L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le jeudi 2 février 2012 - Vol. 42 N° 63

Consultation générale et auditions publiques sur l'avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante-deux minutes)

Le Président (M. Auclair): Bonjour à tout le monde. Bienvenue à la Commission des institutions. Si vous me permettez, on va débuter ce matin... avec l'autorisation des deux groupes parlementaires, on va débuter la rencontre. Ce matin...

Avant de débuter, pardon, le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement aujourd'hui, M. le Président.

Le Président (M. Auclair): Merci beaucoup. Ce matin, nous recevons l'Union des municipalités du Québec, Mme Sylvie Guillemard et la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. En après-midi, nous entendrons les représentations du Barreau du Québec et de M. Viateur Turcotte. Ensuite, nous conclurons ce mandat par l'étape des remarques finales, tant du parti ministériel que de l'opposition officielle.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, nous allons débuter les auditions. M. Forest, M. le maire, bonjour.

M. Forest (Éric): Bonjour.

Le Président (M. Auclair): Merci d'être avec nous avec l'Union des municipalités du Québec. Je vous inviterais à présenter les gens qui vous accompagnent. Et, comme vous le savez, vous allez disposer de 15 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, nous allons procéder aux échanges entre les divers parlementaires. Donc, si vous voulez débuter, M. Forest.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Forest (Éric): Bonjour, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Ça nous fait plaisir d'être ici pour vous présenter le point de vue des municipalités du Québec. Et je suis accompagné ce matin par Me Yvan Briand, qui est le directeur des services judiciaires à la ville de Montréal, Me Marie-Claude Perron, qui est greffière à la cour municipale de la ville de Sherbrooke, et Me Diane Simard, qui est conseillère juridique principale à l'Union des municipalités du Québec. Donc, vous voyez que je suis bien entouré. Je n'ai pas pris de chance avant de me présenter devant vous.

Mais peut-être vous dire... Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous rappeler que l'UMQ, elle représente, depuis plus de 90 ans, des municipalités de toutes tailles dans toutes les régions du Québec. La structure de l'union, par ses caucus d'affinité, est le reflet de la mosaïque municipale québécoise avec ses municipalités métropolitaines, ses grandes villes, ses cités régionales, ses municipalités de centralité, ses municipalités locales et ses municipalités régionales de comté.

D'abord, l'union tient à saluer l'initiative du gouvernement du Québec de moderniser le Code de procédure civile et de présenter un avant-projet de loi aux fins de consultation plutôt qu'un projet de loi où tout est déjà décidé. Cette approche est porteuse d'espoir que les messages seront entendus et donneront lieu à une réflexion fructueuse et à une bonification réelle et concrète. L'UMQ est ici aujourd'hui car la réforme du Code de procédure civile présente des enjeux qui concernent nos membres, les municipalités, et principalement les municipalités qui opèrent une cour municipale.

Nos commentaires portent sur le livre VIII de l'avant-projet de loi, soit sur les articles 654 à 775, concernant l'exécution des jugements et plus spécifiquement les procédures de saisie. Les changements proposés aux procédures de saisie touchent par la bande plus de 200 000 saisies qui sont pratiquées chaque année suite à des jugements rendus en matière pénale par les cours municipales, d'où notre intérêt à être entendus ce matin.

L'union représente plus de 80 % des municipalités qui administrent une cour municipale. Les cours municipales occupent une place importante dans le système judiciaire québécois. Il y a actuellement 86 cours municipales, qui desservent plus de 800 municipalités, représentant plus de 90 % de la population québécoise. Les cours municipales sont reconnues comme des tribunaux de proximité du système judiciaire québécois, parce que, tout en étant impartiales et indépendantes, elles répondent aux besoins des citoyens en favorisant l'accessibilité à la justice et en satisfaisant aux impératifs de qualité, d'efficacité et de service. Les cours municipales offrent déjà, en fait, une justice plus économique et plus accessible, une instance... une cour de première instance.

En matière pénale, les cours municipales traitent un volume très important de constats d'infraction, soit au total plus de 3 millions par année. Plus de 700 000 jugements sont rendus par l'ensemble des cours municipales. Pour des infractions au Code de la sécurité routière, le réseau des cours municipales rend environ quatre fois plus de jugements que la Cour du Québec. Aussi, environ 30 % des jugements rendus dans les cours municipales se concluent par l'émission de brefs de saisie dont les procédures sont prévues au Code de procédure civile. Cela démontre notre intérêt pour intervenir sur le sujet.

L'avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile propose en effet des changements fondamentaux, en matière de saisie, qui ne devraient pas s'appliquer aux saisies pratiquées en matière pénale par les cours municipales, parce que les procédures qu'on veut mettre en place sont trop lourdes et coûteuses pour ce type de saisie.

Je vais vous donner deux exemples. Premier exemple, en matière pénale, les saisies sont pratiquées la plupart du temps pour récupérer des amendes non payées suite à une contravention au Code de la sécurité routière. On peut penser à une amende pour une infraction d'excès de vitesse. La moyenne des montants en cause par saisie est d'environ 300 $. Il peut s'agir, par exemple, d'une saisie de salaire étalée sur quelques semaines. À l'heure actuelle, pour récupérer ces sommes, les procédures sont décentralisées, simples et efficaces. Tout est fait par les officiers de justice, soit des percepteurs qui sont nommés par le gouvernement du Québec. Les percepteurs préparent les brefs de saisie et les déposent au greffe de la cour municipale ayant rendu le jugement.

En 2010, selon les données fournies par l'Association des greffiers des cours municipales du Québec, le réseau des cours municipales a émis plus de 200 000 brefs de saisie, 200 000 brefs de saisie pour des montants à récupérer qui sont, pour la plupart du temps, inférieurs à 1 000 $, la moyenne étant de 300 $. Par exemple, en 2010, pour la cour municipale de la ville de Montréal, la valeur moyenne d'un dossier, lors de l'émission d'un bref de saisie, était de 107 $. Or, dans l'avant-projet de loi le processus d'émission des brefs de saisie est centralisé, complexifié, à notre point de vue, et en partie privatisé. D'une part, le législateur crée un registre central. Chaque bref de saisie émis par une cour municipale devra être inscrit dans ce registre, moyennant des frais à être ultimement assumés par le contribuable municipal.

Comme je l'ai mentionné il y a quelques instants, pour l'année 2010, les cours municipales, à elles seules, ont émis plus de 200 000 brefs de saisie en matière pénale. Si on y ajoute les brefs de saisie émis par les autres tribunaux, le registre qu'on s'apprête à mettre en place est monumental. Combien coûtera l'implantation, et le fonctionnement à moyen et long terme, d'un tel registre en comparaison avec les bénéfices escomptés? En tout respect, si l'établissement d'un registre centralisé peut être justifié et opportun pour des saisies importantes en matière civile, ce n'est pas le cas pour les saisies en matière pénale, dont les montants sont beaucoup plus modestes.

Pour les cours municipales, le système actuel est économique, performant, efficace et efficient. C'est pourquoi les saisies pratiquées en matière pénale devraient être exclues des nouvelles procédures de saisie, qui coûteraient aux villes et à leurs contribuables des sommes considérables, alors qu'il n'y a pas de valeur ajoutée.

**(9 h 50)**

Deuxième exemple. Je porte à votre attention un deuxième exemple qui illustre que les nouvelles procédures de saisie ne doivent pas s'appliquer en matière pénale. À l'heure actuelle, il n'y a pas de palier intermédiaire entre les officiers de justice des cours municipales qui préparent les brefs de saisie et les déposent au greffe de la cour. Tous les actes relatifs à la confection des procédures de saisie sont dévolus aux officiers de justice des cours municipales, qui en sont responsables et font les redditions de comptes appropriées. Ils sont les maîtres d'oeuvre des procédures de saisie. Les huissiers n'interviennent que sur le terrain, lorsque le percepteur décide de lui transmettre un bref de saisie pour exécution. Cette façon de faire est performante, puisque les cours municipales récupèrent en moyenne plus de 90 % de leurs créances.

Dans l'avant-projet de loi, on introduit un doublon en confiant aux huissiers des fonctions au stade initial des procédures de saisie, notamment lors de l'inscription des brefs de saisie à un registre centralisé. Les villes sont préoccupées par la délégation aux huissiers de ces pouvoirs. En tant que créancières, les villes craignent de perdre le contrôle et leur droit de surveillance sur le processus d'exécution des jugements émis par les cours municipales. Par ces modifications, le législateur introduit la privatisation partielle de l'exécution des jugements et minimise le rôle des percepteurs du tribunal. Cette privatisation entraînera des coûts inutiles qui en bout de ligne incomberont aux villes et à leurs citoyens.

À l'heure actuelle, les brefs de saisie sont préparés par les officiers de justice et ils sont déposés directement au greffe du tribunal ayant rendu le jugement. Les huissiers n'ont pas de rôle à jouer dans la rédaction et le dépôt des brefs de saisie. Pour l'UMQ, il est clair que cette privatisation des procédures viendrait alourdir le processus judiciaire au lieu de l'alléger. On dédoublerait les tâches inutilement, et on allongerait les délais, et on multiplierait inutilement les intervenants et les coûts. De plus, l'union constate que plusieurs procédures introduites dans l'avant-projet de loi permettraient aux huissiers de facturer aux villes des honoraires en matière d'exécution de jugement, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Le monde municipal souhaite conserver des procédures de saisie économiques, simples et décentralisées. Les municipalités sont des institutions publiques de première ligne qui rendent des comptes sur une base quotidienne. Elles sont imputables devant leurs citoyens. La réforme du Code de procédure civile ne doit pas mettre en oeuvre des procédures plus lourdes, plus coûteuses que celles qui sont actuellement en vigueur et qui n'ont pas de valeur ajoutée pour les citoyens. Il faut conserver ce qui est déjà décentralisé et efficace en matière d'administration de la justice.

Par conséquent, nous croyons que les saisies en matière pénale ne doivent pas être assujetties aux nouvelles dispositions prévues à l'avant-projet de loi. Ces nouvelles procédures s'avèrent opportunes en matière civile lorsque les montants en jeu sont importants. Mais elles ne sont pas adaptées à la réalité des petits montants qui sont en cause en matière pénale. Rappelons-nous que la moyenne des 200 000 brefs de saisie est d'environ 300 $. L'UMQ propose que les procédures de saisie en matière pénale fassent l'objet d'une autre réflexion à laquelle il nous fera plaisir de collaborer. Il pourrait, par exemple, être envisagé d'intégrer explicitement dans le Code des procédures pénales les dispositions actuelles relatives aux saisies en matière pénale, ce qui éviterait de référer au Code de procédure civile.

Les saisies en matière pénale comportent plusieurs particularités versus celles en matière civile. Il s'avère important que l'avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile en tienne compte, tant pour les municipalités que pour le gouvernement, qui a, lui aussi, par ailleurs, des créances du même ordre en matière pénale. Même en matière civile, pour des montants de moins de 15 000 $, l'UMQ se questionne sur la pertinence d'alourdir le système actuel avec l'implantation d'un registre central. En matière civile, les municipalités les plus populeuses peuvent émettre jusqu'à 440 brefs de saisie par année. Ceux-ci sont émis à 95 % pour des saisies de moins de 15 000 $. La centralisation des avis d'exécution et le besoin de confier leur préparation à des huissiers pour ce type de saisies sont aussi questionnables. Les coûts engendrés par la mise en place d'un registre central apparaissent démesurés par rapport aux bénéfices escomptés, puisque le taux de perception est actuellement excellent dans l'ensemble des créances municipales en matière civile.

Aussi, en matière civile il devra y avoir une réflexion sur la base des montants de saisies qui devraient être assujettis au registre. Les saisies effectuées pour des montants de moins de 15 000 $ ne devraient pas, à notre avis, être assujetties à des mécanismes qui ont été pensés pour des saisies impliquant de gros montants. D'ailleurs, le législateur semble avoir reconnu cette réalité. Les nouvelles procédures de saisie ne s'appliquent pas aux saisies effectuées suite à un jugement rendu par le Tribunal des petites créances, soit pour des sommes de moins de 15 000 $. En toute cohérence, nous demandons que soient aussi exclues de ces nouvelles procédures toutes les saisies pratiquées pour des créances de moins de 15 000 $, pour rendre la situation semblable à celle prévue en matière de petites créances.

En conclusion, rappelons-nous que le but poursuivi par le Plan Accès Justice est d'offrir un meilleur accès à un système de justice plus rapide et moins coûteux. Notre passage s'inscrit donc dans les objectifs poursuivis par le ministre Fournier. Les cours municipales offrent déjà une justice accessible, plus rapide, moins coûteuse pour les citoyens.

En terminant, je vous remercie et je remercie les membres de la commission d'avoir entendu ces commentaires de l'Union des municipalités du Québec. Et c'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, M. le ministre.

M. Fournier: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je voudrais remercier notre collègue de Vimont aussi qui s'est associé à l'ouverture de nos travaux avec une grande habileté. Et je le remercie qu'on ait pu, donc, entreprendre le début de cet échange, qui ne sera pas très long, parce qu'évidemment, lorsque le travail s'est fait sur le code pendant de nombreuses années, disons que ce n'était pas la préoccupation première, bien qu'on puisse, lorsqu'on arrive dans les détails, avoir des interprétations de la sorte.

Alors, entendons-nous sur une chose, nous sommes sur la même ligne. Tout l'objectif, c'est d'avoir des procédures moins nombreuses, moins longues, pas de délai. Si on est capables de se donner des outils de coordination, dans les saisies, au bénéfice des débiteurs et même des créanciers dans un registre, peut-être qu'il y a lieu de se demander où il doit s'appliquer. Mettons que ça, c'est un autre aspect.

L'aspect principal de ce que vous soulevez est d'abord sur la compréhension pourtant qui n'est pas à des années-lumière, ce que vous dites, de ce qui a été dit dans le code, peut-être mal écrit, mais le Code de procédure pénale continue de s'appliquer de la façon dont il a été écrit, là. Ça continuera de s'appliquer. Et le rôle du huissier n'avait pas à être de prendre le rôle du percepteur. Peut-être que la façon dont c'était écrit, cela permettait d'entrevoir cette conséquence. Pas du tout. Vous décrivez un système qui fonctionne, et on va s'assurer que le système fonctionne, ne soit pas changé par un système qui serait plus complexe. Alors, je ne sais pas si on a lieu d'en discuter très, très longtemps. Pour là-dessus, ça va.

Je comprends aussi la question du registre pour une moyenne de 300 $, parce que là on n'a pas... en tout cas, généralement, là, dans ces cas-là, il n'y aura pas multitude de créanciers en train de multiplier les actes de saisie à l'égard de différents biens. Puis là on pourrait commencer à se dire: Si on concentrait ça, on aurait moins de procédure, et moins de coûts, et plus de facilité pour tout le monde. L'idée du registre n'est pas nécessairement mauvaise, mais peut-être que dans certaines matières l'idée ne s'applique tout simplement pas. Je veux dire, l'idée est bonne, là, mais ça s'applique quand il y a... avec un certain montant. En plus, là, on parle de contraventions pénales. C'est très particulier. Ce n'est pas des... contractuelles où il pourrait y avoir plusieurs créanciers différents, là. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas des cas où une même personne peut être, à l'égard d'une cause civile et d'une cause pénale, peut être le même débiteur. Mais, bon, on est dans des nombres de cas moins grands, et ce que vous soulevez, c'est de nous dire: Bien, même s'il y avait ce nombre de cas-là, imaginez le gain fait par le registre par rapport à la perte de facilité qu'on a présentement. Dans la balance des inconvénients, j'ai l'impression que je vous donne raison assez facilement. D'ailleurs, on en avait parlé, avant de venir à la rencontre aujourd'hui, pour se dire: Bien, comment on interprète ce qui nous est dit. Alors, on a convenu qu'il y avait des correctifs à faire pour vous permettre de protéger le système.

Cela étant dit, puisque j'ai dit cela, je n'ai pas beaucoup d'autres questions à vous poser. Je vous remercie d'être là, cependant. Et vous avez bien fait, puis on a tous bien fait de procéder par un avant-projet de loi. Ça nous permet d'entendre tout le monde. Restez aux aguets. Un code de procédure avec une réforme globale, ça va contenir encore beaucoup d'articles. Il est possible qu'il y ait d'autres libellés qui peuvent soulever des problématiques, mais on va espérer de les régler avant la rédaction du projet de loi. Alors, merci d'être là.

**(10 heures)**

M. Forest (Éric): Merci, M. le ministre. Écoutez, effectivement, il faut dire que le Code de procédure pénale a été révisé, actualisé dans les années quatre-vingt-douze. Je pense qu'on a la conclusion que ça fonctionne très bien, compte tenu du volume traité. Maintenant, on est aussi très disposés à ce qu'éventuellement on puisse y réfléchir pour encore améliorer ce code-là. Mais actuellement, compte tenu du volume, là, 200 000 brefs de saisie, on regarde l'efficacité, le taux de récupération à plus de 90 %, je pense qu'on a un système qui est efficace, comme cour de première instance.

M. Fournier: Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, je vais céder la parole à Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Bonjour. Alors, merci d'avoir pris le temps de venir nous présenter votre mémoire. Écoutez, moi, je l'ai lu, je vous ai entendus, c'est très clair et très convaincant. Donc, je pense que, peut-être un peu comme le ministre l'a dit, j'imagine que le focus n'avait pas été mis sur votre réalité, cette réalité-là, mais je pense que c'est important de bien saisir que ce n'est pas la même réalité que ce à quoi on répond avec les dispositions dont vous nous avez parlé. Alors, moi aussi, disons que vous m'avez convaincue de la pertinence de vos représentations.

Mais, pendant que vous êtes ici, je me demandais simplement... Évidemment, vous êtes régis par la Loi sur les cours municipales, mais je me demandais... Parce que les cours municipales sont des cours en général qui sont assez bien appréciées, de proximité, tout ça, mais, dans votre optique, est-ce qu'il y a des gestes qui pourraient être posés pour faciliter l'accès à vos cours, spécifiquement? Est-ce qu'il y a des problèmes qui reviennent, qui font en sorte que les choses pourraient se faire avec plus de facilité, de célérité?

M. Forest (Éric): Écoutez, c'est une bonne question. Peut-être que je pourrais référer aux gens qui m'accompagnent, qui vivent le quotidien des cours municipales, particulièrement Sherbrooke et Montréal, là. Est-ce qu'il y a des gestes qu'on peut poser concrètement?

M. Briand (Yves): Bien, je vous dirais que l'accès... Comme on dit, la Loi sur les cours municipales prévoit que c'est une justice de proximité. Et effectivement la présence des cours municipales sur l'ensemble du territoire québécois permet à des justiciables d'avoir la justice près de chez lui. Et il n'y a pas de mesure, je vous dirais, à court terme qu'on pourrait prendre pour rendre la justice plus accessible. C'est facilement accessible avec le Code de procédure pénale qui a été mis en place, comme on a dit, en 1992. On a limité les déplacements, donc souvent un défendeur va avoir à se présenter, en matière pénale, juste au moment du procès parce qu'il y a plein de choses qui vont se passer avant. Il n'a pas à se déplacer pour comparaître à la cour comme en matière criminelle, il n'y a pas de pro forma qui sont... La divulgation de la preuve peut se faire avant le procès, par la poste. Donc, il y a des mesures qui sont déjà mises en place, qui vont faciliter la vie du défendeur puis faire en sorte que la justice se rende plus rapidement.

Je peux vous dire, par exemple: À la cour municipale de la ville de Montréal, on a le procès sur rendez-vous, où est-ce que la personne peut prendre un rendez-vous, savoir quelle journée, à quel endroit -- parce qu'on a un chef-lieu qui est au centre-ville de Montréal, mais on a également des points de services sur l'ensemble de l'île -- et il choisit à quel endroit qu'il veut avoir son procès. Donc, il y a déjà des mesures qui sont mises en place pour accélérer le traitement des dossiers et également faciliter l'accessibilité.

Mme Hivon: ...dans une logique qui est différente. Les gens qui vont jusqu'à un procès, une contestation ne sont pas nécessairement pressés comme ils le sont parfois quand ils ont une chicane avec leurs voisins. Bien, c'est intéressant d'entendre... Puis je comprends aussi que la majorité des cas... J'étais impressionnée d'entendre que vous récupérez 90 % de vos créances, en général. Donc, ça veut dire, j'imagine, qu'il y a beaucoup de règlements aussi qui se font, de paiements, d'étalements de paiement, d'essayer de trouver des terrains d'entente avec les contrevenants. Donc, je pense que c'est un chiffre qui est éloquent.

M. Briand (Yves): Bien, c'est une réalité, effectivement. Le percepteur... Une des mesures qu'on veut mettre en place avec l'avant-projet de loi, c'est de donner au huissier la possibilité de faire des ententes de paiement, de faire des paiements échelonnés. Ça existe déjà dans les cours municipales. Le percepteur, c'est son rôle de rencontrer le défendeur -- souvent, c'est des petites créances, très petites créances, c'est des gens qui sont démunis -- puis de voir de quelle façon que la personne peut payer.

Par exemple, à la ville de Montréal, clientèle itinérante, on peut avoir certaines problématiques à ce que ces gens-là puissent payer leurs contraventions. On les rencontre, puis on met des termes très, très longs, puis on essaie de limiter les frais. Puis, quand on dit: On veut limiter les frais au niveau de l'inscription au registre, au niveau de l'avis qui doit être transcrit au huissier, bien ça va être des frais qui vont être facturés plus tard. Et le défendeur, quant à lui, il nous dit: Pourquoi qu'on me facture ces frais? C'est parce que c'est prévu au tarif. On n'a pas le choix, c'est ce que la loi prévoit. Donc, c'est pour ça qu'on dit: Il faut limiter les frais puis s'assurer que les mesures qui sont déjà mises en place puissent fonctionner.

M. Forest (Éric): Puis un des éléments importants également... Exemple, la collaboration avec la Société de l'assurance automobile du Québec, où, lorsqu'on émet un bref et qu'il y a une menace de suspension de permis... Parce que la grande majorité des cas sont soit des cas de contravention ou... Et donc le fait de conjuguer nos efforts, ça nous aide. La personne voit qu'elle... pas perdre son permis pour 300 $. La moyenne est de 300 $. Donc, la concertation de ces... et la cour municipale et la Société d'assurance automobile nous donne, je pense, un niveau de récupération assez élevé.

Mme Hivon: Merci beaucoup.

Mme Perron (Marie-Claude): ...ce qui aide aussi à la perception des comptes, c'est la vitesse à laquelle les causes sont entendues. Puisque les délais sont très courts, la personne reçoit son constat d'infraction, se présente, si elle le conteste, à la cour assez rapidement, ce qui fait que c'est toujours dans la mémoire des gens. Alors, lorsqu'ils reçoivent un jugement, bien ils sont aptes à le payer plus rapidement.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme Perron. Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions? Donc, M. le député de Vimont.

M. Auclair: Écoutez, je vais peut-être être un peu hors sujet, mais, étant donné que vous abordez l'application directe des cours municipales dans le quotidien, dans la municipalité... Je sais que dans la municipalité de Sherbrooke il y a maintenant l'application d'un code du logement, et on faisait état du code, de... l'application du Code du logement avait une certaine répercussion sur les cours, les tribunaux municipaux. Est-ce que l'impact est majeur, chez vous, d'avoir beaucoup de dossiers qui touchent justement le Code du logement?

Mme Perron (Marie-Claude): Bien, le Code du logement a été implanté il n'y a pas très, très longtemps, alors on n'a pas vu encore un grand impact sur le nombre de constats d'infractions émis ou non et qui se présenteront devant la cour municipale. Maintenant, ce sont des dossiers qui peuvent passer... qui sont sous la juridiction de la cour municipale, donc, s'il y avait lieu d'une augmentation du nombre de constats d'infraction, on serait capables de répondre sans problème, à la cour municipale de Sherbrooke. On aura bientôt un nouveau juge, nous espérons, mais il n'y a pas de problème à répondre à cette demande-là.

M. Auclair: O.K. Donc, les municipalités qui voient le Code du logement comme étant une lourdeur administrative, ce n'est pas l'implication que vous avez, l'impact que vous avez chez vous, là?

Mme Perron (Marie-Claude): Bien, pas pour le moment.

M. Auclair: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autre intervention, je vais vous remercier pour votre présence, M. Forest et toute votre équipe.

Et je vais maintenant inviter Mme Sylvie Guillemard à bien vouloir s'avancer.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 7)

 

(Reprise à 10 h 11)

La Présidente (Mme Vallée): Donc, nous allons reprendre. Je souhaite la bienvenue à Mme Sylvette Guillemard. Alors, Mme Guillemard, vous disposez d'une période de 20 minutes pour faire votre présentation... 15 minutes, pardon, pour faire votre présentation. Par la suite, des blocs d'échange de 20 minutes pourront avoir lieu. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.

Mme Sylvette Guillemard

Mme Guillemard (Sylvette): Merci, madame. Mesdames, messieurs, pour débuter, je souhaite préciser quelque chose, car je veux qu'il n'y ait aucune ambiguïté dans mes propos. Je ne suis pas contre la médiation. C'est un mode de résolution des difficultés entre humains. Comment pourrait-on y être opposé? En revanche, oui, je suis opposée à son appropriation par le droit et en particulier à sa judiciarisation, soit à son inclusion dans un code de procédure civile. Et à cela deux raisons principales. D'abord, sur le plan de l'efficacité, enfermer un mode amiable de résolution des litiges, avec tout ce que cela implique de liberté, de souplesse, je dirais presque d'intimité dans le cas de la médiation, dans le carcan d'un code, normaliser de façon formelle des rapports entre êtres humains risque en l'occurrence d'aboutir au contraire du but recherché, soit éloigner les justiciables de ces modes non judiciaires de règlement des différends.

L'autre raison, c'est qu'un code de procédure civile doit comporter les règles de procédure, de conduite devant les tribunaux judiciaires. Si vous me permettez l'expression, je dirais qu'un code de procédure civile n'est pas le récipient naturel pour des règles comme celles dont nous parlons et qui relèvent principalement du domaine privé. Un code de procédure civile doit régir la marche de la justice publique et ce qui touche ou ce qui peut avoir des répercussions sur ce service public.

Par exemple, un code de procédure civile ne régit pas les rapports entre un courtier immobilier et ses clients, ni le déroulement d'une séance chez un conseiller conjugal, pour prendre un exemple de situation conflictuelle, ni les droits et obligations des patients et de leurs médecins. Il ne doit pas plus avoir vocation à se mêler de la médiation. Je parle ici de ce que l'on peut désigner par médiation ordinaire, extrajudiciaire et qui est prévu aux articles 610 à 617 de l'avant-projet.

Pendant que je suis dans les précisions, je limite mes propos aux matières civiles et commerciales.

