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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mercredi 27 mars 2013 - Vol. 43 N° 28

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels


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Table des matières

Auditions (suite)

Mme Louise Langevin

Centre international de criminologie comparée (CICC)

Mémoires déposés

Remarques finales

M. Jacques Duchesneau

Mme Charlotte L'Écuyer

M. Bertrand St-Arnaud

Autres intervenants

M. Luc Ferland, président

M. Gilles Ouimet

*          Mme Jo-Anne Wemmers, CICC

*          Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme L'Écuyer (Pontiac) remplace Mme St-Pierre (Acadie).

Auditions (suite)

Le Président (M. Ferland) : Merci. Alors, ce matin, nous recevrons une seule invitée, soit Mme Louise Langevin. Mme Langevin, à vous la parole pour un maximum de 10 minutes pour votre présentation et, ensuite, un échange d'environ 45 minutes avec les groupes parlementaires. Alors, je vous laisse la parole, Mme Langevin.

Mme Louise Langevin

Mme Langevin (Louise) : Je désire, tout d'abord, remercier la Commission des institutions pour m'avoir invitée afin de présenter mes commentaires sur le projet de loi n° 22.

Du 4 au 15 mars derniers s'est tenue à New York la 57e réunion de la commission sur le statut de la femme de l'ONU. Cette réunion rassemblait plus de 6 000 délégués qui venaient de tous les pays, et le sujet était la violence faite aux femmes. Dans ses conclusions finales, la commission a reconnu les progrès réalisés afin d'éradiquer la violence faite aux femmes et aux petites filles, mais surtout la commission souligne la gravité de la situation. La violence faite aux femmes et aux petites filles est un fléau mondial. Cette situation ne peut continuer impunément. Les États doivent redoubler d'effort pour enrayer ce qui est la violation des droits humains la plus répandue et la plus tolérée par toutes les sociétés. La commission souligne que la violence conjugale demeure la forme de violence la plus courante qui touche les femmes de toutes les couches sociales. Entre autres recommandations, la commission rappelle que les États doivent assurer un accès réel à la justice pour les femmes victimes de violence. Outre la criminalisation de la violence faite aux femmes, les victimes doivent avoir accès à une juste indemnisation pour la violence subie, et la LIVAC s'inscrit dans ce contexte. Le Québec a ratifié la grande convention sur les femmes, la CEDEF, et doit donc respecter ses engagements.

La criminalité intrafamiliale est un risque sociétal, comme le sont les accidents du travail et les accidents de la route. Les arguments de justice sociale qui justifient l'indemnisation étatique des travailleurs et des accidentés de la route doivent aussi s'appliquer aux victimes d'actes criminels. Le projet de loi n° 22 ne propose que des modifications à la pièce. Bien que je sois d'accord avec ces modifications — on est tous en faveur de la tarte aux pommes, c'est sûr — une réforme en profondeur de la LIVAC s'impose. Cette loi n'a pas été modifiée depuis 1978. Les commentaires qui suivent ne modifient en rien ma position, une réforme de la LIVAC s'impose.

Dans le cadre des présents travaux, le portrait de la clientèle de la LIVAC doit être gardé à l'esprit. Les femmes et les petites filles représentent la majorité de la clientèle qui dépose une demande d'indemnisation en vertu de la LIVAC. Ces femmes et ces petites filles demandent compensation en grande partie à la suite de violence sexuelle et violence conjugale intrafamiliale. Ces victimes ont été attaquées par des personnes qu'elles connaissent, dans leur domicile. Donc, la clientèle de la LIVAC s'est beaucoup modifiée depuis l'adoption de la loi en 1972, on ne parle plus de victimes de hold-up dans les caisses populaires ou les dépanneurs. Donc, il faut garder à l'esprit la clientèle.

Il faut aussi garder à l'esprit les réalités particulières de ces victimes de violence sexuelle et conjugale. Ces victimes apprennent à vivre avec un secret qui leur est imposé par la société ou leur famille. Elles peuvent tenter d'oublier leur expérience traumatisante. Elles sont souvent incapables de se considérer comme des victimes ou encore d'en parler parce qu'elles ont peur, peur de l'agresseur, elles ont honte, elles ne se sentent pas responsables ou ne veulent pas briser leur famille. Ainsi, plusieurs années peuvent s'écouler avant qu'elles mesurent le préjudice subi ou qu'elles se confient. Si elles réussissent à en parler, à porter plainte, à obtenir de l'aide, elles doivent surmonter un autre obstacle, les délais. La réclamante qui allègue avoir été victime d'un crime contre la personne dispose d'un an à partir de la survenance du préjudice pour présenter une demande en vertu de la LIVAC. Bon, c'est l'article 11. Dans le cas de victimes de violence sexuelle ou de violence conjugale, ce court délai constitue un obstacle majeur pour les raisons que je viens de mentionner. On parle surtout de victimes d'actes de violence conjugale et d'agression sexuelle. Donc, la plupart du temps, elles sont hors délai.

Précisons que la jurisprudence a interprété le délai d'un an pour présenter une demande en vertu de la LIVAC non pas comme un délai de prescription ou d'échéance, mais plutôt comme un simple laps de temps au terme duquel peut naître une présomption de renonciation aux avantages de la loi. On ne parle pas de délai de prescription. Donc, après l'écoulement de ce délai d'un an, il y a une présomption de renonciation aux avantages de la loi qui s'applique. C'est l'article 11.2 de la LIVAC. Cette présomption peut être renversée par la victime. La victime doit donc prouver qu'elle n'a pas renoncé aux avantages de la LIVAC, parce qu'elle était incapable physiquement, psychologiquement de présenter une demande en raison des événements mêmes, elle était dans un état de choc, en situation de stress post-traumatique, et c'est cette preuve-là qui est difficile à faire.

• (11 h 40) •

Le projet de loi n° 22 prolonge le délai de un an à deux ans. On peut se demander quels sont les objectifs de politique sociale qui sont visés. Et j'ai visionné un témoignage d'hier et d'aujourd'hui, et je comprends qu'il n'y a pas d'objectifs de politique sociale ici qui sont visés. Ce sont des objectifs financiers, on pourra y revenir. Les motifs d'ordre public qui justifient les courts délais de prescription dans le Code civil ne s'appliquent pas ici, il ne s'agit pas de délai de prescription. La LIVAC a un objectif réparateur et doit être interprétée de manière libérale. L'ordre public milite en faveur de souplesse. L'ajout d'un an n'aidera en rien les victimes de violence sexuelle et conjugale qui sont empêchées, en raison de la nature même des agressions, de présenter une demande d'indemnisation.

Compte tenu de la clientèle de la LIVAC, compte tenu des effets à long terme des agressions, je propose, comme beaucoup d'autres groupes, d'abolir les délais pour les victimes de violence sexuelle, de violence conjugale, d'abolir les délais dans la LIVAC. Il ne s'agit pas ici de créer une catégorie spéciale de victimes parce que les victimes de violence sexuelle et conjugale sont la majorité de la clientèle de la LIVAC, ce n'est pas une catégorie spéciale. Ces victimes devraient jouir d'une présomption selon laquelle elles n'ont pas renoncé aux avantages de la LIVAC. Et comment cette présomption-là pourrait fonctionner? C'est que ces victimes-là présentent une demande, elles font la preuve de leur agression, la preuve du préjudice qui découle des agressions, et, automatiquement, la question du délai ne se pose pas. Aucun délai pour ces victimes-là.

Si le gouvernement n'est pas prêt à adopter cette position innovante, évidemment que le minimum, le minimum qu'il peut faire, c'est trois ans, comme ce qui est le cas dans le Code civil. Il est difficile de justifier que les victimes qui intentent une action civile pour agression sexuelle, violence conjugale jouissent de délais plus longs que celles qui présentent une demande d'indemnisation auprès de la LIVAC alors que le préjudice est similaire. Et on sait qu'en vertu de la LIVAC la victime peut, à la fois, être indemnisée par la LIVAC et aller chercher le supplément dans une poursuite civile. L'écoulement du délai équivaut à une présomption de renonciation aux avantages de la loi, présomption que la réclamante peut renverser.

En conclusion — et je pourrai revenir plus longuement pendant la période de discussion — la LIVAC a besoin d'une réforme en profondeur. En attendant cette réforme, le délai pour présenter une demande d'indemnisation pour les victimes de violence sexuelle et conjugale devrait être aboli. Aucun objectif de justice sociale n'est atteint en imposant un délai, que ce soit un délai d'un an, de deux ans ou de trois ans. Au minimum, au minimum, le délai devrait être porté à trois ans. Le Québec doit respecter ses engagements internationaux envers les femmes victimes de violence sexuelle et conjugale, et c'est pour ça que la LIVAC doit être repensée. Je vous remercie.

Le Président (M. Ferland) : Je vous remercie, Mme Langevin, pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Alors, M. le ministre de la Justice, la parole est à vous pour une période de temps de 24 minutes environ.

M. St-Arnaud : Plus ou moins.

Le Président (M. Ferland) : Puis vous me connaissez, hein, vous êtes habitué à ma présidence, alors c'est toujours plus ou moins. Plus moins que plus.

M. St-Arnaud : C'est bon. Alors, bonjour, Mme Langevin. Heureux de vous rencontrer. Je vous ai lue à quelques reprises ces dernières semaines, avec beaucoup d'intérêt d'ailleurs. Et, honnêtement, sur certains aspects, je pense qu'on partageait le même point de vue sur un certain nombre de sujets. Le problème, c'est : Est-ce qu'on peut le réaliser?

J'aimerais peut-être vous poser une… Vous dites : Le minimum, au niveau du délai, pour faire une demande d'indemnisation… Vous dites : Le minimum, là, si vous n'allez pas dans le sens de ce que je vous demande, ce serait trois ans. J'aimerais que... Or, dans les autres provinces canadiennes, en matière de demandes d'indemnisation… Et on pourra aller sur votre annexe 1, qui est très intéressante, là, je vous remercie de l'avoir jointe à votre mémoire, mais, dans les autres provinces canadiennes, ma compréhension, c'est que, sauf l'Ontario et la Saskatchewan, le délai pour faire une demande d'indemnisation est d'un an. Saskatchewan, Ontario, le délai est de deux ans, et le projet de loi n° 22, dans son libellé actuel, propose de rejoindre… donc, de faire comme l'Ontario et la Saskatchewan, de le mettre à deux ans. Et vous dites : Le minimum, ça devrait être trois ans, puis vous faites état de certaines positions que le Canada a prises au niveau international. J'aimerais ça, comprendre pourquoi vous dites que c'est le minimum, alors que finalement, là, dans les autres provinces canadiennes, on parle d'un an, sauf dans deux où on parle de deux ans.

Mme Langevin (Louise) : Parce que, si vous regardez bien mon annexe, j'ai mis délai officiel d'un an, mais regardez la troisième colonne, celle de droite, Possibilité de prolongation, elles prévoient toutes clairement une possibilité de prolongation. Et ce qui me semble très intéressant, c'est le Manitoba. Puis il me semble que ça, c'est une révision qui n'est pas très, très vieille où on parle de la prise de conscience. Si vous regardez l'article 51 au Manitoba à la page 20 de mon mémoire, c'est un an, mais c'est aussi un an à partir du moment où la victime prend conscience ou connaissance du lien entre les agressions puis sa situation actuelle. Ça, c'est une codification d'une décision de la Cour suprême du Canada de 1991.

Donc, vous voyez qu'il y a le délai officiel, mais, dans toutes ces lois-là, il y a un rajout où il y a une discrétion, une possibilité de prolonger le délai, compte tenu des circonstances. Et, quand on regarde les lois sur les délais de prescription dans ces provinces-là — nous, c'est dans notre Code civil; dans les provinces à common law, c'est dans une loi à part — beaucoup de ces provinces-là vont tenir compte des agressions sexuelles et vont dire : En cas d'agression sexuelle, spécialement chez des mineurs, il n'y en a pas du tout, de délai de prescription. Et, donc, les commissions dans les provinces qui gèrent les équivalents de la LIVAC vont appliquer ce principe-là aussi. Donc, nous, la direction de l'IVAC, elle est supposée faire ça aussi, sauf...

M. St-Arnaud : …qu'elle le fait.

Mme Langevin (Louise) : Elle le fait, mais ça, ça crée certains problèmes.

M. St-Arnaud : Parce que vous dites : Le fardeau qui est demandé aux victimes est trop lourd, un peu ce que certains groupes nous ont dit hier, là.

Mme Langevin (Louise) : Exact.

M. St-Arnaud : C'est ce que vous dites. Juste si on les reprend… Parce que je regardais, effectivement, la troisième colonne. Vous dites : Bon, en Colombie-Britannique, c'est un an, «but the board, before or after the expiry of the one-year period, may extend the time for a further period as it considers warranted». Donc là, il y a comme une commission qui peut... C'est un an, mais la commission peut, si elle le juge à propos, prolonger la période.

Mme Langevin (Louise) : Exact. Bien, la commission, là, c'est l'équivalent de notre direction de l'IVAC, là, c'est les fonctionnaires, là, derrière ça. Donc, eux autres ont tout un courant jurisprudentiel ou une directive à l'interne avec les victimes d'agression sexuelle ou de violence conjugale où ils n'appliqueront pas le délai parce que... Puis il me semble que c'est ce matin ou hier soir, vous vous êtes demandé : Mais pourquoi aucun ministre de la Justice n'est jamais intervenu? Parce que le portrait de la clientèle de la LIVAC s'est modifié. En 1985, on ne parlait pas d'agressions sexuelles sur la place publique. Ça ne fait longtemps que les victimes sont sur la place publique. Ça ne fait pas longtemps que les autochtones sont... qu'on en parle, des agressions dans différents domaines. Donc, la clientèle a changé, mais aussi il y a des études. Il y a des études qui parlent du stress post-traumatique pas juste à la guerre, mais les effets des agressions sexuelles et de la violence conjugale. Pourquoi les victimes n'en parlent pas? On ne le savait pas, il n'y avait pas d'études. Maintenant, on comprend et on comprend que les délais, qui avaient été pensés dans les années 60 pour des hold-up dans des caisses populaires, ça ne s'applique plus ici parce que la clientèle est différente. C'est pour ça qu'il n'y a pas de ministre qui s'est penché… Et c'est aussi que les victimes d'agression sexuelle et violence conjugale n'ont pas un gros lobby, hein, pour représenter leur position.

Donc, ce que je demande, c'est au minimum trois ans. Puis vous comprenez bien que même ce trois ans-là, pour des victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale, c'est très, très peu parce qu'elles vont prendre 15, 20, 40 ans... La direction de l'IVAC a déjà indemnisé des victimes… Bien, il faut qu'elles indemnisent… C'est après 1972, là. Donc, ça fait plus de 40 ans. Elles continuent, dans certains cas, à indemniser des victimes qui ont été victimes il y a 25 ans. Donc, trois ans, ce n'est rien.

