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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le lundi 19 novembre 2012 - Vol. 43 N° 2

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi modifiant la Loi électorale afin de limiter les contributions à 100 $ par électeur et de réviser le financement public des partis politiques


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures six minutes)

Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques pour le projet de loi n° 2, Loi modifiant la Loi électorale afin de limiter les contributions à 100 $ par électeur et de réviser le financement public des partis politiques.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président: Mme Proulx (Sainte-Rose) remplace M. Therrien (Sanguinet); M. Ferland (Ungava) remplace M. Bureau-Blouin; M. Dutil (Beauce-Sud) remplace Mme St-Pierre (Acadie); et M. Deltell (Chauveau) remplace M. Duchesneau (Saint-Jérôme).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Marsan): Alors, tout est conforme. Je vous remercie. Cet après-midi, nous allons débuter par les remarques préliminaires puis nous recevrons le Mouvement pour une démocratie nouvelle et M. Pierre-Luc Turgeon.

Sans plus tarder, je vous invite, M. le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, à faire vos remarques préliminaires. Vous disposez de cinq minutes. Vous avez la parole.

M. Bernard Drainville

M. Drainville: Merci, M. le Président. Alors, je vous salue. Je salue l'équipe qui vous accompagne. Je salue, bien entendu, les collègues qui vont nous accompagner pendant ces consultations. Je vous présente, à ma gauche, M. Gilbert Charland, qui est le sous-ministre au secrétariat aux Institutions démocratiques et à la Participation citoyenne, et, à ma droite, M. Mathieu Renaud St-Amand, qui est conseiller politique à mon cabinet.

Alors, chers collègues, je suis extrêmement heureux à l'idée de commencer ces consultations particulières sur le projet de loi n° 2. Je tiens tout d'abord à remercier d'avance tous ceux et celles qui vont participer à ces consultations. Nous allons être très attentifs à leurs points de vue, très réceptifs aussi.

Le projet de loi n° 2, je vous le rappelle, vise à abaisser de 1 000 $ à 100 $ la limite des dons aux partis politiques. Nous éliminons le crédit d'impôt lié aux contributions des particuliers pour redonner l'argent ainsi économisé aux partis politiques, en fonction des résultats qu'ils auront obtenus lors du scrutin.

Le principe qui sous-tend... l'exercice qui sous-tend le projet de loi, c'est de dire: L'adhésion populaire, l'appui populaire à un parti politique va déterminer sa source de financement ou le niveau de son financement. Ce ne sera pas l'adhésion des amis, ça ne sera pas non plus les prête-noms ou les groupes d'intérêts qui vont déterminer le niveau de financement aux partis politiques, ce sera l'appui obtenu auprès de la population québécoise.

Nous proposons de mettre en place un système de financement qui va nous permettre de contrecarrer l'influence des grands lobbys, un système de financement qui rend quasi impossible la mise sur pied d'un système de prête-noms, un système de financement politique essentiellement public, résolument populaire puisque ce ne sera plus les personnes les plus aisées financièrement qui pourront verser la contribution maximale.

C'est clairement un pas en avant, je le crois, et, bien entendu, j'espère que nous allons pouvoir compter sur l'appui des différents partis politiques présents autour de cette table.

**(14 h 10)**

Nous allons additionner un autre 100 $ au moment des élections, 100 $, donc, par électeur, qui s'ajoutera au 100 $ usuel, l'idée étant bien entendu de renforcer la dimension financement populaire pour qu'elle puisse rencontrer les besoins qui sont les nôtres en campagne électorale. Donc, un deuxième 100 $ qui s'ajoute. Lors des élections partielles, seuls les électeurs de la circonscription de l'élection seront touchés par cette augmentation, donc ce deuxième 100 $.

Ce plafonnement à 100 $ de la limite annuelle des contributions qu'un électeur peut verser à un parti rendra très difficile, presque impossible, la mise sur pied d'un système de prête-noms efficace. Par ailleurs, la mesure fera en sorte de mettre les partis politiques à l'abri de l'influence indue des grands collecteurs de fonds qui, à force de collecter des 1 000 $, et des 1 000 $, et des 1 000 $, finissent par se retrouver avec de fortes sommes d'argent qui leur donnent droit à des retours d'ascenseur, qui leur donnent droit, dans leur esprit bien entendu, à des retours d'ascenseur, à des contrats, à des permis, à des nominations, etc.

Il me reste combien de temps, Mme la secrétaire?

Le Président (M. Marsan): Il vous reste deux minutes... un petit peu moins que deux minutes.

M. Drainville: Très bien. Nous allons maintenir les dons individuels parce que nous jugeons important que le citoyen puisse encore contribuer à un parti politique selon ses convictions, selon les idées du parti, selon le programme du parti. Comme je l'ai dit tout à l'heure, donc, l'allocation publique va augmenter de 0,85 $ à 1,67 $, et cette nouvelle allocation sera indexée annuellement comme c'est déjà prévu par la loi. Le projet de loi spécifie également que l'allocation en question sera versée mensuellement ou selon la fréquence qui est déterminée avec chaque parti autorisé.

Avec le projet de loi n° 2, notre gouvernement propose l'adoption d'un système de financement des partis parmi les plus rigoureux au monde, ce n'est pas rien. C'est un système de financement essentiellement public, profondément démocratique, qui s'inscrit dans notre volonté de lutter contre la corruption et limiter l'influence de l'argent sur la classe politique. C'est le grand mérite de ce projet de loi qui a déjà reçu l'appui de principe des différentes formations présentes à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Marsan): En terminant.

M. Drainville: En terminant, je pense que nous avons un devoir, comme classe politique, de donner l'exemple, de montrer que nous sommes sérieux lorsque nous disons que nous voulons lutter contre la corruption. Nous avons le devoir de montrer l'exemple lorsque nous disons que nous voulons ramener de l'intégrité au sein du système politique et en particulier au sein du système de financement des partis politiques. Alors, M. le Président, j'ai bien hâte d'entendre mes collègues et j'ai bien hâte de travailler avec eux pour que nous puissions adopter ce projet de loi avant Noël. Merci.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'institutions démocratiques à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de cinq minutes.

M. Robert Dutil

M. Dutil: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, vous me permettrez de rappeler qu'on a passé des projets de loi, il y a deux ans et demi, à l'unanimité, cinq projets de loi, et, de ces cinq projets de loi là, il y avait celui, entre autres, de la diminution du montant maximal de 3 000 $ à 1 000 $, le 3 000 $ étant le montant qui avait été initialement institué en 1977 par René Lévesque. Je rappelle également, après un petit travail de recherche très simple à faire, que ce 3 000 $ aujourd'hui équivaut à peu près à 10 000 $. Donc, on est descendus d'un équivalent de 10 000 $ en 1977 à 1 000 $, donc à 10 %. Un deuxième projet de loi a été adopté, également à l'unanimité, qui était celui des prête-noms. Et je n'ai pas eu écho que, depuis que ce projet de loi là a été adopté, il y ait eu des manoeuvres quelconques dans ce sens-là, et je serais curieux d'entendre les divers intervenants, entre autres... et le Directeur général des élections sera ici pour nous en parler.

Aujourd'hui, on entreprend des consultations et nous, on l'entreprend avec l'esprit ouvert. On ne dit pas que les propositions du ministre sont inadéquates, on dit qu'il est intéressant de voir les divers points de vue que nous obtiendrons de l'ensemble des groupes qui se présentent ici. Et d'ailleurs, dans le premier groupe, on voit tout de suite que, pour les petits partis politiques, on est très inquiets de cette formule-là sur leur capacité de recueillir des fonds pour pouvoir partir leur mouvement. Et également, sur la liberté d'expression, on verra d'autres organismes qui viendront.

Donc, nous, de notre point de vue, l'idéal, ce serait d'arriver à la fin de cette commission parlementaire là avec l'unanimité des partis comme nous l'avions obtenue en 2010. Le 1 000 $ n'est pas sorti d'un chapeau, n'est pas sorti d'une nuit de réflexion d'un seul individu, il est venu d'une recommandation du Directeur général des élections à l'effet que 1 000 $ semblerait un chiffre adéquat. Alors, à ce moment-là, nous avons accepté de réduire le montant, qui était de 3 000 $, à 1 000 $. Et je tiens à rappeler que la position du Parti québécois, qui était dans l'opposition à ce moment-là, était de 500 $, la position officielle du Parti québécois, parce qu'il y avait la position officieuse du député de Marie-Victorin, qui était à 100 $. Donc, le Parti québécois a fait le même chemin, c'est-à-dire qu'ils ont dit: Bon, puisque le Directeur général des élections, après réflexion et après avoir regardé l'ensemble de l'oeuvre, et comme arbitre objectif de nos débats, nous recommande cela, on va aller à cela, et finalement on est donc arrivés à une situation d'unanimité, comme, à mon avis, il se doit dans le cadre de changements aux institutions démocratiques.

Alors, je veux juste vous mentionner en terminant, M. le Président, que nous ferons tous les efforts de réflexion, d'imagination et de travail qu'il faut en profondeur pour en arriver à cette nécessaire, à mon sens, cette nécessaire unanimité, pour s'assurer que, quand on fait des modifications aux institutions démocratiques, on le fait ensemble, parce que c'est très important de refléter au niveau de la population qu'il n'y a pas eu de division sur des aspects aussi importants. Merci.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Nous poursuivons, et j'invite maintenant le porte-parole de la deuxième opposition en matière d'institutions démocratiques à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de deux minutes.

M. Gérard Deltell

M. Deltell: Merci, M. le Président. Mes salutations à vous, aux députés et à l'équipe des gens qui sont ici. Alors, nous saluons l'initiative du gouvernement de faire du financement des partis politiques une priorité, non sans rappeler que la grande loi de 1977 portait le numéro du projet de loi n° 2, ce qui est exactement le cas aujourd'hui.

Nous sommes d'accord avec le principe du plafond des contributions à 100 $, tel qu'évoqué dans le projet de loi, mais, nous, notre chemin est différent. C'est que plutôt que de faire un 100 $ sec, nous faisons un 100 $ qui serait multiplié par trois par l'aide gouvernementale, comme il se fait actuellement avec les rapports d'impôt, sauf que le parti politique pourrait avoir les sous immédiatement et ils seraient donc multipliés par trois par l'État. Et ça permettrait aussi aux partis émergents d'avoir une facilité de financement plus élevé que ce que propose le projet de loi actuel. Nous sommes d'accord aussi avec le fait de baisser le plafond, parce que ça réduit à strict rien ou strict minimum l'influence que peuvent avoir les financiers des partis politiques.

Par contre, M. le Président, nous souhaitons inclure dans ce projet de loi un plafond des dépenses électorales. Actuellement, le plafond est à 11,5 millions de dollars. Nous estimons que c'est beaucoup trop. Notre projet de loi n° 190 propose un plafond à 4 millions, et c'est avec plaisir et bonheur que nous avons appris la semaine dernière que l'opposition officielle, elle également, est d'accord sur le principe de réduire substantiellement le plafond des dépenses électorales à 7,5 millions de dollars. Nous ne sommes pas d'accord sur le chiffre, mais nous reconnaissons l'extraordinaire avancée faite par l'opposition officielle.

Et je vous dis que c'est tout simple à faire: un seul article, trois phrases, tel qu'inscrit par le projet de loi n° 190. Nous pouvons le faire. Et, si jamais on ne le fait pas, nous ouvrons la porte et nous souhaitons que l'on puisse déborder dans le calendrier parlementaire actuel pour prendre le temps de le faire, quitte à prolonger la session d'une semaine pour que ce soit adopté dans ce projet de loi.

Auditions

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. le député. Je voudrais, avant de vous céder la parole, simplement vous informer que nous aurons une dizaine de minutes pour la présentation par nos invités, et ensuite, le temps sera réparti comme suit: 22 minutes pour le groupe formant le gouvernement, 28 minutes pour l'ensemble des oppositions, et, si la situation demeure ce qu'elle est actuellement, il y aura donc 22 min 30 s pour la partie de l'opposition officielle et 5 min 30 s pour le deuxième groupe d'opposition.

Alors, sans plus tarder, nous allons immédiatement débuter. Nous recevons le Mouvement pour une démocratie nouvelle, et je vais céder la parole à Mme Mercédez Roberge qui en est la porte-parole. Je vais vous demander de nous présenter la personne qui vous accompagne et de nous faire cette présentation pour une durée d'environ 10 minutes. La parole est à vous.

Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN)

Mme Roberge (Mercédez): Oui. Merci beaucoup de nous recevoir. Alors, je vous présente mon collègue Jean-Sébastien Dufresne, qui est membre du conseil d'administration et qui va débuter la présentation.

M. Dufresne (Jean-Sébastien): Alors, M. le Président...

Le Président (M. Marsan): Alors, c'est M. Dufresne. C'est ça?

M. Dufresne (Jean-Sébastien): Oui, merci.

Le Président (M. Marsan): Ça nous fait plaisir. Allez-y.

**(14 h 20)**

M. Dufresne (Jean-Sébastien): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les élus, il nous fait grand plaisir d'être ici, aujourd'hui, avec vous pour avoir l'opportunité de commenter ce projet de loi n° 2. Donc, effectivement, je suis Jean-Sébastien Dufresne, membre du conseil d'administration et vice-président du Mouvement pour une démocratie nouvelle. Ma collègue Mercédez Roberge, qui a été présidente pendant de nombreuses années et qui est conseillère spéciale maintenant du MDN.

Notre présentation d'aujourd'hui, elle va porter essentiellement sur trois points, le premier étant les impacts du mode de scrutin actuel spécifiquement sur le financement public des partis politiques. Nous allons parler également de la mesure visant à réduire le plafond de contribution annuelle des individus et nous allons parler également des mesures pouvant viser une égalité, donc les mesures financières pouvant viser à une égalité hommes-femmes dans la représentation, et aussi à une plus juste représentation des communautés ethnoculturelles.

En commençant, pour le premier point, nous savons tous que le mode de scrutin actuellement en vigueur, donc le mode uninominal majoritaire à un tour, implique des résultats qui démontrent des distorsions, nous le savons, entre les résultats en termes de sièges, de représentation à l'Assemblée nationale et de représentation en termes de vote populaire. Ça s'est toujours passé dans les différentes élections par le passé, ça va se reproduire si on maintient le mode de scrutin actuellement en vigueur et ce que ça a comme effet, bien, c'est en fait que la population, et plusieurs le savent et en sont conscients, se trouve à appliquer ce qu'on appelle le vote utile, le vote stratégique, donc, plutôt que de voter par conviction, vont souvent voter par dépit.

Donc, au lieu de voter pour le parti de notre choix, souvent, certains vont voter soit pour la continuité, en votant pour le parti du gouvernement au pouvoir, ou vont voter pour le changement, donc pour le parti qui a le plus de chances de remporter les élections dans la circonscription où l'on vote. Ça, c'est une pratique qui est très répandue, c'est une pratique même qui est encouragée par plusieurs partis politiques. On a vu, lors des récentes élections, certains partis qui appelaient à ce vote stratégique directement, qui pouvaient dire aux citoyens: Bien, écoutez, dans telle et telle circonscription, il faut voter pour nous, nous avons les meilleures chances de pouvoir défaire le gouvernement en place. Alors, ce vote stratégique, qu'on ne peut ignorer, on le sait, c'est présent, nécessairement a un impact sur les résultats.

