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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le mardi 28 février 2012 - Vol. 42 N° 70

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 46, Loi concernant les enquêtes policières indépendantes


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures une minute)

Le Président (M. Drainville): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je constate que nous avons le quorum, je déclare donc la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, s'il vous plaît.

Alors, la commission, elle est réunie pour poursuivre les consultations particulières sur le projet de loi n° 46, Loi concernant les enquêtes policières indépendantes. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bernard (Rouyn-Noranda--Témiscamingue) est remplacé par M. Ouellette (Chomedey).

Auditions (suite)

Le Président (M. Drainville): Très bien. Alors, ce matin, nous allons entendre les représentations de la Ligue des Noirs du Québec puis celles du Barreau du Québec. En après-midi, nous recevrons l'association des avocats et avocates de la défense et les représentants de l'École nationale de police du Québec.

Alors, sans plus tarder, je vais inviter les représentants de La Ligue des Noirs du Québec à faire leur exposé. Nous accueillons donc M. Dan Philip, qui est le président de la ligue, bienvenue...

M. Philip (Dan): Merci, monsieur.

Le Président (M. Drainville): ...M. Gabriel Bazin, M. Ryan Cox et Mme Kathia Jean Charles. Merci beaucoup d'être là. Bienvenue dans votre Assemblée nationale. M. Philip, à vous la parole.

La Ligue des Noirs du Québec

M. Philip (Dan): Oui. Me Bazin va commencer pour nous.

M. Bazin (Gabriel): En matière de droits et libertés, le Québec est considéré comme une société avancée, moins punitive, soucieuse de réhabilitation. C'est dans cet esprit que le Québec s'oppose au projet de loi C-10 farouchement combattu par notre ministre de la Justice du Québec jusqu'à Ottawa.

Dans le même esprit, nous devons nous demander si le projet de loi n° 46 constitue une marche en avant vers la justice. Le projet de loi n° 46 n'accorde pas la justice aux victimes d'abus policier. L'histoire récente du Québec est parsemée de coups de feu de policiers qui mettent une fin tragique à la vie de citoyens inoffensifs, ne représentant aucun danger pour la vie de ceux qui mettent fin à leurs vies tout simplement parce qu'ils sont dans une situation embarrassante qu'ils ont eux-mêmes créée parfois parce qu'ils interviennent auprès des citoyens avec le pouvoir de leurs armes.

La force doit-elle primer le droit? Le projet de loi n° 46 est-il un outil qui permettra d'avoir un contrôle sur le geste du policier qui a mis fin à la vie du citoyen, contrôle qui favorisera la prévention d'autres actes du même genre? Le bureau de surveillance sera-t-il tout simplement un bureau d'observation aussi inefficace que le Comité de déontologie, un paravent pour acheter la paix sociale et cacher la vérité? Le rapport de consultation de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse illustre bien le profilage racial, les pratiques policières à l'endroit de la communauté noire, profilage racial qui se solde tragiquement par la mort d'individus dans certains cas.

Le projet de loi n° 46. On parle de la tenue d'une enquête indépendante sans préciser les moyens pour garantir cette indépendance. L'expérience nous a appris que l'impartialité, elle n'existe pas quand un corps policier enquête sur des membres d'un autre corps policier. Quant au policier ciblé par l'enquête, la première réaction de son corps policier, c'est de faire intervenir dans les médias son responsable des relations publiques dans le but de l'innocenter et de condamner publiquement les victimes.

L'article 289.14 du projet de loi nous dit que le ministre avise le directeur du bureau de la tenue d'une enquête indépendante sans préciser quand et à quel moment.

L'article 289.15. Le directeur désigne qui agira comme observateur du bureau pour surveiller l'enquête indépendante. Cet article ne dit pas ici non plus à quel moment le directeur choisit cet observateur.

Donc, il y a ici clairement un manque de rigueur. La loi ne doit pas parler pour ne rien dire. Il s'agit donc d'un bureau de surveillance qui interviendra après les faits, après que tout sera concocté. Ce bureau de surveillance sera un eunuque.

Les citoyens du Québec ont besoin d'une commission d'enquête permanente totalement indépendante, nous voulons dire sans association aucune avec la police, avec un directeur civil. La Colombie-Britannique l'a fait, l'Ontario l'a fait, l'Alberta l'a fait, le Manitoba l'a fait. Ce que ces provinces ont fait, le Québec peut le faire aussi. Avec ce projet de loi, le Québec est donc totalement en arrière par rapport à ce qui se fait ailleurs au Canada dans le domaine.

La Ligue des Noirs ne peut que rappeler que, contre toute logique, plusieurs policiers ont été de manière inexplicable blanchis par d'autres policiers. Nous savons tous qu'après la mort de Marcellus François aux mains des policiers, le directeur de la police, Alain Saint-Germain, a eu le courage d'intervenir pour déclarer que les policiers avaient manqué de professionnalisme et de rigueur. Les policiers encore ont réagi par une manifestation contre ce directeur: le 13 février 1992, 2 500 policiers vêtus de leurs uniformes et armes étaient descendus dans les rues de Montréal. Par cette manifestation, les policiers avaient mis en jeu la sécurité des citoyens.

La police ne doit pas être considérée comme un État dans l'État. Yves Prud'homme, ex-président de la fraternité, était d'avis qu'aucune intervention ne devrait être faite dans le cas de bavures policières. La situation n'a nullement changé aujourd'hui, quand, dans le cas de Villanueva, avant toute enquête, nous avons entendu les autorités et porte-parole déclarer publiquement qu'ils allaient protéger les policiers.

Les enquêtes ne doivent pas avoir comme objectif d'acheter la paix sociale et de garder la paix des tombeaux pour les victimes, mais faire la lumière, rendre la justice dans cette société de droit qui est la nôtre. Dans une société démocratique, on ne peut laisser à la police le droit et le pouvoir de tout contrôler.

**(10 h 10)**

L'Assemblée nationale est la gardienne de la justice sociale. C'est le devoir des élus de garantir par des lois justes la sécurité des citoyens. Nous ne pouvons nous permettre de jouer avec les mots. Dans plusieurs cas, citons Anthony Griffin, Martin Suazo, Quilem Registre, Villanueva, l'accès à la justice a été dénié en raison même d'enquêtes policières dites indépendantes, parce que, selon les déclarations d'un ex-sergent enquêteur de la Sûreté du Québec, Gaétan Rivest, il y a des manipulations, une falsification de preuve lors d'enquêtes menées par les policiers d'un corps sur un autre.

Il faut noter que les conflits qui engendrent des morts d'hommes sont une résultante de la pression injustifiée de la police contre les citoyens de groupes marginalisés, spécifiquement les groupes multiethniques. C'est le cas notamment de l'escouade Éclipse, qui ciblait particulièrement Montréal-Nord, un groupe multiethnique avec des policiers agissant avec un style provocateur et agressif, opérant des contrôles d'identité sans aucun motif raisonnable.

Les criminologues ont étudié avec objectivité l'état de la question. Nous ne voulons plus d'un système où le policier est juge et partie à la fois, comme c'est le cas dans l'enquête policière prétendue indépendante. La violation des droits des citoyens par les policiers crée des tensions génératrices de conflits violents, où le citoyen perd ou risque de perdre sa vie en face d'un policier à la gâchette facile. Et tout se justifie après l'enquête policière, tout, sans exception. Dans le cas d'Éclipse, il s'agissait d'opération policière menée au petit bonheur, sans aucune coordination, à l'insu même des postes de police des quartiers concernés.

La protection des citoyens doit demeurer notre boussole. Nous recevons des plaintes constamment de citoyens honnêtes et paisibles, victimes d'abus policier, mais nos moyens sont franchement limités pour venir en aide à ces gens.

Nous croyons que prévenir vaut mieux que guérir. La Presse du 16 janvier 2012, sous la plume du journaliste Hugo Meunier, nous a livré un vibrant et touchant témoignage d'un policier noir profilé, un policier de 20 ans de carrière. Le policier dit se faire arrêter régulièrement par des policiers quand il est en civil. Entré dans un restaurant montréalais bien en vue, il s'est fait encadrer de six policiers entrés en courant pour lui demander ce qu'il faisait là. Quand ils ont su que c'était un policier, ils se sont excusés. Mais un simple citoyen de la communauté doit se trouver avec une infraction pour entrave au travail de la police. Les policiers ne pourraient pas continuer à agir ainsi s'ils n'étaient pas assurés de l'impunité.

Nous avons accompagné des citoyens dans la même situation que ce policier, mais qui se sont retrouvés en cour avec des accusations pour masquer la brutalité policière. Quand ces citoyens ont été acquittés par la cour, leurs dossiers de plainte se soldent toujours par un échec devant le Comité de déontologie. Nous estimons que le fardeau de la preuve devait être renversé par devant le Comité de déontologie et que ce serait au policier de prouver qu'il n'est pas fautif.

Dans le cas... le jeune citoyen qui avait été accusé d'agression sexuelle... ces citoyens-là, nous les avons accompagnés. Il y a eu toute une campagne de presse contre eux, ces jeunes de la communauté. Finalement, les accusations ont été retirées à la cloche de bois. Pas une note de presse, pas une note d'excuse après qu'on ait endommagé la réputation de quatre citoyens emprisonnés sommairement, hâtivement. La première mission du gouvernement est de protéger les citoyens contre les arrestations arbitraires illégales et des emprisonnements sans fondement.

Nous avons vu un policier arrêter un jeune Noir pour lui demander: Où avez-vous trouvé l'argent pour acheter ce poulet barbecue?, qu'il tenait bien ensaché dans les mains. De là à le fouiller, il n'y avait qu'un pas, qui a été vite franchi. Ce genre d'intervention n'est que la face visible et grossière d'une politique de harcèlement et de provocation contre la communauté noire.

Depuis la mort d'Anthony Griffin, en passant par Marcellus François, Barnabé, Mario Hamel, Patrick Limoges, tous tombés sous les balles des policiers, les enquêtes internes ou les enquêtes policières dites indépendantes n'ont jamais abouti. L'histoire telle que vécue au Québec nous apprend que les seuls rapports ayant permis d'illustrer, de faire ressortir d'une manière transparente les erreurs des policiers sont ceux effectués par les personnes de l'extérieur, indépendantes de la police, citant, entre autres, les rapports Yarosky, Malouf, Bellemare et Poitras. Dans un rapport, le juge Malouf avait posé les problèmes des rapports de force, soit la force exorbitante de la machine syndicale; 4 000 personnes contrôlent 60 cadres pour l'administration de la police.

Le Président (M. Drainville): M. Bazin.

M. Bazin (Gabriel): Oui.

Le Président (M. Drainville): En tout respect, il vous reste à peu près une minute pour conclure.

M. Bazin (Gabriel): Une minute pour conclure. O.K.

M. Philip (Dan): Dans cette optique, on va donner notre recommandation. Et ensuite je vais terminer comme tel. Mais je sais que vous avez notre mémoire. Malheureusement, nous n'avons pas assez de temps pour préparer, parce que nous avons des histoires à raconter, et je pense qu'on a besoin... beaucoup plus de temps. Mais, en tout cas, M. le Président... M. le Président, on va donner notre...

M. Bazin (Gabriel): Attends. Je veux souligner un commentaire du Barreau: Le profilage racial dans le système judiciaire semble «en partie responsable de la sur-représentation de certains groupes [racisés] dans le système carcéral, notamment les Noirs et les autochtones». Ce n'est pas la voix de La Ligue des Noirs mais du Barreau du Québec.

Le Président (M. Drainville): Je vais devoir demander consentement des membre de la commission pour que Mme Jean Charles puisse livrer la recommandation, c'est ça... de la ligue? Très bien. Consentement? Très bien, merci. Allez-y, madame.

Mme Jean Charles (Kathia): Comme conclusion et recommandations, la commission de la déontologie policière, le bureau de surveillance ne sont que l'envers d'un médaille brillante pour protéger les policiers, une coquille vide, pour employer une expression chère à Robert Bourassa.

La Commission des droits de la personne de même que le Protecteur du citoyen, dans leurs recommandations, ont clairement indiqué le besoin d'assurer l'impartialité des enquêtes.

La perpétuation du vieux système qui favorise l'impunité n'est pas la voie à suivre.

Il faut favoriser le changement en instituant une commission civile permanente d'enquête.

Nous voyons le bureau de surveillance comme un poste d'observation météorologique incapable de contrôler les dégâts des forces naturelles de la police.

Nous demandons une enquête publique et ouverte pour faire le jour sur les crimes non résolus, pour combler les attentes des parents des victimes et obtenir de justes réparations.

Il n'est jamais trop tard pour le faire. C'est ce que La Ligue des Noirs du Québec martèle en tout temps, en tous lieux depuis des années: il est encore temps de le faire pour réparer les injustices, pour prévenir l'explosion qui sera engendrée par des frustrations accumulées des générations montantes qui n'auront pas la sagesse des générations passées, qui ont trop longtemps attendu pour l'accès à une juste égale pour tous, toutes proportions gardées.

Il y a célérité dans l'urgence d'agir par les lois qui rassurent les citoyens. Sinon, nous ne pouvons pas prévenir l'imprévisible. Il est minuit moins cinq, la société a soif de justice, mais non de sang. Il faut prendre des lois justes, et maintenant. Merci.

**(10 h 20)**

Le Président (M. Drainville): Très bien. Merci beaucoup, Mme Jean Charles. Nous allons maintenant passer à la période d'échange, et c'est le monsieur... M. le ministre, dis-je bien, de la Sécurité publique qui va prendre la parole.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Effectivement, les temps sont relativement courts -- on a une heure -- puis je comprends que c'est difficile d'exprimer l'ensemble de la problématique que vous soulevez en si peu de temps. Je voudrais juste vous mentionner que, si vous voulez ajouter des choses à votre mémoire... Moi, je me fais un devoir -- je pense que c'est le cas des membres de la commission -- de lire les mémoires. Pour nous, c'est un aspect supplémentaire de notre apprentissage, de notre vérification de ce qui se passe puis donc de notre capacité à faire un meilleur travail, c'est de bien connaître les divers problèmes qui sont soulevés.

J'ai bien entendu ce que vous dites, mais je voudrais me concentrer, parce que le temps est assez court, je voudrais me concentrer sur le projet de loi n° 46 et vous poser quelques questions là-dessus, et la première serait à l'effet que vous souhaitez que nous adoptions le modèle ontarien.

Hier, nous avons eu une discussion avec la Protectrice du citoyen et avec la Ligue des droits et libertés, qui avaient une différence d'opinion. Dans le cas de la Protectrice du citoyen, elle considérait qu'il y avait lieu d'avoir d'anciens policiers dans le groupe qui forme... ce groupe-là, qui, comme en Ontario, forme cet organisme-là, alors que la ligue disait: Non, il ne doit pas y avoir d'anciens policiers.

J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. L'idée de la Protectrice du citoyen, c'était de tout de même avoir une expertise. Donc, les anciens policiers l'ont. La Ligue des droits et libertés semble partager plutôt le point de vue que je comprends de vous, c'est-à-dire qu'il ne devrait pas y avoir d'anciens policiers, à votre point de vue.

M. Philip (Dan): Notre expérience et celle des droits et libertés est très différente, parce que les gens qui sont victimes continuellement viennent nous voir, et ensuite nous sommes capables à donner un portrait de ce qui s'est passé sur le terrain, et c'est pour cette raison... nous disons que, pour avoir une société juste et équitable, nous ne voulons pas avoir les policiers mêlés dans la situation quand nous cherchons la justice pour les simples victimes des bavures policières.

M. Dutil: Et je conclus donc que même des ex-policiers ne devraient pas faire partie, à votre point de vue, d'un organisme indépendant.

M. Philip (Dan): Nous avons des ex-policiers dans les cas de déontologie policière, et, vous voyez, ça... les gens n'ont même pas confiance dans cette institution-là. Je dirais que maintenant je ne vois même pas la nécessité de continuer avec cette institution de déontologie policière, parce que c'est là au service des policiers et c'est les ex-policiers qui sont responsables pour faire des enquêtes. On peut avoir des gens pour faire des enquêtes et donner à ces gens-là des outils, des façons de faire. Mais, quand c'est des policiers, ils sont tous mélangés pour protéger un et l'autre.

M. Dutil: Vous référez au Comité de déontologie, donc je fais un petit aparté là-dessus. Dans le Comité de déontologie, il y a environ 2 000 plaintes par année. Les rapports qui nous sont acheminés, c'est que la plupart de ces plaintes-là se règlent à l'amiable, c'est-à-dire que, bon, il n'y a pas eu... Dans ce cas-là, évidemment, on ne parle pas de cas où il y a eu des blessures graves ou mort de personnes, on parle de frictions qu'il y a eu entre les policiers et... que ce soit la communauté noire ou que ce soit d'autres citoyens, puisque tous les citoyens ont le droit de porter plainte là-dessus, et... plusieurs se règlent en médiation. Ce que je lis dans votre mémoire, c'est que vous ne semblez pas... vous semblez dire que la médiation n'est pas une façon correcte...

M. Philip (Dan): Absolument, parce qu'il y a des gens qui sont victimes, qui ont subi des graves dommages, et ensuite ils sont... les médiations sont imposées sur ces gens-là, même s'ils ne veulent pas. C'est la raison pourquoi, les gens trouvent, cette commission de déontologie, c'est une façade pour protéger des policiers.

M. Dutil: Êtes-vous d'accord... J'imagine que vous êtes d'accord qu'on doit avoir un système de maintien de l'ordre dans toute société. Il peut y avoir des frictions, vous les soulevez, mais on ne peut pas se passer d'un système de maintien de l'ordre. J'imagine que cette assertion-là...

M. Philip (Dan): Mais je pense que l'important, c'est qu'on doit regarder ailleurs comment ça s'est fait. Et, plus que ça, les gens, comme Me Bazin a dit, qui sont victimes depuis plusieurs années... Et il y a plus que 20 ans j'ai demandé des enquêtes policières indépendantes. Et ensuite ce que nous avons ne va pas nous donner cette enquête que nous cherchons depuis très longtemps. Et ensuite cette bavure policière, sans avoir des façons de corriger, ça va continuer.

M. Dutil: Alors, M. le Président, ça va pour moi, je passerais... je vous demanderais de passer la parole à mon collègue.

Le Président (M. Drainville): Oui. M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci beaucoup, messieurs, madame. Écoutez, dans vos propos, je comprends bien que vous voulez -- et vous avez confirmé auprès du ministre -- la part d'un bureau... l'important, c'est que vous ne voulez pas voir d'anciens policiers siéger. Je comprends vos arguments, parce que vous considérez qu'un policier un jour est un policier toujours, dans le sens que ses contacts, ses relations, c'est quelque chose qui demeure, si je comprends bien, là, vos propos là-dessus.

M. Bazin (Gabriel): Oui, c'est bien ça.

M. Auclair: C'est bien ça? O.K. À ce moment-là, est-ce que vous voyez... Parce que les références que nous avons, que ça soit en Ontario, Colombie-Britannique et autres, lorsqu'une personne quitte son emploi, elle devient un civil et est considérée totalement comme un civil, comme une personne totalement neutre. À cet égard, est-ce que vous voyez, à ce moment-là, d'un mauvais oeil qu'une personne pourrait être un... par exemple, un ancien policier, mais un ancien policier de la GRC, par exemple, un... Est-ce que ça, pour vous, ça serait quelque chose qui serait catégorisé de la même façon, ou, n'étant pas un policier d'un corps local, si on veut, Montréal et autres, ça, pour vous, ça serait acceptable?

M. Philip (Dan): Cette façon, ça peut marcher. Comme vous savez, le rapport du juge Malouf même précisait que, s'il y a bavure policière, dit-on, à Montréal, il faut chercher quelqu'un, pour faire l'enquête, qui vient peut-être de Québec, parce qu'à Montréal ils sont tous ensemble. Et, si vous lisez le rapport de Malouf, il a fait beaucoup de recommandations. Malheureusement, après, ce rapport-là, c'est mis sur la tablette, et rien n'a été fait. Également, le rapport de Bellemare, le rapport du juge Yarosky, et tout. Nous avons eu des bons rapports. Bien, le problème, c'est que nous n'avons pas de suivi de ces rapports pour corriger l'injustice que les policiers imposent sur des simples citoyens.

M. Auclair: O.K. Est-ce que vous voyez, à ce moment-là, d'un... si je continue, parce que vous dites: Un policier... Parce que moi, je pourrais donner l'exemple d'un policier de la GRC qui n'est pas un policier de terrain local, mais ça peut être des policiers qui côtoient quand même au quotidien des policiers dans des unités mixtes, une unité mixte d'enquête sur la corruption, des unités mixtes d'enquête sur la drogue, et autres, ça, c'est quand même des policiers qui sont quand même de terrain. Ça, pour vous, ça serait acceptable.

Parce que... Pourquoi je pose cette question-là, c'est que tout le monde nous ont quand même rapporté, ou la majorité des commentaires qu'on a, c'est qu'un ancien policier a quand même une expertise, une connaissance de la procédure à suivre pour mener une enquête.

L'objectif du bureau, de la constitution de cet organisme -- quoiqu'elle est toujours bonifiable, c'est pour ça qu'on rencontre les groupes -- c'est de s'assurer aussi que ça fonctionne bien. Si on ne met que des civils... entre guillemets, là: une personne comme moi, qui ne vient pas du milieu policier, qui ne connaît pas... qui ne vient pas de cette famille, si on peut parler ainsi, à ce moment-là je peux avoir un petit peu de difficultés à poser les bonnes questions, à savoir où m'en aller. Parce qu'un policier de terrain, un policier de carrière sait comment se mène un enquête, et c'est justement pour aller chercher les bonnes... poser les bonnes questions. Moi, je prends, par prémisse, que la personne qui est nommée là doit respecter un code très strict, des obligations très strictes, et donc doit faire fi de tout son passé et doit respecter un mandat qui est clairement identifié.

**(10 h 30)**

M. Philip (Dan): C'est pour cette raison, nous demandons un bureau indépendant qui va être responsable pour toutes les enquêtes comme telles, qui va prendre les enquêtes en main, depuis le début jusqu'à la fin. La façon que ça marche maintenant, là, c'est que les policiers, je pense aux policiers de la Sûreté du Québec et ensuite... ces gens-là sont... collaborent ensemble, et c'est ça que nous avons comme problème. Comme je vous dis que... juge Malouf a parlé de ça également, et ensuite vous devez regarder le rapport, des portraits. C'est vrai que nous avons des policiers de carrière, des gens qui sont capables à faire un bon rapport, mais finalement c'est... Qu'est-ce que nous avons, après 20 ans, presque 20 ans? Nous demandons des enquêtes indépendantes et fiables. Qu'est-ce que nous avons? C'est des cachotteries, c'est des collusions, et c'est tout, là. Et c'est bien connu par la société québécoise.

