres, de valeurs telles que non à l'intimidation. Nous,
ici, on respecte... on ne veut pas d'intimidation puis on dénonce ça. Vous
parlez également du respect de la diversité de l'autre,
on n'est pas tous pareils. Et la neutralité des institutions, c'est une chose,
on n'enseigne pas... on ne fait pas de prosélytisme. Mais la neutralité
des individus... Là, on entre dans des éléments qui viennent nier des éléments
de cette diversité-là.
J'aimerais... De façon plus concrète et
tangible, dans votre au jour le jour, comment vous, vous mettez en application cet enseignement-là dans vos écoles, de respecter la diversité
puis comment c'est important dans un Québec qui est ouvert sur le monde,
cette diversité-là? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Lattanzio (Patricia R.) : C'est justement
exactement ce que nous, nous sommes en train de faire avec la loi qui est là. Et on respecte la loi qui est
là, la loi n° 118 de l'institution publique. Alors, pour nous,
d'avoir la liberté de conscience et
de religion, déjà, on voit ce qu'on est en train de faire au niveau d'enseigner
nos élèves au niveau de respect.
Mme
Mancini (Angela) : Et
j'ajouterais : Au niveau de les activités qu'on a quotidiennement dans les écoles.
Je peux vous donner un exemple. Ça peut
aller des jeunes qui peut-être habitent l'est de Montréal, qui est un quartier
quand même assez homogène au niveau des groupes culturels et peut-être même de
religions, et d'aller visiter des écoles de l'ouest, où est-ce que peut-être
cette réalité n'est pas la même, pour pouvoir comprendre les différences, pour
être capable de non comprendre seulement
les différences, mais des similitudes, parce
que les religions, les valeurs sont
là.
Et je pense
que, quotidiennement, on enseigne aussi à nos jeunes des valeurs qui
sont des valeurs québécoises d'intégration,
de respect de l'autre, et c'est ça qu'on fait à tous les jours. Et qu'est-ce qu'on craint, c'est que la loi ou le projet de loi que vous êtes en
train de nous présenter va nous mettre dans une situation où est-ce qu'on va
avoir des inégalités. Et comment on explique
à un jeune, justement, un peu — tantôt,
on parlait d'expliquer à nos jeunes — que
lui, il peut porter son symbole, mais son
professeur qui est là ne le porte pas, mais, en sortant de l'école, voit le
même professeur avec son signe religieux?
Parce que les gens vont devoir faire des choix. Alors, nous, ils vont être dans
nos écoles sans les signes, et après ça... Comment on explique ça à nos
jeunes? Comment on va expliquer la différence?
Et c'est
quelque chose qui… du moment qu'on n'est pas capable d'accepter la différence
des autres, ça touche tout le reste.
Ce n'est pas seulement la religion, c'est l'orientation sexuelle, c'est tout le
reste qui est dans le discours qu'on a présentement avec nos jeunes,
d'acceptation de l'autre.
M. Tanguay :
La charte québécoise telle que rédigée actuellement fait en sorte, dans son
article 10, que l'on ne peut
discriminer notamment basé sur l'origine ethnique, la couleur de la peau, le
sexe, l'orientation sexuelle, la religion et les croyances religieuses. Est-ce qu'au Québec, en 2014, selon vous, on
est justifié de discriminer en vertu de la religion et de la liberté de conscience? Est-ce que, selon
vous, c'est une possibilité que l'on pourrait facilement mettre de
l'avant?
Mme Mancini (Angela) : Écoutez,
c'est sûr qu'on ne serait pas devant vous en train de vous présenter un mémoire qui est vraiment très fort allant contre
la charte et vous disant qu'on pense qu'on serait prêts à accepter ces
types de changements là. Notre société
québécoise est une société qui est très ouverte sur le monde et à laquelle je
suis très fière d'en faire partie. Pour nous, à la commission scolaire
English-Montréal, la charte nous emmène un peu en arrière.
