(Dix-neuf
heures quarante et une minutes)
Le Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le
mandat de la commission est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi
n° 17, Loi modifiant le Code des professions en matière de justice
disciplinaire.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) remplace M.
Leclair (Beauharnois); M. McKay
(Repentigny) remplace M. Therrien (Sanguinet); Mme Vien (Notre-Dame-de-Grâce)
remplace M. Marsan (Robert-Baldwin); M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace
M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys); et Mme St-Laurent (Montmorency) remplace M.
Duchesneau (Saint-Jérôme).
Étude détaillée (suite)
Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la secrétaire. Nous avions
débuté, lors de la première séance, l'étude de l'article 1. Le
ministre y avait présenté un amendement, alors, M. le ministre, la parole est à
vous.
M. St-Arnaud : Oui, M. le Président. Bien, je peux peut-être le relire. Enfin, je ne
veux pas allonger les débats, mais il
s'agissait essentiellement de remplacer les mots «le fait pour un
professionnel, dans l'exercice de sa profession», de remplacer cette expression par «, lorsqu'ils
ont un lien avec l'exercice de celle-ci, le fait pour un professionnel»,
ce qui faisait en sorte, finalement, d'élargir
l'application de l'article 59.1.1 dès que les actes posés ont un lien avec
l'exercice de la profession plutôt que de
viser uniquement ceux accomplis par un professionnel dans l'exercice de sa
profession. Et les actes qui ont un
lien avec l'exercice de la profession sont ceux qui, notamment, mettent en
cause les qualités essentielles à l'exercice des activités d'un
professionnel, par exemple un avocat qui a caché une somme importante d'argent
pour le compte d'autrui au moment de passer les frontières.
Alors, c'était l'amendement,
M. le Président.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des
commentaires du côté de l'opposition officielle? Alors, M. le député D'Arcy-McGee,
la parole est à vous.
M. Bergman :
Alors, merci beaucoup, M. le député d'Ungava.
Le Président (M.
Ferland) : Non. M. le Président.
M. Bergman :
Oui. Alors, le problème était — et on a discuté ça avec le ministre — les
mots «en lien avec l'exercice de la profession», et en remplaçant les mots
«dans l'exercice de sa profession», et simplement nous causait un problème, car, vous vous rappelez, on a discuté
à notre dernière réunion qu'on trouvait ces mots que vous choisissez,
les nouveaux mots «en lien avec l'exercice de la profession», comme étant
limitatifs. Et on cherchait à avoir un article sans ces mots, M. le ministre.
Avant
de commencer, j'aimerais être clair, M. le Président… M. le ministre et M. le
Président : dans la situation, nous, de l'opposition officielle, on
est d'accord avec le principe de ce projet de loi et on espère que ce projet de
loi soit adopté par l'Assemblée nationale.
On a vu que les groupes qui sont venus devant nous sont d'accord avec le
principe du projet de loi et on est ici pour
essayer de bonifier le projet de loi, mais on est d'accord avec le sens du
projet de loi, le principe.
On est vraiment
troublés par ces mots. On va présenter un amendement, mais notre but était d'éliminer
la première phrase, «dans l'exercice de sa
profession», ou la deuxième phrase, «en lien avec l'exercice de sa
profession». On croit fortement que, quand un professionnel est mêlé dans un
acte impliquant la collusion, ou corruption, ou malversation, etc., ou de tenter de commettre un tel acte, de conseiller
une autre personne de commettre un tel acte ou de comploter en vue de la commission d'un tel acte,
que ce soit... Il y a toujours un lien avec l'exercice, mais c'est
possible qu'il n'y a pas un lien direct, même loin d'être indirect, et il n'y a
pas d'excuse, en droit, pour le professionnel d'être mêlé dans ces types d'actes.
On est ici pour la protection du public. On ne doit pas répéter les pensées du
public, à ce moment-ci, sur ces types d'actes et, si on est vraiment à la
protection du public comme une priorité, on
doit convenir, M. le ministre… M. le Président, M. le ministre, pour avoir un
article qui ne donne pas une porte de
sortie à un professionnel qui agit… Je ne vais pas commencer à vous répéter ces
trois paragraphes encore. Il n'y a aucune excuse que je peux penser, et
je peux croire qu'on peut expliquer ça au public si on adopte l'article 1
tel quel.
Quand vous voulez, je
peux vous le lire, l'amendement qu'on va proposer, mais je vous dis que c'est
cette phrase et avec le but de la protection du public. Je ne pense pas qu'on
demande trop, M. le Président, M. le ministre. Je sais que le ministre a dit en Chambre, l'adoption
du principe, qu'il y a, pour lui aussi, la protection du public. Je n'en
doute pas et je ne doute pas que nous deux,
on veut bonifier le projet de loi, et, à moins que le ministre ait une raison
que moi, personnellement ou avec mes collègues, on n'a pas vue, je ne vois pas
de raison pour mettre cette limitation.
Le fait qu'on
travaille dans une manière professionnelle ici, ce soir, je peux vous dire qu'est-ce
que je vais suggérer, si vous voulez, d'accord?
On travaille ensemble, M. le ministre, n'est-ce pas? Alors, qu'est-ce qu'on va
proposer, avec un de vos amendements… Mais j'aimerais
discuter avec le ministre, et je sais qu'il est un homme de droit, un
avocat bien reconnu, et je suis certain qu'il
va accepter notre logique dans cette situation. On voulait remplacer l'article 1
par un autre article où on ferait un ajout à l'alinéa 1 de l'article 59.2
du code. Alors, ça veut dire qu'on va ajouter un alinéa à l'article 59.2
du code, qui va se lire comme suit :
«Sans limiter la
généralité à ce qui précède, constituent notamment des actes dérogatoires à la
dignité de sa profession le fait pour un professionnel», 1°, 2°, 3°, les mêmes
mots que vous avez choisis pour votre 59.1.1 dans le projet de loi n° 17. Si vous vous rappelez, le Barreau, dans
leur mémoire en date du 14 mars 2013, sur la page 8, a proposé
le même concept. Et je pense que le concept a beaucoup de sens, sauf que...
Oui, c'est vrai, on a éliminé les mots «dans l'exercice de sa profession», mais
c'est le même concept et la même structure à l'article en question.
Aussi,
M. le ministre, peut-être en lisant les galées de notre dernière rencontre
article par article, il y avait une question qui était demandée à vous,
et vous avez dit que vous vouliez étudier la question. Il y avait la question
de rétroactivité en ce qui concerne les
situations existantes, et vous avez dit — je
répète vos exacts mots — que
«c'est une bonne question». Ça a été
demandé par M. le député de Fabre, et je pense que ça serait important pour
répondre à cette question avant qu'on
continue pour étudier votre amendement et le nôtre que nous allons présenter.
Merci, M. le Président.
• (19 h 50) •
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Oui, M. le Président. On peut peut-être statuer sur l'amendement
que j'ai proposé, puis éventuellement, après
ça, le député pourra présenter son amendement, qui... que je comprends. En
fait, M. le Président, dans notre... D'abord, je pense qu'il y a une
chose qui est très, très, très importante, là, c'est que ce qu'envisage le député de D'Arcy-McGee, en fait, comme amendement,
éventuellement, parce qu'il veut élargir à... il veut élargir le tout, c'est
contraire à l'esprit même du Code des professions, qui vise à encadrer des comportements
de professionnels dans le cadre de l'exercice... des comportements qui portent
atteinte à l'honneur ou à la dignité de la profession.
Il
y a un article général, qui est à 59.2, qui est l'article de principe, qui dit,
l'article 59.2 du Code des professions : «Nul professionnel ne peut
poser un acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de sa profession ou à la
discipline des membres de l'ordre, [ou]
exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou
une fonction qui est incompatible avec l'honneur, la dignité ou l'exercice
de sa profession.» Ça, c'est l'article, je dirais, général qui couvre toutes
les situations.
Si un individu fait
un vol... Prenons un vol, parce que le vol n'est pas dans ce qu'on prévoit, là, à 59.1.1. L'individu fait un vol… un
avocat fait un vol de 1 million de dollars : il va pouvoir être
accusé en vertu de 59.2, avec l'article
général. Nous, ce qu'on fait avec 59.1.1, c'est qu'on vient dire
spécifiquement : Un individu, un professionnel... comme on l'a fait
à 59.1 pour des gestes à caractère sexuel. On vient dire, dans un 59.1.1, on vient dire, là, il y a... 59.2 ratisse large, mais
59.1.1 vient dire : Il y a quand même un caractère hautement
répréhensible de certains actes, notamment commettre un acte impliquant de la
collusion, de la corruption, de la malversation, de l'abus de confiance, du trafic d'influence ou de la fraude, ou tenter ou
comploter en vue de la commission, de tenter de commettre un tel acte ou
comploter en vue de la commission d'un tel acte.
Ce qu'on vient faire
avec 51.1.1, c'est de dire : Il y a... On attire, finalement, l'attention
sur certains gestes à caractère hautement répréhensible, mais qui sont commis
en lien... Et, au départ, c'était, vous le savez, M. le député, M. le Président, c'était écrit «dans l'exercice de
sa profession» au sens large. Là, «dans l'exercice de la profession», là, on a dit «en lien», et le lien, c'est un lien
qui peut être, me dit-on, ténu, selon la jurisprudence établie. Alors, dès
qu'il y a un lien, ne serait-il que ténu, un lien avec l'exercice de la
profession, un geste de collusion, de corruption, de malversation, d'abus de
confiance, de trafic d'influence ou de fraude, ou une tentative ou un complot
pour les mêmes gestes, là on vient attirer l'attention sur le caractère
hautement répréhensible de cet acte-là. Mais ce qui ne veut pas dire qu'un individu qui commettrait un geste — prenons un geste de fraude, une fraude d'un
demi-million de dollars — qui ne serait pas lié à... qui ne serait pas
en lien avec l'exercice de sa profession, on ne pourrait pas passer par 59.1.1,
mais on pourrait passer par 59.2 pour porter une accusation en disant :
Bien là, quelqu'un qui fait une fraude de... On pourrait passer par 59.2.
Alors, le président
de l'Office des professions pourrait compléter mon exposé, mais ma compréhension, M. le Président, je n'ai pas l'expertise
des gens qui sont à ma droite, mais ma compréhension du Code des professions, c'est qu'il vise à régir des comportements, essentiellement,
dans l'exercice de la profession, ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut pas
utiliser 59.2 lorsque, effectivement, il y a des comportements qui sont
dérogatoires à l'honneur ou à la dignité de la profession.
Et c'est pour ça que
j'ai un peu de difficultés à aller dans le sens du député, qui vise à
ratisser... à dire, d'une manière
extrêmement large : N'importe quel des 370 000 professionnels au
Québec qui commettrait une fraude, même une fraude de 10 $ ou de 20 $, un professionnel qui volerait la
petite caisse du club de hockey de ses enfants, là, ça deviendrait un
événement... si je suis la logique du député, ça deviendrait un acte hautement
répréhensible qui serait à 59.1.1.
Or,
ce n'est pas l'objectif de 59.1.1. L'objectif de 59.1.1, c'est que certains gestes
posés par des professionnels, en lien avec l'exercice de leur profession, là c'est
vraiment... on vient mettre l'éclairage sur ça en disant : Là, vraiment, c'est un
acte dérogatoire, très clairement, ce qui ne veut pas dire que l'individu ne
pourrait pas, éventuellement, si le
comportement qu'il a est dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de sa
profession, être rattrapé par l'article 59.2.
Alors, c'est pour ça que j'ai de la difficulté
avec l'amendement. C'est qu'éventuellement vous déposerez, c'est visé à 59.2, et là on attire l'attention sur
des gestes hautement répréhensibles à 59.1.1, qui ont... Mais on doit
avoir un minimum de lien avec l'exercice de
la profession. Et je ne sais pas si le président de l'Office des professions
pourrait compléter, compléter quant à l'esprit du Code des professions, là,
lui, qui est un expert beaucoup plus que moi.
Le Président (M. Ferland) : Alors,
merci, M. le ministre. Je reconnais la députée d'Acadie...
M. St-Arnaud : …
Le Président (M. Ferland) :
Ah! Excusez.
M. St-Arnaud : Le président de l'office
pourrait peut-être dire un mot là-dessus.
Le Président (M. Ferland) : Ah! O.K.
Ah! Je n'avais pas compris. Excusez-moi. Donc, ça me prend le consentement pour... Consentement. Donc, pour les
fins d'enregistrement, je vais vous demander de vous identifier ainsi
que vos fonctions.
M. Dutrisac (Jean Paul) : Oui, M. le
Président. Jean Paul Dutrisac, président de l'Office des professions.
Le Président (M. Ferland) : À vous
la parole.
M.
Dutrisac (Jean Paul) :
Alors, dans un premier temps, c'est clair que cet article-là s'inscrit dans
l'économie du Code des professions, qui est
la loi du système professionnel, et c'est clairement... c'est un article qui
serait ajouté au Code des professions, clairement dans un esprit de
protection du public. Donc, si le législateur a voulu ajouter cet article-là, qui n'est pas nécessairement un
article lié directement à l'objet du projet de loi, qui est de modifier la
justice disciplinaire, mais c'est un article
particulier qui a été ajouté dans le cadre d'améliorer la protection du public,
améliorer éventuellement l'application générale de 59.2.