Alors, où je veux en venir avec le lien avec le financement public, c'est que, si on lie le financement public aux résultats donc du vote, si on considère que le résultat du vote implique donc davantage un vote pour ou contre le changement plutôt qu'un vote pour réellement signifier notre appui pour un parti politique ou un autre, nécessairement, ça vient affecter le financement des partis, ça vient défavoriser assurément certains partis ou en favoriser d'autres. Alors, c'est une situation qui est présente, que nous connaissons, et pour nous, bien entendu, au MDN, comme pour plusieurs groupes qui décrient le mode de scrutin actuel, et depuis plusieurs années, bien sûr, une solution serait de revoir ce mode de scrutin, de pouvoir amener à un vote, comme plusieurs le demandent, un vote qui comporte des composantes de proportionnelle. Ça fait plusieurs années que bien des groupes en discutent, en parlent.

Bien sûr, tout le monde ici est au courant, mais, pour le bien des citoyens qui nous écoutent, simplement un bref rappel: il y a eu de multiples commissions, de multiples consultations, il y a eu des mémoires de rendus, il y a eu des états généraux, il y a eu des rapports notamment du Directeur général des élections, et tous allaient dans le sens de promouvoir un mode de scrutin qui a des composantes de proportionnelle, et plusieurs aussi allaient dans le sens d'un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire, ce qui est le modèle dont le MDN fait la promotion, et qui est le fruit donc de multiples consultations, et qui vraiment se dégage d'un consensus, vraiment, qu'on voit dans la population. Alors, c'est vraiment ce qu'on croit qui peut amener une solution, si on veut, à moyen terme, à ce problème du financement public.

Maintenant, sur le point plus spécifique de la limite des contributions -- on parlait tout à l'heure... certains intervenants ont mentionné, là, cette diminution de la limite de contribution annuelle -- effectivement, elle a passé, hein, de 3 000 $ à 1 000 $, donc une diminution des deux tiers. On parle ici d'une diminution additionnelle de 90 % par rapport à ce qu'elle était, de 1 000 $ à 100 $, et, d'après nous, effectivement, cette diminution-là peut avoir un effet sur plusieurs partis qui déjà sont défavorisés par rapport au financement public de par le fait qu'il y a beaucoup de votes qui vont vers d'autres partis, comme je l'expliquais précédemment, qui ne vont pas vers eux, et qui, donc, eux, peuvent se rattraper sur ce financement individuel là. Là, on se trouve à venir encore une fois diminuer leur capacité à se financer, et ça vient d'une certaine façon limiter le pluralisme politique. Bien entendu, nous savons tous que ce n'est pas la volonté derrière ce projet de loi là. Nous saluons, bien sûr, la volonté du projet de loi. Nous croyons que ce n'est pas parfait, qu'il y a des améliorations qui peuvent être apportées, mais déjà on croit qu'on... nous, on salue, là, bien sûr, l'intention derrière ça.

Donc, la diminution, d'après nous, devrait ou pourrait être plus graduelle. Donc, plutôt que de diminuer de 90 %, d'avoir peut-être une diminution mitoyenne ou entre les deux, parce qu'on comprend la volonté, bien sûr, c'est d'éviter les abus, comme on l'a précédemment dit. Et aussi, toujours en lien avec ça, la question du crédit d'impôt, parce qu'on parle de limitation de certains partis qui pourraient, bon, être contraints dans leur financement. Si on vient éliminer ce crédit d'impôt là, bien, ça vient d'autant plus limiter la capacité de citoyens à revenus modestes de pouvoir contribuer, qui, peut-être, de par cette limitation-là additionnelle, vont peut-être ne pas contribuer. Et ça, ça peut venir affecter certains partis politiques qui en auraient grandement besoin, de par le fait que leur financement public est limité.

Pour ce qui est du troisième point, sur les mesures pouvant viser à la représentation égalitaire hommes-femmes et une plus juste représentation des communautés ethnoculturelles, je passerais la parole à ma collègue Mercédez.

Le Président (M. Marsan): Madame.

Mme Roberge (Mercédez): Oui, alors, c'est bien, parce qu'on croit à la complémentarité du financement individuel et du financement public, que, lorsqu'on examine les règles de financement, les règles du financement public, on voit les règles de financement public comme des leviers pour améliorer la représentation. Déjà, il y a des règles à suivre par les partis politiques pour recevoir les allocations, alors, comme contribuables, on se sent légitimés de demander non seulement de suivre les règles minimales de gestion, des règles normales de gestion, mais également d'atteindre des résultats avec ces deniers publics là et d'atteindre des résultats au niveau des valeurs bien reconnues au sein de la société québécoise: l'égalité entre les hommes et les femmes, et la représentation... en fait la place que devrait occuper de manière tout à fait normale la diversité ethnoculturelle.

On doit prendre en compte, lorsqu'on examine la situation et qu'est-ce qui peut être fait pour l'améliorer, que les chances ne sont pas égales. Faire campagne lorsqu'on fait partie d'un groupe comme la diversité ethnoculturelle, où le taux de chômage est beaucoup plus élevé que dans la population en général, et même après plusieurs années de résidence, faire campagne lorsqu'on est une femme et que le salaire moyen... statistiquement parlant, les femmes sont plus pauvres que les hommes, des différences de taux de 12 % entre le revenu, ça a des conséquences dans la vie de tous les jours, mais ça a aussi des conséquences dans les intentions, les désirs de servir la communauté en se présentant à titre de députée.

Alors, les facteurs socioéconomiques ne sont... les chances ne sont pas égales, entre autres à cause des conditions différentes, socioéconomiques. La population change, la diversité ethnoculturelle est là pour rester et pour s'accroître. Comme société, c'est normal qu'on agisse pour que toute la population se sente représentée lorsqu'elle regarde la composition de l'Assemblée nationale.

Et ce que l'on vous propose ici ne vient pas d'une réflexion récente, ça fait des années qu'on en parle. Lors de la Commission spéciale sur la Loi électorale, l'avant-projet de loi présentait des mesures. Elles ont été critiquées pour être bonifiées, et les enseignements qu'on a pris de cette commission-là nous servent aujourd'hui à la présentation qu'on vous fait d'aider... Pour atteindre l'égalité des femmes dans la représentation et la diversité ethnoculturelle, on considère qu'il faut non seulement inscrire dans la Loi électorale des règles, des objectifs, mais que le financement doit aussi servir par exemple à faciliter la participation, faciliter par exemple au niveau du remboursement des dépenses électorales.

Le Président (M. Marsan): C'est terminé. Je vous remercie. C'est le temps que vous aviez à votre disposition pour faire la présentation.

Nous allons immédiatement débuter la période d'échange. Et je vais céder la parole au ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne pour une période maximale de 20 minutes. M. le ministre.

**(14 h 30)**

M. Drainville: Merci, M. le président. Alors, merci, Mme Roberge. Merci, M. Dufresne. Alors, j'ai pris bonne note de vos observations. Je ne crois pas vous avoir entendus sur la question des prête-noms, qui est quand même un des objectifs importants du projet de loi. Est-ce que vous jugez, vous, qu'il faut s'attaquer au système des prête-noms? Est-ce que, selon vous, ça doit être une priorité, dans le contexte actuel des choses?

M. Dufresne (Jean-Sébastien): Oui. Effectivement, vous l'avez souligné, il y a des abus et qu'il faut effectivement trouver des solutions à ces abus. En même temps, on trouve important que la solution qu'on veut apporter n'implique pas davantage de problèmes et de complications notamment en limitant le pluralisme politique. On sait que ce n'est pas du tout l'esprit du projet de loi, mais nous, c'est vraiment notre grande préoccupation, au Mouvement pour une démocratie nouvelle, qui est vraiment que les chances soient faites à l'ensemble des partis politiques qui reflètent et qui témoignent de plusieurs courants de pensée qui sont présents dans la société québécoise, d'avoir les chances de pouvoir les faire valoir et de les faire connaître. Et c'est, entre autres, pour ça qu'on trouve... Oui, il faut trouver des solutions à ces abus-là, il y a des pistes de solution.

Maintenant, est-ce qu'on peut trouver une façon de faire en sorte de ne pas trop limiter, hein? Déjà, on parlait qu'il y a eu déjà diminution, on veut diminuer à nouveau le plafond des contributions. Maintenant, on trouve, est-ce qu'il y a moyen de pouvoir y aller de façon plus graduelle, bien sûr, en vue -- et nous, c'est notre souhait -- qu'on en vienne éventuellement avec un mode de scrutin qui va permettre d'avoir un financement public qui va réellement se baser sur l'appui populaire de la population aux divers partis politiques pour vraiment refléter le pluralisme politique?

M. Drainville: Une de vos préoccupations, vous l'avez évoqué, c'est la capacité des gens aux revenus modestes de pouvoir donner. Je dois vous dire que c'est une préoccupation que nous partageons. Et l'une des raisons pour lesquelles nous proposons d'abaisser de 1 000 $ à 100 $ le plafond, c'est qu'on pense justement qu'il y a pas mal plus d'électeurs, de citoyens québécois qui ont les moyens de donner 100 $ que d'électeurs et de citoyens québécois qui ont les moyens de donner 1 000 $. Nous, on pense que 1 000 $, ça favorise essentiellement les gens qui sont aisés financièrement au détriment de la vaste majorité qui n'a pas les moyens de donner 1 000 $. Donc, on pense, nous, que l'abaissement du plafond à 100 $, c'est une mesure profondément démocratique parce qu'elle rend le financement accessible à tous et qu'elle égalise les chances de tous et chacun de pouvoir contribuer à un parti politique. Donc, je tenais à vous rassurer là-dessus.

Par ailleurs, je suis très sensible à votre argument sur les partis émergents. Mais vous savez -- prenons le cas par exemple de Jean-Martin Aussant, d'Option nationale -- Jean-Martin Aussant disait dans une entrevue que les petits partis reçoivent en général les dons de 20 $, de 50 $ et de 100 $, et, dans le fond, la mesure qui plafonne à 100 $, elle va nuire beaucoup plus aux partis établis qu'elle ne va nuire aux petits partis parce que justement les petits partis, très souvent, ils se financent à coups de 20 $, de 50 $ et de 100 $. Donc, si effectivement l'abaissement à 100 $ nuit, en tout cas dans l'opinion de M. Aussant, c'est beaucoup plus aux partis établis que cette mesure-là va faire mal qu'aux petits partis qui se financent avec de petits dons. Comment vous réagissez quand vous entendez ça?

M. Dufresne (Jean-Sébastien): Bien, en fait, oui, effectivement, comme vous le dites, des petits partis, disons des partis en émergence ont... reçoivent souvent des petits dons. Maintenant, d'après nous, ce n'est pas parce que la limite est à 1 000 $ ou à 500 $ que ça empêche des gens de donner un 20 $, ou 50 $, ou 100 $.

Maintenant, vous soulevez un point très important et qui nous préoccupe également, c'est qu'on voit que les gens font peu le lien entre leur vote et la contribution financière que ça suscite pour les partis. Et peut-être que, si les gens en avaient davantage connaissance... et ça, peut-être que ça ne figure pas dans vos recommandations mais ça fait partie de nos réflexions, à savoir: Est-ce qu'il n'y a pas moyen de faire davantage connaître ça, ne serait-ce que par des campagnes de communication, de publicité du directeur général, de pouvoir faire connaître ce poids-là qu'on a en tant qu'électeurs lorsqu'on va voter, non seulement d'appuyer un parti par le vote pour faire en sorte qu'il puisse remporter l'élection, mais aussi que ça puisse venir à contribuer au financement public du parti?

Donc, ça, c'est une façon aussi, je crois, qui peut être pertinente, de faire connaître aux gens le poids qu'ils peuvent apporter et par leur contribution individuelle -- c'est une façon -- mais aussi le financement public qui est lié à ça. Alors, je crois qu'il y a une façon de pouvoir en arriver à faire connaître cette possibilité-là que les gens ont, même s'ils ont des revenus modestes, de pouvoir tout de même contribuer au financement des partis de leur choix.

Mme Roberge (Mercédez): Et, si je peux faire un tout petit complément, il faut voir la complémentarité des différentes propositions. Et de combiner... d'annuler le crédit d'impôt risque d'envoyer à la population un message contradictoire avec... pour ce qui est des gens qui sont à revenus modestes, effectivement, et pour qui l'existence ou non du crédit d'impôt peut avoir un effet encourageant. L'annulation du crédit d'impôt, à notre avis, ne contribue pas à l'objectif général du projet de loi parce que c'est... Si on veut donner, envoyer tous les messages à la population sur l'importance du geste démocratique, du geste de citoyenneté que ça représente, autant d'aller voter que d'appuyer un parti politique, que ce soit par son vote ou par sa contribution personnelle, il faut saisir toutes les opportunités.

Le Président (M. Marsan): M. le ministre.

M. Drainville: Oui. Par ailleurs, Mme Mercédez, vous savez, la... Je vous entendais, là, sur la question des candidatures féminines notamment dont vous avez fait état également dans votre mémoire. Il y a là-dessus, sur cette question-là, beaucoup, beaucoup d'opinions. L'une d'entre elles veut que la mise sur pied d'un système essentiellement public de financement comme celui que nous proposons ou à tout le moins, je vais être encore plus précis, l'existence d'un financement public des partis politiques tend à favoriser les candidatures féminines, parce que justement la question de l'argent semble, en tout cas selon certaines études, être davantage une embûche aux candidatures féminines qu'aux candidatures masculines -- vous opinez du bonnet donc, si je vous comprends bien, vous êtes d'accord avec cet énoncé -- et donc on pourrait défendre le point de vue à l'effet que le système essentiellement public que nous nous proposons de créer serait effectivement avantageux pour les candidatures féminines. Est-ce que c'est un point de vue que vous endossez?

Mme Roberge (Mercédez): En fait, je vous ramène encore à la complémentarité, aux interrelations entre... non seulement entre les articles du projet de loi mais aussi les interrelations entre les divers instruments démocratiques dont on dispose. Le mode de scrutin en est un, des instruments; le financement public est un instrument; le financement individuel en est un autre. D'avoir un financement public, c'est une bonne chose. On parle... Nous, on veut insister sur l'importance... Tant qu'on est dans la situation actuelle avec ce mode de scrutin ci, il nous faut la complémentarité forte des deux manières de financer la vie politique.

Alors, vous avez raison, le financement public non seulement facilite la participation plus large à la vie publique, non seulement ça, mais, en plus, ça nous permet, lorsqu'on pose les gestes concrets en ce sens, de lier ce financement-là à des objectifs précis. On est en droit de s'attendre à ce que les partis politiques suivent certaines règles et nous montrent les efforts qu'ils font pour atteindre l'égalité, par exemple, et on est tout à fait disposé à reconnaître et à encourager ces efforts-là par des bonifications du financement public. Alors, vous voyez qu'on y croit, au financement public.