M. Bazin (Gabriel): À la place des policiers, on aurait préféré un ancien procureur de la couronne. Il devrait être capable de bien mener une enquête.

Le Président (M. Drainville): On va s'arrêter là-dessus. Merci beaucoup. Et M. le député de Chambly va prendre le relais pour l'opposition officielle.

M. St-Arnaud: Merci, M. le Président. D'abord, je salue M. Philip et les gens qui l'accompagnent. Votre position est très claire. En fait, vous rejoignez ce que la Ligue des droits et libertés nous a dit hier. En fait, vous rejetez le projet de loi n° 46 et vous proposez une commission d'enquête permanente totalement indépendante avec des civils, que ce soient des civils, que ce soit... et vous souhaitez que ce ne soient pas des anciens policiers.

Maintenant, le gouvernement semble avoir rejeté cette solution. Le gouvernement, jusqu'à maintenant en tout cas, on verra si ça change, mais jusqu'à maintenant le gouvernement semble avoir maintenu... semble vouloir maintenir le système actuel où ce sont des policiers qui enquêtent sur des policiers qui sont impliqués dans des incidents malheureux. Et la solution qui est amenée par le projet de loi n° 46, par le gouvernement, c'est de dire: On ne change pas le système actuel. Ce seront des policiers qui vont enquêter sur des policiers, mais on va créer, en parallèle, un bureau civil de surveillance.

Ma question... En fait, je regardais les rapports... le rapport, entre autres, de la Protectrice du citoyen, en 2010, qui disait, elle: Il serait important, s'il y a un mécanisme de surveillance, que «la représentation de l'équilibre homme-femme et celle de la diversité ethnoculturelle québécoise [soient] favorisées parmi»... et elle a employé l'expression, c'est «commissaires civils». Alors, elle jugeait important que si... qu'il y ait une représentation de la diversité ethnoculturelle québécoise dans ce type de fonction.

Et je voyais que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse allait un peu dans le même sens et disait... eux aussi sont d'accord avec la Protectrice du citoyen que ça prendrait probablement une unité indépendante. Mais ils disaient, la Commission des droits de la personne disait: Il faudrait aussi «favoriser l'équilibre homme-femme et la représentation de la diversité ethnoculturelle québécoise parmi les personnes chargées de réaliser, de surveiller et de superviser [ces] enquêtes».

Alors, ma question: Est-ce que... Parce que le gouvernement semble, pour l'instant, avoir refusé votre modèle, il semble vouloir continuer avec le modèle actuel police enquête sur police, mais il y aura un bureau de surveillance. Est-ce que ça serait de nature à vous rassurer, si, dans la composition du Bureau civil de surveillance prévu par le projet de loi n° 46, on prévoyait dans le projet de loi une représentation de citoyens provenant de la... une représentation finalement de la diversité ethnoculturelle québécoise? Est-ce que, si on prévoyait dans le projet de loi, notamment peut-être même dans les postes de direction de ce Bureau civil de surveillance, si on prévoyait que ces gens doivent provenir... ou qu'une ou plusieurs personnes doivent provenir de la diversité ethnoculturelle québécoise, est-ce que ça serait de nature à vous rassurer sur le fonctionnement du Bureau civil de surveillance que le gouvernement souhaite mettre en place par le projet de loi n° 46?

M. Philip (Dan): Ce que j'ai vu, c'est qu'après les faits, que ce bureau de surveillance peut-être peut regarder ce qui s'est passé, et ensuite comment ces gens-là peuvent savoir vraiment ce qui s'est passé quand c'est les policiers qui font les enquêtes sur d'autres policiers? Et, si le gouvernement va dans cette direction, nous n'avons pas des pouvoirs pour lui dire de faire autrement, mais ce serait dangereux pour continuer pour les citoyens, pour... on n'est pas capables à avoir de la justice.

Nous sommes conscients de ce qui s'est passé dernièrement à Montréal-Nord après la mort de Villanueva. Et ensuite, après chaque mort d'homme, il y a des manifestations. Moi aussi, j'ai fait partie de plusieurs manifestations pour demander la justice.

Est-ce que nous allons continuer à faire des manifestations parce que nous n'avons pas des enquêtes fiables et responsables et les gens n'ont pas confiance dans ce type d'enquête? Et c'est des questions que le gouvernement doit poser à lui-même. Et est-ce que le gouvernement a la responsabilité pour voir que les gens, les simples citoyens ont de la justice comme telle, ou est-ce que, je dirais, comme j'avais dit, ça fait plusieurs années... et ensuite nous sommes ici, et nous sommes ici pour demander que ça change et comment ça va changer pour faire plaire la majorité des citoyens, les citoyens du Québec?

M. St-Arnaud: M. le Président, peut-être juste pour relancer ma question à M. Philip... Il y a plusieurs modèles possibles, hein? Il y a le modèle que vous proposez et que la Commission des droits de la personne propose, c'est-à-dire une unité indépendante composée de personnes qui sont ni des policiers ni d'anciens policiers pour faire ce genre d'enquête. La Protectrice du citoyen, hier, est venue nous présenter un autre modèle où elle, elle dit: Il pourrait y avoir des anciens policiers, mais il y aurait aussi des civils dans cette unité-là. Et le gouvernement, lui, dit: Non, il n'y aura pas de ce genre d'unité, c'est la police qui va continuer à enquêter sur la police, mais il va y avoir un bureau de surveillance pour surveiller ces enquête policières.

Ma question: Peu importe le modèle qui sera retenu -- présentement, le gouvernement semble plutôt aller, dans le 46, avec un bureau qui surveillerait les enquêtes policières sur les policiers -- mais peu importe le modèle qui sera retenu, que ce soit le modèle qu'on a actuellement dans le projet de loi n° 46 ou les deux autres modèles, celui de la Commission des droits ou celui de la Protectrice du citoyen, qui veut que ce soient des anciens policiers ou des civils, tout dépendant, qui fassent les enquêtes, est-ce que la présence... si on retenait le modèle du gouvernement ou le modèle de la Protectrice du citoyen, où il y a des anciens policiers, est-ce que le fait d'avoir, dans la composition, dans les dirigeants, dans la composition de ces unités ou de ce bureau, est-ce que la présence de représentants des communautés ethnoculturelles du Québec pourrait être de nature à vous rassurer sur... et à vous donner davantage confiance dans ces différents organismes, qui sont différents, là, sauf celui qui est proposé par la Commission des droits, qui sont différents de celui que vous proposez?

M. Philip (Dan): La présence des membres de la communauté dans ces comités-là ne va nous rien donner. Je dirais que c'est important pour le gouvernement à regarder les... et l'opposition ensemble pour regarder les différents modèles, et ensuite pour faire en sorte que vous allez... le mieux possible pour donner la justice aux simples citoyens. Je pense que ça doit être le but de ce projet-là, c'est donner la justice pour des citoyens qui sont victimes, c'est ça que l'on a besoin. Et on doit regarder les modèles et voir comment on peut apporter des changements comme tels.

M. St-Arnaud: Quand vous dites... quand vous dites, M. Philip, là, dans certains autres endroits... pour certains autres organismes, là, on a prévu la présence de représentants -- je reprends l'expression de la Protectrice du citoyen, là -- de la diversité ethnoculturelle québécoise, et ça n'a rien donné, vous faites référence... vous avez en tête un cas précis d'un organisme où on a prévu la participation de représentants de la diversité ethnoculturelle québécoise et où ça n'a rien donné? Est-ce que vous avez un cas précis en tête?

**(10 h 40)**

M. Philip (Dan): Mais, ce que je dis, ça va rien donner parce qu'il faut savoir que, quand nous sommes en train de regarder l'enquête policière, nous sommes en train de regarder également la culture policière. La culture, c'est cultivé dans la façon de faire. Et c'est pour cette raison... ils nous ont manifesté quant à Alain Saint-Germain et Roland Bourget, parce qu'il va avoir les pouvoirs sans aucune intervention comme telle.

M. St-Arnaud: Je vous remercie.

Le Président (M. Drainville): Très bien. Merci beaucoup, M. le député de Chambly. Nous allons retourner maintenant à M. le ministre... ou plutôt à M. le député de Vimont ou... Mme la députée de Gatineau, vice-présidente de cette commission.

Mme Vallée: Je vous écoutais. D'abord, premièrement, merci de votre intervention, merci de vos représentations, qui amènent une vision complètement... une vision différente, une vision qui est importante par contre pour les membres de cette commission, sur l'analyse du projet de loi.

Vous parliez de la culture policière, qui vous préoccupait. Et je ne peux pas m'empêcher de penser que certains policiers qui sont à l'écoute sont peut-être aussi touchés, là, par ces représentations-là, parce qu'ils se diront: Il ne faut pas non plus généraliser ce qui a pu être vécu dans certains cas très, très particuliers et en faire une généralisation.

Hier, lorsqu'on était en commission parlementaire avec, entre autres, la Fédération des policiers municipaux, on nous disait: À l'intérieur des comités qui évaluent et qui vont évaluer les agissements d'un professionnel, que ce soit à l'intérieur du Barreau, que ce soit à l'intérieur de différents corps professionnels en matière... -- médecins, infirmières et compagnie -- lorsqu'on va se questionner sur la façon dont sont intervenus des professionnels, peu importe la profession, ce sont des pairs qui vont évaluer l'intervention en question pour vérifier, afin de vérifier si les règles de l'art ont été respectées, dans un premier temps.

Alors, j'aimerais vous entendre face à ça, parce que c'est un petit peu cette dualité-là, là, à laquelle on fait face. On a des groupes qui nous disent: L'évaluation de la situation doit se faire par des membres, par des individus qui ont un détachement face à la situation. Puis c'est un peu ce que je comprends de votre intervention: un comité, ça doit être des gens qui sont détachés, ça ne doit pas être des gens qui sont du même milieu. Mais on a aussi des intervenants qui nous approchent, qui vont nous dire: Écoutez, attention! Afin de déterminer si les règles du jeu ont été suivies à la lettre, si le code de déontologie a été suivi à la lettre, on doit demander à des membres de la même profession, évidemment avec une distance, de déterminer s'il y a matière à infraction, ou peu importe.

Alors, j'aimerais ça, avoir votre... j'aimerais avoir votre opinion face à cette dualité-là, là, parce que, comme membres de la commission, on a deux écoles de pensée qui s'affrontent et puis ultimement on a à échanger puis à intervenir là-dessus. Et puis il y a une question très, très objective, là, au-delà des questions subjectives, il y a une question objective, c'est-à-dire: Est-ce qu'on doit demander à des professionnels de juger de leurs pairs, ou est-ce qu'on doit demander à des gens complètement neutres, qui ne sont pas dans le milieu, qui n'ont pas la même formation, de juger de tiers?

M. Philip (Dan): Bien, premièrement, madame, si ces gens-là n'ont pas des formations, on peut former ces gens-là. Ce n'est pas obligatoire que nous utilisons les policiers qui sont impliqués dans l'affaire policière pour faire une enquête. Premièrement, les policiers étaient impliqués et devenus... faire des enquêtes parce qu'ils ont... avoir des formations. Et on peut faire ça avec n'importe qui donne des formations. Les gens sont détachés. Et, dit-on, la culture, la culture des pouvoirs, la culture de se protéger... Et, ensuite, on peut avoir... On met... systèmes pour faire des enquêtes; quand il s'agit des bavures policières, ce n'est pas difficile, ça.

Mais l'important, ce que je dis, c'est de regarder comment ces gens-là peuvent obtenir la justice, parce que nous sommes victimes d'injustice pendant plusieurs, plusieurs années. Est-ce qu'on va faire quelque chose pour changer ce qui s'est passé depuis, dit-on, 25 ans, comme tel, et plus?

Mme Vallée: Mais je comprends que vous référez à des incidents passés, c'est des incidents extrêmement malheureux, mais, pour l'avenir, je pense que l'objectif de cette commission est vraiment de regarder vers l'avenir et de regarder le projet de loi, de voir de quelle façon est-ce qu'il y a matière à le bonifier, de quelle façon on peut le bonifier, et puis c'est le rôle des députés autour de la table de se pencher là-dessus.

Alors, comment voyez-vous cette composition? Parce que, tout à l'heure, mon collègue de Vimont vous posait la question: Est-ce qu'on pourrait avoir un comité formé de policiers de l'extérieur, s'assurer que ce ne soient pas des gens du tout du même milieu?

Moi, je vous pose... ma question, c'est plutôt: Est-ce qu'on doit faire abstraction de toute forme... d'avoir des policiers à l'intérieur du comité? Ou: Est-ce qu'il est important d'avoir des policiers? Est-ce que ce comité-là devrait être composé de tiers ayant d'autres formations?

Parce que la question de juger d'un geste posé à l'intérieur des fonctions va immanquablement revenir à la coutume, à la pratique, aux us et coutumes finalement de la formation. Alors, ne pas avoir de policiers à l'intérieur de l'équipe pourrait vraisemblablement être un frein à une enquête, à une évaluation vraiment poussée, vous ne croyez pas?

M. Philip (Dan): Regardez, madame, ce que je dis: Dans cette situation-là, on peut former des gens pour être capables à juger les situations comme telles. Mais l'important, je pense, dans cette discussion et projet de loi, c'est comment les gens qui sont victimes des bavures policières, les gens qui sont victimes de profilage racial, la situation que nous avons eue à Montréal-Nord, et tout, comment on peut changer cette mentalité et donner confiance aux gens qui... finalement nous allons faire quelque chose pour améliorer la situation, pour répondre aux besoins des gens qui sont toujours chez nous à voir... pour faire des projets, des rapports et faire des choses. Comment on peut faire ça?

Je pense que le plus important, on peut regarder toutes les différentes formules, mais le plus important, c'est comment on peut dire à ces gens-là, après, dit-on, les bavures policières: Vous ne devez pas aller dans la rue pour manifester, parce que nous avons un système qui va vous protéger. Je pense que c'est ça qui est important.

Le Président (M. Drainville): Malheureusement, on va devoir s'arrêter là-dessus, Mme la députée de Gatineau, et on retourne au député de Chambly pour un dernier bloc de 9 min 50 s.

**(10 h 50)**

M. St-Arnaud: Merci, M. le Président. M. Philip, vous êtes proche des familles de personnes qui malheureusement sont décédées, là, dans le cadre d'une intervention policière; vous avez fait référence à certains cas tantôt. Ma question est bien simple: Qu'est-ce qui pourrait être fait, qu'est-ce qui pourrait être introduit dans le projet de loi n° 46, au-delà de ce qu'il y a déjà, pour, j'allais dire, améliorer la situation des familles qui voient l'un des leurs, là, décéder dans le cadre d'une intervention policière? Est-ce que vous avez pensé à certaines mesures concrètes qui pourraient être ajoutées pour aider davantage les membres de ces familles?

M. Philip (Dan): Dans cette loi-là, comme elle est, je pense qu'on ne peut pas attendre trop de ça. Je pense que l'important, c'est qu'on doit mettre sur place un comité pour regarder les problèmes depuis plusieurs années, comme nous avons dit dans notre mémoire, et ensuite venir en aide pour réparer comme tel les problèmes. Et c'est à voir qu'est-ce que nous pouvons faire pour empêcher ce genre de situation. On doit avoir, premièrement, un type de réparation, parce que les gens souffrent toujours, et, ensuite, pour mettre sur place quelque chose qui va empêcher ça de répéter et répéter, comme c'est le cas maintenant.

M. St-Arnaud: M. le Président, le projet de loi... J'aimerais d'abord que... peut-être sur le mot «réparation», vous entendez par quoi, exactement? Quand vous dites: On devrait prévoir une réparation, vous entendez quoi, par ça?

M. Philip (Dan): Réparation?

M. St-Arnaud: Oui, vous dites qu'il devrait y avoir une réparation.

M. Philip (Dan): Regardez, ce qui s'est passé, quand on a des bavures policières, comme on dit, il n'y a pas de réponse comme telle. Les familles sont laissées seules. Nous avons, dernièrement, le cas de Quilem Registre. Son père était chez nous dernièrement, la famille est toujours chez nous. Et, ensuite, il n'y a pas de réparation pour ces gens-là. Ce monsieur-là, Quilem Registre, a une petite fille. Qu'est-ce qui arrive? Nous devons regarder les dommages qui étaient faits, là. Et c'est comme quoi qui... Les citoyens du Québec, ils veulent quelque chose sur place qui va aider la situation, qui va réparer les problèmes que nous avons. Et, comme j'ai dit, la loi n° 46, là, ce n'est pas assez.

M. St-Arnaud: Vous avez probablement vu qu'à cet égard le projet de loi, là, prévoit un soutien financier qui sera dans la loi dorénavant, dans la Loi sur les coroners pour les gens qui sont... pour des frais juridiques, ce qui n'était pas prévu par le passé, et ce qui avait amené certains problèmes lors de l'affaire Villanueva, là, en 2009.

Mais la Protectrice du citoyen, elle, vous propose comme moyen, là, pour davantage... par rapport aux victimes, elle propose entre autres... parce qu'elle dit: Il y a un déficit d'information concernant ces enquêtes, il faut une plus grande transparence sur pourquoi on dépose ou pas des accusations. Et elle propose que, peu importe le... que ce soit le bureau de surveillance ou que ce soit un organisme indépendant qui fait l'enquête, elle propose qu'il y ait un sommaire de l'enquête, un résumé de l'enquête qui soit rendu public au terme de l'enquête. Et elle propose même qu'on explique d'une manière élaborée -- et la façon reste à préciser -- pourquoi on ne porte pas -- comme c'est généralement le cas, là -- pourquoi on ne porte pas d'accusation contre un policier qui est impliqué dans un incident.

Est-ce que ça vous apparaît, cette proposition qui est faite par la Protectrice du citoyen, de... qu'on explique au public les conclusions de l'enquête et qu'on explique aussi, d'une manière assez élaborée, pourquoi on ne porte pas d'accusation? Est-ce que ça pourrait être un moyen de combler, là, ce déficit d'information qui est soulevé par... qui est constaté par plusieurs?

M. Philip (Dan): Nous sommes d'accord avec la Protectrice du citoyen... à cet endroit. Comme vous savez que... excusez... Comme vous savez, dans le cas de... quelqu'un qui a été tué à Côte-des-Neiges, là, c'est... Comment il s'appelle?

Une voix: ...

M. Philip (Dan): Et pour... Hein?

Une voix: Bennis.

M. Philip (Dan): Oh, Bennis, Mohamed Bennis. Ce qui arrive, c'est que les policiers, ils vont à la cour pour empêcher le rapport de sortir, même les... On ne peut même pas avoir des enquêtes, parce que les policiers ne veulent pas.

Quelle sorte de système que nous avons quand le gouvernement veut faire une enquête, et ensuite les policiers ne veulent pas? Et c'est eux qui sont responsables pour la mort de ce jeune-là. Il y a quelque chose qui est... qui ne marche pas, là, quelque chose qui ne marche pas.

M. St-Arnaud: Je vous remercie. Ça complète pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Très bien. Merci beaucoup. Alors, je vous remercie de votre participation à cette consultation.

Nous allons suspendre quelques instants pour permettre à nos prochains invités, donc, de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 56)

 

(Reprise à 10 h 59)

Le Président (M. Drainville): Alors, nous allons reprendre nos travaux, et c'est le Barreau du Québec qui, cette fois-ci, va intervenir dans la discussion. Alors, je vais vous laisser vous présenter, et vous pourrez également présenter les gens qui vous accompagnent. Alors, à vous la parole.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Mon nom est Marc Sauvé, je suis directeur du Service de recherche et législation au Barreau du Québec, et, pour la présentation du Barreau, je suis accompagné à ma droite de Me Lucie Joncas, qui est membre du comité permanent en droit criminel au Barreau du Québec, et de Me Maxime Roy, qui est aussi membre du même comité du Barreau. Tous deux sont praticiens en droit criminel ou pénal.

Alors, le Barreau du Québec vous remercie de lui donner l'opportunité de faire connaître aux membres de la Commission des institutions de l'Assemblée nationale son point de vue sur le projet de loi n° 46, concernant les enquêtes policières indépendantes.

**(11 heures)**

Ce point de vue du Barreau découle de travaux importants de son Comité en droit criminel, qui compte 19 membres, tant en défense que pour la couronne, et exerçant dans l'ensemble des districts de la province. C'est donc dire que la position du Barreau sur cette matière et en matière criminelle en général résulte de travaux et de la recherche d'un équilibre souvent délicat entre les droits et libertés individuels et l'objectif de sécurité qui doit être assuré par l'État.

Le Barreau a pour mission de protéger le public, et cette protection passe notamment par la promotion de la primauté du droit. La confiance des citoyens dans les institutions et dans les corps publics est indispensable dans une démocratie fondée sur l'état de droit.

Le Barreau vous a soumis ses commentaires et recommandations dans sa lettre du 6 février adressée au ministre de la Sécurité publique. Le projet de loi vise à assurer la surveillance d'enquêtes policières indépendantes portant sur des incidents impliquant des policiers. De l'avis du Barreau, des modifications importantes devront être apportées au projet de loi pour véritablement pouvoir atteindre les objectifs poursuivis. Nous estimons que doivent être appliqués aux enquêtes policières indépendantes les mêmes standards que pour toute autre enquête.

Dans un premier temps, abordons la question de l'intégrité de la preuve et la crédibilité de l'enquête. Dans les situations où l'implication de policiers dans un incident est suffisamment claire, le Barreau estime que des mesures devraient être prévues pour éviter toute forme de concertation entre les policiers concernés. De telles mesures sont pour le Barreau essentielles afin de préserver l'intégrité de la preuve et assurer la crédibilité de l'enquête menée sur les actions de policiers par les représentants d'un autre corps policier. Les policiers témoins ou impliqués dans un événement de ce type devraient être soumis automatiquement à une interdiction de communiquer entre eux dès l'incident et jusqu'à ce qu'ils soient interrogés. Ce faisant, on reproduirait le principe d'une pratique courante quand les policiers sont appelés à intervenir sur une scène d'enquête consistant à séparer les témoins et les personnes impliquées pour obtenir leur version non contaminée des événements.

Le projet de loi n° 46 devrait par ailleurs prévoir l'obligation pour les policiers impliqués ou les témoins d'un tel événement de rédiger sans délai et sans aucune concertation un rapport d'événement qui serait déposé sous scellé à la disposition des enquêteurs et accessible aux membres du Bureau civil de surveillance appelé à surveiller l'enquête. En raison évidemment de l'obligation de rédiger un rapport, il serait acquis que, dans l'éventualité où des policiers devaient faire face à des accusations criminelles, le contenu du rapport ne pourrait être utilisé contre eux, afin de préserver leur droit à ne pas s'auto-incriminer et leur droit à une défense pleine et entière.