Ce qu'il faut
dire aussi, c'est que la jurisprudence a clairement établi qu'un professionnel
qui a un comportement répréhensible
dans sa vie privée... Et de la collusion, de la corruption, tout le monde, on
est d'accord, c'est un comportement qui
est répréhensible, mais, pour être poursuivi en discipline, lorsqu'un
professionnel a un comportement répréhensible dans sa vie privée, il y a
deux circonstances pour faire ça : d'abord, il faut que les faits qui
mèneraient à une plainte disciplinaire, il faut que ces faits-là aient un lien
avec la profession. C'est la jurisprudence qui nous dit ça. Et la jurisprudence
nous dit que, même si c'est un lien très ténu — donc le lien est très ténu — ça
prend quand même un lien. Mais, dès qu'il y
a un lien, même s'il est très ténu, il pourrait, à ce moment-là, être poursuivi
en justice disciplinaire en vertu de, même, 59.2. Et, lorsque...
Une voix : …
Le Président (M. Ferland) : Là,
excusez, je vais laisser terminer et après je vais vous laisser la parole pour
les commentaires.
• (20 heures) •
M. Dutrisac (Jean Paul) : Et, lorsqu'il
n'y a pas de lien du tout, donc le lien, il n'y a pas de lien ténu, mais que l'acte
est tellement grave, la gravité de l'acte est tellement importante... Alors, le
ministre parlait tantôt d'une fraude — c'est
une fraude de 1 million par rapport au vol d'une petite caisse de
30 $, disons — alors,
quand l'acte a un degré d'importance tel que c'est scandaleux ou qu'il y
a une répétition à ces actes-là et que ça vient entacher la dignité de toute la
profession, pas seulement du professionnel ou de celui qui, dans sa vie privée,
il n'agit pas comme professionnel, mais que
ça vient entacher toute la dignité de toute la profession, là, à ce moment-là,
il pourrait y avoir une poursuite disciplinaire.
Donc, c'est pour ça que de l'élargir et de dire
que... d'enlever le principe qui est un lien — là, ce n'est plus dans l'exercice,
mais on garde ça à un lien avec la profession — ça va, selon nous, à l'encontre
de l'économie du Code des professions, qui est une loi particulière, et la
justice disciplinaire, c'est une justice particulière aussi.
On est tous d'accord que les actes de collusion
et de corruption, comme je le disais tantôt, ce sont des actes répréhensibles, et, s'ils n'ont aucun lien avec la
profession, on est d'accord que ça devrait être sanctionné. Mais, selon
nous, dans l'économie du Code des
professions, ces actes-là qui n'ont aucun lien avec la profession ne devraient
pas être jugés ni sanctionnés par la justice disciplinaire, qui est un
régime particulier au système professionnel, qui vient justement sanctionner
des actes qui sont contraires à la déontologie professionnelle. Et aussi on
comprend qu'on est dans un système de
justice par les pairs aussi. Alors, ce sont des actes répréhensibles. S'ils n'ont
aucun lien avec la profession, bien, il
y a des tribunaux de droit commun qui sont là aussi pour protéger le public. Il
n'y a pas juste le système disciplinaire, là, qui protège le public, les
tribunaux de droit commun aussi.
Et, peut-être pour rassurer les parlementaires,
nous, on pense qu'on n'en échappera pas, parce que, comme je vous disais, s'il y a un lien qui est ténu, même s'il
est ténu, le lien, dès qu'il y a un lien, la jurisprudence, comme je
vous disais, enseigne que le professionnel pourra être poursuivi en discipline,
et, s'il n'y a pas de lien du tout, on pourra se revirer
sur 59.2. Si l'événement est très grave ou s'il y a une répétition, on peut se
revirer avec 59.2 pour sanctionner le professionnel. Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Ferland) : Alors,
M. le ministre.
M. St-Arnaud : Bien, M. le Président,
je n'aurais pas pu mieux dire.
Le Président (M. Ferland) : Je pense
que tout a été dit de ce côté-là. Alors, il y a la députée de l'Acadie qui
avait demandé la parole. Après, je reviens au député de D'Arcy-McGee.
Mme
St-Pierre : Merci, M. le
Président. En tout respect pour ce qui vient d'être dit, je peux dire que tout
n'a pas été dit sur ce dossier-là...
Une voix : ...de ce côté-ci.
Mme
St-Pierre : Oui, de ce
côté-là, et moi, je peux vous annoncer que je vais me battre bec et ongles,
parce que, je m'excuse, être membre d'un ordre professionnel, c'est un
privilège.
C'est sûr que
les gens ont fait les études, ils ont passé les examens, ils ont fait tout ce
qu'ils avaient à faire pour avoir ce
titre, mais c'est un titre qui est prestigieux. Avocat, notaire, dentiste,
médecin, nommons-les, c'est très, très prestigieux. Donc, le public s'attend
à des comportements, s'attend véritablement à une tolérance zéro. Alors, moi,
je pense qu'aujourd'hui, avec ce qui se passe et ce qu'on entend dans les
médias, si on arrive avec ce projet de loi là, c'est parce qu'il y a eu des choses répréhensibles qui ont été mises au jour
dans les médias, et là on décide qu'on les met dans un projet de loi, comme on l'a fait dans le cas
des questions d'agression sexuelle. Il a dû y avoir, à ce moment-là,
dans les médias, quelque chose qui s'est passé, puis là on a senti le besoin de
dire : Bon, bien, là, quand c'est une question à caractère sexuel, on l'encadre
dans un projet de loi parce que c'est bien important de le faire.
Là, on a vu,
avec ce qui s'est passé dans les dernières années, qu'on sent le besoin de
venir encore une fois écrire noir sur
blanc des questions de malversation, d'abus de confiance, trafic d'influence,
corruption, etc. Alors, je comprends qu'on
veut être très, très rassurants par rapport au public, mais moi, je pense que
le public n'est pas rassuré, et quelqu'un qui a fait un acte qui n'a
rien à voir avec sa profession… Puis on dit : même si le lien est ténu.
Mais qui va devoir prouver que le lien est ténu? C'est la pauvre personne qui a
été victime de cet acte-là. Et là il va falloir qu'il y ait des discussions, des procédures, alors que, si on
dit : Bien, s'il arrive quelque chose, que ce soit dans la vie
professionnelle ou que ce soit dans la vie
privée, que le lien soit ténu ou pas, bien, ce sera à la justice disciplinaire,
comme vous l'avez si bien dit, de décider si ça vaut la peine de
sanctionner le professionnel ou pas.
Alors, je ne
comprends pas cette espèce de réticence. Est-ce que c'est parce que ça veut
dire plus de bureaucratie? Est-ce que
ça veut dire plus de monde qui vont décider puis qui vont juger? Parce que,
pour le public, ça donne l'impression qu'entre professionnels on se
protège, qu'entre professionnels on va décider si le lien est ténu ou pas.
Alors, moi, je vous dis, je pense qu'on
devrait être assez, comme parlementaires, responsables pour dire que le public
a atteint un niveau, là… On se
dit : Tout geste, que ce soit la carte de crédit de 10 $, comme vous l'avez
dit… Mais on peut arriver avec plein, plein
d'exemples, dans cette commission parlementaire. Prenons l'exemple d'un
couple : lui, il est médecin professionnel spécialisé, elle est avocate, puis ils embauchent une personne pour
faire le ménage au noir, puis il se passe quelque chose qui n'est pas à caractère sexuel, mais ça n'a rien à
voir avec la profession. La personne est sous-payée, ça n'a rien à voir
avec la profession, mais là il va falloir que la pauvre victime aille expliquer
le lien ténu ou pas. Là, je donne un exemple qui est très, très peut-être gros,
mais il peut y arriver plein de choses.
Alors, je pense que nous, de notre côté, on est
très clairs là-dessus, on est très clairs sur notre position, et le public, là,
en a ras le pompon des professionnels qui font toutes sortes de choses. Alors,
je pense qu'il faut qu'on établisse des règles très, très claires et de dire
que ces choses-là, bien, ça sera à l'ordre de décider, ce sera à la justice
disciplinaire de décider de la sanction à apporter.
Le Président (M. Ferland) : Merci.
M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Bien, peut-être
juste un élément d'information pour... Il sort d'où, le 59.1.1, M. le
Président? Bien, en fait, il sort d'un projet de loi qui a été déposé par mon
prédécesseur. C'est pour ça que je suis un peu étonné de certaines réactions,
parce que le 59.1.1, là...
Une voix : 1994.
M. St-Arnaud : Non, non en... 2012.
Le Président (M. Ferland) : Je
vais... Vous avez la parole, je vous laisse faire vos commentaires, après je
reviendrai l'autre côté. Allez-y, M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Mais, pour reprendre l'exemple de la députée, évidemment,
prenons l'exemple qu'elle a donné, les
tribunaux de droit commun sont là pour ce genre de choses là. Est-ce qu'un
ordre professionnel, parce que c'est de ça qu'on parle, est-ce que le
Collège des médecins... si je comprends la position de la députée, ils ont
engagé une employée au noir à la maison. Est-ce que le
Collège des médecins doit intenter un... S'il
y a quelque chose d'illégal, il y aura des recours devant les tribunaux de
droit commun. Mais est-ce que le Collège
des médecins doit intenter un recours contre ce médecin via le conseil de
discipline du Collège des médecins, éventuellement le sanctionner, donc
l'empêcher de travailler comme médecin pendant un certain temps? Est-ce que c'est
ça qu'on souhaite, M. le Président? Si le médecin a posé un geste incorrect ou
illégal, il pourrait être poursuivi devant
les tribunaux de droit commun. Mais là, ici, on est dans la justice
disciplinaire. Pour reprendre les propos du député... Je vous vois déjà député, M. le président de l'office.
Peut-être un jour. Il y avait des rumeurs, à un moment donné.
Mais,
M. le Président, j'espère que je ne vous fais pas rougir. Mais, pour reprendre
les propos du président de l'office, M. le Président, ça va à l'encontre...
La proposition qui nous est faite par l'opposition va à l'encontre de... Le
président de l'office a parlé de l'économie du Code des professions; moi, je
parlais tantôt de l'esprit du Code des professions,
qui vise à régir des comportements posés par un professionnel en lien avec l'exercice
de la profession, le lien pouvant être ténu. Et, si le geste, comme l'a
dit le président de l'office, si le geste est suffisamment grave que ça nuit à
l'honneur ou à la dignité de la profession, bien, 59.2 existe. Voilà, M. le
Président.
Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Il y avait le député de D'Arcy-McGee
puis, après ça, la députée de Montmorency, puis je reviendrai à la
députée de l'Acadie.
Mme
St-Pierre : Bien, c'est parce que c'est en réaction à ce qu'il vient
de dire.
Le Président (M. Ferland) :
Ah! O.K. Bien, je... Il n'y a pas de problème. Moi, c'est quand il y a...
Mme
St-Pierre : Bien, je fais juste une parenthèse.
Le Président (M. Ferland) : Non, je veux juste vous expliquer, parce que,
quand il y a quelqu'un qui demande la parole, il y a le porte-parole
officiel. Alors, si vous êtes heureux, il n'y a pas de problème. Allez-y.
• (20 h 10) •
Mme St-Pierre : C'est juste pour être bien claire avec le ministre. J'ai beaucoup de
respect pour le ministre, mais ça fait plusieurs fois qu'il nous
sert : C'est ce que mon prédécesseur a fait puis c'est ce que mon
prédécesseur a écrit. Je m'excuse, là, mais il n'était pas encore rendu à l'étude
article par article.
Et
là, ici, on fait un travail où on va en profondeur dans tout ce qui se fait
dans le projet de loi. Une loi, là, c'est une architecture, puis on est
là puis on fait, nous, les... on fait les touches finales à l'architecture.
Alors, il peut bien
se rabattre sur qu'est-ce que le prédécesseur a dit, a fait, a écrit et tout
ça, mais on n'en est pas là. On a un projet de loi, on l'analyse à la lumière
de ce qu'on a devant nous, puis ce que le prédécesseur a fait n'avait pas été
analysé dans une commission parlementaire, et c'est pour ça qu'on fait ce travail-là.
Il
peut bien toujours ramener cet argument-là, mais ce n'est pas un argument qui,
à mon avis, est valable puisqu'on arrive, nous, avec des arguments qui
sont peut-être nouveaux, qui n'ont peut-être pas été vus dans l'ancienne administration. Mais là on est devant un autre...
un projet de loi qui est là devant nous, et je pense que ça ne peut pas
être un argument de dire que c'était vu par le prédécesseur. Sinon, bien, c'est-à-dire,
il devrait donner plein de fleurs... envoyer des fleurs au prédécesseur pour
dire à quel point il était extraordinaire. Ce n'est pas ce qu'ils font quand on
est en… à l'Assemblée nationale, à la période des questions, mais, en tout cas,
c'est tout ce que j'avais à dire.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci. Le salon bleu est une autre tribune que les
législateurs ont.
M.
St-Arnaud : ...
Le Président (M.
Ferland) : Oui. J'ai entendu. Oui, oui, oui.
M.