En passant, je note une erreur ou un abus de langage de façon générale dans l'avant-projet de Code de procédure civile, qui parle de mode de prévention des différends. D'abord, force est de constater que, malgré ce qu'annonce l'article 1°, il ne comporte aucune règle en ce sens. D'ailleurs, comment le pourrait-il? On ne peut, personne, pas plus le codificateur que le meilleur des conseillers, empêcher des difficultés, des différends, donc, de surgir à partir du moment où il y a des rapports humains. Comme l'écrit fort justement la juge Otis, «au cours des millénaires[...], l'être humain est demeuré, avec la plus parfaite constance, une créature conflictuelle». Ce que l'on peut prévenir en revanche, c'est que ces difficultés, ces différends ne s'enveniment et éventuellement se transforment en litige, soit une difficulté soulevant une question de droit et donc portée éventuellement à l'attention des tribunaux judiciaires. Il serait nettement plus approprié et donc moins trompeur de parler de mode non judiciaire de règlement des différends lorsque l'on évoque la médiation, la négociation ou même l'arbitrage. «Prévention des différends» est une expression accrocheuse mais qui ne rime à rien.

Une autre mise en garde s'impose. Certains brandissent l'exemple français, dont le Code de procédure civile comporte des dispositions, disent-ils, sur la médiation. Ces personnes prétendent que l'avant-projet de Code de procédure civile dont nous parlons aujourd'hui s'inscrit dans la foulée de la loi française -- à vrai dire, du droit européen -- et que le Québec, voulant moderniser son droit, doit suivre cet exemple. C'est à croire que ces personnes n'ont pas lu le texte français.

Que fait le code français? D'abord, il ne porte nullement sur la médiation en général mais traite uniquement de la médiation que l'on pourrait qualifier de judiciaire, c'est-à-dire celle qui intervient à l'occasion ou dans le cadre d'une instance judiciaire, soit l'équivalent temporel au moins de notre conférence de règlement à l'amiable. Ensuite, il régit les rapports entre cette médiation et la justice étatique. Il traite des répercussions de la première sur la seconde. Le premier des articles prévoit ainsi le pouvoir du juge étatique de nommer un médiateur. Le lien entre ce type de médiation et la justice étatique est alors évident et justifie l'intervention du codificateur. Les 14 articles suivants sont une suite logique de ce pouvoir donné au juge en portant sur le sujet de la médiation, tout ou seulement une partie du litige, la durée de la médiation, les caractéristiques de la personne désignée par le juge, l'information donnée par cette personne au juge sur les difficultés rencontrées, l'absence de possibilité d'appel de la décision du juge d'ordonner la médiation ou d'y mettre fin, etc.

À n'en pas douter, les personnes qui invoquent l'exemple français n'ont pas non plus lu notre Code de procédure civile actuel, articles 151.14 et suivants, ni les articles 157 à 161 de l'avant-projet, qui comportent, les uns et les autres, des dispositions sinon semblables à celles du code français, du moins équivalentes, mutatis mutandis, et qui régissent, comme je viens de le dire, la conférence de règlement à l'amiable, parfois appelée médiation, médiation judiciaire.

J'en viens à la médiation ordinaire, celle qui correspond au troisième scénario que je vous ai proposé dans mon mémoire, et je vais poser un certain nombre de questions.

Si les deux voisins décident de tenter de s'entendre, de parvenir à un accord, à une solution sans s'adresser aux tribunaux, quel impact le fait qu'ils négocient, soit seuls, soit avec l'aide d'un tiers -- c'est ça, la médiation -- quel impact cela peut-il avoir sur la compétence d'un tribunal? En d'autres termes, la justice étatique doit-elle, peut-elle être mise en branle, alors que parallèlement les justiciables cherchent à résoudre leurs difficultés par eux-mêmes? Si les personnes en question ont saisi le tribunal étatique et, au cours de l'instance, décident d'essayer de s'entendre entre elles en dehors du palais de justice, soit seules, soit avec l'aide d'un médiateur, qu'en est-il de la poursuite de la procédure étatique? Sera-t-elle interrompue, suspendue? Si elles ne parviennent pas à un accord, dans quelle mesure les efforts qu'elles ont déployés pendant la négociation ou la médiation doivent-ils être pris en compte par le juge qui sera finalement saisi de l'affaire? À la limite, faut-il, pour pouvoir s'adresser à la justice étatique, avoir tenté autre chose avant? Si les personnes parviennent à un accord, quel impact cela peut-il ou doit-il avoir sur la poursuite des procédures étatiques? Le juge peut-il, doit-il inciter les justiciables engagés dans des procédures devant lui à tenter une autre voie pour résoudre leurs difficultés? L'accord intervenu entre les voisins à l'amiable doit-il être entériné par une autorité étatique?

Ces questions non limitatives et proposées en vrac ne concernent pas directement le recours à des modes non judiciaires de règlement des différends, en l'occurrence la médiation, son fonctionnement, son déroulement, mais touchent principalement la justice étatique, dans la mesure où elle est concernée ou susceptible d'être concernée par la dispute entre les deux voisins et la façon dont ils choisissent de la régler.

À mon avis, ce que le codificateur québécois devrait s'attacher et se limiter à faire, c'est répondre à ce genre de questions, autrement dit, régir les rapports entre le recours à la médiation et autres modes privés de règlement des différends, et le système public.

Pour ce qui est des principes et règles contenus dans l'avant-projet, je ne vais pas les passer en revue ici. Cela ferait double emploi avec le mémoire que je vous ai remis. Je veux juste les synthétiser en rappelant que les dispositions sur les rôles et devoirs des parties et du médiateur, articles 610 à 613, ainsi que celles sur le déroulement de la médiation, articles 614 à 617, ne présentent aucun lien avec la procédure devant les tribunaux mais constituent plutôt un guide pratique à l'usage des parties et du médiateur. On peut douter de l'opportunité de telles règles dans un code de procédure civile. Même plus, on peut s'interroger sur la nature essentiellement juridique de telles dispositions.

Quant aux principes concernant les modes non judiciaires de règlement des différends en général, contenus dans l'avant-projet aux articles 1 à 7, permettez-moi de vous dire qu'ils ne me semblent pas d'une très grande utilité. J'ai même peur qu'ils ne remplissent pas leur devoir de sécurité et de prévisibilité que tout texte de loi doit assurer aux citoyens.

Pour terminer, je vais m'exprimer non seulement comme professeure de droit et avocate, mais également comme citoyenne, justement. Cet avant-projet, donc ce code en devenir que les députés de mon pays seront appelés à sanctionner, établit, comme le dit sa disposition préliminaire, «les principes de la justice civile». Et le code commence par ces mots, article 1°: «La justice civile privée repose sur les modes privés...», etc. Qu'un code de procédure civile, élaboré par le législateur, puis adopté par l'Assemblée nationale, fasse la promotion de la justice privée et en plus d'entrée de jeu, prioritairement, avant de statuer sur la justice publique me semble tout à fait, je vais dire, inapproprié. Merci.

**(10 h 20)**

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Fournier: Commençons par cela. Pourquoi c'est inapproprié?

Mme Guillemard (Sylvette): Parce que c'est de la justice privée. Le Code de procédure doit s'attacher à régir, je dirais, les affaires de l'État, la justice publique, les règles publiques.

M. Fournier: Évidemment, dans une société, c'est normal d'avoir plusieurs positions différentes, et les positions peuvent être différentes sans être, sans avoir l'intention de tromper. Parfois des libellés peuvent être malencontreux mais pas trompeurs, je croirais.

Ceci étant, plusieurs groupes sont venus nous voir, l'Institut de médiation et d'arbitrage, l'Observatoire du droit à la justice, d'autres professeurs, que vous connaissez évidemment, là, Mme Louise Lalonde, et d'autres aussi -- le Barreau viendra un peu plus tard -- avec des opinions, disons, moins catégoriques et parfois opposées à celle que vous mentionnez aujourd'hui. Mais vous avez droit à votre opinion, évidemment. La plupart... J'oserais presque dire: Un certain consensus se dégage, après deux semaines de consultation, à l'effet qu'il y a un lien entre la justice dite privée -- on peut aimer ou pas le qualificatif... en trouver un autre -- et la justice publique. Ce lien pourrait s'appeler citoyen, justiciable, personne humaine.

C'est le coeur de toute loi, puisque vous nous interpellez un peu à titre de législateurs, dans l'ensemble de nos actions, c'est un peu l'objectif, je crois, qu'il y a de pouvoir assurer, en matière de justice adjudicatrice, publique, de pouvoir assurer que les parties, avant de s'en remettre à cette justice publique, aient fait... pas tous les efforts pour s'entendre, ce n'est pas ce qui est prévu comme encadrement, quoiqu'on puisse en... On peut discuter de l'article 7, là, puis je n'ai pas de problème à ce que des libellés soient revus, là, on en a déjà parlé, d'ailleurs. Mais, sur l'option choisie, qui est de dire, de considérer jusqu'à quel point cela est inconvenant pour une société qui offre cette justice publique, de dire aux parties: Avant que nous nous saisissions, dans ce système bâti avec les taxes et les impôts de tout le monde, avant que nous nous saisissions de cette demande, est-ce que vous avez considéré d'autres moyens...

Je vous le dis bien franchement, je trouve ça super important et je trouve que ce lien où on rappelle aux parties... rappelle... Rappeler, c'est comme s'ils le savaient déjà. Tout le monde est venu nous dire que personne, personne n'a développé... Il y en a qui disent: La culture est déjà là. Mais la plupart des gens disent: Écoutez, il faut tendre vers ça, il faut que les parties acceptent de s'impliquer dans le règlement de leurs conflits, litiges, on verra, mais ils ont une part. Et honnêtement c'est sûr qu'autant en le lisant qu'en vous entendant il y a une certaine confrontation qui s'établit. Puis je n'ai pas le goût qu'on fasse une confrontation mais qu'on se rapproche, un peu dans l'esprit du livre I, parce que je crois qu'il y a un lien entre les deux. C'est pour ça que je vous demande: Pourquoi vous dites qu'il n'y a pas de lien? Je crois qu'il y a un lien entre les deux. Le lien, ce n'est pas de dire que la même règle procédurale s'applique dans l'un ou dans l'autre des moyens. Évidemment que non. Mais on parle toujours d'une situation où un citoyen a un problème dans lequel il y a un élément juridique. On parlera tantôt de l'article 5, parce que parfois il y a d'autres éléments. Mais en quoi cela fait-il outrage à tel point que cela peut devenir dangereux?

Parce qu'un des points que vous soulignez, c'est que l'encadrement -- et franchement je ne suis pas sûr que c'est si encadré que ça, mais, bon, c'est une question de degré, j'imagine -- l'encadrement pourrait faire diminuer l'attrait pour la médiation. Tout le monde sont venus nous dire qu'une chance qu'il y a ça pour amener les gens à la médiation. Alors, si je vous écoute et j'enlève ça, bien je pense qu'on va recommencer la commission avec tous ceux qui sont venus jusqu'ici nous dire le contraire, puis il va falloir qu'on trouve un autre consensus.

Alors, peut-être qu'une façon de répondre à tout ce que je suis en train de vous dire, c'est: Expliquez-moi pourquoi il faudrait que je sois convaincu que ce que nous faisons est dangereux pour la médiation, alors que je pense... ou les autres moyens de règlement, alors que je pense que c'est plutôt une opportunité, une main tendue, de développer cette implication citoyenne.

Mme Guillemard (Sylvette): D'abord, M. le ministre, merci pour vos remarques. Et ensuite, parmi la liste de questions que j'ai soumises, là, tout à l'heure en vrac, il y en a une: À la limite, faut-il, pour pouvoir s'adresser à la justice étatique, avoir tenté autre chose avant? C'est exactement ce que vous dites. D'ailleurs, l'avant-projet le prévoit, effectivement. Donc là, il y a un lien évident entre les efforts déployés pour s'entendre sur un autre terrain, quand le cas s'y prête... Parce qu'il y a aussi toute cette difficulté de: Tous les cas sont-ils susceptibles d'être présentés devant un juge et par ailleurs tous les cas sont sont-ils susceptibles d'être réglés par médiation? Mais ça, on n'entrera pas dans ce catalogue-là, sinon on n'en sortirait pas. Mais effectivement c'est une des questions dont j'ai parlé en disant: C'est ça que le législateur doit faire.

L'autre chose, pour parler poliment, je dirais que j'ai une formation de médiatrice, je n'exerce pas. Or, je suis sûre que les trois quarts des gens que vous avez entendus jusqu'à présent exercent la médiation. Comprenez ce qu'il y a à comprendre de cette remarque-là.

Je n'ai pas dit non plus que -- je le pensais il y a quelques années et je le pense moins maintenant -- la médiation doit être peut-être laissée complètement libre de toute règle juridique. Je dis que ce n'est pas à sa place dans un code de procédure civile. Je n'ai pas dit qu'il ne fallait pas légiférer sur la médiation. Je n'ai pas dit qu'il fallait... D'ailleurs, dans mon mémoire, je le dis: Pourquoi ne pas adopter une loi comme la loi sur les infirmiers et infirmières, ou autres choses? Pourquoi pas? Ça, à ce moment-là, peut-être que je reréfléchirais à la question. Mais, dans un code de procédure, non, je suis sûre que ce n'est pas à sa place. La procédure, c'est la marche des tribunaux étatiques que nous payons avec, par exemple, nos impôts. C'est un code et en plus... Bon, on ne va pas parler non plus de la différence entre une loi et un code, je ne vous apprendrai certainement rien. Mais ce n'est pas la place...

Regardez, juste pour donner un exemple au hasard, article 617: «La médiation débute, sans formalités, le jour où les parties conviennent d'engager le processus d'un commun accord ou sur l'initiative de l'une d'elles.» Quel lien avec la procédure étatique? Que vous ayez un principe général au début du code qui dit: Avant de mettre en branle la machine judiciaire -- parce que c'est bien ça, avec tout ce que ça implique, dont il est question -- essayez donc, pour des raisons de saine économie, pour des raisons de désengorgement des tribunaux ou ce que vous voulez, pas la peine de le dire au justiciable, mais essayez donc de vous entendre par vous-mêmes ou d'une autre façon. Et à ce moment-là, si vous avez fait cette première étape, eh bien, peut-être que les tribunaux vous seront ouverts prioritairement, ou peu importe. Mais donc là, oui, il y a un lien, comme je l'ai dit, comme vous l'avez suggéré, comme l'avant-projet le prévoit. Mais dire: «La médiation débute, sans formalités...», je ne vois vraiment pas où est le lien avec la procédure étatique, et c'est ça que je remets en question, notamment.

**(10 h 30)**

M. Fournier: Mais commençons par le premier point, où il y a clairement un lien là-dessus, on s'entend. Donc, je sens qu'on va... pas à pas, nous allons nous rapprocher. Il y a un lien dans le fait que, la procédure étatique, si on l'appelle ainsi, on lui suggère, dès le moment où elle se met en branle, de s'assurer que les parties auront considéré, et je vais être plus précis, auront considéré, auront tenu compte qu'il existe de tels autres moyens. Il n'y a pas fait... et d'ailleurs vous le savez pour avoir sûrement suivi nos travaux, plusieurs l'ont dit, il n'y a pas, sous réserve d'un libellé à l'article 7, je l'ai dit, qui sera modifié... Parce que l'objectif n'est pas de forcer d'entrer dans cette procédure de médiation, ou autres. L'objectif est d'accélérer la prise de conscience chez certains qu'on peut régler des problèmes autrement que par la voie judiciaire et que... Pour certains peut-être c'est moins connu. On me dit que dans les universités cela commence à enseigner, à donner une formation aux avocats de venir... d'aller vers ces options. Le bâtonnier lui-même, le bâtonnier Ouimet, l'an dernier lui-même disait: Il faut que les avocats cessent d'être des guerriers.

Tout ça pour dire quoi? Tout ça pour dire qu'il y a un changement qui doit s'accélérer... pas qu'il n'est pas commencé, là, il existe, mais qui doit s'accélérer. Alors, le législateur veut favoriser ce changement, et un des moyens qu'il a choisis, c'est de dire à sa machine judiciaire: Assure-toi que les parties, avec leurs conseillers, l'auront fait. Je crois, au moins où nous pouvons nous entendre sur cet élément, cet article a sa raison d'être, dans le Code de procédure civile, parce qu'il est en lien direct avec le lancement de la machine judiciaire.

Sur les autres éléments, là, je vais aller chercher vos compétences professorales. Si un article de loi ne rajoute rien en termes juridiques, ne crée pas de problème en termes juridiques mais, au niveau pédagogique, a une utilité avérée, permettant de supporter toute l'ossature de la loi ou du code, devrions-nous faire l'économie d'une disposition écrite à cet effet sous prétexte, par exemple, que la pureté du droit voudrait qu'il n'y soit pas?

Mme Guillemard (Sylvette): Bon, je vais répondre... justement, ça m'amène à répondre à un argument, tout à l'heure, auquel je n'ai pas pensé à répondre, et c'est le fait que beaucoup de mes collègues, semble-t-il, disent qu'au contraire le fait que ce soit normé, on va dire, je ne sais pas comment appeler ça, disons, que ce procédé de règlement des difficultés humaines soit encadré par le droit va lui donner une autorité, je ne sais pas, enfin, un attrait, disons. Et vous me dites: Bien, vous, Sylvette Guillemard, vous êtes tout à fait opposée à ça. Je veux juste revenir là-dessus. Bien, je ne suis pas très savante, mais ce que j'ai lu sur la médiation, ce que j'ai entendu, ce que j'ai entendu dans des congrès, etc., c'est de dire: Les citoyens, au fait, les justiciables, même, c'est-à-dire ceux qui seraient peut-être intéressés par la justice étatique, sont parfois effrayés par le faste, les ors, la solennité, le formalisme, etc. Donc, qu'est-ce qu'ils choisissent? Ils choisissent d'aller comme s'ils allaient, je dirais, chez le psychologue, si vous voulez. Moi, j'ai peur que, si le psychologue médiateur sort ça, ils vont se dire: Ah bien non! justement, on n'en voulait pas. C'est pour ça qu'on a fait appel à vous. On voulait... Ça ne veut pas dire que c'est la grande liberté non encadrée, etc. Et je reviens justement à votre dernière question. Encore une fois, je n'ai pas dit qu'il fallait totalement écarter la médiation du droit. J'ai dit que... Pas dans un code de procédure civile, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, je vais céder la parole à Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bonjour. Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, juste pour qu'on se situe bien, moi, j'ai compris qu'il y avait deux éléments fondamentaux sur lesquels, je dirais, vous n'êtes pas d'accord: la manière avec laquelle, dans l'avant-projet de loi, on présente la justice privée d'entrée de jeu -- donc, je vais vouloir revenir là-dessus -- et par ailleurs les articles sur le fonctionnement. Et donc ça va être en deux volets.

Je comprends que vous n'êtes pas complètement fermée à l'idée qu'on fasse référence de manière générale à l'existence de cette justice autre. Moi aussi, je me questionne sur «justice privée», je dois dire, l'appellation. J'aimerais peut-être d'ailleurs vous entendre là-dessus, sur le «privée» versus d'autres appellations qu'on entend couramment. Je me dis: Si on veut donner une impulsion, si on veut transformer aussi... Je pense qu'il y a une volonté de transformer la vision de la justice civile, O.K., pour dire: La justice civile, c'est plus que les tribunaux, c'est plus que ce qu'on voit dans les émissions de télévision puis les recettes, c'est beaucoup plus large que ça. La justice civile, c'est aussi s'approprier nos conflits, c'est aussi prévenir l'apparition de différends. Je vous suis quand vous dites que peut-être que la prévention n'a aucun rapport avec ça, mais je pense que la justice civile, c'est beaucoup plus large que la procédure civile.

Donc, si on part de cette hypothèse-là et qu'on se dit: On fait une réforme de la procédure civile, mais on fait en quelque sorte une réforme que l'on souhaite plus large, on souhaite qu'elle englobe toute notre réflexion sur la justice civile et envoyer un signal clair aux citoyens que, contrairement à ce qu'ils ont vu traditionnellement, ce n'est pas ça, est-ce qu'il n'y a pas là une force? Peut-être que ça ne doit plus s'appeler un code de procédure civile. Moi, c'est une idée que je véhicule. Je dis: Peut-être que ça doit être un code de justice civile. Là, certains nous disent: Si c'est «code de justice civile», ça ne peut peut-être plus être «code», mais enfin. Moi, je pense qu'il y a un signal fort aussi pour dire que ce n'est plus que ça, mais on veut justement les mettre dans un même instrument pour montrer que c'est global.

Si je vous lance ça comme idée, est-ce que c'est une idée avec laquelle vous pouvez vivre ou en soi vous pensez un peu que les recettes... moi, j'appelle ça comme ça, c'est réducteur, mais la justice vraiment formelle devant tribunal doit vraiment s'autocontenir dans un instrument ou si on peut avoir l'ambition d'avoir un élément plus rassembleur?

Mme Guillemard (Sylvette): Pourquoi pas? Mais encore une fois, bon, sans être à cheval sur trop de choses, je pense qu'il y a d'autres voies législatives, à ce moment-là, pour le faire que la justice civile dans son... que la justice étatique, je veux dire, dans son code de procédure civile. Mais peut-être que c'est une excellente idée. Peut-être qu'il y a, à ce moment-là, à rassembler toutes les règles possibles sur la façon dont les citoyens peuvent régler leurs difficultés.

En passant, je regarde l'article 618, et ça va répondre en partie à la question: «Avant d'entreprendre la médiation, les parties précisent leurs engagements et leurs attentes; [et] le médiateur les informe sur son rôle et ses devoirs et [il] définit...» Est-ce que, dans le Code de procédure civile, on trouve une disposition imposant au juge dans un procès d'expliquer aux parties ce qui va se passer, comment ça va se faire? Souvent, ils le font pour des considérations humaines, mais il n'a aucune obligation, à ma connaissance, sauf peut-être dans le nouveau Code de procédure.

Bref, j'en reviens toujours à mon idée. C'est que, qu'il y ait un lien ou des liens, comme on considère actuellement un code de procédure, hein, qu'il y ait un lien ou des liens avec d'autres façons de régler ces différends, certains, d'ailleurs... Et ça, c'est une question extrêmement vaste: Est-ce que tous les différends passent par l'application d'une règle de droit? Si oui, à ce moment-là, est-ce qu'ils sont automatiquement dirigés vers la justice adjudicatoire, c'est-à-dire justice publique ou arbitrage, qui est un forme privée de règlement des différends, etc.?

Mais, moi, je ne suis pas opposée à ce que nous fassions, les uns et les autres, que ce soit par l'enseignement, par les lois, par la publicité, je ne sais pas, la promotion d'autres façons de régler ces différents que devant les tribunaux. Écoutez, je suis avocate, membre du Barreau et je ne vais pas devant les tribunaux. Ce n'est pas ma façon de m'exprimer à moi qui est la meilleure. Donc, je sais très bien que pour les justiciables ce n'est pas forcément la panacée non plus. Il y a d'autres façons, soit fondamentales, parce que le problème entre elles, entre les personnes, ne nécessite pas justement de mettre en branle l'administration de la justice, soit parce qu'elles, justement, elles veulent se détacher de tout ce cadre, de tout cet encadrement.

Alors, moi, je ne suis pas contre une révision, alors, tout à fait globale, effectivement, de nos façons dans notre société québécoise actuelle -- mais il faut voir et projeter ce que ça pourrait être dans 50 ans -- d'une façon d'envisager l'ensemble des modes de résolution des différends. Mais alors, à ce moment-là, il va falloir mettre un article disant que le juge doit faire ceci, doit faire cela si le médiateur doit le faire.

**(10 h 40)**

Mme Hivon: Je trouve que c'est une excellente suggestion, pour ce qui est du juge, parce que... d'autant plus qu'on lui donne un rôle fondamental beaucoup plus interventionniste et qu'on parle de pédagogie.

Mme Guillemard (Sylvette): ...la justice humaine, la justice étatique aussi doit l'être.

Mme Hivon: Oui, effectivement. Et puis son rôle... Certains sont venus nous entretenir des périls de modifier le rôle du juge. Pour plusieurs autres, c'est au contraire quelque chose qui est bienvenu d'essayer de lui donner ce rôle-là. Bon. Donc, je vous suis.

Moi, je vous dirais que ma crainte, par exemple, de sortir tout ce qui a trait aux modes autres -- je vais les appeler comme ça -- alternatifs de règlement, ce serait justement de les encarcaner dans quelque chose qui serait, je dirais, vu comme en marge ou qui n'a pas de lien. Puis je pense qu'il peut y avoir cette volonté-là de faire les liens. Il faut bien les faire.

Pour ce qui est, par ailleurs, des articles -- je disais que c'était l'autre élément sur lequel vous avez l'air, là, vraiment opposée, clairement -- les articles qui expliquent plus le rôle du médiateur, comment ça devrait fonctionner, puis tout ça, je comprends, de ce que vous nous dites, que, pour ce qui est de ces articles-là, là vous avez vraiment une opposition formelle, parce que vous estimez que ça n'a aucune portée d'aller mettre ça là, que ça n'a aucun lien -- et je pousse votre raisonnement, vous me corrigerez -- d'autant plus si on estime que ces modes-là ne sont pas complètement arrimés à la justice publique et qu'ils doivent laisser un espace de liberté.

Par ailleurs, si on veut que la médiation prenne pleinement son envol -- il y a une volonté derrière ça évidemment qu'il y ait un élan, un essor, parce qu'on pense que la responsabilisation des justiciables peut être une bonne idée pour différentes raisons, que ça peut faciliter l'accessibilité -- est-ce qu'on doit quand même prévoir ça -- c'est ce que je veux voir avec vous -- ailleurs? Est-ce qu'alors vous dites: Il faut encadrer, pas juste par un service d'accréditation, mais par une loi formelle, ce qu'on prévoit être les balises de la médiation ou de ces modes autres, ou si on laisse complètement la liberté aux médiateurs de trouver leurs terrains d'entente?

Mme Guillemard (Sylvette): Pourquoi les médiateurs seraient des gens malhonnêtes et incompétents? Pourquoi le médiateur ne serait pas en mesure, après avoir reçu une formation, puisqu'ils reçoivent tous les mêmes... des formations, de mener à bien une médiation? Vous savez comme moi, comme je l'ai fait remarquer dans mon mémoire, que de toute façon ils sont encadrés, comme n'importe quelle activité humaine est encadrée par le droit commun. Et, je dirais même plus, de toute façon ils ont aussi une responsabilité contractuelle, puisque, lorsqu'on engage quelqu'un, on fait plus ou moins formellement un contrat avec cette personne-là, et il y a donc des obligations contractuelles.