Le deuxième volet de notre mémoire porte sur la nécessité de soutenir le rôle de l'observateur du Bureau civil de surveillance des enquêtes. Le Barreau croit que, pour assurer l'intégrité de la preuve, il est nécessaire que le ministre de la Sécurité publique soit avisé sans délai de la tenue d'une enquête indépendante et que celui-ci communique aussitôt l'information au Bureau civil de surveillance des enquêtes. Le rôle de l'observateur désigné par le bureau de surveillance a pour fonction d'assurer la transparence et la qualité de l'enquête indépendante, et il doit par conséquent être soutenu et mis en valeur. Le lieu où s'est déroulé l'événement -- la scène du crime -- devrait par ailleurs être accessible immédiatement à l'observateur. Cet observateur est en quelque sorte les yeux du public, et il joue son rôle pleinement sans s'immiscer dans l'enquête, et le public pourra alors avoir l'assurance que les enquêtes policières sur des événements qui impliquent les policiers sont menées de manière juste et efficace.

À cet effet, le Barreau croit qu'il ne faut pas limiter le pouvoir de surveillance de l'observateur dans ses communications avec un membre du corps de police chargé de mener l'enquête ou avec un membre du corps de police impliqué dans l'événement sous enquête. Nous considérons que l'observateur doit pouvoir surveiller les enquêtes et procéder à des vérifications pertinentes, le cas échéant, sans que cela soit considéré comme une ingérence ou une intervention dans une enquête en cours.

Enfin, le Barreau estime que la confiance du public dans une enquête indépendante sera accrue si on adopte une procédure qui minimise le risque de collusion et qui augmente la transparence de l'enquête. Dans cet ordre d'idées, le Barreau préconise que l'observateur puisse entrer en contact directement avec les membres des corps policiers impliqués ou avec ceux responsables de l'enquête. En évitant à l'observateur une relation de dépendance relativement aux renseignements sur l'enquête, on évitera également une situation susceptible d'engendrer de l'inquiétude et des doutes au sein de la population tout en maximisant la transparence sur le déroulement de l'enquête et de son indépendance.

Nous vous remercions de votre attention et nous sommes disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Drainville): Très bien. Merci beaucoup, M Sauvé. M. le ministre.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Je voudrais m'attarder plus particulièrement au plus de pouvoir de l'observateur, comme vous le mentionniez tout à l'heure, là. Vous estimez que ça n'apporterait pas de confusion et que ça pourrait bien fonctionner, en allant dans le sens que vous avez évoqué tout à l'heure, c'est-à-dire que l'observateur puisse parler à plusieurs personnes et que l'observateur puisse donc avoir plus de pouvoir. J'aimerais que vous élaboriez davantage là-dessus.

M. Roy Martel (Maxime): En fait, peut-être pour commencer, c'est que... parce que... de toute façon, tout à l'heure, la question a été posée, et puis on a bien établi qu'il y a deux écoles de pensée dans ce débat. Nous, ce qu'on pense, c'est que, peu importe le modèle retenu -- puis ça, on aura la chance d'y revenir s'il y a des questions -- mais, peu importe le modèle retenu, l'idée en amont, elle est bonne, elle est souhaitable, d'essayer de combler le déficit de confiance qui peut être présent actuellement au sein de la population.

Par contre, en aval, évidemment, concrètement, cela doit se reproduire. À notre avis, s'il y a uniquement une personne qui est chargée soit plusieurs jours, voire plusieurs semaines, après que l'événement ait été produit, l'objectif recherché à notre avis est dilué. En un mot clé, peu importe le modèle retenu, notre mot clé est «promptitude» ou «rapidité», c'est-à-dire que l'observateur doit pouvoir agir rapidement. D'ailleurs, à notre avis, le projet de loi le prévoit implicitement. S'il permet à l'observateur d'aller sur les lieux, c'est qu'il prévoit qu'il peut intervenir rapidement. Et on a plusieurs questionnements à cet effet-là, parce que ce n'est pas défini clairement dans le projet de loi quand le ministre sera avisé... quand le ministre avisera le bureau. Alors, à notre avis, ça doit être précisé, et l'observateur doit, bref, avoir plus de moyens.

Il y a un souci d'équité aussi, à notre avis, là-dedans. Je m'explique: l'observateur peut se questionner sur le comportement d'un policier, peut se questionner sur le comportement d'un enquêteur. Pourquoi n' a-t-il pas fait ça? Pourquoi a-t-il fait ça? Et on pense que d'avoir un tampon toujours avec la même personne n'offre non plus aux policiers la possibilité d'expliquer à l'observateur pourquoi il a agit de cette façon. On comprend bien la décision du gouvernement de mettre en place un observateur et non un dirigeant ou un intervenant, mais, même s'il observe, à notre avis, il ne devrait pas frapper de portes fermées. S'il veut être les yeux du public et si l'objectif en amont est, comme je le disais, de combler le déficit de confiance, l'observateur doit pouvoir intervenir davantage.

M. Dutil: Merci. Le débat -- vous l'avez peut-être vu dans les autres groupes qui vous ont précédé, là -- le débat porte sur la présence de policiers comme enquêteurs. Alors, il y a deux écoles de pensée, là, qui sont très clairement séparées. Certains disent: Il ne doit même pas y avoir d'anciens policiers dans le groupe, ça doit être tous des civils que l'on formera. C'est la position de La Ligue des Noirs du Québec et de la Ligue des droits et libertés. Deuxième école mitoyenne, la protectrice des citoyens dit: Ça doit être un organisme indépendant mais avec peut-être des ex-policiers pour aller chercher l'expertise. Il y a la position que nous présentons ici, où on dit: On doit avoir un observateur qui nous assure de l'intégrité du processus, mais on met l'expertise qui existe, c'est-à-dire des enquêteurs chevronnés et habitués à faire des enquêtes de crimes.

Est-ce qu'à votre point de vue, là... j'aimerais voir... évidemment, c'est subjectif, ma question, je le comprends bien, mais, est-ce qu'à votre point de vue le fait que ce soient des policiers qui enquêtent sur des policiers mais avec un système d'observation, un système de surveillance peut être un système objectif, ou si, à votre avis, il faut aller dans le sens qui nous est présenté par d'autres groupes?

**(11 h 10)**

M. Roy Martel (Maxime): Ça, on en a discuté beaucoup évidemment. Ce qui a été mentionné en entrée de jeu, c'est une discussion qui a été mûrie au sein du comité, c'est un comité qui est très représentatif, de procureurs de la couronne, de professeurs d'université, d'avocats qui pratiquent en défense, et notre... là, où on a eu consensus, disons ça comme ça, le modèle proposé par le gouvernement nous semble viable, hein? L'exemple... il faut... il a été beaucoup mis en modèle de comparaison, le modèle ontarien.

Par contre, la position, la position du comité, c'est de dire: Écoutez, de retirer complètement les policiers du processus peut peut-être enlever la perception auprès du public que les policiers se renvoient l'ascenseur, si vous me permettez l'expression, mais ne règle pas pour autant un autre problème: c'est que l'enquête doit demeurer effective, doit demeurer efficace. Et le modèle ontarien, qui célébrait son 20e anniversaire cette année, indique lui-même dans son rapport annuel que l'implantation d'un tel système, là, exclu de policiers n'est pas simple. L'expérience démontre que ce n'est pas évident.

Alors, la position du comité, elle n'est évidemment pas tranchée. Les modèles sont viables. Ce que j'aurais probablement le goût de répondre à la question qui avait été posée tout à l'heure, c'est: Est-ce que la réponse ne se trouve pas un peu dans le milieu, dans le milieu de la confrontation? Si on fait l'analogie avec un comité professionnel, sur n'importe quel comité professionnel, il va y avoir une personne, un professionnel qui va être assesseur et qui va aider le président d'un comité de discipline à poser un oeil critique sur le comportement du professionnel. Alors, on voit mal comment il pourrait y avoir une absence totale de policiers sur un tel bureau.

Le fait de créer un observateur est une bonne idée, mais, pour résumer la position du comité, c'est que, peu importe le modèle retenu, il faut que ce soit effectif, il faut que ce soit efficace. Si on met un observateur, il faut qu'il ait les moyens d'observer.

Mme Joncas (Lucie): Je peux peut-être terminer sur ce point-là. Alors, la position du Barreau est que les enquêtes policières doivent bénéficier des ressources policières et doivent bénéficier de l'expertise de policiers. Alors, on préconise plutôt un comité mixte, et je vois mal qu'on délègue uniquement à des magistrats retraités ou à des avocats qui ont 10 ans de pratique la responsabilité d'une scène de crime. Ce n'est pas notre formation. Alors, on préconise vraiment un comité mixte pour pouvoir bénéficier des règles de l'art, et ce n'est pas notre formation nécessairement. Alors, je pense qu'on devrait bénéficier de l'expertise.

Et c'est d'ailleurs, quand on parle de plus de pouvoirs au commissaire ou à la personne qui va faire l'enquête, on ne veut pas que la porte se ferme au niveau de l'enquêteur-chef. On veut, c'est ce qu'on dit, on veut que la personne qui va être nommée comme observateur puisse avoir accès à toutes les étapes de l'enquête et non pas voir le débat uniquement par la lorgnette de l'enquêteur responsable du dossier.

M. Dutil: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): ...Chomedey, il reste à peu près deux minutes à ce bloc.

M. Ouellette: Deux minutes?

Le Président (M. Drainville): Deux minutes. Il y aura un autre bloc par la suite.

M. Ouellette: Ah! c'est beau.

Le Président (M. Drainville): D'un autre 10 minutes.

M. Ouellette: Donc, je vais poser une petite question de deux minutes. Votre observateur, vous ne l'amenez pas sur votre scène de crime, là, c'est vraiment un observateur qui va être en contact avec les enquêteurs, qui va être en contact avec ceux qui vont faire l'enquête, qui va se tenir au courant. Il ne sera pas... vous ne voulez pas qu'il se mette le nez dans l'action, là, puis qu'il vienne sur la scène de crime pour risquer d'être offert aux avocats de la défense lors de procédures éventuelles. J'aimerais juste qu'on puisse préciser, dans la minute et demie.

Puis je vais revenir sur le 10 minutes, parce que, votre deuxième paragraphe, là, que vous voulez qu'il y ait tout de suite après l'événement, un... tout de suite après l'événement, que le policier rédige un rapport d'événement sous scellé, là, je vais avoir besoin que vous m'expliquiez ce que vous entendez, ce que vous voulez faire avec ça, et le scellé va être où? Qui va en être gardien, etc., là? Et qu'est-ce qui vous a amené, vous autres, les avocats, à arriver à une conclusion comme ça? Pour ma première question, pour l'observateur sur la scène de crime.

M. Roy Martel (Maxime): Oui. Mais pas à titre... Il y a la ligne qui est fine entre observer et intervenir, mais si c'est déjà prévu... Parce qu'à notre avis, s'il ne va pas sur la scène de crime, c'est difficile pour lui après de contre-valider ce qui a été fait, si c'est correct ou pas. S'il n'a pas vu même la scène, et là il faut se replacer aussi parce qu'il y a plusieurs situations qui sont arrivées à Montréal, et là je ramène avec la question de la promptitude, il y a des scènes de crime qui, après quatre ou cinq heures, n'existent plus. Retourner dans une bouche de métro après cinq heures, pour un observateur, ça ne lui apprendra pas grand-chose. Cela dit, pour que l'observateur, si c'est l'idée, parce que c'est ce qui est proposé par le gouvernement, alors l'observateur, s'il est là et s'il peut faire un travail effectif, doit pouvoir en effet être présent.

Vous avez un réflexe d'avocat criminaliste qui... auquel je n'ai pas de réponse: Quelle pourrait être éventuellement, par exemple, l'assignation de cet observateur-là, ses notes? Est-ce que ses notes, qui pourraient contredire un enquêteur, pourraient être utilisées par un avocat criminaliste pour essayer d'étayer d'autres points? Alors, la question, si elle a été posée, est restée sans réponse pour le moment. On ne considère pas que c'est à un comité de se rendre jusque-là. C'était simplement de dire: Écoutez, si vous mettez un observateur, il faut vraiment qu'il puisse observer.

M. Ouellette: Sûrement que Me Joncas pourra avoir une réponse en tant qu'avocat criminaliste. Mon deux minutes est fini, on reviendra.

Le Président (M. Drainville): C'est bien, vous avez gardé le réflexe de la télé, mon cher M. le député de Chomedey, vous connaissez votre temps. C'est effectivement terminé, et c'est au député de Chambly de prendre le relais.

M. St-Arnaud: Oui. Merci, M. le Président. Alors, comme vous le savez, le projet de loi n° 46, là, ce qui est proposé par le gouvernement, c'est de confier à un observateur à 289.4 le mandat de surveiller le déroulement d'une enquête indépendante afin de vérifier si cette enquête est menée de façon impartiale. Alors, ma question, elle est très simple: Est-ce que vous pensez qu'avec le libellé actuel du projet de loi n° 46 l'observateur pourra statuer sur l'impartialité d'une enquête?

M. Roy Martel (Maxime): Rapidement: tout dépendamment des moyens.

M. St-Arnaud: Tout dépendamment...

M. Roy Martel (Maxime): Tout dépendant des moyens qu'il a. Et donc des pouvoirs qu'il a. Voilà.

M. St-Arnaud: Alors, je vous amène donc dans le concret: l'observateur, concrètement... Vous avez fait un certain nombre de pistes, là, dans votre mémoire. Vous dites, par exemple, que ça n'a pas de bon sens qu'il ne puisse pas parler à l'enquêteur responsable de l'enquête, c'est ce que je crois comprendre. Vous dites... Parce que, dans le projet de loi, ce qu'on dit, c'est qu'il doit parler à ce que j'appelle, moi, un agent de liaison du corps de police qui enquête, là. Vous dites: Il faudrait qu'il puisse parler, entre autres personnes, à l'enquêteur en charge du dossier, c'est ce que je comprends.

Mais j'aimerais savoir: concrètement, là, l'observateur, si... Parce qu'à première vue, moi, j'ai aussi beaucoup de difficultés à comprendre comment il va juger de l'impartialité, avec les pouvoirs qui sont prévus dans 46 actuellement. Alors, quels seraient les pouvoirs supplémentaires que vous lui donneriez? Est-ce que, par exemple -- le député de Chomedey fait référence, là -- le projet de loi lui permet d'aller sur la scène de crime, mais qu'est-ce qu'il ferait? Par la suite, est-ce qu'il assisterait à tous les interrogatoires de témoins, des policiers impliqués, est-ce qu'il assisterait à ces interrogatoires-là?

Je comprends qu'il y a des implications juridiques d'une façon autre que dans la salle d'interrogatoire, par le biais d'un mécanisme quelconque. Est-ce qu'il pourrait... Est-ce qu'on devrait lui donner accès d'une manière très claire dans le projet de loi à tous les documents? Parce que présentement il peut faire la demande, il peut faire des demandes de renseignements auprès de son agent de liaison, mais quels sont les pouvoirs concrets que vous... Et quel est l'éventail des pouvoirs, là, à partir du jour où il doit effectivement agir avec rapidité -- parce que, vous le dites, il y a un événement qui vient de se produire -- jusqu'au terme de l'enquête? J'aimerais vous entendre là-dessus d'une manière plus concrète, de manière concrète, là, où est-ce qu'il doit être présent, qu'est-ce qu'il doit faire, etc.

Mme Joncas (Lucie): Je pense qu'il doit bénéficier d'une certaine indépendance et avoir les outils nécessaires pour pouvoir exécuter ses fonctions. Ce n'est pas nécessaire qu'il suive les enquêteurs pas à pas à chaque étape de l'enquête; il n'est pas là pour mener l'enquête, au fond, mais il doit pouvoir interroger les individus impliqués et ne pas se fier uniquement à l'enquêteur chef, ou l'agent de liaison, comme on dit. Alors, il faut que, s'il le juge opportun, il puisse avoir accès effectivement aux documents, aux interrogatoires, mais ce n'est pas lui qui va y assister ou y procéder. Alors, ce n'est pas ce qu'on préconise, là.

Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait transparence. Et je pense que c'est ce que le gouvernement cherche avec ce projet de loi là. Mais il y a encore des côtés clairs-obscurs dans la transparence qu'on nous offre ici, là. Alors, je pense qu'il doit avoir les moyens d'exécuter sa tâche sans être limité à passer par une personne définie par le corps policier.

**(11 h 20)**

M. St-Arnaud: Par exemple, là, vous dites: Il ne doit pas refaire les interrogatoires, ne doit pas assister aux interrogatoires, par exemple, mais... Et, vous dites, il peut parler à de gens... Est-ce qu'il va pouvoir parler par exemple lui-même aux policiers impliqués?

Mme Joncas (Lucie): C'est ce qu'on souhaite. Le policier impliqué, dépendant du moment de l'implication... Parce qu'on se comprend, là, à ce moment-ci, on est au stade de l'enquête, le policier est sous enquête pour... il n'est pas en état d'accusation, là. Alors, il y a toujours une question de respecter aussi les droits des policiers, qui ont les obligations qui viennent avec le port d'armes et les autres pouvoirs qu'ils ont.

M. St-Arnaud: À ce moment-là, Mme Joncas, est-ce que vous n'êtes pas en train de dire qu'il est en train de faire une deuxième enquête en parallèle à l'enquête principale?

Mme Joncas (Lucie): Qu'il surveille l'enquête principale et... C'est ce que je vous dis, ça ne serait pas normalement... il doit pouvoir avoir accès sans qu'on lui bloque le chemin pour faire certaines vérifications, si nécessaire. Si les éléments qu'on lui soumet ne le satisfont pas, il devrait pouvoir aller faire les vérifications qui s'imposent.

M. St-Arnaud: Parce que, je vous écoute, là, puis franchement, je vois le... En fait, je comprends ce que vous voulez... vous exprimez. En fait, vous dites... Puis, avec les pouvoirs qu'il a actuellement, là, il ne peut pas vraiment aller vraiment en profondeur, donc il doit jouer un rôle beaucoup plus actif. Mais là c'est presque une... j'allais dire, presque une contre-enquête qu'il mène à ce moment-là.

Et ça me ramène au problème de base: Est-ce que ça ne serait pas plus simple... Plutôt que de créer un organisme un peu boiteux, là, qui est le bureau de surveillance, le Bureau civil de surveillance, qui va enquêter avec plus de pouvoirs, qui va faire un genre d'enquête, presque une enquête parallèle, là, d'une certaine façon, est-ce qu'il ne serait pas plus simple de tout simplement confier l'enquête criminelle ou l'enquête sur un événement impliquant un policier à un organisme indépendant, qui soit jugé indépendant par la collectivité, en lequel la collectivité ait confiance? Puis, là, il y a un enquêteur indépendant qui peut peut-être être un ancien policier ou un civil qui fasse l'enquête. Parce que, là, moi, je regarde ça aller, là, puis ça va être compliqué en maudit, là, pour parler bien crûment, M. le Président, là. Alors, j'aimerais vous écouter là-dessus.

M. Roy Martel (Maxime): Mais... Parce que... Il faut faire attention. Il a été utilisé beaucoup, le modèle ontarien, comme unité de comparaison. Quand on regarde le rapport annuel 2010-2011 de cette unité-là, il a été fait grand état, là, que 12 accusations ont été portées l'année dernière. Par contre, ce qu'il faut savoir, c'est qu'ils célèbrent leur 20e anniversaire. Et, si on recule dans les 10 dernières années, ce qu'on constate... juste par exemple pour l'année 2006-2007, il y a seulement eu deux accusations de portées par l'unité. Alors, je pense qu'on ne peut pas attacher le terme «miraculeux» non plus à cette unité-là. À notre avis, ça ne règle pas tous les problèmes.

Il y a deux problèmes: il y a une question de confiance puis une question d'effectivité. Nous, en fait... Parce que vous nous amenez par vos questionnements à vous donner des pistes très concrètes. Ça, on pense que c'est votre rôle à vous, de déterminer jusqu'où cela peut se rendre. Quand je dis «à vous», évidemment, je parle... le gouvernement.

Mais c'est que notre constat, c'est que -- ça, je pense, ça a bien été dit -- l'idée en amont ne se suit pas en aval. C'est une piste qui est viable. Et, de dire, parce que c'est ce qui a été dit, c'est ce qui a été proposé par d'autres groupes, que le modèle ontarien fonctionne, je pense que c'est réducteur, je pense que ce n'est pas aussi simple que ça parce que, comme je le disais, d'évacuer complètement... Ce n'était pas ça, l'objet de votre question, mais d'évacuer complètement toute compétence policière, à notre avis, affecte beaucoup trop l'effectivité que pourrait avoir un tel bureau.

M. St-Arnaud: ...Me Roy, c'est parce que -- et le député de Chomedey y a fait référence tantôt, là -- à partir du moment où tu crées cette... Et vous êtes là comme experts juridiques, là, comme représentants du Barreau. Moi, je vois aussi beaucoup d'implications, de conséquences juridiques à la présence d'un observateur qui se met à... Parce que ce que vous dites, c'est: Il ne va pas assez loin dans le projet de loi, il devrait faire beaucoup plus. Mais, s'il fait beaucoup plus, là il y a des implications -- Me Joncas, vous pouvez peut-être y aller là-dessus, là -- il y a des implications sur est-ce qu'on va pouvoir l'amener comme témoin parce qu'il a vu telle affaire, il a assisté à telle autre chose... Et là moi, je vous dis, quand je regarde ça, je commence à me demander s'il ne faudrait pas mettre ça de côté puis revenir à un enquêteur qui pourrait être dans un organisme indépendant. Je vous avoue que je me demande si on améliore les choses, et si on ne les complexifie davantage, et s'il n'y a pas des conséquences juridiques qui pourraient rendre ça encore plus difficile.

M. Roy Martel (Maxime): Brièvement, puis je vais laisser Me Joncas répondre, c'est que... Revenons, revenons encore en amont, là. À notre avis, là, du comité, une des grandes raisons de la perte de confiance des enquêtes de policiers sur policiers, parfois, sont les délais. Il peut s'écouler des semaines, voire des mois, alors que n'importe quel autre citoyen qui est accusé de meurtre va être rencontré dans les jours qui suivent. Et une bonne partie, à notre avis, du déficit de confiance est là. Et c'est pour ça que ce qu'on vous dit, c'est que, peu importe le modèle retenu, le mot clé, c'est «promptitude».

Et, à la base, chaque citoyen a un souci d'équité, là-dedans. Chaque citoyen qui voit ça, qui a été enquêté, lui, qui, même s'il était fatigué, même s'il était traumatisé, a été amené dans un poste de police plusieurs heures, interrogé, peut avoir de la difficulté à comprendre qu'un policier ait des semaines, voire des mois, à se concerter avec ses collègues, à prendre le temps de répondre.