St-Arnaud : ...le député de Fabre le sait. Quand mon prédécesseur a
fait des bonnes choses, et il en a fait plusieurs comme ministre de la Justice,
je le dis. Il a fait des moins bonnes choses.
Une voix :
...
M.
St-Arnaud : Je le dis aussi. Mais, sur toute une série de dossiers, il
a fait de très bonnes choses, et je n'ai jamais...
Parce qu'en matière de justice, vous savez, M. le Président, il n'y a pas
énormément de partisanerie, et je pense que... effectivement, de la prédécesseure de mon prédécesseur, qui est
la députée de Notre-Dame-de-Grâce, en matière de justice, je vais vous
dire, il y a une certaine continuité depuis 20 ans, et la partisanerie n'est
pas très présente dans les dossiers. Je
pense que… ce qui avait d'ailleurs amené récemment mon collègue de Fabre à dire
qu'il partageait ma vision, M. le
Président, en matière de justice, et je le remercie encore pour ses propos qu'il
a donnés dans une entrevue au Devoir, mais… Voilà. Alors, ce que…
Mais
que la députée de l'Acadie soit sans crainte, il m'arrive
régulièrement, et les gens le savent, en public de saluer mon prédécesseur
et les bons coups qu'il a faits. Il y a quelques moins bons coups...
Une voix :
...
M. St-Arnaud :
Non, non, peut-être pas, mais je vous le mentionne, parce que c'est vrai que je
le fais, et ceux qui suivent mes discours le savent, parce que je le dis
publiquement devant des gens comme devant des assemblées
imminentes, au Barreau, devant... Je pense que, la première fois, c'était
devant la soirée des avocats émérites, où le député de Fabre avait été
reconnu avocat émérite devant un auditoire de 400 personnes, et j'avais salué
non seulement le député de Fabre, mais mon prédécesseur immédiat et souvent j'ai
même l'occasion de saluer la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Une voix : ...
M. St-Arnaud : Oui, oui. Non, non,
des fois, je remonte un peu plus loin. Alors, j'arrête ici, M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) :
Alors, merci, M. le ministre. Juste vous rappeler que souvent les fleurs qu'on
offre proviennent d'un pot, hein? Et souvent elles sont accompagnées de ce pot.
Alors, je vais laisser la parole au député de D'Arcy-McGee et, après, je vais à
la députée de Montmorency. M. le député de D'Arcy-McGee.
M.
Bergman : Sur le même point,
M. le Président, M. le ministre, vous-même, le 19 mars 2013, à l'Assemblée
nationale, a dit, et je vous cite : «C'est toute la population qui [va
bénéficier] de ces mesures, puisqu'elles envoient le message clair que
dorénavant ce sera tolérance zéro pour les membres des ordres professionnels
impliqués dans des manoeuvres liées à la collusion, la corruption», etc.
Vous-même, vous avez dit ça.
Avec grand respect, le président de l'Office des
professions vient de nous expliquer qu'on peut poursuivre un professionnel s'il y a des liens avec la
profession, si j'ai raison. Et vous avez dit : Mais, s'il n'y a pas de
lien et même si l'acte est grave, ça ne peut pas être sanctionné par la
justice disciplinaire. Vous avez dit ça.
M. St-Arnaud : Ça peut par 59.2.
M. Bergman : Mais vous dites :
Ça ne peut pas être sanctionné. Ça peut être...
M. St-Arnaud : Ça peut l'être.
M. Bergman : Alors, pourquoi ne pas
accepter l'amendement qu'on fait sans avoir aucune porte de sortie pour le professionnel qui a commis ces actes qui
sont tellement graves? Pourquoi est-ce que vous insistez sur le lien
avec la profession? Je ne vois pas la
raison. Si vous êtes vraiment sérieux d'avoir la tolérance zéro, en éliminant
cette phrase, on va être certains qu'il
n'y aurait pas une cour dans cette province qui va donner une porte de sortie
au professionnel qui a commis un acte grave. Alors, je ne vois pas la
raison. On protège qui ici, M. le ministre? On protège le public.
Le Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M. St-Arnaud : Et, M. le Président,
j'ai compris des propos du président de l'office que 59.1.1, justement,
permettait de protéger le public, en disant que voici un type de geste que nous
considérons hautement répréhensible. Et on
prend la peine de le mettre dans le Code des professions, ce qui va faciliter
la preuve, parce que ça devient un acte dérogatoire automatique. Alors,
dans ces cas-là, lorsqu'une personne va commettre un de ces actes-là, par
exemple la fraude, s'il y a un lien, ne
serait-il que ténu avec l'exercice de sa profession, ça devient un acte
dérogatoire automatique. Et le
conseil de discipline n'aura pas le choix que de prendre une poursuite, à ce
moment-là, contre le professionnel concerné.
C'est ça, l'idée
de... C'est justement pour protéger le public et faire en sorte que, dans ces
cas-là, dès qu'il y a un lien, ne
serait-il que ténu avec l'exercice de la profession, le professionnel soit
poursuivi devant le conseil de discipline approprié, ce qui ne veut pas
dire que, s'il n'y a pas de lien, il ne peut pas l'être par le biais de 59.2. S'il
n'y a aucun lien, mais que ça porte atteinte à l'honneur ou à la dignité de sa
profession, le recours pourra se faire via 59.2.
Mais là on décide, comme on l'avait fait en 1994
sur 59.1, pour des gestes à caractère sexuel en lien avec l'exercice de la
profession, bien, on fait la même chose ici pour des gestes de fraude, de
corruption, de collusion, de malversation, d'abus de confiance ou de trafic d'influence
en lien avec l'exercice de la profession. On vient dire : Voici un acte dérogatoire, là, un acte hautement
répréhensible, et vous devez agir, conseil... ordre professionnel, mais
ce qui ne veut pas dire que, s'il n'y a pas de lien, on ne peut pas, dans la
mesure où ça constitue un acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de sa
profession, utiliser 59.2.
Moi, M. le Président, là, ce que je comprends
de... Moi, je ne suis pas le plus grand expert, là, hein, je suis entouré d'experts
qui me disent : L'amendement qui est proposé par l'opposition, c'est
contraire à l'esprit du Code des
professions. Puis j'essaie modestement de comprendre tout ça et, effectivement,
je... Je ne suis pas tout seul sur une planète, là, quand je prends une
position ici, là. Je me retourne vers les experts, le président de l'office,
les experts qui connaissent ça, qui suivent ce type de poursuite là depuis des
années, et voilà, M. le Président. Quand je... ce n'est pas par... Ça me ferait
plaisir de donner... de dire oui au député, là.
Il y a une tolérance zéro, elle sera là pour
tout geste de collusion, de corruption, de malversation, d'abus de confiance, de trafic d'influence ou de fraude en
lien avec l'exercice de la profession, le lien ne pouvant être que ténu,
mais ça fait en sorte que ça... On en fait
un acte hautement répréhensible, qu'on met spécifiquement à 59.1.1, qui fait en
sorte que les conseils de discipline vont
pouvoir immédiatement déposer une plainte contre le professionnel concerné, pas
avoir à se poser d'autres questions, et ils
n'auront pas, donc, à qualifier ces actes. Et, si ce n'est pas en lien, même s'il
n'y a aucun lien, si c'est dans la vie privée,
pour reprendre ce qu'on disait tantôt, mais, si ça porte néanmoins atteinte à l'honneur
ou à la dignité de la profession, le conseil pourra passer par 59.2. Il me
semble que c'est...
Parce qu'il
faut faire attention pour ne pas sortir de l'esprit ou de l'économie du Code
des professions, parce qu'il existe,
effectivement, des tribunaux de droit commun pour sanctionner l'ensemble des
gestes illégaux commis par nos concitoyens.
Là, ici, on est en train de modifier le Code des professions, et il faut qu'il
y ait... Voilà. Je pense que, M. le Président, je vais arrêter ici.
Le Président (M. Ferland) : Merci,
M. le ministre. Il y avait le député de D'Arcy-McGee, mais après, quand il va
avoir terminé, je vais aller à la députée de Montmorency. Et je reviens à M. le
député de D'Arcy-McGee.
M.
Bergman : M. le ministre, si
j'accepte votre argument, les cours seront liées par votre interprétation.
Elles vont chercher le lien avec l'exercice de la profession en ce qui concerne
les trois items mentionnés dans le projet de loi n° 17,
les sous-sections 1, 2, 3. S'il voit ces items, de commettre un acte impliquant
collusion, etc., il va chercher le lien
et il va faire une interprétation de 59.2 dans une manière très restrictive. Et
moi, je prétends que ces actes mentionnés ici, dans le projet de loi, de
commettre un acte impliquant, etc., si on accepte votre interprétation, les
cours vont toujours chercher un lien pour ces actes et vont donner une
interprétation très restrictive à 59.2.
M. St-Arnaud : Le lien peut être
ténu, M. le Président. Le lien peut être ténu…
M.
Bergman : J'ai mes grands
doutes. Si on accepte votre interprétation, et je vois qu'est-ce que vous nous
dites, il va chercher le lien pour ces actes
et pour... il va laisser 59.2 seul. Et je pense que ça va donner une porte de
sortie pour le professionnel qui a commis ces actes où il y a un
manquement de lien.
• (20 h 20) •
M. St-Arnaud : Mais la
jurisprudence… M. le Président, si vous me permettez, la jurisprudence est à l'effet
que ce lien... Ça a été interprété. C'est
pour ça qu'il faut faire bien attention quand on joue avec les mots, parce que
la jurisprudence a interprété ça, le lien,
puis elle a dit : Le lien avec l'exercice de la profession, c'est un lien
qui peut être ténu. C'est comme ça que la jurisprudence l'a établi.
Alors, il n'y aura pas un très, très, très... pour utiliser 59.1.1, parce que,
s'il n'y a pas de lien, on peut utiliser 59.2.
Le Président (M. Ferland) : Merci,
M. le ministre.
M.
Bergman : Oui, mais, si vous
employez 59.2, vous n'avez pas ces types d'actes que vous avez dans le
59.1.1 maintenant, et ça va donner une interprétation très, très restrictive
pour le juge.
Le Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M.
St-Arnaud : Non, mais j'allais
dire : Ils sont implicites comme étant des actes dérogatoires à l'honneur
ou à la dignité de la profession, dans la mesure où ils atteignent un degré de
gravité.
Le Président (M. Ferland) : M. le
ministre, pas d'autres commentaires? Ou sinon, je vais aller du côté de la
députée de Montmorency. Vous avez la parole.
Mme
St-Laurent : Oui, j'arrive.
Je vais donner l'exemple d'un lien ténu. Naturellement, par exemple, un
avocat qui fait faillite, durant sa
faillite, ne peut pas pratiquer. Et on a des exemples de liens ténus. Mais,
tout à l'heure, je vous écoutais, et il ne faut pas se tromper. Il ne
faut pas penser que, parce qu'on fait partie d'un ordre professionnel, qu'on
soit comptable, ingénieur, avocat, médecin, etc., qu'on peut être parfait et
que chacune des personnes d'un ordre professionnel qui commettrait une infraction
serait obligée de passer devant notre ordre professionnel.
Le meilleur
exemple que je peux donner : vous avez, par exemple, à un moment donné, un
comptable qui commet une voie de fait simple. Une voie de fait simple,
il peut avoir, à ce moment-là, généralement, une sentence suspendue la première fois, etc. Est-ce qu'on va obliger...
Puis ça, c'est à 59.2 qu'on le retrouverait, pas à 59.1. Et c'est pour ça
qu'on dit souvent «un lien avec la profession». Parce que vous imaginez une
voie de fait simple où il y a une faculté affaiblie,
est-ce que tous ces professionnels-là qui vont être déclarés coupables de tels
gestes vont être obligés de passer devant les ordres professionnels? Je
vous dis tout de suite : On n'arrivera pas. On va s'étendre sur des années
pour entendre. Le conseil de discipline va s'entendre durant des années pour
prendre tout ça.
Ça fait qu'à
un endroit on trouve un lien ténu et, à l'autre endroit, à 59.2, un acte
dérogatoire à l'honneur. Et, quand je parle d'acte dérogatoire à l'honneur,
par exemple, je vais donner l'exemple… on parlait de l'avocat par rapport au vol. Là, le Barreau pourrait considérer, c'est un
acte dérogatoire à l'honneur. Par contre, si on retrouve un ingénieur ou
un comptable qui a une voie de fait simple… un avocat, on va toujours
considérer que c'est peut-être dérogatoire. Mais un comptable, à un moment
donné, il y a une chicane à un endroit et il est accusé de voie de fait simple. Est-ce qu'à ce moment-là on va être
obligés de le passer devant les ordres? Il faut bien s'entendre ici qu'il ne
faut pas accuser tous les professionnels qui
vont commettre un délit quelconque qui n'aura aucun lien, et que moi, je
crois, ce n'est pas dérogatoire à l'honneur.
Comme je vous dis, à un moment donné, il y a une voie de fait, il y a une
chicane à un endroit.