• (11 h 50) •

M. St-Arnaud : ...j'essaie de voir par rapport aux exemples que vous donnez parce que j'ai l'impression que... Si je regarde l'Ontario, «la commission peut toutefois, avant ou après l'expiration de cette période de deux ans — l'Ontario étant une des deux provinces où c'est deux ans — proroger le délai d'une durée qu'elle juge justifiée». C'est parce que je regarde... Moi, je ne suis pas sûr que, si on rentrait ça dans la loi, là, exactement, mot à mot, ce que l'Ontario a, que vous seriez satisfaite de ça.

Mme Langevin (Louise) : ...pour rentrer ça dans la loi, ça veut donc dire que, derrière cet ajout-là, il y a toute la pratique de la LIVAC. Donc, tant qu'à mettre quelque chose qui est assez discrétionnaire, on pourrait écrire clairement. Et, donc, c'est pour ça que je vous dis que...

M. St-Arnaud : ...votre piste de solution, là, celle qui reflète le mieux votre pensée, c'est le Manitoba. C'est ce que je comprends?

Mme Langevin (Louise) : C'est de... pardon?

M. St-Arnaud : C'est le Manitoba.

Mme Langevin (Louise) : Oui, c'est le Manitoba. Et c'est simplement de dire que, pour les victimes d'agression sexuelle et violence conjugale, il y a une présomption qu'elles n'ont pas refusé les avantages de la loi. Au moment où elles déposent leur demande, là, elles n'ont pas... C'est ce sur quoi je veux revenir, dans la LIVAC, l'article 11.2, ce n'est pas un délai de prescription. La loi dit que c'est un laps de temps au bout duquel il y a une présomption qu'on a renoncé aux avantages de la loi, une présomption qu'on a renoncé aux avantages de la loi. Donc, il faut que la victime dise : Bien non, je n'ai pas renoncé aux avantages de la loi, voici pourquoi. Là, c'est la preuve.

Et, au bureau de l'IVAC, on exige une preuve qui me semble beaucoup trop lourde, celle qu'on exige pour le Code civil, de démontrer cette incapacité psychologique à gérer sa vie : J'étais tellement dans un état post-traumatique, là, je ne pouvais plus gérer ma vie. Et cette preuve-là, elle est difficile à faire. Il faut que tu fasses la preuve que, pendant 15 ans, tu sais, tu ne pouvais pas gérer ta vie. La réclamante ne peut pas dire : Je ne connaissais pas la loi, elle ne peut pas dire ça. Il faut qu'elle dise : Pendant 15 ans, je ne pouvais pas gérer ma vie. Donc, c'est une preuve beaucoup trop lourde.

M. St-Arnaud : Bien, dans les autres provinces canadiennes, là, est-ce qu'ils ont ce fardeau aussi lourd? Parce que, quand je lis les textes, là, Nouvelle-Écosse, Saskatchewan, l'Île-du-Prince-Édouard... Vous savez, la Nouvelle-Écosse, là, mais la commission, avant ou après l'expiration du délai d'un an, peut extensionner le délai pour une période qu'elle considère appropriée. Alors, j'imagine qu'il faut lui faire une preuve pour qu'elle considère que c'est approprié. Même chose avec la Saskatchewan : Le ministre peut étendre la période à plus de deux ans si, de l'opinion du ministre, c'est approprié «to do so». À l'Île-du-Prince-Édouard , «...but the Minister, before or after the expiry of the one-year period, may extend the time for such further period as the Minister considers warranted».

Alors, c'est un peu toujours... Donc, il doit y avoir une preuve qui est présentée pour que soit le ministre soit la commission, dans ces provinces-là, dise : On va aller au-delà de l'année ou du deux ans. C'est parce que, si on inscrivait dans la loi des dispositions semblables à la Nouvelle-Écosse, Saskatchewan, Île-du-Prince-Édouard, Ontario, Colombie-Britannique, il y a toujours quelqu'un qui doit, à un moment donné, décider si c'est approprié, si c'est justifié d'aller au-delà de l'année ou, pour l'Ontario et la Saskatchewan, du deux ans. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Langevin (Louise) : Il faudrait vérifier plus en profondeur, là, mais je suis à peu près certaine qu'ils font la même preuve que qu'est-ce qui est exigé au Manitoba, l'article 51, parce que ça vient de la décision de 1991 de la Cour suprême du Canada dans l'affaire M.K. contre M.H., une affaire d'inceste et de poursuite au civil. Et la Cour suprême avait dit dans cette affaire-là : Il faut enlever les délais de prescription. Et, à partir de ce moment-là, toutes les provinces canadiennes, sauf le Québec, ont modifié leur loi sur la prescription en disant : La prescription ne court pas lorsque la victime ne peut pas faire le lien entre les agressions passées puis ses problèmes actuels. Donc, ça veut dire que ces commissions-là dans ces provinces-là appliquent M.K. contre M.H. Il faut que la victime dise : Oui, depuis 25 ans, j'étais quasiment hors circuit, je ne pouvais plus gérer ma vie.

M. St-Arnaud : Elle doit sûrement être obligée de faire une preuve.

Mme Langevin (Louise) : Oui. Elle fait une preuve habituellement de thérapies qu'elle a suivies, de preuves médicales qu'elle ne pouvait pas déposer les papiers parce qu'elle avait...

M. St-Arnaud : Parce que ma compréhension, Me Langevin, c'est qu'effectivement... c'est que c'est un peu ce qu'on fait ici aussi. Moi, ce qu'on me dit, c'est qu'effectivement, s'il y a eu une agression sexuelle en 2000 et que lapersonne dépose une demande d'indemnisation en 2013, on va appliquer les règles de l'arrêt de la Cour suprême. Et, si elle est en mesure de démontrer que le trouble qu'elle a est en lien avec l'acte criminel commis en 2000 et, donc, qu'il y a un lien de causalité, bien on va l'indemniser, là. Moi, c'est ce qu'on me dit. Donc, on l'applique ici aussi comme dans les autres provinces canadiennes.

Mme Langevin (Louise) : Oui, vous avez raison. C'est la preuve qui est demandée pour un délai de prescription, pour suspendre la prescription dans le Code civil.

M. St-Arnaud : On va le regarder certainement. On va le regarder ce printemps. Puis, je l'ai dit, là, je le répète, sur le Code civil, on n'ira pas en deçà du projet de loi n° 70 qui avait été déposé par le précédent gouvernement. J'espère... On va étudier si on peut aller plus loin. Puis, si on peut aller jusqu'à l'imprescriptibilité, ça fera partie de notre réflexion.

Mais là je veux rester sur l'indemnisation parce que, là, c'est la loi sur laquelle on travaille, et j'essaie de voir ce que ça, en quelque part, ce que ça changerait. D'abord, je constate, là, que certaines provinces, Nouvelle-Écosse, Saskatchewan, Île-du-Prince-Édouard, ça semble être pour tous les crimes, alors qu'effectivement le Nouveau-Brunswick semble limiter aux cas d'agression sexuelle seulement pour ce qui est de l'extension à plus qu'un an ou plus que deux ans, là. Mais j'essaie de voir ce que — éclairez-moi — si on prenait une de ces dispositions-là, et même celle qui va le plus loin, là, celle du Manitoba, qu'est-ce que ça changerait concrètement. Expliquez-moi ça, puis convainquez-moi, et convainquez la commission.

Mme Langevin (Louise) : O.K. Je vais vous convaincre. Oui, je vais vous convaincre. Puis, je l'ai dit tantôt, l'IVAC, la loi, elle est écrite de manière différente. Le un an n'est pas un délai de prescription comme dans le Code civil, c'est une autre bibite, une autre créature. C'est un — et la jurisprudence est claire — laps de temps au bout duquel une présomption de renonciation aux avantages de la loi s'applique. Ce n'est pas une prescription, ce n'est pas un délai d'échéance. C'est une autre chose, une autre affaire, un autre lien avec le temps, et ça dit : Vous avez un an. Au bout du un an, expliquez… dites-nous si vous avez renoncé aux avantages de la loi. Ce n'est pas moi qui invente ça, c'est écrit à l'article 11.2. 11.2, c'est ça, qui est écrit. C'est écrit «renonciation aux avantages de la loi». Donc, il faut juste dire : Je n'ai pas renoncé à la loi, je n'ai pas renoncé aux avantages de la loi. Ce qui m'inquiète, c'est le fardeau de la preuve. Ce n'est pas évident de dire : Pendant 40 ans...

M. St-Arnaud : Ce que vous dites, là, c'est que l'élément, là, renoncer aux bénéfices que cette loi-là nous donne, ça, ce n'est pas le bon vocabulaire qu'on devrait utiliser dans une loi comme la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Mme Langevin (Louise) : Non, je suis d'accord avec ça. Je suis d'accord avec ça, que cette présomption-là, elle est plus facile à renverser que celle dans le Code civil. Parce qu'on pourrait simplement dire... Bien, parce que, moi, ce que je demande, c'est aucun délai. Et, donc, ce que j'ai écrit dans mon mémoire, c'est de dire que, lorsqu'une victime de violence sexuelle, conjugale dépose, il y a une présomption qu'elle ne pouvait pas avant, il y a une présomption qu'elle ne pouvait pas avant, et, donc, la question du délai ne se présentera pas pour elle.

M. St-Arnaud : La présomption, là, vous la changez, là. Présentement — corrigez-moi si je fais erreur — il y a une présomption de renonciation aux bénéfices de la loi, et vous, vous dites : Il faudrait changer ça pour une présomption...

• (12 heures) •

Mme Langevin (Louise) : C'est que la présomption ne peut pas être renversée. C'est-à-dire qu'en ce moment on peut dire : Je n'ai pas renoncé aux avantages de la loi, je vais renverser cette présomption-là. Moi, ce que je dis, c'est le fait qu'une victime de violence sexuelle, agression sexuelle dépose aujourd'hui, ça fait présumer automatiquement qu'elle n'a pas pu le faire avant. Donc, pour cette catégorie-là, il n'y en a plus, de délai, et ça...

M. St-Arnaud : …il y aurait une présomption qu'elle n'a pas pu avant.

Mme Langevin (Louise) : Oui, la virer de bord.

M. St-Arnaud : Pardon?

Mme Langevin (Louise) : Virer de bord la présomption.

M. St-Arnaud : Non, non, mais c'est ça que je vous dis, là, c'était ma compréhension, la présomption serait qu'elle n'a pas pu avant. Dès le moment où il y a une victime d'agression sexuelle — et je comprends que vous l'étendez aussi à la violence conjugale — il y aurait une présomption qu'elle n'a... si elle est hors du nombre d'années prévu à la loi, il y a une présomption qu'elle n'a pas pu déposer sa demande avant.

Mme Langevin (Louise) : Oui.

M. St-Arnaud : Et donc, si ça doit être renversé, ça ne sera pas à la personne qui fait la demande de... Si quelqu'un a à renverser cette présomption, ça serait plus aux administrateurs du régime, qui vont dire : Bien, un instant…

Mme Langevin (Louise) : Oui. Bien, la victime fait la preuve de l'agression, fait la preuve du préjudice, fait la preuve que ce préjudice-là découle de l'agression, et c'est tout. On ne lui remet pas sur le nez le délai, il y a une présomption qu'avant ça elle ne pouvait pas, qu'avant ça elle ne pouvait pas, donc ça allège le fardeau de la preuve. Parce que, moi, ce qui m'inquiète, c'est qu'on exige une preuve… quasiment hors de tout doute raisonnable, de dire : Pendant 15 ans, là, vous avez été vraiment incapable, là, pendant 15 ans. Montrez-moi toutes les thérapies que vous avez suivies, tous les psychologues, psychiatres, thérapeutes, médecins que vous avez vus, que, pendant 15 ans, là, vous ne pouviez pas, là, remplir le papier. On demande beaucoup plus qu'une preuve à 50 % et des poussières. La prépondérance des probabilités, on demande beaucoup plus que ça. Et, donc, c'est pour ça que je dis qu'il doit y avoir une présomption que la victime de violence sexuelle, conjugale ne pouvait pas avant.

M. St-Arnaud : Et, en ce sens-là, Me Langevin, vous allez plus loin que toutes les législations des provinces, là, parce que, cette présomption-là, je ne la retrouve pas dans aucune des lois provinciales, là.

Mme Langevin (Louise) : On pourrait la retrouver dans la pratique de ces provinces-là, c'est-à-dire... Puis c'est ce qu'on voit à l'article 51 de la loi du Manitoba, où il faut dire : J'ai un an à partir du moment où je fais le lien entre les agressions puis ma situation. C'est parce que ça fait 15 ans que je suivais une thérapie, puis, à un moment donné, j'ai compris les liens entre les deux. Donc, l'article 51, c'est la codification de la décision de la Cour suprême. Mais ce que je vous ai...

M. St-Arnaud : …qu'on dit qu'on suit déjà ici, au Québec, là.

Mme Langevin (Louise) : Et ce que je vous ai dit, quand vous visez la loi, la loi ne demande même pas ça. La loi est encore plus libérale, elle parle juste d'une présomption de renonciation. C'est comme si notre loi, lorsqu'elle a été écrite au début des années 70, elle n'a jamais exigé un délai de prescription, jamais. Ce n'est pas un délai de prescription, c'est un laps de temps. Et c'est comme si notre loi, sans le savoir, a toujours été plus libérale que les autres lois des autres provinces. Donc, ce que je dis, c'est : Appliquez-la, faites juste l'appliquer. Mais, en fait, compte tenu de ce qu'on sait, de ce qu'on connaît sur le choc post-traumatique, pour les victimes de violence sexuelle et conjugale, pour elles, le temps — je ne veux pas dire qu'elles sont déconnectées, parce que ce sont des survivantes, là — pour elles, la notion de temps n'est pas la même que pour nous, et je ne vois pas de quelle manière... Je pense qu'en maintenant un délai on ne leur fait pas justice. En maintenant un délai, on ne les traite pas de manière juste, et je ne vois pas l'objectif social de leur imposer un délai de deux ans. Jamais personne ne va me convaincre qu'on leur impose un délai d'un an à deux ans, on est généreux. Je ne vois pas l'objectif social.

M. St-Arnaud : Il y a quand même ce délai-là dans toutes les lois des autres provinces, là, il y a un délai d'un an ou de deux ans.

Mme Langevin (Louise) : Exact. Mais, eux autres aussi, leur clientèle a changé. Quand je vous ai dit que la clientèle au Québec, c'est des femmes et des petites filles, des petits garçons pour de la violence intrafamiliale, en Ontario aussi c'est ça, et certainement que, dans les autres provinces aussi, c'est ça. Ce n'est pas d'être victime d'un hold-up à la caisse populaire, il n'y en a plus, de ça. La violence dans notre société est une violence dans la famille qui touche les enfants et les femmes, et la loi doit s'adapter à cette réalité-là. Déjà, la LIVAC, la direction de la LIVAC l'a fait, là, ils se sont adaptés. Mais, tant qu'à avoir les mains dedans, pourquoi ne pas enlever le délai pour ces victimes-là?