C'est pour ça que ce qu'on vous dit: Vous nous avez amenés dans des choses très concrètes. Mais le comité, ce qu'il vous dit, il dit: Écoutez, est-ce qu'il n'y a pas là, dans la rapidité... outre le modèle... Parce que, ce qu'on voit, et ce que fait bien, sensiblement, l'unité en Ontario, c'est une question d'heures avant que l'unité intervienne, question d'heures. Et, à notre avis, il faut se parler d'heures, quand ça intervient. Ça, c'est de nature à renforcer la confiance du public.

M. St-Arnaud: Mais vous dites, là... Il me reste quelques secondes?

Le Président (M. Drainville): Il ne reste plus vraiment de temps, monsieur...

M. St-Arnaud: J'allais dire, en fait...

M. Roy Martel (Maxime): C'est de ma faute...

M. St-Arnaud: Non, mais ce que vous dites, c'est: Peu importe le modèle, il faudrait qu'il y ait un encadrement, qu'il y ait des balises claires sur ce qui se passe notamment dans les heures qui suivent l'événement. Et, présentement, on a vu, avec des cas célèbres, que ça... le public regarde ça, puis il dit... un mois après, il fait son rapport d'événement, il y a un petit problème. On y reviendra tantôt. Je vais laisser la parole à mes distingués collègues...

Une voix: Si M. le Président est d'accord...

Le Président (M. Drainville): Oui, le M. le Président est pas mal toujours d'accord. M. le député de Chomedey, vous avez la parole.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Donc, je reviens à votre lettre, votre deuxième paragraphe, parce que je veux savoir la réflexion de votre comité. Comment vous en êtes arrivés... quelle est la mécanique, parce que... je reprends juste le paragraphe, là: «Il faut prévoir l'obligation pour les policiers impliqués ou témoins d'un tel événement de rédiger, sans délai et sans aucune concertation, un rapport d'événement qui serait déposé sous scellé et mis à la disposition des enquêteurs et qui serait accessible aux membres du Bureau civil de surveillance appelés à surveiller l'enquête.» Puis, tout de suite après, vous dites que... je comprends qu'il y a l'obligation de rédiger un rapport, mais, si jamais il y a des poursuites criminelles, bien, on ne peut pas s'en servir.

Donnez-moi en un petit peu plus, là, dans votre réflexion. Vous voyez ça comment, sous scellé? Qui est-ce qui s'occupe de ça? Comment ça fonctionne? Là, il y a une première déclaration. Tu es à chaud sur un événement, tu penses qu'il y a des éléments de l'événement qui ne sont pas importants, tu ne les écris pas. Là, après ça, l'enquête fait en sorte... et c'est pour ça que c'est un art, faire des enquêtes, l'enquête fait en sorte que, quand, une couple de semaine après, tu es rencontré: Oui, mais il y a un élément que tu as oublié, pour 22 000 raisons, stress ou «whatever». Et là: Ah! Tu ne l'as pas mis dans ta déclaration. Là, oups, la déclaration se ramasse publique, parce qu'il y a beaucoup de choses maintenant sous scellé qui se ramassent à la télévision. C'est assez particulier. Il y a toute la présomption du droit que tout le monde ont, puis il ne faudrait pas que ce soit différent pour une catégorie de citoyens dans notre société. Voulez-vous juste m'éclairer sur votre réflexion... qui ont amené à ces deux paragraphes-là?

**(11 h 30)**

Mme Joncas (Lucie): Tout à fait, parce que, contrairement à... Ce qui nous importe, c'est qu'il n'y ait pas deux poids, deux mesures sur comment les enquêtes sont menées lorsque ça implique un policier par opposition à un citoyen. Alors, on voit qu'il y a eu une réserve, une réticence, ou les directives ne sont pas claires ou ne sont pas rendues publiques, ne sont pas transparentes.

Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt coucher dans un règlement la façon dont on doit protéger les témoins, ne pas contaminer... Alors, on comprend que chaque corps policier a des directives internes sur la façon dont on mène des enquêtes, mais elles ne passent pas par un processus de réglementation où il y aura un examen de ce processus-là.

Alors, on est... le Barreau est inquiété par le fait qu'on traite différemment les enquêtes policières. On n'exige pas que les rapports soient faits immédiatement. Les règles de l'art, on le sait, quand il y a une scène de crime, on isole les témoins chacun dans leur salle pour faire les interrogatoires. Ce n'est pas le cas en ce moment. Et on souhaiterait vraiment que ça soit les mêmes règles qui soient appliquées.

On comprend qu'à la différence le policier, lui, a l'obligation de remplir un rapport, ce que le simple citoyen n'a pas et qu'il n'a pas le droit à un avocat et qui, normalement, ne devrait pas avoir droit à un «debriefing» par un psychologue avant de faire son rapport, là, le rapport devrait être fait comme n'importe quel autre citoyen. Mais on comprend que...

C'est comme en matière de conduite avec facultés affaiblies: lorsqu'on a l'obligation, selon le Motor Vehicle Act, ou une autre loi civile, de faire une déclaration, cette déclaration-là n'est pas opposable dans un procès criminel. Alors, on voyait un parallèle, vu l'obligation des policiers, de quand même préserver leurs droits constitutionnels, comme n'importe quel citoyen. Alors, si, naturellement, par la suite, il fait une déclaration en bonne et due forme, après avoir eu son droit à l'avocat, bien, cette déclaration-là va être admissible en preuve, c'est sûr. Mais c'était pour pallier à cette différence-là qu'on voyait la nécessité d'un traitement différent de ce rapport initial là.

M. Ouellette: Le scellé est gardé où?

M. Roy Martel (Maxime): On n'est pas rentrés aussi dans le détail, parce que c'est l'interrelation de 262 puis 263 de la Loi sur la police qui pose problème, parce qu'un policier n'est pas comme tout citoyen ordinaire. Le policier, en revanche... Le policier qui dit «moi, je ne veux pas vous parler», ne peut pas, en vertu de 262 de la Loi sur la police. C'est déjà prévu, donc... Mais ça, évidemment, c'est une question qui n'est pas facile à répondre, hein? Et c'est peut-être aussi ce qui explique souvent autant de délais avant qu'un policier soit rencontré. Est-il témoin ou est-il... risque-t-il d'être accusé? Son régime deviendra différent en vertu de l'article 263. Là, il aura le droit, comme n'importe quel autre accusé.

Alors, un des moyens, évidemment, c'est de préserver que, si cela est fait, alors essayer de trouver que ça soit prompt, mais tout en respectant aussi que la preuve qui sera obtenue, hein, ne puisse pas être réutilisée dans le cadre d'un procès qui contient le scellé, puis, évidemment, on ne souhaite pas que ça soit retransmis au téléjournal à 10 heures, ça, c'est bien certain.

M. Ouellette: O.K.

Le Président (M. Drainville): Il reste encore quatre bonnes minutes pour M. le député de Vimont.

M. Auclair: Messieurs, bonjour. Écoutez, c'est intéressant vous entendre, parce que... surtout vos derniers commentaires, parce qu'on... hier, on a eu, bon, la Protectrice du citoyen, on a eu différents groupes, on a eu les gens, bien sûr, de l'association des policiers qui sont venus, qui ont fait état des derniers commentaires que vous avez soulevés. Mais également le...

Moi, je m'amusais à lire le Vérificateur général de l'Ontario, qui s'est autorisé quelque chose d'assez extraordinaire, quant à moi, d'intervenir dans un dossier au Québec et de venir émettre une opinion sur un dossier, un projet de loi du Québec. Intéressant... Je peux comprendre, parce que M. Marin, Vérificateur général d'Ontario, a siégé, a déjà... est un peu le... celui qui a été le premier directeur de l'unité, si je comprends bien, là, en Ontario, donc avait une perception un peu différente.

Vos commentaires, en disant que, bon, ce qui se fait en Ontario, ce n'est pas la panacée, là, ce n'est pas vrai que c'est... Parce que, surtout, moi, je retiens toute la procédure de preuve au niveau du droit qui s'applique par rapport aux policiers, un, dans ses gestes posés au quotidien et, également, ce qui le protège comme citoyen, il y a les deux volets, là, la loi est quand même très claire.

Ceci étant dit, ma question porte... va surtout... c'était un commentaire plus que d'autre chose, mais je voulais aussi dire... vous poser: Quand vous faites, dans vos commentaires... Un élément intéressant pour moi: le ministre doit aviser sans délai le bureau lorsqu'il y aura enquête. Ne serait-il pas plus pratique, et surtout pour la perception de la... parce qu'on parle aussi de perception, hein, vous avez fait état aussi dans vos commentaires, pour la population, qu'automatiquement, dès qu'il y a une faute, pourquoi est-ce qu'on n'avise pas justement le bureau, le directeur de ce bureau-là, qui, lui, automatiquement, pourra reléguer l'information au ministre? Donc, on vient de créer une distance entre le volet... le législatif, l'exécutif, le ministre, et une entité qui a le mandat.

Est-ce que vous, de votre perception, au niveau juridique... Je vous pose la question... parce que vous n'avez pas fait cette réflexion-là, moi, je l'amène pour voir, de votre côté, si, juridiquement, s'il y a quelque chose qui pourrait... Je ne vois pas de problème de mon côté, mais étant donné que vous avez étudié la question...

Mme Joncas (Lucie): ...obligation d'aviser le ministre qu'il existe déjà... Alors, on voyait que c'est... Mais effectivement on pourrait communiquer directement avec le bureau et avec le ministre; je ne vois pas de problématique légale à cet effet-là.

M. Roy Martel (Maxime): Peut-être pour rappeler aussi... Bon, l'idée du comité, imaginez-vous 19 avocats autour d'une table...

Une voix: Oh!

M. Roy Martel (Maxime): On est juste deux... on est juste trois aujourd'hui... Non, je me permets un peu d'ironie, là, mais... On n'est pas, peut-être pas allés dans tous ces détails-là. Mais évidemment l'idée, c'est de dire qu'il faut que ce soit prompt. Donc, évidemment, si on vient de couper un lien... Bon. Et là je parle pour moi-même; on n'a pas eu cette délibération-là au comité. Ce qu'on disait, c'est que... puis là je ramène, c'est: ce qui a fait aussi que le débat est revenu, hein, le débat social sur les enquêtes, à notre avis, c'est aussi, des fois, ces délais-là, si on pense à Villanueva, là, ces semaines qui ont... Et le meilleur moyen de saper toute crainte, bien, c'est qu'un citoyen ordinaire voie qu'un policier est enquêté de la même façon que si lui était enquêté pour la même infraction. Mais on ne s'est pas donné le mandat d'aller de façon plus profonde, vous savez, dans les moyens.

Le Président (M. Drainville): C'est pas mal terminé, malheureusement, M. le député de Vimont. Merci.

Une voix: ...

Le Président (M. Drainville): C'est très bien. Je vous félicite. Je vous félicite. Merci pour votre discipline et votre sens du timing. Et je retourne à M. le député de Chambly pour un bloc de 9 min 40 s.

M. St-Arnaud: 9 min 40 s, M. le Président, alors je vais essayer de respecter ça également. Je vais poursuivre sur les questions du député de Vimont parce qu'hier on a eu un peu ce débat-là. Et j'ai posé un certain nombre de questions aux représentants de la Fédération des policiers municipaux parce que je leur disais exactement ce que vous dites: Il n'y a pas deux poids, deux mesures entre un citoyen ordinaire qui se retrouve... lui aussi, là, il vient... il est dans un contexte d'un événement conjugal où il y a plusieurs témoins. Il va être isolé rapidement puis les autres témoins vont être isolés rapidement, ils ne pourront pas communiquer entre eux. Alors, je disais aux policiers: Est-ce qu'il n'y a pas deux poids, deux mesures entre cette situation du simple citoyen, le citoyen et du policier qui, lui... et ça crée une perception effectivement dans la population.

Et, hier, la réponse qu'on a eue... et d'ailleurs c'était dans le mémoire de la Fédération des policiers municipaux, on nous disait: «...le policier impliqué dans un événement qui fera nécessairement l'objet d'une enquête de nature criminelle doit naturellement prendre le temps de décompresser, de retrouver ses esprits, de prendre un certain recul et même de pouvoir consulter un avocat en certains cas. [...]Comment penser qu'il [peut refaire son état d'événements] à chaud, dans les instants qui suivent l'événement, en particulier lorsqu'il s'agit d'un événement traumatisant où il y a mort d'homme ou [de] blessures graves? Il doit y avoir un équilibre entre le souci de transparence et les droits [des policiers].» Et on disait aussi que la même chose pour les interrogatoires... la même chose pour les interrogatoires.

Et ça a amené d'ailleurs, suite à mes questions, Me Pierre Dupras, qui est un conseiller juridique de la fédération... a dit: Bien, pour les rapports d'événement, il faut donner un délai, alors... Et Me Dupras ne s'est pas avancé sur le nombre de jours, mais il dit: Il faut laisser un certain nombre de jours, trois, cinq, sept, au policier pour faire son rapport d'événement parce que c'est une situation un peu, là... moi, je vous en ai donné un extrait, mais c'est une situation très particulière. Le policier, il est obligé de faire un rapport d'événement, alors ce n'est pas comme un citoyen. Alors que le citoyen peut toujours invoquer son droit au silence, quand arrivera l'interrogatoire, le policier, lui, est obligé de faire un rapport d'événement.

Alors, ma question, quand vous dites: Les policiers, parmi les balises qu'on devrait mettre, devraient avoir l'obligation de rédiger, sans délai et sans aucune concertation, un rapport d'événement, qu'est-ce que vous entendez par ce délai? Quel serait le délai approprié?

Mme Joncas (Lucie): Le même délai que lorsqu'il fait un rapport pour tout autre individu ou tout autre événement. Alors, normalement, les policiers, après... à la fin de leur quart de travail ou dans les 24 heures qui suivent, font leur rapport d'enquête. Alors, c'est justement ça quand on veut dire: Pas deux poids, deux mesures. Après chaque quart de travail ou même durant les quarts de travail, les policiers sont formés pour prendre des notes et faire des rapports d'enquête. Alors, c'est là où je pense que la population a un problème, parce qu'on n'attendra pas trois, quatre jours avant d'interroger un prévenu parce qu'il ne se sent pas bien, hein? On a vu des interrogatoires où des gens ne se sentaient pas bien du tout et on n'y mettait pas fin.

Alors, je pense que c'est là où le bât blesse, et les rapports devaient être faits dans le même délai que dans toute autre enquête.

M. St-Arnaud: ...si je comprends bien, en Ontario, où ils sont obligés de faire... Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose? On nous a dit hier que leur rapport d'événement doit être fait avant la fin de leur quart de travail.

**(11 h 40)**

Mme Joncas (Lucie): Pour les dossiers que j'ai faits en Ontario, là, c'était l'impression que j'avais. Normalement, la divulgation de la preuve est disponible parce que, lorsqu'on arrête un individu, il faut que la divulgation de la preuve minimalement de cette journée-là ou de l'événement soit disponible pour que, lorsqu'on met quelqu'un en état d'arrestation, il faut qu'il soit informé du pourquoi il est en état d'arrestation, des motifs. Alors, effectivement, là, normalement, c'est dans les 24 heures maximum, là, ou dans la... à la fin du quart de travail.

M. St-Arnaud: Vous dites que le rapport d'événement pourrait être déposé sous scellé, mis à la disposition des enquêteurs, et vous dites: «...il serait acquis que dans l'éventualité où les policiers [devraient] faire face à des accusations criminelles, le contenu du rapport ne pourrait être utilisé contre eux...» Ce qu'on nous a dit hier, c'est que la jurisprudence dominante présentement est à l'effet que, de toute façon, on ne peut pas l'utiliser contre eux.

Mme Joncas (Lucie): Effectivement.

M. St-Arnaud: C'est ça. Alors...

Mme Joncas (Lucie): C'est parce que la personne n'a pas été mise en état d'arrestation, et ça répond à une obligation légale d'un droit civil, donc tant pour les conduites avec facultés affaiblies -- l'exemple que je donnais -- lorsqu'on doit faire un rapport d'accident, cette preuve-là n'est pas admissible contre l'individu qui a rempli ses devoirs civils.

M. St-Arnaud: Sur ces balises-là, l'interdiction de communiquer, le rapport d'événement dans un délai x, est-ce que vous croyez que ça devrait être dans le projet de loi, dans des règlements, ou je crois comprendre que le projet de loi, là, nous parle même de directives, là? Le projet de loi dit que le ministre peut faire des directives, parce qu'il ne prévoit rien vraiment sur ça.

Alors, qu'est-ce... Ces balises-là sur ce qui se passe dans les minutes ou les heures qui suivent un événement, est-ce que ça devrait être dans la loi? Est-ce qu'on devrait prévoir plutôt dans la loi que ça sera décidé par règlement, ou est-ce que ça peut faire l'objet de simples directives, comme semble le dire le projet de loi n° 46 actuellement?

M. Sauvé (Marc): Alors, si l'idée de toute l'opération, évidemment, c'est de préserver et d'augmenter la confiance du public dans ces enquêtes, je pense qu'il est important que cet encadrement-là se fasse de façon la plus transparente possible. Et les textes réglementaires sont soumis à la Loi sur les règlements, et il y a une prépublication des règlements, il y a une consultation. Et plus le public va être concerné, va être impliqué dans ces normes-là, va en prendre connaissance et conscience avec les médias, nous, on pense que ça peut certainement aider à améliorer la confiance des citoyens, lorsqu'il y a des enquêtes policières sur des policiers.

M. St-Arnaud: Il me reste un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Drainville): Oui. Il reste trois minutes.

M. St-Arnaud: Trois minutes. Certains intervenants nous ont dit que, dans l'éventualité où le gouvernement continuerait d'aller de l'avant, là, avec son Bureau civil de surveillance, ce bureau devrait relever plutôt du ministre de la Justice que du ministre de la Sécurité publique. Est-ce que vous avez réfléchi à cette problématique?

M. Roy Martel (Maxime): Non. On ne s'est pas penchés sur cette question-là. Si vous me permettez, on voulait juste revenir sur une question tout à l'heure que vous avez posée. C'est qu'on comprend aussi la position des groupes policiers. On en a discuté, c'est-à-dire, nous, ce qu'on a regardé, c'est toujours au regard évidemment du droit criminel. Évidemment que les fédérations policières, elles, sont concernées, parce que c'est tripartite. Il y a toujours le volet criminel, disciplinaire et déontologique.

Nous, on ne s'est pas penchés sur la question disciplinaire et déontologique, on est toujours restés sous l'angle criminel. Et on comprend leur objection sur la promptitude à donner une déclaration, mais c'est clair que, de toute façon, ces déclarations-là, ça transparaît de l'article 262, là, de la Loi sur la police, ne pourrait pas être utilisé contre le policier qui donnerait un rapport.

M. St-Arnaud: M. le Président, ça complète mes questions.

Le Président (M. Drainville): Très bien. Je remercie les représentants du Barreau pour cette participation à nos travaux.

La commission va suspendre ses travaux jusqu'après les affaires courantes, vers 15 heures. Merci beaucoup, tout le monde.

(Suspension de la séance à 11 h 44)

 

(Reprise à 15 h 36)

Le Président (M. Drainville): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir... éteindre, dis-je bien, la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières sur le projet de loi n° 46, Loi concernant les enquêtes policières indépendantes. Alors, je souhaite la bienvenue à Me Joëlle Roy, qui est la présidente de l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense. Bonjour, madame.

Alors, juste avant de vous céder la parole pour 15 minutes, on m'a informé que vous souhaitiez prêter serment. Alors, M. le secrétaire, est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, procéder à l'assermentation de Me Roy?

Association québécoise des avocats et
avocates de la défense (AQAAD)

Assermentation de Mme Joëlle Roy

Mme Roy (Joëlle): Alors, je, Joëlle Roy, déclare sous serment que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président (M. Drainville): Merci. Alors, sans plus tarder, vous pouvez procéder avec la présentation de votre mémoire.

Mme Roy (Joëlle): Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense regroupe presque 800 membres. C'est certain qu'un projet de loi tel que présenté aujourd'hui est d'intérêt majeur pour l'Association québécoise des avocats de la défense parce que nous, bon, nous sommes avocats de la défense, on travaille... c'est notre quotidien, le terrain, les palais de justice, les enquêtes criminelles, alors... Je vois quelqu'un qui s'y connaît qui me sourit.

Évidemment, le projet de loi présenté par le ministre Dutil est non seulement... c'est louable, c'est beau, c'est une nécessité, mais je crois que... l'objectif est louable, mais le résultat, selon moi, est un peu mièvre, c'est-à-dire que ce n'est pas assez, les objectifs ne vont pas assez loin. Ça m'apparaît aussi un petit peu encore... Peut-être que je suis bouchée un petit peu, mais ça m'apparaît un petit peu alambiqué. Bon, le bureau de surveillance, l'observateur, qu'est-ce qu'il fait, quels sont les devoirs, quels sont les limites du mandat, bon, et, d'après moi, ça ne règle pas les problèmes, je dirais, sur le terrain.

C'est-à-dire que... On est tous au courant que des cas où des policiers ont... je vais faire attention à mes termes, où des incidents ont lieu, des policiers avec un homme qui a été tiré par balle, qui a été, bon, abattu par balle, il y en a quand même quelques-uns, dans notre province -- malheureusement, il y en a beaucoup trop -- depuis les deux dernières années. Qu'est-ce qui se passe, après ça, à l'enquête? Comment ça marche? Comment ça fonctionne? On ne le sait pas. Donc, il y a beaucoup d'obscurantisme autour de tout ça.

Il faudrait éviter tout risque de collusion, c'est-à-dire que... Ce que l'AQAAD demanderait aussi, c'est que les enquêtes impliquant les policiers soient de même nature que les enquêtes impliquant... je vais parler de nos clients. Alors, pourquoi est-ce que... Parce que ce qui émane de tout ça, c'est que... et, pour le justiciable aussi qui regarde ça, ce qui émane de ça, c'est de dire que finalement il y a une justice parallèle pour quand un policier est impliqué ou quand un individu, un quidam est impliqué.

Si un de mes clients se fait arrêter sur les lieux d'une infraction, les policiers arrivent, bon, s'ils ont des motifs raisonnables, ils vont le mettre en état d'arrestation, tout ça, interrogatoire, c'est immédiat. Pourquoi est-ce que, dans le cadre... quand un policier est impliqué dans un crime ou un crime majeur, est-ce que ça prend un mois? Est-ce que le policier peut retourner chez lui? Il va être rencontré un mois plus tard. Est-ce qu'il peut parler à qui il veut? Est-ce qu'il peut rencontrer son supérieur, rencontrer un psychologue? Et finalement va être rencontré beaucoup plus tard par lesdits enquêteurs du dossier.

