(Neuf heures quarante minutes)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes
présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La commission est réunie afin de tenir des
auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 60, Charte
affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi
que l'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes
d'accommodement.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Ouimet (Fabre) est remplacé par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) et M. Duchesneau (Saint-Jérôme),
par Mme Roy (Montarville).
Le
Président (M. Ferland) : Merci, Mme la secrétaire. Avant de débuter nos travaux ce matin,
j'aimerais vous rappeler que les mémoires
transmis à la commission en vue d'être présentés en auditions ne sont pas
publics tant qu'ils n'ont pas été
présentés devant les parlementaires. Bien
entendu, les mémoires
appartiennent à leurs auteurs, qui peuvent en disposer comme bon leur semble. Mais je tenais à vous demander d'être
respectueux des travaux de la commission. Ces mémoires
seront rendus publics sur le site Internet de l'Assemblée au fur et à mesure
que nos auditions avanceront. Je vous demande donc votre collaboration
sur ce point. Merci.
Auditions (suite)
Ce matin,
nous allons… nous entendrons M. Yves Gauthier, l'Association des Townshippers
et M. Michel Gauthier. J'invite donc
M. Yves Gauthier à nous présenter son mémoire, en vous rappelant que vous disposez de
10 minutes pour présenter votre mémoire,
et suivra immédiatement après une période d'échange avec les groupes parlementaires. Alors, M. Gauthier, la parole est à vous.
M. Yves Gauthier
M.
Gauthier (Yves) : Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, bonjour. Je suis heureux que le débat large
et ouvert ait cours au Québec, sur la
laïcité de l'État. Ce faisant, le ministre reconnaît que ce débat est trop
important pour qu'il soit laissé aux mains seules des députés ou des
groupes de pression professionnels.
On sait tous
qu'il est évident qu'une loi seule, à elle seule, ne peut pas régler tous les
problèmes. Si c'était le cas, on serait très heureux, parce que nos
prisons seraient vides. Une loi, dans le fond, ça pose des balises pour le bien
commun. Puis, dans ce sens, le concept de
laïcité de l'État est fort bien défini dans l'énoncé du projet de loi
n° 60 comme étant la séparation
des religions et de l'État, la neutralité religieuse et le caractère laïque de
celui-ci, voulant dire l'État. Il va
de soi que, comme pour la justice, il faut qu'il y ait non seulement laïcité,
mais qu'il y ait aussi apparence de laïcité de l'État, et ça doit se
traduire par une neutralité religieuse visuelle chez tous ses mandataires.
Je dois dire
aussi que je regrette vivement que les tenants du statu quo, ceux qui se
réclament de la laïcité ouverte, voient
les prochartes comme des racistes xénophobes. Comme si être contre l'immixtion
du catholicisme, du protestantisme, de l'islam, du judaïsme, du sikhisme
ou même de la scientologie dans la gestion de l'État, c'est être intolérant.
Puis évidemment que, pour certains, l'occasion est trop belle pour ne pas la
saisir et ramener toute la discussion à une primaire
question identitaire québécoise francophone de souche, alors qu'on sait que des
Québécois et Québécoises de toutes
religions et de toutes origines ethniques, de sexe et de couleur de peau
différents appuient le projet de loi n° 60.
Tous les
aspects de la question doivent être pris en compte, non seulement les plus
évidents, comme les signes religieux ostentatoires, mais ceux tout aussi
importants, comme par exemple la présence du religieux dans le milieu
d'enseignement, les avantages pécuniaires reliés aux organismes religieux.
D'ailleurs,
ce débat n'a rien de nouveau, ni au Québec ni dans le monde. Quelqu'un l'a
mentionné hier, les Patriotes de 1837
en parlaient déjà. Nous regardons un petit peu vers l'Europe. En 1990, la
Commission européenne a statué que l'interdiction
du hidjab constituait une limite raisonnable à la liberté religieuse. En
Allemagne, certains États proscrivent le
hidjab et les soutanes chrétiennes. La ville de Berlin interdit à ses employés
le port de tout signe religieux dans le cadre de leurs fonctions. En Belgique, outre le fait que le port de signes
religieux est interdit pour les juges et les policiers, en 1994 le tribunal de Liège a considéré que le port
du hidjab est un choix et non une obligation religieuse, et la plupart des
écoles belges interdisent le port du hidjab
tant aux élèves qu'aux professeurs. En France, les sikhs doivent enlever leurs
turbans pour la photo sur le permis de conduire. En 2003, une loi est adoptée
interdisant le port de signes religieux ostentatoires par les élèves à l'école publique, et
le même interdit vaut pour les employés de l'État. En Suisse,
l'interdiction du hidjab a été statuée par la cour européenne, et l'Union
européenne comprend 28 pays, je crois.
Revenons au
Canada, revenons en Ontario. En 2005, suite à une demande faite par la Ligue
islamiste mondiale, le gouvernement de l'Ontario a refusé d'instituer
des tribunaux basés sur la charia — on en sait quelque chose ici.
«Il n'y aura pas d'arbitrage religieux en
Ontario. Il y aura une loi pour tous les Ontariens. L'arbitrage religieux
menace notre terrain commun», disait
le premier ministre McGuinty à l'époque. En Ontario, quand on a décidé ça,
est-ce qu'on faisait preuve de
racisme? Est-ce qu'on faisait preuve de xénophobie? Est-ce que c'était un
primaire nationalisme et identitaire WASP? Parce qu'en refusant les
tribunaux de la charia, n'était-ce pas brimer des droits fondamentaux de
certaines personnes? Parce que la charia est
une composante importante de l'islam. Même que, pour les puristes, et ça c'est
important, la charia est la loi
d'Allah à laquelle tous les musulmans doivent se soumettre. Nul ne peut y
déroger ni être tenu au respect des
lois qui ne sont pas d'essence musulmane, parce que ces lois-là sont jugées
comme inférieures à la charia, qui, elle, est pure et parfaite.
Lorsque Mme
Houda-Pepin a attaché le grelot ici, à l'Assemblée nationale, au Québec, est-ce
qu'on l'a traitée de raciste et de xénophobe? Non, mais on l'a traitée
d'islamophobe, par exemple.
Si la plupart
des jugements dont je fais mention ont porté principalement sur la religion
musulmane, c'est parce que les
islamistes sont plus actifs et se sont donné une mission divine : celle
d'islamiser le monde entier, de gré ou de force. C'est vrai que les islamistes peuvent être plus visibles. C'est sûr
qu'ils sont sur le devant de la vitrine. Mais ça ne veut pas dire que
les autres religions, les Juifs ou les catholiques, les protestants ne sont pas
tout aussi actifs en catimini.
Voici
d'autres exemples, en dehors des fatwas puis des meurtres commis au nom du
fondamentalisme religieux, des vitres givrées, qui peuvent éclairer un
peu notre réflexion ici, au Québec.
En 2004, Salam
Elmenyawi, président du Conseil musulman de Montréal, presse le gouvernement du
Québec pour instaurer la charia. Il
justifiait son intervention de la façon suivante : Cette cour religieuse
porterait le nom de Conseil de la
charia. Tout ce qu'on veut, c'est un accord pour que les musulmans aient une
instance officielle pour s'assurer qu'ils gèrent leur vie selon les préceptes de leur religion. Si Québec refuse,
nous devrons nous-mêmes donner la crédibilité au Conseil de la charia.
Et, plus
récemment, en 2010, Naïma Atef Amed, dans ses cours de francisation — ça, ça a sorti dernièrement, on l'a vu — refusait d'enlever son niqab et demandait
même aux autres étudiants de la classe de lui tourner le dos lorsqu'elle
faisait des exposés.
En 2011,
l'imam Foudil Selmoune, du centre communautaire de Brossard, professe avec la
plus belle candeur possible que la
lapidation des femmes, c'est dans la charia, et je le cite : «Ce n'est pas
nous qui nous donnons ce droit; ce sont des lois de Dieu, et on ne peut
pas les changer.»
Lors de
la deuxième conférence sur les religions du monde, en 2011, parrainée par
l'Université McGill et l'Université de
Montréal, les participants élaboraient une déclaration universelle des droits
de la personne stipulant, entre autres, que chacun a le droit que sa religion ne soit pas dénigrée dans les médias
ou dans les maisons d'enseignement et qu'il est du devoir de l'adepte de chaque religion de s'assurer
qu'aucune religion n'est dénigrée dans les médias ou dans les maisons
d'enseignement. Ce n'est pas rien, ça!
C'est donc
dire que nul n'aurait pu dénigrer l'Église catholique lorsqu'une petite
Brésilienne de neuf ans a été violée
par son oncle et qui portait des jumeaux. Les médecins ont décidé, ont trouvé,
ont jugé que son bassin était trop petit
pour une telle charge et qu'il fallait, avec la permission des parents,
l'avorter. La très sainte Église catholique s'est empressée d'excommunier le père, la mère, le
médecin et la petite fille de neuf ans. Pendant ce temps-là, le petit mononcle
pédophile, lui, court dans les prés, tout
heureux de son coup. Est-ce qu'on va laisser le Québec se laisser bâillonner
par une quelconque croyance religieuse? Je ne le cois pas.
En octobre
2011, l'Université Concordia accueille un conférencier, à l'Université
Concordia, un conférencier qui disait,
en parlant de la femme : «The
husband is allowed, to prevent her from evil, to provide some type of physical
force.» Évidemment que c'est aussi le mari qui va décider ce qui est
bon ou mal pour la femme, selon, bien
sûr, les bons conseils de son
imam.
En 2012, l'Université McGill reçoit 1,5 million du Qatar pour aider The Institute of Islamic
Studies. Est-ce que le Qatar est un pays qui met en valeur la
charte universelle des droits de la personne?
En 2013, ça
ne fait pas longtemps, ça, le Collectif Indépendance, qui n'a rien à voir avec
le Parti québécois, invitait, avec
l'appui de la Human Concern International — un regroupement, là, qui est proche
d'al-Qaida, on dit — des
conférenciers d'Europe qui tiennent des propos indécents envers tout ce
qui ne correspond pas à leur vision de l'Islam radical.
• (9 h 50) •
Le Président (M. Ferland) :
M. Gauthier, pour conclure.
M. Gauthier (Yves) : Est-ce que vous
pouvez me donner deux minutes?
Le Président (M. Ferland) :
Allez-y.
M.
Gauthier (Yves) :
Mentionnons aussi les nombreuses démarches faites par le prêtre catholique Mgr
Ouellet et ses semblables auprès des
différentes instances gouvernementales pour abroger le droit à l'avortement, à la reconnaissance des droits des gais et pour demander le retour de l'enseignement religieux dans les écoles publiques. Il faut lutter à la fois contre
les intégristes religieux, bien sûr, partout au Québec, mais il ne faut pas aussi hésiter de bannir de l'espace civique, je dis bien
«civique», les signes religieux qui les représentent et puis qui leur servent
de panneaux publicitaires.
Je voudrais conclure, si vous me permettez, M.
le…
Le
Président (M. Ferland) : Il vous reste à peu près
30 secondes.
M. Gauthier
(Yves) : Le ministre me permet-il de prendre sur son temps?
Je voudrais conclure
en citant Mme Louise Mailloux, qui est professeure de philosophie au cégep du
Vieux Montréal, citation citée… tirée de son
livre La laïcité ça s'impose! : «Les Québécois ne veulent pas que
la religion, ni la leur ni celle des
autres, ne revienne à l'avant-plan de nos institutions publiques, parce que
nous n'avons pas oublié de quel prix
se paie l'emprise politique d'une religion sur un peuple, de quel prix se paie
cette soumission des corps et des esprits…
Le Président (M.
Ferland) : Je vous demande, M. Gauthier, de…
M. Gauthier (Yves) : …et celui plus exorbitant encore qu'ont dû payer nos mères et nos
grands-mères et toutes ces femmes pour qui la religion fut un calvaire.
[...]C'est la liberté qui nous fait protester…»
Le Président (M.
Ferland) : M. Gauthier…
M. Gauthier
(Yves) : «…et qui nous fait se lever...»
Le
Président (M. Ferland) : M. Gauthier… M. Gauthier, le temps est
maintenant écoulé. Mais vous allez avoir l'occasion d'un autre 50 minutes pour échanger avec les
parlementaires, donc sûrement de compléter ce que vous vouliez mentionner. Alors, nous allons procéder aux
échanges avec les groupes parlementaires. La parole est à vous, M. le ministre.
M. Drainville :
Oui. Bien, merci, M. Gauthier, pour votre présentation, pour votre mémoire. Si
je vous comprends bien, donc, pour
l'essentiel, vous appuyez cette charte des valeurs québécoises ou de la
laïcité. Je veux juste revenir quand même sur certains points que vous
énoncez, donc, certains arguments que vous énoncez dans votre mémoire.
D'abord,
je pense qu'on va s'entendre, vous et moi, que, oui, il y a des
fondamentalistes et il y en a ou il y en a eu dans toutes les religions, des fondamentalistes. Hein, on s'entend
là-dessus? Donc, ce n'est pas une religion en particulier qui doit être visée là-dessus, je pense qu'il faut
prendre le temps de se le dire. Et d'ailleurs, la neutralité religieuse de
l'État, on veut la faire justement au
nom du respect de tous, de tous, peu importe que tu décides de croire ou de ne
pas croire, et de toutes les religions. Ça, pour nous, c'est un argument
qui est fondamental.
Par
ailleurs, dans votre mémoire, à un moment donné, vous dites : «Par contre,
ce qui dérange une majorité de Québécois
de souche», c'est la tentative de l'islam de s'imposer, etc. Moi, je ferais
attention, si vous me le permettez, en
tout respect, je n'aime pas tellement diviser les Québécois entre Québécois de
souche et Québécois d'autres origines. Je
préfère qu'on parle de Québécois de façon générale, parce qu'ils sont tous
égaux à nos yeux. Et, je dois vous dire, et on les a entendus, puis visiblement vous avez suivi nos travaux jusqu'à
maintenant, on a eu quelques Québécois d'autres origines que d'origine française, donc des néo-Québécois qui se sont
installés chez nous, certains d'entre eux depuis 40 ans, et qui
sont venus dire qu'ils appuyaient la charte de la laïcité. Donc, je pense que
ça, c'est important de le redire.
Par
ailleurs, dans votre mémoire, vous parlez… à un moment donné, vous dites :
«…les communautés judaïques vivent plutôt repliées sur elles-mêmes…»
Encore une fois, je me garderais de telles généralisations, je pense que… certaines, effectivement, plus orthodoxes, mais je
ne pense pas que… De généraliser à l'ensemble d'une communauté ou à l'ensemble d'une religion, je ne pense pas
que ça soit utile dans le débat que nous avons présentement, de la même façon qu'on ne peut pas dire que tous les
musulmans souhaitent la charia ou veulent la charia, il y a un courant
intégriste qui le souhaite. Mais, moi, comme je l'ai dit et répété
plusieurs fois depuis ce débat-là, la majorité des Québécois de confession musulmane sont à l'image du reste du
Québec, c'est des gens modérés qui veulent vivre heureux avec leurs
familles, qui veulent travailler.
Et
donc c'est juste une petite mise au point. Vous comprenez la situation et les
responsabilités qui sont les miennes, donc
prenez-le pas comme un désaveu, ce n'est pas ça du tout, mais je me dois de
faire ces précisions-là, ces mises au point là.
Maintenant,
parlons du fond des choses. Pourquoi, à votre avis… Parce que je sens, dans
votre mémoire, que vous êtes animé par
quand même un certain sentiment d'urgence : c'est important de bouger
maintenant. Pourquoi c'est important,
à votre avis, de la voter, cette charte de la laïcité, dans le contexte actuel?
Parce que certains vont dire : Ah! c'est un faux problème, on n'aurait pas dû s'occuper de ça, il y a des enjeux
plus pressants, etc. Comment vous réagissez à ça?
M. Gauthier (Yves) : Moi, je me suis surtout attardé à voir l'importance de la loi sur la laïcité,
son application, un peu moins parce que c'était… D'abord, en ce qui a
trait au français, je me disais qu'il y avait la loi 101 qui devait s'en
occuper, ça, il y avait une charte de la langue française aussi. Pour ce qui
était de l'égalité hommes-femmes, on l'avait
inscrit dans la charte dernièrement. Alors, je me disais, il y avait
une chose, par exemple, qui n'était pas inscrite nulle part,
c'était : reconnaître la laïcité officielle de l'État et de ses
institutions.
Si vous permettez, je vais faire une petite
genèse de ce qui m'a amené un petit peu à me préoccuper de cette question-là. D'abord, en 2005, Mme Houda-Pepin a
soulevé la question des tribunaux de la charia, ça a fait un petit peu de… ça a émulsionné un peu le Québec, évidemment.
Et j'avais une connaissance, un ami qui travaillait, à ce moment-là,
dans une radio communautaire ici, à Québec, et qui, à partir de ce débat-là,
avait fait une sortie en règle contre les Québécois,
qu'ils ne comprenaient rien, qu'ils étaient ignares, qu'ils étaient racistes,
xénophobes, enfin tout ce qu'on peut entendre. J'ai dit : Sapristi!
Alors, je l'ai rencontré puis j'ai dit : Écoute, qu'est-ce qui se passe?
Puis, au fil de la discussion,
il m'a répété la même chose qu'il avait dite à la radio. Puis, au fil de la
discussion, là il m'a dit qu'il sortait avec une musulmane et qu'il devait la marier, donc il fallait qu'il se
confesse. Alors, c'était un petit peu une réaction d'un néophyte qui… Bon. Quand même, ça m'avait quand
même frappé, pour un type… un Québécois de souche, là, hein, francophone
de souche, comme on peut dire, et puis ça m'avait frappé de voir ça. En tout
cas.
Ensuite,
bien là, madame… Ensuite, en 2008, j'ai jasé avec un jeune père de famille, de
mes connaissances aussi, qui avait
une jeune fille qui rentrait à l'école primaire, lui est athée, puis il
dit : Moi, ma fille va être obligée de suivre le cours d'éthique et de culture religieuse, puis, il
dit, moi, je suis athée puis je considère que ce cours-là, c'est beaucoup
plus faire l'apologie des religions que d'autre chose. Bien, il dit : J'ai
aucune poignée pour me prémunir contre ça, contrairement
aux croyants qui, eux, utilisent les chartes pour aller en cour, pour essayer
d'avoir plus de religieux dans les
écoles, etc. Lui, il dit : Moi, je n'ai aucune poignée. Et ça, ça m'a fait
aussi un petit peu ouvrir les yeux, j'ai dit : Ah oui!
Alors,
c'est resté là, évidemment, pendant un petit bout de temps. Puis, lorsque le
projet de loi sur la laïcité est sorti,
ça m'est revenu, et je me suis dit : C'est vrai! Cette loi-là, peut-être
que je me trompe, mais cette loi-là, est-ce qu'elle ne permettrait pas aux
non-croyants d'avoir un certain levier, un certain outil pour faire valoir leur
liberté de conscience à eux aussi? Donc, par conséquent…
M. Drainville : Elle
donne les mêmes droits, la laïcité, la neutralité religieuse de l'État visent à
reconnaître le droit des croyants et
des non-croyants d'avoir leurs convictions religieuses. Elle met sur un même
pied d'égalité croyance, non-croyance, convictions religieuses. Donc, la
réponse à votre question, c'est oui, oui.
• (10 heures) •
M. Gauthier (Yves) : Alors, bravo! Pour moi, c'est ça qui est important. Son application, c'est plus problématique, ça,
c'est évident, ça, on le sait. Mais ce qui est important, moi, c'est que tout le monde puisse finalement avoir un outil pour défendre sa liberté de conscience. Ça, ça veut dire, ça, que, par exemple… — je
pose la question — ça
veut dire que ce père de famille… je
ne dis pas que ça ira jusque-là, mais
ça veut dire que ce père de famille pourrait dire, par exemple… pourrait contester le contenu du cours d'éthique
et culture religieuse en disant que c'est trop, c'est plus... ça manque de
neutralité religieuse, si l'on veut. Alors,
ça, moi, je trouve que c'est extrêmement important, parce que... pour tout ce
qu'on sait, là, pour tout ce qu'on
voit, pour tout ce qu'on entend, pour tout ce qu'on peut lire. Parfois, le mot
«éthique et religion», c'est pas mal
plus antinomique que d'autre chose. Faire l'amalgame entre éthique et religion,
c'est un petit peu bizarre.
M. Drainville :
Là, M. Gauthier, je ne veux pas qu'on se laisse... ou qu'on laisse la
discussion se poursuivre sur un malentendu. Le principe de l'égalité de
tous et de toutes et le principe de l'égalité du droit de chacun à sa liberté d'expression et sa liberté de religion, c'est un
principe qui est fondateur, qui est fondamental dans notre projet. Mais, je
dois vous dire, sur le cours d'éthique et
culture religieuse, ça ne fait pas partie du programme, là, nous, là. Je
comprends que vous, vous ayez une
opinion là-dessus, puis, encore une fois, c'est un débat qui a cours
présentement, mais je veux juste que vous soyez conscient du fait que ça
ne fait pas partie de nos intentions de...
M. Gauthier (Yves)
: C'était un exemple.
M. Drainville :
Voilà. O.K.
M. Gauthier (Yves) : C'était un exemple. Je me dis qu'un citoyen non croyant pourrait...
aurait une poignée, à ce moment-là,
avec la loi sur la laïcité de l'État et de ses institutions, pour contester; ce
que les croyants, eux, font avec les chartes,
par exemple. Je me dis... C'est là que je voyais... C'est là que je vois :
Bien là, s'il n'y a pas ça, ça ne sert pas à grand-chose.
M. Drainville :
...dire : Un citoyen peut toujours utiliser... Un citoyen peut toujours
utiliser les chartes...
M. Gauthier (Yves)
: Qu'est-ce qu'il y a dans des chartes pour les non-croyants?
M. Drainville :
Comment?
M. Gauthier (Yves)
: Qu'est-ce qu'il y a dans les chartes pour les non-croyants?
M. Drainville :
Bien là, écoutez, on pourrait...
M. Gauthier (Yves)
: Il n'y a pas un vide juridique, là?
M. Drainville :
On pourrait en discuter longtemps.
M. Gauthier (Yves)
: Non, non, mais...
M. Drainville :
On pourrait en discuter longtemps.
M. Gauthier (Yves)
: …quelqu'un qui a mentionné ça aussi hier. Je ne suis pas certain, là,
mais...
M. Drainville : Oui. Non, mais c'est parce que ce
n'est pas parce qu'on affirme la neutralité religieuse de l'État et le caractère laïque des institutions... quand
on fait ça, on place sur un même pied d'égalité croyance et non-croyance,
et donc le droit de chacun d'avoir une
religion, comme le droit de ne pas en avoir, ça, c'est clair. Maintenant, ça ne
veut pas dire qu'il n'y a rien dans
la charte actuellement pour les non-croyants. Là, je n'irais pas jusque-là.
Encore une fois, c'est une... Vous avez votre lecture, que je respecte
tout à fait.
Mais
je veux vous amener ailleurs. Ce que j'apprécie dans votre présentation, c'est
que, pour vous, il n'y a pas de problème de légitimité démocratique à ce
projet-là. C'est-à-dire que les élus de l'Assemblée nationale, ils ont le droit de se prononcer là-dessus. Et, moi, c'est un
des principes que je défends depuis qu'on a déposé ce projet de loi là, je dis : C'est d'abord et avant tout... en
fait, c'est d'abord aux élus, c'est d'abord aux représentants de la population
de voter là-dessus, de se prononcer
là-dessus. En démocratie, c'est au Parlement de voter les lois. Alors, nous, on
propose une loi, et puis on souhaite,
bien évidemment, qu'elle soit votée, puis par la suite, bien, les tribunaux
feront leur travail comme il se doit, en vertu du principe de séparation
des pouvoirs. Alors, ça, c'est très, très bien.
Je
veux juste faire un petit détour, parce
que j'imagine que vous avez lu les
journaux ce matin, le Barreau qui fait... enfin, le mémoire du Barreau qui apparaît en première page d'un grand
quotidien, comme on dit. Si c'est le Barreau qui l'a transmis, il n'y a pas de problème, j'espère juste que ce n'est pas du coulage, là.
Mais je dois vous dire que, tout à
l'heure, je me suis fait poser des questions
là-dessus et je vais vous dire ce que j'ai répondu sur la question
du Barreau. J'espère que ça vous intéresse. En tout cas, je pense que ça
risque d'intéresser certaines personnes autour de cette table puis peut-être
des gens qui nous écoutent également. Moi, je
pense que la situation
actuelle au Québec, le statu quo, là, ce n'est pas acceptable. Moi, je pense
qu'il faut que... Notamment, il y a un très,
très fort consensus
pour mettre des balises en
matière d'accommodement, et, ça, je pense qu'il faut aller de l'avant avec ça.
L'autre chose,
également, que j'ai dite, et ce n'est pas inintéressant de le noter... Parce
que le Barreau semble avoir de la
difficulté avec le concept, la notion de «valeurs». Ce que je disais tout à
l'heure à mes anciens confrères et
consoeurs, c'est que la Cour suprême, à de multiples reprises, a reconnu que la
charte canadienne exprimait les valeurs canadiennes. Alors, je leur ai dit : Bien, si la charte canadienne
peut exprimer des valeurs canadiennes, tel que la Cour suprême l'a dit dans de multiples jugements, pourquoi la charte québécoise
n'exprimerait-elle pas les valeurs québécoises? Et ça aussi, c'est un principe important que nous défendons depuis le
début, c'est-à-dire : le Québec est une société de
plus en plus multiethnique, où il y a de plus en plus de religions, mais il
faut qu'on ait une fondation commune, à un moment
donné, qui fait qu'on est capables de se rassembler puis de s'unir autour d'un
certain nombre d'idées puis de valeurs. Et c'est notamment à ça que sert notre
charte de la laïcité.
Et
puis, par ailleurs, je vais conclure là-dessus, il faut souligner qu'il y a un
débat au sein des juristes. Ce n'est pas
tous les juristes qui pensent que la charte ne respecte pas... ou, enfin, n'a
pas des fondements juridiques solides qui lui permettront de passer la rampe, le cas échéant. Je rappelle toujours
qu'il y a d'éminents juristes, également, qui pensent que la charte a
des fondements juridiques très, très solides. Et donc je pense que c'est bon de
se le rappeler aussi.
Sur
la question du visage à découvert, M. Gauthier, vous… en tout cas, je ne crois
pas que vous en parliez dans votre
mémoire, à moins que je me goure, là. Est-ce que, pour vous, c'est un principe
important, ça, cette idée que, quand on
donne un service à ses citoyens, à ses concitoyens et quand les citoyens demandent
un service à l'État, ils doivent montrer leur visage? Est-ce que, pour
vous, c'est important?
M. Gauthier (Yves)
: Moi, je pense qu'en général je ne parlerais même pas de signes religieux
ostentatoires ou pas, je parle de signes religieux tout court, je l'ai dit tout
à l'heure, là, parce que ce sont, pour moi, des panneaux publicitaires. Qu'on le veuille ou qu'on ne le
veuille pas, l'admettre, là, c'est ça. Quand j'entends dire des gens : Ce
n'est pas ce qu'il y a sur notre tête
qui est important, c'est ce qu'il y a dans notre tête. Bien, si ce n'est pas
important, ce qu'il y a sur notre
tête, bien, enlevons-le. Je trouve qu'il y a un peu de contradiction là, là. Je
sais très bien que ce n'est pas ça qu'on veut dire dans le fond, mais on le dit pareil. Ce n'est pas ce qu'il y a
sur notre tête qui est important, c'est ce qu'il y a dans notre tête.
C'est
évident que, pour nous autres, pour nous, là, pour moi comme pour bien des
gens, se faire servir par une personne
qui est derrière une grille, là, c'est sûr que c'est embêtant un peu. Vous
savez, on a maintenant, là… Dans la profession médicale, par exemple, il
y a beaucoup de femmes. Moi-même, là, mon médecin de famille, c'est ma médecin de famille. Et, en tant qu'homme, je ne
sais pas si ça arrive chez certains députés, mais, en tant qu'homme, ce n'est pas toujours évident non plus. Même là, même
si on est ouvert, puis tout ça, ce n'est pas tout à fait évident. Parce que se faire examiner la prostate par le toucher
rectal, c'est un petit peu déboussolant au début ou, en tout cas, la première
fois. Je me verrais mal en plus d'avoir
affaire à un médecin voilé, avec la burka ou bien le tchador, quoiqu'elle ne le
ferait pas, évidemment. Mais on ne
sait pas, dans certaines circonstances. Alors, oui, sur une question de
principe, oui, je suis tout à fait d'accord qu'on doit avoir des
services à visage découvert, ça, c'est bien sûr, et quels qu'ils soient.
M. Drainville :
L'autre élément important, j'y ai fait…
M. Gauthier (Yves)
: ...recevoir aussi à visage découvert.
M. Drainville :
Pardon?
M. Gauthier (Yves)
: Et les recevoir aussi à visage découvert.
• (10 h 10) •
M.
Drainville : Oui,
oui, oui. C'est ça. Exactement. L'autre élément important, j'y ai fait un peu
référence tout à l'heure, là, c'est
toutes les règles que nous souhaitons mettre en place par rapport aux demandes
d'accommodement religieux, donc cette idée qu'une
demande d'accommodement doit d'abord être fondée sur une discrimination. Il
faut vraiment que la personne qui demande l'accommodement subisse une atteinte
à ses droits. Donc, il faut faire la part des choses.
Pour
pouvoir demander un accommodement, il faut que tu puisses… il faut que tu
puisses montrer, que tu puisses convaincre
qu'il y a effectivement une atteinte à tes droits. Le deuxième critère qu'on
amène après ça, c'est l'égalité entre les
hommes et les femmes. On dit : Si la demande d'accommodement, elle est
recevable, parce qu'il y a une possibilité d'atteinte aux droits de la personne qui demande l'accommodement, il
faut s'assurer que la demande d'accommodement ne mine pas l'égalité entre les hommes et les femmes. Par la suite, il y
a les critères de raisonnabilité. Et finalement, dans le cas d'une
demande d'accommodement à une institution publique, il faut que ça respecte les
principes de neutralité religieuse.
Qu'est-ce
que vous en pensez, vous, de cette espèce de grille d'analyse, dans le fond,
qu'on se donne, dans le projet de loi
n° 60, pour justement départager des accommodements qui sont véritablement
raisonnables, fondés, des autres qui ne le sont pas?
M. Gauthier (Yves) : Des accommodements religieux. Parce qu'on en a, des accommodements
raisonnables, par rapport aux personnes handicapées, présentement, puis
ça ne cause aucun problème.
M. Drainville :
Ce n'est pas de ça dont il est question.
M. Gauthier (Yves) : Ça n'a jamais causé de problèmes au Québec, les accommodements raisonnables par
rapport, par exemple, aux personnes
handicapées. Mais des accommodements raisonnables par rapport à des demandes… en
fonction de demandes religieuses, à caractère religieux…
M. Drainville : Vous avez raison — permettez-moi de vous interrompre — vous
avez raison de souligner qu'il
n'y a
rien, dans la charte, qui change quoi que ce soit au statut des accommodements
demandés par les personnes
handicapées. Les mêmes critères, par exemple, de raisonnabilité s'appliquent.
On prend les mêmes critères que la Cour suprême, notamment, a utilisés pour
accorder des accommodements aux personnes handicapées. On ne fait que codifier
ces critères-là dans la charte. Donc, la charte ne change rien, effectivement,
pour les personnes handicapées.
Mais, pour les
accommodements de nature religieuse, effectivement, notamment à partir du
moment où on affirme le principe de
l'égalité hommes-femmes, qui ne peut pas être remis en question, là
effectivement on va sans aucun doute
rendre plus difficiles, sinon même impossibles des demandes d'accommodement.
Par exemple, celui de l'étudiant à York,
là, ça, c'est un très bel exemple. Avec la charte que nous proposons,
l'accommodement demandé par l'étudiant à l'Université York aurait été
impossible, aurait été tout de suite refusé parce qu'il remettait en question
justement l'égalité hommes-femmes. C'est un exemple.
M. Gauthier (Yves) : Juste pour un petit brin d'humour : je suis gradué de York, il y a
40 quelques années, de York University à Toronto, en 1974.
M. Drainville :
Dans quel domaine, si vous me permettez?
M. Gauthier (Yves)
: Pardon?
M. Drainville :
Dans quel domaine?
M. Gauthier (Yves)
: Sciences politiques.
M. Drainville :
En sciences po. O.K.
M. Gauthier (Yves) : Alors, oui, c'est évident qu'il faut avoir des balises pour les
accommodements religieux, mais j'ai
un petit peu de difficultés à faire l'équation entre laïcité, je parle du
concept de laïcité de l'État et de ses institutions, et accommodements
religieux.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, M. Gauthier, malheureusement,
le temps alloué à la partie ministérielle étant écoulé, je dois aller du
côté de l'opposition officielle. Alors, je cède la parole au député de
LaFontaine. M. le député.
M.
Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci, M.
Gauthier, bon matin. Merci d'être là. Merci, M. Gauthier, d'avoir pris le temps de rédiger un mémoire, de nous
l'avoir acheminé — que l'on
a tous lu avec attention — et ce matin d'être ici
présent pour répondre à nos questions. Nous avons 18 minutes — c'est ce qu'on me confirme — alors je sais que mes collègues auront des questions, je vais essayer de… 16
minutes? Alors, on va essayer de vous poser des questions le plus
efficacement possible.
Tantôt, vous avez
entendu le ministre vous parler du mémoire du Barreau. Est-ce que vous l'avez
lu?
M. Gauthier (Yves)
: Non. Non.
M. Tanguay : Vous
ne l'avez pas lu. O.K. Et le ministre vous a parlé également de décision de la
Cour suprême à laquelle il a référé.
Est-ce que vous aviez lu de telles décisions de la Cour suprême? Les décisions
de la Cour suprême auxquelles il a référé, est-ce que ça vous disait
quelque chose? Est-ce que vous les aviez lues?
M. Gauthier (Yves)
: Non.
M.
Tanguay : O.K. Donc, ce matin, quand le ministre vous a parlé,
pendant quelques minutes, du Barreau, puis tout ça, donc, ça, ce n'est
pas des éléments sur lesquels, ce matin, là…
M. Gauthier (Yves)
: Ce matin, non. Je n'ai pas eu le temps de le lire, les journaux, ce
matin, encore.
M.
Tanguay : O.K. Mais on aura compris pourquoi le ministre, ce
matin, là, sentait un certain besoin et malaise de parler du Barreau.
M. Gauthier (Yves)
: Mais par contre je vous ai entendu dans le corridor.
M. Tanguay :
Vous l'avez entendu dans le corridor, puis il parlait de quoi?
M. Gauthier (Yves)
: Vous, je vous ai entendu.
M. Tanguay :
Vous m'avez entendu? O.K. Et avez-vous remarqué que je parlais du Barreau ce
matin?
M. Gauthier (Yves)
: Oui, tout à fait.
M. Tanguay :
Et vous avez compris pourquoi le ministre, ce matin, avec un certain malaise, a
tenté de vous amener sur ce terrain-là. Mais
je ne vous amènerai pas sur ce terrain-là puisque vous ne l'avez pas lu, vous
n'avez pas lu les décisions de la Cour suprême, puis on laissera
peut-être le ministre ramener un peu de cohérence là-dedans.
J'aimerais,
monsieur… Vous avez dit au ministre que ce n'était pas évident, mais en tout
cas — là je
vous cite. À un certain moment donné, quand vous parliez au ministre… Je
vais parler plus fort pour m'assurer que vous me comprenez. Vous parliez du
ministre ce matin, là, de cet homme athée qui disait : Moi, ma fille, je
suis athée, je ne veux pas qu'elle participe aux cours d'éthique et de culture
religieuse. Et là vous avez dit : Ça prend la charte pour qu'on puisse avoir une poignée — puis c'est l'expression que vous avez
utilisée — pour
permettre à nos enfants d'être exclus de ça. Le ministre vous a
dit : Écoutez… Puis je pense que c'est un point majeur, hein? On lit votre
mémoire — et vous dites oui, là — c'est un point majeur pour vous, vous, pour
un athée, de ne pas avoir aucune influence religieuse, c'est important, puis ça transpire de votre mémoire, pour ce
père-là. Là, le ministre vous a dit : Bien, écoutez, c'est le fondement de votre présence ici,
autrement dit, puis il vous a confirmé que la charte ne réglerait pas ça du
tout, qu'il n'y aurait pas de
poignée. Puis, à un certain moment donné, vous rappelez-vous, vous avez dit : Ce n'est pas évident, mais en
tout cas. Êtes-vous un peu déçu de ça, qu'il n'y ait pas de poignée là-dessus?
M. Gauthier (Yves) : Moi, je… Est-ce qu'on peut faire une distinction entre la loi et la
charte ou bien si c'est…
M. Tanguay :
J'aimerais vous entendre là-dessus, que…
M. Gauthier (Yves)
: Bien, moi… Est-ce que c'est une distinction qu'on peut faire?
M. Tanguay :
Mais allez-y, étayez sur votre point.
M. Gauthier (Yves) : Parce que moi, je parlais de la loi. La charte, c'est beaucoup
plus, pour moi, là, comme son application de la loi.
M. Tanguay :
Vous parlez de la charte du PQ, là?
M. Gauthier (Yves)
: Non, non, la charte…
M. Tanguay :
Le projet de loi?
M. Gauthier (Yves)
: Le projet de loi, là, il y a…
M.
Tanguay : Non, c'est
la même chose. Autrement dit, le projet
de loi n° 60, c'est la charte du
PQ. C'est la même chose, là.
C'est un projet de loi qui… on verra, là, s'il va devenir loi.
M. Gauthier (Yves) : En tous les cas, moi, ma compréhension, oui, je serais déçu si la
loi ne donnait pas des outils nécessaires aux non-croyants pour faire
valoir leur liberté de conscience. Si la loi ne fait pas ça, moi, je suis déçu.
M. Tanguay : Bien, la loi ne
fait pas ça.
M. Gauthier (Yves) :
Bien, je ne suis pas sûr, mais en tout cas.
M. Tanguay : Bien, le ministre vous a confirmé ce matin, puis à sa réponse vous
avez dit : Ce n'était pas évident.
M. Gauthier (Yves) : Ce n'était pas
certain.
M. Tanguay : Qu'en
pensez-vous?
Le Président
(M. Ferland) : …juste
quelques secondes pour rappeler : Les députés, les partis, peu importe, tous confondus, sont là pour
questionner la personne qui vient ici, en avant, mais pas pour les contredire
non plus. Alors, j'aimerais les échanges…
Une voix : …
Le
Président (M. Ferland) : C'est ça, et voilà. Parce qu'il y a
des réponses… pour permettre que monsieur donne sa réponse, à ce
moment-là. Allez-y.
M. Tanguay : Et je
vous remercie beaucoup,
M. le Président, pour votre rappel. Effectivement, je peux comprendre qu'il y a des éléments de la présentation de M. Gauthier
qui ne font pas l'affaire de la banquette ministérielle puis qu'il y a eu des interpellations de ce côté-là, mais
j'aimerais entendre M. Gauthier là-dessus, sur sa déception puis pourquoi c'est important
pour vous. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M.
Gauthier (Yves) : Bien, c'est
important parce qu'il me semble… puis à la lumière de ce qu'un jeune père de
famille me disait, qu'il semblait… et il me
disait… puis après avoir examiné la situation… Puis ce n'est pas n'importe
qui non plus, c'est un gradué puis c'est un type impliqué dans le communautaire
depuis plusieurs années, qui défend beaucoup
de causes, et qui disait : Moi, je n'ai pas de poignée pour éviter à mon
enfant… Je parle en théorie, là, évidemment, il ne voulait pas s'en aller, là, en cour immédiatement, mais il réalisait
qu'il n'avait pas de poignée, qu'il n'avait pas d'outil pour contester ce genre d'enseignement là, par
exemple. Ça peut se produire dans d'autres domaines, mais ça, c'est un
exemple que je donne, là. Je ne veux pas rien que m'arrêter à ça.
Alors, si les
non-croyants n'ont pas d'outil parce que dans aucune… En tout cas, il me semble
que dans aucune charte ce n'est écrit
qu'on peut faire objection à la religion, ou quoi que ce soit… Dans les
chartes, par exemple, on dit : Oui,
la religion, les gens ont la liberté de religion. Mais ce n'est pas marqué
qu'on a la liberté aussi de non-religion. Alors, moi, je me dis que, si cette loi-là ne donne pas des outils pour les
non-croyants — si, je
dis bien si, je ne suis pas légiste, moi — si, à ce moment-là ce
serait une déception.
M. Tanguay :
O.K. Et, M. Gauthier, juste avant de céder la parole à mes collègues, parce
qu'ils ont des questions, je veux
juste faire une précision également que — il serait important de le mentionner — votre mémoire traite beaucoup de la
religion musulmane et de l'intégrisme, vous avez parlé de la charia…
M. Gauthier (Yves) : Je parle aussi
beaucoup du catholique… du catholicisme, monsieur.
M. Tanguay : Oui…
M. Gauthier (Yves) : Très beaucoup, même,
beaucoup plus.
M. Tanguay :
Oui, oui. Et là-dessus… Mais, par rapport à la charia, juste pour vous
rappeler, vous aviez noté… Le 26 mai 2005, il y avait une
motion unanime de l'Assemblée nationale, et je la cite : «Que l'Assemblée
nationale s'oppose à l'implantation des
tribunaux dits islamiques au Québec et au Canada», fin de la citation, qui
avait été déposée par notre collègue
libéral le 26 mai 2005, motion unanime. Alors, au Québec, au niveau
de la charia, c'est réglé, il n'y en aura pas, et ça, c'est très clair.
M. Gauthier (Yves) : Ah! c'est une
résolution, monsieur. C'est une résolution, hein?
M. Tanguay : Résolution de
l'Assemblée nationale.
M. Gauthier (Yves) : C'est une
résolution, ce n'est pas une loi, ça.
M. Tanguay : Oui. Mais ça, il
n'y a personne là-dessus qui conteste.
Une voix : Oui, mais le Code
civil, c'est la loi.
M. Gauthier (Yves) : Ah non! mais…
Une voix : …
Le Président (M.
Ferland) : …qui a la parole. On va laisser les échanges, et
vous aurez l'occasion après.
M. Tanguay : Et dernier point
également…
M.
Gauthier (Yves) : En tout cas, je ne veux pas embarquer dans… Je m'excuse de vous interrompre, mais
je ne voudrais pas embarquer dans des questions de légalité, je suis absolument
incompétent là-dedans.
M. Tanguay : Non, non, non. Mais merci. Je vais laisser mes collègues
poursuivre, M. Gauthier. Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Ferland) : La parole est à la députée de Notre-Dame-de-Grâce, je crois. C'est ça? Oui, allez-y.
• (10 h 20) •
Mme Weil : Merci,
M. le Président. Oui, bonjour, M.
Gauthier. Merci pour votre présence. Je vais peut-être aller dans ce sens et votre perception par rapport à la
charte, d'une part, et l'interdiction de signes religieux et les accommodements,
hein, parce qu'on a parlé un peu des deux.
Vous, si je comprends bien, mais vous allez me dire si j'ai raison, vous voyez
la charte et les interdictions de signes
religieux, parce que vous parlez beaucoup de ça, le port du voile, comme un
véhicule d'islam et de répandre
l'islam… — il y a
une citation. Est-ce que vous voyez la charte et cette interdiction comme un
rempart contre les accommodements religieux?
M.
Gauthier (Yves) : Je vois la
charte comme un rempart contre toute ingérence religieuse dans les affaires de
l'État et de ses institutions.
Mme Weil : Et, en particulier, si vous pouvez être un peu
plus précis, est-ce que c'est l'interdiction qui, pour vous, est
le rempart ou est-ce que c'est d'amener des balises sur les accommodements?
M. Gauthier (Yves) : L'interdiction de?
Mme Weil : Bien, c'est que vous parlez beaucoup
des signes religieux, dans votre mémoire, et cette déclaration de laïcité, mais l'interdiction… Parce que
vous parlez beaucoup du voile comme une manifestation… une
manifestation.
M. Gauthier (Yves) : Mais vous voulez
dire les interdictions de…
Mme Weil : De porter.
M. Gauthier (Yves) : …de porter des
signes religieux. Bien, je trouve que c'est un moyen, c'est un outil…
Mme Weil : C'est un bouclier
contre…
M.
Gauthier (Yves) : C'est un outil.
C'est un outil pour que les gens de toutes religions, toutes les religions, pas
seulement l'islam, là, toutes les religions, aient moins… en tout cas, moins d'emprise sur les décisions de l'État et de ses institutions. Parce que vous savez que je ne pense pas que le Québec
est un État complètement laïque, et je pense qu'il est loin
d'être encore complètement laïque.
Mme Weil : Bon. Mes collègues
ont des questions. Alors, je vais laisser mes collègues poser leurs questions.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, je crois reconnaître la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis :
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ferland) :
Il reste environ… je pense que c'est six minutes à peu près, oui.
Mme de Santis : Merci. Merci
beaucoup, M. Gauthier. Je reprends
une de vos recommandations, vous demandez qu'il y ait une absence de
tout signe religieux, que ce soit ostentatoire ou pas, dans l'espace civique.
Comment cette recommandation, si adoptée,
affecterait le patrimoine religieux du Québec? Parce qu'on a une croix au
Mont-Royal…
M. Gauthier (Yves) : Dans l'espace
civique, hein?
Mme de Santis :
L'espace civique, oui, alors…
M.
Gauthier (Yves) : Alors, j'essaie
de faire la différence, en tout cas, entre civique et public, hein? Civique,
c'est l'État et ses institutions.
Mme de Santis :
Ah! Vous voulez dire à l'intérieur des institutions de l'État?
M. Gauthier (Yves) : C'est ça, oui.
Mme de Santis :
Ah! O.K. Parfait. Parce que, quand j'ai lu «espace civique», ce n'était pas
clair pour moi.
M. Gauthier (Yves) : Est-ce que je me
trompe ou bien si… Ce n'est pas ça, la définition du «civique»?
Mme de Santis :
Bien, maintenant, on l'a clarifié, ça va.