Donc, je dirais qu'a priori, moi, je ne suis pas en faveur à tout crin d'une légalisation de la profession, de l'encadrement du déroulement, etc. Mais, bon, je n'ai pas encore énormément réfléchi à cette question. Enfin, j'y ai un petit peu réfléchi, quand même. Mais pourquoi pas, si vous voulez, à la limite pourquoi pas? Est-ce que, par exemple... je ne sais pas comment ça s'appelle en termes savants, mais les conseillers conjugaux -- ça existe, je ne sais pas comment ça s'appelle -- est-ce qu'ils sont encadrés législativement? Est-ce que mon jardinier qui vient chez moi est encadré législativement? Alors, on peut prendre deux options et dire: Le droit -- et je devrais être en faveur de ça -- le droit encadre toutes les activités humaines et, à partir du moment où l'activité est, je dirais, de façon régulière instaurée comme une institution, ce que peut être la médiation, à ce moment-là cette activité-là nécessite un encadrement législatif.

Donc, pour répondre à votre question, et c'est ce que je dis un peu depuis le début, à la limite, si le législateur québécois estime qu'il faut encadrer par des normes, par des règles de droit l'activité de la médiation, c'est-à-dire aussi bien la conduite de la médiation, faire une espèce de minicode de procédure, de déroulement de la médiation, oui, mais, moi, je ne suis pas convaincue que ce soit nécessaire, puisque de toute façon toute activité humaine et tous rapports humains se situent sous la coupe du droit.

Et je reviens quand même à l'idée, justement, que M. le ministre a soulevée, et ça touche un petit peu aussi à vos propos, madame. Oui, alors vous avez entendu des tas de gens qui disent: Oui, oui, oui, il faut encadrer, il faut légiférer. Mais je peux vous dire qu'il y en a d'autres aussi qui sont plutôt de mon avis, en ce qui a trait en tout cas à l'inclusion dans le Code de procédure civile, mais je pense quand même que les citoyens dans leur ensemble ont droit à une part, justement, de souplesse et de liberté, et, si on leur dit, par un article du Code de procédure civile que, nous, les avocats, nous allons leur lire, quand ils vont venir en disant: Je veux saisir le tribunal ou je veux poursuivre mon voisin... On va leur dire: Regardez, le code prévoit que peut-être vous devriez d'abord envisager une autre avenue. Ah bon! Et laquelle? Et ça ne sera pas formel, ça ne sera pas devant un juge. Il n'y aura pas d'huissier, il n'y aura pas de garde de sécurité à la porte. On ne parlera pas de droit, on va parler de vos besoins, de vos intérêts et de la relation dans laquelle s'est immiscé un grain de sable. Est-ce que... Ah! mais, attention, vous allez être encadré quand même par le Code de procédure civile. Je trouve que c'est un langage un petit peu contradictoire, si vous voulez. Mais fondamentalement, s'il est nécessaire, si la société a besoin d'encadrer la médiation par des normes, je ne suis pas opposée à ça. Je suis opposée à son inclusion dans un code de procédure civile.

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup. Alors, M. le ministre.

M. Fournier: Oui, bien, pas longuement. Mais vous n'êtes pas seule. Je n'ai pas...

Mme Guillemard (Sylvette): Ça, ça m'est égal, M. le ministre, je défendrais mon point de vue quand même.

M. Fournier: Oui, oui. Non, sans problème. Mais je veux juste vous dire que ce n'est pas parce que je citais des groupes qui étaient venus ici que j'étais obnubilé par leur présence. D'abord, parce qu'il y a eu des échanges avant de faire un avant-projet de loi, puis on a parlé à d'autre monde sans que les caméras soient ouvertes. Et dans le monde juridique... C'est un peu pourquoi j'utilisais le... En tout cas, j'ai parlé de droit pur ou en tout cas j'ai parlé de pureté, en tout cas, au moins, tantôt. Parce qu'il y a une vision qui m'a été exprimée à l'effet que le Code de procédure civile, c'est le code de la cour, et je vous vois faire une affirmation au même sens, et, pour moi, ça doit d'abord être le code du citoyen. Alors, peut-être...

Mme Guillemard (Sylvette): Devant la cour, oui, exactement.

**(10 h 50)**

M. Fournier: Peut-être qu'on le nomme mal, mais c'est une bonne différence. Code de la cour ou code du citoyen devant la cour, déjà c'est une bonne différence. Alors, moi, la présentation qu'on me faisait, c'est «code de la cour». Et même certains, et là ils vont se reconnaître: C'est ma cour, c'est mon code! Bon. Alors, disons que ce n'est pas un avis que j'ai suivi, parce que fondamentalement, au-delà des libellés, puis des articles, puis tout ça, là, fondamentalement, le parti pris de faire cet avant-projet de loi... On verra comment il deviendra un projet de loi et on verra si le législateur, l'ensemble des membres veulent en faire une loi, on verra bien, mais la volonté, certainement, de celui qui propose l'avant-projet de loi, c'est de faire en sorte que cette vision d'un code de la cour puisse passer par des règles qui permettent de régler des problématiques de citoyens qui parfois vont utiliser le moyen -- certains disaient «traditionnel» -- du processus judiciaire, de la cour, encore agrémenté à la sauce de: Peut-on s'entendre quand même?, avec tout ce qui est ajouté, pas par le code mais par les moyens qui ont été pris dernièrement, là, dans les années, où franchement même la cour dite traditionnelle et pure accepte d'aller vers des moyens qui n'étaient pas utilisés avant. Donc, il y a une évolution même de ce côté-là. Mais la philosophie de base, c'est de se dire: Il peut y avoir autre chose qu'une justice décrétée par un tiers face à une problématique entre parties.

Bon. Moi, je ne suis pas fermé à ce que ça s'appelle autrement, mais encore que «Code de procédure civile» doit-il être vu... Puis je comprends bien qu'en procédure... Là où je vous donne un point avec le mot «procédure», c'est sur le point où vous dites: Il y a un encadrement de la... Vous dites: Puisque je vois un encadrement de la médiation, donc on pourrait déceler qu'il y a une procédure. Je ne suis pas tout à fait du même point de vue. C'est pour ça que peut-être que le mot «procédure» a un problème avec la médiation autrement, parce que, moi, je considère qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de souplesse. Je ne vois pas les menottes, je ne vois pas l'encadrement rigide qui empêche la médiation de rendre les services auxquels on demande... qu'on demande qu'elle puisse rendre. Bien sûr qu'on dit, dans l'ordre judiciaire: Assurez-vous que les autres modes ont été considérés. Bon, ça, ça va. Je pense que, l'ordre judiciaire, on peut lui demander de faire cette tâche-là, on s'entend. C'est sûr que, si je lui dis: Considère quelque chose, il faut que je le nomme. Là, minimalement, il faut que je dise il considère quoi. Alors, je nomme, je définis un peu, sommairement, sans...

Alors là, on est dans: Bien, oui, il faut nommer, jusqu'où j'ai nommé, qui encadre. Moi, je crois que jusqu'ici il n'y a pas eu de contrainte, je dirais, procédurale à la médiation, qui devient une recette à suivre obligatoirement et donc enlève la souplesse nécessaire à ces moyens-là. Je ne les vois pas. Qu'il y ait... comme il y en a, par exemple, dans la procédure dite civile, la procédure civile traditionnelle, où là il y a vraiment, il y a des étapes prévues, il y a... D'ailleurs, on va avoir le Barreau tantôt. Faites-vous-en pas, là, on va parler des heures consacrées aux interrogatoires, aux expertises. Là, on est vraiment dans la procédure dite pure. Mais, à l'égard des autres modes de règlement des différends, je cherche. Et dites-moi -- parce que peut-être qu'il faut changer des libellés -- dites-moi où il y a un encadrement qui fait en sorte de perdre la potentialité de succès de la médiation. Encore une fois, c'est un peu ce que je vous ai demandé tantôt, parce que c'est ce bout-là, moi, qui m'a frappé dans votre présentation. Parce qu'on demande de considérer, ce à quoi on s'entend, il faut bien que je nomme. Mais vous dites: La façon que... Je crois avoir compris que la façon que je nomme, ça encadre, et donc, en encadrant, il n'y a plus d'utilité. J'ai mal compris?

Mme Guillemard (Sylvette): M. le ministre, on peut parler de quelque chose dans un code, dans une loi sans développer ce quelque chose. Sinon, alors, les codes et les lois deviendraient interminables, hein? Donc, dire aux citoyens: Avez-vous envisagé autre chose que le recours au tribunal judiciaire? n'oblige pas à décrire par le menu détail le coup de téléphone qu'ils doivent se passer pour essayer de discuter entre eux, la médiation, l'arbitrage, toute autre forme... D'ailleurs, il y a un article que j'adore, je crois que c'est l'article 1... enfin que -- bon, je ne sais plus trop -- que les parties, donc, les justiciables peuvent recourir à toute autre forme de règlement des différends qu'ils souhaitent en dehors de ceux prévus dans le code. J'ai cherché. À part le tirage au sort, je ne vois pas grand-chose d'autre, d'ailleurs. Alors, pourquoi ne pas décrire le tirage au sort aussi? On prend des dés, on en prend deux, de telle taille, de telle forme, etc. Ce serait ça.

Pourquoi est-il nécessaire d'encadrer législativement la médiation, lorsqu'on dit aux gens: Avez-vous... lorsque le juge ou le greffier, peu importe, ou le greffe va leur demander: Affirmez solennellement qu'avant de saisir le tribunal vous avez essayé autre chose? Est-ce qu'il est indispensable de définir cette autre chose, par le menu détail, en tout cas?

Là où je vous suis... Regardez, je viens d'avoir une idée, un peu inspirée par madame. Ça, là, appelez-le donc Code de règlement des différends, et ça va aller très bien. Et là vous pourrez mettre tout ce que vous voulez dedans, à mon point de vue.

Ceci dit...

La Présidente (Mme Vallée): Pour deux minutes.

Mme Guillemard (Sylvette): Ceci dit, au-delà des règles mêmes, et, si vous voulez, on va les repasser en revue, moi, ce que je pense et ce que je crains, et je ne ferai pas des parallèles avec d'autres domaines de la vie des citoyens, mais c'est à partir du moment où les deux voisins vont savoir que leur médiateur... Parce que, je m'excuse, ce n'est pas le code des médiés, c'est le code des médiateurs, hein, ça s'adresse aux médiateurs, le déroulement de la médiation. Alors, est-ce que c'est le Code de procédure civile des juges et non pas celui des justiciables? Ça aussi, on peut s'interroger. Mais en tout cas, pour la médiation, je pense que c'est le médiateur qui va prendre connaissance surtout de ces dispositions et non pas le justiciable, alors que vous reprochez que certains pensent que le code, c'est le code du juge. Bon, enfin, bref, est-ce que les justiciables -- justement, c'est sur le principe même -- ils choisissent la médiation parce que ça se fait comme on veut?

Alors, si vous me dites: Les articles 610 à 623, en l'occurrence, ce n'est pas obligatoire, ça ne doit pas effrayer les justiciables, eh bien, faisons-les sauter. À quoi ça sert? S'ils ne sont pas contraignants, si... Là, il y a un petit peu une ambiguïté, pour moi. Vous me dites: Regardez, ça n'encadre pas tellement. Alors, si ça n'encadre pas tellement, n'encadrons pas. Ou alors ça encadre, et, si ça encadre, j'ai peur... même un cadre souple. Parce qu'il peut y en avoir des plus rigides que d'autres. J'enseigne la procédure civile, je sais de quoi je parle. Mais je pense justement que le justiciable qui va en médiation plutôt que devant le tribunal... Parce que tous les différends ne s'y prêtent pas. Mais ceux qui ont ces options-là, s'ils choisissent la médiation, c'est justement parce qu'ils savent, de bouche à oreille, par leur belle-soeur, par ce qu'ils ont entendu à la télé, par ceci, par cela...

La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie. Je suis désolée, je dois vous interrompre. Le temps imparti est écoulé.

Mme Guillemard (Sylvette): Est-ce que je peux terminer ma phrase?

La Présidente (Mme Vallée): D'accord.

Mme Guillemard (Sylvette): Enfin, on a deviné la fin. C'est parce qu'ils savent que c'est très souple et qu'il n'y a pas à se conformer à un code et ce qu'eux vont comprendre comme un texte de loi, si le médiateur leur dit: Bon, attendez, en vertu de l'article 618, je suis obligé de vous apprendre... etc. C'est je ne dirais pas contre-productif, mais c'est un peu opposé à l'esprit même de ce règlement souple.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Par où commencer? Vous disiez par ailleurs que, bon, vous êtes réfractaire, vous êtes opposée -- je pense qu'on peut dire «opposée» -- à l'idée, donc, de venir encadrer, définir ce qu'est la médiation, comment ça doit s'exercer, puis tout ça, du moins dans le code. Par ailleurs, vous sembliez nous dire qu'en France, eux, ils ont une démarche autre. Ils ne viennent pas encadrer, mais ils viennent prévoir les effets. Donc, de ce que je comprends, c'est: Quand il y a un arrimage à faire entre la justice dite privée et la justice publique, on vient un peu prévoir les effets, comment ça fonctionne. Bon. Je comprends de vos propos que ça, vous trouvez que c'est plutôt absent et que... Vous ne trouvez pas que c'est absent? O.K. Donc, vous trouvez que c'est là et que c'est bien mais que ça devrait être juste ça.

Mme Guillemard (Sylvette): Oui.

Mme Hivon: Bon, parfait. Parce que, c'est ça, je voulais vous amener sur l'article 618, dont vous parlez à la page 25 de votre mémoire d'ailleurs, quand vous soulevez la question de la transaction. Et là vous dites: On devrait prendre ça de l'autre côté, ça devrait être normalement une transaction, à moins que les parties en décident autrement. Suivant votre plaidoyer pour la souplesse, puis tout ça, est-ce que l'idée de dire aux gens: Si vous voulez que ça se retrouve un peu en lien avec la justice publique, ça doit absolument passer par la transaction... est-ce qu'on ne vient pas justement mettre le carcan que vous déplorez, ou c'est alors acceptable parce qu'évidemment ce sera la volonté de la personne de vouloir alors s'inscrire dans un processus de justice publique?

Mme Guillemard (Sylvette): Je réponds d'abord pour le code français. C'est exactement ce que, nous, on appelle la conférence de règlement à l'amiable. Bon, sauf que ce n'est pas un juge qui officie comme médiateur, mais c'est exactement l'équivalent. Donc, ça existe déjà et c'est reproduit de façon fort heureuse.

Mme Hivon: O.K. Donc, juste pour clarifier, ce n'est pas, comme tel, les modes, je dirais, privés, en partie...

Mme Guillemard (Sylvette): Pas du tout.

Mme Hivon: ...c'est vraiment...

Mme Guillemard (Sylvette): C'est vraiment le lien...

Mme Hivon: ...uniquement le contexte de la conciliation.

Mme Guillemard (Sylvette): Oui, oui.

Mme Hivon: O.K. Je comprends mieux. Parfait.

**(11 heures)**

Mme Guillemard (Sylvette): Tout à fait, tout à fait, tout à fait. Alors, justement, les gens qui n'ont pas lu disent: Ah! le code français parle de médiation, nous aussi, on va... Non. Mais, nous, on parle: Ah! le code québécois parle de conférence de règlement à l'amiable. C'est exactement pareil.

Je pense que, quand on parle de transaction, on parle de l'article 621, je pense, hein? «L'entente contient les engagements...», etc. «Elle ne constitue une transaction que si la matière...» Enfin, bon. Bien, peut-être que, moi, j'ai une version un peu plus vieille. Enfin, peu importe, on s'entend là-dessus. Il y a une différence entre «couronné de succès» et «se lier par un accord» lorsqu'on a enfin fait la paix, si j'ose dire, ou enfin obtenu le résultat recherché, et encadrer et contraindre le cheminement pour arriver à ce résultat.

Ceci dit, bon, je n'ai pas énormément réfléchi à la transaction, mais je me dis: Quand même, c'est comme... Vous savez, c'est exactement comme -- comment on appelle ça? -- l'accord hors cour, l'entente hors cour, là, quand on est engagé dans le procès et puis que la veille les avocats se téléphonent en disant: Bien, non, on va arrêter... oui, d'accord, etc. Et ça, c'est une transaction et ça doit être entériné. C'est exactement pareil. Que sur une base volontaire, justement, je me... Si vous voulez, je pense que les parties, lorsqu'elles engagent une médiation ou lorsqu'elles s'engagent dans une médiation, elles vont là pour obtenir un résultat, hein? Le voisin, il a en assez qu'il y ait de l'ombre sur ses plantes et il veut continuer à se livrer à sa passion, l'horticulture. Donc, s'il décide d'aller en médiation avec son voisin, c'est pour réussir à trouver une solution. Que là on me dise: Ta solution, elle va être entérinée ou tu peux la faire entériner, mettons, par un juge, effectivement, pourquoi pas? De toute façon, je suis de bonne foi. Lorsque je vais en médiation, c'est parce que je veux aboutir à un résultat.

Donc, je trouve qu'il y a une différence entre, je dirais, le lien créé par le résultat et le, peut-être, formalisme -- mais là on peut penser justement à un formalisme léger -- et toute la procédure qui, elle, intervient à un moment où les gens sont en difficulté, justement. Il y a des problèmes relationnels, il y a des problèmes de dialogue, etc. On veut pouvoir parler, à la limite, le langage cru que l'on veut parler, sans trop exagérer, mais on veut pouvoir le faire, on veut pouvoir le faire aux heures qui nous conviennent, etc., de la façon et au lieu où on le fait, en s'adressant comme on veut à la personne qui va nous aider. Mais, une fois que l'entente est arrivée, toute la difficulté humaine est résolue, et là, on voit peut-être les choses d'un point de vue différent. Donc, pour moi, ce n'est pas contradictoire, si vous voulez, l'idée de faire ceci.

Cela dit, j'avais quand même un peu une surprise en lisant cela, puisque justement, dans la médiation judiciaire, la conférence de règlement à l'amiable, le codificateur, si j'ai bien compris le texte, actuellement et dans le projet, prévoit que l'entente intervenue est une transaction. Et la médiation qui serait extrajudiciaire ne donnerait pas lieu à transaction. C'est comme ça que je comprends ce texte.

Mme Hivon: C'est ça, pas automatiquement.

Mme Guillemard (Sylvette): Exactement, exactement, exactement.

Mme Hivon: Donc, c'est au choix des parties de le formaliser ou non, dans l'esprit, j'imagine, de cette souplesse, parce qu'on n'est pas dans le processus judiciaire, on est en amont, donc d'où cette liberté. Mais pour...

Mme Guillemard (Sylvette): Mais, ceci dit, excusez-moi, mais je pense qu'un accord, vous savez très bien comme moi, un accord lie les parties de toute façon, non seulement pour des questions de droit, mais pour des questions d'honneur, mais enfin, bon, même pour des questions de droit. À partir du moment où je dis à mon voisin: Oui, je m'engage à faire ceci, je le fais.

Mme Hivon: Pour poursuivre sur cet arrimage privé-public, dans la mesure où il y a cette nouvelle obligation, au troisième alinéa de l'article 1, que «les parties doivent considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend avant [d'aller devant les] tribunaux», tantôt vous avez émis l'idée que... enfin, vous sembliez dire... Je reprends. Pour plusieurs qui sont venus vous voir, il y a une lacune avec ça du fait qu'on prévoit une obligation, mais il n'y a rien de rattaché à l'obligation ou il n'y a pas d'incitatif ou ensuite de voie qui fait l'arrimage avec la voie traditionnelle ou... Bon. Tantôt, vous avez dit, je ne sais trop... Est-ce que ça ferait en sorte que, si, par exemple, ça échoue, on arrive dans le processus judiciaire à un moment x, plus loin, on ne reprend pas tout? Est-ce que vous avez réfléchi à ça? Est-ce que, pour vous, si cela doit demeurer... Je comprends que vous soulevez le problème de la compatibilité entre l'article 1 et 7 aussi, c'est un enjeu, mais, si on se fie juste à l'article 1, dans un premier temps, est-ce que vous voyez la nécessité d'encadrer davantage cette obligation ou ce lien-là, l'arrimage avec la justice publique, ou si comme ça vous pensez que c'est assez?

Mme Guillemard (Sylvette): J'ai confiance dans les citoyens, les justiciables. Pour moi, c'est assez. Peut-être qu'on peut leur demander une déclaration lorsqu'ils introduisent leurs requêtes introductives d'instance ou quelque chose comme ça, mais, non, pour moi, c'est assez. Et évidemment, excusez-moi, mais ça doit s'accompagner de publicité, d'une façon ou d'une autre, publicité gouvernementale, disons, faisant la promotion d'autres modes de règlement des différends, parce que sinon, ce serait beaucoup exiger des citoyens qu'ils arrivent tout d'un coup et qu'on leur dise: Ah! le Code de procédure civile vous oblige à avoir envisagé autre chose. Non, il faut faire la promotion de cette autre chose. Ça ne veut pas dire le décrire par le menu détail dans un Code de procédure civile.

Mme Hivon: Et, la manière dont vous lisez l'article 7, vous trouvez qu'il s'éloigne de l'article 1, parce que, si elles ne réussissent pas à régler leurs différends par la voie privée, ça vous donne l'impression que c'est plus contraignant que juste d'avoir «considérer»? Est-ce que c'est ça que je comprends quand vous avez soulevé la question?

Mme Guillemard (Sylvette): Je l'ai soulevée par pur intérêt littéraire, je dirais presque, pur intérêt de rédaction. Pour moi, ça ne pose pas un problème fondamental, mais c'est vrai qu'on peut y voir une ambiguïté. Et, vous savez, je suis professeure avant tout, et souvent les étudiants posent des questions auxquelles on ne s'attend pas. Je suis sûre qu'ils vont m'interroger là-dessus en disant: Oh! qu'est-ce que ça veut dire? L'article 1 dit ça, l'article 7 dit ça. Alors, imaginez, si les étudiants en droit se le disent, peut-être que le citoyen aussi. Mais c'est une question de rédaction, pour moi. Pour moi, je comprends justement l'esprit du code comme favorisant le recours à autre chose ou incitant, plus exactement, les justiciables à tenter autre chose avant. Ça me semblerait beaucoup trop contraignant de les obliger. Ce serait, à mon avis, tout à fait déplacé même.

Mme Hivon: Puisqu'on en est justement dans le rédactionnel, «justice privée», l'expression, je comprends que vous n'aimez pas particulièrement. Vous suggérez quoi?

La Présidente (Mme Vallée): En quelques secondes.

Mme Guillemard (Sylvette):«Mode privé de règlement» ou «mode privé de justice». La justice privée, vous savez ce que c'est, fondamentalement, la justice privée? C'est ça. Et peut-être culturellement, je ne sais pas, mais, moi, ça me dérange énormément, d'abord comme expression, indépendamment du fait que ce soit contenu au code. Mais «mode privé», c'est différent. Mais la justice privée n'existe pas dans notre État de droit, de toute façon.

La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie beaucoup. C'est tout le temps que nous avions pour nos échanges. Alors, merci beaucoup de votre présence.

Et je vais suspendre quelques instants, le temps d'avoir le prochain groupe... que le prochain groupe puisse s'avancer.

(Suspension de la séance à 11 h 7)

 

(Reprise à 11 h 22)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, bonjour. Bienvenue à la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. Alors, Mmes Lévesque et Desjardins, vous disposez d'une période de 15 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, il y aura deux blocs d'échange totalisant 20 minutes avec les deux parties présentes. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.

Fédération des associations de familles
monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ)

Mme Lévesque (Sylvie): Alors, bonjour. Merci. Je vais essayer de faire comme si je n'étais pas trop essoufflée, mais bon... et ne pas parler trop vite. Je parle déjà beaucoup vite habituellement.

Alors, bonjour et merci de nous avoir invitées à participer à la présente consultation. La fédération existe depuis 1974. Au fil des années, la fédération a mené des actions importantes visant le mieux-être des familles monoparentales et recomposées. Parmi les dossiers sur lesquels la fédération s'est penchée activement, on retrouve notamment la lutte à la pauvreté, la reconnaissance et le financement des organismes Famille, les mesures de soutien à la famille, la médiation familiale et le traitement des pensions alimentaires pour enfants. Donc, ce n'est pas d'hier que notre fédération se préoccupe de l'accès à la justice pour les familles monoparentales et recomposées.

On ne s'étonnera donc pas que nous ayons été interpellées par l'annonce, en septembre 2011, d'un plan d'accès justice assorti de diverses mesures. D'ailleurs, la fédération s'est déjà prononcée sur quelques-unes des mesures dévoilées au cours des derniers mois, notamment sur certaines des bonifications apportées au programme d'aide juridique, sur la mise en place d'un service de révision simplifié des pensions alimentaires pour enfants et sur les modifications apportées à la médiation familiale.

Bien qu'à la fédération on ne dispose pas de ressources nécessaires pour faire une analyse approfondie de l'avant-projet de loi, puisqu'on n'est, à la fédération, pas juristes, et on sait que le Code de procédure civile, c'est un peu le livre de recettes des avocats et des avocates, on tenait quand même à nous exprimer brièvement sur certains des éléments susceptibles de toucher les familles que nous représentons.

Or, d'emblée, les objectifs poursuivis par l'avant-projet de loi nous apparaissent tout à fait louables. Par exemple, le fait de simplifier et de moderniser la structure du Code de procédure civile devrait en effet rendre le document un peu plus accessible. Cependant, il serait faux de prétendre qu'une majorité de citoyennes et de citoyens pourront bénéficier d'une compréhension suffisante pour se passer des services d'un juriste. À ce titre, nous croyons qu'il demeure incontournable de hausser substantiellement les seuils d'accessibilité à l'aide juridique.

Rappelons que les dernières hausses annoncées ont été jugées nettement insuffisantes par la coalition, dont la fédération fait partie. La coalition réclame en effet que les personnes seules travaillant au salaire minimum à temps plein aient accès gratuitement à l'aide juridique. Elle réclame aussi que les seuils d'admissibilité des autres catégories, incluant le volet avec contribution, soient augmentés en conséquence, que l'admissibilité à l'aide juridique soit déterminée en fonction du revenu mensuel et que les seuils d'admissibilité soient indexés annuellement.

Un autre élément de l'avant-projet de loi concerne l'encadrement des expertises. En effet, les articles 226 et 227 stipulent que le nouveau Code de procédure encouragera le recours à une expertise commune aux parties. Or, dans certains litiges, ceux concernant la garde d'enfants lors d'une rupture, qui nous concerne plus particulièrement, comment un seul expert pourrait-il défendre le point de vue des deux parents à la fois? Bien sûr, il est prévu à l'article 144 que les parties pourront décider de ne pas retenir les services d'un expert commun, mais elles devront alors justifier la raison auprès du juge, et ce dernier pourrait quand même l'ordonner s'il est d'avis que le respect de la règle de proportionnalité l'impose. On peut comprendre que l'objectif visé ici est de diminuer les frais d'expertise et la durée des procès, mais il ne faudrait pas que ces considérations ne viennent compromettre la possibilité pour les personnes d'être dûment représentées.