**(15 h 40)**

Qu'est-ce qui se passe pendant ce temps-là? Comment l'enquête est menée? Par qui elle est menée? Pourquoi l'interrogatoire ne se fait pas derechef, comme n'importe quelle enquête se fait? Ça crée certains questionnements.

On n'est pas sans savoir ici non plus que... et c'est un fait... je ne dis pas qu'il y a matière à non plus, il faut faire attention à ce que je vais avancer... mais il n'y a pas d'accusations qui sont portées contre les événements qui ont lié des policiers. Je ne vous dis pas qu'il y a matière à. Maintenant, écoutez, comment ça se fait que... Je veux dire, le policier a beau être en légitime défense, maintenant, je veux dire, s'il y a des accusations à être portées, il viendra subir un procès devant ses pairs, comme le justiciable.

L'autre problème que je vois aussi, c'est à la toute fin de ça. C'est-à-dire que... Qui s'occupe de l'analyse d'enquête? En fait, c'est tout le processus qui mène... c'est-à-dire l'enquête elle-même, le processus du départ, ensuite de ça la conduite de l'enquête et la finalité de l'enquête. On n'a pas de rapport de ça, on ne sait pas ce qui se passe. Et que des accusations ne soient pas portées... bon, est-ce que c'est le bureau du DPCP? C'est eux qui font les analyses. Maintenant, est-ce qu'il n'aurait pas lieu effectivement que ce soit quelqu'un d'autre que le Directeur des poursuites criminelles et pénales qui regarde ça, c'est-à-dire des procureurs ad hoc, indépendants qui soient nommés sur un type d'enquête? Parce que ce qu'on veut, puis je pense que c'est le souhait du projet de loi qui est présenté ici, puis tout le monde, je pense, est en accord avec ça, ce qu'on veut, c'est une transparence. Et il faut plus que de la transparence, il faut qu'il y ait apparence de transparence. C'est la base.

Donc, que la finalité que l'enquête soit analysée par des procureurs qui ne soient pas du DPCP, qui, eux -- je ne vous dis pas qu'ils ne sont pas indépendants -- mais qui, eux, finalement, côtoient les policiers à longueur de journée dans le cadre de leur travail... Il me semble que, si on créait de la distance, si on créait, avec... c'est ça, des enquêtes... des procureurs ad hoc à ce moment-là qui seraient chargés d'étudier le dossier... C'est ce que je remarque un peu.

Le projet de loi, oui, selon moi, c'est un premier jet, c'est une... Selon moi -- je ne veux pas insulter personne ici -- c'est un premier jet, c'est un beau projet, mais il manque énormément de chair autour de l'os, selon moi, et, pour que ce soit finalement transparent, qu'on donne vraiment l'indépendance, parce que ça s'appelle évidemment le projet de loi sur les enquêtes policières indépendantes, mais qu'on en donne non seulement le nom, mais qu'on donne la fonction à ça. Merci.

Le Président (M. Drainville): Très bien. Merci beaucoup. Alors, nous allons procéder sans plus tarder avec la période d'échange. M. le ministre.

M. Dutil: Oui. Merci, M. le Président. Alors, là au moins... L'os manque de chair, mais on a un os, ça fait que c'est déjà un départ.

Mme Roy (Joëlle): Je ne veux pas vous insulter, M. le ministre.

M. Dutil: Non, non, non. Je ne le prends pas de mauvaise façon. Vous soulevez des points qui sont importants, je pense, sur le projet de loi. Puis d'ailleurs j'ai mentionné qu'on faisait une consultation parce qu'on veut écouter puis on veut avoir des avis, là.

Donc, vous êtes favorable à ce qu'il y ait un interrogatoire immédiat. Ça, je pense que ça a été assez clair tout à l'heure...

Mme Roy (Joëlle): Oui. Oui.

M. Dutil: ...quand vous l'avez mentionné. Mais j'aimerais vous entendre davantage sur la question du DPCP, parce que ça a été un des problèmes soulevés, là, une des questions soulevées. C'est qu'il y a enquête. S'il y a lieu -- on ne le sait pas -- c'est envoyé au DPCP, et là, si le DPCP décide de ne pas porter d'accusations, ça s'arrête là. Mais vous semblez dire que ça ne devrait pas se passer comme ça, justement pour des raisons de transparence. J'aimerais que vous élaboriez davantage.

Mme Roy (Joëlle): Oui, bien, justement pour des questions de transparence. Écoutez, quand je vous parle de justice parallèle, c'est... puis c'est ça qui est un petit peu le goût amer derrière ce qui se passe présentement. C'est-à-dire que moi, si j'ai un de mes clients qui est visiblement en légitime défense d'après le... je lis les rapports, je lis les déclarations, les témoins, tout ça, mon client, il va être accusé pareil, et il va devoir se soumettre à la justice de ses pairs, c'est-à-dire passer à travers le système judiciaire. Bon, s'il a une défense, on va faire un procès, tout ça, et c'est... Ce qui m'embête et ce qui me...

Tu sais, je ne vous dis pas que le DPCP ne fait pas son travail. Au contraire, c'est des gens très compétents, là. Mais on veut donner de la transparence et... mais on parle d'apparence. C'est surtout ça. Alors, qu'il n'y ait jamais d'accusations qui soient portées...

Puis on ne sait pas non plus qu'est-ce que l'enquête comporte, qu'est-ce que... Puis ça va peut-être au niveau, même, des experts qui sont... l'expert en balistique, l'expert en pathologie, tout ça, bon. Qui est utilisé? Ils sont à quel bureau, ces gens-là, là? Parce qu'on ne sait rien, il n'y a rien qui transpire de ces enquêtes-là.

Donc, il y a peut-être matière, je ne sais pas, à aller chercher des experts d'une autre province ou aller chercher des gens ailleurs, mais, pour le bureau du DPCP, si on avait des gens... je ne sais pas, des gens d'expérience, effectivement, ad hoc, qui ne soient pas procureurs de la couronne, qui occupent des fonctions évidemment... qu'ils connaissent évidemment... qu'ils soient criminalistes ou qu'ils connaissent le milieu très bien, un groupe d'individus qui analysent ça. Moi, je pense que...

M. Dutil: Oui. Ma question est plus précise que ça. Pour des raisons de transparence, quand un événement tragique arrive, il y a nécessairement une enquête. Et c'est connu de la part du public, qu'on l'appelle enquête indépendante ou qu'on l'appelle comme on voudra, il y a une enquête, c'est connu du public qu'il y a une enquête. Cette enquête-là donne évidemment un rapport, qui est acheminé ou non au DPCP, là, on ne le sait plus. Puis le DPCP -- c'est bien le DPCP, oui? -- n'a pas à rendre de comptes du résultat. Habituellement, le DPCP décide de poursuivre ou non sur des enquêtes qui ne sont pas connues du public.

Si moi, je suis enquêté pour une raison quelconque et que je suis innocent, le DPCP pourrait se retrouver avec un dossier parce que la police pourrait m'estimer coupable, mais décider qu'il n'y aura pas de poursuite, et ça reste là, ma réputation n'est pas entachée, parce que personne ne sait que j'ai été enquêté, puis il n'y a personne qui a à le savoir, si je n'ai pas d'accusation.

Dans le cas des policiers, malheureusement, là, c'est un fait connu du public qu'il y a eu mort d'homme pour une raison ou une autre, et donc il y a eu une enquête, c'est bien connu, mais on n'a pas le résultat.

Ça fait que ma question, c'est: Est-ce que vous estimez que le DPCP devrait dire pourquoi il ne porte pas d'accusation publiquement?

Mme Roy (Joëlle): Peut-être ou... Moi, ce qui m'a... En réfléchissant à tout ça, je me disais: Peut-être aussi -- bon, je lance l'idée -- mais peut-être une enquête du coroner publique quand ces événements-là arrivent. Peut-être, à ce moment-là, bon, c'est parallèle, c'est public, on peut aller témoigner, on peut... Il me semble que ça, ça donnerait un air de... Pour les gens, pour les justiciables, il se passe quelque chose, on peut se faire entendre, on peut être appelés à témoigner... Il y a une personne, il y a un coroner qui va effectivement prendre l'enquête en charge, et ça, c'est public. Alors, à ce moment-là, il y a quelque chose qui se passe, il y a quelque chose qui transparaît. Parce que, présentement, comme je vous dis, c'est le néant total pour tout le monde.

M. Dutil: La méconnaissance du public au niveau du coroner, c'est qu'ils ont l'impression que le coroner n'est pas là juste pour établir les faits, il est là pour porter des accusations, ce qui n'est pas son rôle. Ça l'a déjà été, semble-t-il, il y a un bout de temps, et maintenant ce n'est pas son rôle de porter des accusations. Son rôle, c'est de faire...

Mme Roy (Joëlle): ...faire enquête.

M. Dutil: ...la lumière sur les faits et gestes. Ça existe, c'est là.

Mme Roy (Joëlle): Tout à fait, oui.

M. Dutil: C'est là. Et on ne semble pas parvenir à faire comprendre cette distinction-là au niveau de la population entre l'enquête du coroner pour établir les faits et une enquête pour déterminer s'il y a responsabilité criminelle ou non.

Mme Roy (Joëlle): C'est exact. Mais il y a beaucoup de... Écoutez, vous parlez de méconnaissance du public, et puis, malheureusement, on fait face à ça tous les jours, c'est-à-dire comme sur la présomption d'innocence, le système judiciaire... La méconnaissance des gens du système judiciaire, elle est un petit peu ahurissante, bon.

Mais est-ce qu'on n'a pas un rôle, tout le monde, d'information de la population, comment ça fonctionne, pourquoi ça fonctionne comme ça? Peut-être aussi. Ça fait peut-être aussi partie de la transparence qu'on a tous à faire. On a tous peut-être un rôle à jouer à ce niveau-là.

M. Dutil: C'est beau, M. le Président, pour moi.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Chambly.

Une voix: Ah, Oui?

Une voix: Oui...

Le Président (M. Drainville): Ou est-ce qu'il y avait... Excusez-moi. Est-ce qu'il y avait, du côté gouvernemental -- non? -- une autre intervention?

M. Ouellette: Là, si vous allez à Chambly, vous allez revenir?

Le Président (M. Drainville): Mais... Non, mais vous avez encore du temps, là, vous.

M. Ouellette: Ah bien, c'est parce qu'on l'aurait pris, moi, M. le Président, avec beaucoup de plaisir.

Le Président (M. Drainville): Ah, bien, c'est pour ça que je vous l'offre.

M. Ouellette: Merci.

Le Président (M. Drainville): Alors, M. le député de Chomedey?

M. Ouellette: Oui.

Le Président (M. Drainville): Très bien.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Mme Roy, bonjour. Toujours intéressant de voir des gens des Laurentides.

Une voix: ...

M. Ouellette: J'ai probablement de la déformation professionnelle.

Mme Roy (Joëlle): Oui, c'est ça, c'est ça que j'allais dire. J'allais y venir.

**(15 h 50)**

M. Ouellette: Non, j'ai probablement de la déformation professionnelle. Dans le projet de loi, ce qui est suggéré dans le projet de loi... on parle d'un bureau pour l'enquête indépendante, on parle d'un observateur. Je ne sais pas si vous vous êtes penchée sur pas juste la composition, mais le rôle de l'observateur?

Je vous écoutais parler, tantôt, l'enquête terminée, aller au DPCP... Je ne sais pas si vous avez réfléchi à ce que... avant d'aller au DPCP, l'enquête pourrait peut-être être révisée par le bureau d'enquête indépendant ou quelle tâche ou... Comment voyez-vous le rôle de l'observateur par rapport à l'enquête sur le terrain ou... au pointu de l'enquête?

Mme Roy (Joëlle): Je suis contente que vous me posiez la question, parce que moi, l'observateur, tu sais, comme je vous dis, peut-être que je comprends mal le projet de loi, mais c'est qui, l'observateur? Alors, 289.20, là: «...un observateur constate, au cours de la surveillance d'une enquête indépendante...» Donc, c'est qui? Est-ce que c'est n'importe qui? Est-ce que c'est quelqu'un qui est déjà nommé? Est-ce que c'est quelqu'un qui a des fonctions officielles? Jusqu'où vont ses fonctions? Bon: «...au cours de la surveillance d'une enquête indépendante, une irrégularité de nature à compromettre l'impartialité de l'enquête ou le défaut de collaboration du représentant du corps de police...» Alors, je me demande c'est qui. Je ne sais pas si, vous, vous pouvez me répondre à ça. Qui est l'observateur?

M. Ouellette: Bien... En partant du moment où l'observateur serait désigné par le responsable du bureau d'enquête indépendante, sa fonction, vous la verriez comment?

Mme Roy (Joëlle): C'est d'observer.

M. Ouellette: Bon, observer. Aidez-moi un petit peu, là, parce qu'observer...

Mme Roy (Joëlle): Bien, je veux dire, «si un observateur constate, au cours de la surveillance d'une enquête indépendante»... Bon, savoir c'est qui, l'observateur... Il est nommé par le bureau de surveillance... mixte, c'est ce que je comprends du projet de loi, c'est-à-dire un policier civil.

Donc, lui... Mais c'est une fois, ça... une fois que lui, il a les rapports, une fois qu'on lui soumet les rapports, est-ce que cet observateur-là peut faire enquête? Est-ce qu'il peut aller sur le terrain rencontrer des témoins? Est-ce qu'il peut se mêler d'un interrogatoire policier? C'est-à-dire, est-ce qu'il peut assister à un interrogatoire policier, ou est-ce que, finalement, on lui amène ça, on lui amène l'enquête, puis on dit: Bon, bien, regarde, à ce moment-là, bon.

Mais tout le problème part du départ, c'est-à-dire que, si les informations policières colligées -- et vous êtes très au fait de ça, là -- si les informations colligées le sont, mais un mois et demi, deux mois après la commission... je vais faire... de l'infraction ou, bon, quand il y a mort d'homme, c'est là, là, que ça... C'est le départ qui ne fonctionne pas, dans le sens où il faut que ces gens-là soient rencontrés, il faut qu'on ait leur version comme n'importe qui. Et c'est important d'avoir la version pour éviter le risque de collusion. Bon.

Donc, l'observateur, lui, ce qu'il aurait finalement, c'est après, ou est-ce que l'observateur peut, dès qu'il y a un incident qui est amené au bureau du ministre, à ce moment-là, O.K., il se présente sur les lieux, il va voir, il peut... Je ne sais pas c'est quoi, son rôle, exactement. Mais je pense que le rôle d'observateur après... qui observe l'enquête comme... de haut. Je ne vois pas vraiment l'utilité ou... C'est, comme dirait un certain juge de la Cour supérieure, c'est superfétatoire, selon moi, là.

M. Ouellette: C'est toujours bon, M. le Président, mon temps?

Le Président (M. Drainville): Ça achève. Mais vous avez le temps d'une petite... courte question.

M. Ouellette: Vous n'êtes pas sans savoir, étant au niveau des avocats de la défense que, dépendant du rôle qu'on va confier à l'observateur, vous allez avoir... vous allez être plus qu'heureuse de pouvoir l'interroger dans une boîte aux témoins, dans une poursuite éventuelle. Mon collègue de Chambly faisait référence, ce matin, à tout l'aspect juridique du rôle qu'on va donner à un observateur. Vous savez, il faut que chacun fasse son travail, que le travail soit revu par le bureau d'enquêtes avant d'aller au DPCP, que l'observateur ait des tâches à faire sans interférer, parce que la journée qu'il va rentrer sur la scène de crime ou qu'il rentre en interaction d'un interrogatoire, vous allez vous payer la traite quand ça va être le temps de.

Mme Roy (Joëlle): Bien, c'est un voeu pieux, ça, parce que c'est-à-dire qu'il faudrait qu'il y ait des audiences. Là, il n'y en a pas, d'audience concernant... quand il y a un policier qui est impliqué dans un incident, il n'y en a pas, d'audience. Donc, il faudrait qu'on commence peut-être à avoir des audiences, pour qu'un observateur puisse témoigner.

Puis vous parliez de poursuites aussi. Je n'ai pas lu un article où il avait une immunité, c'est-à-dire qu'il fallait vraiment qu'il soit de mauvaise foi pour être poursuivi ou des choses comme ça?

M. Ouellette: ...commission d'enquête, là. C'est parce qu'il y a des gens qui nous ont parlé, ce matin, qu'il faudrait que le policier, il fasse un rapport d'événement immédiatement sur les lieux et que ce rapport d'événement là ne pourrait pas servir en cours d'enquête si jamais il y avait des éléments nouveaux, là.

Mme Roy (Joëlle): C'est sûr que ça peut... c'est certain que ça peut amener à ça. C'est-à-dire que, si, mettons, le policier, dans l'exercice de ses fonctions, il se passe un incident, et on lui dit... bien, on le force, mettons, à dire: Bien, tu vas m'écrire un rapport, O.K., parce que... Mais ça n'a pas nécessairement à être un rapport que le policier, mettons, écrit. Parce que, si son employeur l'exige, bon, bien, là, il a le droit à une défense pleine et entière, l'auto-incrimination, tout ça.

On peut le faire sous un autre aspect, c'est-à-dire que, si l'enquêteur, finalement, qui est appointé -- c'est peut-être un anglicisme -- au dossier mais sans que le policier, mettons, ait à rédiger un rapport, mais fournisse une déclaration de témoin, comme n'importe quelle autre personne qui est impliquée dans un incident, les policiers arrivent sur les lieux, bien, on prend les gens qui sont là puis on fait des déclarations de témoin. Et...

Le Président (M. Drainville): Et, excusez-moi, je vous ai interrompue, mais je...

M. Ouellette: ...M. le Président, je savais que...

Le Président (M. Drainville): Vous saviez que c'était terminé?

M. Ouellette: Je savais que c'était terminé, mais je vous promets qu'on va revenir.

Le Président (M. Drainville): Oui? Très bien, c'est très bien. Alors, on y va maintenant avec le député de Chambly pour l'opposition officielle.

M. St-Arnaud: Merci, M. le Président. Alors, je salue Me Roy. Tout comme Me Dupras hier, c'est évidemment une avocate que j'ai connue dans une autre vie. Alors, décidément, il y en a à tous les jours, M. le Président. C'est pratique, ça nous permet de refaire connaissance avec plein de gens.

Alors, je commencerais peut-être, M. le Président, par... En fait, depuis hier, depuis le début de nos auditions, alors, on a des gens qui sont venus nous présenter différents points de vue.

Il y a des gens qui disent: Les policiers ne peuvent pas enquêter sur les policiers, créons une unité spéciale qui sera composée de civils. C'est la position, par exemple, de la Ligue des droits et libertés.

Il y a d'autres personnes qui nous disent: Les policiers ne peuvent pas enquêter sur les policiers, créons une unité, et là on mettra des anciens policiers et des civils. C'est la position de la Protectrice du citoyen.

Et le gouvernement arrive avec ce projet de loi et dit: Non, on va laisser le système fonctionner tel qu'il fonctionne actuellement, c'est-à-dire que les policiers vont enquêter sur les policiers, mais -- notamment parce que, et je pense que c'est un des principaux arguments du gouvernement, parce qu'ils ont une expertise en la matière -- on va créer un poste d'observateur, un bureau civil de surveillance, avec un directeur, un directeur adjoint et des observateurs, qui vont aller observer l'impartialité de l'enquête faite par les policiers sur le terrain, qui vont nous faire rapport sur l'impartialité.

Ce que je dis depuis hier, c'est qu'il me semble que l'observateur ne semble pas avoir beaucoup de pouvoirs là-dessus, mais c'est grosso modo les trois modèles qu'on a depuis hier. Est-ce qu'il y a eu une réflexion au niveau de votre association, au cours des ans, sur ce problème de... Hier, je le disais un peu en des termes faciles à comprendre, là: Qui police la police? Mais est-ce que vous avez déjà eu une réflexion là-dessus, sur comment on enquête lorsqu'il y a un incident qui implique des policiers, qui implique mort d'homme et qui implique des policiers?

Mme Roy (Joëlle): C'est certain que je ne vous dirai pas qu'on a eu une réflexion au niveau d'une association; on a eu notre assignation à comparaître la semaine dernière -- ce n'est pas un reproche -- donc, je me présente ici aujourd'hui avec... je n'ai pas 800 têtes avec moi.

Maintenant, c'est certain que le régime actuel, c'est que la police enquête sur la police. C'est ça qu'on a actuellement. Je ne pense pas que ce soit ça qui... je ne pense pas que ça fonctionne, d'où, je pense, le projet de loi.

Par contre, je vous dirais que c'est sûr qu'il y a plusieurs modèles d'une enquête totalement indépendante par des civils, puis, l'observation civile, j'en ai, là, devant moi, là, des modèles indépendants, interdépendants. Bon.

Je pense aussi que la fonction d'enquêteur, ça prend une formation, là. Je ne pense pas qu'enquêter... Moi, je ne pourrais pas me mettre à enquêter, je suis juste avocate, là, je ne peux pas aller commencer à... bon. Donc, je pense que ça prend des enquêteurs pour enquêter, premièrement. Bon. Donc, des enquêteurs chevronnés, il y a des gens qui savent le faire, donc ça prend des enquêteurs chevronnés.

Des gens à la retraite? Peut-être. De mixer tout ça avec des civils? Je pense aussi, mais avec peut-être un petit peu plus de mordant pour le civil, avec un petit peu d'interaction, de pouvoirs pour le civil, c'est-à-dire que ça se fasse en interrelation avec le corps policier qui puisse enquêter.

Est-ce qu'on pourrait aussi parler d'un corps policier d'une autre province, qui pourrait enquêter sur... Parce que, quand même, c'est un petit milieu, c'est des gens qui se connaissent, qui se côtoient, tout ça, pour éviter... on parle de transparence, toujours... Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, finalement, qu'un autre corps policier d'une autre province vienne ici, mixé avec des civils, des gens d'expérience, des gens de tous... évidemment des criminalistes ou des gens... bon, procureurs de la couronne ou procureurs de la défense ou... bon, des gens qui sont du milieu, qui connaissent le terrain et qui savent comment ça fonctionne aussi. Mais un mix des deux avec des pouvoirs équivalents ou avec des pouvoirs d'intervention ou... Ça m'apparaîtrait peut-être la solution.

Mais je pense qu'il faut -- justement, on parle de transparence -- ouvrir un peu plus le processus. Parce que, dans le projet de loi, comme vous le faites remarquer, Me St-Arnaud, l'observateur, pour moi, je ne sais pas ce qu'il fait là. Je veux dire, il fait, il fait bien, là, il fait bien dans le projet de loi, mais il n'a pas de rôle finalement défini.

**(16 heures)**

M. St-Arnaud: Vous avez lu le projet de loi, vous avez, si je comprends bien, là, de vos différentes interventions depuis tantôt, vous avez eu de la difficulté à comprendre ce qu'il faisait exactement?

