(Douze heures seize minutes)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Je demande
à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 61, Loi visant principalement le recouvrement de
sommes payées injustement par des organismes publics relativement à
certains contrats dans l'industrie de la construction.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Tanguay (LaFontaine) est remplacé par M. Ouellette
(Chomedey).
Le Président (M. Ferland) : Alors, merci,
Mme la secrétaire. Ce matin, nous allons débuter par les remarques
préliminaires puis nous entendrons le Directeur général des élections. En
soirée, nous recevrons la Corporation des entrepreneurs… En soirée, c'est
impossible... On va arrêter…
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Non, on finit après-midi.
La Secrétaire :
Non, en soirée, oui, oui.
Le Président (M. Ferland) : O.K. En
soirée, oui, nous recevrons la Corporation des entrepreneurs généraux…
M. St-Arnaud :
M. le Président, moi, je n'aurais même pas de problème à ce qu'on finisse ce
matin.
Remarques préliminaires
Le Président (M. Ferland) : Et voilà.
Non, j'allais vous ouvrir la porte et je l'ai fait, je pense, hein? Alors, sans
plus tarder, je vous invite, M. le ministre
de la Justice, à faire vos remarques préliminaires. Vous disposez d'un temps de
six minutes.
M. Bertrand St-Arnaud
M. St-Arnaud : Oui. Merci, M. le
Président. Bien, heureux de vous revoir, M. le Président, à nouveau aujourd'hui
sur un autre dossier. Heureux de revoir les
membres de la commission. Je salue député de Chomedey, qui s'est joint aux
membres habituels de la Commission des institutions.
M. le Président, nous sommes donc aujourd'hui, comme vous le
mentionniez, réunis pour procéder aux consultations
particulières… en fait, pour entamer les consultations particulières et
auditions publiques relativement au projet
de loi n° 61, Loi visant principalement le recouvrement de sommes payées
injustement par des organismes publics relativement
à certains contrats dans l'industrie de la construction. Ce projet de loi, M.
le Président, que j'ai présenté à l'Assemblée
nationale le 13 novembre dernier est une suite logique du premier geste posé
par notre gouvernement au début de la
législature, soit la présentation d'une loi pour enrayer la corruption et la
collusion dans le processus d'octroi des contrats publics, la loi n° 1, dont le véritable nom est la Loi sur
l'intégrité en matière de contrats publics. Nous poussons maintenant, M. le Président, plus loin notre
démarche en présentant le projet de loi n° 61, qui vise, lui, à récupérer
les sommes dues aux organismes publics
en raison d'opérations malhonnêtes telles la fraude ou des manoeuvres
dolosives.
Sommairement, M. le
Président, le projet de loi n° 61, si je peux l'expliquer en quelques
mots, comporte deux volets. Le premier volet
vise à inciter les entreprises à rembourser les organismes publics avant que
des recours soient entrepris. C'est
ce qu'on prévoit, M. le Président, aux articles 12 et suivants du projet de
loi. Et le second volet vise, lui, à faciliter
les recours civils devant nos tribunaux au nom des organismes publics. On
retrouvera ça aux articles 3 et suivants.
Aussi, rapidement, M. le Président, je reprends les deux
volets. Donc, le premier volet, inciter les entreprises à rembourser,
articles 12 et suivants, ce projet de loi prévoit, entre autres, M. le
Président, que le ministre de la Justice pourra
donc créer un programme de remboursement afin qu'une entreprise puisse remettre
les sommes qui ont été obtenues à la
suite de manoeuvres dolosives ou frauduleuses. Ce programme permettra notamment
aux entreprises ayant posé des gestes
répréhensibles de démontrer une volonté de changer leur culture
organisationnelle, en plus de démontrer qu'elles sont
de bonnes citoyennes corporatives. Toujours dans le but d'optimiser
l'utilisation des ressources mises à notre disposition
et de réduire ainsi le fardeau des Québécois, une telle mesure permettrait et
permettra aux entreprises concernées d'éviter une judiciarisation
inutile des litiges, avec les désagréments et les coûts qui s'y rattacheraient.
Il est entendu, M. le Président, que la quittance que pourrait obtenir une
entreprise suite au remboursement sera limitée aux seules divulgations faites par elle, et le résultat de
tout règlement sera rendu public, de sorte que les Québécois pourront constater
les résultats de toute négociation.
• (12 h 20) •
Pour s'assurer du bon fonctionnement du programme de
remboursement, une personne neutre et impartiale serait désignée afin de tenter d'amener les parties à
s'entendre — on parle
ici, par exemple, d'un juge à la retraite accompagné d'une équipe de juricomptables — ce qui offrira à ce processus de
remboursement une garantie d'intégrité. Et les sommes qui seront perçues, M. le Président, tant via ce
programme de remboursement que via
les recours civils seront redistribuées aux ministères et aux organismes
publics en fonction du préjudice subi
par chacun, déduction faite d'une somme correspondant à 20 % des sommes recouvrées pour payer les frais
liés à la mise en application de la loi n° 65. Alors, ça, c'est le premier volet, M. le Président,
donc l'encadrement législatif pour créer un programme de remboursement des
sommes payées injustement.
Et le
deuxième volet, M. le Président, c'est le volet plus juridique. Donc, on
prévoit un deuxième volet, qui vise, cette
fois, à faciliter les recours au nom des organismes publics. Ce sont donc,
comme je le disais, des dispositions qui sont aux articles 3 et suivants, qui permettront, donc, et qui auront
pour objet, quant à elles, d'établir des règles particulières et, je dirais même, costaudes, applicables à ces
recours judiciaires. Le projet de loi permet ainsi au ministre de la Justice
d'intenter, pour le compte d'un organisme
public, un recours contre une entreprise qui a commis une faute, par exemple
une manoeuvre dolosive, dans le cadre de
l'adjudication, de l'attribution ou de la gestion de contrats publics dans
l'industrie de la construction.
Le projet de
loi établit également une présomption à l'effet que le préjudice causé par une
faute correspond à un certain
pourcentage, déterminé par décret du gouvernement, du montant payé par
l'organisme public concerné pour un contrat
visé. Il appartiendra, le cas échéant, à une entreprise de démontrer au
tribunal que le préjudice causé était moindre que le pourcentage qui
sera fixé.
D'autres
règles sont également prévues afin que soient recouvrées ces sommes injustement
payées, M. le Président, lorsque
seront intentés des recours judiciaires, tel allonger le délai de prescription
à cinq ans, permettre la prise de recours pour des actes fautifs commis dans les 15 ans précédant l'adoption du
projet de loi et transiger au nom d'un organisme public. Ces mesures, M. le Président, permettront une utilisation
efficace des ressources des ministères et des organismes publics, telles les municipalités, si des
procédures judiciaires devaient être intentées pour récupérer les sommes payées
injustement.
Alors, en
conclusion, M. le Président, je suis convaincu que ce projet de loi n° 61
ainsi que les démarches entreprises par
notre gouvernement en matière de contrats publics permettront que soit rétablie
la confiance de la population, d'une part,
envers ses institutions publiques et, d'autre part, envers l'industrie de la
construction et les entreprises d'ici qui ont adopté au cours des
derniers mois plusieurs mesures pour assurer leur bonne gouvernance et qui
servent, on le sait, M. le Président, de moteur au développement économique du
Québec.
Alors, sur
ce, M. le Président, je pense que nous pouvons poursuivre les remarques
préliminaires avant d'entendre un
premier groupe. Mais il s'agit d'un projet de loi, je pense, important qui va
nous permettre, comme son titre l'indique, de recouvrer des sommes qui
ont été payées injustement par des organismes publics, par des municipalités,
par le gouvernement du Québec, par des sociétés d'État relativement à certains
contrats dans l'industrie bien précise qu'est l'industrie
de la construction. Je pense que c'est un pas en avant, un pas de plus, M. le
Président, sur cette ligne que nous avons
adoptée depuis le début de notre mandat eu égard à la collusion et à la
corruption. Je vous remercie, M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le ministre. Alors, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle,
le député de Fabre, à faire ses remarques préliminaires. En vous indiquant que vous avez une durée de
six minutes, M. le député.
M. Gilles Ouimet
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à tous, tous
les membres de la commission, et les gens
qui nous regardent, et les gens qui vont venir devant nous pour éclairer nos
travaux. C'est toujours très apprécié, ces auditions-là, c'est très
utile.
Et vous me
permettrez, M. le Président, de revenir sur un thème que j'ai eu l'occasion
d'aborder à plusieurs reprises depuis le début de la 40e législature,
depuis que je suis membre de cette commission, c'est la question des délais de convocation,
du respect qu'on doit témoigner à l'égard des groupes qu'on veut entendre.
Et, dans ce cas-ci, je prends la peine de… parce
que je pense qu'on est confrontés à une situation un peu particulière, vu les délais serrés, où des groupes
se sont désistés et où, malheureusement, la commission pourrait ne pas avoir le privilège d'entendre certains groupes
parce que les délais de convocation sont très serrés. Certains groupes — et on
les remercie infiniment — ont respecté l'échéancier qui leur a été imposé, mais je réitère,
M. le Président, des commentaires que
j'ai faits à plusieurs reprises déjà, que j'ai de la difficulté à concevoir
qu'on espère ou qu'on s'attende, par exemple, du Barreau du Québec qu'il
puisse, à quelques jours d'avis, se présenter devant la commission pour nous
fournir un éclairage, particulièrement à
l'égard du projet de loi n° 61, que j'estime absolument essentiel. À mon
point de vue, ce serait irresponsable de la part de la commission de se
pencher sur l'examen… faire des consultations particulières sur le projet de loi sans que
nous ayons l'éclairage du Barreau du Québec parce que le ministre y a fait
référence tantôt, il a même utilisé les termes «mesures costaudes»,
effectivement, ce sont des mesures costaudes, ce sont des mesures qui
bouleversent, qui changent les règles du jeu habituelles.
Dans
notre société, M. le Président, nous sommes une société fondée sur la règle de
droit, la primauté du droit, c'est-à-dire que tout le monde est soumis
au contrôle de la loi. Et ce qu'il y a d'inhérent dans cette notion, une des caractéristiques essentielles du respect de la
règle de droit, de la primauté du droit, c'est la stabilité de la règle de
droit. On ne peut pas changer les
règles du jeu à la légère, et là c'est ce qu'on propose de faire, de changer…
Et je ne dis pas que c'est à la
légère. Ce qu'on fait ici, c'est qu'on propose des changements aux règles de
droit pour permettre des poursuites judiciaires
dans certains cas, et il me semble, M. le Président, qu'il est essentiel que nous
ayons le regard détaché du Barreau, le
regard indépendant du Barreau quant à ces mesures-là parce que le Barreau est
bien placé pour mettre en perspective ce
changement par rapport aux règles usuelles. Est-ce qu'il est opportun de le
faire? Est-ce qu'il est souhaitable de le faire? Est-ce que le moyen proposé est optimal? Est-ce que c'est la meilleure
façon de procéder? Ce sont les questions que les parlementaires devront
se poser pour éventuellement voter sur le projet de loi.
Alors,
tout le monde s'entend sur la nécessité de récupérer les sommes injustement
payées. Il n'y a pas de débat sur
cette question-là, tout le monde est d'accord. Là où il y a une question,
c'est : Est-ce qu'il est nécessaire d'adopter une loi? J'ai déjà dit à quelques reprises, je me
répète — en fait,
on pourrait même dire que je radote — qu'on a quelquefois l'habitude de dire : Il faut adopter une loi.
Il faut adopter une loi. Quelquefois, M. le Président, nous avons les outils,
nous avons les lois, il s'agit juste
de les appliquer de façon différente, et c'est peut-être un exemple où, je
pense… Et, quand je regarde le programme de remboursement qui est
proposé dans le projet de loi n° 61, à ma première lecture de ces dispositions-là je me suis dit : Ah! je
pensais que nous avions déjà ces moyens-là. Qu'on décide de les encadrer dans
une loi, c'est peut-être souhaitable,
mais je ne pense pas qu'on réinvente la roue en créant ce programme de
remboursement, ce qui amène à la
question… Il me semble que, cet outil-là de la tentative de négociation pour en
arriver à un remboursement, on peut se poser la question : Est-ce
qu'on n'aurait pas dû le faire avant?