L'article 409 de la l'avant-projet de loi, pour sa part, vise à permettre le regroupement des demandes entre des conjoints de fait, lorsque la cour est déjà saisie d'une demande concernant leurs enfants, et de permettre, lorsque la Cour du Québec est saisie d'une demande en adoption ou en protection de la jeunesse, de se prononcer à titre accessoire sur la garde de l'enfant ou l'exercice de l'autorité parentale.

Or, la fédération a justement été intervenante dans une cause visant l'encadrement juridique des conjoints de fait -- qui a été entendue le 18 janvier en Cour suprême -- et qui vient tout juste d'être entendue. Depuis le début de son implication dans cette cause, la fédération tente de faire valoir que les conjoints de fait qui ont des enfants sont des familles à part entière et que ces dernières devraient donc bénéficier du même traitement que les couples mariés. À ce titre, la possibilité pour les conjoints de fait de présenter une seule demande regroupant l'ensemble des éléments concernant leurs enfants constitue un premier pas dans la bonne direction. La fédération croit cependant qu'il sera également nécessaire de réformer la Code civil du Québec de façon à faire cesser la disparité de traitement entre les enfants nés hors mariage et les enfants nés de parents mariés, lorsque survient une rupture. On sait que ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, mais on peut en parler si jamais ça vous intéresse.

Concernant la médiation familiale, finalement, l'article 414 concernant les séances d'information sur la parentalité et la médiation soulève d'importantes inquiétudes pour la fédération. En effet, cet article confère un caractère obligatoire à ces séances. «Dans toute affaire où il existe un différend mettant en jeu l'intérêt des parties et celui de leurs enfants[...], l'instruction de l'affaire ne peut avoir lieu, à moins que les parties n'aient participé, ensemble ou séparément, à une séance d'information portant sur la parentalité et la médiation.»

Pourtant, dans le Code de procédure actuel, l'article 814.10 prévoit qu'une partie puisse être exemptée de participer à la séance d'information. «Une partie qui a des motifs sérieux de ne pas participer à la séance d'information sur la médiation peut déclarer ce fait à un médiateur de son choix; ces motifs peuvent être liés, entre autres, au déséquilibre des forces en présence, à la capacité ou à l'état physique ou psychique de la partie ou, encore, à la distance importante qui sépare sa résidence de celle de l'autre partie.» On aura l'occasion d'en discuter plus à fond tantôt.

Mme Desjardins (Lorraine): Or, cette disparition de la possibilité d'être exempté de participer à la séance d'information sur la parentalité et la médiation constituerait, selon la fédération, un danger réel pour les victimes de violence conjugale. On n'est pas les premières à dire ça. En effet, même si la participation des parties à ce type de séance pourrait se faire séparément, nous craignons que la nature même du contenu de ces rencontres ne vienne fragiliser la décision des victimes de violence conjugale de quitter une relation de couple devenue dangereuse.

Rappelons qu'il y sera notamment question du choc psychologique de la rupture, de la réaction et des besoins des enfants, de la communication entre parents, etc. Or, pour les victimes, la décision d'entamer des démarches de séparation est souvent prise au prix de longs et difficiles processus. Au moment de la rupture, la femme victime de violence conjugale est prête à tout laisser tomber, parfois au risque de sa sécurité et de celle de ses enfants, pour acheter ce qu'elle croit être la paix. Rappelons également que la violence se poursuit souvent après la rupture et peut même s'intensifier.

Ainsi, pour la fédération et pour les groupes qui interviennent en violence conjugale, que vous avez rencontrés avant nous, on doit impérativement s'assurer que tous les moyens ont été mis en oeuvre de façon à soustraire les cas de violence conjugale de tout processus de médiation, incluant la séance d'information. Aussi, la fédération recommande depuis longtemps que les médiateurs, lorsqu'ils ont détecté la violence, soient tenus d'expliquer aux personnes concernées que la médiation n'est pas appropriée dans leur situation et leur conseiller de recourir aux tribunaux.

**(11 h 30)**

L'article 624 de l'avant-projet de loi réfère, pour sa part, au Règlement sur la médiation familiale. Or, nous aimerions profiter de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui pour aborder rapidement le projet de règlement modifiant le Règlement sur la médiation familiale, paru dans la Gazette officielle en novembre dernier et sur lequel la fédération a récemment fait parvenir un avis au ministre de la Justice. Le projet de règlement vise d'abord à modifier les conditions auxquelles un médiateur doit satisfaire pour être accrédité, afin d'inclure les psychoéducateurs et psychoéducatrices ainsi que les thérapeutes conjugaux et familiaux. La fédération accueille favorablement cette modification.

Cependant, il est dommage que l'on n'ait pas profité de l'occasion pour revoir également d'autres aspects des conditions d'accréditation. En effet, nous croyons qu'il y aurait certainement lieu de revoir à la hausse le nombre d'heures de formation réservées à la problématique de violence conjugale. En effet, présentement, seulement six heures de sensibilisation à la problématique de la violence intrafamiliale, particulièrement la violence conjugale, sont prévues dans le cadre de cette formation. Or, cette mesure est non seulement insuffisante pour faire des futurs médiateurs des professionnels véritablement aptes à intervenir dans les cas de violence, mais elle pourrait également leur conférer un faux sentiment de compétence. Comprenons bien que l'objectif poursuivi ici est seulement de permettre aux médiateurs de mieux déceler les cas de violence conjugale de façon à les exclure de tout processus de médiation.

Le projet de règlement vise également à modifier les honoraires payables par un service de médiation familiale pour une séance de médiation. Ces derniers vont passer de 95 $ à 110 $. Bien sûr, cette augmentation pourrait représenter un incitatif intéressant pour attirer un plus grand nombre de médiateurs potentiels. Cependant, pour les parents qui ne pourront parvenir à une entente à l'intérieur de la période couverte par les séances gratuites, il en coûtera désormais plus cher pour chaque séance de médiation additionnelle.

D'autre part, les modifications proposées entraîneront certaines pertes dans les services offerts aux parents. En effet, même si ces derniers continueront d'avoir droit à des services gratuits d'une durée totale de 7 h 30 min lors d'une demande initiale, seulement cinq de ces heures seront consacrées à des séances privées avec leurs médiateurs, incluant le temps consacré à la rédaction du résumé des ententes, puisque 2 h 30 min seront désormais consacrées à la séance d'information de groupe. Or, dans la structure tarifaire actuelle, ce sont six séances gratuites d'une durée totale moyenne de 1 h 15 min, donc de 7 h 30 min au total, auxquelles les parents ont droit, qu'ils aient ou non une séance d'information. Il y aurait donc, au bout du compte, une perte de temps de gratuité consacré à des rencontres privées avec un médiateur. Si c'est le cas, cela obligera les parties qui auront besoin d'un plus grand nombre de séances pour s'entendre à défrayer les coûts des séances additionnelles. Or, rappelons qu'un sondage mené en 1999 auprès des médiateurs faisait ressortir que 88 % des médiateurs étaient d'avis que la gratuité était un facteur de participation des parties et que le motif le plus souvent évoqué pour se retirer de la médiation était la fin de la gratuité.

En conclusion, les divers éléments du Plan Action Justice témoignent d'un certain effort, de la part du gouvernement du Québec, de permettre un meilleur accès à la justice pour les Québécoises et les Québécois. Il reste cependant encore pas mal de chemin à faire avant de pouvoir affirmer que l'ensemble des citoyennes et des citoyens verront une augmentation véritable de leur capacité de faire valoir leurs droits devant les tribunaux.

La question du financement de ces mesures demeure également centrale. La création du Fonds Accès Justice serait sensée soutenir une bonne partie des nouvelles initiatives mentionnées précédemment. Nous l'espérons sincèrement, tout comme nous souhaitons que le gouvernement s'assurera de la disponibilité des services dans l'ensemble des régions du Québec. Or, si on se fie au manque de ressources ressenti dans les services déjà existants à l'aide juridique, en médiation familiale et en supervision des droits d'accès notamment, on est en droit de se demander de quelle façon on assurera le déploiement des ressources suffisantes pour répondre aux besoins des nouvelles mesures annoncées. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Fournier: Oui. Merci beaucoup. Merci de votre survol des autres mesures, étant entendu que je vais me consacrer un peu plus au Code de procédure, mais j'ai bien pris note de vos commentaires sur les autres éléments. En fait... Excusez?

Mme Lévesque (Sylvie): On va revenir pour les autres aussi.

M. Fournier: Ah oui, je n'ai pas de doute, puis ça fait plaisir. Ça me fait toujours plaisir, de toute façon, il n'y a pas de difficulté.

Il y a une question qui m'intéresse, là, particulièrement, c'est toute la question de pouvoir s'exclure pour des motifs sérieux. Puis je veux me concentrer à ça, parce que je ne veux pas qu'on commette de faux pas, et pour la violence conjugale effectivement, là, c'est la quatrième fois que c'est soulevé en deux semaines. On en a entendu parler pas mal et, dès le premier moment, on a déjà indiqué que -- je pense que vous le savez probablement, là -- qu'on était pour l'exclure, prendre les moyens, l'identifier, puis... On a tout entendu puis on va le faire. Je pense qu'on est suffisamment convaincus par tout ce qui a été dit.

Mais il n'y a pas toujours de la violence conjugale. Bon, alors, évacuons ça puis là concentrons-nous sur les autres cas. Dites-moi si je me trompe -- je vais avoir une prémisse -- il paraît que la médiation, ça aide, ça aide. Dans le système en ce moment -- et je me fie à ce qu'on me dit, là, il y en a plusieurs qui me l'ont dit -- il y a un certain système qui consiste à dire: J'ai un motif sérieux, je ne fais pas de médiation. Je ne veux pas le qualifier autrement qu'il y a une procédure, disons, systématique. Je cherche à éviter la procédure systématique. Je cherche à faire en sorte que les gens puissent utiliser ce recours, tirer profit du recours. Puis je peux comprendre, puis je comprends tout ça, là, qu'on ne veut pas... Pour qu'il y ait une médiation, ça prend une certaine volonté, mais des fois, semble-t-il, de ce que j'en ai compris, l'étincelle, l'ouverture d'esprit permettant que la volonté de s'entendre émerge, ce n'est peut-être pas au premier jour. Puis d'ailleurs, tout ce qui est dit sur la parentalité, là, c'est beaucoup ça, hein, il y a beaucoup ça, là, une espèce de déclic, appelons ça comme ça, qui semble nécessaire. Bon, en tout cas, on l'a fait parce que les spécialistes nous l'ont demandé, dans le fond.

Ma question, c'est un peu la suivante: Si je reviens avec le libellé qui existe aujourd'hui, est-ce que je ne vais pas... finalement je ne vais pas profiter au maximum de la médiation. Je veux éviter le recours systématique à: J'ai un motif sérieux, bye, je n'y vais pas. Alors, qu'est-ce que je fais d'autre pour éviter ça? Ou bien vous me dites: Nous, on aime ça que les gens puissent invoquer le motif sérieux, puis ça finit là. Mais des fois c'est... puis il n'y a peut-être pas de motif. C'est ça, l'affaire. Alors, comment je fais, là? Et là j'oublie, je laisse de côté la violence, là, ce n'est pas de ça dont je parle. Je parle des cas où il n'y aurait pas de motif, mais une des parties pourrait décider que, moi, je ne joue pas là-dedans.

Mme Desjardins (Lorraine): C'est une bonne question. La médiation, c'est un processus qui est basé sur la bonne volonté des parties. S'il n'y a pas une volonté de s'entendre, bien il ne peut pas y avoir de médiation. Donc, c'est sûr que ce que vous amenez là... J'imagine que vous pensez peut-être à un libellé plus précis que juste «motif sérieux», là. C'est ça. C'est présentement... Écoutez, je ne suis pas juriste, je ne pourrais pas vous dire exactement quels mots il faudrait mettre là plutôt que «motif sérieux». Nous, en tout cas, ce qu'on voit sur le terrain, c'est que les gens, d'habitude, qui s'en vont en médiation, c'est parce qu'ils ont une réelle volonté de s'entendre. Et, si ce n'est pas là, bien ça ne donne pas grand-chose d'aller en médiation, là.

M. Fournier: Mon point, c'est le suivant: J'ai un problème parce que les gens... il y a une procédure d'évitement assez importante -- si ce n'était pas si important, là, je pense qu'on ne s'enfargerait pas là-dedans -- assez importante. Il faut essayer de la régler. Premier point.

Deuxième point, en ces matières particulièrement... Ça, c'est ce que je crois, mais je ne suis pas marié avec mes idées, là, puis quelqu'un me confirme le contraire, puis je pourrais l'accepter, là, je ne fais pas ça à tous les jours. Mais ce que je comprends, notamment en matière familiale... Je peux comprendre ça, avec tout ce que ça comporte d'émotions, entourant la rupture, de frictions. Je peux comprendre que l'idée que ça vaudrait la peine qu'on s'entende, ne serait-ce que parce qu'il y a des enfants -- ah oui! il y a des enfants -- cette idée-là, elle n'est peut-être pas présente à la première minute de la séparation, peut-être pas non plus à la troisième semaine, d'où l'idée, dans le système, d'avoir notamment les informations sur la parentalité qui servent de déclic. Je ne voudrais pas, sous prétexte qu'il n'y a pas une volonté au départ... je voudrais qu'on se donne toutes les chances que la volonté apparaisse. Et, si je peux systématiquement me sortir du système, je ne ferai pas apparaître cette volonté-là, et puis je ne pourrai pas tirer profit des bienfaits d'une entente, et je ne pourrai pas activer plus rapidement l'avènement d'une réduction d'acrimonie dans le conflit, d'où: Si je ne me trompe pas en disant que, par exemple, le... sur la parentalité permet d'offrir le déclic -- en certains cas assez important, c'est ce qu'on nous dit en tout cas -- si j'ai raison de dire ça, je ne veux pas permettre facilement aux gens de s'en sortir.

Alors, je ne veux pas vous forcer à me trouver un libellé, là, ce n'est pas ce que je vous demande, mais est-ce que je me trompe? Est-ce que le déclic, à votre avis... est-ce qu'il y a un déclic qui arrive? Parce qu'on s'entend pour dire que, pour que la médiation fonctionne, il faut que les gens veuillent. Puis je ne veux pas qualifier de volonté totale... quant à moi, là, je ne cherche pas une volonté totale. Non. Je cherche que ça marche, puis des fois, juste de se souvenir qu'il y a des enfants puis de comprendre les effets que ça peut avoir, je pense que ça peut amener cette volonté-là. Alors, c'est ce que... Écoutez, je vous parle, mais j'attends que vous me parliez, vous me disiez le vécu puis comment ca se passe, ce déclic, finalement, où tout à coup, père ou mère, là, je ne veux pas... qui voient qu'il y a un effet bénéfique à s'embarquer là-dedans.

**(11 h 40)**

Mme Lévesque (Sylvie): Bien, en fait, père ou mère... C'est parce que, nous, ce qu'on voit sur le terrain, c'est souvent plus les mères qui traînent les pères, encore aujourd'hui, à une séance de médiation.

M. Fournier: Pas de problème, je l'ai dit pour le bénéfice...

Mme Lévesque (Sylvie): Même si on est rendus en 2012, je pense qu'il y a encore des...

M. Fournier: Je le dis pour le bénéfice des «tweets» que je lis parfois de certains animateurs radiophoniques.

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, puis effectivement l'effet gratuit fait en sorte que, bon, on préfère effectivement... Puis c'est correct. Je pense que c'est important de pouvoir l'utiliser, parce que sinon, si effectivement on se ramasse avec un avocat, bien là, ça coûte cher puis, à notre point de vue, c'est totalement inutile. Encore faut-il que...

Quand vous parlez de déclic, justement, c'est que chacun, on n'est pas à la même place. Ou je ne sais pas si vous avez entendu M. Singly, la semaine passée, qui est un Français mais un chercheur français qui parlait de ce qui se passe en France mais qui ressemble aussi un peu au Québec. La majorité des ruptures sont initiées par les femmes. Donc, ça fait que la réalité, puis on le voit encore sur le terrain... Puis je prends souvent l'exemple du vidéo qui avait été fait par, je pense, le ministère de la Justice, au niveau de la médiation, qui m'a toujours frappée au début, parce que, quand les gens arrivent en médiation, tu vois le monsieur puis la madame, puis la madame, ça fait déjà à peu près un an qu'elle est déjà en processus, elle est déjà en rupture, elle a déjà pris sa décision, puis tu vois le gars, le monsieur qui dit: Bien, c'est quoi, le problème? Donc, quand vous parlez de déclic, là, c'est que... Puis on n'est pas dans des situations de haut conflit, là, mais il reste quand même... comme on dit, la rupture demeure pareil une souffrance, peu importe comment on la vit, à différents degrés. Donc, c'est sûr qu'on ne se ramasse pas, heureusement, dans toutes des situations de M. Turcotte et compagnie. Au contraire, nous, ce qu'on voit sur le terrain, c'est plus des situations de... C'est difficile, ce n'est pas facile pour tout le monde.

Donc, ceci étant dit, c'est plus pour amener qu'on n'est pas à la même place quand on arrive en médiation. Puis, même si on a une séance de parentalité qui ne devrait pas aller plus... Bon, je sais que ce n'est pas ça qui est prévu, mais la morale de dire: Bien, vous savez, là, si vous faites une rupture, il y a des conséquences sur les enfants... Bon, il me semble, quand tu es parent, tu devrais le savoir, mais, bon, il y en a qui ont besoin de le savoir de façon plus évidente. Mais tout ça pour dire que je pense que ça dépend où on est rendu, effectivement, puis je ne suis pas certaine qu'en 2 h 30 min... Parce que, nous, ce qu'on voit sur le terrain, même des fois une heure de séance, c'est trop, dans le sens que, pour certains médiateurs, ils nous disent des fois que sur le terrain ils ont besoin de temps entre chaque séance pour justement faire ce travail-là. Parce qu'on dit: C'est un processus. Ce n'est pas une panacée, la médiation. Les gens ne sont pas habitués d'être dans ces processus-là. Donc, ça prend du temps. Puis c'est surtout quand c'est en groupe aussi. Donc, ça va être des séances de groupe, là, la séance de parentalité. Puis c'est sûr que, quand on a toujours le caractère obligatoire, ce n'est pas mauvais, mais en même temps est-ce que ça fait que ça va permettre le déclic?

Enfin, la question se pose effectivement. Je pense qu'il n'y a pas nécessairement de recette. Ça dépend aussi comment était la situation avant la rupture, c'est tout le temps ça, la culture de la famille, et tout. Donc, c'est pour ça que je vous dis: On n'est pas rendu à la même place quand on est en processus de rupture, les femmes et les hommes, et à ce moment-là, si ça fait déjà un an, moi, que j'ai déjà décidé de... Bon, donc, il y a un travail à faire à ce niveau-là. Alors, effectivement... Mais en même temps, je pense, de la façon que vous amenez les affaires, en le mettant dans un caractère obligatoire... Puis ça je ne suis pas certaine que ça... En tout cas, ça ne fait pas en sorte qu'après 2 h 30 min... Ah! tout à coup, oui, il y a des effets sur les enfants. Enfin. Mais...

M. Fournier: Juste pour encadrer ça un peu mieux, là...

Mme Lévesque (Sylvie): Mais, nous, ce qu'on a senti, c'était pour aussi... Comme il manque de clients, entre guillemets, c'est sûr qu'en augmentant les honoraires je pense que c'est positif, ça permet d'aller chercher plus de médiateurs qui vont être intéressés à le faire. Je pense que c'est positif dans ce sens-là. Mais en même temps on sent par ça... Est-ce que, parce qu'il manque de clients, donc, on va un peu forcer les affaires? Enfin, c'est...

M. Fournier: Je veux juste terminer là-dessus, puis après ça juste... J'en ai peut-être pour trois minutes ou quatre, mais... Il n'y a pas de recette miracle, il n'y a personne qui prétend qu'il a des recettes miracles. Ça a été reformaté parce que le comité de suivi sur l'implantation de la médiation l'a analysé, puis là, bien, il y a tous les gens qui en font, puis qui sont bien plus experts que moi, puis qui disent: Bien, regardez, c'est comme ça que ça fonctionne, puis ça, ça marche bien. Ils ne m'ont jamais dit: Ça marche à tout... M. le ministre, faites ça, puis on gagne partout, là. Ce n'est pas ça. Le fait est que, dans la balance des inconvénients, des avantages et inconvénients, ce qu'on constate, c'est que, si le déclic ne se fait pas à le première minute, puis s'il ne se fait pas à la cinquième, puis ça se fait... il reste que c'est une mécanique qui favorise qu'il y ait une amélioration de la relation. Je n'ai pas dit qu'elle devient parfaite, là. Améliorer la relation, ça peut déjà vouloir dire qu'elle soit un petit peu moins pire.

Alors, est-ce que ça fait offense, est-ce qu'il y a un effet négatif? Parce que, si vous me dites: Ça ne marche pas tout le temps, ce n'est pas complet, moi, je veux... Mais il n'y a pas un effet pervers. En violence conjugale, j'ai capté l'effet pervers. Ça va. On n'est pas obligés d'être mariés avec nos idées quand on voit que ça ne marche pas. Mais, s'il n'y a pas d'effet pervers, je sais que je gagne, pour bien des cas, je gagne d'éviter qu'il y ait un congé d'embarquer dans un système où le déclic peut arriver. Alors, je ne veux pas qu'il y ait un congé. Je veux m'assurer que les gens puissent entrer là-dedans parce que je veux donner toutes les chances qu'il y ait un déclic. Est-ce que ça va être dans tous les cas? Non. Mais, pour ceux où ça ne marchera pas, est-ce qu'il y a un effet pervers? Est-ce qu'il y a un effet négatif du même ordre de celui de la violence conjugale? Si c'est vrai, bien là on va remettre ça en question, on va y repenser puis on va aller chercher, voir les fondements de tout ça. Mais, s'il n'y a pas un effet négatif, un effet pervers, un effet pernicieux puis qu'à la limite, dans certains cas, c'est un effet neutre mais que pour les autres -- si je me fie au comité, pas mal d'autres -- il y a un effet positif, je vais dire: Ça va être peut-être bien forcé, mais on va laisser faire le motif sérieux que je signe sur un petit papier, puis c'est fini, là. On va trouver le moyen d'encadrer ça. Donc, y a-t-il des effets pernicieux?

Mme Lévesque (Sylvie): Je pense qu'on peut difficilement... Bon, c'est sûr que ce n'est jamais mauvais de, comment dire, de conscientiser ou de rendre plus... les parents, en tout cas les gens... de comprendre davantage. Mais en même temps, comme je vous disais tantôt, quand on est parent, en principe on devrait savoir, pas besoin de se faire faire la morale, là, dans ce sens-là. Je pense qu'il y a des informations qui doivent être pas juste de l'ordre de la parentalité, mais aussi au niveau... Je ne sais pas ça va être quoi, le contenu de ça, mais je pense qu'il faut aller au-delà aussi de la parentalité, dans des informations peut-être juridiques ou, bon, des choses comme ça, qui doivent être données aussi aux gens parce qu'il y a beaucoup un manque d'information là-dessus. Donc, je pense qu'il faut aller aussi au-delà de ça. Et il faudrait voir dans... Quand vous dites que vous avez mis ça sur pied, c'est que j'imagine qu'il y a eu déjà des expériences pilotes. Est-ce que, dans les résultats que vous êtes allés chercher, justement, jusqu'à maintenant... Parce que, j'imagine, si ça a été avancé... Parce que ça a été fait, je pense, dans différentes régions actuellement. Il faudrait voir justement qu'est-ce que ça a eu comme effet jusqu'à maintenant. Vous avez des données sûrement là-dessus. Si vous l'avez proposé, c'est parce que c'est positif, là. Bien, je vous relance la question, là, mais c'est juste parce qu'on n'a pas de donnée là-dessus, nous.

M. Fournier: Mais c'est clair que ceux qui en font nous disent: Voilà le chemin, voici comment ça fonctionne, puis ça, c'est des projets qui marchent. Mais par contre ils ne m'ont pas dit: Il y a des effets pervers. Alors, moi, je vous demande à vous: Y a-t-il des effets pervers? Parce qu'à partir du moment où je dis: Vous ne vous en sortirez pas automatiquement facilement, je ne peux pas le faire s'il y a des effets pervers. Ils ne me l'ont pas dit qu'il y en avait. Vous êtes devant moi, vous me dites: Je voudrais garder le motif sérieux, puis sûrement pas parce que vous voulez dire: Je veux qu'ils prennent congé facilement, mais je continue, là, puis je me dis: Bon, O.K., si on écrit ça différemment, on encadre -- je ne veux pas faire de gaffe -- y a-t-il des effets pervers? Je n'en entends pas vraiment.

Mme Desjardins (Lorraine): J'aurais envie de vous répondre là-dessus. Il y a une chose qui me vient à l'esprit quand je vous entends. C'est: Si on oblige... Quand vous avez rencontré nos collègues du regroupement des maisons d'hébergement en violence... pour les femmes victimes de violence, elles vous disaient à quel point ce n'était pas toujours évident de détecter... Parce que vous leur avez posé des questions. La détection de la violence conjugale, ce n'est pas toujours évident non plus. Donc, il faut qu'il y ait une démarche qui ait été faite, et tout ça. Donc, le motif sérieux, des fois, il peut servir à ça. Sans nommer nécessairement la violence conjugale, la possibilité, pour motif sérieux, de se soustraire pourrait peut-être être un outil pour les cas de violence. Donc, nous, notre difficulté, c'est vraiment de rendre... c'est le caractère obligatoire qui est difficile.

Maintenant, c'est sûr que je pense qu'il y a certainement des personnes qui vont bénéficier de ce genre de 2 h 30 min là, mais ce n'est pas nécessairement tout le monde qui va avoir un déclic extraordinaire. Puis encore une fois je reviens avec l'idée que la médiation, c'est basé sur un consentement, une démarche volontaire, hein? C'est comme on... Il n'y a pas de médiation possible si dans les deux cas les deux personnes ne sont pas de bonne foi puis ne veulent pas médier, hein, mettons.

M. Fournier: Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste quatre minutes, M. le ministre.

M. Fournier: Ah! ça va, ça va. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Ça va aller?

M. Fournier: J'étais... je suis déjà en train de me dire: Comment on va écrire ça?

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Joliette.