Ça fait que
ça, il faut bien faire attention, il faut bien que les gens comprennent que
même si, devant le public, qu'on est des professionnels, qu'on a un
devoir, c'est beau, mais on a un devoir comme tout autre citoyen. Par contre, on n'est pas obligés
de passer devant un ordre professionnel, quelqu'un, par exemple... comme les
exemples que je donnais tout à l'heure, une voie de fait simple pour un
comptable. La pureté, c'est beau, mais il faut que ça ait un acte dérogatoire à
la profession, à l'honneur, et, dans les cas de 59.1.1, il y a un lien ténu.
Un lien ténu, là, le meilleur lien ténu que je
trouverais, ce serait un vol pour un avocat, parce qu'un avocat responsable de
comptes en fiducie, il n'a pas volé ses clients, il vole, par exemple, quelqu'un
qui n'est pas dans le cadre de son travail.
Il y a un lien à ce moment-là. Le lien, il n'est pas dans le cadre de son
travail, il est ténu. Il va passer devant
le conseil de discipline, mais le lien, il est là. Mais, quand ça n'a aucun
lien avec la profession, absolument aucun lien, on n'est pas pour les traduire devant l'ordre, on ne fournira
plus. Moi, écoutez, c'est ce que je donne, et je veux bien aviser tous
ceux qui ne font pas partie d'ordre professionnel que ça... écoutez... Et, si
vous verriez les rôles à la cour, je pratique le droit depuis 31 ans, et, si
vous verriez les causes… là, je n'ai pas pratiqué au Québec les 12
dernières années… mais, si vous verriez les rôles qu'il y a en criminel,
si on conduit tous les gens, les professionnels qui sont accusés là pour des
accusations simples qui n'ont aucun lien avec leurs professions, écoutez, on ne
finira plus.
Le Président (M. Ferland) : Alors,
merci, Mme la députée de Montmorency. M. le ministre, est-ce que vous avez...
M. St-Arnaud : Non, M. le Président.
Ça va. Merci, Mme la députée.
Le
Président (M. Ferland) :
Alors, à ce moment-là, j'irais du côté de la députée, je pense, c'est la
députée de l'Acadie ou de...
Mme Weil : ...
Le Président (M. Ferland) : Ah!
Excusez. Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Oui. Merci, M. le
Président. Je n'étais pas là pour les consultations, alors j'arrive comme ça. J'ai eu l'occasion de regarder le mémoire de l'Ordre
des ingénieurs, et, s'il y a bien une profession qui a été au centre et
qui est toujours au centre de toutes ces
controverses, c'est l'Ordre des ingénieurs. Et je regarde la manière que l'article
59.1.1 est libellé. On sait déjà qu'on est dans un contexte de dignité de la
profession parce que la première partie de la phrase
le dit : «Constituent également des actes dérogatoires à la dignité de sa
profession — et
ensuite on dit — le
fait pour un professionnel…»
Donc, on sait
qu'on est dans ce domaine-là parce que… Je comprends les arguments d'économie
et de la loi, c'est un argument qui vaut pour tout projet de loi, mais
je suis quand même assez persuadée par l'argumentaire de l'Ordre des ingénieurs. Alors, je vais lire... je vais
trouver, là. Ils trouvent que le langage est juste un peu trop limitatif.
Laissez-moi essayer de trouver où est-ce que c'était.
Des voix : …
Mme Weil : Bon. Conscient du
contexte dans lequel s'inscrit l'introduction... Pardon? Ce n'est pas ça. Bon. Écoutez, ce que j'en retiens, là, c'est qu'ils
décrivent le contexte dans lequel ce projet de loi a été élaboré. Et c'est
toujours important aussi, hein, quand les gens vont interpréter la loi, cette
loi-là, il y a un contexte, pourquoi est-ce que le législateur a désigné certaines choses et dit certaines choses. Et je
pense qu'aussi il faut tenir compte des actes particuliers qui sont
nommés ici : collusion, corruption, malversation, abus de confiance,
trafic d'influence ou de la fraude. C'est exactement
dans ça qu'on baigne depuis quelques années, là, et puis, avec la commission
Charbonneau, etc., on est là-dedans.
Donc, je pense que tout le texte et tout le
langage de cet article nous pointent vers donc des actes qui vont vraiment contre la dignité. Je ne vois... Je pense
que, comme l'Ordre des ingénieurs, comme mes collègues l'ont dit, on vient rendre... on restreint trop l'interprétation
et la portée de cet article, alors que, de toute façon, on est dans le
domaine de la dignité de la profession. Et
là les gens, comme ils disent, vont s'enfarger dans des règles de preuve et la
preuve que c'était vraiment dans l'exercice
de sa profession, alors qu'on sait très bien qu'un ingénieur, ou un avocat, ou
quelqu'un, un comptable qui serait impliqué dans de la collusion, de la
corruption, c'est l'évidence même que cette personne… qu'en vertu du Code des
professions on pourrait amener... que ça constituerait un acte dérogatoire.
• (20 h 30) •
Donc, je ne suis pas persuadée par l'argument de
l'économie de la loi parce que je pense qu'en fin de compte... en fin de compte, je pense que l'argument de l'Ordre des
ingénieurs, c'est une mise en garde. C'est une mise en garde plus qu'autre
chose. C'est qu'il n'y a pas vraiment de différence qu'on l'enlève ou qu'on le
garde, mais on risque, en le gardant, de s'enfarger
et de mettre trop de fardeau sur cette question... bien, le fardeau de la
preuve, là. Et donc, en même temps, on sait qu'on est bien dans le Code
des professions, donc on est dans ce domaine-là. Donc, ça ne pourrait pas être
trop éloigné comme acte et trop loin des préoccupations de la dignité de la
profession.
Alors, je
voudrais savoir, M. le ministre... M. le Président, j'aimerais demander au
ministre, en lisant ou relisant le mémoire… Parce que vous, vous avez
entendu, vous avez pu poser des questions à l'Ordre des ingénieurs… Et je trouve intéressant que ce soit l'Ordre des
ingénieurs. Il y a le Barreau, je pense, aussi qui a fait des... Moi, je n'étais
pas là pour la consultation, mais ça m'impressionne que l'Ordre des ingénieurs,
qui est peut-être l'ordre professionnel qui veut
le plus, comment dire, nettoyer, rétablir leur réputation, donc ce
serait la profession qui a quand même beaucoup de crédibilité, et, si
eux ne se sentent pas menacés par un élargissement — un élargissement juste
dans les mots, parce que
je pense qu'en réalité ce serait à peu près pareil — en
bout de ligne, on va arriver à la même conclusion, mais, par une voix,
ce sera plus complexe, les gens vont se sentir obligés, les avocats qui vont
plaider, se sentir obligés de faire ce lien avec... dans l'exercice de sa
profession.
Mais, comme
je vous le dis, c'est le fait que ce soit l'Ordre des ingénieurs qui plaide
cette ouverture et qui disent aussi
que c'est une disposition de nature pénale et que, dans la jurisprudence pénale
actuellement, on désire un langage beaucoup
plus large, moins pointu, plus large, plus vaste. Donc, moi, j'ai trouvé que
leurs arguments étaient quand même assez persuasifs.
Le Président (M. Ferland) : Bien.
Alors, M. le ministre, et après j'avais la députée des Îles-de-la-Madeleine et
après je reviens à...
M. St-Arnaud : M. le Président, l'amendement
que j'apporte vise à répondre à la recommandation de l'Ordre des ingénieurs,
parce que, eux, ce qu'ils nous ont dit, dans la première version du projet de
loi, c'était écrit : «Constituent également des actes dérogatoires à la
dignité de sa profession le fait pour un professionnel, dans l'exercice de sa
profession…» C'est comme ça que le projet de loi est rédigé. Et eux, ils sont
venus nous dire : «dans l'exercice de
la profession», il faudrait que ça soit... c'est trop restrictif. Il faudrait
que ce soit plus large, et c'est là qu'est arrivé l'amendement en disant «dans l'exercice». On met peut-être ça
trop... «dans l'exercice», là, c'est... Alors, on va mettre «en lien avec l'exercice de la profession», d'où l'amendement,
«en lien», puis le lien pouvant être ténu.
Et, des souvenirs que j'ai des conversations qu'on
a eues lors de la consultation particulière, ils nous ont dit : Enlevez «dans l'exercice de la profession», mais
rédigez-le en des termes plus larges et plus compatibles avec la réalité
du droit disciplinaire. Et je pense qu'on leur a même demandé : Est-ce
que, si on écrivait «en lien avec l'exercice de la profession», ça vous
conviendrait? Et ma compréhension, c'est qu'ils nous ont répondu oui, d'où
l'amendement qu'on a apporté.
Je ne pense
pas qu'il faille interpréter les recommandations, ici, de l'Ordre des
ingénieurs comme voulant dire qu'ils voulaient l'enlever complètement
puis élargir. Ils voulaient qu'on le rende plus large, mais sans enlever les mots «dans l'exercice de la profession», mais les
remplacer par quelque chose de plus large, mais qui soit compatible avec la réalité du droit
disciplinaire, ce qui amène notre amendement, qui n'est plus «dans l'exercice
de la profession », mais qui est «en lien avec l'exercice de la
profession», le lien pouvant être ténu.
Et, pour revenir à la jurisprudence, là, on me
cite une décision du conseil de discipline, justement, de l'Ordre des
ingénieurs, rendue le 22 janvier 2013. C'est l'affaire Robert Lalonde contre
François Lussier, et on dit : «Le mandat
du conseil de discipline est limité à statuer, en fonction de la preuve qui lui
est présentée, si des actes reprochés à un professionnel constituent un
manquement déontologique et, le cas échéant, lui imposer les sanctions prévues
au Code des professions.
«Le conseil peut,
à l'occasion…» Et là, on ouvre les guillemets et on cite Développements
récents en déontologie, droit
professionnel disciplinaire (2010),
volume 323, page 170. Donc : «Le conseil peut à l'occasion […]
être amené à sanctionner un
comportement de la vie privée, mais pour ce faire, il devra préalablement
déterminer si les gestes reprochés ont un lien avec la profession ou s'ils
portent une atteinte grave à l'honneur, la dignité ou la discipline de
celle-ci.»
Alors, c'est un peu dans ce sens-là que l'amendement
vient jouer, c'est-à-dire qu'ici on dit très clairement qu'il y a un certain nombre de gestes qui, s'ils sont en lien avec l'exercice
de la profession, constituent noir sur blanc un acte dérogatoire, et,
dans les autres cas, s'ils ne sont pas en lien avec la profession, par le biais
de 59.2, il sera possible, si ça porte une
atteinte grave à l'honneur, la dignité ou la discipline de celle-ci, de cette
profession, bien, il sera possible d'utiliser 59.2.
Moi, il me
semble qu'on couvre. Il me semble qu'on couvre, M. le Président, il me semble
qu'on couvre toutes les situations, mais dans l'esprit, bien sûr, de ce
que doit être le Code des professions. Et, voilà, s'il y a une atteinte grave à l'honneur, la dignité ou la discipline de
l'ordre de la profession, bien, on peut passer par 59.2. S'il y a un lien
avec l'exercice de la profession, dans les
cas des gestes mentionnés à 59.1.1, ça constitue un acte dérogatoire, un acte
hautement répréhensible, et on passe par 59.1.1. Voilà, M. le Président, il me
semble qu'on l'a répété de tous les... Là, ça fait... Moi, je ne suis pas
pressé, vous non plus, M. le Président?
Le Président (M. Ferland) : Ah! On
finit à 21 h 30. Vous savez, juste avant, il y avait... Attendez une minute. Il y avait la députée des
Îles-de-la-Madeleine, mais avant je dois laisser quand même terminer, c'est
dans le même ordre, là, c'est sur la même question. Alors, il y avait le député
de D'Arcy-McGee ou de...
Mme Weil : ...
Le Président (M. Ferland) : O.K.,
allez-y… Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Moi, c'était juste pour
continuer là-dessus. En relisant, ils mettent l'accent pas dans le «dans» ou
«en lien», c'est «l'exercice de la profession». C'est précisément leur
inquiétude, parce qu'ils disent : Il y a beaucoup
d'activité, comme le démarchage, qui se fait avant, alors que ces aspects-là,
les étapes qui précèdent, ne sont pas incluses dans la définition d'exercice
de la profession. Or, la collusion et les autres actes qui sont cités ici
peuvent avoir été commis avant ces étapes.
Donc, il dit : C'est l'exercice de la profession qui est problématique
dans le langage.
Donc, il faudrait
voir les questions qui ont été posées précisément par rapport à ça et la
réponse qu'aurait donnée l'ordre, parce que
ça semble être ça qui pose le problème, ce n'est pas «dans» ou «en lien avec»,
mais c'est l'«exercice
de la profession». Pour eux, c'est trop restrictif, parce qu'il y a beaucoup d'autres
gestes qui sont posés avant et peut-être après, qui ne sont pas définis
dans la loi même comme faisant partie de l'exercice de la profession, mais où justement les actes de collusion, ou de
trafic d'influence, ou de fraude auraient pu avoir lieu. Et c'est
connexe, c'est évidemment connexe.