M. Gauthier (Yves) : Oui. O.K. Bon.
Mme de Santis : Mais, quand on parle de tout signe religieux,
alors… et vous voulez… Vous proposez que soit interdit tout signe religieux porté par un fonctionnaire. Comment on
traite des signes religieux qui ne sont pas des objets, par exemple une
barbe d'une certaine taille, des cheveux très longs, qui sont portés par les
sikhs?
Une voix : Cachés.
Mme de Santis : Oui, ils sont cachés aujourd'hui derrière un turban, mais le turban ne serait pas admissible en vertu… Alors, derrière quoi le sikh
pourrait cacher ses cheveux? Est-ce qu'il doit couper ses cheveux?
M. Gauthier
(Yves) : Bien, écoutez bien,
madame, je pense que, dans tous les métiers, toutes les professions, il y a des limitations, il y a des limites, il y a
des règlements vestimentaires à avoir. À l'Assemblée nationale, les députés
ne pourraient pas, je pense, entrer à l'Assemblée nationale sans avoir une
cravate, hein?
Mme de Santis :
Je ne porte pas de cravate.
M.
Gauthier (Yves) : Alors, ça, ça
veut dire, ça, qu'il y a… et dans tous les métiers. Si, par exemple, c'est pour la fonction publique ou, en
tout cas, ses institutions, si on demande qu'il n'y a pas de signe religieux, alors les gens qui
feront application le sauront. Il faut faire des choix dans la vie, c'est
malheureux, mais c'est ça.
Mais il y a
des limites dans tout, madame, à peu
près tout. On m'oblige à mettre une
ceinture de sécurité, si je veux… on
m'oblige à ne pas fumer en public. Alors, c'est plein de règlements
comme ça qui, pour le bien commun, pour le vivre-ensemble, sont là. On me dit : Ah! ce n'est peut-être
pas des questions de droits fondamentaux. Mais, encore là, il faudrait voir, hein?
Mme de Santis :
Merci. Je vais laisser la parole à mon collègue.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, M. le député de Lotbinière-Frontenac.
M.
Lessard :
Oui. Merci, M. Gauthier. Merci de la présentation. Vous me semblez être un
homme franc, d'un franc-parler, en tout cas, c'est clair.
M. Gauthier (Yves) : C'est peut-être mes 21 années
à Saint-Séverin de Beauce.
M.
Lessard :
Ah! ça doit être ça, ça doit être ça. Alors donc, j'aime beaucoup la façon dont
vous vous exprimez.
Donc, vous
venez… D'entrée de jeu, vous avez fait votre présentation puis vous avez vu
rapidement que le ministre était…
avait à justifier pourquoi le Barreau, etc. Mais, vous, ce n'est pas ça qui
vous animait aujourd'hui, c'était plutôt…
Vous avez une cause, puis, quand vous avez posé la question au ministre, votre
cause, c'était : Moi, je… Vous avez rencontré
un père de famille non croyant, puis, lui, il ne se sent pas protégé par la
charte des droits et libertés québécoise actuellement, hein? Il n'a pas l'air à trouver sa place dans
le fait que, lui, il ne croit à rien, puis il voudrait que ses enfants ne croient à rien puis que personne n'essaie de
lui enseigner quelque chose sur ce que sont… l'enseignement des diversités religieuses.
M. Gauthier (Yves) : Des choses
contre lesquelles il n'est pas d'accord.
M.
Lessard : Donc, on a vite senti — je
suis capable de voir le non-verbal, là — votre
déception. Parce que vous avez
dit au ministre : Est-ce
que votre charte, ça garantit ça?
Puis il a dû se rabattre sur la Charte des droits et libertés qui existe actuellement, qui dit : La neutralité de l'État,
ça se représente par le fait que les
croyants comme les non-croyants, à cause
de leur liberté de conscience, de religion, ils vivent tous ensemble, c'est
comme ça que ça se passe. C'est comme ça
que votre non-croyant est protégé, en vertu de la charte qui existe
actuellement. Puis là vous avez dit : Oui, bien, si c'est comme ça, ça ne sert à rien, votre charte. Parce
que vous, vous y voyez une prise, vous aimeriez que quelqu'un gagne
quelque chose pour débattre le fait qu'il ne croit en rien, et que, partout, on
puisse avoir cette approche-là.
M. Gauthier (Yves) : En partie, ça,
là, mais pas uniquement ça.
M.
Lessard :
En partie, en partie ça. Donc, je vous amène sur le fait que, quand vous
analysez le projet de loi, puis, sans
être un spécialiste, vous voyez que le ministre est obligé de venir en baliser.
Alors, il dit : Il n'y a plus de signe pour la fonction publique, bien, il n'y a plus de signe ostentatoire.
Là, il va être obligé de contrôler la… Bon. Pour les non-croyants, il n'a pas besoin de rien contrôler,
ils n'en ont pas, de signe. Pour la religion catholique, là, la croix, il va
être obligé de trouver la grosseur que ça
prend pour que ça ne soit pas ostentatoire. Ça, ça vous surprend-u puis ça vous
déçoit-u de savoir qu'il devra tout arbitrer ça, puis tout le linge, puis tout ce
qu'on porte sur la tête?
M.
Gauthier (Yves) : Bien,
c'est pour ça que je dis… c'est pour ça que je dis, moi : Qu'il n'y ait
aucun signe.
M.
Lessard : O.K. Alors, vous y allez vers aucun signe. Mais ce
n'est pas ce qui est dans le projet, là. Vous avez bien…
M.
Gauthier (Yves) : Bien, non,
je le sais bien. Une commission parlementaire, ça sert à quoi? À bonifier un
projet.
M.
Lessard : Oui.
Alors, j'ai vu aussi que vous aviez participé ou lu sur beaucoup de conférences
qui se sont données sur l'islam ou sur tout
autre sujet. Donc, vous nous ramenez encore dans la charte québécoise qui
dit : Tu as le droit à la libre
expression, tu as le droit à la liberté d'opinion, etc. Donc, est-ce que vous
trouvez que la charte, actuellement, des
droits et libertés québécoise va… n'en fait pas assez ou… Je vous pose la
question. Parce que la charte existe, là. Vous avez entendu autant du monde de l'étranger qui est venu faire des
conférences, sur des sujets qui nous surprennent, que du monde l'écouter
en disant : J'en prends, j'en laisse.
M.
Gauthier (Yves) : Tous les
éléments que j'ai apportés, c'était tout simplement pour dire qu'il y avait
encore des mouvements, il y a encore
des gens, il y a encore beaucoup de gens même, que ce soient musulmans, que ce
soient chrétiens, orthodoxes ou intégristes, qui manoeuvrent pour
toujours influencer les décisions de l'État en fonction de leurs croyances. C'est ça que je voulais montrer,
point à la ligne. Et je voulais montrer que c'est important d'avoir une loi
qui garantit la neutralité ou la laïcité de
l'État et de ses institutions. Ce n'est rien… Et je voulais montrer cette
importance-là.
Le
Président (M. Ferland) : M. Gauthier, sur ce, je dois céder la
parole à la députée de Montarville. Allez-y.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Gauthier.
M. Gauthier (Yves) : Bonjour.
Mme Roy
(Montarville) : Merci. Merci beaucoup pour votre mémoire. Je
vous écoute, et ce que vous dites, ça me touche, ça me rejoint, et je
trouve — c'est
une opinion purement personnelle — que vous avez une position qui probablement touche et rejoint beaucoup de
Québécois et de Québécoises, la position du gros bon sens, entre autres quand
vous dites : C'est plus simple abolir les signes religieux qu'y aller avec
l'obligation de mesurer, par exemple.
Outre ça,
dans votre présentation, vous avez aussi beaucoup parlé de l'influence de la
députée Mme Houda-Pepin, ses sorties,
tout ça, et, moi aussi, c'est quelque chose qui m'a touchée. Et je me souviens,
entre autres, de la lettre qu'elle a publiée
dans les médias, dans laquelle elle disait que, parfois… et là, si vous voulez,
je n'ai pas le verbatim exact, mais je pourrais
le déposer, mais que, des fois, dans la vie, il faut réduire, il faut limiter
les droits, les droits individuels au profit des droits collectifs. J'aimerais
que vous parliez de ça, parce que c'est l'essence de votre mémoire aussi, là.
Qu'est-ce que vous en pensez de ces propos qu'elle a tenus puis
justement du fait qu'à certains moments il faut limiter des droits?
• (10 h 30) •
M.
Gauthier (Yves) : Les propos
de Mme Pepin, je les ai trouvés un peu ambigus, là, je dois avouer, là. Elle
avait des choses à défendre sur
plusieurs fronts, là. Mais je suis d'accord que, quand on vit en société… c'est évident, on n'a même pas le choix, quand on est en société,
il y a des limites à peu près pour tout, parce qu'autrement ça serait l'anarchie, ça, on le sait.
Mme Roy
(Montarville) :
Et à l'égard des droits religieux qui sont garantis, là...
M. Gauthier (Yves) : Ah! les droits
religieux! Bien, Saint-Maurice!
Mme Roy
(Montarville) :
Pardon? Vous avez dit saint quoi?
M.
Gauthier (Yves) : Saint-Maurice.
C'était justement pour... Je trouve que... D'abord, dans mon mémoire, j'ai
fait une espèce d'historique, là. À mon
âge — j'ai 67
ans — j'ai
fait une espèce d'historique de ce que j'ai vécu, là, hein, de ce que mes parents ont vécu aussi, évidemment,
pour montrer l'influence néfaste que peut avoir une trop grande présence
du religieux dans une société. Alors, qu'on
dise qu'on met des limitations à leur influence, moi, je suis tout à fait
d'accord.
Vous savez,
c'est assez drôle, parce qu'en faisant un petit peu de recherche, je me suis
rendu compte que, dans le Code
criminel du Canada, canadien, le blasphème est encore considéré comme criminel.
En quoi est-ce qu'un athée, un non-croyant pourrait commettre un acte
criminel en blasphémant? Encore dans le Code criminel canadien, si des propos haineux sont tenus et sont fondés sur des
textes religieux, ce n'est pas interdit, mais, pour un athée qui le ferait,
ce serait interdit. Ça, on a encore ça.
Moi, j'ai vu
le premier ministre Harper, en sortant d'un scrum, entre guillemets, se faire
poser la question : Ce que vous
prenez comme décision, là, M. Harper, vous n'avez pas peur du jugement des
Canadiens? Il a répondu : «Le seul jugement que je crains, c'est celui-là», en pointant vers le ciel, où
Dieu est supposé résider. Est-ce que, depuis ce temps-là, il y a plus de démocratie
au Québec? Depuis ce temps-là, je peux vous dire, moi, qu'on a un ministre de
la Science et de la Technologie qui
se dit créationniste. Je peux vous dire qu'il y a 2 000 scientifiques
qui ont été mis à pied au fédéral puis qui
n'ont même pas le droit d'aller consulter les recherches qu'ils ont déjà faites
s'ils veulent en continuer d'autres.
Le
Président (M. Ferland) :
Sur ce, M. Gauthier, je dois passer la parole au député de Blainville pour la
dernière partie de cette audience. Allez-y, M. le député de Blainville.
M. Ratthé : Merci, M. le
Président. M. Gauthier, bonjour.
M. Gauthier (Yves) : Rebonjour.
M.
Ratthé : Oui. Écoutez, M. Gauthier, moi, en lisant votre
mémoire, je me suis surtout attardé aux recommandations. On en a peu parlé, de vos recommandations. Ce que
je comprends, puis corrigez-moi si je me trompe, ce que je comprends, c'est que vous êtes satisfait du projet de loi
pour sa garantie au niveau de la laïcité de l'État, de ce qui pourrait être,
vous en avez parlé tantôt, un
rempart, mais vous aimeriez qu'il soit bonifié. Vous apportez certains points,
là, qui ont déjà été soulevés par
d'autres, par exemple le crucifix à l'Assemblée nationale, vous, vous
dites : Aucun signe ostentatoire. Il n'est pas question de les mesurer. On a entendu ça aussi. Vous nous dites
également : Bien, on devrait enlever les privilèges fiscaux, alors...
qu'on a entendu également.
Mais il y a
des points qui n'ont pas été entendus, puis j'aimerais que vous élaboriez un
peu — parce
qu'on n'a pas beaucoup de temps. Vous
parlez, entre autres, de l'abolition des conseils de Secrétariat des affaires
religieuses dans les ministères. Vous
parlez également de songer à présenter une loi omnibus. Alors, moi, je voudrais
vous entendre là-dessus, parce que ça, on n'a pas entendu ça jusqu'à
maintenant.
M.
Gauthier (Yves) : D'abord, on
sait qu'au ministère de l'Éducation il y a le Comité des affaires religieuses,
il y a le Secrétariat aux affaires
religieuses aussi. Puis, rien que pour… On sait que les professeurs de ECR sont
formés à la faculté de théologie et
non pas par la faculté des sciences de l'éducation. La faculté de théologie. Tu
sais, il faut le faire! Probablement que ces facultés-là n'existeraient
plus s'il n'y avait pas ces professeurs-là, là, qui allaient là.
Je dis une
loi omnibus. Pourquoi, une loi omnibus? Parce que je me suis dit... bien, c'est
une réflexion comme ça. C'est pour
dire que, finalement, tous les ministères, à chaque fois qu'ils font une loi ou
qu'ils posent un geste, devraient penser
à cette chose-là, à savoir : Est-ce que le geste que je pose contrevient
ou non au principe de laïcité de l'État et des institutions? C'est dans
ce sens-là. Puis d'ailleurs je me demande si ça ne sera pas ça, finalement,
qu'il faut faire, si...
M. Ratthé :
...intéressant, le fait que vous dites : Bien, il faut aussi que ça se
transcrive ou ça transparaisse dans tous les gestes de l'État.
M. Gauthier (Yves) : Ben oui!
M. Ratthé :
Et c'est ce que vous venez nous dire. Vous nous parlez de l'abolition des
conseils et secrétariat, la même
chose, donc tout ce qui est secrétariat, conseil qui a un lien avec la
religion. Donc, ce que vous nous dites, là, ce qu'on fait là devrait
transpirer non seulement dans l'apparence visuelle, mais aussi dans tous les
gestes que l'État devrait poser. C'est ce que vous nous dites, grosso modo.
M. Gauthier (Yves) : Tout à fait.
M. Ratthé : J'aimerais également… Puis je vais
conclure là-dessus. Ce que j'ai compris du fait que vous… les
athées ne se… devraient être mieux, j'allais
dire… ou se reconnaître davantage dans le projet
de loi, vous aimeriez qu'on bonifie le projet de loi, surtout en
rapport aux cours qui sont donnés, de culture religieuse, on va dire. Bien,
qu'on fasse valoir tous les points de vue, un peu, c'est ce que vous
dites, là.
M.
Gauthier (Yves) : …c'est ça. Parce que,
si on prend le… On dit qu'on parle de l'athéisme ou de l'agnosticisme, bien, on l'effleure, là, tu sais, on… Est-ce que, dans les ECR… Est-ce que, dans les cours de culture religieuse, on présente
seulement un beau côté des religions ou bien si on présente aussi, comme je dis,
les fleuves de sang puis les montagnes de cadavres, là, sur lesquels
elles se sont bâties? Je ne crois pas.
M. Ratthé : …M. Gauthier, je voudrais dire que ça paraît que
vous avez étudié en sciences politiques, parce
que vous avez très bien compris le sens d'une commission parlementaire.
On a un projet, un projet de loi, et, avec des commentaires comme le vôtre…
ça ne veut pas dire que le projet est parfait, mais il sera sûrement…
en tout cas, moi, il va
m'aider dans ma réflexion, à savoir : Est-ce qu'on doit le bonifier?
Est-ce qu'on doit ajouter des éléments que vous avez
apportés? Et je ne le vois pas juste comme un sens d'insatisfaction de votre
part, bien au contraire.
Alors, je vous remercie beaucoup, M. Gauthier.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, c'est terminé, M. le député? Il vous restait quand même
30 secondes.
M. Ratthé : …économe.
Le
Président (M. Ferland) : Mais, étant donné qu'on a un peu de
retard, on va les récupérer.
Alors,
moi, j'aimerais vous remercier, M. Gauthier, en tant que citoyen,
d'avoir pris la peine de vous informer et
de préparer un mémoire, de venir le présenter. Et, soyez assuré, parce que
vous avez soulevé un point important dans votre
présentation, les commissions
parlementaires sont là pour vous
entendre. Et, tous les personnes, les groupes, les individus, les citoyens qui viendront ici au
fil des semaines, des jours, bien, les parlementaires, lorsque
viendra le temps d'analyser le projet
de loi, vont tenir compte inévitablement des suggestions, des commentaires, des
recommandations que vous faites à l'intérieur de vos mémoires.
Sur ce, je vais
suspendre quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place. Merci.
(Suspension de la séance à 10
h 37)
(Reprise à 10 h 42)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, la commission reprend ses travaux, mais, avant de passer au
prochain groupe, je demanderais le consentement de la commission pour permettre au député d'Orford
de participer à cette commission
et d'y prendre la parole. Alors, ça me prend le consentement.
Des voix :
Consentement.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, il y a consentement. Alors, maintenant, nous allons entendre les représentants de l'Association des Townshippers, alors, en vous mentionnant que
vous disposez d'un temps de 10 minutes pour présenter votre mémoire, suivi d'un échange avec les groupes
de parlementaires. Alors, je vous demanderais de vous présenter ainsi
que de présenter les personnes qui vous accompagnent. À vous la parole.
Association des Townshippers
M. Cutting (Gerald) : Merci beaucoup pour ce moment d'avoir une chance de vous
rencontrer et d'avoir une chance de faire des échanges.
Mon
nom, c'est Gerald Cutting. Je suis le président de l'Association des
Townshippers. Je vais présenter Rachel
Hunting, elle est la directrice de notre association; Mme Heather
Bowman, ancienne présidente, et ici Melanie Cutting, secrétaire de notre
conseil d'administration.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, à vous la parole pour la présentation de
votre mémoire.
M. Cutting
(Gerald) : Merci. Nous allons partager la présentation entre Mme Hunting et
moi-même. On va commencer avec Mme Hunting, s'il vous plaît.
Le Président (M.
Ferland) : Mme Hunting.
Mme Hunting (Rachel) : Bonjour. Au terme d'une étude en profondeur des changements à la législation existante proposés dans le projet de loi n° 60, l'Association des Townshippers demande que ce projet de loi soit retiré, car il est d'avis
que le projet de loi constitue une menace directe non seulement à l'égard des populations d'expression anglaise, qui sont représentées par des groupes comme le
nôtre, mais aussi à l'égard de l'ensemble des minorités au Québec.
Nous avons identifié quatre grandes préoccupations qui nous amènent à
conclure que, dans le meilleur intérêt de toutes les minorités au Québec, le gouvernement
doit retirer ce projet de loi.
La première
inquiétude : les modifications aux dispositions de la Charte des droits et
libertés de la personne. Lors de l'examen du
chapitre XI, articles 40 et 41 traitant de la charte québécoise
des droits et libertés de la personne, il devient évident que ce projet
de loi poursuit un objectif beaucoup plus large que celui d'ajouter une autre
couche de réglementations bureaucratiques destinées à imposer et contrôler un
code vestimentaire.
Dans
cette section, qui semble, pour nous, avoir été ajoutée à la dernière minute,
le législateur présente plusieurs concepts
importants qui requerront la modification de la charte québécoise existante des
droits et libertés de la personne. Le
projet de loi propose que l'égalité entre les hommes et les
femmes, la séparation de l'Église et de l'État et d'autres valeurs fondamentales de la nation québécoise
soient regroupées avec la primauté de la langue française. Si la Charte des
droits et libertés de la personne est
considérée comme la mesure selon laquelle tous les projets de loi devraient être rédigés afin
de s'assurer que les droits et libertés de tous les citoyens soient protégés,
alors cette modification laisse clairement
beaucoup à désirer.
Est-ce
que l'inclusion de la condition de la primauté de la langue française signifie que la minorité d'expression anglaise se trouverait elle-même privée de la protection de la charte québécoise
des droits et libertés de la personne non
seulement pour ce qui a trait au projet de loi n° 60, mais aussi à l'égard
de toute législation passée et future?
L'égalité
entre les hommes et femmes est déjà enchâssée dans les chartes, tant canadienne
que québécoise, des droits
et libertés. Pourquoi alors remettre en question la légitimité de ces
chartes? Est-il de l'intention de ce gouvernement d'utiliser la disposition dérogatoire pour
faire abstraction de la charte canadienne? Nous croyons fermement que la laïcité qui épouse le projet de loi n° 60 n'est
pas une valeur mais plutôt une politique qui vise à retirer des droits et une liberté
déjà établis.
Qu'est-ce qui constitue les valeurs fondamentales
de la nation québécoise? Quelle est la place des autochtones ou des
anglophones de même que des membres des minorités visibles? Nous n'avons aucune
idée de la façon dont la communauté
d'expression anglaise du Québec, entre autres, sera affectée quant à sa place
au sein d'une nation québécoise. Clairement,
le projet de loi n° 60 n'a guère à voir avec les valeurs, il s'agit plutôt
d'un document conçu pour mettre en oeuvre
des protocoles destinés à fabriquer une société de conformité et de discrimination
flagrante, fondée sur des différences observables telles que la langue,
l'appartenance religieuse et l'origine ethnique.
Deuxième
inquiétude : la raison d'être du projet de loi n° 60. Pourquoi ce
projet de loi à ce moment-ci? Aucun élément
précis n'a été présenté pour justifier un tel projet de loi. Cependant, depuis
que le débat sur le projet de loi n° 60 est amorcé, de nombreux incidents de violence physique et verbale contre les
minorités visibles et religieuses ont été rapportés dans les médias, comme il s'agissait maintenant
d'un comportement acceptable. Étant donné que le projet de loi fournit déjà une plateforme et confère une légitimité pour
attaquer les minorités, maintenant que les barrières de l'intolérance et de la xénophobie sont ouvertes, quelles mesures
présentera le gouvernement pour protéger ceux qui sont à risque? Si la discrimination sur la base de l'appartenance
religieuse est acceptée et officialisée, est-il encore si loin de nous le
moment où l'État trouvera nécessaire
de pratiquer une discrimination sur d'autres bases, telles que l'origine
ethnique, l'orientation sexuelle ou la langue, afin de servir les
intérêts idéologiques du jour?
• (10 h 50) •
M. Cutting
(Gerald) : Inquiétude numéro
trois: Quelle est la définition de «laïcité» imposée par cette loi? Quand
nous parlons de valeurs, la mise en place de
sanctions, appuyées par l'État, à être utilisées contre les minorités qui
affichent des caractéristiques
religieuses, raciales ou linguistiques différentes de celles de la majorité
constitue, en fait, un assaut contre
toute valeur qui affirme les droits et libertés individuelles. Si l'intention
du projet de loi n° 60 est de fournir un modèle fonctionnel de neutralité laïque à l'égard de toutes les
questions ayant trait aux services fournis, directement ou
indirectement, par l'État, beaucoup de clarifications s'imposent.
On soutient
que le projet de loi nous ramène à une époque où la société québécoise se
divisait, en fonction des frontières
religieuses, entre le «nous» et le «eux», ce qui va à l'encontre des valeurs
d'ouverture et d'inclusion, vont faire de pair avec la liberté dans une
démocratie nord-américaine.
L'Association
des Townshippers suggère fortement que la neutralité de l'État devra signaler
que l'appartenance ou non-appartenance
religieuse de quelqu'un n'a pas de place dans l'embauche, la promotion ou le
licenciement dans la fonction
publique ou parapublique. Dans le Québec d'aujourd'hui, autant les nouveaux
venus que les résidents établis affichant une appartenance religieuse
devraient avoir une chance d'occuper un emploi intéressant sur la base de leurs
seules qualifications. Le projet de loi
représente un «gigantic» pas en arrière pour la cause de la justice sociale et
de l'égalité. Le résultat de ce type de laïcité radicale va créer à
nouveau une dynamique de nous et eux. Pourquoi ne pas recourir simplement
à l'accommodation raisonnable comme moyen de traiter de la question
symboles religieux dans les lieux de travail plutôt que de faire appel à
la discrimination sanctionnée par l'État?
Inquiétude n° 4 :
la mise en oeuvre et les coûts associés. Quelles sont les
structures bureaucratiques qui seront mises
en place pour effectuer le contrôle, l'inspection et le suivi de l'application à long terme de cette loi? En
termes de coûts financiers, quelles dispositions ont été prises? À un moment où on assiste à des coupures importantes
dans l'éducation et les services sociaux, le projet de loi
n° 60 exigera inévitablement des dépenses additionnelles. À elle seule, la
contestation juridique anticipée sera
onéreuse, indéterminable et assurer d'imprimer une marque indélébile sur le
Québec. En effet, en connaissons-nous même les coûts anticipés?
En
conclusion, le projet de loi ne peut mener qu'à son aggravation des divisions
entre les groupes, l'isolement des
minorités et des litiges sans fin. L'Association des Townshippers recommande,
en conséquence, que l'Assemblée nationale
retire le projet de loi n° 60 pour les motifs suivants : À tout le
moins, il s'agit d'une solution à la recherche d'un problème, et au pire celle-ci mènera à une
escalade d'actes injustifiés, de fanatisme à l'égard des membres des minorités.
L'actuelle Charte des droits et libertés de la personne fonctionne, mais
uniquement lorsqu'appliquée.
L'égalité des
hommes et des femmes est déjà engoncée dans la loi, tout comme le droit à
l'appartenance religieuse. Nous
souhaitons que les nouveaux venus au Québec, dont nous avons désespérément
besoin, compte tenu de notre taux de
natalité dangereusement bas, s'intègreront beaucoup plus rapidement s'ils se
sentent bienvenus et sont en mesure de trouver
un emploi intéressant. S'il y a un consensus quelconque qui puisse émerger du
présent débat sur la loi n° 60…
Le Président (M. Ferland) :
On doit arrêter, le temps qui vous était imparti étant écoulé. Mais vous aurez l'occasion
avec les échanges de, j'imagine, poursuivre la composition de votre mémoire.
Alors, je cède la parole à M. le ministre.
M. Drainville : Oui, merci,
M. le Président.
M. Cutting
(Gerald) : …mettre devant vous
juste quelque chose. Moi, je porte des appareils depuis longtemps et, à cause de ça, si, par chance, je vous demande
de répéter… Peut-être, notre technicien pourrait monter un peu le volume,
ou quelque chose… Ça nous permettra d'avoir un échange où que je ne serai pas
obligé de dire…
Le
Président (M. Ferland) : Bien, je vais demander aux gens de
parler un petit peu plus fort qu'à l'habitude…
M. Cutting (Gerald) : Oh! Parfait.
Le Président (M. Ferland) :
…pour permettre de bien entendre.
M. Cutting (Gerald) : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Ferland) : Au lieu de monter le volume, je vais
demander de monter d'octave, les gens qui vont s'adresser à vous. Alors,
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Drainville : Oui, merci
beaucoup. Alors, merci pour votre mémoire, merci pour votre présentation. Juste
quelques précisions, donc, avant qu'on débute l'échange.
Je voulais juste vous dire… À la page 2, et
vous l'avez répété dans votre présentation, vous parlez des articles 40 et 41 qui auraient été ajoutés à
la dernière minute au projet de loi. Je veux juste vous rappeler que la modification… ou les modifications à la Charte des
droits et libertés étaient prévues dès le départ. Dès que nous avons déposé les orientations, il était prévu que nous
allions amender la Charte des droits et libertés. Donc, ce n'est pas un ajout
de dernière minute, O.K.? Ça, c'est le premier point que je voulais souligner
avec vous.
Vous avez
fait référence aux incidents déplorables. Je veux juste vous dire que, depuis
le départ, moi, systématiquement, à toutes
les fois qu'il y a des incidents, en tout cas des incidents qui sont portés à
ma connaissance ou dont j'ai connaissance, des gestes d'intimidation, peu importe quelle est leur nature, des
gestes d'intimidation, des gestes qui ne sont pas acceptables en démocratie, je me suis toujours imposé le devoir de les condamner et d'appeler le
débat… ou d'appeler au respect dans le débat, de dire : Il faut se
respecter. Vous, votre groupe, par exemple, votre présentation, elle est très
critique de la charte, mais je respecte
votre point de vue, O.K.? Et ce que je dis, c'est que, même si on a un
désaccord, il faut quand même
être capables d'en discuter dans le respect, et donc sans verser dans des
gestes qui ne sont pas acceptables dans une démocratie comme la nôtre,
des gestes, par exemple, d'intimidation, ou même pire encore.
Et je veux
juste attirer votre attention et vous inciter, je dirais, à une certaine
prudence. Vous semblez attribuer seulement à un camp ces gestes-là, répréhensibles. Les
gestes répréhensibles ne viennent pas seulement d'un seul camp. On se comprend? Il y a des gestes répréhensibles qui, malheureusement… Parce que ce n'est pas qu'ils viennent d'un camp plutôt que l'autre qu'ils sont davantage
acceptables, mais il faut faire attention avant de dire que tout ce qui a été
répréhensible, ou appelons ça dérapages,
jusqu'à maintenant, ne venaient que des gens qui appuient la charte.
Je veux juste que ce soit bien, bien
clair. L'un et l'autre doivent se respecter, le camp procharte comme le camp
anticharte doivent manifester le même respect les uns envers les autres.
Maintenant…
M. Cutting (Gerald) : …quelque chose?
M. Drainville : Bien sûr.
M. Cutting (Gerald) : Bravo! Parce que
vous avez raison quand vous avez dit que, chaque fois qu'il y avait quelque
chose, c'est sûr que vous avez sorti puis vous avez mentionné que ce n'est pas
la façon d'avoir un vrai débat. Et, si on parle avec le point de vue, ça
va être avec du respect. On va en avoir un, vrai échange.
Mais, il faut
comprendre, entre nous, ici, nous sommes des personnes qui ont certaines
habitudes, un certain… Ça fait partie
de nos carrières d'être capables de s'exprimer les points de vue, d'entendre l'autre et d'avoir la chance de bâtir des compromis.
Mais il y a des gens, sur les deux bords, qui ne respectent pas l'autre et ça
va être absolument, absolument nécessaire de prendre certaines mesures de démontrer ce
respect parmi nous autres et de faire un modèle. Et je pense qu'on peut
faire ça ensemble.
Mais
entre-temps il faut poser des questions. Qu'est-ce qui va se passer quand il y
a des gens qui se promènent sur la
rue et ils ne comprennent pas qu'est-ce qu'on parle? On parle d'une forme de
laïcité qui va être, disons, est-ce que je pourrais dire ça, une façon de gérer l'emploi, de gérer des services.
Eux, il y a certaines gens qui comprennent qu'on va changer
le Québec d'un jour à l'autre, et tous ceux qui sont
différents n'ont pas une place au Québec. Il y a des gens qui vont réagir comme ça. Et ces gens-là vont créer des incidents, ça va
être dans les médias et ça va donner encore d'autres personnes qui vont
penser : Ah! Est-ce que c'est correct et est-ce qu'on peut faire ça? Ça,
c'en est un, danger. On l'a mentionné parce que c'est une réalité dans notre société.
• (11 heures) •
M.
Drainville : Mais, si je peux me permettre, M. Cutting, puis
ce n'est pas un, comment dire… Par
exemple, O.K., il
ne faut pas le prendre mal, O.K., mais je cite un bout de votre mémoire, là. Vous
dites : «Clairement, le projet
de loi n° 60 n'a guère à voir
avec les valeurs; il s'agit plutôt d'un document conçu pour mettre en oeuvre les
protocoles destinés à fabriquer une société
de conformité et de discrimination flagrante, fondée sur des différences telles
que la langue, l'appartenance religieuse
[ou] l'origine ethnique.» Si vous me permettez, en tout respect, je pense que
ce langage va trop loin, parce que
«des protocoles qui visent à fabriquer une société de discrimination
flagrante», moi, je pense que ça va
trop loin, M. Cutting. Maintenant, je respecte votre point de vue. Je vous dis
juste… je vous donne le mien également, O.K.?
Bon, maintenant,
allons sur le fond des choses. Vous
parlez du problème que vous avez, à la page 3, vous dites : «Une
autre question monumentale reliée à la modification de la Charte des droits et
libertés, c'est le problème de ce qui constitue
les valeurs fondamentales de la nation québécoise», O.K.? Et là vous soulevez
la question de la primauté du français
et vous dites, sur la primauté du français, je cite : «L'inclusion de la
condition de la primauté de la langue française signifie que la minorité d'expression anglaise se trouverait elle-même
privée de la protection de la charte québécoise des droits et libertés de la personne non seulement
pour ce qui a trait au projet de loi n° 60, mais à l'égard de toute
législation passée et future.»
Mais,
vous savez, M. Cutting, quand le Parti libéral a créé la commission
Bouchard-Taylor, ils ont inscrit dans le
décret qui créait la commission Bouchard-Taylor… Alors, c'était écrit dans le
décret : «Attendu que la société québécoise est attachée à des valeurs fondamentales, telles que l'égalité entre les
femmes et les hommes, la séparation de l'Église et de l'État, la primauté de la langue française…» Donc, je veux juste
vous dire que le concept de primauté de la langue française, dont on peut discuter d'ailleurs… Parce
qu'il y a des gens qui trouvent que ça ne va pas assez loin, que c'est déjà une dilution, ça. Il y a des groupes qui
l'ont dit déjà et qui vont venir nous le dire. Mais vous comprenez que, si,
pour vous, ça va trop loin, la
primauté de la langue française, ce n'est pas une valeur péquiste, ça là, c'est
aussi partagé par les gens qui étaient là avant nous.
Et donc je
vous pose la question : Est-ce que vous, vous avez un problème avec le
principe de la primauté de la langue française au Québec?
M. Cutting (Gerald) : Alors, juste pour
commencer à répondre, ça ne fait aucune différence si c'est le Parti québécois, si c'est le Parti libéral ou d'autres,
on a les mêmes questions, on a les mêmes inquiétudes. Pour démontrer que
nous autres, on accepte la langue française
comme la langue de la majorité des Québécois, comme la langue de fonctionnement
dans notre vie sociale, politique, culturelle, nous autres, on a décidé de
venir ce matin et de présenter notre mémoire
en français, parce que, notre association, comme mandat clair, c'est de créer
des liens entre les deux cultures, les deux langues.
Et, pour
démontrer concrètement qu'on est convaincus que la langue française est un
outil pour tout le monde, soit Français, Anglais ou nouveau arrivé, on
encourage les gens d'apprendre le français pour être capables d'avoir un emploi intéressant, d'être capables de fonctionner
dans notre société. Mais on questionne ici comment on va l'appliquer, ces termes. Et, peut-être, ce n'est pas à nous de
donner des exemples. Est-ce que vous pourrez nous donner un exemple
concret comment vous allez prendre cette partie de changement dans la charte et
de nous donner un exemple concret comment on
peut s'appliquer ça, ces termes-là? Ça, peut-être, ça pourrait répondre
facilement à la question, peut-être ça pourrait
nous soulager, peut-être ça pourrait… Ce qu'on demande, c'est : Est-ce
qu'on revient au Bill 14 d'une autre façon?
M. Drainville : Bien, écoutez…
Des voix : …
M. Cutting (Gerald) : Non?
M. Drainville : Oui puis non.
M. Cutting (Gerald) : Oui puis non. O.K.
M. Drainville : Oui puis non…
M. Cutting (Gerald) : Dites-moi le oui.
M.
Drainville : Non, mais au sens où la loi n° 14 prévoyait affirmer la langue
française comme valeur, O.K., comme valeur,
et, nous, ce que l'on fait, c'est qu'on affirme la langue française comme
valeur dans la charte, la charte de la laïcité ou la charte des valeurs. Donc, je vous dirais que c'est une
reconnaissance de la langue française comme valeur commune à tous les
Québécois, y compris aux Townshippers, même si ce n'est pas votre première
langue, puis je… Mais vous admettez vous-même que c'est important pour vous, le
français, parce que c'est un moyen notamment de progression professionnelle,
par exemple, pour l'obtention d'un meilleur emploi, et tout ça. C'est
essentiellement…
Si vous
regardez où on l'a placé, on l'a placé dans une déclaration des grandes valeurs
québécoises et on l'a mis avec la neutralité religieuse, avec la laïcité, avec
l'égalité hommes-femmes. Donc, c'est une reconnaissance symbolique mais qui reste quand même importante
pour la suite des choses. Vous avez raison de dire qu'on renforce, à notre avis, le statut du français
par cette reconnaissance-là, mais je ne pense pas que c'est une menace pour les
droits de la minorité anglophone, il
ne faut pas y voir une menace. On n'enlève rien à la minorité anglophone là-dedans, M. Cutting, absolument rien, là.
M. Cutting
(Gerald) : Pour répondre :
Quand on a présenté notre mémoire sur le Bill n° 14, c'est clair que nous
autres, comme association, on a affirmé
l'importance de la langue française. Qu'est-ce qu'on met en question, ce
n'était pas cette réalité. Qu'est-ce
qu'on a mis en question, c'était la façon de procéder. Et, quand on parle du
Bill n° 60, qu'est-ce qu'on met
en question, c'est est-ce que c'est possible d'avoir plus de détails sur toute
la question de ces valeurs fondamentales de la nation québécoise.
Et aussi on
pose une autre question. Quand on parle de la nation québécoise, tout de suite
un autre terme qui, pour nous autres… Parce que moi, j'ai eu beaucoup
de débats, de rencontres avec des gens qui ont d'autres points de vue, et une
couple de fois ils m'ont dit carrément : Bien, vous n'êtes pas un
Québécois, vous n'êtes pas un vrai Québécois.
M.
Drainville : M.
Cutting, je dis, je dis et nous disons, depuis le départ, depuis le début… Et
cette conception de la nation
québécoise, elle est portée… en tout cas depuis toujours en ce qui me concerne,
par la formation politique à laquelle j'appartiens. En tout cas, René Lévesque, qui est
le fondateur, tout de même, de ce parti, disait : Est Québécois celui qui
vit au Québec — je paraphrase un peu — point à la ligne, peu importe la langue
parlée, la langue maternelle, l'origine, peu importe, on est tous des
Québécois.
Alors, est-ce
que vous êtes d'accord, vous, pour dire que la langue française, c'est une
valeur importante du Québec? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
M. Cutting
(Gerald) : Je vais dire deux
choses : Absolument pour la langue française, et j'apprécie beaucoup
que vous avez mentionné, dans un forum
public, que la définition d'un Québécois, c'est : un résident du Québec.
Oui?
M. Drainville : …
M. Cutting (Gerald) : Absolument.
M. Drainville : Toujours.
Alors, est-ce que vous êtes…
M. Cutting
(Gerald) : Toujours. Parce qu'il
y en a d'autres qui vont dire non. Dans ce forum public, on peut dire que,
quand on sort d'ici, on a une définition claire qu'est-ce que ça veut dire, de
compter parmi la nation québécoise, c'est d'être un résident du Québec. Et, avec ça,
on est toujours prêts à dire, comme association : Est-ce que le français
est un… Ce n'est pas tout simplement un atout, c'est une nécessité d'avoir le
français comme outil et d'être capable de fonctionner dans la société
québécoise.
M. Drainville : Est-ce que
vous êtes prêts à dire que c'est une valeur?
M. Cutting
(Gerald) : Une valeur? Oui, c'est
une valeur. Je voulais avoir aussi, si vous êtes capable, ce matin, de
dire quelles sont les autres valeurs fondamentales.
• (11 h 10) •
M.
Drainville : On en
met quelques-unes dans le projet de loi, hein, on en énonce quelques-unes qui
nous semblent très, très, très
importantes. On pourrait avoir une longue discussion, vous et moi, sur d'autres
valeurs qui pourraient être incluses. Nous, on fait une proposition et
on pense que c'est une proposition qui est fondée.
Mais là il me
reste peu de temps, je dois vous poser une autre question. Sur la question des
signes religieux, je vois bien que,
pour vous, vous avez un gros problème avec la restriction en matière de signes
religieux. Et je veux juste attirer
votre attention sur certains témoignages que nous avons eux ces derniers jours,
notamment celui de Mme Michelle Blanc, O.K.,
qui est venue donner l'exemple d'un jeune Maghrébin, un jeune Québécois
d'origine maghrébine, qui est homosexuel
et alors il a été rejeté par sa famille pour des raisons religieuses, O.K., sa
famille n'accepte pas son orientation
sexuelle. Il se présente devant une infirmière qui porte un signe religieux. M. Leblanc… Mme Blanc, dis-je, a parlé du hidjab, mais je pense qu'elle
aurait tout aussi bien pu dire une infirmière qui porte un signe d'une autre
religion. Ce qu'elle disait, Mme Blanc, c'est que ça peut créer un malaise. Le
jeune peut se sentir rejeté à cause du signe
religieux que porte la personne qui lui donne son service de santé, dans ce
cas-ci. Est-ce que vous pouvez comprendre que le signe
religieux peut parfois être un message de rejet pour les personnes qui le
voient, dans ce cas-ci un jeune Magrébin québécois, Magrébin qui est
homosexuel? Est-ce que vous pouvez comprendre ça?
Le
Président (M. Ferland) : M. le ministre, le temps étant écoulé, je dois aller du côté du
parti de l'opposition et je
reconnais le député d'Orford. À vous la parole.
M.
Reid : Merci,
M. le Président. J'aimerais qu'on
retombe sur la minorité anglophone, et nous avons la chance d'avoir aujourd'hui
des visiteurs qui représentent le plus grand groupe de nos concitoyens anglophones
en dehors de Montréal. Donc, c'est souvent des milieux plutôt ruraux et qui ont
des problèmes particuliers. Les représentants des Townshippers ont eu l'occasion d'en parler dans une autre commission,
mais, même si on a abordé un peu le sujet, il serait intéressant de reprendre certains des points qui
ont été mentionnés mais dans un contexte qui est celui des Townshippers,
c'est-à-dire des anglophones de l'Estrie et
pour lesquels il y a une vingtaine de villes avec statut anglophone bilingue…
c'est-à-dire à statut bilingue, pas anglophone, et qui ont des enjeux bien
particuliers, et qu'on vient d'effleurer.
Moi,
j'aimerais ça, M. Cutting, que vous nous parliez un peu des enjeux de la
communauté anglophone de l'Estrie, qui
est celle de la plupart des communautés anglophones hors Montréal, des enjeux
de survie, de maintien et de développement,
de votre intégration dans la vie des Cantons-de-l'Est. Évidemment, dans
certains cas comme le vôtre, je
pense, c'est une intégration qui dure depuis neuf générations, donc ce n'est
pas d'hier, et c'est le cas d'une grande majorité des Townshippers.
Votre rapport
avec la langue française, et j'aimerais ça que vous reveniez un peu sur les
implications. Parce qu'on a parlé de
la langue française pour laquelle vous avez toujours affirmé que c'est une
valeur fondamentale, vous l'avez réaffirmé,
mais pour laquelle vous dites, dans le rapport, dans votre rapport, ici,
quelque chose qui est nouveau, parce que le projet de loi n° 60 amène quelque chose de nouveau, c'est
l'inclusion des mots de «priorisation», d'une «priorité», donc, de la langue française dans une charte, dans la
Charte des droits et libertés. C'est donc dire… et vous le dites, mais on a
passé rapidement là-dessus tantôt,
j'aimerais ça que vous donniez un petit peu plus de détails. Ce que ça fait une
charte, ça veut dire que c'est
hiérarchiquement supérieur, sur le plan juridique, à n'importe quelle loi, et
donc ça veut dire que même des lois
qui ont déjà été passées pourraient se retrouver, à ce moment-là, disons,
caduques. Et donc, là, c'est quelque chose de totalement différent entre affirmer la
valeur de la langue française au Québec, que vous avez toujours fait, et
d'avoir une inscription dans la charte, dans
une charte qui, elle, est supérieure à toutes les autres lois, qui dit
qu'effectivement… Alors, j'aimerais que vous me donniez quelques
exemples, dans le contexte, dans votre contexte, le contexte de votre rapport avec la langue française, qui
est un rapport qui est extrêmement fluide et serein dans les Cantons-de-l'Est,
et je peux en témoigner.
Également,
vos efforts pour garder vos jeunes, nos jeunes Québécois anglophones dans
l'Estrie et d'attirer des familles,
également. Et qu'est-ce qu'en fait l'impact de ce projet de loi n° 60 sur
le plan de la langue française, sur le plan aussi, probablement, de l'emploi? Parce qu'évidemment on peut attirer
des gens ou garder nos jeunes en Estrie s'il y a de l'emploi. Alors,
qu'est-ce que vous voyez comme difficultés que vous avez mentionnées?
J'aimerais que vous nous permettiez de
comprendre un peu mieux et d'élaborer un petit peu plus sur ces deux aspects : donc, l'aspect de la primauté
du français et qu'est-ce que ça pourrait, d'après vous, avoir comme effets
qu'on ne voit pas quand on fait juste parler
de la valeur de la langue française. Vous êtes d'accord avec ça. C'est la
primauté dans la charte pour laquelle
vous avez exprimé une inquiétude. Pouvez-vous nous en parler un peu plus? Et
aussi, donc, dans le contexte de la
communauté et de son intégration, en fait, dans le Québec et comme étant partie
du Québec depuis plusieurs générations, comment est-ce que ces deux
points-là, langue française et emploi, viennent vous amener des inquiétudes importantes par rapport aux efforts
que vous faites — et je
sais que vous en faites beaucoup — pour effectivement vitaliser et
revitaliser la communauté anglophone, qui est un plus pour le Québec?
M. Cutting (Gerald) : Pour essayer
de répondre à cette question-là, nous autres, qu'est-ce qu'on comprend, c'est que, si on apporte des changements à la
Charte des droits et libertés de la personne, ça, ça va être comme la mesure
qu'on va diriger toutes les autres lois,
quand... C'est quelque chose qui va être permanent. Et qu'est-ce que ça va apporter sur
d'autres possibilités? Si on prend comme un exemple dans les
Cantons-de-l'Est historiques, je pense qu'on pourrait dire
facilement : On a un grand nombre de municipalités qui ont un statut
bilingue. Je pense qu'au moins 18 de ces municipalités
ont le statut bilingue. Si, par chance, on tombe en bas des définitions ou si
on est en mesure d'avoir la possibilité de quelqu'un qui pourrait dire :
Bien, moi, j'ai reçu un pamphlet bilingue dans ma boîte à malle, ça va contre la Charte des droits et libertés des
personnes, parce qu'on dit, dans cette charte-là : La primauté de la
langue française, est-ce qu'il y aura possibilité d'avoir un appel
devant la commission des droits de la personne?