Cependant, on cherche à ce qu'il y ait un équilibre entre ce financement public là qui malheureusement est biaisé présentement parce qu'il dépend du nombre de votes accordés, et le nombre de votes accordés présentement est biaisé à cause du mode de scrutin qu'on connaît, dont on connaît les défauts, et c'est comme si, la base de calcul du financement public étant biaisée, malheureusement, elle ne fournit pas une équité de financement à tous les courants politiques.

L'équité dont on vous parle, elle est visible dans le tableau de notre mémoire où on voit que les allocations annuelles aux divers partis sont très éloignées les uns des autres, alors de 600 $ à 2 millions, au niveau de l'allocation. Bien entendu, c'est parce que les pays, pardon... «les pays», les partis qui ont eu -- évidemment, ce sont les chiffres avant les dernières élections -- les partis qui ont beaucoup de votes ont un financement en conséquence. Sauf que le système étant ce qu'il est, les partis émergents, et c'est la même chose pour tout parti, les partis établis n'ont pas de garantie de demeurer forts non plus pendant longtemps, mais, quand le nombre de votes est biaisé à cause d'un mode de scrutin, ça biaise, même si ce n'est pas ça, l'objectif, ça biaise le financement public. Alors, il faut faire attention de ne pas tout mettre dans le financement public, il faut bien doser pour qu'il tienne compte que les chances sont inégales. Ce n'est pas vrai qu'en campagne électorale tous les partis ont les mêmes chances de faire entendre leurs points de vue, ne serait-ce que médiatiquement. Alors, on cherche à atteindre un équilibre.

**(14 h 40)**

M. Dufresne (Jean-Sébastien): Peut-être juste pour compléter également, ce que disait Mercédez tout à l'heure est fort important, et elle l'a dit dans la présentation d'ouverture, mais, quand on parle de financement public, on trouve important, oui, que le citoyen puisse contribuer par ses impôts, par le financement que le gouvernement, par la suite, que l'État retourne aux partis politiques, mais on trouve important que ce financement-là effectivement reflète les valeurs de la société. Donc, quand on parle d'égalité hommes-femmes, quand on parle d'une juste représentation des communautés ethnoculturelles, ces mesures-là sont vraiment pour être en lien avec les valeurs qu'on retrouve dans la société québécoise, et, si on est prêts, en tant que citoyens, à contribuer au financement des partis, bien autant que ce soit dans le respect de certaines règles qui reflètent ces valeurs.

M. Drainville: Très bien. C'est un message qui est bien reçu. Je vous entends très bien sur la réforme du mode de scrutin. Je vous dirais que, dans le contexte actuel, on a décidé, nous, de prioriser les problèmes auxquels on s'attaque, puis on a décidé de prioriser en particulier la question du financement parce qu'elle nous semble un facteur majeur de distorsion dans le fonctionnement de notre démocratie. On pense que l'argent présentement, l'argent a beaucoup trop d'influence sur la vie politique québécoise. On pense que les lois actuelles ont été détournées de leur sens. Et donc je comprends très bien que le projet de loi n° 2 ne s'attaque pas à ce qui est, à votre sens, le problème majeur, c'est-à-dire le mode de scrutin, je le comprends très, très bien.

Mais je pense que, d'autre part, vous comprenez aussi qu'on a décidé de s'attaquer à un certain nombre de choses qui nous semblent au moins aussi importantes, au moins aussi importantes. Puis ce n'est pas une question piège, là, mais, si on... Prenons pour acquis, pour les fins de la discussion, qu'on conserve le mode de scrutin actuel, ce qui ne veut pas dire, là, qu'on ne puisse pas avoir des discussions sur d'éventuelles réformes, mais, dans le contexte actuel du mode de scrutin que nous avons présentement, est-ce que le projet de loi que nous vous proposons est un pas dans la bonne direction? Est-ce que ce sont des changements qui sont, à votre avis, positifs?

M. Dufresne (Jean-Sébastien): Bien, il y a une bonification, bien sûr -- on part de 0,82 $ -- à 1,67 $ par voix qui est, bon, de contribution annuelle, et on se trouve à venir compenser cette hausse-là par une, bon, diminution, en fait par la diminution des déductions d'impôt qui peuvent être faites, là, des contributions individuelles. Ce que ça a, selon nous, comme effet, c'est que ça vient, d'une part, donner davantage de moyens, bien sûr, aux partis plus établis qui bénéficient d'une certaine façon de ces incongruités-là qui découlent du mode de scrutin en place et de la manifestation du vote stratégique qui en découle et, d'autre part, on vient limiter la capacité de certains partis à pouvoir aller chercher dans leurs contributions, même si, comme vous le dites, pour la plupart des cas, c'est vrai que c'est des contributions minimes, là, que les gens font...

M. Drainville: De moins de 100 $, oui.

M. Dufresne (Jean-Sébastien): ...pour les individus. Donc, ça n'a peut-être pas un effet majeur sur ces individus-là mais, somme toute, le principe est là, on vient quand même diminuer, là, la limite possible pour des gens de contribuer à ces partis. Donc, pour nous, effectivement, c'est relié, vous le dites. Oui, on parle du mode de scrutin, le propos, le point principal de ce projet de loi est le financement, mais, pour nous, un et l'autre sont reliés, parce que, si le financement public, qui est quand même un élément central... Vous l'avez dit, la volonté, c'est de miser beaucoup sur le financement public, parce qu'on vient réduire les contributions individuelles. Si le but est ça et que ce financement public là est attribué selon des proportions qui d'une certaine façon ne reflètent pas, si on veut, la réelle proportion d'appuis aux différents partis, c'est ça que nous, on trouve qui est problématique.

Donc, c'est dans ce sens-là qu'on dit: Oui, il y a une volonté qui est là, on trouve, et on salue la volonté, on croit qu'on est oui dans la bonne direction, parce qu'il y a cette discussion-là, il y a ce dialogue qui est engagé. Et le MDN, bon, depuis 1999 qu'on mène des campagnes d'éducation populaire, qu'on mène des campagnes de mobilisation pour susciter la réflexion citoyenne autour de cet enjeu-là, nous, bien sûr, on va toujours être disposés et disponibles à pouvoir dialoguer davantage. On s'entend que ce n'est pas ici que ça va se régler, bien entendu, ça peut être dans les mois, dans les années à venir. Mais notre souhait, bien sûr, c'est qu'on trouve une solution durable, et qui va réellement refléter le souhait de la société québécoise, et que ça puisse être appliqué, souhaitons-le, pour les prochaines élections. Et, compte tenu qu'on peut en venir à connaître la date précise de ces élections, bien, on connaît l'échéancier, donc on peut mieux s'orienter pour pouvoir le mettre en place.

Mme Roberge (Mercédez): Peut-être un...

M. Drainville: Si je vous comprends bien, vous appuyez les élections à date fixe?

Mme Roberge (Mercédez): Ça, on vous reviendra pour en discuter à ce moment-là et ce que...

M. Drainville: C'est ce que j'avais cru comprendre.

Mme Roberge (Mercédez): On reviendra pour en discuter. Ce qui est important pour nous, c'est que chacune de ces... Chacun de ces chapitres-là de réforme, élections à date fixe ou financement, pour nous, ce sont des chapitres d'un livre encore incomplet qui le sera tant que le mode de scrutin ne sera pas réformé, parce que c'est le fondement. On aurait dû commencer par ça et ajouter les autres chapitres plutôt que de faire l'inverse.

Je voudrais simplement faire une petite remarque sur l'intention du projet de loi, qui est louable, on le reconnaît, sauf que, dans la réalité, les partis ne sont pas équipés aussi bien les uns que les autres. Si tous les partis avaient la même infrastructure, étaient moyennement établis tous de la même manière, l'augmentation du financement public ne créerait pas... et la diminution possible de leurs enveloppes qui viendront des contributions individuelles ne creuserait pas l'écart, comme c'est ce qui risque d'arriver. Parce que doubler un 600 $, ça n'a pas le même effet que de doubler un 2 millions. Alors, les écarts vont se creuser malheureusement. Ce n'est pas l'objectif, mais c'est ce qui va arriver si le financement ne prend pas en compte que les partis politiques, bien, qui font campagne et qui ont autant le droit d'exister les uns que les autres, ne sont pas... continuent d'être inégaux au niveau des chances de se faire entendre. Ensuite, la population décide des partis qui ont les options de son choix, mais, pour se faire entendre, la ligne de départ n'est pas la même.

Donc, augmenter, doubler l'allocation va accroître les écarts, et c'est pour ça qu'on parle d'un équilibre. Parce que, bien sûr, on ne peut pas être contre l'augmentation, en principe, du financement public. Ce qui est préoccupant, c'est qu'il risque de... Ce qui risque d'arriver, c'est que les partis qui n'ont pas des structures assez solides pour aller chercher 10 fois 100 $ plutôt que le même montant à coups de 500 $ ou à coups de 1 000 $... C'est de l'énergie que les grands partis ont et qui ne fera pas de différence du tout, du tout dans leur manière de travailler. Mais, pour ce qui est des partis émergents, ça peut en faire une, et c'est pour ça que nous, on questionne l'équilibre à conserver entre les deux.

**(14 h 50)**

M. Drainville: Oui. Par ailleurs, vous devez sans doute savoir que, dans des pays où il y a eu introduction de systèmes de financement public, partiellement public, il n'y a pas eu une diminution du nombre de partis politiques. En France, par exemple, il y a eu une explosion du nombre des partis politiques, c'est passé de... En quatre ans, de 1989 à 1993, le nombre des partis politiques est passé de 16 à 82 en France. Donc, l'établissement d'un système de financement public des partis, en tout cas, pour ce qui est de l'exemple français... Et je pense qu'il y a d'autres pays qui pourraient nous servir d'exemples et pour lesquels on arriverait à la même conclusion: c'est qu'en général le financement, la création d'un système de financement public des partis politiques ne décourage pas l'émergence des partis, des nouveaux partis politiques; c'est le contraire qui semble se produire.

Donc, j'entends votre argument sur le fait que vous avez une inquiétude, dans le fond, que l'abaissement à 100 $ soit trop pénalisant pour les petits partis, mais, encore une fois, je vous réitère, là, que, dans la plupart des cas, en tout cas, les petits partis semblent se financer avec des dons de 100 $ et moins, ou en tout cas la majorité des dons sont des dons de 100 $ et moins. Donc, à partir du moment où on maintient la barre à 100 $, nous, il est de notre avis que ce ne sera pas si pénalisant que ça, parce que la plupart des dons sont déjà des dons de moins de 100 $, et par ailleurs, ce qu'on peut voir ailleurs, c'est que, quand on crée un système de financement public, ça n'étouffe pas la vie démocratique, ça semble au contraire favoriser l'émergence d'autres partis, de nouveaux partis.

Le Président (M. Marsan): En terminant.

M. Drainville: En terminant? Bien, écoutez, moi, je veux vous remercier, en tout cas, pour la réflexion que vous nous soumettez. Le rôle que vous jouez dans notre société, il est important. Vous portez, je dirais, dans vos interventions et dans votre credo, je dirais, un enjeu qui est très, très, très important. Continuez, continuez à faire avancer vos idées parce que vous faites oeuvre utile dans le débat public au sein de la société québécoise.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Nous poursuivons avec le parti de l'opposition officielle, et je vais donner la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière d'institutions démocratiques. M. le député, vous avez la parole.

M. Dutil: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, si vous permettez, merci de votre présentation, mais je voudrais revenir à une dernière remarque qu'a fait le ministre, qui a mentionné que ça avait augmenté la participation des citoyens que d'augmenter le financement des partis politiques en France, c'est-à-dire de passer de 16 partis à 82 partis. Moi, ce que j'ai lu, c'est exactement le contraire. Moi, ce que j'ai lu, c'est qu'en finançant de cette façon-là on a amené des gens à frauder l'État, et donc en faisant semblant de créer un parti politique et d'aller gagner leur vie. Et l'État est intervenu pour mettre des balises de façon à éviter qu'une arnaque, du vol de l'État se fasse de cette façon-là.

Alors, c'est tout à fait contraire de l'objectif qui était visé. Et ce que ça illustre, ça, c'est que, quand on fait un système, il y a des effets pervers. Il faut prévoir les effets pervers, et la France aurait pu les prévoir auparavant, elle ne l'a pas fait. Mais nous, on a la chance de voir ce qu'ils ont fait comme balises pour s'assurer que le nombre de partis politiques retombe à un niveau qui correspond plus à la réalité des différentes voix qui peuvent s'exprimer. Il n'y a pas... Tu sais, on dit souvent: En France, il y a 60 millions de partis politiques, là, parce qu'il y a 60 millions de Français. Bien, à 60 millions de partis politiques, on n'est plus capables d'organiser rien. Alors, je pense qu'au contraire cette mesure-là a juste démontré qu'il y avait un effet pervers dont il faut tenir compte si on s'en va vers ça, nous également, en trouvant les balises adéquates pour que ce soit de véritables partis politiques.

Je veux intervenir sur un point qui semble mal saisi ici. Quand on dit qu'on enlève le crédit d'impôt -- vous l'avez souligné pour des raisons de financement de petits montants -- ce que l'on fait, c'est que l'on dit à une personne qui donnait 100 $ et qui avait un crédit d'impôt de 75 $, donc qui donnait véritablement 25 $ -- vous me suivez? -- on dit: Dorénavant, il n'y aura plus de crédit d'impôt. Que fera-t-il? S'il est rationnel, puis que c'était ses moyens, il va donner 25 $. Est-ce qu'on se comprend bien, là? Vous me suivez, de ce côté-là. Donc, on vient de nuire au financement populaire des partis politiques et des petits partis. Et, dans les petits partis, le crédit d'impôt est un moyen de solliciter des dons de façon que j'appellerais rentable. Si quelqu'un te donne 50 $, il y a un crédit d'impôt de 37,50 $, il t'a donné 12,50 $, mais toi, comme parti, tu as reçu 50 $. Tu vas le solliciter pour un 50 $, il dit: Je n'ai plus de crédit d'impôt, je vais te donner 12,50 $. Vous avez mis le même effort, le même travail, vous avez affaire à une personne convaincue, mais vous venez de l'empêcher, parce qu'il n'a pas les moyens de le faire, de vous donner un don, de vous donner un montant plus élevé.

Et là je reviens à la suggestion de la CAQ, qui est extrêmement simple. L'avantage de la suggestion de la CAQ, là, c'est sa simplicité et justement la part que ça peut permettre aux gens de donner. Ce que la CAQ nous dit: Quand quelqu'un donne 25 $ au Directeur général des élections, le Directeur général des élections donne trois fois le montant, donne 100 $. Vous avez votre 100 $, la personne a déboursé 25 $ et non pas 100 $, et elle n'attend pas un crédit d'impôt pendant six mois, premièrement.

Deuxièmement, est-ce que vous savez combien il y a de gens qui n'ont pas le droit au crédit d'impôt dans la société québécoise? Avez-vous un chiffre? Je vais vous étonner: 37 % des gens. Alors, quand on parle de donner aux citoyens le droit de contribuer à un parti politique, on dit à 37 % de nos citoyens: Pas vous. Vous, vous avez travaillé toute votre vie, vous avez payé des impôts toute votre vie, mais là, là, vous n'en payez plus, donc vous n'avez plus le droit à ça.