• (18 h 10) •
M. Tanguay : Ce qu'on va vous
dire, c'est que, pour ceux comme le ministre... Et, encore une fois, quatre éléments sur cinq font consensus : les
balises, l'égalité hommes-femmes, non au prosélytisme, visage découvert; on ferait avancer le Québec demain matin. Mais ce qui fait écueil, c'est
cette interdiction mur à mur de port de signes ostentatoires.
Qu'avez-vous à répondre quant à cet aspect de la diversité qui est liberté de
conscience et de religion, l'argument qui
ferait en sorte : Bien, cet aspect de la diversité, on vous demande de
passer au vestiaire? Entre 9 heures et 5 heures, laissez cet aspect-là de votre diversité au vestiaire, ne
l'apportez pas sur les lieux de l'école. Comment vous, vous pourriez
vivre avec un tel argument? Surtout, comment vous pourriez concevoir
l'expliquer à des jeunes qui n'ont pas à
faire face à de la discrimination, que ce soit sur n'importe quel motif,
notamment celui religieux : Bien, cet aspect-là, vous n'avez qu'à passer au vestiaire, laissez
votre diversité au vestiaire? Comment pouvez-vous possiblement imaginer
une explication que vous pourriez fournir à un jeune qui, soit dit en passant,
lui-même, peut, par rapport à la majorité, avoir
des éléments de son identité qui fassent partie de cette diversité-là? Comment
pourriez-vous vous réconcilier avec ça?
Mme Lo
Bianco (Sylvia) : Je vous
répondrais que, justement, ça serait inconcevable. Je ne sais pas par quel
moyen, justement, comment enseigner ces éléments-là à un étudiant, que, dans la
classe, ça serait une règle et, à l'extérieur de
la classe, ce serait une autre. Justement, ça serait inconcevable. On ne serait
même pas capables, justement, de rédiger une politique à cet effet.
Inconcevable pour pouvoir «légimiter» ou expliquer ce phénomène qui pourrait se
produire. Et c'est pour ça que, justement, notre opposition à ce projet de loi
est si forte.
M.
Tanguay : Juste avant, M. le
Président, de laisser la parole à ma collègue, on a reçu ce matin,
notamment, le maire de Montréal, Denis Coderre, qui disait, le
10 octobre 2013 : «Si la loi passe, j'irai devant les tribunaux
comme maire.»
Également, le 8 novembre 2013, il disait : «Il ne faut pas que
la laïcité devienne une religion.» Donc, les paroles du maire de
Montréal.
J'aimerais maintenant, M. le Président, laisser
la parole à ma collègue.
Le Président (M. Ferland) : Alors,
Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme
Weil : Bonjour. Merci. Merci
d'être ici aujourd'hui. On sent, évidemment, beaucoup, dans votre présentation, que vous êtes ébranlées. Vous êtes ébranlées
par cette proposition d'interdiction surtout, évidemment. Vous n'êtes pas les seules, je pense qu'on est tous aux
prises avec ce débat, qui divise les Québécois. Mais il y a beaucoup de groupes qui sont venus au nom d'une laïcité à la
française ou à l'allemande, il y a d'autres formes de laïcité, un débat
très semblable en Europe, et donc ils le
présentent de façon très rationnelle, très rationnelle. Il faut respecter les
points de vue.
Et, souvent, un argument qui est présenté, c'est
que les parents, les personnes peuvent avoir un malaise face à un signe religieux, parce qu'ils vont présumer que
cette personne va avoir des orientations qui pourraient menacer ses propres valeurs. Donc, les valeurs sont
différentes. Donc, une femme qui porte le hijab, on pourrait être mal à l'aise à dire à un professionnel de la
santé qui porte le hijab qu'on boit de l'alcool, si la question est posée,
des questions de malaise.
Vous, vous
êtes dans le milieu de l'éducation. Et on a beaucoup parlé avec les médecins résidents,
qui nous ont répondu : Bien,
c'est une question d'éducation, il faut éduquer les gens par rapport à leur
malaise pour éviter qu'ils sentent un malaise, qu'ils soient en mesure
de comprendre. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous touchez à cette question, c'est-à-dire de diversité, comment
on fait pour apprivoiser, peut-être, la diversité. J'aimerais vous
entendre sur ça dans votre propre milieu.