Mme Roy (Joëlle): Bien, exactement.

M. St-Arnaud: O.K.

Mme Roy (Joëlle): Je trouve que ça fait bien, ça paraît bien dans un projet de loi. Excusez-moi, M. le ministre, mais ça paraît bien dans un projet de loi. Maintenant, s'il n'a pas de pouvoir, cet observateur-là, puis s'il n'a pas de pouvoir de terrain... Puis pourquoi un observateur, pourquoi pas une équipe, pourquoi pas des gens, des gens aguerris puis qui connaissent comment ça fonctionne? Bon, bien, on se rend sur le terrain, puis on voit puis... Bon.

M. St-Arnaud: Vous avez abordé dans votre intervention tantôt la possibilité d'un procureur ad hoc. Vous êtes la première qui nous parlez de ça. Et, un peu dans le sens des questions que posait le ministre tantôt, vous nous dites: Lorsqu'il y a des incidents qui impliquent des policiers, pourrait-il y avoir un procureur ad hoc, donc quelqu'un... Est-ce que, quand je vous écoute, est-ce que je dois comprendre que vous ne faites pas confiance aux gens qui sont les procureurs actuellement au DPCP?

Mme Roy (Joëlle): Pas du tout. Me St-Arnaud, je pense que je me suis... j'ai fait la prémisse, j'ai bien fait la prémisse. Je me connais, mon tempérament, parfois je m'emporte un petit peu dans mes termes, mais bon. Non. Je ne dis pas que ces gens-là ne font pas leur travail, au contraire, ce n'est pas ça du tout. Ce que je dis, c'est qu'on parle de transparence, donc on parle d'apparence. C'est le même principe que dans une cour de justice. Bon. Un juge, il ne se récusera pas si... Bon. Le juge est impartial de par sa fonction. Maintenant, s'il y a une apparence de partialité, il devrait se récuser. C'est la même chose pour... On parle d'apparence.

M. St-Arnaud: Si je vous dis... Parce que présentement, évidemment, quand il y a des dossiers qui sont... quand il y a des enquêtes policières sur des policiers, éventuellement il y a un dossier, puis un dossier qui est transmis au procureur, bon, au bureau des procureurs de la couronne. Éventuellement, les procureurs de la couronne ou le... décident s'ils portent des accusations criminelles ou pas.

Mme Roy (Joëlle): Oui, c'est exact.

M. St-Arnaud: Vous, vous arrivez avec l'idée du procureur ad hoc indépendant. Le ministre, lui, nous dit: Pour justement, là, pour que les gens aient plus confiance, on va créer des observateurs, on va créer un bureau civil d'observateurs, de surveillance. Est-ce que, si je vous dis: On oublie ça, le bureau civil, on laisse les enquêtes se faire comme elles se font actuellement par les policiers sur des policiers, mais on va avoir un procureur ad hoc qui va être nommé, par exemple, qui pourrait être nommé par les deux tiers de l'Assemblée nationale ou qui va avoir pour fonction de regarder ce genre de dossier, est-ce que ça pourrait être une piste de solution pour rétablir la confiance de la population envers ce type d'enquête?

Mme Roy (Joëlle): Et pourquoi pas les deux, Me St-Arnaud? Pourquoi pas les deux? Est-ce que c'est une question de budget, est-ce que c'est une question de... Non, je ne pense pas. Parce que...

M. St-Arnaud: Vous dites qu'il pourrait y avoir un bureau de surveillance, mais il pourrait aussi y avoir un procureur spécialement... ou une équipe, là, spécialement affectée à ce type de dossier.

Mme Roy (Joëlle): Exact. Mais ces procureurs-là aussi pourraient changer, c'est-à-dire, ce ne serait pas une équipe qui serait là avec un mandat précis, ou tout ça. Donc, à chaque événement, on pourrait nommer une équipe de procureurs ad hoc. Il y a un roulement, donc on évite la stagnation, on évite peut-être... Il me semble que ça donnerait un petit peu du «oomph», dire: Bon, très bien, cette enquête-là, bon, c'est tel, tel procureur qui était là-dessus. Dieu merci s'il n'y en a pas trop. Bon, bien on met une autre équipe d'enquêteurs à ce moment-là. Il y a un roulement. Donc, les gens ne sont pas là de façon indéfinie.

M. St-Arnaud: Il me reste encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Drainville): Oui, il reste deux minutes.

M. St-Arnaud: Deux minutes. Juste sur ce que vous appelez la justice parallèle, là, vous dites: Le traitement qui est fait aux policiers devrait être le même que celui qui est fait à nos clients, pour reprendre votre expression. Moi, hier, j'ai un peu posé cette question-là à Me Dupras, qui est le conseiller juridique de la Fédération des policiers municipaux, puis il m'expliquait, ou il expliquait à la commission, qu'il y a quand même certaines distinctions à faire, notamment parce que le policier a l'obligation de faire un rapport d'événement, tout ça.

Ce matin, le Barreau nous a dit: On devrait avoir des balises, par exemple une interdiction de communiquer entre les gens sur la scène de l'événement, il devrait y avoir l'obligation pour les policiers impliqués de faire leurs rapports d'événement sans délai. J'aimerais savoir qu'est-ce que vous entendez par sans délai. Et donc il devrait y avoir un certain nombre de balises, et le Barreau nous suggérait que ces balises-là soient dans un règlement plutôt que dans une directive ministérielle.

Alors, mes questions là-dessus: Est-ce que vous partagez l'opinion du Barreau? Si oui, est-ce que, quant au rapport d'événement, quel serait le délai pour que le policier impliqué sur un tel événement fasse son rapport d'événement? Et... Allez-y avec ça.

Mme Roy (Joëlle): Bien, moi, c'est justement, c'est l'obligation du policier de faire un rapport d'événement. Pourquoi à ce moment-là il ne serait pas tout simplement... C'est parce que, là, si le dossier va un petit peu loin, c'est-à-dire... puis s'il y avait des audiences, bon, alors c'est la protection contre l'auto-incrimination peut-être éventuelle. Bon. Alors, peut-être que les gens peuvent être rencontrés à titre de témoin ou à titre... comme une enquête ordinaire, ou à titre de suspect. Bon. À ce moment-là, bon, il a le droit à l'avocat, il y a tout ça qui existe. Je veux dire, les mêmes règles existent, le droit constitutionnel...

M. St-Arnaud: Mais sur le rapport d'événement il n'a pas le choix.

Mme Roy (Joëlle): ...mais justement. Alors, mettons, est-ce que le policier a l'obligation de faire un rapport d'événement? Peut-être que non à ce moment-là. S'il est impliqué, peut-être que, non, il n'a pas l'obligation de faire un rapport d'événement parce que, qu'il soit interrogé par un policier, par un enquêteur, comme tout autre témoin, bien il n'a pas d'affaire à écrire un rapport d'événement. Puis, on dit: Bien, oui, monsieur, vous avez écrit ça. Puis on lui remet ça dans... peut-être que, là, il... hein, il n'en fera pas, de rapport d'événement. Puis je ne pense pas que ce soit la façon... Parce qu'il pourrait s'auto-incriminer, tout ça. Bon. Alors, je pense que ça devrait être une enquête ordinaire, c'est-à-dire rencontrer, déclarations statutaires, et puis, après ça, si le policier est un suspect éventuel, bon, bien, il a le droit à l'avocat aussi, comme tout le monde. Je veux dire, la loi constitutionnelle s'applique à tout le monde, là.

M. St-Arnaud: Mais est-ce que... Vous permettez, avec le consentement? Est-ce que vous pensez que ces balises-là devraient être dans un règlement, par exemple? Le Barreau, ce matin, nous disait: Ces balises-là devraient être dans un règlement découlant d'actuelles lois. Est-ce que c'est votre point de vue?

Mme Roy (Joëlle): Bien, écoutez, c'est parce que c'est le droit constitutionnel. Je veux dire, ça s'applique... On ne veut pas juste... ce n'est pas juste de baliser les policiers, mais les policiers ont aussi le droit constitutionnel comme tout le monde. Je veux dire, la loi constitutionnelle s'applique à tout le monde. Donc, si on fait une enquête ordinaire, si on fait une enquête selon les balises ordinaires, on n'a pas à mettre ça. On n'a pas à mettre ça dans des règlements. On n'a pas à mettre ça... C'est une façon de faire qui va s'instituer, mais on n'a pas à mettre ça dans des règlements. Bon.

Alors, si on fait une enquête comme... ordinaire, c'est-à-dire que l'enquêteur est dépêché sur les lieux, les témoins évidemment sont séparés, parce que normalement c'est comme ça que ça fonctionne, ça va de pair. S'il y a 15 témoins sur une scène de crime, on va dire: On va les séparer. Puis, on va dire: On va prendre votre version, un, deux, trois, quatre, cinq, puis on empêche qu'ils se parlent, puis, après ça, quand on a ta version qui est collée là-dedans... Parfait. Il faut que ce soit la même chose. Puis, si on dit: Bon, bien, qui qui conduisait l'auto? Bon. C'est ça.

M. St-Arnaud: ...juste une...

Le Président (M. Drainville): Non. Monsieur... À moins qu'il y ait... Est-ce qu'il consentement? Oui. Il y a consentement. Très bien, M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Quitte à ce que je le prenne sur mon temps, mais c'est parce que c'est important. C'est parce que le problème, là, Me Roy, là, vous dites: C'est que, si tu ne l'écris pas nulle part... On a eu des cas récemment, là, où les témoins n'ont pas été séparés, où certains policiers qui étaient impliqués n'ont fait leurs rapports que plusieurs semaines plus tard. Alors, ce que vous me dites, c'est la... Où est-ce qu'on le prévoit?

Si on pense que c'est une bonne chose que les témoins ne communiquent pas entre eux, si on pense que c'est une bonne chose que les policiers impliqués donnent leurs versions des faits via un rapport d'événement rapidement, il faut le prévoir en quelque part. Parce que, présentement, ce n'est pas prévu, puis il y a des situations qui semblent problématiques... En tout cas, c'est ce que je vois dans les journaux. Dans certains cas, il y a eu vraiment des situations problématiques. Alors, ce que vous semblez dire, c'est: Ce n'est pas nécessaire de prévoir ça. Il me semble qu'il va falloir le prévoir si on veut corriger certaines situations qu'on a vues ces dernières années.

Mme Roy (Joëlle): Je suis tout à fait d'accord avec vous, Me St-Arnaud. Ce qu'il faut c'est qu'effectivement il y ait de la rigueur, c'est de la rigueur dans une enquête policière. Alors, si toute enquête policière qui n'a pas de rigueur, c'est-à-dire que les témoins peuvent se jaser sur le bord de la route puis former leurs versions, c'est la même chose qui va en découler dans l'enquête. L'enquête est entachée à ce moment-là.

Si c'est plus prudent de le mettre dans une réglementation quelconque... mais, si on procède de façon claire, rigoureuse, avec une enquête policière dans les règles de l'art, toute enquête policière, comme n'importe quelle autre infraction qui est commise, à ce moment-là, personnellement, je pense qu'on n'aurait pas à prévoir ce genre de choses là.

Puis, si jamais on se rendait compte effectivement que le policier a eu deux mois avant de donner sa déclaration... Mais c'est là que ça ne marche pas. Puis c'est là que je parle de justice parallèle, Me St-Arnaud, puis ce n'est pas comme ça qu'il faut que ça fonctionne. C'est-à-dire que, si on y va avec rigueur, comme je vous dis, que ça se passe là, maintenant, vous êtes... on vous met dans des salles interrogatoires, comme n'importe qui. Avec les droits constitutionnels, avec le droit à l'avocat, avec le droit au silence, la même chose, les mêmes règles doivent s'appliquer. Ce n'est pas parce que ce sont des policiers qu'ils ont moins de règles que les autres.

Maintenant, l'obligation de fournir un rapport d'événement dans ces circonstances-là, comme je vous dis, tout ça va avec l'obligation de fournir... puis après ça on peut s'en servir contre... Voilà, c'est de la redite.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, maître. Alors, M. le député de Chomedey, qui va prendre la balle au bond.

**(16 h 10)**

M. Ouellette: Non, mais c'est parce que j'étais peut-être pour lui envoyer une ou deux de mes questions. Il était bien parti.

Je veux revenir au procureur ad hoc, Me Roy, et, si on prend la peine d'instituer un bureau d'enquête indépendante qui... pour jeter un oeil sur l'enquête policière, jeter un oeil sur le déroulement, apporter des correctifs, poser des questions, etc., vous ne pensez pas... Le rôle de votre procureur ad hoc serait un rôle conseil, là. Ce n'est pas quelqu'un qui va évaluer s'il y a matière à preuve, parce qu'au bout de la ligne il n'accusera pas personne, lui, là; il pourrait faire partie du bureau d'enquête indépendante pour apporter son avis. Parce que, si on part avec un procureur ad hoc, pas besoin de bureau d'enquête indépendante. On va prendre le rapport de police, on va l'envoyer au procureur ad hoc, qui va regarder ça, puis, s'il y a matière, on va aller au DPCP. Je veux juste que ça soit bien clair pour tout le monde, parce que...

Mme Roy (Joëlle): Mais c'est... je pense que c'est... Je me fais peut-être mal comprendre. Je pense que c'est deux choses totalement différentes l'une de l'autre, distinctes l'une de l'autre, et c'est là qu'on donnerait encore plus d'appui à l'indépendance, transparence qui est voulue. La finalité voulue, c'est celle-là, du projet de loi. Donc, si on a un bureau de surveillance civil avec un observateur, on le laisse tel quel ou... Mais l'observateur, selon moi, manque de consistance, manque de «oomph», et ça manque aussi... comme je vous dis, ça ne fait pas rapport au terrain. Il y a des choses à retravailler dans ce projet de loi là.

Maintenant, la finalité, avec un procureur ad hoc, fait que c'est d'autre chose aussi. Là, on parle encore plus d'indépendance, on rassure encore plus le justiciable, tout ça, de dire: Écoutez, voici, on a un processus totalement indépendant à cause de ça, du Bureau civil, de l'observateur, tout ça. Mais, en plus de ça, ce n'est pas le bureau du DPCP, qui ordinairement travaille jour après jour avec les policiers, ce sont les procureurs ad hoc qui vont être nommés à chaque enquête, donc ça change, ce n'est jamais les mêmes. Ça, je pense aussi que ça rassurerait encore... ça donne encore un levier de plus à la transparence.

Et ces gens-là, après ça, quand leur mandat est fini, bien, est-ce qu'on porte des accusations, est-ce qu'on ne porte pas d'accusation, bien, ce sera eux autres à ce moment-là qui pourront... Il y a des plaintes privées qui peuvent être portées, là. Pas besoin de passer par le DPCP, les plaintes privées peuvent exister aussi. Donc, ça pourrait être ça.

M. Ouellette: Mais, effectivement, ça peut amener un certain imbroglio, les plaintes privées, pour après se ramasser à la Cour du Québec.

Mme Roy (Joëlle): Mais qui, finalement...

M. Ouellette: Oui.

Mme Roy (Joëlle): Effectivement, qui les poursuit, qui les fait? Bon. Ça, écoutez, ça reste...

M. Ouellette: On se ramasse au DPCP, là. À la fin de tout, là...

Mme Roy (Joëlle): Bien...

M. Ouellette: ...c'est le DPCP. Donc, il peut... il pourra y avoir...

Mme Roy (Joëlle): Mais ça peut être le procureur ad hoc aussi qui la poursuit...

M. Ouellette: O.K.

Mme Roy (Joëlle): ...qui fait la poursuite au privé. Je veux dire, avant d'avoir des procureurs de la couronne assignés dans les dossiers, c'est des procureurs ad hoc. Donc, est-ce que... on pourrait revenir aussi à ça, c'est-à-dire que la plainte privée est poursuivie par... Si jamais il y avait plainte, s'il y avait poursuite au criminel, à ce moment-là le procureur privé va poursuivre lui-même la plainte au criminel, va la poursuivre.

M. Ouellette: O.K. J'ai une autre question, M. le Président, et j'annonce déjà mes couleurs pour le Service de police de la ville de Montréal, le Service de police de la ville de Québec et la Sûreté du Québec. Je pense qu'il sera très important pour les travaux de la commission qu'on départage et qu'on définisse les rapports obligatoires que les policiers doivent produire, parce qu'il y a des rapports journaliers, il y a des rapports d'événement, il y a des rapports d'enquête, il y a des créations statutaires, et là on emploie tout à différentes sauces. Et déjà j'annonce -- pour... c'est les trois groupes que je vous ai nommés -- qu'on aura une définition Montréal, Québec, Sûreté du Québec de ces quatre items-là et à quelle étape. Parce que le rapport journalier, c'est un droit de gérance de l'organisation sur l'emploi du temps du policier; le rapport d'événement ouvre un dossier, ce n'est pas nécessairement le policier impliqué; le rapport d'enquête, ça va être quelqu'un d'autre qui va le faire. Ça va être très, très, très important dans le détail, le diable étant dans le détail, et, comme avocate, vous savez qu'être factuel, comment c'est important, particulièrement pour tout ce qui est de cour. Donc, ce sera des choses à un moment donné qu'on demandera.

Et vous nous avez parlé au début que ça manquait de viande. Je comprends que vous nous en avez donnée un petit peu, là. Et il y a-tu d'autres améliorations ou d'autres choses dans la réflexion que vous avez faite dont on devrait tenir compte dans l'amélioration du projet de loi?

Mme Roy (Joëlle): Écoutez, dans un si court laps de temps... Mais je me suis informée à savoir si je pouvais déposer un mémoire supplémentaire, on m'a répondu que oui. Alors, j'avais jusqu'au 20 mars pour le faire, c'est ce qu'on m'a dit. Donc, j'espère le faire, je suis en pratique privée aussi.

Donc... Écoutez, pour l'instant, comme je vous dis, c'est un premier jet que je viens vous livrer ici. Moi, ça m'apparaissait important qu'on soit ici, qu'on vienne donner notre point de vue.

Maintenant, je pense que c'est... comme je vous dis, l'objectif est extrêmement louable, mais il faut continuer à travailler là-dessus, il y a des choses à faire; vous êtes en période d'observation et de consultation. Il y a d'autres choses, effectivement, peut-être, en parlant, qui pourraient être ajoutées à ça. Mais, effectivement, il y a un squelette qui existe, et c'est très bien comme ça, mais il y a des choses à rajouter, puis j'espère pouvoir le faire par le biais d'un mémoire.

M. Ouellette: Gatineau, M. le Président, avec votre permission?

Le Président (M. Drainville): Il reste 4 min 30 s. Non. Enfin, il en reste un petit peu moins que ça pour la députée de Gatineau, 2 min 30 s.

Mme Vallée: Bonjour. Vous avez parlé tout à l'heure de... vous avez fait vos observations sur l'observateur, sur les pouvoirs de l'observateur. Si je vous comprends bien, vous considérez qu'on a un observateur qui est dégriffé, ni plus ni moins. Qu'est-ce qui pourrait être... Parce que je vous écoutais et puis vous parlez de... vous avez mis sur la table plein de suggestions, et est-ce que la clé ne serait pas davantage dans l'observateur, qui pourrait être appelé à jouer un rôle un peu plus important, un rôle plus présent...

Mme Roy (Joëlle): Plus terrain.

Mme Vallée: ...avec des pouvoirs plus définis, qui permettrait, justement, qui lui permettrait d'avoir une poigne finalement sur ce qui est en train de se faire pour éviter un dérapage? Parce que je vous écoutais avec votre procureur indépendant, le procureur en parallèle du DPCP, puis, suite à vos échanges avec mon collègue, ça, ça m'inquiète un peu. Je me dis: Il me semble qu'on risque de créer une autre structure et puis avec peut-être d'autres risques de dérapage.

Je vous entendais parler de l'enquête publique: ça aussi, on peut facilement virer dans le dérapage également. Mais est-ce que la clé ne serait pas dans les pouvoirs accordés à l'observateur?

Mme Roy (Joëlle): Bien, au risque de me répéter, je pense que c'est deux choses qui peuvent exister en parallèle et je pense qu'elles devraient le faire parce qu'elles ont des fonctions totalement différentes l'une de l'autre, l'observateur, le ad hoc.

Je proposais peut-être aussi -- les mots me manquent -- une commission du coroner... une enquête du coroner publique. Bon. Écoutez, ce n'est pas toutes les enquêtes du coroner ou ce n'est pas tout ce qui est public qui vire en foire ou qui vire en fiasco, ça n'a pas à le faire. C'est quelque chose d'assez rigoureux aussi. C'est quelque chose... Quand on tient les rênes, bon, il n'y a pas de dérapage là, je ne pense pas. Ce n'est pas une enquête du coroner où on dérape ou, en tout cas... Je pense que ça peut se faire dans des règles très, très strictes, où, même si vous avez un procureur ad hoc aussi, ce n'est pas... les risques de dérapage...

Écoutez, normalement, ces cas-là, là, on ne devrait pas en avoir 60, là, hein? On s'entend que... Je pense qu'on peut dire qu'on en a trop depuis les dernières années, depuis même les derniers six mois, mais ce n'est pas quelque chose qui devrait se faire... on ne devrait pas avoir affaire à ça souvent. Et je pense que la personne qui serait nommée ou le groupe de procureurs ad hoc qui seraient nommés, à ce moment-là, je pense que c'est des gens qui seraient sérieux, c'est des gens qui seraient recommandés. Ce n'est pas des têtes folles. Je pense qu'il y aurait... Je ne pense pas qu'il y ait de risque de dérapage.

Le Président (M. Drainville): C'est malheureusement terminé. Merci beaucoup. M. le député de Chambly, il vous reste six minutes.

M. St-Arnaud: Six minutes. Peut-être le... Quel est le champ d'action de ces enquêtes indépendantes? À l'article 289.1, là, le ministre prévoit que les enquêtes indépendantes vont se tenir lorsqu'une personne «décède, est blessée gravement ou est blessée par une arme à feu». La Protectrice du citoyen nous a dit hier dans son mémoire que blessé gravement, ce n'était pas défini: C'est quoi, une «blessure grave»? Alors, il y a ce premier élément-là. Est-ce que... Bon, à préciser.

Et elle nous disait aussi: On pourrait ajouter «les blessures résultant de l'utilisation d'un [pistolet] à impulsion électrique». Et même elle ajoutait, un peu sur le modèle ontarien: Ça pourrait aller jusqu'aux allégations d'agressions sexuelles commises dans l'exercice des fonctions des policiers. Alors, sur l'étendue de ce que doit couvrir une enquête indépendante, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Roy (Joëlle): Bien, je ne trouve pas ça... je trouve la proposition du Protecteur du citoyen bien. Moi-même, j'irais peut-être même à dire jusqu'aux méthodes d'enquête des policiers. Tu sais, on pourrait peut-être... je pense que c'est en Grande-Bretagne que ça se fait, on pourrait l'étendre. Parce que là, effectivement, c'est blessures graves, mort... Bon. C'est quelque chose aussi qui pourrait être étendu, oui.