Nous autres,
qu'est-ce qu'on essaie de faire avec les commissions scolaires dans notre
région, c'est de travailler pour établir des projets pour s'assurer que
des jeunes auront une chance d'avoir une vraie expérience non tout simplement dans l'école, mais une expérience dans
le milieu de travail, qui va les encourager à dire : Bien, aussitôt que
je vais terminer, je vais être diplômé,
qu'est-ce que moi, je vais faire, je vais travailler aussi au Québec, parce que
présentement j'ai des outils pour le faire.
Le problème
de décrochage chez les anglophones partout dans les Cantons-de-l'Est, c'est un
problème majeur. Et on sait qu'est-ce
qui se passe quand un jeune décroche. Souvent, il se retrouve facilement, et
souvent dans un très bref de temps,
au chômage, bien-être social, parce qu'ils n'ont pas les outils. Un outil de
base, c'est la langue française, l'autre outil, c'est de l'expérience qui donne une porte d'entrée à l'emploi. Et
ça doit être, quand on parle des valeurs, une valeur d'avoir un emploi.
Peut-être que ça serait quelque chose intéressant de le penser, de le mettre
dans la charte.
En tout cas,
on pourrait en discuter à long terme, qu'est-ce qu'on essaie de faire comme
association, mais notre but, c'est de
s'assurer que la communauté anglophone ont une chance de célébrer leur
héritage, les contributions qu'ils ont
faites déjà à notre société québécoise, et d'assurer qu'on a une place dans le
futur, dans notre... Ça, c'est chez nous, pour nous, le Québec. Et, quand on parle des valeurs, quand on parle...
Pour nous autres, la laïcité, ça devrait être neutre. Comme valeur, ça devrait être neutre, comme on a
mentionné. Si vous êtes croyants ou non croyants, ça ne devrait pas
avoir aucun impact sur votre employabilité. Et, je crois, depuis les
années 60, on a fait des pas majeurs dans ce domaine-là. Je dirai qu'en pratique, en pratique, notre société est
vraiment laïque. Parce que moi, à mon âge, je peux vous dire, quand je faisais des applications pour un
emploi, une des questions majeures, c'était : Votre religion? Catholique?
Protestant? Si je comprends bien,
présentement c'est contre la loi, parce qu'avec les chartes qu'on a
présentement on n'a pas le droit
d'avoir une discrimination contre quelqu'un à cause qu'ils sont croyants,
protestants, catholiques, musulmans, on ne devrait pas avoir un
préjudice contre une personne à cause de ça.
Et un droit,
c'est un droit, c'est un droit. On ne peut pas avoir un droit à 50 %. On
ne peut pas dire à quelqu'un : Vous
avez le droit de pratiquer la religion, mais vous n'avez pas le droit de porter
quelque chose. Si j'arrive avec un petit crucifix, est-ce que vraiment vous êtes en danger à cause de ça? Moi, je
crois que non. Mais il y a des personnes, oui, ils sont mis dans une situation où ils sont
peut-être... à cause qu'ils n'ont jamais eu le contact avec les gens qui sont
différents. Pourquoi... On ne visera
pas... C'est dans nos écoles, de bâtir des programmes pour s'assurer que tous les Québécois
aient une bonne connaissance des différences entre les religions,
l'impact, mais d'être capables de dire : Juste à cause que vous croyez d'autres choses, ça ne veut pas dire que
vous n'êtes pas très, très compétent dans votre domaine. Et tout le monde
qui a un emploi a une description de tâches.
• (11 h 20) •
Le
Président (M. Ferland) : La députée de Notre-Dame-de-Grâce
avait aussi une question. Alors, Mme la députée, allez-y.
Mme Weil :
Oui. Alors, je vous remercie, M. Cutting, Mme Bowman, Mme Cutting et Mme
Hunting, pour votre présence ici.
Alors là, on arrive, on arrive au sujet de la charte des soi-disant valeurs. Et
je vais vous citer ici, dans votre mémoire :
«En d'autres termes, le projet de loi n° 60 propose une définition de
l'"inclusion", qui est effectivement une définition de
l'"exclusion", sur la base d'un ensemble de caractéristiques qui vont
bien au-delà des normes de citoyenneté», connues, par ailleurs. Donc, est-ce que c'est le port des
signes et l'interdiction de port de signes religieux quand vous parlez d'exclusion et non d'inclusion?
Est-ce que c'est cet aspect-là du projet de loi n° 60 du ministre qui vous
inquiète? Et est-ce que le Barreau… Vous
avez peut-être lu le journal ce matin, La Presse, que le
Barreau exprime des inquiétudes.
Est-ce que c'est les mêmes inquiétudes que vous? Et finalement les
répercussions. Vous vous inquiétez des répercussions de ce débat, de ce
projet de loi. Pourriez-vous nous expliquer vos inquiétudes?
M. Cutting (Gerald) : Peut-être une autre façon d'exprimer notre inquiétude, c'est que… si on
a un projet de loi où qu'on va dire
la définition de «société laïque», ça va être tel que vous n'avez pas le droit
de pratiquer votre religion. Et je
vais donner une précision ici. Si vous êtes un membre d'une certaine religion,
c'est impossible de dire… Je vais donner un exemple comme moi. J'arrive ici, dans l'Assemblée nationale, j'ôte
mon crucifix, je le mets à côté. Quand je parle, je mets mon crucifix.
Il y en a d'autres qui pratiquent une autre religion, ce n'est pas possible
parce que c'est… Une religion, encore, c'est
comme un droit, on le pratique ou on ne le pratique pas. On devra. Mais, quand
ça arrive le temps de dire à
certaines gens : Bien, vous n'avez pas le droit de… en effet, pas le droit
de pratiquer votre religion, c'est un droit.
Si
l'État va dire que vous allez perdre votre emploi, qu'est-ce qui va se
produire, c'est que les gens qui sont exclus vont se ramasser ensemble
et on va créer des ghettos. Les gens qui n'ont pas de possibilité d'avoir des
emplois dans la fonction publique et même,
on va plus loin, on dit, dans le privé, qu'est-ce que ca va produire, ils vont
créer des petites communautés, et ils
vont être tous ensemble, et il n'y aura pas de contact entre ces gens-là et la
société en général. Comme ça,
qu'est-ce qu'on prétend, c'est que, si on désire d'avoir plus de contacts entre
les gens, les valeurs, il faut des valeurs qui permettent une plus
grande inclusion, pas une exclusion.
Mme Weil :
…maintenant à ma collègue.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, en vous mentionnant qu'il reste à peu près une minute.
Mme
de Santis : Merci, M. le Président. Merci d'être là.
Ma question, c'est votre inquiétude n° 4, dont on n'a pas encore beaucoup parlé, c'est les coûts
associés avec la mise en oeuvre du projet de loi n° 60, qui n'incluent pas
seulement les coûts des contestations devant les cours, qui pourront
nous amener à des millions de dollars, certainement. Je suis anciennement… je
suis avocate, donc je sais. Et aussi, les coûts de la mise en application du
projet de loi ou de la loi, est-ce qu'on va
créer un autre office, maintenant, des valeurs québécoises? Est-ce qu'on aura
besoin de quelqu'un qui va vérifier
si, oui ou non, il y a des signes ostentatoires qui sont portés par les
infirmières, les médecins, les fonctionnaires, les personnes qui travaillent pour les sous-contractants qui fournissent
des services aux organismes publics? Est-ce que vous pouvez donner votre
opinion là-dessus?
Le
Président (M. Ferland) : …parce que le temps est écoulé, et je dois céder la parole à la députée
de Montarville. Mais la question a été quand
même posée. Peut-être que, par ricochet, vous pourrez y répondre. Allez-y, Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci à vous tous. M. Cutting,
j'aimerais vous poser une question
très précise. À la page 5 de votre mémoire, vous dites, et je vous
cite : «En fait, le Québec fonctionne maintenant comme un modèle
très positif de société laïque moderne, et nous pouvons convenir que
l'Église ne joue plus un rôle majeur
[de] la vie [politique et] publique.» Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais vous dites : «En fait». Et
c'est ça, la problématique : dans les
faits, la laïcité de l'État existe. Ma question est la suivante — elle
est très simple : Je vous
demande pourquoi justement ne pas l'inscrire dans une loi, cette laïcité de l'État? Parce qu'actuellement, vous le savez, ce
n'est pas inscrit.
M. Cutting (Gerald) : Oui, c'est vraiment une bonne question. Est-ce qu'on pourrait penser
que peut-être c'est possible de faire
une déclaration des valeurs fondamentales du Québec, en disant qu'on est en
faveur : Comme valeurs, voici
les suivantes, et on va mettre... Tu sais, on va créer une liste des valeurs et
on va dire : Nous autres, ici, au Québec, qu'est-ce qu'on a, c'est une société laïque, il y a une séparation entre
l'État et l'Église. Peut-être, on devra dire «entre l'État et les
religions».
La
problématique que ça soulève, c'est : Comment est-ce qu'on va s'assurer
qu'on garde ces valeurs en pratique? Et,
quand on parle de qu'est-ce qui va... une façon de démontrer que notre société
est vraiment laïque. Il faut toujours dire que, d'après nous, une façon de savoir, ce n'est pas qu'est-ce que vous
portez sur la tête, c'est ce que vous avez dans la tête qui va démontrer
vos valeurs.
Mme
Roy
(Montarville) : ...avec une déclaration, une
déclaration, ça n'a pas ce qu'on appelle force de loi. Alors, on ne
pourrait pas nécessairement appliquer ou exécuter cette laïcité avec une
déclaration.
Cela
dit, vous mentionnez aussi, je crois que c'est à la page 2 de votre
mémoire, vos inquiétudes, on en parlait d'entrée de jeu, les inquiétudes d'événements disgracieux. Dans votre
réalité, dans les Cantons-de-l'Est, que j'adore, soit dit en passant, y a-t-il eu des événements
disgracieux? Quelle est l'ambiance, quelle est l'atmosphère depuis qu'on parle
de la charte? Il y a déjà cinq mois qu'on en parle.
M.
Cutting (Gerald) : Dans les
Cantons-de-l'Est... Moi, je suis plutôt au courant qu'est-ce qui se passe dans
l'Estrie. Qu'est-ce qui s'est passé
jusqu'à date, c'est qu'on a eu... je crois que c'est au moins deux exemples, et
c'est des exemples… c'est des gens qui ont décidé de téléphoner à notre association, ils ont
commencé avec le secrétaire, et c'était pour dénoncer l'association
parce qu'on parlait, dans notre mémoire, de la primauté de la langue française.
Et ce n'étaient pas des gens qui étaient...
je dirais, pas des gens qui parlent comme nous. Il n'y en avait pas beaucoup,
de respect. Et, quand il y a des gens qui nous chantent des bêtises,
moi, je...
Le Président
(M. Ferland) : Malheureusement, je dois aller au député de
Blainville, malheureusement. J'ai un travail assez ingrat, hein? Vous
voyez. Mais je dois le faire respecter. Alors, M. le député de Blainville.
• (11 h 30) •
M. Ratthé :
Merci, M. le Président. M. Cutting, mesdames, merci d'être là, de nous partager
votre point de vue. Je pense que je comprends mieux maintenant, avec les
explications, les questions que vous avez soulevées sur la primauté du français dans la Charte des droits et libertés,
la charte québécoise des droits et libertés. En tout cas, j'ai un meilleur
sens.
Je serais tenté de vous dire que j'ai travaillé
dans toutes les provinces canadiennes, je parle très bien anglais. J'ai vécu
même dans les Cantons-de-l'Est et j'ai pu y constater l'harmonie qui existe
entre tous les Québécoises et Québécois des
Cantons-de-l'Est. Et ça m'a quand même un petit peu... Basé sur cet
historique-là, je dois vous dire que je
suis un petit peu étonné de vos craintes, parce qu'il y a un historique de
Québécoises, Québécois de langue anglaise qui, je pense, au Québec, sont
au même niveau de respect, en tout cas, de la part de n'importe quel
gouvernement du Québec, que ce soit le
gouvernement libéral ou péquiste. Et ça m'étonnait un petit peu de voir vos
craintes, de dire qu'on allait pratiquement reculer en arrière en
mettant de l'avant ce tel projet de loi là, qu'on allait revenir à des valeurs
qui faisaient… On parle du «eux» et du
«nous», et ma question… Et je me demandais est-ce que, justement…
Si on n'affiche pas des signes qui
témoignent de notre religion, de notre appartenance religieuse, est-ce qu'on ne
vient pas, justement, éviter
ou du moins enlever peut-être quelque chose qui démontrerait, justement,
les différences entre eux et nous, justement?
M. Cutting
(Gerald) : Encore, c'est une
question que c'est très complexe, parce
que, quand on parle des préjudices,
quand on parle que c'est des gens qui ont
des craintes, si on est capable de les mettre… de dire… C'est ça qu'on a fait.
On a décidé de venir ici pour dire :
Mais nous autres, on a des craintes. Est-ce que c'est fondé, oui ou non? Est-ce
qu'on peut avoir un échange? Est-ce
qu'on peut trouver des compromis qui vont amener tout le monde à être capable
de dire : Ça a du bon sens. Ça, c'en est un, ça fait partie…
Mais il faut toujours
penser que ce n'est pas vraiment les symboles qui comptent. Si vous avez le
préjudice dans votre coeur puis dans
votre tête, vous allez faire… Ça ne prend pas… Est-ce que vraiment
on croit que, si tout le monde
prend leur… s'ils ont quelque
chose sur leur tête ou quelque chose alentour du cou, si on met ça à côté, on va
créer plus de respect? Moi, je dis : Je ne crois pas.
M. Ratthé : …dans le sens qu'il y a des gens qui, effectivement, et heureusement c'est la minorité, entretiennent des sentiments comme ceux-là. Et, peu importe leur
origine, là, on peut en trouver un peu partout. La question que je vous posais davantage, c'est de savoir si, par exemple… On va supposer que moi, je suis quelqu'un qui a des ressentiments
contre une religion quelconque, je vais dire
catholique, tiens, orthodoxe catholique, et que vous affichez un gros crucifix.
Est-ce que je ne serais pas tenté, en tout cas, de… Ça va être plus facile pour moi de vous identifier puis peut-être
d'avoir des ressentiments que… Si je
ne le sais pas, c'est beaucoup plus difficile pour moi de ressentir quelque
chose à votre endroit.
M. Cutting
(Gerald) : Ça commence toujours
avec du respect. Si j'en ai, du respect, pour tout le monde, pour moi, ça n'a aucune différence qu'est-ce que vous
portez alentour de votre cou, ce que vous mettez sur votre tête. Si vous
êtes habillé… on peut dire la mode, là… Il y a
certains d'entre nous, quand on rencontre les gens de notre génération…
Le Président (M. Ferland) : Maintenant,
en tout respect, je dois aller à la députée de Gouin.
M. Cutting (Gerald) :
Oh! Oh!
Le Président (M. Ferland) :
Alors, Mme la députée de Gouin, la parole est à vous.
M. Cutting (Gerald) : …
Le Président (M. Ferland) : Monsieur,
quand la députée de…
Une voix : …
Le
Président (M. Ferland) : Oui. Vous aviez utilisé le mot «respect», j'ai dit : «En tout
respect, je vais aller à la députée de Gouin.» Allez-y, Mme la députée.
Mme David : Merci. C'est fort intéressant. Merci beaucoup d'être ici ce matin. Mais j'ai une question précise à vous
poser. Comme je n'ai pas beaucoup de temps, on va y aller directement.
Dans le fond, vous proposez de retirer toute la loi. Ça, ça m'embête un peu, parce qu'il me semble qu'il y a pas mal de
consensus au Québec, chez toutes sortes de gens, là, qui, par ailleurs, ne sont
pas d'accord sur, oui ou non, interdire les signes religieux, il y a pas mal de consensus
sur le fait d'inclure le concept de laïcité dans la charte des droits, de baliser les demandes d'accommodement religieux,
par exemple, là, de donner et recevoir les services à visage
découvert.
Est-ce qu'au moins vous, vous êtes à
l'aise avec ces notions-là? Et, si oui, mais, à ce moment-là, il faudrait
garder du projet de loi ce qui fait consensus. Parce que c'est ça, ça
m'embête un peu que vous proposiez de tout retirer.
M. Cutting (Gerald) : Quand nous avons décidé de présenter un mémoire en disant : Au
point de départ, il faut retirer le
Bill 60, c'est parce qu'on ne
croit pas que c'est possible, avec le Bill 60 tel quel, de construire un
tel consensus. Je dirais :
Peut-être que c'est faisable. Si on avait un tableau, on pourrait aller dire;
On est d'accord avec a, b, c, d; f, g, o, pas tout à fait, et les autres points, non, pas du tout. Est-ce qu'on peut
le commencer? Est-ce qu'on peut savoir comment on pourrait construire ce consensus? Et, jusqu'à
date, qu'est-ce que j'entends, c'est que… Oui, je pense que tout le monde est
en faveur de créer ou de dire une
déclaration : Québec, c'est une société séculaire, laïque. Ça, ce n'est
pas difficile à faire.
Mme David :
Mais êtes-vous d'accord que ça, ça puisse s'écrire dans une loi?
M. Cutting (Gerald) : Ça dépend qu'est-ce que vous allez mettre dans la loi. Parce que,
quand on parle des lois, on parle de comment on va l'appliquer, on parle
de comment on va créer de bureaucratie pour l'«enforcement». À ce moment-là, on a des questions, et je pense
que tout le monde va poser des questions. On part avec des
principes, et après ça comment est-ce
qu'on va mettre en pratique. Il y a quelque
chose qu'on dit en anglais :
«The devil is always in the details.»
Mme
David : Mais, vous
savez, c'est le cas de toutes les lois. Le diable est dans les détails, c'est
clair, mais ça ne nous empêche pas,
comme parlementaires, de légiférer pour essayer de faire avancer la société québécoise. Et je dois dire que la formation
politique que je représente croit que nous avons besoin
d'une charte de la laïcité, et après, oui, il faut débattre de son contenu.
Le Président (M.
Ferland) : …Mme la députée de Gouin, que le temps est écoulé.
Alors, je vous remercie énormément pour le temps que vous avez pris pour préparer le
mémoire, votre présentation. Alors, sur ça, je vous remercie beaucoup.
Et je vais suspendre quelques
instants pour permettre au prochain témoin de prendre place.
(Suspension de la séance à
11 h 36)
(Reprise à 11 h 40)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, la commission va reprendre ses travaux. Alors, j'inviterais M.
Gauthier à prendre place, s'il vous plaît. Alors, la commission reprend donc ses travaux. Nous allons entendre maintenant
M. Michel Gauthier. Bienvenue, M.
Gauthier. Alors, vous constatez que les acteurs ont changé, mais le mobilier
est demeuré le même. Alors, vous avez
10 minutes pour présenter votre mémoire, ensuite un échange avec les
groupes parlementaires. Alors, la parole est à vous, M.
Gauthier.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier (Michel) : Je suis très respectueux des règles parlementaires, M. le Président, je vais me conformer à vos directives.
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y.
M. Gauthier (Michel) : Alors, M.
le ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés, ceux et celles qui ont vécu la Révolution tranquille, au début des
années 60, se souviennent de cette période où la vie religieuse se
superposait à la vie civile, les
écoles et les hôpitaux ayant un personnel provenant, pour une bonne
part, des communautés religieuses. Cette
situation a changé du tout au tout puisque,
sous la pression sociale, les habits religieux sont disparus graduellement,
concrétisant ainsi de façon visible la séparation de l'Église et de l'État.
Aucune loi ne fut nécessaire pour concrétiser légalement cette nouvelle
situation tant le mouvement avait été graduel, continu et surtout consensuel.
Tout
au long des décennies qui ont suivi, les quelques signes religieux qu'on
pouvait voir de temps à autre au sein de
la fonction publique n'inquiétaient personne, puisque rien ne laissait croire à
une remise en question du grand principe de la neutralité de l'État. L'accroissement récent de l'immigration,
provenant de la région du Maghreb notamment, à très forte majorité musulmane, a cependant changé la
donne. Plusieurs femmes portant le hidjab ou d'autres déclinaisons des symboles vestimentaires religieux
se sont jointes à la fonction publique et parapublique.
La
situation est loin d'être critique, mais la tendance est cependant
très visible. Les signes religieux ostentatoires sont de plus en plus présents au sein des services publics, et cette tendance va dans le sens d'un accroissement perceptible.
Ce nouveau contexte commande à nos représentants à l'Assemblée nationale
d'agir.
Il
ne faut pas craindre de protéger nos acquis et de faire connaître aux nouveaux
arrivants les règles qui prévalent au
Québec et l'histoire qui les a portées jusqu'à nous. Être ouverts aux
nouveaux arrivants, être accueillants, être inclusifs, ce n'est pas de mettre de côté nos valeurs, c'est plutôt
d'en faire la promotion et de les protéger dans une charte. Tous les futurs
immigrants pourront ainsi être bien informés
au sujet de leur société d'accueil, tous et toutes s'en trouveront mieux
servis.
Depuis le début de ce débat sur la
charte au Québec, il a grandement été question
du droit fondamental pour tous et
toutes de pratiquer librement une religion et de ne subir aucune discrimination
à cet égard. Certains opposants à la charte ont même affirmé que celle-ci, en interdisant le
port de signes religieux au travail, dans le service public, contreviendrait
aux droits et libertés fondamentales. Or, à mon avis, il n'en est rien.
Tous
les plus grands spécialistes de la religion musulmane affirment que le port du
voile n'est absolument pas obligatoire
et qu'il n'est en fait que le résultat d'un choix individuel. Nulle part
dans le Coran… et je peux vous dire que j'ai procédé à la lecture du
Coran d'un couvert à l'autre, et effectivement, nulle part dans le Coran, il
est prescrit de porter le voile pour être
considérée comme une bonne musulmane. Comment pourrait-on accuser le gouvernement de ne pas respecter les droits fondamentaux uniquement parce
qu'il limite l'exercice d'un choix personnel, sans plus?
Puisque plusieurs
musulmanes pratiquent très correctement leur religion sans pour autant porter
le voile, quel droit fondamental se trouve ainsi brimé par la charte, dont l'objectif
n'est que de préserver la neutralité religieuse de l'État? Toutes les femmes voilées qui ont participé aux différents
débats publics ont toutes affirmé que personne ne les avait contraintes
à porter le hidjab, que c'était leur choix. Comment aujourd'hui pourrait-on
prétendre que ces choix individuels
devraient avoir prépondérance sur le droit fondamental de plusieurs citoyens
de ne pas se faire imposer les croyances religieuses de quiconque qui
travaille à fournir des services publics?
N'est-ce pas un droit fondamental que de vouloir préserver ses jeunes enfants de
l'influence religieuse à la garderie ou
à l'école primaire ou secondaire? N'est-ce
pas un droit fondamental pour celle
ou celui qui ne pratique aucune religion que d'obtenir des services neutres de la part de l'État
et de ne pas être ennuyé d'aucune façon par des signes religieux
ostentatoires?
Serait-on en train de
prétendre que le grand mouvement de laïcisation de l'État résultant de la
Révolution tranquille serait devenu tout à coup un motif de non-respect de la
Charte des droits et libertés?
Deux
recommandations du rapport Bouchard-Taylor sont vues par plusieurs comme un
compromis intéressant pouvant rallier
tout le monde autour d'un projet de charte. Elles ont même été identifiées
comme telles par les ex-premiers ministres
Parizeau, Bouchard, Landry et plusieurs autres adeptes du compromis. Ces deux recommandations
sont : Seules quelques
catégories de personnes se verraient interdire les signes religieux et une
limitation — alors
les juges, les avocats, les policiers — une seule limitation aux
signes religieux permis : le visage découvert.
Si le gouvernement du
Québec s'en tenait à ces recommandations, il commettrait, à mon avis, une
erreur extrêmement grave, et voici pourquoi.
En droit, lorsqu'une loi contient une énumération, tout ce qui n'est pas inclus
dans cette énumération est exempté des prescriptions de la loi. En
termes clairs, ce principe signifie que toutes les autres personnes qui travaillent dans la fonction
publique, à l'exception des quatre catégories mentionnées, pourraient porter
tous les signes religieux ostentatoires qu'ils désirent à la seule condition
que le visage soit découvert. Appliquer ces deux recommandations du rapport
Bouchard-Taylor ferait en sorte que, pour la première fois dans notre histoire,
un gouvernement québécois confirmerait dans
un texte législatif le droit pour la très vaste majorité des employés de l'État
de porter dorénavant tous les signes
religieux qu'ils souhaitent en autant que leurs visages soient découverts. Et
hop la Révolution tranquille!
Mon propos n'est pas
alarmiste outre mesure, puisque récemment, lors d'un débat qui avait cours au
sein du caucus libéral, le chef de
l'opposition officielle expliquait, avec autorité d'ailleurs, qu'une personne
portant un tchador ne pourrait siéger
au parlement, puisque le port d'un tel vêtement traduisait une rupture de
communication avec l'entourage. Cette
question était donc très théorique, disait-il. Il n'y aurait à peu près aucune
chance que cela ne puisse se produire. Deux
jours plus tard, deux jours plus tard, une photo présentant deux éducatrices en
garderie portant le niqab, c'est-à-dire le visage voilé sauf les yeux, mettait le Québec en émoi. Nous aurions
pu tous affirmer, quelques jours avant cet événement, que cela était
impossible, et pourtant! Malheureusement, la situation la plus improbable est vite
devenue une réalité.
Juste
avant Noël, un conseiller municipal de la ville de Montréal a déclaré que,
puisqu'il n'y avait pas de plainte à la
ville de Montréal sur les citoyens qui portaient des symboles religieux, il n'y
a pas de raison de se donner une charte, disait-il. En tout respect, je crois au contraire qu'il ne faut pas
attendre que des situations conflictuelles se produisent avant d'agir. Qu'y a-t-il de mal pour notre gouvernement
à réaffirmer dans une charte les valeurs qui sont les nôtres et dont on a
hérité de la Révolution tranquille?
Ceux
qui prétendent que rien n'oblige le gouvernement à adopter une charte, puisque
le débat risque de diviser la société
et que, finalement, ils n'en voient pas l'obligation maintenant, doivent se
questionner à savoir si le débat sera moins
divisif lorsque le nombre de personnes portant des signes religieux au travail
dans la fonction publique aura augmenté considérablement. Serait-ce
courageux de laisser la responsabilité de faire ce débat à nos enfants?
Les conditions
difficiles qui prévalent actuellement dans ce débat public sont très semblables
à celles qu'on a connues à l'époque de
l'adoption de la Charte de la langue française : le gouvernement divise la
société, le gouvernement fait preuve
de discrimination, le gouvernement bafoue les droits, les anglophones vont
quitter le Québec, et le gouvernement fait
preuve de racisme. On les a toutes entendues. Et pourtant, malgré tout cela,
qui, aujourd'hui, voudrait se départir de la loi 101?
M.
le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, pour l'avenir du Québec,
pour favoriser la cohésion sociale et
surtout pour nos enfants, posez ce geste courageux et nécessaire d'adopter une
charte qui préserve une nette séparation entre les religions et l'État.
Le respect de notre histoire le commande. Merci.
• (11 h 50) •
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. Gauthier. Maintenant, la parole est à
vous, M. le ministre.
M. Drainville :
Merci, M. Gauthier. Je vois que vous n'avez pas perdu la forme.
M. Gauthier (Michel) : …tantôt, vous
allez voir.
M. Drainville : J'aimerais ça que vous… J'aimerais ça revenir avec vous sur certains
éléments de votre mémoire, là. D'abord,
vous le situez très clairement dans le prolongement des décisions qu'on a prises
comme société au moment de la
Révolution tranquille. Moi, j'ai dit souvent dans ce débat-là, puis parfois il y en a
qui me l'ont reproché, mais c'est correct,
là, ce n'est pas grave, ça, je disais : Dans le fond, ce qui était bon
pour la religion catholique dans les années 60 est bon pour toutes les religions. Bon. Ou, enfin,
pourquoi, si c'était bon pour la religion catholique dans les années 60,
ce ne serait pas bon pour toutes les
religions aujourd'hui? J'aimerais ça que vous élaboriez un peu là-dessus,
c'est-à-dire pas tellement sur ce que je disais mais sur le contexte historique.
Comment, dans votre esprit, la charte des valeurs ou charte de la laïcité
se situe dans le prolongement des décisions qu'on a prises au moment de la
Révolution tranquille?
M. Gauthier
(Michel) : Vous savez, le premier ministre qui a initié toute cette
affaire-là, c'est un premier ministre libéral, M. Jean Lesage. M. Lesage, on le
considère comme le père de la Révolution tranquille. Et un des objectifs était nettement, oui, de moderniser
l'État mais surtout de séparer de façon complète le pouvoir religieux et le
pouvoir de l'État. M. Lesage avait très certainement compris que le succès d'un
État moderne résidait dans ce choix politique
qu'il a fait. Durant toutes ces années, les années 60, où moi, j'étais
tout petit puis j'allais à l'école, graduellement on a sorti les costumes religieux des écoles, on
les a sortis des hôpitaux. Tranquillement, il y a eu des consensus, il y a eu des moments difficiles, mais l'État s'est laïcisé.
Même les membres des communautés religieuses, je me souviens, les membres des communautés religieuses et les frères…
Clercs de Saint-Viateur, chez qui j'ai étudié, ont enlevé graduellement leurs
costumes pour revêtir un habit laïque, considérant qu'il était plus facile de
travailler comme enseignants sans que la religion soit à tout moment au coeur
de leur action par leur costume, qui les marginalisait, on va se le dire.
Et tous les
gouvernements ont posé des gestes. Même récemment, le gouvernement de Lucien
Bouchard, par exemple, qui a demandé à
Ottawa… j'étais là à ce moment-là, comme député, il est venu à Ottawa demander
un amendement constitutionnel pour
faire en sorte qu'on enlève le caractère confessionnel des commissions
scolaires. Mais tout le monde est
d'accord avec ce mouvement de laïcisation, même les derniers gouvernements, je
crois, le gouvernement de M. Charest. On
a sorti les programmes religieux, l'enseignement religieux des écoles, on les a
transférés là où ils doivent être, dans les paroisses, et on a fait en sorte que le tout soit remplacé par un
programme d'histoire religieuse, de connaissance des religions. Mais tout le monde est d'accord avec ce
mouvement de laïcisation de nos institutions, notamment de nos institutions
scolaires.
Il
me semble, moi, que la charte, qui vient juste dire… On confirme dans les faits
que ce mouvement qu'on a vécu depuis
1960… Cette histoire récente qui nous a portés jusqu'à maintenant, on la
confirme, on ne veut plus de costumes religieux,
de signes religieux ostentatoires dans le service public. Et hier j'écoutais M.
Seymour qui disait : La neutralité de l'État se traduit… et le Barreau, ce matin, a repris ça, bien, il
faut le faire : «La neutralité de l'État se traduit dans une multiplication des signes religieux.» Alors, si on
en voit tout partout, des signes religieux, là, de toutes sortes de religions,
c'est merveilleux, c'est comme ça que l'État définit sa neutralité dans le
service public. J'oserais juste demander : La neutralité politique, elle, qui est une neutralité aussi qu'on demande à
l'État, trouvera-t-elle son épanouissement dans la multiplication des
macarons, des chandails et des slogans?
M. Drainville :
Alors, poussons-la plus loin. Il y a plusieurs intervenants — encore
une fois, je respecte leur position — qui disent : Oui à la neutralité
religieuse, mais ça n'a pas besoin d'aller jusqu'à la neutralité d'apparence.
Vous répondez quoi à ça?
M. Gauthier
(Michel) : J'ai écouté les travaux de la commission, j'ai écouté notamment
le porte-parole de l'opposition officielle là-dessus hier matin, je crois, qui
disait : Écoutez, d'abord, il ne faut pas comparer… je me souviens :
C'est tout un raccourci intellectuel, disait-il, que de comparer un macaron du
PQ avec le voile islamique — je pense que ce sont vos paroles… ou, en tout cas, je ne veux pas vous les traduire incorrectement, vous me corrigerez si
ce n'est pas le cas. Et moi, je me
disais : Je pense que,
déjà, de poser la question comme ça, c'est un peu faire tout un raccourci,
et je m'explique. Comment pouvez-vous me
dire qu'un signe, un symbole politique porté par un fonctionnaire et vu par
un citoyen compromet la neutralité politique
de l'État et qu'un signe religieux porté par un fonctionnaire et vu par un
citoyen ne compromet pas la
neutralité religieuse? Pourquoi la neutralité politique serait-elle vulnérable
au port des symboles puis la neutralité religieuse ne serait pas
vulnérable au port des symboles?
Le
message, il est là. Ce qu'il faut comprendre, c'est : comme citoyen qui ne
pratique pas de religion, quand je vais me faire servir par mon
gouvernement, je veux avoir un service public qui n'a rien à voir avec les
croyances religieuses de qui que ce soit. Je
ne veux pas empêcher les gens de pratiquer leur religion, mais, comme il s'agit
de choix personnel dans la grande
majorité des cas — là, je
ne voudrais pas… il y a peut-être des détails qui peuvent m'échapper, mais le port du voile notamment qui est le plus
visible — comme il
s'agit de choix personnel, aïe! on va-tu cesser d'élever les choix
personnels des individus au rang des libertés fondamentales?
C'est
ce que le Barreau fait ce matin. Les choix personnels sont des droits
fondamentaux. Bien là, avec ça, l'État, pour prendre un terme biblique,
ça va être la tour de Babel, ce ne sera pas un État ordonné. C'est impensable.
Les droits
fondamentaux, c'est le droit de ne pas être discriminé parce que tu pratiques
une religion, de ne pas être discriminé parce que tu as des croyances
politiques, etc. Bien, ne pas être discriminé parce que tu pratiques une religion, ça ne veut pas dire que tous les autres
choix personnels que tu fais à l'intérieur de ta pratique deviennent le droit
fondamental.
D'ailleurs,
M. Roger Tassé, qui a écrit la Charte des droits et libertés, qui n'est pas
particulièrement un péquiste, que je
sache, M. Roger Tassé, qui a conçu la Charte des droits et libertés, a répété à
quelques reprises durant la période des fêtes qu'en aucune façon la Charte des droits
et libertés ne serait heurtée par la charte québécoise, parce que, les signes
religieux ostentatoires, le port en est limité sur le temps de travail. Porter
le hidjab, c'est un choix personnel, je le respecte,
ça peut faire partie de l'individu. Probablement… j'écoutais une dame aussi qui
a témoigné, c'était très touchant, c'est extrêmement délicat, puis c'est
pour ça qu'il va falloir parler tantôt peut-être de certains compromis, mais
c'est son choix, là. Si elle ne porte pas son hidjab, elle ne cesse pas d'être
musulmane, elle ne devient pas une mauvaise musulmane, elle ne sera pas exclue de la religion musulmane. Son droit
fondamental, c'est de pratiquer sa religion musulmane. La façon dont
elle la pratique, ça ne fait pas partie des droits fondamentaux, je m'excuse.
M.
Drainville : Dans
votre mémoire, vous soulignez l'importance, je cite, «de préserver les jeunes
enfants de l'influence
religieuse» — fin de
citation — à la
garderie et à l'école. Vous, vous avez oeuvré longtemps dans le monde de
l'éducation, vous avez été enseignant, vous avez été conseiller pédagogique,
vous avez été directeur général de la commission
scolaire de Roberval, parlez-nous justement de cet aspect, de cette dimension
des enfants, l'influence que ça peut avoir sur les élèves.
• (12 heures) •
M. Gauthier
(Michel) : Vous savez, dans
toute la recherche de compromis qui s'est faite à partir des recommandations Bouchard-Taylor, les catégories, là, de personnes, soi-disant, en autorité, les juges, les
magistrats, les policiers puis les
gardiens de prison… J'étais content, moi, de la CAQ quand la CAQ a dit :
Il faut absolument ajouter à ça — absolument ajouter à ça — les enseignants, ça m'apparaît un minimum.
S'il y a une figure d'autorité, dans toute la fonction publique, où le port d'un signe religieux peut être très
dommageable au plan culturel, au plan familial, au plan personnel, c'est à la petite école primaire, à la
garderie aussi, en passant, mais à la petite école primaire, puisque vous
me demandez de parler des écoles. Un petit enfant qui est dans une classe de maternelle, et
j'en ai vu pas mal souvent dans ma carrière dans le monde de l'enseignement,
c'est extrêmement vulnérable. Maternelle, première, deuxième, troisième année, on a tous des enfants, on les a
tous connus à cet âge très vulnérables, très perméables à tout ce qu'ils
voient.
S'il y a un
endroit où j'ai le droit, moi… bien, ce n'est plus mon cas, mais enfin où mes
petits-enfants ont le droit d'aller sans être confrontés à des religions alors
que, chez nous, nous n'en pratiquons pas, c'est bien à l'école. Je sentirais
mon droit fondamental de citoyen
brimé si j'avais un enfant de six ans, que je devais l'amener dans une école et
qu'on y retrouvait des costumes
religieux comme à l'époque où moi, je fréquentais l'école primaire et où les
costumes religieux nous indiquaient clairement
la nature de l'école. Dans ce sens-là, je
crois qu'il faille absolument… Moi, pour en ce qui me concerne, c'est : tous les fonctionnaires
de l'État devraient ne pas porter de
signe religieux, mais, au minimum, les garderies, les écoles
primaires, les écoles secondaires.
Est-ce que les prisonniers sont plus vulnérables
à l'influence religieuse d'un voile que les petits enfants du primaire? C'est-u ça qu'on est en train de dire? Ah! ce sont
des symboles religieux. Tu sais, quand on fait du légalisme, là : Ah! des symboles… c'est-à-dire des symboles d'autorité, puis l'enseignant,
ce n'est pas un symbole d'autorité, il n'a pas un pouvoir coercitif. Foutez-moi la paix! Un enseignant, ça a un pouvoir
terrible sur la société, il est important que l'image qu'il donne à mes enfants, quand moi, comme
citoyen qui ne pratique pas, je vais les conduire à l'école, c'est bien de ne pas avoir de soutane, ou de robe, ou de signe
ostentatoire religieux pour qu'il me demande : C'est quoi, ça? Ah! tu
sais. Je regrette, là, mais ça fait partie, ça, des libertés fondamentales.
J'écoutais M.
Seymour, hier, également, qui disait : Les droits de ceux qui ne pratiquent
pas, hein, ils ne devraient pas se
retrouver dans le droit. Aïe! Le droit de ceux qui ne pratiquent pas, le droit
de ceux qui ne croient pas, le droit des athées, des agnostiques, des catholiques comme moi non pratiquants
d'aucune façon, on ne devrait pas avoir de droits, nos droits ne devraient pas être inclus dans le
droit? Aïe! Heureusement que ce n'est
pas un avocat, que c'est un professeur de
philosophie qui a dit ça, parce que je vais vous dire : Franchement, c'est
grave, c'est grave. Moi, je pense que les droits de tous les citoyens sont là puis, mon droit… Si je vais
reconduire — je
reviens à l'école — mes
enfants à l'école primaire, c'est bien de ne pas être confronté à un
costume religieux.
Qui a le plus
de droits, à votre avis, au plan juridique : la personne qui prend sa
décision personnelle de porter le voile,
parce que c'est un choix personnel, je vous le rappelle, ou celui dont le droit
fondamental de ne pas pratiquer de religion…
donc qui ne veut pas être confronté à la religion? Qui des deux a le droit, à
mon avis, qui devrait prévaloir? Moi, je pense que c'est celui dont le
droit fondamental, c'est de pratiquer la religion qu'il veut, puis sa religion,
c'est aucune religion. Et ça, ça existe
aussi. Puis il y a pas mal de monde au Québec qui font partie de cette
catégorie-là, il ne faut pas l'oublier.
M.
Drainville : Il me
reste cinq minutes, M. Gauthier, y incluant votre réponse, ça fait que c'est
probablement la dernière question que je peux vous poser. Vous avez dit,
dans votre mémoire : Ce serait une erreur extrêmement grave — c'est
ce que vous dites, «une erreur extrêmement grave» — de s'en tenir aux
recommandations du rapport Bouchard-Taylor
en interdisant les signes religieux ostentatoires seulement pour les personnes
en position d'autorité. Bon. Vous
avez déjà donné un bout de la réponse dans les propos que vous venez de tenir.
Mais, vous savez, il y en a qui disent, là : C'est ça, la base du compromis,
ça devrait être ça, le compromis. Ils disent ça. Puis, si tu veux aller plus
loin que ça, là, ah! bien là, tu commences à t'exposer à toutes sortes
d'épithètes, là, hein? Bon, on sait lesquelles.
Moi, je vais vous dire franchement :
Parfois… Puis Dieu sait que je le dis, je dis : Il faut se respecter, mais
parfois j'ai l'impression que les personnes
qui sont contre la charte puis qui utilisent ces épithètes assez dures à
l'endroit de personnes comme moi, qui la proposent puis qui la défendent… C'est
comme si, parfois, ceux qui sont contre la charte nous regardaient avec une certaine supériorité
morale, avec une espèce de sentiment qu'il y a juste leur position qui a une
légitimité, et nous, dans le fond, on est
des espèces de… Des fois, c'est comme si… Bien, ils reconnaissent parfois qu'on
a un fondement rationnel correct, là,
puis qu'on a des bons arguments, mais la légitimité de notre position, ça, ils ne la reconnaissent pas. Moralement, elle est comme
atteinte, alors que la leur, elle, c'est la position morale correcte, et ils
partent avec cette attitude-là. Moi, ça m'agace un peu. Je voulais
savoir si ça vous agaçait, vous, un peu aussi, des fois.
M.
Gauthier (Michel) : Bref,
oui. Mais, M. le ministre, vous avez parfaitement raison, mais je pense
que ça fait partie de la tolérance
qu'on veut manifester, d'accepter de se faire regarder avec une certaine
supériorité, là, pour prendre vos termes. Il y a différentes approches
pour regarder le dossier. Vous avez eu hier une très belle approche philosophique avec M. Seymour, il avait un
mémoire d'une qualité remarquable, je n'en disconviens pas. Vous avez l'approche juridique, qui est celle du Barreau, et
là où on est dans… On sait d'ailleurs que, je m'excuse auprès des avocats, mais, s'il y a 10 avocats autour
d'une table, il y a parfois 10 opinions différentes; ça n'enlève pas la
qualité. Mais il y a l'aspect
juridique où vraiment, là, on se place dans la Charte des droits et libertés,
ça devient la seule référence possible. Il y a l'approche historique, qui n'est
pas moins bonne. C'est celle que j'utilise en parlant de la Révolution tranquille. Et il y a l'approche humaine,
l'approche toute simple, là, du citoyen qui dit, comme quand je parlais de
l'école : Est-ce que je n'ai pas le droit, moi, comme citoyen, que
mon enfant ne soit pas en contact avec? Ça, c'est l'approche citoyenne. Ça ne s'appuie pas sur des grands
textes juridiques, ça ne s'appuie pas sur des traités de philosophie
extraordinaires, ça s'appuie sur les gens qui nous écoutent puis pour
qui on va faire une charte, c'est ça que ça fait. Puis l'approche historique, elle est un peu plus scientifique,
elle s'appuie sur les historiens. Et il ne faudrait pas être vraiment mal… Il
ne faudrait vraiment pas… ne pas
vouloir accepter que la Révolution tranquille… Il faudrait être mal informé
pour ne pas savoir que, depuis 50
ans, depuis M. Jean Lesage, les différents gouvernements successifs, libéraux
comme péquistes, comme… il y a eu un
unioniste aussi à travers… tous les gouvernements ont posé des gestes de
séparation de l'Église et de l'État.
Parce que ce dont il est question aujourd'hui,
ce n'est pas tellement de ne pas faire de la peine à un, ne pas faire de la
peine à l'autre, être gentil pour les communautés, être ouvert ou avoir l'air
tellement bon au plan juridique que tout le
monde reste bouche bée devant notre témoignage. Ce qu'on veut, c'est qu'on
comprenne notre histoire, on la
valorise, on la fasse connaître. Puis il y a un principe de base inaliénable :
il y a une ligne extrêmement étanche entre l'Église et l'État, et, dans tous les pays du monde où cette ligne-là
n'est pas étanche, c'est là que les religions sont les plus mal servies.
Et, dans tous les pays du monde — je termine là-dessus…
Le Président (M. Ferland) :
M. Gauthier, je me dois d'être étanche parce qu'il y avait un temps de…
M. Gauthier (Michel) : Bien, soyez
étanche, M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) : Et vous allez pouvoir continuer,
j'imagine, par ricochet. Donc, je cède la parole au député de
LaFontaine.
• (12 h 10) •
M. Tanguay :
Oui. Bonjour, M. Gauthier. Alors, merci beaucoup, M. Gauthier, pour le temps
que vous avez pris à rédiger le mémoire et, ce matin, le temps que vous
prenez pour venir nous parler et répondre à nos questions.
Moi, je dois vous avouer, M. Gauthier, comme
nouvellement élu — ça
ne fait pas longtemps, ça ne fait pas deux
ans que je suis ici, à l'Assemblée nationale — je suis allé, ce qu'on dit aujourd'hui,
googler sur votre nom et j'ai pu constater…
je vous connaissais très bien au sein du Bloc, mais j'ai pu constater… Puis
détrompez-moi si j'ai tort, mais vous
avez commencé ici même, à l'Assemblée nationale, en 1981, comme élu, et
jusqu'en 1988, donc vous avez été député provincial au Parti québécois, donc, pour deux mandats, et par la suite
au Bloc québécois jusqu'en 2007, et je trouvais ça très impressionnant.