Alors, j'attire votre attention -- puis ma question, c'est spécifiquement sur la proposition de la CAQ: Est-ce que vous ne trouveriez pas plus simple de procéder de cette façon-là justement pour permettre à ce 37 % qui n'ont pas le droit au crédit d'impôt et pour permettre à ceux qui n'ont pas les moyens d'attendre six mois pour recevoir le 75 $ de crédit d'impôt, donc qui ne nous donne pas le même montant... Est-ce que ce ne serait pas intelligent de dire: Gardons une place... Est-ce le niveau où on doit aller? On peut en discuter: Est-ce le niveau où on doit aller? Mais gardons une place pour inciter des gens à donner à un parti politique et faciliter le travail de ceux qui sollicitent des dons, de petits dons pour que les petits partis et les petits citoyens puissent faire leur chemin dans le financement des partis.

Mme Roberge (Mercédez): On ne pourra pas être très, très, très... Je ne pourrais pas être très précise là-dessus aujourd'hui parce que ce n'est pas une proposition qu'on a examinée en profondeur. Cependant, ça me rappelle le verdict du jury citoyen qui avait été mis sur pied par le Directeur général des élections en 2010, qui voyait le Directeur général des élections comme ayant un rôle au niveau de la gestion, la gestion, la réception des contributions individuelles, la production des crédits d'impôt aussi mais qui voyait donc un rôle.

Est-ce que ce devrait être selon le calcul proposé? On ne pourra pas se prononcer là-dessus aujourd'hui, désolée. Mais on pourra revenir là-dessus si vous le souhaitez. Mais, quand on regarde la perte de confiance de la population envers beaucoup de niveaux impliqués dans la politique, c'est sûr que le Directeur général des élections a une crédibilité qui rassure la population au niveau de la gestion du financement. Sauf que je ne peux pas... on ne peut pas vous donner plus de précision aujourd'hui.

M. Dutil: D'accord, mais moi, je pense que vous devriez faire cette réflexion-là. La proposition a pour effet de faciliter le don des gens qui ne paient pas d'impôt, 37 % des gens, et d'éviter d'attendre six mois pour avoir un retour d'impôt, donc d'éviter d'avoir... Je m'excuse de prendre l'idée. Je le dis par contre, je leur donne le mérite de l'idée, là. Quand le député de la CAQ va revenir là-dessus, il va comprendre que je ne cherche pas à lui voler son idée, je cherche à en faire la promotion. Le vote stratégique, à votre avis, est de quel ordre?

Mme Roberge (Mercédez): Il faudrait être un petit oiseau à l'intérieur du cerveau de toutes les personnes devant leurs bulletins de vote pour le savoir. Il y aura toujours une stratégie derrière tout vote. Quand on parle du vote stratégique, on parle du vote utile, du vote pour un parti qui n'est pas son premier choix, qui est un vote par dépit, comme on entend souvent. Alors quel est le niveau de... Bon, c'est difficile, de la même manière qu'il est très difficile de savoir, lorsque les gens vont voter pour le seul crochet qui nous est proposé, si c'est la personne qu'on appuie de la circonscription, ou son parti, ou la personne qui en est à la chefferie. Ça non plus, on ne peut pas le savoir de manière précise.

Donc, même sans savoir quelle est la hauteur, à combien de pourcentage, on sait que c'est un phénomène qui existe. On en entend parler beaucoup, on entend des gens s'en plaindre le jour des élections, où on s'arrache les cheveux au niveau de la réflexion sur comment, comment avoir un vote qui compte, parce que le vote utile, le vote stratégique, c'est la manière qu'a trouvé la population de souffrir moins du système actuel. C'est une voie de contournement d'un système majoritaire, et ça a malheureusement aussi comme conséquence de fausser le message qu'on envoie. Lorsqu'on vote, ça fausse le message jusqu'à fausser l'allocation financière.

**(15 heures)**

M. Dutil: Est-ce que vous savez, madame, que ceux qui ne votent pas paient quand même? Est-ce que vous saviez ça?

Mme Roberge (Mercédez):«Paient quand même»? Paient quoi?

M. Dutil: Le calcul est fait de la façon suivante: on prend le pourcentage de ceux qui ont voté pour un parti politique et on donne l'allocation de 0,85 $ sur l'ensemble de ceux qui sont des électeurs, même s'ils n'ont pas voté, et, donc, ceux qui ne votent pas paient. Saviez-vous? Bonne information à savoir.

Une voix: En complément...

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, on m'indique que la parole est à vous. Il reste à peu près 12, 13 minutes.

M. Poëti: Je vais être rapide, je vais laisser de l'espace. En fait, j'avais la même préoccupation sur votre réflexion sur le volet du vote par dépit -- ça m'a interpellé quand vous avez dit ça -- et stratégique. Donc, vous avez en partie répondu à la question en disant que c'est des perceptions, et je pense que c'est dangereux d'avoir des perceptions sur une tendance ou une autre. Si ça avait été ça, on serait assis plus loin, nous, sur les perceptions, et ça n'a pas été ça du tout, hein? C'était peut-être plutôt un commentaire.

Je voulais vous entendre: quand vous avez dit que les chances ne sont pas égales pour les femmes en politique, sans aucune partisanerie, le Parti libéral avait la parité au Conseil des ministres, nombre de femmes et d'hommes. Bon, probablement que vous avez un peu de peine actuellement, parce que c'est loin de ça, mais je ne vois pas en quoi vous dites que les femmes sont lésées dans notre système actuel, et, en changeant le montant de 100 $... en fait de 1 000 $ à 100 $, où les femmes se retrouvent lésées. J'ai peut-être mal saisi votre commentaire sur ça.

Mme Roberge (Mercédez): En fait, ce n'est pas lié au 100 $ ou 1 000 $. Ce que l'on dit, c'est que la Loi électorale peut être un levier pour encourager les partis politiques à poser des gestes concrets pour atteindre une égalité de représentation. Pour qu'il y ait 50 % de femmes élues, il faut que les partis recrutent 50 % de candidates. Alors, dans un financement public, nous pouvons encourager les partis qui atteignent des bons résultats... leur demander d'atteindre des résultats et les encourager financièrement pour leurs efforts sur deux niveaux: au niveau du nombre de femmes, par exemple, pour ce qui est des femmes qui sont recrutées pour être candidates, mais aussi au niveau des élus, parce qu'il faut non seulement mettre des femmes sur les bulletins de vote, mais il faut les mettre dans des comtés où elles ont des chances. Il faut les appuyer, il faut qu'elles puissent faire des campagnes. Et c'est là que les conditions socioéconomiques, les préjugés, la culture politique, qui est moins ancrée depuis longtemps -- les femmes n'ont pas toujours eu le droit de vote -- ça a un effet sur la façon ou pas de se voir comme députée.

C'est un processus qui est en route. Si on laisse les choses sans intervention, l'égalité... Si on regarde au niveau d'une courbe mathématique, dans 55 ans, il y aura peut-être, s'il n'y a pas de recul, l'égalité des femmes à l'Assemblée nationale. Alors, nous, on dit: On a un instrument, qui est la Loi électorale, qui devrait inclure de nouveaux articles. Autour des articles qui précisent quelles sont les règles à suivre pour recevoir l'allocation, bien, on suggère des règles à ajouter, puisque, pour recevoir l'allocation, c'est une chose, mais, pour recevoir une bonification de l'allocation, il y a des efforts à mettre, il y a des résultats à démontrer.

Le Président (M. Marsan): Oui.

M. Dufresne (Jean-Sébastien): En complément également, peut-être des faits intéressants à souligner: dans notre mémoire, on mentionne, là, que, des 27 pays qui surclassent le Québec au niveau de la représentation des femmes, 24 pays utilisent une forme ou une autre de scrutin proportionnel ou mixte, et, dans 21 de ces pays, donc 21 sur 27, il est combiné à diverses mesures pour atteindre l'égalité hommes-femmes dans la représentation. Donc, il y a des exemples clairs, là, dont on peut s'inspirer, aller voir qu'est-ce qui se fait, et on voit que ça a des résultats, clairement.

Et peut-être juste rapidement sur ce que vous disiez auparavant, oui, il y a une question d'impression sur ce vote stratégique, mais, en même temps, on a vu, lors des dernières élections, le nombre de mentions et d'appels au vote stratégique. S'il y a des partis politiques qui appellent les citoyens à le pratiquer, c'est probablement parce que ça peut avoir un effet sur le vote. On a beaucoup de mobilisation qui a été faite autour de ça, et vous irez vous adresser à qui que ce soit, les gens sont conscients de ce phénomène-là; le pratiquent ou pas, ça, c'est très difficile effectivement à savoir.

M. Poëti: ...qu'on appelle la réalité, il y a une nette nuance entre les deux. Je vais m'en tenir aux faits, d'autant plus que vous savez que c'est possible d'avoir 50 % de femmes au Conseil des ministres, ça a été déjà prouvé. On a une première ministre, aujourd'hui, femme. En tout cas, moi, ce volet-là du mémoire m'interpellait d'une façon qui, un peu, m'étonnait. Je vais laisser mon confrère terminer.

M. Ouimet (Fabre): Combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Marsan): Il reste un peu plus de sept minutes.

M. Ouimet (Fabre): Je vais aller...

Le Président (M. Marsan): Et je vais céder la parole à M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre): Merci beaucoup, M. le Président. J'ai lu dans votre mémoire, page 2 et 3, et peut-être que c'est un point qui passe rapidement, mais je pense que ça serait important de revenir sur ça... Je lis, au bas de la page 2 et au haut de la page 3... En fait, vous rappelez l'importance de l'enracinement social des partis politiques, donc du financement populaire. J'ai compris également, et dans vos conclusions et dans vos représentations, que vous estimez que l'abolition du crédit d'impôt est une mesure qui pourrait nuire à la diminution du financement populaire. Est-ce que j'ai bien compris le sens de vos représentations?

Mme Roberge (Mercédez): ...de nuire et de... À cause de la combinaison avec la baisse jusqu'à... Le plafond, le plafonnement à 100 $, c'est la conjonction de l'ensemble des mesures qui pourrait nuire. C'est un risque, on le voit comme un risque et on souhaite qu'il y ait une réflexion sur cette abolition. On comprend que c'est aussi une question, et M. le ministre en a parlé d'entrée de jeu, que c'est une question de distribution de l'argent. L'argent, tu sais, on comprend ça, mais on se dit qu'il y a peut-être d'autres endroits pour aller chercher les argents pour augmenter à un niveau qui sera jugé correct l'allocation annuelle, sans nécessairement annuler complètement le crédit d'impôt, à cause des risques que ça comporte.

M. Ouimet (Fabre): Vous permettez? En fait, j'imagine que vous avez pris connaissance de l'étude produite par le Directeur général des élections sur le financement public, produite très récemment?

Mme Roberge (Mercédez): Celle-ci? Non. La précédente, oui.

M. Ouimet (Fabre): En fait, dans celle-là, on soulignait le fait que le financement des... les contributions des particuliers avaient chuté dramatiquement, et on mentionnait notamment que, pour les deux principaux partis, alors j'imagine que c'est le parti d'en face et nous, la diminution avait été... De 1980 à 2009, on avait assisté à une diminution de quatre à cinq fois moins de contributeurs. Alors, si je rejoins votre...

Mme Roberge (Mercédez): En nombre de contributeurs?

M. Ouimet (Fabre): En nombre de contributeurs. Alors, je comprends que, si je fais le lien avec ce que vous mentionnez dans votre mémoire, il y a là un sujet de préoccupation, là, avant d'adopter une loi qui pourrait avoir un effet de nuire encore plus au financement populaire. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Roberge (Mercédez): Oui, ça confirme les craintes de... Parce que, pour aller chercher le même montant, ça va prendre davantage de contributeurs qu'actuellement. Les grands partis sont plus équipés pour faire face à ce défi-là que les partis moyens ou les partis vraiment en émergence, mais c'est des enjeux d'infrastructure quand même importants.

M. Ouimet (Fabre): Il me reste un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Marsan): Oui, trois minutes.

M. Ouimet (Fabre): Ah! L'avantage de parler vite. J'avais une question. Et vous avez mentionné dans votre mémoire, là, le point 3c, vous invitez le gouvernement à considérer d'autres avenues que la seule abolition du crédit d'impôt. Mais, dans le mémoire, en tout cas, vous n'avez pas de liste comme sur les autres points. Est-ce qu'il y a des mesures, des avenues auxquelles vous avez pensé?

Mme Roberge (Mercédez): Non. On n'a rien pour aller chercher des fonds publics ailleurs, bien, de lié au mode de scrutin, lié à notre problématique à nous, non. Cependant, je connais beaucoup d'organisations qui ont des alternatives fiscales et qui les présentent pour aller chercher des fonds. En général, alors ces fonds-là peuvent servir à financer bien des choses dans les services publics et également dans ce qu'on considère comme important, comme société, qui est d'accorder un financement public aux partis politiques. On considère que c'est important, alors allons chercher évidemment les montants qu'il faut, mais prenons garde à ne pas nuire à l'objectif en le faisant.

**(15 h 10)**

Une voix: Peut-être en complémentaire.

M. Dufresne (Jean-Sébastien): En complément, effectivement, ça vient... Quand on parle de l'exercice démocratique, on considère que c'est important, que c'est là-dessus que repose, si on veut, notre société et la confiance du citoyen dans le fonctionnement démocratique de la société. On considère que c'est important que ça puisse être soutenu, et, on est convaincus, les citoyens aussi considèrent ça comme étant important, donc, effectivement, mais dans la mesure où ça peut être attribué d'une façon qui reflète non seulement les valeurs, comme on l'a dit précédemment, mais aussi qui reflète conformément, là, la répartition de l'appui populaire réel et effectif, là, aux différents partis.

Le Président (M. Marsan): M. le député Fabre, en terminant.

M. Ouimet (Fabre): En terminant, une petite... Au début, le ministre a évoqué le problème des prête-noms auquel le projet de loi s'attaquait. Est-ce que, de votre côté, vous aviez une étude ou porté attention à ce phénomène-là, et, plus particulièrement, là, depuis l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions? Parce qu'il faut faire attention, là, il y a eu des lois qui ont été adoptées en 2010, plus particulièrement fin 2010. Est-ce que vous avez des informations sur la situation postérieure à l'entrée en vigueur de la loi?

Mme Roberge (Mercédez): Non. On n'a pas de documentation à cet effet. Ce qu'on constate, c'est que c'est sûr que l'actualité récente amène à chercher des solutions pour assainir les finances et, je dirais, les moeurs politiques et les finances politiques qui sont liées. Il faut cependant prendre garde à ne pas... pour régler ce qui est une non-application des règles déjà inscrites dans une loi électorale. Ce n'est pas parce que les règles n'existent pas; elles ne sont pas suivies. Le problème est sur le respect des règles établies.

On a déjà une loi électorale qui peut être bonifiée, bien entendu, mais la question des prête-noms ne se règle pas uniquement en modifiant les chiffres des allocations. Elle se règle surtout en faisant appliquer la Loi électorale, peu importe ce qu'elle deviendra après les travaux sur ce projet de loi ci.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Ceci termine cette période d'échange. Nous allons poursuivre, et je vais donner la parole immédiatement au porte-parole de la deuxième opposition en matière d'institutions démocratiques pour une période d'environ cinq minutes.