Ceci
dit, et je ne veux pas… Je sais que le temps file et qu'on veut entendre les
témoins. Sur la question du timing, là,
alors, si le fait qu'on décide de déposer le projet de loi à la fin de la
session fait en sorte, M. le Président, qu'on ne pourra pas entendre des organismes comme le Barreau, je
pense qu'on se place dans une situation où on ne se rend pas service et on ne rend pas service à la société en
procédant de cette façon-là. Alors, j'espère… Et je sais, M. le Président, que
vous êtes sensible à cette
question-là. On a eu des discussions sur la possibilité d'accommoder le Barreau
pour les entendre en commission, mais,
à mon point de vue, si nous complétons ces consultations sans entendre le
Barreau — et il y
a d'autres organismes peut-être qui
ont été dans la même situation — je pense que nous n'aurons pas rempli le
mandat que l'Assemblée nationale nous a confié en procédant à ces
consultations. Mais je vous réitère la volonté de l'opposition officielle de
collaborer à nos travaux pour que nous puissions mener à terme ce mandat.
Merci, M. le Président.
• (12 h 30) •
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le député de Fabre, pour ces
remarques. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe
d'opposition officielle, le député de Saint-Jérôme, à faire ses remarques
préliminaires. En vous mentionnant que vous disposez d'un temps de trois minutes.
M. Jacques Duchesneau
M.
Duchesneau : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je veux
remercier le ministre, mes collègues députés, le secrétaire et le personnel de la commission. Je suis heureux
d'entreprendre les consultations particulières et je profite aussi de l'occasion pour remercier tous les
groupes qui ont pris le temps d'étudier ce projet de loi, de faire un mémoire
et de venir nous faire part de leurs
recommandations comme vous le faites si bien aujourd'hui. Votre expertise,
vraiment, est un atout inestimable
pour notre démocratie, et c'est surtout avec impatience et enthousiasme que
j'aimerais vous accueillir.
Ce projet de loi tend
à répondre à une demande de la population, demande qui est formulée depuis déjà
très longtemps et dont nous nous sommes fait
l'écho ici, à l'Assemblée nationale. Les organisations et les personnes qui
nous ont volés doivent nous
rembourser, aussi simple que ça. Ceci fait partie d'une réhabilitation et d'une
réconciliation nécessaires suite aux
actes de corruption des dernières années dont nous entendons parler
quotidiennement à la commission Charbonneau.
Ce
processus doit, par contre, s'effectuer adéquatement. Justice, équité et discernement devront nous guider :
justice pour les citoyens
et les entrepreneurs honnêtes qui ont été floués; équité pour les travailleurs honnêtes des firmes fautives qui
pourraient perdre leur emploi, pour les dénonciateurs qui se retrouvent souvent
la cible de réprimandes, alors que ceux qui ne disent rien se protègent; et discernement pour jeter les bases
d'une nouvelle façon de faire, afin de mettre un frein à la corruption et considérer l'importance des
firmes de génie et de construction dans l'économie du Québec.
Le remède que nous proposons ne doit pas être plus dommageable que le
mal auquel nous tentons de remédier. Nous visons une société où les gens de pouvoir doivent être justes et où la population
pourra se sentir en sécurité. Merci,
M. le Président.
Auditions
Le Président (M.
Ferland) : Merci. Merci, M. le député de Saint-Jérôme. Maintenant,
nous allons aller sans plus tarder aux
auditions. Je souhaite donc la bienvenue à M. Jacques Drouin, Directeur général des élections, et vous mentionne que vous disposez d'un
temps de 10 minutes pour votre exposé, qui sera suivi d'une période d'échange avec les différents groupes de parlementaires, et je vous demanderais peut-être de présenter les personnes qui vous
accompagnent.
Directeur
général des élections
M. Drouin (Jacques) : Merci,
M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je tiens, tout d'abord, à vous
remercier, remercier les membres de la Commission
des institutions de leur invitation à
prendre part à l'étude du projet de
loi n° 61, Loi visant principalement le recouvrement de
sommes payées injustement par des organismes publics relativement à certains contrats dans l'industrie
de la construction. C'est toujours un privilège et un honneur pour notre
institution de contribuer à l'amélioration de nos lois en général et du système
électoral en particulier.
Je suis accompagné aujourd'hui de la
directrice des affaires juridiques, Me Lucie Fiset, de Me Benoît Coulombe,
qui est notre légiste, et deux autres
personnes m'accompagnent derrière, au cas où on en aurait besoin, donc Mme
Catherine Lagacé, qui est secrétaire
du Directeur général des élections et adjointe au président de la Commission de
la représentation, et mon adjoint et directeur du financement des partis
politiques, M. Denis Lafond.
Je
voudrais, d'entrée de jeu, réaffirmer mon appui à l'égard de toute mesure
propre à assurer une plus grande cohérence entre les dispositions législatives
aux différents paliers électifs et entre celles des différents ministères et organismes. Il en va de l'efficacité et de
l'efficience de notre système. C'est d'ailleurs dans cette optique que je me
présente devant vous aujourd'hui.
Avant
d'aborder les modifications proposées par le projet de loi n° 61, je
souhaiterais rappeler certaines dispositions
des lois électorales portant sur les contrats publics que je considère
pertinentes au contexte de la présente audition.
Ces dispositions se ont été introduites dans les lois électorales en décembre
2010 et s'inscrivaient dans la foulée de
l'adoption de différents projets de loi pour mieux faire respecter les lois
électorales en matière de financement politique et visant à renforcer la
confiance de la population envers notre système démocratique.
Certaines dispositions de la Loi
électorale, de la Loi sur les élections et les référendums dans les
municipalités et de la Loi sur les
élections scolaires prévoient l'interdiction de conclure un contrat public avec
une personne physique ou morale
reconnue coupable d'une infraction pénale visant le versement de contributions
politiques illégales. Ces dispositions
prévoient également que le Directeur général des élections doit tenir un
registre des personnes non admissibles à l'obtention d'un contrat
public, d'où notre intérêt pour les modifications législatives proposées. Voici
celles qui nous interpellent plus directement.
Le chapitre VI du projet de loi
n° 61 prévoit des modifications législatives à la Loi sur les contrats des
organismes publics visant
principalement la suppression de l'interdiction automatique à contracter d'une
entreprise reconnue coupable de l'une des infractions mentionnées à
l'annexe I de la loi.
La Loi sur les contrats des organismes
publics prévoit présentement deux registres : le Registre des entreprises
non admissibles aux contrats publics, le
RENA, et le Registre des entreprises autorisées, le REA. Le RENA indique la
liste des entreprises ayant été déclarées
coupables, en vertu d'un jugement définitif, d'une infraction énoncée à
l'annexe I de la LCOP. Les
infractions visées proviennent notamment
des lois suivantes : Code criminel, Loi sur la concurrence, Loi de l'impôt
sur le revenu, Loi de l'administration fiscale.
Je voudrais dès
maintenant porter à votre attention un premier élément qui affecte la cohérence
des lois. Les dispositions actuelles des
lois électorales prévoyant une interdiction de conclure un contrat public à la
suite d'un jugement de culpabilité ne
sont pas mentionnées à l'annexe I de la LCOP, puisque le cadre législatif
applicable en matière électorale se
retrouve en totalité dans celles-ci — donc, dans les lois électorales — et est totalement indépendant des
dispositions de la LCOP.
Je
me permets d'ajouter — et ça constitue un second élément — que la LCOP énonce des critères différents
de ceux stipulés aux lois électorales
au regard de l'interdiction des contrats publics. À titre d'exemple, précisons
l'interdiction de conclure un contrat
public avec toute personne physique ayant commis une infraction aux lois
électorales concernant le versement
d'une contribution illégale. Au niveau de la LCOP, les contrevenants visés par
l'interdiction de contrat public sont
des personnes morales de droit privé, des sociétés en nom collectif, en
commandite ou en participation et les personnes physiques qui exploitent
une entreprise individuelle.
Toujours
selon la LCOP, une entreprise qui désire conclure un contrat avec un organisme
public d'une valeur égale ou
supérieure à 40 millions de dollars — on comprend que ce montant va être abaissé à
10 millions à compter du 6 décembre 2013 — doit
détenir une autorisation de l'Autorité des marchés financiers et être inscrite
sur le REA. Selon l'article 21.26 de cette
même loi, cette autorisation ne peut être accordée notamment si l'entreprise a
été déclarée coupable d'une infraction prévue à l'article 1 ou d'une
infraction prévue aux lois électorales.
Nous
comprenons que l'objectif des modifications législatives proposées par le
projet de loi n° 61 est de donner toute
la latitude à l'AMF pour éviter l'application automatique de l'interdiction de
conclure des contrats publics et d'accorder une prédominance au processus d'habilitation de l'AMF. Nous verrons plus
loin comment cet objectif pourrait être compromis si les lois
électorales ne sont pas modifiées selon ce que je proposerai plus loin.
L'Assemblée
nationale s'est prononcée positivement sur l'opportunité d'éliminer le RENA par
le biais de l'article 9 de la Loi sur
l'intégrité en matière de contrats publics. L'orientation qui semble donc se
dessiner serait de permettre à une firme
de poursuivre ses activités auprès des organismes publics à la suite de
l'obtention d'une autorisation à ce titre de l'AMF. Celle-ci doit alors s'assurer de l'intégrité de cette entreprise,
et ce, peu importe si elle fait l'objet d'une déclaration de culpabilité pour une infraction prévue à l'annexe
I. Précisons que l'AMF peut, en tout temps durant la période de validité
d'une autorisation, effectuer des vérifications quant à la validité de celle-ci
en vertu de l'article 21.32 de la loi.
Le
projet de loi n° 61 propose de modifier la LCOP afin d'accorder le pouvoir
à l'AMF de délivrer une autorisation : que l'infraction reprochée soit déjà commise et que l'entreprise soit
inscrite au RENA; que l'infraction soit commise en cours de processus d'une demande d'autorisation ou
qu'elle ait été commise après l'obtention d'une autorisation. Évidemment,
l'entreprise devra alors répondre aux
critères d'intégrité énoncés à la loi et apporter les correctifs nécessaires
pouvant être demandés par l'AMF.
Dans
les suites du dépôt du projet de loi n° 61, nous avons procédé à une
analyse des dispositions actuelles de la LCOP en lien avec les modifications législatives à cette même loi
proposées dans le projet de loi n° 61 et les dispositions des lois
électorales concernant l'interdiction des contrats publics. Cette analyse nous
a permis de conclure ce qui suit.
Malgré
l'obtention d'une autorisation auprès de l'AMF et l'inscription au REA d'une
entreprise, donc après une enquête quant à l'intégrité de l'entreprise
et après des correctifs, le cas échéant, requis par l'AMF aux fins d'obtenir l'autorisation, un seul jugement de culpabilité à
la suite d'une poursuite pénale intentée par le Directeur général des élections
contre cette même entreprise entraînerait le
retranchement de cette inscription au REA et éliminerait, par conséquent, la
possibilité pour cette entreprise de conclure tout contrat public pour une
période de trois ans.
On comprend
des modifications législatives proposées au projet de loi n° 61 que le
processus d'habilitation de l'AMF prend une plus grande importance. En
effet, vu les pouvoirs qui lui sont accordés quant à la délivrance d'une autorisation malgré la commission
d'une infraction énoncée à l'annexe I de la LCOP, il nous apparaît davantage
essentiel de proposer des modifications
législatives afin que les contraventions visées aux lois électorales reçoivent
le même traitement.
Advenant le maintien des dispositions actuelles
aux lois électorales à la suite de…
• (12 h 40) •
Le Président (M. Ferland) :
…environ une minute, monsieur le… pour conclure, oui.
M. Drouin (Jacques) :
Parfait. Merci, M. le Président. Seules les infractions énoncées à la Loi
électorale…
Le Président (M. Ferland) :
Ah! bien, on me dit qu'il y a consentement si vous voulez déborder.
M. Drouin (Jacques) : Ça ne
débordera pas beaucoup, mais un petit peu, sûrement.
M. St-Arnaud : Vous pouvez
finir votre mémoire.