Et, vous savez, M. Gauthier, il y a… c'est un
débat, on le sait, comme législateurs… Et vous avez une vaste expérience de législateur tant au provincial qu'au
fédéral, c'est réellement impressionnant. Moi, comme nouveau législateur,
ça ne fait pas deux ans, et une des
préoccupations… et je suis sûr que vous la partagez, que vous la partagez aussi
dans le débat que l'on voit aujourd'hui, un débat où il y a des pour, il
y a des contre. Et essentiellement je pense qu'on peut s'entendre que le débat est ciblé sur cette interdiction, là, du port
des signes religieux, qu'est-ce qui est ostentatoire, pas ostentatoire. Le reste, puis je ne vous ferai pas
ma ritournelle politique, là, le reste, je pense que, vous le savez, on le
constate, là, les balises, les
accommodements, la neutralité de l'État dans la charte, visage découvert, ça fait un très large consensus.
J'aimerais vous entendre, moi, M. Gauthier, et,
pour moi qui commence, et je me le souhaite, si la santé me le permet, une carrière… Et ce n'est pas une
carrière, c'est, je vous dirais, une mission, hein, d'être représentant, d'être
élu, d'essayer de bien traduire les
convictions et de bien traduire ce que les gens dans la population vivent.
J'aimerais vous entendre sur l'aspect
extrêmement «divisif» de ce débat-là. Puis j'avais
l'intention de vous citer Maria Mourani, mais je ne le ferai pas, parce que je ne veux pas tomber là-dedans,
mais force est de constater que, comme législateurs, qu'on soit pour ou contre… puis je ne vous citerai pas Maria
Mourani, mais gardons ça à l'esprit : Qu'on soit pour ou contre sur un
élément aussi fondamental que la charte québécoise,
ne devrait-on pas, M. Gauthier — puis
votre réponse va être importante pour moi — ne devrait-on pas
aller chercher le plus large consensus? Puis, si jamais on se rend compte que, sur
cet aspect-là… Les autres, faisons avancer
le Québec, puis, sur cet aspect-là, peut-être qu'il y aurait lieu de réfléchir
davantage, ne le croyez-vous pas, comme législateurs, M. Gauthier?
M.
Gauthier (Michel) : Votre question
est extrêmement intéressante à mon point
de vue, puis je vais vous dire
pourquoi. J'en étais rendu, dans mes explications, à vouloir parler de la
nécessité d'une formule de compromis parce qu'effectivement,
comme législateur, quand on décide de faire une loi de cet ordre-là, c'est
extrêmement délicat, le ministre en sait quelque chose, et moi, j'ai
vécu à l'époque tout ce que Camille Laurin a pu souffrir lorsqu'il a mis en
place la Charte de la
langue française. Et donc il faut qu'on trouve le moyen de le faire de la
meilleure manière possible, et voici comment je vois les choses.
Il y a un
principe de base, quand tu regardes la société, les sondages… En tout cas, on
ne se chicanera pas sur les chiffres,
mettons, 50 % du monde veulent la charte comme elle est, 40 % ne la
veulent pas, 10 % flottent. Bon, laissons ça à peu près comme ça. Si vous regardez, si vous testez les gens — je l'ai fait, moi, de façon bien modeste,
mais ça ne vaut pas un sondage scientifique, mais quand même — si
vous testez les gens, vous leur dites… sur le principe de la séparation totale de l'Église et de l'État, je
pense que tout le monde est d'accord — puis je vois des gens qui opinent du
bonnet partout, j'imagine qu'ici c'est la même chose.
Quand on
arrive dans les signes religieux, si vous demandez aux gens : Est-ce que
ça vous incommode d'avoir des gens qui
vous servent avec des signes religieux ostentatoires?, ils vont vous dire — moi, en tout cas, ma petite expérience : De temps à autre, à l'occasion,
ce n'est pas quelque chose qui me dérange vraiment, mais, quand je vois…
Bon. Exemple, dans une garderie, moi, on me
l'a dit, on m'a donné un exemple d'une garderie, à ville d'Anjou, où plusieurs
éducatrices portent le voile, et la personne
m'a dit : Moi, là, quand il y en avait une, ça ne me dérangeait pas; cette
année, il y en a quatre sur huit qui
portent le voile, là ça commence à me déranger, parce que j'ai l'impression
d'avoir affaire à une garderie qui est engagée religieusement. Et c'est
là qu'il faut mettre le stop.
Moi, je vous dis ceci : Vous avez une
formule de consensus, la CAQ travaille fort là-dessus pour essayer de rejoindre les gens, c'est correct, mais, à mon
avis, vous travaillez sur la mauvaise chose. On travaille sur les
catégories : qui devrait avoir
un symbole religieux et qui ne devrait pas en avoir. On va toujours se chicaner
là-dessus, parce que moi, je vais me
chicaner à mort pour que les enseignants et les gens de garderie soient inclus,
puis d'autres vont se chicaner pour d'autres raisons.
À la place de
chercher un consensus là-dessus, pourquoi on n'aborderait pas la chose de la
façon suivante? Ce qui est important,
c'est de faire connaître aux nouveaux arrivants notre histoire puis nos désirs
concernant la séparation de l'Église
et de l'État. Si on passait, on adoptait une loi qui, à compter du
1er juillet 2014, exige de tous les employés de l'État nouveaux de ne pas porter de signe
religieux, c'est clair : si vous venez travailler pour l'État, le choix
est fait, la séparation exige ça,
pour tous ceux qui sont là… Parce que moi aussi, je suis sensible à la dame qui
était ici l'autre jour puis qui
racontait qu'un petit enfant disait à sa mère : Maman, vas-tu perdre ton
emploi — vous
vous souvenez, vous étiez tous là, je le sais — vas-tu
perdre ton emploi? Qu'est-ce qui va se passer? Moi aussi, je suis sensible à
ça.
Si on
accordait une tolérance, inévitablement… D'abord, le phénomène n'est pas
actuellement si énorme que l'État soit
en péril. Si on accordait une tolérance
pour cinq ans, 10 ans et qu'on disait : On va revoir les choses, il n'y aura pas de nouveaux arrivants avec de signes religieux ostentatoires, ceux qui
ont déjà acquis leur permanence, qui sont déjà, on dirait, dans une forme de droits acquis et qui
risqueraient de créer des problèmes, au niveau des poursuites, au niveau des
mises en demeure, au niveau des
congédiements, si on disait à ces gens-là : Vous conservez votre droit, on
vous invite à vous conformer à la
loi, mais il n'y a pas urgence en la demeure de telle sorte qu'on va vous
demander de vous enlever automatiquement vos signes religieux, il y
aurait un respect des personnes qui sont déjà en place, il y aurait une
démonstration d'ouverture, à mon avis, qui serait intéressante. On
préserverait…
Dans 25 ans, le problème qu'on veut régler
aujourd'hui va être réglé de façon absolument complète. Et, dans cinq ans et dans 10 ans, le problème va
diminuer d'une fois à l'autre, si tant est qu'il y a un problème, les signes
religieux vont disparaître
d'eux-mêmes. On n'aura pas attendu que la société soit compromise, soit dans
une mauvaise situation, on aura agi.
On préservera la séparation de l'Église et de l'État, on préservera les droits
des individus qui en ont acquis et on s'assurera
que ceux qui viennent ne pourront toujours pas prétexter les droits acquis. Si
ça vous tente de venir travailler pour l'État, chez nous, c'est neutre,
et être neutre, c'est ne pas afficher de signes. En tout cas, c'est le choix
que le gouvernement a fait. D'autres diront : Être neutre, ça prendrait
tous les signes, là, mais ça, c'est un autre débat.
M. Tanguay :
…M. Gauthier, je trouve ça extrêmement intéressant — puis, comme je vous l'ai dit, je n'ai pas
deux ans de député derrière la cravate, moi,
là — et c'est
un débat extrêmement «divisif». Puis, moi, ça me préoccupe, ça me préoccupe aussi comme père de famille. J'ai
deux petites filles, neuf ans et sept ans, puis on veut qu'elles vivent puis qu'elles grandissent dans une société où les
petites filles ont autant de droits que les garçons. Et ça, c'est très clair,
personne ne le conteste.
Aussi, comme
élus, puis c'est pour ça que votre réponse m'est tout à fait importante, comme
élus, on reçoit les gens dans notre
bureau de comté — et vous
l'avez fait de nombreuses années — des gens qui ont des préoccupations. Et,
moi, ce qui me guide toujours — je prends mon cas personnel puis je pense
que je peux parler au cas de bien des élus,
là, je ne pense pas qu'on diverge d'opinion là-dessus — c'est d'essayer de donner une chance égale à
tous, indépendamment de motifs de discrimination. Et, moi, ça me touche
beaucoup quand je vois quelqu'un qui a une croyance
sincère, qui ne lui pas été imposée par personne. Puis j'avais l'intention de
vous citer d'anciens collègues, là, M.
Dorion, M. Marceau, Lucien Bouchard, Raymond Gravel, qui, dans sa croix, lui,
il dit : Bien, moi, c'est ma conviction, c'est mon identité, c'est fondamental. Et j'ai beau… Une personne a beau
être athée et ne pas croire du tout à sa conviction, on ne peut pas, je
crois, aller lui refuser cette conviction profonde, qui n'est pas une
conviction partisane.
Puis c'était
ça, mon point que je voulais faire hier, et également, comme élu, de
dire : Bien, une fois élu, moi, je ne suis pas élu par les électeurs
libéraux, je suis le représentant et le député de tout le monde, et, en ce
sens-là, qu'on soit pour ou contre, de dire comment on peut traduire,
dans nos lois qu'on va voter, comment on peut traduire la diversité de notre société tout en gardant cet équilibre-là,
équilibre de dire : Bien, on a des éléments fondamentaux, l'égalité
hommes-femmes doit être respectée, la
neutralité politique et religieuse de l'État doit être respectée. Mais, vous
savez, dans les années 70, 80,
90, 2000, il y a des lois qui étaient : la discrimination positive pour
que la dame, tantôt mère de famille
avec le voile, non seulement elle ne perde pas sa job, parce qu'elle aurait une
clause grand-père, ou grand-mère ici, mais également qu'elle a l'opportunité d'en
avoir une, job au gouvernement, et même au sein d'entreprises qui font affaire avec le gouvernement. Et comment, M.
Gauthier, on pourrait traduire, je pense, cette préoccupation-là, légitime,
que ce soit le gouvernement de tout le
monde, tout comme moi, je ne suis pas le député des électeurs libéraux mais de
tout le monde, comme vous, vous
l'avez été aussi? Et ça, je le pose, là… Et, encore une fois, vous avez cette
expérience-là qui est très importante, votre réponse est importante.
• (12 h 20) •
M. Gauthier
(Michel) : Ah! merci de m'accorder toutes ces vertus, mais je ne les
ai pas toutes, cher ami.
Ceci
étant dit, vous me parlez de deux choses. D'abord, vous me parlez de la balance
des droits. Quand vous dites : Quelqu'un qui veut aller faire
carrière pour l'État, il a une personnalité qui est caractérisée par la
pratique d'une religion, il la fait d'une certaine façon, etc., je ne veux pas
l'écarter, je veux être un bon gouvernement face à cette personne-là, vous avez raison. Mais là on se pose
la question, comme gouvernants : Est-ce que
le droit d'une personne, comme je
vous dis tantôt, qui fait des choix individuels dans sa pratique religieuse,
si, pour être musulman, tu devais porter le hidjab, si c'était une prescription... D'ailleurs, des gens ont
dit : C'est une prescription. Pas du tout! Ce n'est pas une prescription. Une prescription, c'est obligatoire,
ça. Si c'était une prescription, je serais le premier à dire comme vous :
Il faut trouver un moyen d'inclure ces gens-là. Mais ce n'est pas une
prescription, c'est un choix. Puis elles l'ont toutes répété — j'ai
écouté tellement d'entrevues, je me suis payé tout un boulot avant
de venir ici. Elles ont toutes répétées, ces femmes-là à voile, la même chose : C'est mon choix personnel, ce
n'est pas quelque chose d'imposé. Moi, je prends ce qu'elles
disent pour la vérité.
Donc,
on a à mettre en balance un choix personnel puis, d'un autre coté, l'histoire
récente du Québec qui sépare l'Église
et la religion, qui a sorti les symboles religieux, puis également des gens qui
ont le droit fondamental de ne pas être
ennuyés par les symboles religieux puis par la religion des autres, parce
qu'ils n'en pratiquent pas. Quel droit est le plus important? À mon
avis, le droit le plus fondamental, c'est celui de ne pas être ennuyé parce que
mes croyances religieuses, c'est égal zéro.
C'est aussi une croyance religieuse que d'être athée, par exemple. Je ne suis
pas athée, mais c'est une croyance religieuse, c'est une croyance que
d'être athée : Moi, je ne crois pas qu'il n'y a rien qui existe, Dieu
n'est pas là. Alors donc, ça, c'est un élément.
Pour
le reste, vous savez, la loi, on en a parlé comme si on empêchait les gens de
vouloir pratiquer leur religion. J'ai
fait un petit calcul pendant que vous me parliez. Il y a 168 heures dans
une semaine, il y a 35 heures de travail, quand tu es au
gouvernement, c'est 20 % de la semaine. Je vais être très mathématique
puis peut-être même grossier, mais, écoutez,
là, quand on demande à quelqu'un qui a fait un choix personnel de porter le
voile : Si tu veux travailler pour le gouvernement, bien, viens, mais dorénavant tu sais que tu n'as pas le
droit de porter le signe religieux, ça veut dire que 20 % de ton
temps dans la semaine, tu devras t'abstenir de porter ce signe religieux, ce
n'est pas la fin du monde...
Le Président (M.
Ferland) : ...calculé le temps qu'il vous restait...
M. Gauthier
(Michel) : Et il faut qu'on considére que...
Le Président (M.
Ferland) : Et nous en sommes maintenant à…
M. Gauthier
(Michel) : ...ce n'est pas un mauvais choix.
Le Président (M.
Ferland) : M. Gauthier! J'ai calculé le temps...
M. Gauthier
(Michel) : Oh! vous me parliez. Excusez, j'étais tellement absorbé par
mon interlocuteur…
Le
Président (M. Ferland) : Alors, je vois, M. Gauthier, que vous
n'avez pas perdu la main, au contraire! Alors, le temps que j'ai
calculé, il n'en restait plus du tout. Alors, c'est à la députée de
Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président.
Merci, M. Gauthier, pour votre mémoire. Heureuse de vous voir. Nous, on
s'est connus dans une autre vie, dans un autre milieu.
M. Gauthier
(Michel) : N'allez pas partir de rumeurs.
Mme Roy
(Montarville) :
Non, non, non! On va le dire tout de suite : À TQS. Bon, c'est réglé.
Cela
dit, j'aimerais revenir à votre mémoire, et j'aurai pour vous une question très
théorique, on s'entend, là, vous écrivez :
«L'accroissement récent de l'immigration provenant de la région du Maghreb, à
très forte majorité musulmane, a cependant changé la donne. Plusieurs
femmes portant le hidjab ou d'autres déclinaisons des symboles vestimentaires religieux se sont jointes à la fonction publique
et parapublique. La situation est loin d'être critique, mais la tendance est
cependant très visible : les signes
religieux [ou] ostentatoires sont de plus
en plus présents au sein des services publics, et cette tendance va dans
le sens d'un accroissement perceptible.»
Alors,
la voici, la question théorique : Est-ce qu'on fait erreur, au Québec, en
favorisant l'immigration de gens francophones
plutôt que de favoriser une immigration qui nous proviendrait de pays
partageant davantage nos valeurs? Et ça, vous savez, c'est un sondage
qui a été posé il y a quelques mois déjà. Qu'est-ce que vous en pensez?
M.
Gauthier (Michel) : Il ne
faudrait pas en arriver à ça. Moi, je pense que, justement, quand les règles
sont claires, quand ce qui pourrait nous
ennuyer, en quelque sorte, ou déranger, je dirais, nos lois, nos règlements,
nos habitudes, enfin notre histoire, quand ceci est bien cerné, quand on identifie les
irritants et qu'on dit : Voici, il faudrait vous soumettre à ce
type de règlement là, de réglementation là, je pense que le problème ne se pose
pas.
Moi, je ne
sais pas comment sont faits les quotas d'immigration. Parce qu'on a besoin de
nouveaux arrivants au Québec, c'est
merveilleux qu'il y en ait beaucoup. Moi, qu'il y en ait énormément qui
viennent du Maghreb, bien, je trouve ça extraordinaire. Ils sont déjà
francophones, ce qui est un grand pas de franchi. Mais ce n'est pas parce que
je suis heureux de les voir puis que le
gouvernement augmente constamment les seuils d'immigration, ce qui est tout à
fait correct, ce avec quoi je suis en
accord, qu'il faut, par ailleurs, pour autant que je me sente obligé de perdre
ce que, depuis 1960, mes parents, moi et mes enfants ont bâti. Et, dans
ce sens-là, c'est pour ça que moi, je ne me sens pas mal à l'aise d'imposer un
certain nombre de contraintes, dont celle de la charte.
Puis je fais
comme tout le monde : au début, je n'aurais pas voulu aucun compromis. Puis, je regardais la recherche de compromis puis je me disais : Il faut
faire un effort. Moi, j'ai pensé à une forme de tolérance comme celle dont je
vous parlais, puis je sais qu'à la
CAQ, entre autres, ça fait partie de votre préoccupation, de trouver un compromis, bien, il
y a là matière à discuter. Puis je
pense qu'il ne faut pas revoir les
seuils d'immigration, il faut juste fixer les balises d'un mieux
vivre-ensemble. C'est tout.
Mme Roy
(Montarville) :
Parfait. Mais j'ai tellement très peu de temps, je vais essayer de passer à
une deuxième question. Pour
ce qui est de l'interdiction du port
des signes religieux, oui, effectivement, à la CAQ, nous les sélectionnons, si vous voulez dire, entre guillemets, et nous ne considérons pas que les employés municipaux, finalement... le p.l. 60 ne devrait pas s'appliquer aux villes.
Pourquoi? Parce que l'esprit même de la loi, du p.l. 60, c'est d'interdire
le port de signes religieux aux employés de l'État québécois.
On considère que les municipalités, qui sont des créatures provinciales, effectivement, cependant sont des gouvernements autonomes. Alors, qu'est-ce que vous répondez à
votre ami Denis Coderre, que vous avez côtoyé, qui dit : Ce n'est
pas à Québec de venir choisir mes employés?
M.
Gauthier (Michel) : Bon, je
pourrais lui répondre comme lui, il parle, hein? Ce n'est pas à Denis Coderre
de venir mener la province puis de venir
mener le gouvernement non plus, là, tu sais? Je veux dire, Denis Coderre, il a sa gestion à faire puis il va la faire. Je
le connais, c'est un gentil garçon, il va faire une très bonne job.
Le Président (M. Ferland) :
M. Gauthier, je dois malheureusement...
M.
Gauthier (Michel) : Vous ne
me coupez pas quand j'ai dit que c'était un gentil garçon! Laissez-moi
continuer.
Le Président (M. Ferland) :
Non. D'ailleurs, M. Coderre viendra peut-être ici, on lui posera la question.
Une voix : On va lui
retweeter. On va lui retweeter.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, le député de Blainville.
M. Gauthier (Michel) : ...donnez-moi
la chance!
Le
Président (M. Ferland) : Non, mais on en avait trouvé un bon, là, M. Coderre... M. le député de Blainville.
M. Ratthé : Merci, M. le
Président. M. Gauthier, bonjour.
M. Gauthier (Michel) : Bonjour.
M. Ratthé : Je
trouve intéressant que vous
mentionniez la comparution, si on peut dire, là, de M. Seymour parce que, dans une des premières choses que j'ai écrites,
je voulais faire un parallèle avec ce que vous nous indiquiez puis ce que M. Seymour nous a indiqué hier. Alors, je ne vais
pas répéter ce que vous avez dit, je
pense que c'est assez clair par rapport à ce que M. Seymour nous disait : Bien, il y a
des religions qui, eux, sont attachées à une communauté, puis justement c'est leur façon de faire.
Je vais plutôt continuer, un peu faire du pouce
sur ce que ma collègue de Montarville vous demandait. Il y a beaucoup
de questionnements, à savoir : On va beaucoup
plus loin que la fonction publique. Tantôt, vous avez dit : Quant à moi, ce serait peut-être la fonction publique. Et là on nous dit : Non, non, écoute, on déborde largement la
fonction publique, ça va
toucher 500 000,
600 000 personnes, ça va même toucher, peut-être, un sous-contractant
en informatique, par exemple, qui
viendrait faire un travail dans un ministère où il ne pourra pas, lui non plus,
parce qu'il a un contrat avec le gouvernement, arborer un signe.
Est-ce que
vous trouvez qu'on va trop loin ou est-ce que, non, il faut... Puis là je vais
inclure les villes. Tantôt, on a...
Quelqu'un, hier, disait : Il faut inclure les maires. Est-ce qu'on met les
conseillers municipaux? Quelqu'un nous a dit : Les directeurs de
commission… Jusqu'où on va?
M.
Gauthier (Michel) : Oui,
effectivement, ça fait partie des discussions qui auront lieu. Mais, vous
savez, dans un... quand tu acceptes
une... quand tu votes une loi, tu acceptes des principes, et après ça on
définit certaines modalités d'application,
qui sont des règlements. Malheureusement, ça échappe trop souvent aux
parlementaires, les règlements. Ça
devrait revenir au débat parlementaire, parce que c'est souvent plus
substantiel que la loi elle-même. Pendant 21 ans, moi, j'ai pensé ça, puis je le pense encore, et
j'en profite de le dire parce que je n'ai pas d'allégeance politique
maintenant, donc je suis considéré
comme un peu plus objectif que la moyenne des députés qui parlent. Alors donc,
la loi ne fera pas tout, et les règlements vont préciser. Et je
m'explique.
Quand on
parle des sous-contractants, moi, je ne trouve pas que c'est aller trop loin
dans certains cas. Si moi, je suis
sous-contractant, je ne sais pas, en informatique et que j'ai trois employés
qui viennent faire un travail de trois semaines au niveau du gouvernement, en plus qui ne sont pas en services publics,
il faut se calmer, là. Moi personnellement, ça ne me dérange pas tellement. Mais, sous-contractant,
là... Je sais qu'il y a des hôpitaux où les infirmières sont sous-contractantes
depuis je ne sais pas combien d'années. Alors, sous-contractant, ça doit se
définir et dans le temps.
Alors, je suis certain que ça, ça fait partie
des discussions, sans parti… en dehors des partis politiques, des allégeances politiques, que vous pouvez avoir,
dire : Comment on définit... une fois que le principe est là, comment on
définit un sous-contractant de façon raisonnable? Quelqu'un qui, comme
sous-contractant, donne des services à la population,
à mon avis, c'est à la première journée. Celui qui ne donne pas de service à la
population et qui est là pour une
période, je ne sais pas, inférieure à deux mois, bien là, regarde — en tout cas, ça, c'est mon opinion à
moi — moi, ça
ne me traumatise pas. Mais, si ce
sous-contractant-là vient pour six mois, bien là, ça vaut la peine d'ajuster
ses pratiques, probablement, à celles
de l'État. Alors, moi, c'est un peu la manière dont je vois les choses. Mais ce
n'est pas une question à laquelle
j'ai vraiment réfléchi, mais mon simple bon sens, gros bon sens de citoyen
m'amènerait à vous dire ça. Je suis un citoyen pour la charte, mais je
ne suis pas traumatisé par des approches de cet ordre-là.
Concernant
les municipalités, écoutez, il y a des grosses administrations, c'est aussi
l'État, là. Tu sais, la ville de Montréal...
tu sais, je parlais de M. Coderre tantôt, bien charmant, bien gentil, mais je
sais comment il est accroché à la
Charte des droits et libertés, et, même si
le père de la charte a dit qu'il n'y
avait pas de problème, je sais que
M. Coderre a une pensée un peu particulière là-dessus. Mais…
• (12 h 30) •
Le Président (M. Ferland) :
Alors, M. Gauthier…
M. Gauthier (Michel) : …honnêtement…
Le Président (M. Ferland) :
M. Gauthier, nous allons…
M. Gauthier (Michel) : Vous allez encore
me couper sur M. Coderre!
Le
Président (M. Ferland) : …à la députée de… Aussitôt que vous prononcez le mot «Coderre», on arrête.
Alors, Mme la députée de Gouin.
Mme David : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, il ne faut plus prononcer ce mot-là, monsieur. Mme la députée.
Une voix : …
Le Président (M. Ferland) :
Ce n'est pas vrai.
Mme David : Bonjour, M.
Gauthier.
M. Gauthier (Michel) : Parlez-moi de
Denis Coderre, je vous en prie!
Mme David : Pas du tout.
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme David : Écoutez, moi, je trouve ça intéressant qu'après avoir
présenté un mémoire aussi flamboyant vous arriviez finalement à nous dire : Savez-vous, j'aurais un
compromis à vous proposer. Ça serait bien si tout le monde avait ce
genre d'attitude. Ça serait vraiment intéressant.
Mais moi, je
veux vous amener plus sur l'héritage de la Révolution tranquille, parce que
je partage votre vision historique mais pas entièrement. Vous dites : La Révolution tranquille, ça nous a amenés vraiment à clarifier les rapports Église-État.
Complètement d'accord. L'État a repris en main les institutions scolaires et de
santé. Tout à fait d'accord. Mais je vous soumets que, sur la question
des signes religieux, l'État québécois, au
moment de la Révolution tranquille,
n'a absolument pas légiféré. Il n'y a aucun établissement qui a exigé des
professeurs de l'époque, ou des infirmières, ou des médecins l'abandon
de quelque signe religieux que ce soit. C'est Vatican II qui a provoqué
l'abandon, par les religieux, de leurs
costumes. Mais tout ça a fait que, pendant bien des années encore, nous avons
eu, dans nos écoles, des professeurs portant des croix. Nous avons
encore aujourd'hui des infirmières, des médecins, etc., portant des signes religieux. Et — votre mémoire a le mérite, dans le fond,
d'appeler un chat un chat — jusqu'à ce qu'il y ait un certain nombre de femmes portant le voile dans nos services
publics, honnêtement, M. Gauthier, il n'y a personne qui se préoccupait de
savoir s'il y avait une croix dans le cou de
quelqu'un. C'est depuis ce temps-là que vraiment, et vous en parlez dans votre
mémoire, on se questionne.
Alors,
moi, la question, à ce moment-là, que j'ai à vous poser, nonobstant tout ce
qu'on peut penser de la question du
voile — on
pourrait en débattre longtemps — ce
sont des femmes qui le portent, ce sont des femmes qui risquent d'être sanctionnées et congédiées parce qu'elles portent un voile : Vous proposez des mesures de transition, est-ce qu'il ne serait pas normal que ces
femmes puissent, elles-mêmes, trouver le chemin de leur émancipation, comme
ma mère l'a fait, comme je l'ai fait? Est-ce qu'il ne faut pas laisser
un peu de temps?
M. Gauthier (Michel) : Oui, il y a beaucoup
de choses. D'abord, je suis d'accord avec vous, la perspective historique,
c'est la même. Je n'ai jamais voulu mettre de côté le rôle du concile dans
les signes religieux, le départ des signes religieux. Mais je me
souviens… J'ai parlé ainsi parce que M. Parizeau, qui a été un acteur de la Révolution
tranquille, a dit : Effectivement, on n'a pas eu besoin de légiférer — je
le dis d'ailleurs dans mon mémoire — on
n'a pas eu besoin de légiférer, mais, disons, comme État, on a fait en
sorte que, graduellement, ils ont senti que les costumes religieux devaient prendre le bord. Et c'est un peu
ce qui est arrivé. Il y a eu des décisions de prises, il y a eu des
incitations, etc. Alors, de ce côté-là, je pense qu'on ne se créera pas de
problème.
Concernant le
fait qu'il faudrait permettre à ces
femmes de s'émanciper d'elles-mêmes, bon, écoutez, moi, je suis bien pour la vertu et je suis pour la tarte aux pommes, je suis pour
toutes ces choses-là, mais je crois, des fois, qu'il faut aider la nature. Et
il y a des gens… Moi, je connais des femmes qui se font imposer le voile, et
elles se le font imposer par leur milieu, puis vous en connaissez tous,
je connais, là… en fait, on connaît ça…
Le Président (M. Ferland) :
M. Gauthier, malheureusement, le temps est terminé.
M. Gauthier (Michel) : Et ces gens-là ont
besoin d'être aidés.
Le
Président (M. Ferland) : Et, sur ce, je vous remercie énormément. Vous n'avez pas perdu la main, M. Gauthier,
je peux vous le confirmer.
Alors, sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 14 heures. Allez-y.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 14 h 7)
Le Président (M. Ferland) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend donc ses travaux. Cet
après-midi, nous entendrons les représentants Pour les droits des femmes du Québec,
M. Alain Rioux, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale et M. Claude
Pineault.
J'invite donc
les représentantes du groupe Pour les droits des femmes du Québec à nous présenter leur mémoire, en vous mentionnant que vous disposez de
10 minutes pour la présentation, et après suivra un échange. Alors, je
vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous
accompagnent. La parole est à vous.
Pour les droits des femmes du
Québec (PDF Québec)
Mme Sirois
(Michèle) : Alors, je suis
Michèle Sirois. Je suis présidente du groupe PDF Québec, qu'on appelle aussi PDF Pour les droits des femmes du Québec. Je
suis anthropologue et spécialiste en sociologie des religions, et, à ma
droite, Naomie Caron, qui va aussi intervenir, et Radia Kichou.
Alors, PDF
Québec est un groupe féministe, citoyen, non partisan et mixte. Fondé tout
récemment, PDF Québec veut, au nom de
toutes les femmes, porter leur voix et leurs revendications sur la place
publique. Pour PDF Québec, il est clair
qu'une véritable démocratie ne sera possible qu'à la condition de réaliser
pleinement une véritable égalité de fait entre les hommes et les femmes. PDF Québec fait appel à celles et à ceux
qui, comme nous, soutiennent inconditionnellement la société démocratique et laïque et qui tentent
de la bâtir. Nous voulons promouvoir l'égalité de fait entre les femmes et les hommes, car la persistance des inégalités
reste évidente dans des domaines comme le partage des tâches, la conciliation
famille-travail, la violence exercée à notre
endroit, les salaires, l'accès au travail, etc. Enfin, nous voulons rassembler
toutes les femmes, au-delà de leurs différences et de la diversité de
leurs besoins.
• (14 h 10) •
La volonté de
créer un nouveau groupe féministe, que nous sommes, était dans l'air depuis
plusieurs années déjà, mais, avec la
promesse électorale du Parti québécois de créer une charte de la laïcité, il
nous est apparu essentiel de créer maintenant notre organisation
féministe, puisqu'il semblait bien que plusieurs organisations normalement
vouées à la défense des droits des femmes
semblent avoir changé de direction politique et opté pour la défense des droits
religieux plutôt que la défense des droits des femmes. Mais soyez
assurés que PDF Québec sera actif dans tous les dossiers qui interpellent le
droit des femmes.
Notre mémoire,
que vous pourrez retrouver aussi sur notre site, pdfquebec.org,
veut d'abord dire oui à la charte parce que
nous appuyons la neutralité religieuse et le caractère laïque des organismes
publics. La laïcité, ce n'est pas la seule condition pour permettre aux femmes d'accéder à l'égalité, mais
elle est une condition essentielle. C'est au terme, d'ailleurs,
d'une longue période de sécularisation que la société québécoise
s'est dotée de règles et de lois démocratiques, c'est-à-dire basées sur
la volonté humaine, par opposition aux lois ancestrales. Les sociétés qui se
veulent égalitaires doivent rejeter la vision entretenue
par les religions en regard des femmes et des homosexuels. Les droits de ces
deux groupes sont encore menacés dans le
monde, leur vie même est menacée là où les règles religieuses sont les
références légales. Il faut donc
refuser de retourner à ces règles discriminatoires,
imprégnées de tous les préjugés à l'égard des femmes qui existaient à
l'époque où ces règles ont été consignées par écrit, c'est-à-dire souvent
plusieurs milliers d'années. Le Québec se
démarque d'ailleurs, dans le monde, quant à la place que les femmes occupent
dans la société. Il reste encore beaucoup
de chemin à parcourir, mais PDF Québec dit non au recul, par rapport aux droits
des femmes, sous prétexte de liberté religieuse, ce serait une trahison
de toutes les luttes menées par des générations de Québécoises.
En
second lieu, PDF Québec dit oui à la charte parce que nous appuyons le devoir
de neutralité et de réserve en matière
religieuse et les restrictions relatives au port de signes religieux.
L'affichage est le contraire de la neutralité, tous les publicitaires l'ont compris depuis longtemps.
L'affichage est d'ailleurs le b. a.-ba du prosélytisme, l'arme de base du
marketing. Et c'est pour ça qu'un État
neutre ne s'incarne pas dans ses murs mais bien dans les personnes qui oeuvrent
en son nom, qui y travaillent, qui sont rémunérées par l'ensemble des
citoyennes et des citoyens du Québec.
D'ailleurs,
en 1997, c'est une date importante, le Québec a obtenu un amendement
constitutionnel, catholiques et
protestants ont renoncé à leurs droits, leurs privilèges constitutionnels pour
faire respecter la liberté de conscience de tous les enfants qui fréquentaient les écoles secondaires et primaires
du Québec, de même que la liberté de conscience de leurs parents. Il ne s'agissait pas à ce moment-là de protéger la
liberté de conscience des enseignantes et enseignants mais de s'ouvrir à la diversité des convictions
spirituelles, et de protéger la liberté de conscience, donc, des enfants qui
fréquentent les écoles publiques, et ainsi,
également, leur permettre de se côtoyer, quelles que soient leurs communautés
d'origine.
Nous
ne saurions trop insister sur l'importance de la neutralité des professionnels
scolaires qui se trouvent en première
ligne auprès des enfants. Non seulement ils sont des modèles pour les élèves,
exercent une autorité morale, mais également, auprès des jeunes, ils
sont, donc, des personnes qui… les jeunes peuvent recourir à eux. Ils fonctionnent comme des intervenants de première
ligne pour protéger les enfants. Et on l'a vu dans le cas de la famille Shafia jusqu'à quel point c'était
important, des intervenants de première ligne. Malheureusement, la famille
Shafia n'a pas été écoutée, et on a
su le résultat très malheureux. Peut-on franchement penser qu'une petite fille
à qui les parents imposent des
restrictions de toutes sortes se sentira suffisamment en confiance avec des
enseignants, enseignantes qui arboreraient
des symboles religieux et qui… par le fait même, leur accord tacite avec des
règles religieuses que ce symbole illustre et qui font justement partie
de ce que veulent leur imposer leurs parents?
Troisième
point, le caractère sexiste et discriminatoire de certains symboles religieux.
Il y a différents symboles religieux, mais on est particulièrement préoccupés
par des symboles qui sont sexistes. Le Québec a des obligations en regard de
la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard
des femmes. Dès le début des
années 80, le Québec a entériné un accord international, il s'est engagé à éliminer les différentes formes de discrimination, dans lesquelles font partie également
certaines coutumes et certaines habitudes culturelles ou prescriptions
religieuses.
En outre, le Québec a
énormément investi de ressources pour lutter contre tous les symboles sexistes
dans les écoles. Or, tolérer le port de
symboles sexistes par des employés des services
publics implique tacitement une
acceptation de la discrimination
fondée sur le sexe. L'État ne doit être associé à aucune promotion du sexisme.
Ce n'est pas parce que les
gens nient le caractère sexiste, qu'ils invoquent toutes sortes de motivations que le caractère sexiste n'existe pas, la discrimination n'existe pas par elle-même.
Depuis des millénaires, certains symboles ont un sens, et malheureusement ce sens est dévastateur pour les femmes. La société québécoise ne doit pas favoriser le retour à ces images sexistes sous
prétexte de liberté religieuse.
PDF
Québec, en quatrième lieu, dit oui à la charte mais dit non aux accommodements religieux. Un accommodement, oui, est accordé à une personne qui subit une situation
ou un état qui ne pose aucun problème, d'accord. Par
contre, il s'agit d'un devoir de la société pour favoriser
l'intégration notamment des personnes
handicapées qui subissent, donc…
c'est une contrainte naturelle, à
bien distinguer des accommodements
religieux, qui sont des contraintes
choisies. Alors, on a affaire à tout un phénomène qui est très
différent, et c'est pour ça que c'est aussi…
Le Président (M.
Ferland) : …Mme Sirois, pour conclure, à peu près une minute.
Mme Sirois
(Michèle) : O.K. Alors, c'est encore inacceptable, car il s'agit de dispositions
discriminatoires à l'égard des femmes et des homosexuels ou des adeptes
d'autres religions.
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Québec appuie la charte, mais il y a des aspects incomplets, comme la question
des signes pour les élus, la question du crucifix à l'Assemblée nationale et
surtout, pour nous, la clause dérogatoire qui devrait apparaître. Je voudrais peut-être
laisser un petit mot aux deux personnes.
Le
Président (M. Ferland) : Malheureusement, on est rendus aux 10 minutes, mais sûrement
qu'ils auront l'occasion, lors
des échanges avec les différents groupes parlementaires, de pouvoir s'exprimer,
parce qu'il y aura de nombreuses questions
qui vont vous être adressées, j'en suis convaincu. Alors, M. le ministre, la parole est à vous pour
débuter les périodes d'échange.
M.
Drainville : Merci
beaucoup, mesdames. Merci, Mme Sirois. Merci, Mme Kichou. Merci, Mme Caron. On
va aller tout de suite dans le vif du
sujet, sur la question donc de ce principe de neutralité, qui est au coeur même
du projet de charte que nous avons
déposé. Vous savez, le principe de la neutralité politique n'a jamais été remis
en question dans ce débat, hein? Tout le monde… en tout cas à ma connaissance, tout le monde
reconnaît que la neutralité politique, c'est un principe tout à fait
consensuel, il n'y a pas lieu de le remettre en question. Ce principe de
neutralité politique inclut l'obligation de
garder pour soi ses convictions politiques lorsqu'on est au travail, lorsqu'on
est, donc, un fonctionnaire. Donc, on
n'a pas le droit d'afficher notre appartenance ou notre appui à tel ou tel
parti, donc pas le droit de porter un macaron, une casquette, un
tee-shirt, et tout le reste. Donc, pas le droit de s'afficher politiquement.
Mais parfois ces mêmes personnes qui
reconnaissent que la neutralité politique est tout à fait légitime, nécessaire, disent : Ah! mais la neutralité
religieuse, ça, c'est autre chose, ça, ce n'est pas pareil, y compris en
matière d'affichage, là. Comment vous
réagissez quand vous entendez cet argument-là, où on dit : La neutralité
politique, c'est une chose, la neutralité religieuse, ce n'est pas
pareil?
• (14 h 20) •
Mme Sirois
(Michèle) : Dans la charte québécoise
des droits et libertés, l'article 3 présente différentes libertés
et semble les mettre au même pied d'égalité : il y a la liberté
religieuse, mais il y a aussi la liberté d'expression. Au Québec, on a conçu
que c'était acceptable et raisonnable de mettre des limites à la liberté
d'expression. Et ce qui m'étonne, moi aussi, c'est que, les mêmes personnes qui
disent qu'il ne faut pas hiérarchiser les droits, eh bien, là, elles font un
cas particulier
pour la liberté religieuse. Là, ça nous pose des problèmes. Parce que,
si la liberté religieuse est égale
aux autres, pourquoi est-ce qu'on ne trouverait pas raisonnable justement
de la mettre au même pied d'égalité que la liberté
d'expression? Personne ne remet ça en question, pourquoi tout à coup la liberté
religieuse serait-elle au-dessus des autres? Donc, si elle est au-dessus des
autres, il faut nous le dire. Donc, ça veut dire que les personnes ne sont pas d'accord avec l'égalité. Il y
a des libertés qui sont plus importantes que d'autres, notamment la liberté
religieuse. Nous ne sommes pas d'accord avec ça.
Ça veut
dire : si c'est les personnes qui trouvent… c'est vrai que la liberté
religieuse… il faut le dire officiellement : Notre parti, notre
groupe est d'accord pour que les libertés religieuses soient plus importantes.
Par contre, s'ils sont toutes égaux, eh bien,
il faudrait voir à ce qu'on demande… Si on demande de laisser la liberté
d'expression religieuse, il faudrait
la demander pour la liberté d'expression politique, ce qui serait vraiment
contre la loi qu'on accepte depuis
longtemps, il y a un accord tacite. Pourquoi ne pas mettre sur le même pied
d'égalité la liberté d'expression des opinions,
des convictions politiques et la liberté religieuse d'expression des
convictions spirituelles? Pourquoi il y en a une qui aurait préséance sur les autres, notamment quand il s'agit du port
de signes sexistes qui vont à l'encontre justement de l'égalité des
droits, qui est un fondement, une valeur fondamentale?
Alors, sur
ça, je pense qu'il y a beaucoup d'incohérence, les gens n'ont pas poussé à fond
tout leur raisonnement, et je pense que la commission parlementaire est
là justement pour faire ressortir les contradictions des positions.
M.
Drainville : O.K. Juste pour poursuivre un peu dans la même
ligne, on nous dit souvent que, dans le secteur de l'État, il n'y a pas de prosélytisme, les gens gardent leur
religion pour eux. Vous, est-ce que vous en avez, des exemples de
prosélytisme, à nous transmettre, à nous communiquer, à partager avec nous? Est-ce
que ça existe?
Mme Sirois (Michèle) : Bien oui, ça
existe. Entre autres, ma collègue Radia Kichou, qui a une petite fille de deux ans et qui va à la garderie la porter, parce qu'elle est étudiante, eh bien, elle, elle
en a des exemples concrets, elle est ici pour témoigner.
Le Président (M. Ferland) :
Allez-y. À vous la parole.
Mme Kichou (Radia) : Bonjour. Donc, je
suis Radia Kichou. Je suis résidente permanente, nouvellement installée au Québec, à peine 10 mois.
Et là, donc, comme tous les nouveaux arrivants, nous avons signé, donc, quand
on a entamé les procédures d'immigration, donc, la liste des valeurs québécoises, dont la laïcité, la primauté du droit,
l'égalité hommes-femmes et la langue française. Donc, c'était assez intéressant. Et donc adhérer à ces valeurs-là était
obligatoire pour déposer un dossier pour l'immigration.
Donc, seulement,
voilà, quand je suis arrivée là, donc j'ai suivi, comme la procédure l'indique,
donc, le programme Objectif Intégration, donc c'est un programme
qui consiste à accompagner les nouveaux arrivants dans la recherche du travail, la rédaction de C.V., les pièges à
éviter, comment trouver un loyer, enfin vous connaissez certainement le dossier. Et là, justement, on avait affaire à un employé de
l'État… enfin du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, qui nous a fait littéralement du
prosélytisme. Bien, il ne l'a pas fait pendant toute la formation, mais enfin
je tiens à souligner que c'était vraiment impartial comme cours parce
que…
M. Drainville : Impartial ou
partial?
Mme Kichou (Radia) : Impartial.
Une voix : Partial.
Mme Kichou
(Radia) : Oui. Pardon. Oui,
partial, donc elle a pris parti. Excusez-moi. Oui. Donc là, il nous a… il s'est mis, quelque part, à indiquer les
boucheries où on peut s'acheter de la viande halal. Et, quand on a entamé,
donc, le chapitre qui nous
encourageait à aller nous installer au nord, Le Nord pour tous, donc là il nous
dit que le caribou… qu'il ne pouvait
pas, enfin, manger le caribou parce
qu'il n'était pas halal. Donc, vous voyez, il y a toutes sortes de dérives, conspirations religieuses qui mettaient vraiment
mal à l'aise, parce qu'il n'y avait pas que des musulmans dans le groupe,
il y avait des gens venus d'Haïti, du Brésil,
d'Afghanistan, en fait toutes les provenances, et tout. Et donc on voyait ça que c'était vraiment désobligeant comme
cours. Donc, je ne dis pas qu'il n'a pas fait un bon travail, donc, dans sa
façon de nous montrer comment rédiger
un C.V. et chercher du travail, et tout le reste, mais je tiens à signaler que…
enfin, que ce n'était pas vraiment un enseignement des plus laïques. Enfin,
voilà.
Et aussi,
donc, pour revenir au cas de la garderie, donc j'ai trouvé une garderie en
milieu familial pour ma fille. Et là,
donc, c'est depuis ce jour-là que j'ai décidé vraiment de me mêler dans les
discussions qui portent sur la laïcité. Donc, je
vais chercher ma fille à 4 heures. Et là, quand j'ai discuté avec l'éducatrice, j'ai entendu un cri, donc j'ai
entendu un cri d'enfant. Et c'était
vraiment intrigant, j'ai dit : Qu'est-ce qui se passe? Elle me dit :
C'est l'application de l'appel à la prière que je viens d'installer sur mon ordinateur, en fait, qui leur fait peur
quand ils regardent des dessins animés. Et puis, ça, j'ai trouvé ça
épouvantable.
Donc, j'ai eu
à vivre comme ça des situations très, très désobligeantes et qui remettent
vraiment le principe de la laïcité,
pour un nouvel arrivant, bien, qui a signé dûment des formulaires très clairs
et très précis... Donc, c'est ça, donc, j'ai eu à vivre, par plusieurs
reprises, des situations, enfin, très difficiles et très contraignantes, je
dirais, oui.
M.
Drainville : Je veux juste revenir au cas du… C'était un
fonctionnaire, dites-vous? C'était un fonctionnaire? Le premier exemple
que vous nous avez donné, c'était un fonctionnaire…
Mme Kichou (Radia) : Un fonctionnaire,
oui.
M. Drainville : …du ministère
de l'Immigration?
Mme Kichou
(Radia) : Oui, oui, oui. Alors,
c'est ministère de l'Immigration et
des Communautés culturelles, oui.
M. Drainville : C'est ça.
Mme Kichou
(Radia) : Donc, ça se passe…
C'est les adresses qu'on nous remet aux douanes. Quand on arrive, on donne une adresse, et dépendamment, enfin, de
notre adresse personnelle, on était regroupés dans des centres d'orientation
pour la recherche d'emploi. Donc, j'ai suivi le processus et j'ai…
M.
Drainville : Et pourquoi ça vous a mis mal à l'aise comme ça? Parce que
vous faisiez référence à la Déclaration
sur les valeurs communes, je tiens à dire,
je l'ai sous les yeux ici, la
Déclaration sur les valeurs communes de la société québécoise.
C'est une déclaration qui a été adoptée par le gouvernement de M. Charest, donc le gouvernement précédent, je ne sais pas si c'est madame…
Mme Kichou (Radia) : …en 2007, donc, probablement,
oui.