M. St-Arnaud : Bien, écoutez, c'est très clair. Merci. Ça nous donne le goût d'aller lire les lois des autres provinces du Canada, et on va le faire au-delà des extraits que vous avez mentionnés à l'annexe 1. Bien, merci beaucoup, Me Langevin. C'est éclairant et ça s'ajoute très certainement à notre réflexion qu'on aura à faire ici, au sein de la commission. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci, M. le ministre. Il vous restera une banque de quatre minutes si vous voulez vous exprimer vers la fin. Alors, maintenant, je vais aller du côté de l'opposition officielle et je reconnais la porte-parole en matière d'indemnisation des victimes d'actes criminels et députée de Pontiac. Alors, Mme la députée, la parole est à vous pour un bloc de 20 minutes.

Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Moi aussi, j'ai apprécié l'annexe, pas pour les mêmes questions que M. le ministre. Ce que je me suis demandé en lisant l'annexe — puis, après ça, je vais revenir à votre mémoire — c'était de dire : Comment se sent quelqu'un qui a été abusé ou qui a été violenté, qui doit passer une première fois dans un comité, et dévoiler une partie de sa vie qui a été un traumatisme, et attendre que quelqu'un prenne une décision à savoir est-ce qu'on prolonge le délai ou pas? Quand je regardais l'ensemble de comment... l'ensemble des provinces, partout il est dit qu'il y a une possibilité de prolongation, et je me suis demandé : Pourquoi une possibilité de prolongation? Pourquoi il faut qu'on fasse passer deux fois de suite quelqu'un pour savoir si elle va être indemnisée ou pas? Est-ce que vous avez déjà exploré ça ou bien si on en reste strictement aux articles de loi? Je me mets dans la peau, là, de quelqu'un qui aurait été abusé et qui dit : Je ne le sais pas, quand je vais avoir une réponse, si j'ai droit à des traitements payés de psychothérapie ou des choses comme ça parce qu'ils vont décider si je peux répondre ou pas à leurs critères — c'est très subjectif dans mon livre à moi, là — si je peux ou pas répondre à leurs critères. Est-ce que vous comprenez ma question?

Mme Langevin (Louise) : Je ne suis pas travailleuse sociale ni psychologue, je suis simplement avocate, donc je n'ai pas une connaissance du terrain là-dessus. La connaissance que j'en ai est une connaissance secondaire pour avoir lu des études là-dessus. Et ce dont vous parlez, vous parlez de revictimisation, c'est-à-dire victimisation par le système administratif et le système judiciaire, de ces victimes-là, comme lorsqu'elles ont à témoigner dans le procès pénal, par exemple, toute la question de la protection des victimes. Donc, je ne peux pas vous en parler, de mon expérience, parce que ce n'est pas mon champ d'expertise.

Mais ce que l'on peut dire, c'est que les délais, la prolongation qui est permise dans toutes les lois dans les autres provinces, elle est là parce que ça reflète une réalité. Certaines victimes d'actes criminels, compte tenu de la nature des agressions — on parle ici de violence intrafamiliale, des victimes qui connaissent leur agresseur — compte tenu de ça, de la nature des agressions, la conception du temps n'est pas la même pour elles que pour nous. Donc, c'est pour ça qu'il y a cette possibilité de prolonger les délais, parce que vous comprendrez qu'un an, deux ans, ce n'est pas adapté à la réalité de ces victimes-là, vous le voyez comme moi. Dans les recours collectifs qu'on a vus de petits garçons qui sont maintenant adultes et qui ont été agressés dans certains établissements d'enseignement, ce sont des agressions qui ont eu lieu il y a plus de 25 ans.

Mme L'Écuyer : Pourquoi je posais la question, dans ma vie antérieure j'ai été appelée à travailler beaucoup avec ces gens-là. Je me souviens, entre autres, d'une situation d'une petite fille qui avait été agressée par le curé de la paroisse, et tout le monde, incluant les parents, c'était : Pas question que tu en parles, il n'était pas question... parce que qu'est-ce que ça va faire à M. le curé puis qu'est-ce que ça va faire et… Bon, je pense qu'on les connaît tous, ce type de dossiers là. Mais, 25 ans après, par exemple, ça a ressorti. Et c'est pour ça que j'essayais de voir, parce qu'on n'a pas beaucoup d'études qui nous parlent de ça, quand quelqu'un va aller présenter une demande et doit de nouveau attendre. Parce qu'elle se fait dire, de la même façon qu'elle s'est fait dire par les parents : Bien, on va décider si on va considérer le délai ou pas. C'est un peu le même message.

• (12 h 10) •

Mme Langevin (Louise) : Oui, mais la question de la revictimisation, il y a quand même pas mal d'études sur la revictimisation et comment le système administratif et judiciaire va revictimiser ces personnes-là qui ont à revivre…

Mme L'Écuyer : Qui ont à revivre ça. Bien, je veux juste revenir à votre mémoire. À la page 5, vous parlez qu'on doit... «Le gouvernement devrait réviser en profondeur [...] — ça nous est venu de tout le monde, tout le monde dit la même chose — pour moderniser son langage et éliminer les aspects problématiques qui sont incompatibles avec un modèle d'indemnisation du risque social que constitue la violence intrafamiliale.» Moi, j'aimerais ça que vous me parliez un peu du modèle d'indemnisation du risque social que constitue... Vous devez avoir déjà imaginé un modèle, j'aimerais ça que vous l'échangiez avec nous.

Mme Langevin (Louise) : Bien, le ministre de la Justice va trouver que ça va coûter cher, mais...

Une voix : ...

Mme Langevin (Louise) : Pour moi, le risque social… Il y a d'autres risques sociaux dans la société : les accidents de la route, les accidents du travail, la santé, la maladie. On a décidé, comme société, de se donner des régimes étatiques d'indemnisation pour les accidentés de la route, pour les accidentés du travail, pour les problèmes de santé. On a décidé de se payer ça parce que ce sont des risques dans la société. Bien, la violence intrafamiliale est aussi un risque dans la société. C'est un problème structurel, on le sait. La violence dans la famille n'est pas un problème personnel, c'est un problème social, un problème structurel. Donc, comme on indemnise les accidentés de la route et du travail, les victimes de violence familiale, intrafamiliale devraient aussi être indemnisées pour les mêmes raisons. Pourquoi a-t-on décidé d'indemniser les accidentés de la route? Pourquoi? Bien, parce que les procédures judiciaires étaient longues, coûteuses, parce que les défendeurs pouvaient être insolvables, parce que c'était de la revictimisation. Donc, toutes les raisons qui militent… qui justifient une indemnisation étatique des travailleurs blessés, des accidentés de la route — toutes ces raisons-là, là, c'est des bonnes raisons — ces raisons-là devraient aussi s'appliquer aux victimes d'actes criminels parce que les victimes d'actes criminels sont des victimes de violence intrafamiliale.

Donc, c'est dans ce sens-là qu'on ne doit pas avoir deux sortes de victimes. En ce moment, on a les victimes numéro un, victimes des accidents du travail, des accidents de la route, puis on a une deuxième catégorie, victimes d'actes criminels. Et, quand on parle de ça, on parle de femmes et d'enfants victimes de violence dans la famille. Donc, on a deux catégories. Donc, c'est une forme de discrimination à l'égard de ces victimes-là, et ça ne se justifie pas. C'est dans ce sens-là que les victimes d'actes criminels devraient être traitées comme des victimes d'accidentés de la route ou des victimes du travail, le travailleur blessé, de la même façon. Donc, c'est ça, il ne faut pas qu'il y ait de différence entre les modalités d'indemnisation de ces différentes sortes de victimes.

Mme L'Écuyer : Je vais me faire un peu l'avocat du diable. Parce que, quand vous me parlez des accidentés de la route, les accidentés, c'est des régimes à contribution. On paie l'assurance quand on achète nos plaques. C'est des régimes qui doivent s'autofinancer. Comment on pourrait arriver à avoir le financement nécessaire pour un modèle de contribution… un modèle d'indemnisation de risque social? Quelle pourrait être une façon de s'assurer qu'on a les argents pour? On ne peut pas demander à une famille : Tu vas payer une assurance, comme on fait pour les plaques puis comme on fait pour les travailleurs — c'est partagé entre l'employeur et le travailleur au niveau de la CSST — au cas où il y aurait de la violence. De quelle façon on pourrait s'assurer qu'on a cette capacité d'implanter un modèle, avec lequel je suis tout à fait d'accord, là, mais qu'on soit capable de dire : On a les argents nécessaires pour être capables que ces gens-là soient considérés au même titre que ceux qui ont des accidents de la route et des accidents du travail?

Mme Langevin (Louise) : Bien, je pense qu'il faut faire preuve d'imagination. On l'a fait pour les accidents du travail, on l'a fait pour les accidents de la route, on a trouvé des façons de remplir le fonds. Donc, pour les victimes d'actes criminels, il y aurait des façons d'aller chercher de l'argent pour bonifier les fonds dans ce domaine-là. Et je pense que la question du financement, c'est une question réelle, mais on a trouvé des façons de financer la CSST par les employeurs et on a trouvé des façons... bon, bien, on va trouver aussi des façons, pour les victimes d'actes criminels, de financer ce service-là. Alors, il suffit simplement de faire preuve d'imagination, et on peut imaginer... J'ai des exemples dans ma tête où on pourrait aller chercher de l'argent.

Mme L'Écuyer : On les veut. On les veut.

Mme Langevin (Louise) : Est-ce qu'en ce moment on ne demande pas, dans certains cas, à certains agresseurs de verser de l'argent à des organismes communautaires, de faire du travail communautaire? Est-ce qu'on ne pourrait pas leur demander de verser de l'argent dans un fonds qui irait à des victimes de violence conjugale? Donc, on peut demander... Quand on veut, on trouve. Il y a beaucoup de façons d'imaginer. Et l'argument qu'on me sort tout le temps, de dire : Ah! la CSST, elle s'autofinance, les accidents de la route, c'est tous nous qui finançons ça, ce n'est pas un argument de justice sociale pour permettre de distinguer deux sortes de victimes. Dans les trois cas, ce sont des risques de vivre en société. La violence, malheureusement, la violence familiale est un risque dans notre société. Donc, c'est un risque, et, si on décide d'indemniser les risques sociaux, bien on devrait être capable d'indemniser ça, comme on le fait pour les accidents de la route.

Mme L'Écuyer : Est-ce qu'on pourrait penser, par exemple, que les biens qu'on saisit au niveau des crimes, les biens qui sont amassés par les criminels… Quand on fait des ventes à l'encan de ces biens-là, est-ce qu'on pourrait penser qu'on envoie ça au niveau des victimes, dans un fonds?

Mme Langevin (Louise) : Bien, ça, là, il y a une question de droit pénal et de partage des compétences entre le fédéral et le provincial, mais on pourrait imaginer ce genre de situation là pour renflouer les coffres.

Mme L'Écuyer : Je ne suis pas une juriste, mais j'en ai un à côté de moi qui peut continuer. Parce que je m'aperçois que, ce matin, c'est un débat très, très juridique. Vas-y, je te cède la parole.

Le Président (M. Ferland) : Alors, si vous permettez, Mme la députée, je vais moi-même...

Mme L'Écuyer : Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Je prends rarement la parole durant les séances, alors permettez-moi de me délier la langue un peu. Et je reconnais le député de Fabre pour encore un temps d'à peu près huit minutes. M. le député.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. En fait, bonjour, Me Langevin. J'ai le plaisir de connaître Me Langevin depuis quelques années. Elle est toute jeune encore. Je disais hier que nous étions à l'université ensemble bien après le ministre de la Justice — l'Université de Montréal.

Non, mais, en fait, sur la question de la députée de Pontiac, et je ne voulais pas… Parce que je pense que le ministre de la Justice allait fournir des explications plus complètes, mais il y a déjà des mesures législatives. Particulièrement, la Loi sur la confiscation des biens — là, je n'ai pas le titre exact — une loi qu'on a adoptée en 2007, je pense, prévoit qu'une portion des sommes recueillies — la confiscation des biens découlant d'activités illégales — sont versées à un fonds. Donc, il y a déjà une contribution, là, de la part du système de justice.

Je me permettrais un commentaire, et vous pourrez réagir. Mais, quand je vous écoutais, ça m'amenait à… Comment dire? Particulièrement les agressions sexuelles, on a le réflexe — et, moi, comme juriste, comme criminaliste, évidemment, ça me vient naturellement, là — d'envisager le recours aux tribunaux, les processus judiciaires, criminels pour sanctionner un comportement. Mais je pense qu'il est important, comme société, de se rappeler que c'est une des façons d'apporter des solutions, de rechercher des solutions à un comportement qu'on veut dénoncer, mais un comportement qui cause des dommages. Et, quand on le regarde sous l'angle de la victime, de la réparation des torts, on peut se poser la question si le système judiciaire est le système le mieux adapté pour répondre aux besoins des victimes. Et la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels est une réponse sociale autre qui offre... Elle est imparfaite, et vos suggestions visent à bonifier le système, mais, collectivement... Et votre intervention m'a amené cette réflexion-là, c'est que, dans le fond, c'est un choix de société, et on peut y consacrer des ressources additionnelles dans la mesure où on veut mettre l'emphase et encourager des victimes qui feraient le choix de ne pas vivre l'expérience du système judiciaire, donc de ne pas se tourner vers ce moyen mis à la disposition par la société, de s'en tenir à l'aspect réparateur, et donc le volet de l'indemnisation, mais plus largement. Et la justice réparatrice, peut-être, pourrait rejoindre… servir de lien entre les deux. En tout cas, je ne sais pas si ce que je dis fait un certain sens, là.

• (12 h 20) •

Mme Langevin (Louise) : Oui. Pour ces victimes-là, il y aura plusieurs façons de se guérir, d'obtenir justice. Il y a le procès pénal. On sait que la victime ne fait pas partie du procès pénal. On connaît les désagréments ou les revendications des victimes dans un procès pénal. Ensuite, la victime peut intenter une action civile avec les avantages et les inconvénients que ça représente, une action civile. On voit maintenant les recours collectifs. On utilise le mécanisme des recours collectifs quand il y a un grand nombre de victimes contre des établissements d'enseignement. Et, à côté de ce recours civil, il y a l'indemnisation étatique, la LIVAC. Et, comme je l'ai dit tantôt, la LIVAC n'interdit pas d'aller chercher un supplément devant le tribunal de droit commun. Donc, la victime peut aller chercher l'indemnisation à laquelle elle a droit à la LIVAC et, ensuite ou avant, bon, intenter le recours devant le civil. Mais le recours devant le civil, en poursuite civile, le problème est tout le temps la solvabilité du défendeur. Donc, il faut s'assurer que le défendeur soit solvable. Donc, ça, c'est trois possibilités pour la victime, pour que justice soit faite, pour qu'elle ait une juste compensation.

Et c'est ce à quoi je référais tantôt quand je parlais de la commission du statut de la femme à New York au mois de mars, au début du mois de mars, où le thème était la violence. Et, quand on regarde les conclusions de cette commission-là — il y a une soixantaine de conclusions — et, entre autres, pour les femmes victimes de violence, outre le procès pénal il y a la possibilité d'aller chercher une juste indemnisation — et la juste indemnisation, c'est ce que, nous, ici, la LIVAC offre — et la possibilité d'aller devant le tribunal. Mais ça, ce ne sont pas toutes les victimes qui peuvent aller devant le tribunal civil, pour toutes sortes de raisons, là.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le député. Alors, la députée de Pontiac...