Une voix : Comment on va
apprivoiser la…
Mme Weil : Comment vous
faites, c'est ça. Vous avez sûrement entendu cet argument, du mouvement laïque surtout, le ministre qui le
répète. En Europe, ils appellent ça un droit négatif de la majorité vis-à-vis
les minorités. C'est comme ça qu'ils
l'expriment, un droit négatif, de ne pas être embêtés par l'autre qui ne nous
ressemble pas. Et donc ça va dans le sens de
l'homogénéité. Vous avez cité Louise Arbour. Louise Arbour, elle dit
justement : C'est ça, c'est cette quête de l'homogénéité. C'est
exactement le même débat en Europe. Mais vous, vous êtes dans un milieu de diversité, vous faites la promotion… j'aimerais plus vous entendre que vous le dire,
mais de nous dire comment vous faites
pour expliquer aux enfants qui vous posent une question sur le foulard la différence.
Comment vous faites avec les enfants et comment les enfants comprennent
ça?
Mme
Mancini (Angela) : Bien, c'est
sûr que ça passe par nos professeurs, qui vont souvent amener, comme je vous ai dit… et aussi par plusieurs professionnels
qui vont travailler avec nos jeunes pour comprendre les différences qu'il peut y avoir et les symboles, ça
veut dire quoi, alors, si on parle de la religion juive, alors quels sont les
symboles qui peuvent représenter cette
religion-là, si on parle de la communauté ou l'Islam, et tout ça. Alors, c'est
des choses comme ça qu'on fait dans les écoles à tous les jours. Ça fait
partie de notre travail, si vous voulez, d'expliquer les différences.
Je pense
que qu'est-ce qu'il est important de
reconnaître dans l'idée de qu'est-ce qui se passe à l'Europe, comme vous
avez mentionné, c'est que, présentement, dans nos écoles, on n'a pas de
problème et on a des professeurs qui ne sont
pas homogènes, si on peut l'utiliser comme mot. Ils sont différents. Ils
portent des symboles. Et ils sont capables
de transmettre leur matière de façon adéquate, qui respecte les valeurs
québécoises qu'on a. Alors, nous, on se demande pourquoi la charte, qu'est-ce qu'elle va amener à nos jeunes. On
n'a pas de problème et on est en train… Pour nous, c'est comme si on
était en train d'en créer un où, problème, il n'y en a pas. Alors, c'est un
peu…
Et on le fait
à tous les jours. L'acceptation, c'est par des activités, c'est par des cérémonies
religieuses, par des projets dont les jeunes
doivent aller poser des questions à des gens autres qu'eux. Mes propres
enfants, étant d'une autre religion, sont allés voir d'autres gens. Et
comment, ça veut dire quoi, ça veut dire… tout ça fait partie de qui et comment
on va accepter l'autre. Dans le futur, si on n'est pas là-dedans, on va passer
à côté du message qu'on doit passer à nos jeunes.
Mme Weil :
Donc, vous voyez une contradiction entre la promotion de la diversité, d'une
part, et l'institution d'une
homogénéité. Et c'est-à-dire que, de 9 à 5 — on parle souvent du 9 à 5 — pendant le jour, on va tous se
ressembler puis on ne va pas voir de signe religieux. Vous voyez une
contradiction entre ces deux objectifs?
Mme
Lattanzio (Patricia R.) : Absolument.
Il faut prendre en note vraiment le but de la charte. À notre opinion, ça
va souligner, ça va stigmatiser les différences qui existent en ce moment.
Mais, nous, comme commission scolaire, notre
objectif, notre mission, c'est toujours avec tous les appuis de nos parties
prenantes. On est 33 000 élèves, on a 77 centres et
écoles partout sur l'île de Montréal. On a une mobilisation jamais vue. Et donc
tout le monde, tout le monde nous attend à dire : Vous, aujourd'hui,
pourquoi cette loi?
Le Président (M. Ferland) : …
Mme Weil : Vous dites… Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Ferland) :
Il reste à peine 40 secondes, Mme la députée.