M. Drainville : Oui. Oui,
oui, très certainement.
Mme Kichou (Radia) : Mais elle est toujours
d'actualité, monsieur.
M.
Drainville : On me dit que c'est lorsque
la députée de Nelligan était ministre, donc, de
l'Immigration et des Communautés
culturelles. Puis vous avez raison, les personnes qui arrivent doivent
signer : «Comprenant la portée et la signification de ce qui précède et acceptant de respecter les valeurs
communes de la société québécoise, je déclare vouloir vivre au Québec dans le cadre et le respect de ses
valeurs communes et vouloir apprendre le français, si je ne le parle [...] déjà», et là «signature du requérant»,
«signature de l'enfant à charge de 18 ans et plus», etc. Et les valeurs
communes, donc, qui sont dans cette
déclaration, c'est : «Le Québec est une société libre et démocratique; les
pouvoirs politiques et religieux au
Québec sont séparés; le Québec est une société pluraliste; la société
québécoise est basée sur la primauté du droit; les femmes et les hommes ont les mêmes droits; l'exercice des
droits et libertés de la personne doit se faire dans le respect de ceux
d'autrui et du bien-être général.»
Et donc,
quand vous avez entendu ce fonctionnaire, vous aviez l'impression qu'il
manquait… Je ne veux pas vous mettre
des mots dans la bouche, si je me trompe, vous me corrigez immédiatement, mais
ce qui vous a fait réagir, c'est que
vous aviez l'impression qu'il contredisait, par son comportement ou par les
paroles, donc qu'il… ou le discours qu'il utilisait, la déclaration que
vous aviez vous-même signée à l'arrivée. C'est ça?
• (14 h 30) •
Mme Kichou
(Radia) : Non, mais… Oui, c'est à
peu près ça. Donc, ce que je tiens à préciser, c'est qu'il y avait une
conspiration, disons, presque tangible, oui, de ses propres convictions à lui,
qui est musulman, tout comme moi, parce que je suis musulmane aussi. Donc, il y
avait certaines femmes, donc, maghrébines, tout comme moi, qui étaient là,
et puis elles… enfin, on posait des questions dans le cadre du cours :
Est-il vrai que, par exemple, je ne sais pas, aller chez la coiffeuse, est-ce
que c'est vrai que ça coûte cher? Est-ce qu'aller chez le dentiste coûte cher?
Enfin, des questions de base comme ça. Il
dit : Mais pourquoi vous avez besoin d'aller chez la coiffeuse puisque
vous êtes voilée? C'est que, enfin,
j'ai déjà l'habitude de ce genre de réflexion dans mon pays d'origine, et
j'étais vraiment offusquée, enfin, de retrouver ça au Québec. C'est un
petit peu... Enfin...
M. Drainville : Pardonnez-moi
de vous posez la question, mais votre pays d'origine, c'est?
Mme
Kichou (Radia) : Je suis Algérienne, oui.
M. Drainville :
Vous êtes Algérienne.
Mme Kichou (Radia)
: Je viens d'Algérie, oui.
M. Drainville :
O.K. Donc, dans le fond, ce que vous nous... Parce que je pense aussi à cette
personne, là. Dans le fond, ce que
vous me dites, c'est qu'à part le fait que la personne, donc, a laissé très
clairement transparaître son billet religieux, pour le reste, elle a
fait un travail compétent, cette personne-là, hein?
Mme Kichou (Radia)
: Oui, oui. Oui.
M. Drainville :
C'est ça. Donc, c'est vraiment... S'il y avait un devoir de neutralité
religieuse comme celui que nous
souhaitons voter avec cette charte, à ce moment-là, je... enfin, ce genre de
discours n'aurait pas été acceptable. Ce devoir de neutralité religieuse que nous voulons créer devrait
normalement, si la loi est appliquée, une fois qu'elle est votée, devrait signifier donc, pour une personne
dans sa position, qu'elle ne pourrait plus, donc, tenir de tels propos, elle
devrait être neutre dans le cours, là, ou la formation…
Mme Kichou (Radia)
: ...à l'intégration des immigrants, oui.
M. Drainville :
C'est une formation à l'intégration des immigrants.
Mme Kichou (Radia) : Oui. Et, moi, M. le ministre, permettez-moi, donc, de mettre l'accent
aussi sur l'autre incident, qui est arrivé dans la garderie de ma petite fille,
elle a deux ans. Donc, c'est là où j'ai vraiment ressenti le besoin imminent de mettre une loi, d'adopter une
loi. Parce que, quand je vous ai fait part de l'incident qui est arrivé à la
garderie, c'est que je pouvais très bien me
plaindre à la régie du ministère de la Famille et des Aînés, c'est elle qui
régit... enfin, c'est cette
organisation qui régit toutes les garderies. Mais je me rends compte qu'il n'y
a aucune loi qui dicte… enfin, qui interdirait le...
M. Drainville :
Est-ce qu'on parle d'une garderie en milieu familial?
Mme Kichou (Radia)
: ...par l'État, oui. Je paie 7 $ par jour pour la faire garder.
M. Drainville :
Mais c'est une garderie en installation ou une garderie familiale?
Mme Kichou (Radia)
: Familiale, familiale.
M. Drainville :
Donc, c'est dans une résidence privée.
Mme Kichou (Radia)
: Oui, oui, oui.
M. Drainville :
Alors, vous avez raison de dire que la... Dans la loi que nous proposons, ce
que nous faisons… En fait, c'est
qu'il y a une directive, vous savez, qui existe en matière d'apprentissage
religieux. Cette directive-là remonte également
au gouvernement précédent. Ils ont mis en place, donc, une directive. Là, je la
résume, là, parce que c'est assez technique,
là, mais le sens profond de cette directive-là, c'est de dire : La
garderie ne doit pas servir à un apprentissage religieux, O.K.? Jusqu'à maintenant, cette directive-là s'appliquait aux
garderies en installation : CPE et garderies privées subventionnées. Et, dans le projet de loi, ce que
nous faisons, c'est que nous élargissons la portée de cette directive aux
garderies en milieu familial.
Et
donc ma compréhension, encore une fois, c'est qu'à partir du moment où cette
directive devient la loi je pense que
ce serait possible pour quelqu'un du ministère de la Famille, si vous portiez
plainte… Une fois que la loi est adoptée, si vous portiez plainte, je
pense que ce serait possible pour quelqu'un du ministère de la Famille de dire
à la dame : Écoutez, en vertu de cette
directive qui est maintenant loi, vous devriez vous garder de mettre un signal
comme celui-là, qui vient s'interférer,
si on veut, dans le fonctionnement quotidien de votre garderie. C'est ma
compréhension. Je ne pense pas me tromper.
Mme Kichou (Radia) : Oui, oui. Oui, parce que, de tous les incidents que j'ai eu à vivre,
celui-là reste le plus heurtant.
M. Drainville :
Mais pourquoi... Pour les gens qui nous écoutent, là, aidez-nous à comprendre
pourquoi ça vous a heurtée autant.
Amenez-nous un petit peu plus loin. Parce qu'il y a des gens qui pourraient
dire : Bien oui, mais là elle entend
un son, ça fait sursauter, dans le fond ce n'est pas si grave que ça. Il y en a
qui pourraient être tentés de minimiser l'importance de ce qui s'est produit. J'aimerais que vous nous
expliquiez pourquoi vous dites : Ça m'a heurtée. Pourquoi ça vous a
heurtée autant?
Mme Kichou (Radia) : ...ça m'a heurtée. Il en résulte que j'ai très
mauvaise conscience. Parce que ce à quoi nous assistons aujourd'hui, que nous voyons dans les médias, et tout,
n'est qu'un triste constat de toutes les assises qui ont été mises en place voilà, je ne sais pas, une
quinzaine, voire une vingtaine d'années. On a commencé par, comment dire,
mettre une certaine... je ne sais pas, je dirais, une certaine contrainte dans
le milieu... enfin, à l'école, en garderie, notamment, qui font que les enfants apprennent très, très tôt dans
leur vie qu'il y a des limites à ne pas enfreindre. Souvent, on ne donne
pas une explication. Par exemple, donc, si je prends le cas d'une femme, une
éducatrice qui affiche ces signes religieux, par exemple, l'appel à la prière,
le Coran, enfin, une calligraphie, dans les murs, religieuse, ou voire son
habit, son comportement avec les parents des élèves… Quand je vais la chercher,
quand c'est moi qui vais la chercher
et quand c'est mon époux qui va la chercher, on voit qu'avec moi elle se
délaisse de son voile, mais, quand c'est mon mari… D'ailleurs, il n'aime pas aller la chercher, parce qu'il me
dit : Je n'ai pas envie qu'à chaque fois que je tape à la porte
elle mette sa panoplie pour me remettre mon enfant. Donc, on trouve ça très,
très désobligeant.
Mais, pour revenir aux enfants, donc je ne pense
pas que quelqu'un puisse amoindrir le cri d'un enfant, ça marque, c'est
terrible, c'est sans défense, et ça ne protège pas les parents aussi.
M. Drainville :
Alors, je veux juste que ce soit… Merci, d'abord, pour ce témoignage, parce que
ça prend un certain courage pour témoigner de ce que vous avez dit.
Je
veux juste être bien clair, là, ce dont on parle ici, c'est l'article 30
du projet de loi, O.K.? Pour que ce soit bien, bien clair, c'est
l'article 30 du projet de loi qui reprend la directive libérale, du
gouvernement libéral, dis-je bien, en tout respect, qui s'appliquait, jusqu'à
maintenant, seulement aux garderies privées subventionnées et aux CPE, et nous avons étendu l'application de cette directive
aux garderies en milieu familial, et nous inscrivons donc cette directive dans
la loi pour lui donner un statut encore plus solide. Donc, je pense que c'est
important de le souligner.
En
terminant, il vous reste une minute, est-ce qu'il y a un point que vous
souhaiteriez porter à notre attention? Prenez pour acquis que je vous
pose la question et je vous donne la chance de donner la réponse, tiens.
Mme Caron (Naomie) : Donc, moi, ça serait juste pour appliquer un peu la question de
prosélytisme qui s'est passé à
l'école. Moi, j'en ai subi. Je suis née d'une mère québécoise et d'un père
haïtien. J'ai été élevée dans les moeurs québécoises, toutes les valeurs totalement québécoises. À l'école, dès
le primaire, ça s'est passé au niveau de la première communion, tous les élèves, les écoles… C'est sûr,
c'était avant qu'il y ait eu la déconfessionnalisation des écoles. Mais juste pour dire comment l'influence d'une autorité
pour imposer à un enfant que nécessairement… Aujourd'hui, je ne suis aucunement pratiquante, mais j'ai imposé à
mes parents de devenir chrétienne catholique à cause que je voulais faire
partie du groupe. J'ai…
Le Président (M. Ferland) : …le temps imparti. Mais vous aurez
l'occasion de vous exprimer. Il reste encore des groupes parlementaires. Alors, je reconnais la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, je crois. Ah! excusez. La députée de
Bourassa-Sauvé. Allez-y.
Mme
de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci,
Mmes Sirois, Kichou et Caron. J'aimerais seulement souligner une chose sur le prosélytisme :
Tous les partis, ici, à l'Assemblée nationale, on est d'accord qu'on ne devrait
pas avoir du prosélytisme, soit politique ou religieux, fait par les agents de
l'État ou par les fonctionnaires. Mais j'aimerais
aussi apporter à l'attention que l'article 30 du projet de loi doit être
lu avec l'article 29, et l'article 30 parle de ce qu'on va
retrouver dans une politique, et la politique est décrite à l'article 29.
Je ne vais pas faire une discussion juridique
ici, parce que ce n'est pas le sens de tout ça, mais j'aimerais seulement faire
ce point-là vis-à-vis le gouvernement.
Ce que j'aimerais
vous poser comme question, c'est… On a vécu la situation de la famille Shafia,
O.K.? J'aimerais… Et ce n'est pas des
personnes qui portaient des signes religieux ostentatoires ou des signes
religieux. Est-ce que vous croyez que
vraiment cette charte répondra aux besoins de notre société vis-à-vis une
situation comme celle dans laquelle se sont retrouvés les enfants
Shafia? Parce que c'est ça dont on est vraiment concernés.
• (14 h 40) •
Mme Sirois
(Michèle) : Vous savez que protéger les enfants, les jeunes de la notion,
entre autres, de crime d'honneur — on vient d'avoir un avis du Conseil du
statut de la femme sur ce sujet-là — eh bien, ça demande beaucoup de notions… de conditions dans la société. Mais il
y en a une qui est essentielle, c'est aussi envoyer des messages, et aussi
pas juste aux nouveaux arrivants, envoyer un
message aux responsables des organismes publics, à ceux qui interviennent à
l'intérieur. Les petites filles
Shafia sont allées frapper à la porte de plusieurs… à plusieurs endroits et
elles ont été écoutées avec des
oreilles multiculturelles — de nos jours, c'est plus à la mode de dire
«interculturelles», mais c'est très, très proche l'un de l'autre. Elles
n'ont pas été écoutées parce qu'il y avait une forme d'ignorance.
Souvent, les gens,
les décideurs, les gestionnaires ont tellement peur d'être accusés de racisme,
et autres, qu'il s'est produit une dérive,
justement, où on accorde immédiatement les choses, avant même, des fois, qu'on
le demande, de peur de froisser,
d'avoir des problèmes. Alors, il faut avoir un changement dans les mentalités,
mais il faut un changement dans les
structures. Et c'est très important de guider les gestionnaires avec une charte
et qu'on officialise la laïcité dans
la charte, dans les lois pour pouvoir justement avoir, comme on dit au Québec,
des poignées pour les gestionnaires,
pour les juges, qu'ils peuvent être guidés pour dire : Non, ça, ça ne
marche pas, et tout spécialement pour ce qui concerne les signes
sexistes.
Vous avez parlé tout à l'heure du prosélytisme,
madame. Oui, mais le prosélytisme, il se fait aussi silencieux, hein? Une annonce de McDonald, ça n'a pas besoin
de parler, tout le monde sait qu'est-ce
que c'est. Eh bien,
c'est la même chose avec le voile. Et pourquoi je parle du voile? Parce qu'on est un groupe qui défendons les droits des femmes, et le voile est un signe qui est sexiste, les hommes
n'en portent pas, et, pour nous, les femmes, c'est un recul, le voile. À
l'époque, les femmes qui étaient les
victimes de viol, elles étaient pointées du doigt comme les responsables, c'est
elles qui n'étaient pas au bon endroit, qui n'étaient pas habillées de
la bonne façon, qui étaient peut-être trop maquillées, qui n'étaient pas à la bonne heure. C'est la même chose pour le voile, le message qui est envoyé avec le voile, c'est que les
cheveux des femmes, c'est une incitation et
que c'est la femme qui est responsable. Et pourtant, dans le Coran, ça n'existe
pas, de cacher ses cheveux. Mais les
habitudes culturelles disent : Cache tes cheveux, sinon tu envoies un
message comme quoi tu es une fille de mauvaises moeurs.
Mme de Santis :
Mais vous êtes d'accord que pas toutes les féministes sont de cette opinion-là?
Mme Sirois (Michèle) : Absolument.
Mme de Santis : Je croirais bien que je suis féministe et je ne
soutiens pas nécessairement cette position. Et je crois que la Fédération des femmes du Québec, elles, disent : «Être féministe et
pour la laïcité de l'État, c'est vouloir que l'État soit neutre envers les religions mais pas neutre dans le choix
des principes qui guident son action. Pour les féministes, l'État québécois doit respecter le droit de toutes
les femmes à l'égalité. Si une pratique religieuse compromet la liberté d'une fille ou d'une femme, l'État doit
intervenir, prenons pour exemple les mariages forcés des adolescentes. L'État,
en revanche, ne doit pas être source de
discrimination envers les femmes. Lorsqu'il interdit le port de foulard en
permettant le port d'une petite croix
par les employé-e-s de l'État, il crée une discrimination à l'endroit des
femmes. Pourquoi une personne portant
la croix serait perçue par l'État comme étant capable d'assumer son travail
avec neutralité et non celle qui porte [son] foulard?» Alors, elles
disent ça.
Mme Sirois (Michèle) : Oui.
Mme de Santis :
Comment vous répondez à leur déclaration?
Mme Sirois
(Michèle) : Alors, d'abord, il
faut distinguer, je crois que, dans le projet de loi, on parle des signes
ostentatoires, c'est-à-dire si la croix est
très grosse, oui, ça devient un signe ostentatoire comme les autres. Et souvent
on fait la distinction, surtout depuis le rapport Bouchard-Taylor, on fait la
distinction entre la laïcité des institutions et la laïcité des individus, la
neutralité des individus. Je pense que c'est une… Moi qui ai enseigné la
sociologie de nombreuses années, je pense
que ça ne tient pas au niveau sociologique. Une institution s'incarne dans son
personnel, s'incarne dans les
individus. C'est comme si on disait : La famille est une institution qui a
des règles, mais les membres ne sont
pas obligés de suivre les règles. Ça n'a pas de sens, c'est un illogisme. Cet
établissement est non-fumeurs, mais le personnel peut fumer. C'est
exactement le même type d'argumentation, qu'on fait la différence…
Et vous avez parlé de la Fédération des femmes
du Québec. Oui, c'est ce genre de définition. Et le problème, c'est que les discriminations, les exigences
religieuses discriminatoires contre les femmes viennent de religions, et je ne
crois pas qu'il soit sain pour un climat
social ni pour les droits des femmes que ces exigences religieuses discriminatoires soient intégrées dans le fonctionnement de l'État.
Ce n'est pas le rôle de l'État que de banaliser… avaliser des discriminations.
Mme de Santis : Mais le projet
de loi permet une petite croix qui
n'est pas ostentatoire. Comment on a un voile qui n'est pas ostentatoire? Ça, ça fait partie aussi d'un argument de la
fédération. Et je veux aller un peu plus loin : Le projet de loi
permet aux hommes d'avoir des barbes ou des cheveux assez longs qui démontrent
leur adhérence à une certaine religion, mais
les femmes, elles, ne peuvent pas, ne pourraient pas porter leur voile. Moi, je
trouve que, là, c'est aussi un signe de discrimination entre hommes et
femmes.
Mme Sirois
(Michèle) : Mais je me permets,
madame, j'ai lu le Coran. En tout respect pour vous, je pense que vous avez des points, vous auriez intérêt aussi à
le lire, parce que la barbe ne se retrouve pas dans… Ça n'est pas
des signes religieux dans des textes
sacrés, c'est des habitudes culturelles. Et je pense… Je parle des cheveux, O.K.? Et le voile, lui,
se retrouve, mais il ne se retrouve pas sur
la tête dans le Coran, il se retrouve sur la poitrine. Alors, pourquoi ça
devient… c'est monté sur la tête,
c'est un point d'interrogation pour moi. Mais je pense que vous confondez en
mettant sur le même pied d'égalité
les cheveux cachés par le voile, qui est, lui, ostentatoire, et une barbe. Il y
a beaucoup d'hommes au Québec qui portent des barbes et les cheveux, et
ce n'est pas dans les textes sacrés. Je pense qu'il y a confusion actuellement.
Mme de Santis :
Non, non, mais ce que je veux dire, c'est qu'on va accepter que les sikhs
gardent les cheveux qui sont très
longs, mais qu'il faut enlever le turban, que les hommes… Parce qu'il y a une
différence entre quelqu'un… — est-ce qu'il y a un homme qui porte une barbe ici? — et une barbe comme on voit très souvent qui
est portée par les religieux musulmans. Ce n'est pas exactement la même
façon que c'est porté. Et donc on voit un homme et on peut voir que ces cheveux ou cette barbe, on reconnaisse à une
appartenance religieuse. Ça, c'est permis. Mais, une femme, le voile ne l'est pas. Et le voile, que ce soit la religion
qui l'impose ou soit la culture, pour les gens qui le voient, c'est une
référence aussi religieuse.
Mme Sirois
(Michèle) : Je pense que vous
confondez. Excusez-moi, mais je pense que vous confondez des signes identitaires et des signes religieux, et c'est
vraiment… Puis c'est pour ça que c'est utile qu'on puisse en débattre ici,
parce qu'il ne
faut surtout pas confondre les deux. Et, quand les femmes disent : C'est
mon choix, eh bien, je me dis : Ce n'est pas une obligation, et ça devient un choix personnel, et ce choix
personnel doit-il primer sur les choix collectifs qu'une société s'est donnés? Eh bien, nous, nous disons
non, d'autant plus qu'on a des engagements internationaux d'éliminer toutes les formes de discrimination faite aux
femmes, et je pense que c'en fait partie, de ces formes de discrimination faite
aux femmes.
Mme de Santis :
O.K. J'aimerais laisser maintenant la parole à mon collègue.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, je reconnais la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Allez-y.
Mme Weil :
Alors, bonjour, Mme Sirois et Mme Kichou, Mme Caron. Fort intéressant. J'ai eu
l'occasion de voir votre… c'est un
débat, je pense, à l'Université de Laval, ou en tout cas c'était sur Internet.
J'ai regardé le débat, c'était assez houleux et émotif…
Une voix : Vigoureux.
Mme Weil :
…mais c'était intéressant, quand même. Et je trouve le débat intéressant. Qu'on
soit d'un bord ou de l'autre, une
opinion ou l'autre, on apprend toujours quelque chose. Moi, je vous dirais que
j'ai l'impression que c'était un fonctionnaire… c'était une dérive
importante, d'après ce que j'ai entendu, l'exemple que vous avez donné. C'est important d'en discuter et, quand viendra le temps
d'adopter des balises, moi, je pense, très concrètement, c'est ces genres
de situations qu'il faut regarder.
Parce que
c'est très difficile pour tout le monde d'être orienté là-dedans. Moi, ce que
j'ai découvert quand j'avais le dossier
des accommodements — et vous
avez fait référence à SAAQ, hein, cet exemple — c'est le décideur qui ne sait pas, il
ne sait pas qu'est-ce qui est correct, qu'est-ce qui est légal, qu'est-ce qui
est juridique, qu'est-ce qui… hein? Il faut l'orienter
pour lui donner assurance que, non, non, non, ça, c'est inacceptable.
L'histoire de York, par exemple, hein? C'est du gros bon sens à un moment donné, mais plus que du gros bon sens,
d'après ce que j'ai compris. Franchement, mon collègue parle
d'incompétence par rapport à… Donc, il y a une formation qui est importante.
Alors, je
vais revenir plus… Parce que je comprends votre argumentaire sur les signes. Je
comprends que, pour votre argumentaire, c'est du prosélytisme. Alors,
vous l'avez bien expliqué.
Sur les
accommodements, vous dites : Il ne devrait pas y avoir d'accommodement
religieux. Vous ne pensez pas que les
règles actuelles de raisonnable et
pas raisonnable peuvent, justement, si les gens ont de la jugeote et de la
formation et qu'on est capables de
dire non pour certaines choses… Vous avez... je pense que c'est vous… quelqu'un
avait évoqué la fameuse cause de Naïma,
vous vous rappelez de ça? Le cours de francisation? Finalement, c'était non.
Non, on n'allait pas chambarder la
classe de francisation pour quelqu'un qui voulait être voilé. Donc, la société
est capable de dire non. Vous ne
pensez pas, donc, que, sans bannir l'exercice d'accommodement, on serait
capables d'apporter des accommodements? Un congé religieux, par exemple, ou certaines choses raisonnables qui ne
viennent pas chambarder ou... J'aimerais vous entendre là-dessus.
• (14 h 50) •
Mme Sirois
(Michèle) : Je pense qu'il faut
avoir... c'est important d'avoir l'égalité. Parce que, dans certaines écoles actuellement, on ajoute des congés
religieux, certains ne sont même pas religieux, mais veulent avoir un congé
supplémentaire, ça crée de la zizanie. Ce
qu'il faut, c'est... La laïcité, ça comporte non seulement la liberté de
conscience, également l'égalité entre
les différents citoyens, qu'il n'y en ait pas qui aient un traitement
privilégié sur les autres. C'est pour ça qu'on est d'accord, on demande
de retirer le crucifix pour cohérence. Tout le monde doit faire sa part.
Mais il ne
faut pas oublier une chose, c'est qu'au Québec, depuis la Révolution
tranquille, les employés de l'État se
sont départis — parce
que c'étaient beaucoup des religieuses et des religieux — de leurs signes religieux pour s'ouvrir
à la diversité. On a créé, au fil du temps,
un contrat social où c'étaient les droits des citoyens qui devaient primer sur
les choix religieux des employés.
Le
Président (M. Ferland) : ...Mme Sirois, malheureusement, je
dois céder la parole. C'était le temps qui était imparti au groupe
d'opposition officielle. Je reconnais la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Alors, Mme Sirois,
mesdames, merci d'être ici. Je parle vite parce que j'ai très peu de
temps.
J'ai pris connaissance du mémoire avec beaucoup
d'intérêt, mais ce que vous nous avez dit tout à l'heure, d'entrée de jeu, Mme Kichou, de un, ce que vous
avez vécu, c'est totalement déplorable, mais ce n'est pas la première fois
que je l'entends. Je l'ai entendu de groupes provenant de la région du Maghreb,
qui sont venus à mon bureau me raconter, M.
le ministre, que, lorsqu'ils arrivent, on explique à ces gens, peut-être pour
les rendre très, très à l'aise, là, tout ce qui touche leur communauté d'origine ici, au Québec. On leur dit où
est la mosquée, où est l'épicerie, où ils peuvent se procurer telle et
telle nourriture.
Alors, ma première question, en tant que
députée, je leur ai dit : Est-ce que la personne qui vous a dit ça, le
fonctionnaire, était d'une origine autre, était un immigrant? Et on m'a
répondu : Non c'est un Québécois pure laine. Alors, il faudrait juste… par souci, là, il faudrait peut-être vérifier
ce qui se passe au niveau du ministère. Peut-être par un souci, là, vraiment de les rendre à l'aise…
Quant à moi, c'est trop, là, il ne faut pas ghettoïser les gens, il faudrait
plutôt les inciter à venir visiter nos épiceries, nos ci, nos ça. Cela
dit, ça me touche beaucoup, ce que vous avez dit.
Par ailleurs, en ce qui a trait à
l'immigration, je viens de recevoir des chiffres, et j'aimerais vous les
partager — attendez, ça a disparu de mon
ordinateur — sur l'immigration.
L'année... en 2012 — c'est
important, je pense, on va tous
apprendre avec ces chiffres-là, c'est tout nouveau — le ministère de l'Immigration rapporte que
12 721 immigrants ont été
sensibilisés aux valeurs communes de la société québécoise sur les 55 000
que nous avons reçus. C'est environ le quart des nouveaux arrivants.
6 782 ont suivi la session Objectif Intégration en 2012-2013. C'est très
peu.
Alors,
ce que je vous demande — c'est que vous, vous avez vécu l'expérience en tant que
nouvelle arrivante : Pourquoi est-ce qu'il y a si peu d'immigrants
qui décident d'adhérer à ce genre de formations, qui sont volontaires,
volontaires et offertes par le gouvernement? Et qu'est-ce qu'il faudrait faire
pour qu'il y en ait davantage?
Mme Kichou (Radia) : Moi, je trouve qu'enfin l'idée même de la formation est formidable.
J'ai beaucoup appris. Mais, cela dit,
je ne peux pas répondre à la place de quelqu'un qui a décidé de ne pas suivre
la formation. Parce que la formation en elle-même est formidable. On a
appris sur l'histoire du Québec, du Canada, de toutes les guerres, des acquis, des valeurs, du partage des compétences
entre le fédéral et le provincial. C'est très, très enrichissant comme matière.
Cela dit, je ne pourrais pas vous répondre à la place de quelqu'un qui a choisi
de ne pas suivre la formation.
Mme Roy
(Montarville) :
Je comprends.
Mme Kichou (Radia)
: Je suis désolée.
Mme
Roy
(Montarville) : Non, mais je vous comprends. Je vais
formuler ma question autrement : Est-ce que ça vous surprend qu'il y ait
si peu de nouveaux arrivants qui prennent cette formation-là et dans quelle
mesure ça pourrait les aider d'y aller puis ça pourrait favoriser l'intégration?
Êtes-vous surprise du fait…
Mme Kichou (Radia) : Oui, bien, je trouve ça dommage qu'il n'y ait pas un plus
grand nombre qui suit cette formation, elle est enrichissante, comme je l'ai dit. Je la
trouve assez complète, ça prend un mois. Elle est, comme vous dites, facultative, on n'est pas obligé
d'assister. Même si on rate… par exemple, si on a une
entrevue d'embauche, on pourra rattraper le cours et la séance ratée
ultérieurement, mais, à la fin, on a toujours notre attestation qui dit qu'on a
suivi huit modules… enfin, huit modules du cours.
Mme Roy
(Montarville) :
Parfait.
Mme Kichou (Radia)
: Je me demande pourquoi ils ne viennent pas, ce serait… C'est assez
complet, oui.
Mme
Roy
(Montarville) : Bien, voilà. Je suis d'accord avec vous. Cela dit, vous parliez de garderie tout à l'heure, de votre petite fille et de ce que vous avez entendu, un appel
à la mosquée. Est-ce que vous avez…
Mme Kichou (Radia)
: L'appel à la prière.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Excusez-moi.
Mme Kichou (Radia)
: Oui, oui, oui. Il n'y a pas de problème.
Mme Roy
(Montarville) :
Est-ce que vous avez posé des questions? Est-ce que vous êtes allée plus loin? Est-ce
que vous avez demandé des explications?
Mme Kichou (Radia)
: Oui, naturellement, parce que…
Le
Président (M. Ferland) : …peut-être, permettre au député de Blainville
de vous la poser, la même question. Alors, M. le député de Blainville, la
parole est à vous.
M.
Ratthé : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mmes
Sirois, Caron et Kichou. Je n'irai pas tout à fait dans le même sens, mais ce que vous nous apprenez,
effectivement, je pense, nous déroute tous, évidemment je pense qu'il ne
faut pas généraliser.
J'imagine que de
quitter son pays d'origine pour prendre un pays d'adoption, ça prend beaucoup
de courage, c'est un gros changement
dans une vie. Je vais vous poser deux, trois questions en rafale puis je vais
vous laisser répondre dans l'ordre que vous voudrez — oui, à vous — à savoir : Est-ce que cette valeur de
laïcité… Vous avez parlé des
principes sur lesquels vous avez accepté… adhéré, pardon, j'imagine que ce
principe-là est important pour vous, si vous
êtes venue ici. Des personnes nous disent que, si on adopte, cette charte sur
la laïcité pourrait au contraire faire diminuer l'immigration, empêcher
des gens de venir. Alors, je voudrais peut-être avoir votre opinion là-dessus.
Et est-ce que vous
croyez, avec l'expérience que vous avez vécue, que, le fait de ne plus porter
des signes ostentatoires visibles, ça va
aider à changer des comportements? Parce que ce que vous avez vécu, c'est un
comportement. Est-ce que vous croyez que, si, la personne, on interdit ce genre
de manifestation, ça pourrait aider? Alors, je vous entends.
Mme Kichou (Radia) : Oui. Donc, j'ai le plaisir de vous répondre aussi,
enfin, heureusement un autre incident,
qui corrobore tout à fait avec votre question. Donc là, je m'en allais pour une
séance de diète, je suis un régime
alimentaire. Je me rends à l'hôpital, et il y a ma diététicienne, une charmante
femme. À côté d'elle, il y avait une stagiaire
qui était en fin d'obtention de son diplôme, qui était voilée, paraît-il elle
est du même pays que moi. Donc, elle est Algérienne comme moi. Et là la
diététicienne a commencé à me poser des questions pour élaborer une diète, un régime alimentaire. Elle me dit : Est-ce que
vous prenez de l'alcool? C'est vrai, je suis Algérienne, je suis musulmane et je suis issue d'une famille très
libérale… enfin libérée, et tout, ça m'arrive de prendre de l'alcool
occasionnellement…
M. Ratthé :
Pourquoi pas?
Mme
Kichou (Radia) : …je n'ai aucun problème, mais j'ai dû répondre que non,
parce que j'étais extrêmement gênée par la présence de cette charmante
stagiaire qui portait un signe, donc un voile islamique pour…
M.
Ratthé : Donc, si elle ne l'avait pas porté, vous n'auriez pas
su son allégeance religieuse et vous auriez été plus à l'aise, en fait,
de pouvoir le faire.
Mme Kichou (Radia) : Absolument. Tout à fait, oui. Donc, ça, ça s'est passé pendant l'une
des séances chez mon médecin à l'Hôpital de Montréal.
M.
Ratthé : Mais croyez-vous que le fait de ne pas porter de signe
ostentatoire pourrait, chez la personne même, changer son comportement?
C'est un peu ce que je voulais savoir. La personne qui vous a donné des
indications…
Mme Kichou (Radia) : Oui, oui. Là aussi, je vais vous répondre que… Je vais répondre pour
moi. Moi, en tant que cliente, en tant
que bénéficiaire d'un service, je vais ressentir beaucoup moins de gêne si
cette personne ne portait pas le voile, tout simplement. Parce que
moi-même, comme je vous dis, je suis née dans l'islam. Je connais très, très bien l'islam. Il y a des gens qui le
pratiquent sans pour autant porter des signes ostentatoires, vous comprenez, ce
sont des gens tout à fait pieux, qui croient en tout, qui ont leur rituel mais
dans la sphère privée. Et c'est des gens… même si elle condamne, elle
condamne des gens qui boivent de l'alcool, c'est son problème, mais, pour moi,
donc je vais répondre pour moi, en tant que
bénéficiaire, en tant que patiente, j'aurais beaucoup moins de contraintes et
de gêne à répondre sincèrement. Oui.
M. Ratthé :
C'est tout, j'imagine, M. le Président…
Le Président (M.
Ferland) : Vous êtes un des seuls qui…
M. Ratthé :
…je commence à voir le sens du timing.
Le
Président (M. Ferland) : …un des seuls qui me laissait disposer de 20 secondes, mais que je
ne peux pas transmettre, d'ailleurs, à la députée de Gouin, malheureusement…
M. Ratthé :
Il me restait combien de secondes, vous dites?
Le Président (M.
Ferland) : …mais vous avez trois minutes, Mme la députée. Allez-y.
• (15 heures) •
Mme David :
Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. Bien, d'abord, une chose qui est quand
même intéressante, là, c'est que ce fonctionnaire qui a eu un
comportement inapproprié, c'est évident, était un homme et ne portait
pas de signe religieux. Alors, bien, c'est ça, voilà toute la complexité de la
chose.
Mais
je voudrais revenir plutôt sur une autre question, qui est évidemment
celle du voile. Dans votre mémoire, vous
parlez de l'intégration des personnes immigrantes, et en particulier des femmes.
Vous faites référence à certains états généraux,
etc., dont j'ai eu connaissance, moi aussi. Et vous dites : «…le voile ne
[représente] qu'une embûche supplémentaire
à l'intégration des femmes, qu'elles soient
immigrantes ou natives du Québec.» Donc, le voile, mettons-le à la positive,
le voile, quand même, à certains
moments, représente une embûche supplémentaire. C'est loin d'être la première, c'est loin
d'être la seule, mais c'en est une.
Alors,
moi, ça m'amène à poser la question suivante, et ça, c'est en tout respect de vos
opinions puis du fait qu'on veut tous
la laïcité au Québec, là. On parle ici de 600 000 emplois, là, qui sont en cause,
plus tous les emplois d'entreprises ou
de secteurs communautaires, même, ou de quiconque voudra traiter avec l'État,
hein, voudra contracter — je ne sais pas si c'est
français — avec
l'État. On commence à parler de beaucoup d'emplois. Et on sait que, dans les
municipalités belges où le port des signes religieux par les employés
municipaux a été interdit, le privé a emboîté le pas. Il y a des grands
magasins qui congédient des femmes, travailleuses, parce qu'elles portent le
voile. Ma question est simple : Comment on va faire pour intégrer toutes
ces femmes, leur donner un travail si nous renchérissons sur cette embûche
supplémentaire?
Mme Sirois (Michèle) : Oui, je vais répondre. Merci. Excellente question. La question, donc,
porte sur la question de l'emploi. Et on a à soupeser qu'est-ce qui va
créer le plus d'emplois, qu'est-ce qui va maintenir le plus d'emplois. Souvent, on fait une
adéquation très simple et, je pense, très réductrice : Ah! pauvres
femmes — et on
les présente souvent comme des
victimes — elles
vont perdre leurs emplois. Je tiens à rappeler qu'il y a plus d'un an il y a eu
les états généraux des femmes racisées et immigrantes, qui ont fait,
donc, des états généraux, qui ont étudié quels étaient les meilleurs moyens — ils ont fait tout un plan d'action, publié
en mai 2012, qu'on peut retrouver sur leur site — et qui ont présenté toute une série de mesures pour justement qu'elles
puissent s'intégrer à l'emploi, s'intégrer à la société québécoise. Et ce
qui est intéressant, c'est que, dans ce document-là où il y avait de multiples
bonnes façons d'intégrer, il y avait zéro demande
d'accommodement religieux, zéro, zéro, zéro. Et même plusieurs personnes de la
communauté maghrébine et du Moyen-Orient nous ont dit : Ça nous
fait du tort, cette…
Le Président (M.
Ferland) : Mme Sirois, malheureusement, le temps…
Mme Sirois
(Michèle) : …banalisation du voile, ça nous fait perdre des emplois.
Le
Président (M. Ferland) : Le temps est écoulé, malheureusement.
Je vous remercie énormément pour le temps que vous avez pris pour
préparer votre mémoire, de vous déplacer pour venir le présenter. Alors, merci
beaucoup.
Et, sur ce, je vais
suspendre quelques instants pour permettre au prochain intervenant, M. Alain
Rioux, de prendre place.
(Suspension de la séance à 15
h 3)
(Reprise à 15 h 9)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, la commission reprend
ses travaux. Maintenant, nous recevons M. Alain Rioux, en vous rappelant, M. Rioux, que vous disposez
d'un temps de 10 minutes pour présenter votre mémoire, suivi d'un échange
avec les groupes parlementaires. Alors, la parole est à vous, M. Rioux.
M. Alain Rioux
M. Rioux (Alain) : Bonjour. Je me présente : mon nom est Alain Rioux. Je me présente
ici à titre de citoyen. Moi, pour moi,
c'est le plus beau titre, parce que c'est comme citoyen que je participe à des
délibérations collectives. Et finalement,
je veux dire, c'est comme citoyens que nous sommes tous égaux et que nous
participons tous à des délibérations collectives.
• (15 h 10) •
Mon mémoire s'appelle
Proposition de modification de la formulation de la charte de la laïcité
québécoise. Alors, d'abord,
vous verrez que c'est une proposition, c'est un avis citoyen que je vous donne,
de modification de la formulation. Donc, ça
signifie que je ne suis pas opposé au principe de laïcité.
Ce que ça implique, c'est plutôt que la modalité de l'énonciation, de la formulation, la modalité de
l'application légale, législative de la laïcité, pour moi, me pose
quelques problèmes.
Au
tout départ, je voudrais dire pourquoi est-ce que le principe de laïcité, pour
moi, est important. Alors, je vais d'abord
vous lire l'énoncé que moi, je propose comme substitution pour le projet de loi
de la charte. Alors, moi, je verrais une
loi qui, carrément, se limiterait à dire : «La province de Québec assure
la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes et la liberté des manifestations, à caractère
idéologique, sous réserve de la préservation de l'ordre public. La
province de Québec ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ni
aucune idéologie.»
Alors, pourquoi
est-ce que je considère que la laïcité est importante et que je tiendrais, ou,
enfin, qu'il me plairait, ou je pense qu'il serait pertinent qu'on
adopte un énoncé de cette sorte? Alors, première des choses, l'identité du Québec. Alors, il faudrait peut-être se poser la
question sur l'identité du Québec. Tout le monde se souviendra des propos de Machiavel qui, dans son Discours sur la
seconde décade de Tite-Live, disait que les trois marques de l'État étaient
le territoire, la langue et les institutions. Bon. Au Québec, nous avons
le territoire depuis 1774, mais disons 1867 d'une façon officielle. Nous avons la langue depuis 1774, la langue française
reconnue, mais officialisée en 1977. Et, comme institution, nous avions et nous avons encore la Charte de droits et
libertés de 1975, mais nous avons maintenant — et, pour
moi, c'est un moment historique que l'on vit actuellement — nous avons à nous prononcer sur la
neutralité, l'impartialité de l'État.
Alors,
la question est de savoir pourquoi est-ce que cette impartialité est si
importante. Alors, un petit peu d'histoire nous montrera que, depuis la fameuse «Quiet Revolution», la Révolution
tranquille, l'État s'est substitué, dans différents champs de compétence, à l'Église. Avant,
autrefois, je veux dire, on parlait du Québec comme étant une «priest-ridden
province». Et puis, bon, maintenant, je veux
dire, on a sécularisé la plupart des institutions de l'État. Quelle est la
pertinence? Et c'est là, finalement, ce sur quoi je veux qu'on se penche
et ce sur quoi j'ai voulu que nous nous penchions dans ce mémoire, pour la rédaction même de ce mémoire-là.
Je me suis posé la question : Quelle est la pertinence de l'impartialité
de l'État? Et là il n'y a personne qui pourra me contredire, la pertinence de
la laïcité de l'État est étroitement liée, beaucoup plus qu'à la
séparation de la religion, est étroitement liée au caractère démocratique du Québec, au caractère profondément démocratique de
nos sociétés occidentales. Il n'y a personne, ici, qui va pouvoir me
contredire.
Ce qui est l'essence
même de la démocratie, c'est le suffrage universel. Vous tous qui êtes ici
assemblés, vous avez été élus au
suffrage universel. Et le suffrage universel a été garanti comment? Par la
liberté du vote. Et comment est-ce qu'on garantit
la liberté du vote? Par son caractère secret. Lorsque je vais voter, je vais
dans un isoloir. Les membres ne doivent pas
m'influencer. Et, dans cette délibération ultime, dans cette manifestation
ultime du caractère de la délibération
citoyenne, personne n'a le droit d'intervenir pour influencer d'une quelconque
manière le scrutin, sinon le scrutin est nul.
Si
tant est que le fondement même de notre démocratie repose sur la neutralité du
vote, la neutralité de l'État par rapport
au vote, eh bien, la question qu'on a à se poser, et ça, c'est une question
typiquement québécoise… Ici, au Québec, par rapport et en exclusivité
avec la France, nous avons décidé de donner à la raison critique la primauté
sur la raison technique. C'est-à-dire,
autrement dit, nous sommes les seuls États au monde qui enseignons et obligeons
l'apprentissage de la philosophie à
la fin du cours secondaire. Donc, la raison critique, pour nous, était
extrêmement importante.
Quelle est la caractéristique
foncière de la raison critique? C'est d'être radicale, d'aller à la racine des
choses. Le parlementarisme… On nous a
trop traités de colonisés, nous, Canadiens français, nous, Québécois. On nous a
traités… Finalement, on a parlé de
notre profonde aliénation, la Conquête anglaise étant supposément cette aliénation.
Mais je pense justement qu'une charte
de la laïcité, c'est la capacité pour nous de nous réapproprier ce legs du
parlementarisme britannique, ce legs qu'est la démocratie.
Et
comment on se le réapproprie? En allant radicalement jusqu'au fond de qu'est-ce
que c'est que la démocratie, c'est-à-dire
le suffrage universel, qui implique la neutralité de l'État, et en
disant : Si c'est vrai, la neutralité de l'État au moment du vote, au moment du scrutin, pourquoi
est-ce que ça ne serait pas vrai pour tout le temps? Le citoyen, il n'est pas
délibérant seulement au moment du vote. Il
est délibérant du moment de sa majorité jusqu'à sa mort. Et on lui demande
son avis à chaque élection. De sorte que je pense que c'est une spécificité
typiquement québécoise de dire : Bien, la neutralité de l'État, de tout l'appareil d'État, s'implique puisqu'elle
est là pour garantir ce fondement même de la démocratie, qui s'exprime
dans le scrutin et qui est la vie même, le sens même de la citoyenneté,
c'est-à-dire la délibération.
Et
l'État doit être neutre, l'État doit être impartial. L'État ne doit pas
subventionner aucune forme d'idéologie, doit être impartial, ne pas prendre parti, ni pour une chose ni pour une
autre, sinon que, je veux dire, d'entériner les lois, sinon d'entériner les constitutions que le peuple
aura choisies. Mais, en dehors de ça, l'État ne doit pas suggérer aucun choix à un individu. Être de telle religion, de
telle appartenance, je regrette, mais ce n'est pas le rôle même de l'État.
C'est le rôle de la délibération des partis politiques, des organismes
d'influence dans la société civile.
De sorte que, pour ce
qui est de la laïcité, je pense que, plus que de se cantonner à des, comment
dire, signes ostentatoires et puis des
réglementations par ci, des réglementations par là, qui ont leur valeur d'être,
qui ont leur raison d'être évidemment, je pense qu'on devrait arriver et
puis, comment dire, faire une loi dont l'énoncé pourrait tenir en quelques lignes et puis, tout le reste des
clauses… — je ne suis
pas nécessairement en désaccord avec toutes les clauses de la charte du projet de loi n° 60 — que les autres clauses soient reléguées à la
rubrique réglementaire. Alors, le règlement est là pour appliquer la loi, donc les clauses de la charte seraient dans
la rubrique réglementaire, et l'énoncé lui-même, l'énoncé de la laïcité,
lui, je vais dire, est un universel, un impondérable.
Je
vois mal comment Ottawa, comment quelque charte des droits de la personne
pourrait arriver et dire : Bien, écoutez, État du Québec, vous
n'avez pas le droit de ne pas employer l'argent de la population pour
subventionner la religion unetelle, ou
l'opinion unetelle, ou l'opinion unetelle. Ça serait la fin du pacte fédératif,
ça serait la fin même du pacte démocratique. À ce moment-là, c'est pour
ça que je dis que c'est quelque chose d'extrêmement important, de pouvoir se
pencher sur ce moment où on décide comment…
Quelle est
l'institution qui nous représente le plus, nous, Québécois, dans notre identité?
L'institution qui nous représente, c'est la
démocratie, la démocratie laïque, un point c'est tout. Nous avons notre langue
française, nous avons notre territoire, nous sommes un État laïque, un
point c'est tout. Et cette laïcité, bien, que voulez-vous, c'est la neutralité
de l'État, c'est l'impartialité même de l'État.