M. St-Arnaud: Est-ce que ce n'est pas quand même... Est-ce que les méthodes d'enquête, ce n'est pas... Est-ce qu'il n'y a pas une partie qui est couverte par le biais de la déontologie?

Mme Roy (Joëlle): Oui, ça... Oui.

M. St-Arnaud: Déjà... Est-ce que ce n'est pas déjà... Pas assez à votre goût, si je comprends bien?

**(16 h 20)**

Mme Roy (Joëlle): Mais ça dépend. Écoutez, je lance l'idée comme ça parce que j'ai... C'est Me Poissant, qui m'accompagne, qui me parlait de ça ce matin. On parlait de ça, puis j'ai dit: Oui, ce n'est pas une mauvaise idée, bon, parce que ça se fait en Grande-Bretagne, bon, mais l'utilisation de... on parle du Taser gun, là, excusez l'anglicisme, mais on parle de ça, effectivement, ça devrait entrer effectivement là-dedans. S'il y a des voies de fait qui sont commises lors de l'arrestation, peut-être, d'un individu... Mais, bon, on parle de, quoi, voies de fait simples, on parle de blesser gravement. Ça, ça reste à définir. Mais on pourrait, oui, peut-être étendre le champ. Il n'y a pas de...

M. St-Arnaud: Peut-être une dernière question, M. le Président.

Mme Roy (Joëlle): Oui.

M. St-Arnaud: Il doit me rester à peu près une minute, alors je vais y aller rapidement. Hier, la Protectrice du citoyen nous a dit: Si jamais le gouvernement... l'Assemblée vote ce projet de loi, donc crée ce Bureau civil de surveillance, la Protectrice du citoyen nous dit: Il devrait relever plutôt du ministère de la Justice que du ministère de la Sécurité publique, compte tenu des responsabilités du ministre de la Sécurité publique. Donc, il devrait relever du ministre de la Justice. Avez-vous une opinion sur cette question?

Mme Roy (Joëlle): C'est sûr que le lien... C'est une proposition intéressante. Je n'ai pas eu... je n'ai pas réfléchi à ça plus longuement, je ne peux pas vous répondre à ça, Me St-Arnaud, mais effectivement la proposition est intéressante.

M. St-Arnaud: Excellent. Ça complète pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, M. le député de Chambly.

Alors, nous allons suspendre quelques instants pour permettre aux représentants de l'École nationale de police du Québec de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 21)

 

(Reprise à 16 h 24)

Le Président (M. Drainville): Alors, sans plus tarder, nous allons reprendre nos travaux avec les représentants de l'École nationale de police du Québec, que nous saluons. Bienvenue. Et nous allons, sans plus tarder, vous céder la parole, et la personne qui prendra la parole pourra présenter la personne qui l'accompagne. Alors, allez-y, on vous écoute.

École nationale de police du Québec (ENPQ)

Mme Gagnon (Marie): Alors, bonjour, M. le Président. Je m'appelle Marie Gagnon, je suis directrice générale de l'École nationale de police du Québec. Je suis accompagnée de M. Pierre Saint-Antoine, qui est directeur du Bureau des affaires institutionnelles et des communications. M. Saint-Antoine saura, j'en suis certaine, compléter, voire même enrichir les informations que j'aurai... que je transmettrai aux membres de la commission aujourd'hui.

Le Président (M. Drainville): On vous écoute.

Mme Gagnon (Marie): Alors, à titre de dirigeante d'un organisme de niveau supérieur, d'un organisme de formation policière de niveau supérieur qui bénéficie et qui jouit d'une renommée internationale au plan de la qualité de sa formation, nous... je crois important d'informer les membres de la commission aujourd'hui de la formation policière, de l'itinéraire de la formation policière, et plus spécifiquement des enquêteurs. Ça, c'est un premier volet.

On parle, là, au moment de... Au niveau du projet de loi, on parle des enquêtes indépendantes. On parle de l'enquête, d'une enquête de niveau de crime majeur. Et il est important pour nous de vous faire voir, de présenter, de faire connaître les orientations québécoises de la qualité de cette formation, que les enquêteurs de crimes majeurs ont comme qualifications minimales.

Vous avez constaté que l'école nationale n'a pas déposé de mémoire. Nous avons déposé par ailleurs un document d'accompagnement, un document d'information qui trace... qui est, en fait, un bon résumé de la formation des enquêteurs au Québec.

Pour parler de la formation des enquêteurs au Québec, il faut au départ parler de la formation collégiale des policiers patrouilleurs. Le policier patrouilleur est un premier intervenant, un premier intervenant sur une scène de crime et déjà, dans sa formation collégiale de trois ans, formation qui est préalable au stage de l'École nationale de police du Québec, déjà, il a un certain nombre d'heures sur l'ensemble de sa formation... Permettez-moi de vérifier, vous avez tous cet itinéraire-là que nous avons apporté? Parfait. Il a déjà, à l'heure de son programme en formation technique policière, un minimum de 365 heures habilitant le policier patrouilleur au niveau des éléments d'enquête de base pour l'aider dans ses interventions de premier répondant et pour l'aider également en soutien dans ses responsabilités de soutien aux enquêtes des enquêteurs.

Alors, on vous a préparé ici, dans le programme de techniques policières, quelles sont les compétences qui permettent aux policiers patrouilleurs d'avoir les rudiments, les premières compétences au niveau des enquêtes. On parle d'intervenir sur une scène de crime à titre de premier répondant; d'établir la commission d'un crime; d'exercer les pouvoirs et les devoirs des policiers; analyser et communiquer la preuve, le témoignage à la cour; conduire une enquête criminelle de premier niveau: protection de scène de crime, recueillir les faits, faire les premières rencontres, entrevues avec les témoins; établir des communications de base et spécialisées, entrevues, interrogatoires; utiliser les méthodes d'observation qui vont l'aider à bien avoir un regard très précis, très analytique sur les scènes de crime.

Donc, tout enquêteur a au départ cette formation-là de... tout policier patrouilleur a au départ cette formation-là. Et cette formation, elle est suivie du stage à l'École nationale de police qui, lui aussi, ce stage-là, a des heures reliées à l'enquête de base pour habiliter encore le policier patrouilleur. On parle des pouvoirs et des devoirs encore, on parle de l'éthique.

L'éthique, en matière de formation, est une, je dirais, une compétence transversale qui est enseignée dans la plupart des cours et qui commence dès la formation collégiale et qui va jusqu'à la formation spécialisée en enquête. On a la formation au niveau des banques de renseignements informatisées, on a un séminaire d'enquête, la prise de plainte, la prise de notes personnelles, les rencontres avec les témoins et les suspects, donc réinvestissement de la formation collégiale dans le cadre du stage en formation de patrouille-gendarmerie. On a un processus méthodique de l'intervention policière. Il y a effectivement aussi de la formation en emploi de la force.

Déjà, j'invite les membres de la commission, M. le Président, à porter une attention sur la construction des compétences pour devenir un enquêteur au Québec, la construction de compétences, qui repose sur la formation qui est antérieure. Et on verra, au fur et à mesure que je vais vous présenter le tableau, que cette formation-là se construit également sur la base d'acquis antérieurs comme expérience.

Alors, vous... Après le stage à l'École nationale de police, patrouille-gendarmerie, le patrouilleur exerce ses responsabilités dans une organisation policière. Il est appelé, dans le cadre de ses fonctions, à faire du réseautage, à appliquer et à développer encore ses connaissances juridiques, à rédiger des rapports, à faire effectivement des témoignages à la cour selon les règles de l'art, à rencontrer les témoins... Il développe son expérience. Il a fait la formation, il met en pratique les acquis au niveau de la formation, il les met dans son bagage d'expérience. Il en fait preuve dans ses interventions. Il intervient sur les scènes de crime, soutient les enquêteurs, pensée... le développement de la pensée-enquête. Il a donc là, avant de devenir enquêteur, une expérience de policier patrouilleur d'au moins cinq ans, plus ou moins cinq ans, qui est nécessaire pour poursuivre le cheminement de professionnel du policier enquêteur.

**(16 h 30)**

Il y a, au fil... ou à la fin de cette expérience professionnelle là, il y a les compétences recherchées comme enquêteur qui font partie de la sélection des policiers, policières qui deviennent enquêteurs. On a des compétences en relations interpersonnelles, communication orale, communication écrite, collecte, analyse et synthèse de données, résolution de problèmes, méthode de travail. Alors, ce sont des éléments, des caractéristiques et des qualifications que l'on recherche, à la base, pour sélectionner les enquêteurs.

Par la suite, un enquêteur de crimes majeurs au Québec, par la suite, doit faire obligatoirement une formation initiale en enquête. Pour bien comprendre le sens de cette formation-là, la portée et les choix québécois, je vous dirais qu'au cours des 15 dernières années, au Québec, la société québécoise a, à travers différents rapports, rapport Bellemare, rapport Corbo, rapport Poitras, différentes possibilités ou différentes occasions de faire valoir, au niveau de la société québécoise, les attentes à l'égard des enquêteurs au Québec. On a exprimé, il y a une quinzaine d'années, au cours d'une... des attentes très élevées. Et l'École nationale de police a professionnalisé la formation des enquêteurs, l'a rendue de... a défini ses... a été appelée à définir les normes minimales de qualification pour l'exercice de la fonction d'enquêteur et a rehaussé la formation à la lumière des attentes qui étaient... des attentes sociétales qui étaient rehaussées à l'égard des enquêtes.

Donc, il y a eu... on a avait fait un passage, avant 1997, au Québec, il y a eu... Pour devenir enquêteur... C'était optionnel et ils demandaient quatre semaines de formation pour devenir enquêteur. Maintenant, depuis le début des années 2000, la formation de base pour les enquêtes générales est une formation de niveau supérieur donnée par des... autant des policiers que des... donnée par le biais... élaborée et offerte en concertation autant par des policiers que par des civils et offerte dans des institutions de formation de niveau supérieur.

Ici, on démontre bien aux membres de la commission que la formation des enquêteurs, c'est une formation qui est partagée par les universités, différentes universités, par l'École nationale de police, par les organisations policières. C'est une formation qui est concertée, qui est organisée dans un tout intégré et qui... je le rappelle, je vais peut-être le rappeler également dans les prochaines minutes, mais je vais rappeler le niveau de professionnalisation, le rehaussement. Et c'était aussi pour répondre aux attentes de la société.

Les éléments d'éthique sont repris ici, dans la formation de base en enquête. On a quatre cours de formation de niveau universitaire plus un cours... une activité d'intégration en enquête policière. On a donc là, encore une fois, la formation en éthique appliquée à l'enquête qui est offerte, et, dans le processus... dans le programme court de formation, on a le développement du processus d'analyse, de la pensée, et on a une activité d'intégration à l'enquête policière qui témoigne également que non seulement les compétences des enquêteurs au Québec se développent sur la base d'expériences antérieures, d'acquis de formations antérieures, d'acquis expérientiels et de compétences antérieures, mais, ici, on témoigne de la structure pédagogique de la formation des enquêteurs, qui intègre à la fois l'enseignement de techniques dans des activités de formation avec des simulations, l'enseignement dans des classes, dans des cours, pour les rudiments ou les... de revoir le droit pénal, le processus d'enquête qu'on applique et également une activité d'intégration, qui privilégie, cette fois, l'approche expérientielle. Alors, non seulement la formation est de niveau supérieur, mais elle est également... son approche pédagogique est également diversifiée et met à profit à la fois les expériences et les connaissances, toujours dans un souci de les développer davantage et d'en faire un apprentissage également concret.

Quand on parle d'enquêtes indépendantes, je le rappelle, on parle d'enquêtes de niveau de crimes majeurs, crimes majeurs qui sont des crimes contre la personne, des agressions sexuelles, des tentatives de meurtre, des blessures graves. On parle donc d'enquêteurs de haut niveau, d'enquêteurs d'élite et d'enquêteurs très spécialisés.

Alors, encore là, c'est une formation dont l'élaboration, dont l'offre est partagée par l'école nationale et par les organisations policières et également par d'autres acteurs importants au niveau de la formation policière au Québec. Alors, on parle, à l'école nationale, d'une formation de 80 heures d'entrevues filmées de suspects, on parle de méthodes et techniques avancées d'enquête, on parle d'enquêtes sur les crimes à caractère sexuel, sur l'abus physique et le décès de jeunes enfants. Ce sont des... une formation spécialisée qui est offerte à l'école. On parle de colloques également qui nous sert... qui, au plus tard à chaque deux ans, de colloques sur les entrevues, sur les enquêtes, colloques internationaux offerts et organisés en collégialité avec nos partenaires nationaux, québécois et internationaux sur les entrevues et les enquêtes, qui permettent de peaufiner, de mettre à jour les compétences, et on parle également de perfectionnement de service dans les organisations policières. On parle de mentorat, on parle de formation spécialisée au collège canadien, on parle d'unités des crimes majeurs dans les organisations policières. On parle donc, au Québec, d'une formation... Et il est important pour nous, pour l'école, de bien informer les qualifications et la formation exigeante des enquêteurs de niveau de crimes majeurs au Québec. Voilà pour cette formation-là, et...

Le Président (M. Drainville): Ça va bien, ça va bien.

Mme Gagnon (Marie): Ça va bien?

Le Président (M. Drainville): Oui, oui, ça va bien, il vous reste deux minutes.

Mme Gagnon (Marie): Ah! Bien, je vais les remplir, M. le Président. Je vais compléter sur... Dans le projet de loi, on parle d'observateurs. Pour l'école nationale, il nous est important d'attirer l'attention des membres de la commission sur l'analyse de la situation de travail, l'exercice des responsabilités des observateurs afin de bien cerner, pour l'école, la contribution que l'on pourrait apporter à la formation de ces observateurs-là, au soutien de formation et au soutien spécialisé que l'on pourrait leur apporter pour l'exercice de leurs responsabilités. On peut penser que les observateurs auraient besoin d'une formation de base en droit pénal, en processus d'enquête et au niveau du tableau de l'emploi de la force. Alors, l'école nationale est une institution très ouverte, très collaborative, qui peut très bien offrir une formation adaptée selon les besoins que ces observateurs-là auront au niveau de leurs compétences.

Le Président (M. Drainville): Très bien. M. le ministre.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Merci, madame. Je pense que les explications sont très claires. Ce qu'on constate, là, je pense que ce qui ressort de ça, c'est que la formation d'un enquêteur, c'est un travail de longue haleine, surtout lorsqu'on parle d'une expérience de cinq ans comme patrouilleur, qui doit être très utile, j'imagine, pour quelqu'un qui, par la suite, devient enquêteur sur le terrain. Mais vous allez me permettre de vous demander d'élaborer sur la formation quant à l'emploi de la force. Comment vous formez les gens? Vous l'avez indiqué ici, mais je pense que ça mériterait d'être répété et dit à la commission. De quelle façon les gens sont formés pour utiliser la force nécessaire, pas plus?

**(16 h 40)**

Mme Gagnon (Marie): En fait, effectivement, M. le ministre, quand on parle d'expérience de policier patrouilleur, pour comprendre l'intervention, pour comprendre, le rôle de l'enquêteur dans les enquêtes indépendantes, c'est majeur, c'est très, très important. Le rôle... Je vais parler, avant de parler de la problématique de l'emploi de la force... Le rôle de l'enquêteur dans l'enquête indépendante, c'est de reconstituer une intervention policière, une intervention policière qui a eu des impacts majeurs sur la santé, sur la vie d'individus et qui a eu à faire... le policier ou la policière a eu à faire... à mettre oeuvre le continuum de l'emploi de la force.

Pour être capable de jeter un regard sur ce continuum d'emploi de la force, là, il est très utile de le connaître. Il y a eu un processus méthodique d'intervention policière qui habilite et qui fait en sorte que le policier, dans son intervention, a à prendre une décision et a à analyser la situation. L'intervention policière, je vais réutiliser une expression, ce n'est pas une recette qu'on applique avec une succession d'ingrédients qui viennent toujours dans le même ordre.

Alors, c'est une intervention qui est exigeante, c'est une intervention qui est de haut niveau, qui est professionnelle et qui demande une pensée, une analyse de la situation qui va faire en sorte que le policier va poser le bon geste, le bon acte au bon moment, et tout ça avec... en tenant compte des... Souvent, c'est un temps très limité.

Maintenant, pour l'enseignement de la problématique de l'emploi de la force, il y a toute une gradation. Il y a toute une gradation dans l'emploi de la force, et ce qui est majeur, c'est beaucoup la communication tactique, c'est la communication tactique qui est mise en oeuvre dans ce continuum d'emploi de la force. Et, au fur et à mesure de la résistance, au fur et à mesure de l'intervention ou du comportement et des attitudes du suspect, il y a toujours une analyse du danger. Il y a toujours une analyse du danger pour... puis ça se fait très rapidement, sur la sécurité, sur la sécurité des personnes autour, sur la sécurité du suspect et sur la sécurité du policier. Donc, interviennent dans l'emploi de la force et le continuum de l'emploi de la force, je le disais, des informations et des techniques de communication, des techniques d'intervention physique, des techniques de tir, et, au fur et à mesure que la situation évolue, le policier doit faire preuve de discernement et d'agir dans l'esprit de la force nécessaire.

Est-ce que... Je pourrais inviter M. Saint-Antoine à compléter s'il le désire... ou à enrichir.

M. Saint-Antoine (Pierre): Bien, je pense qu'un des éléments importants sur le plan de l'emploi de la force, c'est effectivement cette gradation-là dans la formation au cours des 15 semaines, parce que, sur le plan plus théorique et pratique, le plan... les collèges préparent l'aspirant policier, donc, à devenir un policier. À l'École nationale de police du Québec, tous les éléments de contrainte d'emploi de la force sont donc appliqués dans le cadre de ce 15 semaines là.

Et rappelons l'approche expérientielle. On fait vivre à l'aspirant policier, pendant 15 semaines... Donc, le futur enquêteur en devenir et le futur patrouilleur vont vivre la réalité policière pendant ces 15 semaines là, vont être en contact avec des éléments de syndrome du délire agité, vont apprendre à travailler en équipe lors d'événements à haut risque, lorsque des individus, par exemple, ont des problématiques de santé mentale. Donc, l'ensemble de ces problématiques-là de situation et d'intervention que le policier va avoir à vivre, il va les vivre pendant son 15 semaines de formation initiale en patrouille-gendarmerie.

Le Président (M. Drainville): M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Toujours un plaisir de vous revoir. Quand on ne va pas vous voir chez vous, vous venez nous voir chez nous, ça fait que c'est un échange de bons procédés.

Je trouve extraordinaire qu'on puisse avoir, dans un tableau, la vie, dans les faits, de ce qui se donne comme formation, et avec moult détails. Ma première question, parce que... et c'est beaucoup plus une question de curiosité: La pensée-enquête, êtes-vous capables de définir ça ou... En partant du moment où vous l'avez mis dans votre document pour les patrouilleurs, dans ce que vous nous avez présenté, vous mesurez ça comment?

Mme Gagnon (Marie): Je vais commencer la réponse.

M. Ouellette: Oui.

Mme Gagnon (Marie): La pensée-enquête, c'est tout le processus de la cueillette de preuves, de cueillette d'informations. C'est le processus intellectuel de la démarche qui fait en sorte que le policier, l'enquêteur, doit faire preuve de discernement, doit tenir compte d'un ensemble de connaissances et d'un ensemble d'éléments pour recueillir ses informations selon les règles de l'art et selon les personnes qui sont en avant de lui, selon les témoins, selon les victimes. C'est de tenir compte de l'état de santé des victimes, c'est de tenir compte, de prendre soin de... C'est de déterminer à quel moment il doit poser la question, et, dans sa stratégie, la question qu'il pose l'amène vers tel objectif, qu'il connaît et qui démontre une pensée structurée, qui tient compte également des facteurs psychologiques, qui tient compte également des facteurs juridiques dans la cueillette de ses informations, et c'est un ensemble, c'est une... Voilà, c'est du discernement.

M. Ouellette: Mme Gagnon, vous savez que ce n'était pas une question piège, parce que ça va m'amener à une autre observation.

Mme Gagnon (Marie): J'espère que ma réponse vous a quand même satisfait.

M. Ouellette: Ah non! Vous êtes... j'anticipais une réponse aussi complète que celle que vous venez de me donner. Je n'aurais pas fait mieux.

Je veux juste... Je veux vous amener sur les tests psychométriques avec ce que vous venez de me dire. On a changé beaucoup les normes de recrutement. Maintenant, il va y avoir des tests psychométriques. Quand on arrive après ça à des niveaux de gestionnaire, il y a d'autres tests psychométriques à votre Centre d'appréciation du personnel de police. Ne pensez-vous pas qu'on devrait actualiser, pour ceux qui veulent s'en aller toujours... Parce que je regarde votre pensée-enquête, c'est important, là. Je veux dire, il y a beaucoup de choses que tu dois tenir en compte dans une situation donnée sous... dans la fraction de seconde. Ne pensez-vous pas qu'on devrait actualiser nos tests psychométriques, qui sont maintenant... qui vont devenir ou qui le sont maintenant au niveau recrutement et que vous le faites au niveau gestion pour tous ceux qui vont vouloir faire des enquêtes, que ça nous aiderait?

Mme Gagnon (Marie): Un, je dirais qu'il faudrait voir de quels tests psychométriques vous parlez, dont il est question ici. Quant à l'école nationale, je vous dirais que le point de vue de l'école nationale, c'est d'abord et avant tout de former, d'avoir des exigences, des exigences élevées au niveau de la formation et de travailler avec les enquêteurs qui... dans leur cheminement professionnel, pour les habiliter toujours de plus en plus à exercer leurs responsabilités, avoir les outils nécessaires et les outils importants nécessaires qu'ils doivent avoir pour exercer leurs responsabilités.

M. Ouellette: M. le Président, si j'ai encore du temps...

Le Président (M. Drainville): Vous avez encore une minute.

M. Ouellette: ...pour les gens -- ça va être un courte question, puis je pense que la réponse va être aussi courte -- pour tous les gens qui nous écoutent aujourd'hui, tous les enquêteurs présentement en fonction au Québec, quelque corps de police que ce soit, sont formés par l'école de police, doivent être formés avant d'occuper ces fonctions-là et ils le sont tous au moment où on se parle? Ils ont tous passé à l'école de police? Si on regarde votre tableau, là, tous les enquêteurs de base, les enquêteurs spécialisés ont tous bénéficié de la formation de l'École nationale de la police au moment où on se parle au Québec.