**(11 h 50)**

Mme Hivon: Oui. Bonjour. Merci beaucoup de votre présence. Puis je profite de l'occasion pour vous remercier de votre engagement pour l'accès à la justice, parce qu'on sait que ce n'est pas votre mission première dans vos fonctions, dans votre mission de représentation, mais c'est quelque chose qu'on a vu prendre de l'ampleur dans vos prises de position, puis je pense que les familles doivent certainement l'apprécier. C'est un enjeu qui, je le souhaite, va prendre de plus en plus de place, je dirais, dans l'espace public, parce que souvent la justice, c'est traité un peu comme si c'était quelque chose qui allait de soi, alors que les problèmes d'accès à la justice sont vraiment fondamentaux. Ce n'est pas pour rien qu'on parle de décrochage judiciaire, on parle de perte de confiance, de désaffection. Donc, je veux vous remercier, parce que vous soulevez constamment les différents enjeux et vous vous positionnez aussi, comme vous l'avez fait pour l'aide juridique en faisant valoir que les hausses n'étaient pas assez importantes, les hausses récemment annoncées. Puis d'ailleurs le Barreau et la Commission des droits vous ont emboîté le pas. Le SARPA, je sais que vous poussez depuis longtemps sur ce dossier-là. C'est un dossier fort important, et j'espère tout comme vous qu'on va avoir des nouvelles bientôt. Je suis comme vous, je suis dans la répétition du message, mais je pense que le ministre m'a entendue aussi.

Par ailleurs, pour ce qui est de la médiation, je pense que c'est un point important que vous soulevez dans ce qui est proposé, la bonification, qui est proposée par le ministre, des honoraires. Je pense qu'évidemment c'est une bonne chose, mais effectivement, en ajoutant le séminaire de coparentalité, qui, je pense, en soi est une bonne idée aussi, bien on en vient à diminuer le nombre d'heures de médiation gratuite. Or, la médiation et le séminaire sont deux choses complètement différentes. Et ce n'est pas pour rien, d'ailleurs, qu'on se creuse les méninges à voir si on exclut, comme je pense que le ministre va le faire, de la question, toute la question de la médiation pour les cas de violence conjugale, la question qui subsistait un peu pour les séminaires de parentalité, parce que c'est deux choses différentes. Donc, effectivement, dans la réforme qui est proposée, oui, on peut saluer qu'il y ait cette nouvelle réalité là, mais le fait est qu'il y a une heure de moins de médiation gratuite, puis je comprends que, pour en arriver à un règlement, ça peut avoir un impact. Donc, il y a certainement là matière à réflexion pour s'assurer qu'il n'y a pas une diminution du service de médiation, qui, je le comprends, est fort apprécié.

Moi, je voulais vous amener sur la question, bon, de la violence conjugale. On a entendu beaucoup le message, on l'a bien compris. Deux éléments. Vous dites: Les médiateurs, dans leur formation, devraient passer plus de temps. Vous pouvez me rappeler combien de temps est consacré en ce moment à la problématique.

Mme Desjardins (Lorraine): Six heures.

Mme Hivon: 10 heures?

Mme Desjardins (Lorraine): Six.

Mme Hivon: Six?

Mme Desjardins (Lorraine): Oui.

Mme Hivon: Sur une formation qui en compte...

Mme Desjardins (Lorraine): Qui en compte plusieurs. Écoutez, je pense, c'est ça, il y a...

Mme Hivon: Ce n'est pas une question piège, là, donc...

Mme Desjardins (Lorraine): Non, non, non, je peux retrouver effectivement le nombre d'heures parce que je l'avais mis au... Alors, 15 heures de formation sur les aspects économiques, légaux et fiscaux, 15 heures sur les aspects psychologiques et psychosociaux, 24 heures sur le processus de médiation et sur la négociation, et seulement six heures sur la problématique de la violence conjugale.

Mme Hivon: Puis en fait, c'est ça, à la lumière des commentaires qui nous ont été faits, je pense qu'il y a certainement matière à réflexion pour voir comment on peut arrimer un peu le monde de la justice avec le monde plus social puis essayer qu'il y ait une meilleure prise en compte de cette réalité-là, autant par les acteurs du milieu que par les médiateurs, parce qu'ils sont des acteurs clés, potentiellement, pour le dépister aussi. J'imagine que les avocats aussi, en matière familiale, devraient être sensibilisés davantage. Je ne sais pas s'il y a des gestes...

Une voix: ...

Mme Hivon: Et les juges, tout à fait.

Mme Desjardins (Lorraine): ...juges aussi.

Mme Hivon: Une idée que certains nous ont soumise, c'est l'idée d'un questionnaire, c'est-à-dire pour éviter la question du problème de dire qu'est-ce qu'un motif sérieux puis si on a juste à dire: J'ai un motif sérieux, sans expliciter le motif sérieux en question. Ça peut mener à des gens qui évidemment ne pourront pas savoir qu'ils auraient pu bénéficier de la médiation. Donc, l'idée du questionnaire, un peu pour voir si cette problématique-là est peut-être présente, comment vous réagissez à ça?

Mme Desjardins (Lorraine): Bien, écoutez, ce n'est pas une mauvaise idée, effectivement. Je sais que c'est nos collègues, encore une fois, du regroupement des maisons d'hébergement qui en ont parlé lors de leur présentation. C'est sûr que ça ne garantit pas absolument qu'on va dépister tous les cas où il y a de la violence conjugale, mais il faudrait que ce soit... Bien, comme nos collègues le précisaient, c'est que ce n'est pas nécessairement dans le résultat, c'est comme dans le moyen. C'est donner aussi ce moyen-là aux personnes d'avoir l'occasion de cocher oui ou cocher non à certaines questions qui pourraient permettre de dépister de la violence conjugale. Il ne faudrait pas que ça soit seulement ça. Je pense qu'il faut aussi investir énormément dans toute la publicité qui est faite sur la médiation, c'est-à-dire qu'à chaque message, à chaque communication, qu'elle soit écrite, électronique, sur Internet, sur la médiation familiale, qu'on précise que, dans les cas de violence conjugale, la médiation familiale n'est pas recommandée.

Mme Hivon: Donc, vous y allez beaucoup aussi sur toute la question de la publicité, des campagnes d'information, la pédagogie de la chose.

Moi, il y a une question qui demeure. On a vraiment, je pense, bien cheminé. Le message a été très clair, très bien entendu des différents groupes qui sont venus là-dessus comme vous. Par ailleurs, en soi, je ne suis pas certaine qu'on peut dire, même si on comprend que, quand on est dans un contexte de violence conjugale, les problèmes sont tellement grands que la question de la parentalité n'est peut-être pas la première qui vient à l'esprit, quand on est pris jusque-là dans nos problèmes, dans nos remises en question, dans toute la souffrance qui en découle, là... Ça, on le comprend bien, mais il y a, comme les groupes nous ont dit aussi, des impacts significatifs sur les enfants, évidemment, du fait de la violence conjugale, du fait aussi de la rupture, comme pour les enfants en général, mais de la violence conjugale surtout. Mais comment on fait pour rejoindre... C'est parce qu'il y avait peut-être un mérite à dire: On va envisager quelque chose de différent, de ciblé, en parentalité, pour les cas de contexte de violence conjugale, ne serait-ce que pour aller rejoindre d'une manière très adaptée ceux qu'on ne rejoint jamais, parce que tous ceux qui ne consultent pas, qui ne font pas affaire avec des ressources qui pourraient les aider, et tout ça... Est-ce que vous y voyez quand même une vertu potentielle, et, si oui, comment on peut organiser ça?

Mme Lévesque (Sylvie): Bien, ça, je pense que c'est un des problèmes importants, ce que vous parlez, effectivement. C'est comment rejoindre... Je pense que derrière ça on a vu effectivement qu'ils avaient essayé de rejoindre davantage les personnes qui ne sont pas nécessairement toujours... On n'est pas toujours dans des conflits énormes, grands et hauts conflits, mais il reste qu'il y a toutes sortes de situations qui se passent, quand il y a une rupture, donc qui peuvent, à différents degrés... Donc, effectivement, comment... Nous, on le voit aussi même par nos groupes, on ne rejoint pas non plus toutes les personnes. Puis ça ne veut pas dire que, parce qu'il y a une rupture, que toutes les personnes ont besoin aussi de ça, là. Il y a des gens qui réussissent à s'organiser, puis à faire des ententes, puis, bon, de passer outre tout l'ensemble du système. Bon, je pense qu'il faut aussi permettre ça. Mais effectivement, ceux qui viennent habituellement dans nos groupes, c'est parce qu'il y a des difficultés.

Mais, moi, ce que j'ajouterais, c'est que la médiation, oui, c'est une chose, mais en même temps je pense qu'il faut tout le temps... Là, si on parle au-delà de la médiation, on parle de l'intervention. Donc, il faut aller plus loin que ça, ça fait qu'il faut faire de l'accompagnement. Quand on parlait du questionnaire tantôt, je pense qu'il faut avoir un contexte, parce que quelqu'un n'écrira pas nécessairement, ou la madame, ou la personne n'écrira pas -- ce n'est pas écrit dans le front -- «oui, je vis de la violence conjugale», dans un questionnaire. Il y a comme un contexte. Ça dépend où elle va le remplir, le questionnaire. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut l'accompagner au moment où elle va le faire, elle va être capable de s'exprimer? Ça dépend toujours le degré de... Puis des fois, ce n'est pas nécessairement de la violence conjugale, nécessairement, mais c'est des conflits, des situations difficiles. Bon, quand ça arrive, on est vulnérable, ça vient d'arriver, etc.

Donc, il y a tout ça qui, quand on remplit un questionnaire... bien il y a les émotions, et tout. Donc, je pense qu'il ne faut pas juste que la personne, elle reçoit le questionnaire comme ça, elle le remplit chez elle, puis, bon... En tout cas, je pense qu'il faut prévoir des contextes. Puis, nous, on le voit dans le travail de nos groupes. C'est qu'ils font de l'accompagnement à nos personnes aussi. Quand les femmes ou les hommes viennent dans nos groupes puis qu'ils vivent une rupture, bien on travaille l'ensemble, on ne travaille pas juste l'aspect, comment dire, juridique ou médiation, mais on travaille aussi pour accompagner la personne, pour essayer de dire: Bien, regarde, ce que tu vis là... On essaie de travailler aussi avec la personne pour aller plus loin que ça. Donc, je pense qu'il faut aussi prévoir des mécanismes puis dire: Bien, peut-être que la médiation, ça pourrait être une façon. Nous, on est aussi un relais pour informer les personnes que ça peut être un moyen, mais après ça ça appartient aux personnes de l'utiliser.

Mais je pense qu'on ne pourra pas rejoindre toutes les personnes qu'on veut, mais effectivement il faut tenter davantage de... qui n'est pas toujours dans des cas de conflits conjugaux non plus, là. Des fois, ce n'est pas nécessairement de la violence conjugale, mais ça peut être des conflits aussi qui sont difficiles avec les enfants, bon, tout ça. Puis, pour acheter la paix, regarde, je n'irai pas en médiation, là, ça va être correct. Puis on voit ça encore beaucoup, nous, sur le terrain, là. Parce que c'est long aussi, c'est un processus... Parce que pendant six séances, même s'il y a des temps entre chaque, bien on va se voir puis peut-être qu'on ne veut pas se voir pendant un bout de temps. Donc, ça crée toutes sortes de situations. Ça fait que je pense qu'en parallèle il faut qu'il y ait des ressources d'accompagnement pour les familles.

**(12 heures)**

Mme Hivon: Puis est-ce que... Tantôt, j'ai compris qu'outre les... Parce que le ministre vous questionnait à savoir comment on fait si on veut que le plus grand nombre... Évidemment, il n'y a rien d'obligatoire pour la médiation, c'est juste la séance de parentalité. Si on veut que le plus grand nombre y participe, comment on fait, donc, pour trouver un mécanisme? Bon, il y avait la question du questionnaire. Moi aussi, je pense qu'il y a des limites potentiellement à ça, quoique peut-être qu'il faut l'explorer, certainement, mais quelqu'un qui a de la difficulté à le dire ne l'écrira pas nécessairement non plus, si ce n'est pas quelque chose qu'elle veut dévoiler. Est-ce que j'ai compris que vous estimez qu'il faut quand même garder une marge de manoeuvre pour d'autres cas que la violence conjugale et que donc il y a d'autres circonstances où la séance de parentalité ne pourrait pas être la bienvenue?

Mme Desjardins (Lorraine): Moi, je pense que oui. Je pense que -- je me répète, mais je vais le répéter quand même -- je pense que, si on part du principe que le processus de médiation, ça part d'un processus volontaire basé sur la bonne foi des parties, si on y va de reculons, je ne suis pas certaine que ça va être aussi profitable que si on y va... qu'on choisit d'y aller.

Maintenant, je voudrais revenir à ce qu'on disait tout à l'heure.

Mme Hivon: Gardez votre idée. Juste pour qu'on se comprenne bien, la médiation, elle demeure totalement libre. Ce qui est contraignant, c'est d'aller... ce n'est même plus une séance d'information sur la médiation, mais, de ce que j'en comprends, là, c'est vraiment une séance plus d'information mais globalement sur la parentalité, qui ne mène pas nécessairement à accepter la médiation ou non. J'imagine que c'est un élément parmi d'autres qui est amené. Donc...

Mme Desjardins (Lorraine): Oui, mais en même temps je voudrais revenir à ce que vous avez dit d'ailleurs précédemment, dans le cadre de cette commission, qu'on est ici aux confins du juridique et du...

Mme Hivon: Du social.

Mme Desjardins (Lorraine): ...du social, hein? Donc, comme disait ma collègue Sylvie, je pense qu'il faut s'assurer qu'il y a suffisamment de ressources pour venir en aide aux couples qui se séparent. C'est sûr qu'il y a de plus en plus de séparations, de divorces, et tout ça, mais on banalise parce qu'il y en a tellement que c'est devenu presque monnaie courante, là. Mais, c'est ça, on a peut-être un peu trop banalisé, donc il faudrait s'assurer que sur le terrain il y a suffisamment de ressources... je ne veux pas prêcher pour notre paroisse, là, mais, entre autres, des associations qui accueillent des familles monoparentales, où on aide des gens qui vivent la rupture, et qui travaillent sur ces aspects-là avec ça.

Nous, on a reçu... bien, on en reçoit tout le temps, des appels, au bureau, mais, pas plus tard qu'avant-hier, un appel de... C'est la mère du gars qui appelait, là, ça arrive souvent, puis elle cherchait une ressource parce que son fils... la femme de son fils l'avait mis dehors puis là elle l'accusait de violence. Mais là elle n'était pas sûre s'il était violent ou pas, puis elle ne voulait pas lui parler, puis en tout cas... Ça fait que là on voit ce monsieur-là, qui est dans une espèce de no man's land et qui est laissé à lui-même. Donc, s'il n'a pas de personne à qui parler de cette affaire-là, bien peut-être que ça serait... ça va peut-être dégénérer, le conflit va peut-être se morpionner, et tout ça, alors que, s'il y a des ressources pour accueillir ces personnes-là, même la femme qui est en train de vivre cette situation-là, bien peut-être que ça va être moins pire, là.

Mais je ne pense pas qu'on puisse... Je ne suis pas contre le principe, là, d'une séance sur la parentalité, mais je ne pense pas qu'il faut lui attribuer des vertus miracles, là. 2 h 30 min, dans la vie d'un conflit, ce n'est pas nécessairement magique, là.

Mme Hivon: Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Donc, mesdames, je vous remercie infiniment pour votre présentation.

Alors, s'il n'y a pas d'autre intervention, la commission va suspendre les travaux jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

 

(Reprise à 14 h 2)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare une séance de la Commission des institutions ouverte. Et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir vous assurer d'éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.

Alors, nous allons poursuivre, sans plus tarder, les auditions publiques sur l'avant-projet de loi instituant le nouveau de Code de procédure civile.

Alors, nous accueillons cet après-midi le Barreau du Québec. Alors, Me Masson, M. le bâtonnier, je vous salue et je vous prierais de bien vouloir nous présenter les gens qui vous accompagnent. Vous disposerez par la suite d'une période de 15 minutes pour votre présentation.

Barreau du Québec

M. Masson (Louis): Merci. Alors, le Barreau du Québec d'abord vous remercie de votre invitation et de nous donner l'occasion de vous faire part de nos commentaires et observations. Le Barreau du Québec a pour mission de protéger le public, notamment par la promotion de la primauté du droit et la saine administration de la justice. C'est à la lumière de cette mission que vous devez interpréter notre démarche.

Et, pour cette présentation, je suis accompagné, à ma droite, de Me Claude Provencher, directeur général, de Me Sylvie Champagne, qui est secrétaire de l'ordre, de Me Marc Sauvé, à la droite de Me Provencher, et de Me Chantal Perreault, Me Donato Centomo, à ma gauche et président du Comité du Barreau sur la procédure civile, Me Dominique Goubau et président du Comité du Barreau en droit de la famille. Et Me Jocelyn Verdon, qui est dans la salle, est également membre du même comité. Et nous avons également avec nous un expert en matière de recours collectifs, Me Jean Saint-Onge, qui est président du Comité du Barreau sur les recours collectifs. Voilà donc le groupe que nous présentons devant votre commission, Mme la Présidente, et cela, dans le but d'éclairer vos travaux. Bien.

La Présidente (Mme Vallée): Me Masson, vous pouvez continuer.

M. Masson (Louis): Merci. Alors, dans un premier temps, avec quelle attitude abordons-nous les travaux de cette commission? Eh bien, c'est dans un esprit d'ouverture d'esprit que nous accueillons les propositions formulées dans l'avant-projet de loi, en soulignant cependant que nous sommes dans un processus qui à terme devra aboutir à des dispositions législatives qui répondent aux besoins des citoyens en matière d'accès à la justice et qui respectent leurs droits fondamentaux.

La consultation à laquelle vous nous conviez va bien au-delà de la réforme de la procédure civile. Elle porte en réalité sur la place de la justice dans la société québécoise et elle constitue une occasion privilégiée de nous rappeler les principes fondamentaux qui doivent nous animer. Nous avons ce privilège de vivre dans une société libre et démocratique, et l'un des fondements de cette démocratie, c'est le droit de s'adresser à un tribunal indépendant et impartial pour résoudre les conflits. Pour que ce droit constitutionnel puisse être valablement exercé, il importe, d'une part, que l'accès au tribunal soit réellement accessible et que, d'autre part, il ne soit pas entravé indûment. Il est nécessaire que les citoyens puissent être consultés ou représentés par des avocats qui présentent de solides garanties de compétence au sein d'un barreau pleinement indépendant, mais les ressources mises à la disposition de la justice doivent être adéquates, et la procédure, efficace.

Nous analysons aujourd'hui un avant-projet de loi porteur de solutions nouvelles dont plusieurs sont adaptées aux besoins des Québécois. Il en est ainsi parce que depuis des années les juges et les avocats ont mis en place des solutions variées et efficaces dont le succès est maintenant reconnu. Cependant, comme nous l'avons souligné dans notre mémoire et comme nous vous l'exposerons, plusieurs des solutions proposées comportent des difficultés d'application ou ne répondent pas aux objectifs mis de l'avant.

Dans tout le territoire du Québec, nous sommes à la recherche de solutions adaptées à des besoins parfois différents et multiples. Le monde juridique et judiciaire doit concilier les exigences de la proportionnalité, les pouvoirs accrus de gestion judiciaire dans le respect de l'autonomie et de l'indépendance de l'avocat, la mise en place de divers modes de résolution des conflits, tels la médiation, l'arbitrage, les conférences de règlement à l'amiable et la justice participative. C'est la volonté du Barreau de rendre la justice plus accessible et d'en diminuer les coûts par des actions concrètes.

L'avocat d'aujourd'hui, l'avocate d'aujourd'hui met au service du public une expertise complète en matière de résolution des conflits. C'est un homme, c'est une femme de solution. Formé et rompu aux approches de médiation et de conciliation, lorsque celles-ci sont appropriées, il propose des solutions adaptées aux besoins de ses clients.

Il importe toutefois et il est, à nos yeux, fondamental que l'étape de la médiation ou de la conciliation ne porte pas atteinte aux droits des justiciables. C'est pourquoi cette étape doit être faite par des professionnels qui possèdent l'expertise juridique nécessaire. Lorsque les circonstances s'y prêtent, l'avocat sera le premier à favoriser le règlement des litiges. C'est ainsi notamment que près de 93 % des causes à la Cour supérieure sont réglées avant le procès. Mais il ne faut pas perdre de vue que les diverses formes de médiation sont, par leur nature même, volontaires. Il est souvent contre-indiqué de forcer la tenue d'une séance de médiation par une personne ou à une personne qui refuse de s'y prêter.

Le Barreau du Québec a investi des ressources importantes dans la prévention des conflits, notamment par la formation et l'information du public. À titre d'exemple, la série télévisée Le Droit de savoir permet de vulgariser les concepts juridiques à l'intention du grand public. Les centres de justice de proximité pro bono, le site Web du Barreau du Québec, Éducaloi sont des mesures concrètes qui favorisent l'accessibilité. La promotion de l'assurance juridique, en collaboration avec M. le ministre de la Justice, est, elle aussi, une mesure concrète, peu coûteuse, efficace, qui protège aujourd'hui près de 10 % de la population. Enfin, quand la tenue d'un procès est nécessaire, les pouvoirs de gestion judiciaire et la coopération des avocats permettent la tenue de procès dans le respect des exigences de la proportionnalité et de l'efficacité.

De leur côté, les juges et les autorités judiciaires ont multiplié à tous les niveaux les projets concrets, tant en matière de prévention, de solutions négociées que de gestion efficace des procès. Cette synergie entre la magistrature et le Barreau a permis de mettre en oeuvre des solutions appropriées qui sont et seront constamment améliorées. Elles donnent des résultats sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour aller de l'avant avec de plus en plus de confiance et d'efficacité.

La réforme à laquelle vous nous conviez, M. le ministre, à nos yeux, elle est déjà en marche. Nous souhaitons que le législateur nous donne les outils nécessaires pour permettre d'améliorer sans cesse cette accessibilité et la qualité de la justice. L'avant-projet de loi contient ces outils. Il nous appartient à nous, avocats qui sommes d'abord officiers de justice, de bien les utiliser dans l'intérêt de nos concitoyens. Ainsi, tous les modes de résolution des conflits ont leur place et sont maintenant partie intégrante du processus de recherche de solution. Mais les experts demeurent les avocats et les juges qui assument leurs responsabilités constitutionnelles à cet égard.

La réforme contient plusieurs outils, et, pour ma part, je souhaiterais que les nouvelles technologies n'y soient pas introduites comme un mal nécessaire et toléré mais qu'elles aient une place à part entière comme source d'efficacité, d'économie, de qualité et d'accessibilité. On doit comprendre qu'il n'existe pas de solution universelle applicable à tous les citoyens et en toutes circonstances. Les outils mis à notre disposition doivent être souples et adaptés aux besoins de la population. Il n'y a pas de recette miracle, mais, une chose est certaine, des ressources additionnelles doivent être investies dans la justice pour la rendre plus accessible aux citoyens. Ce serait leurrer la population que de laisser entendre que la réforme pourra répondre aux besoins sans investissement public dans la justice. En ce sens, les nouvelles technologies doivent davantage être utilisées et reconnues.

La réforme proposée vise une justice civile plus rapide et moins coûteuse. Le Barreau est d'avis que certaines dispositions importantes de l'avant-projet de loi ne permettent pas d'atteindre ces objectifs. Par ailleurs, l'enjeu fondamental de la qualité de la justice doit davantage être recherché et affirmé dans l'avant-projet de loi. C'est dans cette optique que nous avons formulé nos observations particulières qui portent sur les différents aspects de la réforme et dont vous entretient à l'instant le directeur général du Barreau du Québec, Me Claude Provencher.

**(14 h 10)**

M. Provencher (Claude): Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, je vais maintenant vous présenter, de mon côté, quelques éléments de notre mémoire qui gravitent autour de trois principaux enjeux, les enjeux que sont l'accessibilité, l'efficacité et la qualité de la justice. Évidemment, ces trois enjeux-là sont interreliés.

Mais, avant d'entrer directement dans ces éléments, j'aimerais faire une remarque concernant la version anglaise de l'avant-projet de loi. Vous trouverez d'ailleurs à l'annexe C de notre mémoire plusieurs exemples d'incohérence entre les versions française et anglaise, et nous croyons que nos concitoyens de langue anglaise ont droit, eux aussi, à une version qui reflète l'intention du législateur et qui évite les difficultés d'interprétation susceptibles de se poser avec la version anglaise. Rappelons-nous que la version anglaise de nos lois a force de loi. Elle n'est pas une simple traduction de la version française.

Maintenant, en ce qui concerne les trois enjeux que je vais adresser, premièrement l'accessibilité, j'aimerais attirer votre attention sur quatre éléments.

D'abord, les modes privés de règlement des différends. Depuis très longtemps, le Barreau encourage l'utilisation des divers modes de règlement des différends. L'approche de l'avant-projet a aussi pour effet de mettre en valeur notamment la négociation, la médiation et l'arbitrage, sans toutefois, évidemment, exclure les tribunaux si la voie judiciaire est appropriée selon les intérêts et la volonté des citoyens. Les modes privés de résolution des différends doivent être ouverts aux citoyens et adaptés à leurs besoins, et ils doivent demeurer volontaires. Nous croyons donc que l'article 7 doit être retranché pour éviter des interprétations à l'effet contraire. En effet, l'article 7, lu conjointement avec l'article 1, donne à penser qu'il faut absolument avoir tenté de régler par les modes privés avant de pouvoir recourir aux tribunaux. Également, nous croyons, afin de bénéficier pleinement des modes privés et de faire un lien avec le processus judiciaire, lorsque ça s'y prête, qu'il est nécessaire de prévoir des incitatifs qui favorisent l'arrimage des modes privés au système judiciaire. On pense, entre autres, à l'interruption et à la suspension de la prescription, et à la possibilité de renoncer au bénéfice du temps écoulé. Également, le législateur devrait introduire au code des mesures incitatives pour faciliter et accélérer le déroulement des affaires dans lesquelles les parties ont préalablement eu recours aux modes privés, par exemple pour l'échange de documents et des discussions sur les points litigieux.

Le deuxième élément concerne l'abolition de la règle de la succombance quant aux dépens. Sur ce point, nous croyons que le droit du justiciable d'avoir un réel accès à la justice passe par la récupération de ses coûts, le droit aux dépens, en cas de succès de son recours. L'abandon de cette règle nous apparaît contraire à l'objectif de favoriser l'accès à la justice. Vous savez, la possibilité d'être condamné aux dépens a pour effet d'inviter celui qui poursuit à la prudence avant d'entreprendre un recours. Par ailleurs, la règle de la succombance invite le défendeur à bien peser ses choix de contester les procédures du demandeur. Donc, bref, que le partie ayant gain de cause ne puisse plus récupérer une partie des frais encourus nous semble déraisonnable. Le tarif judiciaire devrait plutôt être mis à jour, et des règles, d'ailleurs déjà appliquées par les tribunaux pour s'écarter de la règle de la succombance, devraient être introduites au code.