Et je pense que, pour
ce qui est des autres clauses de la charte ou du projet de loi, je pense qu'à
ce titre-là, si on analyse les…
Le Président (M.
Ferland) : M. Rioux, je dois vous…
M. Rioux (Alain) :
Seulement terminer. Si on analyse les articles de cette clause-là, ils ne
pensent pas…
Le
Président (M. Ferland) : Mais nous sommes rendus, M. Rioux, à
l'étape des échanges avec les parlementaires.
M. Rioux (Alain) :
Enfin, on me posera des questions.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, la parole est à vous, M. le ministre.
M. Drainville :
Merci, M. Rioux. Vous aurez effectivement le… Faites comme on fait des
fois : ne répondez pas à la question, finissez votre exposé.
M. Rioux (Alain) :
Bon, bien, je vais le finir terriblement rapidement. C'est-à-dire…
M. Drainville :
Vous savez bien que c'est une blague. Je ne fais jamais ça, puis ni mes
collègues autour de la table. Ils ne font jamais ça.
• (15 h 20) •
M. Rioux
(Alain) : …disons que, les
clauses de la charte, je pense que… Si on les analyse en dehors d'un énoncé vraiment formel de la laïcité, je pense
que les clauses de la charte, certes, peuvent être sujettes à caution et
peuvent être contestées
en vertu de déclarations de droits, parce qu'on met l'accent sur qu'est-ce qu'un
individu doit faire ou ne doit pas
faire. De savoir, évidemment… bien, la longueur, la grosseur, la profondeur
d'un signe ostentatoire, bien, on n'est quand même pas dans la Chine populaire avec la jupe Mao non plus, là, la
jupe-culotte de Mao. Donc, ce que je veux dire, c'est qu'il faut faire… Dans une, comment dire… Pour ce qui est d'un
règlement, d'accord. Mais, pour ce qui est d'une loi, la loi, elle, doit
être au-delà de toute discussion.
Le
Président (M. Ferland) : …M. Rioux, que M. le ministre avait
quand même une question à vous poser, je crois, hein?
M.
Drainville : Je vois que vous mettez en pratique rapidement
mon très mauvais conseil. Alors, vous êtes un diplômé en philosophie?
M. Rioux (Alain) : Oui.
M.
Drainville : Hein, c'est
ça? Et, si je comprends bien, votre mémoire de maîtrise
portait sur la laïcité de l'État.
M. Rioux (Alain) : Mémoire de
maîtrise dirigé par Mme Josiane Boulad-Ayoub, qui est titulaire de la chaire UNESCO des fondements philosophiques de la
démocratie et de la justice, portait… avec pour titre La laïcité, état des
lieux. Et puis, dans cette
discussion qui était mon mémoire, j'en suis parvenu au fait que, finalement, la
laïcité ouverte dont on parlait, à la
Bouchard-Taylor, je ne l'ai pas dit clairement, dans mon mémoire, de cette
façon-là, mais n'était finalement que
de la démagogie, de la dictature de la majorité et ne remplissait pas
réellement les conditions d'un État démocratique, c'est-à-dire d'assurer
la délibération par l'impartialité même.
M.
Drainville : M.
Rioux, si je peux me permettre, de dire que la commission Bouchard-Taylor et
son rapport n'étaient que de la
démagogie, je vous le dis, j'ai un problème avec ça. Même si M. Bouchard n'est pas nécessairement d'accord avec moi — c'est
le moins que l'on puisse dire — je pense quand même qu'on devrait faire
l'économie des excès de langage, et
restons, je dirais… Je pense que vous pouvez exprimer la même idée avec
d'autres mots, si vous me permettez.
M. Rioux
(Alain) : Ce n'est pas tant
les propos, c'est le concept — parce que c'est une déformation
professionnelle, lorsqu'on fait de la
philosophie, on travaille avec des concepts — et c'est le concept même de laïcité ouverte,
je pense à l'oeuvre de Marcel Gauchet
en particulier, ou à l'oeuvre de David Gauthier, et puis, après, l'analyse même
de Will Kymlicka. Après l'analyse de
ces oeuvres-là, je me… Bon. Et puis, bon, les classiques, Rousseau, et tout ça.
Il faut faire une distinction, lorsqu'on parle de laïcité, la laïcité
sert à quoi, entre la démocratie, c'est-à-dire la défense du bien commun, et le
bien commun aujourd'hui, en modernité, c'est la liberté, c'est la délibération,
et la défense d'un bien commun qui serait la somme,
la totalité des choix individuels, ce qui ferait que ça serait toujours la
totalité des choix individuels moins un qui vient à venir. Donc, vous auriez une dictature de la majorité. Il y en
aurait toujours un de côté qui n'aurait pas entériné… que l'État n'aurait pas entériné son droit, et là,
bien, on tombe dans ce qu'on appelle la démagogie, c'est-à-dire la dictature
de la majorité. C'est strictement au niveau du concept que je parle.
M. Drainville : Oui, je sais,
mais…
M. Rioux (Alain) : Je n'attaque pas
les personnes.
M.
Drainville : …faisons l'économie de ces mots-là quand même, si on peut, là. Je
veux juste revenir à votre concept, le concept central de votre présentation.
Dans le fond, vous êtes d'accord sur le principe de la laïcité. Vous pensez que
c'est important de l'inscrire quelque part. Ça, on s'entend, n'est-ce pas?
M. Rioux (Alain) : …
M. Drainville : Hein?
M. Rioux (Alain) : C'est foncier.
C'est foncier.
M. Drainville : C'est
foncier. Bon. C'est la manière de le faire, dans le fond, qui cause matière à
débat.
M. Rioux (Alain) : Bien, parce que je
pense qu'une… c'est que le…
M.
Drainville : Qui est matière à débat, dis-je bien, qui est
matière à débat. Excusez-moi, il y a un peu de fatigue. Alors, vous, vous dites : Plutôt que d'y aller avec un projet de loi comme le gouvernement le propose, vous devriez adopter une
déclaration générale — que vous nous soumettez — et, les aspects plus spécifiques, la
mécanique notamment, ça devrait faire l'objet d'une série de règlements.
M. Rioux (Alain) : Moi, à mon avis.
Écoutez, je ne suis pas juriste, ce n'est pas ma formation.
M.
Drainville : Oui, bon.
M. Rioux (Alain) :
Vous, vous aviez une armée de juristes pour faire votre projet de loi.
M. Drainville : Mais laissez-moi juste terminer ma question,
M. Rioux. Si la démocratie est à ce point importante pour vous — et je
ne doute pas qu'elle le soit…
M. Rioux (Alain) :
…
M. Drainville : …elle l'est pour nous tous, vous avez bien raison — est-ce que vous croyez que c'est sage de dire
au législateur : Contentez-vous
d'une déclaration générale, et, pour ce qui est du champ
d'application, pour ce qui est des modalités,
des moyens de mettre en pratique ces principes, on envoie tout ça du côté de
l'Exécutif? On envoie tout ça au
ministre, puis on envoie tout ça au Conseil des ministres, et donc on dessaisit le Parlement d'une bonne partie de sa
capacité de légiférer, là. Vous comprenez ce que je dis, n'est-ce pas?
M. Rioux (Alain) :
Oui, évidemment.
M. Drainville :
Est-ce que ça ne pose pas un problème, justement? Est-ce que ce n'est pas une
entorse à un principe fondamental en démocratie, c'est-à-dire de… hein?
M. Rioux (Alain) :
Je ne pense pas.
M. Drainville :
Non?
M. Rioux (Alain) :
Je ne pense pas, dans ce sens où, si vous faites un énoncé général de la sorte
que je vous propose, enfin, qui, finalement, je veux dire, est presque une
traduction de la loi française de 1905, il n'y a pas de déclaration des droits de la personne parce que
cela s'applique à l'État, la province de Québec. Bon, à savoir si les clauses de la charte de la laïcité ou du projet
de loi n° 24, le législateur doit voter sur ces clauses-là, moi, je me dis : Si vous le mettez dans un projet de loi, c'est tout le projet… c'est toute la loi — et là on se pose la question sur l'énoncé lui-même — c'est
toute la loi qui peut être remise en cause, parce que vous dites à des
personnes x et y, vous leur dites : Vous n'avez pas le droit de faire ci
ou de faire cela, d'exprimer telle ou telle religion. Et là il y a les
problèmes de hiérarchie des droits auxquels…
moi, à laquelle je ne crois pas. Donc, il y a des problèmes de hiérarchie des
droits, la liberté d'expression
versus le fait que je travaille, est-ce que j'ai le droit de porter le foulard,
est-ce que j'ai le droit de porter la croix, est-ce que j'ai le droit de
porter la kippa, enfin, etc. Ça n'en finit plus.
Et puis moi, je me
posais la question… Pour ce qui est de la contestation juridique, ça devient
beaucoup plus difficile de contester une loi
très simple, un énoncé très simple, vous comprenez. Et après ça, lorsque
quelqu'un arriverait et dirait :
Bien, je veux dire, moi, je ne suis pas d'accord avec ce règlement, je vais
devant les tribunaux, parce que c'est le recours qu'on a, bien, on
dirait : Bien, la loi est là, et puis c'est la consécution de la loi.
M. Drainville :
Très bien. On comprend, je pense, votre proposition. Passons maintenant…
Retournons au principe, si vous me le permettez. Parce que, dans le
fond, ce dont on parle, c'est une question de moyens, on pourrait discuter longtemps,
j'aimerais mieux qu'on revienne sur les principes. Vous, là, dans votre esprit,
là, que ce soit par voie de règlement ou par voie législative, là, dans votre
esprit, est-ce que la neutralité religieuse de l'État doit se traduire par
l'obligation de l'employé de garder pour
lui, ou pour elle, ses convictions religieuses lorsqu'il travaille pour ses
concitoyens, et donc absence de signe religieux pendant les heures de
travail?
M. Rioux (Alain) :
L'impartialité de l'État implique l'impartialité de tous les employés de
l'État.
M. Drainville :
Y compris dans leur apparence?
M. Rioux (Alain) :
De tous les employés de l'État, y compris… Oui, parce qu'un signe… On nous a
parlé souvent de la barbe. J'écoutais madame hier, et puis elle me parlait des
hommes qui portaient la barbe, je me disais : Qu'est-ce que ça serait si c'étaient les femmes qui la
portaient, la barbe? Mais enfin toujours est-il que, pour ce qui est des signes en tant que tels, le signe n'est pas un
organe naturel, c'est une fiction, c'est un symbole. Vous comprenez? Et un
symbole, ça lance un message. Eh bien, je regrette, mais, je veux dire, lorsque
vous êtes employé de l'État, vous êtes lié,
comment dire, à être complètement impartial, à ne rien suggérer à personne.
Vous êtes l'État en action. Lorsque je suis postier… Bon, évidemment, ce n'est pas le cas ici, au Québec, mais,
lorsque je suis postier ou lorsque je suis enseignant, ou bien
infirmier, ou bien ministre, ou bien quoi que ce soit, je suis à l'emploi de
l'État. Et les fonds citoyens sont là pour
garantir la délibération et ne sont pas là pour subventionner quelque forme
d'appartenance religieuse, de
prosélytisme, de propagande, tout ce que vous voudrez. L'État n'est pas là pour
ça. C'est le rôle de la société politique.
M. Drainville :
Oui, oui, oui. Mais qu'est-ce que vous répondez aux personnes, et il y en a
certaines qui sont venues témoigner
en cette commission déjà cette semaine, qui disent : Écoutez, vous ne
pouvez pas me demander de retirer mon signe religieux parce que ça fait
partie de mon identité profonde? Qu'est-ce que vous répondez à cet argument?
• (15 h 30) •
M.
Rioux (Alain) : Bon. Bien,
écoutez, travaillez ailleurs. Je vais vous donner un exemple… Bien, non, non,
mais c'est cru, mais je vais vous
donner un exemple : la prostitution. Les chrétiens, les musulmans et les
Juifs, hein, on va rejeter la prostitution. Mais la prostitution, sous
l'Empire romain, selon la religion romaine, la prostitution était un métier
tout à fait acceptable. La prostitution, je veux dire, en Inde, dans certains
villages, oui, que voulez-vous, il y a eu des reportages
sur le sujet, la prostitution est quelque chose de tout à fait acceptable. Pour nous, c'est quelque chose d'horrible. Et puis on n'ira
pas se… enfin, ce n'est pas le choix de carrière qu'on donnerait à nos enfants,
vous comprenez? Bon, bien, c'est la même chose. Si, moi, je veux dire, ma foi fait en sorte que je considère que tel
emploi ne correspond pas à ma volonté
profonde… Je vous donne un autre exemple, peut-être un peu moins
contraignant : Un médecin ne veut pas performer ou ne veut pas
opérer… ne veut pas commettre un avortement, est-ce qu'on va le forcer?
M. Drainville : Bien, son code
de déontologie lui permet de ne pas faire cet avortement. D'ailleurs, le projet
de loi qui est devant nous prévoit justement le, comment dire… affirme le droit
du médecin ou du pharmacien de se prévaloir
de son code de déontologie au nom de ses convictions religieuses. C'est inscrit
dans la loi, c'est l'article 12, là :
«Les devoirs de neutralité et de réserve ne peuvent avoir pour effet d'empêcher
l'application des règles déontologiques prévues par la loi permettant au
médecin [ou] au pharmacien de ne pas recommander ou de ne pas fournir des
services professionnels en raison de
leurs convictions personnelles.» Et le Code de déontologie des médecins
dit : «Le médecin doit informer
son patient de ses convictions personnelles qui peuvent l'empêcher de lui
recommander ou de lui fournir des
services professionnels qui pourraient être appropriés, et l'aviser des
conséquences possibles de l'absence de
tels services professionnels.» Et le dernier bout est très important : «Le
médecin doit alors offrir au patient de l'aider dans la recherche d'un autre médecin.» O.K., ça, c'est
important. C'est essentiellement le même esprit pour les pharmaciens.
M. Rioux
(Alain) : Mais c'est ça, donc le
médecin, par exemple, qui ne veut pas commettre un avortement va aller travailler dans un autre secteur d'un
hôpital. Le pharmacien qui ne veut pas vendre des préservatifs, disons que…
on va prendre ça à l'extrême, il ne veut pas
vendre des préservatifs, va travailler dans un autre domaine, au laboratoire
ou ailleurs. Vous comprenez? Je pense que,
si nos convictions profondes nous empêchent d'occuper un emploi, il n'y a
rien qui nous force et l'État non plus. Il
n'y a personne qui me force à, je veux dire, me présenter pour postuler pour un
concours au gouvernement. Il n'y a personne
qui me force pour travailler, je veux dire, où que ce soit, je veux dire, dans
l'État, je peux travailler dans la société civile. Je ne suis pas lésé, vous
comprenez? Comment je peux dire ça, donc? C'est la liberté dans sa plus grande
manifestation. Tandis que… Oui.
M. Drainville : La liberté
venant avec certaines responsabilités.
M. Rioux (Alain) : Bien, la liberté,
évidemment, je veux dire, implique toujours notre restriction à celle de l'autre,
évidemment. Et c'est d'ailleurs ce que l'impartialité de l'État demande, exige,
c'est justement que l'État, justement, regarde
la liberté des individus et dise : Moi, je ne dis rien, je ne dis pas
«c'est bien», je ne dis pas «c'est mal». Je veux dire, hormis le fait
qu'on pourrait supprimer cette liberté.
M.
Drainville : Très
bien. Il me reste un peu de temps, mais je vais le laisser à mes collègues de
l'opposition, M. Rioux.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le ministre. Alors,
maintenant je reconnais le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. M. Rioux, merci beaucoup. Merci beaucoup, M.
Rioux. Je vais parler un peu plus
fort pour que… Vous m'entendez bien, oui? Merci d'avoir pris le temps de
rédiger le mémoire, que nous avons tous lu, tous et toutes, et aujourd'hui
de prendre le temps de venir répondre à nos questions.
Vous dites,
dans votre mémoire, qu'il y aurait lieu… et vous l'avez mis en majuscules,
«toute idéologie», donc les signes
démontrant toute idéologie devraient être bannis. J'aimerais savoir : Pour
vous, donc, que mettez-vous dans ce… au-delà des signes religieux, là,
que l'on connaît tous, là, quels autres signes mettriez-vous à l'intérieur de
cette interdiction? Parce qu'«idéologie» veut dire évidemment «croyance»,
«conviction», mais également «opinion».
M. Rioux
(Alain) : Le sigle communiste
avec la croix et le marteau… je ne sais pas, moi. Bien, enfin, je l'ai dit
nommément, je veux dire, dans le, comment
dire… le tchador à la croix, de l'insigne gai à l'étoile de David. Bon, je ne
sais pas, moi, je veux dire, le sigle
communiste, peu importe le sigle politique, le sigle de quelque idéologie que
ce soit, parce que ce n'est pas le
rôle de l'État de dire : Bien, moi, je suis pour ça, moi, je suis pour ça,
je suis pour la diversité, puis je suis
pour le communisme, puis je suis pour le christianisme, puis je suis pour… Vous
comprenez? Ça deviendrait, comment
dire, une purée imbuvable.
M. Tanguay : Vous avez parlé de la barbe un peu plus tôt. Donc, ça, la barbe, autrement dit, l'intégrité physique,
vous n'y toucheriez pas?
M. Rioux
(Alain) : Bien, c'est parce que, je veux dire, si on parle de barbe, c'est qu'on confond la chose avec
le signe. C'est comme si je disais, en
regardant le reflet de la lune dans l'eau, je disais : Bien, la lune, elle
est dans le reflet, elle n'est pas dans le ciel. Vous comprenez? Je veux dire,
je ne peux pas confondre le signe avec la chose. Alors, la chose qui est une barbe reste une barbe. Elle n'est pas
le signe d'autre chose que le fait que je sois un homme. Que voulez-vous, là, là c'est la fin de… C'est
sûr que ça symbolise quelque chose, là, mais ça fait plus que symboliser, là.
C'est quelque chose de
naturel, ça tombe dans la nature.
M.
Tanguay : Et que
feriez-vous, juste pour bien vous comprendre, comprendre la logique, concernant
les papillotes d'un Juif hassidique, là, qui pendent le long des tempes?
M. Rioux (Alain) :
Bien, s'il a des papillotes… S'il a des papillotes, il peut les garder.
M. Tanguay :
…pas de signe. Ce n'est pas relié à sa religion.
M. Rioux (Alain) : Bien, qu'il ait des papillotes ou que ce soit un peu rasé, qu'il ait la
coupe, comment dire… la coupe champignon ou pas, je veux dire, ça…
M. Tanguay :
Pour vous, ce n'est pas un signe religieux.
M. Rioux (Alain) : Ce n'est pas un signe. Ce n'est tout simplement pas un signe.
Ce n'est pas d'abord un signe. C'est
un objet, c'est des cheveux. Un signe, c'est quelque chose qui est en
dehors de la nature. C'est l'essence même du langage d'être… C'est la fonction symbolique de l'homme d'être en dehors
de la nature et de dire les choses, de signifier l'absence d'une chose
par un signe. C'est ça, je veux dire, un signe.
M.
Tanguay : Un signe…
Lorsqu'on regarde un signe, évidemment, puis je ne veux pas faire de débat de sémantique
avec vous, mais on parle évidemment de quelque chose qui a une signification. Et, selon vous,
toute la littérature… Et, toutes celles, tous ceux qui pourraient venir
en témoigner aujourd'hui, que les papillotes, pour un Juif hassidique, ont une signification — c'est selon leur conception et leur conviction — une
signification religieuse claire, vous, par contre, là-dessus, vous
dites : Non, moi, je ne le considère pas comme un signe.
M. Rioux (Alain) : C'est parce que, dans le doute, on s'abstient, monsieur. Je veux
dire, moi, je vois des cheveux. Dans
le doute, je m'abstiens, lorsque je vois un signe qui n'est pas une chose.
Lorsque je vois un signe, une croix,
une kippa, ça, ça ne fait pas partie
de mon corps, ce n'est pas une… je ne peux pas m'abstenir, là. Là, c'est
évident. Mais, dans le doute, je m'abstiens et je dis : Bien, c'est
une chose.
M.
Tanguay : O.K. Et, pour vous — dernière question sur le sujet — pour vous, il y a un doute quant aux
papillotes, pour le Juif hassidique, quant à la portée du signe.
M. Rioux (Alain) :
Bien, je veux dire, qu'il ait ses boudins… Je veux dire, moi, si je me laisse
pousser les cheveux, monsieur, je suis bouclé de nature, si je me laisse
pousser les cheveux, je vais en avoir, des boudins, et pourtant, je veux dire,
ça ne signifiera pas du tout que je suis Juif. Je ne suis pas Juif du tout, je
suis très bien chrétien protestant et puis je n'ai pas du tout rien de commun
avec les Juifs.
M.
Tanguay : O.K. Vous parlez de la liberté qui est exprimée par
le suffrage universel et, à raison, là, vous mettez une forte emphase sur l'importance de la
démocratie. À quel niveau, diriez-vous, sur des sujets… Puis vous l'avez
constaté comme tous, là, c'est un
sujet qui est très délicat, qui est complexe, ce qui n'aide pas, et qui est
très délicat également. Donc, il faut
évidemment aller chercher le plus large consensus. C'est ce qu'on a entendu
beaucoup, beaucoup jusqu'à maintenant
dans cette commission. Vous, qu'en est-il, quant à l'expression démocratique,
d'obtenir, sur des enjeux aussi «divisifs» et délicats, dans votre
conception de la démocratie, le plus large consensus possible?
• (15 h 40) •
M. Rioux (Alain) : Je ne dirais pas : Dans ma conception de la démocratie, je
dirais : Dans la conception de la démocratie.
Je ne suis pas le seul à parler. Il faut revenir à Jean-Jacques Rousseau, il
faut revenir à Montesquieu, il faut revenir
à John Locke, il faut revenir aux auteurs fondamentaux, qui sont bien avant moi
et dont je suis un très, très humble, très pâle reflet, très humble
représentant.
La
démocratie elle-même, foncièrement elle est quoi? Elle est le suffrage
universel, le plus fondamentalement, parce que sinon, ce serait un club
privé. Alors, on sait comment la démocratie est née en Angleterre, et, je veux
dire, il n'y avait même pas 2 % du
peuple anglais qui votait en 1688, et puis, à un moment donné, il y a eu une
réforme en 1832, et puis ça a monté à 5 % de la population, puis, à
un moment donné, on en est parvenu au suffrage universel. Ça a été un petit peu la même chose en France et dans les
autres pays. Bon, au fond, la démocratie, telle qu'on la vit, telle qu'elle devrait être, c'est le contrat social, c'est le
consentement de tout un chacun envers tout un chacun pour se reconnaître en
tant que libres, en tant que libres et égaux.
Et
on exprime cette reconnaissance-là comment ? En permettant à tout le monde de voter et de se constituer en peuple souverain et en citoyen. C'est ça, le mouvement fondateur constituant de qu'est-ce qu'une démocratie. Or, comme je
vous ai dit tantôt, si le suffrage universel, sa plus grande... sa condition de
possibilité, c'est la liberté du vote, et, si la liberté du
vote est garantie par son caractère secret, alors, si on part du vote, et que
le vote est secret, parce qu'on veut protéger
la délibération, et que le caractère du citoyen, c'est d'être un
délibérant, un participant à la délibération collective, bien, à ce
moment-là, c'est tout l'appareil d'État qui doit être neutre et impartial,
laïque.
M. Tanguay : Et, pour passer une telle législation extrêmement «divisive», avez-vous une
opinion — peut-être
pas — sur
la qualité du consensus que l'on devrait normalement, comme législateurs
responsables, obtenir?
M. Rioux (Alain) : Je ne comprends pas pourquoi ce sujet. Je vais vous dire, là :
Hormis une certaine agitation médiatique, je vous avoue ma profonde
désolation de penser qu'en 2014, après tout ce qu'on a vécu, ce sujet-là soit «divisif». Ça ne devrait pas être «divisif». Ça
devrait être l'évidence. Il me semble
qu'il y a eu un manque de pédagogie en quelque
part. Pour moi, ça devrait être une
évidence, une évidence que, si... Écoutez, c'est la consécution logique que je vous dis.
Moi,
lorsque je m'en vais au bureau de vote, personne ne doit avoir de signe,
personne ne doit me forcer de voter dans
un sens, ni m'influencer ni même me forcer de voter dans un sens et dans un
autre. C'est pour ça que le vote est secret. Parce qu'autrefois le vote était public, qu'on pouvait intimider les
gens. Mais là c'est fini, ça, le vote est libre. Et, si c'est vrai pour le vote maintenant, bien, tous les
citoyens devraient comprendre que, dans leur exercice citoyen, si c'est vrai
que la neutralité de l'État, la neutralité
même du monopole de la violence, du monopole légitime de la violence... Il faut
bien le dire, c'est ça, l'État; l'armée, la
police, au départ c'est ça. C'est ça qui fait l'unité. Que voulez-vous, c'est
ça, l'État, le fondement même de
l'État de droit. Mais, s'il doit être impartial et neutre, bien, à ce
moment-là, ça doit s'appliquer à tout
l'État au complet. Et je ne comprends pas que des citoyens qui exercent leur
droit de vote ne comprennent pas ça. Ça fait depuis 1867 et même avant
qu'on vote, et qu'on ne comprenne pas ça…
C'est
comme quand on parle de concept d'égalité hommes-femmes, bien, la femme est
devenue l'égale de l'homme. Elle
était l'égale de l'homme, mais elle est devenue l'égale de l'homme le jour où
on lui a permis de voter, en 1920, avec les suffragettes à Ottawa ou en Angleterre, en 1940 au Québec. La femme
devenait l'égale de l'homme, c'est une citoyenne comme l'homme. Elle participe à la délibération collective comme
l'homme. Elle est égale. Après ça, bien, je veux dire, au moment où est-ce qu'on a affirmé ça, après ça,
bien, lentement, la femme a été éligible puis la femme a pu prendre sa place dans la société. Bien, vous voyez, comme
lien, c'est important que l'État prenne des décisions pour pouvoir influencer
d'une façon... pas influencer mais pour pouvoir permettre à la société civile
d'aller chercher les implications les plus radicales de qu'est-ce que c'est que
la démocratie, de qu'est-ce que c'est que le régime politique dans lequel on
vit.
M.
Tanguay : Vous avez dit, M. Rioux, deux choses qui ont attiré
mon attention, la première, évidemment, le constat. Puis j'ai senti votre déception du fait que ce débat-là est
très «divisif». Et vous avez dit : Il y a probablement... ou vous avez laissé entendre qu'il y avait peut-être
un manque de pédagogie à quelque part. Qui, dans une société de droit, a
une telle responsabilité pédagogique de faire ces recherches et de les
communiquer?
M. Rioux (Alain) : Je pense que c'est... pour faire les recherches et communiquer la
démocratie, je pense que c'est le devoir de l'État, parce que, là, à ce
moment-là, l'État n'entérine pas une idéologie, il s'entérine lui-même. Il entérine la liberté même du citoyen, et c'est par
le truchement des écoles, c'est par le truchement aussi des médias. Les médias ont une importance. Et, quand je dis
«médias», c'est : télévision, radio, les livres, que sais-je, les
journaux. Ce sont les médias et
évidemment c'est l'école. En dehors de ça, je veux dire... Donc, on se pose la
question : Comment il se fait que c'est quelque chose qui est
supposément si «divisif»?
M. Tanguay :
O.K. Je laisserais... Merci beaucoup, M. Rioux.
M. Rioux (Alain) :
Je vous en prie.
M. Tanguay :
Je ne sais pas si mes collègues ont... Merci.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions du
côté...
Une voix :
…
Le
Président (M. Ferland) : Ah! il reste 2 min 30 s
à peu près. Alors, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme
Weil : Oui. Vous savez, quand on parle de cette question de
laïcité... Bonjour, M. Rioux. Merci d'être là.
M. Rioux (Alain) :
Bonjour… Mme Weil?
Mme Weil :
Weil, à la française, comme Simone.
M. Rioux (Alain) :
Mais avec un W.
Mme
Weil : Même si je ne
suis pas Française. Vous savez, chaque État…
C'est intéressant quand on compare les
modèles de laïcité. La France, hein, les Québécois
pensent que, ou certains qui prônent la laïcité, le modèle français…
mais savez-vous qu'on arrête le trafic en
France, à Paris, pour des prières? Et, moi, quand je suis allée en mission en
France, ils m'ont dit : Bien, jamais,
vous, au Canada, vous accepteriez ça, parce que
vous avez des limites raisonnables. Nous, on n'est pas capables de gérer ça. On n'a pas de signe ostentatoire au
sein du gouvernement, mais on n'a pas les mêmes règles que vous
pour baliser les demandes. Et eux, ils trouvaient notre système très, très
intéressant.
Alors, juste
pour vous dire, aux États-Unis, des fois, il y a des États où
la présence de la croix dans un ministère
ou un bureau gouvernemental, ça peut être très problématique. Alors, on a eu l'exemple,
il y a quelques années, d'un fonctionnaire fédéral, ici, à Montréal, qui ne voulait pas de décorations — hein,
vous vous rappelez de ça? — qui
a dit : Non, non, non, il n'y aura pas de décorations de Noël. Je ne sais
pas si vous vous rappelez le tollé, les gens ont réagi : Mais
qu'est-ce que c'est ça? C'est l'interprétation des uns et des autres.
Alors,
hier — je
voulais savoir ce que vous dites de ça — Michel Seymour nous a dit : On ne peut
pas devancer la société et dire, bon : On efface le tableau, voici
la nouvelle société québécoise, on vous la présente, il faut que le législateur, les élus soient à l'écoute, hein,
l'écoute, qu'est-ce qui est acceptable, pas acceptable, et que l'évolution se
fasse de cette façon, sinon on a ce
genre de choc, de rupture, ce qu'on est en train de voir actuellement.
Qu'est-ce que vous en dites, de ça?
M. Rioux (Alain) : Bien, écoutez, moi, je veux dire, je serais bien prêt à ce qu'il y ait
un référendum sur la laïcité. Alors,
on ne la devancera pas, la société, c'est elle qui va décider, c'est tout. Je
veux dire, en, comment dire… En 1958, au
lieu que Westmount nous impose la Constitution de 1982 — qui,
soit dit en passant, est une constitution intéressante, mais ça a quand même été imposé — on aurait pu l'élire, cette constitution-là.
En 1958, lorsque de Gaulle a fait passer la France de la Quatrième à la Cinquième République, c'est par quel
truchement qu'on l'a fait? C'est par un référendum. Pourquoi on n'a pas
fait la même chose, un référendum?
Le
Président (M. Ferland) : M. Rioux, malheureusement, le temps du
groupe de l'opposition étant terminé, je cède la parole à la députée de
Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup. M. le Président.
Merci, M. Rioux, pour votre mémoire. Je l'ai lu. Je ne suis pas très bonne en philosophie, mais ce que je comprends bien,
c'est que vous êtes pour une laïcité de l'État, et ça, c'est évident. Mais vous
dites : Il ne faut pas regarder ce qui a été fait avec le projet de loi
ici. Il faudrait simplement reformuler et avoir un genre de déclaration
qui soit beaucoup plus simple, hein?
Cela
dit, vous écrivez, et moi, j'aimerais qu'on élabore sur cette reformulation,
vous écrivez : «La province…» Dans cette reformulation, j'en prends
juste un extrait à la dernière page, pour le bénéfice des téléspectateurs, vous
écrivez : «La province de Québec ne
reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ni aucune idéologie.»
Alors, j'aimerais qu'on discute,
qu'on parle, que vous me donniez plus de détails sur, justement, ces
subventions. Qu'est-ce que vous en pensez…
M. Rioux (Alain) :
Bien, des subventions à des écoles…
Mme Roy
(Montarville) :
…à quel égard, dans quelle mesure ça vous choque?
M. Rioux (Alain) : Des subventions à des écoles catholiques, à des écoles juives, à des
écoles protestantes, à des écoles, je
ne sais pas, islamistes, l'école… Vous comprenez, à un moment donné — je vous donne cet exemple-là, les déductions d'impôt pour le clergé, et tout ça — bien, je regrette, l'État est impartial. Si
l'État est impartial, bien, ça n'existe pas.
Et
je ne me prends pas nécessairement ou strictement le modèle français. Si le
modèle français a pu m'inspirer, ce
n'est pas le seul modèle qui m'a inspiré. Parce que souvenons-nous que Jaurès,
lorsqu'il parlait de la laïcité, disait : On va envoyer obligatoirement tous les enfants à l'école publique
laïque. Il n'y aura pas d'écoles publiques privées… je veux dire, pardon — publiques privées — il n'y aura pas d'écoles privées
catholiques. Moi, ce n'est pas ce que je dis. Je dis : Oui, il peut y avoir des écoles privées catholiques, mais on
ne les subventionnera pas. Tout le monde a la liberté… Les parents sont
libres, selon les droits, de faire élever leurs enfants de la manière dont ils
veulent.
Mme
Roy
(Montarville) : Alors, faisons de la philosophie. Si
vous dites : On ne subventionne plus rien, là, qui touche la
religion, qu'est-ce qu'on fait de tous les organismes caritatifs? Par exemple,
si on prend la fondation du Cardinal Léger,
tout ça… Parce que vous savez que ces organismes vivent beaucoup de subventions
qui sont accordées par les députés,
le gouvernement. On fait quoi avec tout ce qui est caritatif pour venir en aide
et qui a une connotation religieuse, si vous voulez?
M. Rioux (Alain) : Pourquoi cet argent-là qui est donné au caritatif ne fait pas plutôt
partie de la justice sociale puis de la solidarité sociale?
• (15 h 50) •
Mme
Roy
(Montarville) : Mais c'est une forme… Les organismes, c'est une forme de solidarité
sociale, tous les organismes…
M. Rioux (Alain) : Oui, oui, mais c'est parce
que, la solidarité sociale, on a
décidé que c'était l'État. Parce que,
justement — vous
m'ouvrez la porte — si
tout un chacun est un délibérant et participe à la délibération citoyenne, la première condition pour participer à la
délibération citoyenne, c'est de vivre. Si quelqu'un
est exclu involontairement du travail,
on ne peut pas le laisser mourir. C'est la justice de reconnaître — la
justice sociale — que
cet individu-là a le droit de vivre.
Alors,
au lieu de saupoudrer de l'argent à gauche et à droite sur des organisations soi-disant caritatives, donnons donc des budgets et puis des prestations normales aux gens qui en
ont le plus besoin. Je pense que la
députée de Gouin, elle-même, serait d'accord avec moi.
Mme Roy
(Montarville) :
Je vous remercie beaucoup, M. Rioux.
Le Président (M. Ferland) : Alors, merci,
Mme la députée. Maintenant,
je cède la parole au député de Blainville.
M. Ratthé :
Bonjour, M. Rioux.
M. Rioux (Alain) :
Bonjour, M. Ratthé.
M.
Ratthé : Je trouve
que vous avez fait une belle démonstration concernant justement
le suffrage universel, la neutralité de l'État en matière politique. Il
y a des gens qui viennent nous dire, ici, qu'on ne peut pas comparer une
neutralité religieuse puis une neutralité politique, et en disant : Non,
non, ce n'est pas la même affaire. La neutralité politique, par exemple, dans
l'affichage, on nous dit : Bien, on comprend qu'on ne peut pas avoir un
fonctionnaire qui va s'afficher pour Québec solidaire, pour le PQ, pour les libéraux, mais ce n'est pas la même chose quand on parle de religion, parce que
c'est intrinsèque à la personne. Je voudrais peut-être vous entendre un peu
là-dessus.
M. Rioux (Alain) : Bien, intrinsèque à la personne… C'est parce qu'il faut revenir à nos classiques — les gens n'ont pas fait assez d''humanité, là, hélas! — le mot «religion» vient de «religare», c'est
ce qui relie, dans le «religare», une
lecture commune de la réalité, ça relie dans une lecture commune de la réalité.
Si on veut regarder ça sous cet angle-là, même l'État est une religion.
On lie la réalité d'une façon démocratique, d'une façon commune.
La science, le
positivisme d'Auguste Comte qui dit : «Tout le réel est quantitatif, est
quantifiable», on le sait aujourd'hui avec
la mécanique quantique que ce n'est pas vrai, qu'à un moment donné le réel
résiste à la quantification mathématique,
mais, si on dit : Tout le réel est quantifiable, ça aussi, c'est une
religion, c'est-à-dire une idéologie, une façon d'aborder le réel, de concevoir les choses. La pensée
humaine — on n'est
pas Dieu — la
pensée humaine repose sur des postulats de base, et le postulat de base,
c'est un acte de foi.
Alors, moi, qu'on me
dise : Le politique, ce n'est pas la même chose que le religieux, bien, je
regrette, cet argument-là, on a presque honte
de pulvériser la pauvreté de ce genre d'argument là. Parce que, je regrette, la
religion, je sais que c'est vertical, puis
que la politique, c'est quand même plutôt horizontal, quoiqu'il ne faille pas
faire de la politique à
l'horizontale, et surtout pas de l'aplaventrisme. Mais la politique et la
religion sont deux façons de lire le
réel, différentes, mais c'est quand même deux façons de lire… c'est des
lectures du réel. Alors, à ce titre-là, je veux dire, on ne doit pas
influencer la lecture que j'ai décidé d'avoir plutôt qu'une autre lecture,
c'est tout.
M. Ratthé :
Merci, M. Rioux.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le député. Et, la
députée de Gouin m'ayant déjà signifié qu'elle n'avait pas de question ni d'intervention, alors je vous remercie, M.
Rioux, pour le temps que vous avez pris pour venir répondre aux
questions, présenter votre mémoire.
M. Rioux (Alain) :
Je vous en prie.
Le Président (M.
Ferland) : Sur ce, je vais suspendre quelques instants pour
permettre au prochain groupe, l'Association féminine d'éducation et d'action
sociale, de prendre place.
(Suspension de la séance à
15 h 54)
(Reprise à 15 h 58)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, la commission va… la commission reprend ses travaux. Alors, maintenant, nous recevons les représentants de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale. Je vous mentionne que vous
disposez de 10 minutes pour présenter
votre mémoire, suivi d'une période d'échange. Et je vais vous
demander de vous présenter, ainsi que la personne qui vous accompagne.
Alors, allez-y.
Association féminine d'éducation
et d'action sociale (AFEAS)
Mme Duval (Céline) : Merci, M. le Président. M. le
ministre, Mmes et MM. les
commissaires, bonjour. Alors, merci de nous entendre au cours de ces
auditions publiques sur le projet de loi n° 60.
Je
suis Céline Duval, présidente provinciale de l'AFEAS, Association féminine d'éducation et d'action sociale. Je suis accompagnée
de Mme Paula Provencher, première vice-présidente provinciale.
• (16 heures) •
Organisme sans but lucratif fondé en 1966, l'AFEAS regroupe 10 000 Québécoises qui travaillent
bénévolement dans 250 groupes locaux répartis dans 11 régions
AFEAS, mais présents dans 15 régions administratives du Québec.
L'AFEAS
est une organisation terrain. Sa structure démocratique favorise l'expression
des points de vue de ses membres sur les enjeux sociaux et sur les
orientations de leur organisation.
L'AFEAS
vise l'autonomie sociale, politique et économique des femmes. Depuis sa
fondation, l'AFEAS travaille sur
d'importants enjeux pour les femmes et défend leurs intérêts au niveau
parlementaire. L'égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les
sphères de la société demeure incontestablement sa priorité.
Nous sommes heureuses
d'être ici, car il est important que les différentes voix féministes québécoises
soient entendues. L'AFEAS est convaincue que
les éléments du projet de loi n° 60 s'inscrivent parfaitement dans les
valeurs qui font l'unanimité au
Québec, soit la laïcité et la neutralité religieuse de l'État de même que
l'égalité entre les femmes et les hommes.
Au fil des
ans, bien avant le dépôt du projet de loi n° 60, les membres de l'AFEAS
ont adopté plusieurs positions pour garantir la laïcité et la neutralité
de l'État et encadrer les accommodements. Dans le but de conserver l'identité sociale et culturelle des Québécoises et des
Québécois, l'AFEAS demande, en 2007, au gouvernement du Québec, une législation provinciale ferme qui permettrait la
protection des droits et coutumes de notre collectivité, l'égalité entre les
sexes et obligerait toutes les Québécoises
et tous les Québécois à respecter ces principes. Car nous croyons que le
principe d'égalité entre les femmes
et les hommes est remis en question par des demandes d'accommodement de nature
culturelle ou religieuse.
En 2009,
l'AFEAS demande à la ministre de la Justice du Québec d'insérer dans la charte
québécoise des droits et libertés de
la personne une disposition, analogue à celle de la Charte canadienne des
droits et libertés, affirmant que l'égalité
entre les femmes et les hommes ne peut être compromise au nom de la liberté de
religion et de culture. Une telle disposition
devait, selon nous, permettre de guider les décisions juridiques futures en cas
de conflit d'un droit impliquant l'égalité.
En 2010, lors
de notre congrès annuel, nous avons fait de la laïcité un élément important de
nos discussions. Ainsi, nous demandions que le Québec adopte une charte
de la laïcité qui définisse les principes fondamentaux de la laïcité, notamment
l'égalité entre les femmes et les hommes, de même qu'une loi et des règlements
applicables à l'État et à l'ensemble de la
société afin d'y enchâsser la laïcité de fait de l'État québécois, et ce, sans
renier sa propre culture. Nous croyons
que les dangers de dérive existent réellement et qu'il faut réagir avec un
signal clair. Et c'est ce qu'est une charte. Seul le gouvernement peut
rédiger un tel document et lui donner force.
Nous avions aussi demandé que l'État québécois,
l'Administration gouvernementale — ministères, sociétés d'État, conseils — et ses établissements — institutions du réseau de la santé et des
services sociaux, CPE et garderies, cours
de justice, services de police, villes et municipalités, commissions scolaires,
établissements d'éducation — affichent un caractère laïque et neutre et que ses employés, représentantes et
représentants se comportent comme tel, c'est-à-dire une image laïque d'un État laïque. La laïcité et
la neutralité de l'État doivent être personnifiées concrètement. Nous ne
croyons pas que l'interdiction de signes
religieux pour les fonctionnaires soit une exigence déraisonnable ou qu'elle
porte atteinte aux libertés individuelles.
Nous voulions
aussi que toutes les Québécoises et les Québécois aient l'obligation, dans la
sphère publique, de se conformer aux lois, codes et règlements du
Québec, incluant ceux portant sur la laïcité de l'État et les demandes
d'accommodement. Nous sommes tout à fait en accord avec le chapitre V du projet
de loi, soit celui sur les critères d'évaluation
des demandes d'accommodement, spécialement parce que le principe d'égalité
entre les femmes et les hommes y est inclus.
De plus, nous
voulions que soient interdits les vêtements, accessoires ou signes jugés
dangereux : armes blanches, vêtements
non appropriés à la pratique de certains sports, ou pouvant entraîner… pardon,
entraver le mode d'identification usuel
des personnes, notamment en cachant les traits du visage : cagoules,
voiles intégraux, niqabs, etc. — nous parlons ici de la sphère publique — et notamment pour recevoir ou dispenser un service, pour voter ou pour obtenir des
cartes d'identification.
Finalement,
il est impératif que le Québec, avant d'accepter d'offrir le statut d'immigrante ou d'immigrant à une personne
qui désire s'installer au Québec pour y vivre, s'assure que cette personne et
ses proches connaissent bien sa spécificité
et ses valeurs : État laïque, langue française, égalité entre les femmes
et les hommes, ses lois et ses règlements et s'engagent à les respecter. Un Québec interculturel avec une culture
majoritaire et des minorités ethnoculturelles où le principe d'égalité entre les femmes et les hommes
sont incontournables. Il est essentiel que ce message soit compris par
ceux et celles qui souhaitent s'installer ici.
En conclusion, les Québécoises et les Québécois
partagent des valeurs communes, une identité unique. Les membres de l'AFEAS privilégient un message
clair : Le Québec est un État laïque de langue française où les femmes et
les hommes sont égaux. Au Québec, les femmes et les hommes vivent ensemble et
bénéficient des mêmes droits et libertés.
Ils sont autonomes et participent également à la vie collective. Il est
essentiel que ce message soit transmis et compris par les immigrantes et les immigrants qui souhaitent s'installer
ici. Pour faire un choix éclairé, ils doivent bien comprendre le sens de ce message et s'engager à
respecter notre culture de même que nos lois et règlements. Nous sommes persuadés que le Québec est capable de s'élever
au-dessus de toute partisanerie pour adopter des règles qui favorisent le
mieux- vivre ensemble.
Reste-t-il du
temps, M. le Président, pour expliquer comment nous en sommes venues à prendre
ces positions?
Le Président (M. Ferland) :
Une minute environ.
Mme Duval (Céline) : Bon. Alors, ça
pourra faire partie de questions, si ça vous intéresse.
Le Président (M. Ferland) :
Je suis convaincu que vous aurez des questions. Allez-y.
Mme Duval
(Céline) : Alors, avant de
répondre à vos questions, je dois quand même vous informer qu'en aucun
cas nous ne pouvons exprimer notre opinion personnelle, ni Mme Provencher ni
moi, nous devons nous en tenir aux positions de nos membres.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, merci. Merci, Mme Duval. Merci, Mme Provencher. Maintenant, nous allons
à la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Drainville :
Merci beaucoup. Bienvenue parmi nous.
Mme Duval
(Céline) : Merci.
M. Drainville :
Bien content de vous voir. Merci beaucoup pour votre mémoire. Écoutez, il y a
vraiment beaucoup de questions que
j'ai le goût de vous poser. D'abord, on va y aller rapidement, là, tiens, avec
une citation. Page 20, vous dites :
«Une éducatrice, même si elle est très aimante et compétente — hein, une éducatrice même si elle est très
aimante et compétente — n'a pas de prise sur de tels messages — les messages qui émanent du voile, si je
vous comprends bien. Donc, elle n'a
pas de prise sur de tels messages, sur les messages qui émanent du voile — [et qui sont] reçus par les enfants,
consciemment ou inconsciemment.» Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu
là-dessus, s'il vous plaît?