Mme
Weil : Est-ce que vous avez déjà eu des parents qui se sont
plaints — vous
parlez d'un prof qui porte le hidjab — qui se sont plaints ou qui
ont eu une préoccupation par rapport à ça?
Mme Mancini
(Angela) : Absolument pas.
Mme Lattanzio
(Patricia R.) : Non.
Mme Weil :
Merci.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, c'est à peu près le temps qui
était imparti au groupe de l'opposition officielle. Maintenant, je vais
du côté de la députée de Montarville pour une période de quatre minutes. Mme la
députée.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Merci,
mesdames. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire. Ce n'est pas facile parce que vous êtes dans une
position, une situation très, très délicate. Il y a du travail
extraordinaire qui se fait à la commission
scolaire anglophone. Votre taux de diplomation est fantastique. On aurait
beaucoup à apprendre.
Et
je dis que vous êtes dans une situation, une position très délicate, c'est
parce que vous représentez ces enfants et ces parents aussi, ces
enseignants. Et, lorsqu'on sort de Montréal, à la grandeur du Québec, un peu
partout, les commissions scolaires autres où il n'y a pas cette diversité
culturelle que vous vivez, c'est beaucoup plus acceptable, beaucoup plus facile de penser qu'on pourrait
interdire le port des signes religieux aux enseignantes, parce qu'il n'y
en a même pas. Donc, ça ne touchera personne dans les faits.
Et,
chez vous, à Montréal, eh bien, c'est là que vous avez ces écoles avec des
enfants provenant de dizaines, et de dizaines,
et de dizaines d'origines différentes et cette diversité, et c'est là qu'il faudra
l'appliquer. C'est pour ça que vous êtes dans une position très
délicate, c'est vraiment deux mondes.
Et,
moi, ce que j'aimerais, c'est qu'on élabore. À la page 11, vous nous
parlez d'un effet qui peut être un effet non désiré du projet de loi n° 60. Page 11, tout en haut, vous
dites : «Les écoles privées du Québec, même celles subventionnées
par le gouvernement, seraient exemptées de la loi [n° 60], ce qui rendrait
l'école privée confessionnelle encore plus attrayante
pour les parents et les enfants des minorités religieuses.» J'aimerais que vous
m'en parliez, vous me disiez dans quelle mesure vous considérez que
c'est un effet non désiré et qu'est-ce que vous craignez par rapport à ça.
• (18 h 20) •
Mme Lo Bianco (Sylvia) : Comme première réponse, je vous dirais que, justement, le taux déjà…
D'année en année, on en perd, des
élèves. Et, justement, ça mettrait encore en péril nos nombres d'élèves qui
quitteront le système public pour
s'en aller vers des écoles qui
seraient genre privées, où des profs seraient accueillis à bras ouverts. Alors,
on perdrait justement des professeurs et évidemment, peut-être, possiblement,
des élèves. Donc, la clientèle, elle risque de baisser encore plus.
Mme
Roy
(Montarville) : Alors, ça, c'est un des effets que vous craignez de l'application de
cette charte, si jamais charte devient loi.
Mme Lo Bianco
(Sylvia) : Ça pourrait être une des conséquences néfastes et assez
importantes.
Mme
Roy
(Montarville) : Quand vous dites que vous perdez déjà des élèves, pourrais-je
savoir pour quelle raison?
Mme Mancini
(Angela) : Présentement…
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, présentement, oui.
Mme
Mancini (Angela) :
Présentement, avec les lois qu'on a déjà ici, au Québec, on a quand
même des jeunes qui n'ont pas le droit de venir dans nos écoles
anglophones s'ils n'ont pas leurs certificats d'éligibilité. Alors, déjà,
ça, ça a un effet sur nous.
Mais c'est sûr que qu'est-ce
que vous évoquez, c'est toute l'idée des écoles privées. Et je pense que qu'est-ce
qu'il y a de dommageable là-dedans,
c'est que, dans toute société, c'est le secteur public, les écoles
publiques qui doivent être vraiment très fortes pour qu'une société amène à
l'avant leurs jeunes, et je pense qu'il faut
la protéger, et la loi ne protégera pas. On va se retrouver, comme disait Mme
Lattanzio, dans une situation
où est-ce que les jeunes vont peut-être aller vers des écoles privées pour assurer qu'ils
sont capables quand même
d'avoir les choix des parents et aussi des enseignants.