M. Drouin
(Jacques) : Merci.
Donc, advenant le maintien des dispositions actuelles aux lois électorales à la
suite de modifications législatives
engagées à la LCOP, nous ferions face à la situation suivante. Seules les
infractions énoncées à la Loi
électorale, à la Loi sur les élections et les référendums dans les
municipalités et à la Loi sur les élections scolaires constitueraient un obstacle absolu et
incontournable à l'obtention d'une autorisation de l'AMF, sans oublier une
interdiction totale de conclure tout contrat public, peu importe le type
de contrat ou les montants en jeu.
De même, alors que le législateur a cru opportun
de confier à un organisme particulier les pouvoirs d'évaluer l'intégrité d'une entreprise, qu'il a accordé à
cet organisme les moyens pour ce faire et lui a confié la responsabilité de voir à délivrer une
autorisation aux seules entreprises rencontrant ces exigences, la discrétion de
poursuivant public du Directeur général des élections mettrait en péril
tout ce processus d'autorisation et affecterait les pouvoirs de l'AMF.
Dans le cadre
de sa réflexion, le DGE ne peut, par
ailleurs, écarter le fait que les
emplois d'un nombre important de
travailleurs québécois peuvent être mis en péril pour les agissements
d'une ou de quelques personnes oeuvrant au sein d'une entreprise, d'autant plus que l'AMF peut notamment
exiger le départ de ces dirigeants aux fins d'obtenir une autorisation.
Je souscris entièrement à l'idée que la
réhabilitation d'une entreprise est une orientation préférable à celle de sanctionner les comportements antérieurs de
certains dirigeants de la firme. Les modifications législatives de la LCOP
en sont une démonstration. Il ne fait cependant
aucun doute pour nous que le maintien des dispositions actuelles des lois
électorales ne permettrait pas d'atteindre cet objectif.
Afin de
s'inscrire dans la même logique que les orientations gouvernementales proposées
au projet de loi n° 61 et ainsi favoriser une cohérence législative
au regard de l'interdiction de conclure des contrats publics, je soumets à la commission que des modifications législatives
devraient être apportées aux lois en cause. La conséquence de ces
modifications, que j'entrevois positive, serait, en définitive, de
confier à une seule et même autorité, soit l'AMF, la responsabilité de
l'application des mesures ayant trait à l'interdiction des contrats publics.
Donc, les
modifications seraient notamment les suivantes : l'abrogation d'un certain
nombre d'articles dans les différentes
lois électorales, municipale, scolaire et la Loi électorale; et l'abrogation de
certains paragraphes de l'article 21.26 de la LCOP; certains ajouts créant les infractions aux lois électorales
pour des contributions illégales à l'annexe I de la LCOP.
J'ai terminé
ma présentation. Je vous remercie de m'avoir accordé ces quelques minutes.
Alors, je suis disponible, avec mes collègues, à répondre à vos
questions.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. Drouin. Maintenant,
je cède la parole au ministre pour un temps de huit minutes.
M.
St-Arnaud : Excellent. Merci, M. le Président. Bien, bonjour,
M. Drouin. Bonjour aux gens qui vous accompagnent.
Merci d'être là et merci de nous avoir transmis votre mémoire, à tout le moins,
hier. En tout cas, moi, j'ai eu l'occasion de le lire hier et de le lire
attentivement.
Ce que je
comprends de votre intervention, c'est que vous dites : Présentement, il y
a comme un dédoublement entre
certaines dispositions qui sont aux lois, notamment à la Loi électorale, Loi sur les élections et les référendums dans
les municipalités, Loi sur les élections
scolaires et la loi no 1. Et vous nous dites : Maintenant
qu'on a donné des moyens à l'AMF pour agir et que c'est elle qui, vraiment,
fait tout ce travail eu égard à ce qu'on pourrait appeler l'intégrité des entreprises, vous nous dites, il faudrait mettre
de la cohérence dans notre système. Et, finalement, vous… Parce
que vous, vous avez un registre, vous aussi, là, c'est ce
que je comprends, et vous proposez donc d'abolir votre propre registre, là,
ce faisant. C'est bien ça?
M.
Drouin (Jacques) : Le transférer dans l'autre registre, oui.
M.
St-Arnaud : Qu'il y
ait un seul registre, qu'il soit géré par l'AMF et que les infractions à la Loi
électorale, vous les envoyiez dans
l'annexe I, où la Loi électorale et les autres lois à caractère électoral ne
sont pas. Mais finalement vous dites : Plutôt qu'il y ait un
dédoublement puis qu'éventuellement
il y ait des problèmes d'application, envoyons tout ça du côté de l'AMF, mettons les lois électorales
dans les lois à l'annexe I de la loi n° 1, et le Québec sera mieux servi.
Est-ce qu'essentiellement c'est ce que vous nous dites? Est-ce que j'ai bien
compris la lecture de votre mémoire?
M.
Drouin (Jacques) :
Oui, vous avez bien compris, mais il
y a aussi toute la question
de la cohérence dans les critères, hein, la durée de l'interdiction, les
organismes visés. Il y en a un certain nombre, les infractions visées, les contrevenants visés. Il n'y a
pas tellement de cohérence. Je demandais tantôt,
à la blague, à Lucie de me donner dans une phrase courte la différence entre les organismes publics dont on parle
dans les lois électorales et ceux dont on parle dans la loi n° 1 ou la loi sur… et ils m'ont répondu que ce
n'était pas possible, mission impossible. Donc, il y a vraiment
un travail, quant à moi, de cohérence à faire.
M.
St-Arnaud : O.K. Parce que,
si ce travail-là ne se fait pas, on pourrait se retrouver dans des situations
où l'AMF, qui a entamé un processus
de réhabilitation de certaines entreprises, pourrait, à un moment donné, être
bloquée seulement par un
élément dans une des lois électorales. Est-ce que c'est un peu ça? Pouvez-vous
élaborer là-dessus?
M. Drouin
(Jacques) : Oui, tout à fait. Puis, la condamnation, on
s'entend qu'elle est faite par un tribunal de première
instance en matière électorale. Et,
deuxièmement, ça pourrait être pour un montant minime, hein, ça pourrait
être pour quelqu'un qui a aidé à faire une
contribution autrement qu'à même ses propres biens pour une valeur de
500 $, et l'entreprise se voit rayée pour trois ans, et c'est
automatique.
M. St-Arnaud : Peut-être juste là-dessus, là, je ne suis pas un
spécialiste de toutes les lois à caractère électoral, mais ce que vous
nous dites, peut-être pour élaborer là-dessus, une personne qui... Vous donner
des exemples d'une infraction, là, un peu ce
que vous venez de faire, il y aurait une infraction à caractère électoral
relativement, là… C'est toujours une
infraction pénale, mais j'allais dire relativement mineure, et vous
dites : Cette infraction-là, si elle avait été commise par un dirigeant d'une entreprise,
pourrait faire en sorte que l'entreprise elle-même, malgré tout le processus
de l'AMF puis malgré le fait que l'AMF, elle, pourrait considérer que
l'entreprise a avancé dans son processus de réhabilitation,
est prête à lui donner ce que j'appellerais son certificat de bonne conduite…
Mais, s'il y avait une infraction… en
fait, une condamnation pénale pour
une infraction mineure liée à un des dirigeants de ladite entreprise, selon la
loi actuelle cette entreprise-là serait sur votre registre pendant
trois ans. C'est bien ça? Est-ce que vous pouvez élaborer un peu là-dessus pour
être sûr qu'on saisit bien la problématique, là, des deux registres et que...
Donc, ce que vous nous dites, c'est : Mettez donc de l'ordre là-dedans,
envoyez tout ça à l'AMF, qui semble avoir fait ses preuves depuis un an
là-dessus, qui a plus de moyens. Et l'élément des critères aussi, là. Vous
dites : S'il y a des critères différents d'un côté ou de l'autre... Alors,
je vous écoute là-dessus.
M. Drouin
(Jacques) : Si vous permettez, M. le Président, je donnerais la
parole à Me Fiset.
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y, Me Fiset.
Mme Fiset
(Lucie) : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, effectivement, les
lois électorales prévoient des dispositions pénales qui visent autant, donc, une personne
physique qu'une personne morale. La disposition dit «quiconque contrevient aux dispositions de la loi qui concernent les contributions politiques». Donc, vous avez, effectivement, un dirigeant — un
exemple qu'on pourrait donner — qui
aurait remboursé un de ses employés aux fins des contributions politiques.
Donc, nous sommes en présence d'une contribution illégale, évidemment, parce que
non faite à même les propres deniers du supposé donateur. Donc, je pourrais, effectivement,
poursuivre le dirigeant en soi. De par la poursuite contre le dirigeant, il se retrouverait automatiquement, effectivement, sur le registre du Directeur général des élections. Maintenant, il est
possible également que je poursuive la compagnie, hein, lorsque je
suis capable de démontrer que le dirigeant a agi au profit de la compagnie. Alors, si je poursuis la
compagnie, encore une fois, automatiquement, le nom de la firme est inscrit sur le
registre du Directeur général des élections.
Autre possibilité que
le législateur nous accorde, qui est particulière dans notre cas, c'est que, si
je poursuis exclusivement le dirigeant et
que j'obtiens un jugement de culpabilité contre le dirigeant — et, encore une fois, comme l'a dit M. Drouin, peu importe le montant de la
contribution visée, donc ça pourrait être, effectivement, une contribution
de 500 $ ou même présentement une
contribution de 100 $ au niveau provincial — donc, dès le moment où j'obtiens un jugement de culpabilité contre le dirigeant, je
peux, à ce moment-là, demander à la Cour supérieure d'obtenir un jugement
contre la firme. Et il y a une présomption dans la loi présentement qui dit que
le dirigeant est présumé avoir agi dans l'intérêt
de la firme, donc il y a un renversement du fardeau de la preuve, et c'est à la
firme à démontrer qu'elle ne devrait pas se retrouver sur le registre du
Directeur général des élections.
Et
autre particularité qu'on y retrouve, dans notre loi, c'est que, dès le moment
où le jugement est rendu en Cour du
Québec, chambre criminelle et pénale, l'interdiction, elle est automatique,
donc sur le registre du Directeur général des élections automatiquement, tandis que, dans la loi n° 1, on
parle d'un jugement définitif, donc une fois que les recours en appel ont été exécutés. Ça fait que, pour nous
aussi, on voit là une importance, on y accorde une importance parce qu'on
dit : Dès le moment où le jugement est
rendu en première instance, peu importe s'il y a des… une intervention en appel,
auprès de la Cour supérieure et ultimement la Cour d'appel, voilà. Donc, on
voit une problématique reliée à cela.
Le
Président (M. Ferland) : 30 secondes.
• (12 h 50) •
M.
St-Arnaud : En fait, ce que vous nous dites, c'est que, si on
suit votre recommandation et qu'on envoie tout du côté de l'AMF, vous dites : Cet élément-là, par exemple, la
condamnation pour 100 $, là, elle serait évaluée par l'AMF à son mérite dans le portrait global, et ça
n'empêchera pas, ça pourrait… L'AMF, en tout cas, fera son travail, puis elle
le considéra à sa juste valeur ou… C'est un peu ça, là.
Mme Fiset
(Lucie) : Tout à fait. Parce que, présentement, dans la loi…
Le
Président (M. Ferland) : …parce que, malheureusement, le temps…
Et je dois le respecter parce que la salle est prise à 13 heures,
et je ne peux pas déroger,
Mme Fiset
(Lucie) : Oui, d'accord.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, je vais céder la parole au…
M.
St-Arnaud : Excellent. Merci beaucoup, on va regarder ça avec
attention avec les membres de la commission.
Le Président (M.
Ferland) : …porte-parole de l'opposition officielle, le député
de Fabre, pour 5 min 30 s.
M.
Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Alors, bonjour.