Mme Duval (Céline) : Je vous donnerais un exemple que j'ai vu cet été avec ma petite fille,
puis ça reflète ça. On était au zoo à
Granby, puis elle a vu une dame qui n'allait pas se baigner parce qu'elle, en
plus du voile, elle avait tout le grand vêtement. Alors, elle m'a
dit : Grand-maman, pourquoi la dame, elle ne se baigne pas? J'ai donné une
réponse logique : Elle n'a pas de
maillot de bain. Ça passait, jusqu'à ce qu'elle me dise : Mais est-ce que
ça coûte cher, grand-maman, un
maillot de bain? Alors, sa question est : Si la dame n'en a pas, c'est
peut-être qu'elle n'a pas les moyens de
s'en acheter. Elle, elle ne voit pas, à quatre ans et demi, la nuance, ou
l'interdit, ou cet aspect-là. Bien, ça peut être variable.
Et
là les petits enfants sont allés dans l'eau, puis la dame a dû avancer dans
l'eau pour aller récupérer les enfants. Mais là, grand-maman, est-ce qu'elle a pensé d'apporter des vêtements de
rechange? Elle va tout mouiller l'auto quand elle va embarquer. Alors, voyez-vous ce qu'un enfant voit, ce n'est pas
ce que nous, on voit. Ce n'est pas ça que j'ai vu, moi. Moi, j'ai vu
quelque chose qui était comme injuste : Monsieur pouvait aller se baigner,
mais madame devait rester à l'extérieur. Mais ce n'est pas ça qu'elle a vu.
Alors, ce qu'un enfant voit et perçoit, c'est difficile de le juger puis de
l'analyser.
M. Drainville :
Je vais me faire l'avocat du diable, O.K., parce que, là…
Mme Duval
(Céline) : O.K. Allez-y.
• (16 h 10) •
M. Drainville :
…je ne vais vraiment pas prêcher pour mon clocher, je vous le dis tout de
suite, là. Mais vous répondez quoi à
celui ou à celle qui va vous dire : Mais c'est très bien, c'est très bien,
ça, qu'on voie une dame qui porte un vêtement, puis tout ça, parce que
ça vous donne l'occasion, justement, de faire de la pédagogie sur les nouvelles
religions, par exemple, les nouvelles moeurs et coutumes qui…
Une voix :
Bonne idée.
M. Drainville : …qui nous rejoignent en même temps que nous arrivent des nouveaux Québécois de tous les coins du monde, et donc habituons-nous? On est dans une société où il y a de plus en plus de diversité, et donc ce n'est pas grave, ça, que vous soyez obligée d'expliquer à votre
petite fille, lui donner toutes ces réponses-là. Qu'est-ce que vous répondez à cet argument-là? Parce que c'est un argument
qu'on entend parfois.
Mme Duval (Céline) : C'est parfait parce qu'elle a posé la question puis elle en a parlé.
Mais l'enfant qui n'en pose pas, de question,
qu'est-ce qu'il a compris, je ne le sais pas. Puis je ne peux pas
intervenir davantage dans sa question,
dans son évolution ou dans sa compréhension.
M. Drainville :
Et dans sa conscience, dans sa prise de conscience.
Mme Duval (Céline) : Bien non! Tant que ce n'est pas verbalisé, on ne sait pas ce qu'il y a
dans la tête de chacun, là.
M. Drainville : Là, vous rejoignez, je ne sais pas si vous l'avez
entendu… enfin, vous rejoignez, oui, le témoignage de Michelle Blanc,
qu'on a entendue hier. Je ne sais pas si vous l'avez entendu?
Mme Duval (Céline)
: Oui.
M. Drainville : Dans son mémoire, elle reproduisait, dans le
fond, une sorte de dialogue imaginaire. Alors, je cite le mémoire, donc, de Michelle Blanc :
«Je lis aussi et j'entends dire que ces femmes sont très dévouées — en
parlant d'éducatrices ou
d'enseignantes — et
qu'au grand jamais elles ne feraient [du] prosélytisme. Je veux bien
le croire. J'en suis même convaincue — donc je suis convaincue de
leur bonne foi.» Mais en même temps je me dis — alors là je paraphrase un peu — qu'elles n'ont peut-être pas ce qu'il faut — alors
citation — «pour
désamorcer l'inévitable session de
questionnement répétitif des enfants à l'âge du pourquoi. Elles se feront
inévitablement demander — par
l'enfant, à l'enseignante ou à l'éducatrice : Pourquoi tu portes un
foulard? Pourquoi ma maman ne porte pas de foulard, elle? Est-ce
que tu me le prêtes, ton foulard?
Pourquoi les hommes ne portent pas de foulard, eux? [...]Puis l'inévitable
pourquoi, maman, tu ne portes pas le foulard comme ma gentille
gardienne? Maman, je veux porter un foulard, moi aussi.»
Mme
Duval (Céline) : Oui, j'ai entendu ça hier.
M. Drainville :
Est-ce que vous trouvez que ça… Trouvez-vous qu'elle exagère?
Mme Duval (Céline) : Dans le sens où l'enfant le verbalise, on peut lui répondre, comme vous
avez dit tout à l'heure.
Mais, qu'est-ce que chacun des enfants comprend, voit et perçoit, on
ne le sait pas tant qu'il ne le verbalise pas.
M. Drainville : Et donc, pour vous, c'est… Vous avez fait une
réflexion. Tout à l'heure, vous nous avez interpellés en disant :
Si vous voulez savoir comment on en est arrivés à cette position-là, vous
n'aurez qu'à me poser la question. Alors, je vous la pose…
Mme Duval (Céline)
: C'est Mme Provencher qui répond.
M. Drainville : Oui. Je vous la pose, mais en même temps j'aimerais ça… Au-delà de la procédure, parce que vous vous décrivez, vous-mêmes, comme une organisation
de terrain — c'est
une expression que j'aime beaucoup, moi — parlez-nous,
au-delà de la procédure, là, comment vous avez consulté les gens, et tout ça…
Allez assez vite là-dessus parce
que, moi, ce qui m'intéresse, c'est
surtout de savoir comment vous avez… comment ce débat-là a fait réagir vos
membres, comment ça les touche.
Mme Provencher(Paula) : D'accord.
Alors, mesdames messieurs, bonjour. Alors, ça a commencé bien avant le
dépôt du projet de loi n° 60. Depuis 2007, les réactions ont commencé,
parce que, lors du congrès du mois d'août, il
y a eu un dépôt, sur le plancher du congrès, d'une proposition qui demandait
d'avoir une législation provinciale ferme au niveau des accommodements. Alors, déjà à ce moment-là, ça se
discutait dans les AFEAS locales — on en a autour de 250. Donc, la discussion était commencée, et,
pour qu'elles en arrivent à déposer le document, la proposition, c'est que
déjà elles étaient sensibles à tous les
accommodements raisonnables qui étaient demandés et des fois jugés
déraisonnables par elles.
Alors,
on a commencé comme ça, la discussion s'est ouverte. Et, à partir de là, on a
mis sur pied des formations, si vous
voulez, des sujets d'étude qui étaient, dont un, au nom de la foi, là, qui
parlait des religions, jusqu'où on peut aller au nom de la foi. Peut-on mélanger religion et la conduite de toute une
société? La liberté de religion doit-elle s'exercer sur le dos des femmes? On avait un autre sujet
d'étude qui était au niveau de l'égalité, femmes d'ici et d'ailleurs. Alors,
aucun pays dans le monde n'a réussi à
éliminer l'inégalité entre les hommes et les femmes. Qu'à cela ne tienne,
prenons conscience du chemin qu'il reste à faire. Donc, quand on dit que
tout est acquis, il reste toujours des choses à faire.
Après
ça, on a mis sur pied une activité de formation qui s'appelait Femmes et
diversité religieuse, et on a fait le
tour des 11 régions puis les 250 AFEAS locales, et on a rejoint tout
près de 3 000 membres, qui ont participé à cette formation-là,
pour éveiller notre esprit critique sur des enjeux concernant les informations
véhiculées par les médias, touchant
l'égalité hommes-femmes. C'est toujours notre cheval de bataille, l'AFEAS,
c'est l'égalité entre les hommes et les femmes, l'égalité, premièrement,
des femmes, l'avancement de la condition féminine. Ça, c'est en 2007-2008.
Après
ça, en 2009, bien, ça a été inscrit au cahier de congrès sous le critère Débat
de société, égalité hommes-femmes, la
charte québécoise des droits et libertés. Alors, on demandait, là, de façon
spécifique, que soit inscrit dans nos valeurs québécoises l'égalité femmes-hommes et que ça soit au-dessus même des
libertés religieuses et culturelles. Chacune des personnes, individuellement, peut avoir la foi, avoir des convictions
religieuses, il faut toutes les respecter, mais l'égalité
hommes-femmes — ou
femmes-hommes, si on veut, comme on dit souvent, nous autres, plus souvent,
femmes-hommes — alors,
est au-dessus de ça.
Et,
2009-2010, bien là, la décision du C.A. provincial a été de mettre la laïcité
au coeur des débats du congrès d'août 2010.
Alors, on a procédé à la rédaction d'un dossier par Mme Hélène Cornellier, qui
est agente de communications. Et, en
mai 2010, dans toutes les régions du Québec où il y a des AFEAS, elles ont
étudié les propositions en assemblée générale
régionale. Et ensuite, après qu'elles ont donné leur assentiment, bien, on l'a
apporté au congrès provincial du mois d'août 2010,
c'était inscrit au cahier de congrès, toujours sous le critère Débat de
société, et il y avait cinq propositions — vous les avez à la fin de notre mémoire — qui touchaient la laïcité au Québec. Et ça a
été adopté de façon majoritaire. C'est certain,
il y a 10 000 membres dans l'AFEAS, c'est comme une population d'une
ville, hein, c'est comme tout le monde au Québec, il y a des pour et il y a des
contre. Il y a eu un débat lors du congrès, et puis ça a été voté de façon
majoritaire. Il y a eu une
proposition qui a fait l'unanimité sur les cinq, et c'est le fait de l'égalité
hommes-femmes. Ça, c'était unanime, mais les autres ont été votées de
façon majoritaire.
Alors,
c'est comme ça que la procédure s'est inscrite, la réflexion s'est faite. Alors,
déjà en 2010, on avait déjà fait le
tour du Québec, si on veut, avec cette question-là au niveau de la laïcité. On
avait fait une étude et on disait aussi que c'était mieux de prévenir que de... tu sais, d'être en prévention au
lieu d'être en réaction, pour éviter des dérives, éviter des choses. Si, déjà, on établit des règles
claires puis on informe les immigrants, immigrantes, avant de venir ici,
comment ça se passe au Québec,
quelles sont les valeurs qui sont primordiales pour nous, bien… C'est mieux de
les prévenir qu'après essayer de réagir, après qu'il se passe des choses
qu'on aime moins, puis il faut faire des lois.
Si
on est assis ici aujourd'hui, autour de la table, ou bien donc qu'on discute à
la grandeur du Québec, c'est signe que
ce n'est pas réalisé, ce n'est pas inscrit quelque part dans une loi, puisqu'on
en discute. Sinon, c'est... Souvent, les gens, ils disent : On l'a, l'égalité, au Québec; la laïcité, elle
est là. Mais, si elle est là, puis on a l'égalité, puis c'est acquis,
pourquoi on craint de l'inscrire dans une loi? Allons-y, ça va être écrit puis
ça va être clair et net.
M. Drainville : D'ailleurs, oui, je trouvais ça
très intéressant, à la page 5, quand vous disiez, dans votre mémoire,
et je cite : «Malgré ce qu'en disent certaines personnes, [des] dangers de
dérive existent réellement, et il faut réagir maintenant. Attendre n'est pas
une option!» Hein, c'est essentiellement ce que vous venez de déclarer.
Mme Provencher
(Paula) : C'est ça que je suis en train de dire, oui, exactement.
• (16 h 20) •
M. Drainville :
Juste attirer votre attention sur un autre passage de votre mémoire où vous
parlez de la jurisprudence qui évolue.
Vous répondez, en fait, à l'argument de ceux qui disent : Cette
charte — la nôtre,
là, celle que nous discutons — elle est condamnée à l'illégalité, à
l'inconstitutionnalité, blablabla, là, bon. Alors là, vous dites, je vous
cite : «Aujourd'hui, certains
affirment que le caractère laïque proposé pour les institutions québécoises
enfreint la liberté des religions et ne passera pas le test de la Cour
suprême du Canada. Or, la jurisprudence évolue.» Et là vous donnez des jugements récents qui démontrent qu'effectivement
la liberté de religion, telle qu'interprétée par la Cour suprême, a été,
disons, mise ou soupesée en la mettant en
relation avec d'autres valeurs, comme l'égalité hommes-femmes, si bien que,
dans un certain nombre de jugements, elle
n'avait plus nécessairement préséance sur tout le reste. On a commencé, dans
un certain nombre de jugements, comment dire, à donner un poids relatif à la
liberté de religion en rapport à d'autres principes
et d'autres valeurs, comme l'égalité hommes-femmes ou le critère de sécurité
dans le cas des utérites. Alors, comment vous réagissez, vous, quand vous
entendez dire que c'est écrit dans le ciel que cette charte va être déclarée
inconstitutionnelle?
Mme Duval (Céline) : Ce n'est pas écrit dans le ciel, puisqu'on a des preuves que la
jurisprudence évolue. Donc, si on
arrive bien préparés puis qu'on a tous les bons arguments, je ne vois pas pourquoi
on ne pourrait pas le faire, puis, de
toute façon, il y a
une clause dérogatoire. À la toute limite, si on n'arrive pas à le faire de la
façon qu'on veut, on peut quand même le faire en utilisant la clause «nonobstant». On a un moyen de le faire. Si ce n'est pas le moyen qu'on choisit le
premier, il y a le deuxième, qui est la clause «nonobstant». Donc, c'est
possible.
M. Drainville :
Sur la... Voulez-vous rajouter quelque chose, Mme Provencher?
Mme Provencher (Paula) : Non, non. Je lui fais penser, elle a des
exemples, là, au niveau de la cour, de la charte, là.
Mme Duval (Céline)
: Oui, ça va.
M. Drainville :
Oui, c'est ça.
Mme Provencher (Paula) : Tu avais des exemples concrets, là, des gens qui ont passé à la cour. À
un moment donné, il y en a eu, des
questions, là, des gens qui voulaient être exemptés, là, dans les cours...
Quand ils ont ôté les cours religieux
dans les écoles, il y en a eu, des jurisprudences,
à un moment donné, qui ont dit que ça n'enlevait pas le droit
de pratiquer une religion, même s'il n'y avait
plus de cours de religion dans les écoles, là. Ça fait qu'on voit que la
cour... quand il arrive des jugements...
M. Drainville :
La position que vous avez prise sur la charte, là, le vote...
Mme Duval (Céline)
: Le vote comme tel...
M. Drainville :
Oui. Le vote comme tel, il a eu lieu quand?
Mme Duval (Céline) : Il n'y en a pas eu, parce
que notre congrès a eu lieu au mois
d'août. Au mois d'août 2013, ce
qu'on a fait, c'est qu'on voulait s'assurer que nos membres étaient toujours
informés de tout ça, on a tenu un atelier où Mme Michèle Sirois, que
vous avez entendue tout à l'heure, a donné une conférence. La première partie
était Qu'est-ce que la laïcité? La deuxième partie était Comment la désécularisation s'est faite au Québec
pour qu'on en arrive à avoir un État
laïque. Et ensuite elle a
présenté les positions de l'AFEAS aux membres qui étaient là. Parce que,
vous avez vu, ça s'est échelonné de 2007...
M. Drainville :
Sur plusieurs années, oui.
Mme Duval (Céline) : ...à 2010, alors peut-être que certaines de nos membres n'étaient pas au
congrès en 2007 ou en 2009. C'était
pour raviver tout ça. Personne n'a demandé à voter contre ça, ou à ramener, ou
à réétudier. Au contraire, Mme Sirois
a été invitée dans de nombreuses AFEAS locales pour aller donner cette
conférence, et les gens ont invité la population à venir comprendre qu'est-ce que c'est, la
laïcité, comment ça s'est fait au Québec puis qu'est-ce
que l'AFEAS demande. Donc, on a fait un travail terrain à
partir de nos positions, avec l'aide de Mme Sirois, qui, soit dit en passant,
est membre AFEAS.
M. Drainville : Alors, à certains égards... Vous ne le dites pas
comme ça, parce que vous vous gardez une petite gêne, par
modestie, mais, quand j'entendais la séquence tout à l'heure, là, 2007, 2009,
et tout le reste, vous seriez peut-être
tentées de dire que la charte, c'est la conclusion logique ou l'aboutissement
d'un travail que vous, vous faites dans vos rangs depuis plusieurs
années.
Mme
Duval (Céline) : Ce n'est pas moi qui le dis. Merci de le souligner.
M. Drainville :
C'est ça.
Mme Provencher (Paula) : On a fait un travail terrain de longue haleine, parce que les membres
ont commencé… et le fait... Quand
elles ont déposé, en 2010, une proposition sur le plancher du congrès, ça a
forcé la discussion de toutes les
déléguées présentes. Et puis cette proposition-là a trouvé l'assentiment, et
après ça on a continué à la travailler. Mais, quand vous dites : Est-ce que vous avez consulté vos membres au
sujet du projet de loi n° 60?, bien, vous l'avez déposé le 10 septembre, et notre congrès a eu lieu
la troisième semaine du mois d'août. Alors, on ne l'avait pas entre les mains,
vous ne l'aviez pas déposé encore, ça fait
qu'on ne pouvait pas... On peut toujours les consulter à l'interne, comme ça,
mais on l'avait présenté au congrès, puis...
M. Drainville :
Mais, pour une organisation terrain comme la vôtre, quand on ne prend pas la
bonne position, habituellement le téléphone sonne, puis on s'en
aperçoit, les membres réagissent puis ils disent : Là, là, je ne suis pas
d'accord du tout avec...
Mme Duval (Céline)
: Non. On a...
M. Drainville :
Comment ça a réagi, justement? Vous avez pris position. Est-ce que vous...
Mme Duval (Céline) : On a effectivement quelques membres qui ont réagi au fait que nous
avions, comme conseil exécutif, dit
qu'on était favorables à la charte, et certaines personnes ont communiqué pour
demander sur quoi on se basait pour
avoir dit ça, peut-être des femmes qui n'étaient pas au congrès et qui
n'avaient pas pris conscience, là, de l'évolution de tout ça, et, après explication,
tout le monde était d'accord. Alors, on n'a pas eu de controverse ou d'élément…
des questions, des questionnements, puis, après réponse, ça a bien été.
M. Drainville : Puis, le débat qu'on a eu depuis le mois de
septembre, grosso modo, là, dans sa partie, disons, plus intensive, il y a eu quand même
beaucoup d'arguments qui ont été mis sur la table, de part
et d'autre du débat, est-ce qu'il y a certains arguments des personnes contre
la charte qui vous ont ébranlées, ou est-ce que vous êtes aussi
convaincues que vous l'étiez?
Mme Provencher (Paula) : Oui. Quand on dit… Je peux revenir, là, pour… Je vais répondre aussi à
votre question, mais, quand on dit
qu'on ne les a pas consultées, je me souviens qu'on a eu des conseils
d'administration depuis ce temps-là. On
n'a pas eu d'autre congrès depuis le mois d'août, mais ça fait deux conseils
d'administration qu'on a. Donc, à ce
moment-là, on en a discuté, là, de notre assentiment, le fait qu'on donnait
notre aval, notre consentement à dire : Le projet de loi
n° 60…
Et
puis c'est sûr que c'est au niveau des signes ostentatoires, là. Peut-être,
l'inquiétude des femmes était qu'on ne
veut pas faire perdre le travail à d'autres femmes, hein, tu sais, c'est ça,
l'inquiétude aussi qu'il y avait. Mais, comme il y a une période… On dit, là, dans la loi, là, qu'il va y avoir une
période de transition, il va y avoir un dialogue d'établi. Comme en
discute déjà dans le moment, toutes les personnes qui sont concernées, qui se
sentent concernées par cette partie-là, là, du projet de loi, suivent les
débats sûrement pour voir… ils ont déjà amorcé une réflexion. Et, quand le projet de loi, s'il est adopté tel quel, ou
amendé, ou bonifié, on ne sait pas, au fil d'arrivée, s'il va être voté de
façon intégrale, le projet de loi, ou
s'il y aura des changements, quels qu'ils soient, mais, à ce moment-là, après
qu'il va être voté, les gens vont avoir une période de temps, selon ce
qu'on lit, là, de dialogue, en tout cas de transition…
M. Drainville :
Oui. Non, vous avez raison.
Mme Provencher (Paula) : …pour se faire une idée avant de… À ce moment-là, c'est sûr qu'il y a
des personnes qui vont avoir des
choix à faire, dire : Bon, bien là, moi, je me conforme à ce qui a été
voté selon la loi ou… Ça donne le
temps de se chercher un autre travail. En tout cas, c'est ce qu'on a discuté
ensemble. Parce que c'était l'inquiétude des gens de ne pas faire perdre l'emploi aux femmes, mais, d'un autre côté,
ils tenaient quand même à ce que, le principe de base, l'égalité femmes-hommes, rien ne vienne entraver ça. Et, s'il y a
des signes religieux ostentatoires ou des choses de même contraires à ces valeurs-là, on maintient notre position à
l'effet d'appuyer la présentation du projet de loi n° 60 tel qu'il
est présenté dans le moment.
Le Président (M. Ferland) : Mme Provencher, le temps imparti à
la partie ministérielle étant terminé, je dois me diriger vers la partie
d'opposition officielle. Le député de LaFontaine.
• (16 h 30) •
M.
Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Mmes Duval et
Provencher, merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui. Merci d'avoir pris le temps de rédiger le mémoire, et de
nous le présenter aujourd'hui, et de répondre à nos questions. C'est
réellement apprécié.
Je ne vous
poserai pas de question sur l'aspect juridique, l'aspect constitutionnel. Vous
avez vu comme tout le monde
aujourd'hui, là, La Presse, on voyait : La charte
taillée en pièces par le Barreau, et je citais le titre de La Presse.
Vous avez vu la Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse qui a également taillé en pièces le projet de loi. Je ne vous parlerai pas de l'aspect
juridique. J'aimerais revenir sur votre préoccupation que vous avez exprimée,
de certains de vos membres, quant à la
gradation des sanctions et l'article 14, peu importe le numéro, le
principe qui est dans le projet de
loi, qui est l'article 14, qui fait en sorte qu'ultimement une femme ou un
homme perdrait son emploi. Vous avez…
Et ma question est sur votre réception… ou les commentaires que vous auriez sur
la position de la Fédération des
femmes du Québec. Vous le savez mieux que moi, mais, peut-être pour les gens à
la maison, la Fédération des femmes du
Québec, qui représente, qui regroupe 185 organisations de partout au
Québec, un réseau très, très bien implanté, plus les membres
individuels, plus de 650, la Fédération des femmes du Québec émettait un
communiqué de presse le lendemain du dépôt
de la charte du PQ, le 8 novembre, et je vais vous en faire une citation,
puis j'aimerais que vous me disiez comment vous avez reçu ça, vous, dans
le mouvement.
Je cite le
communiqué de presse de la FFQ : «Le gouvernement persiste et signe en
affirmant que ce projet de loi vise à
préserver l'égalité entre les femmes et les hommes. Or, un bon projet féministe
fait avancer le droit de toutes les
femmes à l'égalité sans créer l'exclusion de certaines d'entre elles.» Et là on
cite la présidente, Alexa Conradi : «"En interdisant le port
de signes religieux par toutes personnes au service de l'État québécois, le
principal employeur des femmes au Québec,
le gouvernement officialise la discrimination au nom des — et
mettre entre guillemets — 'valeurs
québécoises', affirme Alexa Conradi, présidente de la Fédération des femmes du Québec."»
J'aimerais — et
ce sera ma question, je vais laisser mes collègues
poursuivre avec d'autres questions — savoir,
vous, cette préoccupation-là, qui a eu des échos également dans votre
organisation, là, comment vous la recevez, cette vive préoccupation là.
Mme Duval
(Céline) : L'égalité entre les
hommes et les femmes, c'est incontournable. On ne peut pas passer à
côté, on ne peut pas dévier, c'est ça, la norme. Maintenant, que certaines
femmes, de par le port de signes religieux, puissent
éventuellement, comme vous l'avez dit, être exclues d'un poste
ou d'un travail, c'est une réflexion qu'on a faite, ce matin, ensemble. On disait : Moi, j'ai une soeur religieuse
qui a eu beaucoup de difficultés à se départir de son costume
religieux quand ça a été le temps, dans les
années 60. Elle en a beaucoup souffert. Elle a souffert d'insécurité, de peur,
de culpabilité, d'inquiétude, de ne plus
convenir aux normes de sa communauté, de... bon, tout ça. Toute cette souffrance-là,
ce serait la même pour une personne qui
voudrait retirer son voile ou son signe religieux. Mais toute cette
souffrance-là est complètement inutile le jour où on dit : Il n'y en a pas, de signe
religieux. S'il n'y en a pas, tu n'as pas à l'enlever. Si tu n'en portes
pas, de signe religieux, on ne t'obligera pas de l'enlever.
Donc, en
écrivant une charte, en écrivant un règlement, c'est sûr qu'il y a une période de
transition, qu'il y a une période
de passage qui va être difficile. Mais, une fois que le principe est établi
puis qu'on sait que c'est comme ça, on n'aura plus cette difficulté, ou
cette douleur, ou ce déchirement entre ma foi, ma conviction profonde, et mon
travail.
M. Tanguay : Dernière question, là, réellement, avant de céder la parole à mes collègues.
Dans les regroupements de femmes, la
fédération, le vôtre, le fait qu'il y
ait cette division, quand même, assez profonde... on la voit
dans la société, mais on la voit également au sein des regroupements de femmes
féministes pour le droit des femmes. Et,
tous, nous en sommes tous, évidemment, pour la défense, évidemment, de
l'égalité femmes-hommes. Comment recevez-vous aujourd'hui cette division
profonde là dans le mouvement féministe?
Mme Duval
(Céline) : C'est juste le reflet
de la société. Vous êtes, ici, des reflets de la société. Vous n'êtes pas
tous du même avis, vous ne voyez pas tous la
chose de la même façon et vous êtes tous là à en discuter. Pourquoi ça ne
pourrait pas être la même chose du côté des organisations féministes?
Mme
Provencher (Paula) : Puis on
n'est pas divisées, dans le sens aussi complètement à l'opposée. Que certaines
membres manifestent des inquiétudes, on les
respecte, parce que c'est normal, avant d'adopter un projet de loi, de donner
notre assentiment à quelque chose, de se questionner puis de dire : C'est
quoi, les impacts? Et puis c'est un... Dans le fond, les femmes, c'est avoir un sens des responsabilités de dire que,
quand je donne mon accord avec ça, au côté de ça il va y avoir telle conséquence, et puis d'y penser ensemble, puis de
s'en parler. Je pense que c'est signe… puis c'est signe que l'AFEAS est
un mouvement démocratique, que les femmes peuvent s'exprimer autour de la
table, dire leurs inquiétudes. Et c'est à nous de voir à ce qu'on ne porte pas
préjudice aux femmes, ce n'est pas ça qu'on veut, on veut l'égalité. Puis, au
moment où est-ce que c'est que la loi va être adoptée puis qu'on en discute,
là, c'est le moment...
Le pire, dans
la société, là, je dirais, c'est le moment où est-ce que c'est que ça fait le
plus mal, parce que, là, les gens...
Le processus de décision est enclenché pour les personnes qui sont déjà en
emploi puis qui vont être visées par cette loi-là. Les futurs employés, bien,
les règles vont être claires, elles vont être établies. C'est pour ceux et
celles qui sont en poste, mais, je pense, déjà, ils ont amorcé leur
réflexion, puis, au bout du compte, au bout du chemin, ils vont avoir une
réflexion à faire.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le député. Maintenant, la
députée de Notre-Dame-de-Grâce, je crois. Allez-y.
Mme Weil :
Oui. Merci, M. le Président. Merci, mesdames, d'être ici. On s'est vues en
2010. Votre position était légèrement différente en 2010. Vous n'étiez pas, si
je me souviens bien, sur les signes religieux, vous étiez sur le
comportement, à l'époque. Mais en tout cas ce n'est pas important, on est là,
en 2014.
Je
vais revenir sur cette question, parce qu'honnêtement cette question d'emploi,
il y a un cri du coeur, et je ne sais
pas si vous l'entendez comme nous, on l'entend comme élus. Nous, on a des
appels, on a des femmes qui sont très inquiètes. On a eu l'organisme COR
qui est venu, qui disent que les femmes sont en détresse actuellement, les enfants sont en détresse, les maris sont en détresse. Parce
que les maris sont très, très heureux que leurs femmes travaillent, et beaucoup sont très fiers que leurs femmes travaillent
pour le gouvernement du Québec. Il y en a quelques-unes… j'ai eu des femmes que j'ai côtoyées, en tant que
ministre, qui portaient le voile, supercompétentes, je n'ai jamais senti de… Pour moi, là, le signe
religieux, ce n'était pas… Je ne porte pas jugement sur le signe religieux,
ce n'est pas mon rôle de porter jugement.
Et, en fait, il y a beaucoup d'entre nous… surtout à Montréal, on a grandi avec
la diversité. Moi, j'ai grandi avec la diversité.
C'est sûr qu'il n'y avait pas nécessairement des voiles quand j'ai grandi. Mais
je n'étais pas loin d'Outremont, il y avait des Juifs hassidiques. Les enfants
s'habituent à la diversité. Puis mes parents
m'en parlaient, de la diversité, puis ils m'expliquaient les religions. Mais je
n'ai pas grandi dans un milieu religieux, donc je n'ai pas senti, donc, cette problématique-là. Surtout, ce que
j'ai vu, c'est des cerveaux, des gens superintelligents, qui viennent de
partout, qui portent quelque signe que ce soit.
Et
j'ai parlé avec un prof — puis je voudrais vous entendre de ça — de l'UQAM, qui m'a dit… il a une grande
inquiétude parce qu'il a des étudiantes et
des étudiants qui portent des signes religieux, qui viennent d'ailleurs, et là,
à cause du projet de loi n° 60,
eux… et ils travaillent comme chercheurs pour ces profs, et, parce que le
financement qui… vient de l'institution, ils ne pourront plus engager
ces étudiants-là, qui sont par ailleurs brillants, hein, c'est des gens comme ça. Alors, je voudrais vous entendre sur cet
impact discriminatoire. Et on peut dire : Ah! les juristes, les avocats,
si tu veux… La règle de droit et les chartes
de droit sont là pour s'assurer qu'on vit en harmonie, hein? Il y a cet
élément-là, puis les juges vont prendre ça très sérieusement, l'impact
des mesures. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus.
Et
ma deuxième question : Sachant qu'il n'y a pas de consensus, vous l'avez
remarqué, comment est-ce qu'on peut
progresser? Est-ce que vous serez d'accord qu'on aille sur le… Des gros
morceaux, on est tous d'accord : déclarer la neutralité et la laïcité de l'État, séparation de l'État des églises,
l'égalité hommes-femmes, et des accommodements, qu'est-ce qui est raisonnable, pas raisonnable. Sur tout ça, on avancerait
beaucoup. Seriez-vous d'accord qu'on essaie de trouver donc une voie de
passage pour progresser au moins sur ces éléments qui font consensus?
Mme Duval (Céline) : C'est exactement ce qu'il y avait dans notre conclusion. Quand on dit
que nous croyons effectivement que…
dans ce que j'ai présenté comme conclusion, excusez-moi, c'est que nous croyons
effectivement que le Québec est
capable de s'élever au-dessus de toute partisanerie pour adopter des règles qui
favorisent le mieux-vivre ensemble. Si
on est capable de s'élever au-dessus de la partisanerie, ça veut dire qu'on est
capable de discuter, de comprendre,
de parler, d'évoluer, et qu'au moment où on va écrire le document il ne sera
peut-être pas un consensus à 100 % mais un consensus à 99 %,
et que globalement la société va l'admettre.
À
l'AFEAS, on est, la majorité, des mamans, on a toutes établi déjà, dans nos
familles, des règles de conduite, puis
on sait que c'est bien plus facile à gérer quand les règles sont claires puis
que tout le monde les comprend. Alors, comme
on est un organisme d'éducation, on pense qu'il faut passer par une éducation,
puis il faut que les règles soient bien
définies, puis, une fois que les gens vont les comprendre, vont avoir compris
le bien-fondé de chacune de ces lois-là, ce sera beaucoup plus facile de
les admettre dans leur vie puis de continuer.
• (16 h 40) •
Mme Provencher (Paula) : C'est certain qu'au bout du compte, si jamais… Je l'ai dit tout à
l'heure, si jamais qu'il y a la loi,
là, il va y avoir une discussion; il y a 250 mémoires de déposés. Je l'ai
dit, si, au fil d'arrivée, il y a des amendements
à la loi, je ne sais pas, une bonification, un changement, nous, on va la
soumettre à nos membres et puis on va se conformer aussi à la loi, là.
On n'est pas en réaction et contre tout ce que c'est qui se discute, mais nous,
on présente la position de nos membres, c'est ça qu'elles ont décidé. Puis, en
2013, au congrès, quand on a l'a amenée, il n'y a eu aucune réaction pour
dire : Non, ce n'est plus ça qu'on veut, on va changer. Ils maintiennent
le cap sur ces propositions-là, qui
ressemblent en tous points à ce qui a été présenté dans le projet de loi
n° 60. Alors, nous, on va de l'avant.
Puis,
c'est certain, comme je le dis, on est dans le moment peut-être le plus
difficile, parce qu'on en discute, puis ça remue bien des passions, puis même à l'intérieur de nos familles. On
peut arriver… Les gens ne pensent pas tous pareil, puis c'est normal. Mais par contre c'est un débat
qui est sain, dans une société, de dire : Bon, bien, on s'établit des
règles. Puis, si on est rendu à
vouloir avoir un projet de loi, moi, je dis : C'est qu'en quelque part il
y avait des choses qui n'étaient pas claires.
Et graduellement,
même si l'AFEAS… c'est quand même des femmes du milieu… partout au Québec, dans
250 endroits différents, dans
11 régions. Si elles pensent comme ça, majoritairement, puis qu'elles
amènent cette proposition-là de
dire : Être balisés, les accommodements raisonnables, puis toute
l'identité, là, égalité hommes-femmes, puis avertissez les immigrants,
immigrantes avant qu'ils viennent s'installer ici… Mais, pour les avertir de
quelque chose, il faut qu'il y ait une règle
claire, il faut qu'il y ait une loi. Là, on va dire : Voici, vous voulez
venir vous établir ici, bien, les valeurs, ici, au Québec, c'est comme
ça. C'est de même que ça se passe. Les femmes sont égales à l'homme, puis la
primauté du français, puis tout ce qui est inscrit, là, dans le projet de loi.
On s'en va avec ça, là. C'est avec ça qu'on fonctionne dans le moment. Et,
comme c'est un mouvement démocratique, soyez assurés que, s'il y a autre chose
qui revient, on va les consulter. S'il y a
des changements majeurs, on va les consulter. Il y a des moyens de consulter
assez rapidement maintenant.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, à peine 20 secondes, Mme la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme
de Santis : Merci, M. le Président. Merci. Je
voulais souligner que, dans notre charte des droits de la personne, on n'a pas seulement, dans le préambule, une
référence à l'égalité femmes-hommes, mais on l'a également à
l'article 50.1, où on dit que
les droits et libertés sont garantis également aux hommes et aux femmes. Et
donc ça, c'est très important. Si on veut vraiment atteindre l'égalité
entre hommes-femmes, est-ce qu'il ne faut pas aller au-delà de cette charte?
Parce que je ne vois pas comment cette charte, vraiment, ajoute… ou nous donne
un moyen d'atteindre cet objectif.
Le Président (M.
Ferland) : Alors…
Mme de Santis :
Quelle est votre opinion?
Le Président (M. Ferland) : J'ai
même laissé déborder un petit peu…
Mme Duval (Céline) : Il faut travailler
concrètement sur le terrain pour que cela advienne.
Le
Président (M. Ferland) : Excusez-moi, le temps est écoulé,
donc, je… Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de
Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, Mmes Duval,
Provencher. Je suis contente de vous voir.
L'AFEAS — peut-être,
les téléspectateurs, certains, l'ignorent — ça fait des décennies et des décennies que
vous travaillez à la promotion des
droits de la femme. Vous avez fait avancer les droits de la femme, la
protection de ses droits, et je vous salue pour ce travail-là. Parce que
ça fait des décennies, là, et c'est important de le souligner.
Et je suis
tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites, dans votre mémoire, à la
page 6, et vous venez de le mentionner
à ma collègue de la première opposition : «…nous sommes persuadées que le
Québec est capable de s'élever au-dessus de toute partisanerie pour
adopter [les] règles qui s'inscrivent dans ces principes afin de bien encadrer
le mieux-vivre...» Je suis tout à fait
d'accord avec vous. Et, tout comme vous, l'égalité femmes-hommes, au Québec, il
n'y a rien de plus important. Et je vous lève mon chapeau pour le
travail que vous faites.
Dans cette
optique-là… Et là on va s'amuser à se poser des questions. Vous venez de le
dire, l'AFEAS, beaucoup de mamans, la
majorité de vos membres sont des mères. Dans cette optique aussi où c'est très
difficile d'arriver… et même au sein
de l'organisation, d'arriver à un consensus puis que tout le monde pense la
même chose, c'est très difficile, à cet égard-ci, devant un projet de
loi semblable. Selon vous, quel est le secteur d'activité au Québec, secteur
d'activité de l'État, là, qui est le plus
important et qui ferait davantage que les autres la promotion de l'égalité
hommes-femmes? Parce qu'on sait que
le projet de loi n° 14 touche à tout, dans toutes les directions, public,
parapublic. Et les secteurs, juste pour vous les remettre en mémoire, il y a l'éducation, le municipal, la
santé, le parapublic. Alors, selon vous, lequel ferait le plus la promotion hommes-femmes ou pourrait
vraiment nous faire entrer dans la tête que c'est la base, au Québec, le
plus important?
Mme Duval
(Céline) : J'aurais de la misère
à vous le dire là, maintenant, tout de suite, parce que, présentement, l'AFEAS tient une grande tournée au Québec. On a
tenu, là… On aura tenu, en fin mars, 75 ateliers un peu partout au Québec, toutes les régions administratives. Et on
demande justement aux gens : Dites-nous ce qu'il faudrait faire, notamment
en emploi, dans la famille et au niveau de
l'engagement social et politique, pour que l'égalité soit vraiment installée au
Québec, là, pour que ce soit vrai dans les
faits. J'ai des résultats partiels, là, si je peux dire, puisqu'on a commencé
en mars 2013 à faire cette
tournée, et ce que je peux vous dire, ce qui ressort, c'est beaucoup, beaucoup
de développer, chez les gens en
général, mais chez les femmes en particulier, cette capacité à négocier pour
avoir une meilleure condition de travail,
à négocier pour obtenir de meilleures situations — les femmes n'ont pas l'habitude de
négocier — beaucoup
au niveau de l'éducation aussi,
permettre plus d'ouverture à l'éducation, puis en faisant attention de
mélanger, justement, que les gars aillent davantage dans les métiers
traditionnellement féminins, que les filles continuent d'aller dans les métiers plus masculins. Puis on sait que le
domaine de la construction, là, bien là, c'est nul, nul, là. Il n'y a rien, là,
pour les filles dans ce domaine-là,
là. Ça, c'est un domaine qu'il faut vraiment que les filles puissent investir,
parce qu'il y a de l'argent, là.
Mme Provencher (Paula) : ...
Mme Roy
(Montarville) :
Ah! Oui? Vous voulez répondre? Allez-y.
Mme
Provencher (Paula) : ...à travers
ce qu'elle dit, on voit que c'était dans le milieu travail puis le milieu de
l'éducation. La tournée, là, le rapport
n'est pas final, mais, quand on dit l'égalité hommes-femmes, bien, c'était que
les hommes aussi soient égaux aux femmes, là. C'est maintenir l'égalité,
là, dans les deux sens, là, tu sais? Alors, cette tournée-là qui a été faite — puis le rapport va arriver sous peu... Puis,
quand vous disiez, tout à l'heure : Ça fait des années que l'AFEAS travaille, oui, ça fait 47 ans,
ça va faire 48 ans en septembre, donc, que l'AFEAS étudie des dossiers. Et
c'est toujours des positions sérieuses et
bien étoffées. Puis les femmes réfléchissent beaucoup avant de dire...
d'avancer d'un pas, là. Alors, soyez assurés que, si elles avancent dans
ce domaine-là, c'est parce que c'est vraiment réfléchi.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci infiniment.
Le Président (M. Ferland) :
Merci, Mme Provencher. Sur ce, je vais aller au député de Blainville.
M. Ratthé :
Bonjour, mesdames. Je lisais, comme tout le monde, avec intérêt ce que vous
nous avez déposé puis je voulais
clarifier un point avec vous. À la page 17, vous dites : «Une
personne qui travaille dans la fonction publique doit savoir qu'un tel emploi comporte l'acceptation de certaines
restrictions. Si ces restrictions ne lui conviennent pas, elle peut toujours chercher un autre type
d'emploi.» Et, un peu plus loin, dans votre conclusion, vous nous dites :
«Aucune employée
actuelle ne devrait perdre son emploi parce qu'elle refuse de retirer son
voile», et ça m'a fait penser... Je ne sais
pas si vous avez entendu M. Michel Gauthier ce matin, ancien chef du Bloc, du
Parti québécois, M. Gauthier disait — et, je
me demandais, peut-être que ça rejoint votre pensée : Il devrait y avoir
comme des acquis pour les gens qui sont déjà là, puis donner une période
de transition pour faire en sorte... O.K., et que toute nouvelle personne qui
se joindrait à partir d'une date x,
cette personne-là ne pourrait pas, effectivement, arborer un signe
ostentatoire. Et, en lisant ça, je me suis dit : Tiens, vous
rejoignez peut-être cette position-là.
Mme Duval
(Céline) : Actuellement, les gens
qui sont là, en poste, quand elles ont été engagées, ces femmes, ou ces hommes, ces gens qui ont des signes, il n'y
avait pas de contrainte dans ce sens-là. Alors, leur faire perdre leur emploi là, maintenant, tout d'un coup, un beau
matin, ça n'a pas vraiment de sens, là. Il faut avoir un temps de réflexion,
d'étude, d'analyse, puis que chacune des
personnes puisse avoir le temps de jauger : Est-ce que je garde mon emploi
bien payé et que j'accepte de me
départir, pendant mes heures de travail, de ce que je considère comme très
important aussi dans ma vie? Mais il faudra que les gens puissent juger,
analyser, et c'est là qu'elles auront un choix.
M. Ratthé :
Donc, à la fin de ce temps d'intégration ou de réflexion, peu importe le nombre
d'années, là, si on parle d'un an ou
deux, vous dites : Le choix devrait quand même se faire et que... Et vous
abondez un peu dans le sens de M. Gauthier, de dire : Bien, par
exemple, tout nouvel employé devrait immédiatement se conformer.
Mais,
brièvement, je vois que vous êtes dans l'ensemble assez d'accord avec le
projet. D'ailleurs, vous avez une longue
expérience en termes... Est-ce qu'il y a quelque chose auquel vous avez pensé
pour bonifier, pour modifier, pour amender le projet de loi?
Mme Duval
(Céline) : Bien, nous, on n'avait
pas le mot «ostentatoire», ça fait que, là, ça règle le problème de la
grosseur, de la hauteur, de l'épaisseur, de la largeur...
M. Ratthé : ...dans votre
cas, c'est : pas de signe du tout?
Mme Duval
(Céline) : Oui. C'est ça. On
n'avait pas l'adjectif «ostentatoire» en 2010. Je ne sais pas, le mot n'était
peut-être pas rendu dans notre vocabulaire. On ne l'a pas utilisé puis on ne
l'a pas ramené en 2013, puisqu'on n'a pas retravaillé le dossier.
M. Ratthé : Donc, dans votre
esprit, ce serait : pas de signe du tout, peu importe la grosseur du signe.
Mme Duval (Céline) : Voilà.
M. Ratthé : S'il y avait un amendement
peut-être à faire ou une correction, ce serait peut-être plus, dans votre
esprit, dans...
Mme Duval
(Céline) : On ne l'a pas, là, nous, on ne l'a pas. L'adjectif
«ostentatoire» n'est pas là dans notre dossier.
• (16 h 50) •
Mme
Provencher (Paula) : Mais, vous
savez, enlever un signe religieux, ça ne veut pas dire enlever la religion
à l'intérieur. Prenez l'abbé Raymond Gravel,
quand il était député au fédéral, il n'allait pas là avec sa soutane, sa
chasuble, puis son étole, puis sa
barrette. Puis il est resté prêtre pareil. Quand il revenait chez lui, il
exerçait sa prêtrise. Le temps qu'il
a été député, il n'était pas… de lui-même.
Il n'est pas arrivé là vêtu de son vêtement religieux. Ça ne l'a pas empêché
d'être prêtre dans son âme, dans son coeur.
La preuve, il est revenu à temps
plein à la pratique de sa prêtrise.
Donc, ça n'enlève pas la foi des gens, ça.
Alors, si une
personne s'en va travailler et puis qu'elle entre au bureau travailler, qu'elle
enlève son voile, son chapeau de façon… peu importe le signe religieux
qu'il aura, ou la croix, peu importe, ça n'enlèvera pas la religion, ça. C'est comme les convictions au niveau
d'un parti politique. Tu t'en vas travailler pour l'État.
Même si tu ne parles pas de quel parti politique tu es militant ou
militante, ça ne t'empêche pas, quand tu sors de là, d'aller mettre ta croix où
c'est que tu veux puis de travailler pour le parti politique que tu veux. Puis,
en sortant, l'employé, s'il veut arrêter à
la synagogue ou au temple, à la mosquée, à l'église, il peut aller partout, là.
Ça n'enlève pas la religion à
l'intérieur du coeur.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, sur ce, Mme Provencher, nous allons aller à la députée de Gouin.
M. Ratthé : Merci, mesdames.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, Mme la députée.
Mme David : Merci,
M. le Président. Bonjour, mesdames.
Bien, d'abord, on se connaît depuis bien longtemps.