Mme L'Écuyer : Brièvement...

Le Président (M. Ferland) : Trois minutes, environ, oui.

Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président. Brièvement. Hier, lors de l'audition de mémoires, ça revenait souvent, la complexité des formulaires, comment on n'était pas prêt une semaine après un événement, et ces choses-là. Et je regardais dans votre mémoire, à la page 11, vous avez les trois questions qui sont posées pour une demande de prestations à l'expiration du délai prévu : Pourquoi la demande n'a pas été présentée dans les délais prévus... Puis là ça devient très pointu, là : Avez-vous été empêché par une maladie, une hospitalisation, des problèmes psychologiques, une cure fermée? Avez-vous entrepris des démarches — le troisième — des démarches auprès d'un professionnel de la santé — médecin, psychologue — qui vous a permis d'établir un lien entre votre état psychologique et les événements?

Ces questionnaires-là que la cliente reçoit ou que l'enfant qui est devenu un adulte reçoit, quand je les regarde... combien de ces personnes-là refusent carrément et se retirent de la démarche? Est-ce qu'on a des statistiques là-dessus?

Mme Langevin (Louise) : Ce matin, l'Association Plaidoyer-Victimes a lu, comme moi, le rapport annuel de la direction de l'IVAC. Et, dans ce rapport, on voit qu'il y a, l'année passée, 535 demandes qui ont été refusées pour une question de délai, mais ce n'est pas ventilé. On ne sait pas, dans ces victimes-là, lesquelles étaient des victimes d'agression sexuelle ou de violence conjugale. On peut penser que c'est un fort pourcentage.

Donc, dans le formulaire de l'annexe II, ce que vous avez lu, là, à la page 11 de mon mémoire, c'est les questions, justement, que l'on pose pour que... On veut savoir... On pose à la victime la question : Mais pourquoi tu es en retard d'un an? Pourquoi tu es en retard? Et, donc, elle doit expliquer qu'elle n'a pas renoncé aux avantages de la loi, mais elle ne peut pas dire qu'elle ne connaissait pas la loi. Il faut qu'elle parle de son état psychologique. Et c'est la preuve qui est exigée, et il me semble que cette preuve-là, elle est... pas il me semble, elle est lourde à faire. Et est-ce qu'on demande une preuve hors de tout doute raisonnable ou une preuve à 50 % et des poussières? Il me semble qu'on demande une preuve beaucoup trop lourde. Il faut prouver que, pendant 15 ans, 25 ans, elle était absolument incapable de gérer sa vie, de présenter une demande, qu'elle était presque en dépression pendant 25 ans. Donc, il me semble que cette preuve-là, elle est trop exigeante.

Le Président (M. Ferland) : En 20 secondes, Mme la députée, à peu près.

Mme L'Écuyer : Oui, merci. Parce que ça confirme des commentaires qu'on a reçus beaucoup hier. Puis je pense que c'est quelque chose qui mérite d'être fouillé un peu plus, et on regardera avec M. le ministre pour les statistiques pour être capables, là, de ventiler peut-être un peu plus pour avoir des raisons bien précises, là. Merci.

Le Président (M. Ferland) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, maintenant, je reconnais le porte-parole du deuxième groupe d'opposition officielle, le député de Saint-Jérôme, pour un bloc de cinq minutes.

M. Duchesneau : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Langevin. J'ai lu votre mémoire, je suis intéressé, moi, à ce que vous disiez en pages 16 et 17, où vous parlez que, finalement, l'indemnisation, c'est un acte de prévention. Et, si pouviez élaborer un peu plus là-dessus, ça nous permettrait peut-être de résoudre l'impact financier dont on parle, là, depuis le début des audiences. Vous dites : «L'indemnisation des victimes est considérée par les instruments internationaux comme un outil d'élimination de la violence.» Donc, en fait, plus les victimes vont signaler, mieux serons-nous pour prévenir d'une certaine façon. Est-ce que j'interprète bien vos propos?

Mme Langevin (Louise) : Oui, c'est les propos de la communauté internationale, évidemment. Oui, c'est un outil d'élimination, le fait d'indemniser les victimes parce que, si les victimes n'ont pas les moyens pour retourner à l'école, pour compléter une éducation... Peut-être qu'elles n'ont pas pu aller à l'école en raison des agressions quand elles étaient jeunes. Peut-être, si elles n'ont pas l'argent pour se payer des thérapies, peut-être qu'elles ne pourront pas reprendre le dessus sur leur vie. Si elles ne peuvent pas reprendre le dessus sur leur vie, bien, peut-être qu'elles ne peuvent pas bien élever leurs enfants, et, donc, peut-être que le cycle de la violence va continuer. Donc, derrière la juste indemnisation des victimes, il y a l'idée que ces victimes-là et ces survivantes doivent être capables de se reprendre en main et que l'on doit corriger le tort qu'elles ont subi. Donc, il y a cette idée que de les indemniser justement, adéquatement leur permet de reprendre le dessus et de continuer avec leur vie et, donc, d'enrayer la violence. Il ne faut pas que ce soit impuni, donc on pense immédiatement à l'emprisonnement. Mais aussi il ne faut pas que ces crimes restent impunis, il faut que la victime, elle, soit adéquatement compensée.

M. Duchesneau : Mais, en fait, vous avez très bien répondu à la question, c'est que, si on ne traite pas le problème d'indemnisation de façon correcte, il y a d'autres conséquences pour non seulement la victime, mais aussi la société. Donc, si on prend notre lunette financière puis qu'on regarde uniquement avec le projet de loi n° 22 ou ce qui existe déjà à tenter de trouver des solutions, on ne règle pas le problème de façon claire, nette et précise, ce qui vous amène à conclure qu'il faut regarder l'ensemble du phénomène ou de la solution d'indemnisation des victimes.

Mme Langevin (Louise) : Oui. Le ministère de la Justice fédéral a sorti une étude en octobre dernier sur le coût de la violence — c'était seulement que la violence conjugale, il me semble — le coût sur le système de la violence conjugale. On ne parle pas juste des coûts du système pénal, mais les coûts sur système de santé, les coûts sur la famille. La violence conjugale nous coûte cher, et on ne peut pas se permettre de tolérer de tels coûts, dans le sens, on ne peut pas se permettre de tolérer une telle violence. Il faut l'enrayer parce qu'elle coûte cher en argent, mais elle coûte cher en d'autres choses aussi. Donc, dans ce sens, ces victimes-là, ces survivantes-là vont faire appel au système de santé, vont faire appel à tous les services de l'État, et, donc, il faut être capable d'intervenir pour les indemniser rapidement, adéquatement.

M. Duchesneau : Ça, ce sont des arguments qui pèsent lourd, justement, dans la prise de décision. Est-ce que vous avez ces études-là qui viennent montrer qu'il y a des coûts qui sont associés, justement, à la mauvaise indemnisation ou aux retards dans l'indemnisation?

Mme Langevin (Louise) : Oui, toutes ces études-là sont disponibles par quelques clics. Celle sur le coût de la violence conjugale sur l'État faite par le ministère de la Justice est sur le site du ministère de la Justice fédéral.

M. Duchesneau : Ah! bien, ça, on va aller le chercher.

• (12 h 30) •

Le Président (M. Ferland) : ...secondes, à peu près, M. le député.

M. Duchesneau : Bien, à part de vous dire que vous avez jeté un éclairage nouveau… Parce qu'on était un peu au ralenti pour des raisons budgétaires, justement. Mais je pense qu'on peut aller au-delà de ça, et les suggestions que vous faites, notamment, là, au niveau des nouveaux revenus, je pense que c'est peut-être l'angle qu'on doit regarder. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le député. Alors, maintenant, je reconnais le ministre avec un temps d'à peu près, environ, quatre secondes, M. le ministre, pour conclure.

M. St-Arnaud : Quatre minutes. Quatre minutes, M. le Président. Quatre minutes, ça fait… à la place de quatre secondes?

Le Président (M. Ferland) : Ah! j'ai dit quatre secondes?

M. St-Arnaud : Oui.

Le Président (M. Ferland) : Ah! excusez, je vous volais du temps. Là, je vous en redonne, quatre minutes.

M. St-Arnaud : Peut-être reprendre un peu sur ce que viennent de dire le député de Saint-Jérôme et la députée de Pontiac, c'est sûr qu'il faut faire attention quand on compare notre régime au niveau des accidentés de la route où, effectivement, tout le monde cotise et... tous les citoyens ou presque, là, cotisent à ce fonds éventuellement qui verse, éventuellement, des prestations aux gens qui sont victimes d'accidents de la route, en notant aussi qu'ils perdent leur recours civil, ce qui n'est pas le cas des... Parce que j'essaie de voir… Vous dites : Faites preuve d'imagination. J'essaie de voir, là, tu sais, je ne suis pas sûr que, si, demain matin, on disait à tous les citoyens : À partir de demain, là, il y a une nouvelle taxe ou, dans votre rapport d'impôt, il y a une nouvelle ligne «contribution pour les victimes d'actes criminels à un nouveau fonds», je ne suis pas sûr que la population, à première vue, là, je ne suis pas sûr que la population...

Alors, j'aimerais ça, savoir, parce que déjà, effectivement là, il y a 25 % — c'est au niveau des biens confisqués — 25 % qui s'en va au FAVAC. Le FAVAC, c'est important de le dire, le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, il reçoit à peu près 20 millions par année, 20 millions qui viennent en aide, notamment, aux CAVAC et à différentes organisations qui travaillent sur le terrain pour aider les victimes d'actes criminels. Alors, ça, on a déjà ça, le FAVAC, qui est financé notamment par 10 $ sur chacune des contraventions à une loi québécoise. Alors, il y a un 10 $ qui s'en va dans le FAVAC. On a aussi le 25 % qui s'en va dans le FAVAC. Le FAVAC, c'est 20 millions à chaque année. Ça aide les CAVAC et les organismes d'aide aux victimes d'actes criminels.

J'aurais le goût de vous... Quand vous dites : Faites preuve d'imagination, avez-vous des pistes, des pistes pour aider notre réflexion quant à savoir... Parce que je pense qu'on veut tous essayer de voir où est-ce qu'on pourrait aller chercher cet argent-là, et, pour l'instant, j'ai un point d'interrogation dans mon esprit là-dessus. Alors, j'aimerais ça si... Est-ce que vous êtes en mesure de nous aider peut-être en nous disant comment il y a... à certains endroits, ça se fait à l'étranger? On me dit qu'en France il y a un pourcentage sur... C'est les contrats d'assurance?

Une voix : ...

M. St-Arnaud : L'assurance responsabilité qui va dans un fonds qui aide les victimes d'actes criminels. Est-ce que vous avez une piste là-dessus pour nous aider?

Mme Langevin (Louise) : Je n'ai pas de piste immédiatement, là, ce matin, mais vous avez trouvé de l'argent pour financer la construction de prisons. Donc, si on a de l'argent pour financer la construction de prisons, bien on l'a trouvé en quelque part. Les victimes de violence intrafamiliale paient des taxes aussi. Donc, dans les taxes qu'elles paient, on pourrait prendre l'argent des prisons et mettre ça pour ces victimes-là. C'est peut-être... Je vous retourne un peu la balle, mais on a trouvé des solutions. Vous m'avez parlé d'un 25 % des biens saisis, on peut augmenter ça aussi.

Donc, c'est une question de volonté politique. C'est une question de volonté politique. On a de la volonté politique pour certaines choses, on n'en a pas pour d'autres. Si vous avez une volonté politique pour aider ces victimes-là, qui sont, je vous le dis, des femmes et des enfants — c'est surtout ça — pour une sorte de violence bien particulière, la violence intrafamiliale, bien, si vous avez une volonté politique, l'imagination va suivre. On a donné l'exemple en France, mais, en France, c'est qu'elles peuvent aussi être indemnisées à un procès pénal. C'est un autre système en France, là, elles peuvent aller...

Le Président (M. Ferland) : Mme Langevin. Non, il vous reste 20 secondes.

Mme Langevin (Louise) : Elles peuvent être indemnisées à un procès pénal. Mais, s'il y a une volonté politique, l'imagination suit habituellement.

M. St-Arnaud : Bien, merci beaucoup. En 10 secondes, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y, oui.

M. St-Arnaud : Ou avant que vous me disiez qu'il m'en reste quatre, bien, merci beaucoup, Mme Langevin.

Le Président (M. Ferland) : Il ne vous en reste plus du tout, M. le ministre.

M. St-Arnaud : Merci beaucoup, c'était très intéressant. Votre mémoire est intéressant, puis on va certainement jeter un coup d'oeil aussi sur la jurisprudence que vous citez, qui semble particulièrement intéressante. Merci beaucoup. Merci beaucoup, je l'apprécie.

Le Président (M. Ferland) : Merci beaucoup, Me Langevin. Merci beaucoup pour votre présentation.

Alors, la commission suspend donc ses travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi. Et je vous demande de peut-être récupérer vos affaires parce qu'il y a un caucus, je crois, de l'autre parti. Je ne me rappelle plus le nom.

(Suspension de la séance à 12 h 35)

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Cet après-midi, nous recevons le Centre international de criminologie comparée. Mme Wemmers, à vous la parole pour un maximum de 10 minutes et, après, un échange d'environ 45 minutes avec les groupes parlementaires. Alors, à vous la parole.

Centre international de criminologie comparée (CICC)

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Merci. Merci beaucoup aussi pour m'avoir invitée de venir ici aujourd'hui. Comme vous avez dit, je suis chercheure au CICC, professeure titulaire à l'École de criminologie, à l'Université de Montréal, où j'enseigne la victimologie. J'ai déjà participé dans plusieurs comités ici, au Québec, entre autres en 2002 pour revoir le programme IVAC, aussi en Ontario pour réévaluer le programme d'indemnisation en Ontario. Et aussi, avant de venir ici, au Québec, j'étais aux Pays-Bas, au ministère de la Justice, où j'étais experte en matière de victimes d'actes criminels. Donc, je connais très, très bien les programmes ici comme ailleurs au monde en indemnisation des victimes d'actes criminels.

En 2009, il y avait plus de 600 000 incidents de violence au Québec, ce qui représente une augmentation par rapport à 2004 selon les sondages de victimisation. Les victimes de violence ont des besoins importants comme les besoins médicaux, pratiques, psychologiques et financiers. Et la loi IVAC a été créée pour partager le fardeau financier de la victimisation, une chose très importante. Depuis sa création en 1971, plusieurs efforts ont été faits pour modifier cette loi afin de réduire les coûts du programme et pour mieux répondre aux besoins des victimes, mais, essentiellement, elle a peu changé, la loi n'a pas changé beaucoup.