Merci encore une fois. C'est toujours un plaisir de recevoir les représentants du Directeur général
des élections. C'est toujours des commentaires utiles à notre réflexion et
c'est encore le cas ici. Je note… en fait, je n'ai pas pu m'empêcher parce que
le mot qui m'est resté à l'esprit en vous écoutant,
c'est la question de la cohérence, la cohérence de nos lois, et je pense que
ça, c'est… nous sommes tous préoccupés, à titre de parlementaires, M. le Président, par cette idée que nous
voulons des lois qui sont cohérentes les unes avec les autres. Et, d'entendre ce message-là, je me dis :
Est-ce que ce n'est pas l'illustration que, malgré tout le soin qu'on apporte à
nos lois, de temps en temps on
l'échappe? Et ce qui me ramène à mon dada, de bien prendre le temps, lorsqu'on
adopte une loi, de s'assurer qu'on a
couvert tous les angles. Parce que, là, je me dis : On a adopté une loi,
la loi n° 1, l'an passé, puis là vous
venez nous dire : Bien, écoutez, peut-être qu'on a oublié d'attacher les
fils parce que, dans la Loi électorale, il y a des dispositions qui
prévoient des sanctions différentes. Et là j'utilise le terme «sanctions» au
sens large.
Alors,
je comprends que vous nous rappelez, là, que la Loi électorale avait été
modifiée en 2010 — décembre
2010, je pense — et qu'on
avait prévu à ce moment-là... le gouvernement de l'époque avait proposé des
sanctions, disons, très sévères dans le respect de la Loi électorale, et des sanctions
qui amenaient l'interdiction de conclure des contrats pour une période de trois
ans de façon automatique. C'est ce que vous avez dit. Alors, je comprends que
la sanction qui était prévue en 2010 était plus sévère que ce qu'on prévoit
maintenant, avec un régime où il y a une certaine souplesse. C'est ce que je
comprends également.
Je
note aussi que vous, dans votre sagesse, vous nous proposez que l'approche avec
une certaine flexibilité est peut-être
plus appropriée que l'approche automatique, la sanction automatique. C'est le
message que j'ai perçu. C'est ça?
M. Drouin
(Jacques) : Oui. Oui, tout à fait.
M.
Ouimet (Fabre) : En fait, j'ai compris que, puisque votre
loi s'applique de façon automatique avec les montants qui peuvent être
minimes, c'est ce qui vous encourage à aller dans cette direction-là. C'est ça?
M. Drouin
(Jacques) : C'est ça.
M.
Ouimet (Fabre) : Maintenant, est-ce que j'ai raison de dire
que la Loi électorale a une portée plus vaste au niveau des contrats
visés que la LCPO?
M. Drouin
(Jacques) : Plus vaste dans quel sens?
M.
Ouimet (Fabre) : Dans le sens : L'interdiction de
contracter vise tout contrat, et non pas des contrats d'un certain
montant.
M.
Drouin (Jacques) : Tout contrat et tout montant. Il n'y a pas
de seuil de montant, c'est à partir de zéro, là, à partir de 10 $,
là, l'interdiction de contrat, effectivement.
M.
Ouimet (Fabre) : Alors, non seulement il y a une incohérence
entre le mécanisme proposé par la loi sur les élections, c'est-à-dire l'automatisme, mais il y a également une
différence dans le sens où la Loi électorale, elle, n'impose pas de montant minimum au contrat visé, tous les
contrats publics sont susceptibles d'être visés, donc l'entreprise ne peut
conclure un contrat avec le gouvernement pour quelque montant que ce soit pour
trois ans.
M. Drouin
(Jacques) : Tout contrat et de toute nature.
M.
Ouimet
(Fabre) : Alors, ça me semble être une différence non
négligeable. Les parlementaires auront à réfléchir
sur la sagesse à laquelle vous nous appelez, d'envisager un mécanisme qui
permet la souplesse. Mais je tenais, M. le Président… Et c'est grâce au DGE qu'on constate
qu'il y avait une incohérence dans l'approche entre les deux lois, et qu'en 2010 l'approche était plus sévère que
l'approche que nous envisageons maintenant. Alors, je ne sais pas si mes
collègues de l'opposition officielle ont des questions. Pour moi, ça complétait
les points.
Le Président (M.
Ferland) : Il reste environ une minute si vous avez…
M.
Ouellette :
Ah! bien, pour une minute, oui.
Le Président (M.
Ferland) : Une minute, pas plus. Allez-y.
M.
Ouellette :
J'ai l'impression, M. le Président — bonjour, M. Drouin — de
revivre un mauvais film. J'ai l'impression
d'être dans le film des discussions de la loi n° 1 et je suis surpris
qu'on n'ait pas pensé, ou qu'on n'ait pas arrimé, ou qu'on n'ait pas,
effectivement, réfléchi, à ces choses-là, puis que le DGE vienne nous dire à
matin : Aïe! Oubliez-moi pas parce que,
là, votre affaire, ça ne marchera pas. Normalement, je le sais qu'on veut aller
vite puis je sais qu'on avait le même
problème avec la loi n° 1, puis je trouve ça assez particulier. Merci
d'être venu juste lever la main pour
nous dire : Excusez, là, mais il y a ça. Parce que, tous les jours, ça
fait l'objet, médiatiquement, de commentaires, de quolibets puis de toutes sortes de choses. À chaque fois qu'il y a
des accusations qui sont déposées par le DGE, là, ça part toutes sortes
d'allégations, ça fait qu'il faut, définitivement, que ça soit dans la loi.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le député.
Malheureusement… Ce n'était pas une question. C'est ce que j'ai compris,
hein?
M.
Ouellette :
Non, c'était un commentaire. Merci.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, je cède la parole au député de
Saint-Jérôme pour 1 min 30 s. M. le député.
M. Duchesneau :
Je vais au moins prendre 30 secondes pour faire un commentaire, moi aussi.
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y.
M.
Duchesneau : Je trouve ça déplorable qu'on ait un document
réfléchi et qu'on soit obligés de pousser ça à l'intérieur de 35 minutes. Je me
demande si on ne devrait pas les reconvoquer, ça a des conséquences
importantes. Moi aussi, j'ai encore
de travers la loi n° 1 de l'an passé. Là, on va avoir un impact direct sur
la loi n° 1 avec les recommandations qui nous sont faites, et on ne peut même pas interroger l'AMF. Je trouve
ça un non-sens puis je veux que ça soit enregistré.
M.
Drouin, vous bâtissez généralement votre preuve contre des personnes qui
auraient commis des actes dérogatoires ou
des actes répréhensibles à partir des documents que vous fournissent les partis
politiques et aussi, maintenant, avec l'enregistrement qu'un citoyen
peut faire directement. C'est ça?
M. Drouin
(Jacques) : L'Agence du revenu aussi.
M.
Duchesneau : Mon expérience m'a prouvé que ce n'est souvent pas
là qu'on va être capables de trouver les gens qui font vraiment des problèmes à la démocratie dans laquelle on
vit parce que ce n'est souvent pas sur l'écran radar. Est-ce que vous avez maintenant des moyens d'aller
au-delà de la seule preuve documentaire qui vous est fournie de façon
volontaire, sur laquelle on peut avoir des doutes?
M. Drouin
(Jacques) : Oui.
M. Duchesneau :
O.K. J'aimerais ça, vous entendre là-dessus.
Le Président (M.
Ferland) : …secondes, à peu près, oui. Il ne reste…
M. Drouin
(Jacques) : Oui, on en a, mais, en 15 secondes, ça va être
difficile.
Le Président (M.
Ferland) : …pas le choix.
M.
Drouin (Jacques) : Mais notamment la passerelle avec le Revenu,
qui nous donne, qui nous fournit beaucoup d'information et nous permet
d'entreprendre des poursuites, c'est…
M. Duchesneau :
Je suis fier de l'entendre. Je vais être obligé de vous couper.
Le Président (M. Ferland) : Je
m'excuse…
M. Duchesneau : M. le
Président…
Le Président (M. Ferland) :
Non, je m'excuse…
M.
Duchesneau : …est-ce que je peux revenir avec ma
recommandation?
Le
Président (M. Ferland) : Oui. Je vous remercie, mais
malheureusement… Je vais vous expliquer quelque chose. O.K.? Parce que j'ai bien entendu vos commentaires, vos
recommandations, mais je ne fais et je ne peux qu'appliquer les règles. Alors, si on veut déroger à ça, il va
falloir que les bureaux des leaders se parlent et reconvoquent le Directeur
général des élections. Je n'ai aucun problème avec ça.
M. St-Arnaud :
Leur mémoire est clair.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, sur ça, je vais céder la parole au député de
Blainville pour 1 min 30 s.
M. Ratthé :
Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y.
M.
Ratthé : Écoutez, je voulais juste faire un constat. Et je
pense que ce que vous nous apportez aujourd'hui, M. Drouin, c'est un
constat important. Ce que vous nous dites, c'est, d'une part — mes
collègues l'ont dit : Soyons cohérents.
Mais, d'autre part aussi, moi, je suis très sensible au fait que vous avez
mentionné que, pour une contravention commise
ou une infraction commise par un seul individu, une entreprise complète
pourrait être radiée pendant trois ans de
temps, ce qui a des implications majeures pour des employés. On voit
actuellement certaines entreprises, de grandes firmes d'ingénierie chez nous qui ont fait déjà des mises à pied
importantes, et d'autres firmes, et je pense qu'il va falloir vraiment se pencher là-dessus parce qu'en quelque
part je pense que les individus concernés doivent payer, mais les gens
qui ne sont pas concernés ne doivent pas être pénalisés.
Et je pense que ce
que vous nous apportez ce matin, c'est un éclairage drôlement important dans
cette cohérence-là, de faire en sorte que la
personne qui a commis l'infraction est la personne qui devrait être punie, et
non pas celle qui ne l'a pas commise, et encore moins l'entreprise, qui aurait des conséquences, mais tout à fait désastreuses sur
des employés qui, eux, n'ont aucun contrôle
sur ce qu'un ou des dirigeants ont fait. Alors, c'est ce que je retiens, moi.
Et je pense que l'éclairage que vous nous
apportez aujourd'hui est drôlement important, ça va
sûrement orienter nos travaux. Merci, M. Drouin.
• (13 heures) •
Une voix : Voyez-vous,
on en veut plus…
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci. Merci, M. le député.
Alors,
la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, où elle entreprendra un
autre mandat. Alors, sur ce, bonne période de repas.
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Malheureusement, c'est tout…
(Suspension de la séance à
13 h 1)
(Reprise à 19 h 33)
Le
Président (M. Marsan) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Je vous rappelle que la commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi
n° 61, Loi visant principalement le recouvrement de sommes payées
injustement par des organismes publics relativement à certains contrats
dans l'industrie de la construction.
Puis
je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de la Corporation des
entrepreneurs généraux du Québec. Je
voudrais mentionner aux membres que les représentants de la corporation m'ont
demandé de dépasser légèrement leur
temps de présentation. Alors, sur consentement, vous savez, tout est possible
dans ce Parlement. Alors, vous avez l'autorisation
de tous les parlementaires. Je vous demanderais de vous présenter et de nous
indiquer qu'est-ce que vous faites dans cette corporation, et, ensuite,
vous pouvez commencer votre laïus. Merci.
Corporation des entrepreneurs généraux
du Québec (CEGQ)
M.
Martin (Luc) : Bonjour. Alors, merci. Merci de nous avoir invités. Mon nom
est Luc Martin, je suis le vice-président
exécutif de la Corporation des entrepreneurs généraux. Et je suis accompagné de
Benoît Lussier, vice-président du conseil d'administration de la
corporation, et M. Lussier va vous lire le document qu'on vous a préparé.
M. Lussier (Benoît) : Alors, merci beaucoup, M. le Président. M. le
ministre, Mmes, MM. les députés, nous vous remercions de l'opportunité qui nous est offerte aujourd'hui de vous
exprimer la vision des entrepreneurs généraux qui oeuvrent dans les bâtiments institutionnels,
commerciaux et industriels sur le projet de loi n° 61. La CEGQ est fière
de regrouper les entrepreneurs
généraux les plus actifs au Québec. Nos membres se voient d'ailleurs confier la
majeure partie des travaux en entreprise générale des bâtiments publics.
Depuis plusieurs mois, l'ensemble des entrepreneurs est
victime de la mauvaise réputation faite à l'industrie de la construction, causée principalement par la
faiblesse et l'incapacité de nos règles de marché public à identifier et à
contrer la corruption et la
collusion. Force est de constater que nos marchés publics sont perméables aux
influences, aux infiltrations et exposés à des malversations de toutes
sortes.