M. Deltell: Merci, M. le président. Alors, monsieur, madame, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Très intéressants, votre propos et votre document.

Avant de poser la question, quelques observations générales. Tout d'abord, je sais qu'il est quasiment de bon ton de dire qu'il n'y a plus de confiance envers la classe politique, là, puis on est bien forts, nous autres, là-dessus, dans l'autoflagellation. Il faut quand même se rappeler qu'il y a 80 % des gens qui sont allés voter. Ce n'est pas rien, là. D'autant plus que le coup d'avant, en 2008, là, c'était en bas de 60 %. Il y a donc eu un gain fantastique, en termes de participation démocratique, qui plus est une campagne électorale en plein été.

Si je donne l'exemple dans mon comté, moi, j'ai eu huit adversaires, donc il y a des gens qui sont intéressés à la politique. L'exemple le plus beau, c'est dans Montarville: 88 % de participation. Alors donc, quand on dit que la classe politique est mise à mal puis il y a une crise de confiance, rappelons-nous que le dernier exercice démocratique a été fantastique pour le Québec, pour la démocratie puis pour les partis politiques.

Vous avez fait des propos concernant le vote stratégique. Je comprends que vous avez une proposition concernant un mode de scrutin différent, mais, vous savez, ultimement, là, à moins qu'on coupe notre vote en saucisson, là, on sera toujours confrontés aux quatre choix suivants: on vote pour le chef; on vote pour le candidat local; on vote pour l'équipe qu'on veut voir gouverner le Québec; puis on vote pour le programme. Et même dans le programme, moi, je ne connais personne qui est 100 % d'accord avec tous les articles du programme. C'est virtuellement impossible à atteindre. Donc, comme disait Churchill: «C'est le moins mauvais des mauvais systèmes», mais il est quand même pas si pire que ça.

J'avais quelques questions concernant notre proposition, concernant le 100 $ multiplié par trois, mais, comme on dit dans le métier, il y en a un qui a passé la gratte avant moi. Et j'en profite pour le remercier, puis simplement aussi pour illustrer à tous ceux qui nous écoutent que c'est la preuve qu'en politique une bonne idée n'a pas de parti politique, n'a pas de partisanerie, puis il n'y a pas de drapeau qui est planté sur l'idée. Si on estime qu'une idée est bonne mais elle appartient à l'adversaire, on la saisit puis on la promouvoit. Tant mieux. Bravo! Au même titre que moi, j'ai applaudi à deux mains, et je le redis encore ici, en cette commission parlementaire, je félicite l'opposition officielle d'avoir décidé de baisser radicalement le plafond des dépenses électorales. Ce n'est pas rien. Et je dis bravo et tant mieux. Notre chiffre ne concorde pas au leur, mais l'intention est donnée.

Et c'est là-dessus que je veux vous amener. Je sais que ça ne portait pas... le projet de loi n'aborde pas spécifiquement ce point-là, votre mémoire non plus, mais j'aimerais quand même savoir qu'est-ce que vous pensez du fait qu'au Québec actuellement les partis politiques peuvent dépenser jusqu'à 11,5 millions de dollars. À notre point de vue, c'est beaucoup trop. Nous, le deuxième groupe d'opposition, on propose un plafond de 4 millions, l'opposition officielle, 7,5 millions. Qu'est-ce que vous, vous en pensez? Est-ce que vous estimez qu'on devrait maintenir le plafond des dépenses électorales tel quel?

M. Dufresne (Jean-Sébastien): Bon, on n'a pas de position officielle sur cette question-là, mais on croit qu'il y a beaucoup d'idées qui circulent, effectivement, qui peuvent aller dans le sens de trouver une façon d'avoir, un peu comme le disait ma collègue tout à l'heure, au moins une base, sans nécessairement avoir un plafond mais au moins une base commune pour donner des chances, bon, équitables aux différents partis, pour partir, là, de la même ligne de front.

Maintenant, c'est sûr que ça ne concerne pas ce que vous dites, là, au niveau de la limite, là, mais on croit que c'est plutôt d'aller dans le sens de dire: Au moins, partons avec toutes des chances équitables pour pouvoir faire valoir nos points de vue et faire valoir nos idées. Mais on n'a pas eu de position spécifique, là, sur la question de la limite, là, pour les dépenses totales, là.

M. Deltell: Alors, si vous permettez, tout à l'heure, Mme Mercédez, vous parliez même de l'impact du manque d'équilibre dans le traitement médiatique. Je présume donc que vous estimez qu'il y a des partis politiques qui ont trop de temps d'antenne versus d'autres. Mais, s'ils ont trop de temps... Si vous êtes capable de faire une analyse sur le traitement médiatique, je suis certain que vous êtes capable de nous faire une analyse sur des dépenses électorales.

Est-ce que vous estimez que c'est normal qu'on puisse dépenser jusqu'à 11,5 millions de dollars en campagne électorale, quand vous savez qu'il y a des partis qui pourraient le faire, et, d'autres, c'est sûr et certain qu'ils ne peuvent même pas faire 10 % de ça?

Mme Roberge (Mercédez): La base de notre argumentation, aujourd'hui, c'est l'équité. Alors, c'est une proposition. Toutes propositions, en fait, actuelles ou à venir, qui vont amener une équité de traitement autant à une équité en termes de respect de mon vote, du sien et du vôtre qu'en termes d'équité de chances pour que les femmes puissent, autant que les hommes, se présenter, que les gens de la diversité ethnoculturelle puissent, autant que les gens qui sont nés ici, de génération en génération, aspirer au rôle de représentation, alors toute action qui va amener une équité au niveau de la représentation, peu importe, sera des choses qui... seront des éléments intéressants à mettre... à tenir en compte. Alors, on ne peut pas vous donner de réponse précise, précise sur votre proposition, ça me semble aller dans le même sens que la recherche de l'équité.

Le Président (M. Marsan): C'est beau. Alors, je voudrais... Ceci complète notre période d'échange et je voudrais vous remercier, Mme Mercédez Roberge, M. Jean-Bastien Dufresne pour nous avoir donné le point de vue du Mouvement pour une démocratie nouvelle.

Alors, nous allons suspendre quelques instants. Je vais inviter M. Pierre-Luc Turgeon à prendre la place ici. Alors, je vais suspendre quelques instants. Merci encore.

(Suspension de la séance à 15 h 19)

 

(Reprise à 15 h 22)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux et il nous fait plaisir d'accueillir M. Pierre-Luc Turgeon, qui a demandé de présenter une étude, évidemment dans le domaine qui nous intéresse beaucoup. Alors, M. Turgeon, la parole est à vous pour une présentation d'environ une dizaine de minutes.

M. Pierre-Luc Turgeon

M. Turgeon (Pierre-Luc): Merci. M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, d'entrée de jeu, j'aimerais vous remercier pour l'invitation que vous m'avez lancée et pour le privilège que vous m'offrez de contribuer à vos travaux. C'est un honneur, un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui pour alimenter vos réflexions sur les grands enjeux en ce qui concerne le financement des partis politiques.

Je comprends avoir été invité en ma qualité de chercheur dans la foulée de l'étude électorale, parue en septembre dernier, portant sur les modèles de financement public au Québec et à l'étranger. J'ai effectué cette étude à l'été 2011 dans le cadre de l'entente entre le DGE et la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l'Université Laval, à laquelle j'étais rattaché à l'époque.

Étant maintenant à l'emploi du DGE, vous comprendrez qu'il serait très délicat pour moi de commenter directement tout projet de loi. Je me dois d'observer un devoir de réserve par respect pour l'indépendance et l'autonomie de l'institution pour laquelle je travaille désormais et en conformité au code d'éthique qui régit ma fonction. Ma présentation portera donc, comme entendu, essentiellement sur le contenu de l'étude. Je vous remercie d'emblée de votre intérêt à l'égard de celle-ci.

Je vais centrer aujourd'hui mon intervention autour des trois grands enjeux qui se dégagent lorsqu'on observe les cadres réglementaires en matière de financement public, à savoir l'équité, l'équilibre et la légitimité. Je vais mettre en lumière des pratiques intéressantes qu'on retrouve à l'étranger en lien avec chacun de ces enjeux.

Donc, dans un premier temps, l'équité quant à l'accès aux fonds publics par les différents partis est un enjeu crucial dans le développement des mécanismes de financement public. D'un côté, le financement public peut contribuer à réduire les inéquités électorales en offrant des ressources financières aux partis sur la base de leur soutien populaire et non sur la base de leur capacité à récolter d'importantes contributions. En même temps, on critique souvent le financement public en affirmant qu'il peut contribuer à figer la compétition électorale au profit des partis dominants ou à rendre difficile l'émergence de nouveaux partis.

Comment moduler, donc, les allocations annuelles pour qu'elles respectent autant que possible le principe d'équité? Certaines Administrations prévoient des mécanismes pour assurer qu'il n'y ait pas un déséquilibre trop important entre les partis dominants et les plus petits partis. Par exemple, en plusieurs endroits, l'allocation comporte deux enveloppes. La première est distribuée de manière égale entre tous les partis admissibles. En Belgique, notamment, un parti qui obtient un siège au Parlement a automatiquement droit à une somme forfaitaire de 230 000 $. La seconde enveloppe est, quant à elle, distribuée en proportion des résultats obtenus à la dernière élection soit en termes de nombre de sièges ou de suffrage obtenu.

D'autres mécanismes poursuivent cet objectif d'équité. En Allemagne, on applique un taux régressif dans le calcul de l'allocation à laquelle un parti a droit. Concrètement, un parti reçoit 1,15 $ par vote pour les quatre premiers millions de votes, après quoi le taux est réduit à 0,95 $ pour les votes suivants.

En Suède, l'allocation octroyée au parti qui forme le gouvernement est moins importante que celle qui est octroyée aux partis qui forment l'opposition, le raisonnement étant que les partis d'opposition ne peuvent bénéficier du conseil de l'appareil gouvernemental dans l'exercice de leurs fonctions.

Par ailleurs, on peut constater que peu de mécanismes d'allocation annuelle prennent en compte l'apparition de partis entre deux élections. C'est toutefois le cas au Mexique et en France. Au Mexique, on prévoit qu'un parti qui obtient son autorisation entre deux élections a droit à 2 % de l'allocation totale versée à tous les partis politiques. Pour être autorisé, là-bas, un parti doit compter sur une base militante correspondant à 0,26 % de l'électorat, c'est-à-dire environ 200 000 membres. Il doit ensuite conserver 2 % des votes à chacune des élections fédérales.

En France, un parti émergent a droit à une aide publique à condition d'avoir recueilli suffisamment de contributions de la part de personnes physiques; on parle d'environ... on parle de 230 000 $ en dons. Ces deux exemples démontrent qu'il y a des mécanismes qui peuvent être mis en place pour mettre des fonds à la disposition de nouveaux partis qui recueillent des appuis suffisants soit en termes de membres ou de contributions, et ce, pour éviter leur marginalisation relativement aux partis établis. L'équilibre, c'est le second enjeu que je voulais aborder. On parle ici de l'équilibre entre les ressources provenant du financement public et privé. Chaque source de financement comporte ses risques et ses bénéfices. Les contributions privées ont le potentiel d'éveiller des soupçons de trafic d'influence. Avérés ou non, ces soupçons minent la confiance du public; c'est pourquoi il faut encadrer ces contributions. Le financement public peut contribuer à cet objectif en fournissant aux partis politiques un revenu stable provenant d'une source fiable et légitime. En même temps, les contributions privées sont reconnues comme ayant une importance démocratique majeure. Elles favorisent l'établissement d'un lien important entre l'électeur et un parti. Plusieurs spécialistes craignent qu'un financement public trop substantiel ne contribue à l'éloignement des partis de leur base. Sans besoins financiers, les partis auraient un incitatif en moins pour tisser des liens avec leurs commettants.

Ce débat, il s'incarne à travers deux approches opposées qu'on retrouve en Allemagne et au Mexique. En Allemagne, la Cour constitutionnelle est fréquemment intervenue dans le développement du régime de financement public, et ce, afin de défendre le principe voulant que les partis doivent éviter d'être trop dépendants financièrement de l'État, de manière à assurer leur enracinement au sein de la population. Ça se manifeste, dans le modèle allemand, d'une manière contraignante et incitative: contraignante, puisqu'un parti allemand est tenu par la loi d'avoir une majorité de fonds qui proviennent de sources privées, faute de quoi l'allocation publique est revue à la baisse; incitative aussi, puisque l'État allemand fournit 0,38 $ pour chaque dollar de contribution recueilli par les partis allemands. C'est une manière de reconnaître l'importance des contributions dans le dynamisme de la vie politique.

L'approche mexicaine est, quant à elle, opposée. Dans un souci d'enrayer la corruption, de limiter l'influence de l'argent et d'avoir un contrôle sur les sources de financement des partis, les partis sont tenus par la loi de ne pas récolter plus de contributions privées que ce qu'ils ont droit en fait de contributions publiques. De fait, les partis politiques mexicains sont ceux qui, selon nos observations, ont la plus grande proportion de leurs revenus qui est tirée des fonds publics, à savoir 83 %. Bref, dans ces deux cas-là, des préoccupations différentes ont mené à des approches différentes.

Dernier élément à considérer, la légitimité. La réglementation, elle joue un rôle important pour rétablir la confiance de la population dans le système de financement politique. À cet égard, les politiciens sont dans une position délicate quand vient le temps d'établir les modalités de fonctionnement du financement public, puisqu'ils sont eux-mêmes visés par ces mesures. Afin de contrer cette perception, l'Allemagne confie à une commission indépendante le soin d'ajuster le montant maximal alloué aux partis politiques, lorsqu'elle le juge nécessaire, sur la base des informations qui lui sont transmises par l'Office fédéral de la statistique. Aux États-Unis, ce sont les électeurs eux-mêmes qui décident, à même leur déclaration de revenus, s'ils souhaitent ou non que 3 $ de leurs impôts soient versés au fonds pour le financement public de la campagne présidentielle.

**(15 h 30)**

Autre préoccupation: quelles dépenses le financement public devrait-il couvrir? Ce qu'on constate, c'est que, dans la majorité des Administrations à l'étude, l'allocation annuelle vise les activités générales du parti et ne précise pas les dépenses visées. Le Mexique et le Royaume-Uni font exception. Une partie de l'allocation mexicaine est octroyée pour appuyer les programmes d'éducation et de formation, tandis que l'allocation britannique vise exclusivement les activités de recherche pour le développement des politiques. Définir les activités visées par les sommes publiques permet un meilleur contrôle et peut contribuer à donner confiance aux citoyens quant à l'utilisation par les partis des allocations reçues.