Et on sait qu'on peut être féministe et
avoir des opinions différentes. C'est la beauté du mouvement, justement.
Ce qui me permet de vous dire, avec un petit sourire, que, cette
formation que vous souhaitez pour les personnes qui veulent immigrer chez nous et que vous voulez que les
personnes comprennent des règles claires, qu'il y a des règles claires,
moi, je la donnerais à un certain
nombre de Québécois de souche aussi, hein? Parce qu'il y a quand même certains problèmes qui perdurent au Québec, dans la vie
quotidienne, dans les rapports entre les hommes et les femmes. Donc, je ne
ferais pas, tu sais, tout le temps
cette distinction entre les gens, bon, qui vivent ici depuis longtemps,
qui sont peut-être nés ici puis les gens qui arrivent, parce
qu'il n'y a pas toujours tant de différences que ça.
Mais je veux évidemment,
moi aussi, vous amener sur la question de l'emploi. Vous faites le parallèle
entre neutralité politique,
neutralité religieuse. Ça s'est fait beaucoup aujourd'hui, d'ailleurs. Je vous soumets quand même que, quand
on parle de la neutralité politique, là, on parle de la fonction publique. La fonction
publique, c'est autour de 80 000 à 90 000 personnes directement
à l'emploi de l'État dans des ministères. Mais ce que le projet de loi propose,
c'est que le devoir de neutralité religieuse, entendu comme interdiction
des signes religieux, là, s'applique à à peu près 600 000 emplois, c'est de ça qu'on parle, là, et plus que ça
si on y ajoute les emplois d'entreprises qui ont des contrats avec l'État. Vous ne trouvez pas que c'est quand
même un obstacle à l'autonomie économique des femmes, qui vous est chère, d'empêcher un certain nombre de femmes
d'avoir accès à tous ces emplois, là, c'est quand même considérable,
alors qu'on sait que l'autonomie économique des femmes, c'est souvent justement
un des chemins de leur libération?
Mme Duval (Céline) : C'est vrai que l'économie… l'autonomie économique des femmes, c'est un
chemin vers la libération. Ça, c'est
un fait. On a lu aussi puis on a vu que plusieurs femmes sont scolarisées puis
voudraient avoir un emploi mais
qu'elles ont cette inéquité ou cette… je ne sais pas trop comment on appelle
ça, cette ambivalence entre j'ai mon
bon emploi ou je garde mon signe religieux. C'est là qu'est le gros problème,
là. C'est un gros dilemme parce qu'on a
entre ma conviction religieuse, qui est un élément, puis ma conviction de
participer à la société du Québec, de m'inclure dans le pays, de
m'inclure comme personne aidant à l'évolution du Québec. Mais il faut mettre
les deux ensemble.
Mme
David : Vous savez bien que je suis d'accord avec l'idée de
mettre les deux ensemble. Mais, justement, moi, je voudrais mettre les
deux ensemble. Je voudrais qu'on ne condamne pas ces femmes-là à ce dilemme qui
est, pour elles, extrêmement déchirant, vous
l'avez bien décrit d'ailleurs. Et je me dis que, si on devait en arriver là, ça
veut dire qu'il y aurait des raisons qu'on appellerait urgentes,
essentielles, fondamentales pour dire : Vraiment, là, l'État québécois ne sera pas laïque si certains ou
certaines de ses employés portent des signes religieux. Et moi, je ne suis pas
encore convaincue de ça.
Le
Président (M. Ferland) : Mme la députée, malheureusement, c'est
le temps qui était imparti pour… Et, moi, ça me permet de vous remercier sincèrement, Mme Duval et Mme Provencher,
pour la préparation de votre mémoire et votre présentation. Alors, merci
beaucoup.
Sur
ce, je vais suspendre quelques instants afin de permettre au prochain
intervenant, M. Claude Pineault, de prendre place.
(Suspension de la séance à
16 h 55)
(Reprise à 16 h 57)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, la commission va reprendre ses travaux. Je demande aux gens de
reprendre leurs sièges, s'il vous plaît. Maintenant, nous allons recevoir M. Claude Pineault pour sa
présentation, en vous mentionnant que
vous disposez d'un délai de 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivi de l'échange.
Et je vous demanderais peut-être de présenter les personnes qui vous
accompagnent. Alors, M. Pineault, la parole est à vous.
M. Claude Pineault
M.
Pineault (Claude) : Oui, merci de nous permettre de donner
notre point de vue. Je suis accompagné de mon épouse, Geneviève Caron,
et d'une de mes filles, Manon Pineault.
Le Président (M.
Ferland) : À vous la parole, oui.
M. Pineault (Claude) : Oui, je vous présente mon mémoire. Je désire
présenter moi-même mon mémoire à la commission. Je ne suis pas un
expert, comme certains semblent se définir, mais je suis capable de faire mon
choix personnellement.
J'ai visité plusieurs
pays où il y a différentes religions telles que protestante, orthodoxe, surtout
musulmane, exemple le Maroc, la Turquie et la Tunisie.
Au
Maroc, à Tanger, j'étais dans un souk à choisir des souvenirs. On me fouille du
côté droit. Je croyais que c'était mon
épouse, mais on me fouille aussi du côté gauche. Je regarde : je vois deux
personnes avec des cagoules sur la tête. Je les ai repoussées, et elles se sont sauvées. Qui était sous ces
déguisements, des femmes, des hommes? Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c'est qu'il est impensable de
permettre à des personnes de se promener au Québec, dans les rues, les
endroits publics, enfin nulle part sauf dans les résidences ou les endroits
privés, avec de tels déguisements.
En
Turquie, à la fête du sacrifice, dans la région de l'Anatolie, j'ai vu des
milliers de brebis et autres animaux arriver par camion pour la fête du
sacrifice. Le lendemain, j'ai vu le sang de ces bêtes couler dans les rues.
À Istanbul, belle
ville, mais les minarets répartis un peu partout dans la ville, où les muezzins
ou crieurs font entendre leurs sirènes, leurs chants plusieurs fois jour et
nuit, c'est très dérangeant.
• (17 heures) •
Il
y a environ 20 ans, je me promenais seul dans les rues de Montréal et
j'étais en sécurité. Mais plus maintenant, car les gangs de rue ont pris le contrôle. Et là certains organismes et
dirigeants de parti politique, dans le but de se faire élire ou réélire,
sont prêts à nous faire reculer de 1 000 ans en arrière, ou plus,
avec des guerres de religion.
En Turquie,
j'ai visité des tunnels à la Ben Laden, des troglodytes, des maisons creusées
dans la pierre et des églises aussi
creusées dans la pierre, pour se protéger des autres religions. C'est ce recul
que même nos anciens dirigeants veulent nous faire accepter. Je suis
convaincu que ces derniers, lorsqu'ils ont visité ces pays, ils sont restés
dans les grandes villes. Je ne peux comprendre
que la charte sur la laïcité, ce sera
plutôt une charte sur la religion. La religion, ça, ça doit se passer
dans les églises, les temples, dans le privé, car c'est personnel. Si vous êtes
obligés de faire des compromis inacceptables,
laissez tomber cette charte ou faites-en un enjeu électoral. Est-il possible
que la secte du Temple solaire soit de retour parmi nous?
Si une
personne avec une cagoule a le droit de se promener en public et même de voter
aux élections, pourquoi moi, je
n'aurais pas le même droit? Car je suis un métis ou, si vous aimez mieux, un
autochtone. Et, si on recule dans le temps,
nos ancêtres — et moi
aussi — on
portait une gaine à la hanche — un poignard, si vous voulez — un mouchoir au cou, et nous pouvions relever ce mouchoir à la hauteur des yeux quand
nécessaire. Aujourd'hui, un métis ou un autochtone doit prouver ses origines pour avoir des droits au Québec et
au Canada. Pourquoi cela n'est pas nécessaire pour les personnes venues
d'ailleurs?
Certains se plaignent qu'il y a du racisme au
Québec. Eh bien, oui, c'est vrai qu'il y en a, mais il provient des groupes qui viennent s'établir au Québec, après
plusieurs années refusent de s'intégrer, nos coutumes, notre langue, et
même demandent à ce que ce soit nous qui vivent suivant leurs coutumes.
Si je vais me
faire soigner par une personne supposée d'être un médecin, féminin ou masculin,
portant un niqab et que moi aussi,
j'en porte un, qui sera sous les déguisements? Vous voyez l'aberration, le
ridicule que certains politiciens veulent
nous faire vivre au Québec? Je demande à la population du Québec de remettre à
leur place les politiciens qui ont
perdu le sens des responsabilités qui leur incombe. Et, même vous, du Parti québécois, permettre le port du niqab en déguisement dans les rues, c'est
inacceptable, car qui sera sous ce déguisement, encore une fois?
Présentement,
le 11 décembre 2013, vous pouvez consulter la radio internationale de
Radio-Canada, un reportage sur le centrafricain, où il y a eu des lynchages,
des pillages, appels à la haine entre chrétiens et musulmans. Aussi, le ministère canadien des Affaires étrangères demande
aux Canadiens d'éviter les voyages en République centrafricaine. Aussi, en Europe, il y a des problèmes avec les
religions, la France, l'Allemagne, enfin pratiquement tous les pays.
C'est cela que nos dirigeants veulent nous laisser en héritage, à nos enfants
et à nos petits-enfants? Moi pas.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. Pineault, pour votre présentation. Maintenant,
nous allons passer à la période d'échange. Alors, M. le ministre, la
parole est à vous.
M.
Drainville : Alors, merci, M. Pineault, mesdames. M. Pineault,
j'ai peur de vous décevoir, parce que, dans le fond, si je comprends bien votre intervention, vous souhaiteriez
qu'on interdise le voile intégral dans la rue, hein, le voile intégral étant le voile qui couvre le
visage, hein, que ce soit le niqab, la burqa, et vous savez qu'on ne va pas
jusque-là dans le projet de loi. Le projet de loi, ce qu'on fait, c'est qu'on reste à l'intérieur
des institutions publiques, donc les grands services publics, la fonction publique, et on ne va pas aussi loin que
les Français. Les Français, eux, sont allés jusqu'à l'interdiction du voile intégral dans la rue.
Nous, ce n'est pas le choix que nous avons fait. Et ce choix-là, le choix qu'on
a fait… Puis moi, je n'essaierai pas de vous convaincre. Vous nous avez
présenté votre vision des choses. Moi, je vais essayer de vous expliquer la mienne, la nôtre, sans vouloir vous
convaincre. Je veux juste qu'on se parle puis qu'on se comprenne.
Nous, on a
décidé, donc, de… On s'est dit : Bien, il est temps qu'on affirme la
neutralité, il est temps qu'on affirme la
laïcité parce que c'est un bon moyen de dire à tout le monde : Vous êtes
tous égaux, on est tous égaux ici, au Québec. Peu importe le choix qu'on fait, religieux, pas religieux, peu importe
la religion qu'on choisit, on est tous égaux. Et on s'est dit : La meilleure façon d'assurer ça,
dans une société où on est de plus en plus différents… Parce que vous avez
raison de dire que l'immigration, c'est une
réalité dans notre société québécoise, c'est une réalité, l'immigration, il ne
faut pas se fermer les yeux. Alors, on est
une société, donc, qui a accueilli beaucoup de gens venus d'ailleurs. On pense que c'est une richesse. Et ces gens-là, ils
arrivent avec leurs pratiques, avec leurs coutumes, avec leurs religions. Donc,
on est une société de plus en plus
différente sur le plan individuel, là, parce qu'on vient de toutes sortes de coins du monde. On s'est dit : Bon, bien, on va mettre en place, on va voter l'idée
que l'État, il est neutre, l'État, il n'est pas plus pour une religion ou pour une autre. Alors, il faut qu'il
soit neutre pour assurer justement la même liberté à tout le monde. Vous
pouvez faire le choix que vous voulez, on va
vous respecter également. Et notre
façon, comme État, comme société, de
dire on vous respecte tous également, c'est : L'État est neutre, l'État
ne favorise pas plus l'un que l'autre,
pas plus une religion que l'autre.
Et on s'est
dit : Pour que ça ait une valeur, cette neutralité-là, il faut qu'elle
soit visible, il faut que les personnes qui travaillent dans l'État ne puissent pas afficher leurs convictions,
pendant les heures de travail, là, ne puissent pas dire : Ah! bien, moi, j'ai une préférence pour telle
religion plutôt que telle autre puis je peux le montrer. On s'est dit non, on
va dire : Écoutez, pendant les
heures de travail, parce que vous devez respecter tout le monde également, puis
on veut envoyer ce message d'égalité
puis de respect pour tous, on va donc demander aux personnes de garder pour
elles leurs convictions religieuses,
de la même façon qu'on leur demande de garder pour elles leurs convictions
politiques. Donc, pas de signe, pas de signe. Il n'y a déjà pas de signe
politique, on rajoute : pas de signe religieux.
Puis on s'est
dit : Bon, c'est vrai que, ces dernières années, il y a eu des demandes
d'accommodement. Il y en a certaines,
franchement, qui allaient trop loin. On va mettre en place des règles pour
faire en sorte justement qu'on soit capables de
départager les demandes d'accommodement qui sont raisonnables de celles qui ne
le sont pas. Parce qu'on ne veut pas
que certaines demandes nous fassent reculer sur des choses importantes, comme
l'égalité hommes-femmes.
Dans votre
intervention, vous soulevez la question des élections. Je ne sais pas si vous
étiez au courant, mais, depuis 2007, quand tu vas voter, tu es obligé de
montrer ton visage. Le saviez-vous, ça?
M. Pineault
(Claude) : Oui, très bien.
M. Drainville :
Bon. Alors, le Directeur général des élections, à un moment donné, il y a eu
une controverse, tout ça, puis il a
dit : Bon, bien, très bien, quand on va voter, il faut montrer son visage.
Nous autres, dans le projet de loi, on considère
effectivement que le principe du visage à découvert, c'est un principe
fondamental, alors on dit : Pour toutes les personnes qui
travaillent dans l'État, elles doivent avoir le visage à découvert. Et, les
personnes qui demandent un service, un peu comme la personne qui va voter,
bien, dans ce cas-ci, on élargit ça pour dire : La personne qui va demander un service à l'hôpital, qui veut se faire
soigner à l'hôpital, la personne qui va dans un cours universitaire, par
exemple, peu importe le service que tu
demandes, il faut que tu acceptes de montrer ton visage. Donc, ça, j'imagine
que vous devez être d'accord avec ça,
hein? L'idée du visage à découvert, ça, c'est quelque chose…
M. Pineault
(Claude) : On verra.
• (17 h 10) •
M. Drainville :
On verra? O.K. Bon. L'autre chose que je voulais vous dire, c'est au sujet…
Quand vous parlez des groupes, là, qui ne s'intègrent pas à nos
coutumes, moi, je dois vous dire… puis je ne sais pas si on va être d'accord là-dessus, M. Pineault, mais moi, j'ai la
conviction profonde que la vaste majorité des gens qui viennent nous rejoindre, là, les nouveaux Québécois, là,
ils s'intègrent très bien à la société québécoise. Je ne sais pas si vous êtes
d'accord avec moi là-dessus, mais moi, je
vous le dis, là, j'en ai la conviction profonde. La vaste majorité des
personnes qui viennent au Québec, là, ils s'intègrent très bien.
Je
suis d'accord avec vous que, parfois, il y en a qui demandent des
accommodements, par exemple, qui vont trop loin. Et l'un des objectifs de la charte, c'est justement de clarifier
la situation, de dire : Bien là, il y a des lignes, là, claires qu'on veut mettre en place, là, au-delà desquelles
on n'est pas prêts à aller, nous, comme société d'accueil, là, on n'est pas prêts à aller au-delà. Puis, il y a eu des
demandes qui ont été faites, par le passé, qui allaient clairement trop loin.
Alors là, il faut, à un moment donné,
délimiter un peu le carré de sable, là, puis de dire : Bien, voici les
règles claires qu'on veut mettre en place. Mais je dois…
Au-delà
de ces demandes d'accommodement, là, qui ont été faites, qui sont clairement
déraisonnables, moi, je pense, j'ai la conviction profonde que la vaste
majorité des gens qui sont arrivés au Québec, qui se sont installés au Québec…
Puis, vous savez, on accueille des nouveaux arrivants, nous autres, là, depuis
qu'on existe, là. D'abord, les Premières
Nations étaient ici avant même que les Blancs arrivent. Puis, une fois que les
Français se sont installés, bien là, on
était dans une société très homogène pendant un bon bout de temps. Les
Britanniques, après la Conquête, il y en a plusieurs qui sont restés,
des Britanniques, des Écossais, des Anglais. Par la suite, la communauté juive
s'est installée très rapidement
au Québec, très rapidement. Les Irlandais sont arrivés autour de 1840, 1850,
la Grande Famine, tout ça. Notre
histoire, c'est une histoire où on accueille des gens d'ailleurs
tout le temps. Dépendamment des époques, il y a toujours des nouveaux citoyens
qui viennent nous rejoindre.
Puis
regardez ce que ça a donné après 400 ans, là, moi, je trouve qu'on est une
belle société, la société québécoise, on
est une société démocratique, très accueillante. On a une belle économie, ça
pourrait aller mieux, mais, somme toute, tu sais, on a une économie qui est très diversifiée. Le principe de la
justice sociale est très important. Les inéquités, les inégalités au Québec sont les plus faibles dans
les Amériques. Puis ça, cette société-là, on l'a construite avec des Québécois
d'origine française, mais on l'a construite
avec des Québécois d'origine anglaise, écossaise, juive, irlandaise, italienne,
grecque, vietnamienne, haïtienne, latino, maghrébine. Puis je trouve que ce n'est pas pire.
Le mélange, je pense que c'est plutôt réussi. Puis, dans le fond, c'est pour
assurer que ça continue à bien se passer, que l'harmonie continue pour l'avenir
qu'on met en place cette charte-là pour
clarifier les règles, pour préciser des grandes valeurs qui sont non négociables,
pour assurer justement le respect de tous et toutes.
Puis je ne voudrais
pas… puis, encore une fois, je respecte votre point de vue, mais je ne voudrais
pas qu'on envoie un message où on dit :
Celui ou celle qui vient d'ailleurs est d'abord une menace. Je ne suis pas d'accord
avec ça, M. Pineault. Celui ou celle
qui vient d'ailleurs, je
pense que c'est, d'abord
et avant tout, une richesse, c'est un plus, c'est un plus pour le Québec, je suis convaincu de
ça. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas que les règles ne soient pas claires.
Puis les règles, elles ne sont pas assez claires présentement, ça, c'est clair,
ça, tu sais.
M. Pineault (Claude) : …même pour ceux qui viennent d'ailleurs,
ce n'est pas ce que je voulais dire. Par
contre, ceux qui viennent d'ailleurs,
s'ils ne s'intègrent pas… si vous me permettez…
M. Drainville :
…j'ai assez parlé, là.
M.
Pineault (Claude) : …comme
je vous dis, j'ai été dans plusieurs régions, des pays, puis je suis loin d'être
fort en langue, puis encore moins en français,
puis je peux vous dire qu'avec des cassettes Berlitz je suis allé faire des
voyages 15 jours, trois semaines, puis
je réussissais à me débrouiller avec les langues des autres, autant le turc que
le grec, ou ces choses-là. Je ne parle
pas couramment, mais, pour être capable de se demander de la nourriture,
demander son
chemin, s'acheter des billets de train ou d'autobus, bon, j'étais capable de me
débrouiller en pratiquant à peu près
trois semaines, un mois avant. Puis, des
gens qui sont ici, moi, puis que je vois à Montréal, je comprends qu'ils
sont un peu comme dans des ghettos, mais ils arrivent, tu leur parles,
ils ne sont pas capables de te répondre.
Moi, j'avais
un fils qui demeurait à Montréal-Nord. Là, il y avait des petits
commerces, là, des petites épiceries où
on allait s'acheter des choses. Tout d'un coup, il est arrivé une vague
d'immigrants… puis je n'ai rien contre ça, mais j'ai arrivé pour aller m'acheter des choses bien simples, puis ils
n'étaient plus capables de me répondre. Ça a venu, moi, que ça me fatigue un peu. Peut-être
qu'aujourd'hui ils sont bien intégrés, je ne peux pas dire ce
que je ne sais pas, mais je ne suis pas tellement crédule quand même. Parce
que, moi, chez nous… Quand vous dites «égalité», ou des choses comme ça, ou «justice», moi, chez nous, on avait
six enfants, puis je ne disais pas : Toi, tu es plus fin que l'autre, ou ainsi de
suite, là. Bon. Ça fait que
permettez-moi une figure de style, si vous… en tout cas. J'ai travaillé
jusqu'à l'année passée, j'ai pris ma
retraite, je travaillais dans le logement, hein, les locations de logement. On
n'avait pas le droit aux animaux dans
les logements, c'était très clair. On ne pouvait pas arriver puis dire :
Toi, si tu as un chien ou un chat blanc, tu as le droit, puis l'autre, s'il est noir, tu n'as pas le droit.
Mais, de la manière que vous orientez ça, oui, au niveau du gouvernement, ils n'auront pas le droit à
se camoufler au complet, mais par
contre ils vont aller embarrasser les
rues de Montréal avec ça. J'en
ai, des enfants, à Montréal, puis des petits-enfants puis des
arrière-petits-enfants, je ne suis pas intéressé que ça se rende là.
Vous dites
que ce n'est pas une loi pour une année, mais, non, c'est supposé d'être pour
des décennies, bien, moi, je trouve qu'on la commence mal.
M. Drainville : …on ne va pas
assez loin, c'est ça?
M. Pineault (Claude) : Exact.
M.
Drainville : Oui. Mais, vous savez, quand on dépose un projet de loi, M. Pineault, on fait des choix, puis nous, on a fait notre choix. On y a réfléchi, hein, on a
réfléchi à toutes les situations, là, puis on s'est dit : Le principe qu'il faut défendre, c'est le principe de la neutralité de l'État, c'est-à-dire… L'«État», c'est un grand mot. Parfois, les gens me
disent : L«'État», qu'est-ce que tu veux dire, l'«État»? Des fois,
je leur dis : Bien, dans le fond, c'est le gouvernement. «Le gouvernement», déjà c'est plus clair. Mais je leur dis :
Regarde, là, les hôpitaux, les écoles, tu paies pour ça, ça, c'est l'État, ça.
La police, c'est l'État, tu paies pour ça, c'est l'État.
Tout ce qui est financé, dans le fond, par les fonds publics, c'est l'État. Bon. Alors, qui représente l'État? Les
policiers, les juges, les enseignantes, les éducatrices, les fonctionnaires,
les professeurs dans les universités, bon, etc.
Puis moi, je
trouve que ça se défend bien, l'idée… Puis il y en a qui m'ont reproché de
faire simple, là, mais moi, des fois,
je donnais l'image de l'État comme une espèce de table autour de laquelle on
est tous réunis, citoyens québécois, tous
égaux, c'est la grande table autour de laquelle on est réunis. Et il n'y a pas
de préférence pour l'un ou pour l'autre, c'est : tout le monde est égal autour de la table. Puis il faut
s'entendre. Et, à un moment donné, oui, on est tous différents, mais, comme on est tous assis autour de la même table,
comme on fait tous partie de la même société, à un moment donné il faut
toujours bien décider qu'est-ce qui fait qu'on est ensemble. Bon.
Puis, bien,
l'État, c'est cet espace à l'intérieur duquel on est supposés cohabiter, tout
le monde, égaux, être capables de se
parler, de se comprendre, pas toujours d'être d'accord mais être capables de se
parler, de se comprendre au-delà de :
Je suis-tu un Tremblay, je suis-tu un… Je vais vous donner un autre exemple.
Moi, j'ai trois enfants. J'en ai eu deux bios, le troisième, on l'a adopté. On l'a adopté de Corée.
Bon. Alors, un jour, mon fils, mon dernier, il me dit… puis il commençait
à se poser des questions; les enfants
adoptés, parfois au niveau de l'identité, ce n'est pas évident. Alors, à un
moment donné, il n'y a pas tellement
longtemps de ça, il commence à me dire… On avait une discussion, tu sais, avec
les deux plus vieux, lui, il était
là, est encore assez jeune, puis là, à un moment donné, il prend la parole,
Mathis, et puis il me dit, il dit : Moi, papa, je ne suis pas un Québécois, je suis un Coréen. Je dis : Wow!
«Time out». Là, j'ai dit : Non, Mathis, non. Je dis : Ton frère puis ta soeur, c'est des Québécois
d'origine française puis toi, tu es un Québécois d'origine coréenne. Mais on
est tous des Québécois autour de la table. Ah! Bon.
Là, je ne
vous dis pas que ça a réglé le problème, là, mais ce que j'essaie de vous montrer
à travers ça, c'est que le principe
qu'on a mis dans la loi, c'est un principe qui vise à unir. Puis, oui, ça fait
tout un débat autour des signes religieux. Mais le but sincère de notre mesure, c'est vraiment d'essayer d'unir
autour de grands principes puis de grandes valeurs. Puis moi, je suis convaincu, puis là-dessus
l'avenir dira si j'ai raison ou pas, si on a raison ou pas, mais je suis
convaincu qu'en bout de ligne, si on
se donne cette charte-là, dans une couple d'années d'ici, on va s'en féliciter,
parce qu'on va se dire : On a
bien fait de clarifier les choses, d'affirmer un certain nombre de principes
puis de valeurs, parce que, de cette
affirmation-là, de ce choix-là, ce choix-là, puis cette affirmation-là, a
produit plus de cohésion puis plus de bonne entente. Ça fait que
peut-être qu'on ne va pas assez loin pour vous, mais je vous dirais : Ce
sur quoi on construit, ce que l'on propose,
je suis pas mal sûr que, dans une couple d'années d'ici, si on se revoit, vous
allez dire : Finalement, c'était une bonne affaire, ce que vous
avez proposé.
M.
Pineault (Claude) : Je ne
suis aucunement raciste. Dans mes voyages, comme je l'ai dit, on se mêlait au
groupe, on essayait de parler puis,
vu que j'ai joué un peu, pas mal dans la politique, que ce soit en Grèce ou
ailleurs, demander leurs vues au
niveau de leur gouvernement, ou ainsi de suite, ça m'intéressait. Puis j'ai des
amis chez nous, Roumanie, justement,
ou de d'autres places, puis je suis bien ami, mais je peux leur parler parce
qu'ils parlent la même langue que moi.
M. Drainville : Oui. Ça,
c'est une bonne affaire, ça.
• (17 h 20) •
M.
Pineault (Claude) : Mais
j'aimerais, si vous me permettez, au niveau justement des races, ou quelque
chose de même, j'aimerais que Manon intervienne, parce qu'elle, elle a
eu plus affaire que moi là-dedans, quand même, là.
Mme
Pineault (Manon) : Bonjour. Je
vais faire la lecture de qu'est-ce que moi, je pense de ce dossier-là. Je veux
souligner les valeurs, les règlements pour notre peuple québécois.
M.
Drainville : Je veux
juste vous dire, madame : Il ne faut pas que vous soyez frustrée, il reste
deux minutes à mon temps de parole. Ça fait qu'il vous reste deux
minutes pour lire.
Mme Pineault (Manon) : Oh! Bon, mettons,
vite fait, à un moment donné, ma fille...
M.
Lessard :
...l'autoriser à l'entendre au complet, par exemple.
Le Président (M. Ferland) :
Vous en avez pour combien de temps? Parce qu'eux, ils ont 16 minutes, là.
Mme Pineault (Manon) : Cinq minutes, pas
plus.
Le Président (M. Ferland) :
O.K., allez-y. Donc, ça sera pris sur le temps du parti de l'opposition
officielle.
Mme
Pineault (Manon) : Merci. O.K.
Alors, nos enfants que nous devons protéger de bien... de grands accommodements. Nous sommes un peuple libre, comme
vous disiez tout à l'heure, que nous soyons femmes, hommes, enfants. Chacun de nous est libre de devenir ce
que nous voulons. Nous nous imposons des règles, des valeurs et du respect.
Chaque famille impose leurs règles. Les
institutions, villages, villes, provinces, peu importe, ont toutes leurs
valeurs, et on les respecte. Partout
dans le monde, il y a des règles. Je répète, les valeurs... que ce soit la
vitesse sur la route, on doit la respecter.
Il y a des règlements dans les écoles, on doit les respecter. Alors, nous
sommes une province accueillante, ouverte d'esprit, et nous avons la
liberté de se respecter, quel qu'on soit.
Nous ne sommes pas racistes. Nous voulons vous intégrer
dans nos familles, dans nos écoles, municipalités, encore une fois etc., de la même façon que nous le faisons pour les
autres immigrants. Je reçois chez moi des amis, qu'ils soient Haïtiens,
Africains ou Européens. Nous sommes un peuple curieux de connaître leurs
origines, la façon qu'ils vivaient avant et de quelle façon ils s'intègrent
dans notre province.
Moi, ce que
je trouve, au niveau des musulmans, je trouve qu'ils refusent de côtoyer et de
respecter nos règles. Ils demandent
d'avoir leurs écoles, leurs églises, et nous n'avons aucun problème vis-à-vis
cela. Mais ils veulent qu'on soit obligés
à respecter les règles de leur pays. Chez nous, on refuse que nos enfants se
promènent avec un couteau, on refuse que
les femmes soient battues, on refuse l'esclavagisme. On refuse que nos enfants
et même nous, les adultes, dans les églises,
on ait une tuque, un chapeau, une calotte. On doit respecter les règles que...
Bon. C'est partout. Dans les sports, il
y a des règlements. Il faut les suivre tels quels. Ma fille a joué au soccer,
une année, il y a une de ses petites compagnes, elle a un piercing. Alors, l'arbitre lui dit : Tu ne peux pas
garder ton piercing, tu dois l'enlever. Elle ne voulait pas l'enlever. Elle n'a pas joué. C'était son choix à elle. Sauf
qu'au soccer il y a un règlement : Il n'y a pas de bijou, il n'y a pas de
piercing, il n'y a rien de ça.
En gros, pour
finir de qu'est-ce que je pense au niveau de ça, c'est qu'il y a des règles à
suivre, bon, comme je l'ai déjà dit.
Alors… Excusez, je me suis un peu perdue dans mes affaires. Il n'y a personne
qui ne peut décider du jour au lendemain
de changer quoi que ce soit pour sa petite personne. Nous devons respecter les
lieux, que ce soit à l'école, église, hôtel,
épicerie, casino, salle de cours. Il y a des règles partout. Alors, qu'est-ce
que je demande, au niveau des musulmans, c'est de respecter nos lois, nos règles, nos valeurs et qu'ils se
présentent à découvert, que l'on sache à qui nous avons affaire. Et cela est pour nos enfants, notre Québec que nos
aïeuls se sont battus pour avoir un Québec libre. C'est ce que je pense de ça.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, Mme Pineault. Maintenant, il
reste à peu près 14 minutes... 12, parce que vous avez
14 minutes.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour le temps que vous
avez pris pour préparer le mémoire et
venir nous le présenter aujourd'hui. Moi, je ne vous ferai pas, là, mon long
laïus, parce que la parole, dans la commission parlementaire, est à
vous. Et j'aimerais savoir : Est-ce qu'il y a des choses... Moi, j'aurais
une question, mais ne vous limitez pas à la question que je vais vous poser, si
vous avez d'autres choses, là. On a appris, heureusement,
à la fin de l'intervention du ministre, que vous aviez une déclaration à faire.
Je suis content qu'on l'ait pris sur notre temps.
Moi,
j'aimerais savoir : Vous avez beaucoup voyagé, notamment M. Pineault — vous avez signé le mémoire — vous avez parlé, dans votre mémoire, des problèmes de religion en France.
J'aimerais ça que vous nous en parliez. Qu'est-ce qu'en France vous avez constaté? Et ne vous
limitez pas à ma question. Si vous avez d'autres déclarations à faire,
faites-le, parce que, tantôt, ce sera
terminé, vous allez retourner chez vous,
puis je ne voudrais pas que vous disiez : Je n'ai pas eu le temps
de dire ça, ça, ça. Alors, allez-y.
M. Pineault (Claude) : Non, il n'y a
aucun problème, là. Quand je parle des problèmes en France, je ne dis pas que j'ai eu des problèmes en France. J'en ai eu
un que c'est un problème que j'aurais pu avoir n'importe où ailleurs,
avec, disons, j'imagine, un immigré; il pouvait avoir venu au monde là, je ne
l'ai pas connu. Mais je parle de ce qu'on voit dans les
journaux, ainsi de suite. Je vous ai parlé aussi du centrafricain, là, hein?
Bon, je n'y ai pas été, là, mais par contre
je sais que ça s'entretue pour les religions, hein, le musulman, le catholique,
ou ainsi de suite. Bon. Ça fait que…
M. Drainville : Vous parlez
de la République centrafricaine, là, hein? Vous parlez du pays.
M. Pineault (Claude) : La République
centrafricaine.
M. Drainville : Oui. O.K.
M.
Pineault (Claude) : Bon. Ça
fait que, quand on voit ce qui passe dans ces endroits-là… Plus vous donnez de
la permission, plus ils en prennent.
J'ai bien aimé, moi, les interventions de la première journée, de M. Sam Haoun,
là, puis l'autre, Tinawi, quelque
chose de même, bon. Moi, là, quand j'ai parlé au début de mon mémoire puis je
disais, là, que… Les spécialistes, je n'ai rien contre ça. J'ai été
opéré pour le coeur, ça fait que, si ça n'aurait pas été un spécialiste, je n'aurais pas pris un bûcheron pour venir m'opérer
pour le coeur. Bon. C'est un spécialiste, ça. Mais moi, je suis capable de penser puis de voir ce que j'ai vécu moi-même. Au niveau
d'eux autres, Sam Haoun et l'autre, ils ont vécu dans ces affaires-là. C'est
des gens origines de ça. Je trouve qu'on doit prendre des exemples de ça puis
les approfondir. Pareil comme… C'est
de valeur pour Mme Houda-Pepin, parce
que, là, je crois… elle n'a pas un
voile, là, mais elle a un voile pas
spirituel, mais un voile politique, je dirais, tiens, parce que cette femme-là
aurait bien des choses à dire aussi, je suis convaincu.
Le Président (M. Ferland) : M.
le député.
M. Tanguay : Oui. Avez-vous d'autre chose, M. Pineault? Parce qu'il
reste du temps puis je veux que vous ayez le temps, là, de… Allez-y au fond de votre pensée, puis je laisserai mes
autres collègues des autres partis poser des questions plus spécifiques.
M.
Pineault (Claude) : Oui,
j'ai une chose… parce que, moi, c'est toujours l'histoire, là :
arriver, puis nettoyer la fonction publique, puis prendre les gens qu'on ne veut pas avoir, puis les envoyer dans
les villages, les rues, les villes, ainsi
de suite. Je veux prendre un exemple qu'aujourd'hui… Plusieurs ont
parlé, M. Gauthier, entre autres, de Denis Coderre…
11789 685 M. Tanguay :
Non, non, non. Chut! Chut! Chut!
M. Pineault (Claude) : …tout le
monde parlait de Denis Coderre.
Une voix : …
Le
Président (M. Ferland) : Non, mais on n'est pas en analyse détaillée, M. le ministre. Mais ce n'est pas des propos que je juge…
Une voix : …
Le Président (M. Ferland) :
Oui, et voilà. Mais on est quand même prudents dans nos commentaires et nos
interventions. Alors, je vais vous laisser continuer.
M. Pineault (Claude) : Bon.
Le Président (M. Ferland) :
Il n'y aura pas de déportation au Québec là-dessus.
M.
Pineault (Claude) : Non,
non. Mais M. Coderre, là, bon, pas seulement lui… On a eu les élections à Montréal,
tout le monde voulait donner des droits à tous ces gens-là de d'autres religions.
Quoique ça ne me dérange pas qu'il y ait une autre religion, moi-même, je suis… ce qu'on disait anciennement, en
tous les cas, je ne suis pas une grenouille de bénitier, je ne suis pas plus catholique qu'il le faut, mais disons
qu'ils appelaient ça un catholique à gros grains. Bien, disons que c'est
ça que je suis.
Mais, M.
Coderre, quand il est allé en Afghanistan, ça a l'air qu'il avait une bonne
suite pour le protéger. Je ne veux
pas être méchant, mais, en Afghanistan, il y a eu 158 morts,
hein, depuis 2000 — puis
ça me fait de la peine, parce que moi,
je n'aurais pas été intéressé à aller me faire tuer là — mais
on arrive à Montréal, puis là il veut permettre… ça peut être
des al-Qaida, ça peut être n'importe quoi. Administrer, c'est prévoir, il faut
prévoir ces choses-là. Mais là M. Coderre, là, il veut avoir tout ce monde-là.
Avec quoi il va se faire protéger. Il n'est plus en Afghanistan. Puis, en
Afghanistan, comme je dis, là… Je suis certain qu'il y a eu trois, quatre fois
plus de meurtres à Montréal, depuis l'an 2000, qu'il y a eu des morts en
Afghanistan, de notre gang. C'est ça.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. Pinault. Alors, je comprends qu'il n'y a plus de
question du côté de l'opposition. Alors, je vais du côté de la députée
de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Monsieur et madame, bonjour. Merci de vous être
déplacés, d'être venus ici. J'ai raté
le début de votre intervention, puisque je devais aller faire un téléphone,
alors je voudrais savoir : D'où
venez-vous? De quelle ville, de quelle région? D'où venez-vous, de quelle
ville, de quelle région? Où est-ce que vous vivez?
M. Pineault (Claude) : Je viens de
Sacré-Coeur, sur la Côte-Nord.
Mme Roy
(Montarville) :
Vous êtes sur la Côte-Nord.
M. Pineault (Claude) : Oui.
• (17 h 30) •
Mme Roy
(Montarville) :
Parfait. Vous nous avez fait part, dans votre mémoire… — je
connais ça un peu, moi, j'étais à
Rimouski, de l'autre côté — vous nous avez fait part, dans votre
mémoire, des expériences que vous avez vécues à l'étranger, certaines expériences désagréables que vous avez
personnellement vécues. J'aimerais savoir : Chez vous, dans votre
entourage, sur la Côte-Nord, avec votre famille, les voisins et les amis, est-ce
que vous avez été témoins d'événements regrettables que la charte aurait pu
éviter, si elle était adoptée et en application?
M.
Pineault (Claude) : C'est
bien certain qu'à Sacré-Coeur, là, on n'est pas à Montréal.
Mais je vais vous donner un exemple
qu'une personne m'a dit un jour… C'est pour ça que, je veux dire… C'est bien
beau de dire : Ah! bien, moi, ça
ne me dérange pas. Il y en a un qui m'a dit, il dit : Moi, là… C'était au
début, quand on travaillait au niveau
de l'approche commune. Il m'a dit, il dit : Moi, quand même
que le métro de Montréal serait inondé, ça ne me dérange pas, je ne le
prends pas. Bon. Ça fait que c'est bien certain que moi, à Sacré-Coeur,
je n'ai pas les mêmes problèmes qu'à Montréal.
Mme Roy
(Montarville) :
Donc, vous n'avez pas été témoin d'événements regrettables, par exemple, à cet
égard-là, là, avec la religion.
M. Pineault
(Claude) : À Sacré-Coeur, bien non.
Mme Roy
(Montarville) : O.K.
Parfait. C'est beau. Écoutez, je
vous remercie infiniment de vous être
déplacés. Madame n'a pas parlé. Je ne sais pas si madame voulait ajouter
quelque chose.
Mme Caron (Geneviève) : Oui.
Mme Roy
(Montarville) :
Allez-y.
Mme Caron
(Geneviève) : Moi, je suis allée
au Maroc. Puis je ne sais pas s'il y en
a d'entre vous qui sont allés
dans une mosquée au Maroc? Non? Bon.
Mme Roy
(Montarville) :
Bien, pas moi.
Mme Caron
(Geneviève) : Puis peut-être
que, si vous ne poussez pas vos affaires assez loin, ça peut en venir là.
Là, on a rentré… On est arrivés pour rentrer
à la mosquée puis… Pour commencer, on a pris notre billet. Après ça, ils
ont dit : Il faut que vous enleviez vos
chaussures. Comment ça, enlever nos chaussures? Mais, avant d'arriver, on avait
vu des hommes, des femmes avec un petit tapis
roulé en dessous de leurs bras puis qui rentraient. En tous les cas, lui, il se
décide, il dit : On se déchausse puis
on y va, on va aller voir. Il dit : On est venus ici pour aller visiter
puis on visite. On s'est déchaussés,
on leur a donné nos chaussures, on a rentré, puis là… en tout cas c'était comme ici, un grand tapis, là, puis c'était grand. À un
moment donné, j'ai dit : Que c'est qui se passe? Il y avait des hommes à
quatre pattes à terre. Ben voyons, j'ai dit,
voyons, qu'est-ce qu'ils font là! Là, la guide, elle dit : Ils
prient. Voyons, j'ai dit, prier à quatre pattes à terre, sur des petits tapis! J'ai dit : C'est quoi, cette
affaire-là? Mais là on continue à faire le tour, puis il y avait
un grand rideau. Là, j'ai regardé,
mais là c'étaient juste des hommes. En arrière du rideau, il y avait
seulement que des femmes. Les femmes étaient à quatre pattes aussi, là, puis ils priaient. Mais
moi, je suis restée marquée par ça, là, je n'en revenais pas. J'ai
rembarqué dans l'autobus, puis j'ai dit : Ça se peut-u aller prier à
quatre pattes sur un tapis?
M.
Pineault (Claude) : Moi, je
ne sais pas si j'ai encore un… Ça me fait penser à une chose, là, c'est que…
Pour commencer, je veux dire que, les trois pays musulmans, si on peut
les appeler de même, qu'on a visités, j'ai aimé ça énormément, parce que…
surtout en Turquie, hein, le voyage, c'était au pays des mille et une nuits, je
ne peux pas oublier ça, même si je parle des grottes…
Le
Président (M. Ferland) : Sur ce, parce que le temps de la députée de Montarville est écoulé, je dois laisser la parole au député de Blainville.
M. Ratthé : Merci,
M. le Président. M. Pineault,
mesdames. M. Pineault, en lisant votre mémoire, j'ai senti une inquiétude. Je suis content que vous soyez venu parce que,
si on a fait des consultations
publiques, c'est qu'on voulait
entendre le point de vue de tous et de
toutes. Je ne vous dis pas que je suis entièrement d'accord avec ce que vous écrivez, surtout la section sur le
racisme, en affirmant que ça vient plus des autres groupes. Mais, mon point de vue aujourd'hui, sur
quoi je vais vous parler, je veux vous remercier d'être là, parce que
je pense que ce que moi, j'ai pu comprendre, c'est que vous dites : On est inquiets de ce qui se
passe, on craint que, parce qu'une
certaine portion de la population immigrante… pas tous, parce que
beaucoup d'entre elles nous apportent aussi les bienfaits de leurs cultures, se
sont bien intégrées puis contribuent au
Québec. Mais vous dites : Ça nous inquiète parce que des fois on nous
demande de faire des changements
vraiment profonds dans ce qu'on est habitués de faire, puis on ne voit pas
pourquoi on devrait le faire. Et je l'ai
entendu souvent. Les gens disent : C'est une peur, c'est une crainte;
câline, là, comment ça se fait qu'ils s'en viennent ici, puis que là il faudrait tout changer nos
habitudes? C'est un peu ce que vous nous disiez tantôt, puis c'est un peu ce
que vous êtes venu nous traduire.
Puis moi, je considère que ce que vous êtes venu nous dire, d'une certaine
façon, c'est que ça reflète certaines pensées d'un certain nombre de
personnes.
Partant de là, est-ce que vous pensez que le
fait qu'on mette une charte, qu'on la vote puis qu'on essaie de trouver le
meilleur compromis possible, est-ce que vous pensez que ça peut aider à
changer, justement, les actions, peut-être, de certaines personnes qui viennent d'ailleurs?
Puis est-ce qu'on ne devrait pas, justement, au lieu de les
forcer à le faire aussi… j'allais
dire, de faire un apprentissage, de les aider à nous comprendre puis à
s'intégrer de meilleure façon? Alors, je voulais savoir si vous pensez
au moins qu'on va dans la bonne direction avec ça.
M.
Pineault (Claude) : Le seul
problème que j'ai, c'est les religions. Je vous l'ai dit, les guerres, depuis
que le monde existe, du moins s'ils ont conté la vérité, ça a toujours
été des guerres de religion. Pour intégrer les personnes de toutes les races,
moi, je n'ai aucun problème. Je vais vous donner un exemple. On n'a pas besoin
de faire venir du monde d'ailleurs,
j'ai des amis à Bersimis, j'en ai aux Escoumins, dans des réserves, bon.
Surtout à Bersimis, disons qu'ils sont plus Indiens qu'aux Escoumins. Puis
dans le temps que je travaillais sur la construction, j'avais trois Indiens
qui travaillaient pour moi. Aucun problème. Seulement, leur manière de faire,
leur manière de vivre, c'est certain que ce
n'est pas les miennes. Je ne dirai pas un sacre, mais il y a
du monde qui ont été travailler partout à la Baie-James puis là ils lâchent
des sacres contre les Indiens, mais les Indiens, ils ont leurs coutumes, eux
autres aussi, tout ça. Moi, je ne
veux pas changer les coutumes de personne, sauf la religion. Je ne vois pas
pourquoi… moi, je la fais chez nous. Ma femme ne sait pas de la manière
que je fais ma religion, puis encore moins elle, c'est personnel. Mais pourquoi
qu'il faudrait que les autres viennent
s'extérioriser puis nous imposer des choses au niveau religieux? C'est là,
moi, que j'accroche.
M. Ratthé : Je comprends bien votre point de vue et puis je vous remercie de l'avoir partagé, parce que
je sais que vous n'êtes pas unique
dans votre cas, puis ça va sûrement nous alimenter dans notre réflexion. Merci,
mesdames, merci, monsieur.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le député. Merci à M. Pineault, à Mme Caron et Mme Pineault
pour votre présentation.
Alors, sur
ce, je lève maintenant la séance. Et la commission ajourne ses travaux
au vendredi 17 janvier, à 9 h 30,
où elle poursuivra un autre mandat. Bonne fin de journée.
(Fin de la séance à 17 h 37)