Ici et ailleurs dans
le monde, de nombreux fournisseurs s'intéressent aux marchés publics.
Toutefois, certains d'entre eux tentent d'en
réduire la concurrence dans le but de s'avantager. C'est ce qui, manifestement,
s'est déroulé au Québec, où plusieurs organismes publics ont payé injustement des
sommes à la suite de fraudes ou de manoeuvres dolosives dans le cadre de
l'adjudication, de l'attribution ou de la gestion de contrats publics.
Ce projet de loi vise à permettre au gouvernement de récupérer, pour les organismes publics
concernés, certaines sommes payées
injustement à certaines entreprises. Il est important de mentionner qu'il n'y a pas seulement
les organismes publics qui ont été
floués dans ces manoeuvres, il y a également les nombreux entrepreneurs qui travaillent de
façon honnête et qui se sont vus privés d'importants marchés publics par
ces mêmes entreprises.
La
Corporation des entrepreneurs généraux du Québec accueille favorablement les
principes de ce projet de loi. Nous
avons toutefois quelques mises en garde sur la façon de récupérer ces sommes,
puisque le message qui sera reçu des entreprises qui travaillent de
façon honnête de même que de la population risque d'être mal perçu.
Vu
globalement, ce projet de loi pourrait être perçu dans l'industrie de la
construction comme une amnistie envers ceux
qui ont détourné d'importants fonds publics, puisqu'il leur ouvre des
opportunités pour acquérir leur accréditation de l'Autorité des marchés financiers qui leur donnera de nouveau accès
aux marchés publics, ce qui n'est probablement pas le message que le législateur voudrait passer. Plusieurs de nos
entreprises qui ont toujours oeuvré de façon honnête seront déçues d'avoir de nouveau comme concurrents
des compétiteurs qui les ont privées d'importants contrats suite à des
manoeuvres frauduleuses.
Voici nos
commentaires sur certaines dispositions du projet de loi n° 61. Nous
sommes d'avis que ce projet de loi devrait
viser l'ensemble des marchés publics, et non seulement les contrats reliés à la
construction. Les autres secteurs d'approvisionnement
sont également à risque de connaître des situations similaires et sont, par
ailleurs, également soumis aux accréditations
de l'AMF. Au surplus, nous sommes déçus de constater que ce projet de loi vise
uniquement les entreprises de
construction qui ont conclu un contrat directement avec un organisme public, ce
qui exclut les sous-entrepreneurs, les fournisseurs, etc.
Pourquoi ne
pas saisir l'opportunité de légiférer pour tous les secteurs? On a souvent tendance
à oublier les autres niveaux de la
chaîne d'approvisionnement qui composent certains secteurs. À titre d'exemple,
dans le bâtiment, la sous-traitance
et les fournitures comptent pour plus de 80 % des montants impliqués dans
les projets. Or, ces autres niveaux ne
font pas l'objet de ce projet de loi. Nous souhaitons que ce projet soit
également élargi à toutes les entreprises impliquées dans les projets
publics, que ce soit à titre de cocontractant d'un organisme public, de
sous-traitant ou de fournisseur.
Dans ce genre
de délit, nous pensons qu'il sera très difficile pour le ministère de
documenter des preuves solides à l'effet
que des entreprises se seraient livrées à des manoeuvres dolosives pour
l'obtention ou la réalisation de marchés publics. Mis à part des aveux devant la commission Charbonneau, il sera
également difficile d'établir de façon exacte les contrats pour lesquels
il y aurait eu fraude. Pourra-t-on utiliser ces aveux comme preuve?
Le projet de
loi indique que l'entreprise devra rembourser certaines sommes obtenues d'un
organisme public dans le cadre de
l'adjudication, de l'attribution ou de la gestion d'un contrat public et pour
lequel il aurait pu y avoir fraude ou
manoeuvre dolosive. Le ministre tentera donc de percevoir un pourcentage défini
par décret de certains contrats qu'il présume y avoir eu collusion ou
corruption auprès d'entreprises et d'individus qu'il présumera avoir participé
à ces manoeuvres. Nous nous questionnons
comment le ministre fera pour établir la preuve dont il est fait mention à
l'article 3 du projet de loi. Faute de
preuves probantes, il devra nécessairement négocier avec ces sociétés fautives
qui seront représentées par des procureurs fort bien préparés à ce type
de négociation.
Nous
comprenons que le ministre pourra créer plus d'un programme de remboursement.
De ce fait, les entreprises qui
seront appelées à régler leurs comptes ou qui décideraient de le faire de leur
propre chef pourraient ne pas être traitées de la même façon, ce qui pourrait laisser une mauvaise impression chez
certains et permettre à d'autres de rechercher un règlement moins
coercitif.
• (19 h 40) •
On dit
souvent que le diable est dans les détails. En quoi consisteront ces programmes
de remboursement? Fera-t-on des
programmes sur mesure pour certaines entreprises? Selon le type de programme,
il pourrait être intéressant pour certains de continuer à frauder les marchés publics dans l'espoir de pouvoir
ensuite profiter d'un des programmes pour s'en sortir. Il y est mentionné que le ministre pourra
transiger et donner valablement quittance pour le compte d'un organisme public.
Quelle sera sa marge de manoeuvre? À partir
de quels critères pourra-t-il négocier? Comment seront perçus ces règlements
dans le public et par les nombreux entrepreneurs
honnêtes qui se sont fait flouer par ces concurrents qui manipulaient les
marchés publics? Par cette mesure, réussira-t-on à rétablir la confiance envers
les marchés publics ou, au contraire, passera-t-on
le message que tout peut finalement s'arranger, à condition de bien connaître
ces programmes de remboursement?
Les entreprises et personnes visées par ce
projet de loi seront invitées à s'entendre avec le ministre en vue de conclure un règlement. Il y est également
mentionné que le représentant du ministre n'aura aucun document à produire
et que, s'il en produit, ces documents ne
seront pas accessibles par la loi d'accès à l'information. Si tel est le cas,
faut-il comprendre
que des personnes qui ont admis avoir fait de la collusion ou de la corruption
seront invitées à négocier des sanctions
en catimini avec un représentant du ministre sans que ces règlements soient
rendus publics, alors que ces mêmes personnes
pourront, par la suite, obtenir en toute impunité l'accréditation de l'AMF et
obtenir d'autres marchés publics? On
est loin de l'argumentaire qu'on nous servait lors de l'adoption du projet de
loi n° 1, qui a créé les accréditations de l'AMF. Nous questionnons le bien-fondé de cette absence de transparence,
puisqu'un des principes fondamentaux de la Loi sur les contrats des organismes publics, qui vise à assurer
l'intégrité des marchés publics, est justement la transparence dans les
processus contractuels.
Les
entrepreneurs que nous représentons ne comprennent pas l'absence de
transparence que nous remarquons dans ce projet de loi quant aux
contrats visés, aux montants réclamés et aux montants finalement réglés. Si ces
cas se retrouvaient devant les tribunaux, les règles de transparence
s'appliqueraient. Nous craignons que cette absence de transparence laissera planer un doute quant au traitement réservé à ces
entreprises qui se verront de nouveau invitées à participer aux marchés publics. De plus, ceci n'aura pas l'effet
dissuasif recherché auprès de ces entreprises dans le futur et auprès
également des autres entreprises qui seraient tentées de faire de telles
manoeuvres.
En vertu de
ce projet de loi, le ministre pourra donner valablement quittance. Toutefois,
il n'est pas précisé si cette quittance
sera pleine et entière pour seulement les contrats identifiés ou couvrira une
période donnée, ce que chercheront vraisemblablement
à obtenir les entreprises et les personnes visées. Si la quittance couvre une
période, il sera par la suite difficile
pour le ministre de tenter de récupérer des sommes pour des nouveaux contrats
qui pourraient faire l'objet d'examen dans cette même période.
Nous avons noté que le ministre cherche à
contrôler les initiatives de certains organismes publics qui seraient portés à prendre eux-mêmes des procédures pour
tenter de recouvrir ces sommes payées injustement. Nous notons aussi que
le projet de loi forcera également certains organismes publics à collaborer.
Nous saluons particulièrement cette disposition,
puisque, selon nos observations, il est fréquent que des organismes publics,
par les contenus des documents d'appel
d'offres, tentent de procurer un avantage injustifié à une entreprise en
introduisant des règles qui l'avantagent.
Plusieurs de
ces manoeuvres de collusion et de corruption ne peuvent s'être déroulées sans
une certaine complicité d'acteurs
publics. Sans contraintes, il sera difficile de compter sur leur collaboration,
de peur qu'ils se fassent interpeller. Compte
tenu, encore une fois, des dispositions de la Loi sur les contrats des
organismes publics, nous sommes surpris que ce projet de loi n'adresse pas l'imputabilité des acteurs publics
qui seraient impliqués dans ces manoeuvres. Quel traitement réserve-t-on
à ces acteurs publics qui se verraient soupçonnés de complicité active ou
passive?
Il est prévu que toute somme recouvrée par le
ministre en application de la présente loi sera répartie entre le gouvernement et les organismes publics concernés.
De plus, un pourcentage de 20 % sera conservé par le ministre pour l'administration de la présente loi. Nous sommes
confiants que le ministre prendra soin de bien encadrer ces processus pour assurer la population que son service ne
devienne pas une agence de recouvrement qui serait tentée de conclure à rabais le plus grand nombre de règlements possible
pour collecter le plus de 20 % et démontrer à la population que son
programme fonctionne.
Les
dispositions obligatoires les plus contraignantes pour l'émission des
accréditations par l'AMF ont été supprimées
et remplacées par la mention que l'AMF pourra dorénavant les considérer, ce qui
change considérablement l'intention
de la loi. Comme la première motivation de plusieurs entreprises visées par ce
projet de loi sera l'obtention par
l'AMF de leur accréditation et l'accès aux marchés publics, n'y aurait-il pas
lieu d'exiger de l'AMF qu'elle devra, pour ces entreprises, tenir compte d'un
règlement avec le ministre? Cette disposition motivera davantage les
entreprises à régler et donnera un pouvoir additionnel au ministre pour
obtenir de meilleurs règlements.
Ce projet de loi vise à permettre au gouvernement et aux organismes
publics de récupérer des sommes
injustement payées, et c'est très bien.
Dans ce cadre des règlements qui seront conclus par le ministre,
n'y aurait-il pas lieu d'imposer à
ces entreprises de devoir, pour les trois années suivant
l'émission de leur accréditation de l'AMF, remettre à la fin de chacun
des contrats qu'ils concluront avec un organisme public un crédit de 5 %
du montant du contrat? Nous vous remercions de votre attention.
Le
Président (M. Marsan) : Je vous remercie, M. Lussier et M.
Martin, de nous avoir donné le point de vue de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec.
Nous allons débuter nos échanges immédiatement, et je vais laisser la
parole à M. le ministre de la Justice. M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Merci, M. le Président. Alors, merci, messieurs, de
votre apport à la commission. Merci pour votre mémoire. Produit dans des délais très courts, hein, mais on
l'apprécie d'autant. Vous soulevez plusieurs questions fort intéressantes. Dans certains cas, j'aurais
tendance à vous répondre parce que je pense qu'il y a des questions que vous
posez où on a prévu des choses. Mais, comme
on n'aura pas le temps de tout couvrir, sachez, à tout le moins, que c'est
des points qui vont nous permettre d'avoir
de bonnes discussions lorsque nous étudierons le projet de loi article par
article.
Peut-être que
j'ai trouvé ce sur quoi je souhaiterais, dans un premier temps, vous demander
de préciser, c'est votre dernier point
et... votre dernière recommandation, en fait, où j'ai un peu de difficultés à
saisir ce que vous souhaitez. Votre recommandation
n° 5 à la page 8, c'est : «Introduire pour ces entreprises une
pénalité équivalente à 5 % des montants des contrats conclus avec des organismes publics pour les trois années
suivant leur accréditation à l'AMF.» Alors, honnêtement, j'ai un peu de difficultés, un, à saisir
exactement ce que vous souhaitez et je m'interroge même sur comment on pourrait
faire ça. Mais j'aimerais vous entendre d'abord sur cette recommandation que
vous formulez.