Le troisième élément au chapitre de l'accessibilité concerne les Petites Créances. Le Barreau est favorable à l'augmentation du seuil de compétence de la Division des petites créances. Cependant, l'absence de préparation des parties et les délais actuels pour obtenir une date d'audition demeurent problématiques et ne favorisent pas l'accessibilité à la justice. L'avant-projet de loi, qui maintient que les personnes physiques doivent agir elles-mêmes aux Petites Créances, a introduit une mention indiquant que toutes les parties peuvent consulter un avocat, notamment afin de préparer la présentation du dossier. Le Barreau estime que cette mention est insuffisante et que les parties seraient mieux servies si elles pouvaient avoir recours à un avocat qui peut leur exposer les principes de droit applicables et tenter une conciliation. Nous proposons à cet égard notre collaboration pour convenir des modalités de la conciliation par avocat à la Division des petites créances.

Enfin, sous le chapitre de l'accessibilité, la question des recours collectifs, le recours collectif qui constitue une mesure sociale importante d'accès à la justice pour des groupes de citoyens qui individuellement ne pourraient faire valoir leurs droits efficacement. Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, plusieurs dispositions de l'avant-projet de loi sont de nature à rendre plus complexe et plus coûteux, donc moins accessible, ce mode collectif de résolution des litiges. On pense notamment à la nouvelle règle de notification personnalisée prévue à l'article 578, paragraphe deux.

Le deuxième enjeu que nous voulons aborder concerne l'efficacité de la justice, et nous avons trois éléments à porter à votre attention à cet égard. D'abord, en droit de la famille, le Code de procédure doit, selon nous, rester un outil adapté aux différentes réalités qui touchent un grand nombre de citoyens. Faut-il le mentionner, le choc émotif lié à la rupture du noyau familial constitue souvent un empêchement à la prise de décision immédiate. Les personnes ont besoin de temps, du temps nécessaire à la reprise en main de leur vie. C'est pourquoi le Barreau insiste sur l'effet thérapeutique du temps et recommande l'augmentation des délais prévus au chapitre de la gestion de l'instance en matière familiale. Nous saluons d'ailleurs l'initiative du législateur, qui octroie un délai de trois mois en matière familiale pour déposer au greffe le protocole de l'instance.

Toujours dans le domaine de la famille, notre deuxième élément sous ce chapitre concerne le tribunal unifié de la famille. Le Barreau du Québec depuis plusieurs années souscrit à cette idée de créer au Québec un tribunal unifié au sein de la Cour supérieure, composé à la fois de juges de la Cour supérieure et de juges de la Cour du Québec. Vous savez, au Québec, les demandes relatives au divorce, à la séparation de corps, à la garde d'enfants, au droit d'accès et à l'autorité parentale sont de l'autorité de la Cour supérieure, alors que les matières concernant la protection de la jeunesse et l'adoption relèvent de la Cour du Québec. Le Barreau est d'avis que cette division de compétences empêche une solution complète d'un litige familial dans le cadre d'une seule et même audition, en plus de risquer d'avoir des décisions contradictoires. Un tribunal unifié de la famille constituerait, selon nous, une mesure facilitante et moins onéreuse pour le justiciable.

La Présidente (Mme Vallée): ...interrompre.

M. Provencher (Claude): Oui.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): On peut poursuivre? D'accord.

M. Provencher (Claude): Merci. Alors, le dernier élément sous ce chapitre, c'est l'exécution des jugements. Alors, la privatisation de la procédure d'exécution des jugements par un transfert important des pouvoirs de vente sous contrôle de justice à l'huissier risque grandement d'augmenter les coûts pour le justiciable et diminue le pouvoir du citoyen sur le contrôle de cette procédure, ce qui ne nous apparaît pas souhaitable. Au Barreau, nous croyons que le citoyen est mieux protégé lorsque c'est le tribunal qui exerce ce processus.

Je vais accélérer un peu pour vous parler maintenant de la qualité de la justice. C'est notre troisième enjeu qu'on voulait porter à votre connaissance, car, si nous croyons qu'il faut rendre la justice accessible et efficace pour maintenir la confiance de la population, la justice doit être aussi de qualité.

Le premier élément à ce chapitre concerne les pouvoirs de gestion de la cour. Dans l'exercice de ces pouvoirs et dans l'application du principe de proportionnalité, le juge ne devrait pas, selon nous, tenir compte de facteurs extrinsèques au dossier qui lui est soumis pour décision. Or, l'article 18 de l'avant-projet de loi prévoit que le juge a le devoir de tenir compte de la bonne marche de l'ensemble des affaires qui sont soumises au tribunal. Selon nous, ça risque de porter atteinte à l'indépendance des tribunaux et au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs si leurs décisions doivent être limitées par des contraintes administratives, financières ou politiques.

Deuxièmement, les interrogatoires au préalable. Les limites proposées quant à leur durée nous apparaissent excessives. Pour assurer une justice de qualité, le Barreau propose que ce soit trois heures au lieu de deux heures pour les litiges de moins de 100 000 $ et sept heures au lieu de cinq heures dans les autres cas. Quant aux matières familiales, la proposition est d'augmenter la durée à cinq heures, vu les implications de tels dossiers, qui ne sont pas que pécuniaires.

**(14 h 20)**

Enfin, il est primordial de maintenir la règle actuelle que seule la partie ayant procédé à l'interrogatoire puisse décider de son dépôt au dossier. Si l'intention du législateur est de modifier l'état actuel du droit en ce qui a trait à la production des interrogatoires, le Barreau s'y oppose vigoureusement. Il s'agit d'une mesure importante pour assurer la qualité de la justice. Le caractère exploratoire et confidentiel de l'interrogatoire doit être protégé afin de favoriser les règlements qui peuvent en découler.

Et 30 secondes pour le dernier point, qui concerne la qualité de la preuve versée au dossier et le rôle, à cet égard, du sténographe officiel. Ce rôle doit être maintenu pour ne pas diminuer les garanties de fiabilité et d'intégrité de la preuve. Les dispositions de l'avant-projet font craindre un dérapage et une perte dans la qualité de la preuve, qui est incompatible avec la qualité de la justice à laquelle les justiciables ont droit. Si on recherche des améliorations à cet égard, on devrait plutôt penser à l'utilisation des nouvelles technologies, qui offrent des possibilités et des modalités pouvant tenir compte des besoins de la population et plus particulièrement du manque de disponibilité des sténographes en région. Alors, voilà. Je vous remercie de votre patience et de votre écoute.

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Fournier: Merci beaucoup, M. le bâtonnier, M. le directeur général et tous ceux qui vous accompagnent. Merci d'être avec nous. Il y aura une personne après vous, et cela complétera le tour d'horizon de ceux qui sont venus nous exposer des positions. C'est heureux, je crois, d'avoir le Barreau qui vient un peu clore les travaux. Enfin, le bâtonnier était là à l'ouverture aussi, on l'a quand même noté et avec grand plaisir.

Anecdote qui me permet d'entrer dans le sujet, la dernière fois où, je crois, j'ai rencontré Me Provencher, j'assumais un rôle qu'il assume présentement, dans un autre Parlement, et il occupait le siège de derrière, et on assistait à une rencontre où, disons, l'écoute ne démontrait pas une flexibilité totale. Cela m'amène à vous dire... Mais, puisque vous avez sans doute participé à augmenter notre cote d'écoute au cours des dernières semaines, il y a des choses que vous savez déjà. Mais ça m'amène à vous dire que les consultations ne sont pas inutiles et que ça nous permet de prendre conscience de certaines problématiques qui sont soulevées par des libellés puis dire: Bien, peut-être qu'il faut changer ceci et cela. Pas dans tous les cas, mais dans certains cas ça nous fait devancer...

Alors, il y a des sujets sur lesquels je veux quand même revenir. L'interrogatoire au préalable a été abondamment soulevé, et l'argument le plus souvent soulevé, je crois, a été celui du rôle qu'il jouait dans la capacité de régler l'affaire. Et je dois avouer que l'objectif que nous avons, qu'on a tous... D'ailleurs, Mme la Présidente, je devrais dire, j'aurais dû dire d'entrée de jeu que ce projet de loi là n'est pas né du Saint-Esprit. Il est né de consultations longues, depuis longtemps, notamment avec le Barreau et autant le bâtonnier actuel que celui qui l'a précédé. Et ça, c'est ce que, moi, j'ai vu, mais bien d'autres avant moi... Alors donc, il y a eu beaucoup de monde.

Tout ça pour dire qu'il est entendu que nous ne voulons pas causer des problèmes, on veut les régler, on ne veut pas en faire plus. Et je crois qu'il va falloir porter un oeil attentif sur la question des interrogatoires, d'autant que je note que la position du Barreau me semble sage. Elle aurait pu être plus dogmatique. Elle nous propose de revoir les durées, s'entendant que peut-être... bien, s'entendant... pas que peut-être, s'entendant qu'il y ait une durée limitée, toujours avec la possibilité évidemment d'y voir une prolongation. Mais de permettre un certain encadrement était une bonne idée, et je prends acte de cela. Je trouve que c'est une approche qui est tout à votre honneur.

Sur la proportionnalité, c'est un beau débat pour lequel j'aurais tendance aujourd'hui, puisqu'on a eu le bénéfice de lire un certain nombre de choses depuis l'écriture et d'avoir des discussions aussi entre nous... je crois qu'il y a une limite à considérer dans la proportionnalité ce qui se passe à l'extérieur de la cause elle-même. Et donc nous entendons bien le message que vous nous avez passé. Tout ça pour dire, donc, que ce n'est pas la même chose que la dernière fois qu'on s'est vus.

Un autre petit mot pour ceux qui nous écoutent -- et je sais combien c'est important pour la bâtonnière de Montréal, qui m'a avisé de la chose et pour laquelle on a eu aussi des discussions -- dans la mesure où c'est possible avec les gens qui procèdent usuellement à la traduction... Ce n'est pas une habitude ici, dans le système, d'avoir une rédaction simultanée. Je ne sais pas si... ce n'est pas tout à fait l'expression qui est...

Une voix: ...

M. Fournier: Corédaction, corédaction. Ça reste complexe, néanmoins, je crois, mais on va tenter de voir comment on est capables de développer quelque chose. Je sais qu'avec le Code civil ça a provoqué et je crois que ça provoque encore des difficultés. Alors, tout ça pour dire que vous avez noté, je le renote, c'est pris en note, et on va voir ce qui peut être fait.

Je vais passer quelques éléments dans mon questionnement. Je vais commencer par... puisque vous parlez de l'article 7... Puis on n'est pas mariés avec nos libellés. C'est un avant-projet de loi. Alors, on est là justement pour écouter, et ça a déjà été soulevé que ça pouvait soulever des problèmes. Cependant, on a eu des débats, et je veux juste être clair là-dessus parce que d'autres ont émis des opinions différentes. Que dites-vous à l'égard du livre I, à l'égard de la demande aux parties de considérer les modes alternatifs, ce qui n'est pas forcé, ce qui n'est pas une obligation, d'entrer en mode alternatif, mais de les considérer? Que pensez-vous de la formulation telle qu'elle est là, là -- je vous fais grâce de tout ce qui nous a été présenté parce que c'est allé d'un côté à l'autre, là -- Barreau, sur la place du livre I, sur la place, évidemment, de «considérer»? C'est le coeur de l'affaire.

M. Masson (Louis): Le principe qui nous apparaît fondamental, M. le ministre, c'est de faire en sorte qu'en aucune façon cet article-là ne devrait être interprété comme un frein à l'accessibilité et à l'accès au tribunal. En d'autres termes, dans leurs libellés actuels, il y a place à interprétation, et il ne faut pas qu'il y ait place à une telle interprétation.

M. Fournier: ...Masson, permettez-moi de vous proposer de ne pas tenir compte de l'article 7...

M. Masson (Louis): D'accord.

M. Fournier: ...puisque d'entrée de jeu je vous dis qu'il sera modifié. Regardons l'article 1, regardons l'obligation de considérer. Certains m'ont soulevé... Je crois que c'est le Barreau canadien qui m'a soulevé que peut-être «considérer»voulait dire suffisamment considérer, ce à quoi j'étais un peu étonné, parce que, comme on ne l'avait pas écrit, «suffisamment», je ne voyais pas pourquoi on me disait ça. Mais donc j'ai senti une certaine réticence au mot «considérer» et j'ai besoin d'entendre la voix du Barreau sur une disposition qui... L'essence, là, l'objet, au-delà des libellés, l'objectif, c'est de dire aux parties: Avant de demander au juge de le faire, avez-vous envisagé, vous-mêmes, des moyens? Je ne vous ai pas forcés de le prendre. Envisagé. Comment vous réagissez à cette idée?

M. Masson (Louis): La réponse sera la même. Dans la mesure où l'interprétation de ce terme ne constitue pas un frein, il me semble que l'obligation de considérer les modes alternatifs fait partie de la culture de l'avocat. Je ne peux pas concevoir que l'on ne puisse pas considérer ces moyens-là, en ce qui me concerne, en tout cas.

Vous savez, il faut être pragmatique dans ce genre de situation-là. Il faut bien réaliser que dans la plupart des cas le litige... Et je ne souhaite cela à mon pire ennemi. Vous savez, en 37 ans de pratique, je n'ai jamais entendu quelqu'un entrer dans mon bureau, dire: Enfin, j'ai un litige et je suis tellement content d'entrer dans le processus judiciaire! Donc, en pratique, dans la plupart des cas les personnes qui ont un litige sont déjà en relation d'affaires. Évidemment, on pense à des conjoints, on pense à des fournisseurs et à des clients. Et, quand on a une approche pragmatique, on réalise que bien souvent, les gens qui sont en conflit, le conflit ne naît pas instantanément. Les disputes de voisinage, les disputes d'affaires, les disputes entre associés sont très souvent le résultat d'un cheminement et dans la plupart des cas... J'oublie les cas où on traite à distance, exemple un assureur qui intervient dans un dossier, qui ne connaît pas les parties. Mais dans une approche pragmatique, vous savez, dans bien des cas les gens eux-mêmes ont déjà épuisé leurs moyens. Et, lorsque le dossier est judiciarisé, très souvent l'étape de l'avocat et du procès, c'est souvent ce qui intervient lorsque la situation s'est détériorée.

Ce que je cherche à vous dire, c'est que le fait de considérer les modes alternatifs de résolution des litiges fait partie maintenant des moeurs de l'avocat moderne mais que dans un même souffle, sous un angle pragmatique, bien souvent, lorsque les parties en sont réduites... doivent avoir recours aux tribunaux, eh bien, c'est parce que la situation s'est envenimée au fil des mois et au fil des années, bien souvent. Alors, l'approche pragmatique, à mon avis, permet de répondre à cette question-là. Mais bien sûr il faut être prudent dans les interprétations éventuelles. Alors, voilà. Je ne sais pas si cette réponse-là éclaire votre commission, mais c'est...

**(14 h 30)**

M. Fournier: Ah! elle me satisfait dans la mesure où elle est sur la même longueur d'onde que ce que nous proposons. Pas que j'aurais été insatisfait si nous avions eu une position différente, mais je pense qu'on se comprend, puis ça permettait de remettre, je disais, dans le contexte, là, une position que le Barreau canadien avait exprimée.

Je pense que j'ai un peu...

La Présidente (Mme Vallée): Bien, en fait, vous n'avez plus de temps pour ce bloc-ci.

M. Fournier: Oui, d'accord.

La Présidente (Mme Vallée): On pourra revenir tout à l'heure dans une autre période.

M. Fournier: Juste, je vous annonce à l'avance que je voudrais parler des dépens.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors, merci à vous tous. Merci, M. le bâtonnier, M. le directeur général, tous ceux qui vous accompagnement. Bienvenue. Bien sûr, j'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Il y a beaucoup d'éléments, et aujourd'hui c'est sûr qu'on va seulement effleurer, mais c'est quand même très utile de vous entendre, surtout, comme le ministre le disait, qu'on est en fin de processus. Donc, on peut vous poser des questions par rapport à ce que les autres ont dit.

Donc, à ce sujet-là, juste pour poursuivre, le fait, donc, qu'on prévoie une obligation de considérer, sans qu'il n'y ait, je dirais, quelque chose de plus formel qui vient encadrer cette obligation, pour vous, ça vous va. Je reviens là-dessus parce que certains nous ont dit: Vous savez, les avocats peuvent être très créatifs. Donc, s'il y a création d'une obligation de considérer, est-ce que ça veut dire que certains pourraient invoquer le non-respect de l'obligation, éventuellement, pour dire qu'on ne pourrait pas aller devant les tribunaux? Ça peut avoir l'air un petit peu poussé, mais certains nous ont invoqué cette idée-là, donc du fait que, si une partie n'avait pas respecté son obligation de considérer, on pourrait peut-être voir une conséquence à ça. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Masson (Louis): Bien, alors, j'ai une mauvaise nouvelle pour ceux qui s'en étonneraient parce que ça se fait déjà. Vous savez, oui, les avocats sont créatifs. Et évidemment je ne peux pas révéler de grands secrets, mais je sais qu'il y a des avocats qui, dans leurs mises en demeure, concluront, plutôt que par la formulation habituelle «à défaut par vous -- disons -- de payer, un recours sera intenté»... eh bien, certains ne craignent pas d'innover en mettant la partie adverse en demeure non seulement de considérer un règlement, mais de considérer un mode alternatif de règlement des conflits, et, à défaut par la partie de ce faire, ils se réservent le droit de l'invoquer devant le tribunal. Et certains déjà se réservent ce droit-là. Alors, je ne peux pas voir que l'obligation de considérer soit tellement problématique, en ce qui me concerne en tout cas. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, Mme la députée.

Mme Hivon: Oui, bien, en fait, vous ne voyez pas comment le fait qu'il n'y ait pas d'encadrement formel, c'est-à-dire que certains disent: Il devrait y avoir une conséquence ou quelque chose qui vient encadrer une obligation... Parce que, quand il y a une obligation, normalement, si l'obligation n'est pas respectée... Mais il y a vraiment deux écoles là-dessus. Donc, j'ai compris qu'en ce qui vous concerne, tel que libellé, c'est suffisant.

Vous avez dit tout à l'heure que la médiation -- je comprends, venant du Barreau, et la formation juridique évidemment que vous possédez tous -- vous avez dit quelque chose -- vous me corrigerez -- que la médiation était quelque chose -- et les modes alternatifs en général, la justice participative -- était quelque chose que vous endossiez -- et je sais que le Barreau fait beaucoup d'efforts aussi pour développer cette voie-là -- dans la mesure où il y avait un certain, je dirais, un certain décor juridique en toile de fond, une certaine référence au droit ou... Bon. Vous savez que l'avant-projet de loi introduit l'article 5, qui dit que les parties peuvent avoir recours, donc, dans les modes alternatifs, à toute norme ou règle autre que le droit. Est-ce que vous pensez que c'est un article qui est le bienvenu dans le code?

M. Masson (Louis): Je vais céder la parole à notre président de notre comité, qui examine ces questions depuis plusieurs années, Me Centomo.

M. Centomo (Donato): Bonjour, Mme la députée. Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre. Je pense que je vais être obligé, dans ma réponse, de référer à plusieurs intervenants qui sont venus devant vous pour vous dire qu'effectivement... Puis là je pense à tous ceux qui prônent les modes alternatifs de règlement des litiges depuis plusieurs années. Ils sont très contents de l'initiative de l'article 5, puisqu'on peut référer maintenant à une autre série de règles que la règle de droit pour solutionner un litige. Nous avons nous-mêmes, à l'intérieur du système judiciaire, un processus qui s'appelle la conférence de règlement à l'amiable, où le juge se sert d'autre chose que la règle de droit pour tenter de rapprocher les parties puis obtenir une solution. Donc, ça ne fait pas obstacle à ce qu'on vit actuellement.

Et, faisant référence aux gens qui sont venus devant vous, je suis très satisfait de la réponse que le président de la Commission des droits a accordée en disant que, écoutez, c'est sous réserve de l'application de la charte puis des valeurs qu'on s'est données collectivement et de l'institution qu'on appelle l'ordre public. Donc, les remparts sont déjà là. À ce moment-là, c'est la même réponse aussi qu'on a donnée, du côté de l'observatoire, à l'effet que des règles de droit... Bien, vous vous souvenez, un intervenant est venu vous dire qu'il y en avait sur son frigidaire sur comment faire des lunchs, comment faire la vaisselle. Alors, c'est clair que ces règles-là...

Mme Hivon: ...nos travaux, on est très heureux, parce que notre auditoire est limité.

M. Centomo (Donato): Oui, mais... Bien là, je vais m'ennuyer, à partir de ce soir, là, je n'ai plus de travaux pour m'endormir.

Mme Hivon: ...sur le site Web, hein?

M. Centomo (Donato): Non, mais c'est parce que, quand je les vois deux, trois fois, je finis par m'endormir. Mais, je vous le dis, je vous ai trouvés très intéressants.

Mme Hivon: Merci, merci. C'est ça, on cherchait les compliments. O.K. Je vous amène... Justement, le monsieur qui écrivait ces règles sur le frigidaire, M. Noreau, de l'Observatoire du droit à la justice, suggère dans son mémoire qu'il y ait une modification au Code de déontologie des avocats afin d'y inscrire le devoir de l'avocat d'informer son client de l'existence des modes privés de règlement des différends. Je conçois que c'est sans doute quelque chose qui se fait beaucoup. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée de modifier le Code de déontologie pour le faire? Est-ce qu'il y a un mouvement en ce sens-là au Barreau?

M. Masson (Louis): Il est certain, encore une fois, que toute la question des modes alternatifs de résolution des conflits fait de plus en plus partie de la culture de l'avocat. Elle fait partie des standards de la profession. Elle est au coeur du rapport sur l'avocat des prochaines années. Donc, cela fait partie de plus en plus des normes de pratique.

Maintenant, quelles sont les façons de contraindre? Nous en avons plusieurs. Il est clair que déjà là on se dirige vers le fait que cela fait partie de nos normes et d'une saine pratique de l'exercice de la profession d'avocat. Serait-il approprié d'en faire une obligation déontologique? Je vous avoue que, lorsqu'on introduit une obligation déontologique de cette nature, il faut bien en mesurer les impacts. Mais ce que je peux dire à la population et à nos concitoyens, c'est qu'une chose est certaine: les changements d'attitude auxquels nous convie le ministre, nous n'avons pas attendu cette réforme pour les mettre de l'avant. Ils font de plus en plus partie des normes de bonne pratique.

Quant aux méthodes de reconnaissance de ces normes, elles sont variées. Nous sommes à revoir notre Code de déontologie avec une équipe extrêmement... une équipe très prestigieuse d'avocats qui depuis un an examinent toutes ces questions-là. Les réponses s'en viennent. Elles seront certainement considérées. Je n'ai pas la réponse, mais je peux vous dire que la question est certainement dans la reconsidération du Barreau du Québec actuellement et qu'elle viendra au cours des prochains mois, sinon des prochaines semaines, par ce nouveau Code de déontologie que nous proposerons au ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

Mme Hivon: Donc, je comprends que ça fait partie de la réflexion et c'est concomitant, donc...

M. Masson (Louis): Mais pas de la réflexion incidente, là. C'est vraiment au coeur de la réflexion.

Mme Hivon: Oui, c'est ça. Parfait. Parce qu'en fait on nous parle beaucoup de cet essor qui va être donné à la justice participative. L'avant-projet de loi participe de cette volonté-là. Tous les acteurs doivent être mis à contribution. Donc, pour certains, c'est un élément de plus qui montrerait que le Barreau est dans la même, je dirais, optique qu'éventuellement le législateur.

Est-ce qu'il me reste du temps?

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste 30 secondes.

Mme Hivon: Oui? Bon, alors, je vais le garder pour mon autre bloc.

La Présidente (Mme Vallée): O.K. M. le ministre.

**(14 h 40)**

M. Fournier: Oui. Merci. Bon, les dépens, c'est toute une question. Dieu sait qu'on l'a pesée puis soupesée. J'ai l'impression que l'argument que vous me soulevez peut être soulevé à l'envers. Vous soulevez l'argument que la succombance permet aux parties d'éviter les abus. C'est ce que je comprends. En même temps, il me semble qu'il y a une certaine incertitude qui accompagne cette règle-là. Et toute l'intervention du juge qui nous amène à mesurer puis à informer les parties d'être au courant vers quoi on s'en va, qu'est-ce qui nous attend, quels moyens seront pris... Tu sais, il y a une espèce de plan de match qui se donne aux parties dès le départ, de plus en plus. Et, dans ce plan de match là, c'est intéressant pour une partie, je crois, de savoir ce qu'elle va elle-même investir, quels sont les frais, par exemple, d'expertise qu'elle va investir. Elle ne contrôle pas vraiment les frais d'expertise de l'autre partie, pas du tout, mais elle contrôle les siens. Puis ça fait partie de sa prévisibilité.

Alors, à partir du moment où on se dit qu'on a deux parties devant nous qui veulent jouer les règles correctement, puis tout ça, il y en a peut-être une, partie, qui a, malgré l'incertitude de la décision finale... Tu sais, normalement, quand il y a deux parties, dans un litige, qui se rendent jusqu'au bout, c'est parce que toutes les deux pensent qu'elles sont dans leur bon droit. Et puis, comme on a déjà dit dans une autre cause, peut-être que ça... il y a quelque chose comme: deux vérités contradictoires peuvent exister. Il n'y en a peut-être pas juste une. En tout cas, dans leurs têtes, il y a certainement deux vérités.

Mais, à partir du moment où on met la règle que, parce qu'une partie a perdu, qu'elle devra supporter notamment, là... parce que je ne veux pas embarquer dans les honoraires, puis tout ça, mais au moins les frais d'expertise, là, qu'elle devra supporter les frais de l'autre, alors imaginez la situation d'une partie -- et ça existe dans la vie, hein, ça va exister devant les tribunaux -- d'une partie qui est mieux en moyen que l'autre, qui pourra y investir, en termes d'expertise, peut-être plus de sous, et que celle qui en a moins pourra y trouver là une raison de ne pas faire valoir son droit parce qu'elle craint peut-être, non seulement de ne pas gagner, même si elle pense être à bon droit, mais de devoir supporter les frais de l'autre, qui n'y est pas allée avec le dos de la cuillère.

Alors, est-ce qu'on ne peut pas interpréter qu'au-delà des abus qui sont prévus, que le juge pourrait toujours prendre des décisions autres mais que la règle générale soit à l'effet que chaque partie assume ce qu'il veut investir dans sa cause ne serait pas, finalement, la meilleure mesure de prévisibilité, qui, elle, est probablement un des meilleurs éléments assurant l'accès? Ce n'est sûrement pas le seul, mais... Alors, est-ce qu'on ne peut pas... Dans le fond, ma question... Essayez, dans le fond, de me convaincre, parce que je ne suis pas convaincu de votre argument. Je le prends à l'envers, puis il sert ma cause. Alors, trouvez-moi un autre argument ou faites-le avec plus de conviction encore. Plaidez.