Donc, c'est de
comment trouver un libellé qui ferait en sorte d'inclure… qui soit plus ouvert
pour couvrir ces situations, moins restrictif. Je pense, c'est l'inquiétude de
l'Ordre des ingénieurs et, comme ils disent, qui va mener à une preuve fastidieuse et de coûteux débats,
ouvrir la porte à de fastidieux et coûteux débats sur ce que constitue l'exercice
de la profession, et donc l'ordre qui
recommande de les retirer. Je vous le dis, là, parce que c'est l'Ordre des
ingénieurs, puis ils connaissent bien... D'ailleurs,
s'il y a bien… L'ordre qui a l'expertise de ce qu'on vient de vivre et de ce qu'on
témoigne actuellement, c'est l'Ordre des ingénieurs, et de les écouter puis de
pouvoir répondre à leurs préoccupations, ça me semble important.
Le Président (M.
Ferland) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, un commentaire?
M.
St-Arnaud : Non, ça va, M. le Président.
Le Président (M. Ferland) : Merci. Il y avait le député de D'Arcy-McGee, après
je vais aller aux Îles-de-la-Madeleine... à l'Acadie... non. Ah! Parce
que c'est vous qui avez levé la main. O.K., la députée de l'Acadie.
Mme
St-Pierre : Allez-y...
Le Président (M. Ferland) : Non, c'est parce que le député de D'Arcy-McGee
avait demandé la parole, et là il vous laisse la parole. Alors, c'est à
vous.
• (20 h 40) •
Mme St-Pierre : Bien, moi, M. le Président, j'ai un petit peu de
difficulté à suivre le ministre et surtout l'historique, là, parce que,
quand on regarde dans le passé, les commentaires qui ont été faits de la part
du gouvernement — à
l'époque dans l'opposition — sur tout ce qui se passait, tu avais l'impression
que le ministre, c'était comme une sorte de chevalier qui prônait tout
ce qui était vraiment la pureté et laver plus blanc que blanc.
Alors
là, on arrive, et je ne comprends pas son attitude de vouloir... non, je ne dis
pas de vouloir, mais ça donne l'impression
puis ça pourrait donner l'impression aux gens qui nous écoutent qu'il met un
petit peu les freins. C'est-à-dire, on dit : Oui, on l'écrit, oui,
on veut sanctionner des comportements qui sont dans l'exercice de la fonction
ou s'il y a un lien avec l'exercice. Mais, à
un moment donné, on met les freins puis on dit : Ah non! Rendus là, ça se
peut qu'on décide que non et que, s'il y a un lien ténu... C'est ça,
moi, que je ne comprends pas, là.
C'est sûr que
peut-être qu'on n'a pas tout le portrait de ce que ça pourrait vouloir dire de
sanctionner tous les professionnels membres
d'un ordre professionnel s'ils font des actes ou s'ils sont condamnés pour des actes
répréhensibles. Mais, en même temps, je pense que le public en veut plus, le
public en demande plus. Le public veut que, lorsqu'une personne, que ça soit dans l'exercice de ses fonctions ou pas, cette
personne-là, qui a un titre important, qui détient un privilège et qui, dans la société, est perçue
comme quelqu'un vraiment de supérieur, bien, je pense que là, il faut,
nous, qu'on se dise que le public s'attend à autre chose, il s'attend à plus,
il s'attend à ce qu'on aille plus loin.
Puis l'histoire du
lien ténu, bien, c'est parce qu'il va falloir faire la preuve, et ça, c'est
long puis ça, c'est... Et, moi, j'imagine,
un professionnel qui s'embauche le plus grand avocat de Montréal, qui est
capable de plaider pendant des heures
de temps avec toutes sortes d'arguments, et cette personne-là a plein d'argent
et est capable de se payer le plus grand plaideur, bien, le lien ténu,
là... l'ordre va se faire déculotter, excusez-moi l'expression, rapidement.
Alors,
il y a quelque chose que je ne comprends pas dans cet argumentaire, de
dire : Non, il faut, à un moment donné, qu'on mette le frein. Puis
on peut donner plein, plein d'exemples. Par exemple, quelqu'un qui, dans le
cadre... qui n'est pas dans l'exercice de ses
fonctions, mais s'adonne à des activités reliées au terrorisme, des activités
de renseignements, une personne qui joue un rôle, qui est un espion, par
exemple, ou on peut prendre l'infirmière qui va porter un cellulaire au centre de détention... Ce n'est pas dans l'exercice
de ses fonctions, mais elle a quand même été porter quelque chose, qui
est un acte qui peut être condamnable, puis ce n'est pas dans l'exercice de ses
fonctions, puis là on peut dire : Ah!
Bien, le lien, il est ténu. Bien, il n'y a pas de lien pantoute. La personne est
infirmière puis elle s'en va porter un cellulaire au centre de
détention. Je veux dire, il n'y a pas de lien, mais moi, je pense que quand tu
détiens un titre de cette importance-là,
bien, tu dois vraiment... Aujourd'hui, la société en demande beaucoup puis elle
a raison d'en demander beaucoup et, si on a senti le besoin de présenter
un projet de loi et que, dans ce projet de loi là, on veuille écrire noir sur blanc, comme ça a été écrit à
59.1, quand on a décidé de vraiment écrire noir sur blanc des gestes
abusifs à caractère sexuel, c'est parce qu'il s'est passé quelque chose en 1994
pour qu'on l'amène dans la loi.
Là, on dit dans les
médias : Il s'est passé des choses puis il y a des choses concrètes qui se
sont passées. À ce moment-là, on décide de faire ce projet de loi là, bien,
allons jusqu'au bout du raisonnement. Puis je pense qu'il faut aller jusqu'au bout du raisonnement puis de
dire : Bien, vous avez juste à vous comporter de façon impeccable, puis
il ne va rien vous arriver. Faites votre travail,
ayez une vie… Ayez une vie impeccable puis il n'y a rien qui va vous
arriver, là. Alors, c'est un peu ça qu'on est en train de dire, de ce côté-ci.
Si
le ministre a senti le besoin de déposer ce projet de loi là, c'est parce qu'il
se dit : Oui, il faut que politiquement on pose un geste. Très bien. Il va en prendre le crédit, puis ça va être
formidable, puis on va le féliciter. Mais, à partir de ce moment-là,
bien, si on pose le geste, on va aller jusqu'au bout du geste, puis moi, c'est
ce sur quoi j'émets l'importance... Je veux
dire, si on pose ce geste-là, ce geste législatif qui est si important, bien,
allons jusqu'au bout de notre logique.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.
M. St-Arnaud : Juste une ou deux choses, M. le Président. D'abord, 59.1, là, l'amendement
de 1994, «des gestes […] à caractère sexuel», c'est évidemment en lien
avec l'exercice de la profession, là. C'est la même chose que ce qu'on propose
aujourd'hui pour la fraude. Il fallait qu'il y ait un lien.
Si
je reprends votre exemple sur le terrorisme, si je reprends votre exemple sur
le terrorisme, s'il y a quelqu'un qui commet
un acte terroriste, que ce n'est pas un professionnel et ce n'est pas en lien
avec sa profession, l'ordre concerné va pouvoir passer par 59.2 parce qu'il va considérer que quelqu'un, là,
hein, s'il y a un infirmier ou s'il y a un travailleur social, pour prendre deux professions, là, qui est
trouvé coupable d'avoir amené des bombes pour faire sauter quelque
chose, là, bien, je peux vous dire une
affaire, là, l'ordre des travailleurs sociaux ou l'ordre des infirmiers ou
infirmières, je pense qu'il va porter une accusation parce que je pense
que ça... À l'oeil, là, moi, je dirais que c'est un acte dérogatoire à l'honneur
ou la dignité de la profession que de se faire arrêter avec des bombes pour
tenter de commettre un acte terroriste, là. Alors, c'est ça qui est...
Ce
que je dis, c'est que, même si... Donc, ça... Tous les crimes passent à 59.2.
Là, ce qu'on fait aujourd'hui, c'est qu'on
dit, comme on l'a fait à 59.1 pour des gestes à caractère sexuel en lien avec l'exercice
de la profession, là on crée un 59.1.1 où on dit : Il y a un
certain nombre d'autres gestes criminels qui, s'ils sont commis en lien avec l'exercice
de la profession, constituent des actes
dérogatoires… J'allais dire prima facie, hein? C'est ça? Bon, excellent. Et
voilà, et ça facilite la preuve pour la suite des choses.
Mais il faut que les
membres de la commission comprennent, là, qu'un acte criminel, même s'il n'est
pas en lien avec l'exercice de la profession, qui est commis par un
professionnel, va pouvoir, dans la mesure où, comme le dit la jurisprudence, il y a une atteinte grave, bien, on passe par
59.2. Mais aujourd'hui, ce qu'on fait, c'est qu'on fait un 59.1.1, semblable au 59.1, où on dit : Il y a
un certain nombre de gestes, de crimes à caractère hautement
répréhensible. Et là on dit : On va au-delà de 59.2, ça facilite la
preuve, mais ça prend un lien minimal.
Mais je pense qu'on
couvre, il me semble, là, il me semble qu'on couvre toutes les situations par
le biais de l'amendement, et l'idée, c'était...
En fait, ce qu'on me dit, c'est que, pour répondre à la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, là, on est allés
vérifier ce que l'Ordre des ingénieurs avait dit. Alors, je leur ai posé la
question : Enlever «dans l'exercice de sa profession», mais vous
seriez à l'aise avec «en lien avec l'exercice de sa profession»; est-ce que
vous pourriez vivre avec? Et Me O'Doherty — c'est ça? — a répondu : On peut vivre avec ça.
Donc, ils pouvaient vivre avec l'amendement que je propose.
Et je comprends que
ça... c'est tout ça, plus le fait que le Conseil interprofessionnel du Québec a
demandé que... et les ordres professionnels,
d'après ce que je comprends, insistent pour qu'on garde ce lien, «avec l'exercice
de la profession». Alors, c'est quand même aussi, là… ça fait partie des choses
qu'on doit avoir en tête. Mais ce qu'on me dit, c'est que, quand on a posé la
question : Est-ce que vous vivriez bien, vous pouvez vivre avec «en lien
avec l'exercice de la profession», là? Puis le représentant de l'Ordre des
ingénieurs nous a dit : On peut vivre avec ça.
Alors, voilà le
portrait, M. le Président.
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Bergman : M. le Président, avec grand respect de vous, M. le ministre, je
retourne au mémoire écrit, qui a été cité par la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, et je le cite encore, car, si vous voulez citer Mme O'Doherty — ça, c'est la vraie pensée de l'ordre — elle
dit, et je la cite : «Cependant, les mots "dans l'exercice de sa
profession", absents de l'article
59.2 du code, viennent restreindre considérablement la portée de l'article
59.1.1, voire même le neutraliser, notamment en ouvrant la porte à de
fastidieux et coûteux débats sur ce que constitue l'exercice de la profession.
L'ordre recommande de les retirer.»
Alors,
pour dire que, oui, madame a dit qu'elle peut vivre avec ça, certainement, mais
la recommandation était qu'il n'y ait
pas aucun exercice ou lien avec la profession. C'est une recommandation de l'ordre
que… Ça, c'est comment je le lis. Vous changez les mots de... «en lien
avec l'exercice». Je ne vois pas qu'est-ce que vous avez à combler et, si vous
voulez le faire le plus large possible, je ne sais pas qu'est-ce que vous
essayez de protéger ici. Ça nous étonne. Qu'est-ce que vous essayez de protéger?
M. St-Arnaud : M. le Président, là, j'essaie de protéger l'esprit du Code des
professions. L'esprit est, comme vous...
comme disait le président de l'Office des professions, l'économie du Code des
professions. Et, effectivement, on a enlevé,
là, on a enlevé «dans l'exercice de la profession» pour le rendre plus large,
parce que ce que l'Ordre des ingénieurs disait, c'est : «dans l'exercice de la profession», là, ça va être
compliqué, savoir c'est quoi, «dans l'exercice». Alors, pouvez-vous mettre
un terme plus large? Et là on a réfléchi et, en consultations particulières, on
a dit, après consultation avec le président
de l'office, on a dit : Si on mettait «en lien avec l'exercice», est-ce
que ça vous conviendrait? La réponse a été oui.
M. Bergman :
Ce n'était pas oui, c'était...
M.
St-Arnaud : Bien, on peut vivre avec ça.
M. Bergman :
C'était une amélioration, mais la meilleure amélioration, c'est de rayer le mot
totalement.
M. St-Arnaud : Pardon?
M. Bergman :
Ils ont dit : Ça, c'était une amélioration. Vous avez commencé avec «dans
l'exercice de sa profession», vous êtes
allés à «en lien avec l'exercice». C'était une amélioration, on reconnaît, M.
le ministre. Mais, la meilleure amélioration, c'est d'enlever le mot
totalement.
Le Président (M. Ferland) : Alors,
M. le ministre, d'autres commentaires?
• (20 h 50) •
M.
St-Arnaud : Non, M. le
Président. C'est parce que là, à un moment donné, moi, je... C'est parce que,
là, ça fait quand même trois heures
et demie qu'on discute sur l'article 1. J'ai compris, des propos du député, sur
l'amendement de... sur le premier amendement, parce que le député nous en
propose un deuxième, j'ai compris de ses propos qu'il souhaitait que le projet de loi soit adopté rapidement parce qu'il sait
très bien que tous les ordres professionnels attendent ce projet de loi le plus rapidement possible. Moi, je
n'ai pas de problème, M. le Président, on a cédulé toute cette semaine,
sauf jeudi, la semaine prochaine au complet; on va prendre tout le temps qu'il
faut.