M. Martin
(Luc) : Donc, on vous a dit
d'entrée de jeu qu'il n'y avait pas seulement les organismes publics qui
s'étaient fait flouer dans ces opérations-là, il y avait également les
entrepreneurs. Il y a de nombreux entrepreneurs honnêtes qui se sont vus privés d'importants
marchés publics, bon, aux mains de concurrents, et, à ce moment-là, ce serait
une façon, entre guillemets, de compenser
ces entreprises-là. Donc, pour les trois prochaines années, vous allez être
plus concurrentiels de 5 %. Ça
peut être un autre pourcentage, là, mais… Et voilà. Donc, c'est le but, c'est
le but recherché.
On s'est un
peu inspirés de l'application de la norme ISO qu'il y avait dans la Loi sur les
contrats des organismes publics, où
on favorisait carrément les entrepreneurs qui avaient un programme d'assurance
qualité ISO. Donc, l'organisme public
pouvait favoriser ces entreprises-là jusqu'à 5 %. Pourquoi? C'était pour
encourager les entreprises à se doter de tels programmes. Donc, de là
vient l'inspiration de…
M. St-Arnaud : Et
concrètement ce que vous dites, c'est... Ça se ferait comment concrètement?
Vous dites, il y aurait… ou il y a un contrat avec un organisme public, et on
ajoute un 5 %? Comment…
M. Martin (Luc) : Non, à la fin du
contrat, l'organisme public demande, exige un crédit de 5 % à la fin.
M. St-Arnaud : Un crédit de
5 % sur le montant du contrat.
M. Martin (Luc) : Oui, c'est tout.
M.
St-Arnaud : O.K. J'aimerais vous entendre également sur
l'élément de transparence. Vous semblez dire : Il y a… En fait,
c'est même le titre de la section IV de votre mémoire, vous dites : Nous
ne sommes pas certains qu'il y a une transparence
totale, on croit même qu'il y a… Vous intitulez votre section L'absence de
transparence. Alors, j'aimerais vous
entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous pensez qui devrait être fait? Parce que
l'idée derrière le projet de loi, c'est la transparence, notamment sur
le programme de remboursement, et j'aimerais vous entendre sur ce que vous
proposez concrètement pour qu'il y ait davantage de transparence.
M. Martin
(Luc) : Pour qu'il y ait
davantage de transparence, on pourrait rendre publique la liste des projets,
hein, que vous soupçonnez qu'ils font
l'objet d'une réclamation et, à tout le moins, le montant final qui a été réglé
avec ces entreprises-là.
• (19 h 50) •
M.
St-Arnaud : …cet élément-là parce que, lorsque nous avons
déposé le projet de loi, mon collègue le président du Conseil du trésor
et moi, on avait dit : Sachez que tous les règlements seront publics, là,
s'il y a des ententes via le programme de
remboursement. Mais vous, vous dites qu'il y aurait peut-être lieu — parce que je pense que ce n'est pas comme
tel dans le projet de loi — de
l'indiquer dans le projet de l'indiquer dans le projet de loi. C'est ça?
M. Martin
(Luc) : C'est ce qu'on vous
demande, effectivement. Effectivement, parce que, regardez, c'est… On vous disait au début : Parmi les victimes de
ces manoeuvres-là, il y a les entrepreneurs aussi et le public, bien sûr. Ça
fait que, là, on le sait, on a quand
même… Ceux qui oeuvrent dans cette industrie-là ont une bonne idée, là, de ce
qui s'est fait. On connaît ça, c'est
notre domaine, donc, et les gens vont pouvoir se faire une idée à savoir, oui,
effectivement, ça a été fait d'une
façon correcte ou… Sinon, la perception, les soupçons, bien, pourraient laisser
entendre qu'il n'y a pas eu un règlement adéquat.
M.
St-Arnaud : Vous dites, à la section I de votre mémoire :
Le projet de loi… Évidemment, vous aurez compris qu'on s'est attaqués à un secteur prioritaire qui était les contrats
reliés à la construction, mais vous dites : Ça devrait aller plus loin que le secteur de la construction. Je ne
sais pas si ce serait possible dans le projet de loi, peut-être dans un autre
éventuel ou dans d'autres. Mais j'aimerais vous entendre, vous pensez à quels
secteurs?
M. Lussier
(Benoît) : Bien, en fin de
compte, on pense à tous les secteurs qui oeuvrent avec l'organisme public.
On peut parler d'informatique, on peut
parler de… bon, de tous les autres secteurs, là. Je pense que c'est assez
large, tous ceux qui traitent avec
l'organisme public. Puis on rattache ça, nous, en fin de compte, un petit peu à
l'AMF parce qu'on se dit : Avec le projet de loi n° 1, il a
été instauré qu'il fallait obtenir une accréditation de l'AMF pour être en
mesure d'oeuvrer pour l'organisme public.
Bon, il y a certains montants qui ont été établis, mais, par décret, on comprend
que ça descend. Puis ça, bien, ça
vient toucher aussi les sous-traitants puis les fournisseurs. Alors, pourquoi
ne pas rattacher ça… en fin de
compte, pourquoi ne pas profiter de ce projet de loi là pour attacher, en fin
de compte, l'ensemble puis aller chercher
les fournisseurs et les sous-traitants pour s'assurer, en fin de compte, que
tout ça se tient? C'est dans ce sens-là, en fin de compte, que notre
réflexion a porté.
M.
St-Arnaud : Ce qu'on disait, vous souhaiteriez qu'il y ait un
lien entre le fait pour une entreprise d'avoir réglé un certain nombre de contrats problématiques via
le programme de remboursement et l'habilitation qui est donnée par
l'AMF. Est-ce que c'est bien ce que je comprends?
M. Martin
(Luc) : Oui, c'est bien ça, on
souhaite que ce soit un prérequis essentiel. Remarquez bien qu'il doit y avoir autre chose aussi, mais que ce
prérequis-là soit au moins complété. Pourquoi? Parce que ça va inciter le
ministre à avoir, on pense, de
meilleurs règlements. On ne s'en cachera pas, là, les gens qui vont aller
régler leurs comptes, bien ils ont un
but, c'est d'avoir l'accréditation de l'AMF pour retourner au marché public.
C'est ce qui va motiver des entreprises d'affaires, puis c'est bien
aussi, là, je pense que c'est l'objectif. Mais quelle poignée le ministre va
avoir pour essayer d'avoir le meilleur règlement
possible? Bien, on croit que c'est l'accréditation. Donc, si on dit à
l'AMF : Une des conditions que
l'entreprise devra compléter, que ces entreprises-là devront compléter, bien
c'est d'avoir réglé avec nous, donc vous risquez d'avoir…
M. St-Arnaud :
C'est une condition parmi d'autres.
M. Martin (Luc) : Parmi d'autres. Parmi d'autres, bien sûr, mais vous risquez d'avoir
peut-être un meilleur règlement.
M. St-Arnaud :
O.K. Écoutez, moi, ça complète mes questions, M. le Président. Je ne reprendrai
pas tous les éléments, mais sachez qu'on va
regarder avec attention chacun des éléments que vous avez soulevés, et je suis
sûr que ça va être la même chose pour
tous les membres de la commission. Il y a plusieurs questions que vous posez
sur plusieurs aspects du projet de
loi sur lesquelles il faudra, comme commission, réfléchir lors de l'étude
article par article. Je vais laisser la parole à mes collègues, M. le
Président. Je ne sais pas si, de ce côté-ci, ça va.
Le
Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie, M. le
ministre. Nous allons maintenant poursuivre avec l'opposition
officielle, et je vais donner la parole à M. le député de Fabre.
M.
Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. À mon tour de vous
souhaiter la bienvenue. Merci. Merci pour vos observations. Je voudrais juste revenir pour bien comprendre, là, parce
que, sur le dernier point qui a été abordé par le ministre, la question d'encourager le règlement,
vous avez souligné dans votre mémoire à juste titre, là… On parle de changer l'intention… En fait, vous dites «change
considérablement l'intention de la loi», faisant référence à la loi n° 1.
Vous avez également souligné que, pour beaucoup de vos membres, ils ont été
victimes de ces manoeuvres-là. Mais, tout de
même, je comprends que vous êtes favorables à ce changement dans l'intention de
la loi n° 1, c'est-à-dire qu'on permette
les règlements malgré le fait que des entreprises
ont été pénalisées et que la sanction qui serait d'empêcher les fautifs de signer des contrats publics, ça
avantagerait les victimes. Alors, je voudrais juste bien comprendre la position
de l'association quant à ce changement de… pas de l'association, pardon,
de la corporation.
M. Martin (Luc) : La loi n° 1, à
toutes fins pratiques, interdit à
l'AMF d'émettre une attestation, à titre d'exemple, à une entreprise qui serait reconnue coupable, bon, d'une de ces
infractions-là ici ou à l'étranger. C'est très sévère, là, c'est... O.K.?
Donc, ça veut dire interdit des marchés publics. Bon.
On
comprend que, par ailleurs, bien il
y a des sociétés
qu'il faut qu'elles fonctionnent, hein? Il y a les
sociétés qui sont des… il faut
leur permettre, à un moment donné, de réintégrer le droit chemin. Bon. O.K?
Donc, à ce moment-là, bien une
des conditions qu'on vous recommande, c'est d'obliger l'AMF, de contraindre
l'AMF à exiger qu'il vienne régler ses comptes avec l'État, et non pas
laisser entièrement la discrétion à l'AMF, là.
Le Président (M.
Marsan) : Oui, M. Lussier.
M. Lussier
(Benoît) : En fin de compte, ce qu'on propose, c'est qu'il doit y avoir un règlement
qui aurait été intervenu entre le ministre
et l'entreprise fautive pour qu'elle puisse obtenir son AMF. Puis
ça, ce que ça va occasionner, c'est que l'entreprise fautive va être
encore plus encline à régler, puis, disons, à négocier, puis aller du bon côté
pour, éventuellement, obtenir son AMF. Si on n'attache pas ça ensemble,
bien ça donne un petit peu moins de poids, en fin de compte. Alors, l'entreprise qui aura obtenu son AMF aura été obligée d'avoir réglé avec
le gouvernement. Donc, pour régler,
bien il faut négocier puis il faut comprendre que, comme entrepreneur, si je
veux avoir mon AMF, je n'ai pas choix de
régler. Donc, ça peut devenir peut-être un peu plus intéressant ou plus
productif, disons, pour le gouvernement dans ce sens-là.
M.
Ouimet (Fabre) : …en fait, je comprends que vous excluez la
possibilité du recours judiciaire conformément à l'article 61. Ce que vous dites, c'est : Faisons abstraction de
la poursuite, l'entreprise qui veut obtenir son autorisation doit
régler. C'est ce que vous dites.
M. Martin (Luc) : Oui, mais elle pourrait régler dans le cadre d'une poursuite aussi, là.
O.K.? Donc, dans le sens que
supposons qu'il y a une poursuite puis qu'elle est déclarée non coupable, là,
ça a été... O.K. On le comprend. O.K.? Mais
on a compris du projet de loi qu'on voulait éviter toutes ces poursuites-là,
là, je pense, qui vont durer des années et des années avec des
jurisprudences qu'il va falloir vivre avec après, là. Donc, on a compris, là,
qu'on voulait régler, puis c'est bien, là. Je pense que c'est l'intention,
puis on ne souhaite pas qu'il y ait des procédures qui n'en finissent pas non
plus, là.
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci. Mes collègues ont des questions, M. le
Président.
Le Président (M.
Marsan) : Oui, M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette : Merci, M. le Président. Bonsoir, MM. Martin et Lussier. Je vais avoir quelques
questions, mais je vous dirai que,
votre mémoire, vous êtes en plein dans le mille de ce que le milieu pense, de
ce que le terrain pense, de ce que
les entrepreneurs pensent, de ce que mon voisin pense. Et, tu sais, il y a
ceux qui écrivent l'histoire puis il
y a ceux qui la content. Vous
faites partie de ceux qui l'écrivent. Je vais avoir quelques petites questions.