Une dernière considération avant de conclure: pour plusieurs observateurs, l'octroi du financement public peut être une occasion d'encourager certaines pratiques de la part des partis politiques. De fait, les partis bénéficiaires d'aide publique sont généralement soumis à des obligations de transparence et de reddition de comptes. Certains États vont un peu plus loin notamment en mettant le financement public au service de la promotion de la participation politique des femmes. Par exemple, au Manitoba, certains frais liés à la garde des enfants sont remboursés dans le cadre d'une campagne électorale. Au Mexique, 2 % de l'allocation à laquelle un parti a droit doit être consacrée à des activités de formation, de promotion et de développement du leadership politique des femmes. En France, on a adopté une approche plus contraignante. En effet, là-bas, l'écart entre les candidatures féminines et masculines soumises par un parti ne doit pas dépasser 2 %, sans quoi l'allocation allouée au parti sera réduite d'un pourcentage égal à la moitié de l'écart observé.

Ça fait le tour des enjeux que je voulais observer aujourd'hui. Je conclurais donc en affirmant que l'étude en question vise à explorer les pratiques observées à l'étranger, question d'alimenter les réflexions et potentiellement d'y trouver source d'inspiration. Pour faire un retour sur ce que j'affirmais en début de présentation, il n'était pas question, dans le cadre de cette recherche, de proposer formellement des pistes de solution qui seraient applicables au modèle québécois. Il appartient au lecteur de tirer ses propres conclusions.

Je vous remercie donc pour l'intérêt que vous avez porté à cette démarche et je suis honoré d'avoir pu partager ces observations avec vous aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Turgeon. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange. Et je vais donner la parole à M. le ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne. M. le ministre.

M. Drainville: Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je voulais juste... Avant de poser mes premières questions, M. Turgeon, je veux juste réagir, là, aux propos tenus tout à l'heure par le député de Beauce-Sud. Vous avez bien raison... ou, en fait, le député de Beauce-Sud a bien raison, M. le Président, de noter qu'il y a eu effectivement des abus suite à l'établissement du système de financement public en France. Mais, même après les mesures correctrices dont il a parlé, le nombre de partis bénéficiaires est quand même... a quand même beaucoup, beaucoup augmenté, là. Je disais tout à l'heure que c'était passé de 16 à 82 au moment de l'introduction des mesures, mais par la suite il y a eu des mesures correctrices, mais on est encore autour d'une cinquantaine de partis bénéficiaires et on a même atteint un plafond de 67 partis en 2003. Donc, je tenais à corriger l'impression qu'auraient pu laisser les propos du député de Beauce-Sud.

M. Turgeon, merci beaucoup pour votre travail. Votre étude est très intéressante. Évidemment, vous ne pouvez pas commenter le projet de loi, dites-vous, mais moi, je peux citer votre étude, si vous me le permettez. Et je note en particulier donc, dans cette étude fort intéressante, qui est intitulée Les modèles de financement public des partis politiques au Québec et dans d'autres démocraties: perspectives comparées, donc c'est intitulé Études électorales et c'est publié, comme vous l'avez bien dit, par le Directeur général des élections. Et à la page 9 de cette étude, et je vous cite: «Combiné à d'autres outils, comme le plafonnement des contributions individuelles -- ce que nous prévoyons dans notre projet de loi -- ou encore l'obligation de divulguer ses sources de financement -- ce qui est prévu par la loi -- le financement public peut contribuer à dissuader le financement illicite et à atténuer l'influence de l'argent sur la politique.» C'est exactement le but recherché par le projet de loi n° 2, je tiens à le souligner.

Par ailleurs, à la page 8, votre étude dit ceci, puis, encore une fois, je la cite moi-même parce que je ne veux pas que vous soyez pris pour la citer vous-même, là, alors: «Le financement public des partis politiques a ici été avancé pour servir ces desseins [etc.], et l'on retient généralement trois grands objectifs associés à son établissement que nous détaillerons tour à tour: le financement public a pour objet de lutter contre la corruption et de limiter l'influence de l'argent sur les politiciens; le financement public permet de s'assurer que les partis ont les fonds nécessaires pour remplir leurs fonctions démocratiques; le financement public cherche à améliorer la vie démocratique en rendant la compétition politique électorale plus équitable.»

Alors, moi, je vous dirais qu'effectivement le projet de loi que nous proposons, puisqu'il vise à créer un système essentiellement public de financement des partis politiques, va effectivement, à notre sens à nous, créer davantage d'équité, il va très certainement permettre aux partis politiques d'avoir les fonds nécessaires pour remplir leurs fonctions démocratiques, mais surtout, surtout, le financement public va nous permettre de mieux lutter contre la corruption et de limiter l'influence de l'argent sur les politiciens. Ça, on est tout à fait d'accord avec ça, et c'est pour ça que j'ai trouvé votre étude vraiment très intéressante. Encore une fois, je ne vous demande pas de commenter en lien avec le projet de loi; je ne veux pas vous placer dans une situation difficile.

Maintenant, si on reste sur des thèmes, disons, généraux, là, pour respecter donc votre devoir de réserve, est-ce que vous pourriez nous dire, sur le partage des fonds, sur le partage du financement public, là... Je pense que vous l'avez évoqué un petit peu tout à l'heure, mais j'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu là-dessus. Nous, on fait, dans le projet de loi n° 2, là, un partage des fonds donc de ce financement public à partir des résultats obtenus lors de l'élection précédente. Est-ce qu'il y a dans d'autres États d'autres façons de partager les fonds réservés aux partis politiques en vertu d'un système de financement public?

Le Président (M. Marsan): M. Turgeon.

M. Turgeon (Pierre-Luc): Sur cet élément, le partage des résultats, il y a trois façons de le... le partage des allocations, pardon, il y a trois façons qu'on a recensées dans l'étude.

Premièrement, comme ici, sur la base des résultats électoraux, ici, on l'a modulé d'une certaine façon, là, 0,82 $ fois le nombre d'électeurs, qui donne l'allocation totale divisée en proportion des résultats électoraux. Au Canada, c'est un modèle légèrement différent; on donne un certain montant par vote reçu. C'est deux approches semblables.

L'autre approche qui peut être retenue à certains endroits, c'est de diviser l'allocation sur la base des sièges obtenus. Donc, un parti obtient un montant x par siège qu'il a obtenu. C'est le cas en Belgique, c'est le cas en Suède. Donc, souvent, ça, ça fait en sorte qu'on a un seuil d'admissibilité plus élevé, parce qu'en Belgique, par exemple, ça prend 5 % des voix pour avoir un siège au Sénat ou à la Chambre des représentants. Donc, cette façon de faire là est plus exclusive, si on veut.

Finalement, la troisième façon de partager les allocations, je l'ai mentionné, c'est sur la base des contributions reçues. C'est une pratique qu'on retrouve en Allemagne. Donc, en Allemagne, en plus de la part qui est accordée sur la base des suffrages, on accorde un certain montant sur la base des contributions reçues -- et je vais détailler un peu cette pratique-là, parce que je n'ai pas eu le temps dans l'allocution -- mais 0,38 $ par contribution reçue. En Allemagne, il n'y a pas de plafond de contribution, et les personnes morales peuvent contribuer, et on a limité les contributions qui étaient valides dans le cadre de ce calcul-là aux contributions de moins de 4 500 $ de personnes physiques. Donc, c'est quelque chose d'intéressant dans leur situation.

Une autre approche qui est adoptée sur cette base-là, c'est aux États-Unis où on retrouve les «matching funds», les fonds à contribution doublée. Donc, pour chaque contribution de 250 $ qu'un candidat aux primaires obtient, l'État apparie cette contribution-là à hauteur de 250 $.

Donc, pour répondre à votre question, ce sont les trois manières de diviser les allocations annuelles.

M. Drainville: Oui. Quand il y a appariement comme ça, là, est-ce qu'il y a un montant total qui peut être versé aux partis? C'est-à-dire, en d'autres mots, est-ce que tu peux récolter autant de 250 $ que tu veux puis l'État va toujours te verser un 250 $ sans qu'il n'y ait aucune limite?

**(15 h 40)**

M. Turgeon (Pierre-Luc): C'est le problème avec l'approche américaine. Le fonds, comme je disais, est alimenté à même la déclaration d'impôt des individus et, comme de moins en moins de gens donnent ou cochent la case qui dit qu'ils acceptent que 3 $ de leurs impôts soient versés au fonds, le fonds a de la difficulté à subvenir, et auquel cas il y a des mécanismes d'urgence qui sont prévus. Mais il y aurait probablement moyen de trouver des façons.

En Allemagne, voyez-vous, il y a un plafond absolu. On a fixé le plafond absolu des contributions... des allocations publiques à 180 millions, ce qui fait qu'on ajuste le taux qu'on accorde pour chaque dollar de contribution reçu en fonction du plafond. Donc, il y a moyen de plafonner ces fonds-là pour s'assurer qu'on n'a pas une inflation incroyable, là, des dépenses de l'État. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Drainville: Oui, oui, tout à fait. Alors, oui, vous voulez rajouter?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Bien, c'est ça, c'est une façon de dire qu'on peut très bien dire: L'État va contribuer un montant x pour chaque contribution qu'un parti aura reçue jusqu'à concurrence de, et le plafond est le même pour tous les partis, et c'est une façon de le moduler.

M. Drainville: Pour ce qui est des partis émergents, bon, vous savez que nous, dans le projet de loi, on prévoit donc que c'est possible pour les partis émergents de se financer avec des contributions de 100 $. La majeure partie, dirais-je, des contributions qui sont versées à des petits partis ou à des partis émergents sont en deçà de 100 $, c'est ce qui nous fait dire que la mesure à 100 $ ne devrait pas trop pénaliser les petits partis ou les partis émergents. Et nous, en fait, on a la conviction que, s'il y a effectivement une très grande soif populaire pour un nouveau parti, ce sera possible, pour ce nouveau parti là, d'obtenir, à coups de 100 $, les fonds nécessaires pour obtenir la visibilité voulue puis l'espèce d'assise qui lui permettra de se lancer et de participer aux élections et donc éventuellement de pouvoir bénéficier du financement public.

Dans l'étude que vous avez faite, est-ce qu'il y a des mesures qui sont prévues pour les partis émergents, en particulier dans les systèmes où le financement public est versé en pourcentage en fonction du résultat électoral? Qu'est-ce qu'on prévoit, dans ces pays-là, pour des partis émergents ou des nouveaux partis avant qu'ils puissent concourir dans une élection générale et donc avoir droit au financement public?

M. Turgeon (Pierre-Luc): C'est un problème qu'on remarque partout parce que finalement, peu importe qu'on établisse les contributions sur la base des sièges ou des résultats électoraux, ça reste que c'est toujours sur la base de la dernière élection. Donc, un nouveau parti est un peu exclu des mécanismes de distribution du financement public. Et ce qu'on a pu constater, c'est qu'il y a peu d'États qui prévoient des mécanismes pour faire en sorte qu'un parti qui est un peu «outsider» ou qui n'entre pas dans le calcul de l'allocation annuelle... Ces partis-là sont souvent mis de côté, n'ont pas droit à un financement public. Ils ont droit évidemment de recevoir des contributions privées et de se financer de cette façon-là. Maintenant, les deux cas recensés sont la France et le Mexique. Oui, vous...

M. Drainville: Oui, je vous écoute.

M. Turgeon (Pierre-Luc): O.K. La France et le Mexique. En France, de la manière qu'on a établi ça, c'est que, si un parti, pour une raison ou pour une autre, n'a pas droit aux allocations annuelles parce qu'il n'était pas des dernières élections, ce parti-là va recevoir une aide financière de l'État en autant qu'il réussisse à récolter 230 000 $ en contributions auprès de 10 000 personnes. Dans ce cas-là, l'État va verser, lui aussi, 230 000 $. Donc, on a là aussi le principe d'un fonds à appariement doublé.

Au Mexique, on calcule annuellement, un peu comme ici, une enveloppe totale sur la base... bon, un certain montant, multiplié par le nombre d'électeurs, et cette enveloppe-là est partagée parmi les partis évidemment qui étaient de la dernière élection. Si un parti apparié n'était pas à l'élection, il a droit à 2 % de cette enveloppe-là. Donc, cette enveloppe-là, au Mexique, elle est de 232 millions de dollars, ce qui veut dire qu'un parti, si je ne me trompe pas, c'est 2 %, donc c'est environ 4 millions qu'il peut recevoir en vertu de cette enveloppe-là. Il faut dire que les financements publics là-bas sont très élevés et que la population est plus élevée. Donc, ce sont les deux mécanismes qui ont été mis en place.

Ah! Il faut dire au Mexique aussi que le parti qui émerge entre deux élections a un certain nombre de membres, un critère de membership à respecter, c'est-à-dire, il doit avoir 0,26 % de l'électorat en membres, donc c'est 200 000 membres environ, et ensuite conserver 2 % aux élections. C'est les deux mécanismes qu'il m'a été donné d'observer dans le cadre de cette étude.

M. Drainville: Oui. Moi, j'ai habité deux ans au Mexique. Je veux juste vous dire que si... J'espère que la lutte à la corruption n'est pas le seul objectif du système mexicain. Je vais m'arrêter là. Je ne ferai pas d'autres commentaires, là, mais disons qu'entre la théorie et la pratique il y a un immense, immense fossé. Oui? Vous vouliez rajouter?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Ce que je fais aujourd'hui, c'est apporter des mécanismes qui ont été mis en place, et je ne porterai pas jugement sur les résultats de ces systèmes-là ou... Je comprends que j'apporte l'exemple du Mexique et que ça doit faire froncer des sourcils, mais l'intérêt de l'exercice, c'est de voir les mécanismes et de s'inspirer de ces mécanismes-là. Ensuite, en aval, voir... Je comprends vos préoccupations par rapport au cas du Mexique.

M. Drainville: Oui. Pourquoi, à votre avis... Vous dites vous-même, là, dans plusieurs pays où l'allocation publique est versée en fonction des résultats électoraux, vous dites: Il y a effectivement un débat sur la question des nouveaux partis ou des partis émergents, donc des partis qui n'ont pas pu participer aux élections générales. Donc, vous dites qu'il y a un débat là-dessus, mais effectivement, dans la plupart des pays, le débat ne s'est pas conclu par une résolution du problème, c'est-à-dire le problème est toujours présent.

Comment vous expliquez ça, vous? D'après les études que vous avez faites, si effectivement il y a une question... Si la question de l'équité pour les petits partis ou les partis émergents est posée, comment se fait-il qu'elle ne trouve pas satisfaction?

M. Turgeon (Pierre-Luc): C'est, à mon sens, le problème même des petits partis qui ne peuvent peut-être pas faire valoir cette opinion-là ou c'est probablement un enjeu qui ne soulève pas la population. C'est technique, le financement public. Il y a beaucoup de choses à prendre en considération. Je pense qu'on a la chance aujourd'hui de discuter toutes ces choses-là ici, mais ce n'est pas si souvent, dans les sociétés, qu'on a l'occasion de se pencher sur les mécanismes et d'y réfléchir. Moi, j'ai l'impression que... Je ne peux pas parler précisément pour chaque cas, pourquoi cette préoccupation-là ne s'est pas manifestée, mais c'est certain que ça prend une volonté politique qui était peut-être inexistante à ces endroits-là.

M. Drainville: Mais vous, si vous étiez législateur, là... Est-ce qu'il vous est arrivé, au fil de vos études, de vos lectures, de vos réflexions, de vous dire: Ah! Ça, ça pourrait être une bonne idée; elle n'a pas nécessairement été mise en place ailleurs, mais ça, ça pourrait être une bonne idée? Et, si c'est le cas, est-ce que vous avez le goût de la partager avec nous, cette éventuelle bonne idée que vous auriez pu avoir?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Je ne suis pas législateur, bien au contraire, et je suis en terrain délicat.