La Présidente (Mme Vallée): Me Masson.

M. Masson (Louis): Alors, on s'y mettra à deux et on va commencer...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Provencher (Claude): Oui, oui. En fait, je peux tenter tout simplement de réitérer, et le bâtonnier continuera, là. Mais on pense que la façon de faire présentement, où le juge a quand même un rôle à jouer pour aplanir les inégalités ou réparer les pots cassés à la fin, s'il y en a, c'est une approche qui, on croit, atteint les objectifs souhaités. Il y a également toute la question des tarifs, qui peuvent être mis à jour, les tarifs judiciaires. Alors, ce sont des avenues qui existent déjà, qui peuvent être utilisées. Et le principe des dépens, l'effet dissuasif, pour quelqu'un, de poursuivre s'il a des dépens, alors que sa poursuite est oiseuse, pour nous, on estime que ça atteint les objectifs. Ça irait à l'effet contraire.

M. Fournier: ...cet argument-là. Je m'excuse, je ne veux pas vous empêcher...

M. Provencher (Claude): Non, allez-y.

M. Fournier: Prenons cet argument-là. Croyez-vous que la règle telle qu'elle est, telle que vous souhaitez qu'elle demeure constitue un outil que les parties prennent en compte et qui fait en sorte qu'ils se disent: Ah! je vais donc me limiter puisque je sais que cette incertitude plane au-dessus de ma tête? Est-ce que vraiment les parties s'en saisissent au départ?

M. Masson (Louis): D'abord, première réponse, qui n'en est peut-être pas une au plan de la rigueur intellectuelle, mais, s'il est un point sur lequel la quasi-totalité des intervenants sont en accord, c'est bien l'importance de cette règle de la succombance, qui devrait demeurer.

La deuxième, c'est que, dans cette réforme où on incite à examiner les modes alternatifs de résolution des conflits -- M. le directeur général a parlé de l'effet dissuasif de cela, mais on peut aussi parler de l'effet, à certains égards, incitatif -- donc, dans cette nouvelle culture à laquelle on nous convie de considérer la possibilité des règlements, eh bien, les dépens, qui sont, comme le dit la tradition, la sanction du plaideur téméraire, si ce n'est pas une fin de non-recevoir absolue à un recours, ça constitue quand même l'un des éléments qui doivent être pris en considération par le plaideur, qui risquerait d'être qualifié de téméraire, à la fin de la course, par le juge. Donc, cette mesure de temporisation, si l'on veut, à elle seule, bien sûr, n'est peut-être pas le plus grand des incitatifs, mais elle nous apparaît... sa suppression nous apparaît aller un peu à l'encontre de cet objectif que l'on recherche, qui vise à examiner les modes alternatifs de résolution des conflits et tous les modes... Et ces questions-là pèsent lourd dans la décision finale, lorsque le juge examine l'ensemble de la conduite des parties et applique ou non la règle de la succombance.

Alors, voilà notre réponse un peu plus insistante à la question qui se voulait un peu plus ferme, et nous croyons sincèrement que cette règle doit demeurer. Et elle fait presque l'unanimité dans notre monde, ce qui est, d'après ce que j'ai pu voir, assez rare.

M. Provencher (Claude): Et dans un exemple très concret, quand on voit une personne qui gagne sa cause, elle a dû se rendre à la cour et finalement elle gagne. Donc, elle avait des recours à exercer, elle avait des dommages à aller chercher, elle voit, à la fin du compte... elle se voit rembourser de ce qui lui est dû mais une somme amputée des coûts que ça lui a coûtés pour faire valoir ses droits. Alors, ça, c'est un impact négatif, là, de mettre fin à la succombance, aux règles de la succombance.

M. Fournier: Vous parliez de la vie dans votre monde. Je vais essayer de vous... C'est votre expression, «notre monde». Je vais essayer de sortir de ce monde-là puis d'aller dans le grand monde. Parlez-moi de la pratique de tous les jours, le client, le citoyen, le justiciable qui rentre chez vous, qui présente sa problématique. Je vais y aller d'une présomption, donc vous allez pouvoir la contredire, puis ça va être plus simple pour que j'en tire une conclusion de notre échange. J'ai l'impression que, lorsque le client arrive, ce n'est pas le premier sujet et que même ça ne sera pas abordé, ce sujet-là, avant un bon bout de temps. Autrement dit, la question des dépens, jusqu'ici, là, pour le citoyen comme tel, à quel moment il en devient conscient, qu'il y a cette question-là dans toute sa problématique juridique, lui? Pour les avocats, je le sais bien, là, on n'est pas fous, mais pour le citoyen lui-même, si on veut traiter de cette notion en tenant compte de l'accès à la justice, là, pour le citoyen.

Une voix: ...Centomo.

M. Centomo (Donato): Bien, écoutez, je ne suis peut-être pas la bonne personne pour répondre à cette question-là, mais, comme je préside un comité qui est composé de plusieurs avocats qui pratiquent en privé... Parce que je suis à l'aide juridique, donc la question des dépens ou la question des frais n'est pas vraiment abordée, sauf lorsqu'on perd notre cause. Mais on essaie de les gagner, ça fait qu'à ce moment-là on ne se pose pas cette question-là. La dimension dépens, c'est la dimension qui permet aux gens... Lorsque tu viens voir un avocat, tu dis: Comment je vais faire, M. l'avocat ou Mme l'avocate, pour récupérer l'argent que j'ai investi pour faire valoir mon droit? Alors, c'est sûr que, si vous embarquez dans la discussion qu'il faut payer les honoraires extrajudiciaires d'un défendeur qui est très bien garni, on ne parle pas de la même chose. Ce qu'on vous suggère, nous autres, c'est amender le tarif pour qu'il soit raisonnable. Puis d'autres intervenants ont fait ces recommandations-là. Je pense qu'on a qualifié de folklorique ou d'archaïque... En tout cas, il ne correspond pas à la réalité.

Puis, deuxièmement, nous autres, on vous a suggéré de... les dépens, là, au lieu que ça soit, comme dans le code, prévu d'être remis à l'avocat, que ce soit remis directement au justiciable pour qu'il voie la différence puis qu'il constate qu'effectivement le fait d'avoir gagné sa cause fait en sorte qu'il récupère ces montants-là. Il ne récupérera peut-être pas la totalité, mais il va récupérer au moins quelque chose. Et ça, ça crée l'équilibre entre les parties, puis les gens, lorsqu'ils veulent instituer un recours, bien ils doivent considérer cette question-là. Parce que c'est profondément injuste d'être obligé de dépenser plusieurs milliers de dollars pour faire valoir son droit sans avoir de compensation. Et les dépens, c'est peut-être une règle arbitraire, mais c'est quand même la meilleure qui existe au moment où on se parle. Celle que vous recommandez va créer une forme de déséquilibre, et on ne va que faire des débats sur la question: As-tu, oui ou non, abusé de ton droit? Alors là, on va multiplier des débats pour savoir si on a abusé ou pas, alors que ce n'est pas ça qu'on veut. On veut que la justice soit accessible, on veut regarder ça comme étant un service qui est là à la disposition du citoyen.

M. Fournier: Croyez-vous qu'il y a...

La Présidente (Mme Vallée): Le temps est écoulé.

M. Fournier: Ah! on est tous désolés. Ça va être en «rerun».

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. C'est toujours fascinant comme on n'a pas beaucoup de temps. Alors, je vais passer quelques points. L'expertise, la fameuse question de l'expertise. Donc, si vous m'avez écoutée, vous avez vu qu'on se situe sur un spectre. Alors, vous, vous êtes à un bout du spectre. Vous dites donc, alors, en bas de la page 26: «...l'expertise commune ne devrait pas être ordonnée par le juge en l'absence d'une demande des parties -- donc, en aucun cas, si je vous suis bien, elle ne peut être ordonnée -- et, même là, [...]elle ne devrait pas être retenue dans certains cas...» Et là vous énumérez. Donc, j'aimerais ça que vous expliquiez, même dans le cas où les gens s'entendent sur une expertise commune, pourquoi il devrait y avoir des cas où on ne peut même pas faire droit?

Une voix: Maître.

**(14 h 50)**

M. Centomo (Donato): Bien, écoutez, je peux vous répéter ce qui est contenu au mémoire. Ce qu'on veut vous dire, c'est que, la question des expertises, on la débat depuis très longtemps, vous en êtes consciente. Les gens arrivent souvent avec leurs propres experts dès le début, puis ensuite il faudrait qu'on impose un expert commun. Alors, dans le choix que le législateur a fait, ça a été de dire dans votre avant-projet: On va donner au juge le soin de l'imposer. Si ça apparaît disproportionné, on va vous imposer un expert commun, ce à quoi, nous, on dit que ça, ça change complètement la donne. Je veux dire, la personne qui s'en va chez l'avocat puis qui dit: Oui, O.K., on a discuté des dépens, j'en suis. Mais ensuite on dit: Bon là, je vais avoir besoin d'un expert pour démontrer la justesse de mon droit. À ce moment-là, elle engage déjà des frais d'expert. Ensuite, elle arrive dans le processus judiciaire puis là elle se voit imposer l'expert commun.

Alors, nous, ce qu'on a dégagé, c'est des situations où ça ne peut pas nous aider à résoudre le litige de façon plus efficace, surtout lorsque... en termes d'indemnisation, par exemple. Vous voulez être indemnisé pour une chute ou quelque chose, vous avez besoin d'une expertise à vous, puis la partie adverse va avoir besoin d'une expertise contraire. Alors, pourquoi s'imposer une expertise commune? Alors vous avez la liste à la page 27. Je ne peux pas vous donner plus d'exemples. Et en matière d'indemnisation c'est très, très, très important. Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de débats qui se font sur, justement, la justesse de l'indemnisation, la justesse du diagnostic, etc., là, pour pouvoir bien compenser les séquelles permanentes, l'atteinte, etc.

Mme Hivon: J'ai bien lu, Me Centomo, l'énumération que vous faites des critères. Ce que je m'explique mal, c'est pourquoi il faut venir dire à deux parties qui la souhaiteraient que, si on est face à ça, oubliez ça. Je veux dire, ça m'apparaît juste... On est dans une volonté où on dit: Il faut laisser les parties se responsabiliser, gérer leurs conflits. Donc, pourquoi le juge... Je comprends votre position de dire: On ne veut pas qu'il puisse en ordonner, mais, quand les parties s'entendent...

M. Centomo (Donato): Alors, ce n'est pas sûr qu'on a écrit ça, Mme la députée, je veux juste être sûr... Parce que, quand vous le dites de même, ça fait plein de sens que les parties consentent évidemment à une expertise commune, puis là, à ce moment-là, on passe à autre chose, là. Alors, je ne vois pas à quel passage vous faites référence.

Mme Hivon: C'est... Bien, je fais référence au passage en bas de la page 26, qui dit: «Il y a lieu de préciser que l'expertise commune ne devrait pas être ordonnée par le juge en l'absence d'une demande des parties et, même là, qu'elle ne devrait pas être retenue dans certains cas qui doivent être...»

M. Centomo (Donato): Oui, mais là permettez-moi de vous dire que là c'est à la demande d'une partie. Ça ne veut pas dire qu'on s'entend pour l'expert commun, comprenez-vous? Alors, à la demande d'une partie...

Mme Hivon: Excusez, j'ai présumé que c'étaient les parties ensemble.

M. Centomo (Donato): Oui, c'est ça.

Mme Hivon: Mais, c'est beau, vous avez clarifié.

M. Centomo (Donato): Alors, c'est ça, à la demande des parties, c'est une ou l'autre, là. C'est sûr que si les parties...

Mme Hivon: Parfait.

M. Centomo (Donato): Vous avez entièrement raison, puis...

Mme Hivon: C'est beau. Je ne comprenais pas. Vous venez de clarifier.

M. Centomo (Donato): Vous avez entièrement raison que...

Mme Hivon: Merci beaucoup.

M. Centomo (Donato): ...si les parties s'entendent, là, il n'y en a plus, de débat, là.

Mme Hivon: Parfait. On ne passera pas deux heures... Je vous amène à un autre sujet. Les libellés...

Une voix: ...

Mme Hivon: Oui, c'est ça.

Une voix: ...elle les lit, les...

M. Centomo (Donato): C'est bon, ça, c'est bon, ça, c'est bon.

Mme Hivon: Page 21, la gestion d'instance. Donc, vous dénoncez le rôle trop important qui serait dévolu au juge. J'ai lu. Je veux vous entendre sur le fait que... C'est sûr que ça va plus loin qu'avec la réforme de 2003, mais en 2003 il y a un premier pas qui a été franchi. À cet égard-là, je voudrais vous entendre sur le succès du fait que déjà ce rôle-là un peu différent du juge a été consacré en 2003 et sur le fait qu'il y a eu un projet pilote -- dont notre ami Pierre Noreau est venu nous parler aussi -- à Longueuil, et qui semble être un grand succès, y compris de l'avis des avocats qui y ont participé, et où le rôle du juge intervient même plus tôt. Donc, j'aimerais comprendre l'ampleur de vos réticences.

M. Centomo (Donato): J'en profite pour souligner que sur notre comité nous avons des avocats du district de Longueuil qui nous ont parlé du projet pilote de Longueuil abondamment au comité. Et le succès de ce projet pilote-là est indéniable, là, puis là je pense qu'il faut le faire.

Et là, vous me permettrez, je vais embarquer dans le débat que vous avez depuis quelques jours sur la justice... ou en tout cas la gestion hâtive ou la gestion tardive. Alors, tout est là. Ce que notre bâtonnier vous a dit d'entrée de jeu, c'est de dire que ce qu'on a besoin dans le Code de procédure, finalement, c'est des outils pour nous permettre de nous aider à gérer l'instance. En principe, on veut responsabiliser les parties.

Ce que je comprends de la réforme, c'est qu'on impose maintenant une décision judiciaire. Parce qu'imaginez le juge qui rentre le lundi matin pour rendre justice puis il voit devant lui un paquet de 300 dossiers où il doit déterminer si, oui ou non, il convoque les parties à une gestion de l'instance, là. Alors, dans ce cadre-là on se dit que peut-être il n'y aura pas assez d'éléments au niveau de la gestion de l'instance tout de suite pour pouvoir régler le dossier. Et là j'embarque dans les considérants pour la justice, là, la gestion un peu plus tardive en disant: Laissons le dossier évoluer un peu, puis ensuite faisons une conférence de règlement à l'amiable ou faisons une conférence préparatoire.

Comme le disait le bâtonnier d'entrée de jeu, encore une fois, les litiges qui sont entre des parties un peu rapprochées peuvent être solutionnés de façon hâtive, le plus rapidement possible. Plus le juge intervient rapidement, mieux c'est. Lorsque les parties sont à une distance... On parle de l'assureur, par exemple, par rapport à une situation. Évidemment, il a besoin de plusieurs faits pour pouvoir finalement prendre une décision éclairée. Alors, on pourrait différer cette décision de l'instance là un peu plus tard dans le déroulement de l'instance. C'est simplement ça qu'on dit.

Mme Hivon: Donc, essentiellement, vous maintenez, je dirais, le rôle du juge... vous vivez relativement bien avec le rôle du juge tel qu'il est défini dans la gestion d'instance, mais vous voulez que ce soit une gestion d'instance qui arrive plus tard, règle générale.

M. Centomo (Donato): Bien, dans le fond, ce qu'on veut, c'est que le juge soit à la disposition des parties et de leurs procureurs pour pouvoir faciliter le déroulement de l'instance. Alors, dans certains cas... Il n'y a pas de solution magique, là -- je répète le discours du bâtonnier -- et il n'y a pas de solution, là, uniforme qui vise tous les cas. Alors, dans certains cas c'est peut-être plus approprié de le faire plus tôt, dans certains cas, plus tard. Le juge est toujours et sera toujours très utile dans l'administration de la justice. Donc, plus il intervient tôt, plus il nous donne des chances de progresser dans le déroulement de l'instance.

Mme Hivon: Page 15 -- je le reprends à l'envers, là, je reviens en amont -- protocole préjudiciaire, donc, ça a l'air d'une avenue très prometteuse. On a eu Me Ménard qui est venu nous parler de ce qui se fait en matière de responsabilité médicale. Par ailleurs, il semblait nous dire que c'était une pratique très peu répandue hors, justement, son cabinet et les assureurs des médecins. Pourquoi est-ce que ce n'est pas une avenue qui est plus développée? Est-ce que c'est quelque chose où on voit une réticence? Est-ce que vous prévoyez un essor? Parce que, d'un point de vue objectif, ça a l'air d'une bien bonne idée.

M. Masson (Louis): Cette mesure, comme plusieurs autres, illustre les principes qu'on a voulu mettre de l'avant. Voilà un modèle qui est excellent dans un domaine bien spécifique où, comme l'a dit Me Ménard, lui-même, qui est quand même un surexpert dans son domaine, est souvent en relation avec les mêmes organismes, qui, eux, ont développé, j'imagine, à force d'expertise et de discussion, des solutions qui fonctionnent dans leur monde, qui est quand même un monde déjà... on ne peut pas utiliser le mot «spécialiste», mais un monde quand même bien réservé. Alors, voilà un exemple d'une excellente mesure. Mais, quand on cherche à l'exporter ailleurs, avec des groupes peut-être moins homogènes, avec des méthodes plus variées, des approches plus différentes, peut-être qu'un protocole comme celui-là devient plus difficile à exporter.

L'importance de la réforme, pour nous, c'est que nous ayons les outils pour les mettre de l'avant. Mais, dès lors qu'on cherche à les exporter avec une trop grande contrainte, alors on a observé... Puis il y aurait des exemples qu'on pourrait voir, dans le passé, d'excellentes mesures qui, lorsqu'appliquées dans un domaine, sont très productives et, lorsqu'on cherche à les imposer dans un autre domaine, deviennent non seulement neutres, mais parfois même contre-productives.

Alors, pour répondre à votre question, oui, c'est porteur, oui, c'est un beau modèle, oui, nous l'examinons avec intérêt, mais nous résistons à la tentation de l'imposer pour l'importer avec une trop grande fermeté dans d'autres domaines où là, peut-être, les parties n'ont pas la même culture, n'ont pas la même approche, n'ont pas la même expertise. Il faut donc parfois donner le temps au monde juridique et au monde commercial aussi, parce que les avocats représentent des clients aussi, de s'adapter à ces nouvelles tendances. Mais, pour répondre à votre question, oui, c'est dans nos moniteurs, oui, nous les examinons avec le plus grand intérêt.

La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie beaucoup, Me Masson. Ceci met fin à nos échanges. Je sais que le temps paraît toujours trop court lorsque les échanges sont aussi fructueux. Alors, messieurs madame, merci beaucoup de votre présence en commission parlementaire.

J'invite maintenant M. Viateur Turcotte à s'avancer.

Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 heures)

 

(Reprise à 15 h 4)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre. Donc, bienvenue, M. Turcotte. Vous allez disposer d'un maximum de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, il y aura une période d'échange de 10 minutes par groupe parlementaire. Alors, M. Turcotte, la parole est à vous.

M. Viateur Turcotte

M. Turcotte (Viateur): Bon, bien, au contraire des gens précédents, je ne suis pas un spécialiste, un juriste, je suis juste un citoyen ordinaire. Moi, c'est une demande que j'aimerais faire, parce que j'aimerais ça que les injonctions, les ordonnances d'injonction soient, lorsque ça n'implique pas plus que 7 000 $ puis que ça soit entre individus, que ça soit déplacé à la Cour des petites créances. Et je vais m'expliquer.

J'ai vécu une situation qui a fait en sorte que je me suis dit: C'est complètement fou, c'est de l'injustice totale. Lorsque que tu as un litige entre deux voisins, comme des arbres nuisants, puis que les arbres envahissent le terrain du voisin, ils causent des dommages à la propriété du voisin, puis que tu ne peux pas t'entendre pour les faire couper, tu es obligé d'aller à la Cour supérieure pour avoir une injonction. Les tarifs de base pour aller à la cour, avoir une injonction des avocats, c'est 3 500 $ à 10 000 $.

L'avocate que j'avais consultée, elle m'a dit: Ça n'a pas de sens. 4 000 $, elle dit, je le ferais, mais, elle dit, on va se faire engueuler par le juge. Puis, deuxièmement, elle m'a dit: Tu devrais passer à la Cour des petites créances pour les dommages, ça fait que peut-être bien qu'elle va se réveiller, qu'elle va être assez intelligente pour faire couper les arbres. Puis j'ai passé par la Cour des petites créances pour ça. Mais au bout de tout, à la Cour des petites créances, il ne lui dira pas: Tu dois couper tes arbres. Non. Elle ne dira rien. Ça fait que là, si elle décide de ne pas couper ses arbres, la personne, tu es encore pogné avec le même maudit problème. Ça fait que là tu es obligé d'aller à la Cour supérieure puis dépenser l'arpentage, le 4 000 $ pour l'avocat. Tu es rendu à la fin, là, ça te coûte à peu près 6 000 $ pour la coupe de deux arbres, qui coûte 400 $.

Puis même, pire que ça, là, une semaine avant... Mettons qu'elle est sûre de perdre, là, la personne. Une semaine avant de passer en cour, elle fait couper les arbres. Toi, ça va t'avoir coûté toujours 6 000 $. Elle, elle est morte de rire. Elle te regarde, là, à tous les jours, elle rit de toi. Moi, je me dis, quand il y a une disproportion comme ça, ça n'a pas de maudit bon sens. Ce n'est pas de la justice, ça. Quand même j'aurais raison puis que je gagnerais à la Cour supérieure, à la Cour des petites créances, ça va m'avoir coûté 10 fois plus que la personne qui est en tort. C'est complètement aberrant. Ça fait que c'est pour ça que j'avais cette demande-là.

Je suis venu ici parce que, retraité, j'ai du temps en masse. Bon. Ça expose mon point, là. C'est juste ça, moi, c'est simple.

M. Fournier: Bien, tant qu'à faire...

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. Turcotte.

M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. Tant qu'à faire, puisque vous êtes là... Puis je veux juste vous dire d'entrée de jeu, là... Vous avez commencé en disant: Moi, je ne suis rien qu'un citoyen. Je vais vous dire, ça fait du bien, c'est correct que vous soyez citoyen ici, là. Le but de l'affaire, c'est pour les citoyens, là. Tout le monde est citoyen. Il y en a qui sont citoyens du Barreau, citoyens... On est tous citoyens. Ça fait que vous n'êtes pas rien qu'un citoyen, vous êtes un citoyen.

Donnez-moi un peu plus de... Je ne veux pas rentrer dans des détails que vous ne voudriez pas me donner, mais racontez-moi un peu plus, là... Vous aviez des dommages causés par les arbres. Dites-moi un peu qu'est-ce qui se passait.

M. Turcotte (Viateur): Ah! c'est à cause...

M. Fournier: Sans que je considère ça comme une consultation juridique. Le Barreau ne me le permettrait pas vraiment, je suis notaire général.

M. Turcotte (Viateur): C'est des arbres qui ont poussé, là, de nature... de façon sauvage, par pur hasard. Ça a commencé, c'était un petit arbre, là, puis... Mais il était juste à côté de la clôture. Puis après ça il y en a eu un autre, arbre. Il y a eu trois arbres, en fin de compte. Puis là, avec le temps, ils ont grossi. Tout d'un coup, je me suis aperçu que la clôture était sortie. Puis un arbre, ce n'est pas pareil comme un pois, là, ça pousse tranquillement sur une clôture. Puis il pleut dehors, tout le kit, ça fait que, la clôture, le bois qui est dans le centre, qui est à l'horizontal, il vient un temps qu'il vient rond, ça fait qu'il ne peut plus se rattacher aux poteaux qui sont chaque bord parce qu'il est plus court.

Ça fait que là, quand j'ai vu ça, moi, j'ai dit... Puis c'est là que j'ai demandé au voisin, là, j'ai dit: On va couper les arbres. Je vais en payer la moitié, ça ne me dérange pas. J'ai eu comme réponse: Je vais en parler à mon garçon. Elle parle à son garçon, son garçon arrive, il dit: Ils te causent-u un problème, les arbres? Elle dit: Bien non, mais elle dit: Ils lui causent un problème. Il dit: Ce n'est pas ça, l'affaire, je ne t'ai pas demandé ça. Ils te causent-u un problème à toi? Elle dit: Bien non. Bon, bien, s'ils ne te causent pas un problème, c'est son problème.

Ça fait que c'est vrai, c'est moi qui ai un problème. Ça fait que... Puis, quand j'ai été voir l'avocat, c'est lui qui m'a dit... C'est une avocate. Elle m'a dit: Il y a une révision du droit civil, puis, elle dit, ça serait... Elle dit: Ça n'a pas de sens que des choses comme ça, ça ne soit pas admissible à la Cour des petites créances. Mais elle m'a dit ça comme ça, là. Ça fait que, moi, j'ai dit: Ah! pas admissible? J'ai dit: Bien, je vais le proposer.

Mais je suis toujours rendu au même point, que je fasse n'importe quoi. Si je vais à la Cour des petites créances... Bien, j'ai été à la Cour des petites créances. J'arrive à la fin, je suis sûr que je vais être obligé d'aller à la Cour supérieure, parce qu'elle, là, son but, c'est que ça me coûte de l'argent. C'est sûr et certain que...

**(15 h 10)**

M. Fournier: Initialement, non, par exemple. Dans votre histoire...

M. Turcotte (Viateur): Initialement, non, mais avec le temps, là, c'est rendu, là...

M. Fournier: Dans votre histoire que vous contez, initialement, la relation avec la dame, ce n'était pas vraiment que ça vous coûte de l'argent. C'est que là il y a une tierce personne qui est arrivée, qui a dit: C'est son problème. Si je ne me trompe pas, il y a des gens avec nous, derrière, qui sont plus... pas tellement de l'ordre de la Cour supérieure, mais de l'ordre de d'autres modes de règlement des litiges, qui font voir que des fois, au-delà d'une question juridique à savoir: Où est donc la ligne de séparation entre les deux terrains?, même auquel cas ce que tu fais sur ton terrain peut entraîner des conséquences sur le terrain de l'autre... Alors, il y a d'autres éléments. Il y a le titre de propriété, il y a le dédommagement suite à un dommage que tu peux causer par l'usage de ton propre domaine. Mais au-delà de ça, dans l'histoire que vous contez, il me semble que vous êtes... Enfin, je peux me tromper, ou c'est peut-être moi qui est biaisé par l'orientation d'un projet de loi, pour lequel vous venez aujourd'hui, qui est plus de l'ordre de la relation entre voisins et pour lequel le problème juridique est, dans le fond, une toute petite partie. Et, si l'avocat vous avait plutôt suggéré qu'il y ait une prise de contact visant à rapprocher les parties dans un autre ordre que l'ordre juridique de la Cour des petites créances ou la Cour supérieure mais qui aurait permis ce qu'on appelle...