Mme Gagnon (Marie): On a des statistiques sur la formation des enquêteurs. M. Saint-Antoine vous a apporté des chiffres.

M. Saint-Antoine (Pierre): Donc, nous formons 200 nouveaux enquêteurs par année. Ce qu'on peut vous dire, c'est qu'en 2003, lors de l'adoption du règlement en matière d'enquête, il y a eu une clause naturellement qui donnait l'équivalence pour les gens qui étaient déjà en fonction sur le plan des enquêteurs. Mais, depuis 2003, tout nouvel enquêteur au Québec doit avoir la formation préalable de niveau universitaire de l'École nationale de police du Québec.

M. Ouellette: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, M. le député de Chomedey.

Mme Gagnon (Marie): ...M. le Président, je m'excuse...

Le Président (M. Drainville): Bien, écoutez, ça va prendre le consentement des membres de cette commission. C'est ça, c'est sur le temps de qui, là? C'est sur le temps de qui, ce coup-ci?

Mme Gagnon (Marie): Je reviendrai après.

M. Ouellette: Merci. Non, non, c'est bon.

Le Président (M. Drainville): Non, non, Allez-y. Allez-y.

Mme Gagnon (Marie): En fait, je voulais dire qu'ils passent tous par l'école nationale, c'est une obligation, mais on constate bien, au fur et à mesure de la spécialisation, que c'est une... que la formation des enquêteurs spécialisés est une responsabilité partagée à travers différentes institutions, comme on l'a démontré dans notre tableau. Voilà. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Drainville): Très bien. Très bien. M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, bonjour, Mme Gagnon, M. Saint-Antoine. Merci beaucoup de votre témoignage, de votre apport aux travaux de la commission. C'est très intéressant. C'est très éclairant.

Vous savez que, derrière le projet de loi n° 46, là, il y a tout un débat qui a été soulevé principalement par la Protectrice du citoyen. Présentement, les enquêtes qui sont faites sur... les enquêtes criminelles qui sont faites sur des policiers qui sont... pour des incidents qui impliquent des policiers sont... les enquêtes sont faites par des policiers d'un autre corps de police, là, ce qu'on appelle les enquêtes indépendantes, donc sont faites par des policiers actifs, en service dans autre corps de police.

La Protectrice du citoyen, dans son rapport de 2010 -- et elle reprend ça dans son mémoire qu'elle nous a présenté hier -- demande de créer plutôt une unité différente où serait... et elle demande... elle suggère qu'il y ait, dans cette unité, des anciens policiers, donc des anciens enquêteurs, et également des enquêteurs civils qualifiés. Et elle dit que des enquêteurs civils qualifiés, pour elle, c'est des personnes qui n'ont pas de formation ou d'expérience policière. Alors, ça pourrait être par exemple -- je présume -- des gens qui font des enquêtes dans d'autres organismes ou dans d'autres... ou même peut-être dans le secteur privé, qui ont donc une certaine formation d'enquêteur sans être dans un corps de police. Peut-être, je m'avance peut-être un peu, là, mais on peut émettre l'hypothèse de procureurs de la couronne qui ont quand même une formation, après 25, 30 ans comme procureur de la couronne, ou après 20 ans, une compétence assez pointue en droit pénal et...

Alors, est-ce qu'à partir du... si on prend pour hypothèse le modèle proposé par la Protectrice du citoyen, qui dit: Dans mon unité indépendante, j'aurais, pour enquêter, j'aurais des anciens enquêteurs de police et j'aurais des enquêteurs civils qualifiés, ça prend... quelle serait la... Est-ce que vous êtes en mesure de me dire ce que ça prendrait comme formation supplémentaire? Par exemple, à chacun des... aux types de personne dont je vous parlais tantôt, par exemple, des enquêteurs qui font des enquêtes dans certains organismes publics ou qui font des enquêtes dans le secteur public ou dans le secteur privé, donc des... Et puis, là, c'est une autre catégorie, mais, par exemple, des anciens procureurs de la couronne? Est-ce que... Parce que la Protectrice du citoyen nous dit: Ce serait... Il y aurait, nous dit-elle... Elle nous dit... En fait, je vais vous le lire exactement: «L'introduction d'enquêteurs civils ne pourra se faire que de manière graduelle, et leur formation complète prendra un certain temps. La présence d'une majorité d'enquêteurs civils demeure toutefois, à terme, l'objectif à atteindre.»

Alors, moi, je suis intéressée à savoir: Ces enquêteurs civils, dans l'éventualité où cette hypothèse serait mise de l'avant, ça prendrait combien de temps former ce genre de personne là, à des enquêtes, on s'entend, à des enquêtes criminelles portant sur... portant... suite à des incidents impliquant des policiers? Ce n'est pas simple comme question, mais j'aimerais que vous...

**(16 h 50)**

Mme Gagnon (Marie): Mais non, ça va. Ça va très bien. Merci. En fait, je nous ramène toujours au choix de la société québécoise. Nous avons une formation policière québécoise qui se distingue par son niveau supérieur. Je nous le rappelle parce que, quand on... la société québécoise a fait le choix, et l'école nationale a mis des normes et des standards très élevés pour nos enquêteurs de crime majeur, pour l'ensemble de la formation policière. Mais on s'entend ici qu'un enquêteur, au niveau des enquêtes indépendantes, doit avoir le même niveau, et c'est aussi dans votre question, le même niveau de compétence que les enquêteurs de crime majeur.

Ramenons-nous sur le rôle d'un enquêteur, dans le cadre des enquêtes indépendantes, de jeter un regard sur une intervention policière complexe, qui doit tenir compte de l'emploi de la force, je le répète, d'un processus méthodique d'intervention, de différentes réglementations, qui peuvent mener à des accusations criminelles... Est-ce qu'au niveau de notre société on souhaite que la personne qui fasse ces enquêtes-là ait des qualifications de même niveau que celles des enquêteurs qui ont suivi l'itinéraire de formation que je vous ai présenté tantôt? Alors, dans cet esprit-là, la loi parle d'observateur, d'observateur civil.

Il y a certainement lieu de regarder le profil de ces observateurs civils là, de définir encore... éventuellement peut-être encore plus précisément leur rôle, leur terrain d'exercice pour voir, eux, comment on pourrait les aider. Mais au niveau... Les aider à exercer leurs responsabilités.

Mais vous me demandez combien de temps peut prendre à former un enquêteur civil pour devenir enquêteur de haut niveau, je nous ramène aux exigences de l'école nationale quant aux qualifications minimales requises.

M. St-Arnaud: Même si, Mme Gagnon, même si la personne a quand même une expérience, par exemple, dans le domaine des enquêtes, là, si elle a 20 ans d'expérience dans le secteur public ou dans le secteur privé, vous dites: Il faut quand... Est-ce qu'il n'y a pas une distinction à faire entre un simple citoyen où on dirait: Demain, on va te former pour être enquêteur pour mener des enquêtes criminelles, puis quelqu'un qui est déjà dans le... qui agit déjà comme enquêteur, ou je parle même... Est-ce qu'il n'y pas une différence à faire?

Mme Gagnon (Marie): ...on parle d'enquête administrative, est-ce qu'on parle d'enquête... Et ici, au niveau de nos qualifications, il y a aussi... Mais moi, je dis: C'est les exigences que l'on a, d'avoir été patrouilleur. Puis, avant de faire des enquêtes de niveau effectivement majeur, il y a eu beaucoup... il y a un certain nombre, bon nombre d'années d'expérience au niveau des enquêtes générales. Alors, c'est un curriculum qui s'étale sur plusieurs années et qui porte un regard sur une intervention très particulière, et avec des témoins à rencontrer, qui... une culture particulière aussi. Alors, il reste que c'est un travail qui est assez exigeant, et, pour l'école, ce qui est important, c'est de maintenir ces qualifications-là, c'est d'assurer la formation adéquate.

M. St-Arnaud: Je vous amène sur la formation des observateurs. Donc, je vous ramène sur le projet de loi n° 46. Le gouvernement souhaite présentement, dans le projet de loi qu'il nous a présenté à l'Assemblée nationale, souhaite, vous l'avez lu, vous l'avez vu, souhaite implanter un système d'observateurs, donc un bureau civil de surveillance comprenant des observateurs. Quelle serait la formation? Vous y avez fait un peu référence tantôt. Mais ça prendrait combien de temps à former? On nomme un directeur, un directeur adjoint du bureau, selon le projet de loi, et on veut nommer des observateurs. Ça prendrait combien de temps pour former un observateur, dans le contexte du projet de loi actuel?

Mme Gagnon (Marie): Je ne le sais pas. Je commencerais par regarder quel est vraiment l'exercice... quelles sont vraiment ses responsabilités, quel est le rôle exact que l'on souhaite qu'il joue, et tantôt j'ai évoqué certaines dimensions qui devraient teinter, colorer sa formation. Mais il faut au départ, quand on développe une formation qui est adaptée à ce point-là et pour des besoins très spécifiques, il faut au départ faire l'analyse de la situation de travail, du contexte d'exercice de ces responsabilités-là et de voir... Est-ce que c'est juste la formation qui pourrait soutenir ces observateurs-là pour exercer leurs responsabilités, ou ça pourrait être un autre type de soutien que l'école pourrait exercer? Et là je vais demander à M. Saint-Antoine de compléter.

M. Saint-Antoine (Pierre): Par exemple, dans le cadre de soutien au coroner ou au Commissaire à la déontologie policière, l'école a déjà dans le passé organisé des séances de formation et d'information dans l'utilisation et l'emploi de la force des policiers. Donc, pourquoi, par exemple, est-ce que dans certaines techniques d'emploi de la force on voit cinq policiers faire des techniques d'intervention auprès d'un individu? Vu d'un citoyen, publiquement, ça peut sembler assez agressif. Mais, lorsque vous comprenez l'intervention policière avec les techniques de formation qui sont associées à ce qu'on appelle le travail en équipe de cinq versus un individu qui ne veut pas collaborer sous l'angle de la protection de cet individu-là, bien, le Bureau du coroner et le Commissaire à la déontologie policière ont compris des processus policiers qu'ils ne connaissaient pas au préalable.

M. St-Arnaud: Est-ce qu'il me reste quelques secondes?

La Présidente (Mme Vallée): 30 secondes.

M. St-Arnaud: 30 secondes. Est-ce que vous pensez qu'il serait utile de mettre dans la loi que les observateurs doivent recevoir une formation qui pourrait éventuellement être... dont les cadres pourraient être prévus par règlement à l'École nationale de police? Est-ce que vous avez réfléchi à ça, ou ça dépend... ou si vous me dites: Je n'en sais pas encore assez sur ce que ferait l'observateur pour savoir si...

Mme Gagnon (Marie): Permettez-moi de laisser au législateur le choix de placer dans la loi ou dans un règlement la formation exigée. Ce qui est clair, c'est qu'à partir du moment où elle sera définie elle sera exigée, l'école nationale remplira ses responsabilités et contribuera à la formation qui...

M. St-Arnaud: Ce que vous dites, c'est: Qu'on le mette ou qu'on le... que ça soit mis ou pas dans la loi, si on le met, on opérera en conséquence. C'est ce que vous me dites?

Mme Gagnon (Marie): Moi, je dis que vous... on peut compter sur l'École nationale de police pour faire... assurer cette formation-là...

M. St-Arnaud: Je vous remercie.

Mme Gagnon (Marie): ...pour les observateurs.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Me Gagnon. Alors, M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Oui. Merci, Mme la Présidente. Il me reste deux, trois petites questions. Quand on parle d'enquêteurs très spécialisés, pour les gens qui nous écoutent, là, ça peut être de niveau 6, c'est parce qu'on va parler des crimes majeurs, ou de niveau 5, là, c'est vraiment très, très, très pointu. Ça touche... Parce que, grosso modo, là, il y a 15 000 policiers au Québec. Tous les enquêteurs ont passé par l'école nationale, ils ont tous une formation; les enquêteurs spécialisés en crimes majeurs sont peut-être revenus dans une formation un petit peu plus pointue. Mais, à moins que ça ait beaucoup changé, si je vous disais qu'il y a une centaine d'enquêteurs au Québec très spécialisés en crimes majeurs, je suis-tu loin du compte?

**(17 heures)**

Mme Gagnon (Marie): On s'est posé la même question, et on n'a pas les statistiques, pour nous, là, très précises sur l'ordre de grandeur du nombre d'enquêteurs spécialisés. Les organisations policières sont certainement mieux placées que nous pour y répondre, là, mais... Avec votre connaissance, j'ose croire que vous êtes proche du nombre.

M. Ouellette: Je devrais être... en tout cas. Plusieurs nous disent qu'il y a beaucoup plus de situations à risque, ou il y a beaucoup d'événements impliquant des policiers depuis quelques années. Bon, les plus vieux de nous autres vont dire: Bah! C'est à cause des jeunes. Les plus jeunes vont dire: Ah! C'est à cause de la formation. Mais ceux qui regardent ça de près...

Et je pose la question, parce qu'il est arrivé d'autres situations, dans le passé, où vous avez toujours été, à l'école nationale, très proactifs des situations. M. le ministre a parlé de l'emploi de la force tantôt. Les gens qui consultent votre site Internet, vous avez des articles, vous êtes très à la page, vous êtes très factuels sur ce qui touche différents domaines, différentes situations, différents articles d'un peu de ce qui se passe un peu partout.

Cette augmentation, est-elle véritable ou n'est-elle pas véritable, là? Est-ce que chacun des dossiers où il y a eu emploi de la force par des policiers est analysé chez vous ou est regardé chez vous, à l'école nationale, dans le but de peaufiner, changer, améliorer, offrir de la formation qui pourrait être bénéfique à l'ensemble de mes 100 enquêteurs de crime majeur ou à d'autres types d'interventions peut-être plus pointues?

Parce que, et je le dis, et je le dis publiquement, vous avez fait la preuve, au cours de ces dernières années, d'une très grande conscience et d'une très grande adaptation des différentes situations. Est-ce que ce que je viens d'évoquer avec vous, est-ce que vous avez des gens qui se penchent sur ce qui passe?

Et est-ce que vous avez eu à apporter ou est-ce que vous allez apporter ou est-ce qu'il y a une formation qui va être adaptée à la situation, ou ça prend soit une directive, ou soit il faut enchâsser dans la loi n° 46, ou qu'il y ait une question du député de Chambly en période de questions pour qu'à un moment donné il y ait un nouveau cours qui apparaisse à l'école de police? Ce n'est pas de même que ça se passe, là. Dites-moi que ce n'est pas comme ça que ça se passe.

Mme Gagnon (Marie): En fait, M. Ouellette, je vous remercie de parler de la proactivité de l'École nationale de police. Et ça m'amène à attirer votre attention sur l'itinéraire de formation des enquêteurs, du côté de la colonne de droite, où un nouveau cours est offert -- sur la quatrième puce, là -- c'est le cours sur les normes professionnelles, qui va être offert à compter du mois de mai, qui a été élaboré en collaboration avec les organisations policières, certaines organisations municipales, la Sûreté du Québec, la sûreté de la ville... le Service de police de la ville de Québec, le Service de police de la ville de Montréal, pour les enquêtes internes.

Alors donc, l'école nationale a commencé à... je le répète, en collaboration avec ses partenaires, à former, au niveau des enquêtes spécialisées, au niveau des enquêtes internes, des enquêtes sur les policiers, sur des policiers au regard des normes professionnelles. Et cette formation-là enseigne, du moins, comprend le plan d'enquête, comprend les aspects psycho des enquêtes internes, les rencontres plaignant, suspect, témoin, la rédaction de rapports pour habiliter encore plus les policiers enquêteurs au niveau des affaires internes. Est-ce qu'il y a lieu de regarder une formation comme ça pour encore améliorer la formation des enquêteurs de haut niveau au niveau des enquêtes indépendantes? Fort probablement.

Maintenant, je reviens à votre question au niveau des événements qui ont eu cours au cours des dernières années puis... Est-ce que l'école réinvestit dans la qualité de sa formation pour améliorer sa formation, les résultats des enquêtes? Tout à fait. À chaque fois que l'on peut, que ce soient des enquêtes du coroner, des enquêtes de la CSST, des enquêtes en déontologie, il y a toujours lieu et c'est un cercle continu qui nous... D'abord, la formation, l'intervention, le retour sur l'intervention et l'impact pour améliorer la formation, qui est toujours une priorité et une orientation privilégiée par l'école nationale...

Aussi, la recherche. La recherche est une facette de la mission de l'école nationale et qui va... Et l'école nationale entend bien exercer sa mission au niveau de la recherche. Et il est clair qu'il y a lieu de faire également des recherches, des analyses sur tout ce qui pourrait contribuer à améliorer la formation des enquêteurs au Québec et des interventions de policiers patrouilleurs.

M. Ouellette: Merci, Mme Gagnon. Merci Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Non? Alors, s'il n'y a pas d'autre intervention, je vais céder la parole à M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Merci, Mme la Présidente. Peut-être brièvement, dans la foulée des questions de mon collègue de Chomedey... Votre nouveau cours, là, Normes professionnelles, c'est un nouveau cours que vous allez implanter sous peu, là, c'est... Est-ce que je comprends? Quand?

Mme Gagnon (Marie): Il a été élaboré... il est offert... il va être donné à compter... c'est une semaine, je crois, de formation... il va être donné au mois de mai à des enquêteurs au niveau des enquêtes internes. Il est offert, oui.

M. St-Arnaud: Et, pour ce qui est des policiers, de la formation de base, la Protectrice du citoyen, en 2010, disait: L'école nationale, il serait bon que le gouvernement «mandate l'École nationale de police pour assurer la formation des policiers relativement aux devoirs et obligations [lors d']incidents impliquant des policiers».

Est-ce qu'il y a une formation de base à cet égard présentement à l'école de police, qui s'adresse à tous les futurs policiers?

Mme Gagnon (Marie): Ce que je me souviens de la recommandation de madame... du Protecteur du citoyen, c'est en regard des nouvelles réglementations.

M. St-Arnaud: Exact, exact.

Mme Gagnon (Marie): Et, à partir du moment où le législateur ou le ministre détermine des nouvelles réglementations en regard des devoirs et des policiers et patrouilleurs, il est clair que l'école nationale va intégrer ces nouvelles réglementations là dans sa formation.

Maintenant, au regard... votre question, je vous dirais que, du début du continuum de formation jusqu'à la fin, là, au niveau des enquêtes spécialisées, les devoirs, les pouvoirs des policiers, se sont des compétences, des connaissances, des habiletés transversales dans la formation; l'éthique, pareil, de la même manière. Et il est clair que c'est enseigné...

M. St-Arnaud: Et ça revient un peu à ce qu'on disait tantôt, c'est-à-dire que, si, dans la foulée du projet de loi, dans la foulée de l'adoption du projet de loi n° 46, éventuellement, on vous demande une formation qui s'adresserait non seulement aux observateurs ou à... s'il y avait une demande qui vous était faite de faire une formation reliée à ces nouvelles dispositions à tous les policiers, l'école nationale va agréer avec plaisir. C'est ce que je comprends de vos interventions.

Mme Gagnon (Marie): Vous comprenez, là, qu'il y aura des impacts sur la formation. Nous serons au rendez-vous pour intégrer la formation. Et l'école peut également apporter une contribution dans la réflexion des nouvelles réglementations ou des normes d'encadrement qui pourraient être aidantes au niveau de l'intervention policière et au niveau de la formation.

M. St-Arnaud: Bien, excellent. Mme la Présidente, ça complète mes questions. Je dois dire que je suis très heureux qu'on ait eu l'occasion de vous recevoir, parce que, souvent, lorsqu'on fait l'étude des crédits en matière de sécurité publique -- moi, j'ai eu l'occasion de le faire en 2009-2010 -- on dirait qu'on oublie toujours l'école nationale, on dirait qu'on se consacre beaucoup aux services correctionnels, aux services policiers, et il y a certains organismes reliés, en fait, sous la responsabilité du ministère de la Sécurité publique, qu'on oublie souvent. Alors, je suis très heureux de vous avoir... que vous ayez pu aujourd'hui... qu'on ait pu aujourd'hui vous entendre sur des questions extrêmement importantes. Alors, je vous remercie.

Mme Gagnon (Marie): Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Vallée): Oui, Me Gagnon.

Mme Gagnon (Marie): Merci. Alors, bien, on s'est manqués l'année dernière parce que l'école était vraiment aussi au coeur en partie de l'étude des crédits. Mais votre intervention m'amène à dire et à réaffirmer que la formation policière au Québec -- et je suis ici à titre de dirigeante de l'institution de formation -- est une des meilleures formations au monde, qui fait office... Et, à travers tous nos partenaires au plan international, nous sommes une référence, nous avons régulièrement des partenaires étrangers; on forme, au niveau des enquêtes, des policiers étrangers qui réfèrent à nous.

Alors, je veux juste réitérer l'importance d'avoir des bonnes qualifications pour faire un travail qui est exigeant. Et, pour moi, la formation fait partie également de l'indépendance du travail de l'enquête et de sa crédibilité.

M. St-Arnaud: Ça complète pour moi.

M. Dutil: Et, je...

La Présidente (Mme Vallée): M. le ministre.

**(17 h 10)**

M. Dutil: ...pour aller dans le sens du député de Chambly, je dois dire que, l'année passée, j'ai demandé à tous les présidents d'organismes d'être présents aux crédits de façon à ce qu'ils puissent répondre aux membres de la commission. Et j'ai l'intention de renouveler ça, parce qu'effectivement je pense que ça a été très intéressant, aux crédits, d'avoir le point de vue directement de ceux qui dirigent la dizaine d'organismes, parce qu'il y en a 10, qui relèvent du ministère de la Sécurité publique.

M. St-Arnaud: Alors, ce sera la même chose, je présume, cette année, M. le ministre. Parce qu'effectivement... moi, en 2009-2010, on avait... il y avait eu... on n'avait pas tous les organismes. Et des fois c'est... effectivement. Alors, ce qui fait qu'on se concentre sur les principaux, puis, enfin, je ne veux pas... On se concentre sur de grosses boîtes, disons ça plus... en termes de budget et en termes d'effectifs, et on oublie souvent des gens, comme l'École nationale de police, qui ont des budgets plus modestes, qui ont des effectifs plus modestes, mais qui font un travail extrêmement important pour notre société. Alors, je suis heureux de voir que, lors des prochains crédits, en avril, on pourra avoir tout le monde, et donc vous allez devoir revenir au mois d'avril, mais ce sera avec grand plaisir que nous vous accueillerons. Merci.

Mme Gagnon (Marie): Le plaisir sera partagé.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Me Roy, M. Saint-Antoine, merci beaucoup de votre participation aux travaux de cette commission.

Alors, la commission ayant épuisé son ordre du jour, nous ajournons nos travaux à demain 15 heures.

(Fin de la séance à 17 h 11)

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