M. Drainville: Mais on ne vous en tiendra pas rigueur. On ne vous en tiendra pas rigueur.

M. Turgeon (Pierre-Luc): J'en doute. Peut-être d'autres personnes m'en tiendront rigueur. Non, ce que je peux dire, je soumets bien humblement les mécanismes que j'ai soumis aujourd'hui. Il y en a d'autres. Moi, j'ai produit cette étude-là, je l'ai produite au compte du DGE qui l'a rendue publique, et, de là, évidemment, on peut tous laisser aller notre imagination à toutes sortes de mécanismes, et c'est fabuleux ainsi, mais, pour aujourd'hui, je vais me garder une petite gêne.

**(15 h 50)**

M. Drainville: Vous gardez une petite gêne. Oui. Vous comprenez, nous, une des grandes préoccupations que nous avons dans toute cette discussion autour du projet de loi n° 2, c'est qu'on veut que ça se fasse essentiellement à coût nul pour le contribuable, hein? Ça, c'est une très grande préoccupation que nous avons. C'est d'ailleurs le sens de l'engagement que nous avons pris en campagne électorale, et effectivement, pour ce qui est, en tout cas, des années non électorales, le système essentiellement est à coût nul. Donc, on élimine les crédits d'impôt, et on prend ces sous-là, et on les reporte sur le financement public des partis. Donc, la notion de coût, pour le contribuable, elle est... c'est un des éléments fondamentaux qui soutient notre proposition. Quand j'entends parler des autres systèmes ailleurs, en Europe notamment, je ne sais pas jusqu'à quel point est-ce que la question des coûts est un facteur dans les débats qui ont lieu là-bas. Est-ce que, dans vos lectures, vos recherches, cette question-là, elle est soulevée?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Quand j'abordais la question de la légitimité tout à l'heure, ça faisait référence à ça en quelque sorte. Et il y a beaucoup, dans la littérature, une préoccupation à l'effet que justement les fonds publics soient utilisés pour financer les partis dans un contexte où il y a un certain cynisme, etc. Donc, certains peuvent y voir un certain problème. Je parle au plan des principes. C'est certain, comme je mentionnais, que c'est une préoccupation. On parle de fonds publics, et, de manière générale, on regarde comme il faut comment on l'utilise, mais force est de constater que le... Je pense qu'une mesure qui est intéressante, j'ai nommé l'Allemagne qui a confié à une commission indépendante le soin de revoir le plafond maximum des allocations annuelles. Ça dépolitise la chose.

Je pense qu'ici, au Québec, et c'est un système qui est en branle depuis quelques années, au Canada et à d'autres endroits, on indexe ces sommes-là, ce qui fait qu'elles peuvent s'ajuster graduellement au coût de la vie, ce qui rend la mesure, à mon sens, plus légitime, puisqu'on n'a pas besoin de faire des augmentations drastiques après des dizaines d'années pour ajuster l'allocation au coût de la vie. Donc, c'est certain que le coût de ces mesures-là est une préoccupation parce que ce qui est souvent soulevé dans la littérature, c'est que c'est une mesure qui peut être perçue comme relativement impopulaire pour certaines personnes, le fait de financer des partis à même les fonds publics, parfois des partis qu'ils n'appuient pas; ça peut être préoccupant. À ceci, je dirais par contre que, et c'est l'argument qu'un auteur rapporte, il ne faut pas voir le financement public comme étant une contribution à un parti en particulier mais au système de partis en général. Donc, au plan démocratique, à ce niveau-là, ça se défend. C'est deux écoles de pensée. C'est à nous d'en tirer les conclusions qui nous plaisent.

M. Drainville: Oui, parce que je vous ferais remarquer, et certains l'ont dit déjà, que la corruption et le détournement de l'actuel système de financement des partis nous coûte, lui aussi, très, très cher. Quand on voit que le système est détourné pour permettre à certaines entreprises de donner d'une façon illégale à un parti ou quand on voit que certaines personnes s'insèrent dans l'actuel système et le détournent de son sens pour obtenir des avantages indus, des avantages financiers notamment, et que ces avantages-là finissent par nous coûter très, très cher, notamment en extras, en dépassements de coûts sur des contrats publics, lesquels contrats publics, lesquels dépassements de coûts d'ailleurs servent à financer par la porte d'en arrière les illégalités qu'on a observées, je pense que le coût social, le coût économique, le coût financier pour une société de devoir payer, pour le système actuel, le coût en corruption, le coût en dépassement de coûts, ça finit, ça aussi, par coûter très cher. Il faut l'inclure, je pense, dans le coût social de l'actuel système.

On me suggère une bonne question: Est-ce qu'il y a des études qui démontrent que le financement public a un comportement positif ou négatif sur le comportement des électeurs? Est-ce qu'en général il y a une corrélation? Est-ce qu'on est capables d'établir, par exemple, que, dans les pays qui ont institué un système de financement public des partis, ça a eu un impact plutôt positif, dis-je, sur la démocratie?

M. Turgeon (Pierre-Luc): À quel effet sur le...

M. Drainville: Notamment en termes de participation des électeurs, participation électorale.

Le Président (M. Marsan): En terminant, il reste très peu de temps.

M. Turgeon (Pierre-Luc): À ma connaissance et dans cette étude-là, on fait état de certaines études et de leurs conclusions, mais au plan de la participation politique, je ne saurais m'exprimer.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie.

M. Drainville: Très bien. Merci beaucoup.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. le ministre. Nous allons poursuivre la période d'échange, et je vais donner la parole au parti de l'opposition officielle et à son porte-parole en matière d'institutions démocratiques. M. le député.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Avant de vous poser une question, je veux revenir sur la question du coût nul versus le coût social, qui est un problème, à mon avis, qui est tout à fait exact, et je veux réitérer et réattirer l'attention du ministre sur le problème au niveau municipal qui, à mon avis, est le parent pauvre du financement public du système et où je pense que, quand on aura le dépôt d'un projet de loi, ce ne sera pas à coûts nuls, c'est-à-dire que ça va coûter plus cher de faire le financement des partis politiques municipaux, et nous, nous serons d'accord avec ça, parce que, même si ça coûte plus cher sur le plan des finances publiques ou des électeurs... des citoyens et des municipalités, parce qu'en général ce sont les municipalités qui les paient, les citoyens des municipalités qui les paient, on pense qu'effectivement il y aura un gain important à faire du côté de la corruption dans les municipalités, comme on le voit actuellement dans les médias.

Donc, c'était un aparté là-dessus, et j'estime que, si on découvrait que le coût doit être un peu plus élevé au niveau provincial qu'il ne l'est actuellement, mais que ça a pour effet de contrer davantage les risques de corruption... je pense qu'il faut avoir la bonne réflexion, ici, autour de la table, de se dire: Oui, ça va coûter un petit peu cher, mais on y regagne tellement en termes de coût social ou de diminution de la corruption qu'il faut le faire. C'était une remarque préliminaire.

Je veux attirer votre attention sur les coûts non... sur les subventions non monétaires des pays. Vous avez relevé, dans quelques pays, qu'il y en avait. Je n'ai vu que la France qui avait un système d'affichage, je dirais, qui est contrôlé par l'État, de façon équitable envers tous les partis. Est-ce que vous avez constaté ça ailleurs et est-ce que vous avez des remarques sur ce système-là en France?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Sur le système français et en Europe en général, il y a une bonne approche de subventions matérielles, matériel électoral, les places pour l'affichage aussi. Donc, à certains endroits, aussi, on va rendre les frais postaux gratuits pour les partis politiques. Ou encore de fournir des locaux pour les partis. C'est des façons de participer indirectement, donc pas en octroyant une subvention, un certain montant, mais en fournissant directement le matériel aux partis. Ça fait en sorte que, pour l'État, c'est une façon de contrôler, de manière plus accrue, l'utilisation qui est faite de sa participation qui, dans ce cas-là, n'est pas financière mais matérielle.

En France, avec le système d'affichage, c'est certain qu'il y a toute une logique. Je ne peux pas m'exprimer sur le cas français précisément, je sais qu'il y a un système d'affichage et que c'est fait... bon, les partis peuvent, de manière équitable, utiliser ces espaces-là, mais ça revient un peu aussi à l'enjeu de l'accès aux médias qui est réglementé dans plusieurs pays. Donc, il y a certains endroits, on interdit aux partis d'acheter du temps d'antenne. On le fournit gratuitement. On le partage en proportion de l'importance du parti, souvent sur les mêmes bases que les allocations annuelles sont attribuées. Donc, ces subventions-là non matérielles ou cette participation non monétaire, pardon, c'est une approche qui est beaucoup utilisée en Europe, peu ici, en Amérique du Nord. Voilà.

M. Dutil: Pour ce qui est de la question de l'affichage, vous me dites que ça existe ailleurs qu'en France ou que ça n'existe qu'en France, à votre connaissance?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Je crois qu'en Belgique on fonctionne de cette façon-là aussi. Il faudrait vérifier, mais je ne crois pas que ce soit une pratique exclusive à la France. J'ai l'impression qu'en Belgique c'est le cas aussi, mais je ne suis pas certain. Il faudrait vérifier.

M. Dutil: Juste pour l'information des collègues ici: Moi, j'étais en France en 2002, et j'ai été surpris de voir ça, mais il y avait 16 candidats à la présidence. C'est la fameuse année où il y a eu quatre élections d'affilée, hein, deux législatives, deux à la présidentielle ou deux à la présidentielle, deux à la législative, et l'affichage était fait tout au même endroit. Les panneaux étaient accrochés les uns avec les autres. Tu avais 16 panneaux, tout le monde était affiché au même endroit, donc il n'y avait pas de chicane sur le choix des poteaux, sur le choix de la grosseur des affiches et sur le coût exorbitant, à mon sens, de l'affichage. Alors, tout ça, je tenais à le mentionner.

Un autre point qui m'a un petit peu étonné mais dont on n'a pas tenu compte, nous, c'est la divulgation des dons. En Belgique, on est contre la divulgation parce que ça nuit à la vie privée. En Suède, qui n'est pas considéré comme le dernier des pays ou en termes d'organisation politique, là, ils ont également le même critère, c'est-à-dire ils ont des réserves sur la question de la confidentialité de la liste. Est-ce que vous avez vu d'autres endroits et quels sont les arguments qui militent en faveur de ça?

**(16 heures)**

M. Turgeon (Pierre-Luc): Le principal argument, pour ce qui est de la Belgique -- en France, on opère un peu de la même façon -- c'est de dire que c'est un geste privé que de donner à un parti politique, et que ça pourrait, bon... les personnes ne veulent pas être identifiées à un parti. Ça fait partie... C'est une préoccupation de confidentialité essentiellement qui fait qu'on a ces mesures-là. Ici, on a une approche tout à fait contraire, en rendant publiques toutes les contributions. C'est deux façons différentes de concevoir les choses.

En Suède, c'est un peu plus profond que ça, si je peux dire, en ce sens que les partis politiques ne sont pratiquement pas réglementés, sous aucun aspect. Ils touchent à un financement public très important, mais il y a cette façon de penser qui est que les partis, pour bien remplir leurs fonctions, ne doivent pas être encadrés par l'État, ils doivent être complètement indépendants. En fait, ils n'ont pas à s'enregistrer auprès d'une autorité publique, ils n'ont pas le contrôle d'une autorité publique, ils n'ont pas à publier leurs comptes. Donc, c'est un peu la manière qu'ils ont, c'est une mentalité un peu différente. Et tout ce qui est contrôle, c'est les partis qui, eux-mêmes, de leur gré, vont s'entendre pour... Il y a une entente entre les partis pour refuser les contributions de personnes morales, mais la contrainte n'est pas là. C'est de bonne foi que les partis font des ententes comme ça. L'État n'intervient pas pour réglementer, ce qui est un peu paradoxal, parce qu'on leur donne des sommes d'argent public très, très élevées, donc c'est un peu une particularité.

Mais pour, plus précisément, la question de la contribution, c'est vraiment une préoccupation de confidentialité qui fait que, dans certains États, on ne veut pas publier ces montants-là, tandis que d'autres... Comme ici -- au Royaume-Uni, c'est le cas aussi, aux États-Unis -- le système de financement est vraiment basé sur la transparence: savoir qui donne à qui pour ensuite avoir...

M. Dutil: Quel que soit le montant.

M. Turgeon (Pierre-Luc): Quel que soit le montant. Bien, il faut dire qu'ici on divulgue toutes les contributions. Ce n'est pas le cas partout. Il y a des taux différents. Mais souvent, dans les pays que je viens de mentionner, il y a une préoccupation que les partis aient une bonne reddition de comptes puis démontrent qui ont donné les sommes.

M. Dutil: Et la Belgique a une particularité qui fait qu'ils ont mis, dans leurs conditions pour l'octroi de financement public, le respect des droits de l'homme. Je n'ai pas vu ça ailleurs, j'ai vu ça dans votre étude. C'est la première fois que je voyais ça. Est-ce que ça existe ailleurs et comment ça se retrouve, en termes d'application?

M. Turgeon (Pierre-Luc): C'est le seul endroit, à ma... bien, dans les pays étudiés. Ça répond à la préoccupation dont je parlais tout à l'heure à l'effet que le financement public peut être accordé à des partis qu'on n'appuie pas. Et il y a des partis d'extrême droite en Belgique, et il y avait un certain malaise de certaines personnes au sein de la population de voir que des fonds publics servaient à financer des partis d'extrême droite qui se déclaraient contre la démocratie ou contre les droits de l'homme. Donc, c'est une façon qui a été mise de l'avant pour faire en sorte... Finalement, on demande à ces partis-là de s'engager à respecter la convention des droits de l'homme, donc, pour pouvoir toucher à des fonds publics. C'est une condition morale, si on veut.

M. Dutil: Et, si j'ai bien compris, s'il y a des contestations de ça, il n'y a pas eu de jugement à cet effet-là de la part de ces partis-là. Il y a des partis qu'on soupçonne de...

M. Turgeon (Pierre-Luc): On ciblait des partis en particulier. Et je sais qu'au moment de faire l'étude, et c'est ce que je dis dans l'étude... il faudrait faire la recherche pour voir le suivi, mais il y avait des actions intentées contre certains partis qui ne respectaient pas cette disposition. Je ne sais pas c'en est où, malheureusement; il faudrait vérifier.