Le projet de loi n° 22 représente une avancée positive. Même si on manque des explications claires pour justifier pourquoi on a choisi certaines modifications, et pas d'autres, je pense que c'est une étape dans la bonne direction. Entre autres, le fait de passer les délais de prescription d'un à deux ans donne plus de temps aux victimes. Très important. Dans ma propre recherche ici, au Québec, j'ai trouvé que 66 % des victimes de violence — donc, je parle juste des victimes de violence ici, au Québec — ne savaient même pas que le programme existe. Et les victimes qui étaient informées du fait que le programme existe étaient surtout informées par le procureur de la couronne. Ainsi, ça veut dire assez tard dans le processus pénal. Avec un délai d'un an, c'est beaucoup trop rapide. Ça veut dire que, pour plusieurs, ils vont manquer le bateau, ça va être trop tard, même si, en principe, ils auraient eu droit à une indemnisation de l'État. Donc, je trouve ça très positif qu'on va augmenter le délai à deux ans. On peut même envisager plus long, comme on voit ailleurs au monde.

Malgré toutes ces modifications, cependant, il reste toujours un travail à faire. Donc, je ne pense pas qu'on peut dire qu'on a fait des modifications, c'est bien réglé, la situation maintenant, loin de ça Il faut revoir la loi au complet et l'intégrer avec l'autre loi québécoise qui porte sur les victimes d'actes criminels, la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels.

Pourquoi est-ce qu'on a au Québec deux lois qui touchent les victimes d'actes criminels et qui suivent des définitions différentes de ce qu'est une victime d'acte criminel? Ainsi, il faut créer une loi compréhensive qui vise la guérison rapide des victimes. Donc, il y a une contradiction quelque part au plan juridique ici, juste dans notre propre jurisprudence ici, au Québec. Ce ne sont pas toutes les victimes de violence qui peuvent obtenir l'aide de l'IVAC. La liste de délits éligibles est très limitée. Je prends, par exemple, juste des actes terroristes, hein, comme on a vu en Angleterre ou en Espagne avec les trains, les métros, etc., ce type de délit ne serait pas couvrir par l'IVAC comme il est aujourd'hui. Donc, il y a des lacunes importantes.

Le programme ignore la victimisation multiple aussi et ne met pas le bien-être de la victime en priorité. La victimisation multiple est bien documentée dans la recherche. Un des meilleurs prédicteurs du risque de victimisation est la victimisation antérieure. Ainsi, il est bien probable, parmi les clientèles d'IVAC, qu'il y a des gens qui ont vécu d'autres victimisations avant. Et les impacts de victimisation sont cumulatifs. Et, avec le programme IVAC, ils vont offrir des services juste en ligne avec le délit pour lequel la personne a été admise dans le programme. Donc, il reste encore des besoins suite à d'autres victimisations antérieures. On ne va pas tenir compte de ça, on ne va pas offrir des services en ligne avec ça. Donc, le bien-être de la victime est secondaire à autres priorités.

• (15 h 10) •

Le délai entre le moment où la demande est effectuée et celui où la réponse de l'IVAC est reçue pose toujours un problème pour les victimes aussi. Souvent, il y a les besoins pratiques, financiers immédiatement après la victimisation. Pas six mois plus tard, quand on a finalement reçu une réponse de l'IVAC, mais immédiatement. Donc, il faut avoir un dépannage financier, si vous voulez, pour les cas où c'est clair que la personne va bien probablement recevoir un soutien de l'IVAC.

Il faut élargir l'accès rapide à l'aide psychologique parce que c'est surtout là. L'objectif, je pense, toujours, devrait être le bien-être de l'individu, la guérison rapide de l'individu, et ainsi offrir des choses qui ne coûtent pas nécessairement trop cher, mais qui sont dans l'intérêt de l'individu et ainsi nous comme société aussi.

Il faut aussi évaluer le programme de façon régulière, surtout évaluer la capacité du programme de répondre aux besoins des victimes. Il faut que la police informe les victimes de violence du programme pour qu'elles puissent faire une demande plus tôt que possible. À cette fin, il faut que les ministères de la Justice et de la Sécurité publique prennent les mesures pour améliorer l'information aux victimes, ce qu'on peut faire aussi, je pense, si on fait une bonne intégration des deux lois qui touchent les victimes d'actes criminels.

Et il faut créer le poste d'ombudsman pour les victimes d'actes criminels ici, au Québec. Sa tâche serait de surveiller la mise en oeuvre des droits des victimes et des services aux victimes, hein, parce c'est présentement ça qui est, entre autres, une des lacunes importantes dans la politique auprès des victimes ici, au plan provincial.

Comment faire tout ça sans augmenter les coûts? Une des questions les plus importantes, probablement, qu'on va poser. Je pense qu'il faut considérer le programme comme filet de sécurité. C'est ça qu'on fait ailleurs, on ne fait pas ça ici, au Québec. Dès qu'il y a une victimisation, tous les frais, inclus les frais médicaux, tous les frais qui sont normalement assumés par la régie de l'assurance médicale vont aux IVAC. Pourquoi? Je ne sais pas. Ailleurs, c'est le filet de sécurité. Donc, les choses qui ne sont pas comblées ou couvrir par d'autres programmes sociaux qui existent déjà, c'est ça que le programme va indemniser ou rembourser. Donc, je pense, déjà le programme assume des frais qui peuvent être couvrir par d'autres programmes facilement et aussi logiquement.

Il faut aussi rappeler au gouvernement fédéral sa responsabilité. Entre 1973 et 1993, le gouvernement fédéral a partagé les frais de programme avec les provinces, entre autres pour encourager la mise en place des programmes d'indemnisation partout au Canada. Depuis qu'ils ont coupé ou mis fin à ce programme, plusieurs territoires et provinces ont coupé, voire mis fin à leurs programmes d'indemnisation. Donc, par exemple, aujourd'hui, à Terre-Neuve, il n'existe pas un programme d'indemnisation.

Depuis 2007, par contre, le gouvernement fédéral a créé un fonds pour indemniser les Canadiens qui sont victimes de crimes à l'extérieur du pays. Donc, on a maintenant une situation qu'un Québécois peut aller à Terre-Neuve en vacances, être victime d'un acte criminel, mais il ne serait pas couvrir par le programme d'indemnisation ici, au Québec, il n'existe pas un programme à Terre-Neuve, et le programme fédéral qui existe est là pour les gens qui sont victimisés à l'extérieur du Canada. Donc, il y a vraiment un trou, une lacune importante par rapport à ça, et je pense qu'il y a un travail à faire au niveau — comment ça s'appelle? — la communication entre le niveau fédéral, territoires et provincial, le groupe de travail en matière de justice pour parler de ça, et c'est quoi, le rôle du fédéral dans tout ça, et comment est-ce qu'on peut... Parce qu'en Europe on a travaillé très, très fort exactement pour mettre fin à cette situation et pour que tous les Européens, partout en Europe, seraient couvrir par un programme d'indemnisation. Donc, il faut encourager le gouvernement fédéral de prendre ses responsabilités et assurer l'accès aux programmes pour tous les Canadiens et les Canadiennes. Bon, ça, pour moi… mon intervention. J'imagine que vous avez des questions.

Des voix : Ah oui!

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Ah oui?

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci beaucoup. Alors, maintenant, nous en sommes à la période d'échange, et j'invite le ministre de la Justice à prendre la parole pour un bloc de 24 minutes, je crois. M. le ministre,

M. St-Arnaud : Merci, M. le Président. Alors, c'est Mme Wemmers, hein, c'est ça…

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oui.

M. St-Arnaud : Bien, bienvenue, madame. Bienvenue à l'Assemblée nationale.

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Merci.

M. St-Arnaud : Et merci pour votre éclairage. Peut-être, quelques questions. Évidemment, c'est un peu triste de parler de ça à cette commission, mais l'aspect financier des choses, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez des pistes? Parce que ce qui revient… Je pense qu'autour de la table, depuis hier, on réalise bien qu'il y a des choses, on devrait aller, si on était capables, plus loin que le libellé du projet de loi n° 22. Mais un des obstacles, c'est, bien sûr, la situation financière, et comment trouver des revenus pour financer peut-être certaines mesures qu'on souhaiterait ajouter au projet de loi n° 22? Et, en ce sens-là, j'aimerais savoir de votre part, est-ce que vous avez des pistes sur lesquelles... des pistes, par exemple, que vous pouvez trouver dans les exemples étrangers, là, mais des pistes qui pourraient être intéressantes pour la commission?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oui. Je pense que j'ai nommé quelques-uns, entre autres qu'ailleurs le programme est un filet de sécurité, qu'il est là pour assumer les frais qui ne sont pas couvrir ailleurs. Maintenant, ici, au Québec, l'IVAC assume tous les frais médicaux immédiatement suite à une victimisation. Donc, ça veut dire que les frais médicaux qui, normalement, seraient couvrir par la régie d'assurance médicale du Québec ne sont plus couvrir par ça, mais maintenant c'est l'IVAC.

M. St-Arnaud : C'est la même...

Mme Wemmers (Jo-Anne) : On peut dire ça.

M. St-Arnaud : J'allais dire que c'est la même poche.

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Pas nécessairement, il y a aussi les assurances privées, Croix Bleue par exemple. Tout ça, maintenant, c'est IVAC. Donc, pourquoi est-ce qu'on ne va pas chercher l'argent ou les services qui sont déjà couvrir ailleurs? On peut utiliser l'argent de là-bas et, ainsi, on verra que ce qui reste pour l'IVAC serait peut-être... Oui, ça va réduire les coûts pour l'IVAC, je pense, relativement. Et, bon, vous pouvez dire : C'est tout le gouvernement, oui, et il y a les assurances privées aussi, mais, en même temps, je pense qu'il s'agit des coûts supplémentaires de la victimisation.

M. St-Arnaud : Est-ce que vous êtes au fait des frais d'administration, le fameux 15 % qui est... Est-ce que ça vous dit quelque chose?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Le 15 %, la suramende, c'est ça?

M. St-Arnaud : Non, 15 % de frais d'administration qui est chargé à l'IVAC lorsqu'il y a des transactions. Par exemple, si la... Corrigez-moi, Mme Madore, si je me trompe, là, quand, par exemple, il y a des médicaments, par exemple.

Des voix :

M. St-Arnaud : C'est ça. C'est que l'IVAC paie à peu près 15 % de... Il y a un 15 % de frais d'administration au total à l'IVAC. Est-ce que ça vous apparaît beaucoup ou c'est difficile pour vous de le juger?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Je ne le sais pas. Il faut le comparer avec quoi? Ça vient d'où? Je ne le sais pas.

M. St-Arnaud : O.K. Il faudrait... Et avez-vous d'autres pistes au niveau des revenus?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Je pense qu'il reste toujours la responsabilité parmi les citoyens de payer avec les impôts les programmes tels que l'IVAC. L'idée au début est de partager le fardeau de victimisation. Pour quoi? Pour les crimes de violence. Pas pour les crimes contre les biens, par exemple. On dit que le risque, pour ce type de victimisation, est assez élevé qu'on pense que l'individu doit assumer sa propre responsabilité. Mais, avec la violence, c'est tellement rare — heureusement — dans notre société, on pense que, comme société, on a la responsabilité d'aider les gens. Donc, ça fait partie d'un programme social, et, ainsi, je trouve que c'est tout à fait normal que c'est la société, et ainsi nos impôts, qui contribue à ce programme-là. Donc, je serais contre l'idée, par exemple, ce qu'on voit aux États-Unis, que, par exemple, c'est les suramendes qui vont payer pour ça. Si on des suramendes déjà, ça paie pour les services pour les aides aux victimes. Autre chose, et on a vu aussi là-bas qu'avec les suramendes les revenus sont aussi toujours limités. Donc, je trouve tout à fait justifiable que c'est les impôts qui vont payer, subventionner une telle ressource. Mais est-ce que la question… mais est-ce que, comme société, on trouve que les victimes de violence que c'est quelque chose d'important? Est-ce qu'on trouve que nous avons une obligation morale d'aider les victimes? Si oui, je pense que c'est évident, qu'est-ce qu'il faut faire.

M. St-Arnaud : Vous nous avez parlé d'un ombudsman pour les... d'un protecteur, là, comme on dit chez nous, protecteur des victimes d'actes criminels, un ombudsman. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples d'endroits dans le monde où ça existe, un tel poste?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oui, dans plusieurs endroits, dans plusieurs pays.

M. St-Arnaud : Avec peut-être un peu quel est le rôle de cet ombudsman.

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Le rôle de cette personne-là serait de vérifier, évaluer la mise en oeuvre de la politique en faveur des victimes. Donc, par exemple, ce qu'on a ici depuis 1988, la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, si les victimes, par exemple, trouvent que leurs droits n'étaient pas respectés par rapport au droit à l'information par exemple, il n'y a même pas un service ou un programme de plaintes, de procédure pour faire des plaintes. Ailleurs, par exemple au Manitoba, il y a toute une procédure. Le Protecteur du citoyen, le ministère de la Justice va recevoir ces plaintes-là, et, ainsi, on a une idée de combien de plaintes est-ce qu'on va recevoir annuellement et qu'est-ce qu'on a fait par rapport à ça, est-ce qu'il y a des tendances, est-ce qu'il y a des problèmes systématiques, est-ce qu'il faut faire quelque chose ou est-ce qu'il s'agit juste de quelque chose d'accidentel. Maintenant, il n'y a rien là-dessus. Donc, je pense qu'il y a une tâche importante d'évaluation, de contrôle pour vérifier la mise en oeuvre et protéger les droits des victimes.

• (15 h 20) •

M. St-Arnaud : Et vous connaissez l'existence, probablement, du Protecteur du citoyen, de la Protectrice du citoyen. Il existe un ombudsman au Québec depuis 50 ans.

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Mais oui, je sais, ici, au Québec.

M. St-Arnaud : Mais, selon vous… Parce qu'évidemment la Protectrice du citoyen peut entendre les requêtes qui peuvent lui venir de personnes qui ont eu des difficultés avec le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels, ça fait partie de sa juridiction, de son champ de juridiction, mais vous, vous croyez que c'est important d'avoir une personne qui s'occupe spécifiquement des victimes d'actes criminels et de leurs démêlés à l'intérieur du processus judiciaire et administratif.

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Exactement, oui, parce que l'ombudsman ici ou la Protectrice du citoyen fait un excellent travail, ce n'est pas ça que je veux dire, mais a aussi tellement... sa tâche est quand même large, tellement grande que c'est... Les victimes ne sont qu'une chose parmi plusieurs autres qu'il faut vérifier. Donc, je pense qu'elle n'est pas capable, juste comme être humain, de donner assez d'attention, mettre assez de temps dans les questions aux victimes que ça mérite. Ainsi, je pense que, pour les questions de victimes, avoir quelqu'un, un protecteur du citoyen qui s'occupe de questions de la victime serait bienvenu.