Mme
Roy
(Montarville) : Et une perte de clientèle chez vous pourrait aussi, peut-être,
à moyen ou long terme, mettre
en péril, peut-être, la commission scolaire en tant que telle.
Mme Mancini
(Angela) : Tout à fait. Tout à fait. Et, si vous…
Mme Roy
(Montarville) :
Mesdames, je… Oui?
Mme Lo Bianco
(Sylvia) : Excusez-moi. Et, si vous permettez, je voudrais tout simplement
profiter de vous citer l'alinéa trois de l'article 37 de cette loi de l'institution publique. Et je vous la cite : «Le projet
éducatif de l'école doit respecter la liberté de
conscience et de religion des élèves, des parents et des membres du personnel
de l'école.» Et voilà! Donc, nous sommes
ici, soyons clairs, nous voulons souligner ce point aujourd'hui : C'est en contradiction directe avec le projet de loi n° 60.
Mme Roy
(Montarville) :
J'ai bien compris votre point. Je vous remercie beaucoup, mesdames.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, c'était tout le temps. Merci,
Mme la députée. Alors, maintenant, je vais du côté du député de
Blainville…
M. Ratthé :
Merci, monsieur…
Le Président (M.
Ferland) : …pour quatre minutes également, M. le député.
Allez-y.
M.
Ratthé : Merci, M. le Président. Mesdames, merci d'être là,
surtout à cette heure-ci. Ce n'est pas facile déjà d'être ici, puis à
une heure un peu plus tardive.
Écoutez,
je pense que vous avez bien fait votre point. Je me posais… Je vais vous poser
deux questions puis je vais vous
laisser répondre — on n'a
pas beaucoup de temps. J'aurais aimé ça vous entendre sur les autres grands
principes de la charte. Parce que vous nous
avez beaucoup parlé de l'article 5. Vous nous indiquez, en tout cas pas de
façon claire, c'est peut-être
sous-entendu, je ne veux pas vous prêter d'intentions… La charte, quand même,
énonce des grands principes de neutralité
religieuse versus l'État : l'égalité des hommes et des femmes, des balises
pour les accommodements en tant que tels.
Quand vous nous dites que vous n'êtes pas favorables à la charte, est-ce que
c'est dans son ensemble? Parce que j'avais l'impression qu'il n'y avait pas, de votre côté, là, des points, si on
peut dire, positifs ou des endroits où, sur les grands principes… Parce
que la majorité des gens qui viennent ici, ils nous disent tous que le seul
point qui achoppe, c'est l'application de
cette loi-là. Donc, je voudrais vous entendre sur le reste, sur les grands
principes, égalité hommes-femmes, religion et État, accommodements.
Mme Lo Bianco (Sylvia) : Je vous dirais que, justement, le projet de loi énonce que, justement,
on veut inciter une neutralité. Nous,
nous vous disons que, justement, le projet de loi ne nous amène pas vers ce
point de neutralité. C'est l'inverse, justement. Ça va promouvoir et
souligner les différences que nous avons, de religion ou d'origine, dans nos écoles. Alors, c'est une chose de dire :
Ça va promouvoir la neutralité, alors que ça va avoir l'effet contraire. Et
nous serons dans une situation très, très
difficile, de pouvoir justement expliquer cette position ou peut-être d'adopter
une politique à cet effet. Justement,
dans notre résolution, on est allées même plus loin. On a évoqué le fait que,
justement, si ce projet de loi deviendrait loi, nous ne pourrons pas
adopter une politique, nous ne pouvons pas mettre en oeuvre cette politique-là.
M. Ratthé :
Je vais poser ma question un peu autrement. En supposant que l'article 5
soit retiré, seriez-vous favorables avec la charte telle qu'elle est pour le
reste formulée, dans les grands principes de cette charte-là? Et je rappelle : égalité hommes-femmes, séparation
de l'État et de la religion et balises dans les termes d'accommodement.