M. Dutil: Vous avez encore du travail à faire, là, vous, là, si je comprends bien.

M. Turgeon (Pierre-Luc): Il y a...

M. Dutil: La fraude, en France, sur le... À partir du moment où le financement public s'est élargi substantiellement, on a vu monter le nombre de partis à un niveau de 16, je pense, à... Il me semble que c'était 80; c'est peut-être 67, comme le disait le ministre tout à l'heure. Et il y a une réduction par la suite mais jamais une réduction au niveau de ce qu'il était auparavant. Est-ce qu'ils ont trouvé les bons moyens de contrôler la fraude que ça a généré, d'augmenter le financement public?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Le problème au départ, quand on a mis en place le système de financement public en France, c'est qu'il n'y avait pas de seuil d'admissibilité, et ça, combiné à une définition légale très vague de ce qui est un parti... ce qui fait qu'un parti pouvait se créer et toucher à des fonds publics. Donc, il y a beaucoup de mouvements frauduleux, en effet, qui, dans les quatre premières années de la mise en place du système, se sont mis... qui se sont créés. Et ça a été un problème. On est passé en effet de 16 à 82 partis. Depuis, on a instauré un seuil. Donc, le seuil est à 1 % des suffrages. Donc, un parti doit obtenir 1 % des suffrages pour toucher à l'allocation, qui est ensuite distribuée en fonction... proportionnellement aux résultats électoraux. Donc, ça a permis de réduire le nombre de partis. Mais, à ma connaissance, c'est une préoccupation qui est plus ou moins là aujourd'hui. Il faudrait fouiller plus. Mais, comme je le dis dans l'étude, on tourne maintenant autour d'une cinquantaine de partis qui touchent au financement. C'est beaucoup, mais c'est une réalité différente aussi, je...

M. Dutil: C'est pas mal de monde, là, 50 partis. Mais, en tout cas, regarde, je pense que c'est un point à suivre. Si on s'en va vers davantage de financement public, il faut avoir à l'esprit qu'il y a des esprits malins aussi, dans ce genre de choses là, qui peuvent décider de partir dans la business des partis politiques sans aucune envie de faire de la politique, mais juste d'aller se chercher des salaires puis de gagner leur vie de cette façon-là. Je ne pense pas qu'on puisse éluder cette remarque-là, que vous citez bien.

Merci de votre étude. En passant, j'ai trouvé ça fort intéressant, et je pense que ça va nous guider dans les travaux de la commission pour raffiner davantage le projet de loi.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.

M. Poëti: Alors, d'emblée, la même chose, je voulais vous féliciter pour la qualité de votre travail. Tantôt, je parlais de présomptions ou d'impressions; ici, on a des chiffres puis on a un chercheur qui a amené des réflexions. Aussi, garant de ce que vous avez souligné, là, pour ne pas vous placer dans un terrain délicat, ma question va s'adresser à partir... on ira de 2010 au 3 septembre.

Sur le volet du financement privé, qui est encadré, quand même, au Québec, vous situez, par rapport... à travers le monde, la qualité ou la rigueur qui entoure le financement privé au Québec... Si vous le comparez à travers le monde, vous nous situez où, sur les règles du jeu qui entourent le financement privé?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Les règles qu'on a actuellement en ce qui concerne les limites de contribution sont, selon ce qu'on observe, parmi les plus sévères pour les Administrations étudiées. On a le Canada qui se situe dans les mêmes eaux et la Belgique aussi, qui a en ce moment un taux un peu plus bas, à 675 $ par parti. Donc, c'est une des approches, oui, qui est parmi les plus sévères, si on veut.

Après ça, on monte à 10 000 $ en France. Donc, après ça, c'est vraiment des montants plus élevés, ce qui relève d'une logique un peu différente. Finalement, ici, on a mis un plafond pour favoriser un financement populaire. 10 000 $, ce n'est pas notre conception de ce qu'est un financement populaire. Mais, voilà, ça, c'est l'équilibre à établir qui revient au législateur, effectivement.

M. Poëti: Donc, je comprends qu'au niveau mondial l'encadrement sur ce volet-là... le Québec est en bonne position.

M. Turgeon (Pierre-Luc): Bonne position ou mauvaise, il est dans cette position-là. Si on juge que c'est bien que ce soit ainsi ou... Je ne veux pas porter de jugement. J'observe que, parmi les États que j'ai étudiés, c'est le cas. Parmi les États et les provinces aussi, on est parmi ceux qui ont les limites de contribution les plus basses.

M. Poëti: Les plus sévères. C'est le terme que vous avez utilisé.

M. Turgeon (Pierre-Luc): Basses ou sévères, oui.

M. Poëti: Merci beaucoup.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre): Merci, M. le Président. Combien de temps...

Le Président (M. Marsan): Huit minutes.

M. Ouimet (Fabre): Ah! Je pourrai vendre une minute, peut-être.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet (Fabre): Bonjour, M. Turgeon. À mon tour de vous féliciter pour votre étude, qui tombe à point nommé, compte tenu des discussions que nous entreprenons. Alors, je comprends, votre étude... En fait, dès le départ, vous avez fait une brève présentation que je trouvais très intéressante parce que ça résumait bien l'ensemble de l'étude que j'ai lue. Aviez-vous l'intention de produire vos notes pour le bénéfice de la commission?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Si on me le demande, je peux les revoir, et m'assurer qu'il n'y ait pas de faute, et...

M. Ouimet (Fabre): En fait, M. le Président, j'apprécierais. Moi, je trouvais que c'était un très bon résumé de l'ensemble de l'étude, pour ceux qui ne veulent pas se donner la peine de tout lire, ce qui serait dommage, mais...

Le Président (M. Marsan): Je comprends que vous allez le faire parvenir au secrétariat de la Commission...

M. Turgeon (Pierre-Luc): Oui, oui, je pourrais prendre les dispositions.

Le Président (M. Marsan): ...et nous allons nous occuper de le distribuer à tous les membres de la commission.

M. Ouimet (Fabre): Merci, M. le Président. Merci, M. Turgeon. Donc, pour revenir à votre étude, je comprends que, et vous l'avez mentionné tantôt, votre objectif, ce n'est pas d'évaluer l'efficacité des mesures mais de constater, d'une part, qu'elles existent et les objectifs qu'on poursuit avec ces mesures-là. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Tout à fait. On s'intéressait à ce qui s'est fait en amont, les enjeux, les objectifs et ce que ça a pu amener comme mécanismes. Maintenant, de voir l'efficacité de ces mesures-là et tout ça, c'est très pertinent, mais ça relève d'une autre... On a 24 heures dans une journée et le temps est limité. Mais, bref, le spectre de cette recherche-là, c'étaient vraiment les motivations pour le financement public puis les mécanismes.

**(16 h 10)**

M. Ouimet (Fabre): Et je comprends à cet égard-là, en ce qui concerne le crédit d'impôt... et j'en suis à la page 35, alors je lis l'étude: «Le crédit d'impôt a pour objet de favoriser la participation financière des citoyens à la vie politique, et ce, en encourageant les contributions aux partis politiques.» Alors, ce que vous avez constaté, c'est que la justification derrière le crédit d'impôt, c'était dans le but de favoriser la participation populaire, c'est ça?

M. Turgeon (Pierre-Luc): C'est un peu l'esprit de cette mesure-là comme on l'a instaurée au Québec, c'était pour ça. Et ce qu'on lit aussi dans la littérature, c'est que c'est le but de cette mesure-là que de favoriser le financement par les particuliers.

M. Ouimet (Fabre): Même chose. Tantôt, je pense que vous étiez présent lors de l'audition des témoins précédents... Je fais référence au fait que, dans votre étude, vous avez souligné la baisse, que je qualifierais de drastique, du nombre de contributeurs aux principaux partis politiques au Québec sur une période d'à peu près 30 ans. C'est ça, vous avez relevé ce phénomène-là?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Je cite MM. Pelletier et Montigny, qui ont fait une étude et qui ont constaté qu'il y avait diminution des contributeurs, en effet.

M. Ouimet (Fabre): C'était une étude de 2012, si je ne m'abuse?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Oui.

M. Ouimet (Fabre): Maintenant, dans les conclusions, dans vos conclusions, je lis, à la page 121, au deuxième paragraphe... En fait, je comprends que vous soulignez qu'il y a des obstacles à l'approche scientifique, pour la communauté scientifique, de mesurer les impacts du financement public. Alors, ce qu'il faut comprendre de ça, c'est qu'il faut être prudent dans notre volonté de chercher des réponses absolues ou... Qu'est-ce qu'on doit tirer de cette remarque que vous faites à la page 121?

M. Turgeon (Pierre-Luc): L'étude, dans l'ensemble, je vous laisse le soin de l'interpréter, mais elle se veut un portrait équilibré des avantages, des inconvénients du financement public et des différentes mesures qui sont mises en oeuvre pour le concrétiser. Prudence, évidemment, parce que, comme pour toute politique publique, il faut songer à toute éventualité, il faut songer à tous les enjeux qui peuvent surgir quand on veut développer une politique publique ou développer un cadre réglementaire pour le financement public des partis. Donc, ce qu'elle dit, cette étude-là, elle vient un peu montrer les deux côtés de la médaille, les deux facettes du financement public. Et, après ça, c'est toute une question d'équilibre. Et l'équilibre est important, et cet équilibre-là, c'est au législateur de tracer la ligne. Et j'aborde dans l'étude les différentes approches, et je répète que chaque approche a ses mérites, chaque approche a ses justifications. Et c'est ça, maintenant, ça appartient à vous de continuer avec ces observations.

M. Ouimet (Fabre): Je comprends, et nous allons assumer notre rôle de législateur, soyez assuré. Mais je comprends, et ça, c'est dans le but de nous éclairer dans cette tâche-là, le constat que vous faites ou ce que l'étude suggère, c'est de faire preuve de prudence à ce chapitre et que l'équilibre est un élément important à rechercher. C'est ce que je comprends que vous faites ressortir.

M. Turgeon (Pierre-Luc): Il faut être prudent en toute chose. Et je trouve que la prudence, c'est important, en effet, en toute chose.

M. Ouimet (Fabre): J'ai terminé mes questions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Oui, je vous remercie. Nous allons poursuivre, et je vais demander au porte-parole de la deuxième opposition en matière d'institutions démocratiques de prendre la parole. M. le député de Chauveau, la parole est à vous.

M. Deltell: Merci, M. le Président. M. Turgeon, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Très intéressant, comme mes collègues ont dit tout à l'heure, votre étude. C'est le genre de livre qu'on garde dans le coin puis qu'on sait que c'est comme un dictionnaire. On y réfère, puis on va y retourner. Puis ce n'est pas fini, cette histoire-là, on va le lire souvent. Merci, M. Turgeon, pour votre contribution.

J'ai trois points à aborder avec vous. Actuellement, et la loi le poursuit, l'article 91 de notre loi sur le financement des partis politiques fait en sorte qu'un citoyen ne peut donner que 100 $ à un parti politique mais peut donner 100 $ à tous les partis politiques et à tous les candidats. Est-ce qu'il existe des législatures dans le monde où on restreint le droit de faire des dons à plus qu'un parti politique?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Je prenais le cas de la Belgique tantôt: la limite est à 675 $ par parti pour un individu, mais un individu ne peut pas donner plus de 2 700 $ en tout. Donc, on limite la contribution d'un individu à la vie politique en général et on la sépare aussi, on la limite par parti. Donc, la Belgique est un cas comme ça qui me vient à l'esprit. Et je crois que c'est celle-ci qui me...

M. Deltell: Donc, vous qui avez passé au peigne à peu près tout, à brûle-pourpoint comme ça, vous me dites il y a un cas, mais, encore là, on peut donner à tout le monde jusqu'à un certain point.

M. Turgeon (Pierre-Luc): Sous réserves, je pense qu'en France, c'est la même façon de faire, mais il faudrait vérifier. C'est une question un peu plus précise.

M. Deltell: À votre connaissance, il n'y a pas une législation qui interdit à quelqu'un de donner plus qu'à un seul parti.

M. Turgeon (Pierre-Luc): Il faut dire aussi qu'on a étudié huit législatures, hein? Mais, oui, en effet, la Belgique est la seule qui m'apparaît comme adoptant une telle mesure, sur les huit étudiées.

M. Deltell: La loi actuelle fait en sorte que, comme on dit en politique, on ne peut plus passer le chapeau, c'est-à-dire qu'on ne peut pas tenir une assemblée puis demander aux gens: Si vous voulez contribuer, videz vos poches puis donnez quelques dollars, quelques dizaines de dollars, puis, mine de rien, des fois, ça permet de payer bien des choses. Et, juste pour votre gouverne, M. le Président et chers collègues, cette tradition-là était bien présente au Québec, dans les années 60, avec le Crédit social sous l'égide de Réal Caouette, qui finissait toujours ses assemblées en disant: On passe le chapeau. Si vous avez de l'argent, donnez-en; s'il vous en manque, pigez-en dedans. Et semble-t-il que l'expérience concluait au fait qu'il n'y avait personne qui pigeait dans le chapeau.

Mais le fait est qu'actuellement on ne peut plus avoir ça, et chaque dollar qui est donné doit être comptabilisé. Est-ce que vous savez si ailleurs, dans d'autres législatures, dans les huit cas que vous avez étudiés, il y a des cas où justement il y a un seuil minimum auquel, bon, on n'est pas obligé de faire un rapport, puis donner un petit papier, puis remplir un formulaire épais comme ça, là?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Ça n'a pas fait l'objet de l'étude pour ce qui est... En ce qui concerne les limites aux contributions, c'est limité à l'interdiction aux personnes morales, qu'on a observé, la limite des contributions, et la transparence, la divulgation des sources de financement. Mais on n'est pas allés dans le fin détail jusqu'à observer ça, puisque c'était un peu... L'objet était plutôt le financement public, mais il fallait aborder les limites de contribution parce que c'est les deux facettes. Mais on n'est pas allés dans le fin détail à ce niveau-là.

M. Deltell: Bien. Dernier point, c'est la reddition de comptes. Actuellement, notre système fait en sorte que les partis politiques sont remboursés par l'État en fonction des revenus qu'ils ont, bien entendu, mais avec des preuves à l'appui, c'est-à-dire: Il faut déposer un bilan, puis le gouvernement nous rembourse.

Le projet de loi change la donne, et on est d'accord avec ce principe-là, c'est-à-dire que l'État donne des sous aux partis politiques, puis arrangez-vous avec ça, faites ce que vous voulez dans la mesure où vous respectez évidemment les règles politiques. À votre connaissance, est-ce que, dans les huit cas que vous avez étudiés, il y a des redditions de comptes et les partis politiques sont remboursés en fonction des pièces justificatives et non l'inverse?

M. Turgeon (Pierre-Luc): Je le mentionnais un peu dans l'intervention, mais, souvent, l'allocation annuelle, elle est attribuée... c'est un calcul qui est fait, et, si un parti a droit à ce montant-là, on lui accorde. Il doit, après ça, faire évidemment la reddition de comptes, soumettre un rapport annuel, et tout ça, mais généralement ça ne fait pas l'objet d'un remboursement s'il n'a pas dépensé les sommes ou quoi que ce soit. C'est généralement une somme qui est donnée aux partis selon le calcul qui a été établi, et c'est comme ça.

M. Deltell: Évidemment, vous n'avez pas d'opinion, mais nous, on est payés pour en avoir: on est d'accord avec ce principe-là du projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Pierre-Luc Turgeon. Merci de nous avoir produit vos commentaires.

Et, sur ce, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, à 8 heures, à la salle RC.171, pour une séance de travail, et nous poursuivrons nos travaux demain 20 novembre, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, afin de poursuivre les auditions publiques sur le projet de loi n° 2. Merci et bonne soirée.

(Fin de la séance à 16 h 19)

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