Vous dites à
la page 2, là, que vous représentez les entrepreneurs les plus actifs. En
nombre, on parle de combien?
M.
Martin (Luc) : Nous, on représente 300, 350 entrepreneurs généraux en
bâtiment, donc on est… Il faut comprendre que
c'est quand même très, très ciblé, là, «généraux en bâtiment».
Donc, nos membres réalisent au-delà
de 80 % des marchés publics en bâtiment.
• (20 heures) •
M.
Ouellette : Donc, c'est vraiment quelque chose de très
important. À chaque page, je me suis pris des commentaires parce qu'à chaque page vous soulevez des points
très pertinents. Effectivement, dans la loi, je l'ai mentionné après-midi,
puis ça, bien c'est un autre débat qu'on
aura dans l'article par article… On va profiter de votre présence pour vous
faire préciser certaines affaires,
mais, effectivement, il ne faudrait pas que les gens aient la vision ou
l'image, là, que maintenant tu peux
t'acheter une licence, c'est... Et c'est ça qui se dégage, là. Plus vous parlez
aux gens sur le terrain, là, maintenant l'argent peut acheter tout.
Ona fait une loi n° 1 qui était très
restrictive et qui était très claire. Là, on va donner des pouvoirs exponentiels à l'AMF, alors que l'enquête de base est faite par
l'UPAC, l'AMF ne fait qu'entériner l'enquête policière qui est faite par l'UPAC. Mais là, s'il faut que l'AMF décide, effectivement — puis
je comprends, puis j'aime bien, moi, vos allusions à la transparence — parce qu'il y a eu un petit comité qui s'est
organisé : Ah! lui, ça va coûter tant, ça veut dire qu'on va avoir deux justices. Tu vas avoir celui qui a
bien de l'argent, qui a les moyens de se payer une négociation, puis ce n'est pas trop grave
si ça lui coûte 2, 3, 4, 5 millions, et tu as l'autre que sa survie en dépend et que
son entreprise qui va avoir 10, 15,
20, 30 employés, lui, là, c'est ça ou la faillite. Puis c'est sûr qu'il ne sera
pas dans le journal parce qu'une entreprise
qui dit dans le journal qu'elle est menacée de faillite, là, c'est fini, plus
de chiffre d'affaires, tu es aussi bien de changer de job. Ça fait
qu'on risque de se réveiller avec quelques gros qui vont contrôler tout, puis
ce n'est pas qu'on veut, ce n'est
vraiment pas ça qu'on veut. C'est pour ça que, vos commentaires, je pense,
qu'ils sont très importants et, surtout, très appréciés.
Que
vous nous parliez d'informatique puis d'approvisionnement, je pense qu'il faut
aller là aussi. On a parlé qu'il va
falloir prendre le temps de la regarder, M. le ministre, puis d'avoir une
discussion en long et en large sur chacun des articles, et regarder que des entrepreneurs généraux... Il y a des
villes qui ont été lésées. Pourquoi les villes ne pourraient pas faire partie de la négociation ou du processus
de remboursement qui sera décidé. Vous en avez parlé en... Tu sais, c'est toutes des questions qu'on se pose, que vous
vous êtes posées, puis ce que j'entends sur le terrain du milieu de la construction puis d'ailleurs, c'est ça. La
collusion, que mon collègue de Saint-Jérôme a parlé abondamment dans un rapport
qu'il a écrit, d'employés ministériels ou d'employés de certains ministères,
vous avez, à juste titre, posé les bonnes questions,
et ce sera à nous à faire le chemin qui va... Je ne sais pas si vous avez un
commentaire ou vous avez une réponse suite à ça, là.
M. Martin (Luc) : J'ai peut-être un petit commentaire. On a regardé un peu dans d'autres
pays comment ce qu'ils avaient abordé un peu cette situation-là parce
qu'on est loin d'être les seuls dans le monde qui vivent des situations
similaires, et ailleurs on a imposé des amendes à des sociétés qui sont
reconnues coupables, et ce qui gravite autour d'à
peu près 10 % de leur chiffre d'affaires. Donc, plutôt que de mettre des
pourcentages qui peuvent varier, on l'a mis dans la loi. Si vous êtes
condamné ou, bon, reconnu coupable, à ce moment-là vous allez payer 10 %
de votre chiffre d'affaires. Mais n'importe où sur la planète, là, ce n'est pas
le chiffre d'affaires uniquement dans le pays. Donc, c'est transparent, là. Le chiffre d'affaires, il est
connu, hein? Donc, vous avez les moyens de le savoir. Et puis le 10 %, il
est connu aussi. Donc, il y a une
adéquation facile à faire, et, à ce moment-là, bien... C'est comme les
contraventions sur la route, on sait
d'avance combien ça va nous coûter si on dépasse une certaine limite de... En
tout cas, on trouvait ça un peu plus transparent comme méthode. Voilà.
Le Président (M.
Marsan) : Oui, M. Lussier.
M. Lussier (Benoît) : Merci, M. le Président. Simplement ajouter que vous visez très juste en
décrivant le terrain. Nous, on est sur
le terrain. Moi, je suis entrepreneur général, donc je suis sur le terrain à
tous les jours, et il ne faut pas envoyer un message injuste à tous les
entrepreneurs qui travaillent au Québec. Il faut se comprendre, là, c'est un
petit pourcentage d'entrepreneurs qu'on
discute, là, en ce moment, là, puis il y en a un paquet d'autres, la majorité,
qui sont honnêtes, qui se lèvent le matin puis qui font leur possible
pour essayer d'arriver. Alors, il ne faudrait pas envoyer un message injuste où, justement, parce qu'on est une
entreprise en moyens et pesante, disons, qu'on peut avoir un certain
règlement versus une plus petite entreprise qui, elle, en fin de compte, marche
honnêtement, mais, bon, coudon... Je comprends
qu'on peut peut-être marcher croche, prendre une entente avec le gouvernement
puis repartir après, là. C'est important, ce point-là, pour nous.
M.
Ouellette : M. le Président, à la page 4, vous faites une
allusion dans votre deuxième paragraphe, et je pense que c'est une inquiétude légitime. On a entendu
beaucoup de choses dans le cadre de la commission Charbonneau, c'est des choses qui ont été dites sous serment, on doit
prendre pour acquis qu'il y a une recherche de la vérité puis qu'il y a une
grande partie de ce qui est dit dans les témoignages qui pourrait être
effectivement la vérité. Et vous soulevez dans votre mémoire l'inquiétude du terrain, que ce qui a été dit à
Charbonneau pourrait être utilisé contre les entrepreneurs ou pourrait être utilisé dans des poursuites. Ça,
je sais que ça fait partie d'une inquiétude légitime. Il y a eu beaucoup de
choses qui ont été dites là-dessus. La Loi
des commissions d'enquête, normalement, protège les témoignages, puis on
ne peut pas s'en servir ni au criminel ni au
civil. Je pense que le fait que vous le souleviez... Je ne sais pas si vous
aviez un commentaire là-dessus ou si ça représente l'inquiétude soulevée
chez vos membres.
M. Martin (Luc) : Mais nous, on est des ingénieurs, hein, on n'est
pas des juristes. Donc, à savoir est-ce qu'on peut utiliser une preuve plutôt qu'une autre, donc on ne peut pas
tellement se prononcer là-dessus, sinon ce qu'on a lu dans les journaux, à savoir qu'on ne pouvait pas
utiliser des témoignages devant la commission Charbonneau. Mais on n'est
vraiment pas les meilleures personnes pour se prononcer là-dessus.
M.
Ouellette :
O.K. As-tu une question, Rita? Oui?
Le Président (M.
Marsan) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme
de Santis : Merci, M. le Président. Merci. Merci à
M. Martin, M. Lussier. J'ai trouvé votre mémoire très intéressant. Et ça nous ramène à une certaine
réalité de ce que les gens sur le terrain pensent, et ça, c'est très, très
important.
J'aimerais
vous poser une question. Quand on regarde le projet de loi, on dit que c'est le
ministre qui peut tenter des recours
et qu'un organisme public peut le faire uniquement avec l'autorisation du
ministre. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. Martin (Luc) : …ce qu'on a pensé quand on l'a vu, c'est probablement que le ministre, il ne veut pas… en tout cas,
il ne voudrait pas, là — parce que c'est une opinion qu'on émet — il
ne voudrait pas que tout un chacun commence à faire des poursuites à droite et à gauche et se retrouver avec des jurisprudences, là. Donc, c'est comme ça qu'on l'a vu. Bon, on trouve l'idée quand
même… l'idée excellente de concentrer
et d'avoir des… en tout cas, d'avoir des règlements uniformes, et non pas dépendant des districts judiciaires.
C'est simplement comme ça qu'on l'a
vu, nous. Mais ça ne pose pas un problème pour nous.
Mme
de Santis :
...une grande partie des problèmes dans la construction touche la ville de Montréal. Est-ce que vous
croyez que la ville de Montréal devrait être impliquée ou pas, ou que c'est
uniquement au niveau du ministère?
M. Martin
(Luc) : Je pense que ça ne nous appartient pas de nous prononcer
là-dessus.
Mme de Santis :
Vous n'avez pas d'opinion là-dessus.
M. Martin
(Luc) : Ça appartient aux législateurs, je pense.
Mme de Santis :
O.K. Ce qui m'avait frappée quand j'ai lu votre mémoire, c'est ce que vous
dites à la fin du premier alinéa, à la page
3, où vous parlez du fait qu'il y a de nombreux entrepreneurs qui travaillent
de façon honnête et qui se sont vus
privés d'importants marchés publics par ces mêmes entreprises. Alors, ça, c'est
une constatation, c'est une vérité
aussi. Et, tout à l'heure, on parlait de la pénalité additionnelle que vous
proposez comme recommandation, est-ce que…
Mais aucun montant de ça ne va être payé ou remboursé aux entrepreneurs qui ont
pu souffrir des échecs ou ont manqué
des contrats parce qu'il y avait de la collusion ou de la fraude. Est-ce que, quand vous avez écrit cet alinéa-là, vous
aviez autre chose en tête?
Le Président (M.
Marsan) : Allez-y.
M. Lussier (Benoît) : Oui. Merci, M. le Président. En fin
de compte, ce qu'on avait en tête,
c'est qu'on veut… Concernant la pénalité,
ce qu'on veut, on veut qu'il transparaisse une certaine équité à travers tout
ça. Les entrepreneurs qui ont décidé de jouer du mauvais côté de la
clôture, en leur imposant une pénalité — puis là on a mis 5 %, mais c'est
une piste de discussion qu'on fait, là, ce
n'est pas…— en leur
mettant une espèce de pénalité, c'est qu'ils devront éventuellement la comptabiliser, eux, dans leur
proposition de prix au gouvernement. On comprend que ce pourcentage-là
va être en plus, mais tous les autres entrepreneurs honnêtes n'ont pas à
comptabiliser ça. Comprenez-vous?
Alors, ce que ça
fait, c'est que ça envoie un message de justesse aux entrepreneurs honnêtes,
dire : Au moins, l'entrepreneur X est
revenu dans le marché, mais je sais que, de base, il devrait être un peu plus
cher que moi. À moins qu'il y ait d'autres éléments qui lui permettent de
concurrencer, il devrait être un peu plus cher que moi. Donc, moi, ça m'envoie le message, en fin de compte, que j'ai…
Au moins, on tient compte du fait que ça fait 20 ans qu'on est honnêtes,
exemple, parce que ça fait 20 ans qu'on est en entreprise. C'est dans ce
sens-là qu'on l'a pensé.
• (20 h 10) •
Le Président (M.
Marsan) : Je vous remercie. Le temps affecté à l'opposition
officielle est terminé. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Saint-Jérôme,
qui représente le deuxième groupe d'opposition.
M. Duchesneau :
Pour combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Marsan) : Un peu plus de quatre minutes.