Oublions l'article 5. Êtes-vous en la faveur avec le reste de la charte?
Mme Lo Bianco (Sylvia) : Le mandat qu'on a eu de nos parties prenantes est clair : C'est le
rejet complet de la loi n° 60, du projet de loi n° 60.
M. Ratthé :
O.K. Merci, M. le Président. Ça complète.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le député. Maintenant, je
reconnais la députée de Gouin pour trois minutes. Mme la députée.
Mme
David : Merci, M. le Président. Mesdames, bonsoir. Je suis un
peu étonnée quand même,
je dois vous le dire, de ce rejet
inconditionnel, disons-le, de l'ensemble du projet de loi n° 60. Comme mon collègue, je rappelle que
beaucoup de gens quand même sont venus
dire : Il y a des grands
principes. J'en donne seulement un : la séparation des pouvoirs entre l'Église et l'État. J'ai l'impression que
votre commission scolaire est capable d'être d'accord avec ça. Enfin, je
ne veux pas vous mettre des mots dans la
bouche. Mais donc ça m'étonne quand
même un tout petit peu. Et, bon, vous
le savez sans doute, la formation politique que je représente n'est pas
en accord avec l'interdiction du port des signes religieux. Cependant,
nous tenons à avoir, au Québec, un État laïque et des institutions publiques
laïques, y compris les commissions scolaires, les écoles, etc.
Alors, en fait, la
question que j'ai à vous poser porte sur un petit point de votre mémoire. À la
page 3, vous indiquez que, «tout en se concentrant sur les besoins des
élèves, les écoles de la CSEM ont organisé et organisent des cérémonies
multiconfessionnelles», et vous dites ensuite, à la page 5, qu'il y a des
membres, certains membres de votre personnel qui portent, bon, divers signes
religieux et que c'est un fait à célébrer et non à avoir honte. Moi, je comprends très
bien qu'il n'est pas question d'en
avoir honte, mais un fait à célébrer, ça m'a un tout petit peu surprise quand
même.
Et ce qui m'a un peu surprise aussi, c'est l'organisation de cérémonies
multiconfessionnelles. Par multiconfessionnelles, j'imagine qu'on entend cérémonies religieuses
multiconfessionnelles. Est-ce que c'est bien là, le rôle d'une commission
scolaire laïque?
Mme
Mancini (Angela) : Je vous dirais
que, justement, dans l'article de loi qu'on vous cite, c'est
qu'est-ce qui est attendu que les commissions scolaires doivent faire. C'est d'enseigner les différentes
religions à nos jeunes. Alors, on est vraiment directement dans
qu'est-ce que la loi nous demande de faire.
Je vous dirais même que, et je l'ai redit
tantôt, notre commission scolaire a été citée par le ministre de l'Éducation, et on se fait appeler régulièrement de savoir comment on met en place ces différentes
activités-là, parce que c'est vraiment
dans la voie de qu'est-ce qui était voulu quand on est devenus des commissions
scolaires linguistiques et on a mis en place
cet article-là qui a modifié la Loi sur l'instruction publique en nous disant
qu'on devait respecter la conscience…
la liberté de conscience et de religion. Alors, on est vraiment
dans qu'est-ce qu'on nous demande de faire comme commission scolaire.
Alors, c'est peut-être une question
d'explication de qu'est-ce que la loi nous demande, mais on est justement là-dedans. Et, si une situation
pourrait arriver à laquelle on ne serait pas dans la loi, on a aussi en place
des mesures pour s'assurer que toutes
nos activités qu'on va faire, incluant les cérémonies multiconfessionnelles,
vont vraiment respecter le
sens de la loi qu'on a devant nous présentement.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, ça met fin à l'échange avec la députée de Gouin.
Et moi, je vous remercie pour le temps que vous avez pris pour préparer
votre mémoire ainsi que les déplacements pour être venues le présenter ici.
Et, sur ce,
je lève maintenant la séance, et la commission ajourne ses travaux
à demain, jeudi 13 février, après les affaires courantes, soit aux
environs de 11 heures. Alors, bonne fin de soirée à tous.
(Fin de la séance à 18 h 28)