M. St-Arnaud : Et vous avez dit, là, que c'était un poste qui existait dans plusieurs endroits dans le monde, est-ce que vous pouvez nous dire à quels endroits?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Je peux dire, par exemple, aux Pays-Bas, il y a, entre autres, des protecteurs du citoyen qui s'occupent des droits des victimes. Il y a au Canada l'ombudsman pour les questions de victimes, mais au fédéral. C'est intéressant, bien sûr, mais ce n'est pas suffisant parce que la question d'administration de justice est provinciale ici, donc... Et la majorité des droits des victimes, c'est au niveau de l'administration de justice, donc ce n'est pas suffisant. Sa grande tâche est surtout au niveau des services correctionnels. Et on sait que, loin devant ça, il y a tout un processus pénal, et, ainsi, les besoins des victimes sont souvent les plus importants au début du processus, et pas à la fin, après que quelqu'un a été jugé et est en prison. De plus, il n'y a qu'une minorité des victimes qui vont trouver que le contrevenant est jugé, condamné en prison. La majorité, si la victime a signalé le délit à la police, la police ne va pas être capable de trouver l'accusé. Et, si l'accusé est trouvé, est-ce qu'il va être trouvé coupable? Est-ce qu'il va être condamné en prison? Donc, il y a une majorité des victimes qui ne tombent pas en dessous de sa juridiction comme ombudsman au niveau fédéral.

M. St-Arnaud : Vous dites : Il y aurait lieu… Parce que c'est vrai qu'il y a quelque chose d'un peuparticulier — disons ça comme ca — d'avoir à la fois une loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels avec un fonds d'aide aux victimes d'actes criminels qui est financé notamment par un 10 $ sur chacune des amendes payées par les contrevenants aux lois québécoises. Alors, on a un système d'aide aux victimes d'actes criminels et on a, dans un autre système au Québec, l'indemnisation des victimes d'actes criminels. On a comme... J'aimerais ça, vous entendre là-dessus, vous dites qu'il faudrait éventuellement intégrer tout ça au sein d'une même structure. Est-ce que vous êtes en mesure d'élaborer là-dessus?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oui. Oui, avec plaisir. Je pense qu'il faut... Mais je comprends très bien d'où ça vient, qu'on a deux lois différentes, c'est l'histoire, hein, qui fait ça. Mais, à quelques moments, on est confronté avec la situation où il y a deux logiques différentes, deux programmes différents, deux définitions de victimes différentes. Et, avec, entre autres, la déclaration de l'ONU qui était en arrière de la loi de 1988 sur l'aide aux victimes, on est arrivé à un point où il faut respecter les normes internationales — obligation morale, en tout cas — et cette déclaration inclut, entre autres, l'indemnisation, l'aide aux victimes, participation des victimes, etc., dans le processus pénal. Donc, je pense que, pour l'avenir, il serait souhaitable d'intégrer les deux.

Et, avec ça aussi, on a l'occasion de développer une logique ou un rationnel cohérent en arrière de ce programme. Parce que, maintenant, ils sont presque comme... les deux sont déconnectés un de l'autre. Pourquoi est-ce que je suis une victime pour la Loi sur l'aide aux victimes et pas une victime pour l'indemnisation? Je sais que c'est pour les raisons financières, mais explique ça à la victime, ce n'est pas facile. On a vu déjà, au Manitoba, récemment, ils ont eu le même problème et ils ont développé une nouvelle législation dans laquelle ils ont intégré les deux types de législation, et, donc, je le nomme comme un exemple de «best practice», un bon exemple que vous pouvez suivre ici, au Québec, aussi.

M. St-Arnaud : Au Manitoba, ils avaient ces deux législations et ils en ont fait une seule?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Récemment, oui.

M. St-Arnaud : Récemment. Très intéressant. Merci beaucoup. Je vais arrêter ici pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci, M. le ministre. Il va vous rester un temps de neuf minutes environ pour, peut-être, des conclusions vers la fin. Maintenant, je reconnais la porte-parole en matière d'indemnisation des victimes d'actes criminels pour le parti de l'opposition officielle et députée de Pontiac. Alors, Mme la députée, vous avez la parole pour une période de 20 minutes.

Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Wermer... madame.

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Wemmers. Non, ça va.

Mme L'Écuyer : Je suis très heureuse de vous entendre parce que vous venez de sortir à la fin une façon de fonctionner, l'Alberta qui a fusionné...

Une voix : Le Manitoba.

Mme L'Écuyer : Le Manitoba. Depuis hier qu'on cherche des façons d'améliorer le service, d'être proactifs, et là je trouve qu'il y a quelque chose de nouveau qui vient d'arriver sur la table qui est très, très intéressant.

M. St-Arnaud : Pour notre chantier.

Mme L'Écuyer : Pardon?

M. St-Arnaud : J'allais dire : Pour notre chantier...

Mme L'Écuyer : Pour notre chantier.

M. St-Arnaud : ...annoncé par le député de Fabre.

Mme L'Écuyer : Ah! annoncé par le... C'est parce qu'on veut faire une réforme complète. J'ai été un peu surprise quand vous disiez qu'il y avait 66 % des victimes qui ne connaissaient pas le programme et qui l'apprenaient au moment où ils entreprenaient des démarches vers les tribunaux, et ces choses-là. C'est très élevé comme...

Mme Wemmers (Jo-Anne) : C'est très élevé, oui.

Mme L'Écuyer : Ce que je ne comprends pas, compte tenu qu'au Québec nous avons ce qu'on appelle les CAVAC, qui sont très, très près des policiers, qui sont souvent les premiers répondants au moment où il arrive un accident — dans certains endroits, ils sont même dans les postes de police, d'autres sont aux palais de justice — je ne comprends pas que ce nombre-là soit aussi élevé que ça. Est-ce que vous êtes en train de dire qu'il y a 66 % des victimes au Québec qui n'ont pas de contact avec ces gens-là?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oh! plus que ça, plus que ça. Et je pense qu'il y a quelque chose comme 10 % des victimes qui ont contact avec le CAVAC.

Mme L'Écuyer : Seulement que 10 %?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oui.

Mme L'Écuyer : Est-ce que vous savez pour quelle raison qu'il y a seulement que 10 % des... Puis je ne veux pas, je n'ai pas de préjugé… mais j'ai un préjugé favorable parce que c'est surtout les femmes et les enfants qui sont souvent victimes de violence. Pourquoi il y a juste 10 % de ces gens-là qui ont des contacts avec les CAVAC?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Ce n'est pas du tout unique au Québec. Première chose, ce n'est rien à faire avec le CAVAC et la qualité du travail qu'ils font. Parce qu'ils font une excellente job, ce n'est pas ça. Mais il y a toutes sortes de choses. Manque d'information, les victimes qui ont dit : Moi, je ne savais même pas que ça existait. Donc, malgré la publicité qu'on a vue les dernières années, il y a toujours des gens qui ne sont pas au courant du service d'aide. Il y a aussi des gens, par exemple, qui ont des idées que… Now, moi, je vais avoir contact avec le CAVAC juste si j'ai des problèmes de traumatismes, et moi, je n'ai pas ça, hein? Donc, ils n'ont pas compris qu'il y a toute une tâche d'information, service d'information, d'aide pratique que le CAVAC peut offrir. Donc, ils ne sont pas au courant d'autres choses. Il y a aussi, je pense, un «stigma» qui vient avec l'aide psychologique. Souvent, on ne veut pas dire, «you know», que c'est un problème pour nous. Donc, il y a plusieurs choses qui jouent un rôle dedans. Mais, donc, juste pour dire que c'est une minorité des victimes qu'on contacte avec les services d'aide, et c'est quelque chose qu'on voit un peu partout au Canada et aussi à l'extérieur du Canada.

Mme L'Écuyer : Vous parliez qu'on devrait avoir... nos programmes devraient être des programmes de guérison rapide, plus longue est la guérison, plus les coûts augmentent. Pour vous, un programme de guérison rapide serait quoi?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Je l'ai dit comme ça, entre autres, parce qu'on sait que plus rapidement qu'on vient avec l'offre d'aide que ça va réduire le risque qu'un traumatisme va se développer, et surtout un traumatisme à long terme. Toute la recherche est claire là-dessus. Donc, la question d'offrir une aide rapide est très importante, d'un côté, pour aider les victimes, et, d'autre côté, aussi a des retombées financières parce que, comme vous le dites, la durée du problème, du traumatisme va être moins élevée et, ainsi, moins coûteuse pour nous comme société. Donc, c'est dans l'intérêt de tout le monde, je pense.

Mme L'Écuyer : D'avoir une rapidité d'intervention qui fait que la victime va s'en sortir plus rapidement.

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Exactement.

Mme L'Écuyer : Il y a des provinces qui sont en train de revoir leurs programmes, et vous dites que Terre-Neuve a mis fin au programme. Est-ce que c'est seulement qu'en raison des coûts ou s'il y a d'autres raisons?

• (15 h 30) •

Mme Wemmers (Jo-Anne) : C'est surtout les coûts. La situation à Terre-Neuve est arrivée immédiatement après que le gouvernement fédéral a mis à fin le programme de partage des frais et de subventions pour les provinces, donc c'était exactement en ligne avec ça. Aussi, les territoires n'ont pas des programmes, ce qui est inquiétant, surtout parce que le taux de violence est plus élevé dans le Nord du Canada qu'ici.

Mme L'Écuyer : Est-ce qu'un peu partout dans les provinces ce sont surtout les femmes et les enfants qui sont des victimes de violence? On a la violence intrafamiliale, on a la violence familiale, mais aussi on a la violence gratuite. Est-ce que c'est surtout les femmes et les enfants un peu partout au Canada?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Le sondage des victimisations démontre que la probabilité d'être victime est plus ou moins pareille pour les hommes ou les femmes. La différence, c'est que les femmes sont plus à risque de victimisation dans la sphère privée, et les hommes, plus à risque de victimisation dans la sphère publique, si vous voulez. O.K.? Donc, par exemple, agression sexuelle, violence conjugale, surtout un risque pour les femmes. Par contre, vol armé, plus à risque pour les hommes.

Mme L'Écuyer : Le Québec est signataire de plusieurs protocoles internationaux de reconnaissance, bon, du phénomène de violence, d'acceptation de différentes façons d'intervenir. J'aimerais ça, savoir, dans l'ensemble de ces protocoles-là qui ont été signés par plein de pays — et, entre autres, le Québec, on a quand même des programmes sur pied où on reconnaît que ça existe, où on tente de faire le maximum, il y a le Manitoba qui vient de fusionner, dans le fond, l'ensemble de ses interventions entre l'accueil et l'indemnisation — ça fait combien de temps que le Manitoba a fait ça, et est-ce que les résultats sont positifs.

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Je pense que oui. En tout cas, je n'ai pas vu une évaluation, mais le feedback que j'ai reçu était très positif. Ça fait… je pense, 2011 ou 2012, donc relativement récemment. Mais toute cette information est sur le site de Manitoba Justice, le ministère de la Justice, disponible en anglais et en français. Donc, une politique très intéressante.

Ce qu'ils ont aussi fait — et je pense que ça serait quelque chose pour vous aussi si vous voulez modifier les choses — est que la Loi sur l'aide aux victime d'actes criminels est encore très générale ici, on ne dit pas qui est responsable pour quoi. Est-ce que c'est la police qui doit… les victimes? Est-ce que c'est le procureur qui doit informer les victimes? Et, la recherche est très claire là-dessus, plus claires que les directives sont, plus grande la probabilité qu'on va les suivre. Quand c'est vague, n'importe qui peut faire n'importe quoi, et on ne se tente pas, comme fonctionnaire responsable, pour le faire parce que c'est le job de quelqu'un d'autre. Ainsi, une chose qu'ils ont faite aussi, très clairement ils ont dit : La police sont responsables pour X, le procureur, pour Y. Et ainsi, maintenant, aussi les victimes ont quelque chose concret, et on peut dire que… Regarde, je n'ai été jamais informé par la police. Et la police a une tâche très importante à cet effet-là. Donc, encore, toute cette information, vous trouverez sur le site Web.

Mme L'Écuyer : Ça fait que ce que vous dites, dans le fond, quand on veut avoir un programme qui a une bonne pénétration et qui rejoint les victimes, qui a un bon succès et qui, dans le fond, atteint, ce que vous disiez, une guérison rapide, c'est qu'il faut que les rôles et les responsabilités soient très clairs, qui fait quoi, quand et de quelle façon.

Est-ce que, pour vous, le fait d'avoir dans les postes de police les intervenants de première ligne, est-ce que ça devient un lien qui peut être très, très important par rapport à l'intervention d'un policier qui va dans une famille puis où l'intervenant va être avec lui? Est-ce que vous pensez que ça, c'est gage de succès auprès des victimes?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oui. Oui, ils sont des projets très intéressants. Mais, déjà dans les années 80, on a fait ça comme ça aux Pays-Bas. Et ce que j'ai trouvé — parce que moi, j'ai évalué un tel programme à l'époque — était que c'était aussi très important au plan organisationnel parce que c'était un moment dans lequel les policières et les… — aussi, je peux dire les CAVAC, hein...

Mme L'Écuyer : Oui, les CAVAC.

Mme Wemmers (Jo-Anne) : ...même s'ils s'appelaient autrefois là-bas… — ont pu communiquer et comprendre le travail de l'autre. Donc, c'était une façon de sensibiliser deux organisations, types de travail très différents, au fond, de l'importance de ce que fait l'autre. Donc, j'encourage ce type de collaboration, bien sûr.

Mme L'Écuyer : Ça confirme ce que j'ai eu comme information quand j'ai rencontré des CAVAC. Il y en a qui le font, c'est fait, c'est déjà de l'acquis, ils sont avec les policiers. D'autres, pas encore, ce n'est pas... C'est une mesure qui n'est pas obligatoire. Il faut que les différents corps de police dans les villes — je pense que je vous en avais déjàparlé — soient d'accord. Sinon, ça... Et je pense que c'est quelque chose qui devrait devenir une façon de faire, et j'ai l'impression qu'il y a une partie et de diminution au niveau des coûts qu'on pourrait atteindre là parce qu'en termes d'organisation...

L'autre commentaire que nous avons eu beaucoup au cours des deux jours, c'était la lourdeur administrative, les documents qu'il faut compléter, toutes ces démarches-là. Quand on parle de bureaucratisation, ça a aussi des coûts. Il faut les traiter, ces documents-là. Il faut qu'il y ait des gens, là, qui les manipulent. Est-ce que, dans votre expérience, vous avez vu des endroits où, finalement, tout ce qu'on appelle administration était au minimum vis-à-vis des victimes en termes de... Il y a quelqu'un qui nous disait : Si on veut faire une réclamation, on a des documents, c'est immense, il y a plein de questions qui ne nous touchent pas. Est-ce qu'il y a des endroits où c'était au minimum, les questionnaires à compléter puis ces choses-là?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Ce qui est clair est que, quand il y a des réponses standard, hein, des tarifs standard, comme, par exemple, ce qu'on a en Angleterre, ça devient moins compliqué à un niveau. Il y a des avantages et des désavantages avec tout, c'est parce qu'aussi c'est moins personnalisé en même temps. Mais l'avantage est que c'est assez clair pour tout le monde, c'est pareil pour tout le monde, et, ainsi, ça devient moins compliqué, moins lourd comme processus.

Je peux dire aussi, il y a d'autres systèmes, comme par exemple en Australie, où, de moins en moins, on donne l'argent et, de plus en plus, on donne du service au lieu de ça. Donc, c'est aussi une autre façon d'éviter des coûts supplémentaires et, en même temps, à avoir au coeur du programme l'aide et la guérison de la victime. Donc, il y a plusieurs modèles différents qui existent au monde si on cherche l'inspiration, on cherche d'autres façons de faire.