Mais, à un
moment donné, là, il y a un dialogue de sourds, là. Je veux dire, moi, je
travaille avec les gens de l'Office des professions, j'essaie de faire
le projet de loi le meilleur possible, mais qui soit quand même, là... c'est
majeur, ce que dit le député, là, parce que ce que dit le député, c'est :
Il faudrait qu'on mette un article qui fasse en sorte que constituent
spécifiquement un acte dérogatoire tous les actes criminels commis par un
professionnel, qui rentrent dans le 59.1.1, peu importe dans quelles
circonstances ils ont été commis, là. C'est révolutionnaire, par rapport aux 40
dernières années, là, du Code des professions, là, ce que le député propose.
Moi, je m'en
tiens à l'esprit du Code des professions puis je dis : On couvre toutes
les situations. Quand je dis que c'est tolérance zéro, c'est tolérance
zéro parce qu'on passe par le 59.2.
M. Bergman : M. le Président,
collusion, c'est collusion. Ce n'est pas... Collusion, c'est collusion.
M. St-Arnaud : Collusion, c'est
collusion.
M. Bergman : Alors, est-ce que c'est
tolérance zéro ou non?
M. St-Arnaud : Alors, c'est un peu
comme l'acte terroriste. C'est un peu comme l'acte terroriste...
Le
Président (M. Ferland) :
Excusez. Je ne veux pas tomber dans un dialogue. Vous me connaissez,
comment je préside, là. Quand quelqu'un a la parole, on le laisse terminer.
Vous avez le temps qui vous est imparti pour chaque article, chaque paragraphe. Je n'ai aucun problème, je vais vous laisser
le temps qui vous appartient. Mais je n'aime pas beaucoup les échanges
de dialogue, ces choses-là, de toute façon, personne ne s'entend, puis on se
perd.
Alors, quand
quelqu'un a la parole, on le laisse terminer, et je vous dis, si ça s'emporte
un peu, moi, je n'ai pas de problème,
je vais suspendre quelques minutes, puis on va aller se reposer un peu dans le
corridor et on va revenir. Alors, M. le ministre, est-ce que vous avez d'autres
commentaires?
M. St-Arnaud : Non, M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) :
Alors, il y avait... Je vais revenir à vous. Il y avait la députée des
Îles-de-la-Madeleine, ça fait quelques minutes, mais c'est parce que tout
le monde…
Des voix : ...
Le Président (M. Ferland) : C'était
hier?
Une voix : Une heure plus
tard dans les Maritimes.
Le
Président (M. Ferland) : Oui, oui, c'est ça. Vous voulez qu'on suspende un peu? Non, non, pas
tout de suite… Non, là, c'est correct. Je fais juste vous ramener les
règles un peu, la façon dont, moi, je préside. Mais ça va bien à date, vous faites bien ça, il n'y a aucun
problème. C'est quand ça commence à échanger, là, puis il s'en vient tard, je
viens un peu moins patient. Puis le homard et le crabe étaient excellents tout
à l'heure, alors on va terminer la soirée en beauté. Alors, la députée des
Îles-de-la-Madeleine.
Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) :
Ah, mon Dieu! Merci, M. le Président. Je vous avoue que ça fait au mois trois, quatre fois que je change mon
intervention depuis le moment où j'ai demandé pour pouvoir parler. Ça fait
que je vais essayer de ramasser un peu...
Et, en même temps, bien, il y a eu d'autres interventions auxquelles je vais
pouvoir répondre aussi, selon ma connaissance. Comme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, je suis un peu nouvelle dans ce dossier-là, je n'ai pas
assisté non plus aux auditions publiques. Par contre, je regarde ça avec un
oeil neuf, et souvent on a un oeil extérieur à ce moment-là, on a peut-être une
vue un peu plus claire.
Ce que je
comprends, premièrement, de ce projet de loi, c'est qu'on est dans le Code des
professions. Alors, tout amendement à la loi et nouveaux articles qu'on
veut apporter, il faut rester quand même dans l'esprit du Code des professions. On n'est pas dans la justice au sens
large, parce qu'au sens large on en a, des lois qui peuvent sanctionner
des actes malhonnêtes qui seraient faits par n'importe quel citoyen du Québec
et du monde entier, j'ose espérer. S'il y a des actes répréhensibles, je pense qu'il y a des
lois pour sanctionner ça. Présentement, on est dans le Code des professions et on s'attarde à des actes qui auraient été
commis par des professionnels, soit dans l'exercice de leurs fonctions,
comme c'était écrit auparavant, mais aussi, comme les arguments très bons que
vous avez apportés tantôt, que l'opposition a apportés,
M. le Président, de dire : Il peut avoir un lien, un lien même éloigné. On
parle de collusion avant qu'il y ait un acte qui se produise, mais c'est quand même comme avocat ou ingénieur qu'on
va participer à une certaine collusion ou acte répréhensible dans ce sens-là, parce que ça a un lien quand même avec l'emploi,
parce que ce n'est pas quelqu'un qui aurait une profession complètement différente qui va aller faire de la
collusion parce que ce n'est pas dans l'exercice de ses fonctions.
Ça fait qu'il faut qu'il y ait un lien quand
même. L'amendement qui a été apporté par M. le ministre, qui dit : lorsqu'il y a un lien avec l'exercice de celle-ci,
ça apporte une nuance pour dire : Ce n'est peut-être pas dans l'exercice
réel de la fonction, par contre il y a un
lien. Ça fait que ça élargit. On disait : Il faut... Le public s'attend à
ce qu'on sanctionne au sens large. Bien, je pense que là, l'amendement
qui est apporté, ça apporte cette nuance de sens large par rapport à la
profession.
Mais on n'est
pas dans la justice pour tous, on est dans le Code des professions et on s'attend
à ce qu'il y ait des sanctions et qui sont très bien nommées :
collusion, corruption, malversation, abus de confiance, trafic d'influence, fraude. On s'attend à ce que... Là, je pense, c'est
assez large pour dire : c'est un amendement à l'article 59.1 qui
vient préciser qu'on veut sanctionner quand
il y a une atteinte à la dignité de la profession. Par contre, comme on a dit,
le 59.2 vient quand même rétablir
que, si un acte complètement en dehors de la profession, qui n'a aucun lien
avec la profession, mais qui porte
atteinte à la dignité de la profession… On a un article qui vient quand même
sanctionner et donner une poignée pour aller, c'est ça, sanctionner ce
geste-là ou le réprimander d'une façon ou d'une autre.
Ça fait que
je pense que c'est clair, ce qui veut être apporté au Code des professions, c'est
large, ça couvre tout. Et les arguments que vous avez apportés, qui sont
très bons, d'après moi, avec mon regard neuf, comme je dis, ils sont inclus ici. Ça ne m'inquiète pas. Ce que le public
attend de nous, là, je le vois très bien ici, et ça nous donne des
nouvelles poignées, des nouveaux arguments pour sanctionner les gestes
répréhensibles qu'on voit présentement dans les commissions ou quoi que ce
soit. Puis je pense que vos arguments sont tout à fait vrais, mais je ne suis
pas inquiète qu'on retrouve ça ici. Et ce
que l'Ordre des ingénieurs apportait comme problématique dans l'exercice de la
profession, ça a été réglé. On est moins
restrictifs, on élargit s'il y a un lien, et, le lien, c'est large. Là, on est
dans le large. S'il y a un lien avec l'exercice de la profession, pour
moi, ça répond à vos interrogations sans problème. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) :
Merci, Mme la députée. Il y avait la députée de Montmorency. Après, je vais
prendre le député de Fabre ou Acadie? O.K. Députée de Montmorency, après je m'en
viens à la députée de l'Acadie.
Mme
St-Laurent : Ça ne sera pas
très long. C'est que j'écoutais tout à l'heure la députée de Notre-Dame-de-Grâce qui parlait de l'exercice, en lien
avec l'exercice de la profession. J'ai lu également le rapport des
ingénieurs et je me passe une réflexion,
parce qu'entre autres la députée de Notre-Dame-de-Grâce soulignait que le
démarchage, ce n'est pas dans l'exercice de
la profession. Je voudrais qu'on porte réflexion sur ça, si on mettait «en lien
avec la profession», parce que le démarchage, il est en lien avec la
profession, mais il n'est pas dans l'exercice de la profession. C'est une
suggestion que je fais.
Des voix : ...
Mme St-Laurent : Mais ce n'est pas
marqué «en lien avec l'exercice»?
Des voix : …
Mme
St-Laurent : Non, c'est
parce que l'amendement, c'est «en lien avec l'exercice de celle-ci», tandis que
moi... Non. Moi, je dis : «en lien avec la profession» et non «avec l'exercice
de la profession». Je pense que ce serait bon, parce que ça couvrirait, comme
la députée de Notre-Dame-de-Grâce parlait tout à l'heure, que le démarchage n'était
pas en lien avec l'exercice de la profession. Mais on peut trouver...
Une voix : ...
Mme St-Laurent : C'est ça. Ça fait
qu'on peut trouver...
Le Président (M. Ferland) : On va
laisser terminer la députée de Montmorency. Allez-y, terminez votre...
Mme
St-Laurent : On peut trouver
plusieurs liens avec la profession, qui ne sont pas en lien avec l'exercice
de la profession, comme le démarchage, par exemple.
Le Président (M. Ferland) : Alors,
M. le ministre, est-ce que vous avez des commentaires?
M.
St-Arnaud : M. le Président,
je trouvais ça intéressant jusqu'à ce qu'on me dise que... Le gros problème
de ces termes-là, c'est que, par exemple, l'expression «dans l'exercice», «en
lien avec l'exercice de la profession», c'est des termes qui sont utilisés ici
et à plusieurs endroits dans le Code des professions. On dit notamment à 149.1,
à 55.5, à 45, à 182.2.
Alors,
il s'est développé, au fil des ans, une jurisprudence avec l'expression «en
lien avec l'exercice de laprofession».
Et moi, quand la députée de Montmorency a commencé à exprimer son point de vue,
je me disais oui, peut-être que... Je
comprenais son point de dire : Oui, ce serait peut-être... Mais là on
arrive avec une nouvelle expression. C'est pour ça que... Et, en ce
sens-là, je rejoins les propos que la députée de l'Acadie avait dits la semaine
dernière, il faut faire attention avec les
termes, parce que chacun des termes qui ont été utilisés, généralement ont été
utilisés et regardés de très près par
les légistes, là, avant de les mettre dans les amendements ou dans les projets
de loi. Alors, il faut être prudent. Et ce qu'on me dit, à ma droite, c'est que l'expression «en lien avec l'exercice
de la profession» qu'on utilise dans l'amendement, c'est une expression
qu'on retrouve à plusieurs endroits et qui a été interprétée, là... Est-ce que
ça répond? Je vois, M. le Président, que la députée veut ajouter quelque chose.
• (21 heures) •
Mme St-Laurent : C'est qu'on va
ratisser plus large. C'est ce que la population veut.
M. St-Arnaud : C'est votre objectif.
Mme
St-Laurent : Comme le
démarchage, les gestes qui sont avant pour la profession. Ça fait que, qu'on
n'ait pas peur d'établir une nouvelle
jurisprudence s'il faut, mais on veut ratisser plus large, et c'est en lien
avec la profession et non seulement avec l'exercice de la profession. Je
pense que c'est... Je trouve ça extrêmement important, moi.
Le Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M. St-Arnaud : Non, mais, M. le
Président, on va réfléchir à cet élément-là. Je pense que... J'ai répondu, là, effectivement, que ce serait une nouvelle
terminologie qu'on utiliserait, mais je comprends que, derrière cette
nouvelle terminologie là qui est proposée par la députée, ça permettrait de
ratisser plus large. Alors, peut-être que... Je pense qu'on va regarder la... On va voir. Éventuellement, bien, ça pourrait
faire l'objet d'un sous-amendement, là, mais les savants experts à ma
gauche... à ma droite regardent ça, M. le Président.
Le Président (M. Ferland) : Merci,
M. le ministre. Il y avait la députée d'Acadie; après, le député de Fabre.
Mme
St-Pierre : Merci, M. le
Président. Je veux un petit peu réagir à ce que le ministre a dit concernant
l'ordre des professions. Le président de l'ordre
des professions nous dit ceci, nous dit cela — puis j'ai beaucoup de respect, vous êtes une personne bien charmante — mais,
M. le ministre, je vous rappelle que le patron, c'est vous. Alors, la
responsabilité, elle repose sur vos épaules, et c'est vous qui allez donner les
directives à l'ordre des professions et à son président. Et ce qu'on est en train de faire aujourd'hui, c'est
vraiment de dire au public : Voici, on prend la situation au sérieux.
On sait que, dans l'opinion publique, il y a
un grave problème de confiance par rapport à certains professionnels. Ce ne
sont pas tous les professionnels, mais il y a certains professionnels qui se
sont mis... ils se sont mis à l'avant-scène, là, dans les médias, et on veut faire en sorte que ces gens-là comprennent qu'ils
ont un privilège, ce sont des privilégiés. Ils ont des professions qui
sont vraiment des professions importantes et dans la confiance de la
population.