M. Turcotte (Viateur): Ah! ce n'est pas à cause qu'on n'a pas essayé, là.

M. Fournier: ...une médiation ou une chose comme ça.

M. Turcotte (Viateur): Non, mais ce n'est pas à cause qu'on n'a pas essayé, là. Quand tu es rendu, là, à aller en cour pour que... Parce que, pour moi, je n'ai jamais été en cour, là.

M. Fournier: Alors, bien, racontez-nous le petit bout, racontez-nous...

M. Turcotte (Viateur): Quand tu es rendu à aller en cour, là, c'est à cause que tu n'es plus capable de...

M. Fournier: Alors, parlez-nous des opérations. C'est très important, pour moi.

M. Turcotte (Viateur): Les opérations, là, bien j'avais...

M. Fournier: Oui, entre le...

M. Turcotte (Viateur): Quand tu arrives avec un litige comme ça, tu as deux choix. Le premier choix, c'est la Cour des petites créances. La Cour des petites créances, tu peux seulement réclamer sur des dommages. Tu ne peux pas prendre une injonction, tu ne peux pas l'obliger à couper des arbres.

M. Fournier: ...vous poser une...

M. Turcotte (Viateur): Oui.

M. Fournier: Je veux pas vous interrompre, mais j'aimerais ça que vous me disiez... Le jour où vous voyez votre clôture en train de faire sa courbe puis que vous vous dites: Là, ça me cause un problème puis ça serait peut-être important qu'on coupe un bout d'arbre, l'arbre au complet, je ne sais pas, là, vous commencez en parlant, si j'ai compris, en parlant à votre voisine, qui vous dit: Bien, je ne sais pas, peut-être. Je vais en parler à mon gars. Je pense que c'est à peu près ça que j'ai compris.

M. Turcotte (Viateur): ...son opinion.

M. Fournier: Bon, parfait, il donne son opinion, puis sa première réaction, c'est de dire: Bien, ce n'est pas ton problème, c'est le sien, ça fait que qu'il se débrouille. Est-ce qu'il y a eu une étape où il y a eu une reprise de contact avec la voisine ou le garçon pour essayer de voir si ce problème-là pouvait être réglé autrement qu'en passant avec la cour? Est-ce qu'il y a eu d'autres étapes?

M. Turcotte (Viateur): Ah! j'ai essayé. J'ai même proposé de payer pour les faire couper. Moi, ça ne me dérange pas, là...

M. Fournier: Puis, quand vous êtes allé voir l'avocate, je crois, au début...

M. Turcotte (Viateur): Quand j'ai été voir l'avocate, c'est à cause que là, là, je n'avais plus de solution, là. J'ai dit...

M. Fournier: Est-ce qu'avec cette... Je m'excuse encore de vous interrompre, j'ai une idée, je ne veux pas la perdre.

M. Turcotte (Viateur): Oui, oui, c'est correct.

M. Fournier: Est-ce qu'avec cette avocate-là vous avez eu... il y a eu une discussion entre elle et vous sur un moyen autre de peut-être d'amener une tierce partie, là, à prendre votre place pour aller voir comment ça pourrait se régler, là, à l'amiable, sans que ce soit vous qui le demandiez?

M. Turcotte (Viateur): Non.

M. Fournier: Est-ce qu'elle vous a dit: On pourrait faire autre chose?

M. Turcotte (Viateur): Ah... non.

M. Fournier: Elle a dit: Tu en as assez fait, ils ne veulent pas.

M. Turcotte (Viateur): Non, ils ne veulent pas puis ils ne le feront pas. C'était évident, là. Même moi... C'est à cause que son mari est mort, là. Parce que, si son mari serait encore vivant, là, il aurait été coupé tout de suite, l'arbre. Ce n'est pas la même relation qu'on a, là, entre voisins. Mais le problème est: pour une affaire aussi banale que ça, moi, comme citoyen, là, payer 6 000 $ pour une affaire qui en coûte 400 $ à 500 $, je trouve ça disproportionné.

M. Fournier: Quelqu'un vous dirait que, pour une affaire comme... Puis évidemment il y aura toujours des cas comme ceux-là qui vont se présenter, mais normalement, dans des affaires comme ça, ni la Cour supérieure ni la Cour des petites créances ne devraient être le mode pour régler le cas. Je fais juste dire ça.

Mais je prends note de votre témoignage. Je vous remercie d'être venu. Vous aviez tous les droits de venir, et j'oserais presque dire que vous en avez accompli plus que vous le pensez.

M. Turcotte (Viateur): En tout cas, dans mon cas à moi, ça ne m'aidera pas, parce que ça va...

M. Fournier: Ah bien, ça, c'est...

M. Turcotte (Viateur): ...ça va être fini...

M. Fournier: ...vous aidez à la collectivité.

M. Turcotte (Viateur): Mais je me suis dit: Si un autre a la même situation puis s'il y a une modification, bien au moins il n'aura pas à passer toutes ces étapes-là.

M. Fournier: Ne partez pas, ne partez pas, ne partez pas!

M. Turcotte (Viateur): Oups!

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Joliette a une période d'échange aussi, alors...

Mme Hivon: ...mais, voyez-vous, dans le système, il y a une opposition aussi, puis j'ai le droit de vous poser des questions.

Une voix: ...

Mme Hivon: Oui, c'est ça, donc... Bien, merci beaucoup. Moi, je suis bien contente que vous soyez venu, parce qu'on fait tout ça pour le citoyen, pour, oui, le citoyen individu, le citoyen corporatif aussi. Mais on a un gros souci pour les citoyens parce qu'on sait qu'il y a un gros problème d'accès à la justice. Puis vous venez de l'illustrer, je pense, de belle façon, avec un petit problème très concret mais qui, pour vous, a quand même un impact dans votre quotidien. Donc, merci. Je pense qu'on se référait, quand on parlait avec nos experts ou les gens qui venaient nous voir, à toutes sortes d'exemples qu'on peut rencontrer, par exemple, dans nos bureaux de comté, parce qu'en étant députés on rencontre des gens comme vous qui vivent toutes sortes de problèmes, juridiques ou autres, et de voisinage y compris. Alors, merci d'avoir pris le temps. Je suis certaine que vous allez nous faire réfléchir.

Mais c'est certain que, quand on voit ça, on se dit: Il y a eu plein de médiateurs qui sont venus, plein de gens qui travaillent dans ces modes... pour ces modes autres, et puis vous êtes comme un cas type où on pense, d'entrée de jeu, que ça pourrait être une solution. Parce que c'est beaucoup la relation qui cause le problème. Au-delà du problème, je dirais, des arbres, puis de la clôture, puis tout ça, c'est visiblement parce qu'il y avait un problème de dialogue, d'essayer d'être capables de s'entendre, puis tout ça. Puis vous le dites vous-même: J'ai bien essayé, mais il n'y avait rien à faire. Mais je suis curieuse de savoir: Quand, c'est ça, vous êtes allé voir l'avocate, je comprends donc qu'elle ne vous a pas dit: On va réessayer une autre forme, ou il y a de la médiation, ou tout ça, mais...

M. Turcotte (Viateur): Ah! à la Cour des petites créances, oui. Il y a la médiation, là. Bien, moi, j'ai dit que j'étais prêt à aller en médiation, mais je n'ai pas vu, là, rien qui s'est passé, là. Peut-être bien que ça va venir. Je ne le sais pas, là, je ne connais pas ça.

Mme Hivon: Là, vous avez déposé votre requête aux Petites Créances?

M. Turcotte (Viateur): Oui, oui, oui.

Mme Hivon: Puis vous avez reçu une lettre qui vous disait qu'il peut y avoir de la médiation?

M. Turcotte (Viateur): Oui.

Mme Hivon: Puis vous aviez dit que vous étiez intéressé?

M. Turcotte (Viateur): Oui.

Mme Hivon: Ça fait que là on va voir si l'autre partie manifeste un intérêt. O.K. Donc là, vous êtes aux Petites Créances, puis...

M. Turcotte (Viateur): Oui.

Mme Hivon: O.K., je comprends. C'est ça, je me demandais si vous aviez abdiqué ou si... de ne pas...

M. Turcotte (Viateur): Ah non! ah non! je...

Mme Hivon: Et je comprends que vous vous dites... Bien, si vous êtes devant nous, je me disais que vous deviez être dans un processus parce que vous n'aviez pas l'air de quelqu'un qui allait baisser les bras.

M. Turcotte (Viateur): Non, non, je...

Mme Hivon: Mais ce que vous vous dites, c'est: Qu'importe ce qui se passe aux Petites Créances, je vais peut-être être dédommagé pour ma clôture, mais il va peut-être falloir que je retourne pour faire changer ma clôture en réclamant les frais à chaque année, si les arbres ne sont pas enlevés.

M. Turcotte (Viateur): Bien, c'est un peu qu'est-ce que l'avocate m'avait dit. Elle dit: Tu répares la clôture. Tu la fais réparer aux Petites Créances. Elle dit: Tu la déplaces d'un millimètre, tu la colles après les arbres. Puis elle dit: Tout de suite, elle dit, l'autre année, elle dit, elle va être encore démanchée. Elle dit: Tu retournes aux Petites Créances, tu leur charges encore. Elle dit: Il va venir un temps qu'elle va comprendre. J'ai dit: Oui, mais, j'ai dit, moi, je perds tout le temps du terrain parce que la clôture est sur mon terrain. Ça fait que j'ai dit: C'est quoi, là? Je n'aurai plus de terrain à la fin. Tu sais... En tout cas, c'est une absurdité totale.

Mme Hivon: Merci beaucoup d'être venu la partager avec nous, partager votre point de vue. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vallée): M. Turcotte, je vois mon collègue de Vimont qui fait signe et qui aurait une question à vous poser. Alors, M. le député de Vimont.

**(15 h 20)**

M. Auclair: Bonjour, M. Turcotte. Merci d'être venu. Moi, je peux vous dire que je suis d'accord avec la ministre puis ma collègue, quand ils disent que ça fait du bien d'entendre des propos de quelqu'un qui vit le quotidien et qui n'est pas un spécialiste mais qui doit payer les honoraires des professionnels qu'il engage.

Je regarde le... Votre commentaire, dans le fond... Je vais mettre complètement de côté le débat, la situation de voisinage. Moi, je suis notaire de pratique. Donc, en partant, je vous aurais dit: Vous auriez dû aller voir un notaire. Mais ça, c'est un réflexe. La vraie réalité, c'est que ce que vous dites, dans le fond, c'est la procédure comme telle qui n'a pas d'allure, parce que, je veux dire, c'est tellement lourd que les Petites Créances ne permettent pas d'avoir... de permettre d'aller régler un dossier. Parce que le dossier de base, c'est toute la procédure qui tourne autour. Vous, là, vous aimeriez, dans le fond, que les Petites Créances puissent vous permettre non pas juste d'aller chercher le dommage, mais d'avoir l'exécution. C'est ça que vous cherchez dans votre... dans l'ensemble de ce que vous recherchez, c'est qu'il y ait de l'exécution. Et, comme le ministre dit...

Bon, il y a des modes alternatifs. C'est sûr que la médiation, un médiateur, quelqu'un qui peut aider à rapprocher les parties, voir le gros bon sens, c'est toujours la meilleure pratique, c'est toujours la meilleure chose. Dans toutes les procédures, il y a toujours eu un vieil adage qui dit: La pire des ententes vaut le meilleur des jugements. Et ça, ça se maintient dans la logique même. J'ai beau avoir entendu, moi, durant toute cette procédure-là, les avocats qui sont venus plaider pour... justement qu'il fallait préserver les droits, la procédure, comment c'était important, mais on a toujours fait fi des citoyens. On a toujours fait fi de celui qui paie. Quand on a des débats qui disent: Bien, c'est qui qui va payer les spécialistes, en bout de ligne?, la réponse est bien simple, c'est le citoyen. Pour moi, ça demeure ça. Donc, quand vous dites que le problème... Pour moi, le problème de voisinage est une réalité, puis on en a tous les jours. On va en avoir puis on va continuer à en avoir. Ma collègue a bien dit: C'est vraiment... On en fait beaucoup, de cas de comté de même. C'est des réalités quotidiennes.

Mais votre message, pour moi, il est encore plus important que tout. C'est que ce que vous vivez là, aux Petites Créances, qui est un système extraordinaire... Mais il faut leur donner peut-être plus de pouvoirs, aux Petites Créances, pour arriver à régler des dossiers, comme le vôtre, qui n'ont pas d'affaire à se retrouver en Cour du Québec ou en Cour supérieure, et instaurer un système de médiation, ou autres, serait encore mieux aux Petites Créances. Montons ça à 15 000 $, mettons une barre beaucoup plus élevée, pour que justement la vraie justice se rende pour les citoyens. Et ce n'est pas une question de dire: Il faut rendre accessible l'aide juridique. Oui, c'est important, mais il y a des choses qu'on pourrait régler à beaucoup moindre coût, et vous en êtes le meilleur exemple. Donc, moi, je tenais vraiment à vous remercier pour votre témoignage. Puis vous n'avez pas perdu votre temps aujourd'hui, ça, c'est sûr.

M. Turcotte (Viateur): Je suis né à Québec. Je viens voir mes amis à Québec.

M. Auclair: Bien, tant mieux. Un deux pour un, un deux pour un.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Vallée): Bien, merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Turcotte. Bon retour.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 22)

 

(Reprise à 15 h 23)

La Présidente (Mme Vallée): Donc, nous allons reprendre.

Mémoires déposés

Avant de procéder aux remarques finales, je dépose les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions. Alors, nous déposons les mémoires de l'Association des banquiers canadiens, l'Association des encanteurs du Québec, l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux, le Mouvement des caisses Desjardins, le Protecteur du citoyen, et le Réseau pour une approche transformative du conflit, et l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec.

Remarques finales

Donc, après ces longues heures, nous en sommes maintenant rendus au remarques finales. Mme la députée de Joliette et porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, vous disposez de sept petites minutes et 30 secondes.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, compte tenu de ce temps relativement court, je ne ferai pas le retour sur tous les enjeux qui nous occupent. Je voudrais simplement dire que je pense qu'on a été à même, comme on l'avait bien anticipé dès le départ, de voir à quel point il y avait des enjeux importants dans l'avant-projet de loi qui nous est soumis par le ministre. Et je pense qu'au-delà de tous les enjeux pris isolément, des enjeux les plus techniques aux plus... Et je l'avais pressenti, hein, j'avais dit que le bornage allait susciter en soi des questions, et comme de fait on a eu quand même des questions assez sérieuses sur le bornage et l'idée du translatif de propriété, et tout ça.

Donc, l'idée, je ne pense pas que c'est de revenir sur tout, mais c'est bien sûr de réitérer, de notre côté, notre volonté -- et je pense que le ministre la partage -- de voir dans ce nouvel instrument, cette réforme ambitieuse... Certains nous ont dit: Faut-il vraiment réformer de fond en comble? Comme le Jeune Barreau hier. Je pense que oui. Je pense que l'occasion est là de faire vraiment une réflexion globale. Et, pour nous, il est essentiel que cette réflexion-là porte, oui, beaucoup sur la justice que l'on veut en 2012, d'où mon idée de dire que peut-être que le titre devrait être différent pour montrer cet élan que l'on veut donner à une justice qui soit diverse dans sa forme.

Donc, oui, la justice devant les tribunaux reste un élément fondamental de la justice publique, un pilier de notre démocratie, bien sûr, pour exercer nos droits, obtenir la vérité, mais, comme on l'a souvent aussi fait ressortir, la justice, c'est aussi de régler un problème, ce n'est pas que le droit, et, dans cette optique-là, je pense que l'enlignement de faire cohabiter l'importance des modes autres, des modes privés de règlement des conflits avec les modes d'adjudication devant les tribunaux est vraiment essentiel. Je pense qu'il y a la réflexion à y avoir sur cet arrimage-là aussi.

Est-ce qu'il y a des moyens pour venir donner une impulsion encore plus grande, en arrimant potentiellement ces modes-là à l'exercice de la justice publique, dans les cas où il va devoir y avoir encore la justice publique qui va intervenir, un peu comme le Barreau le soulignait? Aussi est-ce qu'on doit revoir certains libellés pour s'assurer que l'obligation, donc, de considérer les modes alternatifs soit vraiment prise sérieusement et donc que l'impulsion qu'on veut donner soit réelle? Donc, j'invite le ministre, bien sûr, à revenir sur ces questions-là. Je sens qu'il va y accorder une attention, donc je salue ça.

Je salue aussi l'ouverture déjà qu'il a démontrée par rapport, par exemple, à l'article 7, par rapport à la médiation en matière de violence conjugale, par rapport à l'arbitrage. Je pense qu'on a eu... que le ministre a eu la bonne idée de déposer un avant-projet de loi. On était bien à l'aise avec cette démarche-là. Évidemment, ça va être beaucoup plus long. C'est toujours plus de travail pour les parlementaires, quand il y a un processus comme celui-là, mais je pense que, pour une réforme de cette envergure, c'était une bonne idée.

Donc, je l'invite, en terminant, à garder l'audace, à... C'est toujours... Des fois, les gens disent une «audace prudente». Je pense qu'il ne faut pas, peut-être, qualifier l'audace. Il faut, je pense, quand on fait une réforme, que l'on souhaite prendre un virage, amorcer un changement de culture ou confirmer le changement de culture, c'est selon ce qu'on vient nous dire, selon que les citoyens sont avant ou qu'on veut les amener vers un chemin, je pense que l'audace doit être au rendez-vous. Donc, je veux simplement l'assurer, en terminant, que nous allons continuer à collaborer pour la suite des choses, bien entendu.

Et, pour les questions plus pointues, il y en a évidemment un nombre important, on en a eu un aperçu aujourd'hui. Puis je pense qu'il y a beaucoup de réflexion qui doit être encore menée. Je pense notamment à la fameuse question de l'expertise et des interrogatoires, qui, je l'ai dit quelquefois, nous mystifie un peu, comme parlementaires, parce qu'on se fait dire à quel point c'est un frein à la justice. Et par ailleurs on a des experts qui viennent nous dire que nos mesures, que les mesures qui sont proposées ou les mesures que, nous, on envisage comme étant des mesures qui pourraient être porteuses pourraient avoir un effet contre-productif. Donc, évidemment, dans la mesure où ça peut être plus documenté -- c'est quelque chose qui est ressorti aussi, peut-être, le manque de données plus objectives -- je pense que le ministre a encore du travail à faire, et on l'assure donc de toute notre collaboration pour la suite des choses.

Et je veux remercier, bien sûr, Mme la Présidente, qui a présidé nos travaux à plus d'une reprise pendant ces deux semaines, et toute l'équipe de la commission, bien entendu, Mme et M. le secrétaire, puisque nous en avons deux, et tous les parlementaires qui nous ont accompagnés, et mon adjoint, donc Guillaume Rousseau. Merci. Et toute l'équipe du ministère de la Justice, bien sûr.

**(15 h 30)**

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup, Mme la députée de Joliette. Alors, M. le ministre, à vous pour les remarques finales.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Bien, je vais commencer là où ma collègue l'a laissé, alors dans tous les remerciements. Je les fais miens et j'ajoute les miens à son égard, parce que cette commission a été non seulement utile pour ceux qui oeuvrent, parce que je sais qu'il y en a qui écoutaient, donc pas juste ceux qui étaient présents ici, là, ceux qui écoutaient... Je pense qu'elle est utile et je pense qu'elle a été bien menée, et dans un climat fort agréable, qui donne et redonne, encore une fois, encore une fois, un autre exemple où, dans ces forums qualifiés de politiques et trop partisans... démontre encore une fois combien il s'y fait des choses sous un ton parfois même très agréable, souriant mais avec des choses très utiles. Alors, je prends le temps de le dire. Tout à coup qu'il en reste trois, quatre qui nous écoutent, là, on aura au moins passé ce message-là.

Puisque je suis dans les mercis, je voudrais remercier, en profiter de le dire, remercier les gens du ministère, bien sûr ceux qui nous accompagnent et tous ceux qui travaillent avec eux ainsi que tous ceux avec qui ils ont discuté tout au moins au cours de la dernière décennie -- ça doit commencer à faire du monde -- parce qu'effectivement on a beau passer deux semaines sur le sujet, ce n'est pas d'hier que ça se discute, et puis il va y avoir encore des discussions à l'avenir. Mais je tiens à le dire parce qu'au-delà des libellés il y a du fondamental, dans tout ça, qui a été travaillé depuis quand même pas mal de temps.

Nous n'aurons pas vu la magistrature, mais je tiens à vous dire qu'elle a une opinion sur ces choses-là. Je me permets tout simplement de dire qu'elle a une opinion, et que cette opinion est importante, et qu'il serait toujours utile d'avoir des communications du Saint-Esprit qui nous permettraient de les avoir. Mais, ceci étant, avec ce que nous avons eu, on a quand même pu comprendre, je crois, que les fondements de l'avant-projet de loi sont les bons. Ici et là, il peut y avoir des commentaires différents, mais sur la base ça va.

Il va toujours y avoir la question des coûts versus la qualité qui va toujours être soulevée. Je me souviens de l'avoir dit, je pense, à la première allocution que j'ai prononcée au Barreau, où il me semblait assez évident que, lorsqu'on pose la question, par exemple, de la proportionnalité elle-même ou du juge qui pose un jugement sur la façon dont l'avocat mène sa cause et qu'il tente de les ramener peut-être là où l'opinion de l'avocat n'était pas la même que la sienne, il y a quelqu'un qui peut remettre en question... Ah! on me force à aller dans une direction qui n'est pas la mienne, et là ça remet en cause, bon, mon contrôle, la qualité même. Est-ce qu'on fait des économies sur le dos d'une vraie défense pleine et entière du droit? Ça va toujours être là. Je ne pense pas que ça doit nous arrêter aujourd'hui. Ça a toujours été là dans le passé, ça va toujours être là à l'avenir. Si on veut ouvrir la porte à ce qu'il y ait des mécanismes qui cherchent à endiguer les abus, il y a toujours quelqu'un qui va dire: Ça, ce n'était pas un abus, on est dans les zones grises. Mais de façon générale je pense que tout le monde accepte les propositions qui sont faites.

Évidemment, le dernier témoignage que nous avons eu était comme un cadeau du ciel, non prévu d'ailleurs, parce qu'il vient donc démontrer simplement, avec un petit cas tout à fait banal, une clôture qui courbe à partir d'un arbre qui a grandi et du décès du voisin, qui semblait presque un ami... et, simplement parce que ce n'est pas madame mais son fils qui vient passer un commentaire, on se retrouve avec un problème d'ordre juridique. Étonnant, quand même. Étonnant. Quelle illustration de ce que peut être la vie en société, qui ne doit pas toujours avoir recours à un système juridique aussi élaboré que celui qu'on développe mais évidemment qu'on doit avoir! Tout n'est pas aussi petit que ça, mais, même pour les petits cas, on s'aperçoit qu'elle doit être là, elle doit s'adapter. Il faut garder ça en tête.

Mais je pense que ça nous donne encore plus de raisons de penser que la justice dite participative, celle qui implique le citoyen, résout probablement... je n'aurais pas dit «probablement», mais, par égard pour ceux qui pensent autrement, probablement plus qu'un seul litige juridique. Et, dans le cas qui nous concerne, si effectivement il y avait eu la possibilité d'ouvrir un dialogue, bien peut-être que même une relation aurait été agréable entre voisins, plutôt que d'attendre encore le temps de passer à la Cour des petites créances, avec tout ce que ça peut représenter de voisinage un peu moins agréable. Tout ça pour dire que la justice, ce n'est pas si ésotérique que ça et c'est proche de notre quotidien puis de la vie de tous les jours. Et puis je trouve que c'est bien plaisant qu'on ait fini sur ce thème-là.

Ceci étant, donc, le projet de loi a des éléments... Le fondamental est là. Il y a des éléments qu'il faut corriger. L'arbitrage commercial, ça me semble une évidence, là, après les témoignages que nous avons eus sur l'expertise. Il y a des éléments qui tombent sous le sens, ne serait-ce que de se poser la question sur les interrogatoires à l'égard de l'expert. Évidemment, il y a des libellés, je ne suis pas sûr que c'était à des années lumière des objections qui ont été faites, ce qui est écrit, mais il y a des corrections. La vente sous contrôle de justice, la médiation familiale, on en a eu plus que le client en demande. On était convaincus dès le départ, ça fait qu'on en a eu encore plus, mais je crois qu'il y a des choses...

Par contre, je dois dire que j'étais un peu troublé en fin... aujourd'hui, parce que c'était plus simple jusqu'à aujourd'hui. Puis aujourd'hui ils m'ont mis une couche de problèmes de plus, parce que, violence conjugale, ça, c'est facile à dire, «ce n'est pas la place», mais il y a toujours la zone grise entre, peut-être, ce n'est pas de la violence... Quand c'est une présence plus imposante ou, tu sais, une relation d'autorité qui n'est pas la violence physique, entendons-la comme ça, d'autres types de violence, qu'est-ce qu'on fait? Comment est-ce qu'on le nomme? Parce que la médiation suppose un certain équilibre entre les parties, alors c'est un peu plus complexe. Et je veux éviter, à toutes fins pratiques, d'amener un mécanisme qu'on veut utile qui aurait un effet d'aggraver un problème. Ça, ça revient à la question du Barreau, qui soulève toujours: Oui, oui, la justice accessible, oui, mais justice quand même. Et je pense qu'il ne faut pas perdre de vue qu'on fait ça pour la justice, quand même.

On m'indique qu'il me reste une minute. Probablement que c'est pour vous dire simplement ceci sur la suite des choses: Nous avons déjà commencé à planifier la façon dont on va continuer nos travaux. Puisque le Barreau presque tout entier est avec nous, je les informe que nous allons encore recourir à leurs bons services et à plusieurs des groupes qui sont venus, à qui on a déjà dit qu'on souhaitait leur participation. Et on va se mettre à pied d'oeuvre le plus tôt possible pour pouvoir refaire une consultation, que l'opposition va me demander rapidement, sur un projet de loi, sur un projet de loi, à ce moment-là, et espérons qu'on aura une version qui sera le plus possible -- corédigée? -- corédigée, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le ministre. Alors, prendre un bref moment pour remercier M. le ministre, M. le député de Vimont, Mme la députée de Joliette, le personnel de la commission et tous les membres du ministère d'avoir participé à ces travaux, mais surtout de remercier les citoyens qui se sont déplacés, les membres... les professionnels, les groupes d'intérêt qui se sont déplacés, parfois dans des conditions climatiques pas trop évidentes, pour venir échanger avec nous sur un projet qui, pour ceux d'entre nous qui sommes juristes de formation, est fort intéressant. Alors, je vous remercie.

Et, la commission ayant terminé son mandat, j'ajourne les travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 15 h 37)

Document(s) associé(s) à la séance