Mme L'Écuyer : Dans les modèles que vous avez soit évalués ou que vous connaissez, celui qui donne pas d'argent, mais le service direct pour arriver à une guérison rapide, est-ce que dans... puis le modèle où on va donner des sommes d'argent, lequel... avez-vous pu évaluer quel était le plus pertinent?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Quel était le plus...

Mme L'Écuyer : Le programme… la façon de procéder en donnant des soins sans l'argent, les résultats étaient meilleurs et les coûts étaient mieux contrôlés, ou bien en donnant un montant à la victime, et la personne était responsable d'aller chercher ses soins?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : C'est difficile de répondre rapidement comme ça, mais ce qui est clair de la recherche, c'est que les victimes cherchent la reconnaissance dans le processus. Et plusieurs victimes vont dire : Ce n'est pas pour l'argent que je l'ai fait, je l'ai fait pour la reconnaissance et je suis satisfaite que j'ai obtenu cette reconnaissance. Ou pas, hein, pour les gens qui ne se sont pas entendus dans le processus. Donc, je pense que ça peut nous donner une piste aussi de comment avoir une approche qui aide… un côté personnalisé, dans le sens qu'on écoute les personnes, on est en reconnaissance de la personne, reconnaissance de ses besoins sans nécessairement que ça mène à un grand montant d'argent, mais plutôt des choses concrètes pour répondre à ses besoins, par exemple, psychosociaux. Il y a toujours des besoins financiers. Il ne faut pas nier que, les gens, aussi il faut vivre, hein? Donc, on ne peut pas complètement couper les frais financiers, mais il faut, je pense, aussi placer plus d'importance sur les besoins psychosociaux aussi pour que la personne puisse reprendre sa vie.

Mme L'Écuyer : Merci. Des questions, monsieur...

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la députée. Ça va pour le parti de l'opposition. Maintenant, je reconnais le porte-parole du deuxième groupe du parti d'opposition, le député de Saint-Jérôme, avec un temps de cinq minutes, M. le député.

M. Duchesneau : Cinq minutes. Merci, M. le Président. Fort intéressant, votre présentation. De nous avoir donné une perspective plus globale, je pense, nous oriente beaucoup, et surtout les pistes de solution que vous avez apportées.

Je pense qu'il est clair de votre témoignage que le sort des victimes, c'est une responsabilité de l'État mais qu'il y a aussi peut-être d'autres partenaires qui peuvent se glisser. Et, depuis quelques jours, on tourne avec l'idée de dire comment on va chercher des revenus, vous parlez des compagnies d'assurance. C'est vrai, quand on y pense, les compagnies d'assurance offrent des assurances en cas de poursuite légale qu'on n'utilise presque jamais, mais on paie presque toujours. Il y avait peut-être des partenariats à aller faire si on veut vraiment innover. Si on veut vraiment donner l'importance que les victimes méritent, il y a peut-être lieu d'aller arpenter d'autres avenues, qui n'a pas encore été fait.

Je suis aussi interpellé, aussi, par tous les coûts dont vous avez parlé qui sont assumés par l'IVAC. Est-ce que c'est une étude que vous avez faite de façon plus poussée ou c'est simplement à partir des rapports de l'IVAC que vous avez tiré ces données-là?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Le fait que l'IVAC assume les coûts?

M. Duchesneau : Assume des coûts.

• (15 h 40) •

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Ça fait partie de... Je pense que le travail que j'ai fait pour le comité en 2002 quand on a... Ça, c'était… Mais vous pouvez me corriger, M. le ministre, si ce n'est pas le cas, mais ce n'est pas nouveau, c'était toujours comme ça dès le début.

M. Duchesneau : C'est parce que ça explique peut-être une des questions qu'on avait hier, c'est pourquoi, en Ontario, on a de l'aide aux victimes qui coûte 35 millions et qu'au Québec ça coûte 100 millions. Alors, c'est peut-être juste un jeu comptable.

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oui. Entre autres, quand on va comparer les frais des différents programmes au plan international, au plan provincial, il faut aussi regarder quels coûts sont couvrir et d'où vient l'argent, bien sûr, ce qui fait que c'est très difficile. Ça peut sembler que notre programme est très généreux, mais ça peut aussi être que l'argent qui vient d'ailleurs, d'un autre programme, donc... Par exemple, dans un pays comme Norvège, où l'aide psychologique est gratuite pour tout le monde, ça, ce n'est pas quelque chose qu'on va trouver dans le programme d'indemnisation, mais ça ne veut pas dire que les citoyens n'ont pas accès à l'aide psychologique non plus. Ce qui fait qu'il faut connaître le système de l'aide sociale, de l'aide médicale, etc., pour comparer les différents programmes.

M. Duchesneau : Mais est-ce que vous connaissez une étude qui a, justement, fait cette étude comparative entre pays et entre programmes?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oui. En Europe, entre autres, il y avait un livre vert qui a été produit. Parce qu'en Europe on a travaillé très, très fort pour que tous les Européens, en ligne avec l'Union européenne, peuvent avoir accès à un programme d'indemnisation, exactement pour éviter quand on va à Terre-Neuve et on ne va pas avoir... ou en Espagne et ne pas avoir accès à un programme d'aide. Et, ainsi, c'était quoi… en 1999, je pense, quelque chose comme ça, 2000 peut-être, qu'il y avait un livre vert qui a été produit par l'Union européenne. Ils ont donné le contrat à un chercheur pour faire exactement cette comparaison des différents programmes, etc., et ce document a été la base pour la politique pour améliorer les programmes dans les différents pays européens. Donc, je peux le chercher quelque part pour vous si vous le voulez. Mais c'est sur l'Internet, je pense, aussi.

M. Duchesneau : Ah oui? Bien, on va faire des recherches. Mais, si jamais vous mettez la main dessus, on serait sûrement intéressés.

Maintenant, quand on fait des réflexions de cet ordre-là, on doit nécessairement s'appuyer sur des études qui ont été faites. Est-ce que je me trompe, mais ici, au Québec, tout ce qui touche la victimologie, on est quand même bien représentés au niveau de la recherche, n'est-ce pas?

Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oh! je pense que ça va bien ici, au Québec, pour la victimologie en comparaison d'avec ailleurs, bien qu'ailleurs on voie qu'il y a aussi des avancées. Récemment, il y a deux ans maintenant, en Ontario, Algonquin College a mis en place tout un programme d'un an en victimologie, par exemple. Donc, on n'est pas les seuls. Mais, par contre, oui, ça va bien relativement. Si je regarde juste à l'école de criminologie, moi, je suis là depuis 12 ans déjà. Avant moi, il y avait d'autres... J'ai fêté, il y a deux ans… on a fêté le 50e anniversaire de l'école de criminologie, et, avec ça, il y avait toute une partie, 50 ans de victimologie au Québec. Parce que, dès le début de l'école, il y avait des gens qui travaillent dans la victimologie, oui.

M. Duchesneau : Oui, j'étais là, d'ailleurs. Mais, sans le savoir — parce que je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps...

Le Président (M. Ferland) : 15 secondes environ.

M. Duchesneau : ...mais je veux vous remercier — vous venez de me donner beaucoup de notes pour faire ma conclusion de tantôt. Alors, votre témoignage a été fort intéressant, madame. Merci.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le député de Saint-Jérôme. Alors, maintenant, je reconnais la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Pour un temps, je pense… de quoi? Il reste sept minutes.

Mme L'Écuyer : Sept minutes? Bien, je vais me garder quelques minutes pour la fin.

Le Président (M. Ferland) : Oui, oui, pas de problème. Allez-y.

Mme L'Écuyer : Une dernière question. Ce matin, on recevait Mme Langevin, qui est un professeur d'université, et, dans son mémoire, elle parlait qu'on devrait moderniser la loi. Tout le monde l'a demandé, il faut revoir une loi que ça fait 40 ans qui n'a pas été touchée, mais qu'on rajoute des bouts ici et là, et il faudrait la revoir au complet. Et elle disait qu'il fallait tenter d'enlever — puis je vais le lire dans son mémoire — «les aspects problématiques qui sont incompatibles avec un modèle d'indemnisation du risque social que constitue la violence intrafamiliale». On parlait beaucoup de violence intrafamiliale, c'est ce qu'elle parlait dans son mémoire.

J'aimerais ça, vous entendre parler de, pour vous, c'est quoi, un modèle d'indemnisation du risque social de violence.

Mme Wemmers (Jo-Anne) : C'est une bonne question. C'est les mots de Louise, pas de moi, hein? Donc, «modèle d'indemnisation du risque social», je ne peux pas dire pour elle c'est quoi, ça, mais je pense, pour moi, il s'agit d'un programme qui met en avant la guérison rapide de la victime. C'est ça surtout.

Une des questions qu'on pose souvent est : Si le programme est là pour les victimes, pourquoi est-ce qu'on a exclu certaines victimes de violence? Pourquoi est-ce qu'on n'a pas inclus les proches pendant longtemps, hein? C'était une lutte pour les inclure. Donc, il faut mettre en avance le bien-être des victimes. Et ainsi, bien sûr, je comprends qu'il faut gérer les coûts, et tout ça, mais de le faire d'une façon qui est bien réfléchie, bien justifiée. Et le problème qu'on voit maintenant est que, même si on fait des modifications importantes maintenant, je n'ai pas l'impression que c'est bien réfléchi, que c'est plutôt une réaction suite à une situation. C'est comme mettre des Band-Aid un peu partout. À quelque moment, il faut refaire le modèle.

Mme L'Écuyer : Merci. Je ne voulais pas vous mettre dans l'embarras, mais je pense que votre réponse colle à cette réalité qui nous avait été expliquée. C'est, dans le fond, trouver l'ensemble des mesures qui vont aider le plus rapidement possible les gens qui ont été aux prises avec la violence conjugale. Merci, madame.

Le Président (M. Ferland) : Merci, Mme la députée. Maintenant, je passe la parole au ministre de la Justice. M. le ministre.

M. St-Arnaud : Oui. Bien, ça complète pour moi. Merci beaucoup, Mme Wemmers. Très intéressant, et on va aller fouiller le code du Manitoba parce que c'est sûr que... Puis Mme Renée Madore, qui m'accompagne, me disait qu'il y avait une réflexion au ministère de la Justice du Québec sur cette problématique des deux lois et avec… Des fois, on en vient à se mélanger parce qu'on se dit : Comment ça se fait — justement, hier, on avait cette réflexion-là — comment ça se fait qu'il y a de l'argent dans le fonds d'aide aux victimes d'actes criminels puis qu'on n'est pas capables de s'en servir pour indemniser des victimes d'actes criminels, alors qu'on dit souvent qu'il y a des dizaines de millions qui dorment dans ce fonds? Donc, il y a de l'argent, mais on ne peut l'utiliser pour indemniser. Par contre, on peut l'utiliser pour aider via différents organismes d'aide aux victimes d'actes criminels. Alors, on va aller certainement regarder ça. Je ne sais pas si ça sera... Parce que je ne sais pas si ça sera à l'intérieur de la discussion que nous ferons sur la suite à donner au projet de loi n° 22, mais, en tout cas, dans la réflexion d'ensemble qu'on aura à faire plus tôt que tard sur l'ensemble de l'aide et de l'indemnisation qui est apportée par l'État québécois aux victimes d'actes criminels, certainement qu'on va considérer avec beaucoup d'attention... En tout cas, on va aller voir ce que vous nous avez... Vous nous avez mis sur une bonne piste, je pense, pour la suite des choses à cet égard-là.

Alors, merci beaucoup encore une fois d'être venue et de nous avoir éclairés sur un certain nombre d'éléments. Merci beaucoup. À la prochaine.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci, M. le ministre. Alors, à mon tour, Mme Wemmers, de vous remercier pour votre contribution, collaboration, donc, du Centre international de criminologie comparée, de sa... de votre contribution, c'est-à-dire. Excusez.

Donc, nous allons suspendre les travaux quelques instants, le temps de faire les remerciements d'usage, et nous allons reprendre...

(Suspension de la séance à 15 h 48)

(Reprise à 15 h 50)

Mémoires déposés

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Nous allons reprendre nos travaux. Donc, avant de passer aux remarques finales, je dépose les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus, Mme la secrétaire.

Remarques finales

J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition officielle en matière de justice et député de Saint-Jérôme à formuler ses remarques finales pour un maximum de trois minutes, M. le député.

M. Jacques Duchesneau

M. Duchesneau : Aïe! vous venez de me prendre, oui — comment je dirais? — par surprise. Alors, je pourrais prendre mes trois minutes pour faire l'éloge du président de cette commission, qui a su mener de main de maître les délibérations, qui ont vraiment porté fruit. Non seulement je suis votre voisin en Chambre, mais je pense qu'on pourrait avoir des affinités ensemble. Monsieur...

Des voix : ...

M. Duchesneau : Professionnelles, professionnelles. Je reconnais son professionnalisme. Non, je veux remercier M. le ministre. J'ai aimé le survol historique que vous avez fait hier sur l'évolution de cette loi et je pense qu'il faut saluer votre courage de peut-être avoir dépoussiéré cette loi-là malgré les moments de déprime que peuvent vous apporter les délibérations qu'on a eues.

Je veux aussi remercier mes collègues, vraiment, qui ont réussi à élever le débat et, naturellement, tous les participants qui sont venus, qui nous ont apporté le fruit de leur réflexion. Et tout ça, je pense que c'est pour le mieux-être de tout le monde.

On a souvent dit que le sort des victimes, pour nous, c'est une priorité, et, personnellement, je pense que le sort des victimes, c'est une responsabilité gouvernementale non négociable. Maintenant, comment on s'occupe de nos victimes, c'est peut-être ce qui reste à voir. La protection, souvent, des personnes qui sont les plus vulnérables…. Surtout des personnes qui ont eu des traumatismes ont besoin d'aide, et cette aide aux victimes doit se faire dans le respect de la dignité humaine. Et je donne un exemple, c'est que quelqu'un blessé lors d'un accident de la route, le médecin qui le reçoit s'occupe de l'ensemble des blessures, et non pas seulement d'un type de blessure. Et souvent, dans les cas des victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale, c'est non seulement une blessure physique, mais souvent une blessure à l'âme, et ça, je ne suis pas sûr qu'on s'en occupe. Certaines victimes ont des parcours qui sont semés de solitude, d'improductivité, de doute. Il faut qu'on soit là pour rebâtir ces personnes-là, souvent une brique à la fois.

Et, pour ce faire, moi, je vous dis tout de suite, M. le ministre, que nous allons appuyer votre projet de loi tel qu'il est, avec sûrement quelques modifications, mais je ferai une recommandation dans mes remarques vraiment finales pour dire : Peut-être qu'il faut aller plus loin que l'exercice qu'on vient de faire là pour revoir une fois pour toutes en profondeur comment — surtout avec les propos que je viens d'entendre — on comptabilise ce 100 millions là. Est-ce qu'on en a pour 100 millions? Est-ce qu'on pourrait le... On a aussi parlé de revenus. Est-ce qu'on est capables d'aller chercher d'autres sources de revenus?