Moi, j'aimerais
avoir des arguments de la part du ministre qui me diraient : Si on enlève
toute référence à soit «en lien avec l'exercice de la profession» — là,
on a fait un autre pas, «l'exercice de la profession» s'en va — «en
lien avec l'exercice de la profession», si on enlève toutes ces références-là
puis on dit : Un professionnel qui se retrouve dans cette situation-là va
se retrouver devant la justice disciplinaire, en quoi ça change quelque chose?
Est-ce qu'on se retrouve...
Une voix : …
Le Président (M. Ferland) :
Continuez, Mme la députée, je pense que le ministre écoute en même temps.
Mme
St-Pierre : Bien, c'est
parce qu'il ne peut pas écouter... Enfin, il est superbon s'il écoute deux
personnes en même temps.
Le Président (M. Ferland) : Bien, je
vais lui demander s'il peut écouter en même temps qu'on lui parle.
Mme St-Pierre : Alors, s'il a deux
oreilles…
Le Président (M. Ferland) : Allez-y,
Mme la députée.
Mme St-Pierre : Alors, si on a
réussi... si le président de l'ordre nous arrive en disant : Écoutez, si
vous allez dans ce sens-là, on va se retrouver
avec 45 000 cas par année dont il va falloir qu'on dispose, et tout ça, si
ce n'est pas le cas, bien, moi, j'aimerais
ça connaître ce que ça signifie, en termes de travail, en termes d'analyse de
leur part, et tout ça, mais, pour le moment, il n'y a personne qui m'a
convaincue que ce n'était pas légitime de notre part de réclamer ça.
Et le ministre disait : Ça fait trois
heures et demie qu'on discute de cela. Oui, parce que c'est fondamental. C'est
très important dans l'esprit de la population, et, s'il était assis de ce
côté-ci, il tiendrait le même discours. Et je pense
qu'il devrait, ce soir, là, réfléchir là-dessus. La nuit porte conseil, il va
aller réfléchir, il va dire aux gens qui travaillent avec lui… puis j'en
connais, des gens qui travaillent avec lui, qui sont des gens qui sont très
talentueux, qui sont très intelligents et qui vont
comprendre ce sur quoi on est en train d'argumenter, et je pense que le
ministre va revenir avec une autre opinion,
parce que ça n'enlève rien, ça fait juste donner plus de confiance au public.
Le public a besoin de cette confiance-là.
Et, si le professionnel se met dans une
situation, prenons facultés affaiblies ou… bien, ce sera son problème, puis il ira régler ses problèmes devant son ordre
professionnel. Prenons la prostitution : ça n'a rien à voir, peut-être,
avec la profession d'avocat, mais je m'excuse,
mais ça a un lien avec un comportement dans la vie privée, et le
comportement dans la vie privée, parfois,
peut avoir une influence dans le comportement sur la vie professionnelle par
rapport à une attitude qu'on peut avoir vis-à-vis certains clients ou
certaines clientes.
Alors, tout
est relié, M. le Président. Ce n'est pas vrai que la vie privée n'est pas
reliée à la vie professionnelle, il y
a des liens qui se font. On veut protéger le privé, bien sûr, mais, si le privé
va plus loin que ce qui est acceptable dans la société, bien là il faut
que nous autres, on envoie le message très, très clair que la population veut
plus, sa population s'attend à plus que ce que le ministre nous propose
maintenant.
Et, si on en
discute depuis 3 h 30 min, s'il s'était rallié à notre
argumentaire, ce serait réglé depuis 2 h 15 min. Alors,
voilà.
Le Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M.
St-Arnaud : Bien, M. le
Président, d'abord, là, je veux qu'une chose soit claire : je prends la
situation très au sérieux. C'est moi
qui ai demandé, par rapport au projet de loi n° 79, qui avait été déposé
par mon prédécesseur sur le même sujet, c'est moi qui a dit : On va
faire en sorte qu'un acte dérogatoire semblable à 59.1 existe pour les actes de
collusion, de corruption, de malversation, d'abus
de confiance, de trafic d'influence puis de fraude; c'est moi. Je prends
ça au sérieux, M. le Président. Pour la
première fois... pour la deuxième fois — parce
qu'il y avait eu 1994, 59.1 — en
40 ans, je dis : Il y a une situation suffisamment grave pour qu'on
en fasse un acte dérogatoire automatique. Alors, je prends ça très au sérieux,
M. le Président, parce que je suis... Encore une fois, là, depuis 40 ans,
il y a un seul de mes prédécesseurs — et c'est pour 59.1 — qui a
dit que les gestes à caractère sexuel étaient des actes dérogatoires automatiques. Moi, je suis le deuxième, là, en
40 ans, qui dit, là, face à un problème, puis par rapport au projet de loi
n° 79, qui concernait la justice disciplinaire, j'ai dit : On va le
rentrer comme premier article. Alors, je prends ça très, très au sérieux.
Mais il faut
aussi... c'est vrai que c'est moi, le ministre, M. le Président, c'est vrai qu'en
bout de ligne c'est moi qui tranche.
Mais je m'excuse, là, mais, quand on joue sur des codes aussi importants que le
Code des professions, bien, on consulte.
Puis l'avis des gens qui sont des experts, qui font du droit professionnel
depuis des décennies puis qui connaissent le code par coeur, par rapport
à moi, qui est un... commence à m'initier à peine, M. le Président, avec le
Code des professions... Moi, je n'ai
pas pratiqué en droit professionnel, le député de Fabre a pratiqué pas mal, il
connaît ça beaucoup mieux que moi, mais moi, je connais très peu ça, le
droit professionnel, je n'ai pas pratiqué en droit professionnel. Alors, oui, c'est moi, le ministre, mais... Oui, d'ailleurs,
oui, j'espère, on entendra le député de Fabre. Il est particulièrement
discret ce soir, il n'a pas dit encore un seul mot en
1 h 40 min, ça...
Des voix : ...
• (21 h 10) •
M. St-Arnaud : Écoutez, peut-être
partage-t-il mon point de vue et n'ose-t-il pas le dire. Mais, M. le Président, c'est vrai que c'est moi, le ministre.
Mais, quand on joue dans un code aussi majeur que le Code des
professions, là — c'est comme le Code civil, c'est comme des
législations majeures de notre droit québécois — je m'excuse, mais on ne décide pas ça
sur un coin de table. Puis moi, avant de prendre une décision… Puis, quand que
la députée de l'Acadie dit : Prenez
encore quelques heures, ça fait des mois qu'on discute de ça, ça fait des mois
que je consulte les experts, dont certains
sont présents dans cette salle, des gens que ça fait des décennies qu'ils sont
des experts en droit professionnel et qui me disent : M. le
ministre, si vous ne mettez pas «en lien avec l'exercice de la profession»,
vous allez... vous faites un amendement qui est contraire à l'esprit et à l'économie
du Code des professions.
Alors, moi,
là, quand que le député de D'Arcy-McGee me dit : Mais qui voulez-vous
protéger, qu'est-ce que vous avez à
cacher — c'est
pratiquement ça que le député de D'Arcy-McGee... — bien, je m'excuse, je n'ai absolument personne à protéger si ce n'est l'esprit
du Code des professions et de notre droit québécois. Et moi, là, je suis prêt à tout regarder, mais, à un
moment donné, effectivement, sur des questions majeures comme ça, je
dois me revirer vers les experts, vers les
gens de l'Office des professions, vers les gens qui connaissent le droit
professionnel et qui me disent : M. le
ministre, si vous mettez ça sans balise, vous allez à l'encontre de l'esprit du
Code des professions, qui, comme l'a
très bien dit la députée des Îles-de-la-Madeleine, vise à sanctionner des
comportements de professionnels, bien, dans l'exercice de leurs
professions. Et, si ça a un degré de gravité tel que ça porte atteinte à la
dignité ou à l'honneur de la profession — l'exemple
du terrorisme de tantôt est un bon exemple — mais on va pouvoir passer par 59.2.
Alors, M. le
Président, la situation, je la prends très au sérieux. C'est pour ça que
moi-même, bibi, j'ai demandé qu'on
mette ça dans le Code des professions, qu'on mette, là, pour la deuxième fois
en 40 ans… qu'on indique que c'est un acte dérogatoire que de
commettre un certain nombre d'actes à caractère criminel, à caractère
financier.
Ce qu'il ne
faut pas perdre de vue non plus, c'est qu'à partir du moment où on le met dans
59.1.1, ça devient un automatisme. Le conseil de discipline n'a plus le
choix, il doit automatiquement porter une accusation, et la sanction va être
automatique contre le professionnel.
Alors, M. le
Président, je prends ça très au sérieux, c'est pour ça que j'ai mis ça dans le
projet de loi. Puis, oui, c'est moi qui décide en bout de ligne, mais je
n'ai pas la science infuse, puis ce n'est pas vrai que je vais décider, comme ministre de la Justice, là, parce que politiquement,
là, j'aurais l'air du superman, hein, je dénonce,
là, tous les comportements, même les plus mineurs, même pris dans la vie... Je
pourrais faire ça, M. le Président,
mais, à un moment donné, il faut être responsable quand on est ministre de la
Justice, quand on est ministre responsable des lois professionnelles. Il
faut regarder autour, il faut regarder ce que les experts nous disent, et les experts de l'Office des professions, les experts
du Conseil interprofessionnel du Québec, les experts de la majorité,
pour ne pas dire la quasi-totalité des
ordres professionnels nous disent : M. le ministre, là, si vous enlevez ça
puis que vous rentrez... vous ne faites plus de lien pantoute, même si
le lien, ici, on dit que ça peut être un lien ténu avec l'exercice de la
profession, on me dit : Là, vous faites quelque chose de contraire à l'économie,
à l'esprit du Code des professions.
Alors, je ne
veux pas protéger personne, là, contrairement à ce que dit le député de D'Arcy-McGee.
Ce que je veux protéger, c'est notre
Code des professions, l'esprit de notre Code des professions. Et, oui, on pose
un geste majeur, comme il ne s'en est
posé que deux — c'est
le deuxième en 40 ans — en
rentrant que ça constitue un acte dérogatoire de commettre un certain nombre de crimes à caractère financier.
Et donc je prends ça au sérieux suffisamment pour faire ça, pourfaire en sorte qu'au-delà de 59.2, lorsqu'on parle
de fraude, lorsqu'on parle de corruption, lorsqu'on parle de collusion
en lien avec l'exercice de la profession, direct, on s'en va automatiquement
avec l'acte dérogatoire et la plainte
automatique.
Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise de
plus, M. le Président? Je prends ça très au sérieux, c'est pour ça qu'il y a cet article là, puis... Mais, ma
responsabilité, ce n'est pas, là, d'écrire sur un coin de table. Moi, je
regarde et je... Et croyez-moi, là, quand la
députée de l'Acadie dit : Bien, vous pourriez peut-être prendre encore
quelques heures, puis-je vous dire qu'on
a pris quelques mois, M. le Président, avec les meilleurs experts en droit
professionnel, puis que c'est suite à ça et suite à l'avis des gens qui
connaissent ça bien mieux que moi que nous sommes arrivés avec ce texte initié
au départ par moi? Voilà.
Le
Président (M. Ferland) :
Merci, M. le ministre. Alors, après ce long silence, la parole est au député de
Fabre. La parole est à vous.
M. Ouimet
(Fabre) : Merci, M. le
Président. J'écoutais, sans intervenir, les débats et je vais prendre
quelques minutes, si vous me permettez, je vais essayer de résumer.
En fait, je regarde autour de la table et je
pense... en tout cas, je ne veux pas m'attribuer un mérite qui ne m'appartient pas, mais moi, j'ai pratiqué... les
10 dernières années, j'ai agi en poursuite en matière disciplinaire, en
défense, j'ai été président d'un ordre professionnel, j'ai eu à gérer le Code
des professions et je l'ai appliqué, je l'ai plaidé, je connais la jurisprudence. Et je vais vous avouer qu'il y a plein de
bonnes choses qui ont été dites ce soir, mais je pense que je vais m'exprimer pour vous dire ce que j'avais dit la
dernière fois : J'ai un problème avec l'amendement tel que proposé, parce que je pense que, même s'il part d'une
bonne idée à la base, je ne suis pas certain qu'on atteint l'objectif qu'on
veut et je pense qu'on pourrait maximiser le rendement.
Je m'explique : on a parlé tantôt, puis je
pense que c'est important de replacer les choses dans leur contexte, on a fait référence à 59.1, 59.2, des dispositions
qui ont été adoptées en 1994. 59.2, c'est la disposition générale qui
prévoit qu'un acte dérogatoire peut être sanctionné. Sans trop de balises, on
veut que ce soit une disposition large, parce qu'on
ne sait pas qu'est-ce qui va être visé. Et on a fait référence à la
jurisprudence, et effectivement la jurisprudence a établi qu'il faut qu'il y ait un certain lien
entre l'acte dérogatoire et le comportement qu'on veut sanctionner, parce
qu'on est en matière de justice disciplinaire, on n'est pas en matière de
justice civile ou pénale générale, mais la disposition est à dessein large.