M. Duchesneau :
Je vais parler vite.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Duchesneau : Alors, merci
beaucoup. À mon tour de me joindre à
mes collègues, de dire : Bravo! vous avez mis le doigt sur, peut-être, une partie des problèmes qu'on vit, là, quand il n'y a,
justement, pas justice et équité pour tous. Si je résumais votre mémoire, ce que vous cherchez, ce n'est finalement
pas seulement la construction. Parce que je pense que le milieu de la
construction a été assez ostracisé, et ce serait, je pense,
faire de l'aveuglement volontaire que de ne pas penser que ça peut exister dans d'autres domaines. Vous voulez un remboursement. Vous voulez la transparence. Vous voulez que les organismes publics soient impliqués, mais il faut
aussi faire le discernement parce
qu'il n'y a... ce n'est pas
toutes les administrations publiques qui ont bonne réputation. Et vous cherchez
l'uniformité dans la loi.
Alors,
moi, j'ai une question à vous poser, justement, qui touche votre 5 %. Ce que vous dites essentiellement,
c'est qu'il ne faudrait pas que les gens qui
ont commis des fautes se retrouvent à payer uniquement ce qu'ils nous ont volé,
il faut qu'il y ait une suramende. Est-ce que c'est bien résumé?
M. Martin (Luc) : Oui, effectivement, et en plus une suramende pour un peu les pénaliser
par rapport aux autres qui ont été
honnêtes. On met une durée quand même, trois ans, qu'on vous propose, là. Et
puis voilà. Et donc les sociétés qui
sont honnêtes, qui ont joué le jeu et qui se sont fait flouer, bien, au moins,
ce sera moins frustrant pour eux de voir revenir ces gens-là sur le
marché.
Il
faut comprendre aussi qu'il y a beaucoup de ces entreprises-là qui ont toujours
oeuvré de cette façon-là. Ça va être difficile pour eux, là, de revenir…
Il y a des gens qui ne sont pas capables de concurrencer, qui ont beaucoup de difficultés à concurrencer dans le libre marché.
Donc, ça nous inquiète aussi un peu, là, comment est-ce que ces gens-là vont
revenir puis être capables de se réintégrer dans un environnement de libre
marché, alors que ça fait peut-être 10 ans qu'ils oeuvrent ailleurs.
M.
Duchesneau : Mais, comme vous, moi non plus, je ne suis pas un
juriste, mais on est tous des citoyens ici, et on sait, par exemple, quand on a un petit problème avec l'impôt, l'impôt
va d'abord chercher l'argent qu'on leur a pris, et ils nous donnent une amende par la suite. Là, si on va juste,
exemple... Prenons un exemple très théorique. Projet de 100 millions, et, selon ce qu'on entend,
disons qu'il y a eu 30 % de surfacturation, donc il y a 30 millions.
Si la compagnie qui est fautive fait juste remettre le 30 millions,
il n'y a pas d'intérêt, finalement, à agir honnêtement s'il n'y a pas, justement, une suramende. Non seulement ça, mais
en plus de ça, selon le projet de loi qu'on a, le gouvernement va garder
20 % de la somme qui a été faite.
Mais,
si on prend le cas de la ville de Montréal, par exemple, ce contrat de
100 millions qui aurait dû lui coûter 70, il y a eu 30 millions de payés en trop, et non seulement on
s'est fait voler par l'entrepreneur, mais le gouvernement va garder 6
millions. Ça veut donc dire qu'on aura payé quand même 6 millions de trop.
Est-ce que c'est ça que je comprends? Alors
qu'avec votre 5 % c'est un moyen d'aller, au moins, facturer une certaine
amende à l'entreprise fautive, tu sais.
M.
Martin (Luc) : Et également compenser l'organisme public, hein? Elle
va payer quand même 5 % de moins, et en même temps… si c'est le
cas. Puis autrement, bien ça va favoriser les entreprises honnêtes.
M.
Duchesneau : Exemple, parmi vos suggestions, est-ce qu'on peut
aller aussi loin que de dire que, s'il y a des crédits d'impôt… trouver un moyen pour le gouvernement de retenir à la
source des montants avant que les gens puissent avoir d'autres contrats? Donc, payez ce que vous nous avez volé, payez
la suramende, puis, après ça, on pourra penser vous donner des contrats.
Est-ce que je résume bien votre pensée?
Le Président (M.
Marsan) : En terminant.
M.
Lussier
(Benoît) : Oui. Merci, M. le Président. C'est-à-dire que je pense que
ça va être à vous à être imaginatifs. Ce qu'on veut vraiment envoyer
comme…
M. Duchesneau :
Bien, on peut l'être, vous allez voir.
M. Lussier (Benoît) : C'est ça. Ce qu'on veut vraiment envoyer comme message, en fin de
compte, c'est de dire : Écoutez,
vous avez joué du mauvais côté de la clôture, vous avez réglé, à cette heure
payez ce que vous avez à payer. Puis surtout
gardons confiance dans l'organisation de tout ça pour les entrepreneurs
honnêtes en leur disant : Écoutez, lâchez pas, continuez d'être honnêtes, là. Vous voyez, vous avez un avantage,
n'est pas payant d'aller jouer de l'autre côté de la clôture. C'est un
peu ça, le message qu'on veut envoyer.
M. Duchesneau :
Très bon.
Le Président (M.
Marsan) : Alors, je vous remercie beaucoup.
M. Lussier
(Benoît) : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Marsan) : M. le député de Blainville, la parole est à vous.
M.
Ratthé : Merci, M. le
Président. Alors, M. Martin, M. Lussier, merci d'être là. Écoutez, je vais
poursuivre sur le même sujet. C'est
parce que vous amenez, je pense, un élément qui est très intéressant, vous nous
dites : Écoutez, ces entreprises-là, on vous suggère — c'est une suggestion que vous nous faites,
là — qu'il y
aurait peut-être une… on va appeler
ça une surprime. On fait donc un appel d'offres, il y a une surprime de
5 % à la fin. Donc, ils ont une certaine pénalité, je comprends ce que vous dites. Par contre, le ministère, lui,
il vient de sauver 5 %, ou l'organisme public. Et là je me demande s'il n'y a pas un danger, à savoir
que si, en bout de ligne, on arrive avec un appel d'offres, l'organisme public va regarder ça, il va dire : Bien,
regarde, si je vais avec lui, je viens de mettre 5 % dans mes poches.
Donc, il est plus concurrentiel que le fournisseur honnête, et je vais
quand même aller avec ce fournisseur-là.
Alors, la
question que je me pose, c'est celle-là, et je me demande… Parce que j'aime
l'idée, mais je me demande si on ne
pourrait pas arriver aux mêmes fins... Par exemple, on voit souvent dans des
appels d'offres qu'il y a le plus bas soumissionnaire,
mais il y a aussi des grilles d'évaluation sur certaines données précises. Et
je me demande, pour arriver peut-être
aux résultats que vous nous suggérez aujourd'hui, si on ne pourrait pas — et je n'exclus pas le 5 %, mais vous
comprenez que je me questionne — mettre dans une grille de pondération le
fait que ce fournisseur-là a quelques points de moins parce qu'il a payé une amende, parce qu'il s'est payé en
quelque part une… je n'ai pas le mot, là, mais il s'est payé un
passe-droit, là, parce qu'il a réglé ses dettes puis il avait les moyens de le
faire.
Parce que
moi, je note dans votre préambule que vous avez deux grandes déceptions. Vous
dites : Il y a des gens qui ont
toujours été honnêtes puis que finalement, en bout de ligne… Alors, moi, je me
pose juste la question : Est-ce que, vraiment, on y va avec une pénalité monétaire — parce que, là, ça peut être avantageux pour l'organisme
public — ou
est-ce qu'on pourrait y aller avec une
grille d'évaluation ou tout autre moyen? J'aimerais donc... Est-ce que vous
avez analysé, donc, d'autres possibilités? C'est un peu ma question.
M. Martin (Luc) : Oui, parce qu'il y a
très peu de marchés publics dans notre domaine où il y a des grilles
d'évaluation pour les entrepreneurs. Par contre, on retrouve ces grilles-là
chez les professionnels, donc les services professionnels.
Ingénieurs, architectes, ils ont définitivement des grilles d'évaluation. En
construction, c'est très rare. À l'occasion,
mais c'est très, très rare. Donc, ça serait plus complexe, là, commencer à
introduire des grilles d'évaluation. Dans notre domaine, c'est le prix,
donc, et on octroie le contrat au plus bas soumissionnaire.
M. Ratthé :
Ce n'est pas toujours la meilleure chose à faire. On se rend compte, des fois,
qu'on n'aurait peut-être pas toujours nécessairement dû aller au plus
bas soumissionnaire. Ce n'est peut-être pas quelque chose qui se fait nécessairement, mais ça ne veut pas dire,
nécessairement, que c'est quelque chose qui est impossible à implanter. Parce
qu'une grille d'évaluation peut tenir compte des années d'expérience, peut
tenir compte d'un paquet de facteurs.
Je voulais juste savoir, est-ce que vous étiez
fermés à cette idée-là ou la solution, vous trouvez, qui est la plus équitable,
là, c'est celle que vous proposez?
M. Martin (Luc) : Écoutez, la plus facile
à mettre en place, la plus transparente aussi, c'est ce que nous vous proposons. Quand vous entrez dans des grilles
d'évaluation, je vous entendais parler tantôt, le nombre d'années d'expérience,
est-ce que ça voudrait dire que les nouvelles entreprises, elles ne peuvent pas
faire de marché public?
M. Ratthé : …combinaison, là.
Oui, oui, c'est ça.
M. Martin
(Luc) : Oui, oui. Non, je vous
comprends très bien, mais on embarque dans ce genre de dilemme là aussi. Il
faut faire attention, lorsqu'on veut contrôler ou orienter la concurrence, de
ne pas se retrouver dans des critères subjectifs. C'est très facile,
vous savez.
M. Ratthé : J'ai encore du
temps, M. le Président?
Le Président (M. Marsan) : En
terminant.
M.
Ratthé : En terminant. Rapidement, le Directeur général des
élections nous a dit aujourd'hui : Il faudrait peut-être faire attention parce que, des fois, c'est un
dirigeant qui est fautif, puis l'entreprise est correcte. Il faudrait peut-être
pénaliser le dirigeant puis ne pas pénaliser l'entreprise. Je voudrais
savoir ce que vous en pensez.
M. Lussier (Benoît) : Bien, écoutez…
Le Président (M. Marsan) : M.
Lussier.
M. Lussier
(Benoît) : Oui. Merci, M. le
Président. Effectivement, on l'a entendu puis on l'a vu un petit peu, ça
peut être une personne ou certaines
personnes, et non pas l'ensemble des employés, évidemment. C'est une piste à
regarder, effectivement. Je veux
dire, la personne qui est dirigeante, qui a décidé d'être malhonnête, elle
pourrait peut-être être, oui,
effectivement, pénalisée personnellement par rapport à ses gestes. Ce serait
quelque chose qui serait à regarder peut-être.
Le
Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie, M. le député
de Blainville. Et, en terminant, je vais laisser la parole à M. le
ministre pour le mot de la fin.
• (20 h 20) •
M.
St-Arnaud : Oui. Bien,
très brièvement, M. le Président. On commence ces consultations particulières,
vous êtes le deuxième groupe. En
fait, le premier, c'était le Directeur général des élections, mais qui est venu
ce matin parler d'éléments
très pointus, là, dans le projet de loi. Vous êtes le premier groupe, là, qui
aborde l'ensemble du projet de loi et
qui soulève toute une série de questions sur lesquelles les membres de la commission vont avoir à réfléchir. Je pense,
vous posez beaucoup de questions importantes et intéressantes.
Alors, encore
une fois, merci beaucoup pour votre rapport. Je pense que tout le monde… Vous
l'avez compris des propos des gens de la commission, des membres de la
commission, je pense qu'on a beaucoup apprécié votre mémoire. Encore une fois, que vous ayez réussi à le faire dans des
délais aussi courts est très appréciable, et sachez que ça va alimenter considérablement nos réflexions
lorsque nous arriverons à l'étude article par article du projet de loi. Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Marsan) : Merci, M. Lussier, M. Martin, de nous
avoir donné le point de vue de la Corporation des entrepreneurs généraux
du Québec.
Et, sur ce, la commission ajourne ses travaux
jusqu'à vendredi 29 novembre, à midi, afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 61. Merci
et bonne soirée.
(Fin de la séance à 20 h 21)