Moi, je pense que les témoignages qu'on a entendus aujourd'hui nous convient à devenir de plus en plus innovateurs face à un problème aussi important que celui-là. Et je pense que je suis près de mon trois minutes.

Le Président (M. Ferland) : Vous avez même dépassé. Vous voyez, j'ai encore une fois...

Des voix : ...

M. Duchesneau : Oui, voyez-vous, ça vaut...

Des voix : ...

M. Duchesneau : M. le Président, j'ai compris que ça valait la peine de flatter le président dès le début de nos remarques. Comme ça, ça aide, ça paie.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci, M. le député. Merci pour les affinités, mais ça va s'arrêter à cette étape-ci. Je ne crois pas que nous aurons une longue carrière au niveau des affinités, mais j'apprécie beaucoup votre contribution autour de cette table, M. le député.

M. Duchesneau : …je le pense.

Le Président (M. Ferland) : Alors, maintenant, j'invite la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'indemnisation des victimes d'actes criminels et députée de Pontiac à faire ses remarques finales. Et vous disposez d'un temps de six minutes, Mme la députée.

Mme Charlotte L'Écuyer

Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président. Je ferai mes remerciements au monde... Je veux surtout parler des gens que nous avons rencontrés. Je pense que ça a été une très belle commission. On se devait d'écouter des personnes. Je pense, le fait qu'ils ont pu venir nous dire comment ils vivaient ça nous a fait prendre conscience que ces gens-là ont été… et ont perdu à peu près de ce qui a de plus précieux, leur intimité, leur vie et ce qu'ils étaient avant. Aujourd'hui, on avait devant nous… hier et aujourd'hui, c'est des personnes qui ne sont pas ce qu'elles étaient. Je pense que, quand on a des personnes qui sont aux prises avec ce type de drame et ces horreurs... change fondamentalement qui elles sont, et j'avais l'impression hier aussi qu'il y en avait beaucoup qui avaient perdu un peu la foi dans l'humanité. C'est à nous, comme parlementaires, d'essayer de voir de quelle façon on peut répondre au maximum et leur donner des outils, dans le fond, pour être capables de continuer dans cette vie, qui peut être très difficile pour ces personnes-là.

J'ai beaucoup aimé aussi les gens qui sont venus avec des mémoires, qui, même s'ils se sentaient brisés, avaient aussi de la combativité de dire : On pourrait faire peut-être telle chose, il y a ça qu'il faut améliorer. Ça, ce n'est pas assez rapide. Et ça, pour moi, c'est un signe qu'ils veulent continuer à aller de l'avant, même si c'est très, très difficile.

Je pense qu'aujourd'hui — et surtout avec la dernière intervenante — on a eu des pistes de réflexion intéressantes. D'abord, il faut dire à M. le ministre que tout le monde a parlé d'une réforme en profondeur du projet de loi. Nous serons disponibles pour un grand chantier si tel est votre voeu. Je pense que ça mérite qu'on regarde ce qui se passe. C'est sûr qu'on rêve tous de la journée où il n'y en aura plus, de ce type de violence là, mais je pense qu'avant qu'on arrive à ça ça va peut-être aller en augmentant. Du fait qu'on en parle beaucoup plus, les médias sociaux ont un rôle très évident et important dans la dénonciation. Puis on s'en aperçoit, il y a... un parle, parle à l'autre, et ça fait boule de neige. Ça fait que je pense qu'on a à regarder où, dans cinq ans, on veut être avec ce type de projet de loi et ce type d'intervention.

Et je suis d'accord avec mon collègue quand il dit : Il y a 100 millions, comment l'utilisons-nous? Est-ce que c'est de la meilleure façon? Est-ce que le fait d'avoir deux directions n'a pas un coût insoupçonné? Est-ce que ces argents-là seraient mieux placés qu'on les prenne autrement? Quel rôle joue notre service de santé en termes de support à ce programme-là? Je pense aux CLSC avec leurs psychologues, et ces choses-là. Est-ce que l'IVAC doit toujours payer dès qu'elle demande un service? Ce n'est pas l'IVAC qui demande le service, c'est la personne. Si la personne n'est pas dans l'IVAC, elle ne paiera pas. Pourquoi l'IVAC aurait des coûts à payer? Je pense que c'est des questions... Je ne sais pas si on l'a fait, mais je pense qu'il faut poser toutes les questions qu'on a à se poser.

Le 15 % d'administration, si j'ai compris, c'est quand on achète des services ailleurs qu'on paie 15 %. C'est ça. Pourquoi on paie 15...

Une voix : ...

Mme L'Écuyer : Bien, pourquoi on paie 15 % si on va acheter des services en santé? Les services ne sont pas donnés à l'IVAC, ils sont donnés à la personne. Si la personne n'est pas dans une situation d'IVAC, on ne le paie pas, le 15 %. Ça fait que je pense que c'est des questions qu'on va devoir se poser.

Il y a une étape de franchie, on va faire ce projet de loi là. Et il y a peut-être quelques suggestions qu'on va vous faire, mais on va appuyer le projet de loi. Moi, pour moi, c'est important. C'est un projet de loi qui s'adresse à des personnes qui sont venues nous dire que c'est important qu'on fasse ce que vous nous avez proposé.

Et, en terminant, je veux d'abord vous remercier, M. le Président, ça a été plus qu'agréable. Nous avons siégé pendant les 10 dernières années en commission des heures, et des heures, et des heures. Nous en avons eu des agréables, d'autres peut-être un peu plus difficiles.

Le Président (M. Ferland) : On est comme un vieux couple...

Mme L'Écuyer : On en a vu de toutes les couleurs.

Une voix : …déclaration d'amour.

Mme L'Écuyer : Oui.

Le Président (M. Ferland) : Non, mais c'est un constat. Après tant d'années, on...

Des voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Après 10 ans, on réalise qu'on est un couple, on ne le savait même pas.

Mme L'Écuyer : Bien oui, puis on ne le savait même pas.

M. le ministre, je vous remercie, l'ensemble des collègues. Les deux collègues qui sont venus m'appuyer, je vous remercie beaucoup d'être là, Émilie, qui courait, courait parce qu'on avait besoin de telle chose et telle chose, l'ensemble des membres de soutien de la commission et l'équipe de techniciens qui sont toujours très fidèles au poste. J'espère que, s'il y a des bouts qui ne devraient pas être... vous allez les couper. Merci. Mais je pense qu'on a été, même en ayant... ce qui démontre qu'on peut avoir du plaisir même dans une commission qui était aussi difficile que celle-là. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Merci, Mme la députée. Vous avez tout à fait raison, souvent, que, pour les gens qui nous écoutent, là, on n'est pas toujours à couteaux tirés ou à... Il y a des projets de loi, des sujets qui sont un petit peu plus sensibles que d'autres, donc on constate la...

Une voix : L'amour.

Le Président (M. Ferland) : Je n'irais pas jusque-là. Et, sur ce, je vais passer la parole...

Une voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Sur ce, je vais inviter le ministre de la Justice à faire ses remarques préliminaires avec un temps de six minutes, M. le ministre.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud : Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Et vous pouvez faire des déclarations aussi si vous voulez, mais...

• (16 heures) •

M. St-Arnaud : Ah! bien... Non, mais je viens d'en recevoir une de la part du député de Beauharnois, M. le Président.

Des voix :

M. St-Arnaud : M. le Président, avant que je rougisse trop, merci, M. le Président, merci de votre travail. En fait, vous êtes tellement bon, M. le Président, qu'on vous signe pour les huit prochains projets de loi que j'ai l'intention de déposer dans la prochaine année. On en a deux de passés en partie.

Le Président (M. Ferland) : Ça a bien été, les deux, là.

M. St-Arnaud : Ça a très bien été. Alors, effectivement, ça complète nos consultations particulières. Et je veux saluer d'abord la porte-parole de l'opposition officielle, qu'on connaît bien, effectivement, que je connais bien depuis cinq ans, qui est une personne très humaine et très sensible aux réalités de ses semblables. Et je la salue, je la salue pour ses interventions très, très senties, mon collègue et ami, le député de Fabre, le député de Marguerite-Bourgeoys, le député de Saint-Jérôme. Et, de ce côté-ci, je salue le député de Sanguinet, le député de Beauharnois et notre collègue qui a dû s'absenter cet après-midi, le député de Sherbrooke.

On va se donner quelques jours pour digérer tout ça, tout comme on l'a fait avec le projet de loi n° 17. Je pense qu'effectivement il y a des pistes de réflexion, en tout cas, moi, qui m'ont enrichi et qui, je pense, ont enrichi toutes les personnes qui étaient présentes à cette commission, alors des pistes qui nous ont été apportées par toutes les personnes, les groupes qui ont témoigné. Et je crois comprendre qu'on a aussi des documents. En fait, le Barreau du Québec, si je comprends bien. La Protectrice du citoyen nous a aussi transmis des pistes de réflexion intéressantes pour la suite des choses. Alors, je propose qu'on se donne quelques jours. Ça tombe bien, on a une semaine, la semaine prochaine, pour regarder ça et peut-être faire l'adoption du principe en revenant mardi le 9 avril si les gens de l'opposition sont disponibles et, ensuite, de voir comment on oriente la suite des choses.

Évidemment, je l'ai dit et dès le départ, le projet de loi n° 22 visait, avant tout, à combler des lacunes qui nous apparaissaient urgentes à combler rapidement. Mais c'est clair, à la lumière des témoignages qu'on a entendus depuis deux jours, que cette réforme-là, elle est... il va falloir la faire. Je le disais dès le départ, mais j'en suis encore plus convaincu. Je ne sais pas où on va l'inscrire dans notre agenda de la prochaine année, mais c'est clair que, pour reprendre un peu ce que disait le député de Saint-Jérôme et ce que disait la députée de Pontiac, comment on peut faire pour aider davantage et mieux soutenir nos victimes d'actes criminels et, surtout, comment peut-on faire… On met de l'argent là-dedans, on met déjà 100 millions en indemnisation, 20 millions en aide. Est-ce qu'on en a pour notre argent? Est-ce qu'il y aurait une façon de revoir tout ça? La piste qui nous a été proposée cet après-midi, là, de voir ce qui s'est fait au Manitoba, où ils ont dit, ils ont mis... il y a une réflexion à faire.

Maintenant, qu'est-ce qu'on va faire avec le projet… Là, la première étape, c'est le projet de loi n° 22. Il y a certaines choses, certaines lacunes, je pense, qu'on doit combler, et je pense qu'à peu près tout le monde a convenu qu'il fallait les combler. Puis, sauf peut-être pour le délai d'un an à deux ans, je pense que tout le monde était d'accord avec les autres mesures. Sur le délai, je pense qu'on peut avoir des réflexions. Il y a eu des choses intéressantes. Ce matin, Me Langevin nous est arrivée avec... Il y a peut-être des choses qu'on peut regarder qui ne coûteraient pas nécessairement de sous. Ou, en tout cas, il faudra l'évaluer, là, dans la façon dont on se préoccupe tout particulièrement des victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale.

Alors, M. le Président, laissons-nous quelques jours pour méditer tout ça, pour mûrir et regarder avec attention, là, certaines des propositions. Moi, je l'ai dit hier, moi, je suis ouvert à ce qu'on... si on peut faire un certain nombre de modifications dans le projet de loi n° 22. Mais c'est sûr qu'on ne pourra pas faire la grande réforme tout de suite, là, mais on peut peut-être se donner un échéancier, voir comment… Parce que je pense qu'il va falloir la faire. Honnêtement, il va falloir la faire. Peut-être...

Tantôt, Mme Renée Madore, qui m'accompagne et que je salue avec toute l'équipe, tous les gens du ministère qui étaient présents durant nos consultations, me disait que cette réflexion-là, là, de réunir, d'intégrer l'aide aux victimes d'actes criminels et l'indemnisation, c'est une réflexion qui est déjà amorcée au ministère, alors, depuis un certain temps. Peut-être que Mme Simard est au courant, que je salue, qui a oeuvré au ministère pendant un certain temps avec mon prédécesseur. Alors, qu'on réfléchisse à tout ça au cours des prochains jours, des prochaines semaines. Et je voudrais saluer également mon attaché politique, Marc-André Ross, qui m'a accompagné durant ces travaux. Alors, merci à tous.

Je pense qu'on sort tous enrichis, et là il va falloir se demander ce qu'on fait pour la suite des choses, encommençant par le ministre, qui, tout comme dans le projet de loi n° 17, repart avec beaucoup de points d'interrogation sur la suite des choses. Mais je pense qu'on va finir tous ensemble… Parce qu'il y a vraiment une qualité à cette commission assez remarquable de parlementaires avec beaucoup d'expérience dans différents domaines, et je pense qu'on est capables d'aboutir, tout comme pour le projet de loi n° 17, à un excellent projet de loi n° 22, une excellente loi, une excellente loi n° 17, et éventuellement en se donnant une perspective pour la suite des choses et peut-être en traçant certaines pistes pour la suite des choses, pour cette réforme qu'il faudra faire et que je ne demande pas mieux à faire si on peut trouver le temps de la faire au cours des prochains mois. Alors, M. le Président, c'est toujours un plaisir. À très bientôt. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : C'est moi qui vous remercie. Alors, je vais, moi aussi, à mon tour, vous remercier parce que ça a été un plaisir de présider cette commission-là pour le projet de loi n° 22. C'est un sujet, bien entendu, très sensible, on l'a vu par les groupes qui sont venus présenter des mémoires, les individus. Je les remercie, bien sûr. Je les remercie et, encore, je le répète un peu publiquement parce que c'est pour l'enregistrement, les gens aussi qui nous écoutent. Parce qu'on ne porte pas toujours une attention, hein, il y a beaucoup de gens qui... Pas parce que, quand c'est moi qui préside, que les cotes d'écoute sont plus élevées, mais c'est... il reste, il y a quand même un impact là-dessus. Mais je voulais quand même vous remercier. Ça a été agréable, vous avez facilité ma tâche. Parce que, quand il y a une collaboration… Ce n'est pas toujours le cas, bien entendu, de tous les projets de loi, on le sait, mais souvent, souvent, et ça fait une belle démonstration aussi pour les gens qui nous écoutent, pour ceux qui nous permettent de siéger, d'être ici en leur nom, à l'Assemblée nationale, c'est un privilège, donc ils peuvent quand même réaliser que, souvent, souvent, on est capables de travailler dans l'harmonie et de faire avancer les choses pour l'ensemble des citoyens.

Alors, moi, en terminant, je veux remercier, bien entendu, tout le personnel du Secrétariat de la commission qui nous supporte tout au long des... ceux qui nous servent si bien quand on demande soit un café, ou un thé, ou autre chose. Alors, je vous remercie beaucoup. Et, tout le personnel, bien entendu, de vos cabinets respectifs et les fonctionnaires du ministère, merci beaucoup.

Sur ce, ayant accompli notre mandat — parce que c'est ensemble — j'ajourne les travaux sine die. Et bonne fin de journée à tous. Merci.

(Fin de la séance à 16 h 7)

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