Alors, on
introduit cette disposition-là en 1994, au même moment où on a introduit la
disposition spécifique pour dénoncer
les comportements à caractère sexuel, ce qui est différent du contexte actuel,
parce qu'actuellement la disposition générale existe déjà depuis 1994,
et là on veut introduire une disposition plus particulière. Et le danger qui a
été souligné par certains intervenants qui sont venus dans des consultations
particulières — et
on a fait écho à ces...
Une voix : Mises en garde.
M. Ouimet (Fabre) : …mises en garde
là, merci — c'est
que, là, on est en train d'introduire une disposition particulière, alors qu'il
y a la disposition générale qui peut s'appliquer. Est-ce qu'on n'est pas en train
de se créer un problème particulier? Ça, c'est le premier problème avec la
disposition telle qu'elle est proposée.
L'autre problème — et là c'est le
problème de fond que j'entends de part et d'autre — c'est qu'on peut faire
le choix, tel que le ministre le propose, de
dénoncer les actes de collusion, de corruption, d'abus de confiance
lorsqu'ils ont un lien avec l'exercice de la profession. Le ministre nous
dit : C'est pour respecter l'économie générale du droit professionnel au Québec. De ce côté-ci de la
table, ce que j'entends, ce qu'on dit, c'est : On veut poser un... c'est
un énoncé de principe qu'à partir d'aujourd'hui le simple fait de poser
un acte de collusion ou de corruption constituerait… parce que ça constitue déjà un acte dérogatoire, mais on veut l'énoncer
dans le Code des professions pour que ça constitue... qu'il y ait une fin éducative, en plus d'un énoncé
qui peut être utile pour les syndics au niveau de leur preuve de
dire : Un acte de corruption, c'est un
acte dérogatoire, sans qu'on soit obligé de faire une preuve par expert d'un
professionnel de ce domaine-là pour venir dire : La corruption, c'est
contraire à la profession.
Ce que l'Assemblée
nationale pourrait énoncer, si on faisait ce choix-là, c'est de dire qu'un acte
de collusion, de corruption, de
malversation ou de trafic d'influence — et
là je vais mettre de côté la fraude pour l'instant — c'est
un geste qui d'emblée constitue un acte dérogatoire.
Ce qu'il ne faut pas oublier, M. le juge...
Président… Ouf!
Le Président (M.
Ferland) : …vous pouvez utiliser des termes...
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Ouimet (Fabre) : Il ne faut pas
perdre de vue une chose, c'est qu'au bout du compte, le conseil de discipline — et
c'est l'article 152 du code qui le dit — décide privément de tout autre organisme, de tout
autre tribunal ce qui constitue ou non un acte dérogatoire. Alors, il
appartient au conseil de discipline de déterminer si, oui ou non, le comportement du professionnel, même s'il constitue
un acte dérogatoire tel qu'énoncé dans cette nouvelle disposition, s'il mérite d'être sanctionné ou pas. Alors, il y a
toujours ce pouvoir discrétionnaire du décideur, qui est le conseil de
discipline.
Alors, je reviens à la prémisse de base, et c'est
ce qu'on propose de ce côté-ci, ce que j'ai compris qu'on proposait de ce côté-ci de la table, c'est de
dire : Pourquoi, dans le contexte actuel… Et là je ne veux pas reprendre
tout ce qui a été dit au niveau de l'importance
de la perception puis d'affirmer notre désapprobation de ces comportements-là,
de dire : Pour un professionnel qui a
un statut particulier, l'Assemblée nationale détermine que la corruption, la
collusion, la malversation, l'abus de confiance sont des actes dérogatoires, et
il appartiendra au conseil de discipline, au terme de l'enquête du syndic… s'ils
doivent être sanctionnés ou pas. Il me semble que c'est un énoncé de principe
que nous pourrions faire.
Ceci dit — et
là je reviens à la prémisse, mon premier commentaire — il
ne faut pas qu'en adoptant cet énoncé de principe on crée plus de
difficultés qu'on en règle, c'est-à-dire — et c'est pour ça qu'il serait
important d'amender, tel que le propose le
député de D'Arcy-McGee, de l'ajouter à 59.2 en... puis là les termes, je n'accorde
pas d'importance aux termes, là — indiquer clairement que c'est
un énoncé de principe en lien à la disposition générale, qui est l'acte dérogatoire à 59.2 et non pas une disposition
nouvelle, à compter d'aujourd'hui, qui peut être sanctionnée par les
ordres professionnels. Et ça, je pense que c'est un problème important qui a
été dénoncé par des intervenants, et il ne faudrait pas aller là.
Alors, il y a
deux éléments : comment est-ce qu'on fait cet énoncé de principe là et,
comme le souligne le ministre, comme insiste le ministre, est-ce qu'on
doit inclure cette notion de lien avec l'exercice de la profession ou si, de ce
côté-ci de la table, on y va plus généralement en disant : Ces actes-là
sont suffisamment graves pour être dénoncés et possiblement sanctionnés par un
conseil de discipline? Et moi, je pense que c'est la façon préférable d'agir si
on veut s'attaquer à ce phénomène-là. Voilà. Je pense que ça fait le tour, là.
Je ne veux pas me répéter, mais je pense que j'ai tout dit. Voilà.
• (21 h 20) •
M. St-Arnaud : Est-ce que je peux
poser deux questions, M. le Président, à mon savant collègue, mon savant
confrère?
Le Président (M. Ferland) : M. le
ministre, oui, allez-y. À vous la parole.
M.
St-Arnaud : Quand le député
de Fabre dit : Est-ce qu'on n'est pas en train de se créer un problème
particulier?, ma première question : Est-ce qu'il en vient à la
conclusion… finalement, on devrait enlever complètement 59.1.1? Première
question.
Deuxième
question : Je note qu'il n'a pas parlé de la fraude. Est-ce que je
comprends que... J'aimerais ça qu'il nous en parle. Est-ce que je dois
comprendre, de sa proposition, qu'il enlèverait «la fraude» et que, si on
acceptait l'amendement du député D'Arcy-McGee sans «la fraude», ça serait, pour
lui, la solution idéale?
Le Président (M. Ferland) : M. le
député de Fabre.
M. Ouimet
(Fabre) : Merci, M. le
Président. Première question du ministre : 59.1.1, je pense qu'effectivement,
dans le contexte actuel, compte tenu de...
et là je vais reprendre l'objectif poursuivi par le ministre, on pourrait
décider que c'est un énoncé de principe
important que l'Assemblée nationale indique que, pour un professionnel, le
simple fait de poser un geste de corruption, de collusion, malversation,
abus de confiance ou de trafic d'influence constitue d'emblée un acte dérogatoire et de laisser aux soins des conseils de
discipline l'opportunité de décider s'il doit être sanctionné ou pas.
Mais, pour nous, de l'affirmer, je pense que,
donc, il y a une fin utile. Comme j'ai dit tantôt, je ne l'insérerais pas à 59.1.1, mais plutôt en appui à 59.2, puisque
c'est une disposition particulière du principe général. À l'heure
actuelle, de toute façon, même 59.1.1, je
suis d'avis qu'un syndic peut amener en discipline un de ses membres pour un
acte de collusion, de corruption; c'est
ma conviction, et ça va me faire plaisir de le plaider s'il faut. Deuxième
question du ministre... Donc, je pense avoir répondu; oui à 59.1.1, avec
les modifications que j'ai mentionnées.
Quant à la question de la fraude, à dessein,
tantôt j'ai voulu éviter, parce que je ne voulais pas lancer un autre débat. Mais on a eu cette discussion-là la
dernière fois, et le ministre a souligné, à juste titre : la fraude est
une infraction grave, mais qui est très large dans son application.
Et la préoccupation du ministre, que je
rejoignais, c'est qu'il y a des comportements qui peuvent être couverts par la
fraude, qui ne rejoignent pas la préoccupation. Notre énoncé de principe que
nous voudrions faire avec cette disposition,
la fraude, on est loin du compte. Et je pense que le ministre a raison de
souligner, à ce niveau-là, qu'il y a
peut-être une portée trop large. Peut-être que la solution, à ce moment-là, M.
le Président, c'est d'éliminer la fraude de cet énoncé. Parce que la
fraude, il n'y a pas de lien direct entre ce qu'on veut dénoncer et ce
comportement criminel. La fraude, c'est… Le
ministre nous parlait de la personne qui fraude 10 $ au magasin avec une
carte de crédit, qui n'a absolument rien à voir avec les comportements qu'on veut
dénoncer à ce qui... dans le projet de loi, alors qu'à l'autre extrême, effectivement, ce serait visé.
Alors, je pense que, si on éliminait la fraude de cet article-là, de ce
libellé-là, on se rapproche de ce que tout
le monde autour de la table veut dénoncer, et je pense que le ministre serait
peut-être plus à l'aise avec cette disposition. Voilà la réponse que
je...
Le Président (M. Ferland) : M. le
ministre, la parole est à vous.
M. St-Arnaud : Bien, c'est toujours
intéressant, M. le Président, d'entendre mon collègue. Je pense qu'on va
méditer là-dessus, M. le Président. Il est 9 h 25, est-ce que c'est...
Je pense qu'on va méditer là-dessus.
Est-ce que, si on s'inspirait de la proposition
du député D'Arcy-McGee et que, donc, on ajoutait un deuxième alinéa à 59.2… Et là je m'avance, là, parce qu'à
ma droite on va devoir faire des vérifications, mais je le mets sous
forme d'hypothèse sur laquelle on peut
réfléchir, et les experts peuvent regarder ça d'ici à demain matin, mais, si on
enlevait la fraude et qu'on enlevait le lien avec l'exercice de la profession,
donc on ferait un 59.2 qui serait essentiellement... peut-être le libellé
pourrait être différent, mais la proposition du député D'Arcy-McGee… mais en
enlevant les mots «de la fraude», on enlève
le lien avec l'exercice de la profession parce qu'on considère qu'il s'agit
de... Quand on parle des autres, là, de
collusion, de corruption, de malversation, d'abus de confiance, de trafic
d'influence, là, tu ne peux pas bien, bien
faire de l'abus de confiance ou de la corruption à l'extérieur de ta
profession, là, c'est un peu implicite.
Et on le met dans un deuxième alinéa de 59.2. Mais on enlève «la fraude» pour
les raisons que vient de dire le député
de Fabre et qui me préoccupaient, effectivement, depuis la dernière fois; c'est
que, la fraude, c'est large en maudit.
Alors, je soumets ça comme hypothèse, là, on
peut y réfléchir d'ici à demain. Mais, en fait, ça serait essentiellement, là... Peut-être le libellé
pourrait être différent. Est-ce que ça ne serait pas un compromis
intéressant que de prendre l'amendement du député D'Arcy-McGee, mais en
enlevant «la fraude»?
Le Président (M. Ferland) : Merci,
M. le ministre.
M.
St-Arnaud : «La fraude»
pouvant cependant être récupérée par 59.2, premier alinéa, dans la mesure où
c'est une atteinte grave à la dignité et à l'honneur de la profession.
Le Président (M. Ferland) : Le
député D'Arcy-McGee, et après la députée de Montmorency. Mais il reste...
Rapidement, allez-y.
M.
Bergman : Juste un court
commentaire. Certainement, on va penser jusqu'à demain sur les propos de
mon collègue de Fabre et les propos du
ministre. Et j'aimerais dire à vous, M. le Président, et au ministre, que je n'ai
jamais prétendu, directement ou indirectement, que le ministre cache quelque
chose. J'ai un grand respect pour le ministre non
seulement comme ministre et comme député, mais comme professionnel et je n'ai
jamais prétendu qu'il cache quelque chose ou il protège quelqu'un. Laissez-moi
être clair, j'ai un grand respect pour M. le ministre.
Le Président (M. Ferland) : Alors,
merci, M. le député D'Arcy-McGee. La députée de Montmorency.
Mme
St-Laurent : Oui, trois
secondes, simplement pour dire, durant vos réflexions cette nuit, de penser
aussi au lieu «dans l'exercice de la profession», bien, «de la profession».
Le
Président (M. Ferland) :
Alors, un autre élément pour la réflexion de ce soir, M. le ministre. Est-ce
que...
M. St-Arnaud : Mais, si, là, on l'enlève
au complet, le problème ne se poserait plus.
Mme
St-Laurent : Il se poserait
peut-être, là. Je vais regarder, ce soir, moi aussi. Je vais faire une profonde
réflexion.
M. St-Arnaud : Bon, bien, vous
aussi, ça vous fait quelque chose à faire d'ici à demain matin.
Mme
St-Laurent : Parce que, si
on l'enlève, et que le premier paragraphe, c'est «dans l'exercice de la
profession»…
M. St-Arnaud : …complètement, donc
je me rendrais aux arguments proposés par l'opposition officielle, mais en
enlevant «la fraude», et là je pense qu'on aurait peut-être quelque chose d'intéressant
qui nous permettrait de passer à l'article 2.
Le Président (M. Ferland) : Alors,
merci, M. le ministre.
Alors, compte tenu de l'heure, je lève la
séance, et, la commission ayant accompli... non, et la commission ajourne ses
travaux sine die. Alors, bonne réflexion ce soir et cette nuit, profitez quand
même pour dormir quelques heures, et à demain.
(Fin de la séance à 21 h 28)